1
100
11
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53555/BCU_Factums_G2718.pdf
ae66e5f296a037ecb0c0270d7e38b715
PDF Text
Text
MÉMOIRE
^ y?
POUR
L e s s ie u r s A nnet et M
ichel
B O N H O U R S , d ame A
nne
BONHOURS
et le s i e u r J e a n - B a p t i s t e C E L M E , son m a r i , et le s i e u r L o u i s COUR
B O N H O U R S , t u t e u r l é g a l d e ses e n f a n s m i n e u r s , to u s p r o DE
p r i é t a i r e s , h a b i t a n s la v i l l e d e M o n t f e r r a n d , Intimés;
-—
CONTRE
D a m e A n t o i n e t t e B R U N , veuve en premières noces du sieur
G u i l l a u m e B U J A D O U X , et sieur J o s e p h V E R N I E T T E ,
son second m a r i , marchands , demeurant en la 'ville de
Clermont , Appelans.
S ans d o u t e , le droit de transmettre sa fortune à un héritier de
son choix est u n des droits les plus précieux de la société. Tout
acte qui renferme l ’exercice de ce droit, lorsqu’il se présente revêtu
des formes légales et des caractères de la sincérité, mérite la pro
tection de la justice.
Mais aussi la justice frappe toujours de sa réprobation l ’acte
mensonger que l ’on ose faire apparaître sous les couleurs de la
vérité. E lle sait déjouer les manœuvres criminelles, à l ’aide des
quelles on voudrait substituer la fiction à la réalité.
Dans le procès qui s’agite, la dame V er n ie tte , égarée par une
basse cu pi dité, n ’a pas craint de s’arroger la qualité de légataire
universelle du sieur B r u n , son frère. On l ’entend dire et répéter
(que c ’est là un don de la gratitude, de l ’amitié fraternelle. A l ’en
tendre, que n ’a - t - e l l e pas fait pour la mériter! Soins attentifs,
égards , peines , sacrifices , rien n ’a été épargné pour embellir
l ’existence du sieur Brun , ou p o u r la soulager dans les tristes
années d ’une vieillesse infirme.
Q ue faisaient pendant ce tems-là les enfans Bonheurs, neveux
du sieur B r u n ? Ils oubliaient leur oncle, qui disait, s’ il faut en
croire la darne V e r n ie t te , avoir depuis long-tems à s’en plaindre.
C e langage de la dame Verniette respire l ’exagération et la ca
lomnie. Il est démenti par les nombreux élémens de la cause.
La correspondance du sieur Brun , les enquêtes, sagement a p
préciées, réduisent à leur juste valeur les assertions de la dame
Verniette. C e q u ’elles apprennent, c ’est que la dame Verniette,
en attirant son frère à C le r m o n t , eu le recevant chez elle, était:
�w
.
( * >
dominée par l ’arrière-pensée de s’emparer de toute sa fortune. E lle
savait q u ’ il chérissait les enfans Bonhours, ses neveux ; elle chercha
à les lui rendre odieux. Elle prit soin de les éronduire, toutes les
fois q u ’ils se présentaient pour rendre leurs devoirs à un bon parent.
Doux et tim id e, affaibli par les souffrances', et privé souvent de
l ’usage de sa raison, le sieur Brun était entièrement sous la domi
nation de sa sœur : elle le tenait en charte privée.
C e t état moral ne permettait pas au sieur Brui', de nommer un
héritier testamentaire, quand il l ’eut voulu.
Non; jamais il ne voulut donner tout son patrimoine à la dame
V er n ie tte , et dépouiller ainsi de leur part les Bonhours, ses neveux,
dont il n ’avait point eu à se plaindre. Jamais, dans sa nombreuse
correspondance, dans ses propos, il 11e laissa pressentir une pareille
disposition.
Aussi l ’étonnement fut général, quand on parla dans le public
d ’un testament olographe, qui attribuai t à la dame Verniette toute
l ’ hérédité du sieur Br u n . On ne pouvait y croire : chacun voulait
voir cette pièce.
Tous ceux qui la virent soupçonnèrent sa sincérité; elle apparut
comme une œuvre de fraude.
Les enfans. Bonhours durent l ’a tt a q u e r, par respect même pour
la mémoire de leur oncle. S ’ ils eussent gardé le silence, on aurait
pu l ’accuser d ’injustice a leur égard.
Si le blâme de la société retombe sur la dame V e r n ie t te , elle ne
doit l ’imputer q u ’à elle-méinc. Pourquoi tant d ’avidité? N ’était-ce
pas un assez beau lot que la moitié d ’ une succession qui s’élève à
plus de Go,000 fia lies ?
L ’écrit informe sur lequel elle fait reposer sa prétention n ’a pas
été tracé par la main du sieur Brun . Il n’émanerait pas dans tous
les cas d ’ une volonté libre.
L a vérification qui en a été déjà faite par experts 11e mérite point
de confiance. Les premiers juges l’ont rec onnu’, ils en ont ordonné
une nouvelle.
La p reu ve , qui avait été offerte par la dame Verniette et or
donnée par la C o u r , n ’a point été administrée*, au contraire, le
résultat de celte mesure ajoute encore aux moyens qui tendent à
démontrer la fausseté ou l ’illégalité du testament attaqué.
FATTS.
L e sieur Brun , chirurgien à Montferrand, avait eu trois enfans,
un fils et deux tilles. __________
�T ^ J
Antoinette B r u n , l ’une de ces filles, s’était mariée en premières
noces avec le sieur Bujadoux; en secondes noces, elle est devenue
réponse du sieur Verniette. Ces époux soilt appelans dans la cause.
iV!ici)elle B r u n , sœur de la dame Verniette, avait épousé le sieur
Bonliours, propriétaire à Montfcrrand. Elle est décédée depuis
plusieurs années, laissant cinq enfans, qui sont les intimés.
L e sieur B r u n , frère des dames Verniette et Bonliours, est dé
cédé, sans postérité, depuis 1824. Leu r père était mort quelques
années auparavant.
La surcession du sieur Brun fils est assez considérable- elle est
toute mobilière. Elle se compose du bénéfice de son commerce du
fruit de ses économies et de la valeur de sa part dans l ’hérédité
paternelle.
L a dame Verniette a fait apparaître un prétendu testament,
sous la forme olographe, qui lui assurerait l ’intégralité de la suc
cession de son frère. C ’est l ’appréciation du mérite de ce testament
qui fait l ’objet du procès.
L e sieur Brun fils avait été d ’abord élève en pharmacie. Il aban
donna cette carrière pour embrasser le commerce, et vint demeurer
à Paris en 1802. Il choisit la commission. Il expédiai-t les diverses
sortes de marchandises q u ’on lui demandait. Originaire de Montferrand, les envois de marchandises q u ’il faisait à C l e r m o n t durent
être fréquens, et ses recouvremens dans la même proportion , ce
qui mult iplia les relations q u ’il eut avec cette ville durant un grand
nombre d ’années.
Les élémens de la cause n ’apprennent point quelles furent pen
dant long-tems les personnes chargées de sa confiance à Clermont.
Seulement ia dame Verniette produit plusieurs lettres dont les dates
sont postérieures à 1820, et desquelles il résulte q u ’aux tems où ces
lettres étaient écrites, la dame Verniette était chargée par le sieur
B r u n , son frère, de faire quelques recouvremens. Il l ’accuse même
par fois de négligence à ce sujet.
C e n ’est assurément pas 1111 sentiment de prédilection qui portait
le sieur Brun à s’adresser quelquefois à la dame Verniette pour
l ’aider dans ses recouvremens. Il 11e pouvait la préférer à la dame
Bonliours, qui était alors décédée depuis long-tems; et celte der
nière eu t-e lle vécu, comme elle habitait Montferrand et que sa
famille était nombreuse, elle n aurait pu servir les intérêts du sieur
B r u n , sou frère, sans nuire beaucoup aux siens; inconvénient qui
ne*se rencontrait point à l ’égard de la dame Ver niette, qui a tou
jours habité Clermont.
�I
T T T
L a clame Verniette veut s’emparer exclusivement île l'affection
(le son frère. Toujours, dit-elle, exista entr’eux la plus vive amitié;
amitié q u ’avait entretenue un échange mutuel de soins, de services
et d ’attention , et qui engageait le sieur Brun à venir de tems en
tems à Clermont pour passer quelques semaines avec elle.
A u contraire, dit-elle encore, les rapports du sieur Br un avec la
dame Bonhours et sou époux étaient nuls ou peu agréables; il
éprouvait même pour eux une sorle cl’éloigneinent , dont i l est
in u tile de -rechercher les causes, mais q u ’il a manifesté dans p l u
sieurs circonstances.
C e langage, suggéré par une Lasse c u p i d ité , est outrageant pour
la mémoire de la dame Bonhours. Il est hautement démenti pur
diverses lettres que rapportent les intimés, et qui renferment des
témoignages d ’affection et de confiance de la part du sieur B run
pour les époux Bonhours et leurs enfans; démenti encoie par les
nombreux témoignages invoqués pour éclairer la justice, il n est
rien moins que justifié par la correspondance dont se prévaut la
dame Verniette. O ù sont donc les preuves de sa perfide allégation?
Quelles sont donc les circonstances qui manifestent Véloignem ent
q u ’elle suppose avoir existé entre le sieur Br un et les époux Bon
hours? On la défie même d ’indiquer des causes qui eussent dû
amener ce prétendu-éloignement.
E lle a calomnié la mémoire deson frère.Non, il n ’eut paspour elle
une amitié exclusive. O u i , la dame Bonhours, son époux et ses
enfans , ont partagé son affection , et n’ont rien fait pour démériter.
L o r s q u ’ il venait en Au vergne, avant la-mort de sou p è r e , il té
moignait à ses sœurs une égale affection; et s’il avait quelque pré
férence , c’était pour la dame Bo n h o u r s, bonne mère et bonne
épouse. Tantôt à Montferrand, chez son père ou chez sa sœur; tan
tôt à C le r m o n t , chez la dame Bu jadoux (depuis Verniette), et chez
des amis, il recevait partout un bon accueil.
A u voyage q u ’il fit en 1818 pour le partage de l ’ hérédité pater
nelle, il résida à Montferrand plus long-tems q u ’à Clermont. La
veille de son arrivée était décédée la dame Bonhours, sa sœur; il
en témoigna les plus vifs regrets à son .beau-frère.
11 faisait des cadeaux à la dame Bonhours, à sou époux et à ses
enfans. Il en recevait d ’eux. C ’était ordinairement quelques fûts
tie vin blanc., quelques paniers de pommes choisies que sa sœur et
son bcait-lrèie lui adressaient à Paris. La vérité de cette allégation
est établie par su correspondance avec, les époux Bonhours.
La mort de la dame Bonhours lui causa beaucoup de chagrin. Il
�----------------------------- m
---------------------------------------
témoigna sa douleur à son beau-frère. Il le plaignit, en l ’assurant
de son inaltérable amitié, avec ce ton de sincérité qui part du cœur.
C e t événement, si funeste pour les en fans Bonhours, livra le
sieur B r u n , leur oncle, à toute l ’obsession de la dame Verniette.
L ’amitié q u ’il portait aux neveux, bien q u ’elle lut sincère, ne
pouvait pas être aussi vive que celle q u ’il avait eue pour leur mère:
il les connaissait moins.
La dame* V e r n i e t t e , qui convoitait la succession du sieur B r u n ,
craignit moins alors de voir déjouer ses manœuvres pour éloigner
les eu fans Bonhours et leur enlever l ’aiFection de leur oncle. Elle
cherchait à l'aire parade d ’un atLacheinent sans bornes pour un
frère qui sans doute lui laisserait en récompense toute sa fortune.
On ne doit pas s’étonner si, postérieurement à 1820, la correspon
dance du sieur Brun est plus active avec la dame Verniette q u ’avec
le sieur Bonhours et ses enfaris. Une sœur, qui montrait tant d'a
mitié et un zèle aussi apparent pour les intérêts de son frère, de
v a i t , par rapport à ces intérêts, l ’emporter sur des neveux à qui
leur grande jeunesse et leur position 11e permettaient pas de rendre
service à leur oncle. Mais cette correspondance ne prouve p o i n t ,
elle n’indique pas même que son affection leur fut aliénée. Il se
souvint toujours q u ’ils étaient les enfans d ’une sœur chérie.
Au mois de lévrier 1821, et non en 1822, comme elle le dit dans
son mémoire, la dame Verniette se rendit à Paris. A l'entendre,
elle accourut en cette ville, n ’écoutant que khi affection et aban
donnant son ménage et son commerce pour venir entourer de ses
soins un frère malade.
On ignore si le sieur Brun était alors malade; plusieurs lettres
' q u ’il écrivait à sa sœur, dans les mois de janvier et de lévrier,
persuadent le contraire; mais ce qui est positif c ’est q u ’elle était
indisposée en arrivant à Paris; que durant le séjour d ’environ deux
mois q u ’elle lit en cette ville, elle éprouva une forte maladie.
Dans une lettre que le sieur Brun écrivait au sieur Verniette son
beau-frère, sous la date du 29 avril 1821 , il lui annonce que la
dame Verniette part de Paris dans deux heures; « il faut croire,
« ajo ut e-t-i l, q u ’elle s’est rétablie bien promptement, et j ’ai fait
« pour le mieux pour vous la renvoyer en bonne santé et en m eilleu r
« et al (¡ue j e ne l ’ai reçue. »
C e n’était donc pus pour donner des soins h son frère malade que
la dame Vcrnielte était venue à Paris, mais bien pour satisfaire sa
curiosité, et plus encore, aiin de faciliter le traitement de la
maladie dont elle se son lait atteinte.
�tq
( c )
•
L e sieur B r u n avait subi plusieurs faillites. L e chagrin q u ’ il en
éprouva altéra sa santé, qui devint de plus en plus chancelante.
Bientôt arrivèrent les infirmités, et il sentit q u ’il était teins d ’a
bandonner le commerce, de liquider ses affaires , et de réunir sa
for tu ne, q ui était toute mobilière, et qui s’élevait à plus de
60,000 fr.
L a dame Verniet te le savait. Trouver le m oyen de s’approprier
cette fortune fixait continuellement son attention. Elle'sollicita son
frère de se retirer à Clermont. E lle offrit de le recevoir chez elle,
et même d ’envoyer son mari pour prendre soin de lui dans son
voyage. C ’est ce q u ’apprennent deux lettres écrites par le sieur
B r u n , les 26 août 1822 et 8 octobre 182,3.
L a i re de ces lettres apprend aussi toute la peine que ressentait
le sieur Brun d ’être forcé d ’abandonner ses habitudes commerciales.
On voit q u ’à ce sujet il a soutenu une longue lutte avec lui-même.
C e n ’est pas lui q u i , par initiative, a résolu de se retirer à C l e r
mont. Il n ’a fait que céder aux instances de sa sœur, et il n ’a fallu
rien moins, pour l ’ y déterminer, que des infirmités croissantes et
diverses attaqu es, qui le plaçaient momentanément dans un état
de paralysie.
En fin le commerce et P a r i s sont abandonnés par le sieur B r u n ,
q u i arrive à C le n n o u t le 2 novembre 1823. C ’est de ce jour q u ’était
d ’abord daté le testament produit par la dame V e r n ie t t e , tant
elle avait hâte de s’assurer sa proie; depuis on a pensé q u u n e date
plus récente, écrite même par surcharge , conviendrait mieux.
Quoi q u ’il en soit, la dame Verniette a fait apparaître un écrit
q u ’elle prétend être le teslameut de son i r è r e , el q u i est ainsi
conçu :
« Ceci est mon tesmament
« J’ institue mon héritière universelle
« Ma sa u r Antoinette Brun
« A C le rmont-Ferrand , le vingt-trois novembre
« Mil huit cent vingt-trois
B R U N ( M iciiei ,)
Bien de plus informe que ce prétendu testament. Il est écrit eu
six ligues, dont, aucune n’occupe la largeur de la page. Plusieurs
mots sont surchargés. On a employé trois sortes d ’encre. L ’écriture
et la signature n'ont aucune ressemblance avec les écritures el les
signatures qui se trouvent dans la nombreuse correspondance du
sieur B r u n , produite au procès.
On ne peut se faire à l ’idée que le sieur Brun qui écrivait assez
.
�7
correctement, et qui avait la prétention de bien écrire, soit l’auteur
d ’un pareil écrit. Il ne l ’aurait pas laissé subsister tel q u ’il est. Il
aurait eu plutôt recours au ministère d ’un notaire, pour exprimer
régulièrement ses dernières volontés.
Cependant le sieur Brun n ’était arrivé à Clermont que pour
être mis en charte privée chez la dame Verniette, q u i , à ce sujet,
avait intimé ses ord es à son mari et à ses enfans. On l ’obsédait :
on voulait l’isoler de ses connaissances, de ses amis, excepté de ceux
qui de vaieut lui parler constamment dans l ’intérêt de la dame
Verniette. On voulait sur-tout empêcher que les enfans Bonhours,
ses nev eu x, eussent accès auprès de lui. On redoutait l'affection
q u ’ il leur portait; on travaillait à les faire oublier.
Malgré tant de précautions pour les tenir éloignés, deux des
enfans Bonhours, l ’ainé et le plus jeune, an premier jour de l ’année
1824 , surmontant tous les obstacles, parvinrent jusqu’à leur oncle.
Vainement 011 avait cherché à les éconduire. Le sieur Brun expritna
son mécontentement de ce que l'on repoussait ses neveux. 11 té
moigna beaucoup de plaisir de les voir, en les engageant à revenir.
Les souffrances physiques avaient affaissé les forces morales dans
la personne du sieur Brun. E t encore ce qui lui restait de f.icultés
intellectuelles était-il absorbé par des assoupissemens fréquens. Si
le sentiment n’était pas encore é t e i n t , sa raison affaiblie le livrait
entièrement à la domination de la dame Verniette. Il la craignait
et tremblait devant elle. On le traitait comme une personne inca
pable de se conduire seule. Quand il sortait la dame Verniette le
faisait accompagner. S ’il échappait à cette active surveillance, ce
qui lui a r r i v a i t très-rarement, 011 faisait courir après lui : on le
cherchait comme un prisonnier qui a brisé ses fers, tant 011 craignait
ou q u ’il ne révélât au public le traitement q u ’on lui faisait subir
et l ’isolement o ï l on le plaçait, si momentanément sa raison pouvait
lui permettre cette révélation, ou q u ’il ne rendit ce même public
témoin de l’absence de sa raison.
Dans une circonstance, étant parvenu à s’échapper, il était
a r r i v é seul chez le sieur Bergougnoux, pharmacien, son ancien ami,
à qui il s’était plaint de ce q u ’on le tenait en charte pr ivée, et
même de ce q u ’on exerçait sur lui des sévices, tandis q u ’au contraire
011 prétendait q u ’il rendait malheureuses les personnes qui l’appro
chaient pour lui donner dès soins.
C ertes, un pareil langage est loin d ’annoncer que les soins que
prétend avoir prodigués la dame Verniette lui avaient mérité
toute la gratitude de sou frère et obtenu son affection exclusive.
*C*
�Il éloigne au contraire la pensée que le sieur Brun ait jamais eu la
volonté d ’oublier entièrement les enfans Bonhours ses nev eu x,
pour assurer à la dame Verniette l’ universalité de sa fortune.
L a dame Verniet te alla plus loin. Elle trouva sans doute avan
tageux q u ’ une partie de cette fortune passât dans ses mains, même
du vivant du sieur Brun.
U n e procuration générale, portant pouvoir de régir et a d m i
nistrer tous biens; de poursuivre le recouvrem ent de toutes
créa n ces; de donner q u it ta n ce , etc., parut un moyen assez
plausible d ’atteindre ce b u t ( O n se rappelle que la fortune du
sieur Brun était toute mobilière); peut-être aussi voulait-on avoir
la signature du pauvre m alade, tracée en présence d ’un officier
ministériel, afin d ’en faciliter l ’imitation.
C ett e procuration est faite selon le vœu de la dame Verniette.
E l l e porte les signatures de M£* Asteix et Costes, notaires recevant.
TJn incident grave se rattache à la manière dont cet acte fut
confectionné. C ’est le sieur Anglade, aujourd’ hui notaire à Cornon,
et alors maître clerc du sieur A s te ix, qui fut chargé de rédiger
l ’acte. Pour le faire, il dut se transporter chez la dame Verniette.
Il trouva le sieur B r u n , m ala de, souffrant, abasourdi. Les
réponses du malade étaient faites péniblement et presque toujours
par monosyllabes. L e sieur Anglade déclare formellement q u ’il ne
vo ulut point rédiger l ’acte sans en référer au sieur Asteix ; ce q u ’ il
aurait fait s’ il eût trouvé le mandant bien portant. Il fallut que le
sieur Asteix, notaire, vint lui-même chez la dame Verniette pour
connaître l ’état du sieur B r u n , q u i , pendant la lecture de l ’a c t e ,
serait tombé dans un assoupissement et n ’aurait signé l’acte
q u ’après l ’assoupissement dissipé. On ne peut q u ’applaudir à la
délicatesse du sieur Anglade. Nous reviendrons plus lard sur sa
déposition et sur celle de ¡VIe Asteix, que nous mettrons en parallèle.
L e sieur Brun mourut le 29 octobre 1824* L ’ homme moraî.
était déjà éteint chez lui depuis plusieurs mois.
La dame Verniette put alors manifester sa prétention. On lui fit
entendre, sans doute, que par un reste de convenance, et peut-être
encore pour éviter des incidens qui contrarieraient ses vues , il ne
fallait pas q u ’elle présentât, elle-même à la justice le prétendu
testament de son frère. C e fut Me F a b r e , notaire à Clermon t qui
fut chargé de ce soin.
Requis par le sieur Bonhours et ses enfans, MM. Costes, juge de
paix, et llozier, son greffier, devaient se transporter dans l’apparteinent où était décédé le sieur Br un , pour y apposer les scellés.
�•
_
\ V J
-- -----------
Mais ils en furent dispensés par la présentation que leur fît du
testament prétendu la dame Vern iette, q u ’assistait un clerc de
M e Fabre.
Toutefois, cet écrit, examiné par ces deux fonctionnaires publics,
fut frappé de leur réprobation comme on le verra plus bas.
Après l ’accomplissement des formalités exigées en pareil cas,
l ’écrit fut déposé dans les mains de M e Fabre, notaire.
Une ordonnance du 3 décembre i 83 o envoya latlame Yerniette
en possession de l ’ hérédité du sieur Brun.
L ’apparition de cet écrit excila l ’étonnement général. Quo iq u’elle
connût l ’avidité de la dame Verniette, la famille Bonhours ne
jüouvait d ’abord croire k tant d ’audace. Il fallut pourtant se rendre
à l ’évidence du fait.
Bieniot elle se mit en mesure de signaler à la justice cette œuvre
de déception, si l ’on osait s’en prévaloir.
Un e assemblée de f a m ill e, réunie le i 5 janvier 1 8 2 5 , autorisa
Bonhours père à réclamer comme tuteur de ses cnfans, le partage
de l'hérédité du sieur Brun. Si dans la délibération du conseil de
fam ille, on garda le silence sur le prétendu testament, c’est q u ’il
n ’était pas encore légalement connu, et q u ’on espérait encore que
la dame Verniette n ’oseraii le produire et en soutenir la sincérité
devant les tribunaux.
L a demande en partage fut formée le 4 février i 8 a 5 .
E t bientôt après, la dame Verniette fit signifier le prétendu
testament.
A la vue de cet écrit informe, le sieur Bonhours et ses enfans
restèrent convaincus de sa fausseté. Ils savaient d ’ailleurs q u ’avant
la date que l ’on avait donnée au prétendu testament, l ’affaiblis
sement complet de ses facultés morales avait laissé le sieur Brun
dans un élat habituel d'imbécillité et même de démence.
lis déclarèrent alors q u ’ils ne connaissaient ni l ’écriture ni la
signature qui constituaient l ’acte produ it, et formèrent opposition
à l’ordonnance d ’envoi en possession. Ils soutinrent en même tems
que l ’état mental du sieur Brun ne lui aurait pas permis d ’exprimer
une volonté libre et éclairée, même en se reportant à une époque
antérieure à la date du prétendu testament.
U n e vériiication fut ordonnée par un jugement du 3 décembre
1825. LeS experts nommés pour procéder à cette opération étaient
les sieurs Im b ert , avoué à C le rm o nt, Bonjour et Cavy_, notaires.
Sans doute, sous le rapport des qualités qui constituent l'honnèie
Jiomme et le rende.it recomrnauduble aux yeux de ses concitoyens;
3
�sans doute aussi sous le rapport du talent qui rend propre h Lien
remplir l ’emploi d o n f o n est inve sti, il e û t été très-difficile de
trouver une plus forte garantie que celle q u ’offraient les trois
experts nommés.
Mais à côté de tous ces avantages ne se rencontraient pas, on
pe ut le dire parce que l ’événement l ’a justifié, les connaissances
spéciales et nécessaires pour bien re m plir’ la mission qui leur était
confiée. L e résultat a prouvé en effet que l ’art plus ou moins
conjectural de vérifier les écritures leur était peu familier.
L e dépôt du prétendu testament au greffe du tribunal civil de
Clerrnont fut suivi d ’un procès-verbal de description sous la date
du 8 avril 18*26."
'
Diverses pièces de comparaison furent présentées. Les unes
étaient authentiques, les autres sous seing privé.
U n procès-verbal du 17 juin admit les unes, rejeta les autres.
Des pièces produites--par les Bonhours, sont admises quatre lettres
des 17 mai et 29 novembre 1 8 1 5 , 18 août 18 18, et 9 janvier 1821 ;
un acte sous seing ptivé du 6 mai 1818 e t , 11 actes authentiques
de différentes dates et portant la signature du sieur Brun.
T.a dame Verniette avait présenté un grand nombre de lettres;
7 seulement sont admises : elles portent les dates des 2 , 2 1 et 3 1
juillet 1821 , 1 1 juillet et l\ octobre même an n ée, 19 juin et
5 novenibie 1.822.
E lle observe que l ’admission des lettres produites est nécessaire
pour faire connaître la différence qui est survenue dans les é a i t u r e s
et signatures du sieur B r u n , à raison des attaques et m aladies
q u ’ il a éprouvées.
Les experts procèdent à la vérification ordonnée. L e u r procèsverbal est dressé. 11 est clos le 11 août 182G.
Jettons-y un coup d ’œil rapide.
L a dame Verniette, clans scs dires aux experts, articulconze faits,
dans l ’espoir q u ’ils y verront autant de-motifs de proclamer la sin
cérité du testament. L ’énonciation de ces faits devant les experts
était inutile : elle ne pouvait avoir pour b ut que de leur rendre
favorable la cause de la dame Verniette.
E lle ajoute que si quelque différence se remarque dans les écri
tures et signatures du sieur B r u n , cela ne provient que des attaques
et m aladies q u ’ il a éprouvées, ce qui est établi par diverses lettres,
dans lesquelles il dii qu il a la main trem blante et q u ’il n’écrit
q u ’avec beaucoup de pe in en t de difficulté.
�Voici maintenant une analyse rapide des opérations des experts
vérificateurs.*
i° Ils remarquent que « la physionom ie , qui résulte de l ’assem, « blage des caractères du testament, s ’éloigne de celle q u ’off.e la
« contexture des onze lettres missives comparées. Cependant en
« descendant dans les détails de la comparaison, on est obligé de
« reconnaître que la conformation de beaucoup de mots entiers et
« de chaque caractère est très-ressemblante à celle des mots sein« blables et des caractères isolés des lettres missives; q u ’ainsi la
« différence de physionomie des caractères paraît provenir de ce
« que celle de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur et clif« j i c u l l e ', tandis que celle des lettres missives annonce une plus
« grande faci ité d ’exécution.»
C ette dissemblance remarquée par les experts était décisive. L a
physionomie de l éc riture, comme celle de l ’homme^ constate
l'identité.
La ressemblance de quelques caractères, de quelques syllabes,
de quelques mots, n ’avait rien de déterminant. L ’imitation aurait
été bien maladroite si elle ne s’était étendue jusques-là. Il es’t donc
facile de trouver dans onze lettres de trois ou quatre pages cha
c u n e , des mots, à plus forte raison, des syllabes, des caractères
ressemblans ; toutefois il suffit du rapprochement de ces lettres,
de leur comparaison avec la pièce arguée de faux, pour faire
ressortir une diflérence matérielle et frappante;
2° Les experts disent que les actes et titres authentiques qui
leur sont produits ne présentent q u ’un seul mot sur lequel ils
aient à porter leur examen; c ’est la signature du sieur B r u n ; et
à L’exception de ce lle apposée sur la minute de la pr o cu r at io n ,,
reçue A sta ix , le l\ février 18 2 4 , toutes les autres signatures, q u i
ont entr elles et avec ce lles q u i terminent les lettres missives ,
beaucoup de sim ilitu d e , en ont très-peu avec ce lle qui se trouve
su r la p iè ce dentée.
Cet te signature de la procuration Astaix a plus particulièrement
frappé l ’attention des experts. « Llle s éloigné, d i s e n t - i l s , du
«' caractère de la signature ordinaire du sieur Br u n ; mais 011 ne
« peut se refuser à lui trouver une grande ressemblance avec celle
« du testament : ils ne doutent pas q u e lle s aient é té toutes d e u x
« produites p a r la même main. »
Ces explications ne sont rien moins que décisives. Elles décèlent
tout l ’embarras des experts pour asseoir leur opinion. Cette opinion
n ’a rien de ferme, lien de positif : elle reste flottante. Toutes les
�i#
.
i 12 )
frvO sîgnatures l^es pièces comparées, excepté celle (le la procuration
^
de 1824? ont beaucoup de similitude entr’elles et en ont très-peu
avec c e lle de la p iè ce déiùée. Encore les experts reconnaissent-ils
que cette signature de la procuration s’éloigne du caractère de la
signature ordinaire du sieur Brun . E t c ’est pourtant par la ressem
blance de deux signatures isolées que les experts ont déterminé leur
opinion. L ’erreur palpable dans laquelle ils sont tombés ressort et
de leur propre langage et des lacunes q u ’offrent leurs opérations.
Nous le prouverons en son lieu ;
3 ° L a comparaison de quelques-uns des caractères qui forment
les mots de la pièce déniée, avec les caractères des lettres missives,
établit aux yeux des experts une conformation peu exacte, quoique
cependant il y ait assez de ressemblance avec d ’autres lettres.
Les experts qui sont entrés dans des détails m in utie ux , et que
les meilleures intentions ont toujours animés, nous nous plaisons
k leur rendre cette justice, les experts ont négligé un objet trèsim p o r tan t, l ’examen des surcharges q u ’offrent plusieurs mots du
prétendu testament, qui est pourtant on ne peut plus laconique;
4 ° Enfin 011 arrive au résumé qui exprime l ’avis des experts; le
voici :
« Par suite de l ’examen et des observations qui précèdent, les
« experts ont formé leur opi nion , et déclaré, à 1 unanimité, q u ’il
« demeure évident p o u r e u x que l ’acte soumis à leur vérification
« a été écrit et signé de la même main qui a tracé les caractères de
« comparaison. »
C er te s, les premières remarques exprimées pa rle s experts, sur
tout cette dissemblance de physionomie q u ’ils avaient si bien re
connue ne semblait pas devoir amener la conclusion q u ’ils ont
adoptée.
La vérification opérée était loin d ’être satisfaisante. E lle ne pré
sentait point à la justice les garanties, qui seules pouvaient en
faire sanctionner le résultat.
L e sieur Bonheurs et ses enfans la critiquèrent. Ils en signalèrent
les lacunes et en démontrèrent l ’insuffisance : une nouvelle véri
fication lut demandée.
Ils offrirent subsidiairement la preuve de différons faits q u ’ils
articulèrent. Parmi ces faits étaient ceux-ci :
Le sieur Brun avait toujours vécu en bonne intelligence avec son
beau-I1ère et ses neveux Bon hou rs ;
E t a n t tombé malade-à la fin do 1 S a3 , le sieur Verniette alla le
chercher k Paris, et le conduisit à C le r m o u t; depuis cette époque,
�( - 13 )
.
.
w
la dame Verniette avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour
éloigner de lui le père et les enfans Bonhours;
La plupart du tems, lorsqu'ils venaient le voir, ils étaient re
poussés avec rudesse;
La dame Verniette le tenait en charte privée, pour empêcher,
autant q u ’il était en elle, q u 'il eût des communications avec ses
parens et amis;
E l l e ' l e maltraitait et il en faisait ses plaintes à ceux qui pou
vaient l ’aborder;
II avait fréquemment des attaques, qui lui faisaient perdre con
naissance, et qui l ’avaient réduit à un état d ’im bécillité.
Ces faits ne sont pas seulement vraisemblables, ils sont vrais et
graves; les enquêtes l ’ont prouvé.
La dame Verniette essaya de les combattre en les présentant
comme erronnés, invraisemblables, non pertinens, en même tems
q u ’elle soutenait que le rapport des experts était tout-à-fait con
c lu an t , et que la justice devait s’empresser de lui en accorder l ’ho
mologation.
Elle fut trompée dans son attente. U n jugement du 2 3 avril 1827
ordonna une nouvelle vérification, et la confia aux sieurs IÎugues,
instituteur et maître d ’écriture à Clermont, et Cailhe et De Murât,
experts écrivains à Kiom.
L a vérification ordonnée sera faite sur les pièces de comparaison
admises entre les parties.
Les experts s’expliqueront sur les surcharges qui existent dans
le testament, notamment sur le mot v in g t, et sur la date qui
existait avant. Us examineront si ce mot vingt a été tracé par la
même main qui a écrit et signé le testament. Ils pèseront enfin dans
leur sagesse les doutes que peuvent faire naître les réflexions
exprimées dans les motifs du jugement.
Ces m otifs , qui sont nombreux, annoncent dans les premiers
juges la conviction que ce testament n ’était pas sincère. On voit
que cette conviction est née de l ’examen qu ils en ont lait euxmêmes, et du rapprochement avec les pièces de comparaison.
Après avoir rappelé, ce qui est vrai, que la science des experlsvérificateurs, en matière d ’écritures et signatures, est conjecturale;
q u ’ils 11e sont obligés d ’adopter leur opinion q u ’autant q u ’elle s’ac
corde avec la leur, et que tout en rendant justice à la moralité et
aux lumières des experts qui ont opéré, leur rapport laisse beau
coup à désirer, les premiers juges expriment les circonstances qui
leur ont fait sentir la nécessité d ’une nouvelle vérification.
�S
A ';-.'
( *4 )
' C ’est d ’abord la conviction que beaucoup de m o ts , beaucoup de
caractères des lettres missives ne ressemblent pas du tout à ceux du
testament ;
Q u ’il y a d ’autant moins lieu de tirer avantage de la ressem
blance de quelques traits, q u ’ il faudrait q u ’un faussaire (Vit bien
maladroit po u r ne pas imiter en quelques points ré critur e q u ’il
cherche à contrefaire;
C ’est que la signature du testament, bien q u ’elle ait paru aux
experts ressemblante à celle de la procuration de 182.4, ne ressemble
en réalité à aucune de celles qui se trouvent sur les pièces de com
paraison; et cependant quelques-unes de ces pièces sont d'une date
peu éloignée de celle du testament : deux entr’autres ne sont anté
rieures que d ’un mois et quelques jours;
Q u e les deux signatures du testament et de la procuration ne
présentent pas de similitude si parfaite q u ’on puisse en induire la
sincérité du testament;
Q u ’il y*a dissemblance de conformation dans la lettre finale ¡7./ \
Q u e le prénom , M i c h e l, qui se trouve à la suite de la signature
du testament, n ’est point contenu dans les autres pièces produites,*
Que*récr itur e du testament, d ’ une exécution plus pénible que
celle des lettres missives, doit, par cette raison, paraître suspecte;
Q u ’il y a dans le testament plusieurs mots écrits sans gène et
avec facilité, notamment ceux de la dernière ligne;
Q ue les experts avaient négligé de parler d ’ un point très-impor
t a n t , celui des surcharges qui se rencontrent dans le testament,
notamment au mot v in g t, qui est écrit en encre plus noire, et q ui
parait couvrir le mot de u x; lequel dernier mot indiquerait le jour
de l’arrivée du sieur Brun à C l e r m o n t , et jetterait du louche sur
la sincérité du testament; car il n’c.'t pas présumable que le jour
même de son arrivée le sieur Br un se fut occupé d ’ un acte aussi
important.
L e laconisme du testament frappe vivement les premiers juges.
Les circonstances ne l ’exigeaient pas, Il parait, au contraire, q u ’il
facilitait l ’ imitation.
Ces motifs, largement déduits par les premiers juges, sont puissans, Si le rapport des oxperts-vérificateurs avait laissé à la dame
Verniette un pressentiment de succès, l’ illusion fut,dissipée par le
jugement qui apprécie ce rapport.
La dame Verniette comprit alors tout le danger d ’ une nouvelle
vérification. Klle 11e pouvait se dissimuler que des circonstances
nombreuses cl entraînantes surgissaient contre la sincérité du tes-
�( -5 )
fit
l a m e n t ; que le seul examen de cette pièce ne pouvait laisser de
doute sur sa fausseté.
E l l e veut de tout son pouvoir empêcher la nouvelle vérification*
elle forme appel du jugement qui l ’ordonne; elle se rattache for
tement au rapport d ’experts, pour lesquels les premiers juges n ’ont
pas eu d ’égard; elle prétend q u ’il est concluant, q u ’il mérite toute
confiance ; cependant elle n ’est pas tellement convaincue de ce
q u ’elle essaie de persuader aux autres, q u ’elle n ’emploie devant la
C o u r ses plus grands efforts à faire admettre la preuve d ’une série
de faits q u ’elle articule comme devant établir la sincérité clu tes
tament. Elle y inet tant d’insistance, la preuve sera si entraînante,
q u ’elle repoussera la nécessité d ’une nouvelle vérification.
L a C o u r , dans sa sagesse, dut ordonner cette preuve.
C ’est ainsi q u e , par son arrêt du i 5 juillet 1829, elle dispose:
« Atten du que, d ’après la nature de l ’affaire et les circonstances
« qui s’y ra t ta ch en t, il ne peut q u ’être utile pour la découverte
« de la vérité, de corroborer l ’existence du testament dont il s’agit
« par des preuves testimoniales; que cette marche est admissible,
« soit dans l ’esprit, soit dans la lettre de la législation romaine et
« de la législation du Code civil:
« Par ces motifs,
« L a C o u r , sans p ré ju d ice des Jin s et moyens , tant de f a i t que
« de droit j qui demeurent réservés aux parties sur le f o n d ,
« ordonne, avant de faire d r o i t , que dans le mois à compter de la
« signification du présent arrêt, faite à avoué en la C o u r , les
« parties d ’Allemand feront preuve, tant par titres que par
« témoins par-devant M. V e r n y , conseiller-auditeur, commis à
« cet effet;
« i° Que la dame Vernietle et ses filles ont soigné le sieur Brun ,
« tant à Paris q u ’à C le r m o n t , pendant les dernières années de sa
« vie, clans les maladies que celui-ci a essuyées, ou à raison de ses
« infirmités;
« 20 Que le sieur B r u n , voulant venir se fixer à C lerm ont à la
« fin de 1823, invita le sieur Vernie!te à venir le chercher à
« Paris, et que le sieur V er n ie tte , cédant à cette invitation, se
« rendit effectivement à Paris et revint à Cle rm on t avec le sieur
« Brun , qui depuis, jusqu’à son décès, a continuellement habité
« avec les époux Verniette;
« 3 ° Q u e le sieur B r u n , depuis son arrivée à Clermont ju sq u’à
« son ‘décès, a reçu et rendu de nombreuses visites et est allé
“ dîner plusieurs fois chez des personnes avec qui il avait eu
�« d ’anciennes relations; que d ’ailleurs il sortait fréquem ment,
« soit pour se promener, soit pour voir ses amis;
« 4 ° Q u ’il a souvent exprimé à diverses personnes son affection
« particulière et sa reconnaissance pour la dame Y e rn ie t ie sa
« sœur, ainsi que sa v o lo n té de lu i donner toute sa fo rtu n e y
« 5 ° Qu e lorsque son testament eut été f a it, ce testament a été
« présenté à des jurisconsultes pour savoir s’il était régulier;
« 6° Qu e depuis la date de ce testament, le sieur Br un a d é cla r é
« p lu sieu rs f o i s q u i l avait d on n é toute sa fo rtu n e à la dam e
« V ern iette sa sœ ur ;
« S a u f aux parties de Godemel (les Bonhours) toute preuve
« contraire dans le même délai, dépens réservés. •>
L a preuve, mise à la charge de la dame Verniette eùt-elle été
complètement faite, n'aurait pas pour conséquence absolue d ’assurer
le triomphe de la prétention de la dame Verniette. Seulement elle
aurait pu la rendre plus spécieuse et entourer de quelque faveur
l ’appréciation matérielle du testament; mais cette preuve n ’a point
été administrée. Si quelques-uns des faits interloqués semblent
établis, d ’autres et les plus importans ne le sont pas. Au contraire,
il ressort des témoignages invoqués que le sieur B run chérissait les
enfans Bonhours comme ses autres parens; q u ’ il n’a jamais rien
d i t , rien fait, qui annonçât de sa part l ’intention de les frustrer
de sa succession; que d ’ailleurs, pendant la dernière année de sa
v i e , l ’affaiblissement de ses facultés intellectuelles ne lui aurait
pas permis d ’exprimer à ce sujet une volonté légale.
L ’analyse des enquêtes amènera aisément la preuve de cette
proposition. Mais comme nous devons suivre l’ordre de discussion,
adopté par la dame Verniette dans son mémoire, nous nous occu
perons en première ligne du rapport des experts.
MOYENS.
L a daine Verniette divise sa discussion en i paragraphes :
i° Examen du rapport des experts;
s>.° Exam en de l ’enquête.
Nous ajouterons un 3 ",e
dont l ’objet sera de démontrer que
le sieur B r u n , au tems de son décès, même à l'époque à laquelle
on reporte la date du prétendu testament, était incapable de lester.
S I".
E x a m en d u rapport des experts.
C e r a p p o r t , dit-on , était aussi satisfaisant que décisif. Puis
arrive l ’éloge obligé des experts, dont l ’opinion est si positive, si
�bien appuyée sur de nombreuses et de puissantes raisons, q u ’elle
mérite toute confiance et ne souffre pas de contradiction. Toutefois
on veut bien descendre ju s q u ’à réfuter les futiles objections que
les intimés ont osé élever contre ce rapport et contre le testament.
C e langage de la dame Verniette, qui affecte beaucoup de
confiance dans la bonté de sa cause, ne peut rendre concluant un
rapport qui ne l ’est pas, ni valable, comme testament, l ’œuvre
d ’un faussaire.
A peine le prétendu testament a-t-il paru, que son état informe
sa contexture insolite fixent l ’attention de tous ceux sous les yeux
desquels il est mis.
M. Costcs, juge de paix , le sieur Rozier son greffier,
M. Chassaing, juge au tribunal civil de Clermont, n’y voient q u ’un
écrit irrégulier et auquel il est impossible d ’accorder quelque
confiance. Ils le frappent de leur réprobation.
Il est difficile, en effet, de ne point s’arrêter à cette opinion,
quand on a vu et examiné l ’écrit; mais du moins n ’y a-t-il pas eu
possibilité de repousser les violens soupçons q u i , dès le premier
moment de son apparition, se sont élevés sur sa sincérité.
L a nécessité d ’une vérification a été reconnue judiciairement.
Il fallait des experts pour l ’op ércr, mais il les fallait capables de
bien remplir la mission qui leur était confiée, c ’est-à-dire, possé
dant les connaissances spéciales qui constituent l ’art de vérifier
les écritures et signatures.
II ne suffit pas que l ’on ait sous plusieurs rapports beaucoup de
ta len t , beaucoup de connaissances, un caractère honorable, une
impartialité qui pe se démentit jamais; avec tous ces avantages, si
l ’on n’a pas les connaissances spéciales qui rendent propres à faire
telle chose, on ne peut convenablement apprécier cette chose.
« Experts sont des gens versés dans la connaissance d ’une science,
« d ’ un a r t , d ’ une certaine espèce de marchandises ou autres
« choses, lesquels sont choisis pour faire leur rapport sur quelque
« point de f a it, d ’où dépend la décision d ’une contestation, et
« q u ’on ne peut bien entendre sans le secours des' connaissances
» fjui sont pro/uns a u x personnes d ’une certaine profession..........
« Par exemple, s’il s’agit de vérifier une écriture, on prend pour
<« experts des maîtres écrivains, et ainsi des autres matières. »
Encyclopé die, verbo experts.
Même avec les connaissances spéciales en matière de vérification
d ’écritures, il est facile de s’abuser sur la ressemblance; à plus forte
�ï
.
) 1 }
raison, en est-il de même si l ’on est étranger ou peu familier avec
ces connaissances.
C ’est ce qui a fait dire à M. T ou ll ier, droit civil, tome 8 de la
troisième édition, page 8/jG, n° 2 3 5 . « Rien en général de plus
« incertain, rien qui soit si peu digne de déterminer l'opinion,
« que l’avis donné par les experts sur la comparaison des écritures,
« lorsqu’il n ’est pas soutenu par d ’autres preuves, au point q u ’on
« doit moins le considérer comme une preuve que comme une
« simple présomption, comme un moyen qui peut éclairer le
•« magistrat et le guider dans la recherche de la vérité. »
De l à , cette conséquence forcée que plus il y a d ’incertitude pour
obtenir un bon résultat d ’ une pareille opération, plus il importa
d ’être sévère sur le choix des expeits qui doivent en être chargés.
Cett e sévérité n ’a point été apportée dans le choix des experts
auteurs du rapport critiqué. Faute de connaissances spéciales, ils
ont évidemment mal rempli la mission qui leur était confiée. L e u r
manière d ’apprécier le prétendu testament, et leur langage décèlent
l ’embarras et l ’incertitude qui les dominaient. Il semble q u ’ils
impliquent contradiction avec eux-mêmes, si l’on compare leur
remarque la plus importante avcc les minimes détails dans lesquels
ils sont descendus et la conclusion q u ’ils en ont tirée.
C e qui les frappe d ’abord, c’est que la j)hysionom ie qui résulte
de l ’assemblage des caractères du testament s’éloigne de c e lle
q u ’offre la contexture des onze lettres missives comparées.
Voilà une observation dominante. On recherche par la compa
raison s’il ÿ a identité entre des physionomies; et l'examen apprend
que cette identité n ’existe pas; q u ’il n’y a pas ressemblance entre
les physionomies comparées. Cependant c ’est par la ressemblance
que se constate l ’identité.
Pour expliquer cette dissem blance , qui les a frappés, les experts
disent q u ’en descendant dans les détails de la comparaison , on est
obligé de reconnaître que la conform ation de beaucoup de mots
entiers et de chaque caractère, pris isolément de la pièce indi qu ée ,
est très-ressemblante à celle des mots semblables et des caractères
isolés des lettres missives; et q u ’ainsi la différence de physionomie*
des caractères paraît provenir de ce que celle de la pièce déniée a
été exécutée avec pesanteur et d i f f i c u lt é , tandis que celle des
lettres missives annonce une plus grande facilité d ’exécution.
L explication n’est pas heureuse. Klle est en opposition avec la
cri table acception du mot..physionom ie.
L a physionomie de l ’écriture comme celle de l ’ homme se c o m p o s e
�( >9 )
fc/pa
d ’ un assemblage de traits et non pas de chaque trait pris isolément.
On voit chez les hommes une foule de visages qui présentent
dans certains traits isolés la ressemblance la plus frappante. Celte
ressemblance existe tantôt aux yeux,, tantôt au n ez , tantôt à la
Lo uche, et de même des autres parties qui composent le visage.
Parfois même elle embrasse presque tous les traits; et pourtant
lorsqu’on vient à considérer dans leur ensemble, tous ces traits,
ce qui seul constitue la physionomie, on ne trouve plus de ressem
blance véritable, quoique la ressemblance partielle subsiste.
Il en est de même des écritures. La comparaison de plusieurs
pièces d'écriture, qui se ressemblent, avec une autre pièce q u ’on
attribue à la même m ai n , peut offrir dans quelques lettres, dans
quelques mois même des traits de ressemblance plus ou moins
saillans; mais la ressemblance cesse quand la pièce d ’écriture est
considérée dans son ensemble. Alors reste une différence de p h y
sionomie que l ’on ne peut méconnaître.
On s’étonnerait si une pièce d ’écriture, signalée comme l ’œuvre
d ’un faux, ne présentait pas quelques traits isolés de ressemblance
avec les écritures véritables de celui auquel on l’attribue. Il faudrait
que le faussaire, qui s’est mis sous les yeux les écritures véritables
q u ’il veut im iter , fût bien maladroit , pour ne pas réussir à
donner le change sur quelques ¡»oints. Pour peu q u ’il ait du savoirfaire, il-parviendra toujours à imiter quelques lettres, quelques
mots entiers; mais l ’imitation n ’atteindra jamais ou presque jamais
la physionomie que forme l ’ensemble de l ’écriture.
La ressemblance de physionomie dans l’ensemble de diverses
pièces d ’écriture peut se reconnaître a i s é m e n t a l o r s même que
quelques-unes de ces pièces sont écrites avec plus ou moins de
hardiesse, en traits plus ou moins déliés, plus ou moins renforcés.
L e faire habituel de l ’écrivain surgit toujours au milieu de ces
variantes.
L a différence dans la physionomie des écrits est donc le principal
moyen qui puisse faire connaître s ils sont vrais ou faux. L t dans
l ’espèce cette différence demeure frappa 11Le aux yeux mêmes des
experts qui onl vérifié le prétendu testament.
Q u ’imporle après c e la q u ’ilsaient remarqué de la similitude dans
la conformation de quelques lettres et de certains mots de la pièce
arguée de faux', avec des lettres et des mots des pièces de compa
raison. Il en résulterait tout au plus que le faussaire aurait obtenu
une imitation partielle; mais imitation manifestement insuffisante
pour imprimer à l’écrit qui eu est l’œuvre les caractères de la sin-
�M
.
.
.
( 20 )
Les détails minutieux auxquels se sont livrés les experts, pour
laire disparaître cette différence de ph ysionom ie, q u ’ils avaient
remarquée avant t o u t , loin de justifier leur opinion définitive,
prouvent seulement q u ’ils n ’ont point épargné les efforts pour la
rendre spécieuse.
Mais en portant ainsi leur investigation sur la pièce déniée, ils
ont négligé des observations très-importantes. Ils n’ont rien dit des
surcharges, rien sur l ’empreinte d ’une griffe soigneusement effacée,
et qui indiquait sans doute le fonctionnaire qui avait fourni la
feuille sur laquelle est écrit le prétendu testament.
Cependant les surcharges à plusieurs mots sont remarquables,
sur-tout au mot vingt du millésime. Le mot vingt a été évidem
ment posé sur le mot d e u x ,%i[\x\ fut écrit primitivement. Les lettres
en sont formées par des traits larges et épatés, et avec une encre
beaucoup plus noire que celle qui a servi à écrire le mot pr im itif
d e u x et les autres mots du testament qui ne sont pas surchargés.
Les surcharges, autres que celles du mot v in g t, sont opérées avec
un certain soin. A-t-on voulu renforcer une écriture trop déliée,,
trop facilement exécutée, pour la faire apparaître d ’une exécution
plus difficile et plus conforme à l ’état de souffrance de ceiui q u ’on
v ou la it en faire croire l’auteur? On ne craint pas d ’adopter l'affir
mative comme une vérité.
Il parait que les experts n’ont vu dans ces surcharges q u ’une
écriture exécutée avec pesanteur et difficulté. Mais alors on de
mandera pourquoi la première et la dernière ligne de l ’écrit, et
plusieurs mots des lignes intermédiaires, sont écrites couramment,
sans pesanteur, sans difficulté? On ne pressent point de réponse
satisfaisante à cette question , dans le système des appelans.
Us ont cl t q u ’il était inutile de constater les surcharges, parce
que telles q u ’elles sont elles n ’infirmeraient point le testament. Il
en serait ainsi peut-être si d ’ailleurs le testament était reconnu
sincère. Si la signature comme l ’écriture n ’en était pas déniée; s’il
ne s’agissait que d ’une irrégularité. Mais les surcharges que présente
un testament argué de faux dans tout son ensemble, doivent, fixer
l ’attention de la justice, comme pouvant aider à la découverte de
la vérité.
C e n ’est pas sans m otif non plus que l ’empreinte de la griffe a
été effacée très soigneusement. On ne voulait pas sans doute que
l ’on put s ' i n f o r m e r auprès de la personne qui aurait fourni la feuille
de papier, à qui et à quelle époque elle aurait délivre celle feuille,
tant 011 craignait les rapprochemens, qui plus tard pouvaient avoir
�D ’autres singularités ont échappé h l ’attention des experts : c’est?
la pose des lignes; ce sont les fautes grossières d ’orthographe.
L e sieur Brun avait de l ’éducation ; il écrivait assez correcte
ment, sous le rapport du style; il faisait rarement des fautes d ’or
thographe. Les experts avaient dû s’en convaincre en lisant, en
examinant sa nombreuse correspondance. Eli bien ! les cinq lignes
qui formeraient le testament n ’occupent point toute la largeur du
papier; elles laissfcnt à droite et à gauche deux grandes marges;
elles sont d ’inégale longueur. La première,' la troisième et la cin
quième, ne sont que des demi-lignes. 11 est difficile de découvrir le
m o t if qui a pu porter l ’écrivain à couper ainsi les lignes; à moins
que l ’on ne suppose que la signature qui est au bas est sincère, et
q u ’ayant été surprise en blanc au sieur B r u n , on a voulu faire con
corder la signature avec le corps de l ’écrit, de manière à ne pas
laisser trop d ’intervalle entre la dernière ligne et cette signature.
E t comme le faussaire aurait commencé trop h a u t, que ce q u ’ il
avait à écrire pouvait être aisément compris dans deux lignes et
demie, et q u ’il s’en serait aperçu assez tôt, en tronquant les lignes,
au lieu de trois il en aurait fait cinq.
Deux fautes d ’orthographe grossières se remarquent dans l ’écrit.
A la première ligne, au lieu de testament 011 à écrit tesmarnent ;
à la dernière ligne, le mot ving t, écrit par surcharge, n ’a pas de t.
L e sieur Brun 11’aurait pas fait de pareilles /ailles, s u r - t o u l la
première. Son amour-propre l ’aurait porté à refaire le testament
après l ’avoir l u ; car ayant survéi u de plusieurs mois à l ’écrit par
lequel il aurait transmis à un seul de ses païens toute son hérédité,
il n’eut pas manqué de lire et de relire cet acte 1111 grand nombre
de fois, lui qui avait toujours montré beaucoup d ’ordre et de soin
dans l'administration de ses affaires. Il parait que l ’on avait d ’a
bord donné au prétendu testament la date du deux novembre, qui
était précisément le jour de l ’arrivée du sieur Brun à Clermont ;
mais comme l ’on s'aperçut q u ’il n ’aurait pas élé présumable q u ’à
un pareil jour il se fût occupé d ’un acte aussi important, on subs l i l u a , par surcharge, le mol v m g l au mot d e u x .
L e laconisme insolite du testament élève aussi contre la sincérité
de cette pièce le plus violent soupçon. Ilien qui n’y soit absolument
indispensable. O11 voit que le faussaire avail hâte de terminer son
œuvre.
A toutes ces réflexions, qui démontrent largement la fausseté du
rorps de l’écrit, vient se joindre la remarque encore plus accablante,
que la signature, mise au bas, 11’esl pas celle du sieur Brun.
�y.?
rCW?
.
)
Les experts qui ont examiné et comparé les nombreuses signa
tures du sieur B r u n , apposées, soit sur des lettres missives, soit
sur des actes authentiques, ont remarqué que la signature du pré
tendu testament s'éloigne du caractère ordinaire de la signature du
sieur Brun . De toutes les signatures prises en comparaison , une
seule leur a paru avoir de la similitude avec la signature déniée;
c ’est celle de la procuration reçue Astaix, notaire^ le 4 février 1824.
O n ne peut se refuser, disent-ils, à lui trouver une grande ressem
blance avec celle du testament.
Mais celte ressemblance avec une signature u n i q u e , lorsque la
dissemblance avec une foule d ’autres signatures est frappante, estelle suffisante pour convaincre de la sincérité de la signature déniée?
L a dissemblance q u ’ils ont reconnue 11e repousse-t-elle pas celte
conviction ?
E t d ’ailleurs, la ressemblance q u ’ils ont cru apercevoir est loin
d ’être parfaite. Q ui sait si le b ut de la procuration du 4 lévrier 1824
n ’avait pas été d ’obtenir sur un acte authentique la signature du
sieur B r u n , afin de pouvoir l ’imiter sur le testament que l ’on v o u
lait créer? Alors , l ’imitation opérée avec soin, a dû établir entre
les deux signatures une espèce de similitude.
Toutefois, entre les deux signatures, il y a beaucoup d<? diffé
rence : celle de la pr ocurat ion, qui serait postérieure de plusieurs
mois, est mieux faite, plus hardie; celle du testament est gênée;
elle annonce le travail méticuleux d ’une servile imitation. L a lettre
finale n n ’a pas la même conformation dans les deux signatures.
Dans l ’un e, celle du testament, le dernier jambage de la lettre n
est supérieur et bouc lé; dans l ’autre, celle de la procuration, ce
dernier jambage est inférieur, et forme dans son entier la figure
informe du chiffre 3 . O11 pensera difficilement q u ’une même main
ait tracé ces deux lettres. Bien plus, la signature du testament est
suivie du prénom M ic h e l, qui 11e se trouve sur aucune des nom
breuses pièces qui ont servi de comparaison. L e faussaire a voulu
trop bien faire; c’esl ici le cas d ’appliquer l’adage nimia /trecaulio
do/us.
T an t et d ’aussi notables dissemblances, d ’aussi étranges irrégu
larités dans la confection matérielle du prétendu testament., 11e
permettent pas de le considérer comme vrai; elles en font ressortir
la fausseté; elles détruisent l'opinion hasardée des experts, qui
n ’ont pas su les apprécier; elles font du moins sentir la n é c e s s i t é
d ’ une nouvelle vérification; par des personnes que leurs connais
sances spéciales rendent propres à une semblable mission,
�( . 23-7
-</£
L ’écrit dénié n ’est donc pas encore un titre : il reste avec toutes®
ses imperfections. Peti importe q u ’il ne soit combattu que par des
héritiers collatéraux. La dame Y e r n ie t te , qui s’obstine à s’en pré
valoir, n ’est aussi q u ’une héritière collatérale, qui vou dra it, par
la manœuvre la plus criminelle, dépouiller les Bonhours, ses ne
ve u x, de droits non moins sacrésoque les siens.
S ’il n ’y a pas déjà conviction entière de la fausseté du testament,
il y a au moins la plus grande incertitude sur sa sincérité; et cer
tes, l ’enquête à laquelle a fait procéder la dame Yerniette n ’a
aucunement dissipé cette incertitude.
S II*
E xa m en des enquêtes.
A v an t de démontrer que celle de la dame Yerniette n ’est rien
moins que concluante, posons les faits interloqués.
i° L a dame Yerniette et ses filles ont soigné le sieur B r u n , tant
à Paris q u ’à C l e r m o n t , pendant les dernières années de sa vie, dans
les maladies que celui-ci a essuyées, ou à raison de ses infirmités;
2° L e sieur B r u n , voulant venir se fixer à Clermont à la fin de
18 23, invita le sieur Yerniette à le venir chercher à Paris; celui-ci
cédant à cette invitation, se rendit effectivement à Paris, et revint
*à Clermont avec le siaur B r u n , qui depuis, jusqu’à son décès, a
continuellement habité avec les époux Verniette;
3 ° L e sieur B r u n , depuis son arrivée à Clermont jus qu’à son
décès, a reçu de nombreuses visites, et est. allé diner plusieurs fois
chez des personnes avec qui il avait eu d'anciennes relations; d ’ail
leur s, il sortait fréquemment, soit pour se promener, soit pour
voi r ses amis ;
4 ° Il a souvent exprimé à diverses personnes son affection parti
culière et sa reconnaissance pour la dame Y ern ie t te, sa sœur, ainsi
que sa v o lo n té de lu i laisser toute sa fo rtu n e y
5 ° Lorsque son testament eut été fa it , ce testament a été pré
senté à d e s jurisconsultes, pour savoir s’il était régulier;
6° Depuis la date de ce testament, le sieur Brun a déclaré p lu
sieurs f o i s q u ’il avait donné toute sa fortune à la dame Y ern ie tte ,
sa sœur.
Les trois premiers faits, isolés des trois derniers, seraient sans
importance. Les trois derniers ofirent plus de gravité ; car, s’ils
étaient établis, ils prouveraient que le sieur Brun avait voulu
donner sa succession à la dame Yerniette ; q u ’il a déclaré l ’avoir
donnée, et que l ’acte qui renfermait le don avait été soumis à
l'examen de jurisconsultes.
�2
Recherchons maintenant si la preuve offerte par la dame Verniette a etc administrée; et l ’appréciation des témoignages invoqués
nous conduira à un résultat négatif.
C hacun des faits interloqués est complexe ou composé.
L e premier est attesté partiellement. Plusieurs témoins déposent
q u ’à son arrivée de Paris à C le ft n o n t, au commencement de no
vembre 182 3, le sieur Br un vint habiter chez le sieur Verniette ;
q u ’il y demeura ju sq u’à sa m o r t , arrivée en octobre 1824; q u ’il
f ut fréquemment m alade, et q u ’il reçut les soins de la famille
Verniette. Mais la preuve de ces particularités était inutile; elles
n ’ont jamais été désavouées. Il en résulte seulement que, durant la
dernière année de sa vi e, le sieur Br un a logé à Clermont chez la
dame Ve rnie tte , et y a été plus ou moins bien soigné. C e n ’est pas
là seulement ce q u ’ il fallait prouver. L a preuve devait encore s’é
tendre à des soins donnés pendant plusieurs années, tant à Paris
q u ’à C le rm o n t ; et il n’est pas établi, il n ’est pas vrai que la dame
Verniette ou ses filles soient venues à Paris pour soigner le sieur
B r u n dans sa maladie. On en a fait courir le b r u i t ; deux témoins
m êm e, le cinquième et le treizième, semblent en attester la vérité
d ’après des ouï dire; mais ce b r u i t , qui repose sur deux voyages
que la dame Verniette et l ’une de ses filles-auraient faits à Paris, à
deux époques différentes, est démenti par la correspondance même
du sieur Brun.
L a dame Verniette fit un voyage à Paris au commencement de
1 8 2 1 ; elle y séjourna quelque teins dans la maison de son frère.
L e principal m o t if qui T y attira fut moins le désir de voir son
frère, que l’espoir de trouver des ressources pour obtenir la guérison
d ’une maladie dont elle était atteinte. Elle n ’y vint donc pas pour
donner des secours au sieur Brun . C ’est ce q u ’apprennent deux
lettres q u ’ il écrivait les 29 avril et 4 mai 1821. Dans la première,
adressée au sieur V e r n ie t te , il dit : J ’a i f a i t p o u r le m ieu x p o u r
v o u s la renvoyer (la dame Verniette) c m bonne santé et en m eilleu r
état que j e ne l'a i reçue.
L ’ une des filles de la dame Verniette était la filleule du sieur
B r u n ; il voulait la faire venir à Paris. 11 s’eft explique dans une
lettre du 9 février 1823 , écrite au sieur Jarton aîné. « ,1e fais venir
« mon espiègle de filleule Amélie; çà lui fera du b ie n ; c’est l ’àge
« pour faire ce petit voyage, »
C e 11e fut point l'espiègle Amélie qui fit le voya ge , mais bien
mademoiselle A g a t h e , sa sœur, qui vint passer auprès de son oncle,
à Paris, cinq ou six semaines, 11011 pour être garde-malade, mais
�^ :*:> ; ----- -------------------- --------- ----pour j o u i r , sous les auspices cle son oncle, de quelques-uns des
agrémens qu'offre cette ville,
Il est. constant désormais que la dame Verniette ni ses filles ne
sont point allées à Paris pour porter des secours au sieur B r u n ,
pour le soigner dans ses maladies, et q u ’elles ne lui ont donné
de soins que pendant la dernière année de sa vie , q u ’il a passée
à Clermont.
- L e premier fait, gisant en preuve, n ’est donc pas établi, puisque
des diverses circonstances qui le composent, une seule est attestée
par les témoins.
L e second l’ait comprend deux circonstances. L a première est de
savoir si c’est le sieur Brun q u i , de l u i - m è m e , avait pris la réso
lution de venir à Clermont et invité le sieur Verniette à venir le
chercher à Paris : la seconde, si après son arrivée à Clermont il
avait continuellement habité avec les époux Verniette ju s q u ’à
son décès.
L a vérité de cette dernière circonstance n ’a jamais été méconnue
par les Bonhours. 11 ne fallait pas d ’enquête pour l ’établir.
A u contraire, la première circonstance n ’est aucunement jus
tifiée. Plusieurs témoins de l ’enquête directe parlent de l ’invitation
du sieur B r u n , du voyage fait par le sieur Verniette à Pari s, pour
en ramener son beau-frère, niais ils ne disent absolument rien sur
la cause première de cette démarche.
L a dame Verniette désirait attirer et fixer son frire à Clermont.
E n offrant de le recevoir et de le garder au sein de sa famille, elle
avail une arrière-pensée que l ’événement a mise au grand jour.
E l l e était persuadée que le sieur Brun ramènerait avec lui sa
f o r t u n e , qui était toute mobilière. L e m ot if ap par en t, q u ’elle
a vo uait, était de l ’entourer de scs soins; le m oti f réel était de
s’emparer plus aisément d ’une hérédité assez considérable, à l’ex
clusion des autres parens. Elle a travaillé à son projet avec per
sévérance.
E lle avait rencontré pendant quelque lems un assez grand
obstacle dans l’attachement du sieur Brun pour ses habitudes com
merciales. Il ne se rendit à ses sollicitations que quand les attaques
q u ’il éprouvait, devenant plus fréquentes, et ses souffrances aug
mentant chaque jour, il perdit l'espoir de voir rétablir sa
nié, et
senli la nécessité d ’abandonner entièrement son commerce.
Dans une lettre du 26 août i 8 '->.3 , le sieur Brun écrivait à sa
sœur : « T u m ’as déjà dit dans ta lettre du 4 août que ça me ferait
« deux saisons, en parlant sans doute des eaux de Néris et des
�T
v\( vendanges, de p a rtir v ite > p o u r p o u v o ir en p ro fite r, mais as-tu
« réfléchi si je le pouvais.» 11 ajoute, q u ’il eût été trop inquiet d ’a
bandonner une maison q u ’il avait formée depuis 12 ou i S a n s . . . Mon
intention depuis p lu s d'un an , et j e dois te l ’avoir dit 3 a é té de
céd er ma suite d'affaires.
C e langage était tenu à la dame Ve rn iette, en réponse à la lettre
q u ’elle avait écrite le 4 du même mois.
E n septembre 1 8 2 3 , elle écrivait à son frère pour l ’inviter à
venir à C le r in o n t, d ’où ils seraient partis pour ÜNéris, où la dame
Ver niette voulait aller, espérant que les bains lui feraient du
bien. E lle le pressait, beaucoup de v e n ir .......
A i n s i , c’est la daine Verniette qui in v ita it, qui pressait son
frère. Déterminé à se rendre à l ’invitation, il en instruit sa sœur
par sa lettre du 8 octobre 1823.
U n passage de cette lettre est rappelé dans le mémoire de la
dame Verniette. Il apprend que le sieur Brun voulait écrire pour
demander que l’on fit p artir le sieur V erniette sou beau-frère,
mais ([ue M. Jarton ou M. Vauglade lui avait dit que cela était
i n u ti le , puisque Ï\J. Bard avait écr t à ce sujet, en lui marquant
de ne pas perdre de teins. Là se termine la citation imprimée par
la daine Verniette. Elle pourrait laisser croire que c’élait le sieur
B run qui avait demandé de son propre mouvement que le sieur
Verniette vint le chercher à Paris. La suite du passage cité per
suadera le contraire. « Je suis lâché que ça se trouve environ dans
les vendanges, continue le sieur B r u n , cependant puisque vou s
l ’avez offert > je pense que ceia se peut.
Plus de doute désormais que le sieur Brun ne soit venu de Paris
à Clerinont habiter chez sa sœur, que sur l’invita lion et l’offre de
celle-ci et de son époux. Il est prouvé que ce n’est pas lui qui a
pris l'initiative. Il n ’a fait que céder aux sollicitations de sa sœur,
sans se douter des vues q u ’elle avait sur sa fortune , et sans lui
accorder une affection exclusive. L ’amour de son pays natal le
ramenant à C le rinont, il 11e pouvait refuser l ’asile qui lui était
offert.
L e troisième fait interloqué a pour objet de détruire cette asser
tion des intimés , que le sieur Brun était tenu en charte [»rivée.
La preuve faite a-t-elle eu ce résultat? Non sans doute.
Que le sieur Brun ail dîné plusieurs fois chez lesieur Jarton aîné,
qui était 1 ami intime des époux V er n ie tte , ainsi que le déposent
le premier et le second témoin, cela ne prouve pas q u ’il fût libre
�de èes actions. Pour assister à ces dîners il était toujours accompagne
de quelques personnes de la famille Verniettc.
II en était de même lorsque sa santé lui permettait de rendre des
visites, d ’aller à la promenade.
L e quatrième témoin, le sieur Bonna baud , médecin, déclare
que le sieur Brun lui a rendu plusieurs visites sans être accompagné
de personne; mais une foule d ’autres témoins, qui l ’ont vu sortir
plus ou moins fréq uem m ent, soit pour des visites, soit pour la
promenade, l ’ont toujours ou presque toujours vu accompagné,
tant on exerçait sur lui une active surveillance.
L e troisième et le quatrième témoin de l ’enquête contraire par
lent d ’une circonstance où il s’était échappé de chez la dame Vern ie t te , et était venu se réfugier chez eux. Peu de minutes après,
la dame Verniette était chez le sieur Bergougnoux pour ramener
son frère. E lle se plaignit de ce q u ’o’n avait ofïert à celui-ci un
demi-verre de vin et un biscuit pour le fortifier. Elle semblait se
plaindre de ses procédés. Il lui répondit avec un ton de colère :
« Vous meniez, madame, vous prétendez que je vous bats, c'est
« au contraire v o u s q u i me battez. » E n causant, le sieur Brun
avait dit q u ’on le tenait en charte p riv é e, et q u ’il était mal chez
sa sœur. Il témoigna au sieur Bergougnoux la crainte d ’en être mal
accueilli, parce q u ’on l ’avait aâsuré que le témoin avait couru de
la haine pour l u i , et q u ’on lui avait d éfen du de v e n u 'le voir.
L e sieur Brun avait demeuré cinq ou six ans chez le sieur Ber
gougnoux, comme élève en pharmacie. Des liaisons,, d ’amitié en
étaient résultées en tr ’eux. La dame Verniette connaissait ces liai
sons ; elle les redoutait, comme une entrave à l ’accomplissement
de ses desseins sur la fortune de son frere; c est pour cela qu elle se
permit d ’employer la calomnie pour l ’éloigner du sieur Bergou
gnoux, chez qui elle montra tant de mécontentement de le trouver.
Le huitième témoin de la contr’enquête parle d ’ une circonstance
où le sieur Brun était arrive chez lui en l u y a n t , sous le pretexte
q u ’on voulait le faire confesser.
Le neuvième témoin atteste la même circonstance; de plus, il
déclare que plusieurs fois il a vu sortir de chez la dame Verniette
le sieur Brun , ayant l ’air de s échapper.
L e dix-septième témoin de l’enquête directe a vu le sieur Brun
se promener, mais toujours accom pagné de (ju eh ju u n de la maison
Verniette.
L e onzième témoin fait la même déposition ; il ne se rappelle
pas l ’avoir vu sc promener seul.
�(.
2
8
)
De même le douzième témoin.
De même le onzième de l ’enquête contraire.
L e treizième témoin de la contr’enquête était la sœur de lait du
sieur Br un. Elle va chez la daine Verniette pour le voir; les de
moiselles Verniette la refusent; elle insiste; alors elles lui disent de
repasser, que leur mère est absente, et q u e lle s n ont pa s la c l e f de
la cham bre du sieur B r u n .
Le témoin se présente un autre jour : nouveau refus. Elle eut
été éconduite encore cette fois, si le sieur Brun , de sa croisée, ne
l ’eùt aperçue dans la rue, et n ’eut exigé q u ’on lui permît l ’entrée
de sa chambre.
Le quatorzième et le quinzième témoins ont vu le sieur Brun qui
f u y a i t , et la dame Verniette et l’ une de ses filles qui le rejoignaient
et le forçaient brusquement à rentrer.
Les en fans Bonheurs se présentaient-ils pour voir leur oncle, la
dame Verniette et sa famille les repoussaient avec colère. On v o u
lait q u ’il restât isolé. Plusieurs témoins parlent de cette circonstance,
e n t r ’autres le neuvième témoin de la contr’enquête.
C om m en t, après de pareils témoignages, persister a soutenir que
le sieur Br un était libre dans ses actions? O u i , par fois on l ’a vu
seul, rendant quelques visites, ou se promenant; mais alors n’estce pas parce q u ’il avait échappé à ses gardiens, trompant leur v i
gilance? Et quand il ne pouvait mettre cette vigilance en d éfau t,
n ’était-il pas poursuivi par la dame Verniette 011 les personnes de
sa maison, jusques chez les amis ou les connaissances chez lesquels
il se réfugiait, et ramené comme un criminel qui se serait évadé?
N ’a-t-il pas dit lui-même q u 'il était tenu en charte p riv é e?
E t pourtant la dame Verniette ose soutenir q u ’ il était libre dans
sa maison! C ’est assurément là une singulière libert é, dont per
sonne ne voudrait.
L e quatrième fait, gisant en preuve, est que le sieur Brun avait
exprimé à diverses personnes son affection particulière et sa recon
naissance pour la dame Verniette, ainsi que sa volonté de lui laisser
toute sa jo r tu n e .
C e f a i t , qui est complexe, n ’est point é tab li, quant à la der
nière partie, (|ui est la plus impor tante, et qui consiste dans la
manifestation de donner toute sa fortune.
Que le sieur Brun ait toujours eu de l’aflVcliou pour la dame
V e r n ie t te , sa sœur, jamais ou a cherché à dire le contraire. Son
aileclion se reportait sur tous ses parens. La dame Bonheurs y avait
�une part non moins grande que son autre sœur; il aimait les enfans
Bonliours après comme avant la perte de leur mère.
L e dixième témoin de l'enquête directe, M. D e b e r t , juge de
paix , pense q u e , ju s q u ’au décès du sieur B r u n } i l a v é c u dans
la p lu s p a rfa ite a m itié et la m eilleure intelligence avec sa sœur
(la dame Bonliours), son beau-frère et ses enfans. La plus p a tfa it e union régnait, notamment dans cette famille en i8 r 8 ,é p o q u e
du partage de la succession du père.
Le treizième témoin de la contr’enquête atteste cette bon ne in
telligence avec la famille Bonliours. L e sieur Brun témoigna beau
coup de regrets de la perte de la dame Bonliours.
Selon le quatorzième témoin, le sieur Brun partageait son a f
fe c tio n entre ses d e u x sceui's.
Le quinzième dépose que le sieur Brun avait une même affection
pour les Bonliours et les Verniette. Il disait q u ’ils seraient tous
égalem ent ses héritiers.
Mais cette affection est exprimée par le sieur Brun lui-même,
dans des lettres q u ’il écrivait ¡1 sa sœur, la dame Bonliours, et no
tamment .dans une qui est sous la date du 29 novembre 181G. Il
embrasse la mère, les enfans et le mari, q u ’il aime bien , parce
qu i l rend sa sœ ur heureuse.
L e 9 janvier 1821 , il écrivait au sieur Bonliours père une lettre
qui renferme des expressions amicales. Il embrassait de cœ ur le
])èie et les enfans.
U ne autre preuve que la bienveillance de l ’oncle pour scs neveux
n ’avait point changé, c ’est le soin q u ’apportait la dame Verniette
d ’empêcher que les neveux n ’arrivassent jus qu’à l ’oncle.
n ’est
q u ’en forçant la consigne que deux d ’entr’eux étaient parvenus
auprès de lui ; ils en avaient été bien reçus.
II importerait peu q ue, dans deux ou trois circonstances, il les
eut mal accueillis. Une pareille réception s’expliquerait par son
état de souffrance, et encore plus par l ’ompire que la dame Verniette avait acquis sur un homme dont les facultés intellectuelles
étaient affaissées par les douleurs physiques. La dame Verniette
l ’obsédant continuellement voulait qu'il ne songeât q u ’à elle, et
q u ’il oubliât completlemenl les enfans Bonliours, ses neveux. Elle*
avait, d ’autant mieux réussi à le maîtriser et à s’en faire craindre,
q u e , mémo en é t a t 'd e santé, le sieur Brun était d ’ un caractère
f a ib le et tim ide ju s q u ’à la p u silla n im ité. C ’est ce qui est attesté
par le premier témoin de la c o n l r ’enquête prorogée, le sieur blatl.in,
�médecin, qui connaissait la maladie du sieur B r u n , et ses causes,
et avait été à portée d ’apprécier son moral.
On ne désavoue pas non plus que le sieur Brun n ’eùt reçu q u e l
ques bons offices de la dame Vern iette; mais ces bons offices étaient
réciproques. L e sieur B r u n , commerçant, avait des relations assez
fréquentes avec Clerinont : tantôt c’était des commissions de mar
chandises à prendre, tantôt des recouvremens à faire. L a dame
Verniette était dans le commerce; il n’est donc pas étonnant que
son frère correspondit quelquefois avec elle, pour l ’aider dans cer
taines opérations. Dans plusieurs lettres de 1821 et 1 8 2 2 , il lui
reproche sa négligence à faire ses commissions, même à lui répondre.
C er te s, ce n ’est pas là exprimer de la reconnaissance. S ’il en devait,
ce n ’était pas au point d ’absorber toute sa fortune.
Mais avant le prétendu te sta m e n t, avait-il exprimé à diverses
personnes la volonté de laisser toute cette fortune à la dame
Verniette sa sœur? On a vainement essayé d ’établir l ’affirmative.
Il fallait pour cela un plus grand nombre de témoignages que
ceux que la dame Verniette a péniblement recueillis.
C e l u i des sieur et dame Jarton ainé ne se rapporte pas au
quatrième fait^ mais bien à la seconde partie du cinqu ièm e, que
nous désignons comme un sixième fait. Nous l ’apprécierons en son
lieu.
L e sieur B o n n a b a u d , quatrième témoin de l ’enquête directe,
qui était le médecin du sieur B r u n , qui l ’a vu fréquemment , qui
avait sa confiance, ne l ’a jamais entendu parler de ses dispositions
bienveillantes en faveur de sa sœur, la dame Verniette.
U n seul témoin, le douzième, a entendu dire au sieur Br un :
Ce (¡lie j e p o ssè d e , j e le laisserai à ma sœ ur T'' en d ette , à q u i j e
conserve beaucoup de reconnaissance. L ’époque à laquelle ce
propos aurait été tenu n ’est point indiquée. 11 aurait été provoqué
par l ’invitation de se m arier , que le témoin faisait au sieur Br un
en plaisantant.
Ce tt e déposition , comme perdue au milieu de nombreuses
dépositions, n ’est fortifiée par rien. Il est étonnant ([lie le sieur
Pmin , s’il avait eu la volonté de tout donner à la dame Ve rn iette,
n’en eut point fait part à ses anciens amis, tels que le sieur
Bergougnoux , à scs vieilles connaissances, telles que la femme
Meteix.
Il est étonnant sur-tout q u ’il ne l ’eùt manifestée dans aucune
des nombreuses lettres q u ’ il écrivit h. la dame Vern iette, durant
les années 1 8 2 1 , 1 8 2 2 , 182.3, Faire espérer, même entrevoir à
�T ? n
cette sœur le don de toute sa fortune, eût été le meilleur moyen
de vaincre la négligence q u ’elle apportait h faire les commissions
dont il la cha rg ea it, négligence q u ’il lui avait reprochée dans
plusieurs lettres.
Ainsi le quatrième fait reste dénué de preuve.
Lorsque le testament eut été f a i t , la dame Verniette le présenta
à des jurisconsultes, pour savoir s’il était régulier. Tel est le cin
quième lait dont la preuve était offerte.
Deux jurisconsultes honorables ont été appelés en témoignage
sur ce fait.
jVL B i a u z a t , l ’ un d ’e u x , déclare que c’est lui qui a donné le
modèle du testament. Il ne peut se rappeler l ’époque précise à
laquelle on lui fit cette demande, ni la personne par qui elle fut
faite. Il a beaucoup réfléchi à cette dernière circonstance, dont il
sent toute l ’importance; mais la faiblesse de sa mémoire ne lui a
pas permis de se rappeler la personne qui a fait cette démarche
au près de lui. I l penche cependant à croire que c est la -dame
V ern iette elle-m êm e.
Plus t a r d , la même personne ou toute autre , lui présente la
copie du testament, q u ’il trouva conforme au modèle.
I l croit bien que le testament déposé au greffe et q u ’on lui a
représenté est le même.
La déposition de INI. Biauzat n ’a rien de positif., si ce n ’est q u ’il
a fourni le modèle d ’un testament.
Quelle est la personne qui lui avait demandé ce modèle? Il croit
que c ’est la dame Verniette; et il se trompe, d ’après la déclaration
de la dame Bernardin , neuvième témoin, qui affirme que c’est elle
qui a demandé et reçu le modèle du testament. A quelle époque?
M. B iauzat l ’ignore.
Il ignore également quelle est la personne qui lui lui a présenté
la copie du testament pour savoir si elle était conforme au modèle.
Il ne précise pas davantage cette seconde époque. L ’incertitude
q ui a présidé à cette déposition en détruit l'influence.
D ’ailleurs le jurisconsulte dit bien que la copie.du testament
q u ’on lui a présentée était conforme au modèle donné (sans doute
quant à la disposition , mais non quant à la confection matérielle;
car on ne peut penser q u ’ il l’eut tracé avec le même nombre de
lignes). Mais il ne s ’explique nullement sur la validité du testament.
A v an t la mort du sieur Brun aucun autre avocat n’a vu le
testament. La dame Verniette a prétendu q u ’elle l ’avait soumis à
l ’examen de M. Boii'ot oncle, qui lui avait déclaré que ce testa
�ment e'tait fo r t régulier. Elle avait instruit de cette particularité
la dame B e rn a rd in , saconfidente, son amie in t im e , celle qui avait
fait des démarches auprès de Me Biauzat.
L e témoignage de MeBoirot est venu démentir formellement cette
assertion. On connaît toute la loyauté de ce vénérable vieillard. Il
déclare sans hésitation et dans le langage le plus positif, que le
testament ne lu i a é té présenté , ni p a r la dam e V ern iette , ni p a r
personne de sa p a r t, soit avant, soit après le décès du sieur B run.
I l assure n ’avoir ja m a is vu ch ez lu i la dam e K ern iette et ne pas
la connaître.
T o u l ce q u ’on a dit et imprimé pour atténuer l ’effet cle cette
déposition , c ’est q u ’i l paraîtra p eu étonnant que Me Boirot ne se
soit pas rappelé un fait qui remonte à plus de 6 ans.
Nous arrivons au sixième fait interloqué. L a dame V ern ietle
s’était soumise à prouver q ue, depuis la date du testament, le sieur
B r u n avait déclaré p lusieurs f o i s q u ’il avait donné toute sa fo rtu n e
à la dame V er nietle sa sœur.
Des nombreux témoignages invoqués, quels sont ceux desquels
on voudrait faire surgir cette preuve?
On se complaît à rappeler celui du sieur Jarton a în é , qui est
lié d ’amitié avec les époux V e r n i e l t e , et qui déclare que le sieur
Br un lui avait manifesté des intentions bienveillantes pour la clame
V er nielte sa sœur, et qui lui avait d i t , à l ’époque où il fit son tes
t a m e n t, époque q u ’ il ne peut préciser, cjn’il avait e x é c u té ce q u ’il
avait toujours eu Vintention de fa ir e .
Mais tout cela signifie-t-il bien que le sieur Brun avait fait un
testament en faveur de la dame V e r n ie l t e , et lui avait donné son
entière hérédité? L'interprétation la plus large craindrait d'adopter
l ’affirmative. L e sien r Brun avait des intentions bienveillantes pour
la dame Ver niette , comme il en avait pour tous ses parons. Il a dit
q u ’ il avait exécuté ce q u ’il avait toujours eu l ’intention cle faire.
Mais q u ’a-l-il exécuté et eu faveur de q u i ? Il ne le dit point. S ’il
n’a exécuté que ce q u ’ il a toujours eu /’intention de faire, il n’a
point dépouiljé les enfans Bnnhours, ses neveu x, de toute partici
pation à son hérédité 5 ca r, lorsqu’ il écrivait à la dame Bonheurs
sa sœur des lettres qui renfermaient des expressions de la plus
franche amitié; que dans une de ces lettres, sous la date du 29
novembre 1 8 1 ( i , il lui disait : Jem b ra sse la m ère, les enfans et
le m ari que j'a im e b ie n , /Jarcequ' il rend ma santr heu reu se, il
n'avait assurément pas l'intention de frustrer de sa succession elle
et ses enfans. 11 11’avait pas celle int ention, quand il déplorait la
�. ( 33 )
’
V V
mort de cette sœur, q u ’il aim ait ; quand il eut témoigne tous ses ^
regrets au sieur Bonhours son beau-frère; q u ’il lui tenait un langage
affectueux dans une lettre du 9 janvier 1821 ^ q u ’il termina en
embrassant les Bonhours de cœur.
L ’intention q u ’il avait toujours eue était, n ’en doutons pas,
de laisser sa fortune àses deux sœursou à leursenfans. Cette intention
était le vœu de son cœur. Elle était commandée par ses affections.
Q u i osera assurer que ce n ’est pas cette intention q u ’il aura dit
au sieur Jarton aîné avoir réalisée ? L ’acte qui en ferait f0£
n ’apparaît point; mais on sait que la dame Verniette a fait main
mise sur l'intégralité de la succession, sans compte ni mesure
sans aucune espèce d ’inventaire. On pressent dès-lors quel aurait
été le sort d'un acte, qui aurait détruit son projet et anéanti le
testament, q u ’elle a osé produire.
Ai nsi , on ne trouve nulle part la preuve que le sieur Brun ait
déclaré, non p a s plusieurs f o i s , mais une seule fois, q u ’il avait
donn é toute sa fo rtu n e à la dame Verniette.
Le sixième fait reste donc dénué de preuves.
L e résultat de l ’examen et de l ’appréciation des enquêtes n ’est
point favorable au prétendu testament. Il est loin d ’en corroborer
V e x iste n c e . Il le la isso sous le poids de tous les vices q u ’on lui
reproche. La preuve offerte n ’est point administrée. N o n , il n ’est
pas prouvé que la dame Verniette et l ’une de ses filles soient allées
à Paris pour porter secours au sieur Brun dans ses maladies. Il n ’est
pas prouvé q u ’il eut, par initiative, invité le sieur Verniette a venir
le chercher à Paris pour le conduire à Clermont. Il est pr ouvé, au
con tr aire , que c ’était la dame Verniette qui l ’avait pressé de se
retirer à Clermont et de prendre chez elle un logement, offrant de
lui envoyer son mari pour l ’accompagner dans le voyage. Il n ’est
pas prouvé que le sieur Brun avait pour sa sœur, la dame Verniette
une affection exclusive, mais il est prouvé que la dame Bonhours
et ses en fans avaient part à cette affection.
II n ’est pas prouvé q u ’il jouissait de la plus grande liberté chez
la dame V er nietle ; mais il est prouvé q u ’il était gêné dans ses
actions; q u ’il était soumis à une active surveillance et tenu souvent
en charte privée.
Il n ’est pas prouvé q u ’il ait annoncé plusieurs fois le projet de
faire à la dame Verniette don de toute sa fortune, ni q u ’il ait dit
à plusieurs personnes q u ’il avait réalisé ce projet par un testament
ou par tout autre acte.
�r
_
•
( 34 )
Ja reconnaissance rlu sieur Br un et le don de toute sa fortu ne,
restent encore à établir, malgré l'interprétation favorable q u ’elle
s’est étudiée à prêter aux dépositions de certains témoins.
Que si les témoignages invoqués par la dame Verniette n ’ont
poi nt corroboré V existen ce du testament qu'elle prod uit, on peut
dire au contraire que plusieurs dépositions de la contr’enquête le
signalent comme un acte informe, irrégulier, comme un mensonge
que l ’on a osé présenter pour la vérité.
E n effet, il a suffi à MM. Costes, juge de paix, Rozier, greffier,
C u l h a t , géomètre, et B o i r o t , oncle et neve u, avocats, de voir
le testament, pour être frappés de ses irrégularités matérielles, et
pour manifester l ’opinion q u ’ils ne le croyaient pas sincère.
E t cependant les deux premiers avaient ainsi condamné ce tes
ta m ent, avant d ’être instruits de la démence dont avait été frappé
le sieur Brun.
s ni.
In c a p a c ité du sieur B run.
Pour faire un testament il faut jouir de ses facultés intellec
tuelles et avoir toute sa raison. Il faut aussi que la volonté du
testateur soit exprimée avec une entière liberté; q u ’elle ne soit
influencée, ni par la crainte, ni par la violence, ni par aucune
suggestion étrangère. Alors il y a capacité légale, autrement cette
capacité n ’existe pas.
Si nous supposons maintenant que le testament attribué au sieur
Brun est écrit de sa m a i n , il nous reste à rechercher si à la date
que porte le testament, le testateur avait la jouissance de scs facultés
morales, l ’exercice de sa raison, e t , en admettant l'affirmative,
s’il avait librement exprimé sa volonté.
Il n ’avait pas sa raison : de nom bi eux élémens concourent à le
démontrer. Il est certain q u ’avant de se retirer à C l e r m o n l , il avait
eu à Paris plusieurs atta qu es , qui avaient porté atteinte à sou
moral et le privaient de tems en teins de sa raison. T1 dit lui-même,
dans une de ses lettres, q u ’il perd la mémoire. Dans une a u t re,
sous la date du i ?. septembre i 8 a 3 , il se plaint d ’avoir un assou
pissement tous les soirs, de pleurer souvent de faiblesse, et d ’é
prouver un accès de jour à autre.
Le sieur Bergougnhoux père , troisième témoin de la contr euquêUî , alla voir le sieur B iu n à Paris, environ un mois avant que
celui-ci se retirât a (deiinont. «Je le trouvai , dit ce témoin , dans
« un état de démence piesqu’absolu ; il divaguait et ne répondait
« exactement à aucune de mes questions. Ses réponses, faisaient
�« rire deux domestiques à la garde desquels il était abandonné.
<. Je sortis de chez lui fort affligé de son état. » C ’est le lendemain
que le sieur Bergougnhoux, rencontrant le sieur Jarton aîné, l ’in
vita à prévenir ,1a famille du fâcheux état dans lequel était tombé
le sieur Brun. Il écrivit pour le même sujet à la dame Bergou
gnhoux son épouse.
Selon le septième témoin, le sieur Brun passait dans le voisinage
pour être tombé dans un état de démence. Il faisait, dit-on, des
extravagances. L a femme Ramade dit un jour au témoin que le
sieur Brun avait mis le f e u à de la paille dans l ’escalier de la
maison qu'il ha bita it, et q u ’on la v a it trouvé se chauffant à ce
fo y e r .
L e huitième témoin parle du bruit qui s'était répandu que le
sieur Brun avait perdu la tête, q u ’il faisait des extravagances. II
raconte que s’étant un jour échappé, il était venu se réfugier chez
le témoin et cherchait à s’y cacher. Ou lui a dit que le sieur Brun
était enfermé dans sa chambre par les personnes de la maison , dans
la crainte q u ’il ne s’échappât.
L e neuvième témoin rappelle le même fait.
Selon le quatorzième témoiu , 011 racontait que le sieur Brun
avait perdu la tête à Paris.
Le sieur B lati n , médecin connaissait les causes de la maladie du
sieur Brun . Il n ’a pas dù les révéler. Elles n ’ont pas peu contribué,
sans d oute, à le faire tomber dans l ’état d'aliénation mentale qui
parait avoir précédé sa mort. Il était aussi d ’une grande douceur
de caractère.
Ces témoignages géminés sont sans doutesuiiisans pour démon trer
([île le §ieur Brun était atteint de démence, même avant de quitter
Paris.
*
Mais la vérité q u ’ils proclament apparaît encore dans un plus
grand jou r, si l’on considère la confection matérielle du testament
et les circonstances dans lesquelles il est intervenu.
L e lecteur n ’a pas perdu de vue que le sieur Brun avait la
prétention de bien écrire, et q u ’en eftet il écrivait assez correcte
ment. Comm ent comprendre alors q u ’il e û t , avec discernement,
jeté sur une feuille dp papier quelques lignes inégales pour disposer
de toute son hérédité; q u ’il eut surchargé plusieurs mots, tandis
que d ’autres seraient traces nett em ent; q u ’il eût fait dans les
mots testament et vingt des fautes grossières d ’orthographe; q u ’il
eût. fait suivre sa signature patroniinique du prénom Michel, qu on
ne voit , nulle autre p a r t , accompagner sa signature.
�Non; il n ’aurait pas laissé subsister cet écrit informe sans
démentir son caractèr e, son amour-propre. Il l ’aurait recopié. Il
en avait eu la facilité, le teins, pu isq u’il a survécu près d ’un an
à la date de l ’écrit.
D ’ailleurs, on ne peut guère supposer que le sieur B r u n , qui
avait l ’intelligence des affaires, eût eu besoin d ’ un modèle pour faire
son testament olographe, ou bien s’il n ’avait pu lui-même rédiger
ses dernièies volontés, il se serait adressé à un notaire pour le
charger de ce soin.
Les précautions que l ’on a prises pour se procurer une feuille de
papier timbré et pour effacer l ’empreinte de la griffe qui aurait in
diqué le nom du fonctionnaire public, par qui cette feuille avait été
fournie, sont aussi un indice de fraude. On redoute la lumière. On met
à contribution la complaisance de certaines personnes. C ’est le sieur
G i l l e t , septième témoin de l ’enquête directe, qui est venu déclarer
q u e , sur l ’invitation de la dame Vern iette, il alla chercher chez
M e Roddier ou chez M. Bonnefoi ou chez Me Bergier , notaire, une
feuille ou demi-feuille de papier. Puis il ne peut préciser si c ’est
le mari ou la femme Verniette qui lui a fait l ’in vi tation , q uoi
q u ’ il ait d ’abord dit que c ’est la femme. Il ajoute q u ’il ne peut se
rappeler non plus si c’est lui ou l ’ un de ses ouvriers, qui serait allé
chercher ce papier, quoique d ’abord i l eût dit que c était lui-m êm e.
L a singularité de cette déposition est frappante.
C ’est la dame Bernardin, neuvième témoin, qui serait allée chez
M e Bi auzat demander le modèle du testament.
Mais ni la dame Bernardin, ni aucun autre témoi n, n ’ont vu le
sieur Br un copier ce modèle. Il n ’a dit à personne q u ’il eût fait un
testament olographe. Cette clandestinité est inexplicable. L e sieur
Brun n ’aurait eu aucune raison de s’y tenir. Il était maître de sa
fortune. Il n ’eut pas craint de manifester par un acte aussi positif
la prédilection exclusive dont la dame Verniette se dit l ’objet.
Qu e si l ’on admet que le testament est vraiment écrit par le
sieur B r u n , et que le testateur savait ce q u ’il faisait, ce testament
ne resterait pas moins vicié d ’ une nullité radicale, comme n ’étant
pas l ’expression d ’ une volonté libre.
E n effet, quand on a lu les enquêtes, 011 ne peut révoquer en
doute que le sieur Br un 11e fut tenu en charte privée. Il l ’a
dit lui-même au sieur Bergougnhoux. Plusieurs autres témoins
l ’attestent, et notamment le treizième à qui les demoiselles
Verniette répondirent, un jour q u ’elle insistait pour voir le sieur
�B run son frère de lait, qu*elles n avaient pas La c l e f de la chambre,
et que leur mère était absente.
La dame V er n ie tte , que l ’on dit douée d ’un caractère ferme
ju s q u ’à la rudesse, maîtrisait complètement son frère par la crainte
q u ’elle lui inspirait. ( O n a même vu q u ’il se plaignait d ’en être
b a t t u ) . Cette domination avait'été facile à acquérir par suite du.
caractère doux et timide du sieur Bru n, caractère que les souffrances
avaient achevé de rendre pusillanime.
Dans cet état m ora l, obsédé continuellement par la crainte que
lui inspirait son ty ra n , il ne pouvait exprimer de volonté.libre sur
le don de sa fortune. Aussi toutes les démarches qui ont facilité
le prétendu testament, sont-elles laites par la dame Verniette ou
par son ordre. Il semblerait q u ’elle dirigea la main qui l ’écrivait.
C ’est elle qui l ’avait en son pouvoir, et qui en f it , contre l ’usage,
la remise à un notaire.
T o u t , comme on le voi t, s’est passé à l ’égard de cet acte, d ’une
manière insolite, extraordinaire.
Ma inte na nt, q u e , selon M. Tou llier, un testament olographe
soit p lu s fa v o ra b le que le testament reçu p a r des notaires; que la
présom ption de sagesse soit toute entière en fa v e u r du testateur
<jui p ren d le soin d ’écrire ses dernières v o lo n tés, nous ne con
testons point cette doctrine; mais nous soutenons q u ’elle ne peut
recevoir d ’application à l ’espèce, parce que l ’écriture et la signature
ne sont point reconnues par les héritiers naturels q u i , au con
traire, en dénient formellement la sincérité; parce que la présomp
tion de sagesse, en faveur du testateur, disparaît devant le double
fait d ’aliénation et de charte privée.
Lorsque tant et de si graves circonstances s’élèvent contre la
sincérité du testament a t t a q u é , quelle confiance pourrait lui
accorder la justice? A h ! sans doute, si la C o u r , dans son amour
ardent pour la justice, ne frappe point immédiatement de sa répro
bation celte œuvre de fausseté et de déception, c’est que les intimés,
jaloux eux-mêmes de voir briller la vé r it é , n ’ont point formé
d ’appel incident pour amener une décision sur le fond, et q u ’ils
se sont bornés à demander la confirmation du jugement qui ordonne
une nouvelle vérification.
F O U L H O U X , A v o ca t.
MA RIE., L ice n cié -A v o u é .
R I OM ,
de
l ’i MPRIMERIE
De
salles
fils
.
SA»
�PÁ.
r
'
T
T
T
* “ * a ‘- " * * i r 4 '“ ■
—
U H '.p J -^
/W .
w=>y«»ijiii'«it
O'*** « ^ " « * J r .
yuJL*!
* y * >*
<S <»»■* **
^V U IJ u iw
/V3« ^ ^ U í ¿ ^ ^U ,r o»C
^ “ v r
*< *• f » | i y « ÿ ^ i
^ o
!
t i« «
< V M i> i
c ftA A * 4 0 «A /
{ %
H
t p
ay^'U,
x
,
< A A ^- t
«~ ^
< M < A ii^ u iJ u » «
f l w « a ■
Jt~ (aa
*w^iy'—?*>-----
a —
C & ^ M u Ü rÜ . '/ * ' **i *4 w * Ä « J
( A
^ U
U
CH~ t*^i.
r ---------
¿
»» Ca<
sy^-
i
^
/
< A JJ
.
«
i ^ u \ 'o-*— v q ^ ä « c^«- m o
fft»—i«
1f m m K
^ U 1 «m a*
J
-* A * < ^ V O » t X A .
CttfT^ g^/ltAjiM^
¿í
CJlfr /ob(c.^Á
c£t*i
M
^
^otAiÄVKc^
_
lu tM ü x.you t-^ jj|cu
^(m^uIít Oí«í»¿«» i
t* A
^
u—j<
^
4 ^
Cï*»~*f (MMuOkrcL. tra^K^
cL
t!k« ^uuttu ^Auou« «uy¿<jy»<^t~^‘
fl^tm
*’
«
^ ~ r-
7
~
- ¿
ta s ^ ^ ^ p
o iy - r
7 ,/l‘' '
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Bonhours, Annet. 1831?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Foulhoux
Marie
Subject
The topic of the resource
successions
testament olographe
testaments
infirmes
conseils de famille
experts
faux en écriture
expertises graphologiques
signatures
témoins
démence
médecine légale
affection fraternelle
charte privée
abus de faiblesse
procuration
notaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour les sieurs Annet et Michel Bonhours, dame Anne Bonhours et le sieur Jean-Baptiste Celme, son mari, et le sieur Louis Bonhours, tuteur légal de ses enfans mineurs, tous propriétaires, habitans la ville de Montferrand, Intimés ; contre dame Antoinette Brun, veuve en premières noces du sieur Guillaume Bujadoux, et sieur Joseph Verniette, son second mari, marchands, demeurant en la ville de Clermont, Appelans.
Annotations manuscrites.
« 19 mai 1931, 1ére chambre… Déclare le testament du sieur Michel Brun, du 20 octobre 1823, vrai et valable. »
Table Godemel :
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1802-1831
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2718
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2717
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53555/BCU_Factums_G2718.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
affection fraternelle
charte privée
conseils de famille
démence
expertises graphologiques
experts
faux en écriture
infirmes
médecine légale
notaires
procuration
signatures
Successions
témoins
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53554/BCU_Factums_G2717.pdf
8acb8c5aae0e52452e0bc041e6564460
PDF Text
Text
COUR ROYALE■
:
MÉMOIRE
DE RIOiM;
Dame
A n to inette
du sieur
B R U N ,
G u illa u m e
V E RNIETTE,
ve u ve, en premières noces,
B U J A D O U X ,
et sieur
J oseph
son second m ar i, marchands, ha-
b it a ns de la ville de C l e r m o n t , appelans ;
CONTRE
L e s sieurs A
n e
nt
et
M ic h e l
B O N H O U R S , dame
B O N H O U R S et sieur J e a n - B a p t i s t e
C E L M E son m ari, et le sieu r Lo u is B O N H O U R S ,
A n ne
tuteur lég a l de ses enfans m ineurs, tous proprié
taires, habitans de Clerm ont, partie de Montf errand,
Intimés.
P
armi
■- J
I re
•
les droits accordés par la loi civile à l ’homme
social, un des plus respectables est celui de trans
mettre son patrimoine à un héritier de son choix.
C hez tous les peuples, les législateurs ont protégé
l ’exercice de ce droit sacré qui nous f a i t , en quelque
sorte, revivre dans la personne dont les affections et
il |
'■
»!
'
POUR
M1
CHAMBRE.
f:
�les services ont mérité un dernier témoignage de nos
souvenirs et de notre reconnaissance.
Mais il est rare que les efforts de l ’intérêt privé ne
cherchent pas à. anéantir les dernières volontés d ’ un
testateur. Pou r tâcher d ’y parvenir, les collatéraux ne
manque nt pas de prétextes-, l ’homme q u ’ils ont oublié
pendant sa vie leur parait inju ste, s i, à sa m o rt, il les
oublie lui- même, s’il gratifie ceux q u i , dans tous les
instans de sa vie , lui ont consacré leurs soins, et q u i ,
pour embellir son existepce ou la soulager dans les
tristes années d ’une vieillesse infirme, n ’ont épargné ni
voyages, ni veilles, ni dépenses.
C ette cause présente un nouvel exemple de ces ten
tatives hasardées, contre sa propre conviction, par l ’es
prit de cupidité qui se laisse bercer de l ’espoir q u ’il
de vra , peut-être à l ’err eu r,
justice éclairée l u i refuserait.
une hérédité q u ’une
L e sieur B run a légué, par un testament olographe,
toute sa fortune à la dame V e r n ie t t e , sa sœur.
T o u t devait faire prévoir cette disposition.
U n e amitié toute particulière unissait le frère et la
sœur ;
C e l l e - c i avait recueilli dans sa maison un frère
infir me, qui avait quitté Paris pour être entouré des
secours d ’une sœur chérie. L à lui avaient été prodigués
les soins les plus m in u t ie u x , et tous les soulagemens
que des infirmités peuvent trouver dans les ressources
de l ’a r t , dans les attentions délicates des sentimens
fraternels;
11 ne voyait jamais les enfans Bonhours, qui sont
�ses neveux, il est vrai, mais dont il disait avoir depuis
long-tems à se plaindre.
L e sieur Brun a tracé, dans l ’écrit qui contient ses
de rnières volontés, des dispositions que son cœur lui
avait dictées; et son testament est tout à-la-fois un
monument d ’affection fraternelle et de gratitude.
Co mm en t pourrait-il être sérieusement critiqué?
Aussi dans l ’embarras où ils se tr ouv en t, les enfans
Bonhours qui attaquent le te st am en t, tantôt sou
tiennent q u ’il n ’est pas l ’oeuvre de la main du défu n t,
tantôt prétendent q u ’il n’est pas celle d ’un esprit sain
et intelligent; n'hésitant pas ainsi, pour se procurer
un succès illégitime, ou à accuser d ’ un faux la dame
Verniette, leur ta n te, ou à flétrir, par la supposition
de la démence, la mémoire de l ’oncle dont ils veulent
envahir la fortune.
Ces argumens, qui se détruisent l ’ un l ’autre par
une choquante contradiction, en les isolant même,
seront faciles à combattre.
^
Déjà une vérification par experts a fait justice de
l ’une de ces déplorables objections.
U n e preuve par témoins, en réduisant l ’autre à sa
vraie valeur, démontrera aussi qu'une volonté cons
tante et éclairée avait préparé, et a consommé les
bienfaits que le testateur s’est plu à répandre sur une
sœur q u ’il chérissait spécialement.
FAITS.
L e sieur Michel B r u n , dont le testa men t a donné
�lieu au procès, avait habité Paris pendant trente ans
environ.
D u r a n t cette longue absence, il n ’avait conservé de
relations intimes q u ’avec la dame Antoinette Brun sa
sœ ¡r, épouse du sieur Verniette, négociant à Glermont.
Il avait cependant une autre sœur, la dame Mich lie
B r u n , qui demeurait à Montferrand, où elle s’était
mariée avec le sieur Bonhours; mais les rapports du
sieur Brun avec cette sœur et avec l^-s Bonhours étaient
nuls ou peu agréables; il éprouvait même pour eux
une sorte d ’éloignement dont il est inutile de recher
cher les causes, mais q u ’il a manifesté dans plusieurs
circonstances.
Au contraire, il avait toujours existé entre lui et la
dame Yer niette une amitié v i v e , q u ’avait entretenue
un échange mutu el de soins, de services et d ’attentions,
et qui engageait le sieur B r u n à faire de tems en teins
■des voyages à C le :m o n t pour revoir sa sœur et pour
passer quelques semaines auprès d ’elle.
Dès 1802, il avait entrepris la commission à Paris-,
et souvent il envoyait à Glermont des marchandises de
diverses sortes. Sa sœur Antoinette lui procurait des
demandes 5 il la chargeait aussi de ses recouvremens.
Ces rapports d ’affaires ajoutaient à leur i n t im it é , et
line correspondance suivie existait entr’eux.
C ett e correspondance est établie par une foule de
lettres qui attestent aussi les sentimens affectueux du
frère envers la sœur; elle n ’a cessé q u ’en octobre 1823,
au moment oii le sieur Br un a quitté Paris pour venir
�habiter auprès et dans la maison même de la dame '
Verniette.
E n i 8 o 5 , il désira être parrain d ’une fille de sa sœur,
alors épouse du sieur Bujadoux; il fit , dans ce b u t , le
voyage de C le r m o n t , logea chez sa sœur, et passa deux
mois auprès d ’elle, sans autre table que la sienne.
E n 1809, il voulut goûter les plaisirs des vendanges
auprès de sa sœur; il occupa chez elle les mêmes appartemens que dans ses précédens voyages, fut traité de
la même manière, et ne la q u i t t a , elle et sa famille,
q u ’avec regret, lorsque ses affaires ne lui permirent
plus de prolonger son séjour. C e fut dans cette circons
tance, que le frère et la sœur se donnèrent réciproque
ment leur portrait.
.
Il serait superflu de parler des différens autres
voyages. Mais 011 ne doit pas passer sous silence celui
que fitle si eurB run, en 1 8 1 7 , q u ’avait rendu nécessaire
la mort de son père, et lors duquel eut lieu le partage
des biens de la famille.
Ces biens étaient situés à Montferrand , ce qui obli
geait M. Brun de se rendre fréquemment dans cette
ville où demeuraient les Bonhours. Cependant jamais
il n ’a couché chez eux; et lorsqu’il s'était vu dans la
nécessité de passer la journée à Montferrand, le soir il
revenait chez sa sœur Antoinette Brun, à Clermont.
L e sieur Brun avait souvent pressé la dame Verniette
de venir le voir à Paris. C elle -c i, mère de famille et
mar chande, n ’avait pu se rendre a son invitation.
Mai s, en février 18 22 , elle apprend que son frère
est malade. Alors l ’affection re m po rte , elle abandonne
�( 6 )
son ménage, son commerce, et va passer auprès de son
frère deux mois q u ’elle consacre à l ’entourer de ses
services. Ce n ’est que lorsqu’elle l ’a rendu à la santé,
q u ’elle quitte Paris pour revenir auprès de sa famille.
Cependant
plusieurs banqueroutes éprouvées par
le sieur Br un pendant l ’année 1 8 2 2 , lui causent des
chagrins qui bientôt altèrent encore sa santé-, des soins
cons'ans lui deviennent nécessaires. Il sent le besoin
de ne pas être livré à. des services mercenaires , e t ,
par une lettre écriteMe 9 février 1823 au sieur Jarton
aînéj marchand à Clermont^ il le prie de déterminer
une des filles de la dame Ve rnie tte , la demoiselle
Amélie Bujadoux sa filleule, à se rendre auprès de lui.
C elle -ci,
qui entrait alors comme novice dans la
communauté des Urs ulines , ne put se rendre auprès
de son oncle; mais elle fut remplacée par sa sœur ainée,
la demoiselle Agathe Bujadoux, q u i a prodigué pendant
plusieurs mois au sieur B r u n tous les services que son
état pouvait exiger.
Indisposée elle-même, et voyant son oncle en conva
lescence ,
la demoiselle Agathe revint auprès de sa
mère en juillet 1823.
L e sieur B run resta encore plusieurs mois à Pari s;
mais sa santé étant chancelante, et ses infirmités p a
raissant s’accroître, il vo ulut quitter les affaires et
venir se fixer à Clermont auprès de sa sœur.
A lo rs , pour se conformer aux désirs prcssans q u ’il
manifesta par plusieurs lettres écrites en octobre 1823,
le sieur Ve rniette son beau-frère alla le chercher.
A v an t de q uit te r Paris, il mit dans ses affaires lo
�( 7 )
'ìS V
plus grand ordre; il résilia le bail de son logement,
régla ses comptes avec ses commis, donna sa procuration
à un notaire de Paris, acheta une v o i tu r e , fit marché
avec un voiturier de Marvejols, et, voyageant à petites
journées, arriva à Clermont le 2 novembre, accom
pagné de son beau-frère Y e r n ie t te , chez lequel il alla
loger, suivant son usage,N.et dans la maison duquel il
est resté jusqu’à son décès.
Les jours qui suivirent l ’arrivée du sieur B run
furent employés par lui à rendre des visites à ses amis,
à régler différens comptes avec ses commettans, et à
quelques autres affaires.
L e i 5 novembre, il acheta divers objets à son usage;
le 1 7 , il acquitta de sa propre main une facture du
sieur Leg oy t et en signa l ’acquit (1).
L e 20 novembre, il fit le testament olographe, dont
les enfans Bonhours demandent la nullité.
C e testament est court; mais il contient tout ce qui
est nécessaire pour sa validité. L e içodèle en avait été
demandé à un jurisconsulte de Clermont. En voici les
termes :
« Ceci est mon testament^: »
« J’institue
mon
« Antoinette Br un.
héritière
universelle
ma sœur
A C le n n o n t-F erran d , le vingt
h novembre mil huit cent vingt-trois.
Signe Brun
« Michel. »
Depuis comme avant ce testament, le sieur Br un
a continué de sortir, le plus souvent seul; de visiter
(1) On rapporte cette facture et son acquit.
'
*
�ses amis; de diner chez eux ; de vaquer librement à
ses différentes affaires; enfin d ’agir et de parler comme
un homme qui jouit de toutes ses facultés morales.
Il donna notamme nt, le 4 février 1824? au sieur
Verniette une procuration qui fut reçue par le sieur
A s t a i x , notaire à C le r m o n t ,
et qui autorisait son
fondé de pouvoirs à traiter avee un sieur M alhie r ,
dont il avait été l ’associé à Paris.
C ’est seulement peu de mois avant sa m o r t , que,
son mal s’aggravant, il a cessé de sortir de la maison
de la dame V e r n ie t t e , où il occupait l ’appartement le
plus commode.
L e sieur Brun est décédé le 20 octobre 1824, laissant
à la dame Verniette une fortune modique , il est v r a i ,
mais précieuse pour elle, comme un gage del à tendresse
de son frère.
Telle est l ’analyse fidèle des faits qui ont précédé la
contestation actuelle.
L e testament fut présenté le 3 o octobre p a r M ' F a b r e /
notaire à Cle rm ont, au président du tribunal civil, L a
description en fut faite, et le dépôt ordonné entre les
mains du même notaire^, e t , par une ordonnance du
3 décembre su iv ant, la dame Verniette fut envoyée
en possession des biens de l ’ hérédité.
Cependant la famille Bonhours annonce bientôt des
projets hostiles.
L e i 5 janvier 1825, un conseil de famille est réuni
pour en obtenir une autorisation afin d ’agir en partage
de la succession de l ’oncle.
C e conseil de famille, dans la délibération d u q u e l il
�(
9
)
n ’est pas parlé du testament olographe, autorise l ’ac
tion en partage, quoique l ’un des parens, un oncle
maternel, refuse son consentement, la demande ne lui
paraissant pas fondée.
Alors, et par exploit du 4 février 1825, fut intro
duite l ’instance.
L a dame Verniette fit notifier le testament.
Les enfans Bonhours déclarèrent n ’en pas connaître
l ’écriture et la signature, et formèrent opposition à
l ’ordonnance d ’envoi en possession. Us alléguèrent aussi
que le sieur Brun ét ait, bien long-tems avant la date
du testament, dans un état d ’imbécillité et de démence,
qui ne lui aurait pas permis d ’exercer une volonté libre
et éclairée.
U n ju gem ent, du 3 décembre 182!}, ordonna une
vérification,
Imberl
et
ancien
nomma,
avoué,
pour experts,
Bonjour et
Cavy,
les
sieurs
tous les.
deux notaires l ’un aux Martres-de-Veyre , l ’autre à
Clermont.
L e choix de ces trois experts,
aussi habiles que
prudens, semblait devoir offrir la plus forte garantie
aux inquiétudes des parties et à la sollicitude de la
justice. O11 verra cependant q u ’ il n ’en a pas été jugé
ainsi.
Cependant des pièces de comparaison furent pré
sentées; les unes étaient authentiques, les autres sous
seing-privé.
Parmi les pièces autlientiques, la seule qui fut ré
cente, était la procuration du 4 février 1824, dont
nous avons déjà parlé, comme postérieure au testa
�ment.
C ett e
pièce
fut
présentée
par
les
enfans
Bonhours.
Les actes sous seing-privé consistaient principalement
en lettres écrites à diverses époques par le sieur Br un.
Les enfans Bonhours en présentèrent quatre dont
les dates étaient anciennes; la plus récente était an
térieure de près de quatre années au décès du sieur
Brun.
L a dame Yerniette consentit à les admettre pour
pièces de comparaison, mais à condition q u ’on a d
mettrait aussi beaucoup de lettres q u ’elle produisit
elle-même, et sur-tout celles qui étaient les plus rap
prochées de l ’époque du testament.
Il en fut autrement. Les plus rapprochées, c ’est-àdire les plus propres k éclairer les experts et la justice
furent rejetées par les Bonhours, qui ne pouvaient se
dissimuler le d a n g e r , p o u r e u x , de la comparaison de
ces écrits récens avec l ’écriture du testament.
Cependant les experts procèdent à la vérification
qui leur était confiée.
Dans leur procès-verbal ils transcrivent les dires des
parties. C eux des époux Verniet te rappellent en subs
tance les faits que nous venons d ’exposer, et la preuve
en est offerte.
Il est ajouté q u e , « s’il existe quelque différence
« entre les écritures et signatures du sieur Brun , cela
« ne peut provenir que des attaques et des maladies
« q u ’il a éprouvées; ce qui est établi dans différentes
« lettres q u ’ il a écrites à plusieurs personnes, dans
« lesquelles il leur dit q u ’il a la main tremblante, et
�(
11
)
« q u ’il n ’écrit q u ’avec beaucoup de peine et de diffi« culté. »
A l ’appui de leurs observations, les époux Vernielte
présentent aux experts plusieurs lettres et une facture
acquittée par le d é f u n t , trois jours avant la date du
testament.
Mais les experts-vérificateurs ne crurent pas devoir
faire usage de ces nouvelles pièces; et se fixant seule
ment sur les pièces adoptées dans le procès-verbal du
commissaire, les rapprochant de la pièce désignée, se
liv ra nt, d ’abord chacun à part soi, à l ’examen le plus
scrupuleux,
s étant ensuite com m uniqué leurs ré
f le x i o n s , ils s ’exprim ent ainsi :
« Nous avons remarqué que la physionomie qui
« résulte de l ’assemblage des caractères du testament
« s’éloigne de celle q u ’offre la contexture des onze
« lettres missives co m p ar ées.' C e p en d an t, en descen« dant dans les détails de la comparaison, on est
« obligé dé reconnaître que la conform ation de beau« coup de mots entiers et de chaque ca ra ctère, pris
« isolément de la pièce indiquée, est très-ressemblante
« à celle des mots semblables et des caractères isolés
« des lettres missives; et q u ’ainsi la différence de phy« sionornie des caractères paraît provenir de ce que
« celle de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur
« et d iffic u lté , tandis que celle des lettres missives
« annonce une plus grande facilité d ’exécution. »
Cet te explica Lion des experts paraîtra foit naturelle^
si l ’on considère que la plupart des lettres missives
étalonL anciennes, et q u ’elles étaient loutes antérieures
�aux attaques et aux maladies qui avaient causé à la
main du sieur B run cette pesanteur et cette difficulté
d ’exécution dont parlent les experts.
Ces hommes de l ’art eussent trouvé plus d ’identité
dans la physionomie, s’ils eussent pu employer, comme
pièces de comparaison, des lettres plus récentes, et
l ’acquit
écrit de la main du sieur Brun l u i - m ê m e ,
le 17 novembre 1 8 23, sur une facture due par le sieur
Lego yt .
Les experts considèrent ensuite les actes aut he n
tiques qui ne leur présentaient que des signatures
isolées et déjà anciennes. L e jplus grand nombre de
ces signatures remontaient à l ’an 1 2 , à l ’an i 3 *et à
l ’an 14 (1804? i 8 o 5 , 18 0 6 ) ; quelques-unes à 1 8 1 8 ;
une seule au 4 février 1 8 2 4 , c ’est-à-dire à une époque
rapprochée de celle du testament , qui est du 20
novembre mil h u it cent vingt-trois.
Les anciennes
signatures
paraissent aux
experts
présenter peu de similitude avec celle de la pièce déniée.
Mais la signature de la procuration reçue A s t a i x ,
notaire, le 4 février 1 8 2 4 , frappe particulièrement
leur attention.
« E lle s’éloigne,
disent-ils,
du caractère de la
« signature ordinaire du sieur B r u n ; mais 011 ne peut
« se refuser à lui trouver une grande ressemblance
« avec celle du testament; et les experts ne doutent
« pas qu e lles aient é té produites toutes d e u x p a r la
« même main. »'
Quo i de plus décisif q u ’ une telle opinion, fondée sur
un acte a u t h e n t i q u e q u ’avaient présenté les Bonh ou rs
�( i3 )
eux-mêmes comme pièce (le cQmparaison, et qui a été
fait presqu’à l ’époque tlu testament, c ’est-à-dire dans
un tems où le testateur était dans le même état p h y
sique, et éprouvait, pour écrire, la même pesanteur
de la main et la même difficulté d ’exécution, effet des
maladies q u ’il avait essuyées.
Les experts descendent ensuite dans des recherches
soigneuses sur la conformation de chaque lettr e, soit
du testament, soit de la.signature; et, comparant cette
conformation* à celle des lettres de la signature de la
procuration et même des caractères et des mots sem
blables q u ’ils aperçoivent dans les lettres missives, ils
démontrent que la même main a dù tracer ces différens
écrits.
Nous ne les suivrons pas dans des détails q u ’il serait
trop long même d ’analyser, mais qui prouvent avec
quelle exactitude, avec quel scrupule les experts se sont
acquittés du mandat que leur avait donné la justice.
Nous nous bornerons à transcrire le résumé de leur
avis. Il est ainsi conçu :
n
« Par suite de l ’examen et des observations qui
« précèdent, les experts ont formé leur opinion et
« déclaré, à Vunanim ité, q u ’il demeure évident pour
« eux que l ’acte soumis à leur vérification a etc écrit
« et signé de la même main qui a tracé les caractères
« de comparaison. »
L e résultat d ’ une telle vérification devait, il semble,
ne laisser aucune ressource aux tracasseries.
Mais les enfans Bonhours ne se découragèrent pas;
ils critiquèrent le procès-verbal des experts, et deman-
�dèrent mie nouvelle vérification 5 subsidiairement ils
offriient la preuve de diverses allégations hasardées,
par lesquelles ils prétendaient que le sieur Br un avait
.toujours vécu en bonne intelligence avec son beau- frère
et ses neveux Bonhours; q u ’étaiit tombé malade, à la
fin de 1823, le sieur Verniette alla le chercher à Paris,
et le conduisit à C le rm o u t; que depuis cette époque,
la dame Ver niette avait fait tout ce qui était en son
pouvoir pour éloigner de lui le père Bonhours et ses
enfans; que la plupart du tems, lorsqu’ils venaient le
voir, ils étaient repoussés avec rudesse sans être admis;
Qu e la dame Verniette le tenait en charte privée
pour empêcher, autant q u ’il était en elle, q u ’il eut
des communications avec ses parens et amis;
Que souvent elle le m altrait ait ,
et q u ’il en faisait
ses plaintes à ceux qui pouvaient l ’aborder;
E n f i n q u ’il avait f ré q u e m m e n t des attaques q ui lui
faisaient perdre connaissance, et qui l ’avaient réduit à
un état d ’imbécillité.
On ne fixait pas d ’ailleurs l ’époque à laquelle avait
commencé cet état d ’imbécillité.
Ces faits n ’étaient ni vrais ni vraisemblables, ni
pertinens. C ’est ce que démontra la dame Verniette
en demandant l ’ homologation du rapport des experts.
I,a cause portée h l ’audience,
le t r ib u n a l , par un
jugement du 23 avril 1 8 2 7 , n ’admit pas la preuve
offerte; mais par de longs considérans, déduits n o
t a m m e n t , de la faculté q u ’avaient les juges de 11e pas
adopter l ’opinion des experts, q u i , dans ces matières,
n ’est que conjecturale; du laconisme du testament qui
�( i5 )
lui parut prêter aux soupçons; de la circonstance que
la physionomie du testament s’éloignait de celle des
lettres missives; de celle q u ’à la signature du testament
était ajouté le mot M ic h e l 3 qui ne se trouvait pas dans
les autres signatures; de la différence que le tribunal
crut remarquer entre Vn finale de la signature du tes
tament et celle de la procuration ; enfin et sur-tout de la
surcharge du mot vin g t dans la date du testament; par
ces divers motifs, le tribunal ordonna une nouvelle véri
fication, en la confiant à MM. Hugues, C a il h eet Murât.
Ces experts furent chargés de s’expliquer sur les
surcharges qui existent dans le testament, notamment
sur le mot v in g t, et sur la date qui y existait avant;
d ’examiner si le mot vingt avait été tracé par la même
main qui avait écrit et signé le testament; de peser
enfin dans leur sagesse les doutes que pouvaient faire
naître les réflexions
énoncées
dans les motifs
du
jugement.
C e jugement se mb lait, par ses motifs au moins,
indiquer aux experts l ’avis q u ’ils avaient à exprimer; et
q u o iq u ’il réservât aux parties tous leurs moyens de fait
et de droit, sa rédaction présentait des singularités qui
devaient nécessairement faire éprouver quelque em
barras aux
personnes chargées de la nouvelle vén-
fiication.
On pouvait s’étonner aussi de ce que les Bonhours
n ’avaient pas été soumis à avancer les Irais de celle
seconde opération q u ’ils avaient demandée.
L a dame Verniette a interjeté appel de ce jugement.
Devant la cour, la dame Verniette a demandé l ’homo-
�logation du procès-verbal de vérification, et a renou
v e l é , subsidiairement, l'offre de la preuve des faits
q u ’elle avait consignés dans le rapport des experts.
Les Bonhours, en concluant à la confirmation du
ju gem ent, ont offert, aussi subsidiairement, la preuve
des mêmes faits q u ’ils avaient présentés eu première
instance.
L a C o u r a rendu , le i 5 juillet 1829, un arrêt ainsi
concu
«» :
« At te n du q u e , d ’après la nature de l ’affaire et les
« circonstances qui s’y rattachent, il ne peut q u ’être
« utile pour la découverte de la vérité, de corroborer
« l ’existence du testament dont il s’agit par des preuves
« testimoniales; que cette marche est admissible, soit
« dans l ’e s p r i t , soit dans la lettre de la législation
« romaine et de la législation du code civil,
« P a r ces m o t i f s ,
« L a C o u r , sans préjudice des fins et moyens, tant
« de fait que de d r o i t, qui demeurent réserves aux
h
parties sur le fonds, ordonne, avant de faire d r o i t ,
« q u e , dans le mois, à compter de la signification du
« présent arrê t, faite à avoué en la C o u r , les parties
« d ’ All em and feront preuve, tant par titres que par
« témoins, par-devant M, V e r n y , conseiller-auditeur,
« commis à cet effet:
« i° Que lu dame Verniette et ses filles ont soigné
u le sieur B r u n , tant à Paris q u ’à C l e r m o n t , pendant*
« les dernières années de sa vie, dans les maladies quo
« celui-ci a essuyées, ou à raison de scs infirmités;
« 20 Qu e le sieur Br u n , voulant venir se fixer à Cler»
�(
*7
)
« mont à la fin de 1823, invita le sieur Verniette à
/
« le venir chercher à Paris; et que le sieur Verniette,
« cédant à cette invitation, se rendit effectivement à
« Paris et revint à Clermont avec le sieur B r u n , qui,
« depuis, ju sq u’à son décès, a continuellement habité
« avec les époux Vern iette;
« 3 ° Qu e le sieur B r u n , depuis son arrivée à Cler« mont jusq u’à son décès, a reçu et rendu de nom« breuses visites et est allé dîner plusieurs fois chez
« des personnes avec qui il avait eu d ’anciennes rela« tions; que, d ’ailleurs, il sortait fréquemment, soit
« pour se promener, soit pour voir ses amis;
« 4°. Q u ’il a souvent exprimé à diverses personnes
« son affection particulière et sa reconnaissance pour
« la dame Verniette sa sœur, ainsi que sa volonté de
« lui laisser toute sa fortune ;
« 5 ° Que lorsque son testament eut été fait, ce
« testament a été présenté à des jurisconsultes, pour
« savoir s’il était régulier;
« Q u e , depuis la date de ce testament, le sieur
« Br un a déclaré plusieurs fois q u ’il avait donné toute
« sa fortune à la dame Ve rnie tte , sa sœur;
« S a u f aux parties de Godemel toute preuve con« traire, dans le même délai et par-devant le même
« commissaire, dépens réservés. »
Comm e 011 le v o i t , la C o u r a ordonne la picuve
offerte par la dame V e r n ie i le ; elle l ’a ordonnée parceq u ’elle l ’a considérée, non peut-être comme rigoureu
sement nécessaire, mais comme utile pour corroborer
V existence de testam ent; elle l ’a ordonnée en autoriT+
0
�sant seulement lesBonhours à faire la preuve contraire.
L ’on verra bientôt que tous les faits articules ont été
prouvés par la dame Ver niette , et que certains de ces
faits sont établis même par la preuve contraire, dont la
plupart des dépositions, d ’ailleurs, roulent seulement
sur de vagues propos ou sur des points non interloqués.
Mais, avant d ’entrer dans l ’exposé de ces preuves
orales, fixons-nous sur celles qui résultent de la vér i
fication de l ’écriture du testament.
DISCUSSION.
S I.
E x a m e n du rapport des experts.
Nous l ’avons dit en commençant : le rapport des
experts était aussi satisfaisant que décisif. 11 était
l ’ouvrage d ’hommes aussi éclairés que soigneux, et que
leur sévère impartialité a toujours désignés à la confiance
des tribunaux. Il a été le résultat de l ’examen le plus
m in u t ie u x , qui s’est fixé sur chaque m o t , sur chaque
lettre de la pièce déniée, pour les comparer aux mêmes
m ots , aux mêmes lettres que présentaient les pièces
reconnues.
Les experts n’ont épargné ni soins ni peines pour la
découverte de la vér ité; et leurs recherches les ont
conduits à déclarer, h l ’u n a n im ité, q u ’il demeurait
évident p o u r e u x que l ’acte soumis à leur vérification
avait été écrit de la même main qui avait tracé les
caractères de comparaison.
C e l t e opinion si positive, appuyée sur de nom
breuses et de puissantes raisons, dev rait, il sem b l o ,
�( *9 )
nous dispenser de combatiré en détail les argumens
des Bonhours.
Mais discutons-les rapidement.
L a physionomie de l ’assemblage des caractères du
t
testament s’éloigue, d i t - o n , de celle q u ’offre la con
texture des lettres missives;
L a signature du testament ne ressemble pas à celle
des pièces produites, si ce n ’est à celle de la procuration;
L a lettre n de la signature de la procuration diffère
de la même lettre dans le testament;
L e mot M ic h e l, ajouté à la signature du testament,
ne se trouve pas aux autres signatures;
Les
experts
n’ont
pas parlé des surcharges , et
notamment de celle du mot vingt ;
Enfin le laconisme du testament est frappant.
Telles sont les objections proposées. Reprenons-les.
L a différence dans la physionomie des écrits n ’est
pas un moyen sérieux. Les experts nous en expliquent
la cause; elle provient, disent-ils, de ce que l ’écriture
de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur et
difficulté, tandis que celle des lettres missives annonce
une plus grande facilité d ’exécution.
On pourrait ajouter que tous les jours l ’on remarque
quelque différence de physionomie dans les écritures
faites en divers tems, quoique par la même personne.
E l l e est produite par le changement de plume, d ’encre,
de disposition dans la m ai n , de soin dans celui q ui
écrit, de largeur ou de longueur donnée aux caractères
suivant le caprice de l ’écrivain.
Aussi tousles homuiesde l ’a r t , appelés à comparer des
�écrits, s’attachent-ils moins à la physionomie générale
q u ’à la conformation de chaque mot et cle chaque lettre.
C ’est ce q u ’ont fait les experts. Ils ont comparé
aux mots du testament une très-grande quantité de
mots semblables, pris dans les pièces de comparaison ;
et ils se sont convaincus, ainsi q u ’ils le déclarent,
d ’après la très-grande ressemblance, soit des caractères
isolés, soit de mots entiers, que la même main avait
écrit la pièce déniée et les pièces reconnues.
E n général, les lettres missives sont d ’une écriture
très-fine, et celle du testament est assez grosse. C ’est
une des principales causes de la différence des physio
nomies. C ett e différence n ’existe pas entre le testament
et l ’acquit écrit et signé, le 17 novembre 1 8 2 3 , par le
sieur B r u n , sur la facture du sieur L egoyt ; pièce qui
n ’est pas suspecte et dont parle un des témoins.
M a is, ajo ui e- t- on , parmi les signatures des pièces
de comparaison, il n ’y a que celle de la procuration de
1 8 2 4 , qui soit semblable à la signature du testament.
O n répondra q u ’il suffit de rapprocher toutes ces
signatures pour reconnaître que la dissemblance n ’est
pas réelle, et que, si elle est un peu apparente d'abord,
c ’es t,
comme nous l ’avons déjà d i t ,
à raison de la
finesse de la plume qui a tracé les signatures des pièces
de comparaison.
Aussi la dissemblance est d ’autant moins grande
que les signatures sont plus grosses. Par exemple, si
l ’on rapproche la signature du testament de celle d ’un
acte au t he n tiq u e , passé le 4 brumaire an 1 4 , devant
Gorse, notaire, on leur trouvera beaucoup d ’analogie.
�( 21 )
Toutes les diverses signatures indiquent, d ’ailleurs,
les mêmes mouvemens et les mêmes habitudes dans la
main qui a écrit.
A u reste,
n ’y eût-il même que la signature de la
procuration de 1 8 2 4 ,
qui fût conforme à celle du
testament,, ne suffirait-elle pas pour établir le mérite
de la pièce déniée? Ces deux actes, faits à deux époques
très-rapprochées, signés l ’ un et l ’autre en caractères un
peu gros, revêtus de signatures identiques, et annonçant
l ’un comme l ’autre de la pesanteur et de la difficulté
d'exécution dans la main, ces deux actes ne doivent-ils
pas se servir mutuellement de contrôle? E t si , comme
on ne saurait le contester, la signature de la procu
ration est vraie, comment pourrait-on douter de la
sincérité de celle du testament? ce n ’est pas au nombre
des pièces de comparaison, que l ’on doit s’arrêter dans
de telles vérifications. C ’est la nature de ces pièces,
c ’est le rapprochement de leurs dates avec celle de la
pièce déniée; ce sont enfin les dispositions physiques
où se trouvait le signataire, que l ’on doit sur-tout
* considérer, afin de reconnaître si la même main a réelle
ment tracé les diverses signatures.
Il serait superflu de se fixer sur u ne remarque faite
par les premiers juges; elle consiste en ce qu à la signa
ture
Brun
, le bas du dernier jambage de 1’« n ’est pas
abso lume nt le même dans les deux actes.
C ette différence, qui est fort légère, avait été aussi
remarquée par les experts; mais elle ne leur avait paru
digne d ’aucuneconsidération. Si les Bonhours l ’ont rele
vée,
c’est q u ’ils ont senti le besoin de faire valoir, même
�les plus futiles objections. Nous nous contenterons d ’y
répondre par une observation générale que f o n t, à ce
s u je t, les experts, et q u ’ ils appliquent en même lems
aux paraphes.
Voici leurs expressions :
« C ett e circonstance nous donne l ’occasion de rap« peler que la signature du sieur B r u n , soit dans le
« corps de l ’écriture, soit pour son paraphe, présente
« cles variations sensibles dans les lettres missives et
« dans les actes q u i nous ont é té présentés. »
Observation des plus justes,
et que l ’expérience
confirme tous les jours.
Q u e l ’on compare, en effet., de nombreuses signa
tures de q ui que ce soit, faites, sur-tout^ à des époques
différentes, on y trouver a, si l ’on v e u t , des caractères
généraux de ressemblance; mais si on les examine avec
trop de scrupule , on remarquera entre toutes des
différences sensibles, auxquelles pourraient s’appliquer,
et avec plus de force m êm e , les minutieuses critiques
employées par les Bonhours contre le testament du
sieur Brun.
L ’addition du prénom M ic h e l à la signature Br un
fournit aussi un argument aux Bonhours.
Mais que peut-on en conclure, si, comme les experts
l ’ont reconnu, le mot M ic h e l est écrit de la main du
d éfunt? lors même que le mot serait i n u t i l e ,
son
addition pourrait-elle nuire à la validité de l ’acte?
qui ne connaît la maxime : Quœ superabundant non
n ocen t? Q u ’on le supprime, si l ’on v e u t , le testament
u’eu sera pas moins valable,
�Mais , dira-t-on , le sieur Brun n ’était pas dans
l'usage de l ’ajouter à sa signature.
Q u ’importe? cette précaution annonce l ’importance
q u ’il attachait à son testament^ et le désir q u ’il avait
de ne laisser aucune équivoque sur la personne du
testateur. C a r le prénom M ic h e l devait aider à le faire
distinguer de toutes les autres personnes qui pouvaient
porter le nom de Brun.
Quelques surcharges dans le testament ont aussi
fixé l ’attention des premiers juges. Ils se sont plaints de
ce que les experts n’en avaient pas parlé.
L e silence des experts, à cet égard, prouve seulement
q u ’ils n ’ont pas pensé q u ’on dùl y attacher la moindre
importance. De légères surcharges, qui ne sont même
apparentes que sur le mot vingt de la da te , devaient
d ’autant moins fixer leur attention que la date était
très-facile à lire. Les experts, d ’ailleurs, ont fait tout
ce q u ’ils étaient chargés de faire; ils se sont assurés, et
ils ont déclaré que le testament entier, et par consé
quent le mot v in g t, un peu surchargé, étaient, comme
les autres, écrits de la main du défunt. Ils s’en sont
assurés par la vérification la plus détaillée et la plus
soigneuse. E n comparant, lettres par lettres, les mots
du testament aux mots des pièces de comparaison, a
ceux des lettres missives notamment, ils leur ont trouvé
une parfaite similitude; en sorte que les lettres de la
pièce déniée leu r ont p a r u , dis en t-i ls, porte/ / emp rein le du caractère habituel et involontaire (¡ne donne
la disposition des organes appliqués à l ’écriture. De
quelle conséquence, d ’après cela, pouvait être l ’appa-
�rence d ’ une surcharge? Pouvait-elle nuire à la validité
de la date? personne n ’ignore le contraire. On sait
que les règles de la loi du 25 ventôse an n ,
sur
les surcharges, ne sont pas applicables aux testamens
olographes.
« L a surcharge de la d a t e , non approuvée dans un
« testament olôgraphe, dit M. T o u ll i e r , n ’est pas un
« moyen de n u l l it é , s i , d ’ailleurs, la date est fixe
( D r o i t civil français, tome 6 , n° 3 6 7 ) .
C ’est aussi c e ’ que j u g e , en thèse, un arrêt de
cassation, du 11 juin 1 8 1 0 , rapporté dans tous les
recueils de jurisprudence (1).
Mais, a-t-on d it , le mot vin g t surchargé paraissait
couvrir le mot d e u x , q u i , se rapportant au mois de
novembre, serait précisément le jour de l ’arrivée du
sieur B run à C le r m o n t ; or, ajoute- t- on , il n ’est pas
présumable q u ’il se fût o c c u p é , ce j o u r - l à , de son
testament.
Ainsi on croit voir, c’est-à-dire on présume que le
mot d e u x a été remplacé par le mot 'vingt.
On présume aussi q u e , le jour de son arrivée de
P a r i s , le sieur Br un n ’a pas dû s’occuper de son testa
m e n t; et c’est en réunissant deux futiles présomptions,
q u ’on s’efforce de jeter de l ’ incertitude sur un seul
mot d ’ une date q ui cependant est très-fixe et très-facile
k lire. — Pitoyable argutie , q ui ne mériterait pas
même q u ’on la discutât!
A u reste, en examinant avec attention le mot sur-
(1) V . le Journal de Dcnevers, 8, i, 370, cl celui <le Sirey, io, 1 , 389.
�(
)
chargé, rien n ’est moins apparent mie la substitution
du mot vingt au mot d e u x . La surcharge parait plutôt
provenir de ce que le mot vingt ayant été d ’abord impar
faitement tracé, soit parle défaut delà plu m e, soit-par
toute autre cause, le testateur, en voulant réparer
cette imperfection , a surchargé les traits et appuyé
davantage sa plume, ce qui a noirci la teinte.
D ’ailleurs, c’est évidemment lamême plume, la même
encre, la même main qui ont écrit et cette surcharge
et le surplus du testament. C ’est ce que prouve l ’inspeclion de la pièce; c ’est ce qui résulte aussi du rap
port des experts, qui ont reconnu que tout avait été
écrit par l ’auteur des diverses pièces de comparaison;
c ’est même ce que démontre la plus simple réflexion.
C a r ne .serait-il pas absurde de présumer q u e , de tous
les mots qui composent le testament, un seul eut été
écrit d ’une main étrangère*!
Mais supposons même que le testateur eut d ’abord
écrit le mot d e u x , et q u ’il y eût, ensuite, substitué le
mot v in g t; quelle conséquence pourrait-on en tirer?
L e testament en serait-il moins valable? Le testateur
n ’était-il pas libre, n ’était-il pas capable de disposer,
le d e u x novembre, comme le vingt du même mois?
N ’avait-il pas aussi pu donner à sa disposition telle
date ou telle autre? ne se pourrait-il pas aussi q u ’il
ne l ’eut consommée par sa signature que le jour même
indiqué par la dernière date, surchargée ou non? Quelle
influence cela pourrait-il
avoir sur la validité du
testament? Portât-il même les deux dates du d e u x et
du v in g t,
4
le testament
olographe serait également
�à l ’abri de toute critique.
C ’est ce q u ’a décidé un
arrêt de la C o u r de cassation, du 8 juillet 1823 ( 1 ) .
C ’est trop nous arrêter, sans dou te, à cette vaine
objection.
Remarquons même que toutes les argumentations
contre le testament,
toutes les petites irrégularités
q u ’on lui reproche en indiquent la sincérité. C a r il
eût été facile de les éviter,
si le testament eût été
l ’œuvre d ’ une main coupable. Mais dans la sincérité de
ses dispositions, le testateur n ’a dû y attacher aucune
importance. Dans sa bonne foi, l ’ héritière n ’a pas dû
elle-même y faire att en tion; et sans cherchera engager
son frère à écrire un nouveau testament où nulle sur
charge n ’aurait été laissée, pour lequel, aussi, aurait
été employée une plume plus fine et plus propre à
donner au testament la physionomie des nombreux
écrits de son frère; sans faire retrancherde la signature
le prénom M ic h e l, q u ’elle savait bien ne pas y être
ordinairement joint; sans avoir recours enfin à aucune
de ces précautions qui décèlent plutôt le dol que la
franchise, la dame Verniette a accepté les bienfaits et
n ’a pas cru devoir s’occuper minutieusement de la
forme de chaque mot de l ’acte qui les consacrait. E l l e
ne po u v a it ,
d ’ailleurs, prév oir,
elle 11e devait pas
même supposer que les Bonhours se hasarderaient,
contre leur propre conviction, non pas à dénier, car
ils ne sont pas allés jusque-là, mais à dire q u ’ ils ne rc( 1 ) Journal de Sircy, tom. 25 , 1 , 3 1.
�( 27 )
connaissaient pas récriture et la signature du testateur.
Enfin les premiers juges se sont étonnés du laconisme
du testament.
Etrange objection ! comme s’il était nécessaire de
dire beaucoup de mois inutiles pour faire une dispo
sition vraie et une disposition saine.
C e laconisme s’exp lique, soit par l ’état physique
du testateur qui a voulu s’épargner les difficultés
d ’ un long écrit, la pesanteur de sa main ne lui per
mettant pas d ’écrire long-tems; soit par la circonstance
que c’est un jurisconsulte qui a donné le modelé du
testament et qui a dû le donner simple mais suffisant.
Le fait a été attesté par ce jurisconsulte lui-m èm e,
entendu dans la cause comme témoin.
L e laconisme critiqué n’a donc rien de surprenant;
on eût pu même être plus concis et notamment suppri
mer, à la signature le mot M ic h e l, qui était absolu
ment inutile.
Nous avons parcouru,
et nous avons réfuté, il
semble, toutes les objections élevées contre le testa
ment. Ce sont, cependant, ces faibles objections qui
avaient déterminé les premiers juges à repousser l ’opi
nion unanime de trois experts des plus recommanda7
bles , dont l ’ouvrage même signalait la scrupuleuse
exactitude comme la capacité; ce sont ces objections
qui les avaient déterminés à ordonner une vérification
nouve ll e, sous prétexte que l ’art des experts était
conjectural, comme si un nouveau rapport, fait par
de nouveaux exp erts, ne devait (rien présenter de
conjectural.
�L ’on remarquera aussi quelespremiers juges n ’ont pas
même chargé les Bonhours des frais de cette seconde vé
rification, quoique ceux-ci eussent d û , dans l ’exactitude
des principes, fournir même aux frais de la première.
C a r c’est à celui qui conteste l ’écriture et la signature
d ’un testament olographe, à démontrer q u ’il n’est pas
l ’ouvrage de la main du défunt-, c’est à lui à faire cette
preu ve , parce q u e , comme demandeur, il doit justifier
sa demande : a ctori incum bit probatio ; parce que le
légataire u n iv e rs e l,
envoyé en
possession
par une
ordonnance du jug e, comme l ’a été la dame Verniette,
a le titre en sa faveur, et que ce titre doit être exécuté
tant que sa fausseté ou sa nullité n ’est pas clairement
établie; parce q u e , d ’ailleurs, le dol et la fraude ne se
présument pas, et que c’est à celui qui les allègue à
les prouver ( C o d e c i v i l , art. i i i G ) .
Telle est la doctrine enseignée par M. T o u ll i e r , dans
son Droit civil français, tome 5 , n° 5 o 3 ; et cette doc
trine a été consacrée par plusieurs arrêts de cassation ,
deux desquels ont été rendus les 28 décembre 1824 et
10 août 1825 (1).
L a daine Verniette a le titre en sa faveur; elle est
non seulement en possession de fai t, mais encore en
possession de droit , en vertu d ’une ordonnance du
président du tribunal de C l e r m o n t , rendue conformé
ment à l ’article 1008 du Code ci vil; elle n ’a pas,
d ’ailleurs, à se défendre contre un héritier à réserve;
elle n’aurait donc rien à prouver elle-même; ce serait,
( 1 ) V o i r le J o u r n a l tic S i r e y , t o m e a 5 , i , pages i
l o m c a G , i , 1 17 , et s ui vantes.
,
58
et s u i v a n t e s ; et
�29 )
au contraire, à ceux qui l ’attaquent à tout prouver
(
pour justifier leurs prétentions; en sorte q u e , y eut-il
même du dout e, l ’exécution du testament devrait être
maintenue.
Mais s’il pouvait rester devant les premiers juges
quelque incertitude dans les esprits sur la sincérité du
testament, les résultats de l ’enquête offerte par la
dame Ver niette , et ordonnée par la co u r, la ferait
entièrement disparaître.
S2.
E xa m en de VEnquête.
L ’enquête est des plus satisfaisantes; c’est ce dont
il est facile de s’assurer en rapprochant de chacun des
faits admis en preuve, les dépositions qui s’y appliquent.
On devait établir, d ’abord, que la dame Verniette
et ses filles avaient soigné le sieur B r u n , tant à Paris
q u ’à C le r m o n t , pendant les dernières années de sa
v i e , dans les maladies que celui-ci avait essuyées, ou
à raison de ses infirmités.
Ces faits sont attestés par un grand nombre de
témoins.
t
L e premier témoin, M. .Tarton aîné, marchand a
C le r m o n t , déclare que « le sieur Brun avait desire
avoir auprès de lui une des demoiselles Bujadoux, dont
il était le parrain; mais que celle-ci n ayant pu se
rendre aux désirs du sieur B r u n , l ’ une de ses sœurs
partit à sa place, et fut accueillie et traitée avec les
marques de la plus entière bienveillance par son oncle. »
�L e témoin
ajoute que
« ce fut lui qui régla et
arrêta le départ de la demoiselle Bu ja doux. »
Il répond, sur l'interpellation de l ’avoué des Bon
h e u r s , « q u ’alors le sieur Br un avait ressenti à Paris
plusieurs attaques. »
Ce témoin dit aussi, « que le sieur B r u n , depuis
« son retour de Paris ju s q u ’à son décès, est constam« ment demeuré chez la dame Yerniette sa sœur, dont
« il a , aussi constamment, reçu les soins. »
L e quatrième té m oin, le sieur B o n n a b a u d , m é
decin ^ qui a soigné le sieur Brun depuis sou arrivée à
Clermont jus qu’à sa m o r t , parle du ton a ffec tu eu x
q u ’avait toujours le sieur Br un en adressant la parole
à sa sœur Verniette ou à ses nièces; il dit ne l'avoir
ja m a is rencontré se u l dans sa ch am bre, mais toujours
¿1 la com pagnie de q u e lq u ’ un de sa f a m i l le , p a rticu
lièrem ent de sa sœ ur et de l a j î l l e aînée.
Il
ajoute q u ’il
occupait
l ’appartement
le p lu s
agréable de la m a ison , ou auparavant i l avait v u la
dam e V ern iette m alade.
L e cinquième témoin a entendu dire par le sieur
B r u n que la fille aînée de la dame Y ern iette avait
f a i t le voyage de P a ris p o u r lu i porter des secours.
L e sixième témoin a vu cette demoiselle à Pa ris,
chez son oncle, qui était alors malade.
L a dame veuve Be rn a rd in , dont la déposition est
la neuvième,
« a été plusieurs fois témoin des soins
« empressés de la dame Y ern iet te pour son fière.
« Elle parle d ’ une c h a m b re qu e la daine Y e r n i e l l o
�( 3, )
« avait fait décorer pour recevoir sou frère, parce q u ’il
« avait l ’habitude d ’être bien logé. »
L e onzième témoin , perruquier du sieur B r u n , « a
« constamment observé q u ’il recevait, dans la maison
« de sa sœur, tous les soins q u ’exigeait son état. »
Il ajoute « q u ’il occupait une chambre au premier
« é t a g e , décorée à neuf. »
L e treizième témoin , sous-maîtresse dans l ’insti
tution de Madame Bachélerie, avait su d e là demoiselle
B u j a d o u x , avec qui elle était liée, q u ’elle allait à
Paris pour donner des soins à son
oncle.
Depuis
l ’arrivée à Clermont du sieur B r u n , elle a su que sa
sœur et sa nièce lui prodiguaient tous leurs soins.
L e dix-septième témoin, Jeanne P e t it , a vu les soins
donnés par la dame Verniette à son frère, notamment
d e u x ou trois mois avant, sa m o rt; elle les indique
et ajoute que ce soin lu i parut tellem ent répugnant
q u ’e lle dit à la dam e T^erniette , q u ’elle était bien
pauvre , mais q u ’elle ne le fe r a it p a s , quand on lu i
donnerait un louis p a r jo u r .
L e troisième témoin de la prorogation d ’enquête a
su que le sieur Brun a été soigné à Paris et à Clermont
par Madame Verniette et par ses demoiselles. Il a vu
la lettre par laquelle M. Brun avait prié sa sœur de
lui envoyer une de ses demoiselles pour lui donner des
secours dans une maladie dont il était alors atteint. Il
a vu aussi une autre lettre de M. Brun qui se loua it
des attentions de sa nièce ; et M. Brun lui en a parlé
lui-même depuis son arrivée à Clermont.
�Toutes ces dépositions ne laissent pas le moindre
doute sur le premier fait interloqué.
L e second fait tendait à savoir si le sieur Brun avait
invité le sieur Verniette à l ’aller chercher a Paris; si
celui-ci s’était rendu à cette invitation, et si depuis
son arrivée à C le n no nt ju squ’à son décès, le sieur
Brun avait
continuellement
habité avec les époux
Verniette.
Toutes les circonstances de ce fait complexe sont
tellement certaines, q u ’on n ’entreprendra pas, sans
d oute, d ’en nier aucune.
Qu e ce soit sur l ’invitation du sieur Brun , que le
sieur V e r n ie t t e , son beau-frère, est allé le chercher à
Paris et l ’a conduit à C l e r m o n t , c’est ce que prouvent
même plusieurs lettres du sieur Br un.
Dans une lettre du 8 octobre 1823, écrite à sa sœur,
il s’exprime ainsi : Je voulais écrire hier p o u r dem ander
que Von fa s s e partir v ite mon b ea u -frère y mais
31 . Jarton ou J^augelade, je crois, me d it q u ’ i l était
in u t ile , et que 31 . B a rd avait écrit en lu i marquant
de ne pas perdre de tems.
Dans une autre lett re, du même mois , au sieur
Verniette, il lui dit : T^olrc départ rn est tout-à-fait
nécessaire et même urgent.
Beaucoup de témoins parlent aussi de cette demande
du sieur B r u n , et du départ du sieur Verniette pour
ramener son beau-frère à Clermont.
C ’est ce que
déposent, notamme nt, le premier témoin, le huitième
et le neuvième de l’enquête directe, le premier et lu
troisième de la continuation do celte enquête.
�Qu ant à la cohabitation constante du sieur Brun
depuis son arrivée à Clermont ju sq u’à son décès, elle
n ’a jamais été désavouée par les Bonhours, q u i , au
contraire, en ont argumenté eux-mêmes. L a preuve
en résulte, d ’ailleurs, de l ’ensemble des dépositions
des deux enquêtes, dépositions dont plusieurs parlent
de la chambre décorée à neuf q u ’occupait le sieur Brun
chez sa sœur.
Par le troisième fait interloqué, la C o u r avait voulu
savoir si le sieur Brun , depuis son arrivée à Clermont,
avait reçu
•> ou rendu de nombreuses visites;/ s’il était
allé dîner chez des personnes avec qui il avait eu d ’an
ciennes relations,
et s’il sortait fréq uem m en t,
soit
pour se promener, soit pour voir ses amis.
Cela tendait à éclairer la C o u r sur l ’allégation des
Bonhours, qui prétendaient que le sieur Br un avait
toujours été tenu en charte privée.
Or,
jamais assertion
ne fut plus contraire à la
vérité. Elle est démentie par la plupart des dépositions
de l ’enquête directe, et même par plusieurs des dépo
sitions de l’enquête contraire.
Ces nombreuses dépositions attestent que le sieur
Brun était très-libre dans la maison de la dame Y e r niette; que ceux qui le connaissaient venaient l ’y voir;
que lui-même allait leur rendre des visites; q u ’il en a
rendu plusieurs, à son médecin notamment, sans être
accompagné de personne; qu il se promenait aussi sur
la place de Jaude, tantôt seul, tantôt avec la dame
Y e rn ie t le ou ses enfans.
Les huitième et onzième témoins de l ’enquête con-
5
�( 34 )
traire déclarent eux-mêmes avoir vu le sieur Br un se
promener, soit devant la porte de la maison Ve rn ie tte ,
soit sur la place de Jaude: ils ajou tent, il est v ra i ,
q u ’il était avec quelqu'un, de la maison V er niette;
mais ce n ’en est pas moins démentir l ’allégation de la
charte privée.
Il est certain, en effet, que le sieur B run n ’a cessé
de sortir et de se promener, ou seul ou en compagnie,
si ce n ’est lorsque l ’augmentation de sa maladie et ses
infirmités s’y sont opposées; c’est-à-dire, comme le dé
clare son médecin B on abaud , quelques mois seulement
avant sa mort.
Il est aussi prouvé par les enquêtes que le sieur Br un
a plusieurs foisdiné ou soupé chez d ’anciens amis. C ’est
ce q u ’attestent, notamment les premier et deuxième
témoins de l ’enquête directe, le troisième et le septième
de la prorogation d ’enquête.
D ’autres témoins ont vu dans diverses occasions le
sieur Brun diner en famille chez la dame Verniette sa
sœur.
L e quatrième fait interloqué tendait à la preuve que
le sieur Br un avait exprimé à diverses personnes son
affection particulière et sa reconnaissance pour la dame
Ve rn ie tte , ainsi que sa volonté de lui laisser sa fortune.'
Ge fait est attesté par beaucoup de témoins.
L e premier témoin, M. Jarton aîné, lié d ’amitié
depuis l ’enfance avec le sieur B r u n , déclare q u i l lu i
avait m an ifesté des intentions bienveillantes p o u r la
dam e V ern iette sa sœur, et q u ’à l ’époque où il fil son
testament, époque que le témoin ne peut préciser, il
�(
35
)
lui avait dit q u 'il avait e x é c u té ce q u i l avait tou
jo u r s eu l ’intention de fa ir e .
C e même témoin d i t , au contraire, sur une inter
pellation de l ’avoué des Bonhours, que le sieur Brun
ne lui avait jamais parlé, avec le ton de l ’affection, de
ses neveux Bonhours. 11 se rappelle q u e , fort peu de
teins après l ’arrivée du sieur Brun à C lerm o nt,
le
témoin et sa femme étant allés lui rendre visite, les
enfans Bonhours vinrent aussi le voir,
et q u ’ils en
furent mal accueillis ; que le sieur Br un leur avait
même dit : « Qu e venez-vous faire ici? je n ’ai pas
besoin de vous. »
L a dame Jarton, second témoin
raconte aussi le
même fait.
L e quatrième té m oin , le médecin Bonabaucl, a re
marqué le ton affectueux q u ’avait toujours le sieur
Bru n en adressant la parole à la dame Verniette et à
ses enfans. Il dit que jamais il ne lui a parlé des enfans Bonhours.
L e sieur Brun a dit au cinquième témoin, dans une
conversation, q u i l se trouvait p lu s h eu reu x dans le
sein de sa fa m ille 3 à C le r m o n t, que lorsqu’il en
était f o r t éloigné.
L e sixième témoin déclare que, « dans les différentes
« conversations q u ’il a eues à Paris avec le sieur Brun,
« il lui a paru que ce dernier portait plus d ’affection à
« la dame Verniette sa sœur, q u ’aux B o n h o u r s ,..........
« et que lorsqu’ il a entendu parler du testament du
« sieur B r u n , il n’en a pas été surpris. »
Le douzième témoin était dans la maison, un jour
�'( 36 )
où l ’un des enfans Bonliours se présenta à son oncle,
q u i le reçut assez froid em en t y le témoin lui ayant
fait observer que c’était son nev eu , il lui répondit
q u ’ i l le savait bien , mais q u ’i l ne v o u la it pas parler.
A une plaisanterie, lors d ’ une autre visite que le
témoin fit au sieur Brun , celui-ci lui répondit :
« Vous voulez que je me m arie, je suis infirme, je
« n ’ai pas une brillante fortune; j ’ai perdu beaucoup;
« heureusement j ’ai eu une bonne sœur et un beau« frère qui m ’ont été utiles (il parlait alors du sieur
« B u ja d o u x ) ; et ce que je possède, je le laisserai à
« ma sœur Verniette , à qui je conserve beaucoup de
« reconnaissance. »
L e troisième témoin de la continuation d ’enquête
déclare que le sieur Brun lui avait dit que la dame
Verniette et lui s’étaient toujours beaucoup aimés; que
« cette in t im it é , qui datait de l ’enfance, tenait à la
« conformité de leurs caractères, et à ce que la seconde
« femme de leur père les avait obligés, jeunes encore,
« de sortir de la maison paternelle. »
L e surplus de la déposition prouve aussi l'affection
particulière du sieur Brun pour sa sœur V e r n i e t t e . '
L a dame Verniette a v a i t , enfin, offert de prouver,
5 ° q-ue, lorsque le testament eut été fait, elle l’avait
présenté à des jurisconsultes pour
savoir
s’il était
régulier, et 6 ° que , depuis la date de cet a ct e, le sieur
Br un avait déclaré à plusieurs personnes q u ’ il avait
donné toute sa fortune à la dame Verniette sa sœur.
Ces deux faits ressortent aussi de l ’enquête.
Sur le premier des deux faits, M* B i a u z a t , avocat
�(
)
37
à C l e r m o n t , a déclaré que c ’était lui q u i avait donné
le modela du testam ent, qu i l s était attache a fcni'c
le p lu s b r e f possible , parce q u ’on lu i avait dit que le
testateur écrivait péniblem ent.
Il ajoute ne pas connaître la personne qui lui avait
demandé ce modèle; mais que plus tard on lu i présenta
la c o p ié de ce testament, écrite sur une dem i-feu ille de
p a p ier tim bré et signée de M ic h e l B r u n , ........ et q u ’il
trouvala copie conform e au m odèle q u ’il avait fo u r n i.
Sur la représentation faite à M e Biauzat du testa
m e n t, il a cru le reconnaître.
L e neuvième témoin , la veuve Be rnardin, a déclaré
être la personne qui était allée chercher le modèle du
testament chez Me Biauzat.
E lle ajoute que la dame Verniette lui avait dit avoir
consulté sur ce testament
fort régulier.
i\ l.
Boirot qui l ’avait trouvé
H
~ M. B o i r o t, entendu dans la contr’enquête, ne s’est
pas rappelé ce fait; ce qui paraîtra peu étonnant, puis
q u ’il s’est écoulé plus de six ans depuis cette époque.
L e sieur Gillet, horloger, septième témoin, est celui
qui procura à la dame Verniette la demi-feuille de
papier timbré dont 011 s’est servi pour la confection
du testament.
C 'é ta it,
dit-il, peu de
tems après
Varrivée du sieur Brun ci C lerm ont} et pendant q u ’on
fa is a it les vins.
Divers autres témoins parlent des dispositions testa
mentaires, comme leur ayant été déclarées par le
testateur lui-même. Il a d i t , notamment au premier
témoin, à l ’époque du testament, q u i l avait e x é c u té
�( 38 )
ce q u ’i l avait toujours eu l ’intention de f a i r e ; au
septième témoin , et à plusieurs reprises, en parlant
de la dame Verniette : e lle p ren d bien assez de peine
p o u r m oi; elle sera mon héritière, v o ilà mon héritière ;
au neuvième témoiu, q u i l avait tout donné à sa sœur.
Les dix-septième et dix-huitième témoins, Jeanne
Petit et Rosalie L e b o r o t , parlent du testament comme
ayant été fait peu de tems après l ’arrivée du sieur Br un
à Clermont.
L a dame B r u n en parla à l ’ une d ’elles à l ’instant où
il venait d ’ètre fait. L ’autre témoin voulait faire des
emplettes dans le magasin
de la dame Verniette ;
celle-ci, qui était dans la chambre de son frère, étant
appelée, ne descendit ,que pour l ’engager à repasser,
disant q u e lle était en a ffa ires/ que le sieur Brun 3 son
fr è r e , fa is a it son testament et lu i donnait tout ce
q u i l possédait.
L e même fait est déclaré par le quatrième témoin
de la continuation d ’enquête, comme l ’ayant appris
de son épouse, dix-huitième témoin.
On le voit. L ’enquête prouve les soins affectueux
donnés au sieur Brun , pendant ses maladies, soit à Paris,
soit à C l e r m o n t , par la dame Verniette et ses enfans;
E lle
prouve que ce fut sur la demande de son
beau-frère, que le sieur Verniette se rendit à Paris
pour le conduire auprès d ’ une sœur qui le chérissait,
et dont les secours lui étaient nécessaires à cause de ses
infirmités;
E l l e prouve q u ’ il est constamment resté chez cette
sœur; mais q u ’ il y jouissait de la plus grande liberté;
�q u ’il y recevait ses amis; q u ’il allait les visiter luimême et manger chez e u x ; q u ’il se promenait à son
gré, ou seul, ou accompagné de ses parens.
Elle prouve enfin son affection, sa reconnaissance
pour la dame Ver niette , ses projets plusieurs fois
annoncés de lui faire le don de toute sa fortune, et
l ’exécution de ce désir par uii testament dont il parle
so u v e n t, depuis sa d a te ,
comme é tant
une juste
récompense des services qui lui avaient été rendus.
Toutes ces preuves sont d ’autant plus puissantes
que l ’enquête contraire ne les affaiblit même pas.
Dans leur enquête contraire, les Bonhours se sont
principalement occupés de faits sur lesquels l ’arrêt
interlocutoire ne portait pas.
Ainsi ils ont fait entendre plusieurs témoins qui
ont déclaré q u ’ils avaient examiné Je testament, q u ’ils
l ’avaient comparé à des lettres missives qui leur avaient
été présentées par les Bonhours, et q u ’ils avaient cru
reconnaître une différence totale entre le testament
et les lettres.
C om m e si elle était digne de quelque considération,
l ’opinion de certaines personnes officieuses, q u i , sans
mandat de la justice, sur la seule invitation
des
Bo nh our s, et sans autres*renseignemens que ceux qui
leur étaient fournis par ces derniers , sans pièces de
comparaison si ce n’est quelques lettres anciennes; en
un mot, sans autre examen q u ’ un coup-d’œil vague et
sur la justesse duquel a pu influer même la préoccu
pation dont on les avait entourées;
comme si une
telle opinion pouvait être mise en balance avec l ’avis
�unanime de trois experts nommés par la justice, qui
ont opéré sur de nombreuses pièces de comparaison,
et qui ont apporté à l ’opération qui leur était confiée
la scrupuleuse attention que l ’impartialité de leur
devoir leur commandait.
L ’ un de ces témoins, le sieur C u l l i a t , expert, qui
a eu la complaisance de se prêtei* aux désirs des
Bonhours et d ’a l l e r , p a r c u r io s ité , d i t - i l , voir au
greffe du tribunal de Cle rmont le testament qui y
était déposé; le sieur C u llia t prétend avoir comparé
cette pièce à la
Mais ,
chose
procuration
singulière ,
du
lorsque
24 février
le
sieur
1824*
Cullia t
eut beaucoup parlé contre le testament, et de la diffé
rence que présentaient les signatures apposées aux deux
actes, le conseiller-commissaire de l'enquête lui ayant
présenté le testament,, il a déclaré ne p a s reconnaître
clans le testament dép osé la même p iè ce q u i lu i avait
é té présentée p a r M . F a u v e r te ix , greffier. Étrange
résultat qui prouve quel degré de confiance on doit
accordera toutes ces dépositions qui n’o n t , d ’ailleurs,
aucun rapport avec les faits interloqués!
Les Bonhours ont aussi (iherché à prouver que le
sieur Br un était en état de démence et 11e pouvait
pas tester; e t , dans ce b u t , ils ont fait entendre le
sieur
Bergougnoux ,
pharmacien
à
Cle rmont ,
et
quelques autres témoins qui n ’ont fait eu général que
redire ce q u ’ils tenaient du sieur Bergougnoux.
Si l ’on en croit le sieur Bergougnoux , il avait vu le
sieur Brun à Paris un mois avant l ’arrivée de celui-ci à
Cle rm on t; et il l’avait trouvé dans un état de démence
�presqu’absolue , divaguant et ne répondant
exacte
ment
dit-il,
à aucune
question;
il avait
même,
chargé le sieur Jarton ainé d ’en prévenir sa famille.
Plusieurs échos , parmi les témoins de la contre
en quête, ont répété la même chose, comme l ’ayant
apprise du sieur Bergougnoux.
Si le fait eût été interloqué, on eût pu interroger
sur ce point M. Jarton ainé, un des témoins de l ’en
quête directe, mais dont la déclaration a précédé celle
du sieur Bergougnoux.
L a déclaration de celui-ci n ’est, au reste, q u ’ une
marque de plus du zèle ardent du sieur Bergougnoux
pou r la famille B o n h o u r s , dont
on prouverait au
besoin q u ’il a dirigé tous les efforts ; elle ne fera ,
d ’ailleurs, aucune sensation, si l ’on considère q u ’elle
est démentie et par les lettres q u ’a écrites le sieur
Brun à l ’époque même dont parle le sieur Bergougnoux,
et par toutes les dépositions de l ’enquête directe, et
même par beaucoup de dépositions de l ’enquête con
traire, qui démontrent que l ’état moral du ’ sieur Brun
était parfaitement
sain , soit avant son départ de
P a r i s , soit depuis son arrivée à Clermout.
L e sieur Brun est arrivé à C le r m o u t , le deux no
vembre 1823 ; et dans les mois d ’aout, de septembre
et d ’octobre précédons, il avait écrit plusieurs lettres,
soit au sieur Jarton je u n e, soit a la famille Verniette,
qui prouvent, q u ’il s’occupait avec beaucoup d intelli
gence de ses affaires de commerce, et q u ’il raisonnait
aussi très-bien sur sa santé.
Dans une de ces lettres, qui est du 12 septembre,
6
�( 4* )
écrite en entier de la main du sieur B r u n , quoi
q u ’elle ait quatre grandes pages et plus de l o n g u e u r , “
le sieur B run donne à sa sœur des détails sur l ’aggra
vation de .sa maladie, sur ses dépenses, lçs tracasseries
q u ’il éprouve, la difficulté q u ’il a à vendre le fonds
de son commerce, etc.
Il y parle aussi clc M. Bergougnoux père q u i , est,
d it -il , toujours à Paris. T o u t le contenu de cette lettre
signale l ’inexactitude de l ’étrange déposition du sieur
Bergougnoux.
Les erreurs de ce témoin sont aussi démontrées par
plusieurs
autres lettres
écrites par le sieur B r u n ,
pendant ce mois d ’octobre 182.3, à la fin duquel il
partit pour Clermont.
Dans deux lettres du même
jour, 8 octobre, écrites l’ une à sa sœur, l ’autre à sa
filleule, dont fut porteur le sieur Jarton ainé qui re
ven ait de Pa ris, il se plaint encore de sa maladie; il
dit combien il est pressé de terminer ses affaires; il ex
prime son désir q u ’on fa s s e p a rtir v ile son beau-frère;
il parle des pertes q u ’il fait depuis un an dans son
commerce, des mesures q u ’ il va prendre pour se rendre
à Cle rm o n t.j T o u t ce q u ’ il écrit annonce une intelli
gence lu c id e , et sur-tout attentive à ses intérêts.
Aussi ne les négligea-t-il pas, ses intérêts, avant de
quitter Paris :
11 traita du fonds de son commerce;
Il prit des arrangemens pour la résiliation de son
loyer, en conservant seulement une d i a m b i c où fut
placé le mobilier q u ’il n ’emportait pas. Ces a rra ng e
mens furent consignés dans un acte sous seing privé.
�(
Nous
43
)
rapportons le double signé
"
du
^
propriétaire ;
celui-ci a entre ses mains le double signé du sieur
Brun ;
Il laissa une procuration authentique à M. L a b b e ,
notaire à N e u i l l i , pour terminer ses affaires;
Il acheta un cheval et une voiture pour voyager à
petites journées;
Il prit en un mot toutes les mesures,, toutes les pré
cautions que les circonstances et son état de santé
pouvaient prescrire à l’homme le plus soigneux, le plus
réfléchi.
L ’on sait, et l ’enquête nous l ’a appris, q u ’à l ’arrivée
du sieur Brun à C le rm on t, ses premiers soins furent
de rendre des visites à ses amis, à ses relations, et d ’en
recevoir d ’eux.
L e lendemain même de son a r r i v é e l e 3 novembre
1823 , il régla avec son voiturier les irais du voyage de
Paris, et en reçut une quittance qui est écrite sur son
agenda, au bas d ’un règlement fait de la main même
du sieur Brun.
L e 17 du même mois il acquitta une facture du
sieur Legoyt. L ’acquit,, p o u r solde de tout compte
ju s q u ’à ce j o u r , est écrit en entier, daté et signé de
la main du sieur Brun.
Le 2.4 février su ivant, il donna sa procuration au
sieur Verniette. Ce fut le sieur Astaix, notaire, qui
la reçuttémoin de la prorogay *) et ce notaire (sixième
^
^
lion d ’en q u êt e), déclare que le §ieur Brun lu i parut
j o u ir de toutes ses fa c u lté s in tellectu elles y que sur
�V
( 44 )
une première lecture qui lui fut faite par le notaire,
le sieur Br un fit quelques observations que personne
ne lui suggéra; q u ’après une seconde l e c t u r e , aussi
don née par le notaire, il prit la procuration et la relut
lu i-m êm e.
Sont-ce là des indices d ’imbécillité ou de démence?
Veut-o n s’assurer davantage de l ’état moral du sieur
B r u n , soit à P a ri s , soit à C le rm ont? q u ’on relise les
dépositions des témoins :
Celle du sieur Jarton jeune , à qui le sieur Br un
avait fait un dernier envoi de marchandises le 22 sep
tembre
1823 f cinq semaines seulement avant son
départ de Paris;
Celle du sieur Jarton a în é , qui était à Paris en
septembre*et en octobre 1 8 2 3 , qui y voyait fréquem
ment M. B r u n , qui rapporta des lettres de lui à sa
famille, q u i , certes, aurait bien remarqué le prétendu
état
de
démence
s’il
avait
été
réel ,
et q u i , au
contraire, déclare q u e , plusieurs mois après, à Clerm o n t , à l ’époque où le sieur Brun lui dit avoir mis
à ex écu tio n ses dispositions fa v o ra b les à sa sœ u r,
P O S S É D A I T T O U T E SA. R A I S O N ;
il
'
•Celles de presque tous les témoins de l’enquête
directe et de plusieurs témoins de l ’enquête contraire,
qui ont vu le sieur Brun se promener seul, ([ni l ’ont
visité, qui en ont reçu des visites, chez quelques-uns
desquels il a même d în é plusieurs fois;
C elle , sur-tout, du sieur Bon ab aud, médecin , qui,
ayant constamment soigué le sieur Brun ju s q u ’à son
#
�( 45 )
décès, é t a i t , plus q u ’ un a u t r e , à portée de ju ger de
la capacité morale de celui q u ’il traitait. O r , ce témoin
atteste que le sieur B r u n jo u issa it com plètem ent de
ses fa c u lté s i n t e l l e c t u e l l e s q u i l avait les fo rm es
très-polies
q u 'il mettait de la recherche dans ses
expressions , q u ’i l recevait toujours avec politesse et
reconnaissance les soins des personnes q u i l ’appro
chaient.
Il ajoute : que le malade a cessé de sortir de son
appartement quatre ou cinq mois avant son d é c è s ,
et que s ix ou sept semaines seulem ent avant sa m ort,
v
les attaques réitérées q u ’i l avait éprouvées , et q u i
depuis p lusieurs mois étaient devenues p lu s m ultipliées,
avaient éteint chez lu i toute sensibilité et l'avaient
rendu indifférent à tout ce q u i se passait autour de
lu i ; cependant il reconnaissait les pei'sonnes. q u i l ’en
touraient , et notamment son m éd ecin ; mais il ne
répondait p lu s que très-lentement et p a r m onosyllabes
a u x questions qu'on lu i adressait.
A i n s i , ce n ’est qu e s ix ou sept semaines avant sa
m o r t , que le sieur B r u n avait perdu sa sensibilité;
encore n ’était-il pas en état de dé m e nc e;
Mais depuis plusieurs mois ses infirmités l'e m p ê
chaient de sortir de son ap partement.
C ’e s t , sans d o u t e , celte dernière circonstance, effet
de la maladie et non .de la c o n t r a i n t e , qui a fourni au
sieur Bergougnoux et à quelques autres témoins de
l ’en qu êt e contraire , un
prétexte
pour
tenait le sieur B r u n en charte privée.
dire
q u ’on
�.)
( 46 )
Une autre partie de la déposition du sieur Bergougnoux annoncerait q u e , 25 jours seulement avant le
décès du sieur B r u n , celui-ci était venu chez l u i , lui
par ut bien porta n t, se plaignit de la dame Yerniet te
qui vint le chercher, et disait q u ’elle le maltraitait
et le tenait enfermé.
Comm ent conciliera-t-on cette promenade du sieur
B r u n , sa bonne santé, sa v i v a c i t é , avec son décès
survenu bientôt après, et avec son état physique attesté
par le médecin?
T o u t démontre que la déclaration du sieur Bergougnoux et celle de son épouse, comme celle des personnes
qui ont redit ce q u ’elles leur avaient entendu dire,
sont indignes de la confiance de la justice.
A u reste, ces prétendus faits n'étaient pas inter
loqués. L a dame »Verniette n ’aurait donc pas à les
combattre.
Ces faits n ’avaient pas même été proposés à la C our
lors de l ’arrêt. On s’était borné à offrir la preuve vague
de l ’imbécillité, sans cotter aucun trait q ui la caracté
risât , sans indiquer même l ’époque à laquelle on la
faisait remonter.
Enfin le moral du sieur Brun se fùt-il affaibli à la
fin de ses jours, et celui-ci eût-il été en état de démence
plusieurs mois avant son décès , quelle conséquence
pourrait-on en tirer contre le testament?
Ne.sait-on pas que ce testament, quoique olographe,
fait foi de sa date; et q u ’ il f aud ra it , par conséquent,
�prou ve r q u e la démence était complette au 20 novembre
1 8 2 3 , époque du testament ( 1 ) ?
O r , non seulement cette preuve n ’est pas faite, mais
il e s t , au c o n t r a i r e , démontré par l ’ensemble comme
par le détail des deux e n q u ê t e s , que le sieur B r u n
jouissait alors c om p le tt e m e nt de toutes ses facultés
intellectuelles.
Ne sait-on p a s , aus si , q u ’ un testament olographe
ne pou rrait être dé tru it , sous prétexte de d é m e n c e,
q u e par les faits les plus graves, les plus caractéris
tiques d ’u ne démence habituelle q u i ne fit pas même
supposer d ’intervalles lucides? C a r
« un
testament
« olographe est plus favorable que le testament reçu
« par des notaires. L a présomption de sagesse est toute
« entière en faveur du
testateur qui prend le soin
« d ’é rire ses dernières volontés. »
( T o u l l i e r , D r o it civil français, tome 5 , n° 5 8 ;
Dagnesseau ,
p la id o ye r sur le
testament
de l ’abbé
d ’Orléans. )
* '
Il
s’a g it , dans la c aus e , d ’ un testament olographe,
d ’ un testament dont la sincérité a été reconnue par
l ’avis unan im e de trois experts chargés de le vérifier,
d ' u n testament dont l ’existence est corroborée par une
preu ve aussi complette q u ’on p ou va it la désirer, d ’un
testament qu i est un acte de sagesse et de reconnaissance,
(1) Voir sur ce point du doctrine les Questions de droit de Mcrün,
au mot testament , $ 7; un arrêt df Cassation , du 11 juin 1810; un
anêt de la Cour du Puis, du 17 juin 1822; 1111 anêt de la Cour de
Riom , cause des héritiers De Rouzat, du 20 janvier 18¿4 i l‘l “ n autre
arrêt de cassation, du 29 avril i 8'<4.
L e pr emi er f i nôt est r appor té par D e n c v e r s , t o m e ' 8 , 1 , 2 7 0 ; le
sec ond, le troisic-me et le q u a t r i è m e par S i r c y , t o i n e a j , 33, et t ome
2 , 2 7 7 , e t , m ê m e t ome , 1 , 27C.
�( 48 )
et qui a été le prix des soins d ’une sœur particulière
ment, chérie. L a C o u r ne s’ exposera pas à anéantir les
derniers vœux d ’ un
testateur ; elle s’empressera de
consacrer par sa justice les bienfaits q u ’à sa mort il
s’est plu à répandre sur celle q u i , seule, pendant sa
v i e , s était devouee à soulager ses tristes infirmités.
V E R N I E T T E , née B R U N .
M e A L L E M A N D , A v o ca t.
M e G R A N E T , A v o u é -L ice n cié .
RIO M ,
IMPRIMERIE
DE
SALLES
FILS ,
PRES
LE
PALAIS
DE
JUSTICE.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Brun, Antoinette. 1831?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Granet
Subject
The topic of the resource
successions
testament olographe
testaments
infirmes
conseils de famille
experts
faux en écriture
expertises graphologiques
signatures
témoins
démence
médecine légale
affection fraternelle
charte privée
abus de faiblesse
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Antoinette Brun, veuve, en premières noces, du sieur Guillaume Bujadoux, et sieur Joseph Verniette, en second mari, marchands, habitant de la ville de Clermont, appelans ; contre les sieurs Annet et Michel Bonhours, dame Annet Bonhours et sieur Jean-Baptiste Celme son mari, et le sieur Louis Bonhours, tuteur légal de ses enfans mineurs, tous propriétaires, habitans de Clermont, partie de Montferrand, intimés.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Démence. v. testament. : 2. quel doit être le caractère des faits tendant à établir l’état d’imbécillité ou de démence d’un testateur ? Vérification : Lorsqu’après vérification des écriture et signature d’un testament olographe, les experts ont déclaré, unanimement, dans leur rapport que l’écriture et la signature sont émanés du testateur et que le testament est sincère et véritable ; que cette opinion est fortifiée et corroborée par les preuves contenues dans des enquêtes judiciaires ; les juges ne font-ils pas sagement de refuser un amendement de rapport et une nouvelle vérification d’experts, s’ils reconnaissent que cette vérification prolongerait inutilement le procès, sans espoir d’obtenir de documens plus positifs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1802-1831
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2717
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2718
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53554/BCU_Factums_G2717.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
affection fraternelle
charte privée
conseils de famille
démence
expertises graphologiques
experts
faux en écriture
infirmes
médecine légale
signatures
Successions
témoins
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53906/BCU_Factums_M0711.pdf
ca072d64c358b33a0e516715b9bab1a5
PDF Text
Text
O U V E R T U R E S
DE
CASSATION,
1*
POUR
F rançois
C H A LU S
et
. C l a u d in e
M A ZU EL
Prétendu homicide par fam ine.
A p r è s avoir langui long-tem s, la femme de Chalus
à perdu la vie : il fallait accuser la maladie et la n a
ture, et l’on a accusé le mari et la personne à qui il
avait confié le gouvernement de sa maison.
O n a inventé que des alimens avaient été refusés à
a malheureuse dont l’heure fatale venait de sonner
et la faim a été le couteau dont on a armé ses assassins.
Quelle a été la source de ces reproches si graves en
eux-mêmes , et si légèrement faits?
U n avide héritier n’avait pas ratifié la donation d'usu
fruit qui avait été faite à Chalus par s a f e m m e il a
voulu l’annuller.
-
Q uelques domestiques n 'av aien t pas pardonné à ClauA ,
�< o
dine M a z u e l, regardée par eux comme leur égale , l’au- torité qu’elle avait exercée sur eux; la jalousie a tenu
des propos, et les propos ont enfanté une accusation.
Des passions étaient en m ouvem ent; un texte avait
été fourni à leurs commentaires, lorsque , Clialus vou
lant assurer une récompense à Claudine M a z u e l, l ’inep
tie d’un notaire avait laissé ridiculement prendre à
l ’acte rénumératoire ,
mariage.
la
forme
d’un
contrat
de
On a expliqué la mort d’ une femme débile , à la
quelle on devait s’attendre , par un crime tellement
nouveau dans son atrocité , qu’ il avait échappé à la
prévoyance de la lo ij par un forfait répandu,pour ainsi
dire, sur on ne sait quel nombre ou de mois ou de jours ,
commis et renouvelle à tous les instans et se multipliant
parles heures et par les minutes.
Ce qu’avaient controuvé de petites passions, on a fini
par le répéter et par le croire : une prévention s’est
établie , qui a tenu lieu de conviction , qui a résisté à
toutes les preuves, d’autant plus inflexible qu’elle était
plus extraordinaire et plus contraire à toute vraisem
blance.
Enfin Chalus a été condamné à vingt ans de fers
et Claudine Mazuel â la m ort, résultat é t r a n g e d'une
accusation fantastique o ù , en supposant le crim e, ce
�(3 )
que la qualité d’époux y a jo u ta it, est oublié et la peine
est attenuée sur la tete la plus coupable.
Il faudra dérouler les feuilles de la procédure, pour
en manifester les vices j éplucher la déclaration des
jurés, pour en décéler l ’incertitude et l ’insuffisance}
•cçinparer le jugement à la lo i, pour en reconnaître
la déplorable inconsistance ; mais il importe de etter
d’abord sur l’accusation mêmejun’eoup-d’œil explorateur.
Telle est la nature de l ’aftaire, que la demande en
cassation ne peut être séparée des élémens qui en com
posent le fond , sans perdre beaucoup de son évidence
et de son energie.
Jeanne-Marie Authier femme Chai us , avait abusé
de la v i e , commis des excès et altéré son tempérainment.
Quand elle fit, le 3 ventôse an 6 , en faveur de son
m a r i, la disposition qui assurait à. ce dernier la jouis
sance de tous ses biens , déjà elle voyait le terme fatal
s’approcher pour elle.
Dès-lors elle sentait les atteintes de la maladie qui
devait la conduire au tombeau : bientôt à la perte des
forces du corps,s’ajouta celle des facultés intellectuelles,
et on la vit décheoir dans une effrayante progression.
On tint ce discours d’elle , à Martin-Gilbert Gomot
A 2
L e fo n d de
l'a ffa ir e .
�(4 )
l ’un des témoins dont les déclarations ont été écrites ,
que « c ’était une femme perdue, au physique comme
»-au m oral, et au moral comme au physique ».
Chalus appeîla en l ’an 8 , auprès de lu i, Claudine
Mazuel dont la famille n ’était pas étrangère à la sienne:
il la chargea, dans son m énage, des soins dont la maî
tresse de la maison n ’était plus capable. Les domestiques
s’etaient accoutumés à l’indépendance et au désordre
ils supportèrent impatiemment la supériorité de la nou
velle ven u e, et plus impatiemment la réforme.
Ils furent ses détracteurs quand elle régla la dépense
et mit fin au dégât ; e t , quand il fallut venir à les
congédier, ils devinrent ses ennemis déclarés.
Cependant l ’état de la malade allait empirant, avec ,
une affligeante rapidité.
»Son appétit dépravé repoussa les alimens auxquels
elle avait été a c c o u t u m é e . Elle ne prit que du pain ,
des racines, du la it , du fromage j elle mangea de la
terre et du plâtre j elle soutint opiniâtrément de
longues abstinences.
Son estomac cessa de faire ses fonctions. Les alimens
ne firent que passer dans un corps où tout ressort était
détendu , et p a r-to u t elle porta avec elle l ’ordure et
l ’infection.
Elle fut sujette à des défaillances dont les paroxisrnes
se rapprochèrent, et durant lesquelles sa bouche rendit
une sale écume.
�Plus rapidement encore elle perdit la mémoire et
1 in
telligence.
N e reconnaissant personne , elle allait disant piteuse
ment , j e n ’ a i rien , j e n ’ a i rien , à tous ceux qui se
présentaient à elle., et savait à peine proférer d’autres
mots.
Errant dans la cuisine, elle jettait des immondices
dans les vases où la nourriture de la maison était pré
parée.
U ne manie s’ empara d’elle, plus dangereuse pour ellemême et pour les autres 5 elle joua avec le feu^ empoi
gna ds-s tisons ardens, les porta sur ses habillemens et
dans ses poclies, et fit craindre l ’embràsement de la
maison.
'
Par respect pour son infortune, on supporta long-tems
le§ inconvéniens de sa situation et le spectacle rebutant
de sa maladie.
Il fallut bien se résoudre à la traiter d’ une autre ma
nière : on choisit une chambre vaste, bien placée , où
l ’air se renouvellait facilement , et on l’y déposa.
E lle cessa d’être libre et non d’être soignée. U ne jeune
servante fut chargée de ppurvoir à sa nourriture , et C lau
dine M azuel, de veiller à ce qu’elle fût tenue aussi pro
prement qu’il était possible.
Insen sible à
cette espèce de captivité , parce qu’elle
n’avait plus la faculté ni de sentir ni de comparer , elle
11e fit entendre aucune p l a i n t e .
/
�(6 )
On lui porta du p a in , du vin ? du lait et du fromage :
elle mangea comme auparavant, ne digéra pas mieux f
ne fut pas moins prompte à répandre l ’ordure sur elle et
autour d’elle»
Si l’on alluma du feu pour la réchauffer quand il fai
sait froid, on fut obligé de ne pas la quitter; car en se
brûlant elle-m êm e, elle aurait incendié la maison.
Elle était entrée dans cette chambre avec une lueur de
vie qui s’éteignit un mois après.
On peut dire q u e , long-tems imprudente et puis victiine,inalade de l’esprit e( du corps,privée d ’intelligence
' et de force, nulle pour elle*mêine et pénible pour les autres^et perdant , chaque jour , un lambeau de ce qui lui
restait d’existence j elle acheva enfin de mourir le 27
prairial an 9.
E l l e f ut sai si e p a r s a d e r n i è r e d é f a i l l a n c e ; e l l e v o m i t
sa dernière éc u m e.
Il
est reconnu, il a été déclaré par tous les témoins
qui ont é.é entendus, que Chalus n’avait cessé de s’oc
cuper affectueusement du sort de sa fem me, de lui
donner personnellement des soins et de la recomman
der à ceux de ses domestiques.
On voit .»ussi qu’ une jeune servante était chargée de
portera la captive ses alimens, et l ’on ne dit pas qu’elle
ail manqué à ce devoir.
\
�‘
7 ^
Aucun soin ne peut prévenir un assassinat ou
empoisonnement ; un instant y suffit : la fairn , au
contraire, est un moyen lent dont le moindre secours
interrompt l’action et prévient l’effet et, s*il est vrai ,
comme les témoins l ’ont dit f que Chalus ait souvent
porté à sa femme le pain , le fromage et le vin de son
déjeûner ^ oxi peut hardiment nier que la faim ait été
la cause de sa mort.
E t il est Lien plus certain que la mort a eu une
autre cfiuse que la faim } si la jeune servante a , même
avec n égligence, accompli son service.
Pourquoi donc Chalus et Claudine Mazuel avaientils donné à l ’acté passé entre eux , le 8 g erm in al, la
forme d’ un contrat de mariage? Ce fait extrêmement
singulier ne peut être expliqué que par la simplicité
d';s deux parties et l ’ignorance grossière du notaire.
Si un projet de mariage avait été lié à celui d ’ un
meurtre , il est évident que celui-là aurait été différé.
Outre qu’ il n’y aurait eu aucnn intérêt de commencer
par la , quelque stupide que l ’on fût , il ¿toit impossi
ble de ne pas voir que, dans cette inutile précipitation >
on fournirait une preuve du crime concerté.
Ce ridicule contrat de mariage est presque un moven
justificatif j il est incompatible
l ’homicide.
avec le complot de
Claudine Mazuel avait passé un an dans la maison
�(
8
)
de Clialus et parmi les peines et les dégoûts : elle n ’v
était pas salariée , et pourtant il était naturel qu’ une
récompense lui fût assurée.
U n e donation que Chalus avait faite à' son frère le
gênait 5 ce fut sa pensée que la forme du contrat de
mariage levait cet obstacle et l ’on prit cette forme.
C ’est ainsi que les parties ont uniformément rendu raison
de ce qu’elles avaient fait.
C ’était une bévue sans doute ; mais elle pouvdit fort
bien entrer dans la tête d ’un ci-devant gentilhomme de
campague et d’une paysanne de vingt-cinq ans.
Il n ’est pas clair qu’elle ne soit pas entrée dans celle
du Notaire qui fit l'acte j et, après tout, elle n ’était pas
plus grossière que celle de constater le dessein d’ un se
cond m ariage,lorsqu’on aurait complotté la dissolution
du premier par un meurtre.
Quand le Notaire a été interrogé
l ’ébruitement de
l ’affaire et ce qu’il en avait entendu dire l ’avaient aver
ti de sa lourde sottise , et il a dit q u’il avait cru les
parties également libres j mais avouant que Chalus était
connu de l u i , comment ne savait-il pas qu’il avait une
femme ? Mais avouant qu’ il ne connaissait pas Claudine
Mazuel , comment prêtait-il son ministère à un acte de
cette importance,, sans prendre aucune information
Il y a une bon-homrnic qui est presque la caution
dç la vérité , dans ce qu’en a déclaré Chalus à son pre
mier
�mier interrogatoire , » qu’il avait dit à cette dernière
» (Claudine M azu el) qu’il voulait lui reconnaître quel» que chose pour la, dédommager de ses peines ; m us
» qu’il ne savait comment s’y prendre , ayant donné a
» son frere tous les biens dont il mourrait vôtu et saisi j
» qu’ alors ladite Mazuel lui dit qu’il pourrait lui recon» naître quelque chose par contrat de mariage...... Qu’ il
» observa.au Notaire que son épouse n’ était pas morte j
» mais qu’elle était dans line si déplorable situation y
» qu’ elle pouvait être considérée comme telle ; qu’à
» cette observation le Notaire rêva un in s ta n t } et puis
» dit au répondant que cela n’ y faisait rien. «
'V o ilà l’incident tout entier de ce contrat de maringe.
I l fut écrit le 8 germinal, et ce fut le 28 floréal que
Clialus fit conduire sa femme dans la chambre où l’on
fut enfin forcé de la retenir et où elle vécut encore un
mois.
Il est cruel d’avoir à faire des calculs de cette nature j
il faut pourtant le remarquer ; dans le plan d’ un crim e,
une telle convention de mariage aurait été trop p r é c o c e ,
ou bien la catastrophe t r op differée.
On avait t e n u d e s d i s c o u r s d ’ a p r è s les domestiques
mécontentés et congédias ; quand,Chalus laissant sa fem
me
errante
dans sa mai on , elle vivait de pommes de
terre , de pain et de fromage 5 quand, retenue dans une
chambre , elle n’y avait p a s d ’auties alimens; quand on
B
�( 10 )
l ’avait entendu répéter , presque pour toute conversa
tion , ces mots qui entraient dans sa manie , j e n ’ a i r ie n ,
j e n ’ a i rien ; ces discours se renouvellerent quand la ma
lade eut fermé les yeux : ce fut un torrent que rien ne con
tint et qui entraîna la crédulité publique , toujours d’au
tant plus facile que les choses le sont moins.
. Tout le monde savait que cette femme infortunée avait
été accablée de symptômes graves et croissans journel
lement en fréquence et en intensité j il était naturel de
voir , dans ce déclin gradu el, la cause de son trépas j la
multitude aima mieux , l'expliquant par un crime f ima
giner ce qui était affreux, mais extraordinaire , que de
rechercher ce qui était v r a i , mais simple.
U n e lettre du maire de Pontaumur informa le juge de
paix de cette mort et de la rumeur dont elle était le sujet,
et le juge de paix assisté de son greffier qui joua depuis
dans cette affaire un autre rôle et de ses assesseurs qui
n'en devaient jouer aucun , alla reconnaître le cadavre
le 28 prairial lendemain de la mort.
Deux chirurgiens procèdent à Couverture et à la véri
fication et ne décident rien. Réunis le 29 avec trois au- 1
très , ils remarquent clans l'œSophage f l’estomac et le
duodœnum, quelques signes d'inflammation ; dans l'es
tomac en particulier l’absence de la tunique veloutée;
dans l e s intestins sept à huit corps de matière argilleusc
�C 1* )
et pierreuse j à cela près v a cu ité totale (c'est leur ex
pression) et , d’ailleurs , tout dans son état naturel.
C
rs
corps argilleuxet pierreux
trouvés
dans les intes
tins , prouvaient cette inanie qu’elle avait eue , de man
ger de la terre et du plâtre.
Cette va cu ité totale pouvait être lV ffet du relâche
ment extrême dont sa continuelle malpropreté avait été
l'indice. Les chirurgiens déposeront depuis avoir apperçu quelques restes de fromage et de beurre, et l'un
d'eux avoir vu dans le rectum, un morceau entier de fro
mage et la v a cu ité totale était un symptôme d'autant
plus équivoque.
*
Cette inflammation des viscères , effet commun de
plusieurs causes , ne dénotait rien par elle-même.
Enfin cette absence de la tunique veloutée, imputée
par eux à la matière argilleuse et pierreuse trouvée dans
les intestins, ainsi expliquée , prouvait seulement que
la défunte avait avalé cette même matière, dont la pré
sence le prouvait encore mieux.
Dans tout cela, la v a cu ité exceptée, qui n’était pas
totale , puisque l’on avait reconnu quelques restes de
fromage et de beurre, i! n’ y avait rien qui dût faire
soupçonner l’action de la faim.
A u moins les chirurgiens n'expliquèrent pas comment
les auties signes par eux énumérés,, concouraient à en
produire le soupçon.
B a
�( 12 )
Et pourtant ils ôtaient appelés , non pas pour d o n n e r
une décision dogmatique sur les causes de la mort ; mais
pour déduire les raisoiis de croire à certaine cause plu
tôt qu’à certaine autre.
En lisant la description imparfaite qui constitue tout
leur rapport, on n’apprend rien. Ils n’allèguent ni prin
cipes ni expérience , la rumeur est leur guide ; ils o n t
entendu crier dans le pays , que l ’on a fait mourir de
faim la femme de Chalus, et ils déclarent que la femme
de Chalus est morte de faim.
Pourquoi n ’ont-ils pris aucune information ? Ils au
raient appris qu’ une longue maladie avait tourmenté la
malheureuse femme dont ils visitaient les restes j qu’elle
avait perdu la santé dans l ’inconduite et dans l ’intempé- *
rance j qu’elle avait été, d ’esprit et de corps, la proie
d ’ une décrépitude prématurée j et tout cela les eût éclai"
rés sur les phénomènes observés par eux.
I ls
auraient
syncopes , elle
appris q u e , sujelte depuis long-tems à des
vomissait dans leurs accès, de l ’écume,
et que sa mort s’était confondue avec un accident du
même genre, signalé par les mêmes symptômes} et peutêtre eussent-ils été amenés à confesser un appauvrisse
ment su ccessf, annonçant ses progrès par cres pâmoi
sons subites et a yan t, dans la dernière, son période
extrême.
G’est ainsi qu’ un rapport de chirurgien
aurait été
�( i3 ")
utile à la manifestation de la vérité ; mais quand ceux
qui ont été appelés, font une opération purement ma
nuelle , ne discutent rien et prononcent d’après un
bruit populaire, il n’y a point de rapport, il n’y a que
le vain et insignifiant récit d’ une inutile décTiiqueture.
On fit comparaître des témoins, tant alors que
depuis, devant le juge de paix, devant le directeur du
jury et devant le tribunal criminel : leurs déclarations
peuvent être rangées dans trois classes.
Il y a d’abord celles des domestiques et habitués de
la maison que le gouvernement de Claudine Mazuel avait mécontentés et qui furent expulsés par elle ou
d’après ses conseils ; ils la chargent de tout leur pou
vo ir, et pourtant tout se réduit aux reproches d’avoir
manqué aux égards et au respect qu’ elle devait à la
défunte, d’avoir engagé Chalus à l ’exclure de sa table
et ensuite à la renfermer dans une chambre , d’avoir
repoussé les personnes qui voulaient la visiter; e t , sur
le refus des alimens , rien que ce discours habituel de la
malade, j e n?ai rien , j e n’ a i rien , et la vague alléga
tion de la mort causée par la faim.
Ensuite il y a les déclarations des personnes qui avaient
donné plus ou moins de confiance à la censure p o p u
laire dont Claudine M azuel avait été l’objet soit a v an t,
soit après la mort de la femme C halus. Celles-ci prouvent
l ’existence d’ une rum eur dont la source était probable-
�( i4 )
menl dans les détractions des domestiques expulsés j
c’est la rumeur elle-même ) mais seulement la rumeur
juridiquement constatée.
On distingue enfin la déclaration des témoins qui, ne
cédant à aucune passion et connoissant le bruit popu
laire sans être entraînés , ont articulé des faits précis, et
affirmé ce qu’ils avaient vu.
C ’est dans cette dernière espèce de déclarations q u e ,
remontant à quelques années et descendant jusqu’au
jour du trépas de la femme Chalus , on trouve le tableau
de sa vie et les causes qui en précipitèrent la fin.
On y apprend comment cette femme éprouva et détrui
sit son tempérament, devint insensée et malade et, de
chute en chûte^ arriva au point extrême de la démence et
do la caducité et aux symptômes déplorables de ce der
nier mois durant lequel, il fut nécessaire de la confiner
dans une chambre.
encore l ’histoire des soins dont elle fut l ’ob
jet. On la voit recommandée par son m ari, mangeant
L à est
à sa table tant que l ’infeçtion qu’elle porte après elle
est supportable,
patiemment épiée lorsqu’elle a la
double manie de couvrir d’immondices la nourriture
des autres, et elle-même de feu , conduite dans une
chambre quand sa liberté est devenue trop rebutante
et t r o p dangereuse, pourvue^ quant aux aliniens, par
une domestique, et, quant à l’habillement, par une autre,
�( iS )
et enfin mourant parce qu’elle n’ était pas immortelle,
non surprenante en ce qu’elle expire alors , mais en ce
qu’elle a traîné si long-tems une si misérable existence.
Ces détails sont l ’extrait fidèle de tous les témoi
gnages qui ont été écrits.
Quand on a tout lu avec attention et avec c a lm e , on
se demande si, destinée à mourir de faim , la femme
Clialus aurait été placée dans une cliambre à deux fe
n êtres, d’où ses plaintes pouvaient se faire entendre audeliors et qui auraient ouvert une issue à. son dé
sespoir.
On se demande si Claudine M a z u e l, ayant résolu cet
homicide barbare , aurait permis qu’ une autre qu’ elle
fût chargée de porter à la prisonnière le pain f le vin et le
fromage dont elle était nourrie.
On se demande si Clialus , complice d’ un affreux com
plot, n’aurait pas pris d’autres mesures pour se dérober à
tous les regards ou s i , attentif à prescrire les soins né
cessaires a sa femme, il n’aurait pas été informé de
1 inexécution de ses ordres.
On se demande si les alimens apportés à la malade
par son mari et par la jeune fille qui en avait l’e m p lo i,
pouvaient lui être enlevés assez promptement par d’au
tres mains et si la pins mince quantité
suffi pour l’empêcher'de mourir de faim.
n’aurait pas
�( 16 )
On se demande s’il se peut que la mort de la femme
Clialus ait été tramée, préparée et causée par ce pro
cédé lent de la faim , sans que non-seulement Chalus
et Claudine Mazuel aient été d ’accord j niais encore
que les deux autres filles qui étaient au service du pre
mier j mais encore que le domestique, ou les domestiques
mâles j mais encore que toutes les personnes qui fré
quentaient la maison aient été complices du crime sans
cesse présent, sans cesse commis , qui n ’aurait pas excité les cris de leur indignation.
O n se demande enfin si le terme naturel d’ une lan
gueur prolongée n’est pas la mort,' et s’il est permis
d ’attribuer à une cause extraordinaire , ce qui a dans
soi-même, son explication.
Toutes ces considérations ont été omises dans la
poursuite dirigée contre Chalus et contre Claudine M a
zuel , et dans le jugement qui les a condamnés : c’est
justement à ce qui était extraordinaire, difficile,impos
sible à co n c e v o ir, qu’ une inconcevable persuasion s’est
aheurtée.
L’accusation.
On form a, le 7 thermidor, la liste d’ un juré spé
cial d’accusation , et Bois , greffier de la justice de paix
de Pontaumur , compris dans cette liste , ne s’excusa
pas : on ne vit pas qu’après avoir pris part , comme
officier,, aux premiers actes de l’instruction , il ne pou
vait
_
�(
17
)
^
-
vait intervenir comme juré dan s l ’exament de 1 ac
cusation.
En lisant l ’acte d’ accusation , on voit la mort préten
due violente de la femme Cholus,en être le m otif uni
que et, depuis, quand la loi le défendait , on ajouta un
prétendu fait de bigamie et une prétendue atteinte a
l ’honnêteté publique.
Bientôt on prépare le jugement défin itif: un premier
tableau de jurés est annullé ; m ais, dans le tableau
nouveau, se trouvent les noms de deux hommes qui
n ’avaient été compris ni dans, la liste des jurés spé
ciaux, ni même dans la liste commune des jurés.
On remplace deux jurés actifs par deux hommes sans
caractère , et l’on remplace un juré adjoint par un
li'Mniue inscrit sur la liste des jurés spéciaux; comme
si la primauté n’avait pas été due au tableau des jurés
actifs.
Ensuite a une première liste de témoins , une se
conde est substituée: des témoins sont retranchés ; un
témoin est ajouté.
Arrive le moment critique où le jury doit s’expli
quer ; il est interrogé sur deux chefs , et il n 'y avait
qu’ un chef d’accusation.
v
U n e tentative de bigamie est niée, ce qui a rapport La .léchn«™
à cet acte réaiunurutoire que Chalus avait fujt Sm
(î" J,lr«
«le-jugement,
c
�( i8 )
la forme d’ un contrat demariage • mais les<jurés affir- .
ment qu’il y a eu action déslionnête et attentat publi
quement fait aux bonnes mœurs.
C ’est ensuite sur un plan et dans des termes singuliers
qu’est établie la déclaration du ju r y , relative à la mort
de la femme Clialus.
Il est constant
9 fait-on dire aux jurés , que cette
femme fut quelquefois maltraitée j
Qu’elle fut enfermée dans une chambre j
Que cette mesure ne fut pas commandée par la né
cessité j
Que Chalus et Marguerite Mazuel ont pris part à
cette mesure j
Que la femme ,Chalus est décédée peu de tems après
dans cette chambre j
«
Q u’ elle n’ est pas décédée de mort naturelle j
Que cette mort est due à une privation d ’ alim ens j
Que cette privation ne fut pas volontaire j
Q u ’elle fut l ’ effe t de manoeuvres étrangères à la
fe m m e Chalus ;
Que François Chalus est convaincu d'avoir concouru
à cette p rivation d 'a lim en s ;
Qu’il y a concouru sciem m ent ;
�0 9 )
Qu'il n 'y a pas concouru avec préméditation j
Que Claudine Mazuel est convaincue d 'avoir concouiu
à cette privation (Valimens ;
Qu’elle y a concouru sciem m ent ;
Qu'elle y a concouru avec prém éditation.
Enfin le tribunal prononce : Clialus est condamné à
la peine de vingt années de fers pour avoir concouru,
sciem m ent et sans prém éditation à la privation d’alimens à laquelle est due la inort de sa fem m e, en vertu
de l’art. 8. sect. 1. tit. 2. part. 2. du code p é n a l, suivant
lequel » l'homicide commis sans préméditation est puni
» ainsi. «
Et Claudine Mazuel est condamnée à la peine de mort
pour avoir concouru à cette privation d'alimens scient*
nient et avec prém éditation , en vertu de l'art. 1 1 por
tant que » l’ homicide commis avec préméditation sera
» qualifie d’assassinat et puni de mort «
Quelle obscurité et quelle indétermination là où la
loi desire tant de précision et tant de clarté !
U ne femme q u e l q u e f o i s maltraitée , enfermée dans
une chambre, par une mesure sans nécessité, à laquelle
on a pris p a r t , décédée dans cette chambre d’ une mort
non naturelle due h une privation d ’alimens non vo
lontaire , effet de manœuvres ; des accusés qui ont co n
couru à cette privation d’alimens , qui y ont concouru
sciemment l'un avec, l'autre sans préméditation !
C 2
I
�( 20 )
Il n 'y a pas un m o t dans cet entortillement qui ne soit
la matière d'un doute et d'un commentaire. Q u ’ e s t - c e
que prendre p a r t à une mesure ? Comment la m o r t
est-elle due à une privation d'aliinens ? Q u ’ e n t e n d - o n
par ces manœuvres dont la privation d’alimens a e t e
l ’effet? Que signifie le mot cojicourir , appliqué à une
privation d’alimens? D e quelle manière Chai us et C lau
dine Mazuel y ont-ils concouru , etc. etc. etc. ?
Et c’est ensuite de cette déclaration vague , quand il
reste tant de sujets de d o u te, et d’après des i n c u l p a
tions qui ne sont pas définies , qu’ un Tribunal r é s o u t
une condamnation à vingt ans de fers et une condam
nation à la mort !
Après avoir tracé ce tableau des faits , de l'instruc
tion , de la p r o c é d u r e , de l ’examen et du j n g e m e n t ,
on est p r e s q u e tenté de s’arrêter là e t, sans discussion ?
de livrer cet incohérent assemblage à la justice et à la
raison des Magistrats qui doivent juger la demande en
cassation.
Pour faire annuller et cette procédure et ce
ju gem en t,
fout-il autre chose que les exposer à nud dans
le u r
pro
pre défectuosité ?
L e s 011 vet lurps
(Je cassation.
C ’est en les renfermant dans le cercle d’ une démons-
�( 21 )
tration abrégée, que l ’ on va indiquer les ouvertures qui
doivent assurer le succès de la demande en cassation.
et
Il faut distinguer la procédure >la déclaration du Jury
le j u g e m e n t e t les vices qui leur s o n t r e s p e c t i v e m e n t
propres.
D e nombreux reproches pourraient être adressés à la La procédure,
procédure ; on ne dira pas tout.
Il y a sur les procès-verbaux du 28 et du 29 prairial
qui en sont la pièce fondamentale , cette premiere re
marque à faire , que des officiers sans compétence y ont
concouru. L e juge-de-paix à qui la loi donnait isolément
le titre d’officier de police ( loi de brumaire an 4 , art.
21 et s u iv .— loi du 7 pluviôse an 9 , art. 4 . ) , le juge-depaix s’ y fit assister de ses assesseurs, adjoints nécessaires
de ses fonctions civiles, étrangers à ses fonctions de po
lice ; et leur présence hétérogène priva ces actes de tout
caractère légal.
a dit q u e ces p r o c è s - v e r b a u x f u r e n t la p i è c e fon
damentale de la p r o c é d u r e . La l o i ne v e u t - e l l e p a s en
effet que » lorsqu’il a été commis un délit dont l’existence
» peut être constatée par un procès-verbal } le juge-deOn
» paix se transporte sur les lieux pour y décrire en détail
» le corps du délit ? «
Telle était la nature du fait , qu’il exigeait le trans\
. •
�'.( aa )
'
port et le procès-verbal ; et si l’acte est n u l, il ne reste
rien de la poursuite dont il fut le principe.
Si les procès-verbaux sont le fondement de la procé
dure, la déclaration affirmative du jury d ’accusation
est la base de toute poursuite déterminée devant le tri
bunal criminel.
Celle que l’on fit donner contre Clialus et contre C lau
dine M azu el, fut rendue défectueuse par la participa
tio n , en qualité de ju r é , du greffier de la justice de
paix de Pontaumur.
Il avait écrit et dû écrire les procès-verbaux du 28 et
du 29 prairial : le premier de ces actes faisait mention de
sa présence et de sa signature j il était terminé par ceg
mots , « et avons signé avec notre secrétaire-greffier. »
O n trouve établie, dans la loi, une incompatibilité pré
cise entre le titre de juge et les fonctions de juré ( loi de
brumaire, art. 484)5 et elle garde le silence à l ’égard du
titre de greffier.
Il s’ensuit qu’absolum ent, un greffier n ’est pas inca
pable j mais il est contre la nature des choses que dans la
même affaire il soit juré, étant ou ayant été greffier. Les
fonctions publiques ont été départies séparément et
une telle confusion n’y peut être reçue.
�(
*3 )
On voit que les accusés furent présentes deux fois au
débat» U ne liste de témoins leur avait été signifiée le
18 fructidor. On leur en signifia une nouvelle le 9 ven
démiaire , où les mêmes témoins ne furent pas tous com
pris , et ensuite on produit au débat un témoin dont le
nom n’ y avait pas été. Contravention à. laloidebrum airej
art. 346.
,
Quand il s’agit de former le tableau du jury de ju
gement, on y inscrit en remplacement de deux jurés qui
t
manquent, deux hommes qui n’ étaient n i sur la liste
spéciale , ni sur la liste com m une, et l’on remplace un
juré adjoint par un homme appartenant à la liste. Con
travention à l’art. 5 i 8 d e là loi de brumaire an 4 , e$ à
la loi du 6 germinal an 8, art. 4 et 5.
V oilà ce qui regarde la procédure.
Il faut passer maintenant à la déclaration du juré
de jugement.
On remarque d’ abord que l’acte d’accusation avait
eu pour objet un seul d élit, celui que l’on supposait
avoir eu pour eifet la mort de la femme Clialus , et il
fallait s’arrêter là; car, selon la lo i, les jurés ne peu
vent prononcer sur d’autres délits que ceux qui sont
portés dans l’acte d’accusation. ( L o i de brumaire
046.)
\
art
Déclaration
du J u ry .
�( H )
On se fait une autre règle : les jurés sont interro
gés, et s’expliquent en premier lieu sur le fuit de ce
ridicule contrat que le notaire Chevalier avait écrit
entre elles.
Dirait-on que la loi ne prononce pas la nullité de la
déclaration où les bornes de l’acte d’accusation sont
ainsi franchies? La nullité est de droit quand on a fait ce
qui était interdit expressément.
Dirait-on que cette partie de la déclaration n’a donné
lieu à l’application d’aucune peine, et qu’il n’y a point
d ’intérêt de s’en plaindre? Il y a toujours un intérêt de
demander que des actes non conformes à la loi ne soient
pas entretenus, et puis n ’y a-t-il pas lieu de soupçonner
que si l’attention des jurés n ’avait pas été partagée, ils
auraient mieux examiné le ch e f d’accusation qui devait
véritablement les occuper ?
,
Relativement à ce ch e f d’accusation, toutes les règles
ont été blessées dans la déclaration des jurés : tout ce
q u ’ il
y fallait essentiellement faire entrer y a été om is,
tout ce qu’il importait d ’éviter y a été employé.
Où est,dans l’ordre tracé pour cette déclaration par le
tribunal, la première question tendant essentielIement
« à savoir si le fait qui forme l’objet de l’accusation
» est constant? (L o i de brumaire , art. 374 ) ”
Pour qu’il y eût un d élit, il fallait, selon le thème de
l ’accusation *
�( 25 )
l’accusation, que la mort cle la femme Chalus fût arri
vée par l ’effet de la faim , des alimens lui étant refu.
ses , et des obstacles étant rnis à ce qu’ elle en reçût.
G’ est à cette définition du délit qee la premiere ques
tion devait répondre.
Que la femme Clialus eÆt été quelquefois maltraitéej
qu’elle eût été enfermée dans une chambre ; qu’ elle fût
morte dans cette chambre ; que sa mort eût été l’effet
d’ une privation d ’ a lin ien s; tout cela pouvait ê tr e ,
sans qu’il y eût un délit, et n ’était par conséquent pas
le fait formant l’oî jet de l ’accusation.
Il est fiit mention ensuite de manœuvres étrangè
res à la Ja n in e ( halus , dont cette privation d }alim ens
fut l’effet ; et c’est dans ces manœuvres que le délit a
dû consister , et que doit être le f a i t qui J'orine l ’ objet
de Vaccusation ; mais quelle idée les jurés ont-ils atta
chée à ces expressions?
Proprement le mot manœuvre signifie l ’attirail d’ un
vaisseau ou l’ action de son équipage et encore le m ou
vement d’ une armée : on l’emploie, au figuré, pour
exprimer des procédés et des moyens appliqués à de
certains desseins ou la conduite qui a été tenue pour
arriver à un certain but j et alors il est vague et par
conséquent équivoque P abstrait
et
par conséquent
obscur.
D
�( *6 )
Il ne convient à des jurés ni de parler au figuré ni de
faire des déclarations abstruses ou énigmatiques. Les
questions qui leur sont faites doivent, comme leurs ré
ponses , se réduire aux termes les plus simples , les plus
facilement intelligibles. Si leur pensée a besoin de tra
vail pour comprendre ce qu’ils ont à vérifier, s’il faut
ensuite que l’on étudie ce qu’ils ont déclaré, ce ne sont
plus des hommes d’entre le peuple appelés pour recevoir
une impression et la manifester $ ce sont des juges char
gés de discuter et les arguties prennent la place de la
conviction«
Quelle est la grande attention de la loi lorsqu’elle règle
la marche de l ’examen par jurés? N ’est-ce pas de faire
en sorte que les résultats soient exempts de toute combi
naison ? Pourquoi distingue-t-elle les questions sur le
f a i t , sur ses auteurs , sur sa m oralité , sur la gravité du
d é lit, sur ses circonstances, sur l’intention qui y fut
apportée, sur les excuses des accusés ( d it art. 3 7 4 ) , si
ce n'est afin que les jurés , à chaque fois qu’on les inter
roge , n ’aient à percevoir qu'un point sim p le, facile à
saisir, et sur lequel il y ait dans l ’affirmation ou la ne
gation , une explication suffisante et pleine ?
!N’est-ce pas encore dans le même objet , que la loi
défend
( art.
les questions
et les déclarations
complexes
3 77 ) ?
Faire consister un délit ou le fait qui fo r m e Vobjet
�( 27 )
d ’ une accusation dans des ‘manœuvres ^c’estne pas fane
aboutir l’examen à ce résultat simple et exempt de corn
lunaison que la loi désire, et contrevenir à ^institution
. des jurés dans son essence. Sur une telle interrogation ,
affirmer ou nier né suffit p a s pour qu’il y ait une expli
cation pleine.
Il reste à Savoir quelles ont été ces manœuvres , quel
rapport elles ont eu avec l ’effet qui a été produit , et
comment elles ontcontracté la nature du délit.
On voit b ie n , pour terminer la discussion de ce pre
mier p o in t, qu’ en énonçant ces manœuvres , dont la
privatiàn d'alim ens fut l’ effet pour là femme Chalus ,
le tribunal a eu la volonté de provoquer, et les jurés
celle de donner une déclaration sur un f a i t f o r m a n t
l’ objet de Vaccusation j mais on eàt forcé en même tems
de reconnaître que cette volonté n’ a pas été accomplie.
Et il- s’ ensuit qu’ il y a eu contravention à. la loi qui
prescrivait une première question, tendant essentiellement a savoir si le fait qui formait l’objet de l ’ accusatioilj était constant ou non.
Selon la méthode de la l o i , la seconde question et la
seconde déclaration devaient avoir lieu sur la conviction
des accusés : avaient-ils commis le délit ou y avaient-ils
coopéré ? voilà ce qu’il y avait à éclaircir. Et l’on a
�\
( *8 ) •
■
continué d’être hérissé d’ambiguité et enveloppé de
ténèbres.
'
Après dénonciation de cette espèce de fait principal
que la femme Chalus fut enfermée dans une c h a m b r e ,
l ’ un» et l’autre accusé est déclaré convaincu d’avoir
p r is p a r t à cette mesure.
Après l ’énonciation de l'autre fait principal des
manœuvres étrangères à la fem m e Chalus d o n t l ’ e f f e t
fut la privation cValimens , l ’ un et l ’autre accusé est
encore déclare convaincu d ’ avoir concouru à cette p r ivation d ’ a lim e n s.
P ren d re p a r t ou
co n co u rir ,
c ’est ,
à
quelques
nuances p r è s, la même chose j mais ces mots , em
ployés ab solum en t, expriment encore des abstractions
qui ont besoin d'être déterminées. Il n ’y a rien de pré
cis jusqu’à ce qu’il soit dit comment il a été p ris p a rt
et comment il a été concouru.
I l se peut que,, sans être coupable } l ’on ait p r is p a r t
ou concouru au fait qui constitue le plus grand crim e,
par des procédés éloignés qui viennent accidentelle
ment s’y rattacher.
Celui qui a retenu violemment un v o y a g e u r, afin
que l ’assassin l’atteignît et le frappât ; a p ris p a r t ,
a concouru au fait du d é l i t , et il est coupable : c e l u i
qui a arrêté le voyageur par quelque acte fortuit sc
�( a9 ) .
trouve fatalement avoir pi'is p a r t , avoir concouru au
fait j et il est innocent.
Il y a cela de remarquable que la privation d ’a limens dans laquelle on place la cause de la mort , est
attribuée à des m anœ uvres, et que ce n ’ est pas à ces
manœuvres que les accusés sont déclarés convaincus
d’avoir concouru ; et l’on sait que l’ action la plus in
nocente peut se trouver en concours avec la plus cri
minelle.
A i n s i , la seconde question prescrite par la loi,m an
que comme la première. On ne v o i t , aucun fait cons
tant dont les accusés aient pu être reconnus les auteurs j
mais sur-tout les accusés ne sont déclarés convaincus
d’avoir commis aucune action déterminée , ni d’avoir
coopéré à aucun fait précis , par aucun procédé défini.
I l y a donc encore contravention à la loi d’après la
quelle une seconde question devait être posée , ten
dante a savoir si les accusés étaient convaincus d’avoir
commis le délit ou d’ y avoir coopéré.
V oilà la déclaration du juré d e j u g e m e n t destituée de
ses deux élémens essentiels ; la, loi n’a pas été mieux
accomplie dans les détails.
Il a été reconnu que la femme C h alu s fut enfermée
dans une chambre , et les jurés ont dit ensuite que
�( 3° )
cette mesure ne fut pas commandée par une indispen
s a b l e nécessité. L a défense des accusés avait consi&té à
objecter l’état d’infection et d’imbécillité de la malade
et son habitude dangereuse de jouer avec le feu. Pour
quoi ces représentations n ’ont-elles été la matière d ’au
cunes questions ? L rs jurés n’auraient pu nier ni l’in
fection , ni l ’im bécillité, ni la risquable habitude; e t ,
d ’après ces circonstances reconnues , qui auraient dû
être considérées en premier lieu comme plus favórables
aux accusés ( dit art. 3 7 4 ) , les jurés auraient été
moins positifs sur la nécessité de la mesure.
Ceci appartenait à la moralité du fait et se trouvait
dans la cause et l ’omission fut une contravention à la
loi qui voulait qu’après les questions principales , on
f î t aux jurés celles « qui , sur la moralité du f a i t , ré» sultaient de l’acte d’accusation , de la défense des
» accusés et du débat , en commençant par les plus
» favorables aux accusés, ( d it art. 374. )
D e même sous le rapport du fait prétendu de la p r i
v a tio n d ’a lim e n s, il avait été allégué, pour la défense
des accusés , que la femme Chalus était parvenue à un
tel point d ’appauvrissement, que son estomac recevait
et renvoyait la nourriture sans la digérer ; que souvent,
par caprice ou par dégoût, elle s’était abstenue de man
ger; qu’elle avait cessé de vouloir d’autres alimens que
du p a i n , du l a i t , du fromage et du v i n ; que tout
�(
3i )
cela lui était porté journellement en plus ou moins
grande quantité; que les recommandations de son mari
étaient à cet égard aussi fréquentes qu’affectueuses ;
qu'une domestique avait été particulièrement chargée
de ce soin , et que le mari le remplissait souvent luimême.
Si l’on avait mis les jurés à portée de s’expliquer su®
ces particularités , après les avoir vérifiées dans les élémens du débat, il eût été difficile qu’ils attribuassent
la mort de cette femme à cette privation d’alimens , à
laquelle leur déclaration s’arrêta si absolument.
D e même encore,, les accusés avaient invité les juges
et les jurés à considérer les syncopes dont la femme:
Chalus avait été travaillée à différens intervalles , longtems avant l’époque où elle fut enfermée dans une
chambre i dans lesquelles , parmi d’autres symptômçs
semblables , elle avait vomi de l’écume comme dans la
pâmoison , qui s’était confondue avec sa mort ; et si
les jurés avaient été avertis par une question positive
de l’attention que méritait cette conformité d’attaques
xnultipliees , ils auraient été moins légers A caractériser
cette mort et ses causes.
C ’est parce qu’il n’y a point de délit là où il n’ y a
point d’intention de mal faire , que la loi a exigé
l’examen et la définition de ce qu’elje appelle la mo*
�( 32 )
r a lité du fait. Les jurés doivent être interrogés sur
l ’intention dans laquelle les accusés ont agi : la néces
sité de cette question fut dans l ’esprit de la loi de bru
maire ( dit art. 374 ) ; elle avait été littéralement
établie dans la loi du 14 vendémiaire an 3 .
On ne trouve dans la déclaration donnée contre Cha
lus et contre Claudine Mazuel f aucune explication sur
l ’intention qu’ils apportèrent dans leur conduite à l ’égard
de la femme Chalus.
A la vérité , les jurés ont dit que les accusés avaient
concouru sciem m ent à la privation d’alimens imposée
à cette femme , et même que Claudine Mazuel y avait
concouru avec prém éditation y mais pour avoir su ce
que l ’on faisait et pour l ’avoir prémédité , on n ’a pas
nécessairement eu la pensée qu’on commettait un
crime.
Si jamais une déclaration relative à l ’intention des
accusés dût être désirée, ce fut dans l ’affaire de Chalus
et de Claudine Mazuel. Aucun fait n ’y était articulé
dont la nature ne fût équivoque.
Même en reconnaissant.qu’il n’avait pas été indispensablement nécessaire de renfermer la femme Chalus
dans une chambre , on pouvait découvrir que les accu
sés , croyant à cette nécessité f s’étaient mépris et
n ’avaient été guidés par aucune pensée criminelle.
M êm e en reconnaissant que la privation d ’ alim cns
avait
�( 33 ) }' “
avait causé la m ort, on pouvait saisir, dans les circons
tances , des raisons de cro ire , si les accusés y avaient
concouru, qu’ ils ne s’étaient pas attendu au résultat
d’une privation qu’ on n’affirmait pas avoir été totale.
En un m o t , la loi voulait que l’on posât la question
relative à l’intention, et que les jurés fussent tenus
« d’y prononcer par une déclaration formelle et dis» tincte, et ce à peine de nullité ; » et la contravention
qui ne saurait être plus évidente , ne doit pas être
impunie.
On a vu que les déclarations principales données
par les jurés contre Chalus et contre Claudine Mazuel
ne remplissaient pas l’objet de la l o i , faute d’avoir leur
sens simple et déterminé ; il suit de là qu’ un autre
principe y a été blessé ; celui qui interdit les déclara
tions complexes , et le même reproche doit être fait
aux jurés à l’égard des articles accessoires.
Sont-ce des questions simples que celles-ci, si la me
sure d’ enfermer la femme Chalus fut commandée par
une indispensable nécessité , et si les accusés sont con
vaincus d’avoir pris part à cette mesure? Les jurés ne
sont-ils pas obligés de combiner, relativement à la pre
mière , la position dans laquelle était la malade et ce
qu’il y avait de raisonnable à faire ; et relativem ent à la
seconde , ce que firent les accusés pt ce que leurs proE
�(34)
cédés eurent de rapport avec la résolution d’enfermer
la femme C h alu s, et avec l’accomplissement de.cette
résolution ?
E t les questions si la femme Chalus est décédée de
iliort naturelle, si cette mort est due à une privation
d ’ a lim e n s , si cette privation fut l ’effet de manœuvres
étrangères à la femme Chalus , si les accusés concou
rurent à cette privation cPalimens , n ’offrent-elles pas
chacune en elle-même , plusieurs points à considérer ?
N e faut-il pas , pour répondre à la première , après
avoir conçu l’idée de ce qu’on appelle une mort natu
re lle , se représenter l ’idée contraire et
faire
com
paraison ?
N ’est-on pas obligé , à l ’égard de la seconde, de v é
rifier d’abord s’il y a eu privation d ’ a lim e n s, ensuite
de se rendre raison de la durée qui put rendre cette
privation mortelle , et enfin de voir si tel fut le cas
et si l ’événement ne peut être rapporté à aucune autre
cause ?
Quand on passe à la troisièm e, n ’a-t-on pas besoin
ds définir les m anœ uvres, d ’en rechercher l’existence
dans les faits , et d’établir le point par lequel ces m a
nœuvres se rattachent àf la privation d*alimens dont
il s’agit ?
Enfin , n ’entre-t-il pas dans la nature de la qua
trième, que, pour la résoudre, on ait à se rendre raison
�(3 5 )
en général de ce qui peut constituer le concours de
quelqu’ un à quelque évén e m en t, ensuite d’ un fait qui
ait constitué ce concours et en dernier terme du rap
port qui lie le fait à l’événement?
C ’est dans l’article 377 de la loi de brumaire qu’ est
cette disposition formelle , qu’ il ne peut être posé aucune
question com plexe, et il est bien clair qu’on ne s’y est
pas conformé dans la déclaration prise et xdonnée
contre Contre Chalus et contre Claudine Mozuel.
On avait annoncé que cette déclaration était contraire
aux règles dont L’observation y était ordonnée j mainte
nant ce reproche est démontré.
Reste le jugement.
Le jugement.
Qu’est-ce qu’ un jugement en matière criminelle? C ’est
l’acte par lequel le tribunal, après avoir comparé au fait
qui a été déclaré, les dispositions de la lo i, applique le
précepte qui y co n vien t, et en ordonne l ’exécution.
C est pour préparer la comparaison et sa conséquence,
que les jurés ont dû déclarer le fait qui a été rendu cons
tant, la conviction q u ia été,acquise contre les accusés
et les circonstances qui déterminent la nature du délit j
ensuite le juge n’ est que l’instrument de la lo i, dont il
prononce les paroles sur l'affaire et sur les accusés.
Et l’application du précepte de la loi qui convient au
E 2
�(3
6
)
cas ainsi défini, est si bien l ’objet unique du jugement
et la seule chose que les juges aient à faire, q u e , si le pré
cepte a été mal choisi dans la loi et ne se trouve pas ré
pondre au délit f il y a ouverture de cassation.
Il y a ouverture de cassation \ dit la loi'de brum aire,
i° . lorsqu’il y a eu fausse application des lois pénales
(art. 456 ).
,
Pour apprécier le jugement rendu contre Chalus et
contre Claudine Mazuel , il faut faire la comparaison
dont il dût être le résultat.
—
Ce n ’est ni de la chambre dans laquelle la femme
Chalus fut enferm ée, ni de cette mesure de l ’enfermer,
ni de la part que les accusés y avaient prise , que la
raison de punir a été tirée.
D u reste, quel est le fait constaté et quelle est la con
viction définie? La femme Chalus est décédée non de
m ort naturelle , mais d’une mort due à une privation
d ’ alim ent qui ne f u t p a s volontaire de la p a rt de la
fe m m e C h a lu s , qui f u t au contraire V effet de m a
nœ uvres étrangères à e lle , et les accusés ont été con
v a i n c u s d ’ a v o ir concouru à cette p riv a tio n d ’ a lim en sy
sciem m en t, et l ’un des deux a v e c prém éditation.
Quelles ont été les dispositions pénales que le tribunal
a regardées comme répondant à ce fait ? Voici celles
qu’il a .transcrites et appliquées.
�( 37 )
Il est dit dans la loi que « l’homicide commis vo» lontairement avec quelques armes , instrumens et
» par quelques moyens que ce soit , sera qualifié et
» puni selon le caractère e t les circonstances du crime. »
(Code pénal,, part. 2 , tit. 2, sect. 1 , art. 7 . )
Que « commis sans préméditation il sera qualifié
» meurtre, et puni de la peine de vingt années de fers,
» (art. 8 .) »
Que « commis avec préméditation il
sera qualifié
» assassinat, et puni de mort, (art. 1 1 .) »
Trouvait-on dans la déclaration des jurés le fait
d’ un hom icide commis volontairem ent avec quelque-S
armes , instrumens et p a r quelque moyen que ce f û t ,
sans prém éditation par l’ un des accusés, et avec p ré
m éditation par l’autre? Alors le tribunal criminel a bien
comparé et bien ju g é , puisqu’il a condamné l’ un des
accusés à vingt ans de fers, (art. 8 , ) et l’autre à la
mort, (art. 11 ) j mais dans le cas contraire il a mal
comparé et mal jugé.
Il y a hom icide lorsqu'une personne a été tuée par une
ou plusieurs autres en employant des a r m e s , des ins
trumens ou d’autres moyens , et cela suppose une ac
tion sans laquelle par conséquent le fait de l ’homicide
ne peut être affirmé.
U n e privation d*alim ens avait été la cause du tré
pas de la femme Chalus, Il n’ y a là point d’action , et par
�(
38 )
dans le sens de la lo i, point d’hom icide.
Les jurisconsultes disent, en matière civile, pour rendre
odieuse la personne qui refuse les alimens qu’elle doit
à une autre, que celle-là semble tuer celle-ci, necare
'videtur; niais en matière criminelle ce n’est pas d’après
ce qu’ un accusé est censé avoir f a i t , c’est sur ce qu’il
a fait réellement qu’on le condamne.
conséquent,
Il s’ensuit de l’adage des jurisconsultes que la per
sonne à qui des alimens sont d u s , a une action relative j
que cette action est urgente, provisoire et favorable;
mais la personne qui la doit est condamnée à la déli—
v ia n c e , et non pas aux fers ou à la mort.
Cette action civile en délivrance d’alimens ne peut
être intentée ni par le pu p ile, ni par l ’insensé incapable
de vouloir j elle appartient, pour eux , à leurs familles.
Pourquoi le frère de la femme C h a lu s, si ardent depuis à
poursuivre son beau-frère, ne s’occupa-t-il point du sort
de sa sœur vivante ?
N e voit-on pas qu’au moyen de ces actions données
pour les alimens , la loi n’ admet pas la possibilité de
l ’homicide par famine? C ’est ainsi que la définition d ’ un
tel homicide ne se trouve pas dans ses dispositions
Dirait-on que la disposition générale embrasse toutj
que la famine est l’un de ces quelques moyens que ce
�( 39 )
io iid o n t il y est fait mention? Cette disposition générale
n’est rien par elle-même ; elle réserve la qualification et
la déclaration de la peine qui en dépend pour les dis
positions suivantes , et c’ est là qu’est véritablement ex
primée la volonté de la loi.
Si la disposition générale avait par elle - même quel
que consistance, tout aurait été expliqué par la distinc
tion de la non préméditation et de la préméditation,
(art. 8 et 1 1 ) } et après avoir dit que l ’homicide com
mis avec préméditation serait qualifié d’assassinat et puni
de m ort, (art. 1 1 ) , on n’aurait pas eu besoin d’ajou
ter que « l’homicide commis volontairement par poison
,J serait qualifié de crime d’empoisonnement et puni de
» mort, (art. 1 2 ) . On n’ajouta pas une qualification
pour l’homicide commis par famine , parce qu’ un crime
ainsi qualifié n ’était pas dans l ’ordre des choses
possible^,.
Quand il y a accusation prouvée d'assassinat, les
juges appliquent l’art. 11 j quand il y accusation prou
vée d empoisonnement , i l s a p p l i q u e n t l ’art. 12 ; ce
n est jamais sur l’art. 7 , dans lequel il n ’ y a a u c u n
précepte pénal, que la c o n d a m n a t i o n est fondée. Quand
il y a accusation d’homicide par famine , alors mêmequ’elle pourrait être prouvée,
les juges ne trouvent
dans la loi aucun texte à appliquer.
Contre Chalus et contre Claudine M a zu e l, on a appli-
�( 4°)
que l’art. 8 et l’art. 11 ; mais il n’y avait déclaration d’au
cun faitauquel l ’ un ni l’autre se rapportât. On reprochait
aux accusés, non d’avoir commis , mais d’avoir omis;
non d’avoir tué 7 mais de n’avoir pas nourri ; et la nature
du fait n’admettait aucune comparaison avec des textes
de lo i, où l’action est toujours supposée.
I l ne peut être nié cependant que l ’homicide } de quel
que inaniere qu’il soit com m is, est un crim e , et que l’a
nalogie des cas prévus et des cas non prévus dans la l o i ,'
donne matiere à argumenter des uns aux autres. C ’est ce
que l’on aurait fait dans l’ancienne jurisprudence , lors
que l’on condamnait pour les cas résultans du procès;
mais la jurisprudence nouvelle ne permet aucune argu
mentation , aucune application de peine par analogie.
Sans doute , il importe que le crim e, de quelque li
vrée qu’il s’enveloppe , soit puni; mais il importe encore
plus que la loi seule punisse et que les juges soient
vmuets quand elle n’a pas parlé.
Dans le fait principal déclaré constant par la
d é c la
ration des ju r é s, de la mort de la femme C h a lu s,
par suite d 'u n e p r iv a tio n da U m ens , il est donc clair
qu’il n ’y avait rien qui pût autoriser la comparaison
avec les textes dans lesquels la loi définit et qualifie
l ’ h o m i c i d e ; c’est ce qui n’est pas moins manifeste lors
qu’on descend aux détails dans lesquels ce fait devient
p e r s o n n e l à Chalus et à Claudine Mazuel.
C ’est
�(4 0
C ’est l’ accusé qui a commis , sans préméditation , ce
que la loi définit un homicide que l’on doit condamner
à vingt ans de fers; c’est à l’accusé, qui a commis avec
préméditation le même homicide , que doit être appli
quée la peine de mort j quand on a lu la déclaration
de jurés donnée contre Chalus et contre Claudine Mazuel , il reste que ni l ’ un ni l’autre n’a rien commis
et que la prétendue mort par p r iv a tio n d ’ alim ens leur
est étrangère.
Des m anœ uvres ont été la cause de cette p riv a tio n
d ’ alim ens. Les jurés ont-ils reconnu que les accusés
aient été les auteurs de ces m anœ uvres ? Nullem ent.
Ont-ils reconnu que,de quelque manière, les accusés y
soient intervenus, y aient pris part? Nullement encore.
Comment entend-on, dans la déclaration, qu’il y a ,
des accusés , au fait dont il s’agit quelque rapport ?
C ’e s t, disent les ju rés, qu'ils ont co n cou ru , non pas
aux manœuvres qui sont le véritable délit ; mais à la
p riv a tio n d ’a lim en s, qui est l ’effet de ces manœuvres*
En sorte que toute cette déclaration, en mettant de
l ’ordre dans les idées qu’elle exp rim e, se réduit à ce ci,
que la femme Chalus est morte pour avoir été privée
d’alimens par l’effet de certaines m an œ uvres, et que
les accusés, sans que ces m anœuvres aient aucunement
été les le u r s, se trouvent cependant avoir concouru
d’ailleurs,on ne sait par quelle co-incidence , avec ces
m anœ uvres 7 un fait de la privation d’alimens.
F
�(40
Vous avez fermé une porte , par laquelle l ’homme
qui a été assassiné uu quart-d’heure après dans la rue,
a u r a i t pu se réfugier chez vous ; vous avez laissé sur
line table le couteau dont l’assassin s’est saisi ; vous
avez concouru à la mort; mais vous n^avez pas con
couru au crime. D e même , la femme Chalus a péri
par l ’effet de certaines m a n œ u v res, e t , sans avoir
été acteurs dans ces manœuvres , Chalus et Claudine
Mazuel ont co n co u ru t la mort qui en a été le produit«
V oilà tout ce qu’il y a à dire d’après la déclaration des
jurés , ce qui diffère grandement de la conviction d’être
auteurs ou complices du fait et d ’avoir commis le crime
d ’homicide avec ou sans préméditation.
Ain si la déclaration , considérée dans son point prin
cipal ou dans ses détails^articuliers , ne peut être mise
à côté des dispositions de la loi ( art. 7 , 8 et 11 ) que
l ’on ne reconnaisse la dissemblance des cas ; et il y a
ouverture de cassation ( loi de brumaire , art. ^56 ) ;
puisque des dispositions pénales ont été tirées hors de
leur cas précis et que c ’est ce déplacement qui consti
tue la fausse application.
Il
est tems de terminer ce développement des raisons
d’annuller et le procès et le jugement dont Chalus et
Claudine Mazuel ont si justement à se ptaindre. Les
ouvertures de cassation qu’ils proposent ne sont pas in-
�( 43 )
certaines j des préventions n ’auront pas atteint le T r i
bunal devant lequel ils sont enfin parvenus \ et c est
avec confiance qu’ils déposent devant lui leur demande
et leur légitime espérance.
' Des préventions ! il est trop vrai que jusqu’à ce jour
elles ont tout fait dans cette malheureuse affaire.
Claudine Mazuel a fait jalouser l’autorité que Clialus
lui avait donnée dans sa maison , et des domestiques
mécontens ont répandu une diffamation vague et té
nébreuse.
•
U n héritier a été intéressé à laisser subsister un pré
jugé qui pouvait un jour lui fournir des armes contre
la donation d’usufruit qu’ il se proposait d’irnpugner.
Dans le public on aime à s’entretenir des faits qui
sortent de l ’ordre commun et même à y croire.
A force de répéter que l ’on faisait mourir de faim la
femme Chalus , on a fini par faire de ces vains discours
une opiuion enracinée.
Ces bruits répandus tireront de la consistance de cette
imprudente bêtise d’ un contrat de mariage passé lors
qu’ un mariage n’était pas permis.
U n .murmure universel établi sur des rapports vagues
qu’on ne vérifia point, précéda et suivit l’événement du
trépas de la femme Chalus. On n’examina rien j on se
l
�(
44 )
plut à croire e t , comme une contagion , cette persua
sion sans cause se communiqua aux Jurés et aux Juges.
O ù était cependant la raison d’expliquer par une cause
si extraordinaire un événement si naturel ?
A près des années de maladie , lorsque , de progrès
en progrès , tous les principes de la vie avaient disparu ,
ne fallait-il pas que la femme Chalus arrivât au terme
fatal ?
Elle mourut parce qu’étant m ala d e,la crise fatale la
surprit : elle aurait pû. expirer plutôt sans que l ’on dût
en être étonné.
Dans sa situation il n’y avait point d’instant qui ne
fût l’ instant possible de la mort.
C H A B R O U D , Défenseur.
D e l ’ im p r im e r ie d e R e n a u d ie r e , r u e d e s P ro m v a ircs t n , 5 6 4
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Chalus, François. An 8?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Chabroud
Subject
The topic of the resource
homicide par famine
démence
autopsies
médecine légale
jury d'accusation
condamnation à mort d'une femme
homicides
rumeurs
Description
An account of the resource
Ouverture de cassation, pour François Chalus et Claudine Mazuel ; Prétendu homicide par famine.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Renaudière (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 8
1798-Circa An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
44 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0711
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pontaumur (63283)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53906/BCU_Factums_M0711.jpg
autopsies
condamnation à mort d'une femme
démence
homicide par famine
homicides
jury d'accusation
médecine légale
rumeurs
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/17/53980/BCU_Factums_V0105.pdf
fb8ff42d1e0d706a533a1138f9a47a6c
PDF Text
Text
PLAIDOYER
PO U R M.
d ’A b b a d i e
, Confeiller-H onoraire au Parlement
de Paris, Préfident à M ortier au Parlement de Navarre.
C O N T R E
Epoufe
M
L
Madame la P r éfidente D 'A B B A D I E
, fo n
.
e s s i e u r s
,
s Juges du Châtelet ont prononcé fur l’état de
M . le P ré fid e n t d’A b b a d i e , c o n fo r m é m e n t à l’avis d e fes
parens & amis aff em b lés au n o m b r e d e vin gt-fix , en l ’H ô tel
e
du fieur Lieutenant C iv il, à la vue de feize interrogatoires,
dont plufieurs ont été fubis dans des jours défignés com m e
des jours de f o lie , & dont un feul marque une agitation
paff agère, au milieu de laquelle la raifon a toujours furnagé,
à la vue d’un foule d’actes de comparution & de dire perfonnels de M l e Préfident d’A b b a d ie , à la v ue enfin du
A*
Parlement de
Paris.
Grami’Chambre*
�a
rapport de deux Médecins qui l’ont vifité pendant foixante*
huit jours confécutifs , iis ont décidé d une voix unanime
qu’il n’y avoit lieu à l’interdiôion de M . le Préfident
d’A b b a d ie , 6c ils l’ont maintenu dans l’adminiftration de
fa perfonne & de fes biens.
C e Tribunal auroit-il donc été aveugle fur l’état de M. le
Préfident d ’A bbadie, après l’inftruîtion la plus longue ôc
h plus complette ? N ’auroit-il fu reconnoître un infenfé dans
an examen de cinq m o is, & auroit-il pris le délire p ou r
le bon fens, les ténèbres pour la lum ière, les écarts de la;
folie pour la marche de la raifon ? Cela n eft pas croyable ,
& ce feroit une efpèce de phénomène dans l’adminiftration
d e la Juftice, fi les mêmes preuves ,, qui ont convaincu les;
Juges du Châtelet que M . le Préfident d’Abbadie eft dans
un état de raifon, pouvoient vous convaincre, Meilleurs r
qu’il eft dans un état de démence..
M . le Préfident d’Abbadie eft-il raifonnable ou infenfé,,
eft-il capable ou incapable dadminiftrer fa perfonne & fes
biens l V o ilà le vrai point de la caufe : elle eft fimple parelle-m £m e, & elle feroit bientôt développée, d’après la;
procédure , d’après l’expérience, fi l’envie d’attirer la déri~
iion publique fur M . le Préfident d’A b b a d ie, & des foupçons odieux fur ceux qui lui font d évo u és, ne l’avoit furchargée d’incidens faux, méchamment, amenés, fur lefquelsl e r e f p e â d û à la perfonne de ce Magiftrat, & au caractère*
dont il eft revêtu , & la défenfe qu’il doit à ceux qui ont eut
le bonheur de le férvir, ne nous permettent pas de-garder lefilence.
Trois adverfaires pourfuivoient dans le principeTinter*Ji£tion de «M.- le Préfident d’Abbadie j Le Marquis du
�5
C o u d r a i, Ton beau-frère , la Marquife du Coudrai, fa foeur,
& Madame la Préfidente d’Abbadie. La mort lui a enlevé
fa fœur^ la Sentence du Châtelet a défarmé fon beaufrère; il .lui refte pour adverfaire.celle qui n’auroit jamais dû.
l’être : fon époufe.
E lle vie n t, dans le .délire de la cupidité , dévouer fon
mari à.une efpèce de mort civile; elle vient flétrir fes enfans
dans la.perfonne de leur père , 6c les marquer, .pour ainfi
dire, du fceau de la réprobation.
E t c’eft au milieu de cette aftion effrayante dont les
ames honnêtes ont tant de peine à foutenir le fpe&acle , que
Madame la Préfidente d’Abbadie fe vante d’être digne
époufe ôc tendre mère !
A h ! l'amitié conjugale tâcheroit de détourner de deffus
Ja tête d’un mari le coup mortel de l’interdiction , & la
tendrefTe maternelle feroit des prodiges pour épargner à
des enians le préjugé que peut faire naître contr’eux la
profcription de leur père.
La digne époufe ( i ) eft celle q u i , au mois
d’A oût
dernier, défendoit fon mari accufé de démence dans ce
fan&uaire où Madame la Préfidente d’Abbadie s’efforce
d’immoler le £en.
L a tendre mère eft celle qui , combattant aux pieds de
l a C o u r pour fon é p o u x , déjà interdit au C h â t e l e t , le
c o u v r o i t de fa fille co m m e d’une
égide facrée , & recom •mandoit à la fenfibilité des Magiftrats la deftjnée de cette
enfant, l'unique efpérance de fa mai fon.
V o ilà le modèle que Madame la Préfidente d’Abbadie
devoit fuivre ; mais elle a d’autres principes & d’autre-s
La Marquife de CabrU.
A i;
�4
vues ; là fortune defon mari dont elle demande la curatelle*
eft l’idole à laquelle elle facrifie tout le refte.
i l ne s’a c co m p lira pas ce facrifice affreux. M . le Préfident d’Abbadie ne fera point vid im e de l’intrigue & de la
cupidicd : non , il ne le fera pas ; ce ferait en vain que le
c ré d it s’a rm e ro it contre lui : ce fecours décèle la foibleife
& la crainte du' plaideur qui l ’im p lore, & n’ajoute point a
fes droits. M . le Préfident d’Abbadie
fe préfente feul;
toute fa force eil en lui-même ; toute fa confiance eft dans
l.i Juftice qui s’eft déjà déclarée en fa faveur; elle ne 1 aban
donnera pas dans cette dernière attaque , & ellefaura mettre-,
un frein aux complots d’une femme qui a juré fa perte, & lu i
faire trouver enfin le repos après de longs ôcpénibles combats
dans le lieu même o ù il fe dévoua à fon faint miniftère.
L a défenfe de M* le Préfident d’Abbadie fera divifée en
deux parties.
L a première comprendra les faits antérieurs à la demanda
à fin d’interdiction de M. le Préfident d’A b b a d ie , dont la
plupart ont été dénaturés , ou font encore entièrement;
inconnus.
L a fécondé comprendra les procédures qui ont été faites
fur cette demande, dont Madame la Préfidente d’Abbadie
n a donné qu’une idée imparfaite & trompeufe.
Dans le tableau des faits on verra:,
D ’un c ô t é , Madame la Préfidente d’Abbadie méditantpendant quatre ans l’interdit\ioii de M . le Préfident d’Abba-?
d ie, fabriquant par le miniftère. d’un tiers des pièces infidieufes pour faire illufion fur fon état, & pour tromper
la Juftice , quittant fon mari pendant des années entières, ÔC
portant de temps en temps , à l’ombre dum yûère, une main
�?
ïndifcrètefur Tes reven u s, en attendant le moment où elle
doit s’aifurer de fa perfonne, & s’emparer de toute fa fortune.
E t d’un autre c ô t é , M . le Préfident d’Abbadie malheu
reux , mais toujours bon m ari, bon p è re , augmentant fes
biens par fes épargnes, ôc démontrant fans ceife par l'expé
rience qu’il eft bon adminiftrateur, tandis que la cupidité
crie autour de lui qu’il eft incapable de toute adminiftration.
Dans le tableau des procédures on verra la famille de
M . le Préfident d’À b b a d ie , fa m ère, fon oncle , fes paren s, fes amis, rendant tous juftice à fa capacité & à loti
adminiftration ; deux Médecins atteftant fous la foi du
ferm ent, après l’examen le plus long & le plus fcrupuleux,.
que fon état habituel eft un état de raifon entière ; M . le
Préfident d’Abbadie juftifïant, par des interrogatoires mul
tipliés, les témoignages qui s’élèvent de toutes parta en fa
faveur; enfin les Juges du Châtelet confacrant tous ces
fuifrages par une décifion folem nelle, applaudie du p u b lic,
refpe£tée par le Marquis du Coudrai lui-même, ôc dont
Madame la Préfidente d’Âbbadie feule affe&e de méconnoître la fageiTe & la juftice.
L e réfultat des faits & des procédure^ fera que M , le'
Préfident d’Abbadie ne doit pas être interdit, & que s’il'
a v o i t jamais le malheur de l’être , Madame la Préfixlente
d ’ A b b a d ie d e v ro it être exclue de fa curatelle comme fuf-
gefte & indigne.
F A I T S ;
f
M . le Préfident d’A bbadie, après avoir été pendant cinq;
ans C onfeillec en la C o u r , a été pourvu en 17.63 d W '
�6
Change de Préfident à Mortier au Parlement de Navarre,,
dont feu M . fon p è « avoit été titulaire.
Il a été marié en
1 7 7 ° à la demoifelle la Faurie de
M o n b a d o n , fille d’un Confeiller au Parlement de Bor
deaux. Il a v o it alors environ quarante mille livres de rente,
& de grandes efpérances que lui o.fFroit la fortune au iieur
de Borda fon o n cle , Fermier-Général.
A ces avantages fe joignoit dans la perfonne de vl. le
Prélîdent d’Abbadie., le titre de recoinmand».tion
plus
honorable.; le mérite d’avoir facrifié en 176^ for utat &
fa liberté, par zèle pour le fervice du R o i , & pour le
bien de la Patrie.
C ’eft ce Magiilrat que Madame fon Epoufe avoit d’abord
traité dans un M ém oire im primé, d'homme pufiUanime 9
en affe&ant de pafîer fous filence les évènemens mémo
rables de fa Magiürature : nous avons eu l’attention de les
lui rappeller; nous l’avons forcée à-s'enorgueillir de fon
époux , & à fe couvrir un inflant de la gloire de celui
qu’elle venoit avilir : elle a répété à cette audience l'hom
mage qiie nous avions rendu les premiers au zèle & au
courage de M . le Préfidenc d’Âbbadie. O n fait maintenant
par une bouche non fufpe&e., quel a été le dévouement
de ce M agiftrat, quelle fermeté modefte il a montrée
pendant dix.ans au milieu des révolutions publiques, à
la tête de fa C o m p a g n ie, à la fuite de la C o u r , dans les
prifons de la Baftille , & dans le lieu de fon exil. C ’eit
en la Cour qu’il avoit trouvé les modèles de ces vertus
fublimes qui l’ont diftingue dans la P ro v in c e , & c’eft vous,
MeiTieurs, qui lui en avez accordé le digne p rix , quand
vous l’avez reçu en 177 6 Confeiller H o n o r a ^ e , en con-
�7
jldèratlon de ta nature des fervices que lui avaient mfpires
depuis d ix ans f o x {èle & fort attachement au bien du fervice
du R o i
, & à £honneur de la Magijlrature.
M . le Préfident d’Abbadie en s'unifiant à la demoifelle
de M ;o nbadon avoit négligé entièrement l ’intérêt de fa
fo rtu n e, & n’avoit confulté que le penchant de ion cœur.
L e contrat de mariage ¿nonce une dot de 80,000 l i v , ,
& un p a iem e n t de 60,000 liv. à compte : mais dans la
réalité, fuivant une contre-leitre du même jo u r, la d o t
n a été que de 4^,000 l i v . , & il n’en a été payé que
25^,000 liv» ; les 20,000 liv. reliantes n’étoient exigibles
qu’après le décès de M . & de Madame de Monbadon , ôc
fans intérêt : cette fiûion a paru néceiTaire pour l’honneur1'
du co n trat, & pour afFoiblir aux yeux de la famille de
M . le Préfident d’Abbadie le facrifice qu’il faifoit de routes
fes prétentions. Il a ajouté à ce facrifice le don d’un douaire
de dix mille livres de rente, qu’il a conftitué à fon époufe.'
Il convient de- nommer ici le négociateur de ce mariage,,
qui va jouer un rôle inréreffant dans cette caufe : c ’eft le
fieur Louitau , A v o c a t , allié de M. le Préfident d’Abbadie,C e t A v o c a t , excité par un ami de M . de M o n b a d o n , a
propofé cette alliance à M . le Préfident d’A b b a d ie , qui'
féduit par des dehors flateurs n’a pas héiité l o n g - temps*
de l’accepter. L e fieur L o u ftà u eft intervenu dans le contratde mariage comme Procureur fondé de Madame la Préfidente d’Abbadie m è re , & y a fait en cette qualité une'
déclaration dont il importe de rappeller la teneur.» D éclarant ledit fieur L o u ft a u , au nom de ladite B a m e 3»
» en conioçm ité de ce qui eft porté par fa procuration ,.que-
�*
» bien qu’elle ait difpofé par le préfent contrat à titre de libé» ralité en faveur du fieur fon fils., de l h o t e l , ain.fi que de
» l’ameublement, comme d’effets à elle appartenans, ncan» moins, la vérité eft que l’acquifirion du local, ainfi que le
» bâtiment de i’iiôtel ont été faits par ladite dame., & par
» elle payés dis deniers propres & particuliers au fieur fon
» fih ; laquelle déclaration ladite dame s’eft crue obligée
:» de faire, pour lever tout doute à cet ég a rd , & rendre
juftice à la vérité
Si dès avant fon mariage M . le Préfident d’Abbadie
aba«donnoit en quelque forte à Madame fa mère une partie
de fa fortune , & fi cet abandon caraiâérife la confiance
filiale, le premier fenriment de la nature , faudra-t-il s’éton
ner de voir cette digne m£re aiTociée jufqu’à fa mort à
l’adminidration des affaires de fon fils; & iorfqu’elle inter
viendra avec lui dans une procuration relative à fon intérêt
p erfcn n el, ce foin infpiré par la tendreffe, accueilli par
le refpeft , autorifé par 1 habitude, devra-t-il être regardé
com m e un aveu tacite que la mère fera malgré elle de
la démence de fon fils ?
Continuons :
M . le Préfident d’Abbadie avoit cru former une union
heureufe : cette illufion n’a pas duré long-temps. Je ne me
permettrai point de rechercher la'caufe des diffenfions qui
ont régné entre les deux époux ; je me contenterai de lire
ce que M . le Préfident d’Abbadie en a dit lui-même le
27 Septembre 178 j en l’hôtel du fieur Lieutenant C ivil ^
en préfence de fes parens & a m is, & dans fon interro
gatoire du 18 Mai dernier. A P a u , & dans les Provinces
yoifmes où c is difleniions ont é c la té } perfonne n’aeufera
Mi
�9
M . le Préfident d’Abbadie d’avoir chargé le tableau.
« D e tout temps Madame la Présidente d’Abbadie a
Dire
du2f S‘f -
» témoigné la plus grande indiiiérence envers le compa- umbre I78*"
» raut, ¿k envers feue Madame la Préfidente d’Abbadie
» fa mère ; accoutumés à mener une vie tranquille ces
» derniers ont vu avec peine que Madame la Préfidente
» d’Abbadie ne vouloit pas s’aifujettir à leur genre de vie \
» elle portoit môme l’oubli des égards qu’elle leur devoit
» jufqu a refufer de manger avec e u x , & attendre que
» l’heure de leur repas fût paffée pour recevoir à fa table
» des convives qu’elle attiroit à leur infu : les chofes avoient
» été portées au point qu’une féparation volontaire avoit
» été arrêtée ; mais la promeife de Madame la Préfidente
» d’Abbadie d’avoir de meilleurs procédés a fuffi pour
» rétablir leur cohabitation prête à ceifer : ces faits font
» de notoriété publique dans la ville de Pau & dans toute
» la Province.
» Les promettes de Madame la Préfidente d’Abbadie
» font reftées far,9 effet : fon goût pour la diifipation n’a
» fait que s’accroître, & c. & c.
» A dit que nous fommes trop prévenus en faveur de interrogatoire du
jj
j»après
' la
i conduite
î • qu»elle
n a tenue a' 18 M J 1
» 1ladite
dame
; que d
» l’égard de lui répondant, tant à Pau qu’à Paris , & les
» chagrins d om eftiques qu’eJle lui a c a u f é s , il fe c ro it en
» droit de fe tenir éloigné d’elle ; que c’eft le feul moyen
» qu’il ait de rétablir parfaitement fa fanté , qui n’a été
» altérée que par les peines & les inquiétudes qu elle lui a
» caufées ».
Les parens &
amis qui ont été témoins des peines de
M . le Président d’A bbadie, ôc la Marquife du Coudrai fa
B
�10
fœur qui les a fi vivement fen ties, confirmeront bientôt
ce qu’il en a laifié tranfpirer.
L e chagrin a plongé M . le Préfident d Abbadie au bout
de dix années de m ariage, dans une efpèce de mélancolie
qui à ia naiifance portoit de loin en loin une confufion
paflagere dans Tes idées; mais ces legers nuages fe diffipoient promptement, & la raifon reprenoit auffi-tôt ià.
force & fa lucidité. C ’eft dans le premier de ces inftans
critiques que M . le Préfident d’Abbadie a écrit de Bourbonne-lès-Bains , le 18 Juillet 1781 , à Madame fon
époufe, une lettre dont la fin fe reffent de l’agitation dans
laquelle il étoit..
Entre ép oux, cette lettre devoit être jettée au feu, &
reiter à jamais dans le plus profond fecret. Madame la
Préfidented’Abbadi.e l?a gardée avec foin; elle y a vu labafe
de l'interdiction de fon mari dont elle a aufii-tôt conçu
le projet, &
des ce moment toutes fes' combinaifons,
toutes fes démarches ont eu pour but pendant quatre ans
cette aftion ftinefte..
O n a plaidé que dans le mois de Juillet 1781 M, le Préfi
xent d’A tbadie avoit cherché famèreàBourbonne-lès-Bains,
s-uoiqu’elle fût à Pau, & qu’il avoit dit, qu’il étoit indigne
de fe mettre à la table du (ieur de Borda fon o n cle , parce
qu’il avoit écrit au R o i , contre lui.
Mais 011 ne rapporte aucune preuve de ces faits.
Lt- quand ils leroient vrais, ils ne tireroient point à
conféquence pour l’état a£luel & habituel de M . le Préiîrient d’Abbadie..
A la réception de la lettre du 18 juillet 1 7 8 1 , Madame'
k P réfid en te d'Abbadie eft partie pour Paris x où elle eit arriv
�ii
vée le i ? août fuivant avec M e d’E tc h e g o rry , Procureur
au Parlement de Pau , logé gratuitement depuis p!us d*
vingt ans en l’hôtel de M. le Préfident d'Àbbadie. E lle
ne pouvoit pas arriver plus à propos pour intercepter une
lettre que ion mari a écrite le 16 a o û t, dans l’ardeur de
la. fièvre, à M . le Com te de M a u r e p a s ,& pour la joindre
à celle qui lui avoit été écrite à elle-même un mois au
paravant.
O n fent combien ces deux lettres font indifférentes au
bout de fix a n s , & peu propres à déterminer l’état a&ucl
de M . le Préfident d’A b b a d ie, qui eft conilatépar un rap
port de médecins & par fes interrogatoires.
L a maladie de M . le Préfident d’Abbadie pouvoit céder
facilem ent, dans le p rin cipe, à la vertu des remèdes : il
étoit naturel de confuiter des médecins 6c d’épuifer toutes
les relTburces que l’art pouvoit offrir dans cette Capitale,
■Mais quel foin Madame la Préfidente d’Abbadie a - t - e l l e
eu de fon mari dans le premier moment f E lle n’a rien fait
pour fon falu t, ôc elle a tout ramaifé pour fa profcripdon.
E lle étoit moins occupée de la fanté de M. le Préfident
d’Abbadie que de fa fortune, ficelle a preifé, au bout de
quinze jours, fon retour à P a u , impatiente de moiifonner
dans fa route les revenus de fon m ari, & de fe féparer
de lui dans la province.
E lle a fait éc fire , le * feptembre 1781 , par M c d’Etchegorry Procureur ^au Régiifeur de M. le Préfident d’A b
badie dans le P o ito u , la lettre fuivante.
» Il eft déterminé que nous partirons vendredi prochain,
» 7 , en pofte , nous prenons la route de P o itiers, nous
» comptons y arriver aux Troïs-Piiiiers} dimanche foir,
Bi j
�ta
» p Septembre. V ou s ne devez pas manquer dé vous rendre
» auifi pour le même jour , dimanche foir; mais n allez
» point loger aux Trois-Piîliers, allez à une autre Auberge.
» M adame
la
P r é sid e n t e
ne
veut
po in t
que
M.
le
» P r é s i d e n t v o u s v o y e , p a r c e q u ’e i l e c r a i n t q u e c e l a n e
» l ’i n q u i e t t e ,
to SORTES
»
que
d e forte
que
vous
devez
prendre
DE 'PRÉCAUTIONS POUR ÉVITER Q ü ’lL
vous
» Préfidente
êtes
A P o it ie r s.
en p a r t ic u l ie r
» l’o r , de l’argent
que
vous
:
toutes
NE SACHE
V o u s verrez Madame la
tâchez de vous procurer de
aurez a lui rem ettre
, foit
» de votre part, foit de la part de M . Delchamps . . .
» Faites attention à ma lettre.
M . & Madame d’Abbadie arrivent à Poitiers le p Sep
tem bre; ils foupent enfemble : M. le Président fe couche;
Madame la Préfidente & le Procureur paffert dans une
autre chambre, & y font introduire le Rdgiiïeur qui- apporte
vingt-mille livres ; celui-ci demande à parler à M. le Préiident ; Madame la Préfidente refufe; il infifte, elle lui
dit que fon mari ne peut plus entendre parler de fes terres
ni de fes revenus, fans entrer dans des accès de fureur,
& que pour menager fa foibleflfe, il falloit derober à fes
regards l’argent qu’on lui apportoit. L e
RégiiTeur n’eft
pas dupe de ce prétexte; mais il n’ofe point contrevenir
aux ddfenfes de Madame la Préfidente. Sur ces entrefaites
on entend du bruit dans la chambre de M . 1“ Préiident ;
on craint qu’il ne furvienne ; 011 fait cacher le RegiiTeur
dsns la ruelle : c’dtoit une fauflfe alarme.
Madame
la
Préfidente reçoit les facs fans compter les efpèces, tant
elle craint dé reveiller fon mari, & après avoir -conféré
avec le Régiileur fur le produit des terres du P o ito u }
�13
elle lui donne deux quittances, l’une de 12000 livres,
l’autre de 8coo livres, de la teneur fuivante (1).
» J’ai reçu de M . D efcham p s, notre receveur à Brefluire,
» laibm m ed e 12000 livres, à compte de larecette des reve» nus delà terre de Brefluire, dont je lui donne quittance pour
» mon m a ri, ne pouvant pas en donner lui-m im e, à caufe
» de maladie. A Poitiers, le 9 Septembre 1781.
S ig n é , M o n b a d o n d ’ A b b a d i e . (2)
Si M . le Préfident d’Abbadie étoit malade le
Septembre
1 7 8 1 , fa maladie n’étoit pas bien grave; elle ne lui ôtoit
ni Ja force de faire en porte un voyage de 200 lieues,
ni la faculté de reconnoître le tort que Madame fon époufe
lui faifoit, en recevant fes revenus, puisqu’elle n’a ofé les
recevoir qu’en fe derobeant à fes regards, & en fe cachant
à l’ombre du myftère.
M . & Madame d’Abbadie arrivent à Pau le 1 6 Septembre
1781,
fe fdparent au bout de quelques jours, & ne fe
réunifient jamais plus dans la Province. M . le Préfident
va paffer l’automne avec Madame fa m ère, dans fa terre
de B izanos, à un quart de lieue de Pau; Madame, la Préfidente ne juge pas à propos de le fuivre; elle, refte feule
dans fa maifon de V ille. C e procédé fixe l’attention publique,
& détermine la mère ôc le fils à prolonger leur féjour à
la Campagne. L e mari & la femme reftent feparés en
Eéarn , pendant dix-neuf mois, depuis le mois d’O ttobre
1781 , jufqu’au mois d’Avril
i —W T ---------"
Cl)
eft
L a
*
m a n i è r e d o n t la
*
■
fcène du
■
1785 , époque à laquelle
■
9 Septem bre
11
1781
---------
s’eil pniTée
1
----
-|
1
à Poitiers,
;ittellé e p s r le R é g i i f e u r .
(3
L’aatre quittance Je 8000 livres, donnée an fieur Tonnet, Riigiileur de
terre ¿e S. Loup-
dans la même forme.
la
�i4
M . le Préfident d’Abbadie eft parti pour Paris, avec le
Frère LiiTonde, R e l i g i e u x C o rd e lie r, fon ancien a m i,
dévoué de tout temps à fa famille. Dans ce long intervalle,
Madame la Préfidente d’Abbadie n’a fait qti’une ou deux
vifites de cérémonie à fa belle-mère , & a délaiíTé fon
mari qu’ e lle avoit le foin de faire décrier dans la V i l l e ,
par des ames vénales qui fecondoient fes projets, & qui
partageoient fes efperances.
O n a cru vous perfuader, M eilleurs, que M . le Préfidenc d’Abbadie étoit heureux é p o u x , en vous faifant
le&ure des lettres qu’ il a écrites à Madame la Préfidente
d’A b b a d ie , de Paris 6c de Bourbonne-lès-Baias , dans les
prem iers mois de l’année 1781 ; mais ces lettres prouvent
fon honnêteté, 6c non pas fon bonheur; on n’y voit point
ces épanchemejis dé la confiance, ces élans de l’amitié,
ces effufions du cocur qui régnent dans la correfpondance
de deux époux éloignés depuis long-temps l’un de l’autre,
&
impatiens de fe réunir : les d;fienfions de M. & de
Madame d’Abbadie avoient éclate dès les premières années
de leur mariage; il l’appeîkût îa chère femm-». en 1781 ,
comme elle l’appelloic fon
:her mavi, ie divorce qu’ils
ont fait en Béarn en 1762 &
1 7 8 ? , pendant dix-neuf
mois, eft plus parlant que leur correfpondance antérieure,
& fait aiïez fentir quelle étoit la tendrefle de la fem m e,
& quel pouvoir être le bonheur du mari.
O n a plaidé que dans cec intervalle de dix - neuf mois,
& durant un court féjour qu’il a fait dans fa maifon de
Pau , M . le Préfident d’Abbadie fe dounoit journellement
en fpeclacle, faifoit courir les enfans après lu i, & devenoit
Ja fable de la Ville.
�Madame la Préfidente d’Abbadie eft bien imprudents,quand elle avance de pareils faits.
Q u o i! l’époufe d’un Magiftrat l’auroit vu devenir l’o bjit
de la dérifion publique ! elle auroit été témoin de cc-3
(cènes humiliantes, & elle lauroit ¿té plus d’une fois!
E t la mère de ce Magiftrat, cette mère tendre, cette
compagne fidelle de fon fils, auroit foufiert qu’il fe donnât
en fpe&acle, que les enfans s’attroupaifent autour de lui,
& qu’il fût leur jouet !
Peut-être des gens de la lie du peuple, ou des corn1plices fecrets de Madame la Préfidente d’Abbadie enten
dus dans l’enquête qu’elle a fait faire à Pau , auront-ils
dépofé tout ce qu’elle aura voulu; mais cette enquête a
été annullée au Confeil d’E ta t, ainfi que l’Arrêt qui l’avoit
ordonnée. O n ne l’a pas même jugée digue de refter au
Procès pour y fervir de M ém oire; elle doit être mife à
l’écart comme nulle, & c’eft abufer de la patience de la
Cour que d<^ lui. rendre compte des menfonges &
des.
abfurdités qu’elle renferme..
Quel garant Madame la Préfidente d’Abbadie a-t-elle
donc des faits qu’elle plaide, avec, tant d’aifurance ? elle.,
n’a que for» allégation.
Mais cette allég a tio n plus que fufpeéte, eft détruite p a r
deux exceptions.
La premiereeft la dénégation formelle.de M , le Préfident'
d’ Abbadie qui a été interrogé au Chntelet fur tous ces faits;
controuvés par Madame ion époufe & qui les a tous dé
mentis.
L a fécondé eft le. témoignage pofitif de feue Madame.’ la>.
Préfidente d A bbad ie fa m è re , configné dans une lettre':
qu’elle a écrite à fa bru le 1 p N ovem bre 1783 , &
qu’om
*
�16
voit à la page 2$ du M ém oire imprimé de Madame
d’Abbadie.
» Je ne me fuis jamais apperçue, dit-elle, que
mon
» fils Te foit donné en fpe&acle à Pau, ni n’en ai entendu
» parler ».
Q ui croirez v o u s , M M. ou de Madame la Préfidente
d’Abbadie qui allégué des faits fans a u cu n e p reu ve , ou de
M , le Préfident d’Abbadie qui les n ie , & qui a en fa faveur
le témoignage d’une mere refpe£table qui ne l a jamais
quitté ? V ous ne pouvez pas hcfiter entre l’allégation de
l ’une , ôc la dénégation de l’autre, 6c la parole d u ne mère qui
juftifie fon fils eft plus facrée à vos yeux que celle d’une
femme qui accufe fon mari 6c qui cherche à le perdre.
Ecartons donc de la caufe tous ces faits de démence
qui dans le Rom an de Madame la Préfidente d’Abbadie
rempliffènt l’efpace de temps que fon mari a paiTé en Bearn ,
depuis le mois de Septembre 1781 , jufques au mois d’A vril 17S3.
A cette dernière ép oque, M . le Préfident d’Abbadie
arrive à Paris avec le frère LiiTonde, ôc fe réunit au fieur
de Borda fon oncle qui lui avoit témoigné le defir de le
voir. Cette réunion les fîartoit également l’un & l’a u tre,
mais leur joie ne fut pas de longue durée.
A peine M. le Préfident d’Abbadie eft-il parti pour Paris,
que Madame fon époufe court après l u i , ôc vient le join*
dre dans la maifon du fieur de Borda.
Q u el eft donc cet e m p re fle m e n t fubit après un divorce
de dix neuf mois? L es tendres foins v o n t-ils fuccéder
tout-à-coup à l’indifférence la plus marquée, & celle qui
depuis
�17
depuis plufieurs années n’avoit que le vain titre d’ép o u fe,
vient-elle enfin en remplir les devoirs ?
C ’eft par 1’évencment que nous allons découvrir les
motifs de fon voyage.
L e 6 Mai 1783 , huit jours après l’arrivée de Madame la
Préfidente d’A bbadie à Paris , le fieur B o rie , fon M edecin
ordinaire, invite les fieurs Deiean & de Montabourg fes
confrères à fe rendre avec lui auprès de M . le Préfident
d ’A bbadie. Ils l’examinent pendant un demi quart d’heure,
après quoi , on leur fait figner un certificat rédigé par le
fieur B o r i e , dont la teneur feule démontre jufqu’à quel
point ce M edécin , fervilement dévoué à Madame la Préfidente d’A b b a d ie , a abufé de leur confiance.
E n effet, i°. on leur fait attefter, à la première & unique
vifite qu’ils font à M .l e Préfident d’A bbadie, quiL fe livre
à une loquacité qui fans interruption dure nuit & jo u r, que le
fommeil cflperdu , qu'il en ejl de même de l’appétit , & que cet
état dure plufieurs jours.
Q uel talent que celui de voir dans l’état d’un inftant l’é
tat de plufieurs jours , & de reconnaître au premier coupd’œil qu’un homme a perdu le fommeil & l'appétit ! Q uelle
atteftation que celle qui eft fondée fur une pareille certitude!
V oilà les té m o ig n a g e s que Madamela Préfidente d’Abbadie
venoit chercher à Paris c o n tre fo n mari en 1783 : voilà les
preuves avec lefquelles elle fe préparoità l’accufer de dé
m en ce, lorfque fa fortune feroit parvenue à fon com ble,
par le décès de fa mère & de fon oncle.
Rendons néanmoins aux lieurs Dejeanôc de Montabourg
la juftice qui lem eft due : ils n’ont fait que prêter une
fignaturs de confiance au fieur Borie qui a rédigé cette
G
�18
atteftation témeraire : ils ont réparé leur erreur en 1785*,
après plufieurs examens de l’état de M. le Président d’Abbadie : le tort qu’ils ont eu en 1785 cil celui de la probité
confiante : ils ont ajouté foi aux aifertions d’un confrère
qu’ils ne croyoient point devoir fufpeûer..
20, O n répète' au nom des trois Medécins dans le cer
tificat du 6 Mai 1 7 8 5 , ce qu’ils ont appris, dit-on, de:
la fam ille, c’eft-à-dire de Madame la Préfidente d’Abbadie,,
fur la manière dont M . le Préfident d’Abbadie avait ve<^u
en Bearn pendant les dix-neuf mois qu’jl venoit d’y paifer j
Roman imaginé par Madame la Préfidente d’A b b a d ie , compofé de faits faux dont des medécins de Paris ne pouvoient
avoir aucune connoiifance perfonnelle, ôc auxquels leur
fignature ne donne par conféquent aucune autenticité»
O n ajoute qu’ils ont appris par le rapport d’un M oine
qui accompagne M . le Préfident d’A bbadie, i°. qu’il v e
noit de pafler dix-neuf mois à Pau , toujours dans le même
état de délire. 20. Q u ’il y étoit journellement en fpe&acle3°. Q u e depuis le mois d’A vril ( 1 7 8 3 , ) époque de fon
arrivée à Paris , il avoit été dans un délire plus ou moins
f o r t , mais conftanf.
E h b ie n , ce M o in e , le Frère LiiTonde Re&eur de l’Univeriicé de Pau , que le redafteur du certificat du 6 M a l
178 3 , cite comme garant des faits qu’il dit avoir appris defa b o u c h e , lui donne un démenti formel fur tous ces
faits par fon atteftaûon du i j Décem bre dernier.
3°. L es M edécins déclarent que d'après Pexpafc des faits
ils pcnfer.t que M . le Préfident d’Abbadie eft en démence.
Mais ils n’avoient point vérifié les faits qui fervoient de
bafe à leur opinion; ils n’avoient jamais vu M . le Pré 11*
�T9
dent d’Abbadie en Bearn où ils difoient eux-mêmes que
ces faits s’étoient paifés. Ils les avoient appris de la bouche
de Madame la Préfidente d’Abbadie : leur aflertion fe
réduit donc en dernière analyfe, à dire que fuivant le
récit de Madame laPréiidente d’Abbadie,j *Ton mari eft en
démence. Q u el témoignage que celui de Madame la Préfidente d’Abbadie fur l’état de fon mari !
4°. Les Medecins attribuent, par conjecture , la maladie
de M . le Préiident d’Abbadie qu’ils n’ont pas eu le loifir
d’o bferver,à une humeur érefipélateufe fixée d’abord à la
jambe, & répercutée enfuite par des topiques.
N ous ignorons quelle a pu être la caufe des accidens
que M . le Préfident d’Abbadie a éprouvés autrefois ; tout
ce que nous avons appris par lui-même, par la corres
pondance de la Marquife du Coudrai fa focur, & par l’avis
de fes parens & am is, c ’eft qu’il a eu de grandes peines
domeftiques. Eft-ce le chagrin, cil-ce la repereuffion d’une
humeur érefipélateufe, font-ce ces deux caufes réunies enfemble qui ont altéré fa fanté ? C ’efl un problème qui n’efl
point de notre compétence , & dont la folution eft indif
férente dans ce moment. Mais fi les fieurs Dejean & de
Montabourg avoient eu le loifir de réfléchir fur la caufe
conjecturale de la maladie , indiquée dans le certificat du
6 Mai 1783 , ils n’auroient pas manqué d’ordonner l’appli
cation d’un cautère, qui étoit le remede le plus convenable
dans le fyftême de la repereufiion d’une humeur ; le M edécin
ordinaire de Madame la Prefidente d’Abbadie a mieux aimé
ordonner les faignées du p ied , les purgatifs, l’hémétique
m ê m e , rem èd es pour lefquels M . le Préfident d’Abbadic
C ij
�«
20
avoît une répugnance connue, ôc dont 1 ufage devoit nécef"
fairement irriter fa fenfibilité.
Enfin, - c e M e d é c in finit par dire que f i M . lePréfident
d’Abbadie ne devient pas plus docile à l’ufage de ces
remèdes, il ne faut pas héiiter d’employer la force, foit
dans la maifon du fieur de Borda , foit dans quelqu’une
des maifons ou l’on reçoit ces fortes de malades ; fur quoi
il laiife l’option à Madame la Préfidente d’Abbadie.
Envoyer dans une maifon de force un Magiftrat du pre
mier ra n g , un père de famille dont la fortune permettait
de 1ui adminiftrer dans fa maiion tous les fecours r.éceflaires !
L ’envoyer dans une maifon de force ! & pourquoi ? Pour
le faigner , pour le purger, pour lui faire prendre des bains
& du petit lait, comme fi l’ufage de ces remèdes étoic
plus fa c ile , ou leur vertu plus efficace dans une maifon
de force !
L ’envoyer dans une maifon de force au mois de M a i
1783 ! Mais dans ce temps là m êm e, il alloit voir fes
a m is, & il les recevoit chez lui , fuivant l’atteftation du
R e& eu r d e l’univerfité de Pau , fon compagnon de voyage ;
il correfpondoit avec fes gens d’affaires : il rcgloit des in
térêts avec le fieur Olivier caillierdu fieur de Borda, comme
on le verra bientôt dans un compte rendu par ce caiiTier;
Madame le Préfident d’Abbadie elle-même craignoic fa v i
gilance , & prenoit des rnefures pour lui ca ch e r les prépa
ratifs d’une nouvelle fouftrattion qu’elle v o u lo i t lui faire
de fes revenus; (1) il agiffoit en homme raifonnable; il
(1) Ce fait eft établi par une lettre du fieur Olivier du deux Juin 17»}
¿ont on parlera dans un inftant.
*
�21
veilloit à fes intérêts en bon père de famille; & l’on fon*
geoit à le releguer parmi des infenfés : qu’auroit-on pu faire
de plus , fi on avoit voulu le rendre femblable a eux ?
C e confeii , a-t-’on d i t , n’a pas été fuivi : Madame la
Préfidente d’Abbadie n’auroit jamais livré à dts étrangers
U N E T Ê T E SI C HE RE.
C e confcil n’a pas été fuivi : Mais le moment de le fuivre n’étoit pas arrivé. La mère & l’oncle de M . le Pre'fident
d’Abbadie n’étoient pas encore morts ; celle qui a ofé tenir
fon mari en charte privée , après fon interdi£lion provif
ne lui auroit peut être pas épargné la reclufion dans
une maifon de fotee , il elle avoit pu obtenir fon interdic
tion déiinitive. L e M edécin
de Madame le Préfidente
d’Abbadie devoit bien connoître fes intentions, pufqu’il
ofoit lui mettre en main l’avis cruel de faire enfermer fon
mari. Mais fi cet avis n’étoit pas bon à fuivre dans le premier
moment , il étoit bon à garder; c’étoit une arme nouvelle
contre M . le Préfident d’A b b a d ie , & un moyen d’obtenir
un jour fa récluficn.
Remarquez , M eilleu rs, que le fieur Borie ne laiffe
d’option dans fon certificat du 5 Mai 1783 , pour le traite
ment de M . le Préfident d’Abbadie qu’entre la maifon du
fieur de B o r d a , & une maifon de force. Il vouloit exclure
ce Magiilratde, fa p a tr ie , & l’enchaîn er à Paris : & pour
quoi? Parce que le féjour de Pau ne convenoit plus en
1783 à Madame la Préfidente d’A b b a d ie , qui craignoit
d’ailleurs les regards de fa belle-m ère, & qui ne vouloit
point perdre de vue cette tête f i chère , dont elle méditoit
la profeription. Son plaifir étoit de contempler fa victime,
& de continuer à fon aife les préparatifs du facrifice, &
�22
cette occupation ¿toit plus facile dans la maifon
d’un
oncle paralytique détenu dans fon lit, que dans celle d’une
mère dont la vigilance auroit éclairé les complots formés
contre fon fils, & les auroit fait avorter.
Cependant le traitement indiqué par la Confultation du
6 Mai 1783 étoitpeu propre à retenir M . le Préfident d’A bbadiedans la capitale : l ’ufage de lafaignée, de l’hémétique,
des bains 8c du petit lait eft aufli famillier à Pau qu’à Paris. O n
a eu recours à un remède extraordinaire , au traitement par
l’életlricité, qui n’eit pas commun dans la province. M .
le Préfident d’Abbadie eft allé chez le fleur Cornus pen
dant trois mois , au bout defquels il s’eft difpofé à retourner
en B ea rn , impatient de fe réunir à fa m è r e , qui defiroit
de fon côté la préfence de fon fils.
Madame la Préfidente d’Abbadie a fait les plus grands
efforts dans cette circonflance pour empêcher la réunion
de la mère & du fils. Elle a fait écrire à fa belle-mère
par le fieur Borie fon M é d e c in , & par Madame la Ducheife
de C ivra c; elle lui a écrit elle-même plufieurs lettres pour
l ’engager à interpofer fon autorité , & à retenir M . le Préfi
dent d’Abbadie à Paris , où elle lui faifoit effuyer des
contradictions perpétuelles.
O n voit la correfpondance de la belle-mère & de la bru à
ce fujet, dans le Mémoire imprimé de Madame la Préfidente
d’Abbadie , depuis la page 20 jufqu’à la page 26.
Je ne rendrai point compte de cette correfpondance.
Mais je ne puis m’empêcher d’y remarquer un trait frap
pant qui décèle l’adreffe avec laquelle Madame la Préfidente
d’Abbadie cherchoità faire illufion à fa belle-mère , ôc à lui
faire approuver le féjour de M . le Préfident d’Abbadie
�23
dans cette capitale, fous prétexte d'un traitement qui n’avoit
point lieu.
En effe t, Madame la Préfidente d’Abbadie dit dans fou
M ém oire imprimé, page ï p , qu’après la Confultation du
6 Mai 1 7 8 3 , M . le Préfident d’Abbadie alla pendant trois
mois chez le fieur C o rnu s, & q u ii ne fu t plus pojjlbie enfuue
de lui adminiflrcr aucun remide : le traitement par l’é le ¿tri
c h é navoit donc plus lieu au mois de N ovem bre 1785.
Cependant par fa lettre du 4 N ovem bre 1783, Madame la
Préfidente d’Abbadie mandoit à fa belle-mère, que fon mari
continuoit toujours le remède de l’éleftricité, que le fieur
Borie étoit d’avis de le continuer par le miniilère du fieur
Cornus; & en aiïurant que les fieurs Borie & Cornus faifoient efpérer une guérifon totale, elle chargeoit l’honneur fie
la confcience de fa belle-mère de l’interruption d’un remède
qui avoit déjà ceffé long-temps auparavant.
« V ou s vous rendez , M adam e, lui diioit - elle par (a
» lettre du a f Octobre 1783 , refponfable de fa guérifon
» auprès de fa famille & du public ». ( Page 20 du M é
moire imprimé ).
Q uel grand intérêt Madame la .Préfidente d’Abbadie
avoit-elle donc à retenir fon mari dans la capitale , au mois
de N ovem bre 1783 , fous prétexte d’un traitement qu’il
n’y recevoit pas, 6c à quel deiTein fecret ce faux prétexte
pouvoit-il fervir de voile !
E lle quitte fon mari en Bearn pendant dix-neuf m ois;
& elle vole après lui lorfquil vient à Paris. E lle veut l’y
retenir malgré lu i, malgré fa m è re , quoiqu’il n’y reçoive
aucun fecours : créd it, prétextes, prières, m enaces, tout
eft mis en ufage pour- tromper la tendreiTe maternelle,,
�24
pour faire violence à l’amour filial, pour tenir éloignés
une mère & un fils impatiens de ie réunir, p ou r’enchaî
ner M . le Préfident d’Abtadie auprès d’une époufe q u i ,
jufques-là, s’étoit montrée plus jaloufe du foin de furprendre quelques inftants de foiblefle , que celui de les préve
nir. T a n t d’empreifement de la part de Madame la Préfidente d’Abbadie après douze années de diiTenfions, après
un divorce de dix-neuf m o is , pouvoit-il être infpiré par
l’amitié conjugale ?
Mais tandis que Madame la Préfideute d’Abbadie faifoit
certifier d’un côté par Ton M édecin que M . le Préfident
d’Abbadie étoit en démence, & qu’il ne falloit pas héfiter, s’il
étoit in d ocile, de l’envoyer dans une maifon de force , elle
prenoit d’un autre côté les plus grandes précautions pour
lui laiifer ignorer qu’elle s’immifçoit dans l’adminiftration
de fes biens. Elle s’étoit fait envoyer par les Régiiïeurs des
terres du Poitou des états annuels de recette & de dépenfe : bientôt elle voulut avoir tous les mois un état fuccinct de la fituation de leur caifle , & l’événement va faire
voir dans un inftant que fon defir n’étoit pas un defir de
pure curiofité. C e fu tle fie u r Olivier , Caiiïier du fieur de
B o r d a , dépofitaire depuis plufieurs années des revenus de
M . le
Préfident
Poitou , l’homme
d’Abbadie , provenans
de
confiance de
des terres du
Madame la Préli-
dente d’ A bbadie, ôc celui qu’elle défigne pour curateur
onéraire de fon mari, qui fut chargé de demander ces
états de caiiTe de chaque mois, üa lettre eit du 2 Juin
1783 : elle a fuivi de près la Confultation du *6 M a i , qui
conAituoit M. le Préiident d’Abbadie dans un état de dé
mence. Cependant Madame la Préfideute d'Abbadie craint
que
�a;
que ce prétendu îniènfé fie Toit inftruit de Ton entreprife, &
faic recommander le fecret à fon Régifleur.
« Vouà fentez , dit le iieur O liv ie r , qu’il n’eftpas nécef» faire que M . d’Abbadie vo ye cette lettre.
O n favoit donc que M . le Préfident d’Abbadie âuroit
improuvé l’entreprife de fon ép o u fe, & qu'il l’auroit répri
mée , s’il en avoit eu connoiflance.
E t c ’eft dans ces circonftances qu’elle le fait déclarer infenfé par fon M é d e c in , & qu’elle conçoit l’idée de ren
vo yer dans une maifon de force !
Mais à quoi tendoit la curiofité de Madame la Préfidente d’Abbadie fur l’état de la caifle des Régiffeurs ? A
faire vuider cette
caifle dans celle du fieur O l iv i e r , &
celle du fieur O livier dans fes mains.
En effet, le 4 N ovem bre 1783 , le fieur O livier a reçu
des Régiffeurs de M . le Préfident d’Abbadie une fomme
de 22,000 livres , q u i, jointe aux deniers qu’il avoit déjà
en m ain , a formé un total de 36,000 livres , & le 8 du
même mois il a livré clandeftinement cette fomme de
35,000 livres à Madame la Préfidente d’Abbadie.
C e fait eft établi par le compte que le fieur O livier a
rendu deux jours après à M . le Préfident d’A b b a d ie, qui
lui demandoit fes fonds pour les emporter en Bearn.
L e dernier article de dépenfe eft conçu en ces termes.
« Du
18 N o v e m b re , remis à Madame d'Abbadie ,
» 3j’,9pp livres <? fols.
A u moyen de q u o i , le fieur O livier fe trouvoit qu itte,
fi M . le Préfident d’ Abbadie avoit eu la bonté de fe payer
de cette monnoye. Mais il a eu le foin de faire affigner
le fieur O livier le lendemain 11 N ov em 6 re
1 7 8 3 , par
D
�il?
devant les Juge & Confuls à fin de reftitutïon de la fomme
de 36,ooo livres.
Obfervons en partant, que le compte du fieur O livier
prouve que depuis 1781 jufqu’en 1783 , JVL le Préfident
d’Abbadie a continué de correfpondre avec lui fur fes
affaires, & de s’occuper de l’adminiftration de fes biens.
E n effet, on y v o it , i° . la mention d’une lettre de
M . le Préfident d’A bbadie, du y A oû t 1 7 8 2 , par laquelle
il avoit confenti au profit du fieur O livier une dédu&ion
de 740 livres 1 p fols : 20. la mention d’un envoi fait par
le fieur O livier à M . le Préfident d’A b b a d ie, le 2p A oû t
1 7 8 2 , d’une fomme de 20,351 livres : 30. la mentiond’une conférence du mois de Mai 1783 , de ce
même
mois où Madame d’Abbadie avoit fait déclarer fon mari
infenfé par le
fieur Borie ,
conférence
dans laquelle
M . le Préfident d'Abbadie, en chargeant le fieur O livier du
foin de recevoir à l’H ô tel des Fermes les intérêts du cau
tionnement du fieur de Planterofe, fon a llié , lui avoit dit
fuivant le fieur O liv i e r , avoir touché par lui-même quinze mois
d'intérêts montant à 15 o livres, à compter du premier Octo
bre ¡ 7 8 0 , au premier Janvier 1782, C es faits concourent
à établir la continuité de ladminiflration de M . l e Préfi
dent d’Abbadieen 1782 & 178 3 . Je mettrai bientôt fous les
yeux de la Cour d’autres preuves de cette adminiftration
qui s’eft conftamment foutenue juîqu’au moment a£luel.
M . le Préfident d’Abbadie étoit trop impatient de fe
réunir à Madame fa m è r e , pour attendre l’éyénement de
la demande
qu’il avoit formée contre le
fieur Olivier.
Madame la Préfidente d’Abbadie lui a fait remettre par les
mains de ce dernier, une fomme de 6000 livres, & a eu
�27
le foin de s’en faire donner une quittance , quoiqu’en re
cevant 20,000 livres à fon inçfu en 1 7 8 1 , elle èût déclaré
qu’il étoit hors d’état de donner une quittance. I l eft parti
feul pour le Bearn vers le i f N ovem bre 178 5; Madame fon
époufe a mieux aimé relier à Paris que l’accompagner ; elle Ta
quitté de nouveau, & a v é cu loin de lui pendantquatorze mois.
A fon arrivée à P a u , par a£te du i cr. D écem bre 1785 ♦
M . le Préfident d’Abbadie & M adam e fa m ère ont envoyé
leurs pouvoirs à P aris, à l’effet de les repréfenter chacun
en ce qui les co n c e rn o it,
dans toutes les affaires qu’ils
pourroient avoir tant en juftice qu’autrement. M ais à qui
ces pouvoirs ont-ils été donnés ?
I c i paroît un C itoyen honnête que Madame d’Abbadie
a diffamé avec une licence inouie » qu’elle a peint com m e
un homme fans é ta t, com m e le c h e f d’une troupe d’intrigans qui obfèdent M . le Préfident d’Abbadie. Q u el eft donc
cet homme fi d é c rié , fi fufpe£t ? C ’eit un allié de M adam e
la Préfidente d’A b b a d ie, le coufin iflu de germain de fon
mari ; c ’eft le fieur d’Etchegaray.
Il n’étoit pas un intrigant
aux y e u x de M adam e la
Préfidente d’Abbadie m ère, dont le fuffrage valoit bien
celui de fa. b ru , ôc qui par une lettre du 21 Février
1-78 4, l’appelloit fo n cher neveu , & le rem ercioit des
marques qu’il ne ceffoit de lui donner de fon zèle & de
fon attachement.
Il n’étoit pas un intrigant aux yeux de M adame d’A b
badie elle-m êm e, lorfque par fa lettre du 17 Janvier 1 7 8 3 ,
elle le rem ercioit des témoignages £ intérêt & Rattachement
yu il lui donnoit dans toutes les occafions, ôc lui marquoit
D ij
�A*
le défir le plus v i f de lui donner des preuves de fa re<on-noijfance.
Il n ¿toit pas un intrigant lorfque par fa lettre du onze
avril 1785 9 poftérieure de deux jours au départ de M . le
Préfident d’Abbadie pour P a ris, elle chargeoit la foeur du
' fieur d’Etchegaray de lui faire mille complimens, & de lui
confier le deffein où elle ¿toit de fuivre de près fon mari.
C ’eft la procuration du premier décem bre 1783 , dont
l’objet principal ¿toit de forcer la reftitution des 35,000 L
enlevées par M adam e d’Abbadie , qui a transformé à fes
y e u x le fieur d’Etchegaray en homme fu fp e â , en intrigant,
ôc qui l’a rendu digne de toute fa haine.
Remarquons deux circonftance3 dans cette procuration*
L a prem ière, c’eft que M adame la Préfidente d’Abbadie
mère & M . fon fils y reconnoiffent expreifém ent le fieur
d’Etchegaray pour leur parent. L e fieur d’Etchegaray ne
doit donc pas être regardé ici com m e un intrus, com m e
un intrigant qui s’immifee dans les affaires d’une fam ille
étrangère.
L a fé c o n d é , c’eft que M . le Préfident d’A b b a d ie , en
donnant fes pouvoirs au fieur d’Etchegaray , ne fait que
fuivre l’exem ple de M adam e fa m ère, qui avoit déjà éprou
v é le zèle & la fidélité de fon neveu. C e tte marque de
confiance de M . le Préfident d’A bbadie pour le fieur
d’Etchegaray & celles qu’il lui a données depuis ne doivent
donc pas être regardées com m e des marques de démence*
L e fieur d’Etchegaray pourfuivit la demande à fin de
reftitution contre le fieur O liv ie r : celui-ci fut con dam n é,
par une Sentence confulaire du ip
décem bre 1783 , à
�2P
payer en cjeniers ou quittances valables la fomme de 3 6000
livres.
L e fieur O liv ie r, ou plutôt M a 4ame la Préfidente d’A b
badie fous fon nom , interjetta appel de cette Sentence
com m e de Juge incom pétent. M . le Préfident d’Abbadie
eut pour défenfeur M e Martineau : mais il ne perdit pas
moins fa caufe. L es parties furent renvoyées à fe pourvoir
p ard evant les Juges qui en devoient connoître.
L ’affaire fut portée au Châtelet où M . le Préfident d’A b
badie auroit infailliblement triomphé par le miniftère du
même défenfeur. Mais le fieur d’Etchegaray rallentiffoit les
pourfuites, par égard pour Madame laPréfidente d’Abbadie
qui ne paroiffoit pas difpofée à reftituer ce qu’elle avoit
pris. C e ménagement déplut à M . le Préfident d’Abbadie
& à Madame fa mère : ils s’en plaignirent au fieur d’E t
chegaray , ôc ils lui donnèrent ordre de preffer le jugem ent
par une lettre du 8 mars 1784.
L e s pourfuites recom m encèrent: M adame laPréfidente
d’Abbadie demanda à com pofer. M . le Préfident d’A b b a
die envoya au fieur d’Etchegaray , le 19 avril 1 7 8 4 , une
procuration à l’effet de tranfiger ; ce qui fut fait par un
a & e du 2 ju ille t fuivant.
Par cet a& e'M adam e la Préfidente d’A b b a d ie , fous le
nom du fieur O liv ie r , rend com pte des 36,000 liv. dont
elle s’étoit emparée.
E lle impute d’abord com m e de raifon les 6000 liv. don
nées à M . lePréfident d’Abbadie le 13 novem bre p récéd en t,
fuivant fa reconnoiffance du même jour , & les dépens
de l’appel d’incom pétence auxquels il avoit été condamné.
E lle remet enfuite x 6,800 livres au fieur d’Etchegaray;
�jo
qui les envoye aufli-tôt à M . le Préfident d’A b b a d ie, dont
il a la quittance.
E t elle retient à Ton profit 15,000 livres en fus de fa
penfion annuelle de 3000 liv re s , & d’un fupplément de
600 livres q u e lle s’étoit fait donner par le fieur O liv ie r,
quoiqu’elle n’eut aucune dépenfe à faire dans la maifon
du fieur de Borda.
T e l fu t, pourM adam è la préfidente d’ A bbad ie, le fruit
de fon fécond coup d’eiTai dans le maniment des revenu«
de fon mari.
Madame la Préfidente d’A b b a d ie , dont la manie eft de
dire que fon mari eft fou , foutient qu’il l’a été à Pau
en 1 7 8 4 ; & pour preuve de fon allégation , elle cite des
lettres qu’elle a reçues de fes correfpondans, du fieur
L o u fta u , le négociateur de fon m ariage, & de la dame
d’E tchegorry fa co n fid en te, qui n’ont pas craint d’alarmer
fa tendreife pour fon mari , en lui écrivant fi fouvent &
fi inutilem ent, qu’il étoit malade- Mais des lettres mifiives
ne font point foi contre un tiers. Q u ’e it - c e que cet ama*
de lettres écrites avec tant de p rofufion , & gardées avec
tant de foin par une femme q u i, fi elles avoient été vé
ridiques, auroit dû les effacer de fes larm es, & que prou
vent-elles en ju ftic e , fi ce n’eft les mauvais defl'eins de
Madame la Préfidente d’Abbadie contre fon m a r i, & le
défir dont elle brûloit de le faire interdire.
C e n’eft pas tout : Madame la Préfidente d’Abbadie n’ayant
pu faire attefter par des M édecins de Pau que fon mari avoit
été fou à Pau en 1782 & 1783 , l’a fait attefter hardiment
par fon M édecin de Paris. E lle a fait plus : elle a fait at
tefter par ce M édecin que M . le Préfident d’Abbadie mourra
�5*
infailliblement dans la dém ence. V o ic i le certificat qu’elle
a obtenu de la complaifance du fieur B o r ie , le 6 f é v r i e r
1784..
» Je certifie que M . le Préfident d’A b b a d ie, que j’ai
» fuivi depuis le mois de mai de Tannée dernière jufqu’à
» fon départ, eft parti en novem bre 1783 dans le même
» état de démence dans lequel il étoit depuis deux a n s,
» lors de fon arrivée à P aris, & qu’il eft bien à craindre
» que fa maladie ne foit parvenue à l’incurabilité ; en foi
» de quoi j’ai figné la préfente déclaration. Borie.
Fixons un inftant nos regards* fur ce certifica t, q u i,
avec celui du 6 mai 1783 , a déterminé à Pau l’interdic
tion provifoire de M . le Préfident d’Abbadie. C ’eft une
des produ&ions les plus monitrueufes de l’intrigue & de
la mauvaife foi.
O n y diftingue trois articles.
L e p rem ier, c’eft qu’au mois d’avril 1 7 8 3 , lors de fon
arrivée à Paris , M r. le Préfident d’Abbadie étoit depuis
deux ans dans un état de dém ence.
L e fé c o n d , c’eft qu’au mois de novembre 1783 , lors
de fon départ pour le B é a rn , M . le Préfident d’Abbadie
étoit dans un état de dém ence.
L e troifièm e, c ’eft que la maladie de M . le Préfident
d’Abbadie eft probablement incurable.R eprenons
ces trois articles.
1°. A v ec quel courage le fieur B orie a - t - i l pu cer
tifier qu’au mois d’avril 1783 , lors de ibn arrivée à P a ris,
M . le Préfident d’Abbadie étoit depuis deux ans dans un
état de démence ?
�3%
M. le Préfident d’Abbadie ¿toit refté en Béarn depuis
le mois de i'eptembre 1 7 81 iufques au mois d’avril 1783 }
le lieur Borie ne "l’avoit point vu dans cet intervalle.
2°. Com m ent a-t-il pu certifier qu’au mois de novembre
1 7 8 3 , M . le Préfident d’ Abbadie étoit dans un état de
démence ?
N ous avons des preuves littérales du contraire.
L e 8 novembre 1 7 8 3 , M . le Préfident d’A bbadie écrit
une lettre à fon régifleur qui vient de la lui envoyer pour
l’aider à confondre l’impoflure.
L e 10 novembre 1783 , le fieur O livier , l’homme de
confiance de Madame d’A b b a d ie , rend compte à M . le
Préfident d’Abbadie de fes revenus du P o ito u , dont il avoit
livré deux jours auparavant, à Madame -d’A b b a d ie , le reliquâ montant à 3 5,000 liv.
L e 11 novem bre 1783 , M . le Préfident d’Abbadie fait
aiïigner
le fieur O livier en reftitution de cette fomme.
ü
L e 1 3 novembre 1783 , veille du départ de M . le Préfident d’Abbadie pour Pau , Madame la Préfidente d’Abbadie
lui fait compter 6000 liv. & en retire fa reconnoiffance,
ainfi qu’il eft établi par la tranfa&ion du 2 Juillet 1784..
Ec c ’eft dans ces circoniïances que Madame la Préfïdente d’Abbadie fait certifier qu’au mois de novembre
1783 , lors de fon départ pour le B éarn , M ‘. le Préfident
d’Abbadie étoit dans un état de démence ! C o m m e n t peuton trahir la vérité avec auifi peu de pudeur!
30. Enfin par quel génie le fieur Borie étoit-il infpiré
quand il a prédit que M . le Préfident d’Abbadie mourra
vraifemblablement dans la démence ? O ù avoit-il puifé ce
préfage finiftre? L a nature lui avoit-elle révélé tous fes fecrets ?
�h
cfets? L ’art avoit-ü déployé à fes yeux toutes Tes rciTource«?
A veu gle qu'il étoit ! il né voyoit pas fétat préfent de M .
le Préfident d’Abbadie , 6t. il vouloit prévoir fon état
avenir !
Il certifie que la maladie de M . le Préfident d’Abbadie
eft probablement incurable : mais Madame la Préfidente'
d’Abbadie mandoit à fa belle-m ère, par fa .lettre du 25
octobre 1785 , qui eft à la page 21 de fon mémoire im
primé , que le }leur Borie, lui faifoit efpérer la gtièrifon
totale de M'. le Préfident etAbbadie. Par quelle étrange con
tradiction ce m édecin, qui n’avoit plus vu M. le Préfident
d’Abbadie depuis le mois de novembre 1 7 8 5 , époque de
foii départ pour le Béarn , a-t-il donc certifié au mois de
février 1 7 8 4 , que fa maladie paroiiloit ótre parvenue à
l’incurabilité !
L ’événement a démenti fon aflertion à ce fujet : deux
médecins qui ontvifité , Tannés dernière, M. le Préfident
d’Abbadie depuis le 3 mars jufques au p m a i, ont déclaré
dans leut rapport que fa maladie eft curable, qu’elle a cédé
au temps ôt aux rem edes, fi elle a été jamais telle qu’on la
Jeura dépeinte, ôc qu’il eft dans un état habituel de raifon.
Mais ce qui doit le plus frapper les efprits à la vue du
certificat du 6 mai 1783 , ce n’eil point la foibleife que le
fieur Borie a eue de l’exp éd ier, c’eit le courage que
Madame la Préfidente d’Abbadie a eu de fe le faire déli
vrer. E lle ne va point demander à fon médecin des fecours .
pQur M . le Préfident d Abbadie; elle va chercher une arme
nouvelle contre lui. E lle n’eft pas en peine dè favoir com
ment on pourra le guérir; c ’eft: aflez qu’on lui certifie qu’il
ne guérira jamais.- E lle faific l’annonce de l’incurabilicé
E
�34
de M . le Préfident d’Abbadie comme une autre femme
faifiroit l’annonce de la guérifon prochaine de fon m a ri,
& elle garde pen d an t des années entières ce pronoftic
funefte & défefpérant avec le même foin que fi elle y
trouvoit l’alim en t de fes efpérances & une fource de confolations.
Je ne fais pourquoi ce certificat n’a été ni imprimé au
C hâtelet, ni lu à cette audience, à moins que Madame
la Préfidente d’Abbadie n’ait craint l’indignation que devoit
faire naître contr’elle une pièce auffi révoltante, & qui
la d ém afque il bien aux yeux du public. Mais il a exifté ce
certificat odieux : il a été annexé à la procédure de Pau,
où il a produit fon effet; il a été annexé à la procédure
du Châtelet, où il a été regardé avec horreur; nous en
avons une copie expédiée par le Greffier du Châtelet ; il
n’eft plus temps de le fupprimer, l’efprit qui l a difté efl
à découvert.
C e certificat efl digne de figurer à côté de celui du
6 Mai 178 3 , qui enhardit Madame la Préfidente d’Abbadie
à envoyer fon mari dans une maifon de force. Ils font
fortis de la même fabrique; ils avoient la même deftination : ce font deux monumens des machinations de Madame
la Préfidente d’Abbadie, contre fon mari, & de la com
plicité du M édecin qu’elle avoit aifocié à fes coupables
projets.
O n a plaidé qu’ en 1 7 8 4 , pendant fon féjour à Pau
M . le Préfident d’Abbadie a fait acheter deux chèvres
qu’il vouloit atteler à fa v o itu re , ôc deux oyes à, qui il
youloit apprendre l’alphabet..
O n ne dit pas qu’il ait fait atteler des clièvres à fa
�5?
^
voiture , ni qu’ H ait prononcé l’alj h i l e t devant des oye.3,
pour le leur apprendre ; on dit feulement qu il a voulu
le faire. Mais par quels lignes certains cette intention
s’eft-elle manifeftée? ceft ce qu’on ne fait pas.
Au mois d’Avril de l’année dernière, M . le Prérident
d’Abbadie a touché, dit-on, du bout de Ton manchon dans
le jardia des Tuileries, la ftatue qui repréfente le Tibre.
Madame d’Abbadie a dit dans fon Mémoire imprimé, qu’il
avoit donné un coup a cette flàtue, pour la punir de ce
qu’elle ne lui parloit pas; on reconnoit à ce tra it, le génie
familier qui veille iur M . le Préfident d'A b b a d ie, qui
connoît fes peniees mieux que lui-m êm e,
qui devine
lorfqu'il fait acheter des chèvres, que c’eft pour les atteler
à la voiture, lorfqu’il fait acheter
des o y e s , que c’eft
pour leur apprendre l’alphabet. Mais fi M . le Préfident
d’Abbadie étoit infenfé, fes a£tions ne feroient-elles pas
allez parlantes par elles-mêmes , & auroit on befoin de
deviner fes intentions, pour le convaincre de démence?
Dans le fait, M . le Préfident d’Abbadie a fait acheter
deux chèvres en 1 7 8 4 , pour l’ufage auquel elles devoient
fervir naturellement, il les a envoyées dans fa terre de
B izanos, d’où on lui apporroit du lait tous les matins.
L ’oye eft un aliment qu’il aime ; il en a fait engraifler
deux en 1 7 8 4 , parmi des poulets, des canards, des
dindons & des volailles de toute efpèce, qui garniiToient
& qui garnilfent en core, fuivant l’ufage de la P ro v in ce ,
la bafTe-cour qu’il a dans fa maifon de Pau.
C eu x qui lui ont attribué l’intention fecrette de faire
atteler des chèvres à fa voitu re, & d’apprendre l’alphabet
à des o y e s , n’ont fait que lui appliquer l’hifioire d’un
E ij
�¿6
fameux fou du Béarn, nommé B erd u c, dont la tradition
tranfmet les folies depuis 40 ans, dans cette province.
L e nommé D o u c e r , qui étoit en 178 4 , le Cocher &
i’efpion de M . le Préfident d’A bbadie, & qui a paffé depuis
au fervice de Madame fon époufe, ne parle point dans
la déclaration qu’il a faite le premier O & obre 1 7 8 ; , en
l’hôtel du fieur Lieutenant C i v i l , du prétendu projet de
faire atteler des chèvres à une voiture : c’eût été lui cepen
dant qui auroit été chargé, comme C o c h e r, de ce bizarre
attelage, fi M. le Préfident d’Abbadie en avoit conçu l’idée,
& il ne lui auroit certainement pas fait grâce de cet écart,
s’il avoit eu le plus léger prétexte pour le lui imputer.
A u furplus, & c’eft ici le mot décifif, fi des témoins
de Pau ont été auffi complaifans pour Madame la Préildente d A b b a d ie, que fon Médécin de Paris, & s’ils ont
eu la témérité de dénaturer les actions les plus raifônnables
de M . le Préfident d’A b b a d ie , par l’extravagance des
motifs qu’ils lui ont attribués, leurs dépofitions ne font
d ’aucun poids dans la caufe ; les enquêtes ont été annullées
par un Arrêt du C on feil; Madame la Préfidente d’Abbadie
n ’a à l’appui de ces faits que fa fimple allégation , qui eft
pleinement détruite par la dénégation formelle de M. le
Préfident d’Abbadie.
Il ne refie que les deux lettres des 18 Juillet & 16 A oû t
1781 : mais qu’importe que M . le Préfident d’Abbadie
ait eu , il y a iïx ans, deux mrtmens d’abfence , & quelle
connexité y a t-il entre ces nccidens anciens 8? psifagers,
& l’état a&uel & habituel de M . le Préfident d’Abbadie?
C ’eil fon -état préfent qu’il faut juger,
accidens paiTés-
&
non pas feà
�37
Ces accidens n’ont point troublé fa correfpondance,
ni interrompu le cours de fon adminiflratipn , qui s’eft
conftamment foutenue jufau’au moment actuel.
Ses parens, fes amis, fes g«ns d’affaires lui ont envoyé .
quelques-unes des lettres qu’il leur avoit écrites, & lui
ont accufé la réception de beaucoup d’autres; ces lettres
prouvent qu’il a entretenu fans ceife toutes fes relationsd’intérêt, de bienféanpe & d’amitié.
Il faut voir fur-tout fon administration depuis 1781 ,
«5poqueà laquelle on fait commencer fa prétendue démence:
c’eft la meillem-e défenfe qu’il puiOe fournir, c’t'ft le triomphede fa caufe.
Par Procès-verbal du 30 Juin 1781 , M . le Préfident
d’Àbbadie exerce le retrait féodal d’un bois , moyennant
la fomme de 3661 livres.
Par a£te du 2 Mars 1 7 8 2 , il fait le rachat d’une rente
foncière de 24.0 l i v . , moyennant une fomme de 4800 liv.
P a ra tìe du 18 Juillet 1782 , il acquiert pour la fomme
de 4788 liv. 17 fols 6 deniers, un bien-fonds dont Madame
fa mère a exercé
le retrait cenfuel comme dame de
Bizanos.
Par autre a£te du 25» du même m o is, il acquiert pour
la fomme de
livres, un autre bien -fon d s dont
Madame fa M ère a pareillement exeixé le retrait cenfuel.
Par afte du 3 Octobre 1783» il acquiert des droits
de féodalité &: de cen s, qui fe trouvent à fa bienféance.
Par afte du 22 O ttobre
1 7 8 4 , il çonfent un bail à
rente d’ un terrein qui ne lui étoit d’aucune utilité.
Par atle du 14 Mai 1785 } trois jours après un fécond '
�38
Arrêt du Parlement a s Pau j qui confirme fon inter
diction provifoire » M . le Piéfident dA bbad ic dans
1 ignorance de cet A.riêt , acquiert une portion de la
dîme de C re m ille, aux environs de fa terre de SaintLoup.
Depuis 17S1 jufqu’en 1785’ , M. le Préfident d’ Abbadie
a fait chaque année quelque acquifition, malgré les fouftnclions que Madame fon époufe lui avoit faites en 1781
& en 1785.
C ’eft principalement après le décès de Madame fa M ère ,
arrivé dnns le mois d’Août 178 4 , que M . le Préfident
d’Abbadie a donné des preuves figna’ ées de fon économie
&. de la fageife de fon adminiilration.
Il étoit feul héritier de Madame fa m ère, & fpécialement chargé du f jin d’erécuter fon teilament, qui contenoit des legs confidéra! les.
A entendre Madame la Préfidente d’Abbadie .dans fon
Mémoire imprimé, (pag. 1 1 1 ) , fon mari n'a pas encore
acquitté une teule difpofition du teftament de Madame
fà mère, ôc s’eft montré par le fait incapable du foin qu’elle
lui avoit confié.
1
Com m e le menfonge prend dans cette caufe le ton
d’affurance qui ne convient
qu’à la vérité! voici des
quittances d’environ 30000 livres, que M . le Préfident
d’Abbadie a payées dans les deux premiers mois qui ont
fuivi le décès de Madame fa mère, pour 1acquit dune
partie des legs- contenus dans fon teftament. Elle lui
avoit accordé quatre ans de terme, à la charge de payer les
intercts ; il a mieux aimé en bon Adminiftrateur éteindre
ces intérêts que garder des deniers oififs dans fa calife.
�39
E t d’où provenoient ces 30000 livres? des épargnes
q u eM . le Préfident d’Abbadie avoit faites fur 40000 liv. de
rente. T e l eft l’Adminiftrateur que Madame fon époufe
veut faire interdire comme incapable d’adaiiniftrer. Y eutil jamais de plus folle entreprife ?
A la vue d’une adminiflration auili f a g e , fi le concours
du Miniftère public n’étoit point néceffaire dans cette
caufe , vous vous lèv erie z, M eilleurs, emportés par le
fentiment de l’équité qui vous prefle ; vous vous hâteriez
de confirmer ¡a Sentence du Châtelet, 6c de mettre fin à
cette perfécution.
Q u e Madame la Préiident.e d’Abbadie faiTe dans l’inter
valle
de
1781
à
1785* ,
des
approvifionnemens
de
certificats & de lettres miilives fur l’état de fon mari-,
qu’elle le faffe décl-rer fou par les correfpondans, incurable
par fon M édecin, & digne d’être enfermé dans une Maifon
de F c r c e ; qu’elle s’exerce avec fus fi.;ppôts à imaginer
des traits de folie , pour ies lu-' attribuer , qu’elle s’amufe à le couvrir de ridicules, & à en faire aux yeux dit
public un objet de cérifion : ces jeux de l’intrigue & de
la malignité n’effaceront point les preuves de l’économie
de M. le Préfident d’ALbadie, &. n’exciteront pas fur fon
compte les alarmes d e là J u llic e , qui n’eft point en peine
de favoir quelles ont pu être quelquefois i'es idées fugitives,
& à qui il fuffit de voir quelle cil dans tous les temps fon
adminiftration.
L es années 17??, &
1784 que M. le Préfident d’Abba
die a paffées en Bearn n’ont cm de remarquable à fon égard
que la ceffation
de fes fondions ; fon zèle l’aj pelloit au
P a la is .. mais une indiferétion cruelle, lui en interdifoit l’eu-
�\
40
trée. Ses deux lettres de 1731 , dont Madame fon époufe
'
¿toit nantie, avaient été colportées dans la ville de Pau-,
& y avoient répandu contre lui les impreilîons les plus fa-
cheufés. Il redotftoit les regards du public prévenu; il
c ra ig n o it d’avoir à rougir dans le fanchnire de la Juftice :
fa modeftie ne lui permetcoit pas de fonger que la tache
\ des accidens qu’il avoit éprouvés y feroit effacée par la
gloire qu’il y avoit acquife : fa retraite comme Mngillrac
prouve l’excès de fa ienlibilité de de fa déiicateife ; mais
fon adminifiraticn comme père' de famille prouve qu’il
eft en é t a t . d’adminiilrer par lui-même , 6c c’efi: le père
de famille qu’il faut juger maintenant, & non pas le Magiiîrat.
Le décès de Madame fà mère a été fuivi dtj près de ce*
lyi ci..; (leur de Bordn fon oncle- C e Fermier-Général eil
déeé-;é le 3 Novembre 17S4. Tous deux avoient confié
à M. le Préiï lent d’Abbadie l’exécution de leurs teflamens.
Iis ne s’étoie-nt point aveuglés fur fon état; ils le connoffeient mieux que Madame fon époufe, qui ne vivolt
pas avec lu i, fit ils lui avoient continué l:ur confiance
la plus entière jufqu’à leur dernier moment.
Madame la Prélidente d’Abbadie attendoit depuis 178^,
dans la maifon du fieur de B o r d a , l’ouverture de fa
fucceffion , refolue de s’en emparer à quelque prix que
ce fût. Elle, avoit lniffé jufqu’alors à M . le Préfident
d’Abbadie la libre ad mi nift ration de fa perfonne ôt de
fes bi ens, quoiqu’elle feignit de croire qu’il etoit depuis
1781 dans.un état de démence, fic elle sxétoit contentée
de s’emparer deux fois d’une partie de fes revenus; mais
quand elle vit deux ou trois millions que la fuccefiion
du fieur de Borda offroit à foa mari, elle ne garda plus
de
�ft
de m efu re, c’étoit le moment où elle devoit recueillir le
fruit de fes intrigues & de fes machinations.
M e Bourgeon, Procureur au C h â te le t, avoit aififté à
i’appofition des fcellés dans la maifon du fieur de Borda,
■en vertu de la procuration qiie M . le Préfident d’Aèbadie
& Madame fa mère avoient envoyée le premier Décembre
1785 , au fieur D etchegaraî, chacun pour fon
intérêt
perfonnel; cette précaution déplut à Madame la Préfideite
d’A bbadie, & lui rendit Le fieur Detchegaraî encore plus
odieux.
Il fe forma d’abord deux partis dans la famille, dont
chacun vouloit adminiftrer au nom de M . le Préfident
d’A b b a d ie, s’il reftoit en Péarn , mais qui fe réunirent
pour le faire interdire, quand ils le virent arriver à Paris,
dans
le deifein d’adminiftrer par lui-même.
Ces partis étoient compofés, l’un du Marquis & d e la Marquifedu Coudrai,l’autre de Madame laPréfidente d’Abbadie,
6c des intrigans qu’elle avoit aiTocics a fes efpérances. Ces
deux partis s’adreifoient à M . le Préfident d’Abbadie luim êm e, pour obtenir fa procuration. Lamarquife du Coudrai
agiiïoit avec fa franchife naturelle ; Madame ü’Abbadie
plus adroite faifoit mouvoir en fi faveur les reiforts de
l’intrigue. C ’eft dans leur correfpondance avec M . le
Préfident d’A b b a d ie , & dans celle des partifans de M a
dame la Prélidente d’Abbadie que
nous allons voir les
divers mouvemens qu ils fe font donnés pour obtenir fa
confiance, refolus de le perdre s’ils ne pouvoient pas y
réufiii*.
L a Marquife du Coudrai a écrit cinq lettres à M . 1»
F.
�' 42
*
'
Préfident d 'A bbadie, 1e s * , 9 , \S , 23 6c 47. N ovem bre
1784.
. Dans celle du fix , elle lui accufe la réception de fa lettre
du a i O fto b re p récéd en t, qui lui a f a i t , dic-elle, grand
plaijîr, &
qui par cette raifon ne pacoh point dans, la
caufe. E lle lui mande que les affaires de la fuceeffion du
iieur de Borda font Amples.
/
» Il feroit donc déiirable, ajoute-t-elle, que vous vinflïex
» ic i, pour les diriger vous-même.
Dans celle du n e u f N o v e m b re , elle lui demande fa pro
c u ra tio n pour un homme en qui elle a de la confiance^
rnais que M . le Préfident d’Abbadie ne co n ço it pas.
Dans celle du 16 f elle lui indique un autre Procureur
fondé, & lui envoye un projet de procuration.
Dans celle du 23 , elle lui accufe la réception de fa
lettre du 11 du même mois , qui ne paroît pas dans la
C a u fe , parce qu’elle eft bonne , & elle le prefle d’envoyer
Ci procuration à l’homme qu’elle lui a défigné.
Dans celle du 2 7 ., elle lui accufe la réception de fa
lettre du 1 3 , qui ne paroît pas plus que les deux autres,
& elle lui dit: « T o u tes vos peines, au p aflé, au préfent
» & à l’a v e n ir, ont é t é , font &
feront toujours
les
» m ien n e s, par mon attachement pour ma fa m ille , &
» pour vous en particulier.
I c i , M eilleu rs, fe préfente 11ne réflexion bien naturelle.'
L a Marquife du Coudrai & fon mari dont elle étoit
évidem ment dans cette occafion l’interprète & l’organe,
engagent M . le Préfident d’A b b ad ie, dans le cas où il
ne viendroit point diriger lui-même fes affaires, d’envoyer
fr procuration à un homme qu’il* lui défignent. Ils preférent
1
�un étranger à Madame la Préfidente
d’A bbad ie, qu’ils
ConnoiiToient par eux-m êm es, avec qui ils écoient dans
la maifon -du fieûr de B orda, ÔC qu’ils voyoient à Paria
depuis vingt mois. Ils ne la jugent point digne de la
confiance de fon M a ri; ils perfiftent pendant plus d’un
mois dans le .parti qu’ils ont pris de l’exclure des fonftiona
de fimple mandataire; com m ent l’intrigue a-t-elle pu de*
puis leur fafciner les yeux , & leur faire envifàger M . le
Préfident d’Abbadie com m e digne d’interdi& ion, 6c M a
dame la Préfidente d’Abbadie comme digne de la Curatelle?,
D e fon c ô t é , Madame la Préfidente d'Abbadie a écrit
deux lettres à fon M a r i, dans le cours du mois de N o
vembre 1784.
- » Je fens, lui dit-elle, dans la première en date du 6 ,
» com bien la perte de votre oncle va vous affliger, &c
» ;e voudrois bien
être avec vous pour adoucir votre
»chagrin . . . Je vous envoye une expédition du tefp tament de votre o n c le , par laquelle vous verrez les
» preuves qu’il vous donne de l’attachement particulier
» q u 'il avoit pour vo u s, en vous nommant fon E xécuteur
» teftamentaire. L es fcellés ont été appofés ; vous appren» drez avec le plus grand étonnement que M . D etch e» garay, abufant d e là procuration que vous lui avez don
» n ée, conjointem ent avec feue M adame votre m ère, s’eft
» préfenté avec un Procureur au ChâteJet, pour aflifter à
» l’appofition des fcellés; cette démarche a caufé un vrai
» fcandale dans 1* maifon j il aurait dû fa v o irq u e , dans
» les circonftances où nous nous trouvons, il riy a que
v moi (¡ni
vous repréfenter, & porter à vos'intérêts
» & à ceux de nos enfans toute l’attention cu’ik mûrirent u.
■
�44
( le S r d’Etchegaray ne favoit pas cela ; il penfou à cet égard
comme le Marquis ôt la Marquife du Coudrai, comme toute
la famille, & comme M. le Préfident d Abbadie lui-même).
L es tentatives du Marquis & de la Matquife du C o u
drai, pour faire donner à un étranger la procuration de
M . le Préfident d’Abbadie, dans le cas où il ne viendroit
pas diriger lui même fes affaires, jettoient Madame la
Préfidente d’Abbadie dans un grand embarras. E lle n’ofoit
pas leur réfifter ouvertement
ni demander pour elle-même
la procuration de fon mari, dont elle ne pouvoit pas fe difiîmuler qu’elle avoit perdu la confiance. E lle prit le parti de
la faire folliciter par des tiers, & pour mieux ailurer fon fucc è s, elle invita M . le Préfident d'Abbadie à confuiter, fur le
choix de fon mandataire, des Avocats de Pau , qui, prévenus
par les agens de Madame la Préfidente d’A bbadie, devoient
naturellement lui donner la préférence; en tout événement,
elle fongea à attirer M . le Préfident d’Abbaçlie à Paris, dans
le foyer de la confpiration, pour avoir la facilité d’obtenir
fa confiance, ou de le perdre s’il la lui sefufoir.
» Il eft trop jufie, lui difoit-elle, par fa. lettre du &
» N ovem bre 1 7 8 4 , que fur des affaires ayifi importantes
» vous preniez un parti avec nos confeils & nos amis
» communs; le meilleur de tous, feroitr, mon cher mari,
» d e vous rendre ici; vous e n
sen tez
» vos a f f a i r e s
présence.
e x ig e n t
vo tre
la
n é c e s s ité ,
V ous fentez
» tout l’embarras qu’éprouveroient les affaires, fi nous ne
x pouvions les traiter que par correfpondance ; je ne puis
» vous le diifimuler, je ne laiife pas d’avoir bien des
» chofes à fouffrir, par les altercations fréquentes qui me
» font faites de la part de M . le Marquis & M adame la
�4Î
»M arquife du Cdudrai. Sans>douter que M . Huftafti: 'ner
» manquera pas de vous écrire pour vous faire part dç<
» Tes obfervatigns fur la conduite £i tenir.
M ?. H ü t t e a u .A v o c a t en la C o ur , étojt depuis dix ans
iam i de M . le Pfélident d’Abbadie , fon confeil & fon
défenfeur dans toutes fes caufes ; ce n’avoit été; que dans
celle,des 35,000 livres enlevées par Madame la Préfidente
d!Abbadie. qu’il avoit cédé à M u. Martineau le foin de le
défendre. Il écrivit à M. le Président d’Abbadie le 8 N o virnbre >784, uné longue lettre dans laquelle il fe plaint
d’.abord , de ce que le fieur d’Etche^aray.a.aififté aux fcellés
en vertu de fa procuration générale* ’( Madame la Préfi
dente d’Abbadie s’en plaignoit auflî ) & lui marque qu’il
ne peut fe difpenfer de défavouer ce qu’afait le Procureur
au Châtelet d’après cette procuration gén érale, dont il a ,
ajoute-t-il , (i indignement abufé. ( Q u e l grand abus pouvoiril donc y avoir dans la iimple ailiftance du Procureur de
M . le Préfident d’Abbadie à l’appoiition des fcellés ! )
« L e vrai mot de tout c e la , continue M e. Hutteau j eft
» l’avidité du Procureur au Châtelet qui, pour fon intérêt
» perfonnel, n’a pas craint de faire un aile injurieux à v o u s ,
» M . le Préfident, & à votre famille.
» C e premier point arrêté, qu’allez-vous faire aihielle» ment? Il y a les fcellés à le v e r, l’inventaire à faire; if
» faut prendre qualité
dans la fucceiTion, délivrer
les
» legs, & c . Pour toutes ces opérations fi férieufes, fi im» portantes , qui embraiTent des objets fi confidérables ,
» J e CROIS QUE VOTRE PRÉSENCE SEROIT ABSOLUMENT INDIS-
jd p e n s a b l e . ( Madame la Préfidente d’Abbadie le lui avoit
» marqué auiTi) au moins ne pourroit-on fuppléer à votre
�» abfence que par une procuration méditée & concertée
» pour que vos intérêts ne puiflent être compromis en
» rien; mais q u a n d il s’agit de procuration , il y a toujour*
» deux
ch o fes
eflentielles à confidérer , l e c h o i x
de la
» p e r f o n n e qui n o u s reprefente, & l’objet des pouvoirs
» q u ’ o n l u i donne.
M e. Hutteau a eu la difcretion de ne pas s’expliquer
ouvertement fur le choix de la perfonne; il favoit qu'il
n’étoit pas aifé de faire tomber ce choix fur Madame la
Prélidente d'Abbadie ; il a renvoyé à cet égard M . le
Préfident d’Abbadie à fes Confeils de Pau. (M adam e la
P ré fid e n te d’Abbadie l'y avoit renvoyé auiïi)
» O n doit vous laiiler le temps , difoit-il, de prendre
» votre parti avec les Confeils éclairés que vous avez à
» Pau ; peut-être aufTi defirerez vous avoir le temps de
» vous entendre, & de vous concerter avec moi.
11 entre enfuite dans une diflertation profonde fur les
qualités & les droits de M . le Préfident d’ A bbadie, dans
la fucceiïion de fon o n c l e , & il finit par lui dire:
i° V o i l à , M . le Préfident, mes obfervations; Je vous
i .es
soum ets
; que ce fuffrage eft précieux pour M . le
Préfident d’Abbadie ! c’eft un Jurifconfulte , fon ancien
C o n le il, le Confeil dciigné de la Curatelle, qui lui foumet
.les obfervations, au mois de N ovem b e 1 7 8 4 , à la veille
de la pourfuite de fon interdiction.
M e. Hutteau étoicTi éloigné de regarder M . le Préfi
dent d’Abbadie comme infenfé , qu’il lui a écrit dans le
courant du même m o is, trois autres lettres., dans l’une
‘ tlefqùelies, qui eft du 27 N o v e m b re , il lui recommande
fur-tout de ne donner fa procuration qu’à une perfonne
" ’il ço;;ncîi;.i panic^Hèrencnt & par Uti-mcmcy. cîe co:i-
�*7
fulter à P a u , fur fon c h o ix , & de né pas compromettre
fa fortu n e, par ¡es fa its de quelque, krangtr qu’il ne connût*
iroitpas.
C es derniers mots tendoient à i’excluficm du Procureur
/
fo n d é , défigné par le Marquis 6c la M arquife du C o u d rai,
qui écoit inconnu à M . le Préfident d’Abbadie ; exhorter
d'ailleurs c e Magiftrat à confulter fur le ch oix d’un man
dataire, à Pan où M adame la Préfidente d’Abbadie avoit
des
agens qui lui étoient aveuglém ent d évo u és, c’étoit
s*aiTurer qu’elle feroit défignée par préférence à tout
autre.
M . de C h e ra u te , Confeiller au Parlement de P a u ,
a prévenu l’avis des A vocats ; il fe flattoit apparemment
d’avoir aiTez de crédit auprès de M . le Préfident d’A b b a d ie,
pour déterminer fon choix en
faveur de M adame fon
époufe. I l lui a écrit à ce fujet, le 27 N ovem bre 1784.
» Sans doute, lui d it-il, que le foin de cette importante
» fucceflion vous d¿terminera d’aller à Paris , Ci votre
» fanté vous le permet ; 6c fi elle ne vous le perm ettoit
x> p a s, vous donnerez, votre confiance à quelqu’ un.
» C e foin regarde naturellement M adame la Préfidente
» d’A bbadic, . . . j’apprends avec le plus v i f chagrin qu’on
» travaille à voue déterminer à lui refuier votre confiance,
» 6c à la donner à d’autres . . .
S i vous ne com ptez
» pas fur fon exp érien ce, ôc fur le choix qu’elle feroit d’un
» bon C o n fe il,
qui vous e m p ê c h e , M o n fieu r, de lui
» en indiquer u n ,
de l’avis de
qui elle fe conduira,
» SUR LES INSTRUCTIONS QUE VOUS LEUR DONNEREZ ü ’iCI.
» J e penfe donc M onfieur, que la re lig io n , l’honnêteté
» & la décence vous impofent la loi d’accorder votre
�»"confiance à ¿elle qui unie à vous par les liens les plus
» facrés, partage-. . • votre tendrdfe pour vos enfans,
» & tous les biens 6c les maux qui vous arrivent, & c. & c .
R e m a r q u e z , Meilleurs, le iuffrage honorable qui réfulte
de te lettré de M . de Cheraute, en faveur de M . le Préiident
d’Abbâdie.
G ’eil un Magiftrat
du
Parlement de 'Pàu^
qui juge M . le Préfident d ’Abbadie capable de diriger
P a r ses i n s t r u c t i o n s
perfonnelles Madame la Préiidente
d’Abbadie ôc fon Confeil.
Devoit-on s’attendre à voir
ce Magiftrat ouvrir.peu de temps après, dans une aifemblée
domeftique, l’avis de l’interdi&ion
de M . le Préfident
d’Abbadie?
Q u o i qu’il en fo it, M . le Préfident d’Abbadie n’a pas
c r u , malgré fa déférence pour les lumières de M . de
C héraute, que la religion lui impofât la loi de confie^
à fou époufe le maniment de deux ou trois millions.^
& il ne fç fentoit pas naturellement difpofé à la charger
du fardeau d u n e adminiftration auifi importante. Cepen
dant comme M e H utteau, fon con feil, en qui il avoit mis
toute fa confiance, l’ exhortoit à confulter des Avocats
de P a u , fur le choix d’un Procureur f o n d é , dans le cas
fih il ne vi en droit pas à Paris, & qu’il* héiitoit de faird
ce voyage dans le mois de Décembre 1 7 8 4 , il a chargé
le fieur A bbé d’Erchegaray • fon coufin., fon am i, & fort
voiiin dans le pays de S o û le , où il étoît alors, d’ailer
prendre à Pau l’avis de ces Jtirifconfultes, fe refervant
de prendre enfuite par lui,- même tel -parti qu’il jùgeroit
convenable.
ta
quefiion a
été
propofée aux A vocats de P a u ,
dépouillée dçs circonflances particulières qui auroient pu
éclairer
�49
éclairer leur opinion. Us ont décidé que fi M . le PréiHent
d’Abbadie n’alloit point diriger lui-même fes affaires à
Paris, il devoit
envoÿer fa procuration à Madame fon
époufe. Mais M . le Préfident d’Abbadie s’eft déterminé
' à fe rendre dans cette C ap itale, malgré la rigueur de la
faifon, malgré l’accablement dans lequel l’avoit plongé la
mort de la mère & de fon oncle.
11 eft arrivé à Paris le 29 Décem bre 1784., avec l’Abbc
d’Etchegaray ; Ils fe font réunis dans l’hôtel du fieur de
Borda à Madame la Préfidente d’Abbadie , à íes enfans., au
Marquis & à la Marquife du Coudrai. Il n’étoit point de
la dignité de M. le Préfident d’A bbadie, d’aififter jour
nellement aux opérations préliminaires, telles que la levée
des fcellés & l’inventaire, 6c comme ces opérations étoieut
urgentes , &
que la Marquife
du
Coudrai
lui
avoit
mandé dans toutes fes lettres qu’il n’y avoit pas un inftant à
perdre, il a d o n n e le 30 Décem bre 1 7 8 4 , une procura
tion fous feing p rivé, en attendant que la fatigue du
voyage lui permît d’aller la donner pardevant 1Notaire ,
au fieur d’Etchegaray fon coufin , dont il avoit éprouvé
le zèle & la fidélité dans diverfes occafions, & fmgulièrement dans l’affaire des 3.6000 livres dont il lui avoit
fait reflituer m e partie. ■
» M a is , a-t-on d it, M . le Préfident d’Abbadie en don» nant au fieur d’Etchegaray le pouvoir
d’aflifter à la
» le v é e des fcellés, & à la confettion de l’inventaire,
» lui a d o n n é aufii le pouvoir de fe faire remettre le?
' j» titres & papiers de la fucceifion : il a livré une fortune
» immenfe à un homme fans état, &
qui avoit( deux
G
�»procès,
S °t
l’un en la C o u r , l’autre au C h â te le t, où il
» avoir été décrété d’ajournement perfonnel. Madame la
» Préfidente d’Abbadie n’a-t-elle pas dû s’alarmer en voyant
» la confiance de ion mari ii mal placée, & prendre les
» mefures les plus promptes pour en prévenir l’abus ?
N o n , Madame la Prélîdente d’Abbadie ne devoit nifuf*
peder le fieur d’Etchegaray à raifon de ces procès, ni
faire interdire ion mari , fous ce prétexte.
D ’abord, quel étoit le fujet des deu< procès que le
fieur d’Etchegaray avoit au commencement de l’année
178 j ? le voici.
i°. L e fieur d’Etchegaray avoit fait faifir une manufac
t u r e , fife à Paris, appartenante au fieur Texada Efpagnol,
fon débiteur d’une famine d’environ 20000 livres.
Le
fieur A rra g o n ,
autre Efpagnol j neveu du fieur
T e x a d a , avoit formé oppoiition à la iaiiïe, fous prétexte
que fon oncle lui avoit vendu peu de temps auparavant
cette manufadure.
L e fieur d’Etchegaray a foutenu que cette vente étoit
frauduleufe & n u lle , & l’a fait juger telle au Châtelet
avec dépens, dommages & intérêts.
Sur l’appel , le fieur Arragon a fait juger cette vente
fincère & valable.
L e tort du Sieur
d ’E tch ega ra y, dans ce p ro cès, a
donc été de n’avoir pas deviné avant de faifir la manufa& ure, que fon débiteur l’avoit vendue à fon neveu , &
d’avoir
cru
enfuite que
cette
vente
étoit
fimulée &
frauduleufe ; cette opinion que les Juges du Châtelet
avoient adoptée , ne le rendoit certainement pas indigne
tîc la confiance de M . le Préfident d’Abbadie.
�u
2*. L e procès pendant au Châtelet n’étoit pas plus grave*
L e Sieur A rra gon , débiteur d’une lettre de ch a n g e,
dont le fieur d’Etchegaray tftoit porteur, lui avoit mandé
en 1783 , qu’il ne la payeroit pas, & qu’il ne craignoit
point Tes pourfuites, parce qu’il s’étoit mis fous la pro•te&ipn. du
Confeil
de Caitille. L e fieur
d’Etchegaray
l ’avoit menacé de faire connoître fa mauvaife f o i , dans
les places de com m erce, s’il ne payoit pas. L e fieur
Arragon avoit reconnu fon to rt, & avoit payé.
Plus d’un an après, dans le mois de Janvier 1785',
dans ce môme mois où Madame la Préfidente d’Abbadie
envoyoit à Pau
le pouvoir de pourfuivre l'interdiction
de fon mari , J e fieur Arragon s’efl laiffé perfuader qu’il
falloit faire un procès
criminel au fieur d’ Etchegaray,
fur les prétendues injures qu’il lui avoit écrites en 1783.
Il a rendu plainte, ôt a furpris contre le fieur d’E tche
garay un décret d’ajournement perfonnel, qui eft intervenu
à propos pour accompagner à Pau la procuration tendante
à l’interditlion de M . le Préfident d’Abbadie.
M a is , qu’eil-il arrivé ? une Sentence du 24
Janvier
17 8 5 , a déclaré la plainte calomnieufe & vexatoire, a
déchargé le fieur d’Etchegaray de l’accufation , Ôc a
condamné le fieur Arragon aux dommages fit intérêts,
& aux dépens.
L e fieur Arragon a gardé le filence pendant près d’un
an: il vient d’interjetter appel de cette S e n ten ce, depuis
que la plaidoirie eit engagée en la C o u r , entre M . le
Préfident &
Madame la Préfidente d’A b b a d ie , comme
fi ces deux caufes étoient faites pour marcher enfemble,
G ij
�p
& ponr fe prêter un fecours mutuel. Mais quand le fieur
Arragon feroit juger que le fieur d’Etchegan.y a eu tort
de fe plaindre à lui-même & à d’autres, de la mauvaife
foi avec laquelle il lui-refufoit en 1 7 8 3 , le payement
d’une lettre de change, quand il feroit accueillir une
plainte en injures rendue après plus d’ un an de filetice,
ce
qui répugne aux principes , cet événement n’enta-
cheroit point l’honneur du fieur d’Etchegaray, & ne le
rendrait pas indigne de la confiance de M . le Préfident
d’A tb a d ie.
Madame la Préfidente d’ kbbadie a donc eu tort de
feindre des alarmes pour la fortune de fon m ari, à raifon
des deux procès que le fieur d’Etchegaray avoit en 1785",
ôc j h s grand tort encore de l’avoir peint récemment
fous ce prétexte, comme un homme fufpeft, connu dans
les rI ribunatJx, & indigne de toute confiance.
Si M. le'Préfident d’A b b a d ie, en donnantau fieur d’Etche
garay le pouvoir d’aififter à la levée des
fcellés & à
l ’inventaire , lui a donné en même temps le pouvoir de
fe faire remettre les titres & papiers, il ne l’a pas autorifé
par là à toucher les effets au porteur, ni les deniers de
la fucceifion : l’argent comptant & les effets au porteur
ne font point compris fous Ja dénomination vague de titres
& papiers : onpourroit comprendre tout au plus, fous cette
dénomination , les contrats , les obligations , h’ s billets
à ordre ; mais ces fortes de titres de créance n’auroient
jamais pu courir aucun rifque dans les mains du fieur d’Etche
garay , puifqu’il n’étoit pas autorifé à en toucher le montant,
& à en donner quittance. Si M. le Préfident d’Abbadie
lui avoit confond un pouvoir aufli étendu , le lien du
�ir
f a n g , l’exemple de Madame fa m ère, Ôcla fidélité éprouvée
du fieur d’Etchegaray auraient iuPiifié fa confiance. Madame
d’Abbadie deman Je que la curatelle onérairefoit déférée au S r
Olivier, homme fans ¿ ta t, fans confiftance, décrété à la R e
quête de M. le Préfident d’Abbadie , pour fouilra&ion de
papiers de la fuccelîion du fieur de Borda; elle veut confier
à cet étranger la fortune de l'on mari, & elle fait un crime à
fon mari d’avoir voulu confier à fon coufin des titres 6c pa-,
p iers, qu’il n’a d’ailleurs jamais eus, qu’il n’a jamais réclamés,
& dont il ne pouvoit pas toucher le montant; 6c elle fe
flatte de colorer fous ce prétexte une interdiction odieufe
dont elle faifoit les préparatifs fecrets depuis quatre ans,
& qu’elle a pourfuivie après que le fieur d’Etchegaray a eu
requis lui-même le dépôt des effets 6c des deniers comp
tant de la iuccefiion ?
Mais li c’eft la crainte que le fieur d’Etchegaray n’abusât
de la procuration de M. le Préfident d’A bbadie. qui a
déterminé les pourfuites de Madame d’A bbadie, pourquoi
les continue-t-elle depuis u nan que le fieur d’Etchegaray
s’eft défifté de cette procuration ?
La procuration donnée au fieur d’Etchegaray n’eit évi
demment que le prétexte des pourfuites de Madame d’A b
badie; fon vrai m otif a été le refus qu’elle a efluyé d’une
procuration, à l’effet d’admir.iftrcr. La procuration ou l’interdittion: c’étoit le dernier mot d e là cabale : je le trouve
dans la lettre de M e Lom bard, A vo ca t à P a u 3 à Madame
d’Abbadie, en date du 3 D écem bre 178 4 , (p a g e 58 de
fon Mémoire imprimé).
» S ’il a un moment heureux , il reconnoitra la fageife ,
�» lanéceilitéde l’avis, (lavis des Avocats de Pau concernant la
» procuration) il l’exécutera.
» S ’il ne le fait p a s, lavis fera votre premier titre pour
» les mefures que vos intérêts communs exigent ».
E t ces mefures étoient, comme l’événement l’a prouvé
bientôt après, l’interdi&ion de M . le Préfident d’Abbadie.
Il étoit donc décidé que M. le Préfident d'Abbadie fe
démettrait de fon adminillration dans les mains de Madame
fon époufe, ou qu’elle pourfuivroit fon interdi&ion.
Il a annoncé ouvertem ent à fon arrivée à Paris, l’in
tention dans laquelle il étoit d’aJlminiftrer par lui-même :
M adam e d’ A b b a d ie &
fes aifociés ont
aulïitôt travaillé
fourdement à le faire interdire.
L e 26 Janvier 1 7 8 ? , à h premiere vacation de levée
des fcellés, le fieur d’Etchegaray a confenti, de fon propre
mouvement, fans que pe.rfonnc l'eût requis, que les effets
au porteur, ôc les deniers comptans de la fucceifion fuifent
remis à M c Quatremere, N o ta ire , qui s’en chargerait,
comme dépofitaire judiciaire. Il en a été référé pardevant
le fieur L ieutenan t-C ivil, qui, par fon ordonnance du même
j o u r , a donné a¿le au fieur d’ Etchegaray
confentement , & a
ordonné qu’il feroit
de fes dire &
procédé à la
reconnoitlance & levée des fcellés, & à l’inventaire , à
la requête de M . le Préiideut d’ /Vbbadie; en conféquence,
lès deniers comptans Sc les effets de la fucceifion du fieur
de Borda paifoient dans les mains du Notaire Sequeftre , à
mefure qu’ils fortoient de deiTous les fcellés.
M . le Préfident d’Abbadie étoit avec fon époufe , ôc
ne fongeoit pas à s’éloigner d'elle , quoiquelle l’eut accou
tumé à vivre f e u j, par un long divorce. L a fucceilion
�¿toit en dépôt, & ne couroit aucun rifqu e, en attendant
le partage auquel M . le Préfident d’Abbadie vouloit aiïlilet
lui-même ,
mais qui n'étoit pas li prochain.
Il n’a voit
eu recours jufqu’alors qu’à M c Babille fon nouveau C o n f e il,
pour les ?. flaires de la fucceillon , & à M e Hutteau fon
Confeil ancien & habituel, comme il venoit de le ddclarer
à la vacation du a i Janvier 17 8 y : c ’eft dans ces circons
tances que , par a d e du 30 du même mois , Madame
d’A'bbadie a donné pouvoir à un Procureur au Parlement
de Pau ,
dt.‘ pourfuivre l'interdiction de fon mari , ôc
de demander la curatelle honoraire pour elle, h curatelle
onéraire pour le fieur O liv ie r , à la charge de lui rendre
compte tous les trois mois , ôc la nomination de M c Hutteau
pour confeil de la curatelle.
» Si mon mari avoit été à m oi, a-t-elie dit à cette audience,
» jamais je n’aurois fongé à le faire interdire ».
A qui étoit-il donc dans le mois de Janvier 178$’ ,
quand vous avez envoyé-à Pau le pouvoir de pourfuivre
fon interdittion ? A qui étoit-il dans le mois de F évrier,
quand vous l’avez pourfuivie ? N ’étoit-il pas à vous, & à
vous feule? N e demeuroit-il pas avec vous & avec vos
enfans ? Il étoit fans défiance au fein de fa famille, &
vous aviez profcrit fa tête ; il vous traitoit comme fon
époufe , ôc vous contempliez en lui votre victime ; il
vous auroit confacré fa vie , ôc dans l’attente de fa mort
civile que vous aviez demandée , vous comptiez le peu
de jours qui lui reftoient en core, impatiente de voir arriver
le^dernier : voilà donc le prix du facrifice qu’il avoit fait
de toutes fes prétentions, en vous donnant fa main ; voilà
la récompenfe de 1 amitié qu’il vous avoit v o u é e , & des
libéralités dont il vous avoit comblée par votre contrat de
�mariage. C e t o î t pour le faire interdire à P a u , à fon in rç u ,
que vous l’aviez invité à fe rendre à Paris : c étoit pour lui
porter des coups plus surs, que vous l’aviez attiré auprès
de vous : eft-ce ainfi qu’une époufe remplit le devoir que
la religion & l’honneur lui impofcnt ? eil-ce ainfi quelle
garde la foi jurée au pied des autels ?
P R O C É D U R E S .
L a requêteàfin d’interdidion d e M . le Préfident d’Abbadie
a été donnée au Parlement de Pau, le 18 Février 1787 ,
& répondue d’une Ordonnance portant que les parens
amis feroient aiTemblés pour donner leur avis.
L e 2 Mars fuivant, Madame d'Abbadie a fait convo
quer une aflemblée dans la ville de Pau. Aucun des proches
de M . le Préiident d'Abbadie , aucun de íes amis n’a été
appellé : l’afTemblée étoit compofée de M . de Cheraute, des
lieurs D a b e n fe , Darberats , laF orcade & Loufl.au , parens
& alliés à un dégré très-éloigné & preique tombé dans l’oubli.
A ces cinq parens & alliés fe font joints les fleurs Defpalungue & de Peyré , que M. le Préfident d’Abbadie n’avoit
jamais comptés au nombre de fes amis , & ls fieur de
Peborde que Madame d’Abbadie avoit admis d’autant plus
volontiers parmi les fiens, qu’il étoit le neveu de fon M éd e
cin, du fieur Borie qui lui avoit expédié fiofficieufementpour
fon mari en 1783 & en 1784 deux certificats de démence.
Ces parens éloignés , & ces fçjj - difans amis fc font
aiïembiés pardevanr M . de Sajus , R ap p orteu r, qui n’a
pas jugé à propos de leur faire prêter ferment.
On
a mis fous les yeux de l’aflemblée; i°. les deux
lettres de M . le Préfident d’Abbadie de
1 7 8 1 , qui ne
prouvoient rien pour fon état atluel en 178 ; ; 20. les deux
certificats
�n
certificats du fieur Borie des 6 Mai 1783 , & 6 Février
1 7 8 4 , fruits honteux d e l à furprife la plus inanifeile, ôc
d e là machination la plus odi<Mjfe; 30. la procuration donnée
au fieur d’E tchegaray, le 9 Janvier 1 7 8 ? , tendante à des
attesconfervatoires, & dont il n’avoit fait d’autre ufage que
d’affifter à la levée des fcellés ;4°. le Procès-verbal d e ie v é e
des fcellés du 26 du même m ois, par lequel il paroiifoit
que le fieur d’Etchegaray avoit requis lui-même , ôc fait
ordonner le dépôt des effets au porteur ôc des deniers comptans, qu’il n’avoit point d’ailleurs le pouvoir de toucher.
Il n’étoit pas aifé de trouver dans ces pièces une caufe
réelle des alarmts que Madame d’Abbadie feignoit d’avoir
pour la fortune de fon mari : cependant les parens & amis
de Pau ont apperçu , comme ils fo n t dit dans leur avis ,
un danger imminent de voir difparoître dans les mains du
fieur d’Etchegaray, un million ôc demi d’effets au porteur,
qui n’étoient point dans les mains du fieur d’E tchegaray,
ôc dont il avoit requis lui-même , ôc fait ordonner le dépôt
dans celles de M° Q uatrem ere/N otaire.
Il
n’étoit pas aifé de trouver dans ces pièces la preuve que
M . le Préfident d’Abbadie fût dans un état de démence: auffi
les parens ôcamis de Pau ont-ils atteflé dans leur avis la noto
riété publique; ce témoignage fi incertain par lui-même, que
chacun invoque à fon gré , qui n'efl: fouvent que le langage
de l’impofture répété par la crédulité, qui ne tient jamais
lieu de preuve au Tribunal de la L o i , ôc qui mérite com
munément fi peu de créance au Tribunal de la raifon.
Ils ont attefte aufîi leur connoiifance perfonnelle: mais il«
n’avoient point fait ferment de dire la vérité.
Ils ont été de l’avis de l'interdiction.
H
■ N
�*8
: C e t avis a été homologué par provifion, par un arrêt du
3 Mars 1787 , qui en interdifant M. le Préiident d’A bbadie,
ordonne que. Madame d’Abbadie fera fa curatrice hono
raire , aura foin de lui dans fa maifon , ôc lui fera adminiftre'r tous les fecours de M édecine & de Chirurgie néceffaires à fon état & à fa fituation ; que le Heur O livier fera
fon curateur onéraire, & M e Hutteau,Confeil delà curatelle,
& au principal, renvoyé les parties à l'audience.
C et arrêt doit paroître bien extraordinaire : M. le Prtifide'nt d’Abbadie eft jugé fou , par provifion, comme s’il
ne fai loi t pas juger par provifion qu’un homme eil dans
ion état naturel, qui eft un état de raifon. Un Magiftrat du
premier rang eft interdit au Parlement de Pau , avec la
même facilité qu’un citoyen, eft ail-igné devant les autres
Tribunaux, pour y défendre un mince intérêt. Fortune,liber
t é , magiftrature, exiftence civile, tout lui eft enlevé à la fois
fans aucune forme de procès : il eft écrafé par un arrêt fur
req u ête, comme par un coup de foudre: qui ne trembleroit
à la vue a ’un événement de ce genre! quel moyen l’homme le
plus fage auroit-il d e fe garant.r d’une pareille interdiction !
N e croyez point , M M . , que le Parlement de Pau
foit dans l’ufage d’interdire, pai provifion, (ans inftruction préalable , ceux qui font accufés de démence. O n
pou rroit, a-t-cn d it, citer cer.t arrêts qui confucrent cet
ufage , & on n’en cite pas un feul ; mais je vais en citer,
moi , qui établifl'ent un ufige contraire, & qui font d autant
plus frappans, qu’ils ont été rendus au Parlement de Pau ,
dans le temps même où finterdiclion provifoire de M. le
préfident d’Abbadie y a été prononcée.
L e Parlement de Pau étoit faiii au mois de Février
�170^ , de deux demandes à fui d’interdidion pour caufe de
démence , formées l’une contre M . le Préfident d’A bbadie,
l’autre contre, le fieur Cataîy , Huiilier de i’Univerlicé de Pau.
V ou s favez , Meilleurs , quelle marche a été .fume à
l ’égard de A4 , le Préfident d’Abbadie : le 2 M a rs, avis
d’une
poignée
de parens éloignes , &
de foi - difans
amis ; le lendemain Arrêt qui prononce l'interdiction pro
vifoire de ce Magîftrat : jamais procédure ne fut auili rapide
dans une nutière auili gruve.
La marche qu’011 a fuivie à l’égard du Bedeau de l’Univerfité a été plus lente fie plus folemnelle. La voici. D ’abord
avis de parens tendant à l’ipterdidion : mais point d'interdic
tion provifoire.'Arrêtdu 2 6 Février 178^ , rendu au rapport
de M. d’A u g e r o t , qui ordonne , avant faire droit, la vifice
du Bedeau par deux Médecins. L e premier Mars fuivant,
rapport des Pvlédecins qui déclarent que le fieur Cataly eft
dans un aifaiiTement qui le rend incapable de foutenir fes
idées. N ’ijiiporte, point d’interdi&ion provifoire : Arrêt
du 8 du même mois qui renvoye les Parties à l’audience.
L e ilippôtde l’Univerfité furvit à l’avis de fa famille & au
rapport des 7Æédecins, & le Magiftrat eil facriliéau premier
vœu formé pour fa perte.
N e dites donc pas que l’ufage du Parlement de Pau eil:
d’interdire par proviiïon fur un fimple avis de parens ceux
qui font accufés de démence ; fit à qui perfuaderez vous
qu’un Corps de Magiftrature fe foit formé une Jurifprudence auili étrange & auili dangereufe : à Pau comme à Pa
ris, l’état civil eil facré, 6c 11’eft point le jouet de l’opinio.!
ou du caprice d une pviignçe d’hommes privés qui peuvent
ailéiiient fe laifisr féduire & devenir, même fans le favoir,
H ij ‘
�6o
les inflrumens de l’intrigue & de la cupidité. L e citoyen
n’eft point l’efclave de fa famille, il eft l’enfanc de la l o i , &
la loi défend de l’interdire, fans la plus grande connoiiîance
de caufe. Obftrvarz prœtorem opportebit ne cui temcrè dira
caufœ coonitionemplenifjimam curatorem dct.
L e Parlement de Pau interdit quelquefois par provifion
ceux qui font accufés de prodigalité, ôcdont les diiïipations
font apparentes. Cette Jurifprudence eft fage ; le prodigue,
aliène valablement fes biens jufqu’au moment de ftfn interdiûion; il pourroit confommer fa ruine dans vingt-quatre
heures, & rendre, inutile la veille le fecours que la loi lui apporferoit le lendemain.-Mais l’interdidlion de l’infenfé a un
effet rétroa&if au jour où la démence a commencé ; elle eft
à la fois un préfervatif pour l’avenir, &: un remède efficace
pour le pafle. Rien n’exige donc qu'elle foit prononcée
par provifion comme l ’interdittion du prodigue. D'ailleurs
l’homme accufé de' prodigalité qui fe relève de fon inter
diction provifoire peut dire qu’il n’a rien perdu dans l’opi
nion publique; mais celui qui
eft interdit par provifion
pour caufe de démence, reçoit dans fa perfonne, & tranfmet à fes defeendans une tache
dont ils ont à rougir
pendant des fiècles. Plus cette tache eft difficile à effacer,
plus il faut héfiter de l’imprimer furja perfonne du cito yen ,
& principalement fur la perfonne du Magiftrat qui eft revêtu
d’un cara&ère facré,qui eft l’homme de la loi & delà patrie.
Nous pouvons le dire hardiment : l’interdi&ion pro
vifoire de M . le Préfident d’Abbadie n’a point d’exem
ple : c’eft un de ces évènemens extraordinaires qui frappent,
qui éto n n en t} & dont la caufe eft un myftère difficile à
découvrir.
�6i
Madame la Préfidente d’Abbadie vante l’Arrêt du Parle
ment de Pan du 3 Mars 178s" , quoique caflé, comme un
témoignage toujours fubfiflant de la démence de Ton mari :
mais cet Arrêt a été cailé principalement parce qu’il n’étoit
point fondé fur une~ preuve certaine de cette prétendue '
demence; c o m m e n t pourroit-il donc tenir lieu de preuve?
d’ailleurs le témoignage qu’on voudroit faire réfulter de
cet Arrêt ne paroitro.it pas bien impofant ii l’on remontoit
à fa four ce.
En e ffe t , l’Arrct du 3 Mars 1785’ , qui interdit par pro'
viiîon M. le Préfident d’Abbadie ne fait qu’homologiter
par provîfion l’avis des parens ôc amis de P a u , dont il
répète mot à mot les difpofitions.
C e t avis n’a d’autre bafe apparente que les certificats
des 6 Mai 1783 & 6 Février 1 7 8 4 , qui conftituent M. le
Préfident d’Abbadie depuis 1 7 8 1 ,
dans un état de de-
mence.
Ces certificats téméraires & faux font évidemment l’effet
de la collufion de Madame d’Abbadie avec fon M édecin
de Paris, qui y attefte le prétendu état de démence do
M . le Préfident d’Abbadie en Bearn , où il ne l’a jamais
v u , & qui l’attefte fur la parole de Madame la Préfidente
d’Abbadie.
En remontant à la fo u r c e , on voit que le témoignage
réfultant de l’interdifliion provifoire de M . le Préfident
d’Abbadie eft le témoignage de Madame la
Préfidente
d’Abbadie elle-même , tranfmis par elle à fon M édecin
de Paris , par fon M édecin de Paris , aux parens de Pau , 6c
par les parens de Pau au Parlement qui par provifion a
homologué leur avis.
M . le Préfident d’Abbadie continuoit de vivre avec fa«
�¿2
dpoufe ; il ne favoit pas qu il dtoit interdit. Il vo yo it.fa
curatrice, fou c u r a t e u r , le confeil de la curatelle, tous
les conjurés qui feig noi en t d ctre fes amis, 6c dont fa maifon dtoit le repaire. Aucun ne lui faifoit preiTentir l'on triils
fort ; toutes les bouches dtoient muettes en fa prdfence ,
tous les vifages dtoient fereins; la Marquife du Coudrai
feule pouifoit de temps en temps des foupirs en regardant
ion Acre , & ajloit cacher les larmes qui s’dchappoient dé
fes yeux, & que la cabale ne lui auroit point pardonne'es.
C e ft une lettre derite de Pau qui a appris à M . le Prdfident
d’A bbadie, à la fin du mois de Mars 178 ; , qu’il dtoit inter
dit comme fou depuis le commencement du même mois.
Q uel coup de foudre pour ce JvIagifLrac ! il eft heureux
qu'il ait fu fe moddrer dans le premier m om ent, & triom
pher de lui-meine. Il a imité le lilence qui régnoit autour de
lui ; il a didimulü, réfolu de fortir au plutôt d’une maifon
où il dtoit environné d’ennem is, ôc de fuir une époufe
qui dtoit à leur tête.
Son projet dtoit d’aller paifer les Fêtes de Pâques dans
fes terres du Poitou , où il vouloit régler les comptes.des
Régiffeurs. L e jour de fon départ dtoit lixé : c’dtoit le 25
Mars. L e nommé D o u c e t , fon Cocher , & fon efpion fami
lier , devoit être du voyage ; il en donna avis à Madame
d’Abbadie qui s’empara la veille des clefs de i’hôcel, ôc
tint fon mari, qui ne s’en doutoit pas, en chaitre-privde.
Un accident furvenu à M. le F ré fuient ci Abbadie dans
la nuit du 2j au 26 Mars fit découvrir cette entreprife. C e
Magiftrat fut atteint d’ une colique.violente. On voulut fortir
pour aller c h ei l’Apothicaire ; le Portier
rdpondit que
MaJame la Prcfidenie avoit les clefs. O n frappe à l’appar-
�tement de Madame la Préfidente, qui ne dormoit pas : point
d e rép o n fe; on dit à la femme-dechambre que M . d’A b badie foufïre des douleurs aiguës ; point de réponfe. L a
nuit s’écoule fans que
M. le Président d’Abbadie puifîe
faire venir les fecours dont il a befoin.
L e Poftillon qui devoit conduire M . le Préfident d’Abbadic, frappe à la porte le lendemain matin. C e Magifirat veut
partir; il s’apperçoit qu’il eft en prifon. Il ne va point
demander les clefs à Madame la Préfidente d’A bbadie; il
n’avoit jamais manqué d'égards pour fon époufe, il en
auroit peut-être manqué malgié lui pour fa geôlière; il prie
le fieur d’Olhaflarry , Chevalier de Saint Louis , fon eouiin, qui depuis quelques jours étoit avec lu i, d’aller inftriiire le Heur Lieutenant de Police de la violence qui lui
étoit faite dans fa maifon. C e Magifirat invite M. le Frciident d’ bbadie d’aller conférer avec lui : fa prifon lui eft
ouverte à onze heures du matin ; le iieur Lieutenant de
Police eiï frappé d’un étonnement qu’il ne peut diifimulér
en converfant svec M. le Préfident d’A b b a d ie , & l’engage
à aller voir M . le Garde des Sceaux , à qui Madame la
Préfidente d’Abbadie avoit infpiré la même prévention.
M . le Préfident d’ ALbadie va le même jour à Verfailles,
revient à Paris , où il paiTe deux jours, & part le 29
Mars avec l’Abbé Detchegarai pour fes terres du Poitou.
V ou s avez dû être frappés, Meilleurs, de la véhémence
avec laquelle le défenfeur de Madame la Préfidente d’A b
badie s’eft récrié contre ce voyage de M . le
Préfident
d’ Abbr.die , qu’il a peint fous les couleurs d’ un rapt. M. le
Préfident
d’A b b a d ie, a-t-il dit, a été enlevé par les fieurs
d’Etchegarai à fa femme , u fes enfans, à la fociété. Il
�¿4
n’a pas dit que M . le Préfident d’Abbadie avoit été interdit
un mois auparavant à la requête de Madame Ton époufe;
il n’a pas dit qu’elle l’avoit dépouillé à ion infçu de fes
droits de m ari, de père & de c ito y e n , & voilà ce qu’il
falloit d i r e , pour donner une jufte idée du voyage que
M . le Préfident
d’Abbadie a fait en Poitou à la fin du
mois de Mars i j 8 f : il n’a pas été enlevé à fon époufe , il
a fui fon ennemie; il auroit pu l’expulfer 6c refter maître dans
fa maifon ; mais le reifentiment du mari a cédé en lui à la
modération du Magi'ftrat, & il a fu refpecter aifez fon carac
tère , pour remettre à la loi feule le foin de fa vengeance.
O n a fait un crim e-au fieur Detchegarai d’avoir té
m o i g n é fon reifentiment , lorfqu’il a appris que M . le
Préfident d’Abbadie étoit en chartre-privée ; falloit-il donc
qu’il applaudît à cette v io le n c e , qu’il trahît les droits du
fa n g , qu’il confpirât contre fon parent, & qu’il fe-rangeât
parmi fes oppreifeurs ?
L ’ À b b éD e tch e g a ra i, a-t-on d i t , a éclaté en reproches &
en menaces ; ilvou loit enfoncer les portes de l’hôtel. Mais
la loi le lui auroit pardonné ,'f i fes forces le lui avoient
permis ; il étoit le prifonnier de Madame la Préfidente
d’A bbadie; tout moyen de recouvrer la liberté eft licite,
v lorfqu’elle eft ravie par la force privée.
C e n’étoit pas la peine de tant déclamer à ce fujet con
tre lés fieurs Detchegarai ; en fe plaignant amèrement de
la chartre privée dans laquelle M . le Préfident d’Abbadie
iewr coufin étoit détenu a v e c l’un d’eux , ils n’ont fait que ce
que
tout homme honnête & fenfible auroit fait à leur place.
C ’eft à la fin du mois de Mars 178 ; , fur la première
nouvelle de fon interditHon, & au fortir de la chartre pri
vée t, eue
M . le Préfident d’Abbadie m’a encacé
â
O O à affilier
aux
�aux aflemblées qui fe tiendroient pour fa défenfe dans le
Cabinet de M e. Babille Ton Confeil. Il m’a appelld au dé
faut de M e Hutteau , qui avoit été nommé Confeil de fa cu
ratelle, & qui par conséquent ne pouvoit plus être fon
c o n feil, ni fon défenfeur contre ¡’interdiction.
Je ne devrois avoir à m’occuper que de la défenfe de
M.
le
Préfident
d’A bbadie,
& fa caufe
devroit être
entièrement indépendante des qualités de fes défenfeurs.
Mais tel eft l'acharnement avec lequel Madame la Prési
dente d’Abbadie pourfuit fon mari, que ne trouvant point
des motifs d’interdidion dans fa perfonne, elle cherche
des prétextes dans les relations qu’il a avec fes confeils.
E lle ne me pardonne pas le zèle avec lequel je défends
c e Magiftrat depuis deux ans, & elle tâch e, dit-on, de
me rendre fufpect , par des inculpations dont elle fait
bien qu’il me feroit facile de me juftifier, fi elles m’étoient
faites publiquem ent, mais qu’elle a l’adreife de
femer
dans le fecret des cabinets, comme par une forte de
ménagement qui eft le dernier raffinement de la haine &
de la vengeance. Q u e puis-je faire dans des circonftances
femblables? ma feule reifource eft de protefter contre ces
délations ténébreufes, & d’attendre que la calomnie m’at
taque ou vertem en t, pour 1î> repoufier, ôc pour la con
fondre.
C e qui m’a étonné le plus dans le cours de cette
plaidoirie, c’a été d’entendre déclamer contre des intrigans qui parlent pour M . le Préfident d’Abbadie.
C ’eft moi qui ai 1 honneur de parler pour ce Magiftrat.
Seroit-ce donc moi qu’on auroit voulu qualifier d’intrigant?
I
�66
il y a *24 ans que j’exerce la profeiïion d’Avocat ; un
intrigant ne fe foutient pas fi long-temps dans une carrière
où l'honneur fert de guide, du moins , lorfque fa con
duite eft foumife, comme la mienne l’a é t é , aux rigueurs
de la cenfure, ôc il ne commence pas fi tard fon métier.
C e feroit pour la première fois que j’efiuyerois une pareille
injure, fi elle s’adrefioit à moi. Il faut avoir la preuve
à la main pour faire une inculpation auifi grave. Celui
qui la feroit au hazard, à l’inftigation d’une partie irritée,
courroit le
rifque
d’être
regardé
comme
l’inftrument
aveugle des partions étrangères, 6c l’organe bannal du
menfonge ôc de la calomnie.
C e n’eft point à l’intrigue que je dois l’honneur de
défendre M . le Préfident d’Abbadie : des motifs particu
liers
ont
pu
m’attirer fa confiance , que je n’ai point
recherchée. J’ai commencé en 1762
à exercer la pro
feiïion d’A v o c a t au Parlement de P a u , dans le reiïbrt
duquel je fuis né;
j’ai été témoin
du dévouement de
M . le Préfident d’A bbadie; encouragé par fon exem ple,
j’ai fait le facrifice de mon état, ôc fouffert pour la caufe
com m un e, la perte de ma liberté. D evenu libre, mais
toujours en butte aux ennemis de la Magiftrature, je me
fuis réfugié en \ j 6 8 , dans l’ordre des Avocats de Paris,
qui ne m’ont admis parmi e u x , qu’après avoir examiné
ma conduite pafTée, 6c vérifié les faits qui fembloient
me donner quelque droit à cette adoption.
M- le Préfident d’Abbadie avoit befoin d’un défenfeur
qui eut le courage de lutter fans cefle contre les diffi
cultés, contre les dangers .même qu’une cabale accréditée
pouvoit faire
naître dans cette caufe : il ni’avoit vu à
�61
Pau
dans de plus grands périls; voilà le m otif de la
confiance dont il m’a honoré; il ne me reprochera jamais
de l’avoir trahie, ni d’avoir abandonné fon parti, pour
en embrafler un contraire.
Par une R equête du 8 A vril 1 7 8 ; , M . le Préfident
d’Abbadie a formé oppofidon à l’Arrêt du 3 Mars pré
céd en t, &
a demandé par provifion, pour ôter à fes
Adverfaires tout prétexte d’inquiétude, a&e de fes offres
de ne
pouvoir
aliéner ni hypothéquer fes biens
que
de l’avis de M* Babille, ancien Bâtonnier des A v o c a ts ,
qu’il choifilToit pour fon Coufeil. Je ne fais quel eft le
C lerc de Procureur qui a rédigé à Pau
cette requête
dont les conclufions feules étoient conformes au voeu
de M . le Préfidçnt d!A b b a d ie, & convenables à fa défenfe. O n y fait l’éloge de la tendrefle de Madame la
Préfidente d’Abbadie pour
fon mari , & de fon défin-
téreffement. M . le Préfident d’Abbadie n’envie point à
Madame fon époufe ces louanges dont
elle s’eft tant
enorgueillie à cette aud ien ce, en difant qu’on n’auroit
ofé tenir un autre langage fur fon compte à P a u , où
elle eft connue : mais les fentimens qu’elle a pour fon
m a ri, fe peignent mieux dans fes p rocéd és, que dans
les co mp li me nt s qu'un C l e r c de Pr o c u r eu r a jugé à propos
de lui faire dans une req u ête, & l’opinion que M . le
Préfident d’Abbadie en a , après feize années d’expérience,
fe manifefte dans fes interrogatoires, & dans un mémoire
imprimé, qu’il a envoyé à P a u , au mois de M ai 1 7 8 ; ,
ligné de l u i , & dans lequel il n’a pas craint de rendre
publiquement à Madame fon époufe une partie de 1*
I ij
�68
juftice qui lui étoit due, & que le Clerc de Ton Procureur
n’avoit pas fu lui rendre dans fa requête.
L ’envoi de ce mémoire fait paraître ici un jeune homme
honnête aux yeux de tout le monde , intrigant à ceux
de Madame la Préfidente d’Abbadie feule & de Ces affociés , également inconnu à la Police & aux Tribunaux
de cette C apitale,
depuis dix ans qu’il l’habite, ardent
à obliger, d’ un défintérefiement ex trê m e, qui n’a voulu
d’autre récompenfe des fe'rvices qu’il a rendus à M. le
Préfident d’A b b a d ie, que le plaifir de les lui rendre, &
dont le feul crime eft d’être mon frère.
Il eft parti de Paris le 20 Mai 178 j , & eft arrivé à Pau
le 24, excedé de fatigue, reipirant à peine, chargé d’un mé
moire imprimé, & d’une confultation figtiée de M es Babille
& A u b ri, &: de m o i, & des pièces néceifaires à la défënfe
de M . le Préfident d’Abbadie; mais il n’éroit plus temps;
on n’avoit point voulu attendre à Pau ce m ém oire, cette
confultation ,
ces
pièces qui y avoient
été annoncés
15 jours auparavant : ni le choix du confeil fage ôt éclairé
auquel M . le Préfident d’Abbadie s’étoit fournis par prov ifio n , ni le dépôt des deniers comptans & des effets au
porteur de la fuccefllon du lieur de Borda n’ont pu garantir
ce Magifirat d’une interdi&ion provifoire & deshonorante
que ces précautions rendoient fi inutile- Un fécond Arrêt
du 11 M ay 178J a ordonné l’exécution de celui du trois
M ars, la preuve des faits allégués par Madame la Préfi
dente d’A b b a d ie , & la vifite de Monfieur le Préfident
d’ Abbadie par quatre M édecins de P a u , en préfence de
Monfieur de -Sajus ,
le
Rapporteur ; à l’effet de quoi M .
Préfident d’A bbadie
comparaîtrait à Pau aux jour
�69
& heure qui lui ieroient indiqués, comme fi on n’avoit
pas pu lui épargner la fatigue ët les frais de ce vo yage,
en ordonnant
qu’il feroit vifité par des Médecins
de
Paris; il l’avoit demandé par une requête du 8 A v r il;
Madame la Préfidcnte
d’abbadie
l’avoit
demandé elle-
même par une requête du 25? Mars précédent, dans le
temps où elle tenoit fon mari fous fa puiifance , en vertu du
premier arrêt. Mais du moment qu’il s’eft éloigné d’e l l e ,
elle a changé de fyftême : elle a voulu le faire conduire
à P au , & donner dans un efpace de 200 lieues le fpeâacle
affligeant d’un Magiftrat du premier rang, traduit malgré lui
devant des Juges qui avoient commencé par le déclarer
fou , ôc qui vouloient voir enfuite s'il l’étoit réellement.
O n s’eft hâré de faire procéder à l’en qu ête, tant à Pau
qu’à Paris, niais avec cette précaution qu’à Pau les témoins
étoient fondés d’avance, 6c qu’on avoit le foin décarter tous
ceux qui paroiifoient difpofésà rende jufticeàM . le Préfident
d’Abbadie. C ’eft ainfi qu’on a négligé de faire entendre le
Curé de Pau, quoiqu’affigné à cet effet, comme il le mar
que par fa lettre du 18 A oût dernier, parce qu’il n’avoit
que du bien à dire de M. le Préfident d’Abbadie. C ’eft ainfi
qu’on à négligé de faire alïigner le fieur P o r t e , M edécin
de M- le Préfident d’ Abbadie à^Pau, quoique prévenu
qu’il le fe ro it, comme il le marque par fa lettre du 27
N ovem bre dernier , parce qu’il auroit d o n n é , d it-il, à
» l’incommodité de M . le Préfident d’Abbadie un caradère
» bien oppofé à celui avec lequel on l’avoit défignée.
L a no u ve lle de
l’arrêt du 11 M t í 178J eft arrivée à
Paris le famedi foir 21. ,1’en ai été inftruit le lendemain.
M . le Préfident d’Abbadie craignoit d’ être arrêté, & tra
�70
duit d’abord auprès de ion époufe, ôc enfuite à Pau en
exécution de cet arrêt. M on avis a été d’aller prendre celui
de M e. Babille qui étoit alors dans fa maifon de campagne
près Meulan. N ou s fommes partis à cet effet le 22 mai à
onze heures du foir M . le Préfident d’A b b a d i e l e ileur
d’Etchegarai ôc moi ; nous avons couché en route. L e len
demain nous avons appris que M e. Babille étoit chez M. le
Garde-des Sceaux où il devoit diner : je m’y fuis rendu ,
j’ai pris fon a v i s , ôc je fuis revenu à Paris le même jour.
M . le Préfident d’Abbadie a été abfent pendant cinq ou
fix jours , jufqu’à ce qu’il a fçu que fa requête en caiïation
des deux arrêts du Parlement de Pau avoit été prèfentée ,
6c qu’on avoit pris des mefures qui le mettoient à l’abri
de toute violence.
A la fin du mois de Mars 178 j , M . le Préfident d’A b
badie avoit fait appeller le iieur P h ilip , ancien D o y e n
de la Faculté de M é d e c in e , qui après avoir examiné fon
é t a t , lui donna le 14 M ai fuivant un Certificat favorable.
*
A fon retour du Poitou , M . le Préfident d’Abbadie fe fit
vifiter plufieurs fois par cinq M edécins , du nombre defquels étoient les fieurs Dejean 6c* de Montabourg dont le
fieur Borie avoit furpris la fignature au bas de fon Certifi
cat du 6 Mai 1783. T o u s lui ont rendu juftice par leurs
Certificats des f & 1 j Juillet 1787.
Indépendamment de ces vifites extraordinaires , le fieur
Philip avoit vifité chaque jour M . le Préfident d’Abbadie
depuis le 16 Mai 178? , 6c l’avoit trouvé conftamment
dans un état de raifo n , jufqu’au 14 Juillet fuivant, jour
où il en a donné fon Certificat.
T e l étoit l’état de M . le Préfident d’Abbadie lorfqu’il
�7»
pourfuivoit la caflationdes deux arrêts qui l’avoient interdit
par provifion, comme infenfé. Il n’eft point de moyens que
Madame d’Abbadie n’ait employés pour empêcher cette
caiïation. M é m o ire s, confultations lignées de M es. Doutremont, C o l l e t , T ro n c h e t, Target ôc autres Jurifconfultes, 6c
diflribuées aux Magiflrats du C o n fe il, crédit puiflant, follicitations preflantes, tout a été mis en ufage contre la de
m a n d e de M . le Préfident d’A bbadie, dans un temps où il
ne devoit pas avoir de contradicteur : Madame d’Abbadie
étoit partie fecrete , ôc par cela même plus dangereufe ; mais
fes efforts ont été vains : un arrêt du Confeil du premier
A oû t 1 7 8 y a caiTé les deux arrêts du Parlement de P a u ,
enfemble tout ce qui s’en étoit enfuivi , ôc a renvoyé les
parties au C h â te le t, fauf l’appel en la Cour.
M . L e Préfident d’Abbadie a provoqué le premier I’inftru£tionau Châtelet par une requête du 5 Septembre 178^.
Il a requis l’affemblée de fes parens ôc amis pour être enfuite procédé à fon interrogatoire , ôc à la vifite de fa perfonne par des Medecins nommés d’office, ôc il a demandé
de nouveau atte de la nomination qu’il avoit déjà faite au
Parlement de Pau ôc qu’il réiteroit, de la perfonne de M e.
Babille pour fon Confeil. C ette requête a été répondue
d’une ordonnance de foient les -parens &' amis ajjemblês.
Madame d’Abbadie ôc conforts ont demandé de leur cô té
par une requête du 12 du même mois l’aifemblée des
parens ôc amis de IVI. le Préfident d A b b a d ie , pour être en*
fuite procédé à fon interrogatoire , de deux jours l’u n , pen
dant deux m o is , ôc com m e Madame d’Abbadie vouloit
apparemment difpofer fon mari à fubir cette é p re u ve, elle
a demandé en même temps la permiflion de l’aller vifïter
�72
toutes les fois qu elle jugeroit à propos. Mais le fieur
Lieutenant-Civil a o r d o n n é feulementl’aiTemblee desparens
& amis. Il a cru que M . le Préfident d’Abbadie pourroit
fe paifer des vifites & des leçons de Madame fon époufe
durant le cours de l’inftru&ion.
A u x termes de ces deux ordonnances, les parens & amis
de M . le Préfident d’Abbadie étoient les feuls qui devoient
être aiïemblés ; mais Madame d’Abbadie & conforts ont
trouvé plus com m ode de convoquer leurs parens & leurs
amis intimes. L e feul parent de M . le Préfident d’Abbadie
qu’ils ayent fait appeller eft le fieur de Joantho payeur des
rentes, coufm germain de M . le Préfident d’Abbadie , qui
l’a fait appeller aufli de fon côté avec fes autres parens &
amis au nombre de vingt-fix.
Une circonftance remarquable , c’eft que Madame d’A b
badie a convoqué à cette afïemblée
ceux qu’elle avoit
fait entendre à Par.is dans l’enquête faite en exécution
de l’arrêt du Parlement de Pau : cette enquête avoit été
annullée par l’arrêt du Confeil du premier A oû t 1785 :
elle a été reffufcitée fous la forme d’un avis ; des témoins
qui avoient depofé contre M. le Préfident d’Abbadie âu
mois de Juin 178 ç*, tels par exemple que le fieur de SaintCriftau Fermier G én éra l, le Chevalier de Borda & autres
étrangers dévoués ouvertement à Madame d’Abbadie , fe
font transformés tout-à-coup au mois de Septembre fuivant
en amis de M . le Préfident d’A bbadic, & font allés figurer
en cette qualité en l’hôtel du fieur Lieutenant-Civil.
Il s’efl formé deux aiTemblées qui fe font trouvées en prdfence l’une de l’autre , & au milieu defquelles M. le Préfi
xent d’Abbadie a paru, Sa comparution a déplu à Madame
d’Abbadie
�Il
'd’Abbadie : elle â effayé de l’écarter en lui faifant dire en
face quelques injures; mais il a fu les méprifer 6c il a
continué de fe montrer jufqu’au jour où fes parens & amis
devoient donner leur avis : il a fait au commencement du
mois d’O & obre
178^ , un voyage de 20 jours dans la
Normandie ou il m’a prié de l’accom pagner: on a furpris
dans cet intervalle le fieur O livier enlevant des papiers de
- la fucceflion du fieur de Borda ; M . le Préfident d’A b
badie a rendu plainte contre l u i , & l’a fait décréter au
Châtelet : il eft allé en Bearn au mois de N ovem bre fuiv a n t , pour ôter ladminiitration de fes biens & de fa maiTon de Pau au fieur Louftau , qui contre fa c o n fc ie n c e,
comme il l’avouera bientôt lui-même, avoit vo té fon in
terdiction , & pour faire choix d’un autre adminifirateur.
A u défaut de l’A bbé d’Etchegaray qui fe difpofoit à par
tir pour T o u lo u fe , M . le Préfident d’Abbadie a pris pour
compagnon de voyage mon frère qui l’a quitté à leur arri
vée en B earn, pour fe retirer dans fa fam ille, & qui n’eit allé
le joindre à Pau que lavant veille de leur départ pour Paris.
C ’eft ce voyage , le feul que mon frère ait eu l’honneur
de faire avec M . le Préfident d’A b b a d ie , & quelques vifîtes
qu’il lui a faites de ma part relatives à fon p ro cè s, qui lui
ont valu les titres d’intrigant & d’obfeffeur, dont il a plu
à Madame la Préfidente d’Abbadie de le décorer en l’afr
fociant aux coufms de M . le Préfident d’Abbadie , aux
fleurs d’Etchegaray.
Mais voici des faits conftans que Madame d’Abbadie n’i
gnore pas & qui devroient mettre fin à fes déclamations*
L ’Abbé d’Etchegaray eft depuisplus d’ un an à T o ulo ufe ;
le fieur d’Etchegaray , pour faire ceifer tout prétexte de ca*
lomnie ? s’eft défifté par a£te du 20 Février 1 7 8 6 , de la
�74
procuration que M le Préfident d’Abbadie luTavoit donnée
à l ’effet d’aiïifter à l’inventairé , & il n’a eu l’honneur de
voir ce Magiftrat que deux ou trois fois depuis un an.
M o n frère eft depuis le.mois: de Septembre dernier dans
la P r o v i n c e de Bearn avec mon père & ma m è i e , ma
femme 6c mon enfant.
L es voilà ces intrigans, ces obfefTeurs actuels de M . le
Préfident d’Abbadie ; l’un eft à T o u lo u fe , l’autre en Bearn,
à 200 lieues de Paris , ôc celui qu’on leur donne pour chef
a la difcretion de ne pas même
faire à M . le Préiident
d?Abbadie des vifues que la bieniéance autoriie, & que
le lien du fang femble exiger.
C e lu i
qui a l’honneur de voir le plus fouvent M . le
Préfident d’Abbadie , c ’eft moi : vous m’ en faites un crim e,
je m’en fais un devoir facré. Charge' de fa défenfe > je
cherche la vérité , 6c je la trouve dans fa bouche : témoin
de fes pein es, je les adoucis autant qu’il eft en mon pou
voir : je mets du baume dans la playe que vous lui avez
faite. Je l’admirai de loin dans les beaux jours de fa M agis
trature
je ne m’approche maintenant de lui que pour le
fervir dans fon, malheur.
Q u e Madame d’Abbadie ne fe flatte donc plus de colorer
les pourfuites odjeufes qu’elle fait contre fon mari en pré
textant qu il eft obfedé d’intrigans qui veulent envahir ia
fortune.
Ses immeubles .ne peuvent être aliénés que de l’avis du
Çonfeil fage ôc éclairé qu'il s’ eft donné lui-même.
Les deniers de la fucceilion du fieur de Borda font en
d é p ô t , & il doit en être fait emploi, du confentement de
M . le Préfident d’Abbadie , en préfçnce de fon Confeil :
�7Î
comment des intrigans s y prendroient-ils donc pour envahir
fa fortune ?
Madame d’Abbadie ne connoiffoit pas ces prétendus intrigans obfeiTeurs de fon mari , lorfqu’elle interceptoit fes
lettres en 1781 , pour l’accufer un jour de démence.
E lle ne les connoiffoit pas en 1783 , lorfqu’elle faifoit
certifier par des Médecins qui le vo yo ie n tp o u r la premiere
fo is , qu’il parloit nuit & j o u r , qu’il étoit en d é m e n c e ,
&
qu’il falloit l’envoyer dans une M aifon de F orce.
E lle ne les connoiffoit pas en 1 7 8 4 , lorfqu’elle faifoit
certifier par fon M édecin de P a ris , que fon mari avoit
été fou pendant près de deux ans en B e a r n , où il ne l’avoit
jamais vu , & que fa maladie paroiffoit incurable.
E lle ne les connoiffoit pas au mois de Mars
1785* 9
lorfqu’elle faifoit interdire à Pau fon mari qui étoit avec
elle à P a r is , & qui vivoit fans défiance
au fein de fa
famille.
Com m ent ofe-t-elle donc imputer après coup à des
étrangers la prétendue néceffité d’une interdi&ion qu’elle
a préparée quatre ans d’avance , & qu’elle a fait prononcer
dans un temps où fon mari ne vo yo it qu’elle , & les
intrigans qui alloient jouir avec elle du plaifir de voir
leur v i& im e , & de l’efpoir de partager fa dépouille ? E t
dans ce m om ent, où abandonnée par le Marquis D ucoud ra i, qui a reconnu fon erreur , elle a le courage de
pourfuivre feule l’interdi&ion de fon mari, & de demander
la curatelle dun adminiftrateur plus fage q u e l l e , & q u i,
par un excès de précaution, s’eft fournis à un Confeil ,
croit-elle pouvoir tacheter la honte de fes pourfuites,
qui n’ont plus de p rétex te, par les injures qu’elle fait proK ij
�76
diguer à des citoyens honnêtes qui embraifent la caufe du
pere de famille perfécuté par fon ép o u fe, & qui n’ont
jamais eu ni la v o l o n t é ni le pouvoir d’envahir fa fortune?
C eu x qui font dévoués à M . le Préfident d’Abbadie
font traînés dans la boue , & ceux qui le trahiifcnt font
élevés jufqu’aux cieux. L e cocher D o u c e t , ce traitre dont
Madame la Préfidente d’Abbadie a fait imprimer la correfpondanceavec e lle , & qu’elle a pris à fon fervice depuis
qu’il.a été chaffé par M . l e Préfident d’A b b a d ie, a entendu
faire fon éloge à cette audience , & vanter la lâcheté qu’il
a eue de fe rendre l’efpion de fon M aître, & de fecon<Ier par fes impoftures la confpiration formée pour fa
perte ; fi. un domeftiqüe, traître envers fon M a ît r e , eft
digne de lo u a n g e , quelle sûreté aurons - nous avec des
¡gens attachés à nos perfonnes, qui pourront vendre nos
fecrets 8t leurs menfonges, fans compromettre leur honneur
par ce trafic infâme, & quelle fera la récompenfe du zèle
& de la fidélité, fi la perfidiç & la baifelfe méritent un
hommage public ?
M ’arrêterai-je au foupçon qu’on a ofé élever à cette
•audience, en plaidant que de prétendus intrigans avoient
fait tirer des coups de fufil dans la n u it, aux environs de
la maifon de M . le Préfident d’Abbadie à V itr y , & qu’il«
Tavoient fait attaquer nuitamment fur le grand chemin ,
pour lui infpirer, fous ce prétexte , des foupçons odieux
contre Madame fon époufe? Q uelle abfurde atrocité !
M . le Préfident d’ Abbadie n’a jamais été effrayé des coups
defufil qu’il a entendus à la campagne: il fçavoit en 178^, que
c’étoit le Jardinier de M e C alo n n e, A vocat en la C o ur, alors
fon voifin à V itry , qui les tiroit tous les foirs avant de fe cou«
�77 '
;h e r, fuivatït un ufage a fiez généralement obfervé aux envi
rons de Paris, pour avertir les malfaiteurs que famaifon étoit
g a rd é e, & en érat de défenfe. L’été dernier, que M. le Préfident d'Abbadie occupoit une autre maifon à Vitry , il fçavoit
que r/étoient les jardiniers du fieur A b b é de M o n d en o ix,
Chanoine de Notre-D am e , & du fieur Foreftier, Tréforier
du Régim ent des Suiffes, fes proches voifins, qui tiroient
tous les foirs par le même m otif, des coups de piftolet
ou de fufil ; ils tirent encore tout cet h iv e r , tandis que
M . le Préfident d’Abbadie eft à Paris, ainfi qu’il eft attefté
par le Procureur-Fifcal du lieu. Eft-ce donc pour effrayer
.M. le Préfident d’Abbadie à Paris , & pour lui donner
des foupçons contre fon é p o u fe , que des intrigans font
tirer des coups de fufil ou de piftolet à V itry ? M .
le
Préfident d’Abbadie ne s’eft jamais plaint d’une précau
tion qui fait fa sûreté en même temps que celle de fes
voifins : falloir-il donc imputer à crime à de prétendus
intrigans un fait innoncent qui leur eft étranger ?
On
n’a dénoncé qu’une attaque no&urne que M . le
Préfident d’Abbadie a effuyée fur le chemin de V i t r y ,
le 21 Janvier 1 7 8 6 , à dix heures du foir , en revenant
de l’H ôtel du fieur Lieutenant-Civil où il avoit été inter
ro gé; il n’a jamais foupçonné que Madame fon époufe
ait eu la moindre part à cette attaque ; à dieu ne platfc
qu’il foit en proie à l’horreur d’un tel foupçon. L es pré
tendus intrigans auroient-ils donc fait fur le grand chemin
le métier daifaJfins , au rifque de périr fur un échafaud,
pour avoir le prétexte de rendre Madame d’Abbadie fufpe&e a fon mari ? Sont-ce auili les prétendus intrigans
qui ont fait attaquer fur le chemin de V it r y , le 16 Janvier
�78
1 7 8 6 , à dix heures du fo îr , le nommé Chilindron, V ale t
de Chambre de M . lePréfident d’A b b a d ie, par trois quidams
qui ont été décrétés de prife de corps ? Eft-il donc néceifaire
de recourir à une manœuvre auiïi périlleufe , pour faire
perdre à Madame d’Abbadie la; confiance de fon mari?
N e l’a-t-elle pas perdue déjà depuis long-temps ? N e fe
fouvient-elle plus de leurs diflenfions domeftiques , des
peines
qu’elle lui a caufées, comme il le dit lui-même
dans fes interrogatoires , de la fouftra&ion de 20000 liv.
à
Poitiers
,
de la
fouftra&ion
de
36,000
livres
à
P a ris, du certificat de 1783 , qui l’autorife à envoyer
fon m a r i dans une Maifon de F o r c e , du certificat de 1 7 8 4 ,
qui lui donne laconfolante certitude qu’il ne guérira jamais,
de l’interdiftion provifoire dont elle l’a frappé en 178J ,
de la Chartre privée où elle a ofé le ten ir, du refus qu’elle
lui a fait de tout fecours, dans les douleurs d’une colique
vio le n te, de l’efpionage fcandaleux dont il eft le jo uet,
de l’acharnement avec lequel elle pourfuit depuis deux
ans fa profcription ôc fa perte ? Eft-il befoin de feindre,
pour la rendre fufpe£te à fon m ari, ôc après tous les torts
qu’elle a eusenvers lui, quel intérêt des étrangers pourroientils avoir à lui en prêter un nouveau au péril de leur vie ?
N ous avons purgé la caufe de ces certificats, de ces
lettres m iflives, monumens odieux des machinations de
Madame d’Abbadie contre fon mari , du préjugé des
;Arrêts du Parlement de Pau , qui ont été caiTés, des
.enquêtes faites à Pau ôc à Paris , qui ont été annullées,
de ces inculpations atroces qui ont été prodiguées à des
citoyens honnêtes , avec une licence effrenée , ôc qui
tombent par leur abfurdité. Il ne refte que la procédure
�19
qui confiftc dans l’avis des parens 8r amis, dans les inter
rogatoires, & dans le rapport des Médecins. C ’eft ici que
la caufe de M . le Préfident d’Abbadie reprend fa iimpJicité
naturelle : c’eft dans l’expofition de cette procédure que fa
défenfe va acquérir un nouveau dégré de força & de folidité.
A v is
des
p a r e n s
e t
a m is
,
N ous avons trois avis dans cette caufe , dont deux
formés à la requête de Madame d’Abbadie & du Marquis
du C o u d ra i, l’un au Parlement de P a u , l’autre au Châtelet
de Paris, tendent à l’interdidion de M . le Prélident d’A b
badie , & dont le troilièm e, formé au C h â te le t, à
la
requête de M . le Préfident d’ A b b a d ic , tend à lui laifler
la libre adminiftration ds fa perfonne & de fes biens.
L eq u el de ces avis mérite d’être écouté ? Cette queftion eft facile à réfoudre.
D ’abord , lavis formé à P a u ,
le a Mars 1785*, eft
eflentiellement vicieux.
D ’un c ô t é , les proches de M . le Préfident d’Abbadie
n’y ont point concouru. O n
n’a appellé à l’aiTemblée,
ni fes c oufins, ni fes amis perfonnels. C e font trois amis
de M a d a m e d’A b b a d ie qui fe font joints à cinq parens
& alliés éloignés de ion mari.
D ’un autre c ô t é , ceux qui ont concouru à cet avis
n’ont point prêté ferment. Q uelle foi peuvent-ils donc faire
en juftice?
Dailleurs, deux des principaux auteurs de l’avis du 2
Mars 1785* , font en contradiction avec eux-mêmes.
1®. M. de C h erau te, C h e f de cet avis, a v o i t , peu
«Hé temps auparavant, par fa lettre du 27 N ovem bre 1784- j
�8o
jugé M . le Préfident d’A bbadie capable de diriger par fes
inftru£tions perfonnelles Madame d’Abbadie & fon C on feil.
Son vœ u eft donc une contradiction avec lui - même
;
une i n c o n f é q u e n c e marquée.
.
a 0. L e fieur Louftau, autre délibérant, avoit entretenu
une correfpondance fuivie avec M . le Préfïdent d’Abbadie :
il lui avoit écrit le ip Février 178
le lendemain d e l à
demande à fin d’interdi&ion, une lettre par laquelle , en lui
accufant la réception de deux de fes lettres, des 4 & 8
du même m o is , il lui marquoit qu’il avoit exécuté fes
ordres relatifs à l’adminiftration de fa maifon & de fes
biens dont il lui rendoit le compte le plus circonftancié.
I l le jugeoit donc le ip Février *785 , capable de bien
adminiftrer : fon avis du 2 Mars
fuivant eft donc une
contradiction avec lui-même , une inconféquence marquée.
Mais ce qui décèle ouvertement l’eiprit d’intrigue qui a
préfidé à l’aflemblée tenue à Pau 3 le a. Mars 1 7 8 y , c’eft
la lettre que le fieur Louftau a écrite à ce fujet à M . le
Préfident d’Abbadie le 7 août dernier , vaincu par le
je m o r d s , & cédant à fon repentir,
*
M onsieur,
» Il y a vingt-deux ans que j’ofe me flater d’avoir mérité
» vos bontés & votre confiance ; il y a plus d’un an que
» j’ai eu le malheur de perdre l’une & l’autre: après avoir
5) témoigné à ma famille ôt à mon gendre , la pureté & la
» fincérité de mes intentions pour vo u s, f a i été pour ainfi
» dire, étouffé le dernier dan6 la circonftance la plus inté-
» reflante pour tous & pour m o i . . . . J’avoüe que je fus
forcé
�8i
» FORCÉ D’ OPINER D ’ UNE MANIÈRE OPPOSE^ A MA FAÇON DE
» penser.
D e là , que de regrets, que de reproches ouverts
» de ma famille ôc de mon gendre ? j ’ a i
»
encore
dévoré.
été
e t j en
su is
Quelque chofe qu’il en foit, JE NE
pu is
» M EMPECHER DE VOUS EN FAIRE MES AVEUX : quelque
» coupable & quelque ingrat que je paroifle à vos y e u x ,
» je le ferois aiTurément bien moins fi vous iaviez comme
» j’ai été féduit par des pièces que j’ai en main ».
Q uelle idée peut-on avoir à la vue de cette lettre, de
l ’aiTemblée tenue à Pau le 2 Mars
1 7 8 5 , & quel cas
doit-on faire d’un avis que le c h e f de cette aflemblée
a ouvert contre fon opinion confignée dans fa lettre da
27 N ovem bre précédent, que le fieur Louftau a été forcé
de fuivre contre le cri de fa c o n fcie n ce, & que les autre®
ont adopté fans favoir quel étoit l’état de M. le Préfident
d ’Abbadie avec qui ils n’avoient aucune relation ?
L ’avis donné au Châtelet par les parens & amis de
Madame d’Abbadie & du Marquis du Coudrai ne mérite
aucun d’égard.
D ’un c ô t é , les parens & amis de ceux qui pourfuivent
l’interdi&ion d’un citoyen , font auffi fufpeds que les pourfuivans eux-mêmes.
D ’un autre c ô t é , les O r d o n n a n c e s du Heur LieutenantC i v i l , des f & 12 Septembre 178? , en vertu defquelles
l’aiTêmblée a été tenue en fon H ô t e l, ne permettoient d’y
appeller que les parens ôc amis de M . le Préfident d’Abbadie.
Les parens & amis de Madame d’Abbadie & du Marquis
du Coudrai n’avoient donc pas droit d’y aiTiiler. Leur vœu
çil donc nul dans la caufe,
L
�84
L e même efprit d’intrigue qui avoit préfldé à lalTemblée
de P a u , à prefldé auffi à celle tenue en l’hôtel du fleur
L ie u t e n a n t - C iv il, à la requête de Madame d’Abbadie.
E lle a convoqué Ton frère , domicilié à Bordeaux , qui a
reconnu la démence de M . le Préfldent d’Abbadie avec
qui il n’a jamais vécu ni à P a u , ni ailleurs, à l’honnetété
que ce Magiftrat a eue
de ne pas
poufuivre par les
voies rigoureufes après le décès de M . de Montbadon , le
payement des 20,000 liv. reliantes de la dot de Madame
d’Abbadie, ou le partage de la fucceilion de fon beau-père,
fur lequ el, comme il le dit lui-mêmf*, dans fon interrogatoire
du 13 Janvier 1 7 8 5 , il avoit déclaré à Madame de M ont
badon fa belle-mère , qu’il s’en rapportoit entièrement à
elle & à fa famille; ôc c’eft cette déference de M . le
Préfldent d’A b b a d ie, pour Madame de Montbadon, que
les enfans même? de Madame de Montbadon dénoncent à
la juftice comme une preuve de démence ! Madame d'Abbadie à convoqué aulli trois ou quatre de fes alliés, qui
ne font ni parens ni alliés de M . le Préfldent d’Abbadie ,
& qui fans le connoître perfonnellement, ont reconnu fa
démence aux deux voyages qu’il a faits pendant les vacan
ces de l’année
178 j , l’un de 20 jours en Normandie
pour fon plaifir , l’autre de cinq
femaines en Bearn,
pour fes affaires, voyages qui fuivant eux ne font que
des courfes vagabondes , & des enlevemens de fa perfonne. Elle a appellé le Chevalier de B orda, fon commenf a l , à qui le fleur de Borda donnoit la table & le logement,
quoiqu’il lui fût
totalement étranger, & qui après le
décès de ce Ferm ier-G énéral, a continué de loger pen
dant deux ans en fon h ô t e l, avec Madame d’A bbadie, & yt
�«*'
feroît encore , s’il en étoit le maître , ôc fi M . le Préfident
d’Abbadie ne l’avoit prié enfin au mois d A oût dernier par
le miniftère d’un H u iiïier, d’aller loger ailleurs. E lle a ap<
pellé l’Abbé Lagrenée , Prieur de Saint V i& o r , fon convive
afiidu, qui a vu partir quelquefois M . le Préfident d’Abbadiepour fa maifon de campagne dans l’écé de 178J , qui l’a
entendu chanter, fans qu’il prononçât des fons articulés ,
& qui a oui-dire à fon portier dont il a bien voulu être
l ’organe , que le 8 Septembre 1 7 8 ? , M. le Préfident d’A b
badie , ( partant pour la campagne) avoit paru dans la cou r,
avec une. vefte blanche ( par deifus laquelle étoit un habit
gris ) qu’il s’étoit aifis
fur des
p ou tres, ( en attendant
l’Abbé d’Ethegaray qui devoit partir avec lui.) : il a déclaré
aufli, ce font fès termes, qu’il avoit vu quelquefois Madame
d’Abbadie qui ne réclamoit que l’heureufe félicité de rem
plir auprès de fon mari, ( en le faifant interdire) les devoirs
de la religion & de l’ordre f o c ia l, & qu’il penfoit que de*
foins di&és par fa tendreife, & préfentés par la droiture de fe s
intentions, étaient plus chers à l’humanité de fon ame. Madame
d’ '\bbadie aappellé enfin des témoins qui avoient depofé
dans l’enquête que le Confeil venoit d’annuller, tout ce
qu’elle a pu raifembler de gens dévoués à fes intérêts, juf.
qu’à trois elomeftiques dont deux font à fon fervice , & à
la tête defquels eft le C o ch er D o u c e t qui après avoir eu
l ’hon neur de correfpondre avec e l l e , a eu celui de figurer
dans l’aifemblée des foi-difans parens & amis de fon maître.
C e ne font pas là les parens & amis de M . le Préfident
d’Abbadie, les feuls que les ordonnances du fieur Lieute
nant Civil permettaient d’aifembler. C e font des étrangers,
des intrus dont le vœu ne doit pas être écouté.
M
�84
L e s parens & amis de M . le Préfident d’Abbadie ont été
convoqués à fa requête : ils font au nombre de 2 6 , dont
feize parens ôc dix amis. La plupart ont rappellé les chagrins
domeftiques auxquels il a été en p roye; tous ont reconnu
la capacité , la fageife de fon adminiftration , l’habitude où
il eft de faire des épargnes & des acquifitions : tous ont été
d’avis de rejetter fon interdi&ion comme une injuftice ôc
une cruauté.
Ajoutons à l’avis des parens ôc amis de M . le Préfident
d’A bbadie, le jugement que le fieur de Borda fon oncle , ôc
Madame la Préfidente d’Abbadie fa mère ont porté fur fon
é ta t, ôc dans lequel ils ont perfifté jufqu’à leur dernier m o
ment.
L e fieur de Borda par fon teftament du trois août 1778 en
nommant M . le Préfident d’Abbadie fon exécuteur teftamentaire , déclare qu’ il lui doit cette confiance qui ne peut
» être en meilleurs mains, qu’elle opere fa tranquillité , 6c
» qu’elle fera le bien de tous fes repréfentans.
Mais , a-ton dit, page 112 du M émoire imprimé de Ma
dame d’Abbadie, ôc c’eft fans doute ce qu’on fe propofe de
répéter à cette audience, le teftament du fieur de Borda
eft antérieur à la maladie de M . le Préfident d’Abbadie
qui eft arrivée en 1 7 8 1 ; le teftateur ne pouvoit plus fe
choifir un autre exécuteur teftamentaire : il avoic efiùyé
dès le mois de Juillet 1780 une violente attaque deparalyfie
qui lui avoit ôté l’ufage de la parole ôc de la main droite.
L e fieut de Borda, dites v o u s , avoit perdu depuis le
mois de Juillet 1780 l’ufage de la parole , ôc n’avoit pu par
conféquent fe choifir un autre exécuteur teftamentaire? Mais
nous avons trois preuves authentiques du contraire,
�8*
i°. L e fieur de Borda avoit conienti le 2 $ Janvier 1781 ,-erf
faveur de M . le Préfident d’Abbadie, une procuration à
l ’effet de régler pour lui une affaire de la plus grande im
portance, avec la compagnie
de la Guianne. L e fient*
de Borda n’avcit donc pas perdu depuis le mois de Juillet
1780 l’uiàge de la parole.
2°* L e fieur deBorda a difpofépar una£tedu 27 A vril 17^81
en faveur du fieur de Saint Criftau de fa charge de Con-’
trô leu r, & Mifeur des o&rois de la ville de Nantes ; il
lui en a laiffé la finance qui eft de 2 ; j.,000 liv. à titre de
conftitution. Il n’avoit donc pas perdu depuis le mois de
Juillet 1 7 8 0 , l’ufage de la parole.
3 °. L e fieur de Borda s’eft démis par un a S e du "2 Jan
vier 1 7 8 3 , en faveur du fieur de Saint Criftan, de fa place de
Ferm ier-G énéral, & lui en a laiffé les fonds d’avance à titre
de conftitution. Il n’avoit donc pas perdu l’ufage de la paroledepuis le mois de Juillet 1780, il auroit donc pu fe choU
fir un autre exécuteur teftamentaire en 1 7 8 3 , époque pof*
térieure de deux ans à la prétendue démence,; de M . le'
Préfident d’A bbadie; cependant il n’a pas fait un autre choix j
il a perfevéré jufqu’à fon décès arrivé au mois de N o v em
bre 1784., dans la confiance qu’il avoit accordée à M. le
Préfident d A b b a d ie , & dont il lui avoit donné par fort
teftament une marque fi honorable. Il l’a donc jugé jufqu’à
fon dernier moment capable de remplir les fondions qu’il
lui avoit confiées
en 1778 , &
plus de p o id s, q u en
ce jugement a d autant?
1 7 8 3 , M . le Préfident d’ Abbadie
avoit paffé neuf mois a Paris dans la Com pagnie de fori
©ncle, qui connoiffoit parfaitement fon état.
�96
Madame îa Préfidente d’Abbadie a également confié à
fon fils l’exécution de fon teftament en date du 10 Février
1783 , & elle a perfeveré jufqu’à fon décès arrivé au mois
d’ Août 178 4 , dans la confiance qu’elle lui avoît accordée.
Q u e le jugement de la mère eft impofant ! E lle avoit tou
jours v é c u avec fon fils ; c’eft dans fes bras qu’elle a rendu
le dernier foupir. Elle connoiifoit fon état mieux que tous
autre : on ne fe perfuadera jamais qu’elle l’eût chargé du
foin d’exécuter fes dernières v o lo n té s, s’il en avoit été incapable, & l’événement a prouvé combien ce fils étoit
digne de la confiance de fa m è re , puifqu’immédiatement
après f jn décès , il a acquitté environ 30,000 liv. de
charges de fa fucceifion , avec des épargnes qu’il avoit
faites fur 40,000 liv. de rente,
L ’argument tiré de l’exécution du teftament de la mère
confiée aux foins du fils , n'eft point de m oi, M M ; je no
dois pa?en dérober le mérite à fon A u teu r; il eft d’un
jurifconfulte qui a été confulté à ce fu je t, & qui voudra
bien me pardonner, (1 je le nomme , pour confolider par
fon fuffrage cette partie de la défenfe de M . le Préfidenç
d’Abbadie, C ’eft M e. Martineau. Il ne renverfera pas fan$
doute dans le choç de l’audience, un ouvrage qu’il a compofé dans le calme du Cabinet , & il laiiTera du moins
dans cette caufe à M . le Préfident d’Abbadie un moyeu
de défenfe qu’il lui à fourni lui-môme.
L ’oncle ôc la mère de M . le Préüdent d’Abbadie, fes parens & amis au nombre de 26 , ont prononcé en fa faveur.
Il n’ont pas pu fe méprendre tous fur fon état ; la famille
fi intéreilée à la confervation de la perfonne ôc de la for
tune Je ce Magiftrat, nauroit pas été d’avis de lui laifler
�-87
ladminiftration de l'une ôc de l’autre , s’il en avoit été inca
pable.
I N T E R R O G A T O I R E S ,
Nous arrivons à l’dpoque la
(i)
plus intéreflante de l’inf*
tru&ion , celle où M. le Préfident d’Abbadie tantôt furpris
dans fa maifon , tantôt invité à fe rendre à l’hôtel du M agiftrat, fetrouve feul devant l u i , ôc répond fur le champ',
durant le cours d’environ cinq mois, aux diverfes queftions
qui lui font propofées; c’eft moins une inftruction faite fur
fon état qu’une inquifition exercée fur fa perfonne par M a
dame fon E p o u fe, qui abufant de l’extrême délicateffe du
fieur Lieutenant-Civil, n’a ceifé d’alarmer fa religion, par
de faux rapports, par des réquifitions continuelles faites
quelquefois par é c rit, ôc plus fouvent de vive v o ix , ôc a
forcé en quelque lorte ce MagiQrat d’ufer envers M , le
Préfident dA'bbadie d’une rigueur inouie qui convenoit
fi peu à fon caractère naturel, ôc que fes fondions n’exigeoient pas.
Les Interrogatoires que M . le Préfident d’Abbadie a fubis
font au nombre de f e i z e , non compris une foule d’aètes
de comparution, ôc de dires perfonnels. Ils ont commencé
le 29 D écem bre 1 7 8 ; , ôc ont fini le 18 Mai 178 6. O n
trouve d’ailleurs dans cet intervalle les vifites de deux
Medécins continuées pendant foixante huit jours confécutifs, depuis le trois mars 1 7 8 6 , julques au 9 mai fuivant.
( 1 ) L e procis-verbal d'audition de M . le Préfident d'Abbadic fera imprime fcparM
»ent avec quelques obfervations y relatives.
�88'
Une tête qui a pu refifter a une pareille épreuve, eft peut-*
être plus forte que celle qui i’accufè de foibleffe.
O n n’a pas ofé iufpt&er ouvertement la foi du fieur
L i e u t e n a n t - C i v i l dans les interrogatoires’de M . le Préfidenc
d’Abbadie : mais on a dit qu’il les avoit rédigés prefquetous,
on a cité pour preuve de ce fait un interrogatoire où il
eft dit que M. le Préfident d’Abbadie à répondu, diclant
lui-même : ce qui n’eft point dit dans les autres.
A cet é g a rd , M M , je dois avoir l’honneur de vous
obferver que Madame d’Abbadie deconcertée par fix inter
rogatoires que M . le Préfident d’Abbadie avoit fubis depuis
le 29 Décem bre 1785 jufques au 25 Janvier 1 7 8 5 , a eu
le courage de prier le fieur Lieutenant-Civil à la fin du
môme mois , de s’écarter de la manière de conftater les
réponfes qui eft en u fa g e , en pareil cas, au Châtelet, eit
la C o u r , & dans tous les tribunaux, & de faire écrire
pelles de M . le Préfident d’Abbadie fous fa di&ée immé
diate , fans les faire paffer par la bouche du Juge , en énon
çant qu’il les di&oit lui-même : elle fe flattoit de fairg
loupçonner par ce moyen que les réponfes contenues dans
les- lix premiers interrogatoires n’étoient pas les réponfes
fidelles de M . le Préfident d’Abbadie. L e fieur LieutenantCivil auroit du rejetter cette demande comme in d écen te,
comme injurieufe à fon caractère fie à fa perfonne « il a eu
néanmoins la complaifance de céder aux importunites de
Madame d’ Abbadie, & d’énoncer dans un interrogatoire que
M . le Préfident d’Abbadie avoit repondu , diclant lui-même
f a reponfe. Mais les reponfes qu’il n’a pas di&ées immédia
tement au Greffier dans les autres interrogatoires, il les a
adreiTées au iieur Lieutenant-Civil qui les a répétées au
Greffier,
�80
Greffier. C e font toujours le» xéponfes perfonnelles de
M . le Préiident d’A b b a d ie , & il faut neceifairement les
regarder comme te lle s, .jufqu’à ce quon s’infcrive en faux
contre les interrogatoires, & qu’on les faffe déclarer faux.
Dans l’état a£tuel des chofes, la foi eft due au caractère du
Juge , & à fon procès-verbal. Les réponfes que ce procèsverbal renferme font toutes aux yeux de la L o i les ré;ponfesiperfonnelIes de M . le Préfident d’A bbadie, la vraie
expreifion de fes penfées & l’image fidelle de la fituation
de fon efprit.
M . le Préfident d’Abbadie a fubi d’abord dans l’elpace
de cinq femaines neuf interrogatoires, fçavoir les 29 D é
cembre 1 7 8 ? ,
15,17, 2 t , & 2 f
J an vier, 1 , 6 , &
y Février 1786. A quoi il faut ajouter cinq aftes de corn-*
^parution perfonnelle des 3 , 4 , 8 , 1 4 , & 18 F é v r ie r , jours
ou il a Converfé avec le Magiftrat de manière à lui faire feu*
tir qu'il étoit inutile de l ’interroger.
L es interrogatoires des y & 17 Janvier ont été fubis
,à V itry dans la maifon de campagne de M. le Préfident
d’Abbadie , où le fieur Lieutenant - C ivil eft allé le furprendre , d’après deux requêtes de Madame d’Abbadie
contenant qu’il étoit aclu dans une démence complette.
Us ont duré quatre heures & demie chacun : iis ont roulé
fur les faits le plus propres à irriter la fenfibilité de M .
le Préfident d’Abbadie. E h ! pouvoit-il en être autrement*!
C ’ étoit fon époufe qui l’interrogeoit par l'organe du M a
giftrat, à qui elle adminiftroit tous ces faits. Mais fi M .
le Préfident d’Abbadie a été humilié par les queftions qu’o n
lui faifoit, Madame la Préfidente d’Abbadie a du être b ie *
M
�90
mortifiée de fes réponfes ; elles font toutes marquées an
coin du bon fens , & de la raifon,
L e s interrogatoires des 21 Janvier & premier Février
1 7 8 6 ont été fub:s fur l'invitation du fieur Lieutenant C ivil
à qui Madame la Préfidente d’Abbadie avoit infinué de vive
vo ix que fon mari étoit dans le délire. Ces deux interroga
toires & tous les autres font marqués au même coin. Il
n’y a qu’un fou qui foit capable d’y trouver le moindee;
fymptôme de folie»
Com m e M . le Préfident d’Abbadie foutenoit avec avan
tage l’épreuve des interrogatoires, on a imaginé d’y join
dre celle des vifites des Médecins. L e fieur Lieutenant‘C iv il à commis a cet effét, par une ordonnance du 20
F évrier 178£> , le fieur Philip ancien Doyen de la Faculté
de M é d e c in e , & le fi&ir la Clerc M édecin ordinaire du
R o i au Châtelet.
C ette Ordonnance a été fignifiée aux deux Médecins ,,
le 2 Mars
à la requête de M . le Préfident d ’Abba-
die ; il avoit provoqué l’avis des parens & amis & les
interrogatoires ; il a fallu qu’il provoquât auffi les vifites
Vies Médecins : c’eft peut-être pour la première fois qu’on
à vu un homme accufé dé démence prévenir fes adverfàïres dans toutes les parties de l’inftrucUon.
O n a plaidé que fi l’Ordonnance du 20 Février 1786
n’a été fignifiée que le 2 Mars fu iv a n t, ç a été parce que
M . le Préfident d’Abbadie devoit avoir un accès de folie à
îa fin du mois de Février , & qu’on ne vouloit pas que les
[Médecins débutàffent par le rrouver dans cet état.
; Mais fi M . le Préfident d’Abbadie devoit avoir un accès
«le folie à la fin du mois de F'évrier 1786 , pourquoi M a
llame ion ¿poufe ne i ’eil-elle pas empreffée de fignifier
�91
l’Ordonnance du 20 , aux deux M éd ecin s, & de faire furprendre fon mari à la fin du même mois dans ce prétendu'
accès de folie ? C ’eût été un fi beau début pour
nement fi propre à la confoler des
neuf
e lle ,
un évé
interrogatoires que
M . ie Préfident d’Abbadie avoit fubis depuis, le 29 D écem
bre 1785 jufques au n eu fF évrier
1785,
& du mauvais fuc-
cès des deux voyages que le fieur Lieutenant C ivil avoit faits
à V it r y , à fa réquifition, les 5 & 17 Janvier précédent.
M . le Préfident d’Abbadie étoit en démence à la fin
du mois de Février 1 7 8 6 , comme il y étoit les y 6c 1 7
J a n v ie r, comme il y a été tant d’autres fois qu’il a été
invité à fe rendre à l’hôtel du fieur Lieutenant C i v i l , fur
les réquifitions verbales de MaJame fon époufe , dont il a
confondu les aiTertions téméraires par fa préfence,
par fes réponfes.
ÔC
D ’ailleurs le fieur Philip attefte dans le rapport, que
depuis le 1 j Février 1785 jufqu’au 3 Mars fuivant, jour oit
les vifites juridiques ont commencé , il a vu journellement
A l. le Préfident d’Abbadie , & qu’il l’a
oujours trouvé
jouiifant de fa raifon. Il n'eft donc pas vrai que M . le
Préfident d’Abbadie ait eu un accès de folie à la fin du
mois de Février 1786.
Mais , a-t-on d i t , le fieur Philip ne pouvoit pas être
nommé Expert conjointement avec le fieur L eclerc : d’un
c ô t é , il étoit le M édecin ordinaire de M . le Préfident
d’Abbadie : d’un autre c ô t é , il s’étoit déjà expliqué fur fon
état par des certificats, & par le dire qu’il avoit fait au moi|
de Septembre 178J en l’hôtel du fieur Lieutenant Civil.
L a réponfe à cette obje&ion éft prompte ôc facile.
D ’un coté
f aucun m otif ne
doit faire exclure le Méden
M j.
�cin ordinaire d’ùn homme , de la vifite juridique de fa per-*
ibnne. L a connoiffance qu’il a <fe fon état paffé le rend'
même plus propre à faifir toutes les nuances de fon étatr
préfent, & à donner à la juftice les lumières qu’elle deftre»
L e fieur Philip eft d’autant moins fufpe& qu’il n’a point fait
de rapport particulier, quoiqu’il fût autorifé à en faire un
par l’Ordonnance du fieur Lieutenant-Civil, & que le rap
port quia étéfait eft commun entreluiôc le fieur L e c le rc , qui
l’a r é d ig é , qui en a écrit la minute entière de fa main r
& qui n’eft point fufpeft à Madame la Préfidente d’Ab«
badie.
D ’un autre côté , fi le fieur Philip s’étoit expliqué fur
l ’état où M . le Préfident d’Abbadie étoit en 1 7 8 5 , il 11e
s'étoit pas expliqué fur l’état où il étoit en 1 7 8 6 , depuis
le 3 Mars jufques au 9 M ai, & c’ell ce dernier état qu’il a ét é
çhargé d’examiner conjointement avec le fieur Leclerc. If
ne s’étoit donc pas expliqué fur l’objet de fa miiTion*
il ne peut donc pas être fufpeûé fous ce prétexte,
R A P P O R T
D E S
M É D E C I N S .
L e rapport des Médecins dit « qu’ils ont d’abord trou» yé
l’état
phyfique de M .
le
Préfident d’Abhadie
» fa carnation, fon em bonpoint, fes m ouvem ens, l’exer» cice des fondions corporelles , tout fon enfemble
j> dans ; l’ordre naturel, excepté fon afpeft , qui annon9 çoit de la mélancolie; qu’il leur a dit qu’il étoit accablé
» de chagrins dont il n'a point articulé la caufe ; qu’il
» s’eft fort appéfanti
fur ces foucis ôc peines d efprit
» dont il a paru vivement a f f e f t é .... qu’ils ont engagé la
* cenverfation fur divers objets, & fur différentes matières,
�» qu*il a répondu à tout a ve c juftefte & de manière à n’anv noncer aucune léfion des fondions de l’a m e , ‘ que fa
» m ém oire n’a point paru affaiblie à en juger par quelques
» traits d’hiftoire déjà a n c ie n n e , qu’ il a cités avec exadi«
» tude . . . . . que fon jugem ent & fa manière de rpifonner
» n’ont paru fouffrir aucune altération , &
qu’il revient
» fréquemment à fes chagrins qu’il peint avec DES c o û
te l e u r s f o r t e s e t s o m b r e s ; que pour mieux connoître
» fon état phyfique & m o r a l, ils ont pris exprès des heu» res différentes , qu’ils ont a ffe d é chaque jour de ï’entre» tenir fu r des matières diverfes &
autres que celles qui
» avoient été agitées la v e ille ., &
qu’il leur a toujours
» parlé de
b on jcn s, & fans aucune apparence de déraifon-
» nement ».
Suivant le rapport, cet état s’eft foutenu jufqu’au 17
M a rs, fans que M . le Préfident d’Abbadie ait donné le.
moindre figne d’altération., n i , au phyfique, ni au moral;
Il a eu le 18 Mars un accès de fièv re; mais fuivant le
rapport, toutes fes paroles étoient d’un jugement fa in , &
riarmonçoient aucune efpèce de léfion dans les opérât ions de
/f*
l ’ame.
L e 1 9 , il eft allé fe promené^ à C.lamar-ipus-Meudon ,
OÙ eft une maifon de campagne dépendante de la fuccefiion de fon oncle.
r
.
L e 20 , au matin, il a été vifité fucceifivement par les
'¿eux Médecipa.
,
L e ûeur Philip, a^tefte
(¡vil riapas.laijjééchapperunmot
quinefut raifonnab\eque
quent & un peu élevé..,
cependant fon pouls ¿toit fré
^
L e fierfr L e c le r c a t te ft e q u il l ’a trouvé mangeant des hui~
�• 94 _
.
très , ayant le pouls plus v if & plus "élevé que de coutume
parlant avec acîion , mais cependant s a n s 'd é r a i s o n n e r .
L e 2 1 , il ne reftoit que quelques veftiges de l'agitation
de la v e ille; mais il étoit dans l’état de raifon, qui eft,1
fuivant le rapport , fo n état habituel , & cet état s’eft foutenu jufques au 1 2 Avril.
L ’accès de fièvre du mois de Mars n’a donc pas été un
accès de folie.
M . le Préfidçnt d’Abbadie a fubi le premier Avril 1786
un dixième interrogatoire àuiïi fain que ceux qui l’avoient
précédé.
c'
D ’après les interrogatoires & le rapport des M édecins,
nous trouvons trois mois ôc demi confécutifr que M. le
Préfident d’Abbadie a paiTés dans un état continuel de
raifon, favoir depuis le 29 Décem bre 1785 , jufques au 12
'Avril 178 ¿T.
*
Q uelle fituation que celle d’un homme délicat & fen-
fible ,
d’un Magiftrat de la première claiTe,
recherché
pendant trois mois & demi, tantôt interrogé par le J u g e ,
tantôt vifité par des Médecins qui le trouvant toujours raifonn^ble.,, attendent toujours qu’il devienne fo u , ôc cher
chent Tans cefle à furprendre dans fes difcours, dans fes
regards, dans fon maintien , quelque fymptôme de dé
mence. Il lui auroit été permis de fe fouftraire enfin à
cette inquifition , ôr d’aller refpirer en liberté dans fes
terres jufqu’à ce que la juftice prononçât fur fon état qui 9
'y
après un examen de.trois mois & dem i, devoit être' fuffifemment connu. Mais5il a eu la patierice de foutenir cette'
é p r ç u v ç , encore pendant cinq femaines ; il a été raflcfïié'
^hum iliations, il a àvûlé pendarit cinq mois le calice que
�9S
lu i préparoit fon époufe, & où elle fe plaifoit à verfer
chaque jour de nouvelles amertumes.
C e qui a le plus offenfé M . le Préfident d’Abbadie du
rant, le cours de cette inqui’fition, c’eft l’audace des efpions
que Madame la Préfidente d A bbad ie fe van te, dans fon
Mémoire imprimé, d’avoir à fes ordres, & qui lui vendent
les infultes qu’ils font à fon mari.
Toutes ces vexations entroient dans le plan de Madame
la Préfidente d’Abbadie comme propres à irriter fon m a ri,
& à ébranler fa tête ; mais elles n’ont pas produit l’effet
qu’on s’en étoit promis; la patience de M . le Préüdeut
dA bbad ie a furpafTé l’audace de fes perfécnteurs.
L e 12 A v r i l , M . lePréfident d’Abbadie a fait en l’hô
tel du fieur Lieutenant-Civil un dire très - l o n g , ôc qui
marque la préfence de fa raifon.
L e 1 3 , il a fubi un onzième interrogatoire qui fuivant
le rapport des Médecins qui y ont aiTiflé, a duré deux
heures, ôc où la dernière répo-nfe feule marque une diftra&ion momentanée ; il s’en eft apperçu lui-même, tant il
eft vrai que la raifon dominoit toujours en lui dans cette
agitation éphémère , ôc le procès-verbal conftate qu’il a fiui
par dire au fieur Lieutenant-Civil, « qu’en bon père de
» famille, ( c’eft-à-dire , comme un bon Magiftrat qui eft:
» le père commun des citoyens ) s’il parloit à tort & à.
» travers, il devoitfuppléer à fon infuffifance. ».
Cette agitation eft tombée le même jo u r, fuivant le rap
port des Médecins qui ont viiité M . le Préfident d’Abbadie
le 13 Avril vers minuit pour la féconda fois t & qui ont
déclaré « qu il étoit excédé de fatigue Ôc d’envie de. dor
as m ir, mais que malgré cela 11 avoit répondu allez juile
�* *► aux queftionsqu’ilsiuîavoient faîtes,8c qu'flsluîen avoîenf
» fait aifez pour être fûrs que fa ficuation étoit changée en
» bien ».
Il ¿toit encore mieux le 14 A vril fuivanc le rapport.
S i dans la vifite qu’il a faite le 14 A vril au fieur Lieute*
tia n t-C iv il, H a laiifé au Portier, en fon abfence, un billet
dont le fens paroît obfcur, quelle conféquence peut-on eu
tirer ? Une idée mal conçue ou mal rendue par M . le Pré*.
' fident d’Abbadie cara&érife-t-elle un état de démence qui
néceiîite fon intercU&icm ? annonce-t-elle un danger
fi
imminent pour fà perfonne ôc pour fa fortune qu’il faille
lui en ôter Tadminiitration, & le rendre l’efçlave d’une
femme qui exerce une inquifition tyrannique fur fes expreflions, fur Tes m ouvem en t, fur toutç fon exiftence?
P epu is
fix ans que Madame
4a Préfidente d’Abbadie
garde avec tanr de foin deux lettres de fon m a ri, dont
l ’une 3 été écrite à elle-m êm e, dont elle a intercepté
Vautre, & qui marquent une diftraûion paflTagère, la per
fonne 6c la fortune de M , le Préfident d’Abbadie ont-elles
fouffert quelque atteinte ? N e jouit-il pas au contraire d’une
meilleure fànté, fuivant le rapport des Médecins qui ont
comparé fon état ancien tel qu’il leur a été d é p e in t, à
fon état préfent tel qu'ils l'ont obfervé eux-m êm es? n'at’il pas Fait chaque année des épargnes ôc des acqüifitions ?
L e billet du 14 A vril 1786 a-t-il été fuivi de quelque
accident funefte arrivé à fa perfonne, ou de quelque échec
furvenu à fa fortune? Q u ’importe donc qu’il ait fait une
ou deux réponfei dilfonantes dans fon interrogatoire du
13 A vril dernier, ôc qu’il ait écrit dans la matinée du 14
yn billet dont le fens foit enveloppé? Quelques idées obfcures
�*> - ■ 9 1
cures ôc incohérentes mêlées à des idées claires ôc juftes
pendant un ou deux jours feulement dans un efpace d’en
viron cinq mois ne forment pas un état de démence ; un
nuage qui paife n’efface point la clarté du jour ; une di£
tradion
momentanée
n’annonce
point l’éclipfe
de la
raifon.
Auifi les Médecins déclarent-ils dans leur rapport « que
» depuis le 14 A vril il n’y a eu aucun nuage, M . le Pré» fident d’Abbadie ayant toujours joui de toute fa raifon
» 6c de fon bon fens , qu’il s’eft foutenu dans un calme
» parfait, jufqu’au 9 M ai inclufivem ent, jour où ils ont
» terminé leurs vifites ; que le bon état dans lequel ils
» l’ont laiifé a continué fans interruption depuis le 14
» A v r i l , n’ayant apperçu aucun figne d’altération dans fa
» raifon , quoiqu’il eût paffé de plufieurs jours l’époque de
» fa prétendue crife, à laquelle ils avoient dû s’attendre,
» depuis le commencement du mois de M a i, d’après les
» renfeignemens qui leur avoient été communiqués».
Cinq interrogatoires que M. le Préfident d’Abbadie a
fubis depuis le 14 Avril jufqu’au 18 M a i, ôc divers dires
qu’il a faits en l’hôtel du fieur Lieutenant Civil confirment
à cet égard le rapport des Médecins.
C ’efl à la vue de cette procédure , la plus longue 8c la
plus .complette qui ait jamais éré faite en pareil c a s , que
la Chambre du C onfe;l du Châtelet a rendu le 27 Juil
let dernier, d’une voix unanime, une Sentence qui décide
qu’il n’y a lieu a 1 interdiction de M. le Préfident d’A bbadie,
& qui lui donne a&e de fes offres, de ne pouvoir faire
aucuns adçs tendans a 1 aliénation de fes biens, qu’en préfence 6c du contentement de M e B a b ille , ancien BatonN
�5>8
nier des Avocats qu’il a choifi pour fon C o n fe il, comme
aufïi de Tes offres de faire emploi en préfence du même
C o n f e il , des fommes provenantes de la lucceffion du fieur
de Borda , à l’exception des intérêts, fruits 6c revenus dont
il s’eft réfervé la libre difpofition.
L e Marquis du Coudrai a ceffé fes
p o u rfu ite s
à la vue
de cette Sentence; Madame la Préfidente d’Abbadie feule
en a interjetté appel. V o ic i le quatrième combat que M .
le Préfident d’Abbadie eft forcé de foutenir contr’e l l e , ôc
le terme heureux de cette attaque fcan.'aîeuie dont
i’é p G u f e
d’un Magiftrat n’auroit jamais dû donner l’exemple.
L e premier foin de M . le Préfident d'Abbadie, après la
Sentence du C h â te le t, a été de réclamer fes enfans âgés
l’un de dix ans, l’autre de f e p t , pour leur donner une
éducation convenable. Une Ordonnance du fieur Lieutenant
C ivil l’a aurorifé à fe les faire remettre. Il s’eft tranfporté'
lui-même à cet effet dans la rraifondu feu fieur de B orda,
accompagné de deux Notaires ôc d’un Procureur au C h â
telet-; mais fa démarche a été vaine ; Madame la Fréfidente
d’Abbadie a également méconnu l'autorité paternelle ÔC
l ’Ordonnance du Magiftrat.
Q uelle fcène, M eilleurs, que celle qui s’eft paifée danscette
occafion ! ces enfans ont jetté des cris d’effro i, ôc ont
pris la fuite à la vue de leur père. Q u e l ennemi commun
a donc étouffé dans ces jeunes cœurs les fentimens naiifans de la confiance ôc de l ’ a m o u r filial ! quel forffle impur
y a éteint le feu facré de la Nature ! malheureux père ! il
va chercher fes enfans , & il a la douleur de les voir fuir
devant lui : il tend la main à l’un', il le tient, il le carreffe, ôc un Laquais audacieux s’efforce de le lui enle
�pp
ver^(i). C e n'étoic pas encore là le dernier malheur qui
lui étoit réfervé. Reftés au pouvoir d’une mère qui facrifie tout à e lle -m ê m e , ces enfans font à la fois les inftrumens & les vi&imes de fa cupidité : on les conduit
chez les Magiftrats : ils follicitent par leur préfence l’interdi&ion de leur père : ils demandent fans le fçavoir, d’être
flétris 6t profcrits avec lui ; & c ’eft une mère qui eft leur
interprête & leur organe ! . . .
Mais fon vœu ne fera
pas rempli : la loi vient au fecours de ces êtres innocens,
& prend foin de leur deftinée, en protégeant l’état de leur
père ?
M
O
Y
E
N
S
.
L ’interdi&ion pour caufe de démence eft; une dégra
dation to ta le , une efpèce de mort civile. L e citoyen in
terdit comme infenfé eft déchu de toutes les prérogatives
qu'il tient de la nature & de la loi ; il n’a plus que l ’ap
parence de l’hcm m e; c’eft un objet de dérifion & de mé
pris, un être pailif alfervi a une volonté étrangère, & dont
l’unique droit eft de recevoir des alimens qui prolongent
fa miférable exiftence.
Plus les effets de l’interdi£Uon font funeftes, plus l’ac
tion qui tend à la faire prononcer, eft odieufe. Il eft dans
l’ordre que le père de famille jouifle de fon é t a t , de fa
liberté, de fes propriétés : lui ravir cettz jouiftance eft un
a£te violent qui répugne à la nature , & que la loi ne per-
(1} Ce Laquais eft le nommé Ticrcelln , dont la femme eft F -mnie-deChambre de Madame la Prélidenre d'Abbadie , & dont le Père vu «ians le
P o ito u , des bienfaits de M. le Pré ident d’ Abbadie
N ij
�IOO
met qu’à regret. - C ’eft moins un bien qu’ un mal quelque
fois néceifaire, pour en prévenir un plus grand.
La demande à fin d’interdi&ion du m a ri, pourfuivie par
la femme feule, contre le vœu do la famille, bleife l’hon
neur du mnriage, feandalife les m œ urs, & doit exciter la
défiance de la juftice. L a Marquife de Cabris n’auroit pas
la curatelle du Marquis de Cabris, fi elle avoit confpiré
contre l u i , & cherché des moyens de le faire interdire. L e
titre d’époufe fufRfoit à fon cœur : ce n’a été que la larme
à l’œil qu’elle s’eit vue chargée du titre de curatrice : c’efl
principalement par le zèle avec iequel e le a pris la défenfe
de fon mari qu’elle a mérité Tcftime des citoyens & la
confiance des Magiftrats.
Mais combien une pourfuite de ce genre n’eft-elle pas
odieufe de la part d’une femme qui de tout temps a fait
le malheur de fon mari, qui a employé quatre ans à s’ar
mer contre l u i , & à faire les préparatifs de fon interdic
tion , qui s’eft fait autoriier par un certificat de Médecins
à l’ envoyer dans une maifon de fo r c e , qui l’a fait décla
rer fou
incurable en fon abfence , par un autre certifi
cat d'un M édecin qui, fuivant elle-même, venoit d^ pro
mettre fa guérifon totale , qui a fait fes délices de ce cer
tificat, & d’une correfpondance collufoire par laquelle fes
confidens, fes fuppôts, un Coch er même l’entretenoient
fans ceffe de la prétendue maladie de fon mari; qui, pour
l ’accufer de dém ence, a attendu qu’il.eût perdu fa mère &
fon o n c l e , & que fa fortune fc fût accrue de plufieurs mil
lions , qui a reconnu d’abord fa capacité pour adminiflrer,
en lui demandant le pouvoir de toucher ces millions, &
a affecté de ta méconnoître au (fi tôt qu’elle a vu qu’il vou-
�ÏOI'
loit les toucher lui-même & en faire un emploi utile ; qui
l a attiré en trahifon de Pau à Paris, pour le pourfuivre
à Pau à fon infçu , ôr a réuili à force d’intrigues à le faire
interdire par provifion , fur le feul avis d’une poignée de
parens & alliés éloignés &
de foi-difans amis;
rigueur
inouie à laquelle un Bedeau de l’Univerfité de Pau échapp o it, contre le vœu de fa famille, dans le temps même
où un Magiftrat du premier rang en étoit la v id im e ; qui
a ofé le tenir en chartre privée pour l’empêcher de fe
défen dre, & l’a privé des fecours néceifaires contre une
colique violente dont il étoit atteint ; qui s’eft emparée
clandeftinement de fes revenu s, qui le rend depuis deux
ans le jouet de l’ efpionage le plus hardi ôc le plus fean*
daleux, exerce fes enfans à jouer le rôle de folliciteurs
contre leur père , contre eux-mêmes , fait coniifter fon
honneur à les déshonorer, & femble ne pouvoir plus être
heureufe que par la profeript'on de fa famille. ?
Madame la Préfidente d’Abbadie croit elle donc que la
curatelle de M . le Préfident d’Abbadie lui feroit-déférée,
après des procédés aufii odieux, s’il étoit polîible que ce
Magiftrat fin interdit? N o n : nos loix feront m éconnues,
nos mœurs entièrement relâchées , toute idée de juftice
effacée de nos efprits, tout fentiment d’honnêteté éteint
dans nos coeurs, avant qu’une telle femme puifie être nom
mée curatrice de fon mari.
Si la demande à fin d’interdi&ion de M . le Préfident
d Abbadie eft odieufe par les circonftances qui l’accompa»
gn en t, elle eft aufii injufte en elle-m êm e,
fort qu elle
&
digne du
eu devant les premiers Juges.
11 eft évident que M . le Préfident d’Abbadie jouit de ia
�i6 i
rail fon1, ¿a qu’il eíl capable d’adminifirer fes biens.
Son état de raifon eft démontré par l’avis de fa famille,
par íes interrogatoires & par le rapport des Médecins.
Sa capacité pour adminiftrcr eíl une fuite naturelle de fon
état de
ra ifo n
; elle eft démontrée d’ailleurs par fon ad-
miniftration m êm e, par fes épargnes, parles acquiiitions
qu’il a faites depuis 1781 , époque à laquelle on fait com
mencer fa prétendue démence. Il n’a jamais a lié n é, il a
toujours acquis : que pouvoit-il faire de plus ?
Rappeliez-vous , Meilleurs, c e ta & e d’adminiftration quia
fuivi immédiatement le décès de Madame la Préfidente
d’A bbadie, m ère, arrivé dans le mois d’A oû t 1784; M .
le Préfident d ’Abbadie avoit alors en réferve fon revenu
d’une année, environ 40,000 liv. Il a employé près de
trente mille livres à acquitter des legs portés par le tes
tament de fa mère, quoiqu’elle lui eût accordé un délai de
quatre ans, pour payer les fournies principales & les inté
rêts. Ces deniers étoient oififs dans fa caiife; ils ont fervi
fur-le-champ à éteindre des intérêts onéreux ; & fon projet
é t)it d’employer fucceíTivement fes revenus à l’acquit des
charges de la fucceffion de fa m è r e , fans aliéner aucuns
fonds..Si un tel Adminiftrateur pouvoir être interdit, quel
eft l’homme qui feroit digne d’être fou Curateur?.
En vain dit-on que des interrogatoires peuvent ne mar
quer qu’ une raifon apparente, & qu’ils ne font pas toujours,
quelque raifontiables qu’i!s paroiifent,
taines d’ un état de raifon.
des preuves cer
U n , d e u x , ou trois interrogatoires peuvent être fubis
dans des moments lucides &. marquer plutôt le fommeil
�103
'de la f o lie , que le réveil de la raifon. Mais feize interro
gatoires, dont neuf font fubis dans l’efpace de cinq femaines, depuis le 29 D écem bre 178) , jufques au neuf Février 1 7 8 5 , dont plufieurs font fubis dans des jours choins
par la partie qui cherche à découvrir la prétendue démence;
tant d’interrogatoires q u i , avec une foule de dires perfonnels embraifent un efpace d’environ cinq m o is , ne peu
vent pas être des fignes douteux de la raifon qu’ils an
noncent; la raifon qui fe foutient fi long tem ps, ôc qui
réfifte à une telle épreuve , doit être réelle ôc folide. D eu x
Médecins qu i, après avoir vifité M. le Préfident d’Abbadie
pendant foixante huit jours confécutifs, ont atteilé fous
la foi du ferment, que fon état habituel eft un état de raifon,
n’ont pas pris l’apparence pour la réalité ; ôc vous-mêmes,
Meilleurs, avec qui M. le Préfident d’Abbadie a eu l’honneur
de converièr en follicitant votre juftice , vous favez fi fa
raifon eft une lueur trompeufe, ôc fi elle ne reifemble pas
à celle des autres hommes.
Si fa conduite étoit infenfée, on auroit un prétexte
de dire, que la raifon qui règne dans fes interrogatoires,
n’eft qu’une raifon apparente : mais il agit mieux qu’il
ne parle, il adminiftre mieux qu’il ne raifonne , ôc des
hommes à qui la nature a prodigué fes dons, les plus
brillans, pourtoient prendre de lui des leçons de fageiTe
ôc d’écunomie.
Il
a eu des momens de trouble ôc d’agitation , cela,
eft vrai; mais ces momens dans lefquels fa raiion ne
s’eft pas éclipfée , ainfi qu’il eft démontré par fon dire
du 12 Avril ôc par fon interrogatoire du 1 3 , ets m om ens,
difons-nous, forment un
accident indifférent pour ion
�,04
. - adminiftration, & non pas un é ta t, & c’eft l’état que la
L o i confulte en matière d’interdi&ion, & non pas l’ac
cident.
L a démence eft une maladie perpétuelle de fa nature.
On
ne met. pas au rang des foux ceux qu’une fièvre
éphemère jette dans le délire, ni ceux dont la maladie
connue fous le nom de vapeurs, trouble de temps en
temps la mémoire & la raifon, ôc ce n’eft qu’à ceux en
qui la démence eft une maladie -habituelle & perpétuelle
de fa nature, que la L o i donne des Curateurs. M enti
captisi & mutïs & fu r dis
& qui perpetuo morbo laborant
,
Curatores dandi fu u t. C ’eft la difpofition des Inftitutes,
liv. 1 , tit. 23 , § 4.
E t comment feroit-il poflTible de regarder comme infenfé
un homrre
que des preuves confiantes &
multipliées
font voir dans un état habituel de raifon? l’accident du
moment où fa raifon fe trouble fans s’éclipfer, l’emporteroit-il donc fur l’état confiant & habituel où elle fe
montre fans aucun nuage , & quand la nature laiiïe un
fi grand intervalle entre un homme habituellement fou
qui a des momeos lucides, ôr un homme habituellement
calme
& raifonnable qui a quelques infians d’agitarion,
la Loi les confondra t-elle dans le jugement qu’elle portera
fur leur co m p te, & leur fera-t-elle fubir le même fort?
Q uelle feroit la condition de M. le Préiïdent d’ Abbadie,
s’il étoit interdit fous prétexte que dans un long efpace
de temps pleinement éclairé par fa raifon , il fe feroit
ren co n tré
un
ou
deux jours, pendant lefquels il auroit eu
quelques idées moins claires & moins ln.vnneufes! il fentiroit
toute l’horreur de fon éta t, il gémiroit fans cefle fous
le
�Tô*
le poids de fes chaînes, il feroît en proîe au défefpoir.
Peignez-vous, M eiïïeurs, le
fupplice d’un homme qui,
pour une légère indifpofition fe
verrôit enterrer tout
vivant: tel feroit le fupplice de M . le Préfident d’A bbadie, fi dans l’état où il eft il fe voyoit dégradé de
l ’efpèce humaine, & traité comme un vil automate qui
n*a en partage ni le fentiment ni la raifon.
E t pourquoi M . le Préfident d’Abbadie fubiroit-il cette
dégradation flétriffante ? feroit-ce parce que dans quelques
înitans fa raifon auroit eifuyé une agitation paifagère ?
mais la L o i voit d’un œil indifférent les variations de
Tefprit humain, lorfqu’elles ne portent aucune atteinte ni
à l'ordre Public, ni au bien des familles. Q u ’un homme
parle peu ou beaucoup ,
que ià parole foit lente
ou
rapide, que fes idées foient touiours claires & juftes, ou
quelquefois obfcures &
inconféquentes : peu importe,
pourvu qu’il fâche gérer fes affaires : c’eft tout ce que la
L o i exige pour le maintenir dans cette geftion. Si elle
donne un Curateur à un infenfé, c’eit uniquement parce
qu’il eft incapable d’adminiftrer fon bien : Mente captis
& qui perpetuo morbo laborant
, quia
, Curatores dandi Junt, C e
rebus fu is fuperejje
n’eft que rtlativeme: t
à i’adminiflratioti que la L o i examine les facultés ifitelle&uelles de l’homme. S ’il étoit un genre de folie com
non pofjunt
patible avec une bonne adminiftration, celui qui en feroic
atteint ne pourroit pas être interdit.
L ’inftruttion faite au Châtelet pendant près de cinq
m o is, depuis le
D écem bre 1 7 8 ) , jufques au 18 M ai
1786, fixe le dernier état de M . le Préfident d’A bbadie,
qui eit celui fur lequel la Cour a à prononcer. Q u e
O
�10 6
trouvons-nous dans ce long intervalle ? nous trouvons
deux jours du mois d A v r i l , le 12 & le 13 j pendant
lefquels fon efprit a été agité : mais dans ces jours là
mêmes fa raifon étoit dom inante, fuivant le rapport des
M é d e c in s, & comme il eft démontré par fon dire du 12 ,
&
par fon interrogatoire du
13. L a queftion à juger
dans cette caufe eft donc de favoir fi M . le Préfident
d’Abbadie doit être regardé comme incapable d’adminiftration, fous prétexte que fa raifon a efluyé une agitation
paflagère pendant un ou deux jours, dans un efpace d’en
viron cinq mois. La fjlution de cette queftion eft facile,
& la feroit également dans le cas même où cette agita
tion feroit plus fréquente , & fe renouvelleroit tous les
mois ,
hypothèfe qui eft pleinement démentie par la
procédure.
D ’abord la raifon de
M . le Préfident d’Abbadie ne
s’éclipfe point dans ces momens d’agitation. L e rapport
des Médécins le conftate ; le. dire du 12 Avril & l’inter
rogatoire du 13 le démontrent. Les foins domeftiques
pendant un ou deux jours
n’exigent pas des lumières
plus étendues que celles qui fe manifeftent dans ce dire
& dans cet interrogatoire. O n voit dans le rapport des
Médecins un fait décifif à cet égard , & digne de la
plus grande attention : » C ’eft que dans le fort d’une crife
» on a préfenté un mémoire d’ouvrier à M . le Préfident
» d’Abbadie, qui l’a lu attentivement, en a calculé le
» montant, & a répondu fur le cham p, que ce n’étoit
» pas là le réfultat de fes conventions, qu’il y avoit une
7> grande différence du prix convenu,
» term iner,
on
n avoit qu’à
donner à
mais que pour
l’ouvrier telle
�107
j*
fomme dont il devoit être content».M . le Préfident d’A b-
badie feroit donc capable de gérer fes affaires domeftiques
même dans le cas d’une maladie accidentelle femblable
à celle des 12 &
13 A vril dernier.
D ’ailleurs, les foins perfonneb du père de famille ne
font pas de tous les inftans, ni de tous les jours. Il n’en
efl aucun dans la clafïe où fe trouve M . le Préfident
d’Abbadie, ni même dans des clalTes inférieures, qui ne
paife plufieurs jours dans chaque m o is, fans s’occuper de
fes affaires domeftiques, & qui n’en confie le détail à
des fubalternes qui lui en rendent compte à des époques
marquées. M . le Préfident d’Abbadie feroit donc capable
d’une bonne adminiftration , quand on fuppoferoit que
tous les cinq m ois, tous les deux m ois, même
tous
les mois, il eifuyeroit pendant un , deux &c trois jours
une agitation femblable à celle qu’il a eifuyée les 12 &
15 Avril dernier. Une fuCpenfion momentanée de fes foins
perfonnels ne troubleroit point le cours de fon adminif
tration , qui feroit habituellement éclairée par fa raifon,
& n’en derangeroit point l’économie.
Q uel accident peut-on craindre pour la fortune de M .
le Préfident d’A b b a d ie, dans le cas où l’agiration des
12 & 13 A vril dernier viendroit à fe renouveller ?
Craint-on qu’il n’aliene fes fonds, ou
qu’il
ne les
engage par des obligations, des billets, ou des lettres
de change? mais outre qu’il n’a jamais aliéné,, qu’il eit
dans 1 habitude dacquérir, il fe foumet à un c o n fe il, fans
lequel il ne pourra, comme il efl porté par ia Sentence
du Chatelet, confentir aucuns a£tes tendans à l’aliénatioq
de fes biens.
O ij
�io8
Craint-on qu’il ne diflïpè l’argent comptant qu’il aura en
main? mais il n’a
l ’habitude de
réferve au
ja m a is
fa ire
r l.o is
dilfipé , il eft au contraire dans
des épargnes. Il avoit 40000 livres en
d’Aoû t 1 7 8 4 , & il en a employé la plus
grande partie à acquitter d’autant les charges de la fuccefiïon de fa mère. Un homme qui a été économe jufqu’à
l’âge de f o ans , ne devient pas tout-à-coup prodigue
& diifipateur. D ’ailleurs la crainte d’une diifipation future
ne doit pas produire une interdi&ion anticipée.
Craint-on enfin que l’argent comptant qu’il aura en
main ne lui foit volé ?
Mais le crime ne fe préfume pas, ôc perfonne n’ eft à
l ’abri du vol.
Si
dent
quelqu’un entreprenoit
d’Abbadie
de
voler
M . le
Préfi
en fa préfence , même en temps
de
m aladie, il s’en appercevroit, ôc il tâcheroit de prévenir
le vol. Il étoit malade le p Septembre 1781 , à fon paflage
à Poitiers, fuivant l’énoncé
des deux quittances de la
fomme de 20000 livres, que Madame la Préfidente d’A b
badie s’eft fait remettre par
le Regiffeur, A-t-elle ofé
toucher cette fomme en préfence de M . le Préfident
d’Abbadie ? N on : elle a donné un rendez-vous fecret au
R égifieur; elle l’a fait cacher dans la ru e lle , au premier
bruit qu’elle a entendu dans la chambre de fon mari;
elle a pris les facs fans compter les efpèces, de peur
que le fon des écus n’interrompît le fommeil de M . le
Préfident d'Abbadie, ôc ne l’attirât dans le lieu où elle
s’emparoit de fes revenus. M . le Préfident d’Abbadie ne
pourroit do n c pas être volé ‘en fa préfence, même e a
temps de maladie, fans qu’il s’en apperçût.
�*0ÿ
S ’il étoit volé en fon abfence , ce qui peut arriver à
tout le monde , il ne tarderoit pas à s’en appercevoir.
I l s’eft bien apperçu que Madame fon époufe lui avoit
fouftrait 35,000 livres le 8 N ovem bre 1 7 8 3 , lorfque le
fieur Olivier lui a porté cette fotnme en dépenfe dans
fon compte du 10 du même mois, comme remifeà Madame
d’Abbadie ; & dès le lendemain, il en a pourfuivi la reftitution contre le Pieur Olivier. Il mandoit de fon Château
d’Ithorots ,a u fieur Louftau , par fa lettre du 28 N ovem bre
1 7 8 4 .,aprèsdaux mois d’abfence de la V ille de Pau ; qui i
t>trouveront
dans un petit tiroir de fon fecrèt a ire , à gauche,
» du côté de la porte de la bibliothèque , un billet du fieur
» de Beaurégard , de la Jommc de 8000 liv. fou s une enve» loppe. N ’eft-il pas évident que fi ce billet lui avoit été
volé pendant fon abfence, il fe feroit apper^u du vo l ?
L es biens-fonds & l’argent comptant font donc en sûreté
dans les mains de M . le Préfident d’Abbadie , comme il»
le feroient dans celles de tout autre adminiftrateur : ce
Magiftrat feroit-il donc interdit fous prétexte de quelque
agitation pailagère qui ne feroit aucun préjudice à fon
adminiflration ? Mais le Juge qui interdit un citoyen pour
caufe de d é m e n ce, n’eft que l ’organe de la L oi qui a pro
noncé d avance cette interdiction , & la L o i n’interdit que
celui que la privation de la r.aifon rend incapable d’adminiftrer par lui-même : quia rcfîus fu is fupereffe non poffunt
iuratores dandi Jutit. O r , il eft démontré par les interro
g a t o i r e s ^ p a r le rapport des M éd ec in s, que M . le Pré
sident d’Abbadie eft dans un état habituel de raifon , &
par une longue expérience , qu'il eft capable d’adminiftrer
par lui-même» Il n eft donc pas poflible de l’interdire.
�La jurifprudence de la Cour confirme à cet égard la
difpofition de la L o i , & des exemples anciens & récens
font des garans certains que M . le Préfuient d’Abbadie
ne fera pas interdit.
L es gendres de la Dame de Saintot l’avoient fait interdire
par les premiers J u g e s , fous prétexte d’une m élancolie,
qui
depuis quelques années avoit troublé fon «fprit &
affoibli fa Mémoire , ce qui leur faifoit craindre qu’elle
ne difposât de fon bien à leur préjudice. Un arrêt du
12 Février 1548, rapporté par S o e f v e , Centurie 2 , ch. 64 f
infirma la Sentence d’interdiftion ; & pourquoi ? « Parce
» qu’on ne voyoit point , dit l’Arrêtifte, que la Dam e
» de Saintot eût encore fait aucune diffipation de fon bien,
» & qu’il n’étqit pas jufte que des enfans demandaiTent
» l’interdi£tion de leur mère fur la feule crainte qu’ils avoient
» que dans cette mélancolie elle ne vînt à difpofer de fes
» biens mal-à-propos ; une interdiction ne pouvant jamais
» être fondée fur ce qui peut arriver , mais fur ce qui efl
» arrivé auparavant qu’elle ait été demandée & pourfuivie
» en juilice.
L e fieur Fourneau DucaiTeul étoit plongé depuis plus
de trente ans dans une yvreife journalière qui troubloit
fa raifon : fes proches detnandoient fon interdi&ion fous
ce prétexte. Mais il n’avait pas di(fipé, & il a été main
tenu dans fon état par un arrêt du 1 1 Juillet 178 6.
Une habitude de trente ans eft une fécondé nature ; un
homme dont une liqueur étrangère rouble journellement la
raifon depuis plus de 30 ans eit moins capable d’adminiftrer
que ne le feroit un homme en qui une humeur naturelle pro
duiront de loin en loin pendant un ou deux jours feule
�L I1
ment
une révolution femblable à un
commencement
d’yvreife, & affimiler à cet état celui où M . le Préfident
d’Abbadie écoit les 12 &
13 Avril dernier, ce feroit le
juger avec plus de rigueur que ne le permettent le dire
du 1 2 , & l'interrogatoire du 13.
Si la C o ur a épargné en
1648 &
en 1786 le coup
de l’interdi&ion à des gens de la claiTe com m une, dont
la raifon étoit moins faine que celle de M . le Préfident
d’Abbadie , & dont la feule défenfe étoic de dire qu’ils
rfavoient point difl/pé , peut-on croire qu’elle interdira ce
Magiftrat qui a fait des épargnes & des acquifitions , ôc
qu’elle frappera fa perfonne d’une fiétrifiure en quelque
forte héréditaire, fans aucune néceflité.
Je dis , fans aucune tiécejjiiê , & c ’eft ici mon dernier
argument que je vous fu p p lie, M elïieurs, de faifir avec
toute l'attention que mérite l’importance de cette caufe.
L ’interdi&ion d’un citoyen ne doit être prononcée que
lorfqu'elle eft d’une nécefiité abfolue pour la confervation
de fa perfonne & de fes biens.
O r , il n’y a aucune néceiTité d’interdire M. le Préfident
d’A b b a d ie , ni pour la confervation de fa perfonn e, ni
pour la confervation de fes biens.
N ulle nécellitd d’interdire M . le Préfident d’A bbadie,
pour la confervation de fa perfonne : ce point eft établi
par l'aveu même de Madame d’A bbadie, & par une longue
expérience.
Madame d’ Abbadie déclare dans fon Mémoire imprimé
nu Chatelet, page 114., « que fi M. le Préfident d’Abbadie
» lui a voit envoyé fa procuration, à l’effet de le repréferxer
» p ar-tou t, on auroit eu tout ce qu’on pouvoit attendre
�» d’une interdiction, & que feulement on s’en feroit épar» gné les ddfagrdmens ».
O r , la p r o c u r a t i o n qui auroit rendu l’interdi&ion inutile
,
de l’aveu de Madame d’A b b a d ie , ne lui auroit donné
aucun
fident
p o u v o ir
fur la perfonne de fon mari ; M . le Pré-
d’Abbadie feroit refté en Béarn , maître de
fa
perfon ne, tandis que Madame d’Abbadie feroit reftde à
Paris maîtreife de
ià
fortune , en vertu de fa procuration
:
l’interdiction n’eft donc pas ndceiTaire, de l’aveu même
de Madame d’Abbadie , pour la confervation de la per
fonne de fon mari.
D ’ailleurs, une longue expdrience démontre que M. le
PrdftdentdÀ’bbadiefaitadminiftrerfa perfonne.Depuis 1781
qu’il a continud d’être maître de lui-même , il ne lui eft
en core
arrivd aucun accident fâ c h e u x , & depuis deux ans
qu’il a quittd une dpoufe devenue fa perfdcutrice , fa fantd
eft plus robutfe, & fa perfonne eft en meilleur dtat.
* N ulle ndceifitd d’interdire M . le Prdfident d’Abbadie
pour la confervation de tes biens.
Il fe fo u m e t, par une prdcaucion furabondante, d’un
c ô t e , à faire emploi de toutes les fommes mobilières
provenantes de la fucceifion du fieur de Borda, & d’un
autre côtd , à ne pouvoir paifer aucuns a£tes tendans à
l ’aliénation de fes biens que de l’avis d e M c Babille , ancien
Bâtonnier des Avocats qu’il a ch o ifi, & que la Sentence
du Châtelet lui a donnd pour confeil.
M ais, dit-on, que deviendront les revenus dans les mains
de M . le Prdfident d’Abbadie?
Je demande d’abord moi-même ce qu’ils deviendroîent
dan* les mains de Madame d’Abbadie,
Tout
�, . 1 1 ?
,
X o u t le mond.e.répo nd'^qu’ejle les. employ eroit largement
à fés beibins & à fes plalilrs% "¿c* periorme n’eft dupe de
l ’offre dérifoire .qu'elle vient de faire en la C o u r , d’employer
l ’excédent des revenus, de l’avis d e M e Hutteau fon confeil.
A coup sûr, ,M e Hutteàu auroit été confijlté plus fouvent
fur un emploi de ce g e n r e , s’il avoit continué d’être le
Confeil de M . le Préfident d’Abbadie.
M . le Préfident d'Abbadie fera de fes revenus ce qu’il
jugera à propos. Il pourvoira aux befoins de fon époufe ;
c ’eft tout ce qu’elle a droit d’exiger; il n’épargnera rien
pour l’éducation de fes enfans ; il eft bon m a r i, bon
père : 40000 liv. qu’il avoit en réferve en 178.4, lorfqu’il
ne jouiifoit que d’environ. 40,000 livres de rente , & les
acquifitions
qu’il a faites depuis
1781 , prouvent cju’il
fçait trouver de l’excédent dans fes revenus, & l ’employer
d’une manière utile. C e que Madame d'Abbadie promet
de faire , M . d. ’Abbadie l’a déjà fait.
E t quand il feroit certain qu’il dépenfera fon re v e n u ,
feroit-ce un m otif pour l’interdire? Les fruits ne font-ils pas
eonfacrés à la jouiifance du père de fam ille, & a - t - o n
jamais interdit un m ari, de peur qu’il ne donne à fon
revenu une deftination arbitraire & indépendante de.»
goûts & des caprices .de. fa femme ?
M . le Préfident d’Abba die jouit de fa raifoh : fes
interrogatoires & le rapport des Médecins le prouvent ■
:
il eft bon adminiftraceur, fes épargnes & fes acquifitions
le démontrent. Il a clioifi. d’ailleurs. M c Babille pour fon
C o n fe il; fon adminiftration aura pour g u i d e 'l ’expérience
la plus confom m ée, & la fpgefle fera déformais la com
pagne de fa raifon.
Répétons en finiiTant ce que nous diiions l’année dernière
au Châtelet.
P
�'r i4 '
Q u e Ta. deftinée de M . le Préfident d’Abbadie eft cruelle]
Sa vie n’eft depuis, fon mariage qu’une chaîne d’épreuves
affligeantes dont la dernière tend à le dégrader & à le
plonger dans-un abîme de misère.
Il eft attaqué par un parti qui a confpiré fa perte ; &
qui voit-il à la tête de cette confpiration ? Son époufe.
Une époufe*. dans le choix de laquelle il a facrifié les.
convenances
de. l’in térêt, pour fuivre aveuglément le
penchant de fon cœur.
Une é p o u fe , qu’il a comblée de libéralités dans fon
cortrat de mariage, & qu’il auroit rendue heureufé,, fi elle
avoit fçu l'être.
T u n’as, lui dit-elle, que les dehors de l'homme :I’inftih£t.
aveugle a pris dans ton ame la place de la raifôn.
N o tre condition eft changée : je ferai déformais maîtreiTè
de m oi-m êm e, & tu relieras fous ma puiifancei
Abandonne ces richeiTes que la fortune vient d’accu
muler dans tes mains : c’eft moi qui dois-en avoir la jouitfan ce, c’eft à moi à régler la mefure de tes befoins.
Defcends du rang que tu occupes parmi les Miniftres
de la loi : ta Magiftrature eft finie, le fanûuaire de la juftiee
ya fe fermer fous tes pas.
R en on ce à tes enfans : il craindront de t’appeller leur
p è r e , & ils rougiront de te devoir la naiflance.
T u n’es plus citoyen : la fociété te proferit & te rejette
de fon fein.
T u n’as qu’une exiftence paifive, & le reffe de ta vie ne
fera qu’une mort anticipée.
Il
entend ce langage : il frémit au fëul fouvenir de celle
qui- ofe l’outrager & le menacer ainfi. L e paiTé femble revivre
pour fon fupplice; les peines qui ont empoifonné le cours
de fa viÇ y fe raifetnblent maintenant danrt fon ame > & la
�11*
'déchirent foutes à la fois. Son courage ne l'a cependant pafc
abandonné : il a fubi pendant cinq mois l’épreuve humiliante
à laquelle il a été aflujetti : fouvent il a prévenu lui-même
le Magiftrat; il eft allé lui faire voir la iktiation de fon
efprit & lui découvrir fon am e, cette ame qu’aucun méfait
n’a jamais fouillée, & qui ne cotinoît p oin tée remords;
il penfe, il raifonne, il fentr, il exprime; quiconque l’en*tend partage la douleur dont il eft pénétré, &. fes perfécuceurs, pour avoir l’air de l’immoler i.ns .finrc, feignent dô
croire qu’il eft infenfible au mal qu’ils lui font.
Ihfôrtuné Magiftrat ! . . . que deviendroit-il, fi les loixpouvoient fouifrir cet affreux facrifice !
l i e Certificat-du 0. Mai 1783 , qui autorife fon épouie
à employer la force contre l u i , fort dans fa maifon, foit
dans une maifon publique, à fon choix ; le certificat du 6
Février 1784., par lequel elle l’a fait déclarer fou incu
rable, contre fa convi£tion intime, contre l’évidence même;
la chartre privée où elle l’a tenu , & l’abandon où elle
1-a làiifé une nuit entière au milieu des dbuleurs les plus
aiguës-, font le p ré fa g e effrayant du fort qui lui eft réfervé.
R elégu é dans une maifon de force', ou détenu dans la
fienne , il ne jouiroit plus à-fon gré ni du ciel qui l’écla ire,
ni de 1-air qu’il refpire , ni de la rerre qur s’offre fous fes
pas ; la nature entière difparoîtroit à fes yetrx : fe u l, faiiî
parens, fans, amis-, étranger à tout le monde &
charge
à lui-même, il chercheroit vainement autour de lui des
êtres fenfibles auxquels il pûft fe plaindre, ôt qui priifent
part a fe’s peines. Jamais la' voix confolante de l’humanité
n e frapperoit fon oreille & ne fufpendroit le cours de &
douleur. Il n entejidroit que les infultes ôc les menaces dea
tyrans mercenaires qui s’attacheroient à fa perfonne, ôcdonc»1 feroit le jouet. & la vi&ime. L a m o r t.......... la mort trop
�i
\6
lente pour fes befoins feroit fon unique _efpérance ; elle
feule pourroit brifer fes chaînes & mettre fin à fon mal
heur.
L ’idée de cette fituation, quelque affreufe qu'elle fo it5
n’eft pas c e qui l’affecte le plus dans ce moment : il eft pere :
fon cœur fe déchire au fouvenir de deux enfans dont la
deftinée eft attachée à l a fienne, & que le préjugé envelopperoit dans fa profc ription. i l fent redoubler fon courage
en fongeant au malheur dont ils font menacés : ce feroit
peu de leur laiff er une grande fortune, s’il leur laiffoit en
.même temps un nom flétri & déshonoré : il l ’a fignolé ce
nom par d’affez grands facrifi ces , pour qu’il doive être
jaloux de le conferver fans tache : les prifons de la baftille
dépofent de fon dévouement généreux au milieu des révo
lutions publiques.; les regiftres de la Cour confacrent les
,
efforts de fo n zele pour le bien du fervice du R o i & pour l'hon
neur de la Magift rature : c eft cet honneur qu’il veut fauver
comme le .patrimoine le plus précieux de fes enfans;; en
combattant pour lui-même contre fon époufe, il .combat
pour eux contre leur mere : il défend trois victimes qu’elle
s’efforce d’immoler à la fois; mais après qu’ils auront triom
phé de ce péril com m un, il leur apprendra à oublier les
erreurs de celle; qui leur donna le jo u r, & à lui rendre le
bien pour le mal qu’elle n’aura pas pu leur faire.
M onfieur S E G U I E R , Avocat Général.
Me B E R G E R A S , A vocat.
1
A Paris, chez K N A P E N
J u l h i a r d , Procureur.
;
& F ils , Lib.-Im pr. de la
C o u r des A i d e s , au bas du Pont S, M ic h e l, 1 7 87.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Vernet
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_V0102_0001.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. D'Abbadie. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Seguier
Bergeras
Julhiard
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
traitement par électricité
psychiatrie
divorces
maison de force
successions
conseils de famille
abus de faiblesse
violences sur autrui
certificat médical
témoins
experts
Description
An account of the resource
Plaidoyer pour monsieur d'Abbadie, conseiller-honoraire au Parlement de Paris, président à Mortier au Parlement de Navarre. Contre madame la présidente d'Abbadie, son épouse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Knapen et Fils (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1781-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
117 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0105
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0106
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53980/BCU_Factums_V0105.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Pau (64445)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
certificat médical
conseils de famille
curatelle
démence
divorces
experts
maison de force
psychiatrie
Successions
témoins
traitement par électricité
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/17/53981/BCU_Factums_V0106.pdf
26faad0fe7621e18785ae1baded40915
PDF Text
Text
REPLIQUE
P O U R
M .D
'
A
b b a d i e
,
Confeiller - Honoraire au
Parlement de Paris, Préfident à Mortier au Parlement
de Navarre.
C O N T R E
Madame
la
P r éfidente D ' A b b a d i e
fon
E poufe.
M
U
n
e s s i e u r s
,
Citoyen R om ain, qui avoit mené une vie paifible
voyant fon nom écrit fur les tables fatales qui annonçoient
les p r o f i t i o n s , s’écria avec douleur: « Malheureux que
» je fuis ! c’ef t ma belle maifon
» mourir ».
d’A lb e qui me fait
M . le Préfident d Abbadie s’écrie aujourd’hui dans une
A
Farlem ent de
P aris.
G rand’Chambre.
�2
iituation
non
moins affligeante : « M alheureux que
» fuis ! c’eft ma fortune
qui fait de
» enaem ie
qui
m o r t e lle ,
&
ma femme
l’excite à
demander
je
mon
ma
» profcription ».
L e s faits de la C aufe ne juftifient que trop cette exprcffion de fa peine , ce cri de fa douleur*
L e plan de M adam e la Préiidente d’À lb a d ie fe réduit
à ces deux points:
« Je fu is , d it-elle, exem pte de reproche.
» E t mon mari eft infenfé ».
L a défenfe de M . le Préfident d’A bbadie roule fur les
deux points contraires.
« M o n époufe , d it -il, eft grièvem ent coupable envers
» moi.
» E t je jouis de ma raifon ».
R é ta b liro n s ces deux p o in ts , & ramenons-y toute la
Caufe.
Il n’eft pas inutile de retracer les torts de M adam e la
Préfidente d’A bbadie envers fon mari : les uns ont dcd le
prélude & les préparatifs de fon a£tion ; les autres
en
décèlent les motifs ; tous c o n c o u r a ie n t à la faire exclure
de la curatelle de M . le Préfident d’A b b a d ie , fi ce M agiftrat avoit befoin d’un curateur.
I*r«mier tort.
premier
tort de M adam e d’A b b a d ie
eft
d’avoir
rendu dans tous les te-nps fon mari malheureux.
M . le Préfident d’A bbadie a fait entrevoir une partie de
fes malheurs d om eftiqu es, en l'hôtel du fieur Lieutenant
C i v i l , dans fon dire du 27 Septembre 1 7 8 ; .
�3
E n vain obje&e^t-on que ce dire étoit écrit d’une main
étrangère. Il avoir été écrit fous la di&ée de M . le Préfi
dent d’A bbadie ; & le procès-verbal conflate qu’il a réfuté
lui-même cette obje& ion , en déclarant Jeul & fans l’ajjîjtance, de fon Procureur, q u il p erfifoit dans fo u dire.
L e dire du 27 Septem bre 1 7 8 ; n’ efi. donc pas, com m e
o n l a plaidé , l’ouvrage d’une
l ’ouvrage de M . le Préfident
volon té étrangère ; il eft
d’A b b a d i e , &c une foible
expreflion de fes malheurs.
O u b li des égards qui lui étoient dus ainfi qulà fa m ère;
mépris de fa perfontie ; contradiftions perpétuelles ; nécefiité de vivre féparément : voilà d’après le dire du 27 S e p
tem bre 1 7 8 ^ , c e que M . le Préfident d’A b bad ie a trouvé
dans le mariage.
I l s’eft expliqué un peu plus ouvertem ent dans fes in
terrogatoires.
Il dit dans celui du. 29 D é c e m b re 178J : « Q u ’il eft
» bien aife de prouver à M adam e d’A b bad ie qu’il n’a pas
» befoin d’elle pour fe maintenir en bonne fanté ». D ans
celui du j Janvier 1 7 8 5 : « Q u e M adam e d’A bbadie eft la
» caufe dè tous fes chagrins ; qu’il confent à lui donner
» dix mille livres par année pour vivre clans un c o u v e n t» .
Dans celui du 13 Janvier : « Q u ’il ne croit pas Être o b ligé
» de faire de plus grands avantages à une fem m e qui le
» perd de réputation ; qu’il la difpenfe de fon attachem ent».
Dans celui du 1 7 , «qu’il lifoit (à l’arrivée du fieur Lieutenant
» C iv il à Vitry)le M ercure de F ra n ce dans lequel étoitjriiif» toire d u n e femme qui avoit empoifonné fon m ari, &
» qu à cette occafion il s’étoit livré à quelques réflexions chaA ij
�4*
» grines, fur les malheurs que les maris font fujetsà éprou» ver de la parc de leurs fe m m e s , & fur fa propre fitua» tion ». Dans c e lu i du 22 avril , il s’écrie : « C om m e n t
» ne pas tenir rigueur à uue fem m e qui deshonore fon
» m ari, qui lui fufeite une affaire dont l’éclat le met hors
d’état d’exercer aucune
fon& ion ! enfin dans celui du 18
M a i , il répond : « qu’il perfifte dans tout c e qu’il a déjà
» dit, ( concernant la peniion de Madame d’A b b a d ie , & fa
» retraite dans un c o u v e n t ) , que le iieur Lieutenant C iv il
» eft trop prévenu en faveur de ladite d a m e , que d’après
» la conduite qu’elle a tenue à l’égard de lui répondant
» tant à Pau qu’à P a ris, & les chagrins domeiUques qu’elle
» lui a ca u fé s, il fe croit en droit de fe tenir éloigné d’e lle ;
» que c’efl: le feul m oyen qu’il ait de rétablir parfaitement
» fa fanté, qui n’a été altérée que par les peines &
les
» inquiétudes qu’elle lui a caufées ».
C e s réponfesne font point l’ouvrage d’une volo n té étran
gère: M . le Préiident d’A b bad ie étoit feul a v e c le M agiftrat,
lorfqu’il les faifoit.
V ou le z-v o u s révoquer en doute ces plaintes modérées
qu’ une douleur profonde arrache au plus patient & au plus
d ou x des hommes ? E c o u te z du moins la M arquife du
C o u d r a i , fa focur, qui ne peut pas vous être fuipe&e.
« T o u t e s vos peines, lui dit-elle dans fa lettre du 27
» N o v e m b r e 1 7 8 4 , au paiTé
,
a u
p ré le n t
ôc a 1 a v e n ir , ont
» é t é , font ôc feront toujours les miennes par mon atta» chem ent pour: ma famille ,
et
pour
vous
en
p a r t i-
» CULIER » .
E c o u te z les parens & amis de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
notamment le fieur de Joantho , fon coufin germain , adi*
�s
gné par vous co m m e par l u i , & que vous n’avez fufpe&é
Il vainement à la dernière a u d ie n c e , que parce qu’il vous a
rendu juftice à l’un & à l ’autre. C es païens & amis parlent
dans leur avis des chagrins de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
& des peines domeftiques auxquelles il a été en proie.
V o u s précendez prouver fon bonheur , par les
lettres
qu’il vous a écrites de Paris en 1781 ? Il eft vrai qu’il les
com m ence toutes ,
en vous appellant f a chere fem m e,
com m e vous l’appeiliez votre, cher mari, & qu’il les finit en
vous aflurant d e ¿’attachement a v e c le q u e lil eft tantôt tout à
vo u s,
tantôt votre très-humble, ferviteur. U n mari bon par
caractère, & qui feroit heureux par fa fe m m e ,
n’auroitil
donc jamais d'autre nom à lui d o n n e r , d’autre fentiment
à lui offrir ?
E n fin , vous invoquez la naiiTance de vos deux enfans
com m e une preuve du bonheur de votre mari. C e tte nai£fance prouve bien que M . le Préfident d ’A b bad ie eft p ère;
mais elie ne prouve pss qu’il foit heureux époux.
Q u e lle circonftance choifiifez-vous pour vanter le b o n
heur paiTé de M . le Préfident d’A b b a d ie ? C e l l e où vous
travaillez à le rendre le plus miférable des hommes. A h !
la pourfuite de fon interdiction ne peut pas être le premier
tort que vous ayez eu envers lui. C e n’eft que par dégrés
qu’une femme bien née acquiert l’affreux courage d’atta
quer ouvertement l’état de fon m ari, & de b r a v e r ,
vous faites depuis deux ans , la^cenfure publique,
comme
L e fécond tort de M adam e la Préfidente d’A b bad ie eft
de s être emparée à P oitiers, le 9 Septem bre 1781 , d’ une
fom m e de 20,000 liv. qu’elle s’eft fait remettre clandefli-
Sccond torr.
�6
nem ent par le R égiffeu r de fon m a r i, qui fe retiroit avec
elle en B é a r n , fous prétexte qu’il étoit m alade, & hors
d’état de donner quittance de cette fomme.
Ajoutons 2 1 3 6 liv. que M adam e d’Abbadie avoit reçues
à Paris au m om ent de fon d é p a rt, co m m e elle le déclare
dans fon M ém oire imprimé au C h â t e le t , pag. 149.
E lle avoit donc fait au mois de Septem bre 1781 une
recette de 2 2 13 6 liv.
Jettons maintenant un c o u p - d ’œil fur la dépenfe.
M adam e d’Ab bad ie porte d’abord en dépenfe une fom me
d e j o o o liv. pour frais de voyage.
C e t article ne doit pas être alloué.
M adam e d’Ab bad ie eit partie de Pau au mois d’août
1 7 8 1 , pour venir joindre fon mari à Paris, & pour retourner
ave c lui en Béarn. Sa belle-mère qui a approuvé ce v o y a g e
lui a donné yo o o liv. pour l’aller & pour le retour. Si elle
nie la quotité de la fom m e qu’elle a reçue , elle eft forcée
de conven ir du moins qu’elle a reçu fom m e fuffifante pour
les frais du v o y a g e . C e fait n’a pas befoin de preuve ; il
eft dans l’ordre naturel des ch o fe s; il eft néceilaire ; on ne
v o y a g e pas à c r é d i t , & l’époufe d’un Magiftrat qui jouit
de plus de 40,000 liv. de
rente , n’entreprend pas une
route de deux cents lie u e s , fans avoir en main au m om ent
de fon départ les fonds dont elle peut avoir befoin.
Il n’y a donc aucune d éd u û ion à faire pour frais de
v o y a g e , fu r ie s 2 2 13 6 liv. que M adam e d’Abbadie a tou
chées au mois de Septem bre 17 8 1.
D e ion aveu , elle n’a dépofé à fon arrivée à Pau , dans
les mains du fieur d cB eau reg ard qu’une fomm e de i ; o o o l .
elfe retient donc à fon profit une fomm e de 7 1 3 6 liv.
�7
V o y o n s ce qu’ eft devenu le dépôt de i j o o o liv.
M adam e d’A b bad ie convient qu’elle a touché en 1782
3000 liv. pour la penfion que fon mari lui faifoit»
R e lie n t 12000 liv.
L e fieur Louftau , 1agent de M adam e d’A b b a d ie , & fort
correlpondant a reçu le 11 Septem bre 1 7 8 2 , du lieur de
Beauregard une fom m e de 3000 liv. favoir i j o o l i v . en
a r g e n t, & un billet du fieur de Beauregard de pareille
foïHme ; à qui a-t-il remis cette fom m e & ce billet? à Ma>
dame d'Abbadie. E lle ne peut pas nier ce fait. Madame la Préfidente d’Abbadie mère donnoit au iieur de Beauregard des
reçus des iommes qu’e lle t o u c h o it : elle lui a d o n n é en 1782
trois reçus montant à 9000 I. qui font dans les mains de M a
dame d’A b b a d ie ; elle auroit donné également un reçu des
5000 liv. touchées par le fieur Louftau le 11 Septem bre
1782 , fi le fieur Louftau les avoit reçues pour elle; il les
a donc reçues ponr le com pte de Madame d’A bbadie.
V o ilà donc 1 3 ,13 ^ liv. appliquées au profit de M adam e
d’A b b a d ie , dont la maifon étoit d’ailleurs défrayée à Pau
par fon m a r i, ainfi qu’il Je déclare dans fon interrogatoire
du j Janvier 1 7 8 6. C e n’eft donc pas un a£te d’adminiitration qu elle a fait en 1 7 8 1 , lorfqu’elle s’eft emparée clandeftinement à Poitiers des revenus de fon mari ; c ’eft une
entreprife in té reffée , qu’elle ne peut pas colorer par la
pureté de fes motifs.
L e troificme tort de M adam e d’A b b a d ie eft d’avoir quitté
fon mari en Béarn pendant d ix -n e u f m o i s , depuis le mois,
d efe p te m b re 1781 jufquesau mois ¿ ’avril 17 8 3 ,
Troifième tort*
�8
» Il n’y avoit pas , d it - e lle ,
de logement pour moi
» au château de Bizanos.
S ie d - il bien à une femme de dire qu’il n’y a pas de l o
gem ent pour elle , dans un Château habité par ion mari ?
Il y a au château de Bizanos un rez-de-chauifée, ôc un
premier étage : Je rez-dechauiTée étoit occupé par Madame
la Préfidente d’Abbadie mère ; le premier étage auroit fuffi
pour Madame d’A b b a d ie , fi elle avoit été jaloufe de vivre
avec fon mari ; mais elle aimoit mieux refter feule dans ia
maifon de Pau. V o ilà quel étoit fon attachement pour
fon mari ; voilà le foin qu’elle prenoit de cette téte fi chère.
M . le Préfident d’Abbadie arrive à Paris avec le Frère
L iflon d e , dans le mois d’avril 1783. Madame fon époufe
le fuit de près à fon infçu ; que vient-elle faire ? C ’eft
ici fon quatrième tort.
Quatrième tort.
E lle fait vifiter fon mari le 6 mai 178? , par le fieur
B orie fon M éd ecin ordinaire , & par les fieurs Dejean &
de M o n ta b o u rg , & elle fait fabriquer le même jour par le
fieur Borie un certificat ,
dans lequel ces M édecins at-
t e f t e n t , après un demi-quart-d’heure d’exam en;
i°. que
M . le Préfident d’Abbadie parle nuit & jour , qu’il a perdu
le fommeil & l’appétit, & que cet état dure plufieurs jours ;
2°. qu’il a été fou à Pau , depuis le mois de feptembre
1781 , jufques au mois d’avril 1783 , & à Paris , depuis cette
dernière époque , jufqu’au 6 mai , jour de leur vifite ; ce
qu’ils ont appris , difent-ils, du Frère L i (fonde fon compa
gnon de v o y a g e , ( qui leur donne à ce fujet un démenti
f o r m e l; ) 30. qu’ il ne faut pas héfiter d’employer la force
contre M . le Préfident d’A b b a d ie , foit dans la maifon du
fieur
�9
Heur de Borda , foit dans une maifon publique ; c e qu’ils
Jaiiïsnt au ch oix de Madame Ton époufe.
C ’eft , a-t on dit à cette au d ien ce, Madame la Préfidente
d’A bbadie mère qui avoit conçu le projet de faire enfer
mer fon fils : elle avoit fait confier c e projet par le F rè re
L iifo n d e à M . de Cheraute , qui l ’en avoit détournée ;
M . de Cheraute l’a déclaré , & le Frère Liifonde ne l a
pas nié.
M . de Cheraute l a déclaré ! O ù efl donc cette décla
ration? Je l’ai cherchée avec la plus grande attention parmi
les pièces de Madame laPréfid en te d’A bbadie , ôc je ne l ’y
ai pas trouvée.
'
Si elle e x ift o it, elle ne prévaudroit pas fur les preuves
réelles que M adam e la Préfidente d’ Abbadie mère a don
nées de fa tendreife pour fon f i ls , avec qui elle a toujours
v é c u , & dont elle a été la com pagne fidelle jufqu’à fou
dernier moment.
L e Frère L iifon d e ne l’a pas nié! M ais il n’a pas été
interpellé fur ce fait ; fon filence n’en fournit donc pas
la preuve.
N o n ; le defir de faire enfermer M . le Préfident d’A b
badie n’a jamais fouillé le cœ ur de fa mère : c’eft fon époufe
qui s’eft fait autorifer à exercer cette violence. Q uand on
eft capable de demander à un M é d e c in une ordonnance de
ce g e n r e , on efl aiTûrément capable de l’exécuter.
L e cinquième tort de M adam e d’A bbadie eft de s’être
fait remettre claiideftinement par le fieur O liv ie r ,
cinquième ton
le 8
novem bre 1783 , une fomm e de 36000 liv. appartenante
à fon m ari, ainfi qu’il eft établi par le co m p te que le iieur
B
\
�ÎO
O liv ie r a rendu à M . le Préfident
d’A bbadie le 10 du
m êm e mois.
» M a i s , dit M adam e d’A b b a d ic , j’ai mandé le 11 no» vem bre 1783 , à ma belle-mère , que fur ces 36000 l i v . ,
» j’avois déjà remis 6000 liv. à mon mari ,
que j’avois
» wardé 5000 liv. pour ma dépenfe ; que j’avois converti
» les 2$ 000 liv. reftantes en billets des fermes , pour ne
» pas laiiTer l’argent o i f i f , & que j’étois prête à envoyer
» des fonds à ma belle-mère auffnôt qu’elle voudroit.
C ’eft là , en effet , la teneur d’une copie de lettre de
M adam e la Préfidente d’Abbadie, à fa belle-mère , en date
du 11
novem bre 1 7 8 3 ; copie dont rien ne garantit la
c o n fo r m ité avec l’o rig in a l, s’il a jamais exiilé , ô t que fa
teneur même rend plus que fufpefre.
D ’un côté ,
M adam e d’Abbadie n’a pas^pu mander à
fa belle-m ère le 11 novembre
1783 , qu’elle avoit déjà
remis 6000 liv. à fon m a ri, puifqu’elle ne lui a remis cette
fomme que le 13 du même m ois, fuivant la tranfa&ion du
2 juillet 178 4 .
D ’un autre côté , elle n’a pas mandé à fa belle-mère par
fa lettre du 11 novembre 1783 , qu’elle étoit prête à lui
remettre ces fonds , puifque fa belle-mère 11e lui dit rien
qui ait trait à une pareille offre , dans fa réponfe du 19 du
même mois
, & q u e lle & fon fils ont au contraire , par
leurs lettres du 8 mars 1 7 8 4 , preffé le fieur d’Etehegaray
de pourluivre en Juitice la reftitution des fomines iixrées
a Madame d’Abbadie par le fieur O liv ier ; ce qu’ils n’auroient point f a i t , l i , dès le îx novembre p récéd en t,
Ma
dame d’Abbi-die avx)it offert de les leur rendre.
Enfin , il a fallu compofer avec Madame d’Abbadie fur
�11
,
cette reftitution, & lui abandonner , par la tranfa&ion' du
2 juillet 1 7 8 4 , une fomme de 13000 liv . en fus de celle
de 3600 liv. qu’elle avoit reçue pour fa psnfion en 1783 ,
c e qui fait une fomme de 16600 liv. qu’elle a touchée
en 1785 , quoiqu’elle n’eût aucune dépenfe à faire dans la
maiion du fieur de Borda.
13000 liv. en 17 8 1 , 13000 liv. en 1783 ; voilà quels
ont été pour M adam e d’ Abbadie les fruits de cette adminiftration officieufe qu’elle exerçoit pour fon m a r i , à fon
infçu , & contre fon gré.
L e fixième tort de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
eft d’avoir quitté fon mari pour la fécondé fo is , depuis
le mois de N o v e m b re
1785 jufques à la fin du mois
de D é ce m b re 1 7 8 4 , qu’il eft venu la joindre à Paris,
& d’être reftée dans cette C a p ita le, tandis qu’il étoit en
Béarn.
E lle a cherché une premiere excufe dans la lettre de
fa b elle mère du 19 N o v e m b re 1783 , par laquelle elle
la remercie de ce qu’elle veu t bien refter auprès
fieur
de Borda.
Mais elle n’a pu recevoir cette lettre de Pau que le 26
N o v e m b r e , & elle avoit laiiTé partir fon mari dè& le 1 4 ,
avec le F rère L iflon d e qui lui a mandé qu’ils étoient arrivés
à Pau le 2 j , avant qu’elle ait reçu la lettre de fa belle mère.
C ’eil donc de fon propre m ouvem ent qu’elle s’eft déter
minée à refter feule à P a ris, & non d’après la lettre de
fa belle m è r e , qui d’ailleurs ne l’en prioit pas.
E lle a cherché une fécondé excufe dans une lettre que M .
le Préiident d’Abbadie lui a écrite de Paris le 1 9 M ai 1 7 8 1 ,
pour lui annoncer le projet qu’il avoit de l’attirer incefB ij
Sixième tort.
�\2
famment dans cette C a p itale, où elle pourroit paffer q u el
que temps.
M ais il n’y a aucune liaifon entre ce projet manqué en
17 8 1 , & le féjour que Madame d’Abbadie a fait à Paris
pendant quatorze mois en 1783 & en 17 8 4 5 en l’abfence
de fon mari, qu’elle a quitté volontairement ôc fans aucune
néceiïité.
septième tort.
L e feptieme tort de Madame la Préfidente d’Abbadie
lui a paru enfin à elle-même fi o d ie u x , fi ré vo ltan t, qu elle
n’a pas même eflayé de le c o lo r e r , &
q u e lle l a laiifé
dans toute fa noirceur. Je veu x parler du certificat q u e lle
a fait fabriquer le 5 F év rie r
1 7 8 4 , par le fieur B orie
qui y attefte : i°. Q u ’au mois d’avril 1 7 8 5 , à fon arrivée
à Paris, M . le Préfident d’Abbadie étoit depuis deux ans
dans un état de dém en ce, (quoique ce Magiftrat eût vécu en
Béarn,.à 200 lieues du'fieurBorie , depuis le mois de S eptem
bre 178 1 jufques au mois d’avril i 7 8 3 .) 2 ° Q u ’aumois d e N c vem bre 1 7 8 3 , lors de fon départ pour P a u , c ’eft-à-dire le 14
N o v e m b re jour de fon départ, M . lePréfidentJd’Abbadie étoit
dans un état de d é m e n c e , aifertiondontla fauiTeté eft démon
trée par la lettre que M . le Préfident d’Abbadie a écrite à
fon R égifleu r le 8 N o v em b re 1783 , p arle compte que le
fteur O liv ie r lui a rendu le 1 0 , par l’aiïignation qu’il a
fait donner au fieur O liv ier le 11 , & par la reconnoiffance qu’il a donnée le 1 3 , veille de fon départ , de la
fem m e de 6000 livres que M adam e la Prcfidente d’Abbadie
lui a fait -remettre. 3P. Enfin que la maladie de M . le
Préfident d’Abbadie paroît être parvenue à l’incurabilité.
Quel
trait de lumière
environne
dans
ce
m om ent
�\
n
M adam e la Préiidente d’A b b a d ie , & perce le vo ile donc
elle fe pare aux yeu x du public?
E lle fait déclarer fon mari in cu ra b le, à P a r is , trois
mois après fon départ pour Pau.
E lle le fait déclarer incurable par un M é d é c in , qui,,
fuivant la lettre qu’elle a écrite à fa belle-mere , le 2 $
O & obre
1 7 8 3 , quinze jours avant le départ de M . le
Préiident d’A bbadie pour P a u , avoit promis fa guérifon
' totale.
V o t r e mari fou incurable! Q u e l befoin aviez-vous de
cette
atteftation , le
6 F évrier 1 7 8 4 , un an avant que
vous a y e z . pourfuivi fon in te rd id io n ? Q u o i ! votre fang
ne s’eft point glacé à la vu e de ce préfage finiftre ; vous
n’avez pasrepouÎTé la main qui v o u s l ’offroit ; vous le gardez
depuis trois ans; vous le faites circuler d anstouslesTribunaux
où vous traduifez votre m a ri, & quand deux M édécins qui
l ’ont vifité récemment pendant foixante-huit jo u r s , atteftent
à la juftice fous la foi du fe r m e n t, [que fon état habi
tuel eft un état de ra ifo n , tel qu’il fe manifefte dans fes
interrogatoires, vous les a c c u f e z , l’un de com plaifance,
l’autre d’impofture; vous rejettez avec horreur une vérité
co n fo la n te, pour vous repaître d’une illufion qui devroic
vous défefpérer ; tous ce u x qui vo y en t votre inari ,
étrangers , parens , amis , M agiftrats, tous le trouvent
raifonnable 5 &
vous qui ne l ’avez pas vu depuis deux
ans, vous fon époufe , vous vous obftinez
à dire qu’il
eft infenfé ; vous démentez la notoriété p u b liq u e , vous
m éconnoiifez l’évidence m êm e ! A h ! ne cherchez plus
d e x e u fe à votre a v e u g le m e n t;
ne fuit ainfi la lumière ,
g u id e.1
jamais l ’efprit humain
que quand il a le cœ ur pour
•
�14
Huitième
tort.
L e huitième tort de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
^ d>avoir attifé fon mari dans cette C a p ita le, au mois
de D écem bre 17 8 4 , fo u s prétexte, com m e elle le lui difoit
dans fa lettre du 8 N o v e m b re p ré céd en t, que fes affaires'
e x ig e o ie n t fa p ré fe n c e , pour le faire interdire à P a u , fans
qu’il pût fe défen d re; de l’avoir tenu en chartre privée
depuis le
Mars 1 7 8 j
au fo ir ,
jufqu’au lendemain
onze heures du m atin, pour l ’empêcher de fe pourvoir
contre l’interdi&ion provifoire dont il avoit été frappé
le 3 du même m o is, & de l’avoir privé des fecours néceifaires contre une colique violente , dont il a été atteint
la nuit du 25 au 2 6 Mars.
M adam e la Préfidente d’A bbadie convient qu’elle s’eil
emparée des clefs de l’h ô t e l , le 2$ Mars au f o i r ,
pour
la première
tenu
fois ,
&
q u e lle
a
par
conféquent
• fon mari en chartre privée , pour l’empêcher de partir
le lendemain pour fes terres de Poitou : mais elle nie
qu’il ait eu la colique dans la nuit du 25 au 2 6 Mars
& elle a pour garant de fa dénégation le C o ch e r D o u c et.
C e C o ch er peut bien attefter qu’il n’a eu lui-même
aucun mal la nuit du 2 j au 26 Mars 1785* , 6c que s’il
avoit fouffert com m e fon m aître, il auroit reçu tous les
fecours qui lui auroient été néceffaires; mais fon témoi
gnage purement négatif ne détruit point le fait pofitif &
prouvé que M . le Préfident d’Abbadie s’eft plaint d’une
colique violente la nuit du z<; au 2.6 Mars 178J , fans
qu il ait pu recevoir les fecours du dehors qu’il demandoit;
&
fi c’eft une trahifon de la part de fon é p o u fe , de
l ’avoir attiré de Pau à Paris, pour le faire interdire à
- Pau à fon infçu, fans aucune inftrudion, c’eft un attentat
�de l’avoir tenu en charte p riv é e , dans une
circonftance
où il avoit tant de befoin d’être libre pour fe d éfen d re,
& une cruauté de lui avoir refufé au milieu des douleurs
les plus aigu ës, des fecours que la pitié prodigueroit en
pareil cas au dernier des hommes.
Enfin , le neuvième tort de
M adam e la
Préfidente
d’A b b a d ie , eft d a v o ir laiifé infpirer à fes enfans la crainte
& le mépris de leur p è r e , 6c de les avoir rendus témoins
des follicitations
qu’ elle
fait
pour
fon. interdi£Hon.
V o u s vous rappeliez, M e ille u rs , cette fcène qui s'eft
paifée dans la maifon du fieur de B o r d a , lorfque M . le
Préfident d’A bbadie
eft allé en perfonne réclamer
fes
enfans, accom pagné de deux N o ta ire s, de M e.B o u rg e o n
fon Procureur au C h â te le t, & du C hevalier de Saiutray.
I l a trouvé fes enfans dans le fallon ; à peine
lui ont-ils
laiifé le loifir de leur donner un premier figne d’amitié.
L e nommé
Tiercclin, laquais de
M adam e la Préfidente
'd’A b b a d ie , eft venu lui arracher l’un qui s’eft enfui dans le
jardin ; l ’autre s’eû réfugié dans les bras du C hevalier de
Saintray qu’il ne connoiifoit | a s , & à qui il ne ceifoit de
dire d’une v o ix tremblante : » M . le C hevalier e m p ê c h e z ,
» je vous p rie, que papa ne nous amene ; papa n’eft
» point
le maître ,
c ’eft maman qui eft
maîtreife de
» tout ».
; M è re aveugle ! vous fouffrez |que vos enfans n’ayent de
la confiance
qu’en vous
autorité que la v o tre !
leçons ,
avouer.
&
ne
donnez leur
ôc infpirez-leur
L ite s-le u r
,
connoiiisnt
donc
d’autre
de meilleures
des fentimens qu’ils
puiflent
qu’ils dépendent principalement de leur
N euvièm e tort.
�\6
» p i r e , que vous d é p e n d e z vous-même de votre m a ri, &
« quevous avez tous trois le même maître».
D ites leur que vous devez à votre mariage l’aifance
dont vous jo u iffe z , que toutes leurs efpérances font du
cô té de leur p è r e , & qu’ils ont droit de tout attendre
de fa tendreffe & de fa bonté.
L ife z leur l'interrogatoire du 13 Janvier 1 7 8 6 , où il
dit : « que vous devez être perfuadée qu’il n’a pas moins
» d’attachement que vous pour vos enfans ».
L ifez leur l’interrogatoire du 17 du même m o is, ou il
dit : « qu’il facrifieroit fa fortune & mêfne fa vie , s’il le
» falloir, p o u r les perfonnes qui lui appartiennent ».
L ife z leur l’interrogatoire du 22 A v ril fu ivant, où il
d i t , « qu’en follicitant la caifation des arrêts du Parlement
» de P a u , il avoit annoncé aux Magiilrats du C o n f c i l, que
» fon intention é to itd e faire emploi des fommes inobiliaires
» provenantes de la fucceffion du fieur de B o r d a , qu’il
’ perfifte dans cette réfolution , pour le bien de [es enfans f
& qu’il demande atle de fes offres de faire cet emploi.
N ’affe&ez plus d’aifocier vos enfans à vos follicitations,
com m e
s’ils
étoient intéreifés à
demander avec vous
l’interdi&ion de leur père.
Conduifez-les plutôt aux portes de la Baftille, & dites
leur: mes enfans, v o ici la prifon où votre père fut e n ferm é,
martyr de
fon zèle pour les L o ix dont il eft le Miniftre.
Souvenez-vous ,
lorfque vous ferez
élevés à
ce faint
M iniftere, de le prendre pour votre m o d è le , & de fervir
com m e lui le R o i & la Patrie.
Montrez-leur 1arrêt du 21 Juin 1 7 7 6 , & dites-leur : rrres
enfans ? voici le titre le plus précieux pour votre p è r e , la
récompenfe
�IJ
■'
récompenfe honorable de fes longs facrifices, l’arrêt de la
C o u r des Pairs qui l’a reçu parmi fes m em bres, en confidération de la nature des fervices que lui avoienu infpirês
depuis
d ix ans fo n
^èle & fon attachement .au bien du
fervice du R o i f & à l'honneur de la Magïjlrature '.
CeiTez de les entretenir des prétendues folies de leur
père ; entretenez-les de fes vertus & de ion amour pour
eux ; diiïipez une prévention funeite qui aveugle
leurs
e fp rits, & qui flétrit leurs cœurs : dites-leur la vérité , &
laiflez agir la nature.
V ou s connoiiTez , M eilleurs, les torts de M adam e d’Abbadie ; ils font g r a v e s , ils font multipliés ; permettez que
je vous le demande maintenant ; ne trembleriez-vous pas
d e la nommer curatrice de fon mari, s’il pouvoit être in
te rd it, & vous repoferiez-vous du foin de la perfonne &
dg la io r tu n e de M . le Préfident d’A b bad ie, fur une femme
qui n’a fçu refpe£ter jufqu’au préfent ni l’u n e , ni l’autre ?
M ais M . le Préfident d’Abbadie n’a pas à craindre
un
événem ent auili m alheureux, puifqu’il jouit de fa raifon.
C ’eft le fe co n d i point de la c a u fe , le point le plus eifent i e l, & qui demande le plus d’attention.
L e s parties pofent ici deux propofitions contraires.
M adame la Préfidente d’A bbadie foutient & entreprend
de prouver que fon mari e f t , depuis 1 7 8 1 , dans un état
de démence.
M.
le Préfident d’A bbadie foutient &
prouve qu’il
eft dans un état de raifon.
Ecartons d’abord les preuves de l’état de démence.
N o u s retracerons enfuité fous un point de vu e trèsfimple les preuves de l’état a&uel & habituel de raifon.
C
�18
M adame d’A lb a d ie invoque trois preuves, pour établir
que fon rr.ari a été infenfé en 1 7 81 .
,
L a première coniifte dans les deux lettres qu’il a écrites
les 18 Juillet &
16 A o û t 1781.
Mai? ces deux lettres ne prouvent que deux momens
d’abfence qu’il a e u s , lorfqu’il les a écrites. E lle s ne font
point concluantes pour fon état Habituel, même en 1781»
elles le font encore bien moins
pour fon état actue.1 &
habituel qui eft l’état fur lequel la C o u r doit prononcer.
a
L a fécondé preuve eft la lettre que le fieur dOlhaiTarry
écrite à M adam e d’ A b b a d ie , le 30 Juillet 1 7 81 .
M ais cette lettre ne parle que de mélancolie & de dïjlrac-
tïons. ]Un état de mélancolie n’eft pas un état de d é m e n ce ,
& des diftra£lions ne font point l’éclipfe de la raiion.
-La troifième preuve eft le ce rtifica t où le fieur T o n n e t ,
RégiiTeur des Terres du P o ito u , répète ce que Madame
d’Abbadie lui a dit à Poitiers, le 9 Septembre 1 7 8 1 , de
l’état de fon mari, pour colorer à fes yeux la précaution
qu’elle prenoit de le voir en fe cre t, de le faire cacher
dans la ruelle, de peur que M . d’Abbadie ne fu r v în t, 8c
de toucher vingt mille livres à fon infçu ; mais le fieur
T o n n e t n’eft dans cette partie de fon certificat que, l’écho
de Madame d’Abbadie , qui eft fans contredit le témoin
le plus fufpe£t & le moins digne de foi fur l’état de fon
mari.
Madame d’Abbadie ne prouve donc pour l’année 1 7 8 1 ,
que deux momens d’abfence qui ne forment pas un état
habituel ; & la preuve que M . le Préfident d’ Abbadie
n é to it pas en démence en 1 781 , c’eft fa correfpondance
de 178 1 avec fon épo ufe, & la précaution q u e lle a prife
�'19
,c
à Poitiers de fe dérober à fes regard s, quoiqu’il fût ma
la d e , pour percevoir fes revenus.
E lle invoque trois preuves, pour établir que fon mari a
été infenfé en 1782.
L a première eft une lettre que le (leur de Montbadon»
fon frère , a reçue de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
m è r e , en date du 30 D é ce m b re 1782.
M ais la mère dit feulement dans cette lettre que fon
fils diftrait par d’autres objets, n’a pas répondu à la de
mande que le fieur de M ontbadon lui faifoit de fa pro
curation pour procéder à un nouveau partage des biens de
la fucceffion de feu M . de M o n tb a d o n , père. E lle ne dit
pas que fon fils étoit en dém ence , le 30 D é ce m b re 17 8 2 ;
& fi M .
le Préfident d’Abbadie a refufé fa procuration
pour procéder à un nouveau partage, c ’eil parce qu’il ne
vou loit point plaider contre fa b e lle -m è r e , & qu’il lui
avoit déjà déclaré à elle-m êm e, com m e il l e d i t dans fon
interrogatoire du 13 Janvier
1 7 8 5 , qu’il
s’en rapporte-
roit aux arrangemens qu’elle feroit dans fa famille : E xem p le
d’honnêteté & de confiance refpetlueufe que les enfans
de M adam e de M ontbadon auroient dû imiter.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M *
d’Abbadie en 1782 ,
eft le certificat que M adam e
badie a fait fabriquer à P a ris,
M ai
par le fieur B o r ie ,
d’Ab~
le 6
1783.
M ais fi ce certificat porte que les M édecins ont appris
du Frère Liffonde que M . le Préfident d’Abbadie a été en
démence à P a u , en 1 7 8 2 , 1 e F rère Liffonde leur donne
lui-même à ce fujet un démenti formel.
L a troifième preuve eft l’enquête faite à Pau en 178$.
C ij
�Je la
connois
20
enfin cette enquête : on l’a citée comm e
contenant la preuve de deux faits principaux qui font ;
i°. que M . le Préfident d’Abbadie avoit fait acheter des
o i e s , pour leur apprendre l’alphabet. u°. Q u il avoit fait
acheter des chevres, pour les atteller a fa voiture.
Eh
b i e n , de 58 témoins qui ont été entendus a P a u , aucun
ne dépofe de ces faits controuvés , com me témoin o cu
laire. Les domeftiques de M . le Préfident d’ Abbadie , qui
feuls auraient été à portée d’en avoir connoiifance , n en
difent pas un feul mot. T r o is ou quatre étrangers qui en
parlent, n’en parlent que com m e témoins d’oui-dire, &
ne nomment pas le témoin principal dont ils font l’échç.
Q u e l eft donc ce témoin invifible qui a parlé par l’organe
des témoins d’oui-dire ? Faut-il le demander? C ’eft celle
qui les avoit fait aiïigner ; c’eft Madame d’Abbadie.
L ’enquête de Pau n’eft point concluante par elle-même.
E lle a été d’ailleurs annu llée, & ne peut par çonféquent
faire foi en Juftice.
Madame d’Abbadie ne prouve donc pas que fon mâri
ait été en démence en 1782 ; & la preuve qu’il n’y étoit
p as, c’eft fa correfpondance
en 1 7 8 2 , avec fes paretis ,
fes amis & fes gens d’affaires.
E lle invoque trois preuves , pour établir que fon mari
a été en dém ence en 1783.
L a première eft le
année.
certificat du 6 M ai de la même
M ais ce certificat ne prouve même pas que M . le Pré
fident d’Abbadie ait effuyé dans la journée du
6 M ai
1 7 8 3 , un accident critique. Il eft démontré faux dans la
p artie, où le certificateur dit qu’il parle d’après le F rère
�LiiTonde : il eil donc plus que fufpett dans la partie où
le cercificateur dit d’après lui-même que M . le Préfident
d’Abbadie ¿toit le 6 M a i 1783 dans un état de démence.
Si le fieur Borie en a im p o fé, quand il a dit que le F rère
LiiTonde lui avoit attedé la prétendue démence de M .
le Préfident d’Abbadie à Pau en 1 7 8 2 , qui peut s’aiïurer
qu’il n’en impofe pas égalem ent, quand il attefte fa prétendue-démence dans la journée du 6 M ai 1783 ? D ’ail
leurs ce n’eft pas l’accident du 6 ?vïai 1783 ,
q U’iI faut
juger , c ’eft l’état aftuel ôc habituel de M . le Préfident
d’Abbadie.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M . le
Préfident d’Abbadie en 1783 ,
eft la lettre de M adame
la Préfiden te d’Abbadie , m è r e , à fa bru, en date du ip N o
vem bre d e là même année, par laquelle elle promet de faire
continuer à fon fils, lorfqu’il fera à P a u ,
le traitement par
l ’éle£tricité.
Mais ce traitement convient aux maladies nerveufes ,
bien plus qu’à la démence. Madame d’Abbadie , m ère, n’a
donc pas reconnu la prétendue démence de fon fils, quand
elle a annoncé à à fa b ru , qu’elle luiferoit continuer c e
remède. E lle ne l’a pas reconnue non plus dans d’autres
lettres qu’elle a écrites à fa bru. E t com m ent pourroit-on
foupçonner qu’elle regardoit fon fils comme infenfé en
i
7 8 3 î qi,and on vo it que par fon teftament du 10 F év rie r
de la même année, elle le charge de foins qui ne convien
nent qu a un homme raifonnable.
L a troifième preuve eft la lettre du frère LiiTonde à
M adame d’A b b a d ie , du mois de N o v e m b re
1783,
où
il lui rend com pte du vo y a g e de fon mari , qui é t o i t ,
�22
dit i l , diftrait & g a i, & qui chantoit fans être prié; mais
on peut être diftrait & gai fans être en dém ence; &
M.
fi
le Préfident d’A bbadie chantoit fans en être p r i é , c ’eft
qu’il ne chante que pour fon plaifir, ôc qu’il n’eft pas un
de ces hommes qu’ on prie de chanter pour le plaifir des
autres.
M adam e d A ’bbad’te ne prouve donc pas que fon mari
ait été en démence en 1783.
E t la preuve qu’il n’y étoit p a s, c’eft fa correfpcndance
de 1783 , c ’eil la précaution que M adam e d’Abbadie a
prife de recommander le fecret pour lu i, au R é g ifle u r, quand
elle lui a fait demander l’état de fa ca ifle , par une lettre
du fieur O liv ier , du 2 Juin 1783 ; c ’eil le com pte que
le fieur O livier lui a rendu le 10 N o v em b re 1783 ; c’eft
le refus qu’il a fait d’allouer en dépenfe 36,000 liv. que
ce caiffier avoit
livrées à Madame d’A b b a d ie , le 8 du
même mois ; c’eft enfin le foin qu’elle a eu elle-même de
retirer une reconnoiflance de l u i ,
du léger à - com pte
qu’elle lui a remis, le 13 N o v e m b re 1 7 8 3 , la veille de
fon départ pour Pau , ainfi qu’il eit dit dans la tranfa&ion
du 2 Juillet 1784.
Madame
d’Abbadie invoque deux fortes de p r e u v e s ,
pour établir que fon mari a été infenfé à Pau en 1784.
L a première eft une colle£tion immenfe de lettres qu’elle
a reçues en 1784 , principalement du fieur L ou ftau , fon
agen t, &
de la dame D etchegorry , fa confidente , la
femme dd ce Procureur de Pau qui avoit aiTifté à Poitiers
en 1781 , à la recette myftérieufe de 20,000 l i v . , & que
M.
le Préfident d’Abbadie loge gratuitement dans
h ô t e l, depuis plus de vingt ans.
fon
�*3
Mais plus ces lettres font m ultipliées,
plus elles font
Îufpe&es. O n n’accable pas une femme pendant une année
en tière, de nouvelles facheufes fur l’état de fon mari, qu’autant* qu’elle le veut bien, & qu’elle le demande elle-même.
D ’ailleurs des lettres niiilives ne font point foi contre un
tiers; c’eft une maxime fa c r é e , & qui ne fera point mé
connue pour la première fo is , en matière d’état, au pré
judice de M . le Préfident d’A bbadie.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M . le
Préfident d’Abbadie en 1 7 8 4 , eft l’enquête faite à Pau en
1787.
M ais cette enquête où les témoins ne dépofent que d’ouidires fur les faits p rin cip a u x, a été annullée d’ailleurs par
le même jugem ent auquel M . le Préfident d’A bbadie d o it ,
Meilleurs , le bonheur de vous avoir pour Juges , & une
enquête nulle ne fauroit opérer la moindre convi& ion ;
quod nullum efl nullum producit effeclum.
M adam e d’Abbadie ne prouve donc pas que fon mari
ait été en dém ence en 1784.
E t la preuve qu’il n’y étoit p a s , c ’eft fa correfpondance
de 1 7 8 4 , ave c fon époufe, fa foeu r, M e H utteau, alors
fon confeil & fon a m i; M . de C h e rau te, le fieur L ou ftau ,
a v e c tous ceu x qui
faifoient les
préparatifs fecrets de
fon interdi&ion.
M adam e d’Abbadie invoque fix preuves pour établir que
fon mari étoit en détrtence en 1785.
L a première eft la procuration fous feîng-privé donnée
par M . le Préfident d’A bbadie au fieur d’E tch é g a rai, le
30 D é ce m b re
1784 ,
que Madame d’Abbadie
com m e une preuve que fon
regarde
mari étoit dans un état de
�24
démence qui ne lui permettent pas de la donner pardevant
Notaire.
Mais qui fouferit une procuration donnée fous feing-privé
peut en foufcrire une donnée pardevant Notaire. C e n eft
p a s
l a
prétendue dém ence de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
c ’eft la fatigue de
fon
voyage qui l’a empêché de
tranfporter chez un N otaire le 30 D écem bre
fe
1784 , le
lendemain de fon arrivée à Paris.
_La fécondé preuve de fa prétendue démence en 1785' >
eft le dire de fon Procureur à la vacation du 26 Janvier de
la môme année.
• L e Procureur de M . le Préfident d’Abbadie , a bien dit
â cette vacation , q u il étoit malade dans fon lit; mais il n’a
pas dit qu’il étoit en démence.
L a troifième preuve eft la requête donnée au Parlement
de P a u , par M . le Préfident d’Abbadie le 8 avril
178; ^
à fin d’oppofition à l ’arrêt du 3 Mars précédent qui l’avoit
interdit par provifion com m e infenfé.
J 1 feroit bien étrange qu’une requête dont le but étoit de
faire juger en 178 j que M . le Préfident d’A bbadie n’étoit
pas in fen fé , contint l’aveu qu’il étoit infenié. A u di n’y
trouve-t-on pas un pareil aveu. O n y dit bien que M . le
Préfident d’Abbadie a éprouvé autrefois des crifes fâcheufes;
mais on n’y dit pas que ces crifes étoient des accès de folie.
La
quatrième preuve
d’Abbadie , dans
fon
eft l’aveu de M .
interrogatoire
17 8 ;.
C e Magiftrat a avoué dans
a v o ite u en
du
29
le Préfident
D écem bre
cet interrogatoire ,
qu’il
1 7 8 ; , pendant fon féjour dans la niaifon de
g a in t-V i& o r P deux accès d'une maladie de nerfs, dont il avoit
tu
�eu précédemment quelques attaques , & qui avoient duré deux
ou trois jours chacun ; mais loin qu’il ait reconnu que
c ’étoient des accès de folie , il dit
au contraire dans le
m êm e interrogatoire , « qu’il a cru jouir dans ces
accès
» de fa préfence d ’efprit, que quand les accès fe font paf»
» fés, il s’efi: rappel’ é
ce qu’il avoit, dit ôc fait pendant
» ces a c c è s , & qu’il a jugé raifonnable tout ce qu’il s’eit
» rappellé, com m e il en avoit jugd pendant l’accès m êm e;
» mais que ce qui le raiTure le p lu s , c’efl; le tém oignage de
» fon M é d e c in , qui lui a dit que pendant les accès m ê m e s ,
» il lui avoit répondu exactement à toutes les' queftion*
qu’il lui avoit faites ».
L ’aveu de M . le Préfident d’A bbadie efi: indivifible , &
puifqu’on veu t le convaincre par lui-même qu’il a eu deux
accès pendant cinq mois qu’il a paifés dans la maifon de
S aint-V ictor, il faut qu’on convienne avec lui que c ’éroient
deux accès d'une maladie de nerfs qui avoient duré deux ou
trois jo u r s , & qui ne lui avoient point fait perdre l’ufage
de la raifon.
L a cinquième preuve eft le. dire que le fieur P h ilip ,
M é d e c in , a fait en l’hôtel du fieur Lieutenant-Civil , le
ap Septem bre 178^.
Mais[ le fieur Philip a déclaré formellement dans ce dire
que ce qu’on appelle accès de dém ence dans la perfonne
d e M . l e Préfident d’Abbodie, n’eft qu’une maladie n e rv e u fe ,
curable de fa nature, déjà diminuée par l’ufagè des re m è
des qu’il lui a indiqués , &: qui ne lui fait point perdre la
raifon.
Enfin la fixième preuve d e là prétendue dém ence d e M .
l e Préfident d’A b bad ie, en 1 7 8 ^ , eft la correfpondance du
D,
�2
6
C o ch er P o u c e t avec M adam e la P r é s e n t e d’Abbadie. _
O n voit en effet dix-fept lettres du C o c h e r D o u c e t , qui
accufe la réception de celles que M adam e la P r u d e n t e
d’Abbadie lui a fait l’honneur de lui écrire , qui lui confe ille ,
dans une datée du
22
avril 178s1 , d’enfermer
l’A b b é d’Etchegarai dans une chambre, s’il va dans la maifon du
fieur de B o r d a , qui lui rend com pte dans
une
autre , d’un M ém oire imprimé qu’il a vu chez m o i , Jorfqu’il y a accompagné fon maître, & q ui, dans la plupart,
lui donne des nouvelles telles qu’elle les d efiro it, fur l'état
de ;M . le Préfident d’Abbadie.
Mais la correfpondance de M adam e la Préfidente d’A b
badie avec le C o ch er D o u c e t , ce faux délateur de fon
maître , chatte par lu i, &: indécemment accueilli par elle
ne prouve que les machinations de l’une & la lâche perfi
die de l’autre. L a bienféance,
l’honnêteté, la confiance
néceffaire des maîtres pour ceux, qui les fe r v e n t, le repos
des fam ^ les, la fureté du Magiltrat com m e celle du fimple
C it o y e n , dans l’azyle facré qu’ils habitent, tout crie v e n
geance contre cette correfpondance fcandaleufe , 6c la
d évo u e à la haine publiqus.
M adam e d’Abbadie ne prouve pas que fon mari ait été
en démence en 1785’ , & la preuve qu’il n’y étoit p a s , ce
font les deux certificats
des fieurs D e j e a n , de M onta-
b o u r g , D a r c e t , Philip ôc M athey* M é d e c in s ,
les j & i ç
donnés
Juillet 1785;,- après plufieurs vifites ; ce font
les deux certificats du fieur P h ilip , des 14 mai &
juillet 1 7 8 ; ; ce font les démarches continuelles
le Préfident d’Abbadie a faites
des Magiftrats du C o n f e i l ,
en
14
que M .
1 7 8 5 , tantôt auprès
pour folliciter la caifation
des
�27
arrêts du Parlement de Pau; tantôt auprès du fîeur L ie u te .
nant C i v i l , pour faire co m m encer la procédure que le C o n feil lui avoit r e n v o y é e , en calTant tout ce qui avoit été fait
à Pau ; tantôt auprès de fes Confeils pour régler avec eux
la marche de cette- procédure.
A joutons à toutes ces preuves de l'état de raifon de
M . le Président d A b b a d ie dans les années antérieures 'à
cette conteftation, le fuffrage de fa mère & de fon oncle
qui jufqu a leur décès arrivé vers la fin de l’année 1 7 8 4 ,
ont perfévéré dans la confiance qu'ils lui avoient a cco rd é e,
en le chargeant de l’exécution de leurs teftamens , 6c le
tém oignage de vingt-fix parens & amis q u i , au mois de
feptembre
178)*, ont rendu juftice dans leur a v i s , à fa
fageife & à fa bonne adminiftration. C e t avis eft plus jufte &
plus légal que celui donné à Pau le 2 mars 1 7 8 ^ , par
trois amis de Madame d’A b b a d ie , ôc par cinq parens &
alliés éloignés de fon mari , dont deux font en contradic
tion avec e u x -m ê m e s , & dont un demande pardon à M . le
Préfient d’ Abbadie de la foiblefie qu’il a eue de fe laiiTer
fé d u ire ,& d e
voter fon interdiction contre le cri de fa
confcience. Il eft plus jufte & plus légal que celui donné
au Cliâteletpar des parens , des alliés 8c des amis de M adame
d ’Abbadie , que leur qualité rendoit fu fp e & s , que les O r
donnances du fieur L ie u ten an t-C ivil ne permettoient pas
d’appeller, & plus digne de foi que la déclaration du C o
cher D o u c e t , q u i a eu l’audace d’ aller figurer avec deux
autres va lets, dont un aux gages de M adam e d’A b b a d ie
dans
raiTemblée des foi - difans parens
&
amis de fon
maître.
L e défenfeur de M adame d’A bbadie invoque fans ceiïe
D ij
�a8
ïa rrê td u Parlement d e P a u , du 3 mars 1 7 8 ? , qui prononce:
rinterdiûion
provifoire de M . le Préiident d A b b a d ie ,,
com m e un témoignage de fa demence.
Si je dis que cet arrêt a été c a f l é , il s’efforce
de le
juftifier, & il dit qu’il l’a rétabli.
Si je dis que le Parlement de Pau n’a jamais interdit
par p ro v ifio n ,. fur un iimple avis de parens , un hom m e
accufé de démence , il dit que la Jurifprudenca de cette
C o u r eft d’interdire ainfi pour caufe de dém ence , & il cite
dix-fept arrêts qui ont interdit par provifion des pères de
famille accufés non de d ém en ce, mais de p rod igalité, dont
les. diiTipations devoient Être nécefTairement établies par
des a £ t e s d o n t la ruinei auroit pu être confom m ée dans
vingt-quatre h e u re s , & dont l’interdi&ion provifoire n’a
pas été par conféquent prononcée com m e celle de M . le
Préfident d’A b b a d ie , fans connoiifance de c a u fe , & fans
une nécefïlté apparente.
Si je dis qu’un Bédeau de l’Univerfité de P a u , nommé
C a ta ly,, accufé de démence en 1 7 8 j , a échappé à Tinterdittion provifoire, malgré l’avis de fes parens, qui porte v
que fon état d’infirmité ne lui permet pas d’adminiftrer
fes b ien s, & que l ’adminiflration doit en être déférée au
fieur Cataly C u r é , il répond que Cataly n’avoit aucuns,
b ie n s , & que fa famille ne. s’o ccu poit que des moyens,
de pourvoir à fa fubfiftance.
Si je dis que les M édécins qui ont vifité C a ta ly en
exécution d’un arrêt du Parlement, de P a u , ont rapporté,
» qu’il étoit dans un état d’afïaiffement qui prodtiifoit une. '
» diminution & une difficulté de jugement qui le rendoit
» impropre à foutenir fes- id ées, » il perfifte à dire qu’il
�29
ne s’agiiToit point de l’état moral de C a ta ly , & qu’il s’agiffoit'uniquem ent de lui donner du pain.
A u refte, la procédure relative à ce Bedeau d e l’ Univerfité
eft fous les yeu x de M . l ’A vocat-G énéral. C e Magiilrat verra
ii j’ai bien ou mal lu, & aura la bonté de le dire.
Je me fuis plaint contre M adam e d’A b b a d ie de Tinterdi&ion provifoire de Ton mari ; c’étoit le droit ôc le devoir
de mon rriiniftère : maïs en parlant de l’arrêt du Parlement
de Pau , qui l a p r o n o n c é e , je n’ai pointbleiTd le refpeft du
à cette C o u r , com m e on a voulu le faire entendre. J ’ai
l’honneur d’être connu des anciens Magiftrats du Parlement
de Pau , fous les yeux defquels j’ai c o m m e n c é , il y a
vingt-quatre ans , l’exercice de ma profeflion. Ils fçavent
fi je leur fus dévoué ôc fidèle , & je crois leur prouver que
je le fuis encore , en défendant un de leurs chefs , celui
qui dans des temps orageux fe montra à leur tête , &
fçut faire a ve c eux le facrifice de fon état ôc de fa libertéN o u s voici arrivés à l’année 17 8 6 , fans que nous ayons
trouvé dans le cours des années antérieures des preuves de
la prétendue dém ence de M . le Préfident d’Abbadie. N o u s
y avons trouvé , au contraire, des preuves multipliées de
fon état deraifon. L es cinq premiers mois de l’année 1 7 8 6 ,
eoniacrés à l’examen de fa perfonne , von t fournir le co m
plément de ces preuves 3 £c mettre le dernier fceau à fon
état.
C e tte procédure a été affez longue pour fixer l’état habi
tuel de M . le Préfident d’A b b a d ie , & affez rigoureufe pour
qu’aucun fymptôme de fon état n’ait échappé aux regards
,de la Juftice.
Madame 4’Abbadie a fait diverfes defcriptions de l’état
�de fon mari : vo ici com m ent elle s’exprimoit nu Parlement
de P a u , dans fa R e q u ê te du i8 février 1 7 8 ; , qui eft la
R e q u ê te introduclive de linftance.
3) L a maladie de' M . le Préfident d’Abbadie , difoit-elle ,
» conlifte dans uns privation totale des facultés intellec» tuelles , qui. femble être atïujettie à un cours périodique
» pendant des accès qui durent huit à dix jours : . . . à ces
» accès fuccede une efpèce de cslm e a p p arent, qui fubfifte
» à-peu-près pendant le même tem ps,& dans.ce calme même
» l’efprit ne reprend qu’imparfaitement une efpèce d’ailiette
» qui ne lui b iffe que la faculté de réunir quelques idées.
» L a vie de. M . le Prélident d’Abbadie eft partagée,
» ajou toit-o n , entre celle d’un homme en dém ence, & celle
» d’ un hom m e qui conferve à peine les lumières de l’en» fan ce ».
C e langage étoit bon à Pau , où
vouloit faire interdire
Madame d’Abbadie
fon mari a b f e n t, fans inftruûion
préalable, fans connoiiiance de caufe.
Mais à P a r is , depuis que la procédure du C hâtelet a
fixé le véritable état de M . le Préfident d’Abbadie , il
n’étoit plus poiTible de divifer fa vie en deux révolutions
de huit à dix jours chacune , dont l’une le plonge dans
les ténèbres de la f o l i e , & dont l’autre lui rend à peine
les lumières de l’enfance. O n a imaginé un nouveau fyftême , auquel on a cru pouvoir donner un peu plus de
v.raifemblance : on a plaidé que tous les i£ , 18 & 20
jo u rs , M . le Préfident d’Abbadie eft fujet à des accès de
folie qui durent 4 , 8 , 10 & 12 jours.
J e n’ai befoin., pour renverfer ce fyflême , que de fuivre
rapidement l’ordre chronologique des aôes qui compofent
�J'
t
$
la procédure du C h â te ie t; je démontrerai, par ce m o y e n /
r°. que M . le Préfident d’Abbadie n’eft point malade tous
les i y , iS & 20 jo u rs ; a 0. qu’il n’eit point malade pen
dant 4 , 3 , i o &
i2 jours'; 3°. que fa maladie n’eft point
là démence.
Pour mettre plus de clarté dans l’ôr'dre chronologique
de cette p ro c é d u re , je la diviferai en deux époques; l’une
depuis le 29 D é ce m b re 178J , jour du premier interroga
to ire , jufques ali 3 Mars 1786 , jour de la première viiite des
M édecins ; l ’autre depuis le 3 Mars jufqu’au 18 M a i , jour
du dernier interrogatoire.
L e 29 D é ce m b re 17%$', premier interrogatoire o ù M . le Première époque.
Préfident d’ A bbadie développe la raifon la plus faine ôc
la plus entière.
( L e f Janvier 1 7 8 5 , deuxième interrogatoire exem pt
de critique , quoique , d’après une R e q u ê te de M adam e
d’A bbadie du 2 du même m o i s , fon mari dut être le j
dans un accès de folie.
L e s i? 6c / 2 du m ême m o i s , M . le Préfident d’A b b a d ie
comparoît en l ’hôtel du M a g i ü r a t , & demande à être
interrogé.
O
Il eft interrogé l e 13 pour la troifième fois;, & répond
avec la plus grande jufteiTe.
L e 1 7 , jour défigné com m e un jour de dém ence , il
donne dans un quatrième interrogatoire des preuves fen*
fibles de fa raifon.
L e 2 1 , jour indiqué par le M a g iftra t, cinquième- inter~
rogatoire auiïi fain que les précédens.
2 S > fixième interrogatoire également b o n , dans
�32
lequel le fieur Lieutenant - C iv il fait contracter a M . le
Préfident d’Abbadie l’engagem ent de comparoure le i
.
Février fu iv a n t, pour être entendu.
D u 2 y Janvier au premier F é v r i e r , il y a un intervalle
de fix jours; mais nous avons la preuve la plus, convain
cante que cet intervalle n’a pas été marqué par un accès
de folie : c’eft l’aveu même de M adame d’A b b a d ie , qui
dans fa note 2 , fur le rapport des M éd ecins , dit que M . l e
Préfident d’Abbadie avoit eu un accès dans les premiers
jours du mois de F évrier. E lle reconnoît donc qu’il n’a pas
eu d’accès dans les iix derniers jours du mois de J an vier;
car elle convient que les accès font divifés entr’eux par
des intervalles de i j , 18 ôc 20 jours. V o ilà le mois de
Janvier révolu fans accès, d’après l’aveu même de Madame
d’Abbadie. N ou s n’avons donc befoin que de prouver qu’il
n’y apaseu d’accès dans les premiers jours du mois d eF év rierj
& cette preuve eft confignée dans la procédure.
L e premier F év rie r , feptième interrogatoire, où l’éner
gie du fentiment fe joint à la lumière de la raifon.
L es 3 ôc 4 du même m o i s , M . le Préfident d’Abbadie
comparoît fie demande à être interrogé.
L e 6 il eft interrogé pour la huitième fo is , & répond
avec jufteiTe.
L e 8 , il comparoît de n o u v e a u , ôc demande à être
interrogé.
L e 9 , il fubit le neuvième interrogatoire, qui n’a eifuyé
aucune critique.
L e s 14 & 18 il co m p a ro ît, ôc demande à être interrogé.
Le
�33
L e 2 0 , le (leur L ieu tenan t-C ivil ordonne la vifite de«
M édecins.
Arrêtons - nous un inftant.
Du
2p D écem bre 1 7 8 j au 18 F évrier
1786 inclufi-
v e m e n t , il y a un intervalle de cinquante - deux jours
marqués par des a£tes perfonnels à M . le Préfident d’A b b a d ie , ôc fi voifins les uns des au tres, qu’ils ne laiflent
point de place à un accès de folie de 12 , 1 0 , 8 , 6 , ni
m êm e quatre jours. ( 1) Il eft donc faux que Al. le Préfident
d’A bbadie foit fujet à des accès tous les 15-, 18 & 20
jo u r s , & que ces accès durent 6 y 8 , 10 & 12 jours.
Continuons.
L ’O rdonnance du 20 F é v r i e r , qui a fufpendu le cours
des interrogatoires pour faire place aux vifites des M é J e - ,
c i n s , n’a été fignifiée que le 2 Mars fu iv a n t, à la requête
de M . le Préfident d’A b bad ie, qui attendoic que M adam e
fon époufe la fie fignifier Ôc exécuter ; ce qu’elle n’a pas
ju gé à propos de faire. E lle trouve par ce moyen un vuide
de dix jours ; fa v o ir , depuis le 20 F évrier jufques au 2
Mars , ôc com m e
elle
a befoin de tirer parti de to u t ,
elle p la c e , après-coup, dans ce vuide un accès de folie.
(1 ) I l n’y a d a n sc e t efpace de yz jourj , qu’ un feul intervalle où Madame
d ’ Abbadie puifle placer un a c c è s , qui eit l'intervalle du *9 Décembre au
y Janvier ; ( car elle convient qu’ il n’y a pas eu d’accès à la fin du mois
de Janvier ) ; mais outre que les interrogatoires fubis dans ces deux jours
excluent l’ idée d’ un accès de folie intermédiaire, dont Madame d’Abbadie
n’a , ni ne peut avoir aucune preuve , la persévérance de l'état d« raifon
dans ce court interva'le eit d’ ailleurs certifiée par le Chirurgien de V i t r y ,
qui vo yo it tous les jours M. le Préfident d’ Abbadie.
E
�34
Mais fi elle avoit cru furprendre fon mari en démence
dans les derniers jours du mois de F é v r i e r , eUe nauroit
pas manqué de le faire vifiter par les M é d e c in s , en exé
cution de l’O rd onnance du 20 du môme mois. D ’ ailleurs,
le fieur Philip attefte , dans le rapport, qu’il a vifité jour
nellement M . le Prëfident d’Abbadie depuis la première
quinzaine du mois de F évrier jufques au 3 M a r s , jour où
v les vifites juridiques ont c o m m e n c é , & qu’il l’a toujours
trouvé jouiflant de fa raifon.
M.
le Préfident d’Abbadie n’a donc pas eu d’accès dans
les derniers jours du mois de 1* évrier 1786.
N o u s avons parcouru la première époque , qui comprend
l’intervalle du 29 D écem b re »785 au 3 Mars 1 7 8 6 , c’eftà-dire foixante - quatre
jours ,
fans
que
nous
ayons
trouvé un feul accès de folie ; parcourons maintenant la
fécondé é p o q u e , qui eit du 3 Mars au 18 M ai.
L e s vifites des M édecins commencent le 3 Mars : ils
Deuxième
époque.
vo y en t M . le Préfident d’Abbadie pendant foixante-huit
jours confécutifs; l’un tous les jo u r s , l’autre tous les deux
jours. L eu r rapport conftate qu’il n’y a qu’un jour dans
le mois de M a r s , qui efl le ip , & deux jours dans le mois
d’A v r i l , qui font le 10 & le 11 , où ils ne l’ayent point
trouvé chez lui ( parce qu’il étoit forti ) ; mais il a été
vu le 11 Avril par le fieur L ie u te n a n t-C iv il, enforte qu’il
n y a qu’un feul jour dans le mois de M a r s , & un feul
jour dans le mois d’A v r i l , où M . le Préfident d’Abbadie
n’ait pas été fous les yeux de la Juftice.
D epuis le
3 Mars jufques au
î7
in clu fivem e n t, les
�M éd ecins le trouvent toujours en bon é t a t , fuivant leur
rapport.
L e 18 , il a un accès de fièvre ; maïs fes p a roles, dit
le fieur Philip , étoient d’un jugem ent fain , & n’annonçoient aucune efpèce de lézion dans les opérations de *
la m e .
L e ip , il va fe promener à Clamart-fous-Meudon.
L e 2 0 , il eft vifité fu c c e lliv e m e n t, dans la matinée ;
par les deux M édecins , qui s’accordent à dire qu’il étoit
a g i t é , mais qu’il ne déraifonnoit pas.
L e 21 , les deux M édecins le trouvent dans l’état de
r a ifo n , qui e f t , fuivant leur ra p p ort, fon état habituel.
L es 2 2 , 23 , 2 4 ,
& jours fu iv a n s , jufques au p A v ril
in clu fivem en t, ils le trouvent en bon é t a t , fuivant leur
rapport.
Le
11 A vril il comparoît en l’hôtel du M a g iftr a t, &
confère avec lui d’une manière raifonnable. C e fait eft
conftaté par le procès-verbal du 12 , qui fait mention de
la comparution du 11 .
L e 1 2 , il fait un dire lon g & raifonné en l’hôtel du
fieur L ieu tenan t-C ivil.
L e 1.3 , il fubit dans fa maifon l’onzièm e interrogatoire,
où fes réponfes marquent de l'agitation , ôf non pas la
dém ence. O n y trouve feulement deux ou trois idées dont
il reconnoît lu i-m êm e à l’inftant le peu de ju ftefle, tant
il eft vrai que la raifon dominoit toujours en lui au milieu
de cette agitation paiTagère, ainfi qu’il eft conftaté par le
rapport des M édecins , qui déclarent d’ailleurs que le même
jour 13 A v r i l , vers m in u it, il a répondu jufte aux diverfes
E
ij
�56
queftions qu’ils lui ont faites r & qu ils lui en ont fait aflez
pour s’afifurer que fa fituation étoit changée en bien.
Il étoit encore mieux le 14 A v r i l , fuivanc leur rapport.
D epuis le
14 A v ril jufques au p M a i , jour de leur
• dernière vilite , c’e f t - à - d i r e pendant vingt-fix jo u rs , les
M éd ecin s continuent de vifiter aiTidumetit M . le Préfident
d’A b b a d ie , le trouvent toujours dans un calme parfait,
dans la plénitude du bon fe n s , & le laiifent en cet é ta t;
c e qui fe trouve confirmé par cinq interrogatoires qu il
a
fubis, & par fix dires qu’il a faits perfonnellement en l’hôtel
du fieur L ie u te n a n t- C iv il, depuis le 14 A vril jufques au
18 M a i, jour du dernier interrogatoire.
Dans la fécondé époque , qui s’étend du 5- Mars au 18
M a i , ôc qui comprend foixante-dix-fept l'ours, nous trou
vons deux révolutions dans la fanté de M . le Préfident
d’Abbadie.
Suivant Je r a p p o rt, ces révolutions n’ont été que de
trois jours chacune.
Suivant le ra p p o rt, M . le Préfident d’Abbadie n’a point
déraifonné dans la première.
Suivant le rapport, ôc d’après le dire du 12 A vril , &
l’interrogatoire du 13 , la raifon de M . le Piéfident d’A bbadîe ne s’eft point éclipfée dans la fécondé , & n’a eifuyé
qu’une agitation p a iïa g ère, au milieu de laquelle elle a
toujours dominé : c’eft l’expreflion du rapport ; c’eft le
réfultat du procès-verbal d’audition.
Réfumons.
D epuis le 2p D écem bre
17 8 5 ,
c ’eft-à-dire dans
1 7 8 ; jufques
l’efpace
de
cent
au
18 M a i
quarante-un
jours que M . le Préfident d’Abbadie a paifés fous les yeux
de la J u f lic e , on n e n trouve que deux ou trois couverts
�37
d’ un léger nuâgc qui n’a point fait éclipfer fa raifon.
P e r m e tte z , M e ille u rs , que je remette fous vos yeux le
dire que M . le Préfident .d’A bbadie a fait en l’hôtel du
fieui; L ie u te n a n t-C iv il le 12 A v r i l , qui étoit un jour d’agi
tation. V o u s allez voir qu’un jour d’agitation n’eft point
pour M . le Préfident d’A b bad ie un jour de démence.
« L eq u el nous a dit qu’en rentrant hier ch ez l u i , fur
» les onze heures du f o i r , il a appris que nous avions pris
» la peine de venir le voir ; qu’il lui a été remis un billet
» que nous lui avions é c r i t , par lequel nous lui marquions
» de vouloir bien fe rendre en notre hôtel dans la fo ir é e ,
» ou aujourd’hui dans i après-midi.; que cédant à l’empref» fement de fe rendre à notre invitation., il s’eft tranfporté
» hier au foir çn notre hôtel entre onze.heures & m in u it,
» pour nous demander a£te de fa comparution ; que n’ayant
>3
point notre G r e f f i e r , nous n’avons pu faire mention fur
» notre procès-verbal de fa com parution, & nous l ’avons
» remis à c e jo u rd ’hui ; qu’il camparoît en c o n fé q u e n c e , &
» nous fupplie de lui donner a£le de fa comparution , tant
» du jour d’hier que d’aujourd’hui, & de fes offres de répondre
» aux queftions que nous voudrons lui fa ire, & a figné ».
V o ilà le langage que M . le Préfident d’A bbadie a tenu
le 12 A vril , le jour le plus critique qu’il ait eu dans l’eipace
d’environ çjnq mois. C e n’eft pas là le langage de la dé
mence.
L a procédure du C h â te le t, continuée pendant cinq mois
moins douze jo u r s , prouve i°. que M . le Préfident d’A b badie n’eft point malade tous les
ij,
18 &
20 jo u rs ;
2 0. qu’il n’eft point malade pendant 5 , 6 , 8 , 10 & 12
jours ; 30. q ue çz maladie n’eft point la démence.
�M. le Préfident
eft un état de
38
d’A b bad ie p rou ve que
fon
état habituel
raifon faine & en tiere, & que fon état
accidentel & paffager n’efl pas
un
état
de
folie.
Par quel m o tif ie r o it il donc interdit ?
L a dame de Saintot n’a pas été interdite, par l’arrêt
12
F é v rie r
du
1 6 4 8 , quoiqu’elle fût fujette à des accès de
m é la n c o lie , qui affoiblifloient de temps en temps fa mémoire
& fa raifon: & pourquoi ?
Parce
ment dans un état de ra ifo n , &
qu’elle étoit habituelle
qu’elle n’avoit pas
mal
adminiftré.
L e C o m te de Sauveterre avoit été interdit au C h â te let
en 1 7 8 2 , & M e Babille avoit été nommé d’office confeil
de fa curatelle. L a C o u r a infirmé la fentence d’interdic
tion
en lui confervant le même confeil : &
pourquoi ?
parce que le C o m te de Sauveterre n’étoit pas imbecille
quoiqu’il eût l’efprit fo ib le , & qu’il n’avoit pas encore fait
de grandes diflipations.
L e (leur Profit n’a pas été interdit pas l’arrêt du 7 Mars
préfent mois , quoiqu’il eût efluyé plufieurs crifes violentes
marquées les unes par la d é m e n c e , les autres par la fureur :
& pourquoi ? parce qu’il étoit habituellement dans un état
de raifon , & qu’il n’avoit pas mal adminiftré.
C es arrêts font conformes à la difpofition de la L o i ,
qui ne donne des curateurs qu’à ceux que leur état habituel
rend abfolument incapables de bien adminiftrer par euxmêmes. M.-'ntz captis....& qui perpetuo morbo lalorant, quia
rebus fu is fuperejje non poffunt, curatores dandi funt.
M . le Prélidcnt d’Abbadie eft en état de li e n adminiftrer
par lui-même. Sa capacité eft démontrée par la preuve la plus
co n va in ca n te , qui eft l ’expérience. D epuis 1 7 8 1 , époque
�!v
.
.
39
depuis laquelle fon époufe fe plaît à dire qu’il eft incapable
de toute adminiftration, il a fait chaque année des épargnes
!
qui ont fe rv ià augmenter íes biens ; il a em ployé en 1784,,
30000 liv. d’épargnes à acquitter d’autant les legs portés
par le teftanient de fa mere. L es a&es d’acquifition & les
quittances des legs font joints à la procédure qui conftate
I9 fituation de fon êfprit ; il fait v o ir en m êm e temps qu’M
eft dans l’habitude de raifonner, & dans l’habitude de bien
adminiftrer.
M adame d’Abbadie op p ofe deux arrêts d’interdi£tion
rendus l’ un contre M . le Préfident de P a n n e s , l’autre contre
la dame de la Garde.
L a C o u r fait par quels motifs elle s’eft principalement
déterminée à prononcer ces deux interdi&ions. E lle fait
aufii que de pareils motifs ne fe rencontrent point dans cette
caufe.
D ’a illeu rs, M . le Préfident de Pannes étoit en démence
pendant des mois entiers j des crifes auilï longues pouvoient
donner de grandes alarmes fur fon com pte; & le défenfeurde
M adam e d’Abbadie foutenoit que la dame de la Garde étoit
conftamment infenfée , fi non dans fes difcours
du moins
dans fes attio n s, c e qu’il ne peut pas dire de M . le P r é
fident d’A b bad ie, fans fe jouer de la notoriété publique.
Madame d A b b a d i e , accablée de la raifon de fon m ari,
qui s’eft foutenue fi longtemps dans fes interrogatoires,
voudroit faire entendre que
ce
de fa fagefíe, & invoque à l’appui de ce
'
preuves
paradoxe, ce que
ne font pas là des
M . d’Aguefteau dit dans la caufe du teftament.de M . l’A b b é
d Orldans.
Mais pour faire fentir la mauvaife application qu’elle
l
�4-0
fait de l’autorité de M . d’A g u e ife a u , il me fuffit d*obferver
que ce Magiftrat avoit déjà rendu com pte d une infinité de
faits qui
ca ra & e rifo ie n t
la dém ence com pletteôc continuelle
de M . l ’A b b é d’O r lé a n s , & dont la preuve étoit acquife par
l’enquête de M . le Prince de C o n t i , lorfqu’il s’eft exprimé
en ces termes :
« Suppofons qu’avec une enquête p a re ille , l’on vienne
v vous demander la confirmation d’une fentence d’interdic» tion : croira-t-on que l’on pût y trouver la matière d’une
» difficulté férieufe & véritable ? Q uand même les interroga» toires que l’on feroit fubir en ce cas à M . l’A b b é d’Orléans
» feroient fages & pleins d’une raifon apparente, pour» roient-îls jamais effacer
cette multitude prodigieufe
de
» f û t s , qui forment une image fi v iv e du cara&ere d e fo n
» efprit- ».
V o k - o n dans cette ca u fe ,
com m e dans celle de M .
l’ Abbé d’O rlé a n s , une multitude prodigieufe de faits de
dém ence ? A -t-o n feulement la preuve d’tin feul fait grave
qui annonce quelque danger imminent pour la perfonne
ou pour la fortune de M . le Préfident d’A bbad ie? O n n’a
que des témoins d’oui-dire des deux faits principaux, ou
plutôt de l’intention qu’on dit que M . le Préfident d’A b
badie a eue , d’atteler à fa voiture des chevres qu’il n’y a
point a tte lé e s , & d’enfeigner à des oyes l’alphabet
qu’il
n’a jamais prononcé devant elles , & /enquête qui
ren
ferme ces abfurditésa été annullée. Q u e lle différence entre
la caufe de M . l’A b bé d’Orléans & celle de M . le Préfident
d’A b b a d ie ! Dans la prem iere, c’étoit une multitude p ro
digieufe de faits de dém ence qui n’étoient contrebalancés
par aucun interrogatoire : dans la f é c o n d é , c’eft une m ul
titude
�41
titude d’interrogatoires pleins de raifon qui ne font contre
balancés par aucuns faits
qui cara&erifent un état
de
démence.
V o u le z-v o u s iavoir ce que penfoit de la preuve réfultante des interrogatoires,
l’illuflre Magiflrat dont vous
invoquez le fuffrage ? E c o u te z ce qu’il dit à ce fujet dans
la m ême caiife.
« Diftinguons deux efpèces d attes très-différens.
» L e s adtes de la premiere efpèce font tellem ent per» fo n n e ls , fi attachés , fi inhérens à la volon té de celui
» qui les p a if e , ils portent; un cara&ere fi évident de fon
» a & io n , de fon efprit, de fon ju gem ent, qu’ils ne peuvent
» prefque jamais être confidérés com m e l’ouvrage d’une
» main étrangère.
» T e ls font les interrogatoires de ceux qiù font accufés
» d’un c r im e , ou foupçonnés de d é m e n c e , & qui paroiifent
» en la préfence de leur J u g e , dénués de tout fe co u rs,
» fe u ls , fans autre appui que celui de leur in n ocen ce, ou
» de leur fageiTe, dans la main de leur propre confeil ,
» com m e parle TEcriture ».
J u g e z , d’après c e l a , ce qu’auroit dit M . d’AgueiTeau à
la vue de cette multitude d’interrogatoires & de dires perfonnels de AI. le Préfident d’A b b a d ie , foutenus par un rap
port de M é d e c in s , & par divers a£tes qui marquent une
bonne adminiftration , & une fage économ ie. Jugez ce que
dira le Magiftrat qui o ccu p e fa p lace, & qui y fait revivre
ion éloquence & fon zele.
A i-je befoin de combattre la demande fubfriiaire de
M adam e d’A b b a d ie , tendante à ce que fon mari foit inter
rogé de nouveau , pendant deux m o i s , de deux jours l’un?
C e tte demande inouie eft une vraie dérifion à juftice.
F,
�42
Q u o i ! n e u f interrogatoires fubis dans l’efpace de fix
femaines, depuis le 29 D é c e m b r e 1 7 8 y jufqu’au 9 F év rier
1 7 8 6 j deux interrogatoires fubis dans la premiere quinzaine
du mois d’a v r i l, cinq interrogatoires fubis & fix dires perfonnels faits depuis le ip avril jufques au 18 M ai , une
foule d’a&es de comparution & de dires p e r fo n n e ls , mêlés
pendant près de cinq mois à tous ces interrogatoires, &
des vifites de M é d e c in s , continuées fans interruption pen
dant foixante-huit jours confécutifs , tant d’a&es qui e x
cèdent fi prodigieufem ent la mefure de l’inftru&ion ordi
naire , ne fuififent pas à M adam e d’A bbadie ! Jufqu a quand
abufera-t-elle donc de la patience de fon m a ri, & quel fera
le terme de cette perfécution ?
E lle veu t que M . le Préfident d’A bbadie fubiffe encore
trente interrogatoires de deux jours l’u n , dans l’efpace de
deux mois ; mais elle avoit formé la même demande au
C hâtelet par fa R e q u ê te du 12 Septem bre 1 7 8 ; , & elle a
acquiefcé à l’Ordonnance qui l’a rejettée, puifqu’elle a requis
elle-même l’exécution de cette ordonnance par fes requêtes
des 2 &
17 Janvier 1786. C ’eft donc ch ofe jugée ave c
elle que fon mari ne doit pas fubir une pareille épreuve.
D ’ailleurs, M . le Préfident d’A bbadie n’a-t-il pas été
interrogé par le fieur Lieutenant C iv il dans des jours q u e lle
a choifts elle-même com m e des jours de folie ? N ’a-t-il pas
été vifité & entendu par deux M édecins pendant plus de
deux mois? N ’eft-il pas entendu plufieurs fois par femaine
depuis quatre mois qu’il a l’honneur de v o ir les M agiftrats,
& de folliciter leur juftice? Chaque conférence qu’il a a v e c
eux ne vaut-elle pas un interrogatoire ? Q u e l eft donc le
but de M adame la Préfidente d’A b b a d ie , & que cherche-
�43
t-elle après un com bat de deux ans foutenu devant quatre
T rib u n a u x , fi ce n’eft à juftifier fes pourfuites par leur
excès m ê m e , & à faire naître tôt ou tard, s’il eft p oflib le,
dans l’organifation fenfible de fon m a r i, une révolution qui
lui ferve d’e x c u fe , & qui allure le fuccès de fon a&ion.
L e iieur Profit, dont l ’efprit étoit agité par intervalles,
& dont l’adminiftration n’étoit pas aufii fage que ce lle d e
M . le Préfident d’A b b a d ie , n’avoit été interrogé qu’une
feule fois au C h â t e l e t , & ne l’a pas été en la C o u r. L a
dame Profit, prefque auiïi acharnée que M adam e d’A b b a d i e ,
à la pourfuite de l’interdiftion de fon m a r i , a demandé
fubfidiairement fur le barreau , qu’il fût furfis pendant fix
mois au Jugem ent de fon a p p e l , pendant lequel temps
fon mari feroit interrogé par un CommiiTaire de la C o u r ;
mais fa demande a été rejettée. M adam e d’A bbadie a-t-elle
donc pu croire que la fienne feroit a cc u e illie , & que la
C o u r , inftruite de l’état de M . le Préfident d’A b b a d ie , par
une longue p rocéd u re, ôc par l’infpeûion journalière de
fa p erfonne, laffujettiroit à de nouvelles é p r e u v e s , qui
dégénereroient en une forte d’inquifition ?
M adam e d’Abbadie propofe un fécond c h e f de demande
fubfidiaire , qui tend à ce qu’elle foit admife à p r o u v e r ,
11®, que le 12 A v ril i~j%6s M . le Préfident d’Abbadie a
paru à fon b a l c o n , un rafoir à la m ain , &
qu’il a fallu
qu’un voifin accourût de fa maïfon pour le défarmer ; 20. que
le m êm e jour ( 12 A v r i l ) M . le Préfident
d ’A bbadie a
fait toutes les folies poifibles à l’H ô t e l- d e - V ille , aux T u i
leries , ôc en l’H ô te l du fieur Lieutenant-Civil ; 30. que
toutes les fois qu’il a eu des a c c è s , il a fallu aller chercher
y n étranger pour le contenir par des menaces.
FÜ
�C es faits imaginés en défefpoir de caufe font faciles a .
écarter.
D ’abord le fait du rafoir demande une explication après
laquelle il doit paroîcre évidemment indifférent ou faux.
Prétendez-vous que M . le Préfident d’Abbadie avoit un
rafoir à la main le 1 2 A vril 178 6 , fans aucun mauvais deffein,
fans qu’il ait faic aucun m ouvement tendant au fuicide?
D ans c e cas, le fait eft indifférent^Il n’eft point d’h o m m e ;
parmi ceux qui fçavent fe rafer eux-mêm es, ( & M . le
Préfident d’Abbadie eft de ce nombre ) à qui il n’arrive
quelquefois de fe montrer à une fenêtre ou à un balcon ,
un rafoir à la main ; & la preuve d’un fait indifférent ne
doit pas être ordonnée ; frujlra enini admittitur ad probandum quod probatum non relevât.
Prétendez-vous que M . le Préfident d'Abbadie avoit le
12 A vril un rafoir à la m ain, dans le deffein de fe couper
la g o r g e , ou de fe m utiler, deffein qui n’a pu être décou
vert que par quelque m ouvem ent de fa p a r t , tendant au
fuicide ? dans ce cas, le fait eft déjà démontré faux de trois
manières; i°. par l’événem ent; 20. par le rapport de M éd e
cins ; 30. par votre aveu formel.
i°.
C e faic eft démontré faux par l’événement ; en
e f f e t , fi M . le Préfident d’Abbadie avoit eu un rafoir à
la main , &
s’il
avoit voulu fe couper la g o r g e ,
oh
fe
m utiler, il auroit eu amplement le loifir'de le faire avant
que le voifui eût eu le temps de fortir de fa maifon , de
monter dans celle de M . le Préfident d’A b bad ie, & d’arrivec
à fon balcon. S ’il ne l’a point fa it, c’eft qu’il n’avoit pas plus
la volon té que le m oyen de le faire.
2°, C e fait eft démontré faux par le rapport des M é
�4?
decins; en e f f e t , le rapport conflate que le 12 ôc le 13 avril
1 7 8 6 , M . le
Préiident d’Abbadie étoit Jans la' moindre
apparence- de fureur ni de violence,
5 0* Enfin , ce fait eft démontré faux par l’aveu formel de
Madam e d’Abbadie. C e t aveu eft configné dans fon C o m
mentaire fur le rapport des M é d e c in s , note 4.0, conçue
en ces termes.
»Jamais perfonne n’a dit que M . le Préfident d’A bbadie
» montrât de la fureur & d e là v io le n c e » .
C ’eft dans le mois de Juillet 1 7 8 6 , trois mois après la
journée du 12 avril, que M adam e d’A bbadie rendoit cette
Juitice à fon mari ; elle a donné trois ouvrages imprimés
au C hâtelet dans les mois de Juin &
de Juillet 17 8 5 ;
elle ne parle du fait du rafoir dans aucun ; &
c ’eft au
mois de Mars 17 S 7 , qu’elle imagine de dire pour la p re
mière fois , que fon mari étoit armé d’un rafoir lé 12 avril
I 7 8 5 , ôc agité par la fureur du fuicide ! Q u ’elle tâche donc
de s’accorder fur ce fait avec l’é v é n e m e n t, avec le rapport
des M é d e c in s , & avec elle-même.
L e fécond fait n’eft pas plus admifïible que le premier,
fi l’on peut appeller fait une allégation.vague qui n’a aucun
objet fixe ôc déterminé.
Q u ’eil-ce qu’on
a
voulu d ire , quand on a die que M .
le Préiident d’Abbadie a fait, le 12 avril 1 7 8 5 , toutes
les folies p o ifib le s , & com m ent concilier cette allégation
avec le dire raifonné qu’il a fait le m ême jour en l'H ô t* !
du (leur Lieutenant-Civil ?
L article premier du titre 20 de l’O rdonnance de 1 6 6 7 ,
veut que les faits qui giflent en preuve foient articulés?
�^6
c eft le feul moyen de diftinguer les faits indifférens dont
la preuve doit être refufée
d’avec les faits ielevans dont
la preuve peut être ordonnée. Tout a Us folies poffibles ne
font pas des faits articulés ; il n eft donc pas poifible d’en
ordonner la preuve.
L e troifième fait concernant l ’appel d’un étra n g er, pour
contenir M . le Préfident d’Abbadie par des m e n a c e s , n’eft
ni plus e x a d ni plus admiiTible que les deux autres ; en
effet , quel befoin peut-cn a v o i r , de contenir par des
menaces un h o m m e , q u i , fuivant le rapport des M éd ecin s,
& de l’aveu même de M adame d’A b b a d ie , n’a jamais donné
la moindre marque de fureur ni de vio le n ce ?
L a dame Profit articuloit des faits de fureur de fon mari,
poftérieurs à la Sentence du C hâtelet dont elle étoit appel
lante, C es faits ont été rejettés, & la S entence a été con
firmée. Madame d’A bbadie donne aux faits qu’elle articule,
une date antérieure de plus de trois mois à la Sen ten ce
du Châtelet où elle ne les a pas articulés. C e s faits font la
dernière refTource de la chicane qui
cherche à retarder
le jugement de la caufe la plus fimple & la plus jufte.
D e quoi s’agit-il dans cette caufe ?
S ’agit-il de pourvoir à la confervation de la peçfonne
de M . le Préfident d’A bbadie ?
Mais Madame d’A b b a d ie convient elle-même dans fon
M ém oire imprimé au C h â te le t , page 1 14., qu’elle lui auroit
laiffé l’adminiftration de fa perfonne , s’il avoit voulu lui
lailfer l’adminiftration de fa fortu ne, & l’expérience prouve
depuis plufieurs années , que M . le Préfident d’A b bad ie
fçait adminiftrer & conferver fa perfonne.
S ’agit-il de pourvoir à la confervation des deniers de la
fucceflion
du
fieur de
Borda?
�47
Mais M . le Préfident d'A bbadie offre d’en faire e m p l o i ,
& de les convertir en immeubles.
S ’agit-il de pourvoir à la confervation des immeubles ?
M ais M . le Préfident d’Abadie fe foum et à un C on feil
fans lequel il ne pourra ni les aliéner, ni les e n g a g e r,
& plus de deux millions de fes biens font grévés de fubftitution au profit de fes enfans.
Q u e refte-t-il donc ? le revenu : voilà le feul intérêt
de la caufe : M adame d’A bbadie veu t jouir du revenu de
M . le Préfident d’A bbadie ; & pour fe ménager cette jouiffa n c e , elle brûle du delir de facrifier fon état, fa lib e rté ,
tous fes droits c i v i l s , & de com prom ettre la deilinée de
fes enfans ; c’eft ainfi qu’elle prouve qu’elle eft digne époufe
& tendre mère.
Mais pourquoi M . le Préfident d’Abbadie ne continueroit-il
pas de jouir de fon revenu ?
I l ne l’a jamais diflîpé; il eft au contraire dans l’habitude
de faire des épargnes & des acquisitions ; & s’il le dépenfoit
en e n tie r , il ne feroit que lui donner fa deftination naturelle.
S o p h o cle accufé de d é m e n c e , fous prétexte qu’il négligeoit fes affaires domëftiques pour com pofer des T r a g é d ie s ,
parut devant fes Juges , tenant fon CEdipe à colonne à
la main. E co u te z , leur d it-il, ce D ram e que j’ai co m p ofé
r é c e m m e n t, & jugés fi c ’eft-là l’ouvrage d’un infenfé :
il l u t , & il fut abfous.
M . le Préfident d’A b bad ie, chargé d’une femblable accufa tio n , n’a point de production du génie à offrir pour fa
défenfe. L a nature, en le douant d’un efprit fage & judicieux
�48
verfa fes plus beaux dons dans fon c œ u r ; mais s’il n’a
pas le talent d’écrire com m e S o p h o c le , il joint à une raifon
faine le mérite de mieux adminiftrer.
V o y e z , dit-il aux M agiftrats, le Procès-verbal de mon
audition : les réponfes que j’ai faites durant le cours d’en
viro n
cinq mois font-elles d’un homm e en démence ?
Voyez
les acquifitions que j’ai faites annuellement de
puis 1781 : un infenfé en auroit-il fait autant?
V o y e z les épargnes que j’avois en main en 1 7 8 4 , & les
quittances de 30,000 livres de legs faits par ma m ère,
que je me fuis empreffé de payer de mes revenus. L ’homme
le plus fage auroit-il pu mieux faire ?
Je parle com m e un hom m e raifonnable, j’agis com m e
un bon père de famille ; je ne fuis ni fou ni diffipateur ;
en quelle qualité ferois-je donc interdit ?
Monjleur
S E G U IE R ,
A vocat Général,
M e B E R G E R A S , A v o c a t.
J
A
u l h i a r d
,
Procureur.
P A R I S , chez K N A P E N , Imprimeur de la Cour des A id e s , au
bas du Pont S. Michel, 1 7 8 7 ,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Vernet
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_V0102_0001.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. D'Abbadie. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Seguier
Bergeras
Julhiard
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
traitement par électricité
psychiatrie
divorces
maison de force
successions
conseils de famille
abus de faiblesse
violences sur autrui
certificat médical
témoins
experts
Description
An account of the resource
Réplique pour monsieur d'Abbadie, conseiller-honoraire au Parlement de Paris, président à Mortier au Parlement de Navarre. Contre madame la présidente d'Abbadie, son épouse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Knapen et Fils (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1781-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0106
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0105
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53981/BCU_Factums_V0106.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Pau (64445)
Bizanos (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
certificat médical
conseils de famille
curatelle
démence
divorces
experts
maison de force
psychiatrie
Successions
témoins
traitement par électricité
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/17/53989/BCU_Factums_V0114.pdf
6ca4dfae1c9a08659e23706246cc235e
PDF Text
Text
MEMOIRE
P O U R la Dame Marquife d e
à l'interdiction de fon mari ;
C O N T R E
Douairière
la Dam e
de
de
C
a br is
, défendant
L o m b a r d , Marquife
C a b r i s 3 pourfuivant l ’interdiction
de fo n fils ypour caufe de démence.
Une
mère foible par fo n â g e , foible par fes affect ion s,
inftrument prefque impaflible d’une aff ociation i ntéreff é e ,
pourf uit depuis huit ans la honte de fa poftérité dans la
perfonne de fon fils. Elle demande q u ’il foit interdit pour
caufe de démence, parce que les traitemens indignes exercés
pendant fept ans fur la perfonne de fon fils, autorifés par
e l l e , ou du moins tolérés, ont affoibli fon e fpr it en altérant
fes organes.
Elle demande que f on fils foit in te rdi t, pour demander
l’adm iniftration de fes biens j &. elle veut adminiftrer fes
A
�1
biens ¿parce qu’c!le en a diflîpé une partie , & pour diflîper
ie reitc.
i*
U n e femme perfécutée depuis huit ans, diffamée jufqu’au
pied du T r ô n e , privée deux fois de fa liberté , parce qu’elle
d éfendoit avec courage la p erfo n n e , l’honneur , les biens de
fon m a r i , ô£ les efpéranees de fa fille unique , vient encore
protéger des intérêts il chers. Elle demande'que fon mari ne
foit pas in te r d it, parce qu’il n’eft ni prodigue ni fu r ie u x ,
parce que fa foiblelle morale , eft un effet momentané de ion
affoibliiTement phyfique , caufé lui-m êm e par les excès &
les outrages dont il fut la vi£time.
Elle demande que l’infortuné ne foit pas puni de la bar
barie avec laquelle il a été traicé , & que fes tyrans ne trou
vent plus dans l’effet même de leurs perfécutions, un m o tif
de perfécutions nouvelles.
Elle demande le libre exercice de fes droits d ’époufe-ôc de
mère , du droit inconteftable de coniacrer ies loins à la fauté
de ion é p o u x , à l’éducation de fa fille.
Elle demande que les biens de ion mari foient confiés à
une adminiftration éclairée
i a g e , ions les aulpices des
Tribunaux.
Elle ne veut enfin que la perfonne de fon mari : elle dépofe fa fortune dans les mains d e là Jufticc.
V o ilà Us deux tableaux que cette affaire préfente.
C ette affaire doit intéreller, non pas parce que le Marquis
de C abris, dont on artaque l’exiftcnce c iv ile , c il un homme
de q u a lité , 6c qu’il a 50,000 liv. de rente ; mais parce qu'il
eft père d’un entant digne d’égards , parce que 1 état d’un ci
toyen eft une chofe confidérablc , parce qu’il importe à tous
�3
que la Loi foie entendue & exécutée dans Ton fens vérita b le,
& que l’interdiction qu’elle a établie com m e une précaution
ju fte , mais déicfpérée', ne devienne pas une fervitude arbi
traire & une flétriflure inutile.
T o u s les faits d o n t on va lire le r é c i t , font déjà confignés
dans des écrits publics ; cependant il eft néceiTaire de les rap
p eler, furtout d’indiquer les p reu v es, parce qu’ils font invrailemblables.
F
A
I
T
S
.
L a D em oifelle de M ir a b e a u , fille du M arquis de M ir a - frémi* « éso^ue.
b e a u , a époufé le M arquis de Cabris en 1769 ; deux ans
ap rès, une fille encore u n iq u e , eft née de ce mariage.
Le Bailli de M irabeau , oncle de l'epoufe , avoit pro
mis une fom m e de 30,000 livres pour égaler la d ot de la
M arquife de Cabris à celle de fa foeur , la M arquife du
Saillant. ( 1 )
C e tte promeile n’étoit point exécutée. Le M arquis de
Cabris la rappelle en 17 7 4 . L e Bailli répond q u ’on a pris un
com plim ent pour des paroles (2 ), 2c lui-même il prend cette
demande pour une injure.
D ’un autre c ô t é , la difeorde agitoit déjà la maifon pater
nelle de la M arquife de Cabris. Sa mère vivoit feule dans fes
terres du
Lim ouiîn. Elle
a voit
cru
remplir
un
devoir
de piété filiale , &. , accom pagnée de fon m a r i , elle a,voit été
voir fa mère.
( 1 ) L ettre du M arq u is de M i r a b e a u , du n Février ¿ 7 6 9 , déjà im
p rim ée.
( x ) L ettre du Bailli d e M ir a b e a u , d u 15 Janvier 1 7 7 4 , déjà im
prim ée.
A i;
�A
I.cM arquis de C a b ris , affe& é de l’embarras extrême dans
lequel il avoit trouvé fa belle-m ère, n’a voit pas balancé à lui
prêter z o ,o o c liv.
C ’etoit dans le m êm e temps qu’il demandoit les 30,000 I.
promifes par l'onclc de fa femme ; au lit, en répondant qu’il
n ’avoit
rien
promis ,
l’oncle
écrivoit - il avec
autant
d ’amertume que de mauvaile f o i , qu’ un prêt de 12000
liv . pour une obligation de 60,000, ¿toit une ufure épou
vantable. L ’oncle favoit bien cependant que le prêt étoic
de zo ,o o o liv. & ‘quc l’obligation n’exiftoit pas.
D e u x ans après, la rupture éclata entre le M arquis & la
M arquife de M irabeau. L e public a été aflez inftruit de
cette tri île querelle. La M arquife de M irabeau forma fa
première demande en féparation ; cette demande fut re
jetée. En exécutant PA rret du Parlem ent qui la réunit à
Ion m a r i, en rentrant dans l'a mailon , elle trouva un ordre
m im ftériel, en vertu duquel elle fut enfermée au co u ven t de
S a in t-M ic h e l, rue des Portes.
D epuis on a oie dire & imprimer que cette demande en fé
paration avoit été infpirée par la M arquife de Cabris. O n a
ofé dire & imprimer que les 10,000 liv. prêtées librement
par fon m a ri, deux ans a u p aravan t, avoient été prêtées fur
fes inftances, & pour alimenter ce déplorable procès.
11 étoic alors bien loin de fa penfée qu’on put un jour lui
faire un crime d’avoir c o n fo lé , d’avoir aidé fa mère.
A la nouvelle de fa détention , elle accourut fur le-champ
auprès d’elle; elle ob tint la permiflion de la voir: un refus au.
roit trahi des préparatifs perfides.
P e u de jours après , le 19 Juin 1 7 7 7 * la M arquife de C a
�11
bris cft elle-m êm e , en vertu d'un ordre m ïn ifléricl, exilée A
l ’A b baye de la Déferre à Lyon.
C et ordre cft
révoqué
quatorze
jours
après ,
le
4
J u ille t , fur la réclamation perfonnelle de la M arquife de
Cabris.
£lle retourne auprès de fon mari. Son mari ne pouvoit pa£fer fous fiicnce cet attentat à Ton autorité, cette injure faite
à lui-même dans la perfonne de fon époufe.
I l s ’adreiTa au M arquis de M ir a b e a u , feul auteur de cette
e n tre p riie, 8c lui fit les plus vifs reproches (1).
Peu de temps ap rès, inftruit par la M arquife de M ir a
beau elle-même des menaces faites de la renfermer aux
V a ld c n e s de C harcnton , il envoya conjointem ent avec fa
fe m m e , des pouvoirs pour demander à la Juftice desfecours
convenables au rang 6c à la fituation de fa belle-mère.
C e tte démarche fit jurer fa perte- ÔC celle de fa femme.
L e m oyen de l’interdi&ion étoit un moyen fa m ilie r, prefq u’autant que les ordres m inijlérids. D es deux caufes or
dinaires d’in te rd ictio n , prodigalité ô démence, la dernière
étoit moins difficile à fuppofer. Si le M arquis de Cabris
n ’eût pas prêté 10,000 liv. à fa belle-mère , s’il ne fc fût pas
préfenté pour la fecourir , s’il n’eût pas trouvé mauvais qu’on
fît enfermer fa fe m m e , parce qu’elle co nfoloit fa m è r e , il fe.
roit encore fage &: libre.
C e com p lot étoit Singulièrement encouragé par la certi
tude d ’avoir des partifans dans la propre famille du M arquis
de C a b r i s , & par la connoiiïancc des embûches déjà dref( 1 ) L ettre du M arqu is de C a bris au M arqu is de M ir a b e a u , du 4 A o û c
1 7 7 7 , déjà im prim ée.
�6
fées autour de lui par l’avidité des collatéraux , toujours ac
tive & jamais raflafiée.
L e Marquis de C a b r i s , à la m ort de Ton p è re , s’étoit
trouvé , à peine forti de l’a d o lefccn c e , propriétaire de 50,000
liv. de rente.
Scs trois foeurs , mariées à trois G entilshom m es P ro v en
çaux n’avoient eu
que 45000 liv. de légitim e , avec le
droit à un fupplément de lé g itim e , fixé par le teftament du
père com m un à 8000 lir. pour chacune ; mais elles étoient
appelées à l ’univerfalité de l’h é rita g e , s’il arrivoit que leur
frère mourut fans enfans.
L e mariage de leur frère fufpcndit cette cfpérance , & la
naiflance de la D em oifelle de C abris vint l’anéantir. O n réfolut au moins de ne pas laiifer doubler cet obftacle. D e -là
les intrigues pour troubler le jeune ménage , les ca lo m
nies auprès du m a r i , les délations auprès de la femme.
O n avoit poufle la perfidie jufqu’à égarer le cœur du M a r
quis de C a b r i s , & jufqu’à faire jaillir de cet égarem ent Tou* !
rrage &. l’infultc fur fa femme.
D e -là la réparation volontaire &
m om entanée
dont
on a fait tant de bruit ; q u i , dans ce m om ent e n c o r e , cil
le feul prétexte des calomnies , &; d ont la M arquife de
C abris a repouiTé il fouvent
la honte fur fes perfécu-
teurs.
En éloignant la fe m m e , qui feule pouvoit inquiéter la
cupidité par une furveillance in co m m o d e, on obtenoit deux
avantages , celui d’arrêter toute efpérance de poilérité fur la
tête de la fille u n iq u e , Sc celui d’environner le p o u x de gens
utiles à l’exécution des projets.
Seytre , préfenté par les beaux-frères avoit été choifi &
�7
nom m é curateur à fa minorité ; 2c le premier foin de cc
curateur avoit été de r é g le r , avec les beaux - frères, le
fupplémcnt de légitime. C c fu p p lé m cn t, fixé p a r le teitam ent du père à 14000 liv. pour les trois fœ u rs , avoit été
porté à 60,000 liv. ôc le M arquis de C a b r is , autorifé par Ton
c u r a te u r , avoit payé 60,000 liv. par quittance du 16 Juin
Ï775Seytre ne fe contentoit pas d’autorifer tout avec comp la ifa n c e , il cherchoit encore les occaiions à'autorifer \ &c
A lzia jri, Procureur à G ra tte , étoit chargé de l’aider dans
fes recherches.
C ’eft ainli qu’ils ont
fait
emprunter au M arquis de
Cabris plus de cent mille livres (1). A lziari fournilToit les
moyens Sc Scytrc les pouvoirs. C e font ces dettes qu’on a
acculé la M arqu ifc de C a b ris ,a lo rs ab fen te, d’avoir fait con
tracter à ion mari.
Le com plot d’interdi& ion form é à P a ris , favorifoit donc
les complots de Provence. La vengeance s’aflocioit à l’avi
dité. L ’infortuné Marquis de Cabris étoit environné d’en
nemis dans fa propre famille. Sa m è re , dont l’âge augmentoit la foiblcflè & l’ap a th ie, devoir céder aux impuliïons
de fes p a ren s, & les parens étoient entraînés par un double
intérêt.
Les trois beaux-frères parloient encore du fupplémcnt de
lé g itim e , peu iatisfaits de l’avoir fait tripler par le complaiiant Scytrc. L ’évén e m en t a juitifié leur elpérancc. Les pre
miers momens de la m ort civile du M arquis de C a b ris, ont
«
(1) L ettre du Heur A lz ia r i au M a r q u is de C a b ris , du 8 Juin 1 7 7 6 ,
im prim ée page 73 du prem ier M é m o ir e .
�S
cté em ployés, par fa m ère, à payer à ccs beaux-frères ccfup*
plément de légitime com m e ils ont v o u l u , fansd ifcuüion ,
fans conteftation , fans formalité.
U n intérêt plus v i f les animoic encore : a p p e lé s, au
défaut d’enfans , aux fubftitutions de la maifon de C a b r is ,
la, naiiïance de la D em oilclle de Cabris . n’avoit pu leur
enlever cette efpérance fans leur en donner une autre : ils
vou lo icn tre co u vre rp a relle lcs biens qu’elle leur faifoit perdre.
C es deux diviiîons des deux familles , réunies pour le
m êm e projet par des intérêts contraires, ont paru, dans les
premiers écrits de U M arquife de C a b r i s , un roman invraifcmblable.
C ep en dan t elle ne l’écrivoit pas fans preuves : aujour
d ’hui les preuves fe font accumulées ; elles font confignées
par to u t , dans des délibérations juridiques, dans des a£tes,
dans des écrits; Sc la double confpiration eft devenue l’hiitoire de toute la famille , de toute la province , & l’on pourroit dire même de la capitale.
S iconjje Époque
T o u t étant préparé pour l’exécution , le premier N o
vembre 1 7 7 7 , on voit arriver à GralTe le Bailli de M ira
beau ; celui q u i , trois ans au p aravant, en parjurant fa f o i ,
en refufant de payer les 30,000 liv. promifes au M arquis de
C a b r is , écrivoit à fon époufeq u ’ils étoient des ufuriers épou
vantables.
11 s’établit chez la D a m e de Lom bard , Douairière de
Cabris , 8c refufe de voir fa nièce ¿5c fon neveu qui viennent
le vifiter.
C e religieux d'un Ordre illu flre, capable de 'tous les acles
m ilita ires, incapable de tous les acles c iv ils , fans pouvoir
pour
�9
pour lui m êm e, s’étoit chargé des pouvoirsdes autres. I! étoic
muni de dix procurations que l’exceflivc bienveillance du
Juge rendit inutiles.
Six jours nprès ion a rrivée, la dame de Lom bard pré
fente la Requête en interdiction du Marquis de C a b r is , fon
fils.
Les pretextes n’étoient pas n o m b re u x , p u ifq u e, dans ce
m o m e n t encore , la dame de L om b ard ne juitifie fa d é
m arche cruelle que par deux
faits q u ’elle
appelle
des
fignes certains d ’une folie in c u r a b le , &: d o n t l ’un ne pouvoic être cara&érifé ( i ) , Ôc l’autre étoit un accident m a l
heureux (i).
La vérité eft que le Marquis de C a b r is , accablé des c h a
grins d o n t on avoit environné fa jeunelfe, & d on t on vient
d ’eiquiflcr le tab leau , étoit devenu très-fenfible ;
fcnfvbilité
lui
cette
d onnoit des accès fpafmodiques , &. des
inltans de mélancolie, fur tout les inftansqui fuivoient quel
que agitation
violente. D e cet état de foibleíTe p hvfique
à l’état de f o lie , l’intervalle e f t i m m c n f e ; cet intervalle cft
toujours le m ê m e , malgré les efforts employés pour le faire
franchir au Marquis de Cabris.
Jufqu’au m om ent de la demande en in te r d i& io n , l’opi
nion de la famille iur cet état de maladie m o m e n ta n é e ,
e lt conftatée par l’aveu de la dame de L om bard elle-même.
( i ) L a dam e de L o m b a rd a im prim é dans tous fes M ém oires ce
prétendu billet fait
6
par le
M arqu is d e C a b r is au iîeur G arnier , le
Juillet 1 7 7 6 , pour lui garantir pendant d eux ans la fanté de corps
& ti’efprit.
(1) L e M arquis d e C a b ris s’étoit blcile à la cuiiTe.
B
�10
En 1 7 7 6 , elle écrivoit à fa belle fille : V o tre mari cjlrevenu
d ‘ A i x avec quelques indifpofitions cauftes par les agitations
d ’un arrangement qui a pris trois mois de temps, mais elles ont
difparu ; i l f e porte très-bien.
E t dans une
autre lettre : V ous deve\ avoir reçu tn c
lettre de votre mari ; i l f e f a i t beaucoup plus malade q u i l
n e f l \ i l y a beaucoup a efpérer pour fort parfait radbli(jem tnt.
Quelques mois a p rès, la dame de Lom bard prétend que
fon fils eft in fe n fé , furieux, fans efpoir de guérifon , 6c elle
demande qu’il foit interdit.
L a M arqu ife de Cabris étoit feule pour défendre fon mari.
L e 7 N o v e m b r e , c’e ft-à -d ire , le lendemain de la demande
en in terd iction , elle fe préiente au tribunal pour s’y oppoler :
elle n’eft point écoutée.
L e Juge ordonne la preuve des faits. O n aiTemble, on
interroge tous lesd cm eitiq u es de la D a m e de Lombard ( 1 j.
Son fils demande à faire la preuve contraire. O n accorde \
mais on révoque cet acte de juitice avant m ême qu’il (oit
exécuté (z). Il écrit fa défenie de fa propre main ,
dans
le m ême temps il fait un a & c public de prudence &
de
fagacité , il tranfige dans les falles de fon Château a vcc toute
la C om m unauté a iïc m b lé e , fur une contellation délicate ,
fubiiilantc depuis plus de cinquante ans (3}.
Il cft interrogé ,
fes réponfes attellent fa prefence
d ’cfprit. La famille n’efl: ni ailemblée ni confultéc. Le m i'
niftère public conclut qu’ i l n y a pus lieu a l'interdiction >
Çi) D e vingt-deux témoins , lept ou huit fe u l e m e n t , les d fù iés d e
la D a m e de L o m b a rd , s’efforcent de parler c o m m e elle.
(2) L e M arqu is de C a b t i s avoit déjà fait conftater l'intégrité de fa
raifon par 42 tém oins.
(3) C e t t e tranfa& ion a etc confirmée par le Parlem ent d ’A i x , u o i s
ans aptes l’in te r d id io n prononcée co m te fo u A u t e u r .
�11
& le Juge la prononce pour caufe de manie hypocondria
q u e (i) , en ordonnant au furplus que la famille fera aiTem-
bl.ee pour nommer un Curateur à l’interdit.
Le lendemain , le M arquis de Cabris interjette appel au
Parlem ent d ’ Aix.
Malgré l’a p p e l, & douze jours après, la Sentence s’exé
cute. L ’H otel du Juge reçoit un fimulacre d ’aiTemblée de
parens. L à , préfide le Bailli de M irabeau , toujours muni
de Tes dix procurations, qu’il montre & qu’il n’a jamais d é pofées ; deux beaux-frères & deux étrangers fiègent à côté
de lui. Les plus proches parens , répandus dans dix familles
à G r a t t e , ne font pas m êm e invités : on connoilToit leur
opinion.
Sur le vœu trts~una'i ‘i m i de cette aflemblée le Jup-e ordonne l’exécution provil'oire de ia
Sentence nonobftanc
l ’appel , nom me la D am e de Lom bard C uratrice à l’inter
diction , & T u tric e de fa p etite-fille, fixe une penfion à
l ’i n t e r d i t , &L des alimens à fa femme , aucorife la prétendue
C u ratrice à emprunter
toutes les fomm es qu'elle jugera
nécedaircs fur les biens de l’interdit ; i l l'autorife fur-tout
h. arrêter le compte du fieur S e y tr e , autrefois Curateur à la
minorité du M arquis de Cabris , enfuite fo n c o n fe il, a d m im f
traceur de fe s biens , fo n Procureur, fo n défenfeur ju fq u au
moment de l'interdiction , vendu alors aux intérêts de l'a jfociation combinée,
0
depuis lors la trahiJJ'ant ou la protégeant
icur a tour fu iv a n t fe s intérêts perfonnels. (i)
( i \ Sentence d u 12 Janvier 1 7 7 8 .
( 2 ) L e fieur Seyire , mécontent de la D a m e de L o m b a r d ou de
fe? lui veillans , avoit déferré fon parti. V o i c i c o m m e elle le peignoir
alors dans fa R éplique
fo m m a ir e de 68 pages en
t r c s - p e r ic carac-
B ij
T r o is iè m e £10
qu i.
�11
Enfin , la même S e n t e n c e , par une efpèce d e vertige , autorife la C uratrice à faire enlever & mettre fo u s f a main la
perfonne de l'interdit & celle de f a fille comme étant fo u s f a
p u ijfa n cc, jufques fous les yeux du Parlement , donc leur
appel avoic provoqué la juflice.
L e M arquis de Cabris défendoit donc fa p e r fo n n e ,.fo n
honneur , fa fortune devant le Parlement d ’A ix , tandis
qu’à trente lieues de-là , fa mère , devenue fa Curatrice ,
faifoit enfoncer les portes de fon Château , brifer les fer
rures des arm oires, Sc fe m ettoit en poiTcflion de tout.
11 falloir un inventaire. U n N otaire , nom m é par
Sentence
du
14
Janvier ,
hom ologative de
l’avis
la
de
parens , é toit com m is pour y procéder en préfenec de la
C u ratrice
de deux parens. La Curatrice n’y afnfte pas.
L ’inventaire eft fait avec les fubalrernes , 6c quel inventaire i O n repréfenre feulement ce qui n’a tenté la cupi
dité de perfonne ; on ne fait nulle mention d’une Biblio
thèque de 12,000 liv. ; n e u f caiflcs de mfcubles p ré cie u x ,
envoyés de Paris pour meubler une maiion n e u v e , ne fon t
pas o u ve rte s, on fe contente d’indiquer leur nombre.
Le M arquis de C abris avoit un mobilier d’environ 80000
l i v . , fur lefquelles il devoir encore 11,000 liv. , payées de
puis par la C u ratrice elle-même. Le Notaire affirme à la clô
ture de fon procès - v e r b a l, que tout ce qui efl inventorié
n 'excède pas la fom m e de 2400 liv. ( j )
tere , im prim ée en 1 7 S 4 , page 3 1. M 4 S e y t r c , n é dans la plus grande
obfcuritc
,
fa u x pa r caraclère
j
facrijïa n t tout à l ’intérêt
,
également con
nu & élevé, par f e s intrigues & celles de f a fem m e, à la charge q u i l f a i t .
Iis font aujourd’hui dans la m eilleure intelligence.
( 1 ) O u t r e les meubles conficlérables que le M arqu is de C a b ris avoit
acheté à L y o n Si à M atfeille,, il en avoit fait venir de P a n s , c o m m e o n
�13
Les A rchives du château renfermoient trois fortes de
titres ; les titres de noblefle de la famille , les charrricrs
des terres , les titres de recouvrem ent &
de décharge.
L e repréfentant de la Curatrice obferve qu’il feroit trop
lon g de décrire ces papiers. T o u t eft confondu & entafle
d.ins les armoires.
Le Notaire appofe fon fcellé fur les
ferrures, à la réquiiiticn des parties. C e fcellé cil depuis
brifé parla C u ra tric e , qui s’empare de tout fans defeription,
(ans inventaire. .Les titres d’une famille ancienne & n om breufe , font aujourd’hui difperfés ou a n éa n tis, £c cette
perte eft irréparable, (i)
Le M arquis de C abris apprit à A i x ces invaiions rui~
neufes. Il demanda que la p e r fo n n e , celics de fa fe m m e ,
de fa filîe, ÔC fes b ie n s , fiiilent mis fous la fau ve-g ard e
du Parlement. M a is le Bailli de M irabeau n ’étoit plus à
GraiTe, il étoit revenu à A ix . Sa demande ne fut pas écourée>
C ep en d a n t on inftruir fur l’appel. N o u v e l interrogatoire
devant un Confeillcr-Commiil'aire. Les réponlcs du M arquis
de Cabris font un m onum ent de fageile , non-feulem ent
vient île l’annoncer. La M a r q u ife de C a b r is produit en ce m om en t un
m ém oire du fieur B r e n e t, & une trania& ion paifée entre lui &
le iïeur
V e r o n , fondé de la procuration de la curatrice , devant M<= Bricliird <?c
fon contrère , N o ta ite a u C h â t e l e t , le 2.0 M ars 1 7 7 9 ', par lefqael* il eft
1
conftaté que le M arq u is de Cabris avois déjà paye une f o m m e d e 4 6 ,6 9 6 .
8 fols fur les m eubles com m andés 6c en v o y é s, & q u e la cu ra tric e, en
arrêtant l’envoi de ceux qui n’étoient pas en vo yé s, a p.iyc e lle -m êm e
9 898 liv. 9 fols 4 clen. pour reftant de com pte avec les founiifïcurs. L es
quittances font jointes à la tranfaétion. L a curatrice par ce paiement défi
n i t i f , a reconnu exprelfément l’exiftence de ces meubles. 11 faut q u ’elle en
rende com pte. L ’inventaire fait par elle , eft d ’une infidélité qui épouvante.
( 1 ) La M a r q u ife de Cabris a rendu plainte par-devant le C o m milfaire Ninin ,
le 15 M a i d e r n ie r , de ce bris de f c e l l é , conftaté
�«4
fur les a&ions de fa v 'c p riv ée , mais m îm e fui- des détails
relatifs à l’adminiftration de fes biens. («)
Il n’avoit e n c o re , dans cette fituation c r u e l l e , que les fe-
cours de fa
fem me. C ’étoit à la préfence de la femme
qu’on attribuoit la force de fa railon & de fon courage.
»4 ievrier 1778.
Six jours après fon in te rro g a to ire , pendant la n u i t , *
deux heures du matin , une brigade de M aréchauilee s’in
troduit jufques dans fa c h a m b r e , &C là , en vertu d’un
ordre M in iflé n e l, d o n t il demande ÔC dont on lui refuie
la com m unication ,
fon époule cil arrachée de Ion l i t ,
conduite à S iftcro n , dans la haute-Provence , ôc renfermée
R ï Q U Î T f RÉPON
D U ! le i j
F é vr ie r .
dans le couvent des Urfulines.
Le lendemain , le M arquis de Cabris rend plainte de
cet enlèvem ent ; il redemande fa femme : fa R equête eft
jointe au fond.
Il découvre la retraite de fa fe m m e , il veut la lu iv re; '
A r r ê t du 16 Fé
v rier 1 7 7 8 .
j
Mars 17VS.
P r o c è s - v e r b a l de
au m om ent où il va m onter en v o it u r e , un Huillier lui
iigniHe A r r ê t , qui lui défend de lortir de la v i l l e ; A rrêt
,
,,
,,
,
r
,
l’HuiiTier, qui arritc o b t e n u a v a n t 1 e n l è v e m e n t d e io n e p o u l e , m a i s t e n u
lebrisMarquis
de Caen vertu
de S E C H H T , & ré le r v é p* o u r la c irc o n il a n c e . L e m ê m e H uiiîicr
[•Arrêt
vncr’
du 16 ii-
un Cavalier de MaréchauiTée s'attachent à les p a s , Sc
le gardent à vue jufques dans fa chambre.
Le 7 M a rs , la D em oifelle de C a b ris, en vereu d ’un autre
A rrêc, cil enlevée à ion p è re , jouiil'ant encore de tous les
par les deux procès-vet baux fucceflîfs du m êm e N o t a i r e ,
du 16
lanvier
Te premeir
177S , ôc le fécond fait eu vertu d'un A r tê t du Par
lem ent de P a r is , au mois d 'A v r i l dernier , &
encore par le certificat
du m êm e N o t a i r e , picces jointes aux procès-verbaux faits en l’Hôtel
du L ie u te n a n t-C iv il.
( 1 ) Cet
interrogatoire eft
M a r q u ifc dé C a b r iî ;
L i t s en l'H ûtei.
im prim é
au prem ier M é m o i r e de
c'eit une des piècts jointes aux
p r o c è s -
1*
verbaux
�15
droirs , de route Ton autorité , pour être remife entre les
mains de la D am e de Lombard.
Privé de fa fem me &C de fa fille 3 l’infortune pouvoir
encore influer fur le jugem ent par fa feule préfence. O n
l’engage à retourner à Cabris , on lui promet que le ju
gem ent fera fufpendu.
Il
part dans les
premiers jours
d ’A v r i l, efeorté d ’un EmiiTaire de fa mère. Auffi-tôt après
fon départ (i ) , A rrêrq u i confirme la S en ten c ed ’interdictioiî.
Les attentats s’a c c u m u le n t, & ce qu’on va lire eft plus
affligeant encore.
La manière dont cet A rrê t a été e x é c u t é , doit révolter
l’ame la moins fenfible. T o u te s les preuves font au procès :
il n’eft pas un fait qui puifle être révoqué en doute.
L a dame de L om b ard , cu ratrice, va déformais exercer le
pouvoir le plus abfolu fur la perfonne & fur les biens de
Ton fils, &: fur la perfonne de fa petite-fille.
Son fils , le M arquis de C a b r i s , eft enfermé dans un
coin de fon château , confié à la furveillance d ’A l z i a r i ,
père du Procureur de la D a m e de L om bard.
lier
du Marquis de Cabris , le
Ce Geô
livre à deux
traveftis en dom eftiqu es, qui le l i e n t ,
payfans
l'e n c h a în e n t, le
frappent du poing &. du bâton au gré de leurs c a p ric e s ,
& l ’on connoît le caprice des valets tyrans de leurs maîtres.
A u furplus , ces tyrans à gages étoient aiïez bien gages :
A lz ia ri
avoit
1 100
livres
par
an ;
les
deux
valets
150 liv. c h a c u n , c ’e f t - à - d ir e , plus du double des gages
ordinaires en P roven ce, (x)
(0
.
.
..
9 A v r il
„
1778.
■
'^■*^1
1
_______
^
5
(1) Eft il befoin de dire q u ’ils étoient au furplus n o u r ris, loges «f
�i6
O n prodiguoit au c a p tif les alimens les plus contraires
à fa i a n t é , le c a f é , le c h o c o l a t , les liqueurs fo r te s , roue
ce qui pouvoir enflammer fon fang & irriter fes nerfs. H
efl: rd té lix années dans cet é t a t , fans l i n g e , fans vêtem ens,
(i) fans m eu b les, fans rem èdes, & fur-tout fans plaifirs ,
(ans diftraction , fans lib e rté , le meilleur , &. peut être l’u
nique remède de la maladie. (2)
Les fenêtres de fa cham bre étoient grillées ; il vouloit
écrire , il aimoit la le£ture ; on éloignoit de lui plum es, pa
pier , encre & livres ; il aim oit fa fille , il a vécu quatre ans
ians la voir ; on a poufle l’infouciance , il faut le dire ,
l'in h u m a n ité , jufqu’à le faire coucher fans draps. O n fupprime plufieurs détails qui blcli'eroient les oreilles délicates.
__ ____ •
vêtus ? A lzia ri faifoic quelquefois à fon maître l ’honneur de l’adm ettre
à fa table.
( 1 ) L a garderobe la m ieux fournie avoit été difperfée. l o r s de la
tranilarion du m alade de Provence à P a r i s , on verra q u e
l’ Ofrici<»r
chargé des ordres du R o i , a été obligé d ’attendre q u ’on eût fait le
feu l habit apporté pat le M arq u is de Cabris ; cela ne doit pas étonner;
les habics de la M a r q u ife de C a b ris e l l e - m ê m e ,
ne
fo n t - i l s
pas
devenus la proie d e i fervantes J e fa b elle-m ère ?
( z ) C e s mauvais traicemens fo n t prouvés par la déclaration d e la
C o m m u n a u t é de C a b ris , & par fept dé^Fàrations particulières. Elles font
annexées aux procès - verbaux des aflemblées de parens faites ch ez le
Magiftrat.
La M a r q u ife de Cabris d em an de depuis lo n g tems à faire
de tous ces faits odieux , une inform ation publique , fa belle-m cre s’y
o p p o f e , Oc pourquoi ? Sans doute parce q u 'e lle fuppofe cette preuve
furabondante &
inutile. N ’a - t - e l ! e pas avoué dans ,fa réplique fo m -
m aire de 68 pages , page 48 , q u ’ il étoic qu elq u efo is néceifaire de
contraindre , de gêner Us m ouvcm ais de fon fils ? Elle le com pare à
Ch a rles V I .
Sa
�»7
Sa p e t i c c - f i l l c l a dcmoifellc de C a b r i s , unique héritière
d ’un nom d iilin g u é , 6c de 50,000 livres de ren te, eit dans
un Couvcnc de G r a ile , à 200 livres de peniion, ians G o u
vernance; ion éducation fuc un M aître d ’Ecriture pendant
trois mois feulement : ion inftruclion , tous les propos qui
pouvoient cendre au mépris de Ton père , 6c ion amuf'em en t, le récit journalier de calomnies inventées concrc /a
mère. Sa mère! il lui étoic com m andé de la h a ï r , &C ia
réiiilance à cet ordre étoic la faute la plus g rave ôc la plus
févèrem ent p u n ie '( 1 ).
Les biens écoienc adminiilrés com m e les perfonnes.
S t y t r e , Procureur du M arquis de C a b r is , & qui l ’avoit
fi bien d é fe n d u , cil d ’abord récom penfé de fa perfidie. Les
beaux-frères
avoient autorifé la C u ratrice à recevoir fon
com pte : ce com pte eil rendu fans d éta ils, fans pièces jufrificacives, Sc Scytrc cil reconnu C r é a n c i e r d e 60,000
livres (2).
Les crois beaux, frères fe préfencent à leur tour. Ils'fo n t
fervj par Scytre qu’ils ont déjà fe r v i , 8c auifi-tôt paroît une
tranfaclion , qui porte à 260,173 Üv * ^ f ° l s 3 den. ce pré
tendu fupplément de légitim e , fixé par le teilam ent du père
com m un à Z4000 liv.
(1) Elle fut condam née à d em eu rer chaque jo u r , crcis heures , fou
i e matin , à genoux fur une tom be de l’E g life , pour avoir été trouvée
lifant un M é m o ir e de fa m è r e , parvenu ju fq u a elle. C e t t e b ifir re pé
nitence fu t interrom pue par un événem en t im prévu ; il faut l'entendre
d ire avec fa naïveté de qu a to rze ans : pa r bonheur j e tombal malade.
(2.) Sur cette fo m m e , Seytre a déjà touché 50,000 livres , &: dans un
m o m e n t de m é c o n t e n t e m e n t , la d am e de L o m b a r d a déclaré e lle -m ê m e
q u e cette f o m m e pouvoit Sc devoit être tefl:ituée:on a m ê m e dit au cou*
c
fe i l de la M a r q u i fe de C a b r i s , q u ’il ex'tftoit mie Confultacion des A v o -
�iS
U n bois de haute-futaye , ornem ent d e l à T e r r e , cft
coupé & vendu.
l e s baux font faits fous feing-privés, par anticipation, 8c
pour des prix inférieurs aux prix trouvés 6c retulés par le
M arquis de Cabris lui-même , parce que l’on preréroit des
pots-de-vin confidérabies.
Le m o b ilie r, de plus
de 80,000
livres, a difparu fans
laiiler de traces. Le pillage étoit H public , 6c le diferédic
fi grand , que les mandats de la C u ra n ice étoient refulés
à fa p o r te , (ur la place de Gralfc. D ’un côté les revenus
étoient exigés,d ’avance ; de l’autre, les droirs royaux 6c les
autres charges n’étoient pas acquittés. La Curatrice a porté
l’abandon jufqu’i donner des portions confidérabies de ter
res féodales, fans exiger I.s redevances accoutumées. C e s
libéralités fo lle s , faites à tous les parens de íes dom eítiques, privent en ce m om ent ia T e rre de Cabris de plus
de mille écus de rente.
Enfin, pour donner une idée de cette d évaftation, il fuffir
de dire que pendant fix années la C uratrice a touché plus
de 300,000 liv re s , 6c qu’elle-a fait pour plus de 300,000
livres de d e tte s, lans autre dépenie que la nourriture de
l’in te rd it, celle de
fa fem me
&
de ía íi 1ie ; 6i cette dé-
penfe , en l’e x a g é r a n t , peut être portée à 6,000 1. par an ( 1 \
La M arquiie de Cabris fut inftruitc de ce défordre , Sc
de la manière indigne d ont fon mari étoit abandonné par fa
jn e r e , & traité par les valets.
ilile d em a n d a, par requête du 6 Mars 1 7 7 5 > a faire
tars de Provence , provoquée par la D a m e de L o m b a rd , par laquelle il
«toit décidé'que Seytre pouvoir être pourfuivi par la v o y e extraordinaire.
(1)
C e t ce preuve r efa ite
du com pte d e la Cu ratrice , non pas tel
q u e l l e l ’a r e n d u , mais tel q u ’ il fera rétabli par la Juitice.
�>9
preuve des mauvais traitemens exercés fur la p e r f o n n e d e
ion mari , &. en conféquence la defticucion de la C u ratrice'
C e tte demande ne produiiit qu’une fcène qui feroic rire,
fi elle ne faiioit pas garnir.
Le Juge n’ordonne pas la preuve demandée : il ordon
ne Ion tranfport à Cabris , pour voir lui-même & inter
roger le malade.
T o u t étoit ehoifi , jufqu’à l’heure de fa vifite; il trouve
le Marquis de Cabris , rafé , p o u d ré, vêtu d'un ju fie aucorps g a lon n é,
& dînant avec la dame fa m è r e , le M é -
drein &. le C h iru rg ie n ; ces trois perfonnages croient ar
rivés la veille.
L e Juge
interroge gravement l’h om m e
quoique mois auparavant
qu’il a déclaré
inienfé & h y p ocon d riaq u e,
&
rellulcitant pour un in fta n tlc même hom m e d ont il avoit
écliplé l’e x iile n c e , il écrit gravement que le M arquis de
C abris a répondu «' que la dame fa mère l’a toujours beau•>■
> coup c h é r i , qu’il n’a jamais été aband onné, étant au« contraire très-bien fervi par tous fes d o m eiliq u es, v ê tu ,
» logé
nourri com m e il le defire ; q u ’il voie avec le
» plus grand plaifir le lieur A l z i a r i , h om m e de confiance
» de la dame fa m ère, qui a bien des attentions pour l u i ,
» i l avec lequel il fe promène & converfe.... ôc que iur»> tout, i l ne s ’ étoit jam ais fo u cié de la dame fo u époufe »>.
L e Juge ajoute que le M arquis de C abris ayant dem an
dé de charger ce procès-verbal de tous ces faits , s’eit retiré.
Et pourquoi n’a-t-il pas figné ? Q u ’on pardonne cette
queftion à l’empreiTcmcnt qu on lui fu ppofepour faire conftater des réponies fi affirmatives &. fi fages.
C ette comédie finie , le Juge déclare la M arquife de Ca>
C ij
�so
bris non-recevable dans fcs demandes (i). E n vérité , tant
d ’appareil étoit inutile pour le jugem ent.
A p p el au Parlem ent d’A ix ; le 27 Juin f u i v a n t , A r r ê t
qui confirme la Sentence (2).
»
O n dira ptut-êcre que la dame de L o m b a rd , fi elle a
prodigicufcm ent influé fur la Sentence de G r a d e , n’a pu
ni difpofer ni m otiver l’ A rrêt du Parlem ent d’Aix.
C e la eft vrai : la dame de Lombard étoit à G r a d e ; mais
le Bailli de M irabeau étoit à A ix ; mais le Bailli de M ir a
beau ne prenoit la peine de cacher ni Tes démarches , ni
fori influence ( 3 ). Il avoit dit qu’il feroit enfermer fa nièce
dans la plus étroite prifon , q u ’ il avoit à cet égard tous les
pouvoirs de fon père. Il s’étoit m ontré publiquem ent le
lolliciteur 8c le miniftre de l’ordre du R o i , qui la tenoit
réléguée a u C o u v c n t .d e Sifteron.
Il avoit été plus lo in : le 16 A v r il 1779 , il a voit écrit
à la Supérieure de ce C o u v e n t , q u i l avoit reçu une pro
curation du M arquis de M irabeau , fo n frère 3 laquelle lu i
donnoit tous Us pouvoirs paternels f u r la M a rqu ife
de
Cabris , q u i, n étant plu s fou s la puijjance de fo n mari >
[ 1 ] O n ne peut fiippofer avec q u elqu e raifon q u ’ un m o t i f à cette Sen
tence. Il eft dans une C o n fu ltn tio n d ’ un A v o c a t d ’ A ix , [ M c Gaflîer ]
iîgHifice c o m m e pièce du P r o c è s ; fuivant l’uiage de ce P a r le m e n t , le
Confulran t y
décide qu e la M a r q u ife de Cabris étant enferm ée pat
ord re du R o i t étoit incapable d ’agir.
[2 ]S en ten ce du 1 7 M a i 1 7 7 9 , A r rc t du 1 7 Juin , pièces jointes aux
procès-verbaux.
( j ) P arm i les parens qui avoicnr déféré la curatelle , on co m p te
deux.
guet.
C o n feillers au Parlem ent d ’A i x , ( M M . de Gras <k d u B o u r -
�1I
retom bait f o u s la p u ijfa n c c de f o n p ère. En co nfçqu cnce v
ajoutant» de Ton autorité p r iv é e , quelques anneaux à la
chaîne de fa nièce , i l d éfen d o it q u e l l e eût aucu ne com m u
n ica tio n a vec le dehors ( i ) .
Q u elqu e rems après, il fc préfenta lui-même en Juftice
pour demander la iuppreilion d’un A lém oire publié par la
M a rq u ife de C a b r i s ,
5c
dans lequel il trouvoit fon nom
compromis par l’hiftoire des 30,000 1. p ro m ifes
DÉNIÉES.
L a fuppreflion fut à l’inftant prononcée. (1)
L ’opprciîîon devoit avoir un terme. Les plaintes de la
M arqu ife de Cabris ont frappé les oreilles du M on arqu e.
U n M agistrat refpectable ( M . L enoir , C onfeiller d’E t a t )
a été chargé d eclairer les motifs de fa détention. Elle a
fait parvenir à fon Juge , un Journal com plet de routes fes
a l l i o n s , depuis fon enfance jufqu’à fa captivité. Sur cette
( 1 ) L ettre du Bailli de M ira b ea u , du 1 6 A v r i l
1 7 7 9 , déjà
im
primée.
(z) C ’eft dans cette R e q u ê te q u ’il articuloir trois faits intéreflfans j
i ° . que la conduite de la M a r q u ife de Cabris avoit nécellité la demande,
en im erdidtion de fon mari j z ‘\ que la M a r q u ife de C a bris s’étoic
procurée un tcftam em
avoient été difeutées
de fon m a r i , d on t les d ifpofitio ns, d i f o i t - i l ,
lors de
l ’Arrêe du Parlem ent de Provence ; 30. Sc
enfin que la M a r q u ife de C a b ris avoit furpris des procurations
à fon
mari. C e s trois faits, dont la faulfeté eft évidente & d ém o n trée, fe trou
vent répétés m ot-à-m ot dans le Réquiiitoire de la dam e de L o m b a r d fait
en l’hôtel du M agiftrat, avec cette différence cependant q u ’elle avoue que
le teftament de fon fils étant m y jlïq u e , Tes difpoiitions n’ont pas pu ccre
difeutées. C e t t e obfervation n ’efl: faite ici que pour m ontrer un des filsqui lient entr’eux les m em b res de raiiociation.
�22
juilification , jufqu’à préfent inouïe , (es fers ont ¿té brifés
dans le mois de M a i 17 8 1.
L ib r e , clic eft venue fe profterner elle-m êm e au pied
du T r ô n e ,
pour
y dépoier tous les
Jugemens
rendus
co n tre Ton mari.
L e 8 Février 1783 , A r r ê t du C on fe il d’E t a t , qui ordonne
Vapport de toute la p rocéd u re, 6c des motifs de l’A r r ê t d u
P arlem ent d’A ix .
A cette n o u ve lle , la cabale fr é m it , s’a g it a ,
&
vou 'u t
calom nier encore : il cft prouvé par une D é lib é ratio n de
la C o m m u n a u té de C a b ris , ( 11 A v r il 1783 ) que l’hom m e
d e c o n f i a n c e de la dame de Lom bard a préfenté deux fois
aux H abitans allêmblés , un certificat à iigner , 5t que
deux fois les Habitans o n t refufé de figner ( 1 ) , malgré
toutes les modifications employées pour les y décerminer.
L a Juftice eut cette fois un libre cours. Le 15 A o û t 1783,
A rrêt du C on feil des D é p c c h c s , Sa M a jcité y étant , d o n t
voici les propres expreilions.
T o u t confidéré : oui le rapport, le R.oi étant en fon
i> C o n f e i l , en préfcnce ôi de l'avis deldits fleurs C o m « m iflaires, a caiTé, annullé , caiTe Sc annuile la Sentence
« du x i Janvier 1 7 7 8 , êc tout ce qui a pu s’enfuivre 5c
>3
s’en eft enfuivi , notam m ent les O rdonnances rendues
>• le 14 Janvier 1 7 1 8 , &: celui du 17 Juin 1 7 8 0 ; ordonne
(1) Pièce jointe aux Procès-verbaux. Il eft prouvé par la Déclaration
particulière du C o n f u l de ce t e m s , qii’on avoic em ploy é auprès de lui
les injlances 6c les menaces , pour obtenir quelques fign.’. tures feparées.
A ttcft.u ion particulière du C o n f u l de la C o m m u n a u t é de C a b i i s , jointe
aux Procès-verbaux.
�23
« que le ficur c’c Cabris fer.i transféré , de l’ordre de Sa
’» M a j cité ( i ) , en la m aifon d u ficur M a fie , à la V iJ lcrtc,
» près P a r is , où il fera libre aux dames de Cabris , bellc’ » mère 2c belle-fille , de lui donner égalem ent leurs foins,
v La demoiielle de Cabris fera pareillement transférée, de
v Tordre de Sa M a je ité , au C o u v e n t
de Bonfecours à
» P a r i s , ou Iciditrs dames pourront égalem ent la voir. Les
>• frais néceflàircs pour leidites deux tranilations , préalav b lcm en t pris (tir les biens dudit fieur de Cabris ; ordonne
m auffi qu’à la R equête de la plus diligente des deux dames
» de Cabris
il iera c o n v o q u é , pardevant le L ieutenant-
» C iv il du C h â ie lc t de Paris, dans le m o i s , à com pter du
» jour de la fignincation du prélcnt A r r ê t , une aflcmblée
*• des parens ù amis du ficur de C a b r is , dans laquelle lef» dites dames de Cabris pourront fe trouver , 2c même
» form er telles demandes qu elles aviferont ; lors de laquelle
m aflem bléc , lefdits parens 2c amis prendront connoiflancc
» des enquêtes refpe&ives , du rapport des M éd ecins 2c
» C h iru rg ie n s , s’il cft o r d o n n é , pour donner enfuite leur
» avis au fieur Lieutenant-Civil du C h â te lct de P a r is , au»» quel Sa M ajeité a attribué , f a u f L'appel au Parlement
» de Paris y toutes C ours , Juriidi& ion 2c c o n n o iiià n c e ,
» icelle interdifant à ics autres C ou rs & Juges, 8c jufqu’au
« J ugem en t, toutes choies d’ailleurs demeurantes en état.
« Fait au C on feil d'Etat du R o i , Sa M ajefté y étant, <Uc. »
(r) C ’eft l’ex é:u tion de cet ordre fonverain que la, d am e de L o m b a r d ,
paçe 54
de fa réplique fo m m a ire de 68 p .^ e s , &
à plulïeuri autres
endroits , exprim e ainli : E lle ( la M a r q u ife de C a b r i s ) f i t enlever fort
mari avec précipitation par la AJardihauJJ'ee.
\
�24
C e t A rrê t a été fignifié le 17 Septembre f u i v a a t , à la
dame de L om b ard ; fie voici com m ent il a été exécuté.
Le Marquis de C abris a é t é - remis entre les mains de
rOiHcier chargé de l’exécution de l’ A rrêt du C onfeil s avec
un foui habit fini la veille de Ion d é p a rt, 19 c h c m ife s ,
un chapeau déchiré &C des boucles de fer. La dame de L o m
bard avoit refuie le linge & l’argenterie néceiîaires. A u
m om ent du d é p a r t , l’Oflicier demanda quel domeitique
étoit plus agréable au M arquis , vingt voix crièrent enlem ble : pretie^ L a u r e n t, i l n’ a jam ais battu M . le M arquis.
P endant la r o u te , l’Officier fut obligé de lui prêter des
bas
des mouchoirs. ( 1)
r
(1) C e s faits font prouves par le procès vetb.il de l’O f l i c i e r , & ils ne
font pas conteftcs.
V o i c i co m m e la D a m e de L o m b a r d exeufs cette petite négligence ,
page 43 de fa R é p o n fe fo m m a a e en 68 pages : après avoir f a i t publier fort
triomphe dans Us G a le tte s É trangères ; E lle ( la M arq u ife de C a b ris )
arrive en Provence : un nommé M artin , f e difant Commiffaire chargé
des ordres du R oi , efeorté de la M arichauffée , enlève à l ’improvifle ,
avec fra cas & fcandale , mon f i l s & ma p etite-fille , fans permettre que
j e les garde une fe u le nuit 3 & que je fa ffe fa ire leurs malles. ( Et par
une note au bas de la page ; ) i l refulta de cette précipitation du nomm é
M artin , que mon f i l s f u t enlevé fa n s fies habits & fo n linge. J ’ avois
cru que c ’ étoit pure étourderie. J ’ ai vu pa r le mémoire de ma belle-fille ,
qu’ il y avoit un defjein prém édité. O n n ’ a pas voulu f e donner le temps
de lui fa ire f e s m alles j & on m ’ accufe aujourd’ hui de l ’ avoir laiJJé man
quer de tout y parce qu’ on n ’ a rien voulu emporter.
V o u s obferverezj s'il vous plaît , q u e le M arq u is de C a b ris a féjourne
3 6' heures a GraiTe j q u ’il y a vu fa m ère 3 8c q u e depuis le mois de
Septem bre 178 5 , depuis plus de Jeu x a n s , ces malles
11e fo nt pas
encore faites ; que la D a m e de L o m b a r d n’a jamais rien d on né à fon
fils j qu i n a du alors fon exiftencc q u ’aux fccours de fa fem m e.
La
�*5
L a D em oifclle de Cabris ¿toit encore plus mal pourvue.
E lle eft arrivée à Paris avec quatre chcmifes , deux m ou
c h o irs, deux coëffes de nuit , & une robe d ’indienne.
O n devinera fans
peine que l’O ffic ie r ,
co n du & eu r du
M arquis de C a b r is , ne put pas obtenir un fol pour les frais
de tranilation , malgré la difpoficion de l’ A rrêt du C onfeil t
qui ord on n oit que cette dépenfe ferait préalablement prife
f u r les biens du transféré.
E t co m m en t la D a m e de Lom bard auroit-elle donné de
l ’argent ? E lle n’en avoit pas ; &L telle étoit fa fituation
journalière au milieu du pillage que fon incapacité abfoluc
rendoit inévitable ; elle n’en a voit pas au m om ent où fes
ailociés l’a r r a c h o ie n t, com m e elle le dit e lle -m ê m e , de
fes f o y e r s , pour la traîner dans cette Capitale à la pourfuite de leur vi£fcime.
L a D a m e de Lom bard s’eft d onc décidée à quitter G raffe,
pour venir à Paris demander une fécondé fois l’interdic
tion de Ion fils , devenue pour elle &c pour les agens , le
feul m oyen de voiler les iniquités com m ifes.
A v a n t de partir, elle donna la procuration la plus étendue
à Mc G a y te , A v o c a t à G r a fíe , pour régir & adminiftrer en
fon ablcnce. (i)
D a n s l’écat des chofes , cette procuration étoit fort inu
tile : au moins A lziari ne devoir pas la regarder com m e un
a & e férieux. Il avoit lui-même fervi de tém oin à la rédac
(i) Procuration de li D a m e de L o m b a r d en faveur de M e G a y t e ,
fo n A v o c a t à G-aiTe , du 18 O f t o b r e 1 7 8 5 .
à la R e q u ê te de
Elle eft jointe ( N °. 1. )
la M a r q u ife de C a b ris , répondue
le
z 1 O ûobre
1785.
D
�i6
t i o n , & cependant malgré cette procuration faite fous fes
y e u x , il recevoit des Fermiers tout
ce qu il pouvoit les
contraindre à payer , & d onnoit audacieufement quittance
en fon nom . C e s quittances font produites, (i)
D ’ un autre côté , Seytre , malgré l’A rrê t du C onfeil
qu’il c o n n o iifo it, & qui anéantiiloit la curatelle 8c tous les
a&es de la curatelle , m ettoit la main fur la portion la plus
Jiquide des re ven u s, en vertu des délégations à lui faites
par
la C uratrice , n’attendant qu’un lignai
pour
faiiîr
le r e f t e , com m e on va le voir , en vertu des engagemens
qu’il avoit lui-même fait contra& er au M arquis de Cabris.
Seytre , G a y te , A l z i a r i , T riu m virat fu n e fte , fpoliateurs
fu b a ltern es, toujours divifés par leur intérêt perfonnel ,
mais toujours unis par la ilupidité de la Curatrice , & pour
la ruine de fon fils.
D a n s ce d éfo rd re, il étoit tout iimple que la D a m e de
L om bard n’eût pas d’argent au m om ent de fon départ. Pour
en avoir , elle a exigé d’avance les revenus de fon fils ; elle
a mis en gage l’argenterie de fon fils ; elle a vendu les bou
cles d’or de fon fils, (i)
(i)
V o y e z N ° . 1. des pièces jointes à la R eq u ê te , ci devant datées.
Q uittance du premier D é c e m b r e 178 3 , par A l z i a r i , fe difant chargé
des pouvoirs de la D a m e de L om b a rd .
(1) O n l’a vu arriver à Paris avec des boucles de fer. L e fieur R a bu is,
O rfè v r e de G ra lfc , a acheté les boucles d ’or : ce fait a été avouvé p arla
D a m e de L om ba rd , en préfence du M agiftrat & des parens aiTemblés
en
1H ô t e l ,
en D é cem b re 1 7 8 3 . A
l’égard de la vaiiïelîe , elle a aiTurc
qu elle n etoit pas vend ue , mais elle a avoué q u ’elle l’avoit m ife en
gage*
�17
C ’eit ainfi qu’elle eft venue dans cette C a p it a le , pourfui-
vre 1 état &. Ja pcrfonne de fon fils , avec le prix de Tes bou
cles d’or , de fon a rg e n te rie , & les revenus de fa T erre .
Elle l’a vu à Paris. Elle a vu fon fils , elle a vu fa petitefille réduits au plus iimple néceffaire , que leur époufe &
m è r e , épuifée par les dépenfes continuelles de fafituation ,
n ’avoit pu leur fournir qu’en recevant elle-m êm e des fecours de fes parens & amis , en com prom ettant fa dot. Elle
les a vu fubfiftant à crédit dans les maifons où les ordres du
R o i les avoit placés. Elle avoit 24,000 liv. dans fon por
te-feuille, & elle ne l’a point ouvert pour offrir à fon fils ,
à fa petite-fille, la plus foible partie de cette fom m e qui leur
appartenoit.
Jufqu’ici nous avons raconté des faits déjà publics ; la
narration a été rapide , parce que ces détails écoient inutiles,
Rcfpirons un m om ent.
N o u s allons e n tr e r , avec toutes les P a r t i e s , dans le C a
b inet du Lieutenant-Civil , où l’A r r ê t du C o n fcil a fixé le
T rib u n a l. La fcènc va changer fur ce nouveau théâtre. Le
même intérêt agitera tous les efprits ; mais les A £ e u r s &
les moyens von t fe multiplier. En P roven ce , on a voulu
faire interdire le M arquis de Cabris pour le dépouiller : à
P a r i s , on voudra le faire interdire encore pour cacher les
dépouilles conquifes , Sc pour en conquérir de nouvelles.
O n alléguoit en P rovence une dém ence iim u lé e , qu’on a
tenté de rendre réelle par tous les excès qui peuvent être
com mis fur 1111 efprit f o ib le , & iur un corps débile. A Paris,
l’on voudroit juftifier la tyrannie par fes propres effets , Sc
D ij
�réalifer la démence qui n ’exiftoit pas , par celle dont on
a voulu forcer l’exiftçnce.
C haqu e com p lot fera dirigé par la m ême main 5 chaque
fil fera conduit par le m êm e reiTort ; 5c tandis que la D a m e
de L o m b a r d , aveugle Sc croyant ne fauvcr que fes fautes
perfonnclles , s'efforcera de défendre les rapines de fes fu balternes ; elle protégera auiTi, fans le favoir , le projet
des chefs de parti ; ce p r o j e t , plus im portant que tous les
a u tre s, d’un mariage qui enchaîneroit la fille & les biens
dvi M arquis de C a b r is , Ôc dont l’âge de la D e m o ife lle de
Ç a b :is com m ençe à preiler l’çxécution.
L a M arqu ife de C a b ris va prononcer un nom plus refpe& able pour elle que tous les autres , le nom de fon père.
L e Marquis de M irabeau, q u is ’eft caché jufqu’à préfent , v a
paroître malgré lui. Elle refpe&era fon père.
JufquW ce
m om en t n’a-t-elle pas exagéré le rcfpeét ? En racontant
les attentats com m is fur fa p erfonne, les calomnies débitées
contre fon honneur , toutes les perfécutions dont elle a été
l'objet , n’a-t elle pas gardé le filence fur ce qui pouvoit cq
déceler l’auteur ? M a is après avoir vu fucceifivement in
terdire la M arqu ife de VaiTan , fon a y c u lc , & le C o m te de
M ir a b e a u , fon fr è r e ; après avoir vu des ordres miniflériels
enchaîner fucceifivement fa mère , fon frère , elle-m êm e ;
lorfqu ’on attaque fous fes yeux Tcxiftence de fon m a r i ,
l’état de fa f i lle , & l’honneur de fa jpoftérité , elle d o it
parler avec courage ; heureufe encore de pouvoir témoi
gner fes égards , en ne parlant de fon père que pour m o n
trer les écrits émanés de la main de fon père.
Les 10 D é ce m b re 1783 , 1 5
5c 1 4 J an vier, 5c 5 F évrier
�19
1784 , les parens & amis furent afTcmblés en I’H ô te l du
Lieutenant C iv il. La dame de Lom bard portant en main dixhuit procurations de dix huit parens qui avoient déjà donné
leur vœu en 1 7 7 7 , pour l’interdi& ion de Ton fils 8c pour
fa c u ra te lle , dem andoit d ’abord que Ton fils fût interrogé
d e nouveau , 6c que les perfonnes 6c les biens fuilent
dépofés entre fes mains , par fuite de la curatelle qu’elle
prétendait fubfifter encore.
Les parens aiTemblés lo n t
d’avis unanime qu’il faut
accorder du repos ôc des fecours au M arquis de Cabris
pour réparer fa f a n t é , ôc fur-tout cette foiblefle a ctu elle,
luite
des mauvais traitemens exercés
fur
fa
perfonne
pendant la cu ra te lle , ou plutôt pendant fa c a p tiv ité ; que
la dame de Lom bard doit rendre com pte de fa g e f t i o n , 6c
qu’il d oit être établi fur les biens une adminiftration provifoire. Sur le refus verbal de la M arquile de C a b ris , des
parens défignent unanim em ent pour R égi fleur M c C o u r t ,
Procureur au Parlem ent d’A ix . A u fîî-tô t, & à la première
vacation du 10 D é ce m b re 1 7 8 3 , M e Eoulard eft nom m é
Séquellre par O rd o n n a n ce du J u g e , rendue fur l’avis des
parens.
L e M arquis de C abris effc interrogé deux fois. A travers
quelques é c a rts , on voit un cfprit tantôt a i g r i ,
tantôt
accablé par la contrainte & la pcrfécution. 11 eft vifîie
par les gens de l ' A r t , 6c leurs rapports donnent Pcfpo ir
d’un ré tabliflem en t, qui déformais ne peut être que l’o u '
vraee
du tems ôc des foins alfidus.
&
Sur le t o u t , intervient une Sentence en la C h a m b re du
C o n f e i l , le 6 A v r il 1 7 8 4 , qui furicoit à faire droit fur
la dem ande en in te rd ic tio n , n o m m e , de l’avis de parens,
�3<>
le (leur C o u r t , RégifTcur, à la charge de verfer les deniers
dans la caille de M e B o u la r d , déjà nom m é S éq u eflre;
ordonne que le Marquis de Cabris fera de nouveau vifité
in te rro g é ; 2c fur les offres de la dame de L o m b a r d ,
qu’elle fera tenue de rendre fon com pte devant M e Boulard
p è r e , ancien N o t a i r e , pour être com m uniqué aux parens
6c amis raiTcmblés.
L e plus difficile étoit de faire exécuter cette Sentence
en
Provence.
O n devine
co m m en t ce ju g e m e n t , qui
dép ou illot la D a m e de L om b ard de toute adminiflrration,
devoit être accueilli par ceux qui adminiftroi e n t , ou plutôt
qui pilloient en fon n om 6c à fa place. Les m oyens de
fufpendre
au moins cette
e x é c u t io n , ne laiiïoient que
l’embarras du choix. Ils étoient offerts par les circonftances,
ou plutôt par les fuites de la mauvaife adminiftration.
La C u ratrice j tout en percevant régulièrement 6c d’avance
les revenus de fon f i l s , avoit retardé depuis deux ans le
payem ent de toutes les charges , même des droits royaux,
0 des im portions de la N oblejfe de laProvince.
Les Réceveurs
avoient formé des faifics iur tous les biens du M arquis de
Cabris.
C e n’écoit point aiïcz : la main levée de ces faifies ne
tenoit qu’au payem ent de fommes peu co n fid érab les, ôc
cette main-levée donnoit une activité libre à l’adminiftration provifoire ordonnée par la Sentence du Châtelec.
V o ic i les trois beaux-frères du M arquis de C abris qui
fe p réfen ten t, & qui form ent auffi des faifies générales'^
en vertu de la tranfaclion pajfée entr eu x
0
la Curatrice,
de cette tranfaclion qui leur d onnoit fur les biens de l’in
terdit près de cc n t mille écu s, pour un prétendu, fupplément
�31
de légitime ¡ f a t par le T cfta m e n t du père commun., à 24,000
liv r e s , & doublem ent acquitté en 1 7 7 5 , par une iomme
de 60,000 liv., donnée par le M arquis de Cabris lui-même ,
fous 1’aiKoriiation de Stytre , ion curateur.
C e n’étoit point alTcz : la main-levée de cette iaifie ne
' tenoit qu’à la dém onitration de l'invalidité du titr e , ÔC ce
titre étoit anéanti avec tous les effets de la curatelle , p a r
l*Arrêt d u C o n feil du 15 Août 1783.
V o i c i Seyrre , cet ancien C u ra te u r, cet ancien C o n fc il,
cet ancien Procureur du M arquis de C a b r is , A g e n t Ôc
déferteur de la conspiration , traître aux oppreil’e urs & à
1’ o p p rim é , iuivant la circon ilance &
fon intérêt ;
voici
Seyt&c qui raflcmble toutes les créances ( 1 ) q u ’il a fait
co n trafter lu i-m ê m e au M arquis de C abris , pendant fa
m in o r it é , com m e fon curateur; qu’il lui a fait ratifier en
majorité , com m e fon C o n fc il ôc fon Procureur ; qui ,
devenu Procureur des créanciers , forme auili en leur nom
des faifies générales fur tous les biens de fon ancien pupille,
de ion ancien client.
O n a pouflë plus loin l’oubli de toutes les bie.nféanccs.
Sur des biens enchaînés par tant de faifies, la M arquife
de Cabris ne pouvoit obtenir les moyens de faire fubfifter
( j ) Parm i
les calom nies débitées contre la M arq u ife de Cabris
on l a c u if o ir , dans tous les M é m o ir e s de la d am e de L o m b a r d , d ’avoir
jeté fon inart dans une diilîpation effrayan te, &
f u r - t o u t de lui avoir
fait contracter pour 100,000 liv. de dettes. Il faut efpérer q u ’on fe
taira e n f i n , lorfque tous les titres produits prouveront que tous ces
emprunts ont été faits pendant l’abfence de la M a r q u ife de C a b ris , par
l’entrem ife & avec l’aflîftance d e Seytre, alors curateur de la m in o r it é ,
8c
enfuite c o m m e chargé de la procuration générale du M arq u is de C abris.
�3*
fou époux & fa (ïllc , qu’à force ¿'E xécu toires du C on fcii
du Roi. O n a tenté de lui enlever cette reflource facrée,
5c l’on ne peut regarder cet effort que com m e un attentat
à l’autorité royale.
Le dernier Exécutoire étoit adrefle au nom m é B o n n irt,
Ferm ier des moulins bannaux. Bonnin
refufe de payer ,
& prélcnte une Requête aux Juges de G r a d e , par laqu elle,
en expofant qu’il a payé par anticipation à la dame de
L o m b a r d , il demande que fa perfonne & fes biens foien t
mis fous la fauve-garde de la Juilicc. L a D a m e de L om bard
eft appelée en garantie ; A l z i a r i , Procureur de la D a m e de
Lom bard , eft auffi Procureur de Bonnin.
A u c u n Juge ne vouloir accueillir cette dem ande audacicu fe
p lu s
ôc folle. U n G radué monte fur le T rib u n a l , & com m e
ancien en l l abfer.ee des J u g e s , il ordonne que la per
fonne & les biens de Bonnin feront mis fous la fauve-garde
de la J u ftic e , &
fait défenfes d ’exécuter XExécutoire du
C onfeil. U n A v o c a t d ’une petite ville de P rovence , annéantit au nom de la Juftice, les Arrêts de la Juftice-Souveraine.
E t quel eft cet A v o c a t ? C ’e s t M e G a y t e , celui que la
D a m e de L o m b a rd , en partant pour P a ris , a revêtu de f e s
pouvoirs , & nom m é fon repréfentant. (i)
( i ) T o u s ces faits fo n t configncs dans une R eq u ê te préfentée par
la M arqu ife de C a b r i s , & répondue le n
O i t o b r e dernier , à laquelle
font annexées tom es les pièces juilificatives : i ° .
L es faifies faites par
les Receveurs de la capitation & des impofitions de la nobleiïe. i 9 . Les
faifies faites à la
fc
requête des b e a u x -f r è r e s d u M arq u is de C a b r i s ,
par le miniftère de Seytre
&
d ’A lzia ri. 30. Plùfieurs faifies faites
à la R e q u ê te de piuficurs créanciers du M arq u is de C a b r is , &
par
On
�33
. O n croira fans peine q u e , lié p a r 'ta n t d ’e n tra v e s, le
RégilFeur nom m é par la Sentence du C h âtelet , n ’a pu
ju fq u ’à p r é f e n t , faire entrer aucunes fommes dans la caiflc
du Scqueftre ; mais ce q u ’on ne croira pas , c ’cft que la
dam e de L om bard , fcul auteur de tous ces embarras , par
elle-même ou par fes a g e n s , s’en faiTe un moyen férieux
devant le Juge pour cenfurcr la conduite de ce R é g iflè u r,
& l’accufer d ’incapacité , de n é g lig e n c e , & peut être même
d ’infidélité.
P endant que ces chofcs fe paiToient en P r o v e n c e , la
M arqu ife dé Cabris étoit occupée d’une affaire plus im
p o r ta n te , puifqu’clle intérefloit 8c fon repos & fa tend riilc. Le mariage de fa fille, qui venoit d ’atteindre fa qua
torzièm e année , en détruifant le principal m o tif des perfe
c t i o n s , devoit en fixer le terme. L e bonheur m êm e de
-fh fille pouvoir dépendre du m om ent où s’échappant aux
mains avides qui le tendoient fur e lle , elle trouveroit dans
•fon époux le proteéleur légal de fa perfonne 8c de fa fortune.
Un
G en tilh om m e ,
eftimable autant
par fes
qua
lités que par fa naiflance , fe préfente fous d ’auguftes auf*
piccs. A v a n t d’écouter aucune propofition , le Marquis
la M arquife de C a b ris , fournis à des devoirs qu’ils on t tou
jours r e fp c & é s , exigent l ’aveu préalable de la D a m e de
L om b ard Sc du M arquis de M irabeau , leurs père 8c mère.
L ’un 6c l’autre donnent leur aveu.
le mlniftcre de Seytre &' d ’Alziari. 4 0. Et e n f i n , la R eq u ê te prefem ee,
le 1 7 M ars
178 5 , psr le miniftere d A l z i a r i , par B o n n i n , pour fe
fouftraire à l’exécution du C o n f e i l du R o i ; &
la d éfen fe du 1 1 du
m ê m e m o i s , prononcée par M c G a y te , c o m m e A v o c a t plus ancien en
l ’abfençe des Juges.
E
�34
ÀiTur^s de ce double c o n ie n t c m c n t , le M arquis
la
M arquife de Cabris en réfèrent aux M iniftrcs du R o i , qui
applaudiflent au choix d’un G en tilh om m e connu de toute
la C o u r , Si vivant pour ainii dire fous leurs yeux.
E n f in , pour donner à cet a ile important la fanction la
plus authentique 8c la plus lé g a le , pour joindre aux vœ ux
déjà d o n n é s , le vœu de la famille en tière , ils obtiennent
des Lettres- Patentes qui com m ettent M . le L ieu tenan t-C ivil
du C h â t c l e t , pour ailemblcr les parens en fon H ô te l , &£
h om o logu er leur avis fur ce mariage.
Aiais l’aveu de la D a m e de L om bard n’étoit dû qu’à fa
foibleiTe , & fa foibleiTe le récraita. C elu i du M arquis de
M irabeau n’étoit dû qu’à l’impoflibilité du refus , & il pro
fita de la foiblcfle de la D a m e de L om b ard pour tenter
encore ce p r o j e t , fi long-tem ps médité , toujours inutile ,
mais toujours caché , ôc qui le feroit encore fans un a cc i
dent qu’il éroit impoffible de prévoir.
Les Lettres-Patentes venoient d’être cnregiftrées au Parr
lem ent , lorfquc la D a m e de Lom bard forme tout-à-coup
oppoiition à l’enrcgiftremcnr ,
préfente une Requête a.u
Confeil pour demander le rapport des Lettres-Patentes. (i)
Pendant cette contcftation , ni méritée ni prévue , la
D a m e de Lombard fait entam er une négociation auprèp
( i ) La D a m e de L om ba rd a été déclarée non-recevnb!e dans fa d em an de
en rapport, par un A rrêt du C o n f e il. A u fu r p lu s , les m oyen s préfentés
jl l’appui de cette dem an de , développoient le com plot.
de
gi
L o m b a rd
inevitable ,
Conf eil
du
annonçoit
&c
15 A o û t
l’interdiétion
m co ie
toujours
1783 : elle
de
fon filsconune
exiftante ,
annonçoit
m algrc
La
Dam e
néceiTaire
l’ Arrêt
fon droit à la
du
cura
t e l l e , c o m m e inconteftable , & co m m e une fuite certaine de ce droit >
le pouvoir de marier fa petite fille , de fa propre &
unique autorité ,
�35
d e fa belle-fille , par un fieur V i a l , confident de fes pro
jets & de ceux du M arquis de M irabeau (i). Il s’adrciïa à
l ’A v o c a t , C on feil de la M a rq u ife de Cabris.
C e t A g e n t propofoic pour première condition d’exclure
le G e n tilh o m m e nom m é dans les Lettres-Patentes , & de
choifir 1 époux de la D e m o ife llc de Cabris parmi quatre perfonnes indiquées , à la tête defquel.es étoit le fils du C o m t e
de G ra ile , Lieutenant-Général d es A rm ées N avales 2).
Cetre première condition n’épouvantoit pas la M arquife
de Cabris. Sur quatre gendres offerts, on pouvoit au moins
choifir , & même on laiffoit la liberté de les refufer tous les
quatre , ÔC de faire un ch o ix abfolumenc indépendant.
M a is la fécondé étoit révoltante. O n exig eoit qu’en faveur
de ce m a ria g e , le père & la mère fiilènt le facrifîce entier
de leur fortune , qu’ils fe li v r a ie n t à la merci d’un gendre
q u ’ils ne connoilToient pas. L a négociation n ’alla pas plus
loin.
Q u elqu es jours après , le
Septem bre 178 J , la M a r
quife de Cabris étoit à M o n t r o u g c , auprès de fon mari.
Elle y reçoit la vifite de fon frère , le C hevalier de M ira
beau , qu’elle n’avoit vu que deux fois depuis 17 ans. Il
m ê m e contre le vœ u d e fa mère. L e ctoiroir-on , fi 011 11e le lifoit pas
dans un écrit im p rim é ? V o i c i fes propres expreifions : « L a Curatelle du
M arquis de Cabris appartient de droit & de f a it à la Suppliante ; ( la
D a m e de L o m b a rd ) la D em o ifelle de Cabris ejl de droit fo u s la p u iffa n ce du Curateur de fo n père ; c ’ efl au Curateur f e u l qu appartient le
droit de la marier j tant que fo n père vivra , la mère n ’ a aucune puiffance
f u r elle . elle peut être mariée f i n s le confentem ent & contre le vœu de
f a mère. R eq u ê te au R o i , i m p r im é e , page <0.
(1) L e fieur V i a l fera tout à l ’heure un perfonnage rem arquable.
(z) Le Comte de Gralfe va fe montrer aiiiïi dans un moment.
E i j
�annonce qu’il a quitté Ton R ég im en t fans congé , fa n s
l'aveu de fort pcrc , qu’il n’efl: à Paris que pour quelquesjours.
L a M arquife de Cabris ch erch oit à deviner l’objet d’un
voyage fi myftérieux £c fi précipité, lorfqu’un tiers, dont le
Chevalier s’étoit fait accom pagner , propofe de le marier
avec fa nièce , la D c m o ife llc
de C abris , pour terminer
d ifo it-il, les conteftations qui diviioient la famille depuis li
lo n g temps.
L e f o i r , la M arquife de Cabris retourne à fon C o u v e n t ;
fon frère la fuit ¿c reite à fon parloir jufqu’à n e u f heures.
L e lendemain on a trouvé dans le parloir deux papiers (i)
échappés de la poche
du C hevalier ;
l’un n’eifc com poié
que de quatre lignes ; l’autre eft une inftru£fcion de deux
pages , donnée au C hevalier fur les moyens à employer
pour parvenir au mariage projeté. Ces deux papiers font en
tièrem ent écrits de la main m ême du M arquis de M irabeau.
L a Marquife de
Cabris tient en ce m om ent la parole
qu’elle a donnée de ne faire connoîrre les intentions de
fon père que par les écrits de fon père ( i ).
Le premier n’eft qu’un rendez-vous donné au C hevalier
fon fils.
« D e u x lettres , premier A o û t 1 7 S 5
( 1 ) , font en che-
(1) Ils font joints ^ux Procès verbaux des allemblées tenues chez le
Magiftrat , à la vacation du 1 6 Septembre.
( 1 ) Elle a voulu cacher ces écrits. Son père l’a forcée de les ren
dre p u b lics.T o u s les parens ont été témoins , q u ’au m om en t où M* R o - ,
zier , reprefentant fon père , s’eft montré à l ’aiïem blée » pour y d e m a n
der ail nom de fon père q u e fa fille lui fut e n le v é e ,
elle l’a invite à
ftifpenLlre le dépôt de fes pouvoirs, S: a inftruire fon père q u ’elle poirédoic .
ces écrits, parce que cette nouvelle pourroit au moins l’en gagera la neutra
lité. M e R o zie r cil reveuu le foir m ê m e , & il
dépolé fes pouvoirs >
�~37
min pour le Chevalier ; dans la première , je çhangeois
» l’adreiTc, & défignois l’H ôtcl Sc. Michel , rue des Francs» Bourgeois , qui é to itla m aifon de M de Fourqueux , Sc
» donne par derrière au paiTage , Ichez M adam e de Failli.
» D em a in , à onze heures du matin ou environ , je paflerai
» d ’abord à l’H ô tel de T o u r a in e , ôc iî l'on n’y cft pas,
»> à celui de S c . M ich el des Francs-Bourgeois, u
Le fécond écrit eil une note inférée dans ce billet ; cette
note cft fans date.
« D e m a n d e r d’abord fi l’on a quelqu’engagcm ent pris
» pour fa fille , attendu que fin s cela , l ’on a un parti à
>5 propofer.
» D ire que fon père veut l’établir ; que fatigué des dif» ficultés extérieures > & c , il lui a propofé d’époufer uns
» de fes nièces.
» Q u e , nièce pour nièce , cela lui a fait venir l’idée de
» réunir la portion de fa famille qui peut l’ê c r c , Sc ç[’é~
poufer celle qui peut lui procurer le plus d ’avantages ;
»
qu’il fait cette idée
¡f o r t
lo in
de
son
p e r .e
, à qui
» elle a été propofée.
» Q u ’elle ne lui c o n ven o it pas non plus «à lui dans ce
» fens là , qui coniiftoir à l’avoir par avis de parens , par.
difant tout haut , q u ’il n ’avoit pas trouve le M arqu is de M irabeau , &c
q u ’il étoit obligé de rem plir fa charge , difanc tout ba s, q u ’il avoit trouve
le M arqu is de M irabeau , & qu e celui ci avoir prétendu q u e ces deux
écrits ( écrits de fa main ) , croient fa u x , q u ’il l 'a v o i r m êm e chargé de
s’enferire en fa u x .
( i ) C e t t e date eft une erreur. L e C h ev alier de M irabeau i parti de
fon R é g im e n t fans congé , n’auroit pas etc un m ois fans paroîcre chez
fa feru r , objet de fon voyage : fa vifite à M.ontroiige , le î
b r e , & fes Lettres fiibféquetues le prouvent jufqu’à l'évidence.
Septem
Qu’on n'oublie pas
que l'écrit cft en en
tier de la ma>n du
Marquis de Mira
beau.
�3»
»* force de d r o it s , 8i contradictoirem ent avec la m è r e ;
>» mais qu’il lui conviertdroit de débuter dans le m onde
« par une réunion ; que fi cela ne leu r répugne p a s , qu'ils
»» s’expliquent fur le f o n d , 8c fur l’état de l’affaire dont
»> on n cl aucune notion.
»> Si on lui demande quels font fes moyens pour conci>5 cilier tant d ’efprits difeords , dire qu’il a un a m i , à la
» famille duquel il a les plus ienfibles obligations , qui fe
»J fait fort
»»
D ’ E N T R A Î N E R . L A V I E l L L E , & : d c DISPOSER. D E SES
a le n to u rs
; qu’à l’égard de fon p è re , qui
en traîn e
» fon oncle ( i ) , il faut qu’il foit sûr des autres côtés avant
» d’en ouvrir le m o t , mais qu’alors ce fera fon a ffa ire ;
»* mais que com m e cette courfe cft
m
ab so lu m en t
ig n o rée
n’eft qu’à court d é la i, il faut qu’on s’explique du
m oui ou du non , afin de ne le pas
d éco u vrir
&
com pro-
»» M E T T R E .
» A lors , fi l’on entre dans le récit de l’é ratdes affaires ,
» leur laiffer dire tous
leurs
m en son ges
,
ne leur rien
» difputcr ; leur difanc enfuite qu’on va s’informer de la
» verfion de l’autre p a r t ; car il faut ici-bas que tout fe
» rapproche ; mais que le
principal eft de favoir fi fa
»5 propofition eft du gré de la m ère, & fi elle aime m ieu x
» lui qu’un (z)
»
var ties
é t r a n g e r
tie n n e
sa
qu i
p l a c e
,
lui
ou l a
sera
d o n n é
d ispu ter
p a r
sans
ses
f in
. »
« Selon que tournera ce d é b u t , fi l’on paroît entrer
1
( i ) L e Bailli de M aribeau , qui entraîné, s’eft m ontre en Provence ©
C h e f de la perfccution.
[z] Étrange alternative pour le M arq u is &
la M a r q u i fe de C a b ris !
donner leur fille au C h ev alier de M irabeau ,
ou la voir m arier contro
Ieuj: vœ u , & à un étranger du choix de leurs perfécutçurs. Céder f a
place au C h e v a lie r de M ir a b e a u , ou être ctcrnellcm enc perfécuté.
�39
»»■dans fes vues, on pourra délayer & fu iv re , mais donnant
» le plus court term e; ne pouvant faire ici qu’une apparition
» bien fourde > jufqu’à ce qu’on foît sur de quelque ch ofe;"
« à plus forte r a ifo n , fi l’on paroît vouloir prendre des
« c ir c u its , faut-il preilèr par un veut-on y ne veut-on p a s >
»
A N T E C E D A N T A T O U T . >v
»» Si cela tournoit b i e n , il faudroit propofer tout de
» fuite de voir la fœ u r;
la
,
afficher toute franchisé
*
« mais ardente & g a ie ; laifler tout d ir c ;[ i] e n fu it e reprendre
» fa p a rtie ; dire que s’il faut continuer à co n tcïlcr., on
*> fç retire ; qu’il faut donc fe perfuader que chacun de
>• fa part a eu tort ou raifon juiqu’i c i , ‘ com m e il arrive
» toujours ; mais que fon plan e ftd e faire oublier de toute
>» part ce qui peut a ig r i r ; que ii ce coup - d’o e il, agrée 8c
»> cft préféré à celui de continuer
bataille
, Sc voir m arier"
»> fa fille par avis de p a ren s, tout de fuite on va fe faire
» informer de l’autre p a r t , q y ’on ne croira pas un m ot
» des
faits
litigieux
, mais qu’on verra clair fur les
« affaires réelles. »
» Si l’on voit qu’on '‘ait r e m u é e
capté les pallions
m nuifiblcs j Sc qu’il faille donner fa part à l’efpric d’in« tr ig u e , il faudra ouvrir alors la totalité de fon plan de
» réunion &: de volonté de
fixer
>5 de faire ccflcr le ch oquant
»
de
p^ y e r
,
vendre
et
l ’é t a t
de
sa
M
ère
,
dym qins de ce d éiord re,
réunir
les
biens
aifurcy: fon
: { i] Q n a y p que le Çljevalier de M irabeau s ctoit d ’abord adrelîc à un
t'iex s. À je f ic h e r t o v t e ïjp .a ^ c u is e
; ce niot peint le véritable caractère
d.ç la M a r q u ife de Ç a b r i f ; fou père m êm e eft forcé de lui rendre jufticc
dans fes confidences intimes.
i
�40
» crac; que tout cela ne T t peut que par
»> d’une p a r t , l’aveu du p è re , èc peut
»
L A S I T UA T I ON
>j
»
seul
.d
Q u e lï ce l a c o n v i c u t ôc Te conf i r me EN
isso lu ble
nécessité
AMELIORER.
DES I NTERLOCUTEURS. «
DANS L A M A I N , ET F A I S A N T T R A I T E R
m
la
se t o u c h a n t
d ’a
I LL ANC E I N-
tout c^e fuite il va Te raccorder avec fon
,
» m o y e n d’autre p a r t, & de-là
descendre chez
son p è r e
,
» attendu qu’on s’eft procuré un congé pour le refte du tems
»> de fervicc ; que l à , on ne l’efpionne pas fur ce qu’il fait
» fie'les gens qu’il ,voit ; q u e b ie n tô t on lui parlera affaires
» av e c c o n f i a nc e , fie q u ’il a mè n e r a les c h o fes1fé lo n le tem s,
' ' - , i:
» mais promptement. «.
*»’ Q u e fi au contraire cela ne convient pas , il ne
» demande que
secret a b so lu
, & repart tout de fuite pour
m fa troupe, ayant voulu com m encer par le com m encem ent,
»
fie ne
s’é t a n t o u v e r t à p e r f onne. «
O n ço n n o ît maintenant les intentions du M arquis de
M irabeau. O n voit avec quelle’influence fecrète il agifToit
dans la confpiration d e .P r o v e n c e \ fous le’ nom Sc par l’or
gane de l’oncle q u 'il entraînoic ; 6c fi l’on efl forcé de con
tinuer bataille , il ne faudra pas s’étonner de le vç>ir au pre
mier rang.
L e C hevalier
cet
cependant s’eft apperçu de la perte de
écrit. Il a em p loyé ,
pour le retirer des mains de
fa fœ ù r, l’inftancc &. la menace ; elle a cru devoir le co n ferver ôc le joindre aux pièces dépofées ch ez le Magiftrat'
pour l’inftrüction de la Jufticc. L e C hevalier cft reparti
pour fon R é g im e n t , &. l’on peut croire qu’il n’a pas d é - '
çowvert cette perte à fon père j qui fe feroit abftenu , fans
d o u te,
�4*
d o u t e , du rôle cju’il va jouer dans la derniere aiTembléc de
Parens (i).
C e t te aflemblée s’eft tenue les 1 3 , 14 &
16 Septembre
dernier.
La dame de L om b ard y d em and e, conformément a fes
nouvelles conclufiotis, que Ton fils foit in terdit; qu’elle foit
nom m ée C u ratrice à l ’intcrdi&ion. ; que la perfonne de
Ton fils Sc celle de fa petite-fille, com m e dépendante de la
curatelle de ion f i ls , lui foient remifes ; q u ’elle foit reftituée en poileffion des b ien s, titres &L papiers; q u ’iT Toit
n o m m é un Curateur ad hoc pour recevoir fon com pte de
l ’adm iniftration précédente.
A v e c elle le préfentent quatre p a re n s , M . T eiifier, A u -
[ 1 ] C ’eft au refus feul de la M a r q u i fe de C a b r is q u ’on peut attribuer
la requête de la d am e de L om ba rd , fignifiée le j Septem bre y c’eft-idire j le lend em ain
m ê m e du départ du C h ev alier. L a m anière donc
o n s’explique dans cette R eq u ê te , fur le fort de la d cm o ife lle de C a
bris , aiTure q u e cette requête eft, c o m m e l’in ftru & io n écrite au C h e v a
lier , r ouvrage du M atq u is de M irabeau .
O n y fait dire i la dam e de
L o m b a r d : « D a n s la-fâcheufe circonftance o ù la d e m o iié lle de Cabris
» fe trouve , elle ne peut pas habiter avec fa m ère , parce que fi elle
» d em eu ro it avec e l l e , elle feroit privée des confeils de rous fes pn» r e n s , tant paternels q u e maternels , p u ifq u ’aucun
d ’eux ne voit
fa
» mère. V o u s l'avez, M o n f i e u r , com bien cette jeu n e p e ifo n n e a b s » foin d ’être éclairée fur fes véritables intérêts. D ’ailleu rs, en la m e t» tant dans un C o u v e n t ,
où elle pourra voir librement le M arquis de
» M irabeau , fo n aïeu l m a te r n e l, M . & M adam e de S a illa n t yf o n oncle
» & f a tante germains > enfin tous fes proches- parens, elle pourra-êtr,*
» incelïam m en t é ta b lie, & alors plus de procès entre lesdeux M a r c j u i » fes de C a b iis. »
F
�dircur
41
!a R o te d’ A vig n o n ,
de
M
Tciflier Ton f i l s ,
le
C o m te de G rafle ôc le iicur de Com m cyras.
A v e c elle fc préfente V ia l , q u ’on a vu tour-a-1 heure
autres
de
l’A v o c a t de la M arqu ife de
C abris , A g e n t
de la négociation propofée par la dame de Lom bard pour
le mariage de la dcmoifellc de Cabris avec le fils du C o m te
de G r a f l e , & q u i, fans doute., étoit auiïî cet hom m e du
M arquis
de
M ir a b e a u , 'qui fc faifoit fort d'entraîner la
v ie ille , & difpofer de f e s alentours.
V ia l
étoit
porteur des procurations de fix parons de
G r a f l c , & chargé de porter leur vœu , conform ém ent aux
intentions de la dam e de Lom bard ( i ).
La M arqu ife de Cabris , avant de permettre qu’i l prenne
place au milieu d’une aflemblée refpc£bable, dépofe fur le
Bureau : i° . un décret de prife-dc-corps , décerné en 17 6 4 ,
par le Juge de G r a f l e , en vertu duquel V ia l & fon père ,
Greffier d’un village
voifin de G rafle ,
avoient l’un ôc
l’autre teilu pendant deux ans les priions de cette v i l l e , fur
une accufation de prévarication , de f a u x , d'intercept ion de
lettres, dans les fonctions de commis de fon p è r e ; 1*.
un Jugem ent du C o n fe il Souverain de la G u a d e lo u p e , du
15. Juin 1 7 7 5 , par lequel ce fieur V i a l , échappé des pri
ions de G r a f l e , & pafle à la G u a d elou p e, eft banni de
cette Ifle com m e injiigateur de procès , & perturbateur du
repos des fa m illes : digne repréfentant de ceux qui troublent
la famille du M arquis de Cabris.
[ 1 ] C a u x q u i fe font fait repréfenter par V i a l , connoiiToient fon
c a r a & è r e , notam m ent le fieur cle G o u r d o n , qui l ’avoit vu dans les prifons
de Grafle. L e fieur de G o u r d o n , père , ctoit Lieutenant de ce S i è g e ,
qui avoir d ïcrétc V i a l , pèie Sc fils , de prife de corps.
�45
Sur la repreTentation de ces deiK pièces, V i a l , malgré
fts murmures info'ens, fut forcé de fe retirer.
A v e c la dame de L om bard fe préfentent enfin quatre au
tres particuliers chargés des procurations de vingt - deux
parens, égalem ent Provençaux , égalem ent attachés à l ’in
térêt Sc à l’opinion de la dame de Lom bard.
C es
v in g t-h u it
parens abfens ,
&
repréfentés
par
V ia l & par les a u tr e s , manifeftenc dans leur procuration
une prévoyance remarquable.
Dans
le cas
où il feroit
queition d’un mariage pour la demoifelle de C a b ris, ils
déclarent qu’ils s’en rapportent au ch oix 5c à la prudence
de la dame de L o m b a r d ,
& qu’ils donnent leur vœ u à
celui qu’elle préfentera aux aiTemblécs.
V o ilà un choix bien é c la ir é , & un avis donné en grande
connoiflance d e ca u fc !
D e s quatre parens préfens , deux feûlem cnt fe confor
m en t aux demandes de la dame de L o m b a rd , & on les
devine. Le C o m te de G ra iiê (i) Sc le iïeur de C om m eyra s
eflriment que le M arquis de Cabris doit être in te r d it, &
[ i ] L e fieur de C o m m e y r a s n’eft là que le proxénète du C o m t e de
GraiTe ; il a pouffe Ton
zèle im pru d en t ju f q u ’à faire
d u cabinet du
la Ju ge , le théâtre de fa n o b le négociation. N ’ayant eu la liberté de voir
dem oifelle de C a b ris q u ’aux affemblées de fa m ille , il a eu un jour la
h ard ieiT ed es’adreiTerà cette jeune perfonne e l l e - m ê m e , & d e.la pérorer
pendant une d e m ie -h e u r e : E p o u f a l t f i l s du Com te de G r a jfe , & n c coutc\ pas ce que votre mère vous dira , étoient
les d eux points de fo u
difeours. D ix pareils o n t entendu cette éloquente exhortation !c la réponfe noble Sc f i g e de la d e m o ife lle d e C abris. Sa mère fut enfin obligée
d e rappeler au fieur de C o m m e y r a s
le refpeiit q u ’il devoit à fa ptt:-
fe n c e , & au lieu qui les ralïeinbloit.
F ij
�44
que fa mère doit être nommée fa C u r a tr ic e , & en cette
qualité feu!c ch argée, fans c o n c u r r e n c e , fans g u id e , fans
c c n f - i l s , de l’adminiftration d e la perfonne ôc des biens.
M M . TciiTier, père &. fils, é to ie n t, par le u rca ra& ère
leur é ta t, au-deflus de l’intérêt p e r fo n n e l, & des impulfions
étrangères. Juges impafLbles, ils ne ie décidèrent qu’après
un examen approfondi des différentes prerentions fie des
différens m o y e n s ; délicats autant que ju ftes, iis furent
d ’avis d’éviter l’interdi& ion , pour l’honneur de. la fa m ille ,
&. pour la sûreté des biens & des perfonnes ; de régler
les formes d’une adm iniilration d u r a b le , fous
l’autorité
de quelques C o n icils éclairés.
La M arquife de Cabris fe préfente de fon côté avec
d ix - fe p t parens & amis préfens , q u i , fur l ’examen des
pièces
confervécs par l’A rrêc du C o n f e i l , des n o u ve a u x ,
interrogatoires fubis par le M arquis de Cabris , & des
nouveaux rapports des gens de l’A r t , décident unanime
m ent que le M arquis de C abris n’étoit point dans le cas
de l'interdiction en 1 7 7 7 ; cl uc l’altération poftérieure de
iar f a n r é , pouvant & devant être une fuite des mauvais
traitemens exercés fur fa perfonne pendant la curatelle ;
la dame de Lom bard , fa m è r e , auteur de ces procédés,
èc rcfponfable de leurs e ffe t s , étoit par une conféqucnce
inévitable , non-rccevable dans fil demande actuelle ; que
ces fins de n o n - re c e v o ir, réfultantes des plaintes rendues
par la M arquife de Cabris , &. jointes au p ro c è s , devoient
etre jugées préalablement; à l’état actuel du M arquis de
Cabris.
Interpellés
par le M a giftrat
de donner leur avis fur
l’etat a& u cl du Marquis de C a b r i s , ils ajoutent : » que
�45
« s 'i l pouvoit être quejiion de fla tu er f u r l ’ état -actuel du
» M arquis dt C abris, » la nature de fa m aladie, Pefpérancc
de Ton ré ta b lifllm e n t > la lituation de fa f a m i lle , coût
devoit éloigner l’idée d ’une in te r d ic t io n , Sc que dans ce
cas ce feroit une précaution légale ôc fuffifante, de nom m er
des C on feils au m alade, qui donneroit une procuration irre-;
vocable pour gouverner ics biens 2c difpofcr de fcs revenus,
de 1’avis des C on feils nommés.
Enfin , forcés de s’expliquer dans le cas m êm e de Pi in
terdiction p ro n o n cée , ils appellent dans ce cas la M arqu iie
de C abris à la curatelle h o n o ra ire , le fieur C o u rt à la
curatelle o n é ra ire , foum ettant ce curateur onérairc à l’au
torité d’un C o n fc il.
D ix - f e p t parens a b fc n s , & repréfentés par leurs fondés
de p o u vo irs, portent les mêmes vœux contre l’interdiction
qu’ils remplacent par la nom ination des C o n f e i l s , &. dans
le cas imprévu de l’interdiction , ils règlent de la m êm e
manière la curatelle &
l’adminiitration des biens.
L a Marquife de C a b r i s , en fon nom p e rfo n n e l, fc ren
ferme dans les plaintes rendues par elle devant les Juges
de P r o v e n c e , rejetées par la Sentence de G ra d e , fie par
l ’Arrêc du Parlem ent d’A i x , renvoyées au Châtelec par
P A rrêt du C o n fe il des D é p ê c h e s ,
plaintes
portées
devant M .
le
dans fcs additions de
Lieutenant - C iv il.
Des
mauvais traitemens exercés fur la perfonne de fon m a r i,
& des abus com m is dans Padminiitration de fcs biens
fur les preuves déjà rapportées, iur celles q u e lle demande
à faire , elle fait réfultcr
une indignité , une incapacité,
une fin. de non-reccvoir invincible , qui doit écarccr toutes
les demandes de la dame de L o m b a rd contre fon fils.
A u fu rp lu s, clic a obfcrvé verbalem ent à la famille &
�4*
au M a g i f t r a t , q u e , dans le cas où il feroit queilion de
nom m er des C onfeils à Ton mari 3 il n e t o it guères poffible
d ’en trouver de plus fages'fic plus dignes de confiance que
ceux qu’il avoir demandés lu i- m ê m e par fa Requête du
m ême
R o te
jour 1 6 Septem bre: M. T ciiîie r : A u diteu r de la
d’ A v i g n o n , oncle du M arquis de Cabris , &
con
duit à l ’àflemblée de parens par la dame de L o m b a rd
e lle - m ê m e , M c de Beauféjour , ancien A v o c a t au P a r
l e m e n t , C on feil du Marquis de Cabris depuis 1 7 7 6. C e
choix futapplaudi de t o u s , fie il étoit/ait pour l’être. D e p u i s ,
le M arquis de Cabris a encore demandé concurrem m ent avec
ces C onfeils , M c d’O u t r c m o n t , déjà indiqué par la famille.
M . T e iifje r, préfent à l’a fïcm b lée, ÔC votant lui-même
contre l’in tc rd id io n , s’exeufa long-tcm s fur l’importance
fie la multiplicité de fes fo n ctio n s; mais enfin il a cédé
aux inftances du M arquis de C a b r is , fie il confent à faire
ce facrificc aux intérêts & au repos de fon neveu. (1)
A u milieu de ces deux partis oppofés, paroît M e R o z ie r ,
A v o c a t aux C o n fe ils , fie fondé de procuration du M arquis
de Mirabeau.
L e M arqu is de M ir a b e a u , en parlant du trtariage de la
dcmoifellc de C a b r i s , écrivoit à la dame de L o m b ard , au
mois de N o v e m b re 1 7 ^ 4 , qu’il ne vouloit aucunement f e
mêler de cette affaire. {2.)
1
‘ [ 1 ] La L ettre d u M arq u is de C a b r is à M . T e i f l i e r , Si la répoufe
par laquelle celui-ci veut bien accepter la qualité & la charge de C o n f e i l ,
fo n t annexées à la fécondé R eq uête prefentée par le M a r q u is de C a b ris
le z j Septem bre dôrnïar.
f i ] L ettre d u - M a r q u i s
.
.
de M irabeau , du
,
18 N o v e m b re
»7*4,
im p rim é e par la d a m e . d e L o m b a r d e l l c - m t m e , dans fa R eq u ê te i u
R o i , p. i i , aux P. J.
�V
O n vient de le voir dans riiifftruction écrite au C hevalier
Ton fils, tout en f e mêlant très-particulièrem ent de cette
affaire, vouloir ib cacher encore ,
faire dire au C h e valier
qu’ il f a i t cette idée fo r t loin de fo rt p ère, a qui elle a été
propofée.
Ainfi , jufqu’alors, le M arquis de M irabeau avoit agité
dans l'om bre les différentes machines qu’il faifoit m ouvoir;
à A ix , le B a i l l i , fon frère : * P a ris, la dame de Lom bard.
M a is e n f in ,
l’o it qivinitruit de la fatale imprudence du
C h e v a lie r , 6c de la perte de Vinjlruclion fecrette , il ait
défefpéré de fe cacher plus long-tem s ; foit que l ’inftance
du m om ent lui ait fuggéré la nécelîité de fa préfence, il
a cru devoir fe m ontrer à la dernière aiTembléc des parens,
& là , par l’organe de fon fondé de p o u vo irs, il a déclaré :
Q u ’il n’avoit pu v o t e r , ni fur l'interdiction du M arquis
» de C a b r is , ni fur Ja cu ra te lle ; mais que iï l'ïnterdiéfcion
” éroit p ro n o n cé e , fi la dame 'de Lom bard étoit nom m ée
» cu ra trice , com m e f a petite-fille étoit une dépendance de
>3 cette C u ra telle, ôc pour éviter
les contcftations qui
« pourroient s’élever entre les deux dames de C a b r is , au
» fujet de l’autorité qu’elles voudroient s’arroger égalem ent
»
fur cet e n fa n t;
îl
est
d ’a v i s
que la dem oifelle de
>3 Cabris f o i t t mife en te l Couvent q u ’ i l plaira au Juge
» d ’ indiquer, dont elle ne pourra fortiravant fo n établijfement^
» & où f a mère & fo n aïeule pourroient la voir a la grille
» feulem ent. ».
Q u ’on compare ce vœ u d’un defpotifme fa m ilie r, plutôt
que d’une fagefle impartiale, à l’inftrudtion écrite au C hevalier
de M irabeau ; qu’on le compare encore au projet configné
dans la R equête de la dame de L o m b a r d , dû 5 Septembre:
�43
en la mettant dans un Couvent ou elle pourra voir librement
le M arquis de M irabeau, fo u a ïe u l............. E lle pourra être
incejfamment établie. . . • l’identite des expreilions ôc
des
maximes , m anifeilerà la confiance du m êm e complor.
L e M arqu is de
M irab eau d iloit à
Ton f i is , d a n s fou
inftruction : L a Curatelle de l ’interdit emporte la puijj'ance
f u r f a fille . . . • U n homme a. moi entraîne la vieille & d i f
pofe de fe s
alentours. M a is , les alentours de la vieille ,
V i a l , le (ieur C o m m e y r a s , A l z i a r i , & m êm e la F em m ede-Cham bre, Marianne Flourt, pouvoient être entraînés euxmêmes par des intérêts d ifîe rc n s , 6c la
M arquis
prévoyance du
de M irabeau , allait jufqu’à fe méfier de ceux,
qu’il faii'oit fervir à fes deiTcins.
C ’eft pour cela qu’il prôpofe de iouilrairc la demoifelle
de C a b r i s , m ême à Ton a ïe u le, ôc que , par une tyrannie
b iz a r r e , dont l’habitude feule lui actcfte la lé g itim ité , il
veut que cette jeune perfonne demeure captive 6c privée
de la fociécé de fa mère ô£ de Ton a ïe u le , jufqu’à fon éta,b lifle m e n t, c’e il- l-d ir e , jufqu’au m om ent où la réuffitedu
projet charigcroit les chaînes de la dem oifelle de C a b r is ,
& de fa prifon la feroit païïer fous la puiüance de fo a aïeul
maternel.
%
C o n ç o it-o n co m m en t la. demoifelle de C abris pourroir
fc trouver fous la puiflâncc du M arquis de Mirabeau ? La
choie cil claire ; en époufant fon oncle , le C hevalier de
¿Vdirabcau.
L e M arquis cil né en
pays d e D r o it
É c rit ; tous fes
biens font fitués en pays de D r o it É c rit ; il prétend c o n ferver encore fon d om icile en pays d e D r o i t écrit. Son filfii,
quoique marié * demeure fous la p u iiîa n c e ,
avec Ion fils,
La
�49 '
la femme de fon fils, & tout ce qui eft fous h puiflance de fon
fils. La demoifelle d e C a b r is , en époufant fon oncle le C h e
v a lie r , fe trouve, avec tous les biens qui lui fônt deftinés ,
dans la main du M a rq u is , ion a ï e u l , ôc père de fon époux.
En P r o v e n c e , le M arquis de M irabeau laifloit ou faifoic
agir fes aiTbciés , dont le fccours lui afluroic ls? double avan
tage du m yilèrc âc du fu c c è s , &. qui prenoient fur eux l'évi
dence odieufe des efforts réunis pour opérer l’interdiition,
c ’e ft-à -d ire , l’anéantiiTement du Marquis de C a b r is , qu’il
’fiî l'o it an éa n tir, pour difpofer de fa fille ; fa u f enfuite, pour
l ’intérêt m êm e de la demoifelle de Cabris , à tom ber fur
fes propres alliés , pour leur faire reftiruer les rapines d ont
ils avoient eux-mêm es payé leurs iervices, l o r f q u e , p*r le
mariage p ro je té , il feroit devenu le père ôc le protecteur
légal de l’enfant dépouillé.
C ’eft dans ce conflit d’intérêts oppofés & de prétentions
co n tra ires, q u ’il faut chercher les décidons de la Juilice.
M O Y E N S .
D e u x queftions principales conduifent au Jugement.
L e M arquis
de Cabris étoit-il , en 1 7 7 7 , dans le cas
de l’interdi& ion prononcée par la Sentence
de G raile ,
& par l’A r iê t du Parlem ent d ’A ix ?
L e M arquis de Cabris eft-il aujourd’hui dans le cas de
l’intcrdi& ion demandée par la dame de L om b ard ?
T o u te s
les queftions incidentes
naîtront de ces deux
queftions principales.
C ’cft en agitant la première , qu’on examinera les difl'eG
�50
rentes caufes d 'indignité qui s’élèvent contre la dame de
L o m b a r d , & qui doivent form er autant de fins de nonreccvoir contre fa dem ande a£tuelle. Interdiction in ju fte,
curatelle infidelle, excès com m is ou foufFerts fur la petfonne de l’interdit , abus de tout genre dans l’adminiilration de Tes biens.
C ’efl: par une fuite néceflaire de cette première queftion,
qu’on exam inera de même fi les parens qui ont donné leur
vœ u en 1 7 7 7 pour faire interdire le M arquis de C a b r is , &
pour confier fa curatelle à la dame de L o m b a r d , furtout
ceux qui on t profité des infidélités de fon adminiilration ;
peuvent être admis aujourd’hui à voter pour que le M a r
quis de C abris foit encore interdit, Sc pour que fa mère
foie encore nom m ée Curatrice.
C*eft en exam inant la fécondé Q u e ftio n , celle de favoir
il le Marquis de C abris eft aujourd’hui dans le cas de l ’in
terdiction , q u ’on pourra difeuter les différens intérêts de
ceux qui confcillent & qui défirent cette interdiction. C ’eft
en fuppofant cette interdiction prononcée , qu’on établirai
les droits de la femme ôc de la fille de l’interdit.
P R E M I È R E
Le
Q U E S T I O N .
M arqu is de Cabris é to it-il, en 1 7 7 7 , dans le cas de
Uinterdiction ?
C etti q u iîtion
IST
PRÉALABUI,
rovxliuox i
C e tte queftion e ft la prem ière, & par l’ordre duraifon.r e m e n t & par l’ordre judiciaire.
L ’A r r ê t d u C o n f e i l des D é p ê c h e s , en annullant les Sen"
�71
tcnces de Gratte & les Arrêts du Parlement d’A i x , a ren
voyé
le refeifoire à juger pardevant M .
le Lieutenant*
C iv il du C h â te let de P a r i s , c ’eft-à-dire , le mérite des de
mandes fur lefquelles ces Sentences &
ces Arrêts étoient
intervenus.
L e T rib u n al de renvoi doit d o n c , avant toutes chofcs,
ftatuer fur le mérite de la d em andeTorm ée en 1777 * & il
ne peut examiner le mérite de cette d em a n d e, fans exami
ner fi à l’époque de cette d e m a n d e , en
1 7 7 7 , le M a r
quis de C abris étoit dans la nécciîiré de l’interdi& ion.
D ’ailleurs, les plaintes rendues par la M a rq u ife de C a b ris
devant les premiers Juges, des excès com m is fur la perfonne
de Ton m a r i , ayant été'rejetées par les Jugemens annullés ;
la caffation de ces jugemens laifle encore à juger la juftice
de ces plaintes , 8c il eft impoilible de ftatuer fur la juftice
de ces plaintes, fans comparer l’état du M arqu is en 1 7 7 7 ,
avec fon état a£tuel, fans examiner fi, en 1 7 7 7 , 1 e M arqu is
étoit dans la néceilité de l ’interdi&ion.
La difpofition de l’A rrê t du C o n fe il eft formelle à cet
égard. Il ordonne « qu’il fera convoqué
devant le ficur
» Lieutenant C iv il du C h âtelet de P a ris, une ailcm bîée des
» parens ôc amis du fieur de Cabris , lors de laquelle lefdits
« pareris ôc
amis prendront connoiflance
»> refpcctivcs, des rapports des M édecins
des Enquêtes
Chirurgiens ^
» des interrogatoires dudit fieur de C a b r i s , ainli que de
» celui qu’il prêtera de n o u v e a u , &C du nouveau rapport
» des Médecins &. Chirurgiens, s 'i l efi ordonné , pour don» ncr enfuite leur avis au ficur Lieutenant-Civil du C h â « telet de P a r is , auquel S. M . attribue , f a u f l’appc! au Par
is l e m e n t , toute C o u r , & c . «
C es enquêtes, ces rapports, ces interrogatoires, confcrG ij
�vés par TA rret du C o n feil des D é p ê c h e s , ne peuvent fervir qu’à éclairer l'état dans lequel écoic
alors la tête du
M arquis de Cabris , ôc par conféqucnt le mérite de la de
mande form ée alors par la dame de Lombard. L ’ Arrêc du
C o n feil des D é p êch es a donc voulu que les parens ¿kamis^
en prenant com m unication de ces enquêtes, rapports ÔC
in te rro g a to ire s , d o n n a ie n t leur a v i s , ôc que le Juge de
renvoi ftatuât d ’abord fur les conféquences de ces pièces
c o n fe rv é e s , c ’cft-à-dire, fu r ie mérite de la demande for*
n i é e , en 1 7 7 7 , par la dame de L o m b a r d , fur la juftied:
des plaintes rendues par la M arquife de Cabris , fur la’queitio n de favoir f i , e n 1 7 7 7 , le M arquis de C abris d evo it
ctre interdit.
Si le C o n fe il des D épêches n’avoit entendu attribuer au
Juge de renvoi que laconnorfTance de l’état a â u e l du M a r
quis de C a b r is , il n ’auroit pas exigé que l’avis des parens
£c amis 6c le Jugem ent du M agiftrat,fuiTent déterminés par
Jes cnquêtcs^rcfpc&ives faites en 1 7 7 7 , par les rapports
donnés en 1 7 7 7 , par les interrogatoires fubis en 1 7 7 7 ,
q u i, fans d o u te , ne peuvent fournir aucune lumière fur la
fituation phyfique ôc morale du M arquis de Cabris en 17 8 5 ,
D ’ailleu rs, dans ce cas , on procéderoit en vertu d ’un A rrê t
d''attribution > revêtu de L ettres-Patentes, & non pas en.
vertu d’un A rrê t de renvoi.
N o u s ne difons pas que l ’attribution donnée par l’A r r ê t
du C onfeil , ne frappe pas fur l’état aftuel du M arquis de
C a b ris ; mais cette queftion de favoir fi ce malade cft uujourd hui dans la néceflité de l’in terd iilion , cft néccfl’a ircmcnc
fubordonnée à la première., fubordonnée aux circonftances,,
aux raifons qui pourront déterminer le Juge t aux demandes
�53
que les deux dames de Cabris font autorifées a former par
le m ême Arrêc.
C e t A rrêc die que le M arquis de Cabris fera de nouveau
inrerrogé par le J u g e , ôc vifité par les Gens de l’A r t , s ’i l
ejl ordonné. C ’eft admettre que le M arquis de Cabris ne fera
point inrerrogé ni viiîté de nouveau , s ’ i l n e j l pas ordonné :
le C on feil des D épêches fuppofe donc un nouvel ordre de
ch ofes, une nouvelle p rocéd u re, une nouvelle demande ,
& c’eft: ce que la dame de L om bard a parfaitement entendu,
puifqu’elle a jugé elle-même fa demande en interdi& ion for*
m ée en 17 7 7 , a n é a n tie , & dans tous les cas , infuffifante
pour faire prononcer fur l’état a & u e ld e fon fils; puifqu’elie
a formé une nouvelle demande en interdi& ion devant M .
le Lieutenant-Civil.
11 faut d o n c , pour la régularité du Jugem en t à in te rv en ir,
pour l’exécution
parfaite de l’A r r ê t de renvoi , ftatuer
préalablement à t o u t , fur le mérite de la demande adoptée
par les Jugemens a n n u llés, fur la juftice des plaintes rendues
par la M arquife de Cabris , fur la queftion de favoir i i , en
1 7 7 7 , le M arquis de Cabris pouvoic & devoir être interdit.
Il feroit d’ailleurs impoffible de procéder a u tre m e n t, ôc le
raifonnem ent le plus fimple prouve cette impoifibiJité. Le
M agiftrat ferm erait il abfolum ent les yeux fur l ’objet princi
pal du renvoi, fur la chofe jugée par la Sentence de GraiFe
fie par l’ A rrêt du P a rle m en td ’A ix ? Croira-t-il ne devoir s’o c
cuper que de l’état a£tucl du M arquis de Cabris ? C roira t-il
n ’avoir à juger que la nouvelle demande de la D a m e de
L om b ard ? M ais avant de juger cette d e m a n d e , il faut juger
fi la D a m e de Lom bard a eu droit de la former.
La M arquife de Cabris élève aujourd’hui contre elle de»
�14
caufcs nombreufcs d*in d ig n ité, qui doivent la rendre inca
pable de former aucune demande. Il faut examiner fi ces
caufes font légitimes.
C es caufes d’indignité réfultent de la demande en inter
diction formée en 1 7 7 7 . Il faut examiner 11 le M arquis de
C abris a été juftement interdit.
C es caufes réfultent encore de fes écarts dans les fo n d io n s
de la curatelle qui lui avoit été confiée, des excès com m is
ou tolérés fur la perfonne de fon fils, des abus innom brables
aurorifés ou foufferts dans l’adm iniilration de fes biens. Elle
n ’eût pas été curatrice de fon fils , &: curatrice infidelle , li
fon fils n’eût pas été interdit. Il faut examiner fi fon fils a
été juftement interdit.
Il n’eft pas poffible de faire un pas dans cette affaire , il
l ’on veut être exaét & ré g u lier, avant d ’avoir décidé 11 le
M arquis de Cabris m éritoit, en 1 7 7 7 , l’inrerdi&ion pronon
cée par la Sentence de GraiTe , &. par l’A rrê t du Parlem ent
d ’ A ix.
Suppofons encore que le Juge s’ o ccu p e, avant t o u t , de la
nouvelle demande formée par la D a m e de Lombard ; fuppol'ons auifi que fur cette d e m a n d e , il interdife le Marquis de
Cabris ; feroit-il temps alors d’examiner fi cettedem andc étoit
re c e v a b le , U Ci la D a m e de L om bard avoit le droit de la
former ?
TD„ Marquis
Marquis de Cabris n’étoit pas en 1 7 7 7 dans le cas de
deCabris ** l 777- l’inrerdi£tion. C ette vérité , aujourd’hui d ém o n trée, cft la
tige des fins de non-rcccvoir qui repouflent la D a m e de L o m
bard , 2c avec elle cous ceux à qui d ie doit cette curatelle 11
odieufem ent exercée,
dont elle a, par récip ro cité , fervi les
p ro je ts , ou favorifé les invafions.
�n
C e n’eft pas dans les faits qui ont précédé la demande de
la D am e de L om b ard , qu’il faut chercher cette vérié ; rricn
ne peut inftruirp la Juftice , que ce qu’elle a ordonné ellem êm e pour fon inftru&ion.
D ’ailleurs , l’A rrêt du C o n fe il des D é p ê c h e s , d éfig n e, en
les c o n fe r v a n t, les pièces qui doivent être confultées. Il veut
que les enquêtes refpeciives , les rapports des Médecins &
Chirurgiens , 6 les interrogatoires du Marquis de Cabris, foient
com m uniqués aux parens 8c amis a ile m b lé s , pour donner
leur avis.
Les parens 8c amis ailemblés ont pris com m unication de
ces pièces co n lcrvé es, 8c ils ont tous déclaré , excepté ce-,
pendant le Comte de Grajfe & le fie u r de Commeyras , que
l ’état du M arqu is de Cabris en 1 7 7 7 , ne juflifioit pas l’interdi& ion dont il avoit été flétri.
En e f f e t , fi l’on coniulte d’abord les enquêtes refpe£tives,
on voit d’un cô té vingt-deux témoins entendus à la requête
de la D a m e de L o m b a rd , dont iept à h u it, c’eft-à-dire t fes
affidés, fes v a l e t s , fa fem m e-de-cham bre, veulent donner
quelque idée de la dém ence que l ’on cherche. Les autres
atteftent le bon fens 8c la raifon du Marquis de Cabris.
O n vo it d’un autre cô té quarante-deux témoins entendus
•a la requête du M arquis de C a b r is , ( 1 ) qui tous dépofenc
( 1 ) O n a obfervé que le Ju gé avoit interrom pu cette enquête avec une':
précipitation b lâ m a b le.S a n s c e l a , au lieu de quarante-deux t é m o in s ,
le"
M arquis de Cabris préfenteroit toutes les perfonnes dont il étoit connu
& fu r-to ut les habicans de fa T e r r e », d on t il fu t toujours & le père 3c
l ’ ami.
�Si indiquent des preuves de fa préfence d’c fp ric , & même
de fa (agacité 6c de fon intelligence.
Il en donnoit lui-même ,.à cette é p o q u e , une preuve bien
remarquable dans cette tr a n fa & io n , dont fcul il difeutoit ÔC
étabüfToit les claufes avec toute la com m unauté aflemblée
dans la falle de fon C h â te a u ; tranfa& ion confirmée trois ans
a p r è s , com m e un m onum ent de fa g e ile , parle m êm e T rib u *
nal qui ven oit de déclarer Ton A u te u r infenfé & maniaque.
Si des enquêtes refpe&ives on pafle aux rapports des M é
decins Sc C h ir u r g ie n s , on trouve la même v é r it é , avec quel
ques traces de l’empire exercé par la D a m e de L om bard fur
ceux dont elle s’environnoir.
L e M édecin Ifnard diflimule , Sc craint dans l'état de por
ter un jugem ent trop précipité ; deux fia n ces n étant pas fuffifa n tes pour l ’ inflruire du véritable & confiant état de l ’ efprit
q u t l exam ine.
L e C hirurgien L a m b e r t , déiintérefle , & par conféqucnt
f ïn c è r e , détaille tous les motifs de fa décifion , tous les
réfultats de fon examen , 6c déclare affirmativement que le
M arqu is de Cabris ejl
d ’ un tempérament mélancolique ;
mais qu’i l n ’y a en lui aucun égarement d ’ efp rit, & qu’ i l jo u it
d ’une fa in e raifon.
Si l’on jette enfin les yeux fur les interrogatoires du M a r
quis de Cabris , on eft frappé de fes réponfes tranquilles
8c raifonnables. D a n s celles qu’il a prêtées devant le C o n iciller-Commifl'aire du Parlem ent d ’A i x , on remarque furtout une raifon lu c id e , 6c cet ordre d ’une bonne m ém o ire,
qui ne peut claiïer les plus petitsdétails des affaires dom eiliq u e s , que dans une tête bien organifée.
E n fin , quand on a examiné tout ce qui pouvoit éclairer
le*
�les Juges, tic Provence fur la fituation defprjc du Marquis
de Cabris , pour concevoir les jugemens qui lui on t ravi fon
exiitence civilcen le déclarant infenfé ^il faut nëceiTairement
penfer à l ’aiTociation qui s’étoit formée pour l’anéantir, aux
intérêts divers qui infpiroient chaque membre de l’aiTociation , aux démarches tumultueufcs du Bailli de Mirabeau ,
enflammé par le d é p i t , & d’ailleurs entraîné par le M a r
quis de M irabeau ; fon frè re, aux in trig u e s, aux calom
nies employées pour le lu ccès; à la M a rq u ifed e C a b r i s , ar
rachée du lit de fon m a r i, ôc confinée loin de lu i, dans
un couvent de la haute Provence ; à la D e m o ifelle de
Cabris , enlevée fous les yeux de fon Père ; au M arquis
de Cabris lui-même , prifonnier dans
la
ville d’A i x ,
gardé à vue ju fq u e s d a n s fon a p p a rte m e n t, au m om ent
où il étoit encore fon unique maître fous la protection des
L o ix ; enfin , à tout ce que l’efprit de cabale & de violence a
ralfemblé dans cette aiï'airc déplorable.
C e tte troupe intéreflee marchoit fous la bannière de la
dame de Lom bard. C ’eft en fon nom que tous les coups ont
été portés; c’elt fur fa demande que Ion fils a été injuftem ent interdit.
C e tte interdiction cil l’injure la plus cruelle que la dame
de Lom bard pouvoit faire à fon fils , aux en fans de fon fils ,
aux enfans des enfans de ion fils.
Il faut diitinguer deux fortes d ’interdi& ioa ; celle p ro
non cée pour caufe de prodigalité, ,& celle prononcée pour
c a u fe d e démence. La première n’eil point une tache de fa
m ille , elle n’eft pour celui m ême qu’elle fr a p p e , qu’un
reproche de fes égaremens pâlies, l a prodigalité d’ un père
p orte lu id ig e u c c , mais jamais la ho.nce fur fes nfaus.
�5*
L ’inrerdi&ion pour caufc de dém ence cft une flétriflurc,
& pour l'in te rd it, & pour toute ia dcfcendancc : c’eft une
plaie qui du tronc va infectcr jufqu’aux plus petits rameaux.
D e tous les p réju g és, celui-là peu t-être, cft le icul raifoi:n ab le, ou plutôt ce n’eft pas un préjugé ; c ’eft une crainte légi
tim e qui vient quelquefois empoifonner le fentiment le plus
cher dans dans les apprêts d ’une union defirée, &c qui porte
l’inquifition dans une famille jufques fur les membres les
plus éloignés.
A in f i, Iorfqu’à la face de toute fa province , la dame de
Lom bard pourfuivoit avec acharnement la Sentence &. i’A rrêt qui on t déclaré fon fils en démence, elle difoit à fa P ro
v i n c e , a to u t le R o y a u m e ,e n montrant fa petite-fille,enfant
de fix a n s, intéreflante par toutes les qualités aimables que
la nature peut prodiguer : «• Q u e cet enfant vive f e u l , Sc
meure fans poftérité ; familles pures ,
m
recevoir
dans votre
« un poifon que
fein ;
il
trem blez de le
porte dans
fes
veines
j’ai tranfmis dans les veines de m ou
» fils.
C e cri terrible, elle le répète ici avec un emportement
qui e ffr a ie , &. fa petite fille touche à fa quinzième année:
elle annonce encore , elle publie que fon fils cft fou. L e
feroit-il devenu ? N ous allons examiner tout-à-l’heure s’il
cft devenu fou ,
com m ent il auroit pu le d eve n ir; mais
enfin il ne l’étoit pas en 1 7 7 7 ; la chofc eft ailèz prou
vée ,
fa mère l’a accufé de folie pour le faire en
chaîner.
Son aveuglement eft extrême : elle veut orner de quel
que vraifcm blance ce m enfonge de folie.
N ’a-t-elle pas
imprimé à Paris que fon é p o u x , le père de fon fils , avoic
�59
tïanfm is à ion fils le germe d’une démence incurable ? L a
dame de Lombard ne fait pas ce qu’elle é c r it , ou cc qu’on
écrit pour elle. Il cil impolîible de penfer q u e lle v o u lû t ,
de fa n g -fro id , pour exterminer ion fils 8c fa p e tite -fille ,
marcher à eux fur les cendres d’un mari qu’elle a dû ch é
rir 8c qu’elle doit rcfpe£ter. Si cette idée cruelle cft un fruit
de fon im ag in a tio n 3 voilà la dém ence: c'cft elle qu’ il faut
interdire.
.En vérité , les termes ufités n’expriment pas tout
l’o
dieux de ce m enfonge. Le M arquis de Cabris a trois feeurs
mariées ,8 c connues par leur bon fens 8c leur raifon. Son
père n’a jamais donné la m oindre preuve d ’un efprit difttrait
ou a g ité ; ¿te c e r te s , toute fa Province pourroit attefter qu’il
ne devoir pas cette tranquillité aux bons procédés de la dame
de L o m b ard , com m e elle a l’ineptie de le dire. Le M arquis de
Cabris lu i-m êm e, avant la tyrannie'qui a boulverfé toute fon
cx ifte n c e , n’avoit montré qu’un efprit préfent 8c raifonnable.
A infi , ce prétendu germ e de dém ence trouvé dans le fang
de fon p è r e , eft un trait perfide, le dernier trait qui carac*
tériie le com p lot formé fur la perionne de la D em oifellc
de Cabris. C ’cft pour difpoicr d’elle fans concurrence ,
pour lui ravir l’avantage du c h o ix , pour effrayer tous fes ri
v a u x , qu’on ofe flétrir en m ême-tem ps 8c fon p è re , 8c fon
ayeul ; 8c ce dcflcin peut il être douteux , lorfqu’on voie
s’empreifer autour d ’elle le C o m te de G r a d e , le M arqu is
de M irabeau , 8c tous ceux dont nous n’avons pas eu occaiion
de p a r le r ,
qui ne
craignent pas pour leurs fil*
cc qu’ils ont comploté de faire craindre aux autres.
E n s'efforçant d’ affaiblir la honte qui fuit une interdic
tion pour caufc de démence , la dame de Lom bard n’affoiH ij
�<jO
blic pas l’injure faite à fon fils, qui n ’étoit point en demenee. Elle difoit dans fa Requête au R oi : provoquer
rin te rd i& io n d ’un fils , lorfqu’il eft dans le cas de l’êrre ,
( d ’être interdit) c ’eft faire un a & e de p i é t é , c’eft obéir
aux L oix.
M ais provoquer l’interdi&ion d ’un fils , lorfqu’il n’eft
pas dans le cas d’être in te rd it; le noter com m e f o u , l o r f
qu’il eft fage ; le luppofer en d é m e n c e , lorfqu’il a toute
fa railon , pour lui ravir fon exiftencc & tous les droits de
citoyen : c’eft une atrocité jufqu’à préfent in o u ie , c ’eft une
violation des L o ix de la nature ôc de la fociété.
Les Lacédcm oniens n’avoienc point de loix contre les
crimes inconnus, nos loix n’ont pas prévu qu’une mère
fût capable de diffamer fon fils Si toute fa p oftérité, par
une
interdi&ion injufte, fous le prétexte d ’une dém ence
fuppofée1. C e t écart nouveau n ’eft donc fournis parmi nous
à aucune peine littéralem ent exprimée, [ i] M ais la raifon,
la juftice n a tu relle, veulent que celui qui a fait le m a l,
foie au moins privé des moyens de le faire encore. U n e
mère qui dépofe tous les lentimcns m aternels, doit abdiquer
auili tous les droits maternels. U n e mère qui a traité fon
[ 1 ] L a d am e de L o m b a r d tire la N o v . 1 1 5 ,
( elle fe tro m pe : c’eft
la N o v . 1 »4) pour prouver q u ’elle auroit été indigne de fucccder à Ton
fils furieux ou i n f e n fé , fi elle l’avoit abandonné. L a N o v . ne parle que
du fu r ie u x , & non pas de l’in f e n fé , & les foins q u ’elle preferit aux père
£c mere en faveur de leur fils, 11e font pas de le faire interdire. M a is la
d am e de L om ba rd ne dit pas que la m êm e N o v . la m enace de la m ê m e
p e i n e , fi elle a fait à fon fils une injure grave. S i gravem & ir. honeftam
injuriant injecejferk.
�¿1
fils com m e -un ennemi , cft i’ennemie
de Ton fiis;
elle
n ’eit plus fa mère.
A in J î, lorfque la dame de L om b ard demande aujourd’hui
que Ton fils Toit in te r d it, il ne faut pas l’é co u te r; il ne
faut pas m ême examiner fi quelque m o t if juifcifie fa de
mande ; parce qu’elle a ofé déjà le faire interdire fans
motif. L u i • (cro it-il permis de pourfuivre fon fils jufqu’au
tom beau , & de renouveler cette action infamante , toutes
les fois qu’elle feroit infpirée par fon intérêt particulier
ou par l’intérêt des autres.
C e tte caufe d ’in d ig n it é , lancée fur la dame de L o m b a rd ,
par l’intcrd iition
fils , ell g r a v e ;
m ême q u ’elle a provoquée contre fon
&
cependant elle fera p e u t-ê tre moins
d ’impreffion que celle qui nous refte à prélenter.
Elle invoque la nature pour juifcifier fa co n d u ite : fuivant
fes maximes, c’eil pour remplir un devoir de piété maternelle
qu’elle a fait interdire fon fils : c ’elt pour veiller fur fa
vie 6c fur fes biens, q u ’elle l’a privé de fa liberté phyfique
& morale. Suppofons d on c que l’in terd i& io n fut pour le
M arquis de C abris un fccours bienfaifant ôc in évita b le,
voyons co m m e elle a rempli ce devoir.
C u ratrice de fon fils, elle a écé revêtue du pouvoir des
L o ix fur fa perfonne 6c fur fes biens.
C o m m e n t a-t elle adminiftré fa perfonne ?
L e Marquis de Cabris a é t é , par fes ord res, placé dans
nne cham bre de fon c h â t e a u , à côté du n om m é A lzia ri
ivrogne [ i j de foixance ans, père du Procureur de la dame
[ i ] Seytre écrivoit à la M a r q u ife de C a b r i s , le prem ier M a r s 178 3 :
x l état de M., de Cabris ejl toujours le rneme , i l ne changera p a s t
�6i
de Lombard , qui lui-même l’a confié à deux domeftiques,
c ’eit à-dire, à deux paylans couverts de la livrée.
Alziari fe permectoit fou vent des a b fen ces, m êm e aiTez
lo n g u e s, & alors le château de C abris étoit gouverné par
M arianne F l o u r t ,
fem m e d e-ch a m b re
de la dame de
Lom bard.
L a dame de L om bard elle-même n’y faifoit que quelques
apparitions à intervalles très-éloignés. Elle habitoit conti
nuellem ent à GraiTe.
C e qui fe faifoit auprès de fon fils, fe faifoit donc par
fes ordres : fi l’on veut la traiter avec quelque fa v e u r, o n
croira feulement q u ’elle l’autorifoit ; &c Ci l’on veut être
très-indulgent , on fera au moins obligé de croire qu’elle
le to léro it; mais foit qu’elle le foufl'rît, qu’elle le p erm ît,
ou qu’elle l’o r d o n n â t,
elle en fera toujours refp on fab le,
parce que feule elle avoit l’autorité pour faire le b ie n , ôc
pour empêcher le mal.
O n a dit que les chagrins & les contrariétés avoient
troublé la conftitution du Marquis de C a b r is , 6c altéré
fa fanté. C e trou b le, cetre altération, s’étoient manifeftés
par une grande irritabilité dans tous fes organes.
L ’hu
manité feule demandoit pour lui un régime d o u x , ca lm a n t,
propre enfin à faire iuccédcr la paix à cette agitation
momentanée.
11 cil prouvé par la déclaration des témoins oculaires,
q u ’Alziari , failant manger le M arquis à fa t a b l e , pour le
„ tant qu’ il n’ aura pour M édecins que deux payfans & un
» qui le gardent fa n s rien f a i t e ,
» prtju d ice. »
iv ro g n e ,
qui mangerie Jes revenus à voire
�¿3
guérir de Favcrfîon qu*iî avoit pour l u i, lai fnifoit boire du
vin p u r , des liqueurs fo rte s, lui faifoit prendre du café
6c du ta b a c , ôc répendoit gaîm ent aux
repréfentations ,
que f a maladie étoit incurable , & que le v in , le café & le
taba c, nepouvoicnt pas lu i ja ir e plus de m al q u i l n en avoit.
L e (leur Sue., C hirurgien , viiicant le M arquis de Cabris
à M o n t r o u g e , dans l’état où l'ont réduit lix années de
tyrannie 5c de mauvais traitemens , a dit que parmi les
moyens de rétablir fa f a m é , il falloit qu.il eût la faculré
de voir 6c de parler à ceux qui lui feroiunt pla iiir; qu’on
eût l’attention d ’entrer dans fes idées , ne le contrariant
en rien.
L a dame de L o m b a r d , en faifant imprimer cet a v is,
a eu l’extrême limplicité d’écrire cette note à côté : c 'e fl
ce qu'on fa ifo it à Cabris , ju fq u au moment ou fo n époufe
l ’ en a arraché.
C o m m e n t le M a rq u is , à C a b ris , avoit-il la faculté de
voir ceux qui lui faifoient p laiiir, ôc co m m en t n’étoit-il
contrarié en rien ?
Il ne voyoit perfonne. D ans les iïx années qu'il a été
détenu ca p tif dans un cabinet de fon château , on n ’a
foufTert auprès de lui aucune vifue*étrangère. A in i i , s’il
ne voyoit pas ceux qu’il a im o it j au moins n ’éroit-il pas
obligé de voir ceux qu’il n’aim oit pas , excepté toutefois
A lzia ri , que fes complaifanccs criminelles ne rendoient
pas plus aimable.
M ais fa fille q u ’il a i m o i t , fa fille qu’il dem andoit dans
tous fes difeours , dans toutes fes lettres , il a pafle quatre
ans fans l'embralll-r , fans recevoir de fes nouvelles.
D a n s toutes les lettres I B ien tô t cette unique c o u fo U -
�64
tion lui fut arrachcc , de peur qu'il n’écrivît à fa fem m e.
Il cft
prouvé par la déclaration des témoins oculaires,
q u 'il y avoit dans la maifon les défenfes les plu s exprejjes de
ne remettre audit Seigneur M arquis aucune lettre de la p a n
de f a fem m e ni de tout autre , & de ne lu i fo u rn ir ni papier
ni plumes , afin qu'il n écrivît aucune lettre ni a f a fe m m e ,
ni a fe s amis.
O n dira fans douce qu’une trop grande application pouvo it être nuifible. Il avoit d on c au moins la liberté de la
p ro m e n a d e ?O u i, il fe prom enoit quelquefois : mais toujours
accom pagné d’un,valet fatellite , & quelquefois de deux, q u i,
pour ne le contrarier en rien , lorfqu’ il vouloir marcher dans
l'alléc de Sc. Jean , le forçoient a grands coups de poings de
marcher ailleurs. C e fait eft prouvé par la déclaration de
deux témoins oculaires.
Il cft prouvé que cette brutalité infolentc des V a l e t s , fc
m êloit m ême aux détails de leur fervice. Il eft prouvé par
une déclaration particulière , que C o u r t , l’un des dom eftiques placés auprès du M a r q u is , racontoic com m e
une
p io u e i l e , q u en chauffant ledit Seigneur M arquis , celui-ci
lui avoit donné un f o u jjle t , & que lui , Jean C o u rt, avoit
donné vingt coups de bâton f u r le dos dudit Seigneur M arquis.
arianne F lo u rt elle-même , fcm m c-de-cham brc de la
D a m e de Lom bard , fe croyoit aucorifée au mépris 6c à
l’oucrage , & difputoit audacieuiement
avec le M arquis
pour ne le contrarier en rien. Il eft prouvé par la déclara
tion d’un témoin oculaire , qu’un
j o u r , en fortant de la
tribune de l’ Egliic , M arianne difoic au M arquis a hautev o ix
: vous ctes f o x ,
0
vous fe r e ^ toujours fo u ,* ce q u e lle
répéta, cinq a f i x fo is d'un ton m enaçant..
La
�¿5
L à gardcrobe du Marquis ayant été pillée &c d ifp e rfé c ,
il a vécu pendant iîx années fans habits ôc ians linge. Il
étoit toujours à Cabris en robe-de-cham bre ou en vefte :
on a vu qu’il étoit parti pour Paris avec un feul habit 8c
d ix - n e u f chcmiies , fans bas & fans m ouchoirs ;
ôc la
D a m e de L o m b a rd , qui le plaint de n’avoir pas eu le temps
de faire faire íes m a lle s , n ’a pas encore fongé^ depuis plus
d e deux a n s, à lui faire parvenir un chiffon.
Les fenêtres de fa chambre étoient grillées com m e celles
d ’un fu rieu x ; 6c depuis qu’il eft à P a r is 3 dans cet état de
çrife 8c de trouble où l’on t réduit fix années de perfécurions , il intéreûe par fa tranquillité 8c fa douceur. Les
fenêtres de fa cham bre font toujours o u v e r te s ,
il fe p ro
m ène feul , il c o n v e r f e , il joue paiiiblement ; il fe livre
enfin avec un plaiiîr afïectueufement exprimé >àtous les amu*
femens que lui procure la petite fociété d ont il eft en vi
ronné.
O n a vu, dans le récit des fa its , qu’il étoit même arrivé aux
aftidés de la C u r a t r i c e , de faire coucher fans draps le Sei
gneur de la T e rre ,
un hom m e riche de 50,000 liv. de
rente. C ’efc ce que la D cm oifelle de C abris a affirmé à la
D a m e de Lom bard , en préfcncc des M a g iftra ts , Sc de tous
les parens aiTcmblés : aufli la D a m e de Lom bard a-t-elle dit
qu’on avoit amené cet enfant ( de 14 ans £c d e m i) aux
aflèmblées , pour lui faire infulter fon ayculc.
O n a fupprimé de ce trille récit , plufieurs détails <fjui ne
pourroient pas erre entendus fans dégoût. L e M arquis de
C abris, étoit dans fon Château , allimilé à ces infortunés ,
tombés par le bouleverfcment de tous leurs organes , dans
dans la claire des b r u t e s ,
attachés à la pierre qu’ils couI
�r
66
vrent de leur corps , & qui exiftenr >pour ainfi-dirc , au m i
lieu des horreurs de i’cxiiîetîcc.
V o ilà com m e la mère du M arquis de Cabris a f.iit inter»
dire Ton flîs , pour remplir envers lui un devoir d eptete /naicrnelU , pour obéir aux L o ix , pour v a lier fu r f a fanté.
Il étoit malade. La D a m e de L om bard
nous apprend
elle-même que des troubles antérieurs avoient a frotté fou
tempérament. Q a ’on
life
fes réponfes
faites devant le
C on fcille r-C o m m iila ire du Parlem ent d’A ix , & la manière
d o n t il parle , dans une grande tranquillité d’e f p r i t , des
foufrrances qui déchiroicnt fon c o r p s , attendrira les plus
infenfibles.
En cet é t a t , fa m ère, que la nature avoit établi fa g a r
dienne ; fa mère qui devoir faire au moins par tendrellc
ce qu’une autre auroit fait par humanité , fa mère s’empare
de l u i , le dépouille t l’enferme , l’e n v ir o n n e , pour guérir f a
f a n t é , de tout ce qui pouvoir augmenter fes douleurs , le
livre à dts m ercenaires, qui l’in fu lr e n t, qui le ty r a n n if e n t,
qui le frap p en t, &c qui pour le ca lm er, lui prodiguent des
alimcns Si des boiiTbns qui confu m cnt fes entrailles. P e n
dant lix années , elle écarte de lui tout ce qui pourroit le
rafleoir , le diftraire ; elle l’abreuve de privations & de dé
goûts : on diroit qu’elle s’exerce à embrâfer tous fes reff o r t s , moins encore par le régime brûlant q u ’elle lui fait
obfervcr , que par cette perfécurion le n te , décidée, qui mè
ne au défefpoir , Si. contre laquelle l'ame , pour s’ex h a ler,
dévore tout ce qui la retient.
Q u ’elle n’allègue point que ces fautes font les fiu tes de
fes a g e n s , Sc non pas les lionnes. C e qu’elle n’a pas fait »
elle 1 a laiiTé faire ; fie nous l’avons déjà d i t , elle eft c o u
pable de cousles excèscom m is en fon nom ôepar fon pouvoir.
�¿7
A u r o it - c n conçu le projet de juilifier un jour cette in
terdiction ü injnftement p ro n o n cée , Sc r/au roi t-on fuppofé
la dém ence que pour obtenir les moyens de la réalifer ?
D e s faits fi odieux exigent des preuves. Celles que la
M arqu ife préfente ne font pas fufpe&cs ; ce font des dé
clarations de quelques habitans de Cabris , fur lcfquelson
ne la foupçonnera pas d ’avoir e u , pendant le règne de fa
belle-mère , beaucoup d'influence ; elle a voulu cependant
proportionner les preuves à la publicité des faits ; elle a
dem andé , 8c elle demande encore qu’on
fafle fonner la
trom pette dans les rues de C a b r is , qu'on affcmble la mul
titu d e , qu’on interroge & qu’on écoute. La dame de L o m
bard s’y oppofe : cette réllftance eft un aveu forn\el. C e n’eft
pas avec les certificats du
D o c te u r , de ¿’honnête Chirur
gien y du Frère L a c e , du P rédicateur> du Chapelain , c ’eft-àd ;r e , de fes complaiians ou de fes co m p lice s, qu’elle peut
fe défendre. C ’eft la voix publique qu’il faut entendre. Si
elle n’a rien à fe reprocher , fi tous ces détails révoltans
fon t des m en fo n g e s, fon honneur exige qu’elle concoure
à l’enquête générale demandée par fa belle-fille. T a n t qu’elle
s’obftinera à fermer les cent bouches de la r e n o m m é e ,
on doit croire qu’elle eft coupable , puifqu’eüc craint d ’être
accufée.
Il n’eft perfonne q u i, en lifanc cette hifloire effrayante ,
ne tende auilitôt la main pour repoufler la dame de L o m
bard du cabinet du Juge à oui elle ofe demander encore
que fon fils foie interdit. Eft-ce donc pour le tourmenter
encore?
N o n ; nous ne lui faifons pas
cette injure : le cœur
d’Lne m è r e , de quelque intérêt qu’il foie a n im é , ne peut
lîj
�68
pas être cruel. N o u s avouons m ême qne relativement aux
excès com mis fur la perfonne de Ion iils s elle eft coupa
b l e , moins par fa mauvaise v o l o n t é , que par ia foiblciîc t fon incapacité (i) , par fa com plaifance aveugle pour tous
les intérêrs qui s’agitoient autour d’elle.
M ais elle v e u t, ou plutôt on la force de vouloir que fon
fils foit interdit , parce qu’il faut qu’elle ufurpe une puiff a n c e abfolne fur fa petite-fille , pour difpofer de fa per
fonne au gré de ceux qui guident fa v o lo n té , du M arquis
du Mirabeau , ou du
qu’elle obtienne
C o m te de G ra ile ; parce qu’il faut
encore l’adminiftration des b ie n s, p o u r
voiler ou pour confacrer les rapines de fes confédérés.
A l’égard de fa petite-fille, de la demoifelle de C a b r i s ,
rrous examinerons quel feroic ion f o r t , dans le cas de
l ’interdiction ; lorfque
nous aurons examiné l’état a£tuel
de fon p è r e , & fi l'état de fon père néceilite l’inEerdi&ion.
A l'égard des biens , il faut voir co m m ent la dame de
L o m b ard les a adminiftrés pendant fix ans , pour appren
dre fi elle feroit digne d e les adminiftrer encore.
A dm inistration
INJIBLLf,
L e premier devoir
d ’un C urateur eft de fa're appofer
les fccllés, ôc de faire l’inventaire des effets du pupille ou
de l’interdit. C e tte obligation , nécciïaire d’ailleurs pour la
décharge du C u r a t e u r , eft expreflement im pofée par les loix
R o m ain es, 8c plus expreifém ent encore par les itamrs de
P r o v e n c e , tant cités par la dame de Lom bard.
[ 1 ] S eytre, dans «ne
lettre du i M ars
1 7 8 } , parloir ainii de la»
d a m e de L o m b a r d : La cabale qui f a it mouvait e n te tête jo'tb le, qui ne
ja it p a s s ’ ndminiflrer tU t-m cm e , cette tête qui au roitbtfoin d ’ un C u xa ttu f
aulieu d ’eire Curatrice.
�69
M aires & alti Curatores, die cette loi lo c a le , cap.
de
T u tc l. arr. 10. S I tempore obi tus de cujus h xrcd itau agiuir
in dicla civitate pr.tfentes fu e r in t , illâ eâdem die obitûs ,
qu<e fa c iliter trunsferri pojjunt in tuto reduci capfafquefigillari fa c e tc per manum diclœ curiœ ordinarix pxosurent, de quibufquam atiiis poterit fie r it ettam ju ris commuais dilatione
pojlpojltâ deferiptionem debitam fie ri fa c ia n t cum ejfeclu ad
fa lv u m ju s minorum hujnfmodi. Q u o d fi ita fac-ere pofipofueTint, eifdem minoribus in cemum libris coronatorum LpfofacÎQ
tencantur ; pro qu/bus fie l esecutio realiter, prout fu prà , p r e f
iptione & apellaiione rejedis.
L a dame de Lombard devoit d o n c , au m om ent de fa
nom ination à la curatelle de Ton 61s , faire appofer les fcellés fur les effets d e fon fils , faire dreil'cr de tout un in
ventaire fidèle ; Sc faute d’avoir rempli cette formalité effc n tie lie , î'î’. c cit foumife à une peine pécuniaire , par la
loi même qui régit fa perfonne 6c Tes biens.
O n fe rappelle que le M arquis de
Cabris étoit encore
à A i x , pourfuivant fur l’appel de la Sentence du Juge de
G raife qui l’avoit in te r d it, lorfque , malgré cet appel ce r
tainement fuipenlit, la dame de Lombard ,
nom m ée C u
ratrice par une nouvelle S e n te n c e , faifoit enfoncer les ar
moires &
briier les ferrures du château de C a b r is , pour
fe mettre en pofîeilion de tous les effets de fon fils.
C ’étoit une fingulière manière d ’exécuter la loi qui lui
ordonnoit de faire appofer les fcclles.
L a même Sentence exigeoit que l’inventaire de tous les
meubles de l’interdit fût fait par un N otaire defi-gné, en
préfence d e l à C u ratrice & de deux païens.
�O n a vu nvrc quelle fidélité cct inventaire avoir été fait;
£c certes, en enfonçant les armoires , en brifant les ferrure?,
or; ne promet toit pas d’être fidèle.
U n mobilier de plus de 80000 liv. dont la M arquife de
Cabris repréfente aujourd’hui les mémoires & le s q uittances,
i’e trouve réduit à 1400 livres; n euf malles remplies de m eu
bles riches s tout récem ment apportés de P a r i s , n’on t pas été
ouvertes. O n n’a pas dit un m ot d’une b ib lio th è q u e , valant
au moins 11^000 livres; pas un m ot de l’argenterie ; pas un
m ot des meubles qui garnifioient l’habitation de la D a m e de
L om bard elle m ê m e , & donr elle n ’a que la jo u id a n c e; pas
un mot des meubles tranfportés par Ton fils à A i x ; pas un
m ot de tous les effets appartenans à la M a rq u ife d e C a b r is ,
laides à A i x , lors de fon enlèvem ent n o & u r n e , & devenus
le butin des Cervantes de la D a m e de Lombard.
Il eft: même conflaté par le fécond inventaire j fait en vertu
de l’A rrê t du Parlem ent de Paris, que plufieurs des meubles
dont on avoit daigné conftater l’exiitence , ont dilparu des
lieux où ils avoient été placés , pour être convertis à l’uiagç
de la D a m e de Lombard. ( 1 )
La portion la plus précieufe du m ob ilier, les titres de N o b le d e , les terriers, les pièces de recouvrement & de d éch arge,
tous les papiers enfin ont été l’objet d’une rapine plus révol
tante encore ; tk c’cft ici que la D am e de L om bard s’elfc
rendue coupable d ’un véritah'e-délit.
O n a vu com m ent les titres de famille Sc d’adminiftratiori
avoient été confondus Sc entaiTés fans defeription dans une
[ 1 ] Les
deux
inventaires ont ¿te joints
affeniblées de parens.
aux procès-verbaux des
�71
arm oire, fur laquelle le N otaire avoit appofé les fc e llé s , à la
réquiiîtion d ’A lz ia r i, Procureur de la D a m e de L o m b a rd , £c
des deux parensen préfence deiquels il falloit procéder.
L ’événem ent a prouvé que cette appolition de fccilés fur
des papiers précieux , dont 011 auroit dû faire la deferiptioa
la plus détaillée \ étoit moins une formalité remplie pour
éviter un travail long & p é n ib le , qu’un m oyen nouveau
d ’une invafion d ’autant plus crim inelle , qu’elle éioit c o m
binée fous un appareil judiciaire.
L a D a m e de Lom bard a brifé, ou fait brifer les fcellés
appofés fur cette armoire.
Elle s’eft e m p a r é e , &: elle a
difpcrfétous les titres. Cette perte effc inappréciable.Sans par
ler des terriers, & des pièces de recouvrem ent £1 de décha:g c , les archives do Cabris croient dépofitaires de tous les
titres de nobleflc , & ce dépôt feul pouvoit fournir les preu
ves à trente familles de Provence.
Les tirresde la rerre é toien t, pour ainii d ire, plus précieux.
E11 P r o v e n c e , point de féodalité ians titres. L a perte des
titres feroit pour la rerre de Cabris une perte au moins de
36,000 livres de droits Seigneuriaux.
L e N ota ire qui avoit appoié Iis fc c llc s , com m is par i:n
A r r ê t du Parlem ent pour les le v e r , & décrire tous 1rs
objers mis lous les fc ellé s, a conilaté par fon procès verbal,
qu’il avoic rrouvé les fcellés
b rifés,
bc
dans l’armoire
ouverte , des papiers relatifs à l’adm iniilration de la C u
ratrice.
avoit
Preuve n o u v e lle , mais in u tile , que la-C u ratrice
enlevé le« papier» renfermés dans cette a r m o ir e ,
lors du bifarre inventaire fait à fa re q u ê te , & qu’elle les
avoit remplacés par des papiers relatifs à fon adminiftra-
�T o u t ic
7Z
momie fait que le bris de fccllés eil un délie
qui ne peut être pourfuivi que par la voie extraordinaire, [ i]
Sa moindre confcqu encc cft de faire préiumer q u i l n a eu
Heu que pour fpolier les efîets mis fous la main de la
Juftice. [z]
i c i la preuve du délit c il com plette. La dame de L om b ard
efl d o n c convaincue d’une ipolation Ci confid érab le, que la
valeur des effets fpoliés ne peut pas être eftimée.
D a n s l’impuiflànce de nier le d é l i t , la dame de L om b ard
a voulu lcx c u fe r dan* fa Requête préfentée à la ({dernière
affemblée des parens. Elle a prétendu que ce fcellé n’é toit
point un fcellé ju d ic ia ire , q u ’il n’avoit pas été ordonne
par le J u g e ; que le cachet appofé étoit fon propre c a c h e t,
appofé par e l l e - m ê m e , & qu’ainfi elle avoit pu le rompre
fans y être autorifée par Juftice.
Excufe pitoyable Sc faulTe!
fcellés fur les effets
D ’a b o r d , l’appofition
des
de l’i n t e r d it , étoit une formalité
expreflément ordonnée par la Loi du pays : il n ’étoit pas
néceiïairc qu’elle fût
ordonnée par le Juge.
E n fai fane
appofer les fc c llé s , la dame de Lombard s’eft conform ée
à la Loi ; mais elle devoit auifi faire faire l'inventaire.
C e tte fécondé obligation c il une dépendance im m édiate
de Ja première.
[ i ] U n A rrê t d u P arlem ent de B a rjs , du 7 M a i 1 7 3 1 , a infirmé une
Sentence pai laquelle le L ie u te n a n t-C r im in e l d u C h â te le t a v o i t, fans
décret ni in te r ro g a to ir e , renvoyé à l ’audience fur une accufation de
corruption de dom eftiques pour rom pre des fcellés. L e m cn ie A r r ê t
décréta l ’inform ation pour parvenir à connoître les perfonnes contre
lesquelles la plainte avoit été rendue , & qui n’y étoienc pas nom m ées.
[ 1 ] R a v i o t , fur la coutum e de B o u r g o g n e , queft. 1 5 0 , n°. 37.
Enfuite y
�73
E n fu ite , le Juge n’avoit polht ordonne d ’appofer les
fc e llé s , parce qu’il avoir ordonné de faire l’in ven taire, ce
qui fuffilo t
pour conftater les quantités 8c les efpèccs
confiées à ia Curatrice. La dame de Lombard a fait appofer
les lcc'l^s fur les papiers , pour n’être pas obligée de les
invcnrorier : elle a tait ce que le Juge n’ordonnoit pas ,
pour ne pas faire ce q u ’il o rd o n n o it; c ’eft à-dire, qu’elle a
rempli la moitié de ion d e v o ir , pour fe difpenfer de l ’autre
moitié.
D a n s une tête auiïi fo ib le , il n’eft pas étonnanc que les
faits fe confondent. Ce n’eft point fon cachet qui a été
appofé fur l’arm oire; c ’eft celui du N otaire lui même. Il
faut lire les deux procès-verbaux. Il déclare dans le premier
qu’il agit en vertu d ’O rd o n n a n ce du J u g e , qu’il n ’a été
fait aucun inventaire des papiers, ôc qu’// a appofé le fc e llé
de fu s armes à la réquifition c^rs parties. Il conftare dans
le itc o n d , que ce fcellé a été brifé dans Ion a b f e n c e ,
q u ’il n’a été trouvé dans l’armoire aucun titre , ni de fam ille,
ni de p rop riété, mais des pièces de la geftion de la C u ratrice,
poftérieure à la date des fcellés.
E n f in , en fuppofant deux fauflecés : que cette appofition
de fcellés ne fut ordonnée ni par la L o i , ni par le J u g e ,
ôi que le
cachet appofé fut le cachet de la dame de
L om b ard ; ce ieroit d on c une rufe employée par elle pour
ecarter la defeription des papiers, Sc s’en faiiir im puném ent ;
&c cette rufe feroit d’autant plus co u p a b le, que le nom &
l ’appareil de la J u ftice , lui donnoient un extérieur impoiant.
C.'cil fur la foi de cette feinte fo r m a lité , que les parens,
ceniés
pre/ens à l’in v en ta ire , auroient confenti que les
turcs & papiers ne fu ik n c pas inventoriés. Brifer ce fimple
K
�74
cachet en l’ abfcnce de ces p a re n s , feroit une infidélité
auifi criminelle que le bris d’ un fcellé judiciaire» puifqu elle
auroit les mêmes c o n fé q u e n c e s , puifqu elle feroiî le prétexté
ou le m oyen de la fpoliacion des titres 8c papiers Tans
inventaire.
A i n i i , dans tous les c a s , la dame de L om bard ne pourroit exeufer l’omiiTion frauduleufe d’une formalité preferite
par la L oi & par le Juge.
D a n s tous les c a s , elle ne
pourroit fe juflifier de n’avoir pas fait inventorier les titres
& papiers pour les fouitraire &
D a n s tous les c a s ,
les difperfer à fon gré.
elle feroie coupable
d ’infidélité , &C
foum ife aux peines prononcées par la L oi.
L es autres abus de Tadminiftration fon t auifi nombreux
qu’intolérables.
O n a vu les meubles diiperfés & anéantis; ces meubles,
que le M arquis de C abris a vo it achetés à Paris , Sc donc
les mémoires fon t produits ; ccs mémoires montant à près
de 70,000 li v r e s , d ont la dame de L om b ard a payé ellem êm e une partie.
O n a vu les bois de h a u te -fa ta ye coupés & v e n d u s ;
les biens affermés par des
écrits fous fe iH g s-p riv és, &
pour des prix inférieurs aux prix offerts au M arquis de
C abris lui-même ; les fermages exigés d’a v a n c e ; les charges
&. les droits royaux arriérés; les terres féodales données
fans cenfives ; enfin , 300,000 livres au moins de dettes
contra&écs , 6c 300,000 mille livres au moins reçues &
dilapidées dans iix années , fans autre dépenfe légitime
que celle du Marquis de C a b r is , la peniion de fa femme Sc
celle de fa fille , & l’on a vu ce que le M arquis de C abris
pouvoit depenfer; 5c la penfionde fa fem me a été long-tems
�75
<3e 3000 livres , & cnfuice de 4000 livres , 6c Ion
fait
que fa fille étoit au C o u v e n t à G ra d e , à 100 livres de
peniion.
O n a vu le com pte de Seytrc arrêté fans d étails, Oins
d éb ats,
fans
pièces
juftificatives ,
&
Seytrc
conftirué
créancier de 61,000 l i v r e s , d ont 50,000 livres font déjà
p a y é e s , 6c doivent être refticuécs de l'aveu même de la.
Curatrice.
O n a vu fur-tout la tranfa&ion paiTée entre la Curatrice
& fes trois gendres , beaux-frères du M arquis de Cabris ,
par laquelle la C u ratrice fixe un prétendu fupplément de
légitim e
déjà doublem ent payé en 1 7 7 5 , Par ^es
k ° ns
offices de Seytre , alors curateur du Marquis de C a b r i s ,
à une fomm e d ’environ 200,000 liv. pour laquellcelle h y p o
thèque les objets les plus clairs de la fortune de fon fils,
6c l’on ie iouvient que ce fupplément de légitim e étoit
fixé par le tcilam ent du père c o m m u n , à 8000 livres pour
chaque feeur du M arquis de C a b r i s ,
ôc pour
les trois
c n fe m b le , à 14,000 livres.
T ou tes les
mains
pilloient autour
incapable , infouciante ,
de
fatisfaite des
la C u ratrice
refpe&s
qu’eile
recevoir tranquillement dans fon fauteuil à G r a l f e , 6c de
l’empire qui flatroit fa crédule Si. puérile vanité.
Les déclarations des Fermiers , annexées aux procèsverbaux
faits en l’H ôtel
de
M.
le
L ie u te n a n t-C iv il,
énoncent pluiieurs Maridemens donnés fur eux 6c acceptés,
lans énoncer aucun motif.
Le Bilan du fieur B o n in , [1] aujourd’hui annexé aux
[ 1] C ’eft au fîeur Bonin que la dame de L o m b a r d avoit afferme
pour lOjOOO livres ,
les moulins banneaux à h u ' l c j dont on avoir
K
ij
�7<Z
mêmes p rocès-verbaux, fait mention de plusieurs m andats
ou billets acquittés par l u i , fur-tout à A l z i a r i , pour 6,906
livres 10 fols 5 d en iers, &c cette lornme paroît acquittée
depuis le mois d ’O c to b re 1 7 8 1 , juiqu’au dix M a i fuivant.
C o m m e n t dans l’efpace de fix mois , &C à quel titre,, cette
fo m * ie a-t-elle été payée à A lziari ?
Le m êm e Bilan relate au 14 Janvier 1783 , un billec
de 4800 liv. payable a la fin du mois de Novembre fû iv a n i >
à M ‘ G a y te , A vocat de la dame de Lombard, 6c a&uellemcnc
ion fondé de pouvoirs.
C o m m e n t M e G a y te ctoit-il créancier de 4,800 liv.? [1]
O u a vu la C u r a t r i c e , partant pour P a r is , donner la
procuration la plus é te n d u e , pour régir & adminiftrer en
fon a b ( e n c e , à M e G a y t e , A v o c a t ,
0
quelquefois Juge v
lo r fq u il s’ agity pour l'intérêt de celle qu'il repréfentet d ’arrêter
offerc au M arq u is d e C a b ris 14 ,0 0 0 liv.
d eux
ans
après, &
Bonin a fait banqueroute
ceux q u i o f i o i e n t 14 ,0 0 0
livres n ’ont pas fait
banqueroute.
[ t j C e t t e queftion trouve fa réponse dans une L ettre de S e v t r e ,
du 6 * Î u in 1 783 , déjà im prim ée : «■11 en coûte
100 louis à votre
» maifon ; l’adminiftratrice donna à Bonin une quittance de cette f o m m e
»> le 14 Janvier 1 7 8 3 , fur la paye des moulins à écheoir en N o v e m b r e
» prochain,
»» tion de
» prouvent
3c en é c h a n g e , le failli donna
la m ê m e f o m m e , payable au
que d ’abord il 1avoit paffée fur
» & puis comme : l s p a r t a g e n t &
a
fe m êm e jour fon o b lig a m êm e
terme : fes livres
le com pte du P ro c u r e u r,
caufe de la fa illite ,
oit
a trouvé
» q u i l étoit plus convenable de le palier iur le com pte de \'A voca t
o qui figure dans le Bilan. O n n ’eft plus étonné k i de ce q u e ,
de
» brouilles qu ’ils é to ie n t, ils fe fo n t étroitem ent liés : on ajoute q u e
» t'eft aux dépens de votre maifon , & parce q u ’on abufe de la croy ance
o> £' de ¿>1 foibleffe de celle qui l ’ ad m inijhc* «
�77
Iss exécutoires du C onfeil d 'Ê ta t. O n î v u , malgrc cettc
procuration , paflée en préfence d’A lz i a r i, A lziari lui-mêm e
toucher les revenus de la t e r r e , com m e fondé de pouvoir
de la Curatrice. O n ne peut pas exiger un exemple plus
frappant de la licence autorifée par le défordre.
O n a vu enfin la C uratrice , pour raiTcmbler les reffources de fon vo y a g e & de fon féjour à Paris , exiger
d ’avance les revenus de
fon fils,
mettre
en gage Ion
arg en terie, vendre fes boucles d ’o r , arriver à Paris avec
24,000 livres dans fon porte-feuille, trouver fon fils & fa
p etite-fille réduits
au fimple n é ce ila irc , & 1 obtenant à
c r é d it ; ne pas leur tendre un é c u , & garder les 24,000
liv. appartenantes à fon fils, pour les frais de la demande
en interdiction qu’elle venoit intenter contre lui.
Il faut laiiler les ames honnêtes fc pénétrer de ce trait :
le fentiment eft plus éloquent que la parole.
V o ilà les preuves d ’une bonne adm iniitration , que la
dam e de L om bard préfente à la J u llic e , pour mériter Ht
obtenir le droit d’adminiftrer encore. [1]
La raifon
&
la
Loi la repoufl'ent avec mépris. Elle
FlNS DI non
prétend à la confiance de la J u ftic c , lorfqu’elle doit redouter * 1 c Ev ° 1K-
[ 1 ] 11 feroit ridicule de parler ici du prétendu co m pte par elle
rendu devant M * Boulard , ancien N o t a ir e , conform ém ent à la Sentence
d u 6 A v r i l 1784- C e co m p te 11’a été ni v u , ni examiné , ni débattu par
les parties intéreflees. N ’e f t - i l pas étonnant que M * Boulard , nncttn
N otaire ,
fe
foit
attribué
iine
au:orité
fuffifante
pour
allouer
les articles de ce c o m p t e , en déclarant q u ’il n ’a eu pour le fo rm er
que des renfeignem ens fuperficiels ? N ’eft-il pas plus étonnant e n c o r e ,
q u e les parties intéreflees, n’a y e n t p u , ju fq u ’à p r é fe n t , obtenir la c o m
m unication des Pièces Juftifkatives de ce prétendu cu .npie ?
�7*
Tes vengeances.
T o u te s
Tutor. £ Curât. du f f ,
les
L o ix
du
titre
de fu fpecl.
ÔC du cod, s’elevcnt contre -elle.
Suivant la Loi 3 de ce t i t r e , au f£, §. 16 .’ le tuteur q u i,
par fraude ou par n é g lig e n c e , n’a pas fait inventaire des
effets du p u p ille , doit être mis en prifon : T utores, qui
repertorium non fecerunt vinculis publicis jubetur conti
nt ri , & infuper pro fu fp e d is habentur. [1]
La m êm e L o i , §. 5 , prononce la deilicution du tu teu r,
s’il a commis des infidélités dans fa tu t e lle , s’il a caufé
quelque dom m age au pupille , s’il a fouftrait fes b ie n s ,
s’il a décourné fes moyens de fubiîftance. S i fo r te gm jfutus
in tutelâ e f l, aut fordidd egit , v el perniciosè pupiLlo , v el
aliquid intercepit ex rebus p u p illa rib u s, fufpeclum poflularc
licet.
La Loi 7 du même titre , §. 1 , punit par la deftitution
de la Vuteilc , non-feulement la fraude c o m m ife , mais la
négligence g roflière, parce qu’elle efl: très-voifin e de la
fraude : S i fra u s non f it adm ijfa, J ed lata neghgcntia quia
ifla prope. fraudent accedit ; removeri hune quaji fufpeclum
oportet.
La Loi 7 , cod. de fu fp . Tut. v e l Curât, décide qu’un
tuteur ou un curateur a cc u fé , doit être privé de ics fon c
tions & de fon p ou voir, jufqu’au jugem ent de l’accufation ;
6c pendant l’in t e r v a lle ,
un
autre
doit être chargé
['-] T o u t ce que ces L oix du tir. 16 du f f ,
de
ordonnent contre les
tuteurs fufpefts t elles l’appliquent égalem en t aux curateurs du furieux
8c «.lu prodigue.
N on tantum autem adolefcentis cu ra to r, f e d etiam
fu r io f î, vel p rod ig it uc fu fpeclus removeri p otejl. L eg. 5 , ff. de fufp. tut.
v e l c u u t . §. 1.
�79
l ’adminiftration. Eum quem ut fufpeclum tutorem v e l curatorem a ccu fa s, pend.en.tt caufâ cognitionis
ahjlinere ab
admïnijlraùone rerum tuarum , donec caufâ fin ia tu r , pr.tfes
Provincia juhehit. A liu s ramen intereâ in
locum ejus in
adminifiratione rerum ordinandus eji.
Ainfi d o n c , au m om ent où la dam e de Lom bard a été
accuféc ; lorfque la M arquiié de C abris s’eft élevée contre
les abus de Ton ad m in iftra tio n , lorfqu’elle a rendu plainte
d evant les premiers Juges des excès com m is fur la perfonne de Ton m a r i , lorfqu’clle a renouvel* Tes plaintes
devant M . le L ieu tenan t-C ivil; dès ce m om ent les fo n d io n s
&
r autorité de la dame de Lom bard auroient été fufpcn-
ducs , fi d ’ailleurs l’A r r ê t du C o n fc il des D épêches ne
l’avoit pas dépouillée de la curatelle.
Les plaintes de la M arquifc de Cabris auroient fuffi
pour néccffirer la difpoiition de la Sentence du 6 A v r il
1 7 8 4 , q u i , fur l’avis des parens a iîcm b lés, a nom m é le
fieur C o u rt Régiiïcur des biens du M arquis de C a b r i s ,
jufqu’à ce qu’il fût autrement ordonné.
1
E t lorfquc la fufpenfion de fes p ou voirs, s’ils fubfiiloient
e n c o r e , feroit prononcée par la Loi m ê m e , jufqu’au ju
gem en t de l’accufation , elle propofe férieufement de lui
rendre fes pouvoirs anéantis, avant m êm e que l’accufation
foit examinée.
C e c i démontre avec plus d’évidence encore la néceifité
de juger avant tout l’objet d^s plaintes rendues par la M a r
quifc de Cabris , le mérite des fins de non-rcccvoir qu’elle
¿lève contre fa b elle-m ère.
Si les griefs copfignés dans ces p la in te s , radminilfcratiçn
�8o
cruelle de
la perfonne , l’adm iniftration
deftru&ive des
biens , n’étoient pas pour la juftice fuffifamment conftatés
par les preuves que la M arqu ife de C abris p r é fe n te , il f audroic l'admettre , malgré la réfiftance de la D a m e de L o m
bard , à la preuve publique q u e lle
follicite
; & jufqu’à
l’événem ent de cette preuve , la D a m e de L om bard
ne
pourroic être écoutée ni dans fa demande en interdiction
de fon fils , ni dans fa demande à fin d !’être nom m ée C u
ratrice.
Mais les preuves acquifes fuffifent déjà pour éclairer la
J u ftic e , & fixer fa déciiion. Q u e faut-il d avantage que des
écrits que la C u ratrice n’ofe point attaquer , ôc fes pro
pres aveux?
D e s lettres de Seytrc , des déclarations particulières, donc
la D a m e de Lom bard auroic dû pouriuivre les auteurs, s’ils
cuiîent attefté des faits calom nieux ; aifurent tous les mauvais
ttaicemens d o n t le M arqu is de C abris a été l'objet 6c la
vi£time ; & la force avec laquelle elle réiifte à ce qu’une
enquête publique foie ajoutée à ces déclarations particu
lières , eft-ellc m ême une preuve invincible.
Les abus dans l’adminiftration des b ie n s, f o n t conftatés
par des écrits placés fous les yeux du M agiftrat.
Les M ém oires des meubles achetés à Paris par le M a r
quis de C a b r i s , m ontant k près de 70,000 liv. , fur lefquelles la Curacrice elle-m êm e a payé près de » 1,000 liv. ,
&, l’étrange inventaire fait par la C u ra trice , qui porte la to
talité
des
meubles
de
fon
fils à
1400 liv. font pro
duits.
L e com pte par lequel Scytrc a été, fans titre & fans ol jet,
conftitué
�8*
conftitué créancier de 61,000 Iiv. cft p ro d u it: les q u itta n
ces des 50000 Iiv. qu’il a déjà reçues, fon t repréfentées. La
coni'ulration par laquelle il eit décidé que Scytrc peut être
pourfuivi pour la reititution , même par la voie extraordidinaire , exifte dans la main de la D a m e de Lom bard.
L a trania& ion par laquelle le prétendu iupplémcnc de
légitim e des trois fœurs du Marquis de Cabris , a été por
tée à près de cent mille écus , cft produite.
Les baux faits
par la C uratrice , fous
fcing-pr.ivé &
pour des prix inférieurs aux prix offerts fon t produits.
Les faifics faites par les Receveurs des droits du R oi &c de
la Province , pour le payem ent des fommes non acquittées
par la C uratrice , ion t produites.
Les procès-verbaux du N o t a i r e , qui prouvent & îc bris
de fc e llé s , & le défaut d’inventaire des titres
p a p ie rs ,
iont produits,
t
Les quittances données par A îzia ri , com m e fondé de
pouvoirs de la Curatrice , & la procuration de la C uratrice
donnée dans le même te m p s , &c en préfence d’ A l z i a r i , à
M e G a y te , A v o c a t de G r a f f e ,
font produites.
Enfin , la Curatrice a avoué elle-même dans les aiTemblces de fa m ille, en préfence du M agiftrat , que pour faire
la guerre à fon fils , elle a voit mis en gage la ig e u te rie de
l'on fils, SC vendu les boucles d’or de fon fils.
Q uelles preuves voudroit-on
p ro u v é
chercher encore ? Il c fl;
que la D a m e de L om b ard s’efl: rendue, c o u pa bl e
de toutes les infidélités dont une feule , aux te rm e i des
L oix qui la condam nent , fuffiroit pour fa deilitution , il
elle étoit encore Curatrice. U n e feule fuiiiroit donc auiïi
‘
L
�S»
pour la rejeter loin de l’adminiflration qu’elle veut faifir ;
s’il éroit poffile que fon fils fût i n t e r d i t , s’il étoit poilible
que l’injare faite à fon fils par l’iniquité de la première
interdiction , ne fût pas capable de le garantir de la fé
condé.
Parens
nomi-
E n écartant la C u ratrice , il faut écarter avec elle les
natf.urs
8t ceux qui o n t
fRHMlÈRE Dcura* parens qui l’avoient nom m ée C uratrice
XÏLIE.
intérêt de la n o m m e r: encore par e x e m p le , ceux qui lui
ont prêté de l’argent q u ’elle difoit deftiner aux befoins de
l’interdit ; parce que le fuffrage des uns &
des autres effc
in d ign e de confiance.
En d r o it, les nominatcurs fon t garans &: rcfponfablcs du
T u te u r qu’ils n o m m e n t , parce que le Juge en confirm ant
leur choix , cède à l’aifurance qu’ils lui d onnen t de la fuffifin c e & de la capacité du Tu teu r. A u di font-ils tenus des
m êm es in té r ê t s , & fournis aux mêmes peines que le T u
teur dont ils font garants. (i)
D a n s l’e fp è c e je s parens qui on t fait nom m er la D a m e de
L om b ard C uratrice de fon fils ,
adminiftration. Leur fuffrage
fon t refponfables de fon
feul établit ce cautionne
ment dont rien ne peut les d é liv re r, ôc dont les circonftances rendent les réfuitats effrayans. L a
D am e de L om bard
cft abfolum ent infolvable. Elle ne pofsèdc rien : elle n’a
pour fubfiilcr qu’une penfion de 500a liv. , établie fur les
[ 1 J Etiam jidejujjbrem & Ltredem fidejujforis ad ratïonem ea/ndùm itfurarum revocandos ejje confiât , ad quam &
tutor rcvocatur. L e g . 3. if.
d e fid e j. & nomïna. & h*rc tuto.
Easdem reputaciones habebunt quas tutor : L e g . 5. Ibid.
�83
biens Je Ton fils pnr le ccilamcnt de Ton mari. O n vi ont de
voir l ’immenfité des répétitions
qui
v o n t être
exercées
contre elle. Les parens nominateurs, refponfables de fa g e f tion , n’ont pas d’autre m oyen
d’éviter le fardeau de ces
répétitions , prêt à tom ber fur eux par l’iofolvabilité de la
C uratrice, que de faire interdire encore le M arquis de C a b ris,
pour remettre dans la m êm e m a in , avec les pouvoirs d ’une
n ouvelle adminiitration , les Fautes de l’ancienne.
L a Juflice rejette leur fufFragc , entraîné par un intérêt fi
vifible &. fi grand.
C e u x qui ont eu la foibleiTe de prêter de
l’argent à la
C u ratrice fous le prétexte des befoins de fon fils in te rd it,
fon t animés par le m êm e in té rê t, 6c repoufléspar le m êm e
motif. Leur débitrice eft in fo lv a b le , & le feul m oyen qui
leur relie de ne pas perdre leurs avances , eft de faire inrerdire encore le M arquis de Cabris pour rendre à fa mère ,
avec les pouvoirs d ’une nouvelle adminiilrarion , le pou
voir d'acquitter les fommes prêtées.
M ais au milieu de ces votans intércûes , il en faut diftinguer trois qui joignent à l’intérêt com m un un intérêt plus
important. Les trois beaux-frères du M arquis de C abris ,
com batten t non-feulement pour fe fouftraire aux fuires du
cautionnem ent contracté par la nom ination de la D a m e de
Lom bard à la curatelle fi mal adminiltréc ; mais pour c o n ferver, s’il eft p o fu b leja portion des biens de l’interdit que la
C uratrice leur a li v r é e , fous le prétexte du prétendu fupplément de légitime. Le ieul moyen , co m m e l’on v o i t , eft
de faire interdire encore le M arquis de Cabris , pour conf a c r c r ,p a r l’autorité d’ une fécondé adminiitration., les rapi
nes de la première.
L
ij
�84
C ette expultîon de tous les nominacei rs de 1 ancienne
curatelle ÿ va trouver place lorfque nous examinerons le
nom bre & la diverfité des avis qui protègent ou qui co m
battent la demande a£tuelle de la D a m e de L om bard en.
interdiction de Ton fils.
S E C O N D E
Q U E S T I O N .
L e M arquis de Cabris e jl- il aujourd’ hui dans la nèccjfité
de l ’ interdichon ?
A près ce qui vient d’être dit , la première vérité qui doit
frapper , eft l’inutilité de cette queftion.
Si la demande de la D a m e
de Lom bard eft rejetée ,
co m m e elle doit 1 erre , par les indignités , les incapacités ,
les infidélités qui Ce raiTemblent fur ia t ê t e , il eft ieniible que le Marquis Ton fils , f û t - i l d’ailleurs dans la nécefliré de l’inrerdi£tion , ne peut pas être interdit.
Cependanc il le M arquis de Cabris eft aujourd’hui hors
d ’état d ’adminiftrer ia perfonne &. fes b ie n s , il faut que la
J-ullice veille fur lui.
« N ou s ne fommes que les adminiftrateurs de nos b ie n s,
» & la Loi qui nous en confie le g o u v e r n e m e n t, fe réiêrvc
« toujours l’empire abfolu qui lui appartient pour étendre
« ou refferrer notre pouvoir , fuivant les vues que la iageiTe
»» lui inlpire , & qui n’ont jamais pour objet que notre vém ri table intérêt. »
C eft en écabliiTant cette vérité , que le célèbre C o c h in
détailloit les d if lé r e n s moyens employés pas la Juftice pour
aflurer les intérêts des foibles d’c f p r i t , 5c des incapables.
�« D c-là font nées , continue-t-il , ces différentes précati» tions que la Loi prend courre des m ajeurs, pour empê« cher qu’ils ne diiîipent leurs biens , lorfqu’ils paroifténe
» incapables de les conicrver ; les uns font abfolumenc
» interdits de toute diipofuion , les autres ne le font que
» par rapport à l'aliénation des fonds ;
aux autres on
m donne un iimplc ^ o n f e i l , fans l’avis duquel ils ne peum vent contracter ;
il y en a qui ne font gênés que dans
» un feul genre d’action , par exemple , à qui on défend
» d’entreprendre aucun procès fans l’avis d ’iin A v o c a t.
»» L e remède change fu iva n t les circonflances, & c e f l la
» nature de chaque affaire qui règle la manière dont on doit
« pourvoir aux befoins de ceux a qui ces fecours fo n t n é c e f
faires. »
L a Juftice , dans cette circon ilance com m e dans toutes
les autres , appliquera donc le remède fuivant le befoim
Elle fera cc qui eit fuffifant : elle ne fera point ce qui eft
inutile. ■
D e u x partis font propofés dans l’ailemblée des parens.
L e p r e m ie r , conform e aux demandes de la D am e de
Lom bard. Le fécond , conforme aux demaxuies de la M arquife de Cabris.
Suivant le p re m ie r, il cil indifpc niable d ’interdire le M a r
quis de Cabris.
Suivant le fécond , il fuffiroit d’établir des confeils à l’adminiflration de fes biens.
Par le p re m ie r, dans le cas de l’inrcrdi£tion p ro n o n cé e ,
la D a m e de Lom bard feule, fans g u i d e , (ans confeils , cil
appelée à la curatelle de f'on fils , c ’cft-à dire à l'administra
�96
tion de fapcrfonne , de Tes b ie n s , & d e laperfonnc de fa fille.
Par le fé c o n d , dans le cas de l’interdiction p r o n o n c é e ,
la M arquife de Cabris eit appelée à la curatelle honoraire ;
le ficur Court,déjà nom m é régifleur, à la Curatelle onéraire,
toujours fous Paiiiilance de C onfeils éclairés.
Ii faut balancer les avantages ôc les inconvéniens de ces
deux partis , en oubliant pour
un m om ent les fins de
non-recevoir qui écartent la D a m e
de L om b ard 6c ceux
qui la pratiquent ÔC qu’elle favoriié.
I n u t i l i t é
L a liberté fociale eft le plus grand bien : la privation
de
I .' INTERDICTION.
de cette liberté eft le plus grand mal ; fie fi ce mal eft
employé com m e re m èd e, au moins ne fa u t - il l’employer
qu’à la dernière e x tr é m it é , lorfqu’il eft indifpen fable, &;
lorfqu ’un remède plus doux ne peut pas le remplacer.
» Q u e le p r é te u r , s’écrie la Loi , fe garde d ’enchaîner
>j un citoyen des liens d ’une curatelle, légèrem ent 6c fans
» connoillance de caufe. »
Si l’interdiction en
général eft un remède extrêm e ,
l’in te rd id io n prononcée pour caufe de d é m e n c e , a de plus
le
trifte
inconvénient d’étendre la tache
que fa caufe
p r o d u i t , jufqucs fur les defeendans de l’interdit.
Lorfque le citoyen frappé de cette interdiction , a des
e n fa n s , fie fur-tout des enfans q u i , par leur naiflancc 6c
leur fortune , ont des droits aux alliances les plus difting u é e s , il faut que l’interdiCtion foit d’une grande u tilité,
pour que le bien puiiTe compenfer le m a l, 6c c’eft encore
un m otif de ne l’employer que dans la plus grande néceffité,
6c à défaut de tout autre m oyen.
O n fait que trois caufes peuvent provoquer l’interdiCtion :
fureur, d é m e n c e , prodigalité.
�*7
D a n s le premier c a s , la Loi a deux objets : la sûreté
de la perfonne & la sûreté des biens. L e furieux peut
mettre en danger fa perfonne 5c celle des autres.
D a n s les deux derniers c a s , la Loi n’a q u ’un o b j e t ,
la sûreté des biens. 11 ne faut pas craindre que i’im bécille
&
le
prodigue attentent fur leur perfonne ou fur celle
des autres.
A i n f i , dans ces deux c a s , lorfque les biens font confervés
par des moyens déjà é ta b lis , ou lorfqu’ils peuvent être
affûtés par des précautions poflibles &. fuffîfanres, il ne
faut pas fonger à l’humiliante refl'ource de Tinterdidlion.
C es raifons on t introduit com m e une vérité g é n é ra le ,
que l’intcrdi£tion feroit in ju fte , parce qu’elle feroit inutile,
contre un hom m e d ’une telle foibleiïe d ’e f p r i t , q u ’il ne
pût manifefter
ni
m in e u r, parce que
exécuter aucune volonté ; contre un
la tutelle p ro d u it, quant aux biens
qu’il s’agic de c o n fe r v e r , le m êm e effet que l’interdi& ion
&. en fin , contre un hom m e dont les biens font fubftitués,
parce que la fubftitution feule rend toute aliénation impoiTible.
e ces principes g é n é ra u x , & pour en faire l’applicntion,
paflbns à l’examen de l ’état aftuel du M arqu is de Cabris
relativem ent à fa p e r fo n n e , Si relativem ent à fes biens.
L a r a ifo n , ce don fi g r a n d , qui diilingue notre efpèce,
do n t nous lorames fi fiers, eft un don fragile. L ’orgueil
de le poiTéder cil bien humilié par la foiblellè des relion s
d on t l’afTcmblage le p r o d u it, & dont l’accord le dirige.
Un
accident i m p r é v u ,
une
joie f u b it e , un
chagrin
c u :fa n r , tout ce qui franchit l’cfpace des effets ordinaires,
peur troubler ou détruire ces rcilorts d éliés, & fufceptibles.
de toutes les impreffions.
état actuel du
Dk
�88
Q u ’on choiiîile l’être de La plus robufte co n ilicu tio n ,
qu’on l'arrache d e .fa place o rd inaire, qu’on l’enlève à fes
habitudes
jo u rn a lière s,
facultés 6c de
à f e s . plaifirs ,
à l’ufage de Tes
fes rcflourccs ; qu’on l’a (TujétilTe à une
tyrannie longue 6c flétri l i a n t e , qu’on afloibliil'e les mem-*
bres par les douleurs , 6c fou ¡une par la iervitude ; cet
h om m e b ie n tô t ne fera plus un h o m m e ,
iî la railon efl
l ’unique attribut de {’humanité.
O n efl encore indigné de tout ce que le Marquis de
C abris a foufîert fous l’empire de la curatelle exercée par
fa mère. Interdit fans m o tif lé g it im e , au printems Je ion
â g e , au m om ent où fa majorité a ccom p lie, m ettoit dans
fa main
le libre ufage d’une fortune coniidérable ; cette
chaîne honteufe 6c non m é r it é e , pouvoit feule révolter
fon arne ôc troubler fes fens : ainfi , l’interdi£Uon feule
étoit capable d’opérer la caufe de l'interdiction.
É l o i g n é d e fa f e m m e , d e fa f i l l e , d e fes a m i s , d e tous
c e u x qui
la plus
lui é t o i e n t
chcrs ÔC agr éa b l e s , r e n f e r m é
pet ite c h a m b r e
é t é lcul
au
monde t
de
p ri v é
fon
de
c h ât e au ,
toute
comme
dans
s’il eût
communication
Sc
des plus (impies a m u f e m e n s , c o u v e r t d e h a i l l o n s , t y r a nn i f é
6ç b a t tu par fes va l et s ; c o n t i n u e l l e m e n t irrité , 6C par les
ri gueurs de fa c a p t i v i t é , 6c par le
il
éroit
nourri ;
pouvoit-il
comment
réfiiler à fix
cet
a n né e s
feu des
infortuné
de
cet
al imens d o n t
j eune
homme
étrange f u p p ü c c ,
aux efforts c o m b i n é s c o n t r e fa raifon.
La conduite des Subalternes déchaînés contre'le M arquis
de Cabris , ou plutôt enchaînés avec l u i , a trop decélé
Ipur objet. C et accord confiant des deux régimes contraires
à fa tranquillité, régime de procédés, régime de nourriture,
&
�&
89
fu r - to u t le propos d ’ A lziari $ que la maladie de fo n
maître étoit incurable ; qu'on pouvoit impunément lu i pro
diguer le c a f é , le vin , les liqueurs fo r te s , fans craindre
de lu i fa ir e plus de m al qu i l ríen avoit , aflfurcnt aflez
qu’on ne vouloir pas tourmenter le M arquis gratuitem ent,
& que la brutalité étoit m otivée par le projet d’anéantir
fon exiitence morale.
Sa
m ère,
feul auteur de ces
dangereux,
procédés
parce qu’elle les a p e r m is , ou parce qu’elle ne les a pas
empêchés ; c’eil fa mère qui vient aujourd’hui exagérer
leurs effets funeftes , pour juítifier ía perfécution paflée, &C
autorifer fa nouvelle perfécution.
C e tte penfée jette un fentim ent amer au milieu du raifonnem ent le plus froid.
Il ne faut pas croire cependant qu’un entier fuccès ait
couronné ce com p lot , &
q u ’on foit parvenu à enlever
au M arquis de Cabris la dernière étincelle de fa raifon.
Si nous prenons
l’engagem ent d ’expofer
avec vérité
l ’état actuel de fon e f p r it , nous exigeons au moins quelque
confiance. Il feroit injuite de voir dans un aveu le prétexte
d ’une réticence.
- Le
entière
Marquis
liberté
de Cabris
n’cit pas
toujours
d’efprit ; les tourmens q u ’il
pendant fix a n n é e s ,
dans une
a fouiFerts
en augm entant fa feniibilité ner-
veufe , ont aíFcdté fes facultes morales.
le
fouvenir de
fes douleurs, &, rout ce qui peut lui rappeler ce fo u v e n ir,
lui donne un accès de taciturnité & de m élancolie. A i n f î ,
c ’cit ce qui devroit exciter fes refpeCts, qui agite fes fens,
&
qui trouble
fes o rg a n e s; la préfence de fa m è r e , &
l’appareil d’un interrogatoire.
O n voit dans ceux qu’il a
M
�9°
prêtas devant M . le L i e u t e n a n t - C i v i l, moins un h o m m e
égaré , qu’ un hom m e aigri par la contrainte , 8c révolté
contre la tyrannie ,
qui refufe une réponie jufte à. des
demandes dix fois ré p étée s, 6c q u i , plus fouvent e n c o r e ,
ne veut ni écouter la d e m a n d e , ni faire la réponfe.
Son efprit cft tranquille , loin de tous les objets qui
peuvent lui retracer Tes infortunes. T o u s ceux qui l’entourent
attellent fa douceur. O n lui laiile la plus entière lib e rté ,
Ôc jamais il n ’a fait craindre le danger d ’en abufer.. Il
interroge , il répond avec juftefle : tous fes m ouvem ens
fo n t pofés 8c réfléchis. Il cft reconnoiiïant 8c afl'c£lueux
avec fa femme 8c fa fille. D e s perfonnes de la plus haute
diftin£tion n’ont pas dédaigné de le voir , de l’admettre
dans leur f o c i é t é , de faire la p a r tie , 8c l’on a ch oiii le
l'e R é v e rfis .
ieu le plus c o m p liq u é , le moins fufceptible de diftra£tion * ;
.
.,
/
•
,
, .
a
.
r
„
,
c
„
,
la prelcnce d c l p n t a ete la raeme ju iq u a la fin ; 6c après
quatre heures, de repos ôc de gaîté , l’humeur n ’a percé un
feul inftant qu’au fimulacre d’un interrogatoire.
D e -là
réfultent trois vérités.
L a p r e m i è r e , que le
M arquis de Cabris n’eft pas privé de l’cfpoir d’une entière
guérifon ; 6c les rapports des M éd ecins ôc C hirurgiens la
prom ettent avec alTez d ’aiïurancc. E n droit , cet efpoir
fuffiroit pour le garantir de l'interdiction.
La
&
seconde
qu’il cft
,
que la m élancolie n’eft qu’in fta n ta n ée ,
prcfque toujours libre de fens 6c de raifon..
E n d r o it, ces longs intervalles de tranq u illité, fuffiroienc
encore pour écarter la reiTource rigoureufe d’une inter
diction.
L a t r o i s i è m e , que m ê m e , dans fes m o m e n sd e vapeurs
ÔC de m é la n c o lie , il a l’extérieur paiiible ; que Ja nature
�9 1'
de fa maladie tend au repos
8c à l’apathie ; que dans
c e t é t a t , fes mouvemens lo n t lents &c mefurés t qu’il cft
enfin dans l’impofiîbilité morale d’attenter à fa perfonne
& à celle des autres.
C e tte dernière v é r it é , fixe & détermine l’objet fournis
dans la circonitance au loin de la Juitice. Elle n’a point
à veiller fur la sûreté de la perfonne. Elle ne doit être
occupée que de la confervation des biens.
A l’égard des biens
3 ils
fon t dans un état déplorable^
O n a vu les défailres de la curatelle exercée par la dame
de Lombard. Six années de mauvaife adminirtration , o n t
jeré dans la fortune du M arquis de C a b r i s , le trouble que
iïx années de mauvais traitemens ont porté dans fa perfonne.
M a is les fautes de fa mère ne peuvent pas être un m o t if
de l'interdiCtion qu’elle
demande ,
&
d’autres moyens
peuvent rétablir l’ordre &. la balance dans l ’adm iniitratioa
des biens.
D ’ailleurs, ces biens font fubititués, & cette fu b ititu tio n ,
dont l’efpérance a dirigé les plus ardens iniligateurs de
l'interdiCtion déjà p ro n o n cé e ,
repouifer l’idée
cil juilem ent ce qui d oit
d’une interdiction
néceilaire.
Parmi les
principes éta b lis, on a vu que l'interdiCtion étoit inutile
contre un hom m e déjà enchaîné par une fubllitution , Sc
qu’elle devoit être écartée par cela feul qu’elle étoit inutile.
C es m o tifs , éclairés par les meilleures in te n tio n s , o n t
v « 01 la fa-
entraîné les iufïragcs du tribunal de fam ille; de ce premier MILL£*
tr ib u n a l, établi par l’autorité fo u v e ra in e , pour juger fur
l ’état aCtuel du M arquis de Cabris.
O n a vu que ia mère n’avoit pu réunir que deux voix
M ij
�i fa demande en in te rd ictio n , celle du C o m te de G r a f f e ,
& celle du fieur de C om m cyras. [ i]
L e fieur de C om m cyras ne mérite pas cTÆtrc compté.
Sa conduite aux aiTemblées , a clairement dém ontré qu'il
ne vouloit l’interdiction que pour créer la dame de L o m b ard
cu ra trice , Se qu’il ne vou lo it établir cette c u ra te lle , que
pour protéger l ’agiotage exercé par lui jufques dans le
cabinet du J u g e , pour le m ariage projette de la dem oifclle
de C abris avec le fils du C o m te de G raile.
D ’ailleu rs, il s’eil rendu indigne de toute co n fia n c e %
par une fauiTeté volontaire. 11 a pris place dans l’aflemblée
en qualité de parent du M arquis de C a b r i s , [ i ] &. certes
[ i ] O n ne parle pas ici des v in g t - h u it procurations par lefquelles
v in g t-h u it parens de P rovence ont cru pouvoir donner leur vœu à
]’interdi£tion d em an d ée par la d am e d e L o m b a r d .
P our ccarter ces
v in g t - h u it c o m p la ifa n s , il n ’eft pas néceiTaire de rappeler l ’intérêt qui
d éterm ine en m ê m e - r e m s ,
&
q u i rejette leur fuffrnge. Il fufïit de
dire qu e ce v œ u , apporté de deux cents lieues , eft la preuve la plus
o d ie u fe de leur a veuglem en t & de leur m auvaife volon té. Ignorent-ils
q u ’en matière d ’incerdiétion ,
les abfens ne
peuvent pas délibérer :
parce q u e , pour pron on cer fur l ’état d ’un cit o y e n , il faut avoir fous le*
y e u x les fig n e î démonftratifs de fa dém ence 3 ou de fa préfence d ’efprit.
A u fu r p lu s , de ces 28 parens q u ’on préfente c o m m e la majeure par
tie &: la plus refpefbible de la fa m ille , le M a r q u is de V a u v e r n a r g u e s eit
feu l parent p a te r n e l, & encore au cinq uièm e degré.
T o u s les autres
fo n t parens de la D a m e de L o m b a r d . A i n f i , lorfqu e dans leur procura
tion , & dans Pailèinblée de f a m ille , ils prennent la qualité de parens
p a tern els, ils attellent une erreur volontaire , qu e la M a r q u ife de C a b r is
les défie de juflifier.
[ a ] Dans fon d i r e , au procès-verbal d ’a fle m b lé e , le fieur de C o m m eyras fe qualifie coujîn au quatrièm e d egré du côté p a te rn e l, à caufe de
�93
il n’cil lié à la famille de Cabris par aucun lien de p aren té,
quelqus éloigné qu’on puide le fuppofer.
Il pouvoit fe
préfcnccr com m e ami : l’ A rrêt du C on fcil des D épêches
co n voq u e les parais & amis ; mais fon vœu manifeftoic
q u ’il étoit encore moins ami que p a re n t, & entre deux
m e n fo n g e s , il a préféré le moins ridicule.
L e C o m te de G r a d e s’avance donc feul pour conqué
rir l’interdiction du M arquis de C abris ; Si c’effc ainfi qu’il
prétend pour fon fils à la main de la demoifelle de C abris.
C e mariage auroit pu convenir. M ais n’eft il donc d ’autres
moyens pour époufer la demoifelle de C a b r is , que de faire
interdire (on père ? Pou r captiver fon c œ u r , qui doit pré
céder fa main , n’eit-il donc d’autres moyens , que de graver
fur le front de Ion père une empreinte flé trid à n te; que de
livrer fon père aux mains avides & cruelles qui on t anéanti
fon e x iftc n c e , détruit fa fan té , troublé fon repos , & dévoré
fa fortune ?
Si le C o m te de G ra d e n ’a vu que ce chem in
pour
arriver à fon b u t , qu’il fe retire : fon vœ u refte inutile
com m e fon projet.
L a Juftice ne peut pas écouter un
fu d ra ge qu’un intérêt viiible [ i] accufe de p a rtia lité ; 8c
la demoifelle de Cabris déclare , avec toute la vivacité de
M adam e de V ille n e u v e , fo n e'poufe. L a d am e de C o m m e y r a s n ’eft point
née V illeneu ve. Elle eft fille d u fieur R abies t de la petite ville Ü A n o t t
dans la haute-Provence.
[i]
A cet intérêt , le C o m t e de GraiTe en joint un a u t r e , m o in i
r e m arq u ab le, à la vérité. Il eft oncle du C o m t e de GraiTe d u B a r , & du
fieur de St. C e z a i r e , beaux-frères du M arq u is de C a b r is , cautions de la
cu ratelle, & défendant pour leur propre co m p te r'envahiifem ent d ’une
portion des biens de leur beau-frère.
�94
Ton pays 6c la franchife de Ton â g e , que les Puiflances de Ja
terre ne pourront jamais la contraindre de fe donner aux perfccuteuis de Ton p ère,
6l
aux protecteurs de la perfécution.
L e C o m te de G rad e croit ou ne croit pas ce qu’il attefte
aux ailemblécs. S’il efl perfuadé que le Marquis de Cabris cft
m aniaque, affligé d 'u ne f o lie héréditaire , la fortune efl:-elle
un m o t if aflez puilïant, pour que le fils du C o m te de G ra d e
foit uni à la fille d’un m aniaque? Si le C o m te de G ra d e n’efl:
pas perfuadé de cette démence héréditaire, la fortune eft-elle
un m o tif a iîlz puidant pour que fa bouche démente fa penfée , pour qu’il déclare tout haut cequ ’il contredit tout bas ?
C o n tre
le fudrage
d ix - n e u f parens &
unique du C o m te de G r a d e , [ i]
amis préfens ,
rademblenc d ix - n e u f
fudrages contraires. Dépouillés de tout intérêt perfonnel,
exempts de toute p ré v e n tio n , ils ont prononcé fur l’etac
actuel du M arquis de C a b r i s , après un examen impartial
des événemens paiTés & des circonflances préientes
Ils
o n t remarqué dans la foiblcd'e actuelle de leur parent &C
ami j l’effet fu nede des mauvais traitemens a u ton frs par
fa première interdiction. Us ont reconnu dans les interro
gatoires & dans les rapports des gens de l’A r t , que cette
[ i ] O n a vu le M arq u is de M ir a b e a u , déclarer à la dernière aflem b l c e , q u ’il n’avoit pu voter pour l’interdiftion j mais la fuppofer d ’ ane
m anière cruelle , & rayer le M arq u is de C a b ris d e la lifte des v iv an s,
pour courir d ’un pas rapide à ce q u ’il defire uniqu em ent. N ’eft-ce pas en
effet feindre un pere m o r t , & m ort fans avoir laillé aucune trace de fo n
pouvoir p a te rn e l, que de vo u lo ir fe faifir de fa fille pendant ia vie , d e
d em an d er ferieufement à la Juilice que cette fille foit en ferm ée dans
u n C o u v e n t , d ’où elle ne fortiroit qu e pour être m a riée, o u elle n ’auroif
la liberté de voir fa mère & fes autres parens q u à la grille fe u le m e n t,
mais où elle verroit tres-librement le M arq u is de M ir a b e a u , lui diétanc
¿ e fp o tk ju e m e a t le m o y e n 8c le m o m e n t de fa liberté?
�foibleiTe d’efprir, dépendante de la foiblefTe des organes
étoir m omentanée , fufceptible de guérifon , fur - tout tran
quille , & toujours exempte de tranfports & dc m ouveniens furieux , tels qu’üs fiflrnt craindre pour la perfonne
du malade. Us ont jeté un regard d ’intérêt fur fa fille
unique, fur la dcm oifcllc dc C a b ris , âgée de quatorze ans
& d e m i, appelée par fa naiiTance & par fa fortune à une
alliance h on orable, & digne à tous égards d ’un m énagement
qui conferve dans l ’opinion publique & dans les cems \
v e n ir , l ’honneur dc ia p erfo n n e , & celui de fa poftérité
Entraînés par des motifs fi fages , les d ix - n e u f pa r c n '
& amis ont décidé que la perfonne du malade étant en
sû reté, foit par la nature de fa m a la d ie, foie par les foins
de Ion e p o u fe , dont perfonne ne peut le priver ; il falloir
rejeter la précaution humiliante dc l’in terdiction , puiique
d autres moyens ulités, faciles & fuffifans, pouvoienc veiller
à la c o n f e c t i o n des b ie n , , feul objet à régler dans ce
m om ent.
Parm i ces m o y e n s , ils on t choifi celui dont la Juftice
ellc-mem e d onne des exemples fréquens. Ils défirent q u ’elle
entoure le M arqu is de C abris de confeils ftgcJ & éclairés
avec le pouvoir d'établir & de diriger fur fts biens une’
adminiltration durable (i).
L a Juftice peut choifïr entre ces deux partis, interdic
tion ou nomination de confeils. E lle peut fuivre la v ’
partiale & ifoléc du C o m te de GrafTe, ou les voix
réunie
de d ix -n e u f parens & amis défintérefles. M ais Ja JuÎ^cc"1**
peut choifîr que cc qui cil rigoureufem ent jufle
pouvoir même détermine fon choix.
*
( i ) L e M arq u is de C a b ris a
une Requête du mois de Septembre dernier,
~
°n
r ~ ---------
” ” S* pn
\
�L ’intcrdi& ion , fût-elle d ’ailleurs fondée & u t i le , feroic
encore une iniquité b arb a re, parce qu’elle ne ieroit motivée
que par les brutalités de ceux qui la provoquent.
M ais clie cft abfolument in u tile , relativem ent aux deux
objets qu'elle doit e m b ra fle r; inutile pour la perfonne qui
n ’eft: point en d a n g e r ; inutile pour les biens qui feront confe r v e s ,
8c
par la fubftitution qui les enchaîne ,
ôc
par
l’adminiftration légale des confeils que demande le Marquis
de C a b r i s ,
que fa fam ille demande avec lui , & fatis
l'autorité defquels il ne pourra faire ni aliénation de fonds,
ni emploi des revenus.
Q u e l mal peut-on craindre ,
ôc
quels biens ne d oit-on
pas attendre de cette adminiftration , fi l’on nom m e les
confcils demandés par le M arquis de Cabris
ôc
par fa
fa m ille? L ’un eft c h e f d’un T rib u n a l-S o u ve ra in , [i] fujet
diftingué du M onarque lui-m êm e,
ôc dont
la modeltie feule
tient lccrets en ce m om ent les tém oignages honorables
qu’il en a reçus; les deux autres font deux anciens A v o c a ts
au P a rlem en t, [ i] dont le zèle peut feul égaler les lumières.
[ i ] M . T e y f l i e r , A u d iteu r de la R o te d ’A v ig n o n . O n obfervera q u ’il
eft parent de la d am e de L o m b a rd ; q u ’il a etc amené par elle aux
a ir e m b lc e s , Sc q u ’il s’eft déclaré le prem ier contre l ’in t e r d id io n q u ’elle
p o u r f u i t , après avoir entendu les f a i t s , & balancé les différens motifs.
E n le v o y a n t , fans le connoître , Sc fans autre raifon de confiance que le
caradtère dont il eft r e v ê t u , la M a r q u ife de Cabris a voulu rem ettre
entre fes mains le ju g em en t irrévocable d t ce trifte procès. Elle a propofé
à la dame de L om ba rd de confier ég alem ent fes p o u v o ir s à ce M a g iftra t,
fon parent, fou a m i , amené par elle aux a flem b lé es, qui terniineroit dans
deux heures une co nteftatio n, l’orig in e des troubles q u i déchirent la
fa m ille ,
&
le
germ e de m ille
autres conteftations.
L a d am e de
L o m S a r d a refufé.
f i l Mes d’Outremont <
5c de Beauféjour.
A in û ,
�97
A in fi, dans la balance de la J u ilic e , rien n’autorife l’inte-rdicfcion , 5c tout la co n d a m n e ; la fituation aétuellc du
M arquis de C a b ris , qui ne demande que des foins affectueux,
Si que ces ioins pourront rappeler, à cet état de fanté & de
paix dont il jouiiibic avant fon efclavage ; la ficuation de fes
b ie n s, déjà ftables dans les liens de la fubftitution, 6c q u i,
dans cous les c a s , feront fans doute plus utilement adminiftrés
par des C onfeils inftruits, que par un curateur, q u i, en ne
lui fuppofant pas l’incapacité abfoluc de la dame de L o m
bard, peut être très-inhabile aux affaires; &c e n fin , l’honneur
de la demoifelle de C abris , qui va devenir Pcfpérance d ’une
famille égale à la fie n n e , 8c dans laquelle elle d oit porter
feulement , les dons aimables que la nature a daigné lui
prodiguer.
Il ne refte à exam iner qu’une queflion incidente à celle
que nous venons de réfoudre.
D a n s le cas impoflible à n
p r é v o i r , où le M arquis de C abris fcroit in te rd it, q uelr
autre que la Marquife de Cabris fa fem m e pourroit pré- „
tendre h la curatelle?
Si la mère du Marquis de C a b r is , fi la dame de Lom bard
ne s’étoit pas rendue indigne de la curatelle qui lui avoit
été co n fié e; fi elle n’avoit pas traité fon fils com m e un
étranger , com m e un e n n em i., com m e un efclave ; on
pourroit examiner s’il exifle une concurrence ÔC un droit
égal cnrre-ellc 6c la Marquife de Cabris.
M a is depuis que fon in fou cia n ce, fa cruelle infenfib ilité,
& fon incapacité to ta le , fc font manifeftées par des œuvres
fi funeftes ; depuis qu’elle a perdu tous fes droits fur la
perfonne de fon fils , m ême le droit de pourfuivre fon
N
�interdiction , quand même elle fero t néceflaire ; on voie
bien qu’ il n’y a plus de livaliié , & que la femme feu.e du
M r.]u's de C abris pourroic être la c u r a tr ic e , s i l étoit
qucltion d’une curatelle.
C ’cit ici l’alarme générale.
Il eft tacile de fenrir que
t jus les intérefles, ceux qui ont fait interdire le M arquis
d e Cabris , 6c ceux qui veulent le faire interdire encore ;
ceux qui ont partagé íes dépouilles , ôc ceux qui veulent difpofer de ia fille, agitent avec effroi toutes leurs m a n œ u v re s ,
pour écarter le
m om ent
où
la M arqu ife
de
Cabris ,
jo ign an t les droits de la Juftice aux droits de la n a tu re ,
p o u rro it, dans fa iollicitude m a te rn e lle , fouftraire fa tille
à toutes
les intrigues qui
m en aien t fon
bonheur ,
fie
pourfuivre des refticutions immenfes fur les déprédateurs
des biens de fon mari.
Il n’eil pas étonnant qu’on a it , dans cette réfiftance,
épuifé tous les moyens d’invention , les faux p rin cip e s,
Jes faux raifonnemens , les calomnies.
11 étoit impoffible de nier que le droit ccm m un ne permît
d ’appeler une femme à la curatelle de ion mari in te rd it;
le fentim ent des Jurifconfultes étoit u n a n im e ; la Jurifprudcncc du C h â tc lc t offroit des exemples nom breux ,
ôc
l’ A rrêt du Parlem ent du 17 A v r il 1 7 3 4 , qui défère à la
M arquife de M cnars la curatelle de fon m a r i, étoit feul
un exemple ailcz d é c iiif, aflez refpcctable.
M ais on a voulu créer une excluiion particulière.
On
a prétendu que cette Jurifprudence étoit contraire aux loix
R o m a in es, 5c Spécialement contraire aux ftatutsde Provence.
C e c i eft une fuppofition : on eft obligé de renouveler cc
reproche , toutes les fois qu’il plaît à la dame de L om b ard
de renouveler fes erreurs volontaires.
�99
Pas un mot dans les ftatuts de Provence q uip u jile faire pré*
fumer ce qu’elle veut y lire. D a n s les loix R o m ain es, pas
une
trace d’cxclufion de la femme à la curatelle de fon mari.
La Marquife de Cabris a cité un A rrê t du Parlem ent
de P roven ce, du u Juin 1 6 9 4 , rapporté par le continuateur
de Boni face, qui nom m e une fem m e curatrice à l’interdiction
de fon mari.
Pluficurs A rrêts des autres Parlem ens des Provinces régies
par les Loix R o m a in e s , prouvent qu’ils fuivent tous la mê
me Jurifprudence , ôc qu’ils adm ettent , fu iva n tle s circonfta n ces, la femme a la curatielle de fon mari. B ouvot fournit
un exemple plus étonnant encore. Il cite un A rrê t du Parle
m ent, dont il recueilloit les d é d i i o n s , qui a nom m é une fille
curatrice de fa mère.
Les loix générales qui excluent les femmes des curatelles ,
com m e charges publiques, ne font pas obfcrvées dans le
Royaum e. Les deux Arrêts cités fuffifent pour le p rou ver;
& la curatelle de l’in te rd it, co tn m : droit h o n o ra ire , doit
être donnée devant le Juge , &
dans la forme preferite par
la loi , c ’cft à-dire , fur l’avis des parcnsaflfcmblés.
Il eft abfurde de vouloir appliquer à cette queftion la loi
14. ff. de curât, fu ri. qui défend de nomm er le mari curateur
de fa femme , de crainte qu’il ne la répudie pour fe difpcnfer de lui rendre compte.
D ’abord cette crainte eit une chim ère pour nous. L e d i
vorce eft loin de nos mœurs & de nos loix. Aulli B outaric
Sc les Auteurs qui ont traité la même matière , «mettent que
cette loi n’efi: pas obfervée, & que dans tous les Pays de D ro ir
É c r i t , le mari eft journellement curateur de fa femme mi
neure com m e en Pays Coutum ier.
D ’ailleurs , refufer au mari la curatelle de fa fe m m e , ce
N ij
�100
n’eft pas refufer -4 la femme la curatelle de fon mari ; furtout lorfque cous les biens de la fem m e font dotaux , lors
qu ' e l l e ne peut acquérir que pour fon m a r i , co m m e la M a r
q u i f e d e Cabris.
D e tous les Auteurs anciens & m o d e m cs>Bourjon eft peutêtre le feul qui éloigne la femme de la curatelle de fon mari.
Ce f r o i t , dic-il , renverfer l ’ordre naturel que de mettre un
mari fous la dépendance de fa femme. Il admet cependant
une exception en faveur de la femme d’un M a rch a n d , ôc in s
truite de fon com m erce.
U n A u teur moderne a remarqué qu’en général on peut
reprocher à Bourjon de manquer de c r it iq u e ,& que fouvent
les mêmes règles lui fervent à décider pour Sc contre.
En e f f e t , il venoit d’avouer q u e , co nform ém ent aux L o ix
R o m a in e s , un fils pouvoir être curateur de fon père interdit.
Filium f i fobriè v iv a t , patris curatorem dandum magis quam
extraneum. Il ne trouvoit pas révoltant de m ettre un père
dans la dépendance de fon fils. C e p e n d a n t, il faut convenir
qu’il y a moins d’inégalité entre un mari 6c fa femme qu’en
tre un père 6c fon fils. Auiïi l’on a v u , par l’ A rrêt de la Marqui fe de M én a rs,q u e le Parlem ent n 'avo it fait aucune atten
tion au fyftême ifolé de cet Auteur.
Le fils curateur de fon père refte toujours fous la puiffànce
de fon p ère, co m m e la femme curatrice de fon mari demeure
fous la puiiTance de fon mari. C e tte puiffance du père
du
mari i n t e r d i t , n’eft plus une puiffance d’exercice ; elle eft pu
rement légale.Elle fubfifte feulement pour l’utilité de ceux qui
la pofledent.
En donnant au fils la curatelle de fon p è r e , en donnant à
la femme la curatelle de fon m a r i , ce n’eft pas une autorité
�10X.
que la loi leur donne ; c’eit un devoir qu’elle leur impofc , un
devoir qui feroic prefcric par la nature , s’ il n’ étoit pas pfefcric par la loi.
L e fils cil in(pire par le re fp cil filial ; la femme par l’amour
conjugal , par la com m unauté d’intérêts ; & , com m e die
D argen tré fur l'article 491 de l’ancienne C o u tu m e de Bre
ta g n e , propter communes liberos & dignitaitm fa m ilU .
Il faut conclure de ces p rin cip es, que la femme n’eft pas
curatrice de fon mari de droit com m un , mais qu’elle peut
l’être par une jufte exception ; 2c que le Juge ne peut pas fe
difpenfer la n o m m e r , lorfqu’elle cil: appelée à cette charge
par les circonftances 5c jj>ar le plus grand nombre des parens
ailemblés.
D a n s l’cfpèce, on a vu la famille diviféc chez M . le Lieuten a n t- C iv il, entre la D a m e de L om bard ¿c la M arquife de
Cabris ; 6c fans avoir recours aux moyens de droic 6c de raiion qui repouiTent prefquc toutes les voix favorables à la
D a m e de Lombard , la Marquife de C abris emporte encore
la balapce. T r e n te voix choifiiïènt la D a m e de L om bard ;
trente fix appellent la M arquife de Cabris.
M ais bientôt la D a m e de Lombard reile feule, fi l’on veut
feulem ent rappeler le nom de ceux qui l ’environnent.
O n a vu quel intérêt animoit le C o m t e de GraiTe. C e
m o t if, indigne de l u i , eft égalem ent indigne de la confiance
du M àgiftrat.
O n a vu quel rôle jouoit le fieur de Com m éyras. C e rôle
peut prouver le zèle ÔC l’adreile d ’un négociateur , mais non
pas l’impartialité d’un Juge.
O n a vu que dix-huit parens, repréfentés par des fondés de
' P rocuratio n , étoictlc ou complices, ou caution^ où créanciers
Vœu bi la Famille.
�■i- r! ;
.
.
..
10 1
.
.
.
.
de la première adminiitration. C o m p li c e s ,-ils veulent rercn i r ' l s dépouilles injuftcmcnc'acquifes , càm m ç le prétendu
i
luppleaicnc de légitim e arrache par les bcaux-frercs.
Cau
tions , ils craignent de porter le fardeau des négligences ou
des infidélités de la D a m e de Lom bard. Créanciers , ils pré
tendent fe créer un moyen de recouvrer les fommes im pru
dem m ent prêtées.’ C es differens intérêts ne peuvent être
aflurés qu’en remettant la fortune du Marquis de Cabris en
tre les mains de cefle qui a com mis ou fouiîert les dépréda
tions , qu’une autre fera punir &. réparer.
Les dix autres ont
figné le M ém oire calomnieux fur
lequel la M arquifé de Cabris a éré privée de fa liberté.
C e t te démarche violente a prouvé qu’ils étoient fes enne'
m i s , 8c qu’ils m é d ito ie n t, depuis fept ans , la ruine de fa
famille.
j
D ’un autre c o t é , trente-fix voix impartiales défèrent la
curatelle à la M axquife de C a b r i s , dans le cas imprévu de
l ’interdiction de fon mari. D a n s le n o m b r e , on voit deux
pareils de la dame de Lom bard , amenés par elle aux ailemb lé e s , & qui n’ont pu fe décider contre elle j que fur les
preuves rapportées &
difeutées d evant toute la famille :
on voit onze parens très-proches de la dame de L o m b ard ,
q u i , n’étant point intérclFés à la première administration,
prononcent avec une entière liberté fur celle c,u’il i ’agit
d’établir. O n voit ii;izc parens du M a r q u i s de Cabris égale
ment recom m an d ab lçs, & par leur naillance , & par leur
forrunc. Sept amis préfens viennent ajouter leur lu il rage à ce
concours rcfpcdable.
Sur
¡(Il “
un Phjct d e t cette im p o rta n c e , Iorfque dans le*
L o ix générales
dans les Lo"ix particulières, rien ne co u -
�i °3
tredit le vœu de la farçiille , & lorfque le vœu de la famille
cft lui-m êm e néceflité par* les circonftauccs , c ’cil lui qui
doit déterminer & dicter le Jugem ent.
*
. Si la L o i , com m e l’allure la dame de L o m b a r d , refu fo it impérieufemenc à la M arqu ifc de Cabris la curatelle
de fon mari , la L o i feule iuftîroit au iyftême & aux cfp éranc.es de la dame de L om bard : les autres moyens Îeroicnt
inutiles.. E n .effet., fi le Code.,, le D ig e ftc & ' les. Statuts de
Proveucp , ne veulent pas qu’une femme foie curatrice de
fon m a r i, pourquoi invectiver cette femme ? Pourquoi la
calom nier ? Pourquoi tenter d’attirer fur elle les mépris
ou les foupçons du public & de la juitice ?
O n fe rappelle ces trois faits avancés dans la R equête du
r j pons1! ao
Bailli de M irabeau , Iorfqu’il v o u l u t , au Parlem ent d’Aix , u h ° c h , ! '
faire iupprimer un M ém oire de la M arqu ife de Cabris ,
faits
menfongers
tant de fois répétés , &c tanr de fois
détruits !
La dame de Lom bard en a fait encore fa principale défenfe devant M . le L ie u t e n a n t - C i v i l , pour oppofer au
moins
le ton du reproche
aux reproches dont elle eit
accablée.
Elle reproche donc
à
la M arqu ife de C a b r i s , d’avoir
livré les biens de ion mari à la plus folle dilîipation, de
lui avoir fait contracter pour plus de i 20,000 liv. de dettes,
de lui avoir furpris deux procurations pour faire des e m
prunts encore plus confidérables, de lui avoir fait faire un
teilam ent m yjlique en fa faveur. (1)
[ 1 ] L a d a m e de L o m b a r d
ne s’en tient pas à ces reproches ; elle
renouvelle les calomnies pcrfonelles q u e l l e a colportées dans les B nreru x
C o n t r e
l
*
�io 4
Les réponfes ne font pas difficiles.
D a n s fon com pte fi fingulièrement rendu devant M e
Boulard , la darne de L om bard déclare elle-m êm e q u e lle
a pris l’adminiftration dont elle va rendre com pte , des mains
ù tS 'c y ir c , C v r a t i u r à la minorité du M arquis de Cabris
depuis le décès de fon père , 2c ion
F
o n d e
de
po uvoirs
,
depuis fa majorité jufqu’à fon interdiction. C ertainem ent la
M arqu ife de Cabris n ’a jamais pu difliper le bien-de fon
m a r i , fi elle ne l a jamais adminiftré.
La M arquife de Cabris a annexé à fa R equ ête du a i
O f t o b r c dernier , tous les actes des emprunts faits par fon
mari avant fon interdiction.
des M in iftre s , dans les T r ib u n a u x , Sc q u e fes I ¡b e lle s , imprim es par
m illiers , ont verfées dans tout le R o y a u m e . L a M a r q u ife de C a b r i s ,
dans fes premiers écrits, a oppofé à chaque fait des preuves co n traires,
& des preuves écrites. Ici un m o t doit fuffire. C e s calom nies l ’ont fait
exiler de Paris à L y o n en 1 7 7 7 . L ’ordre a etc révoqué 14 jours après fur
fa feule dem an de. En 1 7 7 8 , ces calomnies l’ont fait arracher des bras
de fon mari q u ’elle d é f e n d o i t , &
l ’ont confinée dans un C o u v e n t des
M o n ta g n e s de Provence. Seule elle a fait jug er les m otifs de cet o r d r e ,
ôc feule elle a o btenu fa révocation. C e s c a l o m n i e s étoient la plus appa
rente raifon des Ju gem en s de Provence. Elle a d em an de juftice po u r t l!e
& pour fou m a r i , au C o n f e i l des D épêches de S. M . T o u t a été examiné.
L e M iniftre m ê m e duq uel étoit émané l ’ordre contre la M arqu ife de
C a bris , étoit M e m b r e du T r ib u n a l. T o u s les Jugem ens rendus en P r o
vence contre-ellé Sc contre fon m a r i , ont été annuités. L e M arq u is, c!e
C a b r is a été délivré des mains dé fa m ère , 8c placé fo us les yeux dé fa
fe m m e . L a d em o ifelle de C a b r is a été enlevée à fon a y e u l e j & rerriife'
entre les mains de fa mère. C e t t e réponfe eft aiTez b o n n e , Sc la d am e
de L o m b a r d daignera s’en contenter.
R c c o n n o iilà n c c
�!°5
ReconnoifTance de 12,000 iiv. empruntées le
21 M ai
17 7 3 , par le M arquis de C a b r is , alors m in e u r, &, aflïfté
de Seytre , fo n curateur.]
R c co n n o illa n c e de 10,000 liv. empruntées le 19 Juin
1 7 7 3 , par le M arquis de C a b r i s , alors m i n e u r , &: afliftc
de Seytre, fo n curateur..
R en te de i.,6oo 1. fans retenue , au principal de 32,000 1.
conftituée le 2.1 N ovem bre 1 7 7 j , par le M arquis de Cabris,
encore m in e u r, ôc ailiité de Seytre >fo n curateur. (2)
R en te
de
1,400
liv. fans
r e t e n u e , au principal
de
2,S^ooo liv. conilituée le 5 Mars 1 7 7 7 , par S e y tre , fo n d é
de la procuration générale du M arquis de Cabris , alors
majeur.
R en te de 900 liv. fans retenue, au principal de 18,000 1.
conftituée le 4 Juillet 1 7 7 6 , par Scycre, fo n d é de la pro
curation générale du Marquis de Cabris, alors majeur.
C es a£tes , qui portent les emprunts faits par , ou pour
le M a r q u is , à i i o , o o o l i v . , prouvent qu’ils o n t été fa its ,
partie pendant fa m inorité fie par fon c u ra te u r, partie pen
dant fa m a jo r ité , par fon fondé de procuration g én éra le ,
pendant l’abfence de fa
L yo n ; c e t o i t
femm e.
A lo rs elle étoit à
l’époque des troubles fcmës entre-elle
ôt
ion mari. Il faut être au-deilus d’un démenti , pour accufer
la M arqu ife de
Cabris des emprunts faits pendant Ton
abfence , facilités ôc autorifés par les A g e n s publics de la
tyrannie &C des déprédations d ont elle demande vengeance.
[ 1 ] Sceytre & A lzia ri faifoienc prêter cet argent , & eux - m ê m e j
c o m m e Procureurs des créa nciers, font faifir aujourd’hui les biens du
M arqu is de Cabris.
o
�i o6
II eft très-vrai que le Marquis de Cabris j
peu de temps
avant fon. interdiction , a donné à fa femme une procuration
à l'effet d’emprunter 2.0,000 livres; mais la Marquifc de
Cabris a-t-elle emprunté zo>ooo livres? N o n , elle n’a pas
emprunté un fol en vertu de cette procuration. U n e procu
ration ne peut exiilcr que par fqn e x é c u t io n , comme le
pouvoir ne ie manifefte que par fes eff ets. Lorique la M a r
quifc de Cabris n’a pas ufè de cette procuration, quelle abiurde méchanceté de dire qu’ elle l’avoit furprije à Ion mari
pour en aimj'cr!
A u iurplus, cette procuration eft la fe u le ; c’cft encore
une p etite malice de la dame de Lomb ard , ou de
ceux
qui la dirigent , d ’en avoir annexé deux aux Procès-ver
baux d’affemblee, lc de les appliquer toutes deux à la M a r
quifc de Cabris. Il feroit difficile de dire à qui la fécondé
étoit deftinée ; mais il eft certain qu’elle ne ro it pas deftinée à
une fem m e. L e nom du Procureur eft en blanc, ôi le Procureur
eft annoncé partout fous une dénomination mafcuune : fa
date prouve quelle a été fouferite vingt-quatre heures après
celle donnée à la Marquile de Cabris. La minute a toujours
été entre les mains de la dame de Lombard. T o u t imiique
que cette fécondé procuration avoit été réellement furprife
au Marquis de Cabris, pour révoquer celle donnée la veille
à fa femme.
A l’égard du T e f t a m c n t , dont on prétendoit autrefois
que les difpofitions avoient été connues Scdilcutécs lors de
l’Arret du Parlement d’A i x , la dame de Lombard convient
a u j o u r d ’hui qu’il eft m y fliq u c, ôC par conféquent clos & se
cret ; fi l’on pouvoit reprocher au Marquis de Cabris d’a
�107
v o ir .d é p o fé Ton teilam ent dans les mains de fa femme;,
quelle difpntc pourroit s’élever fur les diipoficions ignorées
d'un hom m e vivant ?
Q u e peuvent ces reproches v a in s , pour enlèvera la Marquife de Cabris l’honneur de la curatelle de Ton m ari?
N o u s difons l'honneur,
c’ell une obfervauon qui ré
pond à tous les re p ro ch e s, & qui prévient les-plus hardis
foupçons.
T a n d is que la dame de L o m b a r d , incapable par Ton âge
autant que par fa foibleilè , accufcc & convaincue de tant
d ’infidélités, demande à haute voix que ion fils foie inter
d it, pour administrer f e u le , fans fe c o u r s , fans confeils,
fes biens qu’elle a difperfés; la M arquifc de Cabris , forte
par f i jcuneile &c par l’expérience de fes malheurs , ne de
m a n d e , dans le cas où , contre toute juftice, fo n m ari feToit in terd it, que l’honneur d’être fa C u ratrice, & e.lle de
mande cet h o n n e u r , parce que ce feroit une injure de le
lui refufer. Elle ne veut point adminiftrer les biens; elle ne
veut que veiller fur la p erfo n n e , vivre auprès de fon m a r i,
réparer le défordre de fa fan té , tandis qu’ un confeil éclairé
réparera le défordre de fes affaires, & lui faire oublier ,
s il eff poilible , par toutes les douceurs d ’une vie tranquille,
les tribulations dont il a été iî long-temps tourmenté.
C ’eft conform ém ent à la demande de la M arquife de C a
b r is , que le plus grand nombre des P a ro n s , toujours dans
le cas de l’interdiction qu’ils n’approuvenc p a s , en la nom
m ant Curatrice honoraire, nom m ent M c C o u r t , Curateur
onérairc, ôc le foum ettent à l ’autorité d ’un confeil.
M e C o u rt cft celui que la Sentence du
6
A v r il
1784 a
provisoirement c h a r g é , iur la nom ination des p a r e n s ,d e
O ij
�108
l ’adminiflration dont la dame de L om bard a été dépouillée.
C ’eft un titre pour être ca lo m n ié ; il fuffit que M e C o u rt
foie appelé par les parens à la charge tant convoitée par la
dame de L o m b a rd , pour qu’on
reproches de négligence
8c
tente de l ’exclure par des
d’infidéliré. Q uels
reproches
dans la bouche de la dame de L om b ard !
C ep endant le choix des parens mérite d’être juftifié.
M c C o u r t , Procureur au Parlem ent d’A i x , jouit d’une
bonne renom m ée , qu’il doit à fa probité autant qu’à fes
lu m ières; il administre les biens du M arquis de Cabris
depuis environ dix-huit m o is; il a renouvelé une partie des
b a u x , ÔC ceux qu’il a renouvelés ont donné une augm en
tation annuelle de 5,000 liv.
L a d ame de L om b ard lui reproche de n’avoir fait verC ontre i «
c’ fer dans la caiiTe du Séqueftre, qu’une fomme de 1300 1.
tu u .
& de n’avoir point affermé les moulins à hui'e. La modicité
R é g isse u r a
de la dernière récolte préfente l’apparencc d’un défavantage
que le parti de la dame de Lom bard relève avcc une mauvaife-foi vraiment criminelle.
C es m o u lin s , affermés par la dame de Lom bard 20,000
li v r e s , ôc qui auroient dû l’être au m oins 14,000 livres,
n ’o n t rapporté l’année dernière que 7,5 6 9 liv. 7 fols 3 d.
Q u ’un hom m e né 6c vivant à Paris , dont les terres bor
dent les remparts de Paris , ne puifïc pas calculer les ré
coltes de P r o v e n c e , cette ignorance n’éronne pas; mais
que la dame de Lom bard , qui a vécu 70 ans fous les oli
viers Prov.cnccaux, affecte d ’ignorer que les produirions
de cet arbre font alternatives ; que la bonne 6c la mauvaife
ré o ltc fc fuivent avec cette régularité dont la Nature a
marqué tous les ouvrages : que cet ordre altern atif, général
�ro9
dans tous les cantons de la P r o v e n c e , cil encore plus fCnfiblc dans les cantons voiiins des m o n ta g n e s , & plantés de
vieux oliviers; que
la dame de Lom bard alfecle furcouc
d ’ignorer que l’année dernière a été vraimenr défaflreufe,
qu’elle n’a pas rapporté la moitié d’une mauvaiie ré co lte;
& qu’cllç a iîe & e cette ignorance pour en faire un reproche
grave & le m o t if d’un foupçon in ju rie u x , cette mauvaifefoi efl intolérable.
L a M arquife de Cabris a annexé à fa dernière requête
le certificat des C onfuls de G r a t te , donné le 29 Septembre
d e r n ie r , &. le certificat des C onfu ls de Cabris , par lequel
ils attellent que dans le terroir de G ra d e &
les terroirs
voiiins , la nature a divifé les récoltes des olives par bonne
& mauvaife a n n ée ; &c que la bonne année produit HUIT
fois plus que la maavaife.
Q u e cette différence énorme ne furprenne pas ; on peuc
promettre avec affurance que ces moulins à h u ile, qui n’onc
pas rapporté 8,000 livres l’année dernière , rapporteront
cette année plus de 50,000 livres.
L a M arquifc a annexé à fa dernière requête le com pte
(1) que M c C o u rt s e ft
cmprcfie d ’envoyer à la première
nouvelle des reproches de la dame de Lombard.
Il fa it, dans le préambule de ce c o m p te , l’obfcrvation
qu’on vient de lire fur la différence des récoltes , 5c il ajoute
q u ’ il avoit fait procéder à des enchères pour affermer les
moulins à huile ; mais que ceux qui avoient dcjjein de pren-
(1) Par le r-éfultat de ce c o m p te , M<-‘ C o u r t efl: en avance de 10 9 6 Jiv.
j f o l s 9 d.'; il a reçu 5798 l i v . 1 2 fols 6 d . & i l a dépenfe 6 8 94 livres 18
fols 3 deniers.
�1tO
dre cette F er m e, furent rebutés par de fa iffe s ctaintes que
certaines perfonnes du P a y s leur infpitèrent.
La dame de Lo m b ar d reproche donc au Regiiïeur de
n ’avoir pas fait ce q u e l l e , ou fes agens l’ont empêché de
faire.
Le Régiflcur obfcrve encore qu’il eft intéreflant pour le
Ma rquis de Cabris que fes moulins ne foient pas affermes
cette année , par deux raifons : d’abord , parce que la récolte
pendante doit donner un produit cxccdant deux années
de la Ferçne ordinaire , êc enfuitc parce qu’il pourra favorr
]c véritable produit de fes mouiins , qu’on ignore depuis
environ 10 ans.
Le Régiflcur répond avec la même énergie au fécond re
proche de la dame de Lombard.
En effet., n ’cft-il pas ridicule que la dame de L om b ard
fe plaigne de ce que la caille du Séqucitrc n’a reçu encore
que 1300 liv res, elle par qui les biens du M arquis de C a
bris ont été pillés pendant fepe a n s , &
font enchaînés
aujourd’hui.
L e R égiflcur obfervc tout ce qu’on a déjà vu dans le récit
des faits : qu’elle avoit exigé d ’avance 20,000 livres fur la
Ferm e des moulins
à h u ile , ôc environ 1700
livres du
Ferm ier de la T e rre de Blézardes. Il obfcrve qu’elle avoit
laiilé arrérager les im portions de la N o b lcile , la capita
tio n , la taille
8c
les intérêts dûs aux Créanciers légitimes
de fou fils, Sc qu’elle avoit négligé des réparations cflèntiçllcs.
Il obfervc que peu de temps après la, nomination du Sé~
�111
quef l re , (i) les rentes & revenus du Marquis de Cabris ju re n t
Jai fis pour les fr a is de f a tranßadon a P aris , & par d ’ autres
f a i f e s fa ite s a la Requête des fieur de G ourdou de Gras , 6
la D am e de S. Ce\aire ( z ) du fieur M a ß e , M ‘ de P en fo n a
P a ris , & de la Dam e Prieure du Couvent de Bon-Secours.
Il
oblcrvc que' toutes ces fa ifles ont été fu iv ies de celles
fa ite s a la requête des Dem oifclles de B o n p a r, du fie u r de
T a rd ivi , & du fieu r Courmes , Créanciers du M arquis de
Cabris , ( 3 ) & enfin par une autre à l.i requête de la Dam e
M arquife douairière, (4) de forte , ajoute le Régi fleur , qu’ il
n ’ a prefquericn reçu des Fermiers, dont les mains ont été liées
par les diverfes fin fie s.
Q u e la D a m e de Lom bard trouve une réponfe , s’il c il
pofîible. C es cfForts contre la probité & la capacité de l’iiom (1) C ’eft-à dire t peu de temps après la Sentence du 6 A v r i l 17 8 4 ,
q u i a enlevé Paiiminiilration à la D a m e de L om bard.
(1) Pour l’exécution de la tranfaétion qui porte le prétendu fnpplém ent de légitim e à plus de 100,000 liv., tranfaétion annullée par l ’A rrêt
du C o n fe il.
(3) C e fo n t les créances facilitées par A lzia ri & nutorifées par S e y t r e ,
c o m m e curateur , ou c o m m e fo nd é de pouvoirs du M arqu is de C a b r is ;
&: aujou rd ’h u i , c’oft: Seytre } c’eft A lzia ri qui fe trouvent Procureurs
des créanciers, & qu , en cette qualité ; pourfuivent & font faiiir les
biens.
-
(5) N ’eft-on pas étonné ou indigné de voir la D a m e de l om bard fe
préfencer elle - m êm e c o m m e créancière de fon f i l s , lorfqu ’elle a diilïpé
plus de 100 m ille écus fur fes r e v e n u s , lorfqu’elle a grevé fes biens de
plus de 100 m ille écus de dettes ? N ’eft on pas ind ign é de la v o i r ,
comme créancière 'de fo n f i s , failli' & enchaîner dans les mains des 1e r m i e r s , les revenus de fon fils , & fe plaindre de ce que les revenus de
fun fils
ne font pas dépofes dans la caiiTe du Séqueftre ?
�1I
X
me appelé par les circcnftances 5c par la Fa mil le , a 1 adminiftration des biens , atteftent l’inutilité des calomnies hafardées contre la Marquife de Cabris , qui ne veut pas adminif*
trer ; Si dans ces reproches infeniés , on voit plutôt le défefpoir du fuccès certain de la belle-fille , que l ’cfpoir de réuilîr
elle-même.
Elle cil il loin d’efpérer , qu’on annonce autour d ’elle que
dans l’impoilibilité de la nommer curatrice , les Juges n o m
meront un curateur d’office , autre que ceux indiqués par
les parens.
C e fyftême tient du délire qui agite tous les fyflêmcs de
l ’aiTociation. 11 faut une caution à l’in terdit, co m m e au pu
pille. Les pareils nominateurs (ont cautions du curateur q u ’ils
nomment. Les Juges doivent confirmer leur choix , s’ils ne
veulent pas être eux-mêmes cautions du curateur qu’ils fubfûitueroienc au choix des parens. Leurs fonctions refpe&ables font déjà trop onéreufes, pour leuriuppofer ledefir d’en
augmenter le fardeau,
D a n s l’efpècc , il faut donc fe décider entre deux perfonnes préfentées par la famille , la mère & Tépoufe du Marquis
de Cabris.
E t c o m m en t balancer ? Sa mère cft rejetée par la loi. Elle
cft comptable d’une curatelle déjà e x e r c é e , d ’une curatelle
fouillée de tous les abus que l’incapacité, l’infouciance &c l ’indélité peuvent accumuler. Elle cft comptablcde toutes les d i
lapidations qu’elle a autorifées ou fouftertes ; elle cft compta«
ble d’ un mobilier immenfe difperfé,destitrcs fouftrairs fans in
ventaire & au mépris des fccllés bi ifés, des baux faits par an
ticipation ôt fous lignaturc privée,iignes perfides d’un prix in-r
ferieurau véritable prix
elle cft comptable des bois coupés
fans
�M3’
fans nécelîîtré-, des terres abandonnées- fans redevance
des pertes eliuyccs par le retard des 'rçpcarations urgentes.
Elle.eit comptable des dans confidérablcs faits à les gendres
fous le prétexte & Je nom de légitime , des foixante mille
livres dont elle a payé les trahiions d e S e y t r e , de toutes les
rapines exercées par les fubaiternes, par A l z i a r i , qui oioit
fe couvrir de ion n o m , ôc de ion pouvoir pour piller les reve
nus de ion fils.
Elle effc comptable des tourmens que ion fils a foufFcrts
dans fon propre C h â t e a u , des privations qu’il ép ro u vo ita u
milieu de fa f o r t u n e , au milieu de ceux qui dévailoient fa
fo r tu n e , . d e s atteintes portées à l'on exiftence., des alimens
contraires à fa fan té , des haillons dont il étoit c o u v e r t ,
des injures qu’il en te nd oi t, des coups qu’il r e c c v o i t , fous la
main même de fes valets. Elle cft comptable de tout ce qu’il
a enduré à P a r i s , dans l’humiliation &C le befoin , redevable
de fa vie au crédit d ’un Maître de Peniîon , lorfqu’clle le
v o ÿ ô i t , lorfqu’clle lui p àr loi t, toute cha-gée des revenus
de fa T e rr e , du prix de fon argenterie
6i
de fes boucles
d ’or.
T e l l e cft l’indignité de cette ancienne curatrice, qu’un
étranger,un inconnu, un habitant desplus lointaines régions,
lui feroit préférable Sc préféré.,
s’il étoit queftion d ’une
nouvelle curatelle.
L a femme de fon fils, aux droits que la Loi lui d o n n e ,
unit les droits de la nature , de ia famille, de fon é t a t ,
:dc fa tendrefle , do nt d i e a donné des preuves éclatantes.
S e u l e , . e l l e a défendu fon époux, courte tous fes parens
ennemis; & pour la v o i r défendu , elle a traîné trois années
.de fa jeuncüc lous^un joug aviliiTanr. Pleine du courage
P
�ii4
qui l’anime c n c o r c , elle n’a briie Tes fers que pour brifer
ceux de ion épo ux , pour l’arracher des mains qui s’appefantifloient fur lui , pour le placer fous la fauve-garde d ’un
Tribunal plus propice. S e u l e , elle l’a accueilli foiblc &
dépouillé; elle l’a foigné , habillé &C nourri , fans autre
créJic que fa p ar ole , fans autre fccours que ceux de fes
amis , aux rifqucs de fa dot & de fes elpérances. Dans ce
mom en t encore , elle ne détend contre
l’intrigue Sc la
c a l o m n i e , que la douceur d’être auprès de l u i , de veiller
fur fon repos &. fur le bonheur de fa fille. Elle rejette les
foins. &î les foupçons inféparablcs de toute admmiftration
pécuniaire : elle ne prétend qu a l’honneur d etre époufe
&. mère.
M a i s , pourquoi ce parallèle ? pourquoi ce combat fur
la curatelle du Marquis de Cabris ? La curatelle ne peut
exifter que par l’interdiction , & le Marquis de Cabris ferat-il interdit ?
J
N o n : l’interdiition eft impoflible, parce qu’elle eft injufte ; elle clt injulte , parce qu’elle eft inutile.
Elle ne pourroit avoir que deux objets : la fureté de la
perfonne, & la fureté des biens.
Depuis que le Marquis de Cabris n’eft plus fous le bâton
de fes valets , fa perfonne eft en fureté : fes biens feront
confervés par les précautions que laJuftice fait prendre dans
de telles circonftances , par les foins aifidus &: éclairés d’un
Confc il relpcctablc.
Qu el avantage de plus pourroit promettre l’intcrdi£tion ?
Elle feroit utile fans doute , mais feulement à ceux qui
la provoquent.
Elle feroit utile à la dame de Lom bard , pour couvrir
�ir5
d ’une impunité éternelle les abus dont elle eft coupable ;
aux parens qui l’ont protégée, pour fe fouftraire à la caution
qui les menace ; à fes A g e n s fubalternes, pour petpétuer
leurs rapines; à S e y tr e , pour conferver les 60,000 liv
fi
juftement acquifes ; aux beaux-frères, pour légitimer , s’il
étoit p offible , le prétendu fupplément de légitime ; au
C o m t e de G r a ffe , pour unir fon fils à la fille d’un homme
q u ’il veut noter de f o lie ; au Marquis de Mirabeau , pour
exercer librement l’empire qu’il fe promet fur les perfonnes
& fur les biens.
Si ce genre d'utilité étoit une raifon légitime de l 'interdiction , il faudroit fuppofer à la Juftice, à fes M i n i ftres,
le droit & la penfée d’immoler à l’affemblage bizarre de
tant d’intérêts odieux , la fortune & l’exiftence du M a r
quis de Cabris , l’honneur de fa fe m m e , & le bonheur de
fa fille.
S ig n é t
M ira b e a u
C H A M B R E
Me DU
,
D U
M ar qui fe de Cabris.
C O N S E I L .
V E Y R I E R ,
de
Avocat.
N orm an d ie,
Procureur.
D e l’ imprimerie de P . G . S I M O N & N .-H . N Y O N ,
Imprimeurs du P a r le m e n t , rue Mignon , 1 7 8 5
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Vernet
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_V0102_0001.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. De Cabris. 1785]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Du Veyrier
De Normandie
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
maltraitance
abus de faiblesse
enfermement
ordre ministériel d'enfermement
prodigalité
successions
assemblées de famille
inventaires
terriers
Ursulines
violences sur autrui
mobilier
prévarication
médecine légale
domestiques
bibliothèques
scellées
témoins
vie monastique
hôtels particuliers
lettres de cachet
correspondances
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
créances
experts
régime alimentaire
alcool
dénuement vestimentaire
Description
An account of the resource
Mémoire pour la dame marquise de Cabris, défendant à l'interdiction de son mari ; Contre la dame de Lombard, marquise douairière de Cabris, poursuivant l'interdiction de son fils, pour cause de démence.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de P. G. Simon et N.-H. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1785
1769-1785
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
115 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0114
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0115
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53989/BCU_Factums_V0114.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Grasse (06069)
Aix-en-Provence (13001)
Sisteron (04209)
Cabris (06026)
Paris (75056)
Manosque (04112)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
alcool
assemblées de famille
bibliothèques
correspondances
Créances
curatelle
démence
dénuement vestimentaire
domestiques
enfermement
experts
hôtels particuliers
inventaires
lettres de cachet
maltraitance
médecine légale
mobilier
ordre ministériel d'enfermement
prévarication
prodigalité
régime alimentaire
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
Scellées
Successions
témoins
terriers
Ursulines
vie monastique
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/17/53990/BCU_Factums_V0115.pdf
d266c98a4f9470ea40bba1d17ac30bb5
PDF Text
Text
M
ET
P O U R
É
M
O
I R
E
CONSULTATION
M adam e la M arquife
de
C
a b r i s
,
b e lle -fille , défendant l’interdiction de fon m ari;
CONTRE
de Cabris , Douairière ,
Madame d e L o m b a r d S a i n t
B e n o i t y Marquife
pourfuivant linterdiclion du Marquis de C a b ris,
fon fils , pour caufe de démence.
V IC T IM E S
malheure ufes des com p lo ts, de cabales
combinées , le marquis & la marquife de Cabris fe font
vus l’objet de perfécutions méditées dès les premiers inftans où leurs nouveaux engagemens dans la fociété fembloient devoir leur en affurer les douceurs.
D ’ambitieux collatéraux , retenus par un pere refpectable, ne gardent plus de mefures dès qu’ il a ceffé d’être.
Ils trouvent bientôt le moyen d’introduire le défordre
A
�dans une maifon où régnoit l’union; on favorife les goûts
d’un jeune homme qui commence à jo u ir; on fe m énage
par les dépenfes où on le précipite le moyen de le perdre ,
ati moins pour prodigalité. Les gens d’afFaires font changés,
la cabale fait expulfer un homme en poiTeilion de la con
fiance du chef de la famille depuis trente ans , elle lui
fubftitue un agent de fa main , d’abord fous le nom de
curateur pendant la m in orité, devenu enfuite agent gé
néral & Confeil intime.
D e nouvelles circonftances produifent bientôt d’autres
combinaifons.
Des reproches de manque de parole faits au bailli de
Mirabeau , refufant d’acquitter un fupplément de doc
promis d’honneur à fa niece , Sc accepté par le mari.
Un prêt fait à une belle-mere dans l’indigence , fuppofé
depuis employé à la fouftraire à la tyrannie fous laquelle
elle languifloit avec la fortune la plus brillante, devinrent
des crimes irrémiiïïblcs aux yeux de ceux que ces récla
mations contrarioicnt.
En 1 7 7 6 le Marquis de Cabris envoyé fon époufe
auprès de la marquife de Mirabeau , malade à Paris, où.
elle pourfuivoit fa demande en féparation contre fon
mari ; fes foins fc bornent à ceux qu’exige l’état de la
malade..
Aufli-tot quelle eil rétablie , fa fille fc retire au co u
vent de Popincourt. La marquife de Mirabeau déboutée
de fa demande , rentre dans la maifon de fon m a r i, elle
en cil enlevée huit jours a p rè s, &
maifon de f o r c e ,
qui
conduite dans une
n’étoit faite ni pour fon é t a t , ni
pour fon âge ; fa fille follicite 6c obtient la permiifion de
�3
la v o i r , , clic en reçoit des pouvoirs, eHc.n'cn fait 4'autrc
ufage que de révoquer les plaintes rendues contre le. mar
quis de Mirabeau , & de chapger les,jÇppfcils. -Tout cil
•notifié à.celui qui-cn étojt l'o b je t, pour l’epg^gjçrà, traiter
avec plus, d ’égards la mere de douze, encans.
H uit jours après , ordre du Roi qui exile à Lyon cette
fille q u ia v o it voulu calmer les troubles domeftiques; elle
fait des repréfentations aux M in iftr e s ';, quatorze jour,s
après l’ordre eiV révoqué, elle retourne tout de,fixité au
près de Ton mari , qui , inftruic. de ce qpi sfei^ pa0e,,
adrefle fes repréfentations aux Miniftres , & fait-les re
proches les plus vifs à M . le marquis de Mirabeau qu’il
regarde comme l’auteur de cet a£bc furpris à l’autorité.
La cabale fentit alors qu’il falloir hâter, l’cxéçuxiçn du
projet combiné depuis fi long tems.
Q uand le marquis de Cabris étoit en P r o v e n c e , & fa
femme à Paris , on avoit cfpéré perdre le. mari par les
gens dont on l’avoir entouré ; dans l’opinion que fon
anéantiiïement faifoit retomber la femme f o q s ,la puiffance de fon pere, on penfoit que le même coup les frapperoit tous les deux; réunis ils paroifloient redoutables à
la cabale ; il falloir les détruire avant que la confiance
fut parfaitement rétablie par Pcxpulfion des gens d ’af
faires. Quelques accès de vapeurs qu’eut le marquis de
C a b r is , fournirent le prétexte d’une demande en inter
diction. Il ne fut queftion que d’alFcrmir la perfonne de
puis longrtems pratiquée ( i ) , de la déterminer à intenter
cette a£tion honteufe Si flétriflante pour fa poftérité.
( i ) V o ici cc que dit la dame douairière de C abris e lle -m ê m e page 1 8 , pre-
A ij
�4
La dame de Lombard , douairiere de C a b r i s , alors
âgée de foixante a n s , avoit paiTé fa vie dans une apathie
complette , uniquement occupée de Tes petits exercices
domeftiques , 6c de la confervation de fa fanté ; on l’avoic
vue dans fa jeunette abandonner un mari eftimable 8c
refpe£té de Tes égaux, aux foins de quelques amis tendres
qui lui a v o ie n t rendu la fanté qu’il ne pouvoit recouvrer
dans fa maifon. Sa femme n’avoit jamais figuré dans l’adminiftration intérieure d’une fortune parfaitement con
duite 6c beaucoup augmentée ; mais elle avoit développé
des talens pour la perfécution; de deux filles plus im m é
diatement foumifes à fa furveillance , l’une avoir été
forcée de fc faire religieuse, & l’autre avec plus d’énergie
dans la m e , réduite à fo rc e de mauvais traitemens pu
blics , à l’état malheureux où on a voulu depuis conduire
le marquis de Cabris. O n la détermine contre lui par l’appât
flatteur du co m m a n d e m e n t, on lui préfente la difpofition de cinquante mille livres de rente attachée à la curarâtelle qu’on lui p rom et, iî elle veut demander l’interdi&ion. O n lui fait voir l’anéantiflement de fa belle-fille
tom bant fous fa puiiTance comme une propriété de l’in
terdit , où rentrant fous l’autorité paternelle du marquis
de Mirabeau , on lui p ro m e t, à tout évén em en t, de l’en
débarraiTer par la voie de l'autorité.
Les cabales fe mettent en m ouvem ent; îc bailli de
Mirabeau arrive à G r a t t e , il loge chez la dame de L om
bard , le marquis de Cabris 8c fa femme fe préfenterrt
m icre lign e du mémoire : « depuis long-tem s les parens de la fam ille me peignoiinfc
» com m e in évitable la rcffourcc de l’in te rd i& iaiu
*
�5
inutilement pour le v o ir , ils font conftamment refufës ;
s’ ils écrivent à leur mere & à leur oncle , leurs lettres
refirent fans rép o n fe, le bruit fe répand à Gratte que cc
ch ef de la c a b ale a Tes poches pleines d’ordre du R o i ,
pour punir ceux qui oferont s’oppofer à fes volontés im périeufes , qu’on veut faire interdire le mari & enfermer
la femme pour le refte de fes jours.
Aufli-tôt paroît une demande en interdi£tion j des té
moins domeftiques ou gagiftes de la dame douairiere de
Cabris , des gens de la lie du peuple , qui ne vivoient
point avec le prétendu malade , font entendus dans le
fecrct , avec l'appareil d’une procédure criminelle , ils y
d é p o fe n t, fuivant le vœu de ceux qui les produifent ; le
prévenu cft interrogé, & répond trop bien pour les vues
que fe propofe la ca b a le , il écrit fa défenfe de ia m a in ,
il demande à faire preuve par témoins de fon bon fens ,
l’enquêce lui eft a c c o rd ée, le juge mieux confulté fe hâte
de retirer cette grâce , quand on voit que la preuve peut
devenir complette ; le prétendu malade aflemble à Ton
château la communauté de fes habitans de Cabris , &c
tranfige avec eux fur des conteftations fufeitées par les
agens de la cabale pour lui aliéner l’amour de fes vafTaux ;
on crie au fief immolé ; le juge eft réeufé , la récufation
jugée contre le marquis de C abris, il le déclare atteint 8c
Convaincu de démence & l’interdit.
Plus de dix familles de parens diftingués habitent la
mêm e ville , on ne demande point leur fuffrage , qu’on
eft aiTuré qu’ils n’accorderoient pas à une iniquité con
duite fous leurs yeux. T o u t fe paiTe entre le religieux
p ro fè s , votant en fon nom , deux beaux-freres 6c deux
�6
des parens de l’un de Tes beau x-frcres, qui ne l’étoient
pas du marquis de Cabris. L a cabale y a jo u te , pour faire
n o m b re , les noms de quelques parens de demeures éloi
gnées , donc la plupart ne connoiilent pas le malade ,
même de v u e , 6c qu’on fait voter par des procurations
non annexées 6C qui n’ont jamais paru.
L e marquis de C a b r is , fa femme
leur enfant fe
trouvent mis tous les trois fous la curatelle d’une'femme
incapable, qui n’avoit jamais géré d'affaires, &L qui avoit
elle-même befoin d’un curateur pour les fonctions qu’oti
lui confioit ; on l’auto rife, non à remettre à ces trois pu
pilles fa fomme arbitrée pour leur fubfiftance, mais à en
faire l’emploi pour eux.
Les votans portent toute leur attention à ménager les
intérêts du procureur qui venoit de défendre à la demande
en interdiction du marquis de Cabris , fon curateur dan?
la minorité , fon procureur fondé depu is, l’homme dépofitairc de toute fa confiance, que les beaux-freres avoient
placé auprès de lui auiîi-tot la mort de fon perc.
L a curatrice eft chargée d’acquitter ce qui eft du à ce
procureur , fans aucun titre. V oilà le premier a£tc de
générofité de la cabale , il en furvint bientôt d’autres.
Le Marquis de Cabris étoit appelant de la fentence
d ’interdi&ion ; pendant qu’il fuit fon appel k A ix , les
portes de fa maifon font enfoncées, en vertu de cc juge
ment rendu fur fon état civil; fes meubles font dilperfés,
fes domeftiques cxpulfés; la curatrice perçoit fes revenus;
le juge dépouillé par l’a p p e l, l’autorife à faire faifir les
prétendus pupilles eu x-m êm es, pour les ramener en fon
pouvoir.
�7
T o u t femble confpirer la perte de l’opprimé , il de
mande à être mis fous la fauve-garde de la Juftice , Ie
Parlement le refufe ; il veut Te faire interroger par un
Com m iflaire de la Cour , ôC n’y parvient qu a grandpeine. U n e ordonnance permet à la curatrice de faire
exécuter par provifion la fcntcnce d’appel , on n’en ex
cepte que les perfonnes. A vec, tant d’avantages on redoutoit encore la défenfe du marquis de Cabris , tant qu’il
auroit fa femme à fes côtés.
Le 1 4 F é v r ie r, au milieu de la n u i t , elle eft enlevée
du lit de fon mari par des cavaliers de m aréchauflee, 8c
conduite à vingt lieues dans un couvent de la M o n ta g n e ,
où toute communication lui eft interdite ; fon mari préfente requête au P a rlem en t, pour qu’elle lui foit rendue,
com m e néceiTaire à fa défenfe; la demande eft jointe au
fo n d : il veut l’aller v o ir , il eft arrêté lui-même par un
huiifier efeorté de maréchauflee , en vertu d'un arrêt de
ce même P arlem en t, qui lui avoit rcfufé quelques jours
auparavant de le mettre fous la fauve-garde de la Juftice.
Sa fille lui eft également enlevée 6c mife entre les mains
de la curatrice. Enfin il eft ramené dans les mêmes mains,
& la mere aiFe£te encore , après c e l a , de faire plaider la
caufe , pour avoir un arrêt confirmatif ; il eft prononcé
le 1 i Avril. Dès ce moment le m a r i, la femme & l’en
fant paiTent, avec leur fortune , fous la puiflance de la
cabale.
Ici s’ouvre la carriere de deux procédés ; la curatelle1
s’étend fur les perfonnes & fur les biens ; le marquis de
Cabris n’étoit pas fou , mais il falloir le rendre tel, pour
prévenir &. empêcher tout retour : on place auprès de lui »
�ê
à i 1 0 0 liv de gages , le nommé A lziary , homme connu
par fa vie fcandaleufe , on lui entretient une table ou
verte pour fes aiTociés , où le maître n’eft admis que
quand il leur plaît. D eu x payfans en fous-ordre , gagés
pour le fuivre dans des inftans de liberté , ont l’ordre trop
fcrupuleufemcnt exécuté , de contrarier fes volontés ; la
moindre réiiftance, le plus leger fouvenir des droits de
fa raifon , font fur le champ punis par des coups i il
pafTe fa vie lié 8c garotté , 8c ne peut obtenir de voir
lâcher fes fers , que lorfqu’il parvient à plaire à cet
Alziary.
Sa mere , trop occupée de fa propre fanté pour le
venir vifiter dans fon ch â tea u , à trois quarts de lieue de
la ville de Gratte qu’elle habite , patte des iix mois fans
le voir.
Livré à des domeiliques qui veulent épargner leurs
peines, il couche fans drap s, & pour groiïïr le bénéfice
de la curatrice , k laquelle les parens avoient déterminé
une penfion fixe , 011 le laitte fans vêtemens , point de
médecin , 6c pour tout chirurgien celui du village, quand
il vient pour le rafer.
La femme initruice du fond de fa prifon , préfente en
1 7 7 9 une requête au Juge, pour faire conftater ces indi
gnités. C e juge prévenu , ordonne fon tranfport à Cabris.
Le jour convenu avec la curatrice , il l’y trouve dînant
avec fon fils; on rettufeite l’homme dont on avoir éclipfé
l’exiftence ; fon dire eft configné dans le procès verbal ;
on met dans fa bouche l’éloge de l ’adminiftration de la
curatrice , Sc on lui fait rejeter avec mépris les fecours
généreux de fa femme.
Leur
�V
L eu r fille u n iq u e , héritiere ci’un nom diftingué & do
de j o o o o liv. de re n te , e'ft mife dans le couvent de
G r a d e , k deux cent livres de peniion par année; fon édu
cation fe borne à quelques mois d ’ un maître d ’ écriture , 8c
aux petits exercices des coilvens de province.
L a femme enlevée dans le tems du procès d’interdic
tion , efl: releguéc dans un couvent où les pendons font
de cent quatre-vingt livres. L a cabale avoit arbitrairement
fixé la ficnne à cent louis > à prendre fur les trois mille liv .
que les parens avoient réglées pour fa dépenfe perfonn elle , 6i que le Parlement a portée à quatre mille liv'.
V o ilà ce que l’on fait à l’égard des perfonnes.
Les gens d’aiFaircs il utiles à l’interdi&ion, reçoivent
bientôt des récompcnfcs proportionnées aux ferviccs qu’ils
ont rendus pour la faire prononcer.1 Ils font mis en pofíe ilion d’ un mobilier de 8 0 0 0 0 livres, ils en difpofcnt
à. leur difcrécion , ils ne font i n v e n t o r i e r que ce qu’ils ne
croyent pas mériter leur attention ; pas un feul titre in
ventorié , les archives immenfes des te rre s, tous les titres
de famille font o m is , cet inventaire cil -figné par lacuratrice 6c par deux parens dévoués qui n’y afliftent ni
les uns ni les autres.
L ts biens font affermés au-deflous de ce qu’en avoic
trouvé le Marquis de Cabris lu i - m ê m e ; on donne des
pots de vin , on paye des termes à l’avance , les baux
font livrés à des fermiers fournis par les procureurs qui
pourfuivoient 6c défendoient l’intcrdi&ion. Les prétendus
parens ayant gratuitement fuppofé qu’il cft dû à l’un
de ces procureurs (le fieur Seytrc), autorifent la curatrice
à vendre 6c à emprunter pour cela ; elle lui accorde généB
�Io
jeufement é i'oo-o Livr , fom m e déléguée aufli-tot par des
mandats acceptés des ferm iers, qui deviennent p a r-ta
débiteurs perfonnels du délégué.
O n démolit des bâtimens faits depuis peu , fous les
ordres Sc fur les devis de cet homme d’affaires.
O n en conftruit de neufs h grands frais.
O n détruit des jardins plantés par le propriétaire avec
foin
5c avec beaucoup
de dépenfe, on en fait des cham ps,
o n ^ e répare rien , on laiiîe tout périr.
L ’anéantiiïement des deux époux prévenoit les incon-?
véniens d’une plus grande lignçc , fie laifloit aux beauxfreres l’efpoir de partager les fubftitutions des biens aux
quelles leurs femmes font appelées ; mais le marquis de
Cabris avoit, ,unc fille , 6c elle pouvoir vivre.
Les beau x->frères renouvellent une prétention de légi
times de leurs fe m m e s , fixées par le reftament du pere
com m un à 8 o o o liv. de fupplémem 3 & que- le marquis
de Q ibris avoit généi-eufement acquittées beaucoup audulà par une fomme. de z o o c o liv. payées en 1 7 7 5 à
chacun d’eux.
L a curatrice fait un compromis avec fes gendres , &
par une tranfaclion elle leur affure dès à préfent une fomme
d’environ 2 0 0 0 0 0 liv . acquittée en partie par des em
prunts s le furplus délégué fur les biens de l'on fils, a,leur
choix.
A v ec 5 0 0 0 0 liv. de revenus dont on faifoit dépenfer
moins de 6 0 0 0 liv. aux propriétaires > fans autres charges
que les engagernens fuggérés par la cabale , on etoit tou
jours à 1 étroit dans l’adminiftration.
Les prix de ferme étoient délégués à l’avancc aux gens
�1I
d’affaires & aux fous-ordre:; la voie des emprunts éroit
é p u ifé e , les billets de la curatrice devenus le rebut de '
la place de GraiTe.
L ’anéantiiTement de la trarrfa£tion paffée entre le rhatquis de Cabris & fes vaiTanx Hu moment de l'interdiCtiOn *
fait efpérer à la cabale une preuve complette de
la
fuppofée démence. L a curatrice n’ofe attaquer directe
ment cet a£te confenti par celui qu’e lle repréfente : on
le fait attaquer par le fermier ; il fuccam be , & lfe Par
lement d’A ix qui avoit reçu la dénonciation doucette
tranfaction comme une preuve de l’aliénation d’efprit
du marquis de C a b r i s , confirme trois ans après ce mo
nument de fa fa g e fle , Sc condamne le fermier à de
gros dommages & intérêts envers la com m unauté; répa
ration que les gens d’affaires , îniligateurs de la démar
che , engagent la curatrice d’acquitter aux dépens du
fonds.
' •
t
T o u t étoit perdu , les deux époux, leur enfant unique
& leurs biens, fi la femme n’eût fait entendre aux pieds
du T rô n e fes gémifTcmens & fes’ cris.
Le Sou verain, dans le fecret de fa ju ilice, charge fpécialcmcnt un m iniftrc(M . Lcnoir, Confeiller d’Ètar) digne
de fa confiance d’être le protecteur du foible, de lui faire
un fidelle rapport des malheurs de la marquife de Cabris.
Elle cft admife , non pas à fe juftifier d’accufations
connues , mais on lui permet de donner le journal de fa
vie ; auili-tôt fa liberté lui eit rendue.
Elle n’en profite que pour fecourir fon mari & fa fille,
pour recouvrer avec eux leur état & leur fortune.
L e moment étoit décifif; il ne reftoit plus à la cabale,
B ij
�11
pour confommcr Tes entreprifes , que de difpofer de cette
fille unique , elle approchoit de fes douze ans ; d ’accord
fur tous les moyens de l’oppreflion , les chefs de la cabale
fe trouvoient divifés fur ce point ; chacun vouloit difpofer de cct enfant ; tous cherchoicnt à fe tromper , la
c u r a tr ic e , fans volonté à elle , recevoir toutes les imprefiions de ceux qui prenoient alternativement des avan
tages fur fes entours.
Les foins & le courage, de la nicre préviennent ce façrifice.
Ses plaintes portées aux pieds du T rô n e , Paine com~
patiflante du Souverain eft émue du récit de tant de
m a u x , fa, juftice eft éclairée par les juges refpcttablcs qui
com pofent fon Confeil ; un premier arrêt ordonne que
le Parlement d’A ix enverra, dans un mois pour tout délai,
les motifs de fes jugemens &: les procédures faites contre
le marquis & la marquife de Cabris.
A rrê t définitif du i 5 A o û t 1 7 8 3 , qui caffe & annulle tous ceux du Parlement de Provence 3 la fentence de.
GraJJe qui prononce l ’ interdiction du marquis de Cabris
notamment l'avis de parens qui nomme la curatrice } enfem ble tout ce qui a pu s'enfuivre ù s'en ejl en fu iv i, ordonne que de l'ordre exprès de Sa M a je jlé 3 le marquis de
Cabris & la demoifelle de Cabris f a fille feront amenés dans
cette ville de Paris
le pere 3 pour être mis dans une
maifon de fa n té du choix de Sa M a je jlé , & la fille 3 dans
le couvent de Bon-Secours.
Sur la demande en interdiction , originairement formée
par la mere du marquis de Cabris contre fon fils 3 les
Parties renvoyées devant M . le Lieutenant C iv il du Châ-
�15
-telet 3 f a u f Vappel au Parlement de Paris 3 ou. lefdites
deux dames de Cabrif j belle-mere ô bru 3 formeront telles
demandes qu’ elles aviferont 3 toutes les chofes demeurant
en état.
C e t a£te de la bienfaifancc & de la juftice du plus
clément des M o n a r q u e s, uniquement occupé du bon
heur de Tes fujets , n’attere pas la cabale.
L e iieur Seytre écrit le 2 7 A o û t 1 7 S 3 à celle-même
qui avoit obtenu cet a& e de jufticc :
Q u e la dame Lom bard en a reçu la nouvelle de
M . le marquis de M ir a b e a u , avant que perfonne en aie
été inftruit dans le pays x
E t qu’ i l lui mande 3 ne vous alarme\ pas 3 madame ,
fu r cet événement 3 c’ efl un arrêt rendu fu r requête fans
vous entendre 3 & une fimple oppofition de votre part en
fu fpen d l ’ exécution.
L ’officier chargé de l’exécution de l’arrêt du Confeil trouve la demoifellc de Cabris n’ayant pour tout linge
que quatre chemifes 3 fans coiffure & fans jupes , avec la
feule robe de toile qu’elle avoit fur le corps.
Les ouvriers travaillent toute la nuit pour finir le feul
habit que le marquis de Cabris ait apporté : on y joint
d ix-n eu f chem ifes, il n’avoit ni mouchoirs ni bas. L ’offi
cier ne peut obtenir pour lui Sc pour fa fille , qu’ on leur
f&urniffe le linge dè h t & de table dont ils vont avoir
befoin.
L ’arrêt du Confeil des dépêches ordonne que les frais
de tranflation feront pris fur les biens du marquis de
C a b r i s , fa fubfiftance, celle de fa fem m e & de leur fille
�14
doivent aufli leur être fournies des memes f o n d s , tous
fans exception , entre les mains de la curatrice ; l ’officier
chargé de l’exécution de l’a r r ê t , la fomme inutilement
de facisfaire à ces devoirs que la nature lui im p o fe , que
la juftice exige de ceux qui ont entre les mains les biens
des autres, ÔC que l’arrêt mis à exécution , ordonne précifémenr.
A v e c un mobilier de 8 0 0 0 0 liv. paiïe entre les mains
de la cu ratrice, plus de 3 5 0 0 0 0 liv. par elle touchées
des revenus des biens pendant les fept années de fon
ufurpation , elle ne peut fournir les frais de tranflation ,
elle a difpofé du linge même trouvé dans la maifon de
fon f ils , elle ne peut pas en donner pour l’ufagc indifpenfable des propriétaires , elle refufe de quoi payer le
premier quartier de leur penfion.
Il 'faut qu’ une femme , qu’ une mere infortunée , le
jouet des perfécutions & de la tyrannie de la cabale ,
luttant depuis Jept ans contre la tyrannie ëc l’injuftice ,
épuifée à pourfuivre des fantômes oppreffeurs difparus
dès qu’elle a pu les faiiir , il faut qu’elle avife aux frais
de tranflation de fon mari & de fa fille , il faut qu’elle
feule les pourvoyc de linge de toute efpece , qu’elle les
habille , qu’elle les meuble , qu’elle les nourriiïe , ainiî
qu’elle-même , qu’elle procure au perc les fccoursde fanté
qu’exige fon é t a t , ôc à fa fille l’éducation dont fon âge
eft fufceptiblc , fur la feule relTourccf'dc íes amis ôc d ’em
prunts trop multipliés pour n’être pas onéreux.
S'il pouvoir encore refter quclqu’apparcnce de réparer
promtement les vides ! L a curatrice a reçu d ’ avance deux
années du prix des fermes , elle a enlevé du château le
�M
peu de meubles qui y reftoient, les maifons de ville
de campagne font dévaftées.
L a vaiiîelle d’argent efl mife en gage, il n’y a pas j u f
qu’aux boucles d’or de Ton fils qu'elle n’aie arrachées defes pieds la veille de fon déparc, & qu’elle a vendues pour
venir le pouriaivrc en cette ville ( i ).
Les Parties renvoyées à un nouveau T r i b u n a l, la ca
bale y reprend fes anciens erremens ; une femme feptuagénaire quitte pour la premiere fois fa retraite , à deux
cent lieues de la capitale ; y vient-elle apporter du pain
aux opprimés qu’elle en prive depuis long-tems? Non ,
elle annonce des avances dont elle demande le rembourfement par privilège fur les rentrées échappées à la vigi
lance de fes agens ; y vient-elie donner à fon fils des
fecours de fanté ? 'Elle ne le voit que pour renouveler à
fes organes la réminilccncc des mauvais traitemens exercés
contre lui , elle fe fait accompagner du iicur A lziary qui
en a été .l’i-nftrumcnt ; amené à grands frais en cette ville
pour reprendre fon c a p t i f , pour le rejeter dans les fers
que l'humanité d’un M onarque bieiifaifant a brifés.
Si l’on défefperc de cet avantage , on peut au 'moins
s ’en ménager d’autres , à la faveur de l’afcendaot qu ’une
longue c i cruelle habitude procure iur I’eiprit de ceux
q u ’on a tenus fous fa loi : on peut furpremlre au marquis
de Cabris un arrêcé de compte qui couvre les vices de
l’adminiftration ; on peut extorquer fon confcntemcnt à
la difpofition déjà projetée de fa fille unique.
( t ) C ’ cft le fieur R a b a is , o rfeyrc Je G r a llc , qui les a achetées depuis le dépare
«lu marquis de Cabris.
�TS
U n e affemblée de famille eft indiquée chez le M ag iftrat le 2 o D écem bre; des parens &. am is, illuftres par
leur naiflance , diftingués par leurs grades 6c par les
places qu’ils o c c u p e n t, démontrent l’oppreffion exercée
par la cabale : les interrogatoires du marquis de Cabris
devant les Juges de Provence, les dépofitions de témoins
refpe£tables entendus fur les lieux , les actes paifés par le
prétendu malade dans le tcms même des pourfuites, pour
le faire déclarer en d é m e n c e , font mis fous les yeux du
Juge ; on d é velo p p e, on rapporte les preuves des mau
vais traitemens exercés fur la perfonne : les actes multi
pliés des abus de l’adminiftration de la prétendue cura
trice font repréfentés, elle eft forcée d’avouer la difperfioa du m obilier, la difpofition à fon profit de la vaijjellc,
d ’ argent 3 jufqu’à la vente des boucles d ’ or de fon fils. O n
lui repréfente les quittances de ces recettes anticipées ,
toutes les voix s’élevent pour la forcer à donner des alimens aux propriétaires de ç o o o o l i v . de re n te , dont les
revenus font encore dans fes mains , tous les vœux fe
réunifient pour la priver de ce refte d’une ufurpation
anéantie par l’arrêt du Confeil des D épêches du i 5 Aoiic
précédent.
Le Magiflrrat nomme un féqueflrc pour la réception
des reven us, fon ordonnance en dirige l’application à la
fubfiftance du marquis de Cabris , de fa femme 3c de leur
enfant.
C e t a£tc de juftice ne remédie point à leurs maux , les
revenus font reçus d’avance , des faifies fur ce qu’on n’a
pu toucher, faites par les membres de la cabale entre les
mains des fermiers dont les baux font an éan tis, mais qui
continuent
�r
17
continuent k percevoir les fruits dans l’anarchie ; des
délégations fur ces mêmes baux laiiTent le féqueftre fans
fon£tion.
L a cabale qui veut rétablir le défordre , fait paroître,
fous le nom d e là curatrice , une confultation im prim ée,
répandue avec profuiion , dans laquelle on fuppofc un
conflit entre la mere & la femme du marquis de C a b ris ,
pour la préférence de fa curatelle, queilion vraiment fupp o f é e , puifque la femme combat depuis fept ans de T r i
bunal en tribunal, 8c foutient que fon mari n’a jamais
été dans le cas d’être interdit, qu’ il n’eft pas encore dans
ce c a s , malgré les mauvais traitemens exercés fur fa perfonne pour aliéner fa raifon.
Enfin la cabale voyant échapper de fes mains 8c la
curatelle que l’arrêt du Confeil a caiFée, 6c l’adm iniftration des biens qui l’occupe bien d avan tage, 6c l’cfpoir de n’avoir ni l’un ni l’a u tre , par l ’état de fanté du
marquis de Cabris , par le vœu unanime des parens ÔC
am i$, par les preuves rapportées des traitemens exercés
fur la perfonne du malheureux pendant l’ufurpation , 6c
des
abus
encore
plus énormes dans
l’adminiftration
des biens ; la cabale n’a plus connu que les mouvemens
de la rage 6c du défefpoir contre celle qui éclairoit fa
conduite pafïee , 6c qui anéantifloit fes projets pour l’a
venir. U n libelle affreux de 69 pages eft imprimé 6c d is
tribué avec profuiion ; tout ce que la malignité , le
m en fon ge, la calomnie la plus atroce peuvent enfanter
y efl: prodigué contre une femme qui arrache à la cabale
fes vi£limes.
Ses mœurs y font attaquées par les calomnies les plus
C
�i 8
.baffes. & les plus viles : les a£üons les plus innocentes de
fa-vie y font empoi-fo-nnées , >fon honneur & fa réputation
y font déchirés , les fafifications d’écrits confignés dans
des regiftres publics , les altérations d ’écrits particuliers
pour leur donner un fens tout combiné &. convenable à
la malignité des calomnies grofiieres dont le libelle cfl:
tiffii y font prodiguées. O n y joint la difcufïion du procès
d’intcrdi& ion, dont tous les actes font anéantis par l’arrêt
du Confeil des Dépêches du i 5 A oût 1 7 8 3. C e m ém oire,
ians p ro c è s, fans con tcftation, fans P a rties, fans autre
objet que la diffam ation, cft fuivi de la confultation ré
pandue un mois auparavant fur la queftion de préférence
pour la curatelle de l’interdit entre la merc de la fem m e,
queftion qui n’eft préfentée nulle part dans ce mémoire ,
que n’ont jamais vu les Jurifconfultcs qui ont iigné la
confultation.
A près ce tableau des perfécutions qui ont détruit ma
m aifon, l ’exiftence de ma fam ille, & qui ont ruiné notre
fortune, je prends la plume pour ma défenfe pcrfonncllc,
mon mari a été privé fept ans de fa liberté civile , il s’eft
vu enfermé en chartre privée dans ia propre maifon , expofé aux plus vils traitemens, dénuée du néceffaire le plus
indifpenfable.
J ’ai été enfermée trois ans dans un cou ven t, fans cornmunication avec ma famille 8c mes amis ; notre fille ,
dans l’âge le plus tendre , a été abandonnée fans fecours
& fans foin , & quand j ’obtiens ma liberté , que je la
procure à ces deux infortunés , victimes de la cabale ,
quand je parviens à dévoiler fes noirs c o m p lo t, je vois
mon honneur , ma réputation attaqués par un m é
�i,9
moire calomnieux , où coure ma famille cû: diffamée.
Je commence pitr établir fur les preuves les moins
équivoques &: connues des auteurs mêmes de la.calom nie,
la fauil’e té des imputations. Pour mettre; de l’ordre, dans
ma déferife , pour éviter le défordre ail celé de nos. ptr.-féc uteurs, je diviferai par fàics leurs imputations abomi
nables , 6c je joindrai mes preuves fur chaque faitJe me vois forcée de nommer plu fleurs perfonnes dans
m a justification, & de donner des copies 6c des extraits
de leurs lettres;, leurs noms tcfpc£lablç.s donnent de nou
velles forces à mes m oyens, je ne les cite-que quand leur
témoignage m ’eft néceffaire, je n’emploie de leurs écrits
que ce que je ne pourrais omettre fans aff.oi.blir ma. de*f e n f e , & c’eft toujours avec les ménagemens dûs à leur
naiffance & au rang qu’ilis occupent dans le mondes
■
'
Si je jette en,fuite un. coup d’œil fur. la difcuiîion de
l'affaire , de l'interdiction anéantie par l'arrêt du
1y
A o û t dernier, ce ne fera que pour développer davantage
les complots de la cabale qui nous p crfécu te, pour dé
montrer qu’elle ne s’efl; jamais étayée que fur le menfonge
& fur les fuppoiitions les plus révoltantes.
P R E M I E R
F A I T .
« L ’ hôtel de Grajfe placé dans le plus beau local
fj
>j embelli de tout ce que M M . de Cabris avoient cru
» propre a en fa ire un féjou r agréable, ne lui parut pas
53 ajje\ vajle s i l fa llu t cùnfiruire & vetfer, fuivant l ’ ufage
>3 des A rtifies en ce genre, z o o 3o o o livres au lieu de
»
i o o , o o o liv. qu'on avoit projeté d'employer ’>.
L a maifon paternelle étoit occupée par la dame de
C ij
�£
Lom bard ,
laifle par
&
douairiere de
6
Cabris. Son mari lui avoit
teilament la jouiflance d’un ap partem en t,
elle l’occupoic prefque tout entier.
L a déférence du fils pour fa mere , rem pêchoit de
la reftreindre à ce qui lui étoit réfervé. Les influences
de la cabale naiflante fur
Pcfprit de mon
mari , le
portèrent à en faire conftruire un autre. Q uoique bien
jeune encore, je prévis l’énormité de la d é p e n fe, & je
m ’y oppofai ,
mais inutilement ; j’en écrivis à mon
pere , &C voici ce qu’il me répondit par fa lettre du
a Février 1 7 7 3 .
» A l’égard de votre bâtiment ,
on dit qu’il faut
w une fois en fa vie faire une folie , c’en eût été une
» plus tard , au lieu qu’a préfent c’cft jeter la go irme
» de la jeunette à bon marché fur un fonds , & d’une
n
maniéré bien folide ; au
refte j ’ai
apperçu qu’en
53 qualité de voifin de l’Italie , le goût de bâtir étoic
» celui du pays.,; au fond , cela me paroît tout fim ple,
»> à G ra d e , où chacun conftruit fes propres fonds ;
» Q u a n t à moi parernellement p a rla n t, j’aime mieux
« que Cabris bâtille que s’il péroroic à l’hôtel de ville
»
d’A ix »3.
Que
réfultc t-il
d e - l à ? U n e dépenfe confidérable
pour mon m a ri; pour fa m e re , la jouiflance où elle eit
encore d’une maifon où elle n’avoit droit qu’à un petit
appartement ,
àc
pour
la cabale qui
fc
formoit ,
l ’expérience de ce qu’elle pourroit ofer par la fuite.
Si j ’avois eu fur mon mari dans les commencemcns
de mon mariage , l’afccndant qu’on me fuppofe , née
& élevée à P aris, nouvellement tranfplantéc en province,
�a u r o is -je balancé un inftant entre le féjour de Graiïe
& celui de la C ap itale, où notre fortune & les attenanccs
de ma familie nie promettoient une exiftence agréable.
D E U X I E M E
F A I T ,
I l parut en 1 7 7 4 , des affiches imprimées contre des
perfonnes de la plus haute conjîdération
qui furent fuivies
d'informations, décret de prife- de-corps
& tout l ’ appareil
de la procédure criminelle. I l ejl d ity page 6 du Mémoire
que le marquis de Cabris n ’ étoit pas l ’ auteur de ces
couplets y mais qu’ i l avoit eu la foibleffe de f e prêter a
l ’ exécution du com plot, & on ajoute de fu ite a. la page 7
qu’ i l s ’ étoit laiffe entraîner par fon epoufe qui avoit cherché
a exercer f a vcngeance perfonnelle & celle de fa fociété de
Poetes.
On a tranferit pour le prouver des fragmens de lettres
qu’ on dit écrites de moi , & qu’ on refufe de repréfenter.
'
A la page 1 3 , ligne 1 4 ,0 / 2 dit 3 que j e ne craignois
pas-feulement les foupçons , mais les preuves ; à a la page
6 8 j i l ejl dit , que f i on fe reporte en 1 7 7 4 3 mon
imprudence attira fu r la tête de mon mari un orage terrible
où j e rifquai d'être compromife encore plus que lu i 3f i j e ne
parviens a étouffer les progrès de la procédure criminelle.
Je laiiTc h. M. le Marquis de V a u vcn a rg u cs, ch ef de
la maifon de mon m a ri, & à M . de G r a s , fon beaufrcrc, la réponfe à cette imputation.
V o ici ce que le premier écrivoit au M arquis de Cabris
le 1 5 M ai
1774.
» V ous aviez raifon de croire , Monfieur mon cher
�11
» cou fin , que je ferois étonné 8c fâche de votre aflaire ,
» 8c que je ne négligerois rien pour la faire finir. M . de
» C alvi m ’a dit vous avoir envoyé h i e r , par M. de
» Briançon, les lettres d’ap pel, Il la procédure cil caffée,
»
comme je l’efpere ,
les prifonniers feront élargis;
« profitez de ce premier moment fans délai , pour les
» faire paffer en Piémont ou en Italie ; ces témoins
font les feuls qui puiiTc dépofer contre vous ; il cft
» inutile que je vous dife combien cette affaire m’afflige,
»
8c combien je la trouve humiliante pour vous............
J’étois alors venue à P a r i s , pour implorer les fecours
de mon p erc, dans une affaire qui compromcttoit mon
mari.
V o ic i cc que le Marquis de Vauvcnargues m ’écrivoic
à moi-même à Paris , le i 6 M a i 1 7 7 4 .
*j Vous ne devez m ’adreffer , ma chcrc cou fine,
» aucun rem erciem ent, des foins que je puis me donner
» pour l’affaire de votre mari ; on a ici une minute de
» la procédure fur laquelle M. C a l v i , bcau-frerc d e M .
« le Procureur G énéral, a confulté les trois plus fameux
» A vocats qui unanimement ont été d’avis d ’appeler
» des décrets, 8c de tout cc qui a été fait. M . C a lvi
» a levé ces lettres d’appel 8c les a envoyées à M . votre
« m a ri, par M . de Briançon; j ’ai écrit fur cela à M .
« de Cabris , que fi la procédure eft cafféc , les prifon« niers feront fur le champ mis en liberté ; je lui écris ,
a & lui répété plufieurs fo is, que lorfque les prifonniers
m feront élargis, il ne doit épargner, ni peines, ni
» argent , ni a&ivité pour les
faire paffer en pays
» étranger ; ces prifonniers font les feuls témoins qui
�¿3
« puiiïent dépofer contre lui , s’ils difparoiiTent, tout eft
dit en notre faveur (i ).
L e Marquis de Vauvenargues lorfqu’ il
écrivit
cette
lettre , ne foupçonnoit pas que cette expreflion d’intéiêc
le rendroit un jour aux yeux de ma bcllc-mcre , tout
au
moins complice d ’un complot dont il cherchoit à
détourner l'effet de deiTus la tête de fon parent.
Il écrivoit à M . le Marquis de Cabris lui-même , le
16
Juillet « je vois avec douleur que les voies
de
m conciliation pour l'affaire des placards font épuifées.
» L ’obftination de M . de Pontevès a rendu inutiles
>3 celles même qui paroiffbienc les plus affurées. Il veut
»3 un arrêt; je prévois qu’un arrêt ne peut être que bien
» fâcheux pour vous. M .P a z e ry , A vocat le plus célébré que
» nous ayons pour la confultation., homme cftimé autant
par fa p ro b ité , que par fes lum ières, m’a d i t , M.
» le marquis de Cabris , doit mettre la main fur la confm cience , s’il cit innocent, il faut qu’il refte tranquille...
Il m ’écrivoit à moi , le 2 4 Juillet « après la lettre
que vous m’aviez fait l’honneur, ma chere cou line ,
v* de m ’écrire le 1 o de ce m o is , j’étois tranquille fur
»3 le fort de mon cou iin ; mais cet état d’affurance cil
(1) O n fem ble à la page 7 , avo ir voulu tirer des preuves d’ inculpation de ce que
clans les lettres q u 'on m e fuppofe , je parle de cette affaire en nom c o lle & if ; v o ilà
le M arquis de V a u v e n a rg u e s fe fervant des mêmes cxpreflïons ; dans la lettre que
je cite quelques lignes plus b a s , on y lit » nous fommes aiTujetis aux réglés
« de la ju ftic e , tous nos foins* toutes nos démarchés j doiven t aboutir à to u rn er
* les choies de façon que ce (oit nos parties qui fafl'ent les fa u te s , & nous four« nifTtnt des c irc o n ft a n c c s h eu reu fes , dont il faut être a tte n tif de p ro fite r , en nous
» conform ant toujours à la rcgle : voilà notre tâchc.
�*4
»> bien changé depuis la le& u re de la vorte du 2 1 , Ton
»
état m’a fflig e , &c je le crois dans le plus grand d a n g e r ,
>3
pour ne pas fuivre vos avis ôc ne pas vous don n er
«
fa confiance , qui vous cfl: aquife par des titres il
«
refpcctablcs. D a n s cette fituation des chofes , je ne
»
vois pas , m a chcrc coufine , ce qui peut vous refter
»
à faire que vous n’ayez déjà fait.
L a cabale
bcau-pere
qui s’étoit form ée dès la m ort de m on
, pour nous
défunir
8c
nous
d é p o u ille r ,
profitoit de tous les événemens.
M . le M arqu is de V au vcnargu es m ’écrit le 20 A o û t
I?74'
»3 C e n’e f t , ni votre faute , ni la m ie n n e , fi d’autres
>3 confeils ont prévalu ; il ne refte plus que des précau>3 tions à p r e n d r e .............vous en a v e z propofé , j’en ai
»
propofé aufîî ,
on veut en fuivre d ’autres. O n rend
»
fufpetb à votre mari tout ce qui vient de v o u s ..........
33 Je prends donc la liberté , m a cherc coufine , de vous
33 confciller de refter en repos, 6c de ne plus vous mêler
>» de cette affaire, parce que tel bon parti que votre mari
>3 pourra
prendre , on
le lui fera éviter s’il vient de
»3 vous ÿ fi les chofes réuiTiHent, com m e on le lui fait
3
j efpercr , tant mieux , fi au contraire elles m anqu ent y
>3
votre
mari reconnoîtra alors qu’on l’a trom pé , Sc
«
reviendra à vous avec plus de confiance que jam ais.....
»
Je vous confeillcrois moins l’ina£tion , fi je ne voyois
>3 contre vous que des gens en fous ord re; mais dès-que
>3 la fa m ilU s'en m êle, refle^ en repos , s ’ i l efi pojjible ,
>3 fà n s cela on rejetera fu r vous tous les mauvais fuccès.
M» de G r a s , C o n icillcr au Parlem ent d ’A i x , bcaufrere
�frere de mon m a r i , lui écrivoit le 3 1 M ars 1 7 7 6 .
« Je ne vous répété pas ce que je vous ai die pour
' } finir cette malheureufe affaire , qui afflige véritable”
ment toutes les perfonnes qui vous appartiennent ;
» vous croyez 6c je le crois auiîi , qu’il n’y a pas allez
« de charges dans la procédure; mais je ne voudrois pas
» pour tout au monde courir le rifque d ’être jugé dans
» une affaire de cette nature , d ’autant plus que vous
» ne pouvez pas vous diflimuler qu’il y.a des préfomp« tions fi fortes que les Juges pourroient les regarder
» comme des preuves ; j’ai vu juger pluficurs fois des
»» aff aires criminelles fur des préem ptions moins fortes;
» croyez-en une perfonne qui a trente ans de fervice,
« 6c qui vous cil attachée par des liens trop forts pour
»
»
»s
»
avoir d’autre objet que votre avantage. Réfiéchiflez
bien , mon cher frere, fur l’avis que je vous donne ,
6c croyez qu’il n’eft di£té que par le véritable intérêt
que je prends à vous. C e t intérêt eft éclairé par une
« longue expérience qui m’-a appris qu’il n’y a rien de
» sûr au Palais.
La même lettre en contient une autre du Marquis
de VauvCnargues , pour engager mon mari à la conci
liation.
A ces témoignages je peux joindre celui dc >M. le
Marquis de Mirabeau mon perc , fur la même affaire.
Par une lettre du i
Juin i 7 7 4 > ü me marque que
dans cette affaire je dois nie conduire par les confeils
des parens de mon m ari, 6c entr autres de M . de V au vcnargues : 6c il ajoute » fi quelqu’un y récalcitre , il
faut lui donner la peur , pour qu’il gagne la M o n t a g n e ,
D
�26
m & laide fa procuration ; au refte il eft certaines gens
» qui ne trouveroicnt pas bon certaines retraites ; vous
m
m'entendez.
Par une autre lettré du
1 8 A o û t fuivant , il me
marque » M . de Cabris eft trop malheureux pour qu’il
» me foit permis de le blâmer ; d’ailleurs, je ne mç
« fuis jamais guere exercé en ce genre ; plus nos devoirs
« font pénibles , plus ils font impérieux , & fi M . de
« Cabris fe refufe à ce qui eft dû à fa perfonne , vous
»» ne pouvtz remplir les vôtres envers lui qu’en faveur
■
» de fa maifon ; je ne fuis point furpris que la caraf
es trophe s’ avance , il feroit plus que tems qu'il fongeâc
m à fa perfonne. M. de Vauvenargues m ’a mandé & dit
>4 que la famille dévoie être contente de vous ; je n’ai
« en ma vie qu’une méthode pour fixer les incertitudes
« qui fe préfentent plus abondamment aux têtes vives ;
« c’eft de me dire , où donc eft le devoir ? Marchons ;
« mais v o j s n’en êtes pas encore là.
Il m’écrivoit le 4 Septembre » tout innocent qu*eft
» M- de Cabris , êc je le crois en vérité beaucoup , le
>j hafard fculpourroit alarmer tout autre moins intrépide;
»» e n fu ite , qu’un Homme puiiTe vous affirmer comment
» un aut.e jugera.
M on pere croyoit que mon mari n’étoit pas coupable ,
8c affùrément il ne l’étoit pas , fes Advcrfaires ne l’ont
jamais cru tel ; il eft de notoriété que les couplets dont il
s’agifloit dans le procès, avoient été envoyés en manufcric
à. M- l’A bbé de Pontevès , l’un des offenfés dix ans
auparavant , dans le tems où mon mari étoit au Collège
& moi au Couvent. Les offenfés ne cherchoient dans
�la vivacité de leurs pourfuites que la découverte des
véritables auteurs dont ils croyoient que mon mari p o u
voir avoir quelque connoiflance:.
Je n’ai pas befoin d’autre preuve de l’innocence de
mon mari ,
que l’accommodement fait par M M . de
Pontcvès(, quand ils ont déïefpéré de trouver les vrais
coupables.
En faut-il un autre témoignage ? M . le Marquis de
Pon^evès, homme d ’une naiflanceilluftre3 & en poiTcffion
de la confidération due à fon rang & à fon mérite perfo n n e l, efl: parent de M. de Cabris , il habite la même
v i l l e , il avoit eu contre lui le procès des couplets deux
ans auparavant : la cabale qui fe réunit pour nous perdre
en 1 7 7 7 , n ’ofa jamais invoquer fon fuffrage ; il fut fi
révolté des moyens employés pour nous détruire l’un èc
l’autre , qu’en 1 7 7 9 , il fe joignit aux parens qui firent
des repréfentations au miniftre du R oi fur les excès
dont mon mari Sc moi étions vi£bimcs ( 1 ).
Q u ’on juge à préfent les motifs des auteurs du M é
moire dans les fragmens fuppofés de mes lettres copiés
à la page 7 ; qu’on juge l’intention dans leurs afTertions
des lignes 7 & 1 9 de cette même page , où il cil d i t ,
que ces lettres prouvent de.quclle terreur j ’étois agitée
pour m o i-m ê m e , &C que je gardois encore moins le voile
dans celle écrite à la dame de Lombard , parce que je
parle de cette affaire en nom collectif , & comme par
tageant avec mon mari les fuites qu’elle pouvoit avoir.
( i ) Placct de fam ille dépofé chez M e Pizcau , N o taire à P a r is , le j o Ar r i l 177?-
D ij
�i 8
O n a eu encore l’infidélité de tronquer cette phrafe
de ma lettre , où après avoir parlé d’ une affaire qui fait
des principauxhabitans.de. Graffemes ennemis ; » j ajoute
”
je ne peux plus rien cfpérer de la coniidération qu une
» femme cire ordinairement de fon mari.
Je fuis bien éloignée d’envier à madame de Lom batd,
le mérite d’avoir terminé cette affaire malheureufe ; mais
jamais elle ne l’a connue que par les bruits p ublics;
jamais elle n’a fait aucunes démarches pour fon fils. Dans
cent lettres que j’ai des différens parens ou autres perfonnes à. qui je me fuis adrefféc alors , on ne trouvera
fon nom nulle part ; j’ai encore une lettre d’elle à fon
fils du 10 A vril 1 7 7 6 , lorfqu’il éroit à A i x pour termi
ner cette affaire ; la premierc qu’elle lui ait écrite depuis
fon départ de Graffe , où il n’en cft pas feulement
queilion.
M o n pere m’écrit le 1 o Juin 1 7 7 4 « le fait eft que ou
« vous êtes les coufeils de M . de Gourdon x Si à A ix ,
» £c dans la Province , ceux de M . de Vauvenargucs.
»3 V o ilà quelle doit être votre bouffole, 8c votre affaire
» eft d ’être le point de raliement & de réunion de leurs
» correfpondances.
C e furent en e f f e t , M . de la T o u r , premier Préfidcnt ,
èc M .
de Caftillon , Procureur .Général du
Parlement d’A ix , qui voulurent bien en être les arbitres,
mais ce ne fut point à la follicitation de la dame de
Lom bard, cômme on le dit à la page 8 du Mémoire ;
j’oppofe -à cette affertion deux témoignages qu’elle ne
reeufera certainement pas M . de Gras , fon gendre *
&
M.
de Vauvenargucs , dans leur lettre écrite fur
�1 9
l'a même feuille le 3 1 Mars 1 7 7 6 " , déj«\ c it é e ; voici
comme le premier s’en explique ; » je crois devoir vous
» inftruire , Monfieur &C très-cher frere , de ce qui s’efk
» paile depuis peu de jours , au fujet de l’affaire des
3» placards ; M. de la T o u r ôc M . de Caftillon , ont bien
» voulu d ’ office y ô fans que perfonne les en eût priés ^
agir auprès de M . de P o n te v è s , pour l ’£ngager à
« donner fon confentemenr pour finir cette a ffa ire, par
m
l’arbitrage de quelques Gentilshommes ou Magiftrats.
M . de Pontevès a conicnti enfin d’arbitrer; il a prié
>3 M . de la T o ur de vouloir bien être un des arbitres ;
» M . de la T o u r nous a ch argés, M . de Vauvenargucs
>» &
moi , de vous écrire, pour demander votre confcn-
» tement à cet arbitrage.
O
Le marquis de Vauvenargucs m ’écrit le 2 6 Juin Aiivant n j ’ai l’honneur de vous féliciter , madame ma
» chere coufine , l’affaire de M . Cabris a été finie hier,
si La procédure a été ca'flee du confencernent de toutes
» les P a rtie s , entièrement an éantie.........Ces M M . ont
»
donné hier leur d é p a rte m e n t, & tout e ft, dieu merci ,
»3 terminé.
T R O I S I E M E
«
F A I T ,
p. 9 , alineâ, Iig. 3.
M . de Villeneuve , homme d ’ une tiaiffance & d'un
>3 mérite dijlingué 3 baron de Mouans } & Sénéchal de
»3 GraJJ'e
,f e plaignit d'un affaffinat prémédité fu r f a per-
» fonne ; le Parlement d 'A ix prit connoiffance de cette
»» affaire 3 & nomma des Juges a Grajfe • la procédure
>3 fu t
inflruite , & des decrets lancés y le
�yo.
» décrété de prife-de-corps prit la fu ite ; on ménagea la
»»foiblejfe de fe s complices. Madame de Cabris & madame
» de La Tour Roumoules , qui ne furent décrétées que d'afm figné pour être ouïes , & un Jîeur Briançon 3 d ’ ajourne» nement perfonnel; le procès f u t réglé a l*extraordinaire ,
» on récola s on confronta les témoins, & les accufés préfens
m ejfuierent toute l ’ humiliation de cette injlruclion crimim nelle. Sentence le
z Octobre
i 7 7 6 , qui juge les
contumax & les coaccufés ; fentence qu’on donne en
guillemets comme copiée fur la grotte à la page
1 o du
/Mémoire (1).
Q u i ne croiroit à cet expofé que le quidam dont on
laitte le nom en blanc , décrété de prife-de-corps , 8c
ayant pris la f u i t e , eft un aflaflïn à gages , amené pour
commette le crime , 8c qui s’enfuit fans être connu »
quand il a manqué fon coup ; il eft pourtant vrai que
ce
particulcr dont le nom eft ici laitte en blanc par
affectation , eft le comte de Mirabeau mon frere aîné,
que le comte de-Mirabeau eft le feul qui ait eu querelle
& prife avec M . de Villeneuve enfuite de relations an
térieures entr’eux.
Il eft certain encore que le comte de Mirabeau a été
décrété fous fon nom de K iclor de Riqueti 3 comte de
Mirabeau 3 qu’il eft nommé pluficurs fois dans la fentence, 8c qu’il demeuroit alors avec fa femme 8c fa famille
(1) Il eft bon d'obfcrver que la prétendue connoiiTance que le Parlement d 'A iï
prit de cette a ffa ire , ne fut que de commettre un Juge de la T«rre de l’accufatcur,
parce que « u s de Gratte refuferent d'en connoître.
�31
îi M anofque , à vingt lieues de G r a iïe , où cette procédure
s’inftruifoit.
il cil éga’cment certain 6c prouvé par un certificat du
Greffier de GraiTe ( 1 ) donné le i 4 Février dernier , que
jamais la fcntence n’a été levée, ni les droits payés. La
copie qu’on a affecté d’inférer dans le Mémoire , cil
altérée de falfifiée dans les vues de fon auteur.
A v a n t de difeuter cette fen ten ce, ce les conséquences
qu’on en veut t ir e r , je vais rendre compte des faits
généralement connus dans toutes nos familles 6c dans la
Province entiere.
Le com te
de M irabeau , mon fere , éto it exilé à
M anofque , d’ordre du R oi.
A u mois d’A o û t
1 7 7 4 , il vint au Château de Tou-
rettes , voifin de Grafle de deux lieues , pour traiter
du mariage de M . de Gaffaud,gentilhomme de M anofque,
avec mademoifelle de Villeneuve Tourettes. Je ne le
vis qu’à fon retour. Il étoit intéreiïant qu’étant réfractaire aux ordres du R o i , il ne fe montrât pas à GraflTe ,
je le menai dîner à la campagne chez madame de la
T o ur ma parente.
M adam e de Villeneuve & madame de la T o ur font
feeurs, com m e héritieres de M . le baron de G r a d e , leur
pere ; elles ont partagé les terres de Mouans Sc de Sartoux cù elles demeurent toutes les deux ; leurs habitations
ne font féparées que par le grand chemin , & leurs
domaines font extrêmement rapprochés.
(1) NM. dis pi««* juiUfiiatius.
�3*
Le dîner fut fervi , attendu la chaleur de la faifon ,
ious une allée de marronniers d’un pavillon de madame
de la T o u r ; nous étions huit à table , madame de la
T o ur 6c mesdemoifclles Tes filles "au nombre de trois ,
dont la plus jeune avoit alors douze ans , M . de Briançon
neveu de madame de la T o u r ,
le comte de M irabeau;
j ’y avois ma fille avec Tes bonnes, cinq ou fix domeiKques nous fefvoient.
A
la fin du dîner, à trente pas de n o u s , parut un
homme couvert d ’un paraiol qui venoit voir travaillée
des ouvriers.
M . le comte de Mirabeau demanda qui c’étoit, quel
qu’un dit que c’étoit M . de Villeneuve ; il I’avoit vu
chez M. le marquis de V ence , 8c croyoit devoir s’ex
pliquer avec lui fur quelques objets qui leur étoient
perfonncls. Le comte de Mirabeau fe leve de table , 6c
fa ferviette à la main va joindre M . de V illen e u ve , en
préfence de dix ou douze ouvriers que ce dernier faifoit
travailler ; l’un èc l’autre étoient fans armes ; ils cauferent quelque tems cnfcmblc fous le parafol de M. de
Villeneuve en continuation de promenade; la converfation
s’échnufla , les paroles devinrent plus élevées, «5c la rixe
fut pouflec encore plus loin.
Le comte de Mirabeau revint coucher à G rade , 5c
repartit le lendemain pour Matiofque. M . de Villeneuve
crut devoir
rendre plainte de prétendus excès , il y
comprit madame de la Tour fa belle-fœur, avec laquelle
il plaide depuis vingt ans. L ’honneur que j’avois d’êrre
avec elle me valut au(lî un rôle dans cette accufation de la
part d’un gentilhomme que je ne connoidois pas , ■.&
que
�33
que je n’avois vu qu’une fois, lors de mon mariage.
J’ai la preuve de tous les faits de cette hiftorique ,
puifqu’on me force de le publier.
Preuve que le comte de Mirabeau étoit à M anofquc
d ’ordre du R o i , l’ordre lui-même.
C e t ordre connu dans la Province.
M . de Tourrettes ( du nom de Villeneuve) , m’écrit
le 24. A o û t 1 7 7 4 :
-
« O n ne peut exécuter des décrets contre M . votre
frcrc , puifqu’il cft fous la main du R o i «.
Preuves du m otif du voyage du comte de Mirabeau.
L e même M . de Villeneuve T o u re tte s , m ’écrit le 1 1
Août 1 7 7 4 .
« Quoique le voyage de M . votre frcrc fût un myftere
>3 pour tous autres que M. le comte de V en ce ( de la
>3 maifon de Villeneuve ) , madame la comtefle (de Vcn33 ce) & moi 33.
Il m ’écrit le 9 Septembre fuivant 33 , la vérité faite
33 pour tout le monde , ne peut être biaifée , ni dillimulée
» par vous , non feulement c’eft au public qu’il faut
33 dire l’objet du voyage du com te , à vos parens , mais
» même aux Juges; 6c qui peut le trouver mauvais »3 !
M . de Tourettes eft le pere de la demoifelledont le comte
de Mirabeau étoit venu traiter le mariage.
Il exifte une lettre du comte de Mirabeau , écrite de
Hollande en 1 7 7 7 , dans laquelle il rend compte de ce
voyage , & des motifs qui l’avoicnt déterminé, les mêmes
que ceux qu’on vient de voir.
Preuves que je n’étois pas même inftruite du voyage
E
�34
& que je n’ai vu le comte de Mirabeau qu’à Ton retour
de Touretres.
Le même M. deTou rettes écrit au comte de M irabeau,
le 3 i A oû t t 7 7 4 .
» Q u a n t à madame votre f œ u r , je me charge de
» déterminer fa defenfe ; clic eft iim p le , en offrant
» de prouver qu’elle ignoroit votre voyage à Tourettes
»
Sc k V e n c e , qu’elle ne vous a vu qu’au retour ; cette
» preuve va .auiïi à votre décharge ».
Le même M . de T o u rettes, m ’écrit à moi le 9 Sep
tembre 1 7 7 4 ,» nous n’avons pas befoinque M. Pazcry,
» ( célébré A v o c a t d’A ix , co n fu lré), nous dife qu’il n’y
»3 a , ni complots , ni aflaflinat de prouvé «.
Preuve que la querelle vint d ’une explication deman
dée par M . le comte de Mirabeau.
M . le marquis de M arignane, fon beau-pere , m’écrit
.
le 7 Septembre 1 7 7 4
Q u e fon gendre eft inexcufable d’avoir pouffé les
choies ii loin , furcouc étant averti que cette démarche
feroit en pure perte , & il ajoute » je ne lui pardonne
m donc p.HS d’après des avis de M . de Briunçon , d’avoir
« été
faire cette bravade ridicule , ôc furtout de ne
» s’être pas contenté des exeufes & du défaveu de M*
«
d e V i l l e n e u v e ...............J ’a j o u t e r o i s m ê m e q u e s’ il e û t
« eu à faire à tout autre , les propos dont il demandoit
M raifon n’ayant pas été tenus devant lui , &
étant
» défavoués , il ne pouvoit exiger autre chofe que le
«
renouvclcmenc de ce défaveu devant des pçrfonncs
« qui pourroient avoir entendu parler de ces propos »>•
M . de Tourettes m ’écrit le 1 1 A oût 1 7 7 4 ; » M. de
�,5
3S
Villeneuve (Pofrenfé) connaît M . votre frerc , sVranç
trouvé plufieurs fois à A ix , l ’année dernière , mêmç
,J chez lç marquis de V ence ».
Preuve que la querelle fc borna à une rixe peu com
mune entre gentilshommes.
M . du B ou rgu et, Confeiller au Parlement ( parent de
M . de Mirabeau ) , m’écrit le 3 Septembre 1 7 7 4 , qu’il
a écrit à M M . les marquis &c bailli de Mirabeau.
» J’ai d i t , ( ajoutc-t-il), à l’un &c à l’autre , que le
» comte de Mirabeau avoit
eu le malheur de donner
« à GraiTe des coups à M . de Villeneuve-M ouans, qui
» avoit pris la voie de la plainte en
v
juftice ,
que
j’allois arrêter autant qu’il dépendroit de moi , toutes
« les pourfuites jufqu’à leur réponfc ; voilà où j’en
y> étois , madame , ma chcrc confine , quand vous m ’a» vez fait l’honneur de m ’écrire ; j ’ai vu avec plaiiir
»3 que la choie s’écoit paiTée ainii que je Pavois'pré» fumé ».
D ans la lettre déjà citée de M . de Tourettes , au
çomte de Mirabeau , du 3 1 A o û t , il lui marque que ion
affaire « n’a que le titre d’effrayant , qu’on ne prouve
» qu’une rixe ordinaire , dont touc au plus il cft Pagref*
>3 feur.
Il m’écrit la même chofe dans fa lettre du 9 Sep tembre »3 je le répète , l’affaire n’eft autre chofe qu’ une
» rixe dont M . de Mirabeau cft Pagreiieur >3.
Le même M . de Tourettes , écrit au comte de M ira
beau, le 8 Septembre 1 7 7 4 ; » les Avocats ont décidé qu’il
s? falloir fin ir, ce qui me furprend & me défefpcre........
» fi la procédure c f t bonne , M . de V i l l c n c u v e - M o u a n s
E ij
�3&
» fera aux nues ; vous , ou les vôtres ne devez lui offrir
» que de l’argent. O u i , c o m t e , je dis de l’argent. Le
» payfan de votre village qui efl: étrillé 6c fait informer,
» prend de
l’argent ,
pourquoi le gentilhomme qui
»> s’ailimile à lu i, n’en prendroit-il pas? Je fa is bien que
» vous vouleréparation de, la calomnie • mais la répam ration cft contenue dans le déportem ent, 6c le dépor»
tement paroît ie donner gratuitement ».
Il lui écrit le 20 Septembre » dans Phypothefe d ’une
«
r ix e , le décret peut être arbitraire au Juge; celui de
>5 prife-de-corps contre vous bleffe tout ce qu’on vous
n doit ; mais cela ne veut pas dire qu’il puifte être cafte,
99 Sc c’eft en fin de caufe qu’on appréciera ce qu’il vau t».
Il lui marque le x 5 Janvier 1 7 7 5 , » tout ce que l’on
«
a fait contre vous jufqu’ici n’efk rien ; il n’eft pas
»
douteux que le Parlement ne foit prévenu en votre
« faveur , il doit l’être pour la caufe , £c votre p a rtie,
>j comme vous l’avez bien prévu , avoit encenfé
»s l’idole dont il avoit obtenu deux arrêts injuftes à la
» follicitation du Procureur Général Joanis , fon parent,
»3 par lequel il n’avoit pas honte de fe faire protéger.
O n laiffa fuivre à cette affaire le cours ordinaire de
la Juftice , parce que mon pere l’exigea.
V oici les ordres qu’il me donna le 10 Juin 1 7 7 5 ,
dans le plus fort de l’inftruclion.
” Je me vois obligé de vous prier , ma fille , de
» facrifier vos reflentimens ; fuppofé que vous en ayez,
» contre M. de M o u a n s , pour ne pas barrer la fin que
>j je dois defirer de cette vilaine & malheureufe affaire;
»> j ’ai chargé votre coufm du Bourguec 6c autres per-
�37
» Tonnes de nies amis , dans ce pays-la, de la finir ;
” afin de faire biffer le décret lancé contre votre frere;
» c’eff bien affez qu’ un pareil afte aie été , il ne faut:
» pas du moins en laiffcr , s’il fe p eu t, la t r a c e , &
»3 cela peut importer pour toute la vie de votre frcrc : en
*s général les réparations ne font gucrcs prifées par les
peifonncs qui n’en ont pas befoin ,
& ne réparent
>j rien d’ordinaire ; mais quelle que puiffc être votre
»3 façon de penfer à cet égard ou celle de vos confeils,
« vous aurez toujours bonne grâce de facrifier ce qui
>3 vous cil perfonncl pour foulager votre frere , des
» fuites & du fouvenir d ’une affaire dont la tournure
la plus favorable 8c le terme le plus ordinaire eût été
» à le faire condamner à vingt ans Sc jour de prifon.
>» Je vous prie donc , ma fille, de vous conformer en
” ceci à ce que M. du Bourguet vous mandera être
33 néeeffaire, 6c vous m’obligerez en faifant bien ; adieu,
J3 ma fille , j ’embraffe Pauline , 8c falue M . fon pcrc.
» Signé M i r a b ü a u .
Sans des ordres auiii pofitifs, je ne pouvois me difpcnier de fuivre la réparation qui m’etoit duc : on voit
l’opinion qu’en avoit mon perc dans cette lettre ; c’étoic
celle qu’en avoit toute la Province, Si la propre famille d e
M . de Villeneuve M ouans; on a déjà vu ce qu’en penfoie
M . de V iilcncuveTourcttes, dans les pafiages de fes lettres
ci-delfiis tranferits, & dans celle du 8 Septembre 1 7 7 4 .
11 m ’écrivoit dès le 1 5 d'A out précèdent , 33 ce n’e ff,
»3 ni avec moi , ni avec perfonne de toutes celles qui
33 ont
»9
l’honneur de vous connoître , que vous avez
à vous juftificr fur ccttc malhcureuie affaire
,
que
M.
�35
» votre pere la prenne du bon côté 5 &C elle cédera de
»3 vous affliger ,
ôC tournera à la
honte parfaite de
» l’autre «,
M . le marquis de M arignane, m’écrie dans celle du
7 Septembre , que j’ai déjà citée.
» Sa requête (de M . de Villeneuve) cil une horreur,
»5 donc je crois que peu de gens font capables ; c’cft
»5 un tiiTu d’infamies , d’abiurdités &: de calomnies, qui
» mériteroit les peines les plus capitales li cette afîairc
pouvoir fe fjivre en juitice «.
Je devois à madame de la T o u r , de lui faire part
de la lettre de mon pere: elle la communiqua à M . do
Briançon , fon n ev eu , qui en donna avis au comte de
M irabeau fon ami ; voici la réponfe de ce dernier du pre
mier Juillet 1 7 7 5 , que madame de la T o ur me renvoya.
« Je ne viens que de recevoir , mon cher ami , ca
»5
lettre du 1 7 Juin ; j’y apprends avec le plus grand
« étonnem ent, la conduite de madame de Cabris ; ii
îj fon pere elt fon pere , j’ai cru que j’écois fon frere ,
m &. depuis dix mois fous les verrous , je ne fais fi clic
« devoit déferter ma caufe , mais je crois qu’„ellc fe fait
» juitice à elle-même en ne répondant pas à quatre ou
» cinq lettres qu’elle a de moi.
jj
Q uant à t o i, mon ami , je te pardonne un moment
55 de délire , pourvu que ce ne foit qu’un m om en t: tu
*> ignores mes projets, j’ai cru qu’un cœur comme le tien
3> les devoit deviner ; j’ai juré de ne recevoir jamais un
» accommodement ; mais quand celui-ci me paroîtroic
» auiîi convenable qu’il cil ridicule ; quand on m ’auroit
» confukée , ce qu’on n’a pas daigné faire , je ne fuis
�39
» pas foupçonnable de laÜTer là mon ami ; réparation,,
»
mon cher Briançon , &: jurons-nous encore une fois
» une amitié éternelle ; jurons que l’une de nos figna» tures ne fe verra jamais dans cette affaire, qu’acccm » pagnée de l’autre: voilà ma profeilion de f o i , hâte
>3 toi de me répondre &. de me raiïùrer.
m
Je n’ai aucune nouvelle de ma famille , & je fuis
>5 depuis iîx femaines ici ; même f ans, fecours pécuniaire;
h
n’importe , quand j’y ferai trop m al, j’en faurai fortir.
» L ’acte d’amitié que tu projettes ne t’écarte pas de
»> trente lieues ; mais pour mettre à profit cette petite
» perte de tems , paile par Grenoble & Geneves , ru
» verras un pays délicieux , ôc c ’eit la route la plus
droite.
» Adieu mon éternel, Sc peut-être aujourd’hui mon
» unique ami ; je fuis trop en colere pour c’en écrirc
» aujourd’hui davantage.
^
Signe .M ir a b e a u fils»
)
C ’eft dans cet état que fut rendue la fentencc du z
O ito b re 1 .7 7 6 , non pas telle que l’ont inférée entre des
guillemets les auteurs du m ém o ire, à la page 10,;, mais
comme je vais la mettre en colonnes à côté 'de cette
copie , pour faire juger de leur exactitude , de leur fidé
l i t é , & du m otif qui les a excités à cette falfification. >
y> Sentence du 2 Octobre
Nous Juge commis par la
» 1 7 7 6 , qui juge le con-
Cour pour remplir le Tribu-
« tumax Ô£ fes coaccufes ,
n al} par Jes decrets & arrêts
n les déclare atteints & con-
du 8 Novembre 1 7 7 + i 4-
�» vaincus du délit articulé
M a i & 1 1 Septembre der
» dans la plainte ; pour ré-
nier
« paration de quoi, les con-
nommés par decrets de la.
« dam ne ¿<7^5 àparoîtredans
Cour tenant la Chambre des
« la falle du Palais royal ,
vacations les $ 0 Juillet & 1 1
Sept, derniers pour le profit
« un jour d’audiencc , & les
en avis des foujfignés
>3 plaids tenans , & enfuite
jj au lieu de Mouans , 8c
du défaut de la part des ac-
sa dans la falle des habitans
repréfentés pour fubir les der
» du lieux de Sartoux , en
niers interrogatoires lors de
33 préfence du Confeil af-
la v i f te de la procédure 3fu r
les ajjîgnations a eux don
nées 3fuivies d'un exploit de
33 femblée , & là y faire des
i3 exeufes 5c demander par33 don à M . de Villeneuve ,
>3 dcfquelles réparations pu
eufés non contumax de s ’ être
is bliques procès verbaux fe«
proclamation 3 avec affiche
le tout fa it par Lantier qui
en a drefféfon procès verbal,
J3 feront dreifés. L e ...........
en déclarant la contumax bien
n , , , ...........effc condamné
33 en i o 1. d’amende envers
33 le Roi , &c 6 o o o liv. d’a-
inftruite contre fieur V ictor
33 mende envers l’accufa-
aux objets fournis par les
33 tcur ; le Heur Briançon
trois accufés non contumax,
33 en 4 liv. envers le R o i , 8c
ni a leurs exceptions & dé-
33 6 o o liv. envers l’accufa» tcur; les dames de Cabris
fenfes 3 ayant tel égard que
de raifon a la requête de
” Sc de Roumoulcs en i liv.
plainte du fieur de Vaille-
»3 d’amende envers le R o i ,
>3 &C 300 liv. chacune d’a-
neuve 3 & h fe s fins civiles >
»3 mende envers l'accu fa -
rabeau contumax 3 le fieur
33 tcur. Ils y font tous con-
Jofferandy
de R iq u c t i, C o m te de M i
rabeau , fans nous arrêter
en déclarant Le fieur de M i
Briançon 3 la
dame
�damnés folidaircment ,
ainfi qu’aux dépens ; &
jufq u’au p a y e m e n t, les
dame de Cabris, & la dame
de Graffe la Tour atteints
& convaincus , fiv o ir , ledk
deux dames , & le fieur
fieur de Mirabeau
Briançon , fon t condam-
infulté de deffein prémédite
nés y fuivant les ufages
le fieur de Taille neuve dans
de Provence , à tenir les
un de fe s domaines enclavé
arrêts de la ville.
dans fon f i e f , d ’ en être venu,
d ’ avoir
à cette occafion , aux prifes ,
& de l ’ avoir enfuite excédé
de coups ; ledit fieur Brian
çon , la dame de Cabris & la
dame de la Tour d ’ avoir participé au dejfein où étoit ledit
fieur de Mirabeau d ’infulter ledit fieur de Villeneuve , &
d ’ avoir autorifé ledit dejfein , en réparation de quoi avons
condamné les accufés a comparoître dans la fa lle du Palais
ro y a l, un jour d ’ audience , le p la id tenant , en la préfence
du fieur de Villeneuve , f i bon lui femble , ledit fieur de
Mirabeau ayant la tête nue, & derrière le bureau, à déclarer
que follem ent 6’ témérairement i l a infulté , excédé de coups
le fieur de V illeneuve , qu’ i l s ’ en repent, & lui demande
pardon ; laquelle réparation fera réitérée aux mêmes formes
dans le lieu de Mouans & dans la fa lle où f e tient le Confeil
des habit ans de Sartoux , ledit Confeil a cet effet affemblé,
a laquelle fa lle ledit Confeil affemblé , lefdits accufés non
contumax feront des exeufes au fieur de Villeneuve ; defi
quelles réparations publiquesil fera dreffé des procès verbaux
féparés ; avons condamné en outre ledit fieur de Mirabeau
a 10 liv. d ’amende envers le Roi , a 6000 liv. d ’ a m en d e
envers ledit fieur de Villeneuve , pour lui tenir lieu des
F
�4*
dommages & intérims ; ledit fieur de Briançon a
livres
d'amende envers le R oi 3 & a 600 livres d'amende envers
h d it fieur de Villeneuve ; & les dames de Cabris & de lu
Tour en z livres d ’ amende envers le R o i , & a 300 livres
d'amende chacune envers ledit fieur de Villeneuve , pour
lui tenir lieu des réparations civiles 3 condamnant les ac
cufiés aux dépens , pour toutes lefquelles adjudications ils
feront contraints folidairement ; & a cet effet ledit fieur de
Mirabeau tiendra les prifons 3 & le fieur de Briançon les
arrêts de la ville ju fq u 'a entier paiement 3 avec inhibitions
0
défenfes a tous les querellés de récidiver 3 fous plus
grande peine. F a it a G rafie dans le Palais ô dans l&
Chambre du Ccnfeil avant midi 3 le 2 Octobre 1 7 7 6 3 ayant
remis la procédure & toutes les pieces civiles 3 enfimble
notre préfente fentence au Greffe. Signé R e v e l le cadet *
Juge commis par la Cour 3 T r a s t o u r , Affeffeur
Guerate ,
&
Affeffeur .
O n voit ici avec étonnement que dans la fcntence
copiée dans le mémoire , madame de la T o ur Roumoules
& m o i , nous fommes d’éclar'ées atteintes & convaincues y
du délit articulé dans la plainte ; (aflaifinat prémédité
fur la perfonne de M . de Villeneuve , ligne
2
5 page 9 )
que nous y fommes également condamnées, madame de
la T o u r & m o i , à paroître dans la fallc du Palais royal
de Gratte , un jour d’aud ien ce, & les plaids tenans, &
enfuire au lieu de M o u a n s, dans la falle des habirans de
S a rto u x, en préfence du Confeil affcmblé , & là y faire
\ des exeufes , O demander pardon.
Et à la ligne 2 2 ; que nous fojnmcs également coi*-
�43
née$ , madame de la T o i# &C m o i, à garderies arrêts
de la ville ju fy u ’au paiement des réparations civiles & des
dépens.
Il n’cft pas jufqu’à la note mifc au bas de cecre même
page i o , où l’on fait une grande diflertation pçur m ’actabler d’injures, fous prétexte de l’amende prononcée par
cette fentence ; fans s’épuifer çn citations d'autorités, Qfl
po uv oi t
en trouver une dans l’article 7 du tit. x 5 dç l’or-r
donnance de 1 7 7 0 qui apprend qua l>m.çndç fl’eft point
infamante quand elle n’eft: pas confirmée par arrêt, quanti
elle n’eft pas jointe à une condamnation fur qn dçlic jn-r
famant. Toutes les charges de l’informatiot} de M . d«
Villeneuve contre madame de la Tour & moi fc bprnçn^
i dire que pendant fa querelle avec lç (leur de Mirabeau
nous avions ri dans un lieu d’où nou? np pouvions cepen
dant ni les voir ni les entendre.
J
Je ne dois pas oublier içi que la cabale qui minoiç
notre m a ifo n , étoit (ï co n n u ç, que M . de T o m c tte s c>
par fa lettre du 1 1 A oû t 1 7 7 4 , me m arque: « ççttç
»
affai re eft d’autant plus défagré^ible , que vous êrcs
»> entourés de gens abominables, ô£ çapablçs de to.y.tcs
?» fortes d’ipiquités.
Q U A T R I E M E
F A I T .
L a dam? de Lombard> douairière de Cabris > prétend
que pendant mon féjour à Lyon en 1 7 7 6 j ’ avois forcé la.
police a fuivre rfies pas ; elle fa.it de Içngs détails de prér
fendus prçcès verbaux qu’elle fuppqfe fq its a cet égard
tant par la, Police de Lyon que par c$llç de Paris i clic
Fi j
�t4
copie même en guillemets 3 a la page / j
M u r on.
'
j
celui du fie tir
'
Je ne puis & ne dois répondre à cc fait que par la
plainte que j’ai rendue, Sc par la réparation authentique
que j ’en attends de M . le Lieutenant Criminel. Si je me
livre ici à quelques réflexions, cc ne fera que pour dé
montrer l’abfurdité Sc la fauflecé qui naiflent de ces écrits
mênics.
'
M'. le M arquis‘de Mirabeau fit partir le 6 Juillet 1 7 7 6 '
le' fleur Muron , lui troïfieme ^ à la pifte du comte de
Mirabeaiu fon fils , qui s’étoit échappé du château de
Jtauir. If' j>afôît par une lettre écrite à M. le marquis de
Mârignanhé le 9 Septembre fu iv a n t, imprimée dans un
inémoire de la comtcflc de Mirabeau contre fon mari ,
pages 10 Sc fuivantes , ’»j qu’ils le fiiivircrit en S a v o ie ,
»j en Dauphiné , à Lyon Sc en P ro ven ce , qu’ils revinrent à Lyon où', fur clés avis Jqu’iPgagnoit les échelles
*> de Savoie Sc les Verrières de SuifTe, les chargés d’ordré
« y coururent.
C ’étoit donc contre le com te de Mirabeau que le iieur
Muron étoit envoyé. f
Ces chargés d ’ordre n’en iivoienr point contre moi ,
& n’en pouvoient point avoir; une femme en puiiTance
d’un m a r i, qui ne fe plaint pas,'qui ne parle d’elle qu’avec
,lcs expreflions du rcfpcdt Sc de l’cftimc , une femme qui
joint à ces témoignages domeftiques ceux des deux fan lillcs, & de toutes les perfonnes dont elle cft connue ,
ne peut avoir à fes trouffes des Infpecteurs de Police.
Il cft donc abfolumcnt faux que le ficur Muron Sc fes
adjoints avent drefle procès-verbal de mes démarches.
�45
Le procès verbal dont parle le libelle , aujourd’hui
fuppofé entre les mains de mes A dverfaires, n’effc donc
qu’un être de raifon , une piccc fauiîc , fabriquée dans
l ’obfcur'ité , pour fc préparcredes armes controinnoi , &
s’ il étoit poiïible qù'cllc-fût reuêtuç d e ! lafigmiTurc d’un
officier de Police , ce ne (croit que Je fruit de la préva
rication de de la coupable-complaifanceipour celui, qui le
payoir.
. . .
-t
Je ne veux pas d-autre prouve de la non exifter.ee de
ce prétendu procès v e rb a l, que l’ordre du Roi .décerné
contre moi le i 9 Juin 1 7 7 7 , à la follicitation de mon
pcrc & à l’infçu de mon m a r i, 6c révoqué quatorze jours
jours .après:(lé 4 Juillet) , fur /na'fimplc rcpr6fcncatipn ,
avant que mon mari , alors en Provence , eût pu ctt.êtrc
inftruit.
* ■.
. r
^Si le procès verbal eût exifté, le gouvernement auroitil refté onze moits £aus fôvir contre moi,, 6c fe fçroic- il
contenté d’un exil de quatorze .jours ?
,
Si je pouvois defeendre juiqu’à me juftificr, jc..n’aurois befoin que des lettres ci-devant citées ; on y vo.it mon
pere lui même , faifant l’éloge de ma conduite, exigeant
de moi des facrifices.
L a famille de mon mari me témoignant la plus grande
confiance, 6c prenant part aux chagrins domeftiques que
j’éprouve. M . de Vauvenargucs m ’écrit dans fa lettre
déjà citée , du i ‘4 Juillet 1 7 7 4 .
» Il ne me refté qu ’à vôus dire combien je fuis atten>» dri Sc touché de votre confiance 6c dé votre lituation.
n Vous pouvez avec liberté 6c sûreté , foulagcr votre
y> cœur dans le mien ; vos peines me font auifi fenfiblcs
�4^»
» que. . . . . . C e p e n d a n t mq. chert co’uÆne , nç l’abîïR’3 donnez p a s, il feroic perdu. La crainte Jcule qu’inf« pire une .Femme refpeâfcnblp * ppjt -quelquefois' arrêter,
v un m ari ; le -votre s’éloignera de vous , tournera ,
v changera de plan ^ d ’amis , 6c! d’habitudes , comme
» un malade qui ne trouve point de bonne plaçc , cet
v état cruel..le forcera de reyenir k vous :; je le délire ,
« je Pefpere.............. Mais en tout , ma chcre coufinc ,
» ouvrez-nous à. moi fans crain te, vous je poyvp:£ aveç
v affûta ne e ; quelque 'vertueuie que foie une am«?, elle
»> ne trouve pas toujours en elle - même de quoi ic
») fuffire.
Le même marquis de Vauvenargues m ’écrivoit le i 6
JuiHet i 7 7 4 :
»» Au furplus , ma chere co u fin e, votre conduite visn
vis de votre m a r i, & relativement-à. tous fes intérêts,
m eft âdlive , éclairée & refpc&able à tous égards, mon
■
a témoignage eft inutile pour le prouver, ce font dei
»5 vérités connues que j’ai atteftées , que j’attefte 6c que
» j’attefterai tant , & à qui il vous plaira.
On a vu quelles étoient les expreflions de celles de
M . de Totirrettes & des autres perfonnes avec qui j’étois
en correfpondance pour les malheureufes affaires de ma
famille.
La dame de Lombard , douairière, m’écrivoit à Lyon,
enfuite à Paris en 1 7 7 6 & en 1 7 7 7 .
D ans ia lettre du t 7 M ai 1 7 7 6 elle $ t : y ce feroif:
» une grande faxisfaction 5c confolation pour moj d#
» vous voir jçi d.ins quelque tems , que vous y fuifie.?
�*
47tranquille & comme vous devez y être ; voilà , m a
»> chcre fille, tous mes fouhaits.
J’ai déjà imprimé une autre lettre du 2 Janvier 1 7 7 7 ,
oii elle me marque ; « que c ’cil avec le plus v if intérêt
»» qu’elle reçoit le témoignage de mon amitié ; rien
« n’égale ( ajoutc-elle ) le plaifir que j’ai de favoir que
a
vous jouiriez d’une bonne fanté dans l’endroit où vous
*5 ères , fi ce n’eft celui que vous me cauferiez étant
« avec nous. Si le Seigneur daigne exaucer mes vœux ,
» vous jouirez de la vraie félicité pour tous les te m s,
*3 Pauline dit que. vous venie%, que vous venie\.
Je ne rappelerai point ici les certificats des rclîgieufes
^c la DeiTerte à Lyon , de Popincourt à Paris , & de
Siftcron.en Provence, couvcns où j-’a l demeuré -'pendant
le tems que je n ’ai pas été avec mon mari ; j’ai déjà été
forcée de les imprimer ailleurs , & je le ferai même de
rappeler le d ern ier dans un inftant.
A -t-on ofé fe permettre l ’affrcufc aiTertion ( inférée
page 1 9 , ligne 19. da m ém oire) quo mon mari s’éroit
éloigné de moi ! a t on pu oublier que le 3 1 Mars 1 7 7 6
il m ’envoya auprès de ma mero alors malade & à la
fuite de ics aiïaires à P a ris , que le n M ai 1 7 7 7 , il
me marquoit : « ma mere avec qui vous avez eu uti
53 con)mcrco fuivii de lettres-, m ’a dit pluficurs fois que
»i - vous n’étiez pas éloignée de revenir, èc m ’a même
«
montre des lettres qui confirmoient fon difeours. Je
w deiircrois que- vous vous mainteniez toujours dans ce
i» ü n tim çn t t &C que vous exécutiez promptement vorrç
*i projet.
Q u e le 4 A o û t 1 7 7 7 il écrivoit au marquis de M*-
�. 4?
rabcau de fa propi;c main , pour (e plaindre de l’ordre qui m ’avoic exilé de Paris : » fans les égards que ma
» femme conferva pour vous, & qu’elle m ’oblige à par» tager , je vous aurois déjà dénoncé au Tribunal de
« NoiTeigncurs les Maréchaux de France , je vous y
» anrois dénoncé comme le perturbateur de mon repos
» domeftique , le calomniateur de ma femme , d’une
« femme que je refpe£te.
M on mari adrefla en même tems des repréfentations
aux M inières du Roi fur cette furprife faite à l’auto
rité , &. leur envoya copie de fa lettre à M . le marquis
de Mirabeau.
C I N Q U I E M E
F A I T .
M on e x il a Sijleroti ; lettre de la Supérieure du couvent
ou j ’ étois ; entrée de Madame la marquife de Limaye pen
dant la nuit dans ce couvent.
Les auteurs du mémoire s’oublient fur les motifs qu’ils
veulent donner à ma détention.
A la page i 5 , premier alin éa, voici ce qu’ils en difent : » tous fes parens defircrcnt fauver leur honneur Sc
« le ficn qu’elle compromettoit à A ix dans le cours de
» l’année 1 7 7 8 , ils obtinrent un ordre du R oi pour la
» faire renfermer dans le couvent des Urfulines de Sii” teron ». (J’étois alors avec mon mari qui fuivoit fou
appel de la fentcncc d'interdiction ; je ne le quittois pas -,
je fus enlevée de fon lit au milieu de la nuit). D ans la
note au bas de la page 4.0 , après avoir raconté l’hiff
toirc fabulcufe , que M . de Cabris m ’étoit échappé au
fpe£taclc
�4i>
fpe&acle , &
av o it couru de loge en l o g e , f a ifa nt des
folies , ils ajo ut en t de fuite : «
les parens
s’ém urcnc
d ’une c o ndu ite qu i les c o m p r o m e t t o i t , ils cr urent né>> ceiTHirede féparer M . de C a b r i s d ’une c o m p a g n e ( q u i
»
le d é f e n d o i t) qui d o n n o it à fes malheurs une publ icité
33
Ci affligeante , q u ’ils fc réunirent & o bt in re nt du R o i
33 un ordre de la con du ire dans le c o u v e n t de Siiteron »>.
L ’hiftoire du f p e & a c l e , je le r é p è te , eft a b fo lu m e n t fauiïè.
M o n mari y alloit f o u v e n t , il y étoic
c o m m e tous les
autres fpectateurs ; toute la ville d ’ A i x & celle de M a r fcille peuvent l’attefter ; la publicité affligeante étoic dans
les pourfuircs de la cabale' pour l’interdiCtion.
L a c o nt ra di c tio n q ue je viens de relever n’eft: pas la
feule q u ’on puiiTe reprocher fur cet étrange f a it à mes
perfécuteurs.
M . le Bailli de M i r a b e a u , qui a toujours été reconnu
p o u r a vo ir p r o v o q u é de f a it obte nir l’ordre qui m ’enlcv o i t k la défe nfe de m o n mari , éc rit le 6 N o v e m b r e
1782
à la c o m t c f le de M i r a b e a u , fon autre n i e c e , qu i
v o u l o i t être féparée de fon m ar i : 55 vous êtes fa f e m m e ,
«
nulle autorité fous le ciel ne fauroit difloudre le lien
35 qui l ’a tt a ch e à vous , de vous à lui ; le Souverain lui»5 m ê m e ne le pourroit que par un acte de tyran nie
35 inouïe.
Je m ’interdirai tou te réflexion fur cette religion de
circonitance.
E n c o pi a nt la lettre de la Supérieure du c o u v e n t de
Siiteron au M i n i f t r e , page 1 5 , les auteurs du m é m o ir e
auroient du dire que cette religieufc n’ a v o i t été a p p e l é e par
les intrigues de la c a b a l e , du f o n d du L a n g u e d o c où elle
G
�5®
îWoit fait profeffion , que pour exercer fcs persécutions
contre moi.
Ils aur oicn t dû dire q u ’après que j ’eus obt en u la révo
c at ion de l’ordre du R o i , cette Supérieure voulu t m e re
tenir du iien p a r t i c u l i e r , m a lg ré les repréfentations du
S u b d é lé g u é de l’i n t e n d a n t , porreur de cette ré vo c at io n ,
q u ’elle ne cé da q u ’à la crainte d ’un tu mu lt e o<?cafionné
par plus de cin q ce nt perfonnes raflemblées qui s’é toient
tranfportées aux portes de m o n c o u v e n t fur le bruit de
m a liberté répandu dans la ville , 6c q u ’il fallut q u ’on
m e portât aux fenêtres pour appaifer l’in d ig n a t i on du
p e u pl e , qui fa vo it que m o u r a n t t depuis trois m o i s , on m e
refufoie des bouillons £c un médecin.
J’opp polerai à cette le ttre, dictée par la cabal e m ê m e ,
une lettre écrite par la Supérieure précédente au m ê m e
M i n i i t r c , le : o D é c e m b r e 1 7 7 8 :
» M o n i c i g n c u r , je viens de recevoir une lettre de M . de
'»3 la T o u r , In t e n d a n t de cette p r o v i n c e , par laquelle il
«
m e fa it part d ’un ordre de Sa M a j c f t é , pour refufer
îj d o r é n a v a n t à m o n parloir l' a vo c a t d u R o i de ce tte
»
v i l l e , qui éto it en ufage de venir co nfé rer en m a pré-
»
fe nc c a v e c m a d a m e la ma rq u ife de C a b r i s , enfuitc
»
d ’un de cret du P a r l e m e n t , 6c d ’une lettre de vo tre
«
part à M . de la T o u r qui l’y autorifoit en a p p ro u v a n t
”
le decret : j ’ai o b é i , 6c M . l’a v o c a t du P«.oi ne verra
M plus m a d a m e de Ca br is .
” Je crois de voir à la vérité 6c aux
>3 marq uife de
55
intérêts de la
C a b r i s que j ’eftime p r o f o n d é m e n t , de
prendre fur moi d’avoir l’hon neur de vous écire
,
Mon-
>3 f e i g n e u r , pour vous certifier q u ’a y a n t toujours été pré-
�51
» fente aux co nférences de M . D e y r a u d a v e c m a d a m e la
»> mar qui fe de C a b r i s , 6c pré fi dé, c o m m e je le d e v o i s , à
” toutes leurs relations , je n’ai jama is rien vu ni c n u tendu qui ne fût dig ne des fentimens de l’un 6 c de
u l ’a u t r e, 6c qui pût porter la mo in dr e atteinte aux ordres
» de Sa M a j ef t é .
»> Je dois encore avoir l’honn eur de vous aifurer que
>» depuis dix mois que cette d a m e cft détenue dans m a
m maifon , elle s’y cil fa it g é n é r a le m e n t refpc£ter 6c
53 aimer , q u ’elle réunit toutes les qualités du c œ u r 6c
» de l ’e f p r i t , que fa p i é t é , fa do uceur 6 c fa foumiiîîon
» aux ordres de Sa M a j e f t é nous édifient tous les jours :
« ces difterens t é m o ig na g e s font con iîgné s dans pluiieurs
» de mes lettres à M . de la T o u r , 6c je ne do ut e pas
» q u ’il ne vous en ait rendu c o m p t e , c o m m e je l’en ai
» chargé.
O
»
V o t r e juftice
&
votre
»s M o n f e i g n c u r , vous feron t
»
bienfaifance fi connues ,
pardonner , j ’cfpere , la
liberté que je prends de vous adrcilcr cette le t t r e ; m a
>5 c o nf c ic nc e cft en ga g é e à vous faire parvenir un té mo i”
S naS c dû » &
peut-être cft de venu néccfïaire ,
»
puifque je fuis feule à portée de juger m a d a m e de
«
C a b r i s , 6c de c o n n o ît r c la vérité ; je fuis d ’ailleurs
»> entièrement défintérefTée dans des affaires bien étran»
geres à m o n é t a t ; m o n devoir 6c la vérité p o u v o i e n t
»
fe u ls
me forcer de m ’en occuper.
Je fuis avec un très-profond r c f p c d ,
Monfeigncur ,
V o t r e très-humble & très-obéiflante f er va nt e,
Sœu r A i l i e r , Supérieure du monafte re de Ste. Urfule.
G ij
�52
Je puis oppofe r encore une lettre écrite par la m ê m e
Supérieure à M . de la T o u r , In te n d a n t de la province ,
ch a rg é de faire e xéc ut er les ordres décernés contre moi.
U n certificat de cette m ê m e Su p éri eu re , préfente aux c o n
férences q u ’il m ’a v o i t été permis d ’avoir a v e c M . D e y raud , A v o c a t du R o i , que le P a r le m e n t a v o i t n o m m é
pour m o n C o n f e i l , un certificat de toutes les religieufes
fans ex ceptions , fur la maniéré d o n t je m e c o m p o rt o is
dans le c o u ve n t ; enfin celui de tous les gens d e - c o n d i
tion , h o m m es en place & notables de la m ê m e v il le , du
9 Fé vrie r 1 7 8 1 ,
fur la réquifition de M M . les co m te s
de G r u e l , pcrc & fils , à qui j’ai l'honneur d ’a p p a r te n ir ,
du c h e f des M i r a b e a u ( ce dernier fy n d i c de la noblcfle
du D a u p h i n é ) ; Sc d ’après l’expofé qui leur eft fait de la
lettre écrite pa-r la d a m e A u g i e r , Supérieure , d o n t ils
11’héfitent pas d ’attefter la fa u île té.
il eft néceflarrc de diftinguer la dame Aftier de là
dame Augier qui lui a fuccédé.
L e t t r e de Madame A/lier a M . l'intendant de
Provence.
i) M o n f i e u r , j ’ai reçu la lettre que vo us m ’a v e z fait:
»
l’honn eur de m ’é c r i r e , en da te du 1 5 de ce m o i s , les
”
intentions du R o i f o n t remplies , M o n fi e u r D c y r a u d
”
ne voi t plus m a d a m e la m a r q u if e de C a b r i s , je fuis
>5 bien éloignée d ’ofer réfifter à des ordres fupérieurs.
« J’ai déjà eu l’honneur de vous aiTurer, M o n f i e u r %
»
q u ’il ne s’étoit c o m m i s aucuns abus dans les relations
«
qu e m a d a m e de C a b r i s a eues ave c le iîeur D c y r a u d 3
�53
”
conformément aux in tentions du P a r l e m e n t 8c h 1%
”
première a p p r o b a t io n du M i n i f t r c ; la fam il le a b f e n t e
,J
ne peut pas connoîcrc aufli bien que moi la vérité ,
13 &
je puis feule certifier c e qu i s’eft paiTé fous mes
»
yeux ; je mé rite d ’auta nt plus de cr o ya nc e que j ’étois
»
charg ée
»
porté d ’autre i n t é r ê t dans cette a f f a i r e , que ceux de
«
m o n d ev oir &
»
M . A m c l o c Sc la fam il le que les no u v e a u x ordres feront
»
e xa c te m e n t ob fervés , c o m m e l’onc toujours été ceux
»
que vous m ’a v e z fait l’honneur de m e c o m m u n i q u e r .
»
Je fuis av e c un p r o fo n d r e f p c d ,
d ’e mp êc he r les abus , 8c que je n'ai j a m a i s
de la ju fticc ; vous
po u v e z affurcr
Monficur ;
P . S. J’ai remis à m a d a m e
Votre
très - hu m b le
5c
d e C a b r i s la lettre que vous
très - o b é i f f a n t e fervante ,
m ’a v e z adreffée pour elle; il
fœ ur de Sr. Jean R . V* S.
ne m ’appartient point de lui
A i l i e r , Supérieure,
do nn e r aucun avis fur Tes
affaires.
C e r t i F I CAT de la Dame A flie r 3 Supérieure.
» Je foufïignée, Supérieure des religieufes du m on af te re
»
de Sainte U r f u l e de cette ville de Siftcron , certifie en
»
f ave ur de la vérité , que depuis le dccrct du Parlement:
»
du 1 4 M a r s d e rn ie r, qui m ’ a été c o m m u n i q u é le pre*
»
mier A v r i l , par lequel il a été permis à m a d a m e la
»
ma rqu ife de C a b r i s , dé ten ue par ordre du R o i dans
�14
ce. m o n a f t e r e , de co nfé rer a v e c fon C o n f c i l fur fes
a ff a ir e s, 6c depuis le c h o i x que ladite d a m e de C a b r i s
a f a it de M . D e y r a u d ,
A v o c a t du R o i au Siège de
ce tt e v i l l e , pour fon C o n f c i l , je n ’ai jamais rien vu
ni e nt e nd u dans leurs différentes co nférences ou j’ai
affifté , f u i v a n t
l’intention
du P a r le m e n t , é no ncé e
dans le fufdit de crct , qui ne fût c o nf o rm e à la d é
ce nc e & qui pût faire fufpecker les fentimens & la pru
dence d ud it Heur D e y r a u d ; que le fujet le plus ordi
naire de ces co nférences é t o it les affaires de ladite
d a m e ; que les confeils 6t les d é ma rc he s du fieur D e y
raud o n t toujours été c o n fo r m e s a u x
ordres de Sa
M a j c f t é , 6c dirigés par le r c f p c d qui leur cil: dû ; élo i
gn és des partis violens ,
8c feu lemen t a c c o m p a g n é s
des motifs de c o nf o la t io n propres à adou ci r les peines
de ladite d a m e de C a b r i s , & q u ’enfin la c o nd ui te d u
ficur D e y r a u d , dans fes relations a v e c ladite d a m e ,
a été fi ex aéï e 6c fi p r u d e n t e , que je ne fan rois croire
q u ’il ait pu don ne r lieu à la mo in dr e plainte de la parc
de qui que ce foit ; en foi de quoi j ’ai fait le préfent
c e r t i f i c a t ; à Siftcron ce
x o A o û t 1 7 7 8 , jignè fœu r
de St. Jean , A i l i e r , Supérieure.
CERTIFICAT
de toutes les Religieufes du Couvent
de S i fier on.
« N o u s fouffignées Supérieure , Ai fiftante , & toutes
«
nos Sœurs profeffes du mona fter e de fainte U r fu l c de
»
cette ville de Sifteron , déclarons 6c certifions que
m
m a d a m e la marquife de C a b r i s , p e n d a n t fo n iéjour
�u
”
dans notre c o u v e n t , où elle eft dé tenue par lettre Je
”
c a c h e t , mène une c ond uit e exemplaire , q u ’elle pra -
”
tique les exercices de religion , des vertus morales &
”
c h r é t ie n n e s , & obferve toute la d é cen ce & la dig ni té
»
q u ’on d o it attendre d ’une f e m m e de fon rang , que fa
»
do uceur 8c fon h o n n ê te té la f o n t chérir de toute notre
>3 c o m m u n a u t é , 8 c que ce ne feroic q u ’avec le plus v i f
>3 regret qu e nous la verrions iortir de c h e z n o u s , il* clic
>» éto it transférée dans un autre co u v e n t. En foi de quoi
33 nous avons, fait 8c figné ce préfent certificat. A Sille >3 ron le 20 M a i 1 7 7 8 ^¡ignées fœur de Sa int J e a n ,
»3 A i l i e r , Supérieure ; fœu r du St. E f p r i t , H u g u e s , A f >» fiftante ; fœur du St. A m o u r , D e y r a u t , Z e l a t r i c e ,
33 fœ u r de Ste. A g n è s , Berticr ; fœ u r de St. X a v i e r , de
»3 B r e m o n t ; fœ ur St. C h a rl e s , C r u d y ; fœu r de St. A u »3 g u i l i n , B o r e l y ; fœur du S a c r é - C œ u r , C o n f o l i n ; iœ ur
»
du Sa uve ur , B o i s ; fœur de St. P i e r r e , de C h a m p c l o s ;
»
f œ u r de St. P a u l , de C h a m p c l o s ; f œ u r . d u V e f b e in -
33 c a r n é , de C h a m p c l o s ; fœur de Ste. C c c i l e , F e r a n d ;
>3 fœu r de Ste. R e i n e , M i e u l e ; fœ u r de Ste. O n g e l e ,
33 G u i b e r t ; fœ u r C l e r c , de B e r m o n d ; fœ u r de Sainte
>3 R o f a l i e , L a t i l ; fœu r de Jéfus, Ifourd ; f œ u r de Sainte
»
U r f u l e , de C k a t e a u a r n o u x ; fœu r d e St. J o f e p h , Jacob.
oi;
C E R T I F IC A T des M aires 3 Conftds & Notables de la ville
de Sifieron. ■
»
»3 M o n f i e u r le C o m t e de G ru e l du Sais , & M . le c o m t e
») Jacques de G ru e l fon fils , f y n d i c s . d e la N o b l e f l e du
»3
ha u t D a u p h i n s , oncle 8c coufin de m a d a m e la mar-
�¿6
«
quife de C a b r i s , dé ten ue par ordre du R o i dans le
»
c o u v e n t de Sainte - U r f u l c de cette ville d e .S i f t c r o n
33 en P r o v e n c e , a y a n t appris qu e la d a m e A u g i e r de
33 Ste. C é c i l e , religieufe profeiïe du c o u v e n t des U r f u sj lines de la ville d u P o n t St. E f p r it , en L a n g u e d o c , Sc
33 depuis un an feu le me nt fupérieure du c o u v e n t de Sif"
33 teron , a v o i t d e m a n d é au M i n i f t r e du R o i , dans le
»
mois de N o v e m b r e d e rn ie r, le c h a n g e m e n t de m a d a m e
33 la mar qui fe de C a b r i s , leur p a r e n te , fur le fo n d e m en t
a» q u ’elle m e t t o it le défordre dans la ma if on , &
trou-
33 bloit les exercices divins , en re cev ant au parloir trop
93 d e vifites , èc n o t a m m e n t tou te la m a u va i fe c o m p a 33 gnie de la v i ll e ; les M M . c o m t e s de G r u e l , do miciliés
j> à cin q licucs de cette v i l l e , nous a y a n t prié de dire ce
33 qui effc à notre c o nn o iff a nc e , nous fouiîignés M a i r e ,
33 C o n f u l a & u e l de la ville de Sifteron , &
nous Ex*-
,33 C o n f u l s & autres N o t a b l e s de lad ite v i l l e , certifions,
-•> en f ave ur de la v é r i t é , que la c o n d u it e de m a d a m e la
,33 ma rqu ife de C a b r i s , depuis fa d ét en ti o n au c o u v e n t *
»
lui a attiré l’a t t a c h e m e n t Sc le refpc£t de toute la
»
ville , q u ’elle ne voi e au parloir que ce q u ’il y a de
53 gens c o m m e il f a u t , d ’honn eur 8c de probité , que
33 toutes les^perfonnes de d i f t i n û i o n , no n f e u le m e nt de
33 ce tt e v i l l e , mais en core celles qui y o nt pafle., n’o nt
33 pas m a n q u é de l’aller v o i r , q u ’elle efk l’objet .de la
55 véné ra tio n publ ique , &C q u ’ il par oît q u ’il ne peut y
avoir eu que de vils calom niate urs qui ayent fug géré
33 c o n t r’cllc des délations fecretes ; certifions en o u t r e ,
7) q u il eft de no t o r ié t é pu bl iqu e q u e ladite d a m e m a r
quife
�57
3>. quifc de Cabris donne à la mai fou de .Sainte Urfulc
,J quinze cenc livres de penfion pour elle &C fa femme
M de c h a m b r e , &C qu’elle y cft fi m a l logée , ii mal cou« chée , fi mefquinement nourrie , & ii négligée dans
5j fes maladies , qu’il paroît , eu égard à ce que coûtent
33 les vivres dans cette ville', 8c à la penfion ordinaire
33 de cent quatre-vingt livres fixée dans ce couvent pour
3j les penfionnaircs , que la communauté gagne , fur les
« 1 5 0 0 liv. au moins les deux tiers ; en foi de quoi , 8C
3j à la requête des iieurs comte de G r u e l , avons figné
33 le préfent c ertifica t, pour fervir Sc valoir ce que de
s? raifon , fait contrefigner par notre fecrétaire, 8c ap33 pofer les fceau Sc armes de la ville : à Sifteron le 9
33 Janvier 1 7 8 1 . Ainfi fignés Bcrard de St. Denis , M .
« Conf. ; Juflert, M . Conf. ; F u q u c t , Conful ; F. S. Im33 bert , E x -C o n fu l ; R c g n is , E x - C o n f u l ; Deiraud ,
33 Confeiller 5c A vocat du Roi au Siège ; Richam La*
33 plaile, D irc& eur des dames de la Vifitation; Pellegrin,
33 C h evalier; Deroux des Com tes d e 'L a r ic , Lieutenant
33 des M aréchaux de France ; Chevalier de Caftagny ,
y* ancien Capitaine d’infanterie; T o u rn a d rc, Capitaine
33 au Corps royal du génie ; H a t c l , premier Conful en
” * 7 7 9 i G om bcrt , Ecuycr ; Bezadc de Mazicres ,
53 Confeiller du R o i ; Ricaudi , A v o c a t au Parlement
« de Paris, LaplalTe , A vocat ; le Prieur Laplafle ; Ven*
33 tavon ; R ic a u d y , Lieutenant C r im in e l; C a f t a g n y ,
y» Chevalier de l’Ordre de Saint Louis; C a f t a g n y , Prêtre;
33 R ic a u d i, Chevalier ; B a r le t, Prieur ; le Chevalier de
33 Verneuil , Capitaine d’infanterie ; Deleuze , ancien
33 Officier d’infanterie ; Deleuze , Officier d’infanterie j
H
�58
» Gantianne , Chanoine théologal de la cathedrale »
îj
Regnier , A v o c a t ; Vormerdre.
E n marge ejl écrit > contrôlé à Paris le 9 Fevrier 1 7 S 1»
reçu 1 4 fols. Signé L e z a n .
• Il cft ainfi audit certificat légalifé , certifié véri
table, figné & paraphé , & dépofé pour minute a
M c Pijcau , l’un des Notaires à Paris fouiîignés ,
par a£te de ce jourd’hui 9 Février 1 7 8 1 ; le tout
étant en la poiTeiüon dudit M e Pijcau , Notaire.
A i n f i [ignés
D eyeux
&
P ije au ,
N o ta ire s,
avec
paraphes : ù en marge eji écrit 3 contrôlé lefdits
' jour & an ,
J’avois eu la liberté de recevoir an parloir les vifites
des perfonnes qui me faifoient l’honneur d’y venir ; la
lettre de la dame Augier , Supérieure , avoit produit
l’effet que la cabale en avoit efpéré. M adam e la marquife
de Limaye , ma parente (du côté de mon pere) venoit
fouvent d’A ix me confolcr dans ma retraite : a la fin de
D écem bre 1 7 8 0 , elle pafle au château de Mirabeau fur
fa route ; M . le Bailli de Mirabeau , inftruic de fou
projet, lui apprend que le parloir m’eft interdit: elle foutient qu’il ne doit jamais l’être pour une femme comme
elle : elle arrive à cheval à cinq heures du f o i r , le 3 1
Décembre : elle fc préfente à la porte du cou ven t, on la
lui refufe : elle retourne à fon auberge, fait porter par un
payfan une échelle quelle applique au m ur, au bas d’une
fenêtre de hauteur d’homme , elle en cafle les vitres ,
le payfan , porteur de l’échelle, s’en retourne à l’auberge
avec fon laquais.
�59
M adam e la marquife de Lim aye dans les corridors du
cou vent, ne fait où inc prendre, elle frappe à routes
les portes, &: me demande p artou t, une religieufe & ma
femme de chambre la rencontrent; cette dernicre la con
duit chez moi.
M adam e de Lim aye s’étoit blèiïee à la jambe par la
chute d ’un cheval , je la fis mettre au lit ; le lendemain
dès le m a tin , j’en avertis la Supérieure , & je la priai de
faire fortir madame de Limaye fans éclat ; elle me le
promit.
D ans le même inftant qu’elle faifoit cette promeiTc ,
elle donna fa requête à M . le Lieutenant-Général de la
Sénéchauflee, pour requérir fon tran fport, ôC recevoir fa
pl ai nre.
Elle reçut dans l’intervalle la vifite de madamé de
Lim aye au parloir , qui lui fit des exeufes de ce qui s’étoic pafle y Sc à. laquelle elle promit encore de ne faire
aucun éclat.
PromeiTe artificieufe : les Juges arrivent, & la plainte
eft rendue avec tput l’éclat & tous les cara£teres qui pouvoient l’aggraver.
O n dreile le procès verbal des prétendues effra&ions
commifes dans le couvent, elles fe bornent à quelques
carreaux de vitres.
Preuve que madame la marquife de Lim aye étoit
connue dans fon fexe & dans fa qualité.
L a déclaration que la Supérieure en fait elle-même
dans le procès verbal.
H ij
�Co
■EXTRAI T des rsgifires du Greffe du Siege de Sifleron.
A
M o n sieu r
le
L ieu ten an t-G én éral.
Supplie humblement dame de Sain te-C ecilc Augicr ,
Supérieure du Monaftcrc de Sainte Urfulc de cette ville
de Sifteron :
Remontre qu’elle .eft chargée de veiller à la sûreté &
au bon ordre de fa maifon ; & s’étant apperçue que des
étrangers qui y font actuellement, s’y font introduits pen
dant la nuit, elle vous requiert d’y accéder avec les Gens
du Roi , pour lui concéder verbal dudit fait : à l’original
figné fœur de Sre. Cccile , Augicr , Supérieure.
Soit montré au Procureur du R oi à Sifteron le 3 1 D é
cembre 1 7 8 0 , Signé Iiarlet de la Cazette à l’original.
V u la requête ci-deflus & le d e c re t, nous requérons
qu’il foie accédé audit couvent en notre compagnie, ppur
dreffer procès verbal de la plainte ci-deiTus , & avons
iigné à Sifteron les fufdits jour Sc at\: fignés L a t i l , Confeille r, & P. D . R à l’original.
V u la plainte ci-deiTus, notre d e c re t, & les conclu
rions
dudit Procureur du Roi :
Nous Lieutenant particulier, en l’abfence, ordonnons
qu’il fera par nous tout prélentemcnt accédé , en com
pagnie dudit Procureur du R o i , de notre Greffier fuivi
de l’ H u i f l î c r de fcrvice au monaftere de Stc. U rfulc, pour
y procéder relativement à la plainte ci-defl'us : à
Sifteron
le 3 1 Décembre 1 7 8 0 •>figné Barlct de la Gazette à l’ori”
ginal. Collationné figné Jacob.
�61
Nous Charles-François de Burles, C h e v a lie r, C o n
seiller du R o i , Lieutenant-Général au Siège royal 6c Sc>
néchauiTée de la ville de Sifteron en P ro ven ce, certifions
à tous qu’il appartiendra , que M c Jacob qui a expédié ,
collationné 6c figné l’extrait c i- d e flu s , cft Greffier en
c h ef audit Siège 6c SénéchauiTée , aux écritures & fignatures duquel foi doit être ajoutée tant en jugement que
hors d’icelui ; en foi de quoi nous avons fait £c figné le
préfent, contrefigné par notre fecrétaire, 6c fait appofer le
fccau de nos arm es, pour fervir 6c valoir ce que de raifon.
Fait 6c donné à Sifteron dans notre hôtel le i 5 Février
1 7 8 4 . Signés de Burles 6c H ern cl, Secrétaire.
E
X
T
R
A *1
T
des Regifires du Greffe du Siege de Sijleron.
D u 31 Décembre 1 7 8 0 ,
à Sifteron , Nous Picrrc-
Jofeph Barlet de la Cazette , Confeillcr du Roi , Lieu
tenant Particulier au Siege royal 6c SénéchauiTée de la
ville de Sifteron , en abfencc, en compagnie de M e Jofeph-Gafpard Latil , Confeiller 6c Procureur du Roi ,
6c de M c Jean-François Jacob , Greffier en chef audit
Siege 6C Sénéchauilee, fuivis de l’huiilier de fcrvice , nous
étant rendus au monafterc de Sainte-U rfulc, fitué hors
les remparts de la ville : eniuite de notre ordonnance
de ce jour au bas de la requete, de plainte a nous p o r t é e
par dame de Sainte Cecile Augier , Supérieure dudic
monafterc , 6c par laquellejadite dame nous r e q u i e r t de
vouloir
accéder audit couvent ; ou étant a r r i v é s
eu
�6i
compagnie de qui dcffus , nous nous ferions fait annon
cer par Phuillïcr qui eft à notre fuite , &
feroit comparu-e la dame fupcricura
qui
a l’inftant
nous auroit
fait ouvrir les portes dudit monaftere , ôc nous auroïc
conduits dans la falle capitulaire ou nous aurions trou
vé dame Hugos , fœur du Saint - Efprit , affiftante
dame d’Eyraud , fœur du Saint - A m our , zélatrice ,
&
dame Confolin , fœur du Sacré C œ u r , économe ,
dame B orely, fœur de Saint-Auguftin , confeillere ; la
dite dame fupérieure en préfence des dames ci-dellus
nous auroit requis de vouloir recevoir juridiquement fa
plainte; à quoi adhérant , elle nous auroit expofé que
le j our de hier , environ l’heure de huit du foir , l’on
vint frapper à la porta dudit monaftere , qui vife fur le
grand chemin , que la fœur de Notre-Dame , tourriere
dudit monaftere , accourut au bruit & demanda à ceux
qui frappoicnc , ce qu’ils demandoient , &. lui ayant
écé répondu d’ouvrir les portes ; ladite fœur répliqua
qu’on ne le pouvoir pas attendu qu’il écoit cxprcflemenC
défendu d’ouvrir les portes à cette hcure-là , que ladite
fœur de N otre-D am e s’apperçue alors que l’on avoir
frappé fi rudement que l’on avoit fait fauter la fèrrrure
de la première porte de la cour ainfi qu’un areboutant ;
que ladicc dame fupérieure , avant l’heure du coucher ,
fit faire la vifite dcfditcs portes dudit monaftere, qu’elle
fie refermer tout de fuite , que ladite dame fupérieure
s’étant retirée dans fa cham bre, elle entendit quelque
bruit dans ledit monaftere . . . . que ce jourd’hui à l’heure
de neuf heures ôc demie du m a tin , madame la marquife
de Cabris auroit demandé à parler à ladite dame fup«-
�¿3
Heure en particulier , & lui auroit die qu’elle éroît fort
en peine fur cc qui venoit d’arriver, Sc fur ce qui s’étoit
paillé hier au f o i r , qire madame de L im a ye, fa coufine ,
s’étant préientéc hier au foir pour la demander 6c n’avant
pu la voir , elle s’étoit introduite dans le couvent par le
moyen des échelles qu’elle s’étoit procurées3 accompagnée
de Ton laquais , qui l’avoit aidée à s’introduire dans lcd.
m onaftere, qu’elle congédia auifi-tôt ; que ladite dame
de Limaye pour s’introduire dans le monaftere avoit
brifé les vitres, d’une fenêtre 6c enfoncé un con treven t,
que s’étant introduite par ce moyen dans ledit m onaf
tere , habillée en cavalier : elle avoit frappé à pluficurs
portes, attendu qu’elle ne favoitpas la chambre de ladirc
rnarquife de C a b r is , qu’elle fut apperçue par la
L a t il , fœur de Sainte llo fa lie , 6c par la fille de chambre
de ladite dame marquife de C a b r is , qui eurent l’une 6c
l’autre quelque frayeur de voir une perfonne ainfi déguiféc
à une pareille heure , que la dame de Lim aye fe trou
vant couchée dans fon appartement , elle prioit ladite
dame fupérieure de trouver un moyen pour la faire fortir , ce que la dame fupérieure trouvant fort difficile ,
elle a dit à ladite dame marquife de Cabris de faire
habiller ladite dame de Limaye en fem m e, 6c qu’elle
t â c h e r a i t enfuite do la faire forcir p a rla porte des exter
nes , pour donner moins de fcandalc ; que la dame fupéricurc pour cela faire 6c pour que la chofe fût moins
co n n u e , fît apporter chez elle toutes les clefs des portes
pour qu’elle pût fortir en bonne 6c duc forme , que dans
cet incervalle de tems ladite dame de Lim aye a difparu ;
qu’environ un e heure après ladite dame de Limaye a u r o i t
�64
paru au parloir ,
Si y auroit fait demander ladite da me
fupérieure, 6c que l a d . d a m c d e L i m a y c a u r o i t f a i t d e s excufes, offrant e l l e -m ê me de faire fa déclaration c o m m e quoi
elle étoit entrée
de ne
dans ledit c o u v e n t ,
point faire d ’éclat
6c q u ’elle la prioit
de cette affaire , que
ladite
da me fupérieure ne p o u v a n t ‘ tolérer une pareille voie de
fait ,
6c voulant mettre l’ordre dans le monaftere d ont
on lui a confié l’adminiftration , elle nous requiert de lui
concéder a £ t e , ainfi que de ferment q u ’elle offre de prê
ter fur la vérité d’i cel lc ,
6c a figné à l’original ^figné s c eu r
d e S a i n t e - C e c i l e A u g i e r . , Supérieure.
Ledit
fieur Procureur du R o i a d i t , q u ’il n’c m p ê c h c
q u ’il foit conc édé a£te à ladite d a m e fupérieure, de la
plainte ci-deiTus ,
requérant
fra&urcs
L a t i l ,
en
6c du ferment qu’elle offre de prêter.,
outre qu’ il
foit
dreffé procès-verbal
y m e n t i o n n é e s , 6c à figné à l ’original
des
figné
Confeiller , 6C Procureur du R oi .
E t nousdit Li e ut ena nt Particulier , en abf cncc , avons
c on c éd é a£tc. à ladite da me fupérieure , de la plainte cideffus , 6c du ferment q u ’elle a prêté fur la vérité d ’icelle,
ordonnons en outre q u’il fera procédé à la defeription des
f ra &i o ns ci-deffus mentionnées ,
notre Greffier à l’original
6c J a c o b
Et
,
,fignés
&
avons
B a r le t de l a
figné
avec
C a z e tte ,
Greffier.
procédant à la defeription
ci-deffus ,
ordonnée ,
nous nous ferions rendus dans une c hambr e dudit m o n a f
tere dont la fenêtre vife fur le jardin du c o t é du l e v a n t ,
& aurions trouvé la fenêtre de ladite chambr e c ompo fé e de
d o u z e carreaux dont fept vitres on t été brifées 6c* rem
placés
tout récemment av e c du papier bl anc , ,6c é tant
defeendus
�defcendus dans la falle capitulaire, avons demandé À ladite
dame fœur fupérieure , fi elle n’avoic plus aucune def-
3c
cription à nous faire fa ire ,
n’ayant rien trouvé de
plus à écrire , avons dreiTé le préfent procès-verbal , pour
fervir 3c valoir à ce que de raifon , & avons figné avec
ladite dame ftipérieurc , ledit ficur Procureur du R o i ,
& notre Greffier ; à l’original , Jign.és
de
, Supérieure, B a r l e t d e l a C
, Confeiller , Procureur du R o i , £c
C ecile A u g ier
L atil
Sœ ur
Greffier. Collationné.
S ain te
a z e t t e
,
Jaco b
,
Ja c o b .
N o u s Charles-François de Burlcs, Chevalier, Confcil1er du Roi , Lieutenant Général au Siege Royal de la
Sénéchauflec de la ville de Sifteron en Provence , certi
fions à tous qu’il appartiendra , que M e Jacob , qui a
e x p é d ié , collationné 3c ligné l'extraie ci - defïiis , cft
Greffier en c h e f dudit Siège 3c Sénéchauflec , aux écri
tures Sc fignatures , duquel foi doit être ajo utée, tant en
jugement que hors icelui ; en foi de quoi nous avons
fait
3c
figné ce p réfen t, contiefigné par notre Secrétaire,
& fait appofer le fccau de nos armes 3 pour fervir
&: valoir à ce que de raifon. Fait 3c donné à Sifteron ,
dans notre H ô te l, le i 5 Février 1 7 8 4 , figné d e B u r l e s ,
Si H e r n e t , Secrétaire.
D eux lettres que m ’écrit madame la marquife de Limaye , elle-même, retenue dans l’auberge de Sifteron ,
par fon accident des i er &
8 Janvier
1 7 8 1 , où elle
fe plaint amcremenc des procédés de la fupérieure , &
de fes manques de promclTe : elle y marque » l’Abbé la
» T o u r , (A u m ô n ier du c o u v e n t ) , vint hier au foie
J
�66
m’apporter mes bottes , &C me fit une longue v i f i t e ,
dans laquelle il me témoigna Tes regrets lur tout ce
qui s’étoit paiTé ; que s’il en étoit le maître , il jeteroit au feu tout ce qui s’étoit é c r i t , il me dit qu’il
fcroit fon poffible pour me ménager une entrevue
avec vous avec l’agrément de la fupérieurc ; il cfl:
revenu aujourd’hui pour m’apprendre qu’il n’avoit pu
obtenir
le confentement
de ces dames , 6t pour
m’exhorter à renoncer à vous voir ; je ne lui ai point diilîmulé que j’étois convaincue que ces dames ne fe conduifoient
que par fes confeils , 6c qu’il dépendoit
abfolument de lui quejevous viffe au parloir aux heures
permiies , 6c que je n’y paroitrois qu’ en habits de
femme ; mes follicitations ont été inutiles , je lui ai
fait fentir cependant combien j’étois fcnfiblc à fou
refus Sc à l’éclat qu’on avoit fait à mon occaiion ,
tandis qu’on
m ’avoit promis qu’on me donneroic
jufqu’à onze heures pour fortir , 6c qu’on ne porteroic
aucune plainte.
D ans celle du 8 , elle me dit » je n’ai fait aucune
a? efpece de fracture que celle des carreaux de vitre , ce
» qui ne feroit point arrivé, fi on n’avoit pas eu la dureté
« de me refufer d’ouvrir la porte à une heure qui n’étoit
» point in d u e ........... qu’on n’a pas vu d’exemple de
*> pareilles rigueurs à l’égard de perfonne , encore moins
”
à l’éçard
d’une femme comme moi.
©
V oilà la perfonne qui paiTa la nuit dans le couvent
dans mon appartement : voici ce que le M ém oire die
page 1 7 , l i g n e
14,
le lendemain i l fa llu t fortir ,
5î Vétourdi n’ avoit pas fbngé au dénouement de Vefealade*
�¿7
La lettre que je reçus de M . Barlet , Juge, qui a^oic
dreffe lui-même le Procès-verbal.
M adame,
« J e n’ai pu lire fans attendriffement la lettre que
»> vous m ’avez fait l’honneur de m ’écrire ; vos malheurs
«
6c l’intérêt générai qu’ils vous avoient acquis m ’atta-
*i choient déjà bien ilnccrement à vous: je faifois gloire
» de partager la fenfibilité de vos a m is, 6c c ’étoit un
» honneur bien vrai pour moi que d’ofer me mettre du
« nombre ; je fuis très-flatté qu’une circonftance impré« vue m’ait fourni l’occafion de vous le témoigner, mon
»> deiîr étant de faire plus *particulierement votre connoiiTance , vous devez fentir combien il m ’eft doux
>» de la faire en vous obligeant, 6c de vous obliger d’une
» maniéré auifi conforme à mon inclination qu’à mon
m devoir ; ce dernier m o tif vous difpcnfc de toute gra« titude à mon égard ; je dois, il cil v r a i , ainfi qu’on
» vous en a in fo rm é, mander à M . le Procureur Géné«
ral tout le détail de cette affaire ; je le ferai d’autanr
«
«
»
«
plus volontiers que je crois , ainfi que vous raffurez
vous-même , que les fuites ne peuvent être que trèsavantageuies pour vous 6c très-peu nuifibles à madame
de Limaye. L a place que j’occupe ne me permet dans
» aucune circonftance de diffimulcr la vérité, 6c mon
»3 eftime pour vous, eft dans celle-ci une nouvelle raifon
« pour ne pas la taire; je prends donc cette voie, comme la
»3 plus douce 5c la plus honnête,elleeftla plus conformeaux
»3 égards qui vous font dûs ; foyez perfuadée, m adam e, q«c
m
je fais apprécier votre mérite, & que fi jepouvois en être
�¿s
» moins convaincu, le criunivcrfclqui s’élève pour vous,
» ôc qui réclame en faveur de votre vertu ôc de votre
33 innocence , feroit lui feul un titre aiTez refpe&able
33 pour vous mériter les fuffrages 8c les applaudiifemens
« de toute âme honnête 6c fenfiblc.
Je fuis avec refpc£t,
M adam e,
votre très-humble ôc trèsobéiiTant
B arlet
Sifleron ,
4. Janvier
ferviceur ,
de
l a
G a ze tte .
1784.
Celle de M . l’Evêque de Siitcron , du 3 Jan vier, ou
il me m a rq u e ,, l’év enem ent, m a d a m e, qui s’eft pafle
33 ces jours derniers au couvent de Sifteron , ne p e u t,
33 ni ne doit vous être attribué en aucune manière ,
55 j’ ai été fort aife de ne vous y voir autrement compro33 mife que comme l’objet d’un attachement qui n’a
33 point connu les bornes de la prudence.
C e lle d e M . le Procureur Général du Parlement d’A ix ,
du 1 8 Janvier , qui m ’écrit « j’ai vu M . l’Evêque de
3* Sifteron , vous ne paierez , ni réparations étrangères,
« ni nouvelle conftru&ion , mais feulement les répara5î . tions rendues néceflaircs par le dommage que'madame
53 de Limaye a caufé; vous faites noblement ôc fagement
« d y ajouter les frais de juftice.
M . le Procureur Général me fait l’honneur de mvécrire
encore le 8 F é v r i e r „ j’ai vu madame de Limaye , votre
33 coufine } toujours remplie de zele ôc d’intérêt pour
�*9
V vous ; je ne puis douter qu’on ne demande votre tranfl
« lation dans un lieu dont vous n’auriez pas le choix , 6c
» qu’on n’envenime ia vifitc nodturne de madame de
»
Limaye , jufqu’à lui imputer un projet d’enlevcmcnc
ji de concert avec vous , vous êtes en pays ennemi ;
•» qu’il ne faut cependant quitter que pour être en lieu
jj de liberté. Je me hâte de vous marquer ces choies ,
qui me font dictées par le fcul motif de votre intérêt
s?
de celui que je prends à la rigueur de votre fort.
Q u ’on juge à préfent quels motifs animoient les auteurs
du mémoire dans la defeription maligne & indécente qu’ifs
fe permettent ( pages 1 7
&
1 8 du mémoire ) de cet
événement dont ils avoient la plus exadte connoifiance.
O n dit page 1 8 du mémoire , qu’en 1 7 7 7 , j’étois
détenue d’ordre du R oi au couvent de Popincourt ; ccffc
Une fauiTcté dont je ne vois pas l’intérêt.
«
S I X I E M E
Prêt de 1 0 , 0 0 0 liv. fa it en
F A I T .
1773
3 a madame la
marquife de M irabeau, diffipation & dilapidation qui me
fon t imputées des biens de mon mari ; procurations q u 'il
m 'a données teflament q u 'il m'a dépofé.
M on mari alla en 1 7 7 3 , voir la marquife de M ira
b e au , Ta belle-mcre ,*qui ne le connoifloit pas, & qui ne
l’avoit jamais vu ; il l’a trouva dans l’indig#nce, man
quant du fimple néccflaire, il lui prêta z 0,0 00 1. je n’eus
d’autre part à ce prêt que d’être fenfiblc à cet acte de
générofité exercé en faveur de ma mere , mon mari
n’exigea aucune reconnoiilancc ; quel titre pouvoit don
ner une femme en puiiTancc de fon mari ?
�70
La marquife de M irab eau, n’a formé fa demande en
féparation qu’en 1 7 7 5 , plus de deux ans après.
En 1 7 7 6 , mon mari m ’écrivit dans une lettre que
j ’ai déjà citée » vous me ferez le plus grand plaifir d’al53
1er joindre madame votre mere le plutôt qu’il vous
33 fera poiîible , vous pourriez m ’être de la plus grande.
« utilité pour mes affaires......... vous pourriez auiïï être
33 de
quelques fecours dans les affaires qui affligent
33 madame votre m e r e , & cette lettre vous mettroit cl
3> l'abri des reproches injufies qu'on pourroit vous fa ire..
Je ne me fuis jamais mêlée des affaires de ma mere ,
que pour en procurer la conciliation : elle me donna fa
procuration le 4 Juin 1 7 7 7 , datée du couvent deSaintM ichcl , où elle étoit enfermée ; je n’en fis d’autre ufage
que de révoquer les plaintes quelle avoir rendues contre
fon mari , 6c de changer les gens d’affaires qu’on pouvoit
fufpe&cr d’avoir m is'la divifion entr’eux. Cetre révoca
tion qui devoit affurer le repos de M . le marquis de M i
rabeau % lui fut fignifiée le 6 Juin. C e t a£tc de refpe£t
filial m’attira l’ordre du R oi du 19 Juin 1 7 7 7 , qui
m ’exiloit à Lyon , ôc révoqué le quatre Juillet fuivant.
A u furplus , un arrêt du Parlement de P a r is , a pro
noncé la féparation des deux époux ; c’efl: aux Parties à
s’en plaindre, 6c non à ma bclle-mcre, qui n’eft encore
ici que l’inftrumcnt d’une vengeance particulière.
O n prétend ( dans la note des pages 18 6c 19 du
mémoire ) } que mon mari a emprunté depuis 1 7 7 3 ,
ju lq u cn 177-7 » une fomme de i i z , o o o liv. 6c qu’il a
aliéné pour 1 3 5 ,6 7 6 liv. de fes capitaux.
J’obferverai d’abord fur ce tableau qu’on a eu la pru
�7f
dente précaution de ne donner , ni le nom des acquéreurs
des fonds prétendus aliénés, ni le nom des Notaires qui
ont reçu les contrats , ni leurs dates ; on a craint avec
raifon , que dans une vérification que j ’en aurois faite ,
je ne prouvafle , ou que ces aliénations avoient été faites
pour acquitter les charges anciennes des b ie n s , ou pen
dant mon abfcncc ; ou qu’enfin , elles étoient l’ouvrage
de la curatrice, &. par confëqucnt de ceux qui la mettent
en avant.
O n donne bien des dates vraies ou fauffes des préten
dus emprunts , mais 011 fe garde d’y nommer les prê
teurs, ni les Notaires qui ont reçu les a£tes , on craint
toujours ma vérification.
Si on peut ajouter la moindre foi à ces a£bes, il cil
évident que les emprunts des 3 1 0 0 0 liv. des t 9 M ai 8c
20 Juin 1 7 7 3 , ont été faits dans la minorité de mon
m a r i, fous J’autorifation du fieur Scytrc , fon curateur,
placé dans fa confiance par la c a b a le , à l’exclufion d’un
ancien Procureur, qui avoit géré les affaires de mon beaupere pendant trente ans.
Le prétendu emprunt de 3 2 0 0 0 liv. du 1 6 Novem
bre 1 7 7 5 , cil fait fans que j ’en aie eu même connoiflance.; c’étoit dans Je fort des pourfuites de l’affaire
des affiches. Je prouverai l’influence de la cabale fur ces
emprunts.
Q u ’on fe rappelle que M . de Cabris me cachoit cette
a ffa ire, que je fus obligée d’abandonner à fes gens d’af
faires Sc à la cabale qui me pourfuivoit moi-même ; j ’ai
ci-devant tranfcrit.une lettre de M . de Vauvenargues; que
je ne puis m’empêcher de répéter i c i , » on a i n t é r ê t de
�7»
j> cabaler contre vous , je prends donc la liberté de vous
>3 prier de refter en repos , & de ne plus vous mêler de
î> cette affaire ; je vous confeillerois moins l’inaction ,
5j fi je ne voyois contre vous que des gens en fous-ordre;
3) mais dès que la fam ille s'en m êle, reftez en repos, s’il
33 eft poilible 33.
Le curateur de M . de Cabris , devenu Ton homme de
confiance & Ton fondé de pouvoir depuis fa m a jo rité,
lui nécefiitoit des emprunts pour de prétendues dépenfes
fecrettes. C e Procureur faifoit les emprunts , les reccv o i t , en faifoit l’emploi , Sc ils en comptoient enfuite
enfemble comme ils l’cntcndoient.
Les autres emprunts qu’on date des 4 & 1 o Juillet
1 7 7 6 , 5 Mars 1 7 7 7 , montans enfemble à 5 8 0 0 0 1.
ont été faits dans mon abfence : la dame de Lombard
& la cabale, ne nieront pas qu’à ces époques j’étois à Lyon
êc à Paris : je demande à toute la Province qui efl - ce
qui difpofoic de mon mari dans ces momens? C ’étoit la
cabale qui lui faifoit contracter des engagemens, lorfque
j ’étois à deux cens lieues de l u i , 6c l’on ofe aujour
d’hui m ’en rendre refponfablc.
Lors de l’arrangement
de l’affaire
des affiches en
1 7 7 6 , mon mari fe rendit à A ix avec le ficu'r Scytre,
fon fondé de pouvoir, fouvent cité par les deux Par
ties dans cette a ffa ire, 6c dont je vais parler plus ample
ment dans un inftant.
Le fieur A lziari , Procureur de GrafTe , collègue du
fieur Scytre -, devenu Procureur de la dame douairière
de Cabris , dans la demande en interdiction de fon fils,
qui a toujours occupé depuis pour elle dans fa qualité de
curatrice ,
�73
Curatrice,& qui occupé encore pour elle, écrivoic à mon mari
le 8 Juin i 77<j> dans un moment où Ion attendoit l'ar
rangement de Pafïaire des affiches 33,enfiniffant ce procès,
33 je préfume que vous aurez befoin de fonds ; il y a
33 peu de jours, Alavéne Ce trouvant chez m o i, un parti3j culier
vint me demander fix mille livres à lui faire
33 prêter ?*Lorfqii’il fut p a r t i, Alavéne me prit à part ,
33 8c me dit que vous pourriez en avoir befoin , & que
» je pouvois vous en écrire, du depuis 6c pas plus loin que
33 de ce matin , j’ai arrêté quelqu’un qui cherchoit du
»» papier pour mander dehors dix-neuf mille livres ,
3) qu’on lui faifoit placer au cinq pour cent ; comme je
33 ne compte pas beaucoup fur Alavéne , 8c dans la
s» crainte d’ailleurs de vous fâcher , -j’ai détourné la
33 perfonne du placement , en lui faifant envifager un
33 manque de sûreté ; fi ces dix-neuf mille livres peuvent
3j vous être agréables, ayez la bonté de m ’adreffer par
33 le retour du courier , 8c fans retard , une procuration
originale pour emprunter cette fomme de qui j e trou33 verai a propos en conftitution
de rente au denier
3J v i n g t , les intérêts payables à G r a ffe ,
avec
pouvoir
33 d ’obliger à raifon de cet emprunt , vos biens à toute
3> Cour. Le prêteur eft un honnête citoyen , avec lequel
33 vous ne ferez pas fâché d ’avoir affaire; fi par hazard
33
cette fomme étoic placée d’ici au retour du porteur ,
33
je pourrai la trouver d’ailleurs. M es clercs ligneront
33 l’a&e fans favoir rien de rien , 6c la chofe n’ébruitera
33 p a s , fi vous êtes bien aife de remplir la procuratioa
x> du nom d ’ A lavhie , c’eifc égal , &
fi vous voulez
» qu’il ignore ceci vous pouvez la remplir de mon nom ,
K
�74
53 Sc me marquer comment
je
dois difpofcr de cet
jj argent ; mais fur le tout j’attends votre réponfe par
îj le retour du courrier , crainte de manquer le prêt, ou
jj de conftituer le prêteur en perte de fruit de fon argent.
V o ilà qui indique aflfez les prêts des 4 8c 10 Juillet
1 7 7 5 , dont je viens de parler ôc de quelle maniéré les
agens de la cabale conduifoicnt mon mari k faire des
e mpr unt s.
Je défie que depuis mon retour auprès de lui à la fin
d t Juillet 1 7 7 7 , jufqu’au 2 4 Février , jour de m onenlevcment , on cite un feul emprunt , 8c cependant alors ,
nous'foutcnions l’afFairc la plus grave qu’il eût eu de fa
vie.
Q u a n t à la dette de 6 1 , 0 0 0 liv. du fieur S e y tre , je
ne lui ai jamais connu de titre ; on ne m ’en préfente
aucun ; je ne trouve d’autre indication de cette créance ,
dont je n’ai jamais entendu parler , que l’avis de parens
du 2 4 Février 1 7 7 8 .
M c Seytre avoit été le curateur de mon mari , par le
choix de fes beaux-frercs ; il avoit géré en cette qualité ;
la même faveur lui procura des pouvoirs à la majorité
de mon mari ; il a adminiftré toute notre fortune juf
qu’au moment de l’interdi&ion.
En fa qualité de Procureur au Siège , il
étoit le
défenfeur de mon m ari, fur la demande de fa mere , 8c
contre les pourfuites des parens qui lui avoient afluré
cette adminiffcration.
Par la délibération des mêmes parens, douze jours après
la fentence d’iruerdi&ion dont il y avoit appel f u i v i , il
cft d it , art. p > que madame la douairiere requiert qu’ i t
�lui fo it donné pouvoir de régler ô arrêter les comptes avec
les gens d'affaires dudit fieur de Cabris
,
(Ton fils )
notam
ment avec M e Seytre fon Procureur général y emprunter
en capital de penfion ( rente conftituée) ou autrement avec
,
intérêts pour payer les avances quipeuvent avoir été fa ites
& les autres dettes urgentes que le fieur de Cabris peut avoir
contractées
& obliger a cet effet les biens & revenus dudit
fieur de Cabris 3 ou d ’y pourvoir autrement par indications
fu r les fermiers , f i la dame de Lombard en trouve le moyen.
Les parens , à leur tête le Bailli de Mirabeau , reli
gieux profès , votent tous ces pouvoirs , & le Juge les
copie dans fa fentencc dans les mêmes termes :
Les baux faits par la curatrice annoncent la déléga
tion de cette dette pour i i o o o 1.
Y
a-t-il eu un compte entre le prétendu créancier &c
là curatrice ? C ’eft ce qui fe développera par celui qu’elle
doit rendre elle-même. Je vois par les regiitres du contrôle
de GraiTc , une ailignation donnée en i 7 8 3 , à la requête
de la dame douairiere de C a b r i s , au (leur Seytre , en
revifion du compte de Padminiftration que ce Procureur
avoit eue des biens de mon mari ; ailignation procurée
par une brouillerie furvenuc entre le fieur .Alziary , les
autres confcils de la curatrice & le fieur Seytre , Sc reftéc fans fuite , lorfque l’admilîion de ma requête au
Confeil fut connue.
J’ai déjà fait voir que le fieur A lzia ry, Procureur de ma
bclle-merc , celui qui a obtenu en cette q u a lité, la fentenccd’interdiilion , étoit en coçrefpondance avec M. de
C abris, qu’il lui propofoit des emprunts: voici la p re u v e
qu’il lui rendoit d’autres fervi.ces dans l’adminiAracion
K ij
�7<>
de Tes affaires. Le 1 1 Juin i 7 7 6 , il lui écrivit: » j’ai
33 l’honneur de vous joindre ici pour 1 1 5 o 1. de papiers
»
que M , Ricord , c a d e t , m ’a fourni fur Marfeille ,
53 payable au premier .Tuilier ; j ’y ai mis des endoÎTe» mens en blanc ; vous voudrez bien m’accufer la récep« tion de cette fomme ; M . Girard l’aîné , n’a pu fe
5} charger de vos mandats, 8c il m’a fallu faire l’im » poilible pour les placer ; ils étoient à trop long jours
îî pour lin n é g o c ia n t, puifcjue l’un étoit pour tout F é vricr, & l’autre à la Pâques.
Les (leurs Seytre & A lziary , Procureurs au Siege de
G rade , pourfuivant &
défendant l’interdi£tion de mon
m a r i , étoient tous les deux à la fois fes agens.
Je trouye au poflcripium de cette lettre , 33 je déca3j chetre ma lettre pour avoir l’honneur de vous obfer33 ver , que puifque vous êtes à A i x , vous devez con33
fulter à l’effet d’obtenir une réduQion fur les épices
33 de votre procès contre la communauté de Cabris. L a
33 levée de la fentcnce vous coûta près de 1 0 0 louis; les
33 épices du Siege z j o o liv. celles de M . de M artigny
»
1 2 5 0 liv. & le furplus , pour les droits royaux. D ès
33 que ce procès doit être arbitré , ou quand même il
33
devroit refter là , il doit y avoir une voie pour faire
>3 reftituer les épices prifes en fus de la taxe ordinaire , bc
cette reftitution ira au moins à 2 4 0 0 liv. ; je fens
3> bien que vous ne retirerez pas les petites portions qui
peuvent compéter à M . Floris & Car...; mais vous n’en
33 ferez pas grâce à M . d’Andon , & à M . de M artigny,
33
33
qui vous ont rendu des bons fcrviccs dans l’occa-
33
fion. Veuillez j moniïcur, pour votre intérêt Sc plus
�77 '
Jî encore pour votre fatisfa&ion , ne pas négliger ccc
» article; les perfonnes qui font fans crédit obtiennent
« ôc vos plaintes teilcroicnt-elles fans fuccès.
M c Floris a prononcé Pinterdi&ion de mon mari ,
après avoir fait juger en fa faveur , qu’il n’y avoit lieu à
la réeufation propofée contre lui.
Les i o o o o o liv. rappellécs dans le mémoire de dettes
criardes aux m archands, ouvriers &C fourniiTeurs , me
paroît un être de raifon.
'D epu is mon m ariage, je n’ai jamais fait & jamais
connu de ces fortes de dettes dans la maifon.
Il ne s’en eft contracté aucune depuis mon retour au
mois de Juillet i 7 7 7 , M . de Cabris auroit-il fait pour
1 0 0 0 0 0 liv. de dettes, de fourniiTeurs dans les quinze
mois de mon abfence ?
C es fourniiTeurs qui voyoient fous leurs yenx attaquer
l ’état de M . de Cabris, auroient-ils gardé le filcncedans
les huit mois écoulés depuis mon retour jufqu’à mon
enlcvcment ?
Il y a des négocians fore riches à G r a il e , mais ils
font leur commerce dehors ; les fourniiTeurs comme par
tout ailleurs, y font avec de fort petits fonds j ne peu
vent comme ceux, des petites villes , faire que des avan
ces journalières.
Les ouvriers n’y ont que leurs bras pour leur fubfiftance.
Le fieur B re n e t, fculpteur de Paris , avoit fourni des
bronzes
des meubles par commiiîion à M . de C a b r i s ,
je favois que le compte n’en étoit pas foldé ; ces mêmes
�7*
effets doivent être encore dans notre maifon ; cet objet
quand la curatrice auroit'acquitté quelque chofe là-dcffus , ne peut pas être une dillipation ; on auroit bien de
la peine à en trouver dans les aliénations , dans les
emprunts & dans les dettes annoncées dans le m ém oire,
quand on en pourroit fuppofer l ’exiftence.
Ces aliénations montent , comme on
Uy.
l’a vu , à ............... ........................................ .•
135000
Les emprunts à .........................................
112000
Q u ’on joigne à cela les fuppofés cent
mille liv. de dettes criardes, c i ...............
100000
Les foixante - un mille livres dues à,
M c S c y trc , encore plus incertaines, ci • ■
pm
m
'
O n ne trouvera q u e ................................
iiooo
1
418000
Sur cela je trouve un emploi dans les
propres fonds de mon mari , que mon
pere ne défapprouvoit pas :
L a conitru£tton de la maifon neuve ,
portée dans le mémoire à ...........................
200000
Pour quatre-vingt mille livres de meu
bles qui y ont été portées, ci U n e bibliothèque d e .................... ...
U n jardin conilruit à Cabris , qui a
coûté plus de
„ D es mouUns à. h u ile , conffcruits à neuf,
Cil addition aux anciens, 6c qui pour une
80000
11000
jjoqo
1
�dépenfe de vingt mille livres, augmentent
/¿Vt
le revenu de la terre de dix mille liv. ri • •
20000
L e prêt fait en 1 7 7 5 à madame la
marquife de M ira b ea u ................................
20000
T o ta l de l’e m p lo i................................
347000
Il
s’enfuivroit toujours que mon mari ayant augmente
par des améliorations fa terre de i o o o o l i v . de revenu
n’auroit diminué fes capitaux que de 7 1 000 liv. Il jouiffoit de cinquante mille liv. de ren te; il habitoit fa terre,
où il n’en dépenfoit pas dix.
Q u ’on joigne à cela le cout énorme de l’affaire des
affiches , que fon malheur ou fon imprudence lui avoicnc
attirée, les dépenfes fecretcs que les gens d’aifaires impof o i e n t , & dont perfonne autre qu’eux n ’avoit connoiffancc, l’argent qu’il fallut verfer partout, comme le difent
mes adverfaircs eu x-m êm es, page 8 , ligne 5 :
O n trouvera encore que le pillage énorme des fousordres fe prenoit fur les économies.
Loin que les revenus euffent été touchés d ’avance ,
comme on ofe l’annoncer à la même note , ceux qui
étoient échus à Noël de 1 7 7 7 , furent faifis par un créan
cier ap ofté, par a& c recordé de Lautior, huiiTier, du 2 4
Décem bre 1 7 7 7 ; & le même A lz ia r y , procureur de la
dame douairicre de C a b r i s , y cil conftitué procureur du
fa ifiifa n t, c’eft elle à qui on a aiTuré les revenus échus
avant l’interdi&ion.
J’ai déjà obfervé que le ficur Seytre avoit adminiftré
�8q
pour mon mari jufqu’au moment de l’interdi&ion * s’il y
avoit eu des revenus touchés par anticipation, ils l’auroient été par le fieur S e y tre , qui en a compté à la dame
de L o m b a r d , douairière de Cabris , fuivant l’avis de
parens.
*
Q uan t à moi perfonnellement, je n’ai r e ç u , pendant
les quinze mois que j’ai paiTés à Lyon & à Paris en 1 7 7 6
1 777»
5 4 ° ° ^ v* 011
mon m ari, ou par Tes ordres,
& je défie qu’on me cite une feule dette ; je n’ai
touçhé , dans les fept mois qui ont fuivi mon
retour
jufqu’à mon enlèvem ent, que 6 1 6 8 Hv. des mains du
fieur Seytre, fur cette rente j ’ai tenu la maifon fans aucun
mémoire de fourni fle u r , & j ’ai foutenu le procès d’interdi&ion.
M . de C a b ris, à cette ép o que, vouloit bien me laifler
faire toute la rece tte, èc je pourrois bien répondre qu’il
ne lui a pas été délivré un fol.
Je défie encore que depuis mon mariage jufqu’à l’époque
de mon enlevcment , on me cite une feule dette que j’aye
contra&éc ni en P ro v e n c e , ni à L y o n , ni à Paris, à l’ex
ception de cinquante louis que j’ai empruntés en mon
nom & fur mon engagement du fieur B on in, négociant de
G r a d e , au moment où mon mari &c moi nous partions
pour A ix , pour y fuivre l’appel de la fentence d’interd i& i o n , & que la| cabale avoit fait faifir tous nos re
venus pour nous empêcher d’aller nous défendre au
Parlement. C ’eft là ,la feule reponfe que je daigne oppofer
à tous les reproches de diflipation qu’on me fait dans le
mémoire , & f ur lefquels je porte le défi le plus formel à
■mes adverfaires.
Je
�8i
Je n’ai jamais eu de procuration de mon m a r i, dans
tout le terris que j’ai été avec l ui , fes biens ont toujours
été adminiftrés par le Heur Seytre, comme je l’ai déjà dit.
L e 3 O & o b re 1 7 7 7 mon mari me donna une procu
ration pour l’adminiftration de Tes biens , avec pouvoir
d’aliéner ou emprunter jufqu’à concurrence de 1 0 0 0 0 1.;
je n’en ai jamais fait ufage ; je ne l’ai pas même fait
fignifier au ficur Scy tre, qui a continué de gérer, comme
auparavant, jufqu’au moment de l’interdi&ion.
Q u o i , M. de Cabris qui donr.oic au fieur A lziary ,
procureur de ma bellc-merc, des procurations pour fairei
des emprunts effe&ifs , qui en donnoit au fieur Scytre Sc
à tant d’autres que je ne connois p a s , cft-il devenu cou
pable, pour en avoir donné une à fa fem m e, & fa femme
a-t-elle fait un crime de l’avoir reçue !
Q u ’on me repréfente toutes les aliénations faites par
mon mari , tous les emprunts qu’on a datés à la page
29 du m ém oire, fans vouloir donner le nom ni des n o
taires, ni des Parties, je ferai voir que tous ces a&es ,
s’ils ex ifte n t, ont été pafles en vertu de procurations de
M . de Cabris , contenant des pouvoirs bien plus étendus
que ceux de la procuration qu’on me reproche t a n t , êc
de laquelle je n’ai jamais fait uiage. O n ne craignoic
donc dans ce témoiçnaiïc
P & du retour de la confiance du
mari à fa femme , que de lui voir cxpulfer les gens d’af
faires placés par la c a b a le , on craignoic de voir s’établir
l’ordre dans une maifon où l’on avoit introduit le défordre;
on ne redoutoit donc que de voir perdre à ces gens d ’af fa ir es
l’afeendant procuré par la cabale.
La procuration qu’on date du 4 O & o b r e , l e n d e m a i n
L
�de cellc dont je viens de parler, copiée à la page 1 9
du m ém oire, donnant p ou vo ir, entr’autres choies, d’em
prunter ou vendre des fonds jufqulà concurrence de cent
mille livres , nommer & deilituer tous Officiers de juitice,
avec révocation de toute autre procuration ; cette procu
ration cil une de ces fuppofitions monilrueufcs que la
cabale s’cit fouvent permifes dans cette affaire ; en voici
les. preuves.
i°. Rien ne juitifie que cette procuration ait jamais
cxifté dans mes main» ni dans celles de mon mari ; dans
i’hiilorique qu’en ont fait les adverfaircs , en l’annonçant
au Parlement d’ A ix dans le procès d'interdiction , ils ont
dit qu’elle s’étoit trouvée dans l’appartement de M . de
Cabris , loriqu’on enfonça les portes du chateau fous
prétexte d’en faire l’inventaire , en vertu de la fcntcnce
de GraiTe, dans le tems que nous fuivions fur l’appel
k Aix.
20. Cette procuration fignee, dit-on , d’un Notaire de
de deux témoins , n’a jamais été contrôlée ; on fuppofe
que le Notaire fignataire y déclare au bas que M . de
Cabris s’eil chargé de faire remplir cette formalité de con
trôle, prévarication puniflable de l’Officier qui ne pouvoir
pas ignorer qu’il en étoit feul tenu. La vraie procuration
que j’ai reçue le 3 O & o b r c , cil portée au contrôle par le
Notaire le 1 4 , & on veut qu’il n’y porte pas celle du 4 ,
^u’il a dans fon porte-feuille, qu’il fait légalifer à GraiTc
le même jour.
3 °* Le N o ta ir e , prétendu fignataire, entendu dans
1 enquete faite le 1 1 Novembre fur l’intcrdiction,y détaillé
tous les actes qu’il a reçus pour mon m ari, jufqu’à la pro-
�83
curation du 3 O&obre. Il ne parle point de celle fnppofée
faite le 4 , ÔC donc ce Notaire n’auroit pu perdre le fôuvcnir,
fi elle avoit exifté; les témoins qu’on veut qui l’ayent foufcrite, entendus dans la même enquête, n’en font aucune
mention.
4 0. Cette procuration , datée en tête du premier O c
tobre , & du 4 par un renvoi à la fin de l’a c te , fuppofe un procureur général & fp é c ia l, dont le nom eft
laide en blanc. Le commettant y dit dans le corps de
l’acte, qu’il approuve tout ce qui fera fait par fondit pro
cureur conftitué ; dans la procuration de la veille je fuis
nommée par mon nom , indiquée en qualité de procuratrice ; tout ce qui annonce ma geftion, eft défigné fous
une dénomination fém inine: il y eft d it , que le commet*
tant approuve tout ce qui fera par ladite dame fa it & géré.
Pourquoi m ’applique-t-on cette procuration fuppofée,
plutôt qu’à M c Seytrc , donc les pouvoirs fe trouvoient
nominativement révoqués par celle de la veille 3 O c to
bre, que j’avois en mes m a in s, plutôt que tous ceux qui
en avoient reçu de M . de Cabris.
50. Cette prétendue procuration du 4 révoquoit celle
du 3 ; je reitois fans pouvoirs, dès qu’elle étoit hors de
mes mains ; je m’en ferois donc nantie , comme j ’avois
fait de celle où j’étois nommée, ou pour recevoir, ou pour
ne pas voir contrarier les opératiçns dont on mc fuppofe le
p ro je t, par ceux à qui cette révocation pouvoit être rcm if e , ou qui pourroient la trouver.
Enfin , ce qui eft encore plus étonn ant, cette procu
ration paifée le 4 , Ce. trouve lcgalifés par le L i c u r c n a n r
Particulier de G rade le 1 4 , dans le délai m ê m e d o n n é
L ij
�s 4.
pour le contrôle: la légalifation fuppofc qu’on avoit befoin
de l’envoyer dehors ; mon mari fuppofé com m ettan t, moi
fuppoféc procuratrice fo n d é e , étions tous deux fur les
lieux ; c’ étoit là où l’adminiftration devoit être faite :
cette procuration fe trouve trois mois après dans le ca
binet de mon mari , le nom du procureur en blanc ,
elle n’eft pas contrôlée , 8c elle eft nantie d’une légali
fation.
Q u e conclure de tout ceci ? Des horreurs dont je fuis
forcée de détourner les yeux ; il me fuffit de répeter que
je n’ai jamais reçu de pouvoir que ceux de la procuration
du 3 Octobre , 8c que je n’en ai jamais fait ufage.
Quand je retournai à Gratte au mois de Juillet 1 7 7 7 ,
mon mari me fit l’aveu que dans mon abfence on l’avoic
induit à faire un teftament trop favorable aux auteurs de
la fuggeftion
humiliant pour m o i , 6i nuifiblc aux inté
rêts de notre enfant ; il me témoigna fes delîrs de le
révoquer.
Si je fuis coupable d’avoir applaudi à ce deflein ,
j ’avoue ma fa u te; il fie un teftament m vftiquc, d’ufage
en P ro v e n c e , il m ’en rendit dépofitaire; ce dépôt cft
encore dans mes mains , nanti de tous les cachets.
Dans une requête préfenréc contre moi par le Bailli
de Mirabeau au Parlement d’A ix le 4 M ai 1 7 7 9 ; il dit
pofitivement qu’ i l y a beaucoup a dire fu r ce teftament t
dont les difpoftions ont été difeutées lors de l'arrêt de la
Cour ( fur l'interdiction) ; comment difeute-on les difpoiitions d ’ u n teftament myftique tant qu’il eft cacheté ?
Q u i a pu mettre fous les yeux du Parlement d’Aÿc ce
dépôt qui neft jamais forci de mes mains? L ’a-t-on en-
�«5
core trouvé dans. le cabinet de mon mari ? Je dois m ’interdire toure réflexion à cet égard.
M ais fi on fuppofe que j ’ai furpris un teftament à mon
mari , que ce teftament contient des difpofitions en ma
fa v e u r, comment allier ces prétendues captations avec
la réfiftancc que j’ai toujours oppoféc à fon interdiction,
qui m ’en aiTuroit l’irrévocabilité ? A v e c quels avantages
je rétorquerois les objections de mes ennem is, fi je rapprochois toutes les pieccs qu’ils fc procuroient depuis trois
ans , pour parvenir à l’interdiction de mon mari?
P R E U V E S
Que le marquis de Cabris } mon mari ¡ n ' a jamais été dans
le cas de l ’ interdiclion prononcée contre lui.
Q u e le s m a uva is traite mens exercés f u r f a p erfon n e 3 p a r les
agens de la cabale 3 ont eu p o u r objet d ya lién e r f a ra ifon .
D iJJîp a tion des biens p en d a n t la cu ra telle s leurs p a rta g es
entre les auteurs du com plot.
J’ai déjà annoncé que je ne me livrois à cette difcuffion
pafïagcrc d’une procédure anéantie par l’arrêt du Confeil
des Dépêches du i 5 A oût 1 7 8 3 , que pour développer^
les moyens mis en ufage pour nous anéantir, à quels mal
heurs mon m ari, ma fille 6c moi avons été en but t e, fie
com m ent, après s’êcre emparés de toute notre fortune, en
avoir reçu les revenus par anticipation jufqu’cn 1 78 5-, on
nous 1ai île ici tous les trois, depuis il x. mois fri ns alunons.
La dame de Lombard établit dans fon mémoire que
la démence du marquis de Cabris cft une m a l a d i e héré
ditaire , 6v pour détourner les regards fixés fur elle à ces
�Si
KTOts ( i ) , elle va remuer les cendres d’un époux refpectable, toujours cher à Ton pays , où il jouifloit de la plus
grande coniidération , utile à fa province , où il avoic
occupé des places oonfidérables , ducs également h f;i
naiflance & à fa conduite ; un mari dont les iages difpofitions lui ont ailuré cinq mille livres de rente fur les
biens de fon fils , au lieu des mille liv. de revenus qu’elle
trouvoic dans fa propre dot.
Elle cite l’exemple d’une de fes filles, témoignage dou
teu x, Si donc tout le dérangement de fanté provient des
mauvais traitemens de fa mere , de fon attention à pré
venir tous les foulagemcns qui pouvoient adoucir ou éloi
gner ce m a l, à la refTcrrer quand je la faifois vivre avec fon
frere & moi dans le château de Cabris, loin des yeux de
l’auteur de fes perfécutions devenu l’objet de fa haîne.
La dame de Lombard a trois autres filles, qui toutes
ont des enfans ( mcfdames de Gourdon > de Gras & de
Sts. Ce^aire ) : le mariage les a enlevées de bonne heure
à la domination de leur mere ; ces dames ni leurs enfans
n’ont jamais donné de fignes de folie ; elles ne verroient
sûrement pas avec indifférence cette accufation de leur
m e re , d’une démence héréditaire dans leur ra ce, fi leurs
maris n’étoient pas les ennemis publics du Marquis de
Cabris.
( 0 Le fieur Seytre m'écrit le premier Mars 1785 , en parlant de la dame de
Lombard : M ia cab alc q Ui fait mouvoir cette tctc f o i b l e , qui ne fait pas s’ad» miniftrer c llc -t n c m e ; & dans une autre lettre du 15 du même m o is , qu’on
M abufe de la foiblcflc d'une tête qui auroit befoin d'un curateur, au lieu d'être
» curatrice.
�8?
Après cette preuve de démence que la dame de Lom
bard prétend que mon mari a apportée du fein de fa
m e r e , elle veut en trouver des preuves dans un confcntement fouferit de lui & du Jicur Seytre ¡fo u curateur eux
caufcs , du i y A v r il 1 7 7 >pour que fon époufe obtienne
du M inifire du R oi un ordre qui l'e x ile a Brie en Limofin ,
oit cet ordre lui fera fignifié.
On fc rappelle par la date de cet é c r i t , que c’étoit
l ’époque de l ’ affaire des affiches; mon mari étoit menacé
des pourfuites les plus rigoureufes , il en étoit averti par
fa famille , par les gens fages qui avoient la procédure
fous les yeux ; j’en ai rapporté les preuves.
O n fc rappelle qu’il m ’envoya à Paris pour intérefler
mon pere : fes Confeils , fes amis penioient qu’un exil
fort éloigné pouvoir arrêter tout ; c’cfl: ce que m ’ccrivoit
le’ marquis de Vauvenargucs à Pari», où j’étois a lo rs;
■
>3 c’c ftma derniere reflource , dit-il, dans ia lettre, ou
>3 un coup d ’autorité qu’on ne peut guercs fc flatter d’eb»3 tenir; M. le marquis de Mirabeau pourroit cependant
»3 faire quelque tentative pour cela»'. M on mari m ’avoic
en effet rem is, à mon d ép art, l ’ écrit copié page 2 6 du
mémoire de la dame de Lombard 3 écrit médité dans deS
afTemblés de C o n fe ils, de parens & de gens d’affaires j
fouferit du curateur , homme qui a joué un rôle fi impor
tant dans toutes les affaires de mon mari , & qui î’a autorifé , ou qui a conrracté pour l u i , comme mandataire,
dans prcfqtic tous les engagemens exécutés par la cura
trice. Si cet écrit eût été une preuve de démence , 1e
fleur Seytrc, Confcil du marquis de C a b ris, fon curateur
donné par la fa m ille , homme confommé dans le* at-
�8S
fa irc s, auroit donc été plus fou'pçonnable de démence
que le mineur qu’il autorifoit ? C ’efl le même homme
dont les parens ont foin de ilipulcr le fort au moment
de l’interdiction, & que la curatrice elle-même a traité
plus favorablement encore.
C e t écrit remis dans mes mains par mon mari , fut
depofé par moi dans celles de mon père dont je venois
implorer les fccours.
O n fe rappelcra encore de la lettre de mon pere, du z
Juin 1 7 7 4 ,
où il me marque :
réunifiez ces deux
» hommes-là , ma fille (M . le marquis de Vauvcnargues
>3 & M . de Gourdon ) , ne vous conduifcz que par leurs
m a v is, 5c fi quelqu'un y récalcitre 3 i l fa u t lui donner la
» peur 3 pour qu’ i l gagne la Montagne & laiffe f a procum ration. A u refle , il cil certaines gens qui ne trouve»
roient pas bonnes certaines retraites ; j’efpere que vous
m m’ entende
Je demande s’il efl poilible que mon pere eut pu parler
comme c e la , s’il n’avoit pas eu entre fes mains cet écrit
de mon mari ; 5c comment cet écrit que j’ai réclamé de
mon pere par une.lettre du z 6 Novembre 1 7 8 z reliée
fans réj)onfc, lettre que j’ai rendue publique dans un mé
moire imprimé de 1 7 8 3 ; comment cet écrit enfin f e
trouve aujourd’ hui tout a la fo is dépofé ( page 1 6 , pre
mier alinéa ) dans les regifires de la Police 3 & comment ma
belle - me/c , qui ne pénétré pas dans ce depqt 3 peut en
avoir une copie !
L ’autre écrit du 6 Juillet 1 7 7 ^ , ne paroîtra à toute
perfonne fenfée qu’un forfait entre un malade peut-être
trop
�trop riffc&é de Ton niai , Sc un homme qui promectoic
de le guérir, ou ce billet, s 'i l e x ifle , ne prouve que l’ar
tifice d ’un cfpion qui a profité d’un accès de vapeurs du
malade qu’on lui avoit. confié , c ’cft: le iîcur Garnier , fecrétaire de M . de Gras , l’un des beaux-freres du marquis
de Cabris , qui a reçu cct écrit des mains de mon mari.
Il en réfulte qu’on avoit depuis lo n g -t c m s le projet
de le détruire, que dès 1 7 7 6 on cherchoit à s’en aiTurer
les moyens ; que M. de Gras , qui a reçu cet écrit des
mains de Ton fecrétairc qui en a laifle faire ufage deux
ans après, étoit l’ennemi caché de mon ma r i , dans le
cems qu’il paroifloit le fecourir dans fes infirmités.
La date de ce billet prouve qu’il a été donné dans le
moment oh mon mari venoit de finir l’affaire des affiches,
que la dame de Lombard dit elle-même (page 8 ligne 3)
avoir f a i ll i a coûter la vie a fort fils par les chagrins dont
elle le pénétra.
A u mois de Septembre 1 7 7 7 mon mari fe bleiïapar
hafard à la cuiiTe, avec un couteau; je crus en devoir
donner avis à la dame de Lom bard fa merc , pour la
prier de m ’envoyer de la ville des gens de l’art.
Le malade jugea l’accident fi peu im portant, qu’il ne
voulut pas même leur lailTer panfer la plaie qui fe guérit
d’elle-même comme une égratignure.
La dame de Lombard prétend que le médecin dans
fa dépofition , dans l’enquête qu’elle fit en Décembre
1777,
évalue le fang
répandu
de cct
accident h
cinq livres. Je ne voudrois pas d’autres preuves contre
toutes les dépofitions de cette enquête , à peu près de
même portée , &c je demande à un h o m m e de l’art ii
M
�90
■ une bleflurc par laquelle un malade perd en peu de tems
cinq livres de f a n g , fc guérie aufîi aifément fans panfement & fans retour d ’accidens , fi le bleiïe qui vient de
perdre cinq livres de fang , peut être dans cet état de
vivacité &C de force cù ce témoin nous peint le malade.
Je puis au moins inftruirc le public fur les moyens
qu’on employoit pour avoir des témoins dans cette en
quête. Il exifte une lettre que m’écrivit le fieur Cruvc ,
aubergifte de Frejus , chez lequel logeoit^jM. de Cabris ,
du i 6 Juitv 1 7 7 9 ,
où il d i t : » au mois d’Oiitobrc
» 1 7 7 7 , M.
Commandeur de Mirabeau &c M . de
» Clapiers , le Chevalier de St. L o u is , vinrent coucher
» à F reju s, à mon auberge. Le foir le domeftique me
« dit qu’on vouloir me faire entendre en tém oin, comme
>3 M . de Cabris étoic fou lorfqu’il pafTa à mon auberge
>5 (avec Garnier le 6 Juillet 1 7 7 6 ) , àc étant monté à
« l’appartement de ces meilleurs , M . de Clapiers m ’in« teirogca beaucoup là-deflus ,
me demanda H cela
« n’étoit pas vrai , &c qu’ils favoient qu’il avoit fait des
m folies à fouper , à quoi je répondis que cela n’étoit
» p a s, que M . le Marquis fc faifoit fervir fcul dans fa
» chambre ordinairem ent, qu’au contraire ce jour-ià il
» mangea à la table d’hôte , quoiqu’il ne parût pas aufîi
”
gai qu’à l’ordinaire, &c qu’il parût même occupé de
”
”
quelque chofe , ce qui me fît demander à fon compagnon de voyage (ce même ficur Garnier) qui me ré-
n pondit que l’on n’étoit pas content quand l’on avoit
53 perdu Ton procès.
La dame de Lombard ne croit pas que les vapeurs
foient faites pour les campagnes qu’elle h a b ite, elle les
�91
renvoyé aux habitans des villes (page 1 7 , ligne 1 5) du
niémoire : voici ce que m ’écrit lé ficur Scytre le 3 o A v ril
1 7 8 3 : « la maladie de madame la douairière fa/ors à
»> Cabris) n’écoit que des vapeurs , & les vifites que le
« médecin lui a faites , pailent p o u rjc compte de M . le
» marquis qui n’en a certainement pas profité.
Le iieur G aytc , avocat de la dame de Lombard ,
m ’ecrit a Lyon le 27 Juillet 1 7 7 6 ( 1 1 jours après Je
billet fuppofé fait à Garnicr) : >3 il cft vrai que M . de
» Cabris revint d ’A ix avec des vapeurs , mais elles fc
n f o n t d ijfip ées , & quelques jours après il en f u t d é >5 liv ré.
Je ne puis omettre ici une contradiéHon échappée k
mes perfécutcurs ;
à
la page 27 du mémoire il cft dit :
» que pendant quinze mois mon mari avoit été en état
» de démence & de fureur depuis le billet de 1 7 7 6 ,
» (dont on vient de parler) jufqu’à la fcène de Septembre
>» 1 7 7 7 (expreflions du mémoire).
A la page 2 4 voici comme on s’explique : » de retour
m auprès de lui
quand la fr ê n e n'a pu l'attirer ju fqu 'a
» elle tout confpira a f a perte 3 & des organes faciles a
>» fuccomber 3 ne purent tenir contre cette accumulation
jj d'infortunes le. délire s'empara de lui.
Et dans la requête en demande d’interdi£bion du 6
Novembre 1 7 7 7 il eft dit : »j que mon mari n’ efi fo u que
» depuis mon retour auprès de lui ( en Juillet 1 7 7 7 ) ».
Dans une lettre du 8 O & o brc 1 7 7 7 , écricc au Bailli
de Mirabeau par la dame de L o m b a rd , pour l’inviter à
venir confommer le projet d’interdi&ion , elle lui dit :
>» jjion fils eft dans un état qui ne fauroit être dépeint,
Mij
�91
» il cil fort malheureux pour madame votre nîece qu il
» ne foie tel que depuis fon retour ». Il refultc de
ces contradictions , que mon mari n’étoit fou ni en
1774,
ni en 1 7 7 6 , ni en 1 7 7 7 ; qu’on l’avoit fait
déclarer tel à força d’artifices ; qu’on- a voulu enfuite
le rendre tel à force de cruautés ; qu’il a été victime de
la plus
effrayante
pcrfécution.
L a dame de Lombard n’eft pas plus heureufe en raifonnemens ; elle prétend établir page 1 3 , qu’une en
quête qui-a ^our objet de prouver qu’un individu jouit
de fa rai fon , eft une preuve négative 8c inadmiiTible e»
juftice ; c’eft fur ces principes fans doute que les Juges
ont rejeté les déportions de quelques témoins honnêtes
de fon enquête, joints aux autres pour y donner du poids ,,
& qui atteftent unanimement du bon fens 8c de la raifon
de mon mari.
D e ce que dans une requête aux Juges de G rade *
pour demander à être autorifée à la pourfuitc de mes
droits , je dis que mon mari dans les liens de l’interdic
tion , je ne puis plus plaider fous fa puiffancc, la dame deLom bard tire encore cette conféqucnce vi& oricufe; m a is
enfin toujours e f t - i l v ra i q u ’ e lle é to it réd u ite a a vouer l a
D É M E N C E 3 q u o iq u ’ e lle l ’ eû t n iée auparavant 3 com m e e lle
l ’ a fia it encore d ep u is 3 tant i l e ft v r a i que l ’ o p in iâ tre té a
fo u te n ir le m enfonge 3 fia it tom ber en con tra d iction p e r p é
tu e lle . ( C ’cft la merc de mon mari qu’on fait parler ainil
de fon fils 8c de la femme de ce fils.)
La darne de Lombard obferve (page 3 5 , deuxième
alinéa) que j’avois amené à A ix mon mari &. ma fille 5.
clic dit ( page 40 , premier alinéa ) que je le menois.
�i
e
i? 3
comme un enfant docile, dans le public à A ix & même
au fpe&acle , &c en même tems elle allure ( page 3 9 ) ,
parlant de l’interrogatoire qu’il avoit fubi à A ix le 1 8
F é v r ie r , qu’elle ne peut pas s’empêcher de trouver raifonnable: cette amélioration de fon état étoit le fr u it de mes
Joins j ou de la nature que j ’ avois fç u feconder ( 1 ). Q uand
elle parle (page 27) des bains froids que je faifois prendre
à mon m a r i, voici fes termes : madame de Cabris fa ifo ity
difent-ils, cet ejj'ai , & pour l 'y encourager s s ’y précipitoit avec lui , ainji parlent les héroïnes de romans ; quels
font les témoins? N u l autre qu’ elle. La dame de Lom bard
en a fans doute de meilleurs des foins qu’elle donnoit à
fon fils quand il étoit avec m o i, quand elle ne le voyoit
pas } quand elle perfiiloit à lui faire refufer la porte.
E ft - c e une contradiction aflez cara<ftérifée , de faire
interdire fon fils comme fou , & enfuite de le faire com T
paroître dans un procès verbal devant un juge trop pré
venu , de lui faire déclarer qu’il a à fon feul fervice la
nommée M a ria n n e , femme de chambre de la dame fa
mere , qui n’a jamais>quitté le fervice de madame la
douairiere, & qui eft encore avec elle i c i ; de lui faire
compter le nombre de fes dom eftiques, de le rendre le
conducteur de ce Juge dans les appartemens du château*
pour les lui m ontrer, Sc les difFérens lits où les habitans
de ce château couchoient, de faire configner de fa bouche
dans le procès v e rb a l, des éloges infinis du cœur de fx
m ere, de la fagefle de fon adm iniftration, & des injures
(1 ) Depuis la demande d’interdiftion jufqu’après mon enlevement d’auprês d*
mon m a r i , la dame de Lombard n’a pas .même apperçu fon fils.
�94
contre fa fem m e, & de lui faire requérir enfin que le touc
foit configné dans le procès verbal !
Je quitte toutes ces abfurdités dont le détail me me*
neroit trop loin pour me réduire à un fcul point de fait.
Je fouriens que mon mari n’étoit point en démence lors
de Patraque de fa merc pour le faire interdire comme tel
en i 7 7 7 ; &; j e l e p r o u v e , par fes interrogatoires devant
le Juge de Graflc ( 1 ) , & aii Parlement d’A ix : ces inter
rogatoires ont déjà reçu l’approbation de mes adverfaires;
comme on vient de le voir (2).
• Par les rapports de médecins & chirurgiens (3).
Par fon enquête de quarante-deux témoins s gens graves,
par ceux dont l’état peut infpircr quelque confiance, en
tendus dans l’enquête de la dame de L o m b a rd , & dont
les dépolirions font conformes.
Je l e
p ro u v e
enfin par quatre lettres de fa main ,
écrites à fa mere (4) dans le cours de cette honteufe infta n c e , pour la démouvoir d ’une a&ion odieufe pour elle
èc flétriiTante pour tous les deux ; par la tranfa&ion qu’il
pafTa à la veille de fon interdi&ion , avec fa communauté
de Cabris affembléc dans les falles de fon château , dont
des témoins de l’enquête déclarent qu’il
d i c t a des claufes.
d is c u ta
&
I^a dame de Lombard foutient que fon fils étoit fou à
catte époque.
(1 ) V o y c i Picccs juftificatives, n°
( i ) V oye\ P. juftif. n” . 3.
Î 3)
Voyel
Cf) V°yel
p*
n°. 4.
n°' 5'
�95
Quel les font Tes preuves ? L a fcntence de G r af l e qui
l ’a déclaré tel.
Les' arrêts du Parl ement d ’A i x qui confirment cette
fcntence.
Tout
cela eit caile 6c anéanti par l’arrêt du C o n f e i l
des D é p ê c h e s du i 5 A o û t 1 7 8 3 .
II
ne lui refte tout au plus q u’ une enquête c om po fé e
de fes domeftiques , gagiftes ou affidés, des gens de la lie
du peuple qui ont dépofé à fa vol ont é , à qui on a voulu
aiTocier quelques gens h onnê te s, d ont les dépofitions dét r u i f e n t , c o m m e on l’a vu , fes prétentions ; prétentions
encore anéanties p a r l e t émoig na ge des q u a r a n t e - d e u x
t émoins entendus à la requête de m o n m a r i , qui tous
dépof enc'de ion bon fens.
Elle veut infinucr , page 3 5 , que cette cafîation 6c
l ’anéanti fl ement de
ces
titres cft la fuite
d ’un
défaut
de forme dont l’oppofition perpétuelle avec le f ond , a
renouvelé le procès.
Je n’ ai befoin que d’ un m ot q u’elle a eu grand foin de
di fl imul er, pour faire difparoître ces plaintes 8c ces ré
flexions politiques.
L ’arrêt du 1 5 A o û t 1 7 8 3
cft émané du C ô n f e i l des
D é p ê c h e s , où Sa M a j e i t é aflifte en perf onne,
Sc qui ne
conno ît des affaires de particuliers que quand il y a in
fraction au droit des citoyens.
C e t arrêt cafic non feulement les arrêts du Pa r le me nt
de P r o v e n c e , mais la
fcntence de Greffe qui prononçoit
l* interdiction 3 NOTAMMENT L*AVIS DE PARENS qui
déféroit la c ur a t e l l e , cette curatelle m ê m e 8c t o u t
ce
q u i s’£N e s t e n s u i v i , & par c onf équent ces aliénations
�multipliées de la curatrice, ces ailes d’emprunts fans fin,
ces baux frauduleux , toutes ces reconnoiflances données
aux fous-ordres dans le partage de la dépouille de 1 op
prim é, ce procès verbal du Juge de GraiTe pour conilarer
la maniéré dont le marquis de Cabris étoic tenu par ia
m ere, copié ii complaifamment à la page 43 du mémoire.
C e t arrêt ordonne que mon mari Si fa fille feront
conduits ici de l’ordre de Sa Majefté , & fous les yeux
de fes Miiiiilres ( 1 ).
Je laide au public à juger les motifs de la caiïation pro
noncée dans le confeil d’Etat du R oi , de jugemens de
Juges inférieurs , d’avis de parens rédigés dans l'intérieur
d’une fam ille, d’ une curatelle qui pouvoit être réformée
par un Juge fupérieur, fx elle avoit été dans le cas d’être
prononcée , de tous les actes faits par la curatrice , dont
le fort dévoie fuivre celui du jugement qui lui avoit donné
fes pouvoirs ; enfin des motifs de cette prévoyance pour
les perfonnes prouvées dans l’oppreffion.
Je dois quelques réflexions fur ces parens qui ont voté
dans cet avis du 1 4 Janvier 1 7 7 8 , fur le vœu de cette
prétendue famille entiere dont la dame de Lombard fait
tant d’étalage dans plufieurs endroits de fon mémoire.
( i ) Les ordres de Sa Majefté ont été exécutés avec une attention particulière»
& une décence extrême. M o i - m ê m e j'ai pouiTé l’attention fi loin , qu'allant audevant de mon mari Si de ma fille , je m’ arrêtai à i j lieues de Cabris : !e peuple
¿coic foulevé d’indignation contre la dame de Lombard & fes gens d’affaires 3 ma
préfcncc pouvçic fervir de prétexte à des excès concr'eux, j ’attendis.
Il eft faux que l’Officicr ait refufé à la dame de Lombard de voir ma fille.
L ’hôtel que madame de Lombard appelle mon h ô te l, dans lequel elle prétenj
«ju’on a refufé de lo ger Ton f i l s , appartient à mon mari.
J’y
�91
J’ y trouve dix -n e u f noms ; à la tête , M. le Bailli de
Mirabeau , Religieux profès de POrdre de Saint Jean de
Jérufalem, homme que les loix déclarent more.civilement,
ôç par conféquent incapable de voter dans une pareille
aflcmbléc.
M . Lombard de Gourdon Sc M . Creps de St C czaire ,
tous deux beaux-freres , dont l’intérêt a déjà été aflez
démontré , 6c le premier d ’autant moins excuiable à
voter dans une aflcmbléc aufli irrégulière , que vingt an
nées d’expériences paflecs fous fon pere , Lieutenant au
Siège de G rade 6c Subdélégué de M . l’intendant de P ro
vence , avoient dû Pinftruire des formes ( i ).
M . de Clapiers Colongucs , complaifant connu du
Bailli de M ir a b e a u , promoteur de Pa&ion.
M . G eoffroy D u ro u re t, à qui ceux qui coftnoiflcne la.
noblefle de P ro v e n c e , favent que mon mari ni moi n’a
vons l’honneur d’appartenir.
To us les autres y font employés parce qu’il a plu aux
comparans de les y nommer , parce qu’il leur a plu de
dire qu’ils avoient leurs pouvoirs, fans qu’ils en ayenc
juftlfié ni au Juge , ni au public par l’annexe de leur
procuration , la plupart même des perfonnes nommées
n’ayant jamais-vu M. de Cabris.
J’ai déjà obfcrvé qu’il y a voit dans la même ville,
ou aux environs , douze familles de parens rcfpectables ,
avec lcfquels le marquis de Çabris vivoit habituellement,
qu’on s’cil bien donné de garde d’appeler.
____________ ■
^.
»
. '
.
«
( i ) C e M. Lombard de Gourdon n’eft pas de la même roaifon que la dame
&
Lojnbard St. Benoît, douairière de Cabris..
. .
N
�C e t avis de parens préfente un contraile bien frap
pant ; M . le Bailli de Mirabeau , que fa mort civile mec
hors d’état de voter, paroît à la tê te , 8c M . le marquis de
Mirabeau , fon ainé, n’y paroît pas même par procureur.
O n voit en tout que ce font quatre perfonnes , deux
bcaux-frercs , dont les intérêts ont déjà été démontrés ,
un étranger 8c un homme entièrement dévoué à M . le
Bailli de M irabeau qui privent le marquis de Cabris de
fon état c iv il, qui anéantiiTent notre fam ille, qui difpo*
fent de nos b ie n s, 8c qui mettent la perfonne de mon
m a r i, de ma fille , 8c toute notre fortune dans des mains
qu’ils connoiiToient incapables d’en prendre foin.
Je crois avoir prouvé que mon mari n’étoit pas fou
lors de la demande en inrerdiCtion , 8C que cette inter
diction' n’a été prononcée que par les intrigues de la
cabale; j’aurois pu borner ma preuve à l’arrêt du Confeil
des Dépêches du i 5 A o û t 1 7 S 3 , qui caiTe cette inter
diction même rendue par un juge inférieur , & tout ce
qui s xen eft enfuivi & pu s ’ enfuivre.
Si je fuis entrée dans quelques détails des faits qui ont
décidé la juftice du Souverain , c’eft pour démontrer plus
fenfiblcmcnt la conduite de nos adverfaires , 8c ne rien:
laiifcr à defirer fur les motifs d’une interdiction qu’ils n’ont
pas eu honte d’annoncer dans leur mémoire comme néce flaire.
Je rapporte les interrogatoires devant le premier Juge
Sc au Parlement d ’ A ix , les enquêtes qui dépofent de fes
difeours avec les perfonnes habituellement en fa fociété ,,
fes lettres à fa m è r e , fes autres écrits , les a£tcs qu’il a
pafles , oiï l’on trouve de quelle maniéré il traitoit 8c
�99
conduifoît Tes affaires ; quelles autres preuves devois-jc
rapporter ?
Je vais prouver actuellement ce qu’a fait la cabale, par
le m o y e n de la dame de Lombard 5c de Tes agçns , pour
rendre Ton fils fou , du moment qu’il a été en leur puiffaneç.
M a u v a is t r a it e m e n s exer cés sur les per so n n es:
La dame de Lombard n’oppole aux faits en grand
nombre , déjà articulés à cet égard , que des déclamations
pathétiques.
Elle invoque en fa faveur le témoignage de tout le
pays que je vais faire dépofer contr’elle , de fes domeitiques qui ont oublié leur rôle dès qu’elle a ccfle de les
payer.
Elle me force de montrer mon mari tombant fous les
coups de fes valets , à ne plus diflimulcr que ces indi
gnités étoient l’ouvrage de la cabale qui les ordon noit, Si
de la meie de mon mari qui les autorifoit.
M on filcnce me rendroit complice de la dame de L om
bard , je contribuerois , en le gardant , aux foupçons
qu’elle ofe donner fur fa famille , d’une démence héré
ditaire ; je participerais à la flétriiTurc qu’elle cherche à
imprimer fur notre poftérité.
C e t objet de ma défenfc fera divifé en deux parties ,
l a premierc traitera de la nourriture , du lo g e m e n t, des
vetemens & foins de fanté. Dans la fécondé, jc r a p p o r
terai les preuves de mauvais traitemens e ffe c tifs , e x e rc é s
N ij
�1 00
par les Satellites qui entourerait mon mari à l’inftant de
rinterdidtion.
La dame de Lom bard, dont tous le domeftique fe bornoit à une cuifinicre Sc une femme de cham bre, prit, auflitôt l’interdi&ion, un état de m aifon; elle eut un cuiflnier,
un laquais ¡k. même une fécondé femme de chambre ; cc
font ces gens qui la fuivoient dans ia maifon à G ra fle, où
elle paiToic de fuite quelquefois plus de fix m o is , &: tou
jours la plus grande partie de l’année, qu’elle amene avec
elle à Cabris pour figurer dans le procès verbal du Juge de
Grafle , où l’on fait déclarer au marquis de Cabris qu’ils
lui appartiennent perfonncllement.
Dans l’abfence de fa mere du ch â tea u , il n’avoit pour
toute cuifinicre qu’une fervante païfanne à 3 6 liv. de gages
par année.
Quand la dame de Lombard étoit au château , fon fils
ne mangeoit pas avec elle , on lui envoyoit de deflus la
table dans fa chambre la portion du dîner de fa mere
qu’on jugeoit h propos.
Ces faits font atteftés par le témoignage de ma fille ,
elle les a rappelés à fa grand’mcre dans Paflemblée de
parens en l’hôtel de M . le Lieutenant civil ; elle lui a
renouvelé les repréfentations qu’elle avoit pris la liberté
de lui faire fur la rigueur de ce traitement fait à fou pere
fous fes yeux ; quand la dame de Lombard écoic abfcntc,
& j’ai obfervé qu’elle l’étoit la plus grande partie de l’an
née , mon mari mangeoit feul, ou avec le fieur A lzia ry.
V o ic i le régime qu’on lui faifoit obferver.
A ndré Court 3 l’ un des païfans qui le fervo ien t, atteftt
<
�6c de l’huiificr , qui l’cn
requéroit LÊ i S FÉVRIER iyS^-^x).
en préfence de deux témoins
fa i-
» Q u e le fieur A l z i a r y lui (au marquis de Cabris)
>j
foiL boire du vin fouvent PUR 3 lui fa ifo it prendre du
CAFÉ & lui donnoit auffi du tabac ; lorfque les domef-
»
tiques lui repréfentoient que tout cela étoit contraire a la
»
fan té de M . le Marquis & aux ordres donnés par ma-
>j
dame f a mere 3 ledit fieur Afyiary' répondoit que la ma-
»5
ladie de M . le Marquis étoit incurable 3 ù que le vin 3
»
le café & le tabac ne pouvoient pas lui fa ire plus de mal
53
qu’ i l n ’ en avoit; que pendant quelques années 3 & dans
»
le mois d ’ Août 3 l edit feigneur marquis de C a b r i s ,
»
accompagné
»
domeftiques,
»
quelques jours aux M o u l i n s près la rivicre de S i a g n e ,
»
& pris des bains qui lui étoient favorables pendant les
m
cinq ou fix premiers jours ; mais le fieur A l z i a r y lui
»
f a i f o i t boire du vi n , 6c avec plus d ’a bo nda nc e , le
ù
f o i r , ce qui l ’i n c o m m o d o i t
6c lui do nno it de fortes
»
altérations : que le n o m m é
Cavalier do n no it à boire
»
de l’e au -d e- vi e audit feigneur M a r q u i s , au vu
»
du fieur A l z i a r y , q u i , fur les reproches que le répon-
»
da nt
>3
que rien ne pouvoir augmenter fon m a l , ni le guérir ,
»
qu’il falloit lui donner t out ce q u ’il demanderoit
«
en aliment que
boiiïon : que lorfque ledit
»
M ar q u i s
bu une certaine quanti té
»
d ’eau-de vie ,
>5
(x)
du fieur A l z i a r y &
de quelques
autres
d ont étoit le r é p o n d a n t , a été paiTer
6c fit
6c les autres domeftiques lui f ai fo ie nt , répondoit
Voye\
avoit
tant
feigneur
de vin ou
6c pris du c a f e , q u o n lui préparoit fo rt
P ie ccsju ftifkativcs, n V »
�I 32
» chargé, il ¿toit beaucoup altdré 6c plus mal qu’à l’or» clinaire ; que c’étoit ordinairement après ces fortes de
» boiiTons contraires , qu’il demandoit pendant
«
une
partie de la nuit à boire , que fouvent le répondant
» avoit repréfenté au iïcur A lzia ry que fi madame la
» marquiie de C a b ris, belle fille , rev en o it, & que M . le
» marquis ou tout antre, lui apprît le peu d’attention
» qu’il avoit dans le choix des alimens ù de la boiJJ'on
« qu’on donnoit à M . le Marquis , elle en feroit fâchée;
» fur quoi Alziary répondoit que cela n’arriveroit jamais.
A quoi ce fieur A lzia ry ajoutoit d’autres propos indéccns , que ce fous-ordre ie permettoit contre moi.
m Le nommé Matthieu Pichot , autre domeftique ,
« dépofedes mêmes faits; ( i ) qu’il y a trois ou quatre ans,
« & pendant qu’il fervoic en qualité de domeftique dans
>3 le château de C abris, il s’apperçut qu’on faifoit pren
ds dre du café à M . le marquis de C a b ris , quoique le
r> médecin l’eût d éfendu , 6c même qu’après lui avoir
donné du chocolat , on lui faifoit encore prendre du
»5 café un moment après; qu’on lui donnoit fouvent du
»> vin
à
boire , 6c
particulièrement lorfque le ficur
>3 A lz ia ry , pere, mangeoit avec ledit feigneur marquis
>j à la merne table , 6c malgré la défenfc du médecin
»
6c de madame fa mere, ce qu’il a vu plu fieu rs fois;
”
en ayant fait des reproches au fieur A lzia ry 6c à André
”
Court fon dmneftique ; il certifie encore que pendant
» le même tems M . de Cabris n’étoit point vifité par
»
aucun m édecin, n’ayant point vu le médecin Roffignoli
( l ) V o y e z p ic c c s j u fti f ic a ti v c s , N * .
6.
�i o3
*■
« au château qu’une feule fois , 8c le fieur Raynaud ,
» chirurgien ne l’alloit voir que pour le rafer » ; il parle
enfuite des bains pris à la riviere de Siagne , où il accom pagnoic mon mari avec le fieur A lziary Sc André C o u r t,
fon autre domeftique; le répondant continue» qu’il vit
» avec fatisfa&ion que les bains étoient favorables à M . de
«
C a br is
, pendant les cinq ou fix premiers jours il étoit
>3 fort tranquille; mais comme A ndré & le fieur A lziary
»3 perc , lui donnoient à boire du vin , & fo u v e n t, par
33 cette raifon lui fut contraire ; une nuit , comme il
>s avo'it bu une certaine quantité de vin à fon fouper,
33 il fe trouva fort altéré ; le fieur A lziary & André le
33 fermèrent dans fa chambre ôc furent fe coucher dans
>3 des appartenions éloignés de celui de M . le marquis,
>3 ayant demandé de l’eau, &c étant feul dans Panticham33 bre il lui en donna une cruche , en but plufieurs
« coups ; une demi-heure après & vers les onze heures
>3 fc trouvant encore altéré , il demanda encore de l’eau ,
>3 le domeftique lui en donna , ce qui l’engagea d’aller
33 frapper à la porte du iïcur A lzia ry , pour Pavertir
s» do ce qui fe p a flo it, 8c pour obliger A ndré de fc
33 rendre à l’antichambre de fon maître ; le fieur A lzia ry
33 nefe remua pas du tout ; le répondant fut prier 8c folli-
» c i t e r André avec menace d’en porter plainte à m adam e
33 la douairière , de leurs négligences, & alors A ndré fe ‘
rendit avec lui dans la chambre de ion m aître, auquel
33 ils donnèrent encore à boire de Peau.
V oilà ce qui regarde la nourriture ; quant aux vêtemens
je n’ai pas befoin d’autre témoignage que le faic
certain que mon mari n’a apporté qu’ un habit. JL’officier
�i 04
chargé de 1’cxécution de l’arrêt du C o n f e i l , a dû attefler
que cet habit fait dans la nuit du départ, ne lui fut livré
que pour le voyage ; tous ceux qui ont vu le marquis
de Cabris , avant ce tems , attelleront qu’il n’étoit couvert que de haillons. Il cil arrivé à Paris avec les bas ,
& fe fervant des mouchoirs que fon conducteur a voit été
obligé de lui prêter pour l’ufage de la route.
Sa mere ne lui remit que dix-neuf chemifes ; il eft
dit> page 48 de fon m ém oire, qu’ elle demandoit le loifir
de fa ire préparer promptement le linge & les habits de fon.
fils. Que ne les lui a-t-elle envoyés depuis fix mois? Elle efl:
venue dans cette ville , elle y eft depuis quatre mois ;
elle a vu fon fils avec d’autres habits que je lui ai achetés
fans lui avoir parlé des ficns,ni lui en avoir rendu aucun.
D ans le fa it, quand je fus enlevée d’auprès de mon
ïïia r i, il avoit toute la garderobe d ’un jeune homme dç
fon état &
de fon opulence , qui aime la parure ; un
linge de corps immenfe &C du plus beau ; la dame de
Lom bard en a-t-elle difpofé comme de tant d’autres
objets? O ù a-t-elle la dureté de l’en priver volontairement,
dans un moment où elle fait qu’il 11e peut pas fe procu
rer le néceflaire fur fon propre bien?
^
Il paroîtra moins étonnant, qu’elle ait refufé de re
mettre du linge de l i t , Si de table pour l’ufage de fon fils ’y
puifque ma fille atteile, Sc elle l’a foutenu à fagrand’mcre,
dans l’aiïcniblée de parens à l’hôtel du M a g iilra t,d e va n t
Ton perc & moi , en préfence de M. le Lieutenant C iv il,
qu elle le faifoit coucher fans draps dans fa propre maiions fournie abondamment de tout ce qui étoit néceiïairc
à une famille opulente.
Oa
�1 05
O11 a déjà vu que loin de procurer k mon mari des
foins de ianté , on en détournoit l'effet par des nour
ritures 8c des boiflons contraires.
Les domeftiques 8c autres perfonnes du village de
Cabris , attellent que mon mari n’avoit point de mé
decin , 8c que le chirurgien du village ne le voyoit que
pour le rafer.
Alexandre C o u r t, Conful de la communauté , attefte
par fa déclaration du 1 7 Février dernier ( 1 ).
Q ue lors de Pailemblé© de la communauté , tenue
la fécondé fête de la Pentecôte de l’année dernierc ,
le iieur A lziary lui préfenta un certificat tout dre de fur
papier timbré , contenant nombre de faits » qu’on folli«
citoic le dépofant d’a ttefler, entr’autres, que M . le
m marquis de Cabris étoit fuivi journellement par un
« chirurgien , qu’un médecin de G rade venoie le viiîter
» fréquem m ent, qu’il mangeoit à la table de la dame
»3 f i m crc, Iorfqu’elle venoit à Cabris , 8c que ledit ficur
» A lziary ne le quittoit jamais , 8c autres faits relatifs
» aux traitemens dudit feigneur marquis de Cabris, qu’a» près avoir lu ce certificat , ayant trouvé que les.
»3 faits y énoncés n’ étoient pas véritables , le dépo
li fant refufa de figner malgré les injlances & les
>5 menaces du ficur Alziary ; il certifie encore que le
marquis de Cabris n’avoic que deux domeftiques , qu’ il
« *h’y en avoit qu’un - qui le fuivît , 8c fouvent M . de
» Cabris alloit promener fe u t, & le domelliquc n’ alloit
,3 le joindre qu’un tems après.
( j ) V o y e z p ie ccs j u f t i f i c a t i v c s , N \ 7 ,
o
�ï o6
L e fieur Seytre
m ’écrit lo i er Mars 1 7 8 3 , » l’état
» de M . de Cabris eft toujours le m êm e, il ne changera
»
pas , tant cju’il n’aura pour médecin que deux payfans
»
ôc un ivrogne, qui le gardent fans lien faire , ôc
» qui mangent tous fes revenus à votre préjudice.
Il me marque par fa lettre du 1 6 A v r il, que la com»5 munauté de Cabris attefte que M . de Cabris cil tou»j jours dans une efpecc d’abandon ; « c’eft en effet ce
qu’attefte la communauté par fa déclaration du 2. 1 A vril
1 78 3 , en fuite de la requifition judiciaire que je lui avois
fait faire ( 1 ).
L e fieur Seytre ajoute dans la même lettre « M . de
Cabris , eft toujours réduit au même état d’abandon;
«
»
depuis quelques jours il paroît plus tranquille; il feroit
portable fi en bonne juftice on vous autorife à lui
« procurer les fecours dont il.a le plus de befoin.
D ans celle du 10 M ai 1 7 8 3 , il m ’écrit » l ’exploit
•m que j’ai fait fignifîcr à la com m unauté, ôc la déli» bération qui a été prife , ont opéré quelques vifites
jj
de médecin à M . de Cabris; mais on s’en eft tenu là ;
« il ne s’eft point agi de remèdes , ôc des vifites ne
» guériffent pas : M . de Cabris ne recouvrera jamais la
« fanté pour être vifité , il eft toujours dans le même
» état , furveillé par deux payfans , p rom enant, fuivi
45 d’eux ôc de ce perfonnage qu’on nomme l’homme de
” confiance, ôc que le fieur Court appelle fort à propos
» la pefte du pays.
Il m ’écrit le 1 6 M ai fuivant, » les vifites de médecin
( 1) V o y e z pièces j u i l i f î c a t i v c s , N ° . -8,
�io7
w ont ceile depuis quelque jours ; la Tancé de M . do
» Cabris n’a rien gagné pour avoir été vifîcé , ¡k. dans
« fa lettre du 7 Juin , M . de Cabris jouit toujours de
» la fanté que Ton état pcût comporter de plus fa«vo« rable.
» M. de Clapiers ( 1 ) ne s’expofe pas à le v o i r , fo a
3) occupation au château confilte à raiTurci' madame fa
35 couiîne contre votre demande.
Il m ’écrit le i Juiîlet 33 au lieu ds tenir M . de C ia 33 piers au T i g n e t , on a trouvé plus commode de tenir
}>• M . de Cabris enfermé tout comme on en avoit ufé ci33 devant. M . de Clapiers prétend que l’état de M . de
35 Cabris l’afflige; mais on dirolt plus vrai, fi on difoit
33 qu’il le craint ; 011 ne diilimule pas la fenfation que
33 fa préfence fait à M . de Cabris , & on le punit de ce
» qu’ i l eft encore ajfci bien pour ne pas oublier à qui i l
33 eft redevable du trifte fort où on l ’ a réduit.
M on mari écoic donc enfermé en chartrc privée ; on
lui donnoit des alimens & des boiflons nuifibles dont
on avoit calculé l’effet ; il couchoit fans d ra p s , il étoic
fans vêtemens.
O n ne s’en tenoit pas là-, on le b a tto it, en voici la
preuve :
Jofeph 6c François Raybaud , habitans de Cabris ,
attellent dans le procès-verbal recordé de l’huilîier qui les
en avoit requis le 1 7 Février dernier ( z ) , qu’il y a envi« ron trois ans, ils habitoicnt une maifon du v illa g e ,
33 donc les rues donnent fur le château , qu’ils ont vu
( 1 ) Le même qui a voté dans l’avis des P a ï e n s , du 1 4 Janvier 1 7 7 * .
( t ) V o y e z pi'eccs juftificatives, N " . y.
O ij
�io8
» M . le marquis de C a b r i s , qui promenoit au-devant
33 du château ; enfuite il vint promener fur la vigne ,
si éranc là le marquis de Cabris dit au même Jean Court
33 fon domeftique , qu’il vouloir aller promener fur l’al>s lée de Saint-Jean ; Court ne voulut pas y confentir ,
j> & comme M . de Cabris infiftoit ; Court le menaça de
33 le battre s & alors M . le marquis ayant pris la route de
53 l’allée, ledit Court lui donnaplufieurs coups depoingt, ce
33 qui obligea M . le marquis de courir dans le château ; les
s) répondans certifient encore avoir ouï-dire publique33 ment que ledit feigneur marquis étoit battu par Tes
33 domcftiqiics.
Antoine R aybaud, dans fa dépofition dans îa même
forme 6c dti même jour , déclare ( i ) , que s’étant trouvé
» il y a rrois ans , au clos avec le nommé Jean C ourt ,
33
domeftique de M. le marquis de Cabris , en parlant
33
dudit feigneur, ledit Court dit an rép o n d an t, que
3 î dans la matinée du même jour , «\ mefure qu’il chauf33 foit ledit feigneur marquis , celui ci lui donna un
33 foufflet , & que lui Jean Court avoit donné vingt
33 coups de bâtons fu r le dos dudit feigneur marquis , ajoute
3> le rép o n dan t, qu’il a ouï-dire publiquement que ledit
33
feigneur marquis étoit battu par fes domeftiques.
La nommée d ’Aumas , femme C a u v in , aitefte dans la
même forme lem êm e jo u r(i ) , qu’elle a ouï dire publiquc” ment , que M . le marquis de Cabris étoit battu par fes
33 domefliques\ un jour elle vit venir M. le marquis de la
33 promenade, 8c il vouloit traverfer le village pour fe
( i ) V o y e z picccs juftif. N ° . i o .
(i
)
V o y e z pie ces j u l l i f i c a t i v c s , N ° . u .
�53
ÏC<)
rendre su château ; Jean C o u r t, Ion domeftique vûulut l’obliger de paflcr dans le pré qui cft à côté du
village, Sc comme M. le marquis infiftoit , le domeftique le força en le menaçant de paflcr dans le pré,
fur quoi ledit feigneur tout affligé, dit alors a haute
îj
voix , q u 'il éioit bien fâcheux pour lin homme de fon
»
«
«
33
» état s d ’ être obligé d'obéir en tout à un coquin de
j) domefiique 3 ajoutant la répondante, qu’elle a vu paf» fer fouvent M . le marquis de Cabris qui alloit prow mener tout feul , &c un intervalle de tems après un
33
de fes domeftique Palloit joindre.
Le même jour,lademoifclle Anne Roure, veuve Conrr,at-
33 tefte ( i ) qu’un jour forçant de la tribune d el’ëglife, elle
»> entendit que Marianne , femme de chambre de ma35 dame de Cabris, douairiere, difputoit avec, A/, le marquis ,
33 que ladite Marianne lui difoic en criant a haute voix >
J3 vous êtes f o u , vous fere\ toujours fou^ ce qu’elle répéta
>3 cinq ou fix fois, d'un ton menaçant ; un autre jour ,
jî
elle rencontra
le nommé
Acharc , domeftique du
33 c h â te a u , avec lequel elle parla de la maladie.de
33 M . le marquis , Sc demanda à ce domeftiq.uc comme
33 il fe trouvoic , fur quoi le domeftique lui di e, qu’il
» étoic tantôt b ie n , tantôt mal; la répondante dit à
33 ce domeftique que fi M . le marquis recevoir quelque
33 lettres de la paît de fon époufe , peut-êrre que cela
33 lui feroit plaiiir , ôc qu’en lui faifant réponfe cela
»
l’occuperoit quelques momens ; fur quoi ledit Achart
33 domeftique , lui répondit qu’il yavo it dans la mai ion
m**""'
(i)
1
V o y e z pieccs j u i l i f . , N ° . i z ,
"
‘ 1' ' m
�i ©9
î) les défenfes les plus expie îles de ne remettre audit
feigneur marquis aucune lettre de la part de fa fem m e3
j> ni de tout autre , de ne lui fournir
»
ni papier , ni plume,
afin qu’ il n’ écrivît aucune lettre > ni a fa fem m e} ni d
w fe s amis ( I ).
Dans un récit de cette dépofïtion , la répondante
dit , îî que la dame de Lombard réfidoit prefque conjj tinuellement à Grade ; elle certifie encore qu’elle a
35 ouï-dire publiquement, que M . le marquis étoit battu
J3 par le nommé C o u r t, Ton domeftique.
Je puis joindre ôc je joindrai bientôt à ces témoignages
ceux de tout le village de C abris, de la ville de G r a d e ,
&. de la contrée entière ; je n’attends pour cela que d’y
être autoriféc en Juftice. Je pourrois rapporter cent lettres
qui m ’annoncent un cri général 6c d ’ i n d i g n a t i o n contre
les manœuvres de la cabale qui a anéanti notre maifon
& détruit nos perfonnes.
M a fille n’éprouvoit pas un fort plus doux.
J’ai déjà dit qu’elle étoit au couvent de G rade à deux
cens livres depenfion , qu’elle n’avoit eu d’autre éducation
qu’un maître d’écriture pendant quelques mois ; il étoit
défendu de lui laifTcr voir les perfonnes qu’on foupçonnoit pouvoir avoir des relations avec moi , on ne lui
laifToit pafler aucune de mes lettres; il lui étoit expreflement défendu de m’en écrire ; elle fut mife en pénitence
publique
l’ordre exprès de fa grand’mcre , pendant
( i ) Loriqu'on voulue lui rendre la faculté d'écrire on ne le put p lu s ; le ficur
Scytrc me dit dans lu lettre du 30 Avril 178} :
n O11 ciTayoit a C a b r i s , de faire écrire M . de C a b r is , mais on m’ aflure q u o o
a> n'eft veuu à bout de rien tirer de lui ».
�ï Io
l’office fur une tombe de l’églife au milieu du c h œ u r ,
trois heures !c matin , &: trois heures le f o i r , pour s’être
procuré par le moyen d'urte mirrc pep.iionnaire, & avoir
lu un de mes mémoires , 6c ce traitement ne ce il a que
parce qu’elle en tomba malade.
L e fieur Scytre m’écrit le
2 1
Décembre
1 7 g 2 , >3
je
» dois vous entretenir, i°. de madcmoifellc de C a b ris,
53
depuis que je vous ai envoyé fa lettre elle a eu du
3)
défagrém ent, elle a eu la foiblcflc de le dire , où cela
a tranfpiré ; depuis ce tems on l’a fait fo u iller, pour
» favoir fi elle n’a pas reçu quelques lettres de votre
93
part, vous favez que madame la douairiere eft méfiante,
33
malgré toutes leurs précautions à vouloir priver made-
5J moifclle de Cabris de vos nouvelles , je lui ai remis
>s votre lettre 3 j’ai fu qu’elle l’a lue trois fois les larmes
» aux yeux ; d i e l’a laiile entre les mains de fon a m ie ,
33 & c h a q u e jour elle vient la lire.
Le premier M ai fu iv a n t, « on nous a fait à moi 6c à
« ma femme une hiftoire bien extraordinaire fur ce que
» nous
voyons madcmoifellc Pauline , par le moyen
» d’une Religieufe q u e , dit-o n , nous avons gagnée
&
que je ne connois pas par parenthefe ; on ajoute que
33 pour prévenir toutes chofes on va la faire fortir du
3> couvent , des mauvais plaifans y ajoutent à leur tour ;
» elle fera mieux fous les yeux d’un Italien ( A lziary)
33
53
qui a toujours vécu , même a C a b iis , d une manière
fcandaleufe.
Dans fa lettre du ï 5 Mars 1 78 3 , « il nie dit : ma-
53 demoifelle
33
de Cabris eft très refTcrréc dans le cou-
vent , il y a chaque jour de nouveaux tourmens
�I I z
« qui commencent à être à charge h La fupericiire; elle fis
5) plaint de tous les tripots que l’on fait fur fon compte au
55
iujet des prétendues libertés qu’elle donne à mademoi-
5} Telle de Cabris de venir au parloir ;
il
cft bien mal-
55 heureux que cette demoifelle reiTente
innocem m ent:
55 les jierfécutions que vos calomniateurs vous font
55 éprouver ; tout a un terme , Sc je fuis fur que nous
» approchons du tems où nous allons voir finir tant de
55 maux.
Il m’écrit le i G A vril fu iv a n t,
55 mademoifelle de
» Cabris ( alors à Cabris ) eût gardée à vue par cette
55 Alarianne que vous connoiflez fi bien ; il m’écrit
55 le
18 A vril , madame la douairiere efl m a la d e ;
55
55
55
mademoifelle de Cabris la fo ig n e& lui fait compagnie,
elle fort peu du château , & toujours fuivie par M arianne qui ne la quitte pas.
O n aiTembloit les principaux habitans de Cabris dans
les (allés du château ; on y lifoit publiquement les mé
moires calomnieux envoyés fecrétement contre moi ,
dans le tems que je pourfuivois l’année derniere mon
ail-aire au Confeil , la dame de Lombard forçoit ma fille
d ’en entendre la lecture. Le ficur Seytrc m’écrit le 1 o M ai
1 7 8 3 , 55 elle craint beaucoup fa grand’mere, &
n’ofe
53 dire mot devant elle ; mais lorfqu’elle peut la perdre
î3 de vu e, elle dit , que ne me laiiToit-elle au couvent,
”
55
plutôt que venir m ’emprifonner ici ; il parle enfuite
des
horreurs qu’on lui débitoit fur mon compte.
Dans fa lettre du 1 6 du même mois, il me marque : midemoifelle de Cabris continue de s’ennuyer au château ,
;5 & d y perdre un tems utile , mais n’importe on a
des
�11 3
« des craintes, Sc on l’y gardera , &c encore on la fait
33 toujours fuivre , parce que l’on craint à Cabris qu’on
»» ne lui porte des lettres de votre part ; tout le monde
55 crie contre cette conduite & plus que jamais , on
5j defirç de voir cefler une autorité qui dégénéré eu
33 dcfpotifme affreux.
Dans celle du i 8 Juin fuivant , il dit ce mademoifelle
53 de Cabris a eu une fcène avec Marianne & A l z i a r y ,
33 pere , ( qui lui parloient indécemment de moi , ainfi.
33 que ma fille me l’a répété ) ; elle dit à la premiere ,
33 qu’elle n’étoit qu’une fouillon méprifable ; & au
33 fécond, que ii elle commandoit jamais, fur le champ
33 il feroit mis à la porte : il femble que cet enfant
si devine la conduite de ces deux individus , ÔC tout le
33 mal qu’ils lui font.
Il me marque dans celle du z Juillet , « mademoi33 rdle de C a b r is ‘ fc plaint de ce qu’on la détient à
>3 Cabris; madame la douairicre feroit, dit-on , le facri53 fice de l’envoyer au couvent, iï elle ne craignoit, à ce
33 qu’elle d i t , ou mes vifites , ou les lettres que je pour33 rois lui faire parvenir.
V o ilà la maniéré dont mon enfant étoit traité ; quant
à fa garde-robe, jîai dit qu’elle n’avoit que quatre chemifes,
fans coiffures ni jupons, ni bas, & la feule robe de toile
qu’elle avoit fur le corps ; la dame de Lombard ne lui
en a pas envoyé -depuis , ne lui en a même pas apporté,
lorfqu’clle cft venue la voir dans cette ville.
Preuve qu’on a voulu profiter des malheurs de mon
mari & des m ion s, pour difpofèr delà perfonne de notre
«nfant.
P
�” 4
Le fîear Seytre m’écrit le
11
Décem bre 1 7 8 2 ,
3J quand j ’ai l’honneur de vous dire qu’il eft urgent de
»> porter remcde à tant de maux , c’eft que je fais que
» madcmoifelle de Cabris fera bientôt pubère , &
il
» tfous importe' &C à elle aufli , de mettre obftacle à
» toutes vues d’établiflement projeté.
L e m êm e dit dans fa lettre da 1 er Mars 1 7 8 3 ,
33 que dès qu’on fut informé à G rade par M . le Bailli
»5 de M ir a b e a u , alors à A ix , que le Parlement alloic
>3 donner les motifs de fon arrêt , il y eut plufieurs
» conciliabules de la cabale , tenus chez la dame de
» Lom bard , dont le fieur A lziary , fon P rocureur,
35 référoit les avis de difïérens membres de ces conci« liabulcs , entre lcfqucls il y avoit fciilion , & que ce
« Procureur agiiToit en conféquence fous' le nom de la
»» dame de Lombard
qui > comme vous fave\^ ajoute-
»3 t-il 3 ne fa it que figner.
*
O n mettoit alors en avant comme moyen de réuilîr
un projet de mariage de ma fille.
Je m ’interdis toute autre explication fur des chofes
qui intérefTent des noms refpe£bables & chers à la pro
vince , & des perfonnes dont les recherches dans une
occafion moins critique auroient été honorables pour n u
fille.
Le fieur Seytre m ’écrit le 2 3 Avril
1 7 8 3 , « il faut
w aller au cinq M a i , pour pouvoir craindre le mariage
” de madcmoifelle de Cabris ; on ne parle plus de fon,
» établi(J'ement prochain 3 o n .d it au contraire , que
« madcmoifelle de Cabrià-ne veut pas fe marier ; mais
33 de plus, je fais de bonne part que ceux qui avoient
�r t
5
5) des projets de mariage fur mademoifelle de Cabris ‘
»» manquent de ton à caufe des circonftances , ainiî
” ma crainte eft moindre de ce côté.
Le 3 o A vril il m ’écrit » quant à mademoifelle de Ca~
31 bris il ne s’agit plus maintenant de Ton établiffement; ce
3v qui occupoit iingulierement les efprits ; k préfent on
s> dit de toutes parts, il faut attendre Pévenement, Sc
>» il faut l’attendre avec d’autant plus de raifon que nous
« aurions befoin pour cela des parens, & dans les cir)) conftances , aucun ne voudroit fe montrer.
Il dit dans celle du i o M a i « qu’on ne parle pas plus
» de cet établiffementy que s’il n’en avoir jamais été quef3» tion , &
il ajoute , j’aime à me perfuader qu’il ne
y s’en agit plus abfolument avec qui que ce fo it.
Il répété encore dans fa lettre du i i du même m ois,
33 qu’il n’en eft plus queftion , & il ajoute , il doit être
33 toujours queftion pour vous, de la délivrer au plutôt de
» cet état de fervitude dans lequel on la fait vivre.
D ans celle du i 8 Juin , il m’écrit 33 on m’a dit aufli
l î que par fois on parloit de mariage à mademoifelle
3j de C a b r i s , que madame fa grand’merc lui difoit il
»3 elle vouloir fon couiin de Clapiers : elle répondit
» que non tout uniment : madame fa grand’mere lui
33 d i f o i t , que voulez-vous donc , M. de Lombard ? Elle
33 rép o n d it, il eft trop v i e u x ; M. de C . . . Il cft trop
»
g r a n d
& trop maigre:
M .
de G. M. de S. encore moins :
33 mais qui Vpulcz-vous donc ? Je fuis ma maîtrefle , lui
» dit-elle,
on ne peut pas commander mon g o iitp our
y> prendre un mari.
P ij
�n 6
(O n trouve ces noms dans l’avis de parcns cnfuitc de
l’interdi£tion de mon mari ).
A
d m i n i s t r a t i o n
d e s
b i e n s
.
L a da me de L o m b a r d s’eft fort étendue fur c c t o b j s t ,
je l’aurois réfutée en peu de mots , fi jo ne me fuffe cra
obl igée de joindre fur chaque fait la preuve des
fitions q u ’elle s’eft permifes.
f u ppo -
'
J’ai déjà dit de quelle maniéré l’inventaire a été f a i t ,
q u ’on n’y a compris que les meubles dédaignés par les
fous-ordres : pas un m ot d’ une bibliothèque de plus de
iiooo
liv.
que
mon
mari
avoit
raffemblée : pas un
fcul pa picr inventorié , les titres de l’a£tif , les archives
des terres , les titres de famille ramaifés
grand foin par mon beau-pere ,
&
&c confervés avec
devenu
la reflource
des différens membres de fa branche , lorfqu’ ils faifoient
des p r e u v e s , font livrés au premier oc cu pant : il ne refte
à mon
m a r i , ni à ma fille aucun titre pour répéter.
J ’attefte 6c j ’offre la preuve que j’ avois trouvé avapc
m o n départ pour A i x , dans le tems de l’intcrdittion ,
Z4.000 hv. de ferme des moulins à huile de C a b r i s ,
des ficurs R a n c , 6c du m ê m e
d a m e de L o m b a r d les a affermés
fieur Boni n , à qui
la
20000 hv. trois mois
après. Il eft de fait 6c j ’offre encore de prouver que l ors
qu'elle a
fai t ce bail , elle
a trouvé
de gens folvables
fort au-deflus du prix pour lequel elle l’a donné ,
n ’ y ,a pas deux moi s
depuis la caffatlon de T i n t e r -
di£tion , j ai reçu pour m o n mari des offres à
j ’ai deja
p r é c éd emme nt
8c il
z S 0 0 0 /.
dé vel oppé les motifs de ce
�117
au rabais , livré par les gens ¿ ’affaires auxquels la dame
de Lombard donnoit au même inftanc des mándemeos
particuliers fur le prix de ce bail, ôc moyennant un paie
ment anticipé dç, vingt-quatre mille livres , entre les mains
de la curatrice ; ces faits font prouvés par les réponfes
juridiques faites par les fermiers lors des lignifications à
ma requête , de l’arrêt du C o n fe il, annexées aux procèsverbaux faits à l’hôtel de M . le Lieutenant Civil.
Dans tous les autres baux , on a reçu de pareils paiemens ; ils font tous faits de gré à gré , ou plutôt fous la
c h e m i n é e , entre les-fermiers & les gens d’affaires; fans
affiches , fans publications, fans mandement de Juge , Ci
indifpenfable en pays de droit écrit pour les biens des
mineurs Sc des interdits; j’ai expoféci-devant que plufieurs
de ces moulins ont été conftruits à neuf par mon mari ,•
démolis dans Pinterdi&ion, reconftruits à grands frais fans
nécefiité prouvée, fans procès verbaux, fans mandement
de Juge.
J'ai déjà dit qu’un jardin de quinze arpens, conftruit
à grands frais, avoit été détruit; ce jardin avoit cinq
terraffes dans route fa largeur, chacune au moins de vingt
pieds de haut ; il étoit orné de réfervoirs en citernes, cëuverrs en voûté par le deffus , où l’eau étoit conduite des
parties extérieures par des tuyaux de plomb , avec des
ajuftages & des robinets en cuivre; ce jardin a été détruit
Sc réduit en champ ; un beau bouquet de futaie , orne
ment du château , a ete coupe au pied & vendu par la
curatrice, & les fouchcs détruites.
O n fe rappelle que j’ai ci-devant expofé que mon mari
avoit paffé avec la communauté de C a b r is , une tranfa&ion pour les eaux bourbeufes produites du marc des
�il 3
olives paflecs au moulin. Le fermier placé par la cura
trice contrevient à cet a£te &: fait un procès à la com
munauté pour ccs mêmes droits. Etoit-ce de fon chef
à ce fermier? O n fent combien il étoit peu fondé : avoiti l , comme cela eil probable , une indemnité de la cura
trice partie au procès comme appelée à la garantie du
fermier? Leurs conventions font demeurées fecrettes , èc
q ’ont pu venir à ma connoiffance ; je vois feulement
dans le bilan de ce fermier , depuis en fa illite , remis au
greffe de G rade en 1 7 8 3 , qu’il porte à la charge de
la dame de Lombard & à fon d é b it , tous les frais aux
quels il avoir été lui-même condamné pcrfonnellemcnt
en fuccombant contre la com m unauté; objet qui lui étoit
purement pcrfonncl , & dont il ne pouvoit avoir de ré
pétition contre la curatrice que par fuite d’un traité.
Il cil vrai que pas le crédit du même compte , il porte
le même objet au profit de la dame de Lombard & comme
dû par lui qui y étoit condamné ; mais un marchand ne
porte pas fes propres dettes à la charge d'un étranger,
pour en créditer cet étranger après.
Q ue pourroit-on conclure de cette fauiTe opération ,
dans
les livres
d’un marchand
pourfuivi au Parle
ment d’A ix en banqueroute frauduleafe , ' iinon que le
débit & lé Crédit de cet Article n’ont pas été faits en
même tems; le iïeur Seytre m ’écrit à ce fujetle 1 6 A vril
”
1 7 8 3 , on publie que vous ne parviendrez jamaiis
» à obtenu- ce que vous dem andez, & on a l’infolence
»> d’ajouter q U’à tout événem ent, madame la douairière.
» a encore n o o o liv. en un ca p ita l; qu’ un beau jour
>3
il paroîtra une quittance en faveur de ceux qui la fer-
» vent , &C la confeillent il bien ; jugez de là fi on. la
�r 19
** fert autrement que pour fon argent, &: £ avec de tels
» fcntimens ils ne font pas intéredes à entretenir M . de
« Cabris dans le trifle état oà on l ’ a réduit.
J’ai avancé qu’on avoic voulu rédimer ce ferm ier, des
dommages & intérêts auxquels il étoit condamné envers
Ja commnauté , aux dépens de la propriété de mon mari.
Le marc des olives , après qu’on en a extrait l'huile ,
connu fous le nom de grignons appartient au feigneur, qui
en tire encore une huile groffierc nommée rccence ; cet
objet à Cabris cil d’un revenu très-confidérable.
La communauté cil obligée de couper , exploiter &c
voiturer les bois fournis par le feigneur , pour le chauf
fage des chaudrons.
Les gens d’affaires de la curatrice imaginent de propofer une transaction, par laquelle la communauté en ré*duifant à 20 0 0 1, , les 2 o o o o 1. de dommages
intérêts
qui lui font adjugés par l’ârrêc contre le fermier, demeuroit
déchargée de l’exploitation & tranfport des bois néceiTaircs
au chauffage des chaudrons; de le feigneur de fa part
étoit tenu de les chauffer de ces mêmes grignons ; enforte
que le Seigneur perdoit par ce traité le produit de fes
grignons pour la confervation d’un bois dont il ne tire
rien , &. le fermier fe trouvoit rédimé par ce facrif ïc e , de dix-huit mille livres fur les 2 0 0 0 0 liv. de dom
mages & intérêts ; cet arrangement tient il fort a cœur
aux gens d’affaires, que depuis la iignification de l'arrêt
du C o n f e il, qui caffe la curatelle , depuis que la dame
de Lombard eft dans cette ville, fes confcils & fes fondés
de pouvoirs, font routes les tentatives imaginaires pour
terminer cette affaire ; le fieur Scytrc m ’écrit le 2 5 No-
�vcmbre dernier; » j’ai appris feulement depuis quelques
« jours, que madame la douairiere a laide en partant fa
« procuration à fon A v o c a t en cette ville, & qu’avec cette
» procuration & fous pretexte du tout en é t a t , par l’arrêt du
» C o n feil, on travaille à terminer une conteflation dont
55 l’objet porte eiTentiellcment fur les droits de M deCabris,
>5 que'Pon veut foumettre à faire brûler des grignons pour
>5 chauffer les chaudrons de fes moulins à huile, tandis que
» de tout tems on les a chauffés avec du bois; cette obli»5 gation exclufïve de brûler des grignons lui fera très-pré-
« judiciable dans un bail à ferme de fes moulins à huile
» parce que celui à recence ne peut produire à un fermier
>5 qu’autant qu’il a des grignons; vous ferez bien aife de
»s favoir que tandis que tout cc qui a été fait contre M . de
m C abris, a été anéanti, on cherche encore pourtant a nuire
» aux droits defaTerre ,en aggravant fes obligations envers
fes vaffaux ; cette innovation auroit déjà porté à effet, fi
>s la tranfa&ion à paffer n’avoit été liée avec d’autres objets
>5 qui regardent bien plus le ferm ier des moulins 3 que M . de
Cabris , & que l’on a eu en vue de réduire autant qu’il cil
a pofîible, en facrifiant les droits fonciers ; mais heureufe» ment le fécond conful a tenu ferme contre un parti qui
m s’étoit formé & que l’on avoit fait adopter par une délibé*
»> ration; s’il n’efl pas rompu, il eft renvoyé &C fubordonné
** à des vérifications dont le réfultat pourra bien aboutir à.
M la révocation de la délibération qui avoit été prife , mais
»s toujours vous voyez qu’il y a péril, ¡k. qu’ i l devient urgent
» de remettre toutes chofes dans leur ordre naturel, le plutôt
»» poffible.
^
e
Alexandre C o u r t , conful de la com m unauté, attefle
k
�•I I I
le 1 7 Février dernier « qu’ayant affilié aux deux confeils
53 des mois de Novembre &c Décem bre dernier , dans
« lefquels il fut queftion de finir avec le fermier des
moulins à huile , l'article des dommages 6c intérêts
j> auxquels il fe trouve condamné , & dé finir e« même
»j tems avec le feigneur de ce lieù , l’arci^le concernant
» le chauffage des chaudrons ;.l’i\tçeftan£ fut d’avis de ne
»s finir les conteftations que lorfqu’o n . 1q pourroit vala
is blement avec M . , le Marquis
où un adminiftrateur
« légitime., Sc q u e , parce qu’il fut de cet a v i s , les
» perfonnes qui agiiToicnt pour favorifer le fermier des
sj moulins , ôc les gens d’affaires de madame la mar»
quife douairière le menacerent de lui faire enlever par
» la voie du retrait fé o d a l, le bien qu’il avoit acheté
»>
»
»
n
du fieur ArdiflTon,
viron vingt - cinq
effectué , à ce qu’il
de la fignification
dans lequel il y a une récolte d’enmautes d ’olives , ce qu’on auroit
a appris enfuitc fans la circonftancc
faite à la communauté , de l’arrêt
» du Confeil , & de {’. ordonnance de' M . le Lieutenant
» C ivil , qui ôte l’adminiij:ration des revenus des biens
» de M. le Marquis , à la dame fa mere.
Pierre D aver , Auditeur des Comptes de la commu
nauté , attefte les mêmes, chofes par fa déclaration ,
donnée le même jour 1 7 Février dernier ( 1 ) il parle auifi.
de menaces qui lui furent fa ites par les perfonnes qui favorifoient les fermiers & les gens d'affaires de madame la
marquife douairière, de retrait féo d a l des biens qu’il avoit
a c q u i s ; menaces reftées fans effet par les mêmes m o tif s .
(1) Voyez picccs juftifiçativcs, N°- 15,
Q
t
�111
J’ai ci-devant expofé comment les gens d ’affaires fe
partageoient les dépouilles de mon mari ; on en a eu des
preuves dans la déclaration des fermiers à la lignifica
tion de l’arrêt du C o n f e i l , annexée aux procès-verbaux
faits en l’hôtel de M . le Lieutenant C i v i l , où ils énon
cent les mandemens donnés fur eux, & acceptés ; dans
le bilan du Heur Bonin , je trouve en débit a le ileur
A lzia ry ( Procureur de la dame de Lombard) pour une
fom m e de 6 p o 6 liv. i o fi. j d. pour raifon de plufieurs
mandats ou billets du ferm ier, à lui A lziary, acquittés ou
remis à différens termes depuis le mois d ’O & o b re 1 7 8 1 ,
derniere échéance du p r ix du bail^ jufqu’au 1 o M a i, épo
que de la faillite ; débit qui eft: balancé par un crédit des
mêmes fommes acquittées.
Je trouve dans ce même bilan un avoir du
Janvier
,payable par mon billet fin de Novembre prochain ,
de quatre mille huit cent livres au fieur G a y te , Avocat de
j 78 3
la dame de Lombard 3 & actuellement fon fondé de pou
voirs pour régir les biens de mon m a ri, même après que
les fo n d io n s de la curatrice ont ceffé.
Au-deffous de cet avoir eft mis en titre , cc
b ila n de
e x tr a it
Ronin j concernant madame de Cabris
»
du
3)
douairiere 3 & enfiuite a la ligne y
dam e de C a b r i
5
_,
33 d o u a i r i e r e , l a q u i t t a n c e d u 1 4 J a n v i e r
1783;
M pour autant que je lui ai payé par a n t i c i p a t i o n fur
33 la paye a échoir en Novembre prochain de la rente cou■55 riante des m o u l i n s a h u i i . e d e C a b r i s .
Il eft évident parcette balance que la dame de Lombard,
d o n n e une quittance au fermier des 4 8 0 0 liv. , & que
ce fermier donne à l’A vo ca t un billet du même mon-
�I z3
t â n t , payable au terme de l’échéance du prix de ferme.
L e fieur S e y t r e m ’écrit le 6 Juin 1 7 8 3 , « il en.
5î coûte
DEUX
CENS l o u i s
A v o tre
maifon ; l’adminif-
» tratrice donna à Bonin une quittance de cette fomme,
jj le 1 4 Janvier 1 7 8 3 , fur la paye des m ou lin s, à
33
écheoir en Novembre prochain , &C en échange , le
5î fieur Failli donna le même jour j fon obligation de
53
même iomme , payable au même terme ; Tes livres?
prouvent que d ’abord il l’avoit paiTée f u r i e compte
33
du Procureur , & puis
33
à caufc de la faillite , on a trouvé qu’il étoic plus
33
co n v en a b le
33
com m e
ils
p a rta g en t
de le pafler fur le compte de
, fie
l ’A v o c a t
33 qui figure dans le bilan ; on n’efl: plus étonné ici de
33 ce que , de brouillés qu’ils éto ie n t, ils fc font étroite33 ment lié s; on aioute que c’cft aux dépens de votre
33 maifon , & parce qu'on abufe de la c r o y a n c e e t d e
33 L A F O I B L E S S E D E C E L L E Q U I L ’ A D M I N I S T R E ; CH n ’ y
•33 met point de doute , en rapprochant la date de la
33 quittance.
Il cil de fait qu’à l’inftant de l’interdi&ion de mon
mari , il jouifToit de 5 0 0 0 0 liv. de rente. La dame de
Lom bard vient de me faire fignifier cxtrajudiciaircmcnt
un état de fes revenus qu’elle fait monter à 4.2.020 liv.
mais elle n’y porte qu’à 2 0 0 0 0 liv. la ferme des m ou
lins à l’h u ile, dont mon mari refufoit au monlent des
pourfuites de fon interdiction 24.00.0 liv. du fieur Bonin,
le même à qui la dame de Lombard 1 a louee 2 0 0 0 0 h v.
8c encore du fieur Rancé, autre négociant de G rade crèsfolvable ; elle omet dans cet état l’article des menus
fervices de z o o o liv. de revenus; elle ne parle pas du
Q îj
�- î ¿4
produit ' du jardin converti en champ ; de celui du bois
coupé âu pied auprès du château, qu’on peut louer plus
de i o o o 1.; de la vigne toujours réfervée par le feigneur ;
elle omet plulicurs autres objets qui feront relevés lorfqu’elle aura préfenté fon c o m p t e , ôc elle en emploie
beaucoup d’autres, non feulement au-deflous du prix qu’on
lui en avoit offert; mais au-delTous même de celui auquel
•elle a livré , à la preuve de quoi je me foumets ; elle a
fait difparoîtrc un mobilier de 8 0 0 0 0 liv. que fa qualité
l'obligeoit d’employer utilement. Le prix des bois de futaie
que je crois prxfer bas de les mettre à 1 0 0 0 0 liv. ; elle
a touché par conféqueut pendant l’adminiftration plus de
. 5 0 0 ,0 0 0 livres.
Les charges confiiloient en 7 4 * 0 liv. de rentes, la iffées par mon beau-pere; favoir:
7 0 0 0 liv. en viager 3 pour les penfions de la dame de
Lombard , 8c de l’une de fes filles.
1 8 0 liv. de rentes par lui léguées à. l’hôpital de GraiTe.
Et Z40 liv. au principal de 8000 liv. dues à M . de
Tourettes.
Les charges foncières font de 1 0 0 0 liv. d ’impofitions
de la noblciTe.
Et ce feroit porter haut les réparations que de les m et
tre à 60 0 livres.
M o n mari enferme dans fon château n’a v o it , comme
j e l’ai déjà obfcrvé , qu’une
servan te
paysanne,
à
3 6 liv. de gages ; les deux payfans qui Pefcortoient ,
gagés dans le pays à 60 liv. , 011 n’achctoit pour ce mé
nage que îc pahi & la viande de boucherie ; le furplus ,
devoit fe prendre dans la Terre, où il y a un jardin pota
�I25
ger , baffe-cour, colombiers, chaÎTe &c pêche ; je crois
porter au plus haut taux les frais de ce ménagé en
les mettant à 1 2 0 0 liv. ; l’entretien a été nul , mon
mari n’a point eu d’h a b it , on lui a même pris ceux qu’il
a v o i t : je mets en fait , parce que j ’en ai la preuve en
main , que pendant les fept années, il n’y a pas eu pour
j o liv- de viiîte de médecin.
M a fille étoit au couvent à 200 liv. de penfion; ce
feroit forcer fon entretien 6c les frais de quelques mois
de fon maître d’écritures de les porter à pareille fomme.
Je n’ai reçu pendant les trois années que j ’ai été enfer
mée au couvent de Siitcron^ que 7 0 5 0 liv. 8c depuis
les trois ans que j’en fuis fortic, 1 0 0 0 0 liv. fuivant mes
quittances.
Toutes ces fommes accumulées montent dans les
fept années à 9 1 3 9 0 liv. quand on fuppoferoit exiilant
les 1 2 2 0 00 liv. d ’emprunts faits par mon mari , annon
cées par la dame de Lombard, fans le prouver à la page 2 9
du mémoire , & dont je fuis bien éloignée de convenir;
cesemprunts n’auroient pu produire, impofitions déduites,
que 5 4 1 8 liv. de revenus annuels, & dans les fept années
3 7 9 2 6 liv. , la dame de Lombard doit donc avoir entre
les mains plus de 3 6 0 ,0 0 0 livres.
J’ai déjà, annoncé le foin de l’avis de parens * du 2 4
Janvier 1 7 7 8 , enfuite de l’interdi£tion , pour procurer
au fieur Seytre, qui défendoit pour mon m a r i , à cette
interdiction , le paiement d’une créance que rien ne
juitifie.
Le règlement que prétendoit en avoir fait la dame
de Lombard ,
à 6 1 ,0 0 0 liv. Sc l’aifignation donnée
�I 26
enfuite à fa requête au créancier , en revifion du même
compte , demande reilée fur pourfuite , quand le ficur
Seytre s’étoit reconcilié avec Tes entours, au bruit de
quelques fuccès fur mes demandes ; je ne penfe pas que
Ja dame de Lombard perfifte à mettre cette créance dans
les charges ; j’en développerai dans un inilant l’origine
&C le progrès.
ans l’érac qu’elle vient de me faire iîgnifier, elle
emploie dans les charges de la maifon ,
2 9 0 0 liv. de
r e n t é , au principal de 5 8,000 liv. d’emprunts par elle
faits les 2 4 Décembre 1 7 7 9 , &
1 6 Ma i
1782,
de
M M . de Theas , frères , Saint Cefaire & Ricord , par
a£tes reçus par A d i f l o n , Notaire à Gratte.
Elle avoit reçu lors du bail des moulins à huile , du
30 M ai 1 7 7 8 , une fomme de 2.0000 liv. d’avance fur
cet objet : elle en avoit également touché de tous les
autres fermiers ; malgré c e l a , on voit toujours la gêne
dans Padminiilration ; toujours les fermiers font en
avance , je l’ai juilifié par leur déclaration , enfuite des
fignifications qui leur ont été faites de Parrêt du Confeil,
annexées aux procès-verbaux , devant M . le Lieutenant
C ivil ; il cil public que les mandats de la curatrice couroient fur la place de GraiTe , & qu’on ne pouvoit trou
ver à les placer; le bilan de Bonin, fermier dés m ou
lins , conftatc dans le compte particulier de la curatrice
qu’en 1 <7 8 2 , il étoit en avance particulière avec elle de
8 4 3 üv. , &
dans les mandats qu’il avoit
acceptés
pour les ficurs G ayte & A l z i a r y , A v o c a t & Procureur
de la dame de Lom bard, de 4 8 0 0 liv.; j’ai rapporté Sc
fait joindre aux procès-verbaux faits devant M . le Lieu-
�i z7
tenant C ivil ,
les quittances données par la dame de
Lom bard , en fa qualité de curatrice , dans le courant
de l’année i 7 8 3 , de la plus grande partie des revenus
jufqu’au terme de Pâques ou de Saint-Michel 1 7 8 5.
J’ai joint auili des quittances données depuis Ton
départ de G rade & depuis la cadation de fa curatelle ,
par les iieurs G ayte
&
d ’eux féparément chargé
A lzia ry ,
des
fe
difant
chacun
pouvoirs de la ci devant
curatricer, de ce qu’ils ont pu en recouvrer ; je viens
d ’en recevoir une autre du même Heur G a y t e , du 18
Décem bre dernier ,
donnée
au
fermier
du
Caftelet
( T e r r e de mon m ari) de 300 livres avec une remife
gratuite au fermier de
227
livres fur le prix de fa
ferme ^ échu en Septembre dernier ; depuis l’arrêt du
Confeil , qui cade la curatelle, la dame de Lombard
déclare qu’elle n’a pas d’argent pour payer les frais de
tranflation ordonnés par le R o i , de mon mari &c de ma
fille ; elle nous laide tous les trois fans alimens , fans
lin g e, fans h ab its, manquant du plus ftrid nécedairc ,
& elle touche fans qualité nos revenus ; elle les aban
donne au premier occupan t; la moindre attenancc avec
elle, devient un titre pour s’en emparer. T o u t le monde
retient 8c le propriétaire n’a de rcdourccs que dans fes
emprunts.
Je paÏÏe à la tranfa&ion avec les
beaux-freres de
mon mari ; je commence par obferver , que cet a& c
eft annullé par l’arrêt du Confeil des dépêches du 1 5
A o û t dernier , avec tous ceux de l’adminiftration de 1a
curatrice.
La dame de Lombard
en a fait trois pages de fa
&*L
�I28
défenfe dans le méa^pirc ; c’eft en effet l’a ile le plus meur
trier de Ton adminiftration , celui qui a concouru à tout
ce qui a été fait ; j’ai befoin pour l’expliquer de quelque
développement.
M o n beau - pere avoit réglé le fupplément de légitime
de fes filles à 8 o o o liv. Le fieur Seytre alors curateur de
mon mari , le mené à A ix au mois de Juin 1 7 7 5 , fous
prétexte de terminer l’affaire des affiches; il lui fait payer
fous fon autorifation 20,000 liv. de pur fuppl^gent de
légitime à chacun des beaux-freres , & on infere , diton , dans la quittance les réferves de la porter encore plus
loin.
Pour peu qu’on veuille rapprocher ici quelques circonftanccs , on trouvera aifément le fil de cette n égo
ciation. Le iîcur Seytre avoit été placé dans la maifon
par les beaux-frcrcs de mon m ari, qui enavoient éloigné
un homme en poffeffion de la confiance depuis trente
ans.
C ’étoient ces beaux-freres qui avoient engagé mon
mari dans la batiffe de la m aifon; c’étoit le fieur Seytre
qui l’avoit conduit dans l’affaire des affiches , qui procuroit &
faifoit les emprunts , qui étoit chargé des
dépenfes fecrettes. La lettre de M , le marquis de Vauvenargues , du 20 A o û t 1 7 7 4 , copiée ci d eva n t, page
2 4 , prouve qu’on rendoit fufpect à mon m a r i , tout ce
~
'
qui venoit de moi , & qu’il y avoit plus que des fousordres dans cette manœuvre dès que la f a m i lle s 'e n m êle 3
r e jle ^
en
repos. La
dame de Lombard convient elle-
m ê m e , ( page 1 0 , lig. i cre de fon m ém oire); que lo n g
te n u aya n t 1 7 7 7 > les p a ren s d e la f a m i l l e lu i p e ig n o iç n t
com m e
�il
9
comme inévitable la reffource de Vinterdiction de fo n fils .
Le ficur Garnier que la dame de Lombard appelle ,
page 26 dé Ton m ém o ire, un bourgeois honnête de la
ville d’ A ix , & qui foutira de mon mari en venant le
conduire h G r a d e , l’écrit du 6 Juillet 1 7 7 6 , copié à l«a
même page, eft le fecrécaire de M . de G r a s , l’un de ces
bcaux-frcrcs.
Le ficur Scyrre , curateur, Procureur fo n d é , défen
dant à l’interdi£tion comme Procureur ad lites , jufqu’au
moment qu’elle a été prononcée , cfl: Je premier dont les
intérêts font ménagés & la créancè aduréc par la déli
bération des parens , votant fur l’interdi&ion. C ’eft la
dame de Lombard contre
laquelle il venoit d’occuper
dans une affaire fam eu fe, qui
le
r e q u ie r t ;
ce font
les beaux-freres qui l’avoient mis dans'la maifon, qui
le
; ils autorifent la curatrice de leur choix , &C
d ’accord avec eux à emprunter à conftitution ou autre
m ent, à donner des mandemens furies fermiers fi la cura
v o t e n t
trice le juge à propos; pour l’acquit d’une dette dont il ne
paroît aucun titre, à un homme contre lequel ils dévoient
avoir au moins de l’aigreur , & que Padminidration univcifellc des affaires de la maifon depuis fix ans, devoit
faire réputer débiteur.
Cette créance fi foigneufement déléguée , eil acquit
tée pour 6 10 0 0 liv. en com p tant, ou en délégation ac~
ccptées des fermiers.
Dans le même requifitoire , la curatrice demande à
être autorifée a puffer des compromis, ù tranfiger fu r tou
tes les contefilations mues ô a mouvoir que peut avoir fon
R
�I}0
fils. Les mêmes parens le votent , 51 le juge l’ordonne.
Après que la dette du fieur Seytre eft parfaitement
aflfurée , « paroît la demande des b e a u x - freres, en fupm
plément
de
légitime ; auffi-tot
le compromis eft
« pafle.
Si les Satuts de Provence exigent cette forme de finir
les conteftations entre proches , les loix fupérieures à
ces ufages locaux , les interdifoient à la curatrice.
L e fieur Scytre va à A ix , inftruit les Arbitres , &C
leur porte les pieces. O n fait eftimer les terres de mon mari ;
les deux Expçrts f o n t , l'un le beau-frcrc de ce même
fieur Seytre; l’autre, le vaflal d’un des bcaux-freres.
L a fixation des droits , l’évaluation des fo n d s , tout
eft à volonté ; on ne daigne pas même diftraire les
fubftitutions ; e n fin , u n e t r a n f a & i o n aiTure 1 0 0 ,0 0 0 1.
aux beaux-freres , qui en avoient déjà reçu 60,000 liv.
& que le pjerecommun croyoit aiTez bien payés de z 40001.
C ’eft fous les yeux du fieur Seytre encore, que Pacte
eft rédigé.
Il ne faut pas je crois de longs commentaires pour
prouver de quel tems & avec q u i , tout avoit été mé
dité.
Q u ’on joigne à cela, l’écrit donné par mon mari le 6
Juillet 1 7 7 6 , au fecrétaire de fon beau-frere , Confeiller au Parlement. Celui que m ’avoit donné mon mari fur
l’autorifation de fon curateur , le 1 9 A vril 1 7 7 4 ,
pour obtenir un ordre du R o i qui l’exilât à Brie , dans
le tems que nous craignions les fuites de PaiFaire des
afficJaes (copié, page 1 6 du mémoire de nos A dveriaircs,}
�n 1
•
f qu’on fe rappelle l’ufâgc que j’avois fait de cet é c r i t , 8c
en quelles mains je l'avois dépofé , &C on verra com
ment l’exécution du projet a été am enée, on connoîtra
tous ceux qui ont concouru à nous détruire.
C ’effc du fieur Seytre lui - même , que je tiens le
témoignage que je vais invoquer; mes adverfaircs favent
s’il étoit inftruit de ce qui fe paflfoit dans l’intérieur de
leur délibération ; un écrit qu’il m ’a fait paiTer dans lû
moment, oit divifé d’avee eux , il fe voyoit pourfuivi
en recours de cette même créance dont les beaux-freres
lui avoient il généreufement aiTuré le paiement par leur
délibération , développe parfaitement toutes les marches
qu’ils ont tenues ( i ).
Quoique je faffe imprimer cet écrit en entier dans
les picces juftifîcatives , je crois devoir rapporter ici Ces
énonciations fur cette tranfa£bion ; « on dit que M . le
»» M a ig re , ( M. de Gras , beau-frere, ) frappé de ce qu’il
» a trouvé dans le mémoire concernant le fupplément
» de légitime qu’on s’eit fait adjuger , a fait un mémoire
» ou lettre juftificative de ce qui a été faità M. le Garde
î) des Sceaux , Sc lui demande juftice fur l’imputation
»> calomnieufe qu’il renferme contre les légitimâmes ;
»> puifqu’il fe plaine , il femble que madame de C a b r is ’
« doit ajouter par réflexion à fon mémoire, qu’un Con^
»3 fciller au Parlement devoit favoir qu’ils font très» mal d’attendre ou de faifir un tems d ’interdi&ion
«
pour fe faire adjuger un prétendu droit contfe l'interdit.,
( i ) V o y e z pieces juftificatiycs, N ° . 14.
Rij
�•
i 3î
53 qu’on â fi fort abufé de la foiblcjje de la. curatrîte qu’ on
» avoit créée, 8c de ce que l’interdit ne pouvoit parler;
» que non-feulement on s’eft: fait adjuger un droit qu’on
>• n’avoic ofé réclamer en juiKce contre M . de C abris,
» tandis que les biens de la fuccefîion , fur lcfqucls on
3* l’a p ris,
n’ont été cftimés qu’au taux de trois pour
» c e n t , comme domaines nobles
on s’effc fait adjuja ger , 6c on a établi dans la rranfa&ion , le taux de
53 l’intérêt du paiement à cinq pour cent ; qu’on juge de
>3 l’accciToire , fi madame de Cabris a tort de c r ie r , 6c
53 de fe plaindre.
A cç premier témoignage fe joint celui d’un homme
de qualité de la P ro v in c e , dont la religion avoit été
furprife.
M . le comte de Grafie du Bar m ’écrit le i z A vril
1783 :
53 Je n’ai point entendu , madame la m arquife, don53 ncr lieu à des ordres fevères de Sa M ajcflé , contre
>3 vous , lorlquc je fignai après trente de vos plus pro33 ches pauens de Provence , enfuite des lettres de m a 55 dame votre belle-mcrc , 8c de M.. le bailli de M ira>3 beau , un mémoire allez vague qui me fut préfenté à
'53 A ix. Je iuis charmé que ces ordres foient révoqués ,
33 mais juftifiée auprès de Sa M ajcfté, la vengeance n’cil”
elle pas au-deflous d’une ame comme la vôtre.
33 M adam e votre belle-mcre m ’a fait l’honneur do
35 m’écrirê- au iiijct de votre demande au Confeil des
» dépêches ; je lui ai témoigné mes regrets de voir
33 perpétuer les differens dans fa famille ; je lui ai offert
�i 33
» mes fervices dans ce pays-ci , mais feulement pour
3î tout ce qui auroit trait à une conciliation , &: ca
» r e n v o y a n t à M M . fes gendres tout ce qui auroit l’ap>3 pprcncc de procès.
J’ajouterai ici une dernière réflexion fur les manœu
vres de la cabale.
C e font les beaux-frères qui ont médité & fait pro
noncer l’interdiction de mon mari , Si cc font eux qui
ont nommé la dame de Lom bard curatrice; c’eft la
dame de Lom bard qui leur livre par tranfaction une
partie des biens de l’interdit. Leurs titres refpectifs font
leur ouvrage réciproque ; ils fé font donné les uns aux
autres les moyens de nous dépouiller , de nous enlever
notre exiilence , de s’emparer de notre fortune : nous
fommes depuis fix mois fans ali mens , fans linges, fans
habits , fins rcflourcc tout eft pris ou engagé .d'avance ,
tout eft faiiî- La dame de Lombard a reçu nos revenus
jufqu’cn 1 7 8 5 , les beaux-freres ont
saisi
les échéances
futures , & leurs titres refpectifs anéantis par l’arrêt du
Confeil , font mis aujourd’ hui à une exécution rigoureufe;
la violence fuccedc aux artifices employées originairement
pour nous perdre.
V oilà les perfonnes qui fe font crues obligées de venir
au fccours d ’un membre de leur famille , pour mettre a
couvert fa perfonne & fe s biens ; qui ont fa it, tout ce qui
¿toit compatible avec l'honneur pour le conferver a la de moif i l l e de Cabris avec fon pere & fon patrimoine , & voila
{comme) les mains de fa mere cherchent a lui ravir tous fes
*biens.
�1 3 4
D e toutes ces perfonnes, aucune ne vient lui donner
des alimens ; toutes abandonnent les perfonnes pour fe
faiiir du refte des biens.
L a dame de Lombard implore continuellement le
témoignage du public , les dépofitions de la Province ,
des perfonnes qui ont été témoins de fon adminiftration
je ’ lui oppofe des faits , j’offre d’y joindre le cri p u b lic ,
foulcvé contre elle, l’indignation contre les excès de la
cabale.
Quand j’articulai par ma requête du 6 Mars 1 7 7 9 ,
devant l e ‘Juge de Graflfe, l’abandon où é toit mon m ari,
les mauvais traitemens auxquels il étoit expofé , quand
je demandai à en faire preuve par témoins , que répondit
la dame Lombard ? C e qu’elle dit à la page 4 1 du mé
moire.
Elle déclara qu’il étoit inutile d’entamer fur cet objet
une longue procédure d’enquête ; elle m ’y foutint nonrecevablc Sc la fit prononcer par un Juge prévenu; à cette
preuve teilimoniale que je demandois , elle fubftitua la
defeente de ce même Juge au château de C a b ris, pour y
voir le fils 8c la mere bien préparés , &. dînant cnfcmblc;
les certificats de Ces gagiftes , ou de fes parafites , les
mêmes quelle ofe faite imprimer aujourd’hui.
Je vais prouver l’inutilité de ces démarches pour s’en
procurer d’autres; je lui oppoferai les déclarations de ceux
que ces agens ont voulu féduire ; je développerai la diffé
rence des moyens que j’employe pour faire connoître la
v é rité , Sc de ceux quelle met en ufage pour l’étoufFer.
�J31
Je donnerai des preuves du cri public , auquel je join
drai bientôt des informations juridiques.
D ans l’inftânt que je follicitois mon affaire au C o n fe il,
j ’appris que la cabale vouloic extorquer des certificats
¡contre moi.
Le i 6 A vril je fis fommer la communauté de Cabris
de s’aflembler 6c de déclarer s’il n’étoit pas vrai que
mon mari étoit maltraité ; s’il n’éroit pas vrai qu’on
avoit préfenté à la communauté des certificats touC
dreifés contre moi , qu’on l’avoit follicitée de figner.
Le i l ,
la communauté s’aifemble; elle répond que
mon mari n’eft pas Îoigné; qu’il n’efl: pas fervi; qu’il cil
abandonné ; que fa mere ne le voie pas ; qu’elle paifc la
plus grande partie de l’année à Graife & loin de lui.
Pour les certificats, la communauté répond que le fieur
A lzia ry, l’homme de confiance de la dame de Lom bard,
a propofé aux Habitans de figner des certificats tout dreffés, qu’ils l’ont refufé; que fes certificats leur ont été
repréfentés fous d’autres formes, & qu’ils l’ont encore
refufé. •
L e fieur Seytre m 'écrit, le 9 A vril 1 7 8 3 , « le certi» ficat contre vous, qui a été préfenté tout dreifé, a été
» figné par les Prêtres d e l à Paroiife, ôc par quelques
jj autres qu’on n’a pas pu me nommer, mais avec des
« explications Sc reftri£üons qui font préfumer qu’on ne
« les produira point ».
A peine ma fommation avoit-elle été connue des Agens
de la dame de Lom bard, qu’ils firent tous leurs efforts
pour empêcher l ’aifemblée de la communauté.' Le fieur
�13^
Scycrc m’écric le i G A vril 1 7 8 3 : « o n fait à Cabris
» toutes chofcs au monde pour que le Confcil n ait pas
» lieu, tk. je crains que malgré le Confcil deá Confuís
» & les Confuís eux-mêmes „ on n’y parvienne. Le pre» micr Confuí me répond que non,
que vous aurez
« une preuve de la bonne volonté de vos Habirans à faire
» quelque chofe qui put concourir à manifefler le defîr
« qu’ ils ont de voir rétablir leur feigneur & vous dans
» l’état ou vous devez être ».
N e pouvant pas empêcher l’afïemblée, les A gcns de la
dame de Lombard voulurent, au m oins, atténuer les faits,
que devoit attcfler la communauté. Le même fieurScytre
m ’écrit le 2. 3 Avril : t< A lziary ( le Procureur ) parut à.
« Cabris l ’avant-vcillc du C o n fc il, pour faire le thème
»> au C o n fu í, ôc malheureufcmcnt, il ne l’a que trop bien
»5 étudié » ................... O n voit, en comparant l’cxploic,
à la délibération, que l’on a cédé aux follicitations; que la
crainte a préiidé dans ce qui a été dir. « T o u t ce qui cil
m gens du peuple éto it, dit-on, furieux au Confcil. Ils
» crioient, dites que nous voulons M adam e la jeune, 8c
» qu’il n’y a que trop long-tems que nous fommes com »
mandés p¿r des domeitiques. Mais tout ce que ccs gens-
» là. difent, on ne l’écrit pas. Le thème étant fa it, on ne
» s’en eil pas écarté «.
Le Heur Alexandre C o u r t, Coniul de la même année,
atteile le 1 7 Février 1 7 8 4 : « q u ’après le Confcil de la
» communauté tenu la dcuxicme fête de la Pentecôte,
» le S r A l z i a r y , homme d ’affaires de madame la douairière,
» lui préfenta un certificat tout drefle fur papier tim bré,
>3 contenant
�ï.3 7
*» contenant nombre de faits; que ledit fieur A lzia ry le
»> follicita d’areiter, p ortan t, entr’autres, que M . Ic
>» Marquis écoit fuivi journellement par un chirurgien;
w qu’un médecin de Graile venoit le .vifiter fréquem>» m ent; qu’il mangeoic à la table de la dame fa merc
» Iorfqu’ellc venoit à Cabris; que le fieur A lziary ne le
*j quittoit ja m a is, &. autres faits relatifs au traitement
m
de M. le Marquis de Cabris. Après avoir lu ce certifi-
» car, ayant trouvé que les faits y énoncés n’étoient pas
» véritables, il refufa de le figner malgré toutes les infm
tances & les menaces dudit fieur A lziary »».
L e fieur Seytre m ’écrit le premier Mars 1 7 8 3 : « il
»» n’y a plus qu’un cri contre toutes les manœuvres de la
» dame de Lombard &C vous ne devez plus craindre de
>• le dire ».
D ans celle du 1 o M ai fuivant, il me d it: « M . le Bailli
»> de Mirabeau mande que vous ne réuflîrez pas; le public
u defirc fi fort que juftice vous foit rendue, qu’il n’en
« croit rien; il eft même très-impatient fur l’événem ent,
» Sc défire avec le plus v if cmprciTement d’apprendre que
» vous avez eu le fuccès le plus favorable; vos habirans
» de C abris, entr’autres ceux qui font de bonne fo i,
»> difent qu’il y a trop long-tem s qu’ils font gouvernés
i} par des mercenaires; ils efperent bien que D ieu leur
»
r e n d r a l eur m a î t r e » .
Il me dit dans celle du 1 6 Mai : « ce fera le plus grand
w a£tc de juftice qu’on pourra faire de tout anéantir d’un
»
feul coup................ Le public defirc avec le plus g r a n d
v» em prcifcm ent le dénoûment de cette affaire, qui ocS
�13^
» ' cup'e tous les gens de bien qui y prennent le pîus viF
» intérêt pour vous., 8c pour le bien-être de M . 8c de
» mademoifelle de Cabris >3. Et dans celle du 2 4 du même
mois : ci il eft tems que tant de maux foient réparés, 8c
» q a’ une fituation véritablement à plaindre, trouve enfin
» un terme.......................... Je ne fuis pas fâché d’être
» brouillé avec quelqu’ un qui ne refpc&e rien, qui no
» veut voir que fon in té rê t, 8c qui trouve mal tout ce
» qui eft: jufte. M a rupture lui fait peu d ’honneur............
« A v e c deux feules paroles, je donnai la goutte à mon
» financier.pour trois femaines».
U n homme de la premicrc qualité de la province
auquel mon mari a l’honneur d’appartenir, m’écrivit le 2 7
A o û t 1 7 8 3 , pour me féliciter fur le fuccès que je venois
d ’obtenir. « Lorfque j’ai fait l’ouverture de vôtre lettre,
» toutes les perfonnes qui étoient aiTemblécs chez m o i>
»5 ont paru partager mes fentîmens, & applaudir à un
» jugement qui h’a été que trop long-tcms attendu ».
Les iieurs Bonitt 8c Bauge, tous deux bourgeois de
C a b ris , m ’écrivent dans le mois d’A o û t 1 7 8 3 , « que la
» nouvelle du gain de mon affaire a caufé une joie géné» raie, non-feulement parmi les vaflaux de C abris, mais
» dans tous les environs; les nouvelles du 1 y , ajoutent» i l s , apportoient la palme aux deftructeurs de votre'
» mari, de votre fam ille, de vos réputations 8c de vos
”
biens. Celui du 2 3 apporte votre juftification 8c rend’
« vos adverfaires honteux........................ V en ez recevoir
w les hommages de vos vaffaux dont "vous êtes la mère
«
ôC la bienfaitrice, 8c qui par un attachement partica-
�*39
lier, n’ont jamais tant rien defiré que de voir la main
de Dieu s’appefantir fur les opprçffeurs de la maifon
»
» de Cabris................ . Nous touchons au moment de
»> voir notre mere &c. libératrice tendre une main fccou>j rableà un époux malheureux, infortuné, recevoir ^ avec
« des larmes de joie, fa tendre 6c çhere fille depuis long» tems vi&im e de l’implacable avarice » .............
Q u ’on daigne comparer ces témoignages de la yérité
avec les atteftations que produit la dame de.Lom bard,
D ’ un côré ce font des certificats donnés en 1 7 7 9 , dans
le tems même qu’elle, fe refuioit & faifoit rejeter par les
Juges les enquêtes que je demandois; ces certificats font
le fruit de la fugeftion, ou de la complaifance.
C e n’eft qu’avcc des menaces ¡k. par des voies obliques,
que
fes . A g e n s tentent d’extorquer des atteftations des
malheureux que la dame de Lombard foumet à leur def»
potifrne. Elle rient d’une main la verge de fer le v é e , &C
de l’autre le certificat qu’elle v e u t qu’on foufenvê.
J e f ui s a b f e n t e d u p a y s
M e s m a l h e u r s m ’e n o n t i n t e r -
ccDté
o u i fo l é les r e la ti on s . Je r é c l a m e c o n t r e de s O
gens
à
qui y ont des attenances, q»ji l’habitent, qui y ont le pou
voir en main. M rs perquifitions font publiques, mes de
mandes exemptes .de toutes captations; je fais fommer
juridiquement les communautés de s’aflembler, les parti-'
culicrs de déclarer la vérité. Je ne demande à tous que ce
qu’ils fi vent, que ce qu’ils ont vu; je ne les intimide point
pour empêcher qu’ils ne rendent a mcsr;AHvériaires toute;
la juftice qu'ils.en peuvent attendre; & voilà le jugement
du public entre la dame de Lom bard ô£ moi.
S ij
�14 0
Je crois avoir développé l’origine des cabales qui nous
pourfuivent; leur form ation, leur réunion, leur progrès,
&. l’exécution de leurs projets.
C ette attention à m ’éloigner de la confiance de mon
m ari, à le livrer à des mains perfides & Subordonnées, a
eu tout l’efFet qu’on pouvoit attendre des circonftanccs
malheureufes qui avoient réuni de plus grandes forces, à
celles des ennemis domeftiques acharnés depuis long-tcms
à fa perte.
C ’eft dans nos propres famille?, c’eft dans nos proches
que nous avons trouvé les deftru&eurs de nos perfonnes
de nos biens.
Les uns, avides de nos dépouilles, ont ofé attenter à
notre cxiftencc avec les armes meurtrieres, des autres
égarés par l’emportement ôc par la fo if de vengeances par
ticulières.
Com binés dans remploi des moyens & réunis dans
l’exécution, ils ne peuvent être divifés que fur la difpoiition d’un enfant échappé au nauffrage dans lequel ils ont
fait périr fes parens. Heureufe défunion ! qui nous a fauyé
le dernier opprobre réfervé à terminer nos malheurs.
Les coups fous lefquels on nous a fait fu cco m b cr,
étoient d’autant plus redoutables, que ceux qui nous les
portoient s’étoient ailurés de l’impunité en gardant l’ap
parence du voile. Les feuls qui fe m ontrent, font d’un
cô té , M . le Bailli de M irabeau, Religieux profès, m ort
civilement; de l’autre, une femme fans fortune que fon
incapacité même avoit fait appeler à la curatelle.
C ’eil fous le nom de cette m ere, de cette curatrice,
�I4 I
tout à la fois infolvable & hors d’état de ientir l’aviliffement du rôle qu’on lui faic jouer, qu’on nous pourfuic
encore ici.
C ’efl: par elle qu’on a fait dévafter nos m aifons; c’cft
par clic qu’on a faic recevoir & déléguer nos revenus
d ’avance; c’efl: par elle qü’on a rempli les mains de nos
ennemis de titres q u i, quoique anéantis par l’A rrêt du
C o n fe il, fervent encore de prétexte à des faiiies mifes en
ufage pour reculer notre jouiiTance & nous priver d’alimens. C ’efl: elle qui , pour venir nous pourfuivre, a mis en
gage notre vaijjelle d*argent s & vendu ju fq u ’ aux boucles
d ’ or de fon fils.
C ’efl: fous ion n o m , enfin, qu’on vient de publier un
libelle, ouvrage de tous les membres de la cabale : où la
calom nie, la faufleté 8c la malignité ont diftilé leur venin,
à l ’appui de pieces fal/ifiées, créées $c fuppofées par Ces
auteurs.
D es premiers attentats en néccflïrcnt toujours d’autres.
•Si nos perfécuteurs n’euflent voulu qu’arrêter les diiîipations qu’ils me fuppofent des biens de mon m ari, leur
pourfuitc devoit cefler dès que je fus enfermée; l’interdi&ion devenue inutile n’étoit donc plus qu’une flécriflure
gratuite, qu’un moyen de s’emparer des biens 8c de la
perfonne, pour s’aflurer le parcage des uns, 8c Ce prémunir
contre le retour de l’autre.
L a cabale demande encore aujourd’hui que mon mari
foit déclaré fou , parce qu’elle l’a fait juger t e l; parce
qu’elle a employé les derniers moyens pour le rendre rcî '■
>
actuellement même fa rnere ne le voit que pour l’effrayer 3
dans l’efpérance de le rendre tel.
�v
14*
C ’eft à n o s J u g e s , c ’e f t a u p u b l i c h d é c i d e r
encre
m a d a m e d e L o m b a r d 8c m o i .
E l l e a d é t r u i t l ’ h o n n e u r , l ’e x i f t e n c e & l a f o r t u n e d e f o n
fils.
;
Je n’ai jamais fait faire un fcul emprunt
je l’ai reiïufciré, je le défends.
k mon
Signé M i r a b e a u ,
mari;
M ar qui fc
de C a b r is .
M e D E B E A U S E J O U R , A vocat.
�C
L E
O
N
S
U
L
T
A
T
I
O
N
.
C O N S E I L foufîîgné fur la réponfc de madame la
Marquifc de C a b r is , b e lle -fille , au mémoire répandu
contr’elle fous le nom de la dame de Lombard de SaintBenoîc, Marquife douairière de Cabris :
E s t i m e ,
que cette réponfe 8c les pieccs authentiques
qui y font jointes, détruifent fuffifamment les calomnies
par lefquellcs on a tenté de noircir madame la mar
quifc de Cabris belle-fille, dans ce mémoire; il n’étoit
gueres poilible de prendre le change fur le- but que
fe propofoient les auteurs ; un pareil ouvrage ne doic
avoir pour objet que l’ctabliiTemcnt des droits de celui
pour lequel il eft fait, ou fa défenfe contte ceux qui
attaquent ces droits. La dame de Lombard ôc la M a r
quifc de Cabris ne plaident depuis fept ans que fur un
feul point; fur la feule queftion de favoir fi le Marquis
de Cabris eft, ou n’eft pas, dans le cas d’être interdit
pour démence. La dame de Lombard paroît ne réclamer
fon titre de mère, que pour faire déclarer fon fils fou :
la Marquifc de Cabris foutient qu’il ne l ’a jamais été 6c
qu’il ne l’eft pas. L ’une s’oubliant elle-m êm e, pourfuit, au
mépris de la nature Si du fang, la flétriiTurc de ia race
entiero Sc de fa propre poftériré; l’autre, épou'fe attachée
Sc fenfible, mere tendre, veut détourner de deiTus la tête
de fon mari ôc de leur fille unique, cette tache qu’on
�*44
t e n t e d e l e u r i m p r i m e r . U n e p ar e i l l e c o n t e f t a t i o n n e c o n f ifte q u ’e n f a i t s ; c ’eft l ' é t a t d u M a r q u i s d e C a b r i s q u ’il
s ’a g i t d e j u g e r : t o u t c e q u i n ’ef t pas r e l a t i f à c e t
état
a & u e l , eft a b f o l u m e n t étra ng er à la q u eftio n fo u m ife aux
Tribunaux.
C e t t e q u e f t i o n u n i q u e d a n s la c o n t e f t a t i o n , l ’é t a t d u
M arquis
de
C a b r i s , la d a m e de L o m b a r d la
fuppofe
é c l a i r c i e , c l i c l a m e t en f a i t r e c o n n u ôc d é m o n t r é ; e ll e
f u p p o f e i o n fils r e c o n n u
e n d é m e n c e p a r l a f a m i l l e ôC
p a r les J u g e s , & q u ’ il n ’ef t plus q u e f t i o n q u e d e lui n o m
mer
u n c u r a t e u r ; e ll e f u p p o f e
une concu rrence
ôc
uri
c o m b a t , d a n s le T r i b u n a l p r ê t à p r o n o n c e r l’ i n t e r d i c t i o n ,
e n t r e la M a r q u i f e d e C a b r i s ôc e ll e p o u r c e t t e c u r a t e l l e ;
ôc p o u r e n écar.tei l’a d v e r f a i r e q u e la d a m e d e L o m b a r d
s ’ y d o n n e f a n s q u ’ il e n a i t j a m a i s é t é q u e f t i o n d a n s les
T r i b u n a u x , e l l e a t t a q u e d e l a m a n i è r e la plus a f f r e u f e l es
m œ u r s ôc la c o n d u i t e d e l a M a r q u i f e d e C a b r i s f a b r u ; e ll e
l ’a p r é f e n t e c o m m e u n e f e m m e
coupable &
convaincue
d e s plus g r a n d s c r i m e s , f l ét ri e p a r de s j u g e m e n s h u m i l i a n s ;
c o m m e u n e f e m m e d o n t l a c o n d u i t e a a t t i r é les p e r q u i f i ï i o n s ôc les r a p p o r t s d e la P o l i c e ; u n e f e m m e q u i n ’a p u
fe
c o n t e n i r d a n s le C o u v e n t
o ù f a f a m i l l e l ’a v o i t f a i t
e n f e r m e r , p o u r p u n i r fes d é r é g l c m e n s .
Il
cft é v id e n t qu e ce
m é m o i r e fans o b j e t ,
puifque
les c o n t e f t a t i o n s q u i lui f e r v e n t d e b a f c , n ’e x i f t c n t p a s , n ’a
eu pour m o t i f qu e la d iffa m a t io n d o n t nous avons d éjà
çonfeillé
à m a d a m e la
M arquife
de
C a b r i s de rendre
plain te.
O n n e p e u t v o i r , f a ns é t o n n e m e n t , q u e l a d a m e d e
J - o m b a r d } p o u r f e r v i r des v e n g e a n c e s p a r t i c u l i è r e s , n ’ aie
pas
�M-J
pas craint de flétrir l'honneur de Ton m ari, d ’une de fes
filles, Sc qu’elle cherche encore à imprimer une tache fur
fa propre poftérité. Q ue pour décrier celle qu’elle fuppofe
fa concurrente dans la curatelle de fon fils, & qui n’eft
véritablement fon adverfaire que pour détourner la flétriflure qu’elle vçut imprimer fur fa famille ; qu’une
femme de qualité, âgée de foixante-dix ans, qui exige
les égards dûs à fon fexe,*à fon âge & à fa dignité, fc
permette d’expofer contre une femme de qualité, fa bru,
des faits qui, quand on pourroit les fuppofer véritables,
devoient allarmcr la pudeur de celle qui en faifoit le
tableau.
M adam e la
Marquife de Cabris démontre de la
manière la plus convaincante la calomnie acharnée à la
pourfuivre; elle prouve les falfifications & les altérations
qu’on s’eftpermifes dans la copie tranferitedans le mémoire
de la Sentence rendue dans l'affaire de M . de Villeneuve;
elle a démontré la faufleté du prétendu procès-verbal de
POificier de P o lic e , fuppofé attaché à fes pas. Nous ajou
terons à fes preuves, une feule réflexion fur ce fait. Si la
Police eût détaché quelqu’un pour éclairer la conduite de
madame la Marquife de C a b r is , les rapports qui en
auroient été fa its, pieccs fccrettcs du Gouvernement,
n’auroient pu iortir de fes dépôts. Quand on pourroit
fuppofer l’exiilence de ces procès - verbaux ; quand ils
pourroient être venus entre les mains de particuliers,
jamais de pareilles pieces ne peuvent être employées en
juftice, 8c il cft bien étonnant qu’on fe foie permis de
les tranferire avec des guillemets, dans un ouvrage que
l’on prétend defliné à une défenfe judiciaire.
T
�146
S’il pouvoic être queftion de la curatelle du Marquis
de Cabris, de la préférence entre la merc de l’interdit &C
fa fem m e, la M arquiic de Cabris démontreroit par le
texre même des loix romaines, qu’on lui oppofe, qu’elles
ne prononcent pas en ce cas l’cxclufion de la fem me;
qu’elles l’appellent au contraire de préférence à tout autre,
elle invoqueroit l’ufage du Parlement de Provence, où les
femmes font nommées curatrices du mari interdir, à l’c »
clufion de tous les parens; elle écartcroit d’un feul mot la
prétention de la dame de L om bard , que les mauvais traitemens exercés fur fon fils pefidant l’ufurpation d’une
curatelle anéantie, & les abus dans Padminiftration des
biens en rendent indigne. M ais cette queftion fur laquelle
la Marquife de Cabris réunit le vœu des Juriiconfultes,
cft abfolument fuperflue ici; elle foutient que le Marquis
de Cabris, fon m ari, n’eft pas dans le cas d’interdiclioa
pour démence; elle a , en fa faveur, le vœu d’une famille
refpe&able, compofée de ce qu’il y a de plus diftingué par
la naiffanee àc par les emplois. L ’avis des médecins & des
gens de l’art fait pour fixer l’opinion des Juges, & aux
quels on n’oppofe rien de contraire de la part de la dame
de Lombard.
Délibéré a Paris le dix neuf Mars mil fept cent quatrevingt-quatre. Signé d e B e a u s e j o u r .
�PIECES JUSTICATirES.
N". I.
ous G
reffier
en ch ef de la Sénéchauiiée de G ratte, certifions
que la fentence rendue par M e R e v e l, Juge commis par la Cour le
deuxième jour d’Odtobre 1 7 7 6 , en faveur de Meflire Louis de V ille
neuve , Seigneur de Mouans 8c de Sartous, contre les fieurs de R iqu eti,
comte de Mirabeau , de Briançon , & les dames marquifes de Cabris
& de la T o u r, n’a jamais cté levée au G reffe, les droits royaux n’ayant
jamais été payés, ayant néanmoins joint un extrait de ladite fentence
à la groiTe de la procédure par noüs remife rieres le greffe criminel
de la Cour du Parlem ent, enfuite de l'injon&ion qui nous en avoit
été fa ite , enfuite de l’appel de la même fentence", en foi de quoi ,
nous avons délivré le préfent pour fervir & valoir ce que de raifon. A
GiaiTe le 14 Février 17 8 4 ,fig n é A
ubin.
N°. II.
Copie des Interrogats, & Réponfes du fîeur Marquis de
Cabris des 10 2c z i N ovem bre 1777.
D u 10 Novembre 1777 , dans le château ftigneurial de Cabris, &c.
nous nous ferions prèfentés à la dame mafquife de Cabris , belle-fille ^
que nous aurions trouvée au - devant du château , laquelle nous auroit
introduit dans une chambre au fécond étage , dont les fenêtres vifent au
nord, & lui ayant fait Javoir le fujet de notre commiffion, elle nous auroit ■
dit que le jieur marquis de Cabris , fon mari, étoit parti ce jourd'huigrand
matin pour la campagne , pour y paffer la journée , & d ou il ne reviens
droit que ce fo ir , étant fdchee que ledit fieur de Clapiers fon mari, ne fe
fo it pas trouvé dans fon château ; quelle efl perfuadée que s ’il favoit
qu’on venait dans la vue de l’ interroger, il ne fe feroit pas abfenté,
T ij
�troyant que notre accedit navoit pour objet que l*audition %es témoins
par lui requife par fon comparant du jour d’ hier ; & ayant interpellé la
dite dame de Cabris, belle-fille, de figner, elle nous auroit répondu quelle
croyait que fa fignature etoit inutile, & n’ a voulu figner > de ce requife.
Me Al^iary, intervenant, Sec. a dit que le fieur marquis de Çabris de-
*
vant fe trouver dans ce moment à la campagne, ainjî que la dame matquife de Cabris ,fo n époufe, vient de le déclarer, ledit Me Al^iari audit
■
nom requiert être ordonné que ladite dame de Cabris , belle - fille , fera
tenue de nous déclarer
m oyennant serm ent,
ou
le
sieur
de C a
b r i s , SON M A R I , A ÉTÉ CE M A T I N , & LE N O M DE LA C A M P A G N E OU
I L L E P R E T E N D Q u ’lL A É t É , &
FA UT E P A R L A D I T E D A M E DE C a -
BR1S , BELLE- FI LLE , DE F A I R E T O U T P R É S E N T E M E N T L ADI TE D E C L A
RATION j
ledit Me Al^iary fe réferve de requérir ce qu’ il avifera ,, & a
fig né'
V u la réquifition ci-deiTus faite par ledit M e Alziary , ouï le Procu
reur du Roi n’empcçhant, avons ordonné que ladite dame de C ab ris,
belle-fille , déclarera tout préfentem ent, moyennant ferm ent, où le
dit fieur de Cabris , fon m ari, a été ce m a t i n & le nom de la cam
pagne où il a c t é , & ordonné que la préfente ordonnance fera-tout
préfentement lue à ladite dame pac notre Greffier. A Cabris lefdit»
jour & an que deiTus >figné F l o r i s .
Laquelle ordonnance ayant été publiée par notre Greffier à ladite dame
de Cabris, belle-fille , elle nous auroit répondu, moyennant le ferment
qu elle a tout préfentement prêté, que le fieur de Clapiers , fon mari >
étoit parti ce matin avec un domeflique de confiance, & quelle ne fa it
pas abjclument ou il a été , ignorant s’ il a été à la ckaffe, à la cam
pagne , ou partout ailleurs , où fe s affaires ou fon plaifir auront pu l’ ap
peler, &
l’a y a n t
interpellée
de figner, elle nous auroit répondu ,
qu’elle croyoit que fa fignature n’etoit pas néceifaire, & a refufé de
figner , de ce enquife , ajoutant ladite dame de Cabris yque f i elle avait
fu où fo n marl Je trouvait, elle n auroit pas eu befoin de réquifition , &
rauroit envoyé avertir fu r le champ ; requife de figner,
veau
a
de
nou
REFUSÉ.
Me Al\iary a du que la déclaration que la dame de Cabris *
�14?
belle-fille, vient cîe faire fur la publication de l’ordonnance ci-deiïus,
eft en oppofition avec ce qu’elle nous a dit à l’ouverture de notre
verb a l, où ladite dame a parle d’une maniéré affirmative qui indiquoit qu’elle ne devoit pas ignorer où le fieur de C abris, fon m ari,
peut fe trouver dans ce moment ; il n’eft pas douteux que dans l ’ctat
affligeant où le fieur marquis de Cabris fe trouve aujourd’h u i, il ne
foie entièrement livré à la garde & aux foins de la dame fon époufe ,
qui devroit conféquemment nous déclarer où le fieur de Cabris fe
tro u ve, afin qu’il pût ctre procédé à fon interrogatoire, en confor
mité de ce qui a été par nous ordonné ; en l’ état il cjl fehfiblc que le
Jieur marquis de Cabris doit f e trouver dans fon château, ou q u ’i l a été
caché à quelque part par la dame fon époufe , dans la vue d‘ éviter l'inter
rogatoire ordonné, aufii ledit M e A lziary, intervenant comme deffiis,
nous prie & requiert d’ordonner que par les huifliers à notre fuite il
S E R A F A I T P E R Q U I S I T I O N DANS LES A P P A R T E M E N S DU P R E S E N T C H A
TEAU
, que ladite dame de C abris, belle-fille, fera tenue
de
F A I R E O U V R I R , P O U R S A V O I R SI 1 E D I T SI E UR M A R Q U I S DE
s ’y
trouve
enferm é
,
C
leur
ABRI S
ledit M e Alziary fe réfervant, ladite perqui-
iition faite , de requérir ce qu’il avifera , &
figné.
JEt attendu qu’il eft ùne heure après m id i, on renvoya à trois heures
après midi.
Et à trois heures de relevée, nousdit Lieutenant, nous ferions de
nouveau portés au château en com pagnie, & c. , où nous aurions
trouvé Joachim G u erin , cuifinier du fieur de C a b ris, auquel nous
aurions demandé de nous dire fi le fieur ou dame de Cabris font
dans le château, de nous indiquer l’appartement où il fe trouvent, il
nous auroit répondu ne favoir où a été le fieur de Clapiers , & qu’à
l’égard de la dame de C a b ris, fon-époufe, elle eft fortie depuis peu
de tems du château , qu’il croyoit qu’elle ne tarderoit pas de venir ,
& qu’il alloit lui envoyer un exprès pour tâcher de la trouver , afin
de l’avertir de notre arrivée audit château, 6c ayant attendu jufqu a
quatre heures & demie , fans que la dame de Cabris qui avoit les clefs
de tous les appartemens, foit revenue, nous aurions renvoyé à de-r
main de ftatuer fur la rcquifition ci-deilus faitç par ledit M e Alziary.
�1s°
Etattendu l’heure’tarde, nous aurions renvoyé, & c ., ayant chargé
ledit fieur Joachim G uerin, cuiiînier, d’avertir ledit heur de Clapiers
de la dame Ton époufe du renvoi de notre préfent verbal à demain ,
& c . , & avant que de figner, ledit M c Alziary , audit nom , nous
pries & requis d’ordonner qu’il lui fera tout préfentement délivré par
notre greffier extrait de notre ordonnance de renvoi à demain pour
la continuation de notre verbal, afin qu’ il puiffe agir ainjî que Vintir et
de la dame de Lombard l ’ exigera , & a figné.
' Et nousdit L ieutenant, vu le dire ci-deilus , & ouï le Procureur
du Roi n’em pêchant, avons ordonné que par notre greffier il fera
tout prefenrement délivré audit M c Alziary extrait de l’ordonnance
de renvoi à demain pour la continuation de notre .prefent verbal aux
fins requifes. A Cabris lefdits jour & an que defTus, fignés F l o r i s ,
M a r t i g n y , I s n a r d , médecin
A l z i a r y , L a m b e r t , chirurgien,
R i p e r t & L a u t i e r , huiiîier , Si A u b i n , greffier.
Et advenu ledit jour 11 dudit m ois, nousdit Lieutenant aurions de
nouveau accédé au château , & c ., où nous aurions trouvé ladite dame
m irjuift de Cabris , belle-fille , qui nous a dit que le fieur de Clapiers ,
fon mari, Je trouve dans fon appartement, & qu’ il va defeendre dans le
moment ; & ledit fieur de Clapiers étant entré dans ledit apparte
ment , M e Alziary s’eft délifté de la derniere réquifition par lui faite
le jour d’hier , & nous a priés & requis de procéder tout préfen
tement à l’inteirogatoire ordonné , après néanmoins qu’il aura été par
nous ordonné, a inf que ledit Me Afyary le requiert, que la dame marquife de Cabris, belle-fille , & Me Seytre, procureur du fieur marquis de
Cabris , auront vidé le prefent appartement, <S a figné.
Sur quoi la dame marquife de Cabris a dit qu’il ne s'agit pas ici
d ’un aceufé , mais des réponfes à prêter en matiere civile , qu’elle
ni M c Seytre , procureur du fieur marquis de Cabris 11’entendent pas
prêter des réponfes pour lu i, mais qu’il y auroit de la dureté de les
obliger à vider ledit appartement j qu’en bonne règle s’agiflànt de
conftater 1 état permanent d’un citoyen , fon interrogatoire pourroit
Sc devroit être public : telles font les réglés ; 8c ç’eit ainfi qu’on l’a
décidé à la dame marquife de Cabris , qui requiert le déboiitement
�i <;i
delà rcquifition faite par M e A lziary, à quoi elle a conclu, M c Seytre
ayant figné, Indice dame ayant déclaré ne vouloir figner , de ce enquife.
Me Alziary a dit qu’ il ne faut rien de plus que les efforts de la dame
de Cabris 6• de Me Seytre , pour nous convaincre que leur prefence à
l ’ interrogatoire dont il s ’agit, ne pourroit qu’être nuif i l l e , s ’ilja u t en
fu s confulter les réglés , au lieu qu elles foient telles que la dame de
Cabris les expofe , chacun fait que lorfqu’il n ejl même quefiion que des
réponfes cathégoriques à prêter auffi en matière toute civile, celui qui
ejl interrogé ejl toujours fe u l à les prêter, il y auroit même d’inconvé
nient qu’ il put y avoir des confeils qui puffent influer en quelque maniéré
aux réponfes à prêter. A u jurplus Me Alziary oljcrve qu’ il defremit
fo rt que les réglés & les devoirs defon état ne lui impofajjent la ncccfjué
de perffler a la réquifltion par lui ci-devant fa ite, & <1 laquelle il requiert
qu’ il fo itfa it droit , & afigné.
Sur quoi la dame marquife de Cabris a dit que fi elle perfide de
refter dans ledit appartement , ce n’eit ni pour répondre , ni pour
inlinuer des réponfes à fon m ari; il n’a befoin ni de fon fecours ni
de celui d ’un confeil pour les prêter ; mais ayant été hier à la cam
pagne & étant fatigue, nous voyons qu’il foufFre des douleurs , & il
peut a vo ir befoin à tout inftant de fes foins , requérant de nouveau le
déboutement de la rcquifition de M e Alziary , M e Seytre a figné , la
dite dame ne voulant figner , de ce requife.
M e de M artigny , Procureur du R o i , n’empêche qu’il foit enjoint
aux procureurs refpeûifs des Parties de vider l’appartement, & ne
trouvant nul inconvénient que la dame marquife de Cabris y refte,
pour erre plus à portée de faire exécuter les ordres de fon mari ; il
eftime qu’elle peut y demeurer , délibéré , Scc.
V u la rcquifition & dire ci-deiTus, tk les conclufions du Procu
reur du R o i , nousdit Lieutenant avons ordonné que la dame de
Cabris , de même que les procureurs des Parties relieront dans ledit
appartement , ôc q u il fera par nous tout prefentement proccde a
l ’iirerrogatoire dont il s’agit. Fait à Cabris dans le château feigneurial
led it jour i i Novembre 1 7 7 7 , f i gné F l o i u s .
�is*
Enfuite de quoi nous aurions fait prêter le ferment à M c Antoine
Ifnard , Dodteur en médecine , 8c ail fieur Louis-Elzear L am b ert,
Maître en chirurgie , 3 e bien & fidellement gérer au fait de leur coin“
miilion , &c aurions procédé à l’interrogatoire dudit fieur de Clapiers
en leur préfence & en' celle du procureur du R o i , 8c conftitue le
dit , & c. Interrogé fur le contenu, &c.
Interrogé de fon nom , fur nom, âge , qualité & demeure :
A répondu qu’il s’appelle Jean-Paul de Clapiers de Cabris , âgé
de vingt-fept ans , rcfidant ordinairement à fon prcfent château ; ¿5C
par intervalle à Grafle.
Interrogé s’ il a été malade , & s’ il l ’ejî encore :
Ledit, iieur de Cabris nous auroit obfervé qu’avant de répondre,
il étoit bien aife de nous dire qu’il étoit fâché de fe préfenter à nous
en robe de cham bre, mais que fon état de maladie où il fe trouve,
ne lui avoit pas permis de s’habiller, attendu qu’il eft attaqué d’une
maladie de nerfs qui lui fait fouiFrir des douleurs aiguës , ajoutanc
que la maladie de nerfs dont il eft attaqué, ne produit en lui que
des effets phyfiques, 8c répondant à l’interrogat que nous lui avons
f a i t , a dit que la folution de la demande précédente fe trouve dans
la réponfe ci-deifus a jo u ta n t que la maladie des nerfs dont il a été,
&: eft encore affe£té , n’attaque que fon corps , 8c n’a aucune correfpondance à fon cfp rit, 8c par conféquent ne peur le léfer fur
l’affaire qu’on lui a intentée , 8c dont il eft inftruit, & pour laquelle
nous avons accédé.
'
Interrogé pourquoi depuis environ trois mois il efl par intervalle plongé
dans la. trifiefje :
A répondu que la maladie de nerfs dont il eft attaqué, & qui re
double dans ce moment des impreiTions vives 8c douloureufes fur
fon corps , ne lui permettent pas de répondre en détail à toutes les de
mandes que nous pourrons lui fa ire , 8c que la juftice eft en droit
de lui faire . ma;s qu’il peut dire généralement qu’inftruit que fa
niere abufte par ¿ QS efprits qui fans doute ont altéré les fentimens
maternels qu’elle lui avoit toujours tém oignés, 8c qu’elle lui a intenté
une procédure en dém ence, qui n’a Çc ne peut ¿voir aucun m o t i f
légitime
�*5?
légitime } mais qu’il eft bien aifurc , foit dans fo:i. domeftique , foie
!ci dans ion village, où la liberté de la campagne permet de fe tenir
d’une manière moins décente qu’à la v ille , foie à G raife, où il fe
trouve de tems à autre aux promenades publiques , dans les converfations privées avec fes parens, fes amis , &c fes gens d’affaires, qu’il n’a
proféré, ni dit aucun mot qui puiiTe donner-fujet à des interprétations
fauiTes , contraires à la raifon & au bon fens , & encore moins laiiTc
échapper des lignes vifibles de démence, ni fait aucune ad^ion dire£te
ou indirecte qui pourroit venir à l’appui de ces figues, y mettre le fçeau
par un ufage continuel & journalier.
E t tomme nous allions faire un troijîeme inerrognt, l e r é p o n d a n t
n o u s a u r o i t d i t que dans le moment fa maladie dont iL n o u s a
parlé ci-deiTus , lui fait fouffrir les douleurs les plus aiguës Sc les plus
doulourenfes qui ne lui permettent pas de répondre davantage aux
interrogats que nous pourrions lui faire ; & comme en tout état de
caufe un accufé cft lib re , même en matiere criminelle , ce qui eft
d’une confcquence encore plus elTentielle, que dan« une affaire civile
de fe laiiTec faire fon procès comme fourd & muet volontaire, à plus
forte raifon qu’il peut requérir le Juge de prononcer fon jugem ent,
d ’après une ou plufieurs réponfes limitées pour un citoyen prévenu
en ju ftice, fur-tout quand ce même citoyen eft sûr d’avoir énoncé
tout ce qu’il croit néceiTaire pour fa 'juftification authentique & com plette.
Nous lui aurions repréfenté que nous ne procédons au préfent interro
gatoire que pour conjlater l'état de fon èfprit, nous ne pouvions nous
difpenfer de faire encore d’autres interrogats , qu’attendu l’ état ou il
f e trouve, nous ayant obfervé qu’ il foujfroit beaucoup, nous aurions
renvoyé la. continuation du prefent interrogatoire à trois heures de re
levée.
Le£ture fa ite , & c.
Et advenue ladite heure , & c.
Interrogé pourquoi à la fin du mois de Septembre dernier étant nta-^
lade , il a reftépendant trois jours fans prendre de nourriture :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
. Y
�154
Interrogé pourquoi il refufoit tous les alimens qu'on lui préfentoit , &
qui auraient pu le foulager dans fa maladie :
A répondu qu’il fe rcfere à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi le 23 Septembre dernier, étant detenu malade, dans
fon l i t , il refufi de prendre un bouillon , quelques inflances quon lui
f 'U '
,
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi, quand on le preffoit de prendre de la nourriture , il
la refufoit en difant & répétant, mon D ie u , anéaniijj'c^ moi :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes-réponfes.
Interroge pourquoi environ depuis trois mois il s'emporte quelquefois
contre les perfonnes qui s’ approchent de lui :
A té p o n d u qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé s’ il n'efl pas vrai que vers la fin du mois de Septembre der
nier il fe feroit je té par la fenêtre , f l on ne l’ avoic retenu :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Nous lui aurions repréferué que fon refus de répondre précifîment aux
interrogats que nous lui faifons , pourroit ctre regardé comme un aveu ,
nous l’ interpellons de répondre plus précifément.
A encore répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi il dit , ayant de me jeter par la jenctre , je veux
tuer mon époufe :
A répondu que l’interrogat que nous venons de lui faire eft faux.
Interrogé pourquoi le même foir il vouloit lancer un fauteuil contre la
dame de Cabris , fon époufe, f i on ne le lui eût ôté:
A répondu que cela eft faux.
Interrogé pourquoi il en lança tout de fuite un fécond contre tous ceux
qui étoient préfens :
A répondu qu’il fe rcfere a fes- précédentes réponfes :
Interrogé pourquoi il vouloit fe renfermer dans la prifon :
'*
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi avant de s ’y renfermer, .cl demandoit que l ’on y
ùrulut de l'encens :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
�JÎ5
Interrogé s’ il efl vrai que dans le commencement du mois de Septembre
dernier il a maltraitéfa fille :
A répondu que cela efl: faux.
Interrogé pourquoi deux jours après , fe chauffant à la cuifine, comme
fa fille entroit, il lui donna un coup de pied :
A répondu que cela eft faux.
Interrogé pourquoi le fo ir du i l Septembre dernier, il fe donna un
coup de coâieau :
A répondu que cela eft faux.
Interpellé de nous dire f i la ble(fure étoit confidérable ;
A répondu fe réferer à fes précédentes réponfes.
Nous lui aurions repréfenté qu’ il devoit avoir une: p laie, & que celte
plaie devoit être profonde, puifqu’ il en découla environ quatre livres defang.
A dit qu’il n’a rien à répondre à cet interrogat, non plus qu a ceux
que nous pourrions encore lui faire , & que s’il a répondu jufqu’à
prefenr , ce n’a été que pour montrer une plus grande déférence à la
ju ftice, Sc qu’il demande la permiifion d’aller fe coucher.
Interrogé pourquoi le 1 8 Octobre dernier il fe donna encore deux coups
de couteau fur les fauffes cotes :
N ’a voulu répondre.
Interrogé s’ il y a environ trois mois , & dans dijférens tems , il
a.
je té par la fenêtre une dame - jeanne de vin , de l ’ argent, une montre ,
& un chien :
N ’a voulu répondre.
Interroge s’ il ejl vrai que dans le courant de l ’ été dernier il brûla quan
tité de livres excellens , & des papiers précieux ;
N ’a rien répondu.
Interrogé s’il croit être guéri des coups de couteau qu’il s ’ étoit donnés ;
N ’a rien répondu.
interrogé f i dans ce moment il foujfre beaucoup :
N ’a rien répondu :
Interrogé s'il ne feroit pas bien aife que
Lambert, chirurgien, lui tâtajfent le poulx :
A répondu que non.
Ifnard , médecin , <5*
Vi)
�E t attendu qu'il ne nous auroit pas répondu , nous aurions abrégé &
fin i nos interrogats , & plus n’ a été interrogé.
Lecture , & c . , ôc a figné ledit Jieur de Cabris avec M . le Lieutenant
& toute fa fuite.
N °.
I n t e r r o g a t o ir e s
I
I
I.
faits d’office au Marquis de Cabris par
M . le Confeiller de Saint - M a r c , à la réquifition du
Marquis de C a b ris, dans une feule féance d’environ
'
deux heures & demie.
S A V O I R F A t SO
n s
nous Philippe de Meyronnet, Chevalier, Sei
gneur du Prignon , Confeiller du Roi en la Çour de Parlement de ce
pays de Provence fia n t à A ix , Commijfaire en cette partie député, que
ce jourd’hui 18 Février 1778 , à dix heures du matin, & dans le Pa
lais , fcroit comparu M e Jean-Louis Court le jeune , procureur en ladite
Cour , intervenant pour Meffire Jean-Paul de Clapiers de GraJJ'e, Sei
gneur , Marquis du lieu de Cabris & autres lieu x, qui nous a dit que
par decret de la Cour du neuf du courant, nous aurions été commis pour
interroger ledit ficur de Clapiers fu r tels faits & articles que nous trou
verons bons ; qu’enfuite de ce dire il en ejl intervenu un. fécond le qua
torze du courant , portant qu’ il fera par noui accédé , préfent M . le
•Procureur Général du R o i , dans Îappartement que ledit fleur de Cla
piers de Cabris occupe en cette ville , en la rue du St. Ffprit , pour
l ’interroger & prendre fe s réponfes ordonnées par ledit decret du neuf
'du courant, & que le jour d’ hier, au bas d’ un comparant à nous prefenté par ledit M e Court le jeune , nous avons rendu une ordonnance
par laquelle nous avons affigné à ce jourd’hui à dix heures du matin ,
l ' accédit ordonné par le decret du quatorze du courant ; & d’ autant auc
T heure de l’ affignation par nous donnée fe trouve txpirce , ledit M c Cburt
le jeune audit nom nous prie & requiert d ’accéder tout préfenterrient
dans ¡ ’appartement que ledit fleur de Clapiers occupe dans la maifon du
�»57
fitur Theyenin, à la rue du St. E/prit, en conformité des fufd-its decrets,
&
à
ce il a conclu & a fig n é ; figné C o u r t le jeune à l’original.
A laquelle réquijition adhérant, nousdit Confeiller & Commiffaire
aurions tout de fuite , en compagnie de M c Jean-François Dcymard de
Mans , Avocat Général, M c Jean-JoJ'eph Aymard ,• Greffier commis au
Greffe de la Cour, précédés de M c Antoine Gmjfan , Huiffter, aecédé
à ladite maifon du ficur Thevenin , fituée à la rue du St. E fp rit, où
étant, ferions montés au premier étage de ladite maifon , & entrés dans
les apparlemens occupés par ledit fieur de Clapierr fur le devant de la
dite maifon , où nous aurions trouvé ce dernier s lequel, moyennant
ferment :
Interrogé de fon nom , furnom , âge, qualité & demetire ;
A répondu s’appeler Jean-Paûl de Clapiers de C a b ris, gentil
homme âgé de v in g t-fep t ans , rélîdant tantôt dans fon château de
C a b ris, tantôt dans la ville de Gratte , qui n’eft diilante du lieu de
Cabris que d’une heure de Chem in.
Interrogé s’ il fa it pourquoi & à la requête de qui nous avons accède
dans la maifon qu’ il occupe acluellement ;
A répondu que c'eft au fujet d’nne affaire qui lui a été intentée
par la d am e de Cabris fa mere , au fujet d’une prétendue démence
dont elle l’accufe , ce qui a donné lieu à ce qu’il eft venu en cette
ville pour faire cefTer la procédure prife à ce fu je t , & enftiire de
la demande que le répondant a fa ite , & qu’il lui a été accordé que
nous accéderions dans la niaifon qu’il habite préfentement , pour y
recevoir fes réponfes , attendu fes incommodités-, & nous a déclaré
que la requête fur laquelle eft: intervenu ledit decrer, a été préfemée
en fon nom.
Interrogé s’ il fouffre acluellement de grandes douleurs de nerfs ;
N
A répondu que ou i, mais qu’elles ne font pas affez e'xceifives pour
l’empccher de répondre aux demandes que nous lui ferons.
Interrogé depuis quand a commencé la maladie' dont il eft atteint ;
A répondu que fa maladie eft une maladie de nerfs qui ne peut
Être relative, ni lui porter coup fur 1affaire prefente , Sc quelle a
commencé depuis environ fix ou huit mois.
�M?
(
Interroge s’il n a pas éprouvé quelque grand chagrin qui puijje avoir
occasionnéf i maladie ;
A répondu qu’il n’a jamais eiïuyé d’autres chagrins que ceux aux
quels le commun des hommes eit expofé , & qui ayent été aflez
violens pour le jeter dans l’état de démence qu’on lui reproche, &
qu’il déiavoue.
Interrogé f i depuis l ’ époque qu’ il vient de donner au commencement de
fa maladie , i l a toujours j o u i de la liberté d’efpnt néceQuire pour vaquer
par lui-mcme au régime de fes affaires ÿ
A répondu que oui.
Interrogé s’il n’a pas fa it une procuration le deux Septembre dernier ,
pour prépojer quelqu’ un à la conduite de fes affaires ;
A répondu qu’il Te rappelle d’avoir fait une procuration de cette
nature , mais qu’il ne fauroit fe rappeler précifément le tems qu’il
l’a faite.
Interrogé s’ il f i rappelle quelle ejl la perfonne en faveur de laquelle
il a fait cette procuration,
A répondu que c’eft en faveur de M e Seytre, procureur au Siège
de GraiTe.
Interrogé s ’ il fe fouvient d’avoir fait d’autres procurations , & à
quelles époques ;
A répondu qu’il fe rappelle d’avoir fait une autre procuration auflî
générale que la précédente , en faveur de la dame de Cabris , fon
époufe , & ' fur laquelle elle devoit fe concerter à l’amiable avec
U d itM e Seytre , à cette fin que la dernière eût l ’effet d’annuller celle
laite en faveur de M c Seytre.
Interrogé s’ il fe rappelle quels étaient les pouvoirs qu’ il donnoit aux
perfonnes à qui il confioit leflites procurations ;
A répondu que fe trouvant en cette v ille , & étant dans l’intention
d aller voyager dans les pays étrangers, il y fie une procuration en
faveur dudit M c Seytre , qui lui donnoit pouvoir d ’adminiftrer les
biens du répondant pendant fon abfen ce, d’affermer les terres en
cas d’expiration des précédens baux, d’emprunter pour faire face aux
dépenfes courantes 8c néceiTaires pour l’exploitation de fes b ien s,
�159
& les autres pouvoirs qu’une procuration aiTez ¿rendue peut con
tenir.
Interrogé .quels étoicnt les pouvoirs contenus dans la procuration faite
en faveur de la dame de Cabris , fon époufe ;
A répondu que c’étoient les mêmes pouvoirs contenns dans la pro
curation faite au iïeur Seytre.
Interrogé f i , lorfquil étoit dans le defftin d’aller voyager dans les
pays étrangers , il comptait de faire fe s voyages avec la dame de Cabris ,
fo n époufe ;
A répondu que non , la dame de Cabris fe trouvant alors i Paris.
Interrogéf i , lo rf qu’ il fit fa procuration en faveur Je la dame de Cabris
il avoit encore le dejfein de voyager dans les pays étrangers , & f i ladite
dame étoit alors de retour en Provence ;
A répondu que ladite dame fon époufe étoit en effet revenue en
Provence à cette époque , & qu’il étoit encore alors dans le dciTem
de voyager dans les pays étrangers, projet que des affaires qui lui font
iurvemies , ont empêché d’exécuter.
Interrogé quelles font les affaires qui l ’ont empêché d’exécuter fon
projet de voyage ;
A répondu que ce font des réparations qu’il avoit à faire à Cabris ,
8c l’affaire aétuelle qui lui eft furvenus.
Interrogé s ’ il ne poffede pas une belle maifon à Graffe ;
A répondu 8c accordé , difant qu’il l’a fait bâtir à neuf.
Interrogé f i cette maifon efi richement meublée ;
A répondu & accordé , difant qu’il a tâché d ’aiTortir les meublçs à
la maifon qu’il a fait construire.
I
Interrogé s 'il a dépenfé des Jommes confidérables tant pour la conftruclien de fa maifon que pour fon ameublement •
A répondu qu’en effet il y a fait des dçpenfes confidérables, & plus
fortes qu’il fe 1 etoit d abord propofe , qu il avoit d’abord voulu bâtir
une maifon plus petite & dans un autre lieu que celui où il bâtit de
puis , mais que des perfonnes lui ayant confeillé de bâtir fa m a i f o n
dans un terrein plus étendu, cela l’engagea à conftruite une plus grande
m aifon, & ayec plus de dépenfe que n’en font les gens ordinaires.
�1IjO
Interrogé f i les ameublement qu'il fit à fa maifion, s ’y trouvent ac
tuellement ;
A répondu que o u i, à l’exception de quelques-uns que madamo
fon époufe a fait porter au château de Cabris.
Interrogé f i le château de Çabris n’ ejl pas auffi bien meublé ;
A répondu & accordé, difant qu’il ne fait pas pourquoi la dame
fon époufe y a fait rranfporcer les fufdits meubles, qu’il préfume pour
tant que ç’a été pour les placer dans fon appartement.
Interrogé s’ il a beaucoup de vaiffèlle d’ argent ;
A répondu qu’il n’a que des cuilliers & .fourchettes.
Interrogé s ’ il n’ a pas pojfédé beaucoup plus de la vaiffèlle , & notam
ment de la vaiffèlle plate :
A répondu & accordé, difant qu’il a été obligé de la vendre pour
des affaires qui lui étoient furvenues.
Interrogé s’ il fe rappelle qu elles étoient les affaires qui Vobligèrent
à vendre f a vaiffèlle.
A repondu qu’il croit fe rappeler que c’étoit pour acquitter des
comptes à des marchand.
Interrogé s 'il n’ a pas dans fon château de Cabris une bille bibliothèque
& un recueil d’ ejlampes conjîdérable ;
A répondu qu’il eft vrai qu’il a une collection de livres 8c une
cinquantaine d’eftampes, qu’on ne peut pas appeler fa colledtion de
livres une bibliothèque , puifqu’elle ne lui a coûté qu’une douzaine
de mille francs, y compris le prix des eftampes.
Interrogé s’ il ne lui ejl pas arrivé de mutiler des livres , & à3en dé~
chirer beaucoup de feuillets ;
A répondu Sc dénié.
Interrogé s’ il n a pas également déchiré des eflampes ;
A répondu & dénié.
L ’ avons interpellé de tâcher de rappeler q u i l a en effet déchiré des
livres & des eflampes , s’il n'a pas été porté à ce fa it par quelque ferupulc de confidence & par une ferveur de dévotion ;
A répondu qu’il ne fe rappelle de rien de pareil.
!
Interrogé f i fia maladie & les douleurs quelle lui caufie, ne l’ ont pas
je té
�rtfi
Jeté quelquefois dans un état de tri/lefje & de profonde mélancolie ;
A répondu qu’il eft vrai que Ton naturel eft trifte & mélancolique,
mais que la ma l a d i e de nerfs dont il eft atteint, ne l’a jamais jeté
dans des états pareils à ceux fur lefquels nous venons de l’interroger.
Interrogé f i les fouffrances ne lui ont jamais infpiré du dégoût pour,
la vie ;
A répondu 8c dénié.
Interrogé f i dans ces momtns de foujfrance il ne lui efi pas arrivé de
fe porter à des extrémités fur fa perfonne , & de fe faire des bleffures ;
A répondu & dénié.
Interrogé f i dans cet état - là i t n’ a pas refufé des fecours quon a
voulu lui donner, & notamment la dame fa mere , qui avoit été appelée
au château de Cabris à cette occafîon
A répondu & dénié.
Interrogéft dans de pareils momens il nt s'efi pas porté aufji à de*
extrémités contre la dame fon zpoufe j
A répondu 8c dénié.
Interrogéfi la même chofe ne lui efi pas arrivée vis-à-vis la demoifellc
f a fille ;
A répondu & nié.
Interrogé s ’ il n’ a pas je té fa montre d’or & fon argent par la fe-t
nétre ;
A répondu : non jamais.
Interrogé s ’ il craint beaucoup le chaud ;
A répondu, beaucoup plus que le froid.
Interrogéf i , pour fe garantir du chaud, il tu. s efi pas promene quel»
quefois en chemife dans la campagne ;
A répondu qu’il prend la liberté, quand il fe trouve à la campagne,
de s’y promener en robe de chambre , pour avoir moins de ch aud,
mais qu’il ne s’y eft jamais promené en chemife.
Interrogé quelles fon t fes occupations & fe s amufemens, foit à la
ville , fo it à la campagne ;
A répondu que c’eft principalement la le&ure qui l’occupe , &
qui l’amufe,
�\6l
' interrogéfi, lorfqu’il eft à Grajfe, il ne fréquente pas les compagnies;
A répondu 8c accordé.
Interroge s 'il n a pas fa it des emprunts confidérables ;
A répondu qu’il a deux dettes principales de dix mille écus chacune
envers deux particuliers de Gratte.
Interrogé s’ il n’ a pas aliéné de biens fonds & des capitaux ;
A répondu qu’il eft vrai qu’il a aliéné des-capitaux pour fournir
i la dépenfe de la conftruârion de fa maifon , mais qu’il n’a point
aliéné des fonds.
Interrogé f i les douleurs q u i l fouffre augmentent ou diminuent en
tertaines périodes ;
A répondu que fes douleurs font fi grandes , qu’elles ne fauroient
augmenter davantage, qu’elles font continues depuis quelque teins ,
& n’augmentent ni diminuent en certaines périodes.
' Interrogé f i dans le mois de Septembre dernier il n’ a pas eu des
attaques de douleurs plus violentes que celles qu’ il avoit foujfertes fc it
avant, jo it après ladite époque ;
A répondu qu’il nous a déjà dit que fa maladie a commencé de
puis iîx ou huit mois , que les douleurs qu’il éprouve n’ont jamais
difeontinué & ont toujours été plus violen tes, & qu’il ne croit pas
qu’il pût v iv re , fi elles augmenroient encore.
Interrogé f i depuis qu’ il eft atteint de la maladie dont il fe plaint ,
il n’ a pas fa it un teftament;
A répondu qu’il l ’a fait précédemment à fa maladie ,
L ’ avons interpellé de nous déclarer à quelle époque il afa itfon teftament;
A répondu qu’il ne s’en rappelle pas.
Lecture à lui faite des préfens interrogats & réponfes , il y a perfifté
& afigné: fignes C
a bris
, M
e y r o n n e t de
Saint M
arc
,
Si H ïm a r b ,
■Greffier, à l ’original.
Par extrait collationné fur l ’ original étant dans le fac de la procé
dure
criminelle
qui fe trouve riere le Greffe
criminel
de la
c °ur, expédié enfuite du decret mis au bas de la requête à elle
prefentée par
Jleur Jeun-Puul de Cabris du i 9 Février 1 7 7 S.
Signé M
a u r cj «’
�N °. 1 V .
C o p ie
du Rapport du Médecin & du Chirurgien p refais
l'interrogatoire.
a
N ous A n t o i n e I s n a r p , doéteur en médecine de la Faculté royale
de médecine de Montpellier , de cette ville de Gratte, en fuite de
l’aflignation à nous donnée par exploit du dix-neuf du préfent mois ,
fait par Laurier , huiflier ^oyal , en vertu du decret rendu par M . le
Lieutenant particulier-civil ail Siège de cette ville , à la requête de
dame Elifabeth L om bard, douairiere , marquife de C a b ris, de nous
porter le lendemain vingt du m ois, à huit heures du matin, audit lieu
de C a b ris, & dans le château de Meflire Jean-Paul de C lap iers,
marquis de C a b ris, & d la fuite dudit M . le Lieutenant, pour affifter à l’interrogatoire dudit marquis de C la p iers, & de fuite pro_
céder au rapport de l’état & fituati'on de fon e fp rit, le tout en con
formité du fufdit d é cre t, nous ferions partis de cette ville ledit
jour vingt Novem bre à huit heures ciu matin , & nous étant mis a
la fuite de M . le L ieutenant, nous nous fommes portés audit lieu
de C a b ris, où arrivés comme ledit meflire de Clapiers s’ efl trouvé
dans une campagne , & que M . le Lieutenant 11’a pu procéder à fon
interrogatoire , nous aurions paiTé route la journée audit lieu de
C a b ris , pour attendre ledit meflire de Clapiers , & fur le renvoi au
lendem ain, ordonné par M . le Lieutenant, nous étant mis de nou
veau à fa fuite le vingt-un dudit mois , à huit heures du matin , nous
nous fommes de nouveau portés audit lieu de Cabris , ôc dans le
château feignetirial, où étant ledit mef l i r e de Clapiers , s’étant préfenté , & après avoir prêté ferment pardevant M . le Lieutenant , nous
aurions aiTiftc aux interrogatoires par lui fairs audit meflire de C la
piers , & de fuite nous aurions procédé au fait de notre commiifion .
Sc en conféquence , après avoir de nouveau prêté pardevant M* le
L ieutenant, nous déclarons avoir trouvé ledit meflire de C l a p i e r s ,
aiiifi qu’à lajcance du matin & de l’après-dîner, en robe de chambre,
X ij
�-ï <Î4
avCc une barbe aiTe;î longue & en bonnet de n u it, d’une contenance
timide & jorcie , ayant l’ air trijîe, occupé, mcditatij, les yeux (om
bres '■
) ion poulx que nous avons tâté , quoiqu’il eût déjà refufé de
le laiiïer tarer, 6c bien examiné , nous a paru lent , petit & inter
mittent-, enfuitc nous lui aurions fait diverfes demandes fur les diverfes fondions de fon corps & de fon e fp rit, auxquelles il n’auroïc
pas voulu répondre, 8c nous auroit quittés pour aller s’aiTeoir à l’autre
extrémité de l'appartement, où nous étant avancés , & lui ayant de
nouveau réitéré nos queftions , & en diverfes fo is , tout ce que nous
aurions pu favoir auroit confifté en ce qu’il nous auroit dit avoir
des douleurs dans différentes parties de fon co rp s, n avoir qu un fom~
meïl déj'agrèable & interrompu par des fonges affreux, ce qu’il nous
auroit dit après bien des demandes. Nous aurions de plus obfervé
lors de l’interrogatoire du matin , des tremblemens aux extrémités
inférieures \ du refte , le tempérament de melfire de Clapiers nous
a paru être mélancolique , & fes affeétions hypocondriaques , 8c
pour ce qui eft de l’état &: iituation de fon efprit , après avoir
€or.fidcré d’un côté les divers fymptômes dont a été attaqué ledit
meilîre de C la p iers, & dont nous avons eu connoiiTance lors des
interrogats faits par M . le L ieutenant, & de l’autre fes réponfes
tant à M . le Lieutenant qu’à nous , fon état aftuel ôc fon tempé
rament particulier , nous craindrions dans l’état d’en porter un juge
ment trop précipitéy les deux fcances faites auprès de meilîre de C la
piers } n’étant pas fuffifantes pour nous initruire du véritable Ôc conf
iant état de l'on.efprit, pouvant être fufceptible de bien des im preflïons , déclarant avoir vaqué quatre jours , fa vo ir, deux jours à
la fuite de M . le L ieuten an t, & deux jours ou à conférer avec le
fieur Lambert , chirurgien , qui a été d’un avis différent , ou à
ta rédaétion du préfent rapport que nous avons fait 8c figne à
GrafTe le ¿8 Novembre 17 7 7 . Signé I s n a r d , m édecin, à l’ori
ginal.
�x'tfj
C o p ie
S avoir
faison s,
du Rapport du Chirurgien.
nous Louis - Elzear Lam bert, m ante en chi
rurgie de cette ville de G rafle , Chevalier de l’ordre de l’Eperon d ’or,
C om te Palatin , qu’enfiiite de l’aflignation à nous donnée par exploit
du 19 du préfent mois , fait par Lamier , huiilier ro y a l, en vertu du
decret rendu par M . le Lieutenant particulier-civil au Siege do la
ville de G rafle , à la requête de dame Elizabeth de Lombard , douai
rière , marquife der C ab ris, de nous porter le lendemain vingt dudic
mois , à huit heures du matin audit lieu de C a b ris, & dans le châ
teau de meflîre Jean-Paul de C lap iers, marquis du même lieu , Sc
à la fuite de M . le Lieutenant, pour aflîfter à l’interrogatoire dudit
meflîre de Clapiers , & ‘ de fuite procéder an rapport de lctat Sc
iituation de fon .efprit, le tout en conformité du fufdic decret, nous
ferions partis de cette ville ledit jour vingt N ovem bre, à huit heures
du matin , en compagnie de M e Antoine Ifnard , docteur en mé
decine de cette v iile , qui nous a,,dit avoir été,.pareillement ailignc
pour le même fujec , & nous étant mis à la fuite de M . le lieu
tenant , nous nous fournies portés audit lieu de Cabris , où arrivés ,
comme lec^jt meflîre de Clapiers s’eit trouvé dans ur.e campagne ,
& que M . le Lieutenant n’a pu procéder à fon interrogatoire , nous
aurions paflc toute la journée audit lieu de Cabris pour attendre ledit
mellire 4^ Clapiers , & fur le renvoi au lendem ain, ordonné par
M . le Lieutenant , nous étant mis de nouveau à fa fuite le vingtun dudit m ois, à huit heures du matin , nous nous femmes de nouycaii portés audic lieu de Cabris , & dans le château feigneurial, où
étant, nous avons prêté le ferment pardevant M . le Lieutenant, &
ledit meflîre de Clapiers s’étant préfenté, nous avons aflifté , ainii
que ledit M c Ifnard , dofteur en médecine , aux interrogats faits
par M . le lieutenant audic meflîre de Clapiers , & aux réponfes
prêtées par ce dernier , durant lefquelles nous avons obfervé atten
tivement la contenance dudit meilîre de Clapiers , & o bfervé qu’ il
f e plaignou de douleurs, 8c après les interrogats & réponfes , nous
�Iiîfi
avons , conjointement avec ledit M c Ifnard , taté le pouls audit
mellire de Clapiers , examine fa phifionomie t Tes yeux &: fa con
tenance , & l’ayant interroge de fa maladie & ce qu’il reiTentoit , il
nous auroit répondu qu'il ¿toit travaillé de douleurs aiguës } après quoi
nous nous iomvnes retirés avec ledit M e Ifnard , 8c nous avons eû
une conférence fecrette & arbitrale fur tout ce que nous avons re
marqué en la perfonne dudit meilîre de Clapiers , ayant déterminé
de nous aifembler en cette ville pour conférer de nouveau 8c pour
dreiïer notre rapport le furlendemain , 8c en conféquence nous étant
aiTemblés avec ledit M e Ifnard le jour ailïgné chez nous Lambert ,
après une longue conférence fur l’état 8c fituation ’de l’efprit dudit
meflire de Clapiers , nous étant trouvés contrains en opinions , nous
aurions déterminé de nous aiTembler de nouveau le vingt-quatre pour
dreffer notre rapport dans un même cahier où chacun de nous en
particulier donnerait fon opinion ; 8c comme ledit M e Ifn ard , qui
refide à Tournon, ne.s’eft point rendu en cette ville ledit jour vingrquatre chez nous L am bert, comme nous l’avions arrêté , nous Lam
bert aurions écrit une lettre"audit M c Ifnard le vingt-cinq du cou
rant , pour le prier de fe rendre en cette ville à l’effet de notre rap
port , à laquelle lettre ledit M e Ifnard auroit répondu par la fienne
du même jour , laquelle lettre renferme un refus de ftt part dudi*t
M c Ifnard de fe joindre à nousdit Lambert pour la redadtion du
rapport dont s’a g it, ce qui eft caufe que nous avons dreifé notre
préfent rapport , & donnant notre avis fur l’objet de notre coinmillion , nous déclarons 8c eftimons avoir touché le pouls de meilue
Jean Paul de Clapiers , marquis de C a b r is , que nous avons trouve
exempt de fièvre, les pulfations-étant égales, fans la moindre fré
quence , les yeux du fieur Marquis nous ont paru tranquilles , 8c fi
par fois nous y avons obfervé quelques clignotemens , nous ne les
rapportons qu’à fa vue miope ; il s’eft plaint à nous qu’il c p r o u Y o i t
des douleurs dans différentes parties de fon corps qui nous ont paru
dépendre d’une fenfibilité ou irritabilité de fes nerfs , & après avoir
entendu fes reponfes par lui faites à M . le Lieutenant particulier-1
c i v i l, 8c i celles qu’il nous a faites à nous-m êm es, nous eftimons
�i<?7 ;
que ;ledit nieffire d£ Clapiers cfl: d’un tempérament m élancolique,
niais qu’ il n’y a en lui aucun égarement d’tfprit , & qu’il jouit d’une,
faine raifon, 8c auquel nous avons vaqué trois jours & d e m i, favoir , deux jours à Cabris , à la fuite de M . le Lieutenant
Sc un
jour & demi ûn cette ville pour l’adrelTe & mis au n e t , Sc renvoyé la
taxe , nos honoraires à M . le Lieutenant. Fait & achevé à GraiTe le
z 6 Novembre 1777 , Jîgne L a m b e r t , maître Chirurgien.
N°
V.
M^PAJÎE E t TH is- CHERE M E R E ,
J e fais que vous faites continuer avec chaleur l’information que
vous avez fait prendre contre moi pour prouver l’exiftence d’un fait
qui tend à caufer ma perte , je vous prie de me faire enviiager quel
eft l’avantage que vous pourrez retirer de la reuflite entiere d’un
pareil p ro jet; ce ne feroit que par l’intérêt que vous pourriez en
retirer, que vous pouvez légitimer l’éclat que fera une p.ireille de
mande ; vous ne m acculez d’aucune dillipation dans mes biens ,
Vous ne pourriez même intenter aucune a&ion valable là -d e ilu s ,
vous fondez vos raifons fur une démence prétendue de ma part ;
je vous demande quels font les griefs qui peuvent m’avoir attiré
cet outrage d ’une m e r e , car jamais vous ne pouvez être exeufée
en public , à moins que vous n’ayez des plaintes ulterieures qui
co lo ren t cette démarche , je vous fupplie , en qualité de fils , d’ar
rêter les procédures, & de me promettre même que tout ce qui a
cté fait n’aura plus de fuite , j’attends cette grâce ; vous favez que je
11e vous en ai jamais beaucoup dem ande, cela me rend bien plus
confiant ; fi vous defirez de me voir a GraiTe , & que cette e n t r e v u e
pnilïe m’être favorable., 8c que vous ayez de plus befoin d’un ex
plication avec moi } je m y rendrai , je me repofç aifez fur vos
�1(58
fentimens j poûr n’en fortir qu’avec une promeife que tout ce qui
s’eft paiTé n’aura plus de fuite.
J ’ai l’honneur d’ctre , M adame , ma très-chcre m e re ,
avec refpe£t,
.
Votre très-humble &c obéiflant ferviteuç
;
& fils,
Lundi matin.
C ab ris.
r
Je vous prie de me faire l’honneur de me répondre.
A u dos ejl écrit:
A M adam e,
M adame la M arquife de C a b ris, douairiere.'
A GraiTe.
A Cabris 4 Décembre 1777Î
M adam e ma
chere
m ere
J
V o i c i bientôt le tems où l’on doit juger l’affaire que vous m’aveS
fufeitée ; comme je ferois fâché que l’on pût m’oppofer de n’avoir
pas fait toutes les démarches indifpenfables dans une occafion pa
reille , & qui peuvent me procurer un fucccs heureux ( ce fuccès, je
ne l’attends que de vous) ; je me hâte de vous écrire , & de vous
demander de nouveau qui peut m’avoir attiré votre indignation; un
fils laiiTé maître de fa conduite , dans un âge ouvert à toutes les
paflions , peut avoir ilaiiTé échapper dans fa conduite des marques
inconfidérées, & c’efi: p eut-être à ce reiïentiment fecret que vous
aurez conclu une affaire pour qui la démence n’aura été que le pré
texte 8c le fujet apparent: n’y auroit-il pas moyen de recouvrer vos
bonnes grâces & votre amitié : fi vous exigiez de moi quelque répa-»
ration publique pour l’ombre d’une faute que j’ignore , 8c qui n’exifte
peut-être que dans la mauvaife foi des perfounes qui vous approchent;
communiquez-moi votre intention par un tie rs, & je m ’y foumettr^i
fans peine s au contraire , fi mon raccommodement dépend d’une
entrevue
�“ 179- -
entrevue fecrette , fixez-moi encore le jour où je puis vous voir; mais
au moins puis-je efpérer de vous une lettre qui fervira de rcp a nf e
à la mienne ; vous êtes la feüle qui pouvez arrêter la procédure , vos
bontés paflees me donnent encore de l’efpoir , ne fournirez pas au
Palais un aliment pour dévorer la fubftance de vos- biens & de ceux
de ma fille.
J ’ai l’honneur d’ê tre , madame ma chere mere , avec us
refpe&ueux Sc profond attachem ent,
Votre très-humble & obéiiTant ferviteur }i/ig72e C a b r ls ;
Au dos de la lettre efl écrit :
A M adam e,
Madame la M arquife de C a b ris, douairiere, en fon hôtel ,
A Graife,
M
adame
m a
t r
I s-
chere
m e r e
,
C ’e s t avec la plus v iv e vdouleur que je vois que vous continuez
i me marquer votre inimitié , rien ne m’en convainéb davantage que
votre filence perm anent, je me flattois pourtant que vous ne laiile—
riez pas davantage votre fils dans la disgrâce la plus cruelle, permettez
même que j ’ajoute injufte ; mais cette derniere expreflion ne peut
s’attribuer qu’aux perfonnes qui vous ont donné des imprelîions dcfavantageufes fur mon compte \ voici bientôt peut-être le terme de
mon procès, ne feroit-il pas poflible d’éviter d’en venir à une conclufion définitive j
fi je ne craignois que ma préfence ne vous
infpirât du trouble & de l’indignation , malgré mes infirmités & mes
douloureufes fituations, je me traînerois jufqu’à Gratte j comment
hafarder une pareille démarche , après un filence aux deux lettres que
j ’ai eu l’honneur de vous écrire , je ne défeipere rien encore , 8c
je me flatte que vous donnerez cours à.vos bontés, après me les
avoir retirées un fi long efpace de tems : je defirerois b ie a que cette
lettre ne fût qu’un acheminement pour obtenir une entrevue de
y
�\J0
votre part ; & je ferois trop heureux qu’un feul m ot que vous me
feriez dire de vive v o ix , pût vous épargner la peine de m’ccrire \
comme je fuis prefle par mes peines douloureufes, fouffrez que je
n’ajoute rien à ma lettre.
Je fuis avec un trcs-profond refpeft ,
M adame ma chere m ere,
V otre très-hum ble 2c obéiiTant ferviteur
i-
•
& fils , 7 %72e C a b r is .
E t au dos de la lettre ejl écrit ,
A M a d a m e,
M adame la M arquife de C a b ris, Douairiere , en fou hôtel y
(
A Grafle.
M A TRÈS-CHER.E MEKE
I l eft douloureux pour moi d’être inftruit que- les démarches que
vous continuez à faire pour m oter mon honneur & mon exiftence
c iv ile , fe continuent avec acharnem ent; pardonnez-moi ce m o t,
ma chere mere , j’ai eu un moment d’im patience, je l’ai é crit, &
je crains de n’avoir bleflc le refpe£t que je vous d o is: peut-être
ai-je mérité par quelque écart involontaire (m ais qui n’a point de
rapport avec l’adte que vous avez intenté contre moi ) , que vous
m Jayez retiré tous vos fentimens de mere ; Sc c’eft juftement dans
cette crainte que j’ai l’honneur de vous écrire pour obtenir votre
commifération & mériter votre pardon : je fuis ici atteint d’un prin
cipe de maux qui détruit mon corps, mon état eft a(Tez trifte , &c
p e u t, fans le fecours des fentimens de la nature , eau-fer de la pitié :
j’ai peu de forces pour marcher ; mais fi j ’étois siir que vous oublialîîez
tout en allant me jeter à vos genoux, je fortirois tel que je me
tro u ve, dès que j'aurois reçu un mot de réponfe de votre part ; je
vous la demande cette lettre que j ’arroferai de mes larmes mille
fo is , & après fa réception , je me déciderai à partir j ce n’eft pas
�17*
autant la vue du châtiment de l’interdiétion , quoiqu’on ne puiiTe pas
affe&er plus fenfiblement un citoyen , homme de condition , pere
de fa m ille , & indépendant fous ces deux titres , que la certitude
où je dois prefque être qu’il s’ofFre toujours îjioins de moyens à la
rentrée de vos grâces , fi les pourfuites fe continuent, parce que
j ’a u r o i s lieu de préfumer que vous êtes violemment prévenue contre
moi ; vous ne me refuferez pas une réponfe par le retour de la
couriere.
Je fuis , Madame ma chere m ere, avec refp eft,
V otre trcs-humble & obcilfant ferviteurK
Marquis
de
C abris.
M ercredi au foir.
Au dos de ladite lettre eji écrit,
A M adam e,
Madame la M arquife de Cabris , douairière,
A G rafle.
n
L ’an
°
y
x.
mil fept cent quatre - vingt - quatre, & le dix-huit Février,
Nous Huiflîer royal, reçu au Siege de cette ville de GraiTe , y réfident,
foulfigné , à la requête de la dame de M irabeau, dame marquife de
Cabris , avons fommé Si interpellé André Court, ancien domeftique
de M . le marquis de Cabris , de.certifier au bas du préfent, les faits
qui font de fa connoifTance depuis l’année mil fept cent feptante huit,
furies traitemens faits audit fieur marquis de C abris, & la qualité des
alimens dont on l’a nourri depuis ladite époque, & fur les foins que
l’on a çus de fa perfonne pendant le même tem s, à l’effet de quoi
lui avons baillé copie du préfent exploit parlant à fa perfonne,
trouvée cafuellement en cette ville de GraiTe.
Sur laquelle interpellation ledit André Court certifie &
attefte que
depuis l’époque que M . le marquis de Cabris a été in terd it, & que
la dame fon époufe a été feparée de lui pour relier dans un couvent j il.
Y ij
�171
a demeuré à titre de domeftique dudit feigneur marquis de Cabris J
dans fon château dudit lieu , Jufqu’au premier jour de Janvier delà
préfente année ; qu’il a vu pendant cet intervalle que ledit feigneur
marquis de Cabris étoit gouverné par le fieur A lziafy , pere , homme
d ’affaires de la damemarquife douairiere, & p ar la nommée Marianne,
fa fille de cham bre, qui commandoit tous les domeftiques ; que la
dame douairiere reftoit prefque toujours à G ra d e , & le fieur Alziary
reftoit à Cabris avec ladite Marianne , fille de chambre ; ledit Alziary
faifoir pourtant quelques abfences de quinze jours ou environ } alors
ladite Marianne étoit à Cabris pour donner les ordres &c gouverner ;
que le fieur Alziary mangeoit ordinairement à la même table de M .
le marquis , & l’un & l’autre étoient nourris des mêmes alim ens,
foit en ragoût ou rôti j que quoique madame la marquife douairiere
eût recommandé au fieur A lzia ry , de ne point donner de vin à M . le
marquis, ni du café & rarement du tabac, néanmoins il lui faifoit boire
du vin , fouvent pur , Sc lui faifoit prendre du café; il lui donnoit
aufîi du tabac j &c lorfque les domeftiques lui repréfentoient que tout
cela étoit contraire à la fan té de M . le m arquis, & aux ordres don
nées par la dame fa m ere, ledit fieur Alziary répondoit que la maladie
de M . le marquis étoit incurable , Sc que le v i n , le café & le
tabac , ne pouvoient pas lui faire plus de mal qu’il n’en a v o it, Sc le
répondant com m e les autres domeftiques s’étoi’ent apperçus que le fieur
A lzia r y , avoit toutes les complaifances pour M . le marquis , pour
le guérir de l’ averjion qu’ il avoit pour lui ; il certifie encore que pen
dant quelques années, & dans le mois d’Aoitt ledit feigneur marquis
<le Cabris, accompagné dudit fieur A lziary, & quelques autres domefti
ques , dont le répondant étoit du nom bre, a été paffer quelques jours
aux m oulins, près la riviere de Siagne , & a pris des bains dans ladite
viviere, qui lui étoient favorables pendant les cinq à fix premiers jours;
mais le fieur Alziary lui faifoit boire du vin Sc avec plus d’abondance
le fo ir , ce qui l’incom m odoit, Sc lui donnoit de fortes altérations -y
de plus-, le répondant certifie que le nommé Cavalier , donnoit à
boire de l’eau-de-vie audit feigneur m arquis, au vu & fu dudit fieur
Alziary q u i, fur les reproches que le répondant Sç les autres domef-
�17î
tiques lui fa ifo ie n t, répondoit toujourts que rien ne pouvoit augmen
ter fon mal , ni le guérir , & qu’il falloit lui donner tout ce
q u ’il
dem andoit, tant en alimens qu’en boiflon ; cependant , le répondant
rappelle que lorfque ledit feigneur marquis avoit bu une certaine
quantité de vin , ou d’eau-de-vie, & pris du café qu’on lui préparoit
fort chargé , il étoit beaucoup altéré & plus mal qu’à l’ordiuaire ;
puifque c’étoit ordinairement après ces fortes de boilfons contraires ,
que M . le marquis demandoit pendant une partie de la nuit à boire -y
le répondant certifie encore que fouvent il avoit reprcfenté auditfieur
A k ia ry , que fi madame la marquifede C abris, belle-fille, revenoit, ôc
que fon m ari, ou tout autre , lui apprît le peu d’attention qu’il avoit
dans le choix des alimens & de la boiiïon qu’on donnoit auditfeiçneur
marquis de C a b ris, elle en feroit fâchée , fur quoi ledit fieur Alziary
répondoit que cela n’arriveroit jam ais, & que fi l’on confioit la perfonne de M . le marquis à fon épo u fe, elle iroit l’enfevelir dans
quelque lieu inconnu , pour être libre de vivre à fa fantaifie ,
ayant même ajôuté bien d’autres propos, que le répondant n’ofe
expliquer i c i , & a figné à ce qu’il nous a dit. Fait p réfent, Guil
laume M aurcl, revendeur, & Jean Girard, travailleur de cette
v ille , n o s témoins fouflïgnés avec nous Huiflïer , figné A . Court,
M aurel, Girard, & Brueri , HuiJJîer ; au-deffous eft écrit,
a
G ra s s e , le
figné
J
e
C o u rt.
18
F evrier
1784 ,
reçu douze
co n trô lé
sols n eu f d e n ie rs,
/
foufligné Mathieu Pichot , ancien domejlique du château de C a
bris , certifie en faveur de la vérité , qu’il y a environ trois ou quatre
ans, & pendant le tems que je fervois en qualité de domeftique dans
Je château de Cabris, je m ’apperçus plufieurs fois qu’on faifoit prendre
du café à M . le marquis de Cabris , quoique le médecin l’eût défendu,
&c même qu’après lui avoir donné du chocolat , 011 lui faifoit encore
prendre du café un moment après ; qu’on lui donnoit fouvent du vin
à boire , & particulièrement lorfque le fieur Alziary pere , mangeoic
avec ledit feigneur marquis , à la meme tab le, & cela malgrc la
défenfe du médecin & de madame fa mere , & que j ’ai vu plufieurs
fois en ayant fait des reproches au fieur Alziary & André fon domef-
�* 7 4
tique, h certifie encore , que pendant le m êm e tems ï moniteur de
C a b ris, n’étoit point vifité par aucun médecin , n’ayant vu M . le
médecin Roflîgnol au château qu'une feule fois, Sc le fieurRaynaud,
Chirurgien , ne l’alloit voir que pour le rafer. Je certifie encore que
madame m’ayant ordonne d’accompagner moniteur fon fils aux mou
lins de Cabris , près la riviere de Siagne , où il fut pour prendre les
bains froids dans la riv ie re , accompagné encore du fieur Alziary Sc
d ’André fon domeftique 5 je vis avec fatisfaition que les bains
croient favorables à M- de Cabris , pendant les cinq ou iïx premiers
jours îk étoi.tfort tranquille, me rappelant qu’il écrivit une lettre pour
madame fa m ere, qui pour lors étoit à la ville de Graife , & dont il
me fit lire, Sc dont je me rappelle encore de quelques phrafes que voici :
ma chere mere, tranquillifez-vous fur mon fort, j e fuis fâché des peines
que je vous ai données, je me trouve beaucoup m ieux, Sc jç vousfouliaite le bon jour ; embraiTez Pauline'je vous prie , & dites lui que
je deiire la voir au plutôt.
M ais comme André &c le fieur Alziary pere, lui donnèrent à boire
du vin & fouvent, par cette raifon lui fut contraire ; une n u ir,
com m e il avoit bu une certaine quantité de vin à fon fouper, il fe
trouva fort altéré ; le (ieur Alziary Sc André le fermerent dans fa
chambre & furent fe coucher dans des appartemens éloignés de celui
de M . le marquis ; ayant demandé de l’eau Sc étant feul dans l’anti
chambre je lui en donnai une cruche , il en but plufieurs coups ;
une demi-heure après Sc vers les onze h eu res, fe trouvant encore
altéré il demanda encore de l’eau , je lui en donnai, ce qui m’en
gagea d’aller frapper à la porte du fieur Alziary , pour l’avertir de
•cc qui fe palloit & pour obliger André de fe rendre à l’antichambre
de fon maître avec moi ; le fieur Alziary ne fe remua pas du tout ;
je fus prier Sc foüiciter André avec menace d’en porter plainte à
Madame la douairiere de leurs négligences , & alors André fe rendit
avec moi , & il entra avec moi dans la chambre de fon m aître, au
quel nous donnâmes encore à boire de l’eau , Sc peu après M . le
marquis rep o faju fqu ’au lendemain vers les huit heures tranquillem en r, & pour être la vérité telle , j’ai écrit Sc figné le préfent. Signé
M , Pichot. A . Cabris. Ce 16 Février ^784.
�*75
N °.
V I I .
J e fouflîgnc Alexandre Court, Confui de la communauté de ce îieu
de C a b ris , en l'année derniere , certifie qu’après le confeil de ladite
c o m m unanté, tenu la fécondé fête de Pentecôte , & auquel j’affiitai ,
le fieur Alziary , hom me d ’affaires de madame la marquife de Cabris,
douairiere , me préfenta un certificat tout dreflé fur papier tim b ré ,
co nten an t nombre de faits que ledit fieur Alziary me follicita d ’attef-
t e r , portant entc’autres , que M . le marquis de Cabris étoit fuivi
journellement par un Chirurgien , 8c qu’un médecin de G rafle venoit
le viiïter fréquemment , qu’il mangeoit à la table de la dame fa
niere , lorfqu’elle venoit à Cabris , & que ledit fieur Alziary ne le
quittoit jam a is, & autres faits relatifs aux traitemens dudit feigneuc
marquis de Cabris. ; 8c après avoir lu ce certificat, ayant trouvé que
les faits y énoncés n’étoient pas véritables, je refufai de le figner,
malgré toutes les inftances 8c les menaces dudit fieur Alziary. Je
certifie encore que ledit feigneur marquis de Cabris , n ’avoic que
deux dcmelliques , 8c qu’il n’y en avoit jamais qu’un qui le fuivît y
ëc fouvent M . de Cabris alloic promener feul , 8c le domeftique
n ’alloit le joindre qu’un tems après, n ’ayant jamais oui-dire que
ledit feigneur marquis pendant fa maladie , ait menacé ni infulté
aucun habitant ; & enfin je certifie qu’ayant aflifté aux deux confeils
des mois de Novembre 8c Décembre d e rn ie r, dans lefquefs il fut
queftion de finir avec le fermier des moulins à huile , l’article des
dommages & intérêts auxquels il fe trouve condamné envers la
communauté , & de finir en même tems avec le feigneur de ce lieu,
l’articleconcernaiy: le-chauiïâge des chaudrons, je fus d’avis de ne finir
l e s conteftations quelorfqu’on lepourroit valablement avec M. le m ar
q u is , ou un adminiftrateur légitime , 8c parce que je fus de’ cet avis
les perfonnes qui agiiToient pour favorifer le fermier des m oulins,
&c les gens d’affaires de madame la marquife douairiere me mena-^oient de me faire enlever par la voie de retrait féodal , le bien
que j ’avois acheté du fieur Ardilfon , dans lequel il y a une récolte
�iy6
d’environ vingt-cinq moutes d’olives \ ce qu’on auroit effe&ué , à
ce que j’appris enfuite , fans la oirconftance d’une ordonnance de M M .
du Châtelet de P aris, précédé d’un arrêt du C on feil , qu’ils ont été
iignifiés
à
la communauté de ce lieu, par
lefq u e ls
l’adminiftrauon des
biens 8c revenus de M . le marquis a été ôtée à la dame fa mere ; en
foi de quoi j ’ai iîgné le préfenr. Fait à Cabris le dix-fept Février mil
fept cent quatre-vingt-quatre , figné
N °.
COURT.
V I I I .
L ’ a n m il fept cent quatre-ving-trois, 8c le feize A v r i l , nous Huit,
fier royal au Siege de la ville de GraiTe, y réfident, fouffigné \ à la
requête de dame M arie-Catherine-Louife de Riquety de Mirabeau ,
cpoufe de M eilire Jean-Paul de Clapiers , feigneur , marquis de C a
bris , 8c autres lieux , a&uellement en la ville de Paris , au couvent
de bon Secours , qui a élu domicile pour le tems de d r o it, chez nous
H uiflïcr: fur la connoiiTance que ladite dame a eu que fur les juftes
réclamations qu’elle a prifes contre l'arrêt du Parlement de Provence,
du 9 A vril 1778 , & tout ce qui l’a précédé 8c fuivi on tente de mafquer les faits relatifs à l’état affligeant dans lequel, on a réduit M. le
marquis de Cabris , fon m a ri, 8c la négligence apportée fur l’éduca
tion de mademoiselle Pauline de Cabris ; que dans ces circonftances
ladite dame 11e doit avoir recours qu’à l’univerfalité des habitans de
C a b ris, qui ont tous été témoins 8c le font encore , de la maniéré
avec laquelle on a traité M. le marquis de C a b ris, leur feigneur , 8c
on a négligé l’éducation de mademoifelle Pauline de Cabris j à ces
caufes, avons fom m é, requis 8c interpellé les fieurs M aire 8c Confuls
de Cabris , de convoquer tout incontinent 8c fans délai , le Confe
général dé la communauté , pour lui faire part dé la préfente fom mation , 8c de déclarer s’il eft v ra i, i°. que depuis que M . de Cabris
eft fous l’interdit , ils-ont jamais vu qu’il ait été vifitc 8c fuivi par
des n ié jecilis . 1 o>qu’ils n’ont jamais vu à fon fervice & près de lui
que deux payfans • jo <q U’i[s l’OI1t fouvent vu promener, fuivi par ces
deux payfans, quelquefois par pun J ’eux feulement, 8c d’autrefois par
l’agent
�Vf 7
l ’agent de madame la marquife douairiaire \ 40. que pendant I’E ré ,
on l’a vu par fois aller aux moulins de Cabris , où il reftoit avec les
deux payfans Sc les agens , fans autre compagnie ni fecours j 50. qu’ils
n’ont jamais v u , lorfque M . le marquis de Cabris promenoit ou qu’il
croit aux moulins de Cabris , qu’il ait rien fait qui puîiTe donner
une marque vifible d’un état à défefpérer fur le retour de fa fanté en
lefoign an tj 6 a. que lorfque les adminiftrateurs ont vifité madame la
douairiere , ou pour affaires ou pour vifites de devoir, ils n’ont jamais
vu M . le marquis de Cabris auprès d’elle , quoiqu’on le vît promener
fuivi des payfans qui font auprès de lui ; 7 0. qu’il eft public que M . le
marquis mange à fon particulier dans une chambre du château qu’on
lui a deftinée, fervi par ces deux payfans ; 8°. que madame la douai
riere a fait la plupart du tem sfon fé|our & fa réfidence à GrafTe , 8c
qu’entr’autres elle y a refté depuis le commencement de Septembre
dernier, jufqu’au vingt-neuf du mois de M ars, qu’elle eft arrivée à
Cabris \ 90. que lorfque madame la douairiere eftàG raiTo, fon agent
y fait des voyages très-fréquens, & y féjourne quelque tems ; io°. que
, madame la douairiere a actuellement auprès d’elle au château, madem oifelle Pauline de Cabris , qui étoit ci-devant au couvent de GraiTe;
£ i°. que mademoifelle de Cabris n’a au château d’autre compagnie
que madame fa grand-mere j n " . que depuis le mois de Février
dernier, on a préfenté aux adminiftrateurs & autres habitans, un cer
tificat tout drellé à figner ; que ce certificat étoit préfenté par l’agent
de madame la douairiere j 13 °. & enfin , que. les adminiftrateurs ont
refufé de le figner, parce que l’ayant lu ils reconnurent qu’il n’étoic
pas en tout conforme à la vérité : tous lefquels faits étant vrais & de
notoriété publique, l’habitation entiere ne fauroit refufer de les attefter en faveur de leur feigneur, & de ladite marquife de Cabris fon
cp ou fe, qui ne veut qu’éclairer la Religion de Sa Majefté • & de fes
M iniftres, fur tous les objets relatifs à e lle , à M . de Cabris 5c à ma
demoifelle de C a b ris,
pour
obtenir juftice contre tout ce que les fur-
prifesleur ont faitfouffrir jufqu’à préfent, avec déclaration qu’au cas
de refus ou de filence, madame la marquife de Cabris le regarderoit
Z
�17*
ou comme une crainte, dont le feigneur auroit à fe plaindre contre
fes habicans, lorfqu’il s’agit de fa fan t é , de fon honneur, 8c de celle
de fa poftérité , par confisquent du bien des habitans , ou comme
un nouvel abus de l’autoriré qui l’occafionneroit 8c qui pourtant
n’excuferoit pas fes habitans à due communication , 8c leur avons
donné copie du préfent a<5te , en leur domicile, parlant à la perfonne de
Sc Honoré C a u v iii, M aire 8c premier Conful , tarit po\ir lui que pour
fes C ollègues, en ce lieu de C a b ris, ou de la ville de Grafle : je me
fuis porté diftant d’une lieue. Signé R i p e r t . Contrôlé à GraiTe, le i3
A v ril 1785., reçu douze fols neuf deniers >figné C o u r t .
E X T R A I T du cahier des délibérations de la Communauté
de ce lieu de Cabris, du contenu Jimplement de l'article
concernant le Seigneur de ce même lieu.
D u vingt-un Avril mil fept cent quatre-vingt-trois, a C ab ris, dans
l’H otel-de-V ille, le Confeil général de la Communauté de cedit lieu
de Cabris, a été aiïemblé par mandement du fieur Etienne Coure,
Lieutenant de Juge de cedit lieu, & à la requête de fieur Honoré Cau\ïny
M aire 8c premier Conful de ladite Communauté; 8c c’eft par la voie
& organe de François Bouge, fils de Claude, V alet de V ille de ladite
Com m unauté, attendu l’abfence de fondit père, tant en cri public
que par billets aux gens de la campagne, ainfi qu’il nous a rapporté
avoir fait ; & c’eft fous l’autorifarion 8c préfence dudit fieur Lieutenant
de J u ge , où ont été préfens fieur Honoré Cauvin, Maire & premier
Conful moderne; fieur Alexandre Court, fécond Conful moderne j
Abram Court, Eftimateur jadis; Honoré B outkr, M enager; André
Maccairy, Regardateur m oderne; Henri Maure!, Regardateur jadis;,
fieur Jeafi Daver, fécond Conful jadis; Honoré Pellegrin, Regarda
teur moderne ; Honoré Court, Confeiller moderne ; fieur Pierre Belline,
Maire jadis; PUrre Court, Confeiller jadis; Laurent Ajlavene, Eftimaicur jadis\ Honoré Rouftan, Eftimateur moderne; Pierre Bauje, Confeiller jadis, Honore’ Roujlan, Eftimateur jadis ; AnnibalDaver, C011-
�l79
feiller jadis; Jeàn-Bapûjle Üaver, Confeiller moderne; fieur Jean.
Raynaud, Auditeur jadis; Crijlol Ardijfon, Eilimateur nioderno;
Charles Court, Auditeur moderne; Antoine Court, Confeiller moderne;
Jean-Baptijle Cateaux, Confeiller moderne ; Jean-Baptijle Afiavene,
Confeiller moderne; JeanCourt, à feu Jean-Baptifte; Etienne Trabaudt
Regardateur jadis; fieur Honoré M ane, Notaire; Lazare Sauteron~y
Jean Daver, à feu autre; E/prit Çauvin, Eftimateur moderne; André
Vergatttr ; Honoré Raymond; Honoré Vergatter, fils d’André ; Honoré
Roujlan, à feu autre; 7e<j/z 7 r«e, à feu Laurent.
'En troifieme lieu, les fieurs M aire& C o n fu ls ont dit qu’il a été tenu
le feize du courant, un exploit , à la requête de madame M arieCatherine-Louife de Riqueti de M irabeau, cpoufe de Meflïre de C la
piers , M arquis, Seigneur de ce lieu. Lequel exploit a été mis fur le
bureau, pour y être délibéré ce que de raifon.
Sur la troifieme propofition, dont leéhire a été faite, ainfi que de
l’exploit y mentionné, le préfent Confeii a déclaré, i°. que depuis
l ’interdi&ion de M . de C a b ris, aucuns des Membres du Confeii
n’ont vu venir au Château de ce lieu, aucun M édecin, à l’exception
du fieur Jean Raynaud, Chirurgien, qui a déclaré l’avoir vu venir
q u e l q u e f o i s depuis l’cpoque de ladite interdidion ; 2.0. qu’il a vu à
fon fervice deux domeftiques ; le premier André C o u rt, travailleur;
le fécond Jacques Cavalier, garçon Cordonnier; le troifieme Jean
C o u rt, fils dudit A n d ré, aufli travailleur, & Jean-Baprifte Achard,
Régent des écoles; les trois derniers fe font fuccédés d’un à l’autre,
de maniéré qu’il n’y en a jamais eu que deux jufqu’aujourd’hui; enfuite
que ceux qui y font a&uellement, font Laurent Pellifie* travailleur,
5c ledit André C ourt qui le fuivent à fes .promenades, tantôt tous les
Jeux, tantôt qu’un feul, & quelquefois avec l’homme de confia'nce,
ajoutant qu’il y a une femme de chambre & une cuifiniere par fois;
30. que lorfque M . de Cabris va à la prom enade, il eft accompagné,
ainfi qu’il a ccé dit ci-deffus; 40. que lorfque M . de Cabris va à la
riviere de Siagne, pour y prendre les bains, il eit accompagné par
ledit homme de confiance, fuivi des deux hommes qui le fervent
Z ij
�ïE o
adiîelkm ent, 8c vilîtc quelquefois par ion Chirurgien; 50. qn’on ne
ps«; rien ftatuer fur l'état de M . de C a b ris, dans le rems qu’il étoit
aux moulins, attendu l’éloignement d’une
heure
& demie qui fe trouve
du village; <5°. aucun des Membres du Confeil étant au Chareau
n’ont vu M . de Cabris avec madame £1 m ere, à l ’exception du (leur
Jean Raynaud, fon Chirurgien, qui a déclaré l’avoir vu quelquefois
avec ladite mere. 7 0. Le C onfeil ne peut rien déclarer fur la fe'ptieme
réquifuion de l’exploit, parce qu’ils ne fréquentent pas l’intérieur du
Château; 8°. que madame la M arquife de C abris, douairiere, fait
fa réfidènce tantôt en ce lie u , tantôt en la ville de GraiTe; 90. que
l ’homme de confiance de madame de Cabris fait des voyages de tems
en cems à GraiTe & ailleurs; io °. que madame la douairiere a depuis
peu de jours mademoifelle Pauline de C abris, fa petite-fille, auprès
d’elle. 1 1°. Les fieurs Maire , C on fu ls, ont déclaré que véritablement
il leur fut préfenté par l’homme de cqnfiance un certificat, 8c que
lTayant lu , ils virent qu’ils ne pouvoient pas certifier tout le contenu;
8c que le fieur homme d’affaires le fit recopier en fupprimant tout ce
que nous 11e pouvions pas certifier, & nous l’ayant préfenté de nouveau
à figner, nous le priâmes de nous en difpenfer, pour 11e pas entrer
dans le débat de nos fnpérieurs.
Et de tout ce qne deiTus, les Sieurs ailemblés ont requis les fieurs
Etienne C o u r t, Lieutenant de J u g e , de leur eii concéder adte; ce
q u ’il a fait, & aligné qui a fu & voulu. Signés E. C o u r t , Lieutenant
de Juge;
Jkan
Jean
M aire; C o u r t , C onful; P e l i s s e , C o u r t , audit
T r u e ; R a y m o n d ; L. P e l l e g r i n ; M a u r e l ; H o n o r é C o u r t ;
D a v e r ; P i e r r e B o u g e ; M a r i e I s n a r d , Greffier, tous à
C au vin ,
l’original. Collationné. Signé
Isnard,
Greffier, en la minute des
préfentes.
N °.
J
X .
S u r pareil acle fa it aux nommés Jofeph & François
Raybaud y freres y le 1 y Février.
Lesdits
Raybaudyfreresy enfuite de l’interpellation ci-defïus, dé-
�i 81
d a te n t &: certifient qu’il y a environ crois ans, comme ils habiroîenc
une mai fon dont les fenêtres vifent au Château du préfent lieu, ils
virent M. le Marquis de Cabris qui promenoir au devant du Château,
& enfuite il vint promener fur la vigne, tout auprès de la glaciere;
létant là, ledit Seigneur Marquis dit au nommé Jèan G burt, fon
d o m e ft iq u e , qu’il vouloir aller promener fur l’allée de Saint J e a n ;
C ourt ne voulut pas y confentir, & comme M . le Marquis infiftoit,
C ourt le menaça de le battre, Sc alors ledit Seigneur Marquis ayant
pris la route de l’allée, ledit C o u rt lui donna plufieurscoups de poings,
ce qui obligea ledit Seigneur Marquis de courir dans le Château. Les
répondans certifient encore d ’avoir oui dire publiquement que ledit
Seigneur Marquis ctoit batu par fes domeftiques. Et nous Sergent ayant
, requis lefdits Raybaud de figner, ils ont déclaré ne favoir. Le tout fait
préfens Jofeph Fortont Sc Jean Pelijfc, de ce lieu, mes témoins.
Signés
F o r t o n t ,
P e l i s s e ,
C.
B o u g e .
A u-dejjous eji
écrit :
C o n t r ô l é d o u b l e a G r a s s e le d i x - h u i t F é v r i e r m î l s e p t c e n t
Q U ATRE-VIN GT-Q UATRE. R eçu
VINGT-CINQ
SOLS S I X
UENIERS.
Signé C O U R T .
N°.
P A RE I L L E
X.
fommation du même jour
a
Antoine
Raybaud.
L edit
Antoine Raybaud, en fuite de l’exploit ci-deiTusj déclare &
certifie qu’il y a environ trois ans, fe trouvant au Claux avec le nom mé
Jean C o u r t , domeftique de M. le Marquis de ce lie u , en parlant dudit
S e i g n e u r M arquis, ledit Court dit au répondant, que dans la matinée
du
même jour, à mefure qu’il chaufloic ledit Seigneur M arquis, celui-
ci
lui donna un foufflet, Sc que lu i, Jean C o u r t, avoit donne vingt
coups de bâtons fut le dos dudit Seigneur Marquis j ajoutant & répon*
dant qu’il a ouï dire publiquement que ledit Seigneur Marquis étoir
battu par fes dom |ftiques; l’ayant requis de figner, a dé c l ar é ne favoir.
�18 1
me§
Le tout fait préfent Jofeph Fortont Sc Jean peiïjfe, de ce lieu,
tém oins, fouflignés. Signes F o r t o n t , P e l i s s e , C. B o u g e . Au-dejjous
ejl écrit :
C o n t r ô l é a G r a s s e l e d ix -h u it F é v r i e r m il sept c e n t q u a t r e VINGT- QUATRE.. REÇU DOUZE SOLS NEUF DENIERS.
N° .
X
I
.
Signé
C O U R T ,
.
L a nommée D aum as, interpellée de même.
Ladite
Daumas a répondu & certifié fur l’exploit ci-deflus, qu’elle
a ouï dire publiquement que M . le Marquis de Cabris étoit battu
par fes domeftiques; & un jour pendant le tems que madame de
Cabris, belle-fille, étoit exilée, elle vit venir M . le Marquis d e l à
prom enade, & il vouloit traverfer le village pour fe rendre au Château;
Jean C o u rt, fon domeftique, voulut l’obliger de paiïer dans le pré
qui eft à côté du village, & comme M . le Marquis infiftoit, le domeftique fie força, en le m en a ç a n t, de paiTer dans le pré ; fur quoi ledit
Seigneur tout affligé, dit alors à haute voix, qu’il étoit bien fâcheux
pour un hom m e de fon ctat, d’être obligé d’obéir en tout à un coquin
de domeftique ; ajoutant la répondante qu’elle a vu paiTer fouvenc
M . le Marquis de Cabris qui alloit promener to u tfe u l, & un intervalle
de tems après, un de fes domeftiques l’alloit joindre; requife de figner,
a dit ne fa voir.
Fait prefens Jofeph Fortont, Jean Peliffe, de ce lieu, mes tém oinsl
fouilignés. Signés
efl écrit :
F o r t o n t ,
Pelisse,
C.
Bouge,
Au-deffous
C o n t r ô l é a G r a s s e l e d i x - h u i t F é v r i e r m i l sept * c e n t q u a t r e vingt
- q u a t r e . R eçu d o u z s sols
neuf
deniers.
Signé C O U R T .
�i83
N°
L A
X I I .
demoifelle Anne Roure , veuve Court t également
interpellée.
L adite
demoifelle Roure, veuve Court, enfuite de l’exploit ci-deiïus,
a déclaré ^-certifié qu’un Jour pendant le tetns que madame de C a b ris,
belle-fille, étoit exilée, fortant de la tribune de l’Eglife, elle entendit
que M arianne, femme de chambre de madame de C abris, douairiere,
difpuroit avec M. le Marquis de ce lie u , & que ladite Marianne lui
difoit, en criant à haute voixj vous êtes fo u , 8c vous ferez toujours
fou ; ce qu’elle répéta cinq à fix fois d’un ton menaçant.
U n autre jour elle rencontra le nommé Achart, domeftique du
Château, avec lequel elle parla d e j a maladie de M . le Marquis,
& demanda â ce domeftiqiie comme il fe trouvoit; fur quoi le domef
tique lui dit qu’il étoic tantôt bien, tantôt mal; la répondante die à
'ce domeftique que fi M. le Marquis recevoir quelque lettre de la
part de fou époufe, peut-être que cela lui feroit plaifir, 8c qu’en
lui f a i f a n t rep o n fe , cola l’occuperoit quelques momens. Sur quoi
ledit Achart, domeftique, lui répondit qu’il y avoit dans la maifon
des défenfes les plus txprefies de ne remettre audit Seigneur Marquis
aucune lettre de la part de fa fem m e, ni de tout autre, 8c de ne lui
fournir ni papier ni plum es, afin qu’il n’écrivît aucune lettre ni à fa
fem m e ni à fes amjs. Cette tonverfation ayant été rapportée au fieur
Alziary, homme d’affaires de madame la douairiere, celui-ci en prie
occafion de faire un faux rapport à madame la douairiere, à laquelle il
dit que ledit A c h a rt, dom eflique, lui avoit rapporté que la répondante
avoit dit que ladite dame étoit une vieille forciere; fur quoi madame
la douairiere fit avertir la répondante de
fe
rendre à GraiTe, où elle
reftoit prefque continuellement, 8c s y erant r e n d u e , elle eut des
reproches de la part de ladite dame fur les faux rapports, la répon
dante ayantfoutenu que c’étoït une invention, & q u ’el l e vouloir que
s
�184
le rapport lu! fur foutenu en face, ladite dame lui dit de retourner
à Gratte, 8c qu’elle y feroit aller ledit A ch art, dom eftique, pour fe
confronter en préfence dudit fieur Alziary ; 8c s’y étant rendue le iour
aflîgné, elle y trouva ledit fieur Alziary &c ledit A chart, lequel foutint en face dudit fieur A lzia ry , qu’il étoit faux que la répondante eût
dit que madame la douairiere étoit une vieille forciere, & ledit
Alziary fut honteux & n’eut pas le courage de répondre au domef
tique ; certifiant la répondante, encore qu’elle a ouï dire publique
m ent que M . le Marquis étoit battu par les nommés C ou re, fes
dom eftiqûes, l’ayant requife de figner, a dit ne favoir. Le tout fait
préfens Jofeph Fortont 8c Jean Pelifle, de ce lieu, mes tém oins,
foulîignés. Signés F o r t o n t , P e l i s s e , C . B o u g e .
C o n t r ô l é a G r a s s e le d i x -h u i t F é v r i e r m i l s s p t c e n t q u a t r e v i n g t -q u a t r e .
R e ç u d o u z e s o l s n e u f d e n i e r s . Signé C O U R T .
N °.
X
I
I
I
.
Je fouifigné Pierre Daver, Auditeur des Comptes de la Com m ué
nauté de ce lieu, en l’année mil fept cent quatre-vingt-deux, certifie
que m ’étant trouvé dans le Confeil de ladite communauté du mois
de Décembre dernier, dans lequel il fut propofe de finir avec les
Fermiers des m oulins, l’article des dommages & intérêts auxquels
ils fe trouvent condamnés envers la Com m unauté, 8c de finir en
même tems ayec le Seigneur du préfent lie u , fur l’article concernant
le chauffage des chaudrons, je fuis d’avis de 11e finir les conteilations
que lorfqu’on le pourroit valablement avec M . le M arquis, ou un
Adminiftrateur légitim e; 8c parce que je fus de cet avis, les perfonnes
qui agiiToient pour favorifer les Fermiers des m oulins, & les gens
d’affaires de madame la M arquife de C ab ris, douairiere, me mena
cèrent de me faire enlever par la voie du retrait féodal, des biens
que j’avois achetés, ce que l’on auroit cfFe&uç à ce que j’appris en fuite ,
fans la circonftance d ’une ordonnance de M M . du Chârelet de Paris,,
précédée d’un Arrêt du C on feil qui ont été fignifiés à U Com m u
nauté
�i
8î
Haute de ce Ireu^ par lefquels l’adminiftration des biens te revenus de
M . le Marquis a été ôtée à la dame fa mere ; en foi de quoi j ’ai figné
le préfent. Fait à Cabris le dix-fept Février mil fe p t cent quatrevintquatre. S i g n e P. D a v e r .
N° .
X
I
V.
N o t e s particulières pour fervir d'injlruclion a Madame
de Cabris. .
E l l e fait comment & par qui madame la douairiere fut féduire
k préfenter fa requête en forme de plainte du 6 Novembre 1,777 >
pour faire interdire M . de Cabris.
M ais ce qu’elle ne fait peut-être p a s, c’eft que ceux qui étoient
à la tête de ce p rojet, difoient qu’on ne demandoit une fentence
d ’interdidion contre le mari , que pour avoir une léttre de cachet
Contre 1 epoufe ; que pour juilifier leur defïèin , ils montroient cer»taines lettres de madame de C abris, qui établiiloient leurs prétendus
. griefs c o n tr ’elle : entr’autres M . le Boiteux , en repréfentoit une ,
écrite par madame de Cabris au iîeur BeliiTen , qui étoit entre fes
m ains, on ne fait com m ent, dans laquelle madame de Cabris difoic *
au fieur BeliiTen qu’elle ne vouloir plus entendre palier de fon m ari,
qui étoit un monftre de nature, &c. O n montrera peut-être encore
cette lettre, & d’autres que Ton difoit avoir de madame de M irabeau,
également outrageantes , & qui annonçoient un deiTein prémédité de
nuire à M . de Cabris ; des certificats de Lyon , relativement à une
affaire prétendue arrivée dans cette ville , q u i, félon les perfécuteurs
de madame de Cabris , prouvoient fon inconduite , & la ncceffité
de l’extrémité à laquelle 011 fe portoit contre le mari , pour fairc
enfermer la femme. O n pourra encore parler de ces lettres & certi
ficats , peut-être les montrer ; madame de Cabris doit fe prémunir
contre ces calomnies , & s’attacher à les détruire.
Elle ignore peut-être aufli que pour le fîmulacre dailemblée de
A a
�i86
jjarens i convoquée après la fentence d’interdi&ion , on fît choix des
parens de M . de C a b ris, qui ne contrediroient pas le projet affreux
de hû enlever fon exiitence. O n ctoit aifuré des abfens auxquels
011 faifoit entendre tout ce qu’on vouloit ; mais on favoit bien que
ceux de Grafle , qui voyoient par eux-mêmes ce my itéré d in iquité,
ne fe prêteroient pas à un projet auiïï horrible. Voilà pourquoi des
parens de Gralfe 011 ne convoqua que les deux beaux - freres & deux
autres qui croient neveux de l’un d’eux ; mais on fe garda bien
d’aiTembler M M . de Sartoux, de Puget, de Theas, dt Gars l’a în é ,
& c. qui fe feroient oppofés à tout ce qui fut fait dans ce fimulacre
d’ail emblée de parens.
Madame de Cabris ignore fans doute auiïï qu’après cette aiTemblée le placet de famille fur lequel on furprit la religion des M i
nières du Roi , pour la faire exiler dans un co u ve n t, fut fait 8c
dreiTé à Graife par M . le Boiteux ; que ce placet fut envoyé par un
porteur exprès à tous les parens des environs , & à A i x , & que par
conféquent tous les parens qui le fignerent, n’ont ni approfondi, ni
pu approfondir aucun des faits contenus dans ce placet.
Elle ne fait point non plus que lorfqu’on l’eût fait arrêter à A ix
Comme une crim inelle, avec le plus grand é c la t, M . le Boiteux qui
•*ctoit à la tête de cette exécution , manda prendre alors madame la
doüairiere, qui fe porta en la ville d’A ix. Son voyage eut pour m o tif
de faire retirer M . le marquis de Cabris dans fon château ; elle y
parvint en l’aifurant que fon affaire en interdidtion ne feroit plus
pourfuivie; M . de Cabris qui avoit été empêché par decret de la
C our de s’abfenter pour aller joindre madame de Cabris à Sifteron,
ne pouvant préfumer que madame fa mere le tromperait en le faifant retirer -, revint dans fon château de C a b ris, efeorté par un bour
geois du village dudit lieu , qui avoit accompagné madame la douai
rière à A ix. Il étoit fort tranquille, d’après l’aiTurance que madame
fa mere lui avoit donnée, qu’on ne faifoit point de pourfuites dans
fon affaire en interdiétion ; mais quelle fut fa furprife , lorfqu’on
lui apprit qu’on ne l’avoit fait retirer dans fôn château, que pour
�i B7
abufer de fon abfence Sc le 'pourfuivre ; il y fut fi fenfible , qU(î
pendant quelques jours Tes affe&ions nerveufes 1s plongèrent dans
un ctat trifte , 3c lui faifoient dire qu’on l’avoit trompé en lui enle
vant tout à la fois fon exiftence , fa femme , & l’adminiftration de
fes biens.
Elle ignore p eu t-être également que non feulement on fe pré
valut de l’abfence de M . de Cabris , mais que pendant la plaidoirie
on fit valoir des faits non prouves , pour faire entendre aux Juges ,
que depuis fon retour à Cabris , il avoit donné des preuves vifibles
& publiques de démence ; comme fi fur l’ctat d’un citoyen il étoit
permis de fe décider d’après des allégations ou des atreftacions ,
lorfque la juftice a déjà pris fes réponfes , fur lefquelles elle doit le
juger.
Elle ne fait pas non plus que la plupart des pareils abfens de GrafTe,
dont on a furpris la fignature , ont publiquement témoigné du regret
de n’avoir pas mieux approfondi les faits qu’ils ont atteftés, & furtout depuis que le premier mémoire de madame de Cabris , qui a
produit la révocation de fa lettre de cachet, fut rendu public.
A préfent perfonne ne tient plus à la confommation de cet affreux
p ro jet, q u i paroît être réduit à fon ternie , fi on en excepte M . le
Boiteux ëc tout ce qui efl: intéreiTé à faire entretenir cet ouvrage
d ’iniquité.
O n dit que M . le Boiteux tient à A ix des propos publiquement
injurieux & outrageans contre madame de Cabris fa niece.
Q ue M . Lemaïgre, frappé de ce qu’il a trouvé dans le mémoire
concernant le fupplément de légitime qu’on s’eft fait adjuger, a fait
vn mémoire ou lettre juftificative de ce qui a été fait à M . le G arde
des fceaux , & lui demande juftice contre ce m ém oire, fur l’impu
tation calomnieufe qu’il renferme contre les légitimaires.
P u i f q u ’il fe plaint, il femble que madame de Cabris doit a j o ut e r
par réflexion à fon m ém oire, qu’un Confeiller au parlement devroit
faY oir qu’il fonne très-mal d’attendre ôu de failir un tems d ’in te r-
A a i}
�}2 S -
diYHon pour ie faire adjuger un prétendu droit cintre l’interdit ;
qu'on a fi fort abufé de la foibleffe de la curatrice qu’on avoir créée,
& de ce que l’interdit ne pouvoit parler, que non feulement on s’eit
fait adjuger un droit qu’on n’avoit ofé réclamer en juftice contre
M . de Cabris ; &r tandis que les biens de la fucceilion, fur lefquels
ou l’a pris , n’ont été eftimés qu’au taux du trois pour cent , comme
domaine noble , 011 s’eft: fait adjuger & 011 a établi dans la tranfaétion le taux de l’intérêt du principal au cinq pour c e n t} que l’on
juge de l’acceiToirefi madame de Cabris a tort de crier & de fe plaindre
fur le fonds*
L e perfonnage nul à Grade , fe donne les plus grands mouvement
pour les ailemblées qui fe tiennent chez madame la douairiere ,
prélîdées par l’homme habillé de vio let, & où toute cette vile en
geance qui l’entoure , fabrique des mémo-ires pouE noircir madame
d e.C ab ris, & envoyer ce que l’étranger de nation qui fait nombre
dans ces aiTemblées, appelle le contrepoifon du mémoire de madame
de Cabris.
C es mémoires ont été envoyés à Aix par un porteur, pour être
fournis fous l’infpeétion de M . le B oiteu x, de M . le Maigre 6c des
Avocats d’Aix pour fo llicite r, à la faveur de ces mémoires , des
motifs favorables fur les arrêts attaqués.
O n d it, madame de Cabris fe plaint que l’arrêt du 9 Avril 177S
a été rendu fans conclufions du Miniilere public , tandis que tout
le monde fait que M . l’Avocat Général de Calilfane porta les con
clufions & plaida toute une audience.
Mais quand cela fe ro it, l’arrêt du C o n fe il, qui reçoit la requête
de madame de C a b ris, préjuge que le C onfeil veut tout voir , puis
qu’on demande & les procédures & les inrerrogaroires ; &c fur ces
pièces , quels que puiifent être les motifs que l’on donnera , tout
être penfant trouvera que c’eft une néceflitc pour une famille hono
rable , d’anéantir pour toujours l’ouvrage des perfécuteurs de cette
fam ille, qui n’a déjà fait que trop de bruit dans le royaume.
�1 8 cj
O n fera rcpondi'e, dit-on , au mémoire , on traînera i Aix én
lo n g u e u r, autant que l’on pourra , pour arrêter l’envoi des procé
dures i nt e r ro g a t o i r e s & motifs des arrêts ; on traînera davantage 3
Paris , po u r avoir le tems d e faire publier le mémoire contraire ,
en gagnant du tems , mademoifeile de Cabris aura douze ans , Si
une fois qu’elle fera pubere , fi on ne la marie pas dans les circonftances , on lui fera dire ce que l’on voudra contre tout ce que
madame fa mere dit à raifon de fon éducation ; madame d e Cabris
a le baptiftaire de mademoifeile de Cabris , elle doit veiller avecle plus grand foin à avoir prompte expédition à Aix & à Paris ; il
elle ne peut parvenir à l’obtenir avant le tems de la pubertée de m ademoifelle de Cabris , elle doit aller à toutes fins , & demander
au Confeil que tout reftera en l'état jufqu’à ce que Sa Majefte aie
ftatué fur fa requête , parce qu’après tous les attentats qu’on s’ell
permis , & avec le fecours du Confeil violet qui préfide les alTemblées , on pourrroit bien fe permettre encore celui de finir par le
iacrifice que craint avec tant de raifon madame de Cabris.
O n produira peut-être des certificats pour juftifier la conduite de
l’adminiftratrice , relativement aux foins qu’elle prend de M. de
Cabris. M adam e de Cabris ne doit pas craindre d ’avancer que fi
des certificats pouvoient être de quelque poids , elle aurait celui
de tout le village de Cabris & de toute la ville de GrafTe qui font
feandalifés de la maniere dont madame la douairiere néglige les
foins qu’elle devrait donner à fon fils en le livrant à des mercénaires qui achaque inftant aggravent fes maux au lieu de 1« fecouric
& de le foigner ; qu’elle eft fi certaine de ce qu’elje avance, qu’elle
s’en rapporte volontiers á des informations publiques que l’on pouroit prendre à fon infçu , fans qu’elle craigne d’être contredite , tant
l’indignation publique eft grande contre fes calomniateurs.
O n pourra relever encore le prétendu délabrement de la fortune;
de M . de Cabris que l’on attribue à madame de Cabris ; le papier
qu’elle a reçu , la m et à portée de répondre à cette faulle impu
tation.
�190
O n dira peut-être , M . de Cabris avoir cinquante mille écus de
capitaux qu’il avoit aliénés dans un court intervalle de teins ; mais
la bâtifle de la nouvelle maifon & l’affaire malheureufe q u ’il a eCfuyée, avoient confumé ce fonds , &c l’avoient mis dans la néceilité
de faire des emprunts ; ce n’eft pas madame de Cabris qui avoit
coopéré à ces deux objets de d é p e n f e jc ’eft lorfqu’etle veut être à
la tète de fa maifon , pour y mettre un ordre , qu’on cherche à la
détruire , pour y placer une adminiltracrice qui auroit befoin d ’être
adminiftrée elle-même.
,
C ette preuve fe tirera de ce qu’elle a fait depuis fon adminiftration 6c d après les notes inferees dans le papier que madame de
Cabris a reçu.
Elle peut ajouter qu’il n’y a q u ’un cri contre les Canfeils & les
entours de madame de Cabris la douairiere, que tous les parens
trop crédules, difent à préfent qu’elle a tort de s’en rapporter au
confeil d’un perfécuteur qui a violé une promeiTe facrée fous la foi
de laquelle le mariage de madame de Cabris avoir été f a i t , & qu’ils
défirent tous que madame de Cabris foit replacée dans fa maifon
8c dans la place q u ’elle doit o c c u p er
on en excepte ceux d’entre
,fi
les parens qui feroient intéreifés à la tenir éloignée.
U n nouveau mémoire deviendra néceiTaire pour frapper fur tout
ce qui a trait à ce qui a fuivi l’interdidion , &: notamment l’adm iniftration : tout le monde dit ; c’eft une horreur que madame la
douairiere abandonne fon fils pour préfider dans fa maifon autour
d’un tapis vert à Gralîe , fous prétexte d’infirmités , & que fa né
gligence foit portée jufqu’à le livrer entre les mains de deux payfans
qui l’excedent de coups , au lieu de lui donner des foins ; c’en
eft une autre de foudoyer avec douze cent livres un véritable ivro
gne , pour préfider à cet abus d’autorité de fa part , au lieu de les
employer aux honoraires d ’un médecin qui , en fuivant M . de
Cabris de près , auroit connu par la fuite du tems le principe de
fes affe&ions nerveufes , & l’auroit g u é r i , comme le fut monfieur
fon pere ; c’en eft une bien plus grande , qu’elle laiile mademoifelle
�191
de Cabris dans un couvent où il n’y a que des perfonnes inha
biles pour lui donner une éducation telle que fa naifffance & fa
fortune l’exigent : que juftice foit faite par le Roi à madame fa
mere , pour faire ceffer tant de maux , nous ferons des feux de
joie à Cabris & à Graffe , pour lui marquer notre fatisfaction ; voilà
les cris univerfels de ces contrées ; que madame de Cabris la d if e
dans fon nouveau m ém oire, fans crainte d’être contredite par la voix
publique.
Mc DE
B E A U S É J O U R , Avocat.
;
D e l'Im p r. d e D 'H O U R Y , Imp r.-Lib. de M g r le D u c d 'O r i Î a n s & de M g r le D u c
d e C h a r t r e s , rue Hautefeuille , près celle des deux Portes»
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Vernet
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_V0102_0001.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. De Cabris. 1785]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Beauséjour
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
maltraitance
abus de faiblesse
enfermement
ordre ministériel d'enfermement
prodigalité
successions
assemblées de famille
inventaires
terriers
Ursulines
violences sur autrui
mobilier
prévarication
médecine légale
domestiques
bibliothèques
scellées
témoins
vie monastique
hôtels particuliers
lettres de cachet
correspondances
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
consuls
intrusions dans monastère
créances
affaire des affiches (1776)
experts
régime alimentaire
dénuement vestimentaire
jardins
huile d'olive
retrait féodal
domaines agricoles
dépression nerveuse
Description
An account of the resource
Mémoire et consultation pour madame la marquise de Cabris, belle-fille, défendant l'interdiction de son mari ; Contre madame de Lombard Saint-Benoit, , marquise de Cabris, douairière, poursuivant l'interdiction du marquis de Cabris, son fils, pour cause de démence.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie d'Houry (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1785
1769-1785
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
191 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0115
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0114
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53990/BCU_Factums_V0115.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Grasse (06069)
Aix-en-Provence (13001)
Sisteron (04209)
Cabris (06026)
Paris (75056)
Manosque (04112)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
affaire des affiches (1776)
assemblées de famille
bibliothèques
consuls
correspondances
Créances
curatelle
démence
dénuement vestimentaire
dépression nerveuse
domaines agricoles
domestiques
enfermement
experts
hôtels particuliers
huile d'olive
intrusions dans monastère
inventaires
jardins
lettres de cachet
maltraitance
médecine légale
mobilier
ordre ministériel d'enfermement
prévarication
prodigalité
régime alimentaire
retrait féodal
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
Scellées
Successions
témoins
terriers
Ursulines
vie monastique
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53136/BCU_Factums_G1108.pdf
7db542c6d8870b4cc5e26dd3ff16861d
PDF Text
Text
M E M O I R E
A CONSULTER
E T
’
c o n s u l t a t i o n
,
P O U R le cito y en F A Y E T 3 curateur a a l' in ter
d ic tio n d ' A n t o i n e
F A Y E T , son p è r e ,
dem andeur;
C
o n t r e
Jean S A V I G N A T
et autres,
.
demandeurs
L
a
a
procuration d’un
surpris des
hom m e
pouvoirs si
q u ’il en résulto it pour
en dém ence à
qui on
étendus , s i extraordinaires >
lui une
véritable interdiction ,
e st-elle valable ? d es ventes faites en vertu d’une pareille
procuration ,
et
trois ans après sa d a t e , doivent-elles
ê t re e x é c u t é e s , s u r - t o u t , si
énorm e ?
elles
causent
une
lésion
M o n pere avoit reçu de la nature un cœ ur excellent »
mais il joignoit à une sensibilité e xtrêm e la plus ardente
imagination. Bouillant et e m p o r t é ,
les moindres objets
faisoient sur lui la plus violente impression ; égalem ent
A
�incapable de maîtriser ses sentimens , ou d e tes modéreu,- **
il fut
toujours dans les e x t r ê m e s , et
n’éprouva jamais
que les accès de la joie , ou les angoisses de la tnstesse :
il entreprit beaucoup ; il réussit rarement ; et soit q u ’il
e u t ‘ m al co n çu ses projets , ou qu’il fut m alheureux dans
leur exécu tion , il vit bientôt une partie de sa fortune
disparoître et échaper de ses mains.
L a douleur et le désespoir produisirent en lui le
plus
terrible effet , et l'inflammation du sang , ou l ’irritation
des. nerfs , le conduisirent à
la démence.
C ’est sur la fin de 1783 q u ’il acheva de perdre l’ usage des
facultés in te lle c tu e lle s , et que son état fut connu de tous ses
concitoyens. D è s ce m o m e n t , il abandonna ses affaires ;
laissa ses biens à la merci de ses créanciers , tous trop
honêtes pour le poursuivre dans la position malheureuse
où il se trouvoit. M ais de
vils praticiens habiles à s’ en
richir par les malheurs d ’a u t r u i , calculèrent b ien tôt leur
fortune sur la ruine d e m on père. V o y a n t q u e ses créan~Ciers vouloient dem eurer tra n q u ille s, ils insinueront q u ’il
faudroit vendre à l’amiable pour les payer. C e conseil qui
paroîc d’abord
s a g e , s’il
avoit pu s’e x é c u t e r , é toit un
raffinement de perfidie d o n t on c o n n o ît r a , par la s u it e ,
to ute la noirceur.
M ais co m m ent faire faire des ventes
par un h om m e d o n t'l’aliénation d’esprit étoit si p u b liq u e ,
et avec lequ el personne ne pouvoit traiter ? on imagine
de lui faire signer une procuration que l ’on p e u t appeler
à juste t it r e , un acte d’interdiction.
E lle fut passee le
f n©vembre 1785. Il y
*j>lus de dix-huic mois q u e m o n
avoit alors
père n ’avoit pas pris la
�3
p lu m e , et qu’il étoit dans un état de d é m e n c e , qui n e
lu i perm ettoit pas de contracter
le moindre engagem ent.
O n lui fait cependant dire q u ’il » donne pouvoir à A n to in e
» Fayet
son fi’s , aîné , alors cavalier an régiment de la,
« R ein e , de régir et adnvnistrer ses affaires , biens présens
»3 et a venir ; recevoir tous ses revenus ; payer ses créan33 ciers ; affermer ses
b ie n s;
m traiter et transiger; V
poursuivre toutes instances;
endre
tous
B
ses
ien s
fo n d s
,
« excep té sa maison oii i l habite ; substituer un ou plu33 sieurs procureurs en to u t ou en partie de ses pouvoirs.
» L a présente procuration , est-il ajouté , demeurera
« valable , et sans pouvoir
être révoquée jusqu’à défi-
” nition de la régie et extinction de tout
paiement de
« ses créanciers , sans que le constituant puisse révoquer
” led it procureur constitué pour quelque cause ei m o tif
” que cela pu isse être 3 iceluy s'en démettant dès-h-présent
» desdits pouvoirs , et
sans
que
ces
présentes soient
” sujettes à surannation.
T e lle s sont les expressions littérales de cet
a c t e ; les
adversaires n ’o n t pas craint de les tronquer dans leur m é
moire , parce q u ’ils ont senti q u ’ elles étoient foudroyantes
contre eux. N e v o it-o n pas en effet que
cet
acte n ’a
r'en de personnel ; rien qui porte le caractère de la v o
lonté et d e la capacité de F a ye t père ?
Q u o iq u ’il en soit , je conviendrai avec les adversaires
que le cito yen Sintheran , m o n - o n c le , fut le notaire rédac
teur de ce tte procuration , et
le
citoyen B er t ra nd ne
l ’a signée q u ’en second ; je dira; m êm e q u ’il tacha de ne
rien oublie? pour lier les mains à m o n père , parce qu’il
'*•
A z
�'- 'A
cro yoit que
4
l'état de son beau f r è r e , exigeant qu’ il fut
'in te r d it, il
suffisoit ,
Jui-mênwi—
to u t b o n n e m e n t, qu’il prononçât
i n t e r d i c t i o n , tandis q u e lle ne d evo it
et
ne pouvoit i’être qu’ en justice.
Q u e p eu t-il résulter de cela ? r i e n , si
ce n’ est que
le citoven Sintlieran v o u l o i t , avec raison, interdire m o n
père , et lui donner un curateur ; mais qu’il s’est trompé
en pensant q u ’une
iuterdiction officieuse pouvoit
opérer
le m êm e effet qu’ une interdiction judiciaire. Je suis per
suadé que son erreur partoit d ’un bon m o t i f , et que
s’il
àvoit prévu tous les m aux qui sont résultés de cette fatale
procuration , il auroit é té le premier à s’y opposer ; mais
la pureté de sa conduite ne sauroit couvrir le vice radical
de cet a c t e , consenti par m on père , dans un terns où
il étoit absolum ent
incapable de contracter. M o n frère
to u t j e u n e , to u t militaire q u ’il é t o i t , fut si effrayé des
pouvoirs qu’on lui d o n n o it, q u ’il refusa d ’en user , et q u ’il
partit pour son régiment.
Trois ans ap rès, il revint passer q uelqu e tems au sein
de sa famille ; dans cet in t e r v a lle , l ’état de m on père ne
fit q u ’empirer ; il ne se m êlo it de
rien ; on
étoic m ê m e
ob ligé de le surveiller ; ses fermiers refusoient de p a y e r ,
parce q u ’ils v o y o ien t qu’il n ’é toit
pas
capable de leur
donner quittance ; en un m ot , tout étoit
déplorable. Q u e firent alors
dans un état
les hommes intéressés à ce
q u e mon frère fit usage de sa procuration ? ils lui inspi
rèrent tant de crainte sur les prétendues poursuites que
vou lo ien t exercer les créanciers de
mon père , quMs le
4é>erminerçnt à yçndre la presque totalité de
ses biens.
�5
O n profira, pour le tr o m p e r , de sa bonne foi , de
in e x p é r ie n c e , de sa franchise , et sur-tout, du
son
désir qu’i l .
avoit de rétablir les affaires qui lui étoient confiées. T o u t
fut si bien dirigé , qu’on lui fit donner pour 34000 l i v . ,
des -objets qui valoient alors plus de 80000 liv. (a).
O n ne sera pas surpris de la vilité du prix des
ventes
quand on saura que plusieurs personnes honêtes d’A lla n c h e
n e voulurent point a c h e t e r , parce qu’elles savoient bien
q u e l le s ne pou voien t le faire solidement {b) : on eut donc
recours aux adversaires, que l’on
trouva
très-disposés à
seconder les manœuvres des d eux hom m es qui on t ruiné
m on père ; l’ u n , notaire à A l l a n c h e , recevoir les ventes ,
cautionnoit les a cq u é re u rs , et faisoit ce q u ’on appeloit
a u tre fo is, en term e de palais , la broutille des procédures,
tandisque son frère , procureur à R i o m , dxrigeoic en
grand les opérations judiciaires, et disposoit toutes les
(a)
du
Il
est n o t o i r e , à A l l a n c h e , q u e ,
d o m ain e de
o ffe rt
5 5 ,0 0 0
P ra d ier,
liv .,
la
m ère
cependant
il
m a l g r é q u e sa v a l e u r e u t p r e s q u e
d ix
ans
d es
c i to y e n s
n ’a é té
vendu
d ou b lée
avant
la
vente
B e n o ît en
a vo it
que
2 0 ,0 0 0 l i v J
d a ns l ’i n t e r v a ll e
de
d ix
a n s , par la p r o g r e s s i o n d es fo n d s .
{F}
il
Du
nom bre de
f u t c o n s u lt e r
le
ces
citoyen
personnes
L apeyre,
est
le c i t o y e n
hom m e
de
B o n n e t , aîné 5
loi à R i o m . Sur
1 e x p o s é sin ce re q u il fie J e l ’éta t d e m o n p è re , et d e la p r o c u r a ti o n
d o n n é e a so n f i l s ,
le
citoyen
L apeyre
lui
c o n s e illa d e
ne p o in t
faire u n e a c q u i s i ti o n q u i d e v i e n d r o i t illu s o ire . Si c e t e st im a b le j u r i s
c o n s u lt e
a signé
l ’o n t tr o m p é
sur
la c o n s u lt a t i o n
les faits ;
d es a d v e r sa ir e s , c ’est
il est f a c ile d e
s ’en
parce
q u ’ils
c o n v a i n c r e p a r la
le c tu r e m e m e de leu r m é m o i r e .
A
j
�batteries. Il parvint à faire consigner le
sition s, quoique
prix des acqui-.,
les acquéreurs se fussent obligés de le
payer directem ent à chaque créancier. C ’é to it afin de pou
voir établir e n tr'e u x une bonne instance d’ordre , q u ’il a
eu soin de n o u r r ir , par des
requêtes signifiées de tems
en rems à 33 créanciers opposans. V o i là le bût où ces
d eux frères
vouloient arriver ,
lorsqu’ils ont
conseillé ,
p r o v o q u é , et forcé m êm e les ventes dont il s’agit.
Il est résulté , de cette infâme coalition entre les acquércirs ,
et ceux qui ont fait
vendre , que , depuis huit
ans , un seul créancier n’a pas encore été payé ; que
mr.sse des dettes de
mon
la
père a presque d ou blé , tant
par les intérêts échus que par les frais énormes
é té faits pour la consignation et
sur l’ordre ;
qui
ont
qu’ enfin ,
les 34000 l i v , prix des différentes v e n t e s , n’ont pas rap
porté' un sou d ’intérêt , et que cette
som m e qui croit
plus que suffisante pour acquitter les d ette s, n’en payerait
aujourd’hui q u e la moitié. T e l est l’avantage que m on
père a retiré de ces ventes q u e les adversaires ont osé
présenter com m e lui ayant é té très-profitables.
*Si ces actes odieux n’ont pas été attaqués p l u t ô t , c’ est
parce que mon père n ’avoit auprès de lui aucun
enfant
qui put le faire : su1* huit que nous som m es, trois étoient
„ au service de la Ilépublique ; un quatrième prêtre vivoit
hors de ch ez lui i et j’habitois L arocheü e ou Bordeaux :
il ne restoit d on c que
ma mère et ses trois filles , o c cu
pées à prodiguer leurs soins à mon malheureux père.
A rriv é dans ma fa m ille , j’ai été sen sib le , com m e je
devois l’être , à la position
affligeante dans laquelle je
�X oï
Fai trouvé ; j’ai cherché les
m oyens de pouvoir réparer
une partie de ses malheurs ; j’avois besoin pour cela
faire interdire m on
de
père ; il l’a été avec toutes les for
malités re'quises.
L ’avis de parent , et l’interrogatoire qui
ont précédé son
interdiction , n’établissent que trop sa
d ém ence et son a n c ie n n e té , qui étoit déjà prouvée par
la procuration de 1785.
Nom m é
pour curateur à l ’interdiction ,
je m e suis
empressé d’em ployer les fruits de d ou ze années de tra
v a u x à payer
les créanciers
de
m on
père ; et j’aime
à dire que jusqu’ici je n’ai eu q u ’à m e louer de leurs
procédés. J’ai demandé la nullité des
ventes faites en
vertu de la procuration de 1 7 8 5 , et le désistement des
objets vendus. D e u x motifs puissans ont déterm iné cette
d é m a rch e ; le p rem ier, pour achever de faire honneur aux
dettes de mon p è r e , avec les biens dont on l’a indig
nem ent d é p o u illé ;
le secon d , pour procurer le s u r p l u s
de ces biens à une famille nom breuse
q u i,
depuis six
ans , a éprouvé toute sorte de b e s o in s , et qui auroit pu
vivre
dans
une
h on ête
aisance
sans
la
friponerie de
ceux qui l’ont cruellem ent trompée.
Les adverjaires ont qualifi 4 ma dem ande d'extravagante;
ils l ’ont attribuée à la progression survenue dans la valeur
des
biens
enfans
q u i,
Fayet.
reproche
selon
M ais
téméraire
eux,
n’ est-il
est
a excité
pas facile
la cupidité
des
de voir que
ce
une veritable e x t r a v a g a n c e
que
la cupidité seule a laissé échaper ? les adversaires auraient
dû faire
attention
que
les
enfans
F a yet ne vien n en t
pas offrir des assignats pour de l ’argent payé au prétendu
A 4
�fon dé
de
pouvoir de
n ’a rien reçu
leur père. Il esc
sur le prix des ventes
constant qu’il
oui doir erre ou
dans les mains des acq uéreurs, ou clans celles du rece
veu r des consignations : dans le premier c a s , k s adver
saires n’ ayant rien p a y é , n’auront rien à re cev o ir: dans
le s e c o n d , ils retireront ce
qui aura été consigné. L a
m ultiplicité des assignats ne peut dès lors leur faire aucun
t o r t , si le désistement est ordonné.
Il
faut donc écarter ce
m o y en de considération j et
exam iner l’aiFaire sous son véritable po:nt de vue.
L a procuration du 5 novem bre 1785 contient-elle une
preuve suffisante de la d ém en ce du citoyen Fayet père
pour la faire déclarer n u lle , et faire prononcer la nullité
des ventes qui l ’ont suivie?
C e t te procuration
c o m m e un
peut-elle
au
moins être
regardée
co m m en cem en t de preuve par é c r it , suffisant
pour faire adm ettre la preuve
offerte
que F a ye t père
avoit l’esprit aliéné à l’epoque de la procuration de 1785 ?
T e lle s sont les d eu x questions
sur lesquelles le con
seil est prié de donner son avis.
F A Y E T
T
,
k
C
o n s e i l
s o u s s i g n é
fils.
qui a pris lecture
de la
procuration donnée à A n to in e F ayet par son père , d s
ventes faites
en
vertu
de
cette
procuration ,
de
la
dem ande form ée devant le tribunal de M u r â t , des consul
tations
imprimées
des
14 et
15
th e r m id o r ,
du m ém oire à consulter des enfans F a / e t ;
ensemble
�—^
cu ra te u r, à l ’interdiction
9
E s t i m e que la dem ande du
dé
F a y e t p è r e , est fondée
sur
les l o is ,
sur l’opinion
des meilleurs auteurs , et sur la jurisprudence constante
des
tribunaux ,
q u ’ainsi le succès de ce tte dem ande n e
sauroit être douteux.
On
est
a souvenr posé pour
en
principe
qu’ un citoyen qui
d é m e n c e , est interdit par le fait m êm e de sa
d ém en ce : ce principe a
m êm e. P o u r pouvoir
son fon dem en t dans la nature
disposer , il faut
un acte
de
la
volo n té ; et pour ém ettre cet acte , il faut le concours
des facultés extérieures du
corps
rieures
jugem ent. L ’absence
de
l’esprit et
du
et
des
facultés
de
inté
ces
'f a c u l t é s d oit donc produire l ’incapacité de disposer ; mais
la sentence
d ’interdiction ne
prouve
que la
dém ence
actuelle , au m om en t où elle est prononcée , et ne m arque
pas l ’époque où elle a co m m en cé ; conséqu em m ent elle
n e suffit pas seule pour anéantir les actes qui l ’ont
C ep en d an t la dém ence , sur-tout celle
qui n ’ est pas
fu rie u s e , ne se fo r m a n t , pour l’ordinaire , q u e par des
déclins plus ou moins
sensibles, et
ne
se
manifestant
q u e par une suite , une continuité d’actions qui conduisent
à l’interdiction > il est certain qu’ elle a nécessairement
existé avant l’interdiction , qui ne fait que la déclarer ;
e t dès lors , il seroit d’une injustice évid ente de confirmer
indistinctement tous les actes qui ont précédé le ju gem ent
d ’interdiction.
Il faut
donc
une
règle
q u ’il faudra admette« de
sûre
ceu x
pour distinguer ce u x
q u ’il faudra rejecter ; et
�ÏO
cette r è g l e , nous disoit
M . l ’avocat
général
S e g ire r
portant la parole dans l’affaire de la succession de M a d c.
L aforie ,
jugée par arrêt de
1759 ; « cette
règ’ e est
« d ’exam iner les actes en e u x-m êm e s; s’ils portent dans
« leur
o b jet
ou
dans leurs
dispositions, q u e lq u e em -
« preinte de dém ence ou d’aliénation d ’esprit ; c’est le
« cas de donner un effet rétroactif à l’interdiction , et de
>5 prononcer la nullité de ces actes.
A i n s i , la justice doit présumer la sagesse et la présence
d ’esprit
dans celui
tous les citoyens
qui
use de la
faculté com m une à
de contracter pendant q u ’aucun
juge
m en t ne lui en a retiré le pouvoir ; et lorsque la sagesse
de l’engagem ent q u ’il a contracté confirme cette présomp
tion , il n’y a point de
preuve
contraire à admettre.
A u co n tra ire, lorsque l’acte suppose le
de
la
raison dans
d érangem ent
celui qui le c o n tra c te , il fait déjà
preuve par lu i- m ê m e , et preuve écrite que la d é m e n c e ,
déclarée depuis par le j u g e m e n t , existoit déjà lors de
l’acte ; tout au moins , il autorise à admettre la preuve
testimoniale du f a i t , que la dém ence
avoit
com m encé
a van t,
et
fait un devoir aux magistrats de l ’a d m e ttr e ,
si leur
religion n’est pas suffisament éclairée par l ’acre
m êm e ; tels sont les principes
re m s, par les avocats
p rofessés, dans
tous les
g é n é r a u x , organes de la l o i ,
et
sur-tout par l’im m ortel d ’Aguesseau qui ne laisse rien à
désirer sur cette matière dans ses divers plaidoyers
O r , si nous appliquons m aintenant ces principes à la
,
cause présente ; si nous jugeons l’état des facultés intel
lectuelles de F a y e t , lorsqu’il passa la
procuration géné-
�raie de 1785 , à son fils ; par cette pièce , pourrons-nous
ne pas y appercevoir la
preuve la plus évidente de la
p erte totale de sa raison et de son ju gem ent dès-avant
cet acte ? il fut en
effet une
vraie
interdiction perpé
tuelle qu’ il s’imposa à lui-même , ou pour
m ieux d i r e ,
q u ’il signa sans en connoître l’objet.
Il donne pouvoir
à
son
ses affaires, ainsi q u e ses
fils de
biens
régir et administrer
pressas et a v en ir , de
recevoir toutes ses créances actives , de plaider, de traiter ,
de transiger , payer ses créanciers , de passer des baux ,
les renouveller , vendre et aliéner à tel prix qu’il aviseroit ;
d e substituer un ou plusieurs procureurs en tout ou en
partie ; et ce qui est bien plus fort , i l s ’ interdit la fa cu lté
de pouvoir révoquer cette procuration pour quelque cause
et occasion que ce p u t être 3 et sans que sa procuration
f u t sujette a surannation.
Q u ’un citoyen qui entreprend un vo y a g e de lo n g c o u r s ,
d onne une semblable procuration illim itée pour le repré
senter dans son absence ; il n ’v a rien là d ’extraordi*
naire ; mais qu’un citoyen qui n e q uitte pas sa d e m e u r e ,
d onne pouvoir
de
g çu vern er sa
pendant qu’il sera p r é s e n t,
de
reprendre
à
volon té
maison e t ses b i e n s ,
et qu’il s’interdise la faculté
l’administration générale
d élè g u e ; c’est ce qui ne peut se
concevoir
qu’il
que de la
part d’un hom m e à qui la dém ence interdit d’administrer
lui-m êm e ses afîaires. C elu i-ià est décidém ent dans 1 im
b écillité où
la folie , qui
l ’ entourent ou
se rend , . ou
que ceux qui
le maîtrisent , rendent dépendant do son
fils , en le rangeant irrévocablem ent sous sa tutelle.
�W
»V
I2
l’acte de procuration dont il s’agît ,
C oncluons que
prouve
la
dém ence
actuelle de
Fayet
p è r e , lorsqu’il
le consentit , car la transmission de la part d’un cito yen
toujours présera , de la régie générale de ses affaires , k
un procureur constitué qui , par é ta t,
d ’être absent , et
souvent
se trouve
obligé
éloigné , ( le fils , procureur
constitué , servoit dans la cava'erie ) , est une mesure qui
ne peut s’expliquer q u e par l ’incapacité notoire du co m
m ettant d ’administrer lui-mêm e. Il n’en faudrait donc pas
d ’avantage pour faire prononcer la nullité
ration de 1785 , et
des différentes ventes
de la
procu
qui
en o n t
é té la s u i t e , sur-tout d ’après ce qui résulte de l’avis de
p a r e n t , et de l ’interrogatoire qui ont précédé l’interdiction
du père Fayet.
M a is , s’il restoit encore quelque d ou te sur sa d é m e n c e ,
à
l ’époqu e
de
la procuration de
pourroit-on pds nier q u e si cet
1785 , au
moins n&
acte ne form e pas une
preuve irrésistible et co m p lette de l’aliénation d ’e s p r it,
il en fournit une présomption bien pressante , et doit
suffire
pour
f a i t , que la
faire admettre
dém ence
la preuve
testimoniale du
s’étoit manifestée antérieurement
par les actions , les discours et les
affections de F a y e t
père.
Q u e l’on consulte les six arrêts rapportés dans le m ém oire
imprimé dus adversaires de Fayet ; on verra que trois o n t
admis la preuve testim oniale de la d ém ence , parce q u ’il
en e x ’stoit un com m encem en t de p r e u v e , par écrit ; et
q u e les ttois autres on t rejette la preuve
o ff e r t e ,
parce
qu’il n ’ existoit pas de co m m en ce m en t de preuve , par écrit,
*
� li
*3
î l résulte doncd e cous ces arrêts que si le tribunal de M u râ t
n e trouve pas sa religion suffisamment instruite par la procu
ration de
178 5
et par les autres pièces , il ne pourra se dis
penser d’ordonner la preuve des faits , qui seront articulés
par les enfans F a y e t, pour prouver qu’à l’époque de sa procu
ration
, leur
père avoit
l’ esprit aliéné ; cette preuve a
toujours été ordonnée en pareil cas , e t pour ju ger de sa
sagesse , il suffit d ’entendre Daguesseau dans une cause
pour le ci-devant prince de C o n ty .
sem bla ble
m
L a d é m e n c e , d it-il, est un fait, mais un fait habituel,une
« disposition , une affection permanente d e l’ame ; et co m m e
» les habitudes ne s’acquierent que par les actes réitérés ,
« elles ne se prouvent presque jamais que par une longue
■
» s u ite , une c o n tin u ité , une
multiplicité d’actions dont
« il est impossible d ’avoir la preuve par une autre voie
■
>> q u e p a r le seu l témoignage de ceu x qui ont été specta•sj teurs assidus de ces actions.
■
» A jou tons m êm e que ce tte preuve est
■
» forte q u e celle qui se tire des a c t e s ',
>5 témoins
souvent plus
parce
que
peuvent expliquer des actions plus considc-
rabies par leur
longu eur , plus
im portante
par leur
*> nature , plus décisive par leurs circonstances , q u e
signature d ’un acte {a).
(¿0
Une
les
la
.
s e n te n c e a rb itra le r e n d u e e n tr è s - g r a n d e
con n oissan ce de
c a u s e , le 7 m e s s id o r d e r n i e r , a j u g é c o n f o r m é m e n t à ces prin cipe s. I l
c ’a gisso it
fru its,
d e la n u ll i t é d ’ u n e d o n a t i o n e n tr e v i f s , a v e c reserve d u su
fa ite par d e f u n t e F r a n ç o i s e T i x i e r ,
Arnaud ,
son
fils
aîné ,
i
la c h a r g e d e
a u p ro fit d ’a m a b l e - A n d r é
payer
une
l é g i t i m e d«
0,0.00 l i v . à M a r i e A r n a u d «a s œ u r : c e l l e - c i a d e m a n d é l a nullitQ
*>+
�d e la d o n a t i o n , a tte n d u q u e l 'é t a t d e d é m e n c e d e sa m è r e
pas p u
lu i laisser
1 7 8 6 , e lle
la fa c u lté
de
d isp o se r
de
a v o i r t o t a l e m e n t p e r d u l ’u sa ge
c o n s é q u e n t la d o n a t i o n par e lle fa ite e n
» Sur q u o i,
ses
de
b ie n s j q u e d e p u i s
sa r a i s o n , et q u e p a r
1788
étoit n u lle.
c o n s id é r a n t q u e p o u r d is p o s e r v a l a b l e m e n t ,
33 u n e v o l o n t é réfléch ie \ q u ’ il
n ’y a pas
n ’a v o ic
de v o lo n té
il fa u c
réfléch ie d a n s
» c elui q u i est p r i v é d e sa r aison , d e s o n j u g e m e n t e t d e ses fa c u lté s
» i n t e lle c tu e lle s 5 q u ’e n c o n s é q u e n c e , la p erte d e la raison e n tr a în e a v e c
s» s o i , d ès l ’in s ta n t q u ’e lle est p a r v e n u e a u dtm i<.r p é r i o d e , la d é c h é a n c e
« d e la cap acité d e
» la r aison est
d isp o se r ; q u e
la d é m e n c e
ou
la p r i v a t i o n d e
u n fa it , m a is u n fa it h a b i t u e l , u n e d i s p o s i t i o n , u n e
a ffe c tio n p e r m a n e n t e d e l ’a m e j q u e t o u t fa it est su sc e p tib le d ’ê t r e
33 ét a b li par la p r e u v e t e s t i m o n ia l e ; m a is q u e la d é m e n c e p e r m a n e n t e
3> 11e p o u v a n t se m a n i f e s t e r q u e par d es
actes réitérés ,
une lon gu e
33 su ite , u n e c o n t i n u i t é , u n e m u l t i p l i c i t é d 'a c t i o n s , la p r e u v e n ’e n
3> est a d m i s s ib l e q u e l o r s q u e les fa its s o n t p r é c i s , caracté ristiq u es d e
33 d é r a n g e m e n t
de
la r a iso n j
m u ltipliés
33 actes d ’ u n d é li r e a c c id e n te l e t
» F r a n ç o i s e T i x i e r est m o r t e
33 fa c u l té s in t e l l e c t u e l l e s
en
et
p a ssa g e r ; q u ’il
est
d a n s u n éta t d ’a b s e n c e
et mon de»
constan r q u e
to t a le
d e se s
1 7 9 1 ; m a is q u ’il n e l ’est p a s ,
q u 'e lle
33 f u t d é j à en d é m e n c e a v a n t le m a r ia g e d e
33 a rtic u lés par M û r i e
souten us,
A rnaud , pour
éta b lir
>3 d é m e n c e h a b i t u e l l e , a v a n t l e m a r i a g e
et
s o n fils ÿ q u e
les fa its
l ’e x is te n c e d e l ’état
lors d u
m a ria ge,
de
sont
» précisés et c a r a c t é r i s é s p a r . c o n s é q u e n t a d m iss ib le s.
33 L e t r ib u n a l p e r m e t à M a r i e A r n a u d et M o n t e l é o n s o n m a r i , d e
33 faire p r e u v e
des faits
de dém ence de
F r a n ç o i s e T i x i e r , par e u x
33 a r t i c u l é s , s a u f à J e a i m e - V i c t o i r e B o y e r , v e u v e A r n a u d ,
» .c o n tra ire ,
etc.
L e s a rb itres q u i
o n t r e n d u ce j u g e m e n t s o n t les
et B la n c de C l e r m o n t , p o ur
<t H u g u e t de B i l l o m , p o u r
.ti
ont
une
la p r e u v e
la d é fe n d e r e s s e j
les d e m a n d e u r s .
c o n s u lt a t i o n j e n l e u r f a v e u r ,
D atcis-M arcillat.
citoyen s
B ergier
les c i t o y e n s L a v i g n e
O11 o b s e r v e
que
ceux-
d es c i t o y e n s L a p e y r e e ï
�2 t>
D ’après c e la , la preuve subsidiairement offerte par les
enfans Fayet , de la d ém en ce de leur père
avant 1 785 ,
peut-elle souffrir la m oindre difficulté ? s’ils ont des preuves
publiques et non équivoques d’ une dém ence certaine , il
en résultera la nullité de la procuration , parce qu’il est
certain q u e celui qui n’a pas le pouvoir
n e peut pas le
de c o n tr a c te r ,
transmettre ; nemo dat quod non
L e procureur constitué est
l’organe du
ministre de sa volonté. Si
celui-ci est dans
habet.
c o n s titu a n t, la
l’incapacité
de contracter , son procureur constitué ne peut pas l’obliger
non plus ; par-là tom beront , avec la p rocuration, toutes
les aliénations qui l’on t suivie.
L e s enfans F a y e t d o iv en t d o n c attendre avec confiance
le désistement
qu’ils réclam ent : les
créanciers de leur
père sont intéressés à ce q u ’il soit o r d o n n é , puisqu’il
leur assurera le paiem ent de leurs créances d ont la m a
jeure partie ne seroit pas
payée , si
les
ventes dont il
s’agit avoient leur exécution.
D é lib é ré à C le rm o n t 3 le vingt-quatre th erm id o r, l’an
3 de la R ép u bliqu e Française ,• une et indivisible.
BERGIER.,
I l est ess en tiel
de
rem arquer
B IA U Z A T .
i.° q u e ,
dans
d o n t 011 p r o d u i t u n e e x p é d i t i o n e n f o r m e , il
dans
l ’affaire d u c i t o y e n
F a y e t, un
é c r i t , p u i s q u e la c i t o y e n n e T i x i e r
l ’e s p è c e d u j u g e m e n t
n ’ e x is to it pas ,
com m e
co m m en ce m en t de preuve
n ’a v o it
fa i t
q u ’un e
par
d is p o s itio n
très-ordinaire dans notre D épartem ent ; z .° que la citoyenne T ix ie r
est
m orte
en
d e la p r e u v e
po ssess io n
o ff e r te
est
d e s o n étar ; par c o n s é q u e n t l ’a d m i s s io n
in fin im en t
a c t u e l le o ù il s'ag it d ’ un acte
u n e In t e r d i c t i o n
b ie n s
que
v o lo n t a i r e , o u
d e la part d ’ u n
hom m e
l ’o n
p lu s
peut
com m e une
in terdit
fa vo rab le
c o n s id é re r
v é r i ta b le
de son
enc£ est p ro u v é e par l ’acte m êm e d o n t o n
, ^
ê 9 *
SV/
dans
ou
l 'e s p è c e
com m e
d ém ission d e
v iv a n t,
et
d o n t la
d em an d e la nullité*
�16
L e C o n s e i l s o u s s i g n é qui a pris lecture
des diffé
rentes pièces visées dans le m ém oire à consulter , et de
la consultation , est absolument du m êm e avis sur les
questions proposées , et par les mêmes motifs.
D é lib é ré à R io m , le premier fr u c t id o r , l’an 3 d e la
R ép u b liq u e Française , une et indivisible.
T O U T É E ,
GR EN IER, PAR A D E S,
D E V AL.
L e s SOUSSIGNÉS qui ont pris lecture du mémoire à
con su lter, de la co n su lta tio n , et
des pièces ci-dessu s
visées , sont du même avis , et par les mêmes raisons.
D é lib é ré à Issoire , le quatre fructidor, l’an 3 de la R é p u
b liq u e F r a n ç a is e , une et indivisible.
B A Y E T père
_4
D e l'imprimerie G
DESRIBES, BERGIER, BAYET.
< ;• - /
S
S
O
R AN IER
I
R
E ,
et F R O I N ,
ïmprimeur
du district, an 3 de la République, une et indivisible.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Fayet. An 3]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bergier
Biauzat
Toutée
Grenier
Parades
Deval
Bayet, père
Desribes
Bergier
Bayet
Subject
The topic of the resource
démence
abus de faiblesse
nullité
procuration
interdiction judiciaire
témoins
curateur
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, et consultation, pour le citoyen Fayet, curateur, à l'interdiction d'Antoine Fayet, son père, demandeur ; Contre Jean Savignat et autres, demandeurs.
Table Godemel : Démence – voir testament : 1. la procuration d’un homme en démence donnant les pouvoirs les plus étendus et les plus extraordinaires, s’interdisant la faculté de révoquer ces pouvoirs, est-elle valable ? les ventes faites en vertu de ce mandat, trois ans après la date, doivent-elles être exécutées, surtout si elles creusent une lésion énorme ? le curateur à l’interdiction qui en a demandé la nullité, est-il recevable à établir, par témoins, que la démence existait avant la procuration ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Granier et Froin (Issoire)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 3
1785-An 3
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1108
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1107
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53136/BCU_Factums_G1108.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Allanche (15001)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
curateur
démence
interdiction judiciaire
nullité
procuration
témoins
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53135/BCU_Factums_G1107.pdf
bf6992301e816a7506ce5f55499679eb
PDF Text
Text
M É M O I R E
A CONSULTER,
ET C O N S UL TA T I O N ,
POUR
le citoyen
diction
lant
F
a y e t
,
curateur à l ’inter
d ’Antoine F a y et son père , appe
d’un jugement
du
tribunal civil
du
département du C a n t a l , du 25 Messidor ,
an I V
C O N T R E
naud ,
J e a n S a v ig n a t
,
Jean R ey -
A n to in e B o y e r , J ea n B ru g e
-
rolesIn timés.
U
n hom m e dont la folie fut un fujet d’étonnement &
d ’effroi pour la ville d’Allanche ; un homme qui , après
avoir adminiftré fes biens pendant trente a n s, fe dépouille
tout-à-coup de cette adminiftration , pour en revêtir un jeune
m ilitaire fans expérience ; un hom m e dont toutes les actio n s
portent l’empreinte de la démence la plus caractérifée , a-t-il
pu tranfmettre à fon fils, non-feulement le droit de régir fes
biens prefens & à venir , mais encore le pouvoir de les
vendre , en s 'interdifa n t la faculté de révoquer fo n procureur
conf t itué pour quelque caufe & m otif que ce pût être ? U ne
procuration auff i extraordinaire dans fes m o tifs, qu’illim itée
dans fes pouvoirs, a-t elle été l’ouvrage d’une volonté libre
& réfléch ie, ou plutôt ne préfente-t-elle pas les caractères
d’une interdiction extrajudiciaire ? L cs ventes faites deux
A
�ans nprès cette procuration font - elles revêtues de la pre
mière condition néccllàire à leur va lid ité, du confentement
du vendeur fans lequel il ne fauroit exifter de con
vention ?
T elles font les importantes queftions fur lefquelles le récit
des faits va jeter un nouveau jour.
F A I T S .
A ntoine F a y e t, marié en i j 56 , fe mit à la tête de fes
affaires, & fe livra à un commerce aiïèz confidérable ; foit
que la fortune ne répondit pas à fes efpérances, foit que la
raifon s’éteignit par degrés , il ne fit que de faufles fpéculations \ fon comm erce , au lieu de profpérer , eiTuya des
revers irréparables ; il fe vit bientôt en butte aux pourfuites de fes créanciers , & menacé de l’expropriation de fes
biens par une faiiie-réelle.
Q uelqu’aftligeant que fut le dérangement de fa fortune, il
avoit à craindre un malheur bien plus fenfible dans la perte
abfolue de fa raifon. Vainem ent la fam ille prit toutes les
précautions que pouvoir fuggérer la prudence, pour cacher
au public le déplorable état d’Antoine Fayet ; fes foins furent
infru&ueux ; fa démence fe m anifefta, tantôt par des traits
de violence Si d’em portem ent, tantôt par des fcènes d’ex
travagance ; les places publiques, les é g life s, les maifons
particulières devinrent le thcatlre d’incidens répétés chaque
jo u r, i k ce malheureux père de famille fut pour fes conci
toyens un objet d’épouvante 8c de pitié.
O n n’auroit pas dû balancer fur le feul remède convenable
dans ces trilles circonftances ; mais la fam ille fe flatta que
cet orage produit par le dérangement de fes affaires ferait
p aflager, que le calm e fuccederoit à cette efpècc de frénéfie,
& qu’ il ne falloir avoir recours à l ’interdittion que lorfque
tout efpoir feroit perdu.
Des petfonnes intérefTées à ce qu’Antoine Fayet ne fût
pas interdit, imaginèrent de lui faire figner une procuration
�3
q u i , en le dépouillant de l’adminiftration de fes biens,
équivaudrait à une véritable interdi& ion, & faciliteroit la
vente de Tes propriétés.
Cette p ro cu ra tio n elt du 5 novembre 178 5. Il y avoir
alors près de deux ans qu’Antoine Fayet étoit dans un état
de démence habituel, & qu’étranger à toute efpèce d’affaires,
il n’avoit pas donné une se u l e iïgnature ( 1). A ud i les termes
de la procuration en décèlent-ils facilem ent le m o tif A n
toine Fayet donne pouvoir à fon fils a in e , jeune militaire
fans expérience, non-feulement de régir 6c adminiftrer fes
biens , recevoir fes revenus, payer fes créanciers, pourfuivre
toutes inftances, traiter , tranfiger , mais encore de vendre
tous fe s biens-fonds , excepté la maifon qu’il h a b ite , fubftituer un ou pluiieurs procureurs en tout ou partie , de fes
pouvoirs, avec claufe expreffe que le conflituant ne pourroit
révoquer le procureur conjlitué, pour quelque caufe & m ^tif
que ce -pût être j icelui Je démettant dès-à-prêtent defdits
pouvoirs j & fans que ces préfentes fufjent fujettes à furannatïon.
Antoine Fayet fils, muni de pouvoirs auifi illim ités, ne
jugea pas à propos d’en faire ufage ; il partit quelques mois
après pour Ion régim ent, & lailTâ. fa famille dans la plus
cruelle détrefTe. oi le père eût joui de la pénitude de fa
raifon , auroit-il confenti à fe lier les m a in s, non-feulem ent
iour le préfent, mais encore pour l’avenir ? Se feroit-il mis
bus la tutèle de fon fils ? N e fe feroii-il pas réfervé le droit
de révoquer cette procuration ? D e quelque nom que l’on
veuille la colorer , ne trouve-t-on pas, foit dans les motifs
qui l'ont di£tée , foit dans les termes & l’étendue des pouvoirs
qu’elle contient, foitdans les effets qu’elle a produits, la preuve
évidente de la démence du père , & de l’inexpérience du fils ?
C e ne fut que deux ans après, & à fon retour du régim ent,
Î
( 1 ) O n doit obferver que la fignature mife au bas de la proen»
rationeft ii pênie , fi inform e, qu elle ne rcflemble point aux anciennes
fignaturej d’ Antoine F ayet.
A 2
�4
qu’ Antoine Fayet fils, trompé par les craintes qu’on cherche
à lui infpirer, vendit en 178 7 & 1788 la preCque totalité des
biens de fon père , moyennant une Comme modique de
34,000 üv. - Les acquéreurs 11e manquèrent pas de circon
venir ce jeune militaire , de profiter de Ca loyauté & de Con
inexpérience pour lui faire faire tout ce qu’ ils crurent con
venable à leurs intérêts -, ne pouvant Ce diilïm uler que l’état
de démence de leur vendeur étoit public ; inftruits même que
quelques perfonnes d’Allanche qui auroient voulu pouvoir
acheter, en avoient été empêchées par les Cages conCeils d ’un
jurifconfulte de R ioni , ces acquéreurs exigèrent que les
ventes fuiîent Cecrètes , & plufieurs Ce paiTèrent très-myCtérieufement dans un lieu peu éloigné d’Allanche : ils prirent
des précautions qui décéloient leurs mauvaife foi & leur
crainte Cur la validité de ces- ventes ; au lieu de payer les
créanciers d élégu és, ils dépofèrent leurs contrats au bureau
des hypothèques , feignirent une confignation , & ne de
meurèrent pas moins nantis de la chofe & du prix.
Ces ventes dont l’objet devoit être d ’allurer la libération
d’Antoine F a y e t, n’ont fait qu’accroître la 111a (Te de Ces dettes
par lesfraisqu’a entraînéscetteprétendueconfignation. Q u’elle
foit ou non réelle, cela devient indifférent pour la caufe.
E n effet, fi le prix des ventes a été réellement coniïgné , il a
demeuré iutadl dans les mains du receveur des confignations ; perfonne n’en a retiré un (fou. Si au contraire la
confignation n’a éré que fi& iv e , les acquéreurs Ce trouvent
faifis de ce prix. A i n i i , dans tous les cas, ils n ’ont rien à
craindre pour leurs deniers.
Q u ’importe d ’après ce réfultat, que des a&es auifi déCaftreux aient été partes par le notaire Saintherand, beau-frère
d ’Antoine Fayet ; que Con frère Guillaume Fayet ait donné
Con conlentement à la vente du domaine de Pradier ; qu ’il
Ce foit départi au profit de Savignac, acquéreur, de tous
droits Sc prétentions Cur le domaine vendu ? ' Ces circonCtances neCauroient couvrir l’incapacité du vendeur, nifuppléer
fon défaut de conCentemait.
�5
Depuis cetce époque, le dérangement des affaires, les
malheurs de la famille , le déplorable état d’Antoine Fayec
ont été fans remède j il ne reftoit plus aucun efpoir aux
créanciers pour être p ayés, ni aux enfàns pour fauver les
débris de leur fortune : trois des enfans , fur h u it, étoienc
au ft-rvice de la République ; un quatrième é to it, par fon
état, condamné à l ’exil ; un cin quièm e.setoit établi à la
R och elle; la mère & fes filles prôdiguoient à leur m alheu
reux père leurs foins impuiiïàns.
Jean Fayet , inftruit des malheurs de fa fam ille, vole
à fon fecours ; il voit avec douleur que l'état de fon p è re,
aggravé par le dérangement de fes affaires, eft fans remède ;
il reconnoît que des confeils perfides, de concert avec des,
acquéreurs avides, ont abufé de l’inexpérience & d e la facilité
de fon frère pour lui extorquer un confentement illufoire
a des ventes ruineufes. Il eut recours au feul moyen propre
a remédier aux malheurs de fa famille ; il fe détermine ,
quoiqu’avec la plus grande amertume , d provoquer l’interdi&ion de fon père. L'interrogatoire, l’avis des Pparens,
les certificats des médecins mettent" dans le plus grand
jour fon état habituel de démence ; tous attellent que cec
état remonte à une époque beaucoup plus ancienne ; ils
s’accordent tous à en fixer les premiers fymptômes àdix ou douze
ans : ils ajoutent que la démence d'A ntoine F a y e t, caractérifée par des accès de frénéiie, avoit publiquement éclate
avant 17 8 5 ; qu’elle setoit accrue chaque année davantage,
& qu’elle étoit parvenue à fon dernier période. L ’unanimité
de ces témoignages ne permet pas au tribunal de M urât de
fufpendre l’interdiftion : elle fut prononcée le premier therm i
dor an 3 \ 6c Jean Fayet fut nommé curateur à la perfonne
& aux biens de fon père.
L e premier ufage qu’il fit des fondions de curateur, fut
de demander la nullité de la procuration du 5 novembre
1 7 8 5 , & le défiftement des objets vendus avec reftitution
des jouiilances. Com m ent regarder cette procuration comm e
l’ouvrage d’une volonté libre Sc réfléchie ? Si Antoine Fayac
a a
t
�6
eût joui de la plénitude de fa raifo n , auroit-il foufcrit à fa
propre interdidion ? fe feroit-il mis volontairement en tutèle ?
auroit-il ratifié d’avance & aveuglément tous les ades de
fon procureur conftitué ?
U n e telle dépendance, une abnégation auffi formelle de
fes droits , fuppofe la privation totale de la raifon. Jamais
un père de fa m ille , accoutumé à gérer fes affaires, &
jaloux de fon autorité, n’auroit porté l’oubli de fes devoirs
jufques à fe condamner à la plus abfolue n u llité, & jufqu’à
devenir étranger dans fa propre maifon.
.Ainfi , cette procuration eu une preuve irrécufable de la
démence de fon auteur, ou au moins formoit une pré
e m p tio n fuffifante pour faire admettre la preuve teftimoniale.
Jean Fayet a demandé à faire preuve de la démence habituelle
de fon père depuis 1 7 8 3 , & notamment à l’époque de la pro
curation de 17 8 5 , & des ventes qui l’ont fuiviel Cette preuve
a été ordonnée par jugement interlocutoire du tribunal du
d iflrid de M u râ t, du 9 frudidor an 3 . Une enquête compofée de 5 5 témoins préfente la démonftration la plus
complète de l’état d’ Antoine F a ye t, foit à l’époque de la
procuration , foit à l’époque des ventes de 17 8 7 ic 1788.
Sa conduite n’a été depuis 1 7 8 3 , qu’un long enchaînement
de faits bien propres à prouver fa démence. Tantôt il m al
traite ceux qui lui refufent du tabac, tantôt il fe livre à des
accès de fureur & attaque les pailàns ; quelquefois il eiliie de
faire des miracles , & de changer l’eau en v in , ou il ne fep réiente à l’églife que pour troubler le fervice divin par des fcênes
aufli ridicules que fcandaleufes ; plus fouvent encore il court
les rues comme un furieux, & effraie, par fes vociférations ou
fes tuenaces , ceux qu’il trouve fur fon paflage. Ses difeours
répondent à fes adions; ils n’ont aucune fuite; & s’il tient
quelques propos raifonnables , cette lueur de raifon difparoît
nuflitôt, & jamais il ne fort de fon état de démence.
C e concours unanime de témoins fur le fait habituel de fx
dém ence, les circonihnces qui la caradérifent, la continuité
�7
de cet état, fans aucun intervalle lucide, forment la preuve la
plus concluante qu’Antoine F a yet ne jouiflbit plus de fa raifon
depuis i 783 .
Le vœu du jugement interlocutoire étoit donc rem pli, Sc
Ia démence de F a y e t , une fois confiante, il en réfultoit la
conféquence néceifaire de la nullité des ailes non-revêtus de
fon confentement. Q ue l’interdiftion judiciaire n’ait été pro
noncée que le premier thermidor an 3 , étoit-il moins cer
tain que Fayet étoit privé de fa raifon , foit à l’époque de la
procuration , foit à l’époque des ventes j que dans cet état
il étoit incapable de volonté , & que par conféquent ces
aétes ne pouvoient être confidérés comme fon ouvrage ?
C ’eft néanm oins, au mépris de ce principe fondamental des
conventions, & contre le témoignage concordant de cinquantecinq tém oins, que le tribunal civil du département du C a n ta l,
q u i , par la fuppreffion des tribunaux de diítriófc, remplaçait
le tribunal du ci-devant diftritt de M urât , & fe trouvoit par
conféquent lié par l’admi ilion de la preuve , a déclaré Jean
Fayet , curateur à l’interdi&ion de fon p è re , purement &
Jimplement non-recevable dans fe s demandes.
L e curateur à l’intcrdiâion s’eft empreiTc d’interjeter
appel de ce jugement , auflî extraordinaire dans íes m o tifs,
qu’injufte dans fes difpofitions : il demande au Confeil
quels font les moyens qu ’il doit faire valoir pour en faire
prononcer l’infirmation ?
F
a y e t
, fils.
C O N S U L T A T I O N .
L« C o n s e i l s o u s s i g n é , qui a pris lefture de la procura
tion du 5 novembre 1 7 8 5 , des ventes qui l’ont fuivie le 14
novembre 17 8 7 , i 5 & 23 juillet 1788 , 29 août 1788 ; du
jugement d’interdiftion du premier thermidor an 3-, de l’avis
de parens du 4 therm idor, pour la nomination d’un curateur
à Antoine F a y e t} des pourfuites dirigées par ce curateur
contre les acquéreurs dudit Antoine F ayet j du jugement in-
�8
terlocutoirc du tribunal du diftri<5t de M u r â t, du 9 fruûidoc
an 3 y des enquêtes & contre-enquêtes faites en exécution de
ce jugement ; du jugement en premier reilort du tribunal
civil du département du C an tal, du 2.5 meffidor an 4 j en*
fem ble du mémoire à confulter :
E s t i m e , que les lois o n t diftingué deux caufes d ’in te rd iflio n , la p rodigalité & la d é m e n c e , d o n t les effets ne
d oiven t pas être confondus.
U n prodigue ne peut être privé de l’admimftration de fes
biens, qu’après avoir donné des preuves multipliées de fes
diiîîpations ; tant qu’il n’eft point dans les liens d ’une inter
diction légale , il jouit du droit de difpofer par quelque afte
que ce foit j fon incapacité eft fubordonnée au jugement
qui prononce fon interdiftion , & ce n’eft qu’après un exa
m en approfondi de fa conduite , que la juftice fe détermine
à la proclamer.
U n infenfé eft incapable de difpofer auflîtôt que la d é
mence fe manifefte par des aitions éclatantes j la nature
prévient l ’office du ju g e , en lui raviifant la plus précieufe
de toutes les facultés, la raifon qui diftingué l’homme de
tous les animaux. Dans cet état d ’anéantiiïement 3 comment
pourroit-il juger du mérite d’un a f t e , en pefer les avan
tages ou les inconvéniens , ne confulter que fon intérêt en
le fignant ? Com m ent pourrait - il le revêtir du confentement néceiîàire à fa validité ? N e deviendrait - il pas
l ’inftrument aveugle de fa ruine ? N e tomberoit-il pas dans
tous les pièges que lui tendraient à Penvi la cupidité & la
mauvaife foi ? L a loi exige , pour une convention , le con
cours du confentement de deux ou plufieurs perfonnes ; fi
l ’un des contradtans eft privé des lumières de la raifon , il eft
incapable de vo lo n té , & par conféquent la con ven tion ,
qui devrait être fondée fur le confentement réciproque des
parties , n’eft plus l’ouvrage que d’un feul con traâan t, & #
peche dans fon principe conftitutif! Furïoji vcl ejus eux bonis
interdiclum fie , nullci voluntas eft.
�itf
9
D e ce principe naît une différence dans tes effets de ces
deux forces d’interdi&ions ; l’une n’enchaîne l'interdit qu’au
moment même où elle eft prononcée ; l’autre , purement
déclarative , remonte au temps où la démence eft prouvée:
ficLtim aivmïente furore j furiofo interdiclum ejt. Les aûes
du p rod igu e, avant fon interdid'1011 , font confirmés par la
loi ; ceux de l’infenfé , quoiqu’antérieurs à l’interdidlion ,
peuvent être attaqués j lorfque la démence précède l’époque
de ces aétes.
L a démence eft un fait dont la preuve dépend , com m e
celle des autres faits, d e là dépofition des témoins. O n ne
peut fe procurer une preuve écrite des actions qui la caractérifen t, ni faire conftater par un officier public les accès
de frenéfie , les adtes d ’em portem ent, les traits d ’extrava
gance qui en nuancent ou diverfifient le caractère. C o m
ment faiiir tant de circonftances auffi bizarres que fugitives ,
& les configner dans un infinim ent authentique ? Les té
moins feuls peuvent expliquer la variété infinie d’attions
dont ils font les fpe&ateurs habituels ; ils font libres de les
choifir & de les propofer com m e une preuve irrécufable
de la vérité du tait principal : qu’ils différent dans les dé
tails , peu importe , pourvu qu’ils s’accordent fur les motifs
de leur jugement , 3c qu’ils dépofent unanimement de la
démence de celui dont l ’état eft conftaté.
Les dépofitions des témoins acquièrent encore un nouveau
degré de force 3 quand l’aéte dont la validité elt mife en
doute , porte l’empreinte du dérèglem ent d ’elprit de fon
auteur. Q u ’un père de fam ille , habitué à gérer les affaires ,
fe dépouille tout-à-coup de l’adminiflration de fes biens ;
qu’il en confie le foin à un jeune militaire ; qu’il l’autorife
non-feulement à régir, mais encore à vendre tous fes fonds j
qu’il s’interdife le pouvoir de révoquer fa procuration ; que
le procureur conftitué , au lieu d’ufer de fes pouvoirs , aban
donne fa famille aux pourfuites des créanciers ; que deux ans
après, & au retour de fou régim ent, il vende la prefque
totalité de fes biens , fous les yeux de fon p è re , &. fans fa
Mémoire à Confultcr3 & c .
A 5
�IO
participation, pour un prix fort au-defTous de leur valeur; on
chercherait en vain les motifs d’une conduite aulii extraor
dinaire on n’en peut trouver d’autres qu’une précaution
commandée par l’état de ce père de famille ; on doute de
la fageile d’un afte que réprouvent les règles ordinaires
de la raifon humaine -, & en approfondiiTant les circonftances
& les termes de cette procuration , on ne balance plus à la
regarder comm e l’ouvrage d ’un infenfé.
C es deux fortes de preuves concourent donc légalement
à démontrer la démence. D ’un côté, les difpofitions que ren
ferme un a f t e , accufent quelquefois la fageifè du fignataire ÿ
de l ’autre, la préfomption de la démence fe convertit en
certitude , fi les témoins depofent qu’à l’époque de cet afte
l ’aureur ne jouiiToit plus de fa raifon.
Vainem ent voudroit-on équivoquer fur la nature des
aftes , & établir une diftinftion entre les aftes à titre oné
reux, & les aftes à titre lucratif; vainement prétendrait- on
ét3y cr cette diftinftion de la jurifprudence des arrêts , &
foutenir qu’ils n’ont admis la preuve de la démence contre
des aftes o n éreu x, qu’avec une extrême difficulté.
Les principes ne peuvent varier au gré de ceux qui les
in voq u en t; & fans fe jeter dans le labyrinthe inexplicable
d e l’efpèce de chaque a rrê t, il faut s’attacher à cette maxime
de d r o it, que les contrats comme les teftamens Si les d o
nations ne font fondés que fur la volonté libre des parties.
U n infenfé eft incapable de difpofer , foit par donations
entre-vifs , foit par ccftam ent, parce qu’il eft privé de toute
cfpèce de volonté. Pourquoi le même m o tif ne s’appliqueroit-il pas aux difpoütions onéreufes ? Faut-il une moindre
liberté d ’efprit pour défendre fes intérêts contre un acqué
reur avide , que pour exercer des aûes de libéralité ? L e
confentement des parties n eft-il pas la condition ellèntielle
des conventions ? £ ft-on moins expofé aux fupnfes de la
mauvaife foi dans le cas d’une vente , qu’aux fuggeftions
de la famille dans les cas d’une donation ? & fur quel
fondement accorderoit-on à un infenfé la faculté de vendre,
�TI
tandis qu’on lui interdirent le pouvoir de donner ? L a raifon
»’admet pas un pareil fophifm e , & la loi le proferit. In
negotiis contrahendis alia catija habita ejl. Furioforum, alia
eorum qui fari pojfunt j quamvis actïum rei non intelligerent ;
nam furiojus nullum negotium contraherc potejl. Pupillus
onrnia tutore autore agere potejl. L . 5 . de reg. jur.
L a loi ailimile le furieux au pupille; l’un & l’autre font
hors d ’état de régler leurs affaires, & de contraéter : mais
la volonté du tuteur fupplée celle de fon pupille ; tandis que le
furieux, dépourvu d ’un curateur, eft dans l’impuilTance abfolue de contraéter. L a loi ne diftingue pas les aétes onéreux
des adtes à titre gratuit ; elle incerdit à l’infenfé , au furieux ,
le pouvoir de difpofer par quelque a£le que ce foit. Nullum
negotium contrahere potejl.
L ’autorité des jorifconfultes vient à l’appui d’une décifion
auiïï précile. D ’A rgen rré, fur l’article 2.66 de la Coutume
de Bretagne examine la queftion de lavoir fi un contrat
qui eft l'ouvrage d’un infenfé peut fervir d i fondem ent à la
prefeription. Il ne balance pas à décider qu’un pareil con
trat eft abfolument n u l, & 11e doit produire aucun effet. Il
en donne pour m o tif, que les inlenfés font incapables de
s’obliger en contrariant ; leur confentement ne fauroit les
lie r , puifqu’ils n’ont aucune efpèce de volonté, & qu’ainiï
le premier cara& ère, ou plutôt le principe fondamental de
la convention n’exifte pas. Proptcrea quoi furiojï & taies
confenfum non habent idontum ad obligandum, in quo ejl
fubflantiale fubjeclum contrahendi & fine quo contraclus non
confifiunt ■neque enim vel \elle3 vel nollç pojfunt.
Ricard rend hommage au même principe. « Il y a toutefois
»> cette différence à faire entre l’infenfé 8c le prodigue _, que
” le premier, dès le moment que fon efprit commence à
» être troublé, eft rendu de plein-droit incapable de dif—
» pofer, fans aucune interdiction p r é c ife ,n i prononciation
” du juge ^ parce que fon inhabilité eft rendue notoire &
” publique par les premières attions de dérèglement qu’il
» fa it, Sc 411e d’ailleurs il manque au poijit eiïcntiel *
I
�v
iî
»
»
»
»
n Jétant point 'capable de faire un afte d’une volonté
lib re , ni même de prêter ion ■
confencem cnt, puifqu’il
manque de raifon , qui eft le principe de l’un & de
l’aun e ;
quoique, les parens ne f e [oient pas mis en devoir
de faire créer un curateur à l'imb¿cille 3 ils fo n t reçus à
vérifier le défaut de jugement. »
■
Loin que la jurifprudence aie contrarié ces principes,
plufieurs arrêts ont accueilli la preuve teftimoniale du fait
d e démence contre des a£tes onéreux : parmi ceux que l’on
pourroit invoquer , il fuffic Je citer avec d ’AgueiIeau les
arrêts de P a y e t, du 2.5 février 1 6 8 1 ; d e B o iïii, du 21 juin
i6 75-, de Joyeufe, du 5 mars 1681 : un plus récent encore
rapporté par l'éditeur du répertoire de jurifprudence, du 21
juillet 1 7 7 9 , a déclaré nulle la vente d’une maifon faite
par Bertin avant fon interdi& ion, pour caufe de démence.
Quelle que foit d’ailleurs la .diverfité des arrêts fur ce point
de jurifprurience , la l o i , les auteurs , la raifon s’accordentils moins à proferire , fans diftinftion, tous les a & e s , de
quelque nature qu’ils fo ie n t, s’ils ne font pas l’ouvrage d’une
volonté libre & réfléchie ? le défaut de confentement ne
fuffir-il pas pour en faire prononcer la nullité ? & comme
l’obferve le judicieux R icard , quoique les parens ne fe foient
pas mis en devoir de faire créer 1111 curateur à l’inienfé, la
preuve de la clémence n’eu eft pas moins admife.
L e fort de ces aftes eft donc fubordonné au réfultat de la
reuve teftimoniale. Si les témoins s’accordent à dépofer que
auteur d’une procuration leur a paru dans 1111 état abfolu
de démence à l’époque où il l’a fign ée, s’ils appuient leurs
dépolirions fur des circonftances qui en garantirent la vérité,
alors les doutes difparoillent, & les préfomptions fe convertiilent en certitude} on ne balance plus à regarder com m e
infenlé celui que la notoriété publique accufe de folie j l’évi
dence des preuves fert de guide à la juftice, & fon premier
devoir eft de proferire des a£tes furpris à la trop facile im
prudence d’un homme privé de fa raifon.
E n appliquant ces principes à i’efpèee, il fera facile de
f
�i3
prouver qu Antoine Fayet cil devenu l’inftrument avêugle
rie la raine fie fa fam ille , par cela feul qu’il étoic tom bé
dans la clémence la plus cara&érifée depuis 178 3 j & que
depuis cette époque il n’a plus recouvré l’ufage de fa raifon.
Sa procuration de 17 8 5 n’en fournit-elle pas, finon une
démonftration complète , au moins une violente préfomption? C oncevra-t-on en effet qu’un père de fam ille jouiflant
de la plénitude de fa raifon, & jaloux de fon autorité, fe
défaifill'e, le dépouille de toute adminiftration , même du
pouvoir de vendre fes b:ens, en faveur d’un jeune homme
fans expérience & prêt à rejoindre fon régiment ? A qui perfuadera-r-on que cette abdication de fes droits n’eût d ’autre
m otif que la facilité de traiter avec fes créanciers ? Ses créan
ciers fe feroient-ils montrés plus inexorables envers le père
qu ’envers le fils? Antoine Fayet n’auroit-il pas pu vendre
lui-même line partie de fes biens? qu’avoit-il befoin de char
ger un procureur du foin de fes affaires ? Le notaire Saintherand auroit-il eu le front de le condamner à une véritable
m ort c iv ile , s’il n’eût compté fur l’apathie naturelle de fon
beau-frère, & s’il n’eût voulu éviter l’éclat d ’une inrerdidtion ?
A-t-011 jamais vu un homme raifonnable fe mettre volon
tairement en tutèle, & devenir étranger à toutes les affaires
com m e à l’adminiftration de fes biens ? L a néceflité feule a pu
fuggérer un a&e de cette nature à Saintherand , & la claufe
de non-révocation des pouvoirs qu’il contient, révèle les motifs
de ce nouveau genre d ’interdi&ion. I le il prouvé, i.° qu’an
térieurement à cette procuration , Antoine Fayet avoir cefle
de faire le com m erce, de vaquer à fes affaires, & de donner
même fa fignature pour la plus petite chofe ; 2.0 que fon état
de dém ence étoit fi public , que nul individu n’auroic
voulu abufer de fa fituation , ni lui furprendre un confentement illufoire j 3 .° que depuis cetce procuration il a vécu
dans l’indifférence la plus profonde fur les malheurs de fa
fam ille j qu’il n’a pris aucun intérêt foit à l’éducation de fes
enfans, foit a la confervation de fes biens; qu’en un mot fa
vie n’a plus été qu’un long fommeil troublé tour-à-tour pat
des accès de fureur ou d’cxtravagance.
�. 1/f
L ’objet de cette procuration é to it , d it-o n , de traiter avec
les créanciers à des conditions plus avantageiifes, & d’aiTurer la libération d’Antoine F ayet; & cependant le procureur
conftitué part deux mois après pour fon régim e n t, fans s’oc
cuper ni de l’intérêt de fes créanciers, ni du fort de fon père !
C e n’eft qu’à fon retour & deux ans après , que l’on parvient
à lui arracher un confenrement illufoire à des ventes évidem
ment ruineufes pour fa famille. O n multiplie les précautions
pour en couvrir la nullité \ on en parte une fous les yeux
d ’Antoine F ayet, &c dans la ville d’A llan che; on craint que
Fayet ne forte de fon apachie naturelle , ou qu’il ne s’élève
un cri ge'néral d’improbation contre ces aâes ! Les acquéreurs
exigent non-feulement que les autres ventes ne foient point
palîées à A llan ch e, mais encore que Guillaum e F a y e t, frère
du vendeur, renonce à tous droits & prétentions fur le d o
maine de Pradier. L es acquéreurs n’ ignoroient pas l’état
habituel de démence d’Antoine Fayet \ ils ne pouvoient fe
diflimuler que le fils n’avoit plus, par ce feul f a it, aucun
pouvoir pour vendre les biens d ’un homme notoirement
connu pour infenfé; ils favoient même que par ce m otif le
citoyen Lapeyre de R iom avoit confeillé au citoyen Bonnet
aîné , d’A lla n ch e , de ne point acheter d’un pareil frondé de
pouvoir : de là les précautions infpirées par la crainte, l e loignement d ’Allanche , l’intervention de G uillaum e F a y e t,
le dépôt des contrats au bureau des hypothèques , le nonpaiement des créanciers, la confignation feinte ou réelle du
prix ! Vain efpoir qui ne fauroit les raiTurer! L a démence
d ’Anto'ne Fayet étoit trop publique à A llan ch e, pour faire
illufion à la bonne-foi d ’un acquéreur \ pas un individu n’auroit ofé traiter avec Antoine F ayet, les créanciers eux-mêmeS
avoient fufp.-ndu leurs pourfuites \ tous les habitans d’A lla iu lu le regardoient .comme un objet d ’épouvante & de
pitié ,
qu >iqu il ne fut point encore dans les liens d ’une
'interdiction légale , on défie de rapporter , foit avant foit
après ces ventes, un adte quelconque émané de lui & revêtu
de fon confentement.
�15
Com m ent en effet pourroit-on donner un démenti à
cette maiTe impofante de tém oins, qui attellent unanimement
que la démence d’Antoine Fayet remonte à une époque
antérieure à la procuration de i y S 5 ? Com m ent contefterks
faits q u i la caraâérifent ? Com m ent oppofer des p ré e m p
tions incertaines à des preuves irrécufables ? Parm i ces faits ,
il en eft qui ont pre'cédé la procuration , d’autres qui l’ont
fuivie ; on peut donc les divifer en deux clalfes qui fe rap•ortent aux deux époques marquées par le jugement interocmoire.
L a folie d’ Antoine Fayet s’eft m anifeftée nu comm en
cement de 1 7 8 3 ; les q u in ze, feize & dix-feptième témoins
dépofent que depuis environ douze ans ils ont reconnu
F ayet en dém ence, qu’ils ont été appelés par fon frère &
par fon fils pour l’enfermer dans une petite chambre à côté
du cim etière , & pour l’attacher dans fon lit ; que depuis
cette époque , ils ont vu Fayet courir les rues, crier, parler
& rire fans fujet.
L es mêmes fcènes fe font répétées avec plus de violence
encore en 1785. L a fureur d’Antoine Fayet étoit devenue
un fujet d’effroi pour la ville entière d’AHanche; les fuites
ne lui furent pas moins funeftes : dans le courant de mai
1 7 8 5 , Fayet échappe à la furveillance de fa fam ille ; il court
dans.les rues comme un furieux, entrechez le nommé Com bes,
ferru rier, s’arme d’un gros marteau, & menace de frapper
ceux qu’il trouve fur fon partage. Com bes Sc fes deux fils
ertaient en vain de le défarmer ; leurs efforts font inutiles ;
ils appellent aufecours. D ezieux , onzième tém oin, accourt ;
mais à fon approche , Fayet lui préfente un couteau , Sc
menace de l’éventrer s’il avance. D ezieux oppofe alors l’a drerte à la fo rce, &c l’ayant fai fi par une jam b e, il le renverfe fur l’efcalier ; mais la chute fut fi violente que Fayet
en eut la cuille cartee , & n’a pu marcher depuis qu’avec des
potences ; les témoins craignant encore les effets de fa fu
re u r, l’emportent chez lui 5c l’attachent fur fon lit.
L es circonftances de ce fait font à recueillir ; l’attion de
{
�16
Fayet marque le dernier degré de la fureur, & les craintes
qu ’il inlpiroit à fes concitoyens ; le marteau pouvoir deve
nir dans fes mains une arme meurtrière ; ©n ellaie de le
lui arracher } íes emportemens & fes menaces intimident les
témoins accourus au bruit du ferrurier Com bes ; ils font
réduits à ufer du moyen le plus violent pour le défarm er;
ils n’ofent l’approcher, & c’eft par la chute la plus funefte
que Dezieux parvient à lui arracher le marteau.
L ’époque de ce fait n’eft pas moins digne d’attention : c’eil
quelques mois avant de foufcrire la procuration de 1 7 8 5 ,
en faveur de fon fils , qu’il donne à fes concitoyens le fpectad e de la fureur la plus caradbérifée. Pourra-t-on douter
de l’aliénation de fon efprit, quand toutes les circonftances
concourent à l’attefter ? i° . Les témoins entrent dans le dé
tail le plus circonftancié de ce f a i t , & ne diffèrent point *
dans leurs dépofuions. 20. Il en eft une preuve encore plus
convaincante dans les fuites qu’a produites cette chute :
voudroit-on nier un fait auffi p o fitif, quand il en porte
des marques auifi frappantes ? 3 °. Le certificat du chirur
gien qui l’a foigné , en fixe l’époque au mois de mai 17 8 5 ,
& declare qu’à caufe de fa grande folie il lui a été im poffible de le guérir ( 1 ) ; & c’eft un homme fujet à une dé
mence de cette nature, que l’on fuppofe capable d’adminiftrer
fes b iens, ou d’en confier le foin à fon fils, en l’autorifant
à vendre la totalité , &: en s’interdifant le droit de révoquer
( 1 ) Je foufligné Jean S c lig n ia c , officier de fanté de la commune &
canton d’A lk n c h e , départemenr du Cantal , certifie, à qui de d r o it,
avoir été appelé par la femme du citoyen F a y e t, pour panier Antoine
F ayet fon m ari, aaiTi domicilié d’ A Hanche, d'une luxation à la partie fu périeure du fémur de la cuilTe d ro ite , & qu'il m’a été impoifible de la
lu i remettre à caufe de fa grande fo lie ; malgré que j ’aie fait mon pofiible de m’en approcher pour la Ihí remettre j ’ai été obligé de l’aban
donner a Ton malheureux fo r t , G1 cela dans le courant de tuai 1785*
E n fo i de quoi j ai deiivre le préfent certificat pour valoir ce que de
r a ifo n , & que j ’affirme fincère & véritable. A A llanche , ce premier
v e n to fe , 1an 5 de la République frsnçaife, Signé Soli^niac , ofliciic
Je fanté.
�17
fa procuration. C e n’eft pas le feul trait de ce genre que les
témoins rapportent avec des circonftances auffi précifes que
l ’on ouvre l’enquête compofée de cinquante-cinq témoins ;
que l’on analyfe leurs dépofitions ; que l’on rapproche tes
faits les plus m arquant} on verra Antoine Fayet palier tourà-tour de la plus fombre apathie à des accès de fureur, ôc
de la fureur retomber dans l’apathie ! Courir dans les rues,
crier ou rire fans fu je t, maltraiter les palTans fur les plus lé
gers prétextes , n’entrer dans l’églife que pour y caufer du
fcandale , outrager les objets du culte , fe permettre des ac
tions indécentes , effrayer enfin par fes vociférations ou par
fes menaces ; tels font les traits principaux de fa conduite
depuis 1 7 8 5 , jufqu’à l’époque de fon interdidUon ; le même
défordre règne également dans íes difeours & dans toute
fa conduite.
•Auilî les témoins ne balancent-ils pas fur le jugement
qu ’ils doivent porter de l’état habituel de démence d’Antoine
f a y e t ; ils s’accordent unanimement à le préfenter comm e
un homme entièrement privé de fa raifon, fans aucun in
tervalle lucide, & fans aucun efpoir de rétablifTement. Leur
tém oignage, fondé fur des faits pofitifs, ne fauroit être con
tredit par le filence des témoins de la contre-enquête. C o m
ment oppofer quelques dépofitions vagues ou infignifiantes à
cette mailè de faits qui démontrent la démence d’Antoine
F a y e t, en 1 7 8 5 , 17 8 7 8 c 17 8 8 ? Com m ent placer, dans la
même balance, cette fétie non-interrom pue de faits pofi
tifs , & des préem ptions prétendues de fagefTe évidemment
démenties? Com m ent fe refufer à cet enfemble de preuves,
qui forme le premier caradfère de la vérité ? Soit que l’on
calcule le nombre des témoins , foit que l’on s’arrête aux faits
dépofés , il en réfulte la démonftration la plus complète ,
qu’Antoine Fayet 11e jouiiToit plus de fa raifon en 1 7 8 6 ,
époque de la procuration, & qu’il ne l’avoit pas recouvrée,
ni en 1 7 0 7 , ni en 1 7 8 8 , époque des ventes. L e vœu du
jugement interlocutoire a donc été parfaitement rempli ; la
démence ne peut' plus être douteufe ; & la conféquence qui
en réfulte , n’cft-elle pas la nullité des adles qui furent l’ou
�i8
vrage d’un infenfé ? N ec dubium, dit d’Argentré j contractus
qui cum talibus fiunt j ex toto nullos tjfe.
Par quelle fatalité le tribunal civil du Cantal a-t-il rejeté
cette preuve, 8c fur quels prétextes a-t-il fondé un jugement
auffi contraire aux règles les plus communes de l’ordre judi
ciaire ? Com m ent a -t-il pu , fur-tout , déclarer le curateur
non-recevable dans f a demande? Pouvoit-il ignorer qu’il étoit
lié par un premier jugement interlocutoire , puifqu’il rem plaçoit le tribunal du ci-devant diftrift de M u râ t, qui lavoir
ren du , mais qui n’avoit pu prononcer fur le fond de la conteftation avant la fuppreffion des tribunaux de d iftrid ? Les
juges du Cantal devoient donc ftatuer, com m e l’auroient
fait ceux de M u râ t, fur le mérite des enquêtes refpedtives.
L à fe bornoient leurs pouvoirs : ils n’ont donc pu réformer
le jugement inattàqué du tribunal de M u râ t, fans com
mettre une violation d’ordre , judiciaire qui vicie radicale
m ent leur jugement.
E n vain ont-ils cherché à s’appefantir fur les dangers de
la preuve teftimoniale en cette partie, & fu rlefilen ce de là
fam ille.
C e n’eft jamais qu’avec une extrême répugnance, que des
enfanj fe déterminent à provoquer l’interdi&ion de leur
père ; ils fe flatent que fon état fera p ailàger, & ne veulent
avoir recours au remède néceflaire , mais affligeant, de l’interdidtion , que dans le cas où il ne reftc plus aucun efpoir.
P eut-on conclure de ces ménagemens fi naturels, qu A n
toine Fayet n étoit pas tombé en démence avant fon inter
diction? A vec cette maniéré de raifonner, la preuve de la
démence feroit inadm iilible, & les faits les plus avérés ne
paroîtroient pas fuffifans pour la faire admettre. Q ui peut
douter néanmoins que la preuve teftimoniale ne foit U voie
h plus ordinaire pour arriver à la découverte de la vérité? Il
faut d iftin gu er, avec l ’immortel d’AgueiTeau , les difpofitions d’ un aCte, de la capacité ou de l’incapacité de fon au
teur : les unes fe prouvent par l’afte m ê m e, & c'eft en ce
ftn s que les loix ont interdit la preuve teftimoniale , contre
& outre le contenu aux aûes j l’autre au contraire eft un fait
�19
qui dép en d, comme les autres faits , des dépofitions des
témoins. L a folie , continue d’A guefleau, eft un délit inno
cent , un dérèglement im puni, un défordre purement phyiique; & comme dans les crimes véritables qui bleflent les
loix de la m orale, & troublent l’ordre de la fociété c iv ile , on
ne cherche point d’autre preuve que le témoignage des autres
h om m es, il femble aulÏÏ que dans ce renverfement de l’e fp rit, qui viole les droits de la nature & déshonore la raifon ,
on ne puiiTe defirer de preuve plus naturelle & plus convain
cante, que celle qui réiulte du iuffrage unanime des témoins ,
premiers juges de ces fortes de concertations.
2 0. L a nature d ecesa& e sn e peut être d’une grande confidération, puifque un infenfé n’eft pas moins incapable des a&es
onéreux quedesa& esàtitregratuit; les u n s& les autres exigent
la capacité de celui qui les pafle 3 & cette capacité dérive
d ’une volonté libre & réfléchie. La diftin&ion fophiftique
des premiers ju g e s , entre ces deux fortes d ’a & e s, eft réprou
vée par la loi qui déclare un infenfé dans Pimpuiilance
abfolue de contrafter. Nullum negotium contrahcrt potejl.
3 °. Si le dérangement des affaires d’Antoine F ayet néceflitoit la vente d ’une partie de fes b ien s, il falloit qu ’elle
fût précédée d’une interdi£tion 5c des formalités ufitées en
pareil c a s ; il auroit au moins fa llu , par cette opération,
afTurer la libération du débiteur, & ne pas confommer le
prix de ces ventes en frais inutiles j il auroit fallu vendre
ces fonds à leur véritable valeur , & ne pas donner pour
une modique fom m e de 34 ,o o o livres, des héritages d ’un
prix bien fupérieur ; il auroit fallu fur-tout ne pas confom
mer la ruine d ’une famille entière , en feignant de la libérer.
4 *. La procuration ne peut être confidérée comm e un
a&e de fageiTè : il eft fans exemple qu’un père de fam ille
fe dépouille de l’adminiftration de fes biens j en faveur d’un
jeune homme fans expérience ; qu’il l’autorife à les vendre;
qu’il s’ interdife le droit de révoquer fon procureur conftitué ;
en un m o t, qu’il fe mette volontairement en tutèle, fi fon
état ne commandoit pas cette abdication entière des droits
t a plus- précieux.
�20
5 °. L a qualité du notaire & le filence de la famille ne
forment pas des induâions plus concluantes. L a loi n’ad
m et pas dans un adle un confentement par équipollent ;
l ’incapacité d’Antoine Fayet étant dém ontrée, foit à l’époque
de la procuration , foit à l’époque des ventes ; la préfence
d ’un notaire, beau-frère du ven deu r, ni l’intervention de
quelques parens n’ont pu fuppléer ce défaut de confen
tement.
6°. Les termes de la procuration en décèlent facilement
le m otif. S ’eft-on jamais interdit le droit de révoquer un
procureur conftitué ? des pouvoirs illim ités irrévocables, mettoient le conftituant dans une véritable interdi&ion , fans
avoir l’inconvénient de la provoquer en juftice.
7°. Les pourfuites faites , foit par la femme F a y e t, foie
par les créanciers, prouvent bien qu’Antoine Fayet n’étoit
pas encore interdit en 1 7 8 5 , 17 8 7 & 1 7 8 8 ; mais non
q u ’il jouiiToir de fa raifon aux mêmes époques. O r , la
démence d ’Antoine Fayet étoit l’objet des recherches de la
ju ftic e , & la démonftration de ce fait en a été le réfultat.
8°. Les précautions prifes par les acquéreurs, d ’exiger
le confentement de G uillaum e F a y e t, & de s’éloigner
d ’ AUanche pour la paflTation des contrats, indiquent aiTez
leurs craintes fur la validité de£ aftes: auroient-ils traité avec
le fils d'A ntoine F a yet, Ci le p ère, préfent, & fain d’efp rit,
eût été capable de vendre ? fe fcroient-ils éloignés d’AHanche»
s’ils n’euiTent craint un cti général d’improbation contre ces
actes ?
Les motifs du jugement du 2.5 m eilidor, an 4 , ne
>ê.hent donc pas moins dans le fait que dans le droit. Dans
e d r o it, la preuve teftimoniale de la démence doit être
adm ife , puifqu’il s’agit moins d’attaquer les difpofitions de
l'acte , que la capacité de fon auteur. Dans le fait , un
concours irréfiftible de circonftances & de fuffrages unanimes
des té noins prouvent que la démence d’ Antoine Fayet a
commencé en 1788 , qu’elle avoit fait les plus grands pro
grès en 1 7 8 5 , & q u ’elle étoit parvenue à fon dernier
période en x 787 & 1788.
Î
�1üf1
I
21
Lespremiers juges n’ont pas pu , fans m anquera la juftice
& à la vérité , préfumer qu’Antoine Fayet jouiiToit de fa
raifon aux époques de la procuration & des ventes , &
fur cette prélom ption, démentie par les fa its , déclarer le
curateur à l’interdi& ion, non-recevable dans fa derm nde.
L e s principes, les auteurs , la jurifprudence , la raifon
s’élèvent contre une décifion aulli arbitraire ; & en revenant
au jugement interlocutoire dont le tribunal civ il du Cantal
s’eft écarté fans aucun prétexte , il reftera pour démontré ,
1 °. que la preuve teftimoniale de la démence eft admillible
contre des a&es palfés avant l’interdi£tion ; 2°. que la dé
mence une fois prouvée , la profcription des aétes qui furent
l ’ouvrage d ’un in fe n fé , en eft la conféquence néceiTaire.
A in li la reftitution des objets aliénés peut d’autant moins
fouffrir de difficulté, que le prix des ventes eft intact, ou
dans les mains des acquéreurs, ou dans celles du receveur
des confignations. Par conféquent les intérêts de ces acqué
reurs feront pleinement confervés.
Délibéré à Clerm ont-Ferrand, ce z o v e n tô fe, an
la République françaife.
Signé j
M
a u g u e
5 de
.
L e s s o u s s i g n é s font pleinement de l ’avis ci-deiTus , &c
par les mêmes raifons, ils ne font pas la confultaticn par
ticulière qu’on leur a dem andée, parce qu’après avoir bien
m édité les q ueftion s, ils fe font convaincus de l’inutilité
d’un travail qui n’o ffriro it, fur le fo n d , d’autres raifons de
d écid er, que celles qui font iumineufement développées tant
dans la confultation du citoyen M augue , que dans celle
qui avoit précédé l’interlocutoire.
Paris , le 18 germinal 3 an 5.
Signé
B
i t o u z Îî
db L
ignieres
, C
ournol.
V u u n m é m o i r e pour le citoyen Fayet , curateur à
l’interdiftion d’ Antoine Fayet fo n p è re , enfemble les confultations qui y font jointes ;
L ’ a v i s d e s î o u s s i g n És e ft , que Jean Fayet ayant été reçu
¿/¡I
�t
22
à faire preuve de la démence habituelle de fon p è r e , il
n’étoit pas permis au tribunal civil du département du
C a n ta l, de le déclarer non-recevable en fa demande.
C ’eft une règle certaine, que les juges font liés par les
interlocutoires qu’ils prononcent.
L e feul cas d’exception eft celui dans lequel les fins de
non-recevoir & les droits des parties ont été cxpreflement
réfervés.
T e lle étoit fur ce point la j u r i (prudence du ci-devanc
parlement de Paris.
Quelques autres tribunaux l’avoient adoptée.
Plufieurs la rejetoient.
L a légiilation nouvelle ne la confacre point.
O n pourroit donc élever des doutes fur la régularité de
ce genre de prononciation , s’il n’étoit pas établi que cette
réferve n’a point eu lieu dans le jugement interlocutoire
du 9 fruilidor de l’an 3 .
Les juges ayant reconnu que les faits étoient concluans, il ne reftoit plus qu’à décider fi la preuve en étoit
faite.
En fuivant une autre route , le tribunal du Cantal a
évidemm ent enfreint les règles de l’ordre judiciaire.
Il a , dans fon fyftêm e, multiplié fans nécefiîté les aftes
du procès, & a expofé ainfi les parties à des frais inutiles;
fon jugement doit donc être réformé.
L e moyen d ’appel fera p ris , de ce que le tribunal qui
remplace celui de M u râ t, a été contraire à lui-m êm e, en
n’ayant pis d’égard à une preuve qu’il avoit précédemment
ordonnée.
A u fo n d , comment faut-il confidérer l’a&ion intentée
par Antoine Fayet ?
Quel fera le fort de la procuration d o n n é e , le 5 no
vembre 1 7 8 5 , par Fayet p ère, & celui des ventes confenties en vertu de cette procuration?
L a folution de ces queftions dépend de la jtifte applica
tion des principes de la m atière, aux faits de la caufe.
Les principes ont été parfaitement développés dans la con-
�fo f)
7.3
fultacion du citoyen M augue. Les fouflignés les adoptent;
ils reconnoiiïenc , avec ce jurifconfulte Sc avec tous les
hommes éclairés, que l’interdi&ion de l’infenfé doit avoir
fon effet du jour où la folie s’eft manifeftée.
L a démence , difoit l’avocat général Scguier dans un
plaidoyer rapporté au tome 6 e. de la nouvelle colleétion
de jurifprudence verbo dém ence, § 3 ; « la démence ne
» fe form ant, pour l’ordinaire 3 que par des déclins plus
»* ou moins fenfibles , il eft certain qu’elle a exifté avant
» la fentence d’interdi& ion, & dès-lors il feroic dangereux
» de confirmer tous les aétes qui ont précédé ce juge» ment. »
L ’infenfé eft donc interdit par la nature avant de l’être
>ar le juge : fon incapacité réelle précède fon incapacité
égale. L a loi doit lui prêter fecours depuis le moment où
fa raifon a été obfcurcie ou égarée.
S ’il étoit befoin de citer des autorités à l’appui de cette
dodtrine , on diroit : O uvrez Bourjon , livre premier ,
tom . 6 , chap. 4 >
prem ière, diftinftion 2 , § 70 -,
voy. A ugeard , confulcez ce répertoire, & vous y trouverez
une foule d ’arrêts qui ont établi que la fentence d’interdi& ion d’un infenfé n’étoit que déclarative des erreurs ou
des injures de la nature.
Plusieurs de ces arrêts ont été rendus fur ce réfultat d’une
preuve teftimoniale ; preuve qu’il ne faut pas facilement
admettre quand il s’agit d’une convention, mais qu’il feroit
dangereux de rejeter dans tout ce qui tient à l’état des
perfonnes.
Les préjugés que l’on c ite , ont d’ailleurs banni la diTtinftion que le tribunal a voulu admettre entre les afies
onéreux & ceux à titre gratuit ; ils ont anéanti tout ce
qui avoit été fait par l’infenfé depuis le moment que fon
efprit avoit commencé à être troublé.
Les principes font donc bien connus.
Conviennent-ils aux circonftances du fait?
Sont-ils applicables à l’efpèce ?
D e cette application } de cette concordance entre le droit
Î
,
'
�& le f a it , dépend le fuccès de toutes les conteftations qui
divifent les hommes. E x facto jus oritur.
D écider une affaire par les règles qui lui font propres ,
voilà le grand art du ju g e , le premier de fes devoirs , &
la plus importante de fes fonctions.
Les fouff ignés n’ayant fous les yeu x, ni l’enquête, ni la
contraire - enquête, ne fauroient émettre leur opinion fur
le mérite des preuves.
IL leur eft fur-tout impoff ible de juger s’il eft fuffifamment établi que Fayet père étoit en état de démence avant
la procuration, & à des époques approximatives du temps
où cette procuration fut donnée ; s’il en a entendu la force
& la conféquence , ou fi cet acte eft l’ouvrage de la fuggeftion.
O n ne doit pas fe diffimuler que ces diverfes circonftances
peuvent jeter une grande lumière dans la caufe ; car s’il
eft reconnu q ue Fayet n’avoit plus l’ufage de fa raifon au
m om ent où la procuration & les actes furent confentis, on
ne fauroit tirer aucun avantage de la conduite perfonnelle
de fa famille. L e m ém oire, l’avis du jurifconfulte qui a vu
les pièces, les renfeignemens donnés aux fouffignés , tendent
à établir l’affirmative. Si la preuve ordonnée eft telle qu’on
l ’annonce , la nullité de la procuration & des actes qui
l’ont fuivie , eft une conféquence néceffaire des principes qui
viennent d’être rappelés.
C elui quia perdu en entier l’ufage de fa raifon , n’eft plus
rien dans le monde -, & , félon l’expreff ion d’un ancien ju
rifconfulte , il eft réduit à vivre, pour ainfi dire avec les
hommes dans un tombeau animé.
D élibéré à P aris, le 24 germinal de l’an
S ig n é T
ro n ch et
5.
, P o r t a l is & C a m b a c é r é s .
A P aris, chez B a u d o u in , Imprimeur du C orps légiflatif,
place du Carroufel , n°. 662.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Fayet. An 5?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Maugue
Bitouzé de Lignières
Cournol
Tronchet
Portalis
Cambacérès
Subject
The topic of the resource
démence
abus de faiblesse
nullité
procuration
interdiction judiciaire
témoins
créances
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, et consultation, pour le citoyen Fayet, curateur à l'interdiction d'Antoine Fayet son père, appelant d'un jugement du tribunal civil du département du Cantal, du 25 messidor, an IV ; Contre Jean Savignat, Jean Reynaud, Antoine Boyer, Jean Brugeroles, intimés.
Annotations manuscrites siégé le 8 Messidor an 5, « jugement confirmé, les motifs sont très développés».
Table Godemel : Démence – voir testament : 1. la procuration d’un homme en démence donnant les pouvoirs les plus étendus et les plus extraordinaires, s’interdisant la faculté de révoquer ces pouvoirs, est-elle valable ? les ventes faites en vertu de ce mandat, trois ans après la date, doivent-elles être exécutées, surtout si elles creusent une lésion énorme ? le curateur à l’interdiction qui en a demandé la nullité, est-il recevable à établir, par témoins, que la démence existait avant la procuration ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
chez Baudouin (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 5
1785-Circa An 5
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1107
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1108
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53135/BCU_Factums_G1107.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Allanche (15001)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
Créances
démence
interdiction judiciaire
nullité
procuration
témoins
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/52936/BCU_Factums_G0328.pdf
5a9760e5a2bdebc88a85fe84f1752916
PDF Text
Text
P R E CI S
P O U R les Sieurs F O N T F R E Y D E , les fieur &
dame C O U S S A Y R E , Bourgeois, habitants
de la V ille de Clermont-Ferrand >Appellants,
& demoifelle
P
errette
FONTFREYDE ,
- habitante de la Ville de Billo m , Intervenante.
C O N T R E Me. P i e r r e C H A P O U I L L E ,
Avocat en la Ville, de Mauriac, Intimé.
C O N T R E les fieur & dame R O N N A T , les
- f ieur & dame V I O L L E , habitants de la même
V ille , Intimés.
E T encore contre demoif elle M a r i e S I M O N ,
veuve de Jofeph Goutanegre, habitante de la
V ille d’A u rilla c, Intimée.
D
E ux époux , qui avoient vécu enfemble
pendant quarante années, fe donnent en
1763 des preuves de leur attachement
par des inft i tutions reciproques , le fieur
Fontfreyde a furvécu a la dame Antignac , fon
époufe, il étoit age de 86 ans, & dans un état de
A
�démence depuis près de deux années, a peine a-t-il
recueilli le bénéfice de l’inftitution faite h. ion profit
par la dame A ntignac, Ton époufe , que des gens
avides cherchent a l’en dépouiller par deux différen
tes donations, qui , jointes avec les a&es fubféquents qu’on rapporte , prouvent, a n’en pouvoir
douter., la démence du Donateur. La réclamation des fleurs & dame Fontfreyde
donne lieu à deux queftions intéreflantes.
La premiere, entre les fleurs 6c demoifelle Font
freyde & la dame Goutanegre, pour favoir fi le
teilament de la dame Antignac eft compris dans
la prohibition de l’Ordonnance de 1735.
La fécondé , entre les fleurs &: demoifelle Font
freyde , Me.-Chapouille, les fieur & dame R onnat, & les fieur & dame Violle , relativement à
la nullité des différentes donations & autres a&es
iiibfequents , ioufcrits par le fieur Fontfreyde dans
untemps oii .il étoit hors d’ctat de contra&er vala
blement.
Comme les fleurs &: demoifelle Fontfreyde iè
propofent de faire un fimple précis des moyens dont
ils font ufage pour établir leur demande , & .des réponfes qu’iïs'emploicnt pour écarter les obje&ionsde
leurs Ad.veriaires,iils ne rendront aucun compte des
faits, ils divifèront'leurs moyens en deux propofitions;
Dans la premiqre , ils démontreront que le
teilament fait au fieur Fontfreyde , leur oncle ,
jpar la dame Antignac , ion époufe, ne peut être
£onfidéré comme un teilament mutuel.
�Dans la ieconde, ils établiront la nullité des
a&es Ibufcrits par le fieur Fontfreyde, ils rappor
teront à-cet effet la preuve la plus' complette de
l’état de démence auquel.il étoit réduit lors de là
pafTation de ces différents aftes
même près de
deux années avant-leur époque.
«
PR E M IE R E
PROPORTION.
Le tejlament fa it par la dame Antignac en fa»
veur du Jieiir Fontfrcyde, le z z Oclobre
ne peut être confidérê comme un tejlament mu
tuel.
Deux teftaments fontmutuels, lorfqu’ils fe lient
mutuellement par des diipofitions faites en confé
dération 1 une' de l’autre ; par exemple , le don
mutuel ne peut acquérir ce dégré de mutualité
qu’autant que le mari donne a la femme, en confidération de ce- que la: femme donne au m ari, &
réciproquement, fans quoi il n’y auroit point de
mutualité ; c’eft un'principe qui ne peut être ré
voqué en doute.
Ainfi , pour qu’il y eût mutualité dans le teilament fait par la dame Antignac, il faudroit qu’on
y eût inféré cette claufe : finjlitue le Jîeur Fontfreyde mon héritier , en conjidération de ce qu'il
m a inftituce fo n héritiere ; ces mots conRituerocnt
ciTcriticllemcnt la mutualité, dès-lors le teftament
A z
�4
de la dame Antignac trouveroit ia profcription
dans les termes de la loi.
Les teftaments faits conjointement font ceux quifont faits fu b uno & eodcm contextu ; le mot
conjointement annonce cette définition , ‘ & en la
prenant littéralement, il eft certain que deux tefta?
ments faits dans deux a&es féparés ne peuvent
être réputés faits conjointement ; delà il fuit que
la loi , en défendant les teftaments faits conjoin
tement , n’a pas entendu comprendre ceux qui
feraient faits par deux a&es féparés , lorfqu’ils ne
>orteroient point avec eux le cara&ere de mutuaité.
,
L ’article 77 de l’Ordonnance de 173 <5 abroge
non feulement les teftaments mutuels , mais encore
ceux faits conjointement. Le teftament de la dame,
Antignac fèmbleroit donc devoir être compris dans
la prohibition de la loi ; c’eft du moins ce que
la dame Goutanegre voudrait perfuader.
Mais fi l’Ordonnance de 173 «5 a abrogé les
teftaments mutuels 6c ceux faits conjointement,
peut-on en conclure qu’elle ait entendu abroger
toute efpece de teftaments entre mari ôc femme ;
& que celui de la dame Antignac. fe trouve com
pris dans cette prohibition générale, ce ferait une
f au fie conicqucncç.
En effet, il exifte une loi qui permet, en pays
de droit écrit, a deux Conjoints de s’inftituer hé
ritiers l’un de l’autre , c’eft la loi 70 , fï\ de hæred.
injlit. Elle ne peut ctre abrogée par l’Ordonnànce
Î
�,
de 173 ■), & elle autorife les difpofitions , quas
mutuis ajfeclionibus judiciaprovocaverunt, c’eftrà*-.
dire, les.inftitutions di&ées, par l’amitié., pourvu
qu’il n’y ait point'de mutualité, ou que-les¿teftaments ne foient point faits conjointement ; ces for
tes de difpofitions f c nomment tejlaments récipro
ques.
■
ri '
Il faut néceifairement qu’ilÎexiftedes teilaments:
permis e n , pays de droit -écrit, & non abrogés^
par l’Ordonnance de 17 3 ■), parce que la loi qu’on
a déjà citée , permettant en général à deux Con-;
joints ;de s’inilituer réciproquement , 1 il ' y ; auroit
contradiçbion dans-la loi qui permettroit d’un^ôté
ce qu’elle défendrait de l’autre.
Cette contradiction fero.it cependant une fuite
du fyilême '.d'çjja çdame .Goutanegre
puifqu’elle
confond toutes, efpece's der teflaments’iaits entre
mari &rfem me , foiisija dénomination: de ces
mots, mutuels & conjointement ; ;<Sc comme ces
deux eipeces de teilaments, font interdits par TO rdonnance de 1 7 3 , il. s.enfitivroit ,, iüiV.anü là
dame Goutanegre', qu’un mali] &i.iine femme ne
pourroient jamais s’inilituer héritiers- l’un de l’aur
tre , ce qui feroit contraire à la loi poiitive qui
cil en vigueur en pays de droit ictrit^. > f
.»
1 Cette dénomination de '|ellamefrtSj l'éfciproqiies.
diilinds
lépadé.^ des ;tçflaments -.mutuels ,
de ceux faits conjointement ^ èil.àttcdéb par Rouffeau de la Com be, qui a commenté l’Or^oonance
dej ji 7 3 $ ; ^voici comment j l '/j’ç^pliquç :inr l’acrl
77 de cette Ordonnance :
///
H
j
■
�6
» M ais, dit cet A u teu r, les difpofitions réci* proques par des-teftaments ou codicilesi;féparés,
» ne lbn t point abrogés
ont leur effet entre*
»v' perionnes qui peuvent difpoférde$< unes en fa» veur des autres , fuivant les loix , ftatuts <Sc
» coutumes. » >
■
'
Mais ii les teftaments réciproques ne font point'
abrogés, celui-de"la dame Antignac ne peut
être confédéré que comme un teftament récipro
que, puifqu’il ne porte avec lui aucun caraâere
de m u ltu a lité c ’eft-à-dire, qu’il n’efl point fait en
confidération de l’inftitution précédemment faite a
ion.profit parle fïeur Fontfreyde, ion mari, puifque ce telïamcnt. n’eft point fait conjointement
avec celui du fïeur Fontfreyde, puifque le fécond
ne rappeller point le premier , puifqu’enfin on
peut lire celui de la dame Antignac fans y trou~
ver les traces de celui du fïeur, Fontfreyde , ni
même aucune préiomption de fon exiftence.
• Sans vouloir parcourir le Sentiment de R icard,
dans ion traité du don mutuel, qui s’applique
pareillement aux teftaments , fans chercher à répouffer le fentiment de Furgole , celui d’H enris,
& dés autres Auteurs cités par la dame Goutanegre , dont l’un a mal interprété le fentiment
de Ricard qu’il invoquoit, &C les autres n’ont
aucune application à l’eipece , il fuffit d’en venir
aux véritables principes de la matiere pour dé
montrer , jufqu’au dernier degré d’évidence, que
le tcltament.de la dame Antignac ne peut être
�7
confidéré comme un teilament mutuel , ou fait
conjointement.
Les teilaments mutuels ,'o u ceux faits con
jointement , ne peuvent fè révoquer par un des
conjoints, ians’le confentement de l’autre, c’eil
un principe long-temps controverfc, mais aduellement décidé, fuivant le fentiment de Ricard ,
de RouiTeaude la C o m b e, &c la Jurifprudence
des Arrêts ; or le teilament de la dame Antignac
pouvoit être révoqué fans le confentement du
fieur Fontfreyde ; la dame Fontfreyde pouvoit
changer fa volonté, fans que le .teilament de fon
mari en iouffrit la moindre atteinte ; ce teilament
pris féparément navoit aucune relation avec celui
du fieur Fontfreyde, il n’en rappelloït point l’exiitence ; mais ii la dame Antignac avoit ièule la
liberté de révoquer fon teilament , i f n’étoit pas
mutuel.; étant fait :par un a&e féparé de celui clu
fieur Fontfreyde, il n’étoit pas fait conjoin&èmént,
il n’étoit donc ;pas dans le cas de la prohibition de
l’Ordonnance de 1
7
3
.
M ais, dit la dame j G oiitançgre, fut-ïl jamais^
de preuves plus convaincantes de mutualité';, les
fieur
dame Fontfreyde partent enfemble de la
Ville de Mauriac , fe rendent( en celle de Piaux ,
vont chez le même .Notaire, leurs difpoiitions font
rédigées devant les mêmes témoins , Ton y apperçoit les mêmes =expreifions , Jes »mêmes legs ? en
un mot , tout cil conforme ; comment; donc peut011 caradm fcr plus formeflement. la mutuajitc ?
04
�,8 ,
Cette obje&ion paroît d’abord fpécieufe, mais
elle n’eft point folide ; il faut la détruire par l’argu
ment contraire a celui'tdoht"fe fért la dame'Gou-,
tanegrepour autoriier ion iyilème. 1 f
f
Quel a été le but de l’Ordonnance de 173 ^ ?
c’e i t , comme nous l’apprend la dameGoutanegre,
d’empêcher les ^effets" que ‘ pourrait produire fur
refprit de la femme l’autorité du m ari, pour ré
primer les fraudes ^dont un mari pourrôit faire
uiàge , pour furprendre de la foibÎeifè de fa femme
une difpofition que fon cœur déiapprouveroit.
Mais en mettant un frein à la cupidité de l’hom
m e, & en mettant la foibleile de la femme à l’abri
de la violence & de la furprife , le Légiilatem* n’a
pas entendu contraindre la volonté, dont le prin
cipe riaîtroit dans le coçur, & feroit fondé fur l’a
mitié; il n’a point détruit la Loi y o , ff. de hœred.
injîit. qui autorife les difpofitions ; quas mu
tins affeclionibus judicia prœvocavemnt.
Si telle eut été l’intention du Légiflateur, il
l’eût diiertement exprimé;dans fon Ordonnance
de 173>5 , non feulement il eut abrogé les reilaments mutuels ÔC ceux faits conjointement, mais
encore toute efpece de teftament entre mari 6c
femme; il n’auroit fait aucune diilinâion de ceux
di&és par la contrainte d’avec ceux qui auraient:
ctélf l’effet d’une tendre amitié.
Cependant le Légillateur a laiiTc la liberté à deux
conjoints de fe témoigner leur affe&ion par des diipofitions réciproques , il a feulement abrogé tout
�9
J zt
ce qui pourroit annoncer la contrainte ou l’abus
de l’autorité du m ari, pour extorquer de la foibleüè
de fa femme des difpoiitions quelle n’auroit pas
fait librement.
•
_:*
Mais fi les teftàments diQes- par la véritable
amitié ne font point compris dans la prohibition
de la loi, qu’ils aient été concertés entre.le mari 6c
la femme , qu’ils aient été paiies devant le même
Notaire 6c les mêmes témoins-, qu’ils aient été
copiés l’un fur l’autre ; ces'cirçonftançes^ devien
nent fort indifférentes, des qu’ils ne font pas faits
en contemplation l’un de l’autre , ou conjointement
dans le même â&e, ils ne font point -abiogçs par la:
lo i. .
y-
l
’ .'îijfy-' a
r.\i
f ^
v .j
0Î:S*i!-
Ainfi dès que la dame Goutanegre cil hors d’é
tat de prouver, qu’elle n’articule même pas q u ’ i l
y ait eu de la fuggeftion 6c de la captatiori; de la
part du fieur Fonttreyde pour forcer -fa feniime
a faire une inftitution en ià faveur ,'il faut préfu
mer quelaffe&ion a été le mobile du teftament de
la dame Antignac, que fon Teilament eft récipro-.
que , que conféquemment il n’ei]t pgint compris;
dans la prohibition de l’Ordonnance.de, 1735..-.
Que le teilament de la dam e'A ntignac ait été
diûé par l’amitié, il n’eft paspoifible d’en douter •
les deux Epoux avoient vécu dans la plus parfaite
union pendant 40 années, le iieurFontfreyde avoic
confondu fa légitime avec les biens de fa femme
pour les rédimer des hypothéqués dont ils étoienc
grévés, il les avoit amélioré par ion induilrie; la
t»P.
�reconnoifîaneè a excité la-dame Antignac à faire
paiïèr à fon mari un bien qui lui avoit coûté tant
de peines & de »travaux pour le conferver.
La dame Antignac a iurvécu dix années à ion
teftament, en 1764 le fieur Fontfreyde fe ren
dit a Paris pour iolliciter une place aux Invali
des, en 1770 il eft tombé dans un état de dé
mence qui lui ôtoit la liberté de vaquer a fes a f
faires: fi le teftament de la dame Antignac n’eut
point été di&é par l’amitié, combien doccafïons
n’a t-elle pas eu pour le révoquer librement ; dès
qu’elle ne l’a point fait, c’eft une preuve que ce
leftament étoit une. difpofition di&ée par la tendrefîè conjugale, un teftament réciproque qüe
l’Ordonnance de 1735 n’a pas entendu abroger.
Il refte donc pour confiant que le teftament
de la dame Antignac n’a aucun cara&ere de mu-'
îualité, ôc qu’il n’èft pas fait conjointement, ioit
parce : qu’il n’efb point fait en contemplation de
celui du fieur Fontfreyde, foit parce qu’il pouvoit
être révoqué fans le confentemcnt du premier tes
tateur , foit enfin parce qu’il eft fait par un a&e
ieparc qui ne rappelle en aucune maniéré l’exiftence du premier ; la premicre propofition'avan
cée par les iieurs &c demoifelle Fontfreyde eft donc
démontrée juiqu Y la dernière évidence.:
�II
S E C O N D E
p r o p o s i t i o n
:
ont été ja its dans un,état de démence }^ilsj'ont
radicalement nuls.
'
' Pour démontrer que le fieur Fontfreyde ecoitrréellement dans la démence, les fleurs ôt démoifelle Fontfreyde rapportent différents genres de
preuves qui ré.abliiïènt invinciblement. •• J ''
La premiere fe tiré de lavis des parentsVdu
de leurs fondés de procuration, pour faire procé
der à l’interdi&ion du fieur Fontfreyde.
La fécondé fe trouve dans les a&cs cbnfentis
par le iieur Fontfreyde depuis le 2 6 O&obre
I 772
d écès;'io it par leur multitud e , ioit par leur contradi&ion.
La troificme enfin réfulte des interrogatoires
que le fieur Fontfreyde a fubi devant les Juges
de Mauriac & d’Aurillac ; quelques obje&ions
dont Me. Chapouille failè ufage'pour détruire tou
tes ces preuves, elles relieront dans toute leur
vigueur.
La premiere preuve, réfultante de Tavis des
parents ou de leurs fondés de procuration équi
vaut à une preuve teftimoniale, qui eft a l’abri
de toute critique ; quatre Cavaliers de Maréchauilee,
qui réfidoient depuis long-temps dans la Ville de
B i
»
�M auriac, qui connoiÎloient parfaitement l’état du
fieur Fontfreyde, qu i, chargés de veiller au repos
public , prêtent ferment, & méritent , en cette
qualité, quelque considération, ont atteilé, ious la
roi du ferment que le fieur Fontfreyde étoit de
puis deux années hors d’état de vaquer à fes affai
res ; peut-on trouver une preuve teilimoniale plus
complette de Fetac de démence du, iieur Font
freyde.
. ',
■'
. *CW’eil;
que
M e. Chapouille^ voudroit
^
*** en vain
î
A
s*
. cri-'i
tiquer cet avis, de parents , en çe que ; fuivantlui,
ils, devoient y aiïifter eux-mêijies , & non ,par des
fondes de procuration.
'
;
Mais cette objeâion s’évanouit parle fentiment
de D (énifard, Verbo,, ajfembléede.parentsil nous
apprend que les .parents peuvent aiHiter à; ces;
a(lcmb,lées en perionne , ou'par quelques fondés
de procuration, pourvu que , dans ce 1dernier cas,
la procuration contienne l’avis détaillé &; précis du
Conilituant.
* _v
'• è i . ! )
4
? Dans l’efpepe p r é f e n t e , quatre parents pater
nels &: maternels cpnÎèntent dans leurs procura
tions que, s’il appert aux Procureurs conilitués que
le fieur Fontfreyde ait fait différentes donations,
qu’il les ait/évoquéiçf ,r que. par, dçs ;aâes fubféquents il :les ait. ratifiées , ,,qu çn -iu}, mot il foit
hors d’étaf de vaquer à les affaires, en ce cas ils
copfcntent a fonc interdi&ion j peut-on. trouver
des pyqcumtious plijs^pj^qifes. ^Cjïplus .pofitives
Que Tailcmblée "des parents ioit du fait des pa-
�rents eux-mêmes, Me. Chapouille ne peut en dou
ter , il connoît la généalogie de la famille du iieur
Fontfreyde ; mais l’on ne peut ôter a cette aiïèmblée de parents toute la faveur qu’elle mérite, furtout lorfque quatre de ces parents font remplacés
par quatre Habitants de Mauriac , qui étoientfenfés
çonnoître l’état du fieur Fontfreyde.
Il refte donc pour confiant que les dépofitions
faites dans l’aiTemblée des parents , & fur la foi du
ferment par les quatre fondés de procuration qui
ont remplacé les parents abfents, forment une
preuve teftimoniale de l’etat de démence du iieur
Fontfreyde, qui avoit commencé deux ans avant
ion décès.
Si l’on ajoute à cette preuve teiUmoniale une
lettre écrite par le fieur de Tournem ire, Juge de
M auriac, qui annonce que le bruit public de la
V ille de Mauriac atteftoit l’état de démence du fieur
Fontfreyde , pour*a-t-on s’empêcher de conclure
que la démence du fieur Fontfreyde eit prouvée
par témoins? ce premier genre de preuve exifte
donc dans toute la vigueur. r
Les a&es que le fieur Fontfreyde a paifé depuis;
le 26 O&obre 1772 jufqn’à fon décès font le fé
cond genre de preuves rapporté par les ficurs
demoifellc Fontfreyde; il cit intéreilant d’en faire,
fiiccin&ement le détail, afin d’en appercevoir plus
facilement la contradi&ion.
.* 4 peine le fieur Fontfreydp. a-t-il recueilli les:
biens de la dame Ântignac, fon épouiè', décédée ’
�*4
le 21 O Sobre 1 7 7 2 , qu’on cherche k l’en dépouil
ler ; on vit éclore le 26 du même mois d’Q£lobrc une première donation au profit de Me. C h a
pouille, que le Sr. Fontfreyde ne put figner'a caufe
d’un prétendu tremblement de main, mais dans le
v r a i, parce qu’il fe trouvoit dans un état d’ivrefîè
où l’avoit plongé Me. Chapouille, 6c qui fit crain
dre pendant quelques inftants pour la vie du fieur
Fontfreyde.
Me. Chapouille étant parti pour faire infinuer
fa prétendue donation à A urillac, on en vit éclorc
une fécondé le lendemain 27 en faveur des fieurs
& dames Ronnat, V iolle ôc Sim on; celle-ci fut
fignée par le fieur Fontfreyde , mais elle n’en eft
pas plus iolide : le fieur Fontfreyde confent le mê
me jour une obligtion de la fomme de 93 livres
1 6 fols au profit du fieur V io lle , pour le paiement
de laquelle il hypothéqué tous les biens dont il
avoit déjà difpoÎé par deux différentes donations.
Le lendemain 28 il retraite ces deux prétendues
donations, & le même jour il donne une procu
ration à un de fes neveux pour régir des biens fitués à Pérignac & \ Tallande, qui nclui ont jamais
appartenus, & furlefquels il n’eut jamais aucun droit.
Le 23 Novem bre 1772. le fieur Fontfréyde ra
tifie la donation du 1 6 Octobre précédent , &
comme fi Me. Chapouille eût encore douté de ia
donation , il fait faire un teftament en fa faveur
le 23 Janvier 1 7 7 3 , ^ans ^cclue^ ^
encore
ratifier de nouveau cette même donation.
�15
Sur la iimple expofition de tous ces aSes qui
pourroit douter un inftant de la foibleiTe d’efprit
& dé la de'mence du iïeur Fontfreyde ? la contradi&ion qui s’y rencontre eft feule fuffifante pour
nous en convaincre.
En effet le 26 O&obre l ’on fait déclarer au
fieur Fontfreyde que fès baux font partiaires &
verbaux , le lendemain on les qualifie de baux
a ferme ; dans la premiere donation on lui fait
déclarer qu’il ne peut figner , à caufè d’un trem
blement de main , on lui fait cependant figner
la féconde, dans laquelle il afîocie Me. Chapouille
pour un quart, fans fe rappeller que la veille il
avoit fait une donation en fa faveur , le même
jour il confent une obligation au profit du fieur
Violle , de la fomme de 93 liv. 16 fols, qui ne
devoit avoir aucun effet, puifqu’il n*avoit aucun
bien, en ayant déjà difpofé par deux différentes'
donations.
La retra&ation du fieur Frontfreyde du 28 O c
tobre annonce d’un côté combien peu le fieur
Frontfreyde étoit dans l’intention de le dépouiller
de fès biens , ôc de l’autre la foibleiTe de fon
cfprit, ôc de fa mémoire ; la ratification du
2-3 Novembre , le teftament du 23 Janvier fuivant ne font que confirmer la démence du fieur
Frontfreyde, qui, d’ailleurs étoit âgé de 86 ans.
La vielleffe n’efl: point a la vérité un empê
chement pour difpofer ; cependant lorfqu’un vieil
lard eft parvenu à cet état de décrépitude , qui
° AV.
�16
réduit fes organes a un genre de foibleiTe , que nous
appelions communément enfance , la vieilleilè
fait alors préfumer que les aâes ioufcrits par le
vieillard ne peuvent être réfléchis , ôc qu’ils
font le fruit d’une impreiîion étrangère , c’elt ce
que les Auteurs enfeignent , ce que la Juriiprudence a confirmé.
» Encore , dit Ricard , que nous ayç>ns trop
» de. reiped pour la vieilleile, fi avancée qu’elle
» puilFe être , pour la noter de la moindre in» terdiâion , néanmoins , comme les fondions
» de l’efprit dépendent des organes du corps ,
» qui s’altèrent par la longeur du temps , il ar» rive fouvent que l’eiprit diminue de telle forte
» fur le déclin de la vie , que , quoiqu’il ne
« tombe pas dans un délire, il ne conferve pas
» toutefois ailèz de vigeur pour faire un ouvra» ge important, tellement que ce concours d’in« commodité ie rencontrant en la perionne d’un
» vieillard , peut fervir de fondement a la nullité
» de la difpofition qu’il a fait dans le temps
» qu’il étoit réduit à cet état, & fur-tout lorfcjue
» la diminution de fo n efpritparoitpar les acles
» même ejuil a pajfé . »
Ricard appuie fon fentiment fur celui de M eyn ard, liv. 3 , chap. 7 , de fes notables queftions
de droit, qui rapporte un Arrêt du Parlement de
Touloufe au 2 A vril 1*583, qui déclara nul le
teilament d’une femme âgée, parce que , dit cet
A u teu r, il fe reconnoiifoit par cet a&c, & par
quelques
�*7
quelques autres de pareille -qualité qu’elle avoit
paifé, qu’elle e'toit tQmbe'e dans une inconfiance
d’efprit y f&Vqûe ion 'jugement ^toit notablement,
diminué.
*■
. $ -yyj ; r-p
.... '
J l ne'fut peut-etre jamais cl’Arrêt plus appli
cable à l’eipece. préfente que celui que T on ’ vient'
de citer-; le fieur Fojritfreÿde7 etqit âgé de 86 ans,
lo rs.d e'ion décès, -‘ipli efpr it\étoit] dans la Lplus
grande-, incon (lance;deuX/différentes donationsr
qui fe_contrarient entr’elles , un a&e de retra&ation , - deux diffërentesf ratifications., une x)bîigation &c ' un teflamenr ; ' cettç, multitude' d’ac
tes fbics pendant les/trois,derniers mpis:ide la;
vie du fieur Fontfreyde annoncent Finconilance
de ià volon té ; le contraile & la Miverfité qui fe
trouvent-dans tous ces^afles ne :peuyentr ayoir
leur principe que dans la ;foibleile ^d’eiprit,; le dé-..;
faut de jugement ôt de mémoire,"en un-mot^dans^'
la démence de celui qui paroîtJeS avoir fouferits.
Que tous ces différents a£tes paroiiTent iàges
en eux-mêmes, peu importe, leur,enfemble n’e n attelle pas moiiis la démence de leur auteur,-.les
perfonnes qui ont di£lé les donations & ratifi- '
cations avoient le plus grand intérêt que chacun
de ces a£les ,cn particulier parut ctre iàge ; mais
ils ne peuvent empêcher que de raiîèmblage de
tous ces différents aclcs on ne tire la preuve fia
plus convaincante de la démence , du fieur Font
freyde.
C ’eit en vain que Me. Chapouille, prétend tirer
c
w
7
-•
i .
•- j
.
* *
-
» .
J .
. y
-.
•
v
.
v
�avantage de ce que le fieur CouiTàyre a pris en
177-0' une'ceiïion du fieur Frontfreyde, ion on
cle 5i:elle -né peut ’ établit: la fàgeiïè du fieur
Fontfreydé, parce que cet aéte, en lui-m êm e,'
n’eft point une a&ion intimement unie a la perionne du cédant ; il eft pofïible de fuppofer que
le fieur Frontfreyde n?y a contribué que par fa feule
fignkture, le'refte a été iuppléë par les conieils de
la dame Antignac ôc de Me. Chapouille lui-rriêmè ; cette ceiïion avoit été d’ailleurs projettée dès
l’année 1768*;^ n’y a rien en un mot dans cet
acïe', a le confidérer’ efi lui-même , qui Tioit néceifaï&ment ['6c certainement ‘l’ouvrage- 'dc'i la feule
volonté de çelin qui1l’a ’fïgnéi - :
Il eii eft de'même de l'a quittance que Me.
Chapouille oppofe aux- 'fleurs &:• elemoifelle Fontfreÿde- j elle'a-été paiTée dévaiit- Notaire -l'a préicnce du fieur-’ Fontfreydé & fa fignaturé étoient
abfôlqment inutiles, *lc Notaire pduvoit- recevoir
pôur lui • il avoit! même nombré les efpeces en
préfencc du fieur-Fbntfreyde', il ai dit en donner’'
décharge- a celui qui iè libéroit-, lb fieur Fontfrêyde ^n’a donc- contribué a- cet- aile çjue -par fa
feule fignaturé, les fleurs & demoifelle tronfreyde
11’ont donc point reconnu, comme on lé- fuppoie
fi gratuitement' ,* que le; fieur Foritfreydc ,1 leur
oncle-, étoit éti état de- régir fes affaires/
~Mais lè fieur-Chapouille'a reconnu'lui-mcrhe
l’incapacité de fon Donateur , il éroitdû par le-fieur
Fontfreydé plufieur3 années-d’air'érages- dèèens aux
�JSf
19 .
. , .
Bénédi&iris de M auiiat ; ces Religieux etoient fut
le point dê'pjfrtiMièr-des p o n riu fe tjtiVls iivbj'éht
commencé j la 'dame Antignac .vôt^llit l'es éviter
elle fciîàya de p e n d r e . des
’’mais
comme elle ne pou voit s’obliger, & ^ue fon marj
Vie pou voit contra&er valablement ,r;M e, Chap'obiile s’obligea ertVers lesBénédiHin'sde leur^dye? an
nuellement une fomme de 100 liv, jirfqiiVu rertibourfement delà iomme de io o o liv.^'laquelle 1a
dame Antignac avoit elle-même fixé les arrérages.
" Si le fieur Fontfreyde n’eut pas ëtéf en étât
de démence, n ’auroit-il pas trâité lui-mêrrie avet
les Bénédi&ins? M e .:Chapouille ‘n ’àuroit-ïl. pas
exigé à cette époque une indemnité du vérita
ble débiteur ? Me. Chapouille cofihoifïoit par
faitement l’état du Tieur Fontfrfcydé/ il ri’a pas
cru devoir uler de '/ces .fJi'écautiôn'é ; il cipéroit
d ’ailleurs que la dame Antignac furvïvrbit à fon
ma r i , il y avoit tout lieu de le préiumer. '
L ’on trouve encore une preuve de la.difmerioc
du fieur Fontfreyde ddris la conduite de Me! Cha
pon ille &: des féconds Donataires; on les a V u J,
lors du décès du fieur Fonfreyde, & ' à Pépoqüe
de l’appofition du fcellé , fe réferver réciproque
ment la voie de l’infcription de faux contre leurs
a&es , configner leur haine mutuelle dans le pro
cès verbal de l’appofition des fcellés, faire retentir
dans le fan£tuaire de la Juftice d’Aurillac les pro
pos les plus injurieux les uns contre les autres;
ne fuipcndre leur haine que parce qu’elle nuifoit à
�X
10
leurs intérêts, ôc qu’elle ëtabliiloit inconteilablernent,le droit des fieurs & demoifelle Fontfreyde.
O n a entendu M e. Chapouille s’élever en la
Cour contre la fécondé'donation , la rejetter fur
l’infidélité de L aco ile, Notaire , &c fur l’avidité
des fieurs. R o n n at, Yiolle ôc Simon : fi toutes ces
çlanjfcurs ne prouvent point la démence du fieur
Fpntfrgyde, elles laiiTent au moins,appercevoir
de la lenfibilité dans le cœur de Me. Chapouilïe,
de voir qu’il ne peut feul recueillir le fruit de fon
adreffe , que d’autres , en un mot , ont fu ex
torquer., ainii 1que ,lui , de la foibleiîè du fieur
Fontfreyde des a$es qui ne font point émanés
de fa volonté.
¡.,
...
Il relie donc encore pour confiant que les actes
iouicriçs (par je fieur Fontfreyde^ étant contradic
tores ^îîjtr.’eux', n’ont d’autre principe que. la
foibleíTe cPefprit, le défaut de jugement 6c de mé
moire de celui qui paroît les avoir foufcrits ;
qu’en un mot Je fieur Fontfreyde étoit réellement
dans la démence iorsjôc au tempsâde la pailàtion.
de,ces ¡a&es. Le fécond genre de preuve rapporté
par les fieur &.demoifclle Fontfreyde', réliiltant
dqs aûesfoufcrits par leur oncle , ell donc encore
dans .toute fa vigueur.
; f .
,
Pour atténuer ? s’il; étoit poifible , le troifieme
genre île,preuve qui réfulte des interrogatoires fubis par le iicur Fontireyde , Me. Chapouille in
voque d’abord celui fait par le Juge de Mauriac ,
il.prétend y trouver les plus grandes. preuves de
• *
�J?3
II
fageiTe ; mais quoiqu’endife Me. Chapouille, Ion
y trouve au contraire des preuves non équivoques
de la démence du fieur Fontfreyde.
• Il iùffit , pour fe convaincre de cette vérité,
de retracer trois réponfes de cet interrogatoire :
on demande au fieur Fontfreyde s’il a fait des
donations a d’autres qu’à Me. Chapouille ; il ré
pond q u il r ie n fa it rien , q u il ne croit pas en
avoir fait ni avoir rien Jigné. O n lui demande
depuis quel temps eit décédée la dame A ntignac,
ion épouie : il répond, depuis cinq à J ix ans t
quoiqu’il n’y eût réellement que trois mois. O n
lui demande s’il a vu Rigal ôc Lacoiîe , N o
taires, 6c autres perfonnes ; il répond qu'il ne
s'en rappelle pas : à la majeure partie des interrogats il répond,
quoi vous mêlc^-vous., quejlce
quecela\ous fa it? .D ’après ces réponfes il faut donc
conclure, ou que le iieur Fontfreyde étoit réeller
ment dans la démence, ou que Me. Chapouille eit
un infenfé d’olèr foutenir le contraire.
,
Quoique cet interrogatoire foie infede de deux
nullités radicales. ï°. Parce que le Juge de Mauriac
n’avoit pas fait prêter ferment au fieur Fontfreyde.
2.V Parce que le Greffier étoit 1cm parent par allian
ce , ce qui détermina les fleurs 6c dcmoilclle Font
freyde d ’en interjettçr appel à Aurillac , ils font
cependant bien fondés à excipcr des preuves de
démence'qui en réiultent.
>
Mais l’interrogatoire du Jugi d’Aurillac cil une
preuve vraiment démonflrative de la demençe du
�V 'A
fieur Fontfreyde : rien de plus fimple que les interrogacs, ils étoient prefque tous les mêmes que
ceux qui avoient été faits par le Juge de Mauriac ,
cependant ce ne font plus les mêmes réponfes ;
dans celui de Mauriac on avoit fait faire 1 eloge
de Me. Chapouille ; dans celui d’Aurillac il n’en
eft point queftion : le fieur Fontfreyde ne fe rap
pelle même pas de lui avoir fait une donation ; il
ne fe reifouvient n’y defon âgé, ni s’il a des parents;
il ignore l’époque du décès de fes pere
mere ÔC
celui de fa femme.
Le fieur Fontfreyde veut envoyer chercher les
violons pour faire danfer les Juges ; il recomman
de à fa fervante des pompes ou gâteaux, 6c lui crie
de ne point les laifier manger aux Juges d’A uril
lac : il veut marier M e. Chapouille, qui l’étoit
cependant depuis long-temps ; il commande l’exer
cice, il jure, il fe répand en inve&ivesôt engroffieretés contre les Juges. Si à ces traits l’on ne reconnoît point un infenfé, que M e. Chapouille
nous dife donc comment l’on pourra délormais
le connoître.
Que le fieur Fontfreyde ait manqué cilèntiellement aux Juges d’Aurillac , ià démence lui ferv o itd ’excufe; mais que de ce manquement efïcnticl
a la Jnftice Me. Chapouille , A v o c a t, veuille fc
faire un moyen pour établir la fagefTe du fieur
Fontfreyde, & lui fuppofer une fermeté d’am e,
c’ e ft, on oie le dire , le comble de l’abfurdite.
En effet le fieur Fontfreyde, s’il n’eût point été
�a3
JSJ
'
réellement dans la clémence, favoit le refpe& qui
étoit dû a la Juftice ; il avoit contribué a mainte
nir l’ordre public pendant qu’il étoit Exempt de
Marécllauflee , il n’ignoroit point alors que Tes
fonctions l’obligeoient non feulement h veiller au
repos public , mais encore à faire refpe&er les or
dres du R o i, émanés du fanchiaire de la Juftice;
l’idée' feule qu’il auroit eu de manquer aux Juges
eut été le comble de l’égarement & de la folie.
Un des devoirs les plus généraux de la iociété,
ôc que perfonne ne peut méconnoître , eft le re£
pe& dû à la Juftice , parce que tous les fujets reconnoiiïènt dans le Magiftrat qui l’exerce ‘l’homme '
chargé par le Souverain de maintenir les Loix &
de faire reipe&er ion autorité; fi le fieur Fontfreyde
ne pouvoit remplir un de ces devoirs généraux de
la- ibciét'é, mediocritatem ofjïciorum tueri & vitœ
cultum commiinem& ufiiatum, il étoit donc réelle
ment dans la démence.
r Mais ce qui' détruit toutes les obfervations que
pourrait faire Me. Chapouille contre rinterrogatoire du Juge d’Aurilliic, c’eft un Arrêt du 10 Juin
1704 , rendu contre le nommé Doublet, dont les '
réponfes aux interrogats qui lui avoient été faits ;
n’annonçoient pas à beaucoup près autant de démen- '
ce dans c e Particulier'que ceux du fieur Fontfreyde.
C e Particulier fe côntcntoit de répondre quil.
nefavoii ce que- c étoit, q u û n a\6it fa it tort à fe r fonne ; tantôt il demandoit l’heure qu’il étoit, tantôt il *
ne vo'uloit point répondre, a la vuede ces- réponfds,
�N"
24 :
M . l’Avocat Général Joly deFléury dit qu’il regar
dait ces réponiès comme des preuves d’imbécillité,
il n’héfita point à ioutenir que Doublet étoit irnbécille le Parlement le prononça de même : com
bien a plus forte raifon la Cour s’empreiîerajt-elle a
prononcer l’imbécillité du fieur Fontfreyde : qui
oferoit en douter ?
' •
Le iieur Fontfreyde étoit donc réellement dans
la démence ; la fimplicité des interrogats, le peu
de fens, ou ii l’on veut , la groiliereté des réponiès
l’annoncent évidemment, ces mouvements de colere, de gaieté , d’ennui, toutes ces variations, qui
fe terminoient ordinairement par un profond filence, ne font-elles pas des preuves plus que démonftratives de la foiblcife d’eiprit, du défaut de jugement
& de la démence?
. CuL ratiocinatio non conjlat, dit d’Argentré
fur la coutume de Bretagne , article 490 , & mémori ci labitur, nec colhgit, necjenja animi potefl exprimcre , vel quicrebro tranjitin alia prœter propojita,
nec orationem ÿcrficit, & fubinde digredirur.
Tel étoit l’etat du iieur Fontfreyde lors de l’in
terrogatoire du Juge d’Aurillac ; cet interrogatoire
annonce donc la démence du fieur Fontfreyde , &c
non la fermeté de fon ame.
Un inienfé n’eil fenfible à rien , dit Me. Chapouillc, cependant le fieur Fontfreyde témoigna
de la rcconnoiiTance au Juge de Mauriac, il n’étoit
donc point dans la démence.
Un inlenié cil icniiblc à la peine <
5c au plaiiir,
�/ 3/
H
■ ■"
fir,-autant que les facultés de fon ame ôc de fon
corps peuvent le lui permettre ; ces deux fentiments font une impreflion fur les organes, a quelqu état de foibleffe qu’ils foient réduits, parce que,
tant que l’ame n’eft point feparée du corps, il
eft fuiceptible de ièniations, mais il ne faut pas
les confondre avec le jugement ; les iènfations affe&ent les organes du corps, parce que c’eft lam e
qui le fait agir; le jugement eft un com poféd’i
dées, auxquelles l’efprit donne un certain ordre par
le moyen de la réflexion.
^
r Par exemple , que l’on préfente à un enfant
quelques objets qui flattent fa vue , les organes
font à l’inftant laifis d’admiration, ddà naiifent
différentes fenfations de plaiiir ; quon lui dife
quelques phrafes obligeantes, l’efprit nétant pas
aifezfolide pour faifir les idées qu’on veut lui com
muniquer , fon jugement ne reçoit aucune impreifion , il demeure interdit, parce qu’il ne peut
réfléchir ; tel eft l’état d’un homme dans l’enfan
ce ou dans la démence ; tel étoit celui du fieur
Fontfreyde , accoutumé a voir des honnêtes gens ;
il eft fenfible au plaiflr & à la reconnoiflance ,
parce qu’il voit des êtres qui ont le même rapport
que lui a l’humanité.
Il
n’en n’eft pas de même lorfque le fieur Font
freyde voit les Juges d’Aurillac ; le Procureur
du Roi veut lui rappeller qu’ils s’étoient vus plu- '
fleurs fois, quils s’étoient connus , cette idée ne
peut frapper l’idée du fieur Fontfreyde , parce
�que le jugem ent, la réflexion &c la mémoire lui
manquent tout a la fois , il répond q u il ne s'en
fouvient pas ; (i le fleur Fontfreyde n’eut pas
été réellement dans la démence , il n’auroit pu
méconnoître les Juges d’A urillac, il avoit eu des
relations très-fréquentes avec eux étant Exempt de
Maréchauilee, il avoit même mérité leur eltime.
Mais toute la Ville de Mauriac rendoit vi~
lîte ail • iieur Fontfreyde , dit encore Me. Chapouille, m-t-on voir un infenfé ? quel feroit le
but d’une pareille vifite?.
Si les donataires compofent toute la Ville de
M auriac, il n’eft pas douteux que l’objection de
M e. Chapouille paroîtroit avoir quelque fonde
ment , leurs fréquentes viiites ne font que trop
malheureuiement connues des fleurs & demoifclle
Fontfreyde»
Mais en fuppoiant que toute la Ville de Mau
riac eut été rendre viiite au fieur Fontfreyde,
s’en fuivroit-il pour cela qu’il ne fut point infenie ?
la conféquencp ne feroit pas jufte. | le fieur Fontfrçyde fut l’ami de tout le monde , ce qui eft aid
iez rare dans un pays où les diilcntions ne. font
que trop communes, iuivant les propres expreifions de Me. Chapouille ; le fieur Fontfreyde
s’¿toit attiré à jufte ritjre la coniidération des ; gens
honnêtes, il eft- des cas qii une civilité., quoi-'
qu’inutile a celui a qui 011 la rend , elt unç,iàtisfac-‘
tion pour celui qui la fait ; le fieur Fontfreyde
avoit perdu là femme , les Habitants de Mau- .
�• .
. a7,
riac lui devcient, ainfi qu’aux parents de la dame
Antignac , fe devoient à eux-mêmes de rendre vifite au fieur Fontfreyde'; cet acte de 'bieniearxe
ne peut être une preuve de fa fagefTe.
Mais, dit encore M e- Chapouille, le iieur Font
freyde a participé aux Sacrements de l’Eglife
avant fon décès , c’eft une preuve qu*on le regardoit encore comme membre de la fociété civile,
il n’étoit donc point dans la démence.
La participation aux Sacrements eft, fuivantquel;
ques Auteurs , & nottamment Ricard ,, une pré
em ption contre l’état de démence ; ' ce n efl ce
p e n d a n t pas toujours une preuve 'dé fage/lè , nous
avons une preuve bien certaine de cette, vérité
dans la caufe du Prince de Conty ;contre Madame
la Ducheflè de Nem ours, jugée en 1698 l’on
oppoioit ôc l’on prouvoit que M r. l’Abbé d’O r
léans difoit publiquement la Méfie , qu’il approc h o i t duSacremeentde Pénitence, cependant tous
les a&es qu’ils avoir ioucrits à cette époque furent
déclares nuls.
\
f D ’ailleurs qui nous dira que le certificat rappor
té par Me. Chapouille eft bien finccre ? qui nous
afTurera que M e. Chapouille n’a pas ufé de quel
ques précautions inconnues pour ié faire un moyen
contre les fieurs &.dèmoifellé Fontfreyde ? tout fait
p r é f u m e r que c e certificat eft une fable, & qu’il
n’eft pointa l’abri de fufpicion.';
f
1°. Parce qu’on eut foin de faire appeller le beau*
frere* d’un des donataires ' pour" exhorter le^iieùr
D 2,
�Mû /
*
x
28
Fontfreyde a la mort ; ion fentiment devoit pa
raître fu fp eft, mais le Vicaire de Mauriac crut
devoir s’en rapporter a la fimple déclaration de
ce Miniftre, iàns approfondir plus avant les mo
tifs de ion indulgence.
20. Parce qu’il étoit de la connoiflance du Curé
:de Mauriac que le fieur Fontfreyde étoit dans la
démence : témoin le jour auquel le C u ré vint exhor
ter la dame Antignac a la m ort, le fieur Font
freyde l’accabla d’invectives, &: fi l’on n’eut trou
vé une excufe dans l’état de démence d^ fieur Font
freyde , le Cure fe ièroit pourvu contre lui pour
demander réparation ; c’eft un fait fur lequel on in*
voquéroit avec confiance le témoignage des honnê
tes gens qui en furent inftruits : le certificat qu’on
rapporte aujourd’hui, en le fuppofant vrai,eft donq
une politique de Me. Chapouille, & ne peut prou
ver la fagefïe du fieur Fontfreyde.
Le fieur Fontfreyde 7 dit encore Me. Chapouilïe , cil: décédé en poflèfïïon de fon éta t, fes pa7
rents l’avoient abandonné ; ce n’eit |qu’après les
donations confondes par le fieur Fontfreyde qu’ils
ont formé la demande en interdi&ion : cette de
mande étoit donc tardive ? ôt la poflèifion d’état eft
une fin de non-recevoir.
.
1 ^Il cil avoué par Mç< Chapouille que la Scnçencç
^’interdiction eit inutile pour privjçr un hom*ne qui
cil dans l'adémence delà faculté de tjifpofer de fbs
biens; par-une coniequence naturelle çle ce princi
pe les fieurs1& ‘j.çmy.ifellei Fop.j^eyde pouvoiertt
*............. ¿ c i
�omettre cette formalité ; m ais ils vouloicnt mettre
leur oncle à l’abri de l’avidité des donataires, ils
ne pouvoient former cette demande en interdiction
qu’après le. décès de la dame Antignac.
En effet la dame Antignac étoit héritiere teflamentaire de fon m ari, elle avoit dix années de
moins que lui, fuivant les loixde la nature elle devoit lui furvivre ,• elle étoit en état de régir fes af
faires ; les fieurs & demoifèlle Fontfreyde ne pou
voient & ne devoient donc point folliciter l’interdicHon du fieur Fontfreyde gavant ,le décçs, de la
.dame Antignac, elle les auroit,éqarté; par..ia.ieule_
o ppof i t i on& fa qualité eut arr.êté.la'demaridç en
interdiction qu’auroient formé ‘les fieurs
demoifelle Fontfreyde.
f. .
j.j- La> demande en interdiction a\été formée a\^ant
Je .décès du fieur Fontfreyde ^..ilmjelt.don^ poinp
décédé en poifefÎîoii paifible de fon état ; d’ailleurs
il 'n’exiitc.aucune Loi-, aucun Arrêt qui, aient; pro
noncé ,Ja ,fin dç non-recevoir dansv l’efpeçe dont
il s agir.' , -,
( :■'']') jf ;i<r>*«■■
■
ï j '* \ ‘jJm- )Oi;ii \
Toutes les obje&ions; de, Mft:Ohap,opille()ajnfi
réfutées ^il reiie pour confiant que( lç,^ernier gen-re de preuve rapporté par les fieurs& ; clpmoiicl(ç
Fontfreyde , réiultant des intc^oga^pjrcs^de^
ges de .Mauriac r& d ’AuriUac , ^
$e fa vigueur, tout çonçourt douc'.a.pr^otiv^r |u(y
qu’à la dernière évidence 1 état de denience cju
fieur Fontfreyde , & p^r une confcquenqe natu
relle la nullité de 594s.^ s 'j^ c3
B "?aÎièflfJi;qi
>
�Dès que le teilament de la dameAntignac n’eft
point mut uel , qu’il n’eft pas fait conjointement,
qu’il eft feulement le fruit d’une amitié réciproque,
c’eft en vain que la dame Goutanegre prétend
trouver fa profcription dansl’Ordonnance de 173 5,
elle doit s’attendre a'voir rejetter fon fyftême.
Dès que nous rapportons les preuves les plus
convaincantes de la démence du iieur Fontfreyde,
foit par la preuve teftimoniale, foit par la mul
titude &. la contradiction des a&es qu’il a iouicrit,
foit enfin par l’abiurdité des réponies confignées
dans le$ différents interrogatoires qu’il a iu b i, quel
lort doivent efperer les donatairesquelle fera la
recompeniè de1 leur avidité ? qu’ils iè jugent euxmêmes ?
1
En vaininvoqueroient-ils en leur faveur la loi
paterna paternis, materna maternis, en vain M e.
.Chapopjlle foutiendroit-il que U dame Antigrtac
h’avoit iriïVitt^é fon mari Ion héritier q u i la charge
de lur rendre les:biens ; ces différentes allégations
ne pourraient détruire le droit des fieurs & dembiiclle.::F9ntfrcydc.,'(/ '
L :i
10.'M6. Ch^ipouillc nous donne-t-il une preuVe
qpc la datrjé ‘^ntignac n’ait inîVitiié fon mari que
conditionnellement ? trouvera-t-bn dans le teftament
de la dame Antignac quelques expreflions qui
reiIèrriblcÀt à uni fidei-commis' ? non: les alléga
�31
tions dè Me. Chapouille pourroient-elles donc pré
valoir à un a&e qui eft pur &; fimple , à une
inftitution purement gratuite, &; qui n’eft grévée
d’aucune condition ? D ’ailleurs M e. Chapouille
n’étoit pas dans l’ordre dired de fuccéder à la
dame Antignac ; en un mot, fi le fieur Font
freyde fut décédé avant la dame Antignac, l’on
demande à Me. Chapouille.s’il eut rendu les .biens
du fieur Fontfreyde, dans le cas où il eût ;été inftitué héritier par la dame Antignac ; ion avidité
a extorquer une donation du fieur Fontfreyde, trois
jours'après le décès de.la dam e.Antignad, nous
attefte le contraire.
;
' '•?
- i*. La loi paterna paternis. n’eft relative qii’à
l ’ordre ordinaire des iucceiii0nsr c’eft-à-dire, que
Ipçs du partage d’une fuccefïion dans laquelle üi
y 'a eu, confufion des -biens. paternels : &i- mater^
nels i,-on. rend a chacun ;des côhérièr& les biens*
qui viennent de leur eftoc;mais loriqu’unetfemme^
par pure amitié, a inftitué fon mari ion héritier, ce
n’eft plils le cas -.de l’application de-cette maxime.
D ’ailleurs, lorfque le mari recueille la iàcceilion
de fa femme, les biens qui font partie de l’inftitution fe confondent avec ceux! du mar i , &c font
cftoc fur fa tete ; & comme le fieur Fontfreyde
a. recueilli l e s . biens xle la dame'Anrignac, ils font
devenus relativement a fes héritiers biens paternels;
nous pouvons donc invoquer en notre faveur les
mômes maximes employées par nos Advciiaiies.
r N o u s, voila donc enfin ;par venus a u , moment :
�.qui va décider du fort; des Parties ; il s’agit de
conferver a une famille honnête une partie de biens
dont la tendreffe conjugale avoit difpofe en faveur
d 'un Vieillard qui: fut le jouet de la féductio n &
de l’avidité , auff i-tôt qu’il commençoit à jouir des
bienfaits de fon époufe ; a lui 'conferver encore
une autre partie de biens qui faifoit le patrimoine
du fieur Fontfreyde, & qu’il'confondit dans ceux
de fon époufe, pour, les rédimer & les améliorer.
Les fleurs & demoifelle Fontfreyde, incertains
pendant long-temps s’ils recueilleroient la fuccef
fion de leur oncle, puifqu’il en avoit difpoféen faveur
de la dame Antignac, fon époufe, fe font encore vusà la veille 'de la perdre par des manœuvres odieufes & inouies : ils viennent dans le Sanctuaire de
la Juftice demander vengeance contre l’avidité de
leurs Adverfaires, & réclamer des biens que la
loi du fang leur déféré ; leur confiance ne le cède
en , rien a leur efpérance.
Monfieur D U F R A I S S E D E V E R N I N E S ,
Avocat Général.
Me. P R E V O S T , Avocat.
J ULH I A R D , Procureur.
D« l'imprimerie d e P. V IA L L A N E s , près l’ancien Marché au Bled. 1774.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Fontfreyde. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Duffraisse de Vernines
Prevost
Julhiard
Subject
The topic of the resource
démence
successions
testament mutuel
conflit de lois
droit écrit
testament distinct
donations entre époux
ordonnance de 1735
intention du testateur
témoins
incapacité
abus de faiblesse
doctrine
paterna paternis
materna maternis
donations
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour les Sieurs Fontfreyde, les sieur et dame Coussayre, Bourgeois, habitants de la Ville de Clermont-Ferrand, Appellants, et demoiselle Pérrette Fontfreyde, habitante de la Ville de Billom, Intervenante. Contre Maître Pierre Chapouille, Avocat en la Ville de Mauriac, Intimé. Contre les sieur et dame Ronnat, les sieur et dame Violle, habitants la même Ville, Intimés. Et encore contre demoiselle Marie Simon, veuve de Joseph Goutanègre, habitante de la Ville d'Aurillac, Intimés.
Table Godemel : Testament : 2. des dispositions testamentaires ayant été faites réciproquement mais séparément par deux époux, le testament invoqué par le survivant peut-il être annulé, aux termes de l’ordonnance de 1735, comme étant mutuel. ce testament a-t-il pu être anéanti indirectement par des donations obtenues de l’époux survivant, octogénaire, et en état de démence ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1763-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0328
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52936/BCU_Factums_G0328.jpg
abus de faiblesse
conflit de lois
démence
doctrine
donations
donations entre époux
droit écrit
incapacité
intention du testateur
materna maternis
Ordonnance de 1735
paterna paternis
Successions
témoins
testament distinct
testament mutuel
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53325/BCU_Factums_G1722.pdf
2597f92653c7065c7c6a2f12190c3215
PDF Text
Text
hï
A SON EXCELLENCE
MONSEIGNEUR
LE G R A N D - J U G E ,
MINISTRE DE LA JUSTICE ;
GRAND OFFICIER DE L A LÉGION D ’HONNEUR.
M o n s e ig n e u r ,
B iuce G
179 1
e rtoux,
m em bre des
assemblées nationales, depuis •
jusqu’en 1 7 9 6 , . directeur des con tribu tion s
directes
du département des Hautes-Pyrénées , actuellement à Paris ,
a l’honneur d’exposer à votre Excellence que depuis l’établis
sement du Gouvernement consulaire, il s’est organisé, dans le
chef-lieu de ce département, un' système affreux de persécu
tion contre les fonctionnaires publics.
Trois médecins, dont l'un est très - achalandé , sont les
chefs de cette coalition impie.
Leur but est de se débarrasser des agens d’un Gouvernement
qui leur est odieux, d’employer leur crédit pour les faire rem
*
^ •
�(2)
placer par leurs créatures, et de disposer ainsi des places ,
afin de consolider leur tyrannie par la terreur et par l’asservis
sement des dépositaires de l’autorité.
Ils n’hésitent pas sur le ^hoix des moyens qui peuvent leur
assurer le succès de leurs crimes.
Ils emploient d’abord ceux que présentent les sciences oc
cultes , l’électricité , le galvanisme, le magnétisme, les fumi
gations d’assa-fœtida, et même d’arsenic, etc., etc.
Ils travaillent ainsi les tètes pour les désorganiser, et pu
blient d’avance la folie de ceux qu’ils attaquent.
Ils accréditent ce bruit, vrai ou faux, et le répandent, par
leur correspondance, dans les départemens.
Si ces moyens ne leur réussissent pas, ils stipendient des
coupe-jarrets qui deviennent les vils inslrumens de leur
scélératesse, et ils en emploient de plus direets et de plus
efficaces.
La première victime qui a succombé sous leurs coups téné
breux, est le sieur I^apeyrere fils, jeune homme d’un mérite
distingué, le premier qui ait rempli, à Tarbes, chef-lieu du
département, les fonctions de maire , après l’établissement du
Gouvernement consulaire.
A la vérité il était étranger à toute espèce de fonctions pu
bliques l’époque de sa mort. Son énergie avait déplu à mon
sieur le Préfet ; il avait été destitué au grand regret de ses ad
ministrés j et le magistrat même qui avait provoqué sa destitu
tion , en a témoigné depuis son repentir dans plusieurs oc
casions.
Il était en effet à présumer qu’il aurait été appelé de nou
veau , par la confiance du Gouvernement et par le vœu des
citoyens de T a r b e s à exercer les fonctions de cette place.
�(3)
' Ce fonctionnaire estimable est décédé dans des frayeurs,
dans des troubles, dans des syndereses telles, qu’il n’a pu
mettre aucun ordre dans ses affaires domestiques.
C’est aussi par l’effet de pareilles manœuvres , que le sieur
Chappuis, receveur général du département, frère de mon
sieur Chappuis, législateur, a été moissonné à la fleur de son
âge : il est aussi décédé dans d.is transes, dans des frayeurs,
dans le trouble, dans l’agitation, dans la terreur. .. .
Son agonie fut longue. Déjà, cinq ou six mois avant sa mort,
il était en proie à des sensations effrayantes qui le mettaient
hors d’état de,s’occuper de ses fonctions, de soutenir un
quart d’heure de conversation, et même les regards de ses
amis. . . ,
L’exposant a été lui-même le témoin de ces faits dans plu
sieurs occasions; il parvenait avec peine à le rassurer, et à lui
inspirer de la confiance. Si un moment de calme paraissait
succéder quelquefois à ces orages, bientôt après la tête de
ce malheureux jeune homme devenait nébuleuse.
Toutes les ressources de cet art funeste et meurtrier avaient
été mises en usage contre ce fonctionnaire pu blic, qui avait
mérité, à plusieurs reprises , la confiance du Gouvernement
pour les mêmes fonctions.
Chargé, par son excellence le ministre des finances, de cons
tater , après son décès, la situation de sa caisse , l’exposant
trouva les papiers et les finances de la recette générale dans
le plus grand désordre.
Il parvint cependant, avec le concours du juge de paix, à réu
nir environ vingt mille francs qu’il trouva dans des sacs épars
çà et là, dans des rouleaux cachés dans les coins et recoins
�(ift
(4)
de son appartement, et sous un tas de papiers qui étaient
sous les pieds.
L’infortuné avait néanmoins assuré, la veille et le jour
même de sa mort, que sa caisse était entièrement vuide.
C’est encore à peu prés dans les mêmes tourmens et dans
la même aliénation, qu’est décédé, quelque temsaprès, mon
sieur Dintrans, juge du tribunal civil de Tarbes*
Enfin, l’exposant est, dans ce moment, dans les plus vives
allarmes sur le sort d’un de ses amis qui remplit, dans l’ordre
judiciaire, une place du premier rang. Il est atteint, depuis
quelque tems, d’une maladie de langueur qui le tient éloigné
de ses fonctions ; il est à craindre que , produite par la même
cause, elle n’ait la même fin........
On assure encore que la tête d’un adjoint de la justice de
paix de Miélan ( département du Gers ) a été travaillée par
les mêmes procédés, et qu’elle est devenue extrêmement
faible. Cette ville est à peu près à la distance de quatre lieues
de Tarbes.
Depuis longtems, M o n s e i g n e u r , ces scélérats regardaient
le directeur des contributions avec les yeux de la haine et
de la jalousie. L’ordre qui régnait dans son administration et
dans ses affaires particulières, faisait leur tourment. Ils ont
aiguisé leurs poignards et préparé leurs poisons contre lui.
C’est depuis un an, à peu prés, qu’ils travaillent à désorga
niser la tête de l’exposant, par les mêmes procédés qu’ils
ont mis en usage contre leurs autres victimes ; et parce qu’elle
a résisté plus longtems, ils en sont enfin venus à des excès
dont l’atrocité fait frémir l’humanité.
La procédure dévoilera un tissu d’horreurs et de combinai
sons ténébreuses inouïes jusqu’à ce jour.
�•Jú!l
C5 )
Ga aura peine à croire que, dans le dix-huitième siècle,
il existe des monstres aussi atroces et aussi persévérans dans
le crime.
Voici y M o n s e i g n e u r , l’analyse des voies de fait et des
vexations qui ont eu lieu à l’égard de l’exposant....
A Tarbes, outre les procédés physiques avec lesquels ils
l ’ont empoisonné intérieurement ou extérieurement, et dont
les vapeurs affectaient sa tète plus ou m oins, un des chefs
et plusieurs de leurs complices sont venus, pendant quinze
jours consécutifs, et sans interruption d’une minute, depuis
sept heures du matin jusqu’à dix heures du soir, racler à ,
ses oreilles avec un violon accompagné d’une clarinette et
d’un haut-bois, des sons aigus, dans la chambre voisine de
celle qu’il occupait chez les dames Dutilh.
A dix heures du soir ils étaient relevés par d’autres com
plices, qui hurlaient toute la nuit, jusqu’à sept heures du
matin, dans des cornets, des imprécations et des horreurs
contre lui, contre sa famille, contre celle de son neveu, mem
bre du conseil général du département, et contre celle de sa
sœur, dans une chambre delà maison de Lagrele , cabaretier
voisine de la sienne.
La diffamation de ces trois familles a été d’ailleurs pro
clamée publiquement dans les rues, dans les places publiques
et dans les carrefours de la ville de Tarbes, la nuit et le N
jour , par les stipendiés de la coalition : ils ajoutaient la me
nace à la diffamation, et juraient par leurs chefs que toute
la race des Gertoux serait exterminée.
Le secrétaire général de la préfecture,M. Labouliniére, qui
occupe, chez les dames Dutilh, la chambre dans laquelle
s’exécutait la musique enragée dont il a été parlé, répétait
�(6)
cent fois par jour les propos orduriers et diffamatoires qu’on
avait tenus à haute yoîx sur les rues : il se faisait quelque
fois renforcer par ses affidés et par son domestique.
A travers toutes ces bacchanales , il a été impossible à l’ex
posant de fermer l'œil une seule minute pendant quinze jours
et quinze nuits consécutifs.
Les cloches de la ville étaient empoisonnées de leur souffle
pestiféré, et paraissaient produire dans leurs vibrations des
sons articulés si immoraux, si impies et si licentieux, que,
par ordre des ministres du culte des deux paroisses , on entrècoupa les coups de batant, afin de rendre cessons articulés
incohérens et sans suite.
Les voix des conspirateurs se faisaient entendre sourdement
dans les airs : il est prétendu qu’elles n’étaient entendues qué’
de l’exposant.
Ses mains et ses oreilles, lorsqu’il les frottait, articulaient
aussi des sons ressemblant à des mots; ses souliers, lorsqu’il
marchait, produisait le mèmfc effet.
Cet état, qu’on croirait magique ( s ’il était possible de
croire à la magie ) , subsiste encore chez l’exposant, et au
moment où il rédige ce mémoire , il entend dans les airs
les voix sourdes de deux de leurs complices, qui cherchent
à l’effrayer, à le troubler, et à lui interdire toutes les fa
cultés intellectuelles et physiques. Ces scélérats l’ont suivi par
tout depuis son départ de Tarbes.
Les bureaux de la direction sont au rez-de-chaussée de
la même maison , et lorsque l’exposant y descendait dans le
jour , soit pour se dérober au tintamare affreux qui l’as
sourdissait dans sa chambre , soit pour remettre son travail
au chef, soit enfin pour lui donner scs ordres, alors M. Labou-
�S23>
(
i
)
liniére trépignait, marchait à. grands pas, et frappait quel
quefois du pied dans la chambre qui est au-dessus de la salle
occupée par les bureaux; il invitait son domestique et les per
sonnes qui étaient avec lui à l’imiter pour augmenter le bruit.
L’exposant quitta cette maison vers le premier mai dernier;
il se réfugia chez un de ses amis : les manœuvres de ses en
nemis le poursuivirent dans l’asile de l’umitie. Il n y passa
qu’une nuit.
Il se retire chez une de ses filles, mariée à Laloubére : ses
assassins physiques et moraux le poursuivent encore dans cet
asile de la piété filiale.
Croyant se dérober à leurs poursuite et les fatiguer, il part
le lendemain pour chercher le repos dans le sein de sa fa
mille à Campan ; deux scélérats, stipendiés par les chefs,
se placent sur le derrière de la voiture publique qui le con
duisait : il les reconnaît à Bagnéres. Ils le poursuivent jusqu’à
Campan : là ils passent les nuits et les jours entiers dans une
maison voisine de celle de l’exposant, à hurler et à diffamer
les trois familles.
Les agens de la persécution avaient déjà proclamé à Campan
la prétendue folie de l’exposant, et cette réputation factice
l’avait précédé dans ses propres foyers.
A son arrivée, ses voisins , jaloux de ce qu’il a acquis la
maison presbytériale , poussés d’ailleurs par l’influence du
principal chef de la coalition, en deviennent les agens; et
pour lui montrer leur dévoûment et une entière soumission
sur ses nouveaux ordres, ils finissent par être ses Seïdes.
L’u n , qui est un soidisant avocat, déshonore cette noble
profession en hurlant jour et nuit dans un cornet plein de
sels combinés ; il se déshonore bien plus encore en trahissant
*
�< .ù
(8)
ïa confiance de l’exposant, et en se prêtant à des noirceurs
telles, que les chefs de la horde ont été forcés de convenir
qu’il était aussi scélérat qu’eux.
L ’autre est un cabaretier, q u i, autant par bêtise que par
scélératesse, s’est fait le valet des conspirateurs.
Le lendemain de son arrivée, il parut une lettre fausse
ment attribuée à un vicaire général, qui jouit d’une confiance
bien méritée auprès de monsieur l’évêque; l’exposant y était
désigné sous le nom de l’ impie Achab : elle portait en subs
tance que l’impie Achab G ertoux, directeur des contribu
tions , devait expirer par le son des cloches dans son Ut de
douleur. Ces mêmes propos avaient été tenus àTarbes, avant
son départ, par un suppôt du tribunal crim inel, agent et
complice de la coalition.
Oui, M o n s e i g n e u r j l’exposant était en effet expirant dans
un lit de douleur, entouré d’une famille éplorée et réduite
au désespoir.
Cependant le zélé de ses assassins ne se ralentit pas , et
le projet de consommer le crime fut encore suivi avec plus
de chaleur.
En effet, le son des cloches fut continué longtems, et répété
à l’infini ; son agonie fut sonnée à diverses reprises.
Au son dçs cloches vint se joindre le tintement des poêles ,
nuit et jojiir , et le bruit sourd d’une sonnette à vache cou
verte de laine en dessus.,
Pendant la n u it, des Mégères contrefaisaient la voix de
ses enfans pour troubler son repos ; elles pleuraient, pous
saient des gémisserçiens : plusieurs fois l’exposant a été la dupe
d,e ces voix et décès gémissemenis trompeurs. Il appelait alors
son'épouse : Allez \ lui ¿lisait-il, consoler tel enfant qui pleure.
�2
SS
(90
et qui gémit; dites-lui que je. suis, mieux, et que ses pleurs
m’affligent. Elle exécutait mes ordres. Nos enfans , me disaitelle à son retour, dorment tranquillement ; reposez - vous,
Gertoux, vous en avez besoin.
.j:‘
.
Le meurtre de l’exposant a été prêclié publiquement par
un prêtre pendant deux jours , par intervalle. « Il faut, disait
ce scélérat en pleine rue , et à haute v o ix , aller égorger 1 impie
Achab-Gertoux dans son lit, et puisque le son des .cloches
est impuissant, peuple de Campan , levez-vous , suivez-moi ;
je suis à votre tête : qu’il meure ! Offrons à Dieu cette victime
en holocauste ; ce sacrifice lui sera infiniment agréable. "Vous
savez tous que cet-impie a acquis le presbytère consacré à
l’habitation des ministres du Seigneur. » , ()1.,, . , ;
«
- Les deux voisins latéraux répondaient ep.tchorus} :yIl faut
l’aller fusiller clans le presbytère.
En effet, quelque tems après la seconde, exhortation, le
frère de ce prêtre sortit armé d’un fusil pour consommer le
crime ; il en fut empêché par.un de ses voisins, qui l’entraîna
de force chez lui.:
}
Les menaces, les provocations à l’assassinat de l’exposant
ont été réitérées mille fois la nuit et le jour pendant qu’il a
séjourné à Campan. On tenta même .une nuit d’escalader les
murs pour l’exécuter. Ce projet échoua, et l’assassin qui grim
pait tomba à la renverse. A toutes ces horreurs vinrent encore
se joindre, pendant deux nuits, le roulement continuel de deux
voitures à quatre roues , dont l’une appartenait au fils du cidevant seigneur de Laloubère, et l’autre à un gén^ral de,bri
gade en séjour à Bagnères.
.
(
Les maîtres étaient quelquefois dans ces voitures ; toujours
elles étaient accompagnées d’un cortège de domestiques>oude
a
�/
C IO )
personnes soudoyées*, qui avaient reçu l’ordre de joindre de9
cris d’alarmes et de terreur au bruit du roulement. Ces cris
et ces hurlemens affreux étaient répétés à chaque instant et
venaient frapper ses oreilles. .
Une de ces nuits affreuses, ils annoncèrent qu’ils allaient
faire guillotiner l’exposant dans son lit , ainsi que ses voisins,
par Rousseau, piémontais, domestique du sieur Labouliniére.
Cette menace n’eut pas de suite: à son égard. On alla seule
ment chez les autres, qui jouèrent le rôle de gens effrayés par
l’appareil du supplice et par la présence du bourreau, et qui
en conséquence poussèrent des cris plaintifs et lamentables
pendant une grande partie de la nuit. ,
L’audace effrénée des conjurés s’est portée au point de faire
figurer à diverses reprises dans ces scènes d’horreur, le prési
dent du tribunal criminel, le procureur général impérial, le
préfet, le secrétaire général, le capitaine de la gendarmerie,
son lieutenant, et partie d’une brigade.
L’escouade <1« la gendarmerie se disait chargée d’cxécuter
des mandats d’arrêt et d’amener, supposés contre l’exposant
et ses voisins; lecture de ces mandats était faite publiquement
et à haute voix.
Ce moyen de terreur a été mis en usage plusieurs fois. Dans
certaines circonstances on affectait le mystère ; mais on avait
toujours grand soin d’instruire l’exposant de ces démarches
mystérieuses, par des propos tenus sur la rue et à portée d’être
entendus par lui.
Un des voisins ( l ’avocat) avait invité un jour, en s o u f f l a n t
dans son cornet magnétiquo, l’exposant à prendre le c h o c o l a t ;
il l’invita un autre jour, de la même manière, à aller diner
chez lfii.
�jn
( II)
' 'On sent d'avance que cèi invitations ridicules ne furent pas
acceptées. Le lendemain du dernier refus, cetavocat criait à tue
tète, toujours en soufflant dans son cornet magnétique :tuas été
bien heureux de ne pas avoir accepté ni le chocolat ni le diner,
parce que mon projet était de t’empoisonner.;.; tout était pré
paré pour cela, mais ce qui est différé n’est pas perdu. 11 ajouta
encore que l ’exposant avait été réellement empoisonné en bu
vant du vin qu’il avait fait prendre chez un cabaretier nom\né
Labaille Bourgeac, dont la probité est généralement reconnue.
* Tel fut à Campan le résultat des opérations combinées de»
conspirateurs et de leurs agens.
.» , j
L’exposant ne trouvant point dei'epos, même dans le sein
de sa famille, partit pour Tarbes le f 5 mai. M»
’
•*
11 ne fut pas plus ménagé en route. A l’issue de Campanj
il s’aperçut que le cliqueiement des fers de sa jument articu
lait des sons imitant la parole.
>fn
Arrivé à Arcizac-Adour, l’articulation changea tout à coup
lorsque l’exposant passa devant la dernière maison de ce vil*
lage, qui est située à la droite de la grande route.
•< i;
On assure que les nommés Fricôsse, cordonnier, et Touton
Figarol, avôué, tous les deux habitans de Tarbes, étaient
postés à guet-apens dans cette maison, pour attendre l’expo
sant <xson pàssage.
,
...»,«••
■j■'A Momeres, autre village qui se trouve encore sut la grande
route, l’articulation du cliquetement des-fers de la juttientj
produisit encore des sons différens. ■ i,
•(.
Sans doute un autre guet - apens était aposté dans ce village.
Pendant toute la route, l’exposant fut escorté en outre depuis
Bagnères jusqu’à Laloubère, par deux voix qüii se faisaient
.entendre^à une certaine distance, et qui imitaient ceiloi des
�viC
C 12 )
sieurs Labouliniére, secrétaire général de la préfecture, et de
Dumont, maire de Ganipan.
Ils se disaient armés l’un et l’autre de pistolets, et le mena
çaient à chaque instant de le tuer, s’il allait à Tarbes.
Il était nuit lorsque l’exposant arriva à Laloubére; son
gendre et sa fille voulurent le retenir absolument; il résisla à
leurs instances pour leur épargner les horreurs et les désagré«
mens de la persécution.
Rendu à Tarbes, il heurta à la porte d’une auberge où sa
famille va loger. La crainte de déplaire aux chefs de la cons
piration, et celle de devenir l’objet de leur haine et de leur
vengeance, lui en ht refuser l’entrée.
11 fut reçu dans une af{tre où il se croyait en sûreté, quoi
qu’elle lui eût été indiquée par les voies du cornet magnétique.
Mais à peine sut-on qu’il y était logé, que tout changea deface dans cette auberge, la plus paisible de Tarbes.
Les domestiques, ainsi qui: les maçons et les couvreurs qui
travaillaient aux r é p a r a t i o n s il« la m a i s o n , furent achetés et
corrompus; ils.se dévouèrent entièrement aux assassins.
Par l’effet de cette corruption, les procédés les plus atroces
ont etc substitués aux attentions 11 aux égards dus à un voya
geur, surtout lorsqu’il est connu sous ue bons rapports, et
honoiéde la confiance du gouvernement. .
' Les criailleries orduriéres d’usage, recommencèrent le soir
jnème.de; son arrivée.
Des fumigations d’assa-fœtida brûlé avec de l’arsenic, lui
fureût prodiguée* av^c profusion.
Le lendemain do son arrivée, les ouvriers et les manœuvres
transportèrent les ¿oliaffaiiduges. Ilsbaricadiîrent la seule croisée
qui éclairait sacliambrc, et l'empêchèrent ainsi de respirer l’air.
^
�Sz
( *5 )
Us lui jetèrent à plusieurs reprises le mortereau des décombres
sur la figure, et par le tuyau de la cheminée, des paquets de sels
ou d’arsenic. Un jour ils lui adressèrent par la même voie, une
terrine qui se brisa en éclats; elle était remplie d’une compo
sition dont l’exposant ne connut ni les ingrédiens, ni par con
séquent les effets; cependant, et par une précaution dictée par
la prudence, il couvrit cette matière des cendres qui se trou
vèrent très à propos dans 1atre, afin de faire absorber ce quelle
pouvait contenir de pestilentiel.
Enfin, ces ouvriers étaient tellement voués aux manœuvres
de ses ennemis, qu’ils firent brûler sur un réchaud de l’assafœtida et de l’arsenic, dans la partie du grenier qui corres
pondait directement à sa chambre.^
Les domestiques se permirent, une seule fois cependant,
d’imbiber de sel une caraffe d’eau bonne à boire qui lui était
destinée, mais il la fit changer.
Les voyageurs logés à cette auberge en déguerpirent dans
la nuit. Un négociant de Pau qui était du nombre et qui
n’ignorait pas que l’exposant était depuis longtems l’objet
d’une persécution horrible , lui souhaita le bonsoir, et lui
a d r e s s a ces mots latins : « A l assueùs non fit passio. Quant à
moi ajouta-t-il, je ne veux pas mourir dans cette auberge,
et je vais chercher le repos dans une autre. »
Les hurlemens , les cris d’alarmes, d’effroi, de terreur; les
imprécations, les apostrophes outrageantes, les menaces d’as
sassinat, les propos les plus impies , furent vomis nuit et jour
sans une minute d’interruption, dans les airs, par les cornet9
magnétiques qui s’étaient multipliés. Le ciel et la terre en
furent infectés.
(
,
Eniin, le délire des conspirateurs a été à son com ble, lorg-
*
�>0
4
04)
qu’ils on t, avec une audace effrénée, violé le secret d« la
correspondance qui a eu lieu entre son Exc. le ministre-des
finances et l’exposant.
Il est connu à Tarbes qu’une lettre de satisfaction que ce
ministre lui avait écrite a été lue dans les sociétés. . . .
Qu’une autre lettre écrite par l’exposant à son Ex., rela
tivement à la suppression de deux places de contrôleur dans
cette direction, pour les réunir à celle du département des
Landes, a été lue dans les cercles, où elle a subi la censure et
les traits piquàns de la dérision , quoique la minute de cette
lettre n’ait jamais été remise dans les bureaux, et que l’ex
posant l’ait toujours gardée sous la clé.........
Qu’un tableau, dressé d’après les ordres du ministre sur les
services, la moralité et les talens des employés de la direction ,
a été pareillement livré à la curiosité de plusieurs personnes ,
au point que les notes particulières à chacun de ces employés
ont été répétées littéralement et mot pour mo! , même à l’ex
posant.
Qu’une lettre d’amitié écrite par l’exposant à son collègue,
M. Menessier, directeur des contributions directes du dépar
tement de la Moselle, a couru les rues, et qu’il en a été extrait
plusieurs copies, quoiqu’il n’y eût pas de minute, et quelle
eût été cachetée et remise par l'exposant lui-mème au chef
de ses bureaux.
Toutes les lettres et paquets qui partaient des bureaux de
la direction, étaient cependant portés à la poste par M. Clayerie, dernier commis , beau-frère du directeur de ce dépôt
sacré.
L’objet de toutes ses manœuvres était de confirmer l’opinion
déjà préparée sur l’aliénation de l’esprit de l’exposant, et d’y
�( *5 )
chercher des preuves par des commentaires, afin d’envahir
par provision sa place, en supposant qu’il ne succombât pas
sous les coups qu’on lui portait : ce qu i, cependant, paraissait
infaillible aux conjurés, d’après le succès qu’ils avaient déjà
obtenu par les procédés de leur physique expérimentale.
Les autorités locales ont toujours, été froides et muettes sur
tant d’horreurs commises .publiquement contre un agent du
Gouvernement; et malgré qu’il ait hautement invoqué leur
intervention, il n’a trouvé aucun appui ni dans l’autorité ni
dans les talens. Aucun avocat n’a voulu se charger de sa défence, tant est puissant dans cette ville, chef lieu du départe
ment, le crédit des conspirateurs!
L’exposant désespérant de résister plus longtems à des at
taques si violentes, si multipliées et si soutenues; assuré de ne
pouvoir survivre à une persécution si atroce, chercha son
salut dans la fuite. Il est venu réclamer à la source de l’au
torité la justice qu’il n’a pas trouvée dans une ville ingrate qui
lui devait cependant quelque sentiment de reconnaissance.
Ces assassins , qui avaient prévu qu’il ne lui restait d’autre
ressource pour se dérober à leurs coups, qui voulaient
d’ailleurs ensevelir leurs crimes dans l’oinbre et en assurer
par là l’impunité, firent tous leurs efforts et employèrent tout
leur crédit pour empêcher son départ.
Par leurs menées, toute voiture suspendue lui fut interdite.
Leur victime échappa cependant en partant le 22 mai dernier
pour Pau,sur une brouette qu’il trouva pour dernière ressource.
11 espérait voyager tranquillement, autant néanmoins qu’on
le peut dans les ténèbres et sur une brouette............
Mais à peine fut-il arrivé sur la côte de Gers, qu’il entendit
le trépignement des pieds de chevaux et le hurlement de#
�i<sl
C ’6 )
cornets magnétiques qui l’avaient assourdi à Tavbes, à I.aloubére et à Campan.
Il crut entendre les vibrations des cloclies d’Y bos, dépar
tement des Hautes-Pyrénées, ou des sons qui les imitaient,
et qui paraissaient répéter les mêmes indécences que celles
de Tarbes.
La persécution ne se renferma pas dans les limites du dé
partement des Hautes-Pyrénées.
L’exposant arriva à Pau le a 5 mai, à cinq heures du matin ;
il descendit à l’auberge des Trois-Cnntons, où le même ac
cueil qu’il avait reçu à Tarbes lui était préparé , par les soins
d’une dame native du département des Hautes - Pyrénées,
sœur d’un des coalisés.
A son déjeuner, une bouteille de vinaigre fut adroitement
substituée , par l’instigation de cette dame , h celle que l’au
bergiste lui avait fait porter dans sa chambre.
Deux charognes furent placées dans la rue, vis-à-vis scs
croisées, pour mùphytiser l’air , et les fumigations iX’assafœtida ne cessèrent d’empoisonner ce quartier de la ville :
les vapeurs en étaient si fortes et si insupportables, qu’une
dame ( la ci-devant comtesse d’Abidos) s’en trouva tellement
indisposée, qu’elle fut obligée de se mettre au lit; enfin, s’y
trouvant comme étouffée par leur effet, elle quitta son ap
partement et en prit un à l’extrémité opposée.
Un rouet de bois de nouvelle invention, et dont le mou
vement fait à peu prés le bruit d’un tourne-broche, fut placé
dans la chambre voisine de celle de l’exposant : ce rouet était
en jeu nuit et jour; les criailleries nocturnes furent à peu
près de la même force, dans le même genre, et aussi dis-,
continues qu’à Tarbes.
�t
(
*7 )
Cependant les domestiques du fils du 'ci-devant seigneur
de Laloubére s’étaient rendus à P a u , e t, réunis à ceux de
la dame dont il a été parlé, ils faisaient un bruit affreux
dans le quartier, excitaient les ouvriers en bois à faire tra
vailler leurs scies, à frapper de grands coups dans leurs ate
liers ; et sous le prétexte que l’un de ces domestiques était
logé à la même auberge que l’exposant, ils montaient dans
une partie du grenier abandonnée aux chauves-souris , audessus de la chambre occupée par l’exposant, et y faisaient
un sabat affreux.
Lui étant impossible de résister plus longtems à ce tumulte,
et de supporter l’air fétide et empoisonné dont il était im
prégné et étouffé , il se réfugia dans une antichambre.
A Pau parut aussi nuitamment sur la scène la prétendue
gendarmerie du département des Hautes-Pyrénées, ayant à
sa téie le capitaine et le fils du ci-devant seigneur de Laloubére, et dans cette scène figura pour la première fois le pré
tendu chef d’escadron de la gendarmerie, qui parut semoncer
vivement le capitaine , le fit mettre en prison, par forme de
police militaire , et lui donna pcmr camarade le fils du cidevant seigneur de Laloubére.
Les vibrations des cloches allaient aussi leur train ; elles
avaient été empoisonnées comme celles de Tarbes.
La réputation de la prétendue folie de l’exposant fut so
lennellement proclamée dans cette ville ; les voyageurs et les
conducteurs des voitures publiques furent chargés de la ré
pandre, et de la faire précéder sur tous les lieux de son
passage : les agens doucette coalition infernale ne négligèrent
rien dans cet objet.
On pense bien qu’après avoir essuyé de pareils traitemens,
3
�t
( *8)
l’exposant fut très-pressé de partir : dans cet objet, il quitta,
le q5 mai au matin, l’auberge des Trois-Cantons, et alla
attendre le conducteur de la diligence de Bayonne il l’auberge
de Marescaut. Il arrêta une place pour le jour même , et remit
douze francs à un agent du conducteur : ainsi sa place lui
était assurée, lorsque l'instant d’après cet agent, intimidé ou
gagné par ceux de ladite dame ot des chefs de la conspira
tion, lui rendit 1rs douze francs, en lui disant qu’il n'y avait
pas de place pour lui.
L’exposant ne s’en tint pas à ce refus -, il pria le S. Marescaut
d’aller lui-même arrêter une place au bureau de la diligence.
- Il piofita de cet intervalle pour aller solliciter auprès de
monsieur le préfet un passe-port, que les circonstances dif
ficiles dans lesquelles il s’était trouvé à Tarbes, au moment
de sou départ, l’avaient empêché de prendre. 11 attendit tréslongtems inutilement l'audience, et à ce propos il n'est pas
indifférent d'observer qu’en l’absence de monsieur le préfet
il essuya quelques lnsnt< noes <le 1«
cl’un commis , qui
prit sur lui de jouer le rôle de secrétaire-général.
Tous ces mauvais procédés étaient l’effet de l’intrigue de
ladite lime et des coalisés.
Cependant la diligence était partie, et l’exposant restait à
l ’auberge, si le sieur Marescaut ne lui eut fourni un cabrio
let et deux chevaux pour la joindre.
Les cornets hmléient de plus fuit
son départ ; des sons
lugubres et sinistres se lépandirent de toutes parts d:ins les
airs, et le clocher de l’ancien couvent de Lescar paraissait en
être l’autre ou l’écho.
A demi-lieue à peu prés de I.cscar, il se forma un orage
qui s’annoncait de la manière la plus tenible ; l’exposant en
�5 s>$
( ‘9 )
fut effrayé, mais la colonne de l’air formée en trombe passa
rapidement à. côté de la voiture, sans que l’exposant, le pos
tillon ni les chevaux en fussent incommodés. Ainsi l’exposant
continua sa route avec confiance, sous la protection du c ie l,
qui l’a visiblement sauvé ensuite des dangers dont il a été
environné.
L’exposant joignit la diligence vers les trois heures du soir.
Aucun événement remarquable ne s’est passé sur sa route
jusqu’à Bordeaux.
Il observe seulement que dans les auberges où il s’arrêtait
il était regardé comme fo u , traité de même, et surtout ran
çonné ; car les émissaires de la coalition avaient prévenu
les aubergistes et leurs domestiques, qu’une de ses manies était
de prodiguer l’argent, et que telle exhorbitante que fût la de
mande qu’on lui ferait, il paierait sans ricaner.
Il arriva à Bordeaux le 3 1 mai ; il descendit à l’auberge qui
a pour enseigne Yhôtel de Richelieu, tenue par le sieur Daget :
après avoir retiré des bureaux de la direction sa valise, il
monta dans sa cliambre. Il se disposait à se jeter sur le lit pour
reposer quelques instans -, mais il avait à peine ôté ses souliers,
qu’il entendit dans la chambre voisine le bruit du rouet dont
on s’était servi à Pau, pour fatiguer le tympan de ses oreilles;
il aperçut, d’ailleurs, les préparatifs de la musique enragée
qui l’avait tourmenté à. Tarbes pendant quinze jours, sans une
minute d’interruption.
L’exposant ne fut pas surpris de ces dispositions, lorsqu’il
reconnut dans la cour de l’auberge deux personnes qui avaient
précédé son arrivée, l’un est le fils d’un médecin de Tarbes ,
chef de la persécution, et l’autre un agent des plus zélés et
des plus actifs.
�/
( 20 )
Ils avaient déjà signalé l’exposant coftime Fou : bien plus,
ils s'étaient annoncés comme des parens qui étaient venus à
Bordeaux, pour l’empêcher, dans l’intérêt de Sa famille, de
continuer sa route vers Paris.
L’exposant ne trouvant ni sûreté ni repos dans cette au'berge, alla loger aux Chartrons, chez une dame qui tient
hôtel garni et qui donne à manger.
Elle lui donna un domestique pour aller rùtirèr sa valise de
l’auberge de Richelieu ; il la reprit en effet dans la chambre
qui lui avait été destinée, en chargea ce domestique, et remit
à un homme d’un certain âge la clef de la chambre.
Il sortit de cette auberge avec ce domestique qui portait la
valise sur le cou.
Mais à peine eut-il fait quinze ou vingt pas sur la ruer
qu’il s’aperçut que le domestique ne le suivait pas. Revenu
à l’auberge, il voit sa valise jetée à terre dans la cour, envi
ronnée d’ un cercle de jeunes gens parmi lesquels il reconnut
les deux ngens et comptines île la coalition; ils étaient sans
doute à délibérer s’ils l eventreraient; car ils savaient qu’elle
contenait une somme de cinq mille quelques cents livres ; ce
qui a été constaté par le Magistrat de sûreté.
Le domestique, effrayé, se tenait à quelque distance, il
eut toutes les peines du monde à articuler que la valise lui
avait été enlevée avec violence et de vive force sur la rue, à
dix ou douze pas de l’auberge, par deux jeunes g e n s à lui
inconnus.
L’exposant se présente pour réclamer sa yalise ; elle lui est
refusée net, et il est taxé de fou.
lia recours à l’autorité du maire;un domestique lui répond
Irusqucmcnt qu’il n’est pas viaible, parce qu’il est malade.
�$7
S
( 21 )
Enfin, il porte plainte devant le Magistrat de sûreté,
Lafourcade, de ce vol public, de cette ^violation de la foi
publique , et de cet attentat porté à la sûreté des voyageurs ;
le magibtiat ordonne vcrbalenicnt que la valise sera portée
dans ses bureaux; l’énumération des espèces qu’elle contient
est faite en sa présence ; le montant se trouve conforme au
bordereau que l’exposant lui en avait remis ; et celui-ci, après
avoir essuj é quelques insolences de la part de l’aubergiste , et
notamment la qualification de fou qui lui avait été com
mandée, est réintégré dans la possession de son argent et de
ses effets.
Le Magistrat fait mine de dresser, sur papier libre, un
procès-verbal : il propose à l’exposant de le signer , celui-ci s’y,
refuse, le prie de donner suite à la plainte , et de poursuivre,
par les voies légales, les auteurs, fauteurs, corrées et com
plices du vol public de sa valise. 11 se réserve expressément
toutes les actions civiles et criminelles résultantes de ce crime;
le mémoire en plainte reste déposé dans les bureaux de ce
Magistrat.
Ce fâcheux contre-tems a retenu l’exposant à Bordeaux pen
dant quatre jours.
Le 3 juin, il arrête une place dans la diligence qui con
duit de Bordeaux à Paris, pour le départ du quatre.
Sa valise , contenant à peu près les mêmes espèces, est re
mise dans les bureaux de la direction. Dans l’intervalle du 3
au 4 , le conducteur est acheté et corrompu; la diligence s’ar
rête un instant à Chouvenceau; l’exposant et les autres voya
geurs descendent pour se raffraichir dans des auberges diffé
rentes; il est le seul oublié, malgié que la diligence ait passé
à côté de lui, et que le conducteur et les autres voyageurs
'
�m
I
\
( aa )
l’aient aperçu; elle allait avec la rapidité de l’éclair; l’expo
sant la suivit quelque tems à pied; mais fatigué, et désespé
rant de l’atteindre, il revint à Chouvenceau ; il loua un cheval
que l'autorité du maire lui fit trouver, et partit dans la nuit à
travers les forêts pour rejoindre la diligence à Barbesieux :
vain espoir ! elle était déjà partie.
L’exposant arriva à Barbesieux vers minuit; il descendit à
l’aiiberge qui a pour enseigne la Boule-d'Or, chez LegandAubert. C’est à celle-là que s’arrête la diligence.
Le perfide conducteur de celle qui était partie le 4 juin,
fidèle aux engagemens qu’il avait contractés à Bordeaux avec
les agens de la conspiration , avait disposé les esprits à le
recevoir comme un fou prodigue de son argent.
D ’après cet avis, on avait préparé une fête , et un repas à
dix ou douze couverts, dont il devait être l’Amphytriotv, mais
désespérant de le voir arriver ce soir là , vu l’heure avancée de
la nuit, les convives s’étaient mis à table.
1 L ’exposant entra su.r la c l e b a c l e d u festin 5 il les trouva
d’une gaîté bruyante qui redoubla à son arrivée. Cette humeur
joviale changea tout à coup lorsqu’il demanda à manger
seul.
Pendant son souper ils s’amusèrent à le faire agacer et pro
voquer à diverses reprises.
Las de tant d’impertinence, l’exposant y répondit assez,
vertement, et répliqua par quelques épigrammes aux injures
grossières qui lui étaient prodiguées, et aux épithètes de fou
et d’insensé dont on le régalait
On lui demande le paiement de son souper et de celui de
l’homme qui l’avait accompagné. 11 paie sans difficulté, et
s’apercevant que l’aubergiste lui rendait trop sur l’échange
�( *5 )
d’un écu de six livres, il l’engagea à recompterellfe reprit en
effet quelque argent, clans le double et clans l’agitation.
Lesinjuieset les provocations recommencèrent de plus belle;
l ’exposant ne les souffrit pascpaliomment.
>
Ici, M o n s e i g n n u h , commence une scène d’horreur faite pour
exciter l’indignation de toutes les ames sensibles.
A une heure après minuit l’exposant est chassé avec violence
d’une auberge accréditée, qui doit être l’asile sacré des voya
geurs. La femme de l’aubergiste renforcée du valet d’écurie,
et de trois ou quatre personnes, le poussent rudement vers la
rue et lui ferment la porte de l’auberge.
11 s’assied sur un banc placé sous des arbres en face de l’au
berge. 11 implore à haute voix le secours du peuple de Barbezicux; il se nomme. Tout est muet. Les échos seuls lui répon
dent dans le silence de la nuit. Il craint d’être assassiné.... Mille
idées, les unes plus lugubres que les autres, viennent l’agiter....
C’est dans des transes mortelles qu’il passe une grosse heure
à déplorer son malheureux sort.
Enfin, le froid et l’humidité lui rendent le sentiment de son
existence; il va chercher un asile. Il parcourt toute la ville,
mais inutilement.
A deux heures du matin un gendarme se présente à lui, lui
reproche ses promenades nocturnes et lui ordonne d’aller
rendre compte de sa conduite au commandant de la gendar
merie.
Il résiste à cet ordre. Je n’ai aucun compte, dit-il, h rendre à
votre commandant; conduisez-moi elle? les magistrats; j’obéirai
à la loi.— Où sont vos papiers? — Je n’en ai pas. — Votre passe
port 7 — Je voyage sous le passe-port de l’opinion publique.
La résistance de l’exposant irrite le gendarme ; il appelle
�( 24 )
six paysans apostés, vêtus de surtouts de toile écrue ; alors il
lui réitère cet ordre : l’exposant y résiste avec plus d’intré
pidité. Le gendarme lui enlève de force sa canne, aux grands
applaudissemens de son escorte, qui le nomme M. Fayeux.
Le commandant se présente, et l’exposant croit ne pas se
tromper en avançant qu’il était du nombre de ceux qui
l’avaient maltraité à l’auberge de la Boule-d’ Or.
Le commandant, qui était en habit bourgeois, ordonne
de conduire l’exposant en prison. Celui-ci calcula le nombre
des assaillans ; ils étaient huit : il vit bien que la supériorité
du nombre était un obstacle invincible à la défense de sa
liberté individuelle, et que toute résistance à l ’oppression était
inutile et même dangereuse.
Ainsi l’exposant fut traîné dans une tour du château des
anciens comtes de Barbezieux. La porte du cachot s’ouvre
pour l’engloutir. Quel spectacle hideux frappe sa vue ! cinq
spectres pâles et défigurés, gissant sur des châlits, le font
reculer d ’h o r r e u r .............. une o d e u r f é t i d e e t i n f e c t e empoi
sonne cet asile de l’infortune.......... N’importe, la porte du
cachot se referme sur lu i..........
Un de ces infortunés veut lui faire place aux pieds du châlit:
il le remercie ; il craint la contagion....; enfin ,'il se couche,
transi de froid, dans un coin , sur un tas de vieilles tuiles.
L’aurore vient enfin éclairer ce tiiste. séjour : l’exposant
passe la matinée entière jusqu’à onze heures à implorer le
secours du c ie l, et la protection de la loi contre les actes
oppressifs et arbitraires auxquels il est en butte.......... Sa voix
est entendue..........
A onze heures deux gendarmes le conduisent chez mon
sieur Bourdet, magistrat de sûreté. 11 y trouve le commandant
�( *5 )
de la gendarmerie et le gendarme Fayeux : ils paraissaient
consternés. Ce magistrat l’accueille avec bonté et avec l’in
térêt que lesames justes et sensibles accordent aux opprimés.
Il dresse un procès-verbal, que l’exposant a signé. 11 invite
celui-ci à revenir à l’auberge de la Boule-cTOr, et l’assure
qu’il y sera traité avec les égards qui lui sont dus........
L’exposant n’a qu’à se louer de la bonne conduite de mon
sieur Bourdet dans cette circonstance, et de la sensibilité que ses
dames ont témoigné à son infortune.
Cependant, il obéit à la voix de la sagesse et se rend à l’au
berge de la Boule cl’or. Sa canne lui est apportée quelque teins
après par le commandant de la gendarmerie. Il le remercie. -1
Le séjour qu’il a été obligé de faire à Barbezieux, fera époque
dans l’histoire de la persécution horrible qu’il a éprouvée.
L’exposant partit de Barbezieux le 6 juin. Le conducteur de
la diligence, partie de Bordeaux le 5 , avait reçu l’ordre du
directeur des messageries de le mener en toute sûreté à Paris.
Celui-ci était déjà informé de la conduite perfide qu’avait tenue
le conducteur de celle partie le 4L’exposant est arrivé à Paris le io juin, sans malencontre.
Le tableau analytique que l’exposant a l’honneur de mettre
s o u s les yeux de votre‘Excellence, offre, M o n s e i g n e u r , le
caractère d’une atrocité soutenue avec un acharnement qui
n’a pas d’exemple.
•
Des tigres altérés de sang veulent , à quel prix que ce
soit, s’abreuver de^elui d’un ggent du Gouvernement et de
celui de trois familles entières.
Leur soif est inextinguible.
Dans leur rage , ils poursuivent leur proie de département
en département pour la dévorer.
4
'
�i'tX
06)
Ils rugissent lorsqu’elle échappe à leurs griffes meurtriéi'es.
Le nombre de leurs agens et de leurs complices se mul
tiplie en proportion des obstacles qui s’opposent à leurs projets
sanguinaires ; rien ne les arrête.
Ils se jouent de la vie et de l’honneur des citoyens.
Us foulent aux pieds les droits sacrés de l’homme et les
lois protectrices qui les ont consacrés.
La violation du dépôt des lettres n’est pour enx qu’un jeu ,
et ils en font l’objet de leur amusement et de celui de leur
société.
£—
Le secret de leur art funeste les enhardit à tous les crimes.
Us espéraient de les ensevelir avec l’exposant dans le même
tombeau; ils annonçaient hautement sa mort comme trésprochaine, par l’infaillibilité de leur atroce magie.
Leur projet ayant échoué en province et sur la route, ils
ont transporté à quarante ou cinquante lieues de Paris leur
attelier et leurs cornets infernaux.
D e là ils ne cessent du vomir dans les airs nuit et jour, et
eans l’interruption d’une minute, des imprécations contre l’ex
posant et contre les trois familles proscrites.
Leurs sons lugubres ne lui accordent, pas un moment de
relâche.
*
*
‘
Us annoncent le pillage, l’incendie, le massacre de toutesa famille ; ils répètent à chaque instafit le serinent exécrable
d’exterminer toute la race des Gertoux , jusqu’aux derniers
neveux : ils boivent d’avance leur sang (fans leur coupe en
chantée , et ils en savourent déjà les délices.
Ils font tous leurs efforts pour confondre toutes ses idées,
et lui interdire même la faculté de penser.
Ces monstres épient toutes les démarches de l’exposant, et
devinent jusqu’à sa pensée la plus secrète.
S
�( a7 )
Chaque ligne, chaque mot de ce mémoire est pour eux
un objet à censure ou k dérision.
Jamais on ne montra tant d’audace dans la conception du
crime, jamais tant de constance et d’intrépidité dans l’exé
cution.
Tant de scélératesse ne peut, M o n s e i g n e u r , rester i m
punie.
C’est par la protection visible de la Providence que l’ex
posant a échappé â tant de dangers.
Elle a veillé et veille encore sur ses jours.
Peut - être, dans la profondeur de sa sagesse , l’a - 1- elle,
choisi pour être l’instrument de sa vengeance, et pour ar
racher le masque à des scélérats qui ont trop longtems souillé
impunément la terre de leurs forfaits.
Vous avez vu, M o n s e i g n e u r , que ces antropophàges ont
étendu les ramifications de leurs noirs complots dans quatre
départemens. Il est impossible à l’exposant d’en suivre les
traces, si l’autorité supérieure ne lui tend une main secourable : il est venu invoquer sa justice et son appui.
La société entière réclame la punition de ces monstres , et
un exemple terrible et effrayant pour ceux qui oseraient les
imiter. Interest reipublicœ cognosci malos.
A ces causes il vous plaise, M o n s e i g n e u r , ordonner h
M . le Procureur général impérial des Hautes-Pyrénées, de
porter plainte et faire informer contre les auteurs, instiga
teurs, fauteurs et complices des crimes commis dans ce
département, depuis environ six mois , contre l’exposant et sa
famille , leurs circonstances et dépendances.
A M. le Procureur général impérial des Basses-Pyrénées,
de porter plainte et faire informer pareillement contre les
�(
28)
auteurs, fauteurs, instigateurs et complices des crimes commis
contre lui, à Pau, chef-lieu de ce département, les 23 , 24
et 2 5 mai dernier, leurs circonstances et dépendances.
A M. le Procureur général impérial du département de la
Gironde, de porter également plainte et faire informer contre
les auteurs, fauteurs, instigateurs ei complices des crimes
commis à Bordeaux contre l’exposant, depuis et compris le
3 1 mai dernier, jusqu’au 3 juin inclusivement, notamment
à raison du vol public de sa valise, et à raison des moyens
de corruption et de séduction pratiqués envers le conducteur
de la diligence partie de Bordeaux pour Paris, le 4 juin aussi
dernier, et dont le nom doit être inscrit sur le registre de
départ de la direction des messageries.
Enfin, à M. le Procureur général impérial du département
d e la Charente, de porter plainte et faire informer contre les
auteurs, fauteurs, instigateurs et complices des crimes commis
contre l’exposant, à Barbesieux, chef-lieu d’arrondissement,
les 5 et 6 juin dernier.
Ordonner en outre que les procédures faites à Pau,
Bordeaux et Barbesieux, seront envoyées à M. le Procureur
général impérial des Hautes Pyrénées , à Tarbes, foyer de la
c o n s p i r a t i o n -, pour être jointes à la procédure principale, et
être jugées par un seul jugement.
L'exposant vous prie, M onseigneur , d’agréer l'hommage
de son profond respect.
B. GERTOUX.
�sas
P. S. Ce matin 10 juillet, à mon réveil, ils m’apprennent que
le rouet dont j’entends le bruit est une machine fantastique ,
et qu’au moyen de leurs cornets enchantes , ils transmettent
intérieurement à leurs victimes toutes especes de sons, les
changent et les cadencent à volonté. Ils vomissent dans les
airs des imprécations horribles , impies et exécrables. Leur
puissance s’étend partout ; elle est au dessus de celle de Dieu
et des hommes. Ils disent qu’ils sont à Tours ou à Orléans,
et puis à Orléans ou à T ours, pour troubler mes idées.
Les physiciens seuls peuvent expliquer des phénomènes
aussi étranges , aussi immoraux, aussi meurtriers , et aussi
destructeurs de l’ordre social.
_<
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Gertoux, Brice. An 6?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gertoux
Subject
The topic of the resource
persécution contre fonctionnaires publics
fonctionnaires
rumeurs
harcèlement
menaces de mort
démence
auberges
Description
An account of the resource
Titre complet : A son Excellence Monseigneur le Grand-Jude, ministre de la Justice, grand Officier de la légion d'Honneur.
Table Godemel : Folie : - pétition au grand juge, annonçant tous les caractères de la folie de la part du rédacteur. il se plaint d’un système de persécution organisé dans le département des hautes Pyrénées, contre les fonctionnaires publics, dans un but contraire au gouvernement ; en cherchant, principalement, par des moyens occultes, à désorganiser les têtes et à faire tomber dans un état de folie les personnes dont on veut se débarrasser.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 6
An 6
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1722
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Tarbes (65440)
Miélan (32252)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53325/BCU_Factums_G1722.jpg
auberges
démence
fonctionnaires
harcèlement
menaces de mort
Persécution contre fonctionnaires publics
rumeurs