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REPLIQUE
POUR
Demoifelle
A n t o in e t t e -L o u ise A
n-
procé
dant fous l'autorité d’Antoine M augis, fon T u
teur ad hoc.
g e l iq u e
-C h a r l o t t e
C O N T R E
B
C
o m b e ll e s
d e
C
h a r le s
ess ie u r s
De
B om belles ,
r é d é r ic
M
a r ïe
Vicomte
-F
d e
r a n ç o is e
.
En préfence de Demoifelle
teffe d e B o m b e l l e s ,
M
- F
Demoifelle
&
a r v o is in
de
Cam p3
M a r th e
Vicom
,
tous les incidens bifarres que cette C aufe préfente, le
plus fingulier p eu t-être, le plus é to n n a n t, c ’eft que dans l e ,
;
A.
�prodigieux efpace de tems que nos Adverfaires y ont d o n n é ,
elle foit devenue beaucoup plus obfcure qu’auparavant ;
8c
qu’après fix A udiences em p loyées, s’il faut les en croire , à
nous répondre, la partie la plus eiïentielle de nos moyens foit
reilée fans rép on fe, que le véritable nœud de l’affaire, l’article
qui d ev o it, ce fem ble, mériter fu r-tou t leur a tten tio n , foit en
core à traiter de leur part.
V ou s vous le rappeliez, M e s s i e u r s , je l’avois réduite à.
deux points principaux. P e u t-o n , d oit-on préfum er qu’il y a
eu un premier m ariage? L e fécond m ariageeft-il valide? V o ilà
les deux queftions que je me fuis attaché à réfoudre dans la
«feule & unique A udience où j’ai eu l’honneur de vous entre
tenir. A llia n c e lég itim e, contra&ée par celle que je défends :
alliance a b u fiv c , contrariée par la D em oifelle de Carvoifin.
T e lle a été la divifion toute naturelle de m on prem ier P la i
doyer. J’ai prouvé que la nature & la raifon fe réuniifoient
pour confirm er les droits de l’u n e , com m e la Xuftice & les
L o ix pour proferire l’ufurpation de l’autre.
N o s Adverfaires ont affe£é d ’abord de publier q u ’ils fe c o n form eroient au m êm e plan , & il jette en effet plus de clarcc
dans la difcuffion. Mais ils l ’ont bientôt perdu de v u e , ou du
m o in s, ils ont jugé à propos de n’en rem plir qu'une partie. I l*
ont oublié qu’il s’agiffoit moins pour eux d ’attaquer, que de fe
défendre ; &
cette méprife inconcevable nous donne dès à
préfent un avantage qui ne vous eit certainem ent pas échappé.
T ou s leurs efforts fe fon t dirigés contre le premier m ariage.
I l n’y a pas un d’eux qui ait ofé prendre fur lui de juftifier le
fécond
& en le lailîant ainfi H l’éca rt, ce n’efl pas qu’ils aient
réellem ent dédaigné nos moyens d’abu s, ce n’eil pas qu’ils les
aient jugés infuffifans, ils en ont eux-m êm es fenti & reconnu
�*33
3
la force ; mais dans l’impuiiTance où ils fe trouvoient de les
détruire , ils ont mis en ufage un ilratagcmc un peu étrange ,
pour fe difpenfer même de les attaquen
* Vous avez entendu le Sieur de Bombelles & la Dame
Herinet, renvoyer a leur affociée la corvée pénible de les com
battre. On vous a hautement & pluiieurs fois annoncé que le
Défenfeur de la Demoifelle Carvoiiin briferoit, en fe jouant,
dans nos mains ces armes importunes dont on feignoit de méprifer l’éclat. Q u’en eft-il arrivé? La Demoifelle Carvoifin a
paru à. fon tour dans la lice , & ce qu’elle devoit faire, elle
a fuppofé qu'on l’avoit fait d’avance. Elle s’eft exeufée de ré
pondre aux moyens d’abus, fous le prétexte que fes prédéceffeurs ne lui avoient rien laifle à dire à ce fujet.
Cette fubtilité commode peut épargner des embarras, mais
elle n’eft pas propre à convaincre des Auditeurs éclairés. Tout
ce qu’il en réfulte, c’eil que la nullité du iecond mariage eit
démontrée & avouée même par nos Adverfaires.
Et en effet, toutes les irrégularités qui peuvent anéantir §
fuivant les L o ix , un a&e de cette nature, fe trouvent raflemblées dans celui-ci : abfence du propre Pafteur, faux domicile
prêté à l’une des Parties, mépris des formes juridiques, au
dace à enfreindre de foi-même un engagement antérieur donc
les Tribunaux feuls pouvoient prononcer la réfiliation. Il femble que le iieur de Bombelles, en cherchant h rompre les liens
qu’il avoit contra&és h. Montauban, ait fait en même tems tout
ce qui dépendoit de lui pour les affermir par la foibleife qu’il a
donnée h ceux qu’il eifayoit d’y fubilituer. Lui & fes adhérens,
par leur filence fur cet article, rendent donc un hommage forcé
aux vérités que nous vous avons préfentées.
En diminuant leur tâche, ils ont allégé la nôtre. Puifqu’ifc
A ij
�4
fe font bornés h nous oppofer des fins dé non-recevoir, nous
nous bornerons de notre côté à en établir l’illufion. Nousprouverons que la Dame & la Demoifelle de Bombelles font recevablcs à excipcr de la nullité d’un mariage qui fait tort à leurs
droits à toutes deux. Nous démontrerons qu’il y a eu un enga
gement férieux & effectif, confommé entre le Sieur de Bom
belles & la Demoifelle Camp. Nous ferons voir que la validité
& la réalité de cet engagement font juftifiées de toutes les ma
niérés qui peuvent aiTurer l’état des hommes, par lapoiTeiIion&
par les titres.
On a nié l’une, M e s s i e u r s , & l’on a feint de vouloir at
taquer les autres ; & c’eft encore ici la rufe que l’on a fubftituée
aux raifons, c’efl: l’adreiTe que l’on a mife en œuvre, au lieu de la
folidité des preuves.
D ’une part, pour rendre la pofleffion douteufe , pour don
ner lieu de croire que le mariage de la Demoifelle Camp n’avoit jamais été approuvé de la famille, ni reconnu publique
m ent, on a fait intervenir dans la Caufe une tante qui avoit
déjà joué un rôle peu honorable dans les préliminaires qui
l’ont néceiîitée. D e l’autre, pour affoiblir les titres que nous
étions en état de produire, mais dont, par des ménagemcns
particuliers, par des raifons faciles h pénétrer, nous nous étions
abftenus jufqu’ici de faire aucun ufage , on a traduit fur la fcene
un Curé de Bordeaux, de la main duquel cil émané un de ces
titres.
Ce Curé eft un corps de réferve, qui doit agir dansfon terns.
On r 'annonce avec appareil. Il doit , dit-on r s’infcrire en
faux. Il doit invoquer la rigueur des Loix contre l’abus qu’on
s’eft permis de faire de fon nom , contre le délit qui ofe imiter
fa fignature au poin t, comme il l’avoue dans fes lettres, de lui
faire illufion à lui-méme.
�I£ j
• Il y a loin , M
e ssie u r s
5
, des bords de là Garonne h ceux
de la Seine. Ce Curé pétulant pourroit bien ne pas fe croire^
obligé de tenir fervilemént la parole qu’il a donnée au fieur de
Bombelles.La chaleur qu’on luiprête ici pourroit fediffiper dans
le voyage ; & fi réellement il le f a it , s’il a la hardieiTe de paroître devant vous , il ne parlera peut-être pas plus du prétendu
faux, que laDemoifelle de Carvoiiin des moyens d’abus. Quand
il nous aura entendu, quand il aura vu briller enfin au grand
jour ces armes redoutables que nous voulions bien laiiTer dans
robfcurité , & que nos Adverfaires eux-mêmes ont eu l’impru
dence d’en faire fortir ; il n’y ajoutera pas celle d’en rendre la
vérification néceiTaire. L e cri de fa confcience l’emportera fur
la crainte qui l’anime aujourd’hui. Il tremblera de devenir , par
une dénégation trop facile à confondre, plus criminel aux yeux
de la L o i, qu’il ne peut jamais l’être par l’aveu pur & iimple de
la vérité.
Quoi qu’il en foie, à ces moyens puériles ,1e iieur de Bom belles en a joint d’autres qui n’ont pas plus de force. Il a eifayé
d’appuyer l’intervention de la Dame H ennet, & la menace de
l’infcription de faux, par des reproches fcandaleux , qui ren
d aien t l’une & l’autre moins révoltantes s’ils étoient fondés.
Vous vous rappeliez, M e s s i e u r s , de quelle maniéré il a ré
pondu aux égards , aux ménagemens que nous avons affe£tés
pour lui. En refufant un état à fa fille , il n’a ouvert la bouche
que pour en déshonorer la mere. Il ne lui efi: pas échappé un
toot qui ne foit une infultc , pas une phrafe qui ne contienne
une calomnie.
Il s'eft efforcé de dévouer à l’opprobre cette femme refpectable, dont il a fouillé lrinnocence, &c qui jouiroit e n c o r e d’une
gloire fans mélange ft elle n’avoit eu le malheur de le cro ire
*
�6
vertueux. Sédu&ions , intrigues, manœuvres de toutes les efpeces , complots coupables dans tous les genres ; il n’y a point
de délit dont il ne l’ait accufée ; point de maniéré de refroi
dir l’intérêt que fon infortune excite, qu’il n’ait mife en ufage.
Ces reproches au fond,M e s s ie u r s , ne doivent point influer
fur la Caufe, mais il eft cependant nécefiaire de les réfumer &
de les détruire. Tout ici tient à la délicatefle, à l’honneur. C ’eft
au nom de la vertu trompée, que la Demoifelle de Bombelles
demande la réhabilitation de fa mere & la iienne. Il eft donc
important pour elles, avant tout, de prouver combien cette
vertu leur a été chere. Il leur eft eifentiel de faire voir à qui
appartiennent ici les qualifications odicufes,iicruellem ent, ii
légèrement prodiguées du côté du iïeur de Bombelles.
Nous allons donc, avant to u t, difeuter les inculpations par
lefquelles il s’eft flatté de rendre fa premiere femme fufpe&c,
& de rejetter fur elle ce mépris public , cette indignation gé
nérale dont il avoue lui - même qu’il fe fent pourfuivi. Nous
écarterons enfuite l’intervention frivole de la Dame Hennet, &
nous finirons par un examen rapide des deux reifources qui
juilifient nos droits & notre efpérance, de cette polfeilion qu’on
nous difpute, de ces titres qu’on feint de vouloir nous enlever.
§1Rèponfe aux reproches faits a la Demoifelle Camp par le Sieur
de Bombelles, & c .
L e premier reproche que le fieur de Bombelles fait à la
Demoifelle Camp , c’eft d'avoir joué la comédie. Il n’ofe pas,
à la vérité , tout à fait la placer au rang de ces A&rices ambu
lantes , animées par le double attrait du gain & de l’indépen
dance f qui promenant de V ille en Ville leur art & leurs talens /
�7
en flétriflent trop fouvent l’éclat par le défordrc qui en accom
pagne le développement. Mais tout ce qu’il étoit poiîible d in -
finuer de méchant & d’infidieux , en parlant de cet amufemcnt
prétendu de la Demoifelle C am p, a été prodigué k l’Audience.
La réflexion a fait retrancher en partie cette calomnie cruelle
de l'imprimé. On y lit cependant encore, pag. 37 , en parlant
de deux perfonnes que le iieur de Bombelles n’aime pas, que
l’un cil Bernard Lacojle , fur le théâtre duquel mcntoit la D e
moifelle Camp. Qui ne p^endroit à ce mot le iieur Lacofte
pour un Dire&eur de t r o u p e & la Demoifelle Camp pour une
de fes gagiftes ?
Vous vous rappeliez , M e s s ie u r s , les détails avec lefquels
cette idée a été préfentée dans les plaidoiries. On vous a dit que
la Demoifelle Camp, chargée de jouer un rôle, avoit cru trouver
dans le iieur de Bombelles un inftituteur propre h lui donner
le goût de la déclamation ; qu’elle l’avoit prié de vouloir bien
être fon guide dans ce jeu délicat, où il eft ii facile de laiiïer
pénétrer dans le cœur les fentimens que la bouche exprime^
On vous a affirmé que cette propofition étoit le fruit d’un ar
tifice profond , & que le deifein de l’écoliere, en montrant
tant de docilité , étoit de parvenir, comme elle y a réuili,
a-t-on d it, à captiver fon maître. On a été juiqu’à vous nom
mer le drame qui avoit donné occafion à un manege fi adroit,
fi bien concerté. Qui oferoit, après des détails fi précis, fe dé
fier de la vérité du fait qu’ils confirment?
Cependant, M e s s i e u r s , il n’y a pas un mot de vrai dans
tout ce récit. N on feulement la Demoifelle Camp n’a jamais
pris de rôle dans aucune de ces fociétés, devenues fi fréquentes
aujourd’hui,peut-être au détriment des mœurs ; non-feulement
elle n 'a jamais paru dans aucune de ces repréfentations bour-
�m
\
8
gcoifcs qui font les délices de tant de jeunes gens , même dans
lçs grandes V illes, où la perfection des théâtres devroit, ce fein»ble,dégoûter de ce plaifir difpendieux «Sc pénible : mais iî n’y a
jamais eu de fociété de ce genre formée h Montauban pen
dant le féjour qu’y a fait le ficur de Bombelles. Je vais yous en.
donner la preuve.
Certificat de M . le Premier Préfident de la Cour des Aydes &
Finances de Montauban.
Amable-.Gabriel-Louis-François de Malartie , C hevalier , Com te de
M ontricoux , certifions à qui il appartiendra , que Dam e Marthç
Ç a m p , VicomteiTe de Bom belles, a toujours joui avant & depuis l’an*
née 1 7 66 , époque de Ton m ariage, d’une réputation inta& e; q u il eji
fa u x qu'elle ait jamais jo u é la comédie. En foi de q u o i, & c . Fait à Mon
tauban le 6 Juin 1 7 7 1 . S ig n é, M a l a r t i e d e M o n t r i c o u x ,
Lettre de M . de la Mothe 3 Chevalier de l'Ordre Royal &
Militaire de Saint Louis , à M . Linguet.
Montauban ce 7 Juin 1 7 7 1 .
Il s’eft répandu i c i , M onfieur, des bruits fi injurieux fur le compte
de Madame de Bombelles & fur les maifons qui l’ont reçue , que je ne
dois pas v o u s laifler ignorer la faufieté de tout ce qui s’en eft dit. Ces
mauvais propos ne peuvent venir que de M. de Bombelles.
Mademoifelle Camp a toujours paiTé pour une perfonne de bonnes
piœurs ÔC de très-bonne conduite ; elle n'a jamais donné dans aucun
fpcclacle yni penfc à jouer la cojnedit; elle a toujours fréquenté de fort
honnêtes gens. M. de Bombelles la v it pour la premiere fois chez Ma
dame de L efcu re, femme du Procureur du R o i au Bureau des Finances
de cette V ille , Chevalier de Saint Louis ; il la v it enfuite dans de fort
bonnes maifons de gros Com m erçans, au Fauxbourgde Villebourbon,'
qui a toujours été fon lieu d’habitation: enfin, M. de Bombelles époufe
cçîte jeune perfonne} 8i la prefenta dans toutes les maifons comme
Madame
�9
Madame de Bombelles fa femme ; & le jour qu’il l’apréfenta à Madame
de la M o th e , j’avois grande aflemblée chez moi ; il lui dit : Voilà Ma
dame deBom belles ma f e m m e ..............................
J’ai l’honneur, & c . Signé, L a M o t h e , C h evalier de l’Ordre M ili
taire de Saint Louis.
Lettre de M . de la Cofle , à M . Linguet.
Plufieurs perfonnes m’ont a ffu ré , M onfieur, que l’A v o c a t de M. de
Bombelles avo it avancé en pîeine Audience les plus grandes infamies
contre moi &c ma famille. Je n’ en ferois pas du tout affe&é ii cela s’éto it p a fle ic i; la V ille entiere auroit pris mon parti. £ïous nous connoiffons tous dans les petits endroits, & cent cinquante ans & plus
d’ une roture honorable dans le commerce en g r o s , fans interruption &c
•fans la moindre ta c h e , feroient y o ir combien cette roture eft préférable
& infiniment au-deffus d’une nobleffe qui eft affez lâche pour s’avilir
par des calomnies atroces & des m enfonges, les uns 8c les autres ii
aifés à détruire. C ’ eil être bien m a l-ad ro it, pour défendre une Caufe
tléfefpérée au Tribunal de l’honneur, que d’em ployer de fi indignes
m oyens , & qui ne peuvent pas foutenir la plus petite information.
Perm ettez cette courte réflexio n , qu’il feroit inutile d’étendre avec
v o u s , M o n f i e u r ........................• .
Je me bornerai à vou s dire que '
j’ai v u quelquefois chez moi M. de Bom belles, mais pas fréquemment ;
c’étoit chez ma mere , v e u v e très-refpe&able, âgée alors de près de
quatre-vingt ans, demeurant dans la maifon paternelle affez éloignée
de la mienne , viva n t avec fes trois filles, mes fœ u rs, qui n’étoient
plus jeunes, que fe rendoit prefque tous les jours M. de Bom belles,
& ou il v o y o it Mademoifelle Camp : la Com pagnie étoit ordinaire
ment nom breufe, &c toujours dans la Chambre de ma m ere, d’où
elle ne fortoit jamais. O n cite ma m ere, croyez-en mon affertion que
tous les habitans de cette V ille attefteroient avec plaifir ; on cite ma
mere , dis-je , comme un exemple de toutes les vertus fo c ia lc s ,& furtout de celles qui. ont trait à 1’,honneur, à la mofleftie & à la plus féyerc décence; mes fœurs en ont h é r ité ,& foutiennent ces qualités par
13
�••*•»
10
la meilleure éducation. Q u elle apparence , d’après ces vérités dont il
m’eft bien permis de m’honorer & qu’il feroit très-facile de p ro u v e r ,
j
que Mademoifelle de Camp ait pu être fubornée dans une maifon fi ref-
j
pedable ! C ’eft de ces horreurs que les honnêtes gens n’imaginent pas.
j
Je permis à mon fils & à ma fille de repréfenter chc{ moi, avec leurs amis
j
& amies, quelques pieces de théâtre des plus décentes & des plus châtiées ;
|
la premiere repréfentation ,par Andromaque ,fu t le 21 Avril 1768. Rap-
I
prochez cette date de celle du dernier départ de M . de Bombelles ,
r
v o u s verrez s’il s’eft trou vé à nos comédies de fociété. Il ne s’en cil
. !
pas joué ici ailleurs que chez m o i, depuis qu’on donna quelques repré-
|
ientàtions chez M. de la C o r é e , Intendant de cette V ille ; Madame de
Bombelles ne repréfenta pas plus che{ M. de la Corée que che{ moi. E lle
[
• n'a jamais mis les pieds fu r les planches pour y jouer aucun rôle. Elle ne
!
v in t chez m o i, comme fpeûatrice , qu’aux premieres repréfentations»
A yan t appris dans ce tems que M. de Bombelles a vo it jété mis au Fortl’E v ê q u e , elle renonça
à toutes fortes de fociétés , & o n ne la vit plus abfo'
lument autre part que che[ elle. Le jour qu’on donna Zaïre chez m o i, le
3 Décem bre 1768 , M. de G o u rg u e , Intendant de cette G énéralité, y
aifiita; c’étoit Mademoifelle R a u ly qui rempliffoit le rôle de Zaïre.
Eft-il poffible qu’aux plus infignes menfonges on ajoute encore le
Iranfport des tems & des perfonnes ? ..........
J’ai l’honneur , ôcc. Signé , B. l a C o s t e .
A
Montauban le 6 Juin \yyx.
Je ne fais point de réflexions, M
, fur ces notices
i
accablantes pour le fieur de Bombelles ; mais s’il ne peut
les démentir, je lui demande à lui-m êm e quelle idée on
doit fe former de fa ftncérité , & quelle confiance on doit à
' j
e s sie u r s
1 audace avec laquelle il rejette comme des impoilures toutes
les pieces dont il redoute l’effet.
Û n autre reproche ou il n a pas ete plus vérid iq u e, ni moins
im prud ent, c’eit celui qu’il a mis dans la b ou ch e de la D am e
|
j
�n
m
i
Hennet, & qui a dû certainement faire fur vous une certaine
impreiiion , parce que d’une part il eft grave ; que de l’autre il
tombe fur une des principales pieces que nous avons em
ployées dans notre défenfe ; & , qu’en troifieme lieu , vous ne
pouviez pas être en garde contre la hardieife avec laquelle on
a ofé le dénaturer.
*
J’avois parlé du teftament du (leur de Bombelles, dans lequel
il déiigne à chaque phrafe la Demoifelle C am p, par le nom de
fa chcre époufc. Je l’ai cité^ non pas comme une piece dont on
pût jamais faire ufage pour s’approprier la fucceflion du teftateur, mais comme une preuve de la vérité qu’il nie aujour
d’hui, comme une reconnoiffance authentique de la réalité de
ce mariage qu’il s’efforce de dégrader. J’en ai produit une ex
pédition (ignée du (leur de Bombelles. Je l’ai mife fous vos yeux
a la premiere Audience : je vous ai fait obferver quelle portoit
non-feulement fon n om , mais fon cachet & le fceau de fes
armés , imprimées avec le plus grand appareil. Il étoit préfent ;
il n’a pu méconnoître ce monument de la tendrefle qui l’animoit dans des tems plus heureux, & d’une paillon qui ne lui
infpiroit alors que des deiirs honnêtes. Il n’a pu fe tromper
fur la voie par laquelle elle nous étoit parvenue, ni oublier à
qui nous en étions redevables.
Quelle a été ma furprife, M e s s i e u r s , quand j’ai entendu
inculper avec véhémence la Demoifelle Camp à cette occafio n , & fon mari lui faire un crime de ce qu’elle avoit fon
teftament en fa poffefllon ! Q uel a été mon étonnement, quand
on l’a accufée devant vous d’avoir violé , pour fe le procurer,
le dépôt d’un Officier public, de l’en avoir fouftraitclandeftineH^nt, ou arraché avec un éclat coupable ; d’avoir ou trompé
ou corrompu l’homme intégré à qui il avoit été confié 1 &
’
B ij
�c’eft le iîeur de Bombelles qui fe permet ces indignes décîa**
mations !
Pour le confondre, il ne faut que repréfenter la piece. Nonfeulement, M e s s i e u r s , ce n’efl: point l’original, ni une ex
pédition furprife en fraude, à la vigilance d’un Officier qui fe
,foit laiffé ou tromper ou écarter des devoirs de fon miniiîere ;
non-feulement ceii’eil qu’ une copie j non-feulement cette copie
cft expédiée, délivrée delà main du iieur de Bombelles lui-même;
m ais,comme ii la Providence, prévoyant dès-lors l’excès d'au
dace auquel il fe livreroit un jour à cette occaiion, avoit voulu
ménager à fa déplorable époufe un moyen fûr pour le couvrir
de honte, elle a difpofé les choies de maniéré qu’il y a configné
lui-même la preuve qu’elle pouvoit fe trouver innocemment
hors l’Etude du Notaire. Voici ce qu’on lit au dos, écrit de fa
main : ( Copie du tejlament que j'a i dêpofé che?L M . Plancadc,
Notaire Royal à Montauban 3 le 5 A v ril iy 66 . Signé y
B
o m belles.
)
C ’efl cette copie, M e s s i e u r s , que lui-même a remife dans
le tems à la Demoifelle C am p , pour aiTurer fon état, fur la
quelle i l vient aujourd’hui feindre fi groffiérement de fe mé
prendre , fans fonger qu’une impofture confondue eft plus
nuifible encore à fon inventeur qu’à fa viftime.
Voici quelque chofe de plus férieux. Dans le Mémoire à
confulter, du 12 Novembre 1771, dans ces repréfailles que la
néceifité a arrachées à la vertu gémiffante, à l’honneur défefpéré, on rend compte avec franchife de ce qui a précédé &
même motivé, le mariage dont nous foutenons ici la validité.
O11 avance que la famille de la Demoifelle Camp a cru le fxeur
de Bombelles Proteftant ; &c que, par une confiance bien mal
placée, on a penfé devoir faire ufage pour l’enchaîner, des
�* '■'t4&
13
noeuds confacrés par cette Religion, dont il affe&oit de devenir
l’enfant adoptif.
C ’e ft, fi on l’en croit, une calomnie affreufe.Il paroît péné
tré d’horreur & d’inquiétude fur le feul foupçon de cette apoftaiie. O n le croiroit animé du zele le plus pur pour la vraie
Religion; & dans l’efpérance apparemment de prouver mieux
fpn éloignement pour un culte proferit, il s’ell permis d’en
traiter les Miniftres & les Seftateurs avec un emportement,.
une fureur capables d’indigner la vraie charité , & de fcandalifer la dévotion même la plus outrée. 11 dénonce en confé- ‘
quence la Demoifelle Camp comme une calomniatrice achar
née qui le compromet de gaieté de cœ ur, comme une femme
irritée qui fe livre aux machinations les plus odieufes pour
fatisfaire fa vengeance.
Q ue ces cris, que ces déclamations lui conviennent peu !
Q u ’il auroit été plus prudent à lui d’obferver le filence fur cet
endroit délicat du Mémoire à confulter 1 Qui fait mieux que
lui combien les faits en font exacts, & avec quel fcrupule la
vérité en a été pefée ?
O u i, M e s s i e u r s , j’ai ici la preuve dans ma main de tout
ce qui y eft avancé, & fur-tout de cette affe&ation d’apoftafie,
par laquelle le iieur de Bombelles eft parvenu à éblouir des
parens trop crédules, à féduire une fille trop confiante, à abufèr une Ville entiere, où une trifte néceflité a familiarifé les efprits avec des contrafles que nos yeux fupporteroient diffici
lement dans cette capitale, avec de certains déguifemens que
la Religion tolere, que l’honneur ne condamne p a s ,& que le
befoin exciife. Je la tire d’une information juridique où cin
quante témoins ont été entendus d'ans'toutes les réglés de lx
procédure, par le C h ef de la SénéchaufTée de Montaubaru.
�* *
i4
, que je ne m etois pas encore per
O b fervez, M e s s i e u r s
mis d’en faire ufage. Je m’étois impofé des ménagemens fans
nombre pour ce malheureux jeune homme, & fur-tout une
réticence abfolue fur cette piece redoutable. Je la lui avois
laifle entrevoir dans mon premier Plaidoyer; mais, en même
tems, je l’avois engagé , conjuré en quelque forte de ne pas
me forcer à m’en fervir. Il l’a voulu. C ’eft lui le premier qui a
ofé vous l’indiquer, & qui m’a fait par-là un funefte devoir
de la mettre fous vos yeux. Q u ’il ne s’enprenne donc qu’à
lui-même de l’effet cruel qu’elle va peut-être produire. Q u ’il
n’accufe que lui-même des plaies que vont lui faire des armes
qu’il nous a mifes à la main, quand nous la reculions, de peur
d’être forcés de les faiiîr, & d’en faire ufage.
Dcmoifellc Marthe Carrejóles :
D é p o s e , qu’il y a environ cinq ans &
demi , avant qu’il fut
queiîion du mariage du fieur de Bombelles avec la D em oifelle C am p ,
&c ledit fieur de Bombelles étant en v o y a g e avec le fieur Samuel D u
mas , la Dépofante & la Dam e fa mere , ledit Jîeur de Bombelles leur dit
vivre intérieurement dans la religion protejfante , mais qu’à caufe de f a croix,
qu'il indiqaoit avet la main , il allait à la rnejje.
Dame Sufanne Dunions , époufe du jîeur Jean Lefcure :
D é p o s e . . . . que le fieur de Bombelles a dit plufieurs fois
à elle D é-
pofa!>te, chez le fieur fon pere, qu/V vivoit intérieurement dans la religion
protejlante, que çétoit celle de fe s peres ; &c qu’il dit même un jour à la
D épofante, q u 'il yenoit D ’EXHORTER SA B o R D l E R E ( i ) , q u i yenoit de
dueder dans ladite religion,
Demoifelle Marie Dumons, fille au fieur Gérard Dumons ;
DÉPOSE , que le fieur de Bombelles lui a plufieurs fois déclaré q u ’//
vivpic dans la religion protejlante ; 6c dans une occafion , qu7/ yenoit
(0 Mitaÿçre, Fermière,
i
�M
D'EXHORTER SA BORDIERE , qui venolt de décédsr dans la religion protejlante.
D lle. Emilie Plantier, fille au fieur François Plantier, Officier Suijfe:
D é p o s e , qu’étant à la campagne de la Dam e D elon, le fieur de Bom-
belles, qui avoit dîné dans le même lieu, vint vo ir la Dame D elon, & que
ledit fieur de Bombelles dans la converfation particulière avec la D ép ofante, lui dit qu’/7 vivoit intérieurement dans la religion prétendue réformée,
qui étôit la religion de fon pere ; mais qu'à caufe de fon emploi & de la croix
dont il étoit décoré, il alloit à la rnejfe une fois l'an.
Le Jteur Daniel Dumas 3 Négociant :
D é p o s e , qu’étant avec les Dames C o rre jo lè s, mere & fille , & le
fieur de Bombelles en converfation, ledit fieur de Bombelles leur dit
qu’/Vproftffoit intérieurement la religion protejlante ; mais qu'étant Chevalier
de L'Ordre de S. Lazare, en portant la main à fa croix , il alloit quelquefois
fepréfenter aux églifes des catholiques. Q u ’un autre jour étant allé avec
ledit fieur de Bombelles v o ir le moulin du fieur Mariette qui n’étoit pas
fin i, après a vo ir examiné enfemble certaines pieces dudit m o u lin , ledit
fieur Bombelles lui répéta qu ’/7 ¿toit vraiment protejlant, quoiqu'ilf it audehors les acles de catholique romain, & c .
MeJJire François de Beaudeau , Lieutenant-Colonel d'infanterie, &c.
D é p o s e ..................de plus que le fieur de Bom belles, pour obtenir
la D em oifelle Camp en m ariage, a déclaré être protejlant ; le D épofant
l ’ayant raillé & badiné fur fon peu de religion , ledit fieur de Bombelles
a toujours paru très-embarrafle.
Françoife Gailhard, époufe de Guillaume M oulis:
D é p o s e ................. que ledit fieur de Bombelles ajjîjloit régulièrement
aux lectures qui fe faifoient de la bible 6* autres livres de piété che£ ledit fleur
Camp ; qu’il a dit à la dépofante, dans certaines occafions: où eft-ce
qu’elle alloit ? que lui répliquant qu’elle alloit à la m e fle , ledit fieur
de Bombelles lui difoit: qu’eft-ce qu’elle y alloit faire? qu’elle,lui ayant
répondu qu’elle alloit y faire ce que lui fieur de Bombelles y faifoit
lui-m em e, celui-ci lui a dit dans lefdites occafions, qu’i7«|y
PLUS.
a l l o it
Demoijllle Marthe Dumons:
D é p o s e , , , , qu’il y a enYJron fix ans, & avant k mariage dudit
�16
fieur de B om bellesavec laD em o ifelle C a m p , dans le tems de la m o i£
fon , ledit fieur d eB om bellesd it à la D épofante , & à ceux de fa maifo n , qu ’/7 étoit p r o ttfa n t, mais qu'il ne pouvoit pas le faire paroîtrt, craintc
de perdre la penjion def a croix ; qu'il pria la fam ille de la Dépofante de lui
prêter des livres protejlans ; qu'il dit même cheç la Dépofante qu’il venait
d
' EXHORTER LA FEMME du nommé Duron, Jon Bordier, qui venoit d'ex
pirer dans la religion protejlante, qu’il a vo it môme été détourné par un
catholique romain qui étoit furvenu.
M effîn de Viço^e de la Cour :
D é p o s e ................. qu’il fe rappelle encore que ledit fieur de Bom-
belleslu i confia un jour, qu'ayant mûrement étudié les deux religions catho
lique & proteflante, il étoit réellement convaincu que çette derniere étoit la
meilleure ; qu'il étoit D E C I D E A LA PROFESSER TOUTE SA V I E .
Telles font, M e s s ie u r s , les voix qui s’élevent contre le
fieur de Bombelles. Telles font les effrayantes vérités dont
nous aurions voulu lui faire grâce. Comment eft-il poffible
qu’il fe foit aveuglé au point de méconnoître nos égards, &
de nous réduire à rompre un filence fi précieux pour lui ?
Il eft vrai qu’il s’efl: flatté, en s’expofant au rifque de voir cette
enquête devenir publique, d’en affoiblir, non pas l’impreflion,
mais l’effet judiciaire, en la fuppofant contraire aux formes.
Il a prétendu qu’elle étoit défendue par la Loi. Il a cité l’arti
cle de l’Ordonnance de 16 6 7 , qui abroge les examens à fu
tu r, & s’eit efforcé de le diriger contre l’information qu’il feignoit de braver.
J’examinerai ailleurs, M
e s sie u r s
, ce fubterfuge. Je vous
ferai voir que cet. article de la Loi n’a aucune forte d’applica
tion ici. Mais quand il feroit vrai qu’en effet ces témoins en
tendus par le Juge en vertu d’une Ordonnance en réglé , ne
pourroient arracher de vous une condamnation rigoureufe »
ni
�17
‘
ni faire punir comme apoftat l’homme vil que leurs déposi
tions çlémafquent, ces déportions infufîifantes aux yeux de
la L o i, ne le feroient pas à ceux de l’honneur. Les faits qu’elles
confiaient n’en feroient pas moins des faits démontrés pour
tous les cœurs fufceptibles de quelque délicatefTc. Il n’en feroit pas moins prouvé que la foi de la Demoifelle Camp a été
furprife par une affeftation hypocrite, & que fes parens ont
ete abufés par un attachement impofteur pour un culte qu’ils
ont le malheur de regarde? comme le feul vrai. C ’en eft aifez
fans doute , foit pour exeufer leurs démarches lors du fatal
mariage, foit pour juftifier les aveux du Mémoire à confulter;
Il n’étoit queftion alors, ni même ic i, du châtiment que
peut meriter un homme capable de faire fervir une piété frauduleufe a raccompliflement de fes defirs effrénés. Il ne s’agiffo it, il ne s’agit encore, que d’examiner Ci la famille de la D e
moifelle Camp a pu croire, en la livrant à ce terrible Catho
lique , 1 unir à un homme fincere que l ’a m o u r ramenoit à une
croyance familiere dans fa maifon ; car il n’eft plus tems de le
difTimuler, M e s s i e u r s , le fieur de Bombelles pere avoit été
marié deux fois. Sa premiere femme étoit une Proteftante ,
nee & morte à Montauban. Il ne devoit donc pas fembler fi
extraordinaire que le fils imitât le procédé de fon pere; & l’ap
parence de fon abjuration, toute facrilége qu’elle auroit pu paroître à des yeux éclairés de la vraie fo i, pouvoit éblouir des
efprits malades, à qui les circonftances ne laifToient le tems ni
de 1 examen ni d elà réflexion.
Ce n’eft donc point par malignité que la Demoifelle
Camp a fait faire cette enquête. Ce n’eft point par le d e iïr de
fe conformer fervilement à fa pafTion qu’un des faits qui y font
configneS a ¿té produit dans le Mémoire à confulter : ce n’eft
C
^
�' Ai
18
point encore par ce motif odieux quelle reparoît ic i, c’eft
u n iq u e m e n t par le befoin de rendre hommage à une vérité
dont l’i m p r u d e n c e du fieur de Bombelles a rendu la m a n ife ftation indifpenfable.
Après avoir ainfi difcuté & détruit les trois principaux griefs,
que dirai-je, M e s s i e u r s , des autres qu’il a hafardés avec au
tant de hardiefle, & encore plus de légéreté ! Q ue répondrai-je,
par exemple , à ce reproche, de l’avoir calomnié fur l’article
de fes dettes, fur fa facilité à les contra&er, 8c fa négligence à
les éteindre ; d’avoir eu l’indignité de lui fuppofer de fauffes
lettres de change, & un dérangement total dans fes
d’avoir effayé par-là de lui enlever fes protégions 2c
dit ? M a réponfe fera encore bien fimple. C e fera
duire les lettres que l’on écrivoit ù la Demoifelle
affaires ;
fon cré
de pro
Cam p,
comme à l'époufe de ce Débiteur fu gitif, & les aveux
naïfs que faifoient fes parens & fes amis, du défordre où ils ie
voyoient plongé.
M
a d a m e
,
La cruelle fituation où vo u s met la conduite de M. de Bombelles ,
nie touche jufqu’au fond du cœur. Je ne faurois deviner le m o tif d’un
fi étrange filen ce, fur-tout après la promeffe qu’il m’a v o it faite , 6c
l’air pénétré dont je crus m’appercevoir en lui lifant v o tre lettre. Sans
chercher
le juftifier d’un procédé fi condam nable, je ferois tenté d’en
attribuer ,1a caufe à quelques petits dirangemens dans fes affaires , qu'il
n d peut-etre oje vous confier, dans la crainte d’augmenter v o s cha
grins , plutôt qu’à une indifférence qui ne peut fuccéder fi vîte au ten•
dre amour que vo u s lui aviez in fp iré , & à l’eftime qu’il ne fauroit
v o u s reftifer. •
•
•
•
.
Mais quand il auroit des torts aufïi réels
que vous le craign ez, vo u s devez etre affurcc de le ramener
à fespre^
�*9
miers devoirs par cette aimable douceur qxii l’avoit it bien captivé,'
£c plus encore par vo tre ve rtu qui a toujours des droits fur les coeurs
les moins acceifibles........................
J’ai l’honneur d’être , Sec. Signé, CoNSTANS,
L ille , ce 31 Mars tj6 8 .
Lille y.le 18 A vril ty S 8%
M A
d a me
;
\
V o u s ferez fans doute fort furprife de recevoir une lettre d’ un in
connu. J’ofe vous certifier que ce n’eft qu’avec le plus grand regret du
inonde que je me détermine à vous é c rire , pour vous demanderf l x louis
d ’or que j'a i prêtés il y a quatre à cinq mois à M . votre époux, lorsqu'il
tomba affeç dangereufement malade; i l Tri avait promis de me les remettre
fous quinze jours, mais vraifemblabument il m'a oublié, puifqu’il eil parti
fur un congé de fix femaines, fans me les a vo ir donnés ôc fans me rien
dire. L’incertitude oii je fuis de favoir où prendre M. vo tre m ari, 8c
le befoin urgent que j’ai de cette fom m e, m’o b lig e , malgré m o i, à
avoir recours à vous, pour vou s prier d’a vo ir la bonté de me rendre le
fervice de me la faire paffer le plutôt que vou s le p o u rre z, ôcc.
Signé, J a u v e ll e , Capitaine au Régiment de Piémont,
M
a d a m e
,
J’ai l’honneur de vous informer qu'il m'ejl dû par M. le 'Baron de
Bombelles, Officier au Régiment de Piémont , la fomme de 420 livres. M . de
Bombelles m'a donné une lettre de change de 800 livres , qu il a tirée fur
M . Gurijfon , Négociant à Bordeaux , de pareille fomme , le 12 du mois de
'Mars, payable au S d'Avril ; elle a été envoyée 6*proteflée, avec réponfe que
l'on n'avait pas de fon ds, & que l'on ne connoijfoit pas le tireur de la lettre
de change qui m'a. été renvoyée
dont ¿ai été obligé de rembourfer les
irais fur le champ. Il y a grande apparence que M . de Bombelles s'ejl
fervi de cettefubtilité pour trouver le moyen de partir troisjours après qu'il eut
c 1;
. _
�iy>
xo
fa it cette lettre de change , quoiqu’il ni avoit promis, parole d’honneur, qu'il
ne partiroit pas avant que cette lettre ne foitpayée3 d'autant que je devois lui
remettre le furplus de l'argent qu'il avoit befoin pour fon voyage. V oilà
com m e il m ’a a m u fé , & c . Signé, D e f o n t a i n e .
16 Mai 1768.
L ille , 13 Janvier 17 Î9 .
M a d a m e ,
Je prends la liberté de vous é crire , pour vo u s prier de vouloir bien me
faire tenir l'argent de la. dépenfe que M. le Baron a fait che£ moi. Je vous fais
part que pendant fon abfence j’ai pris fes intérêts , je lui ai fait gagner
500 liv re s , que Meilleurs de la V ille de Lille ont jugé en nia faveur
pour fon profit. La lettre de change de 1200 liv . n’a été rem bourfce
que ce qu’il avoit reçu , vous obligerez infiniment. Il m’a fallu mettre
en gage tout ce que jep ofled e , me réduire à la derniere mifere. Infor
m ez-vous de fon dom eilique comme j’ai agi pour Monfieur ; j’ai délivré
fon billet au Commandant de la citadelle. J’ai l’honneur, &cc. Signé,
G e r m a i n , Cuifiner à la citadelle de Lille.
M a chere Sœur,
............................................... V ous me marquez que vous ne recevez
aucune lettre de mon frere pour moi ; je n'entends plus parler de lui
comme s’il n’étoit pas au monde. Je voudrois bien favoir s’il efl toujours
enfermé ; je fu is perfuadée qu'il nefa it plus ou donner de la tête. Je le regrette
de tout mon cœ u r, je voudrois p ouvoir lui rendre fervice..................
Je fuis tcu te à v o u s , v o tre affeftionnée fœ ur S a i n t e - D o r o t h é e
B om belles.
Vous v o y e z , M e s s i e u r s , que la Demoifelle Camp n’a
rien avancé de trop, qu’elle n’a dit c[ue ce qui étoit nécciTaire
à fa Caufe, & ce qu’elle étoit malheureufement en état de juf"
tifier.
*
M a is, s’écrie encore le mari perfide qui l’outrage , & qui ,
�iSt
21
'
dans fa fureur, confond tous les objets, elle a cherché à foulever l’Europe entiere contre moi dans l’unique defïeiii de me
déshonorer fans qu’il y eût de Caufe engagée, fans que rien pût
fervir de prétexte à cette incurfion; elle a publié, pour me per
dre , un libelle affreux, fous le nom de Mémoire à confulter.
Profitant de la fermentation univerfelle qu’a produite cet écrit
empoifonné, elle s’eft liguée avec les Chefs d’une Maifon cé
lébré , où a été élevée mc^n enfance. Ceux-ci oubliant leur de
voir , la décence , les égards qu’ils devoient au Public, à mon
nom , à eux-mêmes , à la vérité, font devenus mes ennemis
irréconciliables par une funeite complaifance pour cette femme
intriguante. Une lettre a paru, qui me retranche du Corps
auquel ma conduite ne pouvoit faire qu’honneur, & qui a
porté un coup mortel à ma réputation. Elle me livre à une
forte d’excommunication publique, elle m’a rendu la fable &
l’opprobre de la Société. L ’effet de cette rufe infernale eft telle
q u e, même en gagnant ma C a u fe, je n’en ferois pas moins
perdu, & que fi je ne la gagne pas, la mifere , la honte, le
défefpoir, font mon unique partage.
Je ne chercherai point, M
e ssie u r s
, à affoiblir cette pein
ture , qui n’eft réellement que trop fidelle ; mais je demande
rai à notre Adverfaire de quel droit il fe plaint de nous ? Le
Mémoire à confulter, dit-il, a été publié fans caufe. Eh quoi !
le fien, cet Imprimé du 25 Juin 1 7 7 !, qui peut être mis au rang
des monumens d’audace les plus finguliers & les plus incroya
bles, cet ouvrage où il ne parle delà D llc Camp que comme
d’un fantôme chimérique , évoqué du néant par fes ennemis,
° ù il ne préfente fon mariage avec elle, que comme une inven
tion miférable,defl:inée uniquement à troubler fon repos & fon
bonheur; cette produ£Hon de l’impoiture, où il affe£te le lan
�gage de -la vérité fçnfible & de l’innocence outragée , ne meritoit pas une réponfe ! La Demoifelle Camp eft criminelle d’a<>
voir ouvert la bouche pour fe défendre, dans un tems où
fon exiftence même étoit rejettée comme une infâme ca.lomnie 1 Elle a dû fe taire, dans le tems où on la défioit de
parler, & où l’on annonçoit qu’on regarderoit fon iilence f
comme la conviftion du crime de fes amis }
C ’eft à ce défi formel que la Demoifelle Camp a cru devoir
répondre, en attendant que les Tribunaux pulïent s’occuper
de fa réclamation ; elle a pris ? pour fe défendre, la même
voie que l’on avoit employée pour l’attaquer. Et c’eft l’obli
gation indifpenfable de repouffer cette injure , dont le (leur de
Bombelles ofe aujourd’hui lui faire un crime ! C ’eft parce
qu’elle ne s’eft pas biffée calomnier, qu’il s’efforce de la trayeftir en une infâme calomniatrice !
Mais que devoit-elle donc faire ? Q uoi ! relier dans l’inac
tion ? Attendre, pour préfenter fes larmes à la Juftice, que la
douleur en eût tari la fource ? Patienter dans Faviliflement &
l’indifférence ? Ne devoir qu’au mépris de la pitié, des fecours
eue fon innocence avoit droit d’exiger ? N ’ofer lever vers les
Tribunaux, qu’un front chargé d’ignominie? Abandonner k
fon Adverfaire tout le triomphe de la vertu ? Prendre fur elle
toute l’humiliation du crime ? Enfin, l.aifïer dépendre du tems
& des formes de la Juftice, une réparation tardive, dont fii
contenance, peut-être, l’auroit fait juger indigne?
N o n , M e s s i e u r s , elle n’a pas eu ce courage indiferet,
elle ne devoit pas l’avoir. Quand elle en aurait été capable
pour elle-meme, l’intérêt de fa fille lui défendoit de s’y livrer»
Il étoit trop important pour cette enfant, dont les pleurs & l ç
�13
défefpoir ont afîiégé le berceau, que la vérité fût connue fans
délai. Elle a donc brillé ; & fes rayons, on l’avoue, ont percé
le fieurj de Bombelles à jour. Le fends de fa conduite, une
fois con n u, la réclamation a été univerfelle.
Il a mis fa reffource dans des Loix rigoureufes, qui ne lui
offrent, comme vous le verrez bientôt, qu’un fupport incer
tain ; mais la Demoifelle Camp a mis la fienne dans une prote&ion plus honorable & plus fûre, dans l’honnêteté, clans
leftime publique. Elle ne ^ouvoit agir autrement, fans fe man
quer à elle-même, fans trahir fa fille. Elle n’a d’ailleurs em
ployé d’autres intrigues pour fe faire des Protefteurs, que
l’excès de fon infortune. C ’efl au fleur de Bombelles lai-même
qu’elle doit fes partifans.
. x
Si la lettre écrite par le Confeil de l’École M ilitaire, doit
faire placer dans ce nombre les Chefs de cette maifon refpectable ; fi l’Arrêt de ce Tribunal, plus redoutable peut-être pour
.un homme fenfible, que ceux où la Juftice apprécie les for
mes , & non pas les procédés, fait un violent préjugé en fa
faveur : ce n’eft pas à la furprife, aux intrigues qu’elle en eft
redevable. Je le déclare ici, M
e s sie u r s
,
& j’y fuis autorifé
par le Confeil même de l’Ecole. La Demoifelle Camp ne connoiffoit encore aucun des M em bres, elle n’en avoit vu au
cun : elle n’avoit ni parlé, ni fait parler à aucun quand cette
lettre a été écrite & envoyée. Elle a été le fruit libre, volon
taire , fpontané de l’indignation commune qui a faifi toutes
ces ames généreufes, en voyant un de leurs Eleves fe dégrader
ainfi lui-même, & s’avilir par un procédé dont perfonne ne
pouvoit mieux qu’elles, apprécier la noirceur.
V o u s fa v e z , M e s s i e u r s , fur quels principes on s’attache
«
�24
former cette pépiniere cîe Héros deiVnfs à devenir lin jour la
reflource de l’Etat & le rempart de la Patrie. L ’honneur , la
délicatefle la plus pure font fur-tput les objets qu’on leur ap
prend à refpecter. T out dans leur éducation eft fubordonné à
ces grands mobiles du vrai courage Sc du feul héroïfme au
quel des hommes doivent prétendre. O n leur apprend tout à
la fois les exercices du Guerrier Si les vertus du Citoyen : mais
çelles-ci ont toujours la préférence. Des mains, des cœurs ,
fignalés par l’habitude des uns & des autres , leur en rendent
la pratique facile. Cette jeunefle, élevée à l’ombre des lauriers
dont leurs Iniïituteurs font couverts , puifent dans leurs
exemples le defird’en cueillir bientôt de pareils. Ils apprennent
d’eux à chérir la gloire, & plus encore cette paix avec foimême, ce repos de l’ame, cette tranquillité intérieure produite
par la vertu , fans laquelle ce que nous appelions un grand
homme n’eft le plus fouvent qu’un homme dangereux.
Le premier foin du iîeur de Bombelles, en arrivant à Paris,
en 1767 , avoit été de rendre Tes hommages à fes anciens
Maîtres : ion cœur , encore innocent alors, 11e rougiffoit point
des modeles refpe&ables dont cette maifon eit remplie ; il n’avoit pas à craindre d’en être repouffé par l’air de pureté qu’on
y refpire. En les informant de fa fituation a£tuelle , il s’étoit
ouvert fur fon mariage avec la Demoifelle Camp. Il l’avoit
publié hautement avec une fatisfaftion qui annonçoit encore
l’ivreffe du bonheur & la franchife de la vérité. Je fuis de même
autorife, M
e ssie u r s
, à vous le plaider; j’en fuis avoué par
le Confeil de l’Ecole. Il n’y avoit donc perfonne qui n’y fût
informe de l union contra&ée par le fieur de Bombelles ¿1
Montauban , &r perfonne qui ne l’eût félicité, en apprenant de
lui
�u s
lui les qualités de fon époufe, les agrémens de fa figure, la
douceur de fon cara&ere, les charmes de fon efprit.
Jugez, M e s s i e u r s , quelle a dû être la furpfife de ces Juges
intégrés, quand, dans un premier Imprimé, ils ont vil le fieur
de Bombelles traiter lui-même de calomnie & d’impofture ces
aveux libres que fa bouche leur avoit fi fouvent faits ; Si quand
enfuite ils ont été convaincus, par la réclamation de l ’infortunée
ainfi trahie, que le fieur de Bombelles manquoit aux fermens
les plus facrés, que ce ma)i parjure, ce pere dénaturé fe jouoit
des nœuds que tous les autres hommes refpeûenr. -Honteux
d’une telle corruption dans un cœur forti de leurs mains, ils
ont fongé du moins à empêcher quelle ne devînt contagieufe,
8c à tirer de l’efpece de honte qu’elle pouvoit faire à l’Ecole ,
un préfervatif pour les autres Eleves qui auroient pu être un
jour tentés de l’imiter.
V oilà, M e s s i e u r s , ce qui a difté cette lettre que le fieur
de Bombelles ofe vous préfenter comme le fruit d’un complot
odieux tramé pour le perdre, ce monument à jamais mémo
rable de l’impartialité du Confeil de l’Ecole Militaire, &: delà
vigilance avec laquelle les Chefs qui le dirigent s’acquittent .des
fondions que le Roi a daigné leur confier. La Demoifelle
Camp y trouvoit fon avantage, parce que fa Caufe étoit inti
mement liée à celle de l’honneur & de la vertu. Le devoir Sc
l’inclination l’ont portée à les en remercier : l’accueil.qu’ils ont
cru devoir à fa beauté , à fes malheurs , lui a fait réitérer deux
ou trois fois cette marque de fa reconnoiffance. Voilà à quoi
fe réduifent ces liaifons, cette intimité que' le fieur de Bom
belles n’a pas balancé à fuppofer, pour rendre fon époufe dé
favorable , fans faire attention qu’il compromettoit une maifon
dont le nom feul exclut tout foupçon de manège, & à laquelle
D
�»
i6
il ne devroit jamais penfer qu’avec ce mouvement de refpe&
qu’éprouvent toutes les ames honnêtes qui en font forties.
J’ai répondu , je crois, M e s s i e u r s , à tous les griefs; j’ai
écarté tous ces reproches étrangers à la Caufe dont il ne l’a
chargée que dans l’efpérance de vous faire illufion , & de dé
rober à vos regards, au milieu de tant d’objets inutiles, celui qui
feul mérite votre attention, la réalité du premier mariage. Avant
que de l’examiner à fond, j’ai encore un mot à dire fur l’inter
vention -de la Dame Hennet. J’ai à faire évanouir ce fantôme
fans confiftance, que l’artifice a produit & que la malignité a
paru animer au moins pour un inftant.
Que veut-elle ? Que demande-t-elle ? Q u ’efpere-t-elle ?
Vengeance pour moi & juftice pour mon neveu. Vous l’avez
féduit, vous m’avez outragée ; vous avez fait de moi dans
votre libelle un portrait odieux : vous m’avez rendue ridicule
& haïffable: la Juftice doit réprimer des écarts de cette nature;
une pareille licence eft plus dangereufe que les travers même
que vous me reprochez.
J’avoue, M e s s i e u r s , que le portrait de la Dame Hennet,
qui fe trouve dans le Mémoire à confulter, du 1 2 Novembre
177 î ,n’eft pas à fon avantage ; mais avant que d’accufer la main
qui l’a tracé, qu’elle fe rappelle donc le perfonnage qu’elle
joue dans l’imprimé de fon neveu, & les déclarations faits ici
même, à cette Audience.
Q u ’y a-t-clle dit r>Q ue c’eft elle, & elle feule, qui a empêch’é
le mariage de la Demoifelle Camp d!’être ratifié ; qu’elle prcnoit fur elle les fuites de l’affaire & la honte qui en couvre
l’auteur ; que le fieur de Bombelles n’avoit rien fait que par (es
coiifeils ; quelle l’avouoit de tout : & en effet c’eft de fa main
�///
17
qu’il a reçu les lettres dont il excipe. C ’eft elle qui lui a procuré
des atteftations , des certificats qui femblent un peu le raffurer.
C ’eft elle qui éloigne de la Demoifelle Camp une de Tes bellesfœ urs, & qui n’ayant pas eu le même empire fur l’autre que
le Cloître dérobe à Tes follicitations, lui a voué une haine irré
conciliable. Et c’eft d’après un femblable procédé , qu’elle fe
plaint que la Demoifelle Camp l’injurie, en fe défendant des
infultes dont elle-même l’accable !
Q uoi ! par écrit & déV vive voix à cette A udience} vous
vous déclarez ma plus cruelle perfécutrice, 8c vous prétendez
que je vous honore ? Un caprice inconféquent vous infpire
contre moi une rage opiniâtre : vous bravez, pour me nuire,
le cri public : vous étouffez celui de votre confcience : vous
facrifiez l’honneur de votre neveu : vous confentez à partager
volontairement fon opprobre : & vous exigez que je vous
refpe&e ! Vous corrompez fon cœur pour le rendre parjure:
vous me cherchez des ennemis d a n s-fa famille : vous n’aviez
voulu entendre parler de lui ni de fes fœ urs, depuis la mort
de leur pere : vous nourriifiez pour eu x, & par une raifon
dont je vais rendre compte tout à l’heure, une averfion invin
cible en apparence ; cependant vous la faites céder au plaiiir
de le voir devenu méchant, dès que fa perverilté peut affurer
mon infortune. Vous lui tendez les bras, dès qu’il eft devenu
parjure, infidele , méconnoiiTant. Mes malheurs vous recon
cilient : & vous voulez que je vante votre bienfaifance, que
j’orne le tombeau, où vous allez defcendre, des éloges dus à
la générofité ! Mais pour perfuader que je vous ai calom
niée , ceffez donc de prouver par votre conduite, que ces
calomnies font des vérités néceffaires. Ah 1 il vous étiez
bonne, indulgente , véridique , amie de la vertu , ferois - je
infortunée ?
D ij
ùi
�Si votre demande, tendante à la réparation,eil illufoire, dé
mentie par les procédés même au moyen dtfquels vous
croyez la juftifier, que faut-il penfer de cette prétendue juftice
que vous follicitez en faveur d’un neveu q u i, comme vous le
déclarez vous-même , vous doit fes funeftes égaremens 1 D e
quel droit, à quel titre intervenez-vous ici pour lui? Etesvous fa tutrice, fa curatrice ? Avez-vous , pouvez-vous avoir
quelque qualité dans la Caufe ?
Vous vous accufez de l’avoir perverti : c’eil: un aveu qui
vous expofe à partager avec lui les rigueurs de la Juftice ; mais
ce n’eft pas un titre qui vous nutorife à le défendre, ni qui
puiffe donner du poids à fes foibles allégations. La Loi vous
exclud formellement de l’a&ion que vous intentez: elle vous
repouffe à l’inftant même où vous feignez d’implorer fon
pouvoir.
Mais mon alliance, fi l’on vous en croit, avec le fieur de
Bom belles, eft difproportionnée ; elle feroit la honte de fa
famille j & c’eft un des cas où les collatéraux font admis à faire
caffer un mariage, qu’ils feroient dans toute autre circonftance forcés de refpeûer.
D e la difproportion I Et où la trouvez-vous ? M . de Bom
belles a de la nobleffe, mais j’ai de la vertu. Il flétrit fa famille j
m o i, j’honore la mienne. Cette difproportion eft-elle fi défa
vorable ? S’il y a de la honte à la franchir, ce n’eft fans doute
que pour moi : mais d’ailleurs , de combien eft-il plus noble
que fon pere ? Celui-ci n’a pas cru déroger, en époufant en
premières noces une femme du même culte que m oi, & d’une
condition inférieure. Son union en a-t-elle été moins refpectée ? A-t-il trouvé dans fa famille une Madame Hennet, prête
à la combattre & à tout facrifier pour la faire anéantir ?
�2Q
r ' 'Vous vous êtes permis d’avilir l’homme refpe&able dont je
tiens la naiffance. Vous l’avez travefti en un Compagnon T ein
turier. Si votre ame étoit fufceptible de quelques remords,
vous lui en feriez aujourd’hui une réparation plus éclatante
que ne le pourroit être celle que vous prétendez. Auriez-vous
,ofé hafarder une pareille impofture devant nos Compatriotes,
juges naturels d’une imputation de cette efpece? Perfonne ne
fait mieux que vous, que il le goût de la médiocrité lui a fait
quitter de bonne heure urç commerce honnête , où fes parens
s?étoient diilingués comme lu i, il s’en eft retiré avec la confidération publique dont il jouit encore ; fucceffion précieufe ,
aiïurée à fes héritiers, & que vous ne tranfmettrez probable
ment jamais aux vôtres.
Des iiecles d’une roture utile & fignalée par des vertus, va
lent bien fans doute, comme vous le difoit tout-à-l’heure un
de ces Négocians que vous haiflez parce qu’ils nous connoiir
fent tous deux & nous rendent juftice, valent bien quelques
années d’une noble-île dégradée par des lâchetés & des par
jures.
. Comme collatérale, vous n’avez pas à vous plaindre d’une
alliance où ma famille court plus de rifque que la vôtre. Com
me (impie tante, vous n’avez rien à dire dans les affaires où
les qualités doivent être pefées autant que les raifons. Cette
tendreffe, dont vous vous enorgueilliffez , cette affeftation
d attachement pour votre neveu peut-elle fuppléer à des titres
que vous n’avez pas, & que vous n’avez jamais pu avoir?
Vous lui tenez lieu de pere, dites-vous. A h ! combien frémiroit l’auteur de fes jours , à ce langage cruel pour lui! Com
bien il rougiroit de fe voir ainfi remplacé 1 Avez-vous donc
oublié, avez-vous perdu de vue ce monument de fes der-
�3°
nîeres volontés, cet écrit où fa main mourante a coniîgné le
dernier fentiment qui ait rempli Ton cœur ? Ne vous fouvenezvous plus que dans Ton teflament il a paru ne rien tant redou
ter pour fes enfans, que de voir vous mêler en quelque chofe
de leurs affaires ? Voici ce qu’on y lit:
Le fieur de Bombelles pere, après avoir fait Tes difpofition s, ajoute :
« Sur-tout j e recommande que mon frère & ma fœur ne Je
» mêlent en rien de tout ce qui me regarde & mes enfans »>.
Il n’en faut pas davantage , M e s s i e u r s , pour écarter la
puérile intervention de la Dame H ennet, & pour juilifier ce
qui a été dit d’elle dans le Mémoire à confulter. Cet oracle domeilique eil un arrêt foudroyant, qui la condamne au iilence.
La nature & la Loi défèrent à un pere qui fe voit arraché par
la mort des bras de fes enfans le droit de choiiir les mains à
qui il veut confier leur foibleffe ; mais s’il a la nomination, il a
fans doute auffi l’exclufion. D ’après le teflament du fieur de
Bombelles pere, la Dame Hennet n’auroit pu avoir le nom de
tutrice auprès des enfans qu’il laiffoit ; elle ne peut donc pas
aujourd’hui en exercer les fonûions. Ses vains efforts ne doi
v e n t a rrê te r ni vos regards ni les nôtres. Portons-les donc fur
de plus grands objets. Examinons en détail ce mariage intéreffant, à la deilinée duquel une partie de la Nation croit voir
la fienne attachée,
§. 11.
Preuve de la, pojfejjlon d'état de la Demoifelle Camp,
Il cil bien étrange, fans doute, que ce foit au mari de la
Demoifelle Camp qu il faille prouver qu’elle eil mariée j il eil
étonnant que ce foit lui qui fe preiente pour dénier des fermens
�que fa bouche a proférés, & des faits dont il a lui-même été
le premier mobile. Encore s’il avoit fuivi par artifice le même
plan que les égards, les ménagemens nous ont fait adopter;
fi, au lieu de fe produire lui-même fur la lice, il n’y avoit laiffé
paroître que fa prétendue fécondé époufe, comme la Demoiielle Camp n’y a expofé que fa fille, alors la querelle étant
entre deux perfonnes étrangères l’une à l’autre , chacune des
combattantes auroit p u , ^ans rougir, nier des particularités
qu’elle auroit été cenfée ne pas connoître. Toutes deux auroient pu fans honte affe£ter une ignorance entiere du paiTé,
& exiger des démonftrations rigoureufes de tous les événement
auxquels elle auroit paru n’avoir pas eu de part direfté.
Mais que ce foit le fieur de Bombeiles qui vienne en perfonne montrer cet air novice & défintérefle ; qu’il feigne ic i, â
cette Audience, d’écouter ce que nous difons, avec un air de
curiofité & de furprife, comme fi c’étoient des chofes abfolument nouvelles pour lui ; qu’il affe£te d’en prendre des notes ,
comme s’il avoit befoin du fecours de l’écriture pourfe les rappeller, & q u e ce petit artifice dût l’aider à préparer fes réponfes, c’eft encore, M e s s i e u r s , un de ces incidens bifarres
qui, comme j’ai eu déjà l’honneur de vous le dire, diftinguent
cette Caufe de toutes celles qui l’ont précédée.
Q uoi qu’il en fo it, donnons-lui la fatisfaftion qu’il foühaite*
Procurons-lui le'plaifir d’entendre prouver géométriquement*
des faits qu’il connoît au moins auffi bien que nous. Dém on
trons que fa premiere femme a en fa faveur la pofTeiilon & les
titres.
Q u eft-ce que la poiTeiTion d’état ? D e l’aveu de nos A dverfaires , page 50 de leur Imprimé , elle conjijle dans l'opinion
publique j mais principalement dans l'opinion de ceux qui f ont
�< X L \
3l
obligés d'en prendra connoijjancc, & qui ont intérêt de ne pat
s'y méprendre. Si cette définition eft jufte, qui a jamais eu une
poiTeifion d’état plus confiante, moins problématique, que la
Demoifelle Camp ?
Q ui font les perfonnes obligées de prendre çonnoiflance de
l’état des Citoyens ? Ce f.n t fans doute les Chefs de l’Adminiftration, tant eccléfiaftique que civile. O r la Demoifelle Camp
vous préfente, M e s s i e u r s , fes atteftations en form e, éma
nées de ce que chaque forte de Magistrature a de plus refpectable. M. l’Evêque de Montauban, dans un Certificat du 7
Oitobre 1 7 7 1 , déclare que,
D ’après les inftru&ions que nous avons prifes fur la conduite de la
D em oifelle C a m p , elle a toujours j o u i , en qualité de fille , d’une
bonne rép u tatio n ; que depuis environ 1766 elle a été reconnue pour
Vépoufe de M. de Bombelles, & qu’elle a mérité l’eitime du P u b lic, & c .
D onné à M ontauban, le 7 O & obre 1 7 7 1 . Signé,d e B r e t e u i l , E vêq u e
de Montauban.
M . le Premier Préildent de la Cour des Aides & Finances
de Montauban certifie que
Dam e Marthe Camp , VicomteiTe de Bombelles, a toujours j o u i ,
avant & depuis l’année 17 66 , époque de f i n mariage, d’une réputation
intatte ; que la fagefle, de fa conduite & l’auftérité de Tes moeurs lui
ont mérité l’eitime publique, & c . Fait
Signé t M a l a r t i e
de
Montauban le 6 Juin 1 7 7 1 .
M o n t r ic o u x .
M . le Commiflaire départi dans la Province, attefte que
D em oifelle Marthe C a m p , habitante de M ontauban, & connue fous
le nom de Dam e de Bombelles depuis l’annee 1766 , a toujours e u ,
avant & depuis fo n mariage, u n e conduite irréprochable, qui a mérité
l’eftime du P u b lic, & c . Fait à Montauban le 9 O & obre 1 7 7 1 . Sig n é,
de G o u r g u e .
Vous
�33
Vous le v o y e z, M
e s sie u r s
: à la certitude de l’état de la
Demoifelle C am p , ces trois pieces joignent une vérification
particulière de Tes procédés, & une atteftation précife de la
régularité de fa conduite. L ’Infpe£teur-né des mœurs, le Ven
geur de l’honnêteté publique, le Pafteur univerfel, l’Evêque,
qui a dû plus que perfonne être en garde contre un mariage
célébré par des Proteftans; le Commiflaire départi, à qui eft
confiée l’exécution des R^glemens rigoureux prononcés contre
tout exercice d’un culte profcrit ; le premier Préfident d’une
Cour fouveraine , à qui l’obfervation des Loix ne peut jamais
être indifférente, fe réunifient tous pour attefter que la Dem oi
felle Camp a été reconnue époufe du fieur de Bombelles, &
que l’année 1766 ejl L'époque de fon mariage. Si jamais il y a
eu quelque choie d’authentique, c’eft fans doute une vérité
confirmée par la réunion de trois témoignages, doxit un feul
fuffiroit pour rendre un fait inconteftable.
Si les perfonnes obligées de prendre connoiflance de l’état
des Citoyens , rendent hommage à celui de la Demoifelle
C am p, que font celles qui ont intérêt de ne pas s’y méprendre ?
Ce font fans doute les parens qui forment cette fécondé clafle:
o r , dira-t-on qu’ils aient méconnu le mariage dont nous foutenons la validité? Mais vous avez entendu le fieur de Bombelles fe récrier fur une prétendue ligue formée, pour le perdre,
entre eux & fa premiere époufe : vous l’avez entendu fe plain
dre à grands cris de ce que la Demoifelle Camp a fafeiné les
yeux de fa famille, de ce qu’elle eft Finftrument dont fe fer
a ie n t des perfécuteurs dénaturés, pour compromettre fa
gloire troubler fon repos. N ’eft-ce pas là un aveu b i e n précis
E
�V A
34
de la juftice que rendent Tes parens à fa véritable époufe ?
C e qu’il appelle former une ligue contre lu i, c’eft être fufceptible de quelques fentimens d’équité : ce qui lui paroît une
perfçcution cruelle, c’eft l’attachement aux principes d’hon
neur & de délicateffe qui animent toutes les perfonnes de fa
race, excepté peut-être, puifqu’il faut le dire, la Dame Hennet,
qui s’expofe fi courageufement à partager fon opprobre. Hors
çlle, quel parent, quel allié voyez-vous paroître ici pour com
battre nos réclamations? O u plutôt, de quel parent, de quel
allié ne font-elles pas avouées ?
O n vous a cité à l’Audience les Demoifelles de Bombelles,
fœurs de notre Adverfaire, comme complices de l’interven
tion illufoire de la Dame Hennet. O n n’a cependant pu pro
duire que je ne fais quel défaveu fait au nom de l’aînée, d’un
pouvoir donné par elle, pour tenir en fon nom la jeune Char-,
lotte de Bombelles fur les fonts de Baptême. M ais, en fup-'
pofant que cette aînée q u i, d’ailleurs, refte dans le filence >
fe foit lailTée furprendre par les infinuations intéreiTées de la
Dame Hennet, ce fuffrage du moins ne feroit-il pas plus que
fuffifamment compenfé par un autre fuffrage d’un tout autre
poids, & qui nous eft affuré ? c’eft celui de la cadette, Ile—
ligieufe à Montauban.
Avant & depuis fa Profeifion, elle n’a cefle cle rcconnoître
la Demoifelle Camp pour fa belle-fœur, & la petite fille pour
fa niece, & de leur prodiguer les noms ainii que les careffes les.
plus tendres. 11 n’y a point d’année où elle n’ait donné par écrit
des preuves de fon attachement &: de la ferme perfuafion où
elle éto it, que l’engagement de fon frere avec la Demoifelle
Camp eft folide & irrévocable. Il n’y a pas une de ces lettres
O^i elle ne parle du mariage, de l’accouchement, de la petite
�* 6
' 35
nicce* Depuis même que le Procès eft commencé, le 14 Fé
vrier 1771 , voici ce qu’elle mandoità la Demoifelle Camp:
V ous avez eu t o r t , ma chere fœ u r, de me vo u lo ir du m al; vous
connoiflez l’amitié que j’ai pour vous ; je voudrois p o u v o ir vous dé
livrer de toutes vos peines, mais cela n’eft pas poilible. Q ue vo u lezvous que fafle une pauvre religieufe ? Je ne puis que vo u s exhorter
d’etre foum ife à la volonté de D ieu , de faire bon ufage de toutes les
croix que le bon D ieu vou^ envoie : fi cela dépendoi de m o i, de ce
moment ici vo u s feriez au comble de vo s .deiirs. Je conviens que vous
aveç un trijîe f o r t , fachant qu 'il ne dépendoit que de vous , A V A N T VOT RE
mariage
, de prendre un bon parti. Il faut efpérer que tout s’accom
modera d’une façon que v o u s v iv r e z heureufe......................
Ce témoignage n’eft pas moins précieux, il eft peut-être en
core plus décifif que ceux que j’ai déjà eu l’honneur de vous
citer. La fœur Dorothée avoit plus de préjugés à vaincre,.que
perfonne: Catholique,Religieufe, enchaînée ainfi doublement
en quelque forte, à l’obfervation de ces Loix que l’on oppofe
à la Demoifelle C a m p , quelle incertitude, quelle évidence
ne falloit-il pas aux droits de celle-ci, pour fubjuguer les ferupules de fa belle-fœur, & l’engager à reconnoître en elle une
alliance q ui, au premier coup-d’œ il, pouvoit paroître fufpefte
à l’Eglife ?
Si le mariage n’avoit pas été public 8c confiant, en quelle
qualité la Demoifelle Camp auroit-elle paru aux yeux de cette
pieufe reclufe ? A quel titre auroit-elle ofé lui préfenter le fruit
de fon union ? Si le mariage n’avoit pas été connu & avoué;
fi ce n’avoit été, comme l’affure fi agréablement la D am e
Hennet dans fes lettres, quun goût v i f , mais faffager ; 8c
comme le dit, avec une componûion très - édifiante le i«eur
�■
3
*
de Bombelles lui-même, quune foibleffe expiée par fa conduite
pojlérieure ; fi enfin ce n’avoit été, comme on vous l’a plaidé fi
hardiment, qu’une continuation de défordre & un concubi
nage fcandaleux, la Religieufe fe feroit-elle prêtée à y donner
la moindre approbation ? Eft-ce avec elle que l’objet de ce
commerce impur auroit cherché à vivre dans l’intimité ? Son
amitié feroit-elle devenue le prix d’une liaifon malhonnête ? Et
le premier devoir que lui auroit prefcrit la délicateffe de fa
confcience, n’auroit-il pas été de bannir à jamais d’auprès
d’elle cette ufurpatrice d’un rang & d’un nom qu’elle déshonoroit ?
'
.
.
Mais elle s’eft biffée tromper, dira-t-on ; la clôture rend les
filles ainfi ifolées, plus crédules, moins défiantes. Rien de plus
facile que de leur en impofer fur ce qui fe paffe au-delà des
murs impénétrables qui leur ôtent la vue du fxecle & de fes
vanités.
Ah, M
e s sie u r s
, fur .cet article j’en appelle à l’expérience.
Les Cloîtres font inacceffibles aux perfonnes étrangères qui
n’y doivent point entrer. Mais le font-ils de même aux nou
velles ? On s’y pique d’un mépris rigide pour le monde & fon
vain éclat ; mais a-t-on une pareille indifférence pour les incidens qui l’agitent ? N ’y cherche-t-on pas plutôt à s’affermir
dans un fage éloignement pour ce théâtre de corruption , par
la liberté avec laquelle on apprécie les fcenes qui s y jouent,
& par le defir impétueux que l’on a d’en être initruites dans le
plus grand détail? Eit-il bien vrai qu’il foit aifé, à cet égard ,
d’abufer les habitantes de ces retraites facrécs ? Quand toutes
les vertus trouvent auprès d’elles un afyle, la vérité feule en eftelle bannie ? Et n’eft-ce pas fur-tout quand les événemens ont
quelque rapport aux perfonnes de la m aifon, ou à leurs far
�37
milles, que la cùrioiifé commune devient plus a&ivé, plus
infinuante, & mieux informée ?
■
Je veux croire qu’il auroit été poffible d’en impofer à la Sœur
Dorothée fur le mariage de la Demoifelle C am p, & de métamorphofer à fes yeux un défordre criminel en une conjonftion
légitime ; mais fes compagnes auroient-elles été auffi faciles,auiïi
peu clairvoyantes? Cette prétendue belle-fœur entroit dans le
Couvent; fa figure, fa taille étoient faites pour fixer des yeux
oififs que la nouveauté futaout a droit de frapper. Si le nom de
Bombelles qu’on lui donnoit, n’avoit été qu’une impofture
les Religieufes, les Supérieures, & par conféquent la Demoi
felle de Bombelles elle-même, auroient- elles tardé à en être
averties ? Celle-ci fe feroit-elle opiniâtrée, au milieu de tant de
leçons d’innocence & de modeles de pureté, à paraître la proteftrice du fcandale & garnie du libertinage, fur-tout en faveur
d’une Proteftante, à qui rien ne l’attachoit d’ailleurs, & pour
qui la feule différence des cultes devoit lui infpirer au premier
coup-d’œ il, plus d’éloignement que d’inclination ?
Je ne crains pas de le dire, M
e s sie u r s
, jamais il n’y a eu
de preuve de poffeifion d’état, c’eit-à-dire, de la publicité de
cet état, plus forte que la reconnoiffance de la Sœur Dorothée.
C ’eff iine voix* accablante qui crie contre le fieur de Bom
belles , & qui devroit porter dans fon cœ u r, finon les re
mords, au moins la honte & l’effroi.
Q u’on y joigne maintenant cette quantité innombrable de
lettres de toute efpece, & de tous les amis du fieur de Bom
belles j informés par lui-même de fon mariage. Q u ’on y joigne
ces fuferiptions adreffies cle Lille à la Demoifelle Camp, par le
Cuifinier qui a nourri fon époux, & qui demande fon paiement;
par cette Dame indignement trompée, à qui l’on remet une
�T8
fauffe lettre de change pour l’endorm ir, & Te ménager le
moyen de s’évader fans en être obfervé;, par ce Camarade qui
réclame une dette d’honneur ; & qui tous n’ont pu être ins
truits , dans le fond de la Flandre, d’un mariage contrarié à
M ontauban, au fond du Q u ercy, que par une publicité bien
notoire. Q u ’on y joigne les aveux, les déclarations faites par
le iieur de Bombelles lui-même, ioit dans Ton teftament qui a
donné lieu de fa part à une calomnie fi audacieufe & fi im
prudente, foit dans fes propres lettres qui portent toutes, pen
dant plus de quatre ans, une fufeription feule fuffifante pour
le condamner, puifqu’elles font adreffées à Madame la Baronne
ou la Vicomteffe de Bombelles, fuivant qu’il plaifoit à fon
mari de s’intituler Vicomte ou Baron ; foit à l’Ecole Militaire,
où il s’eft fait publiquement gloire de fon alliance avec la
Demoifelle Cam p, comme j’ai eu l’honneur de vous l’obferver.
Q u ’on réuniife, M
e s sie u r s,
toutes ces efpeces de preuves,
& qu’on voie s’il y a jamais eu une pofleiTion d état mieux
déterminée, plus authentique que celle que nous annonçons
aujourd’hui. Dans quel efprit le concours de tant de témoi
gnages , fans interruption, peut-il laifler fubfifter la moindre
idée d’incertitude ?
%
Faut-il répondre aux miférables chicanes, aux impoftures
criminelles par le moyen defquelles notre Adverfaire s’eil flatté
d’affoiblir cette chaîne terrible de preuves qui l’eiFraie & l’acca
ble ? Il avoit commencé par accufer la Demoifelle Camp d’a
voir em ployé, pour furprendre à fa tendrciTe des dénomina
tions honorables, un ftraragême inSigne d’un cœur honnête.
Il a articulé en propres ternies , quelle avoit d’abord fuppofé
une groflefle, à la faveur de laquelle on l’avoit engagé, pour
�39
lui fauver l’honneur, à lui donner le nom d’époùfe. Cette im
putation développée , étendue à l’Audience , s’eft évanouie à
l’impreflion, comme celle qui regardoit le théâtre du fieur
la Coite. O n n’en retrouve plus qu’un mot échappé par mégarde à la page 50.
C ’eft la défavouer (ans doute, que de l'avoir ainfi fupprimée.
Mais quel fruit s’eft promis le fieur de Bom belles, de la hardiefîe avec laquelle il a oie la haiarder d’abord à l’Audience ?
Quel avantage efpéroit-il d(une inculpation inconféquente dont
il ne lui refte que la honte ; puifque, malgré le trifte courage
dont il n’a donné que trop de marques dans la C au fe, il fe voit
aujourd’hui forcé de l’abandonner ?
Quelle raifon a pu l’engager de même à avancer, à la page
45 de fon Imprimé, une abfurdité ridicule qui n’avoit.point
paru à l’Audience ? Ses propres lettres, pendant quatre ans,
portent conftamment une fufcription non fufpeôe & tran
chante. Elles font toutes adreflees à Madame de Bombelles.
EmbarraiTé fur ce fait, qu’il ne peut nier, puifqu’on en produit
la preuve écrite, il dit qu’il n’a employé cette dénomination y
que par convention, & parce que cefl l ’ufage à Montauban
et aller retirerfoi-même fes lettres au Bureau de la Poße.
Mais fi cette alïbrtion eft fauffe ; fi cet ufage prétendu n’eft
pas plus en ufage en Montauban qu’ailleurs ; fi dans cette Ville
commerçante il y a , comme dans toutes les autres , un Fac
teur établi exprès pour la diftribution des lettres , que réfultet-il de lexcufc frivole & menfongere que préfente le fieur de
Bombelles ? Ne donne-t-il pas par là un nouveau poids à ces
mêmes lettres , dont il eflaie d’alléger le fardeau ? N ’en conftate-t-il pas l’authenticité , par les efforts qu’il multiplie pour
1 éluder? Si elles n’ont pas été myftérieufes, fi elles ont dû par
�40
venir à Ton époufe par la voie ordinaire , il elles ont dû lui
être portées indiftin&ement comme les autres par TOfficier
chargé de ce miniftere , n’eft-il pas évident que les droits,
dont la fufcriptîon contenoit l’aveu, n’avoient rien de clandeftin & de problématique ? N ’eft-il pas clair que ion intention
étoit qu’on fût à la Pofte & par-tout où les marques de fa
tendreile pour la Demoiielle Camp pourraient être connues,
qu’il l’avouoit pour fa femme , que des nœuds indiflolubles
l’engageoient à elle, & qu’à chaque fois qu’il prenoit la plume
pour lui écrire , il çonfirmoit des fermens par lefquels il lui
avoit en i j 66 engagé fa foi-fans réferve ?
Mais ce menfonge officieux, dit-il à la même page 4 5 ,3 pris
fin au mois d’Août 17 7 0 , où recommence l’adreffe de Mademoifelle Camp ; ces deux derniers mots font imprimés en
lettres italiques : &r pour vous en prouver la juftelTe , M
sie u r s
es-
, nous produifons une lettre du 9 Septembre 17 7 0 ,
adreftee à Madame Cam p, pour remettre à Madame fa fille.
Mais a-t-elle fait dans le ménage quelqu’a&e capable d’in
diquer fa qualité ? A-t-elle payé des dettes , compté avec des
fermiers , xeçu de quelques débiteurs ? Non , M e s s i e u r s ,
elle n’a pas reçu des débiteurs, parce que le iieur de Bombelles
11’avoit que .des créanciers. Elle n’a pas payé de dettes, parce
que fa fortune n’y auroit pas fuffi , & que , il elle avoit voulu
faire face aux demandes qu’occafionnoit le dérangement de
fon mari, elle auroit ruiné fa famille fans le libérer. Enfin elle
n’a point compté avec des fermiers, parce que le fieur de Bom
belles n’avoit point de fermes.
Ilne poffedoit pour tout fonds qu une maifon de campagne,
cftimee dans fon partage 27000 livres. Il lui avoit promis
Uy’
�¡r t
41
lui en afîurer l’ufufruit ; par ion tjeftament 11 lui en donnoit
même la propriété. Cependant il l’a vendue dans fes befoins.
Elle ne s’en plaint pas ; mais on voit combien il eft difficile
qu’il fubfifte des traces d’une adminiftration ainfi raccourcie.
Mais dans l’extrait de baptême de fa fille , on ne fait pas
même mention de fon pretendu mariage. Charlotte de Bom
belles n’y eft dite ni légitime, ni iffue de pere & mere mariés.
Cela eft v ra i, M e s s i e u r s ; mais pour en tirer une induction
férieufe, il faudroit que toutes les preuves de l’état que nous
réclamons fuiTent réduites à ce titre feul. Il faudroit qu’il fût
bien conftaté que le Vicaire qui a baptifé l’enfant n’ait pas eu
désraifonsperfonnelles de haine q uil’aient dirigé dans la rédac
tion de l’a&e de baptême ; il faudroit qu’on ne pût pas le foupçonlier d’un zele amer & vindicatif, q u i, par un déplorable abus,
a influé jufques fur les fondions de fon miniftere. Il faudroit
enfin que la fimple omiifion d’un mot fût une nullité irrémé
diable , à laquelle rien nepûtfuppléer ; il faudroit qu’on n’eût
pas d’exemples, fur-tout dans les baptêmes des Proteftans, des
correftions ordonnées par les Tribunaux en pareil c a s , & que
la Demoifelle de Bombelles ne pût pas un jour demander, s’il
en étoit befoin , que le regiftre refté imparfait à fon égard par
négligence ou par malignité, fut réform é, comme tant d’autres
font parvenus à en faire rayer des qualifications injurieufes que
la malignité ou la négligence y avoient fait inférer.
Mais au m oins, dit le iieur de Bombelles , fi j’avois en
tendu contra&er un engagement férieux ,fi j’avois voulu tranfferer à la Demoifelle Camp mon nom & les droits d’épo-ufe ,
Jer* aurois auili voulu toucher le prix i je n’aurois pas
©mis den exiger la d o t; on juge bien que je ne fuis pas
�4*
hom m e à m’endorm ir fur un pareil article. C ependant vou s
a vo u ez que les 8000 livres portées par le contrat n e'm ’ont pas
é té délivrées. C e l a eft encore v r a i , M
e s sie u r s
; & com m e
cet article a quelque chofe de fp é cieu x , il mérite explication.
Au moment du mariage, les deniers étoient prêts & les efpeces comptées ; elles ont été offertes au fleur de Bombelles ;
mais foit qu’il voulût donner une plus grande idée de fa mo
dération , foit qu’il crût cet argent plus en fûreté dans les mains
de fon beau-pere que dans les fiennes, foit que la poiTefïion de
fon époufe lui fuffît alors, & qu’elle remplît exclufivement
tous fes defirs, il refufa pour le moment. Quand le féjour
de la garnifon de Lille eut changé fes mœurs , & que le défordre lui eut fait connoître le befoin ; quand après d’inutiles
efforts pour dérober fon inconduite aux yeux de fes compa
triotes , elle eut percé jufqu’à M ontauban, & qu’on l’eut vu
forcé de vendre cette maifon qui devoit fervir d’afyle & de
douaire à fon époufe; quand après avoir épuifé ces reffources,
il n’en vit plus d’autres pour lui que la d o t, & qu’il la demanda
par forme d’emprunt, le pere de la Demoifelle Camp crut de
voir fagement fe refufer à la demande d’un diffipateur que ce
foulagement paffager n’auroit pas tiré de l’abîme où il s’étoit
précipitéIl
n’avoit plus rien qui pût répondre des fonds qu'on lui
auroit confiés. C etoit l ’unique patrimoine de cette enfant, que
fon cruel pere méditoit peut-être dès-lors d’abandonner. Il
n ’étoit permis de le lui remettre que fous la condition expreffe
d’en faire un emploi ; & cet em ploi, dans fon cœ ur, étant ou
l’acquit de quelques dettes peu honnêtes, ou peut-être même
le moyen d’en contra&cr de nouvelles , il n’auroit été ni pru
dent , ni licite au fe u r de Camp pere de s’en defTaifir. Il devoit
�réferver à fa malheureufe petite-fille ée débris d’une fortune
que lui-même ne pouvoit pas augmenter, puifqu’il avoit d au
tres enfaus à qui il fe devoit également.
Vous voyez donc , M e s s i e u r s , que ce refus n avoit rien
que de fage & de légitime ; mais nous ne devons pas diffimuler non plus que c’eft là probablement l’origine de la conteftation que nous éprouvons aujourd’hui. Le fieur de Bombelles,
dans fa détreiTe, trouvant une perfonne preffée de fe marier,
qui fe préfentoit à lui ¿Vec un revenu à peu près sûr , ne
voyant plus rien à efpérer d’une famille trop prévoyante , qui
ofoit fe piquer d’économ ie, & lui préférer l’enfant à laquelle il
avoit donné le jo u r, a regardé un fécond engagement comme
une efpece de bonne fortune dont il failoit profiter.il a envifagé la crédulité & la précipitation de cette fille aveugle,
comme une reffource inattendue qu’il ne failoit pas laiifer
échapper. Quoique fa main n e lui appartînt plus , puifqu’il en
avoit déjà difpofé, comme c’étoit la feule chofe au monde
qu’il pût donner à la Demoifelle de Carvoifin en échange
des avantages quelle lui faifoit, il a étouffé le lcrupule qui
s’élevoit dans fon cœur , à la feule idée de ce ftellionat d’un
genre nouveau.
C ’eft alors qu’il a cherché les moyens de n’être plus marié ;
c’eft alors , pour la premiere fois , qu’il a trouvé douces les
Loix rigoureufes
fous lefquelles les Proteftans gémiffent.
L ’amour en avoit fait un Réformé : l’intérêt en a refait un
Catholique. Serm ens, devoir, honneur , il a tout facrifié à la
médiocre opulence de la Demoifelle de Carvoifin , prêt peutêtre à la trahir bientôt elle-même pour une rivale plus riche ;
prêt , fi [c fécond mariage eft annuité , comme fans doute il
le feia , & fi fes efforts prévaloient contre le premier, à cmF ij
�44
braffer une nouvelle religion 8c une troifieme époufe, dans le
cas oii il trouveroit un autre culte propre à favorlfer l’incons
tance , 8c une femme affez hardie pour recevoir fa foi I
M a is , a-t-il dit encore , il mon mariage avec la Demoifelle
Camp a été fi public & fi connu, pourquoi la Demoifelle
Camp a-t-elle paru elle-même s’en défier ? Pourquoi a-t-elle
affe&é de cacher fa groffeffe 8c fa délivrance? Pourquoi eft-ce
dans un village, à quatre lieues de Montauban , dans une
Paroiffe étrangère , qu’elle a été accoucher ?
Pourquoi ? Et c’efl vous qui le demandez ! vous qui infiftez
fur l’époque de ce défaflre malheureufement fi fameux, fur
ces ravages caufés par l’inondation du Tarn en 1766 \ vous
avouez que la maifon du fieur Camp pere a été du nombre
de celles que la riviere en fureur a renverfées ; vous avouez
que c’eft là où a recommencé une familiarité intime entre vous
8c l’infortunée dont vous ne détaillez ici les faveurs que pour
les faire paroître déshonorantes , après les avoir furprifes à
l’aide du voile le plus honorable 8c le plus fait pour les juftifier.
C e fyftême de réconciliation n’eft qu’une chimere. Il n’y
avoit point eu jufques-là de brouillerie entre vous 8c la vic
time de vos différentes paflions. Mais ce qui eft vrai 8c cer
tain , c’eft le renverfement de la maifon paternelle , où avoit
habité jufques-là là Demoifelle Camp. En attendant qu’elle fût
reconftruite, la famille défolée avoit été forcée de chercher
une retraite qui devoit être plus difficile à trouver en raifon de
ce qu elle etoit plus néceffaire, parce que le grand nombre des
perfonnes qui avoient befoin du même fecours, le rendoit
rare. Le fieur Camp avoit été forcé de fe loger à l’étroit 8c dans
une maifon remplie, contre la coutume de la province, d’une
�/>/. /
45
m ultitude de difFérens m énages. 11 n’eft pas étonnant q u u n e
jeune femme , dans une premiere groiTeiîe., fe foit trou vée
im portunée de ce m élange. Il n’eft pas étonnant qu’elle ait
cherché à fe procurer un C jo u r m oins d éfagréable, & qu’elle
fe foit tranfportée à la cam pagne, p our y attendre la fin d’une
incom m odité paflagere , dont le bon air & le grand exercice
fon t peut-être les plus sûrs rem ed es, ou du m oins les plus
grands adouciiTemens.
Et dans quelle campagne s’eft-elle retirée ? A Bioulle , dans
un bien qui appartient à fou pere. C ’eft là ce qu’il plait au fieur
de Bombelles d’appeller une ParoiiTe étrangère : comme s’il
étoit défendu à une femme d’aller accoucher dans un village
où fon pere a une maifon, quand celle qu’il occupoit à la ville
eft détruite par un accident; comme fi cette précaution, fage à
tous égards , étoit une preuve de honte ou un indice de la dé
fiance qu’elle-mêmc avoit fur fes droits.
Jufqu’ic i, vous le voyez , M E S S IE U R S , la poiTeifion de la
Demoifelle C a m p , fa qualité d’époufe légitim e, eft établie
par toutes les preuves qu’il eft poifible d’en donner , d’après
les deux premieres conditions qu’exigent nos Adverfaires euxmêmes ; les Magiftrats de tous les ordres la certifient ; toutes
les perfonnes qui ont intérêt de ne pas s’y méprendre la pu
blient. Les parens la reconnoiffent ; le fieur de Bombelles luimême y rend un témoignage éclatant. V ous pouvez juger
dès à préfent fi le titre qu’elle réclame e f t , comme il le dit
avec tant d’agrément & de délicateffe dans fon Imprimé,
page 4 4 , un nom de guerre qu’une fille prend dans f* groffeffe , & fi les monumens qu’elle cite fo n t, comme il 1 ajoute au même endroit, des témoignages d'affection qu elle
fc foit fa it écrire par fon galant. Non , M e s s ie u r s > ils ne
�46
méritent pas cette qualification auffi honteufe que groiîîere.
C ’ert en tout le langage du cœur & de la vérité.
M a i s , pour y mettre le dernier fceau , il y manque encore
l’opinion publique ; il y manque cette voix univerfelle qui a ,
quand il s’agit de 1 état des hommes , plus de force que les
écrits ; cette voix qui fupplée aux regiftres, qui difpenfe de les
chercher quand ils font perdus, qui autorife à les réformer
quand ils font défeftueux ; enfin cette voix qui fubjugue la
Juftice elle-même & difte aux Tribunaux des Arrêts que la Loi
les force d’adopter. Avons-nous en notre faveur cette relTource ?
O u i, M
e ssie u r s
, & en voici la preuve.
Cette enquête , dont j’ai déjà eu l’honneur de vous parler,
contient la dépoiition de cinquante témoins ; il feroit facile
d’en faire entendre mille, fi l’on en avoit befoin.Tous atteftent
qu’il n’y a point eu dans Montauban d’incertitude ni d’embar
ras fur la qualité de la Demoifelle Camp ; tous déclarent qu’ils
l’ont vue préfentée dans les meilleures Maifons de la Ville par
fon mari, & ouvertement avouée comme époufe légitime; tous
publient que fa groileffe a été connue & à l’abri de toute efpece
de fufpicion.
D e ces témoins, les uns font des femmes de condition qui
l’ont reçue avec honneur, qui l’ont traitée avec les égards que
méritoient fa vertu & fon état, & qui la chériflent, la coniiderent encore dans l’humiliation où la perfidie d’un époux vo
lage 1 a réduite; les autres font ou des Magiftrats, ou d’anciens
Militaires retirés du fervice, ou des Officiers qui y font encore
engages ; Catholiques pour la plupart, & par conféquent moins
fufpe&s, (i le foupçon pou voit avoir lieu dans une occaiion
où ils ne parlent qu au nom de 1 honneur & fous la foi du fer
ment : d’autres font des perfonnes d’un état moins relevé, mais
�m
4*7
non moins croyables ; des Négocians diftingues par leur
probité, des Ouvriers aifés qui rendent gloire à la Juftice, 8c
confignent entre les mains du Magiftrat le récit naif de ce qui
s’eft paffé fous leurs yeux.
Il
n’y a point d’affertion du iieur de Bombelles, qu’ils n’aient
démentie d’avance. Il n’y a aucune de fes calomnies qu’ils
n’aient détruite. Il feroit trop long de vous rendre compte
de tous1ces détails, par lefquels ils appuient la vérité à laquelle
ils font hommage ; màis il ne m’elt pas permis non plus de
les fupprimer tous. Cette partie de laCaufe n’eft pas la moins
eiïentielle , puifqu’elle porte fur des faits, 8c que les faits font
ic i, M
e ssie u r s
, un des principaux mobiles qui doivent fer-
virà vous diriger.
Par exemple, le fieur de Bombelles , en fe débattant contre
l’évidence , en cherchant à fe fortifier lui - même contre
le jour qui lui blefloit les yeux , s’eft hafardé à foutenir qu'il
n’y avoit jamais eu aucune liaifon p a r tic u liè r e entre lui 8c la
famille de la Demoifelle Camp ; que jamais il n’en avoit fré
quenté les parens ; qu’il n’avoit point habité chez eux aVec
elle , 8c qu’au moment de la catailrophe occasionnée par le
débordement, elle n’étoit pas venue loger avec lui. Il a rendu
compte des repas qu’il a pris chez le fieur Camp pere, qui fe
réduifent, dit-il, à un feul depuis cette calamité : repas qu’il
n’a même accepté que par délicateiïe, 8c dans la feule vue de
leur prouver qu’il ne les méprifoit pas.
Qui ne croiroit voir , à ce tableau , un Gentilhomme foigneux de fe refpe&er, toujours fur (es gardes pour ne pas
commettre fa noblefle avec la roture , 8c qui veut bien condefeendre aux defirs de ces Bourgeois, de façon à honorer
leur table fans s’expofer au rifque de fe trop familiariftr • Q u*
�48
ne croiroit, à tout le refte des peintures indécentes q u ll s’ eil
permifes avec tant de profuiion & de confiance , que c’eit la
Dernoifelle Cam p qui le recherchoit avec ardeur ; qu’il ne fai•foit que fe prêter à Tes empreflemens , & que les faveurs prodiguées dans ce tendre com m erce, c’étoit lui qui vouloit bien
les accorder ?
L ’enquête, M
essieu rs
,
préfente des idées bien différentes.
O n y voit u n fieu rd e Bombelles peu reffemblant, à ld vérité,
,à celui que nous com battons, mais tel qu’il étoit alors , fou
rnis , tend re, aimant fon époufe , plein d’égards pour fa fa
m ille , révérant fon beau-pere, portant le deuil de l’aïeule ,
affiftant les enfans dans les devoirs pénibles que la coutume
impofe dans ces triftes circonftances. O n le voit agiiTant libre
ment dans la maifon , ufant des droits d époux , fe montrant
au lit fans contrainte avec la femme que fon cœ ur & les L oix
lui ont donnée : 011 le v o i t , ce qui eil effentiel après l’aiTurance avec laquelle il affirme qu’il n’a jamais habité avec elle
fous le même toît
on le voit prendre une maifon commune ,
y V ivre, y demeurer enfemble.
11 faut , M
essieu rs
,
vous en
convaincre par les propres expreffions des témoins.
Françoife Gaillard, époufe de Guillaume Moulis ;
DÉPOSE , ' q u e ......................................................................
;
vers le commencement du mois d’A v ril ou Mai 1766 , ledit fieur de
Bombelles lui dit qu’il étoit marié avec la Dernoifelle Camp, & qu’elle dev o it l’appeller Madame de Bom belles; que ladite Dernoifelle Cam p &C
fa famille ayant délogé du fauxbourg de V illebourbon à caufe de l’inon*
dation, étant venu habiter en v ille, ledit (leur de Bombelles co-habitant dans
la même maifon avec ladite Dam e ; qu’ils y vécurent comme mariés jufqu’au départ du fieur de Bom belles; que pendant cette époque la Dam e
M erignac grand’mere de la Dam e de Bombelles étant décédée, ledit Jieur
dt Bombelles prit & porta le deuil.....................
JElifabeth
�49
Elifabeth D elm as, époufe du fieur Beffon cadet :
D é p o s e , que lors de l’inondation du Tarn de 1766 , ayant été
obligée de quitter fa maifon du fauxbourgd e V illebourbonpour venir
loger en v i ll e , elle prit un appartement dans ctllc qu'habitoient le Jîcur
de Bombelles & lefieur Campfo n beau-pere ; qu’elle qui dépofe v it le iieur
de Bombelles vivre avec la Demoifelle Camp comme mari & femme , la traiter
en cette qualité , & particulièrement les avoir vus occuper une partie de l'apparlement, y coucher enfemble , & vivre en commun avec les Sieur & Dame
Campfes beau-pere & belle-mere. D ép ofe de p lu s, qu’elle a v u porter le
deuil audit fieur de Bombelles , de la mere de ladite Dame Camp fa
belle-mere.
M. Pierre S adou s , Lieutenant Général & Criminel au Sénéchal & Préfidial de Montauban :
D é p o s e ....................... :
:
:
.
. .
. .
. .
:
;
:
qu’ il a v u la Dem oifelle Cam p être annoncée dans les maifons fous le
nom de Madame de Bombelles , qu'il a vu habiter l'un & l'autre enfemble
dans une maifon qu'ils avoient louée dans la ville.
D am e Marie Vigie , époufe du fieur Baudon :
D épose , que lors de l’inondation arrivée en 1766 , le fieur Camp
& fa famille vinrent loger dans la maifon qu’habite la D é p o fa n te .. . .
qu’elle a vu quelquefois le fieur de Bombelles pafler dans la chambre
de la D em oifelle Camp avec de la lumiere ; que plufieurs fois la D é p o
fante demanda audit fieur Cam p comment fe portoit Madame fa fille:
ledit fieur Camp lui répondoit qu'elle fe portoit bien, mais n ’étoitpoint
encore levée de fon U t, q u elley étoit avec ledit fieur de Bombelles fon mari.....
& a ajouté qu’elle a v u porter le deuil audit fieur de Bom belles, à la
mort de la grand’mere de fadite époufe.
Demoifelle Madeleine A lbert, fille du fleur Alexis Albert :
D é p o s e .............. qu’elle a auiïi très-fouvent entendu que ce dernier
VM. de Bombelles) appelloit M. Camp,papa, & l’époufe de ce dernier, ma
bonne maman ; & à chaque inftant elle entendoit crier dans le degré &
d une chambre à l’autre, Madame de Bombelles, ma chere femme ; qu’un
jour la Depofantc étant à fa fen être, elle entendit que le fieur de Bom-
G
<
�5°
belles dit à fadite ép o u fe, en la tenant dans fes bras : ma chere époufe,
l’enfant que tu p o rtes, à mon retour faura bien me crier papa. D épofe
de p lu s, que lors de la mort de la Dam e M erign ac, grandVnere de la
Dam e de B om belles, la Dépofante fut y faire fa v ifite , ôc tro u va ledit
Sr dô Bombelles en d e u il, & rece vo it les vifites. D épofe de plus, qu’elle
a v u plufieurs fois le domeftique du fieur de Bombelles dans la maifon
du ficur C a m p , & que ce dernier faifoit tout ce que ladite Dam e de
Bombelles lui com m andoit, & que ledit domeftique l’appelloit iouvent
Madame de Bom belles; qu’elle qui d ép o fe, ayant quelquefois ren
contré la fervante de ladite Dame , & lui ayant demandé l’état de la
fanté de ladite Dame , ladite fervante lui répondoit qu’elle ne pouvoit
point lui rien dire à caufe quelle ¿toit dans J'on Ut avec ledit Jîeur de B om
belles J'on mari.
Les autres dépofitions, M e s s i e u r s , ne font ni moins for
tes ni moins précifes fur le fait du mariage public, fur celui de
la groiTeiTe& delà cohabitation connue, confommée fous les
yeux du p ere, de la mere & de toute la Ville. O r , je le de
mande , cil-il poifible de foupçonner, dans une liaifon de
cette efpece , la moindre apparence de clandeftinité ? Peut-il
tomber dans l’efprit qu’elle n’ait pas été précédée d’un mariage,
d’un engagement affez fort, affez facré, pour motiver la con
fiance de la famille & l’abandon de la jeune perfonne ?
L e fieur de Bombelles dit qu’il ne l’avoit pas époufée. Il
foutient que rien ne l’attachoit à elle. Mais qu’alloit-il donc
faire ii librement dans la maifon? C ’étoit de l’aveu de fes pa
reils qu’il vivoit chez eux dans, une fi exceifive familiarité. O n
ne cachoit ni la grofleiTe, ni l’auteur de cet état j-uftement
regarde comme la bénédiction la plus confolante pour une
femme légitime, & comme le dernier degré d’ignom inie, le
com ble de la dégradation pour une fille fans liens. T o u te la
Ville le connoifloit cet é ta t, & y applaudiflbit.
�/ai
51
S’il n’y avoit pas de m ariage, le pere Si. la mere proftituoient
donc eux-mêmes leur fille ? Eux & toute leur famille étoient
donc flattés de la honte qui la couvroit ? Ils fe déclaroient
donc les entremetteurs d’un commerce impur, qui les déshonoroit plus encore que l’infortunée qu’une indigne complaifance facrifioit à l’ignominie ? L a V ille entiere, témoin paifible
de leur filence & de leur crédulité , étoit donc duppe ou com
plice de cette impofture & de ce libertinage ?
Mais cette idée réHolte &: fait frémir. L e dernier excès de
la dépravation des mœurs , c’eft lorfque des parens fans pu
deur , étouffant la voix du remords & celle de la n atu re,
prennent fur eux de tracer à leurs enfans le chemin du crim e,
& que par une tolérance intéreflee , ils les encouragent à un
défordre dont ils reçoivent le prix ; mais cet horrible attentat,
ce n’eft pas au grand jour qu’ils le confom m ent; c’eft dans les
ténebres qu’ils concluent leur coupable marché ; c’eft fous la
voile d’une feinte ignorance qu’ils cachent le confentement
honteux qu’ils y donnent ; & le premier indice de l’opprobre
auquel ils fe d évo u en t, efl l’obfcurité, où ils enfeveliffent leur _
infâme trafic.
Et malgré leurs efforts, jamais la malignité publique ne laiffe
leur lâcheté impunie. Leur procès eft inftruit dans tous les
cœurs , & leur arrêt prononcé par toutes les bouches à cha
que inftant du jo u r , fur-tout dans les petites Villes , où les
ames , fans être plus pures fi l’on v e u t, font au moins plus
aifément affe&ées, où le fcandale trouve moins d’excufe &
de proteôeurs , où l’oifiveté & la jaloufie entretiennent une
cenfure plus a&ive peut-être , plus vigilante que ne le feroit
celle de la vertu. L a voix commune y fait bientôt juftice de
G ij
�l'apparence ttiême du défordre , avant que les Vengeurs des
L oix & de l’honnêteté en aient pu être inftruits*
Mais il eft fans exemple que des parens, dans ces fortes de
lieux , aient ofé fe glorifier eux-mêmes de leur lâch eté, qu’ils
aient produit leur opprobre au grand jo u r, & appellé publi
quement le corrupteur de leur fille pour l’encourager à coniommer leur déshonneur. Il eft fans exemple que des voiiins
fe foient' laides abufer fur une négociation de cette nature ,
qu’ils aient regardé un étranger comme un ép o u x, & un fédu&eur comme un mari.
Il eft encore plus fans exemple que des femmes fe foient
réunies pour admettre dans leur fociété une fille qui auroit
porté les marques viiibles de fa foibleffe , & qui n’auroit pu y
paroître fans rappeller à chaque inftant à fes compagnes qu’elle
avoit manqué au premier des devoirs de fon fexe. Q ui ignore
de quelle févérité fe pique ce tribunal privé fur des fautes de
ce genre ? Q u i ne fait combien ces cœurs , û tendres d’ail
leurs , font inflexibles 3 impitoyables pour celles qui ofent
ufurper leurs privilèges fans en avoir le d r o it, & avec quelle
rigidité les femmes mariées foutiennent entre elles les préro
gatives d’une vertu à laquelle on ne peut plus leur reprocher
de manquer?
E n fin , il eft encore fans exemple que les Chefs des deux
hiérarchies fe foient réunis pour légitim er, chacun en particu
lier , un défordre qu’il auroit été de leur miniftere d ’arrê te r &
de punir; qu’un E vêq u e, un Premier Préfident de C ou r fouverain e, un Intendant atteftent de leur fignature la réalité
d’un mariage qui n’auroit été qu’une licence fcandaleufe ; &
q u e , pour protéger une fille fans honneur , ils aient prodigué
des témoignages qui ne pouvoient être accordés par eux qu’à
�53
la vérité la plus notoire, à la délicateffe la plus preffante.
P e fe z ,
M
essieu rs
, toutes ces preu ves, raffemblez toutes
ces induftions , & jugez s’il ne nous eft pas permis de nous
appliquer ce quedifoit en fon tems
M e
Cochindans la fameuie
affaire de Bourgelat. « Toutes les voix fe réuniffent pour affu» rer la légitimité de l’enfant, & par conféquent le mariage
»'*de fes pere & mere. C e ne font point ici de ces dépoiitions
» préparées avec a rt, fou tenues ou par dévouem ent à la Par*> tie , ou' par corruption, ou par foibleffe : c’eft un langage
» uniforme d’un nombre infini de Parties différentes ; c’eft un
» concert de toutes fortes de perfonnes q u i, entraînées par
» la notoriété , fe réuniffent dans un point de vérité qui n’a
» jamais trouvé de contradi&ion ; & c’eft l à , ajoutoit cet O ra» te u r, ce qui forme la poffeffion d’état ».
Q uelle eft la demiere reffource du fieur de Bom belles, pour
éluder l’effet de cette enquête foudroyante ? C ’eft , com m e
j’ai eu l’honneur de vous le dire , d’en attaquer non pas l’au
thenticité, mais la validité. Elle n’eft pas ‘juridique, fi on l’en
croît ; c’eft le fruit d’une efpece d’émeute populaire , d’un at
troupement indécent & criminel que le Juge n’auroit pas dû
to lérer, & dont il ne nous eft pas permis d’exciper contre
lui. Eft-ce férieufement qu’il parle ainfi ?
D ’abord , la qualité du plus grand nombre des témoins en
tendus annonce affez que ce n’eft pas le peuple feul ici qui x
parle j & que leurs dépoiitions n’ont pas été produites par
une forte d’emportement aveugle , à laquelle en effet cette
cluffe de la fociété n’eft quelquefois que trop fujette. Mais
quand réellement l’obfervation du fieur de Bombelles feroit
vraie , qw en refulteroit-il contre l’enquête ? Rien dont il put
s applaudir, rien qu’il lui fut poifible de tourner en fa faveur*
�1
I
V
.
54
C e ferait la preuve d’un déchaînement univcrfel contre Ton
procédé ; & d’oii viendrait ce déchaînem ent, fi ce n’eft d’une
conviction intime de ce que ce procédé a de criminel ? Le iieur
de Bom belles, comme la Dem oifelle C am p , eft hé à M ontauban ; il y a des parens , il y a eu des amis tant qu’il a été
vertu eu x;fa famille doit naturellement y avoir plus d’influence
que celle de la Demoifelle C am p , fur-tout dans l’ordre de la
NobleiTe. Pourquoi donc tout cet O rdre s’eft-il, avec les au
tres , déclaré contre lui? Pourquoi, de tous'fesCom patriotes,
n’y en a-t-il pas un qui n e l’accufe & ne le condamne? Si l’en
quête eft en effet le fruit d’une impulfion com m u n e, c’eft
donc de celle que peut donner à des ames honnêtes un prin
cipe d’h onneur, de délicateffe &c decom paifion dirigée par la
juftice.
Eft-il vrai enfuite qu’elle ne foit pas juridique ? Mais j’ai eu
l’honneur de vous l’obferver,
M
essieu rs
,
c’eft fur une O r
donnance du Juge qu’on y a procédé. Cette Ordonnance
fubfifte , elle n’a point été attaquée par la voie de l’appel ; jufques-là, dans l’ordre même de la p rocédure, les effets en
font facrés ; il n’y auroit qu’un Jugement fupérieur qui pût les
anéantir.
M a is , dit le fieur de Bom belles, ils font profcrits de plein
droit par la Loi même ; l’article I du titre 1 3 de l’O rdonnatice de i 6 6 j abroge à perpétuité ces fortes de procé
dures , & défend aux Tribunaux de les reconnoître ou de s’y
prêter. Ic i,
M
essieu rs
,
le fieur de Bombelles fe trompe ;
après avoir hafardé, dans le refte de la C a u fe , tant de faits
fau x, il fe permet une fauffe application de la Loi. V oici ce
qu’elle porte :
« Abrogeons toutes enquêtes d’examen>ià fu tu r, &
celles
�55
» par turbes, touchant L'interprétation d'une coutume ou ufage}
» & défendons à tous Juges de les ordonner ni d’y avoir
» égard , à peine de nullité ».
M a is,
M
essieu rs
, eft-ce donc ici de l’interprétation d’une
Coutum e qu’il s’agit ? Eft-ce de la valeur d’un {impie ufage
qu ’il eft queftion ? N ’eft-ce pas d’un fa it, d’un fait important
à éclaircir, d’un fait précieux à tous égards, puifque de là dé
pend l’état de deux Citoyens ; d’un fait effentiel à la C a u fe, &
fans la connoiffance c^uquel vous ne pouvez la juger?
A vant l’Ordonnance de 1667 , avant que cette L oi eut fixé
une forme invariable pour les procédures, cette partie de la
légiflation étant dans le plus affreux défordre, n’y ayant point
de Loix générales, chacun cherchoit à expliquer en fa faveur
les petites Lôix particulières qui dirigeoient chaque canton ;
cette multiplicité infinie de Coutum es qui défigurent & défolent encore la F ra n ce, donnoit lieu à une infinité d’ufagés
ou plutôt d’abus contradictoires entre eux com m e leurs fources : les Juges inférieurs étoient cependant forcés de fe déci
der d’après ces notions faciles àfaifir ; & les Parties qui avoient
gagné, avant que de paroître devant les Juges d’appel, avoient
foin de faire conftater, par une enquête , la réalité de l’uiage
qui avoiwdéterminé le premier Tribunal en leur faveur; c’étoit
une efpece d’efcorte qu’elles avoient foin de donner aux pieces
de leur procès , Si c’eft ce qu’on appelloit examen à fu tu r ,
c ’eft-à-dire , examen fait d’avan ce, atteftations prém aturées,
deftinées cependant à juftifier la Sentence, dont le fait certifié
etoit l’origine.
L a procédure une fois devenue uniform e, il étoit fage de
Supprimer ces traces d’une barbarie honteufe qu’il eût été bien
a iouhaiter qu’on eût pu faire difparoître dans toutes fes par-
�i
56
'
ties. V oilà l’objet & le fens de l’article de l’Ordormance de
1 6 6 7; mais jamais le Légiflateùr n’a entendu fupprimer ou
annuller des recherches faites de l’autorité du Juge fur 1111
point fufceptible de la preuve teftimoniale , & dans des circonftances où les délais auroient pu nuire à cette preuve.
Q u o i qu’il en foit au refïe du vrai fens de la Loi , voulezvous qu’elle tombe en effet fur notre enquête ? voulez-vous
qu ’elle nous défende de produire ain fi, avec les formes juri
diques , une démonftration écrite de votre parjure & de la
vérité de nos droits ? Eh bien ! nous y confentons ; qu’en réfultera-t-il ? Q u e ces dépofirions ne feront plus des témoi
gnages judiciaires : nous le voulons bien : ce fera une procé
dure inutile ; mais les pieces qui lacom pofent ne feront pas pour
cela anéanties.
C e n’eft plus une information que nous préfentons à la Juftice , c’eft un afte de notoriété légalifé par un Juge, & {igné
de cinquante de nos Com patriotes, qui fe font unis pour
certifier ce qu’ils ont v u , les faits dont ils ont une parfaite
connoiffance ; ce font des atteflations perfonnelles que chacun
d’eux a données en fou particulier devant un homme public ;
ce fera un commencement de preuves par écrit, à la faveur
duquel nous demanderons d’être admis à faire la preuve complette en vertu de la même Ordonnance. Ces pieces que vous
réprouvez, mifes fous les yeux des Magiftrats , ferviront à
convaincre l’homme en eux , en attendant que les mêmes faits,
les mêmes détails, produits avec l’appareil des form alités,
puiffent fubjuguer le Juge.
Mais avons-nous en effet befoin de ce délai ? Aurons-nous
recours à ce fupplément apparent d’une preuve déjà faite ?
N on j
M
essieu rs
; ce ft tout ce que nous pourrions faire fi
nous
�m
M
nous n’avions d’autre; appui que la poiTeiîion antérieure de
l’état que nous réclamons pour l’avenir. Mais à cette pofleifion
déjà invinciblement démontrée aux yeux de l’honneur & de
la con fcien ce, nous allons joindre des titres qui ne permet
tront plus à la Juftice de balancer; nous allons faire voir que
ces titres facrés n’ont été ni fouillés par la fraude, ni enfantés
par le menfonge. Si la bouche qui les attaque étoit auiTi pure
que la main qui les préfente , il ne manqueroit rien au bon
heur des Parties.
\ /
§.
III-
Preuves de l'état de la Demoiselle Camp par titres.
R é f l e x i o n s
p r é l i m i n a i r e s .
N ous vous arrêtons i c i , vont fans doute s’écrier nos A dverfaires : vous voulez parler probablement de ces aftes de
célébration , ou furpris , ou fabriqués dans les ténebres ; vous
allez multiplier les efforts & les fophifmes pour les pallier ;
épargnez-vous cette profuiion inutile de paroles & de raifonnemens : deux obfervations feules fuffifent pour vous réduire
au illence.
D ’ab o rd , vous êtes Proteftante, vous le publiez haute
m ent; dès-là il eftim poifible que vous foyez mariée valable
ment , il eil donc impoifible aufll que vous foyez même
admife à produire les monumens d’un mariage chimérique.
. E nfuite, ces a&es dont vous croyez faire ufage , en les produifant les premiers nous les avons réduits en poudre avant
m ê m e qu’ils aient pu repaffer de nos mains dans les v ô tre s ;
nous fommes prêts à nous inferire en faux , ii vous ofez feu
lement feindre de ramaffer les débris de ces menfonges : abanH
�ïf
dbnnezrles donc volontairement!, avant; que d’y être réduits par
là force. .
"Vtoilà-, M e s s i e u r s , ^ peuprès,ce. qu’ont dit , ou du moins
ce q u ’o n t voulu dire:nos.Adiyerfaires ; ils ne m’accuferont pas
d’affoiblir leurs o b jeô io n s, mais bientôt ils me reprocheront*
encore moins d’y répondre..
V ou s prétendez donc qu’un mariage contra&é par des Proteftans ne peut être valide ÿ q u e, fans examiner là nature des
titres , ou l’authenticité des monumens qui le con fiaien t, il
faut l’annuller ; & fur quoi fondez-vous cette étrange déciiion ? L e mariage en lui-même n’eft que l’exercice du plus na
turel de tous les droits : tout être qui a reçu la vie a , par cela'
m êm e, contrafté L’o bligation de la donner;. & l’un des plusgrands adouciffemens peut-être à la néceflité de conferver ce
p réfen t, fouvent fi douloureux , ii funefte, c’eft le pouvoir de
le communiquer.
A la v é rité , des confédérations d’un autre ordre ont fait?
quelquefois déroger à cette Loi univerfelle ; une vertu plus
fublime a fan&ifié des privations qu’une vertu plus commune
redoute : le célib at, qui femble contrarier la n ature, a été
confacré par une autorité qui a droit de la maîtrifer.
M ais, outre que cet effort de l’héroïfme religieux n’eft re
commandé qu’à ceux qui s’en font crus capables, outre qu’il
n’eft méritoire Sc exigible que quand il a été volontaire *au
moins dans l’origine, les Proteftans n’en font pas fufceptibles;
leur croyance n’y attache aucun prix ; l’impuliîon de la nature
fe fait donc fentir en eux avec toute fa force ; il eil néceffaire1
qu’il produife des effets; il efi donc néceffaire auift, ou qu’il»
aient recours au mariage qui légitimera ces effets-& les rendra
utiles à la fo cié té, o u q u ’ils fe plongent dan» 1« libertinage qui'
les enrendra les fléaux,
�O r cft-il v r a i,
*9
M
essieurs
, qu’il y ait
des
Loix qui
les
réduifent à la fécondé partie de cette alternative ? Eft-il vrai
.qu’une Com m union entiere de Chrétiens éclairés par les lu-mieres de l’Evangile , foient punis d’une erreur qui leur
en
cache quelques vérités, par une dénégation abfolue de tous
les droits attachés à la qualité d’homme & de citoyen ? Eft-*il
vrai que vous foyez aftreints, par des réglem ens, à flétrir
leur race, & que le malheur feul de ne pas fuivre une croyance
affez épurée, les fouïnette , eux & toute leur poftérité, à ne
-pouvoir contracter que des liens h o n teu x , à ne connoître de
l’amour que ce que l’animal le plus méprifable peut en difputer
à l’hom m e, à ne chercher dans L’union des fexes que la fatisfa&ion d’un befoin m om entané, à devenir, dans les plus doux
momens de leur exiftence, tout à la fois vils & cruels : v ils ,
par la baffeffe qui leur ferait rechercher un .plaiiir paflager,
malgré la honte qui y feroit attachée pour eux; c ru e ls, par
ljindifférence avec laquelle ils en envifageroient les effets, par
l’infenfibilité qui ne les empêcheroit pas de donner le jo u r
à des êtres dévoués comme eux au plus ignominieux ef.clavage ?
N on,
M essieurs
, il n’exifte point de L oi pareille. Si en
effet il en exiftoit une , elle feroit l’opprobre de la légiflation.
M a is, je le répété, il n’en exifte pas. Je porte ici le défi à nos
Adverfaires d’en citer une , une feule qui préfente feulement
la moindre idéfc de cet oubli de la part du L égiflateu r, & de
cette humiliation prononcée contré les Sujets.
Ils nous renverront, je le fais, à l’Edit d’O ftobre i
<585 ,
à
la Déclaration du 14 Mai r7»4 ; ils citeront tout au long les
articles 1 de l’un & 15 de l’autre. Le premier interdit aux Ré*fofiïrés tout exercice de îeur R eligion, il prcyfcrit les
H ij
�éo
■blées qui ont le culte pour objet. Je l’avoue : mais qu’en rél’u lte-t-il ?
Si le mariage n’eft p o in t, dans cette C o m m u n io n , un aile
religieux , peut-on croire que la rigueur avec laquelle la R eli
gion a été fou droyée, a pu s’étendre jufqu’au mariage ? Si
une des méprifes des Proteilans , fi un des points de la croyance
funefte qui les entretient dans le fchifm e, c’eft le refus de
croire que D ieu ait élevé l’union des fexes au degre de facre
ment , &: qu’il ait attaché la profufion de fes grâces fpirituelles
à la promelfe par laquelle deux individus s’engagent l’un à
l’autre fur la terre, eft-il poflible d’imaginer que le Légiilate u r , en profcrivant cette cro yan ce, ait auffi.voulu profcrire
cet engagem ent ?
O r,
M
essieu rs
, vous le favez , aux yeux des Réformés
le mariage 11 eft que ce qu’il a été fi long-tems avant que le
jour qui nous”éclaire fût levé pour le genre hum ain, ce qu’il
eft encore chez tous les peuples à qui cette lumiere eft incon
nue f un pur contrat civil ; c’eft devant le Magiftrat qu’ils le
contra&ent : c’eft l’autorité laïque qui forme les noeuds dont
ils fe chargent ; s’ils affe£lent de les confacrer par la média7
tion du Minillre des autels , c’eft un hommage poftérieur &
abfolument volontaire qu’ils rendent à leur Eglife : [’interven
tion du Pafteur n’eft point néceffaire ; & fi, foit par le caprice
des contra£lans , foit par un accident imprévu , foit par quelqu’autre raifon , la célébration eccléfiaftique n’a pas lieu , l’u
nion n’cn a pas. moins la plénitude de fes effets civils, pourvu
que la puiffance politique l’ait ratifiée.
Je fais,
M
essieurs
, qu’ils font à plaindre par cette liberté
même ; je fais q u e , fous prétexte d’épurer leur culte en cette
partie, ils en ont en quelque forte dégradé les M iniftres, &
�61
qu’en croyant délivrer leurs liens d’une fujction im portune,
ils fe font privés des fecours qui peuvent le plus contribuer a
les rendre précieux pour des ames éclairées par la veritable
foi. Mais il ne s’agit point ici d’apprécier leurs principes en
th éo logien , il n’eft queftion que d’en conftater la nature en
politique ; & la voilà : c’eft: de réduire le mariage à n’être
qu’une promeffe , un contrat fournis comme les autres à l’in
fluence du M agiftrat, dépendant excluiivement pour fa vali
dité, de la puiffance ^emporelle , qui parmi nous ne s’en eft
réfervé que la police. O n ne peut donc pas dire qu’il faiTe
partie des exercices profcrits p arl’Edit de 1685. Cette L oi ter
rible qui a renverfé les Tem ples & anathématifé les C oniiftoires ; cette L oi qui a coûté à la France tant de Citoyens utiles,
& enrichi il rapidement les Nations étrangères de nos dé
pouilles , ne ftatue donc rien de contraire au mariage des P ro
ie ftan s\A l’égard de la Déclaration de 1 7 2 4 , que porte l’article 1 5 ?
Que les Particuliers nouvellement réunis à la Foi catholique
feron t, comme tous les autres Sujets, obligés à exécuter , félon
leur forme & teneur, les loix du Royaume fu r le fa it du ma
riage. V ou s vo yez l à , M e s s i e u r s , deux claffes de Citoyens
exa&ement marquées ; y eft il qu eftion , peut-on fuppofer qu’il
y foit queftion des R éform és? Sont-ils compris dans cette expreflion générique, comme tous nos autres Sujets ?
. Mais fi cela éto it, rien de plus inutile que la diftin&ionmarquée par la Loi ; fi ces enfans rebelles à l’Eglife étoient
déjà fournis aux Ordonnances politiques, même avant que
d’être rentrés dans le giron de leur M ere , quel befoin étoit-il
de faire mention de l’obéiffance à laquelle ils feroient aftreints
après leur retour ? Sans doute, en abj,urant leurs erreurs, il*
�6t
•h’auroîent pas acquis le droit de braver les L oix de leur patrie:}
to u t le changement qui fe vferôitjOpéré en e u x , c’eftque l’homïnage forcé qu’ils auroient rendu auparavant à des conilitu*tions qvùls ne reconnoiffoieilt point., feroit devenu'raifonnable , volon taire, confécju.ent, lorfqu’ils auroient adopté la
façon de penfer qui les môtive.
S i,, en qualité de Prqtéftans, ils éto’iënt déjà afïujettis aux
‘formules des C ath oliqu es, à quoi ferviroit d’annoncer qu’ils
n’en feroient pas exempts cjuand ils de.viendroient .Catholi
ques eux-mêmes? D e cela fèul que la Déclaration de 1724 les
y aflreint dans le cas de lëu'r abjuration comme les autres Su
jets , il s’enfuit que
Ces
autres Sujets ne font pas ceux de leurs
freres qui perïiiloi<?nt daiis le fcliifme
que cette nouvelle
efpece de dépendance ne leur devenoit commune ¡qu’avec le?
•Catholiques , dont ils pàrtageoiéht déformais le bonheur & les
,dogmes.
Mais , dira:t-oti, ils perdoient à cette'régénération ;;Ies fectateurs obilinés de l’erreur reiloient lib res, tandis c^ueles enfans adoptifs de la vérité devenoient efclâves ; le fort de ceuxci étoit plus rude precifétoent en raifon du droit qu’ils acqué^oient à des adouciffemens,.
N on,
M
essieu rs
, on ne nous fêra point ce raifoilrte*
ment 'blafphématoire; outre les biens que ce changement leur
afïuroit du coté du falu t, cette fervitude apparente leur valoit
autant d’avantages , que la liberté chimérique qu’ils abjuroient
produifoit d’inconvéniens ; ils rentroiént en polleffion de tous
Jes privilcges dont leurs anciens freres étoient privés.; la bar
rière élevée par une L oi inflexible entre eux & tous les états
de la v i e , s’évanouiïïoit ; ils redevenoient capables de tout#
Içs 'diftin&ions focialcs dont l’apiniàtreté des' aïitrèS le s ‘éScluOiif
�/¿)3
il falloit bien qu’en rentrant dans,le Corps de, la Nation } eii
quelque fo rte , ils en fupportaffentles ch arges; & une de
ces charges étoit l’obfervance ilrifte des L oix fur le fait des
unions conjugales.
Q uant au refte de ces efpritsy d’ailleurs fi paifibles, qu’une
déplorable prévention fixoit dans-la révolte contre les dogmes
de FEglife feulement , ils reftoient dans l’excommunication
politique &
religieufe prononcée contre eux.; tous les arts ,
toutes les profeffions^ tous les méders leur étoient interdits ;
le com m erce, feul état peut-être fur. lequel la>force n’ait point
dep rife, ni l’autorité d’empire, le-commerce étoit leur uniquereffource, comme il a été dans tous les tems & dans tous lespays celui de toutes les fettes écrafées. par une Religion dom i
nante & exclufive.
Maisda politique ,• en les mutilant' ainil de toutes parts en-'
quelque f o r ^ , en coupant tous les liens faâices qui: auroient
pu les-attacher à'la fociété., ne pouffoit pas: cependant la ri—
gueur au point de leur interdireTufage des facultés naturelles:'
dont cette même fociété, devenue fi impitoyable pour eu x , ne
' pouvoir manquer cependant de tirer avantage;.elle les p totégeoit dans leurs unions entre eux ; aucune Loi., je le répétéencore, M e s s i e u r s , & il cil important de le répéter fouv e n t, aucune Lot ne les dévouoit au plus affreux de tous les
anathêm es, à- celui de ne pouvoir perpétuer leur race- fans
honte, ou fans crainte.Il y a bien plus : le Souverain les encourageoit à remplir
ouvertement cette fon& ion’précieufe, cette deftination eflentiellede tout être vivant. D ’a b o rd ,. ce même Edit accablant1de
»-6S5 les invite à r e s t e r d a n s LE R o y a u m e , en attendant
quil-plaif-e à-D ieu de-Us iclairer, W leur promet q u ils y pour*
�64
font continuer leur commerce & jouir de leurs biens, fans être
troublés ni inquiétés fous prétexte de ladite Religion , à condi
tion s comme dit e fl, de ne point faire d’exercice} ni de s’a f
fembler fous prétexte de prieres 3 ou de cidte de ladite Religion,
C e ft là déjà un engagement tacite, à la vérité, mais bien pré
cis , de refpecler leurs mariages & leur poftérité. Sans c e la ,
les promeffes de l’Edit ne feraient qu’une vaine ironie & une
cruelle dérifxon. Les exclure de l’a&e le plus important de la
\'ie, auroit-ce été tenir la parole de les biffer jouir de leurs
biens fans' les troubler ni empêcher ? Pourrait - on regarder
comme un état paiiible la contrainte violente où paiTeroient
leurs jours, des êtres condamnés à combattre éternellement
les plus doux penchans de la nature ?
Ainfi donc le Souverain, même en refufant fa fan&iorl à
un culte que la rivalité du fien ne pouvoit plus tolérer, en
banniffant de ces exercices mécbaniques ou ingénjeux qui font
tantôt la fo rce, tantôt la gloire d’une nation, des efprits opi
niâtres qui vouloient avoir d’autres dogmes , d’autres autels
que les tiens, s’eft engagé cependant à les tolérer dans le
refte. Il a donné fa parole de leur conferver la jouiffancp de,
burs biens fans trouble; c’eft-à-dire, le droit d’en acquérir & .
de les tranfmettre, & par conféqupnt de fe faire à eux-mêmes
des héritiers capables de les recueillir. Et ce n’eft pas encore
tout : en portant le coup mortel à l’exiftence politique de l’er
reur, il a pris des mefures pour fixer la maniéré dont pour
raient fe perpétuer légitimement à l’aveiiir les infortunés dont
la Providence n’auroit pas encore diifipé l’aveuglerrjent.
C ’eft, M e s s i e u r s , une particularité prefque ignorée. C ’cft
un fait fur lequel il eft bien étonnant qu’on fe foit mépris , &
qu’on ie méprenne encore tous les jours. Non-feulement les.
mariages
�*5
mariages des Proteftans,.entre eux ne font.pas proscrits, mais
ils font autorifés. Non-feulement le Lég'.ÎÎateür n’a. pas eu dèffein de leur en interdire à jamais la faculté , mais il a eu l’in
tention de la co n ferver, de la protéger ; & cette intention
bienfaifante, il l’a exécutée au milieu des a&es rigo u reu x qu’une
perfuafion qu’il^ne nous convient point d’apprécier ic i, lui
faifoit multiplier d’ailleurs.
Précifém ent, quinze jours avant la révocation de l’Edit
de N a n tes, le 1 5 Septembre 1685 , dans le tems par conféquent où tout le plan de la nouvelle légiilation étoit fix é , où
la ruine de la liberté de confcience étoit décidée, où les m oyens
en étoient prêts , où l’Ordonnance qui devoit la confomm er
étoit dreiTée, dans ce tems , ce jour là m êm e, il paroît un
Arrêt du Confeil qui réglé la maniéré dont les Proteilans
pourront s’époufer à l’avenir. O n leur permet de célébrer
leurs mariages par l’interpoiition du Miniftre , pourvu toute
fois , dit l’A r r ê t, que ce fo it en préfencc du principal Officier de
Jujlice 3 & fous la condition exprefle quV/ n'y aura ni prêche,
ni exhortation, ni exercice religieux d'aucune efpece. Q u e
faut-il de plus,
M essieu rs
? Eft-il poilible de m éconnoître,
à un indice auifi frappant, le vœ u du Légiilateur & fa v o
lonté }
Et qu’on ne dife pas qu’il a lui-même annullé immédiate
ment après cet oracle émané de fa bouche ; que par l’Arrêt
du 15 Septembre il reftreint le droit de marier en préfencc du
Juge, à un certain nombre de Miniftres choifis & nommés par
les Intendans ; & qu’au contraire par l’E d it, il enjoint à ces
mêmes Miniilres d’abjurer ou de fortir du Royaum e. C e fer°it certainement manquer à la Majefté R oyale , que. de fupppfer 1 Adminiftration aiTez variable, aiTez inconféquente pour
I
�fe livrer , dans un fi court intervalle & fur le même o b je t, à
une contradl&ion auffi vifible. D e cela feul que l’Arrêt &
l’Edit font de la même époque & de la même main , il s’en
fuit qu’ils font concertés : & il n’efl: pas difficile en effet de les
concilier.
Dans le premier inftant d’une révolution fx facheufe pour
tous les individus qu’elle concernoit, il étoit important de pa
cifier les efprits, & deloigner des Provinces préparées peutêtre à la fermentation, des hommes que la nature de leur miniftere, l’habitude de la parole, la confiance , le refpeft
qu’infpiroient leurs malheurs, & le mérite de la perfécution fi
impofant aux yeux de la multitude, pouvoient faire paraître
propres à allumer l’incendie que l’on redoutoit. Il falloit donc
d’une part éloigner les Minières, dont l’ame trop fiere ou trop
fenfible n’auroit pu fe prêter à un changement fi rude, & de
l’autre conferver ceux qu’un cara&ere plus doux ou mûri par
l’expérience, difpofoit davantage à la foumiffion ; c’eft ce
qu’opéroient très-bien ces deux Réglemens.
Par l’E d it, tous étoient indiftinftement compris dans l’alter
native de l’exil, ou de la converfion, dont la menace devoit les
intimider. Par l’Arrêt, plufieurs étoient exceptés. O n laifToic
aux dépofitaires immédiats de l’autorité royale , le choix de
ces Pafteurs deftinés déformais à confoler en fecret leurs ouail
les , dans l’humiliation à laquelle la politique croyoit devoir les
réduire. Ils étoient chargés de veiller à écarter les Pafteurs
mutins en vertu de la Loi rigoureufe, & à conferver les do
ciles en vertu de la Loi indulgente.
C ’eft encore à peu près aujourd’hui l’état où cft cette
partie de l’Adminiftration. La Loi publique repouffe les M i
nières Proteftans : la tolérance fecrete les rappelle 'ik les
�ftiaintient ; ils font connus des Commiiïaires départis dans les
Généralités. T an t qu’ils n’abufent point de la confiance dont
on les h o n o re, ils font protégés ; ils ne font punis que quand
par un éclat dangereux >mais heureufement encore plus rare,
ils bravent des Loix qu’il faut toujours refpe&er, parce qu’en
fin ce font des L o ix , & que tant quelles exiftent, il fa u t, pour
le bien comm un , qu’elles foient au moins ménagées en ap
parence , loj^ même que la fageffe du Gouvernem ent veu t
b ie n , par des raifons perfonnelles, en fufpendre l’exécution.
E n fin , M e s s i e u r s , non-feulement le Gouvernem ent ne
profcrit point ces mariages , ou plutôt il les autorife ; mais
de fpn côté l’Eglife les approuve : la Puiflance laïque les to
lère , & la Puiflance eccléfiaftique les confacre. Rappeliezvous le B ref célébré du Pape Benoît X I V , que j’ai eu l’hon
neur de mettre fous vos yeux à la premiere Audience. C e
P o n tife , dont la mémoire fera à jamais chérie de l’univers
chrétien „ confulté fur l’opinion q u e l’on devoir avoir des
mariages contra&és par des Proteftans entre eux , ou avec des
Catholiques, décide que , dans un cas comme dans l’autre ,
l’union eft valide & indiffoluble! Dans le premier , fi les Par
ties reconnoiflent
leurs
erreurs &
qu’elles les abjurent ,
le changement que la grâce opere dans leurs cœurs n’en
apporte aucun à leur état : ils n’ont pas befoin , pour
afllfrer leurs liens, de les renouveller par l'intervention d'un
Prêtre , quoiqu’aucun Prêtre n’ait concouru à les former (1).
( i ) Quod altinet ad matrimonia ab Hareticis inter fe celebrata , non fer
rata forma per TriJentimini preferiptd , quccqiu in pofierùm contrahentur,
dumniodò aliud non obßiterit canonicum impedimentum , Sanclitas Sua ß a tuit pro valìdis habenda ejfe : adeòque f i contingat utrumque conjugem ad
liì
�68
Dans le fécond c a s , l’obftination dp la Partie infidelle ne. nuit
point à la validité des engagemens de l’autre. Qiûelle fe fouvienne quelle ejl liée éternellement ( i) ^dit le Saint Perë, Il
lui eft permis, recommandé m êm e, de faire tous les efforts
pour difliper l'aveuglement de cette malheureufe moitié 'id’elleniêm e,m ais non pai dëVen féparer. ,
Voilà d o n c / ' M e s s i e u r s
une Loi nouvelle, une Loi
précife' dans cette matière, qui achève de lever toute difficulté,;
Je ne réponds pas à la maniere plus qu’indécente dont on s’y*
eft pris pour l’éluder ¿page i j de l’imprimé du iieur de Bbmbelles. O n y cite une phrafe du Pape Evàrifte, qu’on dit con
temporain du diyin Fondateur d e ’ notre Religion, quoiqu'il
foit mort l’a n 10 8 de l’ere chrétienne. Cet anachronisme eft'
plus excufable que le badinage qui raccompagne : JÌ la D emoifelle Camp croît le Pape infaillible s dit le fieur dé Bombelles", Evarijle l ’etoit avant Benoît X I K . O r , la décifion du
premier eft contraire à celle du fécond , & par conféquent
elle doit prévaloir fur l’indifcrétion dùin moderne, qui n'apu 'l
de fa feule autorité , ni difpenfer les Fideles de la B énédicliort^
nuptiale qui ejl de droit divin , ni conférer pour Vimpartition ^
\
Catholicœ Ecckjitz Jlrium fe recipere, tockm quo antea conjugall vinculo ipfoç
omnino teneri , ctiarnfi mutuus confenfus coràm Parocko Catholico non rtnovetiir.
(2.) Quod vero fpecht ad ta conjugia qua abfqiit forma à Tridentina
fiatutd contrahentur à Catholicis cum Hxrcticis , ftve Catholicus vir Ilareticamfaminam in matrimonium ducatftve Catholicafxmina Ilœretico viro nubat. . .. Si hujufmodi matrimoniumfit contracium , aut in poflerùrn contraili
continuât , Tridentini forma noti fervatd , déclarai Sanclitas Sua , alio non
concurrente impedimento, validum habendum ejfe. . . . Sciens conjux Catho
licus fc ijlius matrimonio vincalo perpetuò ligatum iri.
�69
fes pouvoirs aux Miniftres Protejlans qui n'ont pas reçu Üordi
nation canonique , ni ratifier des impartitions illicites dans leur
principe.
Je ne prétends point , M e s s i e u r s , développer ici jufqu’où s’étend l’autorité d’un Souverain Pontife. Je me borne à
examiner ce que celui-ci a fait; & je vois que , quoiqu’il con
nût la décifion de fon prédéceiïeur, quoiqu’affurément celles
des Concita^ ne lui fuflent pas cachées , quoique fes lumiè
res fuffent égales à fes connoiffances & à fa droiture, ou plu
tôt parce qu’en lui les unes égaloient les autres , il a cru devoir
prononcer l’oracle que j’ai mis fous vos yeux : oracle infini«
ment précieux dans la Caufe: oracle dont nos Adverfaires 11e
réuifiront jamais à obfcurcir le fens ou à diminuer la fo rce ,
parce cju’il eft conforme aux vues d’une faine politique, parce
qu’il s’accorde avec la charité de la Religion bien entendue,
parce qu’enfin il émane d’une autorité infiniment refpe&able ,
d’un homme que la fupériorité feule de fon génie permettroit
de regarder comme un guide irréfragable, quand à íes autres
qualités il n’auroit pas joint celle de C h e f de l’Eglife.
Ici nos Adverfaires m’arrêteront encore. Q u ’im porte, di
ront-ils , une décifion qui 11e concerne que des Etats étran
gers ? Benoît X I V n’a eu en vue que les Proteftans de H o l
lande ou des Pays-Bas : &: dans ces contrées en effet ils ont
une exiftence légale ; mais il n’en eft pas de même en France.
Il .n’y a point de Proteftans dans notre patrie. Les Tribunaux
n’en connoiffent point. T o u s les François fontcenfés C ath o
liques fans exception : vous cherchez ici des Loix pour des
êtres chim ériques, dont il c il même défendu aux Juges de
regarder la réalité comme poifible.
L a première partie de cette objection,
M
essieu rs
, fe dé
�70
truit par la feule lefture du Bref. Quoique Sa Sainteté femble
en reftreindre l’application, parce qu’EUe ne répond qu a ceux
qui l’avoient confultée, cependant les termes qu’Elle emploie
font généraux. C e n’eft pas un ufage national, ni un point de
difeipline particulier qu’Elle fe propofe d’expliquer, c’eft la
dodrine de FEgliie entiere qu’Elle développe, fur un article
çffentiel pour tous fes enfans.
Quant à l’cxiftence des Proteftans, je ne m’arrêterai pas à
combattre longuement cette obje&ion indigne elle-même d’une
réfutation férieufe, quoiqu’elle foit tous les jours très-férieufement hafardée ; ce n’eft pas volontairement que. je m’arrête
fur ces matieres délicates , où l’intention la plus pure ne fauve
pas toujours des interprétations malignes, & où il eft quel
quefois plus dangereux d’indiquer la vérité, que d’appuyer
l’erreur en mille autres occafions. Je me contenterai de vous
ob'ferver que les Proteftans, par le fait & par le droit, ont
réellement dans le Royaume cette exiftence que je leur fuppofe ici.
•A l’égard du fa it, il ne peut pas être révoqué en doute ;•
nous fommes entourés de ces Citoyens utiles qui s’épuifent
pour expier, à force de fervices, les maux qu’a caufés le fanatifme de leurs peres , ou plutôt peut-être celui de leur iîecle.
Des Provinces entieres en font compofées ; mais auffi pacifi
ques déformais que leurs ancêtres ont été furieux, ils ne fe
diftinguent que par leur foumiifion.
O n peut fe méprendre quelquefois fur l’exiftence d’un par
ticulier. Il eft des cas où les Tribunaux peuvent, fans incon
vénient , la méconnoître ; mais il n’en eft pas de même de celle
d’un peuple nombreux, d’une nation entiere.
Quand il y auroit en effet une Loi qui fupprimeroit les R é
�'Ào i
7*
formés dans toute la F ra n ce, & qui défendrait aux Cours de les.,
fuppofer exiftans, s’il eft de notoriété publique- qu’ils exiftent»
qu’ils viven t, qu’ils contra&ent fous l’autorité duPrince, il s’enfuivroit évidemment que la L o ia f u b i une révocation tacite;
que le Souverain l’abroge dans le fait, & qu’il confentàfon inexé
cution dans ce cas-ci,com m e dans tant d’autres. M ais,
sieurs
M
es
, il n’y a point non plus de Règlem ent de cette nature.
Je réitéré ici à j^os Adverfaires le défi que je leur ai déjà porté fur
l’article du mariage. N on-feulem ent il n’y a pas d’Ordonnance
qui interdife aux Proteftans la faculté que la nature leur donne
de refpirer l’air de la France , d’y élever leurs enfans , d’y foutenir leurs droits civils ; m ais, vous l’avez v u , il y en a de pré*
cifes qui leur conferent ces prérogatives, & leut en affurent la
jouiflance.
V ou s vous rappeliez ce même Edit d’O & o b re 168 5, que
j’ai eu l’h o n n e u r d e vous c it e r ; cette Loi fanglante qui a terraffé
le fch ifm e & fait couler tant de p le u rs , d o n t la v ra ie Religioit
feule n’auroit peut - être pas exigé le facrifice. ^Eh bien , cet
Edit les autorife en termes précis à demeurer dans le Royaum e,
leur garantit l’exercice de leur commerce &: la jouiflance
de leurs biens. Jamais-cette parole authentiqe n’a été révo
qué!! En accablant le c u lte , on a donc toujours refpe&é les
perfonnes; ils ont donc une exiftence de fait & de droit dans
'le Royaum e. V ous pouvez d o n c,
M essieu rs
, vous d e v e z3
dans ce qui n’eft que purement civil, dans ce qui ne concerne
point la croyance ou les exercices religieux, & fur-tout dans
toutes les difeuflions qui portent fur leur état politique, leur
donner la même attention , la même b o n té , les mêmes fecours
qu aux autres Citoyens.
Il n y a point de L oi civile qui proferive leurs mariages;
�il ne peut pas y en avoir : il y en a u n e, au contraire , qui les
autorife : il y en a une qui en réglé la forme & qui en fixe l’ap
pareil; & l’E glife, loin de réprouver cet arrangement, le con
firme. Elle donne prefque la force & la validité du Sacrement v
à ces nœuds temporels que l’intervention feule du Magiftrac
laïc a formées. Les Proteftans font donc en droit d’en pro
duire les monumens. Ces traces écrites qui confiaient un con”
trat refpeftable, lors même qu’il eft dépouillé de la dignité fpirituelle qui le décore pour nous, font admiffibles dans les T ri
bunaux.
C ’cft ce qu’il falloit démontrer d’abord, afin d’éca rter,
d’une part, quelques fcrupules que laiffoient appercevoir des
perfonncs même bien intentionnées, fur le fond de cette
C au fe; afin tde juftifier en quelque forte le G ouvernem ent,
qui n’a pas penfé que la croyance
4 e la
Demoifelle Cam p fût
une raifonpour luirefufer l’accès des Tribunaux; & , d ’autre
part, afin de ne point laifler à nos Adverfaires ce prétexte, dont
ils auraient triomphé avec afFeâation,
J’ofe vous fupplier,
M essieu rs
, de vouloir bien ne point
perdre de vue les réponfes que je viens de faire d’avance à leurs
obje&ions. Il n’arrive que trop fouvent que dans des querelles
de la nature de c e lle -c i, dans des plaidoieries que la divifion
des audiences éloigne néceffairement les unes des autres, on
o u b lie , ou l’on s’efforce de faire oublier aux Juges ce qu’ils
avoient d’abord entendu. O n renouvelle, on rajufte les diffi
cultés: on feint d’ignorer quelles ont été détruites ; & la rapi
dité de la parole fécondant cet artifice, l’avantage du fond
femble en quelque forte refter à la Partie qui parle la derniere,
tandis qu’elle n’a vraiment que celui de la place : elle femble
avoir tout dit viâorieufem ent, précifément parce qu’elle a'
rien dit qui pût lui affurer la vittoire,
V ou s
�75
V ou s ne fouffrirez pas,
M
essieurs
, que cette rufe foit ici
mifeen ufage, ou du moins elle le fera fans fruit, fi 011 o fe l’em
ployer. V ous voudrez bien vous fouvenir que j’ai démontré la
réalité des droits civils des Proteflans ; que j’ai juftifié le privi
lege de leurs unions ; & qu’en perdant les prérogatives qui dé
pendent , dans un Etat p olicé, de la volonté mobile du Sou
verain , ils ont confervé du moins celles que donnent les loix
confiantes, immuables de la nature.
E x a m e n d e s t it r e s q u i p r o u v e n t le m a r ia g e .
Examinons maintenant ces titres, annoncés depuis fi longtem s, & com battus, au moins par des m enaces, avant même
que nous fuffions décidés fur l’emploi que nous en devions
faire. Il y en a deux,
M essieu rs
, comme on vous l’a dit, &:
tous deux font des aftes de célébration du même mariage; l’un
émané d’un Miniftre Proteftant, l’autre d’un Curé Catholique.
T o u s deux ont été dépofés chez des Notaires, afin de ménager
le m oyen d’en tirer .des expéditions exactes ; tous deux ont été
légalifés folemnellement par les Juges des lieux avant le dépôt :
il n’y a donc rien qui n’en garantiffe l’authenticité.
Cependant le fieur de Bombelles affirme qu’ils font faux.
Les v o ilà , s’écrie - 1 - i l , c’eft: moi qui les révélé ; & il vous
entendez vous en fervir, je fuis prêt aies attaquer par les voies
de droit. J’ai de plus un Affocié qui m’aidera dans ce com bat
difficile : c’efl le C uré dont vous avez ufurpé le nom ; il défavoue hautement fa fignature, comme je défavoue mon ma
nage. Unis par cette conformité d’intérêt, de fentim ens, for
tifiés par cette complicité m utuelle, nous vous offrirons des
athletes redoutables, dont vous ferez prudemment d’éviter
le choc.
�74
A h ! gardez pour vous ces infirmations de ménagement &
& de prudence ! C ’étoit dans votre Caufe qu’il en falloit faire
ufagé. Q uoi ! vous vous flattez par de vains propos d’éblouir
la Juftice fur des aftes écrits que vous-même lui préfentez? Ils
fubfiftent tant qu’ils ne font pas attaqués ; vous ne les attaquez
point, en difant que vous les attaquerez : jufqu a ce que vous
ayez formé votre infcription de faux, 8c qu’elle ait été admife,
jufqu a ce que vos moyens aient été jugés pertinens & valides,
ces a&es font la réglé dont les Tribunaux ne peuvent s’écarter.
C ’eft votre L o i, comme la nôtre & la leur: vos efforts, pour
les éluder, font puériles, & vos tentatives illufoires.
Mais feriez-vous recevable à la former, cette infcription de
faux? Quel en feroit l’objet? D e faire déclarer nulles ces pieces
qui vous importunent ; de les rejetter du procès, où vous les
redoutez ? Mais elles n’en faifoient point partie : c’eft vousmême qui les y avez incorporées. Si réellement vous les croyez
fauifes, pourquoi les tirer de l’obfcurité où nous les laiffions ?
Nous ne les avons jamais produites. Si dans le Mémoire à
confulter le certificat du Miniftre Proteftant a été d’abord an
noncé, d’autres vues, le refpeft pour des préjugés mal fondés, le
peu d’envie de s’embarraffer dans les difcuffions où vous nous,
avez forcés d’entrer, nous avoient décidés à les laifler à l'écart*
Si celui du Curé Catholique a été vu , comme vous le dites*
des Magiflrats & des principaux parens de la Demoifelle Carvoifin, c’étoit par l’ordre d’une autorité fupérieure ; mais dans
le procès, & même dans le Mémoire à confulter, il n’en a pas
été queftion. C ’efl: donc vo u s, & vous feul, qui en avez opéré
la repréfentation : or on n’efi: pas recevable à attaquer foi-même
des titres qu’on pouvoit fe difpenfer de produire. D ès que,
par le filence, on étoit en droit d’attendre le même avantage
que peut procurer l’attaque, celle-ci neit point tolérée par la
�75
Juilice, qui réprouve toutes les procédures inutiles. Votrô pré
tendue infcription de faux ne feroit donc pas admillible dans la
forme, quand même vous auriez la hardieffe de l’entreprendre.
Mais l’auriez-vous, cette hardieffe ? Au fond du cœur les
croyez-vous faux, ces ailes que vous inculpez avec tant de
légéreté ? Soutiendriez-vous jufquau bout une procédure férieufe, dont la fin ne pourroit être que de vous convaincre
vous-même ^’une impoilure iniigne , & d’ajouter encore, s’il
fe pou voit, à l’opprobre dont cette Caufe ne vous a déjà que
trop couvert ?
J’en appelle ici à vous-même : c’eil votre cœur que j’inter
roge : ofez nous en développer les replis : faites-nous voir qu’il
eft vuide de crainte, exempt de remords ; que le tems en a
effacé jufqu’au moindre fouvenir de cet engagement qui fait
aujourd’hui votre effroi, parce que vous avez perdu l’innocence
avec laquelle il a fait vos délices. Ah ! je ne veux ici d’autre
Juge que votre confcience. Trouvez moyen de mettre au jour,
d’une iganiere certaine, les fentimens qui l’agitent & peut-être
le déchirent en ce moment, & nos conteilations feront bientôt
décidées.
Ces a£les font faux ! Et comment le prouveriez-vous ? Eftce celui de Bordeaux que vous attaquerez d’abord? Le Curé
le dénie hautement ; il foutient qu’il ne l’a ni (igné ni délivré ;
mais ce Curé prudent qui prévoit les événemens, qui voudroit
tout à la fois vous fecourir & ne pas s’expofer, avoue pourtant
que la iignature reffemble ti fort à la tienne, qu’elle lui fait illu
sion à lui-même (i). Il n’y a donc pas là de moyen de faux. Les
Experts pourront-ils fe défendre d’une illufion qui trompe la
6 ) V o y e z la Lettre de ce C u r é , au fieur de Bombelles.
K .j
�76
Partie la plus intéreflee à s’en garantir ? D es étrangers démê
leront-ils l’impofture d’un écrit qui en impofe à celui même
dont on a co n trefait la main ?
V ou s offrez de prouver que vous n’étiez point à B ordeaux,
mais à T o u lo u fe , à lep oque indiquée par l’a&e. A h ! ne pouf
fez pas l ’imprudence jufques-là ; outre que la preuve contraire
feroit trop facile, nous en avons une déjà faite , qui vous difpenfera de cetté ignominieufe & pénible corvée. Dans l’année
même de votre m ariage, dans la premiere ivreffe de votre féli
cité , dans ces momens où vous ne refpiriez encore que pour
le bonheur & la vertu , vous avez avoué à vos amis le fecret
de votre mariage à Bordeaux : la Juftice leur a arraché cette
confidence, dont vous avez perdu la mémoire. V o s anciens
camarades ont dépofé de ces aveux échappés à votre franchife,
dans un teins ou elle ne pouvoit pas être fufpefte.
Le Jieur Paul-Elit Vialette c£Algnan , ancien Officier du Régiment de
Piémont :
D épose , qu’il a v é cu d’une étroite liaifon avec le fieur île Bom~
b e l l e s .......................................................... qu’étant revenus enfemble
l’h iver fuivant en cette v ille , ledit fieur de Bombelles dit au D é p o fant pendant leur route & en la ville de P a ris, qu'il ¿toit marié & avoir
époufé la Demoifelle Camp, à Bordeaux ou aux environs.
Mefjîre François de Btaudau , Lieutenant-Colonel d'Infanterie,
D épose , que M. de Bombelles , long-tems avant de partir de cette
ville (d e M ontauban) lui a déclaré & avo u é fon mariage avec la
D em oifelle C a m p , lui ajfurant avoir époufé à Bordeaux.
Et vous parlez de vous infcrire en faux contre l’afte de Bor
deaux !
Serez - t o u s plus heureux contre celui de Montauban ? Il
porte, dites-vous , une fignature idéale, parce qu’il fe trouve
�2
o
7
77
foufcrit Sol-Elios. Ce mot, par un rapport qui n’eft aiTurément
point fans exemple, iignifie le Soleil en Latin & en Grec ; en
conféquence vous vous écriez agréablement que cejl un nom
en l'air; qu’on ne trouvera point fur la terre l’individu auquel
il s’applique. Vous niez de l’avoir jamais connu : oferiez-vous
l’atteiier fur la foi du ferment? . . . .
Mais non , je vais vous
épargner la tentation d’un nouveau parjure. Ecoutez & rou-giiTez.
^
V o ici, M e s s i e u r s , une preuve non douteufe de Texiitence
de cet homme chimérique. Voici une lettre de ce fantôme que
le iieurde Bombelles méconnoît, & qu’il met au rang des vifions fantaffiques dont la Demoifelle Camp remplit l’Europe
pour troubler la paix de fon ménage. Le fieur Sol-Elios, après
avoir été douze ans Miniilre à Montauban , s’eft retiré à S&verdun, dans le Comté de Foix. Voici ce qu’il écrit le 6 de ce:
mois à un de fes Confreres :
O u i , cher a m i, c’eft mol qui prêtai mon miniftere à M. de Bom
belles, pour fe lier par les noeuds les plus facrés avec Madame de Bom
belles t ci-devant Mademoifelle Cam p. C ’eft donc mal-à-propos que c e
Gentilhom me fournit aujourd’hui des doutes à fon A v o cat fur mon»
exiftence , puifqu’il m’a vu y qu’il me co n n o ît, & qu’il devroit fe rap p eller du peu que je lui dis lorfque je lui départis la bénédiâion nup
tiale................................................................................................. ........
M . de Bombelles prétend que je fuis un fo u rb e, un im p o iïeu r, dont on
a emprunté le nom r ou qui l’a lui-m ême prêté pour donner quelquecouleur à l’impofture. Q u e ce Monfieur me connoît mal
M. de Bombelles prétend qu’il n’y a jamais eu à M ontauban, ou aux en
virons , de Pafteur défigné fous le nom de Sol dit E lios.............. Il n’eil
du tout point fondé fur cet a rticle , puifque j’ai d e fle rv i, en qu alité
de P a fteu r, ce pays là l’efpace de dix à douze ans ; que je fuis également
connu fous ce nom dans le Périgord tout comme ici. C et cchapatoir'fc'
�78
de fa part eft d’autant plus groiîiérement tr o u v é , qu’il eft aifé de.fe
convaincre de la vérité du fait par les Regiftres des baptêmes & des
mariages de l’un &C de l’autre endroit, tout comme par l’a tteftation( i) que
je vo u s e n v o ie , fignée d’un certain nombre de Bourgeois &. Habitans de
cette Ville , tout autant de perfonnes compétantes pour attefter que je
v i s , que j’exiftois il y a une quarantaine d’années , puifqu’elles m’ont
v u naître & que je laboure ma quarante-huitieme. Je fais qu’il n’eil
pont de plus méchans fourds que ceux qui ne veulent point entendre,
& que M . de Bombelles perfévérant toujours dans fon im pénitence,
Soutiendra que toutes ces fignatures , comme n’étant point munies du
fceau de la V ille , font des pures fictions : mais que ce M onfieur, ou
tout autre en qui je puiffe me co n fier, me fourniffe un fauf-conduit
de la C o u r , & je le co n vain crai, s’il le fa u t, de mon exiftence. Signé,
S o l dit E lxo s.
C e Pafteur eft donc un homme bien réel : le mariage qu’il
a béni a été folemnel.
»
M a is, ajoute-t-il, l’a&e n’eft pas figné des Tém oins; il ne
l’eft pas des Parties. Quand cela feroit , qu’en réfulte-t-il ?
N ’eft-ce pas l’ufage des lieux & la Loi des contra&ans qu’il
faut fuivre ? Vous-mêmes, M e s s i e u r s , pendant l’inftruftion
de cette Caufe , vous venez d’établir, par un Arrêt folemnel,
qu’il n’eft pas toujours néceflaire pour la validité d’un atte de
célébration, que les Témoins & les Parties l’aient figné; &
l’efpece étoit bien plus forte, il étoit queftion d’un mariage cé
lébré fuivant le rite Romain.
Le fieur Gobaut réclamoit la Loi qui lie les Catholiques
fur cet article : la Dame de Lepine produifoit la Coutume qui
les en difpenfe en Flandres & ailleurs. Dans cette matiere pro( i ) C ette atteftation fignée de dix-fept des principaux H abitans, a
été remife fous les y e u x de M , l’A v o cat Général.
�blématique, malgré les inconvéniens qui pouvoient réfulter de
cette opinion, vous avez prononcé en faveur de la Dame de
Lepine. Les Proteflans , attachés à l’ancienne difcipline, confervés par la révocation même de l’Edit de Nantes dans la
jouiflance des droits civils que cet Edit leur affuroit, ont confervé, comme les Catholiques des Pays-Bas& de l'Allemagne,
l’ufage immémorial parmi eux de ne pas exiger la fïgnature des
Témoins ni celle des Parties. En voici la preuve.
N o u s , fouifign és, Chapelains & Anciens de la chapelle de leurs
Hautes-Ptiiflances NoiTeigneurs les Etats-G énéraux des P rovinces
unies des P a ys-B as, auprès de fon Excellence M. Leitevenon de BerK e n ro o d e , leur AmbafTadeur à la C o u r de France , déclarons & cer
tifions q u e , fuivant l’ufage de nos églifes , nos regiftres des mariages
font uniquement lignés de nous C h ap elain , & de celui de nous qui fe
tro u v e en fo n & io n , & que ledit ufage ne demande ni même ne com
porte que les parties & les témoins lignent dans nofdits regiftresr Eu
foi de quoi nous appofons i c i , à côté de nos fignatures, le cachet de
notre Com pagnie. A Paris en C on iiiloire ce
Juin 177 2 . Signé, D u vO iS iN , C hapelain; F .G . d e l a B r o u e , Chapelain; L. S e r r u r i e r ,
Ancien ; F r é d é r ic D u v a l , Ancien (1 ).
D e ce c ô té , l’a&e de Montauban efl donc en réglé.
Mais il y a bien plus : ces témoins , dont la fïgnature n’a
pas été reqûife , parce quelle n’étoit pas nécefTaire, ont
rendu un nouvel hommage à l’authenticité de la cérémonie ,
que leur nom & leu r préfence ont légitimée. Ils ont été entendus
tous trois dans l’enquête dont je vous ai déjà tant de fois parlé;
& voici comme ils s’expriment.
Le Jitur Louis Ltcun, Négociant, âgé de 4 7 ans.
D épose , qu’étant dans une maifon, dans cette ville, vers le mois dier
Mars 1766 x il vit la cérémonie du mariage du Jicur de Bombelles avec la
0)
ligalifation de M. l’Arabaffadeur de Hollande eft jointe à ce certificat.
�I ..
8o
Demo'ifelle Camp ; fe rapellant ce fait très-particuliérem ent, que le Pafteur demanda, audit fleur de Bombelles, s’il vouloit pourf a légitime époufe,
la Demo'ifelle Camp , & quayant répondu avec beaucoup defécurité q u 'o u i,
ledit Pafleur, qui avoit déjà pris le conftntement de la Demo'ifelle Camp ,
bénit leur mariage, à la très-grande fatisfaâion de l’une & de l’autre des
Parties.
Les fleurs Jacques Brun & Jean-Pierre Moles dépofent la
même chofe.
Eft-ce un a£e de cette nature, eft-ce une piece ainiî juffifiée
que vous réufllrez à convaincre de faux ? L ’auteur fe préfente
& l’avoue; les témoins l’atteftent ; ce n’efl: plus un afte fuppofé,
ni un être imaginaire, comme vous l’avez avancé. Comment
éluderez-vous cette intervention, bien autrement férieufe, bien
autrement frappante que celle du Curé votre protefteur, quoi
qu’elle n’ait pas l’apparence judiciaire ?
Direz-vous que c’eflt une nouvelle impofture , qu’après
avoir appofé ce nom au bas d’ùn a£te , on n’a pas eu plus de
peine à le foufcrire à la fin d’une lettre ; que le Sol-Elios de
Saverdun n’efl: pas plus croyable que le Sol-Elios de Montauban ? N o n , vous ne le direz pas. La lettre porte un de ces
caraftçres de franchife & de probité, auxquels çn ne peut fe
méprendre. L ’atteftation des Habitans, qui y eft jointe, n’eft
pas fufpe&e. La Cour peut d’ailleurs ordonner à ce fujet des
informations qui l’éclai.rçiffent, M, l’Avacot Général peut en
prendre : nous fommes prêts à fubir tous les examens. Il n y
a pas de recherches qui nous inquietent. Avez-vous le même
çourage ? Montrez-vous la même fermeté }
Le Curé de Bordeaux nie qu’il ait rien infcrit fur fes regiflres
de l’afte dont il paroît avoir délivré l’extrait. Il en offre la vé
rification i
�8i
rification ; mais , qu’en réfulte-t-il ? O u qu’il les auroit fouftraits depuis que l’affaire a éclaté , ou qu’auparavant même ,
toujours précautionné , toujours attentif à fe prémunir contre
les événemens, il fe feroit difpenfé d’infcrire fur ces regiftres la
célébration dont il donnoit un certificat en bonne forme ;
qu’il auroit joint à la prévarication envers les Loix de fon Eglife,
une autre prévarication envers les Parties, en leur délivrant
une copie d’un a&e dont il n’exifteroit point d’original , &
qu’il en comniettroit aujourd’hui une troifieme , en niant la
vérité de cette copie même , écrite & (ignée de fa main.
Mais cette triple infidélité pourroit-elle nuire à la Patrie qui
eft innocente, & qui a rempli , autant qu’elle le pouvoit, les
devoirs que la Loi lui impofoit ?
C ’eft une fuppofition ! Mais fi l’on avoit pu recourir à cet
indigne artifice , (i l’on avoit eu befoin de cette fupercherie,
& que la famille de la Demoifelle Camp fe fût dégradée au
point de la mettre en ufage, pourquoi auroit-on choifi, par pré
férence , le nom d’un Curé d’une grande V ille , o ù , fi l’on vous
en cro it, la Demoifelle Camp n’a jamais été ? Pourquoi l’aller
chercher dans la Capitale de la Province , dans la Métropole ,
où réfidoit le Tribunal qui dans ce tems-là devoit connoître
du fa it, s’il avoit jamais excité quelque plainte ?
Q uoi ! en fuppofant que ce certificat de mariage dût exciter
des conteftations, c’étoit alors au Parlement de Bordeaux
qu’elles auroient été portées. Et c’eft un Pafteur de Bordeaux
dont on auroit pris le nom pour appuyer une femblable impofture ! Y avoit-il rien de plus redoutable , pour les fabricateurs de cette ufurpation clandeftine, qu’un pareil théâtre ?
Pouvoient-ils préfumer que le Curé de Saint Siméon ne feroit
L
�pas inftruit d’une querelle où fon nom auroit paru avec tant
d éclat ?
S’ils avoient eu en effet à contrefaire un titre, une fignature , à fe l’approprier fans la participation de la perfonne inté—
reffée, n ’auroient-ils pas choiii celle de quelques Pafteurs de
ces Paroiffes éloignées , de ces Villages perdus en quelque'
forte dans les landes impraticables dont le Q uercy & le'
Périgord font remplis ? Là ils auroient pu croire leur crime
enfevelir Us auroient pu fe flatter d’être à couvert de la récla
mation d’un homme qui n’auroit peut-être jamais entendu
parler d’eux , quelque bruit qu’eût pu occafionner leur affaire.Mais eft-il naturel qu’ils euffent choiii un Pafteur connu
dans une des Villes les plus commerçantes de la France î
Eft-il naturel que, pour dépofer la produftionde la fourberie *
ils euffent encore préféré le lieu où il a fon domicile , & où
par conféquent il étoit plus facile de la découvrir ?
Enfin cette piece eft légalifée du Lieutenant Général deGuyenne , Membre du Parlem ent, qui auroit été Juge de
l’Inftance dans la q u e lle elle auroit été produite , comme je'
viens de le dire,, avant la Loi qui attire devant vous, M e s
, tous les appels comme d’abus. N ’auroit-on pas re
douté les regards de ce témoin incorruptible , & fa jufte in
sie u r s
dignation , s’il avoit pu s’appercevoir qu’il eut été trompé £
Laiffonsdonc ces vains reproches, ces menaces encore plusvaines d’une infcription de faux : elle n’eft pas admifïible :
quand elle le feroit en apparence, elle ne pourroit réuûir dans>
le fond. Ces fortes de reffourccs femblent avoir été celles de
tous les. époux réfra£hires , q u i, fans être dans une pofition
auffi odieufe que celle du fieur de Bombelles, avoient le même
intérêt à fecouer des liens dont ils fe trouvoient furchargés».
�213 '
83
Il y a peü de Caufes de cette nature, où les a&es de célébra
tion n’aient été ou attaqués ou menacés, fans que la Juilice ait
même daigné s’arrêter à ces démonftrations illufoires.
Dans celle du Com te de la R iv i e r e c o n t r e la Demoifelle
de C o lig n y , au dernier fiecle > on s’élevoit contre l’aûe. L e
Com te de la Riviere avoit déclaré ne vouloir pas s’en iervir ;
la Dem oifelle qu’il réclamoit pour é p o u fé, & qui nioit lui
avoir jamais appartenu à aucun titre , é^cipoit hautement de
cette déclaration. Elle étoit appuyée des plus vives , des plus
preiTaiites foilicitations qui aient jamais été faites. Sa famille
intervenoit en fa fav eu r, & cette famille étoit com pofée de
ce qu’il y avoit de plus grand dans le R oyaum e , à com
mencer par la Maifon de Loraine : mais elle avoit écrit des
lettres où elle fe difoit mariée ; elle avôit eu un enfant qu’elle
avoit reconnu, & donné au Com te d elà Riviere. Ces circonftances prévalurent fur l’irré g u la rité de l’a fte, quel qu’il fût. L e
mariage fut confirmé.
Je ne finirais pas , fi je voulois citer toils les Arrêts rendus
dans les mêmes cfpeces. Je me bornerai à un fe u l, parce qu’il
eft célébré encore dans le Languedoc, où il a produit la même
fenfation que l'affaire de la Demoifelle Cam p produit i c i , &;
quêtant tout récent, il a l’avantage d’indiquer une Jurifprudence moderne. C ’eft celui qui a été rendu le 19 Avril 17 6 9 ,
au profit de la Dem oifelle Chabaud. Elle étoit Proteftante &:
ne s’en cachoit pas. Elle produifoit un aûe de célébration d’un
C uré Catholique argué de faux. Par une fingularité remar
quable, ce Curé, fugitif au moment où il étoit cenfé avoir (igné
l’a fte, avoit depuis été condamné aux Guleres. O n ne trouvo it ni chez l u i , ni au Greffe , de regiilre qui juilifiàt l’extrait.
Il y a plus : l’infcription de faux avoit été form ée; elle avoit
L ij
�§4
même été ' admife ; & il y a bien plus en co re, le faux étoit
prouvé. Entre autres indices, l’a&e portoit que la Bénédiôion
nuptiale avoit été impartie un Dim anche 11 Juin, O r , le i x
Juin de cette année n’étoit pas un Dim anche , mais un Jeudi.
L ’afte étoit donc faux & nul en lui-même.
M ille autres circonftances fortifioient encore cette preuve
indubitable. C ependant, après les plus mûres délibérations ,
après un renvoi de la Grand’Chambre à l’une des Enquêtes, ce
qui éèartoit d’autant toute idée de furprife & de précipita
tion , le mariage a été confirm é; & l’enfant qui en étoit pro
v e n u , déclaré légitime : tant eft grande aux yeux des T rib u
naux la faveur d’une union contra&ée fincérement, & fur-tout
d’une union féconde.
V o u s vo y ez d o n c ,
M
essieurs
, que dans aucun fens , la
menace du fieur de Bombelles & de fon Curé n’eft à crain
dre. Dans aucun cas leur infcription de faux n’eft admiiîible.
N os a& es, ou plutôt les leurs, font à couvert de cette efpece
d’attaque & par la forme & par le fond.
M a is , continuent-ils, pourquoi deux a&es ? Si le premier
eft bon , pourquoi avoir provoqué le fécond ; & s’il eft infuffifan t, qui aiTurera que celui-ci vaudra mieux? L ’un a-t-il pn
fuppléer à l’autre ? LJti Miniftre Proteftant a t-il quelque chofé
de commun avec un C ure C atholique? D ailleu rs, ajoute
ront-ils probablem ent, vous venez de citer un Arrêt du C o n fe il, qui enjoint aux Réformés de fe marier devant un Juge
L a ïc ; mais il n’y en a aucun qui les autorife à contrafter, foie
devant un de leurs Pafteurs , foit devant un des Miniftres de
nos autels. La Demoifelle C a m p , par cette duplicité d’a ô e s ,
ind iqu e, dune p art, la con viâion où clic eft elle-même de
lh ir infujBifance j & de l’au tre, par leur nature même , il eft
�2 \S
85
clair qu’elle a dérogé au règlement que vous produifez en fa
faveur.
Il
eft ju fte ,
M
essieu rs
, de répondre à ces deux objections.
L a premiere, fur-tout, eft celle que nos Adverfaires ont déve
loppée avec plus de complaiiance : c’eft celle fur laquelle ils ont
fondé les efpérances de leur triom phe, s’il eft vrai qu’en effet
ils fe foient flattés de triompher.
\
. Certainement l’Arrêt du Confeil du 15 Septembre 1685
étoit ce qui pouvoit arriver de plus heureux aux Proteftans
François. Dans l’horreur des défaftres qui les accabloient de
toutes parts, ils fe trouvoient à peu près par-là réduits à la con
dition des Catholiques en A n gleterre, en H o llan d e, par-tout
où domine la croyance des enfans dénaturés de l’Eglife R o
maine.
O n vous a plaidé qu’ils y gémifloient dans la plus cruelle
oppreiTion ; que c’étoit par repréfaillcs, que la main de nos
Souverains s’étoit appefantie fur ceux de nos compatriotes
qu’une Foi commune lie avec ces Nations commerçantes &
guerrieres. Rien n’eft plus faux affurément. Les Catholiques à
L o n d res, à Am fterdam , dans toute l’étendue des ProvincesU nies & de la Grande-Bretagne, ont des prérogatives plus ou
moins reftreintes ; mais nulle part leurs unions 11e font gênées,
L a feule marque de dépendance à laquelle ils font obligés en
vers le G ouvernem ent, c’eft de fe marier devant le M agiftrat,
comm e les Se&ateurs du culte autorifé. En afBmilant l’état des
^Proteftans François en France à celui des Catholiques étran
gers chez nos vo iiin s, on ne faifoit donc aux premiers aucun
tort réel.
Si la fin du dernier fiecle & le commencement de celui-ci
avoient etc plus paiiibles, fans doute ce règlement utile n’au^
�86
i'oît jamais reçu d’attéinte, je ne dis pas de l’autorité publi*
que, puifqu’elle l’a toujours refpe&é , mais du caprice des Par*
ticuliers qui devoient l’obferver. Mais ces deux époques ont
été troublées par dés guerres il cruelles ou par des révolutions
de finance fi fingulieres , qu’il a été difficile au Gouvernement
de porter/fans ceife un œil, attentif fur tous les objets qui mé*
ritoient fes regards.
Tandis qu’on enfanglantoit les deux mondes , pour donner
uil Maître à la Nation qui a découvert le nouveau, & que les
convulllons du fyilême agitoient Ci cruellement cet Etat au
quel on l’avoit préfenté comme un remede , TAdrainiflration
perdit de vue les Proteftans, que leur imperceptibilité même
rendoit cependant plus dignes que jamais d’eftime & de pro*
teftion,
D ’autres querelles non moins funefles
concouroient à
augmenter fes embarras. Des diviflons intérieures que ia fa*
geife des Magiftrats & la douceur du Prince ont à peine cal*
mées , abforboient encore l’attention que l’on auroit pu don*
ner à ce qui fe paifoit dans une Communion autrefois rebelle
& redoutée , & maintenant oubliée, méprifée , depuis quelle
nvoit ceiTé d’être puiffante ou fanguinaire.
O n abandonna donc à euxvmêmes les Proteftans, & le foin
de leur difcipline civile. L ’Adminiilration , contente de veiller
fur la profcription du culte, négligea de s’occuper de l’état
des perfonnos, qui pouvoit lui paroxtre aiTuré par l’Arrêt du
Confeil. Sans défendre leurs mariages, on ne fe mit pas en
peine de les approuver. Les Juges , qui dévoient en être les
témoins, les miniftres juridiques, refuferent de remplir fans
ordres ces fondions délicates. Peu inftruits des intentions dç
la C o u r , timides, aveuglés peut-être par des préjugés, ils crai
gnirent de touchera. 1 cncenfoir, en fe mêlant d’une cérémonie
�217
%1
<jui, parmi n o u s, tient au culte & au dogme. Enfin , les Proteilans, av ec le règlement à la main, ne trouvoient perfonne
qui voulût les marier. Us ne pouvoient fe préfenter devant des
Magiftrats de leur F o i, puifqu’ils n’en avoient pas ; ni devant
des Magiilrats Catholiques , puifqu’on les refuloit. Que faire
dans cet abandon, dans ce dénuement abfolu de reffources ?
Us imaginèrent, d’une part, de former leurs vœ ux, de pro
noncer leurs f^rmens en préfence de ceux de leurs Miniftres
que la tolérance de l’Adminiftration leur laifioit; & de l’autre ,
l ’efprit toujours rempli de l’Arrêt de 1685 , toujours attentifs
à rendre hommage à la Loi du pays , à la volonté du Prince,
voyant que parmi nous les Curés font de vrais Magiftratsdans ce qui regarde le mariage, fongeant que dans l’adminiftration de ce facrement,rAutorité laïque eft m êlée, incorpo^
•rée à la Puiflance fpirituelle; que ces deux pouvoirs font con
fondus & réunis à l’inflaiit de la célébration , dans l’individu
facré q ui, en ratifiant le confentemem prononcé parles Par
ties , y attache tout à la fois les grâces du Ciel & les effets civils
aux yeux de la L o i , ils s’aviferent de fe préfenter devant nos
Pafteurs, non pas pour y recevoir un facrement dont leur
incrédulité les rend malheureufement indignes, mais pour y
conilater juridiquement leur union, & en tirer un monument
capable de la faire valider. Le Miniftre continua d’être l’hom
me de leur confcience, & le Curé devint à leurs yeux celui
de la Loi.
Cette coutume, introduit? pa;r>la néceiïité, a donné lieu à
une Jurifprudence adoptée par •l*‘ fagefl'e des Cours , & tacite*
ment confacrée par le iilence du Gouvernement. Il n’y a peutttre pas d’années, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire à 1»
première Audience, où quelque Parlement du Royaume n’ait
à juger quelque Caufe de cette efpece : & jamais, M e s s ie u r s 7
�88
le certificat du Curé, ainfiproduit,n’afouffert de difficulté. Les
exemples en feraient innombrables ; mais vous les connoiifez
auffi bien que m o i, & la voix de la notoriété publique ne per
met pas même de révoquer en doute la vérité de ce fait.
M aintenant, que deviennent les obje&ions auxquelles j’ai à
répondre ? Non-feulement la Demoifelle Camp n’eft pas repréhenfible d’avoir en fa faveur deux certificats, mais c’eft
précifément çette innocente duplicité qui fait la fûreté de fa
Caufe. Si elle n’en avait qu’u n , fon droit pourrait paraître
douteux. C ’eft la réunion des deux qui le rend inconteftable.
Les Ordonnance«, qui enchaînent les Catholiques parmi nous
à l'obligation de ne fe marier que devant leur propre Curé ,
font précifes, O r , le Pafteur, qui marie les Proteftans, n’eft
pas leur propre Curé : il faut donc prouver que ce font des
Proteftans qui fe font préfentés devant lui ; & c’eft ce que fait
l’aûe de célébration du Miniftre. L ’un attefte aux Tribunaux,
que les Parties font étrangères à la Loi ; l’autre leur fournit le
voile favorable dont ils ont hefoin pour déguifer la difpenfe
néceflaire qu’ils accordent de çette Loi rigoureufe. D e tous les
mariages proteftans qui fe célebrcnt dans le Royaum e, il n’y
en a pas un qui ne foit fortifié de cette double formalité ; il n’y
en a pas un qu’on ne puiiTe juftifier par ce double titre qui cou?
cilié tous les intérêts, & aflure aux enfans le ta t, l’honneur, la
fucceffion de leurs peres.
A la vérité on ne le$ produit pas toujours tous deux. Il y
a des cas où l’on fe contente du premier : le fécond eft une
pièce fecrete, que l’on confie à la difcrétion du Miniftere pu
blic & à la fageiTe des Juges. Il eft rare que ces fortes de ma
riages éprouvent une attaque auffi violente, auffi finguliere
�89
ên tout f*ens que celle dont nous nous plaignons, & que les
deux titres foient expofés à une difcuffion pareille à celle à
laquelle nous avons été contraints de nous livrer. Cela n’eft
cependant pas,
M
essieu rs
,
fans exemple.
A in fi, dans cette mémorable affaire dont j’ai déjà eu Thon«
neur de vous parler, dans celle delà Dem oifelle C h a b a u d ,o n
produifoit également deux titres, deux certificats. Celui du
Miniftre étoit^figné d’un fleur Paul R a b o t, Pafteur à Nifmes ;
celui du Curé portoit le nom d’un fîeur C a n o n g e, Deffervant
de IaParoifTe de Maffanne dans le voifinage d * cette Ville. C e
lui-ci, comme je vous l’ai obfervé, étoit violemment inculpé de
faux ; la main qui l’avoit fouferit, & la piece m êm e, étoient
■également fufpeftes : l’autre emporta la balance. Les Juges,
■en voyant la preuve d’un confentem entréel, n’héfiterent point
-à confirmer le mariage.
• M a is , dira-t-on, c’eft donc un facrilege. Si cette licence eft
to lé ré e , l’adminiftration d’un de nos facremens ne fera plus
qu’un jeu ; & ce jeu affligeant pour l’E glife, cette profanation
criminelle n’aura bientôt plus de bornes.
-
Je crois d’abord,
M
essieu rs
,
que cette décifion eft un peu
rigoureufe. O bfervez , je vous fupplie, ce que j’ai déjà eu
l’honneur de vous dire. D es deux minifteres que le Curé rem
plit à l’égard des Catholiques , il n’en exerce qu’un envers les
Proteftans. C e n’eft pas un facrcment qu’il leur proftitue; c’eft
lin certificat pur & fimple qu’il leur délivre. Il n’eft pas pour
eux le miniftre des Autels & le canal de la grâce. Il 11e fait que
les fonftions d’un Magiftrat ; il eft témoin de leur union ; il
rend compte de la déclaration qu’ils lui en ont faite. Iln e paroît
pas que la piété la plus févere puifl’e s’alarmer au moins des
M
�90.
fuites de cette complaifance qui retient des Citoyens dans
l’E ta t, 6c légitime des engagemens que le refus rendroit en
core plus fcandaleux que ne peut l’être la conceifion.
E nfuite, je n’entends pas juftifier les Minières Catholiques-,
qui fe prêtent à des importunités innocentes au moins de la
part de cetix qui les follicitent, quelque jugement que l’on en
porte à l’égard de ceux qui les écoutent. L ’idée qu’on en doit
avoir, dépend peut-être de leurs motifs. Si la feule ardeur de
contribuer au bien de la Patrie les enflam m e, s’ils ne font di
rigés que par
151fenfibilité pour
des êtres malheureux que leur
fécours arrache à l’opprobre, & dont leur indulgence fixe l’état
& le f o r t , il cû plus difficile de les condamner.
S i , au contraire , c’eft un vil intérêt qui les anime ; s’ils met
tent à prix d’argent leur facilité ; fi, à la premiere faute de
paroître ouvrir les portes de leur Eglife à des enfans déshéri
tés, qui en font exclus, ils joignent celle d’en vendre l’ou
verture , ils/ont criminels & puniflables fans doute; mais alors
c’eil leur nfiotif, & non pas leur a&ion, quieft malhonnête. La
mefure du délit eft celle de l’avarice qui L’a infpiré.
Peut-être même la connoiffancc de ce délit eft-ellc matière.à N
la cenfurc des Supérieurs Eccléfiaftiques, plutôt qu’aux recher
ches des Tribunaux féculiers. D u moins , quand ces Mimllrcs
prévaricateurs, comme il eit arrivé quelquefois, ont étépourfuivis par les Officiers R o yau x, ce n a ete ni pour avoir attefté
une célébration laïque s s’il eft permis de parler ainfi, ni même
pour avoir mis un prix à cette extenfion de leurs fon&ions-;
mais, ou ils avoient eu l’infidélité de ne pas inferire fur les regifHes l’original de l’a&e dont ils délivroient des copies , ou ils
avoient fouilrait ces archives précieufes pour ôter aux Parties
intéreifées la faculté d’y recourir. C ’eft cette duplicité vile (k
baife, que les Tribunaux ont cru devoir punir de la peine des
�\
. ................■;$'
.
galeres dans le Curé de M afiane, que j’ai deja eu
1honneur
de vous citer.
A cet égard, c’eft à celui de Bordeaux à fonder fa confcience
.& fa mémoire : c’eft à lui, qui offre fi fièrement la vérification
de fes regiftres, à examiner fi en effet il a fupprimé la feuille
qui contenoit l’afte dont il s’efforce de décréditer l’extrait, ou
fi, par une malverfation encore plus criminelle en quelque
forte , il n’affij^ne que le mariage du fieur de Bombelles ne s’y
trouve pas configné , que parce qu’en effet il ne l’y a jamais infcrit. C ’eft à M. l’A vocat Général à fe procurer, à cet égard,
les éciairciiTemens, & à prendre les conclufions que fa fageiTe
lui di&era.
Mais quelle que foit la perverfité du P afteur, il eft impoflible que les Parties , qui fe font livrées à fa f o i , en fouffrent.
L ’aûe eft valide, quoiqu’émané d’une main coupable. T o u t ce
que la Juftice exige , c’eft qu’on lui préfente une preuve de ce
confentem ent, qui conftitue l’effence du mariage. C ’eft qu’elle
ne puiffe douter de l’intention qu’ont eue les Parties, de s’u
nir , & de la démarche qu’elles ont faite pour effe&uer cette
union.
O r ici cette preuve eft complètte : le contrat civil a été
formé de la maniéré la plus authentique. V ous y trouverez ,
comme dans l’affaire du Com te de la Riviere , des reconnoiffances fans nombre de la part d’un des conjoints, & un enfant.
V ous y trouverez , comme dans celle de la Demoifelle Chab a u d , deux certificats qui fervent d’appui , de juftification
l’un à l’autre. S’il y a également un Curé pervers , dont les re
giftres foient reftés imparfaits dès le tems par une prévoyance
infidieufe, ou aient été mutilés depuis par une infidélité en
core plus repréhenfible, cette parité n’eft à craindre que pour
M ij
�9*
le Minière prévaricateur. L ’extrait qu’il a*délivré eil bon , a u
tant qu’il peut l’être : il attefte, il certifie le fait qu’il étoit im
portant ici d’établir, celui d’une union conjugale entre les per..fonnes qui y font nommees.
1
U
4,
Et c’eil cependant,
M essieu rs
%
, cette liaifon confirméer
jnfiifiée d’ailleurs par tant d’autres preuves, légitimée par la
poffeifion la plus folemnelle, que l'on s’efforce de dégrader ici;,
c’eft ce mariage contrafté fur la foi de l’honneur , ratifié par
toutes les efpeces de titres qu’il étoit poifible d’y donner
pour fupport., qu’on fe propofe de réduire à un honteux con
cubinage.
C é d e z, s?écrie le fieur de Bombelles à fa véritable époufe,
cédez fuivant mon caprice votre rang 8c vos titres : vous étiez,
vertueufe , & je vous ai réduite ; vous jouiifiez d e‘toute la :
gloire atachée à la pureté de votre fexe , & je vous l’ai ravie.
J’ai eu jecours, pour vaincre votre réfiftance, aux artifices le$
plus recherchés, aux combinaifo-ns les plus hardies. Sermens,
devoirs , honneur , religion, j’ai tout employé pour parvenir
à vous pofféder : mais vos droits s’évanouiffent au moment
où j’ai lahardieffe de m’accufer moùmême de libertinage. Vous
n’êtes plus mon époufe ; vous ferez la complice & la viftime
de ma foiblefie. J’ai facrifié votre jeuneffe & vos charmes à mes
defirs. Je veux vous facrifier une fécondé fois à mon inconftance 8c au reffentiment de la Dame Hennet. Cette ennemie
implacable veut fe vanger de vous , 8c je ferai de moitié dans
fes projets, j arce que mes affaires font ruinées &: mon cœur
volage , parce que j’ai des dettes & q u e je n’ai plus d’am our,
parce que vous ne m’offrez que de la beauté & des vertus, 8c
que je n’ai plus de tendreffe ni de reffources.
Et toi j être malheureux, qui m’appellois ton pere tpi dont
�'ÀZ2?
la naiflance me càufa un plaifir ii v if, quand mon ame encore
honnête ne connoiffoit ni les befoins , ni'les remords ; toi qui
•m’as {urpris ici même des carefles dont je croyois la Source
tarie dans mon cœ u r, toi qui m’as fait Sentir encore une Sois
combien il Seroit doux d’être vertueux, renonces à TeSpérance
de me jamais fléchir. Je t’ai donné le jour , mais c’eft pour te le
•rendre odieux. T u as reçu la vie Sur la foi de l’engagement le'
‘plus facré, m^is ce n’eft que pour te dévouer à la honte &
confommer ton opprobre. Fuis : Sois anéantie comme je vou
drais l’être.-Les noms de pere, d’époux,m e font en horreur.Cruels objets dont le-Seul afpe£Vme tue , c ’eft vous qui m’avez
perdu , je vous perdrai à mon tour. Abandonné de mes amis,
méprifé de mes parens, proScrit par la Société entiere, je n’ai
plus que l’affreufe couSolation de vous faire partager mes in-fortunes.
T e l eft , M e s s i e u r s - , le terrible tableau que le fleur de?
Bombelles a préfenté lui-même à cette Audience. T el eft l e
fens des déclamations dont il a rempli ce Tribunal. Vous prête
rez-vous à ce trânfport inSenSé? La Juftice s’avilira-t-elie au
point de devenir l’inftrument de fa fureur , & condamnerezvous à- une flétriiTure éternelle deux êtres innocens , dont'
tout le crime eft d’avoir des droits trop certains à Son amour ?
Et par qui leur Sont-ils diSputés , ces droits-? Quelle eft leur
rivale en.ee moment remarquable? Quelle eft la perTécutrice
•ardente qui les pourSuit à grands cris ,<cn faifant retentir lesnoms odieux de bâtardiSe & de concubinage ? Faut-il le dire !
c’eft:une'fille imprudente, qui cédant au defir effréné d’avoir
•un mari , a foulé’ aux pieds , pour fe l’aiTurer, l'honnêteté
¡publique, les mœurs , le s L o ix , Sa- propre conSdence ; une
.¿Ule fans dolieatefie , qui s’eft ailez peu refpe&ée elle-même
$pOUr»accepter-une main qu-elle - Savoip être-déjà donnée ; une
�-94
fille fans fcrupule , qui a confenti a devenir heureufe par uti
crime ; une fille fans pudeur , q ui , dans le moment. même où.
ion prétendu mariage eft attaqué , que dis-je , attaqué , dérmontré n u l , ne rougit point d i l’avouer, d’en faire ufage ,
de vivre publiquement avec l’époux que la Juilice s’apprête à
arracher d’entre fes bras ; une fille,indifcr.ete enfin , qui ayant
été jufqu’ici traitée par nous avec des ménagemens fans exem
ple , ne les a ¿reconnus, que par des calomnies-atroces , &
un emportement fans bornes ! Et voilà celle qui invoque ici
la fainteté des Loix qu’elle a violées, contre uns femme refpeftable qui les a toutes obfervées ; contre une enfant qui n’a
pu les enfreindre , puifqu’elle ne les connoît pas!^
, ' Et quels font fes titres ? Eft-ce Timpofture de cet a£te dç
célébration furpris fur un faux expofé , où elle prête à ce mari, *
qu’elle trembloit de laiiTer échapper , un domicile qu’il n’g.
jamais eu ni pu avoir? Eft-ce l’audace qui lui a tout fait méprifer , pour fatisfaire une paifion que la raifon feule auroit dû
.combattre, & que les çirconftances rendoient coupable? Eft,ce la précipitation avec laquelle, fans atten’djre la proclama
tion des bans , fans daigner approfondir des avis trop multi
pliés & trop certains , elle s’eft hâtée de former un lien dont
elle ne pouvoit tirer que le frivole avantage d’impofer filencç
pour un inftant à fes remords, & de confommer, fous un voile
honnête, le facrifice honteux quelle méditoif de fa pudeur ? .Et c’eft vous qui prétendez rejetter fur nous l’ignominie dup
à un commerce impur ! Je fuppofe pour un inftant qu’il fui
poifible à ces Juges qui nous écoutent, d’héiîter entre vous &
nous ; .je fuppofe qu’ontrouvât de part.& d’autre la même préci
pitation , la même légèreté à s’engager, le même abus dans les
préliminaires ainfi que dans les fuites de l’engagement, l’égalité
Blême de ce prétendu defojrdrç produiroit-elle.entre nous'im e
�%2i
égalité de ' droits ? Cette enfant qui réclame un état que la
Juftice lui d o it, ne fera-t-elle comptée pour rien dans fa ba
lance ?
V ou s
la
voyez,
M
essieurs
, cette enfant déplorable, dont
la bouche ne peut encore exprimer de vœ u x , & dont la fituation n’en eft que plus touchante. Les larmes de fa mere ont
_été fon premier aliment : la honte de fon pere a flétri fes pre-,
miers regards ; faudra-t-il qu’à Imitant où elle commencera à
fe con n oître, dans ces momens où le cœ ur eSî plus fcnfible
en raifon de fon inexpérience, elle ne trouve autour d’elle
que des traces du défefpoir de l’une , & du crime de l’autre ?
La considération des enfans eft toujours ce qui vous a déter
minés dans des C au fes de la nature de celle-ci
on vous a vus'
pluiïeurs fois donner les effets civils à des mariages dont vous
biffiez la validité douteufe. Ainii le 12 Mai 1633 , par A rrêt
rapporté au Journal des A u d ien ces, fur les conclusions de
M . l’A vocat Général Bignon , fans vous e x p liq u e r fur la na
ture d’un mariage évidemment n u l v o u s avez cru devoir
déclarer les enfans légitimes* AinSi le 25 Mars 1709 , fur les.
conclusions de M . l’A vocat Général le Nain , vous avez pro
noncé de même dans un cas encore plus défavorable : il s’agiffoit d’une alliance contra£ïée par un homme condamné à
mort ; il n’avoit point purgé fa contumace ; il s’étoit marié
dans les cinq ans ; fa femme ignoroit fa condamnation ; fes
enfans fe diieient légitimes : vous les avez jugés tels, & le P u
blic éclairé a applaudi à votre décision.
Pouvez-vous craindre qu’il en foit autrement ici , Si vous
montrez en notre faveur une indulgence q u i , d’après to u t ce
qui précédé, ne fera réellement qu’une juftice? A h ! croyez-en
ce co n co u rs, ces acclamations qui ne partent ni d’une vaine
curioiite , ni d’un tranfport frivole dont nous rougirions d’être
�96
les objets. N o n ,
M essieu rs
, cet intérêt général dont le
Public honore la Caufe de la Dem oifeile Cam p & de fa fille,
a pour principe l’amour de l’honneur & de l’équité ; & cet
accord unanime, j’ofe le dire , eft une époque glorieufe pour
la Nation.
Dans la dépravation commune des m œ urs, l’innocence &
la vertu ont donc encore des .partifans; cette ardeur généreufe
qui a toujours fignalé les François, s’eft réveillée au bruit
d’un crime nouveau qui fembloit fouiller leur gloire. Si cette
ardeur eft devenue plus vive à l’afpect des perfonnes intéreffée s , fi les charmes attendriffans de la mere, fi les grâces
n aiffantes de l’enfant ont donné lieu à leurs protecteurs, c’eftà-dire à toute la France , de fe réjouir de -voir leur affection
,fi bien placée, fera-ce à vos yeux une raifon pour être en
garde contre un penchant que tant de vertu juftifie ? C e
triomphe journalier fera-t-il flétri par votre Arrêt ? Et vou
driez-vous qu’on dît un jou r, la Nation entiere follicitoit pour
elles , & le premier Tribunal de la Nation les a condamnées ?
Non , M e s s i e u r s , vous ne réfifterez point à ce concert
univerfel qui vous preffe au nom de l’honneur & de l’intérêt
commun de la Patrie. Il y a eu un premier mariage , ce fait
n’eft point douteux ; le fécond mariage eft nul, ce point eft
encore démontré, & vous voyez qu’on n’a pas même effayé
de combattre les preuves que j’en ai données. C ’eft donc au
premier mariage qu’il faut revenir , c’eft le feul qu’il vous foit
permis de confacrer.
Monfieur D E V A U C R E S S O N , Avocat Général.
Me L IN G U E T ,
...................*""
Avocat.
............................
D e L'Impr. de L. C E L L O T , rue Dauphine. 1772..
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Bombelles, Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte. 1772]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vaucresson
Linguet
Subject
The topic of the resource
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
Protestants
vices de forme
suspicion de bigamie
diffusion du factum
opinion publique
rapt de séduction
défaut d'actes de mariage
faux
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Réplique pour demoiselle Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte de Bombelles, procédant sous l'autorité d'Antoine Maugis, son tuteur ad hoc. Contre Charles-Frédéric Vicomte de Bombelles, et demoiselle Marie-Françoise de Carvoisin. En présence de demoiselle Marthe Camp, Vicomtesse de Bombelles.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de L. Cellot (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1772
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
96 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0804
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0801
BCU_Factums_G0802
BCU_Factums_G0803
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53053/BCU_Factums_G0804.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montauban (82121)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
défaut d'actes de mariage
diffusion du factum
Faux
opinion publique
Protestants
Rapt de séduction
suspicion de bigamie
témoins
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
vices de forme