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Text
AU ROI
• j
EN SON, CONSEIL D’ÉTAT.
fI
REQUÊTE «
pou n
la Gazette de
Le sieur D E G E N O U D E , directeur de
demandeur en annulation d’un arrêté de M. le
Préfet de Seine-et-Marne, du 2 juin 1 8 3 2 , qui le déclare
démissionnaire du titre de Conseiller municipal de la com
mune de Cucharmoy.
France,
1— noo*»»
S IRE,
L e sieur
de Genoude, propriétaire dans la commune de Cuchar-
moy, arrondissement de P ro vin s, ayant été officiellement informé
(1 ) Cette simple requête , rédigée sans appret, fut déposée, suivant l’usage,
au greffe du Conseil d’État, avec l'arrêté dont M. de Genoude poursuivait l’an
nulation. Elle n’était point destinée à la publicité; mais les commentaires aux
quels elle a donné lieu par suite du réquisitoire de M. le maître des requêtes,
faisant fonctions de ministère public, et les conseils d’hommes graves, ont dé
terminé l’avocat inculpé à la faire connaître textuellement. Le seul but qu'on
I
�(2)
que les électeurs m unicipaux, dans celte commune, l ’avaient ap
p elé, par des suffrages presque unanimes, à faire partie du Conseil
m u n icipal, nommé en exécution de la loi du 2 1 mars dernier, s’em
pressa de déclarer qu’il acc ptait avec satisfaction le témoignage
d’estime qu’on venait de lui conférer.
Un serment fut demandé au nouvel é lu , qui ne put venir le prêter
en personne, (ita-iL détenu en vertu d’uue condamnation pour délit
de la presse. Il prit donc le pa» ti de satisfaire à la formalité exigée,
au moyen d’ une lettre missive dans laquelle, après la formule usitée,
se trouve l’explication su ivm te:
« Bien entendu que ce serment signifie seulement pour moi que ,
» nommé par la commune, je dois exercer les fonctions de conseil» 1er munit ¡pal dans la seule vue de ¡’intérêt d s liabitans, et qu’ un
» pareil serment n’entraîn? avec lui aucune idée de sujétion au chef
» actuel du gouvernement. »
N ° I. Cette explication pourtant si simple sur la nature des dcivoirs que le situr de Genoude allait être appe é à remplir, causa
[de l’ombrage à l’administration. L e nouvel élu en fut informé, mais
lue se crut obligé a auc ne rétractation.
[
Un intervalle s’écoula dans celte position, et le sieur de Genoudo
ne fut pas peu étonné d’apprendre qu’uu arrêté de la préfecture
de Seine-et-jNJarne le déclarait démissionnaire, « v u , est-il dit,
» l’insuffisance du serinent prêté, et faute par lui d’avoir réparé le
» vice qui rendait ce serment inadmissible. »
C’est contre cet arrêté que l ’Exposant vient se pourvoir devant le
se propose par là est «le prévenir, de la part des magistrats ou des membres
du barreau, les fausses inductions qu’if est permis de craindre au sujet' d’un
débat de cette nature.
On a cru devoir indiquer , U l’aide de numéros, les passages incriminés par lu
ministère public. M. le garde-des-sceaux , présidant la séance , s'ést borné à
demander dus explications sur les passages 6, 8 et y seulement.
\
�W ,
(3)
Conseil de Votre M ajesté, en articu lan t, comme griefs, l'incom
pétence, l’excès de pouvoir et la fausse application de la loi du
3 i août i 83 o.
DISCUSSION.
P R E M IE R M O Y EN .
Incompétence, excès de pouvoir.
Il est admis par la doctrine, et consacré parla jurisprudence, que les
arrêtés de préfet peuvent être déférés directement au Conseil de Votre
Majesté, lorsqu’ils renferment l’ un des deux vices ci-dessus signalés
(Cormenin , Questions de droit adm inistratif, torn. I , pag. 166).
L e principe, en s o i, n'est donc pas douteux. Reste-à examiner
s’il y a lieu d’en faire l’application à la cause.
Nous voulons bien admettre que la loi du
3i
août i
83 o,
sur
l’obligation du serment imposée aux fonctionnaires publics, puisse
s’étendre aux fonctions de conseiller municipal, encore bien que cette
loi ne parle, dans son article premier, que des fonctionnaires [pu
blics dans l’ordre administratif ou judiciaire, des officiers des armées
de terre et de mer, et qu’ il semble peu naturel de faire entrer dans
la dénomination de fonctionnaires publics de l’ordre administratif
les membres élus d’ un conseil municipal. Ce qui pourrait fortifier le
doute à cet égard, c’est le silence gardé p a rla loi même du 2 1 mars
sur l’organisation municipale.
Mais cette question, que nous ne faisons qu’ indiquer sous la furme
du doute, est au moins inutile à]débattre ic i , puisqu’ il ne s’agit en
rien d’ un refus de serment proprement dit.
On reproche au sieur de Genoude de n’avoir prêle qu’un serment
restreint et conditionnel.
Quand nous en serons à la discussion du second moyen, nous ver
V,
V* '
�»
l
(4)
rons si l’on a pu raisonnablément qualifier de la sorte les explications
données par M . de Gcnoude à la suite de son serment.
Quant à présent , il suffira de dire qu’en tout cas il n’appartenait
point à M . le I^réfet, sous prétexte d’ insuffisance du serment dont il
s’agit, de déclarer démissionnaire un citoyen appelé en vertu de li
bres suffrages à faire partie d’un Conseil municipal.
Aucun texte de la lo i, à notre connaissance, ne donnait à cet ad
ministrateur le droit de rendre un pareil jugement. 11 a donc fait un
acte incompétent, et commis en même temps un excès de pouvoir.
U n argument vient à l’appui des réflexions qui précèdent, c’est
celui tiré de l’art. i de la loi m unicipale, qui veut qu’au cas où le
5
préfet estimerait que les form es et conditions légalement prescrites
n'ont pas été observées, il soit tenu de déférer le jugement de la nul
lité aux conseils de préfecture.
Le vœu de la loi se manifeste ic i, ce nous sem ble, d’ une manière
assez claire. C ’est aux conseils de préfecture, tribunaux administra
tifs, que sont dévolues, par la législation nouvelle, les questions
contenticuscs en matière d ’élections municipales.
Or, y a-t-il en cette matière question plus contentieusc de sa na
ture que celle de savoir si un conseiller m unicipal, régulièrement
nommé, pourra se voir écarté, parce qu’il aura couvepu à un fonc
tionnaire révocable, de qui celte nomination peut contrarier les vues,
de trouver, ou dans un fait; ou dans un é c r it , ou dans des paroles
prononcées par le mandataire élu, une contravention quelconque
à la lo i?
Sur ce point c’est le principe qu’ibfaut voir, et non l’espèce par
ticulière qui a été jugée.
Sans doute s’ il existait un texte de loi qui commençât par établir
qu’ un serment ne peut être suivi d’aucune réflexion, sous peint'
d’im pliquer la démission de celui qui le p rête , il ne resterait plus
qu’à examiner si c’est au préfet, au ministre ou au conseil de préfec
ture qu’il est réservé de prononcer cette démission.
�( ®)
Mais, d’ une paît, il n’existe sur ce sujet aucune disposition légis
lative; de l’au tre, on ne voit pas à l’aide de quelle induction
l’autorité préfectorale peut s’arroger le droit dont M. le Préfet
de Seinc-’et-Marne s’est emparé avec '.une confiance si peu ré
fléchie.
Lorstjue la loi du 2 1 mars sur l’organisation municipale a voulu
investir les préfets d’ un droit: aussi exorbitant que l’est celui de dé
clarer démissionnaire un conseiller municipal élu par des suffrages
réguliers,:elle n’a pas manqué de s’ en expliquer. T e l est le cas du
refus de se rendre à trois convocations consécutives sans motif légi
time ( art. 26 de la loi ).
En tre ce cas et celui sur lequel a prononcé M . le Préfet de Seine«t-M arne, la différence est grande.
E n effet, il faut le remarquer, l’art. 26 n’investit point le pré
fet du droit de juger une question douteuse; elle le charge seulement
de l’obligation de constater un fait, celui de l’absence à trois convo
cations consécutives. C ’est, à proprement parler, le conseil municipal
qui juge dans ce cas, et non le préfet, car c’est le conseil municipal
q u i, suivant qu’auront été consignés, dans ses'propres délibérations,
des motifs légitimes d’ absence ou non, aura conféré au fonctionnaire
de l’ ordre adm inistratif le pouvoir de déclarer démissionnaire.
Dans l'espèce jugée contre le sieur de Genoude, au contraire*
c’ est le fonctionnaire administratif, souvent opposé de vues et de
sentimens à des conseillers m unicipaux, dont l’élection aura pu se
faire contre son gré, qui viendra, tantôt sous un prétexte, tantôt sous
un autre, paralyser un résultat de scrutin qu’il n’aura pas été en
son pouvoir d’empêcher.
L a considération que le serment est prêté dans les mains d’un dé
légué de l’administration* est insuffisante pour amener la consé
quence que ce délégué est en droit de réputer démissionnaire qui
conque ne prêle pas-.lô serment^dans ¡la forme qui lui est imposée:
Tout ce que peut faire alors ce délégué, c’est de.refuser le mode
�(« )
de serment, dresser procès-verbal des causes de son refus, pour
la question litigieuse être résolue par qui de droit«
E n pareil cas, aller jusqu’à déclarer démissionnaire, cVst outre
passer ses pouvoirs, excéder son droit et faire un acte d’incompé
tence caractérisé.
Nous ne croyons pas inutile de rappeler en terminant que, lors du
serment prêté après les événemens de ju illet, un grand nombre de
membres des deux Chambres et des corps judiciaires se crureut eji
droit d’ user et usèrent en effet de la faculté d’expliquer leur serment,
sans qu’ on récriminât à leur égard, et encore moins sans qu’on son
geât à les déclarer démissionnaires.
Au surplus, une courte discussion sur le second moyen va nous ap
prendre si les idées exprimées par M. de Genoude à la suite du ser
ment qu’il a prêté peuvent être considérées sous le point de vue sous
lequel elles semblent l’avoir été par M. le Préfet de Seine-et-Marne.
»
D E U X IÈ M E M O Y E N .
Fausse application de la loi du 3 1 août i 83 o.
Rappelons le passage qui a si vivement ém uM . le Préfet de Seincel-Marne :
;
« Bien entendu, dit RI. de Genoude, que ce serment signifie seu» lement pour moi q u e, nommé par la commune, je dois exercer
» les fonctions de conseiller municipal dans la seule vue de l ’intérêt
h des liabitans, et qu’ un pareil serment n’çntraîne aucune idée de
» sujétion au chef actuel du gouvernement. »
; Deux idées composent le fond de celte explication.
T
M. de Genoude pense que son serment l’engage à exercer scs
fonctions dans la seule vue de l’intérêt des lnbitans ; il pense, en
outre, quo ce serment n’cnlnîno aucune idée de sujétion au c h ef
actuel du gouverneificnt.
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7)
l N° II. Gela posé, il faut que M. le Préfet de Seine-et-M arne nous
1 dise, sans tergiverser, ce qu’ il trouve d’ insuffisant dans l’explication
(donnée par M . de G enoude; car si ce qu’il appelle insuffisant était
iau contraire super/lu , sa [décision constituerait une interprétation
\ véritablement judaïque.
D ’abord , M. de Genoude place en première ligne de ses devoirs
l ’obligation d’exercer ses fo ictions dans la seule vue de l’intérêt des
liabitans. Il aurait pu se dispenser d’exprimer une idée aussi tri
viale ; niais qui pourrait voir dans une pareille disposition d’esprit
la plus petite matière à récrimination?
N ° III.Il faudrait bien plutôt souhaiter à cliaq ue conseiller municipal
d’ être animé de semblables sentimens, et l’ on pourrait se reposer
ensuite avec confiance sur les heureux résultats du système nou
vellement admis dans notre organisation municipale.
E n second lieu , M. de Genoude n’atlache à son serment aucune
Î
idée de sujétion au chef du gouvernement.
N °IV .L o in de blâmer l’expression d’ un sentiment aussi légitime en
/soi, c’est le sentiment contraire, s’ il eût été manifesté,» que M . le
Préfet de Seine-et-Marne eût dû repousser de toute son improbation.
11 n’y a pas de sujétion sans qu’ il n’y ail des sujets que la sujétion
vienne atteindre.
i Comment M. de Genoude, conseiller municipal nommé à l’unanimitéj, aurait-il pu se reg ard e r, par le fait de son serment, comme
transformé en sujet du chef de l’É la t, quand les premiers agens de
son autorité, ceux qui tiennent de lui seul leur force et leur puis
sance, ont fini par résigner une qualification dont ils n’ ont usé, au
'su rp lu s, qu’accidentellement et comme par m égarde?
A -t-o n oublié l’explosion qu’amena, dans une occasion mémora^
b le , à la Chambre des députés, la qualification de sujets, et la pro
testation si explicite dont cette qualification fut suivie ( 0 ?
(0 Le Journal des Débats, du 8 jauvier i83a, rend compte de la séauce daiu
�N° V . Si la majorité des députés de la nation ne se prononça pas
dans le même sens, il faut dire au moins que les membres du mi
les term es suivans : a A ce m ot de sujets éclate un des plus violens orages d’in
terruptions et d’exelam ations dont les sessions législatives aient jamais offert
l’ex em p le.
M M . C lerc-L asalle , M archai . , de L udre , presque toute la droite se lèveut
t*u s’écriant : Il n’y a plus de sujets en F rance depuis la révolution de juillet !
M . L adoissiÈjie : C’est une insulte à la C ham bre et à la nation !
M. C adet : Il n’y a pas de sujets ; respect àda Charte !
M M . C l e r c - L asalle et M a r c b a l : N ous ne som m es plus des sujets; c’est nous
qui avons fait le Roi !....
M . C abet : L e R oi est l e prem ier sujet de la loi.
Unefoule de voix : A l’ordre le m inistre! à l’ordre! Il faut lui apprendre
qu’il n’y a pas plus de sujets que d’excellences ! A l’ordre! Q u e le président fasse
son devoir !
M . Dupih a î n é : Il y a un roi cependant.
M . le président : C om m e je ne puis entendre l’expression dont l ’orateur s’est
servi dans un sens contraire à la C harte, je ne dois pas le rappeler à l’ordre.
M . M arciial : N ous protestons avec toute l’énergie dont nous som m es ¡suscep
t i b l e s contre c e lte dénom ination de sujets.
M. T hierry - P oux : A llez en Espagne chercher des sujets pour un roi
absolu.
M . C aï)Et : Il n’y a pas d e sujets! il n’y a q u e des citoyens!
M . d ’II eramb Ault : E ncore si cela échappait à l’im provisation !
V o ix de la droite : On a pu em ployer ce m o t à la cour dans un] com plim en t
de bonne année; mais ici le term e est déplacé !
M . IliMBEUT-SÉvm : Laissez d on c le m inistre s’expliquer.
M . D emarçat : C’est un m o t h rétracter et non à expliquer.
M . C abet : A l’ordreI à l’ord re!
,MM. T houvenel et G lais -B izoin : Mais laissez donc l’oratcur s'expliquer.
MM. Juhyen et B eausejoüb : Nous ne voulons pas être sujets.
1
M . C le » c- L asaixe : R appelez donc l’oratcur à l’o r d r e , M . le président !
Membres de la gauche : L e ministre n'achèvera pas son discours s’il ne se
rétracte. (T u m u lte toujours croissant, et qui se fait entendre bien loin au dehors
de la salle.)
�(
9)
nistére, par la formule qu’ils ont constamment adoptée depuis au
bas de leurs actes officiels, ont consacré à tout jamais les principes
énoncés dans celte protestation.
M . d e C o r c e l l e 5 : L e peuple souverain ne peut être com posé de sujets.
M. de L udre : 11 n’y a pas plus d e sujets q u ’il n’y a de m on seign eu r, d 'ex
cellence.
M. d e C o r c e l l e s : L e m ot sujet est la plus gland e insulte q u ’on puisse faire à
la nation.
M. le P résident , après avoir agile plusieurs fois sa so u n ette, se couvre de
nouveau el dit : Puisque la discussion ne peut pas continuer, la C ham bre va se
retirer dans ses bureaux. (Agitation in exprim ab le.) A u x term es du règlem en t,
la séance va être suspendue pendant une heure.
M . de M ontalivet : T o u t dc'pend de la manière d’entendre ce mot. Tous les
Français sont égaux entre e u x ; ils sont égaux devant la loi. L e Roi plane a u dessus de toute la nation, c o m m e un grand prin cip e, et ce principe se trouve
dans la Charte. Par rapporta lu i, tous les Français sont des inférieurs ( r u
meurs nouvelles ) , e l sous ce rapport on peut dire qu’ils sont des sujels. ( N o n !
non ! non! )
M . M auguin : N ous som m es sujels de la l o i , c l non d ’aucune v o lo n té indivi
d u elle. ( O ui! oui ! ) — N o uveau tum ulte.
M . B eauséjour ( d ’une v oix éclatante) : Les sujets sont restes ensevelis sous
les barricades de juillet.
M . de M ontai!vel v e u t continuer; il est aussitôt interrom pu par des cris à
l'ordre ! partis des extrém ités.
M . L affitte : C’est une contre-révolution!
M. G irabdin : M . le m inistre a insulté la C ham bre et la na lio n ! le m o t de
sujet n’esi point dans la Charte.
V o ix nombreuses à droite et h gauche : N ous protestons contre ce mot.
M . Ci.tnc-LASAi.LE (e n sortant) : N ous nous retirons afin de protester avec
énergie contre celte qualification d e sujets. Hé bien! qu e les sujets restent. (Rires
et m urm ures dans les diverses parties de la sa lle.)
V oici le le x te de la protestation : « Les m em bres d e la C ham bre des députés
qui ont assisté av ec douleur aux deux séances des et 5 ja n v i e r i 8 3 a , dans
lesquelles les ministres du Roi ont reproduit et essayé «le justifier la double
expression de / loi de France et sujets du Roi , attestée par le Moniteur de ce
�(
10
)
N° V I. En pouvait-il être autrement, d’ailleurs, sous l’empire d’une
Charte offerte au nom du peuple souverain, et imposée, qu’on nous
passe l’expression, au chef de l’É tat, comme condition de son éléva
tion au trône ?
Le fait et le droit concourent donc ici pour écarter de tout
citoyen français jusqu’à l’idée de sujétion au trône fondé en août
ti
83 o.
M ais, dira-t-on, peut-être M . de Genoude, en restreignant son
serment à la seule vue de l’intérêt des liabitans de la com m une, et
en excluant toute idée de sujétion envers le chef du gouvernement,
ne donne-t-il pas à douter de son dévoûment à l’ordre de choses
actuellement établi?
t N° V II.N o u s répondrons qu’au lieu de scruter les sentimens intimes
ide M. de Genoude, il faut reconnaître que sur ce point il s’est ren
fe r m é dans la réserve que prescrivait le respect des convenances et
{celui qui est dû à un ordre de choses légalement recounu.
JN° V III. Mais quand bien même les paroles d eM . de Genoude im pli
queraient l’opinion que la souveraineté nationale n’ est point aliénée,
i
qu’ elle peut s’ exercer une seconde fois, comme elle l’a été une pre
mière, il n’y aurait là rien de bien contraire aux principes qui ont
présidé à la rédaction de notre nouveau droit public.
Ici nous éviterons de rappeler les débats occasionés par la teneur
jour, expressions qui ont etc rayées de notre C harte de i8 3 o , co m m e incon
ciliables av ec le principe de la souveraineté nationale, sc doivent à eux-m ûtnes
e t à leur pa y s «le protester hautem ent contre des qualifications qui tendraient
a dénaturer le nouveau droit public français. Le président n’ayant pal mis aux
v oix la suppression de ces m ots au procès-verbal, et la C ham bre n’ayant pas
v o te sur cette suppression, qui tendrait à donner un caractère légal et parle
m entaire à la présente protestation, les soussignés ont recours à la seu le voie qui
leur est ouverte, celle de la publicité, en déclarant protester en présence d e l à
F rance contre les qualifications dont ]\IM. les ministres sc sont servis et contre
toutes les conséquences qu’on en pourrait tirer ultérieu rem en t. »
�mystérieuse de l’acte vulgairement appelé Programme de l’Hôteld e-V ille ; mais nous laisserons parler un homme dont le gouverne
ment actuel ne décline assurément ni ‘tles doctrines ni le langage.
V oici comment s’exprimait M. Persil à la Chambre des députés,
lors de la discussion qui s’éleva au sujet de l’ usage à faire par le
peuple du droit de souveraineté qu’on lui reconnaissait :
'« il n’ est personne, dit M. P e rsil, qui ne condamne ce principe
» qui fait la base du préambule de la Charte de i i : « L ’autorité
» tout entière réside en France dans la personne du Roi. »
8 4
» C’est donc bien, c’est très-bien, ajoute M. P ersil, d’avoir pro-
» posé cette suppression} mais ce n’est pas assez. A mon avis, il est
» indispensable de proclamer le principe contraire et d’en faire la
» base de notre droit public : il faut dire que c'est du peuple et du
» peuple seul que part la souveraineté ; il faut le dire, surtout au
» moment où le peuple se choisit un ch ef, et délègue à une dynastie
» l ’exercice d ’une partie de cette souveraineté.
» E n conséquence, j’ai l’honneur de
proposer à la Chambre
» d’ajouter après l’article 12 , et sous le titre de la Souveraineté :
« L a souveraineté appartient à la nation; elle est inaliénable et
» imprescriptible, etc. »
Si la proposition de M. Persil ne fut pas adoptée, c’est qu’on
jugea (su r les paroles du rapporteur de la commission, INI. Dupin )
que la réserve qu’ elle exprimait était surabondante.
K ° I X . E n présence de faits aussi positifs, qui oserait regarder
comme attentatoire à la constitution d e i
83 o la
prétention de tout
Français de faire prévaloir par les voies légales l’ intérêt du peuple
et du pays sur toute autre considération? Que si, dans une pareille
prétention, on n’aperçoit rien de contraire au droit public qui nous
régit, il faut dire qu’on n’a pas pu infirmer l’cftet d’ un s e r m e n t prêté,
sous prétexte que ce serment contenait des restrictions q u i, en les
supposant existantes, ne constitueraient autre chose que la réserve
d’ un droit qualilié inaliénable et imprescriptible (M. Persil).
�( 12 )
E n G n , aucun texte de loi ne peut être invoqué à l’appui de la
décision attaquée, soit qu’on la considère sous le point de vue de
la compétence du fonctionnaire dont elle émane, soit qu’on la juge
par son mérite au fond.
11
y a donc lieu d’annuler ladite décision; évoquant, statuant au
fond, déclarer bon et valable le sermont prêté par le sieur de G enoude; ce faisant, maintenir l’Exposant membre du conseil munici
pal de la commune de G ucharm oy; subsidiairem ent, renvoyer le
jugement du débat devant le conseil de préfecture de Seine-etMarne.
Signé M A N D A R O U X -V E R T A M Y .
�CONSEIL D’ÉTAT.
SÉANCE PUBLIQUE.
P R É S ID E N C E D E M . L E G A R D E -D E S -S C E A U X .
_______ __
iJL ■
1
Extrait du Courrier de l’Europe et de la Gazette des Tribunaux .
L ’ audiloire est plus nombreux que de coutume. On y remarque
un grand nombre d’avocats.
Après le rapport de l’affaire, par M. M arcare], conseiller-d’e'tal,
M e M andaroux-Vertam y prend la parole :
Monsieur le m inistre,
Messieurs,
M . de G enou d e, appelé par les suffrages presque unanimes des
électeurs municipaux de la commune de Cucharmoy, à faire partie
du conseil municipal dans celle commune, s’ empressa de déclarer
qu’il acceptait avec satisfaction le témoignage d’estime qu’on venait
de lui accorder.
Un serment fut demandé au nouvel élu, qui ne put venir le prêter
en personne, étant pour lors détenu en vertu de condamnation pour
délit de la presse. M. de Genoude prit alors le parti de satisfaire à
la formalité qu’on exigeait de lui, au moyen d’ une lettre missive où,
après la formule usitée , se trouve l’explication suivante : « I3ien en» tendu que ce serment signifie seulement pour moi q u e, nommé
»> par la commune, je dois exercer les fonctions municipales dans la
�( «4 )
» seule vue de ‘l'intérêt des liabitans, et qu’ un pareil serment n’en» traîne avec lui aucune idée de sujétion au chef actuel du gouver» neinent. »
Cette explication sur la nature des devoirs que le sieur de Gen o u d e était appelé à rem plir, causa de l’ombrage à ¡ ’administration;
le nouvel élu en fut informé, mais ne se crut obligé à aucune rétrac
tation. Un intervalle s’écoula dans cette position, et le sieur d eG enoude ne fut pas peu étonné en apprenant qu’un arrêté de M. le
Préfet de Seine-et-Marne le déclarait tout simplement démission
naire, « v u , y est-il d it , l’insuffisance du serment prêté, et faute par
n lui d’avoir réparé le vice qui rendait ce serment inadmissible. »
Telle est, Messieurs, la décision que M . de Genoude vient dénon
cer à votre censure, en articulant comme griefs l’incom pétence,
l’ excès de pouvoir et la fausse application de la loi du
3i
août i
83 o
sur le serment.
L es arrêtés de préfecture peuvent être déférés directement au Con
seil d’Etat omisso medio, s’ils sont entachés du vice d’incompétence
ou de celui d’un excès de pouvoir. T elle est la doctrine professée par
les auteurs les plus accrédités dans les matières administratives, et
je ne sache pas qu’elle ait jamais été contredite par aucun des 1110numens de votre jurisprudence.
Si donc je parviens à établir que l’arrêté dont il s’agit est entaché
de l’ un ou l’autre de ces v ic e s, le bénéfice de votre juridiction nous
restera incontestablement acquis.
I c i, M essieurs, une première question se présente; elle soulève
des doutes assez plausibles pour qu’il me soit permis de vous en
dire un mot. E x istç -t-il, parmi les lois en vigueur sur le régime
m unicipal, un texte assez formel pour assujétir les conseillers muni
cipaux nommés par voie d’élection, à la nécessité du serment? Ce
qui fait naître le doute à ce sujet, c’est que la loi du 2 1 mars i
83 r,
véritable code de la m atière, est muette sur ce point capital. A la
vérité celle du
3i
août i
83 o ,
sur l’obligation du serment, en gé-
�( i5 )
nc'ra], est conçue dans des termes qui font supposer, il faut bien
l’avouer, que les conseillers municipaux eux-mêmes n’en sont point
dispensés. E lle porte : « Tous les fonctionnaires publics, dans
» l’ordre administratif et judiciaire, tous les officiers des armées
n de terre et de mer seront tenus, etc. »
Toutefois il est une remarque à faire :
Dans la dénomination générique d’officiers de l’armée de terre,
les officiers de la garde nationale sont assurément aussi bien compris
que puissent l’être, dans celle de fonctionnaires publics de l ’ordre
administratif, les conseillers municipaux nommés par voie d’élec
tion. E t cependant il n’a pas paru inutile d’insérer dans la loi sur
la garde nationale une disposition qui assujétit textuellement à la
condition du serment chaque officier élu de cette milice. (Art. i).)
Dira-t-on que les conseillers municipaux sont virtuellem ent com
5
pris dans la dénomination de fonctionnaires publics de l’ordre ad
ministratif? Mais voici pourtant de quelle manière s’ exprimait M. le
président Ilenrion, même sous l’empire d’une législation qui consa
crait la nomination directe de cette classe d’administrateurs : <r Les
» officiers municipaux ne sont pas les dépositaires du pouvoir royal,
n ils ne sont donc pas fonctionnaires publics, dans le sens que les
» lois attachent à ce m ot; ils ne sont que les représentans de la cité,
» que les administrateurs de ses biens, les gardiens des droits et
» des intérêts communs. » C’est probablement par l ’application du
même principe que diverses ordonnances émanées de votre sagesse
ont décidé qu’ un conseiller municipal pouvait être déféré aux tri
bunaux sans l’autorisation préalable.
Au surplus, admettons, s’ il le faut, la nécessité du serment par
rapport au conseiller municipal ; et, ce point accordé,
voyons
seule
ment si c’ était à l’autorité préfectorale qu’il appartenait de pronon
cer soit la déchéance, soit la dém ission, ou la destitution , sous le
simple prétexte d’insuffisance dans la formule du serment prêté.
On tient, en règle générale, que l’autorité préfectorale n’ exerce
�d’autre juridiction qu’ une juridiction restreinte et telle que l’auront
établi des lois spéciales, s’ il ne s’agit point de l’action administra
tive proprement dite." En effet, au pouvoir ministériel, et à ce pou
voir seul, appartient la plénitude de juridiction.
Cela posé, aucune loi, à nia connaissance du moins, n’investisfait
M. le Préfet de Seine-et-Marne du droit de statuer sur le litige ; et
d’un autre côté, la loi du 21 mars i8 3 i sur l’organisation municipale
semble le lui enlever implicitement.
E lle trace une ligne de démarcation entre l’action de l’adminis
tration et les attributions delà juridiction administrative. E t la raison
de cette sage précaution, c’est que le principe de l’élcctiou étant
adopté en matière municipale, il importait grandement de ne point
laissera l’ homme de l’adm inistration, au fonctionnaire révocable, le
pouvoir de paralyser à son gré le résultat d’ un scrutin obtenu. V oilà
pourquoi la loi du 2 1 m ars, en cela pleine de prévoyance, a intro
duit sous trois modes différons l ’intervention administrative : les
conseils de préfecture d’abord, si la matière est contentieuse; celle
du préfet en conseil de préfecture, si elle est mixte ; enfin celle du
préfet, s’il s’agit d’une simple mesure d’exécution.
A la vérité, l’art. 26 de cette loi laisse, dans un cas,au préfet, le
pouvoir de déclarer démissionnaire un conseiller municipal. Mais
quel est ce cas? C’est celui où le conseiller municipal aurait manqué à
trois convocations consécutives sans motifs légitimes. E t à qui laisset-011 le soin de constater l’absence aux trois convocations, comme
celui d’apprécier les motifs de cette absence ? C’est, bien entendu, au
conseil municipal, et au conseil municipal seul. D’où il suit qu’à p ro
prement parler, c’ est ici le conseil municipal qui juge le fond, et que,
quanta la participation laissée à l’autorité préfectorale, elle se réduit
au droit d’assurer l ’exécution d’ une décision préexistante.
L ’arrêté de floréal an 8 donnait, il est v ra i, à cette autorité le
droit de requérir le serment et celui de prononcer la destitution
en cas de refus ; mais, sous l’ empire de cette législation, c’était à l’ad—
�-
(
*7
)
ministration qu’était réservée la nomination directe des conseillers
municipaux. Alors il était naturel que du droit de nommer ces ad
ministrateurs découlât, par voie de conséquence, celui d’exiger d’eux
le serment, et, par suite, le droit de les déclarer démissionnaires ou des
tituâmes, en cas de refus. Muismujourd’ hui que le litre de conseiller
municipal s’obtient sans le concours de l’administration, malgré ses
efforts quelquefois, investir son délégué du pouvoir exorbitant d’an
nihiler une élection déjà faite, c’eût été de la part de la loi nouvelle
une véritable anomalie ou une méprise. •'
J ’ajoute d’ailleurs q u e , dans la cause propre à M. de Genoude,
il ne s’agissait point, comme dans le cas prévu par l’ article aG, d’un
simple fait à constater, mais bien d’ une décision à rendre: de sa
part il n’y avait point refus de serment, mais seulement explication
d’un serment prêté. Les termes de cette explication devaient donc
être pesés, appréciés : c’était donc un débat qui s’ouvrait, une ques
tion litigieuse qui était à résoudre : et le préfet était incompétent
pour le faire.
J e sais qu’ une loi de 17 9 1 a voulu que le serment fut prêté sans
préam bulej mais celte lo i, et beaucoup d’autres de la même date,
sont abrogées ou tombées en désuétude. E t la preuve de ce que
j’avance, c’est qu’après les événemens de juillet divers membres de
l’une et l’autre Cham bre, des membres même de l’ordre judiciaire,
ont usé du droit d’expliquer leur serment sans qu’on ait songé pour
cela à les déclarer démissionnaires.Un honorable député, en prêtant
le sien, a d it, en termes positifs : « Sau f les assemblées primaires
un autre a fait entendre ces mots : « Sau f les progrès de la raison
humaine, »
Les explications de M . de Genoude o n t-e lle s u n e signification
plus étendue? L a question est pour le moins douteuse. Ce doute à
lui seul constituait un l i t i g e , une vraie c o n t e s t a t i o n . Dès-lors c’é
tait au conseil de préfecture que le jugement d e v a i t en être dévolu,
et d'après les principes généraux, et d’après la loi sur l’organisation
municipale.
3
�( >8 )
S ’il en est ainsi, Messieurs, vous, Cour suprêm e, tribunal place
au sommet de l’organisation administrative, usant du pouvoir d’é
voquer, vous pourrez, votre compétence adm ise, prononcer sur le
fond du débat.
Le droit d’évocation vous appartient d’après u ne analogie certaine,
et vous savez qu’ il est passé en jurisprudence qu’ une Cour souveraine
peut, en infirmant un jugement pour vice d’incompétence, pro
noncer sur le fond si la matière est en état.
Je suis donc amené, par la nature des choses et la marche de la
discussion, à plaider sur le fond du procès, c’est-à-dire sur les ex
plications dont M. de Genoude a fait suivre le serment par lui prête.
I c i, Messieurs, j’aborde un terrain qui n’est point sans écueils.
Sans doute j’ai besoin d’user avec confiance du droit de parler li
brement : c’est la plus belle prérogative de la robe que je porte, et, le
jour où elle serait m éconnue, ma profession resterait sans éclat et
sans dignité : néanmoins il est des devoirs positifs et des obligations
de convenance que je désire ne point transgresser. E n un m ot, Mes
sieurs, si, dans une cause qui m’est offerte, je place l’indépendance de
l’avocat sous l’égide tutélaire d’un ministre qui honora le barreau au
tant par l’indépendance de son caractère que par l’éclat de son ta
lent, je reconnais des limites qu’il me serait pénible d’excéder,et des
bienséances que je tiens à ne point blesser.
E t d’abord je déclare qu’il doit m’être interdit d’attaquer ici la
valeur politique du dogme de la souveraineté du peuple, puisque
de fait ce dogme sert de base à l’ordre de choses qui régit le pays.
Je déclare en outre qu’ il m’est interdit par les lois d’incriminer jus
qu’au simple mode dont la souveraineté du peuple s’est exercée à une
époque assez récente. Su r ces deux points, des lois formelles exis
tent : or, j’ai ju ré de respecter les lois. Ma cause, d’ailleurs, n’a pas
besoin de ces digressions, et je tiens beaucoup à ne présenter que les
argumens do ma cause.
M ais, ces concessions faites franchement, comme il convient à un
�(
'0 )
homme d’honneur et sans nul souci de mes propres périls, il me sera
perm is, je crois, de tirer du principe dè‘->la souveraineté du peuple
les conséquences qui en découlent naturellement et sans effort, si ces
conséquences sont utiles à ma cause : le tout alors sera de présenter
mes argumens sans irrévérence; et c’est à quoi je veillerai de mon
mieux.
Deux idées composent l’explication donnée par M. de Genoude
à la suite de son serment. Il pense que ce serment ne l’engage à exer
cer ses fonctions que dans la seule vue des intérêts des liabitans d e là
commune. Il pense en outre que ce serment n’entraîne aucune idée
de sujétion au chef actuel du gouvernement.
Su r le premier point, s’il est une observation raisonnable à faire,
c’est que M. de Genoude aurait pu se dispenser d’exprimer une pen
sée aussi commune, aussi triviale même. On connaît les devoirs qu’im
pose le titre de conseiller municipal : les énumérer serait superflu.
M. de Genoude les a résumées en ce peu de mots : Y e ille r exclusi
vement aux intérêts de la commune. Sa pensée est juste, et le jour où
chaque conseil municipal la prendra jo u r devise, nous pourrons
nous reposer avec confiance sur les heureux effets de notre nouvelle
organisation municipale. J ’ajoute, M essieurs, et ce n’ est pas hors de
propos, qu’ eux-mêmes dans leurs délibérations ils n’auront plus à
craindre ces coups d’autorité qui viennent les frapper et les remet
tre dans la voie quand ils s’en écartent.
_Voudrait-on chercher dans les explications données par M. de
Genoude un sens caché et une arrière-pensée? Mais il y aurait là
abus du droit d’interprétation, surtout quand se présente à l’esprit
un sens clair, facile à saisir, et que de plus ce sens est louable et
reutrfe jusqu’à un certain point dans les vues de l’administration.
En second lieu, M. de Genoude pense que son serment n’entraîne
aucune idée de sujétion. Sur ce point il faut s’entendre, et quelques
mots d’explication deviennent nécessaires.
Les mots, Messieurs, ne conservent pas toujours, dans le langage
�de la politique, leur acception primitive et leur valeur grammaticale.
Si par sujétion on veut entendre soumission et obéissance à un ordre
de choses légalement reconnu, M. de Genoude, pas plus qu’ aucun
citoyen éclairé, ami de l’ordre et de la paix publique, ne récrim i
nera soit contre le mot, soit contre la chose; mais la politique attri
bue au mot sujétion un tout autre sens, et c’est là ce qui a préoc
cupé M. de Genoude et même éveillé sa sollicitude, quand il s’est
agi de s’engager par un serment.
Suivant lu i, l’ idée de sujétion implique celle de sujet; or, l’ex
pression de sujet implique à son tou r, dans son acception com
mune, l’idée d’ une suzeraineté politique du sujet au souverain: c’est
ainsi du moins qu’ on paraît en avoir jugé à diverses époques.
8 4
Lorsqu’en i o le guerrier célèbre qui régna sur la France vou
lut échanger une tunique consulaire contre la pourpre impériale, la
fantaisie lui vint aussi de réhabiliter, pourl’ usage des harangues, l’an
tique formule de très-fidèles sujets.
Dans sa séance d’ouYerluro au Corps législatif, qui eut lieu dix
jours après son sacre, il avait essayé, pour la première fois, d’un
langage jusqu’ alors peu usité : « Si ce trône, avait-il d it, sur lequel
la Providence, etc. »
Les confidens de ses faiblesses surent qu’il lui serait agréable que
les députés du Corps législatif, en répondant à ce discours, usassent
de la formule tendrement désirée.
?■
L e président du Corps législatif, M . deF on tan es, homme ingé
nieux et délicat, ne se crut pas la force d’aborder de front celte
question au sein de la Cham bre, il prit un parti moyen : ce fut de
réunir à l’hôtel de la présidence un certain nombre de ses collègues.
L à , dans un entretien fam ilier, il sonda le terrain : on résista, et le
débat fut même assez v if; enfin l’esprit de courtoisie prévalut, mais
après une capitulation honorable. La formule fut adoptée dans la ré
ponse au discours du trône; seulementleshommes à principes obtin*
reut qu’eu marge du proccs-vcrbal des séances, à côté de ces mots :
�vos très-fidèles sujets, serait écrite l’annotation suivante : « C’est ainsi
» que s’exprime la Chambre des communes d’Angleterre. >)
Ces détails sont authentiques: ils m’ont été fournis par un ancien
membre du Corps législatif, qui avait fait partie des réunions à
l’hôtel de la présidence, et q u i, je crois, était pour lors l’ un des
secrétaires de l ’assemblée.
Qui croira maintenant que cette négociation eût entraîné tant de
soins, si, dans l’esprit de chacun, la qualification de sujet eût été sy
nonyme de celle de citoyen, et qu’elle n’eût impliqué d’autre idée que
l’idée de soumission aux lois et d’obéissance envers le chef de l’Éta t V
84
E t cette susceptibilité qui existait en i o ? on l’a retrouvée tout
aussi vive à une époque plus récente.
On voit, par les discussions qui précédèrent la naissance de la
Charte nouvelle, que, l’art. i excepté, ce qui, dans celle de 1 8 1 ,
lut refoulé avec le plus de chaleur, ce fut son préam bule, et cela à
4
4
cause des mots à'octroi et de sujets, qui s’y trouvaient. On verra la
tirade de M . Persil à ce sujet.
Enfin, et pour terminer sur ce chapitre, personne n’a oublié l’ ex
plosion qu’amena dans le sein de la Chambre des députés l’emploi
du mot sujet de la part d’ un ministre. Cent soixante-quatre députés
se hâtèrent de protester contre la qualification; et si la majorité de la
Chambro 11e se prononça point dans le même sens, la réserve des
chefs de l’administration à user depuis de la qualification irritante
autorise à penser que la protestation a produit son effet.
E t ce n’est pas là une dispute de m ots, M essieurs; c’ est une lutte
de système, où la logique se montre d’un côté, et de l’ autre simple es
prit de courtoisie.
L à où le peuple est souverain, son droit ne fut-il écrit que sur le
frontispice du tem ple, il y a des citoyens, mais point de sujets, selon
l’acception politique du mot. L e pouvoir constituant réside dans le
peuple, et les droits du peuple sous un tel régimo n’ont de limites
que celles qu’il lui plaît de poser. M . Persil du mpins en jugeait
ainsi lorsqu’il disait au G août i
83 o :
�( 22 )
« Il n’est personne qui ne condamne ce principe qui fait la base
314
» du préambule de la Charte de 1 i
: « L ’autorité tout entière ré» side en France dans la personne du roi. » C’est donc bien,
>» c’ est très-bien, ajoutait M. P e r s il, d’avoir proposé cette sup» pression; niais ce n’ est pas assez, à mon avis : il est indispen» sable de proclamer le principe contraire, et d’en faire la base de
» notre droit p u b lic; il faut dire que cest du peuple, et du peuple
» seul, que part la souveraineté ; il faut le dire surtout au moment
» où le peuple se choisit un chef, et délègue à une dynastie l’exercice
» d ’une partie de celte souveraineté.
» E n conséquence, j’ai l’ honneur de proposer à la Cham bre
» d’ajouter après l’article l a , et sous le titre de la Souveraineté:
« La souveraineté appartient à la nation ; elle est inaliénable et imn prescriptible. »
S i l’amendement de M. Persil ne fut pas adopté, c’est qu’il fut
reconnu, sur l’avis du rapporteur de la commission, M. D upin,
que cet amendement était superflu.
Tout cela est rationnel, car si la souveraineté part du peuple, et
du peuple seul, s’il n’a fait que déléguer à une dynastie l’exercice
dune partie de cette souveraineté, comme le voulait M. P e rsil,
comment cette délégation partielle, de souverain qu’il était d’abord,
l’aurait-elle fait descendre à la condition de sujel? Comment se
rendre compte d’ une pareille transformation, pour peu qu’on ré
pugne à sacrifier à quelques convenances l’autorité de la logique et
celle de la raison?
C’est ce qui se sentait en 1804 ; c’est ce qui n’aurait pas échappé
en août i o ; c’est eniin ce qu’ont voulu rappeler les cent soixante-
83
qualrc députés, en repoussant une qualification peu compatible, il
faut le dire, avec le dogme politique récemment introduit dans notre
droit public.
M. de Genoude a donc pu repousser l’idée de sujétion en tant
qu’elle impliquait celle de sujet; l’explication par lui donnée n’offre
�rien de contraire à la constitution, et bien moins encore avec le prin
cipe de la souveraineté du peuple franchement appliqué.
Il
y a donc lieu d’annuler l’arrêté de M. le Préfet de Seine-etMarne, et de maintenir le serment de M. de Geuoude, tel qu’il a
été par lui prêté.
3
Celle plaidoirie, écoutée avec une attention soutenue de la part
des magistrats, a été accueillie avec des témoignages d’un v if intérêt
de la part du barreau. Aussitôt après, M. Germain, maître des re
quêtes, faisant fonctions du ministère public, a pris la parole :
« Personne en France, a dit ce magistrat, tenant au régime de li»
»
»
h
»
83
berté conquis en juillet i o, n’a songé à contester la souveraineté
nationale, ni l’origine toute populaire de Lou is-Philippe. C ’est au
nom de cette même souveraineté que le pouvoir législatif a voulu
que le serment fût prêté au chef de l’État, réunissant en sa p ersonne l’ unité politique. Refuser l’engagement d’obéissance et de
» fidélité au Roi des Français, c’est oulrager la nation dont il repré» sente la force et la puissance. »
Après avoir soutenu la nécessité de la prestation du serment et
le droit qu’avait le préfet de prononcer la révocation du conseiller
m unicipal, M. Germain conclut au rejet de la demande de M. de
Genoude ; puis il ajoute :
« Mais, avant de terminer, je dois déférer à la discipline du Con» scil le mémoire de l’avocat, qui, oubliant la dignité de sa robe, a
» attaqué l’ordre de choses établi par la volonté du pays. »
Après divers développcmens tendant à établir la juridiction du
Conseil pour les contraventions commises par les avocats, M . Ger
main conclut à la suppression de la requête, à l’amende et à la sus
pension pendant six mois contre M . M andaroux-Vertam y.
M. le Garde-des-sceaux demande à l’avocat s’il a quelques obser
vations à présenter.
M. Mandaroux-Fertamy . Je suis prêt à répondre au réquisi
toire, mais M. le commissaire du roi ayant bien voulu m’informer
�(
»4 )
par écrit, hier, qu’ il provoquerait contre moi des mesures de
discipline, j’ ai cru devoir référer de l’avis qui me parvenait à
la chambre du conseil de mon ordre : j’ai moi-même l ’honneur
d’en faire partie. Après avoir pris connaissance de ma requête, mes
confrères ont décidé que le soin de répondre au réquisitoire, en ce
qui me concerne personnellement, serait remis à l’ un des membres
du conseil qui se présenterait au notji de l’ ordre. Je n’ai pu, comme
on pense, qu’obtempérer avec empressement à une résolution qui
me flatte et m’ honore : je désire m’y conformer.
M . le premier syndic, en l’absence du président d e là chambre du
conseil, ayant annoncé que l’avocat délégué était M. Dalloz, M. le
ministre a remis à la séance du lendemain pour entendre M. Dalloz.
L ’auditoire s’écoule , les nombreux confrères de M. MandarouxVcrtam y l’entourent de témoignages affectueux et lui adressent des
félicitations sur sa plaidoirie.
L e lendemain, à l’ouverture de l’audience, M . D alloz, ayant à ses
côtés Me Mandaroux-Vertamy, placé entre lui et M. le premier syn
dic de l’ordre des avocats au Conseil d’E ta t, a pris la parole en ces
termes*:
« Messieurs, ce n’ est pas sans une vive et profonde émotion que le
barreau de celte haute juridiction a entendu les réquisitions si sévères
et si nouvelles qniont retenti à votre audience d’ hier. Le conseil de
discipline, en particulier, n’a pu demeurer indifférent à une at
taque dirigée contre un de ses membres les plus distingués et les
plus honorables; toutefois, à côté de ce sentiment de confraternité,
qui, heureusement, domine parmi nous toutes les dissidences d’opi
nions politiques, il avait un devoir à rem plir.
;
» Gardien des prérogatives et des franchises de notre ordre cl
premier juge de l’avocat dans l’exercice de son ministère, il a dû
examiner lui-même l’écrit qui a provoqué contre Me M andarouxVertamy les rigueurs du ministère public. Il s’est livré à cel examen
avec calme, avec
maturité, avec impartialité : il lui a paru que si
�cet écrit offrait quelques théories un peu trop hardies, ou quelques
doctrines politiques erronées, il ne contenait rien qui pût armer
contre son auteur la censure du pouvoir disciplinaire. Il lui a paru
que l’action du ministère public ne tendait à rien moins qu’à trans
former en un délit ce qui ne pourrait être qu’une erreur de raisonne
ment, et une erreur inhérente ici à la nature de la cause que notre
confrère avait à défendre; et q u e, sous ce rapport, elle portait une
grave atteinte à l’indépendance de discussion, sans laquelle il n’existe
plus de défense judiciaire. C’est en son nom et comme honoré de son
choix en même temps que de celui de mon confrère, que je viens
vous présenter quelques explications qui compléteront, s’il en est
besoin, la justification anticipée qui résulte, selon m oi, de la plai
doirie même de Me Mandaroux-Vertamy, que vous avez entendue à
votre dernière audience. »
Après cet exorde, M e Dalloz exprime d’abord son étonnement
sur la rigueur du réquisitoire au sujet d'un simple mémoire manu
scrit, qui n’a reçu aucune publicité, et qui serait demeuré enfoui
dans la poussière du greffe, si la susceptibilité du ministère public
ne l’avait soustrait à cet oubli.
« E st-il concevable, dit-il, que, sans avoir égard à une plaidoirie
pleine de convenance, de mesure et de dignité, dans laquelle
l’avocat a fait une profession de foi politique si nette, si complè
tement explicative de tout ce qu’il y aurait d’équivoque dans son
mémoire, l’organe du ministère public n’ait pas craint de requé
rir contre lui une suspension de six mois, c’est-à-dire l’ une des pei
nes les plus graves dont le pouvoir disciplinaire soit armé contre
les infractions qu’un avocat peut commettre aux devoirs de sa pro
fession? »
Me Dalloz entre ensuite en discussion. Il établit, en p r e m i e r lieu,
que la réclamation de M. de Genoude ayant pour objet la jouis
sance d’ un droit politique, il était du devoir de M° M andarouxVertam y de la soutenir, s’ il la jugeait fondée.
4
�( >6)
« C’est dans ces matières surtout, dit-il, que l’avocat ne peut
refuser le secours de son ministère : telle est la doctrine que le
barreau français a pratiquée pendant toute la durée de la Restaura
tion, et c’est au dévoûment avec lequel ils ont accepté la défense
des droits politiques, qu’un- grand nombre de nos confrères doivent
les emplois parfois éminens auxquels ils sont parvenus. Or, ce que
nous avons fait dans un autre temps, nous n’avons pas le droit de
le blâmer aujourd’hui à l’égard de ceux qui le font, quoique dans
d’autres vues et d’autres principes. D’ailleurs la cause de M. de
Genoude, au moins sous le rapport de la compétence, soulevait
une question grave, susceptible d’ une controverse sérieuse, et je
n’en veux d’autre preuve que l’attention soutenue avec laquelle vous
avez écouté hier toute la partie de la plaidoirie de Me M andarouxVertamy consacrée à sa discussion. On ne peut donc, sous aucun
rapport, prétendre que notre confrère n’ait accepté celte cause que
pour y trouver le prétexte d’ une opposition hostile au pouvoir^ »
Examinant ensuite le mémoire incriminé en lui-m êm e, M c Dalloz
annonce qu’ il ne suivra pas le ministère public dans l’examen des
nombreux passages qu’il a cru devoir inculper.
« La simple lecture de la plupart de ces passages, dit l’avo cat, a
sufli pour vous faire reconnaître combien ils sont insignifians; aussi
l’esprit judicieux autant qu’élevé du chef de la justice , qui préside
cette audience, en a-t-il fait justice, en signalant à la défense les pa
ragraphes de ce mémoire qui seuls ont paru au Conseil reclainer
une justification.
» Le premier de ces passages, qui sont au nombre de trois, est
celui où Me Mundaroux-Yertamy justifie le refus de sujétion de son
client au souverain qui préside aujourd’hui aux destinées de la patrie.
Mais à cet égard, mon confrère lui-même vous a fait une observation
pleine de vérité, c’est que dans la langue politique les mots sont
souvent détournés de leur acception naturelle et pris dans un sens
qui n’ est pas leur sens ordinaire; le mot sujctf qui naturellement
�t
(
27
)
n’implique d’autres rapports avec le souverain que ceux de la sou
mission et de l’obéissance au chef de l’Etat agissant pour l’exécution
des lois, n’a-t-il pas été répudié dans ces derniers temps par une
portion considérable de la représentation nationale, comme une ex
pression surannée et féodale qui n’indique que des sentimens de ser
vilité? C’est ainsi que, sous la Restauration, ceux-là seuls se préten
daient royalistes qui criaient : Vive le ro i, quand même! et refu
saient impitoyablement ce titre à ceux qui voulaient afFermir le
trône en lui donnant pour base la liberté -, c’est ainsi qu’ un autre
parti a usurpé naguère la qualification de patriote, qu’il dénie à
ceux-là même qui ont scellé d’ un sang généreux les institutions
dont nous jouissons aujourd’hui. E t n’esl-on pas allé jusqu’ à insultér
à une vertu qui , dans tous les siècles et dans tous les pays, a mérité
l’hommage des homm es, à la modération ? Jn medio virtus, disaient
nos pères ; et aujourd’ hui les plus honorables , les plus dévoués à la
cause de la vraie liberté sont flétris de la dénomination d’ hommes
du juste-milieu : tant il est vrai que tous les partis se ressemblent
par leur exagération et leur intolérance^. Vous ne pouvez donc, et
surtout en présence de la profession de respect, de soumission et
d’obéissance au ch ef du gouvernement qui nous régit, vous ne pou
vez repousser l’ explication que vous donne M° Mandaroux de l’ac
ception restreinte qu’il a entendu donner au mot sujétion; vous
devez admettre qu’ il ne l ’a employé que dans le même sens 'que
les députés signataires de l’acte de protestation. »
M e Dalloz arrive à l’examen des deux derniers paragraphes du
mémoire , -q u i, selon lu i, n’en forme à vrai dire qu’ un seul, et ne
doivent pas être détachés, comme l’a fait le ministère p u b lic, du
discours de M. Persil sur son amendement tendant à déclarer la sou
veraineté nationale inaliénable et imprescriptible, dont ces deux
paragraphes ne sont que le commentaire et la c o n c lu s io n . Ici l’ora
teur s’élève à de hautes considérations sur la question de savoir
quelle est la portée du dogme de la souveraineté nationale dont tous
�les partis abusent tour à tour. Selon lu i, l’usage le plus salutaire
que les peuples puissent faire de ce d ro it, c’est celui que la na
tion française en a fait à la suite de la révolution dé ju illet, c’ està - d ir e de fonder un trône constitutionnel et héréditaire. T ant
que le pacte fondamental n’est point violé, il est sage de tenir
en réserve, et en dehors des discussions, un principe que les pas
sions et l’ ignorance exploitent trop souvent au profit de l’anarchie.
Me Dalloz s’attache ensuite à démontrer que si Me M andaroux-Vertamy n’adopte pas complètement cette doctrine, il n’y a rien de sub
versif ni de dangereux dans celle qu’il ém et, puisqu’il ne fait au
cun appel aux passions populaires ni à la force matérielle, mais
énonce seulement le droit de la faire prévaloir par les voies légales.
L ’avocat n’ hésite pas à reconnaître, pour son propre com pte, que
cette doctrine est une erreu r; mais sa manifestation ne saurait con
stituer une action répréhensible, surtout dans un procès en faveur
duquel il n’y avait pas d’autre argum ent, et où elle venait natu
rellement comme une nécessité de la cause. Me Dalloz développe
d’autres considérations particulières, puis il termine en ces term es :
« Me Mandaroux-Vertamy n’a donc commis aucun des délits dont
l’organe du ministère public s’est p lu , comme à plaisirj à surcharger
son accusation; il n’a manqué ni à la dignité de son caractère, ni
aux devoirs de sa profession, ni aux lois du pays, ni au prince qui
nous gouverne, et qui a tant de titre à notre vénération et à notre
am our; vous ne le frapperez donc pas des peines rigoureuses qu’on
vous demande de lui infliger, vous ne le frapperez pas sans ménage
ment, comme vous y invitait hier l’organe du ministère public.......
Sans ménagementl C’est en vain que ces dures paroles auront re
tenti à vos oreilles; elles ne sauraient avoir pénétré dans vos con
sciences. Nous aimons à nous flatter de celte id ée, que si les néces
sités do la cause le demandaient, nous ne ferions point en vain
appel à cette bienveillance que vous nous accordez , et que nous
vous rendons en respect et en reconnaissance; mais l’ honorable
�f ( »9 )
confrère qui est devant vous a trop à attendre de votre justice,
pour avoir besoin de -solliciter en ce moment votre indulgence. »
Après la plaidoirie de M* D alloz, un grand nombre de MM. les
avocats à la Cour de cassation et au Conseil d’État entourent de leurs
félicitations et de leurs remercîmens M. D alloz, qui est vivement
ému. Des signes d’ approbation se manifestent parmi les membres du
Conseil d’État.
ir*
’ '
< M. le Garde-des-sceaux. M . M andaroux-V erlam y, avez-vous
quelque chose à ajouter?
M. Mandaroux-Vertamy. Je n’ai rien à ajouter à la réfutation
qui vient de vous être présentée |du très-étonnant réquisitoire de
M . le commissaire du roi. J e n’ai qu’ un regret, c’est que ce magis
trat ait réuni tant d’efforls et accumulé tant de citations pour établir
votre juridiction. E lle n’était douteuse ici pour personne, sauf pour
lu i, à ce qu’il paraît; mais si elle l’eût été le moins du monde, c’est
moi-même qui serais venu, Messieurs, spontanément m’offrir à vous,
pour en revendiquer le plein usage.
■
Hier, dans ma plaidoirie, j’ai déclaré qu'il m’était interdit d’at
taquer devant vous le principe de la souveraineté du peuple, puis
que de fait ce principe sert de base à l’ordre de choses qui régit le
pays. J ’ai déclaré, en outre, qu’il m’était interdit pareillement par les
lois d’incriminer, en quoi que ce fût, le modo particulier dont la sou
veraineté du peuple s’est_exercée en août i
83 o .J e
reproduis ma dé
claration dans les mêmes termes, afin de prévenir toute équivoque.
Je remercie mon honorable confrère et ami de son affectueuse
■.
i.
assistance.'
J ’attcndsj' Messieurs, votre décision avec calm e; quelle qu’elle
soit, je la recevrai avec les égards et la déférence qui lui sont dus.
M. le Gardc-dcs-sccaux a annoncé que l ’audience était suspendue
pendant deux heures; il a ajouté que, lorsqu’elle serait reprise, il se
rait donné lecture de l’ordonnance royale sur le pourvoi de M. de
Genomle, et qu'il serait statué sur le réquisitoire de M. Germain, rc-
�( 3q )
Iatif à la .suspension.pendant six- mois de M M andaroux-Vertamy.,
' Après.deux heures dé
libéré, l e conseil rentre en $éan c e M . le
Garde-des-sceaux p rononce une ordonnance par laquelle : ’ ‘
« Attendu que la loi du
août 18 3 0 prescrit à tous les, fonctionnaires publics de, l'ordre adm inistratif la formalité du serment, sous
31
peine d’être réputé Démissionnaire;
.
» Attendre que M. de Genoude a refusé de prêter l e serment dans
la forme requise, le Conseil le. déclare mal fondé dans son, p ou rvoi,
et rejette sa demande. »
. Immédiatement après,M
l e Ministre adresse à M. Mandaroux-
Vertam y l’allocution s u i v a n t e .
,
1
/
« L e Conseil d’État n’a pu voir sans surprise quelques-unes'dés'
propositions consignées, dans une requête au Roi revêtue de votre;
signature.
» E n exprimant dans cette requête la réserve d’ un droit permanent
contraire à; l'inviolabilité d e l a couronne, vous avez; méconnu-v os>
devoirs et le caractère du serment que vous avez prêté.
•;
, » Le Conseil d’État vous enjoint, par mon organe, d’être plus
circonspect à l’avenir. Les,explicationst données sur vos intentions,,
le défaut de publicité du mémoire produit, n’ont pas permis au Con
seil d’être sévére.Nous sommes assurés que vous ne céderez désormais
qu'à des inspirations plus en harmonie avec la sagesse de votre ca
ractère et les devoirs de votre profession. »
L a séance est levée. M M . Mandaroux-Vertamy et Dalloz sont en
tourés d’un grand nombre de leurs confrères. Ils se retirent avec
eux dans la chambre destinée à MAI. les avocats aux. conseils. Ils y
reçoivent les félicitations de leurs amis et des diverses personnes qui
avaient assisté à ce débat d’une nature peu commune.
:P
A
RIS, IMPRIMERIE I)E DECOURCHANT,
N °1 p r è s l ' a b b a y e
r u e d 'e r f u r t h
'
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Genoude. 1832?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandaroux Vertamy
Subject
The topic of the resource
serment
démission forcée
délit de presse
excès de pouvoir
préfet
fonctionnaires
droit public
adversaires de la Monarchie de Juillet
contestations du terme de sujets
opinion publique
Description
An account of the resource
Titre complet : Au roi en son conseil d'Etat. Requête pour le sieur de Genoude, directeur de la Gazette de France, demandeur en annulation d'un arrêté de M. le préfet de Seine-et-Marne, du 2 juin 1832, qui le déclare démissionnaire du titre de Conseiller municipal de la commune de Cucharmoy. [suivi de ] Conseil d’État, séance publique présidence de M. le Garde-des-Sceaux
Table Godemel : avocat : 3. la réserve exprimée par un avocat, dans un mémoire ou requête à la cour de cassation et au conseil d’état, d’un droit permanent contraire à l’inviolabilité de la couronne, est considéré comme une méconnaissance de son devoir, et peut le soumettre à une peine disciplinaire, spécialement, à un avertissement d’être plus circonspect. Serment : 3. le refus, par un conseiller municipal, de prêter le serment prescrit par la loi du 31 août 1830, donne lieu au préfet de le déclarer démissionnaire.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Decourchant (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1832
1830-1832
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2709
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cucharmoy (77149)
Provins (77379)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53546/BCU_Factums_G2709.jpg
adversaires de la Monarchie de Juillet
contestations du terme de sujets
délit de presse
démission forcée
droit public
Excès de pouvoir
fonctionnaires
opinion publique
préfet
serment