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REPLIQUE
P O U R
M .D
'
A
b b a d i e
,
Confeiller - Honoraire au
Parlement de Paris, Préfident à Mortier au Parlement
de Navarre.
C O N T R E
Madame
la
P r éfidente D ' A b b a d i e
fon
E poufe.
M
U
n
e s s i e u r s
,
Citoyen R om ain, qui avoit mené une vie paifible
voyant fon nom écrit fur les tables fatales qui annonçoient
les p r o f i t i o n s , s’écria avec douleur: « Malheureux que
» je fuis ! c’ef t ma belle maifon
» mourir ».
d’A lb e qui me fait
M . le Préfident d Abbadie s’écrie aujourd’hui dans une
A
Farlem ent de
P aris.
G rand’Chambre.
�2
iituation
non
moins affligeante : « M alheureux que
» fuis ! c’eft ma fortune
qui fait de
» enaem ie
qui
m o r t e lle ,
&
ma femme
l’excite à
demander
je
mon
ma
» profcription ».
L e s faits de la C aufe ne juftifient que trop cette exprcffion de fa peine , ce cri de fa douleur*
L e plan de M adam e la Préiidente d’À lb a d ie fe réduit
à ces deux points:
« Je fu is , d it-elle, exem pte de reproche.
» E t mon mari eft infenfé ».
L a défenfe de M . le Préfident d’A bbadie roule fur les
deux points contraires.
« M o n époufe , d it -il, eft grièvem ent coupable envers
» moi.
» E t je jouis de ma raifon ».
R é ta b liro n s ces deux p o in ts , & ramenons-y toute la
Caufe.
Il n’eft pas inutile de retracer les torts de M adam e la
Préfidente d’A bbadie envers fon mari : les uns ont dcd le
prélude & les préparatifs de fon a£tion ; les autres
en
décèlent les motifs ; tous c o n c o u r a ie n t à la faire exclure
de la curatelle de M . le Préfident d’A b b a d ie , fi ce M agiftrat avoit befoin d’un curateur.
I*r«mier tort.
premier
tort de M adam e d’A b b a d ie
eft
d’avoir
rendu dans tous les te-nps fon mari malheureux.
M . le Préfident d’A bbadie a fait entrevoir une partie de
fes malheurs d om eftiqu es, en l'hôtel du fieur Lieutenant
C i v i l , dans fon dire du 27 Septembre 1 7 8 ; .
�3
E n vain obje&e^t-on que ce dire étoit écrit d’une main
étrangère. Il avoir été écrit fous la di&ée de M . le Préfi
dent d’A bbadie ; & le procès-verbal conflate qu’il a réfuté
lui-même cette obje& ion , en déclarant Jeul & fans l’ajjîjtance, de fon Procureur, q u il p erfifoit dans fo u dire.
L e dire du 27 Septem bre 1 7 8 ; n’ efi. donc pas, com m e
o n l a plaidé , l’ouvrage d’une
l ’ouvrage de M . le Préfident
volon té étrangère ; il eft
d’A b b a d i e , &c une foible
expreflion de fes malheurs.
O u b li des égards qui lui étoient dus ainfi qulà fa m ère;
mépris de fa perfontie ; contradiftions perpétuelles ; nécefiité de vivre féparément : voilà d’après le dire du 27 S e p
tem bre 1 7 8 ^ , c e que M . le Préfident d’A b bad ie a trouvé
dans le mariage.
I l s’eft expliqué un peu plus ouvertem ent dans fes in
terrogatoires.
Il dit dans celui du. 29 D é c e m b re 178J : « Q u ’il eft
» bien aife de prouver à M adam e d’A b bad ie qu’il n’a pas
» befoin d’elle pour fe maintenir en bonne fanté ». D ans
celui du j Janvier 1 7 8 5 : « Q u e M adam e d’A bbadie eft la
» caufe dè tous fes chagrins ; qu’il confent à lui donner
» dix mille livres par année pour vivre clans un c o u v e n t» .
Dans celui du 13 Janvier : « Q u ’il ne croit pas Être o b ligé
» de faire de plus grands avantages à une fem m e qui le
» perd de réputation ; qu’il la difpenfe de fon attachem ent».
Dans celui du 1 7 , «qu’il lifoit (à l’arrivée du fieur Lieutenant
» C iv il à Vitry)le M ercure de F ra n ce dans lequel étoitjriiif» toire d u n e femme qui avoit empoifonné fon m ari, &
» qu à cette occafion il s’étoit livré à quelques réflexions chaA ij
�4*
» grines, fur les malheurs que les maris font fujetsà éprou» ver de la parc de leurs fe m m e s , & fur fa propre fitua» tion ». Dans c e lu i du 22 avril , il s’écrie : « C om m e n t
» ne pas tenir rigueur à uue fem m e qui deshonore fon
» m ari, qui lui fufeite une affaire dont l’éclat le met hors
d’état d’exercer aucune
fon& ion ! enfin dans celui du 18
M a i , il répond : « qu’il perfifte dans tout c e qu’il a déjà
» dit, ( concernant la peniion de Madame d’A b b a d ie , & fa
» retraite dans un c o u v e n t ) , que le iieur Lieutenant C iv il
» eft trop prévenu en faveur de ladite d a m e , que d’après
» la conduite qu’elle a tenue à l’égard de lui répondant
» tant à Pau qu’à P a ris, & les chagrins domeiUques qu’elle
» lui a ca u fé s, il fe croit en droit de fe tenir éloigné d’e lle ;
» que c’efl: le feul m oyen qu’il ait de rétablir parfaitement
» fa fanté, qui n’a été altérée que par les peines &
les
» inquiétudes qu’elle lui a caufées ».
C e s réponfesne font point l’ouvrage d’une volo n té étran
gère: M . le Préiident d’A b bad ie étoit feul a v e c le M agiftrat,
lorfqu’il les faifoit.
V ou le z-v o u s révoquer en doute ces plaintes modérées
qu’ une douleur profonde arrache au plus patient & au plus
d ou x des hommes ? E c o u te z du moins la M arquife du
C o u d r a i , fa focur, qui ne peut pas vous être fuipe&e.
« T o u t e s vos peines, lui dit-elle dans fa lettre du 27
» N o v e m b r e 1 7 8 4 , au paiTé
,
a u
p ré le n t
ôc a 1 a v e n ir , ont
» é t é , font ôc feront toujours les miennes par mon atta» chem ent pour: ma famille ,
et
pour
vous
en
p a r t i-
» CULIER » .
E c o u te z les parens & amis de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
notamment le fieur de Joantho , fon coufin germain , adi*
�s
gné par vous co m m e par l u i , & que vous n’avez fufpe&é
Il vainement à la dernière a u d ie n c e , que parce qu’il vous a
rendu juftice à l’un & à l ’autre. C es païens & amis parlent
dans leur avis des chagrins de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
& des peines domeftiques auxquelles il a été en proie.
V o u s précendez prouver fon bonheur , par les
lettres
qu’il vous a écrites de Paris en 1781 ? Il eft vrai qu’il les
com m ence toutes ,
en vous appellant f a chere fem m e,
com m e vous l’appeiliez votre, cher mari, & qu’il les finit en
vous aflurant d e ¿’attachement a v e c le q u e lil eft tantôt tout à
vo u s,
tantôt votre très-humble, ferviteur. U n mari bon par
caractère, & qui feroit heureux par fa fe m m e ,
n’auroitil
donc jamais d'autre nom à lui d o n n e r , d’autre fentiment
à lui offrir ?
E n fin , vous invoquez la naiiTance de vos deux enfans
com m e une preuve du bonheur de votre mari. C e tte nai£fance prouve bien que M . le Préfident d ’A b bad ie eft p ère;
mais elie ne prouve pss qu’il foit heureux époux.
Q u e lle circonftance choifiifez-vous pour vanter le b o n
heur paiTé de M . le Préfident d’A b b a d ie ? C e l l e où vous
travaillez à le rendre le plus miférable des hommes. A h !
la pourfuite de fon interdiction ne peut pas être le premier
tort que vous ayez eu envers lui. C e n’eft que par dégrés
qu’une femme bien née acquiert l’affreux courage d’atta
quer ouvertement l’état de fon m ari, & de b r a v e r ,
vous faites depuis deux ans , la^cenfure publique,
comme
L e fécond tort de M adam e la Préfidente d’A b bad ie eft
de s être emparée à P oitiers, le 9 Septem bre 1781 , d’ une
fom m e de 20,000 liv. qu’elle s’eft fait remettre clandefli-
Sccond torr.
�6
nem ent par le R égiffeu r de fon m a r i, qui fe retiroit avec
elle en B é a r n , fous prétexte qu’il étoit m alade, & hors
d’état de donner quittance de cette fomme.
Ajoutons 2 1 3 6 liv. que M adam e d’Abbadie avoit reçues
à Paris au m om ent de fon d é p a rt, co m m e elle le déclare
dans fon M ém oire imprimé au C h â t e le t , pag. 149.
E lle avoit donc fait au mois de Septem bre 1781 une
recette de 2 2 13 6 liv.
Jettons maintenant un c o u p - d ’œil fur la dépenfe.
M adam e d’Ab bad ie porte d’abord en dépenfe une fom me
d e j o o o liv. pour frais de voyage.
C e t article ne doit pas être alloué.
M adam e d’Ab bad ie eit partie de Pau au mois d’août
1 7 8 1 , pour venir joindre fon mari à Paris, & pour retourner
ave c lui en Béarn. Sa belle-mère qui a approuvé ce v o y a g e
lui a donné yo o o liv. pour l’aller & pour le retour. Si elle
nie la quotité de la fom m e qu’elle a reçue , elle eft forcée
de conven ir du moins qu’elle a reçu fom m e fuffifante pour
les frais du v o y a g e . C e fait n’a pas befoin de preuve ; il
eft dans l’ordre naturel des ch o fe s; il eft néceilaire ; on ne
v o y a g e pas à c r é d i t , & l’époufe d’un Magiftrat qui jouit
de plus de 40,000 liv. de
rente , n’entreprend pas une
route de deux cents lie u e s , fans avoir en main au m om ent
de fon départ les fonds dont elle peut avoir befoin.
Il n’y a donc aucune d éd u û ion à faire pour frais de
v o y a g e , fu r ie s 2 2 13 6 liv. que M adam e d’Abbadie a tou
chées au mois de Septem bre 17 8 1.
D e ion aveu , elle n’a dépofé à fon arrivée à Pau , dans
les mains du fieur d cB eau reg ard qu’une fomm e de i ; o o o l .
elfe retient donc à fon profit une fomm e de 7 1 3 6 liv.
�7
V o y o n s ce qu’ eft devenu le dépôt de i j o o o liv.
M adam e d’A b bad ie convient qu’elle a touché en 1782
3000 liv. pour la penfion que fon mari lui faifoit»
R e lie n t 12000 liv.
L e fieur Louftau , 1agent de M adam e d’A b b a d ie , & fort
correlpondant a reçu le 11 Septem bre 1 7 8 2 , du lieur de
Beauregard une fom m e de 3000 liv. favoir i j o o l i v . en
a r g e n t, & un billet du fieur de Beauregard de pareille
foïHme ; à qui a-t-il remis cette fom m e & ce billet? à Ma>
dame d'Abbadie. E lle ne peut pas nier ce fait. Madame la Préfidente d’Abbadie mère donnoit au iieur de Beauregard des
reçus des iommes qu’e lle t o u c h o it : elle lui a d o n n é en 1782
trois reçus montant à 9000 I. qui font dans les mains de M a
dame d’A b b a d ie ; elle auroit donné également un reçu des
5000 liv. touchées par le fieur Louftau le 11 Septem bre
1782 , fi le fieur Louftau les avoit reçues pour elle; il les
a donc reçues ponr le com pte de Madame d’A bbadie.
V o ilà donc 1 3 ,13 ^ liv. appliquées au profit de M adam e
d’A b b a d ie , dont la maifon étoit d’ailleurs défrayée à Pau
par fon m a r i, ainfi qu’il Je déclare dans fon interrogatoire
du j Janvier 1 7 8 6. C e n’eft donc pas un a£te d’adminiitration qu elle a fait en 1 7 8 1 , lorfqu’elle s’eft emparée clandeftinement à Poitiers des revenus de fon mari ; c ’eft une
entreprife in té reffée , qu’elle ne peut pas colorer par la
pureté de fes motifs.
L e troificme tort de M adam e d’A b b a d ie eft d’avoir quitté
fon mari en Béarn pendant d ix -n e u f m o i s , depuis le mois,
d efe p te m b re 1781 jufquesau mois ¿ ’avril 17 8 3 ,
Troifième tort*
�8
» Il n’y avoit pas , d it - e lle ,
de logement pour moi
» au château de Bizanos.
S ie d - il bien à une femme de dire qu’il n’y a pas de l o
gem ent pour elle , dans un Château habité par ion mari ?
Il y a au château de Bizanos un rez-de-chauifée, ôc un
premier étage : Je rez-dechauiTée étoit occupé par Madame
la Préfidente d’Abbadie mère ; le premier étage auroit fuffi
pour Madame d’A b b a d ie , fi elle avoit été jaloufe de vivre
avec fon mari ; mais elle aimoit mieux refter feule dans ia
maifon de Pau. V o ilà quel étoit fon attachement pour
fon mari ; voilà le foin qu’elle prenoit de cette téte fi chère.
M . le Préfident d’Abbadie arrive à Paris avec le Frère
L iflon d e , dans le mois d’avril 1783. Madame fon époufe
le fuit de près à fon infçu ; que vient-elle faire ? C ’eft
ici fon quatrième tort.
Quatrième tort.
E lle fait vifiter fon mari le 6 mai 178? , par le fieur
B orie fon M éd ecin ordinaire , & par les fieurs Dejean &
de M o n ta b o u rg , & elle fait fabriquer le même jour par le
fieur Borie un certificat ,
dans lequel ces M édecins at-
t e f t e n t , après un demi-quart-d’heure d’exam en;
i°. que
M . le Préfident d’Abbadie parle nuit & jour , qu’il a perdu
le fommeil & l’appétit, & que cet état dure plufieurs jours ;
2°. qu’il a été fou à Pau , depuis le mois de feptembre
1781 , jufques au mois d’avril 1783 , & à Paris , depuis cette
dernière époque , jufqu’au 6 mai , jour de leur vifite ; ce
qu’ils ont appris , difent-ils, du Frère L i (fonde fon compa
gnon de v o y a g e , ( qui leur donne à ce fujet un démenti
f o r m e l; ) 30. qu’ il ne faut pas héfiter d’employer la force
contre M . le Préfident d’A b b a d ie , foit dans la maifon du
fieur
�9
Heur de Borda , foit dans une maifon publique ; c e qu’ils
Jaiiïsnt au ch oix de Madame Ton époufe.
C ’eft , a-t on dit à cette au d ien ce, Madame la Préfidente
d’A bbadie mère qui avoit conçu le projet de faire enfer
mer fon fils : elle avoit fait confier c e projet par le F rè re
L iifo n d e à M . de Cheraute , qui l ’en avoit détournée ;
M . de Cheraute l’a déclaré , & le Frère Liifonde ne l a
pas nié.
M . de Cheraute l a déclaré ! O ù efl donc cette décla
ration? Je l’ai cherchée avec la plus grande attention parmi
les pièces de Madame laPréfid en te d’A bbadie , ôc je ne l ’y
ai pas trouvée.
'
Si elle e x ift o it, elle ne prévaudroit pas fur les preuves
réelles que M adam e la Préfidente d’ Abbadie mère a don
nées de fa tendreife pour fon f i ls , avec qui elle a toujours
v é c u , & dont elle a été la com pagne fidelle jufqu’à fou
dernier moment.
L e Frère L iifon d e ne l’a pas nié! M ais il n’a pas été
interpellé fur ce fait ; fon filence n’en fournit donc pas
la preuve.
N o n ; le defir de faire enfermer M . le Préfident d’A b
badie n’a jamais fouillé le cœ ur de fa mère : c’eft fon époufe
qui s’eft fait autorifer à exercer cette violence. Q uand on
eft capable de demander à un M é d e c in une ordonnance de
ce g e n r e , on efl aiTûrément capable de l’exécuter.
L e cinquième tort de M adam e d’A bbadie eft de s’être
fait remettre claiideftinement par le fieur O liv ie r ,
cinquième ton
le 8
novem bre 1783 , une fomm e de 36000 liv. appartenante
à fon m ari, ainfi qu’il eft établi par le co m p te que le iieur
B
\
�ÎO
O liv ie r a rendu à M . le Préfident
d’A bbadie le 10 du
m êm e mois.
» M a i s , dit M adam e d’A b b a d ic , j’ai mandé le 11 no» vem bre 1783 , à ma belle-mère , que fur ces 36000 l i v . ,
» j’avois déjà remis 6000 liv. à mon mari ,
que j’avois
» wardé 5000 liv. pour ma dépenfe ; que j’avois converti
» les 2$ 000 liv. reftantes en billets des fermes , pour ne
» pas laiiTer l’argent o i f i f , & que j’étois prête à envoyer
» des fonds à ma belle-mère auffnôt qu’elle voudroit.
C ’eft là , en effet , la teneur d’une copie de lettre de
M adam e la Préfidente d’Abbadie, à fa belle-mère , en date
du 11
novem bre 1 7 8 3 ; copie dont rien ne garantit la
c o n fo r m ité avec l’o rig in a l, s’il a jamais exiilé , ô t que fa
teneur même rend plus que fufpefre.
D ’un côté ,
M adam e d’Abbadie n’a pas^pu mander à
fa belle-m ère le 11 novembre
1783 , qu’elle avoit déjà
remis 6000 liv. à fon m a ri, puifqu’elle ne lui a remis cette
fomme que le 13 du même m ois, fuivant la tranfa&ion du
2 juillet 178 4 .
D ’un autre côté , elle n’a pas mandé à fa belle-mère par
fa lettre du 11 novembre 1783 , qu’elle étoit prête à lui
remettre ces fonds , puifque fa belle-mère 11e lui dit rien
qui ait trait à une pareille offre , dans fa réponfe du 19 du
même mois
, & q u e lle & fon fils ont au contraire , par
leurs lettres du 8 mars 1 7 8 4 , preffé le fieur d’Etehegaray
de pourluivre en Juitice la reftitution des fomines iixrées
a Madame d’Abbadie par le fieur O liv ier ; ce qu’ils n’auroient point f a i t , l i , dès le îx novembre p récéd en t,
Ma
dame d’Abbi-die avx)it offert de les leur rendre.
Enfin , il a fallu compofer avec Madame d’Abbadie fur
�11
,
cette reftitution, & lui abandonner , par la tranfa&ion' du
2 juillet 1 7 8 4 , une fomme de 13000 liv . en fus de celle
de 3600 liv. qu’elle avoit reçue pour fa psnfion en 1783 ,
c e qui fait une fomme de 16600 liv. qu’elle a touchée
en 1785 , quoiqu’elle n’eût aucune dépenfe à faire dans la
maiion du fieur de Borda.
13000 liv. en 17 8 1 , 13000 liv. en 1783 ; voilà quels
ont été pour M adam e d’ Abbadie les fruits de cette adminiftration officieufe qu’elle exerçoit pour fon m a r i , à fon
infçu , & contre fon gré.
L e fixième tort de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
eft d’avoir quitté fon mari pour la fécondé fo is , depuis
le mois de N o v e m b re
1785 jufques à la fin du mois
de D é ce m b re 1 7 8 4 , qu’il eft venu la joindre à Paris,
& d’être reftée dans cette C a p ita le, tandis qu’il étoit en
Béarn.
E lle a cherché une premiere excufe dans la lettre de
fa b elle mère du 19 N o v e m b re 1783 , par laquelle elle
la remercie de ce qu’elle veu t bien refter auprès
fieur
de Borda.
Mais elle n’a pu recevoir cette lettre de Pau que le 26
N o v e m b r e , & elle avoit laiiTé partir fon mari dè& le 1 4 ,
avec le F rère L iflon d e qui lui a mandé qu’ils étoient arrivés
à Pau le 2 j , avant qu’elle ait reçu la lettre de fa belle mère.
C ’eil donc de fon propre m ouvem ent qu’elle s’eft déter
minée à refter feule à P a ris, & non d’après la lettre de
fa belle m è r e , qui d’ailleurs ne l’en prioit pas.
E lle a cherché une fécondé excufe dans une lettre que M .
le Préiident d’Abbadie lui a écrite de Paris le 1 9 M ai 1 7 8 1 ,
pour lui annoncer le projet qu’il avoit de l’attirer incefB ij
Sixième tort.
�\2
famment dans cette C a p itale, où elle pourroit paffer q u el
que temps.
M ais il n’y a aucune liaifon entre ce projet manqué en
17 8 1 , & le féjour que Madame d’Abbadie a fait à Paris
pendant quatorze mois en 1783 & en 17 8 4 5 en l’abfence
de fon mari, qu’elle a quitté volontairement ôc fans aucune
néceiïité.
septième tort.
L e feptieme tort de Madame la Préfidente d’Abbadie
lui a paru enfin à elle-même fi o d ie u x , fi ré vo ltan t, qu elle
n’a pas même eflayé de le c o lo r e r , &
q u e lle l a laiifé
dans toute fa noirceur. Je veu x parler du certificat q u e lle
a fait fabriquer le 5 F év rie r
1 7 8 4 , par le fieur B orie
qui y attefte : i°. Q u ’au mois d’avril 1 7 8 5 , à fon arrivée
à Paris, M . le Préfident d’Abbadie étoit depuis deux ans
dans un état de dém en ce, (quoique ce Magiftrat eût vécu en
Béarn,.à 200 lieues du'fieurBorie , depuis le mois de S eptem
bre 178 1 jufques au mois d’avril i 7 8 3 .) 2 ° Q u ’aumois d e N c vem bre 1 7 8 3 , lors de fon départ pour P a u , c ’eft-à-dire le 14
N o v e m b re jour de fon départ, M . lePréfidentJd’Abbadie étoit
dans un état de d é m e n c e , aifertiondontla fauiTeté eft démon
trée par la lettre que M . le Préfident d’Abbadie a écrite à
fon R égifleu r le 8 N o v em b re 1783 , p arle compte que le
fteur O liv ie r lui a rendu le 1 0 , par l’aiïignation qu’il a
fait donner au fieur O liv ier le 11 , & par la reconnoiffance qu’il a donnée le 1 3 , veille de fon départ , de la
fem m e de 6000 livres que M adam e la Prcfidente d’Abbadie
lui a fait -remettre. 3P. Enfin que la maladie de M . le
Préfident d’Abbadie paroît être parvenue à l’incurabilité.
Quel
trait de lumière
environne
dans
ce
m om ent
�\
n
M adam e la Préiidente d’A b b a d ie , & perce le vo ile donc
elle fe pare aux yeu x du public?
E lle fait déclarer fon mari in cu ra b le, à P a r is , trois
mois après fon départ pour Pau.
E lle le fait déclarer incurable par un M é d é c in , qui,,
fuivant la lettre qu’elle a écrite à fa belle-mere , le 2 $
O & obre
1 7 8 3 , quinze jours avant le départ de M . le
Préiident d’A bbadie pour P a u , avoit promis fa guérifon
' totale.
V o t r e mari fou incurable! Q u e l befoin aviez-vous de
cette
atteftation , le
6 F évrier 1 7 8 4 , un an avant que
vous a y e z . pourfuivi fon in te rd id io n ? Q u o i ! votre fang
ne s’eft point glacé à la vu e de ce préfage finiftre ; vous
n’avez pasrepouÎTé la main qui v o u s l ’offroit ; vous le gardez
depuis trois ans; vous le faites circuler d anstouslesTribunaux
où vous traduifez votre m a ri, & quand deux M édécins qui
l ’ont vifité récemment pendant foixante-huit jo u r s , atteftent
à la juftice fous la foi du fe r m e n t, [que fon état habi
tuel eft un état de ra ifo n , tel qu’il fe manifefte dans fes
interrogatoires, vous les a c c u f e z , l’un de com plaifance,
l’autre d’impofture; vous rejettez avec horreur une vérité
co n fo la n te, pour vous repaître d’une illufion qui devroic
vous défefpérer ; tous ce u x qui vo y en t votre inari ,
étrangers , parens , amis , M agiftrats, tous le trouvent
raifonnable 5 &
vous qui ne l ’avez pas vu depuis deux
ans, vous fon époufe , vous vous obftinez
à dire qu’il
eft infenfé ; vous démentez la notoriété p u b liq u e , vous
m éconnoiifez l’évidence m êm e ! A h ! ne cherchez plus
d e x e u fe à votre a v e u g le m e n t;
ne fuit ainfi la lumière ,
g u id e.1
jamais l ’efprit humain
que quand il a le cœ ur pour
•
�14
Huitième
tort.
L e huitième tort de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
^ d>avoir attifé fon mari dans cette C a p ita le, au mois
de D écem bre 17 8 4 , fo u s prétexte, com m e elle le lui difoit
dans fa lettre du 8 N o v e m b re p ré céd en t, que fes affaires'
e x ig e o ie n t fa p ré fe n c e , pour le faire interdire à P a u , fans
qu’il pût fe défen d re; de l’avoir tenu en chartre privée
depuis le
Mars 1 7 8 j
au fo ir ,
jufqu’au lendemain
onze heures du m atin, pour l ’empêcher de fe pourvoir
contre l’interdi&ion provifoire dont il avoit été frappé
le 3 du même m o is, & de l’avoir privé des fecours néceifaires contre une colique violente , dont il a été atteint
la nuit du 25 au 2 6 Mars.
M adam e la Préfidente d’A bbadie convient qu’elle s’eil
emparée des clefs de l’h ô t e l , le 2$ Mars au f o i r ,
pour
la première
tenu
fois ,
&
q u e lle
a
par
conféquent
• fon mari en chartre privée , pour l’empêcher de partir
le lendemain pour fes terres de Poitou : mais elle nie
qu’il ait eu la colique dans la nuit du 25 au 2 6 Mars
& elle a pour garant de fa dénégation le C o ch e r D o u c et.
C e C o ch er peut bien attefter qu’il n’a eu lui-même
aucun mal la nuit du 2 j au 26 Mars 1785* , 6c que s’il
avoit fouffert com m e fon m aître, il auroit reçu tous les
fecours qui lui auroient été néceffaires; mais fon témoi
gnage purement négatif ne détruit point le fait pofitif &
prouvé que M . le Préfident d’Abbadie s’eft plaint d’une
colique violente la nuit du z<; au 2.6 Mars 178J , fans
qu il ait pu recevoir les fecours du dehors qu’il demandoit;
&
fi c’eft une trahifon de la part de fon é p o u fe , de
l ’avoir attiré de Pau à Paris, pour le faire interdire à
- Pau à fon infçu, fans aucune inftrudion, c’eft un attentat
�de l’avoir tenu en charte p riv é e , dans une
circonftance
où il avoit tant de befoin d’être libre pour fe d éfen d re,
& une cruauté de lui avoir refufé au milieu des douleurs
les plus aigu ës, des fecours que la pitié prodigueroit en
pareil cas au dernier des hommes.
Enfin , le neuvième tort de
M adam e la
Préfidente
d’A b b a d ie , eft d a v o ir laiifé infpirer à fes enfans la crainte
& le mépris de leur p è r e , 6c de les avoir rendus témoins
des follicitations
qu’ elle
fait
pour
fon. interdi£Hon.
V o u s vous rappeliez, M e ille u rs , cette fcène qui s'eft
paifée dans la maifon du fieur de B o r d a , lorfque M . le
Préfident d’A bbadie
eft allé en perfonne réclamer
fes
enfans, accom pagné de deux N o ta ire s, de M e.B o u rg e o n
fon Procureur au C h â te le t, & du C hevalier de Saiutray.
I l a trouvé fes enfans dans le fallon ; à peine
lui ont-ils
laiifé le loifir de leur donner un premier figne d’amitié.
L e nommé
Tiercclin, laquais de
M adam e la Préfidente
'd’A b b a d ie , eft venu lui arracher l’un qui s’eft enfui dans le
jardin ; l ’autre s’eû réfugié dans les bras du C hevalier de
Saintray qu’il ne connoiifoit | a s , & à qui il ne ceifoit de
dire d’une v o ix tremblante : » M . le C hevalier e m p ê c h e z ,
» je vous p rie, que papa ne nous amene ; papa n’eft
» point
le maître ,
c ’eft maman qui eft
maîtreife de
» tout ».
; M è re aveugle ! vous fouffrez |que vos enfans n’ayent de
la confiance
qu’en vous
autorité que la v o tre !
leçons ,
avouer.
&
ne
donnez leur
ôc infpirez-leur
L ite s-le u r
,
connoiiisnt
donc
d’autre
de meilleures
des fentimens qu’ils
puiflent
qu’ils dépendent principalement de leur
N euvièm e tort.
�\6
» p i r e , que vous d é p e n d e z vous-même de votre m a ri, &
« quevous avez tous trois le même maître».
D ites leur que vous devez à votre mariage l’aifance
dont vous jo u iffe z , que toutes leurs efpérances font du
cô té de leur p è r e , & qu’ils ont droit de tout attendre
de fa tendreffe & de fa bonté.
L ife z leur l'interrogatoire du 13 Janvier 1 7 8 6 , où il
dit : « que vous devez être perfuadée qu’il n’a pas moins
» d’attachement que vous pour vos enfans ».
L ifez leur l’interrogatoire du 17 du même m o is, ou il
dit : « qu’il facrifieroit fa fortune & mêfne fa vie , s’il le
» falloir, p o u r les perfonnes qui lui appartiennent ».
L ife z leur l’interrogatoire du 22 A v ril fu ivant, où il
d i t , « qu’en follicitant la caifation des arrêts du Parlement
» de P a u , il avoit annoncé aux Magiilrats du C o n f c i l, que
» fon intention é to itd e faire emploi des fommes inobiliaires
» provenantes de la fucceffion du fieur de B o r d a , qu’il
’ perfifte dans cette réfolution , pour le bien de [es enfans f
& qu’il demande atle de fes offres de faire cet emploi.
N ’affe&ez plus d’aifocier vos enfans à vos follicitations,
com m e
s’ils
étoient intéreifés à
demander avec vous
l’interdi&ion de leur père.
Conduifez-les plutôt aux portes de la Baftille, & dites
leur: mes enfans, v o ici la prifon où votre père fut e n ferm é,
martyr de
fon zèle pour les L o ix dont il eft le Miniftre.
Souvenez-vous ,
lorfque vous ferez
élevés à
ce faint
M iniftere, de le prendre pour votre m o d è le , & de fervir
com m e lui le R o i & la Patrie.
Montrez-leur 1arrêt du 21 Juin 1 7 7 6 , & dites-leur : rrres
enfans ? voici le titre le plus précieux pour votre p è r e , la
récompenfe
�IJ
■'
récompenfe honorable de fes longs facrifices, l’arrêt de la
C o u r des Pairs qui l’a reçu parmi fes m em bres, en confidération de la nature des fervices que lui avoienu infpirês
depuis
d ix ans fo n
^èle & fon attachement .au bien du
fervice du R o i f & à l'honneur de la Magïjlrature '.
CeiTez de les entretenir des prétendues folies de leur
père ; entretenez-les de fes vertus & de ion amour pour
eux ; diiïipez une prévention funeite qui aveugle
leurs
e fp rits, & qui flétrit leurs cœurs : dites-leur la vérité , &
laiflez agir la nature.
V ou s connoiiTez , M eilleurs, les torts de M adam e d’Abbadie ; ils font g r a v e s , ils font multipliés ; permettez que
je vous le demande maintenant ; ne trembleriez-vous pas
d e la nommer curatrice de fon mari, s’il pouvoit être in
te rd it, & vous repoferiez-vous du foin de la perfonne &
dg la io r tu n e de M . le Préfident d’A b bad ie, fur une femme
qui n’a fçu refpe£ter jufqu’au préfent ni l’u n e , ni l’autre ?
M ais M . le Préfident d’Abbadie n’a pas à craindre
un
événem ent auili m alheureux, puifqu’il jouit de fa raifon.
C ’eft le fe co n d i point de la c a u fe , le point le plus eifent i e l, & qui demande le plus d’attention.
L e s parties pofent ici deux propofitions contraires.
M adame la Préfidente d’A bbadie foutient & entreprend
de prouver que fon mari e f t , depuis 1 7 8 1 , dans un état
de démence.
M.
le Préfident d’A bbadie foutient &
prouve qu’il
eft dans un état de raifon.
Ecartons d’abord les preuves de l’état de démence.
N o u s retracerons enfuité fous un point de vu e trèsfimple les preuves de l’état a&uel & habituel de raifon.
C
�18
M adame d’A lb a d ie invoque trois preuves, pour établir
que fon rr.ari a été infenfé en 1 7 81 .
,
L a première coniifte dans les deux lettres qu’il a écrites
les 18 Juillet &
16 A o û t 1781.
Mai? ces deux lettres ne prouvent que deux momens
d’abfence qu’il a e u s , lorfqu’il les a écrites. E lle s ne font
point concluantes pour fon état Habituel, même en 1781»
elles le font encore bien moins
pour fon état actue.1 &
habituel qui eft l’état fur lequel la C o u r doit prononcer.
a
L a fécondé preuve eft la lettre que le fieur dOlhaiTarry
écrite à M adam e d’ A b b a d ie , le 30 Juillet 1 7 81 .
M ais cette lettre ne parle que de mélancolie & de dïjlrac-
tïons. ]Un état de mélancolie n’eft pas un état de d é m e n ce ,
& des diftra£lions ne font point l’éclipfe de la raiion.
-La troifième preuve eft le ce rtifica t où le fieur T o n n e t ,
RégiiTeur des Terres du P o ito u , répète ce que Madame
d’Abbadie lui a dit à Poitiers, le 9 Septembre 1 7 8 1 , de
l’état de fon mari, pour colorer à fes yeux la précaution
qu’elle prenoit de le voir en fe cre t, de le faire cacher
dans la ruelle, de peur que M . d’Abbadie ne fu r v în t, 8c
de toucher vingt mille livres à fon infçu ; mais le fieur
T o n n e t n’eft dans cette partie de fon certificat que, l’écho
de Madame d’Abbadie , qui eft fans contredit le témoin
le plus fufpe£t & le moins digne de foi fur l’état de fon
mari.
Madame d’Abbadie ne prouve donc pour l’année 1 7 8 1 ,
que deux momens d’abfence qui ne forment pas un état
habituel ; & la preuve que M . le Préfident d’ Abbadie
n é to it pas en démence en 1 781 , c’eft fa correfpondance
de 178 1 avec fon épo ufe, & la précaution q u e lle a prife
�'19
,c
à Poitiers de fe dérober à fes regard s, quoiqu’il fût ma
la d e , pour percevoir fes revenus.
E lle invoque trois preuves, pour établir que fon mari a
été infenfé en 1782.
L a première eft une lettre que le (leur de Montbadon»
fon frère , a reçue de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
m è r e , en date du 30 D é ce m b re 1782.
M ais la mère dit feulement dans cette lettre que fon
fils diftrait par d’autres objets, n’a pas répondu à la de
mande que le fieur de M ontbadon lui faifoit de fa pro
curation pour procéder à un nouveau partage des biens de
la fucceffion de feu M . de M o n tb a d o n , père. E lle ne dit
pas que fon fils étoit en dém ence , le 30 D é ce m b re 17 8 2 ;
& fi M .
le Préfident d’Abbadie a refufé fa procuration
pour procéder à un nouveau partage, c ’eil parce qu’il ne
vou loit point plaider contre fa b e lle -m è r e , & qu’il lui
avoit déjà déclaré à elle-m êm e, com m e il l e d i t dans fon
interrogatoire du 13 Janvier
1 7 8 5 , qu’il
s’en rapporte-
roit aux arrangemens qu’elle feroit dans fa famille : E xem p le
d’honnêteté & de confiance refpetlueufe que les enfans
de M adam e de M ontbadon auroient dû imiter.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M *
d’Abbadie en 1782 ,
eft le certificat que M adam e
badie a fait fabriquer à P a ris,
M ai
par le fieur B o r ie ,
d’Ab~
le 6
1783.
M ais fi ce certificat porte que les M édecins ont appris
du Frère Liffonde que M . le Préfident d’Abbadie a été en
démence à P a u , en 1 7 8 2 , 1 e F rère Liffonde leur donne
lui-même à ce fujet un démenti formel.
L a troifième preuve eft l’enquête faite à Pau en 178$.
C ij
�Je la
connois
20
enfin cette enquête : on l’a citée comm e
contenant la preuve de deux faits principaux qui font ;
i°. que M . le Préfident d’Abbadie avoit fait acheter des
o i e s , pour leur apprendre l’alphabet. u°. Q u il avoit fait
acheter des chevres, pour les atteller a fa voiture.
Eh
b i e n , de 58 témoins qui ont été entendus a P a u , aucun
ne dépofe de ces faits controuvés , com me témoin o cu
laire. Les domeftiques de M . le Préfident d’ Abbadie , qui
feuls auraient été à portée d’en avoir connoiifance , n en
difent pas un feul mot. T r o is ou quatre étrangers qui en
parlent, n’en parlent que com m e témoins d’oui-dire, &
ne nomment pas le témoin principal dont ils font l’échç.
Q u e l eft donc ce témoin invifible qui a parlé par l’organe
des témoins d’oui-dire ? Faut-il le demander? C ’eft celle
qui les avoit fait aiïigner ; c’eft Madame d’Abbadie.
L ’enquête de Pau n’eft point concluante par elle-même.
E lle a été d’ailleurs annu llée, & ne peut par çonféquent
faire foi en Juftice.
Madame d’Abbadie ne prouve donc pas que fon mâri
ait été en démence en 1782 ; & la preuve qu’il n’y étoit
p as, c’eft fa correfpondance
en 1 7 8 2 , avec fes paretis ,
fes amis & fes gens d’affaires.
E lle invoque trois preuves , pour établir que fon mari
a été en dém ence en 1783.
L a première eft le
année.
certificat du 6 M ai de la même
M ais ce certificat ne prouve même pas que M . le Pré
fident d’Abbadie ait effuyé dans la journée du
6 M ai
1 7 8 3 , un accident critique. Il eft démontré faux dans la
p artie, où le certificateur dit qu’il parle d’après le F rère
�LiiTonde : il eil donc plus que fufpett dans la partie où
le cercificateur dit d’après lui-même que M . le Préfident
d’Abbadie ¿toit le 6 M a i 1783 dans un état de démence.
Si le fieur Borie en a im p o fé, quand il a dit que le F rère
LiiTonde lui avoit attedé la prétendue démence de M .
le Préfident d’Abbadie à Pau en 1 7 8 2 , qui peut s’aiïurer
qu’il n’en impofe pas égalem ent, quand il attefte fa prétendue-démence dans la journée du 6 M ai 1783 ? D ’ail
leurs ce n’eft pas l’accident du 6 ?vïai 1783 ,
q U’iI faut
juger , c ’eft l’état aftuel ôc habituel de M . le Préfident
d’Abbadie.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M . le
Préfident d’Abbadie en 1783 ,
eft la lettre de M adame
la Préfiden te d’Abbadie , m è r e , à fa bru, en date du ip N o
vem bre d e là même année, par laquelle elle promet de faire
continuer à fon fils, lorfqu’il fera à P a u ,
le traitement par
l ’éle£tricité.
Mais ce traitement convient aux maladies nerveufes ,
bien plus qu’à la démence. Madame d’Abbadie , m ère, n’a
donc pas reconnu la prétendue démence de fon fils, quand
elle a annoncé à à fa b ru , qu’elle luiferoit continuer c e
remède. E lle ne l’a pas reconnue non plus dans d’autres
lettres qu’elle a écrites à fa bru. E t com m ent pourroit-on
foupçonner qu’elle regardoit fon fils comme infenfé en
i
7 8 3 î qi,and on vo it que par fon teftament du 10 F év rie r
de la même année, elle le charge de foins qui ne convien
nent qu a un homme raifonnable.
L a troifième preuve eft la lettre du frère LiiTonde à
M adame d’A b b a d ie , du mois de N o v e m b re
1783,
où
il lui rend com pte du vo y a g e de fon mari , qui é t o i t ,
�22
dit i l , diftrait & g a i, & qui chantoit fans être prié; mais
on peut être diftrait & gai fans être en dém ence; &
M.
fi
le Préfident d’A bbadie chantoit fans en être p r i é , c ’eft
qu’il ne chante que pour fon plaifir, ôc qu’il n’eft pas un
de ces hommes qu’ on prie de chanter pour le plaifir des
autres.
M adam e d A ’bbad’te ne prouve donc pas que fon mari
ait été en démence en 1783.
E t la preuve qu’il n’y étoit p a s, c’eft fa correfpcndance
de 1783 , c ’eil la précaution que M adam e d’Abbadie a
prife de recommander le fecret pour lu i, au R é g ifle u r, quand
elle lui a fait demander l’état de fa ca ifle , par une lettre
du fieur O liv ier , du 2 Juin 1783 ; c ’eil le com pte que
le fieur O livier lui a rendu le 10 N o v em b re 1783 ; c’eft
le refus qu’il a fait d’allouer en dépenfe 36,000 liv. que
ce caiffier avoit
livrées à Madame d’A b b a d ie , le 8 du
même mois ; c’eft enfin le foin qu’elle a eu elle-même de
retirer une reconnoiflance de l u i ,
du léger à - com pte
qu’elle lui a remis, le 13 N o v e m b re 1 7 8 3 , la veille de
fon départ pour Pau , ainfi qu’il eit dit dans la tranfa&ion
du 2 Juillet 1784.
Madame
d’Abbadie invoque deux fortes de p r e u v e s ,
pour établir que fon mari a été infenfé à Pau en 1784.
L a première eft une colle£tion immenfe de lettres qu’elle
a reçues en 1784 , principalement du fieur L ou ftau , fon
agen t, &
de la dame D etchegorry , fa confidente , la
femme dd ce Procureur de Pau qui avoit aiTifté à Poitiers
en 1781 , à la recette myftérieufe de 20,000 l i v . , & que
M.
le Préfident d’Abbadie loge gratuitement dans
h ô t e l, depuis plus de vingt ans.
fon
�*3
Mais plus ces lettres font m ultipliées,
plus elles font
Îufpe&es. O n n’accable pas une femme pendant une année
en tière, de nouvelles facheufes fur l’état de fon mari, qu’autant* qu’elle le veut bien, & qu’elle le demande elle-même.
D ’ailleurs des lettres niiilives ne font point foi contre un
tiers; c’eft une maxime fa c r é e , & qui ne fera point mé
connue pour la première fo is , en matière d’état, au pré
judice de M . le Préfident d’A bbadie.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M . le
Préfident d’Abbadie en 1 7 8 4 , eft l’enquête faite à Pau en
1787.
M ais cette enquête où les témoins ne dépofent que d’ouidires fur les faits p rin cip a u x, a été annullée d’ailleurs par
le même jugem ent auquel M . le Préfident d’A bbadie d o it ,
Meilleurs , le bonheur de vous avoir pour Juges , & une
enquête nulle ne fauroit opérer la moindre convi& ion ;
quod nullum efl nullum producit effeclum.
M adam e d’Abbadie ne prouve donc pas que fon mari
ait été en dém ence en 1784.
E t la preuve qu’il n’y étoit p a s , c ’eft fa correfpondance
de 1 7 8 4 , ave c fon époufe, fa foeu r, M e H utteau, alors
fon confeil & fon a m i; M . de C h e rau te, le fieur L ou ftau ,
a v e c tous ceu x qui
faifoient les
préparatifs fecrets de
fon interdi&ion.
M adam e d’Abbadie invoque fix preuves pour établir que
fon mari étoit en détrtence en 1785.
L a première eft la procuration fous feîng-privé donnée
par M . le Préfident d’A bbadie au fieur d’E tch é g a rai, le
30 D é ce m b re
1784 ,
que Madame d’Abbadie
com m e une preuve que fon
regarde
mari étoit dans un état de
�24
démence qui ne lui permettent pas de la donner pardevant
Notaire.
Mais qui fouferit une procuration donnée fous feing-privé
peut en foufcrire une donnée pardevant Notaire. C e n eft
p a s
l a
prétendue dém ence de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
c ’eft la fatigue de
fon
voyage qui l’a empêché de
tranfporter chez un N otaire le 30 D écem bre
fe
1784 , le
lendemain de fon arrivée à Paris.
_La fécondé preuve de fa prétendue démence en 1785' >
eft le dire de fon Procureur à la vacation du 26 Janvier de
la môme année.
• L e Procureur de M . le Préfident d’Abbadie , a bien dit
â cette vacation , q u il étoit malade dans fon lit; mais il n’a
pas dit qu’il étoit en démence.
L a troifième preuve eft la requête donnée au Parlement
de P a u , par M . le Préfident d’Abbadie le 8 avril
178; ^
à fin d’oppofition à l ’arrêt du 3 Mars précédent qui l’avoit
interdit par provifion com m e infenfé.
J 1 feroit bien étrange qu’une requête dont le but étoit de
faire juger en 178 j que M . le Préfident d’A bbadie n’étoit
pas in fen fé , contint l’aveu qu’il étoit infenié. A u di n’y
trouve-t-on pas un pareil aveu. O n y dit bien que M . le
Préfident d’Abbadie a éprouvé autrefois des crifes fâcheufes;
mais on n’y dit pas que ces crifes étoient des accès de folie.
La
quatrième preuve
d’Abbadie , dans
fon
eft l’aveu de M .
interrogatoire
17 8 ;.
C e Magiftrat a avoué dans
a v o ite u en
du
29
le Préfident
D écem bre
cet interrogatoire ,
qu’il
1 7 8 ; , pendant fon féjour dans la niaifon de
g a in t-V i& o r P deux accès d'une maladie de nerfs, dont il avoit
tu
�eu précédemment quelques attaques , & qui avoient duré deux
ou trois jours chacun ; mais loin qu’il ait reconnu que
c ’étoient des accès de folie , il dit
au contraire dans le
m êm e interrogatoire , « qu’il a cru jouir dans ces
accès
» de fa préfence d ’efprit, que quand les accès fe font paf»
» fés, il s’efi: rappel’ é
ce qu’il avoit, dit ôc fait pendant
» ces a c c è s , & qu’il a jugé raifonnable tout ce qu’il s’eit
» rappellé, com m e il en avoit jugd pendant l’accès m êm e;
» mais que ce qui le raiTure le p lu s , c’efl; le tém oignage de
» fon M é d e c in , qui lui a dit que pendant les accès m ê m e s ,
» il lui avoit répondu exactement à toutes les' queftion*
qu’il lui avoit faites ».
L ’aveu de M . le Préfident d’A bbadie efi: indivifible , &
puifqu’on veu t le convaincre par lui-même qu’il a eu deux
accès pendant cinq mois qu’il a paifés dans la maifon de
S aint-V ictor, il faut qu’on convienne avec lui que c ’éroient
deux accès d'une maladie de nerfs qui avoient duré deux ou
trois jo u r s , & qui ne lui avoient point fait perdre l’ufage
de la raifon.
L a cinquième preuve eft le. dire que le fieur P h ilip ,
M é d e c in , a fait en l’hôtel du fieur Lieutenant-Civil , le
ap Septem bre 178^.
Mais[ le fieur Philip a déclaré formellement dans ce dire
que ce qu’on appelle accès de dém ence dans la perfonne
d e M . l e Préfident d’Abbodie, n’eft qu’une maladie n e rv e u fe ,
curable de fa nature, déjà diminuée par l’ufagè des re m è
des qu’il lui a indiqués , &: qui ne lui fait point perdre la
raifon.
Enfin la fixième preuve d e là prétendue dém ence d e M .
l e Préfident d’A b bad ie, en 1 7 8 ^ , eft la correfpondance du
D,
�2
6
C o ch er P o u c e t avec M adam e la P r é s e n t e d’Abbadie. _
O n voit en effet dix-fept lettres du C o c h e r D o u c e t , qui
accufe la réception de celles que M adam e la P r u d e n t e
d’Abbadie lui a fait l’honneur de lui écrire , qui lui confe ille ,
dans une datée du
22
avril 178s1 , d’enfermer
l’A b b é d’Etchegarai dans une chambre, s’il va dans la maifon du
fieur de B o r d a , qui lui rend com pte dans
une
autre , d’un M ém oire imprimé qu’il a vu chez m o i , Jorfqu’il y a accompagné fon maître, & q ui, dans la plupart,
lui donne des nouvelles telles qu’elle les d efiro it, fur l'état
de ;M . le Préfident d’Abbadie.
Mais la correfpondance de M adam e la Préfidente d’A b
badie avec le C o ch er D o u c e t , ce faux délateur de fon
maître , chatte par lu i, &: indécemment accueilli par elle
ne prouve que les machinations de l’une & la lâche perfi
die de l’autre. L a bienféance,
l’honnêteté, la confiance
néceffaire des maîtres pour ceux, qui les fe r v e n t, le repos
des fam ^ les, la fureté du Magiltrat com m e celle du fimple
C it o y e n , dans l’azyle facré qu’ils habitent, tout crie v e n
geance contre cette correfpondance fcandaleufe , 6c la
d évo u e à la haine publiqus.
M adam e d’Abbadie ne prouve pas que fon mari ait été
en démence en 1785’ , & la preuve qu’il n’y étoit p a s , ce
font les deux certificats
des fieurs D e j e a n , de M onta-
b o u r g , D a r c e t , Philip ôc M athey* M é d e c in s ,
les j & i ç
donnés
Juillet 1785;,- après plufieurs vifites ; ce font
les deux certificats du fieur P h ilip , des 14 mai &
juillet 1 7 8 ; ; ce font les démarches continuelles
le Préfident d’Abbadie a faites
des Magiftrats du C o n f e i l ,
en
14
que M .
1 7 8 5 , tantôt auprès
pour folliciter la caifation
des
�27
arrêts du Parlement de Pau; tantôt auprès du fîeur L ie u te .
nant C i v i l , pour faire co m m encer la procédure que le C o n feil lui avoit r e n v o y é e , en calTant tout ce qui avoit été fait
à Pau ; tantôt auprès de fes Confeils pour régler avec eux
la marche de cette- procédure.
A joutons à toutes ces preuves de l'état de raifon de
M . le Président d A b b a d ie dans les années antérieures 'à
cette conteftation, le fuffrage de fa mère & de fon oncle
qui jufqu a leur décès arrivé vers la fin de l’année 1 7 8 4 ,
ont perfévéré dans la confiance qu'ils lui avoient a cco rd é e,
en le chargeant de l’exécution de leurs teftamens , 6c le
tém oignage de vingt-fix parens & amis q u i , au mois de
feptembre
178)*, ont rendu juftice dans leur a v i s , à fa
fageife & à fa bonne adminiftration. C e t avis eft plus jufte &
plus légal que celui donné à Pau le 2 mars 1 7 8 ^ , par
trois amis de Madame d’A b b a d ie , ôc par cinq parens &
alliés éloignés de fon mari , dont deux font en contradic
tion avec e u x -m ê m e s , & dont un demande pardon à M . le
Préfient d’ Abbadie de la foiblefie qu’il a eue de fe laiiTer
fé d u ire ,& d e
voter fon interdiction contre le cri de fa
confcience. Il eft plus jufte & plus légal que celui donné
au Cliâteletpar des parens , des alliés 8c des amis de M adame
d ’Abbadie , que leur qualité rendoit fu fp e & s , que les O r
donnances du fieur L ie u ten an t-C ivil ne permettoient pas
d’appeller, & plus digne de foi que la déclaration du C o
cher D o u c e t , q u i a eu l’audace d’ aller figurer avec deux
autres va lets, dont un aux gages de M adam e d’A b b a d ie
dans
raiTemblée des foi - difans parens
&
amis de fon
maître.
L e défenfeur de M adame d’A bbadie invoque fans ceiïe
D ij
�a8
ïa rrê td u Parlement d e P a u , du 3 mars 1 7 8 ? , qui prononce:
rinterdiûion
provifoire de M . le Préiident d A b b a d ie ,,
com m e un témoignage de fa demence.
Si je dis que cet arrêt a été c a f l é , il s’efforce
de le
juftifier, & il dit qu’il l’a rétabli.
Si je dis que le Parlement de Pau n’a jamais interdit
par p ro v ifio n ,. fur un iimple avis de parens , un hom m e
accufé de démence , il dit que la Jurifprudenca de cette
C o u r eft d’interdire ainfi pour caufe de dém ence , & il cite
dix-fept arrêts qui ont interdit par provifion des pères de
famille accufés non de d ém en ce, mais de p rod igalité, dont
les. diiTipations devoient Être nécefTairement établies par
des a £ t e s d o n t la ruinei auroit pu être confom m ée dans
vingt-quatre h e u re s , & dont l’interdi&ion provifoire n’a
pas été par conféquent prononcée com m e celle de M . le
Préfident d’A b b a d ie , fans connoiifance de c a u fe , & fans
une nécefïlté apparente.
Si je dis qu’un Bédeau de l’Univerfité de P a u , nommé
C a ta ly,, accufé de démence en 1 7 8 j , a échappé à Tinterdittion provifoire, malgré l’avis de fes parens, qui porte v
que fon état d’infirmité ne lui permet pas d’adminiftrer
fes b ien s, & que l ’adminiflration doit en être déférée au
fieur Cataly C u r é , il répond que Cataly n’avoit aucuns,
b ie n s , & que fa famille ne. s’o ccu poit que des moyens,
de pourvoir à fa fubfiftance.
Si je dis que les M édécins qui ont vifité C a ta ly en
exécution d’un arrêt du Parlement, de P a u , ont rapporté,
» qu’il étoit dans un état d’afïaiffement qui prodtiifoit une. '
» diminution & une difficulté de jugement qui le rendoit
» impropre à foutenir fes- id ées, » il perfifte à dire qu’il
�29
ne s’agiiToit point de l’état moral de C a ta ly , & qu’il s’agiffoit'uniquem ent de lui donner du pain.
A u refte, la procédure relative à ce Bedeau d e l’ Univerfité
eft fous les yeu x de M . l ’A vocat-G énéral. C e Magiilrat verra
ii j’ai bien ou mal lu, & aura la bonté de le dire.
Je me fuis plaint contre M adam e d’A b b a d ie de Tinterdi&ion provifoire de Ton mari ; c’étoit le droit ôc le devoir
de mon rriiniftère : maïs en parlant de l’arrêt du Parlement
de Pau , qui l a p r o n o n c é e , je n’ai pointbleiTd le refpeft du
à cette C o u r , com m e on a voulu le faire entendre. J ’ai
l’honneur d’être connu des anciens Magiftrats du Parlement
de Pau , fous les yeux defquels j’ai c o m m e n c é , il y a
vingt-quatre ans , l’exercice de ma profeflion. Ils fçavent
fi je leur fus dévoué ôc fidèle , & je crois leur prouver que
je le fuis encore , en défendant un de leurs chefs , celui
qui dans des temps orageux fe montra à leur tête , &
fçut faire a ve c eux le facrifice de fon état ôc de fa libertéN o u s voici arrivés à l’année 17 8 6 , fans que nous ayons
trouvé dans le cours des années antérieures des preuves de
la prétendue dém ence de M . le Préfident d’Abbadie. N o u s
y avons trouvé , au contraire, des preuves multipliées de
fon état deraifon. L es cinq premiers mois de l’année 1 7 8 6 ,
eoniacrés à l’examen de fa perfonne , von t fournir le co m
plément de ces preuves 3 £c mettre le dernier fceau à fon
état.
C e tte procédure a été affez longue pour fixer l’état habi
tuel de M . le Préfident d’A b b a d ie , & affez rigoureufe pour
qu’aucun fymptôme de fon état n’ait échappé aux regards
,de la Juftice.
Madame 4’Abbadie a fait diverfes defcriptions de l’état
�de fon mari : vo ici com m ent elle s’exprimoit nu Parlement
de P a u , dans fa R e q u ê te du i8 février 1 7 8 ; , qui eft la
R e q u ê te introduclive de linftance.
3) L a maladie de' M . le Préfident d’Abbadie , difoit-elle ,
» conlifte dans uns privation totale des facultés intellec» tuelles , qui. femble être atïujettie à un cours périodique
» pendant des accès qui durent huit à dix jours : . . . à ces
» accès fuccede une efpèce de cslm e a p p arent, qui fubfifte
» à-peu-près pendant le même tem ps,& dans.ce calme même
» l’efprit ne reprend qu’imparfaitement une efpèce d’ailiette
» qui ne lui b iffe que la faculté de réunir quelques idées.
» L a vie de. M . le Prélident d’Abbadie eft partagée,
» ajou toit-o n , entre celle d’un homme en dém ence, & celle
» d’ un hom m e qui conferve à peine les lumières de l’en» fan ce ».
C e langage étoit bon à Pau , où
vouloit faire interdire
Madame d’Abbadie
fon mari a b f e n t, fans inftruûion
préalable, fans connoiiiance de caufe.
Mais à P a r is , depuis que la procédure du C hâtelet a
fixé le véritable état de M . le Préfident d’Abbadie , il
n’étoit plus poiTible de divifer fa vie en deux révolutions
de huit à dix jours chacune , dont l’une le plonge dans
les ténèbres de la f o l i e , & dont l’autre lui rend à peine
les lumières de l’enfance. O n a imaginé un nouveau fyftême , auquel on a cru pouvoir donner un peu plus de
v.raifemblance : on a plaidé que tous les i£ , 18 & 20
jo u rs , M . le Préfident d’Abbadie eft fujet à des accès de
folie qui durent 4 , 8 , 10 & 12 jours.
J e n’ai befoin., pour renverfer ce fyflême , que de fuivre
rapidement l’ordre chronologique des aôes qui compofent
�J'
t
$
la procédure du C h â te ie t; je démontrerai, par ce m o y e n /
r°. que M . le Préfident d’Abbadie n’eft point malade tous
les i y , iS & 20 jo u rs ; a 0. qu’il n’eit point malade pen
dant 4 , 3 , i o &
i2 jours'; 3°. que fa maladie n’eft point
là démence.
Pour mettre plus de clarté dans l’ôr'dre chronologique
de cette p ro c é d u re , je la diviferai en deux époques; l’une
depuis le 29 D é ce m b re 178J , jour du premier interroga
to ire , jufques ali 3 Mars 1786 , jour de la première viiite des
M édecins ; l ’autre depuis le 3 Mars jufqu’au 18 M a i , jour
du dernier interrogatoire.
L e 29 D é ce m b re 17%$', premier interrogatoire o ù M . le Première époque.
Préfident d’ A bbadie développe la raifon la plus faine ôc
la plus entière.
( L e f Janvier 1 7 8 5 , deuxième interrogatoire exem pt
de critique , quoique , d’après une R e q u ê te de M adam e
d’A bbadie du 2 du même m o i s , fon mari dut être le j
dans un accès de folie.
L e s i? 6c / 2 du m ême m o i s , M . le Préfident d’A b b a d ie
comparoît en l ’hôtel du M a g i ü r a t , & demande à être
interrogé.
O
Il eft interrogé l e 13 pour la troifième fois;, & répond
avec la plus grande jufteiTe.
L e 1 7 , jour défigné com m e un jour de dém ence , il
donne dans un quatrième interrogatoire des preuves fen*
fibles de fa raifon.
L e 2 1 , jour indiqué par le M a g iftra t, cinquième- inter~
rogatoire auiïi fain que les précédens.
2 S > fixième interrogatoire également b o n , dans
�32
lequel le fieur Lieutenant - C iv il fait contracter a M . le
Préfident d’Abbadie l’engagem ent de comparoure le i
.
Février fu iv a n t, pour être entendu.
D u 2 y Janvier au premier F é v r i e r , il y a un intervalle
de fix jours; mais nous avons la preuve la plus, convain
cante que cet intervalle n’a pas été marqué par un accès
de folie : c’eft l’aveu même de M adame d’A b b a d ie , qui
dans fa note 2 , fur le rapport des M éd ecins , dit que M . l e
Préfident d’Abbadie avoit eu un accès dans les premiers
jours du mois de F évrier. E lle reconnoît donc qu’il n’a pas
eu d’accès dans les iix derniers jours du mois de J an vier;
car elle convient que les accès font divifés entr’eux par
des intervalles de i j , 18 ôc 20 jours. V o ilà le mois de
Janvier révolu fans accès, d’après l’aveu même de Madame
d’Abbadie. N ou s n’avons donc befoin que de prouver qu’il
n’y apaseu d’accès dans les premiers jours du mois d eF év rierj
& cette preuve eft confignée dans la procédure.
L e premier F év rie r , feptième interrogatoire, où l’éner
gie du fentiment fe joint à la lumière de la raifon.
L es 3 ôc 4 du même m o i s , M . le Préfident d’Abbadie
comparoît fie demande à être interrogé.
L e 6 il eft interrogé pour la huitième fo is , & répond
avec jufteiTe.
L e 8 , il comparoît de n o u v e a u , ôc demande à être
interrogé.
L e 9 , il fubit le neuvième interrogatoire, qui n’a eifuyé
aucune critique.
L e s 14 & 18 il co m p a ro ît, ôc demande à être interrogé.
Le
�33
L e 2 0 , le (leur L ieu tenan t-C ivil ordonne la vifite de«
M édecins.
Arrêtons - nous un inftant.
Du
2p D écem bre 1 7 8 j au 18 F évrier
1786 inclufi-
v e m e n t , il y a un intervalle de cinquante - deux jours
marqués par des a£tes perfonnels à M . le Préfident d’A b b a d ie , ôc fi voifins les uns des au tres, qu’ils ne laiflent
point de place à un accès de folie de 12 , 1 0 , 8 , 6 , ni
m êm e quatre jours. ( 1) Il eft donc faux que Al. le Préfident
d’A bbadie foit fujet à des accès tous les 15-, 18 & 20
jo u r s , & que ces accès durent 6 y 8 , 10 & 12 jours.
Continuons.
L ’O rdonnance du 20 F é v r i e r , qui a fufpendu le cours
des interrogatoires pour faire place aux vifites des M é J e - ,
c i n s , n’a été fignifiée que le 2 Mars fu iv a n t, à la requête
de M . le Préfident d’A b bad ie, qui attendoic que M adam e
fon époufe la fie fignifier Ôc exécuter ; ce qu’elle n’a pas
ju gé à propos de faire. E lle trouve par ce moyen un vuide
de dix jours ; fa v o ir , depuis le 20 F évrier jufques au 2
Mars , ôc com m e
elle
a befoin de tirer parti de to u t ,
elle p la c e , après-coup, dans ce vuide un accès de folie.
(1 ) I l n’y a d a n sc e t efpace de yz jourj , qu’ un feul intervalle où Madame
d ’ Abbadie puifle placer un a c c è s , qui eit l'intervalle du *9 Décembre au
y Janvier ; ( car elle convient qu’ il n’y a pas eu d’accès à la fin du mois
de Janvier ) ; mais outre que les interrogatoires fubis dans ces deux jours
excluent l’ idée d’ un accès de folie intermédiaire, dont Madame d’Abbadie
n’a , ni ne peut avoir aucune preuve , la persévérance de l'état d« raifon
dans ce court interva'le eit d’ ailleurs certifiée par le Chirurgien de V i t r y ,
qui vo yo it tous les jours M. le Préfident d’ Abbadie.
E
�34
Mais fi elle avoit cru furprendre fon mari en démence
dans les derniers jours du mois de F é v r i e r , eUe nauroit
pas manqué de le faire vifiter par les M é d e c in s , en exé
cution de l’O rd onnance du 20 du môme mois. D ’ ailleurs,
le fieur Philip attefte , dans le rapport, qu’il a vifité jour
nellement M . le Prëfident d’Abbadie depuis la première
quinzaine du mois de F évrier jufques au 3 M a r s , jour où
v les vifites juridiques ont c o m m e n c é , & qu’il l’a toujours
trouvé jouiflant de fa raifon.
M.
le Préfident d’Abbadie n’a donc pas eu d’accès dans
les derniers jours du mois de 1* évrier 1786.
N o u s avons parcouru la première époque , qui comprend
l’intervalle du 29 D écem b re »785 au 3 Mars 1 7 8 6 , c’eftà-dire foixante - quatre
jours ,
fans
que
nous
ayons
trouvé un feul accès de folie ; parcourons maintenant la
fécondé é p o q u e , qui eit du 3 Mars au 18 M ai.
L e s vifites des M édecins commencent le 3 Mars : ils
Deuxième
époque.
vo y en t M . le Préfident d’Abbadie pendant foixante-huit
jours confécutifs; l’un tous les jo u r s , l’autre tous les deux
jours. L eu r rapport conftate qu’il n’y a qu’un jour dans
le mois de M a r s , qui efl le ip , & deux jours dans le mois
d’A v r i l , qui font le 10 & le 11 , où ils ne l’ayent point
trouvé chez lui ( parce qu’il étoit forti ) ; mais il a été
vu le 11 Avril par le fieur L ie u te n a n t-C iv il, enforte qu’il
n y a qu’un feul jour dans le mois de M a r s , & un feul
jour dans le mois d’A v r i l , où M . le Préfident d’Abbadie
n’ait pas été fous les yeux de la Juftice.
D epuis le
3 Mars jufques au
î7
in clu fivem e n t, les
�M éd ecins le trouvent toujours en bon é t a t , fuivant leur
rapport.
L e 18 , il a un accès de fièvre ; maïs fes p a roles, dit
le fieur Philip , étoient d’un jugem ent fain , & n’annonçoient aucune efpèce de lézion dans les opérations de *
la m e .
L e ip , il va fe promener à Clamart-fous-Meudon.
L e 2 0 , il eft vifité fu c c e lliv e m e n t, dans la matinée ;
par les deux M édecins , qui s’accordent à dire qu’il étoit
a g i t é , mais qu’il ne déraifonnoit pas.
L e 21 , les deux M édecins le trouvent dans l’état de
r a ifo n , qui e f t , fuivant leur ra p p ort, fon état habituel.
L es 2 2 , 23 , 2 4 ,
& jours fu iv a n s , jufques au p A v ril
in clu fivem en t, ils le trouvent en bon é t a t , fuivant leur
rapport.
Le
11 A vril il comparoît en l’hôtel du M a g iftr a t, &
confère avec lui d’une manière raifonnable. C e fait eft
conftaté par le procès-verbal du 12 , qui fait mention de
la comparution du 11 .
L e 1 2 , il fait un dire lon g & raifonné en l’hôtel du
fieur L ieu tenan t-C ivil.
L e 1.3 , il fubit dans fa maifon l’onzièm e interrogatoire,
où fes réponfes marquent de l'agitation , ôf non pas la
dém ence. O n y trouve feulement deux ou trois idées dont
il reconnoît lu i-m êm e à l’inftant le peu de ju ftefle, tant
il eft vrai que la raifon dominoit toujours en lui au milieu
de cette agitation paiTagère, ainfi qu’il eft conftaté par le
rapport des M édecins , qui déclarent d’ailleurs que le même
jour 13 A v r i l , vers m in u it, il a répondu jufte aux diverfes
E
ij
�56
queftions qu’ils lui ont faites r & qu ils lui en ont fait aflez
pour s’afifurer que fa fituation étoit changée en bien.
Il étoit encore mieux le 14 A v r i l , fuivanc leur rapport.
D epuis le
14 A v ril jufques au p M a i , jour de leur
• dernière vilite , c’e f t - à - d i r e pendant vingt-fix jo u rs , les
M éd ecin s continuent de vifiter aiTidumetit M . le Préfident
d’A b b a d ie , le trouvent toujours dans un calme parfait,
dans la plénitude du bon fe n s , & le laiifent en cet é ta t;
c e qui fe trouve confirmé par cinq interrogatoires qu il
a
fubis, & par fix dires qu’il a faits perfonnellement en l’hôtel
du fieur L ie u te n a n t- C iv il, depuis le 14 A vril jufques au
18 M a i, jour du dernier interrogatoire.
Dans la fécondé époque , qui s’étend du 5- Mars au 18
M a i , ôc qui comprend foixante-dix-fept l'ours, nous trou
vons deux révolutions dans la fanté de M . le Préfident
d’Abbadie.
Suivant Je r a p p o rt, ces révolutions n’ont été que de
trois jours chacune.
Suivant le ra p p o rt, M . le Préfident d’Abbadie n’a point
déraifonné dans la première.
Suivant le rapport, ôc d’après le dire du 12 A vril , &
l’interrogatoire du 13 , la raifon de M . le Piéfident d’A bbadîe ne s’eft point éclipfée dans la fécondé , & n’a eifuyé
qu’une agitation p a iïa g ère, au milieu de laquelle elle a
toujours dominé : c’eft l’expreflion du rapport ; c’eft le
réfultat du procès-verbal d’audition.
Réfumons.
D epuis le 2p D écem bre
17 8 5 ,
c ’eft-à-dire dans
1 7 8 ; jufques
l’efpace
de
cent
au
18 M a i
quarante-un
jours que M . le Préfident d’Abbadie a paifés fous les yeux
de la J u f lic e , on n e n trouve que deux ou trois couverts
�37
d’ un léger nuâgc qui n’a point fait éclipfer fa raifon.
P e r m e tte z , M e ille u rs , que je remette fous vos yeux le
dire que M . le Préfident .d’A bbadie a fait en l’hôtel du
fieui; L ie u te n a n t-C iv il le 12 A v r i l , qui étoit un jour d’agi
tation. V o u s allez voir qu’un jour d’agitation n’eft point
pour M . le Préfident d’A b bad ie un jour de démence.
« L eq u el nous a dit qu’en rentrant hier ch ez l u i , fur
» les onze heures du f o i r , il a appris que nous avions pris
» la peine de venir le voir ; qu’il lui a été remis un billet
» que nous lui avions é c r i t , par lequel nous lui marquions
» de vouloir bien fe rendre en notre hôtel dans la fo ir é e ,
» ou aujourd’hui dans i après-midi.; que cédant à l’empref» fement de fe rendre à notre invitation., il s’eft tranfporté
» hier au foir çn notre hôtel entre onze.heures & m in u it,
» pour nous demander a£te de fa comparution ; que n’ayant
>3
point notre G r e f f i e r , nous n’avons pu faire mention fur
» notre procès-verbal de fa com parution, & nous l ’avons
» remis à c e jo u rd ’hui ; qu’il camparoît en c o n fé q u e n c e , &
» nous fupplie de lui donner a£le de fa comparution , tant
» du jour d’hier que d’aujourd’hui, & de fes offres de répondre
» aux queftions que nous voudrons lui fa ire, & a figné ».
V o ilà le langage que M . le Préfident d’A bbadie a tenu
le 12 A vril , le jour le plus critique qu’il ait eu dans l’eipace
d’environ çjnq mois. C e n’eft pas là le langage de la dé
mence.
L a procédure du C h â te le t, continuée pendant cinq mois
moins douze jo u r s , prouve i°. que M . le Préfident d’A b badie n’eft point malade tous les
ij,
18 &
20 jo u rs ;
2 0. qu’il n’eft point malade pendant 5 , 6 , 8 , 10 & 12
jours ; 30. q ue çz maladie n’eft point la démence.
�M. le Préfident
eft un état de
38
d’A b bad ie p rou ve que
fon
état habituel
raifon faine & en tiere, & que fon état
accidentel & paffager n’efl pas
un
état
de
folie.
Par quel m o tif ie r o it il donc interdit ?
L a dame de Saintot n’a pas été interdite, par l’arrêt
12
F é v rie r
du
1 6 4 8 , quoiqu’elle fût fujette à des accès de
m é la n c o lie , qui affoiblifloient de temps en temps fa mémoire
& fa raifon: & pourquoi ?
Parce
ment dans un état de ra ifo n , &
qu’elle étoit habituelle
qu’elle n’avoit pas
mal
adminiftré.
L e C o m te de Sauveterre avoit été interdit au C h â te let
en 1 7 8 2 , & M e Babille avoit été nommé d’office confeil
de fa curatelle. L a C o u r a infirmé la fentence d’interdic
tion
en lui confervant le même confeil : &
pourquoi ?
parce que le C o m te de Sauveterre n’étoit pas imbecille
quoiqu’il eût l’efprit fo ib le , & qu’il n’avoit pas encore fait
de grandes diflipations.
L e (leur Profit n’a pas été interdit pas l’arrêt du 7 Mars
préfent mois , quoiqu’il eût efluyé plufieurs crifes violentes
marquées les unes par la d é m e n c e , les autres par la fureur :
& pourquoi ? parce qu’il étoit habituellement dans un état
de raifon , & qu’il n’avoit pas mal adminiftré.
C es arrêts font conformes à la difpofition de la L o i ,
qui ne donne des curateurs qu’à ceux que leur état habituel
rend abfolument incapables de bien adminiftrer par euxmêmes. M.-'ntz captis....& qui perpetuo morbo lalorant, quia
rebus fu is fuperejje non poffunt, curatores dandi funt.
M . le Prélidcnt d’Abbadie eft en état de li e n adminiftrer
par lui-même. Sa capacité eft démontrée par la preuve la plus
co n va in ca n te , qui eft l ’expérience. D epuis 1 7 8 1 , époque
�!v
.
.
39
depuis laquelle fon époufe fe plaît à dire qu’il eft incapable
de toute adminiftration, il a fait chaque année des épargnes
!
qui ont fe rv ià augmenter íes biens ; il a em ployé en 1784,,
30000 liv. d’épargnes à acquitter d’autant les legs portés
par le teftanient de fa mere. L es a&es d’acquifition & les
quittances des legs font joints à la procédure qui conftate
I9 fituation de fon êfprit ; il fait v o ir en m êm e temps qu’M
eft dans l’habitude de raifonner, & dans l’habitude de bien
adminiftrer.
M adame d’Abbadie op p ofe deux arrêts d’interdi£tion
rendus l’ un contre M . le Préfident de P a n n e s , l’autre contre
la dame de la Garde.
L a C o u r fait par quels motifs elle s’eft principalement
déterminée à prononcer ces deux interdi&ions. E lle fait
aufii que de pareils motifs ne fe rencontrent point dans cette
caufe.
D ’a illeu rs, M . le Préfident de Pannes étoit en démence
pendant des mois entiers j des crifes auilï longues pouvoient
donner de grandes alarmes fur fon com pte; & le défenfeurde
M adam e d’Abbadie foutenoit que la dame de la Garde étoit
conftamment infenfée , fi non dans fes difcours
du moins
dans fes attio n s, c e qu’il ne peut pas dire de M . le P r é
fident d’A b bad ie, fans fe jouer de la notoriété publique.
Madame d A b b a d i e , accablée de la raifon de fon m ari,
qui s’eft foutenue fi longtemps dans fes interrogatoires,
voudroit faire entendre que
ce
de fa fagefíe, & invoque à l’appui de ce
'
preuves
paradoxe, ce que
ne font pas là des
M . d’Aguefteau dit dans la caufe du teftament.de M . l’A b b é
d Orldans.
Mais pour faire fentir la mauvaife application qu’elle
l
�4-0
fait de l’autorité de M . d’A g u e ife a u , il me fuffit d*obferver
que ce Magiftrat avoit déjà rendu com pte d une infinité de
faits qui
ca ra & e rifo ie n t
la dém ence com pletteôc continuelle
de M . l ’A b b é d’O r lé a n s , & dont la preuve étoit acquife par
l’enquête de M . le Prince de C o n t i , lorfqu’il s’eft exprimé
en ces termes :
« Suppofons qu’avec une enquête p a re ille , l’on vienne
v vous demander la confirmation d’une fentence d’interdic» tion : croira-t-on que l’on pût y trouver la matière d’une
» difficulté férieufe & véritable ? Q uand même les interroga» toires que l’on feroit fubir en ce cas à M . l’A b b é d’Orléans
» feroient fages & pleins d’une raifon apparente, pour» roient-îls jamais effacer
cette multitude prodigieufe
de
» f û t s , qui forment une image fi v iv e du cara&ere d e fo n
» efprit- ».
V o k - o n dans cette ca u fe ,
com m e dans celle de M .
l’ Abbé d’O rlé a n s , une multitude prodigieufe de faits de
dém ence ? A -t-o n feulement la preuve d’tin feul fait grave
qui annonce quelque danger imminent pour la perfonne
ou pour la fortune de M . le Préfident d’A bbad ie? O n n’a
que des témoins d’oui-dire des deux faits principaux, ou
plutôt de l’intention qu’on dit que M . le Préfident d’A b
badie a eue , d’atteler à fa voiture des chevres qu’il n’y a
point a tte lé e s , & d’enfeigner à des oyes l’alphabet
qu’il
n’a jamais prononcé devant elles , & /enquête qui
ren
ferme ces abfurditésa été annullée. Q u e lle différence entre
la caufe de M . l’A b bé d’Orléans & celle de M . le Préfident
d’A b b a d ie ! Dans la prem iere, c’étoit une multitude p ro
digieufe de faits de dém ence qui n’étoient contrebalancés
par aucun interrogatoire : dans la f é c o n d é , c’eft une m ul
titude
�41
titude d’interrogatoires pleins de raifon qui ne font contre
balancés par aucuns faits
qui cara&erifent un état
de
démence.
V o u le z-v o u s iavoir ce que penfoit de la preuve réfultante des interrogatoires,
l’illuflre Magiflrat dont vous
invoquez le fuffrage ? E c o u te z ce qu’il dit à ce fujet dans
la m ême caiife.
« Diftinguons deux efpèces d attes très-différens.
» L e s adtes de la premiere efpèce font tellem ent per» fo n n e ls , fi attachés , fi inhérens à la volon té de celui
» qui les p a if e , ils portent; un cara&ere fi évident de fon
» a & io n , de fon efprit, de fon ju gem ent, qu’ils ne peuvent
» prefque jamais être confidérés com m e l’ouvrage d’une
» main étrangère.
» T e ls font les interrogatoires de ceux qiù font accufés
» d’un c r im e , ou foupçonnés de d é m e n c e , & qui paroiifent
» en la préfence de leur J u g e , dénués de tout fe co u rs,
» fe u ls , fans autre appui que celui de leur in n ocen ce, ou
» de leur fageiTe, dans la main de leur propre confeil ,
» com m e parle TEcriture ».
J u g e z , d’après c e l a , ce qu’auroit dit M . d’AgueiTeau à
la vue de cette multitude d’interrogatoires & de dires perfonnels de AI. le Préfident d’A b b a d ie , foutenus par un rap
port de M é d e c in s , & par divers a£tes qui marquent une
bonne adminiftration , & une fage économ ie. Jugez ce que
dira le Magiftrat qui o ccu p e fa p lace, & qui y fait revivre
ion éloquence & fon zele.
A i-je befoin de combattre la demande fubfriiaire de
M adam e d’A b b a d ie , tendante à ce que fon mari foit inter
rogé de nouveau , pendant deux m o i s , de deux jours l’un?
C e tte demande inouie eft une vraie dérifion à juftice.
F,
�42
Q u o i ! n e u f interrogatoires fubis dans l’efpace de fix
femaines, depuis le 29 D é c e m b r e 1 7 8 y jufqu’au 9 F év rier
1 7 8 6 j deux interrogatoires fubis dans la premiere quinzaine
du mois d’a v r i l, cinq interrogatoires fubis & fix dires perfonnels faits depuis le ip avril jufques au 18 M ai , une
foule d’a&es de comparution & de dires p e r fo n n e ls , mêlés
pendant près de cinq mois à tous ces interrogatoires, &
des vifites de M é d e c in s , continuées fans interruption pen
dant foixante-huit jours confécutifs , tant d’a&es qui e x
cèdent fi prodigieufem ent la mefure de l’inftru&ion ordi
naire , ne fuififent pas à M adam e d’A bbadie ! Jufqu a quand
abufera-t-elle donc de la patience de fon m a ri, & quel fera
le terme de cette perfécution ?
E lle veu t que M . le Préfident d’A bbadie fubiffe encore
trente interrogatoires de deux jours l’u n , dans l’efpace de
deux mois ; mais elle avoit formé la même demande au
C hâtelet par fa R e q u ê te du 12 Septem bre 1 7 8 ; , & elle a
acquiefcé à l’Ordonnance qui l’a rejettée, puifqu’elle a requis
elle-même l’exécution de cette ordonnance par fes requêtes
des 2 &
17 Janvier 1786. C ’eft donc ch ofe jugée ave c
elle que fon mari ne doit pas fubir une pareille épreuve.
D ’ailleurs, M . le Préfident d’A bbadie n’a-t-il pas été
interrogé par le fieur Lieutenant C iv il dans des jours q u e lle
a choifts elle-même com m e des jours de folie ? N ’a-t-il pas
été vifité & entendu par deux M édecins pendant plus de
deux mois? N ’eft-il pas entendu plufieurs fois par femaine
depuis quatre mois qu’il a l’honneur de v o ir les M agiftrats,
& de folliciter leur juftice? Chaque conférence qu’il a a v e c
eux ne vaut-elle pas un interrogatoire ? Q u e l eft donc le
but de M adame la Préfidente d’A b b a d ie , & que cherche-
�43
t-elle après un com bat de deux ans foutenu devant quatre
T rib u n a u x , fi ce n’eft à juftifier fes pourfuites par leur
excès m ê m e , & à faire naître tôt ou tard, s’il eft p oflib le,
dans l’organifation fenfible de fon m a r i, une révolution qui
lui ferve d’e x c u fe , & qui allure le fuccès de fon a&ion.
L e iieur Profit, dont l ’efprit étoit agité par intervalles,
& dont l’adminiftration n’étoit pas aufii fage que ce lle d e
M . le Préfident d’A b b a d ie , n’avoit été interrogé qu’une
feule fois au C h â t e l e t , & ne l’a pas été en la C o u r. L a
dame Profit, prefque auiïi acharnée que M adam e d’A b b a d i e ,
à la pourfuite de l’interdiftion de fon m a r i , a demandé
fubfidiairement fur le barreau , qu’il fût furfis pendant fix
mois au Jugem ent de fon a p p e l , pendant lequel temps
fon mari feroit interrogé par un CommiiTaire de la C o u r ;
mais fa demande a été rejettée. M adam e d’A bbadie a-t-elle
donc pu croire que la fienne feroit a cc u e illie , & que la
C o u r , inftruite de l’état de M . le Préfident d’A b b a d ie , par
une longue p rocéd u re, ôc par l’infpeûion journalière de
fa p erfonne, laffujettiroit à de nouvelles é p r e u v e s , qui
dégénereroient en une forte d’inquifition ?
M adam e d’Abbadie propofe un fécond c h e f de demande
fubfidiaire , qui tend à ce qu’elle foit admife à p r o u v e r ,
11®, que le 12 A v ril i~j%6s M . le Préfident d’Abbadie a
paru à fon b a l c o n , un rafoir à la m ain , &
qu’il a fallu
qu’un voifin accourût de fa maïfon pour le défarmer ; 20. que
le m êm e jour ( 12 A v r i l ) M . le Préfident
d ’A bbadie a
fait toutes les folies poifibles à l’H ô t e l- d e - V ille , aux T u i
leries , ôc en l’H ô te l du fieur Lieutenant-Civil ; 30. que
toutes les fois qu’il a eu des a c c è s , il a fallu aller chercher
y n étranger pour le contenir par des menaces.
FÜ
�C es faits imaginés en défefpoir de caufe font faciles a .
écarter.
D ’abord le fait du rafoir demande une explication après
laquelle il doit paroîcre évidemment indifférent ou faux.
Prétendez-vous que M . le Préfident d’Abbadie avoit un
rafoir à la main le 1 2 A vril 178 6 , fans aucun mauvais deffein,
fans qu’il ait faic aucun m ouvement tendant au fuicide?
D ans c e cas, le fait eft indifférent^Il n’eft point d’h o m m e ;
parmi ceux qui fçavent fe rafer eux-mêm es, ( & M . le
Préfident d’Abbadie eft de ce nombre ) à qui il n’arrive
quelquefois de fe montrer à une fenêtre ou à un balcon ,
un rafoir à la main ; & la preuve d’un fait indifférent ne
doit pas être ordonnée ; frujlra enini admittitur ad probandum quod probatum non relevât.
Prétendez-vous que M . le Préfident d'Abbadie avoit le
12 A vril un rafoir à la m ain, dans le deffein de fe couper
la g o r g e , ou de fe m utiler, deffein qui n’a pu être décou
vert que par quelque m ouvem ent de fa p a r t , tendant au
fuicide ? dans ce cas, le fait eft déjà démontré faux de trois
manières; i°. par l’événem ent; 20. par le rapport de M éd e
cins ; 30. par votre aveu formel.
i°.
C e faic eft démontré faux par l’événement ; en
e f f e t , fi M . le Préfident d’Abbadie avoit eu un rafoir à
la main , &
s’il
avoit voulu fe couper la g o r g e ,
oh
fe
m utiler, il auroit eu amplement le loifir'de le faire avant
que le voifui eût eu le temps de fortir de fa maifon , de
monter dans celle de M . le Préfident d’A b bad ie, & d’arrivec
à fon balcon. S ’il ne l’a point fa it, c’eft qu’il n’avoit pas plus
la volon té que le m oyen de le faire.
2°, C e fait eft démontré faux par le rapport des M é
�4?
decins; en e f f e t , le rapport conflate que le 12 ôc le 13 avril
1 7 8 6 , M . le
Préiident d’Abbadie étoit Jans la' moindre
apparence- de fureur ni de violence,
5 0* Enfin , ce fait eft démontré faux par l’aveu formel de
Madam e d’Abbadie. C e t aveu eft configné dans fon C o m
mentaire fur le rapport des M é d e c in s , note 4.0, conçue
en ces termes.
»Jamais perfonne n’a dit que M . le Préfident d’A bbadie
» montrât de la fureur & d e là v io le n c e » .
C ’eft dans le mois de Juillet 1 7 8 6 , trois mois après la
journée du 12 avril, que M adam e d’A bbadie rendoit cette
Juitice à fon mari ; elle a donné trois ouvrages imprimés
au C hâtelet dans les mois de Juin &
de Juillet 17 8 5 ;
elle ne parle du fait du rafoir dans aucun ; &
c ’eft au
mois de Mars 17 S 7 , qu’elle imagine de dire pour la p re
mière fois , que fon mari étoit armé d’un rafoir lé 12 avril
I 7 8 5 , ôc agité par la fureur du fuicide ! Q u ’elle tâche donc
de s’accorder fur ce fait avec l’é v é n e m e n t, avec le rapport
des M é d e c in s , & avec elle-même.
L e fécond fait n’eft pas plus admifïible que le premier,
fi l’on peut appeller fait une allégation.vague qui n’a aucun
objet fixe ôc déterminé.
Q u ’eil-ce qu’on
a
voulu d ire , quand on a die que M .
le Préiident d’Abbadie a fait, le 12 avril 1 7 8 5 , toutes
les folies p o ifib le s , & com m ent concilier cette allégation
avec le dire raifonné qu’il a fait le m ême jour en l'H ô t* !
du (leur Lieutenant-Civil ?
L article premier du titre 20 de l’O rdonnance de 1 6 6 7 ,
veut que les faits qui giflent en preuve foient articulés?
�^6
c eft le feul moyen de diftinguer les faits indifférens dont
la preuve doit être refufée
d’avec les faits ielevans dont
la preuve peut être ordonnée. Tout a Us folies poffibles ne
font pas des faits articulés ; il n eft donc pas poifible d’en
ordonner la preuve.
L e troifième fait concernant l ’appel d’un étra n g er, pour
contenir M . le Préfident d’Abbadie par des m e n a c e s , n’eft
ni plus e x a d ni plus admiiTible que les deux autres ; en
effet , quel befoin peut-cn a v o i r , de contenir par des
menaces un h o m m e , q u i , fuivant le rapport des M éd ecin s,
& de l’aveu même de M adame d’A b b a d ie , n’a jamais donné
la moindre marque de fureur ni de vio le n ce ?
L a dame Profit articuloit des faits de fureur de fon mari,
poftérieurs à la Sentence du C hâtelet dont elle étoit appel
lante, C es faits ont été rejettés, & la S entence a été con
firmée. Madame d’A bbadie donne aux faits qu’elle articule,
une date antérieure de plus de trois mois à la Sen ten ce
du Châtelet où elle ne les a pas articulés. C e s faits font la
dernière refTource de la chicane qui
cherche à retarder
le jugement de la caufe la plus fimple & la plus jufte.
D e quoi s’agit-il dans cette caufe ?
S ’agit-il de pourvoir à la confervation de la peçfonne
de M . le Préfident d’A bbadie ?
Mais Madame d’A b b a d ie convient elle-même dans fon
M ém oire imprimé au C h â te le t , page 1 14., qu’elle lui auroit
laiffé l’adminiftration de fa perfonne , s’il avoit voulu lui
lailfer l’adminiftration de fa fortu ne, & l’expérience prouve
depuis plufieurs années , que M . le Préfident d’A b bad ie
fçait adminiftrer & conferver fa perfonne.
S ’agit-il de pourvoir à la confervation des deniers de la
fucceflion
du
fieur de
Borda?
�47
Mais M . le Préfident d'A bbadie offre d’en faire e m p l o i ,
& de les convertir en immeubles.
S ’agit-il de pourvoir à la confervation des immeubles ?
M ais M . le Préfident d’Abadie fe foum et à un C on feil
fans lequel il ne pourra ni les aliéner, ni les e n g a g e r,
& plus de deux millions de fes biens font grévés de fubftitution au profit de fes enfans.
Q u e refte-t-il donc ? le revenu : voilà le feul intérêt
de la caufe : M adame d’A bbadie veu t jouir du revenu de
M . le Préfident d’A bbadie ; & pour fe ménager cette jouiffa n c e , elle brûle du delir de facrifier fon état, fa lib e rté ,
tous fes droits c i v i l s , & de com prom ettre la deilinée de
fes enfans ; c’eft ainfi qu’elle prouve qu’elle eft digne époufe
& tendre mère.
Mais pourquoi M . le Préfident d’Abbadie ne continueroit-il
pas de jouir de fon revenu ?
I l ne l’a jamais diflîpé; il eft au contraire dans l’habitude
de faire des épargnes & des acquisitions ; & s’il le dépenfoit
en e n tie r , il ne feroit que lui donner fa deftination naturelle.
S o p h o cle accufé de d é m e n c e , fous prétexte qu’il négligeoit fes affaires domëftiques pour com pofer des T r a g é d ie s ,
parut devant fes Juges , tenant fon CEdipe à colonne à
la main. E co u te z , leur d it-il, ce D ram e que j’ai co m p ofé
r é c e m m e n t, & jugés fi c ’eft-là l’ouvrage d’un infenfé :
il l u t , & il fut abfous.
M . le Préfident d’A b bad ie, chargé d’une femblable accufa tio n , n’a point de production du génie à offrir pour fa
défenfe. L a nature, en le douant d’un efprit fage & judicieux
�48
verfa fes plus beaux dons dans fon c œ u r ; mais s’il n’a
pas le talent d’écrire com m e S o p h o c le , il joint à une raifon
faine le mérite de mieux adminiftrer.
V o y e z , dit-il aux M agiftrats, le Procès-verbal de mon
audition : les réponfes que j’ai faites durant le cours d’en
viro n
cinq mois font-elles d’un homm e en démence ?
Voyez
les acquifitions que j’ai faites annuellement de
puis 1781 : un infenfé en auroit-il fait autant?
V o y e z les épargnes que j’avois en main en 1 7 8 4 , & les
quittances de 30,000 livres de legs faits par ma m ère,
que je me fuis empreffé de payer de mes revenus. L ’homme
le plus fage auroit-il pu mieux faire ?
Je parle com m e un hom m e raifonnable, j’agis com m e
un bon père de famille ; je ne fuis ni fou ni diffipateur ;
en quelle qualité ferois-je donc interdit ?
Monjleur
S E G U IE R ,
A vocat Général,
M e B E R G E R A S , A v o c a t.
J
A
u l h i a r d
,
Procureur.
P A R I S , chez K N A P E N , Imprimeur de la Cour des A id e s , au
bas du Pont S. Michel, 1 7 8 7 ,
�
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Factums Vernet
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. D'Abbadie. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Seguier
Bergeras
Julhiard
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
traitement par électricité
psychiatrie
divorces
maison de force
successions
conseils de famille
abus de faiblesse
violences sur autrui
certificat médical
témoins
experts
Description
An account of the resource
Réplique pour monsieur d'Abbadie, conseiller-honoraire au Parlement de Paris, président à Mortier au Parlement de Navarre. Contre madame la présidente d'Abbadie, son épouse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Knapen et Fils (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1781-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0106
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0105
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53981/BCU_Factums_V0106.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Pau (64445)
Bizanos (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
certificat médical
conseils de famille
curatelle
démence
divorces
experts
maison de force
psychiatrie
Successions
témoins
traitement par électricité
violences sur autrui
-
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fb8ff42d1e0d706a533a1138f9a47a6c
PDF Text
Text
PLAIDOYER
PO U R M.
d ’A b b a d i e
, Confeiller-H onoraire au Parlement
de Paris, Préfident à M ortier au Parlement de Navarre.
C O N T R E
Epoufe
M
L
Madame la P r éfidente D 'A B B A D I E
, fo n
.
e s s i e u r s
,
s Juges du Châtelet ont prononcé fur l’état de
M . le P ré fid e n t d’A b b a d i e , c o n fo r m é m e n t à l’avis d e fes
parens & amis aff em b lés au n o m b r e d e vin gt-fix , en l ’H ô tel
e
du fieur Lieutenant C iv il, à la vue de feize interrogatoires,
dont plufieurs ont été fubis dans des jours défignés com m e
des jours de f o lie , & dont un feul marque une agitation
paff agère, au milieu de laquelle la raifon a toujours furnagé,
à la vue d’un foule d’actes de comparution & de dire perfonnels de M l e Préfident d’A b b a d ie , à la v ue enfin du
A*
Parlement de
Paris.
Grami’Chambre*
�a
rapport de deux Médecins qui l’ont vifité pendant foixante*
huit jours confécutifs , iis ont décidé d une voix unanime
qu’il n’y avoit lieu à l’interdiôion de M . le Préfident
d’A b b a d ie , 6c ils l’ont maintenu dans l’adminiftration de
fa perfonne & de fes biens.
C e Tribunal auroit-il donc été aveugle fur l’état de M. le
Préfident d ’A bbadie, après l’inftruîtion la plus longue ôc
h plus complette ? N ’auroit-il fu reconnoître un infenfé dans
an examen de cinq m o is, & auroit-il pris le délire p ou r
le bon fens, les ténèbres pour la lum ière, les écarts de la;
folie pour la marche de la raifon ? Cela n eft pas croyable ,
& ce feroit une efpèce de phénomène dans l’adminiftration
d e la Juftice, fi les mêmes preuves ,, qui ont convaincu les;
Juges du Châtelet que M . le Préfident d’Abbadie eft dans
un état de raifon, pouvoient vous convaincre, Meilleurs r
qu’il eft dans un état de démence..
M . le Préfident d’Abbadie eft-il raifonnable ou infenfé,,
eft-il capable ou incapable dadminiftrer fa perfonne & fes
biens l V o ilà le vrai point de la caufe : elle eft fimple parelle-m £m e, & elle feroit bientôt développée, d’après la;
procédure , d’après l’expérience, fi l’envie d’attirer la déri~
iion publique fur M . le Préfident d’A b b a d ie, & des foupçons odieux fur ceux qui lui font d évo u és, ne l’avoit furchargée d’incidens faux, méchamment, amenés, fur lefquelsl e r e f p e â d û à la perfonne de ce Magiftrat, & au caractère*
dont il eft revêtu , & la défenfe qu’il doit à ceux qui ont eut
le bonheur de le férvir, ne nous permettent pas de-garder lefilence.
Trois adverfaires pourfuivoient dans le principeTinter*Ji£tion de «M.- le Préfident d’Abbadie j Le Marquis du
�5
C o u d r a i, Ton beau-frère , la Marquife du Coudrai, fa foeur,
& Madame la Préfidente d’Abbadie. La mort lui a enlevé
fa fœur^ la Sentence du Châtelet a défarmé fon beaufrère; il .lui refte pour adverfaire.celle qui n’auroit jamais dû.
l’être : fon époufe.
E lle vie n t, dans le .délire de la cupidité , dévouer fon
mari à.une efpèce de mort civile; elle vient flétrir fes enfans
dans la.perfonne de leur père , 6c les marquer, .pour ainfi
dire, du fceau de la réprobation.
E t c’eft au milieu de cette aftion effrayante dont les
ames honnêtes ont tant de peine à foutenir le fpe&acle , que
Madame la Préfidente d’Abbadie fe vante d’être digne
époufe ôc tendre mère !
A h ! l'amitié conjugale tâcheroit de détourner de deffus
Ja tête d’un mari le coup mortel de l’interdiction , & la
tendrefTe maternelle feroit des prodiges pour épargner à
des enians le préjugé que peut faire naître contr’eux la
profcription de leur père.
La digne époufe ( i ) eft celle q u i , au mois
d’A oût
dernier, défendoit fon mari accufé de démence dans ce
fan&uaire où Madame la Préfidente d’Abbadie s’efforce
d’immoler le £en.
L a tendre mère eft celle qui , combattant aux pieds de
l a C o u r pour fon é p o u x , déjà interdit au C h â t e l e t , le
c o u v r o i t de fa fille co m m e d’une
égide facrée , & recom •mandoit à la fenfibilité des Magiftrats la deftjnée de cette
enfant, l'unique efpérance de fa mai fon.
V o ilà le modèle que Madame la Préfidente d’Abbadie
devoit fuivre ; mais elle a d’autres principes & d’autre-s
La Marquife de CabrU.
A i;
�4
vues ; là fortune defon mari dont elle demande la curatelle*
eft l’idole à laquelle elle facrifie tout le refte.
i l ne s’a c co m p lira pas ce facrifice affreux. M . le Préfident d’Abbadie ne fera point vid im e de l’intrigue & de la
cupidicd : non , il ne le fera pas ; ce ferait en vain que le
c ré d it s’a rm e ro it contre lui : ce fecours décèle la foibleife
& la crainte du' plaideur qui l ’im p lore, & n’ajoute point a
fes droits. M . le Préfident d’Abbadie
fe préfente feul;
toute fa force eil en lui-même ; toute fa confiance eft dans
l.i Juftice qui s’eft déjà déclarée en fa faveur; elle ne 1 aban
donnera pas dans cette dernière attaque , & ellefaura mettre-,
un frein aux complots d’une femme qui a juré fa perte, & lu i
faire trouver enfin le repos après de longs ôcpénibles combats
dans le lieu même o ù il fe dévoua à fon faint miniftère.
L a défenfe de M* le Préfident d’Abbadie fera divifée en
deux parties.
L a première comprendra les faits antérieurs à la demanda
à fin d’interdiction de M. le Préfident d’A b b a d ie , dont la
plupart ont été dénaturés , ou font encore entièrement;
inconnus.
L a fécondé comprendra les procédures qui ont été faites
fur cette demande, dont Madame la Préfidente d’Abbadie
n a donné qu’une idée imparfaite & trompeufe.
Dans le tableau des faits on verra:,
D ’un c ô t é , Madame la Préfidente d’Abbadie méditantpendant quatre ans l’interdit\ioii de M . le Préfident d’Abba-?
d ie, fabriquant par le miniftère. d’un tiers des pièces infidieufes pour faire illufion fur fon état, & pour tromper
la Juftice , quittant fon mari pendant des années entières, ÔC
portant de temps en temps , à l’ombre dum yûère, une main
�?
ïndifcrètefur Tes reven u s, en attendant le moment où elle
doit s’aifurer de fa perfonne, & s’emparer de toute fa fortune.
E t d’un autre c ô t é , M . le Préfident d’Abbadie malheu
reux , mais toujours bon m ari, bon p è re , augmentant fes
biens par fes épargnes, ôc démontrant fans ceife par l'expé
rience qu’il eft bon adminiftrateur, tandis que la cupidité
crie autour de lui qu’il eft incapable de toute adminiftration.
Dans le tableau des procédures on verra la famille de
M . le Préfident d’À b b a d ie , fa m ère, fon oncle , fes paren s, fes amis, rendant tous juftice à fa capacité & à loti
adminiftration ; deux Médecins atteftant fous la foi du
ferm ent, après l’examen le plus long & le plus fcrupuleux,.
que fon état habituel eft un état de raifon entière ; M . le
Préfident d’Abbadie juftifïant, par des interrogatoires mul
tipliés, les témoignages qui s’élèvent de toutes parta en fa
faveur; enfin les Juges du Châtelet confacrant tous ces
fuifrages par une décifion folem nelle, applaudie du p u b lic,
refpe£tée par le Marquis du Coudrai lui-même, ôc dont
Madame la Préfidente d’Âbbadie feule affe&e de méconnoître la fageiTe & la juftice.
L e réfultat des faits & des procédure^ fera que M , le'
Préfident d’Abbadie ne doit pas être interdit, & que s’il'
a v o i t jamais le malheur de l’être , Madame la Préfixlente
d ’ A b b a d ie d e v ro it être exclue de fa curatelle comme fuf-
gefte & indigne.
F A I T S ;
f
M . le Préfident d’A bbadie, après avoir été pendant cinq;
ans C onfeillec en la C o u r , a été pourvu en 17.63 d W '
�6
Change de Préfident à Mortier au Parlement de Navarre,,
dont feu M . fon p è « avoit été titulaire.
Il a été marié en
1 7 7 ° à la demoifelle la Faurie de
M o n b a d o n , fille d’un Confeiller au Parlement de Bor
deaux. Il a v o it alors environ quarante mille livres de rente,
& de grandes efpérances que lui o.fFroit la fortune au iieur
de Borda fon o n cle , Fermier-Général.
A ces avantages fe joignoit dans la perfonne de vl. le
Prélîdent d’Abbadie., le titre de recoinmand».tion
plus
honorable.; le mérite d’avoir facrifié en 176^ for utat &
fa liberté, par zèle pour le fervice du R o i , & pour le
bien de la Patrie.
C ’eft ce Magiilrat que Madame fon Epoufe avoit d’abord
traité dans un M ém oire im primé, d'homme pufiUanime 9
en affe&ant de pafîer fous filence les évènemens mémo
rables de fa Magiürature : nous avons eu l’attention de les
lui rappeller; nous l’avons forcée à-s'enorgueillir de fon
époux , & à fe couvrir un inflant de la gloire de celui
qu’elle venoit avilir : elle a répété à cette audience l'hom
mage qiie nous avions rendu les premiers au zèle & au
courage de M . le Préfidenc d’Âbbadie. O n fait maintenant
par une bouche non fufpe&e., quel a été le dévouement
de ce M agiftrat, quelle fermeté modefte il a montrée
pendant dix.ans au milieu des révolutions publiques, à
la tête de fa C o m p a g n ie, à la fuite de la C o u r , dans les
prifons de la Baftille , & dans le lieu de fon exil. C ’eit
en la Cour qu’il avoit trouvé les modèles de ces vertus
fublimes qui l’ont diftingue dans la P ro v in c e , & c’eft vous,
MeiTieurs, qui lui en avez accordé le digne p rix , quand
vous l’avez reçu en 177 6 Confeiller H o n o r a ^ e , en con-
�7
jldèratlon de ta nature des fervices que lui avaient mfpires
depuis d ix ans f o x {èle & fort attachement au bien du fervice
du R o i
, & à £honneur de la Magijlrature.
M . le Préfident d’Abbadie en s'unifiant à la demoifelle
de M ;o nbadon avoit négligé entièrement l ’intérêt de fa
fo rtu n e, & n’avoit confulté que le penchant de ion cœur.
L e contrat de mariage ¿nonce une dot de 80,000 l i v , ,
& un p a iem e n t de 60,000 liv. à compte : mais dans la
réalité, fuivant une contre-leitre du même jo u r, la d o t
n a été que de 4^,000 l i v . , & il n’en a été payé que
25^,000 liv» ; les 20,000 liv. reliantes n’étoient exigibles
qu’après le décès de M . & de Madame de Monbadon , ôc
fans intérêt : cette fiûion a paru néceiTaire pour l’honneur1'
du co n trat, & pour afFoiblir aux yeux de la famille de
M . le Préfident d’Abbadie le facrifice qu’il faifoit de routes
fes prétentions. Il a ajouté à ce facrifice le don d’un douaire
de dix mille livres de rente, qu’il a conftitué à fon époufe.'
Il convient de- nommer ici le négociateur de ce mariage,,
qui va jouer un rôle inréreffant dans cette caufe : c ’eft le
fieur Louitau , A v o c a t , allié de M. le Préfident d’Abbadie,C e t A v o c a t , excité par un ami de M . de M o n b a d o n , a
propofé cette alliance à M . le Préfident d’A b b a d ie , qui'
féduit par des dehors flateurs n’a pas héiité l o n g - temps*
de l’accepter. L e fieur L o u ftà u eft intervenu dans le contratde mariage comme Procureur fondé de Madame la Préfidente d’Abbadie m è re , & y a fait en cette qualité une'
déclaration dont il importe de rappeller la teneur.» D éclarant ledit fieur L o u ft a u , au nom de ladite B a m e 3»
» en conioçm ité de ce qui eft porté par fa procuration ,.que-
�*
» bien qu’elle ait difpofé par le préfent contrat à titre de libé» ralité en faveur du fieur fon fils., de l h o t e l , ain.fi que de
» l’ameublement, comme d’effets à elle appartenans, ncan» moins, la vérité eft que l’acquifirion du local, ainfi que le
» bâtiment de i’iiôtel ont été faits par ladite dame., & par
» elle payés dis deniers propres & particuliers au fieur fon
» fih ; laquelle déclaration ladite dame s’eft crue obligée
:» de faire, pour lever tout doute à cet ég a rd , & rendre
juftice à la vérité
Si dès avant fon mariage M . le Préfident d’Abbadie
aba«donnoit en quelque forte à Madame fa mère une partie
de fa fortune , & fi cet abandon caraiâérife la confiance
filiale, le premier fenriment de la nature , faudra-t-il s’éton
ner de voir cette digne m£re aiTociée jufqu’à fa mort à
l’adminidration des affaires de fon fils; & iorfqu’elle inter
viendra avec lui dans une procuration relative à fon intérêt
p erfcn n el, ce foin infpiré par la tendreffe, accueilli par
le refpeft , autorifé par 1 habitude, devra-t-il être regardé
com m e un aveu tacite que la mère fera malgré elle de
la démence de fon fils ?
Continuons :
M . le Préfident d’Abbadie avoit cru former une union
heureufe : cette illufion n’a pas duré long-temps. Je ne me
permettrai point de rechercher la'caufe des diffenfions qui
ont régné entre les deux époux ; je me contenterai de lire
ce que M . le Préfident d’Abbadie en a dit lui-même le
27 Septembre 178 j en l’hôtel du fieur Lieutenant C ivil ^
en préfence de fes parens & a m is, & dans fon interro
gatoire du 18 Mai dernier. A P a u , & dans les Provinces
yoifmes où c is difleniions ont é c la té } perfonne n’aeufera
Mi
�9
M . le Préfident d’Abbadie d’avoir chargé le tableau.
« D e tout temps Madame la Présidente d’Abbadie a
Dire
du2f S‘f -
» témoigné la plus grande indiiiérence envers le compa- umbre I78*"
» raut, ¿k envers feue Madame la Préfidente d’Abbadie
» fa mère ; accoutumés à mener une vie tranquille ces
» derniers ont vu avec peine que Madame la Préfidente
» d’Abbadie ne vouloit pas s’aifujettir à leur genre de vie \
» elle portoit môme l’oubli des égards qu’elle leur devoit
» jufqu a refufer de manger avec e u x , & attendre que
» l’heure de leur repas fût paffée pour recevoir à fa table
» des convives qu’elle attiroit à leur infu : les chofes avoient
» été portées au point qu’une féparation volontaire avoit
» été arrêtée ; mais la promeife de Madame la Préfidente
» d’Abbadie d’avoir de meilleurs procédés a fuffi pour
» rétablir leur cohabitation prête à ceifer : ces faits font
» de notoriété publique dans la ville de Pau & dans toute
» la Province.
» Les promettes de Madame la Préfidente d’Abbadie
» font reftées far,9 effet : fon goût pour la diifipation n’a
» fait que s’accroître, & c. & c.
» A dit que nous fommes trop prévenus en faveur de interrogatoire du
jj
j»après
' la
i conduite
î • qu»elle
n a tenue a' 18 M J 1
» 1ladite
dame
; que d
» l’égard de lui répondant, tant à Pau qu’à Paris , & les
» chagrins d om eftiques qu’eJle lui a c a u f é s , il fe c ro it en
» droit de fe tenir éloigné d’elle ; que c’eft le feul moyen
» qu’il ait de rétablir parfaitement fa fanté , qui n’a été
» altérée que par les peines & les inquiétudes qu elle lui a
» caufées ».
Les parens &
amis qui ont été témoins des peines de
M . le Président d’A bbadie, ôc la Marquife du Coudrai fa
B
�10
fœur qui les a fi vivement fen ties, confirmeront bientôt
ce qu’il en a laifié tranfpirer.
L e chagrin a plongé M . le Préfident d Abbadie au bout
de dix années de m ariage, dans une efpèce de mélancolie
qui à ia naiifance portoit de loin en loin une confufion
paflagere dans Tes idées; mais ces legers nuages fe diffipoient promptement, & la raifon reprenoit auffi-tôt ià.
force & fa lucidité. C ’eft dans le premier de ces inftans
critiques que M . le Préfident d’Abbadie a écrit de Bourbonne-lès-Bains , le 18 Juillet 1781 , à Madame fon
époufe, une lettre dont la fin fe reffent de l’agitation dans
laquelle il étoit..
Entre ép oux, cette lettre devoit être jettée au feu, &
reiter à jamais dans le plus profond fecret. Madame la
Préfidented’Abbadi.e l?a gardée avec foin; elle y a vu labafe
de l'interdiction de fon mari dont elle a aufii-tôt conçu
le projet, &
des ce moment toutes fes' combinaifons,
toutes fes démarches ont eu pour but pendant quatre ans
cette aftion ftinefte..
O n a plaidé que dans le mois de Juillet 1781 M, le Préfi
xent d’A tbadie avoit cherché famèreàBourbonne-lès-Bains,
s-uoiqu’elle fût à Pau, & qu’il avoit dit, qu’il étoit indigne
de fe mettre à la table du (ieur de Borda fon o n cle , parce
qu’il avoit écrit au R o i , contre lui.
Mais 011 ne rapporte aucune preuve de ces faits.
Lt- quand ils leroient vrais, ils ne tireroient point à
conféquence pour l’état a£luel & habituel de M . le Préiîrient d’Abbadie..
A la réception de la lettre du 18 juillet 1 7 8 1 , Madame'
k P réfid en te d'Abbadie eft partie pour Paris x où elle eit arriv
�ii
vée le i ? août fuivant avec M e d’E tc h e g o rry , Procureur
au Parlement de Pau , logé gratuitement depuis p!us d*
vingt ans en l’hôtel de M. le Préfident d'Àbbadie. E lle
ne pouvoit pas arriver plus à propos pour intercepter une
lettre que ion mari a écrite le 16 a o û t, dans l’ardeur de
la. fièvre, à M . le Com te de M a u r e p a s ,& pour la joindre
à celle qui lui avoit été écrite à elle-même un mois au
paravant.
O n fent combien ces deux lettres font indifférentes au
bout de fix a n s , & peu propres à déterminer l’état a&ucl
de M . le Préfident d’A b b a d ie, qui eft conilatépar un rap
port de médecins & par fes interrogatoires.
L a maladie de M . le Préfident d’Abbadie pouvoit céder
facilem ent, dans le p rin cipe, à la vertu des remèdes : il
étoit naturel de confuiter des médecins 6c d’épuifer toutes
les relTburces que l’art pouvoit offrir dans cette Capitale,
■Mais quel foin Madame la Préfidente d’Abbadie a - t - e l l e
eu de fon mari dans le premier moment f E lle n’a rien fait
pour fon falu t, ôc elle a tout ramaifé pour fa profcripdon.
E lle étoit moins occupée de la fanté de M. le Préfident
d’Abbadie que de fa fortune, ficelle a preifé, au bout de
quinze jours, fon retour à P a u , impatiente de moiifonner
dans fa route les revenus de fon m ari, & de fe féparer
de lui dans la province.
E lle a fait éc fire , le * feptembre 1781 , par M c d’Etchegorry Procureur ^au Régiifeur de M. le Préfident d’A b
badie dans le P o ito u , la lettre fuivante.
» Il eft déterminé que nous partirons vendredi prochain,
» 7 , en pofte , nous prenons la route de P o itiers, nous
» comptons y arriver aux Troïs-Piiiiers} dimanche foir,
Bi j
�ta
» p Septembre. V ou s ne devez pas manquer dé vous rendre
» auifi pour le même jour , dimanche foir; mais n allez
» point loger aux Trois-Piîliers, allez à une autre Auberge.
» M adame
la
P r é sid e n t e
ne
veut
po in t
que
M.
le
» P r é s i d e n t v o u s v o y e , p a r c e q u ’e i l e c r a i n t q u e c e l a n e
» l ’i n q u i e t t e ,
to SORTES
»
que
d e forte
que
vous
devez
prendre
DE 'PRÉCAUTIONS POUR ÉVITER Q ü ’lL
vous
» Préfidente
êtes
A P o it ie r s.
en p a r t ic u l ie r
» l’o r , de l’argent
que
vous
:
toutes
NE SACHE
V o u s verrez Madame la
tâchez de vous procurer de
aurez a lui rem ettre
, foit
» de votre part, foit de la part de M . Delchamps . . .
» Faites attention à ma lettre.
M . & Madame d’Abbadie arrivent à Poitiers le p Sep
tem bre; ils foupent enfemble : M. le Président fe couche;
Madame la Préfidente & le Procureur paffert dans une
autre chambre, & y font introduire le Rdgiiïeur qui- apporte
vingt-mille livres ; celui-ci demande à parler à M. le Préiident ; Madame la Préfidente refufe; il infifte, elle lui
dit que fon mari ne peut plus entendre parler de fes terres
ni de fes revenus, fans entrer dans des accès de fureur,
& que pour menager fa foibleflfe, il falloit derober à fes
regards l’argent qu’on lui apportoit. L e
RégiiTeur n’eft
pas dupe de ce prétexte; mais il n’ofe point contrevenir
aux ddfenfes de Madame la Préfidente. Sur ces entrefaites
on entend du bruit dans la chambre de M . 1“ Préiident ;
on craint qu’il ne furvienne ; 011 fait cacher le RegiiTeur
dsns la ruelle : c’dtoit une fauflfe alarme.
Madame
la
Préfidente reçoit les facs fans compter les efpèces, tant
elle craint dé reveiller fon mari, & après avoir -conféré
avec le Régiileur fur le produit des terres du P o ito u }
�13
elle lui donne deux quittances, l’une de 12000 livres,
l’autre de 8coo livres, de la teneur fuivante (1).
» J’ai reçu de M . D efcham p s, notre receveur à Brefluire,
» laibm m ed e 12000 livres, à compte de larecette des reve» nus delà terre de Brefluire, dont je lui donne quittance pour
» mon m a ri, ne pouvant pas en donner lui-m im e, à caufe
» de maladie. A Poitiers, le 9 Septembre 1781.
S ig n é , M o n b a d o n d ’ A b b a d i e . (2)
Si M . le Préfident d’Abbadie étoit malade le
Septembre
1 7 8 1 , fa maladie n’étoit pas bien grave; elle ne lui ôtoit
ni Ja force de faire en porte un voyage de 200 lieues,
ni la faculté de reconnoître le tort que Madame fon époufe
lui faifoit, en recevant fes revenus, puisqu’elle n’a ofé les
recevoir qu’en fe derobeant à fes regards, & en fe cachant
à l’ombre du myftère.
M . & Madame d’Abbadie arrivent à Pau le 1 6 Septembre
1781,
fe fdparent au bout de quelques jours, & ne fe
réunifient jamais plus dans la Province. M . le Préfident
va paffer l’automne avec Madame fa m ère, dans fa terre
de B izanos, à un quart de lieue de Pau; Madame, la Préfidente ne juge pas à propos de le fuivre; elle, refte feule
dans fa maifon de V ille. C e procédé fixe l’attention publique,
& détermine la mère ôc le fils à prolonger leur féjour à
la Campagne. L e mari & la femme reftent feparés en
Eéarn , pendant dix-neuf mois, depuis le mois d’O ttobre
1781 , jufqu’au mois d’Avril
i —W T ---------"
Cl)
eft
L a
*
m a n i è r e d o n t la
*
■
fcène du
■
1785 , époque à laquelle
■
9 Septem bre
11
1781
---------
s’eil pniTée
1
----
-|
1
à Poitiers,
;ittellé e p s r le R é g i i f e u r .
(3
L’aatre quittance Je 8000 livres, donnée an fieur Tonnet, Riigiileur de
terre ¿e S. Loup-
dans la même forme.
la
�i4
M . le Préfident d’Abbadie eft parti pour Paris, avec le
Frère LiiTonde, R e l i g i e u x C o rd e lie r, fon ancien a m i,
dévoué de tout temps à fa famille. Dans ce long intervalle,
Madame la Préfidente d’Abbadie n’a fait qti’une ou deux
vifites de cérémonie à fa belle-mère , & a délaiíTé fon
mari qu’ e lle avoit le foin de faire décrier dans la V i l l e ,
par des ames vénales qui fecondoient fes projets, & qui
partageoient fes efperances.
O n a cru vous perfuader, M eilleurs, que M . le Préfidenc d’Abbadie étoit heureux é p o u x , en vous faifant
le&ure des lettres qu’ il a écrites à Madame la Préfidente
d’A b b a d ie , de Paris 6c de Bourbonne-lès-Baias , dans les
prem iers mois de l’année 1781 ; mais ces lettres prouvent
fon honnêteté, 6c non pas fon bonheur; on n’y voit point
ces épanchemejis dé la confiance, ces élans de l’amitié,
ces effufions du cocur qui régnent dans la correfpondance
de deux époux éloignés depuis long-temps l’un de l’autre,
&
impatiens de fe réunir : les d;fienfions de M. & de
Madame d’Abbadie avoient éclate dès les premières années
de leur mariage; il l’appeîkût îa chère femm-». en 1781 ,
comme elle l’appelloic fon
:her mavi, ie divorce qu’ils
ont fait en Béarn en 1762 &
1 7 8 ? , pendant dix-neuf
mois, eft plus parlant que leur correfpondance antérieure,
& fait aiïez fentir quelle étoit la tendrefle de la fem m e,
& quel pouvoir être le bonheur du mari.
O n a plaidé que dans cec intervalle de dix - neuf mois,
& durant un court féjour qu’il a fait dans fa maifon de
Pau , M . le Préfident d’Abbadie fe dounoit journellement
en fpeclacle, faifoit courir les enfans après lu i, & devenoit
Ja fable de la Ville.
�Madame la Préfidente d’Abbadie eft bien imprudents,quand elle avance de pareils faits.
Q u o i! l’époufe d’un Magiftrat l’auroit vu devenir l’o bjit
de la dérifion publique ! elle auroit été témoin de cc-3
(cènes humiliantes, & elle lauroit ¿té plus d’une fois!
E t la mère de ce Magiftrat, cette mère tendre, cette
compagne fidelle de fon fils, auroit foufiert qu’il fe donnât
en fpe&acle, que les enfans s’attroupaifent autour de lui,
& qu’il fût leur jouet !
Peut-être des gens de la lie du peuple, ou des corn1plices fecrets de Madame la Préfidente d’Abbadie enten
dus dans l’enquête qu’elle a fait faire à Pau , auront-ils
dépofé tout ce qu’elle aura voulu; mais cette enquête a
été annullée au Confeil d’E ta t, ainfi que l’Arrêt qui l’avoit
ordonnée. O n ne l’a pas même jugée digue de refter au
Procès pour y fervir de M ém oire; elle doit être mife à
l’écart comme nulle, & c’eft abufer de la patience de la
Cour que d<^ lui. rendre compte des menfonges &
des.
abfurdités qu’elle renferme..
Quel garant Madame la Préfidente d’Abbadie a-t-elle
donc des faits qu’elle plaide, avec, tant d’aifurance ? elle.,
n’a que for» allégation.
Mais cette allég a tio n plus que fufpeéte, eft détruite p a r
deux exceptions.
La premiereeft la dénégation formelle.de M , le Préfident'
d’ Abbadie qui a été interrogé au Chntelet fur tous ces faits;
controuvés par Madame ion époufe & qui les a tous dé
mentis.
L a fécondé eft le. témoignage pofitif de feue Madame.’ la>.
Préfidente d A bbad ie fa m è re , configné dans une lettre':
qu’elle a écrite à fa bru le 1 p N ovem bre 1783 , &
qu’om
*
�16
voit à la page 2$ du M ém oire imprimé de Madame
d’Abbadie.
» Je ne me fuis jamais apperçue, dit-elle, que
mon
» fils Te foit donné en fpe&acle à Pau, ni n’en ai entendu
» parler ».
Q ui croirez v o u s , M M. ou de Madame la Préfidente
d’Abbadie qui allégué des faits fans a u cu n e p reu ve , ou de
M , le Préfident d’Abbadie qui les n ie , & qui a en fa faveur
le témoignage d’une mere refpe£table qui ne l a jamais
quitté ? V ous ne pouvez pas hcfiter entre l’allégation de
l ’une , ôc la dénégation de l’autre, 6c la parole d u ne mère qui
juftifie fon fils eft plus facrée à vos yeux que celle d’une
femme qui accufe fon mari 6c qui cherche à le perdre.
Ecartons donc de la caufe tous ces faits de démence
qui dans le Rom an de Madame la Préfidente d’Abbadie
rempliffènt l’efpace de temps que fon mari a paiTé en Bearn ,
depuis le mois de Septembre 1781 , jufques au mois d’A vril 17S3.
A cette dernière ép oque, M . le Préfident d’Abbadie
arrive à Paris avec le frère LiiTonde, ôc fe réunit au fieur
de Borda fon oncle qui lui avoit témoigné le defir de le
voir. Cette réunion les fîartoit également l’un & l’a u tre,
mais leur joie ne fut pas de longue durée.
A peine M. le Préfident d’Abbadie eft-il parti pour Paris,
que Madame fon époufe court après l u i , ôc vient le join*
dre dans la maifon du fieur de Borda.
Q u el eft donc cet e m p re fle m e n t fubit après un divorce
de dix neuf mois? L es tendres foins v o n t-ils fuccéder
tout-à-coup à l’indifférence la plus marquée, & celle qui
depuis
�17
depuis plufieurs années n’avoit que le vain titre d’ép o u fe,
vient-elle enfin en remplir les devoirs ?
C ’eft par 1’évencment que nous allons découvrir les
motifs de fon voyage.
L e 6 Mai 1783 , huit jours après l’arrivée de Madame la
Préfidente d’A bbadie à Paris , le fieur B o rie , fon M edecin
ordinaire, invite les fieurs Deiean & de Montabourg fes
confrères à fe rendre avec lui auprès de M . le Préfident
d ’A bbadie. Ils l’examinent pendant un demi quart d’heure,
après quoi , on leur fait figner un certificat rédigé par le
fieur B o r i e , dont la teneur feule démontre jufqu’à quel
point ce M edécin , fervilement dévoué à Madame la Préfidente d’A b b a d ie , a abufé de leur confiance.
E n effet, i°. on leur fait attefter, à la première & unique
vifite qu’ils font à M .l e Préfident d’A bbadie, quiL fe livre
à une loquacité qui fans interruption dure nuit & jo u r, que le
fommeil cflperdu , qu'il en ejl de même de l’appétit , & que cet
état dure plufieurs jours.
Q uel talent que celui de voir dans l’état d’un inftant l’é
tat de plufieurs jours , & de reconnaître au premier coupd’œil qu’un homme a perdu le fommeil & l'appétit ! Q uelle
atteftation que celle qui eft fondée fur une pareille certitude!
V oilà les té m o ig n a g e s que Madamela Préfidente d’Abbadie
venoit chercher à Paris c o n tre fo n mari en 1783 : voilà les
preuves avec lefquelles elle fe préparoità l’accufer de dé
m en ce, lorfque fa fortune feroit parvenue à fon com ble,
par le décès de fa mère & de fon oncle.
Rendons néanmoins aux lieurs Dejeanôc de Montabourg
la juftice qui lem eft due : ils n’ont fait que prêter une
fignaturs de confiance au fieur Borie qui a rédigé cette
G
�18
atteftation témeraire : ils ont réparé leur erreur en 1785*,
après plufieurs examens de l’état de M. le Président d’Abbadie : le tort qu’ils ont eu en 1785 cil celui de la probité
confiante : ils ont ajouté foi aux aifertions d’un confrère
qu’ils ne croyoient point devoir fufpeûer..
20, O n répète' au nom des trois Medécins dans le cer
tificat du 6 Mai 1 7 8 5 , ce qu’ils ont appris, dit-on, de:
la fam ille, c’eft-à-dire de Madame la Préfidente d’Abbadie,,
fur la manière dont M . le Préfident d’Abbadie avait ve<^u
en Bearn pendant les dix-neuf mois qu’jl venoit d’y paifer j
Roman imaginé par Madame la Préfidente d’A b b a d ie , compofé de faits faux dont des medécins de Paris ne pouvoient
avoir aucune connoiifance perfonnelle, ôc auxquels leur
fignature ne donne par conféquent aucune autenticité»
O n ajoute qu’ils ont appris par le rapport d’un M oine
qui accompagne M . le Préfident d’A bbadie, i°. qu’il v e
noit de pafler dix-neuf mois à Pau , toujours dans le même
état de délire. 20. Q u ’il y étoit journellement en fpe&acle3°. Q u e depuis le mois d’A vril ( 1 7 8 3 , ) époque de fon
arrivée à Paris , il avoit été dans un délire plus ou moins
f o r t , mais conftanf.
E h b ie n , ce M o in e , le Frère LiiTonde Re&eur de l’Univeriicé de Pau , que le redafteur du certificat du 6 M a l
178 3 , cite comme garant des faits qu’il dit avoir appris defa b o u c h e , lui donne un démenti formel fur tous ces
faits par fon atteftaûon du i j Décem bre dernier.
3°. L es M edécins déclarent que d'après Pexpafc des faits
ils pcnfer.t que M . le Préfident d’Abbadie eft en démence.
Mais ils n’avoient point vérifié les faits qui fervoient de
bafe à leur opinion; ils n’avoient jamais vu M . le Pré 11*
�T9
dent d’Abbadie en Bearn où ils difoient eux-mêmes que
ces faits s’étoient paifés. Ils les avoient appris de la bouche
de Madame la Préfidente d’Abbadie : leur aflertion fe
réduit donc en dernière analyfe, à dire que fuivant le
récit de Madame laPréiidente d’Abbadie,j *Ton mari eft en
démence. Q u el témoignage que celui de Madame la Préfidente d’Abbadie fur l’état de fon mari !
4°. Les Medecins attribuent, par conjecture , la maladie
de M . le Préiident d’Abbadie qu’ils n’ont pas eu le loifir
d’o bferver,à une humeur érefipélateufe fixée d’abord à la
jambe, & répercutée enfuite par des topiques.
N ous ignorons quelle a pu être la caufe des accidens
que M . le Préfident d’Abbadie a éprouvés autrefois ; tout
ce que nous avons appris par lui-même, par la corres
pondance de la Marquife du Coudrai fa focur, & par l’avis
de fes parens & am is, c ’eft qu’il a eu de grandes peines
domeftiques. Eft-ce le chagrin, cil-ce la repereuffion d’une
humeur érefipélateufe, font-ce ces deux caufes réunies enfemble qui ont altéré fa fanté ? C ’efl un problème qui n’efl
point de notre compétence , & dont la folution eft indif
férente dans ce moment. Mais fi les fieurs Dejean & de
Montabourg avoient eu le loifir de réfléchir fur la caufe
conjecturale de la maladie , indiquée dans le certificat du
6 Mai 1783 , ils n’auroient pas manqué d’ordonner l’appli
cation d’un cautère, qui étoit le remede le plus convenable
dans le fyftême de la repereufiion d’une humeur ; le M edécin
ordinaire de Madame la Prefidente d’Abbadie a mieux aimé
ordonner les faignées du p ied , les purgatifs, l’hémétique
m ê m e , rem èd es pour lefquels M . le Préfident d’Abbadic
C ij
�«
20
avoît une répugnance connue, ôc dont 1 ufage devoit nécef"
fairement irriter fa fenfibilité.
Enfin, - c e M e d é c in finit par dire que f i M . lePréfident
d’Abbadie ne devient pas plus docile à l’ufage de ces
remèdes, il ne faut pas héiiter d’employer la force, foit
dans la maifon du fieur de Borda , foit dans quelqu’une
des maifons ou l’on reçoit ces fortes de malades ; fur quoi
il laiife l’option à Madame la Préfidente d’Abbadie.
Envoyer dans une maifon de force un Magiftrat du pre
mier ra n g , un père de famille dont la fortune permettait
de 1ui adminiftrer dans fa maiion tous les fecours r.éceflaires !
L ’envoyer dans une maifon de force ! & pourquoi ? Pour
le faigner , pour le purger, pour lui faire prendre des bains
& du petit lait, comme fi l’ufage de ces remèdes étoic
plus fa c ile , ou leur vertu plus efficace dans une maifon
de force !
L ’envoyer dans une maifon de force au mois de M a i
1783 ! Mais dans ce temps là m êm e, il alloit voir fes
a m is, & il les recevoit chez lui , fuivant l’atteftation du
R e& eu r d e l’univerfité de Pau , fon compagnon de voyage ;
il correfpondoit avec fes gens d’affaires : il rcgloit des in
térêts avec le fieur Olivier caillierdu fieur de Borda, comme
on le verra bientôt dans un compte rendu par ce caiiTier;
Madame le Préfident d’Abbadie elle-même craignoic fa v i
gilance , & prenoit des rnefures pour lui ca ch e r les prépa
ratifs d’une nouvelle fouftrattion qu’elle v o u lo i t lui faire
de fes revenus; (1) il agiffoit en homme raifonnable; il
(1) Ce fait eft établi par une lettre du fieur Olivier du deux Juin 17»}
¿ont on parlera dans un inftant.
*
�21
veilloit à fes intérêts en bon père de famille; & l’on fon*
geoit à le releguer parmi des infenfés : qu’auroit-on pu faire
de plus , fi on avoit voulu le rendre femblable a eux ?
C e confeii , a-t-’on d i t , n’a pas été fuivi : Madame la
Préfidente d’Abbadie n’auroit jamais livré à dts étrangers
U N E T Ê T E SI C HE RE.
C e confcil n’a pas été fuivi : Mais le moment de le fuivre n’étoit pas arrivé. La mère & l’oncle de M . le Pre'fident
d’Abbadie n’étoient pas encore morts ; celle qui a ofé tenir
fon mari en charte privée , après fon interdi£lion provif
ne lui auroit peut être pas épargné la reclufion dans
une maifon de fotee , il elle avoit pu obtenir fon interdic
tion déiinitive. L e M edécin
de Madame le Préfidente
d’Abbadie devoit bien connoître fes intentions, pufqu’il
ofoit lui mettre en main l’avis cruel de faire enfermer fon
mari. Mais fi cet avis n’étoit pas bon à fuivre dans le premier
moment , il étoit bon à garder; c’étoit une arme nouvelle
contre M . le Préfident d’A b b a d ie , & un moyen d’obtenir
un jour fa récluficn.
Remarquez , M eilleu rs, que le fieur Borie ne laiffe
d’option dans fon certificat du 5 Mai 1783 , pour le traite
ment de M . le Préfident d’Abbadie qu’entre la maifon du
fieur de B o r d a , & une maifon de force. Il vouloit exclure
ce Magiilratde, fa p a tr ie , & l’enchaîn er à Paris : & pour
quoi? Parce que le féjour de Pau ne convenoit plus en
1783 à Madame la Préfidente d’A b b a d ie , qui craignoit
d’ailleurs les regards de fa belle-m ère, & qui ne vouloit
point perdre de vue cette tête f i chère , dont elle méditoit
la profeription. Son plaifir étoit de contempler fa victime,
& de continuer à fon aife les préparatifs du facrifice, &
�22
cette occupation ¿toit plus facile dans la maifon
d’un
oncle paralytique détenu dans fon lit, que dans celle d’une
mère dont la vigilance auroit éclairé les complots formés
contre fon fils, & les auroit fait avorter.
Cependant le traitement indiqué par la Confultation du
6 Mai 1783 étoitpeu propre à retenir M . le Préfident d’A bbadiedans la capitale : l ’ufage de lafaignée, de l’hémétique,
des bains 8c du petit lait eft aufli famillier à Pau qu’à Paris. O n
a eu recours à un remède extraordinaire , au traitement par
l’életlricité, qui n’eit pas commun dans la province. M .
le Préfident d’Abbadie eft allé chez le fleur Cornus pen
dant trois mois , au bout defquels il s’eft difpofé à retourner
en B ea rn , impatient de fe réunir à fa m è r e , qui defiroit
de fon côté la préfence de fon fils.
Madame la Préfidente d’Abbadie a fait les plus grands
efforts dans cette circonflance pour empêcher la réunion
de la mère & du fils. Elle a fait écrire à fa belle-mère
par le fieur Borie fon M é d e c in , & par Madame la Ducheife
de C ivra c; elle lui a écrit elle-même plufieurs lettres pour
l ’engager à interpofer fon autorité , & à retenir M . le Préfi
dent d’Abbadie à Paris , où elle lui faifoit effuyer des
contradictions perpétuelles.
O n voit la correfpondance de la belle-mère & de la bru à
ce fujet, dans le Mémoire imprimé de Madame la Préfidente
d’Abbadie , depuis la page 20 jufqu’à la page 26.
Je ne rendrai point compte de cette correfpondance.
Mais je ne puis m’empêcher d’y remarquer un trait frap
pant qui décèle l’adreffe avec laquelle Madame la Préfidente
d’Abbadie cherchoità faire illufion à fa belle-mère , ôc à lui
faire approuver le féjour de M . le Préfident d’Abbadie
�23
dans cette capitale, fous prétexte d'un traitement qui n’avoit
point lieu.
En effe t, Madame la Préfidente d’Abbadie dit dans fou
M ém oire imprimé, page ï p , qu’après la Confultation du
6 Mai 1 7 8 3 , M . le Préfident d’Abbadie alla pendant trois
mois chez le fieur C o rnu s, & q u ii ne fu t plus pojjlbie enfuue
de lui adminiflrcr aucun remide : le traitement par l’é le ¿tri
c h é navoit donc plus lieu au mois de N ovem bre 1785.
Cependant par fa lettre du 4 N ovem bre 1783, Madame la
Préfidente d’Abbadie mandoit à fa belle-mère, que fon mari
continuoit toujours le remède de l’éleftricité, que le fieur
Borie étoit d’avis de le continuer par le miniilère du fieur
Cornus; & en aiïurant que les fieurs Borie & Cornus faifoient efpérer une guérifon totale, elle chargeoit l’honneur fie
la confcience de fa belle-mère de l’interruption d’un remède
qui avoit déjà ceffé long-temps auparavant.
« V ou s vous rendez , M adam e, lui diioit - elle par (a
» lettre du a f Octobre 1783 , refponfable de fa guérifon
» auprès de fa famille & du public ». ( Page 20 du M é
moire imprimé ).
Q uel grand intérêt Madame la .Préfidente d’Abbadie
avoit-elle donc à retenir fon mari dans la capitale , au mois
de N ovem bre 1783 , fous prétexte d’un traitement qu’il
n’y recevoit pas, 6c à quel deiTein fecret ce faux prétexte
pouvoit-il fervir de voile !
E lle quitte fon mari en Bearn pendant dix-neuf m ois;
& elle vole après lui lorfquil vient à Paris. E lle veut l’y
retenir malgré lu i, malgré fa m è re , quoiqu’il n’y reçoive
aucun fecours : créd it, prétextes, prières, m enaces, tout
eft mis en ufage pour- tromper la tendreiTe maternelle,,
�24
pour faire violence à l’amour filial, pour tenir éloignés
une mère & un fils impatiens de ie réunir, p ou r’enchaî
ner M . le Préfident d’Abtadie auprès d’une époufe q u i ,
jufques-là, s’étoit montrée plus jaloufe du foin de furprendre quelques inftants de foiblefle , que celui de les préve
nir. T a n t d’empreifement de la part de Madame la Préfidente d’Abbadie après douze années de diiTenfions, après
un divorce de dix-neuf m o is , pouvoit-il être infpiré par
l’amitié conjugale ?
Mais tandis que Madame la Préfideute d’Abbadie faifoit
certifier d’un côté par Ton M édecin que M . le Préfident
d’Abbadie étoit en démence, & qu’il ne falloit pas héfiter, s’il
étoit in d ocile, de l’envoyer dans une maifon de force , elle
prenoit d’un autre côté les plus grandes précautions pour
lui laiifer ignorer qu’elle s’immifçoit dans l’adminiftration
de fes biens. Elle s’étoit fait envoyer par les Régiiïeurs des
terres du Poitou des états annuels de recette & de dépenfe : bientôt elle voulut avoir tous les mois un état fuccinct de la fituation de leur caifle , & l’événement va faire
voir dans un inftant que fon defir n’étoit pas un defir de
pure curiofité. C e fu tle fie u r Olivier , Caiiïier du fieur de
B o r d a , dépofitaire depuis plufieurs années des revenus de
M . le
Préfident
Poitou , l’homme
d’Abbadie , provenans
de
confiance de
des terres du
Madame la Préli-
dente d’ A bbadie, ôc celui qu’elle défigne pour curateur
onéraire de fon mari, qui fut chargé de demander ces
états de caiiTe de chaque mois, üa lettre eit du 2 Juin
1783 : elle a fuivi de près la Confultation du *6 M a i , qui
conAituoit M. le Préiident d’Abbadie dans un état de dé
mence. Cependant Madame la Préfideute d'Abbadie craint
que
�a;
que ce prétendu îniènfé fie Toit inftruit de Ton entreprife, &
faic recommander le fecret à fon Régifleur.
« Vouà fentez , dit le iieur O liv ie r , qu’il n’eftpas nécef» faire que M . d’Abbadie vo ye cette lettre.
O n favoit donc que M . le Préfident d’Abbadie âuroit
improuvé l’entreprife de fon ép o u fe, & qu'il l’auroit répri
mée , s’il en avoit eu connoiflance.
E t c ’eft dans ces circonftances qu’elle le fait déclarer infenfé par fon M é d e c in , & qu’elle conçoit l’idée de ren
vo yer dans une maifon de force !
Mais à quoi tendoit la curiofité de Madame la Préfidente d’Abbadie fur l’état de la caifle des Régiffeurs ? A
faire vuider cette
caifle dans celle du fieur O l iv i e r , &
celle du fieur O livier dans fes mains.
En effet, le 4 N ovem bre 1783 , le fieur O livier a reçu
des Régiffeurs de M . le Préfident d’Abbadie une fomme
de 22,000 livres , q u i, jointe aux deniers qu’il avoit déjà
en m ain , a formé un total de 36,000 livres , & le 8 du
même mois il a livré clandeftinement cette fomme de
35,000 livres à Madame la Préfidente d’Abbadie.
C e fait eft établi par le compte que le fieur O livier a
rendu deux jours après à M . le Préfident d’A b b a d ie, qui
lui demandoit fes fonds pour les emporter en Bearn.
L e dernier article de dépenfe eft conçu en ces termes.
« Du
18 N o v e m b re , remis à Madame d'Abbadie ,
» 3j’,9pp livres <? fols.
A u moyen de q u o i , le fieur O livier fe trouvoit qu itte,
fi M . le Préfident d’ Abbadie avoit eu la bonté de fe payer
de cette monnoye. Mais il a eu le foin de faire affigner
le fieur O livier le lendemain 11 N ov em 6 re
1 7 8 3 , par
D
�il?
devant les Juge & Confuls à fin de reftitutïon de la fomme
de 36,ooo livres.
Obfervons en partant, que le compte du fieur O livier
prouve que depuis 1781 jufqu’en 1783 , JVL le Préfident
d’Abbadie a continué de correfpondre avec lui fur fes
affaires, & de s’occuper de l’adminiftration de fes biens.
E n effet, on y v o it , i° . la mention d’une lettre de
M . le Préfident d’A bbadie, du y A oû t 1 7 8 2 , par laquelle
il avoit confenti au profit du fieur O livier une dédu&ion
de 740 livres 1 p fols : 20. la mention d’un envoi fait par
le fieur O livier à M . le Préfident d’A b b a d ie, le 2p A oû t
1 7 8 2 , d’une fomme de 20,351 livres : 30. la mentiond’une conférence du mois de Mai 1783 , de ce
même
mois où Madame d’Abbadie avoit fait déclarer fon mari
infenfé par le
fieur Borie ,
conférence
dans laquelle
M . le Préfident d'Abbadie, en chargeant le fieur O livier du
foin de recevoir à l’H ô tel des Fermes les intérêts du cau
tionnement du fieur de Planterofe, fon a llié , lui avoit dit
fuivant le fieur O liv i e r , avoir touché par lui-même quinze mois
d'intérêts montant à 15 o livres, à compter du premier Octo
bre ¡ 7 8 0 , au premier Janvier 1782, C es faits concourent
à établir la continuité de ladminiflration de M . l e Préfi
dent d’Abbadieen 1782 & 178 3 . Je mettrai bientôt fous les
yeux de la Cour d’autres preuves de cette adminiftration
qui s’eft conftamment foutenue juîqu’au moment a£luel.
M . le Préfident d’Abbadie étoit trop impatient de fe
réunir à Madame fa m è r e , pour attendre l’éyénement de
la demande
qu’il avoit formée contre le
fieur Olivier.
Madame la Préfidente d’Abbadie lui a fait remettre par les
mains de ce dernier, une fomme de 6000 livres, & a eu
�27
le foin de s’en faire donner une quittance , quoiqu’en re
cevant 20,000 livres à fon inçfu en 1 7 8 1 , elle èût déclaré
qu’il étoit hors d’état de donner une quittance. I l eft parti
feul pour le Bearn vers le i f N ovem bre 178 5; Madame fon
époufe a mieux aimé relier à Paris que l’accompagner ; elle Ta
quitté de nouveau, & a v é cu loin de lui pendantquatorze mois.
A fon arrivée à P a u , par a£te du i cr. D écem bre 1785 ♦
M . le Préfident d’Abbadie & M adam e fa m ère ont envoyé
leurs pouvoirs à P aris, à l’effet de les repréfenter chacun
en ce qui les co n c e rn o it,
dans toutes les affaires qu’ils
pourroient avoir tant en juftice qu’autrement. M ais à qui
ces pouvoirs ont-ils été donnés ?
I c i paroît un C itoyen honnête que Madame d’Abbadie
a diffamé avec une licence inouie » qu’elle a peint com m e
un homme fans é ta t, com m e le c h e f d’une troupe d’intrigans qui obfèdent M . le Préfident d’Abbadie. Q u el eft donc
cet homme fi d é c rié , fi fufpe£t ? C ’eit un allié de M adam e
la Préfidente d’A b b a d ie, le coufin iflu de germain de fon
mari ; c ’eft le fieur d’Etchegaray.
Il n’étoit pas un intrigant
aux y e u x de M adam e la
Préfidente d’Abbadie m ère, dont le fuffrage valoit bien
celui de fa. b ru , ôc qui par une lettre du 21 Février
1-78 4, l’appelloit fo n cher neveu , & le rem ercioit des
marques qu’il ne ceffoit de lui donner de fon zèle & de
fon attachement.
Il n’étoit pas un intrigant aux yeux de M adame d’A b
badie elle-m êm e, lorfque par fa lettre du 17 Janvier 1 7 8 3 ,
elle le rem ercioit des témoignages £ intérêt & Rattachement
yu il lui donnoit dans toutes les occafions, ôc lui marquoit
D ij
�A*
le défir le plus v i f de lui donner des preuves de fa re<on-noijfance.
Il n ¿toit pas un intrigant lorfque par fa lettre du onze
avril 1785 9 poftérieure de deux jours au départ de M . le
Préfident d’Abbadie pour P a ris, elle chargeoit la foeur du
' fieur d’Etchegaray de lui faire mille complimens, & de lui
confier le deffein où elle ¿toit de fuivre de près fon mari.
C ’eft la procuration du premier décem bre 1783 , dont
l’objet principal ¿toit de forcer la reftitution des 35,000 L
enlevées par M adam e d’Abbadie , qui a transformé à fes
y e u x le fieur d’Etchegaray en homme fu fp e â , en intrigant,
ôc qui l’a rendu digne de toute fa haine.
Remarquons deux circonftance3 dans cette procuration*
L a prem ière, c’eft que M adame la Préfidente d’Abbadie
mère & M . fon fils y reconnoiffent expreifém ent le fieur
d’Etchegaray pour leur parent. L e fieur d’Etchegaray ne
doit donc pas être regardé ici com m e un intrus, com m e
un intrigant qui s’immifee dans les affaires d’une fam ille
étrangère.
L a fé c o n d é , c’eft que M . le Préfident d’A b b a d ie , en
donnant fes pouvoirs au fieur d’Etchegaray , ne fait que
fuivre l’exem ple de M adam e fa m ère, qui avoit déjà éprou
v é le zèle & la fidélité de fon neveu. C e tte marque de
confiance de M . le Préfident d’A bbadie pour le fieur
d’Etchegaray & celles qu’il lui a données depuis ne doivent
donc pas être regardées com m e des marques de démence*
L e fieur d’Etchegaray pourfuivit la demande à fin de
reftitution contre le fieur O liv ie r : celui-ci fut con dam n é,
par une Sentence confulaire du ip
décem bre 1783 , à
�2P
payer en cjeniers ou quittances valables la fomme de 3 6000
livres.
L e fieur O liv ie r, ou plutôt M a 4ame la Préfidente d’A b
badie fous fon nom , interjetta appel de cette Sentence
com m e de Juge incom pétent. M . le Préfident d’Abbadie
eut pour défenfeur M e Martineau : mais il ne perdit pas
moins fa caufe. L es parties furent renvoyées à fe pourvoir
p ard evant les Juges qui en devoient connoître.
L ’affaire fut portée au Châtelet où M . le Préfident d’A b
badie auroit infailliblement triomphé par le miniftère du
même défenfeur. Mais le fieur d’Etchegaray rallentiffoit les
pourfuites, par égard pour Madame laPréfidente d’Abbadie
qui ne paroiffoit pas difpofée à reftituer ce qu’elle avoit
pris. C e ménagement déplut à M . le Préfident d’Abbadie
& à Madame fa mère : ils s’en plaignirent au fieur d’E t
chegaray , ôc ils lui donnèrent ordre de preffer le jugem ent
par une lettre du 8 mars 1784.
L e s pourfuites recom m encèrent: M adame laPréfidente
d’Abbadie demanda à com pofer. M . le Préfident d’A b b a
die envoya au fieur d’Etchegaray , le 19 avril 1 7 8 4 , une
procuration à l’effet de tranfiger ; ce qui fut fait par un
a & e du 2 ju ille t fuivant.
Par cet a& e'M adam e la Préfidente d’A b b a d ie , fous le
nom du fieur O liv ie r , rend com pte des 36,000 liv. dont
elle s’étoit emparée.
E lle impute d’abord com m e de raifon les 6000 liv. don
nées à M . lePréfident d’Abbadie le 13 novem bre p récéd en t,
fuivant fa reconnoiffance du même jour , & les dépens
de l’appel d’incom pétence auxquels il avoit été condamné.
E lle remet enfuite x 6,800 livres au fieur d’Etchegaray;
�jo
qui les envoye aufli-tôt à M . le Préfident d’A b b a d ie, dont
il a la quittance.
E t elle retient à Ton profit 15,000 livres en fus de fa
penfion annuelle de 3000 liv re s , & d’un fupplément de
600 livres q u e lle s’étoit fait donner par le fieur O liv ie r,
quoiqu’elle n’eut aucune dépenfe à faire dans la maifon
du fieur de Borda.
T e l fu t, pourM adam è la préfidente d’ A bbad ie, le fruit
de fon fécond coup d’eiTai dans le maniment des revenu«
de fon mari.
Madame la Préfidente d’A b b a d ie , dont la manie eft de
dire que fon mari eft fou , foutient qu’il l’a été à Pau
en 1 7 8 4 ; & pour preuve de fon allégation , elle cite des
lettres qu’elle a reçues de fes correfpondans, du fieur
L o u fta u , le négociateur de fon m ariage, & de la dame
d’E tchegorry fa co n fid en te, qui n’ont pas craint d’alarmer
fa tendreife pour fon mari , en lui écrivant fi fouvent &
fi inutilem ent, qu’il étoit malade- Mais des lettres mifiives
ne font point foi contre un tiers. Q u ’e it - c e que cet ama*
de lettres écrites avec tant de p rofufion , & gardées avec
tant de foin par une femme q u i, fi elles avoient été vé
ridiques, auroit dû les effacer de fes larm es, & que prou
vent-elles en ju ftic e , fi ce n’eft les mauvais defl'eins de
Madame la Préfidente d’Abbadie contre fon m a r i, & le
défir dont elle brûloit de le faire interdire.
C e n’eft pas tout : Madame la Préfidente d’Abbadie n’ayant
pu faire attefter par des M édecins de Pau que fon mari avoit
été fou à Pau en 1782 & 1783 , l’a fait attefter hardiment
par fon M édecin de Paris. E lle a fait plus : elle a fait at
tefter par ce M édecin que M . le Préfident d’Abbadie mourra
�5*
infailliblement dans la dém ence. V o ic i le certificat qu’elle
a obtenu de la complaifance du fieur B o r ie , le 6 f é v r i e r
1784..
» Je certifie que M . le Préfident d’A b b a d ie, que j’ai
» fuivi depuis le mois de mai de Tannée dernière jufqu’à
» fon départ, eft parti en novem bre 1783 dans le même
» état de démence dans lequel il étoit depuis deux a n s,
» lors de fon arrivée à P aris, & qu’il eft bien à craindre
» que fa maladie ne foit parvenue à l’incurabilité ; en foi
» de quoi j’ai figné la préfente déclaration. Borie.
Fixons un inftant nos regards* fur ce certifica t, q u i,
avec celui du 6 mai 1783 , a déterminé à Pau l’interdic
tion provifoire de M . le Préfident d’Abbadie. C ’eft une
des produ&ions les plus monitrueufes de l’intrigue & de
la mauvaife foi.
O n y diftingue trois articles.
L e p rem ier, c’eft qu’au mois d’avril 1 7 8 3 , lors de fon
arrivée à Paris , M r. le Préfident d’Abbadie étoit depuis
deux ans dans un état de dém ence.
L e fé c o n d , c’eft qu’au mois de novembre 1783 , lors
de fon départ pour le B é a rn , M . le Préfident d’Abbadie
étoit dans un état de dém ence.
L e troifièm e, c ’eft que la maladie de M . le Préfident
d’Abbadie eft probablement incurable.R eprenons
ces trois articles.
1°. A v ec quel courage le fieur B orie a - t - i l pu cer
tifier qu’au mois d’avril 1783 , lors de ibn arrivée à P a ris,
M . le Préfident d’Abbadie étoit depuis deux ans dans un
état de démence ?
�3%
M. le Préfident d’Abbadie ¿toit refté en Béarn depuis
le mois de i'eptembre 1 7 81 iufques au mois d’avril 1783 }
le lieur Borie ne "l’avoit point vu dans cet intervalle.
2°. Com m ent a-t-il pu certifier qu’au mois de novembre
1 7 8 3 , M . le Préfident d’ Abbadie étoit dans un état de
démence ?
N ous avons des preuves littérales du contraire.
L e 8 novembre 1 7 8 3 , M . le Préfident d’A bbadie écrit
une lettre à fon régifleur qui vient de la lui envoyer pour
l’aider à confondre l’impoflure.
L e 10 novembre 1783 , le fieur O livier , l’homme de
confiance de Madame d’A b b a d ie , rend compte à M . le
Préfident d’Abbadie de fes revenus du P o ito u , dont il avoit
livré deux jours auparavant, à Madame -d’A b b a d ie , le reliquâ montant à 3 5,000 liv.
L e 11 novem bre 1783 , M . le Préfident d’Abbadie fait
aiïigner
le fieur O livier en reftitution de cette fomme.
ü
L e 1 3 novembre 1783 , veille du départ de M . le Préfident d’Abbadie pour Pau , Madame la Préfidente d’Abbadie
lui fait compter 6000 liv. & en retire fa reconnoiffance,
ainfi qu’il eft établi par la tranfa&ion du 2 Juillet 1784..
Ec c ’eft dans ces circoniïances que Madame la Préfïdente d’Abbadie fait certifier qu’au mois de novembre
1783 , lors de fon départ pour le B éarn , M ‘. le Préfident
d’Abbadie étoit dans un état de démence ! C o m m e n t peuton trahir la vérité avec auifi peu de pudeur!
30. Enfin par quel génie le fieur Borie étoit-il infpiré
quand il a prédit que M . le Préfident d’Abbadie mourra
vraifemblablement dans la démence ? O ù avoit-il puifé ce
préfage finiftre? L a nature lui avoit-elle révélé tous fes fecrets ?
�h
cfets? L ’art avoit-ü déployé à fes yeux toutes Tes rciTource«?
A veu gle qu'il étoit ! il né voyoit pas fétat préfent de M .
le Préfident d’Abbadie , 6t. il vouloit prévoir fon état
avenir !
Il certifie que la maladie de M . le Préfident d’Abbadie
eft probablement incurable : mais Madame la Préfidente'
d’Abbadie mandoit à fa belle-m ère, par fa .lettre du 25
octobre 1785 , qui eft à la page 21 de fon mémoire im
primé , que le }leur Borie, lui faifoit efpérer la gtièrifon
totale de M'. le Préfident etAbbadie. Par quelle étrange con
tradiction ce m édecin, qui n’avoit plus vu M. le Préfident
d’Abbadie depuis le mois de novembre 1 7 8 5 , époque de
foii départ pour le Béarn , a-t-il donc certifié au mois de
février 1 7 8 4 , que fa maladie paroiiloit ótre parvenue à
l’incurabilité !
L ’événement a démenti fon aflertion à ce fujet : deux
médecins qui ontvifité , Tannés dernière, M. le Préfident
d’Abbadie depuis le 3 mars jufques au p m a i, ont déclaré
dans leut rapport que fa maladie eft curable, qu’elle a cédé
au temps ôt aux rem edes, fi elle a été jamais telle qu’on la
Jeura dépeinte, ôc qu’il eft dans un état habituel de raifon.
Mais ce qui doit le plus frapper les efprits à la vue du
certificat du 6 mai 1783 , ce n’eil point la foibleife que le
fieur Borie a eue de l’exp éd ier, c’eit le courage que
Madame la Préfidente d’Abbadie a eu de fe le faire déli
vrer. E lle ne va point demander à fon médecin des fecours .
pQur M . le Préfident d Abbadie; elle va chercher une arme
nouvelle contre lui. E lle n’eft pas en peine dè favoir com
ment on pourra le guérir; c ’eft: aflez qu’on lui certifie qu’il
ne guérira jamais.- E lle faific l’annonce de l’incurabilicé
E
�34
de M . le Préfident d’Abbadie comme une autre femme
faifiroit l’annonce de la guérifon prochaine de fon m a ri,
& elle garde pen d an t des années entières ce pronoftic
funefte & défefpérant avec le même foin que fi elle y
trouvoit l’alim en t de fes efpérances & une fource de confolations.
Je ne fais pourquoi ce certificat n’a été ni imprimé au
C hâtelet, ni lu à cette audience, à moins que Madame
la Préfidente d’Abbadie n’ait craint l’indignation que devoit
faire naître contr’elle une pièce auffi révoltante, & qui
la d ém afque il bien aux yeux du public. Mais il a exifté ce
certificat odieux : il a été annexé à la procédure de Pau,
où il a produit fon effet; il a été annexé à la procédure
du Châtelet, où il a été regardé avec horreur; nous en
avons une copie expédiée par le Greffier du Châtelet ; il
n’eft plus temps de le fupprimer, l’efprit qui l a difté efl
à découvert.
C e certificat efl digne de figurer à côté de celui du
6 Mai 178 3 , qui enhardit Madame la Préfidente d’Abbadie
à envoyer fon mari dans une maifon de force. Ils font
fortis de la même fabrique; ils avoient la même deftination : ce font deux monumens des machinations de Madame
la Préfidente d’Abbadie, contre fon mari, & de la com
plicité du M édecin qu’elle avoit aifocié à fes coupables
projets.
O n a plaidé qu’ en 1 7 8 4 , pendant fon féjour à Pau
M . le Préfident d’Abbadie a fait acheter deux chèvres
qu’il vouloit atteler à fa v o itu re , ôc deux oyes à, qui il
youloit apprendre l’alphabet..
O n ne dit pas qu’il ait fait atteler des clièvres à fa
�5?
^
voiture , ni qu’ H ait prononcé l’alj h i l e t devant des oye.3,
pour le leur apprendre ; on dit feulement qu il a voulu
le faire. Mais par quels lignes certains cette intention
s’eft-elle manifeftée? ceft ce qu’on ne fait pas.
Au mois d’Avril de l’année dernière, M . le Prérident
d’Abbadie a touché, dit-on, du bout de Ton manchon dans
le jardia des Tuileries, la ftatue qui repréfente le Tibre.
Madame d’Abbadie a dit dans fon Mémoire imprimé, qu’il
avoit donné un coup a cette flàtue, pour la punir de ce
qu’elle ne lui parloit pas; on reconnoit à ce tra it, le génie
familier qui veille iur M . le Préfident d'A b b a d ie, qui
connoît fes peniees mieux que lui-m êm e,
qui devine
lorfqu'il fait acheter des chèvres, que c’eft pour les atteler
à la voiture, lorfqu’il fait acheter
des o y e s , que c’eft
pour leur apprendre l’alphabet. Mais fi M . le Préfident
d’Abbadie étoit infenfé, fes a£tions ne feroient-elles pas
allez parlantes par elles-mêmes , & auroit on befoin de
deviner fes intentions, pour le convaincre de démence?
Dans le fait, M . le Préfident d’Abbadie a fait acheter
deux chèvres en 1 7 8 4 , pour l’ufage auquel elles devoient
fervir naturellement, il les a envoyées dans fa terre de
B izanos, d’où on lui apporroit du lait tous les matins.
L ’oye eft un aliment qu’il aime ; il en a fait engraifler
deux en 1 7 8 4 , parmi des poulets, des canards, des
dindons & des volailles de toute efpèce, qui garniiToient
& qui garnilfent en core, fuivant l’ufage de la P ro v in ce ,
la bafTe-cour qu’il a dans fa maifon de Pau.
C eu x qui lui ont attribué l’intention fecrette de faire
atteler des chèvres à fa voitu re, & d’apprendre l’alphabet
à des o y e s , n’ont fait que lui appliquer l’hifioire d’un
E ij
�¿6
fameux fou du Béarn, nommé B erd u c, dont la tradition
tranfmet les folies depuis 40 ans, dans cette province.
L e nommé D o u c e r , qui étoit en 178 4 , le Cocher &
i’efpion de M . le Préfident d’A bbadie, & qui a paffé depuis
au fervice de Madame fon époufe, ne parle point dans
la déclaration qu’il a faite le premier O & obre 1 7 8 ; , en
l’hôtel du fieur Lieutenant C i v i l , du prétendu projet de
faire atteler des chèvres à une voiture : c’eût été lui cepen
dant qui auroit été chargé, comme C o c h e r, de ce bizarre
attelage, fi M. le Préfident d’Abbadie en avoit conçu l’idée,
& il ne lui auroit certainement pas fait grâce de cet écart,
s’il avoit eu le plus léger prétexte pour le lui imputer.
A u furplus, & c’eft ici le mot décifif, fi des témoins
de Pau ont été auffi complaifans pour Madame la Préildente d A b b a d ie, que fon Médécin de Paris, & s’ils ont
eu la témérité de dénaturer les actions les plus raifônnables
de M . le Préfident d’A b b a d ie , par l’extravagance des
motifs qu’ils lui ont attribués, leurs dépofitions ne font
d ’aucun poids dans la caufe ; les enquêtes ont été annullées
par un Arrêt du C on feil; Madame la Préfidente d’Abbadie
n ’a à l’appui de ces faits que fa fimple allégation , qui eft
pleinement détruite par la dénégation formelle de M. le
Préfident d’Abbadie.
Il ne refie que les deux lettres des 18 Juillet & 16 A oû t
1781 : mais qu’importe que M . le Préfident d’Abbadie
ait eu , il y a iïx ans, deux mrtmens d’abfence , & quelle
connexité y a t-il entre ces nccidens anciens 8? psifagers,
& l’état a&uel & habituel de M . le Préfident d’Abbadie?
C ’eil fon -état préfent qu’il faut juger,
accidens paiTés-
&
non pas feà
�37
Ces accidens n’ont point troublé fa correfpondance,
ni interrompu le cours de fon adminiflratipn , qui s’eft
conftamment foutenue jufau’au moment actuel.
Ses parens, fes amis, fes g«ns d’affaires lui ont envoyé .
quelques-unes des lettres qu’il leur avoit écrites, & lui
ont accufé la réception de beaucoup d’autres; ces lettres
prouvent qu’il a entretenu fans ceife toutes fes relationsd’intérêt, de bienféanpe & d’amitié.
Il faut voir fur-tout fon administration depuis 1781 ,
«5poqueà laquelle on fait commencer fa prétendue démence:
c’eft la meillem-e défenfe qu’il puiOe fournir, c’t'ft le triomphede fa caufe.
Par Procès-verbal du 30 Juin 1781 , M . le Préfident
d’Àbbadie exerce le retrait féodal d’un bois , moyennant
la fomme de 3661 livres.
Par a£te du 2 Mars 1 7 8 2 , il fait le rachat d’une rente
foncière de 24.0 l i v . , moyennant une fomme de 4800 liv.
P a ra tìe du 18 Juillet 1782 , il acquiert pour la fomme
de 4788 liv. 17 fols 6 deniers, un bien-fonds dont Madame
fa mère a exercé
le retrait cenfuel comme dame de
Bizanos.
Par autre a£te du 25» du même m o is, il acquiert pour
la fomme de
livres, un autre bien -fon d s dont
Madame fa M ère a pareillement exeixé le retrait cenfuel.
Par afte du 3 Octobre 1783» il acquiert des droits
de féodalité &: de cen s, qui fe trouvent à fa bienféance.
Par afte du 22 O ttobre
1 7 8 4 , il çonfent un bail à
rente d’ un terrein qui ne lui étoit d’aucune utilité.
Par atle du 14 Mai 1785 } trois jours après un fécond '
�38
Arrêt du Parlement a s Pau j qui confirme fon inter
diction provifoire » M . le Piéfident dA bbad ic dans
1 ignorance de cet A.riêt , acquiert une portion de la
dîme de C re m ille, aux environs de fa terre de SaintLoup.
Depuis 17S1 jufqu’en 1785’ , M. le Préfident d’ Abbadie
a fait chaque année quelque acquifition, malgré les fouftnclions que Madame fon époufe lui avoit faites en 1781
& en 1785.
C ’eft principalement après le décès de Madame fa M ère ,
arrivé dnns le mois d’Août 178 4 , que M . le Préfident
d’Abbadie a donné des preuves figna’ ées de fon économie
&. de la fageife de fon adminiilration.
Il étoit feul héritier de Madame fa m ère, & fpécialement chargé du f jin d’erécuter fon teilament, qui contenoit des legs confidéra! les.
A entendre Madame la Préfidente d’Abbadie .dans fon
Mémoire imprimé, (pag. 1 1 1 ) , fon mari n'a pas encore
acquitté une teule difpofition du teftament de Madame
fà mère, ôc s’eft montré par le fait incapable du foin qu’elle
lui avoit confié.
1
Com m e le menfonge prend dans cette caufe le ton
d’affurance qui ne convient
qu’à la vérité! voici des
quittances d’environ 30000 livres, que M . le Préfident
d’Abbadie a payées dans les deux premiers mois qui ont
fuivi le décès de Madame fa mère, pour 1acquit dune
partie des legs- contenus dans fon teftament. Elle lui
avoit accordé quatre ans de terme, à la charge de payer les
intercts ; il a mieux aimé en bon Adminiftrateur éteindre
ces intérêts que garder des deniers oififs dans fa calife.
�39
E t d’où provenoient ces 30000 livres? des épargnes
q u eM . le Préfident d’Abbadie avoit faites fur 40000 liv. de
rente. T e l eft l’Adminiftrateur que Madame fon époufe
veut faire interdire comme incapable d’adaiiniftrer. Y eutil jamais de plus folle entreprife ?
A la vue d’une adminiflration auili f a g e , fi le concours
du Miniftère public n’étoit point néceffaire dans cette
caufe , vous vous lèv erie z, M eilleurs, emportés par le
fentiment de l’équité qui vous prefle ; vous vous hâteriez
de confirmer ¡a Sentence du Châtelet, 6c de mettre fin à
cette perfécution.
Q u e Madame la Préiident.e d’Abbadie faiTe dans l’inter
valle
de
1781
à
1785* ,
des
approvifionnemens
de
certificats & de lettres miilives fur l’état de fon mari-,
qu’elle le faffe décl-rer fou par les correfpondans, incurable
par fon M édecin, & digne d’être enfermé dans une Maifon
de F c r c e ; qu’elle s’exerce avec fus fi.;ppôts à imaginer
des traits de folie , pour ies lu-' attribuer , qu’elle s’amufe à le couvrir de ridicules, & à en faire aux yeux dit
public un objet de cérifion : ces jeux de l’intrigue & de
la malignité n’effaceront point les preuves de l’économie
de M. le Préfident d’ALbadie, &. n’exciteront pas fur fon
compte les alarmes d e là J u llic e , qui n’eft point en peine
de favoir quelles ont pu être quelquefois i'es idées fugitives,
& à qui il fuffit de voir quelle cil dans tous les temps fon
adminiftration.
L es années 17??, &
1784 que M. le Préfident d’Abba
die a paffées en Bearn n’ont cm de remarquable à fon égard
que la ceffation
de fes fondions ; fon zèle l’aj pelloit au
P a la is .. mais une indiferétion cruelle, lui en interdifoit l’eu-
�\
40
trée. Ses deux lettres de 1731 , dont Madame fon époufe
'
¿toit nantie, avaient été colportées dans la ville de Pau-,
& y avoient répandu contre lui les impreilîons les plus fa-
cheufés. Il redotftoit les regards du public prévenu; il
c ra ig n o it d’avoir à rougir dans le fanchnire de la Juftice :
fa modeftie ne lui permetcoit pas de fonger que la tache
\ des accidens qu’il avoit éprouvés y feroit effacée par la
gloire qu’il y avoit acquife : fa retraite comme Mngillrac
prouve l’excès de fa ienlibilité de de fa déiicateife ; mais
fon adminifiraticn comme père' de famille prouve qu’il
eft en é t a t . d’adminiilrer par lui-même , 6c c’efi: le père
de famille qu’il faut juger maintenant, & non pas le Magiiîrat.
Le décès de Madame fà mère a été fuivi dtj près de ce*
lyi ci..; (leur de Bordn fon oncle- C e Fermier-Général eil
déeé-;é le 3 Novembre 17S4. Tous deux avoient confié
à M. le Préiï lent d’Abbadie l’exécution de leurs teflamens.
Iis ne s’étoie-nt point aveuglés fur fon état; ils le connoffeient mieux que Madame fon époufe, qui ne vivolt
pas avec lu i, fit ils lui avoient continué l:ur confiance
la plus entière jufqu’à leur dernier moment.
Madame la Prélidente d’Abbadie attendoit depuis 178^,
dans la maifon du fieur de B o r d a , l’ouverture de fa
fucceffion , refolue de s’en emparer à quelque prix que
ce fût. Elle, avoit lniffé jufqu’alors à M . le Préfident
d’Abbadie la libre ad mi nift ration de fa perfonne ôt de
fes bi ens, quoiqu’elle feignit de croire qu’il etoit depuis
1781 dans.un état de démence, fic elle sxétoit contentée
de s’emparer deux fois d’une partie de fes revenus; mais
quand elle vit deux ou trois millions que la fuccefiion
du fieur de Borda offroit à foa mari, elle ne garda plus
de
�ft
de m efu re, c’étoit le moment où elle devoit recueillir le
fruit de fes intrigues & de fes machinations.
M e Bourgeon, Procureur au C h â te le t, avoit aififté à
i’appofition des fcellés dans la maifon du fieur de Borda,
■en vertu de la procuration qiie M . le Préfident d’Aèbadie
& Madame fa mère avoient envoyée le premier Décembre
1785 , au fieur D etchegaraî, chacun pour fon
intérêt
perfonnel; cette précaution déplut à Madame la Préfideite
d’A bbadie, & lui rendit Le fieur Detchegaraî encore plus
odieux.
Il fe forma d’abord deux partis dans la famille, dont
chacun vouloit adminiftrer au nom de M . le Préfident
d’A b b a d ie, s’il reftoit en Péarn , mais qui fe réunirent
pour le faire interdire, quand ils le virent arriver à Paris,
dans
le deifein d’adminiftrer par lui-même.
Ces partis étoient compofés, l’un du Marquis & d e la Marquifedu Coudrai,l’autre de Madame laPréfidente d’Abbadie,
6c des intrigans qu’elle avoit aiTocics a fes efpérances. Ces
deux partis s’adreifoient à M . le Préfident d’Abbadie luim êm e, pour obtenir fa procuration. Lamarquife du Coudrai
agiiïoit avec fa franchife naturelle ; Madame ü’Abbadie
plus adroite faifoit mouvoir en fi faveur les reiforts de
l’intrigue. C ’eft dans leur correfpondance avec M . le
Préfident d’A b b a d ie , & dans celle des partifans de M a
dame la Prélidente d’Abbadie que
nous allons voir les
divers mouvemens qu ils fe font donnés pour obtenir fa
confiance, refolus de le perdre s’ils ne pouvoient pas y
réufiii*.
L a Marquife du Coudrai a écrit cinq lettres à M . 1»
F.
�' 42
*
'
Préfident d 'A bbadie, 1e s * , 9 , \S , 23 6c 47. N ovem bre
1784.
. Dans celle du fix , elle lui accufe la réception de fa lettre
du a i O fto b re p récéd en t, qui lui a f a i t , dic-elle, grand
plaijîr, &
qui par cette raifon ne pacoh point dans, la
caufe. E lle lui mande que les affaires de la fuceeffion du
iieur de Borda font Amples.
/
» Il feroit donc déiirable, ajoute-t-elle, que vous vinflïex
» ic i, pour les diriger vous-même.
Dans celle du n e u f N o v e m b re , elle lui demande fa pro
c u ra tio n pour un homme en qui elle a de la confiance^
rnais que M . le Préfident d’Abbadie ne co n ço it pas.
Dans celle du 16 f elle lui indique un autre Procureur
fondé, & lui envoye un projet de procuration.
Dans celle du 23 , elle lui accufe la réception de fa
lettre du 11 du même mois , qui ne paroît pas dans la
C a u fe , parce qu’elle eft bonne , & elle le prefle d’envoyer
Ci procuration à l’homme qu’elle lui a défigné.
Dans celle du 2 7 ., elle lui accufe la réception de fa
lettre du 1 3 , qui ne paroît pas plus que les deux autres,
& elle lui dit: « T o u tes vos peines, au p aflé, au préfent
» & à l’a v e n ir, ont é t é , font &
feront toujours
les
» m ien n e s, par mon attachement pour ma fa m ille , &
» pour vous en particulier.
I c i , M eilleu rs, fe préfente 11ne réflexion bien naturelle.'
L a Marquife du Coudrai & fon mari dont elle étoit
évidem ment dans cette occafion l’interprète & l’organe,
engagent M . le Préfident d’A b b ad ie, dans le cas où il
ne viendroit point diriger lui-même fes affaires, d’envoyer
fr procuration à un homme qu’il* lui défignent. Ils preférent
1
�un étranger à Madame la Préfidente
d’A bbad ie, qu’ils
ConnoiiToient par eux-m êm es, avec qui ils écoient dans
la maifon -du fieûr de B orda, ÔC qu’ils voyoient à Paria
depuis vingt mois. Ils ne la jugent point digne de la
confiance de fon M a ri; ils perfiftent pendant plus d’un
mois dans le .parti qu’ils ont pris de l’exclure des fonftiona
de fimple mandataire; com m ent l’intrigue a-t-elle pu de*
puis leur fafciner les yeux , & leur faire envifàger M . le
Préfident d’Abbadie com m e digne d’interdi& ion, 6c M a
dame la Préfidente d’Abbadie comme digne de la Curatelle?,
D e fon c ô t é , Madame la Préfidente d'Abbadie a écrit
deux lettres à fon M a r i, dans le cours du mois de N o
vembre 1784.
- » Je fens, lui dit-elle, dans la première en date du 6 ,
» com bien la perte de votre oncle va vous affliger, &c
» ;e voudrois bien
être avec vous pour adoucir votre
»chagrin . . . Je vous envoye une expédition du tefp tament de votre o n c le , par laquelle vous verrez les
» preuves qu’il vous donne de l’attachement particulier
» q u 'il avoit pour vo u s, en vous nommant fon E xécuteur
» teftamentaire. L es fcellés ont été appofés ; vous appren» drez avec le plus grand étonnement que M . D etch e» garay, abufant d e là procuration que vous lui avez don
» n ée, conjointem ent avec feue M adame votre m ère, s’eft
» préfenté avec un Procureur au ChâteJet, pour aflifter à
» l’appofition des fcellés; cette démarche a caufé un vrai
» fcandale dans 1* maifon j il aurait dû fa v o irq u e , dans
» les circonftances où nous nous trouvons, il riy a que
v moi (¡ni
vous repréfenter, & porter à vos'intérêts
» & à ceux de nos enfans toute l’attention cu’ik mûrirent u.
■
�44
( le S r d’Etchegaray ne favoit pas cela ; il penfou à cet égard
comme le Marquis ôt la Marquife du Coudrai, comme toute
la famille, & comme M. le Préfident d Abbadie lui-même).
L es tentatives du Marquis & de la Matquife du C o u
drai, pour faire donner à un étranger la procuration de
M . le Préfident d’Abbadie, dans le cas où il ne viendroit
pas diriger lui même fes affaires, jettoient Madame la
Préfidente d’Abbadie dans un grand embarras. E lle n’ofoit
pas leur réfifter ouvertement
ni demander pour elle-même
la procuration de fon mari, dont elle ne pouvoit pas fe difiîmuler qu’elle avoit perdu la confiance. E lle prit le parti de
la faire folliciter par des tiers, & pour mieux ailurer fon fucc è s, elle invita M . le Préfident d'Abbadie à confuiter, fur le
choix de fon mandataire, des Avocats de Pau , qui, prévenus
par les agens de Madame la Préfidente d’A bbadie, devoient
naturellement lui donner la préférence; en tout événement,
elle fongea à attirer M . le Préfident d’Abbaçlie à Paris, dans
le foyer de la confpiration, pour avoir la facilité d’obtenir
fa confiance, ou de le perdre s’il la lui sefufoir.
» Il eft trop jufie, lui difoit-elle, par fa. lettre du &
» N ovem bre 1 7 8 4 , que fur des affaires ayifi importantes
» vous preniez un parti avec nos confeils & nos amis
» communs; le meilleur de tous, feroitr, mon cher mari,
» d e vous rendre ici; vous e n
sen tez
» vos a f f a i r e s
présence.
e x ig e n t
vo tre
la
n é c e s s ité ,
V ous fentez
» tout l’embarras qu’éprouveroient les affaires, fi nous ne
x pouvions les traiter que par correfpondance ; je ne puis
» vous le diifimuler, je ne laiife pas d’avoir bien des
» chofes à fouffrir, par les altercations fréquentes qui me
» font faites de la part de M . le Marquis & M adame la
�4Î
»M arquife du Cdudrai. Sans>douter que M . Huftafti: 'ner
» manquera pas de vous écrire pour vous faire part dç<
» Tes obfervatigns fur la conduite £i tenir.
M ?. H ü t t e a u .A v o c a t en la C o ur , étojt depuis dix ans
iam i de M . le Pfélident d’Abbadie , fon confeil & fon
défenfeur dans toutes fes caufes ; ce n’avoit été; que dans
celle,des 35,000 livres enlevées par Madame la Préfidente
d!Abbadie. qu’il avoit cédé à M u. Martineau le foin de le
défendre. Il écrivit à M. le Président d’Abbadie le 8 N o virnbre >784, uné longue lettre dans laquelle il fe plaint
d’.abord , de ce que le fieur d’Etche^aray.a.aififté aux fcellés
en vertu de fa procuration générale* ’( Madame la Préfi
dente d’Abbadie s’en plaignoit auflî ) & lui marque qu’il
ne peut fe difpenfer de défavouer ce qu’afait le Procureur
au Châtelet d’après cette procuration gén érale, dont il a ,
ajoute-t-il , (i indignement abufé. ( Q u e l grand abus pouvoiril donc y avoir dans la iimple ailiftance du Procureur de
M . le Préfident d’Abbadie à l’appoiition des fcellés ! )
« L e vrai mot de tout c e la , continue M e. Hutteau j eft
» l’avidité du Procureur au Châtelet qui, pour fon intérêt
» perfonnel, n’a pas craint de faire un aile injurieux à v o u s ,
» M . le Préfident, & à votre famille.
» C e premier point arrêté, qu’allez-vous faire aihielle» ment? Il y a les fcellés à le v e r, l’inventaire à faire; if
» faut prendre qualité
dans la fucceiTion, délivrer
les
» legs, & c . Pour toutes ces opérations fi férieufes, fi im» portantes , qui embraiTent des objets fi confidérables ,
» J e CROIS QUE VOTRE PRÉSENCE SEROIT ABSOLUMENT INDIS-
jd p e n s a b l e . ( Madame la Préfidente d’Abbadie le lui avoit
» marqué auiTi) au moins ne pourroit-on fuppléer à votre
�» abfence que par une procuration méditée & concertée
» pour que vos intérêts ne puiflent être compromis en
» rien; mais q u a n d il s’agit de procuration , il y a toujour*
» deux
ch o fes
eflentielles à confidérer , l e c h o i x
de la
» p e r f o n n e qui n o u s reprefente, & l’objet des pouvoirs
» q u ’ o n l u i donne.
M e. Hutteau a eu la difcretion de ne pas s’expliquer
ouvertement fur le choix de la perfonne; il favoit qu'il
n’étoit pas aifé de faire tomber ce choix fur Madame la
Prélidente d'Abbadie ; il a renvoyé à cet égard M . le
Préfident d’Abbadie à fes Confeils de Pau. (M adam e la
P ré fid e n te d’Abbadie l'y avoit renvoyé auiïi)
» O n doit vous laiiler le temps , difoit-il, de prendre
» votre parti avec les Confeils éclairés que vous avez à
» Pau ; peut-être aufTi defirerez vous avoir le temps de
» vous entendre, & de vous concerter avec moi.
11 entre enfuite dans une diflertation profonde fur les
qualités & les droits de M . le Préfident d’ A bbadie, dans
la fucceiïion de fon o n c l e , & il finit par lui dire:
i° V o i l à , M . le Préfident, mes obfervations; Je vous
i .es
soum ets
; que ce fuffrage eft précieux pour M . le
Préfident d’Abbadie ! c’eft un Jurifconfulte , fon ancien
C o n le il, le Confeil dciigné de la Curatelle, qui lui foumet
.les obfervations, au mois de N ovem b e 1 7 8 4 , à la veille
de la pourfuite de fon interdiction.
M e. Hutteau étoicTi éloigné de regarder M . le Préfi
dent d’Abbadie comme infenfé , qu’il lui a écrit dans le
courant du même m o is, trois autres lettres., dans l’une
‘ tlefqùelies, qui eft du 27 N o v e m b re , il lui recommande
fur-tout de ne donner fa procuration qu’à une perfonne
" ’il ço;;ncîi;.i panic^Hèrencnt & par Uti-mcmcy. cîe co:i-
�*7
fulter à P a u , fur fon c h o ix , & de né pas compromettre
fa fortu n e, par ¡es fa its de quelque, krangtr qu’il ne connût*
iroitpas.
C es derniers mots tendoient à i’excluficm du Procureur
/
fo n d é , défigné par le Marquis 6c la M arquife du C o u d rai,
qui écoit inconnu à M . le Préfident d’Abbadie ; exhorter
d'ailleurs c e Magiftrat à confulter fur le ch oix d’un man
dataire, à Pan où M adame la Préfidente d’Abbadie avoit
des
agens qui lui étoient aveuglém ent d évo u és, c’étoit
s*aiTurer qu’elle feroit défignée par préférence à tout
autre.
M . de C h e ra u te , Confeiller au Parlement de P a u ,
a prévenu l’avis des A vocats ; il fe flattoit apparemment
d’avoir aiTez de crédit auprès de M . le Préfident d’A b b a d ie,
pour déterminer fon choix en
faveur de M adame fon
époufe. I l lui a écrit à ce fujet, le 27 N ovem bre 1784.
» Sans doute, lui d it-il, que le foin de cette importante
» fucceflion vous d¿terminera d’aller à Paris , Ci votre
» fanté vous le permet ; 6c fi elle ne vous le perm ettoit
x> p a s, vous donnerez, votre confiance à quelqu’ un.
» C e foin regarde naturellement M adame la Préfidente
» d’A bbadic, . . . j’apprends avec le plus v i f chagrin qu’on
» travaille à voue déterminer à lui refuier votre confiance,
» 6c à la donner à d’autres . . .
S i vous ne com ptez
» pas fur fon exp érien ce, ôc fur le choix qu’elle feroit d’un
» bon C o n fe il,
qui vous e m p ê c h e , M o n fieu r, de lui
» en indiquer u n ,
de l’avis de
qui elle fe conduira,
» SUR LES INSTRUCTIONS QUE VOUS LEUR DONNEREZ ü ’iCI.
» J e penfe donc M onfieur, que la re lig io n , l’honnêteté
» & la décence vous impofent la loi d’accorder votre
�»"confiance à ¿elle qui unie à vous par les liens les plus
» facrés, partage-. . • votre tendrdfe pour vos enfans,
» & tous les biens 6c les maux qui vous arrivent, & c. & c .
R e m a r q u e z , Meilleurs, le iuffrage honorable qui réfulte
de te lettré de M . de Cheraute, en faveur de M . le Préiident
d’Abbâdie.
G ’eil un Magiftrat
du
Parlement de 'Pàu^
qui juge M . le Préfident d ’Abbadie capable de diriger
P a r ses i n s t r u c t i o n s
perfonnelles Madame la Préiidente
d’Abbadie ôc fon Confeil.
Devoit-on s’attendre à voir
ce Magiftrat ouvrir.peu de temps après, dans une aifemblée
domeftique, l’avis de l’interdi&ion
de M . le Préfident
d’Abbadie?
Q u o i qu’il en fo it, M . le Préfident d’Abbadie n’a pas
c r u , malgré fa déférence pour les lumières de M . de
C héraute, que la religion lui impofât la loi de confie^
à fou époufe le maniment de deux ou trois millions.^
& il ne fç fentoit pas naturellement difpofé à la charger
du fardeau d u n e adminiftration auifi importante. Cepen
dant comme M e H utteau, fon con feil, en qui il avoit mis
toute fa confiance, l’ exhortoit à confulter des Avocats
de P a u , fur le choix d’un Procureur f o n d é , dans le cas
fih il ne vi en droit pas à Paris, & qu’il* héiitoit de faird
ce voyage dans le mois de Décembre 1 7 8 4 , il a chargé
le fieur A bbé d’Erchegaray • fon coufin., fon am i, & fort
voiiin dans le pays de S o û le , où il étoît alors, d’ailer
prendre à Pau l’avis de ces Jtirifconfultes, fe refervant
de prendre enfuite par lui,- même tel -parti qu’il jùgeroit
convenable.
ta
quefiion a
été
propofée aux A vocats de P a u ,
dépouillée dçs circonflances particulières qui auroient pu
éclairer
�49
éclairer leur opinion. Us ont décidé que fi M . le PréiHent
d’Abbadie n’alloit point diriger lui-même fes affaires à
Paris, il devoit
envoÿer fa procuration à Madame fon
époufe. Mais M . le Préfident d’Abbadie s’eft déterminé
' à fe rendre dans cette C ap itale, malgré la rigueur de la
faifon, malgré l’accablement dans lequel l’avoit plongé la
mort de la mère & de fon oncle.
11 eft arrivé à Paris le 29 Décem bre 1784., avec l’Abbc
d’Etchegaray ; Ils fe font réunis dans l’hôtel du fieur de
Borda à Madame la Préfidente d’Abbadie , à íes enfans., au
Marquis & à la Marquife du Coudrai. Il n’étoit point de
la dignité de M. le Préfident d’A bbadie, d’aififter jour
nellement aux opérations préliminaires, telles que la levée
des fcellés & l’inventaire, 6c comme ces opérations étoieut
urgentes , &
que la Marquife
du
Coudrai
lui
avoit
mandé dans toutes fes lettres qu’il n’y avoit pas un inftant à
perdre, il a d o n n e le 30 Décem bre 1 7 8 4 , une procura
tion fous feing p rivé, en attendant que la fatigue du
voyage lui permît d’aller la donner pardevant 1Notaire ,
au fieur d’Etchegaray fon coufin , dont il avoit éprouvé
le zèle & la fidélité dans diverfes occafions, & fmgulièrement dans l’affaire des 3.6000 livres dont il lui avoit
fait reflituer m e partie. ■
» M a is , a-t-on d it, M . le Préfident d’Abbadie en don» nant au fieur d’Etchegaray le pouvoir
d’aflifter à la
» le v é e des fcellés, & à la confettion de l’inventaire,
» lui a d o n n é aufii le pouvoir de fe faire remettre le?
' j» titres & papiers de la fucceifion : il a livré une fortune
» immenfe à un homme fans état, &
qui avoit( deux
G
�»procès,
S °t
l’un en la C o u r , l’autre au C h â te le t, où il
» avoir été décrété d’ajournement perfonnel. Madame la
» Préfidente d’Abbadie n’a-t-elle pas dû s’alarmer en voyant
» la confiance de ion mari ii mal placée, & prendre les
» mefures les plus promptes pour en prévenir l’abus ?
N o n , Madame la Prélîdente d’Abbadie ne devoit nifuf*
peder le fieur d’Etchegaray à raifon de ces procès, ni
faire interdire ion mari , fous ce prétexte.
D ’abord, quel étoit le fujet des deu< procès que le
fieur d’Etchegaray avoit au commencement de l’année
178 j ? le voici.
i°. L e fieur d’Etchegaray avoit fait faifir une manufac
t u r e , fife à Paris, appartenante au fieur Texada Efpagnol,
fon débiteur d’une famine d’environ 20000 livres.
Le
fieur A rra g o n ,
autre Efpagnol j neveu du fieur
T e x a d a , avoit formé oppoiition à la iaiiïe, fous prétexte
que fon oncle lui avoit vendu peu de temps auparavant
cette manufadure.
L e fieur d’Etchegaray a foutenu que cette vente étoit
frauduleufe & n u lle , & l’a fait juger telle au Châtelet
avec dépens, dommages & intérêts.
Sur l’appel , le fieur Arragon a fait juger cette vente
fincère & valable.
L e tort du Sieur
d ’E tch ega ra y, dans ce p ro cès, a
donc été de n’avoir pas deviné avant de faifir la manufa& ure, que fon débiteur l’avoit vendue à fon neveu , &
d’avoir
cru
enfuite que
cette
vente
étoit
fimulée &
frauduleufe ; cette opinion que les Juges du Châtelet
avoient adoptée , ne le rendoit certainement pas indigne
tîc la confiance de M . le Préfident d’Abbadie.
�u
2*. L e procès pendant au Châtelet n’étoit pas plus grave*
L e Sieur A rra gon , débiteur d’une lettre de ch a n g e,
dont le fieur d’Etchegaray tftoit porteur, lui avoit mandé
en 1783 , qu’il ne la payeroit pas, & qu’il ne craignoit
point Tes pourfuites, parce qu’il s’étoit mis fous la pro•te&ipn. du
Confeil
de Caitille. L e fieur
d’Etchegaray
l ’avoit menacé de faire connoître fa mauvaife f o i , dans
les places de com m erce, s’il ne payoit pas. L e fieur
Arragon avoit reconnu fon to rt, & avoit payé.
Plus d’un an après, dans le mois de Janvier 1785',
dans ce môme mois où Madame la Préfidente d’Abbadie
envoyoit à Pau
le pouvoir de pourfuivre l'interdiction
de fon mari , J e fieur Arragon s’efl laiffé perfuader qu’il
falloit faire un procès
criminel au fieur d’ Etchegaray,
fur les prétendues injures qu’il lui avoit écrites en 1783.
Il a rendu plainte, ôt a furpris contre le fieur d’E tche
garay un décret d’ajournement perfonnel, qui eft intervenu
à propos pour accompagner à Pau la procuration tendante
à l’interditlion de M . le Préfident d’Abbadie.
M a is , qu’eil-il arrivé ? une Sentence du 24
Janvier
17 8 5 , a déclaré la plainte calomnieufe & vexatoire, a
déchargé le fieur d’Etchegaray de l’accufation , Ôc a
condamné le fieur Arragon aux dommages fit intérêts,
& aux dépens.
L e fieur Arragon a gardé le filence pendant près d’un
an: il vient d’interjetter appel de cette S e n ten ce, depuis
que la plaidoirie eit engagée en la C o u r , entre M . le
Préfident &
Madame la Préfidente d’A b b a d ie , comme
fi ces deux caufes étoient faites pour marcher enfemble,
G ij
�p
& ponr fe prêter un fecours mutuel. Mais quand le fieur
Arragon feroit juger que le fieur d’Etchegan.y a eu tort
de fe plaindre à lui-même & à d’autres, de la mauvaife
foi avec laquelle il lui-refufoit en 1 7 8 3 , le payement
d’une lettre de change, quand il feroit accueillir une
plainte en injures rendue après plus d’ un an de filetice,
ce
qui répugne aux principes , cet événement n’enta-
cheroit point l’honneur du fieur d’Etchegaray, & ne le
rendrait pas indigne de la confiance de M . le Préfident
d’A tb a d ie.
Madame la Préfidente d’ kbbadie a donc eu tort de
feindre des alarmes pour la fortune de fon m ari, à raifon
des deux procès que le fieur d’Etchegaray avoit en 1785",
ôc j h s grand tort encore de l’avoir peint récemment
fous ce prétexte, comme un homme fufpeft, connu dans
les rI ribunatJx, & indigne de toute confiance.
Si M. le'Préfident d’A b b a d ie, en donnantau fieur d’Etche
garay le pouvoir d’aififter à la levée des
fcellés & à
l ’inventaire , lui a donné en même temps le pouvoir de
fe faire remettre les titres & papiers, il ne l’a pas autorifé
par là à toucher les effets au porteur, ni les deniers de
la fucceifion : l’argent comptant & les effets au porteur
ne font point compris fous Ja dénomination vague de titres
& papiers : onpourroit comprendre tout au plus, fous cette
dénomination , les contrats , les obligations , h’ s billets
à ordre ; mais ces fortes de titres de créance n’auroient
jamais pu courir aucun rifque dans les mains du fieur d’Etche
garay , puifqu’il n’étoit pas autorifé à en toucher le montant,
& à en donner quittance. Si M. le Préfident d’Abbadie
lui avoit confond un pouvoir aufli étendu , le lien du
�ir
f a n g , l’exemple de Madame fa m ère, Ôcla fidélité éprouvée
du fieur d’Etchegaray auraient iuPiifié fa confiance. Madame
d’Abbadie deman Je que la curatelle onérairefoit déférée au S r
Olivier, homme fans ¿ ta t, fans confiftance, décrété à la R e
quête de M. le Préfident d’Abbadie , pour fouilra&ion de
papiers de la fuccelîion du fieur de Borda; elle veut confier
à cet étranger la fortune de l'on mari, & elle fait un crime à
fon mari d’avoir voulu confier à fon coufin des titres 6c pa-,
p iers, qu’il n’a d’ailleurs jamais eus, qu’il n’a jamais réclamés,
& dont il ne pouvoit pas toucher le montant; 6c elle fe
flatte de colorer fous ce prétexte une interdiction odieufe
dont elle faifoit les préparatifs fecrets depuis quatre ans,
& qu’elle a pourfuivie après que le fieur d’Etchegaray a eu
requis lui-même le dépôt des effets 6c des deniers comp
tant de la iuccefiion ?
Mais li c’eft la crainte que le fieur d’Etchegaray n’abusât
de la procuration de M. le Préfident d’A bbadie. qui a
déterminé les pourfuites de Madame d’A bbadie, pourquoi
les continue-t-elle depuis u nan que le fieur d’Etchegaray
s’eft défifté de cette procuration ?
La procuration donnée au fieur d’Etchegaray n’eit évi
demment que le prétexte des pourfuites de Madame d’A b
badie; fon vrai m otif a été le refus qu’elle a efluyé d’une
procuration, à l’effet d’admir.iftrcr. La procuration ou l’interdittion: c’étoit le dernier mot d e là cabale : je le trouve
dans la lettre de M e Lom bard, A vo ca t à P a u 3 à Madame
d’Abbadie, en date du 3 D écem bre 178 4 , (p a g e 58 de
fon Mémoire imprimé).
» S ’il a un moment heureux , il reconnoitra la fageife ,
�» lanéceilitéde l’avis, (lavis des Avocats de Pau concernant la
» procuration) il l’exécutera.
» S ’il ne le fait p a s, lavis fera votre premier titre pour
» les mefures que vos intérêts communs exigent ».
E t ces mefures étoient, comme l’événement l’a prouvé
bientôt après, l’interdi&ion de M . le Préfident d’Abbadie.
Il étoit donc décidé que M. le Préfident d'Abbadie fe
démettrait de fon adminillration dans les mains de Madame
fon époufe, ou qu’elle pourfuivroit fon interdi&ion.
Il a annoncé ouvertem ent à fon arrivée à Paris, l’in
tention dans laquelle il étoit d’aJlminiftrer par lui-même :
M adam e d’ A b b a d ie &
fes aifociés ont
aulïitôt travaillé
fourdement à le faire interdire.
L e 26 Janvier 1 7 8 ? , à h premiere vacation de levée
des fcellés, le fieur d’Etchegaray a confenti, de fon propre
mouvement, fans que pe.rfonnc l'eût requis, que les effets
au porteur, ôc les deniers comptans de la fucceifion fuifent
remis à M c Quatremere, N o ta ire , qui s’en chargerait,
comme dépofitaire judiciaire. Il en a été référé pardevant
le fieur L ieutenan t-C ivil, qui, par fon ordonnance du même
j o u r , a donné a¿le au fieur d’ Etchegaray
confentement , & a
ordonné qu’il feroit
de fes dire &
procédé à la
reconnoitlance & levée des fcellés, & à l’inventaire , à
la requête de M . le Préiideut d’ /Vbbadie; en conféquence,
lès deniers comptans Sc les effets de la fucceifion du fieur
de Borda paifoient dans les mains du Notaire Sequeftre , à
mefure qu’ils fortoient de deiTous les fcellés.
M . le Préfident d’Abbadie étoit avec fon époufe , ôc
ne fongeoit pas à s’éloigner d'elle , quoiquelle l’eut accou
tumé à vivre f e u j, par un long divorce. L a fucceilion
�¿toit en dépôt, & ne couroit aucun rifqu e, en attendant
le partage auquel M . le Préfident d’Abbadie vouloit aiïlilet
lui-même ,
mais qui n'étoit pas li prochain.
Il n’a voit
eu recours jufqu’alors qu’à M c Babille fon nouveau C o n f e il,
pour les ?. flaires de la fucceillon , & à M e Hutteau fon
Confeil ancien & habituel, comme il venoit de le ddclarer
à la vacation du a i Janvier 17 8 y : c ’eft dans ces circons
tances que , par a d e du 30 du même mois , Madame
d’A'bbadie a donné pouvoir à un Procureur au Parlement
de Pau ,
dt.‘ pourfuivre l'interdiction de fon mari , ôc
de demander la curatelle honoraire pour elle, h curatelle
onéraire pour le fieur O liv ie r , à la charge de lui rendre
compte tous les trois mois , ôc la nomination de M c Hutteau
pour confeil de la curatelle.
» Si mon mari avoit été à m oi, a-t-elie dit à cette audience,
» jamais je n’aurois fongé à le faire interdire ».
A qui étoit-il donc dans le mois de Janvier 178$’ ,
quand vous avez envoyé-à Pau le pouvoir de pourfuivre
fon interdittion ? A qui étoit-il dans le mois de F évrier,
quand vous l’avez pourfuivie ? N ’étoit-il pas à vous, & à
vous feule? N e demeuroit-il pas avec vous & avec vos
enfans ? Il étoit fans défiance au fein de fa famille, &
vous aviez profcrit fa tête ; il vous traitoit comme fon
époufe , ôc vous contempliez en lui votre victime ; il
vous auroit confacré fa vie , ôc dans l’attente de fa mort
civile que vous aviez demandée , vous comptiez le peu
de jours qui lui reftoient en core, impatiente de voir arriver
le^dernier : voilà donc le prix du facrifice qu’il avoit fait
de toutes fes prétentions, en vous donnant fa main ; voilà
la récompenfe de 1 amitié qu’il vous avoit v o u é e , & des
libéralités dont il vous avoit comblée par votre contrat de
�mariage. C e t o î t pour le faire interdire à P a u , à fon in rç u ,
que vous l’aviez invité à fe rendre à Paris : c étoit pour lui
porter des coups plus surs, que vous l’aviez attiré auprès
de vous : eft-ce ainfi qu’une époufe remplit le devoir que
la religion & l’honneur lui impofcnt ? eil-ce ainfi quelle
garde la foi jurée au pied des autels ?
P R O C É D U R E S .
L a requêteàfin d’interdidion d e M . le Préfident d’Abbadie
a été donnée au Parlement de Pau, le 18 Février 1787 ,
& répondue d’une Ordonnance portant que les parens
amis feroient aiTemblés pour donner leur avis.
L e 2 Mars fuivant, Madame d'Abbadie a fait convo
quer une aflemblée dans la ville de Pau. Aucun des proches
de M . le Préiident d'Abbadie , aucun de íes amis n’a été
appellé : l’afTemblée étoit compofée de M . de Cheraute, des
lieurs D a b e n fe , Darberats , laF orcade & Loufl.au , parens
& alliés à un dégré très-éloigné & preique tombé dans l’oubli.
A ces cinq parens & alliés fe font joints les fleurs Defpalungue & de Peyré , que M. le Préfident d’Abbadie n’avoit
jamais comptés au nombre de fes amis , & ls fieur de
Peborde que Madame d’Abbadie avoit admis d’autant plus
volontiers parmi les fiens, qu’il étoit le neveu de fon M éd e
cin, du fieur Borie qui lui avoit expédié fiofficieufementpour
fon mari en 1783 & en 1784 deux certificats de démence.
Ces parens éloignés , & ces fçjj - difans amis fc font
aiïembiés pardevanr M . de Sajus , R ap p orteu r, qui n’a
pas jugé à propos de leur faire prêter ferment.
On
a mis fous les yeux de l’aflemblée; i°. les deux
lettres de M . le Préfident d’Abbadie de
1 7 8 1 , qui ne
prouvoient rien pour fon état atluel en 178 ; ; 20. les deux
certificats
�n
certificats du fieur Borie des 6 Mai 1783 , & 6 Février
1 7 8 4 , fruits honteux d e l à furprife la plus inanifeile, ôc
d e là machination la plus odi<Mjfe; 30. la procuration donnée
au fieur d’E tchegaray, le 9 Janvier 1 7 8 ? , tendante à des
attesconfervatoires, & dont il n’avoit fait d’autre ufage que
d’affifter à la levée des fcellés ;4°. le Procès-verbal d e ie v é e
des fcellés du 26 du même m ois, par lequel il paroiifoit
que le fieur d’Etchegaray avoit requis lui-même , ôc fait
ordonner le dépôt des effets au porteur ôc des deniers comptans, qu’il n’avoit point d’ailleurs le pouvoir de toucher.
Il n’étoit pas aifé de trouver dans ces pièces une caufe
réelle des alarmts que Madame d’Abbadie feignoit d’avoir
pour la fortune de fon mari : cependant les parens & amis
de Pau ont apperçu , comme ils fo n t dit dans leur avis ,
un danger imminent de voir difparoître dans les mains du
fieur d’Etchegaray, un million ôc demi d’effets au porteur,
qui n’étoient point dans les mains du fieur d’E tchegaray,
ôc dont il avoit requis lui-même , ôc fait ordonner le dépôt
dans celles de M° Q uatrem ere/N otaire.
Il
n’étoit pas aifé de trouver dans ces pièces la preuve que
M . le Préfident d’Abbadie fût dans un état de démence: auffi
les parens ôcamis de Pau ont-ils atteflé dans leur avis la noto
riété publique; ce témoignage fi incertain par lui-même, que
chacun invoque à fon gré , qui n'efl: fouvent que le langage
de l’impofture répété par la crédulité, qui ne tient jamais
lieu de preuve au Tribunal de la L o i , ôc qui mérite com
munément fi peu de créance au Tribunal de la raifon.
Ils ont attefte aufîi leur connoiifance perfonnelle: mais il«
n’avoient point fait ferment de dire la vérité.
Ils ont été de l’avis de l'interdiction.
H
■ N
�*8
: C e t avis a été homologué par provifion, par un arrêt du
3 Mars 1787 , qui en interdifant M. le Préiident d’A bbadie,
ordonne que. Madame d’Abbadie fera fa curatrice hono
raire , aura foin de lui dans fa maifon , ôc lui fera adminiftre'r tous les fecours de M édecine & de Chirurgie néceffaires à fon état & à fa fituation ; que le Heur O livier fera
fon curateur onéraire, & M e Hutteau,Confeil delà curatelle,
& au principal, renvoyé les parties à l'audience.
C et arrêt doit paroître bien extraordinaire : M. le Prtifide'nt d’Abbadie eft jugé fou , par provifion, comme s’il
ne fai loi t pas juger par provifion qu’un homme eil dans
ion état naturel, qui eft un état de raifon. Un Magiftrat du
premier rang eft interdit au Parlement de Pau , avec la
même facilité qu’un citoyen, eft ail-igné devant les autres
Tribunaux, pour y défendre un mince intérêt. Fortune,liber
t é , magiftrature, exiftence civile, tout lui eft enlevé à la fois
fans aucune forme de procès : il eft écrafé par un arrêt fur
req u ête, comme par un coup de foudre: qui ne trembleroit
à la vue a ’un événement de ce genre! quel moyen l’homme le
plus fage auroit-il d e fe garant.r d’une pareille interdiction !
N e croyez point , M M . , que le Parlement de Pau
foit dans l’ufage d’interdire, pai provifion, (ans inftruction préalable , ceux qui font accufés de démence. O n
pou rroit, a-t-cn d it, citer cer.t arrêts qui confucrent cet
ufage , & on n’en cite pas un feul ; mais je vais en citer,
moi , qui établifl'ent un ufige contraire, & qui font d autant
plus frappans, qu’ils ont été rendus au Parlement de Pau ,
dans le temps même où finterdiclion provifoire de M. le
préfident d’Abbadie y a été prononcée.
L e Parlement de Pau étoit faiii au mois de Février
�170^ , de deux demandes à fui d’interdidion pour caufe de
démence , formées l’une contre M . le Préfident d’A bbadie,
l’autre contre, le fieur Cataîy , Huiilier de i’Univerlicé de Pau.
V ou s favez , Meilleurs , quelle marche a été .fume à
l ’égard de A4 , le Préfident d’Abbadie : le 2 M a rs, avis
d’une
poignée
de parens éloignes , &
de foi - difans
amis ; le lendemain Arrêt qui prononce l'interdiction pro
vifoire de ce Magîftrat : jamais procédure ne fut auili rapide
dans une nutière auili gruve.
La marche qu’011 a fuivie à l’égard du Bedeau de l’Univerfité a été plus lente fie plus folemnelle. La voici. D ’abord
avis de parens tendant à l’ipterdidion : mais point d'interdic
tion provifoire.'Arrêtdu 2 6 Février 178^ , rendu au rapport
de M. d’A u g e r o t , qui ordonne , avant faire droit, la vifice
du Bedeau par deux Médecins. L e premier Mars fuivant,
rapport des Pvlédecins qui déclarent que le fieur Cataly eft
dans un aifaiiTement qui le rend incapable de foutenir fes
idées. N ’ijiiporte, point d’interdi&ion provifoire : Arrêt
du 8 du même mois qui renvoye les Parties à l’audience.
L e ilippôtde l’Univerfité furvit à l’avis de fa famille & au
rapport des 7Æédecins, & le Magiftrat eil facriliéau premier
vœu formé pour fa perte.
N e dites donc pas que l’ufage du Parlement de Pau eil:
d’interdire par proviiïon fur un fimple avis de parens ceux
qui font accufés de démence ; fit à qui perfuaderez vous
qu’un Corps de Magiftrature fe foit formé une Jurifprudence auili étrange & auili dangereufe : à Pau comme à Pa
ris, l’état civil eil facré, 6c 11’eft point le jouet de l’opinio.!
ou du caprice d une pviignçe d’hommes privés qui peuvent
ailéiiient fe laifisr féduire & devenir, même fans le favoir,
H ij ‘
�6o
les inflrumens de l’intrigue & de la cupidité. L e citoyen
n’eft point l’efclave de fa famille, il eft l’enfanc de la l o i , &
la loi défend de l’interdire, fans la plus grande connoiiîance
de caufe. Obftrvarz prœtorem opportebit ne cui temcrè dira
caufœ coonitionemplenifjimam curatorem dct.
L e Parlement de Pau interdit quelquefois par provifion
ceux qui font accufés de prodigalité, ôcdont les diiïipations
font apparentes. Cette Jurifprudence eft fage ; le prodigue,
aliène valablement fes biens jufqu’au moment de ftfn interdiûion; il pourroit confommer fa ruine dans vingt-quatre
heures, & rendre, inutile la veille le fecours que la loi lui apporferoit le lendemain.-Mais l’interdidlion de l’infenfé a un
effet rétroa&if au jour où la démence a commencé ; elle eft
à la fois un préfervatif pour l’avenir, &: un remède efficace
pour le pafle. Rien n’exige donc qu'elle foit prononcée
par provifion comme l ’interdittion du prodigue. D'ailleurs
l’homme accufé de' prodigalité qui fe relève de fon inter
diction provifoire peut dire qu’il n’a rien perdu dans l’opi
nion publique; mais celui qui
eft interdit par provifion
pour caufe de démence, reçoit dans fa perfonne, & tranfmet à fes defeendans une tache
dont ils ont à rougir
pendant des fiècles. Plus cette tache eft difficile à effacer,
plus il faut héfiter de l’imprimer furja perfonne du cito yen ,
& principalement fur la perfonne du Magiftrat qui eft revêtu
d’un cara&ère facré,qui eft l’homme de la loi & delà patrie.
Nous pouvons le dire hardiment : l’interdi&ion pro
vifoire de M . le Préfident d’Abbadie n’a point d’exem
ple : c’eft un de ces évènemens extraordinaires qui frappent,
qui éto n n en t} & dont la caufe eft un myftère difficile à
découvrir.
�6i
Madame la Préfidente d’Abbadie vante l’Arrêt du Parle
ment de Pan du 3 Mars 178s" , quoique caflé, comme un
témoignage toujours fubfiflant de la démence de Ton mari :
mais cet Arrêt a été cailé principalement parce qu’il n’étoit
point fondé fur une~ preuve certaine de cette prétendue '
demence; c o m m e n t pourroit-il donc tenir lieu de preuve?
d’ailleurs le témoignage qu’on voudroit faire réfulter de
cet Arrêt ne paroitro.it pas bien impofant ii l’on remontoit
à fa four ce.
En e ffe t , l’Arrct du 3 Mars 1785’ , qui interdit par pro'
viiîon M. le Préfident d’Abbadie ne fait qu’homologiter
par provîfion l’avis des parens ôc amis de P a u , dont il
répète mot à mot les difpofitions.
C e t avis n’a d’autre bafe apparente que les certificats
des 6 Mai 1783 & 6 Février 1 7 8 4 , qui conftituent M. le
Préfident d’Abbadie depuis 1 7 8 1 ,
dans un état de de-
mence.
Ces certificats téméraires & faux font évidemment l’effet
de la collufion de Madame d’Abbadie avec fon M édecin
de Paris, qui y attefte le prétendu état de démence do
M . le Préfident d’Abbadie en Bearn , où il ne l’a jamais
v u , & qui l’attefte fur la parole de Madame la Préfidente
d’Abbadie.
En remontant à la fo u r c e , on voit que le témoignage
réfultant de l’interdifliion provifoire de M . le Préfident
d’Abbadie eft le témoignage de Madame la
Préfidente
d’Abbadie elle-même , tranfmis par elle à fon M édecin
de Paris , par fon M édecin de Paris , aux parens de Pau , 6c
par les parens de Pau au Parlement qui par provifion a
homologué leur avis.
M . le Préfident d’Abbadie continuoit de vivre avec fa«
�¿2
dpoufe ; il ne favoit pas qu il dtoit interdit. Il vo yo it.fa
curatrice, fou c u r a t e u r , le confeil de la curatelle, tous
les conjurés qui feig noi en t d ctre fes amis, 6c dont fa maifon dtoit le repaire. Aucun ne lui faifoit preiTentir l'on triils
fort ; toutes les bouches dtoient muettes en fa prdfence ,
tous les vifages dtoient fereins; la Marquife du Coudrai
feule pouifoit de temps en temps des foupirs en regardant
ion Acre , & ajloit cacher les larmes qui s’dchappoient dé
fes yeux, & que la cabale ne lui auroit point pardonne'es.
C e ft une lettre derite de Pau qui a appris à M . le Prdfident
d’A bbadie, à la fin du mois de Mars 178 ; , qu’il dtoit inter
dit comme fou depuis le commencement du même mois.
Q uel coup de foudre pour ce JvIagifLrac ! il eft heureux
qu'il ait fu fe moddrer dans le premier m om ent, & triom
pher de lui-meine. Il a imité le lilence qui régnoit autour de
lui ; il a didimulü, réfolu de fortir au plutôt d’une maifon
où il dtoit environné d’ennem is, ôc de fuir une époufe
qui dtoit à leur tête.
Son projet dtoit d’aller paifer les Fêtes de Pâques dans
fes terres du Poitou , où il vouloit régler les comptes.des
Régiffeurs. L e jour de fon départ dtoit lixé : c’dtoit le 25
Mars. L e nommé D o u c e t , fon Cocher , & fon efpion fami
lier , devoit être du voyage ; il en donna avis à Madame
d’Abbadie qui s’empara la veille des clefs de i’hôcel, ôc
tint fon mari, qui ne s’en doutoit pas, en chaitre-privde.
Un accident furvenu à M. le F ré fuient ci Abbadie dans
la nuit du 2j au 26 Mars fit découvrir cette entreprife. C e
Magiftrat fut atteint d’ une colique.violente. On voulut fortir
pour aller c h ei l’Apothicaire ; le Portier
rdpondit que
MaJame la Prcfidenie avoit les clefs. O n frappe à l’appar-
�tement de Madame la Préfidente, qui ne dormoit pas : point
d e rép o n fe; on dit à la femme-dechambre que M . d’A b badie foufïre des douleurs aiguës ; point de réponfe. L a
nuit s’écoule fans que
M. le Président d’Abbadie puifîe
faire venir les fecours dont il a befoin.
L e Poftillon qui devoit conduire M . le Préfident d’Abbadic, frappe à la porte le lendemain matin. C e Magifirat veut
partir; il s’apperçoit qu’il eft en prifon. Il ne va point
demander les clefs à Madame la Préfidente d’A bbadie; il
n’avoit jamais manqué d'égards pour fon époufe, il en
auroit peut-être manqué malgié lui pour fa geôlière; il prie
le fieur d’Olhaflarry , Chevalier de Saint Louis , fon eouiin, qui depuis quelques jours étoit avec lu i, d’aller inftriiire le Heur Lieutenant de Police de la violence qui lui
étoit faite dans fa maifon. C e Magifirat invite M. le Frciident d’ bbadie d’aller conférer avec lui : fa prifon lui eft
ouverte à onze heures du matin ; le iieur Lieutenant de
Police eiï frappé d’un étonnement qu’il ne peut diifimulér
en converfant svec M. le Préfident d’A b b a d ie , & l’engage
à aller voir M . le Garde des Sceaux , à qui Madame la
Préfidente d’Abbadie avoit infpiré la même prévention.
M . le Préfident d’ ALbadie va le même jour à Verfailles,
revient à Paris , où il paiTe deux jours, & part le 29
Mars avec l’Abbé Detchegarai pour fes terres du Poitou.
V ou s avez dû être frappés, Meilleurs, de la véhémence
avec laquelle le défenfeur de Madame la Préfidente d’A b
badie s’eft récrié contre ce voyage de M . le
Préfident
d’ Abbr.die , qu’il a peint fous les couleurs d’ un rapt. M. le
Préfident
d’A b b a d ie, a-t-il dit, a été enlevé par les fieurs
d’Etchegarai à fa femme , u fes enfans, à la fociété. Il
�¿4
n’a pas dit que M . le Préfident d’Abbadie avoit été interdit
un mois auparavant à la requête de Madame Ton époufe;
il n’a pas dit qu’elle l’avoit dépouillé à ion infçu de fes
droits de m ari, de père & de c ito y e n , & voilà ce qu’il
falloit d i r e , pour donner une jufte idée du voyage que
M . le Préfident
d’Abbadie a fait en Poitou à la fin du
mois de Mars i j 8 f : il n’a pas été enlevé à fon époufe , il
a fui fon ennemie; il auroit pu l’expulfer 6c refter maître dans
fa maifon ; mais le reifentiment du mari a cédé en lui à la
modération du Magi'ftrat, & il a fu refpecter aifez fon carac
tère , pour remettre à la loi feule le foin de fa vengeance.
O n a fait un crim e-au fieur Detchegarai d’avoir té
m o i g n é fon reifentiment , lorfqu’il a appris que M . le
Préfident d’Abbadie étoit en chartre-privée ; falloit-il donc
qu’il applaudît à cette v io le n c e , qu’il trahît les droits du
fa n g , qu’il confpirât contre fon parent, & qu’il fe-rangeât
parmi fes oppreifeurs ?
L ’ À b b éD e tch e g a ra i, a-t-on d i t , a éclaté en reproches &
en menaces ; ilvou loit enfoncer les portes de l’hôtel. Mais
la loi le lui auroit pardonné ,'f i fes forces le lui avoient
permis ; il étoit le prifonnier de Madame la Préfidente
d’A bbadie; tout moyen de recouvrer la liberté eft licite,
v lorfqu’elle eft ravie par la force privée.
C e n’étoit pas la peine de tant déclamer à ce fujet con
tre lés fieurs Detchegarai ; en fe plaignant amèrement de
la chartre privée dans laquelle M . le Préfident d’Abbadie
iewr coufin étoit détenu a v e c l’un d’eux , ils n’ont fait que ce
que
tout homme honnête & fenfible auroit fait à leur place.
C ’eft à la fin du mois de Mars 178 ; , fur la première
nouvelle de fon interditHon, & au fortir de la chartre pri
vée t, eue
M . le Préfident d’Abbadie m’a encacé
â
O O à affilier
aux
�aux aflemblées qui fe tiendroient pour fa défenfe dans le
Cabinet de M e. Babille Ton Confeil. Il m’a appelld au dé
faut de M e Hutteau , qui avoit été nommé Confeil de fa cu
ratelle, & qui par conséquent ne pouvoit plus être fon
c o n feil, ni fon défenfeur contre ¡’interdiction.
Je ne devrois avoir à m’occuper que de la défenfe de
M.
le
Préfident
d’A bbadie,
& fa caufe
devroit être
entièrement indépendante des qualités de fes défenfeurs.
Mais tel eft l'acharnement avec lequel Madame la Prési
dente d’Abbadie pourfuit fon mari, que ne trouvant point
des motifs d’interdidion dans fa perfonne, elle cherche
des prétextes dans les relations qu’il a avec fes confeils.
E lle ne me pardonne pas le zèle avec lequel je défends
c e Magiftrat depuis deux ans, & elle tâch e, dit-on, de
me rendre fufpect , par des inculpations dont elle fait
bien qu’il me feroit facile de me juftifier, fi elles m’étoient
faites publiquem ent, mais qu’elle a l’adreife de
femer
dans le fecret des cabinets, comme par une forte de
ménagement qui eft le dernier raffinement de la haine &
de la vengeance. Q u e puis-je faire dans des circonftances
femblables? ma feule reifource eft de protefter contre ces
délations ténébreufes, & d’attendre que la calomnie m’at
taque ou vertem en t, pour 1î> repoufier, ôc pour la con
fondre.
C e qui m’a étonné le plus dans le cours de cette
plaidoirie, c’a été d’entendre déclamer contre des intrigans qui parlent pour M . le Préfident d’Abbadie.
C ’eft moi qui ai 1 honneur de parler pour ce Magiftrat.
Seroit-ce donc moi qu’on auroit voulu qualifier d’intrigant?
I
�66
il y a *24 ans que j’exerce la profeiïion d’Avocat ; un
intrigant ne fe foutient pas fi long-temps dans une carrière
où l'honneur fert de guide, du moins , lorfque fa con
duite eft foumife, comme la mienne l’a é t é , aux rigueurs
de la cenfure, ôc il ne commence pas fi tard fon métier.
C e feroit pour la première fois que j’efiuyerois une pareille
injure, fi elle s’adrefioit à moi. Il faut avoir la preuve
à la main pour faire une inculpation auifi grave. Celui
qui la feroit au hazard, à l’inftigation d’une partie irritée,
courroit le
rifque
d’être
regardé
comme
l’inftrument
aveugle des partions étrangères, 6c l’organe bannal du
menfonge ôc de la calomnie.
C e n’eft point à l’intrigue que je dois l’honneur de
défendre M . le Préfident d’Abbadie : des motifs particu
liers
ont
pu
m’attirer fa confiance , que je n’ai point
recherchée. J’ai commencé en 1762
à exercer la pro
feiïion d’A v o c a t au Parlement de P a u , dans le reiïbrt
duquel je fuis né;
j’ai été témoin
du dévouement de
M . le Préfident d’A bbadie; encouragé par fon exem ple,
j’ai fait le facrifice de mon état, ôc fouffert pour la caufe
com m un e, la perte de ma liberté. D evenu libre, mais
toujours en butte aux ennemis de la Magiftrature, je me
fuis réfugié en \ j 6 8 , dans l’ordre des Avocats de Paris,
qui ne m’ont admis parmi e u x , qu’après avoir examiné
ma conduite pafTée, 6c vérifié les faits qui fembloient
me donner quelque droit à cette adoption.
M- le Préfident d’Abbadie avoit befoin d’un défenfeur
qui eut le courage de lutter fans cefle contre les diffi
cultés, contre les dangers .même qu’une cabale accréditée
pouvoit faire
naître dans cette caufe : il ni’avoit vu à
�61
Pau
dans de plus grands périls; voilà le m otif de la
confiance dont il m’a honoré; il ne me reprochera jamais
de l’avoir trahie, ni d’avoir abandonné fon parti, pour
en embrafler un contraire.
Par une R equête du 8 A vril 1 7 8 ; , M . le Préfident
d’Abbadie a formé oppofidon à l’Arrêt du 3 Mars pré
céd en t, &
a demandé par provifion, pour ôter à fes
Adverfaires tout prétexte d’inquiétude, a&e de fes offres
de ne
pouvoir
aliéner ni hypothéquer fes biens
que
de l’avis de M* Babille, ancien Bâtonnier des A v o c a ts ,
qu’il choifilToit pour fon Coufeil. Je ne fais quel eft le
C lerc de Procureur qui a rédigé à Pau
cette requête
dont les conclufions feules étoient conformes au voeu
de M . le Préfidçnt d!A b b a d ie, & convenables à fa défenfe. O n y fait l’éloge de la tendrefle de Madame la
Préfidente d’Abbadie pour
fon mari , & de fon défin-
téreffement. M . le Préfident d’Abbadie n’envie point à
Madame fon époufe ces louanges dont
elle s’eft tant
enorgueillie à cette aud ien ce, en difant qu’on n’auroit
ofé tenir un autre langage fur fon compte à P a u , où
elle eft connue : mais les fentimens qu’elle a pour fon
m a ri, fe peignent mieux dans fes p rocéd és, que dans
les co mp li me nt s qu'un C l e r c de Pr o c u r eu r a jugé à propos
de lui faire dans une req u ête, & l’opinion que M . le
Préfident d’Abbadie en a , après feize années d’expérience,
fe manifefte dans fes interrogatoires, & dans un mémoire
imprimé, qu’il a envoyé à P a u , au mois de M ai 1 7 8 ; ,
ligné de l u i , & dans lequel il n’a pas craint de rendre
publiquement à Madame fon époufe une partie de 1*
I ij
�68
juftice qui lui étoit due, & que le Clerc de Ton Procureur
n’avoit pas fu lui rendre dans fa requête.
L ’envoi de ce mémoire fait paraître ici un jeune homme
honnête aux yeux de tout le monde , intrigant à ceux
de Madame la Préfidente d’Abbadie feule & de Ces affociés , également inconnu à la Police & aux Tribunaux
de cette C apitale,
depuis dix ans qu’il l’habite, ardent
à obliger, d’ un défintérefiement ex trê m e, qui n’a voulu
d’autre récompenfe des fe'rvices qu’il a rendus à M. le
Préfident d’A b b a d ie, que le plaifir de les lui rendre, &
dont le feul crime eft d’être mon frère.
Il eft parti de Paris le 20 Mai 178 j , & eft arrivé à Pau
le 24, excedé de fatigue, reipirant à peine, chargé d’un mé
moire imprimé, & d’une confultation figtiée de M es Babille
& A u b ri, &: de m o i, & des pièces néceifaires à la défënfe
de M . le Préfident d’Abbadie; mais il n’éroit plus temps;
on n’avoit point voulu attendre à Pau ce m ém oire, cette
confultation ,
ces
pièces qui y avoient
été annoncés
15 jours auparavant : ni le choix du confeil fage ôt éclairé
auquel M . le Préfident d’Abbadie s’étoit fournis par prov ifio n , ni le dépôt des deniers comptans & des effets au
porteur de la fuccefllon du lieur de Borda n’ont pu garantir
ce Magifirat d’une interdi&ion provifoire & deshonorante
que ces précautions rendoient fi inutile- Un fécond Arrêt
du 11 M ay 178J a ordonné l’exécution de celui du trois
M ars, la preuve des faits allégués par Madame la Préfi
dente d’A b b a d ie , & la vifite de Monfieur le Préfident
d’ Abbadie par quatre M édecins de P a u , en préfence de
Monfieur de -Sajus ,
le
Rapporteur ; à l’effet de quoi M .
Préfident d’A bbadie
comparaîtrait à Pau aux jour
�69
& heure qui lui ieroient indiqués, comme fi on n’avoit
pas pu lui épargner la fatigue ët les frais de ce vo yage,
en ordonnant
qu’il feroit vifité par des Médecins
de
Paris; il l’avoit demandé par une requête du 8 A v r il;
Madame la Préfidcnte
d’abbadie
l’avoit
demandé elle-
même par une requête du 25? Mars précédent, dans le
temps où elle tenoit fon mari fous fa puiifance , en vertu du
premier arrêt. Mais du moment qu’il s’eft éloigné d’e l l e ,
elle a changé de fyftême : elle a voulu le faire conduire
à P au , & donner dans un efpace de 200 lieues le fpeâacle
affligeant d’un Magiftrat du premier rang, traduit malgré lui
devant des Juges qui avoient commencé par le déclarer
fou , ôc qui vouloient voir enfuite s'il l’étoit réellement.
O n s’eft hâré de faire procéder à l’en qu ête, tant à Pau
qu’à Paris, niais avec cette précaution qu’à Pau les témoins
étoient fondés d’avance, 6c qu’on avoit le foin décarter tous
ceux qui paroiifoient difpofésà rende jufticeàM . le Préfident
d’Abbadie. C ’eft ainfi qu’on a négligé de faire entendre le
Curé de Pau, quoiqu’affigné à cet effet, comme il le mar
que par fa lettre du 18 A oût dernier, parce qu’il n’avoit
que du bien à dire de M. le Préfident d’Abbadie. C ’eft ainfi
qu’on à négligé de faire alïigner le fieur P o r t e , M edécin
de M- le Préfident d’ Abbadie à^Pau, quoique prévenu
qu’il le fe ro it, comme il le marque par fa lettre du 27
N ovem bre dernier , parce qu’il auroit d o n n é , d it-il, à
» l’incommodité de M . le Préfident d’Abbadie un caradère
» bien oppofé à celui avec lequel on l’avoit défignée.
L a no u ve lle de
l’arrêt du 11 M t í 178J eft arrivée à
Paris le famedi foir 21. ,1’en ai été inftruit le lendemain.
M . le Préfident d’Abbadie craignoit d’ être arrêté, & tra
�70
duit d’abord auprès de ion époufe, ôc enfuite à Pau en
exécution de cet arrêt. M on avis a été d’aller prendre celui
de M e. Babille qui étoit alors dans fa maifon de campagne
près Meulan. N ou s fommes partis à cet effet le 22 mai à
onze heures du foir M . le Préfident d’A b b a d i e l e ileur
d’Etchegarai ôc moi ; nous avons couché en route. L e len
demain nous avons appris que M e. Babille étoit chez M. le
Garde-des Sceaux où il devoit diner : je m’y fuis rendu ,
j’ai pris fon a v i s , ôc je fuis revenu à Paris le même jour.
M . le Préfident d’Abbadie a été abfent pendant cinq ou
fix jours , jufqu’à ce qu’il a fçu que fa requête en caiïation
des deux arrêts du Parlement de Pau avoit été prèfentée ,
6c qu’on avoit pris des mefures qui le mettoient à l’abri
de toute violence.
A la fin du mois de Mars 178 j , M . le Préfident d’A b
badie avoit fait appeller le iieur P h ilip , ancien D o y e n
de la Faculté de M é d e c in e , qui après avoir examiné fon
é t a t , lui donna le 14 M ai fuivant un Certificat favorable.
*
A fon retour du Poitou , M . le Préfident d’Abbadie fe fit
vifiter plufieurs fois par cinq M edécins , du nombre defquels étoient les fieurs Dejean 6c* de Montabourg dont le
fieur Borie avoit furpris la fignature au bas de fon Certifi
cat du 6 Mai 1783. T o u s lui ont rendu juftice par leurs
Certificats des f & 1 j Juillet 1787.
Indépendamment de ces vifites extraordinaires , le fieur
Philip avoit vifité chaque jour M . le Préfident d’Abbadie
depuis le 16 Mai 178? , 6c l’avoit trouvé conftamment
dans un état de raifo n , jufqu’au 14 Juillet fuivant, jour
où il en a donné fon Certificat.
T e l étoit l’état de M . le Préfident d’Abbadie lorfqu’il
�7»
pourfuivoit la caflationdes deux arrêts qui l’avoient interdit
par provifion, comme infenfé. Il n’eft point de moyens que
Madame d’Abbadie n’ait employés pour empêcher cette
caiïation. M é m o ire s, confultations lignées de M es. Doutremont, C o l l e t , T ro n c h e t, Target ôc autres Jurifconfultes, 6c
diflribuées aux Magiflrats du C o n fe il, crédit puiflant, follicitations preflantes, tout a été mis en ufage contre la de
m a n d e de M . le Préfident d’A bbadie, dans un temps où il
ne devoit pas avoir de contradicteur : Madame d’Abbadie
étoit partie fecrete , ôc par cela même plus dangereufe ; mais
fes efforts ont été vains : un arrêt du Confeil du premier
A oû t 1 7 8 y a caiTé les deux arrêts du Parlement de P a u ,
enfemble tout ce qui s’en étoit enfuivi , ôc a renvoyé les
parties au C h â te le t, fauf l’appel en la Cour.
M . L e Préfident d’Abbadie a provoqué le premier I’inftru£tionau Châtelet par une requête du 5 Septembre 178^.
Il a requis l’affemblée de fes parens ôc amis pour être enfuite procédé à fon interrogatoire , ôc à la vifite de fa perfonne par des Medecins nommés d’office, ôc il a demandé
de nouveau atte de la nomination qu’il avoit déjà faite au
Parlement de Pau ôc qu’il réiteroit, de la perfonne de M e.
Babille pour fon Confeil. C ette requête a été répondue
d’une ordonnance de foient les -parens &' amis ajjemblês.
Madame d’Abbadie ôc conforts ont demandé de leur cô té
par une requête du 12 du même mois l’aifemblée des
parens ôc amis de IVI. le Préfident d A b b a d ie , pour être en*
fuite procédé à fon interrogatoire , de deux jours l’u n , pen
dant deux m o is , ôc com m e Madame d’Abbadie vouloit
apparemment difpofer fon mari à fubir cette é p re u ve, elle
a demandé en même temps la permiflion de l’aller vifïter
�72
toutes les fois qu elle jugeroit à propos. Mais le fieur
Lieutenant-Civil a o r d o n n é feulementl’aiTemblee desparens
& amis. Il a cru que M . le Préfident d’Abbadie pourroit
fe paifer des vifites & des leçons de Madame fon époufe
durant le cours de l’inftru&ion.
A u x termes de ces deux ordonnances, les parens & amis
de M . le Préfident d’Abbadie étoient les feuls qui devoient
être aiïemblés ; mais Madame d’Abbadie & conforts ont
trouvé plus com m ode de convoquer leurs parens & leurs
amis intimes. L e feul parent de M . le Préfident d’Abbadie
qu’ils ayent fait appeller eft le fieur de Joantho payeur des
rentes, coufm germain de M . le Préfident d’Abbadie , qui
l’a fait appeller aufli de fon côté avec fes autres parens &
amis au nombre de vingt-fix.
Une circonftance remarquable , c’eft que Madame d’A b
badie a convoqué à cette afïemblée
ceux qu’elle avoit
fait entendre à Par.is dans l’enquête faite en exécution
de l’arrêt du Parlement de Pau : cette enquête avoit été
annullée par l’arrêt du Confeil du premier A oû t 1785 :
elle a été reffufcitée fous la forme d’un avis ; des témoins
qui avoient depofé contre M. le Préfident d’Abbadie âu
mois de Juin 178 ç*, tels par exemple que le fieur de SaintCriftau Fermier G én éra l, le Chevalier de Borda & autres
étrangers dévoués ouvertement à Madame d’Abbadie , fe
font transformés tout-à-coup au mois de Septembre fuivant
en amis de M . le Préfident d’A bbadic, & font allés figurer
en cette qualité en l’hôtel du fieur Lieutenant-Civil.
Il s’efl formé deux aiTemblées qui fe font trouvées en prdfence l’une de l’autre , & au milieu defquelles M. le Préfi
xent d’Abbadie a paru, Sa comparution a déplu à Madame
d’Abbadie
�Il
'd’Abbadie : elle â effayé de l’écarter en lui faifant dire en
face quelques injures; mais il a fu les méprifer 6c il a
continué de fe montrer jufqu’au jour où fes parens & amis
devoient donner leur avis : il a fait au commencement du
mois d’O & obre
178^ , un voyage de 20 jours dans la
Normandie ou il m’a prié de l’accom pagner: on a furpris
dans cet intervalle le fieur O livier enlevant des papiers de
- la fucceflion du fieur de Borda ; M . le Préfident d’A b
badie a rendu plainte contre l u i , & l’a fait décréter au
Châtelet : il eft allé en Bearn au mois de N ovem bre fuiv a n t , pour ôter ladminiitration de fes biens & de fa maiTon de Pau au fieur Louftau , qui contre fa c o n fc ie n c e,
comme il l’avouera bientôt lui-même, avoit vo té fon in
terdiction , & pour faire choix d’un autre adminifirateur.
A u défaut de l’A bbé d’Etchegaray qui fe difpofoit à par
tir pour T o u lo u fe , M . le Préfident d’Abbadie a pris pour
compagnon de voyage mon frère qui l’a quitté à leur arri
vée en B earn, pour fe retirer dans fa fam ille, & qui n’eit allé
le joindre à Pau que lavant veille de leur départ pour Paris.
C ’eft ce voyage , le feul que mon frère ait eu l’honneur
de faire avec M . le Préfident d’A b b a d ie , & quelques vifîtes
qu’il lui a faites de ma part relatives à fon p ro cè s, qui lui
ont valu les titres d’intrigant & d’obfeffeur, dont il a plu
à Madame la Préfidente d’Abbadie de le décorer en l’afr
fociant aux coufms de M . le Préfident d’Abbadie , aux
fleurs d’Etchegaray.
Mais voici des faits conftans que Madame d’Abbadie n’i
gnore pas & qui devroient mettre fin à fes déclamations*
L ’Abbé d’Etchegaray eft depuisplus d’ un an à T o ulo ufe ;
le fieur d’Etchegaray , pour faire ceifer tout prétexte de ca*
lomnie ? s’eft défifté par a£te du 20 Février 1 7 8 6 , de la
�74
procuration que M le Préfident d’Abbadie luTavoit donnée
à l ’effet d’aiïifter à l’inventairé , & il n’a eu l’honneur de
voir ce Magiftrat que deux ou trois fois depuis un an.
M o n frère eft depuis le.mois: de Septembre dernier dans
la P r o v i n c e de Bearn avec mon père & ma m è i e , ma
femme 6c mon enfant.
L es voilà ces intrigans, ces obfefTeurs actuels de M . le
Préfident d’Abbadie ; l’un eft à T o u lo u fe , l’autre en Bearn,
à 200 lieues de Paris , ôc celui qu’on leur donne pour chef
a la difcretion de ne pas même
faire à M . le Préiident
d?Abbadie des vifues que la bieniéance autoriie, & que
le lien du fang femble exiger.
C e lu i
qui a l’honneur de voir le plus fouvent M . le
Préfident d’Abbadie , c ’eft moi : vous m’ en faites un crim e,
je m’en fais un devoir facré. Charge' de fa défenfe > je
cherche la vérité , 6c je la trouve dans fa bouche : témoin
de fes pein es, je les adoucis autant qu’il eft en mon pou
voir : je mets du baume dans la playe que vous lui avez
faite. Je l’admirai de loin dans les beaux jours de fa M agis
trature
je ne m’approche maintenant de lui que pour le
fervir dans fon, malheur.
Q u e Madame d’Abbadie ne fe flatte donc plus de colorer
les pourfuites odjeufes qu’elle fait contre fon mari en pré
textant qu il eft obfedé d’intrigans qui veulent envahir ia
fortune.
Ses immeubles .ne peuvent être aliénés que de l’avis du
Çonfeil fage ôc éclairé qu'il s’ eft donné lui-même.
Les deniers de la fucceilion du fieur de Borda font en
d é p ô t , & il doit en être fait emploi, du confentement de
M . le Préfident d’Abbadie , en préfçnce de fon Confeil :
�7Î
comment des intrigans s y prendroient-ils donc pour envahir
fa fortune ?
Madame d’Abbadie ne connoiffoit pas ces prétendus intrigans obfeiTeurs de fon mari , lorfqu’elle interceptoit fes
lettres en 1781 , pour l’accufer un jour de démence.
E lle ne les connoiffoit pas en 1783 , lorfqu’elle faifoit
certifier par des Médecins qui le vo yo ie n tp o u r la premiere
fo is , qu’il parloit nuit & j o u r , qu’il étoit en d é m e n c e ,
&
qu’il falloit l’envoyer dans une M aifon de F orce.
E lle ne les connoiffoit pas en 1 7 8 4 , lorfqu’elle faifoit
certifier par fon M édecin de P a ris , que fon mari avoit
été fou pendant près de deux ans en B e a r n , où il ne l’avoit
jamais vu , & que fa maladie paroiffoit incurable.
E lle ne les connoiffoit pas au mois de Mars
1785* 9
lorfqu’elle faifoit interdire à Pau fon mari qui étoit avec
elle à P a r is , & qui vivoit fans défiance
au fein de fa
famille.
Com m ent ofe-t-elle donc imputer après coup à des
étrangers la prétendue néceffité d’une interdi&ion qu’elle
a préparée quatre ans d’avance , & qu’elle a fait prononcer
dans un temps où fon mari ne vo yo it qu’elle , & les
intrigans qui alloient jouir avec elle du plaifir de voir
leur v i& im e , & de l’efpoir de partager fa dépouille ? E t
dans ce m om ent, où abandonnée par le Marquis D ucoud ra i, qui a reconnu fon erreur , elle a le courage de
pourfuivre feule l’interdi&ion de fon mari, & de demander
la curatelle dun adminiftrateur plus fage q u e l l e , & q u i,
par un excès de précaution, s’eft fournis à un Confeil ,
croit-elle pouvoir tacheter la honte de fes pourfuites,
qui n’ont plus de p rétex te, par les injures qu’elle fait proK ij
�76
diguer à des citoyens honnêtes qui embraifent la caufe du
pere de famille perfécuté par fon ép o u fe, & qui n’ont
jamais eu ni la v o l o n t é ni le pouvoir d’envahir fa fortune?
C eu x qui font dévoués à M . le Préfident d’Abbadie
font traînés dans la boue , & ceux qui le trahiifcnt font
élevés jufqu’aux cieux. L e cocher D o u c e t , ce traitre dont
Madame la Préfidente d’Abbadie a fait imprimer la correfpondanceavec e lle , & qu’elle a pris à fon fervice depuis
qu’il.a été chaffé par M . l e Préfident d’A b b a d ie, a entendu
faire fon éloge à cette audience , & vanter la lâcheté qu’il
a eue de fe rendre l’efpion de fon M aître, & de fecon<Ier par fes impoftures la confpiration formée pour fa
perte ; fi. un domeftiqüe, traître envers fon M a ît r e , eft
digne de lo u a n g e , quelle sûreté aurons - nous avec des
¡gens attachés à nos perfonnes, qui pourront vendre nos
fecrets 8t leurs menfonges, fans compromettre leur honneur
par ce trafic infâme, & quelle fera la récompenfe du zèle
& de la fidélité, fi la perfidiç & la baifelfe méritent un
hommage public ?
M ’arrêterai-je au foupçon qu’on a ofé élever à cette
•audience, en plaidant que de prétendus intrigans avoient
fait tirer des coups de fufil dans la n u it, aux environs de
la maifon de M . le Préfident d’Abbadie à V itr y , & qu’il«
Tavoient fait attaquer nuitamment fur le grand chemin ,
pour lui infpirer, fous ce prétexte , des foupçons odieux
contre Madame fon époufe? Q uelle abfurde atrocité !
M . le Préfident d’ Abbadie n’a jamais été effrayé des coups
defufil qu’il a entendus à la campagne: il fçavoit en 178^, que
c’étoit le Jardinier de M e C alo n n e, A vocat en la C o ur, alors
fon voifin à V itry , qui les tiroit tous les foirs avant de fe cou«
�77 '
;h e r, fuivatït un ufage a fiez généralement obfervé aux envi
rons de Paris, pour avertir les malfaiteurs que famaifon étoit
g a rd é e, & en érat de défenfe. L’été dernier, que M. le Préfident d'Abbadie occupoit une autre maifon à Vitry , il fçavoit
que r/étoient les jardiniers du fieur A b b é de M o n d en o ix,
Chanoine de Notre-D am e , & du fieur Foreftier, Tréforier
du Régim ent des Suiffes, fes proches voifins, qui tiroient
tous les foirs par le même m otif, des coups de piftolet
ou de fufil ; ils tirent encore tout cet h iv e r , tandis que
M . le Préfident d’Abbadie eft à Paris, ainfi qu’il eft attefté
par le Procureur-Fifcal du lieu. Eft-ce donc pour effrayer
.M. le Préfident d’Abbadie à Paris , & pour lui donner
des foupçons contre fon é p o u fe , que des intrigans font
tirer des coups de fufil ou de piftolet à V itry ? M .
le
Préfident d’Abbadie ne s’eft jamais plaint d’une précau
tion qui fait fa sûreté en même temps que celle de fes
voifins : falloir-il donc imputer à crime à de prétendus
intrigans un fait innoncent qui leur eft étranger ?
On
n’a dénoncé qu’une attaque no&urne que M . le
Préfident d’Abbadie a effuyée fur le chemin de V i t r y ,
le 21 Janvier 1 7 8 6 , à dix heures du foir , en revenant
de l’H ôtel du fieur Lieutenant-Civil où il avoit été inter
ro gé; il n’a jamais foupçonné que Madame fon époufe
ait eu la moindre part à cette attaque ; à dieu ne platfc
qu’il foit en proie à l’horreur d’un tel foupçon. L es pré
tendus intrigans auroient-ils donc fait fur le grand chemin
le métier daifaJfins , au rifque de périr fur un échafaud,
pour avoir le prétexte de rendre Madame d’Abbadie fufpe&e a fon mari ? Sont-ce auili les prétendus intrigans
qui ont fait attaquer fur le chemin de V it r y , le 16 Janvier
�78
1 7 8 6 , à dix heures du fo îr , le nommé Chilindron, V ale t
de Chambre de M . lePréfident d’A b b a d ie, par trois quidams
qui ont été décrétés de prife de corps ? Eft-il donc néceifaire
de recourir à une manœuvre auiïi périlleufe , pour faire
perdre à Madame d’Abbadie la; confiance de fon mari?
N e l’a-t-elle pas perdue déjà depuis long-temps ? N e fe
fouvient-elle plus de leurs diflenfions domeftiques , des
peines
qu’elle lui a caufées, comme il le dit lui-même
dans fes interrogatoires , de la fouftra&ion de 20000 liv.
à
Poitiers
,
de la
fouftra&ion
de
36,000
livres
à
P a ris, du certificat de 1783 , qui l’autorife à envoyer
fon m a r i dans une Maifon de F o r c e , du certificat de 1 7 8 4 ,
qui lui donne laconfolante certitude qu’il ne guérira jamais,
de l’interdiftion provifoire dont elle l’a frappé en 178J ,
de la Chartre privée où elle a ofé le ten ir, du refus qu’elle
lui a fait de tout fecours, dans les douleurs d’une colique
vio le n te, de l’efpionage fcandaleux dont il eft le jo uet,
de l’acharnement avec lequel elle pourfuit depuis deux
ans fa profcription ôc fa perte ? Eft-il befoin de feindre,
pour la rendre fufpe£te à fon m ari, ôc après tous les torts
qu’elle a eusenvers lui, quel intérêt des étrangers pourroientils avoir à lui en prêter un nouveau au péril de leur vie ?
N ous avons purgé la caufe de ces certificats, de ces
lettres m iflives, monumens odieux des machinations de
Madame d’Abbadie contre fon mari , du préjugé des
;Arrêts du Parlement de Pau , qui ont été caiTés, des
.enquêtes faites à Pau ôc à Paris , qui ont été annullées,
de ces inculpations atroces qui ont été prodiguées à des
citoyens honnêtes , avec une licence effrenée , ôc qui
tombent par leur abfurdité. Il ne refte que la procédure
�19
qui confiftc dans l’avis des parens 8r amis, dans les inter
rogatoires, & dans le rapport des Médecins. C ’eft ici que
la caufe de M . le Préfident d’Abbadie reprend fa iimpJicité
naturelle : c’eft dans l’expofition de cette procédure que fa
défenfe va acquérir un nouveau dégré de força & de folidité.
A v is
des
p a r e n s
e t
a m is
,
N ous avons trois avis dans cette caufe , dont deux
formés à la requête de Madame d’Abbadie & du Marquis
du C o u d ra i, l’un au Parlement de P a u , l’autre au Châtelet
de Paris, tendent à l’interdidion de M . le Prélident d’A b
badie , & dont le troilièm e, formé au C h â te le t, à
la
requête de M . le Préfident d’ A b b a d ic , tend à lui laifler
la libre adminiftration ds fa perfonne & de fes biens.
L eq u el de ces avis mérite d’être écouté ? Cette queftion eft facile à réfoudre.
D ’abord , lavis formé à P a u ,
le a Mars 1785*, eft
eflentiellement vicieux.
D ’un c ô t é , les proches de M . le Préfident d’Abbadie
n’y ont point concouru. O n
n’a appellé à l’aiTemblée,
ni fes c oufins, ni fes amis perfonnels. C e font trois amis
de M a d a m e d’A b b a d ie qui fe font joints à cinq parens
& alliés éloignés de ion mari.
D ’un autre c ô t é , ceux qui ont concouru à cet avis
n’ont point prêté ferment. Q uelle foi peuvent-ils donc faire
en juftice?
Dailleurs, deux des principaux auteurs de l’avis du 2
Mars 1785* , font en contradiction avec eux-mêmes.
1®. M. de C h erau te, C h e f de cet avis, a v o i t , peu
«Hé temps auparavant, par fa lettre du 27 N ovem bre 1784- j
�8o
jugé M . le Préfident d’A bbadie capable de diriger par fes
inftru£tions perfonnelles Madame d’Abbadie & fon C on feil.
Son vœ u eft donc une contradiction avec lui - même
;
une i n c o n f é q u e n c e marquée.
.
a 0. L e fieur Louftau, autre délibérant, avoit entretenu
une correfpondance fuivie avec M . le Préfïdent d’Abbadie :
il lui avoit écrit le ip Février 178
le lendemain d e l à
demande à fin d’interdi&ion, une lettre par laquelle , en lui
accufant la réception de deux de fes lettres, des 4 & 8
du même m o is , il lui marquoit qu’il avoit exécuté fes
ordres relatifs à l’adminiftration de fa maifon & de fes
biens dont il lui rendoit le compte le plus circonftancié.
I l le jugeoit donc le ip Février *785 , capable de bien
adminiftrer : fon avis du 2 Mars
fuivant eft donc une
contradiction avec lui-même , une inconféquence marquée.
Mais ce qui décèle ouvertement l’eiprit d’intrigue qui a
préfidé à l’aflemblée tenue à Pau 3 le a. Mars 1 7 8 y , c’eft
la lettre que le fieur Louftau a écrite à ce fujet à M . le
Préfident d’Abbadie le 7 août dernier , vaincu par le
je m o r d s , & cédant à fon repentir,
*
M onsieur,
» Il y a vingt-deux ans que j’ofe me flater d’avoir mérité
» vos bontés & votre confiance ; il y a plus d’un an que
» j’ai eu le malheur de perdre l’une & l’autre: après avoir
5) témoigné à ma famille ôt à mon gendre , la pureté & la
» fincérité de mes intentions pour vo u s, f a i été pour ainfi
» dire, étouffé le dernier dan6 la circonftance la plus inté-
» reflante pour tous & pour m o i . . . . J’avoüe que je fus
forcé
�8i
» FORCÉ D’ OPINER D ’ UNE MANIÈRE OPPOSE^ A MA FAÇON DE
» penser.
D e là , que de regrets, que de reproches ouverts
» de ma famille ôc de mon gendre ? j ’ a i
»
encore
dévoré.
été
e t j en
su is
Quelque chofe qu’il en foit, JE NE
pu is
» M EMPECHER DE VOUS EN FAIRE MES AVEUX : quelque
» coupable & quelque ingrat que je paroifle à vos y e u x ,
» je le ferois aiTurément bien moins fi vous iaviez comme
» j’ai été féduit par des pièces que j’ai en main ».
Q uelle idée peut-on avoir à la vue de cette lettre, de
l ’aiTemblée tenue à Pau le 2 Mars
1 7 8 5 , & quel cas
doit-on faire d’un avis que le c h e f de cette aflemblée
a ouvert contre fon opinion confignée dans fa lettre da
27 N ovem bre précédent, que le fieur Louftau a été forcé
de fuivre contre le cri de fa c o n fcie n ce, & que les autre®
ont adopté fans favoir quel étoit l’état de M. le Préfident
d ’Abbadie avec qui ils n’avoient aucune relation ?
L ’avis donné au Châtelet par les parens & amis de
Madame d’Abbadie & du Marquis du Coudrai ne mérite
aucun d’égard.
D ’un c ô t é , les parens & amis de ceux qui pourfuivent
l’interdi&ion d’un citoyen , font auffi fufpeds que les pourfuivans eux-mêmes.
D ’un autre c ô t é , les O r d o n n a n c e s du Heur LieutenantC i v i l , des f & 12 Septembre 178? , en vertu defquelles
l’aiTêmblée a été tenue en fon H ô t e l, ne permettoient d’y
appeller que les parens ôc amis de M . le Préfident d’Abbadie.
Les parens & amis de Madame d’Abbadie & du Marquis
du Coudrai n’avoient donc pas droit d’y aiTiiler. Leur vœu
çil donc nul dans la caufe,
L
�84
L e même efprit d’intrigue qui avoit préfldé à lalTemblée
de P a u , à prefldé auffi à celle tenue en l’hôtel du fleur
L ie u t e n a n t - C iv il, à la requête de Madame d’Abbadie.
E lle a convoqué Ton frère , domicilié à Bordeaux , qui a
reconnu la démence de M . le Préfldent d’Abbadie avec
qui il n’a jamais vécu ni à P a u , ni ailleurs, à l’honnetété
que ce Magiftrat a eue
de ne pas
poufuivre par les
voies rigoureufes après le décès de M . de Montbadon , le
payement des 20,000 liv. reliantes de la dot de Madame
d’Abbadie, ou le partage de la fucceilion de fon beau-père,
fur lequ el, comme il le dit lui-mêmf*, dans fon interrogatoire
du 13 Janvier 1 7 8 5 , il avoit déclaré à Madame de M ont
badon fa belle-mère , qu’il s’en rapportoit entièrement à
elle & à fa famille; ôc c’eft cette déference de M . le
Préfldent d’A b b a d ie, pour Madame de Montbadon, que
les enfans même? de Madame de Montbadon dénoncent à
la juftice comme une preuve de démence ! Madame d'Abbadie à convoqué aulli trois ou quatre de fes alliés, qui
ne font ni parens ni alliés de M . le Préfldent d’Abbadie ,
& qui fans le connoître perfonnellement, ont reconnu fa
démence aux deux voyages qu’il a faits pendant les vacan
ces de l’année
178 j , l’un de 20 jours en Normandie
pour fon plaifir , l’autre de cinq
femaines en Bearn,
pour fes affaires, voyages qui fuivant eux ne font que
des courfes vagabondes , & des enlevemens de fa perfonne. Elle a appellé le Chevalier de B orda, fon commenf a l , à qui le fleur de Borda donnoit la table & le logement,
quoiqu’il lui fût
totalement étranger, & qui après le
décès de ce Ferm ier-G énéral, a continué de loger pen
dant deux ans en fon h ô t e l, avec Madame d’A bbadie, & yt
�«*'
feroît encore , s’il en étoit le maître , ôc fi M . le Préfident
d’Abbadie ne l’avoit prié enfin au mois d A oût dernier par
le miniftère d’un H u iiïier, d’aller loger ailleurs. E lle a ap<
pellé l’Abbé Lagrenée , Prieur de Saint V i& o r , fon convive
afiidu, qui a vu partir quelquefois M . le Préfident d’Abbadiepour fa maifon de campagne dans l’écé de 178J , qui l’a
entendu chanter, fans qu’il prononçât des fons articulés ,
& qui a oui-dire à fon portier dont il a bien voulu être
l ’organe , que le 8 Septembre 1 7 8 ? , M. le Préfident d’A b
badie , ( partant pour la campagne) avoit paru dans la cou r,
avec une. vefte blanche ( par deifus laquelle étoit un habit
gris ) qu’il s’étoit aifis
fur des
p ou tres, ( en attendant
l’Abbé d’Ethegaray qui devoit partir avec lui.) : il a déclaré
aufli, ce font fès termes, qu’il avoit vu quelquefois Madame
d’Abbadie qui ne réclamoit que l’heureufe félicité de rem
plir auprès de fon mari, ( en le faifant interdire) les devoirs
de la religion & de l’ordre f o c ia l, & qu’il penfoit que de*
foins di&és par fa tendreife, & préfentés par la droiture de fe s
intentions, étaient plus chers à l’humanité de fon ame. Madame
d’ '\bbadie aappellé enfin des témoins qui avoient depofé
dans l’enquête que le Confeil venoit d’annuller, tout ce
qu’elle a pu raifembler de gens dévoués à fes intérêts, juf.
qu’à trois elomeftiques dont deux font à fon fervice , & à
la tête defquels eft le C o ch er D o u c e t qui après avoir eu
l ’hon neur de correfpondre avec e l l e , a eu celui de figurer
dans l’aifemblée des foi-difans parens & amis de fon maître.
C e ne font pas là les parens & amis de M . le Préfident
d’Abbadie, les feuls que les ordonnances du fieur Lieute
nant Civil permettaient d’aifembler. C e font des étrangers,
des intrus dont le vœu ne doit pas être écouté.
M
�84
L e s parens & amis de M . le Préfident d’Abbadie ont été
convoqués à fa requête : ils font au nombre de 2 6 , dont
feize parens ôc dix amis. La plupart ont rappellé les chagrins
domeftiques auxquels il a été en p roye; tous ont reconnu
la capacité , la fageife de fon adminiftration , l’habitude où
il eft de faire des épargnes & des acquifitions : tous ont été
d’avis de rejetter fon interdi&ion comme une injuftice ôc
une cruauté.
Ajoutons à l’avis des parens ôc amis de M . le Préfident
d’A bbadie, le jugement que le fieur de Borda fon oncle , ôc
Madame la Préfidente d’Abbadie fa mère ont porté fur fon
é ta t, ôc dans lequel ils ont perfifté jufqu’à leur dernier m o
ment.
L e fieur de Borda par fon teftament du trois août 1778 en
nommant M . le Préfident d’Abbadie fon exécuteur teftamentaire , déclare qu’ il lui doit cette confiance qui ne peut
» être en meilleurs mains, qu’elle opere fa tranquillité , 6c
» qu’elle fera le bien de tous fes repréfentans.
Mais , a-ton dit, page 112 du M émoire imprimé de Ma
dame d’Abbadie, ôc c’eft fans doute ce qu’on fe propofe de
répéter à cette audience, le teftament du fieur de Borda
eft antérieur à la maladie de M . le Préfident d’Abbadie
qui eft arrivée en 1 7 8 1 ; le teftateur ne pouvoit plus fe
choifir un autre exécuteur teftamentaire : il avoic efiùyé
dès le mois de Juillet 1780 une violente attaque deparalyfie
qui lui avoit ôté l’ufage de la parole ôc de la main droite.
L e fieut de Borda, dites v o u s , avoit perdu depuis le
mois de Juillet 1780 l’ufage de la parole , ôc n’avoit pu par
conféquent fe choifir un autre exécuteur teftamentaire? Mais
nous avons trois preuves authentiques du contraire,
�8*
i°. L e fieur de Borda avoit conienti le 2 $ Janvier 1781 ,-erf
faveur de M . le Préfident d’Abbadie, une procuration à
l ’effet de régler pour lui une affaire de la plus grande im
portance, avec la compagnie
de la Guianne. L e fient*
de Borda n’avcit donc pas perdu depuis le mois de Juillet
1780 l’uiàge de la parole.
2°* L e fieur deBorda a difpofépar una£tedu 27 A vril 17^81
en faveur du fieur de Saint Criftau de fa charge de Con-’
trô leu r, & Mifeur des o&rois de la ville de Nantes ; il
lui en a laiffé la finance qui eft de 2 ; j.,000 liv. à titre de
conftitution. Il n’avoit donc pas perdu depuis le mois de
Juillet 1 7 8 0 , l’ufage de la parole.
3 °. L e fieur de Borda s’eft démis par un a S e du "2 Jan
vier 1 7 8 3 , en faveur du fieur de Saint Criftan, de fa place de
Ferm ier-G énéral, & lui en a laiffé les fonds d’avance à titre
de conftitution. Il n’avoit donc pas perdu l’ufage de la paroledepuis le mois de Juillet 1780, il auroit donc pu fe choU
fir un autre exécuteur teftamentaire en 1 7 8 3 , époque pof*
térieure de deux ans à la prétendue démence,; de M . le'
Préfident d’A bbadie; cependant il n’a pas fait un autre choix j
il a perfevéré jufqu’à fon décès arrivé au mois de N o v em
bre 1784., dans la confiance qu’il avoit accordée à M. le
Préfident d A b b a d ie , & dont il lui avoit donné par fort
teftament une marque fi honorable. Il l’a donc jugé jufqu’à
fon dernier moment capable de remplir les fondions qu’il
lui avoit confiées
en 1778 , &
plus de p o id s, q u en
ce jugement a d autant?
1 7 8 3 , M . le Préfident d’ Abbadie
avoit paffé neuf mois a Paris dans la Com pagnie de fori
©ncle, qui connoiffoit parfaitement fon état.
�96
Madame îa Préfidente d’Abbadie a également confié à
fon fils l’exécution de fon teftament en date du 10 Février
1783 , & elle a perfeveré jufqu’à fon décès arrivé au mois
d’ Août 178 4 , dans la confiance qu’elle lui avoît accordée.
Q u e le jugement de la mère eft impofant ! E lle avoit tou
jours v é c u avec fon fils ; c’eft dans fes bras qu’elle a rendu
le dernier foupir. Elle connoiifoit fon état mieux que tous
autre : on ne fe perfuadera jamais qu’elle l’eût chargé du
foin d’exécuter fes dernières v o lo n té s, s’il en avoit été incapable, & l’événement a prouvé combien ce fils étoit
digne de la confiance de fa m è re , puifqu’immédiatement
après f jn décès , il a acquitté environ 30,000 liv. de
charges de fa fucceifion , avec des épargnes qu’il avoit
faites fur 40,000 liv. de rente,
L ’argument tiré de l’exécution du teftament de la mère
confiée aux foins du fils , n'eft point de m oi, M M ; je no
dois pa?en dérober le mérite à fon A u teu r; il eft d’un
jurifconfulte qui a été confulté à ce fu je t, & qui voudra
bien me pardonner, (1 je le nomme , pour confolider par
fon fuffrage cette partie de la défenfe de M . le Préfidenç
d’Abbadie, C ’eft M e. Martineau. Il ne renverfera pas fan$
doute dans le choç de l’audience, un ouvrage qu’il a compofé dans le calme du Cabinet , & il laiiTera du moins
dans cette caufe à M . le Préfident d’Abbadie un moyeu
de défenfe qu’il lui à fourni lui-môme.
L ’oncle ôc la mère de M . le Préüdent d’Abbadie, fes parens & amis au nombre de 26 , ont prononcé en fa faveur.
Il n’ont pas pu fe méprendre tous fur fon état ; la famille
fi intéreilée à la confervation de la perfonne ôc de la for
tune Je ce Magiftrat, nauroit pas été d’avis de lui laifler
�-87
ladminiftration de l'une ôc de l’autre , s’il en avoit été inca
pable.
I N T E R R O G A T O I R E S ,
Nous arrivons à l’dpoque la
(i)
plus intéreflante de l’inf*
tru&ion , celle où M. le Préfident d’Abbadie tantôt furpris
dans fa maifon , tantôt invité à fe rendre à l’hôtel du M agiftrat, fetrouve feul devant l u i , ôc répond fur le champ',
durant le cours d’environ cinq mois, aux diverfes queftions
qui lui font propofées; c’eft moins une inftruction faite fur
fon état qu’une inquifition exercée fur fa perfonne par M a
dame fon E p o u fe, qui abufant de l’extrême délicateffe du
fieur Lieutenant-Civil, n’a ceifé d’alarmer fa religion, par
de faux rapports, par des réquifitions continuelles faites
quelquefois par é c rit, ôc plus fouvent de vive v o ix , ôc a
forcé en quelque lorte ce MagiQrat d’ufer envers M , le
Préfident dA'bbadie d’une rigueur inouie qui convenoit
fi peu à fon caractère naturel, ôc que fes fondions n’exigeoient pas.
Les Interrogatoires que M . le Préfident d’Abbadie a fubis
font au nombre de f e i z e , non compris une foule d’aètes
de comparution, ôc de dires perfonnels. Ils ont commencé
le 29 D écem bre 1 7 8 ; , ôc ont fini le 18 Mai 178 6. O n
trouve d’ailleurs dans cet intervalle les vifites de deux
Medécins continuées pendant foixante huit jours confécutifs, depuis le trois mars 1 7 8 6 , julques au 9 mai fuivant.
( 1 ) L e procis-verbal d'audition de M . le Préfident d'Abbadic fera imprime fcparM
»ent avec quelques obfervations y relatives.
�88'
Une tête qui a pu refifter a une pareille épreuve, eft peut-*
être plus forte que celle qui i’accufè de foibleffe.
O n n’a pas ofé iufpt&er ouvertement la foi du fieur
L i e u t e n a n t - C i v i l dans les interrogatoires’de M . le Préfidenc
d’Abbadie : mais on a dit qu’il les avoit rédigés prefquetous,
on a cité pour preuve de ce fait un interrogatoire où il
eft dit que M. le Préfident d’Abbadie à répondu, diclant
lui-même : ce qui n’eft point dit dans les autres.
A cet é g a rd , M M , je dois avoir l’honneur de vous
obferver que Madame d’Abbadie deconcertée par fix inter
rogatoires que M . le Préfident d’Abbadie avoit fubis depuis
le 29 Décem bre 1785 jufques au 25 Janvier 1 7 8 5 , a eu
le courage de prier le fieur Lieutenant-Civil à la fin du
môme mois , de s’écarter de la manière de conftater les
réponfes qui eft en u fa g e , en pareil cas, au Châtelet, eit
la C o u r , & dans tous les tribunaux, & de faire écrire
pelles de M . le Préfident d’Abbadie fous fa di&ée immé
diate , fans les faire paffer par la bouche du Juge , en énon
çant qu’il les di&oit lui-même : elle fe flattoit de fairg
loupçonner par ce moyen que les réponfes contenues dans
les- lix premiers interrogatoires n’étoient pas les réponfes
fidelles de M . le Préfident d’Abbadie. L e fieur LieutenantCivil auroit du rejetter cette demande comme in d écen te,
comme injurieufe à fon caractère fie à fa perfonne « il a eu
néanmoins la complaifance de céder aux importunites de
Madame d’ Abbadie, & d’énoncer dans un interrogatoire que
M . le Préfident d’Abbadie avoit repondu , diclant lui-même
f a reponfe. Mais les reponfes qu’il n’a pas di&ées immédia
tement au Greffier dans les autres interrogatoires, il les a
adreiTées au iieur Lieutenant-Civil qui les a répétées au
Greffier,
�80
Greffier. C e font toujours le» xéponfes perfonnelles de
M . le Préiident d’A b b a d ie , & il faut neceifairement les
regarder comme te lle s, .jufqu’à ce quon s’infcrive en faux
contre les interrogatoires, & qu’on les faffe déclarer faux.
Dans l’état a£tuel des chofes, la foi eft due au caractère du
Juge , & à fon procès-verbal. Les réponfes que ce procèsverbal renferme font toutes aux yeux de la L o i les ré;ponfesiperfonnelIes de M . le Préfident d’A bbadie, la vraie
expreifion de fes penfées & l’image fidelle de la fituation
de fon efprit.
M . le Préfident d’Abbadie a fubi d’abord dans l’elpace
de cinq femaines neuf interrogatoires, fçavoir les 29 D é
cembre 1 7 8 ? ,
15,17, 2 t , & 2 f
J an vier, 1 , 6 , &
y Février 1786. A quoi il faut ajouter cinq aftes de corn-*
^parution perfonnelle des 3 , 4 , 8 , 1 4 , & 18 F é v r ie r , jours
ou il a Converfé avec le Magiftrat de manière à lui faire feu*
tir qu'il étoit inutile de l ’interroger.
L es interrogatoires des y & 17 Janvier ont été fubis
,à V itry dans la maifon de campagne de M. le Préfident
d’Abbadie , où le fieur Lieutenant - C ivil eft allé le furprendre , d’après deux requêtes de Madame d’Abbadie
contenant qu’il étoit aclu dans une démence complette.
Us ont duré quatre heures & demie chacun : iis ont roulé
fur les faits le plus propres à irriter la fenfibilité de M .
le Préfident d’Abbadie. E h ! pouvoit-il en être autrement*!
C ’ étoit fon époufe qui l’interrogeoit par l'organe du M a
giftrat, à qui elle adminiftroit tous ces faits. Mais fi M .
le Préfident d’Abbadie a été humilié par les queftions qu’o n
lui faifoit, Madame la Préfidente d’Abbadie a du être b ie *
M
�90
mortifiée de fes réponfes ; elles font toutes marquées an
coin du bon fens , & de la raifon,
L e s interrogatoires des 21 Janvier & premier Février
1 7 8 6 ont été fub:s fur l'invitation du fieur Lieutenant C ivil
à qui Madame la Préfidente d’Abbadie avoit infinué de vive
vo ix que fon mari étoit dans le délire. Ces deux interroga
toires & tous les autres font marqués au même coin. Il
n’y a qu’un fou qui foit capable d’y trouver le moindee;
fymptôme de folie»
Com m e M . le Préfident d’Abbadie foutenoit avec avan
tage l’épreuve des interrogatoires, on a imaginé d’y join
dre celle des vifites des Médecins. L e fieur Lieutenant‘C iv il à commis a cet effét, par une ordonnance du 20
F évrier 178£> , le fieur Philip ancien Doyen de la Faculté
de M é d e c in e , & le fi&ir la Clerc M édecin ordinaire du
R o i au Châtelet.
C ette Ordonnance a été fignifiée aux deux Médecins ,,
le 2 Mars
à la requête de M . le Préfident d ’Abba-
die ; il avoit provoqué l’avis des parens & amis & les
interrogatoires ; il a fallu qu’il provoquât auffi les vifites
Vies Médecins : c’eft peut-être pour la première fois qu’on
à vu un homme accufé dé démence prévenir fes adverfàïres dans toutes les parties de l’inftrucUon.
O n a plaidé que fi l’Ordonnance du 20 Février 1786
n’a été fignifiée que le 2 Mars fu iv a n t, ç a été parce que
M . le Préfident d’Abbadie devoit avoir un accès de folie à
îa fin du mois de Février , & qu’on ne vouloit pas que les
[Médecins débutàffent par le rrouver dans cet état.
; Mais fi M . le Préfident d’Abbadie devoit avoir un accès
«le folie à la fin du mois de F'évrier 1786 , pourquoi M a
llame ion ¿poufe ne i ’eil-elle pas empreffée de fignifier
�91
l’Ordonnance du 20 , aux deux M éd ecin s, & de faire furprendre fon mari à la fin du même mois dans ce prétendu'
accès de folie ? C ’eût été un fi beau début pour
nement fi propre à la confoler des
neuf
e lle ,
un évé
interrogatoires que
M . ie Préfident d’Abbadie avoit fubis depuis, le 29 D écem
bre 1785 jufques au n eu fF évrier
1785,
& du mauvais fuc-
cès des deux voyages que le fieur Lieutenant C ivil avoit faits
à V it r y , à fa réquifition, les 5 & 17 Janvier précédent.
M . le Préfident d’Abbadie étoit en démence à la fin
du mois de Février 1 7 8 6 , comme il y étoit les y 6c 1 7
J a n v ie r, comme il y a été tant d’autres fois qu’il a été
invité à fe rendre à l’hôtel du fieur Lieutenant C i v i l , fur
les réquifitions verbales de MaJame fon époufe , dont il a
confondu les aiTertions téméraires par fa préfence,
par fes réponfes.
ÔC
D ’ailleurs le fieur Philip attefte dans le rapport, que
depuis le 1 j Février 1785 jufqu’au 3 Mars fuivant, jour oit
les vifites juridiques ont commencé , il a vu journellement
A l. le Préfident d’Abbadie , & qu’il l’a
oujours trouvé
jouiifant de fa raifon. Il n'eft donc pas vrai que M . le
Préfident d’Abbadie ait eu un accès de folie à la fin du
mois de Février 1786.
Mais , a-t-on d i t , le fieur Philip ne pouvoit pas être
nommé Expert conjointement avec le fieur L eclerc : d’un
c ô t é , il étoit le M édecin ordinaire de M . le Préfident
d’Abbadie : d’un autre c ô t é , il s’étoit déjà expliqué fur fon
état par des certificats, & par le dire qu’il avoit fait au moi|
de Septembre 178J en l’hôtel du fieur Lieutenant Civil.
L a réponfe à cette obje&ion éft prompte ôc facile.
D ’un coté
f aucun m otif ne
doit faire exclure le Méden
M j.
�cin ordinaire d’ùn homme , de la vifite juridique de fa per-*
ibnne. L a connoiffance qu’il a <fe fon état paffé le rend'
même plus propre à faifir toutes les nuances de fon étatr
préfent, & à donner à la juftice les lumières qu’elle deftre»
L e fieur Philip eft d’autant moins fufpe& qu’il n’a point fait
de rapport particulier, quoiqu’il fût autorifé à en faire un
par l’Ordonnance du fieur Lieutenant-Civil, & que le rap
port quia étéfait eft commun entreluiôc le fieur L e c le rc , qui
l’a r é d ig é , qui en a écrit la minute entière de fa main r
& qui n’eft point fufpeft à Madame la Préfidente d’Ab«
badie.
D ’un autre côté , fi le fieur Philip s’étoit expliqué fur
l ’état où M . le Préfident d’Abbadie étoit en 1 7 8 5 , il 11e
s'étoit pas expliqué fur l’état où il étoit en 1 7 8 6 , depuis
le 3 Mars jufques au 9 M ai, & c’ell ce dernier état qu’il a ét é
çhargé d’examiner conjointement avec le fieur Leclerc. If
ne s’étoit donc pas expliqué fur l’objet de fa miiTion*
il ne peut donc pas être fufpeûé fous ce prétexte,
R A P P O R T
D E S
M É D E C I N S .
L e rapport des Médecins dit « qu’ils ont d’abord trou» yé
l’état
phyfique de M .
le
Préfident d’Abhadie
» fa carnation, fon em bonpoint, fes m ouvem ens, l’exer» cice des fondions corporelles , tout fon enfemble
j> dans ; l’ordre naturel, excepté fon afpeft , qui annon9 çoit de la mélancolie; qu’il leur a dit qu’il étoit accablé
» de chagrins dont il n'a point articulé la caufe ; qu’il
» s’eft fort appéfanti
fur ces foucis ôc peines d efprit
» dont il a paru vivement a f f e f t é .... qu’ils ont engagé la
* cenverfation fur divers objets, & fur différentes matières,
�» qu*il a répondu à tout a ve c juftefte & de manière à n’anv noncer aucune léfion des fondions de l’a m e , ‘ que fa
» m ém oire n’a point paru affaiblie à en juger par quelques
» traits d’hiftoire déjà a n c ie n n e , qu’ il a cités avec exadi«
» tude . . . . . que fon jugem ent & fa manière de rpifonner
» n’ont paru fouffrir aucune altération , &
qu’il revient
» fréquemment à fes chagrins qu’il peint avec DES c o û
te l e u r s f o r t e s e t s o m b r e s ; que pour mieux connoître
» fon état phyfique & m o r a l, ils ont pris exprès des heu» res différentes , qu’ils ont a ffe d é chaque jour de ï’entre» tenir fu r des matières diverfes &
autres que celles qui
» avoient été agitées la v e ille ., &
qu’il leur a toujours
» parlé de
b on jcn s, & fans aucune apparence de déraifon-
» nement ».
Suivant le rapport, cet état s’eft foutenu jufqu’au 17
M a rs, fans que M . le Préfident d’Abbadie ait donné le.
moindre figne d’altération., n i , au phyfique, ni au moral;
Il a eu le 18 Mars un accès de fièv re; mais fuivant le
rapport, toutes fes paroles étoient d’un jugement fa in , &
riarmonçoient aucune efpèce de léfion dans les opérât ions de
/f*
l ’ame.
L e 1 9 , il eft allé fe promené^ à C.lamar-ipus-Meudon ,
OÙ eft une maifon de campagne dépendante de la fuccefiion de fon oncle.
r
.
L e 20 , au matin, il a été vifité fucceifivement par les
'¿eux Médecipa.
,
L e ûeur Philip, a^tefte
(¡vil riapas.laijjééchapperunmot
quinefut raifonnab\eque
quent & un peu élevé..,
cependant fon pouls ¿toit fré
^
L e fierfr L e c le r c a t te ft e q u il l ’a trouvé mangeant des hui~
�• 94 _
.
très , ayant le pouls plus v if & plus "élevé que de coutume
parlant avec acîion , mais cependant s a n s 'd é r a i s o n n e r .
L e 2 1 , il ne reftoit que quelques veftiges de l'agitation
de la v e ille; mais il étoit dans l’état de raifon, qui eft,1
fuivant le rapport , fo n état habituel , & cet état s’eft foutenu jufques au 1 2 Avril.
L ’accès de fièvre du mois de Mars n’a donc pas été un
accès de folie.
M . le Préfidçnt d’Abbadie a fubi le premier Avril 1786
un dixième interrogatoire àuiïi fain que ceux qui l’avoient
précédé.
c'
D ’après les interrogatoires & le rapport des M édecins,
nous trouvons trois mois ôc demi confécutifr que M. le
Préfident d’Abbadie a paiTés dans un état continuel de
raifon, favoir depuis le 29 Décem bre 1785 , jufques au 12
'Avril 178 ¿T.
*
Q uelle fituation que celle d’un homme délicat & fen-
fible ,
d’un Magiftrat de la première claiTe,
recherché
pendant trois mois & demi, tantôt interrogé par le J u g e ,
tantôt vifité par des Médecins qui le trouvant toujours raifonn^ble.,, attendent toujours qu’il devienne fo u , ôc cher
chent Tans cefle à furprendre dans fes difcours, dans fes
regards, dans fon maintien , quelque fymptôme de dé
mence. Il lui auroit été permis de fe fouftraire enfin à
cette inquifition , ôr d’aller refpirer en liberté dans fes
terres jufqu’à ce que la juftice prononçât fur fon état qui 9
'y
après un examen de.trois mois & dem i, devoit être' fuffifemment connu. Mais5il a eu la patierice de foutenir cette'
é p r ç u v ç , encore pendant cinq femaines ; il a été raflcfïié'
^hum iliations, il a àvûlé pendarit cinq mois le calice que
�9S
lu i préparoit fon époufe, & où elle fe plaifoit à verfer
chaque jour de nouvelles amertumes.
C e qui a le plus offenfé M . le Préfident d’Abbadie du
rant, le cours de cette inqui’fition, c’eft l’audace des efpions
que Madame la Préfidente d A bbad ie fe van te, dans fon
Mémoire imprimé, d’avoir à fes ordres, & qui lui vendent
les infultes qu’ils font à fon mari.
Toutes ces vexations entroient dans le plan de Madame
la Préfidente d’Abbadie comme propres à irriter fon m a ri,
& à ébranler fa tête ; mais elles n’ont pas produit l’effet
qu’on s’en étoit promis; la patience de M . le Préüdeut
dA bbad ie a furpafTé l’audace de fes perfécnteurs.
L e 12 A v r i l , M . lePréfident d’Abbadie a fait en l’hô
tel du fieur Lieutenant-Civil un dire très - l o n g , ôc qui
marque la préfence de fa raifon.
L e 1 3 , il a fubi un onzième interrogatoire qui fuivant
le rapport des Médecins qui y ont aiTiflé, a duré deux
heures, ôc où la dernière répo-nfe feule marque une diftra&ion momentanée ; il s’en eft apperçu lui-même, tant il
eft vrai que la raifon dominoit toujours en lui dans cette
agitation éphémère , ôc le procès-verbal conftate qu’il a fiui
par dire au fieur Lieutenant-Civil, « qu’en bon père de
» famille, ( c’eft-à-dire , comme un bon Magiftrat qui eft:
» le père commun des citoyens ) s’il parloit à tort & à.
» travers, il devoitfuppléer à fon infuffifance. ».
Cette agitation eft tombée le même jo u r, fuivant le rap
port des Médecins qui ont viiité M . le Préfident d’Abbadie
le 13 Avril vers minuit pour la féconda fois t & qui ont
déclaré « qu il étoit excédé de fatigue Ôc d’envie de. dor
as m ir, mais que malgré cela 11 avoit répondu allez juile
�* *► aux queftionsqu’ilsiuîavoient faîtes,8c qu'flsluîen avoîenf
» fait aifez pour être fûrs que fa ficuation étoit changée en
» bien ».
Il ¿toit encore mieux le 14 A vril fuivanc le rapport.
S i dans la vifite qu’il a faite le 14 A vril au fieur Lieute*
tia n t-C iv il, H a laiifé au Portier, en fon abfence, un billet
dont le fens paroît obfcur, quelle conféquence peut-on eu
tirer ? Une idée mal conçue ou mal rendue par M . le Pré*.
' fident d’Abbadie cara&érife-t-elle un état de démence qui
néceiîite fon intercU&icm ? annonce-t-elle un danger
fi
imminent pour fà perfonne ôc pour fa fortune qu’il faille
lui en ôter Tadminiitration, & le rendre l’efçlave d’une
femme qui exerce une inquifition tyrannique fur fes expreflions, fur Tes m ouvem en t, fur toutç fon exiftence?
P epu is
fix ans que Madame
4a Préfidente d’Abbadie
garde avec tanr de foin deux lettres de fon m a ri, dont
l ’une 3 été écrite à elle-m êm e, dont elle a intercepté
Vautre, & qui marquent une diftraûion paflTagère, la per
fonne 6c la fortune de M , le Préfident d’Abbadie ont-elles
fouffert quelque atteinte ? N e jouit-il pas au contraire d’une
meilleure fànté, fuivant le rapport des Médecins qui ont
comparé fon état ancien tel qu’il leur a été d é p e in t, à
fon état préfent tel qu'ils l'ont obfervé eux-m êm es? n'at’il pas Fait chaque année des épargnes ôc des acqüifitions ?
L e billet du 14 A vril 1786 a-t-il été fuivi de quelque
accident funefte arrivé à fa perfonne, ou de quelque échec
furvenu à fa fortune? Q u ’importe donc qu’il ait fait une
ou deux réponfei dilfonantes dans fon interrogatoire du
13 A vril dernier, ôc qu’il ait écrit dans la matinée du 14
yn billet dont le fens foit enveloppé? Quelques idées obfcures
�*> - ■ 9 1
cures ôc incohérentes mêlées à des idées claires ôc juftes
pendant un ou deux jours feulement dans un efpace d’en
viron cinq mois ne forment pas un état de démence ; un
nuage qui paife n’efface point la clarté du jour ; une di£
tradion
momentanée
n’annonce
point l’éclipfe
de la
raifon.
Auifi les Médecins déclarent-ils dans leur rapport « que
» depuis le 14 A vril il n’y a eu aucun nuage, M . le Pré» fident d’Abbadie ayant toujours joui de toute fa raifon
» 6c de fon bon fens , qu’il s’eft foutenu dans un calme
» parfait, jufqu’au 9 M ai inclufivem ent, jour où ils ont
» terminé leurs vifites ; que le bon état dans lequel ils
» l’ont laiifé a continué fans interruption depuis le 14
» A v r i l , n’ayant apperçu aucun figne d’altération dans fa
» raifon , quoiqu’il eût paffé de plufieurs jours l’époque de
» fa prétendue crife, à laquelle ils avoient dû s’attendre,
» depuis le commencement du mois de M a i, d’après les
» renfeignemens qui leur avoient été communiqués».
Cinq interrogatoires que M. le Préfident d’Abbadie a
fubis depuis le 14 Avril jufqu’au 18 M a i, ôc divers dires
qu’il a faits en l’hôtel du fieur Lieutenant Civil confirment
à cet égard le rapport des Médecins.
C ’efl à la vue de cette procédure , la plus longue 8c la
plus .complette qui ait jamais éré faite en pareil c a s , que
la Chambre du C onfe;l du Châtelet a rendu le 27 Juil
let dernier, d’une voix unanime, une Sentence qui décide
qu’il n’y a lieu a 1 interdiction de M. le Préfident d’A bbadie,
& qui lui donne a&e de fes offres, de ne pouvoir faire
aucuns adçs tendans a 1 aliénation de fes biens, qu’en préfence 6c du contentement de M e B a b ille , ancien BatonN
�5>8
nier des Avocats qu’il a choifi pour fon C o n fe il, comme
aufïi de Tes offres de faire emploi en préfence du même
C o n f e il , des fommes provenantes de la lucceffion du fieur
de Borda , à l’exception des intérêts, fruits 6c revenus dont
il s’eft réfervé la libre difpofition.
L e Marquis du Coudrai a ceffé fes
p o u rfu ite s
à la vue
de cette Sentence; Madame la Préfidente d’Abbadie feule
en a interjetté appel. V o ic i le quatrième combat que M .
le Préfident d’Abbadie eft forcé de foutenir contr’e l l e , ôc
le terme heureux de cette attaque fcan.'aîeuie dont
i’é p G u f e
d’un Magiftrat n’auroit jamais dû donner l’exemple.
L e premier foin de M . le Préfident d'Abbadie, après la
Sentence du C h â te le t, a été de réclamer fes enfans âgés
l’un de dix ans, l’autre de f e p t , pour leur donner une
éducation convenable. Une Ordonnance du fieur Lieutenant
C ivil l’a aurorifé à fe les faire remettre. Il s’eft tranfporté'
lui-même à cet effet dans la rraifondu feu fieur de B orda,
accompagné de deux Notaires ôc d’un Procureur au C h â
telet-; mais fa démarche a été vaine ; Madame la Fréfidente
d’Abbadie a également méconnu l'autorité paternelle ÔC
l ’Ordonnance du Magiftrat.
Q uelle fcène, M eilleurs, que celle qui s’eft paifée danscette
occafion ! ces enfans ont jetté des cris d’effro i, ôc ont
pris la fuite à la vue de leur père. Q u e l ennemi commun
a donc étouffé dans ces jeunes cœurs les fentimens naiifans de la confiance ôc de l ’ a m o u r filial ! quel forffle impur
y a éteint le feu facré de la Nature ! malheureux père ! il
va chercher fes enfans , & il a la douleur de les voir fuir
devant lui : il tend la main à l’un', il le tient, il le carreffe, ôc un Laquais audacieux s’efforce de le lui enle
�pp
ver^(i). C e n'étoic pas encore là le dernier malheur qui
lui étoit réfervé. Reftés au pouvoir d’une mère qui facrifie tout à e lle -m ê m e , ces enfans font à la fois les inftrumens & les vi&imes de fa cupidité : on les conduit
chez les Magiftrats : ils follicitent par leur préfence l’interdi&ion de leur père : ils demandent fans le fçavoir, d’être
flétris 6t profcrits avec lui ; & c ’eft une mère qui eft leur
interprête & leur organe ! . . .
Mais fon vœu ne fera
pas rempli : la loi vient au fecours de ces êtres innocens,
& prend foin de leur deftinée, en protégeant l’état de leur
père ?
M
O
Y
E
N
S
.
L ’interdi&ion pour caufe de démence eft; une dégra
dation to ta le , une efpèce de mort civile. L e citoyen in
terdit comme infenfé eft déchu de toutes les prérogatives
qu'il tient de la nature & de la loi ; il n’a plus que l ’ap
parence de l’hcm m e; c’eft un objet de dérifion & de mé
pris, un être pailif alfervi a une volonté étrangère, & dont
l’unique droit eft de recevoir des alimens qui prolongent
fa miférable exiftence.
Plus les effets de l’interdi£Uon font funeftes, plus l’ac
tion qui tend à la faire prononcer, eft odieufe. Il eft dans
l’ordre que le père de famille jouifle de fon é t a t , de fa
liberté, de fes propriétés : lui ravir cettz jouiftance eft un
a£te violent qui répugne à la nature , & que la loi ne per-
(1} Ce Laquais eft le nommé Ticrcelln , dont la femme eft F -mnie-deChambre de Madame la Prélidenre d'Abbadie , & dont le Père vu «ians le
P o ito u , des bienfaits de M. le Pré ident d’ Abbadie
N ij
�IOO
met qu’à regret. - C ’eft moins un bien qu’ un mal quelque
fois néceifaire, pour en prévenir un plus grand.
La demande à fin d’interdi&ion du m a ri, pourfuivie par
la femme feule, contre le vœu do la famille, bleife l’hon
neur du mnriage, feandalife les m œ urs, & doit exciter la
défiance de la juftice. L a Marquife de Cabris n’auroit pas
la curatelle du Marquis de Cabris, fi elle avoit confpiré
contre l u i , & cherché des moyens de le faire interdire. L e
titre d’époufe fufRfoit à fon cœur : ce n’a été que la larme
à l’œil qu’elle s’eit vue chargée du titre de curatrice : c’efl
principalement par le zèle avec iequel e le a pris la défenfe
de fon mari qu’elle a mérité Tcftime des citoyens & la
confiance des Magiftrats.
Mais combien une pourfuite de ce genre n’eft-elle pas
odieufe de la part d’une femme qui de tout temps a fait
le malheur de fon mari, qui a employé quatre ans à s’ar
mer contre l u i , & à faire les préparatifs de fon interdic
tion , qui s’eft fait autoriier par un certificat de Médecins
à l’ envoyer dans une maifon de fo r c e , qui l’a fait décla
rer fou
incurable en fon abfence , par un autre certifi
cat d'un M édecin qui, fuivant elle-même, venoit d^ pro
mettre fa guérifon totale , qui a fait fes délices de ce cer
tificat, & d’une correfpondance collufoire par laquelle fes
confidens, fes fuppôts, un Coch er même l’entretenoient
fans ceffe de la prétendue maladie de fon mari; qui, pour
l ’accufer de dém ence, a attendu qu’il.eût perdu fa mère &
fon o n c l e , & que fa fortune fc fût accrue de plufieurs mil
lions , qui a reconnu d’abord fa capacité pour adminiflrer,
en lui demandant le pouvoir de toucher ces millions, &
a affecté de ta méconnoître au (fi tôt qu’elle a vu qu’il vou-
�ÏOI'
loit les toucher lui-même & en faire un emploi utile ; qui
l a attiré en trahifon de Pau à Paris, pour le pourfuivre
à Pau à fon infçu , ôr a réuili à force d’intrigues à le faire
interdire par provifion , fur le feul avis d’une poignée de
parens & alliés éloignés &
de foi-difans amis;
rigueur
inouie à laquelle un Bedeau de l’Univerfité de Pau échapp o it, contre le vœu de fa famille, dans le temps même
où un Magiftrat du premier rang en étoit la v id im e ; qui
a ofé le tenir en chartre privée pour l’empêcher de fe
défen dre, & l’a privé des fecours néceifaires contre une
colique violente dont il étoit atteint ; qui s’eft emparée
clandeftinement de fes revenu s, qui le rend depuis deux
ans le jouet de l’ efpionage le plus hardi ôc le plus fean*
daleux, exerce fes enfans à jouer le rôle de folliciteurs
contre leur père , contre eux-mêmes , fait coniifter fon
honneur à les déshonorer, & femble ne pouvoir plus être
heureufe que par la profeript'on de fa famille. ?
Madame la Préfidente d’Abbadie croit elle donc que la
curatelle de M . le Préfident d’Abbadie lui feroit-déférée,
après des procédés aufii odieux, s’il étoit polîible que ce
Magiftrat fin interdit? N o n : nos loix feront m éconnues,
nos mœurs entièrement relâchées , toute idée de juftice
effacée de nos efprits, tout fentiment d’honnêteté éteint
dans nos coeurs, avant qu’une telle femme puifie être nom
mée curatrice de fon mari.
Si la demande à fin d’interdi&ion de M . le Préfident
d Abbadie eft odieufe par les circonftances qui l’accompa»
gn en t, elle eft aufii injufte en elle-m êm e,
fort qu elle
&
digne du
eu devant les premiers Juges.
11 eft évident que M . le Préfident d’Abbadie jouit de ia
�i6 i
rail fon1, ¿a qu’il eíl capable d’adminifirer fes biens.
Son état de raifon eft démontré par l’avis de fa famille,
par íes interrogatoires & par le rapport des Médecins.
Sa capacité pour adminiftrcr eíl une fuite naturelle de fon
état de
ra ifo n
; elle eft démontrée d’ailleurs par fon ad-
miniftration m êm e, par fes épargnes, parles acquiiitions
qu’il a faites depuis 1781 , époque à laquelle on fait com
mencer fa prétendue démence. Il n’a jamais a lié n é, il a
toujours acquis : que pouvoit-il faire de plus ?
Rappeliez-vous , Meilleurs, c e ta & e d’adminiftration quia
fuivi immédiatement le décès de Madame la Préfidente
d’A bbadie, m ère, arrivé dans le mois d’A oû t 1784; M .
le Préfident d ’Abbadie avoit alors en réferve fon revenu
d’une année, environ 40,000 liv. Il a employé près de
trente mille livres à acquitter des legs portés par le tes
tament de fa mère, quoiqu’elle lui eût accordé un délai de
quatre ans, pour payer les fournies principales & les inté
rêts. Ces deniers étoient oififs dans fa caiife; ils ont fervi
fur-le-champ à éteindre des intérêts onéreux ; & fon projet
é t)it d’employer fucceíTivement fes revenus à l’acquit des
charges de la fucceffion de fa m è r e , fans aliéner aucuns
fonds..Si un tel Adminiftrateur pouvoir être interdit, quel
eft l’homme qui feroit digne d’être fou Curateur?.
En vain dit-on que des interrogatoires peuvent ne mar
quer qu’ une raifon apparente, & qu’ils ne font pas toujours,
quelque raifontiables qu’i!s paroiifent,
taines d’ un état de raifon.
des preuves cer
U n , d e u x , ou trois interrogatoires peuvent être fubis
dans des moments lucides &. marquer plutôt le fommeil
�103
'de la f o lie , que le réveil de la raifon. Mais feize interro
gatoires, dont neuf font fubis dans l’efpace de cinq femaines, depuis le 29 D écem bre 178) , jufques au neuf Février 1 7 8 5 , dont plufieurs font fubis dans des jours choins
par la partie qui cherche à découvrir la prétendue démence;
tant d’interrogatoires q u i , avec une foule de dires perfonnels embraifent un efpace d’environ cinq m o is , ne peu
vent pas être des fignes douteux de la raifon qu’ils an
noncent; la raifon qui fe foutient fi long tem ps, ôc qui
réfifte à une telle épreuve , doit être réelle ôc folide. D eu x
Médecins qu i, après avoir vifité M. le Préfident d’Abbadie
pendant foixante huit jours confécutifs, ont atteilé fous
la foi du ferment, que fon état habituel eft un état de raifon,
n’ont pas pris l’apparence pour la réalité ; ôc vous-mêmes,
Meilleurs, avec qui M. le Préfident d’Abbadie a eu l’honneur
de converièr en follicitant votre juftice , vous favez fi fa
raifon eft une lueur trompeufe, ôc fi elle ne reifemble pas
à celle des autres hommes.
Si fa conduite étoit infenfée, on auroit un prétexte
de dire, que la raifon qui règne dans fes interrogatoires,
n’eft qu’une raifon apparente : mais il agit mieux qu’il
ne parle, il adminiftre mieux qu’il ne raifonne , ôc des
hommes à qui la nature a prodigué fes dons, les plus
brillans, pourtoient prendre de lui des leçons de fageiTe
ôc d’écunomie.
Il
a eu des momens de trouble ôc d’agitation , cela,
eft vrai; mais ces momens dans lefquels fa raiion ne
s’eft pas éclipfée , ainfi qu’il eft démontré par fon dire
du 12 Avril ôc par fon interrogatoire du 1 3 , ets m om ens,
difons-nous, forment un
accident indifférent pour ion
�,04
. - adminiftration, & non pas un é ta t, & c’eft l’état que la
L o i confulte en matière d’interdi&ion, & non pas l’ac
cident.
L a démence eft une maladie perpétuelle de fa nature.
On
ne met. pas au rang des foux ceux qu’une fièvre
éphemère jette dans le délire, ni ceux dont la maladie
connue fous le nom de vapeurs, trouble de temps en
temps la mémoire & la raifon, ôc ce n’eft qu’à ceux en
qui la démence eft une maladie -habituelle & perpétuelle
de fa nature, que la L o i donne des Curateurs. M enti
captisi & mutïs & fu r dis
& qui perpetuo morbo laborant
,
Curatores dandi fu u t. C ’eft la difpofition des Inftitutes,
liv. 1 , tit. 23 , § 4.
E t comment feroit-il poflTible de regarder comme infenfé
un homrre
que des preuves confiantes &
multipliées
font voir dans un état habituel de raifon? l’accident du
moment où fa raifon fe trouble fans s’éclipfer, l’emporteroit-il donc fur l’état confiant & habituel où elle fe
montre fans aucun nuage , & quand la nature laiiïe un
fi grand intervalle entre un homme habituellement fou
qui a des momeos lucides, ôr un homme habituellement
calme
& raifonnable qui a quelques infians d’agitarion,
la Loi les confondra t-elle dans le jugement qu’elle portera
fur leur co m p te, & leur fera-t-elle fubir le même fort?
Q uelle feroit la condition de M. le Préiïdent d’ Abbadie,
s’il étoit interdit fous prétexte que dans un long efpace
de temps pleinement éclairé par fa raifon , il fe feroit
ren co n tré
un
ou
deux jours, pendant lefquels il auroit eu
quelques idées moins claires & moins ln.vnneufes! il fentiroit
toute l’horreur de fon éta t, il gémiroit fans cefle fous
le
�Tô*
le poids de fes chaînes, il feroît en proîe au défefpoir.
Peignez-vous, M eiïïeurs, le
fupplice d’un homme qui,
pour une légère indifpofition fe
verrôit enterrer tout
vivant: tel feroit le fupplice de M . le Préfident d’A bbadie, fi dans l’état où il eft il fe voyoit dégradé de
l ’efpèce humaine, & traité comme un vil automate qui
n*a en partage ni le fentiment ni la raifon.
E t pourquoi M . le Préfident d’Abbadie fubiroit-il cette
dégradation flétriffante ? feroit-ce parce que dans quelques
înitans fa raifon auroit eifuyé une agitation paifagère ?
mais la L o i voit d’un œil indifférent les variations de
Tefprit humain, lorfqu’elles ne portent aucune atteinte ni
à l'ordre Public, ni au bien des familles. Q u ’un homme
parle peu ou beaucoup ,
que ià parole foit lente
ou
rapide, que fes idées foient touiours claires & juftes, ou
quelquefois obfcures &
inconféquentes : peu importe,
pourvu qu’il fâche gérer fes affaires : c’eft tout ce que la
L o i exige pour le maintenir dans cette geftion. Si elle
donne un Curateur à un infenfé, c’eit uniquement parce
qu’il eft incapable d’adminiftrer fon bien : Mente captis
& qui perpetuo morbo laborant
, quia
, Curatores dandi Junt, C e
rebus fu is fuperejje
n’eft que rtlativeme: t
à i’adminiflratioti que la L o i examine les facultés ifitelle&uelles de l’homme. S ’il étoit un genre de folie com
non pofjunt
patible avec une bonne adminiftration, celui qui en feroic
atteint ne pourroit pas être interdit.
L ’inftruttion faite au Châtelet pendant près de cinq
m o is, depuis le
D écem bre 1 7 8 ) , jufques au 18 M ai
1786, fixe le dernier état de M . le Préfident d’A bbadie,
qui eit celui fur lequel la Cour a à prononcer. Q u e
O
�10 6
trouvons-nous dans ce long intervalle ? nous trouvons
deux jours du mois d A v r i l , le 12 & le 13 j pendant
lefquels fon efprit a été agité : mais dans ces jours là
mêmes fa raifon étoit dom inante, fuivant le rapport des
M é d e c in s, & comme il eft démontré par fon dire du 12 ,
&
par fon interrogatoire du
13. L a queftion à juger
dans cette caufe eft donc de favoir fi M . le Préfident
d’Abbadie doit être regardé comme incapable d’adminiftration, fous prétexte que fa raifon a efluyé une agitation
paflagère pendant un ou deux jours, dans un efpace d’en
viron cinq mois. La fjlution de cette queftion eft facile,
& la feroit également dans le cas même où cette agita
tion feroit plus fréquente , & fe renouvelleroit tous les
mois ,
hypothèfe qui eft pleinement démentie par la
procédure.
D ’abord la raifon de
M . le Préfident d’Abbadie ne
s’éclipfe point dans ces momens d’agitation. L e rapport
des Médécins le conftate ; le. dire du 12 Avril & l’inter
rogatoire du 13 le démontrent. Les foins domeftiques
pendant un ou deux jours
n’exigent pas des lumières
plus étendues que celles qui fe manifeftent dans ce dire
& dans cet interrogatoire. O n voit dans le rapport des
Médecins un fait décifif à cet égard , & digne de la
plus grande attention : » C ’eft que dans le fort d’une crife
» on a préfenté un mémoire d’ouvrier à M . le Préfident
» d’Abbadie, qui l’a lu attentivement, en a calculé le
» montant, & a répondu fur le cham p, que ce n’étoit
» pas là le réfultat de fes conventions, qu’il y avoit une
7> grande différence du prix convenu,
» term iner,
on
n avoit qu’à
donner à
mais que pour
l’ouvrier telle
�107
j*
fomme dont il devoit être content».M . le Préfident d’A b-
badie feroit donc capable de gérer fes affaires domeftiques
même dans le cas d’une maladie accidentelle femblable
à celle des 12 &
13 A vril dernier.
D ’ailleurs, les foins perfonneb du père de famille ne
font pas de tous les inftans, ni de tous les jours. Il n’en
efl aucun dans la clafïe où fe trouve M . le Préfident
d’Abbadie, ni même dans des clalTes inférieures, qui ne
paife plufieurs jours dans chaque m o is, fans s’occuper de
fes affaires domeftiques, & qui n’en confie le détail à
des fubalternes qui lui en rendent compte à des époques
marquées. M . le Préfident d’Abbadie feroit donc capable
d’une bonne adminiftration , quand on fuppoferoit que
tous les cinq m ois, tous les deux m ois, même
tous
les mois, il eifuyeroit pendant un , deux &c trois jours
une agitation femblable à celle qu’il a eifuyée les 12 &
15 Avril dernier. Une fuCpenfion momentanée de fes foins
perfonnels ne troubleroit point le cours de fon adminif
tration , qui feroit habituellement éclairée par fa raifon,
& n’en derangeroit point l’économie.
Q uel accident peut-on craindre pour la fortune de M .
le Préfident d’A b b a d ie, dans le cas où l’agiration des
12 & 13 A vril dernier viendroit à fe renouveller ?
Craint-on qu’il n’aliene fes fonds, ou
qu’il
ne les
engage par des obligations, des billets, ou des lettres
de change? mais outre qu’il n’a jamais aliéné,, qu’il eit
dans 1 habitude dacquérir, il fe foumet à un c o n fe il, fans
lequel il ne pourra, comme il efl porté par ia Sentence
du Chatelet, confentir aucuns a£tes tendans à l’aliénatioq
de fes biens.
O ij
�io8
Craint-on qu’il ne diflïpè l’argent comptant qu’il aura en
main? mais il n’a
l ’habitude de
réferve au
ja m a is
fa ire
r l.o is
dilfipé , il eft au contraire dans
des épargnes. Il avoit 40000 livres en
d’Aoû t 1 7 8 4 , & il en a employé la plus
grande partie à acquitter d’autant les charges de la fuccefiïon de fa mère. Un homme qui a été économe jufqu’à
l’âge de f o ans , ne devient pas tout-à-coup prodigue
& diifipateur. D ’ailleurs la crainte d’une diifipation future
ne doit pas produire une interdi&ion anticipée.
Craint-on enfin que l’argent comptant qu’il aura en
main ne lui foit volé ?
Mais le crime ne fe préfume pas, ôc perfonne n’ eft à
l ’abri du vol.
Si
dent
quelqu’un entreprenoit
d’Abbadie
de
voler
M . le
Préfi
en fa préfence , même en temps
de
m aladie, il s’en appercevroit, ôc il tâcheroit de prévenir
le vol. Il étoit malade le p Septembre 1781 , à fon paflage
à Poitiers, fuivant l’énoncé
des deux quittances de la
fomme de 20000 livres, que Madame la Préfidente d’A b
badie s’eft fait remettre par
le Regiffeur, A-t-elle ofé
toucher cette fomme en préfence de M . le Préfident
d’Abbadie ? N on : elle a donné un rendez-vous fecret au
R égifieur; elle l’a fait cacher dans la ru e lle , au premier
bruit qu’elle a entendu dans la chambre de fon mari;
elle a pris les facs fans compter les efpèces, de peur
que le fon des écus n’interrompît le fommeil de M . le
Préfident d'Abbadie, ôc ne l’attirât dans le lieu où elle
s’emparoit de fes revenus. M . le Préfident d’Abbadie ne
pourroit do n c pas être volé ‘en fa préfence, même e a
temps de maladie, fans qu’il s’en apperçût.
�*0ÿ
S ’il étoit volé en fon abfence , ce qui peut arriver à
tout le monde , il ne tarderoit pas à s’en appercevoir.
I l s’eft bien apperçu que Madame fon époufe lui avoit
fouftrait 35,000 livres le 8 N ovem bre 1 7 8 3 , lorfque le
fieur Olivier lui a porté cette fotnme en dépenfe dans
fon compte du 10 du même mois, comme remifeà Madame
d’Abbadie ; & dès le lendemain, il en a pourfuivi la reftitution contre le Pieur Olivier. Il mandoit de fon Château
d’Ithorots ,a u fieur Louftau , par fa lettre du 28 N ovem bre
1 7 8 4 .,aprèsdaux mois d’abfence de la V ille de Pau ; qui i
t>trouveront
dans un petit tiroir de fon fecrèt a ire , à gauche,
» du côté de la porte de la bibliothèque , un billet du fieur
» de Beaurégard , de la Jommc de 8000 liv. fou s une enve» loppe. N ’eft-il pas évident que fi ce billet lui avoit été
volé pendant fon abfence, il fe feroit apper^u du vo l ?
L es biens-fonds & l’argent comptant font donc en sûreté
dans les mains de M . le Préfident d’Abbadie , comme il»
le feroient dans celles de tout autre adminiftrateur : ce
Magiftrat feroit-il donc interdit fous prétexte de quelque
agitation pailagère qui ne feroit aucun préjudice à fon
adminiflration ? Mais le Juge qui interdit un citoyen pour
caufe de d é m e n ce, n’eft que l ’organe de la L oi qui a pro
noncé d avance cette interdiction , & la L o i n’interdit que
celui que la privation de la r.aifon rend incapable d’adminiftrer par lui-même : quia rcfîus fu is fupereffe non poffunt
iuratores dandi Jutit. O r , il eft démontré par les interro
g a t o i r e s ^ p a r le rapport des M éd ec in s, que M . le Pré
sident d’Abbadie eft dans un état habituel de raifon , &
par une longue expérience , qu'il eft capable d’adminiftrer
par lui-même» Il n eft donc pas poflible de l’interdire.
�La jurifprudence de la Cour confirme à cet égard la
difpofition de la L o i , & des exemples anciens & récens
font des garans certains que M . le Préfuient d’Abbadie
ne fera pas interdit.
L es gendres de la Dame de Saintot l’avoient fait interdire
par les premiers J u g e s , fous prétexte d’une m élancolie,
qui
depuis quelques années avoit troublé fon «fprit &
affoibli fa Mémoire , ce qui leur faifoit craindre qu’elle
ne difposât de fon bien à leur préjudice. Un arrêt du
12 Février 1548, rapporté par S o e f v e , Centurie 2 , ch. 64 f
infirma la Sentence d’interdiftion ; & pourquoi ? « Parce
» qu’on ne voyoit point , dit l’Arrêtifte, que la Dam e
» de Saintot eût encore fait aucune diffipation de fon bien,
» & qu’il n’étqit pas jufte que des enfans demandaiTent
» l’interdi£tion de leur mère fur la feule crainte qu’ils avoient
» que dans cette mélancolie elle ne vînt à difpofer de fes
» biens mal-à-propos ; une interdiction ne pouvant jamais
» être fondée fur ce qui peut arriver , mais fur ce qui efl
» arrivé auparavant qu’elle ait été demandée & pourfuivie
» en juilice.
L e fieur Fourneau DucaiTeul étoit plongé depuis plus
de trente ans dans une yvreife journalière qui troubloit
fa raifon : fes proches detnandoient fon interdi&ion fous
ce prétexte. Mais il n’avait pas di(fipé, & il a été main
tenu dans fon état par un arrêt du 1 1 Juillet 178 6.
Une habitude de trente ans eft une fécondé nature ; un
homme dont une liqueur étrangère rouble journellement la
raifon depuis plus de 30 ans eit moins capable d’adminiftrer
que ne le feroit un homme en qui une humeur naturelle pro
duiront de loin en loin pendant un ou deux jours feule
�L I1
ment
une révolution femblable à un
commencement
d’yvreife, & affimiler à cet état celui où M . le Préfident
d’Abbadie écoit les 12 &
13 Avril dernier, ce feroit le
juger avec plus de rigueur que ne le permettent le dire
du 1 2 , & l'interrogatoire du 13.
Si la C o ur a épargné en
1648 &
en 1786 le coup
de l’interdi&ion à des gens de la claiTe com m une, dont
la raifon étoit moins faine que celle de M . le Préfident
d’Abbadie , & dont la feule défenfe étoic de dire qu’ils
rfavoient point difl/pé , peut-on croire qu’elle interdira ce
Magiftrat qui a fait des épargnes & des acquifitions , ôc
qu’elle frappera fa perfonne d’une fiétrifiure en quelque
forte héréditaire, fans aucune néceflité.
Je dis , fans aucune tiécejjiiê , & c ’eft ici mon dernier
argument que je vous fu p p lie, M elïieurs, de faifir avec
toute l'attention que mérite l’importance de cette caufe.
L ’interdi&ion d’un citoyen ne doit être prononcée que
lorfqu'elle eft d’une nécefiité abfolue pour la confervation
de fa perfonne & de fes biens.
O r , il n’y a aucune néceiTité d’interdire M. le Préfident
d’A b b a d ie , ni pour la confervation de fa perfonn e, ni
pour la confervation de fes biens.
N ulle nécellitd d’interdire M . le Préfident d’A bbadie,
pour la confervation de fa perfonne : ce point eft établi
par l'aveu même de Madame d’A bbadie, & par une longue
expérience.
Madame d’ Abbadie déclare dans fon Mémoire imprimé
nu Chatelet, page 114., « que fi M. le Préfident d’Abbadie
» lui a voit envoyé fa procuration, à l’effet de le repréferxer
» p ar-tou t, on auroit eu tout ce qu’on pouvoit attendre
�» d’une interdiction, & que feulement on s’en feroit épar» gné les ddfagrdmens ».
O r , la p r o c u r a t i o n qui auroit rendu l’interdi&ion inutile
,
de l’aveu de Madame d’A b b a d ie , ne lui auroit donné
aucun
fident
p o u v o ir
fur la perfonne de fon mari ; M . le Pré-
d’Abbadie feroit refté en Béarn , maître de
fa
perfon ne, tandis que Madame d’Abbadie feroit reftde à
Paris maîtreife de
ià
fortune , en vertu de fa procuration
:
l’interdiction n’eft donc pas ndceiTaire, de l’aveu même
de Madame d’Abbadie , pour la confervation de la per
fonne de fon mari.
D ’ailleurs, une longue expdrience démontre que M. le
PrdftdentdÀ’bbadiefaitadminiftrerfa perfonne.Depuis 1781
qu’il a continud d’être maître de lui-même , il ne lui eft
en core
arrivd aucun accident fâ c h e u x , & depuis deux ans
qu’il a quittd une dpoufe devenue fa perfdcutrice , fa fantd
eft plus robutfe, & fa perfonne eft en meilleur dtat.
* N ulle ndceifitd d’interdire M . le Prdfident d’Abbadie
pour la confervation de tes biens.
Il fe fo u m e t, par une prdcaucion furabondante, d’un
c ô t e , à faire emploi de toutes les fommes mobilières
provenantes de la fucceifion du fieur de Borda, & d’un
autre côtd , à ne pouvoir paifer aucuns a£tes tendans à
l ’aliénation de fes biens que de l’avis d e M c Babille , ancien
Bâtonnier des Avocats qu’il a ch o ifi, & que la Sentence
du Châtelet lui a donnd pour confeil.
M ais, dit-on, que deviendront les revenus dans les mains
de M . le Prdfident d’Abbadie?
Je demande d’abord moi-même ce qu’ils deviendroîent
dan* les mains de Madame d’Abbadie,
Tout
�, . 1 1 ?
,
X o u t le mond.e.répo nd'^qu’ejle les. employ eroit largement
à fés beibins & à fes plalilrs% "¿c* periorme n’eft dupe de
l ’offre dérifoire .qu'elle vient de faire en la C o u r , d’employer
l ’excédent des revenus, de l’avis d e M e Hutteau fon confeil.
A coup sûr, ,M e Hutteàu auroit été confijlté plus fouvent
fur un emploi de ce g e n r e , s’il avoit continué d’être le
Confeil de M . le Préfident d’Abbadie.
M . le Préfident d'Abbadie fera de fes revenus ce qu’il
jugera à propos. Il pourvoira aux befoins de fon époufe ;
c ’eft tout ce qu’elle a droit d’exiger; il n’épargnera rien
pour l’éducation de fes enfans ; il eft bon m a r i, bon
père : 40000 liv. qu’il avoit en réferve en 178.4, lorfqu’il
ne jouiifoit que d’environ. 40,000 livres de rente , & les
acquifitions
qu’il a faites depuis
1781 , prouvent cju’il
fçait trouver de l’excédent dans fes revenus, & l ’employer
d’une manière utile. C e que Madame d'Abbadie promet
de faire , M . d. ’Abbadie l’a déjà fait.
E t quand il feroit certain qu’il dépenfera fon re v e n u ,
feroit-ce un m otif pour l’interdire? Les fruits ne font-ils pas
eonfacrés à la jouiifance du père de fam ille, & a - t - o n
jamais interdit un m ari, de peur qu’il ne donne à fon
revenu une deftination arbitraire & indépendante de.»
goûts & des caprices .de. fa femme ?
M . le Préfident d’Abba die jouit de fa raifoh : fes
interrogatoires & le rapport des Médecins le prouvent ■
:
il eft bon adminiftraceur, fes épargnes & fes acquifitions
le démontrent. Il a clioifi. d’ailleurs. M c Babille pour fon
C o n fe il; fon adminiftration aura pour g u i d e 'l ’expérience
la plus confom m ée, & la fpgefle fera déformais la com
pagne de fa raifon.
Répétons en finiiTant ce que nous diiions l’année dernière
au Châtelet.
P
�'r i4 '
Q u e Ta. deftinée de M . le Préfident d’Abbadie eft cruelle]
Sa vie n’eft depuis, fon mariage qu’une chaîne d’épreuves
affligeantes dont la dernière tend à le dégrader & à le
plonger dans-un abîme de misère.
Il eft attaqué par un parti qui a confpiré fa perte ; &
qui voit-il à la tête de cette confpiration ? Son époufe.
Une époufe*. dans le choix de laquelle il a facrifié les.
convenances
de. l’in térêt, pour fuivre aveuglément le
penchant de fon cœur.
Une é p o u fe , qu’il a comblée de libéralités dans fon
cortrat de mariage, & qu’il auroit rendue heureufé,, fi elle
avoit fçu l'être.
T u n’as, lui dit-elle, que les dehors de l'homme :I’inftih£t.
aveugle a pris dans ton ame la place de la raifôn.
N o tre condition eft changée : je ferai déformais maîtreiTè
de m oi-m êm e, & tu relieras fous ma puiifancei
Abandonne ces richeiTes que la fortune vient d’accu
muler dans tes mains : c’eft moi qui dois-en avoir la jouitfan ce, c’eft à moi à régler la mefure de tes befoins.
Defcends du rang que tu occupes parmi les Miniftres
de la loi : ta Magiftrature eft finie, le fanûuaire de la juftiee
ya fe fermer fous tes pas.
R en on ce à tes enfans : il craindront de t’appeller leur
p è r e , & ils rougiront de te devoir la naiflance.
T u n’es plus citoyen : la fociété te proferit & te rejette
de fon fein.
T u n’as qu’une exiftence paifive, & le reffe de ta vie ne
fera qu’une mort anticipée.
Il
entend ce langage : il frémit au fëul fouvenir de celle
qui- ofe l’outrager & le menacer ainfi. L e paiTé femble revivre
pour fon fupplice; les peines qui ont empoifonné le cours
de fa viÇ y fe raifetnblent maintenant danrt fon ame > & la
�11*
'déchirent foutes à la fois. Son courage ne l'a cependant pafc
abandonné : il a fubi pendant cinq mois l’épreuve humiliante
à laquelle il a été aflujetti : fouvent il a prévenu lui-même
le Magiftrat; il eft allé lui faire voir la iktiation de fon
efprit & lui découvrir fon am e, cette ame qu’aucun méfait
n’a jamais fouillée, & qui ne cotinoît p oin tée remords;
il penfe, il raifonne, il fentr, il exprime; quiconque l’en*tend partage la douleur dont il eft pénétré, &. fes perfécuceurs, pour avoir l’air de l’immoler i.ns .finrc, feignent dô
croire qu’il eft infenfible au mal qu’ils lui font.
Ihfôrtuné Magiftrat ! . . . que deviendroit-il, fi les loixpouvoient fouifrir cet affreux facrifice !
l i e Certificat-du 0. Mai 1783 , qui autorife fon épouie
à employer la force contre l u i , fort dans fa maifon, foit
dans une maifon publique, à fon choix ; le certificat du 6
Février 1784., par lequel elle l’a fait déclarer fou incu
rable, contre fa convi£tion intime, contre l’évidence même;
la chartre privée où elle l’a tenu , & l’abandon où elle
1-a làiifé une nuit entière au milieu des dbuleurs les plus
aiguës-, font le p ré fa g e effrayant du fort qui lui eft réfervé.
R elégu é dans une maifon de force', ou détenu dans la
fienne , il ne jouiroit plus à-fon gré ni du ciel qui l’écla ire,
ni de 1-air qu’il refpire , ni de la rerre qur s’offre fous fes
pas ; la nature entière difparoîtroit à fes yetrx : fe u l, faiiî
parens, fans, amis-, étranger à tout le monde &
charge
à lui-même, il chercheroit vainement autour de lui des
êtres fenfibles auxquels il pûft fe plaindre, ôt qui priifent
part a fe’s peines. Jamais la' voix confolante de l’humanité
n e frapperoit fon oreille & ne fufpendroit le cours de &
douleur. Il n entejidroit que les infultes ôc les menaces dea
tyrans mercenaires qui s’attacheroient à fa perfonne, ôcdonc»1 feroit le jouet. & la vi&ime. L a m o r t.......... la mort trop
�i
\6
lente pour fes befoins feroit fon unique _efpérance ; elle
feule pourroit brifer fes chaînes & mettre fin à fon mal
heur.
L ’idée de cette fituation, quelque affreufe qu'elle fo it5
n’eft pas c e qui l’affecte le plus dans ce moment : il eft pere :
fon cœur fe déchire au fouvenir de deux enfans dont la
deftinée eft attachée à l a fienne, & que le préjugé envelopperoit dans fa profc ription. i l fent redoubler fon courage
en fongeant au malheur dont ils font menacés : ce feroit
peu de leur laiff er une grande fortune, s’il leur laiffoit en
.même temps un nom flétri & déshonoré : il l ’a fignolé ce
nom par d’affez grands facrifi ces , pour qu’il doive être
jaloux de le conferver fans tache : les prifons de la baftille
dépofent de fon dévouement généreux au milieu des révo
lutions publiques.; les regiftres de la Cour confacrent les
,
efforts de fo n zele pour le bien du fervice du R o i & pour l'hon
neur de la Magift rature : c eft cet honneur qu’il veut fauver
comme le .patrimoine le plus précieux de fes enfans;; en
combattant pour lui-même contre fon époufe, il .combat
pour eux contre leur mere : il défend trois victimes qu’elle
s’efforce d’immoler à la fois; mais après qu’ils auront triom
phé de ce péril com m un, il leur apprendra à oublier les
erreurs de celle; qui leur donna le jo u r, & à lui rendre le
bien pour le mal qu’elle n’aura pas pu leur faire.
M onfieur S E G U I E R , Avocat Général.
Me B E R G E R A S , A vocat.
1
A Paris, chez K N A P E N
J u l h i a r d , Procureur.
;
& F ils , Lib.-Im pr. de la
C o u r des A i d e s , au bas du Pont S, M ic h e l, 1 7 87.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Vernet
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. D'Abbadie. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Seguier
Bergeras
Julhiard
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
traitement par électricité
psychiatrie
divorces
maison de force
successions
conseils de famille
abus de faiblesse
violences sur autrui
certificat médical
témoins
experts
Description
An account of the resource
Plaidoyer pour monsieur d'Abbadie, conseiller-honoraire au Parlement de Paris, président à Mortier au Parlement de Navarre. Contre madame la présidente d'Abbadie, son épouse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Knapen et Fils (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1781-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
117 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0105
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0106
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53980/BCU_Factums_V0105.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Pau (64445)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
certificat médical
conseils de famille
curatelle
démence
divorces
experts
maison de force
psychiatrie
Successions
témoins
traitement par électricité
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53936/BCU_Factums_M0741.pdf
833a8a367c4e8704d387f06f397fa956
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Text
M É M O I R E E N RÉPONSE
POUR
A n t o i n e V A R A G N E , et a u t r e s , in t i m é s;
CONTRE
P l E R R E - I S RAEL R O L A N D
Toi n e t t e -G a b r ie lle
R O L A N D , e t le sieur G R O S son m a ri} appelans.
L e
père du sieur Roland avait trompé les mineurs
V ara gne et les avait dépouillés de tout leur patrimoine;
l e sieur Roland et la dam e Gros se plaignent aujourd’hui
de ce qu’ un Varagne les a trompés à son tour pendant
q u ’ils étaient mineurs, et a re p ri s ses biens. Si cela était
v r a i , il faudrait remonter à la source et ne tromper
personne; mais ce n ’est pas ainsi que les adversaires l’en
tendent; ils veulent bien rétrograder jusques avant la 2.0
époque, mais non jusqu’à la première, c ’est-à-dire, q u ’ils
veulent retenir ce que leur père avait pris. A la vérité
ils sont obligés de convenir que son usurpation n ’était
A
�(
2
)
pas la cliose du inonde la plus solide; mais au m o y e n
de quelques prescriptions et péremptions ils espèrent la
légitimer. 11 faut croire au contraire q u ’une oeuvre d'ini
quité et de ténèbres ne prévaudra pas contre une transac
tion sage et prudente qui en effaçait la turpitude; et la
publicité m ê m e que les héritiers Roland ont voulu
m et tre à celte cause, ne prouvera que m ie ux à la C o u r
q u ’ils n’avaient pas m ûrem en t r é f l é c h i , quand ils ont
voulu blâmer ce q u ’avait délibéré leur famille, pour co u
vrir le passé et leur rendre justice.
FAITS.
L e 18 septembre 1747» le sieur Pierre Roland avait
v e n d u à Géraud V a ragn e un domaine appelé de F l e u r a c , m oy e n n a n t 12,000 francs. Il fut dit que V a ragn e
demeurait quitte du prix, au m o y e n de ce qu'il créait
et constituait au profit du sieur Roland une rente do
5 oo fr. par a n n é e , paya ble en deu x termes, jusques au
remboursement des 12,000 fr.
G éra u d Varagn e mourut en 1 7 6 2 , laissant trois enfans
m in e u r s , A n t o in e , M aria n ne et Sébaslien.
11 avait pa yé la rente de 5 oo fr. a v e c la plus grande
e x a c tit u d e , et on serait hors d ’élal d ’é l a b l i r q u ’il eût
laissé pour un sou de dettes. Ses enfans devaient donc
être à l ’abri de l'inquiétude.
Mais le sieur Roland 1 egretIait singulièrement le
domaine de Fleurac qu'il avait vendu , disail-il, à trop
bas prix , et que le b o n étal où l ’avail mis l ’acquéreur
�( 3 3
lui faisait encore envier davantage. L a mort de cet ac
quéreur lui fournit le prétexte de se remettre en pos
session en expulsant ses enfans. Abandonnés d e t o u t l e
m o n d e , ils ne pouvaient l ’ en em pêclier, et d ’ailleurs ils
n'ont jamais été informés des diligences q u ’il pouvait
faire; c est seulement après sa mort et par la remise
qu on leur a faite de ses procédures^ q u ’ils ont connu
celles dont ils vont rendre compte.
L e sieur Roland fit n om m er un tuteur aux d eu x
puinés; et c o m m e A n toin e Var agn e avait déjà 16 ans,
il le fit ém an cip er, c ’es t-à-dire, on présenta sous son
nom une requête au juge de Fleurac , le 20 décembre
1 7 5 2 , pour demander son émancipation (1).
Ap rè s ce la , le 16 février 1 7 5 3 , le sieur R ol and as
signa ledit A n t o in e V a ra gn e et le tu te u r de ses frère et
sœur , pour lui p aye r 2 5 o f r . , la seule som m e à lui due
pour le terme d ’ une dem i-a nn ée de sa r e n t e , échu e
depuis la mort de Gér a 11d Varagne.
Une sentence par dé fa ut , obtenue le i . er mars 1 76 3,
adjugea ces conclusions, et condamna les mineurs à dé
clarer de suite s’ils entendaient ou non être héritiers
de leur père.
Cette sentence était sans doute bien inutile pour m o
tiver l’ usurpation du d o m a i n e , et le sieur Roland le
sentit bien. Il chercha à persuader A ntoin e Va ra gne
( 1 ) A i n s i il n’était p a s m a r i é a v a n t la m o r t de son p o re
et
é m a n c i p é p a r le m a r i a g e , c o m m e le disent les a d v e r s a ir e s à la
fin d e la p a g e 1 7 d e le u r m é m o ir e .
À 2
�v
A ( 4 )
qu'il n’avait pas d ’ intérêt à conserver un bien où il pas
serait sa jeunesse pour partager ensuite son industrie
a v e c d eu x enfans en bas âge ; un jeune h o m m e de
dix-sept ans n ’est pas bien difficile à séduire. D e u x cents
francs que le sieur Roland lui pr om it, achevèrent de lui
tourner la tô le: il promit tout ce q u ’on voulut.
E n conséquence le 24 mars 17 5 3 , le sieur Roland
assembla cinq cultivateurs sous le titre d’ une assemblée
de païen s, auxquels le jeune V a r a g n e représenta, à ce
qui y est d i t , que le domaine de Fleu rac lui serail plus
onér eu x que p r o iit a b l e , que son père l ’avait acheté
trop c h e r , n ’avait pas m ê m e pu pa ye r les droits de lods ,
q u ’à la vérité il avait acquitté la r e n t e , mais que c ’était
en contractant plusieurs dettes passives, et que son père
en avait conçu un v if ch a g rin , q u ’il croyait avoir été
cause de sa m ort, que m ê m e , en m o u ra n t, il lu i avait
conseillé de supplier le sieur R o la n d de reprendre son
d o m a in e- d ’après quoi il voulait suivre ce conseil, et
renoncer a la succession de sondil père.
a i Drès
cet acte de piété liliale, dans lequel le souf
fleur se fait assez r e m a r q u e r , il était question de pren
dre l'avis de trois païens paternels et trois maternels
qui avaient été assignés la veille 5 leur délibération ne
doit pas être passée sous silence.
L e s trois pareils maternels volent pour tout ce qui
est d e m a n d é , c ’est-à-dire, l ’abandon et la ré pudiation,
quoique l ’ un fût
l'opposé de l’autre ; mais le sieur
Roland avait voulu tout prévoir.
D e s trois pareils pate rn el s, l ’un ne vint pas, parce
�( 5
q u e , dil-on , il était malade;
de ce qui se passait, et ne
l ’expoliation de leur n e v e u
)
les autres d e u x , indignés
voulant pas participer à
, déclarèient q u ils ri en
tendaient pas q u 'il abandonnât, le dom aine , n i q u U
répudiât. C e l l e réponse est consignée en l ’acfe.
Cependant le j u g e , considérant que les parens m a
ternels étaient en plus grand n o m b r e , homologua la
délibération desdits trois parens maternels, el h o m o
logua m êm e celle du curateur qui n ’avait rien dit.
C o m m e An to ine Vara gn e avait bien rempli, son
rôle , le sieur Roland lui donna le lendemain , non
pas précisément la somme promise, mais un billet de
200 francs, payable da n s h u it ans s e u lem e n t, c ’esti'i-dire , à sa majorité , aiin que si alors il voulait
se p ou rv oir , le sieur Roland p û t au moins sauver
l ’argent.
M u n i de cette hom olo ga tion, le sieur Roland crut
en avoir assez fait pour mettre son usurpation en évi
dence , et par acte du 27 avril 1 7 5 3 , il donna à ferme
à un étranger le domaine de Fleurac ; e t , s’il faut en
croire les adversaires, il poussa le nim.ia precautio jus
q u ’à faire signer com m e tém o in s, le curateur et le
mineur de dix-sept ans.
Cependant, le sieur Roland ne pouvait se dissimu
ler q u ’il avait fait une mauvaise pro cé du re , et que
les pupilles V a r a g n e , n ’étant pas m ê m e nommés dans
l ’avis des trois p ar en s, auraient un jour à réclamer
contre lui des restitutions de jouissances; il s’agissait
donc de porter remède à ce danger. Depuis plus de
�(
6
)
trois ans il était en possession du d o m a in e , et avait
tr ouvé
fout en bon état ; mais un e vieille grange
lui sembla un prétexte suffisant pour ce q u ’ il avait à
faire.
L e tuteur étant m o r t , le sieur R o la n d en fit n o m
m e r un second le 24 mars 1 7 5 6 , et présenta une r e
quête dans laquelle il exposa que les enfans V a r a g n e ,
a y a n t déserté le domaine , avaient laissé Le tout en
très-mauvais état ; qu'il avait été forcé de préposer
des gens pour la c u l t u r e , afin d ’éviter le dépérisse
ment ; que Le nouveau tuteur ne prenait non p lu s a u cu n
soin pour jouir du domaine.
E n conséquence il dem anda permission d ’assigner
A n t o i n e V ara gn e et le t u t e u r , savoir au provisoire
p o u r faire constater Yétat de La g ra n g e, procé der au
bail à rabais des réparations, et au f o n d s , pour v o i r
dire que la ven te de 1 7 4 7 serait rés iliée, et q u ’i l serait
autorisé a reprendre la propriété d u d it dom aine , et
aussi pou r être conda m nés à payer la rente de 5oo f ,
ju s q u ’ à ce q u ’ il sera rentré en ladite propriété.
L e 5 mai il obtint une sentence provisoire qui lui
permit de faire constater les ré p a r a t i o n s - e t aussi p r o
digue de formalités pour c e l l e inutile précaution , q u ’il
en avait été avare en s'emparant de to ut, on co m p t e
d ix -ne u f pièces de p r o c é d u r e , affiches ou exploits entre
sa requ ê te , et u n e sentence du i . er juin qui adjugea
le rabais à 1,246 fr.
Ces réparations, c o m m e on le v o i t , n’avaient été
nécessaires que pou r un seul des b â l i m e n s , et il était
�( 7 )
singulier q u ’après trois ans d ’usurpation, le sieur R o l a n d
s’avisât de s’en prendre aux V a ragn e qui n’avaient joui
que de 1 7 4 7 à 1762.
Q uoiq u’il en soit, après celt e sentence provisoire,
le sieur Roland en obtint une seconde le 29 s e p t e m
bre 1 7 5 6 , q u i, adjugeant les singulières conclusions
de sa r e q u ê t e , déclara La vente de 1 7 4 7 résolue, lui
permit de rentrer dans la pr op riété , et condamna le^
Varagn e au paiement des arrérages j u s q u à sa rentrée.
Cependant les collecteurs, plus justes que l u i , s’obs
tinaient à ne pas vouloir changer la cote d ’impositions,
malgré son bail à ferme et sa nouvelle procédure; en
c o n s é q u e n c e , avant de laisser terminer le répai lement
de 1 7 5 7 , le sieur Roland présenta une requête à l ’ i n
tendance pour se p lai ndre de cette insubordination ;
et c o m m e il avait une charge à privilèges, il demanda
nne cote d ’office, m odérée suivant le produit du b ie n ,
qui à peine s’élevait, disait-il, d ’après son b a i l , à cinq
cent cinquante fran cs : a v e u , q ui, çn matière de sur
ta u x , où on n’exagère pa s, fuit assez voir co m bie n
peu V a r a g n e , cultivant par ses m a i n s , avait dû être
grévé en payant 5 oo fr.
Sans d o u t e , Antoine V a r a g n e , de ve nu m aj e u r , ne
vo ulut pas accéder aux propositions qui lui furent
faites; car le 23 décembre de la m ê m e a n n é e , le
sieur Roland le lit assigner, ainsi que le tu te u r, pour
voir déclarer les sentences du i . er mars
1 7 5 3 et 29
septembre 1766 rendues con tre eu x -m ê m e s, en con
séquence, e s t - il
d i t , se voir condamner à p a y e r ,
�(S )
1.° s 5 o fr. portés p a r l a p r e m i è r e , et 33 fr. de dix ièm e;
2.° 1,246 fr. pour le montant du bail à rabais. L e 20
fé vrier 1768 , il surprit une sentence adjudicative.
V a ra g n e en interjeta appel.
C et acte im p r évu dut déconcerter le sieur R o l a n d ,
qui sans doute chercha à renouer l ’a c c o m m o d e m e n t ,
et à gagner du tems. C e qui le p r o u v e , c ’est que na
turellement le plus pressé, parce q u ’il était créancier
et d e m a n d e u r , il se contenta de se présenter le 19
avril 1 7 6 8 , et garda le silence pendant trois ans.
Ap rès cette é p o q u e , il dressa le 18 juin 1 7 7 1 un
exploit de demande en pé rem ption , et il est démontré
par écrit q u ’il n ’y eut pas de copie re m is e , ou si on
v e u t que l ’huissier ne la donna pas. Aussi ne fut-il
pas difficile au sieur R ola nd , de surprendre , le 28
août 1 7 7 2 , une sentence par défaut qui déclara l ’ap
pel périmé. Mais cette p é r e m p t i o n , c o m m e on vo it,
était peu i m p o r t a n t e , puisque la sentence de 1768
n e portait que des condamnations pécuniaires , et
ne disait rien de la ré s o l u ti o n , déjà prononcée en
1756.
A peine Ma rg ue ri te V a ra gn e fut-elle m a j e u r e , que
le sieur Roland , toujours inquiet sur sa p r o c é d u r e ,
chercha ;'i obtenir d ’elle un acquiescement aux sen
te nc es, et par acte du 16 février 1 7 7 3 , il paraiL q u ’il
lui extorqua cet acqui esc em ent, sans prix.
l i e sieur Roland mourut le 3 i juillet de la m ê m e
a n n é e , et toute la peine q u ’il avait prise pour êlre
riche
�C9 )
riche n e Fempêcha p a s , à ce que disenl les a d v e r
saires, de laisser des delles. I l avait fail un teslament
par lequel il instituait celui de ses enlans qui serait
é lu par un conseil de famille.
Ant oine Varagne ne redoutant plus le sieur Roland
niort, avait déjà annoncé q u ’il allait interjeter appel
de la' sentence
de 1 7 5 6 , s’inscrire en faux contre
l'exploit de 1 7 7 1 , et réclamer les restitutions de jouis
sances de vingt-un ans, tant de son c h e f que c o m m e
cédataire de Sébastien son frère, et m êm e du c h e f
de Marianne sa sœur , en se faisant subroger.
C e l le réclamation était si pe u difficultueuse , que
le conseil de famille, composé des hommes les plus
éclairés, 11e trouva rien plus expédient que de rendre
le domaine , et de
jouissances.
tâcher d ’obtenir la remise des
E n conséquence , An toin e Varagne traita le 3 o oc
tobre 17 7 3 avec le tuteur des enfans R o l a n d , auto
risé du conseil de famille. Après l ’exposé de ses pré
tentions , l ’acte porte
q u’il reprendra le
domaine
vendu en 1 7 4 7 , et que le prix principal d e l à vente ( i)
demeure fixé c o m m e ’alors à 12,000 francs et 72 fr.
d etrennes. Varagne pa ya de suite 2,472 fr. , et le
surplus fut dit payable à termes annuels de 1,600 fr.
et de 1,000 fr. sauf l’intérêt jusqu’au paiement. A u
m o y e n de quoi le tuteur remit à Vara gn e les pr o-
( 1 ) L e s a p p e l a n s a v a ie n t dit renie, p a g . 8 d e le u r m é m o i r e :
e r r e u r q u i influerait s u r les m o y e n s d e ré so lu tio n .
B
�C 10 )
cédnres et se nten ce s, et le subrogea à l ’acte passé le
16 février précéd en t a véc Ma ri a nne V a r a g n e , à ses
risques et périls. Et c o m m e le sieur Roland pouvait
a v o ir déjà d ém em b r é le d o m à in é , le conseil de famille,
toujours p r é v o y a n t , fit stipuler, pour év iter les recours,
que s’il y avait des ventes au-dessous de 3 oo francs,
V a r a g n e n ’aurait rien à d e m a n d e r ; m a i s 'q u e si elles
excédaient celt e som m e , il répéterait le surplus du
' prix seulement.
E n vertu de cet a c t e , A n l o i n e V a r a g n e se mit in conlinent en possession de son dom aine , et pa y a ré
gulièrement d eu x à -co m p t e s au t u t e u r ; dès la pre
m ière q u il t a n c e , on vérifia quelles ventes le sieur
R ola nd avaient passées, et elles se trouvèrent d ’ un
pré de trois j o u r n a u x , et de partie d’ un autre pré.
C o m m e les d eu x actes ne portaient de prix que 778 f.
A n t o in e V a r a g n e , suivant sa c o n v e n t i o n , n ’eut qne
478 fr. à déduire.
Bientôt le sieur P i e r r e - I s r a ë l R ola n d devi nt m a
j e u r , et ( c e q u ’il ne disait pas jusqu’à ce que les V a
ragne l ’aient d é c o u v e r t) le m ê m e conseil de famille
s’assembla le 4 déc em b re 1 7 7 7 pour l ’élire hérilier
universel de son p è r e , à la charge de p a y e r les légi
times portées par son testament.
L e d it sieur R ol and prit des arrangemens avec ses
frères et sœurs, en se mettant en possession de toute
la succession ; il s’obligea vraisemblablement à p a y e r
leur légitime qui était assez considérable, et il avo ue
aujourd’hui q u ’il les représente tous à l ’exception do
la damo Gros.
�( ” )
E n 1 7 7 7 , il éiait échu un terme de 1,000 fr. sur
le traité de 1 7 7 3 ; et le sieur R o l a n d , aussitôt q u ’il fut
h éritie r, n'avait pas m a n q u é , à ce q u ’il p a r aî t, de
prendre connaissance de cet acte. Car non-seulement
il demanda à V a ra g n e le terme échu , mais il l ’e n
gagea m ô m e à avancer le terme s u iv a n t , pressé sans
doute d’acquitter les légitimes.
E n effet on voit par quittance du 27 juillet 1 7 7 8 ,
que le sieur Pierre - Israël R ola nd , avocat en parle
m en t, reçut d’Antoine V a ra gn e 2,000 f r a n c s , savoir
1,000 fr. pour le terme échu à la Toussaint de 1777»
et 1,000 fr. par anticipation 'pour le terme à
échoir
à la T oussaint de 1 7 8 8 , porté au traité passé devant
le notaire s o u s s i g n é , entre son tu teu r} les conseillers à
la tutelle et ledit V a r a g n e .
Dira-t-on que c ’était Vara gne qui s’empressait d ’a
voir une ratification d ’un majeur ; mais elle n ’est pas
la seule ?
Quatre ans après, et lorsque le sieur Roland eut eu
le loisir de méditer l ’act if et le passif de la succession
de son p è r e , le surplus des 12,000 fr. était é c h u , et
Varagne p a y a par quittance du i r juin 1 7 8 2 , a u d it
sieur R o la n d , avocat, la somme de 4,000 fr a n c s pour
tout reste et f in a l paiement d u p r ix de la ve nte et
délaissement du domaine de Fleurac ayant appartenu
a u x auteurs d u d it sieur R o la n d , et délaissé audit
Varagne par traité reçu par le notaire soussigné, de
laquelle dite somme de 4,000 fr. ensemble d u p r ix
entier de ladite vente, ledit sieur R o la n d a promis le,
fa ir e tenir quitte envers et contre tous.
�( 12 )
A n t o in e V a ra gn e m o u r u t , après avoii’ ainsi liquidé
sa fo rtu n e; il laissait sa v e u v e tu tr ice; et l ’ un de ses
fils, ayant ele marié , laissait aussi une v e u v e tutrice,
le sieur Roland trouvait là une bien belle occasion
po u r marcher sur les traces de son p è r e , et r e p r e n
dre ce qui nq lui appartenait plus. I.a crainte de trouver
de 1 obslacle en son nom seul lui fît
em prunter le
nom de ses frères et sœurs pour former sa d e m a n d e ,
et cacher soigneusement la qualité d ’hérilier universel,
dont il avait cependant usé en prenant tout le prix
de la ven le.
E n c o n s é q u e n c e , par requê te du 2& fév ri er 1 7 8 8 ,
il fut fo rm é demande devant le juge de Salers, en
nullité du traité de 1 7 7 3 , et désistement, à la requê te
des sieurs Pi er re -I sr ael R o l a n d , a v o c a t , J e a n - M a r i e
Roland , curé de Salers , G u y Roland . prêtre c o m m u n a l i s l e , Louis -I sr aël R o l a n d , prêtre, et T oinelfe Gabrielle
Roland , contre
Catherine L a p e y r e ,
qualité de tutrice des enfans d ’An toin e
V aragn e
en
père
son mari, Marguerite Chau nie il, aussi tutrice des e n
fans d ’A n toin e V a ragn e fils son m a r i ,
Tagne
et J ean V a -
iils.
L e s V a r a g n e qui ne voulaient pas p l a i d e r a Salers,
se laissèrent condam ner par défaut le 10 juin 1 7 8 8 ,
et inleijetèrent appel en la sénéchaussée d ’ A u ve rg n e.
L a cause fut appointée au conse il, et le sieur R o
land comprenant assez que son système d ’envahissenient n ’y ferait pas fortune , voulut se rendre un
p e u moins défavorable. 11 reconnut q u ’il avait mal
�à propos
( i3 )
demandé le désistement total , et que Sé
bastien Vara gn e aurait eu droit de rentrer dans le
do main e; en conséquence il se départit de sa demande
pour un tiers. A l ’égard des deux autre s, il soutint
que son tuteur avait été tromp é, et q u’après le traité
de février 1 7 7 3 , et les sentences de 1768 et 1 7 7 2 ,
M a ria n ne et A n t o in e V a ra gn e avaient perdu toute
p r o p r i é té , de sorte que le traité de nove m bre 17 7 3
contenait une aliénation de biens de mineurs contre
laquelle ses frères et lui pouvaient réclamer pendant
trente ans.
Mais les tutrices V a r a g n e , pourrepousser ces moyens,
firent des recherches dans les éludes de n o t a i r e s , et
■trouvèrent les quittances de 1778 et -1782 , le testa¡mçnt du sieur Roland pc-rc, et l ’élection de 1777Ces pièce s, jointes aux circonstances de l ’acte de
1 7 7 3 , étaient si décisives que la sénéchaussée d ’ A u
v e r g n e , par sentence rendue au rapport d e M . r Bidon,
le 3 septembre 1790 , n ’hésita pas à infirmer celle par
défaut de Salers , et à débouler les sieurs Roland de
leur demande.
A leur tour les sieurs Roland ont interjeté appel
de celle sentence au parlement de Paris; ce n’est
q u ’en l’an 10 q u’ils en ont repiis les poursuites de
vant la Cour.
Il ne reste plus q u ’à rendre compte
des moyens respectifs el à répondre à ceux proposés
par les appelans dans leurs écritures et leur mémoire.
�(
*4
)
M O Y E N
S.
«
i
,
1■
L e s y s t è m e des appelons es t, c o m m e on le p r é v o i t
sans peine , fondé tout entier sur l ’état des choses
subsistant avarft la transaction de 1 7 7 3 ; alors disentils aux V a ra gn e , votre expropriation était lé galem ent
c o n s o m m é e , vous devi ez une rente foncière que vous
n e p a y e z p a s , ainsi il y avait lieu à résolution ; vous
a v e z dégu erpi les biens, et vous le p o u v i e z , quoique
m i n e u r s , a vec le décret du juge. Ainsi rien n ’était
plus légitim e que les sentences de
1 7 5 3 , 1 7 5 6 [et
17685 d ’ailleurs c ’était chose jugée à cause de la p é
r em pt ion prononcée en 1 7 7 2 contre A n t o in e V a r a g n e ,
et quant à M ari an ne elle avait tout app ro uvé par u n
traité contre lequel il n ’y avait pas lieu à re t ra it , dès
q u ’il ne s’agissait que de résolution; ni à subrogation
l é g a l e , puisque ce traité acquérait au sieur R o l a n d
rem sib i necessariam.
Si d o n c , disent les adversaires, nous étions p r o p rié
taires incommutables en 1 7 7 3 , notre tuteur n ’a pu
aliéner notre propriété sans formes et sans nécessité.
N o u s nous sommes pourvus dans le te m s, et les quit
tances du prix ne sont pas une approbation.
Quo iq ue cet ordre de moyens soit une inversion de
questions, et que naturellement la première chose à
ex a m in e r dût être la fin de non r e c e v o i r , ce pendant
les intimés suivront cette série des m oyens présentés
p a r le s adversaires, puisque leur but est d ’y répondre.
Ils examineront donc z . ° si le sieur Roland avait rc-
�( i5 )
couvré la propriété du domaine de F l e u r a c , lorsqu’il
s’eu empara en 176 3 ; 2.° si au cas qu’il ne fut pas alors
propriétaire, il Test deve nu par les sentences de 1 7 5 3 ,
1 7 5 6 , 1768 et 17 7 2 , et si elles étaient chose jugée
en 1 7 7 3 , tant contre A n t o in e que contre Marie V a
ragne; 3 .° si la transaction du 3 o octobre 1 7 7 3 était
une aliénation des biens des mineurs Roland ; 4.0 si,
en ce cas , les adversaires se sont pourvus en tems utile;
5 .° enfin si les quittances de 1 77 8 et 1782 produisent
une fin de non recevoir.
P r e m iè r e
q u e s t i o n
.
L e sieur R o la n d pere a va it-il recouvré la propriété
du dom aine de F 'leurac , lorsqu’il s’en empara m 1 7 5 3 ?
L e sieur Roland avait vendu ce domaine en 1 7 4 7 ;
ainsi sans difficulté Geraud Varagne en était proprié
taire à son décès en 1752.
Mais quelle était la nature de cet acte de 1 7 4 7 ? car
de cet examen préalable dépend la discussion relative
a u x moyens proposés de déguerpissement et de réso
lution.
Souvenons-nous q u ’en 174 7 le sieur Roland ava it
vendu un domaine m oyen nan t 12,000 fr. , p o u rla qu elle
somme l ’acquéreur avait constitué une rente de 5 oo fr.
Ainsi d ’après les principes celte rente n’était pas pure
ment foncière; c ’était une simple rente constituée,
assise sur un immeuble ave c privilège spécial.
�C 1 6 .)
P a r conséquent le bailleur n ’avait pas retenu le d o . mai ne direct jdèslors c ’était une aliénai ion pure et simple
de sa p a r t , ce qui changeait totalement le droit q u ’il
s’est arrogé de s’emparer du f o n d s , c o m m e s’il n ’eût
délaissé que la propriété utile.
C e l te différence à faire entre les ventes à charge de
re nie cons titué e, o u ï e s b a ux à renie foncière , nous
est enseignée par les auteurs du nouveau Denizart au
m ol cirréf âges : «U n h é r i t a g e , disent-ils, peut être vendu
« m oyen n a n t une rente de telle s o m m e , ou bien le prix
« de l ’héritage peut être fixé d ’abord à telle s o m m e ,
« et ensuite les parties convenir par le m ê m e acte que
« la som m e formera le capital d ’une r e n t e ^ o u siil u é e
« entre les mains de l ’a c qué re u r. D an s le premier cas
« nul doute que la rente nesoit foncière ; mais au second,
« la reni e renferme une véritable constitution de rente
c< à prix d ’argent ».
• Sans doute cette opinion ne sera pas taxée d'innova
tion; car on la retrouve dans Lo3’seau en son traité du
déguer pi ss em ent .« Tout efois , d i t - i l , e n toutes ces rentes
foncières, il y a une signalée précaution, et une r e * marque*de grande im p o r ta n c e , c ’est quesi lecontrat
« est fait en forme de vente , auquel le prix soil parti« cularisé et s p é c i f ié , pour lequel prix soit constitué
«• renie à la suite du m êm e c o n t r a t, alors, à bien e n « t e n d r e , telle rente ne doit pas être estimée foncière,
« mais simple rente constituée, (f. i. ch. 5 . n.° i 4 e t 17).
l i e m ê m e principe est enseigné par Basnage sur l’ar
ticle
de N o r m a n d ie , par l ’ othier au traité du coutrat
-
�( *7 )
trat de constitution de r e n t e , n.° i 3 3 , par divers, arrêt s
de cassation de l ’an 9 et l ’an n , et par un arrêt de
la Cour de l ’an i 3 .
Cela posé, on ne voit plus où s’appuient les deux
mo}^ens des adversaires, fondés sur ce que les enfans
Varagne avaient pu déguerpir le domain e, pour ne pas
p a y e r la re nte, et sur ce q u e , ne payant pas la re nte,
la résolution était de plein droit après trois ans.
, X-e premier m o y e n ne semblait pas trop raisonnable,
parce que dans les faits ci-dessus rapportés, on ne voit
rien qui ait beaucoup d ’analogie av ec un déguerpisse
ment. Mais les adversaires prétendent que le simple
fait d’abandon du domaine équivaut dans l ’espèce à
un déguerpissement, par la r a i s o n , ,disent-ils, que d ’a
près L o yse au , les m in e u rs peuv en t aussi déguerpir
pou rvu q u’il intervienne décret du juge pour le leur
p erm ett re, après un avis de parens. O r , ajoutent-ils,
cette autorisation judiciaire se trouve dans la délibé
ration des parens qui avaient autorisé les mineurs à
abandonner le domaine et m ê m e à répudier la suc
cession.
Erreur dans le fait et dans le droit.
Dans le fait ; car cette délibération n’autorisait pas
les m ineurs, mais l’émancipé seul; et loin d'être co m
plet te, 011 voit que les parens paternels eurent l ’énergie
de s’indigner hautement de ce qu’on méditait contre
un e n f a n t, et que les parens maternels accédèrent seuls
à ce qui é t a i t. demandé.
Dans le droit ; car ce n ’est pas cette délibération
C
�( i8 )
q u i aurait pr od ui t un d é g u e r p i s s e m e n t , elle y a u t o
risait seu le m en t l ' é m a n a p ë , et c e p e n d a n t il s’en est
tenu à c e l t e d é m a r c h e ,
dé jà m ô m e le sieur R o l a n d
s’était e m p a r é du d o m a i n e ; et q u a n d il sollicitait u ne
r é p u d i a t i o n , il est clair q u ’il ex i g e a i t d e u x choses c o n
t r a d i c t o i r e s , p a r c e q u ’ un d é g u e r p i s s e m e n t était u n e
a d i lio n d ’hé rédité.
U n dé gue rp is se m en t n ’ est pas un a cte t el le m e nt sans
c o n s é q u e n c e q u ’il puisse a v o i r lieu p a r a c c o r d v e r b a l ,
c ar il est u n e a l ié n a ti o n , et n on n u d is p a c t is d om iriia
t ra n s f e r u n tu r.
D ’a bo rd il n ’est pas trè s- c er ta in q u ’u n tel a cte soit
p e rm is à des tu te ur s, m ê m e a v e c le dé cre t du j u g e ;
la loi s’y
op p o se f o r m e l l e m e n t ; prœ d ia ven du ,
vel
j p s j s c a r e r e p e rm ilti n on d c b e t, et s i p erm issu n i s i t ,
•nuUa est v e n d itio , nuLLunique decretum . ( L . si æs. if.
de reb. eor. etc. )
C e p e n d a n t a d m e t t o n s q u ’ un t u t e u r puisse d é g u e r p i r
a v e c l e ' d é c r e t du j u g e ; au moi ns fa u t -i l , q u a n d le
d é c r e t est in t e r v e n u , q u ’il y ait un d é gu e rp i ss em en t
for m el.
Loj's ea u , in v o q u é par les a d ver sa ii es, dit que le
déguerpissement doit être fait en ju g e m e n t, et pour
q u ’on ne confonde pas c e ll e exp ression, il a j o u t e ,
cest-à-dire en i'audience de ju s t ic e , les p la id s tenant ,*
«■ca r, continue cet a u t e u r , le respect ,1 a majesté du
« lieu où la justice csl e x e r c é e , la présence des m a « gislrals, la fréquence des assislans donne à cet acte
« plus d ’nutorilé , parce que le déguerpissement est
a un acte d'importance. ( Liv . 5 .)
�( i9 )
Si donc il y avait eu lieu à déguerpissement, les
adversaires ne pourraient en invoquer aucun , car il
n ’y en a d ’aucune espèce. Mais ce n ’élait pas le cas
dès que la rente n ’élait pas foncière. C a r, connue dit
Chopin sur l'art. 109 de la coutume de Pari s, « en
« rente rachetable sous un principal e x p r i m é , n ’y a
ci lieu à déguerpissement, cum sit potiàs emptor> quàm
« conductor pretii vectigalis ».
Opposera-t-on qne ces principes sont en faveur du
bailleur et non contre lui : mais dès que le dégu er
pissement est une aliénation, il faut que le contrat
soit bilatéral ou synallagmatique, et jamais il ne sera
possible de penser que des mineurs sur-tout aient fait
un déguerpissement valab le , 'sans aucun a c t e , m ê m e
hors j u g e m e n t , et par le seul fait de l e u r dépossession.
Quant à la résolution, faute de paiement par trois
ans, elle n ’avait pas lieu en rente constituée; mais
ce serait devancer les adversaires
que d'ex amin er
ici celte question, car ils ont été forcés de recon
naître q u e , d ’après leur propre syst èm e, il n ’y avait
pas lieu à résolution quand leur père s’empara du
domaine en iy' 5 3 , parce que la sentence du 1.” mars
de ladite année ne portait condamnation que d ’ uu
demi-terme de la rente de 5 oo francs, échu encore
depuis la mort de G érau d Varagne.
A i n s i , sur cette première q ue stion, il est constant
que sous aucun point de vue , le sieur Roland n ’é
tait propriétaire du domaine de Flenrac lorsqu'il s’en
e m p a r a , et le donna à ferme le 25 avril 1-763.
C 2
�( 20 )
DEUXIÈME
QUESTION.
t
L e s Leur R o la n d e s t-il devenu propriétaire d u do
m aine de F leurac par les sentences de 1 7 5 3 , 1 7 ^ 6 ,
1768 et 1 7 7 2 ?
Ces sentences étaient-elles passées en fo r c e de chose
ju g é e en 1 7 7 3 , tant contre A n to in e
V a ra g n e que
contre M a ria n n e sa sœ ur?
L a sentence de 1 7 5 3 ne signifie rien pour la p r o
p r ié t é , cela est c o n v e n u ; elle n ’était q u ’ un a c h e m i
nem en t aux autres, et eût été e l l e - m ê m e irrégulière,
puisque le sieur R o la n d a dit G ér aud V a r a g n e mort
en n o v e m b r e 1 7 5 2 , et que depuis cette époqu e ju s
q u ’après les trois mois et quarante jours il n ’avait pas
d ’a c t i o n , d'après l ’ord on na nce de
par le Code civil.
,
1 6 6 7 , re n ou velée
,
E n 1 7 5 6 , il y eut deux sentences, mais la première
ne parle que de bail à rabais et non de propriété •
c'est la seconde s e u l e m e n t , du 29 s e p t e m b r e , qui p r o
n o n ce la résolution de l ’acte de 1 7 4 7 .
On ne peut pas douter que le juge n ’ait été sur
pris lors de cette sentence , puisque l ’exposé de la
r e q u ê t e , sur laquelle elle est r e n d u e , suppose que le
sieur Roland n ’clait pas encore en possession du d o
maine de Fleurac. Il demandait ju s q u e s -là les arré
rages de la renie de 5 oo f r . , et certes c ’était abuser
étrangement du silence forcé des mineurs V a ragn e ;
car s’ il eut confessé au j u g e , que depuis plus de trois
�( ai )
ans il percevait les fruits du d om a in e, sur lequel la
dite rente était assise, le juge au lieu de lui adjuger
sa d e m a n d e , . l'aurait éconduil , quoique par défaut.
Cette sentence , il est v r a i , quelque mauvaise q u ’elle
fût, disposait de la propriété du do main e; mais elle
était susceptible d ’appel pendant trente ans d’après la
jurisprude nce5 et dès-lors en 1 7 7 3 , elle pouvait être
attaquée.
C e n’est pas ainsi, h la vé rité, que les adversaires le
supposent. Ils soutiennent, au contr aire, q u’il y avait
chose jugée en 1 7 7 3 , et que tout espoir de retour était
ôlé contre la procédure p r é c é d e n t e , sauf néanmoins
les droits de Sébastien Va ra gn e qu’ils reconnaissent
entiers. A l ’égard des deux autres, ils séparent A n toin e
V a ra gn e de Marianne sa sœur.
Antoine V a r a g n e , dirent - i l s , avait bien interjeté
appel de la sentence de 1 7 6 8 ; mais cet appel avait
été déclaré péri , et la péremption emportait le bien
jugé de ce lle s e n t e n c e , et dès-lors de celle du 29
septembre 1756.
Mais les sieurs Roland confondent aujourd’hui ces
sentences, qui avaient un objet très-distinct en 1772.
La
sentence de 1768 n'avait
pas pour objet de
faire déclarer les précédentes exécutoires contre les
V aragn e
, puisqu’elles étaient rendues contre e u x -
mêmes y si le mot y fui em plo yé ce n ’était que par un
vice de style; car le but très-clair de la dem ande était
d ’obtenir le paiement de 1,246 fr. prix apparent du
�( 22 )
bail à rabais, donI l e S .r Roland n ’avait p a s e n c o r e o b l e n i i
de condamnalions. On voit en effet p a r l a leclure de la
senlen ce de 1 7 6 8 , q u ’elle ne porte que des co ndam na
tions pécuniaires, el ne dit pas un mot de la résolu liou.
L a senlence de 1 7 7 2 prononce la pé re m plio n de
l ’appel de celle de 1768, el est encore plus étrangère que
toutes les autres à la propriété du dom aine de F l e u r a c ;
c a r , quand la péremption serait ir ré vo cable, l ’effet de
la sentence de 1768 ne s’étendrait pas a u - d e l à des
condam nations q u ’elle prononce.
A i n s i , quand les sentences de 1768 et 1 7 7 2 a ur ai en t
passé en force de chose jugée en 1 7 7 3 , au moins la
se nlence du 29 septembre 1 7 6 6 , la seule qui pr onon
çât la résolution d e l à vente de 1 74 7? était-elle é v i d e m
ment susceptible d ’appel en 1 7 7 3 .
Mais si, par impossible, la C o u r pouvait considérer
dans la sentence de 1768 , une résolution que c e tte s e n 1ence ne prononce pas , c o m m e alors celle de 1 7 7 2 au-,
rait une plus grande influence, c ’est alors le cas d ’e x a
miner la validité de l'exploit de 1 7 7 1 , sur lequel cette
senlence a été surprise.
11 est démontré que la copie de cet exploit a été souf
flée. L a leclure de l ’original le prouve. Et en vain les
adversaires ont-ils ouvert une longue discussion sur des
mots écrits 011 a jo u t é s , on voit clairement que leur
pè re , 011 le rédacteur de l ’exploit a eu deux pensées
l ’une après l ’a u t r e , el que la de u xiè m e a corrigé la
première ; mais ce n’est là disputer q u e sur le genre
d'infidélité j car les adversaires sont obligés d ’avoue r q u ’il
�( a3 )
y en a une. L ’huissier au moins n ’a pas porté la copie;
l ’assigné, qui ne l’a pas reç ue, soutient l ’exploit nul, et il
l ’est sans dilliculté. Si donc il n ’y avait pas de demande
en pérem ptio n, il n’y avait pas de péremption ; alors
l ’appel était recevable en 1773. T o u t e la faveur eut été
pour cet app el, et toute la défaveur pour une péremp
tion ext orquée par un faux évident.
D u c h e f d e M a r i a n n e V a r a g n e , An to ine eût été, disentils, moins reccvable e n c o r e , puisqu’ elle avait tout a p
prouv é p a r l e traité du 16 février 1 7 7 3 , ainsi personne
ne pouvait réclamer pour elle.
Pourquoi donc ses frères n’auraient-ils pas eu d ’action
en subrogation l é g a l e , si Marianne avait cédé un droit
litigieux et universel ? C e l t e p r é f e n l io n paraît choquer
lesadversaires; mais c ’est q u’ils partent toujours de cet te
idée fausse, que leur père avait conservé la propriété
directe du d o m a i n e , et alors ils se croient »dans l ’e x
ception d e là loi excep Lis cessionibus quas is q u i p o ssi-
det pro tuitione sutî accipU.
Cela est très-bien quand , a v e c un titre lég i tim e p o u r
u n e partie , on possède t o u t , et q u e , p o u r c on fir me r sa
possession , on ac he tt e rem necessariam.
Mais quand on n ’a que la portion d ’ un cohéritier par
us ur p at io n, il est clair q u’on ne cherche pas à y rester
p o u r éviter un procès; mais q u ’on se prépare à en sou
tenir un contre les cohéritiers.
Suivant le système des a d v e r s a i r e s , et e n i n te rp ré t a n t
j u d a ï q u e m e n l l ’e x c e p t i o n - d e la l o i ; rien ne serait plus
�, (24)
facile que de l’éluder. L ’acq uére ur d ’ un droit de copro
priété ou d ’ un droit successif se mettrait d ’ava nc e en
possession d ’ un objet, et ensuite il en serait quitte pour
dire q u ’il est dans l ’exception de la l o i , parce que
p o ssid etis, pro tuitione accepit.
•
Po u rq u oi encore les frères de Marianne V a r a g n e
n ’auraient-ils pas eu une action en retrait; car s’il est
certain que le domaine de Fleurac a resté dans la famille
V a r a g n e , il est clair que Ma ri a nne Varagne était p r o
priétaire d ’u n ep orti on , par la règle Le mort sa isit le v ifm
M a is, disent-ils, un retrait n ’a lieu q u ’en matière de
vente ou d ’acte équipolent à vente.
L ’objection m ê m e les con dam n e; car dès q u e l ’acte
de 1 7 4 7 était une vente, M a r i a n n e Varagne, propriétaire,
n ’a pu s’en départir que par unac-teéquipolent à vente.
E n vain opp ose-t-on q u ’elle a cédé son droit par une
transaction. U n e transaction n’est q u ’ un acte indéfini
qui admet toutes les espèces de co n v e n t io n s , et qui
dèslors retient e lle -m ê m e le nom le plus analogue à
son objet principal. Ainsi quand , par l ’efiet d ’ une
transaction, l ’im m eu b le d ’ un contractant passe à un
autre , l ’acte est toujours une v e n t e , puisqu’il en a les
caractères; car la qualité des actes ne doit pas se juger
par les noms q u ’on leur d o n n e , mais par leur substance.
Si Mari an ne Vara gne n’avait eu que j u s a d rem , il
est possible que la transaction ne fût pas considérée
c o m m e une v e n t e , dès q u ’elle n’aurait cédé q u ’ une
simple prétention litigieuse ; mais il est clair q u ’elle
avilit j u s i/L r ey et q u ’élanl propriétaire au décès de
son
�( 25 )
son p è r e , a u $ m acte ne lui avait ôlé ce lle propriété.
Son abandon était donc une ve n te pure et simple.
O r , sans se jeter dans un long examen sur les cas
où le retrait était admissible, les adversaires ne nie
ront pas q u’en vente d’ immeubles il ne fût admissible
au profit d’un frère.
Ils ne nieront pas encore q u’il n ’eût été m êm e ad
missible quand Marianne n ’aurait abandonné que J u s
a d rem ; car il est de principe enseigné par Polhier
d ’après D u m o u l i n , Duplessis et autres auteurs, que la
vente
d ’u n d roit
réputé p ou r héritage suffit pour
donner ouverture au retrait.
L e m êm e auteur dit plus clairement à la page p r é
cédente j que la créance q u ’on a pour se faire livrer
un héritage, est sujette à retra it si elle est c é d é e : et
cette doctrine n’est q u’une conséquence du principe
que a c lio , quœ ten d it a d a liq u id im m o b ile , est i/nm obilis.
Dans la circonstance su r- to u t, et après la conduite
du sieur Roland p è r e , lorsqu’il venait d ’y mettre la
dernière main en ôtant le patrimoine d ’une jeu ne fille
sous prétexte des
dangers d’ un pr ocè s, il n ’est pas
de tribunal qui eût refusé d ’admettre un retrait q u’a u
rait exercé Antoine ou Sébastien Varagne ; parce que
c ’était la voie la plus légitime pour tout rétablir qn.
son premier état, et q u’il ne s’agissait que d’arrêter
une usurpation.
Mais, objectent encore les adversaires, q u’aurait pu
faire An to ine V a r a g n e , tant pour lui que
D
pou r sa
�( ^6 )
s œ u r , quand il aurait p u exer ce r les droits de l ’un
et de V autre , et interjeter appel de la sentence de
1 7 6 6 ? cet appel aurait été non rec ev ab le au fo nds ,
parce q u ’une résolution prononcé e est inattaquable.
Sans d o u t e , une résolution Légale est inattaquable,,
et il était inutile de rappeler tout ce que dit sur c e ll e
question M . r Chabrol : car ce n ’est pas le principe que
contesteront les V a r a g n e , mais bien l’application, qui
est vé ritablem en t choquante sous toutes les faces.
D ’abord M . r Chabrol parle des rentes foncières , et
ici il ne s’agit que de rente constituée.
, 11 aurait fallu cinq ans d ’arrérages dans ce dernier
c a s ; il eiAit fallu trois ans, si c ’eût été une rente fon
cière. O r , ici il n ’y avait que six mois d ’arrérages.
P o u r que la résolution soit légale , il faut que la
sentence, qui condam ne au p a i e m e n t, porte 1111 délai,
sinon la dem eu re peut toujours être purgée. L a sen
tence de 1 7 5 6 n ’en portait aucun.
C e n ’est q u’après la sentence et le délai que le
bailleur peut se mettre en possession; i c i , le vend eur
usurpait depuis trois ans. L e m o t i f de résolution e m
p l o y é par le sieur R ol an d était m ê m e m al-l io nn êt e:
loin d ’y parler d ’un abandon inutile fait par des pu
pilles chassés du d o m a in e , il prenait pour prétexte le
défaut de paiement des arrérages. Il trompait donc
la ju s ti ce, car il demandait ces arré rages, et ce p en
dant il jouissait : il avait ôté par son propre fait aux
mineurs Vara gn e toute possibilité de les payer.
�(
27
TROISIÈME
)
QUESTION.
L a transaction du, 3 o octobre 1 7 7 3
é ta it- e lle une
aliénation des biens des mineurs R o la n d ?
L e s cilalions des adversaires, pour montrer q u ’on
ne peut vendre sans formalités le bien des m i n e u r s ,
ne sont pas plus applicables, que n’est fondé le re
proche fait à la sénéchaussée d’A u v e rg n e de les avoir
méconnues.
Il est très-vrai que le tuteur ne peut de gré à gré
et sans nécessité vendre le's immeubles de ses mineurs.
Mais ici, ce que cédait le tuteur n ’était pas un i m
meu ble de ses mineurs; et il y avait nécessité.
Ce n’était pas un i m m e u b l e des mineurs R o l a n d ,
puisque leur père l ’avait vendu ; que l’acte de 1 747
n ’étant pas un bail à r e n t e , il s’était déparli de la
propriété utile et directe , puisqu’enfin il n ’y avait
eu ni pu y avoir de résolution valable.
I l y avait néce ssi té, puisque les parties allaient e n
trer en p r o c è s , et q u e ce procès ne pou vai t pas être
d ’une solution difficile.
Car des mineurs dont un seul avait trenle-cinq ans,
se plaignant d ’un mode d ’usurpation qui eût crié v en
geance j n ’avaient pas à craindre une résistance bien
sérieuse.
Q u a n d ’le faux de l ’exploit de 1 7 7 1 n’eût pas fait
lomber la pé re m pti on , elle ne se fût rapportée q u ’à
la sentence de 1 7 6 8 , et le pis-aller eût été de payer
D 2
�(
2
8
}
mal à propos 1,246 fr., si les liéritiers Roland avaient
établi avoir e m p l o y é ce ll e somme. Mais de sa p a r t,
A n t o i n e V ara gne aurait eu à répéter les jouissances
de vi ng t- un ans à dire d ’experts.
O r , les adversaires ont prétendu que le dom aine
valait 3 o,ooo fr. ; et en ne fixant les fruits q u ’à 1,000 fr.
par a n , ils eussent été débiteurs de 21,000 fr.
A
la vérité il eût
fallu déduire moitié pour la
rente de 5 00 fr. plus les 283 fr. de la sentence de
i y 5 3 , et si on veu t les 1,246 francs; m a i s , c o m m e
on voit 3 les mineurs Roland auraient toujours été reliquataires de 9,000 fr.
Ils avaient donc.plus d ’intérêt à traiter que V a r a g n e ,
puisqu’ils obtenaient le sacrifice de cette s o m m e , au
lieu de faire e u x -m êm es celui des réparations, c o m m e
ils essayent de le persuader.
L e u r tuteur avait sans difficulté le droit de transiger,
puisqu’il ne s’agissait que de terminer un procès. E n
vain dirait-on que ce procès n ’était pas c o m m e n c é ;
car il est de principe que tr a n s a c tio 'fit de Lite m o tâ ,
a u t movendâ.
L ’exposé de la transaction pr ouve les difficultés qui
allaient naître : au lieu d ’assigner et de plaider, on
transigea.
Si quel que chose devait ajouter à la fa ve ur due à
un acte aussi respectable q u ’ une transaction, ce serait
de connaître les personnes qui composaient le conseil
do famille et qui en ont été les auteurs.
Car que
M a i g u c , tuteur, fût ou non un chapelier et un liommo
�( 2Ç, )
peu intelligent., l’acte n ’élait pas purement de son fait,
il était le résultat des réflexions d ’une famille distin
g u é e , à laquelle les adversaires devaient plutôt d e l à
reconnaissance que des reproches ; reproches d'ailleurs
d ’autant plus aisés à multiplier, que les intimés n ’ont
aucun intérêt d’en vérifier la sincérité.
QUATRIÈME
QUESTI ON" .
L e s appelans se so n t-ils pourvus en tems utile contre
La transaction de 1 7 7 3 ?
O u i , disent-ils, par deu x motifs ; le premier c ’est
qu’ elle n ’a été passée que par notre tuteur; le second
c ’est que vous a v e z retenu les pièces, et que le délai
pour nous pourvoir ne c o u ri que de leur remise.
L a réponse à ce premier m o t i f pourrait être ren
v o y é e à la question suivante, parce q u ’au moins les
quittances de 1778 et 1782 ne sont pas du fait du
tuteur; mais pour suivre exactement les moyens des
adversaires, il suffit q u a n t a présent de leur rappeler
ces quittances.
Il est aisé de voir le but de la distinction à faire entre
les actes des mineurs, et ce ux de leur tuteur.
Souvent il serait injuste de les déclarer non recevables
après 10 ans, à l’égard de ces derniers actes, parce que
peut-être ils en auraient ignoré l ’existence; et la pres
cription n ’est q u ’ une peine imposéè par la loi à celui
qui néglige d’agir.
Mais toutes les fois qu’il est certain que le mineur a
�( 3° )
connu l ’acte , toutes les Ibis sur-tout q u ’il l’a a d o p t é ,
c ’est alors que le fait du tuteur étant le sien, le m i
neur a à s’im pu te r de ne pas se pourvoir.
O r , par cela seul que le sieur Israël R o l a n d , liérilier de son pè re , a connu et adopté en 177 8 l ’acte de
1 7 7 3 , et sans examiner l’eilét de son app robation, il
a dû se pourvoir.
C o m m e , dès 1 7 7 8 , il connaissait la date de ce traité
de 1 7 7 3 , il devait savoir q u’à supposer q u ’il eût droit
de l’attaqu er , il ne le pouvait que jusqu’en 1 7 8 3 , parce
q u ’il se l ’était approprié ; cependant il n ’a fo rm é d e
m an d e q u’en 1788.
A lo rs non-seulement il y avait plus de dix ans d e
puis le traité de 1 7 7 3 , mais le sieur Israël Roland avait
plus de trente-cinq ans.
L e deu xièm e m o y e n des adversaires sur celte ques
tion annonce l’embarras d ’en proposer de meilleurs.
C a r , contre quel acte devaient-ils se p ou rvoir ?
Est-ce contre la transaclion? Est- ce contre les pièces
y visées ?
Sans doute ce n ’est pas contre les sentences y énon
cées, puisqu’ils en excipent. C ’est donc contre la transac
tion; mais ils n’articulent pas sans doute que V a ragn e
l ’ait retenue.
A v e c un système c o m m e celui q u ’ils hasardent, il
faudrait dire que tout IraiIé d’après lequel 011 aura
remis des pièces à une partie (c e qui arrive tous les
jours) sera attaquable à perpétuité; et, c o m m e dit D u
moulin pour les choses précaires, e lia m per m ille antios.
�c 3 1 }
.
D ’abord les adversaires pouvaient très-bien voir dans
la transaction , que leur père avait vendu un do m ain e,
et l’avait ôlé ensuite à des mineurs par abus de leur
faiblesse, mais que ces mineurs l ’avaient repris ; c ’était
là tout le secret des pièces remises à Varagne.
O r , co m m e la transaction n’était pas r e t e n u e , si
les adversaires voulaient se p o u r v o ir , rien ne les en
empêchait; et alors, com m e aujourd’hui, ils auraient
redemandé toutes ces p i è c e s q u ’on ne leur cache pas.
O u t r e la faiblesse de ce m o y e n , il n ’a de p ré t e x t e
q u e la m a uv ai se f o i ; car les adversaires ont p ré te n d u
qu e les sentences de n o v e m b r e 1 7 6 6 et de 1 7 7 2 n ’é laient pas én o nc ée s dans le traité de 1 7 7 3 , de m ê m e
q u e le traité du 16 f é v r i e r , p o u r leu r en c a c h e r l’ exis
tence. C e t t e allégation leu r a m ê m e pa ru si i m p o r
tante qu'ils y ont e m p l o y é les pages 7 ., 8 , 4 9 , 5 o , 53
et 5 4 de leu r mém oir e.
L ’omission supposée de la sentence de novem bre
1756 n'est qu’ une misérable équivoque. L a sentence
de novembre 175 6 était au moins visée et énoncée
dans celle de 1 7 6 8 , puisque les adversaires préten
dent que cette dernière renouvelait en entier celle
de 1756.
En second lieu , on voit à la fin des dires de V a
ragne au traité, que parmi ses moyens contre la pro
cédure il disait q u’il était recevable à tenir les en ga gemens de son père dans La circonstance s u r -to u t
que LA SENTENCE QUI ORDONNE LA RÉSOLUTION DE
�( 3* )
LA v e n t e ti enlève cette fa c u lté q u ’après 3 o a n s: etc.
O r , où est donc cette sentence , si ce n ’est celle
du 29 n o v e m b r e 1 7 5 6 ?
O11 n ’a donc pas caché a u x mineurs q u ’il existait
un e sentence prononçant une résolution.
Quant à la sentence de 1 7 7 2 , l ’équi vo qu e est e n
core plus sensible ; on nous a c a c h é , disent les adver
saires, q u ’il y eût une sentence prononçant la p é r e m p
tion (pag. 8 et 9).
M a i s , en parlant de la sentence de 1768 ^ on ajoute
que V a ra g n e s’était rendu a ppelan t, m ais que la sen
tence avait passé en force de chose ju g é e comme n a jja n t
pas f a i t diligence sur son appel pendant trois ans con
sécu tifs.
N ’est-ce donc pas se faire des moyens de tout que
de ne pas voir là le synonime d ’ une péremption ; et
que les expressions ci-dessus expliquaient m ê m e m ieux
le droit des mineurs: dès-lors on ne voulait pas écarter
ce qui leur aurait donné trop de lumières.
Enfin à l ’égard du traité ave c Ma rianne V a r a g n e ,
co m m e n t les adversaires ont-ils encore osé dire q u ’011
le leur avait caché.
L a transaction porte que le sieur R o la n d , par acte
reçu V a le t t e , notaire, le 16 février dernier, contrôlé
le 2 5 , a réglé avec M a rian n e V a ra g n e , sœ ur d u d it
A n to in e.
Plus l o i n , A n toin e dit q u ’à l’égard de l ’acte passé
avec
�( 33 )
Marianne V a r a g n e , il était dans le cas de demander
la subrogation.
L ’acle est donc énon cé , visé et dalé. L e règlement
avec la sœur ne peut supposer q u ’ une cession de sa
pa rt, puisque le frère veu t s’y faire subroger.
Ainsi les adversaires sont obligés d’en imposer à la
Cour pour se rendre favorables, et il est de la plus
grande évidence que rien ne s’opposait à ce q u’ils ré
clamassent dans les dix ans contre le traité de i j y S f
s’ils croyaient y être recevables, ce qui va être enfin
examiné.
CINQUIÈME
QUESTION.
L e s qu ittan ces de 1 7 7 8 et 1782 p ro d u ise n t-e lles une
J i n de non recevoir contre La d em a n d e ?
venait d ’être élu liérilier
universel de son père en 1 7 7 7 , lorsqu’il reçut le prix do
P
ie r r e -Israel
R
oland
la vente de 1 7 4 7 , en vertu de la transaction de 177 3.
Si l ’ouverture de la succession n’était pas en droit
écrit, au moins le domaine de F l e u r a c y était-il situé;
Israël Roland était donc seul maître du procès y re
latif. D ’ailleurs, en coutume co m m e en droit é c r i t ,
les légataires sont les maîtres d’accepter le legs porté
p a r l e testament; o r , le sieur Roland ne s’est pas mis
en peine d ’établir que ses frères et sœurs aient répudié
leur legs pour réclamer leur légitime, q uo iqu’on lui
ait fait souvent celte interpellation.
Antoine Varagne ne pouvait donc s’adresser q u’à
E
�( 3V
lui seul pou r p a y e r , el la Cour a bien remarqué que
le sieur Israël Roland agissait aussi c o m m e seul héritier
puisqu’il reçut la première fois tout le terme é c h u , et
la seconde fois la totalité aussi des quatre termes reslans.
M a i s , dit le sieur R o l a n d , forcé p a r l a conséquence
de son propre fait , l ’approbation d ’ un acte nul ne le
valide pas, parce que q u i confirm ât n ih il clat d ’après
u m o u l i n , en second lieu je serais re le vé c o m m e
m in eu r initio inspecto, puisque, l’acte étant co m m en cé
pendant ma m in o rit é , ce que j ’ai fait en majorité n ’en
est q u ’ une suite.
L a première objection n ’est fondée que sur des prin
cipes absolument inapplicables. L e passage de D u m o u
lin ne s’applique q u ’aux actes radicalement nuls , et
non à ce ux simplement sujets à restitution.
O r , ce serait pour la première lois q u ’on soutien
drait que la transaction faite par un tuteur, m ê m e ave c
aliénation, fût nulle d ’ une nullité ra d ica le, et ne fût
pas susceptible d ’une simple ratification de la part du
m in eu r devenu majeur.
A u lieu de citer la loi s i sine decreto qui ne peut
s’appliquer que par argument à contrario, les adver
saires eussent dû voir la loi 10 au iH de rebus eoruni
q u i sub tu le la su n t sine decreto non a lien a nd is , dont
la disposition expresse décide la difficulté dans les plus
forts termes. Cm* après avoir prohibé les ventes'du bien
dos pupilles, faites sans décret du j u g e , cotte loi dit
que si néanmoins le tuteur eu a e m p lo y é le prix dans
�( 35 )
son c o m p t e , et que le mineur l’ait reçu en majorité, il
ne peut plus revendiquer l ’héritage vendu. P r œ d io p u p i li Illicite v e n u n d a to , œ stiniatione s o iu tâ , çin d ica tio
p rœ d ii e x œ quitate in kibetur. A quoi la glose ajoule non
tani aspere tra cta n d u m est j u s prolubitœ a lien a tio n is
prœ dioruni p u p ila r io r u m , u t et soiu tâ œ stiniatione à
tu tore in emptorem p u p ilu s sum m o ju r e experiatur.
A plus forte raison quand le mineur reçoit directe
ment le prix du débiteur l u i- m ê m e , e t , c o m m e le dit
le profond Voétius sur la m êm e loi, le pai em ent, m ê m e
la dem a n d e, m ê m e encore la simple approbation du
prix après la majorité empêch ent la réclamation. S i
sine decreto a lien ata ponerentur tninoris bona , tune
eriim su bsccu ta p o st m ajoren nitatem inipletam soLutio,
Çel CXaCtlO , vel p etltio , vel a ccep ta ilo c c stim a tio n is,
necessariam tacitœ ra tih a b iù o n is in d u c it con jecturan t.
Userait difficile de rien ajouter à des autorités aussi
claires, et c'est d’ailleurs un principe universellement
reconnu que l’on approuve une vente quand on en
reçoit le prix.
D ’après cela il est inutile de peser les expressions
em ployées dans les quittances de 177 8 et 1 7 8 2 , puis
q u ’il ne s’agissait pas de confirmer un acte radicale
ment nul. D ’ailleurs, en lisant les quittances, on no
peut pas douter que le sieur Roland ne con nût la
transaction aussi bien que V a r a g n e , puisqu’il savait le
montant de chaque te rm e , leur é c h é a n c e , et ce qui
restait à payer. Il savait que c ’était pour le domaine
de Fleurac, et il savait encore que ce domaine prove-
�3
6
^
naif de ses auteurs. Son consentement à recevoir le
(
}
prix d ’ an domaine transmis par ses auteurs à Var agn e
aurait donc valu seul une vente nouve ll e, car on y
tr ouve res, consensus et pretium. Ajou to n s que c ’était
un avocat qui traitait a v e c un cultivateur.
L e second m o ye n des adversaires est tiré du para
graphe scio qui , c o m m e le dit L e b r u n , a fait errer
plus de jurisconsultes que la m er n’a égaré de pilotes.
Mais cette loi a aujourd’hui un sens bien d é t e r m i n é ,
et n ’égare que ce u x qui veulent lutter contre la j u
risprudence.
L e m in e u r , qui a im prudem m e nt accepté une suc
cession à la veille de sa
m ajorité,
ne renonce pas tou
jours aussitôt qu'il est m ajeur; et co m m e chaq ue jour en
ce cas il continue de faire acte d'héritier ,1a loi examine
si ces actes ne sont q u ’une suite de ce q u ’il a c o m
m e n c é en m i n o r i t é , et alors elle l ’en relève.
L a difficulté de distinguer la nature de ces actes
donne lieu à tous les m a j e u r s , qui se trouvent dans
ce c a s , de prétendre que ce q u ’ils ont fait est une
suite de la première immixtion. M a i s o n examine tou
jours si le mineur était obligé de faire l’acte n o u v e a u ,
ou s’il pouvait s'en empêcher.
« C a r , si le m in eu r , dit L e b r u n , pouvait s’ex em pter
r de mettre la dernière main à l’a t l a i i e ; en ce c a s ,
« après l'avoir ach ev ée en majorité, il ne pourra pas
" être relevé. »
L e s adversaires s’ emparent d ’une partie de ce pas-
�( 37 )
sage, et disent aussitôt que la transaction était c o m
plète pendant leur minorité., et que L eb ru n a été mal
appliqué.
Mais un peu plus loin ils eussent trouvé que L e
brun l u i ' m ê m e enseigne que le cas seul où le nouvel
a d e ne produit pas une fin de non r e c e v o i r , est seu
lement quand ce nouvel acte a une conséquence né
cessaire ave c ce qui s’est fait en minorité , et préci
sément L eb ru n prend pour exemple quand L'affaire
ayant été
acco m plie
en m inorité se confirm e en m a
jo r it é par quelque nouvel acte.
Remarquons que pour
em ploye r ce m o y e n , les
adversaires s’approprient la transaction de 1 7 7 3 , co m m e
étant de leur fait par le m oyen de leur tuteur, et c ’est
de leur part une inconséquence qui marqu e assez leur
embarras.
D ’ailleurs, en quelque position qu’ils se placent, ils
n e peuvent invoque r Yinitio inspecto, puisque les quit
tances ne sont certes pas une suite nécessaire d ’un acte
qu'ils disent nul, et sur-tout d’un acte qui n ’était pas
de leur propre laif.
JSec si/enlio prœ tenm ttendum , dit encore Voetius sur
le m êm e titre du digeste, alienationes illas,quœ
jnspecto
in itio
nullæ erant, tanquani contra senatuscon-
sultum fa ctœ , subinde est post fa c to conjirm ari posse,
presser Cnn s i m inor ja m
m ajor f a c tu s alienatione/n
ratam h a b iten t, sive expresse
sive
tacitè.
L a question de l’initio inspecto s’est présentée de
�( 38 )
vant la Cour dans une espèce bien plus favorable po u r
le réclamant.
U n mineu r ayant fait acte d ’héritier
était poursuivi pour une rente ; à peine majeur ( d e
21 ans se ulem ent) le créancier lui fit faire une rati
fication. Il se pourvut presqu’aussilôt après, et fit v a
loir son ignorance absolue des forccs de la succession,
aj^ant eu un tuteur encore c o m p t a b le , et il exposa que
l ’aditioii d ’hérédité emportait nécessairement le devoir
de p a y e r les renies; mais par arrêt du 4 floréal an 1 0 ,
la C o u r proscrivit sa p r éten t io n , attendu que sa rati
fication n ’était pas une suite nécessaire de l ’adiliori
d ’héréd ité.
L e s adversaires ne se dissimulent pas la faiblesse do
leurs moye ns contre la fin de non r e c e v o i r , et en
désespoir de cause ils observent que la dame Gros ne
peut en être v i c ti m e , n ’ayant pas donné ces quittances.
D é j à les Vara gn e ont répondu à ce m o y e n par le
défi d ’établir q u ’aucun des puînés R ola n d ait répudié
le legs du testament de leur père pour demander leur
légitime. U n e autre réponse va se trouver dans ui;
arrêt de lu C o u r de cassation.
En
1 79 1 , M a rie B or den ave fille a î n é e , avait été
instituée héritière par le testament de sa mère.
Elle vendit un domaine en minorité en 1 7 9 3 , en.
v er tu d ’autorisation ; et après des oflres r ée ll es , elle
reç ut partie du prix en majorité.
Elle dem anda la nullité en l ’an 4 , et ses sœurs so
�; ( % )
joignirent a elle. L e tribunal de P a u avait adjugé la
d em a n de; mais, sur l’appel, celui des Haules-Pyrénées
avait déclaré M a ri e B or den ave non recevable à cause
de sa quittance, et ses sœurs aussi non recevables parce
q u ’elles pouvaient réclamer leurs droits sur les autres
biens.
Sur le pourvoi des trois sœurs, la Cou r de cassation
a rejeté la demande par arrêt du 4 thermidor an 9 ,
par ce seul m o t if qui embrasse tout ; « A t te n d u que
« Marie B o r d e n a v e , héritière universelle, a ratifié la« dite ve n te par la quittance q u’elle a donnée en m a f<- jo ri l é , de la portion qui restait à paye r à l’époque à
« laquelle elle est devenue majeure.
Il semble que ce m o t i f soit fait exprès pour la cause;
la fin de non recevoir des deux adversaires y est écrite,
sans q u ’il soit besoin d ’y changer un seul mot.
Les fins de non recevoir sont souvent odieuses parce
q u’elles tendent à priver une partie d’ user de son droit.
Mais ic i, il est difficile d’en proposer une plus favorable;
car elle n ’a pas pour but de priver le sieur Roland do
ses moyens au fonds, mais bien de l ’em pêc her lui-même
d’opposer d’autres fins de non recevoir plus odieuses.
Ce n’est pas que tous ses arrière-moyens fussent très
à craindre , parce que son père , trop pressé d ’usurper
n ’a rien fait de bo n; mais il est toujours agréable de
vaincre un adversaire ave c ses propres a r m e s , et de
neutraliser une injuste attaque. A u reste le m o yen prin-
\
�( 40 )
cipal de la cause n ’est pas une simple fin de non r e
c e v o i r et n ’en a que le nom. Car le procès a été éteint
p a r une transaction; le sieur Roland en l ’adoptant a
voulu aussi éteindre le procès, et a vér itablement fait
u n e transaction nouve ll e, contre laquelle il ne doit pas
être admis à se pourvoir.
M . r T I O L I E R , Rapporteur.
M . e D E L A P C H I E R , A v o ca t.
M e T A R D I F , L icen cié-A v o u é.
A
R I O M ,
D e l ’im p r im e rie du P a l a i s , ch ez J. - C. S
a l l e s
,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Varagne, Antoine. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tiolier
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
abus de tutelle
conseils de famille
fraudes
tutelle
créances
abandon
bail à rentes
déguerpissement
droit écrit
fermage
minorité
prescription
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Antoine Varagne, et autres ; intimés ; contre Pierre-Israël Roland, Toinette-Gabrielle Roland, et le sieur Gros son mari, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1747-Circa An 13
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0741
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0409
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minorité
prescription
tutelle
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31894240645d041af2ef8195d72e0c13
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COUR
IMPERIALE
MÉ M O I R E
DE RIOM.
EN R ÉPO NS E,
cha m b r e s
RÉ U N I E S .
POUR.
Les frères D E S T A I N G , appelans ;
CONTRE
A n n e soi-d isant
D e s ta in g
NAZO,
et tutrice de
se disant V E U V E du général
M a rie ,
s a f i l l e , intimée.
V o u le z - v o u s a v o ir id é e des m œ u rs des G r e c s ? Ils fo r m e n t
u n e u n io n q u ’ils n o m m e n t m a r i a g e d e c a p i n . Ils c o n v ie n
n e n t a v e c u n e fe m m e de v iv r e a v e c elle tan t q u ’il le u r p la ira ;
ils se p ré se n te n t au ju g e et à l ’é v ê q u e , p o u r o b te n ir la p e r
m issio n de l ’ u n , et la b é n é d ic tio n de l ’a u tre . L e s
lois et la
r e lig io n s’ a c c o rd e n t à a u to rise r ce d é rè g le m e n t.
Voyage en Grèce , 1794 1795, lett. 35. Scrofani,
Sicilien , traduit de l ’italien par B lanvillain ,
Paris, 1801.
Q
u e l l e est donc cette fem m e qui s’obstine
du général D estaing, prétend avoir
reçu
à
se dire veuve
c e nom avec solennité
sur les rives du N i l, soutient être née dans une condition d is
et veut soulager ce u x qu’elle appelle ses beaux-fréres ,
du p oid s d'u n e m ésalliance ?
Jusqu’ici elle s’étoit annoncée com m e fille de J o a n n y N a z o ,
commandant d’un bataillon grec. A u jo u rd ’h u i elle est obligée
de convenir qu’elle n’e st point fille de N azo ; elle avoue qu elle
tin g u ée,
A
X
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)
a usurpé c e n o m , qu’ elle est née d ’un premier mariage de S ophie
M jscii , d ’une m ère qui a encore d e u x m aris vivans et un de
mort. Et c e n ’est point à sa bonne foi qu’on doit c e t aveu ; les
fem m es grecques ont l’habitude de feindre et de dissimuler.
Mais elle a eu la maladresse d’assigner pour témoin un certain
B a r t h é le m i S e r a . Cet individu est un des maris de Sophie Misch.
Il raconte avec ingénuité qu’il a épousé cette Sophie, alors veuve
de J oseph T rtsoglow , Arménien de nation, bijoutier de son
m étier, et catholique rom ain de religion. Anne étoit née lors
du mariage de S è ra. Il y a vingt-quatre ans que S e r a a quitté
sa Sophie; i l la q u itta , e t Joanny N a zo Vépousa. C ’est avec
cette légèreté que S e r a parle de la dissolution de son mariage.
C ’est une union de capin : en voici un exemple dans la famille
à' A n n e ; et c ’est cette a llia n ce distin g u ée, c e m ariage p o litiq u e ,
cet honneur insigne dont on veut accabler les héritiers Destaing.
Q uoi ! lorsque les héritiers Destaing font leurs efforts pour
repousser de leur famille une étrangère audacieuse, méconnue
de celui qu’elle appelle son é p o u x , qui l’avilit aux ye u x de son
p è re , traite sa liaison d 'arrangem ent o r ie n ta l , A n n e ose crier
à la ca lo m n ie! une Egyptienne parle le langage des m œ urs,
vante les vertus d o m estiqu es, ces vertus paisibles et pures ,
bannies de ces parages lointains , où régnent impunément la
dépravation et la lic e n c e , où la dissolution est à son comble !
Anne s’agite en tout sens pour parvenir à son b u t, et faire
croire qu’elle a été élevée au rang d’épouse légitime d’un général
français.
Elle a su profiter avec art de tous les m ouvem ens, de toutes
les circonstances. L ’armée d’ Orient a été divisée dans ses projets,
dans ses moyens d’exécution : ces discussions ont été portées à
un tel degré d’exaspération , que le général Destaing en a été
l’une des victimes.
C ’est aux ennemis connus et déclares du général qu’elle a eu
l’adresse de r e c o u r ir , pour obtenir des déclarations conformes
à ses projets; mais le mensonge, les contradictions, les incon-
/
�)
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séquences de ses témoins sont à un tel degré d’é v id e n c e , que
les enquêtes deviennent l’arme la plus puissante dans les mains
des héritiers Destaing , pour repousser les prétentions d une
femme obscure, am bitieuse, à qui il ne restera bientôt que le
repentir et les regrets. Et qu’Anne ne ch erch e pas à faire valoir
le sentim ent, en invoquant les noms sacrés d’épouse et de mère!
Si le général Destaing l’avoit élevée jusqu’à l u i , pourquoi
auroit-il pris une marche opposée à celle usitée par les Français
qui ont contracté des mariages en Egypte? comment l’acte de
mariage n’auroit-il pas été transcrit sur les registres des com
missaires des guerres ? C ’est ainsi qu’en ont usé les généraux
L a n t i n , D elzons et B onne -C ar iiè r e , conformément aux ordres
du général français.
L e général Menou lui-méme, dont le mariage avoit été célébré
antérieurement à ces ordres qui ne remontent qu’à l’an 8, s’ est
empressé de faire transcrire l’acte de son mariage sur les registres
de l’état civil du C aire. Enfin , il n’y a pas eu un seul mariage
légitime qui n’ait été suivi de cette formalité ; et par quelle
fatalité celui du général Destaing seroit-il le seul e x c e p t é ? _____
A n n e voudra-t-elle prétendre que les troubles de l’Egypte
n’ont pas permis de suivre toutes les formalités prescrites pour
assurer l’état des personnes ; mais pendant la cohabitation d’ANNE
avec le général Destaing, l’Egypte étoit dans un état de tran
quillité parfaite , et les troubles n’ont com m encé que lors du
débarquement des Anglais, bien postérieur à son prétendu m a
riage.
T o u t est invraisemblable dans le récit d’ANNE ; c e sont les
aventures d’une héroïne de ro m a n , où on fait figurer les tem
pêtes , les naufrages , les corsaires , et tout ce qui tient du
merveilleux.
Mais un arrêt de la C o u r , du 11 juin 1808, l’a admise à
prouver la légitimité de son mariage. La C o u r , en confirmant
le jugement de Mauriac, du i août 1807, e t réduisant l inter
locutoire , ordonne qu’ ANxn fera preuve devant les premiers
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A
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juges, que depuis que le général Destair.g fut appelé au Caire,
et pendaht q u ’il y étoit en activité de service, elle a été mariée
avec lui publiquem ent e t so len n ellem en t, par le patriarche
d ’A le x a n d r ie , suivant le rite g r e c , e t les fo rm es e t usages
observés dans le pays.
Elle est autorisée à faire entendre les parens tant d’elle que
du général Destaing , ainsi que toutes les personnes qui ont
déjà donné des attestations par forme d’acte de notoriété , à
Marseille et à Paris, ou des certificats sur les faits dont il s’agit
dans la c a u s e , s a u f tous autres reproches de droite et sa u f aux
héritiers Destaing la preuve contraire.
En exécution de cet arrêt, et par suite de commissions rogatoires du tribunal de M auriac, il a été procédé à des enquêtes,
à Paris, à Marseille, et les héritiers Destaing ont fait une en
quête contraire, à Mauriac et Aurillac. Il faut nécessairement
se livrer à l’examen de ces enquêtes , entrer dans une discus
sion qui va devenir fastidieuse. Les héritiers Destaing feront
en sorte d’ëtre rapides dans ces d étails, pour ne pas lasser
l’attention.
O n commence~par l’enquête de Paris.
L e premier témoin est le général Lagrange. Il fut reproché
par les héritiers Destaing , sur le fondement qu’il étoit d’un
parti opposé au général leur frère. Le général Lagrange étoit un
des signataires de la capitulation d ’Alexandrie , que le général
Destaing avoit refusé de signer ; il avoit même fait consigner
son refus dans le procès verbal du conseil de guerre ; et cette
divergence d’opinion avoit excité des haines et des inimitiés
particulières entre les opposans. Le juge-commissaire ne crut
pas devoir consigner ce reproche, qui n’étoit pas prévu par le
Code. La Cour l’appréciera dans sa sagesse.
C e témoin déclare qu’il étoit lié d ’amitié avec le général
Destaing ; qu’il vint lui dire qu il avoit le projet de se marier
en Egypte. L ’amitié lui suggéra des observations pour s’opposer
à ce dessein. Il c r o it , sans pouvoir l ’affirm er, que le général
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)
s'autorisent de l’exemple du général en c h e f, et de leur séjour
futur en Egypte. Quelcjue temps après , le général Destaing
l’invita à assister à la cérémonie de son m a ria g e , cjui eut lieu
dans une église grecque. L e témoin avoit promis d’y assister ;
i l en f u t em pêché par les occupations qui lui survinrent, et à
cause de l’heure , qui n’étoit pas com m ode pour lui ; parce
qu’il croit que le mariage fut célébré le soir.
La première conversation au sujet du mariage eut lieu dans
ses bureaux, en présence de ses aides de camp et de son secré
taire. Les représentations qu’il fit pour le détourner de ce
projet, donnèrent lieu à une discussion animée. L e lendem ain
du jour indiqué pour le mariage , il fut invité au repas de
noces. L à , il vit le commandant d’un bataillon grec , N a z o ,
qu’il crut être le père d’ANNE, laquelle lui fut présentée com m e
l’épouse du général Destaing. A nn e étoit présente lors de sa
déposition ; i l croit la reconnoitre. Il a vu depuis le général
D e s ta in g , tant en Egypte qu’en France ; il l’a toujours consi
déré comme marié. P e n d a n t leur séjour au C a ire , il a vu fré
quemment le général Destaing ; mais ce temps n’ a pas été bien
long.
On observe au commissaire Cju’on avoit consigné dans la d é
position du té m o in , que la cérémonie avoit eu lieu dans une
église g r e c q u e , et qu’il ne l’avoit pas ainsi déclaré ; il répond
que le général Destaing lu i avoit d it que la cérémonie devoit
avoir lieu en effet dans une église grecque ; qu’il le crut ainsi
lorsqu’il alla au repas.
On lui demande s’il ne s’étoit pas écoulé un intervalle de
quinze jours entre l’époque de la prétendue cérémonie et
le dîner. Il ne se rappelle pas précisément les d a te s , mais il
croit bien qu’il a été chez le général Destaing le soir m<3ino
de la cérémonie.
O n lui demande encore si le repas en question ne fut pas
donné a occasion du baptême du fils du général Delzons , qui
avoit pour parrain le général Destaing. S a inemoire ne lu i
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rappelle p as ces circonstances ; il a mangé à cétte époque plu
sieurs fois ave c le général D e s ta in g , et ce dernier lui dit qu’il
avoît une double féte à cé léb re r, celle de son mariage, et celle
du baptêm e.
Il paroît, sur c e point, que le général Lagrange a manqué
de mémoire : car il sera bientôt établi que la dame Delzons
n’est arrivée au Caire que les derniers jours de nivôse an g.
Elle apprit qu’AwNE avoit été conduite chez le général, à l’entrée
de la nuit, la veille de son a rriv ée; et l’acte de naissance du
fils du général D elzons n’est que du 10 pluviôse an 9. Il n’est
donc pas possible que le général Destaing ait donné une double
féte le jour de son prétendu mariage ; aussi le témoin déclaret-il bientôt a p r è s , q u ’il ne croit pas avoir vu le patriarche
d ’Alexandrie, ni le soir de la cérém onie, ni le jour du repas.
Sur une dernière interpellation qui lui est faite, de déclarer
si le mariage n’étoit point de notoriété publique, il déclare qu’il
ne peut pas répondre de la conviction des autres chefs de l’armée;
mais il en avoit lui la conviction intim e, et il mentiroit à sa
conscience s’il disoit le contraire.
C e premier témoin qu’on a interrogé dans tous les sens, ne
parle que p a r ou ï-d ire, et 11’à pas été présent à la célébration
du mariage : sa déclaration est donc peu im portante, puisque
A n n e doit prouver qu’elle a été mariée publiquement et solen
nellement par le patriarche d’Alexandrie.
L e second tém o in , Henri-Gatin B ertrand , général de division,
n ’a pas de m ém oire; i l ignore si A n n e a été mariée civilement
ou religieusement. Ilpassoit pour constant, à ce q u ’i l croit, que
le général Destaing étoit marié : le général a donné à ce sujet
un repas auquel i l croit avoir assisté; mais il ne peut rien af
firmer , ni sur le fait du re p a s, ni sur le fait de sa présence à
c e repas. Il Iie reconnolt pas A n n e ; il a bien vu au Caire une
dame q u ’on appeloit madame D estaing, mais ¡j ne pouvoit reconnoltre la dame ici présente pour la même femme. Il est
probable que le général lui a dit qu’il étoit marié , mais i l ne
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se le rappelle p a s. Sa mémoire ne lui fournit rien sur la nais
sance du fils du général Delzons ; et lorsqu’on lui demande si
le général Destaing passoit pour être m a r ié , il croit se rap
peler (jue oui. O n sent qu’il n’ y a pas d’observations à faire sur
une semblable déclaration.
Un artiste m usicien, appelé R ig e l, est le troisième témoin.
Il passoit pour constant, suivant lu i , au C a ir e , que le général
D estaing ¿toit m arié; mais il ne sait pas com m ent le mariage
a eu lieu. Il en fit compliment au général Destaing , qui ne lui dit
n i ou i n i n o n , mais seulement le remercia. Il fut invité quinze
jours après à un repas qu’il présumoit être un repas de noces.
Il n’a pas entendu dire que le mariage ait été célébré dans une
église grecque ; il n Ta jamais vu A n n e . Il rapporte la date du
mariage à deux ans environ après l’arrivée de l’armée française.
Ü iL«L.P.?\nt entendu parler du fils Delzons. L e patriarche
d’Alexandrie n’étoit point $u repas en q u e s t i o n , ___
L a seule réflexion q u ’on se p e rm e ttra sur cette d é c la ra tio n ,
c ’est q u ’elle est c o n tra d ic to ire avec celle d u général L agrange. Ce
d e rn ier plaçoit l’ép o q u e d u repas le soir mame d e la c é ré m o n ie ,
et celui-ci dit q u e le repas n’a eu lieu que quinze jo u rs après.
Il n’a point vu au repas la mariée ; le général Lagrange dit c e
pendant qu’elle lui fut présentée : mais jusqu’ici personne n ’a
assisté à la cérémonie.
Le
quatrième témoin, le sieur Jacotin, colonel des ingénieurs-
géographes, ne sait encore rien que par ouï-dire. Il étoit blessé
alors et ne sortoit pas. Il ne connoissoit pas particulièrement
le général D esta in g ; mais son mariage passoit pour avoir eu
lieu devant le patriarche d’Alexandrie. Il n ’avoit su c e fait que
com m e nouvelle. On lui avoit dit que le .général Menou et
plusieurs autres avoient assisté à la fé te , sans qu’il puisse spé
cifier si c ’est au mariage ou à la cérémonie. 11 croit pouvoir
placer l’époque du mariage à deux mois environ avant la
bataille d A le x a n d rie , c e q u i répondroit à nivAse an g , sans
pouvoir en d é term in e r p ré c isé m e n t l’époque. Il a vu là dame
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W
Nazo à Paris une fois ou d e u x , mais il ne l’a pas vue au Caire.
L e sieur B ea u d e u f, cinquième té m o in , lié particulièrement
avec A n n e , a cependant déclaré qu’il n ’avoit été témoin d’au
cuns faits. Mais le mariage étoit public ; tous les chefs com m e
tous les prêtres grecs avoient assisté au repas. A l’entendre,
tout le monde y é t o it , excepté lui ; car il n’y a pas assisté.
L e général Destaing ne lui a pas même parlé de son m ariage;
mais il a vu sa femme dans la citadelle du Caire , et il la reconnoît très-bien à Paris. O n lui demande si on auroit admis
toute sorte de femmes dans la citadelle ; il répond que celles qui
y étoient, étoient reconnues pour femmes légitimes. A la vérité
il y avoit quelques viva n d ières, mais très-peu , à raison du petit
détachement qui y étoit. Il porte la date du mariage au c o m
m encem ent de l’an 9. Il a toujours regardé A n n e comme fdle
d’un sieur N a z o , G re c d’origine, fermier général des liqueurs
for t e s , commandant d ’u n bataillon (*rec ; mais il ne sait pas si
A n n e est sa fille adoptive, ou si elle est née de son mariage.
Jl n’a aucune connoissance de l’époque de la cohabitation de
Nazo avec Sophie Misch , mère d’Anne. Les mœurs de l’Egypte
ne permettent pas de connoitre ces d étails, attendu le peu de
com m unication des femmes avec la société.
On ne voit rien de remarquable dans cette déposition , si
on excepte la circonstance qu’on ne recevoit à la citadelle que
des femmes légitimement mariées. Mais ce témoin a menti à
sa conscience , parce qu’en e ffet dans la citadelle il falloit
principalement y recevoir toutes les femmes qui avoient eu
quelques liaisons avec des Français; et il le falloit bien ainsi, car
autrem ent toutes c e lles qui avoient connu des Français auroient
été exposées à j i n e m ort certaine de la part des i W c s .
L e sixième tém oin, liartnelemi V id a i, a déposé qu’il n’étoit
pas au Caire à l’époque du m a ria g e , mais que tout le monde
lui a dit que le général Destaing étoit marié. Il a su de ses
y
deux aides de camp que le général Destaing avoit fait un ma
riage légitime ; à H i a JtTïïlais ouï dire, ni aux. aides de c a m p ,
ni
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9
)
ni à personne , rien qui piit faire élever le moindre doute sur
la légitimité du mariage. Il prétend m ême que ce dernier avoit
invité à diner, pour faire connoissance avec sa fem m e; mais il
ignore par qui le mariage a été célébré. Il ne peut même se
rappeler positivement l ’époque ; il faudroit pour cela qu’il fit
1
quelques rech erch es; il croit cependant que c ’étoit au com
m encement de l’an g.
T o ute indifférente qu’est cette déposition , on doit remarquer
cependant que le témoin en impose évidemment lorsqu’il pré
tend que le général vouloit lui faire faire connoissance avec sa
femme. On voit par la déclaration précédente, et on verra bientôt
par des dépositions subséquentes , que cette assertion est ab
solument contraire aux mœurs d’E g y p te , et que les femmes
n ’ont jamais aucune communication avec les hommes.
D o m Raphaël de Monachis est le septième témoin ; il a été
reproché com m e signataire d’un certificat donné à Paris , devant
le juge de paix, le 29 mars 1806. Et ce reproche est fondé sur
la disposition de l’art.
du Code de procédure, §. 2. C e témoin
est professeur de langues orientales ; il déclare qu'il étoit au
Caire à l’époque du mariage i il n’en a pas été témoin oculaire,
83
mais il a ouï dire à Antoine D o u b a n é , actuellement négociant
à T rie ste , qu’il avoit été témoin de ce m ariage, qui avoit été
célébré par le patriarche d’Alexandrie , dans l'ég lise de sa in t
G eo rg es, au V ieu x-C a ire. Il a ouï dire la m ême chose à trois,
quatre , dix , trente personnes ; il a ouï dire également que
ce n’a été qu’a v e c _peine que le sieur Nazo avoit déterminé le
patriarche à c onsentir au mariage ; que cette répugnance étoit
fondée sur la différence de religion , et sur ce que le général
Destaing étoit Franc , c ’est-à-dire, Européen et militaire, parce
que c ’étoit un grand déshonneur de donner sa fille à un militaire,
et plus particulièrement à un Européen. luette répugnâlîcen’existoit cependant pas chez les catholiques romains; plusieurs m i
litaires a y o ie n t, quoique mariés en F ra n c e , pris des iemmes
B
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en Egypte , et les avoient quittées après q u in z e , v i n g t , ou trente
jours.
On lui demande si ces mariages étoient faits à l’église ; il répond
que o u i, mais qu’ils ne ressembloient pas au mariage de la dame
Interrogé pourquoi cette différence entre les mariages,
dit que premièrement le général Destaing n ’étoit pas marié
en France , com m e certains autres militaires ; 2°. que le général
Destaing n’étoit pas un homme in con n u , comme un petit sergent,
ou un petit capitaine ; que le général M enou s’ëtoit rendu garant
du général Destaing auprès du père de la dame N a z o , et qu’il
TET avoit dit : JN’ayez p eu r, le g én éra l n'abandonnera pas votre
f ille . L e témoin soutient qu’on ne connoissoit pas, en E gypte,
Destaing.
il
les mariages à temps ; il a tte s te , comme naturel d’E g y p t e , et
comme curé catholique romain , que jamais ces mariages n’avoient e x is té ; qu’il en faisoit le serinent par-devant D i e u , et
qu'il le prouveroit par sa téte. N on d a tur divortium in ecclesiâ!
s’écrie-t-il ; la dame Nazo a été mariée ju x ta usum ecclesiœ; et
si le père N azo avoit cru donner sa fille à temps , il ne l’eût pas
donnée. Les femmes qui s’étoient mariées à plusieurs militaires
n’avoient point obtenu la permission d ’aucuns prêtres. I l fait
concorder le mariage avec le commandement du général Menou.
On voudroit obtenir quelques renseignemens de lui sur l’origine
de la dame Nazo : H oc non p ertin et a d nostram causam , r é
pond-il. On insiste pour avoir des détails ; alors il déclare que le
père de la dame Nazo étoit A rm é n ien , catholique rom ain, bijou
tier, et que Nazo n’étoit pas son père, mais son beau-père. On
lui demande s’ir n’y avoir •paîT ïi ri "autre beau-père, qui étoit Barthélem i, Génois de nation, et si
n’étoit pas là le véritable
beau-père d’A n n e ; il difqiT après la mort du père d'A n n e , sa
ce
v e u v e a épousé ce B arthélem i, qu’ils se sont quittés quelque
temps après, et qu’eHe s’eS lrem ariée avec Nazo.
Sur l’interpellation qui lui est faite s’il est sûr que Barthélemi
a épousé la mère d ’ANNE, s il est vrai qu ensuite elle s’est mariée
�a vec N a z o , il répond qu’il ne connolt ces faits que par ouï dire.
Il dit encore que les simples prêtres célèbrent les mariages de
condition ordinaire, et le patriarche celui des personnes distin
guées ; mais qu’à raison de l’esclavage causé par l’empire des
T u r c s , il n’y a que trois églises grecques, et que le patriarche
p e u t , en p la ça n t son a u tel clans une m aison , la rendre son
église. Il prétend que les prêtres grecs ne tiennent pas de registres,
parce qu’ils ont peu d’instruction et peu de liberté.
On observe au témoin que cette assertion est contraire à c e
qu’il avoit déjà dit. Il avoit déclaré en commençant qu’il existoit
des registres pour les naissances et les m ariages, et maintenant
il semble être en contradiction ; il répond giors que les prêtres ne
rédigeoientpoint de contrats, mais tênoient de simples mjémoires.
Cette déposition’’mérite cTëtre attentivement exam inée ; elle
ne s’accorde pas avec l’acte de notoriété que Te térnoîn à signé,
et où il disoit q u ’il avoit assisté au mariage. Maintenant il l’a
seulement entendu dire , à la vérité , par beaucoup de monde ;
m ais les tren te personnes au m oins q u i lui en ont p a rlé , lui ont
attesté q u e c e m ariage avoit été céléb ré par le p atria rc h e , dans
l’église de sa in t G eo rg es, au V ieu x-C a ire. Voilà une particu
larité remarquable. L e local est spécialement d ésign é, et on ne
se trompe pas ordinairement sur cette désignation : le V ie u x Caire est séparé du Grand-Caire par une branche du N il; et on
verra bientôt que les témoins de Marseille ont prétendu que ce
mariage avoit été célébré dans l’église d e sa in t N ico la s du
Grand-Caire.
D ’ un autre c ô t é , c e témoin apprend qu'A n n e N azo est née
d’un père catholique romain. Elle a dit elle-méme qu’elle professoit cette religion ; c ’étoit aussi celle du général Destaing : il
est dès-lors impossible que le patriarche grec ait marié des cath o
liques romains; c e seroit contraire à tous les principes des scmsmatiques grecs , dont l’aversion est connue pour tout c e qui tient
au rite romain. Cependant le témoin, qui est lui-même prêtre
catholique, ne dit pas un mot sur cette différence de religion;
B 2
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et s’il déclare que le patriarche grec s’étoit déterminé avec peine
à faire ce m aria g e , ce n ’est pas à raison de la différence de la
religion , mais seulement parce que le général étoit Européen et
m ilita ire , et que les filles ne p o u v o ie n t, sans une espèce de
déshonneur , épouser des Européens et des militaires. Cette
espèce de honte ou de préjugé qui rejaillissoit sur les filles ,
n ’avoit d ’autre origine que l’inconstance ou l’abandon des per
sonnes de cette profession; et le bon Monachis, sans s’en aper
c e v o ir, nous atteste qu’il se faisoit des mariages à temps, qu’ils
étoient m ême fort communs. Il n’avoit pas besoin de nous dire ,
car nous savons t o u s , que l’église romaine n’admet point de
d iv o rce ; et n e ^ s g m j^ c e pas une raison pour que le général
D estaing eût v oulu s’adresser «à un prêtre grec? Il trouvoit dans”
la famille d’Anne des exemples qui pouvoient l’autoriser : aussi
est-ce avec bien de la 'p e in e que le témoin s’explique sur les
hauts faits de Sophie Misch ; il faut qu’il y soit contraint par
l’autorité; jusque-là il s’étoit renfermé à dire : H oc non pertinct
a d nostram causant.
On aura occasion de revenir sur cette déclaration très-impor
tante et très-remarquable.
L e huitième tém oin, Joannes C h e p te c h i, prêtre cophte, c a
tholique romain , dépose avoir ou ï dira par le public que le
général Destaing avoit été marié par le patriarche g r e c , solen
nellem ent, avec la fdle de la femme de Jean Nazo. Il dit qu’elle
s’appelle Marie : mais sur l’observation que lui fait A nnk ellem êm e , que Marie n’étoit pas son nom , il ne s’ en est pas rap
p e l é , quoiqu’il la connoisse depuis l’âge de trois ans; d’ailleurs
il n’étoit appelé que pour déposer de son mariage. Il atteste que
les père et mère d’Anne étoien t catholiques romains. Il sait
q u ’après la mort de £on_preimer j n a r i S o p h i e Misch épousa
Barthélem i, L a tin ; mais pour épouser Nazo elle se fit schismatique g rec q u e , et le patriarche déclara son second mariage in
valide. Nazo fut si content, qu il dépensa cinquante mille écus
pour son mariage. D ’ailleurs, ajoute-t-il, la liberté des mariages
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(
)
existe en Egypte : les prêtres catholiques n’ont pas la liberté de
p a r le r , mais ils n’approuvent pas pour cela les mariages c o n
tractés par ceux qui quittent leur religion. Il n’a pas entendu
dire que l’on pouvoit divorcer et contracter de nouveaux mariages
dans la m ême religion, mais seulement qu’on pouvoit, à cause
de la liberté civile des cultes , quitter la religion latine pour
embrasser la religion schismatique grecque ; et que le mariage
contracté par une femme latine avec un homme de sa religion,
étant déclaré nul par les G r e c s , cette dernière pouvoit, en em
brassant la religion g recq u e , faire déclarer nul son mariage avec
un la tin , et en contracter un second. Il atteste cependant que
les prêtres grecs com m e les prêtres cophtes étoient dans l’ usage
de ten ir des registres des m ariages.
Cette dernière déclaration ne convient pas à A n n e ; son avoué
prétend qu’il n’est pas bien informé des usages, q u ’il est étranger
au rite grec , et que dès-lors il ne peut savoir si en effet ces
prêtres tenoient des registres. L e témoin répond qu’il parle avec
peine la langue française ; q u ’on ne d onnoit pas en E gypte le
nom de registre a u x notes que ten o ient les prêtres ; mais que
ces notes contenoient la date des mariages et les noms des
parties, et que dans aucune religion ces notes n’étoient signées
des parties.
O n lui demande s’il n’étoit pas d’usage, dans les mariages
r é e l s , de promener solennellement la dot et les époux sous un
dais. Il prétend que cela n’est usité que pour les T u rc s ; que
les autres religions n’ont la liberté de le faire que par la per
mission du souverain.
Cette déposition est essentielle sur un p o in t, malgré les in
terrogations captieuses J ’Anke ou de ses conseils. Il est cons
tant , d’après ce té m o in , que les prêtres de toutes les religions
tiennent en Egypte des registres ou des notes sur les mariages.
Comment se l'ait-il qu’on se soit écarté de cet usage pour le
général Destaing seulement ; et par quelle fatalité ce mariage
est-il le seul qui 11’ait point été inscrit, ni sur les
des
notes
�4
( i
)
p rêtres, ni su r les registres des actes civils? D ’ailleurs, sur le
fait p rincip al, ce témoin ne parle encore que par ouï-dire.
L e n e u v iè m e témoin est L u c D u ra n te a u , général de brigade.
Il a été reproché com m e étant l’un des signataires de l’acte de
n o to riété dont A nne a fait usage. A u surplus , il s’est trouvé
dans une réunion à l’occasion du mariage du général Destaing
avec la fille de Joanni Nazo ; mais il n’a point connoissance
de la célébration du mariage par le patriarche d ’Alexandrie ,
seulement il étoit de notoriété qu’Anne étoit mariée. Autant
qu’il se ra p p e lle , le mariage a dû avoir lieu sous le com m an
dement du général Menou. Mais il ne sait préciser, ni l’époque
de la réunion dont il a parlé, ni combien a duré la cohabita
tion ; il ne sait pas m ême si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur des registres tenus a d hoc par les commissaires
des guerres.
L a seule remarque qu’on se permettra sur cette déposition,
c ’est qu’elle est en contradiction avec l’acte de notoriété qu’il
a signé. Suivant ce c e r tific a t, le mariage avoit été célébré en
présence du déclarant, en l’an 8.
Dans sa déposition , il n'a pas connoissance de la célébra
tion du mariage ; il n’a été fait que sous le commandem ent du
général M enou, c ’est-à-dire, en l’an 9. Ainsi la déclaration est
tout autre chose que l’attestation. C e témoin , qui veut tout
ignorer, ne sait pas m êm e si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur les registres des commissaires des guerres.
L e dixième témoin est Joseph Saba , réfugié de Jérusalem ;
il é t o i t , en qualité d’interprète , chez le général Dupas. Ce
dernier fut invité par le général Destaing à assister au m a ria g e ,
et y alla. L e mariage d’un Français avec une femme grecque
parut une chose remarquable. Il entendit répéter qu’il avoit été
célébré par le patriarche g re c , dans l’église de sa int N ic o la s,
au G r a n d - Caire. Mais il n a pas été témoin personnellement
de la cérém onie; et voilà une nouvelle version. Suivant le sep*
tième té m o in , qui a dit tant de c h o s e s , le mariage avoit été
�5
( ï
)
célébré dans l’église de saint G eo rg e s, au V ie u x -C a ire . Celui*
c i veut que ce soit dans l’église de saint N ic o la s , au Grand*
Caire. Au surplus, il a procuré à madame Destaing une maison
propre dans la citad elle, lorsque le général partit pour Alexan
drie. Il sait encore que le père d’Anne Nazo est mort. Mais
quand une veu ve ayant des petits enfans se remarie, les enfans
donnent le nom de pére au nouveau mari. Il connoit Barthélem i ; mais il ignore si ce Barthélemi est le mari de la mère d’Anne
Nazo. Il n’est pas Egyptien, il est de Jérusalem, et n’a pu savoir
ces détails. L e mariage d’Anne Nazo avec le général Destaing doit
remonter à huit ans , tout au plus , sans qu’il puisse dire pré
cisément l’ année.
C e témoin , q u i n e parle encore q u e par ouï-dire, prétend
que le général D upas a assisté au mariage ; et le général a luiinéme a tte s té , dans un certificat de notoriété qu’il a délivré à
A n n e , qu’il n’a eu connoissance de ce mariage que par c e que
en o n t d it plusieurs p erso nn es distinguées d ’E gypte. 11 est
d ’ailleurs co n stan t îju’A nn e n ’est pas fille de N azo , q u o iq u ’elle
ait toujours p ré te n d u l’é tre ; et il n e faut pas aller en E g yp te
lui
pour savoir que les enfans d’un premier lit donnent quelquefois
le nom de père â un second ou troisième mari de leur mère ;
c ’est aussi l’usage en France. Mais c e qui n’est pas vra i, c ’est
que le second, mari donne son nom aux enfans d’un premier lit ;
et A n n e seroit bien embarrassée s’il falloit appuyer cette asser
tion de quelque autorité.
,
L e onzième témoin est un sieur D a u r e , commissaire-ordon
nateur. C e témoin a été reproché , comme signataire de l’acte
de notoriété, fait à Paris devant le juge de paix, le 29 mars
1806; il étoit d’ailleurs l’ennemi personnel du sieur D e s ta in g ,
et il en convient dans la suite de sa déclaration. I l ne sa it
p oint si le général Destaing s’ est marié à l’église ou devant le
cgmmissaire des guerres, mais il fut invité au repas et au bal
donnes à cette occasion. Il n’assista pas au repas ; il se rendit
au bal avec d autres généraux q u ’il nomme. Il étoit alors très-i
�C ^ )
lié avec le général; il s’est ensuite un peu brouillé avec l u i ,
par suite des discussions qui ont eu lieu à l’armée. Il ignore le
nom de la femme que le général Destaing épousoit ; mais ses
fonctions le mettoient dans le cas d ’avoir quelques rapports avec
les parens. L e général Destaing l’a présenté à son épouse- Il
le considéroit comme marié légitimement. Il ne se rappelle pas
la date du mariage, mais il se trouvoit ch ez le général Destaing
deux mois environ avant la descente des Anglais. Il convient
que les commissaires des guerres tenoient des registres pour
inscrire les mariages ; mais il renvoie à l’ordonnateur Sartelon
pour donner sur c e point d’autres renseignemens. Il ajoute que
la cohabitation entre le général D estaing et A n n e avoit pu durer
environ trois mois.
Cette déclaration, qui est en contradiction avec l’acte de no
toriété , ne présente rien de saillant sur le fait. L e témoin ne
raisonne que par ouï-dire ; et jusqu’ici on n’a aucune donnée
pour prouver que ce mariage a été célébré par le patriarche
d ’Alexandrie.
L e douzième témoin est encore un réfugié d’E gypte, Gabriël
T a c k , natif du Caire. Il n’a point assisté personnellement au
mariage du général Destaing ; mais étant interprète du général
Lamusse , ce dernier lui avoit dit : G abriël, vous n’étes donc
pas venu à la noce avec nous? et lui avoit ajouté que le général
D estaing avoit épousé la fille de N a z o ; que le mariage avoit été
célébré par le patriarche g r e c , qui avoit donné la bénédiction.
L ’interprète du général Destaing lui a dit que ce m ariage avoit
été célébré par le patriarche. Cet interprète du général D e s
taing étoit lu i-m ê m e présent à la cérémonie. C e mariage a fait
beaucoup de bruit dans le quartier des chrétiens ; il a eu lieu
dans l’église de saint N ic o la s , au C a ir e , et dans un temps
voisin de arrivée des Anglais. Il a ouï parler de Barthélemi,
1
second mari de Sophie M isch , mais il n a jamais vu cette der
n ière; il avoit m êm e un domicile séparé. Il a vu Nazo dem eu
rant avec la mère U’A n n e , ici présente.
Il
�( 17 )
Il ne sait pas si la mère est d’origine grecque c n p h te , il sait
seulement que le patriarche ne maricroiù pas une fe m m e q u i
ne seroit pas G recque. O n lui observe que le général Destaing
n’étoit pas lui-méme Grec ; il répond que cela n’empècholt pas
le patriarche de donner la bénédiction , parce que la femme
étoit G recque , et que le mari étant Latin et la fennne G recque,
celui-ci avoit le droit d’emmener la fem m e à son église , ce
qui n’avoit cependant lieu qu’autant qu’il le vouloit. On lui
demande quelque explication sur les cérémonies des Grecs pour
les mariages. T o u t cela , suivant l u i , consistoit à aller à l’é g lis e ,
et chez les Latins on écrivoit les mariages sur des registres ;
il le sait parce que lui étant L a t i n , il a été marié dans une
église catholique ; mais il ignore si cela avoit lieu ch ez les
Grecs. Il ignore encore s’il étoit d’ usage de promener la dot et
les époux sous un dais. Et enfin il dit que l’interprète du général
Destaing s’appeloit Massara. Ce témoin, com m e on voit, ne parle
encore que par ouï-dire, et n’a fait qu’une déclaration remar
quable , c ’est que le patriarche grec n ’auroit pas donné sa bé
nédiction à une fem rjie q u i n ’etoit pas Grecque. On a vu plus
haut qu’ANNE et son père étoient catholiques romains. L e géné
ral Destaing étoit de la m êm e religion, par conséquent le pa
triarche grec n ’a pu être le ministre du mariage.
L e treizième, le sieur E stève, trésorier général de la couron ne,
est un des signataires de l’acte de notoriété dont A nnb a fait
usage ; il a été reproché à raison de ce. D ’ailleurs il n’a point
été témoin de la cérémonie du mariage; il l’a appris com m e
une nouvelle de l’armée et du Caire. L e général le lui a éga
lement annoncé. Il a ouï dire que le mariage avoit été célébré
selon le rite grec , q u ’il y avoit eu un repas de noces au qu el
il n’avoit pas assisté. Mais quelques jo u rs après il fut invité chez
le général Destaing avec sept ou huit autres Français. L e général
en dînant annonça son mariage. L e témoin l’en félicita et em
brassa. Il n’a cependant pas vu la fem m e du général : en Egypte
les fem m es ne m angent p o in t avec les hommes. Le mariage a eu
1
c
�( x8 )
lieu peu de temps avant l ’arrivée des Anglais , vers le commen
cem en t de l’ an 9 , autant qu’il peut se le rappeler. Il croit que
la cohabitation n’a pas cessé pendant tout le temps du séjour
du g énéral en Egypte ; il ignore s’ils sont venus en France en
semble. Un ordre du jour avoit ordonné que les commissaires
des guerres tiendroient un registre pour inscrire les mariages
et les naissances; mais il ne sait pas si ces commissaires les
tenoient; il croit qu’en général ils ne sc sont pas conformés à
l’ordre. Le général Menou avoit donné un ordre pareil ; mais
c e t ordre ne regardoit que les musulmans. Il n’est pas à sa
connoissance que le général Menou ait fait inscrire son mariage;
il sait seulement qu’il a fait inscrire la naissance de son fils ,
et que les généraux ne l’ont point imité en cela. Enfin il ignore
si le général Destaing s’est fait des ennemis par ses opinions.
Cette déclaration est en contradiction avec l’acte de notoriété.
D ans cet acte le témoin connolt parfaitement nne
, épouse
du général Destaing ; il a assisté à la cérémonie du m ariage,
A
Nazo
qui a eu lieu en présence d ’un grand nombre de Français ; il
atteste également que ce mariage a eu lieu en l ’an 8. Dans sa
déposition il n ’a appris le mariage que com m e n ouvelle; il n ’a
assisté ni à la cérémonie ni au repas : ce 11’cst que huit à dix
jours après qu’il a diné chez le g én éra l, et il
point vu sa
femme. Le général Menou n ’a donné ordre de tenir un registre
qu’au divan et pour les musulmans. N ’est-ce pas une raison de
penser que toutes les autres sectes tenoient des registres. Il est
d’ailleurs reconnu que le général Menou avoit fait transcrire
l’acte de son mariage contracté en l’an 7 , à R o sette, sur les
registres du commissaire des guerres du Caire.
n’a
L e quatorzième témoin , le sieur Sartelon, commissaire-ordon
n ateur, a été reproché de deux manières, et comme signataire
d ’un acte de notoriété au profit d’A^NE, et comme ayant été
l ’ennemi personnel du général D e s ta in g , par suite de division
à l’occasion de la capitulation du Caire. Il dépose d’ailleurs
qu’entre le i cr. brumaire et le i cr. ventùse an 9 , le général
�D estaing lux
nommé Nazo
Destaing lui
moine invité.
( 19 )
fît part de,«on mariage avec la fille d nn G rec
, commandant en second d’ un bataillon. Le général
parla de ce mariage tant avant qu’après*, il la v o it
Nazo lui fit également part du mariage de sa fille;
il la nomma ainsi, quoique depuis il ait ouï dire qu’ANNE n étoit
pas la fille de N a z o , mais sa belle-fille ; il a assisté au repas de
noces, mais non à l'église. Q uoiqu’il eût été invité à la cérémonie
avec le général Lagrange, à ce q u 'il croit; il pense m êm e , sans
pouvoir l ’a ffirm er, qu’il y a eu des billets de communication
de ce mariage ; que la nouvelle en a été insérée dans la gazette
du Grand-Caire, rédigée par le sieur D esg en ette , médecin de
l’arm ée; q u i l n ’affirm e pas non plus c e dernier fait, mais dans
la société il le diroit sans hésiter; qu’il a vu au repas de noces
la femme du g é n éra l, et il la reconnolt pour la dame présente
aux débats. Lorsque le général Destaing fut blessé dans l’affaire
contre les Anglais , il lui parla de sa fem m e com m e d’une femme
légitime. Il ne peut assurer si les prêtres grecs tiennent des
registres de m ariage ; mais cet visage a lieu chez les prêtres
catholiques latins, qui sont beaucoup plus instruits. Il a signé
l’acte de mariage du général B a u d o t, célébré dans une église
latine, à peu près à la même époque. Il croit toutefois im pos
sible que les prêtres grecs ne tiennent pas des notes ; mais ces
notes ne seroient pas des registres civils. Il est à sa connoissance qu’ il n’y a pas en E gypte d’officiers de l’état civil. Il
a vu le général Destaing à P aris, qui lui a dit qu’il attendoit
sa femme. E n fin , d’après la notoriété, le mariage en question
avoit été célébré par le patriarche grec , et suivant le rite grec.
Le
commissaire lui demande d’office s’il n'a pas eu quelques ini
mitiés avec le général Destaing ; il répond négativement. In
terrogé s’il n’a pas tenu quelques propos injurieux h la m ém oire
du général; il ne le croit pas. D ’ailleurs quand son opinion ne
seroit pas lavorable au général, cela ne l’e m p éch ero it pas de
deposer la vérité, et il croyoit honorer la mémoire du général,
en déposant en faveur du sa femme et de sa fille.
r *>
�( 20 )
On lui rappelle qu’il a refusé de communiquer des registres,
et d’y faire des recherches; qu’il s’est même répandu en propos
très-injurieux contre le général. Il prétend n ’avoir rien dit d’in
jurieux, mais il a soutenu qu’aucun ordre du jour n’avoit prescrit
la te n u e des registres; que cet usage s’étoit établi, de faire écrire
les a c te s , soit par les commissaires des guerres, soit par les chefs
des corps; que d’autres s’étoient contentés de se présenter aux
prêtres du pays; qu’enfin les commissaires ne tenoient point de
registres , mais de simples procès verbaux : d’ailleurs les trois
quarts de ses papiers ont été perdus.
On lui demande à quelle église il fut invité pour assister à la
cérém onie; il répond que c ’est probablem ent à l’église grecque;
que d ’ailleurs sa mémoire ne lui rappelle rien autre chose , que
seulement le général D estaing lui a dit que c ’étoit le patriarche
grec qui avoit fait le mariage.
On l’interpelle encore de déclarer si après le mariage de m a
dame B a u d o t, fem m e du général de c e nom , ce dernier ne
présenta pas l’acte latin qui avoit été rédigé et signé des parties
contractantes, à lui Sartelon , pour qu’il en dressât l’acte c iv il,
et assurer l’état des parties.
Il convient, en.effet avoir rédigé cet a c te , non sur un registre,
mais sur une simple feuille, et en forme de procès v e rb a l, après
la célébration religieuse q u ’en avoit faite un prêtre catholique
romain. C e fut le déposant lui-m ém e qui engagea le général
Baudot à faire faire cet acte pour plus grande sûreté : le général
croyoit que la cérémonie religieuse suffisoit. Mais c ’est le seul
acte de mariage que le témoin ait jamais rédigé. C ’est encore
lui déposant qui fit enregistrer la m inute, pour se conformer à
l’ordre du jour de l’arm ée, qui ordonnoit l’enregistrement de
les actes
tous
qui y seroient passés, non-seulement pour les
mariages, mais pour toutes les transactions sociales, cet enre
gistrement étant une imposition indirecte créée tant pour le
pays que pour les Français.
On ne peut pas se méprendre a cette déclaration ; elle porte
�(
21
)
le caractère de la haine contre le général D estaing; elle prouve
un entier dévouement à la cause d’AuNE, que le témoin a mal
adroitement servie, en tombant à chaque pas dans des contra
dictions choquantes. Il avoit été plus positif dans son acte de
notoriété. Dans sa déposition il n’a pas assisté à la cérém onie;
il n’a été qu’au repas de n o c e s , où il a vu Anne ; et le précé
dent témoin nous a dit qu’en E gypte les femmes ne paroissoient
jamais à table avec les hommes. Les prêtres grecs com m e les
latins tenoient des notes des mariages , mais les commissaires
des guerres n ’avoient point de registres civils pour les inscrire;
et cependant il a rédigé celui du général Baudot : c ’est lui qui
l’a provoqué à cette mesure pour plus grande sû re té , qui a fait
enregistrer la m inute, parce qu’ un ordre du jour ordonnoit l’en
registrement de tous les a c t e s , pour les mariages comme pour
toutes les transactions. D ans quelle incertitude ne laisse-t-on pas
les esprits, avec des déclarations aussi incohérentes; et par quelle
fatalité Anne n e tro u v e -t-e lle pas parmi tous c e u x que leurs
fonctions ra p p ro ch o ien t le plus du général D estain g , u n seul
tém oin q ui ait assisté h la p ré te n d u e cérémonie du mariage?
L e quinzième témoin , le sieur M a r c e l, directeur général de
l’imprimerie, encore signataire de l’acte de notoriété, et reproché
en conséquence , dit que dans le com m encem ent de l’an g ,
quelque temps avant la mort du généial K léb er , le général
Destaing épousa la dame Anne Nazo : le témoin la reconnolt
en la voyant assister à l’enquéte. Il y eut à cette époque un
repas auquel furent invités les officiers généraux et les princi
paux chefs de l’administration; que ce repas,’ le plus solennel
qui ait eu lieu alo rs, fut donné comme festin de noces ; que
dans ce repas on disoit que le mariage avoit été célébré par
le patriarche grec d’Alexandrie , résidant au Caire ; et le témoin
a^ entendu dire que la célébration avoit eu lieu à l’églîsë~ttea
Grecs; qu ils ne désignent pas leurs églises sous la dénoihi»àl.iOn
d un s a u tt, mais seulement sous le nom de l’église ; c o m m e ,
par exemple , Yéglise des cophtes. Il connoissoit cette église
�(
22
)
grecque nmir v avoir été rendre visite au patriarche. Il peut se
Fau-ëluï
que les Grecs entr eux d é s ig n e n tc e tte église
sous le nom d’un saint. Il croit se rappeler qu’il y e ut des billets
de ™ rnmurçication imprimés; mais sa mémoire ne lui présente
pas c e fait avec assez de certitude pour pouvoir l’affirmer.
Peu après l’arrivée des F ia n ç a is , un ordre du jour avoit
ordonné qu’il seroit tenu des registres pour constater les
mariages et les naissances; mais cet ordre ne fut exécuté que
dans les derniers te m p s, que le général Menou le renouvela.
Le témoin a perdu trois enfans en Egypte. L ’acte de naissance
et de décès du dernier seulement a été dressé ; pour les autres
enfans, il n’a eu d’autre note de leur naissance que le certificat
surplus
de leur baptême donné par le supérieur des c a p u c in s , prêtre
catholique, qui en tenoit note; mais note incomplète et inexacte.
A la vérité le témoin convient que c e t ordre avoit été donné
par le général Menou. L ’ordre donné pour la tenue des registres
n ’a point été e x é c u té ,
s’imprimoient
à
à
ce qu’il croit, parce que tous les registres
l’imprimerie nationale , qu’il dirigeoit alors, et il
ne se rappelle pas avoir vu le registre en question. Si les G recs
et les cophtes eussent tenu do ces registres, on n’ auroit point
demandé leur déclaration. Lors du diner ce u x qui avoient parlé
de cette cérémonie en av oient é té , à ce q u ’il c ro it, témoins
oculaires ; il ne peut cependant se rappeler c e u x des convives
qui y parloient, quoiqu’aucun d’eux ne lui fût , à ce qu’il
pense, inconnu; il n’a d ’ailleurs jamais entendu élever des doutes
sur l’existence du mariage, que la notoriété publique présentoit
com m e mariage légitime. Il ne se rappelle pas d’ avoir vu le
patriarche d’Alexandrie au diner de noces ; il ne croit pas m ême
q u ’il y fut. Il ignore combien a duré la cohabitation ; il n’a
point connu de mariage h temps en E g y p te , ou du moins le
cas est rare,
et n a
lieu qu entre musulmans, mais point entre
chrétiens.
Encore Incertitude sur cette déposition; il ne sait le .mariage
que par ouï-dire.
�23
(
)
Le seizième témoin, Jacques C lé m e n t, déclare, sur le l'ait
dont il s’agit, qu’en 1801 , six à sept mois avant le départ des
Français , sans pouvoir autrement préciser l’époque , la voix
publique lui apprit le mariage du général Destaing. I l n ’est pas
sûr que ce mariage ait été célébré p a r le patriarche c l'A le x a n
drie; il l’a seulement ouï dire par tout le monde. L e jour même
ou le lendemain du mariage, voyant un grand nombre de per
sonnes réunies, parmi lesquelles se trou voient des officiers gé
néraux , des officiers de tous grades, des T u r c s , des G r e c s , il
apprit que cette réunion avoit pour cause le mariage du géné
ral. Comme il l’avoit beaucoup connu à Rozette et au C a i r e ,
il crut de son devoir d’entrer chez lui et de le féliciter. L e
général l’invita à rester, pour lui servir d’ interprète auprès des
personnes du pays qui pourroient se présenter chez lui pour
le visiter. Il y eut le soir un très-grand repas; mais le patriarche
n’étoit pas au diner : il y avoit cependant un ou deux prêtres
grecs. L ’ usage de dresser les actes de mariage, chez les G re cs,
n ’est pas général. Il n ’existe pas chez les T u r c s ; et les p rêtres
grecs ne font des actes de m ariage que lorsqu’on leur en de
mande. A l’égard des mariages à temps , ils sont extrêm em ent
rares; on en^trouve à peine un exem ple en dix ans. Ils ne
sont "pratiqués que~par Tes T u rc s ou des libertins. Il n’en a, vu
que deux ou trois exemples parmi lès catholiques et les cophtes,
qui ont été excommuniés. Ces mariages avoient été célébrés par
des cheiks turcs. Il croit avoir connu le père d’Anne ; il étoit
Arménien de n a tio n , et bijoutier. Mais il appelle A n n e fille
adoptive de N azo , parce que Nazo avoit épousé sa mère.
Relativement à la pompe extérieure des m a ria g es, on étoit
obligé d’aller à l’église. Chez les T u r c s , et non chez les chrétiens,
on promenoit le trousseau et la fem m e sous un dais ou dans
une voiture.
C e témoin se présente officieusement com m e l’interprète
du général D es ta in g , ce qui est contraire à la déposition de
Gabriel T a c k , douzième témoin, qui a déclaré que interprète
1
�( *4 )
du général Destaing s’appeloit Massara. L ’im deux n ’a donc pas
dit la vérité. Au surplus , cet interprète ne sait encore rien que
par ouï-dire.
L e dix-septième et dernier témoin de l’enquéte de Paris, est
un sieur Dominique-Jean L a r r e y , reproché com m e un des certificateurs de l’acte de notoriété, et com m e ayant manifesté
de grands mécontentemens de c e qu’il prétendoit que ses soins
et ses services , dans la maladie du g én éra l, n’avoient pas été
payés. Il déclare que dans le com m encem ent de l’an 9 , il avoit
reçu un billet d’invitation du général D estaing, son a m i, pour
assister à ses noces ; il s’y r e n d it, et y trouva plusieurs amis
du g é n é ra l, entr’autres les sieurs E stève, Lagrange, et le général
M e n o u , avec lequel il s’entretint de son service. Anne Nazo
y étoit en costume t u r c , et parée de tous ses ornemens. ( Il
est bien extraordinaire que ce soit le premier témoin qui ait
parlé de cette circonstance. ) T o u t le monde y étoit en grande
tenue; il adressa ses félicitations au général, et lui fit ses excuses
de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de l’église, d ’où l’on
sortoit en ce moment. Comm ent savoit-il qu’on en sortoit en ce
moment? Il répond que c ’étoit le bruit général de l’assemblée.
C e mariage avoit été célébré dans l’église du patriarche des Grecs*
mais il ne se rappelle pas du nom de l’église. Il a vu le général
après la descente des Anglais ; il s’est trouvé avec lui au siège
d’Alexandrie, et depuis à Paris. Le général lui a parlé plusieurs'
fois de sa fe m m e , et s’occupoit de la faire revenir en France
( elle y étoit avant lui ). Il 11e se rappelle pas de la teneur du
billet d invitation ; il c r o i t , sans pouvoir le dire au ju s t e , que
les mots noces et cérémonies s’y trouvoient. Il a assisté aux fé
licitations des personnes qui se trouvoient à l’assemblée; il étoit
au re p a s, et A n n e s’y trouvoit également. Il se retira avant le
b a l , à cause de ses occupations qui l’avoient également em péché
d’assister à la cérémonie nuptiale. Ce mariage étoit de notoriété ,
et 011 disoit qu’il n’y avoit que le général Menou et le général
Destaing qui voulussent conserver la c o lo n ie , parce qu’ils avoient
épou sé
�(
25
)
épousé des femmes égyptiennes. Il a pansé Joannÿ Nazo d’une
plaie q u ’il avoit à la jambe , et l’a vu plusieurs fois chez le général
D esta in g , où il étoit reçu avec les égards dûs à sa profession.
Il dit que l’église des Grecs étoit située dans la ville du Caire.
Il n’a point connoissance des mariages à temps ; mais lorsqu’on
vouloit acheter une esclave ou une autre femme , cela ce pratiquoit secrètement : les fem m es entroient dans les m aisons
où on les fa is o it ven ir v o ilé e s , ou bien on les achetoit chez
des marchands d ’esclaves.
1
T e lle est l’enquête faite à P a r is , où sans contredit on avoit
de grands moyens pour se procurer des témoins. A n n e en avoit
fait assigner un grand nombre , que dans la suite elle n’a pas
jugé à propos de faire entendre : on le lui a reproché lors de
la clôture du procès verbal d’enquéte; mais elle a cru devoir se
borner à ceux qui avoient signé les actes de notoriété , et ne
s’attendoit pas à les voir tomber en contradiction avec leurs pre
miers certificats. A-t-elle prouvé qu’elle avoit été mariée avec le
général D e sta in g , publiquem ent et so len n ellem en t , p a r le p a
triarche d ’sîleæ andrie , suivant le rite g r e c , et les form es et
usages observés dans le pays ? ( C e sont les expressions littérales
de l’arrét de la Cour. ) A n n e ne peut pas s’en flatter ; aucun de
ses témoins n’a été présent à la cérémonie. Les ouï dire ont des
différences notables ; tantôt c ’est au V ieux-C aire, et tantôt c ’est
dans la ville du Caire que le mariage a été célébré ; les uns
veulent que ce soit à l’église de saint G e o rg e s, d’autres à l’église
de saint Nicolas : pas la moindre instruction sur les mœurs et
les usages des G r e c s , incertitude sur le sort, la naissance et la
religion d’Anne ; ce u x qui la connoissent le mieux disent qu’elle
est catholique romaine ; ceux qui la disent catholique romaine
soutiennent que le patriarche des Grecs ne marieroit pas une
Latine. Sophie M isc h , sa m è re , qui n’éloit pas v e u v e , a quitté
la religion romaine pour prendre un troisième mari. Voilà donc
cette famille qui offroit tant d’agrémens et d'avantages au général
Destaing, qui lui faisoit oublier les égards et le respect qu’il deD
�( 26 ')
volt à son père, méconnoitre les convenances sociales, mépriser
les appas de la fortune , oublier son r a n g , son p a y s , sa nais
sance , pour lier son sort à la fille d’un Arménien. Et c ’est cette
femme qu’on veut légèrement introduire dans une famille , qui
viendroit usurper non-seulement la fortune du général, mais
encore partager les dépouilles du sieur Destaing pè re , de ma
dame Destaing et de Pascal Destaing, morts pendant l’instance.
Lorsque l’immortel d’ Aguesseau s’écrioit que ce n ’étoit qu’en
tremblant, et avec toute la démonstration de l’é viden ce, qu’on
pouvoit se permettre d’introduire dans une famille un individu
dont l’état est contesté, ce magistrat avoit cependant des don
nées certaines : c ’étoit en F r a r c e , à Paris, sous Iss yeux des
magistrats, que se trouvoient les registres et les preuves.
Ici une étrangère arrive de parages lointains, dont elle a fui
dans un moment de troubles; elle n’ est point accompagnée de
celui qu’elle appelle son é p n u x ; elle n’en a point reçu le titre
de femme légitime. Les écrits qui émanent de lui l’avilissent
aux yeux de sa famille et de son père ; il désavoue l’existence
d ’an lien lé g a l; il traite cette union d 'arrangem ent oriental.
Et A n n e voudroit être élevée au rang d’épouse ! et Anne a osé
penser que quelques témoins officieux ou indifférens pourxoient, avec de simples ouï-dire, la faire reconnoltre pour épouse
légitime d’un général français !
Non ; elle a senti toute l’insuffisance de son enquête de P a r is ,
où cependant on trouve plusieurs noms recommandables ; elle
est allée chercher à Marseille, dans quelques réduits obscurs, des
Grecs réfugiés ou ignorans , qui ne peuvent parler que par in
terprètes , à qui il est facile de faire dire tout ce qu’on v e u t ,
q u a n d il faut s’en rapporter à la foi d’un seul homm e, d’un
mercenaire à g a g e s, qui traduit com m e bon lui semble. Il faut
donc encore parcourir cette enquête de Marseille, avant d’en
venir à l’enquête co n tra ire , faite à Aurillac et Mauriac , à la
requête des héritiers Destaing.
Le premier témoin est un nommé Michel C h a m , natif de
�27
(
)
D amas en S y r ie , se disant ancien négociant, et ancien inter
prète de Son Altesse le Prince de N e u fc h â t e l, aujourd’hui sans
profession. Il a déposé que se trouvant au Grand-Caire, dans le
courant de l’an 9 , n’étant pas m ém oratif des jours ni du mois,
et à l’époque à laquelle le général Menou commandoit l’a rm é e ,
il^entendit dire que le général Destaing devoit épouser la demoi
selle N azo , fîlle du commandant de c e n o m ; que passant quel
ques jours après devant le domicile du général D estaing, il vit
des préparatifs de f ê t e , plusieurs c h e va u x , des généraux et of
ficiers en grand c o s t u m e , et s’étant informé quels étoient les,
motifs de ces préparatifs, on lui dit que c ’étoit pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle N azo ; que s’étant ensuite
de nouveau informé comment le mariage avoit été f a i t , on lui
dit q u Jil étoit venu un patriarche g r e c , et que ce mariage avoit
été célébré selon le rite et les usages grecs ; mais il n’y a point
assisté. Le domicile du général Destaing étoit sur la place A t a b e l Ezaixgua, à côté de la mosquée d u Ghahaybe. Il est à sa connoissance que les p rêtres chrétiens, de quelque secte q u ’ils
s o ie n t, ne tiennent point de registres pour la célébration des
mariages ; que les mariages se célèbrent par quelque prêtre que
ce s o i t , et sans distinction du culte que professent les époux ;
que cette célébration se fait par l’un d ’e u x , au choix des parties
contractantes, pourvu néanmoins que le prêtre soit chrétien.
Il est douteux que ce témoin soit bien instruit des usages
d’E gypte , ou du moins il est en contradiction avec tous les
voyageurs qui ont observé les mœurs de c e pays. L a différence
des cultes, loin d ’être un moyen de rapprochement, n’est qu’ un
sujet continuel de scandale et de persécution. Il est inoui qu’un
G rec ait marié un Latin ; et il seroit peut-être plus extraordi
naire encore qu’ un G rec schismatique eût été marié par un
prêtre c o p h t e , tant il y a de division et d’acharnement entre
ces différentes sectes. Est-il croyable d’ailleurs q u ’un général
catholique ro m ain , qui devoit se marier avec une femme de la
m ême religion ( car Aime professe ouvertement le culte cathoD 2
�C ^8 )
ïique ) , ait été choisir un prêtre g re c , lorsqu’il étoit environné
de prêtres latins? Mais ce témoin va plus loin que les autres.
L es uns ont entendu dire que le mariage avoit été célébré dans
l’église de saint Georges, au Vieux-C aire; les autres d ans. l’église
de saint N icolas, au Grand-Caire; et c e lu i-c i prétend que le
patriarche grec est venu chez le général Destaing. Mais en même
temps il voit dans la rue des c h e v a u x , des officiers généraux
en grand costume : il ne falloit pas tant de préparatifs, si le
mariage s'est fait à huis clos , et dans la maison du général.
L e deuxième témoin est B a rth élem i S e r a , natif de l’île de
Siam. Il déclare qu’il avoit épouse Sophie Misch , qui étoit alors
veuve de Joseph Trisoglow ; qu’il la quitta il y a environ vingtquatre ans , et que celle-ci épousa ensuite le sieur Nazo. Il
prétend. que sur la fin d e j ’an 8 , ou au com m encem ent de l’an
9 , étant nu graud-Caire, le général Destaing lui dit qu’il vouloit
épouser la iille du commandant Nazo ; qu’alors il lui observa
q u e lle n’étoit point fille de N a zo ; que lui déposant avoit épousé
la mère de cette dem oiselle, qui étoit veuve de Joseph Trisoglow,
et qu’Anne étoit née A l’époque de son mariage. L e général
Destaing lui répondit que cela étoit indifférent; mais il lui
demanda si cette fille étoit sage, si elle avoit de bonnes mœurs,
à quoi B arthélem i répondit affirmativement. Il demuuda au
général comment il se proposoit de faire célébrer son mariage ;
le général lui lépondit qu’ il avoit déterminé de le faire célébrer
selon le rite f'rec. Barthélemi lui observa qu’il y avoit au GrarulCaire des prêtres latins, et qu’il devroit se marier selon c e rite;
mais le général Destaing persista dans son intention. Il invita
Bnrlbélemi A assister au m ariage; Barthélemi le rem ercia, et
ne voulut point y assister , parce qu’ il ne vivoit pas bien avec
la famille Nazo; il prétexta dt:s nffaires; et quelques jours après,
..yant passé devant la maison du général D esta in g , il aperçut
beaucoup de chevaux au-devant de la porte, des généraux’ et
officiers qui en tro ien t et sortoient : on lui apprit que clétoit A
l'occasion du mariage du général avec la demoiselle Na*o. Il
�( 29 )
rencontra bientôt après le g é n é r a l, qui lui dit que son mariage
avoit été célébré par un patriarche g r e c , et selon le rite grec.
Barthèlemi cru t devoir lui réitérer l'observation qu’il lui avoit
déjà f a it e , qu’il auroit dû faire célébrer son mariage par l’église
latine ; le général lui répondit qu’il avoit voulu se conformer à
l’usage du pays. Suivant l u i , il n’y a que des prêtres latins qui
tiennent des registres, les prêtres des autres sectes chrétiennes
n’en tiennent pas ; mais il atteste qu’il est d’usage dans le Levant
que le mari fait célébrer son mariage par un prêtre de sa religion.
II ajoute cependant que cela n’est pas toujours rigoureusement
o b se rv é , et que les mariages se célèbrent indistinctement par
quelque prêtre chrétien que ce s o i t , au gré et au désir des
parties contractantes.
On voit avec quelle légèreté ce témoin parle de Ta dissolution
de son m a ria g e , et ’que Sophie Misch n’a pas été long-temps ù
le remplacer. Il ne reste plus de doute sur l’origine d ’ANNE,
ni sur sa religion , puisqu’elle étoit née de deux catholiques
romains ; et il paroltra nu moins bien ¡nvinisemblnhlc qu'on ait
choisi un patriarche grec , lorsqu’il y avoit autour du général
tant de prêtres latins. N ’est-ce pas vouloir se jouer d’un enga
gement de ce genre, et aller contre l’ usage du pays, loin de s’y
c o n fo r m e r , puisque le mari a le droit et l’ usage de choisir un
prêtre de sa religion.
.
L e troisième témoin, le sieur Antoine Ila m a o n y , négociant,
natif de D amas en S y r ie , déposant, com m e le p récéd en t, sur
l’interprétation du sieur N e y g d o rff, déclare qu’ il se trouvoit au
Caire à l’époque à laquelle le général Destaing y étoit en a c
tivité de service. Il apprit par la notoriété publique que ce
général avoit épousé la fille de la dame N a zo , que ce m ariage
avoit été célébré selon le rite prec et par le patriarche; qu'il
lit à cette époque beaucoup de bruit. Suivant lu i, il n’y a quo
les prêtres latins qui tiennent dus registres et qui en délivrent
des extraits : c est ordinairement et le plus souvent un prétro
do la religion du uiuri qui célébré le mariage t
que uéaix-
�( 3° )
moins cela soit obligatoire. C e témoin ne fait que répéter c e
qu’a dit le précédent : c ’est le m êm e interprète ; par conséquent,
la m ême déclaration.
L e quatrième témoin est un sieur Hanna À d a b a c h i , natif
d’Alep en S y rie , qui va encore déposer à l’aide du m êm e in
terprète. Il étoit établi au Grand-Caire trois ans avant l’entrée
de l’armée française ; il y a resté jusqu’à l’époque de l’éva-f
cuatiou de l’armée. Pendant que^ le général Destaing y étoit
en activité de serviceu i l rem plissoit les fonctions go c ommissaire
de police : ayant des liaisons d amitié" avec Te' commandant
Jean N a z o , celui-ci l’invita au mariage de sa fille avec le géné
ral Destaing. C e mariage fut célébré dans l’égl'se saint N icolas,
„„par le patriarche d’A le x a n d rie , e t selon le rite grec : le témoin
y assisfa’sur l’invitation qui lui avoit été faite par Nazo. L e
général Destaing fit et donna ensuite un repas de n o c e s , auquel
il assista é g alem e n t, y ayant été conduit par le commandant
auprès duquel il tenoit en sa qualité de commissaire de police:
Ce témoin répond, comme les précédens, sur la tenue des
registres , et sur l’ usage où sont les maris de faire célébrer les
mariages par un prêtre de leur religion.
V o ilà le premier témoin qui ait parlé de sa présence à la
cérémonie ; les vingt précédens n’avoient déposé que par ouï*dire. Celui-ci est un des signataires de l’acte de notoriété donné
à Marseille, et cette circonstance rend déjà sa déclaration sus
pecte ; d'ailleurs elle est vague et inexacte. Il est singulier que
c e témoin ne précise ni l’année ni l’époque ; qu’il garde le si
lence sur les personnes qui devoient être à cette cérém onie;
qu’il n’y ait pas un seul officier général qui y ait assisté, et
qu ’on ait donné la préférence à un homme sans profession,
pour l’inviter à j i n acte si solennel, tandis qu’il n’y auroit eu
aucun officier français.
Les prêtres grecs entendus à P a r is , ont dit que le mariage
avoit été célébré à l’église de saint G eorges, au Vieux-C aire, et
celui-là prétend que c'est à l’église de saint N ic o la s , au Grand-
�( 3* )
Caire. Q uelle confiance peut mériter une pareille déclaration ?
L e cin q u ièm e témoin , Michel Rozette , âgé de vingt-sept ans ,
natif d u Grand-Caire, bijoutier et ex-ca p o ra l, déposant encore
à l’aide de l’interprète N e y g d o rff, prétend que sa famille étoit
intimément liée avec celle de Nazo ; que la fille de celui-ci
ayant épousé le général Destaing pendant qu’il étoit en activité
de service au Grand-Caire, le témoin et sa famille furent invités
à assister à ce mariage ; déférant à cette invitation , ils assistèrent
à la célébration, qui fut faite dans l’église saint Nicolas du rite
j*rec , et par un^patriarche grec ; que~selon l’usage pratiqué
par les chrétiens de cette s e c t e , Nicolas Papas O uglou fut le
parrain de la fille Nazo.
;
Il y a une certaine fatalité attachée à l’enquête de la fille
N a z o ; c ’est que pas un seul des témoins, qui par la nature de
leurs fonctiens étoient plus rapprochés du général, n’ait honoré
c e mariage de sa présence, et qu’on voit au contraire un caparol invité à cette solennité. Il prétend que Papas Ouglou a
été le parrain de la fille N a z o ; et ce Papas O u g lo u , qui a signé
l’acte de notoriété de Marseille , ne dit pas un mot de cette
circonstan ce, qui étoit assez importante. Il est plus aisé de
gagner un caporal qu’un général; et il ne faut pas s’étonner
que ce témoin avance un fait avec tant d’assurance, mais sans
aucuns détails qui puissent donner quelque croyance à sa dé
claration.
Le sixième témoin est Sophie M is c h , mère d ’A n n e ; elle a
été reprochée en cette qualité. Mais elle raconte que le géné»
ral Destaing, pendant qu’il étoit en activité de service au C a ire r
lui demanda sa fille en mariage ; qu’elle et son mari y don
nèrent volontiers les mains; mais en même temps ils exigèrent
que ce mariage fût célébré par un patriarche du rite grec
qu’ils professent. Le général Destaing y consentit; et après les
préparatifs en pareil cas nécessaires, le mariage fut célébré en
sa présence, celle de son é p o u x , de sa fa m ille , de diverses
personnes du pays , de divers généraux et autres militaire»
�C 32 )
français, notamment du général D e lz o n s , dans l’église de saint
N ic o la s, par un patriaiche g r e c , et selon le rite de l’église
grecque.
Il n’est pas étonnant que Sophie M is c h , mère d’ÂNNE , vienne
soutenir que le mariage a été célébré ; mais ce qu’il y a de
rem arquable, c ’est que l’arrét de la Cour ordonnoit qu’ANNE
feroit preuve qu’elle avoit été mariée par le patriarche d ’A lex a n d rie; et ces trois témoins qui se suivent, qui tous trois
prétendent avoir assisté au m a ria g e , affectent de dire que
c ’est un patriarche qui les a m ariés, sans jamais désigner 1§
patriarche d’Alexandrie. Cependant le patriarche d’Alexandrie
réside au Grand-Caire; il s’ arroge la suprématie de l’église grecque :
c ’ est lui qui a le titre le plus éminent. Aussi avoit-il toujours
été désigné exclusivement par Anne , comme ayant été le m i
nistre du mariage ; et ce n’est pas sans raison que l’arrét de
la Cour l’avoit ainsi particularisé, et avoit spécialement ordonné
la preuve qu’Anne avoit été mariée par ce patriarche d 'A le x a n
drie. Comment Sophie Misch n ’a-t-elle pas fait attention à cette
circonstance ? il lui en coûtoit si peu de désigner c e ministre.
Cependant elle ne parle que d’ un patriarche grec ; et sa décla
ration ne remplit pas le but de l’arrét.
L e septième témoin est le beau-frère de Sophie Misch , par
conséquent oncle d’Anne. Il est reproché en cette qualité , et
il convient du degré de parenté.
Il rapporte que le général Destaing avoit demandé la fdle
Nazo en mariage ; que les parens y co n se n tire n t, et y mirent
seulement pour condition que le mariage seroit célébré par
un prêtre grec , selon le rite et usages de cette religion. L e
général Destaing parut d’abord désirer que son mariage fut
célébré par un prêtre latin ; mais enfin il se rendit aux vœux
de la famille; il consentit que le mariage fût célébré comme on
le désiroit, et il le fut en effet le lendemain du jour des Rois,
correspondant, dans église g r e c q u e ,
]anvier. L e Témoin
1
ai^ 7
fut invité com m e p a r e n t, et assista à Ja cérémonie , qui eut
lieu
�( 33 )
lieu dans l’éfllise d e^ aint ‘N ico las, au'lGrand-Caire , put üii pa*\
triarche grec. Après )a'célé;bïationq les épdux furent ncconvj
pagnésdans la’maison do gétfêlral-,; o ù Til y eut un grand repas au
quel assista également le'-'dépbsantP II y ' ’avoit à ce.repas divers«
g é n é r a u x , e n tr’a u tre s'|le s,généi'aux!i&lënou,jrlDelzonsi,'Lagvange;
et Régnier. C e témoin ajoute' qu'il >'partit à l’époque de l’éva
cuation des Français du C aire, kvec la famille N a z o , sur un
bâtim ent-grec qui.relâcha à Céphalonie ; que la dame Nazo y
accoucha d ’une fille qui fut baptisée en ladite île de (Jélaplio^
n i e , dans l’église grecque , et par un prêtre grec ; et que le
'
parrain de l’enfant fut un officier des chasseurs d’O r ie n t , nom
mé Joseph Syffi.
Cette déclaration ne s’accorde pas avec c e lle 'd e Barthélemi
Séra. Suivant c e dernier , ' c est le'g én éra l Destaing qui voulut
un prêtre grec , malgré les ré’m ôntrahcës de Barthélemi ; et suivant l’oncle d’Anne , le général liestain g vouloit un prêtre latin,
et la famille N azo exigeoit un prêtre grec. O n ne sait plus à qui
entendre ; et il est malheureux pour A nne d ’étre réduite à sa
propre famille , pour prouver1 le seul fait intéressant dans sa
cause—Suc.ls~ baptême de la fille , il y a encore quelque chose
qui cloche. Suivant c e té m o in 1, Anne â acco u ch é dans l’jje de
Céphalonie. D ’après A n n e elle-même , elle ne put re lâ c h e r, et
accoucha à bord du navire.
L e baptême eut lieu dans une
chapelle isolée sur le bord de la mer ; ici c ’est dans une église
grecque de l’île de Céphalonie.
Le huitième témoin est Ibrahim T u tu n g i ; c’est le fr è r e utérin
de Sophie M i s c h , épouse Nazo. Il a été reproché à raison de
cette parenté ; mais il a assisté au mariage de sa nièce avec le
général Destaing , et ce mariage a été célébré dans l’é l i s e de
saint Nicolas , p ar un patriarche grec. Il alla de là au repas de
noces ; mais il étoit trop jeune , pour se rappeler quelles étoient
les personnes qui y étoient. Il se rappelle cependant qu il y avoit
divers généraux. Il raconte , com m e le précédent témoin , que
sa nièce relâcha à Céphalonie , où elle accoucha d’une fille,
E
-x
�( 34 )
qnî fu t baptisée ; ¿n sa présence , dans u n e 'égliae grecque ¡et
par un prêtre grec ; mais il ne s é~rap pe ï ï ê p a s q i\e 1 iut le parrain.
V ie n t ensuite un autre Joseph Tutungi. ,r;marÀide la,mère de
Sophie Misch ( i l p a r o itq u e les femmes de cette famille se
m a rie n t souvent ). S uivant'lui , il y eut quelque difficulté pour
le mariage. Le g é n é ra l voulait un prêtre latin , et la famille
Nazo vouloit un prêtre,grec. L e général se rendit enfin , et ce
fut un patriarche grec qui le maria dans l’église saint Nicolas.
T h t u n g r y 'ëTmK'J'G’e fut Papas .Ouglou , colonel de la légion
grecque i qui fut parrain. V in t ensuite le repas , où il assista avec
quantité de généraux et d’Egyptiens notables.
Après l’évacuation du Caire , T u tu n g i s’embarqua avec la
famille Nazo sur un bâtiment grec , qui relâcha à Céphalonie.
Là , Anne Nazo y accoucha d’une fille , qui fut baptisée dans
une église grecque et par un prétrë'grëc : le parrain est Joseph
S y f ï ï T é >l¡TTrïnrr îfr?‘ta_; feffTÏÏfG' Nazo , aïeule de l’enfant,
i L e d ixièm e-tém oin est Joseph Misch , fr è r e de Sophie et
7
3
oncle d ’Jdrme.\ Sa déclaration est littéralement copiée sur la
précédente ; seulement il a vu au repas les généraux Lagrange
et Delzons ; et c e dernier * parent du général D e s ta in g , assistoit à la cérémonie. M êm e déclaration sur l’accouchem ent
d’Anne dans l’île de Céphalonie.
T e ls sont les témoins de Marseille. Sur dix té m o in s, cinq
sont les plus près parens d’Anne ; deux autres sont signataires
de l’acte de notoriété. Trois , parmi lesquels est un des m aris
de Sophie Misch , ne déposent que par o u ï-d ire ; et sur les
cinq qui prétendent avoir assisté au mariage , pas un n ’a
désigné le patriarche d ’ A le x a n d r ie , quoiqn’Anne ait toujours
cmirenu nue c ’étoit ce patriarche qui avoit célébré son mariage,
et quoique l’arrêt lui ordonnât expressément de prouver qu’elle
avoit été mariée par le patriarche d’Alexandrie.
A n n e a voulu se faire un moyen dans son dernier mémoire ,
de ce <]ua la Cour , par son a rrê t, avoit réduit l’interlocutoire
prononcé par le tribunal d e Mauriac ; mais il semble que cet
�35
(
)
argum ent doit se rétorquer contre elle a vec beaucoup d avan
tage ; car si la Cour a voulu abréger les détails et prononcer
dans l’intérêt d'ANNE , il faut convertir aussi qui; plus elle a
voulu faciliter les preuves et les m o ye n s., plus elle doit s en
tenir à l’exécution littérale et rigoureuse der son arrêt. Il est
évident que la Cour a fait dépendre sa conviction de ce fait
unique et e x c l u s i f , q u ’ANim avoit' été mariée avec le général
Destaing , publiquem ent e t so le n n e lle m e n t, p ar le patriarche
d ’A le x a n d r ie , suivant le rit grec , et lesnformes et usages
observés dans le pays..
;p ; ;
.ii
•'
L e patria rche d ’A le x a n d r ie étoit exclusivement en vue ,
désigné par la partie intéressée / co m m e iayantiété le ministre
du mariage , parce qu’il étoit plus élevé en dignité , et q u i !
-vouloit ou devoit honorer un gén éral’ français, a.
O r , sur sept témoins de'Marseilletqui'prétendent avoir assisté
à la cérémonie , pas un n’a nommé ce patriarche d A le x a n
drie ; c ’étoit cependant une anecdote remarquable , qui ajou
tait à la solennité , et qu’on n’auroit pas manqué de relever si
en,- effet cela avoit eu lieu.
'
Mais comment se fait-il surtout , .qu’il ne se soit trouvé à
une cérémonie a u ss i’auguste et aussi imposante, qui faisoit ,
suivant quelques!témoins , tant de bruit au Caire , dont tout
le monde s’o c c u p o it, qu ’un c a p o r a l, un b ijo u tie r , un aven
turier sans p r o f e s s i o n et les-plus près parens d ’A n n e ; q u ’auc n n homme de marque ,
c h e f de l’état major ou de
l’administration n y ait assisté? c ’est là c e qui est absolument
invraisemblable, et prouve l’imposture de quelques misérables
réfugiés dans un réduit obscur à Marseille , tous déposant sous
le m ême interprète et> d ’ une manière uniforme , tous , même
Sophie Misch , requérant taxe. Ajsjse ne devroit-elle pas rougir
d en être réduite à ce s petits moyens , pour s’in tro du ire dans
une famille,qui la repousse justement de son sein?
lit qu Anne ne dise pas qu’elle a ù combattre des colla téra u x
avides / ces déclamatious .bannalcs ne peuvent faire impression.
E 2
�30
((¡
»
Ces i colla téra u x ¡ne cherchent! pointpà envahir la fortune de
leur frère ; mais ils défendent le patrimoine de leur père ,et de
leur mère , l’honneur ide leur famille , et ne veulent pas ad
mettre légèrement.des êtres obscurs et inconnus qui* n’ayant
rien à perdre , chèrclient à dépouiller des héritiers légitimes.
Il reste à parcourir les enquétesiqui ontieu lieu à Aurillac et
à Mauriac / discussion aride dans une cause d’-uri grand intérêt.
La premièré-est celle»faite à A u r illa c ..
• Antoine Delzons j président du tribunal , déclare qu’il a
été assigné fort inutilement ; qu’il n’a aucune iconnoissance
personnelle des faits interloqués; mais qu’étant à Paris lors de
l ’arrivée du général Destaing ,,il ignora pendant long-temps les
bruits >de son. prétendu i mariage. Ces . bruits se répandirent
environ six semaines après, à l’occasion de quelque lettre écrite
de T arente par un habitant d’Aurillac , qui avoit vu arriver à
T arente la famille N a z o , dont tune fdle se disoit épouse du
général Destaing. La dame Delzons , belle - fille du témoin ,
demanda au général s’il étoit effectivem ent marié ; celui - ci
répondit en plaisantant , que sa femme pouvoit l’être , mais
q u e lui ne l’étoit pas..'M. Delzons n’étoit pas présent à cette
réponse ; mais quelques jours après le général étant venu chez
l u i 1, la dame Delzons lui dit , en présence du général : « Vous
« ne savez pas , Papa , c e que dit M. Destaing ; il prétend
« n’être pas marié , et que sa /emme l’est. A quoi le général
« répondit : Cela vous é to n n e . ; i l y en <a bien d'a utres. .»
M. Delzons prenant alors la parole , dit à son neveu que
c ’étoient là de mauvaises plaisanteries. Si c ’est votre femme ,
lui dit-il , vous devez la garder ; si elle ne l’est pas , vous ne
deviez pas la prendre. Le général savoit bien que son oncle
n ’approuvoit pas ces sortes de plaisanteries ; en conséquence il
ne. lui en parla'plus , et M. Delzons évita aussi de lui en parler.
Mais quelque temps après r le général Destaing ayant appris
que la famille Nazo étoit arrivée a L yo n , vint trouver son oncle ,
pour le prier de demander à un sieur Fulsillon qui avoit une
�(
37
)
i maison de banque à L y o n , s’il pouvoit lui procurer une lettre
de change de 1,000 fr a n c s , payable à vue. Il vouloit envoyer
■'Cet argent ¿1 cette fe m m e pour se rendre à M a rseille . Ils sont
là une troupe , dit-il ; quand j’aurois pris la füle , je n’ai pas
épousé tout cela ; i l y a un enfant , j ’a urai soin de la mère
et de Venfant ; c ’est tout ce que j e dois. Depuis il ne fut plus
;question de ce mariage , ni de la dame Nazo ; d’autant mieux
que le déposant avoit demandé au g é n é ra l, lors de la dernière
'con ye£ ja tion , si son mariage avoit été fait'devant un Commis
saire des guerres ou ordonnateur , _comme l’ciyp.it.été celui du
général Delzons son fils , et Je général Destaing répondit que
non.
M. Delzons est interpelé sur un point très-im portant. A n n e
vouloit tirer de grandes inductions de ce que M. Destaing père
s’éioit fait nommer tuteur de l’enfant. Elle insinuoit que M. D e s
taing père ne s’étoit porté à cette démarche que par le conseil
de M. Delzons, son beau-frère, et parce que sans doute le g é
néral Destaing, avant sa mort, avoit fait à son oncle des révé
lations sur ce prétendu mariage; révélations qui étoient de
nature à faire solliciter M. Destaing de recevoir et de reconnoitre A n n e pour sa belle-fille.
M. D e lz o n s , requis de s’expliquer à ce s u je t, répond que la
conversation dont il vient de rendre compte , est la dernière
dans laquelle le général Destaing lui ait parlé de la famille
Nazo ; au point que quoique Joanny Nazo fût arrivé à Paris
plusieurs jours avant la mort du g é n é r a l, qu’il logeât dans le
même h ù t e l, et quoique M. Delzons eût passé une partie de
la soirée avec le g én éra l, la veille de sa m ort, il ignoroit l’arrivée
de N azo, et n’en fut instruit que le lendemain pendant l’appo
sition des scellés. Nazo entra chez le général pendant l’opération ;
il ignoroit sa m o r t , et il fit insérer au procès verbal du juge
de paix que le général avoit épousé une de ses filles , âgée de
seize ans , devant le p a triarc h e d ’A lexandrie ; circonstance que
Delzons avoit ignorée jusqu’alors. Mais allant iaire
le
M.
avec
�C 38 )
sieur M eot, maître de l’h ô tel, la déclaration du décès à la m u
nicipalité, il fut jnterpelé de déclarer si le général étoit marié;
la déclaration de Nazo l’engagea à répondre qu’o n .le croyoit
marié avec A nne N a zo ; ce qui fut inséré dans l’acte de mort';
q u ’au surplus le général Destaing ne lui a fait aucune autre
déclaration.
M. Delzons ajoute que le général son fils avoit quitté Paris
lorsque le bruit de ce mariage se répandit; il ne put dès-lors
lui demander ce qui en étoit. D e retour à A u rilla c . celui-ci lui
dit qu’il y .avoit eu une cérémonie religieuse dans la maison
Nazo, à laquelle il avoit assisté , mais q u’il étoit seul de Français ;
que queîqïïë- temps après le général jjesta in g étant le parrain
de son fils , il donna à cette occasion un grand souper aux prin
cipaux officiers qui étoient au Caire , disant que c ’étoit pour
le baptême d’Alexandre D e lz o n s , petit-fils du témoin.
M. D elzo n s, dans cette déclaration , s’est exprimé avec autant
de franchise que de loyauté. On voit qu’il n’a eu de son neveu
aucune confidence; que le général se permettoit des plaisan
teries sur ce prétendu mariage ; il est bien éloigné de faire venir
A nne à Paris, il veut au contraire qu’elle se rende à Marseille-:
on sait même qu’il en avoit donné l’ordre à A n n e , qui s’est bien
gardée de montrer cette lettre. On y auroit vu qu’il ne la traitoit
pas en épouse ; et le secours qu’il lui fait p a rve n ir, annonce
plutôt un sentiment de compassion que de tendresse. M. Delzons
n a parlé de mariage que sur la déclaration de N a z o , qui alors
ne pouvoit être contredit; il ne l’a donné que com m e un doute;
et c e qu’il a appris de son fils sur une cérémonie qui avoit eu
lieu à huis clos, donneroit le démenti le plus formel à toutes
les déclarations.faites à Marseille par toute la famille d ’ANNB.
A u surplus, cette famille ne néglige pas les petits détails, car
to u s , jusqu’à Sophie M isch , se sont fait taxer à 6 francs pour
leur déposition.
Anne Julie V a r s i, épouse du général Delzons, second témoin,
déclare que le 29 nivôse an 9 , elle n’étoit pas dansjla ville du
�( 39 )
3
Caire ; elle y arriva le lendemain o , pour y joindre le général
D e lz o n s , son mari. A son arrivée au C a i r e , elle avoit appris
qu’Ai<NE Nazo avoit été conduite à l’entrée de la n u i t , la v e ille ,
dans la maison du général Destaing-, mais qu’il n ’y avoit eu
aucune pompe ni cérémonie d’usage pour les mariages qui se
font dans le pays, suivant le rite g r e c ; il n ’y eut m êm e le soir
de l’introduction d’Anne Nazo dans la maison du général D e s
taing , aucune espèce de fêtes qui sont en usage dans le pays.
U ne douzaine de jours a p r è s , la dame Delzons ayant un enfant
de d eu x m ois, voulut le faire baptiser suivant les usages observés
dans la religion catholique; le général Destaing fut choisi pour
parrain, et donna à cette occasion un grand souper et un bal
chez lui. Les officiers de l’état major, et notamment le général
M e n o u , y assistèrent. A n n e Nazo , sa fa m ille , et plusieurs autres
liabitans du Caire, y étoient aussi. A n n e Nazo occupa la place
de la maitressede la maison. L e patriache d ’Alexandrie n’assista
pas à cette fête. 11 n’y eut ce soir là aucune cérémonie reli
gieuse ; mais elle a ouï dire que le jour qu’ANNs N azo avoit
été conduite chez le général, il y avoit eu une cérémonie faite
par le patriarche d’Alexandrie , à laquelle peu de personnes
avoient assisté. Cependant elle observe que ces sortes dé cé rém o
nies religieuses se faisoienten présence de toutes lespersonnesjde
la n o ce, et très-publiquement. Elle a resté au Caire jusqu’à son
départ pour la F ra n ce, et pendant ce temps le général Destaing
ne donna pas d’autre fête que celle du baptêm e; il n’avoit
même donné jusque-là aucune fête ni repas p o m p eu x , et la
dame Delzons n’avoit pas vu A n n e avant cet époque.
La dame Delzons ajoute qu’il y a des églises au Caire pour
le culte grec ; mais que pour l’ordinaire les cérémonies du ma
riage se font dans la maison.
1
Elle sait aussi qu’ Anne et sa sœur Marie ne sont pas filles
de N a z o ; qu’elles sont filles de Sophie Misch et d’un bijoutier
Arménien dont elle ignore le nom. Elle déclare encore q u ê ta n t
à Marseille, Joauny Nazo lui avoit dit qu’il avoit écrit au Caire
�( 1 ° }
pour avoir une expédition de l ’acte de célébration du mariage
de sa fille, mais q u ’on lui avoit fait réponse que le patriarche
étoit mort et l ’église brûlée.
Sur l’interpellation que lui fait l’avoué d’ANNE, si elle étoit
regardée com m e la femme du général D estaing, et si on lui
rendoit les honneurs dûs à ce titre, elle croit qu’on la regardoit
comme telle, et qu’on lui rendoit à cet égard les honneurs qui
lui étoient dûs: elle-méme la croyoit femme du général ; mais il y
avoit plusieurs officiers français qui vivoient avec des femmes
qui portoient leurs n o m s , quoiqu’elles ne fussent pas mariées.
Elle les a vues dans les sociétés, com m e femmes de ces officiers,
et traitées com m e telles.
T e lle est la déclaration de la dame D elzons , qui ne laisse pas
que d’avoir quelqu’importance dans la cause. E t d’abord , elle
prouve qu’il n’y a pas eu de féte le jour des prétendues n o ces,
quoi qu’en aient dit quelques officieux. C e n’est que quelques
jours après qu’il y eut un grand r e p a s , et à l’occasion du bap
tême de son fils. La dame Delzons assure bien positivement
q u ’il n’y a pas eu d’autre féte chez le général Destaing. Elle a
dû croire sans doute qu’ANNE étoit m a rié e , parce que l’épouse
légitime d’un général ne devoit pas se trouver avec une co n
cubine ; qu’on a dû le lui faire entendre ainsi. Mais on savoit
déjà par la lettre du général Destaing que la jeune G recque
fa is o it les honneurs de sa m aison; et la dame Delzons nous
apprend bientôt après qu’il y avoit au Caire beaucoup de femmes
de c e genre.
L e troisième témoin est Françoise Grognier ; elle s’est trouvée
à Lyon lors de l’arrivée du général Destaing dans cette ville ,
à son retour d’Egypte ; elle fut invitée par lui à dîner dans son
hôtel ; e t , pendant le d in e r , elle demanda au général quand
il mèneroit sa femme ; qu’on disoit à Aurillac qu’il avoit épousé
une belle G recque. L e général lui demanda qui lui avoit dit
cela ; elle lui répondit que c étoit un bruit public. L e général
lui dit : Elle est passée d un coté et moi de l’autre, en'montrant
les
�(4 0
les deux points opposés ; c e n’est pas le moyen de se rencon
trer. La conversation changea , et il në fut plus question de
cela.
Etant un jour dans la chambre de la dame N azo , à Àurillac,
M. Destaing le père étoit présent, et lui dit tout bas de deman
der à A n n e de quelle manière elle avoit été mariée. L ’ayant
fait , la dame Nazo lui répondit qu’étant devant le prêtre ou
patriarche, il lui avoit mis au doigt un anneau jusqu’à la pre
mière phalange, et que le général avoit fini de l’enfoncer jus
qu ’à la fin du doigt. M. Destaing ayant prié de lui demander
si le prêtre avoit écrit sur le registre, la dame Nazo lui répondit:
O u i , p rêtre, grand livre, écrire. La déclarante a entendu dire
par la dame D elzo n s, qu’AîiNF. avoit été mariée, que son mari
y étoit présent. E t lui ayant demandé si on avoit fait quelque
ié te , elle lui répondit qu’il n’y en avoit eu aucune ; que quelque
temps après, le général Destaing donna une grande fê te; mais
c ’étoit pour le baptême du fils D e lz o n s; et le général Destaing
avoit dit à la fam ille Nazo que c ’étoit sa noce q u ’il célébroit.
O n l ’interpelle de déclarer si madame Delzons avoit entendu
elle - m êm e ce propos du g é n é r a l, elle répond que la dame
Delzons ne s’étoit pas autrement expliquée ; que d’ailleurs elle
ne lui avoit fait aucune question à c e sujet.
Cette déposition est à peu près indifférente pour les faits in
terloqués. C ’est une femme d’Aurillac , qui n’a aucune connoissance de ce qui s’étoit passé en E g y p te ; et la seule induc
A nn e
tion qu’on puisse en tirer, c ’est q u e , d ’après
elle-même,
les prêtres grecs avoient des registres pour inscrire les mariages.
E
nquête
de
M
auriac
.
Joseph Fel , demeurant à Maurs , a fait partie du premier
bataillon du Cantal. Le général Destaing le prit a son service,
pour avoir soin de ses c h e v a u x ; il l’a accompagné en Egypte ,
et demeuré à son service continuellem ent, jusqu’au départ du
F
�42
(
)
général pour la France. D ans le temps qu’il étoit au C a ire , le
cuisinier du général lui apprit qu’on avoit amené une fem m e
au général Destaing; que quelques jours après le général donna
un grand repas où assista tout l’état major de la division du
C a ir e , notamment le général Menou. Cette fem m e, dont il ne
se rappelle pas le n o m , y étoit; il l’a entendu appeler madame
Destaing. A la suite du repas il y eut un bal. Il partit ensuite
a v e c le général pour Alexandrie ; mais cette fem m e resta au
Caire ; et deux mois après le repas et le bal dont il vient de
parler, le général Destaing partit avec lui d’Alexandrie.
On demande au témoin s’il sait ou s’il a ouï dire qu’Anne
N azo ait été introduite chez le général Destaing avec pompe
et magnificence ; il n’en sait rien : le cuisinier lui a appris que
cette femme avoit été amenée dans la maison du général; il ne
lui a donné aucuns détails; il croit au contraire que ce cuisinier
lui a dit qu’il n’avoit pas vu entrer cette fem m e chez le général.
L e jour de son en trée, il n ’y a eu aucune fé t e , et il ne s’est
rien passé d ’extraordinaire dans la maison. L e jour du repas , il
n’a aperçu aucune cérém onie religieuse; il n’a vu que boire,
manger et danser. Il n ’a pas vu donner d’autre repas ou d’autre
bal que celui dont il vient de parler. On disoit publiquement
que Joanny Nazo n’étoit que le parâtre d’AnNE ; pour elle il ne
l’a jamais vue ; elle ne s’est jamais promenée sur les chevaux
du général; et com m e le général n ’a pas habité sous la tente au
C a ire , Anne Nazo n’a pu se trouver avec lui. On demande au
témoin s’il a vu faire des mariages suivant le rite grec ; il répond
qu’étant à la croisée de la maison du général D estaing, il a vu
passer deux personnes bien p a r é e s , sous un dais et à pied ;
elles étoient accompagnées aussi de plusieurs personnes aussi
bien p a ré e s, et précédées par des musiciens montés sur des
cham eaux : ce cortège se promenoit dans les rues ; et on dit au
déclarant que c ’étoit un mariage.
Il est assez singulier qu on veuille que le général Destaing
se soit marié sans que ses domestiques s’en soient aperçus ; et
�( 43 )
il est maintenant bien prouvé qu’il n 'y a eu aucune féte le jour
du prétendu mariage d’ANNE.
1
Jean Biron , autre témoin , menuisier de profession, a fait
partie du premier bataillon du G antai, et de l’armée d’Egypte, ou
il est arrivé en l’an y. Il étoit sergent ; il fut blessé ; on lui permit
de travailler de son état de menuisier. Il fut souvent employé
par plusieurs officiers de l’état major , et notamment par le gé
néral Destaing. Un soir qu’il alloit souper avec les domestiques
du général, se trouvant avec le valet de chambre et le cu isin ie r,
l’un d ’eux lui dit que l’on amenoit une femme au général ; il
se plaça à l’endroit où elle devoit passer ; il ne put voir sa figu re,
parce qu’elle étoit voilée : elle étoit avec une autre également
voilée. Il y avoit des esclaves dans la cour ; il n a pas vu le
général l’aller p re n d re , ni monter dans le degré : il ne sait pas
m êm e si le général étoit dans son appartement. Il se retira de
suite dans la c u is in e , pour n’avoir pas l’air de s’occuper de ce
qui se passoit. Il ne crut pas devoir témoigner de curiosité ,
parce que cette introduction fut faite à l’entrée de la nuit. Il ne
sait pas s’il y a eu un m ariage entre A n n e et le général ; il n’a
pas connoissance qu’il ait été donné une féte ou un repas à cette
occasion. D ouze ou quinze jours après , il fut employé pour
dresser des tables pour un grand repas qu’il y eut ch ez le général;
il apprit des domestiques de la dame D elzo ns, que c e repas étoit
donné pour le baptême du fils de cette d a m e, dont le général
Destaing étoit le parrain. L e général Menou , le général D elzons,
et plusieurs autres qu’il n o m m e , assistoient à cette féte ; il y
avoit aussi des femmes ; et lorsqu’ils se levèrent de ta b le , le
témoin aperçut A nne N azo auprès du général Menou. L e bal
com m ença de suite, et il ne s’est aperçu d’aucune cérém o n ie
religieuse. Lorsque le général Destaing partit pour A lex an drie,
Anne Nazo n’étoit plus dans sa maison. Le général chargea le
témoin et le valet de chambre de veiller à sa maison. Quinze
jours après, l’aide de camp du général Destaing, nommé M a u r y ,
vint chercher du vin et autres provisions pour transporter à
F
2
�( 44 )
A.lexatidrie ; en m ême temps cet aide de cam p fît emballer les
objets les plus précieux , les fit porter chez le général Dupas ,
commandant'la citadelle du Caire : le témoin les a vu déposer.
L ’aide de cam p lui dit que le,général lui recommandoit sa maison
et ses chevaux., et ¡que s’il avoit besoin de quelque c h o s e , il
pouvoit s a d r.esse r ;a capitaine
son corps.
Q uatre on cinq jours après, le déposant s’apercevant qu’il n’y
avoit pas dft $ùrqté au C a ire, conduisit les c h e v a u x , l’orge et la
paille à. la- c ita d e lle , et s’aperçut-qu’ANNn Nazo , sa mère et sa
s'œtfr,.¿toient dans un appartement à côté de celui de la dame
Pelzon s. Il n,e sait pas si la personne voilée, qui s’étoit introduite
u
d’habillement de
ch ez le général Destaing, étoit A isn e , mais il l’a ouï d ire; il a
aussi ouï dire que Nazo n’étoit que son paratre ; néanmoins il
l’ a vu dans le même appartement de la citadelle, où étoit A n n e .
Il n a pas connoissance qu’il ait été donné d’ autre fête dans la
maison du général Destaing , que celle dont il a parlé , quoiqu’il
fut très-habituellement dans cette maison, et qu’il fût particu
lièrement appelé toutes les fois qu’il y avoit quelque chose d’ex
traordinaire.
Il ¡y a eu environ deux mois d ’intervalle entre l ’introduction
d’ANNK et le départ du général Destaing.
Il a vu une fois trois ou quatre personnes sous un dais, suivies
d ’un grand nombre d’autres à pied, précédées par une trentaine
de musiciens montés sur des chameaux. Il vit passer ce cortège
dans la r n e , des fenêtres de la maison du général D estaing; il
se rendoit vers le quartier de l’état major. Une autre fois il a
entendu beaucoup de cris et de grosse joie dans des maisons :
on lui a dit dans l’une et l’autre circonstance que c ’étoit des
mariages.
Il a assisté à la messe du patriarche d’Alexandrie, dans une
chapelle à côté du cam p; mais il n’a point aperçu ce patriarche
au repas dont il s agit.
Il étoit présent a 1 acte civil du mariage du sieur Miquel avec
une Italienne. C et acte fut reçu par le commissaire des guerres
�45
(
)
Deliard , et signé en sa présence par Remondon,- commandant,
Grand, quartier-maître, et par C o u d ert, capitaine, tous de la
quatrième demi-brigade d’infanterie légère. L ’usage des oificiers
étoit de vivre avec des femmes, sans qu’il y eût d’ union légitime;
et cet usage s’étendoit même jusqu’aux bas oificiers. Enfin il
atteste que le jour de l’introduction des femmes voilées il n y
eut aucune féte chez le général.
Cette déposition a un ton de vérité qui s’accorde parfaitement
avec les relations des Français qui ont fait le voyage d’Egypte.
Ils en ont rapporté une bien mauvaise idée des mœurs et des h a
bitudes des G recs , qui en général ont emprunté des T u rc s tout
ce qu’ils ont de licencieux , et surtout leur mépris pour les
femmes. Il n’en est pas un qui n’ait parlé de ces liaisons tem
poraires et déréglées, dont on pouvoit calculer le prix sur la
durée du marché et sur les charmes de celle qui se prostituoit.
Il manquoit à cette enquête la déclaration du général Delzons,
cousin germain du général Destaing , et qui ne l’avoit pas quitté
pendant son séjour en Egypte. L ’arrét de la Cour sembloit exiger
qu’il lût entendu , soit à la requête d’ANNE , qui avoit invoqué
son témoignage, soit à la requête des héritiers Destaing.
Mais ce fut impossible : le général Delzons est retenu par soi
service à C a t t a r o , ville de la Dalmatie , dépendante autrefois
des Vénitiens. Il n’ y avoit alors rien d’organisé ; on ne savoit à
qui adresser une commission rogatoire , à plus de trois cents
lieues de distance. Une lettre lui parvient. Informé par sa famille
qu’il doit être assigné pour déposer juridiquem ent, et déclarer
tout ce qu’il sait sur le prétendu mariage du général Destaing
avec A nne , mère de M arie , il donne toutes les explications
qu’on pouvoit désirer.
Sa lettre, en date du 17 janvier 1809, a été signifiée à A n n e ,
comme pièce du procès. Il répond qu’il auroit bien désiré ne
pas. être cité dans cette affaire ; il avoit eu le m alh eu r d agir
pour engager M. Destaing père à recevoir chez lui A n n e et s a
iille, et à leur donner les secours hospitaliers dûs au malheur.
�( 4 6 }
Il s’attendoit alors qu’ÂNNE, mieux conseillée, et connaissant
l ’avantage insigne qu’on lui avoit fait, se conduiroit de manière
à le m ériter, à ne pas obliger les frères Destaing de rechercher
son état et celui de sa fille. Il espéroit aussi que par attachement
pour e l l e , par respect pour la mémoire du g é n é ra l, les frères
Destaing auroierit consenti à faire le sacrifice du peu qui leur
revenoit dans cette succession, pour la laisser en partage à cette
M a r ie , et au premier fils naturel du général , qui étoit à
Carcassonne.
Le général Delzons apprend qu’il s’aperçut bientôt de son
erreur. « A n n e ( écrit-il aux frères Destaing ) oublia le service
qu’on venoit de lui rendre ; et par sa m auvaise h u m e u r , le
d éfa u t de son é d u c a tio n , les conseils d’un misérable D upin ,
qui gouvernoit à Paris N a z o , mari de la mère d ’ANNE , elle
apporta le trouble , le désordre et la division dans une famille
p a is ib le , fit le tourment de tous , et principalement de votre
respectable m è re , encore si affligée de la perte de son fils.
« D ès-lors, ajoute le général , je pris le parti de ne plus me
mêler de ses affaires. Mes représentations souvent réitérées ,
celles de mon épouse qui la fré q u e n to it, ne purent prévenir
les scènes scandaleuses qui se renouveloient à chaque instant et >
sous les prétextes les plus frivoles. Nous dûmes nous reprocher
nos démarches pour Anne , un sort malheureux qui lui étoit ré
servé , et qu’il n’avoit pas dépendu de nous d’éviter.
« Le général entre ensuite dans les détails ; il raconte que
N a zo et D u p in se rendirent à Aurillac. Q uelque temps après
ils annoncèrent leur départ pour Marseille. A n n e voulut les
s u iv r e , sous prétexte d’aller voir sa mère. Au lieu de prendre
]a route de Marseille , ils prennent celle de Bordeaux. Annk
laissa à Aurillac M a rie , sa fille , en promettant de revenir
bientôt. Elle "étoit arrivée à Aurillac sans être attendue d’au
cun des parens Destaing ; ils ne furent prévenus de son arri
vée que lorsqu elle étoit A peu de distance de la ville.
- « Bourdin avoit mal interprété une lettre de M. Delzons
�/
( 47 )
père. Il prit sur lui de faire partir de L yon A u n e sans en avoir
reçu aucun ordre. C e fut alors que le général Delzons crut
devoir faire des démarches pressantes auprès de M. Destaing
père ; il n’y avoit pas de temps à perdre , et M. Destaing ne
consentit à recevoir A n n e et sa fdle , qu’ au moment où on fut
averti que la voiture qui les portoit étoit déjà à la porte de la
ville.
« Relativement à c e qui s’est passé au Caire , le général
atteste q u ’i l est f a u x qu’il y ait jamais eu île m ariage lég i
tim e entre le général Destaing et A n n e ; aucun acte civil ni
religieux n’a été rédigé ; et il sa it très-positivem ent que le
général Destaing s’est constamment refusé à ce qu’il en fut
rédigé d’aucune espèce , disant à qui vouloit l’entendre , qu il
n 'è to it p as m arié. C ’est ainsi qu’il s’est expliqué souvent en
présence de son c o u s in , en s’entretenant avec différentes per
sonnes qui lui demandoient s’il étoit marié avec A n n e ; il
répondoit ainsi au Caire , à .A lex a n d rie et à P a n s , à toutes
les questions semblables q ui lui étoient faites ; c ’est ainsi et
dans les mêmes termes qu’il répondit à son père , qui lui avoit
écrit pour s’assurer de la vérité de ce mariage.
« L e général Destaing n ’avoit voulu contracter avec A n n e
qu’un de ces arrangemens fort en usage en E gypte ; une sorte
de concubinage toléré dans ces contrées. Cependant , voulant
q u ’ANNE fut respectée dans sa maison , il consentoit qu’elle se
qualifiât du titre d ’épouse ; aussi n ’étoit-elle connue que sous
le nom de m adam e D estaing.
«
A nne
n’est entrée dans la maison du général au Caire que
le 29 nivôse an 9 , à huit heures du soir. P eu de temps aupara
vant le général Delzons étoit au théâtre avec son cousin ; ils
sortirent ensemble ; ils ne s’étoient pas quittés de toute la
journée. Personne ne sait m ieux que lui (D elzo n s ) tout c e
qui eut lieu ; il n’y eut aucune cérémonie à l’église des Grecs ,
com m e on le prétend. A n ke se rendit sans p o m p e et sans bruit
chez le général , accom pagnée d ’une partie de ses pareils. L e
�général étoit seul avec son cousin ; aucun de ses aides de camp
ne s’ y trouvoit dans ce moment.
<c A l’armée d’Orient il n’y a pas eu un mariage légitime
ontre un Français et une Française , ou habitante du pays ,
l’importe de quelle religion qu’elle fût , qui n’ait été reçu par
>n commissaire des guerres, faisant fonction d’officier civil. Le
¡énéral Delzons dit q u ’il peut citer un grand nombre d’exemples
Je ce qu’il avance : chaque commissaire des guerres chargé du
service d’une place im portante, tenoit un registre a d h o c , sur
lequel tous les actes civils étoient inscrits. Son mariage, reçu
par le commissaire des guerres A g a r d , étoit sur le registre de
la place de Rozette ; l’acte de naissance de son fils, reçu par le
commissaire des guerres P i n e t , étoit sur le registre de la place
du Caire. T o u s les actes reçus par les commissaires faisant
fonctions d officiers civils, étoient soumis à l’enregistrem ent,
conform ém ent à l’ordre de l’armée , des o fructidor an 6 , et 21
vendémiaire an 7 , sous peine de nullité. Les ordonnateurs Remon-
3
don et Sartelon ont reçu des actes de mariage. Les commissaires
des guerres D e lia r d , à Alexandrie ; A g a r d , à Rozette ; P in e t, au
C a ire, en ont reçu plusieurs. L e commissaire des guerres T a r
d ieu , qui s’est marié à D a m ie tte , avec une G r e c q u e , a fait
recevoir son acte de mariage par un de ses collègues. C ’est
ainsi que se sont célébrés tous les mariages légitim es, et aucun
différemment.
cc Mais on trouvera dans cette armée un grand nombre de pré
tendus mariages, qui n’ont eu de durée que le séjour de l ’armée
en Egypte ; celui du général devoit être de c e nombre : on en
pourroit citer beaucoup d’autres. Un accord entre les p a re n s,
une somme d’argent comptée d’ava n ce , une pension promise en
cas de séparation, ont fait plusieurs de ces unions, communes
en E gypte et dans tout Orient. C est par suite d un pareil arran
1
gement que N azo décida sa fem m e a donner sa fille au général
D estaing; et il n’en a pas existé d autre qui ait pu lier le général
a vec
A nne.
Dans
�(49 )
D ans le courant de pluviôse an g , le général en c h e f Menou
dut o rd o n n er que dans les principales villes de l’Egypte il seroit
tenu registre de l’état c i v i l , tant pour les nationaux que pour
les individus attachés à l’armée. L e registre du Caire a dû être
com m encé par la transcription de l’acte de mariage .du général
en c h e f , et l’acte de naissance de son fils.
« Il est de la connoissance du général Delzons , que le général
en c h e f pressa souvent le général Destaing de faire dresser son
acte de mariage, et de le faire transcrire sur son registre, ce
que celui-ci refusa constamment.
« Madame D elzo n s, remise de ses co u ch e s, vint au Caire au
commencement de pluviôse. L e général Destaing fut parrain
de son fds : l’acte de naissance fut rédigé dans la maison du
père , par le commissaire P i n e t , chargé du service de la place
du Caire. L e général Delzons réunit ses amis à cette occasion :
A s n e n’y vint pas , quoiqu’elle fût chez le général depuis une
quinzaine de jours.
« Après cette cérémonie , le général Destaing donna une
féte à laquelle le général en c h e f , plusieurs généraux et offi
ciers supérieurs furent invités : il a pu dire à A nne que cette
féte étoit pour elle; il disoit le contraire à son cousin, et assuroit à la dame Delzons qu’elle étoit pour elle et pour la nais
sance de son fils. En e f f e t , ce ne pouvoit être pour célébrer
le prétendu mariage, puisque la féte a eu lieu plus de quinze
jours après qu’ANNE étoit entrée chez le général. Il y eut à la
même époque plusieurs fêtes au C a ire , chez les généraux Lanusse, Belliard, l’ordonnateur en c h e f D aure : A nne n’a paru
dans aucune.
« Anne n’est point fille de N a z o , com m e elle le préten d ,
mais bien du premier mari de sa mère : celle-ci épousa Barth é le m i, aujourd’hui retiré à. Marseille. N a zo l’enleva de chez
Barthélemi, et a depuis vécu maritalement avec elle. Anne a
une sœur du premier mariage de sa mère.
G
�C 5° )
« L e général Destaing avoit rendu des services à N azo ; il
l’avoit fait nommer c h e f de bataillon d'une légion g rec q u e , en
récompense de son zèle et de son dévouement aux Français.
N azo en a conservé une grande reconnoissance.
« Il est^faux que Nazo passât pour un homme riche ; tout le
monde savoit qu il étoit prodigue à l’e x c è s , donnant au premier
venu tout ce qu’il avoit quand il étoit ivre; et cela lui arrivoit
presque tous les jours. Il dissipoit ainsi en peu de temps le
profit des fermes qu’il avoit prises. Sa famille a souvent éprouvé
des besoins par son inconduite. Il ne jouissoit d’aucune consi
dération , parce qu’il n’en méritoit aucune. Sa bravoure et ses
services étoient ses seuls titres à la protection de l’a r m é e , et
lui avoient valu son grade dans la légion grecque que le général
Destaing avoit organisée.
« L e général Destaing a quitté le Caire le 20 ventôse an g ,
pour se rendie à Alexandrie ave c une partie de l'an n ée; depuis,
il n’a pas vu A n n e ; il n’a donc vécu avec elle que du 29 ni
vôse au 20 ventôse an 9. Toutes les attestations délivrées à
A n n e, portant son mariage en l’an 8, sont erronnées. Le général
Delzons se borne à une seule observation que lui fournit le
certificat du général Menou. Ce général atteste qu’étant général
en c h e f de l’armée d’Orient , le général Destaing s’est marié
en l’an 8. Le général en c h e f K leber ne fut assassiné qu’en
prairial an 8. Le général Menou prit alors le commandement
de l'armée. L e général Destaing commandoit la province de
Rozette ; il n’ a été rappelé de cette province qu’en brumaire an
g , lorsque la division L anusse se rendit d ’A lexandrie au Caire,
et qu’elle lut remplacée par celle du général Friant. Le général
'¿ayouchck releva à Rozette le général Destaing. Ce m ouve
ment est assez connu de l’armée d’Orient, pour n’étre contesté
par personne. Le général en c h e f Menou est encore dans l’er
reur
q u an d
il dit : D opres cette déclaration solennelle (~ du
général D e s t a i n g J » Jti m engageai à y a ssister , a in si q u ’ au.
�(5r)
repas, q u i eu t lieu après le m ariage; je remplis ma promesse :
to u t s ’y passa avec la plus grande rég u la rité, et te l q u ’i l d e
voir. ê tr e , sous les rapports civils e t relig ieu x.
« L e général Delzons répète qu’il n’y a eu aucune cérémo^
nie de mariage; que le général en c h e f Menou n’a pu assister
à aucune ; que le repas dont il parle n’a eu lieu que plus de
quinze jours après l’entrée d’ANNE chez le général Destaing.
L e général en c h e f ne peut pas dire que tout s’y passa avec la
plus grande régularité, sous les rapports civils et re lig ie u x , puis
qu’il ne fut dressé aucun acte civil de mariage, qu’on n’eût pas
manqué de faire rédiger par l’ordonnateur Sartelon , signer du
général en c h e f et des généraux invités, comme cela s’est pra
tiqué pour les mariages légitimes auxquels le général Menou
avoit assisté auparavant. »
T elle est la déclaration du général D elzons; il annonce que
c ’est là la déposition qu’il fera en justice ; et il atteste qu’elle
ne contient que la plus exacte vérité.
Il est donc certain qu’AuNJB ne fut jamais unie en légitime
mariage avec le général D estaing; qu’elle n’a été considérée
comme son épouse , ou qualifiée telle que par complaisance
( ou par foiblesse ), et pour qu’elle ne fût pas avilie pendant
sa cohabitation; que la qualification, o u , si on v e u t, l’usurpa*
tion du nom de celui avec lequel on cohabite, ne peuvent tirer
à conséquence, e t, malheureusement pour les m œ urs, ne sont
que trop communes , même en F r a n c e , à plus forte raison
dans un pays où la licence des camps ajoutoit encore à la dé
pravation qui règne dans ces contrées.
T ous les doutes doivent s’évanouir aujourd’ h u i, qu’il est re
connu qu’Anne étoit fille de père et mère catholiques romains,
qu’elle a été élevée dans cette religion. B a rth élem i y son p rem ier
parAtre, s’explique assez disertement ; et ce n’est que par ce
qu’il insistoit auprès du général pour q u ’il épousât A nne
devant un prêtre latin.
Il savoit que les prêtres grecs ne pouvoient ni ne vouloient
m o tif
G 2
�52
C
)
marier des personnes d’un culte différent. Les héritiers Destaing
n ’en sont pas réduits à de simples assertions , sur c e point de
discipline parmi les Grecs ; ils se sont procuré une expédition
délivrée sur l’expédition originale, du certificat du patriarche
d’ A lexand rie, donné par lui le 10 février 180g, dans la cause
du général Faultrier. C e certificat s’exprime en ces termes ( on
ne rappelle que ce qui est relatif à la cause ) :
« Théophile, par la grâce de D ieujj ape et patriarche d’Alexnn« d r ie , par la "présente, notre é c riture, certifions, qu’aucun prêtre
« quelconque de nôtre dépendance ne peut célébrer dé mariage
« entre personnes de religion d ifférente ;
« Q u e la célébration de mariage entre personnes de même
« culte ne peut être faite sans la permission patriarchale, et que
te l ’acte desdits m ariages est écrit sur un registre tenu à cet
« effet, -ii
Ce certificat, signé du patriarche, et scellé du sceau de ses
armes, est légalisé par le consul de France; il est écrit en grec
moderne, et traduit par le sieur Bourlet, interprète assermenté
près le conseil spécial des prises : son authenticité ne peut être,
contestée.
La preuve que les prêtres grecs tiennent des registres , est
encore ndmini&tiée par A kne elle-même , qui a rapporté en cause
principale un acte de naissance de M arie, sa fille. Cet a c t e ,
qu’elle a l'ait sTgiilfier le~ ï juillet i»oq , ne contient autre chose
que la déclaration de deux prêtres grecs qui disent avoir baptisé
en janvier 1803, une fille qu’on leur a dit être issue du mariage
du général Destaing avec A n im e N azo. Ils ajoutent que l’acte
de naissance ne fut pas ré d ig é , parce que c ’étoit une chapelle
isolée : donc les prêtres grecs tenoient des registres dans l’église
5
principale»
Les incertitudes , les contradictions qui
régnent dans la
défense d’Anne , fatiguent également et l’esprit et le cœur.
Quel est celui qui oseioit prononcer q u A n n e est la femme
légitime du général Destaing ?
�(
53
)
T o u s les Français qui se sont mariés en E g y p te , rapportent
des actes qui constatent la célébration du m a ria g e , assurent
leur état et celui de leurs enfans.
A nne ne rapporte aucun écrit, aucunes traces de ce prétendu
mariage ; oubliant elle-même l’époque où elle a eu l’honneur
de s’unir à un général français , elle a osé dire qu’elle s’étoit
mariée en l’an 8 , que sa cohabitation avoit duré un an.
Il est prouvé qu’il y a impossibilité que le mariage ait été
fait en l’an 8, et que la cohabitation n’a pu durer que deux mois.
Elle se dit fille de Joanny N a zo , vante le rang et la fortune
de son père , la considération dont jouissoit sa famille.
Il est prouvé q u ’elle n’est pas fille de N a zo , qu’elle doit le
jour à un Arm énien, qu’elle est fille d’une mère qui a encore
deux maris vivans.
Il est établi que N a zo étoit un fabricant détaillant d’eau-devie ; et à son arrivée à Marseille , il a sollicité et obtenu un brevet
de fabricant d’eau-de-vie de raisins secs : son brevet est dans
le bulletin des lois de l’an n .
Elle prétend ê tre G re c q u e d’origine et de religion.
Il est prouvé qu’elle est née de père et m ère catholiques ro
m a in s, et q u ’elle a eu le bonheur d’étre élevée , et de professer
la m êm e religion.
Elle veut avoir été mariée par le patriarche d’A le xa n d rie ,
quoique le général Destaing fut catholique romain.
Il est établi que le mari a le droit et l’usage de choisir pour
cette cérémonie un prêtre de sa religion.
Il est prouvé par le certificat du patriarche, qu ’aucun prêtre
de sa dépendance ne peut célébrer de mariage entre personnes
de religion différente.
Elle entreprend de prouver qu’elle a été mariée
publiquem ent
et solennellement par le patriarche d’A lexan d rie, suivant le rite
grec , et les usages accoutumés.
Un cap otai ¡1 été présent au mariage d ’un gênerai de divi
sion i et il ne s’est trouvé à cette cérémonie auguste, qui faisoit
�une si grande sensation, que la m è r e , le frère et le beau père
de sa mère.
Elle devoit établir qu’elle avoit été mariée par le patriarche
d ’.A lexa n d rie : ses témoins de visu ne parlent que d ’un p atria r
che grec. O r , on sait qu’il y a plusieurs patriarches grecs en
E g y p t e , et que le patriarche schism atique est celui qui s’a r
roge exclusivement ce titre pom peux, cette espèce de supré
matie que les autres G recs traitent de jonglerie. N ’est-ce pas
encore une affectation de n ’avoir pas fait expliquer les témoins
d’une manière précise?
Elle avoit fait assigner Joanny N a z o , elle s’en est départie;
elle a craint que dans un moment d’iv r e s s e , Nazo ne fit une
déclaration contraire à ses intérêts.
Elle n ’a point appelé en témoignage son aïeule m a te rn elle ,
femme de Joseph T u tu n g i, désignée par le général sous le nom
de la bonne v ie ille , parce que cette fem m e, catholique rom aine,
fidèle à sa religion, connoît toute la force d’ un serment devant
D ie u et les h o m m e s , et n’auroit rien déclaré de contraire à
la vérité.
Elle soutient, qu’elle a été mariée en présence du général
Delzons ; elle invoque son témoignage.
Le général désavoue q u ’il ait existé un lien lé g a l, et qu’il
y ait eu aucune cérémonie religieuse.
Elle veut être l’épouse du général D estaing; et celui-ci dé
pose dans le sein paternel la déclaration qu’il n’est pas m a r ié ,
qu il n y a entre A n k e et lui qu’un arrangem ent oriental. Il
la repousse de son s e in , et désavoue son mariage jusqu’au dernier
ni ornent.
Ses parens les plus pro ches, et dans l’intimité des confidences,
n’ont entendu de lui que des plaisanteries sur le genre de liai
son qu’il avoit avec Anne.
Q ue reste-t-il donc à Axwe? un procès verbal où M. Destaing
père a accepté la tutelle de sa petite-fille.
Elle abuse de la foiblesse d un vieillard qui lui a accordé
�55
(
)
l’hospitalité, qu’elle a trompé ou intéressé dans lé t a t d aban
don où elle se trouvoit alors.
Mais cet acte de tutelle est fait hors la présence des frères ,
qui ne furent point appelés , quoique plusieurs d’entre eux ,
majeurs , se trouvassent à Aurillac.
Mais les reconnoissances du père ne peuvent nuire aux frères,
qui étoient exclusivement appelés à la succession du général.
Elle fait parade d ’une lettre du maréchal Soult, qui l’a traitée
avec civilité , parce qu’elle lui a été présentée com m e femme
d’un général ; et le maréchal Soult ne devoit pas , sans doute ,
exiger qu’elle justifiât de son acte de mariage.
Elle n’a été admise à la preuve testimoniale qu’à raison de
ce qu’elle soutenoit qu’il n’y avoit aucun registre , et qu’il n’étoit
pas d’ usage d’inscrire les mariages.
Il est prouvé que les prêtres de toutes les religions, et notam
ment les g r e c s , tiennent exactement des registres.
Q ue demande donc cette femme ambitieuse? Les frères Destaing pourroient-ils redouter ses démarches? Viendra-t-elle leur
enlever les biens de leur père , de leur m è r e , de leur f r è r e ,
et d’une tante morte pendant le procès?
Non : les héritiers Destaing ont cette conviction , que dans
une cause de ce genre tous les esprits s’élèvent à ces vues supé
rieures du bien p u b lic , qui forment le premier objet de la justice.
C ’est ici la cause de toutes les familles. Les citoyens de toutes
les cla sses, de tous les é ta ts , sont intéressés à l’arrêt que la
Cour va prononcer.
Monsieur R O C H O N D E V A L E T T E , avocat général.
M*. P A G E S , ancien avocat.
M*. G A R R O N , avoué.
A R I O M , de l 'i m p . de T H IB A U D , im p rim . d e la C o u r im p é ria le , e t lib r a ir e ,
r u e des T a u le s , m aison
L
a n d r io t
.
— J u in
1811.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, frères. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rochon de Valette
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour les frères Destaing, appelans ; contre Anne soi-disant Nazo, se disant veuve du général Destaing, et tutrice de Marie, sa fille, intimée.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud, maison Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
Circa An 9-1811
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
55 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0610
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0609
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
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Coverage
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Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
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conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
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opinion publique
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a15bc1458146469c72fbf7d9d1e5656b
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m
é
m
o
i
r
e
POUR.
ANNE NAZO,
V E U V E DU GÉNÉRAL DESTAING,
C O N T R E
LES H É R I T I E R S DESTAING.
A RIOM,
D e i ’I m p r i m e r i e d u
P a la is , chez
A v r i l
1 8 1 1
.
J.-C. SALLES.
�M
E
M
O
I
R
E
POUR
N A Z O , veuve de
A nne
J a cq u es-Z a ch a rie
D E S T A I N G , g én éra l de d iv is io n , en son n o m ,
et c o m m e tutr ice de M a r i a D E S T A I N G , sa
f i l l e , in ti m é e
;
,
’
CONTRE
Les sieurs et demoiselle D E S T A I N G , appelans.
,
L o cu li sunt adversum me lingua dolosa et sermonibus
odil circumdederunt me , et expugnaverunt me gratis
..
E t posuerent aduersum me mala pro bonis } et odium pro
dilectione me d
Ps. 108.
U
NE Egyptienne, jetée hors de sa patrie par un concours
d évenemens que toute la prévoyance humaine n ’a u r a i t pu mai
triser ni prévoir, plaide depuis huit ans pour conserver un nom
qui lui fut donné avec solennité sur les rives du N i l, et qu’elle
a toujours porté avec honneur.
�Tout ce que la capitale de l’Egypte avait d’illustre , fut le
îe'moin de son mariage. Les fêtes qui l ’accompagnèrent sont
restées dans 1« mémoire de1tous les he'ros de l’armée d’Orient,
qui l’attestent : [’Empereur lui-m êm e, convaincu'de la réalité
de ce mariage, fit donner une pension à la veuve d’un général
qu’il avait estimé. L a famille Destaing , ‘ plus convaincue’ que
personne, et plus intéressée à l’être, s’était fait un devoir d’ap
peler, d’accueillir, de présenter aux habitans de leur ville cette
femme malheureuse, comme flattée de lui appartenir.
A in s i, du moins, cette étrangère qui n’aborda les rivages de
France que pour apprendre la mort de son é p o u x , avait la con
solation d’exhaler sa douleur parmi ceux qui avaient à pleurer
une perte commune. Sa fille, née au milieu des tempêtes de la
m e r , se trouvait dans un asile assuré au sein d’une famille qui
désormais était la sienne. Telle fut la situation de la dame
Destaing, pendant une année, après la mort de son mari. Tout
ce que les lois de France prescrivent pour rattacher une orphe
line à ceux sous la protection desquels elle est placée, fut exécuté
' par la famille Destaing, comme si la providence avait voulu lui
ôter les moyens d’être injuste ; et déjà à A u rilla c , comme au
Caire , une notoriété honorable assignait dans la société, à M a
dame Destaing et a sa fille, le rang auquel elles avaient droit de
prétendre.
Quel démon jaloux a trouble cette harmonie, et a pu réduire
la dame Destaing à chercher les preuves de son é ta t, après en
avoir eu la possession légitime aussi publiquement et sans effort?
Quel événement inopiné a transformé tout d’un coup une famille
douce et hospitalière en une horde d’ennemis acharnés, cherchant
d ’équivoques calomnies jusque dans le secret d’une correspon
dance
tronquée, outrageant la mémoire de celui qui illustra leur
n o m , et disputant avec mauvaise foi contre tous les signes de
vérité qui les confondent ?
L ’ov! cette divinité des nations, a brille aux yeux des héritiers
Destaing. L a succession du général leur a semblé une proie qu’il
�( 3)
fallait disputer avec une opiniâtre constance; et dès cet instant
sa veuve et sa fille ne leur ont semblé que deux êtres importuns ,
qu’il fallait rejeter et méconnaître.
A lo r s , par une brusque inconséquence, la dame Destaing
présentée à une ville entière comme une sœur; son enfant placédans tous les registres d’A u rilla c, comme héritière légitime du
général, n’ont plus été que des aventurières inconnues, introduiies par une astuce criminelle dans une famille étrangère.
Ce n’était point assez, pour une femme faible et sans défense,
d’avoir pour elle l’opinion publique et la conscience de la vérité.
Que peut la vérité contre une calomnie soutenue avec éclat et
persévérance? L e vulgaire, qui aime le merveilleux, commence
à douter, aussitôt que des fables injurieuses ont été préparées
pour donner à sa curiosité un autre aliment.
Mais ce n’est point au tribunal de l’opinion que d’aussi grands
intérêts sont soumis ; la dame Destaing est placée sous l’égide
des lois; et si elle est forcée de gémir des lenteurs de la justice,
du moins elle pourra se féliciter'de ce cjue toutes les formules
exigées d’elle ne laisseront aucun léger doute aux esprits les plus
incrédules.
T‘
r Cependant la dame Destaing n’a nullement le projet de se
renfermer dans des moyens judiciaires, tet cle dédaigner l’opinion,
qu’ôti peut avoir d’elle L
, ,!i l M 'im p o rte , plus qu’à personne, de
donner de la publicité a'sa'cimduite ,r et de prodam er les témoi
gnages honorables de ceux qui ont été à portée de la juger. Elle
veut de l’estime; et rien, dansées actions, ne lui a ôté le droit
d’en'Obtenir. '
'
] <
r
•i
. FAITS.
..............i
Tous les faits1de cette cause sont liés aux grands événement
de l’histoire.
Une armée de héros, une colonie de savans allèrent en 1 an 6
porter en Egypte la gloire du nom Français.
On se souvient de la rapidité de cette conquête. Alexandrie
�( 4 )
fut prise d'assaut le lendemain même du débarquement. Les
Mamelouks f u r e n t vaincus dès leur première apparition, et la
capitale o u v r i t ses portes à l ’armée victorieuse.
Cette a r m é e n’était point au Caire comme dans une ville con
quise. Son premier établissement fut l’institut des sciences et
arts, chargé de donner des plans d’amélioration pour les canaux
du N il, l’agriculture et le commerce. .
Cependant les héritiers D estaing,(ramenant tout à leur idée
dominante, ne veulent voir dans les chefs de cette armée, que
des conquérons licencieux, q u i, comme dans un vaste sérail,
appelaient à eux toutes les victimes qu’il leur plaisait de choisir,
ou plutôt n’avaient qu’à attendre celles que les pères de famille
eux-mêmes venaient leur présenter, par politesse, et pour prix de
la victoire.
Laissons celte atroce calomnie à la réflexion des lecteurs in
formés des usages de l’Orient, çt .poursuivons un récit plus véri
dique. .
3 v> •\ ” i
• Quoique le but de.l’expédition d’Egypte fût caché dans: ces
vastes conceptions qu’il n’appartient pas au vulgaire de péné
trer, tout prouve que le premier projet du grand homme; était la
fondation d’une C o l o i ^ française; A u r e s t e , 1 ’établissepient de
l ’armée en Egypte devint bientôt une nécessité. L e malheureux;
combat d’Aboukir, et la perte^de la flotte achevèrent d’ôteitiuix
Français débarqués tout .espoir prochain de retour.
;
. •:>
Il fallut donc tourner toutes.ses idées vers cette terre étran
gère , s’y créer un centre d’aifection, s’y faire une,patrie.
r
E t , certes, voilà quelle a dû être, quelle a été erj effet la dis
p o s i t i o n des esprits, ubi b e n è, ibi^pfUria ; rien n’est plus fran
çais q u e cette maxime; et bientôtles'vainqueurs de l’E g yp te Se
* ardèrent comme naturalisés sur les bords du.Nil.
L e mariage seul pouvait resserrer les liens entre les deux na
tions. Les généraux français en donnèrent le premier exemple ;
ils devaient ce gage à la confiance qu’ils voulaient inspirer. Ce
pendant ils surent allier à leurs vues politiques les combinaisons
�( 5 )
d’intérêt que les chances de l’avenir ne leur permettaient pas
d ’abandonner.
i L e général en cheFMenou épousa une jeune et riche musul
mane, fille du maître des bains d’Alexandrie. Les généraux Lan- .
tin, Delzons et Bonnecarrère épousèrent des filles de négocians
établis à Rosette; plusieurs autres généraux et m i l i t a i r e s français
suivirent cet exemple.
v L es pères de famille d’Egypte n’étaient donc pas diiTéi’ens
de ceux des autres régions. Ils attachaient de l’importance au
mariage de leurs filles ; ils veillaient à leur bonheur et ne les
prostituaient pas.
i Joanni Nazo, ancien officier au service de Russie, et élu com
mandant du bataillon des Grecs par le général de l’armée
française, avait, à cause de ses fonctions, des relations habituelles
avec le général Destaing, qui, de la province de Cathié, où il
fut envoyé d’abord, vint commander la ville du Caire.
S o p h i e M i s c k , é p o u s e d e J o a n n i N a z o , a v a i t , d ’ un p r e m i e r
m a r i a g e , d e u x f i l l e s , d o n t l ’a în é e ( A n n e ) a v a i t d ix -s e p t ans.
L e g é n é r a l Deslning demanda la m a i n d’Anne Nazo ( néë
T r is o g lo w * ) ; il l’obtint, et regarda cette alliance comme un
grand avantage. Joanni Nazo avait alors beaucoup de fortune, o
Il n’etait pas, comme les héritiers Destaing se sont plu à le
dire, un marchand d’e a u - d e - v ie ; Nazo était fermier - général
des droits imposés par le Grand-Seigneur sur les liqueurs spiritueuses de tout genre : on sait que les Musulmans, à qui lekoran
les défend, ne font en Egypte que la moindre partie de la popu
lation. Tous les commerces y sont au pair, et les rangs ne s’y me
surent que par la fortune. Il faut bien dire tout céla aux héritiers
Destaing, pour qu’ils cessent leurs railleries amères contre une
famille à laquelle en Egypte on accordait quelque distinction, et
qu’ils soient soulagés du moins du poids d’une mésalliance.
*
E n E g y p t e , le second mari donne son nom a u x en fans de £a f e m m e }
en signe de la puissance patern elle q u ’il a sur eux.
�( 6 )
A n n e N a z o , promise au général Destaing, fut conduite par
sa famille dans l’église grecque de Saint - Nicolas , où elle fut
reçue par le patriarche, qui daigna lui-m êm e se charger de la
célébration.
On demande , depuis huit a n s , à une jeune épouse , dans
quelle forme légale fut constatée cette cérémonie, et si les
prêtres de sa religion tiennent des registres publics. Quelle est
l ’européenne q u i, ayant eu toute l’instruction et toute la liberté
dont d’autres mœurs ont privé les femmes de l’Orient, serait bien
en état de rendre compte de l’observation des formes légales qui
ont accompagné son mariage ? Sans doute la dame Destaing a
conservé le souvenir de la cérémonie auguste de l’église. L a
couronne sacrée mise sur sa tête ,' la bénédiction et l ’échange
D
des anneaux, les paroles saintes du patriarche qui demandait en
vain à .D ieu, pour les époux, une longue suite d’années : tout
cela s’est gravé'dans sa mémoire ; et elle sait très-bien qu’il n’y
a point eu d’autres fortnalités. !
Accompagnée par sa famille et par ses esclaves dans la maison
du géne'ral, elle fut présentée par lui au général en chef et à un
grand nombre de convives distingués , appelés au repas nuptial
et à un bal européen. Mais après ce premier hommage aux
moeurs françaises, tout rentra dans l’ordre accoutumé, et sauf
quelques exceptions, le général Destaing se conforma dans l ’in
térieur de son ménage aux habitudes égyptiennes.
A insi se passèrent plusieurs mois dans le calme et sans événemens. Bientôt des révoltes fomentées par les M amelouks,
donnèrent aux épouses des généraux français de vives et justes
alarmes. C'est alors que leûr tendresse inquiète veillait à préserver
du danger ceux qui n’étaient plus pour elles des étrangers et des
usurpateurs, mais des époux et des frères.
Peu de tems après, on apprit qu’nne armée ottomane s’avançait vers la Syrie, tandis qu’une llotie anglaise entrait dans la
Méditéranée.
L es Français allèrent sur-le-champ attaquer ces armées jusque
�( 7 )
dans leurs retranchemens J" mais que peut la valeur contre le
nombre? Séparés en forces inégales, les généraux français ne
voulurent se confier qu’en leur courage, et ne recevoir aucune
loi du vainqueur.
L a dame Destaing avait conjuré son époux de lui apprendre
le succès de ses armes. Blessé grièvement et enfermé dans la
place d’Alexandrie, le général ne put écrire lui-même; mais il
fit donner de ses nouvelles à la dame Destaing, par un arabe,
son domestique, pour la rassurer sur l ’état de sa blessure.
L a dame Destaing
D était alors à la citadelle du C aire,7 où le
général Béliard, qui y commandait, avait fait préparer des logemens pour les épouses des généraux français , et celles de
quelques officiers de marque, parce que les armées ennemies
étaient aux portes du Caire.
Trois lettres arabes furent adressées à la dame Destaing, à la
citadelle du Caire*. Les héritiers Destaing n’ont pu les attaquer
que du côté du style , q ui, certes, n’est pas académique : mais
aurait-on cru que les formules épistolaires de Fiance fussent
d’obligation pour les nations étrangères, et pour un domestique?
Aussitôt que le général put tenir la p lu m e , il écrivit lui-même
a son epouse, dans une langue que son oreille entendait mojnç
aisément, peut-être, mais que son cœur sentait bien mieux.
« A l e x a n d r i e ., le i 5 prairial an 9.
k II y a long-tem s , ma chère a m ie , que j e n ’ai pas de tes
« nouvelles ,* j e désire que tu te portes aussi bien que moi.
*
C e s lettres ont pour adresse :
à M a d a m e A n n e , f e m m e D e sta in g .
E lle s sont d a té e s , l’ une du mois d o u l k a d e h , l ’ autre du mois d o n t h c d jc h ,
d e l ’année. 1 2 1 5 de l ' h é g i r e , rép o n d a n t aux m ois de
germ inal
et floréal
an 9. Il «’y esj question q u e de la blessure du général D e sta in g , cl assu
rance de r eve n ir b ie n t ô t, et de c o m p lim e n s pour Joa n n i N a z o .
3‘
jIIes
sont
jointes aux pièces a v e c la traduction do M . S jl v e s t r e de S n c y , professeur
d e langues arabe et p e r s a u e , et m e m b re de l ’ institut.
�( 8 )
J o a m it , qui est chez le général B é lia r d , devrait savoir
quand il part des détachemens pour A le x a n d r ie , et en profiter pour nCenvoyer -des lettres. C ependant , il ne Va pas
fa it l a d e r n i è r e f o i s : il fa u t le gronder de ma p a rt, pour
qu’il soit plus exact à l'avenir. On m ’a dit que tu étais
grosse ; j e suis étonné que tu ne m ’en aies rien écrit : éclaircis
mon doute à cet égard. Sois assurée que j e t ’aime to u jo u rs ,
et qu’il me tarde beaucoup de te revoir. E n attendant , je
a t'em brasse, ainsi que ta mère et ta sœur, sans oublier la
« bonne vieille. L e g é n é r a l D e s t a i n g ».
1
Cette lettre , la seule que le hasard ait fait conserver à la
«
«
«
«
«
«
«
«
dame D estain g, semble réunir en elle les rapports de sa fa
mille entière avec son époux ; elle est restée comme un monu
ment , pour confondre les calomnies principales des héritiers
Destaing, et leur prouver qu’ils se mentent à eux-mêmes quand
ils feignent de croire que le général n’avait jamais cru avoir
avec une jeune grecque que ce qu’il leur plaît de nommer,
dans leurs idées licencieuses, un arrangement oriental.
L e siège du Caire fut prolongé pendant plus de trois moisj
enfin le général Béliard capitula avec le major Hutkinson , en
messidor an 9. Un article portait, que l’armée anglaise fourni
rait des vaisseaux de transport pour conduire à Marseille les
Français et ceux deja attachés a leur fortune. Les dames reti
rées a la citadelle avaient la facullc de rentrer dans la ville du
Caire.
• Mais le général en chef Menou ne voulut point ratifier cette
capitulati°n ; les portes de la ville restèrent fermées, les per
sonnes comprises dans la capitulation , la garde d’honneur choisie
pour leur escorte, la dame Menou elle-même, furent obligées
de continuer leur route jusqu’à Alexandrie. L à , le général Des
taing , craignant encore pour son épouse les dangers d’une ville
assiégée, lui donna ordre de se rendre en France, où il devait
incessamment la rejoindre.
Joanni Nazo , compris comme commandant de la légion
grecque,
�( 9 )
grecque, dans la capitulation du Caire, devait partir avec la
dame Destaing et le reste de sa iamille. L e général leur écrivit
de l’attendre à Marseille, ainsi que nous l’apprennent les héritiers
Destaing.
Un vaisseau grec ( le Saint-Jean), dans le plus mauvais état,
se trouvait dans la rade d’Aboukir pour recevoir cette famille
et son escorte. Plusieurs autres Egyptiens s’y jettèrent pour ne
pas retomber sous la domination musulmane.
Tout ce que les relations de voyages ont recueilli de con
trariétés et de périls était destiné à ce frêle navire. Incapable de
résister à la moindre agression des pirates de l’A r c h ip e l, hors
d’état de tenir la mer sans des réparations urgentes et considé
rables, il ne se mit en route que pour louvoyer d’îles en îles,
poursuivi par des corsaires, et assailli par des tempêtes.
Un long séjour dans l’île de Pathmos fut nécessaire pour
radouber le vaisseau. L a dame Destaing, extrêmement souf
frante , croyait s’y reposer et attendre l ’époqye de ses couches.
M a i s , to u t à c o u p , o n f u t a v e r ti du d a n g e r q u e c o u r a ie n t
des F r a n ç a i s et des G r e c s d ’ê tre la p r o ie des T u r c s en croisière
dans cette mer. On leva l’ancre à l’instant : mais après un long
trajet, le vaisseau fut repoussé jusqu’à l’île de Céphalonie, qu’il
avait deja dépassée. C’est là que la dame Destaing accoucha à
bord. Un pretre grec, desservant une chapelle voisine du rivage,
baptisa l’enfant sous le nom de Maria d ’E sla in g , tenue, sur les
fonds baptismaux, par Sophie M isck, sa grand’mère, et par le
sieur Nassiffi, officier de l’escorte.
Deux jours après, le tems propice permit de remettre à la
voile : mais une autre tempête attendait le vaisseau dans le
canal de Messine ; rejeté en arrière de 5o lieues dans la mer
Ionienne, il parvint à un port de la Calabre , d’où, après de
nouveaux dangers , dont il serait minutieux de donner le détail,
et forcé de changer de route, il aborda à Tarente, dans le gou
vernement de M. le général Soult (aujourd’hui maréchal de
l’Empirc et duc de Dalm atie).
3
�( IO )
C'est ainsi qu’une Famille malheureuse, jouet des vicissitudes
de la terre et de la m er, errait de plages en plages pendant six
mois entiers. Enfin elle était sous la protection française; et dès
cet i n s t a n t il y eut une trêve à ses malheurs.
M . Ie général S o u lt, informé de l’arrivée du vaisseau , et
de la qualité des passagers, eut la bonté d’offrir lui - même à
]Vladame Destaing, de la part de son épouse, tout ce qui pouvait
être nécessaire à sa santé et aux agrémens de son séjour.
Les lois maritimes exigeant de tous les vaisseaux une quaran
taine, M. le général était obligé d’abord de borner ses attentions à
de simples offres de services. Il écrivit au capitaine du vaisseau,
le 22 frimaire an 10.......... « V e u ille z , je vous p rie, renouveler
à madame D estaing les offres de services que mon épouse et
m oi lu i faison s de tous les secours qui pourraient lu i être né
cessaires; elle nous obligera infiniment d'en disposer. S o u l t » . ’
Qui donc avait pu informer M. le général Soult du nom de
la dame Destaing, et l’intéresser à elle? le voici : Pendant cette
longue et périlleuse’traversée du vaisseau leSt.-Jean, l'armée fran^
çaise avait évacué Alexandrie ; les généraux Menou et Destaing
avaient fait voile pour Marseille, où depuis long-tems ils croyaient
leurs ép o u s e s arrivées ; dans leur route ils s’informaient de la
destinée de ce vaisseau; il paraît même quWs écrivirent à M. le
général Soult, et voilà ce qui valait à madame Destaing des at
tentions aussi flatteuses.
M . le général Soult ne s’en tint pas à des offres ; il insista
pour que Madame Destaing allât se rétablir dans sa maison de
campagne, et l’invita ensuite à habiter son propre palais.
Après un mois de séjour, Madame Destaing, remise de ses
souffrances, voulut partir de T a ren te, mais en marquant une
répugnance pour continuer son voyage parla Médiléranée.
M. le général Soult poita la bonté jusqua lui tracer, lui-même,
une route pour aller par terre jusqu au premier port de son
g r a n
d
e
gouvernement, de la traverser 1Adriatique, et continuer par
terre d’Ancope à Lyon.
�( 11 )
Tout cela s’exécuta de point en point, et sans le plus léger
accident. M. le gc'oéral Soult voulut encore donner sa voiture
à Madame Destaing jusqu’au port de Barletta. Il fît chercher
une nourrice pour sa fille, et chargea M . Desbrosses, officier
français, de l’accompagner jusqu’à Lyon.
Voilà comment et sous quels auspices est venue en France
celle que les héritiers Destaing accablent de dédains et d’op
probres.
Madame Destaing s’arrêta quelques jours à Lyon pour se
reposer et attendre des nouvelles de son mari. Joanni Nazo partit
sur-le-champ pour aller le joindre à Paris.
On peut se représenter l’impatience d’une jeune épouse de
retrouver celui pour qui elle s’était exposée à tant de périls.
Hélas! il était dans sa destinée de ne plus le revoir. Joanni
n’était arrivé à Paris que pour être en quelque sorte le témoin
du convoi de son meilleur ajiii.
L ’accueil affectueux du général n’avait pas préparé Nazo à
ce malheur. L e récit mutuel de leurs aventures depuis leur
séparation ; l’empressement du général de revoir sa femme
et d’embrasser son enfant pour la première fois ; leurs projets
pour l’avenir avaient occupé le peu d ’instans qu’ils passèrent
ensemble....... L a mort en disposa autrement.
L a dame Destaing ignorait à Lyon qu’un coup mortel venait
de la frapper elle-même. Elle comptait les instans, et se croyait
heureuse, lorsqu’un sieur B o rdin, chapelier à L y o n , se présenta
chez elle avec une lettre du sieur Destaing père, qui invitait
çe sieur Bordin à accompagner sa fille à Aurillac, en lui laissant
entrevoir une partie de son malheur.
Combien elle allait être à plaindre, celle qui, tombant tout"
à-coup des illusions riantes de sa pensée dans la certitude d’un
isolement affreu x, allait se trouver sans époux et sans patrie
parmi des êtres dont la dem eure, les habitudes, la langue
même lui étaient inconnues. Que celui qui a pu se faire une
idée des fantômes de bonheur qui naguères remplissaient son
4
�( 12 )
mne , se représente s’il se peut l’horrible situation de cette in
fortunée E gyptienne, au milieu du cahos où son imagination
épouvantée dut la placer.
Cependant la dame Destaing fut reçue par son beau-père et
sa belle-mère avec toute l’afFabilité et la tendresse qui pouvaient
la rassurer.
L a famille entière, i l faut le dire, lui donna les mêmes
marques d’amitié et d’intérêt. Cette conduite généreuse la toucha
jusqu’au fond de l’â m e , et la dame Destaing trouve du plaisir
à en marquer sa reconnaissance. Un odieux intérêt n’était point
venu encore empoisonner ce premier élan de la nature. Chacun
avait a l o r s à pleurer un fils, un époux, un frère. Les liens du sang
se resserraient davantage par un besoin mutuel d’épanchemens
et de consolations.
Cependant la famille Destaing crut nécessaire de remplir
les formalités légales pour lu succession du général. Les scellés
avaient été mis à Paris dans l’hôtel Méot qu’il habitait le jour
même de sa mort ( i 5 floréal an 10 ).
Il s’agissait de les le v e r, et pour cela il fallait faire connaître
les héritiers de la succession.
C ’est la famille Destaing qui en prit l ’initiative; un conseil
de famille fut convoqué devant le juge de paix d’Aurillac, le
5 messidor an 10. L à le s.r Destaing, père du général, juge au
tribunal de première instance , exposa : «que Jacques-Zacharie
« Destaing, son fils , général de division, était décédé à Paris ,
« laissant une f i l l e u n iq u e, âgée de cinq mois, nommée M aria,
« provenant de son mariage avec A n n e JSazo , grecque d ’oria g in e , laquelle avait besoin d’un tuteur, attendu la minorité
« de sa mère ».
D ’après cela le conseil de famille * délibérant, choisit pour
*
M . D e l z o n s , p è r e , le m ê m e qui avait toute la confiance du g é n é ra l '
D e s t ii n g à ses derniers m o m e n s , et M . D e l z o n s , général de b r i g a d e } m arié
pussi en E g y p t e , sont m e o ib ip s de ce conseil de fam ille,
�( i 3 .}
tuteur de Maria Destaing, M .D estaing, sonaïeul; fixa à 1,000 fr.
le douaire annuel de la dame veuve D estain g ; lui alloua des
habils de deuil pour elle et pour une négresse qu’elle avait à
son service ; et s’occupa encore du salaire de la nourrice qu’elle
avait amenée de Tarente à Aurillac.
L e sieur Destaing père déclara accepter la tutelle de sa petitefille , et fit'le serment ordinaire d’en remplir fidèlement les
fonctions.
V oilà donc les qualités réglées; l’état de la mère et de l’enfant
placé sous la protection de la loi, et leurs intérêts remis entre
les mains de celui à q u i, sans aucun doute', le défunt les
aurait confiés lui-même.
L e lendemain une procuration fut envoyée; les scellés furent
levés à Paris, et suivis d’un inventaire. Dans tous ces actes on
agit constamment au nom du sieur Destaing père, tuteur de
Maria Destaing, J ilte et unique héritière du général Destaing.
L ’inventaire ne pouvait contenir q u e ce q u ’o n laisse dans un
a p p a r t e m e n t d ’ hôtel g a r n i ; des v ô te m e n s , des a r m e s , q u e l q u e s
p a p ie r s d e p o r t e f e u i ll e *, et d e u x r o u l e a u x de 5o louis. O n y
consigne ce fait, que le général avait remis, peu dé jours avant
sa mort, à M. Del'zons père, législateur, 18,000 fr. qu’il avait
touchés à la trésorerie, pour qu’il les fît passer à Aurillac.'
Pendant ces tristes opérations, la dame Destaing vivait à
A u rilla c, quelquefois dans les sociétés où on la présentait, et
qui voulaient bien s’accoutumer à sa tristesse, le plus souvent
retirée chez elle, occupée de sa fille , et presque heureuse de
vivre parmi ceux q u i 3 en lui apprenant leur langue, lui parlaient
de son époux.
Une grande satisfaction pour elle fut d’apprendre que Sa
Majesté avait eu la générosité de la faire placer sur le tableau
Il y avait une lettre du lieutenant L a t a p i e , et une lettre d e J o a n n i
N a z o , toutes deu x écrites de T a re n te . C es lettres avaient été supprim ées
d e p u i s , et « ’ out pu être c o m m u n iq u é e s qu’en vertu d’ uu arrêt de la C yu r.
«
�}
des pensions, comme veuve du gén éral D e s ia in g , i 5 jours
(
1
4
après sa mort *.
Cet état de quiétude dura environ une anne'e. Mais les frères
et sœur Destaing, prévoyant que la fortune du général, qui leur
avait procuré une augmentation d’aisance, leur serait retirée dans
peu de leras , changèrent insensiblement le bon accueil qu’ils
a v a i e n t fait à leur belle-sœur; et une petite persécution commença
sourdement contr’elle.
L a mélancolie de la dame Destaing lui faisant préférer la so
litu de, on la représenta comme un être farouche qui méditait
des procès. Si, de loin en loin, quelques âmes sensibles venaient
du dehors pour la distraire , on supposait de l’intrigue et des
conseils. L a dame Destaing, sa belle-mère, fut séduite la pre
mière par ces insinuations désintéressées en apparence .- enfin ,
à force de persévérance vis-à-vis le sieur Desiaing, on parvint
à inspirer de la défiance à ce respectable père de famille : on le
rendit tout différent de lui-même.
L e premier résultat de cette de'iiance prit d’abord une direction
toute différente de celle qu’on avait voulu lui donner : le bon
tuteur n’avait point des entrailles de collatéral pour l’enfant de
son fils ; et la seule punition qui lui vint en idée contre la mère,
fut de faire enlever l’enfant pour le cacher à la cam pagne, en
prenant des précautions pour que la dame Destaing ne découvrît
pas sa retraite.
Mais ce n’était pas là le compte de la petite faction ennemie;
qui comprenait bien que ce procédé consolidait l’état de l’enfant
au lieu de le détruire.
Alors on parut compatir à la douleur d’une mère justement
alarmée. L a dame Delzons (égyptienne, et jusqu’alors très-liée
avec la dame D estaing), écrivit d’Aurillac à Joanni Nazo ce
qui se passait. Nazo partit su r-le-ch a m p ; ses plaintes furent
vives : de part et d’autre , il s’y mêla de l’aigreur. L a dame
* L e b re vet de celte pension est du 29 floréal an 10.^
�( i5 )
Destaing quitta Aurillac avec Nazo pour aller joindre sa mère
à Marseille; mais le sieur Destaing, son beau-père, ne voulut
jamais que Maria Destaing partît avec eux.
Joanni Nazo, personnellement maltraité dans une famille qui
ne lui semblait avoir ce droit envers lui sous aucun rapport,
suivit peut-être un peu trop son premier mouvement. D ’après
les conseils qui lui furent donnés, il fit rédiger un acte de noto
riété, par lequel les réfugiés Egyptiens qui avaient traversé la
mer avec la dame Destaing, certifièrent qu’elle était mariée au
Caire, et qu’elle avait donné le jour à une fille baptisée à Céplialonie, sous le nom de Maria; et muni de cette pièce, il fit
adresser un mémoire à l ’Empereur pour réclamer Maria Destaing.
Sa Majesté daigna y répondre par une note de sa main; et Son
Exc. le Grand-Juge en ayant donné avis au sieur Destaing père,
celui-ci ne mit aucun obstacle à rendre l’enfant qu’il avait relenu.
Mais aussitôt ses idées et son système changèrent. Ses enfans
profilèrent de cette circonstance pour s’emparer entièrement de
son esprit, et l’ envenimer contre la malheureuse étrangère qu’il
avait jusqu’alors chérie comme sa fille. Telle a été la source du
procès.
L a première hostilité vint des frères et sœur Destain^, et cela
était bien dans l’ordre. Ils firent saisir, entre li>s mains de leur
père, le mobilier et revenus de la succession du général, comme
prétendant être ses seuls héritiers.
Il eût été plus naturel d’assigner la veuve, dont ils ne pouvaient
pas méconnaître au moins les prétentions et la possession qu’elle
avait eue de son état dans leur propre maison. Mais celle lenteur
eut été trop douce; il fallait tout d’ un coup , par une saisie, lui
enlever les ressources que lui donnait la délibéra lion du con seil
.de famille. La dame Destaing fut donc forcée de prendre les voies
judiciaires; elle assigna , le 27 nivôse an 12 , le sie u r Destaing
père ( au tribunal de la Seine, lieu du décès), pour demander
remise de la succession , et une provision pour scs alimens, dont
on avait affocté de la priver.
�C 16 )
Cotte privation était inhumaine; mais la dame Destaing a été
heureuse de la s o u f f r i r . Dans le moment de sa plus grande dé
tresse, elle reçut de la munificence de Sa Majesté Impériale le
brevet d’une pension de 2,000 fr. au lieu de 520 fr. qu’elle était
jusqu’alors *•
que les héritiers Destaing ont attribué cet acte de
bonté à leur conseil de famille, qui, disent-ils, avait donné par
e r r e u r , à Anne Nazo, une qualité dont elle fit usage pour ob
tenir une pension ! Remarquons seulement que ce conseil de
famille est du 5 messidor an 10 , et que déjà le premier brevet
de pension était donné à Anne Nazo, comme veuve D esta in g „
plus d'un mois auparavant.
A u lieu de répondre à la demande de la dame Destaing,
C ro ira it-o n
ses adversaires introduisirent à Aurillac une procédure obscure,
qui prouve que tous moyens leur étaient bons pour multiplier
contr’elle les incidens et les ennemis.
Les frères et sœur Destaing assignèrent leur père à Aurillac,
en remise de la succession du général, comme s’ils ignoraient la
demande déjà formée par leur belle-sœur. Il répondit qu’Anne
Nazo prétendait à la même succession, et sur cela sa mise en
cause fut ordonnée. Cependant le jugement ne fut signifié qu’au
sieur Destaing père, le moins intéressé à le connaître ; et la dame
Destaing n’en a appris l’existence que long-tems après.
On lux laissait, pendant ce tems-la, obtenir un jugement à
Paris ; et ensuite on se pourvut en règlement de juges. L e procès
ne fut renvoyé ni à Paris ni à Aurillac : il le fut au tribunal de
Mauriac ; tout cela dura près de trois ans; et enfin la dameDestning recommença son procès à Mauriac, où elle était renvoyée.
* « M in is tè r e d u trésor p u b lic . — P a r i s , i 3 pluviôse an 12».
« A r t. i . er L a pension de
520 fr.
accord ée par arrêté du 29 floréal an 10 ^ à ’
« A n n e Nax>o , n ée en K g y p l e , veu v e d u s .r J a c q u e s - Z a c h a r ie D e s ta in g ,
* général de d i v i s i o n , mort le i
5
floréal an 1 0 , est portée à 2,000 fr. ».
* A r t. 2. L e s M in istres de la gu erre et du trésor public sont c h a r g é s , etc. ».
« Sign é N A P O L E O N ».
Là
�( . T7 )
L à on fît dire au sieur Destaing père , qu’il révoquait l ’aveu ,
qu’il avait fait de Cétat et possession de la veuve Destaing et
de sa fille. Il prétendit que c’était à elle à prouver son mariage et
la naissance de l’ enfant ; que lescertificats.de Marseille étaient
suspects et ne prouvaient rien. Il termina par dire qu’il ne cont
naissait d’autre enfant >de son fils , ;qu’un' enfant naturel, né
avant son déport pour l’Egypte ( tqu;e/l’çrn.disait;tantôt né aux
Pyrénées, tantôt d’une femme de P a r i s ^ Puisjilidemanda.à la
dame Destaing.une caution pour être ajlrçiisejà. plaider, comme
étrangère.
.'.icnri iioa sb lue: /r>
i
rl V oilà ce que les héritiersrDestaing osèrent suggérer ¡à ,leur
p è r e s a n s . égard" pourelaon\émoirei[du gérjéraJ;f et ainsi leur
animosité était telle contre sa veuve, qu’ils aimaient mieux ap
peler à la succession un inconnu, saris* n o ta , et auquel la loi
ne donnait ni titre ni qualité.'! o u;b :,[ . 'l.iui un n ■'<:i ... -•
Cependant la> dame Destaing. voulant .ne la'isSerj aucune sus
picion sur son certificat d ’é g y p t i e n s , et pouvant f o r t a is é m e n t
le s u p p lé e r p a r d es t é m o ig n a g e s f r a n ç a i s , r é u n it devant le juge
de p a i x de P a r i s , en la f o r m e le'gale d es a c t e s de n o t o r i é t é ,
sept citoyens distingués qui s’étaient trouvés au Caireien l ’an: 8 et
en l’an 9; 1.° l’ordonnateur -eh ch ef dé l’armée ; 2.« l’inspectéurgénéral aux revues; 3.° le chirurgien eri‘ chef de l ’armée; 4.0 un
général de brigade; 5.° le trésorier-général, de la dburonne;
6.° le directeur-général de l ’imprimerie .impériale; ,7.° un prêtre
égyptien, professeur de langues orientales.
« Ils attestèrent qu’Anne Nazo avait été unie religieusement
« au Caird, Suivant les rites(du pays;, et en légitim e mariage
« avec le général Destaing, dans le courant de l’an, 8 , par le
« patriarche d 'A lexa n d rie. Que l’acte de célébration n’en a v a i t
«
«
«
<i
pas été rédigé, parce que ce ri’étâit pas l ’usage : 'mais qi>e ce
mariage n’en'était pas moins constant, ayant été célébré en
présence d’ un grand nombre de militaires 'français, e t 'de la
plupart des déclarans. Que depuis cette célébration Anne
�( 1 8- 5
« 'Nnzo n’avait pas cessé d’ habiter eh Egypte avec son m a ri,
« qui l’a t o u j o u r s traitée comme son épouse légitim e ».
L a dame Destaing avait été privée de faire entendre M . le
général en chef de l’armée d’Egypte, et M. le général D upas,
alors absens ; le premier, comme gouverneur des départemens
a u - d e l à ' des Âlpes; le'sèiiond, comme gouverneur du château
de Stupinis; elle leur fît écrire pour leur demander Uvdéclarâtion.
de la vérité sur1son taaxiage, et reçut deux certificats attestant
avec la même force la’ connaissance personnelle que ces deux
généraux avaient de son mariage *.
.
L ’a<*.tërdenotoriëté fut hoimologfuép’a r l é tribunal civilide la
Seine/'sur •'le «¿apport d^uil jjngé/net stn>desi)conclusions‘:du
ministère public. •» :1‘ ' . t ■ •' ' 0"'n'
! |
yf
jde-cette pièce' importante, de son brevet de pension
et de l’acte de tutelle, la dame Déstaing crutison1 procès fini,
et se présenta à l’audiehcé de- Mauriac! Mais combien- ellej se
-, <K)t
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r.M u n ie
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1
« J e d é c l a r e , au nom d e la v é r i t é et de l’ h o n n e u r, q u e , lorsque j e com
m and ais l ’ a rm é e d ’O r i e n t , en E g y p t e , M . le g é ü é r a l .D e s t a i n g s’ e^t m a r i é
4ta it venu>
m ’en f a i r e p a r t.. . . . . . . i J e m ’ engageai à y - a s s is t e r , ainsi q u ’ au repas
en l’an 8 a v e c rnademoiselléj A n n e N a z o . . . . . . ! » , . . L e gé n é ra l
qui eut lieu après le mariage. J e r e m p lis npa prom esse.. T o u t s ’ ij p a s s a
a v ec La p lu s grande rég u la rité sous les rapports c iv ils et r e lig ie u x ».
« À T u r i n , le' 18 juillet 1806 ».
1
« L e gé n é ra l M eno u ».
« J e cettifie q u ’ étant « l i e f dë b r i g a d e , com m an d an t la citad elle du C aire
sous les ordres'du général D e s ta in g , J ’a i eu> p a r fa ite e ts u r e c o n n a is s a n c e
d e s o n lé g itim e m a riag e a v e c m a d e m o iselle A n n e N a z o . . . . . . . J ’atteste
a v o i r eu des liaisons particulières a v e c b eaucoup de personnes très-dislinguées qui m ’ out dit a y o ir été p résen tes à ce m a r ia g e , qui fut cé lé b ré
p u b l i q u e m e n t . . . • •,............■ 1 c ,i ! i
« P a r i s , le 3o juillet 1806».
■*'L e g é n i a l D u p a s ».
�C *9 )
trompait ! L a cause' e û t été trôp simple avec le siéür Destaing
père; les frères et sœur voulurent plaider aussi; mais il sera
inutile de les suivre davis leur in terv èh tion , leur tierce oppo
s itio n , leur s a isie, le u rsincidens dé boute espèce : il suffit de
parler du jugement de MauriàC,'ydùl^ 3 raô'ûV 1807-, dont il est
nécessaire de préciser les dispositions p o ty r 5 l e s comparer avec
l ’arrêt postérieur de la Cour d’appekrii :
■s'[ •'' '
L e tribunal de Mauriac ne crut paà;dfevoir s*arrêter aux preuves
existantes ; il-lès jugea insuffisantes / ¿t‘ brtàoiiha que la dame
Destaing prouverait ,- i;©.«-Qu’íl'rñéát paá!d‘íiS¿ge?'á t r Caire et à
« Céphalonie de tenir des registres et faire deS âcres de mariage
« et de naissance; i2.°. qu’elle a été mariée au Caire, en l’an 8 ,
« avec le général Destámg J p a r le patriarche d'Alexandrie, avec
«r.le^ qérémQnieà.usitées-.dàiisile lie u $ 3î° qU’eïIé'a cohabité de« puiçiavio/îlejgénéraLi'Destaing jusqu’àvsoiv'iëtoùr''en-France;
tq u é .)d a n s n t9 u t ;lc e . t d m s e }lë a é t é / p u b li q u e m e n t r e c o h n u e
« p o p r fépbuàe. d u ¿éncfrdl DestaiingÇ’ 4 .0 q ù ’ ë llè est a c c o u c h é e h
c? C é p h a l o n i e ,, en n i v ô s e - a n 10 , M ’ u né fille p r o v e n u e d e c e m a cc.]riagQV J a q iie lle ia étf 3 n o m m é e ^Maria D e s t a i n g ».
^ ; ■-!
‘ - ïl'ÿ ’ eüt^'tië part-'et d’a^ti’ë^à^pél' dê^oe jugement ; V d a m e
Dëstaiftg>à’*n pl-aï^ nartf^ arè^ cj^ t'H ^ ujktíssáií»à ‘ une'*preuve
non-sedement? déjS'fàit’ë , M is « q u feïlé' I r u ï inutile/ j&isqu'éllè
avait une possession d’état émanée de°la famille Destaing elieTneme¿ Les hei'iliers Destàîng syen píaignirent aussi, en ce que,'
diâàieut-ils j l£ Gpdb'èiVilrié permet de prouver lës'mariages que
par écHt et par les iëg;istres deirétàt ci^il. 1
'
l<: ‘ >
Ge n’était point assez1 d’avoir accablé de'calomnies la dame
Destaing à A u r illa c , Mauriac et P aris, les héritiers Destaing
lui réservaient pour la Cour d’appel des imputations plus dures
encore. A ile s croire, elle n’ était qu’une prostituée dé la plus
vile cldsse, offerte au général par sa propre famille avant même
qu il eut sur ce point montré aucun désir j une grecque arliii-
6
�C 20. )
cieuse et rusée, qui avait su en impose* quelque tems à une fa
mille crédule ; ensuite, et'pour avoir le droit d’insister sur la re
présentation d’un acte civi], ils la transformaient en musulmane
échappée d’un harem , et la sommaient de représenter l’acte de
mariage que le Cadi avait dû rédiger. , . , j;i ,
• ;)|. ■
L a Cour,d’ap p el,.p ar arrêt du n juin 1808 , a cru-devoir/
dans une matière aussi importante , laisser subsister la preuve
ordonnée,. mais avec ¡des ¡motifs bien précieux pour la dame
Destaing, etflui prouvent que les magistrats, convaincus comme
hommes, ont.seulement voulu, ne négliger aucun moyen légal de
découvrir 1^ vérité. ^
g
j « ¡b
ob 'rm! <!.=)[) »
# ¡Cependant là preuvejôrdorinée à Mauriac n’a point été exigée
par la Cour avec autant d’étendue-.: «; La-Cour dft qu’il a été bien1
« jugé en ce que la/preuve testimonialë a été ordonnée, et néan^KJO^ips, réduisant l interlocutoire ^or'dcJnne!que-clans S i x môlS1
« A fiae Nazo fera pfguve;, tant’par titres, que par. témoins, deor vant lç$ premiei'sjjiges,. queipendàrit qué le général Destaing
« était en activité de service au Çaire, elle a .é té mariée avec lui
« publiquement et solennellement par, le patriarche d’Alexan« d rie, suivant le rit grec et s,u;,yant le^fp^mes-et usages.obîer« vés d an sle pays \ Vautorise a Jaire çn tendre les parens , tant
« d’elle.cjue du général Destaing»¡^insi (ÿiejçtuies]/es personnes
«
«
«
«
«
qui ont déjà donne des attestations par forme d’acte de no-:
toriéte, a-Marseille et à^Paris, ou des çertificats dans la
cause, sauf tous
¡reproches de droif;qui pourront être
proposés, et sur lesquels, les premiers juges'statueront, .sauf
preuve contraire; ordonne que les frères et sœur ^estaing
a rapporteront les deux lettres mentionnées en l’inventaire
« du 24 messidor an 10».
Les héritiers Destaing mçnaçnient de se pourvoir en cassation,
parce qu’ils attendaient la décision d une cause semblable sur
laquelle il y avait pourvoi contre Néphis D avid, Géorgienne,
�( 21 )
mariée en E gypte avéc M . le général Faultrier * ; aussi ont-ils
retardé l’exécution de l ’arrêt par m ille chicanes plus absurdes les
unes que les autres.
A Paris ils arrêtent brusquement l ’enquête, en disant que le
président de Mauriac n’a pas pu donner une commission rogatoire. L e juge-commissaire ne voulant pas juger ce grave procès,
le renvoie à M a u ria c, et Mauriac le renvoie en la Cour. L à ,
•vaincus dans leur misérable incident par la simple lecture du
texte de la l o i , ils osent bien s’opposer à une prorogation du
délai qu’ils ont consumé eux-mêmes en chicanes ; mais la Cour
en fait justice, et, par arrêt du 12 décembre 1808, elle autorise
le président de Mauriac à donner les commissions nécessaires,
renouvelle le délai d’enquête, et punit les héritiers Destaing
par une condamnation des dépens faits à Riora , à Mauriac et à
Paris. Pendant tout ce délai, les témoins appelés à Paris ont été
renvoyés sans être entendus.
Enfin les enquêtes se font, l ’une à M arseille, une autre à
autre à A u r i l l a c , et u n e dernière à M auriac ; mais
l ’obstination des héritiers Destaing ne se lasse pas. L ’enquête de
Paris est.rem arquable, sur-tout par la verbalisation continuelle
de l’un des héritiers Destaing, q u i, sans exagération , y parlait
plus que les témoins et le juge ; à chaque mot il avait des obser
vations faire écrire, ou des questions nouvelles à adresser aux
P a r is , une
*
L a C o u r de M e t z a va it or d o n n é q u e N é p l i i s rapporterait s eu le m en t
un acte de n o t o r i é t é , constatant q ue les chrétiens grecs ou rom ains q u i se
m arient à G i z é , piès le C a i r e , ne sont pas dans l’ usage de faire constater
leurs mariages sur des registres publics.
L e s héritiers attaquèrent cet arrêt par le m o tif q u e des ordres cUi jour
p u b liés en E g y p t e , en l'a n 6 , exigeaient q ue tous les a c t e s ,
e n t r e
F ra n ça is
et E g y p t i e n s , fussent reçus par les com m issaires des guerres.
L a C o u r de cassation a d é c id é q u e ces ordres du jour étaient sans a p
plication ; que l’ acte de notoriété était su ffisa n t, et avait été lég alem e n t
o r d o n n é 5 e n c o n s é q u e n c e , le po urv oi a été rejeté le 8 ju in 1809.
�( 22 )
témoins; et quelles questions encore!.....(S i en Egypte il n’est
pas reçu qu’on se marie pour un lems.....S’il n’est pas vrai que
les Turcs c o u p e n t la t ê t e aux femmes qui ont commerce avec
le s E u r o p é e n s ,.... e t c . , e t c . )
bien, toutes ces billevesées •sont fidèlement écrites dans l’en
quête de Paris , renouvelées ad libitum , et suivies à chaque
nouvelle déposition, de questions plus absurdes encore. M . le
juge-enquêteur avait la bonté de tout entendre.
Eh
A Marseille, il n’y avait pour les héritiers Destaing qu’un
fondé de pouvoir ; et soit qu’il n’osât pas se permettre toute cette
verbalisation, soit que les juges méridionaux soient moins'patiens que ceux de la capitale, l’enquête s’est faite en la forme ordi
naire, et ce sont les témoins qui y occupent la plus grande place.
Cependant à Marseille, comme à Paris, on ne manque pas
de faire insérer des reproches contre chaque parent, et contre
chaque témoin qui déjà avaient donné des attestations (m algré
l ’arrêt de la Cour, qui autorise expressément leurs dépositions).
Malgré toute cette obstination les enquêtes se parachèvent;
des témoins distingués rendent compte de ce qu’ils ont vu et
entendu. Il résulte de leurs dépositions une preuve aussi complète
qu’il était p o s s ib le de l’attendre après ce qui avait été produit
avant les interlocutoires.
' i
L es deux enquêtes de la dame Destaing sont composées de
dix-sept témoins entendus a Paris, et dix entendus à Marseille.
Pour ne pas être diffus, en suivant le détail d’un aussi grand,
nombre de dépositions, il faut les rapporter à trois faits prin-,
ripaux : i.° la fête nuptiale ; 2.0 la cérémonie de l ’église:; 3.° la
notoriété du mariage.
M M i les généraux L a grange, Duranteau et B ertran d ;
M M . S a rielo n , secrétaire - général du ministère de la guerre;
1.0
M arcel, directeur-général de l’imprimerie impériale; C lém ent,
négociant; L a rrcy , médecin ; A n n a Obadani, ancien commis
saire de police au C a ir e , ont déposé avoir assisté au repas de
�( *3 )
: noces : les sieurs D u f é s , T u îim g i et M is c k , parens d’Anne
N a z o , le déposent aussi. Ces témoins y ont vu encore M. le
général en chef M enou ( décédé pendant le procès ) , et plusieurs
prêtres grecs. M . D a u re, commissaire des guerres, dit y avoir
été invité , mais que son service le retarda, et qu’il vint après le
dîner. On ajoute que ce fut la fê t e la plus solennelle qu’on eût
vue dans le pays.
2.0 L a célébration ecclésiastique est l’objet de treize déposi
tions. Le général Destaing avait com m uniqué son mariage à
tous les dignitaires de son armée. Il y avait eu des billets d 'in c i
ta tio n ; et M. Sartelon dit même qu’il croit avoir vu l’annonce de
ce mariage dans la gazette du Caire.-MM. Lagrange et Larrey
déclarent avoir reçu une invitation du général Destaing. Leur
service les empêcha d’arriver assez tôt. M. Larrey dit qu’il arriva
lorsqu’on sortait de l ’église, et qu’il s’excusa auprès du général
sur son défaut d’exactitude. D o n M o n a ch is, les s.rs Tak et V id a l
déposent que plusieurs témoins oculaires , qu’ils nomment, leur
ont dit avoir assisté à celte célébration dans l'église Sain lJSicolas. L e sie u r C ha m , a n c i e n interprète de M . le prince de
Keufchûlel, déclare avoir vu les préparatifs de la fête sur la
place A tabel-el-Zargua. Les sieurs O bad an i, commissaire de
police; R o s e tte , bijoutier, étaient présens à la célébration du
m ariage, f a i t e par le patriarche d ’ A le x a n d r ie , dans la même
église. Les sieurs Joseph D u fé s , Joseph T u tu n g i , Ibrahim
T u lu n g i, Sophie M isck et Joseph M isck déposent également
avoir assisté à cette célébration fa ite par le patriarche, avec
les rites observés par les Grecs, le jour des rois de l’église grecque,
ou 17 janvier; ils ajoutent que le colonel N icolas P ap as Oglou
était le parrain.de la mariée, suivant l’usage. L e sieur Barthélem i Serra dit avoir été in v ité à cette cérémonie par le général
Destaing, mais n’avoir pas accepté, parce qu’il ¿lait broutll^
avec la famille Nazo; il ajoute que le général Destaing lui d i t ,
avant son mariage, qu’il serait célébré suivant le rit grec , et
qu ensuite il lui dit que son mariage avait etc ccléoré par le
�( 24 ) '
patriarche g r e c , selon le rit grec; qu’il avait voulu se conformer
à l?usage du pays.
3 .° Quant à la notoriété, il serait oiseux d’énumérer les té
moins qui déposent que le mariage était public au Caire ; il est
plus sûr de dire, sans craindre de se tromper, que tous les té
m oin s, sans exception, attestent que toute la ville du Caire
regardait ce mariage comme légitime ; et pre'cisdment tous ces
militaires français , qu’on a peints comme ne s’occupant des
femmes que pour les déshonorer, sont ceux qui altestent le plus
fortement que personne ne d o u ta it , au Caire et à Varmée , de
la légitim ité de ce mariage.
\
L es héritiers Destaing ont fait de leur côté deux enquêtes ,
l ’une à A u rillac, composée de trois témoins, et l’autre à Mau
riac, de deux témoins.
A A u rilla c , ce sont le sieur Delzons père et la dame Delzons
Sa belle-fille, cousins des héritiers Destaing, et une demoiselle
Françoise Gronier. L e sieur Delzons père, qui n’a rien vu , rap
porte seulement deux conversations : un jour, à Paris , le géné
ral Destaing causant avec sa belle-fille, lui disait que sa femme
pouvait être mariée, mais que lui ne l’était pas; le sieur D e l
zons ajoute qu’il fit cesser ce lle plaisanterie. Un autre jour, a
Paris, le général D e lz o n s , son J ils , lu i dit qu’il y avait eu
dans la maison Nazo une cérémonie religieuse à laquelle il
avait assisté.
L a dame Delzons, née Varsy, déclare n’être arrivée au Caire
que le 3o nivôse an g , et on lui dit que la veille on avait conduit
A nne Nazo chez le général, à l ’enlrée de la nuit, sans cérémonie
ni fêle; qu’il y eut une fête ensuite, mais pour le baptême de son
enfant, et qu’Anne Nazo y occupait la place de maîtresse de la
maison. Elle ajoute que cependant elle a ouï-dire que le jour
qu’ Anne Nazo avait été conduite chez le général Destaing, il y
avait eu une cérémonie religieuse qui avait été fa ite par le
patriarche d ’A le x a n d r ie , à laquelle peu de personnes avaient
assisté.
Jusque
�( 25 )
J u sq u e-là on voit que la dame Delzons se tient en mesure
pour ne dire que le moins possible. Mais le juge l’interroge sur
son opinion particulière, et elle termine par clive qu’elle croit
qu’on regardait au Caire Anne Nazo comme épouse légitim e
du sieur Destaing, et que pour e lle , elle la croyait jem m e du
général D e s ta in g , et lu i rendait les honneurs attachés à ce
titre.
L a demoiselle Gronier, fille, à ce qu’il paraît, fort curieuse, et
qui n’oublie rie n , dépose s’être trouvée à Lyon lorsque le général
Destaingarriva d’Egypte : elledînaavec lui. L ’occasion de parler
de son mariage venait si naturellement, qu’elle ne la laissa pas
échapper. Elle ouvrit donc la conversation, comme c’était tout
simple, et parla de cette belle Grecque qu’il avait épou sée , que
tout le monde le d isa it, que sa famille en était instruite, etc. L e
général, qui avait pei'du en Orient l’habitude de cette loquacité
du sexe , lui répondit seulement : E lle est passée d’un côté et
tnoi de l ’autre. P u i s il se tut sans m is é r ic o r d e . M a i s la d e m o i s e l le
G r o n i e r t i r a , à c e q u ’e lle d i t , p lu s ie u r s c o n j e c l u r e s du mouve
m e n t de ses d o ig ts , quand il indiquait deux côtés opposés; e t ,
ne pouvant plus rien dire sur ce chapitre, elle parla sur d’autres
qu elle juge inutile d’être racontés. Lorsqu’ensuite la dame
Destaing lut \enue a Aurillnc , la demoiselle Gronier (p a r une
prescience du procès actuel), poussa le scrupule jusqu’à demander
a la dame Destaing s 'il y avait des registres de mariage au Caire,
et la dame Destaing lui répondit encore qu’elle croit avoir vu le
prêtre écrire dans un gros livre. E n fin , passant aux ouV-dires, la
demoiselle Gronier a entendu déclarer , par madame D e lz o n s ,
fem m e du gén éral, qu’Anne Nazo avait été mariée , ET que son
mari ( le général D e lz o n s ) y é t a i t p r é s e n t . ( V o i l à l’abrégé
de la déposition de la demoiselle Gronier, que les héritiers Destaing prétendent leur être fort avantageuse ).
Les deux témoins de Mauriac disent fort peu de choses, quoiqu ils fussent dans la maison du général, lors de son mariage.
L ’uu était son palfreuier au Caire ; le cuisinier lui dit qu’oa
7
�( 46 )
avait mené une femme chez le général : et il n’en sait pas
davantage pour ce jour-là. Ensuite il a vu un grand repas où
étaient le général M enou et tout Üétat-major. Cette femme y
était a u s s i , il l’a entendu appeler Madame D estaing.
L ’autre était un militaire travaillant comme menuisier chez le
g é n é r a l . On lui dit aussi qu’on menait une femme, et il courut
p o u r la regarder : mais il ne vit pas sa figu re, parce qu'elle
était voilée; elle était accompagnée par une autre femme ; et il
vit plusieurs esclaves de son escorte, restés dans la cour; alors,
craignant d’être aperçu, il se retira.
Il paraît que ce n’était pas pour ces détails-là. qu’on avait
appelé ces témoins; mais, pour que leur témoignage ne fût pas
tout à fait inutile, les héritiers Destaing leur font demander s’ils
ont vu des mariages en Egypte. Tous deux déposent en avoir
vu un : la mariée était sous un dais, précédée de musiciens
montés sur des chameaux.
V o ilà en total le résultat des enquêtes; et on voit que l’en
quête contraire ne fait que confirmer pleinement l ’enquête
d irecte, loin de la détruire.
Aussi les héritiers D estaing, comprenant fort bien que, sous
ce point de v u e , leur cause devenait insoutenable, ont-ils voulu
tourner tous leurs efforts du côté de l’acte civil du mariage.
E n rendant compte de l’enquête de Paris et de Marseille ,
on n’a Pas dit qu’a chaque déposition les héritiers Destaing
faisaient expliquer les témoins sur la tenue des registres de
l ’état civil en Egypte, quoique cet article fût exclu de la preuve
par l’arrêt de la Cour.
Mais plus cette partie était obscure, et plus les héritiers
Destaing y ont fondé d’espérances. Cependant ils n’ont eu rien
à y gagner dans les enquêtes; car si quelques témoins ont dit
qu’il existait des registres, c’est avec l ’explication très-lum i
neuse de la différence des eglises. Ainsi les héritiers Destaing
n’avaient encore rien éclairci qui ne leur fut contraire.
L e procès des héritiers Faultrier leur a fourni d’autres res-
�( *7 )
sources; ils ont su que cette famille avait fait venir du consul
d ’Egypte des certificats sur la tenue des registres civils, et aussitôt
ils s’en sont procuré une copie légalisée à Metz.
Ces certificals émanent, à ce qu’ils disent, du préfet et du
patriarche des prêtres grecs ca th o liq u es, et du supérieur de la
m ission.
L a dame Destaing, qui n’avait jamais ouï parler au Caire
des personnes dénommées en ces certificats, et qui avait de
grandes raisons d’en suspecter la véracité, n’a eu à consulter
aucune personne plus sure et plus instruite que don R aphaël
Monachis , l’ un des témoins de son enquête , prêtre grec
catholique rom ain, appelé de l’Egypte par Sa Majesté Impériale
pour être professeur de langues orientales à la bibliothèque
impériale.
Don Monachis avait été envoyé d’Egypte à Rome pour faire
ses éludes. Revenu au couvent des Druses, sur le M o n t-L ib a n
(résidence du seul patriarche grec, reconnu par l’église de Rom e),
il reçut la mission d’aller au Caire, remplir les fonctions de curé
catholique, ou premier vicaire du patriarche grec catholique,
jusqu’à ce qu’il en eût obtenu la permission de venir en France.
Ce lettré a parfaitement expliqué aux conseils de la dame
Destaing l’ équivoque que ces certificats pouvaient produire aux
yeux de ceux qui ignorent la différence qui existe entre les
prêtres latins ou catholiques, et les prêtres grecs schismatiques.
L e s prêtres catholiques qui ont reçu de l’instruction tiennent
en Egypte des registres qu’ils signent pour eux seuls, parce que
l’Etat ne les reconnaît p o in t, et encore cet usage est-il récent;
mais les prêtres du schisme grec élevés dans le pays , et n’y
recevant aucune espèce d’instruction, ne tiennent jamais de
registres.
V oilà ce qu’a dit don Monachis dans une attestation notariée,
que les conseils de la dame Destaing ont désiré obtenir de lui
comme garantie d’un simple fait historique, qui eut pu paraître
apocryphe dans la bouche d’une partie intéressée.
3
�( 28 )
C ’est ainsi qu’ il fallait être en garde contre les embûches sans
cesse renaissantes des héritiers Destaing. Enfin ayant épuisé
toutes leurs ressources , il ne leur restait que celle de faire tomber
les enquêtes, et ils ont bien osé conclure devant le tribunal de
.Mauri ac à ce qu’il se désistât de Vinterlocutoire ordonné par
l ’arrêt de la Cour. Ils ont reproché les témoins de Marseille
comme transfuges et incapables de témoignage , et ils ont pré
tendu avoir prouvé qu’il existait des registres de mariage en
E g y p t e , d’où ils ont conclu que la dame Destaing ne pouvait
se dire épouse légitime tant qu’elle ne rapporterait pas l’acte
civil de son mariage. Et enfin ils ont demandé qu’elle res
tituât les objets à elle fournis pendant la tutelle de leur père ,
avec défenses à elle et à sa fille de porter le nom Destaing à
l ’avenir.
Ces derniers efforts de la chicane expirante ont eu le sort qu’ils
méritaient ; et, par un jugement du 14 août 1810, parfaitement
motivé , le tribunal de M au ria c, convaincu de l’ extrême évi
dence des preuves, a reconnu Anne Nazo pour épouse légitime
du général Destaing, et Marie Destaing pour l ’enfant légitime
né de ce mariage.
L a voie de l’appel était encore ouverte aux héritiers D estaing,
et ils ne l’ont pas négligée. Veulent-ils encore se venger de la
vérité par des outrages ? Mais il n’est plus tems de répéter un de
ces romans diffamatoires , dont l ’imagination fait tous les frais ÿ
qu’elle arrange avec art et prestige pour que l’incertitude soit
forcée d’hésiter entre le mensonge et la réalité. Aujourd’hui tout
ce qui s’est passé au Caire est connu ; les faits, les nom s, les
qualités , les usages, sont constans ; la dame Destaing aurait
d me rigoureusement rempli sa tâche , en faisant un détail
e^act de ce qui résulte d’un aussi long procès; mais elle est
forcée de parcourir encore le cercle des objections dans les
quelles les héritiers Destaing ont semblé mettre encore un peu
de confiance.
�( ¿9 )
MOYENS.
Lorsqu’ un étranger se dit malheureux dans une patrie qui
n’est pas la sienne, les esprits durs ou superficiels sont quelque
fois disposés à lui reprocher d’avoir abandonné le sol qui l’a vu
naître; on scrute les causes de son émigration , on les voit rare
ment du meilleur côté, et on se roidit contre ses plaintes. C ’est
ainsi qu’une sorte de prévention nationale repousse l ’étranger
en réclamation jusqu’à ce que l’évidence de ses droits soit en
traînante, et alors l’indifférence même se sent portée à consoler
l ’être malheureux qui a eu tant de peine à laire apercevoir la
vérité.
Mais si cette vérité est si lente, le vulgaire, dans sa curiosité
d’un moment, a-t-il toujours le tems de l ’attendre? Avide de
tout ce qui rompt la monotonie de ses habitudes , l’esprit du
inonde s’empare des événemens extraordinaires pour les juger
avec la promptitude q u i convient à la mobilité de ses sensations.
Si l’art a mis quelque adresse à arranger une calomnie avec des
élémens merveilleux et tant soit peu vraisemblables , malheur à
la victime , car le monde a une prédilection marquée pour ce
qui s’éloigne du cours ordinaire des actions de la vie. Enfin le
tems ramène tout à la conviction et à la justice ; car lui seul est
la puissance capable de dévorer la calomnie et d’éteindre la
curiosité.
Cependant ce bienfait du tems n’est pas toujours un résultat
assuré. Le nuage de la calomnie est quelquefois tellement épais que
l ’opinion ne cherche plus à le percer. Heureusement les m a g i s
trats ne se décident point comme le vulgaire.; fermant les yeux
au prestige qui pourrait les persuader sans les c o n v a i n c r e , dé
daignant les narrations intéressées qui pourraient les séduire, eux
seuls appellent le tems au secours de la vérité, et forcent 1 opi
nion a proclamer qu’elle n’avait été crédule que par lassitude ou
indifférence.
�(
3o
)-
C ’est line grande consolation sans doute pour la dame Des
taing, d’avoir pu prouver son état avec plus de clarté qu’elle
ne pouvait l’ e s p é r e r à un aussi grand éloignement de sa pairie;
mais qu’elles ont été longues ces années de procès ! et qui jamais
la dédommagera de la cruelle anxiélé où une ligue obstinée s’est
plu à la tenir depuis l’an 11 ? L e vaincu , n’en doutons p as, s’ap
plaudira encore intérieurement du mal r é e l qu’il aura fait, alors
même qu’il sera réduit à l’impuissance de l’agraver.
Cependant les hostilités n’ont point cessé encore; l’évidence ne
peut arracher aux héritiers Destaing l’aveu de leur conviction:
ils s’écrient encore qu’il n’y a point eu de mariage; que les en
quêtes doivent être rejetées, et qu’il faut des registres de l’état
c i v i l , parce qu’ils disent avoir constaté leur existence.
Les enquêtes doivent être rejetées! Voilà bien le cri forcé de
la crainte; et pourquoi le seraient-elles, si la Cour les a jugées
nécessaires?
L a loi, disent les héritiers D eslain g, ne s’oppose pas à ce que
le juge s’éloigne de son interlocutoire; cela est vrai, lorsque des
preuves écrites sont venues éclaircir ce qui était d ’abord douteux.
Mais quelle lumière nouvelle ont donc apportée les héritiers Des
taing? quelles preuves inattendues m o n t r e n t - il s d e la fausseté du
mariage que tant de témoins attestent? A u c u n e ; absolument
aucune : la cause est donc dans le même état qu’elle était lorsque
la Cour a ordonné une preuve. Ainsi on ne peut comprendre
quel esprit de vertige les a poussés tout d’un coup à demander
à un tribunal de première instance le rejet d ’ un interlocutoire
o r d o n n é par arrêt de la Cour.
L ’arrêt subsiste, et il est pleinement exécuté: la preuve est
co m p lète. U n e
foule de témoins du premier rang parlent de la
célébration du mariage et des fêtes données pour le rendre
plus solennel : l e s uns étaient témoins oculaires des f ê t e s , les
autres témoins oculdircs de la célébration, d autres étaient in
vités et n’ont pu être présens à tout; d’autres enfin ont seulement
oui'attester la célébration j mais cette attestation leur avait été
�( 3 1 }
'donnée par des personnes présentes qui n’ont pu être appelées
à l’enquête. Ce ne sont point là de ces ouï-dires vagues dont
la source est inconnue , et qui ne méritent aucune confiance :
ajoutons les attestations de M M . les généraux Menou et Dupas,
et de tant d’autres témoignages précieux dont la dame Destaing
a été privée. Comment la passion empêcherait-elle ses adversaires
eux-mêmes de convenir qu’il résulte de cet ensemble un corps
de preuves tellement p a rfa it, que la mauvaise foi peut seule
feindre un doute qu’elle n’a pas?
On ne peut pas dire que ce corps de preuves soit altéré le
moins possible par les enquêtes contraires. Il faut dire plutôt
que ces enquêtes aident à la conviction ; elles indiquent ellesmêmes que le général D elzo n s * était présent à la célébration
du. m ariage, et achèvent de démontrer combien l’opinion, sur la
légitimité de ce m a ria g e, était certaine pour ceux-là même qui,
dans l’arrangement de leurs dépositions, marquaient la volonté
d’être favorables aux h é r itie r s Destaing.
I l s l e c o m p r e n n e n t p a r fa ite m e n t ; m a is ils ose n t a t t a q u e r lin e
e n q u ê t e e n t i è r e , p o u r la fa ir e t o m b e r en m a s s e p a r la p lu s au
dacieuse des tentatives. L ’enquête de Marseille est composée
d ’Egyptiens qui y habitent depuis le retour de l’armée ; et les
héritiers Destaing ont osé dire que ces transfuges étaient in ca
pables de témoignage.
Celte injure irréfléchie pouvait-elle s’adresser à des individus
qui vivent depuis dix ans sur le sol Français, et avec des pen
sions du gouvernement? L ’Empereur a-t-il mis sur leur front
un sceau de réprobation qui les avilisse, lorsqu’au contraire il
leur accorde asile et protection? et celte protection auguste
ne les met-elle pas au pair des autres citoyens ?
Comment ont mérité celte dure qualificaiion des hommes qui
A u j o u r d ’h u i in d iq u é par les héritiers D estain g c o m m e a yan t d ém e n ti
par écrit c e q u ’ il a dit à son père et à sa fem m e .
�( 32 )
I
n’ont été coupables que d’attachement à la France? V ivant
sous un joug de fer en E g y p t e , à cause de la difference de
leur religion, ils avaient dû regarder les Français comme des
libérateurs-, et s’e'taient prononcés pour leur cause. Pouvaient-ils,
au départ de l’armée, se liv re ra la vengeance des Ottomans?
et la France n’acquitte - 1- elle pas une dette sacrée en leur
donnant un asile? Elle ne leur a imposé aucune condition. Ils
étaient Français en Egypte : pourquoi ne le seraient-ils pas en
France? Sont-ils donc des transfuges, ceux q u i, séparés de leurs
familles, et accoutumés par des mœurs simples à l’amour de la
patrie * , pleurent encore l’Egypte où ils n'ont plus l’espoir d’aller
mourir ?
Nos lois sont hospitalières, et on les calomnie. L ’art. i 3 du
Code Nap. dit : quê « l’étranger qui aura été admis par le gou« vernement à établir son domicile eu F iance, y jouira des
« droits civ ils , tant qu’il continuera d’y résider ». O r , suivant
l ’art. 25, on n’est incapable de porter témoignage que lorsqu’on
a été privé de ses droits civils. Une législation aussi claire
devait fermer la bouche aux héritiers .D estaing, et épargner
aux Egyptiens, devenus Français, un reproche brutal, et d’autant
plus inutile à la cause, que l’arrêt de la Cour avait supposé ces
réfugiés capables de témoignage.
Ce n’est pas tout encore pour les héritiers Destaing de récuser
par un moyen général tous les témoins d’une enquête; il en reste
* « L o r s q u e M . M a ille t était consul au C a i r e , les J é s u ite s persuadèrent
a à la cour d e F ra n c e de faire ve n ir à Paris des ctifaus de Coph tes pour
c les é l e v e r a u x collèges de L o u i s - l e - G r a n d . O n d ev ait les instruire dans
k la foi ^ et les r e n v o y e r convertir leur nation s c h é m a ti q u e . A force d ’a r« gent on obtint le consentement de quelques pères extrêm em ent pauvres :
« mais lorsqu’ il fallut se s e p a r e r ,
la tendresse se réveilla dans toute sa
« f o r c e , et ils aim è re n t m ie u x retom b er dans la misère que d ’ acheter un
« état d ’aisance par un sacrifice qui coûtait trop à leur cœ u r». ( S a v a r i ,
sur l’E g y p t e , lettre 1 4 } '
uno
�( 33 )
une autre composée de généraux et d’hommes respectables, qui ,
ayant la confiance du gouvernement, ont contenu les héritiers
Destaing dans leurs apostrophes.
Mais leurs ressources ne sont pas épuisées.
Ne trouvant pas de témoins qui voulussent dire qu’il n’y avait
pas eu de mariage, les héritiers Destaing ont conçu l’idée de se
faire écrire une lettre qui leur racontât de point en point, et àb
o v o , tout ce qui s’était passé au Caire , à Tarente, à L y o n , à
Aurillac et à Paris.
Mais de quel nom se servir pour cette lettre? Ils n’en ont pas
vu de plus convenable que celui du général Delzons, leur cousin,
ancien ami du général D esta in g , qui certainement a tout v u ,
mais qui depuis l’an 10 avait gardé une neutralité dont aucune
des parties ne pouvait le blâmer.
C ’est de lui qu’on produit une lettre de six grandes pages, si peu
d accord avec la loyauté de ce militaire, qu’il est difficile de croire
a sa réalite. Plus on la lit,' et plus on est c o n v a i n c u que c’est une
véritable in j u r e fa ite à c e g é n é r a l , de lu i imputer un écrit p a r e i l .
O n lit d a n s c e tte l e t t r e , d a té e d u 1 7 j a n v i e r 18 09 ( et q u ’on a
signifiée comme pièce du procès ) , que M . Delzons s’accuse
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison du sieur Destaing
p è r e , après la mort du général, pour recevoir les secours hospi
taliers dus au m alheur; mais qu’il est faux qu’il y ait eu aucun
mariage entr’elle et le général Destaing.
Cette lettre atteste qu’il n’y a eu entr’eux qu’«« arrangement
oriental ou un mariage à tems *. L ’auteur s’y rappelle parfaite-
L e s enquêtes p r o u v e D t q ue les m ariages à tem s n ’ o n t lieu q u ’ entre les
m u su lm an s. L e C a d i v e n d une perm ission d e v i v r e p e n d a n t 11» tems d o n n é ,
a v e c la fe m m e q u e l’on a choisie ; la p o lice e x ig e cette fo rm alité : et les
e ngagem ens de c e ge n re sont en parfaite c on cord an ce a v e c la religion do
M a h o m e t , qui ad m e t la pluralité des fe m m e s. « E m p l o y e z vos richesses a
* vous procurer des épouses chastes et vertueuses. D o n n e z la dot prom ise
« suivant la loi. C e t en gagem en t a c c o m p l i , tous les accords q u e vous ferez
* e n s e m b l e , seront licites ». ( K o r a n , ch . 4 , v . 29)*
9
�( 34 )
ment du jo u r et de Vheure où Anne Nazo est entrée chez le g é
néral Destaing, et du jo u r de sa sortie ( au bout de dix ans ).
Puis vient une plaidoierie en forme sur le résultat des ordres du
jour de l ’a r m é e , relativement à la tenue des registres prescrits
aux commissaires des guerres. Tout y est avec ses dates et des
e x e m p l e s . L a lettre est terminée par un démenti formel au cer
tificat du général en chef Menou, pour avoir dit que lui Menoii
avait assisté au mariage, et que tout s'était passé avec la plus
grande régularité , sous les rapports civils et religieux .
Non , un général français n’a point écrit cette lettre; on abuse
de son nom pour tromper la Cour.
Un général français n’a point démenti son chef, qui a donné
un certificat au nom de la vérité et de l'honneur. Il n’eût point
attendu la mort de ce chef, pour faire à ses mânes la plus san
glante des injures.
Non , le général Delzons n’a point écrit qu’il n’y avait eu
qu’un arrangement oriental fait avec l ’accord des parens Nazo,
lorsque vingt-cinq témoins disent le contraire, lorsque M . D el
zons, son p è r e, a déposé que
le gén éral D elzon s
,
son f i l s
,
q u 'il y avait eu une cérém onie relig ieu se ,
A l a q u e l l e i l a v a i t a s s i s t é ; lorsque Françoise Gronier a
déposé que madame D e lzo n s, fem m e du gén éral, lu i avait dit
q u’ jdnne Nazo avait été mariée avec le général D e sta in g , et
LUI
AVAIT
DI T
Q U E SON M A R I Y É T A I T P R É S E N T .
L e général Delzons a encore moins écrit qu’il s’accusait
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison de son beau-père,
à A u rilla c , pour recevoir des secours hospitaliers ; car le gé
néral Delzons est membre du con seil de fa m ille , du 5 messidor
an i o , qui défère à l ’aïeul la tutelle de Maria Destaing, comme
f ille légitim e de son fils.
C ’est dans ce procès-verbal que le général Delzons a dit la
vérité ; là i l cl écrit et signé que le général Destaing a laissé
une f i l l e légitim e provenant de son mariage avec A n n e N azo.
Voilà
seulement ce quç le général Delzons a
di t
en présence
�( 35 )
de la justice et d’une famille entière; et cela est incompatible
avec ce qu’on suppose émané de lui, après dix ans de neutralité
et d’un oubli inévitable des faits , des dates et des détails. L a
lettre qu’on lui attribue n’est donc qu’une injure faite à la loyauté
de ce général, qui la désavouerait, n’en doutons pas, s’il était
instruit qu’on abuse ainsi de son nom.
Mais c’est trop s’arrêter à une pièce qui n’est au procès que
pour attester que les héritiers Destaing emploient toutes sortes
de voies pour calomnier et persuader; comme s’ils s’attendaient
que la C our, après avoir rejeté une masse d’attestations authen
tiques, aura plutôt confiance dans le certificat intéressé, informe
et isolé, fait sous le nom dHin parent qui lui-même avait attesté
légalem ent le contraire de ce qu’on lui fait dire.
Les enquêtes restent donc dans toute leur force, et il serait
superflu de s’y appesantir : leur simple lecture opère une con
viction tellement entraînante , que les commenter serait les
affaiblir.
C’est à ces enquêtes seules que la Cour a réduit toute la cause,
en modifiant l ’interlocutoire ordonné par les premiers juges , qui
avaient exigé de plus la preuve de l’existence ou non existence
des registres de l’état civil au greffe.
Cependant les héritiers Destaing se confient encore dans cette
partie de leurs objections. Ils n’ont pas perdu l’espoir de faire
adopter par la Cour ce qu’eHe a rejeté, et ils veulent astreindre
la dame Destaing à rapporter un acte de mariage tiré des registres
de l’état civil.
C a r, d isent-ils, il existe des registres en Egypte : nous le
prouvons à l’aide des certificats délivrés aux héritiers Faultrier.
D ’ailleurs les ordres du jour de l’armée exigeaient que tous les
actes fussent reçus par les commissaires des guerres, pour être
valables; vous avez dû vous y conformer.
Que sont les ordres du jour de l’an 6 et de l ’an 7? Leur début
( l ’armée est prévenue, etc. ) prouve seul qu’il ne s’agissait pas
d’une loi générale pour l’Egypte. Et comment oser sans ridicule
10
�( 36 )
Supposer que la légitimité des mariages et le sort d’une province
auront été r é g lé s au son du tambour par une proclamation faite
sur une place d’armes, vraisemblablement fort peu fréquentée
des indigènes?
Qu’on ouvre lçs journaux du tems, et ils apprendront que
l ’E m p e r e u r allant vaincre comme César, laissait au vaincu ses
lo is , ses usages et sa croyance ; parlant du Christ aux Grecs , e t
du Dieu de Jacob aux M usulmans, tout, excepté son épée, a
été concorde et tolérance.
Ses successeurs ont suivi son exemple et ses ordres. « N ous
a avons respecté, dirent-ils aux Egyptiens, en se préparant à
« les* quitter, vos mœurs, vos l o i s } vos u s a g e s . . . . » Et le
Divan du Caire a remercié officiellement le premier C o n s u l, en
l’an 9, de ce respect pour les mœurs de l’Egypte , en lui expri
mant , avec l’élévation orientale, une juste reconnaissance.
Des ordres du jour n’ont donc pas été une loi générale, faite
pour changer les habitudes de l’Egypte sur la forme des ma
riages. C ’e st, au reste, ce qu’a expressément jugé l’arrêt de cas
sation des héritiers Faultrier , et ce qu’avait déjà préjugé la Cour
en n’exigeant de la dame Destaing que la preuve de son mariage
suivant les formes de son pays.
Que sont encore ces certificats égyptiens présentés par les hé
ritiers Faulli’ier, et que les héritiers Destaing s’approprient? II
suffirait de leur répondre que ces copies sont dans le procès actuel
une pièce étrangère, et que n’étant pas prises sur l’original, dans
les formes légales, elles ne peuvent faire aucune foi en justice,
suivant l’article i 336 du Code Napoléon.
O u ’a de commun le procès de la Géorgienne Néphis (achetée
comme esclave par le général Faultrier, présentée, à la vérité,
à Metz , comme son épouse , mais méconnue aussitôt qu’il fut
m ort), avec le procès d’Anne Nazo, appelée en France par son
époux, reçu e, accueillie par sa famille, après sa mort, et ayant
eu une possession d’état légale et publique, consignée dans les
registres judiciaires et dans ceux de la maison impériale ?
�( 37 )
Mais admettons ces certificats comme sincères et authentiques,
tout prouve que ceux qui ont cherché à se les procurer n’ont
voulu que surprendre la justice par une équivoque.
On sait que toutes les religions sont tolérées dans les états du
Grand- Seigneur, quoique l’islamisme y soit la religion domi
nante. On sait encore que Mahomet I I , vainqueur de Constan
tinople, jura de respecter le christianisme; et ses successeurs
ont gardé son serment.
A la vérité, un serment de fidélité et un tribut fort onéreux
sont exigés des évêques et des patriarches ; à cela près rien ne
s’oppose à ce que les prêtres latins, grecs et arméniens, exercent
leur culte publiquement dans les états du Grand-Seigneur ; et
les minarets seuls y distinguent les mosquées des églises chré
tiennes.
L ’Egypte, l’un des berceaux du christianisme , l’un des pre
miers asiles des fidèles persécutés, n’avait point échappé au
schisme des Grecs , et tou te to lé r a n c e cessa q u a n d ce tte secte
se sentit assez fo rte p o u r d i s p u t e r d e d o m i n a t i o n ; l ’é g lis e la tin e
f u t lo n g - te m s p r o s c r ite p a r les Grecs , mais sans perdre jamais
l ’espoir de ramener ses enfans égarés à l ’unité religieuse. D e
tout tems la cour de Rome a entretenu dans ces déserts de la
Thebaide, si grands eu souvenirs, des prêtres catholiques q ui,
semblables aux persecutes de toutes les révolutions religieuses,
conservaient le feu sacré de la foi pour des tems plus prospères.
C ’est ainsi que sur la montagne des Druses, dans la chaîne du
Mont-Liban , de pieux ecclésiastiques, soumis à tous les dogmes
l’église rom aine, et sous son obédience, se répandent dans
les villes de l ’Egypte, soit sous le titre de missionnaires, soit
sous le titre de curés, ou tout autre caractère qui leur est donne
par leur chef.
Ce chef est c o n n u p a r m i e u x sous le nom de Patriarche
d A l e x a n d r i e , non pas celui q u i , prêtant s e r i n e n t de fidélité au
G r a n d - S e i g n e u r , se r e g a r d e c o m m e i ndé pe ndan t xle R o m e , et
�(38 )
ch ef suprême de l ’Eglise d’O r ie n t, mais un patriarche dépen
dant du P a p e, et vivant dans l’unité de l ’église catholique.
M aintenant, il faut rappeler que la dame Destaing n’est pas
liée dans la religion grecque la tin e , mais dans celle connue en
France s o u s le nom de schism atiquegrecque. L e patriarche grec
et les prêtres ou papas, exerçant le culte public grec au Caire,
sont donc les seuls qui eussent pu donner des attestations dignes
de foi sur le rit de leur église.
Mais ce n’est pas d’eux q u ’on rapporte des certificats ; il paraît
que les héritiers Faultrier en ont demandé aux p rê tre s latins. Cela
était indifférent dans leur cause ; car l’arrêt de Metz , du z 5 fé
vrier 1808, confirmé par la Cour de cassation, exigeait seule
ment un acte de notoriété des prêtres de la religion chrétienne
grecque ou romaine , établis à Gizé. Et en effet, on 11e voit pas
si Néphis David a prétendu avoir été mariée à Gizé par un
prêtre du schisme grec. Peut-être aussi a-t-elle de son côté rap
porté un acte de notoriété de l ’église schism atique grecque,
pour satisfaire à l’arrêt de Metz. Mais on ignore pleinement les
détails de son procès et le genre de sa défense.
Quoi qu’il en soit, les héritiers Destaing se sont emparés des
certificats donnés aux héritiers Faultrier. Voyons maintenant
ce qu’ils disent. L e premier est ainsi conçu :
« Je soussigné, Préfet des prêtres grecs catholiques , en
a Egypte, déclare que tous les mariages qui sont célébrés, soit
« par m o i, soit par les prêtres grecs catholiques qui sont sous
« ma dépendance, sont inscrits sur un registre, etc., écrit par
« le père Constantin H a d a d , vicaire de Son Em inence le
« Patriarche grec en E gypte. A u Caire, le 7 du mois echbat
0 ( 7 février 1809 ).
L e suivant atteste qu il n a pas trouve dans les archives de
son église le mariage du general Faultrier. Il est signé : Benedictus de M edici n a , m issionnaire apostolique , curé et vicaire
supérieur de la m ission d'E gypte. A u Caire, le 20 février 1809.
�( 39 ^
Ces deux certificats sont de la main même de ces eccle'siasliques. L e premier est en arabe, et le second en latin : ils sont
traduits par un interprète du Consul de France.
L e troisième n’a aucune signature, ni même le nom du certificateur. Il consiste à dire qu’aucun prêtre de notre dépendance
ne peut célébrer de mariage entre des personnes de différentes
religions. Il ajoute que si le mariage est fait entre des personnes
(le la même religion, il faut la permission du patriarche, et on
l ’inscrit sur un registre.
L ’original de cette pièce est en italien ( ce qui est fort éton
nant ). L a copie produite par les héritiers Destaing commence
ainsi : « I l y a en tête une lig n e de caractères m ajuscules en
« arabe ou cophte ». A la fin du certificat, on dit : « Suivent
« des signatures en caractères étrangers ». Puis le Consul fran
çais ajoute que ces signatures sont celles du patriarche grec et
du prêtre à qui les registres sont confiés.
S ’il f a lla i t m e ttr e p l u s d ’i m p o r t a n c e à ce d e r n ie r c e r t i f i c a t , o n
Se d e m a n d e r a i t p o u r q u o i les p r e m i e r s 6ont d o n n é s au. C a ir e ,
l e . . . . . . et c e lu i- c i en E g y p t e , l e ...........? P o u r q u o i c e lu i - c i est
fait e n ita lie n , dans une langue que les signataires n’enten
daient pas ? Et pourquoi enfin le secrétaire interprète du Con
sulat , qui a fort bien traduit de l ’arabe le certificat du pèrp
Constantin Hadad, n’a pas su dire la valeur des mots composant
les signatures et l’intitulé du troisième acte, et n’a pas même
compris si tout cela était arabe ou cophte?
Quelle foi ajouter à un certificat où celui qui écrit la pensée
d’un autre ne parle pas la même langue que le signataire, et où
le traducteur se contente de dire que les signatures sont en ca
ractères étrangers?
Il fallait qu’on demandât aussi à ces prêtres latins si les re
gistres qu’ils tiennent sont des actes de l’état c i v i l , dans une
contrée régie par les lois turques; ils a u r a ie n t répondu que de
pauvres prêtres, soutenus par leur zèle, au miliçu de la bar-
i
�C
4
0
)
<
Jxirïe et des obstacles, n’aspirent qu’à la propagation de la fo i,
et tiennent de simples notes pour reconnaître le petit nombre de
prosélytes que l’Eglise'de Rome a conservés dans celle terre de
persécution *.
Mais , dans cet entassement de bizarreries , il ne faut pas s’oc
cuper des détails et des objections sans nombre qui s’élèveraient
contre la forme de ces actes ; il suffit de reconnaître qli’ils ne sont
pas émanés des prêtres de la religion de la dame Destaing, et
alors on n’a pas pu les lui opposer.
Les prêtres de sa religion n’ont donné aucun certificat. Com
ment le pourraient-ils? Il est constant qu’ils ne tiennent aucun
registre ; leur éducation ne se fait pas en Europe; on les instruit
des dogmes de leur foi ; le patriarche, les ordonne prêtres ou
papas, sans exiger d’eux d’autre instruction; à peine quelques-
*
L e s missionaires de R o m e n’ ont jam ais cessé clans ces parties du m onde
d e s’ e m p lo y e r à faire des p r o s é ly te s ; en c o n s é q u e n c e , ils ont fondé a v e c
b ea u co u p d e peine et à grands f r a i s , parm i ces s e c te s , des sociétés qui ont
reconnu la doctrine et la juridiction du P a p e . O n sail q ue p arm i les G r e c s
qui v iv en t sous l ’ e m p ire T u r c , plusieurs ont em b ra ssé la foi et la discipline
d e l’ église l a t i n e , et sont g o u ve rn és par des prêtres et é v ê q u e s de leur
n a t i o n , mais confirm és par le pape. Il y a à R o m e un c o llè g e e x p r è s , fondé
dans la v u e de faire des conversions parm i les G r e c s , et d ’ajo uter de n o u
v e a u x sujets à l’ église rom ain e. O n y é lè v e u n certain n om bre d ’ étudians
G r e c s . ( H i s t o i r e de l ’E g l i s e , par M o s l i e i m , to m e
5 , page
27 2 .)
R i e n ne caractérise plus la religion des G recs q u e leur aversion in v in c ib le
pour l’ église de R o m e , qui a fait éc h o u e r jusqu’ à présent toutes les ten
ta tives d u s a i n t - s i è g e et d e ses n o m b r e u x m issio n n a ire s, pour les r é u n ir
a u x L atin s. Il est vrai q ue les docteurs rom ains ont fon d é quelquas églises
dans l’ A r c h i p e l : mais ces églises sont p au vres et peu c o n s id é ra b le s; et les
G r e c s ou les T u r c s , leurs m aîtrès', ne v e u len t pas permettre aux m ission
naires de R o m e do s ’ étend re davantage, { l b i d . page 260.)
E t a t d e L 'E g lise G r e c q u e , p a r C ow cL , tom e 1 . '* , p a g e 112 5 .
L ettres E d ifia n te s , Lo m e 1 0 , p a g e 328.
uns
�s
( 4i )
uns savent écrire, suivant le te'moignage de tous les voyageurs *.
Il n’y a de lettrés parmi eux que les prêtres latins, qui n’ont
qu’ une portion très-exiguë du peuple attachée à leur croyance,
et q u i , perpétuellement poursuivis par la haine des G re c s , et
osant à peine faire des prosélytes **, ne se soutiennent que par
leur zèle et par la pitié des Francs, mais sont à peine connus pour
prêtres par les E gyptiens, parmi lesquels ils vivent.
Mais il est impossible de mieux expliquer cette partie de la
cause , que ne l’a fait don Monachis dans son attestalion , qui
perdrait beaucoup d’être simplemont extraite, et qui ne peut
que jeter le plus grand jour sur la-seule objection dans laquelle
les héritiers Destaing semblent placer leur dernière confiance.
« Par-devant M .e Massé et son confrère, notaires impériaux
.« a Paris, soussignés, est comparu Don Raphaël de Monachis,
. « ancien premier curé grec catholique romain au grand C aire,
« en Egypte, o u p rem ier v ica ire de so n é m in e n ce le p a tr ia r ch e
« g r e c c a th o liq u e r o m a i n , résidant aucouventr de St.-Sauveur
* « Q u e v o y a it-o n dans cette terre natale des sciences et des arts? T o u t
c e qu’ on voit c h e z presque tous les peuples esclaves : un c le rg é superstitieux
et ig n o r a n t, etc. ( C o r a y . M é n j . sur L’ éta t d e la c iv ilis a tio n d es G recs). ,
,« Par-tout d o m in e en core un c lergé ignorant,
. L e cou ve n t de N e a m o n i
n ourrit plus de 450 m o i n e s , dont 4 ou 5 disent la messe ; pas un seul ne sait
l ’ ancien g r e c , et une dou zaine au plus savent lire et écrire le grec moderne..»
A u c o u ve n t de M egaspision , leur ignorance surpasse e n c o r e , s’il est p o s s i b l e ,
c e lle des m oin es de N e a m o n i . J e doute q u ’il s’ en trouvât 4 ou
5
( s u r 3o o ) ,
sachant lire et écrire ». ( B a r t h o l d i , V o y a g e e n G r è c e , en i 8o 3 , t. 2 ) .
"** « L e c le rg é grec 11e cesse d’ exciter le p e u p le 1 à l à ' h a î n e des autres reli
g i o n s , et sur-tout de la catholique r o m a i n e . . i . . L a liaîne des G r e c s et des
R o m a i n s est si forte dans plusieurs î l e s , q ue tous m o y e n s leur sont bons pour
se nuire. M . de P a w est très-fondé à a v a n c e r q ue le pie in ier usage , q u e
le s G recs ne m anqueraient pas de faire de leur l i b e r t é , serait d a llu m e r u n e
g u e r r e d e r e l i g i o n ..........I l est in te rd it a u x IV o m a in s d e f aire d e s p r o s é l y t e s ”
parm i les G r e c s , au lieu q u e c e u x - c i pe u ve n t en faire p arm i les Llomaius»
( Ib id . tom. a. )
(>'
i
II
�( 4 0
a sur la montagne des D ruses, dans le M o n t-L ib a n , ancien
« membre du Divan et de l ’institut d’Egypte , actuellement
« professeur de langues orientales à la bibliothèque im périale,
« à P a r i s , y demeurant, rue du Chantre, n.° 24 ,
« L e q u e l, sur l’invitation de madame Nazo, veuve du général
« Destaing, et après avoir pris lecture de la copie de trois cei*« tificats qui paraissent avoir été délivrés au Caire par des prêtres
« grecs catholiques romains, les 7 , io et 20 février 1809, con« cernant le mariage du général Faultrier avec une Géorgienne,
« et pour faire .cesser les doutes et les erreurs qui pourraient
« résulter desdits certificats,
« A fait l ’exposé des faits suivans :
r
« Avant le concile de Florence, les églises orientales étaient
« réunies par la foi, et soumises à l’église de Rom e, dite église
« occidentale. Mais après le concile, les deux églises orientale
« et occidentale furent divisées , faute de se trouver d’accord
« sur cinq dogmes de la foi, dont l’un était de reconnaître le
« Pape comme chef suprême de toute l’église chrétienne ; en
« conséquence, les quatre patriarches de Constantinople, d An« tioche, d’Alexandrie et de J é r u s a l e m se séparèrent du saint«c siège de Rome qui les considéra et les considère encore
« comme schismatiques. De cette nouvelle secte s’en sont formées
«''d’autres, telles que les hérétiques, mais qui sont demeurés
« en plus petit nombre que les schismatiques.
« Depuis environ 120 ans, lin archevêque de D am as, grec
« schismatique, ramené à la foi par un Jésuite, renonça au
« schisme, et rentra dans la religion grecque catholique romaine;
a mais ne pouvant pas rester a Damas, a cause des persécutions
« des grecs schismatiques , il se retira sur la montagne des
« Druses, dans le M o n t- L ib a n , avec une suite de quelques
« prêtres de la même opinion que lui. Ils s’y établirent sous la
« protection des Français qui se trouvaient en grand nombre
& dans les villes d e T y r et de Sidon. Alors le Pape Innocent X I ,
« sur la demande des peuples qui avaient embrassé la foi, le
�a
«
rc
et
( 43 )
nomma patriarche par intérim ( c ’est-à-dire, jusqu’à ce que
quatre sièges d ’ Orient, ou l ’un d’eu x, fussent revenus à la
fo i) , de tous les Grecs catholiques romains qui se trouvaient
répandus en Orient dans les pays occupés par les Grecs
et schismatiques.
« Depuis cette époque, le patriarche de tous les Grecs catho« ligues romains a résidé et réside encore au couvent Saint« S a u v eu r, sur la montagne des Druses.
« L e déclarant, au sortir des collèges de R o m e , ou il a fait
« ses études, fut envoyé au couvent de Saint - Sauveur , pour y
« être ordonné prêtre par le patriarche de son rit. Après y etre
« resté quelque tems, il fut envoyé dans la ville du g r a n d Caire,
« par son éminence le patriarche ¿ûgapius M atac, qui existait
« alors, et qui vraisemblablement existe encore aujourd’hui,
« pour y remplir les fonctions de premier c u r é , ou premier
« vicaire du patriarche, en Egypte.
« A v a n t so n d é p a r t ,
¡1 r e ç u t
l ’o r d r e d u p a t r i a r c h e d e se c o n -
«t f o r m e r à l ’ u s a g e d es E u r o p é e n s , en ten a n t des re g is tr e s pour
te constater les naissances, mariages et décès; en conséquence
« de ces ordres, le déclarant fut le premier qui commença ces
« registres en E g y p te , pour constater l ’état des Grecs catholiques,
« et les lit tenir par les cinq prêtres grecs catholiques, sous ses
« ordres, qui sont les seuls qui existent au Caire pour le rit
« grec catholique romain.
« Les actes étaient de sim ples notes signées du curé , et
« jamais par les parties.
« L e déclarant exerça les fondions d e premier vicaire j u s q u ’à
« son départ de l ’Egypte pour là France, où il fut a p p e l é par
« le premier C onsu l, par l’intermédiaire du général Sébastiani,
« et d’où il n’est parti qu’avec permission d e son patriarche.
« Après son départ, il fut remplacé par le père Jean N asseré;
a et celui-ci , depuis décédé, a été remplacé par Constantin
« Ila d a d , qui exerce encore aujourd'hui les fônôtions de pre« mier curé de l’E g y p te , ou premier vicaire de son éminence
12,
�( 44 )
a le patriarche grec catholique , re'sidant à la montagne des
« Druses; lequel Constantin Hadad a délivré les certificats ci« dessus m e n t i o n n é s .
« En conséquence, Don Raphaël déclare que Constantin
« Hadad, son successeur, n’a déclaré que la vérité, en certifiant
« qu’il est tenu des registres de l’état c iv il, au Caire, parles
« prêtres grecs catholiques , sous ses ordres : mais qu’il faut
« bien distinguer de ceux-ci, qui sont en petit nombre, les grecs
« schématiques, qui sont bien plus nombreux, et dans la re« ligion desquels la dame Destaing a été mariée par le patriarche
« qui réside à Alexandrie.
«
«
«
«
«
« Qu’à l’égard des Grecs schématiques et de toutes les autres
sectes qui sont sorties de celle-là, ils n'ont ja m a is tenu de registres de naissances , mariages et décès , en E gypte ; et que
la raison s’en tire naturellement de leur défaut d’instruction ,
qui ne se trouve pas chez les Grecs catholiques , dont les
prêtres, en partie, font leurs études à Rome.
o Laquelle déclaration mondit Don Raphaël de Monachis a
« affirmée sincère et véritable, pour servir et valoir ce que de
« raison
.
• * ,C.I:
« Fait et passé à Paris, etc., etc.».
' 1-. |
r.
0
Il est donc prouvé, jusqu’à l’évidence, que la validité des
mariages des Grecs, en E gypte, ne dépend pas de leur inscrip
tion sur un registre c iv il, parce que ces registres n’existent pas
en Egypte comme en Europe : aucun voyageur ne dit que cette
f o r m a l i t é y ait lieu ; au contraire , M. le sénateur comte de
V o ln e y , dans rouvrage^qui lui a fait une si grande réputation
littéraire, et qui sera le modèle perpétuel des voyages, atteste
la répugnance des Turcs pour les dénombremens de population
dans les étals de leur obéissance .
■.
. \W
T i ' - ' f SI
-iUV). J ’ . : ■
■«
* On jTuit .souvent des, questions sur la population du Caire» S i l ’ on v e u t
en croire lo douanier A n t o i n e
.ri
:,i
F a r a o u n , cité par le b aron d e T o t t , elle
.
7
�( 45 5
. A quoi tient donc cette obstination des héritiers Destaing, à
ne vouloir reconnaître la dame Destaing comme mariée , que
si elle rapporte une preuve écrite et légale de son mariage ?
Que d ’exclamations on eût faites, sielle se fut présentée avec un
acte de mariage pour elle, et un acte de naissance pour sa fille.
X o y e z , eût-on dit, cette Grecque artificieuse, qui, pour s’intro
duire dans une famille étrangère, a pris la précaution insolite de
se munir de pièces impossibles à vérifier, et qu’elle a évidemment
fabriquées en Afrique ou au milieu de l’Archipel !
E h bien! la dame Destaing n’avait ni médité des artifices ni
prévu les machinations insidieuses , desquelles elle aurait à se
défendre. Partie du Caire par ordre de son ép o u x, changeant de
patrie pour suivre sa destinée, c’est pour lui seul qu’elle avait
souffert, c’esf de lui qu’elle attendait des consolations. Son époux,
ts3lfiUe,j étaient,,pouç çlle se^ p éiift^ et N
son avenir. ; ayait-ellp
donc des preuyps à chercher .pour.des êtres qu’elle ne connais
sait pas ?, :-.t! ?ij;, ;; |y
onû
. ■
>■
■■
!La dame Destaing a toujours été si rassurée sur,son état et
c e lu i.d e sa f i l i a l qu’elle n’avait pas même fait des démarches
le:i>9ptêmeJdqilsa!fille avait été
j^onstafe^, et i l y ayçit .d’autant plus lieu de le croire ainsi, que
^!llî?P^Fnne devait avoir un clergé grec plus éqlairé que
'celui de l’Egyptç,
'
Mais ,les recherches de.ses ennemis allaient faire pour elle des
tentatives dont le but uniforme était toujours de lui opposer une
I■
,
/
■
*
'
”
a pproche d e 700,000 â m e s , y com pris B o u l â q , faubourg et port détaché
de la v ille : m ais tous les calculs de p o p u la tio n , en T u r q u i e , s ° nt arb i traites', p a rce q u ’ o n n ’ y tie n t p o in t d e registres d e n a is s a n c e s , d e
m orts o u d e m a riag es. L e s M u s u lm a n s ont m ô m e des préjugés supersti
tieux co n tre
les d é n o m b re m e n s. L e s seuls chrétiens pourraient ê l r e r e c e n s é s
au m o y e n des billets de leur capitation. ( V o y a g e en EgyptQ et e n S y rie f
par
M . de V o l n e y , 4.» é d i t i o n , 1 8 0 7 , to m e i . ,r p>
2 o 3 »)
�( 46 )
tenue des registres avec laquelle on croyait la confondre, si le
baptême de sa fille ne s’y trouvait pas.
P e n d a n t q u e les députés des îles ioniennes étaient à Paris,
m a d a m e Destaing reçut l’acte qui suit : °
«
«
«
«
« Du douze novembre dix-huit cent s e p t, à A r g o s to li, île
de Céphalonie, sont comparus, par-devant nous notaire soussigné, le révérendissime papas, M. A n d réM azarachi d ’An~
zolo , desservant de l ’église solitaire de Saint-Constantin , qui
est dans le voisinage et sur la rive dépendante des villages
« d'A d ilin a ta et à'A rg a ta , situés dans l ’île de Céphalonie, et
« M . Jea n L a vran ga, lequel prêtre sus-nommé a baptisé , en
« Vannée dix-huit cent deux , au mois de ja n v ie r , ne se sou« venant pas en quel p u r du mois, un enfant du sexe féminin,
« f il l e de madame A n n e N a z o et du gêrt érdl D estaing , laquelle’ ,
"« suivant la déclamation faite j1à lüi prêtre comprirent, par les bifs« nommés, étaitnéede légitime m ariage,eta été nommée M arié,
« et elle a été tenue sur les fonds de baptême par M . Jean
« Lavranga et le capitaine Sifli, Fanchiote/lequel ne se trouve
« pas présentement dans cetté île ; Te 'présent' sera
« ' serinent par les susdits prêtre et sienr L a vfa n gd ; ilsTdéciâl*èiît
« ien outre que, dans cette église, située dans ce liéu solitàîrfe’ ,
« on ne tient point de registres baptistaires ni rnorthairès^ÎJa
« présente est donnée pour rendre témoignage à la vérité ; fer les
« comparans se ressouviennent parfaitement d’avoir administré
« le.sacrement .s u s d itc e .q u ,j ls.ailirment .cotnme..téraoius.
« Signé A n d ré M azarachi, prêtre, j ’aflirme avec serment;
« Jean Lavranga, jaiïinne avec serment; Jean Chusi, témoin;
« Spire Cacuralo , témoin ; Jüimitri Caruso , notaire. A la
« suite du présent original est une traduction italienne, signée
« Dimitri Caruso, notairé; et une légalisation en même langue,
. m-dont la traduction suit :
«
E
m p ir e
F
r a n ç a i s
.
— Son Excellence Sàvib A n n in o ,
�( 47 )
«
«
«
«
«
administrateur du gouvernement de Céphalonie, certifie que
le susdit M. Garuso, notaire public, est tel qu’il se qualifie,
et que l’on peut avoir pleine et entière foi à ses signatures.
Donné en l’administration de Géplialonie, le dix-neuf novembre
mil huit cent sept. Signé Savio A n n in o , administrateur ; et
« Jean-Baptiste Tipaldo P retlen d a v i, chef de bureau »,
Cet acte fut présenté à ’ M. Marino M atu ra, principal député
des îles ioniennes, q u i , au grand étonnement de Madame
D e sta in g , lui apprit que c’était lui-même qui avait fait rédiger
cet acte de baptême, à la demande de l’un des aides-de - camp
de M . le maréchal M a rm o n t, qui le réclamait de la part de
M . /e général D elzo n s (em ployé en Dalmatie). •
L à famille D estaing, qui faisait rechercher ce fait aussi lo in ,
n’en a plus fait usage lorsque le renseignement a été contraire à
ses prétentions.
.
E t p e u t - ê t r e l ’h o n n Ê le e c c lé s ia s tiq u e , i n f o r m é p a r ces re
c h e r c h e s des v ’e x a tio n s s u sc ité e s à u n e m a l h e u r e u s e é t r a n g è r e , se
sera fait un devoir de charité chrétienne de lui envoyer cet acte,
de^son propre mouvement, pour rendre hommage à la vérité.
L e tribunal de la S;eine a ordonné, par jugement du 5 juillet
1809, que cet actejserait. transcrit dans les registres de l ’état civil
de Paris, pour servir d’acte de naissance à Maria Destaing.
C ’est ainsi que ce qui était sollicité pour nuire à la dame
Destaing n’a été utile qu’à elle.
Mais continuons la réfutation des objections que continuent de
lui faire les héritiers Destaing.
Il est impossible, disent-ils, de croire au mariage d’un général
français qui n’a pas été célébré de la même m a n i è r e que ceux
de ses frères d’armes. O r , les mariages des g é n é r a u x D e lzo n s,
L a n tin , Menou et Bonne-Carrère ont été r e ç u s par des com
missaires des guerres. Telle était donc la forme, et pourquoi
Anne Nazo ne l’a -t-e lle pas suivie? pourquoi, au moins, n’y
�( 48 )
a-t-il pas été accompagné des !fêtes d’usage», dans les rues du
C aire?
'
Les généraux Delzons, Lantin et Bonne-Carrère épousaient
les demoiselles V a rs y , filles d’un ancien négociant français,
établi à R o se tte , ville presque européenne à cause de son com
merce. L a , certainement, un catholique, mariant ses trois filles
avec des Français, devait se soumettre aux lois françaises, et ne
devait aller chercher ni le C a d i , ni les prêtres d’une autre re
ligion. Aussi ne dit-on pas un mot de la cérémonie religieuse
de ces trois mariages qui a dû être faite par un prêtre catholique,
ou régularisé en France au retour de la famille'Varsy*
L e général Menou épousais urie musulmane : son mariage
a dû être fait devant le Cadi. Son épouse dut être promenée dans
les rues sous un dais, entourée de ses parens et de ses esclaves,
au son des instrumens. Car tel est l’usage à l’égard des mariages
musulmans *, qui, dans la religion dominante, ont seuls le pri
vilège de l’éclat et de la publicité. 3 J-jriii' ,['! s
- i:jtî
Mais Anne N a zo , de religion grecque, mariée à 'un Européen,
de religion latine ou romaine, n’avait pas le droit d’emrendre
la cérémonie publique , ni par des fêtes religieuses’', ni par
aucune inscription dans des registres, ni par urie promenade
dans les rues, sous un dais, comme les1Musulmahs. .
, poiir
C ’etait bien assez que sa famille eût vaincu à cef ^égard les
préjugés de sa nation, en la donnant à un Européen, a un càtho• -l
*
-
• .(.
'
« C ’est ordinairem ent le soir que la m a rch e c o m m e n c e : des baladins
la p r é c è d e n t; d e n o m b r e u x esclaves étalent a u x y e u x du peuple les e f fe ts ,
les b ijo u x destinés à l’ usage de la m ariée ; des troupes de danseurs s’ a vancen t
en c ad e n c e au son des instrum ens ; la jeu n e épouse paraît sous un dais
porté par quatre e s c l a v e s ; un v o ile la c o u v r e entièrem ent ; une lon gue
suite d e
flam b ea u x éclaire le cortège ; de tems en tems des chœ urs de
T u r c s chantent des couplets à la lou ange des n ou veaux ép ou x ». ( S a v a r i ,
tom e
3,
lettre 3 ) .
lique
�( 49 )
lique romain, à un militaire * ; la famille Nazo avait au moins
dicté la loi sur le point principal, en exigeant que la célébration
fût faite avec les cérémonies du rit grec.
On demande ensuite à la dame Destaing pourquoi son mariage
a été fait sans contrat. Mais en France même il n’est nécessaire
que quand il y a des intérêts à régler. E n fallait-il plutôt en
Egypte où le Koran est le Gode universel et supplée à tout. L e
général Destaing allait s’allier à une famille opulente. Qu’avait-il
en échange à offrir? Sa fortune dépendait de son épée. Ses revenus
étaient fondés sur la loi du plus fort. Dans un pays où l’industrie
et le commerce sont tout, des chances aussi frêles ne présentaient
à la famille Nazo rien que de fort aléatoire.
On se plaît à représenter les Nazo comme une famille sans
fortune et sans considération, et Joanni Nazo comme un aven
turier de la lie du peuple. Sur tout cela les héritiers Destaing
ont beau jeu de mentir, maintenant que le plus liquide de la
fortune Nazo est dans leurs mains. Mais les témoins ne donnent
pas d ’e u x l’idée qu’on veut en suggérer. O n voit dans les enquêtes
que Joanni N azo, à l’occasion de son mariage avec Sophie Misck ,
dépensa 5 o,ooo écus.
On se plaît encore à jeter du ridicule sur ce que la mère d’Anne
Nazo répudia Barthélemi pour épouser Joanni Nazo ; et là-dessus
on se récrie sur de telles m œ urs, comme si une famille africaine
avait dû prévoir qu’il faudrait rougir de ce qui est toléré dans sa
nation, et s’en justifier un jour aux yeux des sieurs et demoiselle
Destaing, d’Aurillac.
Si la prétention des Européens est de blâmer ce qu’ils blâment,
et de louer ce qu’ils louent, il faut qu’ils donnent le droit de re
présailles aux nations étrangères, et ils auraient beaucoup à y
perdre. En Egypte , le lien du mariage est plus s a c r é qu’en
« L e s p a r e n s ( G r e c s ) n e fo n t a u c u n e d if f ic u lt é d ’a c c o r d e r l e u r fille a
« un T u r c , p o u r v u q« ’ il soit r i c h e et p u i s s a n t , ta n d is q u ’ ils r e f u s e n t o p i« n i a t r é m e i i t d e l ’ a c c o r d e r à u n c a t h o l i q u e . ( U a r t h o l d i j t o in e 2 . )
i3
�( 5o )
F ra n ce , tant qu’il dure; mais il n’est pas indissoluble. Si la reli
gion se prête à des injustices, ce sont ses ministres qu’il faut en
accuser *, mais non les époux mécontens, qui n’ont agi que sous
leur direction.
B a r t h é l é m y était catholique; Sophie Misck était grecque, et
les prêtres de son culte prononçaient anathême contre un lien
qu’ils n’approuvaient pas.
'
C ’était pour eux un'acte religieux que la rupture de ce mariage,
pour en contracter un second plus orthodoxe : la religion grecque
le ve u t, et le gouvernement le tolère.
A u reste, que Sophie Misck ait été ou non l’ épouse de Barthé
lém y , on ne voit pas comment Anne Nazo en serait plus ou moins
l’épouse du général Destaing.
,
r
Enfin on porte le dernier coup à la dame Destaing; et déses
pérant de liii ôter le nom d’épouse, on veut du moins en em
poisonner les souvenirs, et tâcher d’teñ'acer dans son cœur le
respect qu’elle doit aux mânes de son époux.) Ce n’est plus une
lettre étrangère qu’on lui oppose, ce sont deux lettres de son
époux lui-même, écrites à son père, q u i, dit-on, fournissent la
preuve qu’il n’y a pas eu de m ariage, et qu’il l’a désavoué.
L ’une est écrite du Caire; et le général parle d’un arran
gement oriental avec une jeune grecque qui fait les honneurs
de sa maison.
L ’autre est datée de Paris. L e général marque à son père qu’il
n’a pas dû plus croire à la lettre de Latapie qiCà la sienne **;
*
« L e clerg é ( g r e c ) ne cesse d’ exciter le peuple à la haîne des autres r e li
g i o n s , et sur-tout de la cath oliqu e r o m a i n e , en accordant très-libéralem ent
des absolutions à c e u x qui ont trom pé les m em b re s de celle r e l i g i o n , ou qui
proposent de le fa ire» ( B a r t h o l d y , t. a ) .
s e
** L e s héritiers D estain g avaient im p r im é p lu tô t au lieu de p l u s , parce
que cela c h a n g e a i t le sens. I l en résultait que le généra l avait v o u lu que
son père crût à' sci le ttr e , tandis qu’il a v o u e l u i- m ê m e q u ’ il n’a pas dit
Vrai.
s
�( 5i )
qu’il ne se serait pas marié sans l’en prévenir; mais qu’à la
vérité il a d'autres liens qui pourraient bien amener celui-là.
Remarquons, et déjà la Cour l’a remarqué elle-même dans
son arrêt interlocutoire*, que ces deux lettres étaient dans les
mains du sieur Destaing p è r e , lorsqu’il a reçu Anne Nazo ,
et qu’après un mois de méditations il lui a donné un rang dans
sa famille, en se rendant le tuteur de son enfant.
Il a donc jugé ces lettres en père clairvoyant; et ce n’est pas
là qu’il a cherché la vérité. L ’une s’ excusait à ses yeux par la
licence des camps; les jeunes Français, fussent-ils aux confins
de la terre, ont la manie de tout métamorphoser en bonnes
fortunes : mais un vieillard sait à quoi s’en tenir. L ’autre lettre lui
semblait une justification embarrassée d’un fils soumis encore à
l ’autorité paternelle; il y devinait la vérité; et bientôt elle ne
lui fut plus cachée, lorsque la dame Delzons, égyptienne, lui
-eut rapporté quelle était l’opinion unanime du Caire et de
l’arm ée, sur le mariage de son fils; lorsqu’encore le général
D e lzo n s, qu i y
a v a it a s s i s t é , v i n t l u i e n a p p r e n d r e les d é t a il s .
C ’ est d o n c p a r p u r e m é c h a n c e t é , et sans besoin , que les
héritiers D e s t a i n g , ont publié ces lettres. L ’honneur le leur dé
fendait, puisqu’elles n’étaient point à leur adresse. L a bienséance
le leur defendait encore; car une confidence licencieuse, que leur
père avait jugée fausse, ne devait pas être reproduite.
* « A tten d u que le titre d’ épouse et c elu i de m ère ont été reconnus par
la famille du généra l D e sta in g .................... Q u ’ un mois a p iès son a rr iv é e à
A u r i l l a c , D estain g p è r e , ne doutant pas du m a ria ge et de l’a vis et con
sentement de ses proches p a r e n s , s’est vendu tuteur.......................Q u e cette
reconnaissance et cette acceptation de tutelle paraissent d ’autant plus c o n "
s id é r a b le s , qu’ on pourrait les regarder c o m m e l a suite d’ un e x a m e n appro
f o n d i , et de certitudes acquises par le p è r e , puisque deux lettres de son
fils, t’ uue datée d’ E g y p t e , l’ autre écrite de Paris , lui d o n n a n t tout le sujet
d e douter île ce m a r ia g e , ou m ê m e de ne pas
y c r o i r e , il n’en avait pas
m oins consenti l’acte en question , et que ses proches parens y avaient aussi
concouru ». ( 2 . 0 m otif de l ’ arrét du 11 juin 1808).
�( 5a )
Mais cette méchanceté n’était pas sans b u t , et on le voit
dans l’affectation que les héritiers Destaing ont eue à recueillir
la déposition des sieur et dame Delzons, à qui le général disait
ty&Anne Nazo était m ariée , mais q u 'il ne Vêtait pas. On
aperçoit maintenant que la lettre est présentée pour être en
h a r m o n i e avec cette conversation si souvent répétée par eux.
Si cette conversation était vraie, il est cruel pour la dame
Destaing d’en comprendre le sens : mais elle ne serait d ’aucune
influence pour sa cause.
Que les E uropéens, dans l ’immoralité de leurs th éâ tre s,
mettent en scène des malheureuses abusées par toutes les appa
rences d’un mariage r é e l , et cependant dupes des artifices d’un
homme qui s’est joué de la religion et de la pro b ité, on ne
s’étonnera pas que ce scandale dramatique obtienne quelques
applaudissements. Mais qui oserait produire dans le monde une
semblable atrocité comme un événement réel, pour s’en appro
prier les conséquences ? qui même oserait repousser de soi la
victim e d ’un artifice que le voile de la religion aurait ennobli
pour elle?
Quelle que soit l’jnteiilion des héritiers D estaing, en laissant
croire que le général a voulu tromper la Famille Nazo par le si
mulacre d’un mariage nul à scs y e u x , la perfidie de cette sup
position serait en pure perte pour eux ; car la loi viendrait au
secours de celle qui aurait été dupe des apparences. En effet la
bonne foi de l’un des époux suffit pour la validité de son mariage
et la légitimité des enfans *. Mais la dame Destaing se hûle de
dire que les cérémonies publiques qui eurent lieu au C aire, les
lettres desou ép o u x, sa conduite soutenue envers ello, le justifient
pleinement de l’inculpation dont 011 a voulu le flétrir. La légèreté
de sa nation, peut-être la craiulc d’être blûtué par son p ère, ont
pu lui dicter quelques mots équivoques; niais son cœ ur fut
* Code N ipoléjn, «tticlf* 201 cl 102.
�X ;53 ))
Innocent d’tmeitelle lâcheté; elle était indigne de luir,jet toutés
ses actions la démentent.^ ?.• uq ni • •):
:jr»
'•
Ceux-là seuls sont coupables , qui n ’ont pas rougi d ’exhumer
de la tombe de leur frère ce qui ne pouvait être utile à leur intérêt,
q u ’ e n imprimant une tache sur sa mémoire.! ’
<7
Mais c’est i trop s’arrêtèrin des rëfu tâtions pénibles et inutiles.
Ce ne sont'point des cendres éteintes qu’il fautlinterroger pour
la reoherche de la vérité ; tout la révèle , tout l’atteste; et l’in
crédulité ne peut plus,être que le masque hypocrite de la dis
corde qui ne s’avoue jamais vaincue.
. Il est tems q u ’on'çesse de. disputer a 1111 e,épouse malheureuse
un nom qu’elle a acheté assez cher , et qui seul aujourd'hui doit
l ’indemniser de tout ce qu’elle a perdu. Elle l ’a reçu en A friq u e ,
aux pieds des autels ; elle l’a porté publiquement dans sa p atrie,
sur les mers , et dans toutes les villes d’Europe que sa situation
l ’a forcée de parcourir. Ses adversaires eux-mêmes n’eurent pas
même la pensée de lui en donner un a u tre ; ils l ’apprirent à
ceux qui l’ignornient ; et c’est nprès une possession d\5tnf, ninsi
émanée d ’eux , qu'ils ont voulu déshonorer et méconnaître celle
qu’ils avaient accueillie et protégée. L a dame Destaing n’a jamais
supposé que cet avilissement pût l’atteindre : elle ne tire aucune
vanité d ’appartenir aux héritiers Destaing, plutôt qu ’à une autre
fa m ille ; mais le litre sacré d ’épouse, mais les droits plus sacrés
encore de l’orpheline qui lui doit le j o u r , ne pouvaient pas être
vains à ses yeux.
Sa fille, seule, au milieu de tant de contrariétés, a soutenu son
courage; la dame Destaing n’avait pas d’héritage plus précieux
à lui laisser qu’un nom qui ne fut pas déshonoré; et elle-même
ne devait point rougir aux y e u x de son enfant du vice do sa
naissance.
Pouvant attendre sans crainte l’examen du présent et du passé,
la dame Destaing a pu se soumettre sans m u r m u r e aux lenteurs
de la ju stic e , sachant bien que l'intérêt privé pouvait ele\cr des
H
�( 5 4 )
doutes sur les formes de son mariage, mais que. la malignité
n ’en hasarderait aucune sur la pureté de ses actions.
Un jour peut-être les héritiers Destaing seront honteux de ce
procès , et s’enorgueilliront de celle qu’ils voulaient avilir et
proscrire. Mais si la passion ne leur permet pas aujourd’hui
d’etre justes, la dame Destaing n’en-doit pas moins aux mânes
de son époux de ne pas se croire en guerre éternelle avec ceux
qu’il lui désigna comme des protecteurs et des frères, et qui
partagent avec elle la gloire de son nom.
M.e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M. e T A R D I F , avoué-licencié.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire pour Anne Nazo, veuve de Jacques-Zacharie Destaing, général de division, en son nom, et comme tutrice de Maria Destaing, sa fille, intimée ; contre les sieurs et demoiselle Destaing, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
Circa An 9-1811
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0609
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53869/BCU_Factums_M0609.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53868/BCU_Factums_M0608.pdf
3f4e41fb404d84cb8c3c258047da210a
PDF Text
Text
EXTRAIT
D E S
ENQUÊTES ET CONTRE ENQUÊTES
FAITES
A P aris
dans
M arseille , A u rilla c et M auriac ,
l'affaire de
la veuve du général
DESTAING,
CONTRE les Héritiers DESTAING.
�EXTRA. IT
D E S
ENQUÊTES ET CONTRE ENQUÊTES
FAITES
A Paris , Marseille
,
Aurillac et Mauriac ;
dans l affaire de
la veuve du général
DESTAING,
CONTRE les Héritiers DESTAING.
E n qu ête f a i t e à P a r is p a r M adam e Destaing.
P rem ier Tém oin.
-
'
M . D e l a g r a n g e , général de d ivision, âgé de quarantecin q a n s ,
A déposé qu’il était lié d’amitié avec le général D estaing;
que ce dernier lui fit part du projet qu’il avait de se marier
en Egypte; que, quelques jours aprés, il l’invita à assister à la
�(a)
cérémonie de son mariage qui eut lieu dans une église grecque,
à laquelle le déposant promit d’assister; ce qu’il ne put faire,
à cause de ses occupations et à cauèe de l ’heure qui n’était
pas commode pour lu i, le mariage ayant lieu le .so ir;
Que le soir meme ou le .lendemain du m ariage, il fut
invité par le général D estaing, à manger au repas de noce ;
Q u ’on lui présenta la demoiselle Nazo , comme l’épouse du
général Destaing ; qu’il croit la reconnaîtra^
,, ■■
Q u 'il a vu fréquemment le général D e sta in g , tant au C aire,
qu’à P aris, et l ’a toujours, considéré comme marié 'légitim e
ment ;
Q u’au repas de n o c e , on lui dit que le mariage avait eu
lieu dans une église grecqu e, et qu’il fit' scs excuses au gé
néral Destaing de n’avoir pu y assister;
Q u ’au surplus, tout lè monde au Caire en parlait; qu’il
avait personnellement la conviction intime qué le mariage
était légitim e j e t qu’il mentirait à sa conscience s'il disait
le contraire.r» vr v' *■
’ ’ "r
.
*
' •
' D eu xièm e ^témoin.
M. Bertrand , général de d ivision , âgé de trente-cinq ans,
D éclare qu’il croit se rappeler que le général Destaing
s’est marié en Egypte , et qu’il a assisté au repas de noce.
D u reste, que sa mémoire ne lui fournit rien de positif
sur tous ces faitsv
Troisièm e Tém oin
'
ai
••
!:
’
»1
M . Rigel.,/membre de ¡’Institut d’E gypte, artiste m usicien,
âgé de trçnte-huit ans ,
�( 3)
A déposé qu’il passait pour constant au C a ire , que le gé
néral Destaing était marié j qu’il en à''fait compliment aü
général Destaing qui l ’en a remercié ;
Que dix à quinze jours après le mariage il a assisté à uti
repas chez le général D e sta in g , qu’il a cru être un repas de
noce ;
Q u il n avait pas ouï dire que le repas fut donné à l ’occa
sion de la naissance du fils du général D elson;
il
Que le mariage a eu lieu deux ans environ après l’arfivée
de l ’armée française en Egypte.
Quatrième Tém oin.
M. Jacquotin, membre de l’institut d’E g y p te, et colonel
au corps impérial des ingénieurs géographes , âgé de quarante-truis ans,
A déposé qu’il passait pour constant au Caire que le gé
néral Destaing avait épousé une personne du p ays, et que le
mariage avait eu lieu devant le Patriarche d’Alexandrie ;
Q u il a ouï dire q u il y avait eu un repas de noce auquel*
le général M enou et autres officiers avaient assisté;
Q u’il reporte le mariage à nivôse an 9 , sans pouvoir dé
terminer précisément lepoque.
Cinquième Tém oin.
M. B eaudeuf, payeur de la garde impériale , âgé de qua
rante-quatre a n s ,
A déposé qu’il n’a été témoin d’aucun fait ; mais que le
mariage du général Destaing était public ; que le général
�( 4 )
avait à celte occasion donné un repas auquel avait assiste
tous les officiers généraux et chefs d’administration ;
Q ue le mariage avait été célébré par le Patriarche d’A lexan
drie, dans le commencement de l’an g ;
Que les prêtres grecs étaient présens au repas; qu’il a vu
madame Destaing à la citadelle du C a ire, lorsqu’il allait
rendre visite.à madame Delson et à madame Lantin ;
Qu’il reconnaissait parfaitement madame Destaing pour
être la même qu’il avait vu au Caire ;
Que toutes les femmes qui étaient à la citadelle étaient re
connues pour être femmes légitimes d’officiers généraux.
Sixièm e Tém oin.
M. V id a l, ch ef de b ataillon , âgé de quarante-neuf a n s,
A déposé qu’il n’était pas au Caire à l’époque du mariage du
» général Destaing; mais que tout le monde lui a dit qu’il était
marié ; qu’il a su particulièrement des deux aides de camp
du général Destaing, que ce dernier était marié légitim em ent,
et que ce mariage était vu par tout le monde avec beaucoup
de respect ;
Que le général Destaing lui avait dit lui-m êm e qu’il était
m arié, et l’avait invité à dîner pour faire connaissance avec
6a femme ;
Q u’il croit se rappeler que le mariage a eu lieu au com
mencement de l’an g.
Septième Témoin.
M. R aphaël Dempu.içhis,, prêtre catholique, professeur de
langues orientales a'gé^dç quarante-trois an s;
�( 5 }
A déposé qu’il n’a pas été témoin oculaire du mariage; mais
qu’il a entendu'dire à un nommé D o u b a n n é , actuellement
négociant à Rosette, qu’il avait été témoin de ce mariage ,
qui avait été célébré par le patriarche d’Alexandrie , dans
l ’église de Saint-Georges au vieux Caire; qu’il a ouï dire la
même chose à trente personnes ;
Qu’il n’existait point de mariage à tem s, que madame Destaing avait été mariée ja xta usum eccîesice ;
Q u’il n’était pas tenu de registres de l ’état c i v i l , h cause
du peu d’instruction des prêtres grecs , que cependant ils
tenaient des notes.
Huitième Témoin.
,
M. Chephetecliy, prêtre cophte , catholique romain âgé
de cinquante-neuf ans ,
A déposé qu’il avait ouï dire par le public , que le général
Destaiug avait été marié par le Patriarche grec solennelle
ment avec la fille de la femme de Jean Naso ;
Que madame Nazo , en épousant M. N aso, s’était fait
grecque schismatiquc ;
Q u ’à l ’occasion de son mariage, M. Naso a dépensé 5 o,ooo
écus ;
Q u’il n’existait point de mariage à tems; que les prêtres
grecs tenaient des registres dont ils ne connaissaient pas la
forme; que les Coplites en tenaient aussi; mais qu’aucun n’en
donnait d'extraits ;
Q u’au surplus, ils parlent peu français, et qu’en Egypte on
ne donnait pas le nom de registres aux notes qui etaient
tenues,
m
.
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( G)
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JSeut'ième Tém oin, i
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-,
■
•
3VI- Duranteau, général de brigade, membre du Corps Législaiif j âgé de soixante-im ans ,
A déposé qu’il a assisté à un repas donné par le général
D e sta in g , à l’occasion de son mariage ayec mademoiselle
Nazo ;
•
Que oc mariage était de notoriété publique.
t■
'
9
D ixièm e Témoin.
|* f
M. Saba Joseph, négociant, réfugié de Jérusalem, âgé de
trenle-huit ans,
A déposé qu’il était interprête chez le général Dupas; que
ce général fut invité, par le général Destaing, h son mariage,
et y assista ;
Que le mariage d’un français avec une grecque parut une
chose si remarquable en Egypte, que tout le monde s’en en
tretenait;
Que le mariage a été célébré par le Patriarche g re c , dans
l ’église Saint-Nicolas, au grand Caire;
Que lors du départ du général Destaing pour Alexandrie ,
le général Dupas l’invita à chercher un appartement à la cita
d elle, pour madame Destaing, présente à l ’enquête.'
Onzième T ém oin .
M . D a u r e , commissaire ordonnateur, âgé de trente-trois
an s,
A déposé qu’il ne sait pas si le général Destaing s’est marié
à l’église ou devant le commissaire des guerres; m ais, qu’à l’é-
�(
7
)
poque de son m ariage, il écrivit au déposant pour l ’inviter au
repas et au bal qu’il donnait à l’occasion de son mariage ; qu'il
assista au bal avec les généraux Lannus et Boyer.}Q u’il était alors trés-lié avec le général Destaing ; que ce
dernier le présenta à son épouse, ainsi que les généraux
Lannus et Boyer;' •
Que le bruit public annonçait le général Destaing comme
marié légitimement , et que lui personnellement l’a toujours
considéré comme tel ; que le mariage eut lieu environ deux
mois avant la descente des Anglais.
D ouzièm e Tém oin.
•j •
■ • ). >-
>i
- .
«
. , • •
1.
M. '] a c li, ancien négocian t interprète du général Lannus,
âgé de trente-liuit ans,
A déclaré qu’il n’avait pas assisté au mariage ; mais qu’étant interprète du général Lannus, ce dernier lui avait
dit : V ous n cle s donc pas venu à la noce avec nous?
,
que le général Destaing avait épousé la fille de Nazo ; que
le mariage avait été célébré par le Patriarche grec ; qu’il a
su de la bouche de l ’interprète du général Destaing que le
mariage avait été béni par le Patriarche m êm e, et que ledit
interprète avait été présent à la cérémonie ;
Que ce mariage avait fait beaucoup de bruit dans le quar
tier des chrétiens ;
Q u ’il avait été célébré dans l’église de Saint - N icolas ,
au grand Caire , dans un tems voisin de l ’arrivée des A n glais;
Q u’il sait que les latins tenaient des registres, parce qu’il
est latin et a été marié dans une église catholique ; mai»
qu’il ignore si les grecs en tenaient.
�(
8
)
Treizièm e Témoin.
M. Esteve , trésorier-général de la couronne , âgé de trentesix ans ,
A déposé qu’il a appris le mariage du général Destaing,
comme une nouvelle de l’armée ; que le général lui a ap
pris lui-méme ; que personne ne pouvait douter que le ma
riage ne fût légitime ; qu’il avait ouï dire que le mariage
avait été célébré suivant le rit grec ;
Q u ’il y a eu un repas de noces auquel il n’a pas assisté; que
huit k dix jours après il a été invité chez le général Destaing,
avec sept à huit autres français, et, qu’en dînant, le général
Destaing avait annoncé son m ariage, et qu’alors le déposant
l ’avait félicité et l ’avait embrassé;
Q ue le mariage a eu lieu au commencement de l ’an g , peu
de tems avant l’arrivée des A nglais;
1 Q u ’il croit que les commissaires des guerres ne se sont pas
conformés à l’ordre du jour qui prescrit la tenue des re
gistres.
Quatorzième témoin.
M. Sartelong, commissaire ordonnateur, secrétaire général
du ministère de l’administration de la guerre, âgé de trente!
sept ans,
A déposé qu’entre le i er brumaire et le i or ventôse de l’an g,
le général Destaing lui fit part de son mariage avec la fille
du commandant Nazo ; que ce commandant lui en fit égale
ment part ;
Q u’il a assisté au repas de noce, mais non à la cérém onie,
�( 9)
quoiqu'il y eut été invitéavec le général Delagrange; qu’il croit
même qu’il y a eu des billets de part de ce mariage, et que la
nouvelle en a été insérée dans la gazette du grand C aire, sans ^
cependant qu’il puisse affirmer ce fait qu’il dirait sans hésiter
en société;
Q u’il a vu au repas de noce l’épouse du général D estain g,
qn’il reconnaît pour être présente à l’enquête ;
Que le général Destaing , blessé dans une affaire contre les
A nglais, lui parla de sa femme comme d’une femme légi
tim e;
Q u’il ne peut assurer si les prêtres grecs .tiennent des
registres , que cet usage a lieu chez les prêtres catholiques
latins , qui sont beaucoup plus instruits ;
Que depuis son retour à P aris, il a vu le général Des-,
taing, qui lui a dit qu’il attendait sa femme;
Que d’après ce que lu i avait dit le général Destaing et
ce que lui avait appris la notoriété publique , le mariage
avait été célébré par le Patriarche grec et suivant le rit grec;
Q u ’il n’avait pas eu d’inim itié avec le général Destaing ;
Q u ’au surplus, quand son opinion ne lui serait pas favo
rable, cela ne l’empêcherait pas de dire la vérité ; qu’il
croyait même honorer sa mémoire en témoignant en faveur
de sa veuve et de sa fille ;
Que les commissaires des guerres ne tenaient que des pro
cès-verbaux et non des registres, que quelques personnes
faisaient inscrire leurs mariages et d’autres se contentaient de
se présenter aux prêtres du pays ;
Qu’au surplus les trois quarts de ses papiers a v a ie n t été
perdus;
Qu il ayait rédigé l’acte de mariage du général Beaudeau,
2
l
�( IO )
non sur un registre . qui n’existait pas, mais sur feuilles
volantes ; que c’est lui-mêine qui engagea le général Beaudeau à remplir cette formalité pour plus de sûreté , que
c’est le seul acte qu’il a rédigé ;
Q u ’il l’avait fait enregistrer conformément à l ’ordre du jour
de l’armée , que cet enregistrement avait lieu pour toutes
les transactions sociales et était une imposition indirecte
créée par les français.
Quinzième Témoins.
M. M arcel, directeur général de l’imprimerie im périale,
âgé de 52 ans;
A déposé, que dans le commencement de l’an n e u f, le
général Destaing épousa la dame Anne N azo, qu’il reconnaît
pour «ire présente à l’enquête;
Q u’il y eut à cette époque un repas auquel furent invités
tous les officiers généraux et les principaux chefs d’adminis
tration ; que ce repas le plus solennel qui ait eu lieu h cette
époque, fut donné comme festin de noce;
Que le mariage a été célébré à l ’église des G recs; qu’il croit
qu’il y eût des billets de .faire p a rt, imprimés ;
Q u ’un ordre du jour avait ordonné la tenue des registres
de l’état civil ; mais que cet ordre ne fut pas exécuté ; que le
déposant a perdu trois enfans en E gypte; que l’acte de nais
sance et celui de décès du dernier seulement ont été dressés.
Q u ’il n’a jamais entendu élever des doutes sur l ’existence
du mariage ; que la notoriété publique présentait comme ma
riage légitim e, et que l ’on ne parlait pas avec le même res
pect des unions illégitimes ;
�( » )
Q u ’il n’a connu aucun mariage à tems en Egypte ; cjue ce
cas est rare, et qu’il n’a lieu qu’entre musulmans, mais jamai3
entre chrétiens.
Seizièm e Tém oin.
M. Clément M archand, âgé de soixante an*,
A déposé qu’en janvier ou février 1801 la voix publique
lu i apprit le mariage du général D estaing; qu’il apprit
par tout le monde que ce mariage fut oélébré par le P a
triarche d’Alexandrie ;
Que le jour même ou le lendemain il vit un grand nombre
de personnes réunies devant la porte du général Destaing ;
qu’il apprit que cette réunion avait pour cause le mariage du
général Destaing , qu’ayant beaucoup connu ce général h
Rusette et au Caire , il crût devoir enirer chez lui et le féliciter;
que le général l'invita à rester chez lui pour lui servir d’inter
prète , parce que lu i, déposant, était traducteur d(e l ’arabe et
du grec da,ns l’administration des finances ;
^ Q u’il y eut un très-grand repas; que le Patriarche n’était
pas au dîner; mais q u il y a vu un ou deux prêtres grecs;
Que l’usage de dresser chez les Grecs des actes de mariage
n’est pas g én éra l, et que les prêtres ne font des actes que
lorsqu’on leur demande ;
Q ue les mariages à tems sont extrêmement rares et ne se
font que parmi les Turcs.
1
D ix-septicm e Témoin,
>
M . Larrey , inspecteur général du service de sau té, âgé
«le quarante-un an s,
>
�( 12 )
À déclaré q u e , dans le commencement de Fan neuf f
reçut un billet d’invitation pour assister aux noces du gé
néral D estaing, son am i; qu’il s’y rendit et y trouva plu
sieurs am is, entr’autres M. Esteves, le général Delagrange,
le général M enou;
Q u e , dans cétte réunion , M. Destaing était en grande
tenue, ainsi que tous les généraux;
Q u ’il adressa des félicitations au général D estain g, et lui
fit ses excusés de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de
l ’église d’où l’on sortait en ce moment;
Que le mariage avait été célébré dans l’église du patriar-‘
clie des grecs , et que le repas avait eu lieu le même jo u rp
vers six à sept heures;
1
Q u e , depuis, il. a vu le général Destaing au siège d’A lexan
drie et à Paris ; que ce général lui a parlé plusieurs fois de
sa femme ;
Que ce mariage était de notoriété publique ; qu’il n’ayait
aucune connaissance
des mariaces
I
O à tems.
Enquête J'aUe h M arseille , par Madame Des iaiiig.
Premier Témoin.
M. Cliam , âgé de quarante-deux ans, négociant, et an
cien interprète du prince de N eufchâtel,
A déposé que, dans le courant de l’an n e u f, il entendit
dire que le général Destaing devait épouser la demoiselle
N azo; q u e , passant devant le domicile du général D estaing,
il vit des préparatifs de fê te s, des officiers et généraux en.
à
�( i 3)
grand costume ; qu’on lu i dit que c’était pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle Nazo ;
Que ce mariage avait été célébré par un P a t r i a r c h e grec ;
Que les Grecs ne tiennent pas de registres d’état civilD eu xièm e Tém oin.
M. Barthélémy S era , âgé de 5 o a n s , colonel des maraelu ck s;
A déposé que sur la fin de l’an huit ou au commencement
de 1’an neuf, le général Destaing lui d il qu’il voulait épou
ser la fille dit commandant Nazo , que le déposant lui ob
servât qu’elle n'était pas fille du commandant N azo, qu’il
avait épousé la mère , qui était veuve de Joseph Trisoglou ;
Que le général Destaing répondit que cela lui était in
différent, et demanda si cette dame était sage et avait de
bonnes mœurs, à quoi le déposant répondit affirmativement;
Que le général Destaing lui dit que son mariage serait
célébré selon le rit grec ;
Que le général Destaing l’invita à assister à son m ariage,
qu’il le remercia et ni voulut pas aller, parce qu’il ne vivait
pas bien avec la famille N azo;
Que quelques jours après, il vit beaucoup de monde à
la porte du général D esta in g , et qu’on lui dit que c'était à
l ’occasion de son mariage avec la demoiselle Nazo -,
Q u’ayant ensuite rencontré le général D estaing, c e lu i- c i
lui dit que son mariage avait été célébré suivant le rit grec,
J>ar un Patriarche grec ;
Qu’il n’y a que les prêtres latins qui tiennent des registres
de mariages et que les autres n’en tiennent point»
�C *4)
Troisièm e Tém oin.
M. Antoine Ham oui, négociant, âge de cinquante a m ,
A déposé qu’il était au Caire à l ’époque où le général
Destaing y était en activité de service, et qu’il apprit, par
la notoriété p u b liq u e, que le général Destaing avait épousé
la fille de la veuve N azo;
Que son mariage avait élé célébré par un Patriarche
grec ;
Que ce mariage fît beaucoup de b ru it; tout le monde ne
cessa d’en parler et de s’en occuper ;
Q u’il n’y a que les prêtres Latins qui tiennent des registres,
et que les autres n’en tiennent point.
Quatrième Témoin.
M. Hannaa O dabaki, âgé de cinquante-six ans, ancien mar-,
chand au Caire,
A déposé qu’il était établi au grand Caire depuis trois ans,
avant l’arrivée de l’armée française ;
Que pendant que le général Destaing y était en activité do
scivice, le déposant y exerçait les fonctions de com m issaire
particulier de police;
Q u’étant lié d’amitié avec le commandant Jean Nazo, celuici l’invita au mariage de sa fille avec le général Destaing;
Q u’il y assista dans l ’église Saint-N icolas; qu’il assista égale
ment au repas de noce;
Que le mariage fut célébré par le Patriarche d’A lexandrie;
Q u ’il n’y a que les prêtres Latins qui tiennent des re
gistres.
�C x5 )
Cinquième Tém oin.
M. Mische R o séti, bijoutier, âgé de vingt-sept ans,
A déposé que sa famille était intimement liée avec celle du
commandant Jean Nazo ; que la fille de celui-ci ayant épouse
le général D estain g, pendant qu’il était en activité de service
au grand Caire, la famille du déposant et le déposant lui-même
furent invités à assister à ce mariage*,
Q u’ils assistèrent à la célébration qui eut lieu dans 1 église
Saint-Nicolas, du rit grec, et par le Patriarche grec; et q u e ,
suivant l ’usage pratiqué par les chrétiens de cette secte, le
colonel Papas-Oglou fut le parain de la demoiselle N azo;
Que les prêtres grecs ne tiennent point de registres de l’état
civil.
S ixièm e Tém oin.
Sophie Mesk , épouse de Jean N azo, âgée de quarante-cinq
an s,
,
A déclaré être la mère de la veuve Destaing; que le mariage
a été célébré en présence de la fam ille, de diverses personnes
du pays, généraux et autres m ilitaires, notamment le général
Delzons , dans l’église Sain t-N icolas, par le Patriarche grec ;
Q u’elle ignore si les prêtres tenaient des registres.
Septième Témoin.
M. Joseph D u fe u , âgé de quarante-neuf ans, bijoutier,
A déposé que, dans le courant de l’année 178 1, le général
Destaing demanda aux sieur et dame Nazo leur fille en ma
riage , qu’ils y consentirent, et que le mariage fut célébré le
�( 16 )
lendemain du jour des Rois de l’église grecque, correspondant
au 17 juin 1801*;
Que l u i , déposant, fut invité comme parent de la fa m ille ,
et qu’il assista à la célébration dudit m ariage, qui eut lieu
dans l’église Saint-Nicolas au grand C a ire , et par un Patriar
che grec ;
Q u ’après la célébration du mariage il y eut un grand repas
de noce chez le général Destaing, auquel lui, déposant, assista;
qu’à ce repas étaient les généraux M enou,D elzons,D elagrange
et P.egnier ;
Que les prêtres grecs ne tiennent point de registres.
Huitième Tém oin.
Hébrahim Tutunzi , âgé de vingt-trois a n s,
A déposé qu’il a assisté au mariage de la demoiselle N azo,
sa n iè c e , avec le général Destaing ;
Que ce mariage a été célébré dans l’église Saint-Nicolas,
par le Patriarche grec ;
Q u’après la cérémonie, il assista au repas de n o c e , chez
le général Destaing ; niais qu’étant fort jeune alors, il n e se souvient pas des personnes qui y assistèrent, autres que
celles de sa famille ;
Se rappelle cependant qu’il y avait des généraux.
Neuvièm e Tém oin.
Joseph T u tu n z i, âgé de cinquante ans , ancien premier
commis du commandant Jean Nazo ,
A déposé que le mariage a été célébré dans l’église SaintNicolas au C aire, par le Patriarche grec, et que le parain
�C T7 )
de la demoiselle N azo, fut P apas-O glou , colonel de la légion
grecque;
Que lui , déposant, assista à la célébration , et se rendit
ensuite au repas de noce qui fut donné par le général
Destaing, auquel assistèrent divers généraux français et égyp
tiens notables ;
Que les prêtres latins de sa religion tiennent des registres ;
mais qu’il ignore si les prêtres grecs en tiennent ou non.
D ixièm e Tém oin.
Joseph M esk, âgé de quarante ans, ancien commis au
Caire,
A déposé que le mariage a été célébré dans l ’église SaintNicolas du rit grec ; que le parain de la dame Destaing
fut Nicolas Papas-Oglou ;
Q u ’il assista à la cérém onie, après laquelle il se rendit
au repas de noce cliez le général D estaing, où étaient pré
sens divers généraux, notamment le général Delagrange et
le général D e lso n , et que ce dernier était présent à la célé
bration , comme parent du général Destaing ;
Que les prêtres chrétiens, de toutes les sectes tiennent des
notes de mariage et naissance, et qu’il pense qu’ils en dé*
livrent des extraits quand on leur demande.
■
. •>
Contre E n q u ête f a i t e à A u r illa c p a r les ^frères et
sœurs D estaing. • • • • ’"
P rem ier Tém oin.
M. D e lso n , président du tribunal c iv il d’A u r illa c , âgé
3
r
�(i8)
de soixante-six ans, oncle maternel des frères et sœurs
D e s ta in g ,
A déposé qu’étant à P aris, lors de l’arrivée du général
Destaing, il ignora longtems les bruits de son mariage ; que
ce bruit se répandit à l’occasion d’une lettre écrite de Tarente
par un habitant d’Aurillac qui y avait vu arriver la famille
N azo , dont une fille se disait épouse du général D estaing;
Que la belle-fille du déposant ayant demandé au général
D estaing s’il était effectivement m arié, celui-ci répondit, en
plaisantant, que sa femme pouvait l’ê tr e , mais que lui ne
l ’était pas ;
Que le général D estaing, instruit que la fam ille Nazo
était arrivée à L yon , il le pria de demander à M. Fulssirou
une lettre de change de mille francs, payable à L y o n , qu’il
'vou lait envoyer et cette fem m e. — Ils sont là une troup e,
d it-il ; quand fo u rn is pris la f d l e , je n’a i pas épousé tout
cela. I l y a un en fa n t, f aurai soin de la mère et de
T enfant;
Q ue le général Destaing lui avait dit que son mariage
n’avait pas été fait devant un commissaire des guerres,
comme celui du général Delson ;
Que M. Nazo se trouvant aux scellés apposés chez le
général D e sta in g , il déclara que le général Destaing avait
épousé une de ses fille s, âgée de seize a n s , devant le Pa• triarche d’Alexandrie ;
Que le général D e ls o n , 111s du déposant, lui a dit qu’il
y avait eu une cérémonie religieuse dans la m aison-du
sieur N a zo , à laquelle il avait assisté ;
Que quelque tems après, le général Destaing étant pa• xain du fds <lti général D elson , le général D estaing donna
�( *9 )
à cette occasion, un grand souper, disant que c tlait pour
le baptême de son filleul.
D euxièm e Tém oin.
Madame Warsy', épouse du général Delson, âgée de vingtcinq a n s, cousine germaine par alliance des frères et sœurs
D estaing,
A déposé que le 29 nivose an g , elle n’était pas dans la ville
du Caire, qu’elle y arriva le lendem ain;
Q u’à son arrivée, elle apprit qu’Anne Nazo avait été con
duite la veille, à la n u it, chez le général Destaing; mais qu’il
n’y avait eu aucune pompe ni cérémonie d’usuge pour les ma
riages qui se font dans le pays, suivant le rit grec ;
Q u ’une douzaine de jours après, le général D estaing, à l ’oc
casion du baptême du fils du général D elson, donna un grand
souper et un bal auquel assistèrent les officiers de l’Etat Major,
et notamment le général M en o u , Anne Nazo, sa famille, et
plusieurs habitans du Caire;
Que dans cette fête, ladite A nne Nazo occupait la place de
la maîtresse de la maison ;
Q u ’il n’y eut ce jour là aucune cérémonie religieuse; mais
qu elle a ouï dire fjue le jour ou ladite N azo f a t conduite chez
le général D estaing, il y avait eu une cérém onie religieuse,
qui avait été fa ite par le P atriarche d’ A lexa n d rie, ti laquelle
peu de personnes avaient assisté ;
Q u’il y avait des églises pour le culte grec au Caire; niais
q u e , pour l’ordinaire, les cérémonies de mariage se font dans
les maisons ;
Q ue M. Nazo lui a dit, à elle déclarante, q u ’il ayait écrit au
�(
20
)
Caire pour avoir une expédition de son acte de mariage, mais
qu’on lui avait répondu que le Patriarche était m ort, et que
l’église était brûlée;
Q u au surplus, madame Destaing était considérée comme
épouse légitim é, et jouissait des honneurs dus à ce titre.
Que pour e lle, elle la croyait femme du général Destaing
et qu’elle lui rendait les honneurs attachés au titre.
Troisièm e Tém oins.
Françoise G ro n ier, fille , âgée de 3 o ans,
A déposé quêtant à Lyon , à l ’époque de l ’arrivée du
général Destaing , elle fut invitée à diner chez lui ;
Q u e lle lui demanda quand il amènerait sa femme, et qu’il
lu i répondit: elle est passée d’un côté et moi de l’autre
ce n’est pas le moyen de se rencontrer;
Q u ’étant à A u rillac, dans la chambre de madame Nazo
veuve D estaing, elle lui demanda comment elle avait été
mariée et si le prêtre avait écrit sur le registre ; à quoi la
veuve Destaing répondit que le Patriarche lui avait mis un
anneau au d o ig t, jusqu’il la première phalange, et que le
général l’avait enfoncé jusqu’à la fin du d oigt, et qu’à l’égard
du registre elle répondit : O u i , prêtre , grand livre, écrire.
Contre Enquête, J a ilc à M a u r ia c , p a r les fr è r e s
et sœurs Destaing.
Vrem ier Tém oin.
Joseph F e l , palfrenier du général D estaing,
A déclaré que pendant que le général Destaing était au
�( 21 )
Caire, son cuisinier d it, en déclarant qu’on avait amené
une femme au général D estaing, que quelques jours après,
celui-ci donna un grand repas où assista tout l’état m ajor,
et notamment le général M en o u , et que cette femme dont
il ne se rappelle pas le nom y était ; qu’il l’a entendu nom
mer madame Destaing ;
Q u ’à la suite du repas il y eut un bal ; qu’il ne sait pas
si Anne Nazo a été introduite dans la maison du général
Destaing avec pompe et m agnificence; que le cuisinier ne
lu i a donné aucuns détails là dessus -,
Q u’il croit même que le cuisinier lui dit qu’il n’avait pas
vu lui-même entrer cette femme chez le général Destaing,
et que ce jour là, il n’y eut aucune fête ;
Que le général n’a point donné d’autres fêtes, et qu’il
-n’avait jamais que dix à douze personnes à sa table.
D eu x ièm e et dernier Tém oin.
Jean Biron fait la même déclaration.
M e J U G E , Avoué.
H ACQU ART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue G it le-C œ u r,n ° 8.
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Juge
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
témoins
Description
An account of the resource
Extrait des enquêtes et contre enquêtes faites à Paris, Marseille, Aurillac et Mauriac, dans l'affaire de la veuve du général Destaing, contre les héritiers Destaing.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
Circa An 9-Circa 1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0608
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53868/BCU_Factums_M0608.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Marseille (13055)
Mauriac (15120)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
témoins
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53867/BCU_Factums_M0607.pdf
412aa9e07083899491de16e297d7b0e0
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Text
OBSERVATIONS
SU R LA
CAUSE DE LA De Ve DESTAING,
E t sur le libelle diffam atoire
imprimé et
publié à R iom pour ses adversaires , et
produit par eu x devant la Cour d 'a p p e l
séant en cette ville.
frères et sœurs, à. la veille
d’un jugem ent qu’ils ont fait retarder sous différens prétextes,
ont permis qu’il fut imprimé et publié, sous leur nom , et
avec le titre de Mémoire en réponse, un libelle diffamatoire
contre la veuve du général Destaing leur belle-sœur, tutrice
de la demoiselle Destaing leur nièce.
Tout ce qu’ils devaient à la mémoire de leur frère est
oublié. Les honorables restes de cette armée de l’Orient, qui
fut principalement composée de l’élite des années françaises,
et dont l’auguste chef ne se sépara que pour sauver la France,
sont outragés dans la personne de ses principaux officiers,
dont le libelle suppose que les mœurs étaient plus que licen
cieuses , et cela sans raison , sans motif légitime, sans néces
sité , sans utilité pour sa cause.
L e s sieurs et demoiselles D estain g
�(o
En effet, il ne s’agit point, entre madame Destaing et ses
beaux-frères et belles-sœurs, de savoir si des officiers fran
çais de l’armée d’Egypte abusaient du droit de conquête an
point de prendre comme meubles des jeunes filles du pays
contre leur gré ou sans leur consentement ; de les recevoir
en présent comme un tribut, et de les abandonner après les
avoir déshonorées.
Cette supposition, qui n’aurait pu être imaginée que par
des journalistes anglais, n’est point ce que les tribunaux de
France ont à vérifier dans le procès de madame Destaing.
Des collatéraux veulent enlever à cette infortunée son état
de veuve du général Destaing, et à la fille de leur frère sa
qualité et les droits qu’elle leur donne à la succession pater
nelle dont elle est investie.
Madame Destaing et sa fille sont - elles en possession de
leur état et de la succession du général Destaing ?
Voilà la question.
Cette possession est-elle publique, certaine et constante?
Voilà les seules circonstances soumises à l’examen de la
Cour d’Appel de Riom.
Une telle possession doit-elle être maintenue ?
Voilà le point de droit à juger , et il n’est pas susceptible
de controverse.
A u lieu d’examiner les faits de la possession d’état, l’auteur
du libelle se répand en injures, tant contre madame Des
taing, dont il fait une musulmane échappée à la servitude
dun harem, un être obscur et dépravé, une africaine ré
fugiée , la grecque la plus rusée et la plus adroite, que
contre son père, à qui il dénie même cette qualité : il le sup
pose marchand détaillant d eau-de-vie, révolutionnaire î\u
�( 5 )
Caire , et obtenant, à ce titre, celui d e . commandant la
légion des grecs.
Il hasarde cette supposition, sans respect pour l’autorité
qui plaça le commandant Nazo à la tète d’une nation qu’on
voulait régénérer , et sans utilité pour sa cause, où il ne s’agit
pas de savoir de qui madame Destaing est fille, mais si elle
est en possession de son état de veuye du général Destaing
et de tutrice de leur fille.
Dqs jurisconsultes de divers dépaitemens de la France, réu
nis à Paris par la confiance de leurs concitoyens et par le
choix du Sénat, ont pensé que cette possession d’état était
certaine, constante et inattaquable : ils ont donné les motifs
de leur opinion. Ce sont ces motifs qu’il fallait combattre,
puisqu’on prétendait répondre à leur consultation ; il fallait
les suivre dans l’examen des faits qui constatent la possession
détat pour détruire , s’il était possible, la conséquence qui en
résulte nécessairement.
Si on n’a pas pris ce parti, le seul convenable il la posi
tion respective, c’est qu’on a reconnu que le fait de la pos
session détat était inaltérable et la conséquence inévitable.
Aussi personne ne cioira que le libelle ait été fait pour
le& juges qui doivent prononcer. On ne peut pas s’être flatté
de leur déguiser ,• aussi maladroitement, l’état de la question
qui leui est soumise. C est pour le public de Riom, ou peutêtre pour celui d’Aurillac, que l’ouvrage imprimé a été faitOn a essayé de laire, dans une ville du second ordre, une
affaire de parti d’un procès qui peut attirer l’attention pu
blique, parce qu’il présente une question d’état que Ja Cour
<le Riom jugera solemnellement.
�4
( )
Mais cette question, on ne saurait'trop le répéter, peur
être réduite aux ternies les plus simples.
Y a-t-il possession d’état publique et constante ?
Los beaux-frères et belles-sœurs de madame Destaing ne
peuvent nier la possession d'état de leur belle-sœur et nièce,
reconnues comme telles par toute la.famille, dés leur arrivée
en France, où elles ont été-appelées dans la maison paternelle.
Attaquent-ils cette possession par des titres contraires et
authentiques ? C’est ce qu’il faudrait pour déposséder madame
Desiaing ; c’est ce que ses beaux-fréres et belles-sœurs ne font
pas et ne peuvent pas faire.
A u lieu de cela , ils leur demandent l’acte de célébration de
mariage et leurs actes de naissance.
Mais ils n’en ont pas le droit. Cochin, d’Aguesseau, tous les
jurisconsultes du siècle passé , l’affirment ; c’est aussi la doc
trine des modernes, et le Gode Napoléon en a fait une loi
qu’il n’est plus permis à personne de méconnaître. ‘
L ’article 520 dit : A défaut de titre, la possession cons
tante de Tétat de l ’enfant suffit.
Et l’article 33 r indique quelle est la nature des faits qui
établissent la possession d’état, et marque la reconnaissance“
de la fa m ille comme le fait principal.
Madame Destaing et sa fille produisent les preuves de
cette reconnaissance par un acte solemnel et authentique,
auquel tous les membres de la famille Destaing ont con
couru. Cet acte, qui n’est pas le seul, suffirait pour établir
que la preuve de possession d’état est complète.
L ’auteur, du mémoire avance hardim ent que cette recon
naissance a été surp rise, qu’elle n’est pas aussi com plète que
�( 5 )
madame Destaing le croit, et que la possession d’état ncst
qu’une usurpation.
Ces allégations ne sont pas de nature faire impression sut*
]a Cour de Riom : on a trop bonne opinion des magistrats
qui la composent pour supposer q u il est besoin de réfuter
pour eux ou devant eux des assertions dénuées de preuves.
Aussi n’est-ce que pour les amis de la famille Destaing que
nous croyons devoir faire observer que toutes ces assertions
sont des inventions chimériques.
On suppose que le père du général Destaing a été surpris
par sa belle-fdle , et même on le lui a fait dire avant sa mort.
Mais quand lui a-t-on fait tenir ce langage? Lorsqu’il s’est
vu dépouiller de la tutelle de sa petite-fille et de la jouissance
de ses biens.
On lui a fait dire que c’était par cîo!, fraudes, suppositions
et insinuations, qu’il a reconnu la veuve de son fils et sa
petite-fille, dont l’assemblée des parens, convoquée par lu i,
le nomma tuteur.
M ais, outre que le dol et la fraude ne se supposent jamais
n’est-il pas convenu que madame Destaing, arrivée en France
dans un état de souffrance et de maladie , bien jeune encore,
ne connaissait pas le français et ignorait nos lois , nos mœurs
et nos usages?
Elle se rendait auprès de son mari avec sa fille , lorsqu’elle
fut appelée à Aurillac par son beau-père ; et ce ne fut que
dans cet instant qu’elle apprit la mort de son mari. Quel
moyen de dol et de fraude aurait-elle pu pratiquer pour sé
duire son beau-père, qu'elle n’avait jamais vu , et entre le»
mains de qui elle ne croyait pas devoir tomber , puisqu'elle;
comptait sur l’existence de soin mari.
�6
( )
Le libelliste suppose (page 10) que le sieur Destaing père
ne voulait pas recevoir sa belle-fille dans sa maison, et que
sa résistance fu t connue de toute la ville.
Impudent mensonge, qui suppose que madame Destaing
tomba des nues h Aurillac ; tandis qu’il est convenu que le
beau-père l ’envoya chercher, et qu’il fraya aux dépenses de la
route et de celles qu’avait occasionnées le séjour à Lyon,
Mensonge inutile , puisque , si on suppose de la résistance
et des doutes, ils n’ont pu être levés que par des éclaircissemens satisfaisans.
On peut être surpris lorsqu’on est sans défiance; mais si on
suppose de la défiance au sieur Destaing père, vieux ma
gistrat, 011 ne peut pas croire qu’il ait été surpris sur un point
aussi délicat et aussi important pour lui.
Son fils était en France depuis plusieurs mois : sans doute
qu’il s’était fait pardonner le tort moral qu’il avait eu de se
marier avant d’avoir obtenu son consentement.
On n’a point dissimulé, comme le général Destaing ne se
dissimulait point à lui-même, ce tort étranger à sa veuve et à
sa fille.
Mais en remarquant, comme on ne pouvait s’en dispenser,
qu’à l’époque où le général Destaing s’est m arié, la loi
n’exigeait pas le consentement paternel, on a dû dire, et on
l ’a lait, que dans le système de toute autre législation, l'appro
bation du père , quoique postérieure au mariage, le validait ;
et que des collatéraux n’étaient jamais recevables à relever ni
l ’omission ni l’approbation tardive.
C’est donc par pure malice, qu’à la page Go du libelle on
accuse madame Destaing d'argumenter avec un empresse
ment pou louable d ’une^ loi révolutionnaire promulguée
�C7 )
clans un instant de délire : loi immorale et. funeste qui n
fa it tant de malheureux qu'on entend tous les j o u r s gémir de
leurs ëgarernens , et qui passent leur vie dans la douleur et
le désespoir.
Non : madame Destaing n’argumente point de lois révolu
tionnaires , qu’elle a eu le bonheur de ne pas connaître.
Elle invoque la doctrine des plus sages législateurs anciens, et
modernes; des principes qui servent de base et de fondement
à leur société bien ordonnée, et établis en dogme par le Code
immortel qui régit aujourd’hui tous les Français, et qui sera
bientôt adopté par tous les peuples policés de l’Europe.
11 y a donc de la méchanceté à rappeler des souvenirs que
tout doit faire oublier, et à chercher , en souflant sur des
cendres , à ranimer quoiqu'étincelle de nos malheureuses
discordes.
Les traces n’en subsistèrent que trop longtems , et c’est
sous ce rapport qu e l<i en use de m adam e D e sta in g mérite
toute l'attention du magistrat. Com bien d ’individus , trans
portés hors du lieu de leur naissance ou de leur premier
établissement, seront hors d’état de produire leur acte de
naissance, ou celui de leur père, ou l’acte de célébration
de mariage des auteurs de leurs jours ! Faudra-t-il qu’au gré
de quelques parens avides, ils soient privés de leur état et
du'patrimoine de leurs aïeux? Si jamais on admettait cette
absurde doctrine que la possession d’état est un titre insuf
fisant, combien de milliers d’individus se trouveraient sans
nom , sans fam ille, sans patrimoine, lorsqu’ils se trouve
raient tardivement méconnus par des parens avides de leurs
dépouilles ?
Le Code Napoléon, en exigeant pour certains cas la pre-
�C 8)
sentation des sctes de l’état c iv il, a prévu l’impossibilité dans
laquelle pourrait se trouver, de justifier de son état, un in
dividu dénué de ces titres.
Les articles 70 et y 1 remédient à cet inconvénient et pres
crivent la forme d’un acte de notoriété supplétif.
Cet acte est reçu par le juge de paix, non en forme d’en
quête , mais par déclaration univoque et collective, et il
n’est homologué par le tribunal que sur rapport et contradic
toirement avec le ministère public.
Madame Destaing a rapporté un pareil acte de notoriété
dont elle n’avait pas besoin , attendu sa constante et inalté
rable possession d’état.
La plupart des personnes qui ont comparu devant le juge
de paix , avaient été témoins du mariage, et l’ont déclaré.
Le magistrat qui a lui-m êm e rédigé l’acte, avait d’abord
entendu que tous en avaient été témoins, et l ’avait écrit
ainsi ; mais à la lecture, un seul ( don Raphaël ) ayant ob
servé qu’il n’avait pas été présent à la célébration, on écrivit
lu plupart au lieu de tous, le reste de la déclaration portant
sur des faits dont ils avaient également connaissance.
La justice a donc sous les yeux la déclaration légale et
judiciaire de six témoins, de la célébration du mariage du
général Destaing.
Ces témoins, que le libelliste traite avec plus que de la
légèreté, et qu’il présente comme des quidam, avaient un
rang distingué dans l ’armée d’Egypte. 11 est,vrai que tous,
excepté le général Duranteau, étaient officiers civils ; mais
ils sont tous membres de ,1a Légion-d’Honneur. S’ils n’ont pris
dans leur déclaration que les qualités qu’ils avaient à l'époque
où se sont passés les faits qu’ils attestent, ces qualités suiii-
�m
salent]'"au moins, pour faire considérer leurf déclaration
comme étant d’un grand poids; mais si le libelliste avait
pris la peine de consulter l’almanach impérial, il aurait vu
qu e1des commandans de la Légion-d’Honneur, un trésorier
de la couronne, des inspecteurs généraux et des commissaires
ordonnateurs ne sont des inconnus que pour des gens qui se
méconnaissent eux-mêmes. Il aurait vu qu’un général, officier
distingué avant la révolution, porté plusieurs fois au Corps
législatif par le vœu de ses concitoyens et le choix du Sénat,
n’est pas un témoin à dédaigner.
D ’ailleurs ? madame Destaing a dît assez hautement que
son mariage avait été connu de tout ce qu’il y avait d’offi
ciers de l’état major de l’armée d’Egypte ; elle a dit et im
primé qui elle était, qui était son père et sa mère. Il y a en
France des milliers d’individus qui auraient pu la démentir,
si elle en avait imposé. Les MM. Destaing connaissent beau
coup de militaires et des amis de leur frire ; en ont-ils trouvé
un seul qui ose accuser leur belle-sœur d’imposture ?
. Mais parmi les témoins du mariage se trouvait le général
Delzon, cousin-germain du général Destaing, le même qui
s’était marié en Egypte avec la fille d’un français, et qui a
remis k ses cousins, a ses cousines, 1 acte de son mariage
fait devant un commissaire des guerres, et dont il n’existe
point de minute ; le même qui a assisté à l’assemblée de
famille qui nomma l’ayeul tuteur de la fille du général Destaing, régla l’acte viduel et la pension veuvagère.
Madame Destaing a écrit et imprimé que le général Delzon
avait été témoin du mariage. N’aurait-elle pas été dém entie
par ce braye militaire, si le fait ¿tait faux ; mais un homme
2
�<*o
d’honneur, quelque complaisance qu’il ait pour ses prochesj
est incapable de les servir aux dépens de la vérité.
Personne n’est mieux instruit que lui du mariage de ma
dame Destaing, dont il a été témoin. Son épouse a été Igamie,
la compagne, la première interprète de sa cousine. Sous les
yeux du général D elzon , madame Delzon aurait-elle vécu
ainsi avec une musulmane échappée à la servitude dun
harem. Les MM. Destaing, en outrageant la veuve d’un irère
qui leur fait honneur, manquent également à leur cousin ^
qui fut constamment son ami ; à l’épouse de ce général qui ,
quoique fille d’un français , est également née en Egypte :
mais à qui ne manquent-ils pas ? Nous nous abstenons de
relever tout ce qu’il y a de méchant dans cette diatribe ;
il suffit, à leurs y e u x , d’avoir rendu hommage à la vérité
pour exciter leur humeur ou leur colère.
Sans doute que s’ils avaient suivi le conseil de leur oncle
maternel, le père du général Delzon, la tentative qu’il font
d’enlever à leur belle-sœur et à leur nièce leur état et leurs
biens , n’aurait jamais eu lieu.
M. Delzon était membre du Corps législatif, et se7trouvait
à Paris à l’époque du décès du général Destaing :'c'est lui
qu i, le premier, a reconnu l’état de sa nièce ;'c’est sur sa
demande qu'il obtint pour la veuve du général Destaing la
première pension qui lui fut accordée. Cette pensiqn ne fut
modique qu’à cause que le premier Consul ne voulut point
alors assimiler le général Destaing ¿1 un officier mort sur le
champ do bataille.
'
t
Ce n’est point sur la présentation de l'acte de tutelle que
la pension a été. augmentée ; c’est uniquement par l'intérêt
q u ’i n s p i r e la veuve du général Destaing à tous ceux qui furent
�C »* )
les amis de son m ari, et la cruelle persécution qu’on fait
souffrir à cette infortunée.
Depuis qu’on lui a expliqué le libelle odieux publié contre
e lle , elle baigne de ses larmes sa fille , son unique consola
tion ; elle veut aller <se jeter au pied de la Cour de Riom ,
et lui demander justice : mais le tems presse , ses ressources
sont épuisées. Madame Destaing ne peut ni se séparer de sa
fille, ni .exposer la santé délicate de cette enfant, en entre
prenant avec elle un voyage long et pénible ; elle ne pourrait
d’ailleurs ni voyager ni se présenter seule : et puisqu’une
mère de famille n’a pas été un être respectable aux yeux de
ses ennemis , que n’aurait-elle pas à craindre de leur injus
tice , si elle cherchait un protecteur pour la conduire et la
présenter à ses juges ?
On lui a dit que les lois françaises lui en a s s u r e n t un
dans le ministère public, protecteur naturel delà veuve, de
l ’orphelin et de l’état des citoyens. C’est dans ' ses mains
qu’elle remet ses droits et le soin de requérir la réparation
qui lui est due pour les outrages dont on a voulu l’abreuver,
, Elle est chrétienne •, elle en fait gloire : madame Delzon
et le général Delzon le savent bien. Elle est devenue fran
çaise ; mais elle n était point indigne d’être l’épouse du gé*
neral D estaing, et elle a toujours porté cette qualité avec
honneur.
Le rit grec dans lequel elle a été élevée est ortodoxe et
reconnu comme tel par l’Eglise romaine ; le siège de l’Eglise
grecque, dans le sein de laquelle elle est née, est toujours
Alexandrie ; l’évêque est qualifié de patriarche, et réside au
Caire.
I l n’a rien de commun, avec lei Arméniens, "dont les uns
�C *2 )
sont catholiques et d’autres hérétiques, ni avec les Syriens >
les Cafres et les Maronites, qui sont tous autant de sociétés
chrétiennes plus ou moins attachées au dogme ou à la tra
dition.
C ’est le patriarche grec d’Alexandrie , propre pasteur de la
dame Destaing, qui a béni son union suivant le rit grec et
dans les formes usitées dans le pays.
Ces formes sont solemnelles et suffisantes pour un contrat
qui est autant du droit naturel que du droit des gens.
C’est vouloir tromper la multitude que d’appliquer ce que
des voyageurs ont pu dire du mariage des Turcs aux mariages,
contractés en Turquie par des chrétiens.
On doit savoir que le gouvernement ottoman a toujours
laissé les chrétiens qui vivent sous son empire.se conduire
suivant leurs lois, et ceux-ci n’en ont pas d’autres que les lois
religieuses qu’ils ont conservées; de là vient que leurs prêtres
réunissent, jusqu'à un certain point, le ministère civil au
ministère ecclésiastique.
. .
Les différens que les chrétiens peuvent avoir entr’eux ne
sont point portés devant le cadi, mais devant les prêtres,
sauf l’appel au patriarche, à moins qu’un musulman n’y fui
intéressé, et la puissance ottomane prête m ain-forte aux
jugemens des patriarches comme à ceux de ses premiers of
ficiers.
/;.
C’est ainsi qu’après la conquête des Francs, les'différens
peuples qui furent subjugués sc réservèrent leurs lois, et qu’il
fut permis à chacun de vivre ou S0;US la loi romaine , oui
sous la loi falique, ou soys tout autre régime, et la puis
sance publique maintenait les jugemens rendus suivant ces
diverses lois*^: ■
m -.n
-
•
�( i5 )
L a cour de Riom sait tout cela mieux que nous, et san9
cloute l’auteur du libelle ne l’ignore pas ; mais il a voulu
faire illusion à ceux pour qui il écrivait : autrement, aurait-il ;
parlé de notaire pour l’Empire T u rc , et de registre pour
une contrée dont la civilisation est si en arrière de la nôtre ?
Une seule de ses remarques mérite quelqu’observation ;
c’est l’expression de la date de l’année du mariage de la dame
Destaing.
Avant que , par des rapprocbemens qu’on n’a pu obtenir
d’elle qu’à mesure qu’ elle a appris la langue française, on ait pu fixer le jour du mois auquel ce mariage a eu lieu , on a
écrit qu’il avait été fait en l’an 8. Comme dans le calendrier
républicain l’année commençait au mois de septembre et non
au mois de janvier, il arrivait qu’en comparant ce calendrier
au calendrier grégorien, auquel nous sommes revenus, les deux
portions d e l ’année de l’ancien calen drier ne se rapportaient
pas à la m êm e année du nouveau ; de m anière q n ’on ne
pouvait bien déterminer une année sans fixer le mois : de là y
bien dés équivoques.
t
>
Mais clleé disparaissent dans l’ensemble des circonstances
antécé„lentës', suivantes et' concurrentes, et dès lors l’expression -de-’ l<’année dfcvient indifférente.
Quand on a dit, par exemple, que le mariage du général
Destaing a eu lieu le 17 janvier de l’année qu’il comman
dait au Caire sous le général Béliard , peu de mois avant le
siège, après l’assassinat du général Kléber, etc, etc. ; on a fixé
d’une manière certaine répbqlie de ce mariage : madame D e s taing ne peut avoir voulu le reculer d’une année, tandis qu ’elle
a compté le peu de tems qu’elle a vécu a v e c son m a i i . , ;
Mais tout cela n’est qwe pour les oisifs. L’appeï süt'-ïéquêl
la Cour de Riom* doit prononcer n^’ lui présente que ïai
�(14 )
question( de la possession d’état ; e t , sur ce point, la défense
de la dame Destaing n’a.pas été entamée, et elle ne peut
p as l'être par les digressions dans lesquelles ses adversaires
sont- entrés, et dans lesquelles on ne les a suivis que pour
d étruire les impressions; qu’elles auraient pu faire sur la
portion du public qui ignore le véritable état de la question
agitée entre les parties.
V u les observations ci-dessus et le Mémoire imprimé à
Riom , sur lequel elles ont été faites;
Le CO N SEIL soussigné e s t i m e que ce Mémoire ne pouvait
pas être qualifié autrement qu’il l’a été dans les Observations;
qu’il est injurieux à madame Destaing et à sa famille dans
les allégations qui les concernent, et qui sont d’autant plus
reprehensibles qu’elles sont étrangères à la question de droit
soumise à la décision de la Cour d’Appel de Riom.
Madame Destaing se doit à elle-même et aux siens d'en
demander la suppression, qui pourrait même être requise
d’office p a r le ministère public, attendu la nature des injures
et les fausses opinions qu’elles pourraient donner sur la
conduite des officiers français qui ont été employés à l’armée
d’Egypte.
Délibéré à Paris, par les anciens jurisconsultes soussignés,
le 26 mai 1808.
JAUBERT.
CH ABO T
de
l 'A l l i e r .
HACQUART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue Git-le-Cœur, n9 8.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, veuve. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Observations sur la cause de la dame veuve Destaing, et sur le libelle diffamatoire imprimé et publié à Riom pour ses adversaires, et produit par eux devant la Cour d'Appel séant en cette ville.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 6-1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0607
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0608
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53867/BCU_Factums_M0607.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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PDF Text
Text
PIECES JUSTIFICATIVES.
N°. Ier.
Extrait du Moniteur, N°. 93, du 3 nivôse an 7.
A r m é e d’ O r i e n t . Suite des extraits des ordres du jour de
l ’arm ée , datés du quartier général du Caire, du
fructidor
an 6, au 28 vendémiaire an 7,
L
i b e r t e
.
É
RÉPUBLIQUE
g a l i t é
.
FRANÇAISE.
Au quartier général du Caire, le 21 vendémiaire
an 7 de la république française.
O r d r e d u j o u r d u 2 1 v e n d é m ia ir e a n 7 .
est prévenue que tous les actes civils qui seront
passés par les commissaires des guerres, ceux qui seront passés
sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui pourront l'étre
entre les Français et les nationaux par-devant les notaires du
p ays, seront nuls en F ra n ce, comme i c i , s’ils ne sont enre
gistrés conformément à l’ordre du général en ch ef, en date du
3 o fructidor dernier.
L
'
a r m é e
E x tra it de l'ordre du général en chef du 3o fructidor an 6.
B
o n a p a r t e
,
général en c h e f, ordonne :
A r t . I er. Il sera établi dans chaque c h e f - l i e u de province de
^
un bureau d’enregistrement, où tous les titres de pro-
v.
�( â )
priétés, et les actes susceptibles d’étre produits en justice, re
cevront date authentique. Signé Alexandre JBerthier , général
de division , c h ef de Vétat m ajor général.
N°. II.
E x tra it du registre des actes de mariages , déposé au secrétariat
de la mairie d s lu n lla c , chef-lieu de préfecture du départe
m ent du Cantal.
C r j o u r d ’h u i vin gt-u n nivôse
onze de la'république
française , onze heures du matin , est com paru, dans une des
salles de la mairie d’ Aurillac , et par-devant nous J e a n Abadie ,
maire de la commune dudit Aurillac , faisant les fonctions
d’officier public de l’état c iv il, le citoyen Alexis Deteons, gé
n é ra l de brigade, commandant le département, demeurant audit
Aurillac , lequel n o u s a requis d in sé re r dans les registres de
m ariages, l’acte de son mariage avec dame Anne-Julie Varsy >
dressé par le citoyen Joseph A gard, commissaire des guerres
employé à Rozette , faisant les fonctions d’officier civil, le seize
brumaire an h u it, ainsi qu’il conste de l’expédition qu’il nous «a
représentée, et déposée à notre secrétariat.
S u it ledit acte mariage.
L an huit d e là république française, et le seize brumaire,.
sont comparus devant nous Joseph Agard, commissaire des guerres
employé à Rozette , faisant les fonctions d’officier c iv il, confor
mément à la l o i , le citoyen Alexis Delzons , c h e f de brigade
de la quatrième demi-brigade d’infanterie lé g è re , né le vingtsix mars mil sept cent soixante-quinze, à Aurillac, département
du Cantal , fils d’Antoine Delzons et de Marie-Anne-Crispine
Hébrard , personne libre de tous lien s, conformément au cer
tificat du conseil d’administration de son co rp s, qu’il nous a
rem is, d ’ u n e part; et la citoyenne Julie-A n ne V a rsy , née k
�( 3 )
Alexandrie le seize janvier mil sept cent quatre vingt quatre ,
fille de feu Joseph Varsy et d'Elizabeth Donner , ici présente,
et de son consentement, accompagnée de ses frères et sœurs,
d’autre part; lesquels ont déclaré, de leur libre, pleine et en
tière volonté, s’ unir cri légitime m ariage, conformément aux lois
de la république française ; de laquelle déclaration nous leur
avons donné acte en présence des citoyens Julien, capitaine
adjoint, Lanten , quartier - maître , et Labadie, capitaine, qui
ont signé avec m oi, la veuve V arsy, ses frères et sœurs, et les
parties contractantes.
Le présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré ,
conformément aux ordres du général en chef. Signé à l’original,
Julie V a rsy , Delzons , Labadie, Elizabeth D o rm er-V a rsy ,
Sophie Lanten, née Varsy, Lanten, Varsy a in é, Julien, le com
missaire des guerres, Agard. Enregistré à Rozette le vingt-deux
brumaire an h u it, n°. 104, reçu quarante médias. Signé à l’ori
ginal, R oy a n e s , d irecteu r d e l ’enregistrem ent.
Pour c o p ie c o n fo r m e à l ’o r ig in a l, le com m issa ire des guerres ,
sign é A g a h d .
D e tout quoi nous , maire susdit, avons donné acte audit
citoyen Delzons , de la remise de l’expédition de son acte de
mariage ; l’avons fait déposer aux archives de la mairie , et
avons dressé le présent procès verbal en présence des citoyens
Antoine Delzons , législateur, et de François Miquel, capitaine,
aide de camp , majeurs , domiciliés dudit Aurillac ; et o n t,
lesdits Delzons et M iq u el, signé avec nous maire , lesdits jour
et an que dessus.
Pour copie conforme , H é r a u l t , secrétaire.
•
V u pour la légalisation de la signature Hérault, secrétaire de
la mairie d 'A urillac, par nous Guillaume L aval, juge du tri
bunal civil d’Aurillac.
A A u rillac, le v in g t-six août m il huit cent six. L a v a l .
B h u h o n , greffier,
�( 4 )
N°. III.
D es actes de l’état civil du département de la S ein e,
dixièm e arrondissement de la com m une de Paris, p ou r
l ’an treize, déposés au greffe du tribunal de prem ière
instance du mêm e départem ent, a été extrait ce qui
suit :
'Acte civil de mariage .
L ’ a n huit de la république française, et le vingt-neuf vendé
miaire, sont comparus devant nous Joseph A g a rd , commissaire
des guerres employé à. Rozette, faisant fonction d’officier civil,
conformément à la loi, le citoyen Georges - A uguste L a n te n ,
capitaine, quartier-maître de la quatrième demi-brigade d’infan
terie légère, natif de B ite t, département de la Mozelle, âgé de
vin g t-n eu f ans, fils de Jean L anten et de Christine D u p o n t ,
personne libre de tous les liens, conformément au certificat du
conseil d’administration dudit corps , qu’il nous a remis , dûment
enregistré , d’une part ;
Et la citoyenne Catherine Sophie V a r s y , Agée de vingt ans,
fille de feu Joseph V a rsy , négociant de Rozette, et d 'Elizabeth
D o r m e r, veuve V a r s y , ici présente, et de son consentement,
accompagnée de ses frères et sœurs, d’autre part;
Lesquels ont déclaré, de leur pleine, libre et entière volonté,
s’unir en légitime mariage, conformément aux lois de la répu
blique française : de laquelle déclaration nous leur avons donné
acte, en présence de l’adjudant général Valentin ; Delzons, ch ef
de brigade de la quatrième dem i-brigade d’infanterie légère;
Rainiondon, commissaire ordonnateur; et de ses frères et sœurs,
qui ont signé avec nous et les parties contractantes.
Le présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré
conformément aux ordres du général en ch ef, des trente fruc
�( 5)
tidor an six , et vingt-un vendém iaire an sept. Fait a R o zette, les
jour et an que dessus. Signé à l’origin al, Auguste L an tén , Sophie
Y a rs y , Elizabeth D o rm e r-V a rs y , l’adjudant général Y a le n tin ,
Delzons , Raimondon , Agard , Julie Y a r s y , Joseph V a r s y , et
V arsy aîné. Enregistré à R ozette, le vingt-neuf vendémiaire an
¡huit, sous le n°. 100 : reçu 40 m * Pour copie conform e à 1 ori
gin al, le commissaire des guerres , signé A gaiid.
Au bas est écrit : Je certifie que le citoyen A g ard , qui a signe
le présent acte de m ariage, est tel qu’il se qualifie , qu’il rem plit
ic i les fonctions d’officier civil pour constater l’état des citoyen s,
et que foi doit être ajoutée à sa signature. A R o zette, le vingtn e u f vendémiaire an huit. L ’adjudant comm andant la province
de R o zette , signé V alentín .
Collationné sur pareil extrait déposé au dixième arrondisse
ment de la commune de Paris, lors du divorce de la demoiselle
V a rsy avec le sieur L antén , qui a été prononcé le d ix-h u it
prairial an tre ize , inscrit sous le n°. 6 du registre dixième de
l ’état civil dudit arrondissement.
D é liv r é p a r n o u s , g r e ffie r d u tr ib u n a l d e p r e m iè r e in s ta n c e
d u d é p a r te m e n t d e la S e i n e , c o m m e d é p o s ita ire d u r e g is t r e ,
s e c o n d e m in u te , e x tr a it d e l’ a u tre p a r t , e t e n exécution d e l’ar
ticle 45 du Code civil des Français.
Au greffe, séant au palais de justice, à Paris, le douze dé
cembre mil huit cent six. E. A. M ahgueh¿.
Nous président de la troisième section du tribunal de pre
mière instance du département de la Seine, certifions que la
signature ci-dessus est celle de M. Margueré, greffier en ch e f
dudit tribunal ; en foi de quoi nous avons fait apposer le sceau
du tribunal.
A P aris, au palais de justice, le douze décembre mil huit cent
six.. L e B e a u .
�(6)
N°. IV .
E x tra it du registre des actes civils de la place du Caire.
neuf de la république française, et le dix pluviôse, pardevant moi M. Pinet, commissaire des guerres, chargé du ser
vice de la place du Caire, sont comparus les citoyens AlexisJoseph D elzons, ch ef de la quatrième demi-brigade d’infanterie
légère, Jacques-Zacharie d’Estaing, général de brigade, François
M iquel, adjudant major dans ladite quatrième demi-brigade, et
Joseph Labadie, capitaine au même corps, la citoyenne VarsyLanten ; lesquels m’ont présenté uii enfant qu’ils m’ont déclaré
être né à Rozette, le vingt-sept brumaire dernier, du citoyen
Alexis - Joseph Delzons , et de la citoyenne Julie Y a r s y , son
épouse, et être du sexe masculin, auquel enfant on a donné le
nom d ’A le x is -A le x a n d r e : le p a rra in a été le général de brigade
d’Estaing , et la marraine, la citoyenne Varsy-Lanten , au nom
de la citoyenne Y a rsy, aïeule de l’enfant; desquelles présen
tation et déclaration j’ai donné acte , que j ’ai signé avec les
citoyens Delzons, le parrain, la marraine, la citoyenne VarsyDelzons , Baudinot, Labadie, Miiquel. Signé au registre, D e l
zons , ch ef de brigade, d’Estaing, général de brigade, VarsyL a n t e n , Varsy - Delzons , Baudinot, capitaine, Labadie et
Miquel ; P in et, commissaire des guerres.
L ’a n
Pour copie conform e *le commissaire des guerres, signé P ihet ,
�C7 )
N°. V.
L
i b e h t î
.
É
RÉPUBLIQUE
'
g a l i t é
.
FRANÇAISE.
Au Caire, le z 5 pluviôse an 9 de la république française.
D ’ E s t a i n G j g én éra l de b r ig a d e ,
A u citoyen d ’ E s t a i n g père.
V o u s devez avoir reçu de mes nouvelles , mon cher p ère,
par l’arrivée d u L o d i, et autres bâtimens , dont la traversée
d’ici en France a été fort heureuse. Depuis ces époques, notre
situation n’a point changé. L ’armée est toujours en très-bon
é ta t, tant au physique qu’au moral ; et le grand Visir paroit
moins disposé que jamais à venir nous visiter ; la peste, la fa
mine et la désertion le dispensent d’avoir recours à la guerre
pour d é tru ire e n c o r e u n e armée. Il est arrivé successivement
plusieurs bâtimens de guerre ou de commerce français, notanv
ment les deux frégates l’Egyptienne et la Justice, chargées de
différens objets qui nous étoient le plus nécessaires ; nos ports
sont également fréquentés par un grand nombre de bâtimens
grecs et méirie turcs sur la Méditerranée , arabes et indiens sur
la mer Rouge ; de manière que la colonie, qui est d’ailleurs par
faitement tranquille, acquiert journellement de nouveaux degrés
de prospérité : il faut espérer que cette conquête intéressante
sous tant de rapports, ne nous échappera point à la paix ; tout
au moins elle sera d’un grand poids dans la balance, et je pense
plus que jamais ce que je vous ai déjà écrit à ce sujet ; je suip
J>lus que jamais éloigné d’avoir regret aux efforts et aux dangers
particuliers qui étoient indispensables pour c o n tr a rie r ouverte
ment les vues d’une factioiî ennemie de la p ro sp érité de la répu-
�. ( 8
}
blique, ainsi que de la gloire de l’armée d’Orient. Il faut donc
voir avec patience s’éloigner le moment de nous réunir ; nous
avons fait tant d’autres sacrifices ; nous serons également dédom
magés de celui-ci par la plus pure des jouissances, celle de se
voir plutôt en avant qu’en arrière de ses devoirs. La paix avec
l’Empereur est sans doute actuellement conclue ; les circons
tances sont de nature à presser vivement les Anglais d’en finir;
et Bonaparte saura si bien en tirer parti, que le temps est peutêtre moins éloigné que nous ne le croyons, où nous reverrons
notre p airie, nos familles , aussi dignes de leur reconnoissance
que de leur tendresse.
Delzons se porte fort bien. Il a un petit garçon très-éveillé ;
et j ’essaie lïe n Jaire un à une jeune Grecque , q u i , d ’après un
arrangement o rien ta l , f a i t les honneurs de chez m oi depuis
près d ’un mois. Adieu , mon cher père , j’embrasse ma mère
et toute la famille , et vous prie de m’écrire : tout le monde ,
excepté m o i, reçoit ici des lettres. Signé d ’E s t a i n g .
Rappelez-moi au souvenir de nos anciens amis,
N °.
V I.
Paris, le i 3 ventôse an 10.
J e profite du départ du préfet, le c. Riou, pour vous écrire
deux mots. J’ai reçu une délibération de la commune d’Aurillac,
je verrai de la servir ; mais je ne sais si je pourrai rester assez
long-temps ; dites au c. Abadie que je lui écrirai bientôt.
Je n’ai pas encore pu joindre le conseiller d état Duchatel ;
ce sera je crois pour après-demain.
Q uant à mon m ariage , vous ne devez pas plutôt croire la
lettre de Latapie que la mienne ; il n ’y a aucun lien légal ;
■¡e ne ïaurois pas contracté sans vous en prévenir: mais il y
~a~à’autres liens qui pourraient peut-être bien amener celui-làf
�(9 )
Au reste, j’ai écrit à cette famille de se rendre à M arseille, et
d’y attendre de mes nouvelles.
(
Quant à ma destination , elle n’est pas encore réglée , parce
qu’on exige que je désigne ce qui me convient. Je ne la i pas
fait encore , mais après-dem ain à la parade je remettrai ma
demande.
Delzons avoit remis la sienne il y a quelque temps ; et s u iv a n t
sa demande, il ira à Clermont ou à Aurillac.
A dieu, je tous embrasse tous. Signé d’Estaing.
N°. V IL
MAISON
DE
.
L’ E M P E R E U R .
Paris, le
5 mai
1808.
J e soussigné, trésorier général d e l à couron ne, ancien d irec
teur général des revenus d’Egypte , certifie que d’après les
vérifications qui ont été faites sur les registres de l’adminis
tration de l’enregistrement d’Egypte, il n’y a été présenté, dans
aucun temps , aucun acte de mariage relatif à M. le général
d’Estaing.
E n foi de quoi j’ai délivré le présent pour servir et valoir ce
que de raison. E s t e v e .
N°. V I I I .
r
♦
E x tra it du registre de service du général d ’E sta in g , ayant
pour titre : Correspondance relative au com m andem ent de
Cathié.
Commençant le 17 brumaire an 8 , par une n o te , en ces
termes . « Ecrit au général Régnier, pour lui annoncer mon
�ce arrivée, e t lui demander des in s tr u c tio n s » e t finissant le 16
pluviôse an 8 , par une lettre au général Verdier, pour lui
annoncer que le lendemain , 17 pluviôse, il évacue le poste de
Cathié.
Registre écrit tantôt de là main du général, et ensuite de son
aide de camp, contenant copie de toutes les lettres qu’il écrivoit,
et des ordres donnés ou reçus ;
Registre qui prouve que depuis le 17 brumaire an 8, jusqu’au
16 pluviôse, il n'a quitté ni pu quitter son poste.
Delà le général se rend à R ozette, à plus de six journées de
marche , puisqu’il faut traverser le D elta , et une partie du
désert.
Il reçoit des ordres adressés à Rozette, par le général en ch ef
K léber, de veiller sur le bas Delta.
La correspondance du général Kléber, datée du Grand-Caire,
commence le 20 ventôse an 8, et finit le 11 prairial an 8. Toutes
les lettres existent en original.
N°. I X.
Correspondance du général de division M enou, toutes signées
A bd a lla M en o u , commençant le 15 germinal an 8, jusqu’au 21
floréal même année ; écrites de Rozette au général d’Estaing ,
aussi à Rozette.
N°. X.
Lettre du général Rampon , écrite du quartier général de
Dam iette , au général d’Estaing, le 3 messidor an 8, pour lui
annoncer l’assassinat du général K lé b e r, et que le général de
division M enou a pris le commandement en chef.
_______ - i .
'i
'.,n fi
: :
~
A R I OM', de l'im p rim e rie de T H IB A U D-LANDRIOT , i m p rim e u r de la C o u r d ’appel,
�
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[Factum. Nazo, Anne. 1808?]
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contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
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De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
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Circa 1808
Circa An 6-Circa 1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
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10 p.
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BCU_Factums_M0606
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Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
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conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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Text
MÉMOIRE
EN
RÉPONSE,
t
POUR
Sieurs J e a n - B a p t i s t e D ’E S T A IN G , ancien
commandant d’armes à Cham béry , J a c q u e s T h é o d o r e , P ie r r e - G a b r i e l , C a t h e r in e e t
D ’E S T A IN G , frères
et sœurs,
t
intimés et appelans ;
E l iz a beth
c
A
n n e -,
o
n
t
r
s o i- d is a n t N A Z O
e
s o i - d is a n t Grecque
d'origine, se disan t veuve du général d ’E s t a i n g ,
, safille,
appelante d'un jugement rendu au tribunal de
M auriac, le 1 3 août 1807, et intimée.
se disant pareillement tutrice de M
Q U E S T IO N
a r ie
D ’É T A T .
C e t t e cause est de la plus haute im portance, et
doit exciter vivem ent la curiosité p u b l iq u e .
U ne Égyptienne, musulmane de religion, échappée à.
A
/
�(2 )
la servitude d’an harem , a goûté quelques instans les
chax*mes de la liberté à la compagnie d’un général fran
çais, commandant une division de l’armée d’Orient.
Ce g én éral, après la capitulation d’A lex a n d rie, a
repassé en France. U n événement tragique l’a enlevé
à la gloire, à sa fam ille, à ses amis.
L ’ A fricaine réfugiée a cru trouver les circonstances
favorables pour s’introduire dans la famille du général,
prendre le titre honorable de sa veu ve, et donner son
nom à une fille dontelle estaccouchée pendant sa traversée
d’Egypte.
E lle a abusé momentanément de la foiblesse d’un
vieillard respectable e't crédule, q u i, dans sa douleur,
trouvoil quelque consolation à accueillir ceux qui avoient
eu des relations avec son fils chéri.
Cet acte de bienfaisance lui a été reproché : on veut
en induire une reconnoissance de l’état de la prétendue
G recque, qui réclame'2toute la succession du général, et
bientôt sa portion de celle du p è re , décédé pendant
l’instance.
Heureusement pour les frères d’Estaing il est des règles
certaines pour constater l’état des personnes; règles.dont
il n’est pas permis de s’écarter, dont l’infraction entraîncroit les suites les plus funestes, en introduisant dans
les familles des êtres obscurs et dépravés.
F A I T
J a c q u e s -Z a c lia rie
S.
d’Estaing, général de division , eut
l’honneur d’être Domine de 1 expédition d E gyp te, sous
�( 3 )
les ordres du héros invincible qui règne aujourd’hui
si glorieusement sur les Français.
A p rès quelque séjour, le général d’Estaing fut nommé
commandant de là place du (jaire ; il s’y lit distinguer
par sa bravoure et ses manières généreuses. Les Grecs
qui habitoient le Caire voulu ren t, suivant l’ usageT'ofiVfr
une somme d’argent au com mandant. JLl la retu sa avec
noblesse.
L e nommé J o a n ny N a z o , q ui va figurer dons cette
cause, étoit marchand détaillant d’eau-de-vie au Caire,
profession peu honorée en Egypte. Les musulmans ont
en général un certain mépris pour ceux qui vendent
des liqueurs enivi’antes; ils s’en abstiennent avec moins de
rigueur qu’autrefois, mais ils n’en estiment pas davan
tage ceux qui en font le trafic.
Les Cophtes et les Grecs qui se trou voient au Caire,
étoient tous dans le partT des français. JLe commandant
fut chargé d’organiser des bataillons_parmi eux. Jo a n n y
JSazo étoit un de ;eux qui m ontroient le p lus de chaleur et de zèle; il obtint le commandement d’un de ces
bataillons.
"
Les Grecs reconnoissans envers le général qui refusoit
leurs présens et leurs offres, s’inform ent, avec l’adresse
qui les distingue, de ce qui pourroit faire plaisir à leur
commandant; ils en parlent aux aides de cam p, aux
jeunes militaires qui approchent le général : on devine
aisément la réponse de cette jeunesse galante et passionnée.
L e présent le plus agréable au général français, seroit
une femme blanche. O n ne voit autour des camps que
des négresses dégoûtantes. Cette ouverture est saisie avec
A 2
�(4 )
empressement : N a z o envoie au général , A n n e , qui
n’étoit pas sa fille. N a z o avoit épousé la veuve d’un
m usulman; A nne étoit provenue de ce premier mariage,
et a voit été élevée dans la religion de son père; elle en
est elle-m êm e convenue, et l ’a. ainsi déclaré en p résence
de plusieurs personnes.
G o m m e n t pourroit-elle le désavouer? S i, comme elle
le d it, elle étoit G recque d’origine et de relig io n , elle
parleroit le grec vulgaire ; c’est la langue de tous les
grecs : elle ne connoît que Parabe, langue féconde et har
monieuse, que parlent en général les T urcs qui habitent
cette contrée de l’A friq u e, et dout les prêtres grecs n’en
tendent pas vin mot.
~;;U n arrangement de ce genre, scandaleux parmi nous,
n’a rien de choquant en Orient : ce n’est plus cette an
cienne Egypte * jadis un pays d’admiration , si fameux
par ses monumens qui ont résisté pendant tant de siècles
à l’action destructive des élém ens, et que la barbarie
fait disparoître tous les jours.
Ces indigènes, célèbres -par l’aiitiq uitéde leur origine',
la sagesse de leurs règlem ens, l’étendue de leurs connoissances , n’existent plus : ils sont remplacés par un
assemblage de peuples d ivers; les C op lites,les M aures,
les A rab es, les G recs, et les Turcs qui en sont les sou
verains.
‘
• r,:' '
Ce mélange de tant de nations, la diversité des cultes,
des usages, a fait que la barbarie et l’ignorance ont suc
cédé aux sciences et aux arts; la dépravation des mœurs
en a été la suite; et si on en croit nos voyageurs mo
dernes, les vices les plus honteux y règuçnt avec impunité.
�(5 )
u in n e , soi-disant N a z o , fut donc livrée au général
, d ’Estaing, qui la traita avec cette urbanité qui distingue
les Français.
Il fait part lui-mêm e à son père d’un événem ent qu’il
regarde comme une bonne fortune. Dans une lettre qui
se ressent de la liberté des camps , et qui est datée du
C aire, le z 5 pluviôse an 9 , il ne craint pas d’avouer à
son père « qu’il essaye de faire un garçon k une jeune
« G recq u e, q u i, d’après un arrangement orien ta l, fa it
« les honneurs de chez l u i , depuis près d'un m ois. »
C ertes, si le général d’Estaing avoit eu des vues h o
norables sur A n n e , il n’auroit pas voulu l’avilir aux
y eu x de son p è re; il n’en auroit pas parlé avec autant de
légèreté , surtout dans une lettre où il fait mention du
mariage de son paren t, le général D elzo n s, et du fils
que ce général avoit eu d’une union légitime.
Une remarque essentielle à faire sur cette lettre, est
que l’arrangement oriental dont il parle, n’a commencé
que depuis près d’un mois : ce n’étoit donc que dans les
commencemens de pluviôse an 9 , ou tout au plus à la
fin de nivôse de la même année, qxi’A.nne étoit venue'
habiter chez le général d’Estaing.
O r , depuis plus de deux ans, le général en chef avoit
établi dans chaque chef-lieu de province de l’E gyp te, un
bureau d’enregistrem ent, où tous les titres de propriété,
et les actes Susceptibles d’etre produits en justice, devoient
recevoir date authentique. Cet établissement date du 30
fructidor an 6 , ainsi qu’il est établi par un o r d r e du gé
néral en c h e f, qui sera mis sous les yeux de la cour.
. Ge chef illustre > dout la sage prévoyance embrassoit
�.
, ( 6 .}
tous les cas, avoit aussi établi des officiers publics pour
recevoir les actes civils, de naissance, mariage et décès:
les commissaires des guerres étoient chargés de ce soin
important. Ce n’étoit point encore assez; il falloit donner
aux actes civils la plus, grande authenticité.
Par un ordre publié le 21 vendémiaire an 7 , « l’arméé
a fut prévenue que tous les actes civils qui seroient passés
« par les commissaires des gu erres, ceux qui seroient
a passés sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui
« pourroient l’être entre les Français et les nationaux,
a par-devant les notaires du pays, étoient nuls en F rance
« comme en E g y p te, s’ils n’étoient enregistrés confor« mément à l’ordre du général en ch ef, en date du 30
cc fructidor an 6. »
Tous les Français alors en Egypte se sont conformés
à l’ordre du chef. Lorsque le général D elzon s, parent
du général d’E stain g, a contracté mariage avec dem oi
selle A n n e V a j'sy , née à A lexan d rie, il a été dressé un
acte civil.
Cet acte que rapportent les frères d’Estaing, est du 16
brum aire an 8 : il est reçu par Joseph A g a r d , com
missaire des g u e rres, faisant fonctions d’olïicier c i v i l ,
avec mention « que Vacte ne sera valable qu’autant
« qu’il aura été enregistré conform ém ent a u x ordres du
« général en c h e f : » et cette form alité d é l’enregistrement
a été rem plie à R o zette, le 22 brum aire, six jotrrs après
la célébration.
Les frères d’Estaing sont encore porteurs de l’acte civil
du mariage de Georges-Auguste L o n tin , capitaine; natif
de B ite t, département de la M o selle, avec Catherine-
�(7 )
Sophie V a r s y , fille d’un négociant de R ozette : l ’acte
également reçu par Joseph A g a r d , le 29 vendémiaire
an 8 , et enregistré le lendemain.
L e général Delzons , marié avec toutes les formes
prescrites, est devenu père d’ un fils; l’acte de naissance
de l’enfant a été x*eçu par le sieur P in e t, commissaire
des guerres, chargé du service de la place du Caire : cet
acte est du 10 pluviôse an 9.
En un m o t, tous ceux qui se sont mariés en E gypte
ont pris la même précaution; et ils y étoient tenus d’après
les ordres du g é n é ra l, à peine de nullité.
Ces obsérvations préliminaires trouveront leur place
dans la suite. L e général d’Estaing ne cohabita pas long
temps avec A n n e. Les Anglais débarquent à A b o u t ir :
le général d’Estaing reçoit ordre de se rendre à A lexandrie
en ventôse an 9. A n n e reste au C a ire , et n’a point revu
depuis celui qu’elle appelle son époux.
*
A insi Varrangement oriental n’a pas eu deux mois
de durée;
A près la capitulation d’A lex a n d rie, le général d’Es
taing, suivi d’un grand nombre d’officiers, repasse en
France. Par un des articles de la capitulation les Anglais
s’obligèrent dé faciliter ce passage.
Quelques Egyptiens obtiennent la même faveur. Joanny
Nazo~, A n n e , sont du nom bre des réfugiés. D ’après le
récit dA n n e , « elle fut embarquée à A b o u k ir, sur un
K petit navire grec; elle étoit avancée dans sa grossesse;
« elle est saisie des douleurs de l’enfantement dans le
« navire: le patron prend terre, et jette l’ancre sur la.
k côte de Céplialonie,
x î Tv''k
�(8 )
« A im e accouche dans le navire; M a r ie , sa fille, fat
« baptisée par un prêtre que sa famille envoya chercher
« dans une chapelle située sur les bords de la mer. »
IL faut l’en croire sur parole, car il n’existe aucune
trace de tout ce récit : quoique l’enfant ait été baptisé par
un prêtre, qu’il ait eu pour parrain un militaire français,
il n’existe aucun acte de naissance; A n n e est obligée
d’en convenir.
' Cependant « le consul français l’honora de sa visite. »
E h quoi ! le consul ^français fait visite à une femme
qui se dit l ’épouse d’un g é n é ra l,'q u i n’est pas remisé
des’ douleurs de l’enfantement! et ce consul ne se fait
pas représenter l’enfant ! il ne dresse p oint d’acte de
naissance, tandis que son devoir l’y obligeoit! Il est sans
contredit difficile de faire croire à une pareille omission :
le prêtre au Vnoins auroit dû constater par écrit le bap
tême de reniant*
Enfin voilà A n n e remise de ses douleurs, et débarquée
à T a ra n te , dans le royaume de Naples. L à , comme par
tout, se trouve un A u vergn at, de la ville m êm ed’A u rillac,
dppôlé L a ta p ie , qui ,^Omme cu rieu x, voit ces nouveaux
débarqués. Latapie écrit de Tarente à sa m ère, qu’une
Grecque et sa famille viennent de débarquer, d’après
la capitulation, et que cette Grecque se disoit épouse du
général d’Estaing ; qu’elle se proposoit même de partir
pour aller rejoindre son mari.
Cette lettre se répand dans la ville d’A u rillac; le sieur
d’Estaing père en est in form é, et en écrit bien vite à
son fils.*Celui-ci rép on d, le 13 ventôse an 10 : « Quant
« à mon m ariage, vous ne devez pas plutôt croire la
« lettre
�( 9 )
lettre de Latapie que la mienne ; il rfy a aucun lien
légal; je ne l’aurois pas contracté sans vous en prê
venir : mais il y a d’autres liens qui pourroient peutêtre bien amener celui-là. A u reste f ai é c rit à cette
famille de se rendre à M arseille, et d’y attendre do
mes nouvelles. »
U ne lettre aussi positive sur la nature des liaisons du
général d’Estaing avec A n n e , ne lui donne certainement
pas ime possession d’état. Il semble assez naturel qu’ une
femme ne puisse prétendre au titre honorable d’épouse, sans
l’aveu ou la reconnoissancedecelüi qu’elle dit être son mari.
L e général d’E staing, arrivé à Pai*is, y a trouvé là
m ort, le i 5 floréal an 10. O n a dit assez mal à propos
qu’il avoit l’intention d’y fixer son séjour: la lettre du 13
ventôse an 10, dont on vient de donner l ’ex tra it, prouve
«
«
te
«
«
«
au contraire qu’il vouloit continuer de suivre la carrière
militaire, que toujours en activité do service, il attéil-
doit du gouvernem ent une destination ultérieure.
.Le sort en a décidé autrement ; il a v écu. M . D elzons,
législateur, oncle d u général d’Estaing. étoit à Paris lors
de cette catastrophe; il tait prendre routes les précautions
que la loi commande; les scellés sont apposés sur tous
les meubles et effets du défunt.
M . Delzons savoitqu’^ ; ? e devoit se rendre h Mnrspillff,
ville assignée aux Egyptiens réfugiés, mais qu’elle s’étoit
arrêtée à L yon pour raison de santé, et y avoit pris un
logem ent commode et coûteux.
M . Delzons écrit au sieur B onrdin . marchand cliapelier, originaire d’A u rilla c , et avec lequel il étoit en
relation. M . Delzons charge Bourdin d’annoncer à A n n e
�( IO )
JajnQrt_dtvg£péval d’Estaing, et de lui procurer un loge
m e n tplus économ ique que celui qu’elle occupoit. Boui'din
excéda ses instructions ; il crut qu’il valoit m ieux encore
faire partir cette femme pour A u rillac; et sans consulter
la famille du général, sans même lui en donner avis, em
barque pour A u rilla c, A n n e , sa fille, et une nourrice.
M . d’Estaing père n’a aucune coniioissance de cette
dém arche; il n’en est inform é que par Bourdin lui-m êm e,
qui fait, dans le même temps, un voyage dans sa patrie,
üt~précède de deux jours la prétendue Grecque.
M . d’Estaing manifeste la plus grande répugnance à
recevoir dans sa maison une femme qu’il ne connoissoit
que sous des rapports peu avantageux, d’après la cor
respondance de son fils. L a charité ou la compassion
l’obligeoient peut-être de donner des soins à une étrangère
infortunée; mais la décence ne lui permettoit pas de
recevoir une concubine dans sa maison.
O n chercha, par les ordres du sieur d’Estaing, un ap
partement en v ille , pour donner un asile à A n n e. L a
résistance du p è r e , pour recevoir cette femme dans sa
m aison, est connue de toute la ville.
M ais une foule d’oilicieux , d’oisifs ou d’indiiïerens
pensent qu’une réception plus honorable ne peut avoir
aucune conséquence : c’est une étrangère, une infortunée
élevée dans des principes différons des nôtres, qu’on ne
peut ranger dans la classe de ces femmes sans pudeur,
qui bravent les principes.ou les préjugés ; et soit curiosité,
pitiç ou faiblesse, le sieur d’Estaing, dans ce moment
de d o u l e u r , atterré p a rla nouvelle fatale de la mort de
son fils,-accable sous le poids des ans, se laisse,subjuguer;
il admet, cette fcimnc dans sa maison.
�Son arrivée à A u rillac date du I er. prairial an 10 ,
quinze jours après la mort du général.
Il y a dès-lors impossibilité que le sieur d’Estaing ait
prévenu, comme on l’a d it, par une lettre officieuse, celle
qu’on veut lui donner pour belle-fille ; il fut en mêmetemps inform é, et de la m ort de son fils, et de l’arrivée
de l ’étrangère.
L e sieur d’Estaing père se proposoit d’avoir des ex
plications sur le genre d’engagement que pouvoit avoir
contracté son fils avec l’inconnue qui lui étoit présentée.
A p rès une quinzaine accordée à A n n e , pour la reposer
des fatigues de son v o y a g e , il lui fait part de la lettre
du g é n é ra l, son fils , et lui communique ses doutes :
A rm e soutient qu’elle est l’épouse légitim e du général;
qu’elle a été mariée au Caire , au com m encem ent de
Tait 8 ; que sa famille, qui est à Marseille, a tous les
actes qui établissent son mariage et la naissance de sa
fille.
L e sieur d’Estaing père est séduit ; il se rassure sur
la promesse d'A n n e , de faire venir tous ces actes : elle
fait écrire pour les obtenir; elle ne pouvoit en imposer
sur la lettre, car elle avoit besoin cPun secours étranger,
dès qu’elle ne savoit ni lire , ni ecrire cn"llililiWi;^
Dans l’in tervalle, M . Delzons arrive de Paris ; il est
inform é de ces détails. Il connoissoit!l’état des affaires
du gén éral; il observe à son beau-frère qu’il est Tinrent
de faire procéder à la rémotion des scellés, à l’inventaire
et à la vente du m obilier : mais comment faire? L ’état
de la prétendue veuve est incertain : elle se dit Agée
de dix-sept ans seulement; elle n’a aucun titre pour deB 2
�( * o
mander cette rémotion ; elle ne peut être tutrice de sa
fille, dès qu’elle est mineui’e : le sieur d’Estaing père ne
c o u r t aucun risque à accepter la tutelle de M a r ie , qu’on
lui présente comme sa petite-fille.
Ce vieillai’d respectable, entraîné par les événemens
et les circonstances, attendant toujours les actes servant
à constater l’état de l’étrangère, croit pouvoir sans danger
prendre un parti qui accélère la liquidation de la suc
cession de son fils. Ses autres en fans ne sont pas de cet
avis ; ils représentent à leur père l’inconséquence de cette
dém arche : ils ne sont pas écoutés on les é v ite , on les
fu it; ils ne sont plus instruits de ce qui se passe.
• L e 5 messidor an 10, le sieur d’Estaing père se pré
sente devant le juge de paix d’ Aurillac ; on lui fait ex
poser « que Jacques-Zacliarie d’Estaing, son fils, général
« de division,, est décédé à Paris le i 5 floréal an 10,.
« laissant une fille u n iq u e , alors âgée de cinq m o is,
a nommée M a rie, p ro ven u ed e son mariage avec A n n e
« JS a zo, Grecque d'origine ; que la loi défère à lui ,
« a ïe u l, la tutelle de sa petite-fille, attendu surtout la
« m inorité d'A n n e JSazo , sa mère ; et désirant cire’
« confirmé en cette qualité pour pouvoir agir légalement,
« il a amené plusieurs des plus proches parens du défunt,
« pour délibérer tant sur la confirmation de la tutelle,
a que sur la fixation de la pension de la p u p ille , sur
« les Iiabits de deuil , et pension viduelle de la dame
« veuve d’Estaing ; comme aussi pour donner leur avis
« sur l’allocation des frais de voyage de la m ineure, d e
« la m è re , depuis L yo n jusqu’à A u rilla c , ainsi que des
« frais dûs pour salaires à une nourrice provisoire, depuis
�( 13 )
« Tarente 7 ville du royaume de Naples, y compris urr
c mois de séjour à L y o n , jusqu’en là ville d’A urillac ;
« lesquels frais il a avancés, et se montent à la somme
« de 604 fr. ; et enfin , pour être autorisé à régler tous
« comptes et mémoires de fournitures, et autres objets
cc qui pourroient être à la charge de la succession , et ce,
<x tant par lui-mêm e que par ses fondés de pouvoirs. »
U présente ensuite pour composer le conseil de fam ille,
des parens éloignés, si on en excepte les sieurs Delzons
père et fils. Chose remarquable ! le sieur d’Estaing père
avoit avec lui ses six autres enfans,-frères du d éfu n t,
dont quatre majeurs ; il étoit tout n atu rel, et la loi le
commandoit im périeusem ent, de con voqu er.à cette as
semblée les frères du défunt : ils étoient essentiellement
membres du conseil de fam ille; on les écarte avec le plus
grand soin.
Ces parens, comme on peut le penser, sont d’avis de
confirmer le sieur d’E stain g, aïeul de la m ineure, daus
la qualité de son tuteur, à la charge par lui de faire bon
et fidèle inventaire de tous les effets dépendans de la suc
cession du défunt général d’E staing, faire procéder à la
vente du m obilier, et de faire l’em ploi utile du prix en
provenant, conformément à la lo i, après avoir prélevé
tous frais, dettes et charges de la succession.
2°. Ces parens estiment que la pension de la m ineure,
jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans, tant pour
sa nourriture que pour son entretien et éducation, doit
être fixée à la somme de 600 fr. annuellem ent, que le
tuteur retiendra par ses mains, sur la recette des revenus..
30. Ils portent les habits de deuil de la dame veuve
�( J4 )
d’Estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L y o n ,
et qui ne sont point encore acquittés, à une somme de
io o o francs : le tuteur est autorisé à fournir ces habits,
en retirant quittance des marchands et fournisseurs.
4 0. Quant à la pension viduelle de la v e u v e , et de la
négresse qu’elle a à son service, comme le sieur d’Estaing,
tu te u r, leur fournit en n atu re, nourritu re, logem en t,
feu et blanchissage, les parens fixent cette pension à la
somme de io o o francs pour l’année de viduité, à compter
du i er. p ra iria l an 10, époque de son arrivée ci A u rilla c.
Ils allouent au tuteur la somme de 604 francs, avancée
par lui pour frais de voyage de la v e u v e , et salaire de
la nouri’ice depuis Tarente jusqu’à Aurillac.
5°. Ils autorisent le tuteur à traiter, tant par lui-mêm e
que par ses mandataires, avec tous marchands, fournis
seurs, aubergistes, et autres personnes qui pourroient
avoir fait des fournitures tant en marchandises que den
rées, régler leurs mémoires, en payer le m ontant, soit
que ces fournitures aient été faites à P aris, à M arseille,
au défunt g én éral, ou à sa veuve à L y o n , pendant le
séjour qu’elle y a fait.
Ce procès verb al, si indiscrètement l'édigé, fait avec
tant de précipitation, est le grand titre de l’Egyplienne.
Il en résulte, suivant elle, une l’econnoissance formelle
de sa qualité de veuve d"E sta in g , une possession publique
de son état. L e sieur d’Estaing p è r e , étranger à la suc
cession de son fils, puisque le général est m ort sous l’em
pire de la loi du 17 nivôse an 2, a pu livrer cette suc
cession
une inconnue; il a eu le droit d’en priver ses
fils, frères du défunt, et seuls habiles à lui succéder. T o u t
�( i5 )
ce qu’a fait le père est irrévocable; les frères d’Estaing
sont obligés de le respecter. Peu im porte que le général
ait désavoué son m ariage, qu’il ait attesté qu’il n'y açoit
aucun lien légal entre lui et la prétendue G recque; le
,père a plus de pouvoir que le mari ; il peut se passer
de contrat, d’acte civ il, de preuves, et conférer à A n n e
la qualité de veuve de son fils.
V o ilà l’étrange l’aisonnement dûA n n e et de ses conseils.
M ais il ne faut pas anticiper sur la discussion : on doit
cependant féliciter A n n e du grand parti qu’elle a déjà
tiré de ce procès verbal.
Gomme Egyptienne réfugiée, elle a voit obtenu du gou
vernement une pension de 520 francs. Cette faveur lui
étoit commune avec tous les Egyptiens qui avoient passé
en France après la capitulation d’A lexan d rie; seulement
la pension à?Aizjic étoit la moindre de celles que le gou
vernement avoit accordées.
Mais A n n e , munie de cette délibération de fam ille,
qui la traite comme veuve d’un général français, trouve
les moyens de parvenir jusqu’au chef de l’étal ; e t , en
cette qualité de veu ve, elle obtient de notre magnanime
Em pereur que sa pension sera portée à la somme de
2000 francs.
Dans le principe elle n’avoit fait solliciter la démarche
du sieur d’Estaing père que pour parvenir à ce but ;
maintenant elle veut encore profiter de la bienfaisance
du souverain, pour en induire une reconnoissance solen
nelle de son état par l’Em pereur lui-m eine; ce qui doit
imposer silence à des collatéraux importuns.
11 faut convenir qu’il n’y a pas de Grecque plus ruséo
�( 16 )
tiî plus adroite. O n examinera bientôt ce que peut avoir
de commun un brevet de pension, avec les prétentions
d 'A n n e contre les frères d’E stain g, et si ce brevet est
(encore une possession d’état.
D e u x jours après l’acte de tu telle, et le 7 messidor,
le sieur d’Estaing père donne une procuration au sieur
D elzo n s, résidant à P aris, pour faire procéder à la ré
motion des scellés apposés sur les meubles et effets de
son fils.
Il a été procédé à la rémotion des scellés, et à l’in-^
ventaire du m obilier, le 24 messidor et jours suivans. 11
est dit dans le procès verbal que c’est à la requête de
Pierre d’Estaing , au nom et comme tuteur de M arie
d’Estaing , sa petite - fille , enfant mineur de JacquesZacharie d’Estaing, général de division, et d’A nn e N azo,
sa v e u v e , Grecque d’origine.
O n y observe que la mineure d’Estaing est habile à se
dire et porter seule héritière de Jacques-Zacliarie d’Es
ta in g , son père.
O n remarque que le général d’Estaing ayant été marié
au C aire, en E g y p te , il n’a point été fait entre lui et sa
veuve d’acte qui réglât les conditions civiles de leur
mariage ; qu’en conséquence leurs droits doivent être
régis suivant la coutume du lieu du domicile du général
d’Estaing; que ce domicile étoit à A u rillac, pays soumis
à la coutume d’A u v e rg n e , qui n’admet pas de commu
nauté entre mari et femme sans stipulation contractuelle.
L e sieur D elzon s, fondé de p o u vo ir, devoit au moins
savoir qu’Aunllac est en droit ecnt.
Parm i les papiers du défunt on ne trouve aucun acte,
aucunes
�, ( h )
aucunes pièces relatives à son prétendu m ariage; i l 'n y
a pas le plus léger renseignement, si ce n’est' deux lettres
récentes, écrites de Tarente au défunt, et dont on ne
donne pas même la date : Yune e s t , dit-on , écrite par
le père de la darne d 'E sta in g , q u i apprend au défunt
Y accouchem ent de son épouse, et Y autre d'un sieur Latapie, q u i annonce ait général d'E staing Varrivée de sa
Jem m c ¿1 Tarente.
■
■
Bientôt après on a fait procéder à la vente judiciaire
du m obilier; on a acquitté, dit-on, les dettes de la suc
cession ; mais les frères et sœurs du général ont ignoré
ces démarches,' et n’ont été appelés à aucune opération1.’
- En attendant, et pendant que tout ceci se passoit à
P a ris, A n n e ne recevoit rien de Marseille ; point d’acte
pour établir l’état qu’elle réclamoit.
Ce retard fait naître des soupçons; sa conduite dans la
famille les augmente : on avoit a|Dpris qu’elle n’étoit pas
même fille de Joanny N azo; elle n’avoit pas reçu l ’acte
de naissance de M a r ie , qu’elle disoit sa fille. Si elle n’a
voit pas fait constater sa naissance par les officiers du
n a v ire, le con sul, ou le p rê tre, il étoit naturel de le faire
au moins à T aren te, où, comme dans tous les pays occupés
par nos armées , il y avoit des officiers civils pour cons
tater l’état des Français.
L a famille du général m urm ure: A n n e s’en aperçoit,
et prend le parti de se retirer; elle écrit à Jo a n n y N a zo
de venir la prendre. Celui-ci qui avoit gardé le silence
svir la demande d’A n n e , relative aux actes qui dévoient
constater son é ta t, se rend bien vite à l’invitation ; il
C
�( i8 )
arrive à A u rillac, et emmène à M arseille celle qui se
disoit sa fille.
A n n e dissimula en partant ; ce n’étoit qu’un voyage
de peu de durée , elle devoit bientôt revenir : elle part
pour Marseille. A peine arrivée à cette destination, elle
cherche à acquérir des preuves de son prétendu mariage.
, E lle im agin e, le 5 fructidor an n , de se présenter
devant le juge de paix du second arrondissement de
M arseille, intrà muros: E lle lui expose « qu’il lui im« porte de foire connoître son origin e, qu’elle ne peut
« le faire par pièces probantes, attendu que dans sa patrie
t«ril n’est point tenu de registre constatant l’état civil des
« citoyens ellç .requjert le juge paix de recevoir les déa clarations qui vont être faites par des compatriotes
« qu’elle a invités à se ren d re, relatives à son o rigin e,
q ret q u i pourront suppléer au défaut des titres qu’il lui
et est impassible de produire, »
0.A l’instent se présentent N ico la s Pappas O n glou, se
disapt chef de brigade, commandant les chasseurs d’Orient,.
âgé do 45 ans, né k Scheraet, en A sie ; G a briel S a n d ro u x,
aussi chef de brigade du même corp s, âgé de 36 an s,
i>é au G rand-Caire ; A b d a lla M a n ou r, chef de bataillon,
âgé. de 34 ans, né au Grand-Caire ; Joseph Tutungi
réfugié égyptien, né h A le p , âgé de 5o ans; A lla Odab a c h i, né à A le p , réfugié d’E gyp te; Joseph D ir fa m ,
#é à Con&tantiuople > réfugié d’Egypte ; et Constanti
K ir ia k a , pé à Schemet* en Asie.,
Il c¡st djt que toute cette;w m pagm e a g it nycc la pré
sence. et sous. VautQi'isatÂQu d,e Jaquís d?A c o m ia s , irtfgr,-»
U
�( *9 )
prête juré des langues orientales. Ils déclarant * par l’or
gane de l’in terprète, « qu’ils ont résidé habituellement
ce en E gypte avant la révolution ; qu’ils y ont parfaîte« ment connu J ea n JSàzo et Sophie M is c h e , son épouse,
« père et mère d'A n n e - qu’ils sont bien mémoratifs de la
« naissance d ’ A n n e ISaZo à l’époque de l’année 1780, et
« que la dame fut unie en mariage avec le général d’Es* taing. w
Josep h Tutcmgi\ C o n sta n tiK iria k o et J o s e p h D u ja in *
déclarent de plus. « qu’étant passés en France avec A n n e ,
« veuve d’Estaing , ayant relâché à Céphalonie dans le
« mois de nivôse an 10 , ladite dame y accoucha d’unê
« fille, qui fut tenue sut les fonts baptismaux par ld sietff
« N assif, officier de chasseurs, et par-la dame M arie
« M ische, son aïeule, a
*
A n n e se faisoit ainsi rédotmoîtx'e par ces réfugiés sans
avertir personne, et ne donna plug d<? scs nouvelles que
pour réclamer M a r ie , sa fille y qu’elle avoit laissée à
A u rilla c; encore eut-elle recours au min'istrd dé la justice
pour faire cette demande. E lle a fait im prim er qu’elle avoit
eu besoin d’obtenir des ordrefs supérieurs pou r avoir son
enfant; elle en impose sur ce point comme sur beaucoup
d’autres. Sur sa réclam ation, le m inistre'écrivit pour
avoir des renseigneimens ; et le sieur d’Èstaing père!, fort
étonné d’apprendre qu’on se fût adressé au m inière, répond
sur le champ qu’il est prêt ù remet trie un dnfant qu’on lui
«voit laissé, et qu’il n’avoit gardé que par humanité.
Les frères dt soeurs du général d’Ëstairig, à qui 011 ¿voit
soigneusement caché tout ce qui s’étoit passé , prirent
de le u r côté des informations ; l’un d'eux, commandant
G 2
�( 20 )
d’armes à Cham béry, avoit vu le gén éral, son frère, lors
de son passage, et celui-ci ne lui avoit rien dit sur son
prétendu m ariage; il étoit plus à portée qu’ un autre de
savoir ce qui s’étoit passé au Caire. 11 est convaincu que
son frère est mort célibataire ; il se concerte avec les,
autres pour la conservation de leurs droits.,
. Tous^se déterminent à faire faire entre les mains de
leur p è re , par acte du 20 thermidor an n ( une saisiearrêt , avec défenses de se dessaisir ni rien livrer de tout
ce qui est provenu de la succession du généi’al.
L e 7 ventôse an 1 2 , cédule devant le juge de paix , au
sieur d’Estaing p ère, pour se concilier sur la demande
tendante à ce qu’il soit tenu de leur rendre et remettre
la totalité de la succession de leur frère , sauf au sieur
d’Estaing père à se retenir la portion revenante à Pascal
d’E stain g, leur frère, encore mineur.
< L e 11 ventôse même m ois, procès verbal du bureau de
paix-: le sieur d’Estaing père y déclare « qu’il existe un
« enfant naturel de feu d’Estaing, provenu de. ses liaisons
« avec Catherine P on talier, originaire de Paris; que cet
« enfant, légalement reconnu par son père, étoit en ce m o« ment entre les mains de P ierre M a rcero n , jardinier
« de la ville de Fongeau , et son père nourricier..
« L e sieur d’Estaing père observe que la loi donne des
« droits à cet enfant sur les biens de son père ; que, d’un
« autre côté, il s’est présenté à l’ouverture de la succession
« du général, une femme grecque, qui se disoit sa veuve,
« et mère d’une petite fille provenue de ce prétendu
« mariage.
« L e sieur d’Estaing ajoute qu’il, voulut bien accepter la
�( 21 ]
«tutelle de cet en fan t, attendu que sa reconnoissance ne1
« pouvoit pas nuire aux parties intéressées; qu’il lui donna,
« sur la succession, des secours qui lui étoient nécessaires,
« ainsi qu’à la mère ; mais que celle-ci prétend aujour« d’hui s’emparer de tous les biens du feu général d’Es« ta in g , soit comme se disant créancièi'e, soit comme
« com m une, soit comme tutrice de sa fille; qu’au reste,
« il est prêt et offre de remettre ce qui est en ses mains
« de cette succession, en le faisant ordon n er, soit avec le
« tuteur qui sera nommé à l’enfant n a tu re l, soit avec
« A n n e , se portant aujourd’hui tutrice de sa fille. »
L e lendem ain, 12 ventôse an 1 2 , les frères d’Estaing
(m ajeurs) présentèrent l’equête au tribunal d’A u rilla c,
pour demander permission de faire assigner leur père , à
b ref délai, attendu qu’il s’agissoit de partage, pour voir
dire et ordonner qu’il y sera procédé , et qu’il leur sera
.délaissé à chacun un sixième de la succession, suivant
l’inventaire qui sera représenté ; faute de ce faire, pour
être condamné à payer à chacun des frères d’Estaing, la
somme de i2000fr. à laquelle ils évaluent et restreignent
leur amendement.
M êm e jour , assignation aux fins de cette'requête ; et
le 18 ventôse, intervient au tribunal d’A u rillac un juge
ment contradictoire qui ordonne q u 1A/m e N azo , Em ile
d’Estaing, enfant naturel du d é fu n t, Jean-Baptiste et
A n to in e Pascal’ d’Estaing, ou leurs tuteurs, ou subrogés
tuteurs, seront mis en cause.
Pendant que tout ceci se passoit à A u rilla c, Anne n e1
perdoit pas son temps : elle s’étoit imaginée que le tri—
.bunal de la Seine devoit seul connoîtrc de toutes les con—
�( 2 2
)
(estations qui pouvaient s’élever entre elle et le sieur
d’Estaing père.
,
Q uoique résidente à M arseille, elle fait citer le sieur
d’Estaing père à Paris, par cédule et requête des 2 et 21
ventôse an 12 : elle ne savoit pas trop encore ce qu’elle
devoit dem ander; mais par Une requête du i 5 messidor
an 1 2 , elle règle définitivement ses conclusions.
E lle apprend, par cette requête, que le tribunal de la
Seine s’est déclaré compétent par jugement du 4 du même
mois de messidorî elle expose « q u ’après la m ort du gé~
« néral d’E stain g, décédé à Paris le iô floréal an 10, le
« sieur d’Estaing père a profité de l’absence de la dame
«-d’E stain g, qui venoit de l’Egypte et de l’Italie pour
« l'ejoindre son m a ri, pour se ¿faire nom m er tuteur de
« Tenfant m ineur du général,, et se mettre en possession
« de tous les biens. »
.;
•.
E lle dit « que le sieur d’Estaing père n’est plus chargé
« de la tutelle ;: qu’il ne doit plus retenir l’administration
«des b ien s, dont m oitié lui appartient'à elle comme
« commune.
« Q u’elle est dénuée de tout ; qu’elle n’a d’autre resî«• soui'ce qu’une pension sur l’é ta t, de 5 2 0 fr. ^qui a été
« portée ù 2000 fr. , mais dont elle ne doit pas toucher
« le prem ier terme de quelque temps,
« E lle a vendu ses effets, contracté des dettes; elle doit
« plusieurs termes de son loyer : l’article 384 du Code
« N ap o léo n , lui attribue la jouissance des biens de son
« enfant.
• « Il s’est trouvé,dans l’actif du défunt général,.trois ins«* criptions du tiers-consolide sut l’état y faisant'ensemble
�C 23 )
« 2000 fr. de rente : elle les a fait saisir à la trésorerie ;
« elle ne voit aucun inconvénient à en toucher les arrê
te rages. Mais ce n’est pas suffisant; elle demande cependant
« h être autorisée à les p ercevo ir, à faire faire toutes mu
et tâtions à son profit, et qu’il lui soit fait en outre une
« provision de io o o o fr. »
A u p rin cip a l, elle conclut à ce que M . d’Etaing père
soit tenu de lui rendre compte de sa gestion , lui com
m uniquer l’inventaire fait après le décès de son fils, ainsi
que toutes pièces justificatives, sauf ses débta9, et qu’il
soit condamné à lui payer le reliquat du compte.
U n jugement par défaut du tribunal de la Seine, en
date du 18 messidor an 1 2 , lui adjuge ses conclusions
provisoires et principales ; seulement la provision est
restreinte aux arrérages des rentes du tiers-consolidé.
M . Uestaing père, averti de toutes ces poursuites, trouve
extraordinaire que la prétendue veuve l’ait fait assigner
à P aris, lorsqu’évidemment la succession de son fils étoit
ouverte à A u rilla c .il n’a voit en effet d’autre domicile qite
celui de son origine.
M . d’Estaing décline la ju rid iction , et se pourvoit
devant la cour de cassation, en règlem ent de jtig£&
Un arrêt du 11 vendémiaire an 13 , décide que la 9utí-*
cession du général est ouverte à Aurillocij et sans s’arrêter
aux jugemens du tribunal de la Seine, des 4 et *8 mes
sidor an 12 , qui sont déclarés mils et comme non
avenus , ainsi que' tout de qui a précédé et suivi f f&n-*
voie la couse et les parties à procéder devant le tribunal
¿ ’arrondissement d’A u rïïla c , pou# leu r être fait droit Sur
leurs ctemande* rcspectivca.
; ¿
a
t çilO la:
�( 24 )
A n n e , à son to u r, suspecte le tribunal d’A u rilla c;
M . d’Estaing père en étoit le président: elle présente
requête en la co u r, pour être renvoyée devant tout autre
tribunal.
M . d’Estaing se prête à ce caprice; il s’en rapporte
à cet égard à la cour de cassation. A rrê t du 2.6 thermidor
a n ' 1 3, qui renvoie la cause et les parties devant le
tribunal séant à Mauriac.
11 n’y avoit d’autres parties en instance au tribunal
de la Seine, qu'A n n e , soi-disant N a z o , et le sieur d’Es
taing père : la demande en partage, formée par les frères
d’Estaing, étoit pendante à A urillac. Ce tribunal, investi
de la cause, avoit déjà ordonné que tous les prétendans
droits à la succession du général d’Estaing seroient assignés
devant lui. Ce jugement avoit été signifié.
A n n e ne tient aucun compte de cette procédure : le
10 février 1806, elle prend une cédule du juge de paix
de M a u ria c, contre le sieur d’Estaing p è re, exclusive
ment *, elle reprend contre lui les mêmes conclusions
qu’elle avoit déjà prises par sa requête présentée au
tribunal de la Seine ; seulement elle,, ne se prétend plus
commune avec le gén éral, et n’agit qu’en qualité de
tutrice.
L e 4 mars 1806, procès verbal du bureau de paix.
L e sieur d’Estaing père , par son fondé de p o u v o ir ,
déclare « qu’A n n e le fait citer sans fondement et sans
«c raison ; qu’il n’a aucun droit à exercer sur la succes« sion de son fils; que la demanderesse auroit dû plutôt
« se pourvoir contre les véritables héritiers de son fils,
« qui seuls ont qualité pour accéder ou critiquer ses
« prétentions j
�( 20 )
« prétentions; qu’il n’est ici qu’ un régisseur, et ne peut
« se concilier sur la demande en reddition de compte
« qu’avec tous les ayaus droit. »
M . d’Estaing indique ensuite les héritier« du général;
et d’abord c’est Em ile d’Estaing, son fils naturel, et encore
m in eu r, puis les frères et sœurs du général; il expose
q u ’A n n e n’ignore pas la saisie-arrêt qu’il a dans les m ains,
à la requête de ses enfans, ce qui est un m otif de plus
pour qu’elle s’adresse à e u x , afin de faire valoir ses
prétendus droits.
Mais le sieur d’Estaing père ajoute que la demanderesse
ne peut se prévaloir de ce qu’il l’a reçue dans sa maison,
de ce qu’il a accepté la tutelle de M arie, et a fait procé
der, en cette qualité, à l’inventaire et à la vente des effets.
Ce ne fut qu’à titre d’hospitalité et de bienfaisance qu’il
lui donna un asile; il y fut induit a par fraude, çuppQ« sîtion de personne, et par des insinuations per/Ides. »
A n n e seule l’excita à toutes ces démarches, q u 'il
rétracte et désavoue fo rm elle m en t, ne v o u la p t'p a s
qu’ une étrangère s’introduise dans sa famille.
Il déclare qu’il ne la reconnoît point pour f ille de
Jo a n n y N a z o , ni sous la qualité d’épouse de son fils;
qu’il ne reconnoît point sa fille, sous le nom de M a riey
comme provenue de son prétendu mariage avec le général
d’Estaing; qu’il exige auparavant qu’elle établisse par
actes authentiques, son origine, son prétendu piariage,
et l’état de M a rie , sa fille: jusque-là il la soutient non
recevable dans toutes ses demandes.
A n n e pour le coup est effrayée de la réponse éner
gique du sieur d’Estaing p è re; elle roçoonpît la néces-
D
�C rf)
. •
sité de rapporter des actes'authentiques qui établissent
son origine et son m ariage: elle n’en avoit d’aucune
espèce ; qu’ irnngine-t-elle pou r y suppléer ?
L e 29 mars 1806, elle se présente devant le juge de
paix du dixième arrondissement de Paris ; elle lui expose
que « pendant le cours de Tan 8 , elle a été unie en
« légitim e mariage avec Jacques - Zacharie d’Estaing,
« général divisionnaire , décédé à Paris en l’an 10 ; que
« son mariage a été célébré religieusem ent, et d’après
« les rites du pays, devant le patriarche d’A lex a n d rie,
« habitant au G rand-Caire ,- mais que n’étant point en
« usage en E gypte de tenir des registres des actes de
« l’état civ il, elle se trouve dans l’impossibilité de repré« senter au besoin l’acte de célébration de son mariage;
« et que désirant y suppléer par un acte de notoriété,
« signé de différentes personnes qui ont été témoins de
« son m ariage, elle requéroit le juge de paix de recevoir
•f
« la déclaration des personnes qu’elle présenloit. »
Ces personnes sont au nombre de sept. Un sieur
I.arrey de B ea u d ea u , ex-chirurgien en chef-de l’armée
d’Egypte; dom R ap haël de M o n a ch is, membre de l’ins
titut d’E gypte; un sieur A ntoine-Léger Sartelon, ex-or
donnateur en chef de l’armée d’Egypte; un sieur H ector
JJaure, ex-inspecteur général aux revues de la même
armée.; un sieur L u c D uranteau, général de brigade;
un sieur Jean-Joseph M arcel, directeur de l’imprimerie
im périale; un sieur M artin-R och-X avier Estave, ex-di
recteur général des- revenus publics de l’Egypte. •
' Tous ces témoins réu n is, et par une déclaration eol* lë ctiv e , attestent, « pour notoriété publique, connoître
�(
*7
)
« parfaitement A n n e N a z o , veuve du général d’Estaing,
« fille de Joanny Nazo, négociant au G rand-Caire, clief
« de bataillon des chasseurs.
« Ils certifient q u e , pendant le cours de fa n 8 , la
« dame Nazo a été unie religieusem ent, et d’après les
« rites du pays, en légitim e mariage avec Jacques-Zac? cliarie d’Estaing, par le patriarche d’A lexa n d rie, ha« bitant du Grand-Caire ; que l’acte de célébration n’en
« a pas été ré d ig é , n’étant point d’usage en E gypte de
« tenir un registre de l'état civil ; mais que le mariage
« n’en est pas moins constant, ayant été célébré en pré« sence d’ un grand nombre de militaires français, et de
« la plupart des déclarans ; que depuis la célébration
« de son mariage avec le général d’.Esiaùig, et pendant
« son séjour en Egypte, la dame N a z o , veuve d'Estaing,
* Ji’a pas cessé d'habiter avec son m a r i, q u i Va tou« jo u r s traitée com m e son épouse légitime. »
A n n e , munie de cet acte, qu’elle appelle un acte de
notoriété, présente requête au tribunal d elà Seine, pour
demander Vhomologation de ce certificat : jugement du i5
avril 1806, qui l’homologue sans difficulté.
O n ne conçoit pas trop cette manière de procéder. Il
est difficile de penser que le juge de paix eût qualité
pour recevoir de semblables déclarations, et que le tri
bunal de la Seine fût compétent pour hom ologuer une
enquête à fu tu r, faite sans ordonnance de justice, sans
jugement préalab le, et hors la présence des parties in
téressées.
Il est surtout.curieux d’entendre ces t é m o i n s officieux
dire que le mariage a été célébré en l’an
sans déD a
�( 28 )
signer aucune époque p récise, lorsque la lettre du gé
néral, du 2.5 pluviôse an 9 , annonce une liaison récente,
et qui ne remontoit pas à un m ois; de les vo ir déclarer
que le mariage a été célébré parle patriarche d’A lexandrie,
qui n’est ministre de la religion d’aucun des deux prétendus
époux ; de les entendre enfin attester opüAnne n’a cessé
d’habiter avec son mari pendant tout son séjour en Egypte,
lorsqu’il est constant que la cohabitation n’a pas eu deux
mois de durée, que le général est parti du Caire pour
se rendre à A lexan drie, lors du débarquement des Anglais
à À b o u k ir.
A n n e , se confiant dans cet acte de complaisance ou
de légèreté, fait assigner M . d’Estaing père au tribunal
de M a u ria c, par exploit du 30 mai 18 0 7 . M . d’Estaing
père fournit ses défenses, qui ne sont qu’une répétition
de ce qu’il avoit déjà dit devant le bureau de paix; mais
il demande acte au tribunal de la réitération qu’il fait
devant lui de ses protestations contre tous aveu x, toutes
dém arches; que ce n’est que par erreur et par fraude
qu’ il a accepté la tutelle de M arie; et qu’il rétracte tous
actes dont A n n e pourroit inférer une reconnoissance de
son état ; il conclut enfin à ce qu'‘A n n e , comme étran
gère, soit tenue,,aux termes du Code, de donner caution
judicatum suivi.
L a cause portée à l'audience au provisoire, intervint
un jugement contradictoire, le 12 août 1806, par lequel
le tribunal de M a u ria c, sans préjudice de tous moyens
respectifs des parties, et sans entendre rien préjuger y
ordon n e, avant Faire d ro it, que les parties feront dili
gences pour mettre en cause les prétendons droit à la
�( *9 )
succession du général d’E stain g, en se conformant à l'a;
loi ; et néanm oins, condamne le sieur d’Estaing père à
payer à A n n e Nazo la pension de 600 francs, fixée à sa
fille mineure par le procès verbal du 5 messidor an 10,
depuis que la mineure est sortie de la maison du sieur
d’Estaing p è re , et à la continuer à l’avenir jusqu’au ju
gement définitif : les dépens sont réservés, sauf le coût du
jugem ent, auquel le sieur d’Estaing père est condamné.
O n ne doit rien négliger dans une cause de cette im
portance ; les plus petits détails peuvent être précieux :
il faut donc rendre un compte sommaire des motifs qui
ont déterm iné ce jugement, auquel les héritiers d’Estaing
se sont rendus tiers opposans, et qui est également soumis
à l’examen de la cour.
Suivant les premiers juges, l’article 16 du Code Na
poléon n’assujétit que les éti’angers à donner caution du
judicatum solvi. ^inne se disant ëpouse d’un général
français , i l est incertain si elle sera regardée comme
étrangère', ou si elle se trouvera dans l’exception de
l’article 12 du même C o d e; rien n’est encore jugé sur
la validité ou l’existence de son mariage
on ne peut
donc lui appliquer une peine qu’elle n?a pas encourue.
Ce n’est pas trop sagement l’aisonner; car s’il faut at
tendre la fin d’un procès pour exiger une cau tion , la
disposition du Code ne seroit pas fort utile : il est bien
tard pour demander une caution, lorsque tous les frais
sont faits; et il semble que dès q u'A n n e ne rapportoit
aucuns titres pour constater son é ta t, elle d e v o i t être*
assujétie
cette formalité..
Les premiers juges ajoutent qui!A n n e ? 601^ comme;
�C 3° )
com m une, soit comme tutrice, réclame la totalité de la
succession du général ; dès-lors les poursuites que les
frères d’Estaing ont pu faire contre leur père , lui sont
étrangères, et ne peuvent m ériter aucune litispendance
q u i la concerne.
Cela n’est pas trop clair : « niais comme elle réclame
« toute la succession contre le sieur d’Estaing p è re , qui
« s’en est reconnu dépositaire; que la cour de cassation a
« renvoyé cette demande au tribunal, entre la dame N a zo
« et le sieur d’Estaing père seulement-, quoique la cour
« de cassation ait eu sous les yeux la procédure tenue à
« A u rillac, entre les frères d’Estaing et leur père, puis
« qu’elle est visée dans son arrêt, et qu’il n’est pas permis
« au tribunal d’interpréter le silence de la cour de cassa« tion. »
Q ui croiroit qu’avec ce m otif les premiers juges auroient ordonné la mise en cause devant eux des prétendans droit à cette succession? Ils s’ingénient à prouver
qu’ils n’en ont pas le droit ; et c’est la première chose
qu’ils ordonnent.
Enfin le sieur d’Estaing père a provoqué la tutelle ;
il s’est soumis à payer une pension de 600 fr. à M arie:
la rétractation qu’il oppose contre cette obligation , ne
peut empêcher l’exécution provisoire ; la saisie-arrêt ne
peut avoir d’eiTet sur une pension alimentaire , sauf le
recours du sieur d’Estaing père, ainsi qu’il appartiendra.
T els sont les motifs de ce prem ier jugem ent; ils pouvoient être plus conséquens, et ce n’est pas sans raison
que les premiers juges hésitoient sur la mise en cause
des frères d’Estaing; ils u’etoieut, dans l’espèce parti-
�( 3l ) ^
cu lière, que des juges d’exception ; ils n’avoient récit
d’attribution qu’entre A n n e et le sieur d’Estaing pèrer
Ils ne pouvoient pas dépouiller le tribunal d’Aurillac ,
juge naturel des frères d’E stain g, d’une demande pen
dante devant lui.
Mais pourquoi se jeter dans des arguties de procédure, .
pour une cause de cette importance ; les frères d’Estaing
prennent le p a rti, sur la signification qui leur est faite
du jugement d’A urillac , d’intervenir en l’instance , et de
form er tierce opposition au jugement précédent : leu rrequête d’intervention est du 24 janvier 1807. Ils deman
dent qu'A n n e soit déclarée non recevable dans toutes
ses demandes, et concluent, contre leur p è r e , tant en son
nom , qu’en qualité de tuteur de deux de ses enfans, au
délaissement et au partage de la succession du général
d’Eslaing, leur frère , ainsi qu’ils l’avoient demandé k
Aurillac..
En cet état, la cause portée à l’audience du tribunal
d’A u rilla c, le 13 août 18 0 7,il y a été rendu un jugement
contradictoire, dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que la dame Nazo a mis en fait qu’elle avoit
« été mariée avec le général d’E stain g, au C aire, en!
« E g y p te , par le patriarche d’A lex a n d rie, en présence
« des principaux oiïiciers de l’armée française en Egypte,,
« en l’an 8, sans désigner le mois n i le jo u r de cette année ;
« que toutes les formalités exigées dans ce lieu pour le
« mariage avoient été observées •, et que d’après ces usages,,
il ne se faisoit jamais d’acte écrit du mariage ;
« Attendu qu’elle rapporte même des certificats quii
« attestent le mariage et l’ usage du pays;
�.-
( 32 >
« Attendu que les tiers opposons ont produit au con« traire des certificats et des actes de mariage d’autres
« officiers français, célébrés dans le même temps devant
« des commissaires de l’armée ;
« Attendu que la dame Nazo prétend prouver , par
« lesdits certificats, qu’elle a vécu avec le général d’Estaing
« au Caire et à A lexan d rie, et y étoit reconnue comme
« son épouse ;
c< Attendu que la dame Nazo prétend que la reconnoissance de son mariage, et même la reconnoissance de la
'« légitimité de sa fille, de la part du général d’Estaing,
« résultent de la lettre qu’il a écrite à la dame Nazo le
'« i 5 prairial an 9 , date qui correspond assez à la naissance
c< de cette fille à Céphalonie ; dans laquelle lettre le gé« néral d’Estaing lui fait de tendres reproches de ce qu’elle
« ne l’a pas averti de sa grossese, qu’il avoit apprise d’ail« leurs, et de ce qu’un particulier, qu’il dénom m e, n’a« voit pas procuré à la dame Nazo des occasions de lui
« écrire ; laquelle lettre , très-affectueuse, est écrite en
« entier de la main du général d’E staing, de l’aveu de
« toutes les parties, est adressée, aussi de sa main , h la
v citoyenne d’E s ta in g , à.la citadelle du C aire, et datée
« d’Alexandrie ;
' v« Attendu que par la lettre du général d’Estaing à
« son père , du 13 ventôse an 1 0 , il commence par se
« plaindre de ce que son père ajoutoit plus de foi à une
a lettre d’un sieur L a tap ie, qui lui avoit mandé que le
« général d’Estaing étoit marié en E g y p te , qu'à lu i çt même ; il continue par dire à son père qu’il rfy a
a aucun lien légal entre la dame Nazo et lui ; qu’il ne
« l’eût
�( 33 )
« l’eût pas contracté sans le prévenir -, et il finit cepen« dant.par dire que ce lien pourroit bien amener celui-là ;
« qu’au surplus, il a écrit à cette famille de se rendre à
« M arseille, et d’y attendre de ses nouvelles';
« Attendu qu’après le décès du général d’ E stain g,
« arrivé le i 5 floréal an 1 0 , le sieur d’ E sta in g ’père a
« reçu chez lui la mère et la fille, et les a traitées comme
« veuve et fille du g é n éra l, et présentées dans'toute la
« ville'en ,cette qualité pendant'huit mois ;
-r
« Attendu que le sieurtd’Estaing père a requis, dans
« un procès verbal tenu devant le juge de paix d’A u « r illa c , et composé de ce qu’il a de plus «clairé et de
« plus recommandable dans sa fam ille, le 5 messidor an
_« 10, .et»a obtenu la qualité de tuteur-deM arie d’Estaing,
« sa ¡petite-fille,1 p ravçn u e, y est-il dît , *du mariage du
« général d’Estaing avecila dame Na»o;¡dans lequel procès
« verbal il ;a fait fixer >les frais par Hui -avancés pour leur
« yoyage de L yo n à A u rillac , les ha’biis <îe deuil de la
* idame ,N a zo , et une pensiari>pbur elle ét sa fille ;
« Attendu qu’en)vertu'de ce¡procès veri5aî,!,'le sieur
« d ’Estaing père a fait procéder à la rém otiôn des scellés
« apposés à Paris sur les effets du géûéral’d’ Estaing, son
* fils ., À laquelle le père de la dame Nazo', *et le sieur
D elzo n s, législateur^ ^ont assisté, et’le^ieur d’Estaing
« a r£ait ensuite procéder à '^inventaire dé 'Süri' m obilier
k par le sieur D e lzo n sfils, son iondé^de p o u v o ir, ler24
* messidor an æo ;
r
1 '■
« A ttendu que (lorsque la >dame Nazo , après un
« séjour de h u it mois chez le 'sieur id’Estaing p ère, l’a
•k quitté ce 4 ejcnier a gardé M arie d’Eataing, sa fille0,
E
�f 34 )
« et.ne ¡Ta remise à sa mère*qu’en vertu d’ordres supé« rieurs;
.
* .
t « Attendu que de tous ces faits non désavoués, la dame
« Nazo en a conclu que son état d’épouse du général
cc d’Estaing, et l’état de M arie d’Estaing, leur fille, avoient
« été reconnus solennellement par le sieur d’Estaing père,
« et qu’il ne luifétoit plus permis de varier; '
« ; Attendu que le sieur d’Estaing père n’a rétracté cette
« reconnoissance form elle que par sa réponse au bureau
*: rde paix du pauton de M auriac; ' ■
,ct Attendu ce qui résulte du procès verbal de tutelle,
« et des au très ¡pièces produites par la dame N azo;
« Attendu que lorsqu’il n’a pas été tenü de registres,
« l’arlicle 7 du titre: 2.0 ide l’ordonnance .de 1667 , dont
« a été ¡pris l’article 46 du C ode, perm et ddiprouver par
■
a\ témoins la célébration du m ariage, et.la'naissance des
«r enfansjqui en sorit'.provemis^iet que,’ dans l’espèce,
cette preuve^téstimoniale est. d’autant plusiadmissible,
« que; le. procèsaYerbal;jdejlai.tutelle :déférée au sieur
« d’Estaing pève peut être considéré comme un cominen.« cernent de preuve par écrit de la possession d’état'de la
« dame N azojet fie.sa^ fille; .
« L e trib u n a l,.sa n s préjudice, etc., et sans rien pré«. ju g e r, ordonne, ayant fairejd ro it,'q u e la dame Nazo
.« ferafpreuve;parrdevant le président du tribunal, dans
« les six mois à' com pten de .la^signification du présent
k jugement à personne ou dom icile, etceitant par'titres
,« que par témoins, 1°. qu’il n’étoit pas .d’usage au Caire,
« e n l’an 8 , soit, .pour; les' militaires îfrdnçais , ou [tous
« autres, de tenir des registres d e l’é ta t ici viL, ni de rédiger
�c 3 0 }
« par écrit les actes de m ariage; qu’il n’étoit pas non
« plus d’usage à Céphalonie de rédiger par écrit des actes
t< de naissance; 2°. que la dame Nazo a été mariée en
« l’an 8 , au Caire, avec le défunt général d’Estaing, par
« le patriarche d’A lexan d rie, avec les cérémonies usitées
« dans Ce lieu ; 30. qu’elle a depuis cohabité avec le sieur
« général d’Estaing, jusqu’au retour de celui-ci en France,
« et que dans tout ce temps 'elle a été publiquement
« reconnue, pour être l’épouse du général d’Estaing ;
« 40. qu’elle est accouchée à Céphalonie , d’une fille
« provenue de ce mariage , dans le mois de nivôse an i o ,
« laquelle iille a été nommée M arie d’Estaing ; sauf au
« sieur d’Estaing p ère, et aux tiers opposans , la preuve
« contraire pour les enquêtes, etc. : dépens réservés. »
L a dame A n n e a fait signifier les qualités de ce juge
ment , sans aucune protestation ni réserve , le 22 août
18 0 7 .
L e 5 décembre suivant , A n n e interjette appel’ de ce
jugement interlocutoire : ellela renouvelé cet appel par
autre acte du 23 janvier 1808; e t, pour la prem ière fois,
dans cet acte elle se rappelle de la date de son prétendu
m ariage, qui a été célébré au Caire le jour des rois de
1800; fête qui arrive douze jours plus ¡tard que parmi
nous, parce qu’on suit en Egypte le calendrier grec; ce
qui répon d, suivant elle, au 17 janvier 1800, ou 27 ni
vôse an 8. Elle se plaint de ce qu’on Passujétit ù une
p reuve; elle n’en avoit pas besoin. :•
Les frères d’E stain g, à leur to u r , jtant en leur nom
personnel que. comme héritiers de leur père , décédé
pendant l ’instance , se rendent m cidcm i»^11 appçlans du
E 2
�( S<5 )
même jugem ent, notamment en ce que ce jugement a
fait une fausse application de l’article 14 du titre 20 de
l’ordonnance de 1667 , de l’article 46 du C ode, et qu’il
est contraire aux dispositions des articles 1 7 0 , 1 7 1 , 194
et 195 du même Code»
Depuis ces appels respectifs, A n n e a fait publier en la
cour une consultation en form e de m ém oire, à la suite
de laquelle elle a produit des pièces nouvelles. Il s’agit
de répondre aux objections qu’elle propose, de relever
les contradictions dans lesquelles elle est tom bée, et d’ap
précier le m érite des actes de notoriété ou des certificats
dont elle justifie.
r U ne étrangère, une infortunée, vient réclamer l’état
d’épouse et de m ère , noms chers et sacrés, d*où naissent
les plu^doux charmes de la vie : quel intérêt ne doit-elle
pas inspirer ! La complaisance ou la pitié ont déjà dicté
des certificats, qui tous annoncent le sentiment qui les.
a produits.
'
'
1
^
Point de précision sur les faits, contradiction sur les
dotes, exagération dans les circonstances, erreur sur led
uages ou les mœurs du pays*
Com m ent p o u rro it-o n accorder quelque confiance à
des actes extrajudiciaires, sollicités, m endies, obtenus,
contre tous les principes et touies les formes ?
‘L a faveur disparoît, l’illusioiï cesse, le prestige s’éva
nouit ; il ne reste plus que la crainte, une sorte de terreur,
d’admettre, au détriment d’une fam ille, une usurpatrice,
une c o n c u b i n e , qui mettant peu de prix à ses charmes „
a Cédé facilement aux appas de la v o lu p té s
r
A n n e pourroit-elle se faire un titre d’un procès verbal
�( 37 )
de tutelle qu’elle a arraché de la foiblesse ou de Terreur
d’un vieilla rd , dans les premiers momens de douleur de
la perte de son fils; qu’elle n’a obtenu que par un men
songe , et parce qu’elle faisoit entendre que Joanny Nazo
avoit dans les mains tous les actes qui constatoient son
état d’épouse légitim e ?
E lle est obligée de convenir aujourd’hui qu’il n’existe
aucun acte qui établisse son m ariage; elle se renferme
dans une assertion m ensongère, et soutient qu’il n’est pas
d’usage, parmi les G recs, de tenir des registres, ou de
dresser des contrats de mariage.
E lle en impose évidemment et sciemment. Q u’on ouvre
l’histoire de tous les peuples policés, des T u rc s , par
exem ple, qui régnent dans le pays qui l’a vu naître.
O n sait que les Turcs admettent la pluralité des femmes,
et n’ont souvent que des esclaves : cependant il se con
tracte des mariages parmi eux ; et celles qu’ils ont légi, timement épousées jouissent de tous les droits d’épouses;
il leur est- dû un douaire et une pension.
T o u rn e fo rt, si bien instruit des usages de ce peu ple,
d i t , lettre 1 4 , que « les T urcs ne considèrent le mariage
«
«t
a
ée
*
«
«
ce
a
que comme un contrat civ il; cependant qu’ils le regardent comme un engagement indispensable, ordonné
par le créateur à tous les hom m es, pour la m ultipli
cation de leur espèce. Quand on veut épouser une filler
on s’adresse aux pareils pour obtenir leur consentem ent; et lorsque la recherche est agréée , il en est dressé
un contrat en présence du ca d i et de deux témoins,
Zj(i ca d i délivre- a use parties la, copte de teur con trat
do mariage» L a fem m e n’apporte point de d o t, mais
�C 38 )
« seulement un trousseau, etc. » Il parle ensuite de la
pompe et des cérémonies qui accompagnent cet acte
solennel, et qui sont plus ou moins fastueuses, suivant
la qualité des parties.
On peut encore consulter l’histoire moderne de l’abbé
de M arcy, tom. 6, édition in -12 , page 112 et suivantes.
L e môme auteur parle du mariage des G recs, dont le
patriarche reçoit les conventions, dont il est à la fois
le ministre et le juge. « L es G recs, dit-il même tom e,
« page 297, regardent le mariage comme un sacrement;
« mais ils ne croient pas que ses nœuds soient indissolu.« bles. Un mari mécontent de sa femme obtient, sur une
« simple requête , une sentence de séparation, que .le
« patriarche lui fait payer dix écus : alors les deux parties
« peuvent form er un autre engagement, sans que per« sonne s’en formalise. »
T o u rn e fo rt, lettre 3 , dit encore la même chose.
L ’auteur le plus moderne qui ait écrit sur les mœurs
des E gy p tien s, et dont l’ouvrage a pour titre : Conquête
des Français en E gyp te, pag. 12 8 , art. 6 , en parlant
de d iv o rce, répudiation, atteste que lorsque le mari
veut se séparer, il le déclare devant le ju g e, et rend la
dot portée par le contrat de mariage. Il y a donc des
contrats ?
« Les mariages ont cela de particulier, dit l’abbé de
« M a rc y , qu’on choisit de part et d’autre un parrain et
« une marraine, et quelquefois trois ou quatre. L e papas
« reçoit à la porte de l’église les m ariés, et commeuce
« par s’assurer de leur consentement. Ensuite, les conc< duisant à l’a u tel, il leur met sur la tçte une couronne
�«
«
«
«
«
«
«
a
«
«
«
«
«
«
«
( 39 )
de feuilles de v ig n e , garnie de rubans et de dentelles;
il passe, un anneau d’or dans le doigt du garçon, et
un anneau d’argent dans celui d elà fille; puis il change
plus de trente fois ces anneaux, mettant au doigt de
l’épouse l’anneau du mari* et au doigt du mari l’anneau
de l’épouse.
« Les parrains et les marraines s’approchent ensuite,
et font le même changement d’anneaux. Celte cérémonie finie, les parrains ôtent aux mariés leur couron n e............L e papas coupe ensuite des mouillettes
de p ain , et les mêle dans une écuelle avec du vin ;
il en mange u n e, en présente une autre à la m ariée,
puis au m ari, et enfin à tous les assistans. Les parens
et les amis envoient ce jour-là aux mariés de grandes
provisions; on se réjouit ainsi à frais communs, pendant
deux mois. »
L e même auteur dit que la dot de la future est portée
avec ostentation chez l’époux, et précède le cortège de
l’épouse ; que cette dot est stipulée et constatée par un
acte dressé devant notaires.
Il est encore d’usage constant, pour donner au ma
riage la plus grande p u b licité,, de promener les époux
pendant trois jo u rs, sous un dais.
L e prétendu m ariage-à?Anne a-t-il eu ce genre de pu
blicité? Elle n’a jamais osé le dire. T o u t est invraisem
blable dans son récit.
Elle fait entendre qu’elle a été mariée par le patriarche
d’A lexan d rie, demeurant au Caire. Cela e s t impossible;.
L ’auteur déjà cité sur les mœurs et les usages des
É gyptiens, apprend qu’il y a en E gypte des ministres.
�( 4° )
de toutes les sectes chrétiennes. L e ministre désigné par
n’est pas celui des G re c s, il est le prêtre des
Uophtes. « C e u x -c i, dit cet auteur, sont chrétiens, de la
« secte des Jacobites ou E utychéetis. Leurs opinions
« religieuses les rendent irréconciliables avec les autres
« Grecs ; ils se persécutent avec acharnement. .L e s
« Cophtes ont un patriarche qui réside au C aire, et
« qui prend le titre de patriarche iVAlexandrie. » 3
Par quelle singularité A n n e , qui se dit Grecque d’ori-?
gine et de relig io n , au roit-elle choisi un prêtre persé-?
cuteur de sa secte ? Comment le patriarche des Cophtes
auroit-il consenti à bénir un prétendu mariage -entre
deux époux d ’une religion différen te,dont aucun d’eux
ne professe celle du ministre devant qui ils se présentent
pour recevoir la bénédiction nuptiale,
>
L e mariage d’un général français étoit un événement
rem arquable; on devoit y .mettre la plus grande pom pe,
y donner la plus grande-publicité. Q u o iq u ?en dise A n n e 9
c’eût été pour elle un honneur insigne, une fortune ines
pérée. N a z o , q u i, si on l ’en cro it, ¿ e st f a i t . valoir
pour donner son consentement, n’auroit pas manqué de
prendre toutes les précautions pour -assurer l’état de celle
qu’il appelle sa fille. Il faisoit partie de l’armée ; il connoissoit les ordres du général en chef,, traduits dons
toutes les langues usitées : la prem ière chose à lu quelle
il auroit pensé eût été de faire dresser un acte c iv il
devant le commissaire des guerres., officier public dé
signé à cet effet.
A n n e convient cependant qu’il n’y a eu aucun acte
dressé J
:: ; •
_
Les
�(40
Les témoins qu’elle a produits dans ses enquetes à futur,
se contentent d’énoncer des assertions générales. O n ne
désigne ni l’heure, ni le jour, ni le lieu de la cérémonie:
aucun témoin ne déclare précisément avoir assisté à la
bénédiction nuptiale.
A n n e elle-m ême a toujours laissé dans la plus grande
incertitude sur la date ou l’époque de son prétendu mariage.
Elle plaide depuis l’an n ; et jusqu’au jugement dont est
appel, du 13 août 1807, elle s’est contentée de dire qu'elle
avoit été mariée dans le cours de Van 8 ; ce n’est qu’après
le jugem ent, et dans la consultation, qu’on a pensé q u ’il
falloit préciser le jo u r, et on a imaginé le jour des rois,
q u i, d’après le calendrier g re c , se trouve le 17 janvier.
Cependant il résulte de la lettre du général d’Estaing,
en date du 25 pluviôse an 9 , que îo » arrangement
oriental n’avoit commencé que depuis à peu près un mois,
et le général d’Estaing écrivoit la vérité ; en voici la
preuve :
A n n e veut être mariée en l’an 8 , le 17 jan vier, qui
représente le 27 nivôse an 10.
A cette é p o q u e , le général d’Estaing n’étoit pas au
C aire; il commandoit l’avant-garde de l’armée en statiott
à C ath ié, fort situé dans les déserts, qui sépare l'Egypte
de la S yrie, près de Suez, à plusieurs journées du Caire.
L e service ou le commandement du gén éral, au fort
de C a th ié, a commencé le 17 brum aire an 8, et n’a fini
que le 16 pluviôse an 8 , époque de l’évacuation de ce
fort.
L a preuve de cette continuité de service, résulte de
son registre de correspondance officielle; registre écrit
F
�(40
en grande partie de la main du gén éral, qui p ro u v e ,
jour par jo u r, qu’il n’a pas quitté son poste.
Plusieurs lettres officielles écrites par lui le 27 nivôse
an i<3, du même lieu de Cathié , démontrent l’impos
sibilité de sa présence au Caire le jour indiqué pour
son pré fendu mariage.
Les lettres concernant le service lui sont adressées à
C ath ié, par les généraux et officiers, et particulièrement
par le général'de division sous les ordres duquel il servoit.
Cathié ne fut évacué que le 16 pluviôse an 8. L e gé
néral d’Estaing se rendit de là à R ozette, où il a resté
jusqu’en vendém iaire an q
. . ____________ *
Ce fut alors qu’il fut nommé au commandement du
C a ire , où il a résidé jusqu’en ventôse an g , c’est-à-dire,
jusqu’au moment où les Anglais débarquèrent à Àboukir:
Tous ces faits sont prouvés par les registres et les feuilles
de service du général'.
Les parties d’ailleurs sont d’accord sur cette dernière
circonstance. A n n e nous l’apprend elle-m êm e dans sa
consultation, page 6.
Comment concilier toutes ces contradictions ? l’assertion
drune inconnue d o it-elle l’emporter sur les écrits du
d éfu n t, qui font foi par eux-mêmes ?
Non , il est évident qurA n n e veut en imposer à la
justice, au public; que son histoire lamentable n’est qu’ un
roman mal conçu , qui manque tout à la fois de vraisem
blance et de vérité.
Mais A n n e a , dit-on, une possession (l'état invariable.
Q u’èst-ce qu’une possession d’état ? Les questions de
ce genre sont toutes de droit public.
1
�( 43 )
L ’état des liommes se forme sous l ’autorité des lois;
il s’établit de deux m anières, ou par des titres, ou, à
défaut de titres , par la possession : le titre en est la
preuve la plus authentique et la plus invariable; la pos
session en est peut-être la preuve la plus sensible et la
plus naturelle. C ’est ainsi que s’exprirrioit M . l’avocat
général Séguier, dans la cause du sieur Rougeinont. « La
« possession, disoit ce grand m agistrat, l i e, unit par
« une chaîne non interrompue de faits, d’actions et de
« dém arches, tous les instans de notre vie à celui qui
« nous a vu naître ; elle nous fait remonter jusqu’à la
« source de notre sang ; elle nous fait descendre depuis
« cet instant p rim itif, jusqu’au moment actuel de notre
« existence ; elle nous apprend à nous-mêm es, elle ap« prend aux autres qui nous sommes, soit par le per« sonnage qu’elle nous impose , soit par Vhabitude de
« nous connoître , soit par l'habitude d’être reconnus :
« mais il faut, continue M . Séguier, que cette possession
« soit constante, perpétuelle, invariable. » E t M . Séguier
invoque la doctrine du magistrat im m ortel qui l’avoit
précédé dans cette glorieuse carrière, et qui professe les
mêmes principes.
A n n e peut-elle dire qu’elle a la possession constante,
perpétuelle, in variable, de l’état d’épouse du général
d’Estaing? U ne liaison crim inelle dans nos mœurs a com
mencé au mois de nivôse an 9 , et n’a pas eu deux mois
de durée. Celui qu’elle appelle son ép o u x, la traite en
concubine ; c’est ainsi qu’il la désigne à son père même,
lorsqu’il lui parle de la nature de ses engagemens : le
F 2
�( 44 )
bruit se répand qu’il est m arié; le général le désavoue,
et soutient qu’il r t j a aucun lien légal.
A n n e ne tient donc pas la possession de son é ta t,
de celui qui y avoit le plus grand in té rê t, de celui seul
qui avoit le droit de l’élever au titre honorable d’épouse;
comment auroit-elle la possession d'un état que son pré
tendu mari d ésavoue, et ne veut pas lui accorder ?
Une possession d’état ! Mais y a-t-il jamais eu entre
A n n e et les membres de la famille d’Estaing, ces rapports
continuels qui se confirment de jour en jour entre les
parens r p a r la notoriété ? avoit-elle avec ses prétendus
beaux-frères, cette habitude journalière de se traiter ré
ciproquement comme frères et soeurs ? c’est cependant
ce que désire C ochin, à l’endroit cité dans la consultation;
et il est remarquable qu’on ait choisi une autorité de ce
genre, dans une cause où le célèbre Cochin soutenoit que
la dame de B ru ix , baptisée comme fille de Jean Lassale,
avoit eu pendant trente-quatre ans la jouissance , la
possession d?état de fille de Jean Lassale, et que cette
possession d’état devoit êti’e un obstacle insurmontable
h. la prétention que la dame de Bruix osoit élever, de se
dire fille du sieur marquis de Boudeville de la Ferté. Cochin appuie principalement sur cette possession ,
comme lo n g u e, constante et invariable.
E t d’après Cochin lu i- m ê m e , une possession d’état
pourroit-elle être l’eifet de l’erreur d’un m om ent, d’uu
acte isolé et fu g itif, obtenu dans un moment dîurgence,
et sous la foi de l’existence des actes qui aasuroient à
A n n e un titre légitim é ;
�( 45)
D ’un acte bientôt rétracté, lorsqu’on a su que le pré
tendu mariage n’étoit constaté en aucune manière;
D ’un procès verbal de tu telle, qui émane du sieur
d’Estaing p è re , étranger à la succession de son fils; qui
n’a pu nuire aux parties intéressées; dont on a exclu tous
les parens les plus p ro ch es, pour y admettre des alliés
à des degrés éloignés.
Il est extraordinaire que lors de ce procès verbal on
ait fait un semblable choix : de tous ceux qui y sont
dénom m és, le sieur d’Estaing p ère, et le sieur D elzons,
étoient les seuls qui eussent le droit d’y assister.
Les frères du général d’Estaing étoient présens sur les
lieux ; quatre étoient majeurs : aucun d’eux n’y a été
appelé.
L es sieurs T e r n a t, petits-fils de la dame d’Estaing ,
Veuve T ernat, en ont été écartés»
Les sieux-s ¿4.ngelergues, parens au même degré que
les précédens, n’ont pas été convoqués.
Les sieurs d 'E sta in g , cousins germains du p è r e , ne
font pas partie de cette assemblée.
O n convoque dans la ligne paternelle, des sieurs LaOroi;
parens au sixième degré du d éfu n t; un sieur F o rte l 7
allié encore plus éloigné que les sieurs L a b ro . . .
Dans la ligue m aternelle, on néglige les sieurs T A p p a r a oncles bretons du défunt : on affecte d’appeler les
sieurs M a ilhes, père et fils, alliés très-éloignçs, Et-vpi^A
les individus qu’^/*«e traite ou Meut faire reg-ardçrjco^^e
les plus proches parens de ¡son prétendu mari ; il ne faut
pas s?en étonnerç; elle nfapas eu Ie; temps dp, fai^C-pon*
noissauce avec la fam ille de son prétendu m ari.
�'( 46 )
Elle a été reconnue dans la fa m ille , dans la v ille ,
dans h s so ciétés! E lle n’a été présentée nulle p art; ne
pou voit’ l’ê tre , à moins de* l’a v ilir , puisqu’elle n’a voit
d’autre communication que les signes, ignoroit absolument
la langue française, étoit étrangère à nos usages, et ne
connoissoit aucun des agrémens d’une vie policée.
E levée dans la classe du p eu p le, sans aucunes connoissances, illitérée, obscure, sans fortune, sans moyens;
voilà celle qui veut être l’épouse du général d’Estaing,
là fem m e'de son ch o ix , et que ce général doit se glo
rifier d’avoir obtenue.
; ‘
Peut-on pousser plus loin le délire !
L ’erreur du sieur d’Estaing père n’a pas eu plus de
huit mois de durée , de l’aveu même dûA n n e ,* et huit
in oiŸ n ’ont jamais donné une possession d’état constante
et invariable.
;
A n n e ne l’a pas même pensé ; elle a senti la nécessité
de rapporter des preuves'-de son m ariage; et à défaut
de titres , elle a voulu y suppléer par des certificats.
A rriv é e à M a rseille, - elle conduit des Egyptiens suivis
d’un interprète, et leur dicte les déclarations qu’elle croit
convenir.
?
Ce procès verbal qu’on colore du nom d’acte de no
toriété ne fait aucune sensation. Elle accourt à P aris,
et va solliciter des personnes plus marquantes, qui se
rendent à son invitation.
; E lle les conduit devant le juge de p a ix , qui les admet
sans autre form e; elle fait homologuer sans contradiction
le procès verbal. La famille d’E staing, qui n’en avoit
aucune connoissance, s’inquiétoit peu de ses démarches,
�( 47 )
et n’avoit garde de s’y opposer* puisqu’elle les ignoroit.
Que signifient ces enquêtes à ¿futur, qui ne peuvent
donner lieu qu’à d’énormes abus? Q u’on lise le procès
verbal qui a précédé l’ordonnance de 1667 ; 01a y fait
sentir les inconvéniens de ces sortes d’enquêtes,. dont
M . le premier président demande la suppression. L e
rédacteur nous apprend que les motifs de ce magistrat
éclairé furent universellement goûtés, et déterminèrent
l’article unique du titre 13 , qui les abrogea, et défendit
à tous juges de les ordonner ou d’y avoir égard, à peine
de nullité.
Ces actes prétendus de notoriété sont donc inutiles
et même dangereux dans la cause1, ils ne seroient d’au
cune im portance, quand ils pourroient être de quelque
considération.
A n n e les a réunis à la suite de sa consultation : on va
les analiser rapidement. Tous les ^4.11a ou ^ibdaïïa qu’elle
a recueillis à Marseille déclarent « qu’ils ont parfaitement
« connu J ea n N a z o et Sophie M isch e , son épouse, père
« et mère d 'A n n e , et qu'A n n e fut unie en mariage avec
« le général d’Estaing. »
C ’est bientôt dit : mais où est la preuve de la filiation,
du m ariage? U ne simple assertion généralisée, sans au
cunes circonstances, sans désignation des époques, des>
dates, peut-elle faire quelqu’impression ? A n n e a-t-elle
pu penser qu’avec une déclaration aussi vagu e, les tri
bunaux pourroient lui assurer l’état dTépouse et veuve
du général d’Estaing, et l’admettre dans cette famille?.»Et.
si quatre d’entre eux ont ¡déclaré qu 'A n n e accoucha: à:
C eph alouie, ils disent le contraire de ce que racoutei
�( 48 )
A n n e , q u i, pour intéresser davantage, n’a pu prendre
terre, et a accouché dans le navire. Il lui en coûtoit si
peu de s’accorder avec les déclarans, qu’elle auroit dû
au moins dire la même chose.
Son. acte de notoriété fait à Paris est encoi'e plus
insignifiant.
Sept témoins attestent simultanément, et parlant tous
A la fo is , que « dans le cours de fa n 8 , A n n e a été
a unie religieusem ent, et d’après les rites du pays, en
« légitim e mariage , avec le général d’E stain g, par le
« patriarche d’A lexa n d rie, habitant du Grand-Caire.
« L ’acte de célébration n’en a pas été ré d ig é , n’étant
« point d’usage en Egypte de tenir un registre de l’état
« civil ; mais ce mariage n’en est pas moins constant,
« ayant été célébré en présence d’un grand nombre de
a militaires français, et de la plupart des déclarans. »
Pourquoi ces déclarans présens ne se so n t-ils pas
nom m és? quels sont ceux qui sont compris dans ce la
plupart? D ès que ces témoins poussoient si loin la com plai
sance pour la jeune E gyptienne, ils auroient pu circ.onstancier davantage leur déclaration; mais ils eussent été bien
embarrassés sans doute : cependant ils ne'craignent pas
d’ajouterque «pendantsonséjouren Egypte, la dame Nazo,
« veuve d’E stain g, n’a pas cessé d’habiter avec son m ari,
a qui l’a toujours traitée comme son épouse légitim e. »
C e séjour a-t-il été plus ou moins lo n g ? pas un mot
sur sa durée. O n a vu ou pu voir , chez le général
d’Estaing , une jeune femme qu’il traitoit avec bonté
ou avec tendresse, et on veut en conclure qu’elle étoit
épousef dans un pays aussi corrom pu, où presque tous
�( 49 )
_
les militaires avoient trouvé la facilité de prendre ce
qu’ils appeloient des arrangemens o rien ta u x , des engagemens à temps. Mais il en coûte si peu à des indifférens
de porter le trouble dans une fam ille, d’y introduire une
étrangère! O n doit gém ir de voir autant d’inconséquences
et de légèreté.
A n n e fait parade du brevet de pension qu’elle a ob
tenu du gouvernem ent : elle doit s’estimer heureuse, sans
doute , que le ch ef magnanime de l’état l’ait mise, par
sa bienfaisance, au-dessus des besoins de la vie. Mais
la faveur du gouvernem ent ne peut nuire aux droits des
familles. 11 est bon d’observer d’ailleurs que cette pension
n’avoit été p o rté e , en prem ier lie u , qu’à une somme
de Ô20 francs; l’Em pereur rem plit de sa main la somme,
sur le travail qui lui fut présenté : cependant, sur ce
premier travail, on la traitoit de veuve d’Eslaing ; les
joui’naux d’alors l’ont ainsi publié. L ’Empereur ne vouloit
donc la traiter que comme Egyptienne réfugiée, malgré
le titre qu’on lui donnoit ; et l’augmentation survenue
dans la suite, a été l’effet du procès verbal de tutelle,
dont on vo it qu'A n n e a su faire un bon usage.
L e certificat du général M enou vient ensuite ; il an
nonce, de la part de ce brave g é n é ra l, un grand respect
pour les mœurs : mais on n’entend pas trop ce qu’a voulu
certifier le général M en ou , lorsqu’il parle des rapports
civils et religieux. P o u r les rapports civils, il auroit.fallu
un acte authentique qui constatât le m ariage; il auroit
été nécessaire que la célébration se fit c o n f o r m é m e n t aux
lois, règlemens et usages de l’année. L e gênerai Menou
devoit principalement les faix-e exécuter; et'il est constant
G
�, c 5 0 }
que ces ordres avoient été publiés, et rendus communs
et obligatoires dans toute la colonie.
Cependant il n’a été dressé aucun acte de ce pré
tendu mariage.
Sous les rapports religieux ! mais il n’en existoit aucun
entre A n n e et le général d’Estaing; il eût fallu que le
général d’Estaing eût abjuré la religion de ses pères.
Lorsque le général M enou a épousé une m usulm ane,
il a embrassé le mahométisme. On est autorisé à le dire
a in si, d’après des instructions précises. Son mariage a
été célébré par le M o u p h ti, ministre de la religion
turque, et alors celle des deux époux. Ici il y avoit des
rapports religieux. L e général a donné à son union un
caractère lé g a l, et n ’a pas manqué d’en faire dresser un
acte c i v i l , conformément aux ordres qu’il avoit lu imême fait publier de nouveau. V o ilà le rapport civil.
O n ne trouve ni l’un ni l’autre pour le général d’Es
taing. Il n’y a donc pas eu de mariage.
D ’un autre c ô té , le général M enou rapporte la date
de ce prétendu mariage à Van 8 ; il se dit même général
en ch ej au moment où le général d’Estaing lui en fit part.
E t A n n e , à son to u r, a été mariée le jo u r des rois de
la même ann ée, qui répond au 17 janvier 1800.
P ou r le coup veritatem qucerendam.
L e général M enou ne commandoit pas l’armée en nivôse
ap 8 ; c’étoit le général K léber. C e lu i-c i a commandé
jusqu’au 25 prairial an 8 , jour funeste pour ce général :
il fut assassiné dans son jardin.
L e général M enou ne prit le commandement qu’en
messidor an 8.
�( 5i )
La correspondance du général K léb er avec le général
d’Estaing va jusqu’au n prairial an 8.
Plusieurs lettres écrites à feu d’Estaing par le général
M e n o u , en germinal et floréal an 8 , prouvent qu’il étoit
alors seulement général de division ; il ne prend pas
d’autre qualité. Ces lettres sont datées de R ozette : le
général M enou n’étoit donc pas au Caire en nivôse
an 8.
L e général D u p a s ne parle de ce mariage prétendu
que par ouï-d ire; on lui a déclaré qu’il s’est célébré
publiquem ent, et avec toute l’authenticité qu’un pareil
cas exige.
Il est étonnant que le général D u p a s , qui étoit alors
au C aire, lieutenant du général d’Estaing dans le com
m andem ent, qui avoit tous les jours des rapports de
service avec l u i , ne puisse parler que par ou ï-dire de
ce -prétendu mariage; qu’il n’y ait pas assisté surtout,
lui que ses relations continuelles avec le général d’Es
taing devoit y appeler de préférence. Sans doute ce
général a voulu être favorable à une jeune solliciteuse;
mais il a trop de loyauté pour certifier ce qu’il n’a point
vu : il ne parle que sur les relations d’autrui.
Il paroît même que s’il falloit attendre des témoins
qui attestassent positivement avo'ir assisté à ce m ariage,
on attendroit long-tem ps. A n n e a épuisé à cet égard
tous les certificateurs ou témoins.
Q u’importe que le général d’Estaing ait donné des
repas après la noce. L e général d’Estaing devoit avoir
la représentation convenable au c o m m a n d a n t du Caire ;
il etoit honorable dans ses goûts; il teuoit au Caire table
�( 52 J
o uverte, donnoit souvent des bals, des. fêtes ; et si on
veut que des bals des dîn ers, soient des cérémonies
nuptiales, le général se seroit marié souvent.
Ceux qui ont prétendu que les femmes se visitoient en
E gyp te, cp ïA n n e faisoit société avec les dames M enou r
D e lz o n s , L a n tin , connoissent bien peu les usages orien
taux. L à les femmes ne sortent jamais que dans des cas
très - extraordinaires, et alors sont toujours voilées, et
accompagnées de manière à n’avoir aucune communi
cation.
Ce n’est pas en O rient où on peut jouir des agrémensde la société, et surtout de la compagnie des dames; on
sait môme que madame M enou a conservé en France
l’usage oriental ; qu’elle est constamment voilée , et ne sort
point de chez elle ; qu’elle n’est jamais venue au Caire
dans la maison du général d’Estaing : et A n n e elle-m ême,
pendant le court séjour qu’elle a fait à A u rillac, n’a pas’
quitté son voile , et n’a été vue de personneLa dernière pièce imprimée en la consultation , est
une lettre du général d’Estaing à A n n e. O n observe
que l’adresse est de la main du g é n é ra l, et porte pour
suscription : A la citoyenne iVKstaing, à la citadelle du
Caire. Il est surprenant qurA n n e , dans son m ém oire, ait
tant parlé de la correspondance de son époux ■¡familière
avec décence,. tendre sans exagération, etc. ; et que
toute cette correspondance se borne à une lettre unique.
Dans cette lettre, pas un mot dont on puisse induire
un engagement honorable. C ’est le ton d’un homme poli
et fam ilier, à qui on n’a rien refu sé, qui ne parle pas
même des ascendans d 'A n n e avec le ton de considéra-
�( 53 )
tion et de respect qu’on doit à des alliés de ce genre; respect
plus marquant encore chez les Orientaux.
Quand il parle de celui qyüAnne appelle son père,
il se contente de dii’e Jo a n n y ,* lorsqu’il donne un sou
venir à la grand’m ère, il cfit, la bonne vieille. E st-ce
là le ton du respect et de la déférence? A p p r e n d -il la
nouvelle de la grossesse avec ce charm e, ces délices qu’on
éprouve à la naissance d’un enfant légitim e ? Il Taime
toujours ; et il faut bien le dire ainsi à toutes les femmes
avec lesquelles on a des liaisons passagères. Il lui donne
son nom sur Venveloppe de la letti’e : mais n’est-ce pas
l ’usage? ne vo it-o n pas, même parmi nous, toutes les
courtisannes prendre les noms de ceux qui ont la foiblesse de les entretenir et d’autoriser cette licence ?
Ce n’est malheureusement pas la première à qui le
général a donne ce nom. Lorsqu’il étoit à l’armée des
Pyrénées orientales, il étoit notoire qu’il vivoit avec
une femme que tous les officiers appeloient madame
d’Estaing; le gén éral, en écrivant, lui donnoit ce nom;
et cette fem m e, après le départ du gén éral, n’a jamais
tiré avantage d’une suscription sem blable, pour se qua
lifier d’épouse légitime.
O n trouve dans les pièces communiquées trois chiffons
que l’on dit être des lettres a ra bes, écrites par ordre
du général d’Estaing ; la suscription est aussi à madame
dŒ sta in g , mais non de la main du général.
Ces trois prétendues lettres sont traduites par le sieur
Sylvestre de Sacy, professeur des langues orientales : il
faut bien l’en cro ire , puisqu’on ne connoît pas l’arabe;,
mais au moins la traduction ne donne pas une grande
�( 54 )
idée de l’écrivain. Cette langue arabe, que l’on dit har
monieuse , poétique , tout en figu res, n’a servi qu’à
écrire des platitudes et les choses les plus communes. Ce
sont les lettres d’ un cuisinier, ou d’un homme bien peu
exercé; le général y reçoit beaucoup de consolation dans
sa blessure , d’une lettre que lui a écrite A n n e : mais
comment n’a-t-on pas trouvé dans les papiers du gé
n éral, la plus légère trace d’une correspondance avec
A n n e ? T o u t est extraordinaire et inexplicable dans cette
cause.
Il faut, au surplus , qu’elle ait fait peu de cas de ces
lettres , puisqu’on les a négligées dans la consultation.
O n voit encore , dans le dossier, une lettre du général
S o u lt, à un sieur G iane , clief de bataillon de la légion
gre cq u e, à bord du bâtiment le Jea n , en rade à T á
rente : cette lettre est en rép onse, et annonce que G iane
trouvoit la quarantaine longue et incommode pour lui
et les femmes qui étoient à bord : il nomme madame
d’Estaing. L e général Soult témoigne ses regrets de ne
pou voir abréger la quarantaine ; c’est au comité sani
taire qu’il appartient de prononcer ; mais il fait préparer
un local plus commode pour les passagers, et offre ses
services, ainsi que ceux de madame S o u lt, à madame
d’Estaing. Il n’y a rien d’étonnant dans ces offres géné
reuses ; on doit des égards et des services à une femme,
A n n e se disoit madame d’Estaing *, on doit quelque chose
de plus empressé à la femme d’un camarade ; et le gé
néral Soult ne devoit pas autrement s’informer si A nne
avoit son contrat de mariage ou non, Mais vouloir
induire de cette attention obligeante d’un général mar^
�( 55 )
quan t, aujourd’hui m aréchal de l’em pire, une reconoissance et une possession d'état en faveur dCA m ie , relever
cette circonstance comme un honneur décerné à la femme
d’un -gén éral, c’est pousser les choses un peu trop loin.
On a parlé dans la consultation, sans cependant le faire
imprim er , du certificat d’un sieur Sartelon , ex-ordon
nateur en chef de l’armée d’Egypte : cet acte est aussi
dans les pièces d ’A n n e. L e sieur Sartelon certifie, en
la qualité qu’il prend, ce que quoiqu’il n’existât à l’armée
« aucun ordre du général en chef pour régler la forme
« avec laquelle les actes de l’état civil devoient y être
« reçus , Yusage paroissoit s’être établi de lui-mêm e pour
« les officiers, ou individus attachés à l’arm ée, ne faisant
« point partie des c o rp s, de faire des déclarations de« vant des commissaires des guerres, qui les recevoient
« par procès verbaux , ou de la manière qui leur parois« soit convenable, de leurs mariages, m êm e quelquefois
« de leurs divorces • ce qui n’a jamais été g é n é r a l,
« surtout pour des mariages contractés avec les fe m m e s
« du pa ys ( i l n’y en a voit pas d’autres), qui se sont
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
faits souvent entre catholiques dans les églises du lieu ,
et suivant les formes usitées entre les chrétiens de
toutes les sectes ; mais ces procès verbaux étoient purement facultatifs; et recherche faite dans ses papiers,
et dans ceux du bureau central, il ne s’est trouvé aucun procès verbal relatif à l’état civ il; il ne s’en est pas
même tro u vé, notamment du commissaire d e s guerres
A g a r d , qui est m ort dans la traversée. En foi de q u oi,
sur la demande de la dame veuve d’Estaing, il a déliv r é , etc. »
�( 5 6 }
O n ne voit pas trop quelles inductions l’Egyptienne
peut ou veut tirer de ce certificat; il est assez inutile de
dire qu’on pourroit récuser le témoignage du sieur Sartelon , qui a souvent m ontré de l’animosité contre le
général d’Estaing ; il suffit d’observer que son certificat
est démenti par le f a it , puisqu’on rapporte les ordres
du général en ch ef, et les actes civils des sieurs D elzo n s
et L a n t in , reçus par le commissaire Agard.
Ici s’arrêtent les recherches et les découvertes d'‘ A n n e.
Y a-t-il un seul acte d’où on puisse faire résulter qu’elle
est l’épouse du général d’Estaing; et ne p e u t-o n pas
dire avec vérité qu’elle n’a n i titres n i possession ?
Comment a-t-elle eu le courage de se plaindre d’un
jugement qui lui accordoit une faveur insigne, la faculté
de faire preuve , par témoins , qu’elle a été mariée en
l’an 8 ; qu’il n’étoit pas d’usage au Caire de tenir des
registres, ou de dresser des actes civils de m ariage; qu’il
n’étoit pas d’usage à Céphalonie de dresser des actes de
naissance, etc. ?
Ce jugem ent, au contraire, n’a-t-il pas violé tous les
principes de la matière ? Sera-ce avec des déclarations
mensongères ou m endiées, qu’on pourra élever une in
connue au rang honorable d’épouse; qu’on osera donner
à un enfant de ténèbres, le titre d’enfant légitim e?
« Des objets si intéressans, dit le célèbre C o ch in ,
« doivent élever tous les esprits à ces vues supérieures
« du bien p u b lic , qui forment toujours le premier objet
a de la justice : il s’agit ici du sort des toutes les fam illes,
« compromis dans une seule cause. »
Les frères d’Estaing se plaignent à leur tour d’ un juge
ment
�( S? )
ment qui peut entraîner les suites les plus funestes ; il
leur reste à établir que ce jugement ne peut subsister, et
qu’A nnè doit être déclarée non recevable dans toutes ses
demandes.
O n trouve dans les recueils, tant anciens que nouveaux ,
une multitude d'arrêts su r les questions d’état. M . le
chancelier d’Aguesseau a épuisé cette matière par ses re
cherches savantes : le 2e. , le 6e. , le 12e. le 17°. plai
doyer de ce grand m agistrat, contiennent des dissertations
profondes, une sage doctrine; mais il semble sentir toute
la pesanteur de son m inistère, lorsqu’il veut prendre une
décision. Ce n’est qu’en tremblant qu’il se déterm ine; et
si quelquefois il pense que la justice doit admettre une
preuve testimoniale, ce n’est qu’autant qu’il trouve des
présomptions graves, des indices violens, des conjectures
puissantes; il exige la réunion d’une multitude de faits
qui forment un corps de présomptions capables de dé
cider l’esprit le plus difficile à convaincre ; en un mot ,
il lui faut encore un commencement de preuve par écrit.
Il est inutile de grossir le volum e de ce m émoire par
des citations d’arrets ; il seroit difficile peut-être de tirer
de ces nom breux exem ples, une conséquence claire qui
pût servir de m otif de décision en d’autres cas, surtout
dans l’espèce où il s’agit d’une étrangère qui vient ré
clamer le titre de veuve d’un Français.
Il suffit de poser un principe certain, et qui n e sera
pas contesté, c’est que pour un m ariage fait en France,
la preuve testimoniale ne peut être admise qu’à défaut
de registres , lorsqu’il n’en a pas été ten u , 011 qu’ils sont
II
�( 58 )
perdus ; et dans ce cas même il faut un commencement
de preuve par écrit.
L ’article 14 du titre 20 de l’ordonnance de 16 6 7 ,
n’a entendu parler que dès mariages entre Français; et
M . Jousse ne manque pas d’observer que la preuve tes
timoniale ne peut être admise qu’autant qu’il y a com
mencement de preuve par écrit.
Cet article de l’ordonnance a été répété dans l’article
46 du Code Napoléon ; et la preuve que le législateur a seu' lement entendu comprendre les mariages entre Français,
résulte des articles 47 et 48 du môme Code.
La loi dit que tout acte de l’état civil des Français
et des étrangers, fait en pays étran ger, fera f o i, s’il a
été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays : que
tout acte de l’état civil des Français en pays étranger sera
valable, s’il a été reçu conformément aux lois françaises
parlesagen s diplom atiques, ou par les commissaires des
relations commerciales du gouvernement.
On peut donc représenter à A n n e , d’après les dispo
sitions de ces lo is, que si elle étoit Française, elle ne
pourroit être admise à la preuve testim oniale, qu’autant
qu’elle auroit la possession d’état, et des commencemens
de preuve par écrit : elle n’a ni l’un ni l’autre. Point
de possession d 'éta t’, on croit l’avoir p ro u vé, puisque
le général lui'a toujours refusé le titre qu’elle ambitionne,
poin t da commencement de preuve par écrit, puisqu’il n’y
a aucune trace d’écrits du défunt qui parlent de ce prétendu
mariage , et que les seuls q u i’existent le désavouent.
Mais qu’elle est étrangère, et que dès-lors il n’y a point
�( 59}
de possibilité d’admettre une preuve par tém oins; il faul
représenter l’acte civil. O n a dû remarquer la différence
qui se trouve entre les articles 46 et 47. Dans le premier,
si le mariage est fait entre un Français et une étrangère, il
suffit de rapporter un acte dans les formes usitées au pays.
Dans le second, si le mariage est fait en pays étranger,
entre deux Français , il faut un acte civil conforme aux
lois françaises.
A n n e n’en a d’aucune espèce ; le jugement dont est
appela donc fait une fausse application, et de l’article 14
du titre 20 de l’ordonnance, et de l’article 46 du Code
Napoléon.
Mais ce.jugement est évidem ment en opposition avec
les articles 17 0 , 17 1, 194 et 195 du même Code.
En effet, par l ’article 170, cele mariage contracté en pays
« étranger entre Français, et entre Français et étranger,
« est valable, s’il a été célébré dans les formes usitées
« dans le pays,.pourvu qu’il ait été précédé des publi« cations prescrites par l’article 63 , et que le Français
« n’ait point contrevenu aux dispositions contenues au
ce chapitre précédent. »
L ’article 63 exige deux publications à huit jours d’in
tervalle ; et la loi attache à cette form alité la plus grande
importance. O n n’a jamais imaginé de dire que le mariage
du général d’Estaing ait été publié : cette formalité étoit
cependant ordonnée par les lois précédentes.
Parm i les dispositions contenues au chapitre qui pré
cède l’article 1 7 0 , on y trouve principalement la prohi
bition faite au fils de fam ille, m ême majeur, de contracter
mariage sans le consentement de ses père et mère.
H a
�(6o)
Bien vite A n n e s’empare de cette circonstance, pour
dire que le général s’est marié avant le C o d e, et a pu
braver les ordres de son père ou se passer de son con
sentement.
A n n e argumente avec un empressement peu louable
de cette loi révolutionnaire, qui fut prom ulgée dans un
instant de d élire , qui dégage les enfans de tous leurs
devoirs envers leurs ascendans.
L o i immorale et funeste, qui a fait tant de malheureux
qu’on entend tons les jours gém ir de leurs égaremens,
et qui passent leur vie dans la douleur et le désespoir.
M ais le général d’Estaing n’avoit pas perdu toute idée
des principes de moralité et de convenances. N e mar
que-t-il pas à son père qu’il n’auroit pas contracté d’engagemens sans le p réven ir, avant d’avoir demandé ses
conseils ou ses ordres; et A n n e en seroit-elle réduite à
ce p o in t, qu’elle fût o b lig ée, pour colorer ses prétentions,
de s’appuyer d’exemples qui seront à jamais la honte et
le scandale de la société ?
N ’a-t-elle pas senti que le gouvernem ent, dans ses
premiers p a s, a rétabli et commandé le respect pour
cette puissance paternelle, le premier anneau, la prin
cipale base de l’ordre social, sur laquelle repose la morale
publique ?
L ’article 171 exige davantage; il veut que dans les
trois mois après le retour du Français sur le territoire
de la république, l’acte de célébration du mariage con
tracté en pays étranger, soit transcrit sur le registre
public des mariages du lieu de son domicile.
P o u r cette fois, A n n e ne peut se tirer de cette dis-
�( 60
position par des subtilités. Cet article a été connu d’elle;
elle pouvoit l’exécuter si elle avoit eu son acte de mal’iage; elle a su qu’elle ne pouvoit y suppléer, dès qu’elle
n’avoit aucun titre.
E t lorsqu’elle a eu connoissance des articles 194 et
19 5 , qui veulent que nul ne puisse réclam er le titre
d’ép o u x, et les effets civils du m ariage, s’il ne repré
sente un acte de célébration inscrit sur le registre de
l ’état civil ; que la possession d’état ne pourra dispenser
les prétendus époux qui l’invoqueront, de représenter
l’acte de célébration du mariage devant l’officier de l’état
c i v i l , elle a dû désespérer de sa cause.
Mais les premiers juges ont-il pu ignorer la disposi
tion de la loi ? n’ont-ils pas dû savoir que l’étrangère
ne pouvoit établir son titre d’épouse ¿légitime, qu’en jus
tifiant de l’acte qui le lui avoit conféré? D iront-ils que
le Code Napoléon n’a été promulgué q u e postérieure
ment ? Mais alors ils n’avoient cl’autre boussole que ln
loi du 20 septembre 179 2; et d’après l’article 7 de la
section 4 de cette l o i , A n n e ne pouvoit constater son
mariage qu’en représentant l’acte de l’officier public. Cette
loi n’indique pas d’autres moyens de suppléer au défaut
de ces actes.
Auroient-ils voulu se déterminer par les anciens prin
cipes? A n n e n’avoit pas la possession de son état, n’avoit
aucun écrit du défunt qui fût un commencement de
preuve par écrit.
Ils ne pouvaient donc en aucune manière admettre
la preuve testimoniale.
Un mot sur l’enfant naturel ,con n u sou sle nom & E m ile
�(6 2 )
d’Estaing. A n n e reproche aux frères d’Estaing d’avoir
fait paroître sur la scène un enfant d o n t on ne parle plus.
Les frères d’Estaing ne lui doivent à cet égard aucune
explication ; ils ne savent sur cet enfant que ce qu’a
déclaré le sieur d’Estaing père, au bureau de paix.
U n enfant a été présenté à l’officier c iv il, sous le
nom d'E m ile , comme fils de leur frère. La reconnoissance n’émane pas du père lui-m ême. Il existe; il est
dans ce moment placé au lycée de Toulouse. S’il a des
droits à faire v a lo ir , il saura les réclamer.
Les frères d’Estaing observeront, en terminant,
Anne
n’est pas réduite à un sort funeste; qu’elle est à l’abri
de tous les besoins ; qu’elle est encore dans un âge où
elle peut augmenter ses ressources par sa sagesse, et un
travail honorable ; mais que si elle veut se faire un
prétexte d’un événement commun dans son pays , pour
s’élever au-dessus de son état, ce trait d’ambition déplacée
ne servira qu’à la couvrir d’opprobre,
M e. P A G E S ( d e R io m ) , ancien avocat,
M e, G A R R O N jeu n e, avoué licencié,
A RIOM , de l’imprimerie de T hib a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
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https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Estaing, Jean-Baptiste d'. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Sieurs Jean-Baptiste D'Estaing, ancien commandant d'armes à Chambéry, Jacques-Théodore, Pierre-Gabriel, Catherine et Elizabeth d'Estaing, frères et sœurs, intimés et appelans ; contre Anne, soi-disant Nazo, soi-disant Grecque d'origine, se disant veuve du général d'Estaing, se disant pareillement tutrice de Marie, sa fille, appelante d'un jugement rendu au tribunal de Mauriac, le 13 août 1807, et intimée.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0605
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53865/BCU_Factums_M0605.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53864/BCU_Factums_M0604.pdf
90c5790e52a1a2ebb5782c0bd4a8d351
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Text
ecsaarz
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PIECES JUSTIFICATIVES
P O U R
Madame N A Z O , veuve du général D
tutrice de sa fille mineure;
e s ta in g ,
c o n t r e
L e s h é r it ie r s D E S T A I N G .
N°. Ier.
D é l i b é r a t i o n d u c o n s e il de f a m i l l e à A u r i l l a c ,
du
E
5
messidor an 10.
des minutes du greffe du juge de p aix de la
ville et canton d’A u r i l l a c section du Nord.
xtrait
C e j o u r d ’ h u i cinq messidor an dix républicain, deva n t nous,
Jean-Baptiste G e n e ste , juge de paix du canton d’A u rilla c , section
du Nord , a com paru le citoyen P ierre D esta in g , juge-président
du tribunal de prem ière instance de l’arrondissement d’A u rilla c,
y dem euran t, leq u el nous a d it que le citoyen Jacques-Z acharie
D e s ta in g , son f i l s , g énéral de d iv isio n , est décédé à P a r is , le
quinze floréal dernier , laissant une f ille u n iq u e , âgée alors
d e cinq m ois , nommée M a rie , p rovenue de son m ariage avec
A
�( 2 )
A n n e N a zo , Grecque d ’origine ; que la loi déférant à lui com pavant la t u te lle de sa p e tite -fille , attendu surtout la m inorité
(VA n n e N a zo sa mère , et désirant être confirmé dans ladite
fu a liié , pour pouvoir agir légalem ent, il a amené devant nous
plusieurs des plus proches parens du d éfu n t, à l’effet de déli
bérer tant sur ladite confirmation de tu telle, que sur la fixation
de la pension de la p u p ille, sur les habits de deuil et pension
viduelle d e là dame veuve D estaing; com m e aussi pour donner
leur avis sur l’allocation des frais de voyage de la m ineure et
de sa m ère , depuis L yon jusqu’à A u rillac, ainsi que des frais
dûs pour salaire à une nourrice provisoire depuis T a re n te , ville
du royaum e de Naples , y compris un mois de séjour à L y o n ,
jusqu’en cette ville , lesquels frais le com parant a avancés et se
m ontent à la somme de six cent quatre-vingt-quatre francs; et
enfin pour être autorisé à régler tous com ptes et mémoires de
fournitures et autres objets qui pourroïent être à la charge de
la succession , et ce tant par lüi-méme que par ses fondés de
pouvoirs.
E t de suite par-devant n o u s, juge su sd it, sont comparus les
citoyens Louis-Gérand-Gabriël Fortet, conseiller de préfecture de
ce départem ent ; François-Joseph Labro, a v o u é , et autre FrançoisJoseph L a b r o , son frère’, greffier en la justice de paix d’A urillac,
c o u s i n s paternels du défunt; Antoine D elzons, membre du corps
lé g isla tif, oncle m aternel; Alexis - Joseph D elzons, fils'dudit
A n toin e, général de brigade, commandant le département du
Cantal ; Pierre et Antoine M ailhy, père et fils, n égocians, cousins
du côté m aternel, tous habitans de cette ville, et les plus proches
parens du d é fu n t, auxquels nous avons fait part de ladite con
vention , pom- qu’ils aient à en délibérer et donner leur avis ,
en leur âme et conscience. Sur quoi lesdits parens ayant conféré
entr’eux , et revenus devers nous , le citoyen Delzons père ,
portant la parole , nous ont dit qu’ils sont tous unanimement
d’a y is , i°. de confirm er le citoyen D estaing , aïeul de la mi
n eure, dans la qualité de son tu teu r, à la charge par lui de faire
�(3
y
bon et fidèle inventaire de tous les effets dépendans de la snccession du défunt général D estaing ; faire procéder à la vente
dudit m obilier, et de faire emploi utile du prix en provenant,
conform ém ent à la l o i , après avoir prélevé tous frais , dettes
et charges de la succession; z°. qu’ils estim ent que la pension
de la m ineure , jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans,
tant pour nourriture , entretien et éducation , doit être fixée à
la somme de s ix cents fra n cs, que le tuteur retiendra par ses
mains sur la recette de ses revenus ; °. qu’ils sont d’avis que
les habits de deuil de la dame veuve D estain g, y compris ceux
qui lu i ont été fournis à L yon , et qui ne sont point encore
a cq u ittés, doivent être portés à une somme de m ille fra n c s, .
laquelle ils autorisent pour raison de ce , en par lui retirant
quittance des marchands et fournisseurs , laquelle somme lui
sera allouée en com pte ; 4 °. quant à la pension viduelle de la
veuve et d e là négresse qu’elle a à son s e rv ic e , attendu que le
citoyen D e sta in g , tu te u r , leur fo u r n it en n a tu re , nourriture,
lo g em e n t, f e u , lum ière et b lan ch issa g e, ils sont d ’avis de la
f ix e r à la somme de m ille fr a n c s pour l ’année de 'viduité, à
com pter du prem ier p r a ir ia l, dernière époque de son arrivée
en cette ville-, °. que la somme de six cent quatre francs avancée
par le tuteur pour frais de voyage de la veuve et salaire de
5
5
ladite n o u rric e , depuis la yille de T aren te jusqu’en cette ville
d ’A urillac , lu i doit être allouée et passée en com pte ; 6°. et
enfin que le tuteur doit être autorisé à traiter tant par lui-méme
que par ses m andataires, avec tous m archands, fournisseurs,
aubergistes et autres personnes qui pourroient avoir fait des
fournitures tant en marchandises que d e n rée s, régler leurs m é
moires , en payer le rrçontant, soit que ces fournitures aient été
faites à Paris , à M arseille, au défunt général D esta in g , o u , à
L yon , à sa veuve , pendant le séjour qu’elle y a fait ; le m o n ta n t
de tout quoi lui sera alloué sur les quittances qu’il en retirera.
E t led it citoyen D esta in g père ayant accepté la tutelle à
A 2
�C 4 )
lu i d éférée, i l a f a i t le serm ent en nos m ains , de bien et
fid è le m e n t en remplir les fonctions.
D e - tout quoi nous ayons rédigé le présent procès verbal, pour
s e r v ir - et valo ir à toutes fins que de raison, lesdits jour et an
que dessus, et ont les comparans signé avec nous; à la m inute
sont lesdites signatures. Pour expédition conform e à la minute
étant entre nos mains , signé L a b r o , greffier.
N °.
II.
Acte de notoriété devant le juge de paix de
Marseille, du 5 fructidor an n .
E x t r a i t des minutes du greffe du tribunal de p a ix,
second arrondissement in tr à in u r o s , dit du Sud, de la
ville de Marseille
.
O ejo u rd ’iiui cinquièm e fructidor an onze de la république r
par-devant nous François M a ille t , ju g e de p a ix du second ar
rondissem ent intrà m uros, d it du S u d , de la v ille de M a r s e ille ,
assisté du citoyen Charles-Joseph M ichel , greffier près notre
tribunal, dans la salle ordinaire de nos séances , en notre maison
d’habitation, est com parue dam e A n n e N azo , née au Caire en
E g y p te , veuve du générât Jacques-ZacTiarie D e sta in g , laquelle
nous a dit et exposé qu’il lui importe de faire connoltre son originer
de qu’elle ne peut faire par pièces probantes, attendu que dans
sa patrie il n’est point tenu de registres constatant l’état civil
des citoyens. En conséquence , elle nous prie de recevoir les
déclarations qui vont être faites par des compatriotes qu’elle a
invités à se rendre c é a n s , relatives à son origine f et qui pour
ront suppléer au défaut des titres qu'il lui est impossible de pro
d u ire, et de lu i en concéder a c te , pour lui servir et valoir ce
que de raison.
�A l'instant se sont présentés les citoyens N icolas Papas Ouglou, ^
c h e f de brigade, com m andant les chasseurs d’O rient, âgé de
quarante-cinq ans, né à Chesm et en A s ie ; G abriel S a n d ro u x ,
a u ssi c h e f de brigade du même corps, âgé de trente-six ans, né
au Grand-Caire en E gypte ; A b d a lla M a n so u r, c h e f de bataillon )L
du môme corp s, âgé de trente-quatre ans , né au Grand-Caire
en E g y p te ; Joseph T u tu n g i, âgé de cinquante a n s, réfugié /— égyptien, né à Alep ; H anna A d a b a c h i, âgé de cinquante a n s ,
aussi né à A le p , réfugié d ’E g y p te ; Joseph D u fe n , né à Cons
ta n tin op le, âgé de trente-six ans, réfugié d’E gyp te; et Consta n tiK ir ia h o , né k Chesm et en A sie, âgé de quarante-huit ans,
capitaine réform é du régim ent des chasseurs d’O rien t, lesquels
agissant avec la présence et sous l’autorisation du citoyen Louis
D econias , interprète juré des langues orientales , m oyennant
serment par eux à l’instant p r ê té , ont individuellem ent d it et,
d éc la ré, en fa v eu r de la v é r ité , q u a y a n t résidé habituellem ent
en E gyp te , avant la révolution , ils y ont p arfaitem ent connu
le citoyen Jean N a z o , et dam e Soph ie M is c h e , son épouse, père
e t m è r e de la dite A n n e N a z o , nce ¿1 Vépoque ¿le Vannce 1780,
et que la d ite dam e f u t unie en m a r ia g e avec le g é n é r a l D estaing.
Les citoyens Joseph 'lutungi-, Constanti ivinak< ~ët Joseph
D ufen , ont de plus déclaré individuellem ent qu étant passés
57
en France avec la d ite veuve D e s ta in g , ayant relâché à C éphaIonie, dans le m ois de nivôse de l ’an d i x , la d ite clame y a c
coucha d ’une f ille qu i f u t tenue dans les f o n ts bap tism a u x p a r
le citoyen N a s s if, officier des chasseurs, e t p a r la dam e M a rie
M isc h e , son aïeule.
D esquelles déclarations avons concédé acte à ladite dame
veuve D estaing. L ecture faite du p résen t, il a été signé par les
citoyens Nicolas Papas O uglou , Gabriel Sandroux , Abdalla
Mansour et Joseph D ufen , nous dit juge de p a ix , le citoyen
D econias , in terp rète , et le citoyen M ich e l, greffier; la dame
veuve D estaing et autres déclarans requis de signer, ont dit
ne savoir..
�(6)
Sign é Abdalla , le c h e f de brigade G abriel-Josep h D ufen ,
L ouis D e c o n i a s , François M a ille t, juge de p a ix , et M ic h e l,
greffier, à la minute. Enregistré à M arseille, etc. Pour expédi
tion conform e à l’o rig in al, M ichel , greffier.
N o u s , François - Balthazard de Jullien de M adou, juge de
paix du second arrondissement intrà muros , dit du Sud , de la
ville de M arseille , certifions et attestons à tous qu’il appar
tien d ra, que M. Charles-Joseph M ich el, qui a signé ci-dessus,
est greffier près notre trib u n a l, et qu’en cette qualité foi doit
être ajoutée à son sein g, tant en jugem ent que hors. M arseille,
le vingt messidor an treize, J u llie n d e Madou.
N o u s, V entre Latouloubre, président du tribunal de prem ière
instance séant à M arseille, certifions véritable la signature cidessus de M. Jullien de Madou. A M arseille, le vingt-un messidor
an treize. S ig n é V e k t r e L a to u lo u b re , G uyot.
N°. I I I .
Acie de notoriété homologué par jugement du
tribunal civil de la Seine, du i 5 avril 1806.
N A P O L É O N , par la grâce de D ieu et les constitutions de
la république , Em pereur des F ran çais, et Roi d’Ita lie , à tous
présens et à v e n ir, salut ; faisons savoir que le tribunal de pre
m ière instancè du départem ent de la Seine , en la première
section , a rendu le jugem ent dont la teneur suit :
Sur le rapport fait à l’audience publique du trib u n a l, par
]\1. Jean-Louis Isn a rd , juge en ice lu i, de la requête présentée
par Anne N a z o , née au Grand-Caire en E gyp te, veuve du gé
néral J acq u e s-Zacharie D estain g, dem eurant à P aris, rue de
S e in e , faubourg S a in t-G erm a in , expositive q u e lle a été unie
ep légitim e m ariage avec Je général D e sta in g , d’après les rites
et usages du p a ys, devant le patriarche de la ville d’Alexandrie;
�( 7 ^
mais que n’étant point en usage en Egypte de tenir registre des
actes de l’état c iv il, elle se trouve par là dans l’impossibilité de
faire , au- besoin , la preuve de son mariage ; qu’ain si, voulant
y suppléer, elle a fait dresser un acte de notoriété par-devant
le ¡uge de paix de son arrondissem ent, signé de sept personnes
qui ont été tém oins de son m ariage, pour l’homologation duquel
elle a été renvoyée par-devant le tribunal ; pour quoi elle requéroit qu’il plût au tribunal hom ologuer ledit acte de notoriété
du 29 mars 1806, dûm ent enregistré, pour être exécuté suivant
sa forme et teneur , ladite requête signée J u g e , avoué.
V u par le tribunal lesdites requête et dem ande, ci-d e va n t
énoncées, l’ordonnance de M. le président du tribunal, du huit
présent m o is, portant qu’il en sera com m uniqué à M. le procureur
im p érial, et les conclusions par écrit de M. le procureur im
périal, du dix dudit m o is, portant que vu l’avis , il n’em péche
l ’homologation demandée ;
V u aussi l’expédition dudit acte de notoriété dont la teneur
suit :
L ’an m i l h u it c e n t s i x , le v i n g t - n e u f m a r s , en n o tre h ô t e l ,
et par-devant nous, Jean G odard, ancien avocat, juge de paix
du dixièm e arrondissement de Paris, assisté d’ Alexandre Choquet,
notre g reffier,
Est com parue dam e A n n e N a z o , née au G ra n d -C a ire en
E g y p te , veuve du généra l J a cq u es-Z a ch a rie D estain g , de
m eurant à Paris , rue de Seine-Saint-G erm ain ;
Laquelle nous a dit q u e , pendant le cours de l’an h u it, elle
a été unie en légitim e mariage avec Jacques-Zacharie Destaing,
général divisionnaire, décédé à Paris dans le cours de l’an d ix;
que son mariage a été célébré religieusem ent et suivant les rites
du p ays, devant le patriarche d’A lexandrie, habitant le GrandCaire en E g yp te ; mais que n’étant point en usage en EgyptfÊ de
tenir des registres des actes de l’état c iv il, elle se trouve dans
l’impossibilité de représenter,
besoin, l’acte de célébration
�,c .
8
}
d e son m ariage; et q u e , désirant y suppléer par un acte de
notoriété signé de différentes personnes qui ont été témoins de
son m a r i a g e , elle nous requéroit de recevoir la déclaration des
personnes qu’elle nous présente, et a déclaré ne savoir écrire
ni signer, de ce interpellée.
Sont à l’instant com parus :
Prem ièrem ent, M. D om inique-Jean L arrey de B o d e a u , exclürurgi'en en c h e f de l’armée d’Egypte , prem ier chirurgien
de la garde im p ériale, . inspecteur général du service de santé
des arm ées, officier de la légion d’honneur, dem eurant à P aris,
cu l-d e-sac C o n ty , n°. 4 î
Secondem ent , D on R a p ha ël de M on ach is , m em bre de
l ’institut d’E gypte , et professeur des langues orientales à la
bibliothèque, dem eurant à P aris, rue P a v é e , au'M arais, n°. ;
T roisièm em en t, M. A n toin e-L eger S a rtelo n , ex-ordonnateur
en c h e f de l’arm ée d’E g yp te, com m issaire-ordonnateur et se
crétaire général du ministère de l’administration de la guerre,
3
m embre de la légion d’honneur, dem eurant à P a ris, rue Cau-
3
martin , n°. o ;
Quatrièm em ent , M. H ector D a tire-, ex-in sp ecteu r général
aux revues de l’armée d’Egypte , com m issaire-ordonnateur des
guerres , demeurant à Paris , rue du faubourg Poissonnière ,
50
n°.
;
Cinquièm em ent , M. L u c D urantau , général de brigade ,
m em bre du corps législatif, commandant de la légion d’honneur,
dem eurant à P a ris , rue St.-tlonoré , n°.
;
538
Sixièm em en t, M. Jean-Joseph M a r c e l, directeur de l’im
prim erie nationale en E gyp te, et membre de la commission des
’ sciences et a rts, aujourd’hui directeur général de l’imprimerie
■impériale, et membre de la légion d’honneur, rue de la V rilliè re ;
Septièm em ent, M. Martin^ R och-X avier E steve, ex-directeur
¡•'général ètcom ptable d esrèten u s publics de l’E gypte, aujourd'hui
"'trèibrièr'gérféral de la c'otironne, officier de la légion d’iionnéur,
trésorier
�( 9 )
trésorier rie la prem ière coh orte, dem eurant au palais des T u i
leries ;
L esqu els , après avoir prêté en nos m ains le serment indi
viduel de dire 'vérité, nous on t d it e t d écla ré, e t a tte sté, pour
notoriété p u b liq u e , e t à tous q u ’ il appartiendra , connoître
p arfaitem ent la dam e A n n e N a zo , veuve du g én éra l JacquesZ a ch a rie D esta in g , J ille de Joanny N a zo , négociant au.
G ra n d - Caire en E gyp te , c h e f de bataillon des chasseurs
c îO r ie n t, et nous on t attesté q u e , p en d a n t le cours de ta n
h u i t , la dite dam e N a zo a été unie religieusem ent, e t d ’après
les rites du pays , en légitim e m ariage avec le d it JacquesZ a ch a rie D e sta in g , p ar le patriarche d 'A le x a n d r ie , habitant
du G rand - Caire ; que l ’acte de célébration n ’en a pas été
rédigé, n ’ étant p o in t d ’usage en E gyp te de tenir un registre
de l ’éta t civil; m ais que ce m ariage n ’en est p as m oins cons
t a n t , a ya n t été célébré en présence d ’un grand nombre de
m ilitaires fr a n ç a is et de_ la p lupart des déclarans ; que depuis
la célébration de son m ariage avec le g én éra l D estain g , et
p endant son séjour en E gyp te , la d ite dam e N a zo , veuve.
D estain g , n a pas cessé et’habiter avec son m a r i, tjtiî l ’a
toujours traitée comme son épouse légitim e.
D esquelles com parutions, d ires, réquisitions et attestations,
nous avons donné acte aux comparans et à la dame veuve D es
taing ; e t , pour l’hom ologation des présentes , les avons ren
voyés par-devant les juges du tribunal c iv il de prem ière instance
du départem ent de la S e in e ; et o n t, tou? les su s-n o m m és',
signé avec nous et le greffier, après lecture. Ainsi sig n é, D.
J. L a rre y , don R aph aël, Sartelon, D a u re , D u ra n ta u , M arcel,
E s te v e , Godard et Choquet.
Enregistré à P aris, au bureau du dixièm e arrondissem ent,.le
quatre avril mil huit cent six , reçu un franc un d écim e, sub*
vention comprise. Signé C a h o n .
Pour expédition conform e délivrée par nous greffier de la ju s
tice de paix du dixièm e arrondissement de Paris. S ig n é C hoquet.
ii
�( 1° )
O uï M. Isnarcl, juge , en son ra p p o rt, et M. le procureur
im périal en ses conclusions, tout considéré;
Après qu’il en a été délibéré conform ém ent à la loi ;
Attendu les déclarations portées en l’acte de notoriété c idevant énoncé et daté ;
L E T R I B U N A L , jugeant en prem ier ressort, homologue
ledit acte de n o toriété, pour être exécuté suivant sa forme et
teneur , et avoir son effet en faveur de la requérante , aux
termes de la loi.
Fait et jugé à l’audience publique dudit tribunal c iv il de
prem ière instance du départem ent de la S e in e , séant au palai*
de ju s tic e , à P a r is , où tenoient le siège M. B erth ereau , pré
sident dudit tribunal, l’un des officiers de la Légion d’honneur ;
MM . Isnard, P erro t, Legras et D eb eru lle, juges en la prem ière
section , le mardi quinzièm e jo ur du mois d’avril de l’an m il
hu it cen t s i x , et deuxièm e année du règne d e Napoléon Ier.
Em pereur des Français et R oi d’Italie ;
Mandons et ordonnons, etc. En foi de quoi le présent jugem ent
a été signé par le président et par le rapporteur. Pour expédition
signé M auguei^ . Enregistré, etc.
N ous président, juge de la seconde section du tribunal de
prem ière instance du départem ent de la Seine , certifions que
la signature apposée au bas du jugem ent de l’autre p a rt, e s t celle du sieur M argueré , greffier dudit trib u n al, et que foi doit
y être ajoutée. En foi de qu o i, nous avons fait apposer le sceau
dudit tribunal. Fait à P aris, au palais de ju stice, le deux
m il huit cen t six. Sign é B e x o n .
mai
�N°. I V .
Brevet de pension, du i 3 pluviôse an 12,
M IN ISTÈR E
DU
T R É SO R
P U B L IC .
E x t r a i t des registres des délibérations du Gouver
nement de la république.
Paris, le i 3 pluviôse an 1 a de la république une et indivisible.
L e gouvernem ent de la rép u b liq u e, sur le rapport du m i
nistre , arrête :
A r t . Ier. L a pension de cinq cent vingt francs a cco rd ée, par
arrêté du 29 floréal an 10 , à Anne Nazo, née en E gyp te, veuve
du sieur Jacques-Zacliarie D estaing, général de d ivision , m ort
le 1 floréal an 10, est portée à deux m ille francs.
5
A rt.
II. Les
chargés,
m inistres de la guerre e t d u trésor p u b lic so nt
chacun
en c e
qui
le
concerne,
d e l ’e x é c u t i o n d u
présent arrêté.
L e prem ier C o n su l, signé B O N A P A R T E . Par le premier
C o n s u l, le secrétaire d’é t a t , signé Hugues-B. M a e e t .
P o u r cop ie con form e à l’expédition o ffic ie lle , déposée au secré
tariat d u trésor p u b lic , le secrétaire gén éral, L e f e y r e .
V u pour légalisation de la signature du sieur L e fe v r e , secrér
taire g é n é ra l, le ministre du trésor p u b lic , M olliens .
�( ia )
n°.
y.
Certificat cia général M en ou, du 18 juillet 1806.
/
Le
C o m m a n d a n t g é n é r a l des d é p a rte m e n s nu d e là des
A lp e s , faisan t fo n c tio n s d e G o u v e r n e u r g é n é r a l, g r a n d
o flic ie r d e la L é g io n d ’ h o n n e u r .
;
r*
Je déclare, au nom de la vérité et de l’h o n n eu r, q u e, lorsque
je commandois l’arm ée française , dite d’O r ie n t, en E gypte r
M. le général D e s ta in g , qui étoit alors employé à cette arm ée,
et q u i, d ep u is, est mort en France , s’est marié en l’an 8 , avec
madem oiselle N a zo ( A n n e ) , fille de M. Joanny N a z o , com
mandant alors en Egypte le bataillon des G recs ; que j ’ai su posi
tivem ent que le mariage s’est célébré dans le pays ( au Caire )
avec toutes les formes usitées dans le rit grec ; que M. le général
D estaing étoit venu m ’en, faire part d’a va n ce ; que m ê m e , à
cette é p o q u e , comme dans toutes les autres de ma yie^ sou
tenant avec énergie la cause des mœurs publiques , je demandai
positivem en t, e t sur l’h o n n eu r, au général Destaing , si so a
mariage étoit entièrem ent légitim e , ou si c ’étoit , ce qu’on
a p p e l l e clans les mœurs corrompues de l’O rien t, un engagem ent
à temps ; que le général D estaing me rép o n d it, au nom de
Vhonneur, que c ’étoit le mariage le plus légitim e , et tel qu’il
l’auroît contracté en France ; que , d’après cette déclaration
solennelle, je m ’engageai à y assister, ainsi qu’au repas qui eut
lieu après le mariage. Je remplis ma promesse ; tout s’y passa
avec la plus grande régularité , et tel q u il devoit ê tre, sous les
rapports civils et religieux.
En foi de q u o i, j’ai délivré le présent certificat pour servir
et valoir c e que de raison. A T u rin , le 18 juillet 1806. L e général
M knou.
Par le commandant général, pour le second secrétaire général
du gouvernement, absent par congé et par o rd re , signé G éan t.
�( i3 )
\ .
A T u rin , le 18 juillet 1806.-
«
L e C o m m a n d a n t g é n é r a l des d é p a rte m e n s au d elà des
A l p e s , fa isa n t fo n c tio n s d e G o u v e r n e u r g é n é r a l, g ra n d
o ffic ie r d e la L é g i o n d ’h o n n e u r ,
A m adam e veu ve D
e
S T A I N G, n ée A u n e N azo.
J ’ ai re ç u , M adam e, la lettre que vous m ’avez fait l’honneur
de m’é c r ir e , pour me demander mon certificat sur la réalité de
votre mariage avec M. le général Destaing. Je m’empresse de
déclarer ce que je sais à cet égard : je rendrai toujours hommage
à la vérité.
J’ai l’honneur d’é tre , M adam e,
V o tre très-humble et très-obéissant
serviteur.
L e général M
enou.
Je v o u s prie d e m ’a c c u s e r ré c e p tio n .
Enregistré à P a r is , etc.
N°. V I . '
Ccrfiiicat du général Dupas, du
3o juillet
1806.
Moi soussigné , général de division , sous - gouverneur du
château impérial de Stu p in is, commandant de la Légion d’hon
neur , chevalier de l’ordre du L io n , certifie qu’étant c h e f de
brigade com m andant la citadelle du Caire en E g y p te , sous les
ordres du général D esta in g , j’ai eu parfaite et sûre connoissance
de son légitim e mariage avec madem oiselle Anne N azo, fille de
M. Joanny N a zo , com m andant un bataillon g re c ; j’atteste de
plus avoir eu des liaisons particulières avec beaucoup de per-
�C 14 )
sonnes très-distinguées dans l ’a rm é e , lant dans le civil que dans
le m ilitaire, qui m’ont déclaré avoir été présentes à ce m ariage,
qui s’est célébré publiquem ent, et avec toute l’authenticité qu’un
pareil cas exige. E n foi de quoi j’ai délivré le présent, pour servir
à ce que de droit. A P aris, le o juillet 1806. P. JL. D upas.
3
N°. V I L
Lettre du général Destaing à son épouse, du
i5 prairial an g.
Ç L ’adresse est de la m ain du général D estaing. J
5
Alexandrie, le i prairial an g.
Il y a long - temps , ma chère a m ie , que je n’ai pas de te i
nouvelles; je désire que tu te portes aussi bien que moi. Joanny,
qui est chez le général B éliard , devrait savoir quand il part des
détachemens pour Alexandrie , et en profiter pour m ’envoyer
des lettres. C ep en d an t, il ne l’a pas fait la dernière fois : il faut
le gronder de ma p a r t, pour qu’il soit plus exact à l’avenir. O n
m ’a dit que tu étois grosse ; je suis étonné que tu ne m ’en aies rien
é c rit; éclaircis mon doute à ce t égard. Sois assurée que je t’aime
to u jo u rs, qu’il m e tarde beaucoup de te revoir. En atten d an t,
je t’em brasse, ainsi que ta m ère e t ta sœ u r, sans oublier la
bonne vieille. L e général D estaing .
E n registrée, etc. A la citoyenne D estain g , à la citadelle du
Caire.
�'( i5 )
n °.
y n i'
Certificat de M. Sartelon,' e x - ordonna leur en
chef de l’armée d’Egypte, du i 5 mai 1807.
Au quartier général, à Paris, le i 5 mai 1807.
L e C ommissaire ordonnateur de la prem ière division militaire,
ex-ordonnateur en c h e f de l’armée d’E g y p te ,
C e rtifie , en ladite q u a lité , que quoiqu’il n existât à cette
armée aucun ordre du général en c h e f , rem plaçant le gouver
nem ent fra n ça is, depuis que les com m unications avec la France
avoient été interrom p ues, pour régler la form e avec laquelle
les actes de l’état civ il devoient y être r e ç u s , l’usage paroissoit
s’étre établi de lui-même pour les officiers ou individus attachés
à l’a rm é e , ne faisant point partie des corps , de faire des dé
clarations devant des commissaires des guerres, qui les recevoient
par p r o c è s - v e r b a u x , o u de la m a n iè re qui le u r paroissoit co n
venable , de leur m ariage, m êm e quelquefois de leur divorce ;
ce qui néanmoins n’a jamais été général, surtout pour des ma
riages contractés avec des fem m es du pays, qui se sont faits
souvent entre catholiques , dans les églises du lie u , et suivant
les form alités usitées entre les chrétiens de toutes les sectes,
dont le culte étoit public en E gypte ; ces procès verbaux étant
hors des limites de l’administration militaire , et purem ent fa
cultatifs de la part de ceu x qui les recevoient ou les requéroient,
aucun règlem ent n’en a fixé la form e, ni ordonné le dépôt; et
recherches faites dans les papiers de l’Ordonnateur en c h e f,
soussigné, qui en remplissoit les fonctions lors de l ’arrivée de
l’armée en F ra n c e , et dans ceu x du bureau central qui lui ont
été égalem ent adressés par le com m issaire des guerres P iq u e t,
qui étoit chargé de les conduire en France , il ne s’est trouvé
�( i6 )
aucuns procès verbaux relatifs à l’état c iv il, observant expres
sém ent qu’il ne s’en est point trouvé notamment du com m issaire
des gu erre s Agard , qui est mort clans la traversée.
E n foi de q u o i, et sur la demande de madame veuve D estaing,
j’ ai délivré le présent c e rtific a t, les mois et an que dessus.
S ig n é S a r te lo n .
N °. 499. V u par moi expert juré vérificateur des écritures
et signatures. Sig n é Saintom er.
Vu
par le c h e f de division. Sign é Beccoy.
P ar ordre du ministre de la guerre , le secrétaire général
certifie à tous qu’il appartiendra , que la signature Sartelon ,
a p p o s é e en qualité de commissaire ordonnateur de la prem ière
division m ilitaire, ex-ordonnateur en c h e f de l'arm ée d’E gypte,
au bas du certificat ci-co n tre et de l’autre p art, est celle du
com m issaire ordonnateur qu’elle indique. A P aris, le vingt-deux
m ai de l’an rail huit cent sept. S ig n é D e n n iîe .
N°. I X .
Traduction de Ici 1res arabes.
y l m a d a m e A n n e , f e m m e ID esla in g .
ArRÈs vous avoir témoigné le désir que j’ai de vous voir, je
vous donne avis qu’au moment m êm e où j’attendois de vos nou
velles , j’ai reçu votre lettre qui m ’a été fort agréable, en date
du 22 du couran t; j’en ai reçu beaucoup de plaisir et de con
solation dans ma b lessu re, et j’ai été tranquillisé à votre égard.
Si vous désirez savoir de mes nouvelles, je s u is , grâce à D ie u ,
en m eilleur état que par le passé : cependant la plaie n’est pas
encore ferm ée, m ais, s’il plaît à D ie u , dans peu elle ira b ie n ,
et j’irai vous trouver. J’ai envoyé M aury au C a ir e , pour qu’il
m’apporte ce dont j ’ai besoin ; m aintenant il est de retour chez
moi,
�7
( ï
)
moi. Soyez parfaitem ent tranquille à mon sujet. Saluez de m a
part monsieur Joanny, votre p è re , et recommandez-lui d’avoir
bien soin des ch evau x qui sont ch ez moi. Q u e D ieu vous garde,
et me procure le plaisir de vous voir bientôt en bonne santé.
Joseph qui a écrit cette lettre vous salue.
E c r it de Îordre du généra l D es ta in g , le 28 d o u l kadeh i2 i5 .
Autre lettre, N°. 2.
A madame A n n e , fem m e D estain g} très-chère et trèshonorée dame, que Dieu la conserve. Am en.
A près vous avoir offert m ille salutations, et vous avoir tém oi
gné le plus grand désir de vous v o ir, je vous donne avis que ,
grâce à D ie u , je m e trouve bien à présent, et beaucoup m ieux
que je n’étois précédem m ent : dans p eu , s’il plait à D ie u , je me
rendrai auprès de v o u s , et je vous verrai en bonne santé. L ’objet
pour lequel je vous écris est pour que vous soyez dans une par
faite tranquillité , et que vous 11’écoutiez pas les propos que
pourroient v ou s tenir à m o n sujet des m e n te u r s qu i v o u d ro ie n t
vous donner des alarmes. Soyez tranquille sur mon état ; dans
p e u , s’il plaît à D ie u , tout se term inera heureusement. Q u e
D ieu vous conserve : adieu.
E c r it de Vordre du g én éra l D esta in g , le
m inal an ).
5 d ou l h id jeh ( 28 ger
Autre lettre, N°. 3.
A la très-chère et très-honorée dam e, madame A n n e ,
¿femme D estaing, que Dieu la conserve.
A près vous avoir fait beaucoup de salu tatio n , et vous avoir
tém oigné le désir de vous v o ir, je vous donne avis q u e , grdce
à D ieu , je m e trouve très-bien à présent : la plaie cependant
n ’est point encore fe r m é e , mais elle approche beaucoup de la
guérison. D ans peu je pourrai savoir si je reste à Alexandrie
C
�( i8 )
pour quelques jo u rs, ou si je me rendrai auprès de vous : lorsque
je le s a u r a i , je vous écrirai pour vous en avertir. S i j’ai besoin
de q u e l q u e chose de chez m o i, après la d a te de la présente , je
vous ferai savoir ce dont j’aurai besoin. M o n o b je t, en vqus
é c r i v a n t , est que vous vous conform iez à ce que je vous m arque.
Présentez mes salutaticns à M . J o a n n y , votre p ère,, et. recom
mandez-lui mes chevaux, et tout ce qui m ’appartient. N o u s ne
cessons pas de nous inform er de vos n o u ve lle s, et nous avons,
appris q u e, grâce à D i e u , vous êtes en très-bonne santé, ce qui
nous a beaucoup satisfait, et nous a tranquillisé à votre sujet.
J o s e p h qui a écrit cette lettre vous présente ses salutations.
E cr it de l ’ordre du g én éra l D esta in g , à A le x a n d r ie , /e. 10 de
dou l h id jeh 1 1
( 4 floréal a n jj ).
15
P . S . J’espère que vous serez parfaitem ent tranquille à mon
su jet; je me porte on ne peut pas m ieux : dans p e u , s’il plait
à D ie u , je me rendrai près de vo u s, et je vous.verrai en bonne
santé. Q ue D ieu vous conserve : adieu.
Je soussigné, m em bre de l’institut et de la Légion d’honneur,,
professeur des langues arabe et persan e, et secrétaire interprète
du ministère des relations extérieures, certifie avoir traduit lestrois lettres ci-dessus et des autres p a rts, sur les originaux arabes
à moi représentés , et qui ont été de moi signés et paraphés nev a rietu r, et que foi doit être ajoutée auxdites traductions com m e
aux originaux ; lequel certificat j’ai délivré à madame veuve
D estaing, pour servir et valoir ce que de raison.
A Paris , ce i cr. septembre 1806. Signé S ilvestuf .
de
S acy .
N ous ju g e , pour l’em pêchem ent du président de la première
section du tribunal de prem ière instance du département-de la
Seine , certifions que la signature étant au bas.de l’acte ci-contre
est celle de M. Silvestre de S a c y , interprète du m inistère des.
extérieures ; en foi de quoi nous avons fait apposer le
r e l a t i o n s
sceau. A P a ris , ce 1» décem bre 1807. Signé G ilb e r t d e Vauvjïii..
Enregistré à P a ris, etc..
�( T9)
N°: X .
Lettre dû lieutenant général Soult,. du 22 ftir>
maire an 10.
«
R É PU B LIQ U E
L
ib e r t é .
' ° ’
\ ‘ ■
>*
FRANÇAISE.
'
•
É g-a l i t é ,
>
Au .quartiçrt g^aétfl, de .Tarf^te,, le, a a,
la république française, une çt ijidiyijible,
an; io,de
r
L e Lieutenant général Soult, commandant les troupes
françaises dans le royaume de Naples,
A u citoyen G ian e, chef de bataillon dans la légion
grecque, à bord du bâtiment le S t.-J e a n , en rade
de Tarente.
D ’après les justes réclam ations que vous m ’avez présentées,
c ito y e n , j’ai donné des ordres pour que le com ité de santé de
cette ville procédât de suite à une nouvelle visite du bâtim ent
sur lequel vous êtes, afin que si aucun signe de maladie ne s’y
est manifesté depuis votrè départ de C o tro n e, la liberté de dé
barquer vous soit donnée.
Mais si le com ité juge qu’ il est nécessaire que votre bâtim ent
reste encore pendant quelques jours en contum acé, alors ma
dame D esta in g , vo u s, et les principaux officiers ou adminis
trateurs qui sont à bord du St.-Jean, auront la faculté de mettre
à terre de suite, et de term iner leur, quarantaine.d an s.u n loç&l
jt’ai ordonné qn’on, fit préparer, à c e t,e ffc tP|;■
.
Je regrette beaucoup; de ne pqwy,oip, ff^ejilpS) 30US ce rapport
�( 20 )
v
pour vous o b liger; je vous eusse déjà abrégé les tourmens de
votre pénible et longue quarantaine, si dans ce pays la direction
du com ité sanitaire nous eût concerné.
V e u i l l e z , j e vous p r ie , renouveler à madame D estaing les
offres que mon épouse et moi lu i faisons de tous les secours
qui pourroient lui être nécessaires : elle nous obligera infiniment
d’en disposer.
Je vous fais la m ême offre pour c e qui vous concerne , et
vous prie m êm e d 'y faire participer les citoyens P iqu et, Royanne
et C l o s e t, auxquels je vous serai obligé de com m uniquer ma
le ttr e , qui répond à celle qu’ils m’ont écrite.
J’ai l’honneur de vous saluer. Sign é S oult .
Enregistré à P a ris, etc.
r
A R IO M , de l’imprimerie de T hib a u d - L a n d r io t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Pièces justificatives pour Madame Nazo, veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0604
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53864/BCU_Factums_M0604.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
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Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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350b85f7c9d5805919846c0a8233ded7
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Text
CONSULTATION
P o u r Made N A Z O , V e du général
Destaing,
tutrice de sa Fille
m ineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING
�CONSULTATION
Poun Made N A Z O , V e du général
D e s t a i n G; tutrice de sa Fille
mineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING.
■ nmmni
V u l’acte de notoriété fait devant le tribunal de paix du
second arrondissement, intrà m uros, dit du S u d , de la ville
de M arseille, le 5 fructidor an 11 ; l’acte de notoriété reçu
par le juge de paix du dixièm e arrondissement de P a ris, le
29 mars 1806 ; le jugement rendu par le tribunal de première
instance, à P a ris, q u i, sur le rapport fait à l ’audience, le
ministère public entendu, hom ologue cet acte de notoriété;
le procès-verbal de nomination du sieur Pierre D estaing à
la tutelle de demoiselle M arie Destaing sa petite-fille, por
tant reconnaissance expresse du mariage du feu général D es
taing son fils , avec la dame A n ne Nazo ; duquel mariage est
née la demoiselle Marie Destaing; ce qui a été également
reconnu par l’aïeul et toute la fam ille D estaing, jusqu'a u
tems où la dame veuve D estain g, investie par la loi de la
�(2)
tutelle de la mineure , a réclamé, à ce titre, l’administration
du patrimoine de sa fille. V u , de plus, le mémoire à con
sulter de la dame Destaing ; les autres pièces qui y sont
jointes; et notamment le jugement interlocutoire rendu le
i 3 août 1807, par le tribunal de M auriac, département du
Cantal, qui ordonne la preuve testimoniale de tous les faits
qui étaient déjà constans dans la cause.
L E C O N S E IL soussigné estime que la dame veuve D es
taing a eu raison d’appeler de ce jugement , et qu’elle doit en
obtenir la réformation par la Cour de R io m , à qui elle l ’a
déféré.
Les juges de première instance, contre l ’avis du ministère
p u b lic, ont cru avoir besoin de récoler, pour ainsi dire ,
eux-mêmes les témoins respectables q u i, d’office, ont léga
lem ent constaté devant les tribunaux les faits dont ils avaient
une parfaite connaissance ; et que la possession d’état de la
dame Destaing et de la demoiselle sa fille, au milieu de la
famille D estaing, n’ont fait que confirmer et reconnaître
d’une manière authentique.
Ils ont erré eu assimilant des actes de notoriété vérifiés ,
dans les formes de droit, à de simples certificats extrajudiciaires. En reconnaissant, comme ils l’ont f a it , que la dame et la
demoiselle Destaing se trouvaient dans des circonstances
te lle s, qu’on ne pouvait les obliger à représenter ni l ’acte '
de célébration de mariage du général Destaing , ni l ’acte de
naissance de sa fille ; ils devaient reconnaître, en même tems ,
que ces pièces étaient suffisamment suppléées par des actes de
n otoriété , la possession d é ta t, et surtout la reconnaissance de
la fam ille D estain g, qui aurait suffi pour éleve r, contre les
collatérau x, une fin de non recevoir insurmontable.
�(3 )
Un mariage a été contracté d’après toutes les convenance»
sociales ; il a été célébré avec solemnité à la face de deux
nations, dont il resserrait les liens d’am itié; il a été b én i,
aux pieds des autels, par un pontife de la religion chré
tienne, professée par les deux époux. L ’épouse, devenue en
ceinte , a été envoyée en France dans la famille de son m a ri,
retenu loin d’elle par des devoirs militaires. E lle a erré, pen
dant six m ois, sur un frêle n a v ire , o ù , loin de tout secours ,
elle a mis au monde le fruit de leur union. Pendant ce tem s,
le mari est revenu dans sa p atrie, où il croyait trouver une
épouse et un enfant. A peine a-t-il été informé de leur sort,
qu’il les a appelés auprès de lui. Ils s’y rendaient, lorsque la
mort le leur a enlevé ; mais la fam ille du mari les a réclamés ,
comme leur bien. Un b ea u -p ère, un aïeul, des parens ont
accueilli ces infortunés avec empressement. Ils leur ont d’abord
prodigué les consolations dont ils avaient tant besoin. Mais
tout à coup la scène change; de nouveaux malheurs accablent
la veuve et l’orphelin. On veut les dépouiller de leur patri
moine. Leur état leur est contesté ; on veut les en déposséder;
e t, depuis cinq ans, on les traîne de tribunaux en tribu
naux ; on les expose à mourir de faim en attendant justice :
ce qui serait infailliblem ent a rriv é , sans la bienfaisance de
Empereur.
T elle est la position de la dame Destaing : c’est ce qui résulte
de toutes les pièces qui ont été mises sous nos yeux.
O n y voit qu’elle est née au Grand Caire , en E gypte, efl
1780, du sieur Joanny Nazo et de la dame Sophie Mische
son épouse, chrétiens l’un et l’autre du rit grec.
O n y apprend que le sieur Nazo était originaire de Tines,
île de l'Archipel ; q u e , jeune encore, ¡1 entra au service de la
�( O
R ussie, comme militaire et officier; et, qu’à l’âge de vingt-cinq
ans, étant venu au Caire pour ses affaires, il y contracta mariage
avec la demoiselle Sophie M isclie, fille du fermier général
des droits imposés sur les liqueurs spiritueuses; il s’y établit,
et succéda à son beau-père dans cet em ploi, qui était extrê
mement lucratif.
•Il l ’exerçait lors de la conquête d’Egypte. Sa fortune et ses
connaissances le firent bientôt distinguer, autant que son
attachement pour les Français et pour le héros qui les com
mandait.
Un bataillon greG fut formé -, le sieur Nazo en fut nommé
chef.
Ce service lui donna de nouveaux rapports avec l’arm ée,
dont la levée des Grecs faisait partie, et avec les généraux
qui y étaient employés.
Ces rapports s’augmentèrent lorsque, pour le bonheur de
la France, le général Bonaparte vint mettre fin à nos dis
cordes civiles.
Plusieurs officiers généraux trouvèrent alors convenable
de se marier dans le pays.
Le sieur Nazo, commandant des Grecs, passait pour riche;
il était considéré : père de plusieurs enfans, on savait qu’il
avait une fille de dix-huit à dix-neuf ans, très-bien élevée, du
moins autant que les ressources du pays pouvaient le per-^
mettre ; et avec une réputation de sagesse et de beauté
également avantageuses.
Le général de brigade Destaing la rechercha. Soit pres
sentiment des malheurs qui devaient survenir , soit que le
sieur Nazo eût d’autres vu es, il se refusa longtems à la de
mande du général. Destaing.
�( 5 )
D éjà lë général D elzo n s, cousin-germain de ce dernier , et
le sieur L a n tin , autre officier supérieur , avaient épousé deux
égyptiennes : les demoiselles Varsy , filles d’un marseillais ,
négociant français, résidant à Rosette, et marié à une anglaise
établie dans le pays. Le général M enou, commandant en chef,
avait épousé la fille d’un négociant turc. Bien d’autres officiers
s’étaient aussi unis par mariage avec des demoiselles nées dans
le pays , et appartenant aux familles les plus honnêtes et les
plus considérées.
Ces exem ples, les instances du général D estai n g , et plus
encore les sollicitations empressées des généraux Lagrange
et Béliard, ses amis particuliers, déterminèrent le sieur Nazo
à l ’accepter pour gendre.
Le mariage fut célébré en l’an 8, le surlendemain de la fête
des Rois , qui arrive douze jours plus tard suivant le calendrier
grec (cette date se rapporte au 17 janvier 1800 , 27 nivoae
an S ) . La dame Destaing ignore quel acte>il en fut dressé;
mais il fut béni par le patriarche d’A lex an d rie, en pré
sence d’un grand nombre d’officiers supérieurs de l ’armée ,
de plusieurs personnes notables du pays , toutes professant lareligion chrétienne , et notamment du général Delzons ,
cousin-germain de l’époux, t
Dans l’ivresse de son bonheur, le général Destaing donna
des fêtes splendides à ses frères d’armes ( ces fêtes étaient
aussi une des solemnités du m ariage, suivant les mœurs et
usages du pays ). Le général Menou , commandant en chef, y
assista ; toutes les personnes considérables de l’armée y prirent
part; les officiers qui étaient mariés y conduisirent leurs
épouses ; la réunion fut complète. La ville entière du Caire
Tut ainsi témoin du mariage du général Destaing avec la fille
�(6 )
du chef du bataillon grec , le sieur N azo, à qui nul officier de
l’arm ée, quelque fût son grade , ne se serait permis de faire
injure. Madame Menou , les dames Delzons et Lantin , et
d’autres égyptiennes devenues françaises par leur mariage ,
formèrent bientôt la société de madame Destaing ; elle les
reçut chez le général, son m ari, dont elle habitait la maison
comme épouse considérée. C’est à ce titre seul qu’elle en faisait
et qu’elle pouvait en faire les honneurs.
Cela se passait au C a ire, où la cohabitation maritale a duré
plu9 d’un an.
Mais , dans le mois de ventôse an g , une escadre anglaise
parut devant Alexandrie avec le projet de débarquement
qu’elle effectua peu de jours après. On reçut au Caire , le i 5
ventôse au soir (février 1801 ) , la nouvelle de l’apparition
de la flotte anglaise. Le général Destaing était alors à dîner
chez le général Menou ; il y reçut l’ordre de se tenir prêt à
partir pour le l e n d e m a i n i l vint en faire part à son épouse*
C’est ainsi qu’il fut séparé d’elle pour toujours.
Il partit, en effet, avec une partie de l’armée française
commandée par le général en ch ef ; le bataillon des Grecs
partit aussi : le général Béliard et le général D upas, lors
simples commandans de la place , restèrent au Caire. Le sieur
Nazo était atteint de la peste ; il ne put partir.
Madame Destaing était enceinte ; il s’établit entr’elle
et le général son m ari, une correspondance dont il reste
quelques fragmens.
Toutes les lettres sont à l’adresse de M adame D estaing,
et cette adresse est toujours en français, de la main de son
mari. Comme la dame Destaing n’entendait que l’arabe , c’est
dans cette langue que plusieurs des lettres du général Des-
�C7 )
taing sont écrites par un Egyptien qui lui servait de secré
taire ; mais , quelquefois aussi, il écrivait en français à son
épouse, et elle rapporte, entr’autres, une lettre du 5 p rai
rial an g , où il lui parle de sa grossesse, des embarras de
leur correspondance , et des moyens de la rendre plus fré
quente.
*
Cette correspondance est telle qu'elle a dû exister entre
d’honnêtes époux. Familière avec décence , tendre sans
exagération, elle exprime les sentimens d’une amitié pure
et tranquille , et non le délire des passions tumultueuses.
S’il n’y avait pas d’autres preuves de l’état de la dame D es
taing , si les nombreux témoins de l ’union des deux époux
avaient tous été enlevés par la peste et la guerre, qui en
ont moissonné plusieurs ; si les dépôts publics qui conservent
les preuves de cette union légitime avaient tous été détruits;
si on p o u v a it, en outre, anéantir les reconnaissances m ulti
pliées de la famille D estaing, et la possession d’état per
manente de la veuve et de la fille du général : nous dirions
encore que les lettres de ce dernier suffisent pour montrer
qu’il fut époux et père de celles à q u i, tardivem ent, on
veut enlever ces qualités par de simples motifs de cu
pidité.
La dame Delzons se trouvait dans la même position que
la dame Destaing ; les deux cousins étaient séparés de leurs
épouses par la guerre. Les deux jeunes femmes se réunirent
chez la dame Delzons , à cause que la contagion avait
pénétré dans la maison qu’habitait au Caire la dame
Destaing.
Mais bientôt la correspondance de ces dames avec leurs
maris fut interrompue. Les Anglais avaient pris A boukir
�C 8)
et Rosette ; ils cernaient Alexandrie', et leur armée était aux
portes du Caire.
Le général B éliard , qui y commandait, invita alors les
dames M e n o u , Destaing , Delzons et Lantin , leurs parens
et leur su ite, il se retirer dans la citadelle, où elles furent
reçues et logées par le commandant D upas, à qui la garde
de ce poste était confiée.
j
Ce dernier refuge leur fut bientôt enlevé. A la fin de
messidor, lt: général Béliard capitula; le Caire fut évacué le
29 de ce mois.
Il fut convenu que les troupes sous les ordres du général
Béliard seraient embarquées pour la France ; mais il fut
dit que les dames Menou , Destaing , Delzons et L a n tin ,
seraient rendues à leurs maris , qui défendaient encore
Alexandrie. Elles devaient être conduites, sous escorte, jus
qu’aux portes de cette v ille , avec M. Estève, payeur général
de l ’armée , qui eut la permission de se rendre auprès du
général en chef.
Mais celu i-ci refusa de reconnaître la capitulation faite
par le général Béliard , et de recevoir., dans A lexan drie,
qui que ce fût venant du Caire ; et pour q uon doutât moins
de sa résolution , sa propre épouse ne fut pas même ex
ceptée.
Ces dames reçurent ch acun e, de leurs m aris, une lettre
portant invitation de se rendre en France , sur les bâtimens
destinés aux troupes du général Béliard.
Les dames Delzons et Lantin se retirèrent d’abord chez leur
m ère, à Rosette, avec madame M en ou; depuis elles s’em
barquèrent pour la F ra n ce , et arrivèrent heureusement à
Marseille. Madame D estaing, son père , sa mère , ses frères,
�\
(9 )
>
»es soeurs et leur aïeule, que le malheur avait rendu# insé
parables , furent embarqués à A b ou k ir, avec une ceiitâinë
de militaires français, sur un petit navire grec," qui devait
les transporter en Europe.
Le navire , en mauvais état et mal équipé fut baldtté
pendant six mois dans la Méditerranée , et obligé de' re
lâcher à diverses îles.
Cependant le terme de l’accouchement de mâdhme Deâtaing approchait; ses souffrances, que les toürmënteS rendaient
plus terribles, firent solliciter le patron du naviie à prendre
terre où il pourrait : il jeta l ’ancre sur la côte de Céphalonïé”
Madame Destaing était en travail depuis huit jours'. I l ne'
fut pas possible de la transporter : elle afccoücha d&iïs lë
navire.
. Marie D estaing, qu’elle mit au mondü, fut baptisée jiar
un prêtre que sa fam ille envoya chercher, dans une chapelle'
située sur les bords de la mer. E lle eut , pour parain"," liff
officier français , et , pour m araine, la dame Mische , ¿on'
aïeule.
*
* L ’équipage , qui n’avait pas fait quarantaine , ne pouvait
avoir des communications avec les habitans de l’île : le consul
français visita cependant madame Destaing.
O n ignore si l’acte de baptême , constatant la naissance
de Marie Destaing , fut rédigé par écrit ; si le consul français
y assista , s’il le déposa à la C hancellerie, ou dans les màîrià1
du pasteur catholique qui administra' le sacrement : lés
_difficultés des communications pendant' la guerre , le peü
’ de tems que le navire est resté sur la côte de Céphalonie,'
et tout ce qui s’est passé depuis cette éjiôque , oïit privé
madame Destaing des moyens de fournil*,* sur cé‘ poittt','
a
�( IO )
des éclaircissemens que les circonstances dans lesquelles
elle se trouve rendent superflus.
Le vaisseau chargé de ces infortunés aborda enfin à Tarente,
dans le royaume de Naples.
On croira aisément que la dame Destaing et sa famille
n ’eurent rien de plus pressé que de quitter, dés qu’ils le
purent, un navire où , depuis six mois , ils avaient si cruelle
ment souffert. Heureusement une main protectrice vint à leur
secours ; le général S o u lt, aujourd’hui maréchal de i’E m pire,
les a c c u e illit , leur donna sa maison de cam pagne, pour y
faire quarantaine, et les reçut ensuite chez lu i, à T aren te, où
ils passèrent près d’un m ois, tandis que le vaisseau grec, qui
les avait débarqués sur la côte de Naples , continua sa route
pour Marseille.
C epen d an t , durant la longue traverées de la dame Destaing
et de sa fam ille , d’Egypte en E u rop e, la ville d’Alexandrie,
resserrée de plus en plus par les ennem is, et manquant de
vivres, avait été obligée de capituler.
La garnison fut embarquée pour la France, les généraux
M enou, D estaing, le capitaine Lantin et plusieurs autres
officiers montèrent sur le même vaisseau et arrivèrent à Mar
seille après, trois mois de navigation , de manière que le
général' Destaing , parti d’Egypte deux ou trois mois après
son épouse, arriva cependant en Europe, et en France, plus
de deux mois avant elle. 11 se rendit à Paris et fit des dispo
sitions pour fixer son domicile dans cette ville ; il y reçut du
général Soult la nouvelle de l’arrivée de sa femme et de sa fille
à Tarente.
11 se hâta de remercier le général Soult de ses soins bionfaisans, et le pria de faciliter à madame Destaing et a
�( 11 )
sa famille le moyen d’arriver à P a ris, et de les y faire accom
pagner par quelqu’un de confiance.
'
^
Monsieur le maréchal Soult fit escorter par terre cette fa
m ille jusqu’à Barlette, et chargea M. D esbrosse, officier fran
çais , né à P aris, de l’accompagner.
Madame Destaing et sa fam ille s’embarquèrent à Barlette,
reprirent terre à A n cô n e, d’où ils se rendirent en poste à
Lyon , avec M. Desbrosse.
Cette nouvelle fatigue avait encore altéré la santé de madame
Destaing et celle de sa fille. On crut nécessaire de leur faire
prendre quelques jours de repos. M. Nazo son pére et M. D es
brosse les précédèrent et se rendirent de suite à P aris, auprès
du général Destaing.
A peine arrivé à P aris, M. Nazo perdit son gendre par un
événement tragique, dont le public fut informé dans le
tems. M. Nazo n’avait vu le général Destaing que quelques
instans 5>et n’avait encore pris aucun arrangement avec l u i ,
pour l’établissement de sa famille.
Madame Destaing ignorait à Lyon la perte qu’elle venait
de faire; elle y attendait des nouvelles du général D estain g,
lorsqu’elle reçut la visite du sieur B ordin , chapelier, dont
l'épouse était d’A u rilla c, lieu de la naissance du général Des
taing.’
s
• L e sieur Bordin se présenta avec une lettre du sieur Des
tain g, pére du général, pour engager la dame Destaing sa
belle-fille, à se rendre à A urillac avec son en fan t, où on lui
dit qu’elle trouverait le général son mari.
Mais la feinte ne pût être longue : madame Destaing ap
prit bientôt qu’elle était veu ve, et que sa fille avait perdu son
p ére, avant d’en avoir pu recevoir la moindre caresse.
�( ta )
E lle se séparé du reste de sa fam ille, qui se rendit à Mar
seille, où le Gouvernement réunissait les réfugiés égyptiens ,
et elle prit la route d’A urillac avec sa fille, une nourrice
qu’elle avait prise à Tárente, et une négresse qui les servait.
Le sieur Destaing père fournit aux frais de ce vo y a g e, et
aux premiers besoins de sa petite-fille et de la veuve de son
fils. Illes accueillit comme ses enfans, les fit considérer comme
tels par toute la famille D estain g, au milieu de laquelle la
Yeuve trouva madame Delzons, née, comme elle, en Egypte ,
témoin des courts instans de son bonheur et de ses premières
infortunes.
Madame Destaing passa ainsi à A urillac huit m ois, présen
tée dans toutes les sociétés comme veuve du général Destaing,
sans que personne eût osé élever le moindre doute sur son état
et celui de sa fille.
L e sieur Destaing père assembla un conseil de famille pour '
la nomination d’un tuteur à sa petite-fille.
O n prouve parmi les. parens M. Alexis.-Joseph D elzons,
général de brig:*d,e , commandant le département du C antal,
cousin-germain du feu,général Destaing , et le même qui avait
été, témoin d}f, marijage qui avait, réuni laúdame. Nazo à *la
famille Destaing -, M. Delzons son p ère , membre du Coçpj
Législatif , oncle paternel de M. D estain g, biqn instruit par
son filstde§ circonstances de ce,m ariage, et lç.m êm e qui se
troura à^Paris, à la leyép des scellés, mis sur les effets du gé
néral Destaing son neveu; enfin, tous les parens du défunt
qui déféi'èrentj la^tuttje ^usj.ç^r Destaing père, en sa qualité
d’aïeul tle la mineure, et attendu la minorité présumée d e là
m ère, autorisèrent j les dépenses par lui faites, îéglércnt le
�( i3 )
montant des habits de deuil de la veuve, et fi<èrent provisoi
rement la quotité de la pension de la pupille.
Si les intérêts de la dame Destaing furent sacrifiés dans cet
acte, du moins son état et celui de sa fille furent respectés et
reconnus par la famille de son mari; et ils auraient continué
à l’être, si elle n’avait pas été instruite de ses droits.
Mais elle trouva , à A urillac même , des personnes offi
cieuses qui lui apprirent que la loi plaçait dans ses mains la
personne et la conservation des biens de sa fille , que c était
pour elle un devoir de la réclam er, et que son beau-pere et
J a famille Destaing abusaient de son ignorance.
Aussitôt qu’elle parut i n s t r u i t e l e s procédés de son
beau-père changèrent à son égard. Il craignit qu’elle ne vou
lût se soustraire à son em pire, e t, pour la reten ir, il la
sépara de sa fille , qu’il envoya à la campagne sous un vain
prétexte.
Cet acte de barbarie dut ré vo lter la dame Destaing ; privée
de sa fille , ne pouvant découvrir le lieu où on la tenait cachée,
elle écrivit à son père pour lu i faire connaître sa position.
Le sieur Nazo se rendit à A u r illa c , et n’obtint rien du sieur
Destaing ; il emmena sa fille à Marseille.
\t)n remarquera que le sieur Destaing retint alors sa
petite-fille, malgré la mère et l’aïeul maternel ; ce qui est
une nouvelle reconnaissance de l’état de la demoiselle D es
taing , dans le tems même que son aïeul refusait à la mère
de la laisser jouir du plein exercice de ses droits.
La dame Destaing fut conduite à Marseille par son p ère ,
et elle sentit alors le besoin de constater son âge, qvû était
le seul prétexte sous lequel le sieur Destaing père refusait
de lui rendre la tutelle de sa fille. Il y fut procédé par un
�( *4 )
acte de notoriété en forme authentique , auquel concou
rurent un grand nombre de réfugiés E gyptien s, réunis à
Marseille. Parmi eux se trouvaient deux des militaires qui
avaient traversé la Méditerranée avec la daine Destaing;
ils rapportèrent l’époque de l’accouchement de la dame Des
taing , et du baptême de sa fille.
Si l’acte de notoriété ne donne pas de plus grands détails,
c’est que personne ne pouvait prévoir alors que l ’état de la
dame Destaing et de sa fdle serait un jour contesté ; il
ne s’agissait que de déterminer leur âge par la notoriété , à
défaut de registres. Leur élat était assez établi par leur pos
session non interrompue : et si la dame Destaing avait pris
alors de plus amples précautions ; si elle avait fait constater
son état par les nombreux réfugiés Egyptiens qui se trou
vaient alors à M arseille, ce qui lui eut été fa cile, on suppo
serait peut-être aujourd’hui qu’elle en avait besoin. Tandis
q u e , comme nous le verrons bien tôt, la possession d’état
et la reconnaissance de la fam ille étaient, pour elle et pour
sa fille , des titres sufiisans.
Madame Destaing doutait si peu de leur puissance, qu’a
près un court séjour à Marseille , elle se rendit à Paris pour
demander justice.
'
^
L e Gouvernement lui accorda sans difficulté la pension à
laquelle elle avait droit comme veuve du général Destaing ;
et les plaintes qu’elle porta, sur ce qu’on lui retenait, malgré
e lle , sa fille à À u r illa c , furent renvoyées par le premier
Consul aux ministres de la justice et de la police pour y faire
droit par voie d’administration.
Le sieur Destaing , président du tribunal civil de son ar
rondissement , ne put méconnaître la légitimité des première
demandes de la dame sa belle-fille ; il répondit à S. Exc. le
�C ‘5 )
grand-juge que puisque le Gode civil déférait la tutelle à la
m ère , elle pouvait envoyer chercher sa fille quand elle le
jugerait à propos. Le grand-juge , en informant madame Destaing de la réponse de son beau-père , lui apprit que toute
discussion sur les biens devait être portée devant les tribunaux.
Le général Destaing était mort à Paris , où il paraissait
avoir voulu fixer son domicile ; on pensa que c’était à Paris
que la succession était ouverte , et où l’inventaire des biens
avait commencé. La dame Destaing se pourvut donc devant
le tribunal civil de la capitale pour réclamer les droits que
lui donnait la double qualité de veuve du général Destaing
et de tutrice de leur fille , et fit assigner le sieur Destaing en
reddition de compte de la tutelle.
Le sieur Destaing, aïeul de cet enfant et président du tri
bunal civil d’A urillac , prétendit que c’était à A urillac que
cette demande devait être portée , attendu que le feu général
Destaing était censé n’avoir jamais eu d’autre domicile que
la maison paternelle.
Le tribunal de Paris se déclara compétent ; mais le sieur
Destaing s’étant pourvu à la Cour de cassation en règlement
de juges, les parties ont été renvoyées au tribunal de première
instance de M auriac, département du Cantal.
C’est là que, pour la première fois, le président D estain g,
pour garder en ses mains les biens de la succession de son
fils, a renié sa petite-fille dont, d’abord, il avait voulu être le
tuteur , et qu’il avait retenu chez lui malgré la mère. Il a osé
déclarer devant ce trib u n al, à quelques lieues de distance
d’A u rillac et dans le même départem ent, habité par les té
moins de la constante possession d’état de la veuve et de sa
fille , ainsi que des actes authentiques et multipliés de la recon*
�C 16 )
naissance de la famille , « que ce n’a été que par d o l, fraude,
» suppositions et insinuations perfides que la demanderesse
» Vengagea jx se porter tuteur de Marie sa fille , et à faire
» tous actes nécessaires en cette qualité pour la rémotion des
» scellés, inventaire et vente des effet mobiliers délaissés
n par son défunt fils ; lesquels consentement, actes et fausses
» démarches il rétracte formellement ; et de ce q u e , mal à
« p rop os, elle voudrait tirer avantage de ce qu’il l’a retirée „
» dans sa fam ille, ne l ’ ayant f a i t qu'à titre ¿[hospitalité,
» comme compatissant à ses m alheurs, et sous réserves de ses
» autres droits. »
Les tribunaux du département du Cantal avaient donc à
examiner le mérite de cette déclaration ; elle est la cause
du litig e , le point de la difficulté élevée par l’aïeul.*Elle
contient une accusation grave en suppression d’état, ou un
délit bien plus grave encore en suppression d’état, de la part
de celui qui était alors le chef de la fa m ille , le protecteur
n aturel de tous les membres qui la composaient ; et spé
cialem en t de sa petite-fille et de la veuve de son fils.
Il accuse celle-ci de l’avoir en gagé, par dol et fraude, k
les reconnaître , elle et sa fille , pour avoir appartenu , à titre
lég itim e, au général Destaing -, mais on sait qu’elles étaient
à L y o n , lorsque madame Destaing a 'perdu son mari. Elle
arrivait en France , et elle ne connaissait personne , ni le
pays dont elle n’entendait même pas la langue ; quel dol
a-t-elle pu pratiquer? quelles insinuations a-t-elle pu em
? R i e n au monde ne peut faire admettre, un instant, la
supposition du président Destaing. Q uélle serait donc la
puissance qui aurait obligé ce dernier à envoyer chercher à
Lyon madame Destaing et sa fille , qui ne le connaissaient
p
l o y e r
'
*
�( *7 )
pas ? à les recevoir et les traiter comme belle-fille et petitefille, pendant huit mois consécutifs? à prendre devant la
justice la qualité d’aïeul légitime de cet en fan t, et en de
mander la tutelle , attendu la minorité de la mère? à s’en
gager , par serment, à en remplir les devoirs , ceux de tuteur
et d’aïeul ? à ex ercer, pendant huit m o is, les honorables
fonctions que ces titres lui donnaient ? 11 n’y ayait nulle
puissance, nuls moyens suffisans pour l’y engager , si ce
n’est la force de la vérité et le pouvoir de la justice na
turelle.
Tout cela ne peut se rétracter : on ne rétracte pas des faits ;
o r , les actes émanés du sieur Destaing père, sont autant de
faits qui existent et existeront malgré ses regrets. Q u’il les
explique comme il p ou rra, il ne peut les détruire par une
vaine rétractation.
Il suppose hardiment n’avoir retiré, dans sa fam ille, sa
petite-fille et la dame sa mère , qu'à titre cï hospitalité, et
compatissant à leurs malheurs.
Mais le litre auquel la dame Destaing et sa fille ont été
reLirées, ou plutôt réclamées par le sieur D estain g, est écrit
dans le procès-verbal de nomination de tuteur. Ce titre légal
ne peut pas plus être effacé que ceux de la nature invoqués
par le sieur Destaing père pour l ’obtenir ; ce titre est l’ou
vrage du sieur Destaing , lui-même ; toute la famille y a
concouru. C’est par une délibération éclairée , authentique
et homologuée par l ’autorité c iv ile , que le sieur Destaing a
demandé à prendre dans les biens qu’il n’administrait qu’au
nom 'de sa petite - fille , et comme son tuteur, le rem
boursement des frais qu’il avait faits pour leur séjour à
L y o n , et voyage à A u rilla c , et pour les alimens qu’il leur
�C 18 )
dans celte ville. Ce n’est donc pas comme com
patissant aux malheurs d’une étrangère , qu’il a agi. La
dame Destaing ne pouvait pas être étrangère pour lui ;
aussi a-t-il demandé lui-même , pour sa belle-fille , des habits
de d e u il, et la fixation d'une pension viduelle. Ce ne sont
pas là des actes de compassion , mais de justice. La fille et la
veuve du général Destaing ayant reçu , dans cette qualité,
sur la succession de leur père et mari , les secours dont
elles avaient besoin, dans la maison que le sieur Destaing
a fait juger être le domicile de son fils ; il ne peut pas dire
quelles y aient été reçues à titre dhospitalité. Dans la maison
de leur aïeul et beau-père , elles étaient chez elles,' elles y
continuaient leur possession d état : on ne peut la leur ra v ir,
parce qu’elle repose sur des faits constans et indestructibles.
Par ces fa its, tout doit être jugé entre madame Destaing
et la famille de son mari. D u moins on ne peut plus mettre
en question l ’état de la veuve et de l ’orpheline, authenti
quement reconnu par ceux mêmes qui l’attaquent aujourd’hui.
Nos livres de jurisprudence sont pleins de monumens qui
fixent d’une manière invariable les principes qui doivent
servir de règle pour résoudre les questions élevées sur l’état
des citoyens dans des circonstances quelquefois bisarres et
souvent embarassantes.
Souvent on a argumenté sur la foi qui est due aux registres
publics , sur la nécessité d’établir par eux l’état contesté, sur
l'admission ou le rejet de la preuve testimoniale, soit pour
faire réformer ces registres , soit pour les suppléer en cas de
perle ; mais toujours on a admis les con>équences qui ré
s u l t a i e n t d’une possession d’état invariable. La loi romaine,
fournissait
d’Aguesseau , Gochin , si souvent cités dans les questions
�( *9 )
de cette nature, regardent la possession comme le signe le
plus certain de leta t des citoyens , celui qu’il serait le plus
dangereux de méconnaître , et qu’il importe le plus de res
pecter pour assurer le repos des familles.
'
Cochin a retracé ces principes dans la cause célèbre de la
dame de B ru i*; et on peut remarquer qu’il plaidait pour la
fam ille Laferté, qui repoussait cette femme et tous les moyens
qu’elle employait pour se faire reconnaître comme appar
tenant à cette famille. D e manière qu’on ne peut pas le sus
pecter d’avoir admis ou supposé des principes trop favorables
à ceux dont l’état est contesté. Il les établit comme doctrine
qui doit servir de guide dans les questions d’état, pour qu’on
ne s’égare pas dans cette m atière, en donnant dans des excès
également contraires à la vérité.
,V o ic i comment il s’exprime :
« Si les législateurs , d it-il, n’avaient pris aucune précau*
» tion pour fixer l’état des hommes . les citoyens ne pour» raient se reconnaître entr’eux que par la possession. T elle
» était la règle qui les distinguait seu le, avant que les Etats
» policés eussent établi des lois sur une matière si importante;
» les familles se formaient par des mariages publics ; les en» fans étaient élevés dans la maison des pères et des m ères,
>* comme les fruits précieux de l ’union conjugale ; les rapports
» des différens membres d’une famille se confirmaient de jour
» en jour par la notoriété ; ils se connaissaient, ils étaient
» connus des autres comme frères et sœ urs, comme oncles ,
» n e v e u x , comme cousins, par cette habitude journalière
>* de se traiter réciproquement dans ces différentes qua» lités.
. » C ’était donc la possession seule qui fixait l’état des hommes;
�»
»
»
»
»
( 20 ) ,
c’était l ’unique espèce de preuve qui fût connue - et qui
aurait voulu la troubler, en supposant un état et une filiation contraire à celle qui était annoncée par cette longue
suite de reconnaissances, aurait troublé l’harmonie du genre
humain.
» Les législateurs ont cru devoir porter plus loin les mesures
>•> que leur sagesse leur a inspirées. On a cru que s i , au mo» ment de la naissance de chaque cito yen , son état était con>* signé dans des registres p u blics, ce genre de preuve ajou» terait un nouveau degré de force à l ’état qui devait être
» établi dans la suite par la possession, ou q u e , si la posses» s io n , par quelques circonstances impossibles à p révoir,
» pouvait devenir équivoque, le titre primordial pourrait
» en parer les vices et venir au secours du citoyen privé des
» avantages d’une reconnaissance solemnelle. C’est donc ce
» qui a introduit l ’usage des registres publics prescrits par nos
» ordonnances.
»
Ti
»
»
»
»
»
» C’est sur ces deux genres de preuve que porte l ’état des
hommes ; celle de la possession publique est la plus ancienne et la /noms sujette a Verreur/ celle des registres
publics est la plus nouvelle et la plus authentique. Quand
elles se prêtent un mutuel secours , tous les doutes disparaissent ; quand elles ne sont pas unies , les questions
peuvent dépendre de la variété des espèces et des circonstances.
»' Ou l’on est attaqué dans un état dont on est en possession,
« ou l’on réclame un état dont on n’a jamais joui. Dans le
» prem ier c a s , l a . p o s s e s s i o n s u f f i t a c e l u i q u i e s t a t r> t a que ; il ri!Cl pas besoin de recourir aux monumens pu-
»
�(21 )
» b lic s , ni à aucun autre genre de preuve ; il possède, et à
» ce seul titre, on ne peut pas hésiter à le maintenir.
» Dans le second cas, celui qui réclame un état dont il n’a
» jamais joui , trouvant le même obstacle de la possession,
v ne peut réussir dans son entreprise , s’il n’a en sa faveur des
» titres solemnels qui prouvent que la passion et l’injustice
» l’ont dépouillé.
» Ainsi la possession p u b liq u e, qui décidait seule avant
» l’établissement des registres p u blics, conserve aujourd'hui
» son prem ier empire y c’est elle qui forme toujours la preuve
» la plus éclatante et la plus d écisive, et si elle peut être
» combattue par des preuves contraires, ce n’est qu’autant que
» ces preuves posent d’abord sur un fondement solide , adopté
» par la l o i , c’est-à-dire, sur les titres les plus authentiques
» et les plus respectables. »
Ces principes rappelés par Cochin , et qu’il appelle « des
» vérités que la raison dicte seule , et qu’elle grave, pour
» ainsi dire, dans le cœur de tous les hommes ; » ces principes,
qu’il prouve être « appuyés sur la décision des lois , le suf» frage des plus grands hommes et la saine jurisprudence»,
sont ceux de tous les jurisconsultes et de tous les tribunaux.
Ils s’appliquent naturellement à la cause de la dame Destaing
et de sa fille.
Elles sont en possession de leur état de veuve et de fille du
général Destaing. Cette possession a été publique, on pourrait
même dire solemnelle; elle leur suffit pour repousser l ’attaque
dirigée contr’elles. E lles n ’ont pas besoin de recourir a u x
monumens publics , n i a a u c u n a u t r e g e n r e d e p r e u v e .
E lles possèdent ; e t, à ce seul titre, on ne p eu t pas hésiter
à les maintenir.
�( 22 )
O n le doit arec d’autant plus de raison, que l’attaque a
commencé par celui q u i, ayant le plu 3 grand intérêt à con
tester l ’état de ces infortunées, s’il avait été équivoque, l ’a
cependant le plus authentiquement et le plus solemnellement
reconnu , soit en justice, soit dans le conseil de famille con
voqué par l u i , soit en les présentant à chacun de ses parens
et amis, comme étant ses enfans; les établissant, à ce titre,
spontanément, sans en être sollicité par personne, dans sa
propre maison , et les reconnaissant en leur qualité , et pour
ainsi dire , à la face du ciel et de la terre.
Quelle est donc la cause du changement? qu’est-il donc
arrivé pour opérer une métamorphose ? Rien. Q uelle décou-,
verte a fait le sieur Destaing pour passer ainsi de l’alfection
paternelle à l ’indifférence, et même à l’animosité? Aucune.
Q u ’a-t-il appris de nouveau? Rien. 11 était président du tri
b u n al, et par conséquent jurisconsulte; il devait savoir que
la puissance paternelle ne s’étendait plus sur les petits-fils, à
l ’exclusion de leur mère ; q u e , par le Code c iv il, la veuve
avait la tutelle de ses enfans. Ce n’est point la dame Destaing
qui avait provoqué cette loi, cause première de ses derniers mal
heurs; et si, informée qu’elle était de son devoir de les exercer,
elle a indiscrètement m anifesté, dans la maison de son beaupère , l ’intention de les réclam er, ce u’etait pas une raison
pour vouloir l’en déposséder, en la dépouillant de son état;
ni de la rejeter d’une famille dans laquelle elle n’est entrée
et sa fille n’est née que pour y éprouver des malheurs.
Depuis la déclaration rétrograde du sieur Destaing père,
sa conduite a été assortie à ce début.
U commença par faire faire saisie-arrêt entre se3 mains, à la
requête de ses autres enfans se disan: héritiers naturels du
�( ^3 )
général Destaing leur frère. Il demanda ensuite que la dame
Destaing , comme étrangère, fût tenue de donner caution
judicatum solvi ; et il se défendit -devant le tribunal de
M auriac par cette exception prélim inaire, en demandant que
«es enfans, dont il avait dirigé les démarches, fussent ap
pelés dans l’instance, ainsi qu’un prétendu bâtard du général
D estain g, d o n t, jusqu’alors, personne n’avait entendu parler,
et dont, depuis, personne aussi n’a eu des nouvelles.
Le tribunal de M auriac, par jugement du 12 août 1806,
débouta le sieur Desiaing de sa demande en cautionnement,
ordonna que les prétendans droits à la succession du général
D estain g, et les saisissans, seraient mis en cause , et néan
moins condamna le sieur Destaing au paiement d’une pro
vision de 600 f r ., à compter du jour où la demoiselle Des
taing avait été retirée d’A u rillac, et à la continuer jusqu’au
jugement définitif. M. D tstaing fut condamné à payer le
coût du jugement.
Mais ce jugement provisoire, quelque modéré qu’il fu t,
n’a pu être exécuté.
Les beaux-tréres et belles-sœurs de la dame Destaing s’y;
sont rendus tiers opposans.
La réclamation principale de la dame Destaing étant alors
instruite , elle a demandé à être maintenue dans son état de
veuve du général D estaing, contre tous les prétendans droits
à h) succession, et tant en son nom personnel que comme
tutrice de sa fille ; elle a demandé que le sieur Destaing père
fû t tenu de rendre compte de l’administration dans laquelle
il s’était immiscé , comme tuteur.
Le sieur Destaing père s’est borné à laisser contester l’état
de sa petite fille par ses autres enfans, déclarant qu’il était
�(24)
prêt à rendre compte de la succession, à qui et pardevant qui
il serait ordonné en justice. Il a prétendu devoir être congédié
de la demande, et cependant il a conclu à ce que, dans le cas
où la dame Destaing ne justifierait pas de son état et de celui
de sa fille , elle fût condamnée à lui rembourser, avec inté
rêts , 3636 fr ., montant des dépenses faites pour e lle , tant à
Lyon qu’à Aurillac.
C’est sur ces conclusions qu’est intervenu le jugement du
i 3 août 1807, dont la dame Destaing a appelé.
P a rce jugem ent, le tribunal de M auriac, en reconnaissant
la possession d’état des dame et demoiselle Destaing, ordonne
néanmoins que le fait du mariage du général Destaing et
celui de la naissance de sa fille seront prouvés par tém oins,
à la diligence de madame Destaing, et qu’il n’a pas existé de
registres où ces actes de mariage et de naissance aient dû être
transcrits.
Les juges statuent par interlocutoire sur le fond de la
contestation qui leur est soum ise, et cependant ils ne pro
noncent rien sur la tierce opposition à leur premier jugement,
qui condamnait le sieur Destaing père au paiement d’une
provision bien nécessaire aux dame et demoiselle Destaing ,
bien légitimement due à l’état dont elles étaient en possession ,
et à leur qualité aussi incontestable que leur position mal
heureuse.
Le tribunal de M auriac, en mettant en question Tétat de
la dame Destaing et celui de sa fille, a fait abstraction de la
possession dans laquelle elles étaient. Il aurait dû apercevoir
q u’elles étaient attaquées dans cette possession d’état par ceux
mêmes qui avaient concouru à la leur assurer, et q u e , dés
lors, madame Destaing n’avait rien à prouver; c’était sur ceux
�( a5)
q u i venaient l’attaquer, prétextant qu’ils avaient été e n g a g é s
par clol, fr a u d e , suppositions et insinuations perfides , que
tombait la charge de prouver leurs allégations. Juscju’alors
leur engagement subsistant, on devait les regarder comme
liés. La reconnaissance publique et authentique de l’état d’un
citoyen dans une fam ille, et par tous les individus qui la
composent, n’est pas un lien frivole; le m éconnaître, ce
serait, comme dit Cochin , troubler l’harmonie du genre hu
main. Combien de milliers d’individus n’ont d’autre assurance
de leur é ta t, d’autre titre que leur possession publique au
m ilieu de leur famille et dans la société? Combien en est-il
qui ignorent où ils pourraient trouver l’acte de célébration
du mariage de leurs auteurs, et même leur acte de naissance?
O Faudrait-il pour cela les faire sortir de la famille dans la
quelle ils possèdent un état reconnu légitim e? sera-t-il per
mis à celle-ci de les repousser de son sein, en leur imposant
à eux l’obligation de prouver qu’elle a eu raison de les con
sidérer comme fils, petit-fils , neveux , cousins, etc. ?
N o n , certainem ent, ils n’ont rien â prouver. L a possession
suffit à celui qui est attaqué; il n a pas besoin de recourir
a u x monumens p u blics, n i à aucun autre genre de preuves : il
possède ; e t y à ce seul titr e , on ne peut hésiter à le m ain
tenir.
Vainem ent vou d rait-on supposer que la dame Destaing
étant demanderesse dans la cause, doit prouver et justifier
la qualité qu’elle prend : cette supposition est inadmis
sible.
La demoiselle Destaing était non seulement en possession
de son état de fille naturelle et légitime du général Des-»
taing son p ère , mais encore de la succession de ce dernier,
4
l
�( 26 )
acceptée pour elle par le sieur Destaing son a ïe u l, en sa
qualité de tuteur, qui lui avait été déférée par la famille
en tière, qui avait reconnu l’état et les droits de la pupille.
L a veuve du général Destaing était pareillement en posses
sion de son état de veuve, reconnu aussi par la fam ille, qui
avait réglé le paiement de ses habits de deuil et de sa pen
sion viduelle.
Devenue tutrice de sa fille par la disposition du Gode
c iv il, elle a trouvé celle-ci dans la possession de son élat,
saisie et investie d e 'la succession qu’elle avait recueilli du
général Destaing son père.
Ce n’est point cette succession q u elle a demandée ; l’aïeul
tuteur l ’avait recueillie pour sa petite-fille, et avait fait pour
elle tous les actes d’héritiers nécessaires. La fille du général
Destaing avait été reconnue son héritière ; elle possédait sa
succession de droit et de fait : c’est donc elle qui est atta
quée dans la possession.
La mère tutrice exerçant ses droits, a demandé compte au
premier tuteur; celui-ci ne pouvait ni le refuser, ni changer
lui-même le titre de cette possession ; car ce n’est pas pour
lui-même qu’il possédait, mais pour sa petite - fille , et à un
titre qui avait cessé d’être légitime.
L ’opposition des tiers ne pouvait ni dénaturer ses obliga
tions , ni les diminuer. Les collatéraux trouvant la succession
de leur frère recueillie par son enfant, ne pouvaient dépos
séder celui-ci, sans préalablement attaquer l’état de l’héritière
investie, état que cependant ils avaient reconnu eux-mêmes,
et dont elle était en possession ; ils veulent détruire ce qui
existe bon gré ou malgré eux. C’est donc eux qui attaquent ;
�( 27 )
c’est donc eux qui sont les demandeurs. Peu importe que ce
soit par voie d ’exception ; on connaît la règle Reus excipiendi fit actor. A cto ris est probare.
Nous disons que la veuve du général D estain g, tutrice
légale de sa fille , demande au précédent tuteur le compte de
son administration. Celui ci nie-t-il avoir été le tuteur de là
demoiselle Destaing sa petite-fille? non. Nie-t-il avoir recueilli
en cette qualité de tuteur la succession du général Destaing?
non. Il dit que les autres enfans collatéraux du général D es
taing prétendent à cette succession, et qu’ils s’opposent à ce
qu’il rende compte à la nouvelle tutrice. Le tribunal ordonne
d’abord qu’ils seront mis en cause. Ils se présentent comme’
tiersopposansà un premier jugement qui ordonnait le paiement
d’une provision. Sont - ils défendeurs dans leur opposition ?
non. Le sont-ils lorsqu’ensuite ils demándent, par voie d’ex
ception , que leur nièce soit dépossédée de son état et de la
succession du général Destaing son p ère? pas davantage.
Ils soutiennent alors que la demoiselle Destaing leur est
étrangère ; mais c’est à eux à le p rouver, s’ils le peuvent. Ils
ne nient point la possession d’état qui pose sur des faits in
destructibles ; ils supposent qu’elle a été usurpée par dol et
fraude : c’e3t encore à eux à prouver cette supposition inique;
c’est donc à eux que , sous tous les rapports, devait être
imposée l’obligation de rapporter la preuve de ce qu’ils avan
çaient. Jusqu’alors le sieur Destaing père ne pouvait mécon
naître le titre en vertu duquel il avait agi, et toutes les con
séquences qui en résultaient, dont la moindre était que, pro
visoirement, ce titre et la possession d’état devaient être res
pectés; provisoirement, la mineure devait être alimentée et
secourue sur la succession dont elle était saisie de droit et
�(aB)
de fait par les mains de son aïeu l, par le consentement de
toute la famille , et le concours de l’autorité civile.
Nous disons que les collatéraux étaient demandeurs en
délivrance d’une succession recueillie par la mineure ; que
c’étaient eux qui venaient troubler l’état dont la mineure
Destaing était en possession , et prétendaient la dépouiller
de la succession qu’elle avait recueillie en une qualité q u i,
jusqu’alors, ne lui avait pas été contestée. Sans doute qu’avec
ces prétentions, et comme demandeurs, ils pouvaient se pré
senter dans la lice ; mais avec quelles armes ? C’est encore
Gochin qui répond à cette question, et il faut rappeler ici
ce que nous avons déjà rapporté :
« La possession publique conserve aujourd’hui son premier
• empire; c’est elle qui forme toujours la preuve la plus écla» tante et la plus décisive , et si elle p eu t être combattue par
» des preuves contraires, ce n'est quautant que ces preuves
» posent d abord sur un fondem ent so lid e , adopté par la lo it
» c'est-à-dire ,
*
p a r
les
t itr e s
les
plu s
a u t h e n t iq u e s
e t les
PLUS R E SP E C T A B L E S. »
vu que le sieur Destaing a cru que toutes ses
preuves étaient faites par la simple déclaration qu’il se rétrac
tait. Ses enfans ont cru aussi qu’il leur suffisait d ’é le v e r d u doute
sur l ’état de leurs belle-sœur et nièce , et ils l’établissent sur
quelques pièces qu’ils ont produites , et que nous allons exa
miner. Ces pièces consistent en deux lettres missives, qu’on
dit avoir été écrites par le général Destaing à son père, l’une
le i 5 pluviôse an 9 , et l’autre le i 3 ventôse an 10.
Par la première , il dit: « Delzons se porte bien; il a un
» petit garçon bien éveillé, et j’essaie d’en faire un à une
» jeune gréque q u i, d’après uu arrangement oriental , fait les
N o u s avons
�( 29 )
*> honneurs de chez moi depuis près d’un mois. » On sup
pose qu’il écrit dnns l’autre : « Quant à mon mariage , vous
» ne devez pas plus croire la lettre de Latapie que la
» m ienne; il n'y a aucun lien légal; je ne l’aurais pas con» tracté sans vous en prévenir : mais il y a d’autres liens qui
» pourraient bien, peut être , amener celui-là. A u reste , j’ai
» écrit à cette famille de se rendre à Marseille , et d'y attendre
» de mes nouvelles. »
La première de ces lettres, qui se rapporte à une époque
peu éloignée du mariage du général Destaing, peut bien prou
ver qué l’union a été formée sans le consentement du père
du général , et que celui-ci a dissimulé alors à son père la
nature de ses engagemens , mais elle ne peut pas prouver qu’ils
n’exislent pas , et qu’ils ne soient p a ï indissolubles.
Dans la seconde , le général Destaing é crit, dit-on , à son
père : vous ne devez pas plus croire ma lettre que celle de La
tapie. II d é s a v o u e d o n c implicitement ce qu'il a écrit ; s’il ne
s’accuse pas ouvertement de mensonge ou de dissimulation , il
prépare son père à une explication plus franche. T1 ne la lui
donne cependant pas dans le moment ; il continue à l’envelopper
dans des généralités ; il suppose, il est vrai, qu'il n y a pointde
lien lég a l, parce que , dit-il, je ne l’ aurais pas contracté sans
vous en prévenir ; et il ajoute : mais il y a d’autres liens
(c'est-à-dire, les liens naturels et relig ieu x), qui pourraient
bien a m e n e r celui-là. Que signifie tout cet entortillage?
L e mariage du général Destaing avait été fait sans le consen
tement du père: cette correspondance semble l ’indiquer. Il
croyait sans doute que ce consentement était un préliminaire
indispensable, ou du moins convenable; voilà pourquoi, en par
lant de son union , il en dissimule d’abord la légitimité ; et
�( 3° )
s’exprime d’une manière cavalière. M ais, arrivé en France,
'ilvoit approcher le moment de découvrir la vérité , il commence
par effacer les impressions défavorables qu’aurait pu donner sa
première lettre: ne la croyez p a s, dit-il; c’est-à-dire, ne sup
posez pas que j’aie vécu dans un honteux concubinage avec la
jeune personne à laquelle je me suis uni aux pieds des au
tels , du consentement de sa fam ille, en présence de mes chefs
et de mes frères d’armes. N e la croyez pas : il manque peutêtre quelque chose à notre union pour sa légalité, puisque j’aurais
dû vous en prévenir, vous demander votre assentiment : mais il
y a d’ autres liens qui pourront bien amener votre appro
bation. S’il ne la 'demande pas encore explicitement, celle ap
probation , on voit qu’il la sollicite déjà d’une manière indirecte,
en déclarant qu’il est l i é , et qu’on pourra suppléer à ce qui
manque à son union.
Le général Destaing ne disait pas toute la vérité dans cette
lettre, s’il l’a effectivement écrite ; c a r , dans la réalité, il ne
manquait rien à la légitimité de son union. Il était m ajeur,
lorsqu’il l’a contractée ; et la loi , sous l’empire de laquelle elle
a été formée, n’exigeait point que le consentement des pères et
des mères fût requis pour le mariage des majeurs. La précipi
tation du général Destaing était un manque d’égards et même
de respect -, c’était une faute qu’il sentait avoir commise : mais
elle ne compromettait pas l’état de sa femme et celui de ses
enfans qui ne l’avaient point partagée. La loi civile ne punis
sait point alors une telle omission, la seule que le général Des
taing eût à réparer.
C ’est ce qu’il fit, sans doute, bientôt après , en s’expliquant
avec son père d’une manière plus franche et plus loyale. On
peut l ’affirm er, lorsqu’on voit le sieur Destaing père recher
�( 3 0
cher lui-même sa belle-fille et sa petite-fille, les établir dans
sa maison en leur honorable qualité, les reconnaître en face
de la justiçe, au milieu de sa famille et de ses am is, et les
maintenir dans cette possession , que nous avons vu être la
preuve la plus éclatante et la plus certaine de l’état des ci
toyens.
A lo r s , bien loin que ces lettres puissent faire élever le
moindre doute sur l’état reconnu de la dame Destaing et de sa
fille, elles donnent une nouvelle force à leur possession de cet
état.
Le sieur Destaing père avait été informé du mariage de son
fils par quelqu’un de ceux qui en avaient connaissance, par
Latapie, qui ne l ’aurait point écrit s’il n’en avait pas eu la
certitude : le sieur Destaing père avait pu être instruit de ce
mariage par le général Delzons , surtout, qui en avait été
témoin. L a manière légère dont son fils en avait parlé dans sa
première lettre avait pu lui donner de fausses idées et élever
des doutes qu’il lui importait d’éclaircir. Son fils lui écrit
ensuite : « Ne croyez pas plus ma première lettre que celle de
» Latapie. Je suis lié sans vous en avoir prévenu, mais tout
» n’est pas fait ». O n voit bien qu’il ne dit pas tout alors, puis
qu’il n’explique rien ; mais il commence ses déclarations. La
possession d’état de la dame Destaing les .complète, et prouve
qu’elles ont eu lieu intermédiairement entre le père et le fils.
Q u’est-il besoin, en effet, que nous recherchions comment le
sieur Destaing père a été éclairé ? Il l’a été, puisqu’il a so len
nellement reconnu sa petite-fille et la veuve de son fils, puisqu’il
les a envoyé chercher à L yo n ; puisque ce n’est qu’en qualité
de tuteur de sa petite-fille qu’il s’est présenté pour recueillir la
succession du général Destaing.
�( 3a )
Si les lettres de ce dernier n’avaient pas élevé des doutes
dans l ’esprit de son père , on pourrait soupçonner qu’il a
été surpris par quelques apparences trompeuses; mais le doute
une fois admis , il ne peut être levé que par des preuves , et
dés que ce doute a cessé d’exister à la mort du général D es
taing , les lettres antérieures ne peuvent le faire renaître. Elles
donnent m êm e, comme nous l ’avons d it, une nouvelle force
aux reconnaissances multipliées de celui à qui elles avaient
été écrites; bien loin qu’on puisse les considérer comme des
preuves contraires, lesquelles, nous ne saurions trop le ré
péter avec Gochin , devraient poser sur un fondem ent so lid e,
adopté par la lo i ; c’ est-à-dire, sur les titres les plus au
thentiques et les plus respectables.
O n a voulu abuser envers la dame D estain g, de ce que
les circonstances dans lesquelles elle se trou ve, ne lui per
mettent pas de représenter l ’acte de célébration de son ma- ;
riage et celui de la naissance de sa fille ; mais si elle n'en a
pas eu besoin pour se faire reconnaître par toute sa fa m ille ,
on peut bien moins les lui demander aujourd’hui , pour dé
truire une possession d’état qui est pour elle et pour sa fille,
des titres suffisans.
O n suppose qn’elle devrait avoir son acte de mariage ,
parce que le général Delzons et le capitaine Lantin , q u i,
comme nous avons vu , avaient épousé, à Rosette, les deux
demoiselles Varsy , filles d’un négociant de Marseille , ont
contracté, d it-o n , leur mariage devant le commissaire des
guerres Agard , qui en a dressé l’acte qu’il leur a remis , et
qu’après leur retour en Europe , ils ont déposé , savoir , l’un
( l e général D elzoas) au secrétariat de la mairie d’A u rillac,
le 11 nivose an 11 , plus d’un an après son arrivée en France,
�( 33 )
et postérieurement au décès du général D estain g, son cousin,
à la nomination de tu telle, à l’acceptation de l ’hérédité par
l’aïeul tuteur, au nom de sa petite-fille, et dans le tems même
de leur paisible possession d’état; et l’autre (ce lu i du capi
taine L a n tin }, bien longtems après ( le 18 prairial an i 3 ) ,
époque du divorce qui a eu lieu entre le capitaine et son
épouse.
*
Jusqu’alors les maris des demoiselles Varsy avaient gardé,
dans leur p orte-feuille, les actes de célébration de leurs ma
riages , faits à Rosette devant un simple commissaire des
guerres ; on ignore si le général Destaing avait aussi un
acte semblable ou équivalent , constatant l’union que de
son côté il avait formé au Caire , devant témoins et le pa
triarche d’A lexandrie; et rien ne prouve qu’un pareil acte,
ou tout autre semblable“, n'existe' paT dans les papiers clii
général Destaing.
Mais supposons cette non existence , elle ne prouverait
rien pour la cause.
Les demoiselles Varsy étaient françaises , comme les of
ficiers quelles ont épousé ; elles habitaient Rosette , lieu
plus paisible que le Caire ; leur père , négociant français,
instruit des lois de sa patrie , a pu penser qu’il suffisait à la
solemnité du mariage, que le consentement des parties, qui
en fait l’essence , fut donné devant un officier public. La
demoiselle Nazo, et son p ère, grecs de nation et de religion,
se trouvaient dans un cas dissemblable , et devaient natu
rellement avoir eu d’autres opinions ; ils ne connaissaient
que les lois sous lesquelles ils avaient vécu , et qui n’étaient
pas celles du général Destaing. O n sait que, pour les ma
riages , les Grecs de l’empire Ottoman n’ont d’autre rit que
5
/
�(34)
le9 livres du christianisme; leur patriarche est leur principal
magistrat -, le sacrement est non seulement le lien le plus
respecté , mais le seul qui , suivant e u x , constitue le ma
riage. Pourrait-on en être étonné en France , où l ’on trouve
encore beaucoup de catholiques plus pieux qu’éclairés, qui
ne regardent comme véritable mariage , que celui qui est
béni dans les formes canoniques ? Mais il en est de cet en
gagem ent comme de tout autre; les formes dans lesquelles il
est contracté ne sont que des indices destinés à le llilie re
connaître. Ce sont des signes établis dans chaque pays par
les lo is , ou les usages qui en tiennent lieu.
Ce contrat , comme tous les autres , n’est rigoureusement
soumis qu’aux formes usitées dans le lieu où il a été fait ;
ces formes ne constituent pas le contrat, elles servent uni
quement à le faire connaître ; c’est un principe du droit des
gens, que l ’on retrouve dans deux articles du Code Napoléon ;
dans l’un ( le 47 e) il est dit : « T out acte de l’état civil des
» Français et des Étrangers, fait en pays étranger, fera foi
*> s’il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays. >»
Et l’article 48 dit : « Tout acte de l’état civil des Français
r> en pays étranger, sera valable s’il a été reçu conformément
» aux lois françaises, par les agens diplomatiques, ou par les
» consuls. »
D ’après cette disposition , on peut bien dire que les actes
de mariage des demoiselles V a rsy, françaises , avec le général
Delzons et le capitaine L a n tin , reçus par le commissaire des
guerres Agard , qui n’était pourtant ni consul , ni agent
diplomatique , ni officier m unicipal, sont valables ; mais ce
n’est pas une raison pour soutenir que le mariage d’une
Grecque avec un Français, solemnellement unis par lu pa
�( 35 )
triarche d’Alexandrie , dans les formes usitées dans son dio
cèse , doit être regardé comme nul et invalide.
On ne manquera pas de dire que l’Egypte ayant été con
quise par les Français, étant devenue colonie française, le
texte des lois fait pour les étrangers ne peut être invoqué
pour les actes faits pendant la conquête. Quelles étaient
donc les lois qu’il fallait suivre ? Quelles formes devait-on
observer ? On ne peut répondre à ces questions qu’en sachant
ce qui se pratiquait en Egypte , dans le moment où diffé
rentes nations se trouvaient mêlées et confondues. Les conquérans, les peuples délivrés ou conquis, des indigènes, des
étrangers , des hommes lib re s, des esclaves , des chrétiens et
des musulmans de différens rits et de différentes sectes , ne
pouvaient être soumis aux mêmes formes de procéder dans
leurs engagemens que par une disposition particulière ; et il
n’y en a jamais eu.
C’est ce que nous apprend le commissaire des g u erres, «xordonnateur en chef de l ’arm ée d’Égypte.
« I l atteste, e n c e t t e q u a l i t é , » c’est-à-dire , officiellem ent,
« que quoiqu’il n ’existât à cette armée aucun ordre du général
» en ch ef rem plaçant le G ouvernem ent fran çais, depuis que
» les com m unications avec la France avaient été interrompues,
v pour régler la fo rm e avec laquelle les actes de l'étal civil
» devaient y être r eçu s , l’usage paraissait s’être établi de
» lui-m êm e pour les officiers ou individus attachés à l’armée ,
»> ne faisant point partie des corps , de faire des déclarations
» devant des commissaires des guerres qui les recevaient par
» procès-verbaux, ou de la m anière qui leur paraissait conve» n a b le , de leurs m ariages, même quelquefois de leurs di» vorces ; ce qui néanmoins ri a jam ais été(gén éral, surtout
�( 36 )
*
P O U R D ES M ART A G E S C O N T R A C T E S A V E C DES F E M M E S DU P A Y S ,
» qui
»
SE SO N T F A IT S SOU VEN T E N T R E C A T H O L IQ U E S
DANS
LES
É G L IS E S DU L I E U E T S U IV A N T LE S F O R M A L IT E S U SIT E E S E N T R E
» l e s c h r é t i e n s de toutes les sectes dont le culte était public
» en Egypte. Ces procès-verbaux étant hors des limites de
» Vadministration militaire , et purement f a c u l t a t i f s , de la
» part de ceux qui les recevaient ou les requéraient, aucun
» règlement n e n a f ix é la form e ni ordonné le dépôt ; et,
» recherches faites dans les papiers de l ’ordonnateur en ch ef,
» soussigné, qui en remplissait les fonctions lors de l’arrivée
» de l’armée en France, et dans ceux du bureau central, qui
» lui ont été également adressés par le commissaire des guerres
» P iq u e t, qui était chargé de les conduire en France, il ne
» s'est trouvé aucuns procès-verbaux relatifs à Tétat c iv il,
» observant expressément q u il ne s'en est point trouvé, no» tammenl du commissaire A g a rd qui est mort dans la tra
it versée. Signé S a r t e lo n . »Cette déclaration est visée, cer
tifiée et légalisée en formes probantes.
On voit par là ce qui se pratiquait en Egypte , quant aux
actes de l’état c iv il, pendant le séjour de l’armée française.
A ucun ordre du général en ch ef, remplaçant le Gouverne
ment, à cause de l ’interruption des communications, ne réglait
la forme de ces actes.
Quelques officiers ou individus attachés à l’armée , et ne
faisant point partie des corps, faisaient des déclarations de
vant un commissaire des guerres, il n'en était point tenu
registre; il n’en a été fait aucun dépôt; on n’en trouve aucun
dans les archives de l ’armée , et notamment dans les papiers
du commissaire Agard : l’usage de ces déclarations purement
facultatives n’était point général, surtout pour des mariages
�C 3y )
contractés avec des femmes-du pays , et entre catholiques,
qui se célébraient dans les églises du lie u , et suivant les for
malités usitées entre les chrétiens dont le culte était public
en Egypte.
Cela explique i’embarras dans lequel a pu se trouver ma
dame Destaing de produire l’acte de célébration de son m a
riage. Elle n’est point obligée de savoir si son mari a fait ou
non quelques déclarations particulières devant un commis
saire des guerres, s'il a été dressé procès-verbal dtî*cette décla
ration , et si le général Destaing l'avait conservé dans ses pa
piers. Elle ne put interroger aucun dépôt public sur l’exis
tence ou non existence d’une pareille pièce; les archives de
l ’armée d’Egypte n’en ont aucune de cette espèce : mais aussi
on ne peut tirer contre madame Destaing aucune induction
ni de son ignorance ni de son impuissance ; bien moins encore
pourrait-on détruire la possession d’état, en observant qu’elle
n’est point basée sur un acte authentique produit par e lle ,
tandis que d’autres mariages faits dans le même pays sont
constatés par des déclarations ou des actes reçus par un com
missaire des guerres.
Quand la possession d’état est constante, elle suppose le
titre , et dispense de le rechercher.
Il est vrai que dans les causes de cette nature , dans les cas
d’absence , ou perte des registres pu blics, les tribunaux ont
toujours admis la preuve testimoniale de la possession d’état
contestée ; mais il est évident qu’on ne peut recourir à la
preuve testimoniale de cette possession d’é ta t, que lorsque le
fait même de la possession est contesté , et ne peut être prouvé
que par témoins.
Si la possession était constante et reconnue, lorsqu’on est
�( 38 )
venu la troubler ; si des actes authentiques émanés de ceux
même qui attaquent l’état de leur parent, concouraient à
établir cette possession , il serait absurde de demander la
preuve testimoniale. On ne prouve pas ce qui est convenu ;
on ne fait pas entendre des témoins sur une possession d’é
tat, lorsqu’elle résulte suffisamment des actes qui ne sont point
attaqués.
La dame Destaing et sa fille étaient-elles ou non dans la
paisible et publique possession de leur état , lorsqu’elles ont
été troublées dans cette possession , par la déclaration du
- sieur Destaing p è r e , et par la tierce opposition des collaté
raux? Le père et les tiers opposans avaient-ils concouru à
maintenir la mineure Destaing , et sa m ère, dans cette pos
session? Les avaient-ils reconnus? Les avaient-ils fait recon
naître en leur qualité ? L ’affirmative résulte des actes qui ne
sont point attaqués et ne peuvent pas letre. Cela une fois
adm is, l ’on ne peut plus la contester ; la preuve de la pos
session d’état est toute faite , et nous avons vu qu’elle est
supplétive aux titres, et même que les principes dictés par la
saine raison lui donnent une autorité supérieure.
Voyons comment s’exprime le Code Napoléon , sur les
preuves de la filiation des enfans légitimes , liv. Ier, chap. II :
Art. 019. « La fdiation des enfans légitimes se prouve par
» les actes de naissance , inscrits sur le registre de l’état
»> civil. »
320. « A défaut ih\ titr e , la possession constante de Tétat
,> de Cenfanc legitime suffit. »
33 1. «
possession d’état s’établit par une réunion suf-
» fisante de faics, qui indiquent le rapport de filiation et de
�( 3.9 )
» parenté entre un individu et la famille à laquelle il prétend
>’ apparlenir.
» Les principaux de ces faits sont :
» Que l’individu a toujours porté le nom du père auquel
» il prétend apparlenir ;
» Que le père l’a traité comme son enfant, et a pourvu,
» en cette q u alité, à son éducation, à son entretien et à son
» établissement ;
» Q u’il a été reconnu, notamment, pour tel dans la so» ciété;
« Qu'il a été reconnu pour tel par la fa m ille. »
O n v o it, dans l’exposé des motifs de cette loi ; Qu'elle
ri exige pas que tous ces fa its concourent ; il ri importe que
la preuve résulte des fa its p lu s ou moins nombreux , il suffit
qu'elle so it certaine.
Celle de la reconnaissance de la fam ille Destaing ne l ’estelle pas? Que pourrait ajouter à la délibération de la fa
mille et au procès-verbal de la nomination de tuteur , la
déclaration de témoins étrangers ? Quel témoignage plus
imposant que celui de la fam ille m êm e, et donné par elle
en présence du magistrat et devant la justice?
Pourquoi faudrait-il p rou ver, par tém oins, d’autres faits
d elà possession d’état, lorsque les plus essentiels sont justifiés
par écrit , et qu’aucun n’est ni ne peut être nié par les ad
versaires de madame Destaing?
Ceux-ci ne peuvent pas faire abstraction de la possession
d’état, lorsqu’ils lui demandent l’acte de naissance de sa fdle.
« C’est pour l’enfant un malheur detre privé d’un titre aussi
» commode », comme il est diï dans les motifs de la loi.
» Mais son état ne dépend point de ce genre de preuve.
�( 4o )
» L ’usage tîes registres publics pour l ’état civil n’est pas
» très-ancien ; et c’est clans des tems plus modernes encore
» qu’ils ont commencé à être tenus plus régulièrement; ils
» ont été établis en faveur des enfans, et pour les dispenser
» d’une preuve moins facile.
» Le genre de preuve le plus ancien, celui que toutes les
» nations ont admis, celui qui embrasse tous les faits propres
» à faire éclater la vérité , celui sans lequel il n’y aurait plus
» rien de certain ni de sacré parmi les hommes; c’est la preuve
» de la possession constante de letat d’enfant légitime.
» Différente des conventions q u i, la plupart, ne laissent
« d’autres traces que l’acte même qui les constate, la posses» sion d’état se prouve par une longue suite de fa its extérieurs
» et notoires, dont l’ensemble ne pourrait jamais exister s’il
» n’était pas conforme à la vérité. »
A in si, lorsque ces faits sont convenus, lorsqu’il en a été
dressé des actes authentiques , il n’est pas nécessaire que leur
notoriété soit attestée par d’autres témoignages.
Ce n’est que lorsqu’il y a en même tems défaut de titre et
de possession constante, qu’on a recours à la preuve testimo
niale.
C ’est ce qu’indique encore le Code Napoléon.
AnT. 525 . « A défaut de titre et de possession constante,
» ou si l’enfant a été inscrit sous de faux noms, soit comme
» né de père et mère inconnus, la preuve de filiation peut se
» faire par témoins. »
Ce n’est donc qu’à défaut de possession constante, c’est-àdire , lorsque la possession paraît incertaine ou équivoque,
ou lorsqu’elle est contrariée par l’inscription qui a eu lieu dans
le registre public, que la loi admet 'le recours à la preuve
�(4 0
testimoniale pour faire disparaître l’incertitude et la contra
riété, et éclairer la religion des juges. Et c’est de cette preuve
que Iarticle ajoute: « Néanmoins, elle ne peut cire admise que
» lorsqu’il y a commencement de preuve par écrit , on lorsque
» les présomptions ou indices résultans de faits dès lors cons» lans, sont assez grands pour déterminer l’admission. »
Il parait que c’est cette disposition du Code que les juges de
Mauriac ont voulu appliquer à la cause. Ils n’ont regardé la
délibération de la famille Destaing, le procès-verbal de la no
mination de tuteur, la correspondance du général Destaing
avec son épouse, l’addition d’hérédité faite par l’aïeul tuteur
au nom de sa petite-fille, la manière dont il l'a recherchée,
accueillie, traitée et gardée même malgré sa m ère, que comme
un commencement de preuve par é c r it, et des présomptions
ou indices graves, résultant de faits constans ; et c’est là où
est l’erreur.
Sans doute, les faits sont constans; mais sont-ils ou non suPiisans pour prouver la possession d’état ? C’est ce que le tribunal
devait examiner.
L a délibération de la famille Destaing devant le juge de
paix d A u r illa c , la nomination de l'aïeul pour tuteur de la
petite-fille, son acceptation; sa demande en fixation d’une pen
sion pour la mineure, du remboursement sur la succession de
son p ère, des avances faites pour le vo ya g e, la nourrice et les
domestiques ; la délivrance des habits de deuil à la veuve, le
règlement de la pension accordée à sa viduité , ne sont pas seu
lement un commencement de preuve par écrit de la possession
d’état, mais une preuve complette et indestructible.
Co ne sont pas de simples indices de celte possession d’é ta t,
que les soins constamment donnés à la veuve et à la fille du
6
�( 4a )
général Deslaing, en leur qualité , par toute la famille; ce sont
aulanl d’actes de sa possession d’état. Ces actes étaient constans,
puisqu’ils ne sont pas contestés; leur ensemble foime donc une
preuve sufii.-ante de la possession d’état.
L ’erreur des juges de Mauriac est venue de ce qu’ils ont dé
place, pour ainsi dire, la question.
Ils ont supposé que madame Deslaing, et sa fille , deman
daient à être reconnues par la famille D estaing, malgré
elle.
Mais telle n’était pas la position des parties. Madame D es
laing et sa fille avaient été reconnues ( et on sait que Sur un
point aussi important, il n’est pas permis au père de varier, de
rétrogader et de se rétracter): elles étaient en possession de
leur état. La fille avait été saisie, de droit et de fait , de la suc
cession de son père ; c’est pour e lle , et en la seule qualité
de tuteur, que l’aïeul avait fait des actes d’héritiers. Ces actes
étaient constans ; la possession d’état était constante, la dame
Destaing n’avait rien à demander à cet égard, lorsquelle a été
troublée par les tiers opposans, qui se sont présentés pour
dépouiller la fille du général de la succession paternelle., et
lui enlever son é ta t, dans lequel elle avait été reconnue
jusqu’alors.
Ils n’ont pas nié cette possession d’état : ils ne le pouvaient
pas; ils avaient même tous concouru à l’assurer. Us ont pré
tendu qu’elle était le fruit du dol et de la fraude. C’était
donc à eux à prouver cette allégation; et jusqu’alors leur
prétention devait être repoussée.
Us ont , il est v r a i, essayé de faire cette preuve, c’est hdire, de justifier leur prétention ; mais , comment ? Par des
actes inconcluans, étrangers à la dame Destaing et à sa fille«
�( 43 )
Ils ont supposé qu’il n’y avait pas absence de registres et de
dépôt public. Celte supposition est contraire à la vérité ; mais
fût-elle adm issible, ce serait à eux à fouiller dans ces re
gistres et dépôt public , dont ils supposent Inexistence , po,ur
y chercher des titres à l ’appui de leur prétention; car il ne
suffirait pas qu’ils ne pussent y trouver la déclaration de l ’acte
de mariage contracté par la dame Nazo et le général
D esta in g , il faudrait qu’ils y trouvasseht des actes con
traires.
Le silence des registres ne peut pas faire perdre l ’état d’un
citoyen.
« Il est possible », disait le conseiller d’Etat exposant au
Corps Législatif les motifs de la loi du 2 germinel an 11 ,
« que le registre sur lequel l’acte a été inscrit fût perdu ,
» qu’il ait été b rû lé , que les feuilles en aient été déchirées
» ou rayées; il est même encore possible , et surtout dans
» des tems de trouble et de guerre civile , que les registres
» n’aient pas été tenus, ou qu il n'y a it pas eu d a cte dressé;
» l ’état ne dépend pas de ce genre de preuve. »
Lorsqu’il y a possession publique et constante, il faut que
les preuves que l’on produit pour en détruire l ’effet, aient
pour base un titre contraire, et que ce titre soit authentique;
c’est la doctrine de C o ch in , c’est celle de tous les juriscon
sultes, ce sont les principes reconnus et adoptés par le Code
Napoléon.
Ils suffisent à la dame Destaing , pour lu i faire obtenir
ja réformation du jugement rendu à M au riac, qui ordonne
qu’elle fera une preuve qu’elle n’est point tenue de rapporter ,
e t qui était toute faite par les actes produits, et par ses ad
versaires enx-mêmeij
�(44)
La possession d’état était pour elle, comme on ne saurait
trop le répéter, un titre suffisant ; elle n’avait rien à prouver
ceux dont l’attaque même prouvait cette possession.
C’est à tort que les juges ont désiré d’autres preuves; c’est
à tort qu’ils ont voulu obliger madame Destaing à les rap
porter.
Leur erreur est d’autant plus inconcevable , que ces preuves
qu’ils paraissaient desirer, ils les avaient sous les y e u x , et
madame Destaing les leur avait présentées.
Nos lois ont prévu que , par l’absence des registres de l’état
c iv il, la représentation de l’acte qui en contient la preuve
pourrait être impossible. I l a paru juste d y suppléer. Le
Code Napoléon y pourvoit, pour le cas où l ’acte de nais
sance ne pourrait, avant la célébration du m ariage, être re
présenté à l’ofiicier de l ’état civ il, qui a le droit de l’exiger.
»< L ’officier de l’état civil se fera remettre l’acte de nais» sance de chacun des futurs époux (dit l’article 70). Celui
» des époux qui serait dans l’impossibilité de se le procurer,
» pourra le suppléer en rapportant un acte de notoriété,
» délivré par le juge de paix du lieu de sa naissance, ou
» par celui de son domicile. »
A k t . 71. *< L ’acte de notoriété contiendra la déclaration
» faite par sept témoins de l’un ou de l’autre sexe, parens
>1 ou non parens, des prénoms, nom , profession et domicile
» du futur époux, et de ceux de ses pére et mère, s’ils sont
» connus; le lieu e t, autant que possible, l’époque de sa
» naissance, et les causes qui empêchent d’en rapporter l ’acte.
» Les témoins signeront l’acte de notoriété avec le juge de
» paix ; et s’il en est qui ne puissent ou ne sachent signer,
» il en sera fait mention. »
�( 45 )
A r t . 72. « L’acte de notoriété sera présenté au. tribunal
» de première in sta n ce................................ Le tribunal, après
» avoir entendu le procureur im périal, donnera ou refusera
» son hom ologation, selon qu’il trouvera suffisantes ou in» suffisantes les déclarations des témoins , et les causes qui
» empêchent de rapporter l’acte de naissance. »
Cette disposition n’est fa ite , il est v r a i, que pour le cas
où l’officier de l’état eivil est obligé d’exiger la représentation
d’un acte de naissance; mais il n’en résulte pas moins q u e,
lorsqu’il existe des causes qui empêchent que l ’acte de l’état
civil puisse être représenté, il peut y être suppléé par un acte
de notoriété.
La loi prescrit la forme de cet acte supplétaire, et auto
rise de provoquer un jugement lé^al qui le fasse admettre.
Madame D estaing, il est vrai, n’était point dans ce cas.
Personne n’avait le droit d’exiger d’elle qu’elle suppléât, par
un acte de notoriété, à l ’absence des registres renferm ant la
preuve de son état; mais elle trouvait à Paris de nombreux
témoins de son union ; elle y trouvait la notoriété de cet état,
que plus de mille personnes pouvaient attester ; elle s’est
bornée à appeler sept d’entr’elles devant la justice, et elle
les a choisies telles , que leur rang dans la société , l’estime et
la confiance dont elles jouissent, et les fonctions qu’elles
avaient remplies en E gyp te, ajoutassent un nouveau poids
à leur déclaration authentique.
A cet acte de notoriété ont concouru M. L arrey, ex-chi
rurgien en chef de l’armée d’Egypte , aujourd’hui premier
chirurgien de la garde im périale, inspecteur général du ser
vice de santé des armées, officier de la Légion d’Honneur etc. ;
D on Raphaël deM onacliis, membre de l’institut d'Egypte
�( 46 )
et professeur des langues orientales à la Bibliothèque ;
M. Sartelon, ex-ordonnateur en chef do l’armée d’Egypte,
commissaire-ordonnateur et secrétaire général du ministère
de l’administration de la guerre, membre de la Légion
d’Honneur;
'
M. Daure , ex - inspecteur général aux revues de l ’armée
d’Egypte , commissaire- ordonnateur des guerres ;
Le général de brigade Duranteau , membre du Corps Lé
g islatif, commandant de la Légion d’H onneur, et qui avait '
commandé au Caire ;
M . M arcel, ex - directeur de l’imprimerie nationale en '
Egypte, membre de la commission des sciences et arts, direc
teur général de l’imprimerie impériale ,et membre de la Légion
d’Honneur ;
Et M. Estéve, ex-directeur général et comptable des revenus
publics de l’E gyp te, aujourd’hui trésorier général de la cou
ronne, officier de la Légion d’Honneur, trésorier de la première
cohorte :
La plupart témoins du mariage D es'a in g , tous ayant une
parfaite connaissance d’un fait qui était de notoriété publique.
Cette notoriété a donc été légalement constatée : l ’acte qui
la prouve a été homologué par jugement rendu sur rapport
à l’audience , le procureur impérial entendu. Ce jugemtnt qui
n’a point été attaqué, et qui le serait inutilem ent, reconnaît
ces déclarations suffisantes ; il équivaut à une représentation
d’acte de célébration du mariage ; du moins il fournit le
moyen d’y suppléer au besoin.
Le tribunal de Mauriac a assimilé cet acte de notoriété et
celui fait à Marseille pour prouver 1 âge de madame D estain g,
à d e s i m p l e s certificats ; mais il aurait dû s’apercevoir qu’autre
chose est un certificat extra-judiciaire, autre chose est un acte
�( 47 )
de notoriété lé g a l, donné devant le magistrat qui examine les
déclarans et leurs déclarations; lesquelles, cependant, ne
deviennent authentiques que lorsqu’elles sont homologuées
par un jugement qui porte le sceau de l ’autorité publique.
Madame Destaing avait aussi produit des certificats. Ceux
du général M eno u , général en ch ef de l’armée d’Egypte à
l'époque du mariage du général Destaing, et maintenant com
missaire général dea départemens au delà des A lp e s, et du
général de division D upas, sous-gouverneur du château im
périal deStupinis, commandant de la Légion d’Honneui, che
valier de l’ordre du L ion , le même qui, étant chef de biigade,
commandait la citadelle du Caire, en E gypte, sous les ordres
du général Destaing.
Ces certificats surabondans peuvent être considérés comme
de simples témoignages respectables, sans doute, quoique non
encore reconnus en justice; mnis ceux qu’elle a admis dans la
forme indiquée par le Code Napoléon pour suppléer à l ’ab
sence des registres de l’état civ il, ont un caractère qu’il n’est
pas permis de méconnaître.
Ils ne forment point le commencement de la possession
d’état de madame Destaing , ils n’en sont point la base ; mais
ils la corroborent et la confirment en indiquant le titre et
en assurant la notoriété.
Il faut bien qu’el!e soit reco n n u e, puisque, sur deux rap
ports consécutifs , par deux arrêtés, l’un du 29 floréal an 10,
et l’autre du i 5 pluviôse an 12 , le Gouvernem ent a accordé et
augmenté la pension de madame D estaing en sa qualité de
veuve du général son mari.
Croira-t-on que le premier Consul eût accordé cette double
faveur à madame Destaing , sans être assuré qu’e lle'n ’usur-
�(43)
pait point cette qualité ? croira-t-on qu’il y eût au monde quel
qu’un d’assez habile pour en imposer par des mensonges
au chef suprême de l’Etat ? Et quelle audace ne faudrait-il
pas supposer à madame Destaing', qui invoque hardiment le
témoignage de tant de généraux , de tant de fonctionnaires
publics et de l’armée entière, d’où s’élèveraient mille voix
pour la démentir, si ses récits n’étaient pas tous conformes à
la plus exacte vérité ?
Si elle avait eu besoin de témoignages pour assurer son état,
elle n’«ût été embarassée que du choix ; mais la possession
dans laquelle sa fdle et elle se trouvent leur suffit. La recon
naissance non équivoque de la famille Destaing est d’un poids
au moins égal à tous les témoignages que le tribunal de Mau
riac a demandé , et dont il n’avait pas besoin.
Délibéré à Paris le 2.5 janvier 1808.
J
a u b e u t
,
C
h a b o t
de l ’A llie r, T a r r i b l E j
G r e n ie ii du Puy-de-Dôme.
1
<
�P IE C E S '
j u s t if ic a t iv e s
:
N° 1«.
Délibération du Conseil de Famille à A u rillac, du 5 mes
sidor an xo.
.1 . . .CH‘
E X T R A I T des minutes du greffe du juge de p a ix de
la ville et canton ilA u r illa c , section du nord.
V .11■
1
C e j o iu d ’uui cinq messidor an d ix républicain , devant nous , Jean-Baptiste
Gencste, j u g é . d e p a ix du canton d’A u r/ lla c, section du nord, à comparu,^
le c i t o y e n Pierre Jlestairig, ju g e - p r é s id e n t du t r ib u n a l «le p r e m iè r e instance
de l'arrondissement d ’A u r i l l a c , y d e m e u r a n t , lequel nous a d it que le
citoyen J a cq u es- ZacTiarie JJe.staing son f i l s , général de division, e s t décède à P aris , le quinze, flo réa l dernier, la i sant une f ille unique âgée ^
alors de cinq mois , nommée M a r ie , provenue de son mariage avec A n n e
N a z o , Grecque d'origine ; que la loi déférant à lui comparant la tutelle .
de sa p etite-fille, attendu surtout la m inorité d 'A n n e N a zo sa m ère, et
désirant être confirmé dans ladite qualité, pour pouvoir agir légalem ent,
il ^ amené devant nous plusieurs des plus proches parens du défunt, à l’effet
dejdélibérer tant sur ladite confirmation de tutelle, que sur la fixation de
la pension de la p u p ille, sur les habits de deuil et pension viduelle de'lè.
dame veuve Destaing ; comme aussi pour donner leur avis sur l’allocttion
des frais de voyage d e là mineure et de sa m ère, depuis Lyon jusqu’à Au
rillac , ainsi que des frais dus pour salaires à une nourrice provisoire depuis
Tarente , ville du royaume de Naples , y com pris un mois de séjour à Lyon 1
jusqu’en cette v ille , lesquels frais le comparant a avancés et se montent i ^
la somme de six cent qualrc-vingt-quatre francs ; et enfin pour être autorisé ^
;i régler tous comples et mémoires de fournitures et autres objets qui pour
raient être à la charge de la succession, et ce laut par lui-m èm e que par ses
fondes de pouvoirs.
■
^
Et de suite pardevant nous, juge su sdit, sont comparus les citoyens L uis-'
Géraud-Cabrie) Fortet , conseiller de préfecture de ce département; Fran-
7
�(5o)
çois-Joseph L abro, avoué, et autre François-Josepli Labro son frère, gref
fier en la justice île paix d ’A u rillac, cousins paternels du défunt ; Antoine
Delzons , membre du Corps L égislatif, oncle m aternel; A lexis-Joseph
D elzons, fils dudit.Antoine, général de brigade, commandant le départe
ment du Cantal ; Pierre et Antoine M ailliy , père et fd s, négocians, cou
sins du côté m aternel, tous habitaos de cotte ville et les-plus proches parens du défuat, auxquels nous ayons fait part de ladite convention, pour
qu’ils aient à en délibérer et donner leur avis, en leur amc et conscience.
6
ci
nimement cl a vis; i ”. de confirmer îe en ojen uesiaing , ay
neure , dans la qualité de son tuieur, à la charge par lui de faire bon et
fidèle inventaire de tous les effets dépendant de la succession du défunt gé
néral Destaing; faire procéder à la vente dudit m obilier, cl de faire eni)loi utile du prix en provenant, conformément à la loi , après avoir préevé tous frais , dettes et charges de la succession; 20. qu’ils estiment, que
la pension de la mineure , jusqu a ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans ,
tant pour nourriture , entretien et éducation , doit être fixée à la somme
de s ix cents fr a n c s , que le tuteur- retiendra par ses mains sur la recette de
ses revenus; 5°. qu’ils sont d’avis que les habits de deuil de la dame veuve
D estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L y o n , et qui ne sont
joint encore acquittés, doivent être portés à une somme de m ille francs,
aquelle ils autorisent pour raison de ce , en par lui retirant quittance des
marchands et fournisseurs, laquelle somme lui sera allouée en compte ;
4°. quant à la pension vuluelle de la veuve et de la négresse qu’elle a à son
service, attendu que le. citoyen D e sta in g , tu teu r, leur fou rn it en nature
nourriture, logem ent, fe u , lumière et blanchissage, ils sont d ’avis de la
f ix e r à la somme de mille fra n cs pour l'année de v id u ité, à compter du
premier p r a iria l, dernière époque de son arrivée en cette ville; 5 °. que la
somme de six cent quatre francs avancée par le tuieur pour frais de voyage
de la veuve et salaire de ladite nourrice , depuis la ville de Tárente jusqu’en
celle ville d ’Aurillac , lui doit cira allouée et passée en ,co m p te; G°. et
enfin que le tuteur doit être autorisé à traiter tant par lui-même que par
ses mandataires , avec tous marchands, fournisseurs, aubergistes et autres
personnes qui pourraient avoir fait des fournitures tant en marchandise*
que denrées, régler leurs m ém oires, en payer le m ontant, soit que ces
fournitures aient été faites à P a ris, h Marseille , au défunt général Des
tain g, o u , à Lyon , à sa veu ve, pendant le séjour qu’elle y a fait ; le
m o n t a n t de tout quoi lui sera alloué sur les quittances qu’ il en retirera.
E l ledit citoyen D estaing père ayant accepté la tutelle à lu i déférée,
il a fa it le serment en nos m a in s, de bien et fidellem ent en remplir les
Î
{
"^ D e tout quoi nous avons rédigé le présent procès-verbal, pour servir et
Taloir h foutes fins que de raison , lesdits jour et an que dessus, et ont les
comnarans sigri<‘ avec nous; h la minute sont lesdites signatures. Pour expé
dition conforme à la minute étant entre nos m ains, signé Lahp.o , greffier..
�Acte de Notoriété devant le Juge de P aix de M arseille, du
5 fructidor an 11.
E X T 11 A 1 T des minutes du greffe du Tribunal de p a ix ,
second arrondissement i n t r a fn u r o s , dit du sud de la ville
de M arseille.
. Cejourd’hui cinquième fructidor an onze de la république, pardevant
nous , François M a ille t, ju g e de -paix du second arrondissement intra
muros , dit du su d de la ville de M a rse ille , assisté du citoyen Charle*Joseph M ich el, greffier près noire T rib u n al, dans la salle ordinaire de
nos séances , en notre maison d’habitation , est comparue dame A n n e
N a zo , née au Caire en Egypte , veuve du général J a cq u es-Z a ch a rie
D e s ta in g , laquelle nous a dit et exposé qu’il lui importe de faire con
naître son o rig in e, ce qu’elle ne peut faire par pièces probantes, attendu
q u e, dans sa patrie, il n’est point tenu de registres constatant l ’état civ il
des citoyens. En conse'quence, elle nous prie de recevoir les déclarations qui
vont être fahes par des compatriotes qu’elle, a invités à se rendre céant,
relatives à son o rigin e, et qui pourront suppléer au défaut des titres qu’il
lu i est impossible de produire, et de lui en concéder acte , pour lui servir
et valoir ce que de raison.
A l ’instant se sont présentés les citoyens N icolas P a p a s O u glou , c h e f
de brigade, , commandant les chasseurs d’O rien t, âgé de quarante-cinq
ans, né à Chesmet en Asie ; G abriel S a n d ro u x , a u ssi ch e f de brigade du
même co rp s, âgé de trente-six ans, né au grand Caire en Egypte ; A b d a lla
M a n so u r, c h e f du bataillon du même corps, âgé de trente-quatre ans, né
au grand Caire en E gypte; Joseph T u tu n g i, âgé de cinquante a n s , réfugié
E gy p tien , né h A le p ; H an n a A d a b a c h i, âgé de cinquante a n s , aussi né
à Àlep , réfugié d’Egypte; Joseph D u fe n , né à C onstantinople, âgé de
trente-six. ans, réfugié d’E gypte; et Constatai K ir ia k o , né à Chesmet en
A s ie , âgé de quarante-huit ans, capitaine réformé du régiment des chasseurs
d 'O rien t, lesquels agissant avec la présence et sous l ’autorisation du citoyen
Louis D cconias, interprète juré des langues orientales, moyennant serment
par eux à l’instant prêté , ont individuellem ent dit et déclaré , en faveu r de
la vérité , qu ayant résidé habituellement en E gypte, avant la révolution,
ils y ont parfaitement connu le citoyen Jean N a zo et dame Sophie M ische son épou se, père et mère de ladite A n n e N a z o , née à l'époque de
l'année 1780 , et que ladite dame f u t unie en mariage avec le général
Destaing.
�Les citoyens Joseph Tultingi, Constanti Kirialto et Joseph Duftn ont de
p lu s déclaré individuellement /-¡n'étantpassas en France avec ladite veuve
JJgstaing , ayant relâche à Cèphatonii , dans le mois de, nivôse de l ’an
d i x , ladite dame y accoucha d'une fille q u i f u t tenue dans les fonts bap
tism a u x p a r ie çit¥ A assi/, officier des chasseurs, et p a r la dame Marie.
M ische son ayeult^ ; i>.'
1 ,;ij>ut ‘>1
Desquelles déclarations avons-coiicétlé acte à ladite dame veuve Destaing;
lecture faite du présent, il a clé signé par les citoyens Nicolas Papas Oaglou’
Gabriel Saiulrouç , Abdalla Mansour et Joseph Dufeu, nousdit juge d?;
pair',*'le citoyeiV Deconias, intérpVète , et le citoyen M ichel , greilier ; l'a
¿lame veuve DejUaing et antres idéclarans requis de sign er, ont dit ne
savoir.
Signé Ahdalla , le chef de brigade G abrieU oseph D ufen, L nis Deconias, François M a ille t, juge de paix , et M ich e l, greffier, à la minute. En
registre à M arseille,' etc1. Pour expédition conforme à l ’origfnal1' M iC k Îl,
greftief.
•'
,'u
ii i . i ..
° l>. . ..
.
1 Nous, François-Balthasard de Jullien de M adou, juge de paix du second
arrondissement iutra.m uros, dit du sud de la ville de M arseille , certifions
et attestons à tous qu’il appartiendra, que M. Charles-Joseph M ich el, qui
a signé, ci-dessus * est greffier près notre T ribu n al, et qu'en cette qualité foi
doit être ajoutée à son seing , tant en jugement que hor». Marseille, le vingt
messidor an treize , J u llie n de Madou. . h j . . .
,• ■
; .1 »■
' " Nous , Ventre Latouloubre, président du Tribunal de première instance
séant à M arseille, certifions véritable là signature ci-des us de M. Jullien
deMadoü.JA M arseille,le vinet-un messidor an treize. Signé "Ventue I.a tg lv
loubre , G uyot;
*
f»
.
•
>
. ■'
■'
Ì.
■
N° 1 1 L
A cte de Notoriété hom ologué par jugement du T ribunal civil
■
x wi> ■ m: d o la Seine^ du i 5 a v r i l' i 8 o6 . '‘ ' NAPO LEO N , par la grâce de Dieu et les constitutions de la république,
Em pereur des Françaisi et Roi d’ Ita lje, à. tous présrtns et à venir, salut ; fai
sons savoir que le Tribunal de première instance d,u département de la Seine,
e n la première section * a rendu le jugement dont la teneur suit :
' ' ;
;Sur l e ’rapport’ fait à l ’audience publique du T rib u n al, par M. JeanLouis Isu ara, juge en ic e lu i, de la requite présentée par Anne Nazo, '-née
aü crahd Caire en Egypte, veuve ilu général Jacques-Zacharie D estaing,
demeurant a P a r is , rue de Sein e, faubourg S a in t-G e rm a in , expositive
qà’ellè a été unie eu légitim e mariage avec le général Destaing, d’après
l e s r i t e s e t usages du p a y s,1 devant le patriarche de la ville ii'A lex a iid ric;
�(SS)
m.'is f*nr. n'étant point en usage rn Egypte de teilir r?gistrr desactcs de I état
c iv il, e(le s(î trouve par là dans l ’impossibilité de faire, au besoin, la preuve
.‘lo ,s.°ï>_ m ariage; qu-ainsi, voulant y suppléer, elle a lait dresser.un acte de
notoriété pardevant le juge; de paix.'de ¿on arrondissement, signé de sept
pfrsojin.es <ji»i ont été témoins de son mariage , pour l’ homologation duquel
cljet a cf j fcnypyée pardevant le Tribunal ; pour quoi elle requérait qu’il
plut an Tribunal homologuer ledit acte de notoriété du 29 mars 1806 , dû
ment enregistré , pour être exécuté suivant sa forme et teneur, ladite
.rçquèje signe/;.'Juge, avoué.
Y 11 par le Tribunal lrsdites requête et demande, ci-devant énoncées, l'or
donnance de Monsieur le président du T ribu n al, du huit présent m o is ,
portant qu’il en sera communiqué à Monsieur le procureur im p érial, et les
conclusions par écrit de Monsieur le procureur im p érial, du dix dudit mois,
portant qu£ vu l ’a v is, il r^empêche l ’ homologation demandée ;
V u aussi l ’expédition dudit qcte de notoriété doqt la teneur suit :
L ’an m il huit cent s i x , le vingt-neuf mars , en notre liôtal, et pardevant
n;:us, Jean G od ard , ancien avocat, juge de paix du dixièm e arrondisse
ment de Paris, assisté d’Alexandre Chcquet notre greffier»
Ést comparue dame ¿in n é ISazo , née au grand Cuire en E g y p te,
veuve du général Jacques-Zacharie D estain g, demeurant à Paris, rue de»
Seine Saint Germain ;
• .Laquelle nous a dit q u e, pendant le cours de l ’an h u it , elle a été unie
eç légitim e mariage ayçq Jaçques-Zaçh,arie Destaing , général division»
^airc i décédé à Pari* dans le cyurs de l’ap di*,; qu e. son mariage a.élé cé
lébré^ re,ligieys?mpnt et suivant les. rites du
, devante le patriarche
d’v^le^axidrie h a b ita n t lç g r a n d Ca iro en E g y p t e ; n ia is q u e n’élanl point
en usage en Egypte dç tenir tics registres des actes de l’état, civ il , elle
so i,rouvç dans 1 impossibilité de représenter , au besoin , l ’acte de célébra
tion de son mariage ; et que , délirant y suppléer par un acte de notoriété
«igné de différentes personnes qui ont été témoins de son m ariage, elle nous
requérait de recevoir la déçlaration des personues cju’elle nous présente, et
a déclaré ne savoir écrire ni sign er, de çe interpelléeSont à l ’instant comparus :
Prem ièrem ent, M. Dom inii/ne- Jean Larrey de Dodeau , ex chirurgien
en chef de l ’armée d’E gypte, premier chirurgien de la çarde impériale ,
inspecteur général du service'd e santé des arm ées, officier de la Légion
d’honneur, demeurant à Paris, cul-de-sac Conty , 11*. 4>
Secondement, D o n E a p h a ët de M onacl/is, membre de l’institut d’Egypte
et professeur des langues orientales à la bibliothèque, demeurant à P a ris,
rue Pavée, au M arais, n". 5.
Troisièmement, M. A ntoine-L cger Sartelon , cx-ordonnatrur en chef de
l ’armée d’Egypte , commissaire-ordonnateur et secrétaire général du mi
nistère de l'administration de la guerre , membre de la Légion d’bonucur ,
demeurant à Paris, ru# Caumartin , n". 3o ;
�( 54 )
Quatrièmement, M. H ector D a u r e , ex-inspecteur général aux revues de
l ’armée d'Egypte , commissaire-ordonnateur des guerres, demeurant à Paris,
rue du faubourg Poissonnière , n°. 5o;
Cinquièmement, M. L u c D u ra n ta u , général de brigade, membre du'Corps
L égislatif, commandant de la Légion d’honneur, demeurant à P a ris, rue
Saint-ILnoré , 11. 538 ;
Sixièmement, M. Jean-Joseph M a r c e l, directeur de l ’imprimerie natio
nale en Egypte , et membre de la commission des sciences et arts , aujour
d'hui directeur général de l’imprimerie impériale et membre «le la Légion
d’honneur , rue de la Y rillière ;
Septièmement, M. M artin-Roch-Xavier Esteve , ex-directeur général et
comptable des revenus publics de l'E g y p te , aujourd’hui trésorier général
de la couronne, officier de la Léÿion d’honneur, trésorier de la première
cohorte , demeurant au palais des Tuileries;
L esqu els , après avoir prêté en nos mains le serment individuel de dire
vérité, nous ont dit et d éclaré, et attesté, pour notoriété p u b liq u e, et à
tous q u i l appartiendra, connaître parfaitement la dame A n n e N azo ,
veuve du général Jacques-Zacliarie D e sta in g , fille de Joanny N a z o ,
négociant au grand Caire en Egypte , c h e f de bataillon des chasseurs
d ’ O rien t, et nous ont attesté q u e, pendant le cours de Van h u it, ladite
dame N azo a été unie religieusem ent, et d ’ après les rites du p a y s , eri
légitime mariage avec ledit Jacques-Zacliarie D estain g, par le patriarche
d ‘ A lex a n d r ie , habitant du grand Caire ; que l ’acte de célébration rien a
p a s été rédigé, riétant p oin t d ’ usage en Egypte de tenir un registre de
l ’état civ il; m ais que ce mariage rien est p a s moins con stan t, ayant été
célébré en présence d ’un grand nombre de militaires français et de la p lu
part des déclarons ; que depuis la célébration de son mariag« avec le
général D esta in g , et pendant son séjour en E gypte, ladite dame N a z o ,
veuve D estain g,n a p a s cessé d ’habiter avec son m a ri, q u i l ’ a toujours
traitée comme son épouse légitime.
Desquelles comparutions, dires, réquisitions et attestations, nous avons
donné acte aux comparans et à la dame veuve Destaing; e l, pour l’homolo
gation des présentes, les avons renvoyés p ard eT an t les juges du Tribunal
civ il de première instance du département de la Seine , et ont , tous les
susnommés, signé avec nous et le greffier, après lesture. Ainsi signé,
D. J. L arrey, don R aphaël, Sarielo n , Daure , Durantau, M arcel, E steve,
Godard et Choquet.
Enrrgisiré à Paris , au bureau du dixième arrondissement, le quatre
avril m il huit cent s ix , reçu un franc un d écim e, subvention comprise.
Signé Cahow.
Pour expédition conforme délivrée par nous, greffier de la justice de paix
du dixième arrondissement de Paris. Signé C h o q u e t .
Oui M. Isnard, juge , en son rapport, et M. le procureur impérial en se*
Conclusions, tout considéré;
�( 55)
Apres qu’il en a été délibéré conformément, à la loi ;
Attendu les déclarations portées en l’acte de notoriété ci-devant énonce
et daté ;
LE ïiÜ U Ü N A L , jugeant en premier ressort, homologue ledit acte de
notoriété, pour être exécuté suivant sa forme et teneu r, et avoir son effet en
faveur de la requérante , a u i termes de la loi.
Fait et jugé à l’audience publique dudit Tribunal civil de première insinstance du département de la Seine , séant au palais de justice, à P aris, où
tenaient le siège M. Berthereau , président dudit Tribunal, l ’un des officiers
de la Légion d ’honneur; MM. Isnard , lJe rro t, Legras el D cberulle, juges en /
la première section, le mardi quinzième jour du mois d’avril de l ’an m il
huit cent six , et deuxième année du rè^ne de Napoléon I er, Empereur des
Français et Roi d’Italie ;
Mandons et ordonnons , etc. En foi de quoi le présent jugement a été signé
par le président et par le rapporteur. Pour expédition , signé M argueré.
Enregistré, etc.
'
Nous président, juge de la seconde section du Tribunal de première ins
tance du département de la S e in e , certifions que la signature apposée au
lias du jugement de l’autre p a rt, est celle du sieur Margueré , greffier dudit
T ribu n al, et que foi doit y être ajoutée. En foi de q u o i, nous avons fait ap
poser le sceau dudit Tribunal. Fait à P aris, au palais de justice, le deux
mai m il huit cent six. Signé Bexon.
~
t
N°
IV .
Brevet de pension, du i 3 pluviôse an 12.
y
M IN IS T È R E DU T R É S O R P U B L IC .
E X T R A I T des registres des délibérations du Gouvernement
de la République.
Paris, le i 5 pluviôse an 12 de la république, une et indivisible.
t
L e Gouvernement de la République , sur le rapport du m inistre, arrête :
A r t. Ier. La pension de cinq cent vingt francs accordée , par arrêté du
29 floréal an 10, à Anne Nazo, née en E g yp te, veuve du sieur JacquesZacharie D cstain g, général de d ivisio n , mort le i 5 floréal an 10, est portée
K deux m ille francs.
. .
�( 56 )
A r t. II. 1 . « ministres de la guerre et du trésor public sont chargés, chacun
eu ce qui le concerne, de l ’exécution du présent arrêté.
L e prem ier Consul, signé BO N APARTE. Par le prem ier Consul, le secré
taire d'Ëtat, signe U lt. ues-B. M aret.
Pour copie conforme à l ’expédition officielle, déposée au secrétariat du
trésor p u b lic, le secrétaire général, L e f e v r e .
V u pour légalisation de la signature du sieur L efe v re, secrétaire général,
le ministre du trésor p u b lic, M oluens .
,
•
N°
-.r'
V.
.
Certificat d u 1général M enou, du 18 juillet 1806.
,
,
L e Commissaire général des départemens au delà des Alpes
fa is a n t fonctions de Gouverneur général grand officier
de la Légion d’Honneur.
Je déclare, au nom de la vérité et de l ’h onneur,que, lorsque je comman
dais l’armée française, dite d’O rient, en Egypte, M .le général Destaing, qui
était alors employé à cette arm ée, et qui, depuis, est mort en F ra n ce, s’est
marié en l ’an 8 , avec mademoiselle Nazo (sinne), fille de M. Joanny Nazo,
commandant alors en Egypte le bataillon des G recs; que j’ai su positivement
que le mariage s’est célébré dans le pays (au Caire) avec toutes les forme*
usitées dans le rit g rec; que M. le général Destaing était venu m ’en faire
part d’avance; que m êm e, à cette épotjue, comme dans toutes les autres de
ma v i e , soutenant avèc; énergie la cause 'des nioïurs publiques, je demandai
positivem ent, et sur l ’honneur, a i général D estaing,si son mariage était en
tièrement légitim e, ou si c’était, ce qu’on appelle dans les mœurs corrom
pues de l’O rient, un engagement àtem s; que le général Destaing me répond^
au nom de l'honneur, que c’était le mariage le plus légitim e, et tel qu’il
l ’aurait contracté en France; tpie, d’après cette déclaration solemnellt», je
m ’engageai^ y assisté^, ainsi qu'au repas qui eut lieu après le mariage.*Je
remplis nia promesse; tout s’y passa avec la plus grande régularité, et tel
qu’ il devait ê tre, soui les rapports'civils et religieux.
En foi de qu oi, j’ai délivré lé présent certificat pour'servir et valoir ce qu^
de raison. A T u riu , le 18 jiïillét 1806.L e général M enou.
-C
t »
Par le commissaire général, pour le second secrétaire général du Gouverne
ment , absent par congé et par ordre, signé G éamt
^
�5 7
N° V I .
Certificat du général Dupas , du 3o juillet 1806.
Moi soussigné, général de division, sous-gouverneur du château impérial
de S tupinis, commandant de la Légion d’Honneur, chevalier de l ’ordre du
L io n , certifie q u 'étant chef de brigade commandant la citadelle du Caire eu
E gyp te, sous les ordres du général Destaing, j ’ai eu parfaite et sûre con
naissance de son légitim e mariage avec mademoiselle Anne Nazo, fille de
M. Joanny N azo, commandant un bataillon g rec; j’atteste de plus avoir eu
des liaisons particulières avec beaucoup de personnes très-distinguées dans
l ’arm ée, tant dans le civil que dans le m ilitaire, qui m’ont déclaré avoir
été présentes à ce m ariage, qui s’est célébré publiquem ent, et avec toute
l'authenticité qu’un pareil cas exige. Eu foi de q uoi j’ai délivré le présent,
pour servir à ce que de droit. A P aris, le 30 juillet 18 0 6 , P. L . D u p a s .
N° V I I .
Lettre du général Destaing à son épouse, du 1 5 prairial an 9.
( l ' adresse est de la main du général Destaing.)
■.,
A lexan drie, le 15 prairial an 9.
I l y a longtem s, ma chère a m ie , que je n’ai pas de tes nouvelles; je desire
que tu te portes aussi bien que moi. Joanny, qui est chez le général Beliard,
devrait savoir quand il part des. détachemens pour A lexandrie, et en pro
fiter pour m’envoyer des lettres. Cependant, il ne l ’a pas fait la dernière
fois : il faut le gronder de ma part, pour qu’il soit plus exact à l’avenir.
On m’a dit que tu étais grosse; je suis étonné que tu ne m’en ayes rien
écrit ; éclaircis mon doute à cet égard. Sois assurée que je t’aime toujours,
qu’il me tarde beaucoup de te revoir. En attendant, je t’embrasse,ainsi que
ta mêre et ta sœ u r, sans oublier la bonne vieille. Le g énéral D estaing.
Enregistrée, etc. A la citoyenne D estaing, à la citadelle du Caire.
HACQUAR.T, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux,
r u e Git-le Coeur, n° 8
^
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Tarrible
Grenier
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Consultation pour Madame Nazo, Veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing. [suivi de] Pièces justificatives.
pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1802-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
57 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0603
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
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conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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1ffa9edff0a6e1950bbd015a085b9680
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Text
MÉ MO I R E
P our R e n é E S M E L I N ,
G ilb e rt E S M E L I N - D E U X -
A I G U E S , C l a u d e - A m a b l e L A P E L I N , et M a r i e - M a g d e le in e
E S M E L I N , son épouse , J e a n - F r a n ç o is L A -
G A R D E - D E L A V I L E N N E , et T h é r è s e E S M E L I N ,
son épouse ; M a r i e - A d é l a ï d e E S M E L I N , veuve D e b a rd , intimés
Contre G
e n e v iè v e
E S M E L I N , veuve d'A m a b l e D
e c ham ps,
ex-religieuse, appelante ;
E n présence de P rocu le E S M E L I N , ex-religieuse ;
E t encore en présence de J ac q u e s - M
ar ie - P ierre
L O IS E L -
G U I L L O I S , tuteur de ses enf ans , héritiers d ’Agnès
E
sm e lin ,
leur aïeule m aternelle, aussi intimés.
LA. dame D echamps dénonce aux tribunaux un traité de fa
mille , rédigé sous ses yeux par d’anciens jurisconsultes de son
choix ( * ) , qu’elle a signé, exécuté, qu’elle approuve et exécute
journellement.
(*) MM. Bergier et Boirot.
A
�( » )
Ce traité de famille a été dicté par la nécessité.
Il a été dicté par la sagesse.
En ce qui la concerne, il a été dicté par la générosité.
11 lui assure un patrimoine d’environ 3oooo f r . , dettes payées.
Elle se dit lésée.
E t il ne lui revenoit pas une obole.
Etienne Esmelin a contracté mariage avec Marie-Anne-Barthélemy G ibon , le 29 février 1756.
Ils se sont unis sous le régime de la communauté, avec clause
expresse que « pour y acquérir d ro it, chacune des parties y con» fondroit Coo fr.; et le surplus de leurs biens, avec ce qui leur
» écherroit par succession, donation , sortiroit nature de propre» fonds. »
Ils n ’avoient qu’une fortune médiocre; elle s'est grossie par de’
nombreuses successions qui se sont accumulées sur leurs têtes,
spécialement du chef de la dame Esmelin.
L a première qui est échue de cet estoc, a été celle du sieur
Jean-Baptiste de Lachaussée, son oncle, décédé à Moulins en 1764.
L a seconde, celle de Gilbert de Lachaussée, aussi son oncle,
négociant à M oulins, décédé en 1766.
L a troisième, celle de Jacques de Lacha*ussée, frère des précé
dons, administrateur de PHôtel-Dieu de Paris, décédé en 1787.
Il a voit fait un testament suivi de codicille , par lequel il avoit
nommé pour ses légataires universels, Marie Farjonnel, sa mère;
Antoinette de Lachaussée , veuve Lafeuillant ; Elisabeth de
Lachaussée , femme Laplanche; Catherine de Lachaussée, fille
majeure ;
Et les en fans et desccndans de Marie de Lachaussée, décédée
femme Gibon.
L ’inventaire de cette succession en portoit l’actif à deux millions
soixante mille livres.
Il fut fait un premier partage provisionnel d ’une somme de
�(3 )
1179^00 fr. d ’effels ro y a u x , devant L aroche, notaire au chàtelet
de Paris, le 29 avril 1788, qui constate que le sieur Esmelin
toucha pour sa femme un premier à-compte sur cette succession ,
de i 685oo fr.
Marie Farjonnel, aïeule de la dame Esmelin , qui avoit touché
un pareil à-compte de i 685oo fr. par ce partage provisionnel,
mourut peu de temps après.
L a dame Esmelin mourut ensuite aum oisde novembre 1789.
L e sieur Gibon , son frère , directeur des aides à ChàteauT hierry , mourut au mois de juillet 1790.
Il laissa encore une succession très-opulente, qui étoit divisible
en trois portions égales, entre les enians Esmelin, le sieur G ibon ,
de Moulins, leur oncle, et le sieur Gibon-Montgon , leur cousin
germain.
L e sieur Gilbert G ibon, père de la dame Esmelin, mourut en 1792.
Enfin Elisabeth Esmelin-Duclusor, l’une des filles des sieur et
dame Esm elin, mourut aussi sans postérité dans le courant de la
même année.
Etienne Esmelin père resta en possession de toutes ces successions.
II avoit marié quelques-uns de ses enfans avant la mort de
Marie-Anne-Barthélemy Gibon , son épouse.
Il en a marié d’autres depuis, et il avoit fait aux uns et aux
autres des avancemens d’hoirie.
Deux de ses filles , Procule et Geneviève Esmelin, avoient pris
le parti du cloître, et avoient fait profession avant la mort de leur
mère.
Mais les lois des 5 brumaire et 17 nivôse an 2 ayant aboli leurs
vœ ux, elles furent rappelées à toutes ces successions.
Bientôt le refus de Procule Esmelin de prêter serm ent, attira
sur elle des persécutions que chaque jour pouvoit rendre plus graves.
L e sieur Esmelin crut devoir prendre la précaution de se faire
céder ses droits, dans toutes ces successions , pour se m e ttre , à
toutes fins, ainsi que ses enfans, à l’abri des recherches nationales.
Geneviève Esmelin avoit pris un parti tout opposé ; non-seule-
Aa
�( 4 )
ment elle avoit prêle serment, mais elle ne dissimulent pas l'in
tention où elle éloit de se marier; et le sieur Esmelin crut encore
prudent de se faire céder ses droits maternels, pour garantit sa
famille des recherches futures de ce gendre inconnu dont il étoit
menacé.
L e rapport de l’effet rétroactif des lois des 5 brumaire et 17
nivôse ne tarda pas à rendre ces précautions inutiles.
Mais , dans le même tem ps, le sieur Esmelin père éloit forcé
d ’en prendre de semblables avec d’autres de ses ercfans.
L e sieur Debard éloit inscrit sur la liste des émigrés, et Adé
laïde Esmelin, son épouse, étoil en réclusion; elle étoit menacée
du séquestre sur tous ses biens. 11 fallut encore avoir recours à la
cession de ses droits maternels. Elle consentit cette cession à son
père, le 1" germinal an 2. Mais comme elle n’étoit que simulée,
il lui en donna une contre-lettre.
L ’inscriplion du sieur Esmelin-Deux-Aîgues, sur la liste fatale,
força encore le sieur Esmelin père de faire avec lui des actes simulés,
pour se soustraire, comme ascendant d ’émigré, aux persécutions
des agens du fisc.
T o u s ces actes ont disparu avec les causes qui les avoient fait
naître; et la dame Dechamps, qui en abuse aujourd’hui, sait mieux
que personne qu’ils n’ont jamais eu de réalité.
Les orages révolutionnaires s’élant calmés, plusieurs des enfans
Esmelin, la dame Lapelin , le sieur Esmelin-Deux-Aigues, et les
mineurs Loisel, ont cru devoir rechercher leurs droits maternels.
L e sieur Esmelin a terminé avec la dame Lapelin, en lui donnant
un à-compte sur la succession de René Gibon;
Avec le sieur Esmelin-Deux-Aigues , en s’en référant à l'arbi
trage de M. Lucas, président du tribunal de Gannat, leur parent,
qui a dicté la transaction passée enlr'eux au mois de germinal an i 3.
Quant aux mineurs Loisel, la contestation est restée indécise.
Ces actions éloienl justes en elles-mêmes; et le sieur Esmelin se
seroit sans doute empressé de les prévenir , s’il n’avoil pas été
arrêté par les difficultés insurmontables qu’il trouvoit à distinguer
sa fortune personnelle de celle de scs enfans.
�( 5 )
Mais la dame Dechamps , subjuguée par un conseil pervers, qui
avoit voué au sieur Esmelin une haine implacable en échange des
services signalés qu’il en avoit reçus, a dirigé contre lui des actions
d ’un autre genre, qui tendoient à compromettre sa délicatesse, et
qui l’ont abreuvé d’amerlume.
Bientôt la perspective effrayante du mauvais état de ses affaires
est venue mettre le comble aux chagrins dont il étoit dévoré.
11 avoit fait imprudemment une affaire de finance avec la dame
L eblon d, Américaine, qui , privée de ses revenus des îles, dont
la rentrée étoit suspendue par la guerre maritime avec l’Angle
terre, avoit obtenu de sa facilité des avances énormes , au point
qu’il se trouvoit son créancier de plus de 160000 fr. sans la plus
légère sûreté, et à peu près sans espoir de les recouvrer.
L e sieur Esmelin n’avoit pu faire d ’aussi grosses avances qu’en
puisant dans les caisses des banquiers de Moulins et de Clermont.
Chaque jour ses dettes alloient en croissant, par le taux élevé
des intérêts qui s’accumuloient.
Déjà son crédit étoit épuisé chez les banquiers de Clermont, qui
ne consentoient à renouveler ses effets qu’avec l’endossement du
sieur René Esmelin, son fils aîné (*), et il ne pouvoit se dissimuler
qu'il couroit à grands pas à sa ruine.
L ’âme flétrie par les outrages de la dame Dechamps , et ne pou
vant supporter l’idée du renversement de sa fortune, il est tombé
malade dans les premiers jours de décembre i8 o 5 , et il est mort
le ig du même mois.
Les scellés ont été apposés de suite par le juge de paix des lieux.
Quelque temps après, il a été procédé à un inventaire en forme,
en présence de tous les intéressés, et spécialement de la dame
Dechamps, qui a assisté à toutes les séances.
Indépendamment de l’actif bon qui fut porté dans cet invenf (*) Le sieur Esmelin aîné avoit déjà cautionné pour 60000 fr. d’eftets de son
père à son décès; il est porteur do scs lettres , pur lesquelles il le prioit do lui
donner sa signature.
�\
( 6 )
ta ire , il fut fait un état particulier des créances mauvaises ou dou
teuses , montant à 267330 f r . , qui fut signé par tous les héritiers,
et spécialement par la dame Dechamps.
L a dame Dechamps dit dans son mémoire , page 4 » que pen
dant cet inventaire ses frères furent p o lis , caressans. Ces expres
sions sont trop foibles ; elle auroit dû dire qu’ils la comblèrent de
témoignages de tendresse, qu’ils ne négligèrent rien pour gagner
sa confiance, et pour la soustraire à la maligne influence du per
fide conseil qui l’éloignoit de sa famille, et la conduisoit à sa perte;
Que leur ayant paru avoir des besoins, ils lui remirent la somme
de 1000 fr. qui étoit provenue des premières ventes des denrées
de la succession ;
Q u’elle prit différens effets mobiliers qui étoient à sa conve
n a n c e , sur la prisée de l’inventaire ;
Que dans le partage qui fut fait en nature d ’une partie du mo
bilier , ils l’admirent pour un huitième, quoiqu’il ne lui en revînt
qu’un seizième ;
Qu'enfin ils ne cessèrent de lui prodiguer les égards et les bons
procédés.
Instruite par elle-même de l ’état des affaires de son père ; de
plus de iSoooo fr. de dettes de banque sur lettres de change qui
venoient chaque jour à échéance, dont plusieurs étoient déjà pro
testées, et dont les porteurs pouvoient consommer en frais tous les
biens de la succession ;
D e plus de 60,000 liv. d’autres dettes par billets, obligations,
rentes viagères ou constituées ;
T ém oin de l ’état de dégradation et de désordre absolu, dans
lequel se trouvoient tous les biens communs, au point que sur 24
ou 25 domaines, il n’y en avoit pas un seul dont les bàtirnens ne
fussent en ruine, les granges écroulées , et hors d ’état de contenir
la récolte prochaine.
Plus pressée d’aillours de jouir de son lot qu’aucun de s?s co
héritiers, à raison de sa position, elle a été la première à désirer
le partage.
�(7 )
On est convenu de faire estimer préalablement tous les biens
qui devoient en être l’objet.
On a nommé pour exporta les sieurs Renaudet et Ferrier, connus
trop avantageusement dans l’opinion publique pour ne pas réunir
les suffrages de tous les cohéritiers; et ils ont été si agréables à la
dame Dechamps , qu'ils ont vécu et logé chez elle pendant tout le
temps qu'ils ont travaillé à l’estimation de la terre du Bouis, qui
joint son habitation.
Cette opération terminée , tous les copartageans sont unanime
ment convenus de s ’ e n référer, sur le règlement de leurs droits res
pectifs, à la décision de deux anciens jurisconsultes de C lerm ont,
dont l ’un éloit grand oncle maternel à la mode de Bretagne des
mineurs Loisel.
Ils se sont tous rendus à Clermont avec les deux experts, R e
naudet et Ferrier, dans les derniers jours de mars 1806, et tous
y ont séjourné sans interruption jusqu’au 21 avril suivant.
Chaque jour ils se sont réunis chez les arbitres.
L à , chacun des intéressés a fait valoir ses droits ou ses préten
tions.
T o u t a été v u , examiné, discuté en leur présence par les arbi-»
1res.
Mais comme de tous les frères et sœurs Esmclin , six seulement
avoient des droits dans les biens m aternels, à raison de la mort
civile de Procule et de Geneviève; que tous au contraire étoient
copartageans dans les biens paternels; le premier pas à faire éloit,
de distinguer les biens paternels et maternels, pour en former deux
masses séparées.
Les arbitres ont tenté ce travail; mais ils n ’ont pu y réussir.
11 éloit impossible de retrouver les élémens de la plupart des
successions échues aux sieur et darne Estnelin, à défaut d ’inven
taires et de partages.
11 existoit à la vérité des inventaires dos deux principales, celles
de Jacques de Lachaussée et de René-Barthélem y G ib o n ;m a is
les héritiers Esmclin ne les avoient pas en leur possession ; et ils
n ’eloieul pas en état de les représenter.
�( 8 )
Ils n’avoîent pas des notions exactes de la nature et de la consis
tance des effets dont ces successions étoient composées.
Ils ignoroient ce qui en avoit été touché par leur p è re , en nu
méraire ou en papier-monnoie , et les différentes époques aux
quelles ces sommes avoient été versées dans ses mains.
Les arbitres avoient d’ailleurs sous les yeux une expédition fa u
tive du contrat de mariage des sieur et dame Esmelin , qui contenoit la stipulation pure et simple de la communauté , sans la
clause subséquente qui portoit que «pour y acquérir droit, chacune
» des parties y confondrait 600 fr. ; et le surplus de leurs biens,
» avec ce qui leur écherroit par succession, donation, sortiroit
» nature de propre-fonds (*)• »
D e sorte que les sieur et dame Esmelin paroissoient n ’avoir con
tracté qu ’une communauté légale et conforme à l’article 276 de
la coutume de Bourbonnais; d ’où il sembloit résulter que tout
ce qui étoit de nature mobilière dans les successions échues aux
deux époux , avoit été confondu dans la communauté, et appartenoit par moitié à chacun d’eux; ce qui frappoit spécialement sur la
succession de Jacques de Lachaussée, presque toute composée d ’ac
tions de la compagnie des Indes, ou autres effets royaux payables
au porteur.
Les arbitres, au milieu de celle obscurité, crurent apercevoir
une lueur de justice dans le plan simple de diviser la masse entière
des biens et des dettes en deux portions égales, dont l’une seroit
censée maternelle, et l’autre censée paternelle; ce qui donnoit aux
deux religieuses un seizième chacune de la masse réelle des biens,
et les chargeoit d’un seizième des dettes (**).
(*) Cette expédition inexacte a été représentée par Procule Esmelin , qui
l ’avoit trouvée dans les papiers de la succession.
Elle paroissoit mériter d’autant plus de confiance, qu’elle étoit écrite en entier
do la main de Barthélémy , notaire , dépositaire do la minute.
(**) I«a masse totale de l’a ctif lion étoit de 5<j85 <j 5 fr.
Les créances actives mauvaises ou douteuses, de 267330 fr.
Los dettes passives connues lors du partage, étoient de 205yS6 fr.
Colles découvertes depuis s’élèvent à environ 20000 fr,
�(. 9 )
Les arbitres ne se dissimulèrent pas, et ne dissimulèrent pas à
tous les cohéritiers que ce plan étoit trop favorable à Procule et
Geneviève Esmelin , même sous le point de vue de la communauté
légale des père et mère communs, comme elle paroissoit l’être
d’après l’expédition fautive de leur contrat de mariage.
M a is, d’une p a rt, il étoit urgent de prendre un parti pour satis
faire les créanciers, dont les poursuites pouvoient à chaque ins
tant porter partout l’incendie et la dévastation.
D ’autre part, il falloit par-dessus tout éviter , pour l’intérêt de
tous, d’en venir à des discussions juridiques, qui présentoient un
abîme sans fond et sans rives, prêt à engloutir toute la fortune
des copartageans.
On ne considéroit d’ailleurs la portion que devoit recueillir Pro
cule Esmelin, que comme un dépôt confié à la vertu, qui devoit un
jour revenir à la famille.
Et à l’égard de la dame Dechamps , tous ses cohéritiers regardoient l’avantage qu’elle pouvoit retirer de ce mode de-partage,
comme un sacrifice fait à sa position et à sa qualité de mère de
famille.
Quant aux mineurs Loisel , indépendamment que l’acquiesce
ment de leur père à cette mesure étoit suffisamment justifié par
l ’exemple de tous ses copartageans majeurs , grands oncles et
grand’tantes de ses mineurs , qui avoient le même intérêt qu'eux ,
on eut soin de les dédommager amplement de la perte que ce plan
pouvoit leur occasionner, comme on le verra dans la suite.
C e mode de partage une fois adopté par tous les cohéritiers, on
vit bientôt disparoitre la majeure partie des difficultés qui divisoient
la famille Esmelin.
Il en restoit cependant encore, qui donnèrent lieu à quelques
débats entre les cohéritiers.
L a principale étoit relative au sieur Esmelin-Deux-Aigues.
Après sa radiation de la liste des émigrés , il avoit traduit son
père en justice, pour obtenir de lui le règlement de ses droits ma
ternels.
B
�( IO )
L e sieur Esmclin, qui connoissoit mieux que personne les inconvéniens et les dangers de soumettre celte discussion aux tribunaux,
consentit de s’en référer à l’arbitrage de M . Lucas, président du
tribunal de G a n n a t, leur parent.
M . Lucas, après avoir entendu les sieurs Esmelin, père et fils,
pendant plusieurs séances, et avoir examiné leurs mémoires res
pectifs, crut devoir fixer le débet du père envers son fils, pour tous
ses droits maternels directs et collatéraux, à 57760 francs, dont
42760 francs pour les capitaux, et i 5ooo francs pour les intérêts
ou jouissances; et ce fut d’après cet aperçu que les parties traitè
re n t, sous sa dictée, devant H u e , notaire ù Gannat, le 17 ger
minal an i 3 (*).
T o u s l e s cohéritiers du sieur Esmelin-Deux-Aigues connoissoient
parfaitem ent la sincérité de ce traité; et la médiation d e M . Lucas,
prouvée par sa signature, ne permettoit pas d ’élever le plus léger
doute à cet égard. Mais comme il sembloit en résulter quelque
avantage en sa faveur, ils prétendoient qu’il devoit s’en départir
pour se mettre à leur niveau.
L e sieur Esmelin-Deux-Aigues insisloit sur l’exécution de cet
acte, comme étant un traité à forfait, convenu de bonne foi, slfr
des droits successifs dont la quotité étoit absolument incertaine.
Il ajoutoit que l’avantage qu’on prétendoit résulter de ce traité ,
n ’étoit rien moins que réel; qu’il étoit plus que compensé, par la
circonstance que, dans le plan du partage proposé, il n’avoit à pré
tendre qu’un seizième dans les créances actives paternelles, dont il
lui seroit revenu un huitième, si on n ’en avoit pas confondu la
moitié dans la masse maternelle, dont il étoit exclu au moyen de
l’exécution de ce traité.
Il ajoutoit encore qu’en supposant que ce traité produisît quelqu’avantage en sa faveur, cet avantage ne pouvoit être critiqué,
parce qu’il étoit bien loin d’absorber les réserves disponibles que
(*) l a transaction fait mention expresso qu’elle a été passée en présence et
par la médiation do M. L u ca s, qui l ’a signée.
�( 11 )
s ’étoit faites le père commun par les différons Contrats de ma
riage de ses enfans (*).
D ’après ces considérations, il fut arrêté que le sieur EsmelinI)eux-Aiguësprélèveroit, avant tout partage,le montant dece traité.
Mais le mode de ce prélèvement n ’étoil pas sans difficultés.
D ’une part, le capital des droits successifs du sieur EsmelmDeux-Aigues devoit être prélevé sur la masse maternelle.
D ’autre p a r t, les jouissances , et le prétendu avantage qui pouvoit résulter de ce traité en sa faveur, devoient être prélevés sur la
masse paternelle.
On prit le parti d’en faire le prélèvement sur la masse entière,
et ce parti étoit d’autant plus raisonnable , que la masse paternelle
étant avantagée par le plan du partage, en faisant frapper ce pré
lèvement par égalité sur les deux masses , on se rapproclioit de
plus.en plus du point de justice auquel les arbitres et les parties
se proposoient de parvenir.
Cet obstacle applani, il en restoit encore quelques autres, mais
qui éprouvèrent moins de difficultés.
L e sieur René Esmelin aîné avoit des prétentions de plus d ’un
genre contre la succession de son père.
L a principale résultoit delà donation que lui avoit faite son père
de la terre de Bouis, par acte du 2 mars 1793, immédiatement
avant les lois de l’égalité; donation qui prenoit sa source dans la
réserve que s’éloit faite le sieur Esmelin, par les différens contrats
de mariage de ses enfans, de disposer de cette terre au profit de tel
d’entr’eux qu’il jugeroit à propos.
Cette circonstance formoit exception aux dispositions prohibi
tives de la Coutume de Bourbonnais, qui iaterdisoit les avantages
entre enfans, autrement que par contrat de mariage.
(*) Les parties raisonnoient d’après l ’expédition inexacte du contrat de ma
riage de 17 5 6 , qui rendoit communes aux deux époux toutes les successions
mobilières.
En raisonnant d’après la clause insérée dans ce contrat de mariage, qui les rendoit propres à chaque estoc, le sieur Esmelin-Deux-Aigues étoit évidemment lésé.
Ba
�( ^ )
"Le sieur Esmelin père n ’étant d’ailleurs décédé que sous l’empire
du nouveau C o d e , tous les avantages antérieurs pouvoient être
considérés comme légitimes , jusqu’à concurrence de la portion
disponible.
Mais le sieur René Esmelin n’attendit pas qu’on lui en demandât
le sacrifice; il fut le premier à l’offrir à ses frères et sœurs; il n’y
mit qu’une seule condition, celle de l’union et de la concorde, et
que tout se terminât à l’amiable.
L a dame Debard , de son côté, élevoit des réclamations d ’urr
intérêt m ajeur, qui prenoient leur source dans une donation entre
vifs qui lui avoit été faite par les dames Delagoutte et Gudevert,
le 3 mai 1 7 7 5 , de certains biens dont le sieur Esmelin étoit mort
en possession , qu’elle prétendoit avoir droit de prélever en nature
soir sa succession, indépendamment d ’un grand nombre d’années
de jouissances de ces mêmes biens, qu’elle réclamoit à titre de
créancière.
L a dame Debard en fit généreusement le sacrifice , sans autre
indemnité qu’une somme de 1200 francs à prendre sur les créance»
douteuses, et sans y mettre d’autres conditions que celles qu’y
avoit mises son frère, l’union et la concorde, et que tout se ter
minât à l’amiable.
Enfin, le sieur Delavilenne, stipulant pour sa fem m e, dont ¡F
étoit fondé de pouvoir, fît aussi le sacrifice d’une somme de 1000 fr.
qui formoit l’objet d ’une donation qu’il prétendoit avoir été mal à
propos confondue dans la dot qui lui avoit été constituée par son
contrat de mariage.
T o u s ces obstacles applanis , il fut question de procéder au
partage.
On fit un premier traité pour en fixer les bases.
C ’est dans ce premier traité que se trouvent tout le moral de l’opéralion,les motifs qui l’ont déterminée, les circonstances impérieuses
qui la rendoient nécessaire, les sacrifices généreux faits par plu
sieurs des cohéritiers pour assurer la paix et l’union dans la famille.
On en fit un second pour y traiter quelques objets particuliers,
�( >3 )
que tous les cohéritiers croyoient devoir être renfermés dans le sein
de la famille.
Et enfin un troisième, qui contenoit le partage.
Il étoit impossible d’employer dans ce partage la voie du sort.
Les rapports étoient tous inégaux, et varioient depuis 5oo fr.
jusqu’à 33ooo fr.
L e tirage au sort n’eût pu se faire sans être répété jusqu’à sept
à huit fois.
Les morcellemens qui en seroient résulté eussent été tels, que
chaque domaine, chaque arpent de terre eût été divisé en plus de
cent portions , contre le texte de la loi et le vœu de la raison.
On prit donc le seul parti proposable, celui de faire des lots de
convenance.
Mais les frères et sœurs de la dame Dechamps, toujours fidèles
à leur plan de la combler d ’égards et de bons procédés, eurent l’at
tention de lui laisser le choix de celui qui lui seroit le plus agréable.
Elle choisit des biens de la terre du Bouis , qui étoient situés
dans la même commune que ceux de ses mineurs, qui les joignoicnt
de toutes parts, et dont l’estimation lui étoit d’autant moins sus
pecte, qu’elle avoit été faite sous ses yeux, et pardesexperts logés
et nourris chez elle pendant tout le temps de leur opération.
On usa avec elle des mêmes procédés pour le seizième des dettes
dont son lot devoit être chargé; 011 lui laissa le choix de celles
dont les intérêts étoient le moins onéreux, et des créanciers sur la
complaisance desquels on pou voit le plus compter.
Ces différentes opérations terminées, tous les héritiers Esmelin
retournèrent dans leurs foyers, en bénissant leurs arbitres, et en.
se félicitant de l’union et de la concorde qu'ils regardoient comme
rétablies entr’eux d’une manière inaltérable.
Mais le bonheur de la famille Esmelin ne fut pas de longue durée.
L a dame D echam ps, rentrée dans ses foyers , y retrouva le
«dém.on de la discorde, le misérable qui avoit conduit son père au
tombeau, et qui médiloit la ruine de sa famille.
Dès ce premier m om ent, il fut arrêté entr’eux de tenter, paç
�(
>4 )
toutes sortes de voies, l’anéantissement de tous les arrangemens
faits à Clermont.
Avant de rien entreprendre, elle eut soin de s'installer dans
son lo t, de l’affermer pour plusieurs années, de se faire payer
d ’avance du prix du bail, et surtout de laisser à ses frères et soeurs
toutes les charges de la succession dont jusqu’ici elle n’a pas payé
une obole, et qu’ils acquittent journellement pour elle.
Après avoir ainsi pris scs précautions, et le 18 juin 1806, là
dame Dechamps a fait citer tous ses cohéritiers en conciliation ,
pour venir à division et partage de tous les biens meubles et im
meubles délaissés par le père com m un, sans avoir égard à tous
projets de partage , qui seroient regaidés cômme non avenus.
Cette citation a été suivie d’un procès verbal de non concilia
tion , en date du g juillet.
L e 25 du même m ois, la dame Dechamps a présenté requête au
tribunal d arrondissement de G annat, tendante au fond à ce qu’il
lui fût permis d ’assigner ses cohéritiers , sur la demande en par
tage, dans les délais ordinaires, et à la première audience, sur sa
demande provisoire, tendante à ce qu’il fût sursis à la coupe et
exploitation des différais bois de haute futaie, et tous autres dépendans de la succession du père commun.
Elle demandoit en même temps qu’il lui fût permis de faire pro
céder à la visite et état de tous ces bois par experts , à l’effet de
constater tous ceux qui avoient été coupés et tous ceux qui étoient
sur pied, et d’en fixer le nombre et la valeur , pour, après ce rap
port, être pris par elle telles conclusions qu'elle aviscroit.
Cette demande provisoire cachoit une insigne perfidie. La dame
Dechamps savoit qu’il existoit, au décèsdu père commun , plus de
i 5oooo fr. de lettres de change, toutes échues, protestées ou re
nouvelées par ses frères et sœurs, non compris plus de 60000 fr.
de dettes ordinaires, dont les créanciers n’étoient pas moins im
patiens.
Elle savoit que chacun de ses cohéritiers n ’avoit d ’autres res•ources, pour faire honneur aux engagemena les plus urgens, que
�( i5 )
dans le prix de ces b o is, qu’ils se hâtaient de vendre et d’exploiter.
Son projet étoit de rendre leur libération impossible, de voir leur
liberté compromise, et tous les biens livrés à l’expropriation forcée.
C e projet, dira-t-on, étoit insensé ; elle ne pouvoit elle-même
manquer d’en devenir victime : cela est vrai ; mais faut-il nier
l ’évidence, parce qu’elle passe les bornes ordinaires de la vraisem
blance et de la perversité humaine ? A-t-on oublié le vœu de
Cornélie dans les Horaces ?
Quoi qu’il en soit, le tribunal de Gannat a repoussé, avec indi
gnation, cette action provisoire , par son jugement du i 5 décembre
1806, rendu d'après les conclusions motivées de M . le commissaire
impérial.
Pendant que la dame D e c h a m p s v e x o i t ainsi ses freres et sœurs,
et tentait d ’arrêter par toutes sortes de moyens l’exécution des
arrangemens faits entr’eux, ses cohéritiers cherchoient à les conso
lider et à les régulariser à l’égard des mineurs Loisel.
L e sieur Loisel avoit été assigné depuis le 5 juin , en sa qualité
de père, tuteur et légitime administrateur de ses enfans, pour en
voir ordonner l’exécution ; mais il avoit cru devoir suspendre toutes
espèces de démarches jusqu’à la décision de l’incident élevé par
la darrje Dechamps.
C et incident terminé, le sieur Loisel a convoqué un conseil de
famille le 24 décembre 1806.
Ce conseil, composé du grand-père maternel des mineurs, de
plusieurs de leurs oncles et de leurs plus proches parens, après
avoir pris communication de la transaction du i 5 a v ril, l’a ap
prouvée dans tout son contenu , et a autorisé le sieur Loisel à so
retirer auprès de M. le commissaire impérial, qui seroit invité a
désigner trois jurisconsultes pour examiner ce traité et en dire
leur avis, conformément à l’article 467 du Code civil.
L e 3 i décembre, sur la requête qui lui a été présentée par le
sieur Loisel, M . le commissaire impérial a désigné trois anciens
jurisconsultes près la cour d ’appel, également recommandables par
leur expérience et leurs lumières, M M . Andraud, Borye et PagèaYerny.
�( .6 )
Sur l’avis de ces trois jurisconsultes, les héritiers Esmelin , à l’ex
ception de la dame Dechamps, ont demandé l’homologation de la
transaction du i 5 avril.
La dame D echam ps, fidèle à son plan de contradiction, n ’a pas
manqué de s’y opposer.
Mais sans avoir égard à son opposition, dont elle a été déboutée
avec dépens, la transaction a été homologuée, sur les conclusions
de M . le commissaire impérial, par jugement du 21 février 1806.
L e 21 mars, nouvelle assemblée du conseil de famille des mineurs
Loisel ;
Approbation du partage fait sur les bases de la transaction ho
mologuée ;
Requête du sieur Loisel à M . le commissaire impérial, pour l’in
viter à désigner trois jurisconsultes auxquels seroit soumis l’examen,
du partage ;
Désignation de M M . Andraud , Borye et Pagès-Verny;
A vis de ces trois jurisconsultes pour l’approbation et la pleine
et entière exécution du partage.
*
L a dame Dechamps en a au contraire demandé la nullité, fon
dée sur le [défaut d’observation des formes voulues par la lo i , et
subsidiairement la réformation pour cause de lésion;
Et par jugement contradictoire du 2 mai dernier, rendu sur les
conclusions de M . le commissaire impérial, elle a été déboutée de
toutes ses demandes , et le tribunal a ordonné que le partage seroit
exécuté selon sa forme et teneur.
Appel de la dame Dechamps des trois jugemens des i3 décembre
1806, ai février et 2 mai 1807.
Ses moyens en cause d’appel sont les mêmes qu^en cause prin
cipale ; nullité de la transaction et du partage, lésion résultante de
l’une et de l ’autre.
L a réponse des intimés se divise en trois paragraphes.
Ils établiront, dans le premier, que la dame Dechamps n’est ni
recevable, ni fondée à opposer les prétendues nullités dont elle
excipe.
Dans
�Dans le second, que loin d’être lésée par les bases adoptées dans
la transaction du i 5 avril, et par le partage fait d’après ces bases,
elle y est avantagée du tout au tout.
Dans le troisième, que si les intérêts des mineurs Loisel paroissent avoir été lésés par le traité du i 5 avril, en ce qu’on y a gra
tifié la dame Dechamps et Procule Esmelin au préjudice de la suc
cession maternelle, ils en ont été amplement dédommagés.
§ I"
L a dame D echam ps n’ est ni recevable, ni fon d ée a opposer les
prétendues nullités dont elle excipe.
Toutes les nullités qu’invoque la dame Decliamps , contre le
traité et le partage des x5 et 20 avril, ont leur source dans de pré
tendus vices de formes.
O r la loi ne connoit point de vices de forme pour les majeurs ,
ils peuvent traiter de leurs intérêts à leur g ré, et leur signature
suffit pour rendre leurs engagemens irréfragables.
Ici, la dame Decliamps a signé les actes des i 5 et 20 avril.
A la vérité elle dit les avoir signés aveuglément, page 4 de son
mémoire, sans en avoir entendu la lecture, page 14.
Mais elle a signé si peu aveuglément, et elle en a si bien entendu
la lecture, qu’elle nous dit elle-même, page i 3 , que de retour dans
ses foyers elle a voulu se mettre en possession des articles attri
bués à son lot.
E t de f a it , elle s’en est de suite mise en possession, en les affer
mant par un bail qui est enregistré.
Elle n'a cessé d ’en jouir depuis, sans avoir été troublée par per
sonne ; et dans ce moment elle vient de quitter son ancienne habi
tation , qui appartenoit à ses mineurs, pour venir habiter dans sa
propre maison, qui fait partie de son lot.
A in si, non seulement la dame Dechamps a approuvé ce partage
dans les premiers instans; mais elle n’a cessé de l’approuver de
puis, et de l’exécuter pendant le procès.
C
�( *8 )
Et le fait d ’approbation le plus caractérisé, c’est ce changement
d ’habitation, cette translation dans sa propre maison, dans le
moment où elle remplit l’air de ses cris contre ce partage , qu’elle
dit avoir signé aveuglément, et sans en prendre lecture.
L a circonstance qu’il y a des mineurs intéressés dans ce par
tage, ne change rien à cette première fin de non-recevoir.
L a loi a prescrit des formes pour garantir les mineurs de la
fraude, d e là facilité ou de l’insouciance de leurs tuteurs, et de
leur propre inexpérience lorsqu’ils sont émancipés.
Mais ils ont seuls le droif de se plaindre de la violation de ces
formes, et il n’est pas permis aux majeurs d ’en excipcr.
C ’est ainsi que le décide l’article 1 125 du Code civil, qui porte
que « les personnes capables de s ’engager, ne peuvent opposer
Vi n c a p a c i t é du mineur , de l’interdit ou de la femme mariée, avec
lesquelles elles ont contracté.
Cette loi doit s’appliquer avec d’autant plus de rigueur à l’espèce,
que les parties ont prévu le cas , et en ont fait une clause expresse
de leurs conventions, en stipulant que le partage sera irrévocable
en ce qui concerne chacun des majeurs.
La loi seroit muette, que la convention seroit une loi écrite dont
il ne seroit pas permis de s’écarter.
C ’est en vain que la dame Dechamps prétend excepter de cette
règle générale les partages faits avec des mineurs.
Quand il seroit dans le texte ou dans l’esprit de la loi d’excepter
du principe général les partages faits avec des mineurs, la conven
tion particulière, que le partage dont il s’agit seroit irrévocable,
en ce qui concerne chacun des majeurs, feroit cesser cette excep
tion , parce que la disposition de Pliouime fait cesser celle de la
loi, et que celte convention n’a rien d ’illicite et de contraire aux
bonnes mœurs.
Mais, d’une psr', ce lexte est clair, précis, d ’un négatif absolu, ne
peuvent, ce qui écarte toute espèce d ’interprétation et d ’exception.
D ’autre part, cette loi n ’a fait que consacrer les anciens princi
pes, qui nous sont attestés par Lebrun, dans son T raité des Suc
�( *9 )
cessions, liv. 4, chap. i " , n ° 2 i où, parlant du partage provisionnel,
il dit que le mineur a le droit de s’y tenir s’il lui est avantageux,
ou d ’y renoncer s’il n’y trouve pas son compte; et que pour rendre
cette faculté réciproque, il faut qualifier le partage de simple pro
visionnel , et stipuler, par une clause précise , qu’il sera permis, tant
aux majeurs qu’aux mineurs, de demander un partage définitif ;
« autrement, le mineur pourra se tenir au partage , si le bien qui
» lui a été donné est plus commode , et la faculté ne sera pas re» ciproque pour les majeurs.
L e même principe est rappelé par Rousseau de Lacom be, au
mot P a r t a g e , sect. 5 , n 9.
Q u ’auroient donc dit ces auteurs, si,comme dans l’espèce, il a voit
été question d ’un partage, non pas simplement provisionnel, mais
définitif; et si , au lieu du silence sur la réciprocité de la facilité
de revenir contre ce partage, il y eût été formellement expliqué
qu’il seroit irrévocable en ce qu i concerne chacun des majeurs ?
Mais dans tout ce qu’on vient de dire, on a supposé, avec la
dame Dechamps, que les actes qu’elle attaque sont infectés de tous
les vices qu’elle leur suppose, résultans de la violation de toutes
les formes voulues par la l o i , pour les transactions et les partages
dans lesquels des mineurs sont intéressés ; et on a vu que dans c( tte
hypothèse elle 11’a pr.s le droit de les censurer, soit parce que la loi
lui en interdit la faculté, soit parce qu’elle se l’est interdite ellemême, par une convention formelle faite entr’elle et tous ses co
héritiers majeurs.
Mais celte hypothèse est purement gratuite, et toutes les for
mes prescriles par les lois pour la garantie des mineurs, ont été
scrupuleusement observées dans l’espèce.
On ne [»eut nier que l’acte du i 5 avril ne fut une transaction
telle que la définit l’article 2044 du Code civil , « un contrat par
» lequel les parties terminent une contestation née, ou prévien» nent une contestation à naître. »
Il s’agissoit dérégler les droits l e s plus compliqués, entre une mul
titude d'héritiers ; sur quatorze successions, qui présentoienl des
C 2
�( 2 0 }
questions sans nom bre, qui pouvoient donner lièu à des discussions
interminables.
Q u’exigeoit la loi pour rendre valable un pareil acte ? L'autori
sation du conseil de famille, l’avis de trois jurisconsultes désignés
par le commissaire du Gouvernement, et l’homologation du tri
bunal, après avoir entendu le commissaire impérial.
O r, on a vu dans le récit des faits, que toutes ces formalités ont
été exactement observées.
A la vérité, la transaction étoit rédigée avant l’autorisation du
conseil de famille, et la dame Dechamps croit pouvoir y trouver
un prétexte de chicane.
Mais ce traité, qui pour les majeurs étoit irrévocable en ce
qui concernoit chacun d’eux, n'étoit qu’un projet pour les mi
neurs , jusqu’à ce qu’il eût été autorisé par le conseil de famille,
et par l’avis des trois jurisconsultes, désignés par le commissaire
du Gouvernement; ce qui étoit prévu par l’acte même’, dans le
quel on lit qu’il ne sera passé en forme authentique, que lorsque
le sieur Loisel aura rempli pour ses mineurs les formalités pres
crites par la l o i , pour en assurer la validité.
IN’est-il pas évident, d ’ailleurs, que le meilleur moyen d’éclairer
le conseil de famille et les jurisconsultes qui dévoient donner leur
avis, étoit de leur présenter le traité tel qu*il avoit été convenu,
et qu’il devoit être exécuté entre toutes les parties, s’il leur paroissoit dans l’intérêt des mineurs ?
Vainement le tuteur auroit rendu compte à la famille assemblée
des projets d ’arrangemens qui étoient proposés entre tous les cohé
ritiers Esmelin; vainement on auroit fait part de ces mêmes projets
aux trois jurisconsultes désignés par le commissaire du Gouverne
ment pour donner leur avis; rien n’étoit plus propre à diriger
leur opinion que le traité même, qui n’étoit pas encore obligatoire
pour les mineurs, et qui nepouvoit le devenir que par l’assentiment
de la famille assemblée , et l’avis des jurisconsultes désignés.
Celte circonstance de la préexistence du traité du i 5 avril, à
l’assemblée du conseil de famille et à l’avis des jurisconsultes.
�( 21 )
n’est donc qu’un moyen de plus en faveur de ce traité, parce
qu’ il en résulte que, soit l’approbation de la famille, soit celle des
jurisconsultes, ont été données en bien plus grande connoissance
de cause que si elles avoient précédé la rédaction de ce traité.
C ’est encore une pointillerie bien misérable, que la critique que
fait la dame Dechamps des qualités de ce traité, dans lesquelles on
suppose les formalités remplies par le tuteur avec les dates en blanc.
On l’a déjà d i t , pour les mineurs ce traité n ’étoit qu’un pro
jet, qui ne devoit être passé en forme authentique et avoir d’exé
cution qu'autant que le tuteur auroit rempli les formalités néces
saires pour le rendre valable.
Il étoit donc tout simple que les dates des actes qui devoient
constater l’observation des formes prescrites par la loi fussent en
blanc ; les qualités étoient telles qu’elles devoient être dans l’acte
authentique; et en passant cet acte authentique, on devoit remplir
les dates du conseil de famille et de l’avis des jurisconsultes.
Quant au traité secondaire du même jour i 5 avril, il étoit en
tièrement dans l’intérêt des mineurs Loisel, puisque c’est ce traité
qui leur assure la succession de René Gibon, dont ils étoient exclus
par la loi.
11 ne peut donc y avoir ni motifs, ni prétexte de le censurer.
L e partage du 20 avril, qui n’étoit que la conséquence et l’exécu
tion de la transaction, n ’étoit encore qu’un projet pour les mineurs,
jusqu’à ce qu’il devînt obligatoire à leur égard, comme à l’égard
des majeurs, par l’observation des formes.
Elles ont été observées comme pour la transaction: le conseil de
famille, assemblé pour la seconde fois, l’a autorisé; les trois ju
risconsultes désignés par le commissaire impérial , consultés de
rechef, l’ont approuvé; le tribunal l’a homologué.
Ainsi, indépendamment que la dame Dechamps n ’est pas recevable à critiquer sous le point de vue de l’inobservation des for
mes, soit ce partage, soit le traité qui l’a précédé, on voit que
sa critique seroit sans fondement, et que le sieur Loisel n’a man
qué pour ses mineurs à aucune des précautions qu’exigeoit la loi
r
�( 23 )
pour les garantir de toute surprise , et s’assurer que leurs intérêts
étoient ménagés jusqu’au scrupule.
§ II.
L a dame D echam ps , loin d'être lése'e par les bases adoptées
dans la transaction du 1 5 a v ril, et par le partage fa it d’ aprèï
ces bases, y est avantagée du tout au tout.
Celte proposition pouvoit paroître incertaine à l’époque du traité
du i5 avril; aujourd’hui, elle est démontrée mathématiquement.
On éloit alors dans la confiance que toutes les successions échues
de l’estoc maternel avant le décès de la dame Esinelin étoient con
fondues dans la communauté.
Cette confiance étoit fondée sur l’expédition du contrat de ma
riage de 1756, dans laquelle on avoit omis d’insérer la clause que
chacun des futurs confondroit la somme de 600 liv. pour avoir
droit dans la communauté , et que le surplus des biens des futurs,
ainsi que ceux qui leur écherroient par succession ou donation,
leur sortiroient nature de propre.
Cette erreur se trouvant rectifiée par une expédition plus exacte,
il est évident que toutes ces successions doivent être prélevées au
profil des héritiers maternels.
Il faut cependant distinguer dans ces successions celles qui sont
échues avant le décès de la dame Esmelin , de celles qui sont échues
depuis.
T o u t ce qui a été touché sur les premières de ces successions par
le sieur Esmelin , doit elre prélevé sur la communauté, qu’il faut
considérer comme interrompue au décès de la dame Esmelin, ar
rivé au mois de novembre 178 9 , d'après la-faculté qu’en ont les
intimés et les mineurs Loisel par l’article 270 de la Coutume de
Bourbonnais.
Les successions échues depuis le décès de la dame Esmelin \ et
tout ce qui a été louché par le sieur Esmelin sur les successions
�( -3 )
antérieures depuis la même époque, doivent être prélevés sur sa
succession et sur ses biens personnels.
Ainsi, on doit prélever sur la communauté, i° ce que le sieur
Esmelin a touché sur la succession de Jean-Baptiste de Lachaussée,
décédé à Moulins en 1764;
20 Ce qu’il a louché de la succession de Gilbert de Lachaussce,
aussi décédé à Moulins en 1766;
5° La somme de i 68, 5ooliv. qu’il a touchée à compte sur la suc
cession de Jacques de Lachaussée, par le partage provisionnel passé
devant Laroche, notaire à Paris, le 29 avril 1788;
4° Ce qu’il a dû toucher de la succession de Marie Farjonnel,
bisaïeule des en fans Esmelin , décédée en 1788, l’une des léga
taires universelles de Jacques de Lachaussée, qui avoit aussi touché
16 8 , 5oo liv. par le parlage provisionnel de 1788.
Et on doit prélever sur la masse de sa succession , composée
soit de sa portion de la communauté, déduction fuite des prélèvemens, soit de ses biens personnels,
i° La somme de 188, 55o liv. 16 s. qu’il a reçue d e là succes
sion du sieur René-Barthélemy Gibon , soit en 1790, soit pendant
les premières années des assignats , ce qui est étubli par un état
écrit de sa main , que les intimés rapportent.
2°. Ce qu’il a dù loucher, pour le compte de scs enfans, de la
somme d’environ 900,000 livres, restée indivise , de la succession
de Jacques de Lachaussée, après ce partage provisionnel ;
.
5°. Ce qu’il a dû loucher de celle même somme, soit comme
représentant Elizabelh de Lachaussée , femme Laplanche , soit
comme représentant Catherine de Lachaussée, dont il avoit acquis
les droits, qui étoient d ’un cinquième chacune de cette somme
de 900,000 liv.; ce qu’il n’avoit pu faire que pour le compte de
ses enfans , à raison de l ’in d iv is io n de ces droits avec eux ;
4". Ce qu’il a dû toucher de la succession de Gilberl-Barlhéleniy
G ib o n , aïeul de ses enfans, soit directement, soit par l’effet des
cessions de droits de leurs cohéritiers dans celte succession.
On trouvera déjà une masse énorme qui suffiroit pour absorber
la succession du sieur Esmelin.
�(
4
)
. Mais que sera-ce, si on y joint les jouissances Ou les intérêts
des capitaux, à compter du moment du déccs de la dame Esmelin,
attendu qu’aux termes de l’article 174 de la Coutume de Bour
bonnais, l'usufruit des pères cesse de plein drojt, à 14 ans pour
les filles, et à 18 ans pour les mâles?
, Si on y joint pour 5o mille francs de ventes de bois de la com
munauté, faites par le sieur Esmelin, après le décès de sa fem m e,
toutes établies par preuves écrites ?
Pour pareille somme, au moins, de dégradations commises dans
les biens de la communauté, depuis la même époque?
Que sera-ce enfin, si on y joint plus de 225,000 liv.d e dettes,
connues lors du partage, ou découvertes depuis, que les intimés
ont payées , ou payent journellement pour leur compte et pour
celui de la dame Decliamps?
Non compris les prétentions de la dame de B a rd , qui-ont été
éteintes par le traité du i 5 avril.
Non compris encore les réclamations qui s’élèvent de toutes
paris contre cette succession, qui sont connues de la dame Dechamps , et qu’on se dispensera de relever, dans la crainte de les
accréditer.
Il résulte évidemment de ce tableau, q u e , la succession du sieur
Esmelin fût-elle d ’un million ( et elle est à peine du tiers) , elle
seroit insuffisante pour faire face au passif dont elle est grevée.
Et il ne faut pas perdre de vue, d ’une part, que la presque uni
versalité des acquisitions est antérieure au décos de la dame
Esmelin ; ce qui donne aux héritiers maternels droit h la moitié
de tous ces biens acquis, sans aulres charges que celle de la moitié
des reprises qui existoient alors.
D ’autre p^rt, que sur les 225,000 livres de dettes passives, il y
en a pour environ 200,000 livres , qui sont du fait seul du sieur
Esmelin, et n’ont été contraclées que depuis le décès de la dame
Esmelin; ce qui les fait uniquement frapper sur sa succession.
D ’autre part enfin, que les 2G7,55o livres de dettes actives dou
teuses, qui forment un des principaux objets de cetlte succession,
no
�(
*5)
ne doivent être comptées que pour le cinquième, au plus, de leur
valeur numérique ; les intimés en offrant l’abandon à 80 pour
100 de perte.
C ’est vainement que la dame Dechamps croit pouvoir affoiblir ce tableau, en cherchant à tirer avantage du testament de la
dame Esmelin , qui contient, dit-elle, legs du quart de tous ses
biens, au profit de son mari.
C e testament n’est pas rapporté, et il y a lieu de croire qu’il ne
le sera jamais ;
Il est olographe , et il n ’est pas écrit en entier de la main de la
dame Esmelin ;
C e n’est pas sans de bonnes raisons qu’on n’en a parlé que vague
ment dans le traité du i 5 avril;
Ce testament n’est pas d’ailleurs tel que le suppose la dame
Dechamps ;
Il porte legs de l'u su fru it, ou du quart en propriété, au choix
du sieur Esmelin;
E t le sieur Esmelin seroit censé, par le fa it, avoir opté l’usu
fruit , puisqu’il n’a cessé de jouir des biens de ses en fans, jusqu'à
sa mort. Encore faudroit-il distraire de cette jouissance la succes
sion de René Gibon , qui n’est échue à ses en fans qu'après le décès
de leur mère, et à laquelle , par conséquent, ce testament ne peut
avoir d’application.
Il est évident, d’après ce qu’on vient de dire, que si par l’effet
de l’anéantissement d e l à transaction du 1 5 avril, que la dame
Dechamps a l’imprudence de solliciter, chacun des cohéritiers
rentre dans son premier état , l’actif de la succession du sieur
Esmelin étant plus qu’absorbé par le passif, la dame Dechamps
ne peut, en sa qualité d’héritière, espérer d ’en retirer une obole?
Il importe peu, d ’après cela, d ’examiner s’il y a, ou non , lésion
dans l’estimation proportionnelle des biens dont le partage est
composé, comme le prétend la dame Dechamps.
T o u te fo is , pour ne rien laisser à désirer sur cette prétendue
lésion secondaire, les intimés rappelleront à la dame Dechamps,
D
�( 2 6 }
'
que les tien s-fo n d s qui composent son lot ont été choisis par
elle ;
Q u ’ils sont pour la plupart mêlés avec ceux de ses mineurs, et
par conséquent parfaitement à sa convenance;
Q u ’ils ont été estimés par des experts nommés par elle, logés
et nourris chez elle pendant tout le temps de leur opération.
Ils lui diront enfin que, malgré la baisse des biens-fonds, sur
venue depuis le partage, ils offrent de prendre pour leur compte
tous ceux qui se trouvent dans son lot, pour le sixième en sus de
l'estimation et du prix pour lequel ils sont entrés dans ce partage.
C ’en est assez, ou plutôt c'en est trop, sur cette prétendue lésion;
car les intimés n ’ont que trop bien prouvé que, loin que la dame
Dechamps soit lésée et dans les bases et dans les résultats du par
tage du 20 a v ril, elle a été traitée par ses cohéritiers avec une gé
nérosité sans exemple ; que tout ce qu’elle tient , tout ce qu’elle
possède de la succession de son père, elle ne le tient que de leur
libéralité, elle ne le possède que par leurs bienfaits.
On dit que ce fait est trop bien prouvé, parce que celte géné
rosité excessive semble nuire aux intérêts des mineurs Loisel.
Cependant on verra bientôt qu’on leur a rendu toute la justice
qu’ils pouvoient désirer.
§ III,
R e la tif a u x mineurs L o isel.
On ne peut se dissimuler que plus on a gratifié la dame Dechamps
et Procule Esmelin, plus les héritiers maternels ont dû faire de
sacrifices.
Ces sacrifices scroient faciles à justifier pour les mineurs Loisel.
On pourroit dire que des mineurs ne sont jamais lésés quand ils
marchent sur les traces de leurs cohéritiers majeurs, qui ont le
même intérêt qu’e u x , surtout quand de six cohéritiers cinq sont
majeurs, et reconnus pour être parfaitement capables de stipuler
leurs droits et de veiller à leurs intérêts.
On pourroit dire encore, comme l’ont fait les trois anciens juris-
�( ‘
27 )
consultes désignés par M . le commissaire impérial, pour donner
leur avis, que « tous les héritiers avoient le plus grand intérêt
» à ce que le partage n’éprouvât pas de retard. T o u s les bâtimens
» des domaines étoient en ruine. 11 éloit dû des sommes considé» rables, qui exposoient les cohéritiers à des poursuites ruineuses,
« et qui pouvoient absorber une grande partie des biens.
» La minorité des enfans Loisel rendoit ces poursuites pres» qu'inévitables, et chacun des cohéritiers pouvoit se voir expro» prier de ses biens propres, par la circonstance qu’il se trouvoit
» des mineurs parmi les cohéritiers.
» 11 s’élevoit des contestations sur la composition des masses, et
» la division entre les lignes paternelle et maternelle.......................
» sur les réclamations de plusieurs des héritiers , et il étoit impos» sible de prévoir la fin de ces discussions, et les suites funestes
» qu’elles pourroient avoir.
» La transaction qui termine toutes ces contestations sans frais,
» et dans l’espace de quelques jours qui avoient été employés à la
» préparer, offroit à toutes les parties des avantages qu’on ne sau» roit trop apprécier. »
Mais ce qui tranche toute difficulté, c’est l’indemnité que tous
les cohéritiers majeurs ont assurée aux mineurs L o isel, pour les
désintéresser et consolider leur ouvrage.
Il existoit dans la famille une succession dont les religieuses
étoient exclues par leurs vœ ux, et la mère des mineurs Loisel,
parce qu’elle éloit hors des termes de représentation.
C ’étoit celle de René G ib o n , décédé au mois de juillet 179°*
Il a été convenu par les art. 8 et g du traité particulier , du i 5
avril 1806 , que les mineurs Loisel seroient associés pour un sixième
dans cette succession, et qu’ils coinmenceroient par prélever 5280 fr.
Ilsontà partager, entr’autres objets, près de 3ooo francs de rentes
inscrites sur legrand livre, connues sous le nom de tiers consolidé ,
dont la liquidation est terminée depuis le mois de décembre der
nier, et dont la valeur, au cours, approche dans ce moment du ni
veau de leur capital.
Da
�( =8 )
Ils ont, par suite de cette association, une portion dans le domaine
de L a ro c h e , provenu de cette même succession.
Il a été en outre arrêté que le sieur Loisel préleveroit sur les pre
miers recouvremens 2000 f’r . , pour les frais de l’instance intentée
au nom de ses mineurs au sieur Esmelin ; frais qui eussent été
compensés et perdus pour ses mineurs, sans cette convention par
ticulière.
D e sorte que l’indemnité accordée aux mineurs Loisel, par leurs
cohéritiers majeurs , pour les dédommager des sacrifices qu’ils pouvoient faire au bien de la paix, par leur acquiescement au traité
du i 5 avril, peut être évaluée à environ 14 à i 5o o o lr .; tandis
que, dans le calcul le plus rigoureux, et en regardant comme un
bienfait absolu de la part des héritiers maternels les deux lots de
Procule et de Geneviève Esmelin , ce sacrifice ne pouvoit jamais
excéder 10000 I r . , formant le sixième de 60000 fr.
Quant à la prétendue lésion résultante du défaut de proportion
dans l’estimation des biens qui composent leur lo t, comparée aux
lots de leurs cohéritiers, c’est une inculpation gratuite faite aux
experts, dénuée de vérité comme de vraisemblance , et qui ne
prouve autre chose, si ce n’est l’habitude où est la dame Dechamps
de Lotit hasarder.
Ce seroit une tâche trop pénible et trop dégoûtante, que celle de
relever tous les faits faux et cnlomnieuxdont le mémoire de la dame
Dechamps est rempli; il faudroit écrire dos volumes, et surcharger
une contestation qui l’est déjà trop par elle-même.
Il suffira de rappeler quelques-uns de ceux qui ont une liaison
immédiate avec les objets en litige, pour se faire une idée de sa
véracité , de sa bonne foi sur tous.
Par exemple, on lit, page i 3, que lorsqu’elle a voulu se mettre
en possession des objets attribués à son lot, « à peine le foin du pré
» du domaine de Chirat a-t-il été coupé , que René Esmelin l’aîné
» et Deux-Aiguës sont venus avec une troupe de bouviers s’en ein)i parer à force ouverte, en l’accablant d’injures et de menaces. «
�( ^9 )
Oublions cette prétendue force ouverte employée contre une
fem m e , ces injures, ces menaces dont elle orne sa narration, pour
en venir au fait.
L e pré dont il s’agit faisoit partie de la réserve de Bouis, qui est
entrée dans le lot du sieur René Esrnelin.
Ce pré est nommément compris dans ce lot, q u i, comme to u s les autres, a été formé par les experts.
C ’est un fait prouvé par leur rapport, qui sera mis sous les yeux
de la cour , et qui est de la parfaite connoissance de la dame
Dechamps :
A b uno disce omnes.
« Scs cohéritiers se sont emparés du bois C h a b ro l, qu’ils font
» exploiter journellement par le sieur Gillot. »
C e bois Chabrol fait partie du lot de la dame Dechamps ; il y
est porté pour i 320 fr.
Mais c’est uniquement le fonds qui lui appartient.
Les arbres en étoient vendus au sieur Gillot, par le sieur Esmelin,
depuis plus de trois ans avant sa m o r t , à raison de 7 fr. le pied;
ce qui portoit la vente de ce bois Chabrol à 16000 fr.
Pourra-t-on se persuader que ce soit sérieusement que la dame
Dechamps, à qui on a donné le bois Chabrol pour i 320 fr. , en
réclame tout à la fois le fo n d s, qui vaut au moins 2/|00 f r ., et le
branlant, qui avoit été vendu 16000 f r . , et dont la majeure partie
étoit déjà exploitée lors du partage.
A b uno disce omnes.
(c Ils ont poussé l’injustice jusqu’à usurper un autre bois contigu,
» qui appartient particulièrement à ses mineurs, du chef de M . De» cham ps, leur père, et que le sieur Gillot exploite aussi. » Même
pa^e i 3.
Mais la dame Dechamps nous apprend e lle -m ê m e qu’il y a
procès pour les limites de ce bois : il n ’y a d o n c , jusqu’à la dé
cision , ni injustice, ni usurpation. Sub ju d ice lis est.
u 9°. Il y a lésion , en ce que René Esmelin, fils aîn é, n ’a point
�(
3o )
» rapporté à la masse les terres du B eyrat, de la Presle, la Sou» braut, Laroclie, le L ogis, etc. valant plus de 200000 francs, et
» qui ont été achetés et payés sous le nom de ce fils, indûment
» avantagé par le sieur Esmelin père. » Page 62.
L e sieur Esmelin a acheté par acte authentique, le 12 février
1792 , étant encore avec son père, un domaine appelé la Soubraut,
une maison , des vignes, pour la som m e, réduite à l’échelle, de
i 25oo fr.
La vérité est que celte somme a été payée par le sieur Esmelin
père. L e sieur René Esmelin en a fait le rapport à la masse lors
du partage.
Si le père avoit voulu avantager son fils, d une maniéré indirecte,
de cette acquisition, rien n eut été plus facile; il suffisoit de lui
donner quittance de ces i 25oo ir. qu’il avoit payés pour lui.
Ces fraudes ne sont pas rares, et les tribunaux peuvent diffici
lement les atteindre.
L e sieur René Esmelin s’est marié, et a quitté la maison pater
nelle le 8 frimaire an 5.
Sa femme lui a porté le revenu d’une dot de 4^000 f r . , dont il
a conservé l’usufruit après son décès.
Il a acquis en l’an g le bien de la Presle, par acte authentique,
au prix de 2^000 fr. dont 10000 fr. exigibles, et 14000 fr. en rente
viagère, à raison de 1400 fr. par a n ; il n’a déboursé pour cet
objet que 10000 f r . , c i ......................................................... 10000 fr.
Il a acquis, le 2 germinal an 1 1 , toujours par acte
authentique, le bien du Beyrat, 60000 f r . , dont 3oooofr.
en délégations de contrats, et
5oooo fr. en délégations
exigibles, c i ..............................................................................
Le 28 prairial an 12, il a acquis encore, par acte
authentique , la locaterie du Lut ou des Chaises Gooo fr.
3oooo
c i ...................................................................................................
Gooo
T
otal
46000 fr*
�(
3i )
Il a revendu , par acte authentique, une portion de la locaterie
2900 fr.
du Lut au sieur Louis Lurzat 2900 f r . , c i .......................
Par acte du 21 messidor an i 3 , il a vendu au sieur
Claude Esmelin la maison et le logis situés à Bellenave,
10000 f r . , c i .................. ........................................................ 10000
11 a revendu en détail le Lien de la Presle, par diffé
rons actes authentiques, 24000 f r . , c i .............................. 24000
Il a vendu au sieur Gillot le bois delà Soubraut 3ooofr.,
c i .................................................................................................
5ooo
Il a reçu de son père, à compte sur la succession du
sieur René G ib o n , 2600 f r . , dont il lui a fourni quit
tance, c i ................................................................ ....................
T
o t a l
.....................................................
2600
4 25oo fr.
Ainsi la différence est de 55oo fr.
Ce n ’est pas qu’il ne reste au sieur René Esmelin quelque for
tune personnelle ; mais, outre que cette fortune est grevée de
rentes viagères ou constituées , il la doit à l’heureuse circonstance
d’avoir acheté bon marché, et d’avoir revendu cher;
A l’extinction de quelques viagers;
A une bonne administration ; à de grandes améliorations ; à son
industrie.
Loin qu’il ait puisé pour ces acquisitions dans la bourse de son
père, qui étoit, comme on l’a v u , dans un tel état de gêne que
sa liberté étoit compromise à chaque instant par l ’échéance des
lettres de changes, le sieur Esmelin père, dans un pressant be
so in , avoit touché, peu de temps avant sa m ort, 6553 liv. prix
d ’une vente de bois qui appartenoit à son fils.
Comme ce fait étoit notoire dans la famille, il n’est venu en
idée à aucun de ses cohéritiers de lui contester cette somme de
6555 liv. qui fait partie des dettes passives de la succession.
Il n’y a pas un fait avancé par la dame Dechamps, auquel il ne
fût facile de faire une réponse aussi satisfaisante, si le temps et
la patience permettoient de les relever tous.
�( 32 )
Il reste à dire un mot de deux objets dont se plaint la dame
Dechamps, et sur lesquels les intimés sont prêts à lui rendre justice.
L'un est relatif à ses créances contre la succession du père com
mun , qui dérivent de sa dot moniale et d ’arrérages de pension
qu’elle prétend ne pas avoir été liquidées exactement.
Les intimés rapportent cette liquidation faite par M . Bergier,
et écrite de sa main; ils sont convaincus que cette liquidation est
exacte. A u surplus, ils offrent de revenir à compte avec elle sur
cet objet, ou devant tel commissaire qu’il plaira à la Cour de nom
mer, ou devant les premiers juges.
L e second est relatif à la somme de 4 n 5 liv. de mobilier porté
dans son lot..
Elle prétend que son lot est trop chargé de cette nature de
biens, et en cela, ses plaintes sont évidemment indiscrètes; car il
y a , y compris les rapports, au moins i5o,ooo liv. de mobilier
dans la succession , et sa quotité proportionnelle seroit d ’environ
ioooo liv.
Elle se plaint aussi de n ’avoir pas reçu cette somme ;
Elle n’en”a reçu en effet qu’une partie.
Une autre partie a été payée en son acquit pour dépenses com
munes.
Une autre partie est encore en nature, notamment les bois de
sciage.
Enfin, il y a un déficit dans le mobilier, à raison des distrac
tions qui en ont été laites en nature ou en deniers, auquel il
doit être pourvu de la manière convenue pur le traité particulier
du i5 avril.
T o u t cela exigeoit des rapprocliemens entre la dame Dechamps
et le sieur René Esmelin aîné, que les contestations pendantes
ontr’eux ont rendus impraticables.
Mais le sieur René Esmelin est toujours prêt h lui rendre justice
sur ce p o in t, qui dépend d'un compte qu’il offre encore de faire
devant tel commissaire qu’il plaira à la cour de nom m er, ou de
vant les premiers juges.
Encore
�( 33 )
Encore un mot :
L e sort de la dame Dechamps est dans les mains des intimés.
S ’ils acquiescent à ses demandes, elle est perdue.
S’ils lui résistent, c ’est par pitié pour elle , c’est pour l’arrêter,
la malheureuse, au bord du précipice qu’elle creuse sous ses pas.
Quant aux mineurs L o is e l, leurs intérêts sont à couvert.
Ils sont amplement dédommagés dans la succession de René
G ib on , des sacrifices qu’ ils font au bien de la paix.
D ’ailleurs, les traités et le partage des 1 5 et 20 avril ont eu
l’assentiment de leur père, de leur aïeul maternel, leur subrogé
tuteur, de leur famille deux fois assemblée pour en prendre connoissance, des anciens jurisconsultes deux fois désignés par le com
missaire impérial, du commissaire impérial lui-même, enfin des
juges du tribunal de G a n n a t, q u i , parfaitement instruits des faits ,
des circonstances et des localités ,_se sont empressés de les homo
loguer et d’en ordonner l’exécution.
T a n t d ’autorités réunies ne permettent pas de douter de l’uti
lité, de la sagesse, de la nécessité de ces traités pour les mineurs
comme pour les majeurs , et les intimés espèrent que la Cour voudra
bien , en les consacrant par son a rrê t, mettra la dame Dechamps
dans l’impuissance de se nuire à elle-même , et de nuire désormais
à sa famille.
S ig n e ' R e n é E s m e l i n ,
G ilbert
Esmel i n - D e u x - A i g u es ,
C l a u d e - A m a b l e L a p e l in , M a r i e - M a g d e l e i n e Esme l i n - L a p e l i n , J e a n - F r a n ç o i s L a g a u d e - D e l a v i l en ne , T h é r è s e Esmel in -L a v ile n n e , M a r ie-A d elaïd e Esm elin,
/
ve u v e D ebart
B O I R O T , a n c ie n ju r is c o n s u lt e .
H U G U E T , avoué.
A C L E RM O N T , de l'imprimerie de L andriot, imprimeur de la Prélecture.
�
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Title
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Esmelin, René. 1806?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Huguet
Subject
The topic of the resource
traités de familles
successions
émigrés
inventaires
arbitrages
coutume du Bourbonnais
conseils de famille
partage
experts
Description
An account of the resource
Mémoire pour René Esmelin, Gilbert Esmelin-Deuxaigues, Claude-Amable Lapelin, et Marie-Magdeleine Esmelin, son épouse ; Jean-François Lagarde-Delavilenne, et Thérèse Esmelin, son épouse ; Marie-Adélaïde Esmelin, veuve Debard, intimés ; contre Geneviève Esmelin, veuve d'Amable Dechamps, ex-religieuse, appelante ; en présence de Procule Esmelin, ex-religieuse ; et encore en présence de Jacques-Marie-Pierre Loisel-Guillois, tuteur de ses enfans, héritiers d'Agnès Esmelin, leur aïeule maternelle, aussi intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1806
1756-Circa 1806
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
33 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0544
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Moulins (03190)
Paris (75056)
Château-Thierry (02168)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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arbitrages
conseils de famille
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experts
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partage
Successions
traités de familles
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Text
M É M O I R E E N RÉPONSE
POUR
A
n t o i n e
VARAGNE,
et a u t r e s ;
intimés;
CONTRE
P i
erre
-I
srael
R O L A N D } Toi
n et te
-G
a b r i elle
R O L A N D , et Le sieur G R O S son m ari, appelans.
L
e
père du sieur Roland avait trompé les mineurs
Varagne et les avait dépouillés de tout leur patrimoine;
le sieur Roland et la dame Gros se plaignent aujourd'hui
de ce qu'un Varagne les a trompés à son tour pendant
qu’ils étaient mineurs, et a repris ses biens. Si cela était
vrai, il faudrait remonter à la source et ne tromper
personne ; mais ce n’est pas ainsi que les adversaires l'en
tendent; ils veulent bien rétrograder jusques avant la 2.
époque, mais non jusqu a la premiere, c est-à-dire,qu’ils
veulent retenir ce que leur père avait pris. A la vérité
ils sont obligés de convenir que son usurpation n’était
A
�( 2 )
.
pas la chose du monde la plus solide; mais au moyen
de quelques prescriptions et pérempiions ils espèrent la
légitimer, il laul croire au contraire qu’une œuvre d'iniquite et de tenèbres ne prévaudra pas contre une transac
tion sage et prudente qui en effaçait la turpitude; et la
publicité même que les héritiers Roland ont voulu
mettre à cette cause, ne prouvera que mieux à la Cour
qu’ils n’avaient pas mûrement réfléchi, quand ils ont.
voulu blâmer ce qu’avait délibéré leur famille, pour cou
vrir le passé et leur rendre justice.
F A I T S .
L e 18 septembre 1747, le sieur Pierre Roland avait
vendu à Géraud Varagne un domaine appelé de Fleu
ra c, moyennant 12,000 francs.
fut dit que Varagne
demeurait quitte du prix, au moyen de ce qu'il créait
11
et constituait au proiit du sieur Holanc! une rente de
5oo fr. par année, payable en deux termes, jusquesau
remboursement des 12,000 fr.
Géraud Varagne mourut en 1762, laissant trois enfans
mineurs, Antoine, Marianne et Sébastien.
11 avait payé
5
la rente de oo ir. avec la plus grande
exactitude, et 011 serait hors d’état d’établir qu’il eût
laissé pour un sou de deltes. Ses enfans devaient donc
être à l'abri de l’inquiétude.
Mais le sieur Roland îegrctlait singulièrement le
domaine de Fleurac q u ' i l a v a i t vendu , disait-il, ;i trop
bas prix , el que le bon étal où l'avait mis l ’acquéreur
�( 3
}
lui faisait encore envier davanlage. La mort de cet ac
quéreur lui fournit le prétexte de se reme!tre en pos
session en expulsant ses enfans. Abandonnés de tout le
✓
monde, ils ne pouvaient l’en empêclier, et d’ailleurs ils
n'ont jamais été informés des diligences qu’il pouvait
faire; c'est seulement après sa mort et par la remise
qu ’on leur a faite de ses procédures, qu’ils ont connu
celles dont ils vont rendre compte.
L e sieur Roland fit nommer un tuteur aux deux
puînés; et comme Antoine Varagne avait déjà 16 ans,
il le fit émanciper, c’est-à-dire, on présenta sous son
nom une requête au juge de Fleurac , le 20 décembre
1 7 5 2 , pour demander son émancipation (1).
Après cela, le 16 février i y
, le sieur Roland as
signa ledit A n t o in e V a r a g n e et le tuteur de ses frère et
sœur , pour lui payer s o fr ., la seule somme à lui due
pour le terme d’une demi-année de sa rente, échue
53
5
depuis La mort de Géraud Varagne.
Une sentence par défaut, obtenue le i .er mars 1753,
adjugea ces conclusions, et condamna les mineurs à dé
clarer de suite s’ils entendaient ou non être héritiers
de leur père.
Cette sentence était sans doute bien inutile pour moliver l’usurpalion du domaine, et le sieur Roland le
sentit bien. Il chercha à persuader Antoine Varagne
( 1 ) A i n s i il n’étnit pas ma ri é a va nt la mo rt de son p e r e , et
é m a nc i p é p a r le m a r i ag e > confine le disent les Adversaires ù Ici
f in de la p ag e 1 7 de leur m é m oi re .
A 2
�qu'il n’avait pas d’intérêt à conserver un bien où il pas
serait sa jeunesse pour partager ensuite son industrie
avec deux enfans en bas Age ; un jeune homme de
dix-sept ans n’est pas bien difficile à séduire. Deux cenls
francs que le sieur Roland lui promit, achevèrent de lui
tourner la tête: il promit tout ce qu’on voulut.
En conséquence le 24 mars 1753, le sieur Roland
1 assembla cinq cultivateurs sous le titre d’une assemblée
de parens, auxquels le jeune Varagne représenta, à ce
qui y est dit, que le domaine de Fleurac lui serait plus
onéreux que profitable, que son père Favait acheté
1rop cher, n’avait pas même pu payer les droits de lods,
qu’à la vérité il avait acquitté la renie, mais que c’était
en contractant plusieurs dettes passives, et que son père
en avait conçu un v if chagrin, qu’il croyait avoir été
cause cle sa mort, que même , en m ourant, il lu i avait
conseillé de supplier le sieur lio la n d de reprendre son
domaine ; d'après quoi il voulait suivre ce conseil, et
renoncer à la succession de sondit père.
Après cet acte de piété liliale, dans lequel le souf
fleur se fait assez remarquer, il était question de pren
dre l’avis de trois parens paternels et trois maternels
qui avaient été a s s i g n é s la veille ; leur délibération 11e
doit pas être passée sous silence.
lies trois parens maternels votent pour tout ce qui
est demandé, c’est-à-dire, 1 abandon et la répudiation,
quoique l’un lut l’opposé de l’autre 3 mais le sieur
lioland ava il voulu tout prévoir.
Des trois parens paternels,, l’un ne vint pas; parce
�( 5 )
que, clit-on , il était malade ; les autres deux, indignés
de ce qui se passait , et ne voulant pas participer à
l ’expoliation de leur neveu , déclarèrent qu’ ils n'en
tendaient pas qu’ il abandonnât Le domaine , ni qu il
répudiât. Celle réponse est consignée en Fade.
Cependant le juge, considérant que les parens ma
ternels étaient en plus grand nombre, homologua la
délibéra lion desdits trois parens maternels, et homo
logua même celle du curateur qui n avait rien dit.
Comme Antoine Varagne avait bien rempli son
r ô le , le sieur Roland lui donna le lendemain, non
pas précisément la somme promise, mais un billet de
200 francs, payable dans huit ans seulement, c’està-dire , à sa majorité , afin que si alors il voulait
se pourvoir, le sieur Roland pût au moins sauver
l ’argent.
Muni de cette homologation, le sieur Roland crut
en avoir assez fait pour mettre son usurpation en évi
53
dence , et par acte du 27 avril 1 7 , il donna à ferme
à un étranger le domaine de Fleurac ; et, s’il faut en
croire les adversaires, il poussa le nimia precautio jus
qu’à fiiire signer comme témoins , le curateur et le
mineur de dix-sept ans.
'
Cependant le sieur Roland ne pouvait se dissimu
ler qu'il avait fait une mauvaise procédure, et que
les pupilles Varagne, n'étant pas même nommés dans
l’avis des trois parens , auraient 1111 jour h réclamer
contre lui des restitutions de jouissances; il s’agissait
donc de porter remède ¿1 ce danger. Depuis plus de
�(
6
)
trois ans il était en possession du domaine, et avait
trouvé lout en bon état ; mais une vieille grange
lui sembla un prétexte suffisant pour ce qu’il avait a
faire.
L e tuteur étant mort, le sieur Roland en fît nom
mer un second le 24 mars i j d , et présenta une re
quête dans laquelle il exposa que les enfans Varagne,
ayant déserté le domaine , avaient laissé le tout en
très-mauvais état ; qu'il avait été forcé de préposer
des gens pour la culture, afin d’éviter le dépérisse
ment , que Le nouveau, tuteur ne prenait non plus aucun
soin pour jouir du domaine.
En conséquence il demanda permission d’assigner
Antoine Varagne et le tuteur, savoir au provisoire
pour faire constater Yétat de la grange, procéder au
6
bail a rabais des réparations, et au fonds , pour voir
dire que la vente de 1747 serait résiliée, et q u il serait
autorisé à reprendre la propriété dudit domaine , et
aussi pour être condamnés à payer ta rente de oo f ,
jusqu'à, ce q u il sera rentré en ladite propriété.
5
Le
5
mai il obtint une sentence provisoire qui lui
permit de faire constater les réparations; et aussi pro
digue de formalités pour celte inutile précaution, qu’il
en avait été avare en s’emparant de tout, 011 compte
dix-neuf pièces de procédure, affiches ou exploits entre
sa requête, et une sentence du i .cr juin qui adjugea
le rabais h 1,246 fr.
Ces réparations, comme on le vo it, n’avaient été
nécessaires que pour 1111 seul des batimens, et il était
�(
7 )
singulier qu’après trois ans d’usurpation, le sieur Roland
s'avisât de s’en prendre aux Yaragne qui n’avaient joui
que de 1747 à 1752.
Quoiqu’il en soit, après celle sentence provisoire,
le sieur Roland en oblint une seconde le 29 septem
bre 1756^ qui, adjugeant les singulières conclusions
de sa requête * déclara La vente de 1747 résolue, lui
permit de rentrer dans la propriété, et condamna les
Yaragne au paiement des arrérages ju sq u a sa rentree.
Cependant les collecteurs, plus justes que l u i , s’obs
tinaient à ne pas vouloir changer la cote d’impositions,
malgré son bail à ferme et sa nouvelle procédure ; en
conséquence, avant de laisser terminer le répartement
de 1 7 5 7 , le sieur Roland présenta une requête 11 l’i n
tendance pour se plaindre de celle insubordination 5
et comme il avait une charge à privilèges, il demanda
une cote d’oflice, modérée suivant le produit du bien,
qui à peine s’élevait, disait-il, d’après son bail, h cinq
cent cinquante francs : aveu, qui, en matière de sur
taux, où on n’exagère pas, fait assez voir combien
peu Varagne, cultivant par ses mains, avait dû être
grévé en payant 5 00 fr.
Sans doute, Antoine Yaragne , devenu majeur, 110
voulut pas accéder aux propositions qui lui furent
faites; car le 23 décembre de la même année, le
sieur Roland le lit assigner, ainsi que le tuteur, pour
voir déclarer lc?s sentences du i . er mars 1763 çt 29
septembre 1766 rendues contre eux-mêmes , en con
séquence , e s t - i l dit, se voir condamner à payer.,
�5
(
8
)
33
i.° 2 o fr. portés parla première, et
fr. de dixième;
2.0 1,246 fr. pour le montant du bail à rabais. Le 20
février 1768 , il surprit une sentence adjudicative.
Varagne en interjeta appel.
Cet acte imprévu dut déconcerter le sieur Roland,
qui sans doute chercha à renouer raccommodement,
et à gagner du tems. Ce qui le prouve, c’est que na
turellement le plus pressé, parce qu’il était créancier
et demandeur, il se contenta de se présenter le 19
avril 1768, et garda le silence pendant trois ans.
Après cette époque, il dressa le 18 juin 1771 un
exploit de demande en péremption , et il est démontré
par écrit qu’il n’y eut pas de copie remise, ou si on
Veut que l’huissier ne la donna pas. Aussi ne fut-il
pas difficile au sieur Roland , de surprendre , le 28
août 1 7 7 2 , une sentence par défaut qui déclara l’ap
pel périmé. Mais cette péremption, comme on voit,
était pe u i m p o r t a n t e , puisque la sentence de 1768
ne portait que des condamnations pécuniaires , et
ne disait rien de la résolution, déjà prononcée en
1756.
A peine Marguerite Varagne fut-elle majeure, que
le sieur Roland , toujours inquiet sur sa procédure,
chercha à obtenir d’elle un acquiescement aux sen
tences, et par acte du 16 février 1773, il paraît qu’il
lui extorqua cet acquiescement, sans prix.
Iiü sieur Roland mourut le i juillet de la mémo
a n n e e , et toute la peine qu’il avait prise pour êiro
rie I10
3
�'(
9
)
riclie ne l'empêcha p a s , ¿1 ce que disent les adver
saires, de laisser des dettes. Il avait fait un testament
par lequel il instituait celui de ses en fa l i s qui serait
élu par un conseil de famille.
Antoine Varagne ne redoutant plus le sieur Roland
mort, avait déjà annoncé qu’il allait interjeter appel
de la’ sentence de 17 ^ 6 , s’inscrire en faux contre
l’exploit de 1771 , et réclamer les restitutions de jouis
sances de vingt-un ans, tant de son chef que comme
cédataire de Sébastien son frère, et même du chef
de Marianne sa sœur , en se faisant subroger.
Cette réclamation était si peu difficultueuse , que
le conseil de famille, composé des hommes les plus
éclairés, ne trouva rien plus expédient que de rendre
le domaine , et de tâcher d’obtenir la remise des
jouissances.
En conséquence, Antoine Varagne traita le o oc
3
tobre 1773 avec le tuteur des enfans Roland, auto^
risé du conseil de famille. Après l’exposé de ses pré
tentions , l’acte porte qu’il reprendra le domaine,
vendu en 17 4 7 , et que le prix principal delà vente ( 1)
demeure fixé comme alors à 12,000’ francs et 72 fr.
d ’étrennes. Varagne paya de suite 2,472 fr. , et le
surplus fut dit payable à termes annuels de 1,600 fr.1
et de 1,000 fr. sauf l’intérêt jusqu’au paiement. A n
moyen de quoi le tuteur remit a Varagne les pro-
( 1) Les appelans avaient dit r e n ie , pag. 8 de leur mémoire:
erreur qui influerait sur les moyens de résolution. '
B
�( 10 )
cédnres et sentences , et le subrogea à l’acte passé le
16 février précédent avec Marianne Varagne, à ses
risques et périls. Et com me le sieur Roland pouvait
avoir déjà démembré le domaine, le conseil de famille,
toujours prévoyant, fit stipuler, pour éviter les recours,
que s'il y avait des ventes au-dessous de oo francs,
Varagne n’aurait rien à demander; mais que si elles
excédaient cette somme , il répéterait le surplus du.
prix seulement.
3
En vertu de cet acte, Antoine Varagne se mit in
continent en possession de son domaine , et paya ré
gulièrement deux à-comptes au tuteur ,■dès la pre
mière quittance, on vérifia quelles ventes le sieur
Roland avaient passées, et elles se trouvèrent d’un
pré de trois journaux, et de partie d'un autre pré.
Comme les deux actes ne portaient de prix que 778 f.
Antoine Varagne, suivant sa convention, n’eut qne
478 fr. à déduire.
Bientôt le sieur Pierre-Israël Roland devint ma
jeur, et (ce qu’il ne disait pas jusqu'à ce que les V a
ragne l’aient découvert) le même conseil de famille
s’assembla le 4 décembre 1777 pour l’élire héritier
universel de son père, à la charge de payer les légi
times portées par son testament.
Ledit sieur Roland prit des arrangemens avec ses
frères et sœurs, en se mettant en possession de toute
la succession ; il s’obligea vraisemblablement à payer
leur légitime qui était assez considérable, el il avoue
aujourd lmi qu’il les représente tous à. l ’exception de
la dame Gros.
x
�( II )
En 1 7 7 7 , ü éfaîl: échu un terme de 1,000 fr. sur
le traité de 1773; et le sieur Roland, aussitôt qu'il fut
héritier, n'avait pas manqué, à ce qu’il paraît, de
prendre connaissance de cet acte. Car non-seulement
il demanda à Varagne le terme échu , mais il l’en
gagea même à avancer le terme suivant , pressé sans
doute d’acquitter les légitimes.
En effet on voit par quittance du 27 juillet 17 7 8 ,
que le sieur Pierre-Israël Roland , avocat en parle
ment, reçut d’Antoine Varagne 2,000 francs, savoir
1,000 fr. pour le terme échu h la Toussaint de 1777?
et 1,000 fr . par anticipation pour Le terme a échoir
à La Toussaint de 1788, porté au traité passé devant
Le notaire soussigné, entre son tuteur, les conseillers ci
la tutelle et ledit V^aragne.
Dira-t-on que c’était Varagne qui s’empressait d’avoir une ratification d’un majeur; mais elle n’est pas
la seule ?
Quatre ans après, et lorsque le sieur Roland eut eu
le loisir de méditer l’actif et le passif de la succession
de son père, le surplus des 12,000 fr. était é c h u , et
Varagne paya par quittance du 11 juin 1782, audit
sieur R o la n d , avocat, la somme de 4,000 francs pour
tout reste et fin a l paiement du prix de la vente et
délaissement du domaine de Fleurac ayant appartenu
au x auteurs dudit sieur R o la n d , et délaissé audit
Varagne par traité reçu par le notaire soussigné, de
laquelle dite somme de 4,000 fr. ensemble du prix
entier de Ladite vente, Ledit sieur R oland c l promis le
faire tenir quitte envers et contre tous.
�( I2 )
Antoine Varagne mourut, après avoir ainsi liquidé
sa fortune; il laissait sa veuve tutrice; et l’un de ses
fils, ayant été m arié, laissait aussi une veuve tutrice,
le sieur Roland trouvait là une bien belle occasion
pour marcher sur les traces de son père, et repren
dre ce qui 11e lui appartenait plus. La crainte de trouver
de 1*obstacle en son nom seul lui fît emprunter le
nom de ses frères et sœurs pour former sa demande,
et cacher soigneusement la qualité d’héritier universel,
dont il avait cependant usé en prenant tout le prix
de la vente.
En conséquence, par requête du
février 1788,
il fut formé demande devant le juge de Salers, en
25
nullité du traité de 1 7 7 3 , et désistement, ¿1 la requête
des sieurs Pierre-Israël R o la n d , avocat, Jean-Marie
Roland curé de Salers , G u y Roland , prêtre corrimunaliste, Louis-Israël Roland, prêtre, et ToinetteGabrielle Rol an d , contre Catherine Lape }Tre , en
qualité de tutrice des enfans d’Antoine Varagne père
son mari, Marguerite Chaumeil, aussi tutrice des en-
3
fans d’Antoine Varagne fils son mari, et Jean V a
ragne fils.
Les Varagne qui ne voulaient pas plaidera Salers,
se laissèrent condamner par défaut le 10 juin 1788,
et interjetèrent appel en la sénéchaussée d Auvergne.
La cause fut appointée au conseil, et le sieur Ro
land comprenant tissez que sou systeme d envahisse
ment n’y ferait pas fortune , v o u l u t se rendre un
peu moins défavorable. 11 reconnut qu’il avait mal
�13
(
)
à propos demandé le désistement lot al , et que Sé
bastien Varagne aurait eu droit de rentrer dans le
domaine; en conséquence il se départit de sa demande
pour un tiers. A l’égard des deux autres , il soutint
que son tuteur avait été trompé, et qu’après le traité
de février 1 7 7 3 , et les sentences de 1768 et 1 7 7 2 ,
Marianne et Antoine Varagne avaient perdu toute
propriété, de sorte que le traité de-novembre 1773
contenait une aliénation de biens de mineurs contre
laquelle ses frères et lui pouvaient réclamër pendant
trente ans.
Mais les tutrices Varagne, pour repousser ces moyens,
firent des recherches dans les études de notaires, et
trouvèrent les quittances de 1778 et 1782 , le testa
ment du sieur Roland père, et l ’élection de 1777.
Ces pièces, jointes aux circonstances de l’acte de
1773 , .étaient si décisives que la sénéchaussée d 'A u
vergne, par sentence rendue au rapport de M :r Bidon,
le
3 septembre
1790 , n’hésita pas à infirmer celle par
défaut de Salers , et à débouler les sieurs Roland do
leur demande.
A leur tour les sieurs Roland ont interjeté appel
de celle sentence au parlement de Paris; ce n’est
qu’en l’an 10 qu’ils en ont repris les poursuites de
vant la Cour.
ne reste plus qu’à rendre compte
des moyens respectifs et à répondre à ceux proposés
par les appelans dans leurs écritures et leur mémoire.
]1
�(
)
M O Y E N S .
système des appelans est, comme on le prévoit
sans peine , fondé tout entier sur l’état des choses
subsistant avant la transaction de 1 7 7 3 ; alors disentils aux Varagne , votre expropriation était légalement
consommée, vous deviez une rente foncière que vous
ne payez pas, ainsi il y avait heu à résolution ; vous
avez déguerpi les biens, et vous le pouviez, quoique
mineurs, avec le décret du juge. Ainsi rien n’était
plus légitime que les sentences de 1753 , 1756 ,'et
1768; d’ailleurs c'était chose jugée à cause de la pé
remption prononcée en 1772 contre Antoine Varagne,
et quant à Marianne elle avait tout approuvé par un
L
e
traité contre lequel il n’y avait pas lieu h retrait, dès
qu'il ne s’agissait que de résolution; ni à subrogation
légale, puisque ce traité acquérait au sieur Roland
rem sib'i necessariam.
Si donc, disent les adversaires, nous étions proprié
taires incommutables en 1 7 7 3 , notre luleur n’a pu
aliéner notre propriété sans formes et sans nécessité.
Nous nous sommes pourvus dans le tems, et les quit
tances du prix ne sont pas une approbation.
Quoique cet ordre de moyens soit une inversion de
questions, et que naturellement la première chose ¿1
examiner dût être la fin de non recevoir , cependant
les intimés suivront cette série des rno}rens présentés
parles adversaires, puisque leur but est d y répondre.
Ils examineront donc i.° si le sieur Roland avait re-
J
�5
( i )
couvré la propriété du domaine de Fleurac, lorsqu’il
s’en empara en 1753 ; 2.0 si au cas qu’il ne fut pas alors
propriétaire, il Test devenu par les sentences de 1 7 , ;
1 7 5 6 , 1768 et 1772 , et si elles étaient chose jugée
en 1773, tant contre Antoine que contre Marie V a
ragne; .° si la transaction du o octobre 1773 était
nue aliénation des biens des mineurs Roland; 4.0 si,
en ce cas, les adversaires se sont pourvus en tems utile;
53
3
5.°; enfin
3
si les quittances de 1778 et 1782 produisent
une fin de non recevoir.
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L e sieur R oland pere avait-il recouvré la propriété
du domaine de Fleurac, lorsqu’il s’en empara en 1753
L e sieur Roland avait vendu ce domaine en 1747 ;
ainsi sans difficulté Geraud Varagne en était proprié
taire ¿1 son décès en 1752.
Mais quelle était la nature de cet acte de 1747 ? car
de cet examen préalable dépend la discussion relative
aux moyens proposés de déguerpissement et de réso
lution.
Souvenons-nous qu’en 17 4 7 .le sieur Roland avait
vendu un domaine moyennant 12,000 fr. ,pourlaquelle
somme l’acquéreur avait constitué une rente de oo fr.
Ainsi d ’après les principes celle renie 11’élait paspuremem foncière ; c’était une simple renie constituée,
assise sur un immeuble avec privilège spécial.
5
�( x6 )
Par conséquent le bailleur n'avait pas retenu le do
maine direct ;dèslors c’était une aliénation pure et simple
de sa part , ce qui changeait totalement le droit qu’il
s’est arrogé de s'emparer du fonds, comme s’il 11’eût
délaissé que la propriété utile.
Cette différence à faire entre les ventes h charge do
rente constituée, ouïes baux à rente foncière, nous
est enseignée par les auteurs du nouveau Denizart au
mot arrérages : «-Unhéritage, disent-ils, peut être vendu.
« moyennant une rente de telle somme, ou bien le prix
« de l’héritage peut être fixé d’abord ¿1 telle somme,
c< et ensuite les parties convenir par le même acte que
rr la somme formera le capital d’une rente constituée
«
«
«
«
entre les mains de ¡’acquéreur. Dans le premier cas
nul doute que la rente ne soit foncière ; mais au second,
la rente renferme une véritable constitution de rente
à prix d’argent >3.
Sans doute cette opinion ne sera pas taxée d'innova-»
lion; car on la retrouve dans Loyseau en son traité du
déguerpissement. «Toutefois, dit-il, en toutes ces renies
« foncières, il y a une signalée précaution, et unere'«■marque de grande importance , c’est quesi le contrat
« est fait en forme de vente , auquel le prix soit parti« culaiisé et spécifié, pour lequel prix soit constitué
* rente à la suite du même contrat, alors, à bien en« tendre , telle rente ne doit pas être estimée foncière,
c< mais simple rente constituée, (f. 1 • ch. . n.° 14e! 17).
L e même principe est enseigné par Bas 11âge sur l’aiv
ticle
de Normandie, par Pothier au traité du con
trat
5
5^5
�( 17 )
'
trat de constitution de re n te , n.° 1 3 3 , par divers arrêts
de cassation de Tan 9 et Tan 1 1 , et par un arrêt de
la Cour de l’an i 3.
Cela posé, on ne voit plus où s’appuient les deux
moyens des adversaires, fondés sur ce que les enfans
Varagne avaient pu déguerpir le domaine, pour ne pas
payer la rente, et sur ce que, ne payant pas la rente,
la résolution était de plein droit après trois ans.
L e premier moyen ne semblait pas trop raisonnable,
parce que dans les faits ci-dessus rapportés, on ne voit
rien qui ait beaucoup d analogie avec un déguerpisse
ment. Mais les adversaires prétendent que le simple
fait d’abandon du domaine équivaut dans l’espèce à
un déguerpissement, par la raison, disent-ils, que d'a
près L o y se a u , les mineurs peuvent aussi déguerpir
pourvu qu’il intervienne décret du juge pour le leur
permettre, après un avis de parens. Or, ajoutent-ils,
cette autorisation judiciaire se trouve dans la délibé
ration des parens qui avaient autorisé les mineurs à
abandonner le domaine et même à répudier la suc
cession.
‘Erreur dans le fait et dans le droit.
Dans le fait ; car celte délibération n’autorisait pas
les mineurs, mais l’émancipé seul; et loin d’être com
plet te, on voit que les parens paternels eurent l’énergie
de s’indigner bâillement de ce qu'on méditait contre
un enfant, et que les parens maternels accédèrent seuls
à ce qui était demandé.
Dans le droit ; car ce n'est pas cette délibération
C
�( i8 )• •
qui aurait produit un déguerpissement, elle y auto
risait seulement Fémancipé, et cependant il s'en est
tenu à cette démarche, déjà même le sieur Roland
s^était emparé du domaine; et quand il sollicitait une
répudia lion, il est clair qu’il exigeait deux choses con
tradictoires , parce qu’un déguerpissement était une
adition d’hérédité.
Un déguerpissement n’est pas un acte tellement sans
conséquence qu’il puisse avoir lieu par accord verbal,
car il est une aliénation, et non midis pactis dominicu
transferuntar.
D ’abord il n’est pas très-certain qu’un tel acte soit
permis a des tuteurs, même avec le décret du juge;
la loi s’y oppose formellement ; prœdia vendi, v e l
7
i p s j s c a r e r e permitti non debet, et si permis sam s it
nulla est venditio, rmllumque decretam. (L. si æs. ff.
de reb. eor. etc.)
Cependant admettons qu’ un tuteur puisse déguerpir
avec le décret du juge; au moins faut-il, quand le
décret est intervenu ; qu’il y ait un déguerpissement
formel.
Loyseau , invoqué par les adversaires, dit
déguerpissement doit être fait en jugem ent,
qu’on ne confonde pas celle expression, il
c’est-à-dire en L'audience de ju stice, les plaids
*
«
«
«
*
que le
et pour
ajoute,
tenant-
car, continue cet auteur, le respect ,1a majesté du
lieu où la justice est exercée, la présence des magistrais, la fréquence des assislans donne a cet acle
plus d’autoriié , parce que le déguerpissement est
un acte d’importance. (Liv. .)
5
�9
( i )
Si donc il y avait eu lieu à déguerpissement, les
adversaires ne pourraient en invoquer aucun , car il
n'y en a d’aucune espèce. Mais ce n ’était pas le cas
dès que la rente n’était pas foncière. Car, cdmmë dit
Chopin sur l ’art. 109 de la coutume de Paris, « en
« rente rachetable sous un principal exprim é, n’y a
« lieu à déguerpissement, cum sit ootiàs emptor, quàm
« conductor pretii vectigalis ».
Opposera-t-on qne ces principes sont en faveur du
bailleur et non contre lui : mais dès que le déguer
pissement est une aliénation , il faut que le contrat
soit bilatéral ou synallagmatique, et jamais il ne sera
possible de penser que des mineurs sur-tout aient fait
un déguerpissement valable, sans aucun acte, même
hors jugement et par le seul fait de leur dépossession.
Quant à la résolution, faute de paiement par trois
ans, elle n'avait pas lieu en rente constituée; mais
3
ce serait devancer les adversaires que d’examiner
ici cette question, .car ils ont été forcés de recon
naître q u e , d’après leur propre syslê'me, il n’y avait
pas lieu à résolution quand leur père s’empara du
'domaine en iy’ ; parce que la sentence du r.er mars
de ladite année ne portait condamnation que d’ un
demi-terme de la rente de oo francs, échu encore
depuis la mort de Géraud Varagne.
Ainsi, sur celte première question, il est constant
que sous aucun point de vue , le sieur Roland n’é
tait propriétaire du domaine de Flenrac lorsqu’il s'en
empara, et le donna h ferme le
avril 1753.
53
5
^5
C 2
�( 20
DEUXIÈME
)
QUESTION.
L e sieur R oland est-il devenu propriétaire du do
maine de Fleurac par les sentences de 1 7 5 3 , 17^6,
1768 et 1772 ?
Ces sentences étaient-elles passées en force de chose
jugée en 1773 , tant contre Antoine V^aragne que
contre Marianne sa sœur ?
L a sentence de 1753 ne signifie rien pour la pro
priété, cela est convenu; elle n’était qu’un achemi
nement aux autres, et eût été elle-même irrégulière,
puisque le sieur Roland a dit Géraud Varagne mort
en novembre 17 52 , et que depuis cette époque jus
qu’après les trois mois et quarante jours il n ’avait pas
d’action, d'après l’ordonnance de 1667 , renouvelée
par le Code civil.
En 1756, il y eut deux sentences, mais la première
11e parle que de bail à rabais et non de propriété ;
c'est la seconde seulement, du 29 sepiembre, qui pro
nonce la résolution de l ’acte de 1747*
On ne peul pas douter que le juge n’ait été sur
pris lors de cette sentence , puisque l ’exposé de la
requête, sur laquelle elle est rendue, suppose que le
sieur Roland n’était pas encore en possession du do
maine de Fleurac. Il demandait j u s q u e s - l à les arré
rages de la renie de oo f r . ,, et cerles c’était abuser
étrangement du silence forcé des mineurs Varagne;
car s'il eût conlessé au juge, que depuis plus de trois
5
�(
)
ans il percevait les fruits du domaine, sur lequel la
dite renie était assise, le juge au lieu de lui adjuger
sa demande, l'aurait éconduit, quoique par défaut.
Cette sentence, il est vrai, quelque mauvaise qu’elle
fût, disposait de la propriété du domaine; mais elle
était susceptible d’appel pendant trente ans d’après la'
jurisprudence; et dès-lors en 1 7 7 3 , elle pouvait être
attaquée.
Ce n’est pas ainsi, à la vérité, que les adversaires le
supposent. Ils soutiennent, au contraire, qu’il y avait
chose jugée en 17 7 3, et que tout espoir de retour était
ôté contre la procédure précédente, sauf néanmoins
les droits de Sébastien Varagne qu’ils reconnaissent
entiers. A l’égard des deux autres, ils séparent Antoine
Varagne de Marianne sa sœur.
Antoine Varagne, d ire n t-ils, avait bien interjeté
appel de la sentence<de 1768; mais cet appel avait
été déclaré péri, et la péremption emportait le bien
jugé de cette sentence, et dès-lors de celle du 29
septembre 1766.
Mais les sieurs Roland confondent aujourd’hui ces
sentences, qui avaient un objet très-distinct en 1772.
L a sentence de 1768 n'avait pas pour objet de
faire déclarer les précédentes exécutoires contre les
Varagne , puisqu’elles étaient rendues contre eu x mêmes:; si le mot y fut employé ce n’était que par un
vice de style; car le but très-clair de la demande était
d’obtenir le paiement de 1,246 fr. prix apparent du
�( 2* )
bail à rabais, dont le S.rRoland n'avait pas encore obtenu
de condamnations. On voit en effet parla lecture de la
sentence de 1768, qu’elle ne porte que des condamna
tions pécuniaires, et ne dit pas un mot de la résolutiou.
La sentence de 1772 prononce la péremption de
l ’appel de celle de 1768, et est encore plus étrangère que
toutes les autres à la propriété du domaine de Fleurac;
car, quand la péremption serait irrévocable, l’effet de
la sentence de 1768 ne s’étendrait pas au -d elà des
condamnations qu’elle prononce.
A in si, quand les sentences de 1768 et 1772 auraient
passé en force de chose jugée en 17 7 3 , au moins la
sentence du 29 septembre 1706, la seule qui pronon
çât la résolution de la vente de 1747, était-elle évidem
ment susceptible d’appel en 1773.
Mais si, par impossible, la Cour pouvait considérer
dans la sentence de 1768, une résolution que celte sen
tence ne prononce pas , comme alors celle de 1772 au
rait une plus grande influence, c’est alors le cas d’exa
miner la validité de l'exploit de 1 7 7 1 , sur lequel cette
sentence a été surprise.
Il est démontré que la copie de cet exploit a été souf
flée. La lecture de l’original le prouve. Et en vain les
adversaires ont-ils ouvert une longue discussion surdes
mots écrits 011 ajoutés , on voit clairement que leur
père , ou le rédacteur de l'exploit a eu deux pensées
l ’une après l'autre, et que la deuxième a corrigé la
première ; mais ce n'est là disputer que sur le genre
d’inlidélité ; car l e s adversaires sont obligés d’avouer qu’il
�(
2 3 }
y en a une. L ’huissier au moins n’a pas porté la copie;
l'assigné, qui ne i’a pas reçue, soutient l'exploit nul, et il
l ’est sans difficulté. Si donc il n’y avait pas de demande
en péremption, il n’y avait pas de péremption; alors
l’appel était recevable en 1773. Toute la faveur eut été
pour cet appel, et toute la défaveur pour une péremp
tion extorquée par un faux évident.
Du chef deMarianne Varagne, Antoine eût été, disentils, moins reccvable encore, puisqu’elle avait tout ap
prouvé par le traité du 16 février 1773 , ainsi personne
ne pouvait réclamer pour elle.
Pourquoi donc ses frères n’auraient-ils pas eu d’action
en subrogation légale , si M ari anne avait cédé un droit
litigieux et universel ? Ce tte prétention paraît choquer
les adversaires; mais c’est qu’ils partent toujours de cet te
idée fausse, que leur père avait conservé la propriété
directe du domaine, et alors ils se croient dans l ’ex
ception de la loi exceptis cessionibus quas ¿s qui possidet pro tuiliorie sucî accipit.
Cela est très-bien quand, avec un titre légitime pour
une partie , on possède tout, et que, pour confirmer sa
possession , 011 achette rem necessariam.
Mais quand on n’a que la portion d’un cohéritier par
usurpation, il est clair qu’on ne cherche pas à y rester
pour éviter un procès; mais qu’on se prépare à en sou
tenir un contre les cohéritiers.
Suivant le système des adversaires, et en interprétant
juduïquemenl l’excepliou de la loi, rien ne serait plus
�24
(
)
facile que de l’éluder. L ’acquéreur d’un droit de copro
priété ou d’ ùn droit successif se mettrait d’avance en
possession d’uri objet, et ensuite il en serait quitte pour
dire qu’il est dans l ’exception de la loi, parce que
possidetis, pro tuitione accepct.
Pourquoi encore les frères de Marianne Varagne
Sauraient-ils pas eu une action en retrait; car s’il est
certain que le domaine de Fleurac a resté dans la famille
Varagne, il est clair que Marianne Varagne était pro
priétaire d’une portion , par la règle Le mort saisit le vif.
Mais, disent-ils, un retrait n’a lieu qu’en matière de
vente ou d’acte équipolent à vente.
L ’objection même les condamne; car dès que l’acte
de 1 747 était une vente, Marianne Varagne, propriétaire,
n ’a pu s’en départir que par unacteéquipolent à vente.
En vain oppose-t-on qu’elle a cédé son droit par une
transaction. Une transaction n’est qu’ un acte indéfini
qui admet toutes les espèces de conventions, et qui
dèslors retient elle-même le nom le plus analogue à
son objet principal. Ainsi quand , par l’effet d’une
transaction, l’immeuble d’un contractant passe h un
autre, l ’acte est toujours une vente, puisqu’il en a les
caractères; car la qualité des actes ne doit pas se juger
par les noms qu’on leur donne, mais parleur substance.
Si Marianne Varagne n’avait eu que ju s ad rem> il
est possible que la transaction ne lïit pas considérée
comme une vente, dès qu’elle n’aurait cédé qu’une
simple prétention litigieuse ; mais il est clair qu'elle
avait ju s iti rcy et qu’étaul propriétaire au décès de
son
�25
(
)
son père, aucun acle ne lui avait ôté celle propriété.
Son abandon était donc une vente pure et simple.
Or, sans se jeter dans un long examen sur les cas
où le retrait était admissible, les adversaires ne nie
ront pas qu’en vente d’immeubles il ne fût admissible
au profit d'un frère.
Ils ne nieront pas encore qu’il n’eût été même ad
missible quand Marianne n’aurait abandonné que j u s
ad rem; car il est de principe enseigné par Polluer
d’après Dumoulin, Duplessis et autres auteurs, que la
vente d'un droit réputé pour héritage suffit pour
donner ouverture au retrait.
L e même auteur dit plus clairement à la page pré
cédente, que la créance qu’on a pour se faire livrer
un héritage, est sujette à r e t r a i t si elle est cédée: et
cette doctrine n’est qu’une conséquence du principe
que actio ) qtiœ tendit ad aliquid immobile ; est im
mobiles .
Dans la circonstance sur-tout, et après la conduite
du sieur Roland père , lorsqu’il venait d’y mettre la
de rnière main en ôlanl le patrimoine d’une jeune fille
sous prétexte des dangers d'un procès, il n’est pas
de tribunal qui eût refusé d'admettre un retrait qu’au
rait exercé Antoine ou Sébastien Varagne ; parce que
c’était la voie la plus légitime pour tout rétablir en
son premier état, et qu’il ne s’agissait que d’arrêter
une usurpation.
Mais, objectent encore les adversaires, qu’aurait pu
fane Antoine Varagnep tant pour lui que pour sa,
D
�( 26 )
sœur, quand il aurait pu exercer les droits de l ’un
et de l'autre, et interjeter appel de la sentence de
1*756? cet appel aurait été non recevable au fonds,
parce qu’une résolution prononcée est inattaquable.
Sans doute, une résolution Légale est inattaquable,
et il était inutile de rappeler tout ce que dit sur cette
question M.r Chabrol : car ce n’est pas le principe que
contesteront les V a ra g n e , mais bien l’application, qui
est véritablement choquante sous toutes les faces.
D ’abord M.r Chabrol parle des rentes foncières , et
ici il ne s’agit que de rente constituée.
Il aurait fallu cinq ans d’arrérages dans ce dernier
cas; il eût fallu trois ans, si c’eût été une rente fon
cière. Or , ici il n’y avait que six mois d’arrérages.
Pour que la résolution soit légale , il faut que la
sentence, qui condamne au paiement, porte un délai,
sinon la demeure peut toujours être purgée. L a sen
tence de 1 7
56
n ’en portait aucun.
Ce n’dst qu’après la sentence et le délai que le
bailleur peut se mettre en possession; ici, le vendeur
usurpait depuis trois ans. L e motif de résolution em
ployé par le sieur Holand était même mal-honnete:
loin d’y parler d’un abandon inutile fait par des pu
pilles chassés du domaine, il prenait pour prétexte le
défaut de paiement des arrérages. Il trompait donc
la justice, car il demandait ces arrérages, et cepen
dant il jouissait : il avait ôté par son propre fait aux
mineurs Varague toute possibilité de les payer.
�(
’
r
«
-1
TROISIÈME
L a transaction du
i
3o
)
*
—•
/.
QUESTION.
octobre 1773 éta it-elle une
aliénation des biens des mineurs R oland ?
r
•
,
r
citations des adversaires, pour,montrer qu’on
ne peut vendre sans formalités le bien des mineurs,
ne sont pas plus applicables, que n’est fondé le re
L
es
proche fait à la sénéchaussée d’Auvergne de les avoir
méconnues.
. .1
Il est très-vrai que le tuteur ne peut de gré h gré
et sans nécessité vendre les immeubles de ses mineurs.
Mais ici, c e 'qué cédait le tuteur 11’était pas un im
meuble de ses mineursj et il y avait nécessité.
Ce n’était pas un im m e u b l e des mineurs Roland,
puisque leur père l’avait vendu ; que l’acte de 1747
n’étant pas un bail à rente, il s’était départi, de la
propriété ,utile et directë , puisqu’eùfin il n’ÿ avait
eu ni pu y avoir de résolution valable.
;
Il y avait nécessité, puisque les parties allaient enIrer en procès, et que ce procès ne pouvait pas être
d’une solution difficile.
• -f
Ccir des mineurs dont un seul avait trente-cinq ans,
se plaignant d’un mode d ’usurpation qui eût crié ven
geance, n'avaient pas à craindre une résistance bien
sérieuse.
Quand le faux de l’exploit de 1771 n’eût pas fait
tomber la péreinplion, elle ne sc fûl ra p p o rte qu’à
la sentence de 1768, et le pis-aller eût été de payer
D 2
�( 28} ,..
mal à propos 1,246 fr., si les héritiers Roland avaient
établi avoir employé celle somme. Mais de sa part,
Antoine Varagne aurait eu à répéter les jouissances
de vingt-un ans à dire d’experts.
O r , les adversaires ont prétendu que le domaine
valait o,ooo fr. • et en né fixant les fruits qu’à 1,000 fr.
par an, ils eussent été débiteurs de 21,000 fr.
A la vérité il eût fallu déduire moitié pour la
rente de oo fr. plus les 283 fr. de la sentence de
1 7 5 3 , et si on veut les 1,246 francs; mais, comme
on v o i t , les mineurs Roland auraient toujours été re
liquat aires de 9,000 fr.
3
5
Ils avaient doncplus d’intérêt à traiter que Varagne,
puisqu’ils obtenaient le sacrifice de cette somme, au
lieu de faire'eux-mêmes celui des réparations, comme
ils essayent de le persuader. .
Leur tuteur avait sans difficulté le droit de transiger,
puisqu’il né s’agissait que de terminer un procès. En
vain dirait-011 que ce procès n'était pas commencé 5
car il est de principe que transactco f i t de Lite rnotâ,
aut movendâ.
L ’exposé de la transaction prouve les difficultés qui
allaient naître : au lieu d’assigner et de plaider, on
transigea. .
Si quelque chose devait ajouter à la faveur due à
un acte aussi respectable qu’une transaction, ce serait
de connaître les personnes qui composaient le conseil
do famille, et qui en ont été les auteurs. Car que
Maigne, tuteur, fui ou non un chapelier el un homme
�(
2
9
3
peu intelligent, l’acte n’était pas purement de son fait,
il était le résultat des réflexions d’une famille distin
guée, ¿1 laquelle les adversaires devaient plutôt d e là
reconnaissance que des reproches ; reproches d'ailleurs
d’autant plus aisés à multiplier, que les intimés n’ont
aucun intérêt d'en vérifier la sincérité.
QUATRIÈME
QUESTION.
Les appeians se sont-ils pourvus en tenis utile contre
La transaction ¿/e 1773?
O u i, disent-ils, par deux motifs ; le premier c’est
qu’elle n’a été passée que par notre tuteur; le second
c’est que vous avez retenu les pièces, et que le délai
pour nous pourvoir ne court que de leur remise.
La réponse ¿1 ce premier motif pourrait être ren
voyée h la question suivante, parce qu’au moins les
quittances de 1778 et 1782 ne sont pas du fait du
tuteur; mais pour suivre exactement les moyens des
adversaires, il suffit quanta présent de leur rappeler
ces quittances.
Il est aisé de voir le but de la distinction à faire entre
les actes des mineurs, et ceux de leur tuteur.
Souvent il serait injuste de les déclarer non recevables
après 10 ans, à l’égard de ces derniers actes, parce que
peut-être ils en auraient ignoré l’existence; et la pres
cription n’est qu'une peine imposée par la loi ¿1 celui
qui néglige d’agir.
Mais toutes les fois qu il est certain que le mineur a
�( 30 )
connu l'acte , toutes les lois sur-tout rqu'il l’a adôplé ,
c ’est alors que le fait du tuteur étant le sien, le mi
neur a à s’imputer de ne pas se pourvoir.
- Or, par cela seul que le sieur Israël Roland, hériiier deTson père, a connu et adopté en 1778 l ’acte de
1 7 7 3 , et sans examiner reflet de son approbation, il
a dû se pourvoir.
Comme, dès 1778, il connaissait la date de ce traité
de 1773, il devait savoir qu'à supposer qu’il eût droit
de l’attaquer, il ne le pouvait que jusqu’en 1783, parce
qu’il se l ’était approprié; cependant il n’a formé de
mande qu'en 1788.
Alors non-seulement il y avait plus de dix ans de*
puis le traité de 1773, mais le sieur Israël Roland avait
plus de trente-cinq ans.
L e deuxième moyen des adversaires sur cette ques
tion annonce l'embarras d’en proposer de meilleurs;
C a r , contre^quel acte devaient-ils se po u rv o ir ?
Est-ce contre la transaction? Est-ce contre les pièces
y visées ?
Sans doute ce n’est pas contre les sentences y énon*
cées, puisqu'ilsenexcipent. C ’est donccontrela transac
tion; mais ils n'articulent pas sans doute que Varagne
l'ait retenue.
A vec un système comme celui qu’ils hasardent, il
faudrait dire que tout traité d’après lequel on aura
remis des pièces à une partie (ce qui arrive tous les
jours) sera attaquable à perpét uité; et, comme dit Du^
moulin pour les choses précaires, eUa-niper mille antios,
�(
3 1 7
D ’abord les adversaires pouvaient très-bien voir dans
la transaction , que leur père avait vendu un domaine,
et l’avait ôté ensuite à des mineurs par abus de leur
faiblesse, mais que ces mineurs l'avaient repris ; c'était
là tout le secret des pièces remises à Varagne.
Or, comme la transaction n’était pas retenue, si
les adversaires voulaient se pourvoir, rien ne les en
empêchait; et alors, comme aujourd’hui, ils auraient
redemandé toutes ces pièces., qu’on ne leur cache pas.
Outre la faiblesse de ce moyen, il n’a de prétexte
que la mauvaise foi; car les adversaires ont prétendu
que les sentences de novembre 1756 et de 1772 n’é
taient pas énoncées dans le traité, de 1773, de même
que le traité du 16 février, pour leur en- cacher l’exis
tence. Cette allégation leur a même paru si impor
tante qu'ils y ont employé les pages 7 , 8 , 49, 5o, 53
et 54 de leur mémoire.
L ’omission supposée de la sentence de novembre
1756 n'est qu'une misérable équivoque. La sentence
de novembre 1756 était au moins visée et énoncée
dans celle de 1768 , puisque les adversaires préten
dent que celle dernière renouvelait en entier celle
de 1756.
En second lieu , on voit à la fin des dires de V a
ragne au traité, que parmi ses moyens contre la pro
cédure il disait qu’il était recevable à lenir les encragemens de son père
que l a
sentence
dans
La c i r c o n s t a n c e s u r - t o u t
qui or d o nn e
la
Ré s o l u t i o n
jde
�3
( a )
LA v e n t e n’enlève cette faculté qu’après o ans, etc.
Or , où est donc cet le sentence, si ce n’est celle
du 29 novembre i y
?
^
3
56
On n’a donc pas caché aux mineurs qu’il existait
une sentence prononçant une résolution.
Quant à la sentence de 1772 , l’équivoque est en
core plus sensible ; on nous a c a ch é , disent les adver
saires, qu’il y eût une sentence prononçant la péremp
tion (pag. 8 et 9).
Mais , en parlant de la sentence.de 1768 , on ajoute
que Varagne s3était rendu appelant, mais que la sen
tence avait passé en force de chose jugée comme n ayant
pas fa it diligence sur son appel pendant trois ans con
sécutifs.
N ’est-ce donc pas se faire des moyens de tout que
de ne pas voir là le synonime d’une péremption ; et
que les expressions ci-dessus expliquaient môme mieux
le droit des mineurs: dès-lors on ne voulail pas écarter
ce qui leur aurait donné trop de lumières.
Enfin à l’égard du traité avec Marianne Varagne,
comment les adversaires ont-ils encore osé dire qu’on
le leur avait caché.
L a transaction porte que le sieur R o la n d , par acte
!»
(
#
reçu V alette, notaire, Le 16 février dernier, contrôlé
le 2 , a réglé avec Marianne Varagne, sœur dudit
jinloine.
Plus loin, Antoine dit qu’à l’égard de Facto passé
avec
5
1
�33
(
)
Marianne Varagne, il était dans le cas de demander
La subrogation.
L ’acte est donc énoncé, visé et daté. L e règlement
avec la sœur ne*peut supposer qu’une cession de sa
part, puisque le frère veut s’y faire subroger.
Ainsi les adversaires sont obligés d’en imposer à la
Cour pour se rendre favorables, et il est de la plus
grande évidence que rien ne s’opposait à ce qu’ils ré
clamassent dans les dix ans contre le traité-de 1 7 7 3 ,
s’ils cro}raient y être recevables, ce qui va être enfin
examiné.
C I N Q TJIEJVEE
QUESTION.
L es quittances de 1778 et 1782 produisent-eLLes une
J in de non recevoir contre La demande?
P
ie r r e -Isra el
R
oland
venait d’être élu héritier
universel de son père en 1777 ^lorsqu’il reçut le prix de
la vente de 1747, en vertu de la transaction de 1773.
Si l’ouverture de la succession 11’était pas en droit
écrit, au moins le domaine de F le uracy était-il situé5
Israël Roland était donc seul maître du procès y re
latif. D ’ailleurs , en coutume comme en droit écrit,
les légataires sont les maîtres d’accepter le legs porté
parle testament; or, le sieur Roland ne s’est pas mis
en peine d’établir que ses frères et sœurs aient répudié
leur legs pour réclamer leur légitime, quoiqu’on lui
ait fait souvent cette interpellation.
•Antoine Vuragnc ne pouvait donc s’adresser qu’à
E
�3
( 4 )
lui seul pour p a y e r , et la Cour a bien remarqué que
le sieur Israël Roland agissait aussi comme seul héritier
puisqu’il reçut la première fois tout le terme échu, et
la seconde fois la totalité aussi des quatre termes restans.
Mais , dit le sieur Roland, forcé par la conséquence
de son propre f a i t , l'approbation d’un acte nul ne le
valide pas, parce que qui cotifirmat nihil dat d’après
Dumoulin , en second lieu je serais relevé comme
mineur initio inspecte, puisque^ l’acte étant commencé
pendant ma minorité; ce que j ’ai fait en majorité n'en
est qu’ une suite.
La première objection n?est fondée que sur des prin
cipes absolument inapplicables. L e passage de Dumou
lin ne s'applique qu’aux actes radicalement nuls, et
lion à ceux simplement sujets à restitution.
Or, ce serait pour la première fois qu’on soutien
drait que la transaction faite par un tuteur, m ê m e a v e c
aliénation, fût nulle d'une nullité radicale, et ne fût
pas susceptible d’une simple ratification de la part du
mineur devenu majeur.
Au lieu de citer la loi si sine decreto qui ne peut
s’appliquer que par argument à contrario, les adver
saires eussent dû voir la loi 10 au if. de rebus eoru/n
qui sub lu tela sunt sone decreto non aUenandts , dont
la disposition expresse décide î:i difficulté dans les plus
fort.s termes. Car après avoir prohibé les ventes’du bien
des pupilles, (ailes sans décret du juge, cette loi dit
que si néanmoins le tuteur en a employé le prix dans.
�(
3 5 }
son com pte,et que le mineur l’ait reçu en majorité, il
ne peut plus revendiquer l ’héritage vendu. Prœdio pupiU illicite venundato , œstimatione solutâi vindicatio
prœdii ex œquitate inkibctur. A quoi la glose ajoute non
tam aspere tractanclum est ju s prokibitœ alienationis
prœdiorum pupilariorum , ut et solutâ œstimatione ci
tu tore in eniptorem pupilus summo jure experiatur.
• A plus forte raison quand le mineur reçoit directe
ment le prix du débiteur lui-même , e t , comme le dit
le profond Voétius sur la même loi , ’le paiement, même
la demande, même encore la simple approbation du
prix après la majorité empêchent la réclamation. Si
sine decreto alienata ponerentur tninoris bona , tune
¿mm subsecuta post majorennitatem impletarri solutio,
çeL exa ctio, vel petitio , veL acceptatio œstim ationis,
necessariam tacitœ ratihabiùonis inducit conjecturant.
Userait difficile de rien ajouter à des autorités aussi
claires, et c’est d’ailleurs un principe universellement
reconnu que l’on approuve une vente quand on en
reçoit le prix.
D ’après cela il est inutile de peser les expressions
employées dans les quittances de 1778 et 1782, puis
qu’il ne s’agissait pas de confirmer un acte radicale
ment nul. D ’ailleurs, en lisant les quittances, on ne
peut pas douter que le sieur Roland ne connût la
transaction aussi bien que Varagne, puisqu’il savait le
«montant de chaque terme, leur échéance, et ce qui
restait à payer. Il Scivait que c était pour le domaine
•d,e Fleurac, et il savait encore que ce domaine prove-
�36
(
)
nait de ses auteurs. Son consentement à recevoir le
prix d’un domaine transmis par ses auteurs à Varagne
aurait donc valu seul une vente nouvelle, car on y
trouve res, consensus et pretium. Ajoutons que c’était
un avocat qui traitait avec un cultivateur.
L e second moyen des adversaires est tiré du para
graphe scio qui , comme le dit Lebrun , a fait errer
plus de jurisconsultes que la mer n’a égaré de pilotes.
Mais cette loi a aujourd’hui un sens bien déterminé,
et n'égare que ceux qui veulent lutter contre la ju
risprudence.
L e mineur, qui a imprudemment accepté une suc
cession à la veille de sa majorité,, ne renonce pas tou
jours aussitôt qu’il est majeur; et comme chaque jour en
ce cas il continue de faire acte d’héritier , la loi examine
si ces actes ne sont qu'une suite de ce qu’il a com
mencé en minorité , et alors elle l ’en relève.
La difficulté de distinguer la nature de ces actes
donne lieu à tous les majeurs, qui se trouvent dans
ce cas, de prétendre que ce qu’ils ont fait est une
suite de la première immixtion. Maison examine tou
jours si le mineur était obligé de faire l’acte nouveau,
ou s’il pouvait s'en empêcher.
« Car, si le mineur, dit Lebrun, pouvait
» de mettre la dernière main à l’afíaire ;
« après favoir achevée en m a j o r i t é , il ne
(f cire relevé. »
Les adversaires s’emparent d’une partie
s'exempter
en ce cas,
pourra pas
de ce pas-
�. (
37
)
sage, et disent aussitôt que la transaction était com
plète pendant leur minorité, et que Lebrun à été mal
appliqué.
: ;
Mais un peu plus loin ils eussent trouvé que L e
brun lai-même enseigne que le cas seul où le nouvel
acle ne produit pas une fin de non recevoir, est seu
lement quand ce nouvel acle a une conséquence né
cessaire avec ce qui s’est fait en minorité , et préci
sément Lebrun prend pour exemple quand L’affaire
ayant été a c c o m p l i e en minorité
jorité par quelque nouvel acte.
se
confirme en ma
Remarquons que pour employer ce m o y e n , les
adversaires s’approprieni la transaction de 1773, comme
étant de leur fait par le moyen de leur tuteur, el c’est
de leur part une inconséquence qui marque assez leur
embarras.
D ’ailleurs, en quelque'position qu’ils se placent, ils
ne peuvent invoquer Yinitio inspecto, puisque les quit
tances ne sont certes pas une suite nécessaire d’un acte
qu'ils disent nul, et sur-tout d’un acte qui n’était pas
de leur propre fait.
JSec silentio prœtermittendum, dit encore Voetius sur
le même titre (tu digeste, alietiatiqnes illas, quce i n i t i o
inspecto
nullœ erant, tanquam .contra senatusconsultum factce, subindè est post/ado confirmari posse
prœsertlm si minor j a m major fa ctu s alienationem
ratam lia buer it , sive expresse s i p ^e t a c i t e .
La question de Yinitio' inspecto s’est présentée de
�(
38
)
vant la Cour dans une espèce biçn plus favorable pour
le réclamant. Un mineur ayant fait acte d'héritier
était poursuivi pour une rente ; à peine majeur ( de
21 ans seulement) le créancier lui fit faire une rati
fication. II se pourvut presqu'aussilôt après, et fit va
loir son ignorance absolue des forces de la succession,
ayant eu un tuteur encore comptable, et il exposa que
l ’adition d’hérédité emportait nécessairement le devoir
de payer les rentes; mais par arrêt du 4 floréal an 10,
la Cour proscrivit sa prétention, attendu que sa rati
fication n’était pas une suite nécessaire de l’aditioft
d’hérédité.
Les adversaires ne se dissimulent pas la faiblesse de
leurs moyens contre la fin de non recevoir , et en
désespoir de cause ils observent que la dame Gros ne
peut en être victime, n’ayant pas donné ces quit tances,
D é j à les V ara gne ont répondu à ce m o y e n par le
défi d’établir qu’aucun des puînés Roland ait répudié
le legs du .testament de leur père pour demander leur
légitime. Une autre réponse va se trouver dans un
arrêt de la Cour de cassation.
En 1791 , Marie Eordenave fille aînée, avait été
instituée héritière par le testament de sa mère.
Elle vendit un domaine en minorité en 179 3, en
Vertu d’autorisation; et après des oilres réelles, elle
reçut partie du prix en majorité.
Elle demanda la nullité en l’an 4 > e l ses sœurs so
�9
‘( 3 >)
.
joignirent à elle. L e tribunal de 'Pau avait adjugé la
demande; mais, sur l’appel, celui des Hautes-Pyrénées
avait déclaré Marie Bordenave non recevable'à cause
de sa quittance, et ses sœurs aussi non recevablesparce
qu’elles pouvaient réclamer leurs droits sur1 lei' Autres
biens.
*
.r
:
Ai *’
Sur le pourvoi des trois sœursj la Cour de cassation
a rejeté la demande par arrêt du 4 thermidor an 9,
par ce' seul motif qui embrasse tout : « Attendu que
« Marie Bordenave , héritière( universelle , a ratifié la« dite vente par la quittance qu’elléla donnée en ma" jorité, de la portion qui restait à payer à l’époque à
, « laquelle elle est devenue majeure.«
Il
semble que ce motif soit fait exprès pour la cause ;
la fin de non recevoir des deux adversaires y est écrite,
sans qu’il soit besoin d’y changer un seul mot.
Les fins de non recevoir sont souvent odieuses parce
qu’elles tendent h priver une partie d’user de son droit.
Mais ici, il est difficile d’en proposer une plus favorable ;
car elle n’a pas pour but de priver le sieur Roland de
ses moyens au fonds, mais bien de l’empêcher lui-même
.d^opposer d’autres lins de non recevoir plus odieuses.
Ce 11 est pas que tous ses arrière-moyens fussent très
¿1 craindre, parce que son père , trop pressé d’usurper
n ’a rien fait de bon; mais il est toujours agréable de
vaincre un adversaire avec ses propres armes, et de
neutraliser une injuste attaque. A u reste le’moyen pria-
�4
( ° )
cipal de la cause n’est pas une simple fin de non re
cevoir et n’en a que le nom. Car le procès a été éteint
par une transaction ; le sieur Roland en l'adoptant a
voulu aussi éteindre le procès, et a véritablement fait
une transaction nouvelle, contre laquelle il ne doit pas
être admis à se pourvoir.
M .r T I O L I E R , Rapporteur.
M .e D E L A P C H I E R , Avocat.
M .e T A R D I F , Licencié-Avoué.
A
RIOM,
P e rimprimerie du Palais , chez J. - C. S
a l l e s
#
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Varagne, Antoine. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tiolier
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
abus de tutelle
conseils de famille
fraudes
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Antoine Varagne, et autres ; intimés ; contre Pierre-Israël Roland, Toinette-Gabrielle Roland, et le sieur Gros son mari, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1747-Circa An 13
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0409
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0741
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MÉMOIRE
C o u r ro yale.
E N
till
_ _
_______
_______
R E P O N S E
2« CHAMBRE.
POUR
L e s s i e u r s J e a n - G i lb e r t e t N ic o la s - F é l i x D U M A Y
et
le
s ie u r
C H A M B O R D O N , su b ro g é tu te u r
d u m i n e u r P R U N E Y R E tous intimes;
°
CONTRE
,
L es sie u rs C R O M A R IA S et R O U G I E R anciens A v o u é s,
d e m eu ran t à R l o m . a p p e l a n t s ,
•: ■!
H!
E u présence de M B O N N E F O Y , A vou é à Is s o ire , a u s s i i n tim e .
L es sieurs Crom arías et R o u g ie r, cessionnaires du prix de cer
taines aliénations consenties p a r le sieur P ru n e y re , sont intervenus
dans un ordre ouvert sur le prix des biens de ce dernier;
Ils ont demandé la nullité de différents titres de créance des
frères D u m a y, notamment d’un acte du 29 mai 1 844 p a r lequel
ceux-ci ont é té subrogés à l'hypothèque légale du mineur P runeyre.
Ils ont cru voir dans ces actes le résultat d’un concert frau duleu x,
organisé entre les sieurs D um ay et les sieurs P runeyre et Chamb o rd o n , leurs beaux-frères. Ils ont indiqué e n c o re , comme prem ier
artisan de cette prétendue fraude , Me Bonnefoy, avoué à Issoire ,
�qui avail etc chargé par e u x de purger l'hypothèque légale du
mineur P runeyre , et q u i , depuis, a occupé pour les sieurs Dumay.
Cette demande a été accompagnée des imputations les plus mal
veillantes, mais, hûtons-nous de le d ire, les plus hasardées, soit
contre les frères D u m a y , soit contre le sieur Bonnefoy.
Attaqué devant le tribunal ou il exerce ses fonctions , le sieur
Bonnefoy ne pouvait laisser sans réponse les insinuations dirigées
contre sa délicatesse; il deyait aller au-devant des réserves dont ou
semblait le m e n a ce r, et il est intervenu dans l’instance en son nom
personnel.
Cependant, au jour fixé pour la plaidoirie, les sieurs Cromarias
et Rougier se sont bornés à prendre des conclusions; ils n'ont pas
été défendus, et le tribunal d’Issoire a adjugé les conclusions des
intimés. L e jugement dont est appel ne porte donc pas avec lui le
préjugé qui s’attache ordinairement à la décision d’une première
juridiction, puisque la cause n’a pas été discutée devant les premiers
juges. Mais les conclusions signifiées par les intimés, la communi
cation de leurs titres, auraient dû rectifier bien des erreurs de fait
et d’appréciation, commises par les adversaires dans l’exposé de leur
demande.
Devant la c o u r , on n'en a tenu aucun compte; les sieurs C r o
marias et Rougier ont fait imprimer, sous le titre d ’ Observations ,
un mémoire dans lequel les faits sont exposés d’une manière incom
plète et souvent inexacte.
j
On n’y reconnaît pas le véritable caractère des actes «soumis à
l’appréciation de la cour ; on y dénature les intentions des inti
m és; on in vo q u e , presque à chaque p a g e , la parenté qui existe
entr’eux et le sieur Bonnefoy, e t, pour constater une fraude qui
n’est nulle p ari, 011 va jusqu’à la calomnie, espérant, comme don
Basile , qu’il en restera quelque chose.
Les sieurs Dumay et Chambordon , connus jusqu’à ce jour sous
des rapports honorables, doivent aux magistrats et au public l’e x
plication de leur conduite; ils se doivent à eux-mèmes de réfuter
�-
3 -
les imputations odieuses , à l’aide desquelles on a essayé de les
ilélrir.
Après avoir exposé fidèlement les faits d e là cause, ils espèrent
démontrer deux choses : d’a b o rd , qu’il n’a existé ni concert frau
duleux, ni fraude , à l’occasion des actes attaqués; et qu’il ne peut
être question que d’exam iner, si les intimés se sont mépris sur la
véritable étendue de leurs droits ;
E t en second lieu , que leslactes attaqués, et notamment celui qui
a subrogé le sieur Félix Dumay à l'hypothèque légale du mineur
P ru n e y re , sont des actes valables, et doivent être maintenus.
!
FAITS.
ül
v
L e sieur P run eyre contracta mariage avec la demoiselle Thérèse
D u m a y , le 5 i mars 1825.
Les père et mère de la future lui constituèrent, en avancement
d’hoirie, un trousseau en valeur de 5 ,000 f r ., livré lors de la c é
lébration du mariage , et une somme de 20,000 fr . , exigible à la
volonté du futur.
Différents dons ou institutions d’héritier furent faits en faveur
du futur par la dame P u e l , sa m è r e , la dame M a lb e t, sa tante, et
le sieur Louis P runeyre , son aïeul.
L a dame D u m a y , épouse Pruneyre , décéda trois ans après son
m a riag e , laissant un seul enfant , mineur , sous la tutelle de sou
père. M. Jean-Baptiste Dumay , aïeul du mineur , fut nommé son
subrogé-tuteur.
Le sieur Pruneyre n’avait pas encore touché la dot de son épouse ;
mais peu d’années après il eut une occasion d’en faire emploi dans
son intérêt personnel.
11 acheta de M. de Séguin, une propriété située à Saint-GermainL em bron , connue sous le nom d’E n c lo s -d e -la -F o r ê t, moyennant
80,000 f r ., dont 20,000 fr, furent payés comptant, e lle s 60,000fr.
%€f
�%SS
- 4 -
restant, stipulés payables en cinq termes de 12,000 fr.lch a cu n ,
d’année en année.
L e sieur Pruneyre n’ayant pas les 20,000 fr. qu’il devait payer
immédiatement, réclama de M. D u m a y , son b e a u -p è re, la dot
promise à son, épouse, qui lui fut payée en argent ou en valeurs né
gociables ; il en donna quittance à M. Dumay le 20 octobre 1827,
par un acte sous seing-privé, soumis plus tard à l’enregistremerit ; et
les valeurs provenues de M. D um ay furent remises ou négociées
à M. de S ég u in , qui consentit la vente de l’E nclos-de-la-F orêt, le
a 3 du même mois.
1
Voilà donc , quand et comment a été payée cette dot que les
sieurs Croinarias et Rougier ont prétendu n’avoir jamais été reçue
par le sieur P r u n e y re ; cette somme de 20,000 fr. appartenait au
mineur P runeyre , et son père n’avait pu la toucher que comme
tuteur; d e là ^hypothèque légale du m ineur, dont il sera souvent
question dans le procès.
L e sieur P runeyre avait été obligé de contracter des emprunts
considérables, pour finir de payer le prix de son acquisition à
¡NI. de Séguin.
Notamment, le 17 février i 8 3 8 , il avait emprunté à M. Paul Roudelle, une somme de 2 5 ,000 fr. alors restée due à M. de Séguin ,
qu i, en la recevant, avait subrogé ce bailleur de fonds à scs p rivi
lèges et hypothèques, jusqu’à concurrence de la somme par lui
prêtée.
Cependant le sieur P r u n e y re , sur la fin de 184* j e t ,dans les
premiers mois de 1842, avait vendu, en détail, différents immeu
bles situés à Auzat-sur-Allicr. 11 avait accordé des termes éloignés
pour le payement des prix de ces diverses aliénations.
La dernière do ces ventes est du î q juillet 18 4 2 , et il parait que
dès cette é p o q u e , ou m ê m e auparavant, le sieur P runeyre avait
arrêté le projet d’une cession de ces prix de vente, aux sieurs C r o
inarias et R ougier , qui font assez volontiers des spéculations de
cette nature. Mais pour éviter un v o ya g e des deux associés, de
�Rioin à Saint-Germ ain-Lembron , le sieur R ouglcr fut chargé seul
de conclure cette affaire , et le sieur C-roniarias lui donna une p r o
curation datée, du 20 juillet i8/j2, qui l’autorisait à acquérir pour
lui et en<son nom, ou de compte ci-demi, diverses créances mon
tant à la somme de 17,8 11 fr., dues à M. Joseph Pruneyre par
plusieurs personnes , etc., dont il connaît les échéances ; p ro cu
ration qui l’autorisait à a cq u érir, à tel p r ix qu’ il aviserait , ci
p a yer comptant ,-ou à prendre des délais , etc.
En ellet, le 11 août 1842 , et par acte reçu V ern iè re , notaire à
Saint-Germain , P runeyre fit cession aux sieurs Rougier et C ro niarias d’une somme de 1 7 ,8 1 1 fr. à lui due pour divers prix de
ventes dont il est inutile de donner le détail ; ensemble des intérêts
desdites sommes, depuis qu’ils avaient pris cours jusqu’au payement
intégral;
L e sieur Rougier accepta la cession , tant pour lui que pour le
sieur CrOmarias.
./ J ç ..
11 est dit dans l’a c t c , que la cession est faite moyennant pareille
somme de 1 7,8 11 francs que ledit sieur Pruneyre déclare avoir
reçue de M. Rougier , ès-dite qualité , et dont il lui donne quit
tance..
\Y‘\ -uvi'süï
I/acte constate e niin , que le sieur P runeyre a remis au sieur
Rougier les grosses exécutoires des actes de vente dont le prix
faisait l’objet de la cession. ■
;
Ainsi d o n c , le sieur Cromarias donne pouvoir de p a yer comp
ta n t ; le sieur Rougier paye comptant le prix de la cession ; peu
importe qu’ils aient ou non réellement payé la somme entière de
1 7 ,8 11 francs;(peu importe le bénéfice que devait leur procurer
cette opération.
,n
Ce qu’il importe de retenir, c ’est qu’ils payaient comptant, quoique
les immeubles dont le* prix leur était cédé , fussent grevés de l’h y
pothèque légale du mineur P runeyre , de l’hypolhèque légale de la
dame Sadourny , seconde épouse du vendeur , et qu’ils ne pussent
pas l'ignorer. Llsl-cc par imprudence qu’ils agissaient ainsi? L ’on
�verra bientôt le contraire. D ’ailleurs , comment supposer une p a
reille imprudence de la part de deux anciens avoués ; aussi rompus
aux affaires que soigneux de leurs intérêts ?(Il faut donc le recon
naître , si les sieurs Cromarias et Rougier avaient payé com ptant,
c ’est parce que la position sociale du sieur P r u n e y r e , sa fortune ,
au moins apparente, le crédit dont il jouissait, leur avait inspire
comme à tous ceux qui le connaissaient, la plus solide confiance;
c ’est parce qu’ils étaient sans inquiétude sur sa solvabilité; et cepen
dant on les verra, plus la r d , prétendre que les frères Dum ay ne
devaient pas avoir la même confiance , et qu’ils devaient nécessai
rement connaître la situation fâcheuse de leur beau-frère
Q uoi qu’il en s o it , les sieurs Cromarias et R ougier voulaient
faire p urger les hypothèques légales qui grevaient les immeubles
aliénés par le sieur Pruneyre , et notamment celle de son enfant
mineur du premier lit.
'•»
■
C ’est en parlant de cette purge que les sieurs Cromariaset Rougier,
dans leurs observations, commencent à dénaturer les faits, à substi
tuer le mensonge à la vérité.
Ils disent d’abord , page 5 , que le prix de la cession du i1 août
18 4 2 , quoique quittancé dans l’a cte , ne devait être p a yép a r euæ
qu'après la purge de l’hypothèque légale du mineur. Comment
croire à cette allégation imaginée p our le besoin de la ca u se ,
si formellement démentie par les énonciations de l’acte authentique?
Ils disent ensuite :
« Le sieur P r u n e y r e , qu i était seul porteur des actes de vente,
sechargea de faire opérer cette p u r g e . . . L es pièces fu r e n t remises
à M* Bonnefoy , parent de la famille D u m a y , et avoué à Issoire. »
Les sieurs Dumay n’ont aucune connaissance personnelle de cette
partie des faits; mais il est évident pour eux , il le sera bientôt pour
la C o u r, que Pruneyre n'était pas chargé de faire opérer la p u rge ,
et que ce n’est pas lui qui en a donne la mission à M* Bonnefoy.
Il existe divers motifs pour le démontrer.
En g é n é ra l, le vend eu r, déjà payé du prix de la vente, n’a aucun
�intérêt à faire purger les hypothèques existantes sur l’immeuble vendu.
L e sieur Pruneyre nîétait pas se u l porteur des actes; la cession
constate qu’il en avait fait la remise au sieur Rougier.
i
L e sieur R o u g ie r , nanti des actes , était seul intéressé à p urger;
ce n’est pas le sieur P runeyre qui a fait choix de M e Bonnefoy ;
depuis long-temps , il avait pour avoué M* V ach er , et si la purge
eût été à sa charge , c ’est à Me V acher qu’il eut remis les pièces.
Lejsieur R o u g ie r , au contraire, avait alors de fréquentes rela
yons d’aflairesiavécM * Bonnefoy. C ’est lui qui chargea M e B o n
nefoy de faire cette p u rg e , et lui remit les actes. Une lettre du g août
18^2, écrite, de Riom, par le sieur R ougier à Ma Bonnefoy, ne laisse
aucun doute sur ce point."
M e Bonnefoy fit opérer la p u r g e , et suivant lui , c ’est d ’après
l’indication du sieur R o u g i e r , qu’il fit notifier l’acte de dépôt des
contrats de vente au .'sieur'Auguste D u m a y , receveur des hos
pices, oncle du mineur Pruneyre ,1 qui par erreur fut considéré
par le sieur R ougier
com m e subrogé-tuteur.
Celte notification était donc irrégulière en ce qu’elle était faite
au sieur Dum ay qui n’était pas subrogé-tuteur de son neveu ; elle
l’était encore, en ce que la damé D u m a y , première épouse du sieur
Pruneyre, n’y est pas indiquée sous son véritable prénom de T h crèze D u m a y , mais sous celüi de 'Joséphine.
Cependant les sieurs Cromarias et Rougier continuent ainsi : « le
sieur Dum ay n’avait pas cette qualité ; il garda cependant un
silence absolu sur Ferreur. I l avait ses projets , sans doute ; car
il était depuis ■
835 , caution avec son frère , et pour une somme
considérable , du sieur Pruneyre dont les affaires embarrassées
leur étaient nécessairem ent connues . »
t 1
La notification destinée au subrogé-tuteur n’avait pas été faite du
domicile du sieur D u m a y , mais bien au bureau des hospices dont il
était receveur , et en parlant à son em ployé ; le sieur Dum ay dé
clare que cette copie ne lui a jamais été remise, et voilà la cause na
turelle de son silence... Il est' cependant probable que s’il eût eu
�XI0
- 8-
connaissance de cette purge , elle iie>l’aurait nullement inquiété ni
pour les intérêts du mineur , ni pour les suites du cautionnement
qu’il avait donné personnellement au sieur Pruneyre; parce qu’alors,
comme les sieurs Crotnarias et R o u g ie r , il avaiu une confiance
entière dans la solvabilité de celui-ci , tandis qu’au contraire, s’il
eût eu connaissance des embarras et de la situationifâcheuse des
affaires du sieur Pruneyre, il aurait pris des mesures pour échapper
aux suites possibles de ce cautionnement ; il aurait dû faire plus ; et
quoique n’étant pas le subrogé-tuteur ; il aurait dû prendre une ins
cription pour conserver l’hypothèque légale du mineur j il y'/était
autorisé, comme p a r e n t , par l’art. 2 i 3 g du code civil, lir:-
r
i
L e sieur Dum ay n’avait donc pas ses p r o j e t s . . 11 ne pouvait en
avoir aucun. Ni lu i, ni son frère n’étaient e n c o r e les créanciers du
sieur P runeyre ; ils ne pouvaient avoiriaucun intérêt à ce que la
purge de l’hypothèque légale du mineur fût ou non faite régulière
ment. Pas d’intérêt, pas de fraude possible. Comment donc a-t-on pu
dire et imprimer que , dans un but d’intérêt personnel, et par suite
d’un concert frauduleux, l’un d’eux ci laissé croire aux acquéreurs du
sieur P runeyre qu’il était le subrogé-tuteur de son neveu , que tous
les deux ont vouluprofiter ensuite d’une erreur qu i est en quelque
sorte leur ouvrage ?
!-
: ;u
- ■
“.> i
ni'
Il faut donc le retenir ; puisque cctle.;nullitéide purge légale
est la base de tout système de fraude imaginé parles sieurs Cromarias
et Rougier , les frères Dum ay ont été complètement étrangers à
tout ce qui s’est passé à cet égard ; M. Bonnefoy n’a a g i, ni dû agir
pour eux qui n’avaient aucun intérêt ; il n’a point agi non plus pour
le sieur Pruneyre. Il n’a été l’instrumentique du sieur R ougier ; et
si la purge légale est nulle , le sieur Rougier ne peut l’imputer qu’à
lui-même.
;il
Nous devons maintenant ,' faire connaître les faits qui ont donné
naissance aux divers titres de créance des frères Dum ay contre le
sieur Pruneyre.
,j.
Ce dernier, grûccs ù une fortune apparente assez considérable, et
�à son second mariage avec mademoiselle S a d o u r n y , avait eu lo n g
temps un crédit très étendu ; il n’existait sur ses biens , aucune ins
cription ; et ces diverses circonstances lui avaient permis de faire de
nombreux emprunts , par lettres de change ou billets à ordre , dont
le plus grand nombre souscrit à la maison Comitis et Marche , qui
elle-même les avait donnés comme doublure , et par voie d’endos
sement, à ses bailleurs de fonds.
En avril i 843 * la maison Comitis tomba en état i de faillite ; les
nombreux créanciers de cette maison luttèrent de diligence pour la
conservation de leurs droits ; ceux qui étaient porteurs de la signature
du sieur P ru n e y re , d’abord rassurés individuellement, lorsqu’ils se
connurent tous , se trouvèrent si nombreux , que cette signature
devint presque sans valeur. L e sieur P runeyre était en état de décon
fiture; il devait plus de 25 o ,ooo fr.
'
;i, •
On conçoit qu’en présence d’un tel désastre , tous les créanciers ,
si cruellement désabusés sur.une solvabilité qui jusque-là n’avait été
douteuse pour p ersonne, durent prendre leurs mesures pour o b
tenir des titres authentiques, .d’ une manière amiable, ou par la voie
judiciaire, afin d’avoir des h ypothèques; et aucun d’eux n’y a
manqué.
.
Parmi les créanciers figurait la maison D u c h é -D u m a y -B o y e r , de
lliom , pour une somme de 14,000 francs, montant de trois lettres
de change souscrites depuis plusieurs années.
Quant aux frères D u m a y, ils n’étaient pas personnellement créan
ciers du sieur P runeyre ; mais ilsl’avaient cautionné , par voie d’aval,
pour une somme de 20,000 francs, montant de deux, lettres de
change par lui souscrites à M. Félix Ilouganne, le 20 novembre
i 8 5 5 ; ils avaient donc à courir la chance de p ayer le sieur Rouganne, sans obtenir un recours utile contre le sieur Pruneyre, prin_
cipal débiteur. 11 était de leur intérêt de prévenir un pareil résultat.
Ils payèrent donc la somme due au sieur R o u g a n n c , et deman
dèrent aimablement au s i e u r P r u n e y r e , ce qu’ils auraient obtenu de
la justice, sur une simple assignation : un litre hypothécaire.
�D ’un autre côté, le sieur Félix D um ay, qui avait fait prêter par la
maison dont il est l’associé, une somme de 14,000 francs au sieur
P r u n e y r e , voulait aussi un titre pour la somme qui était due à celte
maison ; mais par m alh eur, il ne lui était tombé suus la main que
deux des effets du sieur P runeyre , s’élevant à 10,000 francs; et
dans la persuasion qu’il n’étaitpas dù autre chose à la maison Duché,
il ne réclama de titre que pour les io',ooo francs. 11 avait oublié un
effet de 4 iOOO francs, dont le montant est absolument perdu pour
la maison D uché-D um ay-Boyer.
C ’est donc pour les 20,000 francs payés à II. R o u g a n u e , et pour
les 10,000 francs faisant partie de la somme due à la maison Duché,
que le 8 mai 1843 , le sieur Pruneyre souscrivit aux frères Dumay
une obligation de la somme de 3 o ,ooo francs, et cela, bien entendu,
sauf au sieur Félix Dumay à faire compte à sa maison de banque de
la somme de 10,000 francs.
,
A in s i, quoique l ’acte constate que l’obligation est causée pour
prêt fait des avant ce jo u r et hors la v u e des notaires , il ne faut
pas en conclure avec les sieurs Cromarias et Rougier, qu'il n’ était
rien dû a u x sieurs Dum ay , et qu’il s’agit d’un titre frauduleux ,
simulé entre le débiteur et ses deux beaux-frères, pour diminuer le
gage des créanciers légitimes.
r;>'
L e sieur Pruneyre avait donné une hypothèque sur scs immeubles
situés dans la commune d’Auzat, vendus depuis 1842 ( et q u i , par
conséquent, ne pouvaient plus êire hypothéqués par lui) et sur ses
immeubles de St.-Gcrmain-Lcmbron. Les frères Dumay prirent une
inscriptiou.
Quant aux autres créanciers du sieur P r u n e y re , ils avaient agi
judiciairement; trente-cinq jugements avaient été rendus à leur pro
lit par les tribunaux de commerce d’Issoire cl de C le r m o n t, qui
tous condamnaient le sieur Pruneyre au payement des effets qu’il
avait souscrits ; qui tous prononçaient contre lui la contrainte par
corps.
Il ne restait de disponible au sieur Pruneyre que la propriété de
�la Forêt, qu’il avait acquise de M. de Séguin ; la saisie immobilière
on fut faite en février 1844 > à l‘n requête du sieur P a p o n , l’un des
créanciers inscrits.
‘
f|' . ^
Les sieurs Dumay doivent ici déclarer hautemeut, que pour par
venir au recouvrement de leur créance, ils ont voulu faireUout ce
qui était permis par la l o i , tout ce qu’aurait eu le droit de faire lui—
même tel autre créancier du sieur P runeyre; et s’ils n’ont fait
qu’exercer un droit légitime , leur qualité de parents du sieur Pru
neyre et du sieur Cham bordon, ne saurait donner à leurs actes un
caractère de fraude qu’ils n’ont jamais eu.
L e sieur F élix Dumay a voulu exercer le droit qui appartient à
tout créancier de payer le créancier qui lui est préférable, à raison
de ses privilèges et h yp othèqu es, afin de se faire subroger aux
droits de ce créancier. Droit incontestable, puisé dans les lois r o
maines, connu dans notre ancienne législation sous le nom de droit
d ’ o ffr ir , et formellement reconnu par l’art. 125 i du code civil ;
droit qui peut être exercé contre tout créancier indistinctement,
majeur ou m ineur, capable ou incapable; droit enfin, pour l’exe r
cice duquel la loi n’a exigé aucune forme sacramentelle.
On a dit plus haut que le sieur Paul Roudelle avait été subrogé
aux droits de M. de Séguin sur la propriété de la F o r ê t , jusqu’à
concurrence d’ une somme de 2 5 ,ooo fr. Cette somme n’avait pas
été remboursée au sieur Roudelle ; et ce d e r n ie r , ne voulant pas
subir les lenteurs d’une saisie immobilière e t'd ’un o rd re , annonça
l’intention d’exercer son privilège de vendeur, et de demander lu
résolution de la vente consentie par le sieur Séguin à P ru n e y re , le
a 5 octobre 1827. Cette mesure eût été très préjudiciable à la masse
des créanciers.
Pour en prévenir les conséquences, le sieur Félix Dum ay fit des
offres amiables au sieur R oudelle, de lui payer sa créance avec
subrogation; sur le refus du s i e u r Roudelle, il lui fit faire des offres
réelles par le ministère d’huissier, e l l e 19 avril 1844 » le sieur
Roudelle lui donna quittance de la somme de 2G,4o5 fr. 5 o c ., qui
�lui était alors d u e , 'en principal, intérêts et frais, et le subrogea à
ses privilèges et hypothèques.
L e sieur Félix Dumay n’avait fait qu’exercer à l’égard du sieur
R o u d c lle , ce droit incontestable accordé par l’art. I 2 5 i du code
civil. Il crut qu’il était de son intérêt d’exercer le même droit à
l’égard du mineur P r u n e y re , et deise faire subroger à son h y p o
thèque légale. P o u r cela , il n’avait pas à s’inquiéter ni des droits
des autres créanciers du sieur P ru n e y re , ni de ceux des acquéreurs
des biens d’Auzut et des cessionnaires Cromarias et Rougier, ni de la
question de savoir si ces droits avaient été plus ou moins c o m p r o
mis par la négligence des tiers intéressés; il n’avait qu’une seule
chose à fa ir e , offrir réellement et payer la créance du m in e u r, et
en obtenir à l’amiable ou en justice, une quittance portant subro
gation.
Dans un état de choses ordinaire et n o rm a l, ces offres auraient
dû être faites au tuteur du mineur Pruneyre. L e sieur Dum ay
pensa q u e , vu les circonstances, il était plus prudent, et plus con
forme aux intérêts du mineur, de faire ces offres au subrogé-tuteur.
On en fera bientôt connaître les motifs.
Mais le mineur Pruneyre n’avait pas de subrogé-tuteur. L e sieur
Dum ay père , son aïeul m aternel, qui avait eu cette qualité , était
décédé en 1829 , et n’avait pas été remplacé. Aucune circonstance
impérieuse n’avait nécessité ce remplacement.
L e s choses ayant changé, il était urgent de nommer un subrogétuteur. Celte nomination , les frères D u m a y, et tous autres créan
ciers du sieur Pruneyre auraient pu la provoquer dans leur intérêt
personnel; mais avant tout, elle était commandée p a r le s intérêts
du mineur.
C e n’est pas les sieurs Dumay qui ont fu it procéder à cette no
mination; c ’est le sieur P r u n e y r e , c’est le luteur lui-même qui a
fait convoquer le conseil de fam ille, et si les deux frères Dumay y
ont figuré, c ’est comme plus proches parents maternels du mineur ,
désignés par la loi pour en faire partie.
�~
X>?
,3 _
Du reste, cette nomination d’un subrogé-tuteur était indispen
sable; l’article 420 du code civil exige qu'il y en ait un dans toute
tutelle.
t . >(!
Mais il y avait de graves motifs pour se presser.
1 ..!)■
‘
f v
L e sieur P r u n e y re , ruiné, exproprié de son dernier immeuble ,
courant le risque d ’ètre appréhendé au c o r p s , n’ayant plus rien à
sa disposition, ne pouvait plus subvenir aux charges de la tutelle ,
ni fournir aux besoins du mineur, à son entretien, à sa nourriture ,
à son éducation. L e sieur P runeyre était dans le cas d’ètre destitué
de la tutelle. Mais pourquoi cette humiliation inutile?
D ’une autre p a r t , il y avait évidemment opposition entre les inté
rêts du mineur Pruneyre et ceux de son tuteur. L ’expropriation du
sieur Pruneyre allait donner lieu à un ordre entre ses créanciers; il
fallait exercer à cet o rd re , dans l’intérêt du mineur, les droits r é
sultant du contrat de mariage de sa mère ; il n’était pas convenable
que le sieur P r u n e y r e , débiteur et partie-saisie, vînt en qualité de
tuteur, demander à cet ordre , et sur lui-m èm e, la collocation de
la créance de.son fils; il était encore moins prudent de laisser passer
entre scs mains le montant de la collocation. Il fallait enfin prendre
des mesures, pour qu’à l’avenir les revenus du mineur fussent e m
ployés à ses besoins et à son éducation.
Dans la délibération du 22 mai 1844 ; Pnr laquelle le sieur Cliambordon fut nommé subrogé-tuteur, on ne pouvait énoncer tous ces
motifs peu favorables au tuteur, mais le sieur Pruneyre y expose
nu conseil de famille, qu’il a des intérêts opposés à ceux de son fils à
exercer immédiatement, et qu’il y a lieu de procéder à la nomina
tion d'un subrogé-tuteur, leq u el devra être autorisé à exercer les
actions immobilières du m ineur, soit dans la recherche des biens
et droits de sa m è r e , soit pour tous actes d’administration ou
autres , dans lesquels il se trouverait lui-même empêché.
Après cet exposé, le conseil do famille nonune subrogé-tuteur le
sficur C h am b o rd o n , oncle par alliance du m iucur, qui accepte le
onctions et prête serment.
�T e l est cet acte nécessite par les intérêts du mineur
ont été l’ objet.
qui seuls en
i'
Laissons les sieurs Cromarias et Rougier chercher les moyens de
prouver à la Cour, q u e, comme ils le prétendent, cet acte est frau
duleux, et continuons le récit des faits.
Le conseil de famille du mineur Pruneyre avait du v o ir dans la
nomination du subrogé-tuteur, la substitution de ce dernier, comme
administrateur de laifortune du m ineur, à un tuteur qui ne pouvait
plus administrer. Dans son exposé au conseil de famille , le sieur
P runeyre l’avait compris, l’avait ainsi voulu lui-m êm e; après avoir
pourvu à la surveillance des droits et des intérêts de son fils, le sieur
Pruneyre , sans domicile comme sans profession , devait quitter
l’ Auvergne pour se soustraire à des menaces de contrainte par corps.
Il ne tarda pointa seifixer à Paris.
. ¡,
Mais le subrogé-tuteur n’avait à sa disposition aucune ressource
appartenant au mineur; ce jeune homme , depuis plusieurs années,
avait été placé par son père à Montpellier , dans la maison d’un mé
decin, chargé de soigner sa santé et de pourvoir aux frais de son en
tretien, de sa nourriture et de son éducation . les frais de sa pension
dépassaient 2000 francs par année.
Pour y p o u r v o ir , il fallait attendre les ressources lointaines qui
devaient provenir au mineur de sa collocation sur le prix des biens
de son p è r e , et subir les lenteurs ordinaires d’un ordre qui pouvait
se compliquer d’incidents ; le procès actuel en est la preuve.
D ’un autre côté, le sieur Félix Duinay avait le droit et la volonté
de payer le mineur Pruneyre , pour se faire subroger à son h y p o
thèque légale.
Pour y parvenir, il devait payer la créance du mineur P runeyre,
en l ’acquit du sieur Pruneyre qui en était le seul débiteur? Devaitil, pouvait-il convenablement l'offrir et la payer au sieur Pruneyre
considéré comme tuteur, ayant seul capacité pour administrer et pour
recevoir les capitaux mobiliers du mineur? 11 en pensa différemment;
il trouva plus p ru d en t, pour son intérêt personnel et pour celui du
�xyy.
-< i5 —
mineur, de s’adresser au subrogé-tuteur , sauf à prendre des garan
ties pour assurer au mineur la conservation de sa c r é a n ce , afin qu’il
pût la recevoir intacte au moment de sa majorité ; afin que les r e
venus du mineur pussent être annuellement perçus et employés à
ses besoins jusqu’à cette époque.
1
.
¡m n
Dans cette pensée, le sieur Félix Dumay s’adressa au sieur Cham
bordon, pour obtenir à l’amiable, de lui, une subrogation qu’il aurait
pu obtenir de la justice, après des offres,,réelles et sur assignation.
En conséquence , et le 29 mai 1844 > ^ ful
entre le sieur
Ghambordon agissant comme subrogé-tuteur , et le sieur D um ay,
un acte dans lequel :on l’appelle des faits incontestables , l’état de
déconfiture du sieur P runeyre , la position fâcheuse du mineur,
l’embarras o u , pour mieux d ir e , l’impossibilité du subrogé-tuteur
de faire les avances nécessaires à ses besoins et à son éducation , et
l’on ajoute :
. j.:
i° Q ue le sieur Dum ay , voulant aider le sieurn Chambordon,
dans les m oyens de faciliter les dépenses nécessaires à l’éducation et
aux besoins de leur neveu co m m u n , tout en assurant au mineur
la perception du capital de sa créance, à l’époque de sa majorité,
a présentement p ayé comptant , pour et en l’acquit de M. P r u
neyre père , son beau-frère, au sieur Ch am bordon, ce acceptant eu
qualité de subrogé-tuteur du mineur Pruneyre, la somme de 25 ,000
fr. e t, de laquelle somme ledit sieur Chambordon donne quittance
au sieur Dumay payant de ses deniers personnels, pour ledit sieur
Pruneyre père ;
ül
...
20 Q ue le sieur Chambordon , en la qualité qu’il a g i t , subroge le
sieur Dumay dans les droits, privilège etihypothèque légale du mi
neur Pruneyre contre led it sieur Pruneyre père , jusqua co n cu r
rence de ladite somme de 23,000 fr.;
5 " Q u e cette somme de 20,000 fr. sera immédiatement versée à
la caisse des consignations , par ¡VI. C h am bo rdo n , en qualité de su
brogé-tuteur , pour y rester jusqu’à l’époque de la majorité du
mineur , et avec déclaration que cette somme est la propriété du
�% r*
_
,6 -
m ineur, et que les intérêts annuels de ladite somme seront touchés
par ledit sieur C h am b o rd o n , pour les employer aux besoins ¡du
mineur jusqu’à sa majorité;
>J:- :ü
j.
iq
4® Enfin , que M. Chambordon se charge de faire compte au
mineur Pruneyre de la différence d’intérêts qui existe entre le taux
de la caisse des consignations, et le taux légal en matière du prêt.
E t en effet, le lendemain même de cet acte, le sieur Cham bordon
versa la somme de 25 ,ooo fr. à la recette générale de C le n n o n t ,
avec toutes les déclarations nécessaires pour en garantir la propriété
au mineur/'
r
•
■
' •'
>11
]N'ous devions faire connaître les clauses de cet acte que l’on
cherche à dénaturer , en le qualifiant de cession illégale des droits
du mineur P ru n e y re ’j par un subrogé-tuteur qui n’avait point capa
cité pour la faire. On y verra que les intérêts du mineur ont été
soigneusement conservés; que cet acte lui a procuré des ressources
immédiates ; qu’il ne s’agit pas d’une cession, mais d’un payement
accepté; que cet acte n’est entouré'd’aucune circonstance qui puisse
ressembler à la’fraude; ét'qu’en droit, il reste seulement à examiner
si le payement a été régulièrement fait, si la subrogation qui en a
été la suite est valable.
1(1
n , ¡n
Cependant la saisie-immobilière de l’enclos [de la F orêt avait cté
poursuivie à la requête du sieur Papou , par le ministère de M®
Bonnefoy, son avoué. L ’adjudication définitive était fixée au 6 juin
1844 > et trcs Peu d c temps avant cette époque le sieur Papon était
décédé. Il existait donc une saisie immobilière , sans créancier
poursuivant. Il importait d’éviter les lenteurs d’une nouvelle p r o
cédure , les frais de nouvelles appositions d’afiiehes, et le siéur Félix
Dtimay , conformément à la l o i , et le jour même fixé pour l’adju
dication, se subrogea à la poursuite com m encéc'par le sieur Papon ;
il ne crut pas devoir charger un autre avoué d’une procédure qui
louchait à sa fin, qui avait etc faite par i\I. Bonnefoy sous sa respon
sabilité, dont toutes les pièces étaient en son pouvoir; c’est pour cette
cause toute naturelle, que plus tard , lorsque les sieurs Cromarias
�c l Rougier.ont attaqué de fraude tous les titres de créance des frères
D u m a y , ceux-ci'ont chargé ¡VIe Bonnefoy du soin de leur défense;
comment donc les adversaires peuvent-ils voir un nouvel élément
de fraude dans cette circonstance insignifiante , en rappelant à chaque
ligne la parenté de M" Bonnefoy et des sieurs D u m ay? Q u a n ta
M* Bonnefoy y si violemment attaqué dans sa delicatesse , dans<sa
probité d’ofiiciér.iministcriel, par ses anciens clients, pouvait-il
avoir quelque motif sérieux ou même de simple convenance pour
ne pas accepter la confiance des frères Dumay ?
jXous ne pouvons terminer le récit des faits de cette cause sans
dire un meit d’une dernière circonstance que les sieurs Cromarias
et Rougier ont voulu rattacher au procès, quoiqu’elle soit fort indif
férente.
V r,n;3Î.:
. "¡•.S'
ils disent , p a g p 'io ,'que le payement fait au sieur Chambordon,
n’était pas utile au mineur, puisque les 23 ,o o o fr. versés n’ont
jamais servi à ses dépensesiquoique ce fût le prétexte donné dans la
quittance; et ils ajoutent, que ce prétexte était d’autant plus faux,
que le 26 janvier 1845, le conseil de fam ille, où assistèrent, soit le
sieur Chambordon, soit le sieur Félix D u m a y , autorisèrent le tuteur
à emprunter 1 , 3oo fr. pourifairc face aux dépenses de l’éducation
du mineur.
I
>oq
La circonstance de cet emprunt peut s’expliquer facilement ; la
somme de 25»ooo fi\ était un capital auquel le subrogé-tuteur ni le
tuteur lui-même ne devaient pas toucher; l’acte du 29 mai 1844-»
et la quiltance du versement, indiquaient même que celte somme
devait resterjù la/caisse des dépôts et consignations jusquà la ma
jorité du mineur Pruneyre. Les intérêts seuls de celle somme de
vaient être touchés par le subrogé-luieur, pour faire face aux besoins
et à l’éducation du mineur ; o r , celte somme 11’avait été versée que
le 5o mai 1844- > losjinlérêts ne pouvaient être exigés d e l à caisse
que le Zo mai 184 5 , cItI’oxi¡n’élail encore qu’au mois de janvier. Il
n’y avait aucune ressource présente applicable aux besoins du mi
neur. Voilà la t'ause de ce projet d’e m p r u n l, car il n’a point été
3
�H W °-
-
,8 -
réalisé. L e sieur Félix Dumay fit Fayanco de <ln pension de son
neveu ; il a fait depuis beaucoup d’autres avances dans l'intérêt de ce
dernier. ; > .ri ¡1
n — >vi)i.
-I unob juuuiiu«
Du reste ,1le sieur Félix Dumay n’ayant comparu que par un man
dataire à cette assemblée de famille, n’a pu y faire connaîti’e le paie
ment qu’il avait effectué au sieur Cliambordon, le 2g mai 1 844 î cl
quanti au sieur Chambordon , c ’est par erreur que: l’on a dit qu’ il y
était présent. Il ne faisait point partie du conseil de famille, ij u 1.
.jqoooi» <hr
Il nous reste peu de faits à rapporter. 'iir¡ifn«o
L ’adjudication de l’enclos de Laforêt avait'eu lieu l e 6 juin: 184 4 »
et un ordre avait été ou ve rt, sur le prix , aii* tribunal d’issoire:
Les frères Dumay y avaient produit pour demander la colloca
tion de l’obligation de 5 o , o o o , du 8 mai 1 8 /f5 ; le sieur Félix Dumay
avaitiaussi demandé la collocation de la somme par|lui pavée au
sieur Rondelle.
j . i:
;un
Il est vrai qu’il n’a point demandé à être colloqué en vertu de l’hypolhcque légale du mineur Pruneyre, pour la sommé de 23,000 fr.
à laquelle il avait été subrogé; agir ainsi eût été diamétralement
contraire à ses intérêts ; le sieur Dumay ne pouvait espérer la collo
cation de sa créance de 5 o,ooo f r ., qu’autant que l'effet de l’h yp o
thèque légale du mineur ne s’exercerait pas sur les biens dont le
prix était en distribution.
)■
"‘j i.
jiíó
Il est encore vrai que dans la même pensée, et sans s’occuper des
intérêts des tiers, mais dans le but de recouvrer unoicréance légi
time , qu’il était peu disposé à perdre , quoique beau-frère de son
débiteur, il a dégrevé l’enclos de Laforêt de l’inscription prise en
vertu de cette hypothèque légale, pour la faire peser uniquement
sur les autres biens du sieur P runeyre/¡ü: ■
»
Les choses étaient dans cet état, lorsque les sieurs! Rougier et
Crom arías, assistés de quelques-uns des acquéreurs des immeul.les
d’Auzat-sur-Allicr , sont intervenus dans l’instance d’ordre * par une
requête du 14 lllf|rs i8/(5 , suivie d’ordonnance et d’assignation aux
frères Duinny , au sieur Chambordon et au sieur P runeyre; aprè>
�— >9 —
avoir présente les f;iils dans le sens passionné de leur intérêt, en les
accompagnant d’allégations plus ou moins mensongères , ils ont de
mandé la nullité des différents actes qui constituent la créance des
frères D u m a y , comme faits en fraude de leur droit; cette fraude
aurait été concertée entre les quatre beaux-frères, assistés de M e Bon
nefoy , dès l’acteide notification fait par les soins de cet avoué , pour
p u rge r I’hypothcquo;légale du mineur P r u n e y re ; elle aurait été
consommée par la quittance du ag mai 1844, qu’ils qualifient de
cession illégale dqs.droits d é m in e u r P runeyre.
t u '.
Ils ont pareillement assigné l'adjudicataire de la propriété de la
Forêt et le premier créancier inscrit en assistance de cause.
r
L e 27 juin , 1,845 * les frères Dumay ont fait signifier des conclu
sions contenant, leurs ¡moyens de défense; ils ont demandé le rejet
de loutes¡les demandes formées par les sieurs Cromarías ot R o u g ier,1
et! la suppression de la -requête
du
14 mars
i 8 4 5 , comme
calomnieuse.¿ovin'' ib
■: ■ilitou
M. Bonnefoy est intervenu dans l’instance , et a pris des conclu
sions personnelles contre les sieurs Cromarias et Rougier.
C ’esL dans cet état ,•■que le 3 décembre i 8 4 5 , jour fixé pour la
plaidoirie, les adversaires firent prendre, p a r le u r a v o u é , des
conclusions contenant le développement de leur demande, et qu’a-*
près avoir entendu les plaidoiries des avocats des intimés et de
M. Boiinefoy , ainsi que le ministère public , le tribunal a rendu un
jugement qui déclare les sieurs Cromarias et Rougier purement et
simplement non recevables dans leurs demandes , et les en déboule ;
ordonne, en outre , la suppression de la requête du 14 mais 1 8 4 5 ,
en ce qui concerne les frères Dumay ; statue ensuite sur l’intervention
et la demande de M. Bonnefoy, et condamne les sieurs Cromarias
et Rougier aux dépens envers toutes les parties.
L ’appel de ce jugement fait r e v iv re , à la vé rité , toutes les ques
tions qui avaient été'soumiscs aux premiers juges ; mais les obser
vations que 11011s avons déjà faites nous permettront de nous expliquer
rapidement sur les imputations de fraude dirigées contre les frères
�D u m a y , et de consacrer principalement cette réponse à l’examen des
questions de droit posées par les adversaires.
D IS C U S S IO N .
'"
L ’exposé qui précède doit avoir démontré la certitude de plu
sieurs points qui doivent rester désormais liors de contestation ,
savoir :
i:
Q ue les frères Dumay n’étaient point créanciers du sieur P r u
n e y r e , lorsque les appelants ont fait p u r g e r , en 1842, l’hypothèque
légale du mineur Pruneyre ;
Q u e , n’ayant aucun intérêt à empêcher la purge de celte h y p o
thèque lé g a le , ils n’ont pu directement ni indirectement influer sur
la régularité de la procédure faite à cel égard par les appelants;
Q u e le sieur Auguste D u m a y , n’ayant pas reçu la copie de la
notification à lui faite sous une fausse qualité de subrogé-tuteur, n’a
pas même à se faire le reproche de 11’avoir pas prévenu les sieurs
Cromarias et Rougier de leur e rreu r;
Q ue le mineur Pruneyre était réellement créancier de son père ,
d’une somme de 23,000 francs; que celte somme avait servi aux
besoins personnels du sieur P runeyre , et que ce dernier avait fait
connaître l’hypothèque légale de son fils, soit aux appelants, lors
des ventes qu'il leur a consenties, soit aux frères D u m a y , lors de
l’obligation du 8 mai 184 5 ;
,i‘
Que cette obligation du 8 mai 1845 est sincère , et que les frères
Dumay étaient créanciers sérieux et légitimes du sieur Pruneyre ;
Que la nomination d’un subrogé-tuteur au mineur P runeyre était
devenue indispensable; qu’elle 11’cst pas l’œ uvre des frères D u m a y,
mais bien du tuteur lui-même , qu i, devant le conseil de famille , a
déterminé très-expressément la cause cl l’objet de celle nomination,
ainsi que les attributions ou les pouvoirs qu’il étail urgent de conférer
an subrogé-tuteur.
11 est donc inutile d’examiner, de discuter des questions de fraude
�qui ne sc présentent réellement pas dans la cause; qui ne sont décélées par aucun in d ice , par aucune présomption sérieuse ; et nous
devons aborder immédiatement les véritables questions du procès ,
qui consistent à rechercher i° si l’acte fait le 2g mai 1844 > entre le
sieur Chambordon et le sieur Félix Dumay , est un acte valable; si
le sieur Charbordon , comme subrogé-tuteur, a eu capacité pour
recevoir et quittancer la créance du mineur; s i, par suite , le sieur
Félix Dumay se trouve valablement subroge à l’hypothèque légale
du mineur ;
<
20 Quels sont les droits que cette subrogation à l’hypothèque
légale du mineur Pruneyre , a dû conférer au sieur Félix Dumay ?
,1»
;T
PREM IÈRE Q U E STIO N .
Sans contredit, le but et l’intérêt des sieurs Cromarias et Rougier
était bien d’affranchir les immeubles dont le prix leur a été cédé , de
l’hypothèque légale du mineur P runeyre; ils avaient payé comptant
le prix de la cession à eux faite, soit parce que c ’était un plus sûr
moyen de réaliser un gros bénéfice, traitant avec un vendeur qui
avait besoin d’a r g e n t, et qui en avait fait une condition de la cession ;
soit parce que la solvabilité apparente de ce vendeur les avait com
plètement rassurés; ils avaient purgé l’hypothcque légale du mineur,
avec la certitude que son tuteur ne ferait pas inscrire cette h y p o
thèque légale , quoique l’art. 2 «56 du Code civil lui en fit un devoir
impérieux. Ils agissaient donc en cela d’accord avec le sieur P ru
neyre , et en pleine connaissance de cause, d’une manière évidem
ment nuisible au mineur, puisqu’ils voulaient le priver des effets de
celte hypothèque sur les immeubles patrimoniaux de son p è r e , qui
en étaient le plus anciennement grev é s; c ’est-à-d ire, le priver de
son gage le plus certain et le moins sujet à contestation.
Cependant, les sieurs Cromarias et R ougier s’érigent aujourd’hui
en protecteurs, en sévères gardiens des intérêts du mineur P ru
n eyre; ils ne s’attachent p a s , dans leur m ém oire , à prouver que
�Pacte du 29 mai i 844 a porté-atteinte à leurs droits personnels, en
ce qu'il aurait rendu leur position plus mauvaise qu’elle n’était au
paravant, en ce qu’il aurait compromis quelque droit qui leur ap
partenait. Us attaquent cette convention , comme ayant compromis
les droits du m ineur, comme en étant une aliénation illégale, et
comme ne lui ayant pas profité.
r -
Les frères Dum ay soutiennent d’abord que les sieurs Cromarias
et Rougier n’ont ni droit ni qualité pour critiquer cet acte; les in
térêts du mineur Pruneyre ne sont point placés sous leur sauvegarde;
ils ne sont pas ses tuteurs; ils ne sont pas même ses créanciers , et
n’ont aucun caractère pour exercer les droits qui lui appartiennent.
Cet acte ne pourrait être valablement attaqué que par le tuteur
lui-même , par le conseil de famille ou par le ministère p u b lic , s i ,
pour e u x , il en résultait la preuve que les intérêts du mineur ont
été compromis.
-■ jvjOjflJ 1 J'î u -
Jü'
Les appelants ne peuvent pas se plaindre, d’ailleurs , que cet acte
ait changé leur position. Avant comme après cet a c t e , les immeu
bles par eux acquis étaient grevés de l'hypothèque légale du mineur;
en supposant que cet acte fût annulé, le mineur reprendrait certai
nement tous les droits que cet acte a conférés au sieur D u m a y , et
pourrait les exercer de la même manière que lui.
Sous aucun rapport, les adversaires n’ont donc qualité pour cri
tiquer l’acte du 2g mai 1844*
S i, cependant, nous admettons comme simple hypothèse que les
sieurs Cromarias et R ougier aient réellement qualité pour critiquer
cet a c t e , nous devons , pour établir sa va lid ité, l’examiner et le
discuter sous trois points de vue différents : respectivement au m i
n e u r, respectivement;iau sieur Chambordon , respectivement au
sieur Dumay.
• h ■
Respectivement au mineur, la seule chose à considérer, est de
savoir si le résultat de cet acte a été de compromettre scs intérêts ,
de lui enlever quelque partie de ses droits ou de sa créance; et si
telle est la position faite nu m ineur, la Cour doit s’empresser d’ané-
�-
tfg f
23 _
antir l’œuvre (l’un subrogé-tuteur qui a complètement méconnu ses
d evo irs, qui a sacrifié les intérêts de son pupille.
¡jMais le résultat de l’acte du 29 mai
*
1844
a été tout contraire ;
011 ne conteste pas que le mineur a'.reçu toute la créance qui lui
appartenait; qu’il l’a reçue immédiatement, tandis que les autres
créanciers Pruneyre attendent, pour recevoir leurs cré a n ce s, la
clôture définitive d’un ordre. Ou neiconteste pas la solvabilité de
la caisse des consignations, qui a reçu la créance du mineur en dépôt.
Ce que l’on conteste, c ’est la capacité de la personne qui a reçu la
somme pour la verser à la caisse ; le payement fait au subrogétuteur , la consignation opérée par l u i , ne suffisent pas aux appe
lants, pour garantir les intérêts du mineur; le payement devait être
fait.au tuteur, seul capable d ’administrer et de r e c e v o ir ;... et quand
cela serait, où serait donc le préjudice causé au mineur? sa créance
en est-elle moins assurée? le versement à la caisse des consigna
tions en est-il moins avantageux pour lui? qu’importe que la somme
ait été versée par la main du tuteur, plutôt que par celle du sieur
Chambordon , pourvu que la somme ait été réellement ve rsé e , et
qu’ elle soit la propriété du mineur? iComment peut-on dire , que
ce payement n’a point été utile au mineur 1 lorsque les intérêts de
la somme déposée , perçus annuellement par le subrogé-tuteur ,
sont employés à ses besoins? que même , il lui a été nuisible , en
ce que le taux de la caisse des consignations est inférieur au taux
lé g a l, lorsque le subrogé-tuteur, s’est obligé lui-même à payer au
mineur la différence , faisant un sacrifice personnel, pour garantir
à son pupille la conservation de tout ce qui lui appartenait?
Du reste le tuteur, lui-même , et le conseil de famille ont connu
l’acte du 29 mai 1844 > cl ne l’ont point attaqué ; cet acte avait réa
lisé les prévisions énoncées dans la délibération du conseil de fa
mille du 23 mai 1 8/j4Les intérêts du mineur n’ont donc été 111 sacrifiés , ni même lé
gèrement compromis ; aucun motif de ce genre
annuler l’acle du 39 mai 1844 j cl
ne peut faire
^aul 1° reconnaître, ce sont
�— 24 —
bien les intérêts du m ineur, qui doivent, dans celle question,
préoccuper le plus les magistrats.
Respectivem ent au sieur Cham bordori.., il avait capacité pour
re ce vo ir et quittancer valablement la somme due au mineur P runeyre.
Pour établir le contraire , les sieurs Cromarias et Rougier , fei
gnant d’ignorer les circonstances qui ont précédé la nomination du
sieur Chambordon , comme subrogé-tuteur , rappellent des prin
cipes que nous nous garderons bien de contester, mais ils en font
une fausse application à la cause.
A in si, disent-ils, page 7 , le subrogé-tuteur n’a point le pouvoir
d’aliéner , même une valeur mobilière appartenant à son mineur ;
d’après l’article 4 2o du code c i v i l , ses fonctions consistent à agir
pour les intérêts du mineur, lorsqu’ils sonl en opposition avec ceux
du tuteur; mais ce droit d’agir n’est qu’un droit de surveillance ,
qui ne l’autorise pas à s’immiscer dans l’administration des biens
du mineur.
Ils citent les paroles du tribun Muguet , et le tribun Leroi qui
disait : qu’il est possible que le tuteur ait des intérêts communs en
opposition avec ceux du m in e u r , et qui ajoute que le législateur
ne devait pas laisser ht jid élité a u x prises avec [intérêt ; ils
citent les opinions de MM. Magnin et de Frérninville , qui ne font
que confirmer la capacité du subrogé-tuteur dans l’espèce qui nous
occupe.
On ne saurait contester ces principes. Mais l’article 420 11’a fait
que poser une règle générale , lorsqu’il a dit que les fonctions du
subrogé-tuteur consistent à agir pour les intérêts du mineur lors
qu’ils seront en opposition avec ceux du tuteur. La loi n’a spécifié
aucun cas; elle a laissé à la sagesse des tribunaux l’appréciation des
circonstances dans lesquelles le subrogé-tuteur aurait agi. Rem ar
qu on s, toutefois, que ce n’est pas sans intention que la loi se sert
du mot agir ; elle n’accorde donc pas seulement au tuteur des fonc
tions de surveillance et de prétention ; elle lui a cco rd e , encore ,
�~ *5 _
% % y.
une action; et ccltc action, il peut l’exercer amiablement ou judi
ciairement, toutes les fois que les intérêts du mineur sont en oppo
sition avec ceuxtdu tuteur
non seulement il le p e u t , mais encore il
le d o it , et c ’est ce que M; de Frém inville, au numéro 160 cité par
les adversaires, qualifie d 'obligation imposée au subrogé-tuteur,
de défendre les intérêts d u 1m ineur , quand ils sont en opposition
avec ceux duituteuri
Ji
‘
u.
Le tribun Leroi donne cette action au subrogé-tuteur , lorsque
le tuteur a des intérêts communs en opposition avec ceux du m i
neur. A in s i, par e x e m p le , dans une instance en partage ou en
compte, le tuteur et son pupille peuvent avoir des droits respectifs,
des rapports et prélèvements à faire ; le tuteur pourrait a g i r , p ro
céder ou conclure dans un sens nuisible au m ineur, en servant son
intérêt personnel ; la loi veut que le mineur soit représenté et d é
fendu par un autre que le tuteur; elle p r é v o i t , dans sa sollicitude ,
i ;
#
j
‘.V
que le tuteur peut céder à des tentations coupables; elle ne veut pas
laisser sa fid élité a u x prises avec son intérêt; l’action du subrogétuteur peut seule empêcher ce résultat prévu par le législateur.
Si au lieu d’avoir des intérêts communs en opposition avec ceux
du tuteu r, le mineur a des intérêts absolument contraires ; si le
..
w,
ivui
.
tuteur ruiné doit au mineur des sommes considérables, devenues
exigibles^; s’il est urgent de prendre des mesures ^pour en assurer
la conservation et le remboursement, on ne doit pas s’attendre à ce
que le tuteur agisse contre lui-même; dans un cas semblable , il
1
° j /’
.
I i-l
doit cesser momentanément ses fonctions de tuteur, et le subrogétuteur doit en être investi. La loi ne permet pas que le mineur cesse
un seul instant d'être défendu ct( protégé ; le subrogé-tuteur doit
donc agir contre le tuteur empêché d’a g ir , de la même manière
que le tuteur agirait lui-même contre un étranger, dans l’intérêt du
m ineur. 11 peut et doit administrer toute aflairc dans laquelle le
mineur n’a à discutcrquc contre son tuteur; il peut, par conséquent,
4
�HW
-
»6 _
recevoir une créance; et la quittancer, lorsqu’elle est due par le
tuleur lui-même , tombé en faillite ou déconfiture,
h*1
îno-ii:
Si le tuteur est exproprié , et qu’umordre soit ouvert sur le prix
de ses biens , il est évident qu’il est du devoir du subrogé-tuteur
d’y produire ; et d’y demander la collocation des créances du mi
neur; c ’est à lui'que doit être délivré le bordereau de collocation ;
c ’est lui qui doit en recevoir le montant dans l’intérêt du mineur ;
il peut dès-lors le quittancer valablement. Dans un cas semblable ,
on ne saurait admettre , sans compromettre les intérêts du mineur,
que la collocation puisse être demandée et obtenue par le tuteur
qui eât en même temps débiteur et partie saisie; que la créance du
jnineur soit reçue et quittancée par le tuteur exproprié , qui ne
présente plus aucune responsabilité.
E n faisant l’application de ces principes à la c a u se , on trouvera
que le sieur Chambordon avait reçu de la loi la capacité de rece
vo ir et quittancer, en sa qualité de subrogé-tuteur, la créance due
au mineur P r u n e y r e , par son tuteur. Cette cap acité, il la tenait,
en co re, de la délibération du conseil de famille du 22 mai 1844 >
qui l’avait nommé; délibération q u i , d’après le vœu du tuteur luimême , l’autorisait à e x erc er les actions immobilières du m ineur ,
soit dans la recherche des biens, et droits de sa mère , soit pour
tous actes d ’administration , ou autres , dans lesquels le tuteur
se tiouverait lui-m èm e em pêché .
O r , qu’a'fait le subrogé-tuteur, autre chose qu’un acte de bonne
administration , en recevant la créance du mineur , amiablement,
et d’un tiers, au lieu d’en poursuivre le recouvrement en justice.
IS’a-t-il pas fait un acte de bonne administration , en versant cette
somme à la caisse des consignations, comme propriété du mineur?
L e résultat de l’acte du 29 mai 1844« a é t é , sans contredit,
d’asstucr au mineur la somme entière de 2},000 fr. qui lui était
d u c , tandis qu’à l’o rd re , sa créance pouvait être contestée, sans
aucun droit, sans doute; mais enfin, elle pouvait l’être, surtout si
quelque créancier eut imité les sieurs Cromarias et Rougier, q u i,
�— 27 —
«
sans aucun fondement, onl allégué dans leur demande et dans.leurs
conclusions, qu’il n’était rien du au mineur P n in eyre;!q u e son père
n’avait jamais reçu la dot de son épouse^ et qne'la quittance de
cette dot ,i fournie au sieur D u m a y , son beau-père, était fraudu
leuse ou simulée.
Les adversaires proclament le principe que le subrogé-tuteur
n’a le pouvoir ni de céder ni d’aliéner les droits du mineur; mais
ce qu’ils appellent une cession illégale, n’est que l’acceptation d’uu
payement que le subrogé~tuteur pouvait recevoir du débiteur luimêinc, et qu’il a pu re cevo ir d’un tiers, payant en l’acquit du d é
biteur. Au lieu d’aliéner la créance du m in eu r, il n’a fait qu’en
opérer le recouvrement; il l'a réalisée, et l’a certainement con
servée, en la déposant à la caisse des consignations.
Quant à la subrogation du sieur Félix D u m a y , à l’hypotbèque
légale du mineur, le sieur Chambordon avait le droit de l’accorder,
puisqu'il représentait le mineur, e lq u ’ilavait mandat de recevoir pour
lui; cette subrogation, môme purement conventionnelle, était au
torisée par les'art. 1249 et * 25 o du code civil; elle devait êlretune
condition expresse du payement fait par le sieur D u m a y , qui payait
pour le sieur P r u n e y re , et qui ne pouvait vouloir payer sans ob
tenir cette subrogation. Cette subrogation devait, d’ailleurs, s’o
pérer légalement et malgré le sieur Cham bordon, comme on va
le démontrer bientôt; cette subrogation , enfin, ne pouvait causer
le moindre préjudice au mineur, qui recevait en compensation le
montant intégral de sa créance.
En résumé, l’acte du 29 mai 1844 a etc , de la part du sieur
C h am b o rd o n , un acte de sagesse et de bonne administration dans
l’intérêt du mineur.
Respectivem ent au sieur F é lix Dumay , . . . . cet acte n’est pas
moins valable; le sieur Félix Dumay , tout en facilitant au subrogétuteur les moyens de réaliser les ressources nécessaires à son neveu,
a voulu exercer, dans son intérêt personnel, un droit qui lui appar
tenait ;
il
�%<f
-
23 -
Lorsqu’un débiteur est insolvable, c ’est-à-dire , -lorsque la valeur
des biens qu’il possède est de beaucoup insuffisante pour acquitter le
montant de ses dettes, il est indispensable que quelqu'un soit exposé
à perdre tout ou partie de sa créance; les créanciers examinent leur
position; la nature des créances et l’état des inscriptions leur ap-!
prennent les chances qu ’ils ont à courir; il leur est permis alors
d’exercer tous les droits que la loiimet à leur disposition pour amé
liorer leur sort, pour obtenir que leur créance soit utilement colloquée. Ils peuvent le faire sans être tenus d ’en prévenir les autres
créanciers, qui pourraient exercer les.mèmes droits avant eux , ou
concurremment avec eux. Ils peuvent le faire sans blesser la déli
catesse , et surtout sans pouvoir cire taxés de frau d e , parce qu’ils
n’agissent que pour la conservation de la chose qui leur est légiti
mement due.
r
II est aussi juste que naturel qu’entre deux créanciers, dont l’un
doit nécessairement perdre , chacun d’eux préfère que la perte re
tombe sur son adversaire.
10.
<
En payant le mineur pour se faire subroger à ses droits, le sieur
Félix D u m ay n’a donc pas voulu causer de préjudice à de mcilheu--
reitx cessionnaires ; mais, dussent-ils en souffrir, il a voulu éviter
une perte, un malheur pour lui-môme.
-ïi'
Sous l’empire des lois romaines et de l’ancienne législation fran
çaise , il a toujours été permis à un créancier, d ’offrir au créan
cier dont l’hypolhcque était antérieure à la sienne , le payement de
sa créance , afin d’etre subrogé aux droits de ce créancier; il pouvait
contraindre le créancier antérieur à recevoir sa créance ; (il pouvait
la consigner sur son refus; et le payement accepté p a r le créancier
antérieur, ou la consignation opérait de plein droit la subrogation
à son hypothèque, au profit du créancier postérieur. Une ordon
nance de Henri IV avait érigé ce principe en article de loi ( V o i r '
Ilen u sson , chap. /f , page g 3 et suivantes.— Ilousscau-Lacom be ,
■verbo Subrogation , n ° 6 , et verbo offrir. — G ren ier, Hypoth.
tome Ier, pages 179 et suivantes).
�Ces principes se résument dans les dispositions de l’article. 1201
du code civil;
.nmii;
La subrogation a lieu de plein d r o it , dit cet article, au profit de
celui qui, étant lui-même créancier, paye unj autre créancier qui
lui est préférable , à raison de ses privilèges ou hypothèques.
* Outre la subrogation conventionnelle, dit G r e n ie r , n° g i , il
« est plusieurs cas dans lesquels il était juste que celui qui payerait
» la créance fût subrogé aux privilèges et hypothèques du créancier,
» malgré lu i , et encore malgré le débiteur. C ’est alors une subro» gation légale; elle se fa it par le se u l ministère de la l o i , sans
» convention, sans stipulation ; l’emploi seul des deniers emporte
* avec lui la subrogation, et en tient lien. L a loi prend la place du
créandier et elle j a i t la cession pour l u i , etc. » ^
D u reste aucun créancier n’est à l'abri de l’exercice du droit
d'offrir, et chacun des créanciers postérieurs a le droit et la faculté
de l’exercer; ils ont quelquefois un grand intérêt à le faire, et alors
la subrogation légale devient le prix de la course; la loi l’accorde
au créancier le plus diligent; vigilantibus jura subveniunt.
Nous avons déjà fait connaître l’intérêt qu’avait le sieur D u m ay
à exercer ce droit résultant de l’art. 1 a 5 1 ; les sieurs Cromarias et
Rougier pouvaient avoir le même intérêt que lui à agir comme il
l’a fait; ils peuvent éprouver le regret d’avoir été prévenus; mais
la subrogation légale aux droits du mineur P runeyre , est irrévoca
blement acquise au sieur D um ay.
Dans leur mémoire, les adversaires n’ont pas accordé la moindre
attention à celle subrogation légale; ils ont oublié l’article i a 5 i ,
pour ne voir dans l’acte du 39 mai 1 844 > que la subrogation co n
ventionnelle autorisée par l’article i a 5 o.
Ils ne contestent p a s , et ne pourraient sérieusement contester le
principe de cette subrogation légale. Ils disent seulement que le
droit du sieur Dumay a été exercé irrégulièrem ent, en ce qu’il a
payé au subrogé- tuteur, tandis qu’il aurait dû payer au tuteur qui,
�•-
3o -
seul, avait le pouvoir (l’administrer, q u i , s e u l , pouvait valable
ment recevoir et quittancer.
Nous avons déjà fait connaître dans l’exposé des faits, les motifs
de prudence puisés tant dans l’intérêt du mineur, que dnns l’intérêt
du sieur D u m a y, q u i'o n t déterminé sa conduite, et pour ne pas
nous répéter, nous n’y reviendrons point; nous croyons avoir dé
montré , d’ailleurs , que le subrogé-tuteur avait (capacité pour
recevoir.
Supposons, cependant , qu’au lieu de payer au subrogé-tuteur,
le sieur Dum ay eût payé au tuteur lui-m êm e; il en serait résulté,
pour le mineur, vu l’insolvabilité du tuteur, un très-grand préju
d ic e , probablement m êm e, la perte absolue de sa créance; le mi
neur aurait perdu le rang de son hypothèque légale fixé par la
date du contrat de mariage de sa m ère, et celle de la quittance de
sa dot ; il aurait obtenu , en échange , une nouvelle hypothèque
lé g a le , si l’on v e u t , à la date du payement qu’aurait fait le sieur
D u m a y , mais une hypothèque légale complètement illusoire: et si
le sieur Dum ay s’était conduit ainsi, le mineur P ru n e y re , à sa ma
jorité, les sieurs Cromarias et Rougier , dès à présent, ne lui fe
raient-ils pas le reproche d’avoir imprudemment et irrégulièrement
p a y é ; d’avoir payé eh l’acquit du sieur P ru n ey re , au sieur P ruI ■ \
> J' 1 n cyrc lui-mcme.
L ’on a d it , enfin , que cet étal d’insolvabilité du tuteur ne devait
pas empêcher le sieur Dum ay de lui faire le p a y e m e n t, sauf à
exiger qu’il fil le versement de la somme à là caisse des consigna
tions. Mais ce que l’on aurait obtenu par ce moyen , savoir : la
conservation de la créance du mineur, ne l’a-t-on pas obtenu en
payant au subrogé-luteur? la somme n’esl-ellc pas déposée à la
caisse des consignations? Q u ’importe au mineur et à la cause des
adversaires, qu’importe à la justice, que celte somme y ait été
versée par le sieur Chambordon , subrogé-tuteur , plutôt que par
le tuteur lui-même?
Il faut donc reconnaître, en définitive, que sous tous les rap-
�p o r ls , l’acte du 29 niai 1844 est valable; que le subrogé-tuteur
avait capacité pour r e ce v o ir; que le sieur D u m a y , en payant le
mineur P runeyre, n’a fait qu’exercer un droit que tout autre créan
cier aurait pii exercer avant lu i, et de la même manière; que la
subrogation qui en a été la conséquence
,|C S t
valable; qu’enfin, le
sieur Dum ay n’est poinl devenu propriétaire de la créance du
mineur, au moyen d’une cession illégale; mais que la cession s’eu
est opérée à son profit, par la seule force de la loi.
3! D E U X I È M E Q U E S T I O N .
't • !
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<
Les prétendues questions de fraude étant écartées, la validité de
l’acte du 29 mai 1844 étant démontrée , il doit résulter de tout ce
qui p ré c è d e , que, comme subrogé aux droits du mineur, le sieur
Félix Dum ay était créancier du sieur P runeyre d’une somme de
23,0 00 f r . , avec hypothèque légale ou générale sur tous les biens
de son débiteur ; et que les frères D u m a y , conjointement, étaient
créanciers d’une somme de 5o ,o o o fr , avec hypothèque spéciale
sur l’Enclos-de-la-Forèt ;
i<
Il reste à examiner, maintenant, si le sieur Dumay pouvait léga
lement et sans fra u d e , mais dans son intérêt particulier , déplacer
l’hypothèque légale du mineur P r u n e y r e , de l’Enclos-de-la-Forêt,
pour la faire peser uniquement sur les biens d’Auzat-sur-AIlier ,
ou, en d ’autres termes, s’il a pu donner main levée de cette h y p o
thèque lé g a le , en ce qu ’elle grevait l’Enclos-de-la-Forêt, et main
tenir son inscription , uniquement sur les autres biens.
En thèse g én érale, l’hjpothèque étant indivisible, et subsistant
en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque
portion de ces immeubles ( c o d e c i v i l . art. 2 1 14 ) , il est certain
que le créancier qui a une hypothèque générale , a le droit de
c h o is ir , de désigner l’immeuble snr le prix duquel il veut être
p ayé de sa créance.
Cette faculté qui ne lui est contestée ni pnr le droit ancien, ni
�par le droit nouveau , parce qu’elle est de l’essence même de l'h y
pothèque, peut cependant faire naître de très-graves inconvénients;
elle p eut, dans ün o rd re 1! conduire à des résultats contraires à l’é
quité. Il pourrait dépendre du créancier qui a une 'hypothèque
générale, en exerçant son choix de telle outelle manière, d’empôchcr
un créancier q u in ’aurait qu’ une hypothèque sp écia le , mais inscrite
en rang u t ile / d ’être colloqué pour sa créance, pour faciliter à un
créancier, n’ayant aussi qu’une hypothèque spéciale, inscrite à un
rang postérieur, le moyen d’obtenir une collocation, à laquelle la
date de son inscription ne lui aurait pas permis de prétendre. On
pourrait exploiter cette faculté de choisir, qui appartient au créan
cier qui a l'hypothèque g é n é rale , obtenir à prix d’argent qu’il en
fit un mauvais u s a g e , et par des manœuvres frauduleuses, changer
Tordre légal des collocations , et rendre sans effet les dispositions
de l’art. 2154 du code civil.
r
' v x. m
Aussi, dit ¿VI. Dalloz , les auteurs et les tribunaux ont essayé di
verses combinaisons pour atténuer les résultats du système consacré
par la loi ; mais leurs efforts ont été stériles. L a cour de cassation a
maintenu dans toute son étendue le droit de l’hypothèque générale ,
exercé même par subrogation. »
Les auteurs qui ont écrit sur les h yp othèqu es, et notamment
MM. G renier et T r o p lo n g , ont cherché à concilier les effets atta
chés à l’indivisibilité de l’hypothèque générale, avec les intérêts des
créanciers qui n’ont que des hypothèques spéciales. Ils ont cherché
à tempérer la rigueur du droit par l’équité ; telle a été aussi la ten
dance d’une partie des cours r o y a le s , en distinguant toutefois les cas
où tous les biens du débiteur sont l’objet d’un seul et même o r d r e ,
de celui ou il existe plusieurs ordres sur le prix de biens différents ;
de celui où une partie seulement des biens ayant été vend ue, l’b y potheque générale peut s’exercer en même temps sur ces biens et
sur d’autres immeubles non encore aliénés.
,
Les adversaires ont pu trouver un certain nombre d’arrêts de
cours royales, qui ont décidé que dans le cas où tous les biens du
�débiteur sonl l’objet d’un seul et même ordre , les droiis respectifs
des créanciers hypothécaires à hypothèques générales et à h y p o
thèques spéciales, doivent être combinés de manière à éviter tout
dommage non nécessaire , c ’est-à-dire, à faire colloquer les créan
ciers à hypothèque spéciale, dans l’ordre de leurs inscriptions,
après avoir assuré la collocation de l’hypothèque générale. L e motif
de cette jurisprudence, puisé dans l’équité, est que la justice ne
doit pas souffrir que le créancier qui a une hypothèque générale
puisse restreindre volontairement sa collocation, à tel ou tel im
meuble, de manière à priver, à son gré, et sans aucun intérêt pour
lui-m êm e , tel ou tel créancier à hypothèque spéciale, de la co llo
cation qu’il devrait obtenir à la date de son inscription,
u
Pour ce ca s, plusieurs arrêts ont décidé que le créancier ayant
une hypothèque générale, n’a que le droit de demander sa colloca
tion en ordre u tile , et qu’une fois cette collocation assurée, il ne
lui est pas perm is, en désignant l’immeuble sur lequel il veut être
colloque , de jeter la perturbation dans l’ordre légal des créances
à hypothèques spéciales, et de faire, pour ainsi dire, l’ordre lui-même.
Cette jurisprudence, dont nous ne cherchons point à combattre
l'autorité, est fondée sur ce grand principe de droit et d’é q u ité ,
qu'il n’est pas permis de nuire à autru i, sans avantage pour soim êm e; dans le cas prévu par celte jurisprudence, il semble que le
créancier qui a une hypothèque gé n é rale , n’a le droit d’exiger
qu’une seule chose, le payement intégral de sa créance; et s’il est
colloque de manière à l’obtenir, tout intérêt doit disparaître pour
lui; il semble qu’il ne doit pas lui être permis de se mêler de la
question desavo ir auquel des autres créanciers doit être attribué le
surplus du prix.
Voilà le molifde lu jurisprudence consacrée par les arrêts descours
royales de T o u lo u se , de Limoges cl de llio m , invoquée par les
appelants, page i5 de leur mémoire; quant à l’arrêt unique de la
�-
34 -
cour de cassation qu’ils citent également, et qui est du 16 juillet
1 8 2 1 , il suffit de le lire pour voir qu’il ne s’applique pas directement
à la question.
Mais les adversaires n’ont cité, de la jurisprudence, que les déci
sions favorables à leur système ; s’ils eussent tourné le feuillet, ils
auraient trouvé beaucoup d’autres décisions contraires, émanées
d'autres cours royales, et*notamment de la cour de cassation. On
peut voir l’indication do ces arrêts dans lé dictionnaire de jurispru
dence de D a llo z, verbo H yp oth équ é , n° 275 et suivants.
Malgré c-:s puissantes raisons d’é q u ité , la cour de cassation et
plusieurs cours<royales respectant le droit attaché à l’indivisibilité de
l’hypothèque, ont reconnu au créancier qui a une hypothèque g é
nérale, la faculté de choisir l’immeuble sur lequel il veut faire porter
sa collocation,quoique des créanciersà hypothèque spéciale puissent
en souffrir. L e motif de cette jurisprudence est que les créanciers
qui n’ont qu’une hypothèque spéciale devaient sa v o ir, lorsqu’ils
ont contracté avec le débiteur com m un, que ce résultat était pos
sible; que c ’était à eux de s’informer de la véritable situation de ce
débiteur; de faire réduire l’hypothèque légale ou générale qui exis
tait sur ses biens, ou enfin, d’exiger de plus amples sûretés.
Mais les adversaires n’ont pas voulu voir et discuter la véritable
question qui est soulevée p arleu r demande; ils se sont bornés à éta
blir avec la jurisprudence, ce qui doit se passer, selon e u x , lors
qu’un créancier ayant une hypothèque générale est en concours avec des créanciers à hypothèque spéciale, pour prouver que ce c r é a n
c ie r, pourvu qu’il soit utilement colloque, n’est point admissible à
causer aux autres créanciers un préjudice non nécessaire et sans
utilité pour lui-rnêmc.
La véritable question du procès, la voici : Lorsqu’un créancier qui
a en même temps une hypothèque légale ou générale est en con
cours avec des créanciers à hypoihèque spéciale, et lorsque le prix
�de tous les biens du débiteur n’est pas distribué dans un seul et môme
ordre, cc créancier a-t-il le droit de choisir l’irameuble sur lequel
il veut faire porter la collocation de son hypothèque générale, afin
de faciliter par cc moyen la collocation de son hypothèque spéciale,
et d’obtenir par conséquent la collocation de ses deux créances?
L ’aflirmative ne> paraît pas devoir souffrir la moindre difficulté;
Qui ne voit, en effet, la grande différence qui existe entre cette es
pèce et celle pour laquelle ont raisonné les appelants?
Dans le cas où le créancier qui a l’hypothèque générale, n’a pas,
en même temps , une hypothèque spéciale , les autres créanciers
peuvent lui dire avec un certain fondement : Pourvu que vous soyez
payé de voire créance, vous n’uvez pas le droit de causera d’autres
créanciers un préjudice qui ne peut être utile pour vous-m êm e,
vous n’avez plus d’intérêt.
;
Dans le c a s , au contraire, où le créancier à hypothèque générale
a , en même temps , une hypothèque spéciale, les autres créanciers
ne peuvent, sérieusement , lui tenir ce langage, car il peut leur r é
pondre : Mon hypothèque générale est indivisible , et j’ai le droit
de la faire porter sur l’immeuble qu’il me convient de choisir ; ce
droit dont la justice pourrait modifier l’exercice , si je voulais en
abuser , je ne viens pas l’excrcer pour nuire aux autres créanciers,
pour leur faire éprouver un préjudice non mécessaire , et sans uti
lité pour moi-même; je viens l’exercer pour ne pas perdre ma
créance à hypothèque spéciale, qui sans cela ne serait pas colloquée;
j’ai donc intérêt à le faire ; et si mon intérêt est conforme à mon
droit , vous n’êtes pas fondés à vous plaindre de la manière dont
j’entends
exercer ce
droit ; vous
ne pouvez m’empêcher de
l’ex ercer ainsi, qu’en me payant mes deux cré a n ce s, ou en me
laissant colloquer pour mes deux créances.
Dans le cas qui nous occupe , en effet , l’intérêt du créancier à
hypothèque g é n é rale , légitime cl justifie la manière dont il use de
�>
—
36 —
son droit de se faire colloquer sur tel immeuble , plutôt que sur tel
autre , et la jurisprudence n’admet plus de distinction quant à
l’exercice de ce droit,
L a cour de cassation, dans le cas dont il s’agit, a maintenu rigou
reusement le droit du créancier à hypothèque générale ; elle dit no
tamment, dans les motifs d’un arrêt du 4 mars 1835 (S ire y , l 3 5 .
i . 4 2 1 ) , __ qu’il suit du principe d’indivisibilité, que le prix de
chacun des immeubles sur lesquels frappe un droit d’hypothèque,
dem eure invariablement affecté à son ex ercice , sans qu’ il soit
au pouvoir , soit du d éb iteu r , soit de ses créanciers postérieurs
en hypothèque , d'en détourner Vapplication , contre la volonté
du créancier propriétaire de ce d ro it , seu l juge de son intérêt ¿1
cet égard ;
Et l’arrêt ajoute : que si dans des circonstances où cet intérêt n’é
prouverait manifestement aucune lésion , il peut être indifférent que
l’exercice de son hypothèque soit assigné sur la masse cumulée des
prix qui sont en distribution , il n’en saurait être de m ê m e , lorsque
le refus d’application du principe de l’indivisibilité de l’hypothèque,
entraînerait un préjudice, soit pour lui-m ême , soit pour d'autres
créanciers.
Q u e faut-il conclure de tout ceci ?... Q ue la jurisprudence ré
pugne à autoriser l’exercice du droit rigoureux qui appartient au
créancier à hypothèque générale, lorsque ce droit est exercé par
ce créancier, de manière à nuiie aux autres créanciers , sans intérêt
pour lui même ; qu'au contraire, elle autorise l’exercice de ce droit,
lorsque le créancier à hypothèque générale ne veut en user qu’en
vue d’ un intérêt sérieux et légitime.
Si ces principes sont vrais , s’ils concilient le droit cl l’équité,
l’application à la cause du sieur Dumuy en est facile Le sieur I)umay csl créancier tout à lu fois à hypothèque générale du chef du
mineur P ru n e y re , cl à hypothèque spéciale, de son clicl personnel.
�—
h
—
L e prix de lous les biens du sieur P runeyre , son débiteur, n’est pas
distribué dans un seul et même ordre; il n’y a d’ordre que sur le
prix des biens de Saint-Germain-Lembron ; il n’y en pas sur le prix
des biens vendus aux appelants. L e sieur Dumay n’a pas l’espérance,
vu la date de son inscription, d’être colloqué pour sa créance à h y
pothèque spéciale, sur le prix des biens de Saint-Germ ain-Lem bron,
s’il se fait colloquer sur ces biens pour le montant de sa créance à
hypothèque générale; il avait donc un intérêt incontestable à agir
ainsi qu’il l’a fait.
Remarquons, au surplus, que la question que nous venons de dis
cu ter, parce qu’elle a été soulevée par les adversaires, est intem
pestive et prématurée, et que leurs prétentions à faire modifier l’ordre
sont, au moins quant à présent, non-recevables.
Celte discussion, en effet, ne pourrait être discutée que par les
créanciers du sieur P runeyre, elles appelants ne sont pas créanciers;
ils ne demandent pas de collocation à l’o r d r e , et n’ont pas le droit
de critiquer l’ordre des collocations ; comme acquéreurs des biens
d’Auzat-sur-Allier, ils n’ont pas encore été troublés dans la posses
sion des héritages par eux acquis, et ce n’est qu’en cas de trouble
qu’ils pourront devenir créanciers du sieur P r u n e y r e , par suite de
la garantie qu’il leur a promise. Il semble donc que la cour ne peut
pas statuer sur un débat qui n’est pas né.
Du reste , qu’on les considère, si l’on v e u t, comme créanciers
dès à présent, puisqu'ils sont des tiers intéressés à surveiller les
résultats de l’ordre, l’application des principes devra toujours être la
même. L e sieur Dumay devra être maintenu dans tous les droits
qu’il a acquis et qu’il n’a fait qu’exercer comme l’auraient fait les
sieurs Cromarias et Rougier , s’ils s’étaient fait subroger à une
hypothèque générale.
Il est de toute évidence que dans la position où étaient les sieurs
Cromarins et Hougier, ils avaient intérêt à payer le mineur Pru-
�neyre pour être subrogés à son hypothèque légale , et que s'ils
l'eussent fait, ils auraient agi absolument de'Ia même'manicre que
le sieur Dumay ; ils n’auraient pas fait peser celle hypothèque légale
sur les immeubles par eux a cq u is, mais bien sur ceux de SaintG e rm a in -L e m b ron , afin d’en affranchir ceux d’Auzat-sur-Allier.
E t alors qu’arriverait-il aujourd’hui ?.... L e sieur Dumay ne serait
plus qu’un simple créancier avec une hypothèque spéciale ineffi
cace1; sa créance, étant primée par l’hypothèque légale du mineur,
ne serait pas colloquée ; réduit à la perdre, serait-il fondé à se
plaindre ; pourrait-il reprocher aux sieurs Cromarias et Rongier
qu’ils auraient employé des manœuvres frauduleuses; pourrait-il ,
enfin, contester leur droit et l'intérêt qu’ils auraient à l’exercer
ainsi ?... Il est évident que les adversaires feraient au sieur Dumay
la même réponse qu’il vient de leur faire lui-même.
Les sieurs Cromârias et Rougiër ont négligé de p ayer la créance
du mineur P ru n e y re , afin d’obtenir une subrogation qui eut mis
leurs intérêts à couvert ; ils ne sont pas fondés à se plaindre de ce
qu’un autre vienne exercer un droit qu’ils ont dédaigné.
Enfin, lorsqu’ils onl contracté aveclesieur Pruneyre, ils ont connu
ou pu connaître sa situation hypothécaire ; ils ont eu connaissance ,
notamment, de l’hypolhèque légale du mineur Pruneyre, mention
née dans leur contrat d’acquisition; ils pouvaient , d’après les arti
cles 2161 et suivants du C ode civil, obtenir la radiation de l’h y p o thcque légale du mineur , et en faire affranchir les immeubles par
eux acquis, pour la laisser subsister uniquement sur les immeubles
de Saint-Germain-Lembron ; ils ont encore négligé de le faire. Ils
ont e u , enfin, le tort très-grave de payer le prix de leur acquisi
tion avant d’avoir purgé l’hypothèque légale du mineur ; ils ont fait
ensuite une purge irrégulière. A qui doivent-ils s’en prendre, si ce
n’esl à eux-mêmes ?
Quant au sieur Dumay et au sieur Cham bordon, leur conscience
ne leur reproche rien; ils croient avoir démontré que le jugement
�-
39 _
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dont est appel a justement repoussé toutes les demandes de leurs
adversaires. Ils espèrent avec confiance que l'arrêt de la C ou r fera
justice des imputations calomnieuses dont ils ont été l’objet.
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Subrogé-Tuteur ,
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> Intimés.
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M* C H I R O L , Avocat des sieurs Dumay.
M* D U C L O Z E L , A vocat du sieur Chambordon.
M* M A R I E , A voué du sieur Dumay.
M* T A IL H A N D , Avoué du sieur Chambordon.
Riom. — Imprimerie de A. Jouvet, Libraire et Lith. près le Palais.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Dumay, Jean-Gilbert. 1846?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
A. Dumay
F. Dumay
L. Chambordon
Chirol -Duclozel
Marie
Tailhand
Subject
The topic of the resource
créances
hypothèques
conseils de famille
tutelle
dot
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour les sieurs Jean-Gilbert et Nicolas-Félix Dumay, et le sieur Chambordon, subrogé tuteur du mineur Pruneyre, tous intimés ; contre les sieurs Cromarias et Rougier, anciens avoués, demeurant à Riom, appelants, en présence de monsieur Bonnefoy, avoué à Issoire, aussi intimé.
Annotations manuscrites. Question suivi de l'arrêt
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie A. Jouvet (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1846
1835-1846
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3011
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3010
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53628/BCU_Factums_G3011.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Auzat-la-Combelle (63022)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
Créances
dot
hypothèques
minorité
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53627/BCU_Factums_G3010.pdf
c7b10b3308a5176e5a243bfa1df34423
PDF Text
Text
o b se r v a t io n s
POUR
L es sieurs R O U G IE R et C R O M A R I A S , anciens A v o u é s , h a b i
tants de R io m ; et p o u r les sieurs S A B A T I E R , M O R E L et
B A R O D I,
p ro p rié ta ires - cu ltiv a te u rs ,
h a b ita n t
au
lieu
d ’A u z a t - s u r - A llie r , ap p elan ts ;
CONTRE
L es sieurs J e a n - G
a b r ie i.
e t N ic o l a s - F é l i x D U M A Y , in tim és;
C on tre le sie u r B O N N E F O I , A v o u é au T rib u n a l d ’Isso ire , aussi
intim é ;
Et en core co n tre le sieu r J o s e p h P R U N A Y R E e t a u tre s, é g a le
m ent intim és.
Dolum malum dicimus esse omnem caliditalem,
fallaciam , machinationem ad circumvenicndum,
fallendum, decipicndum altcrum, adhibilam,
Ulpianus.
Si l’on doit considérer com m e vraie cette sentence du juriscon
sulte Ulpien , il serait difficile d ’excuser la conduite des sieurs D umay dans la cause actuelle.
L ' un d ’eux a laissé croire à des acquéreurs du sieur P runayre , son
beau-frère , q u ’il était le subrogé-tuteur du m ineur P runayre , son
neveu.
�-
2 -
L ’un et l ’autre, profitant ensuite d ’une erreur qui était en q u e lq u e
sorte leur ouvrage , se sont réunis pour obtenir de ce beau-frère untitre hypothécaire qui leur m an q u a it, ch erch er à effacer l’h yp o th è
que légale qui frappait les immeubles qui venaient de leur être af
fectés, et en faire tom ber tout le danger sur ces acquéreurs trompés
par l’irrégularité d ’une purge dont ils ne soupçonnaient pas le vice.
Mais l’adresse est quelquefois trompée dans ses c a l c u l s , et les tri
bunaux n ’hésitent pas à la d é jo u e r , lorsque les lois leur en fournis
sent les moyens.
Dans l’e s p è c e , la C our aura à examiner si un simple su b ro g é -tu
teur avait qualité pour c é d e r la créance d ’un m ineur dont la loi ne
le chargeait d ’administer ni les personnes ni les b ien s; si les sieurs
D um ay, qui étaient aussi les beaux-frères de ce s u b rog é-tu teur, ont
pu agir com m e cédataires légitimes de c e lte créance donl leur cé
dant n’était pas proprétaire ; si enGn
en cette vaine qualité de
cédataires, ils ont pu faire disparaître l ’h yp o th èq u e
légale du mi
neur, et renoncer à la collocation de cette h yp oth èq u e sur certains
im m eubles nouvellem ent vendus, pour faire consacrer le prix de celte
dernière vente au paiem ent d ’une créance qui leur était person
nelle mais r é c e n t e , et cela au préjudice des précédents a cq u é
reurs.
L es faits signaleront l'illégitimité des moyens em ployés pour par
venir à ce but.
L e sieur Prunayre avait épousé , le
23
mars i 8 a 3 1 une dem oiselle
Dumay à laquelle il avait été constitué un trousseau estimé i , o o o f r . ,
et une dot pécuniaire d e 20,000 francs.
En 1841 et en 1842, il vendit en détail un assez grand nom bre
d ’héritages situés dans la com m un e d ’Auzat.
L e prix fut en partie payé c o m p ta n t, en partie stipulé payable
à termes.
L es ventes furent transcrite», et les objets vendus n’étaient grevés
que de l ’h yp o th èq u e légale d ’un seul enfant mineur né du mariage
de mademoiselle D um ay avec le sieur l ’ runayre, lorsque celui-ci»
désirant être payé de ce qui lui restait dû sur le p r i x , en céda le
�montant aux sieurs Gromarias et Rougier , par acte authentique du
i l août 1842. moyennant 17,8 20 fr., qui, q u o iq u e quittancés clans
l’a cte, ne devaient être payés q u ’après la purge de l ’h yp o th èq ue lé
gale du m ineur Prunayre.
L e sieur P r u n a y re , qui était seul porteur des actes de v e n t e s , se
chargea de faire opérer cette purge.
L es pièces furent remises à ¡VI* B o n n e fo i, parent de la famille
D um ay, et avoué à Issoire.
P o u r purger l ’h yp o th èq ue légale du mineur, les ventes furent dé
posées, et la signification de l’acte de dépôt devait être faite au su
brogé-tuteur.
M aïs, au lieu de l’adresser à un vrai subrogé-tuteur, Me Bonnefoi
l’adressa avec ce litre au sieur Auguste D u m a y , receveur des hos
pices de C le r m o n i , parlant à son em ployé.
L e sieur Dum ay n ’avait pas cette qualité. Il garda cependant un si
lence absolu sur l’erreur. Il avait ses projets, sans doute ; car il était, d e
puis 1 835 , caution avec le sieur N icolas-FélixD um ay son frère,et pour
une somme c o n s id é r a b le , du sieur P r u n a y r e , dont les affaires e m
barrassées leur étaient nécessairement connues.
Q u ’ont fait depuis les sieurs D um ay!
Après avoir attendu q ue les acquéreurs du sieur Prunayre et ses
cédataires, les sieurs Cromarias et R o u g ie r , eussent co m p lété le
payem ent des prix des v e n te s , et eussent acquitte le montant d e la
cession , ils ont obtenu de ce sieur P runayre une obligation par acte
authentique du 8 mai i 843 , causée pour prêt fa it dès a vant ce jo u r
et hors la vue des notaires.
Cette obligation fut h yp o th éq u é e sur tous les im m eubles possédés
par le sieur P r u n a y re , dans les com m unes d A uzat et de Sain t-G erinain-Lembron. L es immeubles hypothéqués
furent évalués dans
l’acte 160,000 francs; mais il y fut déclaré q u ’ils étaient grevés de
l’hyp oth èq ue légale du fils Prunayre pour
24 »°o°
fra n c s, et de dif
férentes h yp o th è q u e s conventionnelles.
Il ne paraît pas qu a la date de cette obligation il fût rien dû aux
sieurs Dumay par le sieur Prunayre qui ne toucha rien alors. Mais
�-
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4 -
ils étaient ses cautions, et le 17 du môme m o is , ils acquittèrent
>pour lui 20,000 francs q u ’ils avaient cautionnés depuis long-temps.
Ces faits sont constatés par les livres d ’un agent de change de C le r
mont.
Bientôt ils ch erch èrent à affranchir de l’h yp o th è q u e légale du
m ineur, leur neveu, les im m eubles qui leur avaient été h y p o th é q u és
à eux-mêmes.
L e m oyen leur parut facile.
Ils savaient que leur neveu n ’avait pas de s u b ro g é -tu te u r, et jus
q u ’alors ils avaient négligé une nomination que leur intérêt person
nel ne comm andait pas.
Mais en 1 844 »
22 m a i, ils font p rocéd er à cette nomination
par un conseil de famille d o n l les d eu x frères Du may font partie.
Un de leurs b e a u -frère s , le sieur C ham bordon , est choisi 7 jours
après, le 29 m ai; ils obtiennent de ce subrogé-tuteur la cession de la
créance du m ineur, m oyennant
23,000
francs , qui doivent être d é
posés à la caisse des consignations.
Il est dit dans l ’acte que les intérêts des
25 ,000
francs seront
em ployés aux frais de l’éducation du m ineur ; et com m e les inté
rêts des dépôts volontaires faits à cette caisse étaient s e u le m e n t,
d ’après l ’ordonnance du 19 janvier i 8 3 5 , de 2 p. 0/0, le sub ro gétuteur s’obligea personnellem ent à faire com pte au mineur de la dif
férence entre ce faible taux et l ’intérêt de
5
p. 0/0.
Ce subrogé-tuteur, q uo iq ue b e a u -frè re du sieur Dum ay, n ’avait
aucun m otif pour contracter celte singulière obligation. Il en a sans
doute été indemnisé par les frères Dumay.
Q uoi q u ’il en soit, le dépôt des
23 ,000
francs fut fait à la caisse
des consignations, le 3o m a i , m êm e mois.
Ainsi , subrogé plus 011 moins légalement à la créance du mineur,
le sieur Félix D um ay, prend, en cette qualité, deux inscriptions suc
cessives, les G juin et 26 décem b re
i 84 /î , sur les biens q ue pos
sédait ou q u ’avait possédés le sieur Prunayre , com m e affectés à
l’h yp oth èq u e légale du mineur.
Mais parmi ces biens se trouvait un enclos appelé de la F o r ê t , qui
�-
5
vH
-
n été vendu ju d ic ia ire m e n t, le 6 juin
>844 > m oyennant
~ S ,o 6 o fr.,
dont le prix était à distribuer, et sur lequel portait aussi l'h ypo thè
q ue particulière des frères Dum ay qui en poursuivaient la vente.
Il fallait faire disparaître l'h ypothèq u e légale ; et le sieur NicolasFélix Dumay crut y parvenir, en d o n n a n t, par acte authentique ,
main-levée des inscriptions de cette hyp oth èq ue en tant q u ’elles frappaientsur l’enclos de la Forêt, mais en ayant soin de les maintenir sur
les autres biens q u ’avait possédés le sieur P r u n a y r e , et par conséquen t
sur les immeubles d ’Auzat q u e celui-ci avait vendus aux appelants ,
et à l ’égard desquels avait été faite la purge viciée par la notification
faite au faux subrogé-tuteur, le sieur Jean-G abriel Dum ay.
C ependant les acquéreurs des héritages d ’Auzat apprennent avec
surprise les vices de c elte notification. Ils refusent de payer ce q u ’ils
restaient devoir.
En danger de payer une seconde fois les sommes q u ’ils ont déjà
versées , com m e les sieurs Cromarias et
R ou gier étaient exposés
à perdre les valeurs qui leur avaient été cédées , sans espoir d ’ail
leurs de rien recouvrer du sieur Prunayre devenu insolvable, instruits
m êm e que les sieurs D um ay tâcheront d ’em p ê ch e r de co llo q u e r la
créance du m ineur à l’ordre du prix de l’enclos de la F o r ê t , les uns
et les autres se présentent à cet ordre , signalent la fraude dont 011
veut les rendre victim e s, et dem andent que la créance du m in e u r ,
com m e la plus ancienne, soit colloq uée avant celle des frères D um ay,
et q u ’elle le soit, com m e elle doit l’être naturellem ent, sur le prix de
la vente la plus récente.
(
A cet ordre intervient aussi, en son nom p e r s o n n e l, l ie Bonnefoi
qui déjà y occupait pour les frères Duinay scs parents , et q u i , pré
tendant q u ’on l’injurie , réclame des dom m ages et in té r ê ts , parceq u ’on a parlé de sa négligence dans la purge légale dont il avait été
chargé.
Cependant q uelqu es circonstances n’ayant pas permis aux e x p o
sants de faire valoir leurs m o y e n s , un jugem ent par défaut rejeta
taules leurs d e m a n d e s , et admit celle du sieur B o n n e fo i, moins lesdommages et intérêts q u ’il réclamait.
*
�ii»
-
6 -
C ’est sur l’appel de ce jugem ent que la C our doit prononcer.
II fait naître plusieurs questions:
L ’intervention des appelants était-elle recevable devant les pre
miers juges?
La cession de la créance du m ineur Prunayre par son subrogétuteur est-elle n u lle?
L a créance du mineur doit-elle être co llo q uée avant celle des
frères Dumay ?
L ’intervention du sieur Bonnefoi ne devait-elle pas être écartée?
La solution affirmative de ces différentes questions ne p e u t , il
sem b le, présenter de difficultés sérieuses.
Sur la première question q uelqu es réflexions suffisent :
T o u te action a pour mesure l’intérêt de celui qui l ’ exerce. Aussi
tous les auteurs s’accordent-ils à dire q u e le droit d ’intervenir dans
une cause appartient à ceux dont les intérêts seraient blessés par le
jugement. T e lle est la doctrine enseignée par Pigeau , T r a ité de ta
’ P rocédure , tome i , page
4g 8;
4*5
; par Carré, L o is de la P rocédure, page
par B ern ât de St-Prix, C ours de Procédure, page 220, n ote
par Favard de L a n g l a d e , R é p e r to ir e , tome
3 , page
3 o;
1 1 8 ; par Dalloz
ainé, R ec u eil alphabétique de ju risp ru d en ce, tom e 9, page 582, n° 1.
O r, les intérêts des appelants seraient gravement co m p rom is, si les
projets des sieurs Dum ay réussissaient dans l’ordre du prix de l’en
clos de la Forêt.
Cet enclos est grevé de l’h yp o th è q u e légale du mineur Prunayre ,
créancier de 20,000 fr. et p l u s , et cette h yp o th èq u e est la première
en rang. La créance serait donc c o llo q u é e en ordre utile , si elle
était réclamée.
L e s frères D um ay s’en prétenden t aujourd'hui p ropriétaires, et ne
la réclam ent pas. Mais dans quel b u t?
L e u r b u t est d o u b le , celui d ’obtenir un
rang utile pour une
créance qui leur est p e r so n n e lle , et qui est la dernière en date de
titre co m m e d ’inscription , et celui d ’exiger la créance du mineur
contre les appelants, premiers acquéreurs depuis lo n g - te m p s du
père Prunayre , qui devaient s’en croire affranchis, mais qui ont été
�- 7 ~ . ,
..
* 1 1
jetés dans une fatale erreur par letrange irrégularité de la purge faite
en leur n o m , et qui sont menacés de payer une seconde fois un
prix dont ils s'étaient libérés.
Ils ont intérêt à éviter ce danger ;
Ils ont le droit de dem ander que la c r é a n c e , la plus ancienne en
date et en rang, soit c o llo q u é e la première sur un prix qui est encore
dû , et sur la dernière des ventes faites par le débiteur.
Ils ont aussi le droit de p r é v e n ir , par une intervention surveillante,
les effets de la collusion q u e pratiquent à leur préjudice le père
tu te u r , un oncle su b r o g é -tu te u r , et d eu x autres oncles du m ineur
P r u n a y r e , c ’est-à-dire quatre beaux-frères dont le concert dirigé
contre de premiers acquéreurs n ’a déjà été q ue trop manifesté par
les circonstances ci-dessus signalées.
Aussi l ’intervention ne paraît elle pas même avoir été contestée en
première in s ta n c e , quant à la qualité et à l’intérêt des intervenants.
L a seconde question exige q u e lq u e développem ent.
En principe c o m m e en c ir c o n s ta n c e s , la c e s s io n , faite aux sieurs
Dum ay p a r l e subrogé-tuteur du m ineur P r u n a y r e , ne saurait être
considérée com m e valable.
L e subrogé-tuteur était sans qualité p our la faire.
Car c é d e r , c ’est aliéner ; et celui-là seul peut a lién er, môme une
valeur mobilière , qui est le propriétaire de cette valeur ou qui a reçu
de la loi un m a n d a t , non-seulem ent pour l ’adm inistrer, mais m êm e
pour en disposer.
O r , un tel mandat n ’appartient pas au subrogé-tuteur. Ses fo n c
tions sont déterm inées par l ’article 420 , qui déclare q u ’elles consis
tent à agir pour les intérêts du m in e u r , lorsqu’ils sont en opposition
avec ceux du tuteur.
Mais son droit d ’agir pour les intérêts du mineur n ’est q u ’un droit
d e s u r v e illa n c e qui ne l ’autorise p a s, d ’ailleurs, à s ’immiscer dans
l’administration des biens du mineur. C ’est c c q u e nous a p p ren n en t
les discussions qui ont préparé la loi sur la tutelle.
« Il était utile , pour le plus grand intérêt des m in e u rs , disait le
» tribun I l u g u e t , de placer à côté d e s tuteurs un sub rorT,,- , '«teur
�» q u i , s a n s s ’im miscer d a n s l ’a d m i n i s t r a t i o n confiée au tuteur , s e r a i t
» c e p e n d a n t l à , p o u r , dans certains cas 3 le surveiller et lui porter
» secours.
» Il est possible, ajoutait le tribun L e r o i , que le tu teur, souvent
» parent du m in e u r , ait des intérêts comm uns en opposition avec
» les siens. L e législateur ne devait pas laisser la fidélité aux prises
» avec l'intérêt. Dans ce c a s , un autre protecteur est donné au mi> -n eur dans la personne du subrogé-tuteur. »
( V o ir la législation civile et com m erciale de L ocré , tome 7 , c o m
mentaire 8 , n* 1 5 , et comm entaire g , n° 1 1 . )
A in si, le subrogé-tuteur n ’a q u e des fonctions de surveillance , de
protection ; il n’en a pas même d ’administration ; il en a encore moins
qui l’autorisent à aliéner les biens du mineur.
Aussi l ’article L \il\ du C ode dit-il q u e le subrogé-tuteur ne rem
placera pas le t u t e u r , lorsque la tutelle deviendra vacante., soit par.
le décès du t u t e u r , soit par son a b s e n c e , et q u ’il d e v r a , dans ce
c a s , pro voq uer la nomination d ’un nouveau tuteur.
Ses fonctions sont indiquées avec détail dans le Traité des m ino
rités, par Magnin , tome 1“ , p.
444 ?
et dans celui de M. de F r é -
minville , t. 1“ , n8 1 6 0 ; et l ’on y voit q u ’elles se bornent à défen
dre les intérêts du mineur., lorsqu’ils sont en opposition avec ceux
du t u te u r , et à e x ercer des actes de surveillance et de p ro te ctio n ,
et non aucun acte d ’administration.
11 ne
peut pas m ême recevoir les revenus du mineur. Il pourrait
encore moins en touclier les capitaux. C om m e n t pourrait-il donc les
céder?
Ces vérités étaient trop certaines pour ne pas être reconnues par
les sieurs Duinay eux-m êm es.
A u s s i , le sieur IS’icolas-Félix D u m a y , tout en offrant au subrogétuteur , la somm e de 23,000 fr. à laquelle il fixait lui-m ême la
créan ce du m ineur, tout en colorant cette oiTre du désir apparent d ’ai
der aux dépenses nécessaires à l’éducation du m in e u r , tout en
engageant ce subrogé-tuteur, son.beau-frère., à lui donner quittance,
n ’a-t-il .pas voulu q u e celui-ci touchât la s o m m e , et il a fait stipuler
�—
9 —
dans la quittance que Ijs 2 3 ,o o o fr . seraient déposés à la caisse des
consignations pour la sûreté du m in e u r , et le dépôt en a eu lieu
le 27 mai i844*
C e p a ie m e n t, q u elqu e couleur q u ’on ait c h erch é à lui d o n n e r ,
n ’avait q u ’un seul m o lif tout dans l ’intérêt des frères D u m a y , celui
d ’obtenir la subrogation aux droits et à l ’h yp oth è q u e légale du mi
neur Prunayre, dans le b ut d ’en user plus tard contre des m alheu
reux acquéreurs ou cédataires qui avaient payé et qui avaient été
trompés par une vicieuse procéd ure pour la purge de l’h yp o th èq u e .
Aussi le sieur ¡Nicolas-Féüx Dum ay eut-il le soin de se faire subroger
par le subrogé-tuteur à l’h yp oth èq u e légale.
Mais le payem ent n ’était ni l é g a l , ni nécessaire, ni m êm e utile au
mineur.
-,i
'
L e payem ent n ’était pas légal ni la subrogation ou cession qui
l’a cc o m p a g n e , parce q ue le subrogé-tuteur était sans qualité pour
r e c e v o ir , sans qualité pour q uittancer, sans qualité pour subroger.
L e payem ent n’était pas légal, parce q u ’aux termes de l’art.
123g
du C o de civil , « il doit être fait au créancier ou à q u e lq u ’un ayant
» pouvoir de lu i, ou qui soit autorisé par la justice ou par la loi à
» recevoir pour lui. »
:
O r , le sieur C h a m b o r d o n , sub'rogO-luteur, n’était pas le créan
c i e r ; il n ’avait pas pouvoir du mineur pour re ce v o ir; il n’était auto
risé ni par la justice ni par la loi à recevoir pour ce mineur. Lui et
le sieur Dum ay l ’ont si bien s e n t i , que le sieur Félix Dum ay n ’a
voulu payer q u ’à la caisse des consignations, et que le sieur C h a m
bordon n’a pas réellem ent reçu , q u o iq u ’il ait donné quittance.
La subrogation, concertée entre l’un et l’autre , est aussi illégale,
parce q u ’au vrai créancier seul appartient le droit de subroger à ses
a ctio n s , privilèges et h y p o th è q u e s ; et cette subrogation , il rie la
d o n n e , il ne peut la don ner q u ’en recevant va lab lem en t; et celui
qui n ’est pas le vrai c ré a n c ie r , celui qui ne reçoit m êm e p a s , celui
qui, d ’ailleurs, reçoit ce q u ’il n ’a pas le droit de re ce vo ir, ne peut con
sentir une subrogation aux actions et aux hyp oth èq ues attachées à
la créance. ( Y . l’art. i 25o du Code civil. )
a
�S tfJ .
—
10 —
. L e payem ent n’était ni nécessaire ni utile au mineur.
Il n ’était pas nécessaire. Car sa créance était garantie par une h y
p othèque légale qui frappait sur 160,000 fr. de b ie n s, d’après l’csli—
mntion faite dans l’obligation consentie par le tuteur aux frères Dumay , le 8 mai i 843 ; car le prix d ’une partie de ces b ie n s, celui de
l ’enclos de la F orêt qui fut vendu 78,060 f r . , le 6 juin 1844 > q u e l
ques jours seulement après la quittance du sieur C h a m b ord o n , était
sur le point d ’être distribué. L ’ordre de ce prix fut ouvert le 26 n o
vem bre s u iv a n t, et le m ineur avait l’assurance d ’être prom ptem ent
payé sur ce prix de sa créance totale.
Il n’était pas utile au mineur, puisque les
23,000
fr. versés n ’ont
jamais servi à ses d ép e n ses, q uoiq ue c ’eût été le p rétexte donné
dans la quittance ; prétexte d ’autant plus faux , que le 26 janvier
suivant , le conseil de famille où assistaient cependant soit le sieur
Cham bordon, subrogé-tu teur, soit le sieur Kicolas-Félix D u m a y , cédataire de
celui-ci, autorisèrent le subrogé-tuteur à em pru nter
1,600 fr. pour faire face aux dépenses de l’éducation du m ineur.
Dans le procès-verbal de la délibération du C o n s e il , non-seulement
on garde le silence sur la créance du m ineur c é d ée au sieur D u m a y,
mais m êm e on parle de cette créance comm e encore due au mineur
pour une somme de 2 J ,o o o fr. q u ’avait touchée le tuteur son père.
Loin m êm e d ’être utile, la cession serait nuisible au m ineur, puis
que les
23,ooo
;fr. versés à la caisse des consignations ne lui produi
raient que 2 p. 0/0 d ’in té r ê t, conform ém ent à une ordon nance du
i g janvier 1 8 2 5 , nu lieu de
5
p. 0/0 auxquels il avait d r o i t ; puis
q u e la différence des 3 p. 0/0 annuellem ent n e
lui serait assurée
que par la garantie personnelle et volontaire du subrogé-tu teur sur
les biens duquel la loi ne lui accordait pas d'h yp oth è q u e ; puisqu’on
lui faisait perdre les intérêts auxquels il avait aussi droit depuis q u ’il avait
eu atteint l’ûge de 18 a n s V p u is q u ’enfin p our retirer de la caisse des
consignations les
23 ,000
fr. qui y avaient été déposés pour lui, il se
rait obligé de souffrir les embarras et les frais d ’une délibération du
conseil de famille et d ’un ju g em en t qui permettraient le retrait de
la somme, tandis que l’h yp o th è q u e considérable que la loi lui attri
�buait sur les biens de son tuteur lui assurait, sans aucune charge, sans
aucune difficulté, le paiem ent e n principaux, intérêts et frais de la tota
lité de sa créance.
r
j ’..
A in s i, illégale en p rin cip e , dangereuse plutôt q u ’utile en fait, la
ijuittance donnée par le tuteur et la subrogation ou cession consen
tie par lui no peuvent avoir aucun eüet et ne peuvent attribuer au
cun droit au sieur Duinay.
.
■
*
, .
C ette subrogation ou cession ne peut soutenir le regard de la jus
tice sous un autre ra p p o r t, c o m m e ayanl de la part des sieurs D umay, pour unique ou.principal m o tif, celui de se procurer un avan
tage illégitime au préjudice des autres créanciers du sieur P runayre
père, et de nuire surtout aux appelants,-
i*.
.
'L es premiers acquéreurs du sieur P run a yre a ch èten t à une é p o
que où des biens considérables appartenaient encore à leurs ven
deurs. Ils veulent cependant se mettre à l’abri de toutes poursuites
hypothécaires. Ils font transcrire et s’assurent q u ’aucune h yp o th è
q ue conventionnelle ne frappe leur acquisition. Ils tâchent aussi de
s’affranchir de toute h yp o th è q u e légale , et pour y p arv e n ir, ils re
m ettent leurs pièces à un avoué sur l ’exactitude du q uel ils devaient
d ’autant plus com pter, que cet a v o u é , parent des familles P runayre
et D u m a y , devait plus q u ’un autre connaître la position de ce$ fa
milles.
Et cependant q u ’arrive-t-il?
L ’avoué n é g lig e n t, sans s ’assurer que le sieur Nicolas-Félix ï)umay est réellement le subrogé-tuteur du mineur P runayre , lui
fait f a i r e , en celte qualité, la notification prescrite ppr la l o i , et
lui a ttr ib u e , de sa propre m ain , ce litre erropiu*, dqu$ l’exploit de
notification.
E l le sieur Dumay , ainsi qualifié, garde le silence sur c e lte er
r e u r , lui q u i, depuis i 835 > était alors créan cier avec son frère , ay
moins com m e caution , mais en vertu d ’un titre chirographaire seu
lem ent, du vendeur Prunayre; lui qui espérait sans doute tirer bien
tôt parli de c e lle irrégularité.
.,
Et bientôt les deux frères obtiennent de leur beau-frère P ru n a y re ,
�—
12 —
par acte authentique du 8 mai, une obligation portant h y p o th è q u e
sur l’enclos de la Forêt.
Et com m e cet enclos allait se vendre sur saisie im m o b iliè re , ils se
hâtent de faire nom mer, le 2 2 , un subrogé-tuteur qui est aus3i leur
beau-frère.
Et l ’un d ’eux traite, le 29 m ai, avec ce subrogé-luleur, pour se
faire subroger à l ’h yp oth èq ue légale du mineur.
E t il prend alors, com m e subrogé aux droits du m ineur, une ins
cription générale sur les biens vendus ou à vendre du tuteur ; mais
avec le projet de la faire rayer relativement à l’enclos d elà Forêt seule
m e n t ; ce qui est exécuté les
25
d écem bre 184^ et 8 janvier 1846.
E t définitivem ent aujourd’h u i , les deux frères réunis ch erch ent à
s’em parer, pour une créance nouvelle , du prix de cet enclos qui est
à distribuer, en réclamant cette c réa n ce à l’ordre de ce p rix , mais
en dissimulant la créance du m ineur pour l’exiger plus tard contre
des acquéreurs qui se reposaient avec sécurité sur une purge illégale
dont ils ne pouvaient soupçonner le vice caché.
T o u tes ces sp écu lations,
toutes ces manœuvres, ne seront pas
sanctionnées par la justice.
D es magistrats équitables et instruits déclareront la cession et la
subrogation qur s’y trouve illégales et nulles T sauf ¡1 examiner si la
créance du m ineur devra être co llo q u é e , et à quel rang, dans l’ordre
de l'enclos de la Forêt.
(^ette dernière observation nous conduit à l’exauvcn du mode de
collocation qui doit être adopté dans l’ordre dont il s’agit.
Si la quittance donnée p a r l e subrogé-tuteur est n u lle , comme
nous croyons Tavoir dém ontré, si., par suite , la subrogation q u e . c o ll e
quittance contient est aussi sans effet, la créance du mineur et l’hy
p oth èq u e qui y était attachée conservent lo u le leur fo r c e , et la
créance doit être colloquée au rang q u e la loi lui attribue sur 1 en
clos de la Forêt dont le prix est à distribuer.
Elle doit donc
recevoir cette collocation par préférence à la
créance personnelle et beaucoup plus récente des sieurs D u m a y ,
puisque cette créance ne remonte q u ’au 8 mai
18^3 ,
taudis que la
�créance du mineur et l’h ypothèque légale qui en est le gage , ont
une date antérieure de 20 a n s , c ’est-à-dire celle du contrat de ma
riage du mineur Prunayre.
La loi et l’équité s’unissent p our faire admettre ce rang de collo
cation.
La lo i, q u i , dans les art. 2 1 34 et 2 1 35 veut que l’h ypothèque ait
rang, savoir : la judiciaire et la conventionnelle du jour de leurs ins
criptions, et l’h y p o th è q u e légale de celui de la date des reprises de
la femm e ou des mineurs.
L ’équité qui exige que l ’h yp o th èq ue la plus ancienne obtienne
aussi la préférence sur les sommes à distribuer
‘
L a jurisprudence est conforme à ces règles. Car lorsque des h yp o
thèques générales et spéciales concourent dans le même ordre , elle
adopte un m ode de collocation réglé par le rang des hypothèques
spéciales les plus anciennes ; et combinant les droits respectifs des
créanciers hypothécaires de manière à prévenir toute fraude, elle ne
perm et pas au créancier à h yp o th èq u e générale de restreindre sa
collocation à tel ou tel imm euble au préjudice du créancier prem ier
inscrit avec h yp oth èq ue sp éciale; elle déclare que le créancier à h y
p o th è q u e générale n ’a que le droit de dem ander que son inscription
vienne en ordre utile, sans q u ’il puisse désigner l’imm euble sur lequel
il veut être c o llo q u é ; mais elle prescrit de le colloqtier dans l’ordre
de date des inscriptions à h yp o th è q u e spéciale, en com m ençant par
la dernière. C ’est ce q u ’ont jugé notamment un arrêt de la C our de
Paris du 28 août 1 8 1 6 , un arrêt de la C our de Tou lou se du
i
836 ,
un arrêt de la C o ur de Limoges du
5
5 mars
janvier 1 8 3 9 ; et c ’est
aussi dans ce sens équitable q u ’ont décidé des arrêts de la C our de
Cassation du
5
juin 1821 , de la C o u r d c R i o m du j 8 janvier 1828,
de la C our de Poitiers du i 5 décem bre 1829 ( 1); et telle est la d oc
trine de MM. Grenier et T r o p lo u g d a n s leurs Traités des H y p o th è
ques , n°‘ 180 et 760.
• 1<
Cette doctrine est fondée sur le plus convenable sentiment d e ■.
j ■>".<
(lj V. les arrûts dans le Journal do Sircy, 1 .17. 2. 376; 39. 2. 5 j3 et 5^5; 21 J.
360; 3 1 .2 . 310; 3 0 .2 .9 2 .
'
�—
H
—
(juité, qui ne perm et pas que.jles premiers créanciers qui^ont traité
avec le débiteur c p in m u a soient sacrifiés aux derniers de ces créan
ciers par la combinaison intéressée de celui qui, ayant line,hypothè
q ue g é n é r a le , renoncerait,à. son gré à sa collocation sur tel ou tel
des im m eu b le s, pour faire peser son h yp oth èq u e générale sur celui
des im m eubles q u ’i l j u i plairait de ch o is ir , au (préjudice d ’un autre
c r é a n c ie r
’
’
!
>
i
•
■ *
En un mot, c ’est le rang des h yp oth èq ues que l’on doit suitre, au
tant q u e possible, dans un ordre pour la collocation de toutes les créan
ces, et dans l'intérêt d e tous les créanciers, pourvu ;que la créance à h y
poth èq ue générale, si elle est la première inscrite^soit com plètem ent
soldée- L a C o u r de Riom l a encore ainsi décidé par un arrêt du 11
février 1 8 4 1 que rapporte la Presse Ju d icia ire n° i a 3.
, L e môme, sentiment d'équité com m ande aussi q u ’entre plusieurs
acquéreurs égalem ent grevés d ’une h yp oth èq u e g é n é r a le , ce soient
les plus, récents qui; en supportent le danger avant de rem onter aux
pljus anciens. Car les premiers acquéreurs dans l’ordre des ventes
avaient dû être rassurés par les autres propriétés q ui restaient à leur
ve n d e u r.
.. >
‘ •
a E t rem arquez q ue l'arrêt de la C our de Riom q ue nous venons de
citer s’était conform é à cette idée pour le rang des collocations q u ’il
ordonûa.
j' r.
.1.1.'
C ’est aussi par ce juste sentiment d ’équité que la C o u r de Toulouse
a jugé par arrêl du 19 mars.] 1 838 q u e , lorsqu’un créancier à h y p o
th è q u e générale, voulait agir h ypothécairem ent contre plusieurs ac
quéreurs successifs de son débiteur., il devait poursuivre les derniers
de ces a cq u éreu rs, si la valeur des im m eubles détenus par ceux-ci
suffisait pour acquitter sa c r é a n c e . . ( Yoir l’arrêt dans le Journal de
S irey, t.
38 .
2.
458. )
..
ï>e c e lte dissertation , il résulte q u e , pour la solde de toute créance
h yp o th éca ire, il f a u t, autant q ue p o ssib le , suivre cl le rang des
hyp oth èq ues et l’ofdre des aliénations.
,
C ’est ainsi seulement q u ’on peut être juste envers tous les créan
c iers, envers tous les acquéreurs du m ême d é b ite u r; c ’est ainsi seu-
�—
15
V U
—
lpment <m’qn peut prévenir, tou le fraude e t t o u t çl^m m ngenon né
cessaire.
............... .• .a'!.-,...
;
,,t ¡Clependant: derniers-, créanciers inscrite*, et n ayant «J’insfript^on
q ue sur le dernier,im m eu ble a lié n é , l’enclos de la Forêt, f savoir
les frères Dumay dem anden t q u ’on laisse de côté Ia;première ç r p n c e
inscrite o u en rang sur cet im m euble, et q u ’on les colloque ,enx(tnêmesà J’exclusion.de la créance du mineur P runayre ;
■¿•sa. n
Ils le dem andent., q u o iq u ’ils, aient été- prévenus par l’acte i^ême,
constitutif de Ipur droit q ue Je créance du m jn e u r je s p r i m a s u r cet
enclos qui leur,était h yp o th é q u é ;
•:
i :
Ils le.,demandent p o ur déverser cette-prem ière créançe. bypothtv.
caire sur les premiers acquéreurs du débiteur com m un ; _ ^
Ils le d em a n den t, sous prétexte quîils sont aux droits d e ce mi
neur, en vertu,d!une,5ubrogation dont nous avons dém ontré l a p u l Klj»-•
\ ^
1.1 > i* « Vil .
./ t J
J l s Je dem andent aq détrim ent des appelants, premiers acquéreurs;:
.^ llsledem ^n denL inêm e au p réjudice du sieur D ou x , adjudicatajre^de
l’enclos de la Forêt. Car Le ipineur, dont la créance n’a pas été valable
m ent aliénée, pour lequ el une nouvelle.inscription a été prise même(
sur ,çe(t. enclos, aurait le droit un jour de se plaindre de ce q u ’on ne
l’a pas appelé à l’ordre du prix de l ’adjudication, et sans s’em bar
rasser d ’une consignation-illégale et qui lui est m ême préjudiciable ,
d ’exercer des poursuites hypothécaires contre ce dernier acquéreur^
R em a rq u o n s aussi que le danger de l’adjudicataire serait d ’autant
plus grave, et que m^mes les intérêts du m ineur seraient d ’autant plus
compromis, que les appelants se proposent et ^e réservent.expressén^ept le droit de soutenir, le jour où ils seront attaqués com m e o,n;en
a le projot, que l’h yp oth èq ue légale a été valablement purgée par les
pr.çpiiers acquéreurs du sieur Prunayre père ; q u e stio n ,im p o rta p te
et difficile qui n ’a pas d û l e s em pêch er d intervenir dans la çai^sc
actuelle pour prévenir les poursuites dont ils sont m e n a cé s , et pour
provoquer,la collocation du m ineur dans l’ordre du prix de l’enclos
d e ,!* Forêt.
Ajoutons, au resto, que,,fût-il possible q u e les frères Dumay eus-
�/
{
0
-
k
16-
scnt été valablement subroges aux droits du m ineur P r u n a y r e , ils
devraient se conform er à la doctrine et à la jurisprudence que nous
avons ci-dessus rappelées ; q u ’ils devraient d ’abord faire colloquer
leur créance la plus ancienne
en date et en r a n g , et q u e cette
c ré a n c e , qui est inscrite aujourd’h u i, qui m êm e par sa nature exis.
terait hypothécairem ent ne fût-elle pas in s c rite , ne devrait pas être
rejetée de l’ordre actuel pour donner le pas à une autre créance plus
récente. Car le créancier lu i-m ê m e, qui a plusieurs créances inscrites
sur un ou plusieurs im m eubles dont le prix est à distribuer, ne
p e u t , d ’après l’article
2 i 34 du
C o d e civil , et d ’après la jurisprudence,
faire de choix pour la collocation q u ’en faveur de la créance q ui se
trouve la plus ancienne en rang hypothécaire.
Mais cette dernière
observation est s u r a b o n d a n te , puisque la
créance du m ineur n ’a pas cessé de lui a ppartenir; puisque cette
c ré a n c e , ne fût-elle pas in scrite, n ’en existerait pas moins com m e
hypothécaire sur l ’immeuble dont le prix est à distribuer ; p u i s q u e ,
d ’ailleurs, l’inscription, dont le sieur Dum ay avait illégalement donné
m ainlevée, a été renouvelée depuis par un parent du m ineur ; puisq u ’enfin, si le subrogé-tuteur de ce m ineur néglige ses d r o its , le mi
nistère public est là pour les surveiller et p our réclam er la colloca
tion à laquelle il a droit.
Il nous reste q uelqu es mots à dire sur l ’intervention en prem ière
instance du sieur Bonnefoi.
C et avoué a voulu jouer un rôle personnel dans cette cause.
E t certes il eût été plus sage p our lui de ne pas y figurer , au
moins en son propre nom.
C ependant il a cru devoir crier h l'in ju r e , vanter sa délicatesse et
ses s o in s , dem ander des dommages et intérêts.
Ces
dom m ages et intérêts lui ont été refusés, m ême par défaut.
S e u lem e n t, ce défaut lui a valu q ue lq u es dépens.
Sera-t-il aussi heureux devant la C o u r? On peut en douter.
C ar pourquoi est-il intervenu? Q u e lui avait-on dit d ’oulrageant ?
O n s’était borné à se plaindre de sa négligence ,«t à se réserver
contre lui uue action en dom m ages et intérêts.
�_
J7 —
Kt c e r t e s , de m alheureux acquéreurs, que la mauvaise procédure
de M* Bonnefoi expose à payer d eu x fois le prix de leurs acquisitions,
n ’ont-ils pas dû éprouver contre lui q u e lq u e irritation ?
Car com m ent pouvaient-ils s’exp liq uer que M e B o n n e f o i , parent
du tuteur P r u n a y r e , parent aussi des sieurs D u m a y , eût eu 1 im pru
den ce de considérer le sieur D um ay aîné , receveur des hospices de
C le r m o n t, com m e subrogé-tuteur du m ineur Prunayre , sans être
certain q u ’il remplissait réellem ent cette fonction ?
C om m e n t concevoir q u ’il e û t , de sa propre m ain , qualifié , dans
l’exploit de notification , son propre p a re n t, de subrogé-tuteur , sans
avoir vérifié l’exactitude de cette qualification?
C o m m ent ne pas être surpris aussi de son silence à l ’égard des a c
quéreurs q u ’il n ’a jamais avertis, d ’une erreur q u ’il avait nécessaire
ment reconnue depuis?
Com m ent aussi ne pas s’étonner q u e ce soit l u i , M* Bonnefoi, q ui
ait été l’agent, le mandataire des frères D um ay, dans tout ce q u ’ils
ont fait pour profiter de celte erreur?
Q ue ce soit lui q u i , aussi de sa propre main , ait écrit les inscrip
tions prises le 6 juin et le 21 d écem bre 1 844 » s,,r le sieur P ru n a y re ,
au nom du sieur D um ay p u î n é , com m e subrogé aux droits du m i
neur P ru n a y re?
Q ue ce soit lui q u i , com m e avoué des sieurs D um ay, ait p o u r
suivi en leur nom , l’ordre du prix de l’enclos de la F o r ê t , cet ordre
dans lequel il ne réclamait pas une créance qui, n ’étant pas payée sur
le prix de cet enclos, ne pourrait plus l’être, par son étrange faute,
q u ’aux dépens des acquéreurs dont il avait si mal soigné les intérêts?
Que ce soit lui-m êm e qui se soit chargé de soutenir pour les frères
Dumay, et contre ses anciens c lie n ts , un procès dont la seule cause
est une purge irrégulière qui est son ouvrage e t dont il a encore les
pièces entre les mains?
C om m ent croire q u ’il puisse espérer d ’accroître e n c o r e , par des
frais et par des dommages et intérêts, le m alheur de scs ancien»
clients, de la triste position desquels il paraît le principal a u te u r?
Les appelants ne se livreront pas à des expressions injurieuses.
�contre M* Bonnefoi. Mais ils ne pourront s’e m pêch er de déplorer
sa légèreté, son peu de soins , son imprudence , et de se réserver
contre lui une action en dommages et inté rê ts, pour le tort q u ’il
leur a causé, q uel q u ’en soit le mobile.
n
I-M* A L L E M A N D , A vocat-consultant ;
Me d ’A R N O UX ,
A v o c a t, plaidant contre
M« Bonnefoi ;
M*
E
ugène
ROUHER,
A v o c a t , plaidant
contre Dum ay et autres;
M 'M I C H E L L E T , A v o u é de MM. Cromarías
et Rougier.
•>■3
I
Riom , im prim erie de E- LEBOYER.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rougier. 1846?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
D'Arnoux
E. Rouher
Michelet
Subject
The topic of the resource
hypothèques
conseils de famille
tutelle
créances
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations pour les sieurs Rougier et Cromarias, anciens avoués, habitants de Riom ; et pour les sieurs Sabatier, Morel et Barodi, propriétaires-cultivateurs, habitant au lieu d'Auzat-sur-Allier, appelants ; contre les sieurs Jean-Gabriel et Nicolas-Félix Dumay, intimés ; contre le sieur Bonnefoi, avoué au tribunal d'Issoire, aussi intimé ; et contre le sieur Joseph Prunayre et autres, également intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Leboyer (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1846
1835-1846
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3010
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3011
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53627/BCU_Factums_G3010.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Auzat-la-Combelle (63022)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
Créances
hypothèques
tutelle
-
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ae66e5f296a037ecb0c0270d7e38b715
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Text
MÉMOIRE
^ y?
POUR
L e s s ie u r s A nnet et M
ichel
B O N H O U R S , d ame A
nne
BONHOURS
et le s i e u r J e a n - B a p t i s t e C E L M E , son m a r i , et le s i e u r L o u i s COUR
B O N H O U R S , t u t e u r l é g a l d e ses e n f a n s m i n e u r s , to u s p r o DE
p r i é t a i r e s , h a b i t a n s la v i l l e d e M o n t f e r r a n d , Intimés;
-—
CONTRE
D a m e A n t o i n e t t e B R U N , veuve en premières noces du sieur
G u i l l a u m e B U J A D O U X , et sieur J o s e p h V E R N I E T T E ,
son second m a r i , marchands , demeurant en la 'ville de
Clermont , Appelans.
S ans d o u t e , le droit de transmettre sa fortune à un héritier de
son choix est u n des droits les plus précieux de la société. Tout
acte qui renferme l ’exercice de ce droit, lorsqu’il se présente revêtu
des formes légales et des caractères de la sincérité, mérite la pro
tection de la justice.
Mais aussi la justice frappe toujours de sa réprobation l ’acte
mensonger que l ’on ose faire apparaître sous les couleurs de la
vérité. E lle sait déjouer les manœuvres criminelles, à l ’aide des
quelles on voudrait substituer la fiction à la réalité.
Dans le procès qui s’agite, la dame V er n ie tte , égarée par une
basse cu pi dité, n ’a pas craint de s’arroger la qualité de légataire
universelle du sieur B r u n , son frère. On l ’entend dire et répéter
(que c ’est là un don de la gratitude, de l ’amitié fraternelle. A l ’en
tendre, que n ’a - t - e l l e pas fait pour la mériter! Soins attentifs,
égards , peines , sacrifices , rien n ’a été épargné pour embellir
l ’existence du sieur Brun , ou p o u r la soulager dans les tristes
années d ’une vieillesse infirme.
Q ue faisaient pendant ce tems-là les enfans Bonheurs, neveux
du sieur B r u n ? Ils oubliaient leur oncle, qui disait, s’ il faut en
croire la darne V e r n ie t te , avoir depuis long-tems à s’en plaindre.
C e langage de la dame Verniette respire l ’exagération et la ca
lomnie. Il est démenti par les nombreux élémens de la cause.
La correspondance du sieur Brun , les enquêtes, sagement a p
préciées, réduisent à leur juste valeur les assertions de la dame
Verniette. C e q u ’elles apprennent, c ’est que la dame Verniette,
en attirant son frère à C le r m o n t , eu le recevant chez elle, était:
�w
.
( * >
dominée par l ’arrière-pensée de s’emparer de toute sa fortune. E lle
savait q u ’ il chérissait les enfans Bonhours, ses neveux ; elle chercha
à les lui rendre odieux. Elle prit soin de les éronduire, toutes les
fois q u ’ils se présentaient pour rendre leurs devoirs à un bon parent.
Doux et tim id e, affaibli par les souffrances', et privé souvent de
l ’usage de sa raison, le sieur Brun était entièrement sous la domi
nation de sa sœur : elle le tenait en charte privée.
C e t état moral ne permettait pas au sieur Brui', de nommer un
héritier testamentaire, quand il l ’eut voulu.
Non; jamais il ne voulut donner tout son patrimoine à la dame
V er n ie tte , et dépouiller ainsi de leur part les Bonhours, ses neveux,
dont il n ’avait point eu à se plaindre. Jamais, dans sa nombreuse
correspondance, dans ses propos, il 11e laissa pressentir une pareille
disposition.
Aussi l ’étonnement fut général, quand on parla dans le public
d ’un testament olographe, qui attribuai t à la dame Verniette toute
l ’ hérédité du sieur Br u n . On ne pouvait y croire : chacun voulait
voir cette pièce.
Tous ceux qui la virent soupçonnèrent sa sincérité; elle apparut
comme une œuvre de fraude.
Les enfans. Bonhours durent l ’a tt a q u e r, par respect même pour
la mémoire de leur oncle. S ’ ils eussent gardé le silence, on aurait
pu l ’accuser d ’injustice a leur égard.
Si le blâme de la société retombe sur la dame V e r n ie t te , elle ne
doit l ’imputer q u ’à elle-méinc. Pourquoi tant d ’avidité? N ’était-ce
pas un assez beau lot que la moitié d ’ une succession qui s’élève à
plus de Go,000 fia lies ?
L ’écrit informe sur lequel elle fait reposer sa prétention n ’a pas
été tracé par la main du sieur Brun . Il n’émanerait pas dans tous
les cas d ’ une volonté libre.
L a vérification qui en a été déjà faite par experts 11e mérite point
de confiance. Les premiers juges l’ont rec onnu’, ils en ont ordonné
une nouvelle.
La p reu ve , qui avait été offerte par la dame Verniette et or
donnée par la C o u r , n ’a point été administrée*, au contraire, le
résultat de celte mesure ajoute encore aux moyens qui tendent à
démontrer la fausseté ou l ’illégalité du testament attaqué.
FATTS.
L e sieur Brun , chirurgien à Montferrand, avait eu trois enfans,
un fils et deux tilles. __________
�T ^ J
Antoinette B r u n , l ’une de ces filles, s’était mariée en premières
noces avec le sieur Bujadoux; en secondes noces, elle est devenue
réponse du sieur Verniette. Ces époux soilt appelans dans la cause.
iV!ici)elle B r u n , sœur de la dame Verniette, avait épousé le sieur
Bonliours, propriétaire à Montfcrrand. Elle est décédée depuis
plusieurs années, laissant cinq enfans, qui sont les intimés.
L e sieur B r u n , frère des dames Verniette et Bonliours, est dé
cédé, sans postérité, depuis 1824. Leu r père était mort quelques
années auparavant.
La surcession du sieur Brun fils est assez considérable- elle est
toute mobilière. Elle se compose du bénéfice de son commerce du
fruit de ses économies et de la valeur de sa part dans l ’hérédité
paternelle.
L a dame Verniette a fait apparaître un prétendu testament,
sous la forme olographe, qui lui assurerait l ’intégralité de la suc
cession de son frère. C ’est l ’appréciation du mérite de ce testament
qui fait l ’objet du procès.
L e sieur Brun fils avait été d ’abord élève en pharmacie. Il aban
donna cette carrière pour embrasser le commerce, et vint demeurer
à Paris en 1802. Il choisit la commission. Il expédiai-t les diverses
sortes de marchandises q u ’on lui demandait. Originaire de Montferrand, les envois de marchandises q u ’il faisait à C l e r m o n t durent
être fréquens, et ses recouvremens dans la même proportion , ce
qui mult iplia les relations q u ’il eut avec cette ville durant un grand
nombre d ’années.
Les élémens de la cause n ’apprennent point quelles furent pen
dant long-tems les personnes chargées de sa confiance à Clermont.
Seulement ia dame Verniette produit plusieurs lettres dont les dates
sont postérieures à 1820, et desquelles il résulte q u ’aux tems où ces
lettres étaient écrites, la dame Verniette était chargée par le sieur
B r u n , son frère, de faire quelques recouvremens. Il l ’accuse même
par fois de négligence à ce sujet.
C e n ’est assurément pas 1111 sentiment de prédilection qui portait
le sieur Brun à s’adresser quelquefois à la dame Verniette pour
l ’aider dans ses recouvremens. Il 11e pouvait la préférer à la dame
Bonliours, qui était alors décédée depuis long-tems; et celte der
nière eu t-e lle vécu, comme elle habitait Montferrand et que sa
famille était nombreuse, elle n aurait pu servir les intérêts du sieur
B r u n , sou frère, sans nuire beaucoup aux siens; inconvénient qui
ne*se rencontrait point à l ’égard de la dame Ver niette, qui a tou
jours habité Clermont.
�I
T T T
L a clame Verniette veut s’emparer exclusivement île l'affection
(le son frère. Toujours, dit-elle, exista entr’eux la plus vive amitié;
amitié q u ’avait entretenue un échange mutuel de soins, de services
et d ’attention , et qui engageait le sieur Brun à venir de tems en
tems à Clermont pour passer quelques semaines avec elle.
A u contraire, dit-elle encore, les rapports du sieur Br un avec la
dame Bonhours et sou époux étaient nuls ou peu agréables; il
éprouvait même pour eux une sorle cl’éloigneinent , dont i l est
in u tile de -rechercher les causes, mais q u ’il a manifesté dans p l u
sieurs circonstances.
C e langage, suggéré par une Lasse c u p i d ité , est outrageant pour
la mémoire de la dame Bonhours. Il est hautement démenti pur
diverses lettres que rapportent les intimés, et qui renferment des
témoignages d ’affection et de confiance de la part du sieur B run
pour les époux Bonhours et leurs enfans; démenti encoie par les
nombreux témoignages invoqués pour éclairer la justice, il n est
rien moins que justifié par la correspondance dont se prévaut la
dame Verniette. O ù sont donc les preuves de sa perfide allégation?
Quelles sont donc les circonstances qui manifestent Véloignem ent
q u ’elle suppose avoir existé entre le sieur Br un et les époux Bon
hours? On la défie même d ’indiquer des causes qui eussent dû
amener ce prétendu-éloignement.
E lle a calomnié la mémoire deson frère.Non, il n ’eut paspour elle
une amitié exclusive. O u i , la dame Bonhours, son époux et ses
enfans , ont partagé son affection , et n’ont rien fait pour démériter.
L o r s q u ’ il venait en Au vergne, avant la-mort de sou p è r e , il té
moignait à ses sœurs une égale affection; et s’il avait quelque pré
férence , c’était pour la dame Bo n h o u r s, bonne mère et bonne
épouse. Tantôt à Montferrand, chez son père ou chez sa sœur; tan
tôt à C le r m o n t , chez la dame Bu jadoux (depuis Verniette), et chez
des amis, il recevait partout un bon accueil.
A u voyage q u ’il fit en 1818 pour le partage de l ’ hérédité pater
nelle, il résida à Montferrand plus long-tems q u ’à Clermont. La
veille de son arrivée était décédée la dame Bonhours, sa sœur; il
en témoigna les plus vifs regrets à son .beau-frère.
11 faisait des cadeaux à la dame Bonhours, à sou époux et à ses
enfans. Il en recevait d ’eux. C ’était ordinairement quelques fûts
tie vin blanc., quelques paniers de pommes choisies que sa sœur et
son bcait-lrèie lui adressaient à Paris. La vérité de cette allégation
est établie par su correspondance avec, les époux Bonhours.
La mort de la dame Bonhours lui causa beaucoup de chagrin. Il
�----------------------------- m
---------------------------------------
témoigna sa douleur à son beau-frère. Il le plaignit, en l ’assurant
de son inaltérable amitié, avec ce ton de sincérité qui part du cœur.
C e t événement, si funeste pour les en fans Bonhours, livra le
sieur B r u n , leur oncle, à toute l ’obsession de la dame Verniette.
L ’amitié q u ’il portait aux neveux, bien q u ’elle lut sincère, ne
pouvait pas être aussi vive que celle q u ’il avait eue pour leur mère:
il les connaissait moins.
La dame* V e r n i e t t e , qui convoitait la succession du sieur B r u n ,
craignit moins alors de voir déjouer ses manœuvres pour éloigner
les eu fans Bonhours et leur enlever l ’aiFection de leur oncle. Elle
cherchait à l'aire parade d ’un atLacheinent sans bornes pour un
frère qui sans doute lui laisserait en récompense toute sa fortune.
On ne doit pas s’étonner si, postérieurement à 1820, la correspon
dance du sieur Brun est plus active avec la dame Verniette q u ’avec
le sieur Bonhours et ses enfaris. Une sœur, qui montrait tant d'a
mitié et un zèle aussi apparent pour les intérêts de son frère, de
v a i t , par rapport à ces intérêts, l ’emporter sur des neveux à qui
leur grande jeunesse et leur position 11e permettaient pas de rendre
service à leur oncle. Mais cette correspondance ne prouve p o i n t ,
elle n’indique pas même que son affection leur fut aliénée. Il se
souvint toujours q u ’ils étaient les enfans d ’une sœur chérie.
Au mois de lévrier 1821, et non en 1822, comme elle le dit dans
son mémoire, la dame Verniette se rendit à Paris. A l'entendre,
elle accourut en cette ville, n ’écoutant que khi affection et aban
donnant son ménage et son commerce pour venir entourer de ses
soins un frère malade.
On ignore si le sieur Brun était alors malade; plusieurs lettres
' q u ’il écrivait à sa sœur, dans les mois de janvier et de lévrier,
persuadent le contraire; mais ce qui est positif c ’est q u ’elle était
indisposée en arrivant à Paris; que durant le séjour d ’environ deux
mois q u ’elle lit en cette ville, elle éprouva une forte maladie.
Dans une lettre que le sieur Brun écrivait au sieur Verniette son
beau-frère, sous la date du 29 avril 1821 , il lui annonce que la
dame Verniette part de Paris dans deux heures; « il faut croire,
« ajo ut e-t-i l, q u ’elle s’est rétablie bien promptement, et j ’ai fait
« pour le mieux pour vous la renvoyer en bonne santé et en m eilleu r
« et al (¡ue j e ne l ’ai reçue. »
C e n’était donc pus pour donner des soins h son frère malade que
la dame Vcrnielte était venue à Paris, mais bien pour satisfaire sa
curiosité, et plus encore, aiin de faciliter le traitement de la
maladie dont elle se son lait atteinte.
�tq
( c )
•
L e sieur B r u n avait subi plusieurs faillites. L e chagrin q u ’ il en
éprouva altéra sa santé, qui devint de plus en plus chancelante.
Bientôt arrivèrent les infirmités, et il sentit q u ’il était teins d ’a
bandonner le commerce, de liquider ses affaires , et de réunir sa
for tu ne, q ui était toute mobilière, et qui s’élevait à plus de
60,000 fr.
L a dame Verniet te le savait. Trouver le m oyen de s’approprier
cette fortune fixait continuellement son attention. Elle'sollicita son
frère de se retirer à Clermont. E lle offrit de le recevoir chez elle,
et même d ’envoyer son mari pour prendre soin de lui dans son
voyage. C ’est ce q u ’apprennent deux lettres écrites par le sieur
B r u n , les 26 août 1822 et 8 octobre 182,3.
L a i re de ces lettres apprend aussi toute la peine que ressentait
le sieur Brun d ’être forcé d ’abandonner ses habitudes commerciales.
On voit q u ’à ce sujet il a soutenu une longue lutte avec lui-même.
C e n ’est pas lui q u i , par initiative, a résolu de se retirer à C l e r
mont. Il n ’a fait que céder aux instances de sa sœur, et il n ’a fallu
rien moins, pour l ’ y déterminer, que des infirmités croissantes et
diverses attaqu es, qui le plaçaient momentanément dans un état
de paralysie.
En fin le commerce et P a r i s sont abandonnés par le sieur B r u n ,
q u i arrive à C le n n o u t le 2 novembre 1823. C ’est de ce jour q u ’était
d ’abord daté le testament produit par la dame V e r n ie t t e , tant
elle avait hâte de s’assurer sa proie; depuis on a pensé q u u n e date
plus récente, écrite même par surcharge , conviendrait mieux.
Quoi q u ’il en soit, la dame Verniette a fait apparaître un écrit
q u ’elle prétend être le teslameut de son i r è r e , el q u i est ainsi
conçu :
« Ceci est mon tesmament
« J’ institue mon héritière universelle
« Ma sa u r Antoinette Brun
« A C le rmont-Ferrand , le vingt-trois novembre
« Mil huit cent vingt-trois
B R U N ( M iciiei ,)
Bien de plus informe que ce prétendu testament. Il est écrit eu
six ligues, dont, aucune n’occupe la largeur de la page. Plusieurs
mots sont surchargés. On a employé trois sortes d ’encre. L ’écriture
et la signature n'ont aucune ressemblance avec les écritures el les
signatures qui se trouvent dans la nombreuse correspondance du
sieur B r u n , produite au procès.
On ne peut se faire à l ’idée que le sieur Brun qui écrivait assez
.
�7
correctement, et qui avait la prétention de bien écrire, soit l’auteur
d ’un pareil écrit. Il ne l ’aurait pas laissé subsister tel q u ’il est. Il
aurait eu plutôt recours au ministère d ’un notaire, pour exprimer
régulièrement ses dernières volontés.
Cependant le sieur Brun n ’était arrivé à Clermont que pour
être mis en charte privée chez la dame Verniette, q u i , à ce sujet,
avait intimé ses ord es à son mari et à ses enfans. On l ’obsédait :
on voulait l’isoler de ses connaissances, de ses amis, excepté de ceux
qui de vaieut lui parler constamment dans l ’intérêt de la dame
Verniette. On voulait sur-tout empêcher que les enfans Bonhours,
ses nev eu x, eussent accès auprès de lui. On redoutait l'affection
q u ’ il leur portait; on travaillait à les faire oublier.
Malgré tant de précautions pour les tenir éloignés, deux des
enfans Bonhours, l ’ainé et le plus jeune, an premier jour de l ’année
1824 , surmontant tous les obstacles, parvinrent jusqu’à leur oncle.
Vainement 011 avait cherché à les éconduire. Le sieur Brun expritna
son mécontentement de ce que l'on repoussait ses neveux. 11 té
moigna beaucoup de plaisir de les voir, en les engageant à revenir.
Les souffrances physiques avaient affaissé les forces morales dans
la personne du sieur Brun. E t encore ce qui lui restait de f.icultés
intellectuelles était-il absorbé par des assoupissemens fréquens. Si
le sentiment n’était pas encore é t e i n t , sa raison affaiblie le livrait
entièrement à la domination de la dame Verniette. Il la craignait
et tremblait devant elle. On le traitait comme une personne inca
pable de se conduire seule. Quand il sortait la dame Verniette le
faisait accompagner. S ’il échappait à cette active surveillance, ce
qui lui a r r i v a i t très-rarement, 011 faisait courir après lui : on le
cherchait comme un prisonnier qui a brisé ses fers, tant 011 craignait
ou q u ’il ne révélât au public le traitement q u ’on lui faisait subir
et l ’isolement o ï l on le plaçait, si momentanément sa raison pouvait
lui permettre cette révélation, ou q u ’il ne rendit ce même public
témoin de l’absence de sa raison.
Dans une circonstance, étant parvenu à s’échapper, il était
a r r i v é seul chez le sieur Bergougnoux, pharmacien, son ancien ami,
à qui il s’était plaint de ce q u ’on le tenait en charte pr ivée, et
même de ce q u ’on exerçait sur lui des sévices, tandis q u ’au contraire
011 prétendait q u ’il rendait malheureuses les personnes qui l’appro
chaient pour lui donner dès soins.
C ertes, un pareil langage est loin d ’annoncer que les soins que
prétend avoir prodigués la dame Verniette lui avaient mérité
toute la gratitude de sou frère et obtenu son affection exclusive.
*C*
�Il éloigne au contraire la pensée que le sieur Brun ait jamais eu la
volonté d ’oublier entièrement les enfans Bonhours ses nev eu x,
pour assurer à la dame Verniette l’ universalité de sa fortune.
L a dame Verniet te alla plus loin. Elle trouva sans doute avan
tageux q u ’ une partie de cette fortune passât dans ses mains, même
du vivant du sieur Brun.
U n e procuration générale, portant pouvoir de régir et a d m i
nistrer tous biens; de poursuivre le recouvrem ent de toutes
créa n ces; de donner q u it ta n ce , etc., parut un moyen assez
plausible d ’atteindre ce b u t ( O n se rappelle que la fortune du
sieur Brun était toute mobilière); peut-être aussi voulait-on avoir
la signature du pauvre m alade, tracée en présence d ’un officier
ministériel, afin d ’en faciliter l ’imitation.
C ett e procuration est faite selon le vœu de la dame Verniette.
E l l e porte les signatures de M£* Asteix et Costes, notaires recevant.
TJn incident grave se rattache à la manière dont cet acte fut
confectionné. C ’est le sieur Anglade, aujourd’ hui notaire à Cornon,
et alors maître clerc du sieur A s te ix, qui fut chargé de rédiger
l ’acte. Pour le faire, il dut se transporter chez la dame Verniette.
Il trouva le sieur B r u n , m ala de, souffrant, abasourdi. Les
réponses du malade étaient faites péniblement et presque toujours
par monosyllabes. L e sieur Anglade déclare formellement q u ’il ne
vo ulut point rédiger l ’acte sans en référer au sieur Asteix ; ce q u ’ il
aurait fait s’ il eût trouvé le mandant bien portant. Il fallut que le
sieur Asteix, notaire, vint lui-même chez la dame Verniette pour
connaître l ’état du sieur B r u n , q u i , pendant la lecture de l ’a c t e ,
serait tombé dans un assoupissement et n ’aurait signé l’acte
q u ’après l ’assoupissement dissipé. On ne peut q u ’applaudir à la
délicatesse du sieur Anglade. Nous reviendrons plus lard sur sa
déposition et sur celle de ¡VIe Asteix, que nous mettrons en parallèle.
L e sieur Brun mourut le 29 octobre 1824* L ’ homme moraî.
était déjà éteint chez lui depuis plusieurs mois.
La dame Verniette put alors manifester sa prétention. On lui fit
entendre, sans doute, que par un reste de convenance, et peut-être
encore pour éviter des incidens qui contrarieraient ses vues , il ne
fallait pas q u ’elle présentât, elle-même à la justice le prétendu
testament de son frère. C e fut Me F a b r e , notaire à Clermon t qui
fut chargé de ce soin.
Requis par le sieur Bonhours et ses enfans, MM. Costes, juge de
paix, et llozier, son greffier, devaient se transporter dans l’apparteinent où était décédé le sieur Br un , pour y apposer les scellés.
�•
_
\ V J
-- -----------
Mais ils en furent dispensés par la présentation que leur fît du
testament prétendu la dame Vern iette, q u ’assistait un clerc de
M e Fabre.
Toutefois, cet écrit, examiné par ces deux fonctionnaires publics,
fut frappé de leur réprobation comme on le verra plus bas.
Après l ’accomplissement des formalités exigées en pareil cas,
l ’écrit fut déposé dans les mains de M e Fabre, notaire.
Une ordonnance du 3 décembre i 83 o envoya latlame Yerniette
en possession de l ’ hérédité du sieur Brun.
L ’apparition de cet écrit excila l ’étonnement général. Quo iq u’elle
connût l ’avidité de la dame Verniette, la famille Bonhours ne
jüouvait d ’abord croire k tant d ’audace. Il fallut pourtant se rendre
à l ’évidence du fait.
Bieniot elle se mit en mesure de signaler à la justice cette œuvre
de déception, si l ’on osait s’en prévaloir.
Un e assemblée de f a m ill e, réunie le i 5 janvier 1 8 2 5 , autorisa
Bonhours père à réclamer comme tuteur de ses cnfans, le partage
de l'hérédité du sieur Brun. Si dans la délibération du conseil de
fam ille, on garda le silence sur le prétendu testament, c’est q u ’il
n ’était pas encore légalement connu, et q u ’on espérait encore que
la dame Verniette n ’oseraii le produire et en soutenir la sincérité
devant les tribunaux.
L a demande en partage fut formée le 4 février i 8 a 5 .
E t bientôt après, la dame Verniette fit signifier le prétendu
testament.
A la vue de cet écrit informe, le sieur Bonhours et ses enfans
restèrent convaincus de sa fausseté. Ils savaient d ’ailleurs q u ’avant
la date que l ’on avait donnée au prétendu testament, l ’affaiblis
sement complet de ses facultés morales avait laissé le sieur Brun
dans un élat habituel d'imbécillité et même de démence.
lis déclarèrent alors q u ’ils ne connaissaient ni l ’écriture ni la
signature qui constituaient l ’acte produ it, et formèrent opposition
à l’ordonnance d ’envoi en possession. Ils soutinrent en même tems
que l ’état mental du sieur Brun ne lui aurait pas permis d ’exprimer
une volonté libre et éclairée, même en se reportant à une époque
antérieure à la date du prétendu testament.
U n e vériiication fut ordonnée par un jugement du 3 décembre
1825. LeS experts nommés pour procéder à cette opération étaient
les sieurs Im b ert , avoué à C le rm o nt, Bonjour et Cavy_, notaires.
Sans doute, sous le rapport des qualités qui constituent l'honnèie
Jiomme et le rende.it recomrnauduble aux yeux de ses concitoyens;
3
�sans doute aussi sous le rapport du talent qui rend propre h Lien
remplir l ’emploi d o n f o n est inve sti, il e û t été très-difficile de
trouver une plus forte garantie que celle q u ’offraient les trois
experts nommés.
Mais à côté de tous ces avantages ne se rencontraient pas, on
pe ut le dire parce que l ’événement l ’a justifié, les connaissances
spéciales et nécessaires pour bien re m plir’ la mission qui leur était
confiée. L e résultat a prouvé en effet que l ’art plus ou moins
conjectural de vérifier les écritures leur était peu familier.
L e dépôt du prétendu testament au greffe du tribunal civil de
Clerrnont fut suivi d ’un procès-verbal de description sous la date
du 8 avril 18*26."
'
Diverses pièces de comparaison furent présentées. Les unes
étaient authentiques, les autres sous seing privé.
U n procès-verbal du 17 juin admit les unes, rejeta les autres.
Des pièces produites--par les Bonhours, sont admises quatre lettres
des 17 mai et 29 novembre 1 8 1 5 , 18 août 18 18, et 9 janvier 1821 ;
un acte sous seing ptivé du 6 mai 1818 e t , 11 actes authentiques
de différentes dates et portant la signature du sieur Brun.
T.a dame Verniette avait présenté un grand nombre de lettres;
7 seulement sont admises : elles portent les dates des 2 , 2 1 et 3 1
juillet 1821 , 1 1 juillet et l\ octobre même an n ée, 19 juin et
5 novenibie 1.822.
E lle observe que l ’admission des lettres produites est nécessaire
pour faire connaître la différence qui est survenue dans les é a i t u r e s
et signatures du sieur B r u n , à raison des attaques et m aladies
q u ’ il a éprouvées.
Les experts procèdent à la vérification ordonnée. L e u r procèsverbal est dressé. 11 est clos le 11 août 182G.
Jettons-y un coup d ’œil rapide.
L a dame Verniette, clans scs dires aux experts, articulconze faits,
dans l ’espoir q u ’ils y verront autant de-motifs de proclamer la sin
cérité du testament. L ’énonciation de ces faits devant les experts
était inutile : elle ne pouvait avoir pour b ut que de leur rendre
favorable la cause de la dame Verniette.
E lle ajoute que si quelque différence se remarque dans les écri
tures et signatures du sieur B r u n , cela ne provient que des attaques
et m aladies q u ’ il a éprouvées, ce qui est établi par diverses lettres,
dans lesquelles il dii qu il a la main trem blante et q u ’il n’écrit
q u ’avec beaucoup de pe in en t de difficulté.
�Voici maintenant une analyse rapide des opérations des experts
vérificateurs.*
i° Ils remarquent que « la physionom ie , qui résulte de l ’assem, « blage des caractères du testament, s ’éloigne de celle q u ’off.e la
« contexture des onze lettres missives comparées. Cependant en
« descendant dans les détails de la comparaison, on est obligé de
« reconnaître que la conformation de beaucoup de mots entiers et
« de chaque caractère est très-ressemblante à celle des mots sein« blables et des caractères isolés des lettres missives; q u ’ainsi la
« différence de physionomie des caractères paraît provenir de ce
« que celle de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur et clif« j i c u l l e ', tandis que celle des lettres missives annonce une plus
« grande faci ité d ’exécution.»
C ette dissemblance remarquée par les experts était décisive. L a
physionomie de l éc riture, comme celle de l ’homme^ constate
l'identité.
La ressemblance de quelques caractères, de quelques syllabes,
de quelques mots, n ’avait rien de déterminant. L ’imitation aurait
été bien maladroite si elle ne s’était étendue jusques-là. Il es’t donc
facile de trouver dans onze lettres de trois ou quatre pages cha
c u n e , des mots, à plus forte raison, des syllabes, des caractères
ressemblans ; toutefois il suffit du rapprochement de ces lettres,
de leur comparaison avec la pièce arguée de faux, pour faire
ressortir une diflérence matérielle et frappante;
2° Les experts disent que les actes et titres authentiques qui
leur sont produits ne présentent q u ’un seul mot sur lequel ils
aient à porter leur examen; c ’est la signature du sieur B r u n ; et
à L’exception de ce lle apposée sur la minute de la pr o cu r at io n ,,
reçue A sta ix , le l\ février 18 2 4 , toutes les autres signatures, q u i
ont entr elles et avec ce lles q u i terminent les lettres missives ,
beaucoup de sim ilitu d e , en ont très-peu avec ce lle qui se trouve
su r la p iè ce dentée.
Cet te signature de la procuration Astaix a plus particulièrement
frappé l ’attention des experts. « Llle s éloigné, d i s e n t - i l s , du
«' caractère de la signature ordinaire du sieur Br u n ; mais 011 ne
« peut se refuser à lui trouver une grande ressemblance avec celle
« du testament : ils ne doutent pas q u e lle s aient é té toutes d e u x
« produites p a r la même main. »
Ces explications ne sont rien moins que décisives. Elles décèlent
tout l ’embarras des experts pour asseoir leur opinion. Cette opinion
n ’a rien de ferme, lien de positif : elle reste flottante. Toutes les
�i#
.
i 12 )
frvO sîgnatures l^es pièces comparées, excepté celle (le la procuration
^
de 1824? ont beaucoup de similitude entr’elles et en ont très-peu
avec c e lle de la p iè ce déiùée. Encore les experts reconnaissent-ils
que cette signature de la procuration s’éloigne du caractère de la
signature ordinaire du sieur Brun . E t c ’est pourtant par la ressem
blance de deux signatures isolées que les experts ont déterminé leur
opinion. L ’erreur palpable dans laquelle ils sont tombés ressort et
de leur propre langage et des lacunes q u ’offrent leurs opérations.
Nous le prouverons en son lieu ;
3 ° L a comparaison de quelques-uns des caractères qui forment
les mots de la pièce déniée, avec les caractères des lettres missives,
établit aux yeux des experts une conformation peu exacte, quoique
cependant il y ait assez de ressemblance avec d ’autres lettres.
Les experts qui sont entrés dans des détails m in utie ux , et que
les meilleures intentions ont toujours animés, nous nous plaisons
k leur rendre cette justice, les experts ont négligé un objet trèsim p o r tan t, l ’examen des surcharges q u ’offrent plusieurs mots du
prétendu testament, qui est pourtant on ne peut plus laconique;
4 ° Enfin 011 arrive au résumé qui exprime l ’avis des experts; le
voici :
« Par suite de l ’examen et des observations qui précèdent, les
« experts ont formé leur opi nion , et déclaré, à 1 unanimité, q u ’il
« demeure évident p o u r e u x que l ’acte soumis à leur vérification
« a été écrit et signé de la même main qui a tracé les caractères de
« comparaison. »
C er te s, les premières remarques exprimées pa rle s experts, sur
tout cette dissemblance de physionomie q u ’ils avaient si bien re
connue ne semblait pas devoir amener la conclusion q u ’ils ont
adoptée.
La vérification opérée était loin d ’être satisfaisante. E lle ne pré
sentait point à la justice les garanties, qui seules pouvaient en
faire sanctionner le résultat.
L e sieur Bonheurs et ses enfans la critiquèrent. Ils en signalèrent
les lacunes et en démontrèrent l ’insuffisance : une nouvelle véri
fication lut demandée.
Ils offrirent subsidiairement la preuve de différons faits q u ’ils
articulèrent. Parmi ces faits étaient ceux-ci :
Le sieur Brun avait toujours vécu en bonne intelligence avec son
beau-I1ère et ses neveux Bon hou rs ;
E t a n t tombé malade-à la fin do 1 S a3 , le sieur Verniette alla le
chercher k Paris, et le conduisit à C le r m o u t; depuis cette époque,
�( - 13 )
.
.
w
la dame Verniette avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour
éloigner de lui le père et les enfans Bonhours;
La plupart du tems, lorsqu'ils venaient le voir, ils étaient re
poussés avec rudesse;
La dame Verniette le tenait en charte privée, pour empêcher,
autant q u ’il était en elle, q u 'il eût des communications avec ses
parens et amis;
E l l e ' l e maltraitait et il en faisait ses plaintes à ceux qui pou
vaient l ’aborder;
II avait fréquemment des attaques, qui lui faisaient perdre con
naissance, et qui l ’avaient réduit à un état d ’im bécillité.
Ces faits ne sont pas seulement vraisemblables, ils sont vrais et
graves; les enquêtes l ’ont prouvé.
La dame Verniette essaya de les combattre en les présentant
comme erronnés, invraisemblables, non pertinens, en même tems
q u ’elle soutenait que le rapport des experts était tout-à-fait con
c lu an t , et que la justice devait s’empresser de lui en accorder l ’ho
mologation.
Elle fut trompée dans son attente. U n jugement du 2 3 avril 1827
ordonna une nouvelle vérification, et la confia aux sieurs IÎugues,
instituteur et maître d ’écriture à Clermont, et Cailhe et De Murât,
experts écrivains à Kiom.
L a vérification ordonnée sera faite sur les pièces de comparaison
admises entre les parties.
Les experts s’expliqueront sur les surcharges qui existent dans
le testament, notamment sur le mot v in g t, et sur la date qui
existait avant. Us examineront si ce mot vingt a été tracé par la
même main qui a écrit et signé le testament. Ils pèseront enfin dans
leur sagesse les doutes que peuvent faire naître les réflexions
exprimées dans les motifs du jugement.
Ces m otifs , qui sont nombreux, annoncent dans les premiers
juges la conviction que ce testament n ’était pas sincère. On voit
que cette conviction est née de l ’examen qu ils en ont lait euxmêmes, et du rapprochement avec les pièces de comparaison.
Après avoir rappelé, ce qui est vrai, que la science des experlsvérificateurs, en matière d ’écritures et signatures, est conjecturale;
q u ’ils 11e sont obligés d ’adopter leur opinion q u ’autant q u ’elle s’ac
corde avec la leur, et que tout en rendant justice à la moralité et
aux lumières des experts qui ont opéré, leur rapport laisse beau
coup à désirer, les premiers juges expriment les circonstances qui
leur ont fait sentir la nécessité d ’une nouvelle vérification.
�S
A ';-.'
( *4 )
' C ’est d ’abord la conviction que beaucoup de m o ts , beaucoup de
caractères des lettres missives ne ressemblent pas du tout à ceux du
testament ;
Q u ’il y a d ’autant moins lieu de tirer avantage de la ressem
blance de quelques traits, q u ’ il faudrait q u ’un faussaire (Vit bien
maladroit po u r ne pas imiter en quelques points ré critur e q u ’il
cherche à contrefaire;
C ’est que la signature du testament, bien q u ’elle ait paru aux
experts ressemblante à celle de la procuration de 182.4, ne ressemble
en réalité à aucune de celles qui se trouvent sur les pièces de com
paraison; et cependant quelques-unes de ces pièces sont d'une date
peu éloignée de celle du testament : deux entr’autres ne sont anté
rieures que d ’un mois et quelques jours;
Q u e les deux signatures du testament et de la procuration ne
présentent pas de similitude si parfaite q u ’on puisse en induire la
sincérité du testament;
Q u ’il y*a dissemblance de conformation dans la lettre finale ¡7./ \
Q u e le prénom , M i c h e l, qui se trouve à la suite de la signature
du testament, n ’est point contenu dans les autres pièces produites,*
Que*récr itur e du testament, d ’ une exécution plus pénible que
celle des lettres missives, doit, par cette raison, paraître suspecte;
Q u ’il y a dans le testament plusieurs mots écrits sans gène et
avec facilité, notamment ceux de la dernière ligne;
Q ue les experts avaient négligé de parler d ’ un point très-impor
t a n t , celui des surcharges qui se rencontrent dans le testament,
notamment au mot v in g t, qui est écrit en encre plus noire, et q ui
parait couvrir le mot de u x; lequel dernier mot indiquerait le jour
de l’arrivée du sieur Brun à C l e r m o n t , et jetterait du louche sur
la sincérité du testament; car il n’c.'t pas présumable que le jour
même de son arrivée le sieur Br un se fut occupé d ’ un acte aussi
important.
L e laconisme du testament frappe vivement les premiers juges.
Les circonstances ne l ’exigeaient pas, Il parait, au contraire, q u ’il
facilitait l ’ imitation.
Ces motifs, largement déduits par les premiers juges, sont puissans, Si le rapport des oxperts-vérificateurs avait laissé à la dame
Verniette un pressentiment de succès, l’ illusion fut,dissipée par le
jugement qui apprécie ce rapport.
La dame Verniette comprit alors tout le danger d ’ une nouvelle
vérification. Klle 11e pouvait se dissimuler que des circonstances
nombreuses cl entraînantes surgissaient contre la sincérité du tes-
�( -5 )
fit
l a m e n t ; que le seul examen de cette pièce ne pouvait laisser de
doute sur sa fausseté.
E l l e veut de tout son pouvoir empêcher la nouvelle vérification*
elle forme appel du jugement qui l ’ordonne; elle se rattache for
tement au rapport d ’experts, pour lesquels les premiers juges n ’ont
pas eu d ’égard; elle prétend q u ’il est concluant, q u ’il mérite toute
confiance ; cependant elle n ’est pas tellement convaincue de ce
q u ’elle essaie de persuader aux autres, q u ’elle n ’emploie devant la
C o u r ses plus grands efforts à faire admettre la preuve d ’une série
de faits q u ’elle articule comme devant établir la sincérité clu tes
tament. Elle y inet tant d’insistance, la preuve sera si entraînante,
q u ’elle repoussera la nécessité d ’une nouvelle vérification.
L a C o u r , dans sa sagesse, dut ordonner cette preuve.
C ’est ainsi q u e , par son arrêt du i 5 juillet 1829, elle dispose:
« Atten du que, d ’après la nature de l ’affaire et les circonstances
« qui s’y ra t ta ch en t, il ne peut q u ’être utile pour la découverte
« de la vérité, de corroborer l ’existence du testament dont il s’agit
« par des preuves testimoniales; que cette marche est admissible,
« soit dans l ’esprit, soit dans la lettre de la législation romaine et
« de la législation du Code civil:
« Par ces motifs,
« L a C o u r , sans p ré ju d ice des Jin s et moyens , tant de f a i t que
« de droit j qui demeurent réservés aux parties sur le f o n d ,
« ordonne, avant de faire d r o i t , que dans le mois à compter de la
« signification du présent arrêt, faite à avoué en la C o u r , les
« parties d ’Allemand feront preuve, tant par titres que par
« témoins par-devant M. V e r n y , conseiller-auditeur, commis à
« cet effet;
« i° Que la dame Vernietle et ses filles ont soigné le sieur Brun ,
« tant à Paris q u ’à C le r m o n t , pendant les dernières années de sa
« vie, clans les maladies que celui-ci a essuyées, ou à raison de ses
« infirmités;
« 20 Que le sieur B r u n , voulant venir se fixer à C lerm ont à la
« fin de 1823, invita le sieur Vernie!te à venir le chercher à
« Paris, et que le sieur V er n ie tte , cédant à cette invitation, se
« rendit effectivement à Paris et revint à Cle rm on t avec le sieur
« Brun , qui depuis, jusqu’à son décès, a continuellement habité
« avec les époux Verniette;
« 3 ° Q u e le sieur B r u n , depuis son arrivée à Clermont ju sq u’à
« son ‘décès, a reçu et rendu de nombreuses visites et est allé
“ dîner plusieurs fois chez des personnes avec qui il avait eu
�« d ’anciennes relations; que d ’ailleurs il sortait fréquem ment,
« soit pour se promener, soit pour voir ses amis;
« 4 ° Q u ’il a souvent exprimé à diverses personnes son affection
« particulière et sa reconnaissance pour la dame Y e rn ie t ie sa
« sœur, ainsi que sa v o lo n té de lu i donner toute sa fo rtu n e y
« 5 ° Qu e lorsque son testament eut été f a it, ce testament a été
« présenté à des jurisconsultes pour savoir s’il était régulier;
« 6° Qu e depuis la date de ce testament, le sieur Br un a d é cla r é
« p lu sieu rs f o i s q u i l avait d on n é toute sa fo rtu n e à la dam e
« V ern iette sa sœ ur ;
« S a u f aux parties de Godemel (les Bonhours) toute preuve
« contraire dans le même délai, dépens réservés. •>
L a preuve, mise à la charge de la dame Verniette eùt-elle été
complètement faite, n'aurait pas pour conséquence absolue d ’assurer
le triomphe de la prétention de la dame Verniette. Seulement elle
aurait pu la rendre plus spécieuse et entourer de quelque faveur
l ’appréciation matérielle du testament; mais cette preuve n ’a point
été administrée. Si quelques-uns des faits interloqués semblent
établis, d ’autres et les plus importans ne le sont pas. Au contraire,
il ressort des témoignages invoqués que le sieur B run chérissait les
enfans Bonhours comme ses autres parens; q u ’ il n’a jamais rien
d i t , rien fait, qui annonçât de sa part l ’intention de les frustrer
de sa succession; que d ’ailleurs, pendant la dernière année de sa
v i e , l ’affaiblissement de ses facultés intellectuelles ne lui aurait
pas permis d ’exprimer à ce sujet une volonté légale.
L ’analyse des enquêtes amènera aisément la preuve de cette
proposition. Mais comme nous devons suivre l’ordre de discussion,
adopté par la dame Verniette dans son mémoire, nous nous occu
perons en première ligne du rapport des experts.
MOYENS.
L a daine Verniette divise sa discussion en i paragraphes :
i° Examen du rapport des experts;
s>.° Exam en de l ’enquête.
Nous ajouterons un 3 ",e
dont l ’objet sera de démontrer que
le sieur B r u n , au tems de son décès, même à l'époque à laquelle
on reporte la date du prétendu testament, était incapable de lester.
S I".
E x a m en d u rapport des experts.
C e r a p p o r t , dit-on , était aussi satisfaisant que décisif. Puis
arrive l ’éloge obligé des experts, dont l ’opinion est si positive, si
�bien appuyée sur de nombreuses et de puissantes raisons, q u ’elle
mérite toute confiance et ne souffre pas de contradiction. Toutefois
on veut bien descendre ju s q u ’à réfuter les futiles objections que
les intimés ont osé élever contre ce rapport et contre le testament.
C e langage de la dame Verniette, qui affecte beaucoup de
confiance dans la bonté de sa cause, ne peut rendre concluant un
rapport qui ne l ’est pas, ni valable, comme testament, l ’œuvre
d ’un faussaire.
A peine le prétendu testament a-t-il paru, que son état informe
sa contexture insolite fixent l ’attention de tous ceux sous les yeux
desquels il est mis.
M. Costcs, juge de paix , le sieur Rozier son greffier,
M. Chassaing, juge au tribunal civil de Clermont, n’y voient q u ’un
écrit irrégulier et auquel il est impossible d ’accorder quelque
confiance. Ils le frappent de leur réprobation.
Il est difficile, en effet, de ne point s’arrêter à cette opinion,
quand on a vu et examiné l ’écrit; mais du moins n ’y a-t-il pas eu
possibilité de repousser les violens soupçons q u i , dès le premier
moment de son apparition, se sont élevés sur sa sincérité.
L a nécessité d ’une vérification a été reconnue judiciairement.
Il fallait des experts pour l ’op ércr, mais il les fallait capables de
bien remplir la mission qui leur était confiée, c ’est-à-dire, possé
dant les connaissances spéciales qui constituent l ’art de vérifier
les écritures et signatures.
II ne suffit pas que l ’on ait sous plusieurs rapports beaucoup de
ta len t , beaucoup de connaissances, un caractère honorable, une
impartialité qui pe se démentit jamais; avec tous ces avantages, si
l ’on n’a pas les connaissances spéciales qui rendent propres à faire
telle chose, on ne peut convenablement apprécier cette chose.
« Experts sont des gens versés dans la connaissance d ’une science,
« d ’ un a r t , d ’ une certaine espèce de marchandises ou autres
« choses, lesquels sont choisis pour faire leur rapport sur quelque
« point de f a it, d ’où dépend la décision d ’une contestation, et
« q u ’on ne peut bien entendre sans le secours des' connaissances
» fjui sont pro/uns a u x personnes d ’une certaine profession..........
« Par exemple, s’il s’agit de vérifier une écriture, on prend pour
<« experts des maîtres écrivains, et ainsi des autres matières. »
Encyclopé die, verbo experts.
Même avec les connaissances spéciales en matière de vérification
d ’écritures, il est facile de s’abuser sur la ressemblance; à plus forte
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.
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raison, en est-il de même si l ’on est étranger ou peu familier avec
ces connaissances.
C ’est ce qui a fait dire à M. T ou ll ier, droit civil, tome 8 de la
troisième édition, page 8/jG, n° 2 3 5 . « Rien en général de plus
« incertain, rien qui soit si peu digne de déterminer l'opinion,
« que l’avis donné par les experts sur la comparaison des écritures,
« lorsqu’il n ’est pas soutenu par d ’autres preuves, au point q u ’on
« doit moins le considérer comme une preuve que comme une
« simple présomption, comme un moyen qui peut éclairer le
•« magistrat et le guider dans la recherche de la vérité. »
De l à , cette conséquence forcée que plus il y a d ’incertitude pour
obtenir un bon résultat d ’ une pareille opération, plus il importa
d ’être sévère sur le choix des expeits qui doivent en être chargés.
Cett e sévérité n ’a point été apportée dans le choix des experts
auteurs du rapport critiqué. Faute de connaissances spéciales, ils
ont évidemment mal rempli la mission qui leur était confiée. L e u r
manière d ’apprécier le prétendu testament, et leur langage décèlent
l ’embarras et l ’incertitude qui les dominaient. Il semble q u ’ils
impliquent contradiction avec eux-mêmes, si l’on compare leur
remarque la plus importante avcc les minimes détails dans lesquels
ils sont descendus et la conclusion q u ’ils en ont tirée.
C e qui les frappe d ’abord, c’est que la j)hysionom ie qui résulte
de l ’assemblage des caractères du testament s’éloigne de c e lle
q u ’offre la contexture des onze lettres missives comparées.
Voilà une observation dominante. On recherche par la compa
raison s’il ÿ a identité entre des physionomies; et l'examen apprend
que cette identité n ’existe pas; q u ’il n’y a pas ressemblance entre
les physionomies comparées. Cependant c ’est par la ressemblance
que se constate l ’identité.
Pour expliquer cette dissem blance , qui les a frappés, les experts
disent q u ’en descendant dans les détails de la comparaison , on est
obligé de reconnaître que la conform ation de beaucoup de mots
entiers et de chaque caractère, pris isolément de la pièce indi qu ée ,
est très-ressemblante à celle des mots semblables et des caractères
isolés des lettres missives; et q u ’ainsi la différence de physionomie*
des caractères paraît provenir de ce que celle de la pièce déniée a
été exécutée avec pesanteur et d i f f i c u lt é , tandis que celle des
lettres missives annonce une plus grande facilité d ’exécution.
L explication n’est pas heureuse. Klle est en opposition avec la
cri table acception du mot..physionom ie.
L a physionomie de l ’écriture comme celle de l ’ homme se c o m p o s e
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d ’ un assemblage de traits et non pas de chaque trait pris isolément.
On voit chez les hommes une foule de visages qui présentent
dans certains traits isolés la ressemblance la plus frappante. Celte
ressemblance existe tantôt aux yeux,, tantôt au n ez , tantôt à la
Lo uche, et de même des autres parties qui composent le visage.
Parfois même elle embrasse presque tous les traits; et pourtant
lorsqu’on vient à considérer dans leur ensemble, tous ces traits,
ce qui seul constitue la physionomie, on ne trouve plus de ressem
blance véritable, quoique la ressemblance partielle subsiste.
Il en est de même des écritures. La comparaison de plusieurs
pièces d'écriture, qui se ressemblent, avec une autre pièce q u ’on
attribue à la même m ai n , peut offrir dans quelques lettres, dans
quelques mois même des traits de ressemblance plus ou moins
saillans; mais la ressemblance cesse quand la pièce d ’écriture est
considérée dans son ensemble. Alors reste une différence de p h y
sionomie que l ’on ne peut méconnaître.
On s’étonnerait si une pièce d ’écriture, signalée comme l ’œuvre
d ’un faux, ne présentait pas quelques traits isolés de ressemblance
avec les écritures véritables de celui auquel on l’attribue. Il faudrait
que le faussaire, qui s’est mis sous les yeux les écritures véritables
q u ’il veut im iter , fût bien maladroit , pour ne pas réussir à
donner le change sur quelques ¡»oints. Pour peu q u ’il ait du savoirfaire, il-parviendra toujours à imiter quelques lettres, quelques
mots entiers; mais l ’imitation n ’atteindra jamais ou presque jamais
la physionomie que forme l ’ensemble de l ’écriture.
La ressemblance de physionomie dans l’ensemble de diverses
pièces d ’écriture peut se reconnaître a i s é m e n t a l o r s même que
quelques-unes de ces pièces sont écrites avec plus ou moins de
hardiesse, en traits plus ou moins déliés, plus ou moins renforcés.
L e faire habituel de l ’écrivain surgit toujours au milieu de ces
variantes.
L a différence dans la physionomie des écrits est donc le principal
moyen qui puisse faire connaître s ils sont vrais ou faux. L t dans
l ’espèce cette différence demeure frappa 11Le aux yeux mêmes des
experts qui onl vérifié le prétendu testament.
Q u ’imporle après c e la q u ’ilsaient remarqué de la similitude dans
la conformation de quelques lettres et de certains mots de la pièce
arguée de faux', avec des lettres et des mots des pièces de compa
raison. Il en résulterait tout au plus que le faussaire aurait obtenu
une imitation partielle; mais imitation manifestement insuffisante
pour imprimer à l’écrit qui eu est l’œuvre les caractères de la sin-
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.
.
.
( 20 )
Les détails minutieux auxquels se sont livrés les experts, pour
laire disparaître cette différence de ph ysionom ie, q u ’ils avaient
remarquée avant t o u t , loin de justifier leur opinion définitive,
prouvent seulement q u ’ils n ’ont point épargné les efforts pour la
rendre spécieuse.
Mais en portant ainsi leur investigation sur la pièce déniée, ils
ont négligé des observations très-importantes. Ils n’ont rien dit des
surcharges, rien sur l ’empreinte d ’une griffe soigneusement effacée,
et qui indiquait sans doute le fonctionnaire qui avait fourni la
feuille sur laquelle est écrit le prétendu testament.
Cependant les surcharges à plusieurs mots sont remarquables,
sur-tout au mot vingt du millésime. Le mot vingt a été évidem
ment posé sur le mot d e u x ,%i[\x\ fut écrit primitivement. Les lettres
en sont formées par des traits larges et épatés, et avec une encre
beaucoup plus noire que celle qui a servi à écrire le mot pr im itif
d e u x et les autres mots du testament qui ne sont pas surchargés.
Les surcharges, autres que celles du mot v in g t, sont opérées avec
un certain soin. A-t-on voulu renforcer une écriture trop déliée,,
trop facilement exécutée, pour la faire apparaître d ’une exécution
plus difficile et plus conforme à l ’état de souffrance de ceiui q u ’on
v ou la it en faire croire l’auteur? On ne craint pas d ’adopter l'affir
mative comme une vérité.
Il parait que les experts n’ont vu dans ces surcharges q u ’une
écriture exécutée avec pesanteur et difficulté. Mais alors on de
mandera pourquoi la première et la dernière ligne de l ’écrit, et
plusieurs mots des lignes intermédiaires, sont écrites couramment,
sans pesanteur, sans difficulté? On ne pressent point de réponse
satisfaisante à cette question , dans le système des appelans.
Us ont cl t q u ’il était inutile de constater les surcharges, parce
que telles q u ’elles sont elles n ’infirmeraient point le testament. Il
en serait ainsi peut-être si d ’ailleurs le testament était reconnu
sincère. Si la signature comme l ’écriture n ’en était pas déniée; s’il
ne s’agissait que d ’une irrégularité. Mais les surcharges que présente
un testament argué de faux dans tout son ensemble, doivent, fixer
l ’attention de la justice, comme pouvant aider à la découverte de
la vérité.
C e n ’est pas sans m otif non plus que l ’empreinte de la griffe a
été effacée très soigneusement. On ne voulait pas sans doute que
l ’on put s ' i n f o r m e r auprès de la personne qui aurait fourni la feuille
de papier, à qui et à quelle époque elle aurait délivre celle feuille,
tant 011 craignait les rapprochemens, qui plus tard pouvaient avoir
�D ’autres singularités ont échappé h l ’attention des experts : c’est?
la pose des lignes; ce sont les fautes grossières d ’orthographe.
L e sieur Brun avait de l ’éducation ; il écrivait assez correcte
ment, sous le rapport du style; il faisait rarement des fautes d ’or
thographe. Les experts avaient dû s’en convaincre en lisant, en
examinant sa nombreuse correspondance. Eli bien ! les cinq lignes
qui formeraient le testament n ’occupent point toute la largeur du
papier; elles laissfcnt à droite et à gauche deux grandes marges;
elles sont d ’inégale longueur. La première,' la troisième et la cin
quième, ne sont que des demi-lignes. 11 est difficile de découvrir le
m o t if qui a pu porter l ’écrivain à couper ainsi les lignes; à moins
que l ’on ne suppose que la signature qui est au bas est sincère, et
q u ’ayant été surprise en blanc au sieur B r u n , on a voulu faire con
corder la signature avec le corps de l ’écrit, de manière à ne pas
laisser trop d ’intervalle entre la dernière ligne et cette signature.
E t comme le faussaire aurait commencé trop h a u t, que ce q u ’ il
avait à écrire pouvait être aisément compris dans deux lignes et
demie, et q u ’il s’en serait aperçu assez tôt, en tronquant les lignes,
au lieu de trois il en aurait fait cinq.
Deux fautes d ’orthographe grossières se remarquent dans l ’écrit.
A la première ligne, au lieu de testament 011 à écrit tesmarnent ;
à la dernière ligne, le mot ving t, écrit par surcharge, n ’a pas de t.
L e sieur Brun 11’aurait pas fait de pareilles /ailles, s u r - t o u l la
première. Son amour-propre l ’aurait porté à refaire le testament
après l ’avoir l u ; car ayant survéi u de plusieurs mois à l ’écrit par
lequel il aurait transmis à un seul de ses païens toute son hérédité,
il n’eut pas manqué de lire et de relire cet acte 1111 grand nombre
de fois, lui qui avait toujours montré beaucoup d ’ordre et de soin
dans l'administration de ses affaires. Il parait que l ’on avait d ’a
bord donné au prétendu testament la date du deux novembre, qui
était précisément le jour de l ’arrivée du sieur Brun à Clermont ;
mais comme l ’on s'aperçut q u ’il n ’aurait pas élé présumable q u ’à
un pareil jour il se fût occupé d ’un acte aussi important, on subs l i l u a , par surcharge, le mol v m g l au mot d e u x .
L e laconisme insolite du testament élève aussi contre la sincérité
de cette pièce le plus violent soupçon. Ilien qui n’y soit absolument
indispensable. O11 voit que le faussaire avail hâte de terminer son
œuvre.
A toutes ces réflexions, qui démontrent largement la fausseté du
rorps de l’écrit, vient se joindre la remarque encore plus accablante,
que la signature, mise au bas, 11’esl pas celle du sieur Brun.
�y.?
rCW?
.
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Les experts qui ont examiné et comparé les nombreuses signa
tures du sieur B r u n , apposées, soit sur des lettres missives, soit
sur des actes authentiques, ont remarqué que la signature du pré
tendu testament s'éloigne du caractère ordinaire de la signature du
sieur Brun . De toutes les signatures prises en comparaison , une
seule leur a paru avoir de la similitude avec la signature déniée;
c ’est celle de la procuration reçue Astaix, notaire^ le 4 février 1824.
O n ne peut se refuser, disent-ils, à lui trouver une grande ressem
blance avec celle du testament.
Mais celte ressemblance avec une signature u n i q u e , lorsque la
dissemblance avec une foule d ’autres signatures est frappante, estelle suffisante pour convaincre de la sincérité de la signature déniée?
L a dissemblance q u ’ils ont reconnue 11e repousse-t-elle pas celte
conviction ?
E t d ’ailleurs, la ressemblance q u ’ils ont cru apercevoir est loin
d ’être parfaite. Q ui sait si le b ut de la procuration du 4 lévrier 1824
n ’avait pas été d ’obtenir sur un acte authentique la signature du
sieur B r u n , afin de pouvoir l ’imiter sur le testament que l ’on v o u
lait créer? Alors , l ’imitation opérée avec soin, a dû établir entre
les deux signatures une espèce de similitude.
Toutefois, entre les deux signatures, il y a beaucoup d<? diffé
rence : celle de la pr ocurat ion, qui serait postérieure de plusieurs
mois, est mieux faite, plus hardie; celle du testament est gênée;
elle annonce le travail méticuleux d ’une servile imitation. L a lettre
finale n n ’a pas la même conformation dans les deux signatures.
Dans l ’un e, celle du testament, le dernier jambage de la lettre n
est supérieur et bouc lé; dans l ’autre, celle de la procuration, ce
dernier jambage est inférieur, et forme dans son entier la figure
informe du chiffre 3 . O11 pensera difficilement q u ’une même main
ait tracé ces deux lettres. Bien plus, la signature du testament est
suivie du prénom M ic h e l, qui 11e se trouve sur aucune des nom
breuses pièces qui ont servi de comparaison. L e faussaire a voulu
trop bien faire; c’esl ici le cas d ’appliquer l’adage nimia /trecaulio
do/us.
T an t et d ’aussi notables dissemblances, d ’aussi étranges irrégu
larités dans la confection matérielle du prétendu testament., 11e
permettent pas de le considérer comme vrai; elles en font ressortir
la fausseté; elles détruisent l'opinion hasardée des experts, qui
n ’ont pas su les apprécier; elles font du moins sentir la n é c e s s i t é
d ’ une nouvelle vérification; par des personnes que leurs connais
sances spéciales rendent propres à une semblable mission,
�( . 23-7
-</£
L ’écrit dénié n ’est donc pas encore un titre : il reste avec toutes®
ses imperfections. Peti importe q u ’il ne soit combattu que par des
héritiers collatéraux. La dame Y e r n ie t te , qui s’obstine à s’en pré
valoir, n ’est aussi q u ’une héritière collatérale, qui vou dra it, par
la manœuvre la plus criminelle, dépouiller les Bonhours, ses ne
ve u x, de droits non moins sacrésoque les siens.
S ’il n ’y a pas déjà conviction entière de la fausseté du testament,
il y a au moins la plus grande incertitude sur sa sincérité; et cer
tes, l ’enquête à laquelle a fait procéder la dame Yerniette n ’a
aucunement dissipé cette incertitude.
S II*
E xa m en des enquêtes.
A v an t de démontrer que celle de la dame Yerniette n ’est rien
moins que concluante, posons les faits interloqués.
i° L a dame Yerniette et ses filles ont soigné le sieur B r u n , tant
à Paris q u ’à C l e r m o n t , pendant les dernières années de sa vie, dans
les maladies que celui-ci a essuyées, ou à raison de ses infirmités;
2° L e sieur B r u n , voulant venir se fixer à Clermont à la fin de
18 23, invita le sieur Yerniette à le venir chercher à Paris; celui-ci
cédant à cette invitation, se rendit effectivement à Paris, et revint
*à Clermont avec le siaur B r u n , qui depuis, jusqu’à son décès, a
continuellement habité avec les époux Verniette;
3 ° L e sieur B r u n , depuis son arrivée à Clermont jus qu’à son
décès, a reçu de nombreuses visites, et est. allé diner plusieurs fois
chez des personnes avec qui il avait eu d'anciennes relations; d ’ail
leur s, il sortait fréquemment, soit pour se promener, soit pour
voi r ses amis ;
4 ° Il a souvent exprimé à diverses personnes son affection parti
culière et sa reconnaissance pour la dame Y ern ie t te, sa sœur, ainsi
que sa v o lo n té de lu i laisser toute sa fo rtu n e y
5 ° Lorsque son testament eut été fa it , ce testament a été pré
senté à d e s jurisconsultes, pour savoir s’il était régulier;
6° Depuis la date de ce testament, le sieur Brun a déclaré p lu
sieurs f o i s q u ’il avait donné toute sa fortune à la dame Y ern ie tte ,
sa sœur.
Les trois premiers faits, isolés des trois derniers, seraient sans
importance. Les trois derniers ofirent plus de gravité ; car, s’ils
étaient établis, ils prouveraient que le sieur Brun avait voulu
donner sa succession à la dame Yerniette ; q u ’il a déclaré l ’avoir
donnée, et que l ’acte qui renfermait le don avait été soumis à
l'examen de jurisconsultes.
�2
Recherchons maintenant si la preuve offerte par la dame Verniette a etc administrée; et l ’appréciation des témoignages invoqués
nous conduira à un résultat négatif.
C hacun des faits interloqués est complexe ou composé.
L e premier est attesté partiellement. Plusieurs témoins déposent
q u ’à son arrivée de Paris à C le ft n o n t, au commencement de no
vembre 182 3, le sieur Br un vint habiter chez le sieur Verniette ;
q u ’il y demeura ju sq u’à sa m o r t , arrivée en octobre 1824; q u ’il
f ut fréquemment m alade, et q u ’il reçut les soins de la famille
Verniette. Mais la preuve de ces particularités était inutile; elles
n ’ont jamais été désavouées. Il en résulte seulement que, durant la
dernière année de sa vi e, le sieur Br un a logé à Clermont chez la
dame Ve rnie tte , et y a été plus ou moins bien soigné. C e n ’est pas
là seulement ce q u ’ il fallait prouver. L a preuve devait encore s’é
tendre à des soins donnés pendant plusieurs années, tant à Paris
q u ’à C le rm o n t ; et il n’est pas établi, il n ’est pas vrai que la dame
Verniette ou ses filles soient venues à Paris pour soigner le sieur
B r u n dans sa maladie. On en a fait courir le b r u i t ; deux témoins
m êm e, le cinquième et le treizième, semblent en attester la vérité
d ’après des ouï dire; mais ce b r u i t , qui repose sur deux voyages
que la dame Verniette et l ’une de ses filles-auraient faits à Paris, à
deux époques différentes, est démenti par la correspondance même
du sieur Brun.
L a dame Verniette fit un voyage à Paris au commencement de
1 8 2 1 ; elle y séjourna quelque teins dans la maison de son frère.
L e principal m o t if qui T y attira fut moins le désir de voir son
frère, que l’espoir de trouver des ressources pour obtenir la guérison
d ’une maladie dont elle était atteinte. Elle n ’y vint donc pas pour
donner des secours au sieur Brun . C ’est ce q u ’apprennent deux
lettres q u ’ il écrivait les 29 avril et 4 mai 1821. Dans la première,
adressée au sieur V e r n ie t te , il dit : J ’a i f a i t p o u r le m ieu x p o u r
v o u s la renvoyer (la dame Verniette) c m bonne santé et en m eilleu r
état que j e ne l'a i reçue.
L ’ une des filles de la dame Verniette était la filleule du sieur
B r u n ; il voulait la faire venir à Paris. 11 s’eft explique dans une
lettre du 9 février 1823 , écrite au sieur Jarton aîné. « ,1e fais venir
« mon espiègle de filleule Amélie; çà lui fera du b ie n ; c’est l ’àge
« pour faire ce petit voyage, »
C e 11e fut point l'espiègle Amélie qui fit le voya ge , mais bien
mademoiselle A g a t h e , sa sœur, qui vint passer auprès de son oncle,
à Paris, cinq ou six semaines, 11011 pour être garde-malade, mais
�^ :*:> ; ----- -------------------- --------- ----pour j o u i r , sous les auspices cle son oncle, de quelques-uns des
agrémens qu'offre cette ville,
Il est. constant désormais que la dame Verniette ni ses filles ne
sont point allées à Paris pour porter des secours au sieur B r u n ,
pour le soigner dans ses maladies, et q u ’elles ne lui ont donné
de soins que pendant la dernière année de sa vie , q u ’il a passée
à Clermont.
- L e premier fait, gisant en preuve, n ’est donc pas établi, puisque
des diverses circonstances qui le composent, une seule est attestée
par les témoins.
L e second l’ait comprend deux circonstances. L a première est de
savoir si c’est le sieur Brun q u i , de l u i - m è m e , avait pris la réso
lution de venir à Clermont et invité le sieur Verniette à venir le
chercher à Paris : la seconde, si après son arrivée à Clermont il
avait continuellement habité avec les époux Verniette ju s q u ’à
son décès.
L a vérité de cette dernière circonstance n ’a jamais été méconnue
par les Bonhours. 11 ne fallait pas d ’enquête pour l ’établir.
A u contraire, la première circonstance n ’est aucunement jus
tifiée. Plusieurs témoins de l ’enquête directe parlent de l ’invitation
du sieur B r u n , du voyage fait par le sieur Verniette à Pari s, pour
en ramener son beau-frère, niais ils ne disent absolument rien sur
la cause première de cette démarche.
L a dame Verniette désirait attirer et fixer son frire à Clermont.
E n offrant de le recevoir et de le garder au sein de sa famille, elle
avail une arrière-pensée que l ’événement a mise au grand jour.
E l l e était persuadée que le sieur Brun ramènerait avec lui sa
f o r t u n e , qui était toute mobilière. L e m ot if ap par en t, q u ’elle
a vo uait, était de l ’entourer de scs soins; le m oti f réel était de
s’emparer plus aisément d ’une hérédité assez considérable, à l’ex
clusion des autres parens. Elle a travaillé à son projet avec per
sévérance.
E lle avait rencontré pendant quelque lems un assez grand
obstacle dans l’attachement du sieur Brun pour ses habitudes com
merciales. Il ne se rendit à ses sollicitations que quand les attaques
q u ’il éprouvait, devenant plus fréquentes, et ses souffrances aug
mentant chaque jour, il perdit l'espoir de voir rétablir sa
nié, et
senli la nécessité d ’abandonner entièrement son commerce.
Dans une lettre du 26 août i 8 '->.3 , le sieur Brun écrivait à sa
sœur : « T u m ’as déjà dit dans ta lettre du 4 août que ça me ferait
« deux saisons, en parlant sans doute des eaux de Néris et des
�T
v\( vendanges, de p a rtir v ite > p o u r p o u v o ir en p ro fite r, mais as-tu
« réfléchi si je le pouvais.» 11 ajoute, q u ’il eût été trop inquiet d ’a
bandonner une maison q u ’il avait formée depuis 12 ou i S a n s . . . Mon
intention depuis p lu s d'un an , et j e dois te l ’avoir dit 3 a é té de
céd er ma suite d'affaires.
C e langage était tenu à la dame Ve rn iette, en réponse à la lettre
q u ’elle avait écrite le 4 du même mois.
E n septembre 1 8 2 3 , elle écrivait à son frère pour l ’inviter à
venir à C le r in o n t, d ’où ils seraient partis pour ÜNéris, où la dame
Ver niette voulait aller, espérant que les bains lui feraient du
bien. E lle le pressait, beaucoup de v e n ir .......
A i n s i , c’est la daine Verniette qui in v ita it, qui pressait son
frère. Déterminé à se rendre à l ’invitation, il en instruit sa sœur
par sa lettre du 8 octobre 1823.
U n passage de cette lettre est rappelé dans le mémoire de la
dame Verniette. Il apprend que le sieur Brun voulait écrire pour
demander que l’on fit p artir le sieur V erniette sou beau-frère,
mais ([ue M. Jarton ou M. Vauglade lui avait dit que cela était
i n u ti le , puisque Ï\J. Bard avait écr t à ce sujet, en lui marquant
de ne pas perdre de teins. Là se termine la citation imprimée par
la daine Verniette. Elle pourrait laisser croire que c’élait le sieur
B run qui avait demandé de son propre mouvement que le sieur
Verniette vint le chercher à Paris. La suite du passage cité per
suadera le contraire. « Je suis lâché que ça se trouve environ dans
les vendanges, continue le sieur B r u n , cependant puisque vou s
l ’avez offert > je pense que ceia se peut.
Plus de doute désormais que le sieur Brun ne soit venu de Paris
à Clerinont habiter chez sa sœur, que sur l’invita lion et l’offre de
celle-ci et de son époux. Il est prouvé que ce n’est pas lui qui a
pris l'initiative. Il n ’a fait que céder aux sollicitations de sa sœur,
sans se douter des vues q u ’elle avait sur sa fortune , et sans lui
accorder une affection exclusive. L ’amour de son pays natal le
ramenant à C le rinont, il 11e pouvait refuser l ’asile qui lui était
offert.
L e troisième fait interloqué a pour objet de détruire cette asser
tion des intimés , que le sieur Brun était tenu en charte [»rivée.
La preuve faite a-t-elle eu ce résultat? Non sans doute.
Que le sieur Brun ail dîné plusieurs fois chez lesieur Jarton aîné,
qui était 1 ami intime des époux V er n ie tte , ainsi que le déposent
le premier et le second témoin, cela ne prouve pas q u ’il fût libre
�de èes actions. Pour assister à ces dîners il était toujours accompagne
de quelques personnes de la famille Verniettc.
II en était de même lorsque sa santé lui permettait de rendre des
visites, d ’aller à la promenade.
L e quatrième témoin, le sieur Bonna baud , médecin, déclare
que le sieur Brun lui a rendu plusieurs visites sans être accompagné
de personne; mais une foule d ’autres témoins, qui l ’ont vu sortir
plus ou moins fréq uem m ent, soit pour des visites, soit pour la
promenade, l ’ont toujours ou presque toujours vu accompagné,
tant on exerçait sur lui une active surveillance.
L e troisième et le quatrième témoin de l ’enquête contraire par
lent d ’une circonstance où il s’était échappé de chez la dame Vern ie t te , et était venu se réfugier chez eux. Peu de minutes après,
la dame Verniette était chez le sieur Bergougnoux pour ramener
son frère. E lle se plaignit de ce q u ’o’n avait ofïert à celui-ci un
demi-verre de vin et un biscuit pour le fortifier. Elle semblait se
plaindre de ses procédés. Il lui répondit avec un ton de colère :
« Vous meniez, madame, vous prétendez que je vous bats, c'est
« au contraire v o u s q u i me battez. » E n causant, le sieur Brun
avait dit q u ’on le tenait en charte p riv é e, et q u ’il était mal chez
sa sœur. Il témoigna au sieur Bergougnoux la crainte d ’en être mal
accueilli, parce q u ’on l ’avait aâsuré que le témoin avait couru de
la haine pour l u i , et q u ’on lui avait d éfen du de v e n u 'le voir.
L e sieur Brun avait demeuré cinq ou six ans chez le sieur Ber
gougnoux, comme élève en pharmacie. Des liaisons,, d ’amitié en
étaient résultées en tr ’eux. La dame Verniette connaissait ces liai
sons ; elle les redoutait, comme une entrave à l ’accomplissement
de ses desseins sur la fortune de son frere; c est pour cela qu elle se
permit d ’employer la calomnie pour l ’éloigner du sieur Bergou
gnoux, chez qui elle montra tant de mécontentement de le trouver.
Le huitième témoin de la contr’enquête parle d ’ une circonstance
où le sieur Brun était arrive chez lui en l u y a n t , sous le pretexte
q u ’on voulait le faire confesser.
Le neuvième témoin atteste la même circonstance; de plus, il
déclare que plusieurs fois il a vu sortir de chez la dame Verniette
le sieur Brun , ayant l ’air de s échapper.
L e dix-septième témoin de l’enquête directe a vu le sieur Brun
se promener, mais toujours accom pagné de (ju eh ju u n de la maison
Verniette.
L e onzième témoin fait la même déposition ; il ne se rappelle
pas l ’avoir vu sc promener seul.
�(.
2
8
)
De même le douzième témoin.
De même le onzième de l ’enquête contraire.
L e treizième témoin de la contr’enquête était la sœur de lait du
sieur Br un. Elle va chez la daine Verniette pour le voir; les de
moiselles Verniette la refusent; elle insiste; alors elles lui disent de
repasser, que leur mère est absente, et q u e lle s n ont pa s la c l e f de
la cham bre du sieur B r u n .
Le témoin se présente un autre jour : nouveau refus. Elle eut
été éconduite encore cette fois, si le sieur Brun , de sa croisée, ne
l ’eùt aperçue dans la rue, et n ’eut exigé q u ’on lui permît l ’entrée
de sa chambre.
Le quatorzième et le quinzième témoins ont vu le sieur Brun qui
f u y a i t , et la dame Verniette et l’ une de ses filles qui le rejoignaient
et le forçaient brusquement à rentrer.
Les en fans Bonheurs se présentaient-ils pour voir leur oncle, la
dame Verniette et sa famille les repoussaient avec colère. On v o u
lait q u ’il restât isolé. Plusieurs témoins parlent de cette circonstance,
e n t r ’autres le neuvième témoin de la contr’enquête.
C om m en t, après de pareils témoignages, persister a soutenir que
le sieur Br un était libre dans ses actions? O u i , par fois on l ’a vu
seul, rendant quelques visites, ou se promenant; mais alors n’estce pas parce q u ’il avait échappé à ses gardiens, trompant leur v i
gilance? Et quand il ne pouvait mettre cette vigilance en d éfau t,
n ’était-il pas poursuivi par la dame Verniette 011 les personnes de
sa maison, jusques chez les amis ou les connaissances chez lesquels
il se réfugiait, et ramené comme un criminel qui se serait évadé?
N ’a-t-il pas dit lui-même q u 'il était tenu en charte p riv é e?
E t pourtant la dame Verniette ose soutenir q u ’ il était libre dans
sa maison! C ’est assurément là une singulière libert é, dont per
sonne ne voudrait.
L e quatrième fait, gisant en preuve, est que le sieur Brun avait
exprimé à diverses personnes son affection particulière et sa recon
naissance pour la dame Verniette, ainsi que sa volonté de lui laisser
toute sa jo r tu n e .
C e f a i t , qui est complexe, n ’est point é tab li, quant à la der
nière partie, (|ui est la plus impor tante, et qui consiste dans la
manifestation de donner toute sa fortune.
Que le sieur Brun ait toujours eu de l’aflVcliou pour la dame
V e r n ie t te , sa sœur, jamais ou a cherché à dire le contraire. Son
aileclion se reportait sur tous ses parens. La dame Bonheurs y avait
�une part non moins grande que son autre sœur; il aimait les enfans
Bonliours après comme avant la perte de leur mère.
L e dixième témoin de l'enquête directe, M. D e b e r t , juge de
paix , pense q u e , ju s q u ’au décès du sieur B r u n } i l a v é c u dans
la p lu s p a rfa ite a m itié et la m eilleure intelligence avec sa sœur
(la dame Bonliours), son beau-frère et ses enfans. La plus p a tfa it e union régnait, notamment dans cette famille en i8 r 8 ,é p o q u e
du partage de la succession du père.
Le treizième témoin de la contr’enquête atteste cette bon ne in
telligence avec la famille Bonliours. L e sieur Brun témoigna beau
coup de regrets de la perte de la dame Bonliours.
Selon le quatorzième témoin, le sieur Brun partageait son a f
fe c tio n entre ses d e u x sceui's.
Le quinzième dépose que le sieur Brun avait une même affection
pour les Bonliours et les Verniette. Il disait q u ’ils seraient tous
égalem ent ses héritiers.
Mais cette affection est exprimée par le sieur Brun lui-même,
dans des lettres q u ’il écrivait ¡1 sa sœur, la dame Bonliours, et no
tamment .dans une qui est sous la date du 29 novembre 181G. Il
embrasse la mère, les enfans et le mari, q u ’il aime bien , parce
qu i l rend sa sœ ur heureuse.
L e 9 janvier 1821 , il écrivait au sieur Bonliours père une lettre
qui renferme des expressions amicales. Il embrassait de cœ ur le
])èie et les enfans.
U ne autre preuve que la bienveillance de l ’oncle pour scs neveux
n ’avait point changé, c ’est le soin q u ’apportait la dame Verniette
d ’empêcher que les neveux n ’arrivassent jus qu’à l ’oncle.
n ’est
q u ’en forçant la consigne que deux d ’entr’eux étaient parvenus
auprès de lui ; ils en avaient été bien reçus.
II importerait peu q ue, dans deux ou trois circonstances, il les
eut mal accueillis. Une pareille réception s’expliquerait par son
état de souffrance, et encore plus par l ’ompire que la dame Verniette avait acquis sur un homme dont les facultés intellectuelles
étaient affaissées par les douleurs physiques. La dame Verniette
l ’obsédant continuellement voulait qu'il ne songeât q u ’à elle, et
q u ’il oubliât completlemenl les enfans Bonliours, ses neveux. Elle*
avait, d ’autant mieux réussi à le maîtriser et à s’en faire craindre,
q u e , mémo en é t a t 'd e santé, le sieur Brun était d ’ un caractère
f a ib le et tim ide ju s q u ’à la p u silla n im ité. C ’est ce qui est attesté
par le premier témoin de la c o n l r ’enquête prorogée, le sieur blatl.in,
�médecin, qui connaissait la maladie du sieur B r u n , et ses causes,
et avait été à portée d ’apprécier son moral.
On ne désavoue pas non plus que le sieur Brun n ’eùt reçu q u e l
ques bons offices de la dame Vern iette; mais ces bons offices étaient
réciproques. L e sieur B r u n , commerçant, avait des relations assez
fréquentes avec Clerinont : tantôt c’était des commissions de mar
chandises à prendre, tantôt des recouvremens à faire. L a dame
Verniette était dans le commerce; il n’est donc pas étonnant que
son frère correspondit quelquefois avec elle, pour l ’aider dans cer
taines opérations. Dans plusieurs lettres de 1821 et 1 8 2 2 , il lui
reproche sa négligence à faire ses commissions, même à lui répondre.
C er te s, ce n ’est pas là exprimer de la reconnaissance. S ’il en devait,
ce n ’était pas au point d ’absorber toute sa fortune.
Mais avant le prétendu te sta m e n t, avait-il exprimé à diverses
personnes la volonté de laisser toute cette fortune à la dame
Verniette sa sœur? On a vainement essayé d ’établir l ’affirmative.
Il fallait pour cela un plus grand nombre de témoignages que
ceux que la dame Verniette a péniblement recueillis.
C e l u i des sieur et dame Jarton ainé ne se rapporte pas au
quatrième fait^ mais bien à la seconde partie du cinqu ièm e, que
nous désignons comme un sixième fait. Nous l ’apprécierons en son
lieu.
L e sieur B o n n a b a u d , quatrième témoin de l ’enquête directe,
qui était le médecin du sieur B r u n , qui l ’a vu fréquemment , qui
avait sa confiance, ne l ’a jamais entendu parler de ses dispositions
bienveillantes en faveur de sa sœur, la dame Verniette.
U n seul témoin, le douzième, a entendu dire au sieur Br un :
Ce (¡lie j e p o ssè d e , j e le laisserai à ma sœ ur T'' en d ette , à q u i j e
conserve beaucoup de reconnaissance. L ’époque à laquelle ce
propos aurait été tenu n ’est point indiquée. 11 aurait été provoqué
par l ’invitation de se m arier , que le témoin faisait au sieur Br un
en plaisantant.
Ce tt e déposition , comme perdue au milieu de nombreuses
dépositions, n ’est fortifiée par rien. Il est étonnant ([lie le sieur
Pmin , s’il avait eu la volonté de tout donner à la dame Ve rn iette,
n’en eut point fait part à ses anciens amis, tels que le sieur
Bergougnoux , à scs vieilles connaissances, telles que la femme
Meteix.
Il est étonnant sur-tout q u ’il ne l ’eùt manifestée dans aucune
des nombreuses lettres q u ’ il écrivit h. la dame Vern iette, durant
les années 1 8 2 1 , 1 8 2 2 , 182.3, Faire espérer, même entrevoir à
�T ? n
cette sœur le don de toute sa fortune, eût été le meilleur moyen
de vaincre la négligence q u ’elle apportait h faire les commissions
dont il la cha rg ea it, négligence q u ’il lui avait reprochée dans
plusieurs lettres.
Ainsi le quatrième fait reste dénué de preuve.
Lorsque le testament eut été f a i t , la dame Verniette le présenta
à des jurisconsultes, pour savoir s’il était régulier. Tel est le cin
quième lait dont la preuve était offerte.
Deux jurisconsultes honorables ont été appelés en témoignage
sur ce fait.
jVL B i a u z a t , l ’ un d ’e u x , déclare que c’est lui qui a donné le
modèle du testament. Il ne peut se rappeler l ’époque précise à
laquelle on lui fit cette demande, ni la personne par qui elle fut
faite. Il a beaucoup réfléchi à cette dernière circonstance, dont il
sent toute l ’importance; mais la faiblesse de sa mémoire ne lui a
pas permis de se rappeler la personne qui a fait cette démarche
au près de lui. I l penche cependant à croire que c est la -dame
V ern iette elle-m êm e.
Plus t a r d , la même personne ou toute autre , lui présente la
copie du testament, q u ’il trouva conforme au modèle.
I l croit bien que le testament déposé au greffe et q u ’on lui a
représenté est le même.
La déposition de INI. Biauzat n ’a rien de positif., si ce n ’est q u ’il
a fourni le modèle d ’un testament.
Quelle est la personne qui lui avait demandé ce modèle? Il croit
que c ’est la dame Verniette; et il se trompe, d ’après la déclaration
de la dame Bernardin , neuvième témoin, qui affirme que c’est elle
qui a demandé et reçu le modèle du testament. A quelle époque?
M. B iauzat l ’ignore.
Il ignore également quelle est la personne qui lui lui a présenté
la copie du testament pour savoir si elle était conforme au modèle.
Il ne précise pas davantage cette seconde époque. L ’incertitude
q ui a présidé à cette déposition en détruit l'influence.
D ’ailleurs le jurisconsulte dit bien que la copie.du testament
q u ’on lui a présentée était conforme au modèle donné (sans doute
quant à la disposition , mais non quant à la confection matérielle;
car on ne peut penser q u ’ il l’eut tracé avec le même nombre de
lignes). Mais il ne s ’explique nullement sur la validité du testament.
A v an t la mort du sieur Brun aucun autre avocat n’a vu le
testament. La dame Verniette a prétendu q u ’elle l ’avait soumis à
l ’examen de M. Boii'ot oncle, qui lui avait déclaré que ce testa
�ment e'tait fo r t régulier. Elle avait instruit de cette particularité
la dame B e rn a rd in , saconfidente, son amie in t im e , celle qui avait
fait des démarches auprès de Me Biauzat.
L e témoignage de MeBoirot est venu démentir formellement cette
assertion. On connaît toute la loyauté de ce vénérable vieillard. Il
déclare sans hésitation et dans le langage le plus positif, que le
testament ne lu i a é té présenté , ni p a r la dam e V ern iette , ni p a r
personne de sa p a r t, soit avant, soit après le décès du sieur B run.
I l assure n ’avoir ja m a is vu ch ez lu i la dam e K ern iette et ne pas
la connaître.
T o u l ce q u ’on a dit et imprimé pour atténuer l ’effet cle cette
déposition , c ’est q u ’i l paraîtra p eu étonnant que Me Boirot ne se
soit pas rappelé un fait qui remonte à plus de 6 ans.
Nous arrivons au sixième fait interloqué. L a dame V ern ietle
s’était soumise à prouver q ue, depuis la date du testament, le sieur
B r u n avait déclaré p lusieurs f o i s q u ’il avait donné toute sa fo rtu n e
à la dame V er nietle sa sœur.
Des nombreux témoignages invoqués, quels sont ceux desquels
on voudrait faire surgir cette preuve?
On se complaît à rappeler celui du sieur Jarton a în é , qui est
lié d ’amitié avec les époux V e r n i e l t e , et qui déclare que le sieur
Br un lui avait manifesté des intentions bienveillantes pour la clame
V er nielte sa sœur, et qui lui avait d i t , à l ’époque où il fit son tes
t a m e n t, époque q u ’ il ne peut préciser, cjn’il avait e x é c u té ce q u ’il
avait toujours eu Vintention de fa ir e .
Mais tout cela signifie-t-il bien que le sieur Brun avait fait un
testament en faveur de la dame V e r n ie l t e , et lui avait donné son
entière hérédité? L'interprétation la plus large craindrait d'adopter
l ’affirmative. L e sien r Brun avait des intentions bienveillantes pour
la dame Ver niette , comme il en avait pour tous ses parons. Il a dit
q u ’ il avait exécuté ce q u ’il avait toujours eu l ’intention cle faire.
Mais q u ’a-l-il exécuté et eu faveur de q u i ? Il ne le dit point. S ’il
n’a exécuté que ce q u ’ il a toujours eu /’intention de faire, il n’a
point dépouiljé les enfans Bnnhours, ses neveu x, de toute partici
pation à son hérédité 5 ca r, lorsqu’ il écrivait à la dame Bonheurs
sa sœur des lettres qui renfermaient des expressions de la plus
franche amitié; que dans une de ces lettres, sous la date du 29
novembre 1 8 1 ( i , il lui disait : Jem b ra sse la m ère, les enfans et
le m ari que j'a im e b ie n , /Jarcequ' il rend ma santr heu reu se, il
n'avait assurément pas l'intention de frustrer de sa succession elle
et ses enfans. 11 11’avait pas celle int ention, quand il déplorait la
�. ( 33 )
’
V V
mort de cette sœur, q u ’il aim ait ; quand il eut témoigne tous ses ^
regrets au sieur Bonhours son beau-frère; q u ’il lui tenait un langage
affectueux dans une lettre du 9 janvier 1821 ^ q u ’il termina en
embrassant les Bonhours de cœur.
L ’intention q u ’il avait toujours eue était, n ’en doutons pas,
de laisser sa fortune àses deux sœursou à leursenfans. Cette intention
était le vœu de son cœur. Elle était commandée par ses affections.
Q u i osera assurer que ce n ’est pas cette intention q u ’il aura dit
au sieur Jarton aîné avoir réalisée ? L ’acte qui en ferait f0£
n ’apparaît point; mais on sait que la dame Verniette a fait main
mise sur l'intégralité de la succession, sans compte ni mesure
sans aucune espèce d ’inventaire. On pressent dès-lors quel aurait
été le sort d'un acte, qui aurait détruit son projet et anéanti le
testament, q u ’elle a osé produire.
Ai nsi , on ne trouve nulle part la preuve que le sieur Brun ait
déclaré, non p a s plusieurs f o i s , mais une seule fois, q u ’il avait
donn é toute sa fo rtu n e à la dame Verniette.
Le sixième fait reste donc dénué de preuves.
L e résultat de l ’examen et de l ’appréciation des enquêtes n ’est
point favorable au prétendu testament. Il est loin d ’en corroborer
V e x iste n c e . Il le la isso sous le poids de tous les vices q u ’on lui
reproche. La preuve offerte n ’est point administrée. N o n , il n ’est
pas prouvé que la dame Verniette et l ’une de ses filles soient allées
à Paris pour porter secours au sieur Brun dans ses maladies. Il n ’est
pas prouvé q u ’il eut, par initiative, invité le sieur Verniette a venir
le chercher à Paris pour le conduire à Clermont. Il est pr ouvé, au
con tr aire , que c ’était la dame Verniette qui l ’avait pressé de se
retirer à Clermont et de prendre chez elle un logement, offrant de
lui envoyer son mari pour l ’accompagner dans le voyage. Il n ’est
pas prouvé que le sieur Brun avait pour sa sœur, la dame Verniette
une affection exclusive, mais il est prouvé que la dame Bonhours
et ses en fans avaient part à cette affection.
II n ’est pas prouvé q u ’il jouissait de la plus grande liberté chez
la dame V er nietle ; mais il est prouvé q u ’il était gêné dans ses
actions; q u ’il était soumis à une active surveillance et tenu souvent
en charte privée.
Il n ’est pas prouvé q u ’il ait annoncé plusieurs fois le projet de
faire à la dame Verniette don de toute sa fortune, ni q u ’il ait dit
à plusieurs personnes q u ’il avait réalisé ce projet par un testament
ou par tout autre acte.
�r
_
•
( 34 )
Ja reconnaissance rlu sieur Br un et le don de toute sa fortu ne,
restent encore à établir, malgré l'interprétation favorable q u ’elle
s’est étudiée à prêter aux dépositions de certains témoins.
Que si les témoignages invoqués par la dame Verniette n ’ont
poi nt corroboré V existen ce du testament qu'elle prod uit, on peut
dire au contraire que plusieurs dépositions de la contr’enquête le
signalent comme un acte informe, irrégulier, comme un mensonge
que l ’on a osé présenter pour la vérité.
E n effet, il a suffi à MM. Costes, juge de paix, Rozier, greffier,
C u l h a t , géomètre, et B o i r o t , oncle et neve u, avocats, de voir
le testament, pour être frappés de ses irrégularités matérielles, et
pour manifester l ’opinion q u ’ils ne le croyaient pas sincère.
E t cependant les deux premiers avaient ainsi condamné ce tes
ta m ent, avant d ’être instruits de la démence dont avait été frappé
le sieur Brun.
s ni.
In c a p a c ité du sieur B run.
Pour faire un testament il faut jouir de ses facultés intellec
tuelles et avoir toute sa raison. Il faut aussi que la volonté du
testateur soit exprimée avec une entière liberté; q u ’elle ne soit
influencée, ni par la crainte, ni par la violence, ni par aucune
suggestion étrangère. Alors il y a capacité légale, autrement cette
capacité n ’existe pas.
Si nous supposons maintenant que le testament attribué au sieur
Brun est écrit de sa m a i n , il nous reste à rechercher si à la date
que porte le testament, le testateur avait la jouissance de scs facultés
morales, l ’exercice de sa raison, e t , en admettant l'affirmative,
s’il avait librement exprimé sa volonté.
Il n ’avait pas sa raison : de nom bi eux élémens concourent à le
démontrer. Il est certain q u ’avant de se retirer à C l e r m o n l , il avait
eu à Paris plusieurs atta qu es , qui avaient porté atteinte à sou
moral et le privaient de tems en teins de sa raison. T1 dit lui-même,
dans une de ses lettres, q u ’il perd la mémoire. Dans une a u t re,
sous la date du i ?. septembre i 8 a 3 , il se plaint d ’avoir un assou
pissement tous les soirs, de pleurer souvent de faiblesse, et d ’é
prouver un accès de jour à autre.
Le sieur Bergougnhoux père , troisième témoin de la contr euquêUî , alla voir le sieur B iu n à Paris, environ un mois avant que
celui-ci se retirât a (deiinont. «Je le trouvai , dit ce témoin , dans
« un état de démence piesqu’absolu ; il divaguait et ne répondait
« exactement à aucune de mes questions. Ses réponses, faisaient
�« rire deux domestiques à la garde desquels il était abandonné.
<. Je sortis de chez lui fort affligé de son état. » C ’est le lendemain
que le sieur Bergougnhoux, rencontrant le sieur Jarton aîné, l ’in
vita à prévenir ,1a famille du fâcheux état dans lequel était tombé
le sieur Brun. Il écrivit pour le même sujet à la dame Bergou
gnhoux son épouse.
Selon le septième témoin, le sieur Brun passait dans le voisinage
pour être tombé dans un état de démence. Il faisait, dit-on, des
extravagances. L a femme Ramade dit un jour au témoin que le
sieur Brun avait mis le f e u à de la paille dans l ’escalier de la
maison qu'il ha bita it, et q u ’on la v a it trouvé se chauffant à ce
fo y e r .
L e huitième témoin parle du bruit qui s'était répandu que le
sieur Brun avait perdu la tête, q u ’il faisait des extravagances. II
raconte que s’étant un jour échappé, il était venu se réfugier chez
le témoin et cherchait à s’y cacher. Ou lui a dit que le sieur Brun
était enfermé dans sa chambre par les personnes de la maison , dans
la crainte q u ’il ne s’échappât.
L e neuvième témoin rappelle le même fait.
Selon le quatorzième témoiu , 011 racontait que le sieur Brun
avait perdu la tête à Paris.
Le sieur B lati n , médecin connaissait les causes de la maladie du
sieur Brun . Il n ’a pas dù les révéler. Elles n ’ont pas peu contribué,
sans d oute, à le faire tomber dans l ’état d'aliénation mentale qui
parait avoir précédé sa mort. Il était aussi d ’une grande douceur
de caractère.
Ces témoignages géminés sont sans doutesuiiisans pour démon trer
([île le §ieur Brun était atteint de démence, même avant de quitter
Paris.
*
Mais la vérité q u ’ils proclament apparaît encore dans un plus
grand jou r, si l’on considère la confection matérielle du testament
et les circonstances dans lesquelles il est intervenu.
L e lecteur n ’a pas perdu de vue que le sieur Brun avait la
prétention de bien écrire, et q u ’en eftet il écrivait assez correcte
ment. Comm ent comprendre alors q u ’il e û t , avec discernement,
jeté sur une feuille dp papier quelques lignes inégales pour disposer
de toute son hérédité; q u ’il eut surchargé plusieurs mots, tandis
que d ’autres seraient traces nett em ent; q u ’il eût fait dans les
mots testament et vingt des fautes grossières d ’orthographe; q u ’il
eût. fait suivre sa signature patroniinique du prénom Michel, qu on
ne voit , nulle autre p a r t , accompagner sa signature.
�Non; il n ’aurait pas laissé subsister cet écrit informe sans
démentir son caractèr e, son amour-propre. Il l ’aurait recopié. Il
en avait eu la facilité, le teins, pu isq u’il a survécu près d ’un an
à la date de l ’écrit.
D ’ailleurs, on ne peut guère supposer que le sieur B r u n , qui
avait l ’intelligence des affaires, eût eu besoin d ’ un modèle pour faire
son testament olographe, ou bien s’il n ’avait pu lui-même rédiger
ses dernièies volontés, il se serait adressé à un notaire pour le
charger de ce soin.
Les précautions que l ’on a prises pour se procurer une feuille de
papier timbré et pour effacer l ’empreinte de la griffe qui aurait in
diqué le nom du fonctionnaire public, par qui cette feuille avait été
fournie, sont aussi un indice de fraude. On redoute la lumière. On met
à contribution la complaisance de certaines personnes. C ’est le sieur
G i l l e t , septième témoin de l ’enquête directe, qui est venu déclarer
q u e , sur l ’invitation de la dame Vern iette, il alla chercher chez
M e Roddier ou chez M. Bonnefoi ou chez Me Bergier , notaire, une
feuille ou demi-feuille de papier. Puis il ne peut préciser si c ’est
le mari ou la femme Verniette qui lui a fait l ’in vi tation , q uoi
q u ’ il ait d ’abord dit que c ’est la femme. Il ajoute q u ’il ne peut se
rappeler non plus si c’est lui ou l ’ un de ses ouvriers, qui serait allé
chercher ce papier, quoique d ’abord i l eût dit que c était lui-m êm e.
L a singularité de cette déposition est frappante.
C ’est la dame Bernardin, neuvième témoin, qui serait allée chez
M e Bi auzat demander le modèle du testament.
Mais ni la dame Bernardin, ni aucun autre témoi n, n ’ont vu le
sieur Br un copier ce modèle. Il n ’a dit à personne q u ’il eût fait un
testament olographe. Cette clandestinité est inexplicable. L e sieur
Brun n ’aurait eu aucune raison de s’y tenir. Il était maître de sa
fortune. Il n ’eut pas craint de manifester par un acte aussi positif
la prédilection exclusive dont la dame Verniette se dit l ’objet.
Qu e si l ’on admet que le testament est vraiment écrit par le
sieur B r u n , et que le testateur savait ce q u ’il faisait, ce testament
ne resterait pas moins vicié d ’ une nullité radicale, comme n ’étant
pas l ’expression d ’ une volonté libre.
E n effet, quand on a lu les enquêtes, 011 ne peut révoquer en
doute que le sieur Br un 11e fut tenu en charte privée. Il l ’a
dit lui-même au sieur Bergougnhoux. Plusieurs autres témoins
l ’attestent, et notamment le treizième à qui les demoiselles
Verniette répondirent, un jour q u ’elle insistait pour voir le sieur
�B run son frère de lait, qu*elles n avaient pas La c l e f de la chambre,
et que leur mère était absente.
La dame V er n ie tte , que l ’on dit douée d ’un caractère ferme
ju s q u ’à la rudesse, maîtrisait complètement son frère par la crainte
q u ’elle lui inspirait. ( O n a même vu q u ’il se plaignait d ’en être
b a t t u ) . Cette domination avait'été facile à acquérir par suite du.
caractère doux et timide du sieur Bru n, caractère que les souffrances
avaient achevé de rendre pusillanime.
Dans cet état m ora l, obsédé continuellement par la crainte que
lui inspirait son ty ra n , il ne pouvait exprimer de volonté.libre sur
le don de sa fortune. Aussi toutes les démarches qui ont facilité
le prétendu testament, sont-elles laites par la dame Verniette ou
par son ordre. Il semblerait q u ’elle dirigea la main qui l ’écrivait.
C ’est elle qui l ’avait en son pouvoir, et qui en f it , contre l ’usage,
la remise à un notaire.
T o u t , comme on le voi t, s’est passé à l ’égard de cet acte, d ’une
manière insolite, extraordinaire.
Ma inte na nt, q u e , selon M. Tou llier, un testament olographe
soit p lu s fa v o ra b le que le testament reçu p a r des notaires; que la
présom ption de sagesse soit toute entière en fa v e u r du testateur
<jui p ren d le soin d ’écrire ses dernières v o lo n tés, nous ne con
testons point cette doctrine; mais nous soutenons q u ’elle ne peut
recevoir d ’application à l ’espèce, parce que l ’écriture et la signature
ne sont point reconnues par les héritiers naturels q u i , au con
traire, en dénient formellement la sincérité; parce que la présomp
tion de sagesse, en faveur du testateur, disparaît devant le double
fait d ’aliénation et de charte privée.
Lorsque tant et de si graves circonstances s’élèvent contre la
sincérité du testament a t t a q u é , quelle confiance pourrait lui
accorder la justice? A h ! sans doute, si la C o u r , dans son amour
ardent pour la justice, ne frappe point immédiatement de sa répro
bation celte œuvre de fausseté et de déception, c’est que les intimés,
jaloux eux-mêmes de voir briller la vé r it é , n ’ont point formé
d ’appel incident pour amener une décision sur le fond, et q u ’ils
se sont bornés à demander la confirmation du jugement qui ordonne
une nouvelle vérification.
F O U L H O U X , A v o ca t.
MA RIE., L ice n cié -A v o u é .
R I OM ,
de
l ’i MPRIMERIE
De
salles
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bonhours, Annet. 1831?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Foulhoux
Marie
Subject
The topic of the resource
successions
testament olographe
testaments
infirmes
conseils de famille
experts
faux en écriture
expertises graphologiques
signatures
témoins
démence
médecine légale
affection fraternelle
charte privée
abus de faiblesse
procuration
notaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour les sieurs Annet et Michel Bonhours, dame Anne Bonhours et le sieur Jean-Baptiste Celme, son mari, et le sieur Louis Bonhours, tuteur légal de ses enfans mineurs, tous propriétaires, habitans la ville de Montferrand, Intimés ; contre dame Antoinette Brun, veuve en premières noces du sieur Guillaume Bujadoux, et sieur Joseph Verniette, son second mari, marchands, demeurant en la ville de Clermont, Appelans.
Annotations manuscrites.
« 19 mai 1931, 1ére chambre… Déclare le testament du sieur Michel Brun, du 20 octobre 1823, vrai et valable. »
Table Godemel :
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1802-1831
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2718
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2717
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53555/BCU_Factums_G2718.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
affection fraternelle
charte privée
conseils de famille
démence
expertises graphologiques
experts
faux en écriture
infirmes
médecine légale
notaires
procuration
signatures
Successions
témoins
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53554/BCU_Factums_G2717.pdf
8acb8c5aae0e52452e0bc041e6564460
PDF Text
Text
COUR ROYALE■
:
MÉMOIRE
DE RIOiM;
Dame
A n to inette
du sieur
B R U N ,
G u illa u m e
V E RNIETTE,
ve u ve, en premières noces,
B U J A D O U X ,
et sieur
J oseph
son second m ar i, marchands, ha-
b it a ns de la ville de C l e r m o n t , appelans ;
CONTRE
L e s sieurs A
n e
nt
et
M ic h e l
B O N H O U R S , dame
B O N H O U R S et sieur J e a n - B a p t i s t e
C E L M E son m ari, et le sieu r Lo u is B O N H O U R S ,
A n ne
tuteur lég a l de ses enfans m ineurs, tous proprié
taires, habitans de Clerm ont, partie de Montf errand,
Intimés.
P
armi
■- J
I re
•
les droits accordés par la loi civile à l ’homme
social, un des plus respectables est celui de trans
mettre son patrimoine à un héritier de son choix.
C hez tous les peuples, les législateurs ont protégé
l ’exercice de ce droit sacré qui nous f a i t , en quelque
sorte, revivre dans la personne dont les affections et
il |
'■
»!
'
POUR
M1
CHAMBRE.
f:
�les services ont mérité un dernier témoignage de nos
souvenirs et de notre reconnaissance.
Mais il est rare que les efforts de l ’intérêt privé ne
cherchent pas à. anéantir les dernières volontés d ’ un
testateur. Pou r tâcher d ’y parvenir, les collatéraux ne
manque nt pas de prétextes-, l ’homme q u ’ils ont oublié
pendant sa vie leur parait inju ste, s i, à sa m o rt, il les
oublie lui- même, s’il gratifie ceux q u i , dans tous les
instans de sa vie , lui ont consacré leurs soins, et q u i ,
pour embellir son existepce ou la soulager dans les
tristes années d ’une vieillesse infirme, n ’ont épargné ni
voyages, ni veilles, ni dépenses.
C ette cause présente un nouvel exemple de ces ten
tatives hasardées, contre sa propre conviction, par l ’es
prit de cupidité qui se laisse bercer de l ’espoir q u ’il
de vra , peut-être à l ’err eu r,
justice éclairée l u i refuserait.
une hérédité q u ’une
L e sieur B run a légué, par un testament olographe,
toute sa fortune à la dame V e r n ie t t e , sa sœur.
T o u t devait faire prévoir cette disposition.
U n e amitié toute particulière unissait le frère et la
sœur ;
C e l l e - c i avait recueilli dans sa maison un frère
infir me, qui avait quitté Paris pour être entouré des
secours d ’une sœur chérie. L à lui avaient été prodigués
les soins les plus m in u t ie u x , et tous les soulagemens
que des infirmités peuvent trouver dans les ressources
de l ’a r t , dans les attentions délicates des sentimens
fraternels;
11 ne voyait jamais les enfans Bonhours, qui sont
�ses neveux, il est vrai, mais dont il disait avoir depuis
long-tems à se plaindre.
L e sieur Brun a tracé, dans l ’écrit qui contient ses
de rnières volontés, des dispositions que son cœur lui
avait dictées; et son testament est tout à-la-fois un
monument d ’affection fraternelle et de gratitude.
Co mm en t pourrait-il être sérieusement critiqué?
Aussi dans l ’embarras où ils se tr ouv en t, les enfans
Bonhours qui attaquent le te st am en t, tantôt sou
tiennent q u ’il n ’est pas l ’oeuvre de la main du défu n t,
tantôt prétendent q u ’il n’est pas celle d ’un esprit sain
et intelligent; n'hésitant pas ainsi, pour se procurer
un succès illégitime, ou à accuser d ’ un faux la dame
Verniette, leur ta n te, ou à flétrir, par la supposition
de la démence, la mémoire de l ’oncle dont ils veulent
envahir la fortune.
Ces argumens, qui se détruisent l ’ un l ’autre par
une choquante contradiction, en les isolant même,
seront faciles à combattre.
^
Déjà une vérification par experts a fait justice de
l ’une de ces déplorables objections.
U n e preuve par témoins, en réduisant l ’autre à sa
vraie valeur, démontrera aussi qu'une volonté cons
tante et éclairée avait préparé, et a consommé les
bienfaits que le testateur s’est plu à répandre sur une
sœur q u ’il chérissait spécialement.
FAITS.
L e sieur Michel B r u n , dont le testa men t a donné
�lieu au procès, avait habité Paris pendant trente ans
environ.
D u r a n t cette longue absence, il n ’avait conservé de
relations intimes q u ’avec la dame Antoinette Brun sa
sœ ¡r, épouse du sieur Verniette, négociant à Glermont.
Il avait cependant une autre sœur, la dame Mich lie
B r u n , qui demeurait à Montferrand, où elle s’était
mariée avec le sieur Bonhours; mais les rapports du
sieur Brun avec cette sœur et avec l^-s Bonhours étaient
nuls ou peu agréables; il éprouvait même pour eux
une sorte d ’éloignement dont il est inutile de recher
cher les causes, mais q u ’il a manifesté dans plusieurs
circonstances.
Au contraire, il avait toujours existé entre lui et la
dame Yer niette une amitié v i v e , q u ’avait entretenue
un échange mutu el de soins, de services et d ’attentions,
et qui engageait le sieur B r u n à faire de tems en teins
■des voyages à C le :m o n t pour revoir sa sœur et pour
passer quelques semaines auprès d ’elle.
Dès 1802, il avait entrepris la commission à Paris-,
et souvent il envoyait à Glermont des marchandises de
diverses sortes. Sa sœur Antoinette lui procurait des
demandes 5 il la chargeait aussi de ses recouvremens.
Ces rapports d ’affaires ajoutaient à leur i n t im it é , et
line correspondance suivie existait entr’eux.
C ett e correspondance est établie par une foule de
lettres qui attestent aussi les sentimens affectueux du
frère envers la sœur; elle n ’a cessé q u ’en octobre 1823,
au moment oii le sieur Br un a quitté Paris pour venir
�habiter auprès et dans la maison même de la dame '
Verniette.
E n i 8 o 5 , il désira être parrain d ’une fille de sa sœur,
alors épouse du sieur Bujadoux; il fit , dans ce b u t , le
voyage de C le r m o n t , logea chez sa sœur, et passa deux
mois auprès d ’elle, sans autre table que la sienne.
E n 1809, il voulut goûter les plaisirs des vendanges
auprès de sa sœur; il occupa chez elle les mêmes appartemens que dans ses précédens voyages, fut traité de
la même manière, et ne la q u i t t a , elle et sa famille,
q u ’avec regret, lorsque ses affaires ne lui permirent
plus de prolonger son séjour. C e fut dans cette circons
tance, que le frère et la sœur se donnèrent réciproque
ment leur portrait.
.
Il serait superflu de parler des différens autres
voyages. Mais 011 ne doit pas passer sous silence celui
que fitle si eurB run, en 1 8 1 7 , q u ’avait rendu nécessaire
la mort de son père, et lors duquel eut lieu le partage
des biens de la famille.
Ces biens étaient situés à Montferrand , ce qui obli
geait M. Brun de se rendre fréquemment dans cette
ville où demeuraient les Bonhours. Cependant jamais
il n ’a couché chez eux; et lorsqu’il s'était vu dans la
nécessité de passer la journée à Montferrand, le soir il
revenait chez sa sœur Antoinette Brun, à Clermont.
L e sieur Brun avait souvent pressé la dame Verniette
de venir le voir à Paris. C elle -c i, mère de famille et
mar chande, n ’avait pu se rendre a son invitation.
Mai s, en février 18 22 , elle apprend que son frère
est malade. Alors l ’affection re m po rte , elle abandonne
�( 6 )
son ménage, son commerce, et va passer auprès de son
frère deux mois q u ’elle consacre à l ’entourer de ses
services. Ce n ’est que lorsqu’elle l ’a rendu à la santé,
q u ’elle quitte Paris pour revenir auprès de sa famille.
Cependant
plusieurs banqueroutes éprouvées par
le sieur Br un pendant l ’année 1 8 2 2 , lui causent des
chagrins qui bientôt altèrent encore sa santé-, des soins
cons'ans lui deviennent nécessaires. Il sent le besoin
de ne pas être livré à. des services mercenaires , e t ,
par une lettre écriteMe 9 février 1823 au sieur Jarton
aînéj marchand à Clermont^ il le prie de déterminer
une des filles de la dame Ve rnie tte , la demoiselle
Amélie Bujadoux sa filleule, à se rendre auprès de lui.
C elle -ci,
qui entrait alors comme novice dans la
communauté des Urs ulines , ne put se rendre auprès
de son oncle; mais elle fut remplacée par sa sœur ainée,
la demoiselle Agathe Bujadoux, q u i a prodigué pendant
plusieurs mois au sieur B r u n tous les services que son
état pouvait exiger.
Indisposée elle-même, et voyant son oncle en conva
lescence ,
la demoiselle Agathe revint auprès de sa
mère en juillet 1823.
L e sieur B run resta encore plusieurs mois à Pari s;
mais sa santé étant chancelante, et ses infirmités p a
raissant s’accroître, il vo ulut quitter les affaires et
venir se fixer à Clermont auprès de sa sœur.
A lo rs , pour se conformer aux désirs prcssans q u ’il
manifesta par plusieurs lettres écrites en octobre 1823,
le sieur Ve rniette son beau-frère alla le chercher.
A v an t de q uit te r Paris, il mit dans ses affaires lo
�( 7 )
'ìS V
plus grand ordre; il résilia le bail de son logement,
régla ses comptes avec ses commis, donna sa procuration
à un notaire de Paris, acheta une v o i tu r e , fit marché
avec un voiturier de Marvejols, et, voyageant à petites
journées, arriva à Clermont le 2 novembre, accom
pagné de son beau-frère Y e r n ie t te , chez lequel il alla
loger, suivant son usage,N.et dans la maison duquel il
est resté jusqu’à son décès.
Les jours qui suivirent l ’arrivée du sieur B run
furent employés par lui à rendre des visites à ses amis,
à régler différens comptes avec ses commettans, et à
quelques autres affaires.
L e i 5 novembre, il acheta divers objets à son usage;
le 1 7 , il acquitta de sa propre main une facture du
sieur Leg oy t et en signa l ’acquit (1).
L e 20 novembre, il fit le testament olographe, dont
les enfans Bonhours demandent la nullité.
C e testament est court; mais il contient tout ce qui
est nécessaire pour sa validité. L e içodèle en avait été
demandé à un jurisconsulte de Clermont. En voici les
termes :
« Ceci est mon testament^: »
« J’institue
mon
« Antoinette Br un.
héritière
universelle
ma sœur
A C le n n o n t-F erran d , le vingt
h novembre mil huit cent vingt-trois.
Signe Brun
« Michel. »
Depuis comme avant ce testament, le sieur Br un
a continué de sortir, le plus souvent seul; de visiter
(1) On rapporte cette facture et son acquit.
'
*
�ses amis; de diner chez eux ; de vaquer librement à
ses différentes affaires; enfin d ’agir et de parler comme
un homme qui jouit de toutes ses facultés morales.
Il donna notamme nt, le 4 février 1824? au sieur
Verniette une procuration qui fut reçue par le sieur
A s t a i x , notaire à C le r m o n t ,
et qui autorisait son
fondé de pouvoirs à traiter avee un sieur M alhie r ,
dont il avait été l ’associé à Paris.
C ’est seulement peu de mois avant sa m o r t , que,
son mal s’aggravant, il a cessé de sortir de la maison
de la dame V e r n ie t t e , où il occupait l ’appartement le
plus commode.
L e sieur Brun est décédé le 20 octobre 1824, laissant
à la dame Verniette une fortune modique , il est v r a i ,
mais précieuse pour elle, comme un gage del à tendresse
de son frère.
Telle est l ’analyse fidèle des faits qui ont précédé la
contestation actuelle.
L e testament fut présenté le 3 o octobre p a r M ' F a b r e /
notaire à Cle rm ont, au président du tribunal civil, L a
description en fut faite, et le dépôt ordonné entre les
mains du même notaire^, e t , par une ordonnance du
3 décembre su iv ant, la dame Verniette fut envoyée
en possession des biens de l ’ hérédité.
Cependant la famille Bonhours annonce bientôt des
projets hostiles.
L e i 5 janvier 1825, un conseil de famille est réuni
pour en obtenir une autorisation afin d ’agir en partage
de la succession de l ’oncle.
C e conseil de famille, dans la délibération d u q u e l il
�(
9
)
n ’est pas parlé du testament olographe, autorise l ’ac
tion en partage, quoique l ’un des parens, un oncle
maternel, refuse son consentement, la demande ne lui
paraissant pas fondée.
Alors, et par exploit du 4 février 1825, fut intro
duite l ’instance.
L a dame Verniette fit notifier le testament.
Les enfans Bonhours déclarèrent n ’en pas connaître
l ’écriture et la signature, et formèrent opposition à
l ’ordonnance d ’envoi en possession. Us alléguèrent aussi
que le sieur Brun ét ait, bien long-tems avant la date
du testament, dans un état d ’imbécillité et de démence,
qui ne lui aurait pas permis d ’exercer une volonté libre
et éclairée.
U n ju gem ent, du 3 décembre 182!}, ordonna une
vérification,
Imberl
et
ancien
nomma,
avoué,
pour experts,
Bonjour et
Cavy,
les
sieurs
tous les.
deux notaires l ’un aux Martres-de-Veyre , l ’autre à
Clermont.
L e choix de ces trois experts,
aussi habiles que
prudens, semblait devoir offrir la plus forte garantie
aux inquiétudes des parties et à la sollicitude de la
justice. O11 verra cependant q u ’ il n ’en a pas été jugé
ainsi.
Cependant des pièces de comparaison furent pré
sentées; les unes étaient authentiques, les autres sous
seing-privé.
Parmi les pièces autlientiques, la seule qui fut ré
cente, était la procuration du 4 février 1824, dont
nous avons déjà parlé, comme postérieure au testa
�ment.
C ett e
pièce
fut
présentée
par
les
enfans
Bonhours.
Les actes sous seing-privé consistaient principalement
en lettres écrites à diverses époques par le sieur Br un.
Les enfans Bonhours en présentèrent quatre dont
les dates étaient anciennes; la plus récente était an
térieure de près de quatre années au décès du sieur
Brun.
L a dame Yerniette consentit à les admettre pour
pièces de comparaison, mais à condition q u ’on a d
mettrait aussi beaucoup de lettres q u ’elle produisit
elle-même, et sur-tout celles qui étaient les plus rap
prochées de l ’époque du testament.
Il en fut autrement. Les plus rapprochées, c ’est-àdire les plus propres k éclairer les experts et la justice
furent rejetées par les Bonhours, qui ne pouvaient se
dissimuler le d a n g e r , p o u r e u x , de la comparaison de
ces écrits récens avec l ’écriture du testament.
Cependant les experts procèdent à la vérification
qui leur était confiée.
Dans leur procès-verbal ils transcrivent les dires des
parties. C eux des époux Verniet te rappellent en subs
tance les faits que nous venons d ’exposer, et la preuve
en est offerte.
Il est ajouté q u e , « s’il existe quelque différence
« entre les écritures et signatures du sieur Brun , cela
« ne peut provenir que des attaques et des maladies
« q u ’il a éprouvées; ce qui est établi dans différentes
« lettres q u ’ il a écrites à plusieurs personnes, dans
« lesquelles il leur dit q u ’il a la main tremblante, et
�(
11
)
« q u ’il n ’écrit q u ’avec beaucoup de peine et de diffi« culté. »
A l ’appui de leurs observations, les époux Vernielte
présentent aux experts plusieurs lettres et une facture
acquittée par le d é f u n t , trois jours avant la date du
testament.
Mais les experts-vérificateurs ne crurent pas devoir
faire usage de ces nouvelles pièces; et se fixant seule
ment sur les pièces adoptées dans le procès-verbal du
commissaire, les rapprochant de la pièce désignée, se
liv ra nt, d ’abord chacun à part soi, à l ’examen le plus
scrupuleux,
s étant ensuite com m uniqué leurs ré
f le x i o n s , ils s ’exprim ent ainsi :
« Nous avons remarqué que la physionomie qui
« résulte de l ’assemblage des caractères du testament
« s’éloigne de celle q u ’offre la contexture des onze
« lettres missives co m p ar ées.' C e p en d an t, en descen« dant dans les détails de la comparaison, on est
« obligé dé reconnaître que la conform ation de beau« coup de mots entiers et de chaque ca ra ctère, pris
« isolément de la pièce indiquée, est très-ressemblante
« à celle des mots semblables et des caractères isolés
« des lettres missives; et q u ’ainsi la différence de phy« sionornie des caractères paraît provenir de ce que
« celle de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur
« et d iffic u lté , tandis que celle des lettres missives
« annonce une plus grande facilité d ’exécution. »
Cet te explica Lion des experts paraîtra foit naturelle^
si l ’on considère que la plupart des lettres missives
étalonL anciennes, et q u ’elles étaient loutes antérieures
�aux attaques et aux maladies qui avaient causé à la
main du sieur B run cette pesanteur et cette difficulté
d ’exécution dont parlent les experts.
Ces hommes de l ’art eussent trouvé plus d ’identité
dans la physionomie, s’ils eussent pu employer, comme
pièces de comparaison, des lettres plus récentes, et
l ’acquit
écrit de la main du sieur Brun l u i - m ê m e ,
le 17 novembre 1 8 23, sur une facture due par le sieur
Lego yt .
Les experts considèrent ensuite les actes aut he n
tiques qui ne leur présentaient que des signatures
isolées et déjà anciennes. L e jplus grand nombre de
ces signatures remontaient à l ’an 1 2 , à l ’an i 3 *et à
l ’an 14 (1804? i 8 o 5 , 18 0 6 ) ; quelques-unes à 1 8 1 8 ;
une seule au 4 février 1 8 2 4 , c ’est-à-dire à une époque
rapprochée de celle du testament , qui est du 20
novembre mil h u it cent vingt-trois.
Les anciennes
signatures
paraissent aux
experts
présenter peu de similitude avec celle de la pièce déniée.
Mais la signature de la procuration reçue A s t a i x ,
notaire, le 4 février 1 8 2 4 , frappe particulièrement
leur attention.
« E lle s’éloigne,
disent-ils,
du caractère de la
« signature ordinaire du sieur B r u n ; mais 011 ne peut
« se refuser à lui trouver une grande ressemblance
« avec celle du testament; et les experts ne doutent
« pas qu e lles aient é té produites toutes d e u x p a r la
« même main. »'
Quo i de plus décisif q u ’ une telle opinion, fondée sur
un acte a u t h e n t i q u e q u ’avaient présenté les Bonh ou rs
�( i3 )
eux-mêmes comme pièce (le cQmparaison, et qui a été
fait presqu’à l ’époque tlu testament, c ’est-à-dire dans
un tems où le testateur était dans le même état p h y
sique, et éprouvait, pour écrire, la même pesanteur
de la main et la même difficulté d ’exécution, effet des
maladies q u ’il avait essuyées.
Les experts descendent ensuite dans des recherches
soigneuses sur la conformation de chaque lettr e, soit
du testament, soit de la.signature; et, comparant cette
conformation* à celle des lettres de la signature de la
procuration et même des caractères et des mots sem
blables q u ’ils aperçoivent dans les lettres missives, ils
démontrent que la même main a dù tracer ces différens
écrits.
Nous ne les suivrons pas dans des détails q u ’il serait
trop long même d ’analyser, mais qui prouvent avec
quelle exactitude, avec quel scrupule les experts se sont
acquittés du mandat que leur avait donné la justice.
Nous nous bornerons à transcrire le résumé de leur
avis. Il est ainsi conçu :
n
« Par suite de l ’examen et des observations qui
« précèdent, les experts ont formé leur opinion et
« déclaré, à Vunanim ité, q u ’il demeure évident pour
« eux que l ’acte soumis à leur vérification a etc écrit
« et signé de la même main qui a tracé les caractères
« de comparaison. »
L e résultat d ’ une telle vérification devait, il semble,
ne laisser aucune ressource aux tracasseries.
Mais les enfans Bonhours ne se découragèrent pas;
ils critiquèrent le procès-verbal des experts, et deman-
�dèrent mie nouvelle vérification 5 subsidiairement ils
offriient la preuve de diverses allégations hasardées,
par lesquelles ils prétendaient que le sieur Br un avait
.toujours vécu en bonne intelligence avec son beau- frère
et ses neveux Bonhours; q u ’étaiit tombé malade, à la
fin de 1823, le sieur Verniette alla le chercher à Paris,
et le conduisit à C le rm o u t; que depuis cette époque,
la dame Ver niette avait fait tout ce qui était en son
pouvoir pour éloigner de lui le père Bonhours et ses
enfans; que la plupart du tems, lorsqu’ils venaient le
voir, ils étaient repoussés avec rudesse sans être admis;
Qu e la dame Verniette le tenait en charte privée
pour empêcher, autant q u ’il était en elle, q u ’il eut
des communications avec ses parens et amis;
Que souvent elle le m altrait ait ,
et q u ’il en faisait
ses plaintes à ceux qui pouvaient l ’aborder;
E n f i n q u ’il avait f ré q u e m m e n t des attaques q ui lui
faisaient perdre connaissance, et qui l ’avaient réduit à
un état d ’imbécillité.
On ne fixait pas d ’ailleurs l ’époque à laquelle avait
commencé cet état d ’imbécillité.
Ces faits n ’étaient ni vrais ni vraisemblables, ni
pertinens. C ’est ce que démontra la dame Verniette
en demandant l ’ homologation du rapport des experts.
I,a cause portée h l ’audience,
le t r ib u n a l , par un
jugement du 23 avril 1 8 2 7 , n ’admit pas la preuve
offerte; mais par de longs considérans, déduits n o
t a m m e n t , de la faculté q u ’avaient les juges de 11e pas
adopter l ’opinion des experts, q u i , dans ces matières,
n ’est que conjecturale; du laconisme du testament qui
�( i5 )
lui parut prêter aux soupçons; de la circonstance que
la physionomie du testament s’éloignait de celle des
lettres missives; de celle q u ’à la signature du testament
était ajouté le mot M ic h e l 3 qui ne se trouvait pas dans
les autres signatures; de la différence que le tribunal
crut remarquer entre Vn finale de la signature du tes
tament et celle de la procuration ; enfin et sur-tout de la
surcharge du mot vin g t dans la date du testament; par
ces divers motifs, le tribunal ordonna une nouvelle véri
fication, en la confiant à MM. Hugues, C a il h eet Murât.
Ces experts furent chargés de s’expliquer sur les
surcharges qui existent dans le testament, notamment
sur le mot v in g t, et sur la date qui y existait avant;
d ’examiner si le mot vingt avait été tracé par la même
main qui avait écrit et signé le testament; de peser
enfin dans leur sagesse les doutes que pouvaient faire
naître les réflexions
énoncées
dans les motifs
du
jugement.
C e jugement se mb lait, par ses motifs au moins,
indiquer aux experts l ’avis q u ’ils avaient à exprimer; et
q u o iq u ’il réservât aux parties tous leurs moyens de fait
et de droit, sa rédaction présentait des singularités qui
devaient nécessairement faire éprouver quelque em
barras aux
personnes chargées de la nouvelle vén-
fiication.
On pouvait s’étonner aussi de ce que les Bonhours
n ’avaient pas été soumis à avancer les Irais de celle
seconde opération q u ’ils avaient demandée.
L a dame Verniette a interjeté appel de ce jugement.
Devant la cour, la dame Verniette a demandé l ’homo-
�logation du procès-verbal de vérification, et a renou
v e l é , subsidiairement, l'offre de la preuve des faits
q u ’elle avait consignés dans le rapport des experts.
Les Bonhours, en concluant à la confirmation du
ju gem ent, ont offert, aussi subsidiairement, la preuve
des mêmes faits q u ’ils avaient présentés eu première
instance.
L a C o u r a rendu , le i 5 juillet 1829, un arrêt ainsi
concu
«» :
« At te n du q u e , d ’après la nature de l ’affaire et les
« circonstances qui s’y rattachent, il ne peut q u ’être
« utile pour la découverte de la vérité, de corroborer
« l ’existence du testament dont il s’agit par des preuves
« testimoniales; que cette marche est admissible, soit
« dans l ’e s p r i t , soit dans la lettre de la législation
« romaine et de la législation du code civil,
« P a r ces m o t i f s ,
« L a C o u r , sans préjudice des fins et moyens, tant
« de fait que de d r o i t, qui demeurent réserves aux
h
parties sur le fonds, ordonne, avant de faire d r o i t ,
« q u e , dans le mois, à compter de la signification du
« présent arrê t, faite à avoué en la C o u r , les parties
« d ’ All em and feront preuve, tant par titres que par
« témoins, par-devant M, V e r n y , conseiller-auditeur,
« commis à cet effet:
« i° Que lu dame Verniette et ses filles ont soigné
u le sieur B r u n , tant à Paris q u ’à C l e r m o n t , pendant*
« les dernières années de sa vie, dans les maladies quo
« celui-ci a essuyées, ou à raison de scs infirmités;
« 20 Qu e le sieur Br u n , voulant venir se fixer à Cler»
�(
*7
)
« mont à la fin de 1823, invita le sieur Verniette à
/
« le venir chercher à Paris; et que le sieur Verniette,
« cédant à cette invitation, se rendit effectivement à
« Paris et revint à Clermont avec le sieur B r u n , qui,
« depuis, ju sq u’à son décès, a continuellement habité
« avec les époux Vern iette;
« 3 ° Qu e le sieur B r u n , depuis son arrivée à Cler« mont jusq u’à son décès, a reçu et rendu de nom« breuses visites et est allé dîner plusieurs fois chez
« des personnes avec qui il avait eu d ’anciennes rela« tions; que, d ’ailleurs, il sortait fréquemment, soit
« pour se promener, soit pour voir ses amis;
« 4°. Q u ’il a souvent exprimé à diverses personnes
« son affection particulière et sa reconnaissance pour
« la dame Verniette sa sœur, ainsi que sa volonté de
« lui laisser toute sa fortune ;
« 5 ° Que lorsque son testament eut été fait, ce
« testament a été présenté à des jurisconsultes, pour
« savoir s’il était régulier;
« Q u e , depuis la date de ce testament, le sieur
« Br un a déclaré plusieurs fois q u ’il avait donné toute
« sa fortune à la dame Ve rnie tte , sa sœur;
« S a u f aux parties de Godemel toute preuve con« traire, dans le même délai et par-devant le même
« commissaire, dépens réservés. »
Comm e 011 le v o i t , la C o u r a ordonne la picuve
offerte par la dame V e r n ie i le ; elle l ’a ordonnée parceq u ’elle l ’a considérée, non peut-être comme rigoureu
sement nécessaire, mais comme utile pour corroborer
V existence de testam ent; elle l ’a ordonnée en autoriT+
0
�sant seulement lesBonhours à faire la preuve contraire.
L ’on verra bientôt que tous les faits articules ont été
prouvés par la dame Ver niette , et que certains de ces
faits sont établis même par la preuve contraire, dont la
plupart des dépositions, d ’ailleurs, roulent seulement
sur de vagues propos ou sur des points non interloqués.
Mais, avant d ’entrer dans l ’exposé de ces preuves
orales, fixons-nous sur celles qui résultent de la vér i
fication de l ’écriture du testament.
DISCUSSION.
S I.
E x a m e n du rapport des experts.
Nous l ’avons dit en commençant : le rapport des
experts était aussi satisfaisant que décisif. 11 était
l ’ouvrage d ’hommes aussi éclairés que soigneux, et que
leur sévère impartialité a toujours désignés à la confiance
des tribunaux. Il a été le résultat de l ’examen le plus
m in u t ie u x , qui s’est fixé sur chaque m o t , sur chaque
lettre de la pièce déniée, pour les comparer aux mêmes
m ots , aux mêmes lettres que présentaient les pièces
reconnues.
Les experts n’ont épargné ni soins ni peines pour la
découverte de la vér ité; et leurs recherches les ont
conduits à déclarer, h l ’u n a n im ité, q u ’il demeurait
évident p o u r e u x que l ’acte soumis à leur vérification
avait été écrit de la même main qui avait tracé les
caractères de comparaison.
C e l t e opinion si positive, appuyée sur de nom
breuses et de puissantes raisons, dev rait, il sem b l o ,
�( *9 )
nous dispenser de combatiré en détail les argumens
des Bonhours.
Mais discutons-les rapidement.
L a physionomie de l ’assemblage des caractères du
t
testament s’éloigue, d i t - o n , de celle q u ’offre la con
texture des lettres missives;
L a signature du testament ne ressemble pas à celle
des pièces produites, si ce n ’est à celle de la procuration;
L a lettre n de la signature de la procuration diffère
de la même lettre dans le testament;
L e mot M ic h e l, ajouté à la signature du testament,
ne se trouve pas aux autres signatures;
Les
experts
n’ont
pas parlé des surcharges , et
notamment de celle du mot vingt ;
Enfin le laconisme du testament est frappant.
Telles sont les objections proposées. Reprenons-les.
L a différence dans la physionomie des écrits n ’est
pas un moyen sérieux. Les experts nous en expliquent
la cause; elle provient, disent-ils, de ce que l ’écriture
de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur et
difficulté, tandis que celle des lettres missives annonce
une plus grande facilité d ’exécution.
On pourrait ajouter que tous les jours l ’on remarque
quelque différence de physionomie dans les écritures
faites en divers tems, quoique par la même personne.
E l l e est produite par le changement de plume, d ’encre,
de disposition dans la m ai n , de soin dans celui q ui
écrit, de largeur ou de longueur donnée aux caractères
suivant le caprice de l ’écrivain.
Aussi tousles homuiesde l ’a r t , appelés à comparer des
�écrits, s’attachent-ils moins à la physionomie générale
q u ’à la conformation de chaque mot et cle chaque lettre.
C ’est ce q u ’ont fait les experts. Ils ont comparé
aux mots du testament une très-grande quantité de
mots semblables, pris dans les pièces de comparaison ;
et ils se sont convaincus, ainsi q u ’ils le déclarent,
d ’après la très-grande ressemblance, soit des caractères
isolés, soit de mots entiers, que la même main avait
écrit la pièce déniée et les pièces reconnues.
E n général, les lettres missives sont d ’une écriture
très-fine, et celle du testament est assez grosse. C ’est
une des principales causes de la différence des physio
nomies. C ett e différence n ’existe pas entre le testament
et l ’acquit écrit et signé, le 17 novembre 1 8 2 3 , par le
sieur B r u n , sur la facture du sieur L egoyt ; pièce qui
n ’est pas suspecte et dont parle un des témoins.
M a is, ajo ui e- t- on , parmi les signatures des pièces
de comparaison, il n ’y a que celle de la procuration de
1 8 2 4 , qui soit semblable à la signature du testament.
O n répondra q u ’il suffit de rapprocher toutes ces
signatures pour reconnaître que la dissemblance n ’est
pas réelle, et que, si elle est un peu apparente d'abord,
c ’es t,
comme nous l ’avons déjà d i t ,
à raison de la
finesse de la plume qui a tracé les signatures des pièces
de comparaison.
Aussi la dissemblance est d ’autant moins grande
que les signatures sont plus grosses. Par exemple, si
l ’on rapproche la signature du testament de celle d ’un
acte au t he n tiq u e , passé le 4 brumaire an 1 4 , devant
Gorse, notaire, on leur trouvera beaucoup d ’analogie.
�( 21 )
Toutes les diverses signatures indiquent, d ’ailleurs,
les mêmes mouvemens et les mêmes habitudes dans la
main qui a écrit.
A u reste,
n ’y eût-il même que la signature de la
procuration de 1 8 2 4 ,
qui fût conforme à celle du
testament,, ne suffirait-elle pas pour établir le mérite
de la pièce déniée? Ces deux actes, faits à deux époques
très-rapprochées, signés l ’ un et l ’autre en caractères un
peu gros, revêtus de signatures identiques, et annonçant
l ’un comme l ’autre de la pesanteur et de la difficulté
d'exécution dans la main, ces deux actes ne doivent-ils
pas se servir mutuellement de contrôle? E t si , comme
on ne saurait le contester, la signature de la procu
ration est vraie, comment pourrait-on douter de la
sincérité de celle du testament? ce n ’est pas au nombre
des pièces de comparaison, que l ’on doit s’arrêter dans
de telles vérifications. C ’est la nature de ces pièces,
c ’est le rapprochement de leurs dates avec celle de la
pièce déniée; ce sont enfin les dispositions physiques
où se trouvait le signataire, que l ’on doit sur-tout
* considérer, afin de reconnaître si la même main a réelle
ment tracé les diverses signatures.
Il serait superflu de se fixer sur u ne remarque faite
par les premiers juges; elle consiste en ce qu à la signa
ture
Brun
, le bas du dernier jambage de 1’« n ’est pas
abso lume nt le même dans les deux actes.
C ette différence, qui est fort légère, avait été aussi
remarquée par les experts; mais elle ne leur avait paru
digne d ’aucuneconsidération. Si les Bonhours l ’ont rele
vée,
c’est q u ’ils ont senti le besoin de faire valoir, même
�les plus futiles objections. Nous nous contenterons d ’y
répondre par une observation générale que f o n t, à ce
s u je t, les experts, et q u ’ ils appliquent en même lems
aux paraphes.
Voici leurs expressions :
« C ett e circonstance nous donne l ’occasion de rap« peler que la signature du sieur B r u n , soit dans le
« corps de l ’écriture, soit pour son paraphe, présente
« cles variations sensibles dans les lettres missives et
« dans les actes q u i nous ont é té présentés. »
Observation des plus justes,
et que l ’expérience
confirme tous les jours.
Q u e l ’on compare, en effet., de nombreuses signa
tures de q ui que ce soit, faites, sur-tout^ à des époques
différentes, on y trouver a, si l ’on v e u t , des caractères
généraux de ressemblance; mais si on les examine avec
trop de scrupule , on remarquera entre toutes des
différences sensibles, auxquelles pourraient s’appliquer,
et avec plus de force m êm e , les minutieuses critiques
employées par les Bonhours contre le testament du
sieur Brun.
L ’addition du prénom M ic h e l à la signature Br un
fournit aussi un argument aux Bonhours.
Mais que peut-on en conclure, si, comme les experts
l ’ont reconnu, le mot M ic h e l est écrit de la main du
d éfunt? lors même que le mot serait i n u t i l e ,
son
addition pourrait-elle nuire à la validité de l ’acte?
qui ne connaît la maxime : Quœ superabundant non
n ocen t? Q u ’on le supprime, si l ’on v e u t , le testament
u’eu sera pas moins valable,
�Mais , dira-t-on , le sieur Brun n ’était pas dans
l'usage de l ’ajouter à sa signature.
Q u ’importe? cette précaution annonce l ’importance
q u ’il attachait à son testament^ et le désir q u ’il avait
de ne laisser aucune équivoque sur la personne du
testateur. C a r le prénom M ic h e l devait aider à le faire
distinguer de toutes les autres personnes qui pouvaient
porter le nom de Brun.
Quelques surcharges dans le testament ont aussi
fixé l ’attention des premiers juges. Ils se sont plaints de
ce que les experts n’en avaient pas parlé.
L e silence des experts, à cet égard, prouve seulement
q u ’ils n ’ont pas pensé q u ’on dùl y attacher la moindre
importance. De légères surcharges, qui ne sont même
apparentes que sur le mot vingt de la da te , devaient
d ’autant moins fixer leur attention que la date était
très-facile à lire. Les experts, d ’ailleurs, ont fait tout
ce q u ’ils étaient chargés de faire; ils se sont assurés, et
ils ont déclaré que le testament entier, et par consé
quent le mot v in g t, un peu surchargé, étaient, comme
les autres, écrits de la main du défunt. Ils s’en sont
assurés par la vérification la plus détaillée et la plus
soigneuse. E n comparant, lettres par lettres, les mots
du testament aux mots des pièces de comparaison, a
ceux des lettres missives notamment, ils leur ont trouvé
une parfaite similitude; en sorte que les lettres de la
pièce déniée leu r ont p a r u , dis en t-i ls, porte/ / emp rein le du caractère habituel et involontaire (¡ne donne
la disposition des organes appliqués à l ’écriture. De
quelle conséquence, d ’après cela, pouvait être l ’appa-
�rence d ’ une surcharge? Pouvait-elle nuire à la validité
de la date? personne n ’ignore le contraire. On sait
que les règles de la loi du 25 ventôse an n ,
sur
les surcharges, ne sont pas applicables aux testamens
olographes.
« L a surcharge de la d a t e , non approuvée dans un
« testament olôgraphe, dit M. T o u ll i e r , n ’est pas un
« moyen de n u l l it é , s i , d ’ailleurs, la date est fixe
( D r o i t civil français, tome 6 , n° 3 6 7 ) .
C ’est aussi c e ’ que j u g e , en thèse, un arrêt de
cassation, du 11 juin 1 8 1 0 , rapporté dans tous les
recueils de jurisprudence (1).
Mais, a-t-on d it , le mot vin g t surchargé paraissait
couvrir le mot d e u x , q u i , se rapportant au mois de
novembre, serait précisément le jour de l ’arrivée du
sieur B run à C le r m o n t ; or, ajoute- t- on , il n ’est pas
présumable q u ’il se fût o c c u p é , ce j o u r - l à , de son
testament.
Ainsi on croit voir, c’est-à-dire on présume que le
mot d e u x a été remplacé par le mot 'vingt.
On présume aussi q u e , le jour de son arrivée de
P a r i s , le sieur Br un n ’a pas dû s’occuper de son testa
m e n t; et c’est en réunissant deux futiles présomptions,
q u ’on s’efforce de jeter de l ’ incertitude sur un seul
mot d ’ une date q ui cependant est très-fixe et très-facile
k lire. — Pitoyable argutie , q ui ne mériterait pas
même q u ’on la discutât!
A u reste, en examinant avec attention le mot sur-
(1) V . le Journal de Dcnevers, 8, i, 370, cl celui <le Sirey, io, 1 , 389.
�(
)
chargé, rien n ’est moins apparent mie la substitution
du mot vingt au mot d e u x . La surcharge parait plutôt
provenir de ce que le mot vingt ayant été d ’abord impar
faitement tracé, soit parle défaut delà plu m e, soit-par
toute autre cause, le testateur, en voulant réparer
cette imperfection , a surchargé les traits et appuyé
davantage sa plume, ce qui a noirci la teinte.
D ’ailleurs, c’est évidemment lamême plume, la même
encre, la même main qui ont écrit et cette surcharge
et le surplus du testament. C ’est ce que prouve l ’inspeclion de la pièce; c ’est ce qui résulte aussi du rap
port des experts, qui ont reconnu que tout avait été
écrit par l ’auteur des diverses pièces de comparaison;
c ’est même ce que démontre la plus simple réflexion.
C a r ne .serait-il pas absurde de présumer q u e , de tous
les mots qui composent le testament, un seul eut été
écrit d ’une main étrangère*!
Mais supposons même que le testateur eut d ’abord
écrit le mot d e u x , et q u ’il y eût, ensuite, substitué le
mot v in g t; quelle conséquence pourrait-on en tirer?
L e testament en serait-il moins valable? Le testateur
n ’était-il pas libre, n ’était-il pas capable de disposer,
le d e u x novembre, comme le vingt du même mois?
N ’avait-il pas aussi pu donner à sa disposition telle
date ou telle autre? ne se pourrait-il pas aussi q u ’il
ne l ’eut consommée par sa signature que le jour même
indiqué par la dernière date, surchargée ou non? Quelle
influence cela pourrait-il
avoir sur la validité du
testament? Portât-il même les deux dates du d e u x et
du v in g t,
4
le testament
olographe serait également
�à l ’abri de toute critique.
C ’est ce q u ’a décidé un
arrêt de la C o u r de cassation, du 8 juillet 1823 ( 1 ) .
C ’est trop nous arrêter, sans dou te, à cette vaine
objection.
Remarquons même que toutes les argumentations
contre le testament,
toutes les petites irrégularités
q u ’on lui reproche en indiquent la sincérité. C a r il
eût été facile de les éviter,
si le testament eût été
l ’œuvre d ’ une main coupable. Mais dans la sincérité de
ses dispositions, le testateur n ’a dû y attacher aucune
importance. Dans sa bonne foi, l ’ héritière n ’a pas dû
elle-même y faire att en tion; et sans cherchera engager
son frère à écrire un nouveau testament où nulle sur
charge n ’aurait été laissée, pour lequel, aussi, aurait
été employée une plume plus fine et plus propre à
donner au testament la physionomie des nombreux
écrits de son frère; sans faire retrancherde la signature
le prénom M ic h e l, q u ’elle savait bien ne pas y être
ordinairement joint; sans avoir recours enfin à aucune
de ces précautions qui décèlent plutôt le dol que la
franchise, la dame Verniette a accepté les bienfaits et
n ’a pas cru devoir s’occuper minutieusement de la
forme de chaque mot de l ’acte qui les consacrait. E l l e
ne po u v a it ,
d ’ailleurs, prév oir,
elle 11e devait pas
même supposer que les Bonhours se hasarderaient,
contre leur propre conviction, non pas à dénier, car
ils ne sont pas allés jusque-là, mais à dire q u ’ ils ne rc( 1 ) Journal de Sircy, tom. 25 , 1 , 3 1.
�( 27 )
connaissaient pas récriture et la signature du testateur.
Enfin les premiers juges se sont étonnés du laconisme
du testament.
Etrange objection ! comme s’il était nécessaire de
dire beaucoup de mois inutiles pour faire une dispo
sition vraie et une disposition saine.
C e laconisme s’exp lique, soit par l ’état physique
du testateur qui a voulu s’épargner les difficultés
d ’ un long écrit, la pesanteur de sa main ne lui per
mettant pas d ’écrire long-tems; soit par la circonstance
que c’est un jurisconsulte qui a donné le modelé du
testament et qui a dû le donner simple mais suffisant.
Le fait a été attesté par ce jurisconsulte lui-m èm e,
entendu dans la cause comme témoin.
L e laconisme critiqué n’a donc rien de surprenant;
on eût pu même être plus concis et notamment suppri
mer, à la signature le mot M ic h e l, qui était absolu
ment inutile.
Nous avons parcouru,
et nous avons réfuté, il
semble, toutes les objections élevées contre le testa
ment. Ce sont, cependant, ces faibles objections qui
avaient déterminé les premiers juges à repousser l ’opi
nion unanime de trois experts des plus recommanda7
bles , dont l ’ouvrage même signalait la scrupuleuse
exactitude comme la capacité; ce sont ces objections
qui les avaient déterminés à ordonner une vérification
nouve ll e, sous prétexte que l ’art des experts était
conjectural, comme si un nouveau rapport, fait par
de nouveaux exp erts, ne devait (rien présenter de
conjectural.
�L ’on remarquera aussi quelespremiers juges n ’ont pas
même chargé les Bonhours des frais de cette seconde vé
rification, quoique ceux-ci eussent d û , dans l ’exactitude
des principes, fournir même aux frais de la première.
C a r c’est à celui qui conteste l ’écriture et la signature
d ’un testament olographe, à démontrer q u ’il n’est pas
l ’ouvrage de la main du défunt-, c’est à lui à faire cette
preu ve , parce q u e , comme demandeur, il doit justifier
sa demande : a ctori incum bit probatio ; parce que le
légataire u n iv e rs e l,
envoyé en
possession
par une
ordonnance du jug e, comme l ’a été la dame Verniette,
a le titre en sa faveur, et que ce titre doit être exécuté
tant que sa fausseté ou sa nullité n ’est pas clairement
établie; parce q u e , d ’ailleurs, le dol et la fraude ne se
présument pas, et que c’est à celui qui les allègue à
les prouver ( C o d e c i v i l , art. i i i G ) .
Telle est la doctrine enseignée par M. T o u ll i e r , dans
son Droit civil français, tome 5 , n° 5 o 3 ; et cette doc
trine a été consacrée par plusieurs arrêts de cassation ,
deux desquels ont été rendus les 28 décembre 1824 et
10 août 1825 (1).
L a daine Verniette a le titre en sa faveur; elle est
non seulement en possession de fai t, mais encore en
possession de droit , en vertu d ’une ordonnance du
président du tribunal de C l e r m o n t , rendue conformé
ment à l ’article 1008 du Code ci vil; elle n ’a pas,
d ’ailleurs, à se défendre contre un héritier à réserve;
elle n’aurait donc rien à prouver elle-même; ce serait,
( 1 ) V o i r le J o u r n a l tic S i r e y , t o m e a 5 , i , pages i
l o m c a G , i , 1 17 , et s ui vantes.
,
58
et s u i v a n t e s ; et
�29 )
au contraire, à ceux qui l ’attaquent à tout prouver
(
pour justifier leurs prétentions; en sorte q u e , y eut-il
même du dout e, l ’exécution du testament devrait être
maintenue.
Mais s’il pouvait rester devant les premiers juges
quelque incertitude dans les esprits sur la sincérité du
testament, les résultats de l ’enquête offerte par la
dame Ver niette , et ordonnée par la co u r, la ferait
entièrement disparaître.
S2.
E xa m en de VEnquête.
L ’enquête est des plus satisfaisantes; c’est ce dont
il est facile de s’assurer en rapprochant de chacun des
faits admis en preuve, les dépositions qui s’y appliquent.
On devait établir, d ’abord, que la dame Verniette
et ses filles avaient soigné le sieur B r u n , tant à Paris
q u ’à C le r m o n t , pendant les dernières années de sa
v i e , dans les maladies que celui-ci avait essuyées, ou
à raison de ses infirmités.
Ces faits sont attestés par un grand nombre de
témoins.
t
L e premier témoin, M. .Tarton aîné, marchand a
C le r m o n t , déclare que « le sieur Brun avait desire
avoir auprès de lui une des demoiselles Bujadoux, dont
il était le parrain; mais que celle-ci n ayant pu se
rendre aux désirs du sieur B r u n , l ’ une de ses sœurs
partit à sa place, et fut accueillie et traitée avec les
marques de la plus entière bienveillance par son oncle. »
�L e témoin
ajoute que
« ce fut lui qui régla et
arrêta le départ de la demoiselle Bu ja doux. »
Il répond, sur l'interpellation de l ’avoué des Bon
h e u r s , « q u ’alors le sieur Br un avait ressenti à Paris
plusieurs attaques. »
Ce témoin dit aussi, « que le sieur B r u n , depuis
« son retour de Paris ju s q u ’à son décès, est constam« ment demeuré chez la dame Yerniette sa sœur, dont
« il a , aussi constamment, reçu les soins. »
L e quatrième té m oin, le sieur B o n n a b a u d , m é
decin ^ qui a soigné le sieur Brun depuis sou arrivée à
Clermont jus qu’à sa m o r t , parle du ton a ffec tu eu x
q u ’avait toujours le sieur Br un en adressant la parole
à sa sœur Verniette ou à ses nièces; il dit ne l'avoir
ja m a is rencontré se u l dans sa ch am bre, mais toujours
¿1 la com pagnie de q u e lq u ’ un de sa f a m i l le , p a rticu
lièrem ent de sa sœ ur et de l a j î l l e aînée.
Il
ajoute q u ’il
occupait
l ’appartement
le p lu s
agréable de la m a ison , ou auparavant i l avait v u la
dam e V ern iette m alade.
L e cinquième témoin a entendu dire par le sieur
B r u n que la fille aînée de la dame Y ern iette avait
f a i t le voyage de P a ris p o u r lu i porter des secours.
L e sixième témoin a vu cette demoiselle à Pa ris,
chez son oncle, qui était alors malade.
L a dame veuve Be rn a rd in , dont la déposition est
la neuvième,
« a été plusieurs fois témoin des soins
« empressés de la dame Y ern iet te pour son fière.
« Elle parle d ’ une c h a m b re qu e la daine Y e r n i e l l o
�( 3, )
« avait fait décorer pour recevoir sou frère, parce q u ’il
« avait l ’habitude d ’être bien logé. »
L e onzième témoin , perruquier du sieur B r u n , « a
« constamment observé q u ’il recevait, dans la maison
« de sa sœur, tous les soins q u ’exigeait son état. »
Il ajoute « q u ’il occupait une chambre au premier
« é t a g e , décorée à neuf. »
L e treizième témoin , sous-maîtresse dans l ’insti
tution de Madame Bachélerie, avait su d e là demoiselle
B u j a d o u x , avec qui elle était liée, q u ’elle allait à
Paris pour donner des soins à son
oncle.
Depuis
l ’arrivée à Clermont du sieur B r u n , elle a su que sa
sœur et sa nièce lui prodiguaient tous leurs soins.
L e dix-septième témoin, Jeanne P e t it , a vu les soins
donnés par la dame Verniette à son frère, notamment
d e u x ou trois mois avant, sa m o rt; elle les indique
et ajoute que ce soin lu i parut tellem ent répugnant
q u ’e lle dit à la dam e T^erniette , q u ’elle était bien
pauvre , mais q u ’elle ne le fe r a it p a s , quand on lu i
donnerait un louis p a r jo u r .
L e troisième témoin de la prorogation d ’enquête a
su que le sieur Brun a été soigné à Paris et à Clermont
par Madame Verniette et par ses demoiselles. Il a vu
la lettre par laquelle M. Brun avait prié sa sœur de
lui envoyer une de ses demoiselles pour lui donner des
secours dans une maladie dont il était alors atteint. Il
a vu aussi une autre lettre de M. Brun qui se loua it
des attentions de sa nièce ; et M. Brun lui en a parlé
lui-même depuis son arrivée à Clermont.
�Toutes ces dépositions ne laissent pas le moindre
doute sur le premier fait interloqué.
L e second fait tendait à savoir si le sieur Brun avait
invité le sieur Verniette à l ’aller chercher a Paris; si
celui-ci s’était rendu à cette invitation, et si depuis
son arrivée à C le n no nt ju squ’à son décès, le sieur
Brun avait
continuellement
habité avec les époux
Verniette.
Toutes les circonstances de ce fait complexe sont
tellement certaines, q u ’on n ’entreprendra pas, sans
d oute, d ’en nier aucune.
Qu e ce soit sur l ’invitation du sieur Brun , que le
sieur V e r n ie t t e , son beau-frère, est allé le chercher à
Paris et l ’a conduit à C l e r m o n t , c’est ce que prouvent
même plusieurs lettres du sieur Br un.
Dans une lettre du 8 octobre 1823, écrite à sa sœur,
il s’exprime ainsi : Je voulais écrire hier p o u r dem ander
que Von fa s s e partir v ite mon b ea u -frère y mais
31 . Jarton ou J^augelade, je crois, me d it q u ’ i l était
in u t ile , et que 31 . B a rd avait écrit en lu i marquant
de ne pas perdre de tems.
Dans une autre lett re, du même mois , au sieur
Verniette, il lui dit : T^olrc départ rn est tout-à-fait
nécessaire et même urgent.
Beaucoup de témoins parlent aussi de cette demande
du sieur B r u n , et du départ du sieur Verniette pour
ramener son beau-frère à Clermont.
C ’est ce que
déposent, notamme nt, le premier témoin, le huitième
et le neuvième de l’enquête directe, le premier et lu
troisième de la continuation do celte enquête.
�Qu ant à la cohabitation constante du sieur Brun
depuis son arrivée à Clermont ju sq u’à son décès, elle
n ’a jamais été désavouée par les Bonhours, q u i , au
contraire, en ont argumenté eux-mêmes. L a preuve
en résulte, d ’ailleurs, de l ’ensemble des dépositions
des deux enquêtes, dépositions dont plusieurs parlent
de la chambre décorée à neuf q u ’occupait le sieur Brun
chez sa sœur.
Par le troisième fait interloqué, la C o u r avait voulu
savoir si le sieur Brun , depuis son arrivée à Clermont,
avait reçu
•> ou rendu de nombreuses visites;/ s’il était
allé dîner chez des personnes avec qui il avait eu d ’an
ciennes relations,
et s’il sortait fréq uem m en t,
soit
pour se promener, soit pour voir ses amis.
Cela tendait à éclairer la C o u r sur l ’allégation des
Bonhours, qui prétendaient que le sieur Br un avait
toujours été tenu en charte privée.
Or,
jamais assertion
ne fut plus contraire à la
vérité. Elle est démentie par la plupart des dépositions
de l ’enquête directe, et même par plusieurs des dépo
sitions de l’enquête contraire.
Ces nombreuses dépositions attestent que le sieur
Brun était très-libre dans la maison de la dame Y e r niette; que ceux qui le connaissaient venaient l ’y voir;
que lui-même allait leur rendre des visites; q u ’il en a
rendu plusieurs, à son médecin notamment, sans être
accompagné de personne; qu il se promenait aussi sur
la place de Jaude, tantôt seul, tantôt avec la dame
Y e rn ie t le ou ses enfans.
Les huitième et onzième témoins de l ’enquête con-
5
�( 34 )
traire déclarent eux-mêmes avoir vu le sieur Br un se
promener, soit devant la porte de la maison Ve rn ie tte ,
soit sur la place de Jaude: ils ajou tent, il est v ra i ,
q u ’il était avec quelqu'un, de la maison V er niette;
mais ce n ’en est pas moins démentir l ’allégation de la
charte privée.
Il est certain, en effet, que le sieur B run n ’a cessé
de sortir et de se promener, ou seul ou en compagnie,
si ce n ’est lorsque l ’augmentation de sa maladie et ses
infirmités s’y sont opposées; c’est-à-dire, comme le dé
clare son médecin B on abaud , quelques mois seulement
avant sa mort.
Il est aussi prouvé par les enquêtes que le sieur Br un
a plusieurs foisdiné ou soupé chez d ’anciens amis. C ’est
ce q u ’attestent, notamment les premier et deuxième
témoins de l ’enquête directe, le troisième et le septième
de la prorogation d ’enquête.
D ’autres témoins ont vu dans diverses occasions le
sieur Brun diner en famille chez la dame Verniette sa
sœur.
L e quatrième fait interloqué tendait à la preuve que
le sieur Br un avait exprimé à diverses personnes son
affection particulière et sa reconnaissance pour la dame
Ve rn ie tte , ainsi que sa volonté de lui laisser sa fortune.'
Ge fait est attesté par beaucoup de témoins.
L e premier témoin, M. Jarton aîné, lié d ’amitié
depuis l ’enfance avec le sieur B r u n , déclare q u i l lu i
avait m an ifesté des intentions bienveillantes p o u r la
dam e V ern iette sa sœur, et q u ’à l ’époque où il fil son
testament, époque que le témoin ne peut préciser, il
�(
35
)
lui avait dit q u 'il avait e x é c u té ce q u i l avait tou
jo u r s eu l ’intention de fa ir e .
C e même témoin d i t , au contraire, sur une inter
pellation de l ’avoué des Bonhours, que le sieur Brun
ne lui avait jamais parlé, avec le ton de l ’affection, de
ses neveux Bonhours. 11 se rappelle q u e , fort peu de
teins après l ’arrivée du sieur Brun à C lerm o nt,
le
témoin et sa femme étant allés lui rendre visite, les
enfans Bonhours vinrent aussi le voir,
et q u ’ils en
furent mal accueillis ; que le sieur Br un leur avait
même dit : « Qu e venez-vous faire ici? je n ’ai pas
besoin de vous. »
L a dame Jarton, second témoin
raconte aussi le
même fait.
L e quatrième té m oin , le médecin Bonabaucl, a re
marqué le ton affectueux q u ’avait toujours le sieur
Bru n en adressant la parole à la dame Verniette et à
ses enfans. Il dit que jamais il ne lui a parlé des enfans Bonhours.
L e sieur Brun a dit au cinquième témoin, dans une
conversation, q u i l se trouvait p lu s h eu reu x dans le
sein de sa fa m ille 3 à C le r m o n t, que lorsqu’il en
était f o r t éloigné.
L e sixième témoin déclare que, « dans les différentes
« conversations q u ’il a eues à Paris avec le sieur Brun,
« il lui a paru que ce dernier portait plus d ’affection à
« la dame Verniette sa sœur, q u ’aux B o n h o u r s ,..........
« et que lorsqu’ il a entendu parler du testament du
« sieur B r u n , il n’en a pas été surpris. »
Le douzième témoin était dans la maison, un jour
�'( 36 )
où l ’un des enfans Bonliours se présenta à son oncle,
q u i le reçut assez froid em en t y le témoin lui ayant
fait observer que c’était son nev eu , il lui répondit
q u ’ i l le savait bien , mais q u ’i l ne v o u la it pas parler.
A une plaisanterie, lors d ’ une autre visite que le
témoin fit au sieur Brun , celui-ci lui répondit :
« Vous voulez que je me m arie, je suis infirme, je
« n ’ai pas une brillante fortune; j ’ai perdu beaucoup;
« heureusement j ’ai eu une bonne sœur et un beau« frère qui m ’ont été utiles (il parlait alors du sieur
« B u ja d o u x ) ; et ce que je possède, je le laisserai à
« ma sœur Verniette , à qui je conserve beaucoup de
« reconnaissance. »
L e troisième témoin de la continuation d ’enquête
déclare que le sieur Brun lui avait dit que la dame
Verniette et lui s’étaient toujours beaucoup aimés; que
« cette in t im it é , qui datait de l ’enfance, tenait à la
« conformité de leurs caractères, et à ce que la seconde
« femme de leur père les avait obligés, jeunes encore,
« de sortir de la maison paternelle. »
L e surplus de la déposition prouve aussi l'affection
particulière du sieur Brun pour sa sœur V e r n i e t t e . '
L a dame Verniette a v a i t , enfin, offert de prouver,
5 ° q-ue, lorsque le testament eut été fait, elle l’avait
présenté à des jurisconsultes pour
savoir
s’il était
régulier, et 6 ° que , depuis la date de cet a ct e, le sieur
Br un avait déclaré à plusieurs personnes q u ’ il avait
donné toute sa fortune à la dame Verniette sa sœur.
Ces deux faits ressortent aussi de l ’enquête.
Sur le premier des deux faits, M* B i a u z a t , avocat
�(
)
37
à C l e r m o n t , a déclaré que c ’était lui q u i avait donné
le modela du testam ent, qu i l s était attache a fcni'c
le p lu s b r e f possible , parce q u ’on lu i avait dit que le
testateur écrivait péniblem ent.
Il ajoute ne pas connaître la personne qui lui avait
demandé ce modèle; mais que plus tard on lu i présenta
la c o p ié de ce testament, écrite sur une dem i-feu ille de
p a p ier tim bré et signée de M ic h e l B r u n , ........ et q u ’il
trouvala copie conform e au m odèle q u ’il avait fo u r n i.
Sur la représentation faite à M e Biauzat du testa
m e n t, il a cru le reconnaître.
L e neuvième témoin , la veuve Be rnardin, a déclaré
être la personne qui était allée chercher le modèle du
testament chez Me Biauzat.
E lle ajoute que la dame Verniette lui avait dit avoir
consulté sur ce testament
fort régulier.
i\ l.
Boirot qui l ’avait trouvé
H
~ M. B o i r o t, entendu dans la contr’enquête, ne s’est
pas rappelé ce fait; ce qui paraîtra peu étonnant, puis
q u ’il s’est écoulé plus de six ans depuis cette époque.
L e sieur Gillet, horloger, septième témoin, est celui
qui procura à la dame Verniette la demi-feuille de
papier timbré dont 011 s’est servi pour la confection
du testament.
C 'é ta it,
dit-il, peu de
tems après
Varrivée du sieur Brun ci C lerm ont} et pendant q u ’on
fa is a it les vins.
Divers autres témoins parlent des dispositions testa
mentaires, comme leur ayant été déclarées par le
testateur lui-même. Il a d i t , notamment au premier
témoin, à l ’époque du testament, q u i l avait e x é c u té
�( 38 )
ce q u ’i l avait toujours eu l ’intention de f a i r e ; au
septième témoin , et à plusieurs reprises, en parlant
de la dame Verniette : e lle p ren d bien assez de peine
p o u r m oi; elle sera mon héritière, v o ilà mon héritière ;
au neuvième témoiu, q u i l avait tout donné à sa sœur.
Les dix-septième et dix-huitième témoins, Jeanne
Petit et Rosalie L e b o r o t , parlent du testament comme
ayant été fait peu de tems après l ’arrivée du sieur Br un
à Clermont.
L a dame B r u n en parla à l ’ une d ’elles à l ’instant où
il venait d ’ètre fait. L ’autre témoin voulait faire des
emplettes dans le magasin
de la dame Verniette ;
celle-ci, qui était dans la chambre de son frère, étant
appelée, ne descendit ,que pour l ’engager à repasser,
disant q u e lle était en a ffa ires/ que le sieur Brun 3 son
fr è r e , fa is a it son testament et lu i donnait tout ce
q u i l possédait.
L e même fait est déclaré par le quatrième témoin
de la continuation d ’enquête, comme l ’ayant appris
de son épouse, dix-huitième témoin.
On le voit. L ’enquête prouve les soins affectueux
donnés au sieur Brun , pendant ses maladies, soit à Paris,
soit à C l e r m o n t , par la dame Verniette et ses enfans;
E lle
prouve que ce fut sur la demande de son
beau-frère, que le sieur Verniette se rendit à Paris
pour le conduire auprès d ’ une sœur qui le chérissait,
et dont les secours lui étaient nécessaires à cause de ses
infirmités;
E l l e prouve q u ’ il est constamment resté chez cette
sœur; mais q u ’ il y jouissait de la plus grande liberté;
�q u ’il y recevait ses amis; q u ’il allait les visiter luimême et manger chez e u x ; q u ’il se promenait à son
gré, ou seul, ou accompagné de ses parens.
Elle prouve enfin son affection, sa reconnaissance
pour la dame Ver niette , ses projets plusieurs fois
annoncés de lui faire le don de toute sa fortune, et
l ’exécution de ce désir par uii testament dont il parle
so u v e n t, depuis sa d a te ,
comme é tant
une juste
récompense des services qui lui avaient été rendus.
Toutes ces preuves sont d ’autant plus puissantes
que l ’enquête contraire ne les affaiblit même pas.
Dans leur enquête contraire, les Bonhours se sont
principalement occupés de faits sur lesquels l ’arrêt
interlocutoire ne portait pas.
Ainsi ils ont fait entendre plusieurs témoins qui
ont déclaré q u ’ils avaient examiné Je testament, q u ’ils
l ’avaient comparé à des lettres missives qui leur avaient
été présentées par les Bonhours, et q u ’ils avaient cru
reconnaître une différence totale entre le testament
et les lettres.
C om m e si elle était digne de quelque considération,
l ’opinion de certaines personnes officieuses, q u i , sans
mandat de la justice, sur la seule invitation
des
Bo nh our s, et sans autres*renseignemens que ceux qui
leur étaient fournis par ces derniers , sans pièces de
comparaison si ce n’est quelques lettres anciennes; en
un mot, sans autre examen q u ’ un coup-d’œil vague et
sur la justesse duquel a pu influer même la préoccu
pation dont on les avait entourées;
comme si une
telle opinion pouvait être mise en balance avec l ’avis
�unanime de trois experts nommés par la justice, qui
ont opéré sur de nombreuses pièces de comparaison,
et qui ont apporté à l ’opération qui leur était confiée
la scrupuleuse attention que l ’impartialité de leur
devoir leur commandait.
L ’ un de ces témoins, le sieur C u l l i a t , expert, qui
a eu la complaisance de se prêtei* aux désirs des
Bonhours et d ’a l l e r , p a r c u r io s ité , d i t - i l , voir au
greffe du tribunal de Cle rmont le testament qui y
était déposé; le sieur C u llia t prétend avoir comparé
cette pièce à la
Mais ,
chose
procuration
singulière ,
du
lorsque
24 février
le
sieur
1824*
Cullia t
eut beaucoup parlé contre le testament, et de la diffé
rence que présentaient les signatures apposées aux deux
actes, le conseiller-commissaire de l'enquête lui ayant
présenté le testament,, il a déclaré ne p a s reconnaître
clans le testament dép osé la même p iè ce q u i lu i avait
é té présentée p a r M . F a u v e r te ix , greffier. Étrange
résultat qui prouve quel degré de confiance on doit
accordera toutes ces dépositions qui n’o n t , d ’ailleurs,
aucun rapport avec les faits interloqués!
Les Bonhours ont aussi (iherché à prouver que le
sieur Br un était en état de démence et 11e pouvait
pas tester; e t , dans ce b u t , ils ont fait entendre le
sieur
Bergougnoux ,
pharmacien
à
Cle rmont ,
et
quelques autres témoins qui n ’ont fait eu général que
redire ce q u ’ils tenaient du sieur Bergougnoux.
Si l ’on en croit le sieur Bergougnoux , il avait vu le
sieur Brun à Paris un mois avant l ’arrivée de celui-ci à
Cle rm on t; et il l’avait trouvé dans un état de démence
�presqu’absolue , divaguant et ne répondant
exacte
ment
dit-il,
à aucune
question;
il avait
même,
chargé le sieur Jarton ainé d ’en prévenir sa famille.
Plusieurs échos , parmi les témoins de la contre
en quête, ont répété la même chose, comme l ’ayant
apprise du sieur Bergougnoux.
Si le fait eût été interloqué, on eût pu interroger
sur ce point M. Jarton ainé, un des témoins de l ’en
quête directe, mais dont la déclaration a précédé celle
du sieur Bergougnoux.
L a déclaration de celui-ci n ’est, au reste, q u ’ une
marque de plus du zèle ardent du sieur Bergougnoux
pou r la famille B o n h o u r s , dont
on prouverait au
besoin q u ’il a dirigé tous les efforts ; elle ne fera ,
d ’ailleurs, aucune sensation, si l ’on considère q u ’elle
est démentie et par les lettres q u ’a écrites le sieur
Brun à l ’époque même dont parle le sieur Bergougnoux,
et par toutes les dépositions de l ’enquête directe, et
même par beaucoup de dépositions de l ’enquête con
traire, qui démontrent que l ’état moral du ’ sieur Brun
était parfaitement
sain , soit avant son départ de
P a r i s , soit depuis son arrivée à Clermout.
L e sieur Brun est arrivé à C le r m o u t , le deux no
vembre 1823 ; et dans les mois d ’aout, de septembre
et d ’octobre précédons, il avait écrit plusieurs lettres,
soit au sieur Jarton je u n e, soit a la famille Verniette,
qui prouvent, q u ’il s’occupait avec beaucoup d intelli
gence de ses affaires de commerce, et q u ’il raisonnait
aussi très-bien sur sa santé.
Dans une de ces lettres, qui est du 12 septembre,
6
�( 4* )
écrite en entier de la main du sieur B r u n , quoi
q u ’elle ait quatre grandes pages et plus de l o n g u e u r , “
le sieur B run donne à sa sœur des détails sur l ’aggra
vation de .sa maladie, sur ses dépenses, lçs tracasseries
q u ’il éprouve, la difficulté q u ’il a à vendre le fonds
de son commerce, etc.
Il y parle aussi clc M. Bergougnoux père q u i , est,
d it -il , toujours à Paris. T o u t le contenu de cette lettre
signale l ’inexactitude de l ’étrange déposition du sieur
Bergougnoux.
Les erreurs de ce témoin sont aussi démontrées par
plusieurs
autres lettres
écrites par le sieur B r u n ,
pendant ce mois d ’octobre 182.3, à la fin duquel il
partit pour Clermont.
Dans deux lettres du même
jour, 8 octobre, écrites l’ une à sa sœur, l ’autre à sa
filleule, dont fut porteur le sieur Jarton ainé qui re
ven ait de Pa ris, il se plaint encore de sa maladie; il
dit combien il est pressé de terminer ses affaires; il ex
prime son désir q u ’on fa s s e p a rtir v ile son beau-frère;
il parle des pertes q u ’il fait depuis un an dans son
commerce, des mesures q u ’ il va prendre pour se rendre
à Cle rm o n t.j T o u t ce q u ’ il écrit annonce une intelli
gence lu c id e , et sur-tout attentive à ses intérêts.
Aussi ne les négligea-t-il pas, ses intérêts, avant de
quitter Paris :
11 traita du fonds de son commerce;
Il prit des arrangemens pour la résiliation de son
loyer, en conservant seulement une d i a m b i c où fut
placé le mobilier q u ’il n ’emportait pas. Ces a rra ng e
mens furent consignés dans un acte sous seing privé.
�(
Nous
43
)
rapportons le double signé
"
du
^
propriétaire ;
celui-ci a entre ses mains le double signé du sieur
Brun ;
Il laissa une procuration authentique à M. L a b b e ,
notaire à N e u i l l i , pour terminer ses affaires;
Il acheta un cheval et une voiture pour voyager à
petites journées;
Il prit en un mot toutes les mesures,, toutes les pré
cautions que les circonstances et son état de santé
pouvaient prescrire à l’homme le plus soigneux, le plus
réfléchi.
L ’on sait, et l ’enquête nous l ’a appris, q u ’à l ’arrivée
du sieur Brun à C le rm on t, ses premiers soins furent
de rendre des visites à ses amis, à ses relations, et d ’en
recevoir d ’eux.
L e lendemain même de son a r r i v é e l e 3 novembre
1823 , il régla avec son voiturier les irais du voyage de
Paris, et en reçut une quittance qui est écrite sur son
agenda, au bas d ’un règlement fait de la main même
du sieur Brun.
L e 17 du même mois il acquitta une facture du
sieur Legoyt. L ’acquit,, p o u r solde de tout compte
ju s q u ’à ce j o u r , est écrit en entier, daté et signé de
la main du sieur Brun.
Le 2.4 février su ivant, il donna sa procuration au
sieur Verniette. Ce fut le sieur Astaix, notaire, qui
la reçuttémoin de la prorogay *) et ce notaire (sixième
^
^
lion d ’en q u êt e), déclare que le §ieur Brun lu i parut
j o u ir de toutes ses fa c u lté s in tellectu elles y que sur
�V
( 44 )
une première lecture qui lui fut faite par le notaire,
le sieur Br un fit quelques observations que personne
ne lui suggéra; q u ’après une seconde l e c t u r e , aussi
don née par le notaire, il prit la procuration et la relut
lu i-m êm e.
Sont-ce là des indices d ’imbécillité ou de démence?
Veut-o n s’assurer davantage de l ’état moral du sieur
B r u n , soit à P a ri s , soit à C le rm ont? q u ’on relise les
dépositions des témoins :
Celle du sieur Jarton jeune , à qui le sieur Br un
avait fait un dernier envoi de marchandises le 22 sep
tembre
1823 f cinq semaines seulement avant son
départ de Paris;
Celle du sieur Jarton a în é , qui était à Paris en
septembre*et en octobre 1 8 2 3 , qui y voyait fréquem
ment M. B r u n , qui rapporta des lettres de lui à sa
famille, q u i , certes, aurait bien remarqué le prétendu
état
de
démence
s’il
avait
été
réel ,
et q u i , au
contraire, déclare q u e , plusieurs mois après, à Clerm o n t , à l ’époque où le sieur Brun lui dit avoir mis
à ex écu tio n ses dispositions fa v o ra b les à sa sœ u r,
P O S S É D A I T T O U T E SA. R A I S O N ;
il
'
•Celles de presque tous les témoins de l’enquête
directe et de plusieurs témoins de l ’enquête contraire,
qui ont vu le sieur Brun se promener seul, ([ni l ’ont
visité, qui en ont reçu des visites, chez quelques-uns
desquels il a même d în é plusieurs fois;
C elle , sur-tout, du sieur Bon ab aud, médecin , qui,
ayant constamment soigué le sieur Brun ju s q u ’à son
#
�( 45 )
décès, é t a i t , plus q u ’ un a u t r e , à portée de ju ger de
la capacité morale de celui q u ’il traitait. O r , ce témoin
atteste que le sieur B r u n jo u issa it com plètem ent de
ses fa c u lté s i n t e l l e c t u e l l e s q u i l avait les fo rm es
très-polies
q u 'il mettait de la recherche dans ses
expressions , q u ’i l recevait toujours avec politesse et
reconnaissance les soins des personnes q u i l ’appro
chaient.
Il ajoute : que le malade a cessé de sortir de son
appartement quatre ou cinq mois avant son d é c è s ,
et que s ix ou sept semaines seulem ent avant sa m ort,
v
les attaques réitérées q u ’i l avait éprouvées , et q u i
depuis p lusieurs mois étaient devenues p lu s m ultipliées,
avaient éteint chez lu i toute sensibilité et l'avaient
rendu indifférent à tout ce q u i se passait autour de
lu i ; cependant il reconnaissait les pei'sonnes. q u i l ’en
touraient , et notamment son m éd ecin ; mais il ne
répondait p lu s que très-lentement et p a r m onosyllabes
a u x questions qu'on lu i adressait.
A i n s i , ce n ’est qu e s ix ou sept semaines avant sa
m o r t , que le sieur B r u n avait perdu sa sensibilité;
encore n ’était-il pas en état de dé m e nc e;
Mais depuis plusieurs mois ses infirmités l'e m p ê
chaient de sortir de son ap partement.
C ’e s t , sans d o u t e , celte dernière circonstance, effet
de la maladie et non .de la c o n t r a i n t e , qui a fourni au
sieur Bergougnoux et à quelques autres témoins de
l ’en qu êt e contraire , un
prétexte
pour
tenait le sieur B r u n en charte privée.
dire
q u ’on
�.)
( 46 )
Une autre partie de la déposition du sieur Bergougnoux annoncerait q u e , 25 jours seulement avant le
décès du sieur B r u n , celui-ci était venu chez l u i , lui
par ut bien porta n t, se plaignit de la dame Yerniet te
qui vint le chercher, et disait q u ’elle le maltraitait
et le tenait enfermé.
Comm ent conciliera-t-on cette promenade du sieur
B r u n , sa bonne santé, sa v i v a c i t é , avec son décès
survenu bientôt après, et avec son état physique attesté
par le médecin?
T o u t démontre que la déclaration du sieur Bergougnoux et celle de son épouse, comme celle des personnes
qui ont redit ce q u ’elles leur avaient entendu dire,
sont indignes de la confiance de la justice.
A u reste, ces prétendus faits n'étaient pas inter
loqués. L a dame »Verniette n ’aurait donc pas à les
combattre.
Ces faits n ’avaient pas même été proposés à la C our
lors de l ’arrêt. On s’était borné à offrir la preuve vague
de l ’imbécillité, sans cotter aucun trait q ui la caracté
risât , sans indiquer même l ’époque à laquelle on la
faisait remonter.
Enfin le moral du sieur Brun se fùt-il affaibli à la
fin de ses jours, et celui-ci eût-il été en état de démence
plusieurs mois avant son décès , quelle conséquence
pourrait-on en tirer contre le testament?
Ne.sait-on pas que ce testament, quoique olographe,
fait foi de sa date; et q u ’ il f aud ra it , par conséquent,
�prou ve r q u e la démence était complette au 20 novembre
1 8 2 3 , époque du testament ( 1 ) ?
O r , non seulement cette preuve n ’est pas faite, mais
il e s t , au c o n t r a i r e , démontré par l ’ensemble comme
par le détail des deux e n q u ê t e s , que le sieur B r u n
jouissait alors c om p le tt e m e nt de toutes ses facultés
intellectuelles.
Ne sait-on p a s , aus si , q u ’ un testament olographe
ne pou rrait être dé tru it , sous prétexte de d é m e n c e,
q u e par les faits les plus graves, les plus caractéris
tiques d ’u ne démence habituelle q u i ne fit pas même
supposer d ’intervalles lucides? C a r
« un
testament
« olographe est plus favorable que le testament reçu
« par des notaires. L a présomption de sagesse est toute
« entière en faveur du
testateur qui prend le soin
« d ’é rire ses dernières volontés. »
( T o u l l i e r , D r o it civil français, tome 5 , n° 5 8 ;
Dagnesseau ,
p la id o ye r sur le
testament
de l ’abbé
d ’Orléans. )
* '
Il
s’a g it , dans la c aus e , d ’ un testament olographe,
d ’ un testament dont la sincérité a été reconnue par
l ’avis unan im e de trois experts chargés de le vérifier,
d ' u n testament dont l ’existence est corroborée par une
preu ve aussi complette q u ’on p ou va it la désirer, d ’un
testament qu i est un acte de sagesse et de reconnaissance,
(1) Voir sur ce point du doctrine les Questions de droit de Mcrün,
au mot testament , $ 7; un arrêt df Cassation , du 11 juin 1810; un
anêt de la Cour du Puis, du 17 juin 1822; 1111 anêt de la Cour de
Riom , cause des héritiers De Rouzat, du 20 janvier 18¿4 i l‘l “ n autre
arrêt de cassation, du 29 avril i 8'<4.
L e pr emi er f i nôt est r appor té par D e n c v e r s , t o m e ' 8 , 1 , 2 7 0 ; le
sec ond, le troisic-me et le q u a t r i è m e par S i r c y , t o i n e a j , 33, et t ome
2 , 2 7 7 , e t , m ê m e t ome , 1 , 27C.
�( 48 )
et qui a été le prix des soins d ’une sœur particulière
ment, chérie. L a C o u r ne s’ exposera pas à anéantir les
derniers vœux d ’ un
testateur ; elle s’empressera de
consacrer par sa justice les bienfaits q u ’à sa mort il
s’est plu à répandre sur celle q u i , seule, pendant sa
v i e , s était devouee à soulager ses tristes infirmités.
V E R N I E T T E , née B R U N .
M e A L L E M A N D , A v o ca t.
M e G R A N E T , A v o u é -L ice n cié .
RIO M ,
IMPRIMERIE
DE
SALLES
FILS ,
PRES
LE
PALAIS
DE
JUSTICE.
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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[Factum. Brun, Antoinette. 1831?]
Creator
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Allemand
Granet
Subject
The topic of the resource
successions
testament olographe
testaments
infirmes
conseils de famille
experts
faux en écriture
expertises graphologiques
signatures
témoins
démence
médecine légale
affection fraternelle
charte privée
abus de faiblesse
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Antoinette Brun, veuve, en premières noces, du sieur Guillaume Bujadoux, et sieur Joseph Verniette, en second mari, marchands, habitant de la ville de Clermont, appelans ; contre les sieurs Annet et Michel Bonhours, dame Annet Bonhours et sieur Jean-Baptiste Celme son mari, et le sieur Louis Bonhours, tuteur légal de ses enfans mineurs, tous propriétaires, habitans de Clermont, partie de Montferrand, intimés.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Démence. v. testament. : 2. quel doit être le caractère des faits tendant à établir l’état d’imbécillité ou de démence d’un testateur ? Vérification : Lorsqu’après vérification des écriture et signature d’un testament olographe, les experts ont déclaré, unanimement, dans leur rapport que l’écriture et la signature sont émanés du testateur et que le testament est sincère et véritable ; que cette opinion est fortifiée et corroborée par les preuves contenues dans des enquêtes judiciaires ; les juges ne font-ils pas sagement de refuser un amendement de rapport et une nouvelle vérification d’experts, s’ils reconnaissent que cette vérification prolongerait inutilement le procès, sans espoir d’obtenir de documens plus positifs.
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Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1802-1831
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2717
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_G2718
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Clermont-Ferrand (63113)
Paris (75056)
Rights
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abus de faiblesse
affection fraternelle
charte privée
conseils de famille
démence
expertises graphologiques
experts
faux en écriture
infirmes
médecine légale
signatures
Successions
témoins
Testament olographe
testaments
-
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e132d77f65dd9564a5892ee68fe6d2b8
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Text
COUR ROYALE
MÉMOIRE
D E R IO M .
FR E M IÈR E C1IAMBJIE.
EN RÉPONSE A CONSULTATION,
POUR
L e sieur
G il b e r t
R O U X -D R E L O N ,P rop riétaire,
habitant de la ville de Clermont-Ferrand Intim é;
CONTRE
L e sieur C h a r l e s A L B E R T , Comte de W a u tie r ,
M aréchal des Camps et Arm ées du R o i , Chevalier
de l ' Ordre R oyal et M ilitaire d e Saint - L o u is
A p p ela n t
EN
D e Dam e M
J
ean -
B
arie
aptiste
9
PRÉSENCE
T A R A V A N T , Veuve du Sieur
E N J E L V I N , Tutrice de leurs.
�(2 )
en/ans m ineurs, Propriétaire, habitante de La com
mune de P o n t-G ib a u d , et de M e J
T A lLU AND,
ean
-B
a ptiste
A v o c a t, habitant de La ville de
R io m , Subrogé - Tuteur desdits M ineurs , au ssi
intimés.
I
je
point contentieux entre les parties, est de déter
miner le caractère et les effets d’une vehte de biens
«
de mineurs, poursuivie par la tutrice, avec l'autorisa
tion de la justice, et dans les formes prescrites par la
loi.
L es premiers juges ont considéré ces sortes de ventes
com m e des aliénations volontaires ; ils ont conclu de
là qu'elles doivent être assujéties, après les transcription
et notification indiquées par l’art. 2 1 83 du Code civil,
à l’événement de la surenchère du d ix iem e, qui, aux
termes de l’art. a i 8 5 , peut être requise par les créan
ciers inscrits du vendeur.
M. le comte de W a u tie r attaque et critique amère
ment celle décision. Il s’appuie de l ’opinion de juris
consultes aussirecornmandablesqu’éclairés,qui pensent,
avec lui, que les ventes des biens de mineurs appar
tiennent à la classe des ventes judiciaires $qu'elles n’ont
rien de volontaire, puisque ce 11 est point le tuteur qui
vend , mais Xautorité publique qui adjuge après des
formalités aussi rigoureuses que celles prescrites pour les
saisies immobilières; et qu’enlin, soit par leur nature,
soit par leur objet, toutes les ventes faites en justice ne
�(W
(
3)
■
doivent être soumises qu’à la surenchère du quart, indi
quée par l’art. 710 du Code de procédure, comme le
seul moyen réparateur de la vilité du prix.
Si l’on était réduit à opposer une opinion individuelle
à la consnllalion produite par l'appelant, ce ne serait
qu’avec une jusle défiance qu’on attaquerait un système
que l’expérience et les lumières des rédacteurs ren
draient déjà respectable; mais il est permis de se pré
senter avec assurance, quand on peut invoquer à.l’appui
d’ un p réjugé, les principes les plus purs du droit, la
disposition formelle des lois, le sentiment des auteurs,
et l’autorité de la jurisprudence.
A p rès le décès du sieur.Enjelvin, la dame T a ra v a n t,
sa v eu v e , provoqua, en qualité de tutrice de leurs enfans mineurs, une autorisation du conseil de famille, à
l’eitet de vendre le domaine d’Anchal et ses dépen
dances , pour le prix être employé à p ayer les dettes
de la succession.
L e délibératoire du conseil de famille fut homologuée
parun jugement qui désignale juge-commissaire devant
lequel les enchères seraient ouvertes, et nom m a , de plus,
des experts pour procéder ¿1 l’estimation des biens.
L ’évaluation du domaine d’Anchal fut unanimement
portée à la somme de 92,000 fr.; loin d’être exagérée,
comme on a voulu le dire, elle est au-dessous de la
»valeur réelle, aux y e u x de tous ceux qui connaissent
celte propriété, ainsi que les travaux et les dépenses *
considérables qu’y avait fait le sieur E njelvin, pour
�( 4 )
fertiliser, par la conduite des eaux, des terrains jus
qu’alors incultes qu'il avait convertis en prairies trèsproductives.
A u jour indiqué pour l’adjudication, elle ne put
avoir lieu faute d’enchérisseurs. Un nouveau jugement
permit deivendre au-dessous de l’estimation.
L e 16 avril 1 8 1 7 , le comte de W a u tier devint adju
dicataire du bien d’Anchal, moyennant 5 t,ooo francs,
e t , en outre, aux charges du placard, qui étaient trèspeu onéreuses.
Après a voir soumis son adj udication à la transcription,
l’appelant, par acte du 3 juin suivant, fit à tous les
créanciers inscrits la notification prescrite par l’art. 2 i 83,
à l’efïèt de purger les immeubles adjugés de toutes hypo
thèques, avec offre de payer le prix, ainsi qu’iL y était
obligé.
Il ne demeura paslong-tems en suspens sur sa qualité
de propriétaire, puisque le 28 du môme mois, le sieur
Roux-D relon, créancier inscrit du sieur Eujelvin, requit
la mise aux enchères publiques du domaine, conformé
ment aux articles a i 85 du Code civil et 83 a du Code
de procédure,en se soumettant de porter ou de faire
porter le prix à un dixième en sus de celui stipulé en
l ’adjudication; c’est-à-dire, à la somme de 67,893 fr.,
y compris les charges extraordinaires portées au cahier
des charges.
Cette réquisition a été faite dans les formes pres
crites, tant à l’adjudicataire qu’à la dame Enjelvin ,
tutrice, et au subrogé-tuteur, avec assignation à trois
�(
5)
jours devant le tribunal, pour la réception de la cau
tion.
L e sieur de W a u tie r a attaqué cette surenchère
comme tardive et insuffisante, parce qu’elle n’avait pas
été faite dans la huitaine, et qu’elle ne'portait pas
soumission d’élever le prix au quart en sus de celui
de l’adjudication.
U n jugement du i6 juillet 1817 a fait justice de
cette prétention. .
.
Par suite de l’appel qui a été interjeté, la Cour se
trouve investie du droit de prononcer sur cette ques
tion. Elle mérite toute son attention, moins par les
difficultés qu’elle peut éprouver dans sa solution,, que
par l’utilité de fixer la jurisprudence dans une matièrç
qui se reproduit fréquemment.
Pour n’avoir pas occasion de surcharger la discussion
de détails de faits, 011 répondra brièvement à deux
allégations du sieur comte de W autier.
Il n’a point trouvé, comme il ose l’avancer dans son
Mémoire h consulter, le bien d’Anclial dans un état
de dégradation propre à lui faire concevoir des inquié
tudes; il est constant que la culture en était Irès-soignée
par le précédent propriétaire, qui n’a fait que trop de
sacrifies pour le réparer, le garnir suffisamment de
bestiaux, et même l’embellir. L e procès actuel en offre
la preuve.
Il est également contraire à la vérité d’avancer qu’il
a fait des améliorations à ce domaine, lorsque bien
loin de le réparer, il a eu recours aux bons offices et
�ft.
( 6 )]
à la complaisance de la dame Enjelvin pour uourrir
ses propres domestiques, n’ayant pris aucunes précau
tions pour y établir sa résidence.
L e motif de cette petite ruse pourrait bien être
d ’éloigner les enchérisseurs et les concurrens, en sup
posant aux biens des inconvéniens imaginaires.
L e comte de W a u lier n’espère pas apparemment
que les détails dans lesquels il a jugé convenable d’en
trer, sur les prétendues pertes qu'il a éprouvées dans
le revirement de sa fortune, puissent être de quelque
considération dans la décision d’un point de droit.
D ’une part, personne n’est en position de contester
la réalité de ses perles, en Belgique; et de l’autre, il
n ’a jamais dû s’attendre à trouver dans les mineurs
E n jelvin , avec lesquels il traitait, une garantie iormelle du résultat de ses spéculations.
Dans la situation des choses, l’appelant plaide pour
conserver à vil prix une propriété considérable, de
lucro captando; le sieur R o u x-D relon , créancier ins
c rit, n’a d’autre but que de faire porter le prix des
biens ci une valeur supérieure, pour assurer le paiement
d’une créance légitim e, de damno vitcindo. Les mi
neurs Enjelvin, placés sous la protection immédiate
des lois, attendent en silence, de la justice de la Cour j
un arrêt qui leur attribue une valeur équivalente des
biens dont ils sont dépouillés. Tels sont les intérêts
respectifs des parties; nous allons examiner actuelle-^
ment quels sont leurs droits.
N
�( 7 )
A v e c la plus légère-attention, on aperçoit facile
ment le vice du système proposé dans la Consultation ;
il provient de ce que les rédacteurs, en s’attachant
uniquement aux formalités prescrites pour la vente
des biens des mineurs, ont négligé d’en rechercher la
nature et le but ; et de ce qu’ils ont donné à l’ar
ticle 965 du Code de procédure un sens forcé, ou au
moins une extension contraire à ses dispositions bien
entendues.
E n droit, les mineurs, même émancipés, étant pré
sumés manquer de discernement, soit à cause de la
faiblesse de leur âge et de leur raison,, soit h cause de
leur inexpérience, sont déclarés incapables de con
t r a c t e r , et notamment d’aliéner leurs biens immeubles:
cette incapacité, purement relative, a pour objet de
prévenir les surprises qui pourraient leur être faitesj
elle est toute dans leur intérêt, et ne les empêche pas
de faire leur condition meilleure.
Cependant cette mesure, introduite en faveur des
mineurs, ne devait pas tourner contre eux ; cela sérait
arrivé, si la prohibition d’aliéner eût été absolue. Il
est souvent nécessaire ou avantageux au mineur de
vendre ses immeubles pour payer des dettes, pour faire
des réparations urgentes, pour effectuer un revirement
^'vantageux, pour contracter un établissement conve
nable, dans tous ces diflérens cas, la loi, qui les protège
spexidlement , vient à leur secours en suppléant, par
des iornialilés conservatrices, à la capacité qui leur
manque.
,
�( 8 )
Elle accorde au tuteur le pouvoir d’aliéner, qu’elle
ne peut confier à son pupille; tuais toujours ombra
geuse et vigilante, elle prend les précautions les plus
sages pour qiae .ce fondé de pouvoir ne puisse abuser
lui-mêm e du mandat qui lui est confié.
Telle est l ’origine, tel est le but réel des formes mul
tipliées que la loi a prescrites, dans tous les tems, pour
la vente des biens des mineurs. Ces formalités n’ont été
créées que dans l’intéret personnel des mineurs , et
pour suppléer h leur incapacité; elles ne peuvent chan
ger la nature du contrat, qui ne cesse pas d’être volon
taire parce qu’il est assujéti à des règles particulières.
Cette proposition est tellement vraie, que les for•maïilés pour l’aliénalion desbiens de mineurs n’étaient
<pas uniformes, qu’elles variaient suivant les coutumes,
et que dans les pays régis par le droit écrit, elles étaient
beaucoup 'moins nombreuses; il ne fallait n i affiches>
n i adjudication publique. Il y a plus, après les fameux
arrêts de règlement des 9 avril i 63 o et 28 février 1722,
qui avaient prescrit les formalités à observer pour ces
sortes de ventes, il était d’usage établi au Cliâtelet,
qu’après les formalités observées, le tuteur pouvait ,
par un contrat, vendre l’immeuble, pourvu que ce
ne fût -pas au-dessous de l’estimation. Une pareille
vente était ¡toujours valable, d’après un acte de noto
riété du i er mars 1767. •
L a conséquence à déduire de cet usage du Châlelet
est incontestable. On était loin de considérer la vente
des biens de mineurs comme judiciaire et forcée, puis*-
�( 9 )
qu’on accordait au tuteur la facülté de vendre par
contrai. On reconnaissait qu’au m oyen de l’eslimation.
préalable, le mineur était à l'abri de toute espèce de
fraude, et que l’intervention du juge-commissaire,
exigée seulement pour la solennité de;la vente, n’était
pas indispensable pour sa validité.
X-es lois nouvelles n’onl, point dérogé à ces principes.
E n proclamant l’incapacilô des mineurs et des inlerdiis, qu’il place sur la même ligne, le Code s’occupe
aussi des moyens d’y suppléer dans tous les cas où la
vente de leurs biens a pour cause une nécessité a b
solue ou un avantage évident. Il fixe, par les art. 4^7,
468 et 459, les conditions principales auxquelles est
attachée l’efFicacité de l’aliénation; elles furent bientôt
développées soigneusement dans un litre spécial du
Code de procédure.
On n e trouve dans cette série de formalités, qu’il
est mu tile de rappeler, rien qui tende à iaire considérer
la vente des biens de mineurs comme une vente for
cée. L e tuteur agit seul, il provoque,'dirige, suspend,
arrête ou consomme lá v e n te , Selon l’intérêt et l’avan
tage de ses pupilles : nul n’a le'clroit dé le contraindre
à se désàisir.’l l est le maître des conditions qu’il stipule
1
dans le cahier des charges. L a justice ne dispose point
des biens; elle permet seulement de1les ¿rliéner, elle
sanüionne le contrat, soittpar un Commissaire du' tri—
b un a l, soit même par un notaire, chargés indiiférèmnienl de recevoir les enchères. L a publicité 6! l’espèce
de solennité qui accompagnent ces sortes d’aliénations,
�( 10 )
ont pour objet de faire porter les biens h leur véritable
valeur par la chaleur des enchères, sans changer le
caractère de la vente, qui n'en est pas moins volon
taire. Encore une fois, la différence ne consiste que
dans la form e du contrat.
S’il pouvait s'élever quelques doutes à cet égard, ils
seraient bientôt dissipés par des dispositions législalives.
L ’article 1 3 14 du Code civil s’exprime ainsi : «■
Lorsque
«• les formalités requises à l’égard des mineurs ou des
« interdits, pour aliénation d ’immeubles, ont été rem« plies, ils sont, relativement à ces actes, considérés
« comme s’ils les avaient fa its en m ajorité, ou avant
« l’interdiclion. ■
»
Que devient, après un texte aussi clair, le système
du comte de W a u tie r? N ’en résulte-t-il pas que les
ventes des biens de m in eurs, faites dans les formes
prescrites, ne sont considérées par le législateur luim ê m e , que comme des ventes ordinaires consenties
par des majeurs, et qu’elles sont soumises aux mêmes
règles? Aussi les motifs de la loi.nous apprennent-ils
q u o n a voulu, par ces fo r m a lités, mettre le mineur
dans la possibilité de contracter, et non le placer dans
une position moins favorable que Le majeur.
L e mêm e principe et la mêm e conséquence sont
consacrés par l’article 840, qui déclare défin itifs les
partages faits conformément aux règles prescrites, soit
par les tuteurs, avec l’autorisation d’un conseil de
fam ille, soit par les mineurs émancipés, assistés de
�( Il )
leur curateur; taudis qu'ils ne sont (Jue provisionnels,
si les lègles prescrites n’ont pas été observées.
Dans tous ces cas, les formalités n’ont eu d’autre
objet que d’attribuer aux mineurs la capacité des ma
jeurs. Cela est tellement v ra i, que si Vun des mineurs
avait atteint sa majorité avant que la procédure com
mencée par le tuteur pour parvenir à l’aliénation de
ses immeubles fût consommée, la vente serait nulle h
l ’égard du majeur, s’il n’y avait donné son consente
ment dans les formes ordinaires. On ne pourrait lui
opposer l’existence de la procédure antérieure à sa
majorité : Cessante ca u sâ , cessât ejfecius.
L e Code de procédure reconnaît lui-mêm e que la
vente des biens de mineurs ne cesse pas d’être volon
taire, malgré les formalités dont elle est environnée.
Par son article 746 , il interdit aux majeurs, à peine
de nullité, la faculté de mettre leurs immeubles aux
enchères en justice, lorsqu’il ne s’agita que des ventes
volontaires. Ce mode d’aliénation était effectivement
inutile à ceux-ci, qui, disposant de leurs droits, peuvent
contracter à leur gré dans les formes accoutumées.
Mais il est aisé de voir que la prohibition ne s’étend
pas aux mineurs, et laisse subsister en leur laveur le
droit d’aliéner conformément aux règles prescrites,
même en ventes volontaires. D ’après les expressions de
cet article, le législateur a donc pensé que la v e n te ,
quoique faite aux enchères en justice, ne laissait pas
d être volontaire} et que celte circonstance ne détruisait
pas ce caractère, qui tient à d’autres élémens.
�C I* )
Après- avoir déterminé toute la procédure relative
à l’ordre du'prix. dès saisies-immobilières, l’article 776
établit etvrègle. g é n é r a l e « q u ’e n .c a s d :aliénation autre
k<que cellé’par expropriation', l’ordre ne pourra être
«• provoqué', s’il y a plus de^trois créanciers inscrits, et
« qu’iHe. sera>par le. créancier le plus diligent ou l’ac*■quéreur,.après les trente jours qui suivent les délais
« prescrits parlés articles 2 1 85 et 2 194 du Code civil.»
On trouve dans ces; termes la preuve que le législateur
ne reconnaît que deux sortes d'aliénation; la première
est celle par expropriation j pourlaquelle il existe des
formes spéciales;* dans la seconde classe sont rangées
toutes les autres aliénations,soit qu’elles aient été faites
par contrais ordinaires, ou aux enchères-devant un
juge-com m issaire, ou un notaire com m is; elles sont
soumises,; com me on Rétablira bientôt, aux mêmes
règles et aux mêmes effets. On n’admet point le sys
tèm e billard que propose l’appelan t, en s’attachant
aux difiérens modes de ventes pour créer des classes
particulières.
L e rapprochement que le comte de W a u tie r a fait
entre la saisie immobilière et la vente des biens de
m ineurs, et l’application ù celle-ci des règles intro
duites pour celle-là, ne sont pas heureux;.il est facile
d’en démontrer l'inexactitude, et. de noter les diffé
rences les plus essentielles qui existent entre ces deux
sortes: de vente.
i° La saisie immobilière, ou l’expropriation forcée*
est poursuivie contre le propriétaire, comme débi-
�( i.3 )
leur, à la requête de ses ,créanciers, et dans leur,propre
intérêt, pour parvenir au paiement de leurs créances}
landis que la,vente des biens de mineurs est provoquée
par le tuteur, pour l’ayantage unique de.son pupille,
et consommée sans contradicteur. Cette prem ière.dif
férence suffît seule pour déterminer le caractère, dis^
tinctif de ces deux ventes.
2° L a saisie est poursuivie devant le. tribunal de la
situation, des biens ; elle acquiert la plus grande publi-»
cité par sa trirnscriplioniau bureau des .hypothèques et
au greffe du tribunal de celle même situalion, qui sont
les seuls dépôts où les parties intéressées peuvent prendre
desrenseignemens;la.vente desbiensde mineurs a,lieu,
au contraire, devant le tribunal du domicile du m i
neur, qui le plus souvent n’est pas celui d elà situation
dbs immeubles; le cahier des charges et le rapport des
experts, déposés dans un greffe ou dans l’étude d’un
notaire, demeurent ordinairement inconnus.
3° Lescréanciershypothécaii es.n’assistent apxventes
des biens de mineurs,.qu’autant qu’ils,y interviennçnjt
de leur, propre m ouvem en t, puisqu’ils n ’y sont pas
appelés ; tandis que l’expropriation forcée-serait frappée
de nullité;, siitous les créanciers hypothécaires n’avaient
pas été avertis, dès le principe, par des notifications
conformes au vœu de la loi. Ils sont parties et contra
dicteurs nécessaires. L a saisie profite à tous, et ne peut
être rayée que de leur consentement. Ils peuv,ent se
subroger aux poursuites, s’il y a collusion ou négli
gence de la, pari d u poursuivant; ce qui ne leur serait
�(
i4
)
1
point accordé contre le tuteur, qui peut suspendre â
volonté. Celle incerlitude sur l’issue de la vente suffit
seule pour écarter et décourager les enchérisseurs.
Ces dernières différences, quisonl très-importantes,
établissent entre les deux ventes une ligne de démar
cation, et s’opposent à ce qu’on puisse les confondre et
dans leurs caractères el dans leurs effets.
4° Par la notification de la saisie au propriétaire, il se
trouve complètement dépouillé, et la justice est investie
du droit de disposer de l’im m euble, et de le vendre
aux enchères ; [’adjudication en est faite solennelle
ment p arle tribunal entier, avec injonction à la partie
saisie de délaisser la possession, sous peine d ’y être
contraint par corps. Jusqu’au moment de la vente, le
m ineur resle propriétaire; ce n’est pas la justice qui
adjuge les immeubles; le membre du tribunal, ou le
notaire commis, qui reçoit les enchères, ne fait que
remplir le ministère d’un officier public, en constatant
le contrat, mais il ne juge rien, et ne peut rien juger.
S’il s’élevait quelque difficulté dans le cours des en
chères, il serait incompétent pour y statuer, et serait
obligé d’en renvoyer la connaissance au tribunal entier.
5° Le prix, dans les ventes des biens de.m ineurs,
n ’est point délégué aux créanciers hypothécaires ; il
peut être reçu par le tuteur, pour en disposer suivant
l ’intérêt et l’avantage du m in eu r, comme en vente
ordinaire; au lieu que dans les ventes forcées, le prix
est formellement attribué aux créanciers , suivant
l ’ordre et le rang de leurs privilèges et hypothèques,
�( i5 )
6° Enfin, un effet particulier à l’adjudication pro
noncée sur expropriation forcée, est de purger toutes
les hypothèques qui grévaient les immeubles , sans
quJil soit besoin d’observer aucunes formalités, puisque
les créanciers sont présens ou appelés, et que Tordre
s’ouvre immédiatement.
Mais il n’en est pas ainsi en veutes de biens de mi
neurs; elles ne purgent nullement les hypothèques,
et Vadjudicaire, s'il veut arriver à ce b u t , et se libérer
valablement, doit transcrire son acte d ’acquisition et
le notifier, tout comme l’acquéreur volontaire.
Les rédacteurs de la consultation n’ont pas entrepris
de contester cette nouvelle différence; ils ont bien
reconnu la nécessité de la transcription et de la noti
fication aux créanciers inscrits, pour purger, ouvrir
1 ord re, et payer aux créanciers suivant le rang de
leurs privilèges et hypothèques; mais ils ont soutenu
que cette notification ne pouvait donner au sieurR oux ,
créanciér inscrit, le droit de surenchérir, puisqu'il ne
l ’avait pas fait lors de l’adjudication.
Cette assertion esl opposée à tous les principes reçus
en matière hypothécaire; elle nous conduit naturelle
ment à l’examen de la question relative à la validité
de la surenchère qui a été faite par l’intimé.
Parmi les droits réels que la loi accorde aux créan-'
ciers inscviis, sur les immeubles qui leur sont h ypo
théqués, il fam comprendre notamment celui de re
quérir la mise aux enchères dans le délai et de la
�( 16 )
rridnièïe déterminés par l’article a i 85 du Code civil;
¡cette-faculté eàt une-conséquence nécessaire de l’h y
pothèque,'puisque sans elle les débiteurs pourraient,
p d r fdés aliénations‘ et à leur g r é , 'rendre illusoire le
gage de leurs créanciers. Aussi la surenchère, loin
d’être un droit exorbitant, est au1coritteire un bienfait
de la législation, qui T a admise comme la garantie la
plus assurée de l'exécution des engagernens.
1 Ce n’ est que'par excièption,'ët en!saisie'immobilière
seulem ent, que l’article 710 du Code de procédure ,
pour empêcher la vente de Fimineuble au-dessous de
sa 'valeur, permfet à toute personne de faire, dans la
hditairië' dü jour de l’adjiidiCation, Une surenchère du
'quart au moins du principal de la vente. ‘Mais ce re
m ède'difficile'doit être restreint au cas unique pour
lequel il a été créé.
• -’L es créanciers qui ont pris les précautions'utiles pour
consolider leur h ypoth èqu e, ne peuvent’ la perdre que
par une dés mattièrës'indiquées par la loi,*et spéciale
ment par l ’accomplissement des formalités ét conditions
prescrites aüx'tiers-d étenteurs pour'purger les biens
par eux acquis. O r , cette purge né peut- avoir lieu que
de deux rtianiôres, ou<par’ l’effet d'une expropriation
forcée, ou à laisuite d’ une Vente volontaire.'Dans les
deux cas, les créanciers doivent être nominativement
appelés pour1diSCutër leurs intérêts; dans le premier,
pour assister à là vente-ët à l'ordre qui la termine; dans
le s e c o n d , pour rendre leiîr condition meilleure, s’ils
jdgeiit convenable d ’user du droit de surenchérir.
�/ f(
(
17 )
Il suit delà que ioute vente à laquelle les créanciers
hypothécaires n’ont pas élé appelés, est, à leur égard,
une vente volontaire, e t , comme telle^ soumise à
l’application des règles générales.
Peu importe que certaines de-ces ventes, des mi
neurs, par exem p le, soient assujélies à des foimes
particulières, et qu’elles soient considérées comme
ju d icia ires dans l'intérêt des vendeurs; elles n’en sont
pas moins, à l’égard des créanciers absens, des ventes
ordinaires, qui leur sont aussi étrangères que si elles
avaient élé iailes devant notaire.
On doit donc prendre pour constant que le sieur
R o u x-D relo n , créancier hypothécaire qui 11’a point
été appelé à la vente poursuivie par la tutrice des
mineurs Enjelvin, était bien fondé, sur la notification
qui lui a été faite par l’adjudicaire, de son tilre d’acquisilion, à surenchérir d’un dixième; et qu’il ne
pouvait être contraint, à raison de sa qualité, h
adopter une surenchère plus onéreuse et moins fa
vorable ¿1 ses intérêts, puisqu’elle écarte la concurrence
des enchérisseurs.
Serait-il vrai qu’il a perdu le droit de surenchérir,
pour 11e l ’avoir pas fait avant l’adjudication? C e lle
objection est écartée d’avance par ce qui précède.
Pour être déchu de l’exercice d’ un droit, il faut avoir
été négligent, après une mise en demeure légale. O r,
|v
.
intimé n’ayant reçu aucune notification, aucun aver
tissement pour assister à la vente du domaine d’Anclial,
tout ce qui a élé fait lui est élranger, et ne peut lui
3
�C 18)
être; opposé. Son hypothèque el? les droits qui en dé
rivent sont conservés dans toute leur intégrité, et il
ne redoute point la fin de non recevoir qu’on lui
oppose.
S'il fallait recourir aux autorités pour justifier la
décision des premiers juges, on invoquerait l ’opinion
de M. Merlin dans son Répertoire; de Persil, dans son
R égim e hypothécaire, des jurisconsultes qui ont com
menté le Gode de procédure: ils s'accordent tous à dire
« qu'il ne faut pas confondre avec l’expropriation for« cée les v e n t e s des immeubles appartenons aux mi
te neurs ou interdits, à une succession vacante ou
« acceptée-sous bénéfice-d’inventaire, ¿1 un failli, etc.,
« parce qu’elles ont des modes et des effets très-difié« rens de ceux qui appartiennent à l’expropriation
« forcée. »
L a jurisprudence des arrêts offrirait encore des pré
jugés considérables, par des rapprochemens dont l’évi
dence est frappante.
L a Cour de cassation a décidé, le 11 février 1806,
que l’ordre du prix d’une vente faite entre majeurs,
sur publications et affiches, à l’audience des criées,
serait ouvert devant le t ri b u n a l de la situation des
biens, et non devant celui qui avait fait la vente ,
parce que la vente était volontaire, puisqu’elle n’avait
pas été poursuivie et terminée par expropration forcée
( S irey , 1806, 2e partie, pag. 774.).
L e i 3 août 1 8 1 7 , elle a consacré en principe que
lá v e n le o r d o n n é e s ju stic e , d’un immeuble en litig e,
�( 19 )
doit être considérée comme volontaire, et que la suren
chère faite p a r le créancier inscrit doit être pôitée au
tribunal de la situation des biens, et non à celui devant
lequel il avait été procédé à la vente.
Il faut donc conclure de ces deux arrêts que les
formes judiciaires ne changent pas l’essence de la vente,
qui ne cesse d’être volontaire que lorsqu’elle est la suite
d’une expropriation provoquée par les créanciers.
Personne n’ignore que les ventes faites par l’héritier
bénéficiaire ou par le curateur à une succession va
cante, sont soumises aux mêmes formes que les ventes
des biens de mineurs; en effet, l’article 1001 du Code
de procédure renvoie aux articles 987 et 988; ce der
nier renvoie lui-m êm e au titre des partages et Lici
tations , dont l’article 972 ordonne de se conform er,
pour la ve n te , aux formalités prescrites dans le titre
de La vente des biens immeubles.
Les effets attribués à l’une de ces ventes devront
donc nécessairement être communs aux autres.
O r, la Cour royale de Paris a nettement admis la
surenchère du dixième faite par le sieur Bigle , l’un
des créanciers inscrits, sur la notification qu’il avait
reçue d’ une vente ju d icia ire des biens de la succession
vacante du sieur ïïe in t z , qui avait eu lieu d’après les
règles prescrites pour la vente des biens des mineurs.
L adjudicataire contestait cette su ren ch ère, parce
qu elle n’était pas du quart, aux termes des art. 1001
et 710 du Code de procédure.
Sa prétention fut rejetée par le motif suivant : « A t -
�*
if
( 20 )
tendu que le jugement d’adjudication, du 22 juillet
«• dernier, a tous les caractères d’ une vente volontaire «• qu’ainsi l’article 710 du Code de procédure, relatif
« à la vente sur saisie im m obilière, est sans applica« tion à l'espèce, elc.» (V o ir cet arrêt, qui est sous la
date du 2 mars 1809, dans Sirey, tome 9 , 20 partie,
page 238 .). L ’analogie de celte espèce avec la cause
acluelle n’a pas besoin d’être démontrée. Elle dispense
de répondre aux raisonnemens de l’appelant sur ce
point.
L a même Cour a décidé, le 7 août 1 8 1 1 , que les
formalités prescrites parles articles 954 etsuivan s, du
Code de procédure, ne concernent que les venles des
biens de mineurs purement volontaires, et qui ont Lieu
dans Leur intérêt, mais qu’elles ne s’étendent pas aux
venles sur expropriation forcée, poursuivies à la re
quête des créanciers. E n conséquence, elle a rejeté
la demande des m in eurs, qui critiquaient la saisie
im mobilière, parce qu’on n ’y avait pas observé toutes
les formalités indiquées au litre de La vente des im
meubles. (S ire y , tome 1 4 , partie 2, page 216.). Celte
Cour a donc reconnu form ellem ent, par ce second
arrêt, que les ventes des biens de mineurs ne cessent
pas d’être volontaires, quoique faites en justice. Les
conséquences à déduire de ce principe se présentent
naturellement.
Mais le véritable caractère des venles judiciaires des
biens de mineurs a élé nettement défini par trois ar-
�(
)
rets de la-Cour de cassation, qui ne permettent plus
aucun doule raisonnable.
Il s'agissait de savoir si, d’après les dispositions de
l ’article 1696 du Code civil, qui défend aux manda
taires de se rendre adjudicataires des biens qu’ils sont
chargés de ven d re, les avoués peuvent se faire adjuger,
en leur nom , les biens dont ils sont chargés de pour
suivre l'adjudication.
L a question, qui paraissait délicate, a été résolue par
une distinction fondée sur les principes que nous avons
invoqués, et sur la nature des choses.
On a considéré qu e, dans une expropriation forcée,
la vente se faisant p a rle tribunal m ê m e , en présence .
du saisi, dont il supplée le consentement, le poursuivant
n ’était point le vendeur, ni par conséquent incapable
d acquérir, puisqu’aux termes de l’article 698 du Code
de procédure, il devient adjudicataire de d r o it, dans
le cas où la mise à prix n’est pas couverte par. les en
chères; que dès-lors il serait déraisonnable de supposer
dans l’avoué chargé de poursuivre la ven te , et qui
n’est que le mandataire du poursuivant, une incapacité
qui n’existe pas dans le commettant. En conséquence,
il a été déclaré que l'article 1596 n’était point appli
cable aux avoué en vente sur saisies immobilières, et
qu ils pouvaient devenir adjudicataires. Cette décision
résulte de deux arrêts de la Cour suprême, des 10 et
26 mars 1817 ( S i rey, 6e cahier, i re partie, page 208; et
8 cahier, i re partie, pag. 267.).
Ce résultat ne pouvait être le mêm e dans le cas
à une vente de biens de mineurs poursuivie par le tuteur.
�( ^ )
selon les formes prescrites. Alors le tuteur est bien
évidemment celui qui vend au, nom de son pupille, et
pour son utilité : la loi ne lui permet pas d’acquérir.
Par suite.des dispositions de l’article cité, l’avoué qu’il
a choisi étant le véritable mandataire chargé de v e n d re ,
participe de l’incapacité du mandant; il se trouve né
cessairement placé dans la prohibition faite au man
dataire de se rendre adjudicataire des biens qu’il est
83
chargé de vendre. Ainsi ju g é , le 2 août i i , par
arrêt de la mêm e C ou r, qui casse un arrêt de la Cour
royale de Paris ( V o y e z Sireÿ, i re partie, pag. 445.).
Ces décisions solennelles, dont il a suffi d’indiquer
les motifs lum ineux, fixent irrévocablement le sort
des ventes judiciaires des biens de mineurs, en reje
tant d’ une manière absolue le système qui tendrait à
les confondre avec les saisies immobilières, pour les
classer dans le rang des contrats purement volontaires.
Enfin la Cour de Puom, première cham bre, a ellem êm e préjugé la question qui nous occupe, par son
arrêt du 29 mars 1 8 1 6 , dans l’espèce suivante (1).
L a tutrice des mineurs Dandurand avait fait pro
céder, dans les formes requises, à la vente du domaine
de Lim ande, appartenant à ses mineurs, pour le prix
être employé à payer les dettes du père.
L ’adjudication définitive en fut faite au sieur D e term e, moyennant 56, 3oo francs (somme bien su-
(1) Les faits sont extraiis des qualités signifiées au procès; ils ne sont
pas rapportés avec exactitude dans le Recueil de Sirey.
�( *3 )
périeure à l’es lima lion des experts, qui n’avait été
portée qu’à 47,957 francs), e t, eix outre, â u i chafgès
du placard, dont quelques-unes étaient extraordinaires.
Après là transcription du titre d’acquisition, et sut
la notification qui en fut faite par l’adjudicataire aiui
créanciers inscrits, lé sieur C o rtèz, l’uri d’ e u x , fit signi
fier sa réquisition de mise aux enchères, et ser soumit
de porter ou de faire porter le prix à un dtocierrïe éii sus
de la somme de 56, 3oo francs.
Determ e s’opposa à l’admission decetté surenchère ,
en soutenant : i° que les ventes des biens de mineurs
faites par voie de licitation judiciaire n’étaient point
point sujettes à enchères; 20 que l ’enchère aurait dû
être faite d’après les conditions de l’article 710 du Code
de procédure; et 3° que l’enchère aurait dû contenir
1 offres d’augmenter du dixième le montant des charges
qui augmentent le prix.
Un jugement du tribunal d’Aurillac déclara la suren
chère valable, admit'- la caution , et ordonna la re
vente.
Les motifs de cette décision1étaient : « R elativem ent
a 1 enchère, que Lctdjudicution sur licitation/des biens
de mineurs doit etre consideree comme une vente vo
lontaire. »
S u r i appel, et après une plaidoirie très-contradictoire, fut rendu l’arrêt dont voici les motifs :
Attendu que l’obligation portée par le cahier des
chaiges, et qui a été imposée à la partie d’Allemand^
« par son adjudication du 3 o septembre i 8 i 5 , x° de
�C 24 )
donner aux héritiers Dandurand, judiciairement, et
«■à ses frais, copie du jugement d’adjudication; 20 de
« payer à l’avoué poursuivant les frais de poursuite, à
«r partir et compris le jugement qui avait homologué
« le procès-verbal d’avis de païens et avait autorisé
a la v e n te ; 3° de notifier à ses frais, aux créanciers
«• hypothécaires, le jugement d’adjudication; consti« tuant autant de charges extraordinaires qui, en aug« mentant le prix de l’adjudication, .en fesaient né« cessairement partie, et que les sommes à payer par
« l’adjudicataire, pour remplir ces différentes charges,
«. formaient un seul prix avec les 56, 3oo fr. en somme
« fixe portée par l’adjudication ;
,
te Attendu que la partie de Vissac, q u i, en sa qua« lité de créancier des héritiers Dandurand, a requis
«
«
«
«
la mise aux enchères du domaine de L im a n d e, adjugé à la partie d’Allem an d, devait offrir te dixièm e
en jw i,.n o n seulement des 56 , 3 oo fr., mais encore
des: charges extraordinaires imposées a Tadjudi-
« cataire ;
« E t attendu que la partie de Vissac s’est contenté
« de faire porter sa surenchère sur,les 56, 3oo fr. en
« somme, et d’offrir le dixième en sus de cette somme,
ce sans offrir, ainsi qu'il le devait, le dixièm e des charges
« extraordinaires compris au cahier des charges, dont
et la notification lui avait été faite en même tems que
<< du jugement d’adjudication, qu’ainsi la surenchère
« était insuffisante et nulle, la Cour, etc. »
E n lisant avec attention cet arrêt, on y remarque :
�( *5 ) .
i° que la Cour n’improuve nullement lés moiifs du
Iribunal d’Aurillac, qui considère com me volontaire là
vente des biens de mineurs;: a0 que loin dé blâmer là
conséquence qui avait été déduite de ce premier point
relativement à l’admission de la surenchère, la Cour
elle-même adopte cette conséquence, en reconnaissant1
que le sivrenchéi isseur devait offrir te dixièm e en sus
de la totalité du prix, en y comprenant les charges
extraordinaires' qui en> fesaient partie; 3° que la suren
chère n ’a élé rej.etée qu’à raison de son insuffisance
pour le dixièm e du p rix seulement ; 40 enfin, que le'
jugement du iribunal de première* instance eût été>
indubitablement confirmé, si la surenchère du dixième
eût été complète.
Il
est évident que si la C oût ne siest pas expliqué
plus positivement sur la-question principale qui avait
été débattue devant e lle , c’est parce qu'elle l’a jugéinutile dans L’état où se présentait la causer
L ’accord unanime desi tribunaux à maintenir l'eà’
principes-que nous avons’dévelop^és y rte perfnet doricpas d’élever des doutes raisonnables sut1 la solution de
la question, à juger.
Cependant les défenseurs dtf sieur' dé W d u tie r pi;o-:
- posent deux objections.
"
Première. En Vente volontaire, la garantie du ve n
deur est de droit : il est ten u, en cas d’éviction par
sjite de surenchère, envers son acquéreur, a une in
demnité de tout l’excédent du prix stipulé par son titre.
Si 1 on considère la vente judiciaire des biens des mi
4
�( 26.)
neurs com me essentiellement volontaire,, il en résultera
qu’ils deviendront garans envers l’adjudicataire, de
toutes les surenchères qui pourraient survenir. Alors
la loi leur aurait tendu un piège funeste, en compro
mettant ainsi une portion considérable du patrimoine
qu’elle voulail leur conserver.
Réponse. On n’a jamais enfendu'assimiler les ventes
des biens de mineurs à celles consenties, dans les formes
ordinaires, par des majeurs, puisque leur état et leur
incapacité leur interdisent ces sortes de contrats; mais
on a soutenu que les formes auxquelles la loi a assujéti ces ventes n’empêchent point qu’elles soient v o
lo n ta ire s,e t les laissent toujours, quant à leurs effets,
dans l ’application des règles générales.
E n second lieu, et quand on supposerait qu’il est
sans difficulté que l’éviction arrivée par l'effet d’une
surenchère autorisée par la lo i, et à laquelle l’acqué
reur a dû s’ attendre, donne lieu à une garantie for
m elle, il serait toujours-vrai que l’obligation imposée
au vendeur par l’article 219 1 n ’est pas aussi onéreuse
qu’on veut bien le dire; elle se réduit à priver le m a
je u r, qui avait réglé lui-même sa condition, du b é n é
fice de la surenchère, qu'il est tenu de rembourser à
son acquéreur évincé. Mais il n’éprouve, dans la réa
lité , aucune perte, puisqu’il rend seulement un excédent
dont ses propres créanciers profitent.
A u surplusj on n’est pas allé jusqu’à .prétendre que
des mineurs puissent être soumis à celte garanlie j
celui qui achete des biens appartenans à des mineurs
�( *7 )
doit courir fouies les chances attachées à leur condi
tion; il sait que son acquisition est éventuelle et subot donnée à l’exercice des surenchères; et il serait
dJaulanl moins admis à se plaindre, qu’il n ’éprouve
aucune perle réelle. D ’ailleurs, l ’existence de cette ga
rantie, même contre les mineurs, ne pourrait changer
la position des créanciers, ni préjudicier h leurs droits
individuels.
•Seconde objection. L ’article q 65 du Code de procé
dure, qui termine le titre intitulé de ta vente des biens
immeubles, renvoie, relativement à la réception des
enchères, à la forme de l’adjudication et à ses suites,
aux dispositions contenues dans les articles 707 et suivans du titre de la saisie immobilière ; il faut bien ,
dès-lors, qu e, pour ses suites, l’article 7 1 0 , qui règle
la forme de la surenchère, soit compris dans le çenvoi*
D o n c , pour les adjudications, on ne peut admettre
d autre enchère que celle du quart, déterminée par
cet article.
On force le sens de l’article j e t, dans tous les cas^
la dernière conséquence qui en est déduite n’est pas
exacte. 11 serait absurde de penser que le législateur
a voulu renverser, par une simple énonciation, des
principes immuables qu’il a consacrés lui-m êm e dans
plusieurs pages du Code.
Et d’abord il faut donner aux expressions de cet
article 965 un sens raisonnable, et la latitude
qu il prescrit. L e renvoi qu’il fait aux articles 707 et
�( *8 )
suivons n’est pas indéfini'ni arbitraire; il doit trouver
sa. restriction dans ses termes mômes,
j
Si l’on considère que les articles 707 et 708 déter
minent la manière dont les enchères sont ouvertes, par
qui elles sont proposées, leur d u ré e , ainsi que le mode
de l’adjudication; et que l’article 709 prescrit à l’avoué
dernier enchérisseur les formalités qu’il doit remplir
pour faire connaître, dans un b re f délai, le véritable
adjudicataire; on pensera, avec raison, que ces trois
.articles sont les seuls auxquels il est renvoyé par l’ar
ticle 9 6 5 , pour La form e d 3 xÇ adjudication et ses suites.
Cetle entente de l’article acquiert encore un nouveau
degré d’évidence par les expressions qui le terminent,
puisqu’il est ajouté/: N éanm oins, si les enchères sont
reçues, par un notaire, eLtes pourront être fa ites par
¿outes personnes, sans ministère d ’avoué.
Cette finale, qui se réfère nécessairement à ce qui
.
.
.
% 1
p récèd e, indique clairement que le législateur ne s’était
occupé que des formes matérielles de l'adjudication
qui sont prescrites en ventes judiciaires; puisque, dans
le cas particulier où l’adjudication aurait lieu devant
notaire, il dispense de les observer, en permettant de
recevoir les enchères sans l’intermédiaire des avoués ,
qui. n ’y assistent point. Mais son objet ne s'étend pas
au-delà, et ne s’applique point aux articles subséquens, qui ne concernent que la saisie immobilière.
O ù eti trouvé'la preuve dans lès motifs de la lo i, où
P irateur rib parle que «des form alités essentielles ¿1 la
writc, telles que l ’estiination, les enchères et leur
�i6 ï
( 29 )
« publicité annoncée par des placards, qui sont com«■munes à la venle des immeubles des mineurs, laite
« indifféremment devant un juge commis ou devant
« un notaire (à l’exceplion de la forme de réception
« des enchères) » ; mais il ne dit pas un seul mot qui
puisse justifier l’extension que l’on veut donner à l’ar
ticle 9 6 5 , relativement à l ’exercice de la surenchère
déterminée par l’article 710.
M. P ige au , l’un des rédacteurs du Code de procé
dure, indique aussi le véritable sens de Farliclej en
disant que le législateur n’a entendu parler que des
suites de La forme, de ¿’’ a d ju d ica tio n , et non des suites
de l’adjudication; ce qui s’applique à l’article 709.
Peu importe l'opinion qu’il a manifestée^ com m e
commentateur, sur l’inadmissibilité d e là surenchère en
venle de biens de mineurs; il devient inutile de la
combattre, puisque le sieur de W a u tie r n’entreprend
pas de la soutenir.
L e renvoi fait par l’article 965 s’applique d’ autant
moins h l’article 7 1 0 , que lu surenchère n ’est pas une
suite de l'adjudication; elle en est absolument indépen
dante, puisque, subordonnée a une v.olonté facultative
et à descondilions rigoureuses, elle peut n’être pas faite.
L a surenchère, considérée dans ses effets, est plutôt
un mode d’extinction qu’ une manière de former la
"vente; car elle résout le contrat déjà form é.
Enfin, un dernier rapprochement complétera la
démonstration que le législateur n’a pas éntendil assujétir les ventes des biens de mineurs à ¡’exercice de
�( 3o )
la surenchère admise par l ’article 7 1 0 , pour les saisies
immobilières seulement.
Suivant l’article 7 1 1 , la surenchère permise par l’ar
ticle précédent ne sera reçue qu’à la charge , par le
« surenchérisseur, d’en faire, à peine de n u llité, la dé« nonciation, dans les vingi-quatre heures, a u x avoués
« de l’adjudicataire, du poursuivant, et de la partie
« saisie, si elle a avoué constitué, sans néanmoins qu’il
« soit nécessaire de faire celte dénonciation à la per«
«
«
«
sonne ou au domicile de la partie saisie qui n’aurait
pas d’avoué. L a dénonciation sera faite par un simple
acte contenant à venir à la prochaine audience, sans
autre procédure. »
L a marche tracée pour parvenir à cette surenchère
suppose, ce qui est vrai en saisie im m obilière, que
toutes les parties sont en présence du tribunal, et qu’il
suffit d’un simple acte à avoué pour constater l’inci
dent ; aussi on défend toute espèce de notification ou
dénonciation à personne ou à domtciLe, comme inutile
et frustratoire. Mais ce mode est impraticable en vente
de biens de mineurs. On n’y reconnaît point de partie
sa isie, puisque la vente est poursuivie volontairement
par le tuteur, qui représente les mineurs vendeurs. Les
parties intéressées ne sont point liées devant le tribunal,
ni représentées nécessairement par des avoués. S ’il est
vrai que le poursuivant et l’adjudicataire ont chacun
un avoué quand la vente est faite devant un juge com
m is , il est incontestable qu ils en sont privés lorsque
cette vente a lieu en présence d ’un notaire. Com ment
�( 3i )
serait-il possible, dans ce dernier cas, de requérir v a
lablement la surenchère du quart, puisque, d’ une part,
la dénonciation doit être fa ile , à peine de nullité, aux
avoués de l’adjudicataire et du poursuivant, qui n’en,
ont point; et q u e , d’autre part, la loi ne laisse pas la
facullé de faire la dénonciation à personne ou à do
micile? On n’imaginera pas, sans doute, d’établir une
distinction entre la vente des biens de mineurs faite
devant un juge, et celle qui a lieu devant un notaire;
il faudrait un texte de loi précis pour l’autoriser, et
au lieu de cela, ces deux modes de vente sont toujours
confondus.
Com m e on ne peut supposer que la loi ait ordonné
une ch se absurde et impossible, il faut s’arrêter à
l ’interprétation la plus raisonnable, et conclure qu’elle
n a point entendu assujétir, par l ’article 9 6 5 , les ad
judicataires de biens de mineurs à la surenchère du
quart, permise par l’article 7 1 0 , mais qu’elle les a
laissé, i;U contraire, dans les termes du droit commun.
Si cette conclusion est fon dée, la validité de la su
renchère du dixièm e, faite par le sieur R o u x , n’est plus
susceptible de contestation.
Mais on ira plus loin. Fût-il reconnu q u e , par ses
expressions, l’article 96 5 a rendu com mune aux ventes
des biens de mineurs, la surenchère du qu a rt, créée
pom les saisies immobilières, on ne pourrait pas en
m uiie, comme l’onl fait les rédacteurs de la consul
tation, que celle disposition serait exclusive de l ’exer-
�( 32 )
cice de la surenchère réglée par l’article 2 1 85 . L a con
séquence est inadmissible.
C ’est par suite de la protection que la loi accorde
aux mirçeurs, aux interdits, aux absens, etc., q u e ,
saisissant avec empressement ce qui peut améliorer
leur sort, elle aurait recherché tous les moyens con
venables ponr faire porter les immeubles, dbnt elle
dirige la ven te, à leur véritable valeur. Ce but; serait
parfaitement rempli par la surenchère qu’autorise
l ’article 7 1 0 , ^puisqu’elle procurerait au( vendeur un
avantage du.quart au-dessus du prix de l’adjudication.
Mais celte faveur, entièrement dans Cintérêt des m i
neurs h etc., ne pourrait, sans une disposition expresse,
changer la condition des créanciers, étrangers à ces
aliénations, ni. détruire des droits positifs qui leur sont
garantis, ni porter obstacle à la faculté de surenchérir
dans les cas et aux conditions qui. les concernent par
ticulièrement..
Il
n’y aurait aucun inconvénient à adopter le con
cours des deux surenchères, qui concilie les intérêts de
toutes les parties, sans nuire à aucune. Par ce m o y e n ,
toute personne pourrait , dans la huitaine de ^adjudi
cation , surenchérir du quart ; après ce délai, les créan
ciers inscrits , ( légalement avertis par la notification
prescrite pour purger les immeubles acquis, auraient
ensuite, dans leur propre intérêt, le droit de provoquer
la surenchère du dixième, s’ils jugeaient que l’immeuble
a été vendu au-dessous de sa valeur. L ’adjudicataire
ne jpourniit s’en plaindre, puisqu’il n’éprouve aucune
�(6j
( 33 )
p e rle , et qu’il n’a pu et dû enchérir que sous ces con
ditions, stipulées par La Loi.
Celte interprétation, qu’indique la raison et l’ordre
public, n’est pas nouvelle, ni systématique; elle a été
adoptée par quelques Cours royales, et notamment
par l ’arrêt de la Cour de Rouen., que les défenseurs
du sieur de W a u tie r ont rapporté (p a g e 19 de la
Consultation ) comme décisif en faveur de ses p ré
tentions.
E n effet, cet arrêt ne décide pas, com m e on a l’air
de le croire, qu’en toute adjudication judiciaire on ne
peul admettre que la surenchère dont le mode est établi
par l’article 7 10 ; mais il juge seulement que l’art. 9 6 5,
d après le renvoi qu’il fait aux articles 707 et suivàns,
rend, applicable aux ventes en justice qu’il r é g i t , le
droit de surenchère exprimé en cet article 710 : ce qui
est bien d i f f é r e n t .
IA in des motifs est remarquable, et fixe positivement
la question jugée : « Attendu qu’il est dans Yintérêt
« même des mineurs, des créanciers, des débiteurs et
«• des héritiers, de maintenir scrupuleusementY exercice
«r d’ un droit qui profite à tous, sans nuire h autrui, et
« qui est évidemment üordre public. ■
»
On ne trouve ni dans les autres motifs de l’a r r ê t,
ni dans l’exposé du fait, rien qui puisse induire à
penser que la Cour de Rouen aurait rejelé une suren' ^hère du d ix iè m e , faite par un créancier inscrit,
connue en vente volontaire. L e point contentieux
de la cause était uniquement de savoir si la suren-*
5
�( 34 )
chère. du quart était autorisée sui une adjudication
de biens dépendons d’une -succession bénéficiaire. Ou
doit mêm e observer que Bar-rois, surenchérisseur,
était étranger à la succession bénéficiaire , et que
n ’agissant-pas-comme créancier, il ne pou vait, sous
aucun rapport , exciper du privilège attribué aux créan
ciers inscrits par l’arlicle- 2 i 85. Cette circonstance, qui
a sans doute échappé à Tatlenlion des jurisconsultes
rédacteurs de la consultation, change totalement l’ap
plication de l ’arrêt invoqué par eux.
, Ce préjugé n ’est pas unique. L e principe du concours
des deux surenchères, du quart et du dixième, suivant
lçs règles qui leur sont proprés, a été reconnu par la
Cour royale d’Aix. Elle a ju gé, le 10 juin
i
8 3 , que
i
l ’adjudication d’un immeuble d ’un failli ( soumise a u x
form es. prescrites pour la vente des biens de mineurs ,
article 664 du Code de Commerce') est assujétie à la
surenchère du quart- jpar toute personne, aux termes
de l ’article 710 du Code de procédure, indépendam
ment de la surenchère d’un dixièm e, permise à tout
créancier par, l’art. 565 du Code de commerce {Sirey,
vol. 1 4 , 2 e partie, page 64.).
L es motifs de cette décision sont puisés dans les dis
positions formelles de la loi.
Il
faut donc reconnaître, conformément à la juris
prudence et aux principes, i° qu’en règle gén érale,
la faculté accordée, dans les ventes judiciaires d’im
m eubles, à toute personne, de surenchérir du quart ,
dauslahuitainederadjudica(ion,neseraitpointexclusive
�ih
( 35 )
du droit individuel a ttribué aux créanciers inscrits, de
surenchérir d’un dixièm e, dans les délais et de la ma
nière déterminés par la loi; 2° q u e, dans le cas parti
culier, la surenchère faite par le sieur Roux-D relon ,
créancier ayant hypothèque inscrite sur les biens ve n
dus au nom des mineurs E n jelvin , dans les quarante
jours de la notification , a été justement admise par le
tribunal de Riom.
L e sieur comte de W a u tier n’est point favorable dans
la cause. Quelques soient les événem ens, il se retirera
indemne. S’il est évincé par l’effet de la surenchère, le
nouvel adjudicataire lui remboursera tous ses frais; s’il
juge convenable de se présenter de nouveau com me
enchérisseur, il n’aura point à se plaindre en devenant
acquéreur à plus juste p rix. Il n’en est pas ainsi du su
renchérisseur et des mineurs; l’ un serait frustré de sa
créance, si le prix de l’adjudication était irrévocable
ment fixé; les autres en cas d’infirmation du jugem ent,
verraient une portion très-considérable de leur patrim oine échapper de leurs mains, pour aller grossir la
fortune de l’appelant, q u i , par son rang e t par sa posi
tion , semblait devoir être au-dessus de certaines spé
culations.
Ces considérations sont puissantes, s’il était besoin de
les présenter.
Mais les moyens de droit sont décisifs. L ’intimé at
tend donc avec confiance l’arrêt de la Cour.
Signé, R O U X - D R E L O N .
M e G O D E M E L , Avocat.
M e H U G U E T , Avoué-licencié.
A. RIOM, DE L ’ IMPRIMERIE DE J.-C. S A L L E S , IM PRIM EUR DU P A L A IS .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Roux-Drelon, Gilbert. 1817?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Godemel
Huguet
Subject
The topic of the resource
ventes
enchères
minorité
immigré belge
enchères
conseils de famille
biens de mineurs
placards
jurisprudence
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse à consultation, pour le sieur Gilbert Roux-Drelon, propriétaire, habitant de la ville de Clermont-Ferrand, intimé ; contre le sieur Charles Albert, Comte de Wautier, Maréchal des Camps et Armées du Roi, Chevalier de l'Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis, appelant ; en présence de dame Marie Taravant, veuve du sieur Jean-Baptiste Enjelvin, tutrice de leurs enfans mineurs, propriétaire, habitante de la commune de Pont-Gibaud, et de Maître Jean-Baptiste Tailhand, avocat, habitant de la ville de Riom, subrogé-tuteur desdits mineurs, aussi intimés.
Table Godemel : Mineur : 23. la vente des biens de mineur est-elle réputée vente volontaire, quoique faite en justice ? la surenchère faite par l’adjudication définitive doit-elle être d’un dixième, conformément à l’article 218, du code civil, ou du quart d’après l’article 710 du code procédure ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1817
1817
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
35 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2405
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2404
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53459/BCU_Factums_G2405.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
Pontgibaud (63285)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens de mineurs
conseils de famille
enchères
immigré belge
jurisprudence
minorité
placards
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53458/BCU_Factums_G2404.pdf
473ac9e3ba87ff6e4e04f3b7800ed719
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Text
MEMOIRE
COUR RO YA LK
DE RIOM.
ET CONSULTATION
riVEM lÈRE
P0UR
M.
Ch a r l e s - A lbert ,
C IU M B R E .
H ê [ B au M » IVt*.
Comte de W AUTHIER,
r & .“*3î
M a ré ch a l des C am ps et A rm é e s du R o i , C h evalier
de l’Ordre ro ya l et militaire de Saint-Louis, appelant
d’ un jugem ent rendu au tribunal civil de R i o m ,
le 16 juillet dernier 5
CO N TRE
L e Sieur G i l b e r t R O U X - D R E L O N , Propriétaire,
habitant de la ville de Clermont-F errand, intimé
E t encore contre La D a m e veuve E N G E L V I N , Tutrice
de ses Enf ans , et Leur Subrogé - T u te u r ,
a u ssi
intim és.
M
o n sie u r
le co m te de W a u thie r, B elg e d’ o rig in e ,
s' est fixé en A u v e rg n e par un établissement. Il a conçu
le projet d’acquérir dans sa n ouvelle p a trie; ce q u 'il
~
�(2 )
ne pouvait faire que par uu revirem ent de fortu n e ,
en vendant les propriétés q u ’il possède dans le lieu de
son origine.
M ais il voulait vendre et acquérir en m êm e t e m s ,
et on ne peut avoir cette facilité q u’en faisant des sa
crifices , en vendant au-dessous d e l à valeur réelle.
L e bien d ’À n c lia l est mis en vente. L e journal et les
affiches annoncent q u ’il sera ven d u judiciairem ent, et
au x enchères, a v ec toutes les formalités prescrites pour
la vente des biens des mineurs.
U n e estimation préalable avait eu lieu co n fo rm é
m ent à la l o i ; mais ellfe était e x a g é r é e ; il semblait
m êm e que les experts y avaient mis une espèce d ’a fJe'cîalion. M . lé co m te de W a u t h ie r ne se présenta pas
lors de là prém ière misé aux enchères. L ’adjudicaliou
ne pouvait avoir lieu q u ’autant que les enchères s’élè
veraient au-dessus dé l ’e s tim a tio n , et le prix ne lui
convenait pas.
Ces premières enchères ne s’ élevèrent q u ’à 5 o,ooo fr.
L ’adjudication fut rem ise; et le jugem ent qui intervint
perm it “de ven d re au-dessous de l’estimation.
A lo rs M . de W a u t h ie r se p rése n ta ; il devint a d ju
dicataire, m o y en n a n t la som m e de 5 i,o o o fr.; plu s,
les irais, et h la charge de rem plir toutes les conditions
portées au cahier des charges.
Ces conditions ne laissaient pas d ’être onéreuses, et
d ’augm en ter considérablem ent le prix de l’adjudicalion.
i ° L ’adjudicataire est tenu de p ayer dans les dix
jo u r s, en sus du prix principal, tous les frais/depuis
et compris la délibération du conseil de fam ille; plus,
�m
200 francs de frais extraordinaires, tels q u ’afTiclies par
ticulières, et affiches d a n s les jo u rn au x;
2° 11 doit fournir ci ses frais, dans le m ois, une grosso
du jugem ent d ’adjudicatiop h la tu tric e ;
3 ° Il est tenu de faire transcrire, à ses frais, dans
les trente jours, à peine de tous d ép en s, dom m ages et
intérêts, sans p o u v o ir, pour se lib é re r, se prévaloir des
inscriptions quiseraient prises après le q u aran te-sixièm e
jour de l’adjudication ;
3° T o u s les frais pour purger les h ypo th èq ues légales
ou inconnues; les frais de notification sont à sa c h a rg e ;
4° L ’adjudicataire ne peut se m ettre en possession
q u’après avoir fait notifier son ju g e m e n t, a v e c m ention
de la transcription, à la tutrjçe et au su brogé-tu teu r;
5° I l ne doit avo ir que la .moitié ,des récoltes ense
m en cées, encore à la charge de rendre la moitié des
sem ences, et de p a ye r les impôts de l’année.
M . de W a u t l ii e r , deven u adjudicataire, devait se
croire propriétaire in c o m m u ta b le , ou du moins on
lui avait dit cju’il ne pou vait y,.avoir d ’enchère q u ’au
tant q u’elle s’élèverait au-dessus (du q uart,du .prix c|e
l’adjud ication , et q u ’elle ¿serait fa ite ;dans la huitaine.
Ses conseils se fondaient .sur l ’article 965 du Code
de Procédure }>et sur l ’a rtic le<rj io,c|u ;m ê m e Code.
L a huitainp se_passe spns<epGhè^e. M . de ^Vatithier
C
se met en possession; il s’aperçoit a v e c in quiétude que
ce bien est dans un état de dégradation qui ne lui
promet q u’ une jouissance fort in c o m p lè te ^ o u r longues
années; des bâtim ens inhabitables, d e s se rr e s privées
d engrais depuis^huit ans, ;Une insuffisance de bestiaux
�'( 4 )
^
pour l'exploitation ou la consomm ation des fourrages,
une coupe forcée de grand nom bre d ’arbres, qui nonseulem ent étaient utiles, mais qui contribuaient aussi
à l’agrém en t de cette propriété.
l i e sieur de W a u t h ie r entreprend a v ec c o n fia n c e ,
ét a v ec tous les soins d’ un propriétaire vigilant, toutes
les améliorations que la saison pouvait permettre. Il
se hâte de donner des ordres à son agent d’afFaires à
B ru x e lle s, de vendre sans délai une grande portion de
ses biens en Belgique. C e lte vente précip itée, consentie
a des acquéreurs qui savent bien profiter de l’urgence
et de la nécessité;, a fait perdre à M. de W a u tliie r la
m oitié de la valeur com m erciale des biens vendus.
Et au m om ent où tous les obstacles étaient le v é s , à
l ’expiration du délai de quarante jours, M. de W a u
thier reçoit la notification d’ une enchère du dixièm e
du p r ix , de la part du sieur R o u x : Drelon.
L e sieur de W a u t h ie r dem ande que ce créancier
soit déclaré non receva b le; il soutient l’enchère tar
dive et insuffisante. L a cause est portée h l’audience du
tribunal civil, le 1 6 juillet 1 8 1 7 . Et quoique la ques
tion parût considérable, et m éritât un exam en app ro
fo n d i, ce p e n d a n t, à la m êm e a u d ien ce, sur des co n
clusions du ministère public,prises esc a b r u p t o , intervint
su r-le-ch a m p un ju g em en t dont voici les motifs et le
dispositif :
« A tten d u que la vente des biens des m ineurs, pour
suivie par le tu teu r, en vertu d’ une d é l i b é r a t i o n du
conseil de fa m ille , hom ologu ée par le t r i b u n a l , est
essentiellement une vente volontaire; que la présence
�( 5 )
d’un commissaire délégué par le trib u n al, et accom
pagné des formalités prescrites par la lo i, n ’ont po u r
objet que de suppléer à l’incapacité des m in eu rs;
« A tlen d u dès-lors que la surenchère à faire sur une
v en te sem blable, doit être réglée par l ’article 2 i 85 du
Code civil., et non par l’article 7 1 0 du C ode de P r o c é
d u r e , qui n’est relatif q u ’à des ventes forcées sur saisie
im m obilière ;
« A tten d u que la surenchère faite par R o u x-D relo n
contient la soumission de porter le prix à un d ix ièm e en
sus de celui déclaré par l ’adjudicataire, lors de la trans
cription de son contrat au bureau#des h ypo th èq ues ;
« L e tribunal, par jugem ent en prem ier ressort, sans
s’arrêter ni avoir égard à la dem ande en nullité form ée
par le sieur de W a u t h i e r , dont il est d é b o u té , déclare
la surenchère b onne et valab le; reçoit le sieur Cliam pR o b e r t , présenté pour caution du prix et des charges
de la surenchère laite par le sieur R o u x ; ordonne que
le sieur Cliam p-Robert fera sa soumission en la m anière
ordinaire, et qu'il sera procédé à la rev en te du bien
d ’Anclial par adjudication p u b liq u e , et co n fo rm ém en t
à la loi; à l’eilet de quoi le sieur A lb ert de W a u t h ie r
sera tenu de rem ettre la grosse du jugem ent d’adjudica
tio n , pour servir de m inute d’e n ch è re, dépens c o m
pensés, que R o u x -D re lo n pourra em p lo y er en frais de
v e n t e , quant à ceu x qui le concernent. »
Peu versé dans les affaires, mais tout étonné d ’ une
prêt ¡piiaiion peu co m m u n e sur une question im p o r
ta n te , pour laquelle on dit qu'il n ’y a pas m êm e de piéj u&é; de la brièveté des m o tifs, qui m ettent en fait ce
�(
6
)
qui eât en q u estio n , sans aucun d év e lo p p e m en t, le
sieur de W a u t h f e r dem ande a u x jurisconsultes réunis,
si on le croit fondé dans'l’appel q u ’il a interjeté de ce
jugem ent.
L e sieur de W a u tliie r sait bien q u e les considérations
particulières et personnelles q u ’il fait valoir, les pertes
q u ’il a éprouvées ne ch an gen t rien h la question; c e
pendant , co m m e la raison et l’équité entrent pour
qu elq u e chose dans la balan ce de la justice, il a cru
devoir les présenter. Il semble m ê m e q u e , dans sa po
sition, il ne doit plus s'ingérer dans l’exploitation d ’ une
p r o p r i é t é dont on v-eut le d ép o u iller; il dem ande e n
conséquence si, pour parer à cet in c o n v én ien t, il n’est
pas p ru d en t, m ê m e n écessaire, de faire n o m m er un
séquestre jusqu’à la décision de l ’instance d’appel.
LES
JU R ISC O N SU LTE S A N C IE N S ,
réunis et
soussignés, q u i'on t exa m in é avec attention l’adjudica
tion du dom aine d ’A n c li a l, du 16 avril d ern ier, la
copie du ju g em en t rendu au tribunal civil de R i o m , le
1 6 juillet 1 8 1 7 , et 'le m ém oire à co n su lte r,
E S T I M E N T q u e 'la question est im portante et nou
v e lle ; q u ’on devrait m ê m e s’ étonn er de ce q u ’ on a
qualifié une Vente judiciaire de biens de m ineurs, de
vente essentiellement volontaire.
Ju squ ’à présent on avait pensé q u ’ une v e n te j u d i
ciaire n ’avait aucun des caractères d’ une vente volon
taire. L e s biens des m ineurs, en e ffe t, sont sous la
protection im m éd iate de la justice; ils ne peu ven t être
�(T )
aliénés q u ’avec de grandes formalités. L e s anciens réglemens le voulaient ainsi; on exigeait m êm e pour la
validité de ces sortes de v e n t e s , toutes les formalités
de la saisie réelle. A u jo u r d ’hui la loi aiindiqué d ’autres
formes ; mais elle a poussé si loin les p réca u tion s, q u ’elle
ajoute m ê m e des formalités à celles indiquées pour les
saisies immobilières.
Elle e x ig e , i° une délibération du conseil de fa m ille ,
c ’est-à-dire une grande connaissance de cause. •
C ette délibération doit être h o m o lo g u ée par un
jugem ent du tribunal.
3 ° U n e estimation préalable doit a vo ir lie u , et les
biens ne peuven t être vendus au-dessous du prix de
l'estimation.
4° I l faut un cahier des ch arges, des affiches et p u
blications, l’insertion dans le journal du d é p a rte m e n t,
une adjudication p ré p a ra to ire , de n ouvelles affiches
pendant trois dim anches, de quinzaine en quinzaine.
5° L a copie des placards doit être insérée dans le
journal du d é p a rtem en t, co n fo rm ém en t à ce qui s’o b
serve pour les saisies im m obilières (Art. 954 et suivans,
jusqu’à l’article 962 du C o d e de procédure.)
C e n’ est q u’après toutes ces form alités q u ’qn peut
parvenir à une adjudication définitive , à la chaleur
des enchères 5 et quant à la form e des en c h è re s, à
1 adjudication et ci ses su ites, la loi ren voie au x articles
qui concernent les saisies immobilières.
T e lle est, en résu m é, la nom enclature des articles
de la loi sur la vente des biens des m in eu rs, q u ’on aura
bientôt occasion d'analyser a v e c plus d e d é v e lo p p e m e n s j
�( 8 )
et ce n ’est pas sans motifs qu'on a dit que le législateur
ajoutait des formalités qui n'étaient pas exigées pour
les saisies im m obilières, puisque l ’estim ation, n otam
m e n t , n ’est pas indiquée pour les dernières.
I l est bien difficile d’ap ercevo ir, au milieu de ces
form es rigoureuses, quelque chose de volontaire. 11 y
a d'ailleurs une bien grande diiïérence entre une v e n te
et une adjudication.
D ans une ven te v o lo n ta ire, un vendeur.est m aître
de ses conditions com m e de ses actions; il peut en dis
simuler le p r ix , ou pour éviter des frais d’enregistre
m e n t , ou en fraude de ses créanciers, et quelquefois
m ê m e par nécessité.
E n effet, un v e n d e u r a une propriété grevée d'ins
criptions qui retarderaient la libération de l’acq u é reu r;
cepen d an t il est pressé par une dette u rg en te, par un
créancier qui a une contrainte par corps; il ne peut
retarder le paiement ; il dissimule alors dans le prix la
som m e qu’il est obligé de p a y e r sans d é la i, pour q u’il
puisse la r e c e v o ir, et ne fait m en tion que du surplus.
M a is , de q uelque m an ière que cela a r r i v e , tout se
passe en secret ; les créanciers l'ig n o re n t, et la loi a
dû venir à leur secours; elle autorise 3dans ce ca s , l'en
chère du dixièm e du prix dans les quarante jours de la
notification. C ette mesure est aussi sagement p ré v u e
q u e l l e est raisonnable et juste : elle tend à p réven ir et
e m p ê c h e r les fraudes.
I l n’ en est pas de m êm e dans une adjudication p u
blique faites a u x enchères; tous les prétendant droits
sont instruits; les créanciers a ve rtis, soit par les affiches,
�( 9 )
///
soit par l’insertion au jo u rn al, en un m o t , par tous les
m oyens qui peuven t donner à la vente le plus grand
caractère de publicité ; ils doivent ê t r e , ou ils sont pré
sens lors de l’ad judication; ils ont la facilité et la fa
culté d’en ch é rir, de porler la chose à sa valeur réelle;
le poursuivant peut lu i-m ê m e faire suspendre l’adju
dication, s’il Irouve que les enchères ne s’ élèvent pas
ti un taux convenable ; on ne peut donc suspecter
l ’opération de frau d e, on doit contracter a vec confiance
devant la justice, en présence des p a r t i e s i n t é r e s s é e s ;
et tant pis pour les créanciers qui n ’ont pas profilé du
m o m e n t, qui n ’ ont pas enchéri ou couvert les enchères;
ils n’ ont plus à se p lain d re, dès q u’ ils n ’ ont pas usé des
m oyens que la loi leur donnait.
Cependant la loi a encore été p r é v o y a n te dans ce
cas m ê m e , et pour l’intérêt de tous; elle a supposé
q u e , m êm e dans une adjudication p u b liq u e , il pou vait
y avoir erreur. C ette faculté a sur-tout été accordée
pour déjouer les m anœ uvres qui peuvent être prati
quées, lors de l ’ad ju d icatio n , p our écarter ou faire taire
les enchérisseurs , et afin de p réven ir les surprises :
encore cet le surenchère est-elle un droit rigo u reu x et
nouveau ( P ig e a u , P rocédure c iv ile , tom e 2 , pag. 143
et. suiv.). L a loi a donc permis que le créancier p û t
encore faire une e n c h è re , mais a vec la condition que
cette enchère aurait lieu dans la h u ita in e , et excéderait
d un quart le prix de l’adjudication définitive.
C etie précaution exubéran te ne s’accorde pas tou
jours avec l’intérêt p u b lic, qui exige que les mutations
soient certaines, que l ’acq uéreur puisse jouir prompte1
2
�( ™ )
m ent et avec sûreté de l’objet acquis, q u’il n 'éprouve
aucune en trave : ce qui a fait dire à plusieurs docteurs
du d r o i t , que les surenchères n’étaient permises que
par e x c e p t io n , en faveur des créanciers; car la règle
g én éra le est que la ven te transmet la propriété d ’ une
m an ière in com m u tab le; e n c o re , lorsqu'il y a des suren
chères sur l’a cq u é re u r, ce n’est pas lui qui en souffre,
p uisqu’il a une garantie et des dom m ages-intérêts à
rép éte r contre le v e n d e u r, ou la répétition de ce q u ’il
a p a y é , s’il a parfourni les enchères pour conserver sa
propriété ( uirt. i 63 o et 2 1 9 1 d u Code civil.').
C e principe est certain en ven te vo lontaire; la ga
rantie du vendeur est de droit. Il s’est obligé de faire
jouir pour le prix co n ven u ; de sorte que s’il était vrai
q u ’une v en te judiciaire de biens de mineurs est essen
tiellem ent volontaire, il en résulterait, par une consé
q uen ce fo rcé e, que les mineurs seraient garans, envers
l ’a cq u éreu r, de toutes les surenchères qui survien
draient de la part des créanciers.
L e s mineurs E n gelvin ne conviendraient pas, sans
d o u te , q u ’ils sont garans de la surenchère faite sur leur
a cq u éreu r; co m m en t peuvent-ils donc prétendre q u ’il
ne s’agit que d’ une ven te volontaire?
^
L ’orateur du go u v e rn em en t, qui a préseijté cette
partie du C o d e de procédure , ne balance pas à dé
clarer que c ’est une vente judiciaire. L a vente des biens
des mineurs doit toujours être faite p u b liq u e m e n t, et
,îiux enchères; il observe que le Code civil avait retracé
ce principe de tous les tem s, et il ajoute que la ma
nière de s’y co n fo rm er, qui ne se trouvait, autrefois
�( ”
)
que dans quelques arrêts de rè g le m e n t, est organisée
dans le titre du Code*
A v a n t de descendre à l ’exam en des articles de loi
relatifs à la m atière, de les analyser pour en faire l ’ap
plication , et de répondre aux objections qui ont été
proposées, il faut préalablement s’arrêter à ce que la
raison indique; e t , certes, on' trouvera dans la raison
une très-grande différence entre une v e n te ordinaire
et une adjudication jud iciaire, entre un acte secret et
un acte pu blic, entre une v e n te qui dépend de la seule
v o lo n té , et une adjudication où toutes les précautions
sont prises pour éviter les fra u d e s , em p êch er les sur
prises.
Y a-t-il une analogie quelconque en tre l ’aliénation
consentie par un m ajeur libre de ses droits et de ses
actions, et une v e n te qui ne peut avoir lieu que par
une extrêm e nécessité, pour laquelle il faut le concours
des formalités de la ju stice?
O n ne peut s’em p êch er encore de tém o ign er son
étonnem ent de ce que l’ enchérisseur s’est perm is d ’in
voquer l’autorité de P ig ea u sur la m atière; o n lui faisait
dire que lés ventes des biens de m ineurs étaient assujéties à la surenchère du d ix iè m e , co m m e tou te autre
ven te volon taire; on prétendait m ê m e q u ’il critiquait
l ’opinion de ce u x qui pensaient q u e , relativem en t à
la surenchère de la v e n te des m in eu rs, il fallait suivre
les formes indiquées pour les saisies im m obilières.
O n conviendra b ien tô t, d’après les term es de l’a u te u r , que cette citation était mal choisie dans le sys
tèm e du sieur R o u x-D relo n ; car Pigeau v a bien plus
10
�( 12 )
lo in 'q u e le sieur de W a u t h i e r V a voulu le p réten d re,
puisqu’ il décide q u ’il n’est pas m ôm e permis de suren
chérir sur l’adjudication des biens de mineurs.
V o ic i com m ent il s’exp liq u e, tom. 2 , liv. 3 , pag. 4 5 3 ,
n° 19 :
« L ’arlicle 965 du C od e v e u t q u ’on o b se rv e , relati« veinent au x suites de l’adjudication (des biens de
« m in eu rs), les dispositions contenues dans les articles
« 707 et suivans; et co m m e dans ces articles on voit
* l ’article 7 1 0 , qui établit la su ren ch ère, plusieurs en
« ont conclu qu'elle pouvait avoir lieu sur une ven te
« de biens de mineui’s; mais la contexture gram m atir<- cale de cet article résiste à cette opinion. L es suites
« dont on entend parler sont les suites de la form e de
«■l’adjudication, et non les suites de l'a d ju d ica tio n ;
« d’ailleurs, la surenchère, quoiqu’ elle ne puisse être
« faite après l’a d ju d ica tio n , n’ en est pas une su ite, mais
« seulement un in c id e n t, puisqu’elle ne peut avoir lieu.
« E n f in , les motifs qui ont porlé à établir la surenchère
«■sur les ventes après saisie im m o b iliè re , 11e militent
«■pas pour les ventes des biens de mineurs.
-.
«■D ans les p rem ières, il n’y a pas d ’estimation ; le
.« saisi ni les créanciers, autres que le p o u rsu iva n t, ne
« peu ven t e m p ê c h e r, quand toutes les pomsuites sont
« faites et les délais exp irés, que Ton ne passe à l’ad«■jud ication; il en peut résulter une précipitation qui
a ferait vendre au-dessous de la valeur, précipitation
« à laquelle on a voulu rem édier par la surenchère.
« D an s les secondes, il y a estim ation ; rien ne force
« de passer à l'adjudication après les délais; on peut
#
�( i3 )
«■attendre q u’il se présente des enchérisseurs qui offrent
« le prix estimé. A jou to n s que la surenchère élant un
v droit e x o r b ita n t, elle
ne peut être étendue
aux
« ventes autres que celles sur saisie, q u’aulant qu il y
«■a une disposition claire et précise, ce qui ne se re n
ée contre pas ainsi. »
C e t auteur est donc b ien
éloigné de penser que
l ’adjudication des biens de mineurs soit une vente v o
lo n taire, que les créanciers aient la faculté d’enchérir
d ’ un d ix iè m e, puisqu’il refuse tout droit de surenchérir
dans les ventes de cette nature. 11 reconnaît que la
surenchère est un droit exo rbitan t; q u ’ il faut le res
treindre; que dans une ven te judiciaire su r-to u I} qui
est précéd ée d’ une estim ation, cette faculté ne peut
être admise. P o u rq u o i s’est-on pressé de faire a d ju g er,
lorsqu’on avait le droit de retard er, et d ’attendre les
enchérisseurs ?
Il est bizarre que cet auteur ait été choisi pour a p
p u y e r le système du sieur D r e lo n ; c’ est sans doute
parce qu’ il a dit que les suites de l’ adjudication étaient
les suites de la fo r m e , l o c u t i o n vicieuse q u ’on est l o i n
d ’ a d o p t e r , p u i s q u e le s i e u r de W a u t h i e r , étranger à
toute subtilité, à toute argu tie, co n ven ait q u ’on p o u
vait surenchérir d’ un q u art, mais dans la h u ita in e , et
que Pigeau ne veut pas m êm e q u ’on puisse surenchérir
dans aucun cas. C e ne sera pas, au surplus, la seule
objection extraordinaire q u ’ on aura à relev er dans la
suite.
En abordant les principes,
».
Q u ’est-ce q u’ une surenchère? U n droit exo rb ita n t,
�(
*4
)
une exception à la règle gén érale sur les m utations, un
droit rigoureux et n o u v e au , reconnu pour tel par les
auteurs, sur-tout en ven te judiciaire.
Il faut donc le restreindre au cas p r é v u , et bien se
donner de garde d ’étendre une exception qui tendrait
à gên er la liberté des m utations, q u ’on doit favoriser
dans l ’intérêt p u b lic, co m m e un des grands m oyen s
d ’exciter l’é m u la tio n , de faire prospérer le c o m m e r c e ,
et d ’assurer les fortunes.
Q u ’on o u v re le Code de p ro céd u re, titre 4 , sous la
rubrique : D e la surenchère sur aliénation volontaire.
L ’article 8 3 a porte : « L e s notifications et réquisi<r tions prescrites par les articles 2 i 83 et 2 i 85 du C ode
« c iv il, seront faites, etc.
« L ’acte de réquisition de mise a u x enchères c o n
te tien d ra, à peine de nullité de là su ren ch ère, l ’offre
« de la cau tion, etc. ». Cet article, co m m e on v o it, ne
contient que la form e de la su ren ch ère, et ren v o ie aux
articles 2 1 83 et 2 i 85 du C o d e civil.
L e prem ier de ces articles n ’indique que le m ode de
pu rger les h y p o th è q u e s , et la notification que doit faire
l’acquéreur.
L e second autorise io u t créancier inscrit de requérir
la mise de l ’im m eu b le au x enchères et adjudications
pu b liq u es,.à la c h a rg e , n o ta m m e n t, § 2 , que là su ren
ch ère contiendra soumission du requérant de porter ou
faire porter le prix ¿1 un dixièm e en sus de celui qui aura
été stipulé dans le co n tra t, ou déclaré p a r l e n o u v e a u
propriétaire.
O n doit rem a rq u er que ces articles s’appliquent e x -
�( i -5 )
clusivement aux ventes volon taires; que la surenchère
est une concession de la lo i, co m m e un moyen ouvert
pour f a ir e porter ¿’immeuble à sa ju s t e valeur. C'est
ainsi que s’explique T o r a l e u r du go u v ern em en t. O r ,
si c ’est un m o y e n pour faire porter l ’im m eu b le à sa
juste v a le u r , on ne peut pas l’appliquer à, u n e ven te
faite pu b liqu em en t, ju d ic ia ire m e n t, et à la chaleur des
enchères, sur u n e base d o n n é e , un e estim ation p réa
lable qui n’a d’autre but que de faire connaître la va
leur réelle de l ’im m euble.
I l est d’autant plus certain que la surenchère n ’a lieu
qu’en vente volon taire, que la loi ne s'en est occup ée
que sur cette seule ru briq ue; on ne trouvera q u e l’ar
ticle 2 1 85 du C o d e c iv il, et l’ article 832 du C o d ç de
procédure.
U n e autre exception pour la saisie im m obilière (ar
ticle 7 10 du C o d e de procédure). M ais ce n ’ est plus le
m êm e m o d e, ni la m êm e q u o tité , ni la m ê m e f o r m e ,
il faut une enchère du q u a rt; elle doit avoir lieu dans
la huitaine^ pour ne pas retarder la jouissance de l ’ad
judicataire.
L e c o n c o u r s pour la reven te n ’est établi q u ’entre
l’adjudicataire et l ’enchérisseur; la loi est m uette pour
les ven tes d'une succession bénéficiaire ou d’ une suc
cession vacante; et pour les biens de m ineurs, l’art. 965
du Code de procédure r e n v o ie , relativem en t à la r é
ception des en chères, à la form e de l’adjudication et à
ses SUlies, aux dispositions contenues dans les art. 707
et suivant du titre de la saisie im m obilière. Il faut
bien q u e , pour ses su ites, l’article 7 1 0 , qui règle la
f% t
�fo rm e de la su ren ch ère, soil compris dans le ren v oi ;
car l’article 707 ne s’occupe que des surenchères qui
précèden t l’adjudication; l’article 708 ne parle que de
la fo rm e et du nom bre des bougies qui doivent être
em ployées. L ’article 709 fixe le délai dans lequel l’a vo u é
dernier enchérisseur doit faire sa déclaration de m ieux.
V ie n t ensuite l’article 7 1 0 , 1 e prem ier qui s’occupe des
suites de l’adjudication, et qui accorde la faculté de
surenchérir.
C onclusions. L a surenchère est une e x c e p t io n , un
droit rigo u reu x qui ne peut s’étendre d ’ un cas ¿1 un
a u tre , qui est exoi'bitant du droit c o m m u n , qui n ’est
accordé q u e pour les ventes p u rem en t vo lo n taires, et
exclusivem ent.
P o u r les adjudications, point de surenchère, si ce
n ’est celle du quart. Il n’y a point d ’analogie entre la
v en te et l’adjudication.
Il faut donc se renferm er dans l’exception de la loi.
I cre Objection. L a ven te en saisie im m obilière doit
être poursuivie en présence des créanciers inscrits. O n
doit leur notifier un exem plaire du placard { A r t . 695
et suivans d u Code de procédure.).
11 n’ est pas nécessaire de leur notifier l’adjudication ;
on peut ouvrir l ’ordre de suite. E n ven te de biens de
m in eu rs, a u co n tra ire , on ne notifie rien aux créanciers
inscrits; c e n’est que le jugem ent d ’adjudication q u ’011
doit leur notifier, après q u ’ il a été transcrit : c ’est la
m arcjie indiquée à l ’a cq uéreur volontaire pour purger
les hypothèques.
I l n ’y a donc pas de similitude entre les saisies im -
�b»
--------------------------HT)
mobilières et les adjudications de biens de mineurs. L a
notification du jugem ent ne peut avoir d autre b u t que
de purger les h ypoth èq ues : donc la faculté de suren
chérir appartient au x créan ciers, co m m e en v e n te v o
lontaire.
L a réponse à cette objection se tro u ve dans l ’art. 696
du C ode de procédure. O n y voit le b u t de la notification
prescrite au x créanciers inscrits; ce n'est pas u n m o y e n
de p u b licité, c om m e on v e u t le p réten d re; mais co m m e
une saisie im m obilière n e p e u t être a rrê té e , q u ’ une
fois entreprise, ch aque créancier peut se subroger au x
poursuites du créancier p o u rsu ivan t, ce dernier c o n
tracte directem ent a v e c tous les créanciers inscrits, qui
ont le m êm e droit que lu i; aussi la loi a-t-élle vo u lu
lier le poursuivant par cette notification, puisque du
m om ent q u’elle a eu lie u , la saisie n e peut être ra y é e
que du consentem ent universel des créanciers.
D a n s une adjudication de biens de m in eu rs, au c o n
traire, com m e rien ne force le poursuivant d ’aller ejn
a v a n t; q u ’il peut toujours s'arrêter* a tte n d re , retarder,
se départir m êm e de l ’a d ju d ica tio n , il était inutile de
notifier le placard aux créanciers inscrits; il suffit des
affiches et publications, de l’insertion au jo u r n a l, afin
que tous les intéressés soient prévenus.
Mais lorsque l’adjudication est fa ite , il est b ien n é
cessaire de la notifier au x créanciers inscrits, non pour
leur donner le droit de su ren ch érir, puisqu’ils n e l’ont
pas fait lors de l ’a d ju d ica tio n , et que le u r droit est
consom m é, mais pour que l ’adjudicataire puisse se li
bérer valab lem en t, ouvrir l’ord re, et p a y e r a u x créan-
3
�( 18 )
ciers, suivant le rang de leurs privilégeset h yp o th èq u e s;
autrem ent il n’y aurait pas de sûreté pour la libération ;
les dettes qui sont la cause de la v e n te ne seraient pas
payées. L a notification était donc indispensable, et
voilà pourquoi on en fait une des conditions du cahier
des ch arg es, où on stipule que la notification sera faite
a u x frais de l'adjudicataire., tandis qu’ en v e n te vo lo n
ta ire , elle est aux frais du v e n d e u r , ce qui constitue
en core une différence essentielle.
D e u x ièm e objection. L es ventes faites par l'héritier
b é n é fic ia ire , par le curateur à une succession v a
ca n te , ont lieu égalem en t en justice ; cependant la loi
se contente de re n v o y e r à ce qui s’ob serve pour la
v e n te des im m eu b les, ou pour les partages et licitations.
L a loi ne considère donc ces sortes d ’adjudications que
co m m e des ventes volontaires ; il doit en être de m ê m e ,
à plus forte raison, pour la ven te des biensde mineurs.
Singulière conséquence! co m m e si on p o u va it rai
sonner d ’un cas à un autre; cependant cet argu m ent
est encore mal choisi.
D ’abord il n ’est pas vrai q u ’en ven te de biens d’ une
succession b én éficia ire, un créancier ait le droit d 'en
chérir co m m e en, vente volontaire. L a question s’est
m ê m e é l e v é e , non sur l ’enchère du d ix iè m e , mais sur
l ’enchère du q u a r t, qui avait été faite par un créan
cier, dans la h u ita in e, con form ém en t à l’article 7 1 0 du
C o d e de p ro céd u re, au titre des saisies im mobilières.
Il est bon de connaitre l ’espèce particulière, et l’ar
rêt qui est in te rv e n u , en la C o u r royale de R o u e n , sur
la question , le 24 mai dernier.
�( *9 )
« L e s sieurs l ’A rch ev êq tie et Bertois s’ étaient rendus
v adjudicataires d’im m eubles dépendans de la succès« sion du sieur Heine. C ette succession avait été ac« ce p lé e sous bén éfice d ’inventaire. L e sieur Barrois,
« créan cier, voulant user du bén éfice accordé par l ’ ar« licle 7 10 du C o d e de p ro céd u re, fit une surenchère
« du q u a rt, dans le délai de huitaine.
<
*■L e s adjudicataires soutinrent l’enchère non rece« v a b le ;ils prétendaient que la loi n’autorisait la suren« chère q u ’après l ’adjudication sur saisie im m ob ilière;
« mais que la l o i , èn traçant les formalités à suivre pour
« la v e n te ju d ic ia ir e des biens d’ une succession, n’avait
« rappelé nulle part cette disposition, et que dès-lors on
«■ne p o u vait pas exiger une form alité que le C o d e n ’a
« pas prescrite. »
L es i er et i 3 février 1 8 0 7 , jugem ens du tribunal civil
de D ie p p e , qui déclarent la surenchère valable. Sur
1 appel à la C o u r royale de R o u e n , est in terven u l’arrêt
confirm atif dont voici les motifs :
V u l’article 806 du Code civ il, d ’après leq uel l’h é
ritier bénéficiaire ne peut ven d re les im m eubles de la
succession, que dans les form es prescrites par les lois sur
la procédure 5
« A lte n d u q u e le C o d e de procédure c iv ile , im p a r t ie ,
livre 5 , titre 1 2 , de la saisie im m o b iliè re , a décrit et
soigneusement d évelo p pé toute^les form alités à suivre
pour parvenir à la v e n te judiciaire des im m e u b le s ,
poursuivie par voie d’expropriation fo rcée ;
K Qu après être entré dans de semblables d é v e lo p p em en s, le législateur n ’a pas d û , dans les autres matières
�( 20 )
où il s’agirait de ventes qui ne pouvaient égalem ent se
faire qu’ en ju s tic e , r é p é te r , sous chacun des titres qui
les c o n c e rn e n t, tout ce q u ’il avait prescrit au titre de la
saisie im m o bilière;
« Q u ’il lui suffisait, en faisant la part spéciale de
ch a q u e titre dont il avait h s’occuper u lté r ie u r e m e n t,
de déclarer en term es positifs ce q u i, dans le titre de
là saisie im m o b iliè re ,se ra it com m un a u x autres titres;
« Q u e c ’est ainsi q u’au titre 8 du bén éfice d'in ventaire,
2e p a rtie, livre 2 , article 988, concernant la ven te en
justice des biens d e l à succession, il renvoie au titre 7
des partages et licita tio n s, et que de celui-ci il renvoie
encore sur le m ê m e - o b je t, article 9 7 2 , au titre 6 de
la ven te des biens im m eu b les, c'est-à-dire de ce u x a p partenans à .des m in eurs, où se trouve l’article régula
te u r (a rt. 9 6 5 .);
« Q u'ici le législateur a précisé l’objet des renvois
d ’un titre à l’a u tre , ainsi que l’espèce et la nature des
form alités détaillées au titre de la saisie im m o b ilière ,
q u ’il a voulu rendre co m m u n a u x autres titres; ce qui
com p ren d m an ifestem en t toutes les formalités qui se
rencontrent dans la série des articles 707 à 7 1 7 , et par
conséquent rend applicable à toutes les espècesde ventes
e n justice dont il s’a g it, le droit de surenchère exprim é
en l’article 7 1 0 du C o d e de procédure;
« D ’où il suit q u ’en surenchérissant, conform ém ent
à cet a rticle, ces im m eubles de la succession de R e in e ,
ven d u s eu justice par les héritiers bénéficiaires, Barrois
n ’a fait q u ’ user du droit incontestable que la loi Lui
accordait ;
�( 2i )
« A tten du qu'il est dans l’intérêt m ê m e des m in eurs,
des créanciers, des débiteurs et des h éritiers, de m ain
tenir scrupuleusement l’exercice d ’ un droit qui profite
à tous, sans nuire h a u tru i, et qui est év id e m m e n t
d ’ordre p u b lic;
«Attendu* que c ’ est une subtilité à laquelle la loi se
refuse, q u e de dire que ce sont des suites de la fo r m e ,
et non des suites de l ’adjudication, dont l ’article g 65 a
vo u lu p a rler, distinction d’ailleurs oiseuse, l ’effet en
l ’un et l’autre c a s , ainsi q u’il se v e r r a , devant être le
m êm e ;
« Q ue c’est une autre erreur de conclure que la suren
chère n’est pas une suite de l’ad ju d icatio n , de ce que
toutes les fois q u’il y a adjudication il n’y a pas suren
chère ;
« Attendu qu'il suffit, pour rép on d re à to u t, de faire
rem arquer que le droit de surenchère est un droit fa
cu ltatif, e t , si l’on v e u t , é v e n tu e l, par cela m êm e q u ’il
est facultatif, mais qui n’en est pas moins un droit réel
et positif;
> Q u e quand il s’ e x e r c e , il est nécessairem ent une
suite de l'adjudication, puisque sans adjudication il n’y
a pas de surenchère; q u ’il en est la suite la plus p ro
c h a in e , la suite im m é d ia te , puisqu’il doit être exercé
dans La hu itain e de L’ acte d 'a d ju d ic a tio n j
« Q u ’il se lie au m ode de vente des im meubles sur
saisie im m obilière, établi aux articles 707 à 7 1 7 du
Cpde de p rocédu re, puisqu’ il concourt à en augm en ter
/a ;
�le p r ix ,'q u ’il s’identifie tellem ent a vec l u i , ;que l’adju
dication n ’est p a s'c o n so m m ée, tant que le délai de la
surenchère n’ est pas expiré ;
,
«• Q u e le droit de surenchérir est d o n c, en ré s u lta t,
u n e partie intégrante de la fo rm e déclarée c o m m u n e ,
par les articles 9 6 b , 972 et 988, aux autres espèces de
ven tes en justice m entionnées en ces articles, et ne peut
dès-lors être arbitrairem ent séparée ;
« L a C o u r , etc.» (A rrêt rapporté d a n sS irey, 7 ecahier
de 1 8 1 7 , pag. 234.).
Il
résulte^ sans d o u t e , de cette d écision , m o tiv é e
a v e c mi soin particulier, de grands argum ens en faveur
du sieur co m te de W a u th ie r . E lle a en quelque sorte
traité la m atière e x professa.
O n y v o i t , i° la différence q u ’on doit faire entre la
v e n t e volontaire et l ’adjudication faite en justice;
2.0 O n adm et le principe q u ’en tou te adjudication
judiciaire il y a su ren ch ère, mais seulem ent d ’après le
m o d e établi par l’article 7 1 0 d u .C o d e de p r o c é d u re ,
sur ¿es saisies im m ob ilières, et par l ’article 965 du
m êm e C o d e , rela tif à la v e n te des biens de m in e u rs,
c’est-à-dire que la surenchère doit avoir lieu dans la
huitaine de l ’adjudication , et q u’elle doit s’éle v e r jus
q u ’au quart;du prix ;
3 ° O n y d ém ontre que la surenchère est une suite
d e l'adju dicatio n , et que ce u x qui ont voulu é q u iv o q u e r , sur ce p o in t, n ’o n t établi q u ’ une véritable sub
tilité , une distinction oiseuse ) q u e la surenchère est la
�( 23 ) ■
suite la plus p ro ch ain e, la suite im m éd ia te, puisqu’ elle
doit être e x ercée dans la huitaine de l ’acte d adju
d ication ;
v
!
4° O n d é c id e , contre l ’avis de P i g e a u , que ce m o de
de surenchère s’applique au x ven tes des biens d’une
succession b én éficiaire, com m e à toute autre vente en
justice, quoique la loi ne se ¿oit pas exp liq u ée directe
ment pour cet objet;
E t enlin on ne met pas en doute que les ventes
de biens de mineurs ne peuvent être sujettes q u’à l ’en
chère du q u a rt, dans la h u ita in e , puisqu’on regarde
‘ l ’article 965 com m e régulateur en cette m atière.
Cet a rrê t, qui m érite la plus grande atten tio n , et qui
a fait une grande impression sur tous c e u x qui l ’ont
m é d it é , a donné lieu à une objection qui doit être e x a
m in é e , non qu’elle présente rien de sp é c ie u x , mais
parce qu’ elle a paru singulière.
O n a dit : Il est vrai que cet arrêt ju g e q u ’ une suren
chère du q u art, faite dans la h u ita in e , doit être admise
en toute ven te jud iciaire; mais il ne décide pas q u ’ une
surenchère faite co m m e en vente o r d i n a i r e , c ’ es l-à dire dans les quarante jours de la notification, et seu
lem en t d’ un d ix ièm e du p r ix , doive être rejetée. L ’arrêt,
ajoute-t-on, aurait jugé ce m ode d’enchère v a la b le ,
co m m e il a admis le p re m ier; il décide senlem ent en
principe que la surenchère a lieu en ven te ju d ic ia ire ,
com m e en v e n te volontaire.
Ceux qui se perm ettent cet argum ent futile n’ ont pas
pris la peine de voir quelle était la question agitée. Il
s agissait de juger si « la surenchère avait lieu sur adju-
�( 24 )
«• clieation des biens dépendons d ’ une succession b é n é « f ic ia ir e , co m m e dans les adjudications su r sa isit
* im m obilière. »
Q u elle était la prétention des adjudicataires? C ’ était
de soutenir que la loi sur les ventes de successions b é
néficiaires étant m u ette sur la surenchère, n’aya n t point
rappelé la disposition qui se tro uve au titre des saisies
im m o bilières, nul n ’avait le droit de surenchérir. L e
créancier enchérisseur n e prétendait pas avoir le droit
de faire une enchère du dixièm e dans les quarante jours,
m ais seulem ent une surenchère du q u a rt, dans la h u i
taine , co n fo rm ém en t aux articles 7 1 0 et 966 du C ode
de procédure.
E t , certes, s’il eût été question d ’ une surenchère dans
les quarante jo u rs, la solution n'eût pas été d o u t e u s e ,
puisqu’il est constant q u ’en ven te judiciaire, la suren
chère est un droit n o u v e a u et exorbitant.
E n effet, suivant les anciens principes, la surenchère
n ’ était jam ais admise après l ’expédition de l ’adjudica
t io n , s a u f le droit de ra b a te m e n t, qui s’était introduit
au parlem ent de Toulouse. U n artét du 18 juin 1 6 1 3 ,
en infirm ant une sentence de L y o n , qui avait reçu une
en ch ère après l’adjudication, fait défense au sénéchal
de I>yon d’en recevoir à l’a v en ir, à peine de n u llité , et
de dom m ages-intérêts envers les parties. U n deu xièm e
a rrê t, du 5 m ai 1 6 4 0 , a égalem ent décidé q u ’011 ne
p o u v a it se pou rvoir contre une ven te judiciaire pour
cause de lésion d outre moitié. Ces deux arrêts sont
rapportés au J o u r n a l des A u d ien ces,
�(
*5
)
C ette jurisprudence form ait le droit co m m u n de la
■France. Plusieurs coutum es avaient m êm e des disposi
tions expresses sur cette m atière; M a rc h e , art. 1 2 0 ;
B o u rb o n n a is, art. 4 8 7 ; A u v e r g n e , art. 22 du titre 1 6 ; et
le dernier com m en tateu r nous apprend que cet article
de la cou tum e avait été adopté dans la partie du droit
é c r it , suivant le procès-verbal. L 'a u to rité du ju g e , dit
cet a u te u r, écarte toute suspicion de d o l, de fr a u d e ,
de surprise et de lésion. L e m ineur est dans la m ê m e
interdiction que le majeur. D ’H éricourt atteste la m ê m e
doctrine dans son T ra ité de la vente par décret. L 'a u t o
rité du ju g e ne perm et aucune suspicion ; tant était
grand le respect q u ’on portait à tout ce qui ém anait
de la justice! E t peut-être s’ en est-on trop écarté de nos
jours, en autorisant la surenchère du quart après l’a d
judication.
“I l paraît donc constant q u’en v e n te judiciaire , au
m oins, la surenchère ne peut être reçu e q u ’autant
qu elle serait faite dans la huitaine de l’a d ju d ica tio n ,
et qu'elle s’élèverait à un quart en sus; que ce point de
droit est plus évident encore pour les adjudications des
biens des m in eurs, puisque la loi s’en est o ccup ée dans
l'art. 965.
M ais en raisonnant dans le sens des in t im é s , qui
„ ve u le n t argum enter du silence de la loi sur les ventes
de successions bénéficiaires et sur les licitation s, que
pourrait-il en résulter de favo rab le pour le systèm e du
sieur D relo n ?
Il
s agit ici d’ une m atière de rig u e u r, d 'un e excep
tion a la règle générale. L e silence de la lo i, dans un
4
�cas, ne ferait qtie confirm er celui ôù l ’exception est
porléô> et on ne peut jam ais raisonner d’ un cas à un
autre.
A u tr e objection. L a saisie im m obilière a lieü p ardevunt le trib un al; l'adjudication des biens de mineurs
se fait devant un seul juge : elle peut avoir lieu d evant
n o taire; ce n ’ est donc alors q u ’ une vente volontaire.
C et argum ent était opposé a v e c force lors de l’arrêt
de 16 4 0 , q u ’011 a rapporté plus haut. O n disait q u ’au
C h âte le t, les adjudications avaient lieu devant un seul
ju g e , et q u ’au parlem ent elles étaient souvent faites
par un com m is-greffier, hors la présence de tout m a
gistrat. O n tirait de cet u sa ge, q u 'o n prétendait abusif,
la m ê m e co n séq u en ce que les intimés.
M a is on répondait que lorsque la loi disait devant
Le j u g e , il fallait entendre le tribunal ou le président,
suivant les cas, et que la plus grande confiance était due
au juge préposé par la lo i, co m m e si c ’était le tribunal
•
1
'
e n tie r ; que le juge avait la m êm e a u to rité, et q u e tout
ce qui ém anait de cette autorité ne pouvait être sus
pecté de fraude ou de d o l; et c ’est ainsi que cela fut
jugé. L e notaire est le délégué de la justice; il rep ré
sente le tribunal qui l'a c o m m is , et l’adjudication faite
devant lui a la m êm e authenticité que d e v a n t la justice,
et n ’a rien de volontaire.
E n r é s u m a n t,la surenchère du sieur D relo n ne peut
être a d m ise ;le s premiers juges ont reconnu q u ’elle ne
devait l e t r e , q u ’en considérant l ’adjudication co m m e
u n e ven te essentiellement volontaire,■011 a d ém on tré
q u ’ils a v a ie n t com m is la plus grande erreu r; el dans
\
�( 27 )
la position où se trouve l ’a p p ela n t, il serait, plus q u’ un
autre, victim e d’une tentative insolite et ta rd ive, d ’une
dém arche que la loi n ’a pas autorisée ; et les torts qu'il
ép rouve par la ven te q u ’il s’est vu obligé de consentir,
peuven t au moins être présentés c o m m e des m oyens
puissans de considération.
Délibéré à Clerm ont-Ferrand, par les anciens jurisconsultes
soussignés, réunis dans le cabinet de M e B ERGIER, l ’ un d’eux.
S ig n é , B E R G I E R , B 0 I R 0 T , P A G E S .
A RIOM, d e L’IMPRIMERIE DE J.-C .SA LLE S, IMPRIMEUR DU P A L A IS .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Wauthier, Charles-Albert, Comte de. 1817?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bergier
Boirot
Pagès
Subject
The topic of the resource
ventes
enchères
minorité
immigré belge
enchères
conseils de famille
biens de mineurs
placards
jurisprudence
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire et consultation pour M. Charles-Albert, Comte de Wauthier, Maréchal des Camps et Armées du Roi, Chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, appelant d'un jugement rendu au tribunal civil de Riom, le 16 juillet dernier ; contre le sieur Gilbert Roux-Drelon, propriétaire, habitant de la ville de Clermont-Ferrand, intimé ; et encore contre la dame veuve Engelvin, tutrice de ses enfants, et leur subrogé-tuteur, aussi intimés.
note manuscrite : 26 janvier 1818, 1ére chambre, arrêt confirmatif, journal des audiences, p. 10.
Table Godemel : Mineur : 23. la vente des biens de mineur est-elle réputée vente volontaire, quoique faite en justice ? la surenchère faite par l’adjudication définitive doit-elle être d’un dixième, conformément à l’article 218, du code civil, ou du quart d’après l’article 710 du code procédure ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1817
1817
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2404
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2405
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53458/BCU_Factums_G2404.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pontgibaud (63285)
Anchald (domaine d')
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens de mineurs
conseils de famille
enchères
immigré belge
jurisprudence
minorité
placards
ventes
-
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8fdd33e5490f59f0c23d0943ca53a5b9
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Text
•4 $
MEMOIRE
COUR
IMPÉRIALE
DE RIOM.
EN R É P O N S E ,
ch»,b„eï
REUNIES.
POUR
Audience du
A n ne - F rançoise N O Y E R DU S A U V A G E , 6mil‘8&
m in e u re , habitante de la ville de C lerm on t ,
et M e. G A R R O N , licen cié-av ou é en la C o u r,
son cu rateu r a d h o c , appelans ;
CONTRE
Sieur J e a n - C h a r l e s N O Y E R
VAGE
propriétaire, habitant de la ville
du Monastier
Loire
département de la H aute-
intimé
;
'
D U SAU -
EN
D u sieur H
onoré
PRÉSENCE
D E B R U S } notaire impé
rial, habitant du lieu d'A lle y r a t} commune
de S a lle tte } défendeur en assistance de
cause.
!
i
U
nE
jeune in fo rtu n ée , victim e de la co lère d’ un
ép o u x contre son épouse
est réd u ite à la triste néces-
�( 2 )
site de défendre devant les tribunaux son état menacé
par une action en désaveu.
On accuse sa mère de liaisons criminelles; on nomme
le complice ; et quoiqu’on soit forcé de reconnoître que
ces liaisons sont postérieures à la naissance d’Anne du
S auvage, le malheureux enfant est cependant enve
loppé dans la vengeance.
E t quel moment a-t-on choisi pour lui porter un coup
aussi funeste?
Celui où l’âge de la jeunesse est arrivé, où la facultéde raisonner et de sentir, déjà développée dans une jeune
personne de dix-sept ans, dont l’éducation a été soignée,,
lui feroit éprouver dans toute son amertume le sort affreux
qu’on lui destine.
Si l’action du sieur du Sauvage étoit fondée, n’auroitil pas à se reprocher d’avoir tardé srlong-temps à l’exercer?
Il connoissoit l’existence de l’enfant; il étoit allé sou
vent, il avoit habité quelque temps même dans la maison
où la jeune du Sauvage étoit élevée; il savoit enfin
qu’elle étoit née de son épouse.
Pourquoi donc garder un long silence, ou plutôt,
pourquoi rompre enfin ce silence, et porter le trouble
et le désespoir dans un cœur innocent ?
Assignée devant des premiers juges, la jeune personne'
est restée sans defense.
A lors elle a dû veiller elle-m ême à ses droits : et
quel intérêt plus c h e r, quel bien plus précieux aurat-elle jamais à soutenir ?
Cependant sa défense a paru un crime ; on lui a re
proché de l’audace.
�46r
< 3 )
A h ! l’audace lui est étrangère ; son âge est celui de
la pudeur et de la timidité.
Mais elle asentí que les lois ne pou voient être cruelles;
que les magistrats étoient les protecteurs naturels de la
foi blesse ; et elle est venue chercher un asile aux pieds
de la Cour.
F A I T S #
L e sieur du Sauvage épousa, en 178 2 , la demoiselle
Anne-Françoise de V eny.
L e contrat de mariage est du 5 août 1782; la dame
de V én y s’y constitue tous ses biens en dot.
D eux enfans mules étoient nés d’abord de cette union;
ils sont décédés.
Les événemens de la révolution firent inscrire le sieur
du Sauvage sur la liste des émigrés ;
Il prétend qu’il a quitté le sol français en 1791 ; qu’il
n’y est rentré qu’en l’an 9.
Quelle preuve administre-t-il de ces faits?
Son inscription sur la liste des émigrés;
Quelques arrêtés administratifs pris en l’an 3 , et dans
lesquels on le désigne comme ém igré;
Un jugement du 24 messidor an 4 , où on lui donne,
dit-on, la qualification d'émigré, ou réputé émigré (1).
Telles sont les preuves qu’invoque le sieur du Sauvage,
pour démontrer qu’il étoit absent, et que, suivant l’ex(1) Voir pages 5 et 6 du mémoire du sieur dn Sauvage.,
1 *
*<*>
�( 4 ) * .................................
pression de la lo i, il étoit dans Timpossibilité physique
de cohabiter avec sa fem m e.
Il sera sans doute permis à un malheureux enfant dont
on conteste l’éta t, d’examiner la force de ces preuves.
Qu’il nous suffise pour le moment de remarquer que
l’inscription sur la liste des émigrés , que les* énoncia
tions qui se trouvent dans les arrêtés administratifs et
dans le jugement, que tous ces indices, en un mot, sont
des présomptions morales et non des preuves physiques
de l’absence et de l’émigration.
Nous savons tous avec quelle légèreté, dans ces temps
d’agitation et de désordres , on inscrivoit sur la liste
fatale les personnes surtout attachées à la caste privi
légiée.
Nous savons aussi que l'inscription produisoit la mort
civile, et que, par un effet nécessaire de cette inscription,
on devoit, dans tous les actes administratifs et judiciaires,
considérer tous les inscrits comme émigrés.
Quel est aussi le Français qui ne se rappelle pas les
suites de la fameuse journée du 9 thermidor an 2 \ qui
ignore q u e , lorsque la nouvelle en fut parvenue dans
les contrées étrangères, lorsque quelques essais eurent
fait connoîtrc la diminution des dangers, beaucoup d’é
migrés rentrèrent en F rance, et y restèrent jusqu’à ce
que les événemens du 18 fructidor an 5 les eussent forces
de s’expatrier une seconde fois?
Pendant cet intervalle , les proscrits rentrés ne se
montroient cependant pas trop publiquement; ils a voient
des précautions ¿\ prendre ; les lois pénales subsistoient
�4% /
( 5 )
"
encore ; seulement un gouvernement plus doux n’en
commandoit pas l’exécution avec la dureté première.
D ’ailleurs, la rentrée des émigrés étoit plutôt tolérée
que permise 7 et ce n’étoit qu’avec un peu de prudence
et quelques déguisemens, que l’émigré rentré n’avoit
aucun péril h craindre.
Cette époque fut mémorable pour les affections; elle
a laissé de lon gs, de doux souvenirs dans les cœurs des
mères et des épouses ; combien d’elles ne vit-on pas alors
tâcher de se réunir à l’objet qu’elles chérissaient, et goûter
ce bonheur, les unes dans leur propre dom icile, lors
qu’il n’y avoit pas trop de danger, les autres dans une
autre partie de la France , partout enfin où elles pouvoient rencontrer le fils, l’époux qu’elles cherchoient.
L a dame du Sauvage voyageoit à cette époque ; peutêtre partagea-t-elle la félicité de tant d’autres épouses ?
Peut-être se réunit-elle à M . du Sauvage ?
Cette idée est douce et consolante pour une malheu
reuse fille ;
Elle se plaît à s’y arrêter;
Elle en a le droit ;
E lle n’a rien à prouver d’ailleurs.
C ’est h M . du Sauvage que la loi impose la preuve
de Pimpossibilité physique de cette réunion.
Ce fut i\ cette époque que s’annonça la grossesse de
la dame du Sauvage.
Elle revint bientôt après à Clerm ont, dans la ville où
elle étoit n ée, où elle étoit connue de tous les habitans,
où sa famille étoit domiciliée.
i
*«♦>
�( 6 )
C’eût été, pour une femme coupable, bien mal choisir
son asile.
La grossesse ne fut pas cachée ;
La naissance de l’enfant ne fut pas mystérieuse.
»
Il fut présenté à l’officier public sous le nom d’AnneFrançoise , et comme fille d’Anne V é n y , épouse du sieur
du Sauvage.
L e sieur du Sauvage a - remarqué avec amertume que
l’accouchement avoit eu lieu dans la maison d’un officier
de santé ; il en a conclu qu’il fut mystérieux.
;
L a conséquence ne seroit pas nécessaire.
L e fait, au reste, s'explique par les circonstances.
Ce fut au mois d’août que l’accouchement eut lieu.
A cette ép o q u e, toute la famille de la dame du Sau
vage habitoit la campagne, suivant son usage.
La dame de V én y étoit restée seule à Clerm ont, pour
y être à portée dos secours que son état exigeo it, et
elle avoit pris un logement chez le sieur Blancheton,
officier de santé.
D ’ailleurs elle ne se cacha pas un seul instant pendant
sa grossesse, et ses parens furent instruits sur-le-champ
de la naissance de l’enfant.
D epuis, cet enfant est toujours resté dans le sein de
la famille de sa mère.
Elevée dans la maison d’une tante q u i, par sa for
tune et son ran g, avoit des relations nombreuses, elle
a été considérée par tous les habitans d’une ville po
puleuse, comme fille de la dam e’du Sauvage; et nous
verrons môme que, si elle étoit connue sous son prénom
d'A n n a , elle l’étoit aussi sous le nom de du Sauvage,
�<7 )
L e sieur du Sauvage convient ( page 7 de. son mé
moire ) que ce fut seulement à une époque postérieure
à la naissance d’Anne-Françoise, que la dame de V én y
fit connoissance du nommé Guines.
Tirons un voile sur ce qui suivit : la personne d’une
mère même coupable est toujours sacrée pour ses enfans.
Q u’il nous soit permis cependant de rappeler que dans
aucuns des autres actes de naissance que le sieur du
Sauvage a transcrits dans son m ém oire, la dame V én y
n’a pris la qualité de son épouse.
Elle a donc, même dans ses égaremens, inspecté son
époux; •
E lle n’a donc pas voulu lui attribuer une fausse pa
ternité.
Pourquoi cette différence enti'e ces actes de naissance;
et celui d’Anne-Francoise ?
Une telle différence dans les expressions ne devoitelle pas faire supposer une différence dans l’état des enfans ; et leur sort pourroit-il être confondu dans les dé
cisions des magistrats ?
JNous avons dit que la jeune du Sauvage avoit été
élevée au milieu de la famille de sa mère.
On doit cependant convenir que le nommé Guines
étoit venu en l’an 10 la réclamer au nom de la m ère;
que meme elle lui avoit été rem ise, et qu’elle resta quel
que temps avec cet liomme.
Mais bientôt les mauvais traitemens, les outrages qu’elle
en reçut, excitèrent la sollicitude et la vigilance de ses
parens maternels; ils s’adressèrent aux tribunaux ; ils de
mandèrent qu’elle leur fût rendue ; et leurs réclamations
�Vu
furent accueillies par un jugement du 26 thermidor an io ,
qui ordonna que cet enfant seroit remis à sa tante.
L ’enfant est désigné sous le nom d’A n ne du Sauvage
en plusieurs endroits, dans les motifs comme dans le dis
positif du jugement.
C’est auprès de cette tante généreuse, c’est dans sa
maison m êm e, qu’Anne du Sauvage est toujours restée
depuis ce moment.
C ’est là que le sieur du Sauvage a pu la voir plusieurs
fois depuis l’époque à laquelle il fixe sa rentrée en
France.
C’est dans cette m aison, où il est demeuré quelque
temps lui-même auprès de sa belle-sœur, dans un de ses
voyages à Clermont 5 c’est dans cette maison , où il est
allé fréquemment dans d’autres voyages, qu’il a su que
Anne-Françoise du Sauvage existoit, qu’il a pu remar
quer sa grande ressemblance avec la dame de V é n y , et
qu’il a appris d’une foule de personnes qu’elle étoit née
de son épouse.
Tous ces faits sont antérieurs de plusieurs années au
désaveu.
A lors le sieur du Sauvage ne pensoit pas à désavouer
ce malheureux enfant.
Alors même cette jeune personne l’intéressoit, comme
il le témoigna à un de ceux qui ont déposé dans cette
triste cause.
A lors enfin il ne consultoit que son propre cœ ur, et
ne cédoit pas à de dangereuses suggestions.
M ais, depuis, quelques années se sont écoulées; ses
relations
�4 1 $.
rl -9 )
relations. avec'la famille de sonaépouse sonfo’devcnues
moins fréquentes; son cœur s’est isolé; ou plutôt, mal
heureusement subjugué, dit-on, par une affection étran
gère, il s’est laissé entraîner à former une action en
désaveu, et à envelopper Anne du Sauvage'dans ses
poursuites. '
• Un acte en désaveu est signifié le i 5 juin 1809 , et le
5 juillet suivant, le sieur du Sauvage fait réunir au M onastier, lieu de son dom icile, un prétendu conseil de
fam ille, où l’on n’a appelé aucun des paren s,-ni pa
ternels , ni maternels de l’enfant dont on se proposoit
d’attaquer l’état, et q u i, composé de voisins , d’amis du
sieur du Sauvage, choisit pour tuteur ad hoc un ha
bitant du Monastier, qui ne paroît pas avoir pris le
moindre intérêt à la défense de sa pupille.
.L’action en désaveu est formée contre ce tuteur, et
elle est jugée, le 30 août 1810 , par un jugement qua
lifié contradictoire, mais dont les motifs indiquent assez
que la contradiction fut dies plus légères.
Protégée par la justice de laiC our, Anne du Sauvage
a reçu un nouveau tuteur, par arrêt du 11 mai 1811.
Ses moyens de défenses ont été développés à l’audience
solennelle du 5 août 1812; et la C ou r, en réservant les
moyens respectifs des parties', ordonna, avant de faire
droit, que l’appelante ferait preuve que plus de deux
mois (1) avant la demande en désaveu de paternité, for
mée par le sieur du Sauvage, celui-ci, après sa rentrée en
(1) Il y a deux ans dans l’expédition de l'arrét ; c’est une '
¡erreur, sans doute'. ( V. l’art. 3iG du Code Nap. )
�' ( 10}
son domicile, et notamment en l’an î o , étoit venu cliez
la dame de M ariolles, qu’il y avoit vu Anne-Françoise, et
l’a voit reconnue pour être la fille de sa femme; 2°. qu’elle
étoit connue de lui sous le nom d’Anne-Françoise du
Sauvage; 30. qu’en présence de lui du Sauvage, et dans
la pension où étoit élevée l’appelante, elle a été ainsi
appelée et dénomm ée, et qu’il l’y a reconnue comme
la fille de sa femme ; sauf au sieur du Sauvage la preuve
contraire, dans le même délai.
En exécution de cet arrêt, des enquêtes ont été faites
respectivement.
Les dépositions qu’elles renferment sont transcrites
dans le mémoire du sieur du Sauvage, et il est inutile
de les rapporter ici.
Nous nous bornerons à rappeler ces dépositions dans
la discussion des moyens.
On verra qu’il est clairement prouvé que le sieur du
Sauvage a su, plusieurs années avant son action, qu’AnneFrançoise étoit la fille de son épouse.
A van t d’exam iner le m érite de l’action en elle-m êm e,
on pourroit faire des remarques sur ce qui l’a préparée,
et sur la singulière com position du conseil de fam ille,
du 5 juillet 1809; de ce conseil de fam ille, destiné ù
protéger la m in eure, et à lui nommer un tuteur éclairé
et vigilan tj de ce conseil de fa m ille, auquel cependant
n’ont été appelés aucuns parens, ni paternels, ni maternels
de l’enfant, et com posé, dit-on , d’amis qu’avoit la mère
au Monastier ; la mère q u i, depuis près de vingt ans,
a quitté cette ville.
La Courappréciera ces irrégularités, qui e n t r a î n e r o i e n t
�c II ) .
t. ; .
la nullité même d*une action formée contré un mineur
non valablement représenté.
O n ne donnera pas dans le moment plus de dévelop
pement à ces idées.
L e sieur du Sauvage attaque lui-même de nullité la
nomination du nouveau tuteur donné à l’appelante.
L a réponse à cette objection se trouve dans l’arrêt
qui a choisi ce tuteur ad h o c ; elle se trouveroit, s’ il
étoit nécessaire, dans la loi q u i, n’ayant prescrit aucun
mode pour la nomination d’un tuteur spécial, autorise
par son silence môme les tribunaux à le nommer.
Si l’objection est renouvelée, on la réfutera avec plus
de détail.
Examinons l’action même en désaveu, et démontrons,
i° . Q u’elle n’est pas recevable;
2°. Q u’elle n’est pas fondée.
P
r e m iè r e
q u e s t io n
.
I l action est-elle recevable?
Pleins de respect pour la dignité du m ariage, et Con
vaincus de la nécessité d’assurer sur des bases fixes la
conservation des familles, les législateurs de notre Code
ont adopté la règle ancienne : l*ater is est quem nuptice
demonstrant ; cette règle fameuse, fondement de la so
ciété, que l’assentiment de tous les peuples, que les suf
frages de tous les docteurs ont consacrée comme un prin
cipe inviolable.
Cependant, quoiqu’importante que fût la rè g le , elle
devoit être soumise aux exceptions que commande quel
quefois la force même des circonstances.
�» °
« S i- .1
C 12 >
v Nos législateurs étoient trop sages'pour'ne pas pré-*
voir ces exceptions; aussi ont-ils eu soin de décider que
la règle cessoit lorsqu’il y avoit eu impossibilité physique
de cohabitation entre le mari et la femme.
L ’article 3,12, qu i établit la règle, établit aussi l’excep
tion.
Mais les articles suivans restreignent l’exception même.
L e législateur a craint que les actions en désaveu ne
se multipliassent; il a pensé qu’elles devoient être li
mitées à certains cas- et à un certain délai.
S’il-lui-a paru juste de pourvoir à l’intérêt du mari,
il n’a pas cru devoir oublier Vintérêt de Venfant , dont
Vétat ne sauroit être trop t ô t j i x é , a-t-il dit.
- De: là. les dispositions de divers articles ; les uns qui re
fusent l’action en désavew dans plusieurs!cas,/les autres
qui n’accordent que le plus eourt délai pour agir/ *
Ces articles indiquent assez combien peu favorables ont
paru au législateur ces sortes d’actions, et quelle tendre
sollicitude olui inspiraient les innocentes victimes contre
qui elles seroient dirigées.
- L ’article 316 détermine1les? délais : voici comment il
s’exprime.
« Dans les divers cas ou le mari est autorisé à réa 'clam er, il devra le faire dans le mois1, s’il se trouve
« sur le lieu de l'a naissance de l’enfant;
« Dans les deux mois- après'son' retour, si à'ia même
époque' il est absent;
« Dans les deux mois après la découverte de la fraude,
e si on lui avoit caché' la naissance de l'enfant. »
• Supposons donc pour un instant que le sieur du Sau
vage soit autorisé à réclam erj c’est-à-dire, supposons
�C *3 )
(Ju’il ait prouvé que pendant le>;tetnj5s déterminé :paÿ
l’article 3 12 , il a été dans Pim possibilité‘physique de
cohabiter avec sa fem m e ; nous le demandons au sieur
du Sauvage, quél est celui-des paragraphes <de l’article
316. qu’il voudra; qu’on lui applique ? 01 'r¿ ú or' a;Ce devroit être, il semble, le § . 2 , celui où la lûi
parle dur mari absent. ‘
' -I ni ..
L e sieur du Sauvage ne peut sérieusement dire qu’oiï
ait employé la fraude pour lui cacher lzunaissaúce de
l’enfant»r' ’ ’T.
■
\ j . j / u f oup J-îiîo o
. ,»y
S’i l Bignóraf 'd?abordy' cé- ne! pütt ê t r e iju ’àv cause 1Ud'
son absences •* r ;[ j fj' . j i f t • : .
La grossesse d’ailleurs n’avoit pas été cachée.
L ’accouchement avoit eu lieu >dánsiila ville iriôme
qu’habitoit Ordinairement la dame de V én yt et! tóate sa
famille. ;ȟ
7*:..^ nu -¡ ¡‘.'s v.b e>o :
-;i .1 ' ni \
L ’enfant fut présenté à l’officier publie, comme né dé
J’épouse du sieur du Sauvage.
t n An ,,
-> L a légère erreuu de-prénom que l’on, remarque* dans
l ’acte, ne pouvoit faire naître aucune équivoque..''m p;
-' Car o ï ï y ‘désigne le* sienr du Sauvage ^ hàbitant du
M onasiier ,->le sieur du Sduvage-y époux'de la dame1de
V én y ; caractères d’identité qui ne ;pouvoient convenir
qu’au sieur du Sauvage qui plaide aujourd’hui.
L ’enfant, dès sa naissance, avoiü été élevé axi milieu
m êm e’derla fam ille'de su 1 mère# 1 '
r. : I \?
Les fllus- légères relations* aVec dette' famille y sufliï/oient
pour qu’on sût que cet enfant étoit celui de la dame
•du Sauvagel.l isq , niv;r ,. .r< ;,f,r>0 ut> ihi* vl'I
j -,
L e tribunal même de Cletrao\it l’avoit désigné soü6;
�C 14 )
le nom d’Anne du Sauvage, dans un jugement rendu à
une audience publique, en l’an 10.
En un m o t, il étoit'si facile de connoître l’existence de
cet enfant, que si le sieur du Sauvage l’avoit réellement
ignorée à son reto u r, c’est'q u ’il auroit refusé de voir
e t'd ’apprendre; . £
t>£ ç -U •; I‘ -?*• i> ■
'
'J '
Cependant, la loi lui ordonnoit de prendre des infor
mations ; elle ne lui accordoit qu’un délai de deux mois
pour-les obtenir,
l.;[ . h; .r :•" r '
'a
Quelque court que pût paroître ce délai dans cer
taines circonstances, le1 législateur, après de profondes
méditations, après les discussions les plus réfléchies,
n’avoit pasicru devoir en accorder un plus lon g; l’in
térêt de l’enfant l’a voit-déterminé. L ’état de l’enfant,
a voit-il j dit y ne saurait être trop tôt f i x é (i).
Ainsi la négligence du sieur du Sauvage ne pourroit
lui servir d’excuse. '
A
Il avoit p u , à son reto u r, demander et recevoir les
renseignemens qu’il prétend;n’avoir eus que long-tem ps
après./;..L ,i. ’ f
‘
II seroit donc, sous ce premier rapport, non recevable dans son action en désaveu. Vigilantibus non
negligentibus ju r a subveniant.
Mais considérons-le même comme placé dans le cas
prévu par le troisième paragraphe de l’article. ;;
Si la naissance de l’enfant lui a été cachée, s’il lui a
été long-temps impossible de la découvrir, au moins
( 1 ) Voir l’Esprit du Code Napoléon, par M. Locré , au*
l’article 316 J du mari absent.
�( i5 )
a-t-il dû se pourvoir dans les deux mois, du jour où
cette naissance lui a été connue.
Les termes de l’article sont formels.
L e mari doit réclamer dans les deux mois après la
découverte de la fraude.
'
C ’est encore l’intérêt de l’enfant qui a fait établir cette
règle salutaire.
« O n ne doit p a s, sans d oute, brusquer la fin de
« non-recevoir, disoit un des législateurs (M . R égnier)\
« mais il ne seroit pas moins dangereux de laisser l’état
cc de l’enfant trop long-temps incertain. »
Mais dans quel temps la fraude sera-t-elle considérée
comme découverte?
Cette difficulté est nulle.
<
L e délai doit courir, disoit un autre législateur, de
puis Je moment où le m ari a eu connoissance de Vac7
couchement de sa fem m e.
Depuis ce moment, il a deux mois pour réclamer.
O n proposoit même d’abréger ce délai, et de se con
form er, dans ce cas particulier, à la règle qui n’accorde
qu’un mois au mari présent \
Mais le consul Cambacérès observe avec sagesse « qu’il
« est juste de donner au père, après que h fa it est par« venu à sa connoissance , le temps de prendre des ren«r seignemens; car il voudra sans doute ne faire d’éclut
« qu’après s’être parfaitement convaincu. »
A in si, de l’observation même de cet illustre magistrat,
découle la conséquence évidente que dès l’instant où le
fait est parvenu ¿1 la connoissance du père, deux mois
seulement lui sont accordés pour prendre tous les ren-
�(.«)
.
éelgtiemeris qiï’il peut désirer, et pour former l’atkiôa
'
*
en désaveu.
•' f1'
'>•••.-r.<
Examinons donc lu1 question de fait.
^ C ’est daiis l’eriquête qu?on en trouvera la solution.
Si l’on excepte de l’enquête quelques témoins qui dé
clarant ne rien savoir,^ ou qui ne fixent pas les époques
des faits qu’ils indiquent, toutes les dépositions démon
trent, jusqu’à l’évidencè, que le sieur du Sauvage conrioissoit, plusieurs années avant l’action en désaveu ,
l’existence de l’enfant 'dont il attaque aujourd’hui l’étati
L e troisième tém oin, Victoire Vincens,Jnous apprend
« qu’il y a environ sept ans, ayant à dîner chez elle
« le sieur du Sauvage , le sieur Cellier et le sieur Gervis;
« dans le cours de ce dîner, lefsieur' du Sauvage, par
ie lantde son épouse^ dit qu’il lui’ seroit facile de rentrer
« dans ses^biens, mais pour ses en fh n s, il ne les re« connoîtroit jamais ; et c’étoit ce qui l’empêchoit de
«•poursuivre la rentrée desdits biens, a
_i Plusieurs conséquences résultent de cette déposition.
ü î'<*?!)L e sieür du Saunage ¿toit certain’ alors que son
épouse n’étoit pas divorcéè/''puisqu’il croyoit avoir le
droit de s’emparer de ses biens ; droit qui ne pouvoit
lui appartenir que comme m ari, et en qualité de maître
des biens dotaux de son épouse.
C ’est donc un vain prétexté que l’opinfon d’un divorcé
antérieur, opinion alftigucc par le éieurdü Sauvage, et
sùr’laquelle il insiste en plusieurs pages de son mémoire,
et notamment pages 2 et 40.
20. Le sieur du Sauvage savoit alors qu’il existoit des
enfans nés de sa femnfie^il le sdvàit puisqu’il le déclaré
lui-même j
�C 17 )
lui-même ; il ajoute, il est v r a i, qu’il ne vouloit pas
les reconnoître; mais il ne les désavoue pas judiciai
rement ; et la loi lui imposoit cette obligation, en lui
prescrivant même un délai de rigueur, non-seulement
pour le désaveu simple, mais aussi pour la réclamation
devant les tribunaux ( articles 316 et 318 du Gode Na
poléon ).
3°. Ce fait remonte à sept années environ , d’après la
déposition qui a été reçue le 7 septembre 1812; c’est-àdire, que déjà, en i 8o 5 , le sieur du Sauvage connoissoit
l’accouchement de sa femme et l’existence de l’enfant;
cependant son action n’a été formée qu’en juillet 180g.
Les dépositions qui suivent sont plus formelles encore.
L e quatrième témoin , le sieur Cellier, archiviste,
assistoit au dîner dont il vient d’être parlé ; il dit aussi
qu’il eut lieu il y a environ sept ans.
11 dépose «que le sieur du Sauvage, parlant de sa
« malheureuse situation à Fégard de son épouse, déclara
« qu’ils avoient eu deux enfans qui n’existoient plus;
« mais que depuis son émigration il y en avoit eu d’autres
« qui n’étoient point de lu i; que le déclarant ayant
« cherché à le réconcilier avec sa fe m m e , par des voies
« de douceur, il n’avoit pu y parvenir; qu’au contraire,
« le sieur du Sauvage avoit formellement déclaré qu’il
« ne reconnoîtroit jamais ses enfans, et qu’il ne verroit
« jamais sa femme; q u ’il savoit q u il y avoit un de ses
« enfans chez la dame de M a rio lles, sa belle-sœur ;
« mais qu’il ne le r e c o n n o i s s o i t pas pour le sien. »
Cette déposition fait naître les mêmes réflexions que
la précédente ; on y remarquera cette déclaration par-
3
�( »8 )
ticulière du sieur du Sauvage, qu'il savoit qu'il y avoit
un de ses eiifans chez la dame de M ariolles.
Il le savoit depuis i 8o 5 ; comment p o u rro it-il être
reçu h le désavouer aujourd’hui ?
L e sieur G iro n , cinquième tém oin, rappelle une
conversation qu’il eut avec le sieur du Sauvage, et qui
fut interrompue par Parrivée d’un tiers, dans un instant
où elle seroit devenue sans doute intéressante pour la
cause actuelle.
Mais il ajoute qu’à une époque q u i, d’après l’indice
qu’il donne, paroît se rapporter à l’an 10, temps auquel
la jeune du Sauvage fut retirée des mains de Guines,
« il lui fut présenté, ou p a rle sieur du Sauvage, ou par
« le sieur de T e i x , sans pouvoir assurer lequel des deux,
« trois extraits de naissance de trois enfans de l’épouse
« du sieur du Sauvage. Dans l’un de ces extraits étoit
ce le nom du sieur du Sauvage, comme père de l’enfant;
« dans le second, la paternité étoit attribuée au nommé
« Guines; dans l’autre, le père étoit déclaré inconnu. »
• Ce qui est dit sur le premier extrait ne peut évidem
ment s’appliquer qu’à l’acte de naissanced’Anne-Françoise
du Sauvage ( i) .
Cette déposition prouve, si c’est le sieur du Sauvage
qui a présenté les extraits, que tous les renseignemens
(ju’ il a aujourd’h ui, il les avoit il y a déjà dix ans; et
quand ce ne seroit que le sieur de T e i x , ne penserat-o n pas que celu i-ci, qui étoit le beau-frère du sieuir
(1) Voyez ces divers extraits dans le mémoire du sieur du
Sauvage, pages 6, 7 et 8.
�( *9 )
du Sauvage , qui était lié avec lui particulièrement,
lui auroit fait connoître les extraits qui étaient en son
pouvoir ?
L e sixième témoin, le sieifr de Vincens, parle notam
ment de plusieurs conversations qu’il eut avec le sieur
du Sauvage , sur l’enfant q;ui étoit chez la dame de Maxùolles, et qui ne paroissoit pas en sa présence.
' & Il dit qu’ayant eu à ce’ sujet plusieurs conversations
« avec le sieur du Sauvage , qu i »’ignorait pas Vexis« tence de cet en faht, qiCon lu i avoit dit appartenir
« à sa fe m m e , et être chez la düthe de M ariol/es,
« il lui avoit témoigné avoir' fefnatquê cet en fan t, et
« l’affectation de se cacher lorsqu’il se montfoit. »
Cette déposition ésf précieuse. Rien de' moins équi^
voque que ses termes.
L e sieur du Sauvage nignoroit pas Texistence de cet
enfant.
’ On lu i avoit d it qiüil appartenait à sa fem m e«
I l avoit remarqué cet erfant.
Qu’importe', après cela ,* le? surplus de la déposition
relative à' l’affectation que iWettoit l’enfant à se cacher,
au soin qu’on avoit de ne pas le faire' paraître eu pré
sence du sieur du Sauvage.
Ces circonstances ne détruisent pas; le moyen.
Le'sieur du Sauvage n’en avûit pas1 moins l’emarqué
l’enfant ;
Il n’en avoit pas moins connu son existence
Il n’en avoit pas moins su qn’il'apparténoit à sa femme.
Si donc la naissance’ lui a'Vbitf été dùcliée jusqu?alore,
elle cessa de l’ôtre £ cette époque \ la fraude lui fut dé
3 *
�couverte, et par conséquent dès ce moment commença
à courir le délai de deux m o is, fixé impérieusement
par l’art. 316 du Code Napoléon.
O r , à quelle époque le sieur de Yincens fait-il re
monter cette conversation ?
« A l’époque d’un procès que le sieur du Sauvage
« oncle avoit alors pendant en la Cour. »
T elle est la réponse du témoin à l’interpellation qui
lui est faite.
Cette époque est fixée par un arrêt même rendu par
la C o u r, dans la cause du sieur du Sauvage oncle. L ’arrêt
est du 29 messidor an 13.
A in s i, encore une fois ,, plusieurs années avant l’action
en désaveu, l’enfant étoit connu par le sieur du Sauvage.
A in s i, dès long-temps celui-ci avoit perdu le droit
de désavouer.
L e septième témoin , le sieur E sm elin, propriétaire,
habitant à A igueperse, nous apprend qu’il y a environ
dix ans, il a connu à'Aigueperse uneJille à laquelle
on donnoit le nom, de du Sauvage, qui étoit sous la
direction d’un nommé Guines ? alors logé dans l’auberge
de la veuve Tapon.
Il parle des mauvais traitemens exercés par Guines
sur l’enfant, et d’un jugement de police correctionnelle,
q u i, punissant Guines d’un an de prison, ordonna que
l ’enfant seroit remis à la dame de Mariolles,
Il ajoute
« Que depuis, ayant eu occasion de voir plusieurs
« fois le sieur du Sauvage, et lui ayant parlé de cette
« fille q u il croyoit être vraiment la sienne, il lui parla
�(21)
des mauvais traitemens exercés sur elle par Guines, et
de la punition qui lui avoit été infligée par le ju
gement de police correctionnelle; à quoi le sieur du
Sauvage ne répondit rien. »
L e témoin fait remonter cette conversation à entour
huit à neuf ans.
A in si, voilà encore un témoin q u i, quatre ou cinq
ans avant le désaveu , a parlé au sieur du Sauvage de
cette jeune fille, qui lui en a parlé la croyant vraiment
la sien n e, qui ne la connoissoit môme alors que sous
le nom de du Sauvage, et qui auroit évidemment appris
au sieur du Sauvage l’existence de cet enfant qui portoit
son nom , si déjà il ne l’avoit connue.
Nous disons, s’ilneV avoit connue, car le silence même
que garda alors le sieur du Sauvage indique assez qu’il
connoissoit alox’s l’enfant; sa curiosité eût été sans doute
vivement excitée, si déjà il n’avoit été instruit.
L e huitième tém oin, le sieur Chassaing, juge au tri
bunal de Clerm ont, déclare que dans une conversation
qu’il eut avec le sieur du Sauvage, il lui demanda s’il
étoit à Clermont avec sa femme; que le sieur du Sau
vage se récria , lui disant qu’il lui étoit impossible d’ha
biter avec elle;
Que le sieur du Sauvage ajouta
« Qu’il n’ignoroit pas que pendant son émigration,
« elle ( sa femme ) avoit eu deux ou trois enfans, dont
« notamment une fille , demeurant chez madame de
« M ariolles ; »
Que le déclarant lui ayant demandé s’il voyoit la
dame de M ariolles, sa belle-sœur, le sieur du Sauvage
répondit :
«
«
te
«
'
�( 24)
« Je la vois quelquefois, je la vois même avec plaisir;
« je fais cas d elà bonté de son caractère; mais par égard
'« pour moi elle a soin de faire disparoître l’enfant,
a lorsque j’entre dans là maison. »
L e térrioin, sur une interpellation relative à l’époque
de ces conversations , dit
•
«- Que c^toit plusieurs mois1 avant Tacquisition de sa
« nouvelle maison ; ce qui remonte à plus de cinq ans. »"
L ’extrait de l’enregistrement de l’acte d’acquisition,
constate que cette maison a été acquise le 21 thermidor
an 13 ( 9 août i 8o5 ).
L a demande n’est que de 1809.
Nouvelle preuve que plusieurs années avant cette a f
fligeante action, le sieur du Sauvage savoit que la jeune
infortunée qu’il poursuit étoit née d e son épouse.
Nouvelle preuve1 qu’il la- comroissüit alors comme il
l’a connue depuis, et que1le1 délai prescrit par la loi
etbit depuis long-temps expiré lorsqu’il a agi.
L e sieur T â p o n , receveur des contributions de la ville
de T h iers, déclare
ce' Qu’il a fréquenté la maison dé la dame de Mariolles-,
a depuis l’an 7 jusqu’en 1806-, momentanément e tp a r
« intervalle; que dans le courant de l’an 10, et années
« suivantes, il a eu occasion d’y voir à différentes fois
« le sieur Noyer du* Sauvage'; que même ledit sieur
«c d u S a u v a g e lui a dit souvent dans la conversation que
« si m a d a m e de F é n y , son épouse , n’irvoit cir des liaia sons avec le nommé Guines, il se seroit peut-être déoc cidê à fa ire du bien à A n na . »•
C e témoin ajoute « qu’il a vu Annci dans la maison
�( 23 }
« de madame de Mariolles ; qu’il l’a constamment en« tendu nommer A n n a , sans autre dénomination;
« Que ladite Anna appeloit madame de Mariolles sa
« tante, et madame de V én y du Sauvage sa mère ;
« Qu’à l’égard du sieur du Sauvage, il ne lui a jamaisr
% dit qu’Anna fût la fille de sa femme ; que quant à
o lui déposant, il est bien persuadé qu’Anna est la fille
« de la dame de Vény., femme du Sauvage; qu’il est
« d’autant plus fondé à le cro ire, que c’étoit là Popi« nion publique , et qiûuinna lu i ressemblait singu« lièremenl. »
i
Sur une interpellation qui lui est faite, le témoin
répond
«
«
«
«
ce
«
a
-
« Que le sieur du Sauvage ne lu i a pas dit préciser
ment qu’il crût Anna fille de sa femme ; que néanmoins il présume qu’il le savoit, parce que, malgré
le soin que l’on prenoit pour empêcher Anna de se
rencontrer avec le sieur du Sauvage , il rtavoit pas
laissé que, de la voir quelquefois, et ri*avoit pu fa ir e
autrement que de lu i trouver une parfaite ressens
blance avec la dame de V é n y , son épouse, »
L e sieur du Sauvage a vu Anna.
Il a du nécessairement remarquer sa parfaite ressen>
blance avec la dame de V ény.
Il a dû par conséquent la reconnoitre pour la fille de
son épouse.
Il l’a dû à cause de la ressemblance;
• Il l’a dû parce que Vopinion publique la désignoit
comme telle.
Il l’a reconnue, en effet, comme née de la dame V én y7
�.
(
2
4
)
puisqu’il a témoigné l’intérêt que lui inspiroit A nna,
puisqu’il a déclaré que sans les liaisons de son épouse avec
G uines, il se serait décidé à ¿faire du bien à A n na .
Par quelle fatalité cet intérêt touchant que lui ins
piroit la jeune fille a-t-il disparu ?
A h ! qu’il la voie aujourd’hui que les grâces brillantes
de la jeunesse ont embelli encore sa personne ; aujour
d’hui qu’une éducation soignée a développé ses vertus
et sa raison!
Qu’il la voie et'qu’il l’entende, et il sentira renaître
l’intérêt qu’elle lui inspira ;
E t son cœur désavouera une action cruelle ;
E t il retrouvera une fille qui sera la consolation de
sa vieillesse, et qui fera disparoître l’abandon qui menace
ses derniers jours.
Mais s’il faut que la loi prononce dans cette affligeante
cause, quelle plus grande réunion de preuves pourroiton désirer pour démontrer que plus de deux mois avant
le désaveu, le sieur du Sauvage a vu la jeune du Sauvage,
et qu’il l’a reconnue pour être la Jille de sa fem m e.
D ’un cô té, il a su , dès les premières années de son re
tour , que sa femme n’étoit pas divorcée. Plusieurs té
moins attestent qu’il la considéroit comme étant encore
son épouse; l’un d’eu x , le huitièm e, dit même qu’il se
proposoit de demander le divorce contr’elle ; fait im
portant dans cette cause, où le sieur du Sauvage allègue
comme un moyen puissant en sa faveur, qu’il croyoit
que depuis long-temps il existoit un divorce entre sa
femme et lui.
de
�( a 5 )
D e l’autre côté, il a connu Anne-Françoise du Sau
vage dès i 8o 5 , et même antérieurement;
Il a su qu’elle étoit la fille de sa femme;
Des témoins lui en ont parlé comme si elle étoit sa
propre fille ;
Lui-même en a parlé comme de la fille de son épouse.
Ainsi le fait principal, fixé par l’arrêt interlocutoire,
a été prouvé sans la moindre équivoque.
Quant au nom que l’on donnoit ordinairement à la
jeune fille, il est vrai que plusieurs témoins déclarent
qu’on la nommoit le plus souvent A n n a , sans autre dé
nomination.
Mais cela n’empêchoit pas qu’elle ne fût connue comme
la fille de madame du Sauvage, que l'opinion publique
ne la considérât comme telle, que les tribunaux même
ne la désignassent sous le nom de du Sauvage dans leurs
jugemens.
Si d’ailleurs on la nommoit ordinairement A n n a , c’est
par un usage admis depuis un siècle dans toutes les classes
aisées, où les jeunes personnes reçoivent un nom de fan
taisie , par lequel on les appelle toujours ; le nom de
famille n’est jamais em ployé, ou ne l’est que par inad
vertance , tant devient forte l’habitude de se servir du
prénom ou du surnom qu’on est convenu d’employer.
Quelques tém oins, et notamment les sixième et sep
tième , remarquent aussi que dans la maison même de
madame de M ariolles, la jeune demoiselle étoit quelque
fois appelée du nom de du Sauvage, soit par les per
sonnes de la maison, soit par la dame de M ariolles, par
inadvertance, si l’on veut, mais par une inadvertance
4
�( *6 )
qui prouve qu’on la regardoit comme un enfant du
Sauvage.
L e septième témoin ( le sieur Esmelin ) atteste même
que ce n’est que depuis cinq ans qu’il l’a entendu ap
peler seulement A n n a , et qu’antérieurement on l’avoit
toujours nommée du Sauvage.
« Il ajoute qu’à une époque où il ne la connoissoit pas
sous le nom d’A n n a , mais seulement sous celui de du
Sauvage, il parla an sieur du Sauvage de cette jeune
fille, qu’il croyoit être vraiment la sienne,
* Il en parla donc nécessairement en la nommant du
Sauvage; il apprit donc au sieur du Sauvage que la
jeune fille portoit son nom.
A in si, l’on peut dire que le second fait interloqué a
été également prouvé.
O n a remarqué dans îe mémoire du sieur du Sauvage,,
que pour le troisième fait interloqué, l’appelanten’avoit
fait entendre aucuns témoins.
Gela est v ra i, peut-être parce que ce fait paroissoit
peu important, d’après la preuve des autres.
Ce n’est pas qu’il n’eût été facile de prouver que dans
la pension m êm e, la jeune demoiselle étoit connue des
autres élèves sous le nom de du S a u v a g e.
Elle eût pu appeler en témoignage de ce fait plusieurs
daines de cette ville m êm e, les dames de Roclievert, de
R ignud, de Sam pigny-d’Isoncourt, les demoiselles du
V ivet,D u corail.
Ces jeunes dames se seroient sans doute souvenues de la
plaisanterie innocente qu’elles se pcrmeltoient à l’égard
de leur compagne, qu’elles appcloient quelquefois la
Sauvage.
�( =7 )
.
Mais qu’importe que ce fait secondaire ait été ou non
prouvé !
Qu’importe que les témoins entendus n’aient pas su
\tout ce qu’on leur demandoit, ou qu’ils ne se soient pas
rappelé tout ce qu’ils avoient su !
Qu’importeroit même que l’enquête ne fût pas rigou
reusement conforme à la lettre de l’interlocutoire, si elle
est conforme à la lettre de la loi !
L e système du sieur du Sauvage est de dire qu’on lui
a caché la naissance de l’enfant.
Que falloit-il donc p rouver, d’après l’article 316 du
Code ? '
Il falloit prouver que plus de deux mois avant son
action, il avoit découvert la fraude;
Qu’il avoit connu l’existence de la jeune fille;
Qu’il avoit su qu’elle étoit l’enfant de sa femme.
Ces faits ont été prouvés.
Ce que le sieur du Sauvage avoit intérêt h connoître,
il l’a connu plus de cinq ans même avant sa demande.
Ce long retard est aujourd’hui pour lui un obstacle
insurmontable.
La loi est claire;
La loi est formelle :
Elle ne peut se prêter à aucune équivoque, à aucune
interprétation.
Toute interprétation d’ailleurs, si elle en étoit sus
ceptible , devroit être faite en faveur de la foiblesse et
de l’innocence.
Et pour nous servir des expressions éloquentes du
tribun D uveyrier, le sieur du Sauvage, par le silence
4*
�qu’il a gard é, est raisonnablement supposé n'avoir pas
reçu d’offense, ou Vavoir par donnée ; et dans tous les
c a s, la loi y comme la raison , préfère le pardon à la
vengeance.
x
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
U action est-elle fondée ?
Cette question se résout par les termes de l’art. 312
du Code N apoléon, comparés aux preuves que rapporte
le sieur du Sauvage.
V oici comment est conçu l’article r
« L ’enfant conçu pendant le mariage a pour père le
« mari.
« Néanmoins celui-ci pourra désavouer l’enfant, s’il
« prouve que pendant le temps qui a couru depuis le
« trois centième jusqu’au cent quatre-vingtième jour
« avant la naissance de cet enfant, il é to it, soit pour
« cause d’éloignement, soit par l’effet de quelque acci« d en t, dans /’impossibilité physique de cohabiter avec
« sa femme. »
L e premier paragraphe de l’article pose la règle.
« L ’enfant conçu pendant le mariage a pour père le
« m ari ; pater is est quem nuptiœ demonstrant. »
L e second paragraphe établit l’exception.
Cette exception n’est admise que lorsqu’il y a eu im
possibilité physique de cohabitation entre le mari et la
femme.
Im possibilité physique : ces expressions sont de la
plus grande force comme de la plus grande précision.
�( *9 )
Elles renferment le résumé de la plus saine doctrine
de l’ancien droit sur cette matière.
L ’impossibilité physique, autrefois comme à présent,
étoit impérieusement exigée pour détruire la règle im
portante, pater is est, etc.
Ecoutons le langage d’un illustre orateur, l’honneur
de la magistrature, dans une cause où une foule de
circonstances, en démontrant l’adultère de l’épouse, sembloient autoriser le mari à désavouer l’enfant né depuis
des liaisons criminelles.
M . Daguesseau rappelle la définition de l’enfant lé
gitime , qu’il puise dans la loi 6 , ff. D e his qui su i
vel alieni juris sunt. Et il ajoute :
« Il n’y a donc que deux preuves contraires, qui
« puissent être opposées à une présomption aussi fayo
te rable.
« La longue absence du mari est la première ; et
« même nous pouvons ajouter, conformément.à l’esprit
« de la l o i, qu’il faut que cette absence soit certaine et
« continuelle.
« L ’impuissance, ou perpétuelle ou passagère, est la
« seconde : la loi n’en reconnoît pas d’autres. »
O r, quelles preuves le sieur du Sauvage rapporte-t-il
de rimpossibilité physique d’un instant de réunion entre
lui et son épouse; c’est-à-dire, d’une longue absence ,
qu’il prétend être certaine et continuelle?
Son inscription sur la liste des ém igrés;
Des arrêtés administatifs de brumaire et de frimaire
an 3 ;
Un jugement de messidor an 4,
�c 3° )
So7i inscription sur la liste des émigrés !
Est-ce là une preuve irréfragable de son absence?
Ne sait-on pas que des milliers de Français ont été
inscrits sur ces dangereuses listes, sans avoir jamais quitté
le sol de la France?
Ne sait-on pas avec quelle légèreté, quelle imprudence,
quelle facilité, dans ces temps de désordres, on signaloit
comme émigrés, par ces listes fatales, ceux qui ne s’étoient
absentés que momentanément même du lieu habituel
de leur résidence?
Ne sait-on pas enfin que pour éviter les dangereux
effets de l’erreur ou de la malveillance, les malheureux
proscrits, obligés de se cacher dans une retraite profonde,
n’y voyoient que leurs parens, leurs amis les plus proches?
Sera-ce dans ces jours ténébreux de nos dissensions
civiles, qu’on ira chercherla lumière propre à nous éclairer
sur la certitude, la continuité de l’absence du sieur du
Sauvage?
D e s arrêtés administratifs de brum aire, de frim aire
an 3 /
Mais ces arrêtés, conséquence nécessaire de l’inscription
sur la liste des émigrés, ces arrêtés sollicités pour pré
venir la vente totale des biens du présumé ém igré, ne
sauraient être une preuve eux-mêmes, tant qu’on ne
démontrera pas , par des preuves physiques, la réalité
et la continuité de l’absence.
A u reste, ces actes administratifs ont eu lieu au com
mencement de l’an 3; et comment prouveroient-ils que
le sieur du Sauvage a été aussi absent en l’an 4 , pen
dant cette année 4, où, les proscrits se pressoient en foule
�'(3 0
de rentrer dans une patrie q u i, devenue plus douce pour
eu x, n’attentoit plus à leur vie, pourvu qu’ils ne com
missent aucune imprudence, et qu’ils employassent quel
ques déguisemens.
O r, la naissance d’Anne-Françoise du Sauvage est de
la lin de l’an 4 , du 19 fructidor.
Un jugement de messidor an 4 /
Ce jugement n’est pas rapporté ; il n’a jamais été pro
duit : on s’étonne qu’il ait été invoqué comme preuve.
D e liis quœ noii sunt 2>el quœ non apparent idem ju diciurn.
A u reste, quand il seroit vrai que dans le jugement
le sieur du Sauvage est qualifié d’’émigré ou réputé émi
gré (1), cette qualification seroit-elle une preuve physique
de son absence, soit antérieurement, soit même à cette
époque?
Ne sait-on pas que tant que l ’inscription subsistoit,
l’inscrit ne pouvoit être désigné par les autorités admi
nistratives et judiciaires que comme émigré ou réputé
émigré.
D e tels indices ne sauroient être suffisans pour dé
montrer une absence longue, certaine et continuelle ;
Ils ne fourniroient que des présomptions d’absence.
O r , la loi n’admet pas l’arbitraire des présomptions,
en matière aussi grave.
Ce n est pas sur des présomptions que des magistrats
se décideront à livrer à l’infortune et à la honte la vie
entière d’un être innocent.
(1) Voyez page 6 du mémoire du sieur du Sauvage.
y'
�( 32 )
Il
faut des preuves de Pim-possibilité physique d’une
réunion même momentanée.
'
Mais que doit-on entendre par ces mots : L'im possi
bilité physique ?
Ecoutons le tribun Duveyrier.
« L ’impossibilité physique est absolue; elle tient toute
« sa force d’elle-même : c'est un fa it matériel et cons« t ant, qui n admet aucune autre supposition. »
Cet orateur ajoute plus bas :
a L ’impossibilité physique ne peut exister que par deux
« causes, l’absence, et l’impuissance accidentelle du mari.
« I c i, les anciens principes, conformes à la raison et
ff à l’équité , ne souffrent aucune altération. Il faut que
a l’absence soit constante, continue, et de telle nature
« que dans l’intervalle de temps donné à la possibilité de
« la conception, c’est-à-dire, dans l’intervalle de cent
« vingt jours, qui s’écoule entre le cent quatre-vingtième
« et le trois centième jour avant la naissance de l’enfant,
« Pesprit humain ne puisse concevoir la possibilité
« d'un seul instant de réunion entre les deux époux. »
• O r , L e sieur du Sauvage démontre-4 -il que l’esprit
ne peut concevoir la possibilité d’un seul instant de réu
nion enti’e son épouse et lui ?
Et la jeune infortunée dont on attaque l’état, n’at-elle pas le droit de dire
Q u’il est possible que le sieur du Sauvage ne fût pas
absent du territoire Français, en l’an 4 ;
Qu’il est possible, s’il avoit fui le sol français antérieu
rement , qu’il y fût rentré à une époque où tant d’émigrés
B’empresçoieat de profiler d’un teixips de calme et de tolé
rance f
�( 33 )
rance, pour revoir une patrie, objet de leurs souvenirs
et de leurs regrets ;
r Qu’il est possible qu’alors il se soit réuni à une épouse
près de laquelle ses affections comme ses devoirs semb loien tle rappeler;
•: Q u’il est possible m êm e, si le sieur du Sauvage n’étoit pas rentré en France, que cette épouse fût allée ellemême dans les contrées voisines, résider quelques temps
auprès d’un époux qui n’avoit alors à lui reprocher au
cunes liaisons avec Guines.
Ces possibilités sont dans l’ordre naturel.
• A insi', tant qu’elles ne seront pas détruites par une
preuve aussi claire que positive, le sieur du Sauvage
ne peut pas se placer dans le cas de Vimpossibilité phy
sique e x ig é e p a r l’article 312.
C e tte ’preuve n’est pas fa ite ;
u
;Cette preuve n’est pas même offerte.
Comment donc le sieur du Sauvage p o u rro it-il se
croire fondé-dans son action en désaveu?
On le v o it, des moyens puissans s’élèvent contre cette
action.
. :\\i
r
.
La loi protège une fille innocente ;
E lle ne permet pas d’accueillir la demande, tant qu’il
ne sera pas prouvé qu’il y a eu impossibilité physique
de cohabitation entre les deux époux.
Cette preuve même seroit insignifiante aujourd’h ui,
et elle n’empêclieroit pas qu’on ne dût rejeter une de
mande tardive, une demande formée plusieurs années
seulement après l’époque où Inexistence de l’enfant étoit
parvenue a la coimoissance du m an. iL! r :
�Mais qu’il est affligeant, pour la jeune du Sauvage,
d’être obligée d’invoquer la loi pour sa défense !
Q u’il lui seroit doux de devoir son salut au cœur seul
du père qu’elle réclame !
Par le long silence qu’il a gardé , le sieur du Sauvage
est présumé, ou n'avoir pas reçu d'offense, ou l'a voir
pardonnée.
S’il croit avoir reçu une offense, n’est-elle pas expiée
par les malheurs dont sa triste épouse est accablée depuis
long-temps ?
Qu’il ne révoque pas un pardon généreux!
Qu’il permette à une jeune infortunée de se jeter à
ses pieds, et de lui demander grâce pour sa m ère, grâce
pour elle-même !
Q u’il la reconnoisse pour son enfant ! et il trouvera en
elle une fille tendre et soumise, une fille dont les soins
touchans le consoleront, dont les vertus l’honoreront,
et qui répandra dans son âme le calme , la sérénité,
le bonheur que ne connut jamais l’homme isolé.
M e. A L L E M A N D , avocat.
M e. G A R R O N jeune, avoué licencié
A R IO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour impériale,
rue des Taules, maison L amdriot. — A vril 1813 ~
et libraire
�
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Factums Godemel
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Anne. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Garron
Subject
The topic of the resource
émigrés
reconnaissance de paternité
tutelle
divorces
témoins
conseils de famille
absence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Anne-Françoise Noyer du Sauvage, mineure, habitante de la ville de Clermont, et Maître Garron, licencié-avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans ; contre sieur Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire, habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire, intimé ; en présence du sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Alleyrat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
Table Godemel : Tutelle : la délibération du conseil de famille portant nomination d’un tuteur n’est pas nulle pour avoir été prise par un conseil composé uniquement de parents maternels, surtout, dans la circonstance où la nomination du tuteur a eu lieu à la diligence du mari, à l’effet de former contre les enfants de sa femme une demande en désaveu.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1791-1813
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2216
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0617
BCU_Factums_G2215
BCU_Factums_G2220
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Clermont-Ferrand (63113)
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Domaine public
absence
conseils de famille
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
tutelle
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ebdc1e349080ed6853f23b928912a843
PDF Text
Text
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IV
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COUR
ME MOI RE
I MPÉRI ALE
DE R I O M .
;
POUR
M. J
e a n
- C harles NOYER
D U S A U V A G E ,J
C h a m b r e s r é u n ie !]
propriétaire, habitant de la ville du Monastier,
département de la H a u te - L o i r e , intimé;
CONTRE
A
nne
-F
rançoise
se disant N O Y E R
D U
9«—xi*^
S A U V A G E , mineure, M . e G A R R O N , avoué
en La C o u r , son curateur ad hoc , appelans d 'u n
jugem ent du tribunal civil du P u y , du 3 o août 1 8 1 0 ;
E t le sieur H o n oré D E B R U S , notaire impérial,
habitant du lieu d 'A lla ira t, commune de Sallette,
défendeur en assistance de cause.
Q U E S T I O N
DÉSAVEU
U
n
D’ E T A T ,
DE PA T E R N ITÉ .
époux infortuné, blessé dans ce qu’il a de plus
cher, se voit obligé de faire au public le récit de ses
malheurs.
*'*'*
~ ,
i
�Dans quelle position cruelle, dans quel embarras se
trouve le sieur Noyer du Sauvage? Comment pourrat-il s’exprimer avec décence sur un sujet aussi vil ?
Il voudrait conserver celte dignité qui convient à la
C o u r ; il craint tout à la fois de parler et de se taire;
mais le silence serail trop dangereux : il lui importe de
dévoiler un mystère d’iniquité, qui a mis le comble
à ses maux.
A bsent, proscrit, dépouillé de ses biens, au moment
où il retrouve une patrie, il apprend que son épouse
s’est livrée, pendant son absence, aux désordres les
p l u s criminels, à tout ce que la débauche et la crapule
peuvent présenter de plus lionleux el de plus avilissant.
Cette femme adultère, en proie aux passions les plus
effrénées, ignoble dans ses caprices, dépravée dans ses
goûls, a lié son sort à celui d’ un vil scélérat qui a
trouvé sur l’échafaud la peine de ses crimes.
Elle est devenue mère : quatre enfans sont nés pen
dant l’émigralion du mari, et ces naissances lui oui été
Caillées avec soin.
On lui avait annoncé que cette femme criminelle et
déliontée avait
fait prononcer son divorce ; celle
démarche tendait à diminuer ses peines : au moins
n ’avait-il plus rien de commun avec cet être dégradé
el corrompu.
Mais quel a été son désespoir, lorsque plus éclairé
sur ses malheurs, il a élé convaincu q u ’il n’existait
aucune trace de ce divorce sur les registres publics!
Bientôt il est instruit que quatre euians, nés d un coin-
�( 3 )
merce scandaleux, prétendaient s’élever jusqu’à lui
et se faire reconnaître comme nés de son mariage.
Saisi d’horreur et d ’effroi à cette nouvelle, il s’informe
avec soin, dans la ville qu ’il habite, aux environs, s’il
existe des traces de ces différentes naissances. A force
de recherches, il découvre que cette femme a accou
ché d’un premier enfant à Clermont, et de trois en
la ville de Tournai.
Il oblient les extraits de naissance , et s’empresse
d’user du moyen que lui donne la loi : il désavoue la
paternité.
Il réussit au tribunal du P u y ; le désaveu est accueilli ;
ces enfans de ténèbres, fruits de l’incontinence et du
crime, rentrent dans le néant : il leur est fait défense
de porter un nom auquel ils ne doivent pas prétendre.
Trois d’entr’eux ont eu assez de pudeur pour res
pecter cette décision. L e jugement est aujourd’hui inat
taquable. Une seule, Anne-Françoise, a eu l’audace
d ’interjeter appel en la Cou r, ou plutôt on l’a fait en
son n o m , sans respect pour la morale publique.
L a mère, au moins, n’a pas élevé la voix; accablée
de tous les maux qui sont la suite de la débauche , elle
a fait offrir, sur son lit de douleur, une déclaration qui
put venir au secours d’un époux offensé. L e sieur du
Sauvage a refusé lout ce qui pouvait le rapprocher
de cette senline dégoûtante; il est assez fort de ses
moyens. On n’a jamais prétendu qu5A nne-Francoise
lui appartînt, 011 ne se défend que par des fins de nonrçcevoir; 011 soutient que son désaveu n’a pas été fait
�dans le délai prescrit. On a offert de prouver qu’il con^
naissait l’existence de cet enfant; qu’il était instruit
qu’elle portait son nom depuis long-tems.
Ces assertions audacieuses ont donné lieu à un arrêt
interlocutoire; des enquêtes respectives ont élé faites;
on en examinera le mérite, lorsqu’on aura fait connaîire les faits et les circonstances particulières de la
cause.
F A I T S .
L e sieur N oy e r du Sauvage eut le malheur d’é
pouser la demoiselle Anne-Françoise de V é n y , le 9 jan
vier 1782. Les conventions matrimoniales sont fort
indifférentes dans la cause; cependant il n’est pas inu
tile d’observer que le mari reçut le pouvoir de vendre
et aliéner les biens de sa femme à la charge du rem
ploi en fonds cprtains.
La révolution arriva. L e sieur du Sauvage n’avait
rien à regretter dans son intérieur; il part en 1791.
L e 9 thermidor an 2 , son nom est insciil sur la
liste des émigrés; mais déjà sa femme n ’avait pas
l a i s s é ignorer l’absence de son mari; car on voit que
dès 1 7 9 2 , et ensuite, le 4 mai 1793, elle a présenté
une pétition au directoire du département de la HauleL o i r e , pour obtenir une pension, en sa qualité de
femme du sieur du Sauvage réputé émigré.
C ’est dans le moment le plus orageux, où le gou
vernement d’alors prenait les mesures les plus san
glantes contre ceux qui avaient quitté le sol français,
�( 5 )
que la dame du Sauvage vient elle-même publier
l ’émigralion de son mari!
'<
Elle avait cependant sous les yeux de grands exem
ples! hommage et respect à ces épouses vertueuses
dont le dévouement généreux, le courage éclatant a
sauvé lli o n n e u r , la fortune et la vie de leurs époux!
qui de nous n’a pas été témoin de ces actes d ’hé
roïsme, dans un sexe faible et tim ide, qui bravait
la misère, les supplices et la m o rt , par un attache
ment sans bornes à ses devoirs.
Mais pourquoi rappeler des souvenirs aiïligeans ,
qui feraient verser des larmes sur le sort de ces tendres
victimes! L e sieur du Sauvage n’a-t-il pas assez de
ses peines, et doit-il les aggraver par un contraste aussi
choquant?
Il lui reste encore trop de choses à exprimer; il doit
dir e, en reprenant sa narration, qu ’en l’ an 3, ses c o
héritiers se virent obligés de faire le partage de leurs
biens indivis avec la nation; et que la portion qui lui
revenait fut vendue nationalement.
Dans le mois de messidor de la même année 3 ,
la dame de V é n y , prenant la qualité de femme de
l émigré du Sauvage, attaqua en désistement des tiers
détenteurs qui avaient acquis de son mari des immeu
bles propres à la fe mme, en vertu du pouvoir qu ’elle
lui avait donné par son c o n t r a t de mariage.
Celle demande donna lieu à une discussion sérieuse
qui fut terminée par un jugement du liibunal civil
de Xliom, du 24 messidor an 4 ; on lit dans les faits
�*
•
( S )
insérés au ju g e m e n t , que Jean - Charles du Sau
vage était émigré , et que dès le 17 novembre 1 7 9 2 ,
la dame de V é n y avait présenté une pétition aux
autorités administratives de la Haute-Loire, et obtenu
une provision de 2,000 francs.
Il est souvent question dans ce jugement du sieur
du Sauvage, et toujours avec la qualification d'émi
gré ou réputé émigré.
On doit donc tenir pour constant que le sieur du
Sauvage était absent depuis 1791 : qu ’en 1 7 9 2 , il est
dénoncé comme émigré par sa femme elle-même,
d ’après son indiscrète pétition ; el que le sieur du Sau
vage était encore émigré en l’an 4 , le 24 messidor.
Cette observation ne laisse pas d’être importante
pour les faits qui vont suivre ; car c'est le 19 fructidor
qu’est née A n n e-F ra n ço ise ; et il est curieux de
connaître son acte de naissance 5 on, va le rapporter
fidèlement.
« Aujourd’h u i , 4-e jour complémentaire an 4 , a
« comparu en la maison c o m m u n e , et par-devant
« m o i , officier public soussigné, Charles Blancheton,
«■officier de santé, habitant de cette commune de
« Clermont-Ferrand , qui m’a déclaré, en présence de
« Benoite G u ittard , femme d ’Anguslin R a y m o n d ,
« instituteur, et de Mugdeleine Jouberton, fille de
a L a u re n t, cultivateur, toutes deux majeures, non
« parentes de l’enfant, qu’il a accouché clans la maison
« de lui Blancheton , déclarant, le 19 fructidor der« m er, à trois heures après midi, A n n e T^ém/y épouse
�( 7 )
« de Cliarles-A ugusïin Sauvage, propriétaire, habitant
« ordinairement de la commune de Mouastier, dépar
te tement de la Haute-Loire,
actuellement absent
,
v d’une fille qui m ’a été représentée, et à laquelle
« il a été donné le prénom d’Anne-Françoise^ de tout
« quoi j’ai dressé, etc.»
Voilà donc cette femme V é n y obligée de cacher sa
honte dans une maison de santé destinée à recevoir ces
viles créatures, pour y déposer les fruits de leur incontinence.
La femme V é n y est abandonnée, séquestrée de toute
sa famille, et n’a d’autre ressource que d’aller accou
cher chez un chirurgien; elle a encore assez de
pour ne pas présenter sa fille comme l’enfant
époux; on se garde encore bien de la qualifier
légitime; l ’acte de naissance prouve, constate
pudeur
de son
de fille
même
que le mari était absent. Ainsi il ne peut résulter de
cet acte aucune possession d’état en faveur à 'A n n e Françoise.
La femme V é n y ne quille la maison de santé que
pour se livre ra de nouveaux desoídles; elle fait con
naissance avec un avenliuier, connu sous le nom de
Guine%, et bien loi elle devient féconde; liois actes de
naissance ont élé délivrés au sieur du Sauvage; il est
encore imporlanl de les faire connaître.
L e premier esl du 2 genjiinal an 6 , devant un sieur
Bonnet, membre de radminislration municipale de la
ville de Tournai. Ce même jour, comparaît Jean-Baptisle .Baigne!, accoucheur , domicilié en la même ville,
�section Egalité, « lequel, assisté de Louis Guine%, apo« thicaire, et de Pierre François, officier de santé,
« a déclaré en Cabsence de Chartes- Joseph Guine%}
« absen t pour ses a ÿ a ire s, qu A n n e V é n y , son épouse,
« en légitime m ariage, est accouchée aujourd liui æ
« trois heures du m a l i n , en son domicile, rue du
« C y g n e , d’un e n f a n t femelle, que lui, Jean-Baptisle
« Baignet m’a présenté, et auquel il a donné les prê
te noms de Louise-Antoinette-Joseph ».
L e second est du 23 germinal an 7 , devant Mazure,
officier de l’état civil de la même ville de Tournai. C ’est
Guinez lui-même q u i , assisté de deux témoins,
a
« déclaré qu’Anne-Francoise V é n y esl accouchée hier,
« à onze heures du soir, d ’un enfant m âle, qu’il m’a
« présenté, et auqueliladonné les prénoms de Charles« Isidore, le p è r e et les témoins ont signé, etc. »
L e troisième acte de naissance est ainsi conçu : « Du.
« 6 pluviôse an 11 , acte de naissance de Ju lie Guine%,
« née le 24 brumaire dernier, vers onze heures du
« soir, fille de Charles-Joseph , rentier, domicilié rue
« du Château , et d'A n n e V én y , non m ariés, ainsi que
« l’a d é c la r é , en l ’absence du p ère , Jean -B ap tiste
« Baignet, autre Jean-Baptisfe Baignet, accoucheur;
« le sexe de l’enfant
\ a été reconnu être féminin,' etc. »
L e sieur du Sauvage, comme on peut le penser,
n’avait aucune connaissance de ces laits; il obtient une
surveillance sur la lin de l ’an 9, et revient au lieu de
sa naissance ; mais il ne fut amnistié , en vertu du sénat 11sconsulle du 6 iloréal an 10, que le 8 pluviôse an 1 1* On
se
�( 9 )
se doute bien qu’ une femme coupable n ’a pas osé se
présenter à son époux ; ses parens ou ses amis igno
raient même le lieu de sa résidence; mais on le ras
sure : on lui atteste qu’elle a fait prononcer son divorce
pendant l’émigralion, et que ce divorce a été transcrit
sur les registres publics.
Il reste dans la plus profonde sécurité, voulant sur
tout oublier qu’il fut époux, dès qu’il n'avait plus le
bonheur d’être père : il avait en effet perdu, depuis
long-iems, les deux enfans provenus de son mariage.
Plusieurs années se passent dans cet état de calme,
si nécessaire à un infortuné, qui avait traversé avec
tant de sollicitude et de crainte le tems orageux de la
révolution.
Mais bientôt sa tranquillité est troublée; il n ’entend
d’abord que des propos vagues, qui semblaient le con
cerner, mais qui ne lui étaient pas adressés directement.
Son inquiétude augmente; ilapprend enfin qu’i l n ’existe
pas sur les registres de Iraces du divorce de sa femm e;
qu ’elle a vécu dans le libertinage le plus crapuleux,
et qu’elle a donné le jour à plusieurs enfans. 11 sent
combien il est important pour lui de découvrir ce mys
tère d’iniquité; il veut suivre les traces de la femme
V é n y ; toutes recherches sont i n f r u c t u e u s e s dans le lieu
de son domicile, comme dans les villes voisines; le
hasard lui fait découvrir que la femme V é n y a fait un
long séjour dans la ville de Tournai; il écrit aux auto
rités de celle ville; et le 1 3 mai 1809, il reçoit de l’ad-
joinl de .la mairie de Tournai les trois actes de nais—
3
�V*
( IO )
sance duement en fo r m e , et légalisés, dont on vient
de rendre compte.
Ce n’est pas tout : il est aussi informé qu’il existe
à Clermont un premier enfant, dont on lui a caché la
naissance ; il se fait délivrer l’acte de naissance d 'A n n eFrançoise, qci’on a rapporté en première ligne.
Il prend sur-le-champ son parti. L e i 5 juin 1809)
il fait notifier un acte extrajudiciaire aux quatre enfans
mineurs, et à la femme Vény. Il y expose qu’il a nou
vellement découvert que les liens qui l’avaient uni
avec cette dernière n’avaient pas été légalement rom
pus, ainsi qu’il aurait dû le croire d’après la publicité
et la nature des liaisons q u ’elle avait eues pendant
l’émigralion de son mari; il se réserve de se pourvoir
contr’elle par les voies de droit.
Il ajoute que ne voulant pas laisser dans sa famille
des enfans étrangers, il entend former l'action en dé
saveu de paternité contre ces quatre enfans; il expose
qu’il lui sera facile de prouver que non-seulement il
était, pour cause d’éloignement, dans l’impossibilité
physique de cohabiter avec sa femme pendant le tems
déterminé par l’article 3 12. du Code Napoléon, mais
encore pendant plusieurs années avant ; enfin , parce
qu ’à l’époque de la naissance de ces enfans, et avant, la
femme V é n y vivait publiquement avec tout autre, ce
qui est établi par les actes de naissance, el ce qui le
serait au besoin par d’autres preuves non équivoques.
Il déclare que pour défendre à cette demande en
désaveu de paternité, il se propose de faire nommer
�4 ai
( ”
)
un tuteur aux enfans, en présence de leur mère, et
qu’il va se retirer par-devant le juge de paix de son
domicile, qui doit être, aux termes de l'article 108 du
Code Napo léon, celui de la mère et des enfans.
4 juillet 1809, cédule du juge de paix, pour con
voquer le conseil de famille. L e sieur du Sauvage a
soin d’observer que ses parens ne doivent pas être con
voqués à raison de la nature de sa d em a n d e, et il
indique huit p a r e i l s maternels, habitant tous le dépar
tement du Pu y-d e-D ôm e.
Alors le juge de paix , attendu l’éloignement, et que
le cas requiert célérité, ordonne que huit personnes
par lui indiquées comme voisins ou connus pour avoir
eu des liaisons d’amitié avec la femme V é n y , seront
appelées pour comparaître le lendemain devant l u i ,
à l ’effet de délibérer sur le choix et nomination d’ un
tuteur a d hoc aux quatre enfans mineurs.
L e lendemain, les personnes indiquées par le juge
de paix comparaissent devant l u i , en vertu de sa
cédule et de l’assignation de la veille; le sieur Debrus,
notaire, est nommé tuteur a d hoc aux enfans, et en
accepte la charge.
lie 7 juillet , demande en désaveu de paternité
des quatre enfans, devant le tribunal civil du P u y ,
contre le sieur Debrus, en sa qualité de tuteur. L e
sieur Noyer du Sauvage conclut à ce qu’il soit fait
defense à ces quatre individus de se dire et de prendre
la qualité de ses enfans, aux peines de droit.
4
�( 12 )
Le
ii
juillet, même assignation, et demande ré
pétée contre la femme V é n y.
La femme V é n y ne comparut pas: le tuteur seul
constitua avoué , ce qui donna lieu à un jugement
de jonction contre la femme V é n y , en date du 10
avril 1810.
Il s'éleva quelques discussions sur l’irrégularité de
la procédure; mais le 3 o avril
1 8 1 0 , il fut rendu
un jugement, par lequel le tribunal « Considérant
qu’il résulte des actes de naissance d’Anne-Françoise
Sauvage, Louise-Antoinetle, Joseph Guinez, CharlesIsidore G u in ez, et Julie Guinez, qu’ils sont nés dans
des communes éloignées du domicile du sieur du
Sauvage, en l’absence du sieur du Sauvage , et pen
dant son émigration ;
« Que depuis son retour, Anne V é n y et ses enfans
n ’ont pas cohabité avec lui ;
« Q u ’il parait que le sieur Noyer du Sauvage n’a eu
légalement connaissance de l’existence des enfans de
son épouse que par l’extrait des actes de naissance qui
lui ont été délivrés à Tournai et à Clerm on t, aux mois
de mai et de juin 1809; que sa demande en désaveu
a été formée dans les délais et en observant les formes
prescrites par les articles 3 r 6 et 3 18 du Code Napoléon ;
« Considérant, au fond, qu’il n’est pas disconvenu
que le demandeur fut absent du domicile conjugal, et
n’eût aucun rapport avec sa femme plusieurs années
avant lu naissance de ces enfans; qu’il est même de no
toriété publique que, vers la fin de l’année 1 7 9 3 , la
�( i3 )
femme V é n y avait f a i t , à raison de l'émigration de
son m ari, une déclaration de divorce en la maison com
mune du P a y ‘
« Q u ’on lui a donné, dans le premier des actes
de naissance, le titre de femme légitime de CharlesAugustin Sauvage, ce qui n’est pas le nom du deman
deu r; que dans les autres, on lui a donné le nom de
femme légitime de Charles-Joseph Guinez; qu’aucun
de ces enJans ne peut réclamer ainsi ni son acte de
naissance, ni la possession d'état pour se dire enfant
de Jean-Charles du Noyer du Sauvage ;
« Considérant q u ’à défaut - d’acte de naissance
pour prouver leur filiation avec le demandeur, on
n ’établit pas la possession constante de Tétat d ’enfant
légitime; qu ’on n’offre pas môme de prouver que le
demandeur ail reconnu cesenfans; qu’il lésait jamais
traitéscomme les siens; qu’il eût pourvu en cette qualité
à leur éducation, entretien ou établissement ; ni même
qu’ils aient jamais été reconnus dans la société ou dans
sa famille pour ses enfans;
« Considérant
q u ’il ne peut y avoii» lieu à faire
transcrire le jugement qui prononce sur le désaveu
des enfans, en marge des regislies de l’étal civil,
que lorsqu’ils sont inscrits sous le nom du père qui
les désavoue; que leur acte de naissance les aililie à
une famille qui n’esl pas la leur; et qu’aucun des enfans ne sont inscrits sur les registres, comme enfans
de Jean-Charles du N o y e r ;
« Par ces motifs, statuant sur la demande en désa
�( i4 )
ve u de Jean-Charles du Noyer du Sauvage, donne
défaut conlre la dame V é n y comparante, et demeu
rant le défaut joint à la demande
principale, par
le jugement du 10 avril 1810 , signifié par l’huissier
commis le 10 mai suivant; sans s'arrêter à choses
déduites par le tuteur des enfans désavoués , déclare
l a d e m a n d e régulière en la forme et b i e n poursuivie;
et y faisant droit, prononce qu ’Anne-Françoise Sau
vage , Louise-Antoinette, Joseph G u i n e z , CharlesIsidore G u in e z , et Julie Guinez ne sont pas les
enfans d e J e a n - C h a r l e s du Noyer du Sauvage; leur
fait défenses, en conséquence, de prendre son nom
à l’avenir, et de se dire nés de son mariage avec
Anne-Françoise V é n y , sous les peines de droit; pro
nonce n’y avoir lieu d’ordonner la mention du présent
jugement en marge des registres de l’état civil des
villes de Clermont et de Tournai, attendu que les en
fans n’y
sont pas inscrits comme enfans de Jean-
Charles du Noy er du Sauvage; déclare le jugement
commun avec la dame V é n y de Villemont et la con
damne aux dépens, etc. »
Ce jugement a été signifié au üiteur et à la femme
Vény. Cette dernière ainsi que les enfans Guinez ont
gardé le silence. A nne-Françoise seule a d ’abord in
terjeté a p p e l ,
m ais
ensuite elle a prétendu que sa
défense avait été absolument négligée par celui qui
avait été nommé son tuteur; elle a cru devoir pré
senter une requête en la C o u r , pour demander la
nomination d ’un nouveau c u r a t e u r , à 1’eflet de pou-
�( i5 )
4® *
voir, sous son autorisation, faire appel du jugement
rendu par le tribunal du P u y , le 10 avril 1810.
Sur celte requête non communiquée, il a été rendu
un arrêt, le 11 mai 1 8 1 1 , portant nomination de
M . e Garron, avoué en la Cou r, pouriCuraleur d'A nn e*
Françoise,* et M.e Garron, tant en son nom de curateur
qu’en celui d’Anne-Francoise, a interjeté un nouvel
appel le 14 du même mois de mai.
Cette nomination de curateur sur simple requête
est elle régulière? Cette forme paraît inusitée, et n ’est
autorisée par aucune loi. L e Code Napoléon n’indique
qu’un seul mode pour la nomination des tuteurs ou
curateurs, et c’est par la voie d’ un conseil de famille.
L e sieur du Sauvage qui ne met pas autrement d’im
portance aux discussions de forme, a cependant cru
devoir insister sur la nullité de cette nomination.
D ’un autre côlé , A n n e Françoise a aussi prétendu
que les procès verbaux du conseil de famille, des 4
et 5 juillet 1809, étaient irréguliers. Suivant elle, lë
conseil de famille devait être composé de pareils pa
ternels el maternels, el elle n’a pas voulu faire attention
qu’il était déplacé de iaire comparaître des parers du
sieur du Sauvage, d’après la nature de sa demande;
que c était dans l’intérêt même de ¡’appelante que
l ’observation avait été faite; et que les païens mater
nels étant à une plus grande distance que celle déter
minée par la loi, devait être remplacés par des amis
ou voisins.
Au surplus, ces questions de forme sont encore
�f
( 16 )
intactes; elles sont soumises à la Cour qui les appréciera
dans sa sagesse, et elles ne doivent pas retarder la dis
cussion du fond.
L e sieur du Sauvage a désavoué ces quatre enfans,
en se fondant sur l’article 3 16 du Code Napoléon,
dernier §. Les naissances lui avaient été ca il lées;
les enfans avaient été conçus et nés pendant son émi
gration, l o r s q u ’il y avait impossibilité physique de co
habitation entre les époux. Rien de mieux prouvé
que son absence, par une série d’actes qui émanent
tous de la femme V é n y , en 1 7 9 2 , 1 7 9 3 , an 3 , an
4 et an 5 . Et la cause portée en l’audience solennelle
de la Cou r, le 5 août dernier, l’évidence de sa de
mande fut portée à un si haut d e g r é , que l’ap
pelante ne parvint à en arrêter la manifestation qu’en
offrant des preuves qui tendaient à établir, i.° que
le sieur du Sauvage, après sa rentrée dans son domi
cile, et notamment en l’an 10, était venu chez la dame
Demariolles, où il avait vu rappelante, l'avait reconnue
0
et considérée comme fille de son épouse ; 2 que l’appelanle était connue sous le nom d'.Antie du Sauvage j
3.° qu’elle était ainsi nommée dans la pension où elle
était envoyée par la dame Demariolles, et dans laquelle
pension le sieur du Sauvage avait vu et reconnu l’ap
pelante comme il l ’avait fait dans la maison de la dame
Demariolles; 4.0 enfin, que le sieur du Sauvage avait
dit plusieurs fois que l’appelante ressemblait à la femme
V é n y , sa mère.
L a Cour qui met toujours la plus grande maturité
dans
�4*7
( 17 )
dans ses décisions, rendit, le même jour 5 août 1 8 1 2 ,
un arrêt interlocutoire, par lequel, en réservant res
pectivement les fins, elle ordonna, avant faire droit,
que l’appelante ferait preuve par témoins : que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de paternité,
formée par le sieur du Sauvage, il était venu après sa
rentrée en son domicile, et notamment en l’an 10,
chez la dame Demariolles 5 qu’il y avait vu A n n e Françoise, et l'avait teconriue pour êfre la fille de sa
f e m m e ; 2 ° qu ’elle élait connue de lui sous Le nom
d ’ A nna-Françoise du, Sauvage; 3 .° qu'en sa présence
de lui du Sauvage, et dans la pension où élait élevée
l ’appelante, elle a été ainsi appelée et dénom mée, et
qu ’il l’y a reconnue comme fille de sa f e m m e , sauf
au sieur du Sauvage la preuve contraire dans le
même délai.
En exécution de cet arrêt, les parties ont respec
tivement enquêté. Il est indispensable de faire con
naître ces enquêles à la Cour.
Le
premier témoin de l’enquête directe est M.
Gauthier, juge au tribunal civil de Clermont. Il ne
sait rien des faits consignés dans l'interlocutoire; il
se rappelle néanmoins avoir entendu dire chez la dame
Lacaussade, que M. Noy er du S a u v a g e était dans l’in
tention de se pourvoir eu désaveu de paternité des
enfans que sa femme avait pu avoir pendant le teins
de son émigration : il ne peut préciser l ’époque où ce
propos a été tenu, ni par qui il l a été.
L e second témoin est lu dume Lacaussade, femme
�François:
• > / elle ne sait absolument rien des faits inlerloqués.
*•
L e troisième, Victoire Vignau , femme de Pierre
Vignau , limonadier à C l e r m o n l , dépose qu'il y a
environ sept ans, autant qu’elle peut s’en rappeler,
ayant à dîner chez elle le sieur du Sauvage, le sieur
Cellier et le sieur Gervis , dans le cours de ce dîner ,
le sieur du S a u v a g e , parlant de son épouse, dit qu’il
lui serait facile de rentrer dans ses biens, mais pour
ses enfans qu'il ne les reconnaîtrait jamais, et que
c ’était ce qui l’empêchait de poursuivre la rentrée
de ses biens.
L e quatrième témoin, Victor Cellier, un des con
vives dont parle la femm e Vignau , dépose ne rien
savoir des faits interloqués, si ce n’est qu ’il y a environ,
sept ans, étant à dîner chez la dame Vignau avec le
sieur du Sauvage et le sieur Gervis, le sieur du Sauvage ,
parlant de sa malheureuse situation à l’égard de son
épouse, dit qu’ils avaient eu deux enfans qui n’exis
taient plus, niais que depuis son émigration, il en
était survenu d’autres, qui n ’ é l u i e n t pas de l u i;
que le déclarant ayant cherché à le réconcilier avec
sa f e m m e , par des voies de douceur, il n’avait pu y
parvenir; qu’au contraire, le sieur du Sauvage avait
formellement déclaré qu’il ne reconnaîtrait jamais ces
enfans, et qu ’il ne verrait pas sa femm e; qu’il savait
qu’ il y avait un de ces enfans chez la dame Demariolles, sa belle sœur, mais qu’il ne le r e c o n n a i s s a i t
pas pour le sien.
�( *9 )
L e cinquième témoin* Jean-Baptisfe Giron , dépose
qu’il connaît depuis long-tems le sieur du Sauvage ;
qu’il a tenu sur les fonds baptismaux un enfant à lui
déposant avec la dame Demariolles, sa belle sœur;
qu’en l’an 12* étant allé voir cet enfant, qui était
à l’école secondaire de Pontgibaud, à l’époque de la
distribution des prix de celte année 12 , il y rencontra
le sieur du Sauvage, qu’il n’avait pas vu depuis longtems : il lui témoigna son élonnement de le trouver
en cet endroit. L e sieur du Sauvage lui dit qu’il y éIait
venu exprès pour voir son filleul, fils du déclarant, qu’il
lui était fort atlaclié, et qu’il voulait même le faire son
héritier* à quoi le témoin répondit que cela ne se pouvait
pas, puisqu’il avait des enfans. L e s i e u r du Sauvage ré
pliqua qu’il n’en avait pas, et qu’il n ’en connaissait
point. Lors de cette conversa lion* intervint le sieur
Gauthier de B io sat, ce qui fit que le déclarant ne
poursuivit pas plus loin la conversation.
Ajoute le déposant, qu’à une époque postérieure
à celle qu’il vient de désigner, sans pouvoir la pré
ciser, il lui fui présenté, ou par le sieur du Sauvage* ou
par le sieur D e t e ix , sans pouvoir assurer par lequel
des deux, trois extraits de naissance de trois enfans
de l’épouse du sieur du Sauvage ; dans l’un de ces
extraits était le nom du sieur du Sauvage, comme père
de l’enfanl; dans le second, la paternité était attribuée
au nommé Gu inez; dans le troisième, le père était
déclaré inconnu. Celle époque remonte à-peu-près à
celle où la fille A nne du Sauvage fut retirée des mains
6
�( 20 )
de Guinez, en vertu d’un jugemeut de police correc
tionnelle.
L e témoin interpellé, à la réquisition du sieur du
Sauvage, s’il savait le nom que portait celle fille, lors
qu’elle élait chez la dame Demariolles, a répondu qu’il
ne lui connaissait pas d’autre nom que celui d’A n n a .
L e sixième témoin est le sieur Bernard Vincent. Il
dépose qu’en qualité d’ami, soit du sieur du Sauvage,
soit de la dame Demariolles, il s’est trouvé souvent avec
l’un et avec l’autre, et même avec tous les deux en
semble ; que la dame Demariolles prenait soin, et tenait
auprès d’elle un enfant nommé A n n a - que quelquefois
les personnes de la maison l’appelaient sous le nom de
du Sauvage, mais que la dame Demariolles, publique
m e n t , ne lui donnait d’autre nom que celui d ’A n n a ;
quelquefois, et par inadvertance, elle la nommait par
celui de du Sauvage; néanmoins, lorsque le sieur du
Sauvage allait chez sa be lle-sœ ur, elle avait le plus
grand soin de faire disparaître cet enfant ; et cet enfant
l u i- m ê m e , sans se le faire dire, avait soin de ne pas
se montrer. Le déclarant y a y a n t fuit attention, avait
témoigné son étonnement à la dame Demariolles, qui
lui avait dit qu’elle estimait Irop le sieur du Sauvage,
son beau-frère, pour lui montrer cet enfant; que d ’ail
leurs il n’était pas dans ses principes de lui taire voir
un enfant qu’elle savait n'être pas à lui, quoique pro
venu de sa femme.
L e témoin ajoute à ce sujet, q u ’a y a n t eu p l u s i e u r s
conversations avec le sieur du Sauvage, qui n ’iguo-
�( 21 )
4k \
mit pas l’existence de cet enfant, qu’on lui avait dit
appartenir à sa fe m m e , et être chez la dame D e m a riolles, il lui avait témoigné avoir remarqué cet enfant,
et l’aflectation de se cacher lorsqu’il se montrait. Il le
pria de savoir où la darne du Sauvage s’était accouch ée,
el où l’extrait de naissance pourrait se trouver, et s’il
avait élé fait sous son nom : il voulait même que le
déclarant s'adressât pour cela à la dame Demariolles,
sans le nommer; celui-ci montra de la répugnance sur
ce point, mais il lui offrit de s’acquitter de la commis
sion, s’il voulait trouver bon qu’il le demandât en son
nom à la dame Demariolles. L e sieur du Sauvage ne
voulut point que la commission fût faite ainsi, en con
séquence le déclarant n’en parla pointa la dame D e m a
riolles.
Interpellé sur l’époque de cette conversation, le té
moin n’a su la préciser, néanmoins il a dit qu’elle se
rapportait à l'époque d’un procès que le sieur du Sau
vage oncle avait alors pendant à la Cour.
L e septième témoin est un sieur Esmelin, d’Aigueperse. 11 était fermier de la dame Demariolles ; mais
il dit avoir cessé de l’être depuis cinq ans. 11 dépose
qu il y a environ dix ans, il a connu à Aigtieperse,
une fille à qui on donnait le nom de du Sauvage.
Elle était sous la direction d ’un nommé Guinez, alors
logé dans l’auberge de la veuve Tapon , aujourd’hui
occupée par le nommé Claustre son gendre. Elle y a
ainsi demeuré sous la même direction pendant quatre
à cinq mois. Guinez, qui était un tiès muuuais sujet,
�( 52 )
usant de mauvais procédés envers cet enfant, on fut
obligé de se pourvoir à la police correctionnelle, où
il intervint un jugement à la requête de la dame de
Mariolles, qui remit l’enfant à cette dernière, et con
damna Guinez à un emprisonnement. L e té moin ,
ayant eu plusieurs fois l’occasion de voir M. du Sau
vage , et lui a y a n t parlé de celte fille qu’il croyait
être vraiment la sienne, il lui rappela les mauvais
traifemens exercés sur elle par G u in e z , el la punition
qui avait été infligée à ce dernier par le jugement de
police correctionnelle; à quoi le sieur du Sauvage ne
répondit rien. Suivant le tém oin , l’époque de cette
conversation peut remonter à enlour huit a neuf ans,
autant qu ’il puisse s’en souvenir. Il ajoule avoir vu la
petite fille en question dans la maison de la dame de
Mariolles. On l’appelait alors la petite du Sauvage.
Ce n’est que depuis cinq ans qu’il Ta connue sous le
nom d'A n n a . Enfin les conversations que le témoin
a eues avec le sieur du Sauvage, au sujet de cet e n f a n t ,
ont été tenues h l’auberge de Boyer , et point chez
la dame de Mariolles.
Le
huitième témoin est M. Chas^aing, juge au
•tribunal de Clermont. On a observé à ce témoin qu’il
• avait la confiance générale de la maison Villemont;
qu ’il a été chargé de plusieurs comptes et liquidations
pour cette maison; que même il a contracté plusieurs
eng.'igemcns de garantie envers les acquéreurs de la
dame de Villemont.
Lorsque lé sieur du Sauvage s’est permis do faire
�celte observation à M. Chassaing, il n’avait nullement
l'intention de le blesser. Mais il est du plus grand in
térêt pour lui cl’écarter tous ceux qui pourraient avoir
quelques liaisons avec la seule personne qui ait préparé
celte intrigue, et qui lui a suscité cet incident dans les
intentions les plus hosliles : elle ne les a pas même dis
simulées, et les a présentées à ses créanciers comme
une ressource. Dans ses indiscrètes confidences, et à
raison de la pénurie de ses mo yens, elle croit que si
elle parvenait à faire déclarer cet enfant fille du sieur
du Sauvage, elle aurait à répéter contre lui des pen
sions considérables, qu ’elle promet à ses créanciers.
Il est assez naturel dès-lors que le sieur du Sauvage
suspecle ceux qui ont contracté des engagemens, ou se
sont rendus caillions de la dame Demariolles.
M. Chassaing, il faut en convenir, a répondu avec
franchise : il a dit que cela élail vr ai, dans le tems
qu'il était a v o u é , mais que tous ces faits n’exislent plus
depuis qu ’il est dans la magistrature; que la liquidation
de la dame Demariolles, donl il était chargé comme
avou é , se poursuit aujourd’hui judiciairement, et que
bientôt les engngemens par lui contractés ne subsisteront plus • donc ils existaient au moment de la dépo
sition. La Cour appréciera ces observa lions.
A u surplus, ce témoin dépose qu ’à une époque
donl il n’est pas parfuilernenl mémoralif, le sieur du
Sauvage vint le trouver dans l’ancienne maison qu ’il
occupait alors; il était accompagné du s.r L e v e t ; il était
porteur d ’un eflet de i ?6oo fr, tiré ou endossé par la
�dame Demariolles; il le pria de le faire négocier p a r l e s *
D u m a y , son gendre. Cette négociation ayant été ef
fe ctu ée, occasionna plusieurs visites chez le déposant,
de la part du sieur du Sauvage. Dans une de ces visites,
le déclarant lui demanda s’il était ic i avec la dame son
épouse; sur quoi, le sieur du Sauvage se récria, en
disant qu'il était impossible cfh ibiler avec une femme
aussi immorale, aussi déréglée qu’elle; qu’il n'ignorait
pas que pendant son émigration, elle avait eu deux
ou trois enfans, dont, notamment une fille demeu
rant chez la dame Demariolles, mais qu’il désavouait
tous ces enfans ; qu ’il se proposait même de se
pourvoir en divorce contre sa fem m e, et en désaveu
de paternité contre chacun desdils enfans; qu’ alors
le déclarant lui dit : vous ne voyez donc pas madame
Demariolles votre belle sœur? que le sieur du Sauvage
lui répondit : je la vois quelquefois; je la vois même avec
plaisir; je fais cas de la bonté de son caractère, mais,
par égard pour moi, elle a soin de faire disparaître
1 enfant lorsque j ’entre dans la maison.
Interpellé, à la requête du curateur, sur l’époque de
c e s diverses visites et conversations, le témoin déclare
ne.pas se rappeler de l’époque, que néanmoins c ’était
plusieurs mois avant 1 acquisition desa nouvelle maison,
ce qui remonte à plus de cinq ans ail moins; n’ayant
point actuellement sous les yeu x son contrat d’acqui
sition.
L e neuvième témoin est Gabriel Gervis. Il dépose
qu ?il no sait rien des faits interloqués. Depuis très longterns
�(
2$ )
44J
tems et,antérieurement à l'émigration du sieur du Sau
v a g e , il a eu l’honneur de sa connaissance. Tout ce dont
il se rappelle, ayant rencontré ledit sieur du Sauvage
dans la ville de Germont y il l’engagea à dîner, ce que
le sieur du Sauvage accepta. Il y eut à ce dîner d’autres
convives, notamment lesieur Cellier et la dameVig nau;
mais il ne se rappelle nullement qu’il eût été question
de rien sur celle a fia ire.
L e dixième et dernier témoin est le sieur Claude
Tapon. Ce témoin a été entendu au tribunal de Thiers;
et par une singularité dont on ne peut rendre compte,
le sieur du Sauvage fut assigné pour être présent à
l ’audilion de ce tém oin , le même jour qu’il assistait
à la Cour à l’enquête faile à la requête d'A n n a . Son
avoué de Thiers a cru devoir protester de nullité, et
se réserver tous moyens de récusation.
Quoi qu’il en soit, ce témoin a déposé qu’il a fré
quenté la maison de la dame Demariolles, depuis l’an
7 ou environ jusqu’en 1806, momentanément et par
intervalles; que dans le courant de l’an 10 et années
suivantes, il a eu occasion d y voir, à différentes fois, le
sieur N oy er du Sauvage; que même le sieur du Sau
vage l u i a dit souvent, dans la c o n v e r s a t i o n , que si la
dame de V é n y , son épouse, ne s’élait pas prostituée
au nommé G u in ez, qui a été guillotiné, il se serait
peut-être décidé à faire du bien à A n n a ; qu ’il a eu
pareillement occasion de voir A n n a dans la maison
de madame Demariolles, et c e , depuis entour 14 ans,
qu’il l 'y a toujours vue depuis cet le époque jusqu’au mo
�* H*
( 26 )
ment où elle fut mise en pension, et Ta constamment en^
tendu nommer A n n a , sans autre dénomination. A n n a
appelait madame Demariolles sa tante, et la dame
de V e n y sa mère : à l’égard du sieur du Sauvage, iL
ne lui a jamais dit qu’ A n n a fût la fille de sa fe mm e;
quant à lui déposant, il est bien persuadé qu ’Anna;
est fille de la dame du Sauvage, et il était d’autant
plus fondé à le croire, que c’était là l’opinion publique,
et qu ’A n n a ressemble singulièrement à la femme Veny.
L e témoin observe que lorsque le sieur du Sauvage
venait chez la dame Demariolles, sa belle sœur, Anncu
ne venait pas à table tant que le sieur du Sauvagô
séjournait chez celle d am e, et elle y reparaissait lors
qu ’il était parti; il semblait qu ’on voulût faire en sorle
que le s>ieur du Sauvage ne la vît pas.
On demande au témoin s’il est de sa connaissance
que le sieur du Sauvage .sût qu ’A n n a était l’enfant de
]a dame V é n y son épouse. Il répond que le sieur du
Sauvage 11e lui a pasdit<précisément qu’il le savait, parcequ e , malgré lest soins qu ’on prenait pour empêcher:
A n n a de se rencontrer avec le s i e u r du Sauvage, il
n ’avait pas laissé de la* voir quelquefois, et n’avait pu
faire-autrement que de lui trouver une parfaite res
semblance avec la dame Vény.
Telle est-l'enquête directe faite à larequêt CCA n n e Françoise. On sera sans doute étonné qu ’elle 11’ait
fait assigner aucun témoin qui pût déposer sur le
troisième fait dont l’arrêt delà Cour ordonne la preuve,
fait■
très-important puisqu’il tendait à établir qu eu la
�( 27 )
présence du sieur du Sauvage, e t 'd a n s la pension
à 'A n n a , elle avait été appelée et dénommée A n n a
d u Sauvage, et qu’il l’y avait reconnue comme fille
de sa femme.
L e sieur du Sauvage a remarqué cette lacune; et s’est
déterminé, à raison de ce, à faire uneenquête contraire;
mais il s’est contenté de faire assigner deux seuls té
moins, la dame de Rigaud qui tenait la maison d’é
ducation où a été élevée A n n e-F ra n çoise, et la dame
Decham p.sa coadjutrice. Cette dernière n’a pu com
paraître; mais la dame de Rigaud a été entendue.
Elle dépose que tenant une maison d’éducation de
jeunes demoiselles , conjointement avec la dame Dechamp, il lui fut amené par la dame Dum onlel d ’Ardes,
actuellement décédée, une jeune fille, âgée d ’environ
sept à huit ans, que la dame D umonlel lui dit être
la nièce de la dame Demariolles , et lui être amenée
de sa part ; qu’en effet depuis cette épo que, et pendant
environ deux ans et demi, que cette nièce avait de
meuré com me externe dans sa maison, sa pension a
été payée par la dame Demariolles; mais elle n’était
connue dans la maison que sous le nom d'A n n a , nièce
de la dame Demariolles. Pendant Finlervalle de ces
deux ans et demi, elle *se rappelle que le sieur du
Sauvage est venu une ou deux fois dans la maison ,
tnais que ce n’était que pour voir une jeune veuvo
du P u y , qui y habitait ; il était chïirgé , de la part de
la famille de cette ve u v e , de la voir, et de lui porter do
l ’argent. 11 lui en porta en e lfet, et il n’a jamais étéques-
8
�i W
'M b
( 28 )
tion , de la part du sieur du Sauvage, de demander des
nouvelles de la fille A n n a } qui même ne lui a jamais
été présenlée.
L e sieur du Sauvage a cru devoir rapporter fidè
lement et matériellement la déposilion des témoins,
avant de se permettre aucunes réflexions; il a pensé
q u e , p a r c e m o ye n , on en saisirait mieux l’ensemble,
pour comparer ensuite les faits dont il a été déposé,
avec ceux gisant en preuves.
Dans celle matière, il n’y a rien
d’indifférent; ce
n ’est qu’après la plus mure délibération que la Cour
a resserré les faits dans un cadre étroit, a pesé ceux
qui étaient susceptibles de faire impression ou de
porter la conviction dans les esprits; elle se rappellera
su r-tou t qu’ A nna-Françoise , 011 ceux qui la font
agir, voulait prendre une plus grande latitude, et ne
niellait en avant que des laits vagues et insigniiians;
q u e , malgré ses observations, la Cour maintint son
arrêt, sans vouloir rien ajouter ni retrancher.
Ainsi A n n a avait h prouver t r o i s faits : x°. que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de palernilé, et notamment, en l’an 10 , le sieur du Sauvage
est
venu chez la dame Demariolles , qu ’il y a vu
A n n a , et l’a reconnue pour être la tille de sa femme.
11 convient de s'arrêter d’abord sur le premier fait.
L e désaveu de palernilé est du i 5 juin 1809, et
remonte à trois ans et demi.
L e premier témoin a entendu dire, sans se rappeler
�( 39 )
l ’époque , que le sieur du Sauvage voulait se pourvoir
en désaveu de palernilé.
L e second ne sait absolument rien.
L e troisième a ouï dire, il y a environ sept ans, que
le sieur du Sauvage déclara qu’il ne reconnaîtrait j a
mais ces enfans.
L e quatrième tient le même langage : le sieur du
Sauvage savait qu’il y avait un enlant chez la dame
de Mariolles, mais qu’il ne le reconnaîtrait jamais pour
le sien.
L e cinquième a voulu observer au sieur du Sau
vage qu’il avait des enfans; celui-ci lui a répondu
qu’il n'en avait pas. 11 a vu entre les mains du sieur
du Sauvage ou du sieur Deleix trois extraits de nais
sance; il ne sait pas dire lequel des deux, ni préciser
l ’époque.
On sait que ces extraits de naissance n’ont été con
nus et retirés qu’en juin 1809 , el que le.désaveu de
palernilé a eu lieu dans le mois de la découverte.
Ce même témoin n’a connu l’appelante que sous le
nom d 'A n n a .
L a d é p o s i t i o n du s i x i è m e t é m o i n est p l u s é t e n d u e ;
m a i s il d é c l a r é b i e n p o s i t i v e m e n t c | u e lu d a m e R e m a iiolles ne donnait
p u b l i q u e m e n t à cet
enfant
q u e le
n o m d 'A n n a ■e l l e fiii-ail d i s p a r a î t r e c e l l e f i l l e , t o u t e s
les fois q u e le s i e u r d u S a u v a g e e n l r a i t c h e z e l l e ; e l l e
eslimaU t r o p son b e a u - f r è r e p o u r lui m o n t r e r cet e n
f a n t . 11 n’élail pas dans ¿es principes d e l u i faire voir
�un enfant qu’elle savait n’être pas à la i, quoique pro
venu de sa femme.
L e septième témoin a voulu entretenir le sieur du
Sauvage des mauvais traitemens que Gainez, faisait
éprouver à cette fille ; }le sieur du Sauvage ne lui a
rien répondu.
L e huitième dépose que le sieur du Sauvage lui a dit
ne pas ignorer que sa femme avait eu deux ou trois
enfans pendant son émigration, notamment un chez
la dame Demariolles, mais qu ’il désavouait tous ces
.enfans", et se proposait de former la demande en dé
saveu de paternité ; il ajoute aussi que le sieur du Sau
vage lui avait déclaré«, que lorsqu’il se présentait chez
la dame Demariolles, elle avait soin de faire retirer
■cet enfant.
Ce témoin fait remonter cette conversation à cinq
ans ; au moment où il déposait^ la demande en dé
saveu était formée depuis trois ans et quatre mois.
L e neuvième n’a aucune connaissance des faits.
L e d i x i è m e a entendu constamment appeler cette
fille A n n a , san s autre d é n o m i n a t i o n . Lorsque le s.r
du Sauvage arrivait chez la dame Demariolles, on
faisait retirer l’enfant; elle ne se mettait pas à'table.
L e sieur du Sauvage ne 'lui a jamais dit qu’il connût
l'enfant pour être celui'dè sa femme, mais il présume
que le sieur du Sauvage le savait.
lie dernier, la dame de R ig a u d , maîtresse de pe n
sion, atteste que le sieur du Sauvage n’a jamais vu
Anna, chez elle; qu’elle ne lui a jamais été présentée.
�Il n’est donc aucunement proavé qu’en l ’an i o le
sieur du Sauvage a vu A n n a chez la dame D e m a
riolles, et qu’il l’a reconnue pour être la fille de sa
f e m m e ; puisqu’au contraire il est établi que toutes
les fois que le sieur du Sauvage est arrivé chez la>
dame Demariolles , on a fait disparaître l’enfant.
Second fait : E lle était connue de Lui sous le nom
d 'A nna-Françoise du Sauvage. Pour le cou p , il n’y
a pas un seul témoin qui ait déposé de cette circons
tance ; personne ne s’est avisé de dire que le sieur du
Sauvage ait connu ou souffert que celte fille portât son
nom; et la maîtresse de pension apprend même qu’elle
n ’a été présentée chez elle que sous le nom d ' A n n a >
nièce de madame de Mariolles.
L e dixième témoin, celui q u i a é l é entendu à Thiers^
liors'la présence du sieur du Sauvage, n’a jamais en
tendu appeler cel enfant que sous le nom d' A n n a ^
sans autre dénominalion , el ne fait que présumer que
le sieur du Sauvage savait qu ’elle était fille de sa.
fem m e; mais loin de convenir q u ’elle pQijlâl le nom
de du Sauvage, le témoin lui-même le désavoue for
mellement.
Ainsi, c e second fait a donc é t é f a u s s e m e n l a l l é g u é .
Tioi.sieme fail :« Llle a ' é l é ainsi appelée et d é « nommee dans la pension où elle éluit éle vée, en.« présence du sieur du Sauvage, qui l y a reconnue
« comme fille de sa femme. »
Cette assertion a été completlement désavouée par,,
la maîtresse de pension qui a élevé A n n a : le ’ sieur
�du Sauvage ne l’y a jamais vue; elle ne lui a jamais
été présentée; le sieur du Sauvage n’esi venu à la
pension que pour porter de l’argent à une jeune veuve
du P u y ; aucun des autres témoins n’a déposé sur ce
fait si important : cependant la lilie A n n a , lors de l’arrêt
d e l à Cou r, s’appesantit sur cet te circonstance dans ses
conclusions, d ’une manière tellement précise, qu ’elle
détermina peut-être l ’interlocutoire.
Quel peut être l’espoir de celle fille audacieuse?
A -t-e lle satisfait-à l’arrêt d e ' l a C o u r ? Osera-t elle
espérer de porter un nom qui ne lui appartient pas?
Sans doute elle voudra entreprendre de discuter le
fo n d , en s’appuyant sur une disposition d’ usage , con
signée dans l’arrêt de la C o u r , « Sans préjudice des
’fins qui demeurent respectivement réservées ». Il
faut donc 'la suivre dans ce dernier retranchement.
« On ne croit cependant pas devoir s’occuper des
moyens Qu’elle a proposés en la forme ; et ce n’est
pas sérieusénient qu’elle a 1 prétendu !que le conseil!
de famille 'devait' être composé de parens du sieur
dti Sauvage et de ses parens d’elle A n n a . Malgré*
leur éloignement, « la femme mariée n’a poinf d’autre
« domicile que'celui de son mari :1e mineur émam ip é
«ra-soh dbmicile chez ses père el mère (art. 108, Code
« N a p o l é o n *
1“
' ■
*
*« iMi’sque lés parens ou alliés se trouvent à la dis—
« lance de plus de deux myriamèlres, le juge de paix
«’’ pèiit Appeler', pour Composer le conseil do famille,
«■'danslncommuncofi la tutelle est ouverte, des citoyens
* connus
�( 33 )
« connus pour avoir eu des relations habituelles cî’a« mi lié avec le père ou la mère du mineur ( art. 4 ° 9 ?
« Code Napoléon ). »
Il répugnerait au bon sens et à la raison, que celui
qui désavoue la paternité, fît appeler ses parens au
conseil; ce serait une contradiction évidente avec la
demande; en soutenant qu’il n’est pas le père, il sou
tient aussi que les enfans désavoués n ’ont aucun lien
avec sa famille.
Mais si ces moyens sont ridicules, en est-il de même
de la procédure singulière, inusitée, qu’a tenue la fille
A n n a ? Pouvait-elle se débarrasser à son gré du tuteur
qui lui avait été nom mé? P o u v a it - e lle , par un arrêt
sur req uête, non communiqué, substituer un curateur
de son choix à ce tuteur légal?
To ute tutelle doit être déférée par un conseil de
famille , lorsque le père et la mère sont dans l’in
capacité de l’être ( Art. 405 C. N. ). C ’est encore un
conseil de famille qui doit nommer un curateur au
mineur émancipé ( Art. 478 C. N. ). L a loi n’admet
aucune nomination sur requête. Elle a dérogé à cet
usage de l'ancienne procédure ; et il ne paraît pas
douteux que M . e Garron a été i r r é g u l i è r e m e n t nommé
curateur ; que l'appel est n u l el i r r é g u l i e r . L a Cour
appréciera ce m o y e n , sur lequel le sieur du Sauvage
insiste pour l’honneur des rc^gles; mais il n ’y donnera
pas d’aulres* développemeus.
Il
serait encore assez inulile d’examiner la question
d’éiat en elle-même; mais le sieur N oyer du Sauvage
9
�( 34 )
ne doit rien négliger dans une cause d’un aussi grand
in té rê t, quelque humiliation qu’il éprouve. Combien il
est cruel de se voir forcé de dévoiler la honte d’une
femme immorale, qui lui a porté un coup si funeste!
Son nme est flétrie, il ne peut plus espérer de bonheur;
des souvenirs déchirans fatiguent sans cesse son esprit
et son cœur.
Eh quoi! il était né bon, généreux et sensible; il
adorait son épouse, elle fut infidèle et perfide! Il désirait
d’être père! Ces liens touclians qui semblent perpétuer
notre existence; ces rapports aimables, d'où naissent
les charmes les plus doux, ne sont pas faits pour lui ! 11
fut père un instant, il est vrai! mais ses enfans ont
vécu! et lorsqu’il revient dans son domicile, lorsqu’il
a recouvré une patrie , que va-t-il apprendre— ? Mais
jetons un voile sur un tableau aussi dégoûtant, où le
vice est toujours en action sous les traits les plus hideux.
Ledésaveu delà paternité est sans doute une demande
pénible, elle excite la curiosité publique, elle met en
évidence celui qui est forcé d’en intenter l’aclion. C e
pendant c ’est un remède salutaire, et la loi, dans tous
les lems, a oflert ce motif de consolation à un époux
outragé.
lia célèbre maxime décrétée depuis plus de deux
mille ans * patcr est is queni clemonstrant nuptiœ , rece
vait aussi ses exceptions dans le droit romain. Plusieurs
docteurs avaient déjà remarqué que cette règle n’était
point placée parmi les texles du droit, qui parlent de
l’état des h o m m e s , puisqu’elle est tiiéc de la loi £>, iï. de
�4V
(35)
in ju s vocando; mais on trouve une exception dans la
loi fiLLam, ff. his qui su i vel alieni ju r is surit: celle loi
dit expressément que le mari n’est point tenu de reconnaîlre un enfant donl sa femme accoucherait pendant
une longue absence du mari d’avec sa femme : J îliu m
euni d ejîn in m s, qui ex viro et uxore ejus nascitur. Sed
siJ in garnit s abfuisse m arltum , çerbi gratiâ per decennuim reversum annicuium invertisse in dom osua, pLacet
nobis J u tia n i sententia hune non esse m a ritijîh u m . L a
loi prend pour exemple un enfant d ’un an , annicuium ,
après dix ans d’absence, mais elle n ’en est pas moins
générale et absolue, toutes les fois qu’il y a eu impos
sibilité physique de cohabitation : tous les docleurs,
dans ce cas, s’accordent à décider que l’enfant n’apparlienl pas au mari. C ’est la doctrine de l’avocat
général Talon, lors d’un arrêt du 16 janvier 16 6 4,
rapporté au Journal des Audiences, tom. 2 ; de Cocliin ,
dans la cause de la demoiselle Ferrand , quoiqu’il
plaidât dans un intérêt opposé; de M M . Daguesseau,
Séguier, et de tous les jurisconsulles.
L ’absence du sieur du Sauvage a duré dix ans. Il
est parti en janvier 1 7 9 1 , il n’est rentré q u ’à la fin de
1801. H n’y a pas de doute sur celle absence, le lableau
de proscription, celle liste fatale est là pour l’établir.
L a peine do mort prononcée contre les émigrés qui
rentraient ; les perquisitions cruelles et si souvent renou
velées contre le petit nombre de ceux qui ont essayé
de franchir les barrières, et qui ont été viclimes de leur
té m é r ilé , prouvent encore l'impossibilité du retour du
10
�sieur du Sauvage, jusqu’à la reslauraiion du gouver
nement; une série d’acles continuels et indiscrets de la
femme V é n y , en 1 7 9 2 , en 1793, en l’an 3 , où elle
a loujours pris la qualité de femme de l’émigré du
Sauvage; son autorisation en justice pour poursuivre
les acquéreurs de son mari; une procédure qui a duré
contre eux jusqu'en messidor an 4; le traité qui Ta
suivie; le partage de la successien de sa mère, fait en
l ’an 4 , toujours en l’absence de son mari, sont des
preuves irrésistibles de l’impossibilité de la cohabita
tion; et lorsqu’il est notoire q u e , pendant tout cet in
tervalle, la femme V é n y vivait publiquement avec tout
autre; qu’elle s’est dite femme Guùie%; a fait baptiser
un de ses enfans comme enfant légitime de ce misé
rable, ne trouve-t-on pas, dans cette horrible dépra
vation , de quoi convaincre les plus incrédules? On ne
peut pas résister à l’évidence.
Ainsi, dans l’ancien ordre, la sévérité des lois, la
rigueur des magistrats n’eussent pas été un obstacle h
la réclamation du sieur du Sauvage : il eût repoussé avec
succès ces enfans de ténèbres. N ’a-t-il pas encore plus
d’avonlage dans la nouvelle législation?
lie Code Napoléon, art. 3 12, a admis, comme dans
l’ancien droit, la maxime pater e s t, etc. « L ’enfant
« conçu pendant le mariage a pour père le mari ; néan« moins celui-ci pourra désavouer l’en fan I , s’il prouve
« que pendant le tems qui a couru, depuis le troiscen« tième jusqu’au cent quatre-vingtième jour avant la
« naissance de cet e n f a n t , il é t a it , soit pour cause
�4S J
( 37 )
« d’éloignëmenl, soit par l’efïet'de quelqu’accident,
« dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa
« femme ».
Voilà déjà une grande modification à la rigueur des
.anciens principes : il ne faut plus une absence aussi
longue que celle prise pour exemple dans la loi JiUutn.
L e législateur, en admettant la présomption du ma
riage pour fixer la paternité, a vu qu’il se mettrait en
opposition avec les premiers élémens du droit et de
le raison, s’il faisait prévaloir une présomption à une
preuve positive, ou à une présomplion plus forte. A u
lieu de soutenir la dignité du mariage, on l'avilirait,
on le rendrait odieux, s’il servait de prétexte à légilimer un enfant qui, aux ye u x du public convaincu
par des circonstances décisives, n’appartiendrait point
au mariage.
C'est ainsi que s'exprimait l’orateur du gouverne
m ent, lorsque la loi fut présentée.
L e mari qui se voit obligé de désavouer un enfant,
n ’est-il pas déjà trop malheureux? Comment penser
qu’il se porte à une démarche aussi scandaleuse, s'il
était véritablement père ? La nature a m a r q u é en
caractères inefîaçables les traits de la paternité; elle a
rempli le cœur des pères et mères et celui des enfans
des sentimens de tendresse les plus profonds et les plus
éclalans. El comment croire qu’un père étouffe tous
lessentimensde la nature! Comment croire qu’il allume
dans sa main les lorches de la discorde, et qu’au dehors
il se dévoue à l'humiliation, s’il n’est pas dans la con-
*<+
�\u >
( 38 )
viclion intime que l’enfant n’est point né de son ma
riage. Ce sont encore les termes dont se servait l’orateur
• du gouvernement.
L e sieur du Sauvage a le droit de se placer dans
l ’espèce prévue par le législateur; il n’est que trop
certain pour lui, que la dignité du mariage est avilie:
il en appelle au public, à tous ceux qui ont eu des rela
tions avec sa famille; à tous ceux qui connaissent la
femm e Vény. Ne sont-ils pas convaincus, par les cir
constances les plus décisives, que l’enfant désavoué
n ’appartient pas au mariage?
Mais il ne s’agit pas ici d’une naissance tardive ou
prématurée, prévue par l’article 3 i 2 du Code. Aux
termes de l’article suivant, le désaveu est admis lorsque
la naissance de l’enlanl a été cachée au mari; et suivant
l ’article 3 i 6 , le désaveu doit avoir lieu dans le mois,
si le mari se trouve sur les lieux de la naissance de
l ’enfant; dans les deux mois après son retour, si, à la
m êm e époque, il est absent ; dans les deux mois après
la découverte de la fra u d e , si 011 lui avait caché la
naissance de l ’e n f a n t .
L a naissance d’ Anne-Francoise a-t-elle élé cachée
au sieur du Sauvage ?
A quelle époque a-t-il découvert la fraude?
A - t - i l formé sa demande en désaveu dans le délai
prescrit par la loi ?
Si le gieur du Sauvage établit ces trois propositions,
il aura rempli sa tache. Anne-Francoise sera repoussée
avec indignation.
1
V
�( 39 )
L ’acte de naissance d’ Anne-Françoise établit sans
réplique que la naissance a élé cachée an mari. Il
était alors absent. La femme V é n y le disait elle-même
lors du jugement du 24 messidor an 4.
C ’est le 19 fructidor an 4 , qu’A nne-Françoise a
vu le jour. Ce n’est que le 4 complémentaire de
la même année, quinze jours après la naissanee, que
celte fille a été présentée à l’officier public. Ce retard
annonce déjà le, mystère; et sans doute qu ’alors la
femme V é n y avait déjà disparu de la maison secrète
où elle avait déposé ce fardeau d’iniquité. Que dit
l ’accoucheur chargé de présenter l ’enfant ? Q u ’il a
ac couch é, dans sa maison de Lui d écla ra n t, le 19
fru ctidor dernier, An ne V é n y , épouse de CharlesAuguslin Sauvage, actuellement absent. Les premiers
juges ont remarqué que ce n’étaient ni les prénoms
ni le nom du mari, qui s’appelle Jean-Charles N oy e r
du Sauvage, et non Charles-A ugustin Sauve.ge\ mais
le chirurgien n’en savait sans doute pas davantage.
Ce qu’il y a de moins douteux, c’est que le sieur
du Sauvage ignorait tout. S’il avait élé instruit , sa
femme n’aurait pas accouché à Clermont , dans une
maison de santé destinée à recevoir des femmes de
mauvaise vie. Ce n ’est pas ainsi qu’il aurait avili, dés
honoré son épouse.
Si la femme V é n y n ’avait pas mené une conduite
scandaleuse; si elle n ’a v a i t pas eu besoin de cacher
son crime et sa honte, elle était à Clermont, au mi
lieu de sa famille qui n’aurait pas souffert qu’elle se
�( 4° )
fût cachée dans une maison d’accoucheur , pour se
dérober à tous les regards.
I/accouclieur lui-même ne prend pas sur son compte
de présenter cet enfant comme appartenant au mari;
il ne la qualifie pas de fille légitime; il dit seulement
qu ’il a accouché Anne V é n y femme de Sauvage*
actuellement absent. Personne de la famille n ’assiste
h cet acte. L e chirurgien n’est accompagné que
de deux femmes du
peuple. Ainsi
c ’est un „acte
occulte, ignoré de tous ceux qui pouvaient y prendre
intérêt. A n n a -F ra n ço ise ne peut s’en prévaloir , ni
réclamer une possession d’étal. Elle n’a pas même
osé s’en servir. 11 est donc certain que sa naissance a
été cachée au mari de sa mère. Il n ’est donc plus
douteux qu ’elle n ’appartient pas au mariage.
L a fraude a-t-elle été découverte bientôt après ?
Cela est impossible. L e sieur du Sauvage n’est rentré
que sur la fin de l’an 9 ; il n ’a été amnistié qu’en
l ’an n . Sa femme n’élait pas à son domicile, puisqu’en l’un 11 elle vivait avec Guine%, à Tournai. L e
troisième acte de naissance n’est inscrit sur les regis
tres de celte ville de T o u r n a i, que le 6 pluviôse an
11. L e sieur du Sauvage ne pouvait savoir, au M o rjaslier, que sa femme élail en Flandre, et avait suivi
un vil scélérat. On 11e s’empresse pas de raconter h un
mari des événemens aussi désagréables; on s’était con
tenté do lui dire que sa femme avait fail divorce. Le
jugement dont est appel constate que ce divorce était
notoire. L e sieur du Sauvage devait être dans celte c o n
fiance
�{ 4* )
fiance que tous ses liens étaient rompus avec la femme
V é n y ; qu ’il n’avait plus rien de commun avec e lle ;
et c ’était la plus consolante de ses idées. Mais enfin
il est averti qu'on ne trouve pas l’acte de divorce ;
que les registres civils n’en font pas mention. Il prend
alors des informations, fait des recherches, et découvre
enfin les quatre actes de naissance, qu’il se fak dé
livrer.
C e n’est qu’au mois de juin 1809 , que ces actes lui
sont remis. On sent combien il a fallu de soins et de
peines pour les découvrir; mais ce n’est qu’au moment
où il les a r e ç u s , que la fraude a été découverte, et
q u ’il a eu la faculté d’agir pour désavouer la palernilé.
Comment en effet aurait-il pu se pourvoir contre
des individus qui se cachaient dans l’ombre^ qui n’agis
saient en aucune manière? L ’enfant même qui était
chez la dame Demariolles disparaissait toutes les fois
qu’il arrivait chez sa belle-sœur. La dame Demariolles
avait alors pour principe de ne pas montrer à un beaufiere qu elle estimait, un enfant qu’elle savait ne pas
lui appartenir.
Il
fallait donc être certain que ces e n f a n s existaient,
qu ils etaient nés de la femme V é n y , pour pouvoir
les attaquer en d é s a v e u ; il n’a pu le faire qu’avec
leurs actes de naissance, qui, par leur contenu, lui
sont étrangers; ce n’est donc que du jour q u ’il les a
eus en son pouvoir, qu ’il a découvert la fraude • il
•semble qu ’on ne peut pas être divisé sur ce point de fait.
�46 *
( 4^ )
Q u’importe que des témoins de l’enquête aient dit
que le sieur du Sauvage savait qu’il y avait un en
fant chez la dame Demariolles, qu’on faisait disparaîlre loutes les fois qu’il arrivait? Il ne résulte de cette
circonslance autre chose, si non qu’on voulait lui ca
cher la naissance de cet e n f a n t , et qu’on reconnaissait
qu’il ne l u i 1 a p p a r t e n a i t pas; c’était précisément la
fraude dont il n’a pu avoir la certitude que lorsqu’il
a connu l’extrait de naissance , qui ne lui a été dé
livré que le 24 juin 1809; ainsi, ce n’est qu’à ce mo
ment qu’il a pu concevoir des craintes, et qu’il a pu
faire des démarches légales.
" Il forme son désaveu sans perdre un instant. L e
i 5 juin 1806, acte exlrajudiciaire aux enfans mineurs
et à la mère ; 4 juillet suivant, nomination de tuteur;
7 juillet, demande au tribunal du P u y : tout a été
fait dans moins d’un mois, à die detectæ fra u d is.
A tin a -F ra n çoise voudra-t-elle enfin objecter que
sa mère n’est point condamnée comme adultère; et
qu’il répugne dès - lors qu’elle soit tille adultérine?
celle objeclion a déjà été proscrite par un arrêt so- l e n n e l , du 24 août 1811 , dans la cause du sieur B011g a r e l , contre l’enfant de son épouse, qu’il avait dé
s a vou é , et dans des circonstances bien plus fortes,’
puisqu’ il avait élé prononcé un divorce entre les époux,
par consentement mutuel, pendant la grossesse de la
femme. L ’enfant 11’en a pas moins été déclaré adul
térin ; et la Cour de cassation a confirmé cet a r r ê t .
Ainsi tout se réunit en faveur du sieur du Sauvage.
�Quiconque voudrait soutenir que cet enfant doit être
- à sa charge,blesserait également la justice et l’équité;
. ce serait une atroce barbarie que d’obliger un épo u x
malheureux , de donner son nom à un être ignoble,
•v f ruit de l'inceste, et de l’adultère. Si l a loi. naturelleet la loi divine nous imposent le droit d’aimer,, desecourir nos enfans ;si la nature a imprimé dans notre
âme en traits brûl ans, une tendresse profonde pour
ceux qui nous doivent le j o u r q u e l d o it être le dé
sespoir d’ un é p o u x , de trouver , d a n s son intérieur,
une femme infidèle et perfide ; d e voir croître à ses
côtés des êtres qui lui sont étrangers? Quel doit être
son s o r t , lorsqu’il n’ a pas même la consolation de
douter; lorsque le cri public l’avertit sans cesse de son
malheur; lorsque d e s circonstances décisives entraînent
' de toutes parts la plus intime conviction? N on! il n'est
point d’état plus déchirant, plus digne de pitié ! et la
loi doit venir au secours d’ un époux aussi cruellement
o ffensé.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Jean-Charles. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
reconnaissance de paternité
tutelle
divorces
témoins
conseils de famille
absence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour M. Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire ; habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire ; contre Anne-Françoise, se disant Noyer du Sauvage, mineure, maître Garron, avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans d'un jugement du tribunal civil du Puy, du 30 août 1810 ; Et le sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Allairat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
note manuscrite : « Jugement confirmé par arrêt (sections réunies) du 5 avril 1813. Voir les motifs et l'arrêt à la fin de ce mémoire. »
Table Godemel : Tutelle : la délibération du conseil de famille portant nomination d’un tuteur n’est pas nulle pour avoir été prise par un conseil composé uniquement de parents maternels, surtout, dans la circonstance où la nomination du tuteur a eu lieu à la diligence du mari, à l’effet de former contre les enfants de sa femme une demande en désaveu.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1791-1810
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2215
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0617
BCU_Factums_G2216
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53444/BCU_Factums_G2215.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
conseils de famille
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
tutelle
-
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891c0ffdcdffd0ea23f2fad9a33f0232
PDF Text
Text
7 o>
CONSULTATION
POUR
La dame BEAUFRANCHET-D’AYAT.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a pris lecture
d’ un mémoire à consulter, pour madame d’A y a t , et de
la copie d’un jugement du tribunal de première instance
de R i o m , rendu le 21 février 18 12, entre M . et madame
d’A y a t , M. D ech amp p è r e , et madame Dechamp de B lo t,
veuve de M . Dechamp fils, agissant tant en son nom que
comme tutrice de ses enfans ; consulté sur les questions
suivantes :
1°. La première vente de la terre de B lo t, faite le 17
août 1807, n’est-elle pas pour madame d’A yat un juste
sujet de craindre le trouble prévu par l’art. 1653 d u C ode
Napoléon ?
2°. Dans le cas où elle seroit obligée, pour constater
l’existence de cette vente faite sous seing p r i v é , de faire
enregistrer un des doubles, qui devroit supporter les frais
d’enregistrement?
;
3°. L e sieur Dech a m p , pour faire cesser le trouble dont
madame d’ Ayat est menacée, ne doit-il pas faire déclarer
nulle la vente du 17 août 1807, par un jugement rendu
avec toutes les parties qui sont intéressées dans cet acte
de vente, et qui y ont paru ?
1
C
�co
4°. La veuve Decliamp peut-elle à la fois défendre ses
intérêts et représenter ses mineurs ?
5°. Ne doit-on pas consulter le conseil de famille sur
le mérite de la vente de 1807, et quelle est la marche
il suivre s’il ne veut pas s’expliquer?
6°. En réformant le jugement qui condamne madame
d’A y a t à payer, ne doit-on pas renvoyer le vendeur à se
p o u r v o ir , par action 'principale, contre toutes les parties
intéressées dans l’acte de vente de 1807?
7 0. Une reconnoissance judiciaire de la validité de la
seconde v en te, faite par toutes les parties, même par les
mineurs, mettroit-elle madame d’A y a t à l’abri de toute
éviction ?
8°. M . A r n a u d , partie contractante dans la vente de
18 0 7, et qui a aussi signé l’acte de vente de 1 8 1 1 , n’estil pas garant de la validité de cette seconde vente ?
E s t d’ a v i s ,
Que madame d’A y a t a juste sujet de craindre l’éviction ,
tant que la vente de 1807 n’a pas été déclarée nulle par
un jugement; que jusque-là elle ne doit pas payer; que
c’est au vendeur à se pourvoir par action principale
contre les mineurs Dechamp ;
Q u ’il doit appeler dans l'instance toutes les personnes
qui ont concouru à l’acte de 1807;
Que la veuve Dechamp ne peut point représenter ses
enfans dans l’instance, ayant des intérêts opposés aux leurs;
Que le conseil de famille peut n’être pas réuni pour
autoriser le tuteur à plaider, mais qu’il faudrait le réunir
pour consentir la nullité de la vente de 1807;
%
�C 3 )
Que ce ne seroit qu’avec son consentement, et celui
de toutes les parties intéressées dans cet a c t e , qu’une
recoiinoissance judiciaire mettroit madame d’Ayat à l’abri
de toutes recherches ;
Que le coût d’enregistrement de l’acte sous seing privé
entrera dans les frais du procès ;
E t enfin , que M . A rn au d ne peut être engagé par
la signature donnée dans l’acte de 1811.
Selon l’exposé :
L e 11 août 1 8 1 1 , et par acte notarié, M . Decliam p
a vendu la terre de Blot à madame d’A y a t , autorisée
par son mari.
L e prix eu fut porté à 168,960 francs ; 3,960 fr. furent
payés comptant. 11 fut convenu que madame d’A yat retien d ro it, i ° . 100,000 francs pour être employés au
payement de la dot de l’épouse du vendeur; 20. 24,000 fr.
pour le gain de survie de madame D e c lia m p , veuve
du fils du vendeur. Les 41,000 francs, restant du p r i x ,
devoient être payés deux mois et demi après le jour de
la vente.
L a vente fut consentie en présence de M . A r n a u d ,
gendre du vendeur : mention est faite dans l’acte de sa
signature. Cette signature est aujourd’hui biffée ; l’on
assure que M . A rnau d s’o ffre, en cas de besoin , à signer
de nouveau.
Madame d 'A ya t alloit payer les 41,000 francs exigi
bles , lorsqu’elle apprit que M . D echainp avoit déjà vendu
cette terre à son fils aîné.
L ’acte de vente avoit été fait sous seing privé , le 17
août 1807. L e ven d e u r, l’acquéreur, l’épouse du yen-.
�M
^
(
4)
d e u r , son fils puîné , le sieur Arnaud , son gen d re,
avoient tous concouru à cet acte.
L ’acquéreur s’y engageoit à payer 3,000 francs à son
p è re , au 1e1'. avril 1808, i 5,ooo fr. aü I er. août suivant.
Il s’engageoit également h payer, après le décès de
son père, diverses sommes à la dame sa m ère, à son frère,'
et au sieur Arnaud.
Il fut stipulé que si le sieur Decliamp fils n’exécutoit
pas toutes les conditions de l’acte, les conventions seraient
nulles, sans recourir à aucune formalité. V o ici les termes
de l’acte même : L e défaut d'exécution dans les term es,
et a u x échéances fix é e s , devant les anéantir de plein
d r o it , et par Veffet seul de notre volon té, sans qiioi
le présent acte iia u r o it pas eu lieu.
L ’acte énonce qu’il est fait quadruple, et signé de
toutes les parties.
O n ignore si cet acte a été enregistré.
Mais il a acquis une date certaine par la mort de l’ac
q u ére u r, arrivée au mois de juin 1809, ainsi que le
constate un acte de n o to riété, reçu à Saragosse, par
quatre notaires.
D ’après toutes ces circonstances, madame d’A yat re
fuse de payer. Commandement lui en est fait. Elle y
forme opposition, et donne pour m otif l’acte existant
entre le père et le fils.
L ’ instance s’engage.
M . Decliamp remet à madame d’A y a t , trois doubles
de l’acte de 1807; les signatures en sont binées : le qua
trième, qu’on avoit dit d’abord ne pas exister, est,
diUon ; rapporté aujourd’hui.
%
�C 5 )
Ces doubles ne sont pas enregistrés ; ils n’ont pas été
produits.
Mais M. Decliamp produit une lettre de son fils,
datée d’Espagne, et adressée à sa mère. Ce jeune homme
y rend compte des malheurs qui l’ont empeché de donner
de ses nouvelles au temps prescrit pour Paccomplisse
ment du traité que vous aviez bien v o u lu , a in si que
mon p ère) me consentir. Il ajoute quV/ voit avec regret
q u i l J'aut renoncer à Îespoir de conserver la terre de
B lo t dans la fa m ille ; que ce moment est p eu t-être
trop éloigne pour q u ’il puisse avoir la moindre pré
tention.
M . Dechamp fils a laissé trois enfans m in eurs, sous
la tutelle de leur m ère; deux ont été, à ce qu’on croit,
émancipés depuis peu.
M. Dechamp père a dénoncé à sa belle-fille l’oppo
sition de madame d’A y a t , et il l’a assignée, en sa qua
lité de tutrice, pour qu’elle la fît cesser en ce q u i la
concernoit.
Les deux enfans émancipés n’ont pas été mis en cause.
L a veuve du fils D ech am p , assignée comme tutrice,
est intervenue comme créancière personnelle du ven
deur; elle a signifié des conclusions en ces deux qua
lités. Comme tutrice, elle a dit que l ’instance ouverte
sur l’opposition de madame d’A y a t étoit parfaitement
étrangère à ses mineurs ; q u e , dans tous les cas , elle ne
pouiToit agir qu’en vertu d’un avis d’ un conseil de fa
m ille, et qu’elle ne peut le prendre, ne sachant sur quoi
le demander; et elle conclut à ce que le sieur Dechamp .
fût déclaré non recevable quant à ce. Comme créan3
�(
6
)
cîère, elle a déclaré accepter la délégation qui lui a été
faite par l’acte de vente de 1 8 1 1 , et elle a conclu au
payement, par madame d’A y a t , du montant de cette dé
légation.
M . Dechamp a soutenu qu’il n’y avoit eu entre son
fils et lui que des projets de vente ou d’arrangement sur
la terre de B l o t , et non une vente consommée ; que
la réalisation de ces projets dépendoit de certaines con
ditions que son fils n ’a point accomplies; que son iils
ou ses représentans étoient par conséquent sans aucun
droit à la terre de Blot ; il a conclu à ce que la dame
d’A yat fût déclarée non recevable dans son opposition.
L e 28 février 1 8 1 2 , jugement du tribunal de première
instance de R io m , qui fait droit à ces conclusions, en
adoptant textuellement leurs motifs.
Madame d’A yat a interjeté appel, en offrant de payer,
avec caution.
C ’est sur l’instance, liée en appel, qu’elle propose au
conseil les questions sus-énoncées.
. L a première question ne peut pas faire grande diffi
cu lté, et l’on doit s’étonner que les premiers magistrats
n’aient pas été frppés du péril d’éviction que couroil
madame d’Ayat. Il est vrai qu’en première instance, on
ne produisoit aucun double de l’acte sous se in g -p r iv é ,
fait quadruple,* il paroît que l’on n’nlléguoit que des
présomptions de l’existence d’ une première vente, et
ces présomptions pouvoient paroître suffisamment dé
truites par la lettre de M . Dechamp fils, datée d’Espagne. Mais maintenant que madame d’A yat présente à
la justice la preuve matérielle de cette première ven te;
�te ?
(7 )
maintenant qu’elle veut faire usage des doubles qu’elle
possède, il est impossible de révoquer en doute l’existence
de cette vente. On ne lui avoit remis que trois doubles du
premier acte fait quadruple, ainsi que l’attestent ceux qui
sont connus. Dans cette première position, personne ne
ne pouvoit lui répondre que le quatrième double n’existoit réellement pas; on ne pouvoit lui répondre que les
enfans du premier acquéreur, lors de leur majorité, ne
viendroient point, armés de cette pièce, la troubler dans
sa possession, et la sommer de leur restituer une pro
priété déjà transmise à leur auteur. Et alors quelle défense
opposer? se prévaloir d’un jugement qui auroit décidé
qu’il n’a jamais existé qu’un projet de vente, entre le sieur
Dechamp pere, et son fils aîné; projet qui ne s’est point
réalisé par le défaut d’accomplissement des conditions
stipulées? Les mineurs se plaindroient justement de n’a
v o ir pas été valablement défendus. E t, en effet, la repré
sentation de l’acte môme ne prouveroit que trop qu’on
auroit eu tort d’alléguer que la vente n’avoit été qu’en
projet; e t , aux termes de l’article 481 du Code de procé
du re , la voie de la requête civile leur seroit ouverte.
L e quatrième double, donc, tant même qu’il n’étoit
pas produit, mettoit madame d’A yat dans un véritable
péril d’éviction.
Mais aujourd’hui qu’il seroit produit, et quand même
on le remettroit à madame d’A y a t , est-il permis à celte
dam e, est-il permis au sieur Dechamp de supprimer la
preuve d’un tel acte ? e t , dans ce cas, les mineurs ne pourroient-ils pas également former leur action contre ma*dame d’ A y a t? L e conseil pense qu’elle doit le craindre*
�m
L ’opposition de madame d’Ayat est consignée dans les
archives du tribunal de Riorn. L ’existence de la première
vente a été en quelque sorte proclamée dans des pièces
de procédure. Si les preuves n’étoient pas entières, les
commencemens de preuves par écrit se présenteroient du
moins en foule aux mineurs Dechamp : les personnes qui
ont concouru à l’acte, ou d’autres qui en ont eu connoissance, pourroient encore exister; et qui sait le succès que
les mineurs pourroient obtenir avec de tels moyens?
L e péril de la dame d’A y a t seroit toujours le môme.
Il est vrai que madame d’A y a t appelleroit le sieur
Dechamp père en garantie. Celui-ci ne pourroit pré
tendre, comme l’a jugé le tribunal de première instance,
qu’il n’y a eu qu’un projet de vente; car l’acte de 1807
dit que les conventions seront anéanties dans certains
cas. On n’anéantit que ce qui existe. Les conventions
ont donc existé. Mais enfin il pourroit dire qu’aux termes
même de l ’acte qu’on in v o q u e , la vente de 1807 est
anéantie, puisque les conditions stipulées n’ont pas été
remplies ; alors s’élèveroit entre lui et les réclatnans la
question de savoir si ces conditions ont été remplies.
Peu importe à madame d’A yat de savoir qui succomberoit ; peu lui importe de savoir de quelle influence
seroit alors dans la cause la lettre de Dechamp iils,
écrite d’Espagne. Une première vente existe : le fait est
incontestable , et cela lui suflit. Cette première vente
n’a pas été déclarée n u lle, o u , si l’on v eu t, il n’a pas
encore été jugé que les conditions dont sa nullité dép e n d o it, n’ont pas été rem plies, et dès-lors il y a pour
elle péril déviction ; elle est dans le eus de l’article 1653
�( 9 )
du Code Napoléon ; et l’on ne peut la forcer de payer/
tant que Dechamp père n’a point fait cesser le p é r i l ,
tant qu’il n’a point fait disparoître tout moyen de con
testation à cet égard.
C ’est lui seul qui en est ten u , aux termes de l’article
1653. Il f a u t , avant to u t, qu’ il fasse disparoître ce qui
n’est, selon l u i , qu’ un fantôme de ven te; e t , sous ce
r a p p o r t, le jugement du tribunal de première instance
doit être reformé ; le sieur Dechamp père doit être
renvoyé à former une action principale contre ses petitsfils mineurs. L ’objet de cette action sera de faire déclarer
nulle la vente de 1807 , faute par le premier acquéreur
d’avoir rempli les conditions stipulées : et pour que cette
action soit formée légalem ent, pour qu’elle mette ma
dame d’Ayat à l’abri de toute éviction , il faut que le
sieur Dechamp appelle en cause tous ceux qui ont con
couru à l’acte de 1807 : madame d’A y a t a le droit de
l ’exiger.
En elfet, par cet acte il étoit stipulé qu’après la mort
du sieur Dechamp père, l’acquéreur (le sieur Dechamp
fils) payeroit diverses sommes à sa m è re , à son frè re ,
au sieur A r n a u d , son beau-frère. A u décès du sieur
Dechamp p è r e , ceux-ci auroient donc intérêt ù faire
revivre cet acte auquel ils ont concouru, et dans lequel ils
ont sans doute accepté les stipulations qui les concernent.
Il ne peut être déclaré anéanti sans eux. Eode/n m o
do dissolvuntur fa c ta quo colligantur. Ce qui a été
stipulé avec plusieurs, et ce qui intéresse plusieurs, ne
peut être résilié avec un seul. Il faut donc mettre en
caüsc tous ceux qui ont paru dans le premier acte, pour
�leur ôter tous moyens do troubler jamais la possession
de madame d’Ayat. Il faut que l’action soit dirigée con
tradictoirement, et contre e u x , et contre les mineurs.
Il n’y a pas de doute que la C o u r , en réformant le
jugement du tribunal de première instance, ne doive
renvoyer Dechainp à se pourvoir en nullité de la pre
mière ven te, par action principale. L a Cour ne peut
ordonner que les parties qui ont concouru à l’acte seront
mises en cause devant elle; elle ne peut e lle-m ê m e
décider la question , parce que c’est une action toute
nouvelle pour ces parties, qui n’ont.pas encore été ap
pelées, et môme toute nouvelle pour les mineurs, qui
jusqu’à présent n’ont pas été valablement représentés
dans l’instance. Il est évident qu’on ne peut les priver
les uns ni les autres d’un premier degré de juridiction.
O n vient de dire que les mineurs n’ont pas été vala
blement représentés, et cela est incontestable. Ils ont
été représentés par leur tutrice , par la dame veuve
D e c lia m p , à laquelle le second acte de vente fait une •
délégation d’ une partie du prix de la terre de B lot,
pour lui payer ses gains de survie dont le vendeur étoit
débiteur. L a veuve Dechamp est intervenue dans l’ins
tance, comme créancière personnelle du sieur Dechamp
père; elle a déclaré accepter la délégation, et a conclu
«nu maintien de la deuxième vente; elle y étoit, comme
on le v o it, intéressée. D e leur cô té , les mineurs pouvoient avoir intérêt à soutenir la validité do la première
vente. Toujours e s t - il vrai que cette vente subsiste
e n c o r e , et que c’est contre eux que tout le inonde veut
eu faire prononcer l ’annullation. D ès-lors, leur mère
�C h )
étoit incapable de les représenter, parce qu’elle pouvoit
dissimuler leur intérêt, qui se trouvoit en opposition
avec le sien. L e subrogé tu te u r, aux termes de l’ar
ticle 240 du Code N a p o lé o n , a seul le droit de les re
présenter, et il n’a point été appelé. Madame d’ Ayat
a donc intérêt à ce qu’on répare cette erreur, pour que
sa sûreté soit entière. Ce seroit, comme nous l ’avons
déjà d i t , laisser aux mineurs la voie de la requête ci
v ile , article 481 du Code de procédure. Madame d’A y a t
a droit d’exiger que le subrogé tuteur les représente
dans l’instance, parce qu’elle a droit d’exiger qu’on fasse
disparoître tout moyen de contestation dans l’avenir.
L ’on demande si l’on doit , dans ce c a s , requérir
l’autorisation du conseil de famille \ le conseil ne le pense
pas. A la vérité", c’est ici une action relative à des droits
immobiliers. L ’article 464 du Code Napoléon dit bien
que le tuteur ne p e u t, sans l’autorisation du conseil de
famille, acquiescer à une pareille action, ni Vintroduire
en justice; mais il ne dit pas que le tuteur ne pourra point
tout seul défendre à une pareille action , et cela seul
prouve qu’il en a le droit. O r , ici l’action doit être dirigée
contradictoirement contre les mineurs ; seulement, s’il y
en a d’émancipés, il faut, aux termes de l’article 482 du
Code N a p o lé o n , les mettre en cause, ainsi que leur
curateur.
E n fin , l ’on demande s i , pour éviter tant de forma
lités et tant de frais, toutes les parties intéressées dans la
première vente, même les mineurs, ne pourroient point
faire une reconnoissancc judiciaire de la validité de la
deuxième vente de 1811.
�( 12 )
L e conseil pense que cette reconnoissance suffiroit pour
rassurer madame d’A y a t , mais en y apportant des pré
cautions. Ce seroit reconnoître la nullité de la première
vente; ce seroit alors un acquiescement à une action im
mobilière , et l’autorisation du conseil de famille deviendroit dans ce cas indispensable.
L e coût de l’enregistrement de l’acte sous seing privé
entrera dans les dépens, et par conséquent la partie qui
succombera sur l’appel en sera chargée ; et comme le pre
mier jugement ne peut manquer d’être réform é, le sieur
D echam p, qui nioit la première vente, devra supporter
les frais faits pour en prouver l’existence.
L e sieur A r n a u d , au reste, par sa signature même ré
tablie dans l’acte de vente de 1 81 1 , n’a pu se lier que
comme témoin, si l’acte ne fait pas mention qu’il se soit
lié autrement. On pourroit tout au plus en conclure qu’il
a reconnu la nullité de la première ven te, mais jamais
qu’il a voulu se rendre garant de la seconde. D e pareils
engagemens ne se présument pas ; ils doivent être formelle ment exprimés.
D é l i b é r é à Paris le 1er. mai 1812.
B E L L A R T ,
DE
SÈZE.
A RI O M , de l ’imp. de T H I B A U D , imprim. de la C ou r impériale, et libraire,
ru e des T a u le s , maison L
a n d r iot.
— A o û t 1 8 1 2.
%
�
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Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Beaufranchet-d'Ayat. 1812]
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Bellart
De Sèze
Subject
The topic of the resource
ventes
nullité
éviction
conseils de famille
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour la dame Beaufranchet-d'Ayat.
Table Godemel : Eviction : 3. l’acquéreur par acte notarié éprouve-t-il juste sujet de craindre éviction, par l’existence d’une vente antérieure consentie par le vendeur à son fils, décédé, laissant des enfants mineurs ? est-il fondé à refuser le paiement du prix jusqu’à ce que la première vente aura été déclarée nulle par les tribunaux ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1807-1812
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2130
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
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Relation
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BCU_Factums_G2207
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Blot-l'Eglise (63043)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
éviction
nullité
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53407/BCU_Factums_G2111.pdf
d88eb4b026b2c9a5e3f51798c2e24efa
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Text
OBSERVATIONS
EN
REPONSE,
POUR
M.
Jean -B ap tiste-C ésar
C H A M P F L O U R ; la dame
C H A M P F L O U R , le sieur
de
C H A L L I E R , son
é p o u x ; la dame v e u v e L A M O N T E I L H E ; et la
dame v e u v e C H A B R O L , appelans et in terv ena ns;
C O N T R E
L e Corps com m un des h abitans de C hapes, in tim é;
EN
D es Héritiers
A rtaud
PRÉSENCE
de
V I R Y , intimés.
Q U E S T I O N .
L e créancier d 'un e rente peut-il dem ander la réso
lution d u contrat contre un tiers-détenteur, q u i n ’a pas
été chargé du paiement par son a cq u isitio n , et a purgé
les h ypothèques ?
L e s habita ns de Chapes s’ agitent dans tous les sens,
font mouvoir tous les ressorts pour inquiéter un a cq u é l
�( a )
reur qui n ’a contracté envers eux aucuns engagemens;
ils abus ent, après trois plaidoiries , de ce q u ’un délibéré
de la Cour a été prolongé par des circonstances parti
culières. Et quoique la discussion ait été poussée jusqu’à
la satiété, ils espèrent que l’impression des moyens
peut ê t r e e f ï a c é e ; ils osent reproduire, contre l ’usage,
un sj^slêine b izar e, subversif de tous les principes et
du droit sacré de propriété.
Sans doute un m o te ur secret, un solliciteur pas
sionné, les a poussés à cette dém arch e; car il n’est pas
vraisemblable q u ’ un corps co m m un , qui doit agir avec
pr u d e n c e , mette autant d ’acharnement dans une cause
de cette nature.
I l n’est pas vrai d abord que l’objet en litige fût un
comm unal. M . le duc de Bouillon était propriétaire
d ’ une assez grande étendue de terrain , q u’il avait co n
cédé à n o u v e au cens aux liabitans de C hap es , ainsi
q u ’à b ea uc oup
d ’autres particuliers ; il s’est m ê m e
é l e v é j à ce sujet, de très-grandes contestations sur la
q u e s t i o n de savoir si M. le duc de Bouillon avait pu
concéder ces différentes propriétés h nouve au cens,
lorsqu’il était g r é v é d ’une substitution qui embrassait
tous ces objets.
Q uoi q u ’il en soit, de cette grande étendue de ter
rain concédé aux habitans de Chapes, dépendait un
petit marais appelé de la F o l le , continuellement n o y é
dans des eaux stagnantes, n ’étant d ’aucun produit, et
tellement insalubre, que les habitant étaient sans cesse
�( 3)
accablés par des fièvres aut omnales, cjont les suites
étaient toujours funestes au plus grand nombre.
I l était difficile d ’espérer que des cultivateurs peu
so i g n e u x , se déterminassent à dessécher ce marais, et
à ouvrir de vastes fossés pour en faire découler les
ea ux : il y eut des réclamations réitérées à ce sujet
auprès du commissaire départi, et après les formalités
prescrites en pareil cas, les habitans furent autorisés
à aliéner ce marais, à condition que l’acquéreur le
ferait dessécher.
L e 1 5 septembre 1 7 5 r , cet objet fut vendu au sieur
E n jo lb e rt -M a rt il la t, qui fut expressément chargé du.
dessèchement, et exécuta à grands frais cette opé ra
t i o n , qui présentait de grandes difficultés; il fut eu
outre chargé de paye r
l ’acquit d e l à c o m m u n e
M . le duc de B o u i l l o n , en
d e C h a p e s , u n cens annuel de
à
quinze setiers de f r o m e n t, néanmoins sans directe.
L e contrat de vente ne contient point de pacte
com m issoire; mais les habitans de Chapes ve u lent
trouver ce lle stipulation dans la dernière clause de
l ’a c t e , qui porte q u e : « sous les clauses, conventions
et stipulations ci-dessus, les habitans se sont démis et
dessaisis de la propriété ». C ’est être bien in génie ux!
A la v é r i t é , on ajoute que les habitans ont réservé
leurs droits sur le marais; mais ces droits réservés ne
peuv en t s’appliquer q u ’au droit de vaine pâ tur e, que
les habiluns conservaient sur ce marais, com m e une
condition de la v e n t e ; les habitans en concluont que
c est encore un pacte commissoire.
2
�*
Ï
4
)
■ T o u t fait -présumer aux habitans que le sieur E n jolbert, en vendant Martillat au sieur de V i r y , le
chargea de p a y e r la rente : personne n’ en sait r i e n ,
on ne rapporte pas le contrat ; mais ce q u’on sait,
et q u’on a toujours soutenu' en plaidant, c’est que le
sieur de V i r y ne Ta jamais payé e ; c ’est q u ’il n ’y a
pas d’app aience q u ’ il en ait été ch arg é, car on n’aurait
pas oublié d ’en faiie une condition dans la vente j u
diciaire qui a eu lieu postérieurement au profit du
sieur Champflour.
Ce n’est point le sieur de V i r y qui a v e n d u ; ce
n ’est pas une vente volontaire qui a été consentie.
C ’est un conseil de f a m i l l e , co n v o qu é pour les
mineurs V i r y , qui a reconnu la nécessité d’ une alié
nation, et qui a autorisé la vente des biens des mineurs,
en observant les formalités prescrites par la l o i ; il y
a e u u n e estimation préalable, desaffiches, publications
et enchères; l’adjudication en a été faite ail s.r C h a m p
flour , judiciairement et après un cahier d é c h a r g é s
déposé au g r e f f e , o ù , entre autres chos es, on ne
tr ouve pas la plus légère trace de la rente dont il
s’agit.
Cependant une charge aussi onéreuse, une renie de
i 5 setiers de froment n’est pas à négliger; elle devait
diminuer notablement le prix de l’adjudication; et il
est inconcevable que la famille réunie , une tutrice
entourée de conseils éclairés, eussent fait une sem
blable omission dans le cahier des charges, si, dans le
f a it , le sieur de V i r y avait été g ré v é de cette près-
�( 5 )
té c ÿ
talion par son contrat, et s’il avait p a y é cette m ê m e
rente.
Il n'en existe aucune ratification depuis 1 7 6 1 , au
cunes preuves de p a i e m e n t , si ce n ’est que les habitans
de Chapes prétendent que le sieur de V i r y avait laissé
arrérager trois ans; ce qui n ’est encore q u'u n e de ces al
légations sans f o n d e m e n t , jetées au hasard pour donner
une couleur favorable à une prétention chimérique.
C ’est le 18 juillet 1798 ( 22 messidor an 6 ) que le
sieur Champfl our se rend adjudicataire du dom aine
de Mart illat, m oye nn ant 120,000 fr. et les frais de l’ad
judication.
Trois ans après, en l ’an 9, les habitans de Chapes
forment contre le sieur C ham pf lo ur
une
dem ande
hypothécaire, en pai em ent de la rente. Voici les
termes de l e u r - c i t a t i o n d u 8 v e n d é m i a i r e au 9 : « le
« maire de Chapes veu t actionner le dit sieur C h a m p
ee flour, c o m m e possesseur actuel de l’objet asservi à la
ce dite r e d e va n ce, pour voir déclarer affecté et hijpo« théqué au paiement de la redevance tant le domaine
« de Martillat que le marais de la F o l l e , à être c o n
te damné hypothécairement à acquitter ladite redeva nce
« des quatre dernières an née s, échues le 10 fructidor
ce dernier; à continuer le m ê m e paiement à l’a v e n i r ,
ce tant q u ’il sera possesseur des biens; m êm e à passer
« et consentir devant notaire une nouvelle ratiiicalion
« à ses Irais, faute de c e , etc. ».
Cet le action s’accordait avec leur première démarche.
Les habitans de Chapes reconnaissaient e u x - m ê m e s
�( 6 )
q u ’ ils n ’avaient q u ’ une h y p o t h è q u e , puisqu’ils avaie nt
pris une inscription sur le bien de Martillaf, inscrip
tion q u ’ils ont laissé périmer.
L e sieur Cliampflour répond au bureau de paix ce
q u ’il devait rép ondre, q u ’il n’est pas ch a rg é, par son
adjudication, du paiement de cette r e n i e , et q u ’il
faut en faire dire ave c les héritiers Viry.
Il est de suite assigné pu rem ent et simplement en
résolutioii du contrat, en qualité de tenancier et pos
sesseu r' on ne reprend plus les conclusions h y p o t h é
caires prises p a r l a cé dule; il forme contre les héritiers
V i r y une demande en recours.
O u re m a r q u e , c o m m e une chose fort extraordinaire,
que les héritiers V i r y ne contestèrent pas la demande
principale, et s'en remirent à la prudence du tribunal
sur la demande en recours : quel effort de résolution!
Parm i les héritiers V i r y , l'enfant du premier lit a r é
pudié à la succession de son père, les autres ont ac
cepté par bénéfice d ’inve ntaire , et s’établissent cr éa n
ciers de sommes considérables d’une succession qui était
déjà absorbée par les reprises de la v e u v e , ainsi q u ’elle
l'a établi par le compte qu'elle a rendu.
Il n ’est donc pas fort étonnant que n ’ayant rien à
p e rd re, ils n’aient pas contesté une demande à laquelle
ils ne prennent aucun intérêt.
L e s habitans de Chapes in v o q u e n t , à l’appui de leur
act io n, la loi du 10 juin 1 7 9 3 , qui vient à la cause
à-peu-près c o m m e le fleuve Scamandre.
L e sieur Cliampflour, qui n ’a pas remarqué le chati-
�( 7
)
gem en t des conclusions de l ’exploit, croit toujours d é
fendre
îi
une dem ande h yp othéca ir e; son contrat n ’élait
pas transcrit ni notifié, par conséquent il était soumis à
toutes les hyp oth èq ues; el quoiqu’il absorbât, par des
créances antérieures, bien au-delà de la valeur du do
maine de Martillat, néanmoins une h yp othèq ue n’e m
pê ch e pas l’autre ; il fallait donc répondre a ux argumens
de la loi du i o j u i n 1 7 9 3 ; et le sieur Cham pflo ur dit que
cette loi n’est pas applicable; que quand elle le serait,
les habilans seraient non recevables, parce que la loi
les obligeait à intenter leur action dans les cinq ans.
J u ge m en t du tribunal civil de R i o m , d u 2 thermidor
an 11 , qui oublie aussi que les habitans n’avaient
fo rm é q u ’une demande h y p o t h é c a i r e , et co nda m ne
personnellement le sieur Cham pflo ur au paiement de
la re n t e , avec tous1 les a c c o m p a g n e m e n s d ’arrérages,
de prestation à v e n ir, de ratification et résolution d u
contrat.
C e ju geme nt est signifié le 18 fructidor an 1 1 ; le
sieur C ham pfl our en interjette appel le 4 vendé miaire
suivant. Sept années se passent dans le silence ; les habi
tans de Chapes oublient m ê m e de ren ouve ler leur ins
cription dans les dix ans.
U n nouv eau syndic se fait autoriser par un arrêté
du conseil de p r é f e c t u r e , du 28 déc em b re 1 8 1 1 ; les
poursuites se reprennent ; on en vient une première
fois à l’audience de la C o u r , du 2 mai 1 8 1 2 ; on pr é
tend que le sieur C ham pfl our avait médité un nouve au
plan de défense
a u ssi extraordinaire qiC astucieux.
m
�C ’est un compliment à son conseil, car le sieur C h a m p flou r ne s'en est pas m ê l é , et ne s’attendait pas à cette
gentillesse. Mais la première chose que doit examiner
le défenseur, c ’est sans doute la demande et le juge
m en t : il voit que le sieur Champflour n ’a point été
charg é.d u paiement de la renie par son contrat; q u ’il
n ’avait été assigné q u ’h y p o l h é c a i i e m e n t , et q u’il était
c ondam né personnellement.
• Rien de plus bizare que ce jugement. L e sieur C h a m p
flour soutient q u ’il ne peut être tenu que par la force
de l’ hypo thèq ue : il n’y a rien là (T astucieux • c ’esl la
chose la plus simple; mais les habitons de Chapes n’en
perdent pas moins la carte., et se jettent dans des dis
cussions à perle de vue sur la loi du 10 juin 1 7 9 3 , loi
révolutio nnaire, proscrite, qui d ’ailleurs n ’a jamais dit
q u ’ un liers-dél ent eur, possesseur de bonne f o i, qui a
acquis sans aucune charge de la rente, peut être per
sonnellement tenu de la payer.
L e sieur Cham pflo ur s’aperçoit aussi que les liabitans de Chapes
n ’a v a ic n l
pas renouvelé leur inscrip
tion dans les dix ans; q u ’ils avaient perdu leur pri
v i lè g e ; q u ’ils étaient primés par les autres créanciers;
il le dit encor e, et sans doute ce n ’est pas êlre a stu
c ie u x ; son défenseur n ’avait pas l’adjudicalion sous ses
y e u x ; il la croit transcrite, c ’est un fait à vérifier; la
C o u r ord onne un délibéré.
D a n s l’in le rv a ll e , les habilans de Chapes prennent
une nouvelle inscription. L e sieur Champflour s’aper
çoit que son contrat n ’esl pas transcrit : il remplit celte
formalité,
�( 9 )
IT5
fo rm alité , fait notifier son adjudication à tous les créan
ciers inscrils. Aprè s les délais pour les enchères, il fait
ouvrir l’ordre; la cause change de f a c e , il faut la plai
der de nouveau. Po u r le c o u p , les habitans de Chapes
ne peuvent passe plaindre, il n’y a plus d ’a stu ce; tout
est bien connu ; les intimés ont eu tout le temsde méditer
leur défense; on revient à l’audience en cet é tat, et tou
jours la loi du 10 juin 17 9 3 revient à tous propos. L a
défense s’épuise ; encore un délib éré, plutôt par lassi
tude que par nécessité : il a été prononcé le 16 mars
dernier.
L e s habitans de Chapes font l'injure à la C o u r de
croire q u ’ils n’ont pas été entendus; ils publient une
défense qu'ils ont méditée pendant plus de deu x mois;
- et c o m m e le dépit s’ en m ê l e , on n'épargne pas les
injures; on se permet des personnalités, et on s’avise
de parler de ce q u ’on n e connaît pas; par e x e m p l e
( pag. 9 ), on dit : « Qu e le sieur C h am p f l o u r , à force
« de m enées, s’était fait céder la plupart des créances
« existantes sur les V i r y , ses vendeurs; la masse de ces
« créances excédant en apparence la valeur des b ie n s ,
« il avait ob te n u , à vit p r i x , la plupart des cessions,
« mais avec subrogation pour le tou t, et m ê m e des
« procurations pour agir sous le nom de ses cédans. Ces
« détails, dit-on, ont fait assez d ’éclat dans le procès
« de la d a m e d e B i g n y , v e u v e V i r y , jugé par la première
« chambre de la C o u r , et qui découvrit tant de choses ».
Voilà sans d o u t e qui est bi en intéressant et bien n é
cessaire, po u r savoir si les habitans de C h a p e s on t u n e
3
�( 10 )
action h yp othéca ire , ou une action personnelle po u r le
paiement de leur rente. Mais c o m m e on accumule indé
c e m m e n t , dans ce peu de mots, une foule de calomnies;
que le sieur Champflour et ses enfans ont le droit de
s’en plaindre, et doivent en être blessés , il ne leur est
pas permis de mépriser ces odieux m ensonges , et il
est de leur devoir de s’en justifier.
M . C h a m p f l o u r , du ch ef de la dame sa m è r e , était
cohéritier du sieur V i r y , fils de la sœur de la dam e
C h am p f l o u r , propriétaire de la moitié des biens dont
le sieur de V i r y s’était em pa ré ; il lui était dû dés
restitutions de jouissances depuis 17 6 5 ; il était en
outre créancier de 64,000 fr. et des intérêts de cette
so m m e pour la charge de receveur des tailles; il lui
était encore dû des arrérages d ’une rente de
4 , 5oo
fr.
par a n n é e , cr éée en 1 7 8 2 , et dont le paiement avait
cessé depuis 1789. Cette rente était le prix de la charge
de r e c e v e u r , qui appartenait à son grand-pèrê m ater
n e l , dont il lui revenait moitié, et q u ’exerçait le sieur
de V i r y , parce que le titre
ne
pouvait appartenir
q u ’à un seul.
L e sieur de V i r y et la dame Espinasse, oncle et tante
du sieur C h am p flou r , avaient eu six enfans, et avaient
institué le sieur de V i r y , leur fils a în é , leur héritier
un i v e rs e l ,
à la charge d ’ une légitime envers leurs
enfans puînés. Ces légitimaires sollicitent leur cousin
pour lui vendre leurs droits; il se laisse entraîner
par ce futile prétex te q u ’il était créancier considé
ra b le, et q u ’en achetant les légitimes, il n ’aura plus
�rien h démêler a v e c personne; il les acquiert sans aucun
bén éfic e; il p a y e tout c e ; qui leur revient en prin
cipal et intérêts, m êm e les réserves portées par l ’instilulion. Il est porteur de toutes les quittances, et défie
qui que ce soit d ’avancer q u’il ait obtenu des remises,
ou que ses quittances soient enflées.
lia dame v e u v e V i r y , qui s’était approprié tout le
mobilier de la succession, et avait joui de tous les
im m e u b le s, propose la cession de ses droits et reprises
au sieur C h a m p f l o u r ; elle se présentait c o m m e pre
mière créa ncière , elle n’avait pas m ê m e d’inscription
sous la loi du n
brumaire an 7 ; elle avait négligé
celt e précaution dans plusieurs arrondissemens où les
Liens de son mari étaient situés, et n ot am ment dans
celui de Riom.
,
O n fait entendre au s i e u r
Cham pflour,
qui ignorait
cette circonstance, q u ’il est ava ntage ux pour lui d ’être
aux droits de la v e u v e ; elle soutenait n’avoir rien pris,
rien reçu ; elle disait avoir acquis des créances pr ivi
légiées d’ un sieur M i r o y , sous le nom du n o m m é
M ich el d e C o m b ro n d e ; le sieur C ham pf lo ur est ébloui
de ces belles p rom esse s,
il
achète les droits de la
v e u v e le 9 février 1804, Par d eu x actes du m êm e
jour , et le tout pour 69,000 f r . , quoiqu'il n’en revînt
à la v eu v e q u ’à -pe u -p rè s i 5,ooo fr.
L e sieur Cham pflo ur p a y e d’abord les premiers
termes; il s’aperçoit ensuite q u ’il a été t r o m p é , il
demande la nullité de la cession : la discussion
de
celte cause fit connaître en effet co m m en t et par qui
4
�( 12 )
le sieur Champflour avait été trompé ; M . le P r o
cureur général portant la parole dans cette cause, fut
convaincu de l ’erreur; il proclama hautement q u’il
n’y avait rien dans la demande du sieur C h am p f lo u r ,
qui put blesser la délicatesse et l’honneur , mais il o b
serva que le sieur Champflour, m a j e u r , avait traité à ses
périls et risques; que l’acte était un contrat aléatoire,
et que les principes de droit s’opposaient à ce q u ’il
p û t revenir contre des engagemens q u ’il avait e x é
cutés en grande partie. L'arr êt fut conf orme à ces
conclusions.
C e t a r r ê t , loin de découvrir tant de ch o ses, ne
jugea q u ’ un point de droit , et
la discussion qui
eut lieu en présence des héritiers V i r y , de plusieurs
c r é a n c ie r s , apprit à tout le monde que M. C h a m p
flour, loin d ’avoir acquis à vil p r ix , n ’avait obtenu
aucunes remises, et perdait au contraire plus de 80,000 fr.
sur ses propres créances.
Voilà ce que le sieur Cham pflo ur est encore en état
d ’établir; et il est inconvenant que sur une question
absolument
é t r a n g è r e , on se pe rmette des inculpa
tions contre un h o m m e d’h o n n e u r , à qui on n’a ja
mais pu faire le plus léger reproche.
T a n t q u ’on ne fera que la guerre aux m oyen s de
défenses du sieur C h am pflo ur , il n’y a rien que de
l é g i t im e , et il ne s’agit que d ’y
ré p o n d re ; et par
ex em ple est-ce bien ce q u ’avait dit l’ app elant, que
la demande en déclaration d ’h y pothèq ue n’était plus
admise; q u’on ne reconnaissait aujourd’hui que la som-
�;
( i3 )
;
m a t i o n , suivant le m o d e prescrit par le C o d e N a p o
léon ?
Lorsq ue l ’appelant a fait usage de ce m o y e n surérog a t o i r e , il y était autorisé par l ’arrêt de la Cour de
cassation , rendu dans la cause de la dame Chirol ?
fe m m e Ju lien , qui avait f o r m é , contre un acquéreur
de son m a r i, la demande
en
déclaration
d ’h y p o
thèque. On soutenait que cette action était nulle, a u x
termes du C od e Napoléon. L a dam e J u l i e n , à son
t o u r , prétendait que la demande hypothécai re n’était
pas abrogée par le Code ; que la sommation qu'il pres
crit n’était qu' une facilité plus grande pour le cr éa n
cier , qui
pou vait prendre ou la voie de l’action
h y p o t h é c a i r e , ou celle du c o m m a n d e m e n t , tant q u e
l ’acquéreur n’avait pas transcrit et notifié. Elle ajoutait
m ê m e q u e l’action h y p o t h é c a i r e é t a i t n é c e s s a i r e , toutes
les fois que l’h yp o t h èq u e était contestée; la Cour ( pre
mière c h a m b r e ) le
pensa
ainsi, et le jugea par son arrêt.
Sur le pourvoi de l’acq u é reu r, l ’arrêt a été cassé, et
la C our de cassation a j u g é , en pr incipe , que le C ode
ne permettait d ’autre action que celle du c o m m a n
dem ent au principal o b l ig é , et de la sommation au
tiers-détenteur.
Mais les habitans de Chapes confondent encore. C e
m o y e n fut proposé avant la transcription et la no
tification; et lorsque la cause a été plaidée le 16 mars
d e r n i e r , le sieur Champflour s’est contenté de dire
que les habitans de Chapes n’avaient d ’autre ressource
que de venir à l’ordre pour être colloqués suivant le
�( 14 )
rang et la priorité de leur h y p o t h è q u e ; que c ’était à
quoi se bornait toute la cause : il ne s’agit que d’e x a
miner si le sieur Charapflour a eu tort ou raison.
P r é t e n d r e , sous la loi du 11 brumaire an 7 , que
le créancier d ’ une rente peut conserver son privi
l è g e , et form er, en tout état de cause , contre Le tiersdétenteury une demande en résolution du contrat, c ’est
un e absurdité choquante.
■
' L e créancier d’ une rente n ’a q u’ une créance pu
rement mobiliaire, qui peut être purgée par l’ac q ué
r e u r , si le cr é a n c ie r , 011 môme le vend eur n’a pas
pris d’inscription; l’article 2 de la loi citée d i t , en
termes exprès , « que 1 h ypo thèq ue ne prend ra ng,
« et les privilèges sur les immeubles, n ’ont d ’effet que
k par leur inscription dans les registres publics h ce
« destinés ».
Le
C od e
Napoléon
n’a rien changé à ce prin
cipe , l’art. 2 1 0 6 , porte : « E ntre les créanciers, les pri« viléges ne produisent d ’effet ,à l’égard des immeubles,
«
q u ’autant
q u ’ils sont rendus publics par inscription sur
« les registres du conservateur des h yp o t h èq u es, de la
« manière déterminée par la loi et à compter de La date
« de cette inscription ».
Il faut encore faire une très-grande différence entre
le ve n d e u r privilégié pour le prix, et le créancier
d’ une simple rente, quand il serait bailleur de fonds.
I^e v e n d e n r , en efl'et, conserve son privilège par la
transcription du titre qui a transféré la propriété ù
l'acquéreu r, et qui constate que la totalité ou partie
�;
;
m n
du prix lui est due (article* 2108 du Code Nap o léon..
S ’il y a plusieurs ventes successives dont le prix soit dû.
en tout ou en partie, le premier vendeur est préféré au
se co nd, et celui-ci au troisième, ainsi de suite, niais
pourvu que le premier vendeur soit inscrit antérieure
m ent au second, parce que le privilège, sauf les e xcep
tions dans lesquelles les habitans de Chapes ne pe uven t
se placer, ne se conserve et ne prend rang que par l ’ins
cription, lorsque l’acquéreur du premier ven deur n’a
pas transcrit. C'est ce que la Cou r a jugé en thèse, par
un arrêt de la deu xièm e ch a m b re , du 18 janvier 1 8 1 0 ,
dans la cause des créanciers d ’ un sieur Marion. U n sieur
Brillantais avait vendu un imm eu ble à un sieur Hérissé.
Hérissé n’avait pas fait transcrire son contrat, et le sieur
Brillantais, v e n d e u r, n’avait pas pris d ’inscription quoi
que le prix lui fût dû en totalité.
Hérissé vend à s o n t o u r a u x sieurs
M artigny
et Colas,
qui font transcrire et notifier. Les créanciers du sieur
Hérissé étaient inscrits depuis l’an 1 0 ; ce u x du sieur
Brillantais ne s'inscrivirent q u ’en l’an i 3. Nonobstant
cette inscription tardive, ils prétendirent q u’en exer
çant les droits du premier v e n d e u r , ils devaient être
préférés , au x termes de l’art. 2 i o 3 du C od e N a p oléon ;
ils se fondaient sur le pacte commissoire, l’action en ré
solution,
qui
appartient toujours au v e n d e u r , à défaut
de paiement du prix de la vente. L e s créanciers Hérissé
ajoutaient, à leur tour, que le privilège du premier
vendeur ue peut être c o n s e r v é , et ne prend rang que
du jour de l ’inscription ; que le contrat du premier
�^acquéreur n’avait pas élé Iranscrit, et que dès-lors le
sieur Brillantais avait perdu son privilège sur le second
acquéreur. Ju ge ment de Moulins, qui colloque en pre
m ier ordre les créanciers Hérissé, se fondant sur l’ar
ticle 2106 du Code. A p p e l en la C o u r ; arrêt confir<
niatif par les mêmes motifs.
Il
résulte donc de la disposition de la loi du 11 bru
maire an 7 , de celle du C od e Napoléon , et de l’arrêt
de la C o u r , que le vendeur ne peut exercer son pri
vi lè ge contre des tiers, qu'autant q u’il l’a conservé par
u n e inscription, ou que son privilège ne prend rang
q u ’à compter de l’inscription; et la raison en est simple:
p o u r exercer une action contre un tiers, il faut pouvoir
lui donner les moyens de
reprendre
ce q u ’il a p a y é à
la décharge de son déb iteur ; il iaut pouvoir le subroger
à des droits utiles. E t quelle sorte d ’action reslerait-il,
par e x e m p l e , à un tiers-détenteur obligé de rép on dr e,
ou de verser le prix de son contrat aux créanciers ins
crits, si le premier ve ndeur a perdu son privilège; si
le tiers-délenteur ne peut tirer aucun fruit du paie
ment
q u ’ il aur ai t f ai t
à ce ven de ur? q u’ importerait aux
créanciers inscrits sur un im m e u b l e , que le tiers dé
tenteur eût p a y é le prix à un premier vendeur non
inscrit? les créanciers ne diraient-ils pas que le tiersdét enteu r à mal à propos payé à celui qui n ’avait
aucun lit re , qui avait perdu son pr ivilè ge , et q u ’il n’en
doit pas moins verser une seconde fois entre leurs
mains ?
C e q u ’on dit du ve ndeur s’a p p l i q u e , à plus forte
rai son,
�(
*7
)
raison, au créancier d ’ une r en te, qui n’est q u ’ une chose
purement «nobiliaire. Il est inconcevable d'entendre
plaider solennel lement, et de voir publier par l’impres
sion, que le créancier d’ une rente n’a pas besoin d’inscription, parce q u’il a toujours le droit de demander
la résolution du contrat contre le tiers-clé lenteur. O n
dit que la loi du 29 décembre i7 9 ° > en déclarant raclietables les rentes foncières perpétuelles, n’en a pas
changé la nature. Mais depuis la loi de 1 7 9 ° ? ^ en a
été promulgué beaucoup d ’autres; et peut-on dire que
les rentes ne sont pas mobilisées par la loi du 11 b ru
maire an 7 ? Oserait-on le dire encore sous le C o d e
N ap o léo n , d ’après l ’art. 5 2 9 , §. 2 , et l’art.
53 o ,
tous
deux placés sous la rubrique des m lu b les? à moins,
q u’on ne voulût prétendre encore que les servitudes
OU services fo n ciers , q u i sont i m m e u b l e s , veulent
dire les rentes fo n c iè r e s , et q u ’on assimile à une
rente fo n ciè re, un service pour
droit de .p u is a g e ,
passage, ou le service que doit l’héritage inférieur au
supérieur, etc.
Mais le s.r Champflour aura beau d i r e , l ’immortel
D om at qui en savait plus que lui et que n o u s , a dit
sur le titre du contrat de v e n t e , « que celui qui a
« vendu un imm euble dont il n ’a pas reçu le prix ,
« est préféré aux créanciers de l’a ch et eu r, et à tout
« a u t r e , sur le fonds v e n d u ; car la ven te
re n fe rm a it
« la condition que /’ acheteur n ’e n ’ serait le maître ,
« qu’en payant le prix. , etc. ». M .
Domat s a p p u y é
sur la loi 19. Cod. de contrah. empt.\ et ces prin-
5
�C 18 )
cipes sont soigneusement conservés par les art. 1 6 1 2 ;
1 6 5 4 , i 665 , n
83,
1 1 8 4 du Code Napoléon.
Ri en n’est plus juste. L e v e n d e u r , sans c o n t r e d i t ,
a un privilège sur la chose v e n d u e , pour le prix qui
resle dû. Il le suit enlre quelques mains que son gage
ait passé, pourvu q u ’il ail conservé son pr iv ilè ge, par
une inscription, ou que son ven deur ait transcrit. C ’est
là ce q u’ajouterait M .
D o m a t lu i- m ê m e , s’il avait
connu la loi du 11 brumaire an 7 et le Code N a p o
léon ; mais si les habitans de Chapes n ’ont pas con
servé leur privilège par une inscription , ou s’ils sont
primés par des créanciers antérieurement inscrits, c o m
m en t pourraient-ils demander la résolution de leur
ancien contrat contre un tiers-détenteur qui ne tient
rien d ’eux et n ’a rien acquis d ’eux.
L a Cour de cassation l ’a ainsi j u g é , s’écrient les
habitans de C h ap es, et par deu x arrêts successifs! Il
faut donc ex am in er ces deu x arrêts, pour savoir si,
en effet, ils ont la plus légère application à l’espèce.
On conviendra p eut- êt re que le prem ie r, au moins,
n ’ est pas bien choisi. Ü n bail à locaterie perpétuelle
avait été consenti au profit d ’un sieur Pierre Squiroly.
C e bail comprenait deux domaines, et avait passé suc
cessivement aux enfans du preneur originaire. U n e
f e m m e Squiroly avait pris, en l’an 8 , une inscription
sur les biens de son m a r i , pour la conservation de
ses droits; la rente n ’étant pas p a y é e au bailleur,
ce lu i- c i, en l ’an 9 , obtint contre son débiteur un j u
gement qui condamna au paiement des arrérages, dans
�(
*9
)
titl délai fixé j sinon déclara le contrat résolu ; appel de
S q u iro ly , arrêt confirm atif, déguerpissement effectué,
L a fem m e Squiroly se fait séparer de biens; elle
fait procéder , par expropriation forcée* sur les biens de
son m a i i ; inais elle ne comprend pas^ dans la saisie
im m o b ilia ir e , les domaines déguerpis; seulement en
ver tu de
sOn
inscription elle assigne h yp oth écaire m ent
ïe bailleur qui s’élait mis en possession ; elle devait
succomber dans sa p r é l ë n li o n , par un m o y e n tran
chant, un principe universellement r e c o n n u ; c’est qüô
la résolution e x causa a n liq u â , prononcée contre lé
p r e n e u r, fait rentrer dans la main du bailleur l’objet
c o n c é d é , franc et quitte de toutes hypothèques j comrtiô
s’il n’y avait jamais eu de concëssioh;
Cependant la f e m m e Squiroly se pourvoit ên Oâàs à t i o n contré l ’arrêt de T o u l o u s e , qüi l ' a v a i t d é b o u t é ©
de sa d e m a n d e , et le m o y e n sur lequel elle insistai! l é
plus*
aux
était
de vouloir assimilât les Lûcàtenes perpétuelles
r e n te s
q u e ïe
foncières ; et il ést à remarquer énCbie
jugement et l’àrrêt qui avâieilt prorioncé la r é
solution , avaient passé en force de chose jugée. L ’artêt
de cassation, en rejètant la r é q u ê t e ,d o t in e pour m o t if
que le pacte commissoire a lieu en contrats de reniés
foncières; persoiiné ne lë Conteste.
11
dit aussi tjue Io
phcte commissoirë tésoüt lë contriit ab in itia , et pàf
conséquetil efface tbufés hypothèq ues intermédiaires j
il ajoute enliti tjue 1-arrêt qui prononçait la résolulibti
était
contradictoire,
ët
aVait acquis F aulohté dëla'chosô
jugée , quand la réclamante y avait formé bpposilioft,
6
�( 2° )
On a beau s’ingénier , pour découvrir ce que cet
arrêt a de com m u n ave c l’espèce particulière, et on
n ’est pas assez habile pour l’apercevoir. L à , le dé
guerpissement est prononcé contre le preneur • ici •, il
est demandé contre un tiers-détenteur, qui n’a pas élé
chargé
de payer la rente. L à , il n’y avait q u ’une
créance hypothécaire , qui ne pouvait atteindre des
immeubles rentrés dans la main du bailleur e x causâ
a n tiq u â , et affranchis par conséquent de toutes les
hyp ot hèq ue s sur le pren eu r; i c i , il s’agit d ’une pro
priété qui a passé entre plusieurs mains , qui est de
ve n u e le gage des créanciers des seconds a c q u é r e u r s ,
faute par le bailleur d ’avoir conservé son privilège ;
enfin c’est un simple arrêt de rejet , qui pr ouve que
l ’arrêt aflaqué n ’a violé aucune ancienne loi, et q u’il
s’est conformé à l ’ancienne jurisprudence, il ne peut
donc être un préjugé à invoquer dans la cause.
•3 L e s habitans de Chapes seront-ils
plus he ur eu x
pour le second arrêl q u’ils ont encore cité ? En voici
l ’espèce. L e 27 ventôse an 1 0 , le sieur Mignot et la
dame Fages achetèrent conjointement des v e u v e et
enfans L o n g c l i a m p s , un i m m e u b l e , moyennant la
somme de 7,000 fr.; le 22 messidor an 12, acte par lequel
les deux acquéreurs procédant à la licitalion de l ’im
m eu b le par eux acquis, convinrent q u ’il appartiendrait
en totalité à la dame Fages; il fut co n v e n u , com m e
condition sine quâ n o n , q u ’en cas d ’inexécution de
la part de cette daine, d ’une seule des clauses stipulées,
La Licitation serait annullcc de plein d r o it, et que
�( )
}$S
p a r la seule échéance des te rm e s, la dame Fages serait
de droit constituée en demeure.
L e 1 3 thermidor su iv a n t, le sieur M ig not f i t inscrire
l'acte de Licitation au bureau des hypothéqués, pour
conserver son privilège.
Par une clause précise de l’acte , il devait rester
en possession de sa moitié dans l ’im meuble licité, jus
q u ’à ce q u’il eût été satisfait par la dame Fages aux
conditions de la licitation.
L a dame F a g e s , sans avoir rempli aucunes de ces
conditions, s’avise d’assigner le sieur Mignot en désis
tement. Jug emen t qui le maintient en possession.
En cet é t a t , la dame Fages revend l’imm euble entier
a u x sieur et d a m e Ra yna u d. L e sieur Mignot , qui
n ’était pas dépossédé de l’i m m e u b l e , se pourvoit tant
c o n t r e la dame Fages que c o n t r e les s i e u r et dame
R a y n a u d , en résolution de la licitation, et en nullité
de la vente postérieure. Il est déboulé de sa demande
au tribunal de Besançon , parce q u’il avait demandé
l ’exécution de la licitation, lors du premier ju gem ent
qui l’avait maintenu; et q u ’en demandant l ’exécution,
il était censé avoir renoncé au pacte commissoire sti
pulé. Sur l ’a pp el, la C our de Besançon confirme par
d’autres m o ti fs , notam me nt à raison de ce que le
sieur Mignot n’avait exercé son action résolutoire q u ’a
près la vente faite par la dame Fages aux sieur et dame
Ra yn aud , et que la résolution d ’ un
contrat
ne peut
préjudiciel’ à des tiers qui ont acquis de bonne foi.
Pou rvoi en cassation du sieur Mignot :et quels étaient
�( Z2 )
ses m o y e n s? Il disait i.° que la Iicifafion avait été
déclarée rés oluble, et que ce ll e stipulation devait avoir
son effet; que l’article 2182 du Code porte que le
v e n d e u r ne transmet h l’acheteur que la propriété et
les droits qu'il avait l u i- m ê m e ;
2 ° Que le ven deur à faculté de rachat, peut exercer
son action contre un second a cq u é reu r, et q u ’il doit en
être de m ê m e , lorsque la vente a été faite sous clause
résolutoire ;
3 .° 11 convenait
q u ’il fallait faire une différence
•< entre le privilège q u ’a le vendeur sur le bien ve ndu
« pour le prix qui lui esl dû, et le droit que lui assure la
« clause résolutoire è±près sèment stipulée •
« Q u e la demande en résiliation , q u ’autorise là loi,
« pourrait ne pas avoir lieu contre un second acheteur « q u ’il n ’en serait pas de m ê m e de celle qui est établie
« sur là convention »;
« Q u ’on doit distinguer la résolution légale de la ré« solution conventionnelle f car la loi les distingue ( ar
ec ticles i 655 et 16Ô6 C. N. ) »;
Q u e q udiit h la résolution conventionnelle, l ’article
i
656
veut biên qüe l ’acheteur puisse purger sa de-
xn'eüré tant qu'il n*a pas été s o m m é ; mais que cette
grâce prouve la consistance de la stipulation du pacte
commissoire.
L a C o u r de cassation , « Al tendu én fait q u e dans
lŸacté dé licilatiôri , du 22 messidor ûn
1 2 , il a été
expressément con vétiu q u ’en cas d ’i n é x é c ü t i o t i , dé la
part des mariés F a g é s , d ’ une Seule des clauses de Cet
�( 23 )
H ï
a c l e , la licitation serait annulée de plein d ro it, etc.
At te ndu en droit q u ’il est de règle certaine qu'u n
vendeur ne peut transmettre à son acquéreur plus de
droits q u ’il n’en a l u i - m ê m e ; q u’ainsi quelle q u ’ait pu
être la bonne foi des R a y n a u d , ils n ’ont acheté que
la propriété q u ’avaient les mariés Fages 5 et ils ont
été obligés , c o m m e l ’avaient été ces derniers e u x m ê m e s , de supporter l’effet de la clause résolutoire
stipulée en l’acte de licitation. — A tte ndu enfin q u ’il
ne faut pas confondre le privilçge qu'a le vendeur sur
le b ien , pour le p r ix q u i lu i est dû ,} avec le droit réel
que lui assure la clause résolutoire, lequel n’a pas besoin
d ’inscription pour être conservé ; mais que cette ins
cription fût-elle nécessaire, on n’en saurait rien in
d u i r e , dans l ’e s p èc e, au préjudice de M i g n o t , puis
q u ’il a fait transcrire le contrat de lic ita tion , e t c.,
casse, etc. ».
11 faut convenir que les liabitans de C h ap e s , en
faisant usage de ce second arrê t, n ’ont pas fait p r eu ve
de discernement. I l est diamétrale ment en opposition
avec leur système.
Lors de cet arrêt, tout le m o n d e , M ignot lui- m êm e,
reconnaissait que le privilège du v e n d e u r , pour le
prix qui lui est dû, ne subsiste plus contre le second
a c q u é r e u r , lorsqu’il n’a pas été conservé par l ’inscrip
tion.' O n ne se fondait que sur la stipulation expresse
du pacte résolutoire, q u ’on considérait com m e un droit
r é e l, c o m m e une convention qui f a i t essentiellement
partie de là propriété.
/
^
�( 24 )
Et la Cour de cassalion n ’oublie pas d’établir cette
différence dans ses motifs; et comment ne l’aurait-ello
pas fait, lorsque le Code Napoléon l’établil lui-mêm e
dans les art. 1 655 et 1 65 6 ?
P a r l e premier article, lorsque le pacte commissoire
n ’est pas stipulé , le ve n deur peut demander la réso
lution contre Cacheteur. C ’est une de m an de, et il faut
un jugement : c ’est l’espèce de l’arrêt des Squirotij.
P a r le second, et lorsqu’il y a une stipulation expresse,
il ne faut plus q u ’ une simple sommation pour mettre
en demeure 5 et après ce ll e sommation, il n’est plus
permis d’accorder de délai.
Q ue résulte—t-il de là? Rien autre chose , sinon que
le v e n d e u r , ne conserve son privilège contre un se
cond a c h e t e u r , q u ’aulant q u ’il a pris in scr ip lio n , et
à compter de son inscription; q u’il n’y a pas le plus
léger d o u t e , toutes les fois que le pacte commissoire
n ’a pas été stip ulé; q u e , lorsqu’il l’a é t é , l'action en
résolution pourrait être adm ise, si toutefois le v en
deur a
bien
inscrit
; ca r, il faut bien remarquer q u ’on a
pris soin de d i r e , lors du second arrêt, que
M ig not avait transcrit; et la C o ur de cassation n ’a
pas manqué de relever c e ll e circonstance.
I c i , la ve nte de 176 1 , ne contient pas de pacte
résohiloire. L esh ab it an s de Chapes n’avaient pris ins
criplion q u ’en l’an 9; ils étaient primés par une foule
de créanciers
inscrits en l’an
7. Ils ne pourraient
venir q u ’à co mpt er de leur insciiplion.
Les habitans de Chapes ont laissé périmer celte
première
�première
inscription ; ils ne l’ont
pas renouvelée
dans les dix ans; celle q u ’ils ont prise, après le pre
mier arrêt, ne leur donne rang qu'à compter de celte
dernière linscription.
Ils ont formé une simple demande hypothécaire ;
ils se sont jugés e u x - m ê m e s ; ils auraient p u , dans
l ’o rigin
e,7 iormer une demande en résolution contre
D
l ’a c q u é re u r; ils l’ont négligé. L ’arrêt des Squiroly est
rendu contré l’a ch eteu r; l’arrêt des Fages et JReynaud
est rendu tant contre l’acquéreur que contre les tiersdétenteurs , et par des motifs que les habitans de
Chapes ne peuvent invoquer. C o m m e n t pourraient-ils
donc insister dans leur prétention?
•
Les intimés ont si bien aperçu le côté faible de
leur sysième, q u ’ils se sont ingéniés pour trouver le
pacle commissoire stipulé duns leur c o n t r a t , ou au
moins des c ’auses équipollenles.
O r , disent-ils, le sieur Champflour a dû s a v o i r , et
lire dans le contrat de son v e n d e u r , que la propriété
du marais de la Folle était d’origine c o m m u n a l e , et
q u ’ il devait une rente au duc de Bouillon ; ce qui
équivaut au pacte commissoire;
Qu'il devait tenir l’héritage en nature de pré non
c l o s ; donc il y a 1111 pacte commissoire; que la pro
priété ne lui était transmise q u ’à ces conditions : donc
l'inexécution entraîne la clause résolutoire;
',
Q u ’il n’avait le droit d’en disposer, et jouir co m m e
de son bien propre , q u’à la c h a r g e , toutefois, de con
server les droits réservés à la c o m m u n e sur ledit ma-<
�( *6 )
rats. Voilà encore une clause réso lutoire, 'puisque les
habit ans se sont réservé le pacage.
" Il a su que la propriété n'avait passé dans ses mains
q u ’à cette condition ; donc il y a une stipulation , q u ’à
défaut de paiement ou d ’exécution des clauses, le con
trat serait résolu.
Voilà co m m en t raisonnent les intimés , pour sup
pléer à ce qui manque dans leur acte. Ils convien
draient peu t-être que ce pacte commissoire doit être
expressément stipulé, d ’après l’article i 656 du C o d e :
in diget speciali notâ. Mais peu im p o r t e ; il est écrit
dans l’ article 1 1 8 4 du C ode que la clause résolutoire
est toujours sous-entendue. Il fallait cependant aller
plus loin ; on aurait lu , dans le § suivant du m êm e
a r t i c l e , que le contrat n’est pas résolu de plein droit ;
que la résolution doit être demandée en justice contre
La partie qui a contracté L'engagement. On ne verra
nulle part q u ’on puisse la demander contre Le tiersdétenteur qui a acquis sans aucune charge. On aurait
vu aussi ailleurs qu’ un adjudicataire ne doit connaître
que le cahier des charges ; q u’il n’a pas en son pou
voir les contrats antérieurs; et que quand il les aurait,
il doit présumer que les redevances sont anéanties,
toutes les fois q u ’il n ’est pas chargé de les acquitter.
Les intimés, qui voient tant de choses, ont vu dans
l ’article 2108 du C o d e N a p o lé o n , que le vendeur était
dispensé de s’inscrire, et q u ’il conservait son privi
lège j u s q u 'a u
moment de la
transcription. L e sieut
Champilour n’est pas aussi habile ; il a bien vu que
�(*
7
)
¡ C j!
le vende ur conservait son privilège p a r l a trans crip tion,-/
lorsqu’ elle constatait q u’ il était dû au vendeur tout ou
partie du p r i x , et ce n’est pas fort étonnant; mais j u s
qu'à la transcription, c’ est un peu fort j et lorsque la
transcription ne constate pas q u ’il soit d û q u e lq u e chose
au premier v en d e u r, ce serait encore plus fort»
-Enfin, reste la loi du 10 juin i79^> ^ue ^es b a"
bilans veulent faire r e v i v r e , quoiqu’ils dussent formel:
leur revendication dans les cinq ans, et q u ’ils l’aient
négligé. Depuis long-lems cette loi révolutionnaire
est app ré cié e; on a m êm e été obligé de la suspendre
dans ses effets peu de tems après sa promulgation. V o u lûl-on encore l’invoquer? on y verrait que les liabitans
ne pe uvent réclamer que ce qui leur a été usurpé
que d’après l’article 10 de la section 4 , § 2„ ils doivent
r e s p e c t e r les v e n t e s pa r e u x c o n s e n t i e s , l o r s q u ’elles ont
été précédées des formalités prescrites, a vec le consen
tement des liabitans. ,
On y lirait q u’ils peuvent revendiquer leurs c o m m u
naux entre les mains des seigneurs, lorsqu’ils en ont été
dépouillés par la puissance fé oda le ; entre les mains des
particuliers qui n ’auraient pas de titres, ou dont les
titres les constitueraient en mauvaise f o i; com m e si
les officiers municipaux avaient aliéné les propriétés
c o m m u n e s, sans y être préalablement autorisés par le
consentement des liabitans.
Mais vouloir invoquer la loi du 10 juin 1793 pour
reprendre un objet vendu ave c toutes les solennités
prescrites, pour une cause urgente et nécessaire; v o u -
�( 28 )
loir, en vertu de cette loi, réclamer une rente entre les"
mains d'un troisième acq ué reur, qui n ’en a pas été
ch a r g é , contre lequel on n’a pris aucune précaution
po u r conserver l'action hypot hécaire ou privilégiée,
ce sont-là de ces rêves creux qui n’ont pas passé par
la porte d’iv oire, et qui ne peuvent se réaliser.
I l n ’en coûtait pas davantage aux h a b itans, de dis
cuter ou de défendre leur cause avec plus de d é
cence ; de traiter d ’une manière convenable un h o m m e
d ’honneur, fait pour o cc up er , dans la société, un rang
distingué; de ne point l ’accuser d’employer de m isé
rables subterfug es, des moyens a s tu c ie u x , lorsqu'il dis
cute ses droits a ve c l o y a u t é , et q u ’ il veut se dispenser
d ’acquitter une charge onéreuse, qui n e fait point partie
de sa ve nte , et pour laquelle il n ’a contracté aucuns
engagemens.
M .e P A G E S ,
ancien Avocat.
M. e V E R N I È R E , avoué-licencié.
J.-C. S A L L E S , lmp. de la Cour impériale et du Barreau.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Champflour, Jean-Baptiste-César. 1813?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
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Subject
The topic of the resource
communaux
pacage
rentes féodales
ventes volontaires
marais
experts
prescription
conciliations
conflit de lois
créances
jurisprudence
code civil
droit intermédiaire
fiefs
conseils de famille
inscription
loi du 10 juin 1793 sur les communes
successions
ventes
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations en réponse, pour M. Jean-Baptiste-César Champflour ; la dame Champflour, le sieur de Challier, son époux ; la dame veuve Lamonteilhe ; et la dame veuve Chabrol, appelans et intervenans ; contre le Corps commun des habitants de Chapes, intimé ; en présence des héritiers Artaud de Viry, intimés. Question. Le créancier d'une rentre peut-il demander la résolution du contrat contre un tiers-détenteur, qui n'a pas été chargé du paiement par son acquisition, et a purgé les hypothèques ?
Table Godemel : action en déclaration d’hypothèque : 2. une demande hypothécaire a-t-elle pu être transformée en une action personnelle ? l’action hypothécaire, introduite par l’ancien droit, est-elle admise par le code ? Transcription : 2. le créancier d’une rente peut-il demander la résolution du contrat contre un tiers-détenteur qui n’a pas été chargé du paiement par son acquisition et a payé les hypothèques ? le tiers-acquéreur qui a fait transcrire n’est-il tenu que du paiement du prix de la vente envers les créanciers de son vendeur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa 1813
1751-1813
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2111
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2110
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53407/BCU_Factums_G2111.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chappes (63089)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Code civil
communaux
conciliations
conflit de lois
conseils de famille
Créances
droit intermédiaire
experts
fiefs
inscription
jurisprudence
loi du 10 juin 1793 sur les communes
marais
pacage
prescription
rentes féodales
Successions
ventes
ventes volontaires
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53406/BCU_Factums_G2110.pdf
a596aeecfd19318f1bc6e6987504db8e
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Text
COUR
P RE C I S
IMPERIALE
DE RIOM.
SUR DÉLIBÉRÉ
3 e. c h a m b r a «
POUR
Le Corps commun des habitans de Chapes,
intimés ;
CONTRE
,
J e a n - B a p t i s t e - C é s a r CHAMPFL OUR ,
et autres appelans
E N
Des héritiers A
P R É S E N C E
r t a u d
d e
V
i r y
_,
intimés.
L E maire de la com m une de Chapes croiroit manquer
au prem ier de ses d evo irs, s’il om ettoit un seul moyen
d’éclairer la justice sur les droits de ses administrés ; il
lui semble utile qu’ une cause juste, et d’un succès in-
�.( 2 ) ,
dubitable à ses yeux, soit retracée brièvement dans tout
ce qu’elle a d’essentiel, afin que la vérité des faits soit
fixée d’une manière durable, et que leur impression
ne s’efface pas. Il supplie la Cour de lui permettre quelques
observations, qui ne seront que l’extrait de sa défense,
et le tableau de sa plaidoirie.
Il s’agit de savoir si la commune de Chapes, qui a
aliéné un communal moyennant une rente, a le droit
de demander le payement de la rente ou le désistement
du fonds. Cette question si simple, qui est exactement
celle de la cause, est devenue un problème dans les mains
du sieur Champflour.
Les habitans de Chapes avoient des communaux pour
lesquels ils payoient au duc de Bouillon, leur seigneur,
une rente annuelle de quinze setiers de froment, et de
i 5 francs argent. Parmi ces communaux se trouvoit un
marais appelé de la Folle, contenant trente septerées.
Il étoit assez insalubre; les habitans jugèrent convenable
de l’aliéner.
En conséquence, après une vérification d’experts, et
diverses délibérations, ils en passèrent vente au sieur
Enjolbert de M artillat, le i 5 septembre 1751.
Les clauses de cet acte sont essentielles à connoître.
« Ledit marais délaissé en toute propriété...............
« moyennant les clauses et conditions qu i suivent. »
io. Que le sieur de Martillat payera à M. le duc de
Bouillon , en l’acquit de la commune de Chapes, la re
devance annuelle, et néanmoins satis directe, de quinze
setiers de froment, etc.
�( 3)
4°. « Sera tenu et obligé de laisser pacager tous les
« bestiaux de la commune de Chapes, dans le marais ou
« étang de la F o lle , depuis Notre-Dame de septembre
c< jusqu’au s5 mars, et -pour cet effet, ne pourra
v cultiver ledit marais en d'autre nature q u en pré
« non clos. »
Après certaines stipulations étrangères à la cause, l’acte
se termine ainsi :
« Et sous les cla u ses, conventions et stipulations ci
ta dessus, lesdits kabitans se sont démis, dessaisis et dé« vêtus de la propriété........... consentent que ledit sieur
« de Martillat en dispose et jouisse comme son bien
« propre, les droits réservés à la commune de Chapes,
« sur ledit m a ra is, demeurant toutefois conservés. »
Il est impossible de ne pas voir dans cette stipulation
un véritable pacte commissoire, d’ailleurs assez inutile
dans le contrat de vente, où il est t o u j o ur s sous-entendu ;
car sans cette conservation des droits réservés à la com
m une, il n’y a plus d’abandon de propriété.
L e sieur de Martillat dessécha le marais, en fit un
héritage précieux, et paya constamment la rente du sieur
de Bouillon.
En 1792, si on s’en rappelle bien, la propriété de
Martillat fut vendue au sieur Artaud de V iry. T out fait
présumer (quoique ce fait soit en lui-meme peu néces
saire à la cause des liabitans) que l’acquéreur fut chargé
de payer la rente qui étoit due au sieur de Bouillon.
L e refus opiniâtre du sieur Champflour de rapporter
la vente faite à Artaud de V i r y , son attention de ne
�( 4 }
jamais employer aucun moyen personnel aux Enjolbert,
et enfin la circonstance que le sieur de V iry paya la rente,
suffisent pour en convaincre.
Survinrent les lois de 1792 et 1793, relatives, soit
aux droits féodaux ou prétendus tels, soit aux biens com
munaux.
Les unes, en abolissant les droits féodaux, avoient
éteint la rente féodale due au sieur de Bouillon ; mais
comme les habitans de Chapes l’avoient stipulée sans
directe, comme condition de leur délaissement, et que
cette redevance n’avoit été ni déléguée ni acceptée par
le sieur de Bouillon, l’indication de payement qu’ils en
avoient faite ne leur en avoit pas ôté la propriété, et
elle n’étoit pas supprimée dans leurs mains; ainsi ils en
redevenoient créanciei’S directs par cela seul.
Mais la loi du 19 juin 1793, vint lever toute incer
titude, par les articles 9 et 10 de la section 4.
Après avoir réintégré les communes dans la propriété
de tous les biens communaux qu’elles justifieroient avoir
anciennement possédés, l’article 9 excepte des disposi
tions précédentes toutes concessions, ventes, etc., etc.,
depuis et au delà de quarante ans, jusqu’à l’époque du 4
août 1789.
Puis l’article 10 s’exprime ainsi:
« A l’égard de ceux qui ne possèdent des biens corn
et munaux, ou partie d’iceux, que depuis quarante ans,
« jusqu’à ladite époque du 4 août 1789, il sera fait cette
« distinction entre eux :
a Les citoyens qui posséderont avec titre légitime et
a bonne foi, et q u i ont défriché par leurs propres mains,
�«
«
«
«
«
«
ou celles de leurs auteurs, les terrains par eux acquis
et actuellement en valeur, ne seront tenus que de
payer à la commune les redevances auxquelles ils
sétoient soumis envers le seigneur, ou tous autres,
s’ils n’en sont entièrement libérés par quittance publique.
*"
« Les possesseurs qui n’auront point de titre, ou dont
« le titre'ne sera pas légitime........... de même que les
« acquéreurs qui n'ont f a i t défricher lesdits terrains
« que par la main d’a u tru i, à leurs f r a i s , ...............
« quel que soit leur titre, seront dépossédés desdits
« terrains communaux, en quelqu’état qu’ils soient, sauf
« la préférence qui leur sera donnée pour possession de
« ces mêmes terrains, s’ils sont du nombre des copar« tageans, etc. »
A prendre cette loi dans toute sa rigu eu r, ce dernier
membre de l’article étoit le seul applicable. L e sieur Enjolbert ne possédoit que depuis moins de quarante ans
au delà de 1789; il n’avoit pas défriché de ses propres
m a in s, mais seulement par la main d'autrui , à ses
f r a is ; ainsi la commune pou voit reprendre sa propriété.
Mais le sieur de V ir y ne refusant pas de payer la
ren te, la commune ne vit aucun avantage à user de
toute la rigueur de la l o i , pour reprendre et remettre
en nature de paccage un terrain qu’il lui avoit paru
utile de convertir en propriété individuelle par le
dessèchement ; elle se contenta donc du payement de
la rente, que le sieur de V ir y servit pendant tout ou
partie du temps de sa possession, et pour laquelle elle
avoit deux titres, i ° . la disposition de la lo i5 20. celle
�( 6 )
de l’acte môme, puisque la condition de la payer avoit
été imposée comme prix de l’aliénation.
En l’an 7 , le sieur de V ir y , qui avoit contracté beau«
coup de dettes, abandonna ses biens à ses créanciers;
la terre de Martiilat fut vendue aux enchères, mais
comme aliénation volontaire seulement. On sait que la
vente volontaire, faite en justice, n’a d’autre effet que de
la rendre valide en s o i, lorsqu’elle pourroit ne pas l’être
par la qualité des parties, et qu’aussi elle n’exige pas
les mêmes formes et n’entraîne pas les mêmes conséquences que l’expropriation forcée.
La vente de Martiilat fut faite sans aucune exception ,
et sans y ajouter la condition expresse de payer la rente
due à la commune; aussi le sieur Champflour ne la payat-il pas; il la refusa en l’an 8 : déjà le sieur de V iry avoit
laissé arrérager trois ans.
- L e 8 vendémiaire an 9, les habitans firent citer le sieur
Champflour en conciliation , annonçant qu’ils vouloient
former une demande hypothécaire sur le domaine de
Martiilat, et conclure à la résolution du contrat.
- L e 21 du même mois, procès verbal de non-conci
liation. L e maire de Chapes expose sa demande; elle est
dirigée contre le sieur Champflour, comme possesseur
de M artiilat ; elle a pour objet de le faire condamner
à payer quatre années d’arrérages de la rente, à en
continuer le service à l’avenir, faute de ce, voir déclarer
le contrat résolu.
Champflour se présente; il se borne à dire que son
adjudication ne le charge pas de cette rente, et qu'il no
no peut la payer sans en fa ir e dire avec les V ir y .
�L e 1 7 ' frimaire an 9 , il est assigné. Il faut encore re
tracer les termes de la demande sur laquelle Champflour
a élevé tant et de si mauvaises difficultés.
* « P o u r, en qualité de tenancier et possesseur, être
« condamné à payer la rente annuelle de quinze septiers
« froment, les arrérages, etc.; à en continuer le service
« à l’avenir, en passer ratification, sinon, voir déclarer
« le contrat résolu, autoriser les habitons à se remettra
« en possession du com m unal, etc. »
La commune invoque, à l’appui de son,action, la loi
du 10 juin 1793.
Une demande en garantie fut formée contre les V ir y ;
elle fut jointe ; et ce qu’il y a de remarquable, c’est
que les V ir y ne contestèrent ni la demande en payement
de la rente, ni la résolution; se reconnoissant garans,
ils déclarèrent s’en remettre à la prudence du tribunal.
Mais le sieur Champflour présenta des moyens au
fond; non qu’il pensât à ceux que son imagination
lui a fournis depuis, et qu’elle lui grossit aujourd’hui ;
ils furent d’un tout autre genre.
Il opposa, i». que les lois nouvelles n’autorisoient les
communes à revendiquer les com m unaux qu’à la charge
d ’exercer leur action dans les cinq ans ; q u ’ainsi l’action
étoit prescrite : ce qui dém ontre au moins qu’il considéroit lui-m êm e la demande com m e une véritable action
en désistement.
Il opposa, en second lieu, que la rente dont le pro
priétaire de Martillat avoit été chargé envers le 6i’eur
de Bouillon étoit féodale, et que la suppression ne pouvoit
p r o fite r qu’à lu i, qui avoit été d élégué, et qui en étoit
seul d é b i t e u r .
�(8)
Enfin , il soutint qu’il étoit possesseur à titre légitime,
et argumenta de son titre d’acquisition en i j 5i.
Les liabitans en demandèrent l’exécution contre luimeme; ainsi le tribunal avoit à juger sur ces deux éléniens, l’acte de 17 6 1, et la loi de 1793.
Observons ici deux choses.
L ’une, qu’antérieurement à la demande, les habitans
avoient pris une inscription régulière le i 5 vendémiaire
an 9.
L ’autre, que la commune agissoit avec l’autorisation
légale.
C’est en cet état que la cause fut portée au tribunal
de première instance de R io m , où elle fut jugée con
tradictoirement avec toutes les parties, le 2 thermidor
an 11.
L e tribunal adjugea la demande telle qu’elle avoit été
formée ; il considéra, entr’autres choses , que la pro
priété vendue étant d’origine communale , la l o i , en
réintégrant les communes dans leurs propriétés alié
nées, n’y avoit maintenu certains possesseurs de bonne
f o i , qu’à la charge de payer à la commune les rentes
qu’ils devoient au seigneur; que cette condition étoit
essentielle à la maintenue en propriété, et que le sieur
Champflour ne pouvoit la conserver, en vertu de son
titre , sans accomplir cette condition indélébile.
Les V ir y furent condamnés à garantir le sieur Champ
flour, qui, en effet, prenoit des conclusions contre eux.
Les héritiers V iry ne se plaignirent pas de ce juge
ment; mais le sieur Champflour en interjeta appel: di
verses circonstances en ont retardé la décision. Le sieur
Cham pflour
�C9 )
Cham pflour a eu tout le temps de méditer un nouveau
plan de défense aussi extraordinaire qu’astucieux.
Les habitans de Chapes vinrent à l’audience de la
C ou r, le 2 mai 18 12; leur défenseur, avec une cause
aussi simple, n’avoit pas cru devoir s’armer d’une masse
d’autorités : l’exécution du titre, et la volonté formelle
de la loi du 10 juin 1793 , faisoient toute sa cause; il
fallut en plaider une autre.
L e sieur Champflour, à force de menées, s’étoit fait
céder la plupart des créances existantes sur les V i r y ,
ses vendeurs; la masse de ces créances excédant en ap
parence la valeur des biens, il avoit obtenu à vil prix
la plupart des cessions, mais avec subrogation pour le
to u t, et même des procurations pour agir sous le nom
de ses cédans. Ces détails ont fait assez d’éclat dans le
procès de la dame de B igny, veuve V i r y , jugé par la
pi’emière c h a m b r e de la C o u r , et q u i d é c o u v r i t tant de
choses. Les habitans de Chapes, munis de leur jugement,
et se tenant forts de leur position, n’avoient pas vu la
moindre utilité à r e n o u v e l e r avant les dix ans l’ins
cription qu’ils avoient prise en l’an 9; cela leur paroissoit
d’autant moins nécessaire que , d’une p a r t , leur droit
étant réel, se conservoit sans inscription; que, de l’autre,
le sieur Champflour n’ayant pas transcrit, leur droit
étoit conservé par cela seul, quand bien môme on l’eût
réduit à un simple privilège; qu’enfin, ce droit, quel
qu’il fû t, ayant été réalisé par un jugement, l’inscrip
tion avoit dans tous les cas produit tout son effet.
Ce fut néanmoins dans ce défaut de renouvellement
d’inscription, et dans quelques chicanes de procédure,
�( IO )
que le sieur Champflour trouva le texte d’une cause toute
nouvelle.
Suivant lu i, l’action n’étoit ni personnelle, ni hypo
thécaire ; elle n’étoit valable sous aucune forme.
A u fond, il étoit un tiers acquéreur; il u’avoit pas
été chargé de la rente ; il ne pouvoit donc en être
tenu que par la voie hypothécaire, et on ne l’aVoit pas
exercée.
Et m êm e, y eût-il eu dans le principe une action
hypothécaire, elle étoit nulle aujourd’h u i , parce que
le Gode Napoléon avoit aboli la demande en déclara
tion d’hypothèque, et que la Cour ne pouvoit pas sta
tuer sur la demande ainsi conçue, quoique déjà cette
demande eût été adjugée par un jugement antérieur au
-Code N apoléon, et qu’il ne s’agît que du bien ou du
inal jugé. Ainsi, d’après lui, les intimés n’avoient d’autres
droits qüe celui de faire une sommation et de pour
suivre j ou le délaissement par hypothèque, ou la dis
tribution du prix de la vente , aux termes du Code
Napoléon.
E n fin , disôit-il, une foule de créances hypothécaires
existent sur la succession V ir y ; l’inscription des liabitans
est périmée; ils ne sotit donc plus en ordre de colloca
tion; leur poursuite est donc une chimère.
La Cour crut entrevoir quelques difficultés, et mit
lu cause en délibéré*
Les liabitans de Chapes prirent alors, et ù toutes fins,
une nouvelle inscription.
Et bientôt après, le sieur Chatnpflour jugea à propos
de transcrire et de notifier son contrat à tous les créan-
�cîers inscrits, comptant bien, avec ses cessions, s’emparer
ostensiblement, ou sous le nom d’autrui, de la totalité
du p rix, et exclure les liabitans de Chapes.'
'P u is , il a prétendu que cette circonstance changeoit
la face de la cause. Elle a été» replaidée le 16 mars
dernier ; le sieur Champflour n’a plus reproduit ses
moyens de forme; il s’cst borné à faire valoir sa trans
cription , et subsidiairement sa garantie.
La Cour l’a miseiune seconde fois en délibéré ; et depuis
cette époque le sieur Champflour a ouvert l’ordre du
p rix, espérant encore, sans doute, en tirer pour sa cause
un autre moyen dilatoire ou évasif.
Il ne semble pas difficile, sur cet exposé de faits tous
constans, de se faire une idée juste de la cause , et d’y
appliquer les points de droit qui la régissent. Ces moyens
se puisent tous dans le titre et dans la loi.
- Il est de principe certain que toutes les conventions
d’un acte synallagmatique sont récip roq u es, et la con
dition les unes des autres, tellem ent que l’une des parties
ne peut m anquer à son engagem ent, sans délier l’autre
partie de celui qu’elle avoit contracté.
-, Ce principe se manifeste spécialement dans lo contrat
de ven te, où la condition de payer le prix au terme
convenu est tellement inséparable du délaissement de
la chose vendue, que la seule violation de cette pro
messe entraîne la résolution de la vente.
La prescription seule, ou un titre contraire, peut
dispenser de cette obligation ; et ici il ne s’élève et ne
peut s’élever aucune question de prescription. _
�Il est un autre principe non moins inébranlable ; c’est
que « celui qui produit un acte en justice , comme
« fondement de sa demande ou de son exception , si
« par cet acte il s’est obligé lui-même à accomplir quel« que chose, il ne peut se défendre d’exécuter ce qu’il
« a promis, bien qu’autrement il eût pu s’en défendre
« par la force de la prescription ; car comme les con
te vendons récipropres sont corrélatives, et dépendent
« mutuellement l’une de l’autre , et que la nature
« des corrélatifs est telle que posez l’un vous posez
« l’autre, ôtez l’un vous ôtez l’autre, il s’ensuit qu’en
« demandant l’exécution d’un acte , vous ouvrez en
« même temps à votre partie la faculté de la demander
cc aussi, et par ce moyen vous vous départez de toute
et prescription que vous pourriez avoir acquise contre
« elle. »
C’est le langage de Salvaing, de Despeysse, de D unod,
etc. C’est ce que jugea la C o u r, dans l’affaire du sieur
Demolen , en ordonnant le désistement d’un domaine
vendu en 1718 , et qui n’avoit pas été réclamé depuis.
D e quoi s’agit-il dans l’espèce?
Un communal a été vendu en 1761 , au sieur Enjolbert, sous la condition de payer, en décharge de la com
mune ^une rente sans directe, duc au seigneur de Chapes.
Cette rente a été payée exactement.
L e communal a été revendu avec l’ensemble d’un
domaine r au sieur de V i r y ; il a continué de payer la
rente dont il avoit été chargé. S’il pouvoit s’élever des
diilicultés sur ce point de fait que Champflour connoît
mieux que personne, et s’il pouvoit paroître utile de
�( i3 )
le v é r ifie r,* les habitans demandent
à la C our un com »
pulsoire pour se procurer l’acte; mais, encore une fo is,
on n’a élevé aucune question de prescription , et la loi
du io juin 1793 y eût fait obstacle, indépendamment
de toute autre circonstance.
• Elle ordonne que les communes rentreront dans la
propriété de leurs biens, même de ceux qu’elles justi
fieront avoir anciennement possédés; et par une excep
tion en faveur de ceux qui possèdent, avec titre légi
time, depuis moins de quarante ans avant 1789, et qui
ont défriché de leurs propres mains , elle les maintient
en possession, mais à la charge de payer à la commune
les redevances auxquelles ils sétoient soumis envers
le seigneur.
L e sieur de V ir y paye la rente à la commune.
. L e sieur Cliampflour achète en l’an 7.
I l est assigné p o u r p a y e r la r e n t e , s i n o n v o i r autoriser
les . ha bi tans à se m e t t r e en possession.
Son premier mot est d’invoquer le titre. Je suis, dit-il,
propriétaire légitim e, mais je n’ai pas été chargé de
la rente; je ne puis la payer sans en fa ire dire avec
mes vendeurs. Par cela seul il s’engage au payement de
la rente.
Les vendeurs sont appelés, et n’élèvent pas de con
testation.
Et cette demande auroit pu souffrir la moindre diffi
culté! Que manquoit-il donc aux habitans de Chapes?
La rente n’eût-elle pas été constituée par e u x , elle
leur eût appartenu par cela seul qu’elle eût été due au
seigneur par le possesseur du communal; à plus forte
�(
*4 )
raison, puisqu’elle étoit établie comme condition de la
vente, et qu’elle étoit due à In commune, sauf l’indi
cation do payement, qui venoit de cesser par le fait même
de la loi.
Si on eût demandé le désistement pur et simple, où
pourroit être la question? Il eût bien fallu se désister
ou payer la rente eu produisant le titre.
Et parce qu’on auroit demandé la rente, et la résolu
tion seulement, faute de payement, le résultat pourroit
changer? la convention pourroit n’être plus exécutée?
Sous ce premier rapport, la cause des habitans de Chapes
paroît indubitable.
Mais , si nous descendons jusqu’aux moyens du sieur
Champflour, nous n’y trouverons que de misérables sub
terfuges , et leur fausseté même nous ramènera à un
second point de vue tout aussi indubitable que le premier.
Que me demandez-vous? dit-il; je suis un tiers dé
tenteur, assigné comme tel; je ne suis donc tenu que
par la force de l’hypothèque; j’ai transcrit sans suren
chère; j’ai ouvert l ’ordre; et comme vous n’agissez que
du chef de mes vendeurs, que vous ne pouvez avoir qu’une
hypothèque, ou tout au plus un privilège pour ce qui
vous est dû sur la chose que vous avez vendue, vous
ne pouvez exercer votre droit que sur le p r ix , c’est-àdire, en comparoissant à l’ordre, puisque je vous y ni
appelé; la Cour nç peut que vous y renvoyer.
L e sieur Champflour dissimule, il voudroit se dissi
muler à lui-mêmelegenred’aclion qui est dirigé contre lui.
Il ne s’agit ni d’une action personnelle, ni d’une action
hypothécaire, ni même d’un simple privilège réclamé
�( i5 )
sur des biens vendus; mais d’une action rée lle, insépa
rable du droit de propriété.
f
O r , la qualité de tiers détenteur, surtout en vertu d’une
aliénation volontaire, n’efface aucun des droits réels,
surtout le droit de propriété de l’immeuble vendu. ( A r
ticle 2182 du Gode Napoléon. ) L ’adjudication sur expro
priation forcée elle-même, « ne transmet a l’adjudicataire
« d’autres droits à la propriété que ceux qu’avoit le
« saisi. » ( A r t . 731 du Code de procédure).
Si donc le sieur de V ir y n*eût pas été propriétaire du
marais de la Folle, quoiqu’il en jouît, sa vente au sieur
Champflour, de tout le domaine de M artillat, ne lui
eût transmis aucun droit à la propriété de ce marais.
Et de m êm e, si V iry n’avoit qu’une propriété con
ditionnelle et résoluble , il l’a transmise avec la même
tache et la même condition à Champflour, son acqué
reur.
O r , faut-il douter que la propriété ne fût dans les
mains d’Enjolbert, et ensuite d’A r ta u d -V iry , seulement
conditionnelle ?
Sans rappeler ici le principe général, si disertement
écrit dans les lois romaines, et rappelé par M . Domat
sur le titre des obligations et celui du contrat de vente,
voyons immédiatement ce qu’il en dit au titre des gages
'et hypothèques.
« Celui qui a vendu un immeuble dont il n’a pas reçu
« le p rix , est préféré aux créanciers de l'acheteur et à
« tout autre sur le fonds vendu; car la vente renfermoit
« la condition que Vacheteur ne seroit le maître qu’en
« payant le p rix. Aiusi le vendeur qui n’est pas payé
�( i 6 .)
u peut, ou retenir le fonds si le^prix devoit être'payé
« avant la délivrance, ou le suivre en'quelques mains
a qu il ait passé s'il f a délivré avant le payement. '»
Ç uod vendidi NON U T I L I T E R F I T A c c i p i e n t i s quant
si aut pretium nobis solutum s it , a ut satis eo nomine
¿factum. L. 19 , D e contrah. empt.
Et à cela se joint cet autre principe, ou cette autre
conséquence du même principe, que la résolution efface
les hypothèques antérieures.
S i vectigali non soluto, JU R E suo dominus usus esset,
etiam ju s pignoris evanuit.
Ces principes sont soigneusement conservés par les
articles 16 12 , i 654 et i 655 du Code Napoléon.
Ils ne le sont pas moins par les articles 1183 et 1184.
« La condition résolutoire est celle q u i, lorsqu’elle
« s’accomplit, opère la révocation de l’obligation , et
« q u i remet les choses au même état que si Vobliga« ti071 tl avoit pas existé.
« Elle est toujours sous-entendue dans les contrats
a synallagmatiques. 35
Ici elle est écrite dans le contrat; car il y est formel
lement exprimé que les habitans ne délaissent la propriété
que sous toutes les cla uses, conventions et stipulations
ci-dessus......... et les droits réservés à la commune de
C hapes , sur ledit m a ra is, demeurant toutefois con
servés.
v
1 O r , i°. on ne paye pas le prix.
20. On les prive du pacage de leurs bestiaux, en con
vertissant en terre labourable l’héritage qu’on s’étoit
obligé de tenir en pré non clo s; deux conditions essen
tielles ,
�tîelles, dont la violation entraîne forcément la résolution
de l’acte.
Enjolbert n’a transmis la propriété à V ir y j et cèlui-ci à Champflour, qu’en vertu de l’acte qui là lui
avoit transmise à lui-même; elle est donc entre leurs
mains ce qu’elle étoit dans les siennes propres ; c’est
donc un mauvais argument que de dire qu’on ne peut
pas exercer le droit de résolution contre un tiers 'dé
tenteur.
Sans nous épuiser en efforts , voyons ce qu’en a dit s
la Cour de cassation. D eux arrêts successifs ont consacré
le principe avec tant de force, qu’il est impossible de ne
pas s’y rendre.
En 1 7 2 1 , deux domaines avoient été cédés au sieur
Squiroly, à titre de locaterie perpétuelle ; le bail ne con
tenait point de clause résolutoire.
En 1786, un successeur de Squiroly se marie, et affecte
à la restitution de la dot les héritages vendus en 1721.
A rrive la loi de brumaire an 7 ; la femme prend une
inscription en l’an 8 ; Caupène, créancier de la rente,
ne s’inscrit pas.
En l’an 9 , il fait prononcer la résolution en l’absence
de la femme; le jugement acquiert l’autorité de la chose
jugée : mais la femme, séparée de biens, et armée de
son inscription, poursuit l’expropriation des biens de
son m ari, et fait sommation à Caupène de délaisser les
héritages; elle forme à toutes fins tierce opposition à
l’arrêt qui prononçoit la résolution.
Déboutée de sa demande, en première instance et en
appel, elle se pourvoit en cassation,
3
�Il semble que la Cour de cassation .pouvoit se borner
à la fin de non-recevoir, résultante de la chose jugée;
néanmoins, par respect pour le principe, elle veut le
proclamer. V oici l’arrêt; il est du 16 juin 1811 (D en evers, page 373 ) :
« Attendu que la loi du 29 décembre 1790, en déa clarant rachetables les rentes foncières perpétuelles,1
« n’a pas changé la nature de ces rentes, et que le pacte
* commissoire est de leur nature ;
« Attendu que le pacte com m issoire, dérivant du
« titre originaire, résout le contrat ab in itio , et par
« conséquent efface les hypothèques intermédiaires ,*
« Attendu que l’arrêt contradictoire, dn 4 août
a 1808, avoit de plus acquis l’âutorité de la chose jugée,
« lorsque la réclamante y a formé tierce opposition ; '
« Attendu qu'elle ne pouvoit avoir plus de droit par
« son hypothèque, que son débiteur lui-m êm e, qu i
« n'avoit qu'une propriété résoluble ; que, dans cet état
« de choses, cette tierce opposition a u r o i t é t é m a l
« FONDÉE, quand même elle eût été recevable. »
Il ne faut pas de réflexions pour faire sentir âveô
quelle force cet arrêt contre un créancier légitime
et régulièrement inscrit, qui est un tiers de bonne f o i ,
s’applique à un second acquéreur, surtout lorsqu’il n’a
pas transcrit avant la demande en résolution, ni même
avant le jugement qui la prononce.
Voyons le second arrêt : il est rendu contre le tiers
acquéreur lui-même.
!
En l’an 10 , le sieur Mignot et la dame Fages achètent
conjointement un immeuble.
�( 19 )
Ity
. En l’an 12, ils le licitent; il est convenu qu’il appar
tiendra en totûlité à la dame Fages, sous certaines charges
et conditions, et que Mignot restera en possession de
sa moitié jusqu’à leur accomplissement. Celui-ci fait ins
crire sa licitation ; elle portoit la clause résolutoire.
La dame Fages l’assigne en désistement en 1806, sans
avoir rempli les conditions ; il résiste, et un jugement
le maintient en possession.
L e 7 janvier 1809 , la dame Fages vend ce domaine
au sieur Renaud.
Celui-ci demande le désistement contre Mignot.
Jugement qui l’ordonne.
Sur l’appel, arrêt de la Cour impériale de Besançon,
qui confirme le jugement. Les motifs en sont précieux ;
ils déclarent le sieur Renaud acquéreur de bonne f o i .
« Considérant que d’après l’article 1683 du Code Na« poléon , la vente est parfaite entre les parties (Fages
« et Renaud ) , et la propriété acquise de droit à* l’ache« teur à l’égard du vendeur, des qu’on est convenu de
« la chose et du prix , quoique la chose n’ait pas été
« livré e, ni le prix payé...................... ; qu’à la vérité,
« M ignot, n’étant pas payé du p rix , auroit pu se pour« voir en résiliation de la vente, soit en vertu de la
« clause résolutoire, soit en vertu de Varticle 1 1 8 4 ,
« qui veut qu’elle soit toujours sous-entendue ............ ;
« mais que le sieur Mignot n’a exercé l’action résolu« toire que postérieurement à la vente authentique
« fa it e à R enaud ; qu’il est de principe consacré par
« les lo is , que la résolution d'un contrat ne peut pré* judicier a u x droits acquis de bonne J o i par des
3*
�tiers; que cela résulte notamment des articles 2 i o 5 ,
2108 et 2113 du CodejNapoléon, qui n’accoi’dent au
vendeur qu’une hypothèque privilégiée contre le tiers
acquéreur, et qui veulent que ce privilège ne puisse
être conservé sans inscription ; que Vinscription exigée pour la conservation du privilège du vendeur deviendroit inutile, si par Vaction en résolution il avoit
la fa cu lté defa ir e tomber les hypothèques et les'droits
des tiers acquéreur ; qu’enfin il implique de croire
que le législateur qui a refusé l’action hypothécaire
au créancier non inscrit, lui auroit cependant accordé
l’action en revendication. »
On trouve dans ces motifs tout ce qu’on peut dire de
plus fort en faveur du tiers acquéreur, en cherchant à
étendre jusqu’à lui des principes que la Cour de Besançon
semble regarder comme certains pour les créanciers ins
crits, ce qui cependant ne seroit pas vrai. On y lit tous
les argumens du'sieur Champflour, que le droit de réso
lution est dépendant du privilège, et ne peut avoir plus
de faveur que lu i, etc.
. Pourvoi en cassation. La défense du sieur Mignot fut
extrêmement simple ; il la puisa toute entière dans les
principes du.droit.
« La question, disoit-il, n’est pas de savoir si la vente
« faite à Renaud est parfaite, mais bien si le titre de son
cc vendeur étoit absolu ou résoluble.
« 11 n’importe que la résolution n’eût été demandée
« que postérieurement à la vente Renaud : la propriété
« de Mignot n’étoit sortie de ses mains que sous la con
te dition qu’il avoit stipulée. La dame Fages n’a pu trans«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
a
«
�« mettre que les droits qu’elle avoit elle-même, d’après
« la loi 54, if. D e reg. ju r . , et l’article 2182 du Gode
« Napoléon. »
Nous avons remarqué que Mignot avoit une inscription
en règle; conséquemment, la question de savoir si le
droit de résolution est réel ou s’il dépend du privilège,
ne s’élevoit pas : cependant, la Cour de cassation la juge
encore, sans doute, pour assurer de plus en plus le prin
cipe.
« A tten du, en fa it, que dans l’acte de licitation il
« a été expressément convenu qu’en cas d’inexécution
« d’une seule clause de cet acte, la licitation seroit an« nulée de plein droit;
« A tten du, eu d ro it, qu'il est de règle certaine qu'un
« vendeur ne peut transmettre à son acquéreur plus de
« droits qu 'il n'en avoit lu i-m êm e,* qu’ainsi, quelle
« qu ait été la bon?ie f o i de R en a u d , il n’a a c h e té que
« la propriété qu’avoit la darne Fages , et qu’il a été
« obligé de supporter la clause résolutoire ;
« Attendu, enfin, qu’il nef a u t pas confondre le pri« vilége sur le bien, pour le prix qui lui est dû , avec le
« droit réel que lui assure la clause résolutoire, lequel
« n’a pas besoin d’inscription pour être conservé ; mais
« que cette inscription fût-elle nécessaire, on ne sauroit
« rien en induire, puisque Mignot a fait transcrire la
« licitation. »
Il est impossible de rien dire de plus précis. Il est donc
bien constant que le droit réel de résolution est indé
pendant du privilège; que les stipulations du titre sub
sistent daus la main de tous les acquéreurs possibles, et
�( 22 )
q u ’aucun d’eux ne peut se prévaloir de ne pas les avoir
connues.
O r , le sieur Champflour a lu ou dû lire.dans le titre
de son vendeur, que la propriété du marais de la Folle
étoit d’origine communale, et que son vendeur étoit
chargé d’une rente envers le duc de Bouillon ;
Qu’il devoit tenir l’héritage en nature de pré non clos;
Que la propriété ne lui étoit transmise qu'à ces con
ditions ;
Q u ’il n’avoit le droit d'en disposer et jo u ir comme
de son bien propre , qu’à la charge toutefois de conserver
les droits réservés à la commune SUR LEDIT MARAIS.
Il a su que la propriété n’avoit passé dans ses mains
qu’avec les mêmes conditions.
11 a lu ou dû lire dans les lois comme dans le titre,
que l’engagement étant réciproque, l’inexécution d’une
partie remettoit l’autre dans tous ses droits.
Il a vu dans la loi du io juin 1793, que ce bien , d’ori
gine communale, n’avoit été laissé au possesseur, qu’à
la charge de payer la redevance à la commune.
Et tout ce qu’il a fait au préjudice de ces obligations
çaci'écs, tout ce q u ’ il a manque à faire pour conserver
les droits de la commune sur le m arais, est une in
fraction à son titre, qui entraîne la résolution, s’il ne
l ’exécute pas à l’instant même; car il ne peut se préva
loir de ce qu’il auroit méconnu le titre ou ignoré la loi.
L ’engagement réciproque ne fut-il pas conçu dans des
termes qui sont la clause résolutoire elle-m êm e, ou qui
équivalen t, il est écrit dans l’article 1184 du Code Napo
lé o n , qu’elle est toujours sous-entendue;
�( 23 )
- Dans l’arrêt du 16 juin 1 8 1 1 , que le pacte commissoirô
( quoique non écrit ) étant de la nature du contrat de
vente, il résout le contrat ab in itio , même contre le
tiers, qui n’est que son ayant-cause, et ne peut avoir
plus de droit que lui.
Il est écrit dans la loi du 10 juin , que le possesseur,
avec titre et bonne f o i , d’une propriété à?origine com
munale , ne peut la conserver qu’en payant à la commune
les redevances qu’y avoit le seigneur.
Assurément il ne faut pas d’inscription pour conserver
cette disposition de la loi au profit de la commune, paâ
plus que pour maintenir les conditions écrites dans l’acte
d’aliénation primitive.
Que le sieur Champflour ne présente donc pas cette
cause comme une simple question d’hypothèque ou de
privilège; et quand bien même on voudroit, pour lui
complaire , aborder cette q u es t i o n , il n’y gagneroit
absolument rien.
Il
a acquis en l’an 7; si la loi paroissoit exiger l’ins
cription des privilèges, c’étoit dans le cas d’une vente
parfaite , et la sienne ne l’étoit pas sans le secours de
la transcription.
L e Code civil l’en a dispensée ; mais en même temps,
par son article 2108, il a dispensé le privilège du ven
deur de l’inscription jusqu’au moment de la transcrip
tion; et l’article 834 du Code de procédure a étendu
cette faculté pendant quinzaine, à dater de la transcription.
O r , comme, d’une part, la dernière inscription des liahitans a précédé la transcription de Champilour ; que, de
l’autre, la demande en résolution elle-même a été adjn-
�.( 2 4 )
gée avant cette transcription, et pendant qu’une première
inscription étoit encore entière, il importe très-peu aux
habitans que le sieur Champflour ait jugé à propos d’ac
quérir d’autres créances, et de laisser la leur ; de trans
crire tardivement son contrat, d’ouvrir un ordre où ils
n’ont que faire: tout est consommé; et ne fût-il question
que de privilège, le jugement ne pourroit être infirmé.
Mais, encore une fois, il s’agit de l’exécution de la
l o i , des conditions formelles d’un acte réciproque qui
a lié les deux parties, et qui ne peut être exécuté par
une partie et invoqué par l’autre, sans entraîner la ré
ciprocité.
Signé C O H A D E , maire.
M e. V IS S A C , avocat.
M e. D E V È Z E , avoué licencié.
A RI O M , de l’imp. d e TH IB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire,
ru e des Taules, maison Landriot. — Mai 1813.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Corps commun des habitants de Chapes. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Devèze
Subject
The topic of the resource
communaux
pacage
rentes féodales
ventes volontaires
marais
experts
prescription
conciliations
conflit de lois
créances
jurisprudence
code civil
droit intermédiaire
fiefs
conseils de famille
ventes
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis sur délibéré, pour le Corps commun des habitans de Chapes, intimés, contre Jean-Baptiste-César Champflour, et autres, appelans ; en présence des héritiers Artaud de Viry, intimés.
note manuscrite : « arrêt infirmatif du 22 juin 1815. Voir les motifs à la fin du second mémoire ».
Table Godemel : action en déclaration d’hypothèque : 2. une demande hypothécaire a-t-elle pu être transformée en une action personnelle ? l’action hypothécaire, introduite par l’ancien droit, est-elle admise par le code ? Transcription : 2. le créancier d’une rente peut-il demander la résolution du contrat contre un tiers-détenteur qui n’a pas été chargé du paiement par son acquisition et a payé les hypothèques ? le tiers-acquéreur qui a fait transcrire n’est-il tenu que du paiement du prix de la vente envers les créanciers de son vendeur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1751-1813
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2110
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2111
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53406/BCU_Factums_G2110.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chappes (63089)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Code civil
communaux
conciliations
conflit de lois
conseils de famille
Créances
droit intermédiaire
experts
fiefs
jurisprudence
marais
pacage
prescription
rentes féodales
ventes
ventes volontaires
-
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159ba7df6bfbbed86919b72492b39817
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REPONSE
A
ce qui m est objecté personnellem entt
d 'a voir refusé toute espèce de médiation.
J E suis loin d’avoir la prétention d’ajouter aux moyens
de défense qu’a produits M . P . M . ; je veux traiter seulement la partie morale de mon procès avec M M . MaletVandègre et Ignace Sampigny, q u i, en m’accusant d’avoir
rejeté leurs offres, pag. I I ,
et
de leur m ém oire,
se donnent un air de candeur et de loyauté propre à. les
entourer du plus grand intérêt. Peut-être en seront-ils
55
56
dépouillés par le récit simple et fidèle de tout ce qui s'est
passé entre eux et m o i, par l’intermédiaire de M . Bergier,
leur conseil.
Peu après la notification de m on en chère, faite à ces
messieurs le 21 nivôse an I I , je vis venir chez moi
M . B ergier, pour me proposer un accommodement.
Je souris toujours aux voies de conciliation, et je
m ’annonçai pour être bien disposé.
M . B e rgier, après avoir traité au long de toutes les
difficultés de cette affaire, m’apprit qu’il étoit chargé de
m ’offrir 20000 francs comptant.
V o u s me demandez, lui dis-je, un sacrifice trop fo rt,
p u isq u e, outre les frais et les in té rêts, vous me faites
•perdre considérablement sur le capital; cependant je suis
A
�4ûU
2
«' ’ *
(
)
prêt à vous donner une preuve de ma m odération, et
surtout de la déférence que je porte à votre caractère de
conciliateur; je me borne à 24000 francs : ce n’est que
2000 francs de plus qu’il en conte à chacun de ces mes
sieurs, pour sauver l’honneur de leur beau-p ère et de
leurs en fans.
M . Bergier prétendit que c’étoit trop exiger de ces
messieurs, qui déjà s’étoient exécutés de tout leur pou
voir. Com m e j’insistois, il se retira en me disant qu’il
alloit rendre compte de sa mission, dont il m ’apprendroit
bientôt le résultat.
Quelques jours s’écoulèrent sans aucune nouvelle de
M . Bergier : mais le service qui eut lieu dans l’église de
l’O ra to ire , pour M . T ix ie r p è r e , avocat, nous ayant
attirés dans le môme lie u , je fus abordé par M . B . . . .
qui me dit c»- sortant : L ’aiFaire est finie au prix que
vous le v o u lez; vous pouvez la regarder comme telle,
,et so u s m o i n s de q u i n z e j o u r s n o u s p a y e r o n s : ce délai
est nécessaire h ces messieurs, pour leur donner le temps
de terminer entr’eux quelques arrangemens qui n’ont
.plus rien de commun avec vous. Il suffit, répliquai-je;
je ne suis jamais pressant, quand on me donne d’aussi
bonnes raisons.
Plein de confiance dans cette promesse et dans la loyauté
de M M . Malet et Sam pign y, je suis au moins quatre
m o is à m’apercevoir qu’il se perd bien du temps. Je
prends encore patience; et rien ne m ’annonçant une fin,
j’écrivis de ma campagne ù M . B . . . pour lui rappeler
les propositions convenues.
J e ne reçois pas de réponse: je prie un am i d ’aller
�(3 )
la demander ; on la promet sous quelques jours. E nfla
M . Bergier dit verbalement de me mander que je peux
être tranquille; que les intentions sont toujours les mômes;
que leur exécution tient à la santé de M . V n n d è g r e ,q u i
est allé la rétablir aux bains d e . . . et que tout se ter
minera à son retour.
A u bout de quelques m o is , j’écris de nouveau à
M . B . . . qui me fait rendre, par le porteur de ma lettre,
de nouvelles raisons tirées de la santé et dés affaires de
M . V an d ègre; mais il doit arriver bientôt, et tout va
se terminer.
Par caractère, je suis confiant. J ’avoue cependant qu’il
s’éleva dans mes idées de l’inquiétude, et je me p r o p o s a i ,
lorsque la saison me forceroit de quitter la campagne,
d’avoir un éclaircissement avec M . Bergier. J ’arrive enfin
à C le rm o n t, et je vais lui témoigner toute ma surprise.
V ou s avez raison, me dit-il avec embarras, m a is .. . vous
tenez toujours aux 24000 francs?. . . V o y e z . . . toutseroit
bientôt term in é, si vous vouliez reprendre les premières
p r o p o s i t i o n s , v o u s c o n t e n t e r d e s 2 0 0 0 0 francs. — Q u o i ' !
" ces messieurs mettent l ’honneur de leur beau-père et de
leurs enfans en balance avec 2000 fr. pour chacun d’e u x ;
et l’intérêt encouru depuis ce temps les compose à peu
près! — M . Bergier se retranche sur beaucoup d’autres
dettes. — E h b ien , monsieur, j’accepte les 20000 f r . , mais
à condition que nous allons terminer sur le champ. Si
ces messieurs n’ont pas tout leur argent, qu’ils me donnent
une garantie suffisante; je me prêterai encore à des faci
lités pour le payement. — M o n sieu r, me dit M. B e rgie r,
A 2
�(4 )
je vous donne ma parole d’honneur pour ces messieurs;
je vais écrire à M . de Vandègre qui partira aussitôt ma
lettre reçue, pour venir terminer comme vous le désirez.
Ennuyerai -je mon lecteur à lui faire lire mes autres
courses chez M. Bergier, qui finit un jour par me dire
qu’il avoit bien une autre proposition à me faire; mais
qu’il ne se permettroit pas de la mettre au jour ? J e ne
lui en donnai pas la facilité ; j’ignore encore ce qu’elle
pouvoit être. Je me retirai en me disant à moi-même,
que si j’avois l’honneur d’être avocat, il y auroit à ma
porte une rigoureuse consigne pour gens qui auroient
compromis à ce point ma parole.
A cette ép oqu e, les négociations furent suspendues:
des amis communs cherchèrent à les renouer. On me vit
toujours dans les mêmes dispositions. L e bien de M ontrodès me fut offert à la chai’ge d’un retour de 20000 fr.
Je refusai ; l’objet étoit trop cher en lui-m êm e; les frais
de toute espèce alloient encore le renchérir : il pouvoit
y avoir du danger à débourser 20000 francs de plus; et
je n’avois qu’une am bition, celle de n’entendre plus parler
d'une maison qui avoit coûté tant de soupirs à ma famille.
Les 20000 fr. furent encore remis en proposition ; ils
ne tenoient qu’à un abandon de madame de Muriolles,
sur quelque portion de J a y e t, si je me le l'appelle bien.
C elle-ci, habituée aux sacrifices pour l’honneur de sa
maison, y consentit. J ’étois dans l’espoir de toucher mes
20000 fr. , lorsque je reçus, le 24 prairial an 1 2 , de
M . M a let-V a n d èg re, la lettre dont voici la copie litté
rale :
�(5 )
4of
C lerm on t.
M
on sieu r
'
,
Ayant échoué jusqu’à présent dans les tentatives d’accommo
dement favorable à nos intérêts respectifs, c’est avec regret que
j’ai l’honneur de vous prévenir que toute suspension à faire va
loir les droits de chacun doit être censée levée.
Je vous prie, monsieur, de me rendre la justice de croire
qu’il n’y a nullement de ma faute dans la lenteur qu’a éprouvée
cette affaire aussi majeure pour nous tous, et dont les discus
sions judiciaires seront aussi épineuses que coûteuses.
J’ai l’honneur d’étre très-parfaitement,
M o n s i b -u a ,
Votre très-humble et très-obéissant
serviteur,
VANDÈGRE.
J e m’en rapporte à l’ impression que fera naître la lec
ture de cette le ttre, et je demande si elle ne paroîtra pas
la preuve la plus complète que j’ai épuisé tous les pro
cédés puisqu’ ils ont été de nature à déterminer M . MaletVnndègre à cette démarche.
M_ M a lety qui se disculpe dans sa lettre de la lenteur
q ita éprouvée une affaire aussi m a jeu re, a-t-il été fondé
ù faire autant de bruit au tribunal d’arrondissement de
Riom } de la longue inactivité dans laquelle je suis resté
après avoir lancé mon enchère, et de rejeter sur moi la
n é c e s sité où ils se sont trouvés de changer leur système
de défense en un système d’attaque?
Cette inactivité est-elle de leur fait ou du m ien ?
�(6 )
Ces messieurs ont-ils le droit de dire, page n de leur
m ém oire, « que les appelons, après avoir fait de vains
« efforts pour prendre des arrangemens avec les princi« paux créanciers, notamment avec le sieur Juge , ne
« pouvant demeurer danscet état d’incertitudeetd’anxiété,
« se déterminèrent à aller en avant. »
Q ui d’eux ou de moi a fait de vains efforts ? Les
leurs ont-ils été bien sincères? Je crois , sans forcer la
supposition, que tous leurs efforts ont tendu à se procurer
la faveur de l’opinion ; et c’étoit pour eux un coup de
partie de pouvoir imprimer qu'ils ont cherché dans tous
les temps , et ont sa isi toutes les occasioiis de term iner
am iablem ent avec tous.
L a p r e u v e , messieurs ! L a p re u v e ? vos offres ont été
acceptées, et vous avez reculé.
Ces messieurs n’ont pas de perte de temps à se repro
cher , puisque, lors même qu’il s’agissoit de renouer , ils
faisoient notifier , le 12. nivôse an 1 2 , à leur beau-père ,
mon enchère du 21 nivôse an 11 ; puisque , le 9 prairial
an 1 2 , le conseil de famille autorisoit, page 12 , la reven
dication de la moitié des biens , et que le 26 pra irial,
deux jours après la lettre de M . V a n d èg re, la délibération
put être homologuée par jugement du tribunal d’arron
dissement de Riom.
T o u s ces actes se combinoient sous le voile même des
négociations ; et le 24 prairial l’on m ’écrit : C ’est avec
regret que f a i Thonneur de vous prévenir que toute sus
pension à ,fa ir e valoir les droits de chacun doit ctre
censée levée.
E lle l’étoit pour ces messieurs depuis long-temps.
�/ 7^
Dans le silence, ils préparent leur attaque; et soigneux
d’éviter la faute que j’avois commise en les laissant res
p ir e r , ils précipitent leur marche. L e 26 p ra irip l, ils
obtiennent un jugement d’homologation.
Les jours suivans ils procèdent aux affiches , pour aller
en avant sur l’expropriation forcée ; et le 8 messidor, ils
en déposent un exemplaire au greffe du tribunal, avec
indication pour la vente au 6 thermidor suivant. D e cette
manière le temps perdu est bien vite réparé»
L ’affaire s’engage ; je gagne , après deux audiences,
grâces à la bonté de ma cause et à la logique de M . P e
la pcliier.
Q u ’i f me soit permis de lui demander p a r quelle fata
lité il a été entraîné à m’abandonner, au moment de l’au-r
dience, lorsqu’il s’agissoit de me défendre au tribunal
d’appel! Sa défection a étonné le barreau des deux villes.
J ’avois triomphé avec modestie. J ’espérois que le temps
feroit éclore des propositions de paix ; je persistois à croire
que M M . M alet et Sampigny calculeroient mieux les
conséquences de constituer leur b eau-p ère en étaj: de
faillite. Je les jugeois d’après mon cœ ur, et d’après un
exemple qui m’est personnel.
Gendre de M. d’ÏIaumières, ses affaires tout à coup pri
rent la plus fâcheuse tournure, et une fortune d’un million
parut absorbée par la nuée de créanciers qui réclam è
rent tous la fois.
La fortune entière appnrtenoit à madame d’Haumières,
et étoit dotale : tout s’ unissoit donc pour la conserver aux
enfans. Il n’y eut qu’jun cri dans la famille, cp fut pour
l’honneur du chef. TcOUiuse jeJÀHveot a«* pi^ds de la mère,
�(
8
)
et refusèrent un bien qui les couvriroit de confusion,
en imprimant sur eux l’infamie de la banqueroute.
Madame d’Haumières, chez qui l’honneur parloit aussi
haut qu’à ses enfans, consentit à la vente de ses biens :
elle fut ratifiée par eux ; et capital, intérêts et frais, tout
fut remboursé en peu d’années.
V o ilà la prérogative superbe que je lègue à mes enfans;
personne ne peut se vanter d’avoir une inscription sur
leur honneur. Ils marcheront la tête h aute, et la con
tenance assurée ; ils n’auront à rougir devant personne ,
ni à se reprocher de dévorer la substance de qui que ce
soit.
J ’attends avec calme la décision de la cour. Aussi sévère
qu’elle soit, je n’y peux perdre qu’une portion de ma for
tune. M M . Malet-Vandègre et Ignace Sampigny en serontils quittes à aussi bon m arché?
:
JU GE-SOLAGN IAT.
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A I O M , de l’imprimerie de L andr i ot , seul imprimeur de
la Cour d’appel. —. Mai 1807.
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s. , t.. ,jJ-.... i
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Juge-Solagniat. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Juge-Solagniat
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions
avancement d'hoirie
adjudications
créances
ventes
enchères
affichage
minorité
conseils de famille
séparation de biens
contrats de mariage de mineurs
donations entre vifs
experts
séquestre
coutume d'Auvergne
mort civile
expropriations
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse à ce qui m'est objecté personnellement, d'avoir refusé toute espèce de médiation.
Particularités : Notation manuscrite : 23 mai 1807, arrêt de la 2nde sectionb, mal jugé en ce qu'il a été statué prématurément sur la demande en revendication et confirme quant aux surplus.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1792-1807
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1715
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1711
BCU_Factums_G1712
BCU_Factums_G1713
BCU_Factums_G1710
BCU_Factums_G1714
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53318/BCU_Factums_G1715.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Gannat (03118)
Clermont-Ferrand (63113)
Jayet (terre de)
Montrodeix (terre de)
Orcines (63263)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
adjudications
affichage
avancement d'hoirie
conseils de famille
contrats de mariage de mineurs
coutume d'Auvergne
Créances
donations entre vifs
émigrés
enchères
experts
expropriations
minorité
mort civile
séparation de biens
séquestre
Successions
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53317/BCU_Factums_G1714.pdf
5671c63c7b8c7445ab8cfac1f1b9ce2a
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Text
MEMOIRE
P O U R sieur M a r t i a l J U G E - S O L A G N I A T , maire
de la ville de Clerm ont-Ferrand, tant en son nom que
comme héritier de la dame Q u e r i a u , sa m è r e ,
intim é ;
C O N T R E sieu r G i l b e r t - F r a n ç o i s M A L E T
D E V A N D È G R E , m embre du con seil général du
département du P u y - d e - D ô m e , habitant au lieu
d ’E n g la r d , com m une du Q u a r tie r , en q ua lité de père
et légitime adm inistrateur, et tuteur légal de D elphiniG ilb ert-A n toin e M a l e t d e V a n d è g r e , son f ils, et
de défunte dame M arie-M arguerite V É N Y , son épouse;
et contre dame M
a r i e
- A
nne
V E N Y
, épouse du
sieur Ignace-H yacinth e S a m p ig n y , de lu i autorisée f
habitante de la ville de R io m , appelans ;
E n
p résen ce
d es a u tr e s c r é a n c ie r s de
V É N Y , a u s s i in tim é s
E t
en
présence
P a u l-A u g u stin
*
dudit Paul-A ugustin V é n y , p a r e il
lement intim é.
L e
sieur Juge-Solagniat, tant en son nom qu’en qua
lité d’héritier de la dame Q ueriau, sa m ère , et les autres
créanciers de P a u l-A u g u stin V é n y , com battent. pou r
conserver le gage de leur créance, p o u r ne pas perdre des
sommes qu’ils ont légitim em ent prêtées.
A
�MX
. (2)
F A I T
S.
. L e sieur P aul-A ugustin V é n y a contracté un prem ier
mariage avec demoiselle M arie-Jeanne G oyet de L ivro n .
A cette époque, P ierre-G ilb ert de V é n y , son p è re , étoit
décédé.
P ar le contrat de m ariage, du 23 décembre 17 7 0 , la
dame D auphin de M on trod ès, sa m è re , lui donna en
avancement d’hoirie la terre de M on trodès, sous la ré
serve de l’ usufruit, et à condition qu’elle demeureroit
grevée d’une substitution graduelle et perpétuelle en fa
veu r des descendans du m ariage, des mâles d’a b o rd , et
à défaut des m âles, en faveur des filles, l’ordre de p rim ogéniture toujours observé.
Il n’y a point eu d’enfans de ce mariage,
v L a demoiselle de L iv ro n ne vécut que peu de temps.
L e 11 octobre 1 7 7 3 , le sieur P a u l-A u g u stin V é n y ,
encore m in eur, contracta un second mariage avec demoi
selle M arie-G en eviève M alet de V andègre.
P ar le contrat de m ariage, la future se constitue, i° . en
tous les biens meubles et immeubles à elle échus par le
décès de ses père et mère ;
2°. E n une somme de 4000 fr. d’une p a rt; 1380 fr.
d’autre; et en une somme de 9000 francs, à laquelle sont
estimés la récolte ameublée de la terre d’E n g la rd , les
meubles meublans du château, et quelques bestiaux;
30. E n fin , en tous les biens qui pourroient lui échoir.
est ajouté : E t ou il seroit ven d u , pendant et constant
11
le futur m ariage, des biens propres de la demoiselle
�(
3
)
fu tu re, le futur sera te n u , ainsi qu’il s’y o b lig e , d’ea
faire l’em p lo i, soit en achat d’im m eubles, ou en acquit
tement des légitimes de ses frères et sœurs.
L e futur époux lui donne des bijou x et dorures jus
qu’à concurrence de la' somme de 6000 francs.
P a r ce m ême contrat de m ariage, le futu r, pour m aintenir le lustre de la m a iso n , fait donation entre-vifs, pair
préciput, de la moitié de tous ses biens présens et à ven ir,
à celui des enfans mâles à n aître, qui sera choisi ; et à
défaut de ch o ix , à celui qui se trouvera l’aîné à l’époque
du décès;
A la charge et condition que les biens donnés seront
substitués graduellement et perpétuellem ent en faveur de
celui des enfans mâles du donataire qui sera choisi ; et
à défaut de c h o ix , à l’aîné.
O n prévoit le cas où P a u l-A u g u s tin V é n y n’auroit
point d’enfans mâles du mariage qu’il contractoit. L a
donation est répétée en ce cas en faveur de celle des
filles qui sera choisie; et à défaut de c h o ix , en faveur
de celle qui sera l’ainée à l’époque du décès, avec même
charge de substitution en faveur de sa postérité mascu
lin e, dans le même ordre établi pour la postérité des èhfans mâles.
Cette donation grevée de substitution n’a é té , ni insi
n u é e , ni publiée.
A la fin de l’acte, la m ère réitère les réserves et con
ditions portées par le prem ier contrat de m ariage, rela
tivem ent à la terre de M ontrodès.
•
<:■
' " D e ce m ariage sont issues d eu x fille s 'M a r ie - M a r g ù e A 2
:.i w i
�rite V é n y i qui a contracté m ariage avec le sieur de V a n d è g r e , l’un des appelons, et M a r ie -A n n e V é n y , qui
s’est mariée avec le sieur de Sam pigny, et qui est aussi
appelante.
Il paroît qu’en 1784 la dame de V andègre demanda et
obtint sa séparation de biens ; qu’elle poursuivit ensuite
la liquidation de ses reprises et conventions m atrimo
niales, qu’on a portées à 86666 liv. 17 sous, quoiqu’on
ait v u que sa dot m obiliaire, y com pris les 6000 francs
pou r bagues et jo y a u x , ne s’élevoit qu’à la somme de
20380 francs.
L e 14 avril 179 2 , P a u l-A u g u s tin V é n y vend à son
épouse la terre de Jayet, qu’il tenoit à titre de donation
entre-vifs de demoiselle Elizabeth-Françoise V é n y -d ’A r b o u ze, sa tan te; i° . à la charge de payer trois rentes
viagères de o, 30 et 20 francs, dont il avoit été chargé
par ladite donation du 26 novem bre 176 7; et en outre,
moyennant la somme de 130000 fr ., sur laquelle somme
il fut délégué à payer aux Sœurs religieuses de Saint-
5
5
Joseph de V en sa t, une rente de oo francs, au capital
de 10000 francs, dont il avoit été égalem ent chargé par
la d o n atio n , et 10921 liv. 2 sous à divers particuliers,
p o u r créances toutes antérieures au contrat de m ariage,
à l’exception de celle de 4217 liv. 2 sous, due au sieur
Rose Beauvais, qui paroît postérieure; et le surplus, il
fut dit que la dame de V andègre le retiendroit en ses
m ains, à compte des sommes dont ellç avoit obtenu la
condamnation.
O n fait ensuite, et dans le même a cte, le calcul de
ces sommes.
�C S )
C a p i t a l .........................
86.666 liv, 17 s.,
^43
Intérêts jusqu’au jour
F ra is..............................
T
4600
»
»
J
120409 liv . 1 7 s.’
o t a l
Peu de temps après cette v en te, Paul-A ugustin Y é n y
a été compris sur la liste des ém igrés, le séquestre ap
posé sur ses biens.
P ar arrêté du départem ent, du
messidor an 2 $ la
ven te, comme postérieure au 9 février 179 2 , a été dé
clarée nulle ; mais on convient que la nullité n’a été
prononcée que dans l’intérêt national.
L es 24 prairial an 3 , et 19 therm idor an 4 , arrêtas
qui font distraction en faveur des frères et sœurs de Paul-
5
A ugustin V é n y , sur la terre de Jayet, de quarante-quatre
septerées.
E n même tem ps, M arie-M arguerite V é n y , et M arieA n n e V é n y , ses deux filles, se réunirent pour réclam er
l’effet de la donation de m oitié b ien s, portée au contrat
de m ariage, et la distraction de cette m o itié, quant aux
biens présens. L e u r réclamation fut rejetée par arrêté
du 5 messidor an 2 , sur le fondement qu’elle étoit annullée par la lo i du 17 nivôse an 2.
L a lo i du 17 nivôse an 2 ayant été rapportée, elles
•se pourvurent de nouveau.
L e I er. com plém entaire an
4,
second arrêté qui rap
porte le précédent; brdonne qu’il sera délivré à M arieM arguerite V é n y , l’aînée, la moitié de la terre de Jayet,
ainsi que de la terre de M ontrodès, déclarée aussi faire
partie des biens présens \ qu’il lui sera également délivré
�(
6
)
la moitié de ce que l’ém igré avoit à prétendre dans la
succession indivise de P ierre-G ilb ert V é n y , son père.
Ce second arrêté a été rendu , sans que la dame Q ueriau et les autres créanciers, qui avoient déposé leurs titres
à l’adm inistration, aient été appelés.
Il a en conséquence été procédé au partage. La terre
de Jayet a été divisée en deux lots. Quant à la terre de
M o n tro d ès, et aux biens provenus de P ie rre -G ilb e r t
V é n y , les experts ont déclaré ne pou voir encore y pro
céd er, n’ayant point les renseîgnemens nécessaires.
L e rapport contenant partage de la terre de Jayet a
été hom ologué par arrêté du n floréal an 7 . L e prem ier
lot est é e h u , par le tirage, à la réclamante. L e second
lot est demeuré sous le séquestre, com m e appartenant à
la nation.
M arie-G eneviève Malet de V an dègre, épouse de PaulAugustin V é n y , est décédée en l ’an 6.
Ses deux filles, M arie-M arguerite de V é n y , épouse du
sieur de V an d ègre, et M arie-A n n e de V é n y , épouse du
sieur de Sam pigny, lui ont succédé conjointement.
M arie-M arguerite de V é n y , épouse du sieur de V a n
dègre, est elle-m êm e décédée bientôt après, en l’an 7 ,
laissant de son mariage un fils, D elp liin i-G ilbert-A n toin e
M alet de V a n d è g re , au nom duquel G ilbert-François
M alet de V andègre , son père , agit comme son tuteur
légal.
t
P a u l-A u g u stin V é n y , en vertu de l’amnistie et du
sénatus-consulte du 6 floréal an 1 0 , a obtenu la main
levée du séquestre de ses biens. Il est rentré'en propriété
et en possession des biens qui n’avoient pas été vendus.
�C ’est,ainsi qu’il jouit de la m oitié de la terre de M on t- rodés.
• Quant à celle de Jayet, il n’en jouit point, parce q u’il
Pavoitvendue en 1792. Cette terre est jouie conjointem ent
par le tuteur du m ineur V an d ègre, et par la dame de
Sam pigny, comme héritiers de M arie-G eneviève M alet de
V a n d èg re , m ère et aïeule, qui l’avoit acquise en paye
ment de partie de ses reprises.
L e 29 brum aire an 1 1 , il a été passé entre le père et
tuteur du m ineur V an d ègre, et la dame de Sam pigny,
d’une p art, et P aul-A ugustin V é n y , d’autre p art, un traité
dont il faut donner connoissance.
Dans cet acte, on commence par rappeler les faits que
l’on vient d’exp liq u er; la vente de 179 2 , consentie par
P aul-A ugustin V é n y à la m ère; l’arrêté du i.er. com plé
mentaire an 4, qui avoit investi la fille aînée de l’effet de
la donation de m oitié biens, quant aux biens présens;
la radiation de P a u l-A u g u s tin V é n y de la -liste des
émigrés.
« Cet événem ent, d isen t-ils, a fait revivre la vente du 14
et avril 1792, qui n’ayant été annullée que pour l’intérét national,
« a dû reprendre sa première existen ce, lorsque l’intérét de la
« nation a cessé.
« Dés-lors cette vente est devenue pour madame de Sampigny,
«
«
«
«
et pour l’ enfant de M. de V andègre, héritiers de Geneviève
Malet deVandègre-Vény, leur mère et aïeule, un titre qui les investit de la propriété actuelle de la terre de Jayet, dont moitié
leur avoit déjà été attribuée par l’arrêté du. département, du
« i cr. complémentaire an 4, en vertu de la donation éventuelle
« portée par le contrat de mariage de Paul-Augustin Y é n y , leur
« père et a ïe u l, du 11 octobre 1773.
�j^ K ,
( S )
« Cependant la mort civile présumée de Paul-Augustin V én y,
« qui avoit autorisé leur réclamation de la moitié de la terre
« de Jayet, comme donataires éventuels, étant aujourd’hui efcc facée par sa radiation, on pourroit soutenir que leur droit ‘
« sur cette m o itié, comme donataires de leur p c r e, n est point
cc encore ouvert; qu ’i l ne s ’ouvrira que par la mort naturelle
« dudit P a u l de V é n y , et que jusque-là ils n ’ont point d ’autre
cc titre que la vente de 1792, pour se regarder comme proprié
té taires de cette terre : mais il n’en est pas moins vrai que leur
« .d ro it, comme donataires, doit s’ouvrir un jo u r , et que c ’est
g un juste m otif de réduire le p rix de la vente de 1792, en
cc proportion de ce qu’un immeuble dont l’acquéreur n’aura
cc obtenu la transmission de propriété incommutable que pour
cc m oitié, et le simple usufruit pendant la vie du vendeur pour
cc l’autre m oitié, dans le cas où les enfans du vendeur lui sur« v iv e n t, vaut de moins dans le com m erce qu’il ne vaudroit
« si la transmission de propriété étoit imperturbable et indépentc dante de tous événemens. C ’est un vice de la chose vendue,
cc en un m o t, de nature à entraîner, ou la résiliation de la v en te,
cc ou une .diminution dans le p rix, au choix de l’acquéreur.
cc Indépendamment de ce premier m otif de réduire le prix
cc de la vente de 1 7 9 2 , l’éviction de prés de cinquante septerées
cc'de terrain compris dans cette ven te, qui résulte des arrêtés
« du département, des 2 4 prairial an , et 1 9 thermidor an 4 ,
cc est une seconde cause de réduction également incontestable,
te et d’autant plus conséquente, q u e , d’après le rsipport du
cc commissaire Couchonat, nommé par l’administration d’Aiguecc perse pour se transporter sur les lieux et reconnoltre le terrain
cc dont s’agit avant d’en ordonner la distraction, rapport inséré
cc dans l’arrété du 19 thermidor an 4* ces terrains formoient le
« cinquième de la totalité de la terre de Jayet.
cc Sur q u o i , les parties voulant prévenir la contestation prête
cc à s’engager entr’elles sur ces divers objets de discussion, elles
« ont traité et transigé sur le tout de la manière qui suit.
3
�(9 ^
E n prem ier lie u , la vente demeure résiliée et comme
non avenue en ce qui touche lesdites quarante-qu atre
septerées de terrain évincées, sauf à Patil-Augustin V é n y
à les revendiquer contre ses frères et sœurs, s’il s’y croit
fondé.
E n second lie u , en ce qui touche la moitié de la terre
de Jayet , dont la propriété est assurée aux enfans de
P aul-A ugustin V é n y , q u i lui survivron t, par la dona
tion éventuelle portée en son contrat de m ariage, il est
dit que la vente du 14 avril 1792 n’aura effet que pour
transmettre aux ayans cause de G eneviève M alet de Vandègre, et aux acquéreurs, i ° . l’usufruit que conservoit
Paul-A ugustin V é n y , ven d eur, sur la m oitié d on n ée;
2°. la perspective éventuelle qu’il avoit aussi d’en rester
propriétaire , au cas où il survivroit à tous ses enfans
et descendans ; 30. pour consolider enfin sur la téte dudit
G ilb ert-A n to in e-D elp h in i M alet de Y a n d è g re , repré
sentant sa m è re , et de M a rie -A n n e V é n y , épouse de
M . de Sam pigny, par égalité entr’e u x , la pleine p ro
priété et jouissance dès à p r é s e n t, et in c o m m u ta b le m e n t,
de la m oitié de la terre de Jayet dont il s’a g it, quels
que "puissent être les événem ens, et soit que la propriété
leur en fût acquise à tout autre titre, ou qu’elle ne le fût
pas, sans aucunem ent déroger à leurs droits a cquis p a r
tout autre titre que ladite vente, n i y p réju d iç ier ; en sorte
qü’ils pourront exercer les droits qu’ils peuvent a v o ir ,
indépendamment de ladite vente, sans novation ni déro
gation contre les acquéreurs qui seroient subrogés à la
ven te, dans le cas oie sur la transcription q u i en sera
f a i t e au bureau des hypothèques, il surviendroit des
B
�enchères de la part des créanciers intéressés et in scrits,
sans qu’il en résulte en aucun cas de recours en garantie
contre le vendeur.
E n ce qui touche l ’autre moitié de ladite terre de J a y e t,
la vente de 1792 doit sortir son entier effet, sauf la dis
traction des quarante-quatre septerées.
A r t. 4* L a réduction du p r ix de ladite vente de 179 2 ,
q u i est la suite f o r c é e , soit de Téviction des quarantequatre septerées, soit de la décharge de la garantie de
Téviction q u i pourroit résulter de la donation éventuelle
de la m oitié des biens vendus , est J ix é e et réglée par ven
tilation à la som m e de 35000 j f r . j de sorte que le p rix
de la vente yq u i étoit de 130000 f r . , y compris le capital
de la rente q u i étoit due a u x Sœ urs de S a in t-Josep h
de J^ensat, ne sera plus que de la somme de 94567 livtournois.
P a r les articles
et 6 , le mineur V an dègre et la dame
de Sam pigny sont déchargés d’une partie des délégations
portées au contrat de vente de 17 9 2 , et tenus de payer
5
les autres délégations.
P a r l’article 7 , il est convenu que le surplus de ladite
somme de 94567 francs demeurera entre leurs m ains, à
compte et en dim inution de leurs reprises, telles qu’elles
sont fixées par ledit acte de 1 7 9 2 , et 011 leur réserve tous
leurs droits pour l’excédant.
Dans cet acte , le sieur de V andègre et la dame de
Sam pigny ont reconnu e u x -m ê m e s que la donation de
biens présens et à ven ir, portée au contrat de m ariage, ne
pouvoit avoir effet qu’après le décès.
Ils rcconnoissent qu’il est incertain qui en sera saisi,
�( II )
même s’ ils en seront saisis, puisqu’ ils achètent la pers
pective éventuelle que pou voit avoir P aul - A ugustin
V é n y de rester propriétaire incom m utable, dans le cas
où il survivroit à toute sa descendance.
Ils reconnoissent que la mort civile du père étant
effacée, il avoit le droit de jouir sa vie durant des biens
présens, c’est-à-dire, des biens à lui appartenans à l’époque
de son contrat de m ariage, et de cenx acquis depuis.
Ils reconnoissent qu’ils n’ont dans ce moment d’autre
titre pour jouir d’ une partie quelconque de la terre de
el
J a y c t, que la vente de 1792.
A la vérité ils prétendent que , quant à la moitié
d o n n ée, la vente ne peut porter que sur l’ usufruit ; e t ,
en conséquence, ils soutiennent qu’il y a lieu à réduc
tion du p rix de la vente. O n ne conçoit pas trop com
ment il peut y avoir lieu à une réduction actuelle du
p rix de la v e n te , sur le fondement d’une donation dont
il est incertain s’ils seront jamais saisis, le père pouvant
survivre à toute sa descendance; comment il peut y avoir
lieu a une réduction a c tu e lle , lorsqu’il est incertain, en
supposant qu’ils en soient saisis, s’ils renonceront ou non
aux biens à ven ir; comment il peut y avoir lieu à réduc
tion , lorsqu’il y a dans leur personne, comme on l’établira
dans un m o m en t, confusion de qualités.
M a is , sans entrer dans cette question, ils conviennent
qu’ils n’ont dans ce moment d’autre droit que celui résul
tant de la vente.
A p rès avoir reconnu qu’ils n’ont dans ce moment
d’autre titre que la vente > ils se réservent de faire valoir
la donation, dans le cas o ù , su r la notification de la
B 2
�(
1 2 }
tra n scrip tion , il surçiendroit des enchères de la -pari
des créanciers inscrits.
L e pi'emier frim aire an 1 1 , on soumet cet acte à la
transcription. On. fait transcrire en même temps la vente)
de 1792.
L e 24 du même m ois, on dénonce la transcription de
l’un et de l’autre aux créanciers inscrits, avec déclara
tion que les requérans en acquitteront ou compense
ront dans l’ordre de d ro it, les charges et hypothèques
légalem ent inscrites, mais seulement jusqu’à concurrence
du p rix-stip u lé dans le traité du 29 brum aire an 1 1 ,
qui confirme et modifie le prem ier contrat de 1 7 9 2 ,
se réservant expressément l’excédant de leurs créances.
Dans la notification de la transcription , le sieur de
V an d ègre a agi tant en son nom qu’en qualité de tuteur
et administrateur des biens de son fils.
L a dame Queriau , en qualité d’héritière testamentaire
de défunt sieur J u g e , étoit créancière d’une somme de
plus de 35000 francs : sa créance rem ontoit à 1775. E lle
a fait-notifier la déclaration d’enchère; elle s’est soumise
à porter ou faire porter à un vingtièm e en sus, soit le
p rix du prem ier contrat de ven te, dans le cas où l ’exé
cution en seroit o rd o n n ée, soit celui du second acte,
dans le cas où l’on ordonneroit l’exécution seulement de
ce second acte ; ce q u’elle se proposoit de faire juger.
L e 12 nivôse an 1 2 , le sieur d e V a n d è g r e e t la dame
de Sam pigny ont fait notifier à Paul-Augustin V é n y , eu.
son dom icile à P a r is , la déclaration d’enchère de la dame
veuve J u g e , avec sommation de rapporter dans dix jours
m ain-levée des iuscriptiQus excédant la somme de 94667 1.
�3
( J )'
tournois, et protestation de requérir' après le délai là
mise aux enchères.
L e 8 messidor an 1 2 , faute par P a u l-A u g u stin V é n y
d’avoir satisfait à cette som m ation, affiches à la requête
du sieur de V a n d è g re, au nom et comme tuteur de son
fils, se disant autorisé de délibération de fam ille, h o
m ologuée par jugement du 26 prairial précédent, et à
la requête de la dame de Sam pigny, pour procéder à la
revente et adjudication, avec indication à l’audience du 6
thermidorD ans l’affiche on comprend la totalité delà terre. Tous
les héritages sont d ésignés, form ant v in g t - s ix articles,
sous la distraction des quarante-quatre septerées adju
gées aux frères et sœurs de Paul-A ugustin V é n y , faisant
partie du second et du troisièm e article.
Suivent les conditions de l’adjudication.
Dans l’article prem ier il est dit : a E t attendu que la
propriété de la m oitié des biens ci-dessus est irrévo ca - *
blement acquise au m ineur V a n d è g re , soit p arla donation
éven tu elle, soit par l’arrctd du départem ent, soft par"
l’article 16 du sénatus-consulte de floréal an 10 , et qu’ils
s’étoient expressément réservé par le traité de brum aire
an i i , d’exercer tous leurs d ro its, dans le cas où sur la
transcription dudit traité il surviendroit des enchères,
f adjudicataire C en trera en jo u is s a n c e , et ne devien
dra propriétaire des le moment de V adjudication , que
de Vautre m oitié des biens de J a j e t seulem ent, telle
q u elle a voit été J ix é e p a r le partage J a i t avec la ré
publique. »
E t on ne transcrit point le partage; en sorte que
!
�( H )
l ’affiche désigne, et ne désigne point les objets à vendre.
M ais il falloit faire ordonner cette revendication contra
dictoirem ent.
■Il a en conséquence fait assigner à cette fin , soit la f
dame veuve J u g e , et les autres créanciers inscrits, soit
la dame de S am p ign y, soit Paul-A ugustin V én y .
A in si le sieur de V andègre est en même temps poursui
vant et demandeur en revendication.
L a dame de Sam pigny, de son côté, s’est trouvée figurer
dans la cause comme demanderesse, poursuivant conjoin
tement avec le sieur.de V an dègre la revente, et comme
défenderesse sur la demande en revendication.
L a cause en cet état a été portée en l’audience du 6
therm idor an n .
L a dame veuve Juge a combattu la demande en re
vendication , et soutenu la nullité de l ’afïiche.
• Les autres créanciers inscrits ont adhéré à ses moyens,
et aux conclusions par elle prises.
Sur la plaidoirie respective , jugement est intervenu
ledit jour 6 th erm idor, qui déboute le sieur de V a n
dègre de sa demande en revendication, et déclare d’un
autre côté l ’alïiclie nulle.
L e sieur de V andègre et la dame de Sam pigny .ont
interjeté appel de ce jugem ent, et c’est sur cet appel qu’il
s’agit de prononcer.
�( Ifi >
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L e sieur de Vandègre est-il ¿fondé dans la demande
q u ’il a fo r m é e au nom et comme tuteur du m ineur
V a n d èg re, en revendication de la m oitié de la terre
de J a y e t ?
•
*
L e sieur de V an d ègre se fonde principalem ent sur
l ’arrêté du départem ent, du I er. complémentaire an 4 ,
et sur l’article 16 du sénatus-consulte de floréal jm 10.
Mais cet arrêté et le sénatus-consulte p e u v en t-ils être
sérieusement opposés?
L ’arrêté n’a été évidem ment rendu que dans l ’intérêt
national : la nation a pu m éconnoître ou abandonner
ses droits , mais cette erreur ou cet abandon ne peut
nuire aux créanciers. Il en est de cet arrêté comme de
5
celui du messidor an 2 , que les appelans conviennent,
png. 7 de leur mémoire , ne devoir être exécuté que
dans rintévêt de la nation.
L e sénatus-consulte du 6 floréal an 10 , q u i, en rendant
aux ém igrés les biens non vendus, maintient tout ce qui
a été fait pendant l’ém igration , n’a lieu également qu’à
l’égard de l’ém igré lui-m êm e, mais non à l’égard des tiersintéressés, qui ne peuvent être victimes de l’ém igration 7
et qui peuvent toujours se pou rvoir contre les actes et
les arrêtés auxquels ils n’ont point été appelés, et qui ont
été faits à leur préjudice.
L ’art. 16 ne dit pas généralement que les actes ne pour
ront être attaquésj il dit : L e s individus am nistiés ne
�• ry t
( 16 )
pourront attaquer. L a lo i, en leur faisant grâce, n’a pas
voulu effacer la peine pour le passé : elle n’a pas voulu
admettre la fiction, ju s post lim in ii, établie chez les R o
mains. M ais cette disposition leur est personnelle comme
la peine elle-même.
L e sénatus-consulte ne parle que des individus amnistiés ;
il ne parle point des tiers-intéressés. O n ne peut pas ajou
ter aux termes de la loi ; on ne peut y ajouter surtout ce
qui seroit une injustice évidente.
Vainem ent opposcroit-on que les créanciers ne peuvent
pas avoir plus de droits que leurs débiteurs; ce seroit
faire une fausse application de la m axim e, vraie en gé
néral. Sans doute les créanciers ne pourroient pas exer
cer un droit que le débiteur n ’a uroit ja m a is eu : mais
ce n’est pas ici la question. Les créanciers exei’cent le droit
originaire de leur d éb iteu r, dont celui-ci n’a pu les priver,
nec alienando nec delinquendo.
Xæ sénatus-consu lte a in tei’d it de revenir contre ce qui
auroit été fait pendant l ’ém igration , pour éviter tout
recours contre le gouvernem ent. M ais ici il ne peut y avoir
lieu à aucun recours. L a n ation , par arrêté du i er. com
plém entaire an 4 , n’a contracté aucun engagement ; elle a
renoncé simplement à user de la rigueur de son droit.
L ’art, i l de l’arrêto du gouvernem ent, du 3 floréal
an 1 1 , porte : « T o u t créancier d’ém igré ra y é , élim iné
a ou am nistié, qui voudra exercer ses droits contre son
a d éb iteu r, pourra réclamer ses titres; s’il les avoit dé« p o sés, il lui seront ren d u s, à moins qu’il n’ait donné
« quittance ou reçu son titre de liquidation définitive. »
L es créanciers sont donc autorisés à exercer leurs droits
contre
�C 17 )
contre leur débiteur ; à se venger sur les biens qui n’ont
pas été vendus, et par conséquent à faire la recherche
de leurs b ien s, à faire rentrer ce qui auroit été mal à
propos distrait.
L a loi de floréal an 3 , déclaroit créanciers directs de
la république, tous les créanciers qui déposeroient leurs
titres. L a dame veuve J u g e , et les autres créanciers qui
figurent dans la contestation, étoient de ce nombre. Etant
créanciers directs, ils n’avoient pas intérêt d’a g ir; mais
les choses ont changé. L a nation, en rendant les biens non
vendus, s’est affranchie des dettes. Dès ce moment il leur
im porte de conserver le gage de leur créance. Ils ont le
plus grand intérêt de s’opposer à un arrêté évidem m ent
surpris à l’administration. S’il en étoit autrem ent, ils ne
seroient payés, ni par la nation qui en rendant les biens
ne peut plus être tenue des dettes, ni par P aul-A ugustin
Y é n y , ni par le tuteur du m ineur Y a n d è g re , qui veut
retenir l’effet d’une donation dont il est même incertain
si le m ineur sera jamais saisi (1).
L a question est donc encore entière.
Paul-Augustin V é n y étoit m ineur àl’époque desonsecond
contrat de mariage. O n sait que par les lois les mineurs
sont dans la prohibition d’aliéner leurs biens ; et si les
aliénations à titre onéreux leur sont interdites, à plus
forte raison celles à titre gratuit. Cette sage interdiction
n’est pas seulement établie par les lois romaines; l’ar(1) Les créanciers se sont d’ailleurs pourvus, en tant que de
besoin, à l'adm inistration, contre cet arrêté.
G
�tid e 2 chi titré 13 de la coutume d’A u v e rg n e , qui régissoit le dom icile et les parties, en a une disposition p ré
cise et irritante.
a E t par ce doresnavant, dit cet article, m ineur de
« vingt-cinq ans ne p o u rra , par contrat ou autrem ent,
a disposer de ses biens im m eubles, sans autorité de cura¿ teur et décret du juge , soit par convenance de suc
ée céd er, ne autre. »
Q u ’on ne dise pas qu’ il faut faire exception pour les
dispositions portées par contrat de mariage ; que les con
trats de mariage sont susceptibles parmi nous de toutes
sortes de clauses, pourvu qu’elles ne soient pas contraires
à l’ordre public.
L es contrats de mariage sont susceptibles de toutes
sortes de clauses. Entre m ajeurs; on l’accorde.
A in s i, on a admis parmi nous les institutions contrac
tu elles, inconnues chez les Romains.
A in s i, on a admis la donation des biens présens et à
v e n ir , contraire à la nature des'donations e n tr e -v ifs ;
le caractère des donations entre-vifs étant que le donateur
se dépouille lu i-m ê m e , ma gis vult âonatarium habere
qua?n j<?,etle donateur ne pouvant se dépouiller des biens
à v e n ir, des biens qu’ il n’a pas encore en son pouvoir.
A in s i, on a admis les donations aux enfans à naître,
qui j étant encore dans le néant, ne seraient susceptibles
d’aucune libéralité entre-vifs.
M ais tout cela entre majeurs.
L ’article 26 du titre 14 de la m ême coutum e porte :
« T o u s pactes, avantages, donations entre-vifs ou à cause
« de m o rt, convenances de succéder, soient m utuelles,
�*9
(
)
égales ou non , et autres conventions quelconques faites
et passées en traité de m ariage, et en faveur d’ic e lu i, par
personnes capables à co n tra cter, sains ou malades , valent et tiennent au profit des mariés et leurs descendans. »
L ’article 219 de la coutume de Bourbonnais, rédigée
après celle d’ A uvergn e , contient la même disposition.
« Toutes donations, conventions, institutions d’héritier,
« et autres choses faites en contrat de m ariage, et en
« faveur d’icelu i, au profit et utilité des m ariés, de l’un
« d’e u x , ou des descendans dudit m a riag e, sont bonnes
« et valables.........et saisissent telles dispositi ons , les cas
«
«
«
«
« a ven u s, quand lesdites donations et dispositions sont
« faites p a r personnes habiles 11 contracter. »
Sur ces m ots, personnes habiles à contracter, A u rou x
observe : N o n intelligas hoc de habilitate ad nuptias
quœ requerit tantum 'annum 12 in J œ m in is , et quatuor
decim in m a sc u lis , ju re canonico quod in hoc sequim u r , sed de habilitate ad dispositionem b o n o ru m ,
pi/ta de m ajoritate a annis. Ita q u e si m inor 25 annis
5
in f a v o r e m
m a tr im o n ii a liq u id lib er ciliter d o n c t , rôm itta t, hccredem in s titu â t , societatem o m n iu m bo—
norum co n trah at, restituetur, utp lu ries ju d ic a r i vidissè
testatur dictus Joan n es D ecu lla n t. Il cite ces termes de
d’A rgen tré : N o n enim à capacitate m a trim on ii quœ
natures et ju r is e s t , capacitas d o n a n d iy quœ est actus
civilis debet co llig i, et q u i ( actus cw ihs ) non n isi à
consensu p roficisci p o te st, coTisensus , non m si ab
h a bili.
Il ajoute toujours, d’après l’autorité de D ecullant: Q u i
tamen habilis est ad nup tias, licet m inor
25
G 2
a n n is ,
�( 20 )
potest inire et contrahere ea quœ sunt ex statuto in
troducta , puta societatem , aut m a ri tus cum u x o r e ,
item doarïum et cœ tera om nia quœ veniunt citra dispositionem hom inis.
A in si, d itM . C h a b ro l, le douaire, dans cette province,
étant simplement viager , un m ineur ne pourroit pas
prom ettre un douaire propre à la fem m e, quand même
il seroit stipulé également propre aux enfans, comme il
se pratique à P a ris; de m ême la stipulation ordinaire
étant que le douaire n’aura lieu que pendant la viduité,
le m ineur ne pourroit pas prom ettre qu’il contimievoit
m algré le convoi et en secondes noces.
n
Un arrêt du I er. septembre 1640 , confirm atif d’une
sentence de la sénéchaussée de R iom , rapporté par
M . C h ab ro l, a annullé une institution d’héritier que les
deux conjoints s’étoient faite m utuellem ent, quoiqu’ils
fussent à peu près de même â g e , et leurs biens d’ une
valeur égale.
L e m êm e, M . C h abrol, rappelle un autre arrêt, du
18 août 173 5, qui a déclaré nulle une donation m utuelle,
dans une espèce bien plus forte. La future avoit contracté,
du consentement de toute sa fam ille, sous l’autorisation
de la m ère, qui étoit sa tutrice. La donation ne devoit
avoir lieu qu’à défaut d’enfans, et pour les biens qui se
trouveroient appartenir aux conjoints lors de leur décès.
L a disposition fut attaquée par une parente qui avoit
assisté au contrat de mariage. O11 lui opposoit son ap
probation , la réciprocité de la disposition, la faveur du
m ariage, le défaut de^réclamation de la fem m e, avant
l ’âge de trente-cinq ans, le consentement de la fam ille,
�la circonstance que, si elle eût survécu, elle auroit recueilli
la donation de son m ari, qui étoit majeur.
O n ne dissimulera pas qu’à la suite de ces décisions,
M . Chabrol ajoute que l’article de la coutume doit re
cevoir cependant une restriction en cas de donation ou
de substitution en faveur des descendans qui naîtront du
m ariage, principalem ent dans les fa m ille s n obles, dont
il est im portant de so u ten ir la dignité et Vétat ^ et il rap
porte trois arrêts, tous pour des familles n o b les, qui
l’ont ainsi jugé. M ais ces arrêts, qui ne sont qu’un abus
de l’autorité que les parlemens s’étoient attribuée ; ces
arrêts, entièrement contraires au texte et à l’esprit de la
coutum e, peuvent-ils être opposés?
L a coutume ne distingue point ; elle interdit géné
ralement aux mineurs de disposer de leurs biens im
meubles sans autorité de curateur et décret du juge :
et là où la loi ne distingue p o in t, il ne faut point dis
tinguer.
O n doit d’autant moins d istin gu er, qu’on a vu que
dans article 26 du titre 1 4 , elle s’occupe des conven
tions qui peuvent être faites par contrat de m ariage,
convenances de succéder, et autres, qu’elle ne valide
qu’autant qu’elles sont faites par personnes habiles à
1
contracter.
L ’article 219 de la coutume de Bourbonnais , qui
n’est que la répétition et le commentaire de c e lu i- c i,
comprend en termes exprès les donations aux enfans à
naître; et il est ajouté également : Q uand elles sont fa ite s
par personnes habiles « contracter ; et qui dicit de uno
negat de altero.
�Nous appliquerons ici la maxime : L eg ib u s, ?ion exem p lis , ju d ica n d u m .
D ép en d oit-il des parlemens d’établir une jurisprudence
contraire à la l o i , une jurisprudence particulière pour
une classe de citoyens?
L es motifs d’ailleurs qui ont déterm iné ces arrêts ne
subsistent plus.
A u x arrêts rapportés par M . C h a b ro l, on opposera
un jugement émané du tribunal civil de cette v ille , pré
sidant M . V e r n y , du 28 fructidor an 4 , qui a consacré
le retour aux vrais principes, dans la cause de la dame
Brossinliac, veuve Sarret-Fabrègues.
C lém en ce-G en eviève Brossinhac avoit contracté ma
riage en 17 4 5 , avec Joseph Sarret-Fabrègues. E lle étôit
à cette époque mineure. P ar le contrat de m ariage, elle,
du consentement de sa m ère, et le fu tu r, du consente
m ent de son p è re , firent donation de la m oitié de tous
leurs biens présens et à ven ir, h celui des enfans à naître,
q ui seroit choisi par eu x , ou par le survivant d’eux.
E n 1 7 9 1, ils firent conjointement une élection en faveur
de Sarret-Saint-Mancet. Sarret-Fabrègues père est décédé
en 1792. Sai’ret-Saint-M ancet ayant é m ig ré , la nation a
mis le séquestre sur les biens. L a dame de Brossinhac,
devenue v e u v e , a demandé la nullité de la donation,
comme ayant été faite par elle en m inorité. P ar arrêté
du départem ent, elle fut autorisée à se pou rvoir contre
le procureur général du départem ent, et renvoyée aux
trib u n au x, suivant les lois d’alors. L a cause portée au
tribunal civil de S a in t- F lo u r , la donation fut déclarée
n u lle; et sur l’appel le jugement fut confirmé.
�«
«
( 23 )
V o ici les motifs littéralem ent transcrite
« A ttendu que Clém ence-G eneviève Brossinîiac étoit
m ineure au moment du contrat de m ariage, du 28 fê
vrier 1740*,
« A tten du que le m in eu r, par la disposition précise
de la lo i, est mis dans l’heureuse impuissance d’aliéner
a titre o n é re u x , ou disposer h titre gratuit;
« A ttendu que le principe de l’inaliénabilité des biens
des m ineurs, frappe, et a dû dans tous les temps frapper
indistinctement tous les citoyens, sans aucune exception ;
•
«
«
«
«
« Attendu que l’action appartenante à G eneviève-C lémence Brossinîiac pour se p ou rvoir contre la donation du 28 février 17 4 5 , a été suspendue par l’existence
de son m ari, qui avoit intérêt à ce qu’elle ne l’exerçât p a s , et n’a été ouverte qu’au moment de sa v i-
•
«
te
«
et
« d u ité , suivant la m axim e : Contra non valentem agere
« non currit prœ scriptio. »
D ira-t-on qu’ici il n’y a point eu de cause qui ait fait
obstacle 8. la prescription? que le sieur de V é n y devoit
se pou rvoir dans le délai accordé aux m ineurs, dans les
d ix ans; et que ne s’étant point p o u rv u , ni lui ni ses
créanciers ne sont recevables à attaquer la donation ?
L e sieur de V é n y n’avoit pas besoin de se pou rvoir
judiciairem ent, des l’instant que les enfans, par l’acte du
29 brum aire an 11 , ont reconnu eux-mêmes la n u llité ,
et se sont fait consentir une vente.
L e sieur de V é n y n’avoit pas seulement dix ans; il
«voit trente ans pour réclam er, s’agissant de nullité de
coutum e; et c’est ce qui a été jugé par un arrêt d e là
co u r, de la prem ière section, du 14 nivôse an 13.
�( H )
« A tte n d u , porte l’a rrê t, que la demande a été fo r
ce m ée dans le délai de dix ans ;
« Attendu d’ailleurs que les parties étant soumises aux
« lois de la ci-devant coutume , l’article 2 du titre 13
« porte contre les mineurs non émancipés un statut nécc gatif et p ro h ib itif;
« A ttendu qu’A n toin e B o je r n’étoit pas ém ancipé ;
« qu’ainsi la disposition irritante de la coutum e rendant
« nulle l’aliénation qu’il a faite de ses droits successifs,
« il lui a été inutile de se pou rvoir par lettres de rescision. »
L e rédacteur du journal ou nous avons puisé cet arrêt,
renvoie à un arrêt de cassation , du 13 pluviôse an 10,
qui a jugé que quand la nullité étoit d’ordonnance ou
de coutume , on a voit trente a n s, et au journal de Sag u ie r, tom. 2 , pag. 294.
O n dira peut-être que dans l’espèce de l’arrêt de la
cour , le m ineur n’étoit point ém ancipé; qu’ici le sieur
de V é n y étoit émancipé et assisté d’ un curateur. M ais
cette circonstance ne change rien. L a coutume ne distin
gue point entre les mineurs émancipés et non ém ancipés;
elle suppose au contraire le cas d’émancipation , puis
q u’elle parle de curateur. 11 ne suffit pas non plus qu’il
ait été assisté du curateur; la coutum e exige non-seule
ment l’assistance du cu rateu r, mais encore le décret du
juge.
L ’émancipation donne le droit au m ineur de disposer
du m o b ilier, d’administrer et percevoir le revenu des
im m eubles, mais ne lui donne pas le droit de les aliéner.
A in si la raison est toujours la même.
L ’art. 2 du titre 13 ne distingue pas, et l’art. 26 du
titre
�( 2 5 }
titre 14 d it, sans restriction , p a r personnes hiibilas à
contracter.
L e sieur V é n y étoit ém ancipé, et assisté de curateur;
mais il n’y a point eu de décret du ju ge, ce que la coutum e
exige im périeusement; et l’article étant conçu en termes
irrilans et prohibitifs, la nullité peut être opposée pen
dant trente ans. C ’est le cas de la maxime : L o c u s est nullita ti, non tantùm restitutioni.
Q u ’on ne dise pas que le Code civil a borné toutes les
actions en nullité à dix ans; car le Code civil ne peut
avoir d’effet rétroactif. E t le traité, et la déclaration d’en
chère de la veuve J u g e , qui est du 21 nivôse an i r ,
sont antérieurs à la publication du Code.
• L e second contrat de mariage du jsieur de V é n y est du
11 octobre 1773. Depuis cette époque jusques audit traité,
et à ladite déclaration d’e n c h è re , il ne s’est pas écoulé
trente an s, abstraction m ême du temps qu’a duré encore
sa m inorité.
P o u vo it-il d’ailleurs par son silence nuire aux créan
ciers , à ceux qui ont prêté lors même qu’il étoit encore
dans le délai de dix ans ?
U n autre moyen de nullité résulte du défaut d’insinua
tion.
L ’art. 19 de l’ordonnance de 1731 exem pte de cette for
malité les donations en ligne directe. M ais cet article doitil s’entendre, non-seulement des donations faites par les
ascendans aux contractons m ariage, mais encore de celles
faites par les contractons aux enfans ù naître? A utant les
unes sont ordin aires, et ont pu paroître au législateur
D
�~
.
( 26 3
devoir être dispensées de l’insinuation , autant les autres
sont extraordinaires et inusitées. C ’est sur quoi il y a eu
grande diversité d’opinions.
U n arrêt rapporté par D en isard, au mot in sin u a tio n ,
du
juin 1 7 3 4 , en la prem ière chambre des enquêtes,*^a jugé que l’article 11e devoit s’entendre que des donations
faites aux contractans par les ascendans, dans la cause des
enfans mineurs du comte de Jum ilhard, contre M . B ertin,
de S ain t-G eran . L a question a voit été partagée en la
grand’ch am b re, le 27 juin 173 3 , au rapport de M . L o renchet. M . Pucelle étoit com parateur.
L e m ême auteur rapporte un autre arrêt rendu en la
5
grand’cham bre, sur les conclusions de M . Jo ly de F leu ri,
le 9 mars 174 2 , qui a jugé le contraire.
Dans l’espèce de cet a r r ê t, le conjoint donateur étoit
m ajeur : on pouvoit dire aux créanciers qu’un majeur
étant capable de toutes sortes de dispositions, ils avoient
à s’im puter de n’avoir pas pris connoissance du contrat
de mariage. Ici P aul-A ugustin V é n y étoit m in eu r, in
capable par là même : les créanciers n’ont pas dû croire
que le contrat de mariage contînt des dispositions que la
loi lui interdisoit.
. Mais de plus la donation étoit faite à la charge d’une
substitution graduelle et perpétuelle, à la charge par con
séquent de la faire publier et insinuer.
L e décret qui a aboli les substitutions, n’a pas pu dé
charger pour le passé de cette condition.
N ’ayant point rem pli la condition sous laquelle la do
tatio n a été faite, peut-on s’en p réva lo ir?
Peut-on demander l’exécution d’un acte, à la condition
duquel on n’a point satisfait?
�•
.
.
( »
7
) ..
.
™
Si on avoit satisfait à la condition qui étoit imposée*,
les créanciers auroient été avertis, et ils n’auroient pas
prêté : on ne pouvoit publier et insinuer la substitution,
sans publier et insinuer la donation.
• Mais quand on supposeront la donation valable, quand
on supposeroit qu’elle n’a pas dû être insinuée, M arieM arguerite V é n y en a-t-elle été saisie?
L a donation n’est pas faite nominativement à elle : elle
est faite d’abord aux milles ; à défaut de m âles, à celle
des filles qui sera choisie; et à défaut de ch oix seulement,
à celle qui se trouvera l’aînée à l’époque du décès.
L a donation est d’ailleurs de biens présens et à ven ir,
qui par sa nature autant que par les termes de l’a cte,
ne saisit qu’après le décès.
Paul-A ugustin V é n y est encore vivant.
L a loi du 28 mars 1793 a déclaré les ém igrés morts
civilem ent. Mais cette m ort civile qui a cessé par l’am
nistie , qui n’a été que temporaire , ne peut être consideree comme une véritable m ort; elle ne peut être con
sidérée que comme une suspension de l’état c i v i l , per
sonne ne pouvant m ourir pour un temps.
Cette m ort c iv ile , prononcée par une loi qui a été rap
p o rtée, ne dure qu’autant que la loi même. Ce n’est point
m ême une véritable mort.
Comme la m ort c iv ile , dit l’auteur du R épertoire de
jurisprudence au mot m ort civile en quoi il n’a fait
que suivre la doctrine de tous les auteurs qui ont écrit
sur ce sujet, est comparée à la m ort n atu relle, et qu’on
ne meurt point pour un temps, il faut que la condam D 2
�yrt
•'
08
. .
)
nation soit perpétuelle. C ’est en partie, par suite de cette
conséquence, que l’exil ou la captivité par lettres du
p r in c e , ne peut attribuer la mort civile. L e s c u 'c o j i s tances peuvent déterm iner le souverain à révoquer ses
ord res, c l ¿1 rendre la liberté au sujet à q u i il avait résolu
de Voter. I l 11j a que les décrets de la ju stice q u i soient
irrévocables et voilà p o u rq u oi nous a von s, continuet-il, posé en principe que la m ort c iv ile , véritablem ent
m ort civile , ne peut naître que d'une condam nation
ju d icia ire.
E t c’est ce qui est arrivé ; le souverain à f a i t grâce.
Il n’a point fait grâce pour îe passé : le sénatus-consulte n’a point d’effet rétroactif. Que résulte-t-il de là ?
que pendant tout ce temps les émigrés sont demeurés en
é ta t de mort civile; qu’ils n’ont p u , pendant ce temps,
faire aucun acte civil ^ et que ces actes civils n’ont pu
devenir valables, suivant la m axim e: Q u o d ab in itia vi~
tio su m est tr a c tu te/nporis co n v a lesce re n o n p o tes t. Mais
on ne peut en induire une véritable m ort, quant au droit
de succéder ; il en résulteroit qu’un homme laisseroit deux
successions, ce qui est absurde, nul ne pouvant m ourir
deux f o is , comme on ne peut m ourir pour un temps.
Il faut donc distinguer les actes civils du droit de suc
céder. Les actes civils faits jusqu’à l’amnistie sont n u ls,
et ils ne peuvent devenir valables , parce que la loi ne
rétroagit p o in t, parce que ce qui est nul dans le prin
cipe ne peut valider par le temps; ce qui est conforme
aux principes. Mais il n’en est pas de même du droit de
succéder; ce scroit étendre la peine après môme que la loi
pénale n’existe plus ; ce seroit donner un. effet perpétuel
« une peine temporaire.
�( 29 )
2>i <a
CJne m ort temporaire ne p e u t , en un m o t , donner
droit de succéder irrévocablem ent.
O n sait que les term es, dans le9 actes en tre-vifs, ne
reçoivent point d’extension , tantùm valent quantum
sonant. O n ne peut d’ailleurs les interpréter contre l’au
teur de la libéralité.
A qui la donation est-elle faite ? à celle qui se trouvera
l’aînée à l’époque du décès; ce qui ne peut s’entendre que
de la m ort naturelle. On ne peut pas supposer que le
donateur ait entendu parler du cas de la m ort c iv ile , et
se dépouiller lui-m êm e.
Ce n’est pas à celle qui seroit l’aînée, à l’époque de la
mort civile , qu’il a donné et entendu donner , mais à
celle qui seroit l’aînée à l’époque de la m ort naturelle.
A in si, quand on considéreroit P a u l-A u g u s tin V é n y
comme m ort civilem en t, le cas exprim é dans la donation
»’est point arrivé.
Non-seulem ent le m ineur V an dègre n’est point saisi 7
mais il est incertain même s’il le sera.
D é jà M a r ié -M a r g u e r ite V é n y , sa m è r e , a p r é d é c é d é
le donateur*: i l p e u t lu i-m ê m e m o u r ir é g a le m eu t a v a n t
le d on ateu r.
La donation n’est faite à celle qui sera l’aînée à l ’époque
du décès, qu’à défaut de choix.
Paul-A ugustin V é n y étant revenu à la vie c iv ile , peut
faire une élection au moins jusqu’à concurrence de la
quotité disponible.
11 peut faire une élection pour les biens à v e n ir , etchoisir la fille puînée. Il y auroit donc alors deux dona
taires , l’un des biens présens, l’autre des biens à ven ir.
�c 30 >
.
Cependant l’intention du donateur a été de n’avoir qu’un
seul d on ataire, et de ne faire qu’une seule donation de
biens pi-ésens et à venir.
L ’ordonnance permet de diviser les biens présens et à
v e n ir , mais après le décès.
Il est inouï qu’on puisse diviser la donation de biens
présens et à venir du vivant.
P o u r la d iviser, il faut renoncer aux biens à venir ; et
comment ren on cer, du v iv a n t, à des biens à v e n ir, à ded
biens qu’on ne connoît pas.
Si P aul-A ugustin V é n y acquéroit une fortune consi-*
dérable , pourroit-on opposer au m ineur V an dègre sa
renonciation? N e diroit—il pas qu’il n’a p u , ni M arieM arguerite V é n y , sa m è re , ren o n cer, du vivant du
d o n ateu r, à des biens à venir.
11 n’y a pas même de renonciation.
A utant l’administration , lors de l’arrêté du
messidor
an 2 , s’est m ontrée sévère, autant, lors de celui du pre
m ier com plém entaire an 4 , elle a été indulgente et gé
5
néreuse. Dans l’exposé des m otifs, on voit qu’elle pensoit que la pétitionnaire avoit également droit à la m oitié
des biens acquis depuis le mariage ; mais on ajoute qu’il
parnît que la pétitionnaire se borne aux biens présens.
E lle n’a demandé effectivement que la m oitié des biens
présens; mais il n’y a pas de renonciation aux biens à venix\
M ais il se p résen te, pour écarter la réclamation du
m ineur V a n d è g re , un autre m oyen, soit qu’on se réfère
à la m ort naturelle, soit qu’on se réfère à la m ort civile
du sieur de V én y . Ce moyen résulte de la loi du 18 plu
viôse an
5.
�3
C 1 )
L ’article I er. de cette lo i maintient les avantages, p récip u ts, donations, institutions conti’actuelles, et autres
dispositions irrévocables de leur n a tu r e , légitim em ent
stipulées en ligne directe avant la publication de la loi
du 7 mars 1 7 9 3 , et en ligne collatérale avant la pu bli
cation de la loi du 5 brum aire an 2 , tant, est-il d it, sur
les successions ouvertes ju s q u ’à ce jo u r , que sur celles
qui s’ouvriront à l’avenir. L a loi ne maintient que les
dispositions dont ceux au profit desquels elles ont été
faites ont été saisis irrévocablem en t, sav oir, quant à la
ligne d irecte, avant la publication de la loi du 7 mars
1793.
M arie-M arguerite V é n y a-t-elle été saisie irrévocable
m ent avant la publication de la loi du 7 mars 179 3?
L a peine de la m ort civile a été prononcée contre lés
ém igrés, par la loi du 28 mars 1793. Cette loi porte : Les
émigrés sont bannis à perpétuité du territoire français; ils
sont morts civilem ent ; leurs biens sont acquis à la répu
blique.
L a m o rt civile n’a d o n c été e n co u ru e q u e p a r cette loi.
E n se référant d on c à la m ort c iv ile , la d am e V é n y -V a n dègre n’avoit aucun droit irrévocablem ent acquis avant
la loi du 7 mars. T an t que le sieur V é n y n’a point été
frappé de la m ort c iv ile , il a pu faire une élection ; et
tant qu’il a pu faire une électio n , la dame V é n y -V a n dègre n’a eu qu’un droit incertain ; elle n’en a même eu
aucun; elle n’en a point eu en vertu de la prem ière partie
de la clause, ni même en vertu de la seconde, qui ne
l'appeloit qu’à défaut d’élection; élection qu’il a été libre
au sieur V é n y de faire jusqu’à la loi du 7 mars.
�Cette loi a aboli la faculté de disposer; et ou voudra
en conclure que dès ce m om ent le défaut d’élection étant
devenu certain, le droit a été acquis en vertu de la voca
tion subsidiaire.
M ais la loi veut que le droit soit acquis antérieurement.
Il ne pourroit réclam er l’effet de la donation après le
décès, et il le réclam e du vivan t!
Comm ent peut-on dire qu’il a été saisi, par la m ort
civ ile, d’une donation dont il ne sera même pas saisi par
la m ort naturelle ?
Q u ’on n’oppose pas que la loi maintient les dispositions
irrévocables de leur n atu re, et que la disposition dont
il s’agit étoit irrévocable, surtout d’après la faculté don
née par l’ordonnance de s’en tenir aux biens présens.
O u i , elle étoit irrévocable quant au titre , mais non quant
à la personne qui devoit recueillir ce titre. L a qualité
d’h éritier , de donataire , ne peut pas exister par ellemême ; il faut un sujet à qui elle s’applique. La qualité
d’héritier e s t, si l’on peut parler en termes de gram
m aire, l’adjectif qui ne peut exister sans le sujet à qui
elle s’applique. La qualité, le titre de donataire étoit irré
vo cable; mais la personne qui devoit recevoir ce titre
étoit incertaine. Paul-A ugustin V é n y , jusqu’à la publi
cation de la loi du 7 mars 1793* pouvoit é lir e ; il pouvoit appeler à recueillir l’effet de la donation celle de
ses deux filles que bon lui seinbloit : aucune d’elles n’étoit
donc saisie irrévocablem ent.
U n arrêt d elà cour de cassation, du 13 therm idor an 1 3 ,
rapporté au journal de D en evers, pag. 8 0 , contraire à
un arrêt du 23 fructidor au 8 , qui avoit jusque-là fixé
la
�( 33 )
la jurisprudence, a jugé qu’une institution nom inative
d ’h éritier, subordonnée à un droit d’élection conféré à
un tiers, et non exercé avant la publication de la loi
du 17 nivôse, étoit devenue irrévocable; mais dans cette
espèce, le testateur étoit décédé en 179?*, antérieure
ment à la loi du 7 mars 1793.
Dans l’espèce de cet arrêt, l’institué nominativement
à défaut d’élection , avoit pour lui la volonté constante
du testateur , q u i , étant décédé en 1782 , n’avoit pu en
changer. Mais ici M arie - M arguerite de V é n y n’a pas
eu une volonté constante du d o n ateu r, antérieure à la
lo i du 7 mars 179 3 , puisqu’il a pu jusqu’à cette époque
faire une élection , et par cette élection la p river de
l ’effet de la seconde partie de la clause, qui ne l’appeloit
que subsidiairernent.
Comment le mineur Y an d ègre s’ap p liq u eroit-il, à Vexclusion de la dame de Sampigny yl’effet de cette donation ?
E t la dame de Sam pigny ne révendique point. E lle a
au contraire appelé tous les créanciers à enchérir sur
la totalité de la terre.
O n a tellement rendu homm age aux principes qu’on
vient d’établir, on a tellement reconnu que M arie-M arguerite Y é n y n’ayant point été saisie irrévocablem ent
avant la publication de la loi du 7 mars 17 9 3 ,1a dona
tion étoit sans effet, que dans l’acte du 29 brum aire an 11
on attribue la m oitié donnée, p a r égalité, au m ineur
V an d ègre et à la dame Sampigny : T roisièm em en t, est-il "
d i t , pour consolider enfin su r la tête du m ineur et de
la dame Sa m p ig n y, par égalité entre e u x , la pleine
propriété et jo u issa n ce , dès à p résen t, et m com m utaE
�**
( 34 )
blem ent.de la m o itié de la terre de J a y e t dont s’a g it,
quels que soient les événeniens ; ce qui seroit intolérable,
si le m ineur seul avo it dû recueillir l’effet de ladonation.
E t la dame de S a m p ig u y, encore une fois ne reven
dique point.
O n a dém ontré que la donation étoit nulle. O n a établi
que la donation ayant été faite à la charge d’une subs
titution graduelle et p erpétuelle, et par conséquent de
Ja faire publier et in sin u er, les créanciers qui ont con
tracté à la bonne foi ne doivent point être victimes de la
juste opinion qu’ils ont dû avoir que les biens étoient
libres sur la tête de leur débiteur. Subsidiairement on a
jétabli que le m ineur V andègre n’étoit point saisi de la
donation ; et du moins ne doit-on pas envier aux créan
ciers la ressource de se venger sur l’usufruit, la vie durant
de Paul-A ugustin V é n y .
R evien dra-t-on sur l’arrêté du départem ent? D irat-on qu’il n’y a plus lieu à agiter toutes ces questions?
O n a déjà répondu que cet arrêté ne pou voit être opposé.
M ais voici une autre réponse.
O n pourroit s’en faire un m oyen, si les choses étoient
encore dans le m ême état.
M ais depuis, cet arrêté est devenu sans effet, par la
réunion de la qualité d’acquéreur, par le contrat judi
ciaire résultant de la notification de la transcription.
P a r la réunion de la qualité d’acquéreur ! M ai'ieG en eviève M alet de V a n d è g re , à qui a été consentie
la vente de 1 7 9 2 , est décédée en l’an 6 ; M a rie-M a rguerite V é n y lu i a succédé conjointement avec Marie-
�C 35 )
M S
A n n e V é n y , sa sœ ur; elle n’a point fait faire d’inventaire',
elle s’est portée héritièi’e pure et simple.
Si elle entendoit ne pas confondre sa qualité de do
nataire, elle de voit n’accepter la succession que sous b é
néfice d’inventaire.
Ce n’est pas le m ineur V an dègre qui a succédé et qui
pourroit se jouer de ses qualités; c’est M arie-M argueritè
V é n y , qui étoit majeure.
D epuis elle est décédée elle-m êm e; elle a transmis sa
succession au m ineur V andègre ; mais celui-ci ne peut
pas avoir plus de droit que M arie-M arguerite V én y.
D ès le m oment de l’acceptation de la succession, M arieM arguerite V é n y a été aux droits de Ma rie-G en ev iè v e
M alet de Vandègre.
/
P aul-A ugustin V é n y a pu vendre. Il a pu vendre dès
qu’il ne portoit point atteinte à la m oitié des biens donnés:
car il n’avoit pas promis la m oitié de chaque nature de
bien s, mais généralem ent la m oitié de ses biens. O r ,
à l’époque de la vente, la terre de Jayet n’excédoit pas
la m oitié des biens libres. Il a pu vendre pour payer des
dettes toutes antérieures, et qui frappoient sur les biens
présens.
M ais en supposant qu’il lui eût été interdit de vendre
au préjudice de la donation , M arie-M arguerite V é n y ne
peut attaquer un acte qui est devenu son propre titre.
P aul-A ugustin V é n y ne peut l’attaquer: le retour de
l ’ém igration ne lui donne pas le droit de revenir contre
les actes qu’ il a souscrits auparavant. L ’adversaire con
vient lui-m êm e que l’arrêté du messidor an 2 , qui l’a
5
déclaré n u l , n’est que dans l’intérêt national, et c’est
E 2
�36
(
)
ce qui a etc encore jugé par un arrêt de la cour de cas
sation, du 28 frim aire an 13.
M arie-M arguerite V é n y est également tenue de l’exé
cuter. E lle étoit majeure à l’époque de l’ouverture de
la succession de M arie-G eneviève M alet de V a n d èg re;
elle a accepté la succession purem ent et simplement ; elle
est tenue de tous ses engagemens.
E t c’est l’équivoque à laquelle il faut prendre garde.
O n se référera toujours à l’arrêté du prem ier com plé
mentaire an 4. Cet arrêté donnoit la m oitié de la terre
de J ayet; mais depuis la donataire a succédé à celle qui
a acquis. Comme ayant succédé à celle qui a acquis, elle
est bien tenue de tous ses engagem ens, et par consé
quent de tenir le p rix de la vente à la somme de 130000 fr.
à laquelle il a été p o rté, en y com prenant les 10000 f.
capital de la rente de oo fr. due aux Sœurs religieuses
de Saint-Joseph de Vensat.
O n n’op p osera sans doute point l’acte du 29 brum aire
an 11. Sans faire d’autres réflexions sur cet acte, P aul-
5
A ugustin V é n y n’a pu évidem m ent dim inuer le p rix de
la prem ière vente, au préjudice des créanciers.
L a dame veuve Juge et les autres créanciers auroient
pu demander la nullité de cet acte, comme fait à leur
préjudice. M ais la déclaration d’enchère opéroit le même
effet; elle a enchéri également sur cet acte.
‘ M arie-M arguerite V é n y ayant succédé à M arie-G eneviè ve M alet de V an d ègre, a succédé à l’engagement que
celle-ci a contracté par la vente de 179 2; elle doit faire
compte en deniers, délégations, ou reprises valables, de
la somme de 130000 fr.
�(
37
)
Mais si elle est liée par la ven te, les créanciers ne sont
pas liés envers elle ; elle doit faire com pte de la somme
de 130000 f r ., sauf à déduire ses reprises, a d legitim u m
m od um . M ais rien n’empêche que les créanciers ne puis
sent enchérir.
Cette surenchère n’a rien que de favorable ; elle con
serve les intérêts de tous ; les intérêts du m ineur qui sera
libéré d’autant plu s, et les intérêts des créanciers, m êm e
des créanciers qui ont contracté postérieurement au ma
riage, parce qu’ils ont intérêt que les créanciers antérieurs
soient payés sur les biens présens, pour dégager les biens
à venir.
L e sieur de V an dègre ne s’est pas dissimulé l’objection.
Il répond que la confusion a cessé p arla mise aux enchères;
que la mise aux enchères a effacé la qualité d’acquéreur,
et ne laisse plus subsister que celle de donataire.
M ais c’est une erreur. Il ne faut pas confondre la mise
aux enchères, en cas de vente volo n taire, avec l’expro
priation forcée. Dans l’expropriation forcée , l’enchère
est effacée de plein droit par la surenchère , au point
qu’à défaut de p a y e m en t de la p a rt du s u ren ch érisse u r,
on ne peut revenir sur celui qui a enchéri le p rem ier,
sauf à poursuivre la revente à la folle enchère sur le
surenchérisseur.
Il n’en est pas de même , dans la mise aux enchères,
en cas de vente volontaire. L ’acquéreur , nonobstant la
mise aux en chères, n’est pas moins acquéreur. La mise
aux enchères suppose toujours une vente préexistante, et
une vente valable. 11 y a toujours ven te; il n’y a que la
personne de l’acquéreur de changée, si le prem ier acqué
reur ne veut pas enchérir à son tour. C ’est ce qui résulte
�de l’article 18 de la lo i du n brum aire , sur le régime
hypothécaire.
w « Si au jour annoncé pour l’adjudication, il se pré« sente des enchérisseurs, l’im m euble est adjugé à celui
« qui fait l’offre la plus avantageuse.
« Dans le cas contraire , elle est faite au profit du
« créancier p r o v o c a n t, pourvu qu’il la requière. S’il
« ne se présente p o in t, ni personne pour l u i , à l’effet
a de la re q u é rir, le tribunal d éclare, après l’extinction
« des trois feux consécutifs, que ce créancier demeure
« déchu du bénéfice de son enchère, et que Vacquéreur
« continue de dem eurer p ro p riéta ire, m oyennant le
« p r ix stipulé dans son contrat. Il condamne celui qui
« aura provoqué la vente aux frais de la poursuite , et
« en outre à payer , com m e excédant du prix , la somme
« à laquelle il s’étoit obligé de porter ou faire porter
a l’immeuble en sus du p rix conventionnel. »
C e seroit donner un singulier effet à la mise aux en
chères , de donner à cette mise aux en chères, com m e
des biens de P a u l-A u g u stin V é n y , l’effet de distraire
au contraire des biens dudit V é n y l’objet soumis à la
déclaration d’enchère, de faire revivre le droit que Marie-.
M arguerite V é n y auroit pu avoir de reven diquer; droit
éteint par la confusion!
Cette mise aux enchères détruit-elle la qualité pure et
sim ple d’héritière de celle qui a acquis?
L a réserve portée, par l’acte du 29 brum aire an 1 1 ,
de faire valoir les droits résultans de la donation , dans
le cas où su r la transcription et la notification de la
transcription il surviendrait des enchères de la part
des c r é a n c ie r s, est insignifiante. Cette réserve ne peut
�( 39
s% o\
)
pas plus que la mise aux enchères faire revivre la qualité
de donataire étein te, non dans la personne du m ineur
V an d ègre, q u i, à raison de sa m inorité ,.auroit pu se faire
restitu er, mais.dans la personne de M a rie-M a rg u erite
V é n y , par la confusion.
I/arrêté du départem ent est encore anéanti par le
contrat judiciaire résultant de la notification de la trans
cription.
Q u ’est-ce quela transcription? C’est la soumission de rap
porter aux créanciers inscrits le p rix du contrat. Q u’estce que la notification de la transcription? C ’est la sou
mission de rapporter l’immeuble m êm e, si les créanciers
prétendent qu’il a été vendu à trop bas prix \ c’est une
invitation faite aux créanciers d’enchérir pour l’avantage
de tous ; c’est une form alité introduite par la lo i pou r
préven ir toute fraude de la part du débiteur.
L e sieur de V an dègre s’est fait autoriser par avis de pare n s,p o u r revenir contre cette notification de transcrip
tion , contre son propre ouvrage. M a i s tout ce qui est fait
au nom des mineurs est-il nul par cela seul ? Si le m i
n e u r , ou le tuteur pour le m in eu r, ne fait que ce que
le majeur le plus prudent auroit fa it, sera-t-il reçu à de
mander à être restitué ?
L a transcription , et la notification de la transcription,
ne sont qu’une suite de la vente, de (1792. L e tuteur n’a
fait que ce qu’ une sage,.une vigilante administration lui
prescrivoit.
Il ne faut pas perdre de vije que le m ineur V an d ègre
n’a pas succédé directement à l’aïeule. S ’il avoit succédé
*4
�( 40 )
directem ent, il pourroit se faire restituer contre l’accep
tation pure et simple de sa succession :mais c’est MarieM arguerite V é n y qui a succédé, qui étoit alors majeure.
Il faut faire abstraction du m ineur V an d ègre, et ne con
sidérer que M arie-M arguerite V én y.
P a r la notification de la transcription il s’est form é
un contrat judiciaire.
L a prétention qu’on élève au nom du m ineur V a n
dègre ne tend pas seulement à enlever aux créanciers
la m oitié de la terre de J a y e t, mais encore la moitié
de la terre de M o n tro d ès, que l’arrêté déclare aussi
faire partie des biens présens, ainsi que la m oitié de tous
les biens avenus à P a u l-A u g u s tin V é n y par le décès
de son père. O n voit donc combien les créanciers seroient
constitués en perte.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
N u llité de Vaffiche.
Cette seconde question est commune au sieur de V a n
dègre et à la dame de Sampigny.
Les appelans trouvent extraordinaire que les premiers
juges aient accueilli les moyens de form e , et en môme
temps statué au fond; qu’ils aient prononcé la nullité de
l ’afRclie, et qu’ ils aient fait droit au fond sur la revendi
cation. C ’est suivant eux la prem ière fois qu’on a cumulé
les moyens de form e'avec ceux de fond.'M ais la nullité
et le jugement au fond ne portent pas sur la même de
m ande:
�monde : la nullité porte sur l’affiche, et le jugem ent au
fond porte sur la demande en revendication. Sans d ou te/
si la nullité avoit porté sur la demande en revendication,
si on avoit soutenu que cetle demande étoit nullem ent
et irrégulièrem ent fo rm é e , on n’auroit pu la déclarer
n u lle , et en même temps faire droit au fond, juger si
elle étoit bien ou mal fondée; mais ici la nullité n’avoit
trait qu’à l’affiche; et en déclarant l’affiche n u lle, le juge
n’avoit-il pas le p o u v o ir , disons m ie u x , n’étoit-il pas
indispensable, de faire droit sur la revendication, pour
déterm iner ce qui pouvoit être compris dans la nouvelle
affiche.
Les appelans prétendent que mal à propos les premiers
juges ont pensé que le dom icile réel de P a u l-A u g u s tin
V é n y étoit à Paris, et eux-mêmes l’ont reconnu dom i
cilié à Paris , par l’acte de notification de l’enchère de
ladite veuve Juge. O n sait que tout acte doit être signifié
à personne ou à domicile. Cet acte de notification, pres
crit par l’article . . . de la loi de brum aire an y , n’a pas
été signifié à personne; et si le dom icile n’est pas à Paris,
l’acte de notification seroit n u l, et par conséquent tout
ce qui a suivi.
Dans l’affiche même on le déclare dom icilié à P a r is .
Indépendamment des nullités accueillies par le juge
ment dont est a p p e l, il en seroit une autre bien sensible
dans le système du sieur de V andègre.
Dans l’affiche on comprend la totalité de la terre de
Jayet; ensuite il est dit que Vadjudicataire rfentrera en
jou issa n ce y et ne deviendra propriétaire dès le m om ent
de l'a d ju d ica tio n , que de Vautre m oitié des biens de
F
�( 43
J
J a y e t, seulement telle q u ’elle avoit été f ix é e p a r le par
tage f a it avec la république.
E t on ne transcrit point le partage; en so rte, comme
on l’a déjà o b serv é , que l’affiche désigne et ne désigne
point les objets à vendre.
O n conçoit que ce moyen n’est que subsidiaire, dans
le cas o ù , ce qu’on est loin de penser, les intimés succom beroient sur la revendication.
U n autre m oyen, qui n’est pas subsidiaire, est l ’omis
sion dans l’affiche du droit éventuel de P a u l-A u g u stin
V é n y de rentrer dans ses biens, en cas où il viendroit à
survivre à tous ses enfans ou descendans. Ce n’est pas ici
une expropriation forcée. Dans une expropi’iation forcée
on com prend ce que l ’on veut; mais c’est ici une revente,
et la revente doit com prendre tout ce qui est dans la
vente. Il faut bien se fixer sur la nature de la réclamation
du sieur de V a n d èg re; il ne demande pas, au nom du
m in eu r, la nullité de l’acte du 29 brum aire an n ; il ne
réclame que la distraction de la m oitié des biens donnée,
en vertu de la réserve qu’il s’est faite par ce même acte,
de faire valoir la donation et tous autres titres, dans le
cas o ù , sur la notification de la transcription , il surviendroit des enchères; en sorte qu’il entend bien que
l ’acte subsiste en tout ce qui ne porte pas atteinte à la dona
tion , et par conséquent quant à la vente du droit éven
tuel. Q uelque fo ib le , quelqu’incertain que soit ce droit
éventuel, car il n’est pas à présumer que Paul-A ugustin
V é n y ait le m alheur de survivre à toute sa descendance, il
est compris dans la vente. Il devoit donc être compris dans
l’affiche pour parvenir à la revente.
�^
C 43 )
Les appelans a voient opposé contre la déclaration même
d’enchère de la veuve J u g e , une fin de n on -recevoir,
i ° . comme la veuve Juge étant sans intérêt; 20. comme
n’étant point légalem ent inscrite. O n ne conçoit pas com
ment la veuve J u g e , à qui il est dû plus de 36000 francs,
auroit été sans intérêt. Ils déclarent au surplus, dans le
m ém oire im prim é, qu’ils n’y insistent poin t; et ils tachent
même de s’en faire un mérite.
Il ne reste plus qu’à ajouter k tout ce qu’on vient de
d ir e , les motifs du jugement où l’on trouvera encore
de nouvelles considérations.
M o t if s du ju g em en t.
• « En c e qui concerne le reproche fait à la dame Queriau ,
d’être sans qualité et sans intérêt pour procéder en l’instance ;
« Et d’abord, en ce qui touche le moyen tiré de ce que l’ins
cription de la dame Queriau a été faite dans un temps où le sieur
de Villem ont, comme réputé ém igré, étoit mort civilem ent,
et qu elle ne l ’a pas renouvelée après la radiation du sieur de
Villem ont;
' « Attendu que l’article 17 de la loi du 11 brum aire, a réglé
que l’inscription sur une personne décédée peut être faite sur la
simple dénomination du défunt ; que la dame Q u eria u , en réputant le sieur de Villem ont comme m ort, s’est conformée à
la loi;
et Attendu que cette loi étant générale , embrassant toute
espèce de créanciers et débiteurs, la dame Queriau, pour con
server ses droits ainsi que le rang et ordre de son hypothèque,
a dû prendre les précautions ordonnées ; que les mesures pres
crites par la loi ne devant jamais rester sans efiet, la dame Q u e
riau est fondée à en réclamer le bénéfice ;
F 2
�(
44
)
3
« Attendu que la loi du . . . . prairial an , qui ordonnoit aux
créanciers d’émigré de faire liquider leurs créances pour en tou
cher le m ontant, étoit une loi de circonstances, qui ne concernoit que les créanciers jaloux de réclamer leurs créances sur
la république , comme étant à la place de l'émigré ; mais que la
dame Q u eriau , ne demandant rien à la république, n’a pas eu
besoin de se faire liqu id er, les lois d’exception devant se ren
ferm er strictement dans leur cas particulier;
« Attendu que la loi de l’an , antérieure à celle de l’an 7 T
sur les hypothèques, n’a pu en détruire les effets , surtout lors
que la dame Queriau les invoque, non contre la république, mais
bien contre son débiteur, rentré dans ses droits éventuels, ou
contre ses représentans;
« Attendu qu’on ne peut puiser dans la loi du 16 ventôse
an 10, qui a prorogé le délai de faire inscription en faveur des
créanciers d’émigré, un m otif pour faire rejeter l’inscription déjà
faite par la dame Queriau , i°. parce qu’une loi de faveur et
de bienfait ne peut jamais devenir un titre de réprobation
20. parce que la loi en autorisant * sur les émigrés rétablis, l’ins
cription avec tous ses droits et privilèges, a entendu nécessai
rement que les inscriptions déjà faites par prévoyance eussent
le même effet sur ces mêmes ém igrés, la raison étant la même
pour un cas comme pour l’autre.
« En ce qui touche le défaut d’in térêt, reproché à la dame
Queriau ;
« Attendu qu’on n e peut raisonnablement opposer à la dame
Queriau qu’elle pourra être payée sur la m oitié, c< mme sur la
totalité du bien de J a y e t, puisque la démarche des poursuivans
dans l’instance , ayant pour objet de soustraire à la prise des
créanciers la moitié de ce domaine, la dame Queriau est fondée
à craindre d’être primée par des créanciers antérieurs , et que par
là l’autre moitié de l'immeuble ne sufiise pas pour remplir sa
créan ce; qu’a in si , n o n - s e u l e m e n t elle peut, mais qu’elle doit
m êm e, sous le rapport de son intérêt, s’opposer à ce qui peut
affaiblir son gage et sa sûreté;
3
�C
45
)
^
cc Attendu qu’en général tous les créanciers appelés à une exprô^
priation de leur débiteur , ont droit et intérêt de critiquer les dili
gences des poursuivans , soit sur le fond de la dem ande, soit sur
la régularité des poursuites , parce que le bien de leur débiteur
fait leur g a g e , et parce que les vices et les irrégularités retar
dent leur payement, et que si en d’autres circonstances les ac
tions sont seulement relatives, en matière d’expropriation toutes
les prétentions ainsi que tous les actes sont directs et person
nels à chacun des créanciers qui y trouve, ou un avantage à
prendre, ou un mal à éviter ;
cc Attendu que la dame Queriau ayant été appelée, soit pour
enchérir, soit pour l’audience d’expropriation , en vertu de son
inscription de l’an 7 , les poursuivans ont publiquement reconnu
par là qu’elle avoit intérêt et qualité suffisante dans la con
testation.
cc En ce q u i touche la revendication demandée par les pour
suivans , de la moitié du domaine de Jayet;
<c Attendu que cette demande se trouve en contradiction avec
la démarche faite parles demandeurs, lorsqu’ils ont soumis à la
transcription le contrat de vente de 1792 ; que cet arrangement
de famille ayant embrassé le domaine de Jayet sans division,
a dû être valable pour la totalité, ou nul pour le tout ; que les
poursuivans par leur transcription l ’ayant adopté et ratifié pour
le tout, ne peuvent prétendre aujourd’hui que cet acte doit être
scindé , puisque ce sont les actes qui font connoitre les véri
tables intentions des parties, et non les réserves faites après coup,
suivant la maxime '.P lusvalere quodagiturquam quod simultaùe
concipitur;
cc Attendu que la transcription étant un acte par lequel l’ac
quéreur vient demander à-la justice d’étre rendu propriétaire
incominutable, et n’obtenant ce bienfait que sous la condition
que les droits des créanciers inscrits seront conservés, il résulte
une espèce de contrat judiciaire, dont l’acquéreur ne peut plusw départir ; que la dame Q ueriau, en faisant une en ch èrer a
/
�•‘ a t
4
C ^> )
spécialement accepté le contrat ; que son enchère, la transcrip
tion des poursuivans, se lient et se rattachent au contrat de
vente de 1792, et par conséquent à la totalité du domaine de
J a y e t, dont la revente sans restriction est inévitable ;
« Attendu que les autres créanciers ayant aussi été provo
qués à enchérir , ayant aussi reçu des poursuivans l’assurance
d’étre payés jusqu’à concurrence du prix de la totalité du bien
de Jayet, ont également été saisis de cette promesse; que le
contrat est également formé avec e u x , puisqu’ils ont adhéré
aux demandes de la dame Q u eriau , et pris les mêmes conclu
sions qu’elle ;
« Attendu que le contrat de vente de 1792 ayant été con
senti à la dame de Vandègre, mère et belle-m ère des poursui
vans , la transcription par eux requise a implicitement annoncé
aux créanciers inscrits que c ’étoit en qualité d’héritiers de la
dite dame de Vandègre, qu’ils se rendoient propriétaires incommutables de cet im m euble, et que les créanciers pouvoient li
brement faire valoir les droits qu’ils pouvoient avoir sur tous les
biens de Jayet, comme venant en dernier lieu de la dame de
"Vandègre ; que les créanciers ayant suivi cette impulsion , ne
peuvent appréhender l’effet d’une revendication qui n’auroit pu
être reconnue contre la dame de Vandègre ;
« Attendu que la transcription du contrat de 1792 renferme
aussi, de la part des poursuivans, une volonté formelle de re
noncer à tous autres actes qui auroient pu porter atteinte à cette
v e n te , une intention marquée d’adopter ce règlement de préfé
rence , de s’y tenir plus particulièrement qu’à tout autre, et de
fixer sur lui seul l’attention et les poursuites des créanciers ;
« Attendu que sans cette intention spéciale dans les pour
suivans, la transcription de la vente de 1792 devient inexpli
cable ; elle ne présente aucun objet vis-à-vis des créanciers : la
notification qui leur a été faite seroit illusoire ; ce que l’on ne
peut admettre ;
« Attendu que l ’objection du traité de l’an 1 1 , passé entre
�le sieur de Villem ont et ses enfans, et soumis à la transcription’,
comme ayant dérogé à la vente de 1792, seroit sans fondem ent,
puisque cet acte ne peut concerner que les parties qui y sont
contractantes; qu’il est étranger aux créanciers dont les droits
étoient antérieurs et légalement conservés ; que de plus il parolt
que cet acte n’a eu pour objet que de donner plus d’effet et d’éten
,
due au contrat de mariage des père et m ère, d u ............ 1
de prendre des mesurés contre les prétentions du père, et d’as
surer l’egalité entre les enfans ; tous objets qui n’ont pu lier les
créanciers, et préjudicier à leurs droits;
« Attendu qu’en basant sur la donation de biens présens et à
venir, de 1775 , la revendication dont il s’agit, elle ne devient
pas plus favorable , puisque vis-à-vis des tiers tels que les créan
ciers, la donation n’est pas encore ouverte; qu’il faut attendre,
pour lui donner e ffe t, la mort naturelle du sieur de Villem ont;
que la mort civile par lui encourue m omentanément, a pris fin ,
relativement aux suites de la donation des biens présens et à
ven ir, par sa radiation de la liste des ém igrés; que les droits
éventuels attachés à sa personne, et subordonnés seulement à
sa mort n atu relle, ont repris vis-à-vis des tiers toute leur force
et effet primordial ; que sans doute au décès du sieur de Ville*
m ont, ses enfans donataires auront le choix de s’en tenir aux
biens présens seuls , en payant les dettes existantes lors de sa
donation , ou de prendre les biens présens et à venir, à la charge
de payer les dettes au temps du décès ; de même que les créan
ciers ou autres ne pourroient un jour obliger les enfans à se res
treindre aux seuls biens présens, et abandonner tous les biens'
à venir, de même ceux-ci ne peuvent dès à présent forcer les
créanciers à reconnoltre l’option prématurée des biens présens;
que par la raison que les enfans ne peuvent être dépouillés d e '
l’espérance des biens à venir,, ils ne peuvent aussi se d ire , h
l’égard des créanciers, saisis et revêtus des biens présens; que
le sieur de Villemont ne peut être en même temps réputé m ort,
pour donner aux enfans le privilège actuel de prendre les biens ;
773
�! « Attendu que si le s^natus-consulte de l’an 10 n’a rétabli
les émigrés dans leurs droits c iv ils , que sous condition de ne
pouvoir attaquer les actes faits par la nation, cette disposition
ne concerne que les émigrés personnellem ent, pour qu’ils ne
viennent pas porter le trouble, soit dans leur fam ille, soit dans
les arrangemens qui peuvent intéresser des tiers ; mais cette
défense n’a trait qu’aux seuls ém igrés, et n’a pas pour but de
frustrer des créanciers légitimes ; que dans la circonstance les
enfans du sieur de Villem ont ne peuvent pas être considérés,
vis-à-vis des créanciers, comme des tiers, ayant un droit acquis
par la ci-devant mort civile de leur p ère , puisqu’il n’est pas ques
tion , dans la circon stan ce, d ’un droit déterminé et con stan t,
comme seroit un fidéicommis sur des biens désignés, lequel seroit ouvert d’après l’article 24 de l’ordonnance des substitutions,
mais qu’il s’agit d’une donation de biens présens et à venir ; que
les effets de cette donation , quant aux biens présens, sont en
core liés, et inséparables de celle des biens à ven ir, dont l’op
tion est de droit attachée à la mort naturelle du sieur de V il
lem ont; que jusque-là rien n’est encore dû au donataire de cette
espèce, et que les enfans ne peuvent opposer à des créanciers
inscrits des actes qui n’ont pas été transcrits , et qui ne peuvent
être opposés à des tier6 ;
cc Attendu qu’indépendamment des principes , il se présente
en faveur de la dame Queriaux des motifs d’équité qui déter
minent , puisque ses droits sont constans et légalement con
servés ; que son hypothèque, assise sur tous les biens du père
tant qu’il étoit vivan t, étoit incontestable ; qu’elle retrouve au
jourd’hui les mêmes biens dans les mains de son débiteur ou de
ses enfans , qui n’ont pu les prendre qu’à titre d’enfans, et par
anticipation sur la succession de leur père encore vivant. Com
m en t, dans une telle position, la punition infligée par la loi au
père s e u l, profitable aux enfans à l’égard du père s e u l, pourroit-elle rejaillir sur un créancier légitime V Corpment des actes
qui n’ont été réellement que des arrangemens de famille et
de
�( 49 )
^
de circonstances, qui par leur tourn ure, leurs précautions et
leur obscurité , annoncent les circonstances qui les ont fait
naître ; comment de tels actes pourroient-ils fonder une reven
dication qui suppose des titres précis et des droits ouverts? D e
tels actes ne peuvent être regardés d’un oeil favorable.
« En ce qui touche les nullités de la procédure ;
a Attendu que les parties ont respectivement confondu avec
les moyens de la revendication, ceux de la nullité de la procé
dure , et qu’il a fallu en temps faire droit sur les uns et sur lea
autres, pour ne pas laisser la perspective d’une contestation
assurée au moment de la revente ;
« Attendu qu’après avoir présenté aux enchères la totalité de
J a y e t, après avoir induit à faire des offres sur cette totalité , la
revendication de la moitié du domaine, faite par les poursuiv a n s, tend à laisser sans enchère réelle l’objet proposé à la
revente, puisque, d’un côté, la dame Queriau se trouve avoir
fait sur une moitié de domaine une enchère qu’elle n’auroit pas
fa ite , ou qui auroit été beaucoup m oindre, et d’autre c ô té , les
poursuivans ont été obligés de consentir à l ’audience que cette
enchèrefut restreinte, ou q u 'il en f û t f a i t une nouvelle; qu’ainsï
il est vrai de dire que l’affiche a été présentée au public san6
véritable enchère , puisque celle qui est mentionnée n’est pas,
de l’aveu même des poursuivans , l ’e n c h è r e véritable et sérieuse,
qui doit être la première mise , et qu’ainsi l’article 5 de la loi
du 11 brumaire a été violé à cet égard.
« En ce qui touche la nullité résultante de ce qu’il n’a pae
été mis d’affiche au domicile du débiteur ;
« Attendu qu’on ne peut révoquer en doute que le dom icile
réel du sieur de Villemont ne fût à P a ris, vieille rue du Tem ple
( n°. 180 ) ; que le sieur. Villemont le déclare lui-méme dans son
acte d’élection de dom icile; que les poursuivans l’ont eux-mémes
reconnu, en signifiant au sieur de V illem o n t, à ce domicile de
Paris , com m a le seul domicile lé g a l, l'enchère de la dame
Queriau ;
G
�(
5o
)
« Attendu qu’il n’a pas été plus difficile d’apposer une affiche
au domicile de droit du sieur de Villem ont, que de lui signifier
une enchère ; que l’un et l’autre de ces actes étoient également
du ministère de l’huissier , également prescrits par la l o i , et que
l’exécution exacte de l’un de ces actes devient un titre de con
damnation pour celui qui a été omis et négligé ;
« Attendu que l’article
de la loi du 11 brumaire commandoit impérieusement cette formalité ; que la loi paroît avoir eu
deux objets dans cette disposition ; i°. d’apprendre au débiteur
qu’il est réellement exproprié, ou que le bien par lui vendu est
à l’enchère; 2°. de faire connoitre au public le degré de sûreté
et de confiance présenté par celui sur les biens duquel il y a des
poursuites légales; °. que la loi a toujours h cœur que les actes
importans soient faits au domicile réel et de droit du débiteur,
comme partie la plus intéressée à les connoitre ;
« Attendu que l’élection de dom icile, faite par le sieur de V il
lemont , chez M. Lougnon , son avoué , ne pouvoit dispenser de
faire l'affiche au domicile de d ro it, les élections de domicile
chez une personne désignée n'ayant lieu que pour les significa
tions des actes ordinaires et des copies de procédure , et non
pour une apposition d’affiche, qui doit être faite au domicile réel
et de droit ;
5
3
a Attendu que l’affiche n’a même pas été apposée au domicile
élu du sieur de V illem on t, et qu’ainsi la loi a été froissée dans
une de ses plus essentielles dispositions ;
« Attendu qu’à défaut du sieur V illem o n t, pour relever le
vice de la procédure, la dame Queriau et les autres créanciers
sont autorisés à s’approprier ce moyen ; qu’ils sont au droit de
leur débiteur, et qu’ils ont le même intérêt que lui à l’exécu
tion des formalités prescrites par la loi.
« En ce qui touche le moyen tiré de ce qu’il n’a pas été posé
d’affiche aux bâtimens du domaine de Jayet ;
« Attendu que cette formalité est aussi rigoureusement pres
crite par l’article de la loi du 11 brumaire ; qu’ainsi elle a dû
5
�( 51 )
être exécu tée, puisque l'affiche énonçoit l ’existence de ces bàtimens du domaine avec leur couvfcrture, et que par lù ils étoient
présentés comme étant en état d’exploitation.
« Attendu qu’il ne suffit pas d’alléguer que ces bâtimens
n'existent plus, et qu’ils sont tombés en ruine; car ou ils sont
écroulés, comme on le prétend, et alors il falloit n’en pas faire
mention dans l’affich e, au lieu de présenter aux enchérisseurs
un appât trompeur et mensonger, ou ils existent en tout ou en
partie, et il falloit une apposition d’affiche, même sur les ma
sures, comme restes des bâtimens saisis; qu’ainsi le vœu de la
loi a été m anqué, et la procédure infectée d’un vice radical.
« En ce qui touche le moyen tiré de ce que la contenue des
bâtimens du domaine n’est pas spécifiée ;
« Attendu que le même article
de la loi du 11 brumaire
exige aussi cette mention de contenue; qu’il importe à ceux
qui se présentent pour enchérir, de connoître l’étendue des bâ
timens d’un domaine, ainsi que leur existence et bon état; que
l’énonciation de l’étendue des bâtimens de m aitre, faite par les
poursuivans , leur apprenoit qu’il falloit pareille énonciation
pour les bâtimens d’exploitation, et qu’une telle omission est
encore un manquement essentiel de la loi.
« En ce qui touche la nullité fondée sur ce que les affiches
ont été posées un jour’ non ferlé, au lieu do l’avoir été u n jour
de dimanche ;
« Attendu que la loi du n brumaire ayant spécifié en détail
les formalités les plus importantes pour la régularité dçs af
fiches , n’a pas exigé qu’elles fussent posées un jour férié ou
non férié; qu’on ne peut à cet égard ajouter à sa disposition,
et créer une nullité qu’elle n’a pas voulu prononcer; qu’enfin
les dispositions de rigueur doivent être restreintes plutôt qu'é
tendues.
« En ce qui touche la distraction des quarante-quatre septerées de terre délaissées aux frères et sœurs du sieur de Villeinont, comme n’étant pas de la comprise du domaine de Jayet,
et par eux revendiquées ;
5
�(5 2 )
« Attendu que les motifs de la revendication sont Fondés;
que les poursuivans y ont consenti à l’audience ; que la dame
Queriau ne s’y est pas opposée non plus , seulement qu’elle
s’est réservé ses moyens de droit sur ces quarante-quatre septerées de terres, et que les autres créanciers comparans ne s’y
sont pas opposés. »
'
T els sont les motifs qui ont déterm iné les premiers
juges , et qui entraîneront sans doute la décision des
magistrats supérieurs.
M e. P A G È S - M E I M A C , ancien avocat.
M e. D E V È Z E , avoué licencié.
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r io t , seul imprimeur de
la Cour d’appel. — Mai 1807.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Juge-Solagniat. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions
avancement d'hoirie
adjudications
créances
ventes
enchères
nullité
affichage
minorité
conseils de famille
séparation de biens
contrats de mariage de mineurs
donations entre vifs
experts
séquestre
coutume d'Auvergne
mort civile
expropriations
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur Martial Juge-Solagniat, maire de la ville de Clermont-Ferrand, tant en son nom que comme héritier de la dame Queriau, sa mère, intimé ; Contre sieur Gilbert-François Malet de Vandègre, membre du conseil général du département du Puy-De-Dôme, habitant au lieu d'Englard, commune du quartier, en qualité de père et légitime administrateur, et tuteur légal de Delphini-Gilbert-Antoine Malet de Vandègre, son fils, et de défunte dame Marie-Marguerite Vény, son épouse ; et contre dame Marie-Anne Vény, épouse du sieur Ignace-Hyacinthe Sampigny, de lui autorisée, habitante de la ville de Riom, appelans ; En présence des autres créanciers de Paul-Augustin Vény, aussi intimés ; Et en présence dudit Paul-Augustin Vény, pareillement intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1792-1807
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
52 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1714
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1711
BCU_Factums_G1712
BCU_Factums_G1713
BCU_Factums_G1710
BCU_Factums_G1715
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53317/BCU_Factums_G1714.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Gannat (03118)
Clermont-Ferrand (63113)
Jayet (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
adjudications
affichage
avancement d'hoirie
conseils de famille
contrats de mariage de mineurs
coutume d'Auvergne
Créances
donations entre vifs
émigrés
enchères
experts
expropriations
minorité
mort civile
nullité
séparation de biens
séquestre
Successions
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53316/BCU_Factums_G1713.pdf
50bc09d60416083c1e7fce90049c323e
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77
MEMOIRE
'
.
I
:
P O U R
Sieur G i l b e r t -Fr a n c o i s M A L E T D E V A N D È G R E ,.
propriétaire, m em bre du conseil gén éral d u départem ent
du Puy-de-D ôm e, habitant au lieu d’Englard, commune
du Q u a rtie r, en qualité de père et légitim e administra
teur , et tuteur légal de D e lphini - G ilb er t-A n to in e
M a l e t d e V a n d e g r e son fils, et de feue dame M arieM arguerite V É N Y , son épouse; dame M a r i e - A n n e
V E N Y , épouse du sieur Ignace-H yacinthe S a m p i g n y ,
de lui autorisée, p ro p riétaire, habitant de cette ville
de R iom , appelans d’un jugement rendu au tribunal
d’arrondissement de cette v i l l e le 8 therm idor an 1 2 ;
C O N T R E •
L e sieur J U G E , propriétaire , f ils et héritier de la
dame Q u e y r i a u x , veuve J u g e , h abitant de la ville
de Clerm o n t, et autres créanciers inscrits su r sieu r
P a u l-A u g u stin V é n y , intim és ;
ET
E N C O R E
L e sieur P a u l - A
C O N T R E
V E N Y , propriétaire ,
aussi intim é.
u g u s t in
L a dame Q ueyriaux, veuve J u g e sans réflexion comme
sans in té r ê t, a jugé à propos d’enchérir sur une vente
consentie par le sieur de V é n y , au profit de la dame de
A
�( 2 )
V andègre , son épouse. L a darne veuve Juge n’a pas
calculé les suites d’une démarche inconsidérée. Q uel qu’en
soit l’événem ent, elle n’a pu concevoir l’espérance d’être
colloquée : les créances des appelans, indépendamment
de leurs droits aux immeubles vendus , absorbent et au
delà toute la fortune du sieur V é n y .
M ais cette enchère n’a pas moins fait naître des incidens
sérieux et m ultipliés. L ’expropriation forcée est devenue
indispensable. U ne revendication a été nécessaire. O n a
créé des chimères et des m oyens de form e contre la pro
cédure des appelans : les premiers juges ont tout annullé
sans examen. Prononçant tout à la fois sur la form e et
sur le fond , ils annullent la procédure et rejettent la
demande. C ’est un labyrinthe où il est impossible de
trouver une issue ; et c’est ainsi que les causes les plus
simples deviennent monstrueuses dans leurs détails. Les
appelans vont réunir leurs efforts pour ramener la cause
à son véritable point de vue ; ils vont parcourir succes
sivement les motifs qui ont déterm iné la décision des
premiers ju g e s, et ils se flattent de dém ontrer que les
créanciers sont sans droit comme sans q u a lité , pour con
tester une demande à l’abri de toute critiq u e, et dont
ils auroieut d û , pour leur in té rê t, préven ir l’événement.
F A I T S .
L e i l octobre 1 7 7 3 , le sieur P aul-A ugustin V é n y ;
père , beau-père et aïeul des appelans, contracta mariage
avec dame M arie-G en eviève M alet de Vandègre. Il étoit
déjà v e u f en premières noces de dame M arie-Jean n e
�( 3 )
G oh ier de L iv r o n , et cependant il n’avoit pas encore
atteint sa majorité.
Il n’avoit pas d’enfans de ce prem ier m ariage; e t , par
le secon d , il fit donation de la moitié de ses biens pré*•
_
sens et à v e n ir, en p ré c ip u t, à celui de ses enfans mâles
à naître, qui seroit choisi et nommé par lui ; à défaut de
c h o ix , à celui des mâles qui se trouveroit l’aîné lors du
décès de son p è re , pourvu qu’il ne fût engagé , ni dans
l’état ecclésiastique , ni dans l’ordre de M alte ; auquel
cas la donation profiteroit à celui des mâles qui suivroit
l’engagé.
Dans le cas où il n’y auroitpas d’enfant m âle, la dona
tion devoit sortir effet au profit de celle des filles à naître,
qui seroit choisie et nommée par le donateur • et, à défaut
de nom ination, à celle des filles qui se trouveroit l’aînée
au décès de son père.
Ce mariage a donné le jour à deux filles ; l’u n e , M arieM arguerite de V é n y , épouse du sieur de V andègre ; et
l’autre, dame M arie-A n n e V é n y , épouse du sieur Sumpigny.
' L a dame de V a n d ègre, épouse de sieur Paul-A ugustin
V é n y , se vit obligée, quelques années après son m ariage,
de form er contre son m ari une demande en séparation
de biens. Cette séparation fut prononcée en la sénéchaussée
de iM oulins, par sentence du 3 septembre 1784. B entot
a p rès, elle fit procéder à la liquidation de ses droits. U ne
sentence de la même sénéchaussée, du 14 décembre 178 5,
confirmée par un arrôt du parlement de P a ris, du 5 mai
1787 , liquida les créances de la dame de V é n y à la somme
de 86667
*7 s’ >
condamna le sieur de V é n y au
A 2
�\{St
( '4 )
.payem ent de cette som m e, avec les intérêts depuis 178 3 ,
époque do la demande.
Il étoit difficile au sieur de Y é n y de critiquer ces
condamnations , et plus encore d’en payer le montant
sans aliéner ses biens immeubles. ,En conséquence, et
m algré la donation portée en son contrat de m ariage, au
profit de l’un de ses enfans, il vendit à la dame son épouse,
le 14 avril 1792 , la terre de Ju yet, qui fonnoit la prin
cipale partie de ses biens. .
Cette vente fut consentie m oyennant la somme de
1 2 0 C 0 0 f r . , sur laquelle il en fut délégué 1 2 0 0 0 francs à
plusieurs créanciers antérieurs en hypothèque à la dame
de V én y.
E lle devoit se retenir le surplus sur ses créances , qui
se port.ûient d’abord , comme on l’a v u ,e n p rin cip a l, à
une somme de 86667 liv. 17 s. Les intérêts, depuis 178 3,
sont liquidés par cette vente jusqu’au jo u r , déduction
des retenues, à la somme de 29143 f r . , et les frais que la
dame de V é n y avoit été obligée de fa ire , à la somme
de 4600 fr.
Bientôt après cette vente, le sieur P aul-A ugustin Y é n y
fut inscrit sur la liste des émigrés. Ses biens furent séques
trés le 1 9 mars 179 3; et le départem ent, par un arrêté
du 5 messidor an 2 , prononça la nullité de la vente que
le sieur de V é n y avoit consentie au profit de. la dame son
, le 1 4 avril 1 7 9 2 .
L ’arrêté du département fut m otivé sur la disposition
épouse
de la loi du 28 mars 1793 , q u i annulloit toutes les ventes
faites par des ém igrés, ou réputés tels, lorsque ces ventes
étoient postérieures a u '9 février I 7 9 2,
�( S ,
Les frères et sœurs du sieur de V é n y prétendirent alors
qu’ ils étoient propriétaires de quarante-quatre septerées
de terre dépendantes de la terre de Jayet ; ils se pourvu
rent au département pour obtenir la distraction de ces
quarante-quatre septerées , et obtinrent, le 24 prairial
an 3 , un arrêté provisoire qui les leur adjuge.
Les appehins, de leur cô té, se présentèrent à l’adminis
tration pour réclamer l’exécution de la donation portée
par le contrat de m ariage de 1773. Ils avoient une pre
m ière fois succombé dans leur prétention , sur le fonde
ment que la donation portée au contrat de mariage du
11 octobre 1 7 7 3 , n’étoit point une donation en tre-vifs,
mais bien une donation éven tu elle, qui étoit annullée
par la loi du 17 nivôse et autres subséquentes.
Les dames V é n y furent plus heureuses dans une se
conde tentative. Les administrateurs reconnurent, par un
arrêté du prem ier com plém entaire an 4 , qu’ils avoient fait
une fausse application des lois précédem m ent citées; que la
donation du 11 octobre 1773 étoit expressément qualifiée
donation entre-vifs de la m oitié des biens présens du do
nateur ; que dès l’instant de cet acte, la fille aînée avoit
été saisie : en conséquence ils rapportent leur prem ier ar
rê té , et décident que la donation entre-vifs sortira son
plein et entier effet; qu’il sera d é liv ré .à la fille aînée
la m oitié des terres de Jayet et M ontrodés, et de tout ce
que le sieur V é n y , ém igré, avoit droit de prétendre dans
la succession indivise de son père.
est ordonné q u ’ i l sera nomm é des experts pour pro
céder au partage ; e t , en effet, ce partage a été consommé
par un arrêté p o stérieu r, du 11 iloréal an 7.
Il
/
\
�Les choses ont resté en cet état jusqu’au sénatus-consulte relatif aux émigrés. Ce sénatus-consulte est du 6 flo
réal an 1 0 , et c’est dans le courant du même m ois, que
le sieur Paul-A ugustin V é n y ,r a y é de la liste, obtint la
m ain-levée du séquestre de ses biens. Il rentroit dès-lors
dans tous ses droits de citoyen, et devoit reprendre la
m oitié de tous ses biens qui n’auroient pas été vendus;
mais il ne pouvoit porter atteinte ¿\ l’arrêté du départe
m en t, qui avoit ordonné l’exécution de la donation. Les
é m ig ré s, par ce sénatus-consulte, sont obligés de respec
ter tout ce qui a été fait pendant qu’ils étoient inscrits
sur la lis te , et dès-lors les arrêtés du département dé
voient continuer d’avoir leur exécution.
M ais le sieur V é n y avoit à traiter avec ses enfans.
C eux-ci, par des motifs de déférence et de resp ect, ne
vouloient point entrer avec leur père dans une discus
sion rigoureuse. L e 29 brum aire an 11 , il fut passé un
traité entre e u x , traité qu’il est indispensable d’analiser.
Dans cet a c te , Paul-A ugustin V é n y expose qu’il a
vendu la terre de Jayet à la dame son é p o u se, m oyen
nant la somme de 120000 fran cs, dont 12000 francs
environ furent délégués à divers créanciers, com m e an
térieurs en hypothèques à la dame de V én y . Il rappelle
les diiférentes liquidations que la dame de V é n y avoit
fait régler. Il en résultoit qu’elle restoit créancière d’une
somme de 120409 livres 17 sous. Ce principal s’étoit
accru de tous les intérêts échus depuis, à raison de l’inexé
cution de la vente qui devoit en opérer le payem ent, et
sans préjudice encore des articles de créance qui furent
omis et réservés dans cette liquidation.
�$o\
(7 0
O n rend compte ensuite de ce qui s’est passé depuis
l’inrcription du sieur de Y é n y , des démarches m ulti
pliées et sans succès, soit de la dame de V é n y , soit de
ses enfans, pour obtenir la m ain-levée du séquestre, et
l ’exécution de la vente de 1792. O n rappelle l’arrêtéd u
d épartem ent, qui fait distraction de quarante - quatre
septerées des m eilleures terres , et qu’oü a regardées
comme dépendantes de la terre de V illem on t ; l’arrêté qui
ordonne l’exécution de la donation, et en vertu duquel
les sieurs de V andègre et Sam pigny jouissoient ensemble
de la moitié de J a y et, tandis que l ’autre m oitié avoit
demeuré sous le séquestre.
L e sieur de V é n y reconnoît que sa radiation de la liste
des émigrés fait revivre la vente du 14 avril 1 7 9 2 , q u i ,
n’ayant été annullée que pour l’intérêt n atio n al, a dû
reprendre sa prem ière existence lorsque l’intérêt de la
nation a cessé. Cette vente , d’après le sieur de V é n y
lui-m êm e, est devenue un titi*epour ses enfans, qui les
investit de la propriété actuelle de la terre de Jayet, dont
la m oitié leu r avoit déjà été attribuée par l ’arrêté du
ier. com plém entaire an 4.
M ais le sieur V é n y pense qu’il pourroit soutenir que
ce droit de ses enfans sur la m oitié , comme donataires,
n’est point encore ouvert ; qu’il ne s’ouvrira que par sa
m ort naturelle ; et que jusque là ils n’ont point d’autre
titre que la vente de 1792.
L e sieur de V é n y cependant est obligé de convenir
que ce d r o it , comme donataires, doit s’ouvrir un jo u r,
et que c’est un juste m otif de réduire ce p rix de la vente
de 1792 , puisqu’elle ne pourvoit leur transmettre que
�....................(
8 )
la propriété de m oitié , dès que la donation leur assuroit
déjà l’autre m oitié. Cette circonstance étoit de nature à
entraîner, ou la résiliation de la v e n te , ou une dim inu
tion dans le p r ix , au choix de l’acquéreur.
U n second m otif de réduction également reconnu par
le sieur de V é n y , étoit l’éviction de quarante - quatre
septerées de terre, que ses frères a voient fait prononcer
par le département.
Sur cet exposé, les parties transigent. Par l’article i er. , la
vente demeure résiliée et comme non avenue en ce qui
touche les quarante-quatre septerées de terre évincées,
sauf au sieur de V é n y à les revendiquer contre ses frères
et sœurs , s’il s’y croit fondé , et ainsi qu’il avisera.
P ar l’article 2 , il est dit qu’en ce qui touche la m oitié
de la terre de J a y e t, dont la propriété est assurée aux
enfans de Paul-A ugustin de V é n y , qui lu i su rvivron t,
par la donation du n octobre 1773 , la vente du 14 avril
1792 n’aura d’efiet que pour transmettre aux ayans-cause
de G eneviève M aletdeV andègre, acquéreurs, i° . l’usufruit
que conservoit P au l-A u g u stin V é n y , ven d eu r, sur la
m oitié donnée ; 20. la perspective éventuelle qu’il avoit
aussi d’en rester p ro p riétaire, au cas où il survivroit à
tous ses enfans et descendans ; 30. pour consolider sur
la tèle de G ilbert-A n toine-D elphini de V an d ègre, repré
sentant sa mère , et de dame M arie-A n n e V é n y , épouse
du sieur S am p ign y, par égalité entr’eux , la pleine pro
priété et la jouissance dès à p résen t, et incommutablement , de la moitié de la terre de Jayet dont il s’a g it,
quels que puissent être les événemens , et soit que la
propriété Leur en J'ût acquise à tout autre titre , ou
q u elle
�C9 ) ]
qu elle ne le f û t p a s , sans aucunem ent déroger à leurs
droits acquis p a r tous autres titres que ladite ven te,
n i y p r é ju d icie r , ensorte qu'ils pourront exercer les
droits qu*ils peuvent a v o ir , indépendamment de ladite
vente , sans novation n i dérogation, contre les acqué
reurs q u i seroient subrogés à la v en te, dans le cas
où , su r la transcription q u i en sera f a i t e au bureau
des hypothèques , et sa n o tifica tio n , il surviendroit des
enchères de la part des créanciers intéressés et in sc r its,
sans qu’il en résu lte, dans aucun c a s , de recours et
garantie contre le v en d eu r, de q u o i il est déchargé.
P ar l’article 3 , en ce qui touche la seconde m oitié de
la même te rre, dont la propriété étoit libre sur la tête
du ven d eu r, lors de la vente du 14 avril 179 2 , cette
vente doit sortir son plein et entier effet, sans novation
ni dérogation , sauf la distraction du terrain évincé.
L ’article 4 réduit définitivem ent le p rix de la vente à
la somme de 94567 livres tournois.
t
L ’article 5 ne fait que régler ou anéantir des déléga
tions de quelques créanciers qui se trouvoient postérieurs
en hypothèque à la dame de V é n y .
L ’article 6 oblige les enfans V é n y d’acquitter le mon
tant des autres délégations portées au coutrat de ven te,
en déduction de la somme à laquelle le p rix en est réduit.
Ils sont autorisés , par l’article 7 , à se retenir le surplus
à compte et en dim inution de leur créance du ch ef de
la dame de V é n y , leurs actions leur demeurant réservées
pour l’excédant.
E n fin , par le dernier a rticle, il est reconnu que les
enfaus V é n y ne sont pas rem plis, ni à beaucoup p rès, de
B
�( 10 )
la totalité de leurs créances par cette com pensation, et ils
sont autorisés à retenir et im puter sur ce qui leur restera
d û , la somme de 4217 livres 2 sous, montant d’une créance
déléguée au sieur R oze Beauvais, qui avoit été payée par
la dame de V é n y , et ce , dans le cas où les créanciers
inscrits demanderoient le rapport de cette som m e, comme
payée à un créancier moins ancien q u ’eux.
Ce tra ité, lors duquel le sieur M alet de V andègre n’a
agi qu’en qualité de père et légitim e administrateur du
sieur V an d ègre, son fils, a été transcrit au bureau d esh y230lhèques de R io m , le prem ier frim aire an 11. L a noti
fication en a été faite à tous les créanciers inscrits, le 24
du m ême m ois; et le 21 nivôse an 11 , trois jours avant
l ’écliéance du d é la i, dame Claudine Q u eyriau x, veuve
et héritici-e testamentaire de François J u g e , négociant
à C le rm o n t, a fait notifier une enchère au dom icile
des appelans; e t , pou r ne pas se trom per, elle déclare,
par cet a c te , qu’ayant intérêt que les biens de son dé
biteur soient portés à leur juste valeur, pour obtenir sur
iceux le payement de sa créance , elle se soum et, confor
mément à l’article 31 de la loi du 11 brum aire an 7 , de
porter ou faire porter le p rix du prem ier contrat de vente
de 179 2 , dans le cas que son exécution soit o rd o n n ée,
à u n vingtièm e en sus de celui qui y est stipulé; et dans
le cas que l’acte p o stérieu r, portant l’atification et m odi
fication du p rem ier, passé entre son débiteur et les sieurs
V an d ègre et Sam pign y, le 29 brum aire an 1 1 , soit seul
exécuté, ce que la dame veu ve Juge se propose d éfaire
ju g e r, elle déclare qu’en attendant que cette contesta
tion soit entamée et v id é e , et parce qu’elle est pressée par
�soi
j«a?
( ii )
le délai que lui donne la l o i , qui est sur le point d’e x p ire r,
elle se soumet de porter ou faire porter le p rix exprim é
par ce dernier acte aussi à un vingtièm e en sus de celui '
porté au traité ; en conséquence , elle requiert la misé
aux enchères et adjudication publique des immeubles
vendus.
Q uel a donc pu être l’objet de la dame veu ve J u g e ,
lors de cette en ch ère? Il existe vingt-deux inscriptions
antérieures à la sienne , son hypothèque est postérieure
au contrat de mariage du i l octobre 17 7 3 , par consé
quent elle est prim ée par la dame de V é n y ; d’ailleurs
l’hypothèque ne peut frapper que sur la m oitié de la
terre de J a y e t, dès que l’autre m oitié en a été retran
chée par la donation faite au profit des enfans à n aître,
par le même contrat. L e p rix de la vente seroit plus
que tr ip lé , que la dame veuve Juge ne pourroit espérer
une collocation utile : elle en est convaincue ; elle ne l’a
jamais ignoré : cette dém arche étoit donc sans objet, mais
le coup étoit porté , et dès-lors il étoit nécessaire d’en
ven ir à une expropriation forcée.
L a dame veuve Juge, après avoir lancé son enchère, garda
le plus profond silence. Les appelans , après avoir fait de
vains e f f o r t s pour prendre desarrangem ens avec les prin ci
paux créanciers, notammentavec. le sieur Juge, ne pouvant
dem eurer dans cet état d’incertitude et d’anxiété!, se déter
m inèrent à aller en avant. L e 12 nivôse an 1 2 , ils firent
notifier à sieur P a u l - Augustin V é n y l ’enchère de la dame
veuve J u g e , du 21 nivôse an 1 1 , et lui firent sommation
de rapporter, dans d ix jours pour tout d é la i, main-levée
des inscriptions excédant la somme de 94567 1. tournois
B 2
'
�( 12 )
|
p rix de la confirmation et modification de la prem ière
vente du bien de Jayet, portée par le traité du 29 bru
maire an 1 1 , sinon ils protestèrent de poursuivre la mise
aux enchères et revente des droits à eux transmis par cet
a cte , en la form e et dans les délais prescrits par la l o i ,
m a is sans entendre se p réju d icier aucunem ent a u x
droits à eu x a cquis cdailleurs, et pa r tous autres titres,
su r le bien de J a y e t , circonstances et dépendances '
titres qu’ils se réservèrent au contraire expressément de
faire valo ir sans novation n i dérogation.
E u e ffe t, le sieur M alet de V a n d è g re , qui jusque-là
n’avoit agi qu’en qualité de tuteur légal de son fils, prit
le parti de rev e n d iq u er, au même n o m , la m oitié des
biens com pris dans les actes de vente des 14 avril 1792
et 29 brum aire an 1 1 , en vertu de la donation portée au
contrat de m ariage de 17 7 3 , et de l’arrêté du départem ent,
du prem ier com plém entaire an 4 , qui avoit ordonné l’exé
cution de cette donation , et l’avoit mis en possession des
biens. 11 se pourvut devant un conseil de fam ille pour faire
nom m er un subrogé tuteur à son fils, et en m ême temps
së faire autoriser à exercer la revendication , conform é
ment au Code c i v i l , dès qu’il s’agissoit d’une action im
m obilière.
L e conseil de fam ille , par une délibération du 9 prai
rial an 1 2 , autorisa la revendication de la m oitié des biens,
et autorisa pareillement le sieur de Vandègre à faire pro
céder à la vente par expropriation forcée du surplus des
mêmes biens; enfin le sieur D e z a ix , parent paternel du
m in eur, fut nomm é son subrogé tuteur.
Cette délibération du conseil de fam ille a été hom o-
�ù o 'i
( *3 )
loguée par jugement du tribunal d’arrondissement de Cette
v ille , du 26 prairial an 12.
, Il a été procédé aux affiches, pour aller en avant sur
l’expropriation forcée ; il en fut déposé un exem plaire au
greffe du tribunal d’arrondissem ent, le 8 messidor an 12 ,
avec indication pour la ven teau 6 thei’m idor suivant. L e
27 du même mois de messidor, le sieur de V an d ègre, agis
sant en qualité de tuteur légal de son fils , fit notifier un
acte à la dame de S am p ign y, à sieur P au l-A u gu stin V é n y -,
et à la dame veu ve J u g e , en leurs domiciles élus , par
lequel il exposa q u e , sur la réquisition de mise aux en
chères de la dame J u g e , il a v o it, en qualité de tuteur de
son fils, conjointem ent avec les sieur et dame de Sam
p ig n y , poursuivi la revente des biens par eu x acquis, et
que les affiches avoieiit été posées à cette fin. 11 observe
que les biens vendus par l’acte du 29 brum aire an 1 1 ,
n ’appartenoient à P a u l-A u g u stin V é n y , ven d e u r, que
p o u r m oitié ; que l’autre m oitié étoit la propriété parti
culière de D e lp h i n i - G i lb e r t - A n t o i n e M a le t de V a n d è g r e ,
son fils m in eu r, en vertu de la donation qui en avoit été
faite à sa mère par le contrat de m ariage du 11 octobre
1773 , et de l’arrêté du département du P u y-d e-D ô m e,
du prem ier com plém entaire an 4 , qui en avoit fait déli
vrance à la dame de V an d ègre, son épouse, à raison de
l’inscription du père sur la liste des ém igrés, et ordonna
le partage des biens, qui fut exécuté le 11 floréal an [7 ;
en fin , qu’en vertu du sén atu s-con su lte, du 16 floréal
an 1 0 , cet arrêté devoit avoir son entière exécution.
L e sieur de V andègre ajoutoit que pour faire le bien
des créanciers du sieur de V é n y , il avoit con sen ti, en
�( 14 )
sa qualité de tuteur , que les droits d’ u su fru it, et tous
autres que son beau-père auroit pu prétendre sur la m oitié
des biens de Jayet,, entrassent dans la vente n ou velle,
comme ils étoient entrés dans la p rem ière, mais sous la
condition expresse que dans le cas où il surviendrait
des enchères su r la nouvelle vente , et que la revente en
seroit poursuivie p a r expropriation f o r c é e , le requérant
pourroit exercer tous ses droits sans novation n i dérogation.
L e cas p révu étant arrivé , le m ineur V andègre ren
trait dans ses premiers droits ; de sorte que la m oitié du
bien de J a yet, échue à la dame sa m ère par le partage fait
avec la n atio n , devoit être distraite de la vente poursuivie
sur l’enchère de la dame J u g e , et l’autre m oitié seule
pou voit être soumise aux enchères.
P ar cette considération , les affiches annonçoient déjà
que l’adjudicataire ne pourroit devenir propriétaire que
de la m oitié seulement du bien dont il s’a g it, telle qu’elle
est déterm inée par le partage fait avec la république.
P o u r ne laisser aucun d o u te, le sieur de V a n d èg re, en
sa qualité de tu te u r , annonce qu’il veut faire légitim er
et confirm er, par un jugement p réalab le, la revendication
et distraction de la m oitié de la terre de Ja yet; e t, dans
cette v u e , il donne assignation à la dame de S am p ign y,
au sieur de V é n y , et à la dame veuve Juge , pour vo ir
reconnoîtrc son fils , m in e u r, propriétaire de la m oitié
échue à la dame de V an d ègre, par le partage du 11 floréal
an 7 , v o ir ordonner l’exécution de ce partage , con
firmer la revendication et distraction déjà faite par les
allich çs, et qu’ il ne sera passé à l’adjudication que de
�(i5 )
l’autre m oitié seulem ent, telle qu’elle est déterm inée par
le partage.
L e sieur de V an d ègre annonce enfin qu’il a déposé au
greffe tous les titres de propriété de son f ils , p ou r que
les parties intéressées puissent en prendre com m unication,
conform ém ent à l’article 27 de la loi du 11 brum aire an 7.
C’est en cet état que la cause fut portée à l’audience du
6 therm idor an 12 , jour indiqué pour procéder à l’adju
dication. L a dame Q u eyriau x, veu ve J u g e , entreprit de
contester la revendication et l’affiche, et proposa plusieurs
moyens de nullité en la form e et au fond.
L e prem ier moyen consistoit à d ir e , i° . qu’il n’a voit
pas été mis d’affiche à l’extérieur du dom icile du débi
te u r, qui fait d éfau t, et que les créanciers avoient intérêt
d’avoir en présence ;
2°. Q u ’il n’avoit été mis d’affiche qu’à la porte d’un
seul des bâtimens à vendre ;
3°. Q ue les affiches avoient été faites un jour ordinaire,
au lieu de l’être un jour férié , suivant la loi et l’usage ,
pour avoir une plus grande concurrence.
A u fo n d , la dame veu ve Juge prétendit qu’il étoit né
cessaire de réform er les affiches, soit à cause de leur rédac
tio n , soit parce que le sieur de V an dègre n’avoit pas mis
en vente tout ce qui devoit être vendu.
Suivant la dame veuve J u g e , le poursuivant avoit com
pris dans les immeubles à vendre toute la terre de J a y e t,
et cependant ensuite il demandoit deux distractions diffé
rentes ( la distraction des quarante-quatre septerées de
terre, adjugées aux héritiers V é n y , et la m oitié com prise
en la donation de 1 7 7 3 ) , ce qui engageroit l’adjudicataire
' acheter un tout inconnu ^ grevé de deux procès.
�(i6)
Cependant le sieur de V an dègre prétend que ces dis
tractions ont été effectuées par des actes administratifs,
et des partages qu’il veut faire m aintenir ; d ès-lo rs, dans
son propre systèm e, il ne devoit com prendre dans les
affiches que les immeubles qu’il prétend libres et sujets
à être v e n d u s, sauf contestation pour le surplus.
L a dame veu ve J u ge soutient que le sieur de V a n Sègre a eu intérêt à l’exécution pleine et entière de la
vente de 1792 ; qu’il n’a pas p u , en une qualité , faire
d im in u e r, en u n e a u tr e , l’efl’et d’une vente dont le ven
deur ne pouvoit pas lui-m êm e contester l’exécu tio n , et
q u ’il ne pou voit pas réd u ire, sous prétexte de droits éven
tuels qu’il avoit aussi aliénés.
E lle prétend que le sieur de V an dègre n’a pas eu
d ’action en garantie lors du traité de l’an 1 1 , parce que
J’exTet de la donation de 1773 , en la supposant valable ,
n ’étoit pas o u ve rt, et le sieur de V é n y , étant relevé de la
mort, c iv ile , conserve encore le droit d’élire;en fin , d’après
la dame veuve Juge , il restoit encore assez de biens
non vendus pour assurer la m oitié promise.
L a ré p u b liq u e , en faisant en l ’an 7 un partage avec
les prétendus successeurs du sieur de V é n y , leur a laissé
une portion com m e héritiers présomptifs , et en a gardé
une qu’elle n’a pas a lién ée, et qui auroit été seule à l’abri
des réclamations du sieur de V é n y , si elle avoit été vendue
à des tiers : il y a d’ailleurs eu dans ce partage une lésion
é n o rm e , et les créanciers ont le droit de le faire res
cinder pour lésion du tiers au q u a rt, parce que l’éga
lité est l’àme des partages. Il n’a été irrévocablem ent
distrait de la terre de Jayet que les objets donnés aux
frè re g
�£11
( r7 )
frères V e n y , qui sont sous ce rapport des tiers-détenteurs
non successibles.
L a dame Juge ajoutoit encore qu’on ne pouvoit con
cevoir de donation ouverte, tant que le donataire conservoit la capacité d’opter pour les biens à venir. L a dona
tion de 1773 , au profit des enfans à naître , étoit n u lle,
parce que le donateur étoit m ineur à cette époque , et
que cette donation n’a été ni insinuée ni publiée.
Par le traité de l’an 1 1 , les parties ont voulu donner
à la vente de 1792 tout son effet , puisqu’une m oitié
libre est donnée en l’article 3 , et l ’autre m oitié en l’ar
ticle 2.
L a dame Juge en conclut qu’il y a lieu de remettre en
vente la totalité de la terre de J a y e t, sauf la distraction
des quarante-quatre septerées de terre aliénées adminis
trativement , et sauf une ventilation pour dim inuer le
p rix auquel se soumettra l’adjudicataire pour la totalité.
L a daine veu ve Juge observe subsidiairement que quand
il y auroit lieu de baser la revente sur le traité de l ’a n .'i1,
il faudroit ajouter à la m oitié offerte par le pou rsu ivan t,
1°. l’usufruit qui appartient au vendeur ; 20. le cas de
survie éventuelle du v e n d e u r, mentionné en l’article 2
du tra ité , parce que ces deux objets font partie de la
chose vendue ; et dans le cas où la revente auroit lieu
d ’après les affiches , les enchères ne devroient pas être
faites sur 94600 francs, puisque dans la réduction du
prix convenu on n’a pas déduit la m oitié du p rix an cien ,
et qile cependant le poursuivant ne présente à revendre
que la moitié des objets vendus en 1792 , sous la déduc
tion encore des quarante-quatre septerées de terre dont
G
**
�«♦*,
(
18 ?
le sieur de V éu y a souffert l’éviction. C ’est d’après ces
m otifs, qui pourraient être plus clairement énoncés, que
la dame veuve .Juge demande la nullité des itfïiclies du
8 messidor an 12 , des procès verbau x, notification, et de
toute la procédure; qu’il soit ordonné que dans le mois
le poursuivant sera tenu de faire p o s e r, dans la forme
de la lo i, de nouvelles affiches qui contiendront, i° . la
mise en vente de la totalité de la terre de Jayet ; 20. la
distraction des quarante-quatre septerées de terre adju
gées par l’administration départementale aux sieur et
dame de V illem o n t; 30. la condition que l’adjudicataire
fera procéder dans le mois à la ventilation de la terre
de J a ye t, pour connoître la dim inution opérée par la
distraction des objets ci-dessus énoncés, et c e , contra
dictoirement avec le poursuivant et le prem ier créan
cier inscrit.
Subsidiairem ent, elle conclut à ce qu’il soit ordonné
qu’à la prem ière audience, et après de nouvelles affiches,
il sera procédé à la revente offerte par le sieur de V a n dègre de la m oitié de la terre de Jayet, sous la déduction
de la m oitié du terrain adjugé au sieur de V ille m o n t, lors
de laquelle revente la somme de 68200 francs, p rix du
contrat de vente de 1 7 9 2 , pour m o itié, servira de pre
m ière eu ch ère, sauf la ventilation ci-dessus requise.
T ou s les autres créanciers présens se référèrent aux
mêmes conclusions.
E n réponse à ces moyens , les poursuivons soutinrent,
i° . quant aux moyens de n ullité, que l’habitation momen
tanée du sieur de V é n y à Paris ne constituoit pas son do
m icile de d ro it, que son véritable dom icile étoit au lieu
j
�0 &
( r9 )
de J a y e t, et qu’il a été appose une affiche sur les bâtimens de Jayet.
Ces bâtimens font partie des objets compris dans la vente
de 1792. Ces bâtimens appartenoient au sieur de V é n y ,
et n’ont jamais été distraits au profit des frères et sœurs:
ils sont aujourd’hui les seuls existans; ils servent à la de
meure du propriétaire, comme à l’exploitation des biens.
L a loi du 11 brum aire an 7 , en prescrivant l’affiche
au domicile du débiteur, a nécessairement et évidemment
supposé que ce débiteur étoit dom icilié dans l’arrondis
sement du tribunal où se poursuit l’expropriation. Il y
auroit souvent impossibilité de poser une affiche à un
liôtel g a r n i, ou à une maison étran gère, et dans un lieu
où le tribunal n’auroit aucune autorité. L ’affiche n’est
nécessaire qu’autant que la maison habitée par le débiteur
seroit comprise dans les objets saisis. Cette affiche n’a d’autre
objet que de donner de la publicité à la v e n te , afin que
les créanciers inscrits et tous autres n’en prétendent cause
d’ignorance.' L e débiteur n’est-il pas suffisamment averti
par la notification de l’afïiche faite au dom icile par lui élu ?
La partie saisie seroit d’ailleurs seule fondée à se plaindre
de cette omission , et le créancier in scrit, comme le pour
su ivan t, n’ont ni qualité ni intérêt pour proposer ce
moyen.
L e véritable poursuivant dans la cause étoit la dame
veu ve Juge rc’est son enchère qui a détruit la vente volon
taire , et nécessité l’expi'opriation judiciaire. Dans ce cas,
l’acquéreur ne poursuit qu’à raison du silence de l’enché
risseur , et comme subrogé ou substitué à ses poursuites,
puisque l’enchère tient lieu de comnjaudement.
C 2
*£
�Ce créancier enchérisseur ne peut espérer le payement
du montant de ses créances qu’au moyen de la revente : il
n ’a donc aucune qualité pour s’y opposer , ou proposer
aucun moyen de nullité contre l’expropriation.
L a dame veuve ju g e a voit elle-m êm e nullement et irré
gulièrem ent inscrit : son inscription ne frappoit que sur
V é riy, ém igré. L a loi du 28 mars 1793 prononce la mort
civile contre les ém igrés, et la confiscation de leurs biens.
L a loi du I e r . iloréal an 3 prohiboit tous actes conserva
toires sur les biens nationaux , et n’indiquoit aux créan
ciers des émigrés d’autres moyens que la liquidation de
leurs créances dans les formes et les délais qu’elle prescrit.
Si la loi du 16 ventôse an 9 a accordé aux créanciers
inscrits le droit de faire inscription sur les ém igrés rayés,
la dame Juge devoit réparer les omissions ou les irrégu
larités de l ’inscription précédente par une n ou velle; elle
a môme négligé cette form e : elle étoit donc déchue de
tous d ro its, et les autres créanciers ne pouvoient se su
broger à une enchère nulle , et qui est censée ne pas
exister.
L es poursuivans crurent devoir négliger le moyen de
form e qu’on faisoit résulter de ce que les affiches n’avoient
pas été posées un jour de fête. O n ne trouve nulle p a r t,
dans la loi du 11 brum aire an 7 , que cette form alité doive
être observée , et on ne peut pas suppléer à la loi.
M ais sur la demande en revendication formée par le
sieur de V an d ègre, en sa qualité de tuteur, revendication
contre laquelle on avoit réuni tous ses efforts , le sieur de
.Vandègre observa que par l’arrêté du prem ier com plé
mentaire an 4 l’exécution de cette donation avoit été
�an
(•21 )
ordonnée ; qu’il résultait de cet arrêté que la dame’ de
V a n d èg re, ainsi qu’elle enm voitle d ro it, avoitab diq ué les
tien s à v e n ir , pour s’en tenir aux biens présens à l’époque
de la donation: elle avoit été en conséquence ’renvoyée ;en
possession actuelle et réelle de la moitié des biens ayant'appartenu au sieur de V én y . Cet arrêté était irrévocable^, et
ne pouvoit être attaqué devant.les tribunaux. L ’article 1 6
du sénatus-consulte,de floréal an ,10, interditaux ém igrés
toutes réclamations contre,ce ■
qui a été fait administra
tivem ent pour les.partnges de pré-successions, successions
ou autres actes généralement quelconques. Il résulte des
arrêtés du gouvernem ent, et d’une lettre officielle adressée
aux préfets, le 7 brum aire an 11 , par le conseiller d’état
ayant le département des domaines n ationau x, que l’ar
ticle 16 du sénatus-consulte s’applique.aux émigrés rayés,
élim inés, comme aux amnistiés.
n
L e sieur de V é n y , ém igré ra y é , ne pou voit donc re
ven ir contre cet a rrê té, et tout était consommé à cet
égard. L ’effet de la donation a été ti'ansmis par la dame
de V an d ègre à son fils, de sorte qu’il y avoit une v é ri
table novation dans l’état des choses.
'•
;
Les poursuivans n’a voient-ils pas été forcés de com
prendre dans les affiches tous les objets én on cés, soit dans
la vente du 14 août 179 2 , soit ceux compris au traité du
29 brum aire an 11 , dès que l’enchère de la dame veuve
Juge frappoit sur tous ces objets ? Mais ce dernier traité
n’étoit relatif q u ’a u sieur V é n y , et avoit été dicté par des
motifs de déférence et de respect desenfuns envers leurs
pères ; motifs étrangers aux tiers-intéressés. Aussi l’inten
tion des parties est-elle suifisamment manifestée par l ’ar-
�( * o
ticle 2 de cet a cte , qui réserve expressément lès droits
et actions des parties pour le cas particulier où elles se
trouvent. L e sieur V an dègre réunissant la double qualité
de poursuivant et de p ro p riétaire, a donc eu incontesta
blem ent le droit de revendiquer les biens qui appartien
nent à son fils, conform ém ent à la loi du 11 bx-umaire an 7.
L es affiches expliquoient suffisamment, soit les objets
revéndiqués, soit ceux qui doivent être distraits au profit
d u sieur de V ille m o n t: il étoit môme difficile de l’expliquér autrem ent, d’après l’enchère qui frappoit sur l’uni
versalité de la terre de Jayet.
Relativem ent à là validité de la donation de 1 7 7 3 , en
supposant que cette question put être discutée devant
les tribunaux , au préjudice de l ’arrêté administratif qui
la confirme,, personne n’ignore que le p è re, môme m i
neur , a toujours le droit de faire une donation au
profit des enfans à naître. U ne telle donation met le père
dans l’heureuse impuissance d’aliéner ses biens; les lois
consacroient la validité de ces dispositions, particulière
ment dans les familles nobles, et pour conserver le lustre
de leur maison. Dans tous les cas , la m inorité ne seroit
qu’un moyen de restitution, et il auroit fallu au moins
que le sieur V é n y se fût pou rvu dans les d ix ans de
m ajorité.
L ’ordonnance de 1731 dispense de l’insinuation toutes
donations faites en ligne directe par contrat de mariage.
O n ne pouvoit pas dire que la substitution portée par le
même acte n’eut pas été publiée. Comment le vérifier lors
que les registres ont été la proie des flammes? D ’ailleurs,
la substitution étoit indépendante de la donation; c’étoit
�041
( *3 )
une disposition distincte et séparée y qui ne pouvoit
préjudicier à la p rem ière, n i en atténuer les effets : d’un
autre c ô t é , à l’époque de la réclamation du sieur de.Y an t
dègre auprès des corps administratifs, toute substitution
étoit ab ro g ée, il ne restoit que la donation.
Les poursuivons conclurent en conséquence à ce que^
sans s’arrêter aux moyens de nullité proposés par la dame
J u g e , et tous autres qui seroient déclarés inadmissibles j
il seroit passé outre h la lecture de l’affiche ; subsidiàii’em e n t, ils demandèrent que l’inscription de la dame Juge
fût déclarée nulle et de nul effet, ainsi que tout ce qui
s’en étoit ensuivi.
Dans le cas où il seroit passé ou tre, il fut conclu à ce
q u e , faisant droit sur la demande en revendication du
sieur de V a n d è g re , aux qualités qu’il p ro cèd e, et pro
nonçant par jugement sé p a ré, la m oitié de la terre de
Jayet seroit distraite au profit du sieur de V a n d èg re,
conform ém ent à l’arrêté du départem ent, du 11 floréal
an 7 ; qu’il seroit pareillem ent fait distraction du terrain
délaissé aux frères et sœurs V é n y ; et que par autre juge*
ment il seroit ordonné de procéder à la vente des autres
objets non revendiqués, pour être adjugés à la chaleur
des enchères au profit du dernier enchérisseur, confor
mément à la loi : sauf au tribunal, d’après la revendis
ca tio n , à expliquer et régler le p rix tenant lieu d e là
mise aux en ch ères, sur lequel règlement les poursuivons
déclarèrent qu’ ils s’en rapportoient à droit.
A u milieu de ces débats, et après une discussion so
lennelle pendant deux audiences, il a été rendu un juge
ment contradictoire, q u i, faisant droit sur le to u t, sla-
�C 24 )
tiiant sur' les moyens de form e comme sur les moyens du
fon d , sans s’arrêter à la demande en revendication de la
; m oitiéî de la i terre de î Jayet soumise à la revente y de
laquelle le sieur de V andègre est débouté; sans s’arrêter
pareillem et à l’affiche / actes et autres-poursuites faites
à la* diligence des sieurs de V andègre et de Sam pigny,
et tendantes à la revente du domaine ou de partie du
domaine de Jayet,-lesquelles procédures sont déclarées
nulles et de nul effét ; il est ordonné que dans la form e
et dans les délais prescrits par la loi du ï 1 brum aire an 7 ,
sur les expropriations forcées, il sera procéd é, à 1la dili
gence des poursuivans, h de nouvelles affiches et poursuites
pour parvenir, à la revente du domaine entier de Jayet,
ainsi et de «même qu’il est porté dans le contrat de vente
du 14 avril-179 2 , soumis à la transcription par les sieurs
de V andègre et Sam pign y, lors de laquelle revente la
fixation et évaluation déjà faite par les mêmes parties à
la somme de 94567 francs,'ainsi que l’enchère de la dame
Q ueyriaux, veuve J u g e , de la somme de 4728 francs, tien
dront lieu de mise à p rix et de prem ière enchère.
Il est ordonné néanm oins, du consentement de toutes
lesp a rties,q u e,su r le domaine de Jayet, il sera fait distrac
tion du terrain délaissé aux sieurs de V ille m o n t, comme
n’ayant pas été originairem ent compris dans le domaine
d e'Jayet j sous la réserve faite par la dame veuve J u g e ,
de ses autres droits et hypothèques sur le terrain distrait,
en vertu de ses titres de créances.
;
Sur le surplus des demandes fins et conclusions , ' les
parties sont mises hors de cause; le sieur dé Vandègre et
la dame Sam pigny sont condamnés en tous les dépens; il
est
�( 25)
est donné défaut contre les créanciers noü com parans; e t,
p ou r le profit, le jugement est déclaré com m un entr’eux.
Il est indispensable de connoîtr'e les motifs nom breux
sur lesquels se sont appuyés lés premiers juges. Ils ont fait
résulter plusieurs questions des débats.
.La prem ière est de sa y o ir, i°. si l’acquéreur ou sou
représentant peut revendiquer la m oitié d’ un dom aine
v en d u , lorsque le contrat de vente renferm e la totalité du
domaine 'sans restriction , et lorsque c’est ce même contrat
qui est soumis à la transcription sans réserve. ;•
2°. Lorsque le titre qui fonde la revendication hypothé
caire est étranger aux créanciers inscrits; lorsque les droits
de ce créancier sur l’immeuble sont entiers , et que ce
créancier a été provoqué par l’acquéreur à faire son en
chère sur la totalité sans exception , la revendication peutelle être adoptée ?
3 °; Dans le cas de revente sur enchère d’un créancier
inscrit, y a-t-il nullité dans la procédure, lorsque l’affiche
n’a pas été posée au dom icile du déb iteur; lorsqu’elle n'a
pas été posée sur les bâtimens d’exploitation du dom aine
soumis à l’enchère; que l’étendue superficielle de ces bâti
mens d’exploitation n’a pas été spécifiée dans l'affiche ; et
enfin , lorsque l’affiche énonce vaguem ent une m oitié de
d om ain e, sans déterm iner si celte m oitié renfermera ou
non tout ou partie des bâtim ens, ou seulement des h éri
tages exploitables?
T elles sont les questions posées. O n verra bientôt que
la plupart d’entr’elles ne s’accorden t, ni avec le titr e , ni
avec l’alfichc.
D
�( *6 )
, Les premiers juges exam inant ensuite les différentes
objections des parties,
« i° . E n ce qui touche le moyen tiré de ce que l’ins« cription de la dame Q ueyriaux a été faite pendant l’émi« gration du sieur.de V é n y , et de ce qu’elle n’a pas été
« re n o u v e lé e après sa radiation, ils ont pensé que l’art. 17
« de la loi du 11 b ru m a ire , valide l ’inscription sur une
« personne décédée ; qu’elle peüt même être faite sur la
« simple dénom ination d’un défunt , et que la dame
« Queyriaux-, en réputant le sieur V é n y comme m o rt,
« s’est conform é à la loi.
;
« Cette loi étant gén érale, embrassant toute espèce de
«
«
«
«
a
créanciers et de débiteurs , la dame veuve J u g e , pour
conserver ses droits , ainsi que le rang et ordre de son
hypothèque , a dû prendre les précautions ordonnées
par elle. Les mesures prescrites par la loi ne devant
jamais rester sans ë ffe t, la dame veu ve Juge est fondée
« à en réclam er le bénéfice.
ce
et
cc
«
cc
«
«
«
« L a loi de prairial an 3 , qui ordonnoit aux créan
ciers d’ém igrés de faire liquider leurs créances pour en
toucher le m ontant, n’étoit qu’ une loi de circonstance ;
elle ne concernoit que les créanciers jaloux de réclam er
leurs créances sur la république , com m e étant à la
place de l’ém igré ; mais la dame Q ueyriaux ne demandant rien à la ré p u b liq u e , n’a pas eu raison de se faire
liq u id e r, les lois d’exception devant se renfermer strictement dans leur cas particulier.
« Cette loi de l’an 3 , antérieure à celle de l’an 7 sur
« les h yp o th èq u es, n’a pu en détruire les effets, surtout
�2>Z\
( . 27 ï
« lorsque la dame Q ueyriaux les invoque , non contre
« la rép u b liq u e, mais bien contre son débiteur rentré
« dans ses droits éventuels , ou contre ses representans.
« O n ne peut puiser dans la loi du 1 6 ventôse an 9 ,
« qui a prorogé le délai de faire inscription en faveur
« des créanciers d’ém igrés, un m otif pour faire rejeter
« l’inscription déjà faite par la dame veuve Ju ge, i° . parce
« qu’une loi de faveur et de bienfait ne peut jamais devenir
« un titre de réprobation ; 20. parce que la lo i, en auto« risant sur les ém igrés rétablis l’inscription avec tous
-«
«
«
«
ses droits et privilèges", a entendu nécessairement que
les inscriptions déjà faites par prévoyance eussent le
même effet sur ces mêmes ém ig rés, la raison étant
la m ême pour un cas comme pour l’autre. »
Sur le défaut d’intérêt qu’on a reproché à la dame
Q ueyriaux , on dit « qu’on ne peut raisonnablement
« opposer à la dame Queyriaux qu’elle ne pourra être
«
«
«
«
«
payée sur la m oitié comme sur la totalité du bien
de J a y e t, puisque là dém arche des poursuivans , dans
l’instance , ayant pour objet de soustraire à la prise des
créanciers la m oitié de ce dom aine, la dame Q ueyriaux
est fondée à craindre d’être prim ée par des créanciers
« an térieurs, et que par là l’autre m oitié de l’im m euble
« ne suffise pas pour rem plir sa créance. A in s i, non« s e u l e m e n t elle p e u t, mais elle doit même , sous le rap« port de son in té rê t, s’opposer à ce qui peut affoiblir
« son gage et sa sûreté.
• ; « D ’a illeu rs, tous les créanciers en général appelés
« à l’expropriation de leur débiteur , ont droit et intérêt
« de critiquer les diligences des poursuivans , soit sur le
D 2
éift
�4V ^
. ( *8 )
« fond des dem andes, soit sur la régularité des poursuites,
« parce que le bien de leur débiteur fait leur g a g e , et parce
« que les vices et les irrégularités retardent leur payement. E n m atière d’exp rop riatio n , toutes les préten« tio n s , ainsi que tous les actes, sont directs et per
ce sonnels à chacun des créanciers, qui y trouvent tous
* un avantage à prendre ou un m al à éviter.
« L a dame veu ve J u ge ayant été appelée , soit p ou r
« e n c h é rir, soit pour l’audience d’expropriation, en vertu
« de son inscription de l’an 7 , les poursuivans ont p u b li« quemertt reconnu par là qu’elle avoit intérêt et qua« lité suffisante dans la contestation. »
Sur la demande en revendication de la m oitié du do
maine de Jayet, « cette demande a paru aux premiers juges
« être en contradiction avec la dém arche faite par les pour*
« sui vans , lorsqu’ils ont soumis à la transcription le contrat
« de vente de 1792. Cet arrangement de fam ille embras« soit le domaine de J a y e t, sans d iv isio n , et a dû être
« valable pou r la totalité, ou nul pour le tout ; les pour« suivans, par leur transcription, l’ayant adopté et ratifié
«
«
et
«
«
pour le to u t, ne peuvent prétendre aujourd’hui que cet
acte doit être scin d é, puisque ce sont les actes qui
font connoître les véritables intentions des p arties, et
non les réserves faites après c o u p , suivant la m axim e :
P lu s valere quod a g itu r , quàrn quod sim ulatè
« concipitur.
« La transcription est lin acte par lequel l’acquéreur
« vient demander h la justice d’être rendu propriétaire
« incom m utable; il n’obtient ce bienfait que sous laco n « dition que les d r o i t s des créanciers inscrits seront con-
�«
«
«
«
o
«
«
v(
serves : il en résulte vunë espèce de contrat judiciaire
dont l’acquéreur ne peut plus se départir. L a dame
Q u e yria u x , en faisant une en ch ère, a spécialement a c - -»
cepté ce contrat : la transcription des poursuivons se lie
et se rattache au contrat de vente de 17 9 2 , et par conséquent. à la totalité du domaine de J a y e t, dont la revente sans restriction est inévitable.
« L es autres créanciers ont été aussi provoqués à en« ch érir j ils ont aussi reçu des poursuivans l ’assurance
« d’être p ayés, jusq u’à concurrence du p rix de la tota«
«
«
«
lité du Lien de Jayet; ils ont été également saisis de
cette promesse : ce contrat est également form é avec
e u x , puisqu’ ils,ont. ad héré.au x demandes de la dame
Q ueyriaux j et pris les mêmes conclusions qu’elle.
« L e contrat de vente de 1792 a été consenti à la
« dame de Y a n d è g re , m ère et belle-m ère des poursuivans.
« L a transcription par eu x requise a im plicitem ent
« annoncé aux créanciers inscrits que c’étoit en qualité
« d’héritiers de la dame de V an dègre qu’ils se rendoient
« propriétaires incommutables de cet immeuble. L es
« créanciers pouvoient librem ent faire valoir les droits
« q u’ils pouvoient avoir sur tous les biens de J a y e t,
« com m e venant en dernier lieu de la dame de V a n
te dègre : les créanciers ayant suivi cette im pu lsion , ne
« peuvent appréhender l'effet d’une revendication qui
« n’auroit pu être réclamée contre la dame V andègre.
« L a transcription ducontrat de 179 2 , renferm e aussi,
« de la part des poursuivans, une volonté form elle de
« renoncer à tous autres actes qui auroient pu porter
« atteinte à cette ven te, une intention m arquée d’adopter
�.......... . •
( 3° )
«
«
«
et
«
«
«
ce règlem ent de p référen ce, de s’y tenir plus particulièrement qu’à tout autre, et de fixer sur lui seul l’attention et les poursuites des créanciers. Sans cette in
tention spéciale dans les poursuivons, là transcription
de la vente de 1792 devient inexplicable; elle ne p résente aucun objet vis-à-vis des créanciers : la notification qui leur.en a été faite seroit illu so ire , ce qu’on
'
'H.
» ne peut admettre.
« L ’objection tirée de ce què le traité de l’an 1 1 , passé
« entre le sieur de V é n y et ses enfans, est soumis à la
« transcription, que dès-lors il a dérogé à la vente de
« 1792 , paroît être sans fondem ent, parce que cet acte
« ne peut concerner que les parties qui y sont contrack tantes; il étoit étranger aux créanciers dont les ^droits
« étoient antérieurs et légalem ent conservés. D e p lu s ,
« il paroît que cet acte n’a eu pour objet que de donner
« plus d’effet et d’étendue au contrat de mariage des père
« et m ère, du mois d’ôctçbré 1773 , de prendre des me« sures contre les prétentions du père, et d’assurer l’éga« lité entre les enfans ; ce qui n’a pii lier les créanciers,
« ni préjudicier à leurs droits.
« L a revendication dont il s’agit, étant appuyée sur la
« donation de biens présens et à venir portée en ce con« trat, ne devient pas plus favorable ; elle n’est pas encore
« ouverte vis-à-vis des tiers , tels que des créanciers : il
« faut attendre , pour lui donner e ife t, la m ort naturelle
« du sieur de V én y . L a m ort c iv ile , par lui encourue
« m om entaném ent, a pris fin, relativem ent aux suites de
« la donation de biens présens et à v e n ir, par sa radia
it' tion. Les droits éventuels attachés à sa' personne , et
�»
(■ 30
«'
a
«
«
«
«’
«
«
subordonnés seulement à sa m ort n atu relle, ont rep ris,
vis-à-vis des tiers, toute leur force et leur effet prim ordial. Sans d o u te, au décès du sieur de V ille m o n t, ses
enfans donataires auront le c h o ix , oü de s’en tenir aux
biens présens seu ls, en payant à proportion les dettes
existantes lors de la d onation, ou de prendre les biens
présens et à v e n ir , à la charge de payer les dettes au
moment du décès. D e même i que les créanciers ou
« autres ne pourroient un jour obliger les 'enfans à se
«
«
«
«
restreindre aux seuls biens présens , et à abandonner
tous les biens à ven ir;' de m ême ceux-ci ne p eu ven t,
dès à p résen t, forcer les créanciers à reconnoître l’option prém aturée des biens présens. M a is , par la raison
« que les enfans ne peuvent être dépouillés de l’espérance
« des biens à v e n ir , ils ne peuvent aussi se d ir e , à l ’égard
« des créanciers, saisis et vêtus des biens présens. L e sieur
« de V é n y ne peut être en m êm e temps réputé m ort et
« v iv a n t, pou r donner aux enfans le p rivilège actuel de
« prendre les biens.
« A la v é r ité , le sénatus-consulte de l ’an 10 n’a rétabli
« les ém igrés dans leurs droits c iv ils , que sous condition
« de ne p o u vo ir attaquer les actes faits par la nation ; mais
« cette disposition ne concerne que les émigrés person« nellem ent, pour les empêcher de pôrter le trou b le, soit
« dans leur fam ille, soit dans les arrangemens qui peu« vent intéresser des tiers, et cette défense n’a trait qu’aux
« seuls ém igrés : elle n’a pas pour but de frustrer des
« créanciers légitim es. Dans la circonstance', les enfans
« du sieur de V é n y ne peuvent pas être considérés, vis« à-vis des créan ciers, comme des tiers ayant un droit
�C'32 )
« acquis par la m ort civile de leur p è fe , puisqu’il n’est
« pas question d’un droit déterm iné et constant, comme
« seroit un fidéicom mis sur des biens désignés , lequel
« s e r o it o u vé rt, d’après l’article 24 de l’ordonnance des
« substitutions. M ais il s’agit d’une donation de biens
« présens et à venir. L es effets de cette donation , quant
et aux biens présens, sont encore liés et inséparables de
« celle des biens à v e n ir, dont l’option et le droit sont
« attachés à la m ort naturelle du sieur de V e n y . Jusque-là
« rien n’est encore dû aux donataires de cette espèce, et
« les enfans ne peuvent opposer à des créanciers incrits
« des actes non transcrits, et qui ne peuvent être opposés
« à des tiers.
a Indépendamment de ces prin cipes, il se présente en
« faveur de la dame veu ve Ju ge des motifs d’équité qui
» déterminent. Ses droits sont constans" et légalem ent con« servés;sbn hypothèque, assurée sur tous les biens du père
a tant qu’il étoit viva n t, étoit incontestable : elle retrouve
«
«
«¿
a
a
aujourd’hui ces mêmes biens dans les mains de son d é biteur ou de sès enfans, qui n’ont pu les prendre qu’à
titre d’enfans, et par anticipation sur la succession de
leur père encore vivant. O r , com m ent dans une telle
position* la punition infligée par la loi au père s e u l,
« profitable aux enfans à l’égard du père seu l, pourroitcc
«
«
«
elle rejaillir sur un créancier lé g itim e ? Com m ent des
actes qui n’ont été que des ai'rarigemens de fam ille ou
de circonstance, q u i, par leu r'to u rn u re , leurs précautions et leur o b scu rité, annoncent les circonstances qui
« les ont fait n aître; com m ent de tels actes pourroient-ils
« fonder Une revendication qui suppose des titres précis
a et
�M
l
C 33 3
« et des droits ouverts ? JDe tels actes ne peuvent être
« regardés d’un œil favorable.
Sur la nullité de la procédure , les premiers juges
soutiennent que « les parties ont respectivement confondu
« avec les moyens de la revendication, ceux de la nullité
« de la.procédure. Il a fallu en même temps faire droit sur
c les uns et sur les autres, pour ne pas laisser la perspec« tive d’une contestation assurée au m oment de la revente.
« A p rès avoir présenté aux enchères la totalité de
«
«
«
«
«
Jayet, après avoir induit à faire des offres sur cette iotalité , la l’evendication de la m oitié du domaine , faite
par les poursuivans , tend à laisser sans enchère réelle
l’objet proposé à la revente. En effet, la dame Q ueyriaux
se trouve avoir fa it, sur une m oitié de dom ain e, une
« enchère qu’elle n’auroit pas faite , oü qui aliroit été
« beaucoup moindre ; et, d’un autre côté, les pouvsuivans
«
«
«
«
«
«
ont été obligés de consentir à l’audience que cette enchère fût restreinte, ou qu’il en fût fait une nouvelle.
A in si , il est vrai de dire que l’a/ficlie a été présentée
au public sans véritable enchère, puisque celle qui est
mentionnée n’est pas de l’aveu même des poursuivons,
l’enchère véritable et sérieuse qui doit être la prem ière
« mise, et qu’ainsi l’article 5 de la loi du 11 brum aire a été
« violé à cet égard. »
Sur la nullité résultante de ce qu’il n’a pas été mis
d’ailiche au domicile du débiteur , le tribunal dont est
appel décide «
« dom icile réel
« T e m p le , n°.
« dans son acte
qu’on ne peut révoquer en doute que le
du sieur V é n y étoit.à Paris, vieille rue du
j8 o ; le sieur V e n y le déclare lui-m êm e
d’élection : les poursuivons l’ont reconnu
E
�k
«
«
«
«
«
ce
«
«
«
( 34 )
en lui signifiant, à ce dom icile de P a ris, l’enchère de la
dame veuve Juge. 11 est aussi aisé d’apposer une affiche
à Paris que d’y signifier une enchère ; l’un et l’autre de
ces actes sont également du ministère de l’huissier, également prescrits par la lo i; et l’exécution de l’un de ces
actes devient un titre de condamnation pour celui qui a
été omis ou négligé.
a L ’article 5 de la loi du n brum aire commandoit impérieusement cette form alité, Cette loi paroît avoir eu
deux objets dans sa disposition ; le prem ier, d’apprendre
au débiteur qu’il est réellem ent exproprié , ou que le
«
«
«
«
«
«
a
bien par lui vendu est à l’enchère; le second, de faire
connoître au public le degré de sûreté et de confiance
présenté par celui sur les biens duquel il y a des poursuites légales ; enfin , la loi a toujours à cœur que les
actes importans soient faits au dom icile réel et de droit
du débiteur , comme partie la plus intéressée à les connoître.
« L ’élection de dom icile faite par le sieur V é n y chez
«
«
a
cc
et
«
M e. L ougn on , son a v o u é , ne pouvoit dispenser de
faire l’affiche au dom icile de droit. Les élections de
dom icile chez une personne désignée, n’ont lieu que
pour les significations des actes ordinaires ou des copies
de pro céd u re, et non pour une apposition d’afliche qui
doit être faite au dom icile réel et de droit : d’ailleurs,
« l’affiche n’a pas même été apposée au domicile élu du
« sieur de V én y.
« Si le sieur de V é n y néglige de relever ce m oyen, la
« dame veuve Juge a le droit de se l’approprier.
« L ’apposition d’affiche n’a pas même eu lieu aux bâti-
�«
«
cc
«
«
mens du domaine de Jayet. Cette form alité est cependant rigoureusement prescrite par l’article 5 de la loi
déjà citée. L ’affiche énonçoit Vexistence de ces bâtimens
avec leur couverture : ils étoient donc présentés comme
étant en état d’exploitation.
« Il ne suffit pas d’alléguer que ces bâtimens n’existent
« plus, et qu’ils sont tombés en ruine. O u ils sont écroulés,
« comme on le prétend, disent les premiers juges, et alors
« il ne falloit pas en faire mention dans l’affiche, ni pré-
« senter aux enchérisseurs un appât trom peur et m en« songer ; ou ils existent en tout ou en partie, et il falloit
« une apposition d’affiches, même sur les masures, comme
« restes de bâtimens saisis. » D e là les premiers juges font
résulter un vice radical dans la puocédure.
O n avoit fait également usage d’ un m oyen résultant
de ce que la contenue des bâtimens du domaine n’avoit pas
été spécifiée. Les premiers juges ne veulent pas faire grâce
de cette objection , et ont pensé qu’une telle omission
étoit encore un manquement essentiel à la loi.
Ils sont plus généreux sur l’objection tirée de ce que
les affiches n’ont pas été posées un jour férié. L a loi du 11
brum aire n’exige pas cette form alité : les dispositions ri
goureuses doivent être plutôt restreintes qu’étendues, et
on ne peut pas ajouter à la loi.
Ils ne sont pas plus difficiles sur la revendication du
terrain adjugé aux frères V é n y : toutes les parties y ont
consenti -, la dame Queyriaux ne s’y est pas même opp osée,
elle s’est seulement réservé ses moyens de droit sur cet objet.
O n voit c[ue les premiers juges ont porté le plus grand
soin dans la rédaction de leurs m otifs; tout prouve même
E 2
�¡v»vt«
«
(s6)
qu’ils y ont mis de la prétention : mais en sont-ils m ieux
fondés? L e sieur de V a n d èg re, aux qualités qu’il p ro
cè d e, a-t-il eu le droit de revendiquer lu m oitié du do
maine de J a yet? Y a-t-il des nullités dans la procédure ,
qui puissent faire la plus légère impression ? Telles sont
les questions principales que les poursuivans soumettent
à la cour par leur app el; questions qui exigent un exa
men ap p ro fo n d i, et d’assez longs détails : mais la cause
d’ailleurs est assez importante pour ne rien négliger dans
la discussion.
P R E M I È R E
QUESTION.
L e sieur' de V a n d ogre est bien f o n d é à revendiquer au
nom de s o n jïls la m oitié de la terre de J a y e t.
Ce n’est pas sérieusement, sans doute, qu’on a voulu
attaquer la donation portée au contrat de m ariage du 1 i
octobre 1773* La m inorité de M . de Y é n y 11’étoit pas
un obstacle à la validité de cette donation. Si la Coutume
d’A u v e rg n e , article 2 du titre 1 3 , défend au m ineur de
disposer de ses biens im m eubles, par contrat ou autre
m en t, cet article, qui est de droit com m un, rccevoit
une restriction en cas de donation faite par le m ineur,
en faveur de ses enfans à naître, par contrat de mariage.
Des dispositions de cette nature, dit le dernier commen
tateur, ne causent aucun préjudice à celui qui les fait;
elles le mettent dans l’heureuse impuissance de dissiper scs
biens, en les assurant à scs enfans a qui ils doivent natu
rellement revenir par ordre de succession. D eu x arrêts,
�C 37 )
l’u n , du 13 mars 1 7 4 1 , rendu en faveur de M . le duc
d’O lonne; l’au tre, du 7 mars 17 6 8 , rendu en faveur du
sieur de Strada, ont consacré ce principe.
L a clame de V é n y , épouse du sieur de V an dègre , a
donc été irrévocablem ent saisie de la moitié des biens
dé son p è r e , au moyen de la donation portée au contrat
de mariage de 17 7 3 , avec d’autant plus de raison que le
sieur de V é n y ne s’est pas pourvu en restitution contre la do
nation par lui faite dans les dix ans de sa majoi’ité.
T o u t est consommé aujourd’hui au moyen de l’arrêté
du département qui a investi la dame de V andègre de
la m oitié de J a yet, ainsi que du surplus des biens de son
père. La succession de ce dernier étoit alors ouverte par
la m ort civile qu’ il avoit encourue, et qui a les mêmes
effets que la m ort naturelle. La dame de. V an dègre a fait
son option pour les biens présens, en répudiant les biens
à venir ; et si le sieur V é n y , son p è re , est depuis rentré
dans'tous scs droits de citoyen, il ne peut plus jeter un
regard sur le passé , il est obligé de respecter tout ce qui
a été ¡fait par les corps administratifs pendant son absence;
etses créanciers, qui n’ont pas plus de droit qu’il ne pourroi t en avoir lui-m êm e, attaqueroient vainement l’arrêté
qui a investi la dame de Vandègre de sa propriété.
L a dame de V andègre., par son d écès, a transmis la
m oitié des biens de son père à l’enfant qu’elle a eu de
son mariage avec le sieur de V a n d è g re : cet enfant l’a
recueillie à litre de succession. L ’état des choses a changé;
il y a novation en faveur du iils, qui est aussi irrévo
cablement saisi.
E u cct état de choses, com m ent seroit-il possible de
�contester la demande en revendication qui a été form ée
par le sieur de V a n d èg re, comme tuteur d e , son fils?
Il s’est conform é, en tous points à la disposition de la
loi du i i brum aire an 7. Cette l o i , article 25 , pose en
principe que l’adjudication définitive ne transmet à l’ad
judicataire d’autres droits à la propriété que ceux qu’avoit
le saisi. E lle accorde dix ans aux parties intéressées pour
revendiquer la propriété des objets qu’on auroit mal à
propos compris dans les affiches, ou même dans l’adju
dication. O n n’a opposé au sieur de V andègre aucune
omission dans les formes pour régulariser sa demande ; il a
suivi toutes les formes prescrites par l’article 27 de la
même l o i , et il n’est pas inutile d’ajouter q u e , d’après
l ’article 2 9 ,1a revendication antérieure à l’adjudication
n’em pêche pas que le tribunal ne puisse ordonner l’ad
judication de tout ou partie des objets non revendiqués. Cette observation trouvera sa place dans la suite de la dis
cussion.
L e traité du 29 brum aire an 1 1 , qu’on présente sans
cesse comme une pierre d’achoppem ent, ne peut cepen
dant faire obstacle à la demande en revendication. En
supposant, comme on a voulu le prétendre , que ce traité
contînt une renonciation aux droits déjà acquis au m ineur
V an dègre , il seroit absolument nul sous ce rapport. O n
rem arque en effet que le sieur de V andègre p è r e , n’a
agi ,.11’a contracté qu’en qualité de père et légitim e admi
nistrateur de son fils mineur. Il n’a pris aucun engage
ment personnel ; et personne n’ignore qu’on ne peut
déroger aux droits d’un m ineur impubère., que le tuteur ;
n’a ni qualité ni capacité, pour aliéner les biens de sou
�*
(39 )
p u pille: le sieur de Vandègre d’ailleurs n’a été autorisé par
aucun conseil de famille ; il n’a été observé aucune des
formalités prescrites pour l’aliénation des biens du m ineur :
dès-lors ce traité seroit illusoire et n u l, et seroit opposé
sans succès.
M ais le sieur de V andègre lui-mêm e a-t-il voulu dé
roger aux droits acquis de son fils ? Cet a c te , dont on
veu t tirer d’aussi grandes inductions , n’est qu’un arran
gement de famille qui ne peut nullem ent concerner de3
tiers; un acte dicté par des motifs de déférence ou de
respect pour un père m alheureux que des enfans ne veu
lent pas entièrement dépouiller.
Mais le sieur de V a n d è g re , comme la dame de Samp ig n y , ont senti le danger que pourroit avoir une défé
rence absolue ; aussi ont-ils expressément stipulé qu’ils
accédoient au désir de leur p è r e , sans aucunem ent dé
roger ¿1 leurs droits acquis par tout autre titre que la
vente y n i y préjudicier. Ils se sont réservés la faculté
d’exercer les droits qu’ils peuvent avoir indépendamment
de la ven te, sans novation ni dérogation contre lés acqué
reurs qui y seroient su brogés, dans le cas où , su r la
transcription q u i sera fa ite de cette len te au bureau
des hypothèques , et la n otifica tion , il surviendroit des
enchères de la p a it des créanciers intéressés et inscrits.
Ce n’est pas ici une simple réserve, une protestation
générale et indéfinie , c’est une condition expresse et sine
qua n o n , une condition tellement inhérente au tra ité,
que l’une ne peut exister sans l’autre : c’est le m otif unique
et absolu qui les a déterminés à prendre des nrrangemens.
Ils ont bicu voulu se prêter à ce qui pouvoit convenir au
�U ° )
sieur de V é n y , mais ils n’ont pas voulu être en butte à
ses créanciers; ils ont cherche à l’obliger personnellement,
mais sans com prom ettre leurs droits ou leurs intérêts visà-vis des tiers. Ce n’est que par cette, considération , et
au moyen de leur réserve , qu’ils ont traité ; et comment
des tiers ou des créanciers pourroient-ils s’emparer d’un
pacte de fam ille, d’un acte dans lequel le sieur de V é n y
n’a point cherché des avantages pour lui personnelle
m e n t, ni pour ses enfans, où il ne s’est au contraire
occupé que de l’intérêt de ses créanciers , en leur assu
rant sans reto u r, par les stipulations du traité, le p rix de
la vente de l’an 11 , nonobstant tout événem ent dont il
a mis les risques à la charge de ses enfans acquéreurs,
autant qu’il n’y auroit pas d’enchères.
L:\ dame veuve J u g e , loi’s de la plaidoirie de la cause,
ji’étoit pas allé si loin que les premiers juges ; elle sembloit reconnoitre la validité des titres du m ineur V a n d ègre; elle accédoit à la revendication; elle exigeoit seu
lement qu’on réduisît la mise à p rix ou le taux de son
enchère.
M ais les premiers ju g e s , dans leurs m otifs, pensent
que la revendication est en contradiction avec la dé
m arche faite par les poursuivans , lorsqu’ ils ont soumis
à la transcription le contrat de vente de 1792.
Il faut être bien ingénieux pour trouver une contra
diction dans cette demande. E n e ffe t, lors du traité de
l’an 11 , le sieur de Y an dègre , tuteur , et la dame de
Sampigny , n’ont accédé aux propositions du sieur de
V é n y , qu’autant qu’ ils feroient transcrire la vente de
1792 et le traité lui-m êm e; et dans le cas..où sur la
transcription
�( 41 )
transcription il y auroit des enchères, alors ils se sont ré
servé tous leurs droits. Cette démarche est sans doute trèsconséquente , au lieu d’être contradictoire. Us ont dit :
O n veut que la vente de 1792 sorte son effet avec les
modifications ou réductions que nécessitoient les circons
tances. Nous acceptons cette proposition , pou rvu que
nous puissions devenir propriétaires incom nm tables, et
qu’il n’y ait pas d’enchères -, mais s’il y a des en chères, il
n’y a plus ni vente ni traité ; nous rentrons dans tous
nos droits : et certes , un tel arrangement est facile à
concevoir. Pourra-t-on jamais supposer que les appelans , créanciers de sommes considérables , comme h éri
tiers de la dame de V é n y , leur m ère, dont les créances
étoient antérieures à toutes autres , puisqu’elles rem ontoient au contrat de mariage de 1 7 7 3 ; que le sieur de
V andègre , dont le fils étoit p ro p rié ta ire incomm utable
de la m oitié de Jayet ; que les appelans réunis aient
voulu sacrifier tous leurs droits, tous leurs intérêts au
profit des créanciers qu i leu r étoient postérieurs ? U n
tel abandon ne pourroit s’exp liq u er; et les principes les
plus rigoureux de délicatesse ou d’honneur ne com m an
dent pas de pareils sacrifices.
O n oppose que les actes font connoîlre les véritables
intentions des parties, et non les réserves faites après
coup , suivant la m a x im e , plus valere quod agitur ,
quàrn quod sim ulatà concipitur.
Cette maxime ne sauroit être plus étrangement appli
quée. Ce n’est point ici une protestation ou réserve géné
rale , qui souvent sont inutiles, comme le dit L e b ru n ,
lorsqu’elles sont form ellem ent contraires à la substance
F
�C 42 )
<3e l’acte ; mais c’est une condition expresse, q u i, loin
d ’être contraire à la substance de l’acte, explique et ma
nifeste suffisamment l’intention des parties ; condition
in d ivisib le, sans laquelle le traité n’auroit pas eu lie u ,
de laquelle l’acte tire sa force et son existence , au point
q u ’il ne peut pas subsister sans la con dition, puisque les
parties n’ont transigé que dans cette confiance. Ce n’est
pas une réserve faite après coup , puisqu’elle est con
tenue dans l ’article 2 de ce traité qui en renferm e sept
autres; elle e s t, au co n traire, le prélim in aire, la cause
essentielle : elle doit donc avoir tout son effet.
Dans l’espèce, le sieur de V andègre particulièrem ent
avoit deux qualités. Comm e tuteur de son fils , il étoit
propriétaire de la m oitié des biens du sieur de V é n y ; il
a bien voulu ensuite se prêter à devenir acquéreur, mais
6 OUS la condition qu’ il n’y auroit pas d’enchères ; et dès
q u’ il y a eu des enchères, il n’y a pas de doute qu’il a pu ,
p o u r s’exprim er com m e les premiers juges, scinder l’acte
de vente , abandonner aux créanciers la m oitié qui apparlenoit i\ leur débiteur, et revendiquer l’autre, dont son fils
étoit propriétaire : moitié qui n’a jamais pu être soumise
aux créanciers, qui n’ont d’hypothèque que depuis le con
trat de mariage de 1773.
En vain opposeroit-on que la transcription, suivie d’en
chères , saisit les créanciers ; q u ’ il y a un contrat judiciaire
avec e u x , et qu’ils ont été saisis de la totalité du bien de
Jayet par la transcription qui en a été faite.
Ce raisonnement , qui n’a pas même le m érite d’être
spécieux, conduiroit ¿\ de singulières conséquences. Il faudroit retrancher de la lo i du 1 x brum aire an 7 , le titre des
�0 3 7
N
C 43 )
revendications, parce qu’il ne pourroit jamais y avoir lieu
à revendiquer. E n effet, souvent un vendeur com prend
dans sa vente des objets qui ne lui appartiennent p a s, ou
pour lesquels il est en p éril d’éviction; souvent un créan
cier poursuivant com prend dans son affiche des biens qui
n’appartiennent pas au saisi. Dans l’un comme dans l’autre
cas , les créanciers sont investis de la totalité des biens
compris dans la transcription ou dans l’affiche. L ’enchère
frappe sur la totalité des objets; il y a, comme dans l ’espèce,
un contrat judiciaire, suivant le dire des premiers juges : et
cependant, dira-t-on qu’alors le propriétaire des objets
mal à propos confondus dans la transcription ou dans
l ’affiche , ne peut pas les revendiquer ? Non-seulem ent il
le peut d’après la loi antérieurement à l’adjudication, mais
encore d’après la même lo i, qui établit en ce point un droit
nouveau, il peut exercer cette revendication pendant d ix
ans, à com pter de l’adjudication.
Quelle différence y a-t-il donc entre ce propriétaire qui
revendique dans ce cas , et le sieur de V andègre qui exerce
aujourd’ hui la même action ? N ’a - t - i l pas les mômes
droits? la loi l’auroit-elle privé de cette faculté ?
M ais on dit qu’il réunit les deux qualités d’acquéreur
et de p ro p riéta ire, et qu’ il a renoncé à cette dernière
qualité en acceptant celle d’acquéreur ; et où a-t-on trouvé
qu’il ait fait une pareille renonciation? T o u te renoncia
tion doit être expresse ; les lois n’en admettent pas de
tacites. Ici le sieur de V a n d è g re , loin d’abandonner son
droit de p ro p rié té , l’a réservé expressément : il a donc
pu revendiquer. N ’a r r iv e - 1 - il pas tous les jours , par
e x em p le, qu’ un acquéreur achète des objets sur lesquels
F 2
�C 44 )
il avoit cîes d roits, ou pour lesquels il avoit form é une
demande en désistement ? Il acquiert pour éviter un
procès ; il transcrit son contrat, et éprouve des enchères.
V oudroit-on soutenir que, parce qu’il a acquis, il n’a pas
le .d ro it de revendiquer les objets dont il avoit demandé
le désistem ent? L ’article 2177 du Code civil décide bien
positivem ent le con traire, puisqu’il v e u t, avec la liaison,
que les servitudes et droits réels que le tiers-détenteur
avoit sur l’im m eu b le, avant sa possession, renaissent
après le délaissement, ou après l’adjudication faite sur lui.
A in si , les raisonnemens des premiers juges tombent
d ’eux-mêmes : ils sont inconséquens, et en contradiction
avec la loi. L e sieur de V an dègre n’est plus acquéreur,
dès qu’il y a une en chère; il rentre dans tousses droits,
du moment que les biens sont sous la main de la justice:
il a donc pu les exercer dans toute leur étendue ; il a donc
pu revendiquer la m oitié qui appartient à son iils.
Les premiers jnges en reviennent à dire que la reven
dication n’étant appuyée que sur la donation des biens
présens et à venir de 1773 , cette donation n’est pas ou
verte vis-à-vis des tiers tels que des créanciers,: il faut
attendre, pour lui donner effet, la m ort naturelle du sieur
de V én y .
Celte assertion est contraire à tous les principes. L a
m ort c iv ile , dit R ic b e r , page 2 7 3 , est une fiction qui
doit se conform er en tout à la nature. Quand un hom m e
est frappé de la m ort naturelle , sa succession est ouverte
au profil de ceux à qui elle app artien t, soit par le sang,
soit par la disposition de la loi,soit, enfin par la disposition
testamentaire du défunt lui-même. 11 en est ainsi de la
�( 45
m ort civile ; elle dépouille celui qui l’a encourue de tous
les biens qu’ il possédoit. S’il renaît à la vie civile par quelqu’événement que ce s o it, il ne rentre dans la plénitude
de ses droits que p our Tavenir $ mais les pertes qu’il a
faites par sa m ort c iv ile , et dans l’intervalle , sont sans
retour. lie Gode civ il le déclare positivem ent, articles 25
et 30 ; et les lois de la ré v o lu tio n , qui ont rappelé les
religieux à la vie c iv ile , consacrent le même principe.
Les religieux succèdent, en e ffe t, depuis la loi du 5 b ru
maire an 2 ; mais ils ne sont réintégrés ni dans leur patri
m oine qu’ils a voient perdu par leur profession religieuse,
ni dans les successions écliues dans l’intervalle de leur pro
fession à la loi du 5 brumaire.
O r , si le sieur d e V é n y avoit été d é c é d é , sans contredit
le sieur de V an dègre , son petit-fils , eût été propriétaire
incomm utable de la m oitié de ses biens-, les tiers n’auroient
eu rien à récla m er, à l’exception des créanciers antérieurs
a la donation. Il en est de m êm e de fa m o rt civile ; elle
a eu les mêmes efi'els. L e sieur de V é n y ne peut pas re
v iv re pour l’espace de temps qu’il a été enveloppé dans
la proscription : il ne peut plus revenir sur le passé; et
lorsque les premiers juges ont soutenu que la disposition
de la loi ne concernoit que les émigrés personnellem ent,
n’a voit trait q u’à eux seuls , et ne pou voit regarder les
créanciers, c’est m éconnoître tous les principes, c’est vo u
lo ir qu’ un homme soit tout à la fois m ort et vivant ; ce
qui l’épugne aux lois d elà nature comme aux règles de la
m ort c iv ile , qui imite la m ort naturelle dans tousses effets.
Q u’ on ne dise pas que cette donation contenant tout à
la fois des biens présens et à v e n ir, les biens présens sont
�inséparables des biens à v e n ir, et que l’option est attachée
à la m ort naturelle du sieur de V é n y . Ce n’est là qu’une
pétition de p rin cip e, un cercle vicieux. Ün a déjà dit que
la séparation des biens à venir avoit été faite, que l’op
tion des biens présens avoit été consommée par l’arrêté
des corps adm inistratifs; et il n’appartient pas aux tri
bunaux d’annuller des actes .administratifs qui ont déjà eu
le u r pleine exécution , auxquels les créanciers se seroient
vainement opposés, puisqu’ils .n’avoient aucun droit sur
les biens com pris en la donation de 1773.
L es premiers juges n’ont pas ignoré que leur système
étoit contraire aux principes du droit*, ils s’appesantissent
principalem ent sur des m otifs de considération , et c’est
s’o u vrir un cham p bien vaste; mais lorsqu’ils disent que
la revendication tendroit à laisser sans enchères réelles
'l’objet proposé à la rev en te, ils ont encore erré en point
de d roit, comme en point de fait.
En point de d r o it, parce que la mise à p rix sur la tota
lité des objets ne peut pas em pêcher la revendication , elle
ne peut pas m ême m ettre obstacle à l’adjudication de
tout ou de partie des objets non revendiqués. L ’article 29
de la loi du 11 brum aire an 7 en a une disposition pré
cise, et tous les jours on en vo it des exemples dans les
tribunaux. A la v é r it é , la loi ne s'explique pas sur les
en c h è re s , et ne déterm ine pas de mode de réduction ; mais
il est raisonnable de penser qu’alors le créancier enché
risseur peut retirer son enchère, parce qu’il peut dire
que la revendication a dérangé ses projets, et qu’il n’auroit
pas enchéri, s'il n’a voit com pté sur la totalité des objets.
llicn n’em pêchoit la dame Juge de retirer son enchère :
�«3 *1
( 47 )
les appelans y donnoient les mains; ils ont m êm e déclaré,
et à cet égard leur consentement est consigné dans les
motifs du jugement , qu’ ils consentoient à ce que la mise
à prix de la dame veu ve Juge fût réduite h la m oitié, dèslors les intérêts de la créancière étoient à co u v e rt, et,
comme on le v o it, il y a erreur en point de f a it, d’après
le consentement des sieurs de V a n d ègreet Sam pigny.
On ne peut dissimuler son étonnement d’ailleurs de
cc que les premiers ju g e s, en déclarant la procédure
n ulle, ont ^tatué en même temps sur la demande en reven
dication. C ’est au moins le prem ier exem ple d’un juge
ment qui statue tout à la fois sur la form e et sur le fo n d ,
lorsque la procédure est déclarée nulle. S i , en effet,
ralliche et Pexpropration sont annullées, tout disparoît,
même la demande en revendication qui n’en est que
l ’accessoire. Il n’y a lieu a revendication qu’autant qu’il
y a expropriation. L es premiers juges se sont bienaperçu de cette inconséquence; e t, p o u r s’en tirer, ils ont
prétendu que les parties avoient respectivement confondu
avec les moyens de la revendication ceux de la nullité
de la p ro céd u re; dès-lors, disent-ils, il a fallu en même
temps faire droit sur les uns et sur les autres, pour ne pas
laisser la perspective d’une contestation assurée au m oment
de la revente.
Etonnante prévoyance dont il est peu d’exem ples, et
qui ne trouvera pas d’ imitateurs! M ais comment peut-on
dire que les moyens de la revendication ont été confondus
avec ceux de la procédure? Ce n’étoit pas les mêmes par
ties; le véritable poursuivant dans la cause étoit la dame
J u gc, puisque son enchère avoit fait cesser la vente volofi-
�J fk
(48)
taire de 1792 ou de l’an 2. L a dame veuve Juge gardoit le
plus profond silence après son en ch ère, et les acquéreurs
ne vouloient pas rester dans cet état d’incertitude. E n fai
sant procéder à l’affich e, le sieur de V an dègre et la dame
de Sam pigny ne faisoient que se subroger aux poursuites
qu’auroit dû faire la dame veuve Juge ; ils figurent comme
acquéreurs pour l’affiche et l’expropriation , mais .c’est le
sieur de V an dègre seul q u i, comme tuteur de son fils , et
après y avoir été autorisé par un .conseil de fam ille, a form é
la demande en revendication : demande^qui est une action
im m o b ilière, distraite et séparée de l’expropriation , qui
ne concernoit que le fils du sieur de V andègre seul, et qui
étoit étrangère à la dame de Sam pigny.
Il ne pouvoit donc pas y avoir de confusion. Les pre
miers juges, suivant toutes les règles observées jusqu’ici,
devoient préalablem ent exam iner les moyens de nullité
qu’on opposoit contre la procédure ; et dès qu’ils leur
paroissoient assez graves pour les déterm iner, ils devoient
se contenter de déclarer l’affiche n u lle , sans q u’il leur fût
permis d’exam in er, ni les moyens du fo n d , ni le m érite
de la revendication , qui n’existoit plus dès qu’il n’y avoit
plus d’affiches valables.
A in s i, sous tous les points de vue , la demande en re
vendication du sieur de V a n d è g re , en qualité de tuteur
de son fils , ne peut faire la m atière d’un doute sérieux.
Son fils est irrévocablem ent propriétaire de la m oitié des
biens du sieur V é n y , son aïeul ; la donation de 1773 est
valable en la form e : dans tous les cas, la restitution ne
seroit ]>1us adm issible, dès que le sieur de V é n y , donateur,
ne l’a point attaquée dans les dix ans de sa majorité.
La
�( 49 )'
L a m ort civile qu’il a eucourue momentanément a
donné lieu à. l’ouverture de sa succession ; l’arrêté du
département a investi la dame de V én y-V a n d ègre de tous
les droits qui lui étoieut attribués par la donation : cet
arrêté n’est pas soumis à la censure des tribunaux; il doit
être exécuté. L e sieur de V ény , quoique rétabli dans
l’exercice de ses d ro its, ne peut revenir sur le passé : il
doit prendre les choses dans l’état où il les trouve.
L e traité de l’an 11 est viscéralement nul par rapport
au fils de M . de V a n d è g re , puisque ce dernier n’a agi
qu’en qualité de tuteur de son fils, et qu’il n’a p u , d’après
les principes les plus certains en cette m atière, déroger
aux droits de son pupille. F û t-il valable, il n’a été fait que
sous la condition expresse qu’il n’y auroit point d’enchères
des créanciers, ou qu’en cas d’enchères il rentrex*oit dans
tous ses droits; condition très-licite qui fait partie essen
tielle de l’acte , et qui prouve l’intention des parties.
lie jugement qui a rejeté cette revendication est donc
évidem ment injuste; il est également prém aturé , puisqu’en déclarant la procédure nulle il ne pouvoit exam iner
le m érite du fond : dès-lors l’appel ne sauroit êti’e m ieux
fondé.
S e c o n d e
q u e s t i o n
.
I l n y a point de nullité dans la procédure q u i a été tenue
par les sieurs de Vandègre et de Sampigny.
Les moyens de nullité qu’on oppose consistent à d ir e ,
i Q. qu’il n’avoit point été apposé d’affiches à P a ris, où
réside le sieur de V é n y , partie saisie; 2°. que l ’apposition
d’affiches n’a pas eu lieu aux bâtimens du domaine de
a
�( 5° )
Jaj^et ; 30. que la contenue des M tim ens du domaine n’a
pas été spécifiée dans l’afficlie 40. que les affiches ont été
apposées un joui* ordinaire, et devoient l’être un jour férié.
Relativem ent au p rem ier, il n’est d’aucune importance.
A la vérité , l’article 5 de la loi veut qu’il y ait une affiche
ù l ’extérieur du dom icile du débiteur et des édifices saisis;
mais la loi a entendu parler du dom icile de droit, et non
d’un dom icile momentané. L e sieur de V é n y a résidé pen
dant quelque temps à P aris; mais ce n’est pas dans cette
ville qu’il est dom icilié. D ’après la loi 7 , au code D e in
colis , le véritable dom icile est le lieu où une personne
jouissant de ses droits établit sa demeure et le siège de sa
fortune. In eodetn luco singulos habere dom icilium ,
72 0 71 am bigitur ubiquis lareni rerum que ac fortu n a ru m
suarum summarn co n stitu it, undè l'ursùs non sit discessurus , s i n ih il civocet ; undè cùtn profèctus est
peregrinari videtur , quod s i rediit peregrinari ja m
destitit. L e dom icile ne peut s’acquérir que par la rési
dence effective, et l’intention manifeste de fixer son dom i
cile en un lieu ; de là il suit que la résidence la plus lon
g u e , séparée de la vo lo n té, ne suffit pas pour constituer
un dom icile ; qu’il faut nécessairement l’intention de s’y
fixer. L e Code civil s’est conform é en tout point à ce prin
cipe , article 102 et suivons. D ’après ces articles, le dom i
cile est au lieu où le citoyen a son principal établissement,
avec l’intention de s’y fixer. L a preuve de cette intention
résulte d’une déclaration expresse faite, tant à la m uni
cipalité du lieu que l ’on quitte qu’à celle du lieu où l’on
va h ab iter, et à défaut de déclaration de ce g en re, l’iutention dépend des circonstances.
�( 5. )
Ici le sieur de V é n y a pour dom icile d’origine le lieu
de Jayet. S’il a habité pendant quelque temps ù Paris il
n’y a jamais eu son principal établissement -, il n’y tient
point de m énage; il n’y est appelé par aucune fon ction ,
par aucunes affaires; il n’a fait aucune déclaration à la
m unicipalité de son ancien d o m icile, ni à celle de Paris.
Rien ne constate son intention de se fixer dans cette capi- ■
taie : dès-lors les appelans n’ont pas dû faire poser d’af- ,
fiches en la ville de Paris ; il suffit qu’il y en ait une au
lieu de Jayet.
>
L es premiers juges ont donné une grande importance
à ce moyen. Ils ont prétendu que le dom icile réel du
sieur de Y é n y étoit à P a ris, sans aucun doute. Dans
l’acte d’élection qu’a fait le sieur de V é n y en la maison
de son avoué près le trib u n a l, il a dit qu’il dem euroit à
P a ris, vieille rue du T em p le, n°. 180 , et c’est à ce d o
m icile que les appelans lui ont fait notifier l’enchère de
la dame veuve J u g e ; mais de ce que le sieur de V é n y
a désigné le n°. ou il logeoit à P a ris, on ne peut tirer
d’autre conséquence, si non qu’il a fait une indication
ordinaire pour tous ceux qui logent à Paris, m ein em o
mentanément : il a plutôt donné son adresse qu’il n’a indi
qué un domicile d’intention et de f a it , comme le font tous
ceux qui sont logés à Paris, qui veulent avoir des nou
velles de leur fam ille; et on n’a jamais prétendu que
cette désignation, si nécessaire dans les grandes villes, pût
entraîner un domicile réel de droit et de fait.
Il seroit souvent impraticable d’apposer une affiche
au dom icile réel du débiteur ; il peut se trouver en
A m ériqu e comme à P a ris, en Italie ou en Espagne, et
G 2
*
�u * ,
( 52 )
ira-f-on jusqu’à penser qu’il faut une affiche dans ces
contrées lointaines , ou hors de l’em pire? 11 faut avouer
que cette interprétation si rigoureuse de la loi deviendroit rid icu le, et que ce n’est pas là ce qu’elle a entendu
prescrire.
L es appelans ne se sont pas contentés de faire mettre une
affiche au lieu de J a y e t, dom icile de fait et de droit du
sieur de V é n y , ils en ont encore fait signifier une à son
dom icile é lu , de sorte qu’ils ont satisfait en tout point
à l’esprit comme à la lettre de l’article 5 de la loi qu’on
voud roit leur opposer.
L e second moyen n’a pas plus de fondement. Ces p ré
tendus bâtimens d’exploitation de la terre de Jayet n’exis
tent plus ; il ne subsiste que les bâtimens principaux qui
servent tout à la fois au logem ent du m aître, et à l’exp loi
tation des biens : il seroit trop rigoux*eux d’exiger qu’on
m ît des affiches sur des décombres ; ces détails m inutieux
n ’auroient pas même dû occuper les premiers juges. Ils
disent à la vérité que ces bâtimens d’exploitation sont
compris dans les affiches ; mais il falloit bien les mettre
dans les affiches, puisqu’ils étoient dans la vente de 1792,
et si depuis ils se sont écroulés, il étoit impossible d’y
mettre des affiches : la loi ne l’exige, sur les édifices saisis,
qu autant q i i i l y en a . D ès-lors, dès qu’on a apposé des
affiches à l’extérieur des bâtimens principaux, ainsi que
cela est constaté par le procès verbal, le tiers saisi n’a
pas pu l’ignorer, et le public a eu plutôt connoissance des
affiches en les voyant sur les bâtimens qui existent, qu’il
n’auroit été les chercher dans ces décombres.
D ’ailleurs, la loi ne dit pas qu’il sera mis des affiches en
�^4 ï
C 53 )
général sur tous les édifices; on n’cn m et pas à toutes les
portes des bâtimens; il n’en est apposé qu’à la porte prin
cipale , et on n’en a jamais exigé davantage.
L e troisième moyen se tire de ce qu’on n’a pas spé
cifié la contenue des bâtimens du domaine. M ais cette
objection ne pouvoit être d’aucun poids : d’une p a r t ,
il n’a jamais été d’usage de désigner l ’étendüe super
ficielle des bâtim ens, et ce seroit souvent impossible.
Com m ent , en e ffe t, connoître l ’étendue superficielle
d’une maison divisée en plusieurs appartemens ? 11 suffit
de la confiner : c’est ce qui a été solennellement jugé
par un ari-êt de la cour de cassation rendu, en l’an 9 ,
dans la cause du sieur V ersepuy , négociant à Paris. L e
sieur Versepuy s’étoit rendu adjudicataire d’une maison
sise rue de Richelieu ; le tiers-saisi atlaquoit l’expropria
tion sur le fondement qu’il n’avoit pas été fait mention
de l ’étendue superficielle de cette maison. L e tribunal
de prem ière instance n’eut aucun égard à ce m oyen :
la cour d’appel à Paris confirma le jugem ent ; et le p ourvoi
en cassation du tiers-saisi fut rejeté.
M ais il est encore une circonstance en faveur des appelans ; car leur affiche contient la désignation de l’étendue
superficielle de ces bâtimens. E n e ffe t, on voit , dans
leur affiche, qu’ils énoncent en titre l’étendue superfi
cielle et la situation des biens à vendre ; ils y com pren
nent en prem ier lieu le corps des bâtimens avec ce qui
le compose , cour jardin et p a rterre, un p r é - v e r g e r ,
une terre en p é p in iè re , et un petit p ré; le to u t, est-il d it,
f o r m a n t un e n clo s, ce qui peut composer environ un
kiluire cin q u a n te -n e u f a r e s , ou v in g t-h u it seyterées.
�•
(
54 }
E n comprenant ainsi les bâtimens avec les héritages qui
form ent l’enclos, les appelans ont nécessairement donné
l ’étendue superficielle du tout ; et le m oyen tom be de
lui-m êm e.
..
Les premiers juges n’ont pas eu égard au moyen pro
posé relativem ent aux affiches qui n’avoient pas été mises
un jour férié. Ils conviennent que la loi du 11 brum aire
n’a pas exigé cette form alité ; que les dispositions rigou
reuses de la loi. doivent être plutôt restreintes qu’éten
dues , et qu’on ne peut résister ù la loi. O n n’ajoutera rien
à cette dissertation , c’est la seule chose raisonnable
q u’aient dit les premiers juges.
Us auroient pu se dispenser de discuter avec autant
d’étendue une objection proposée par les appelans, et
qui n’étoit qu’un m otif de considération. Ils s’étoient
p la in t, avec fondem ent, que la dame juge ctoit sans
intérêt dans son enchère. Ils disent qu’ils pourroient
écarter cette enchère par une fin de n o n -re c e v o ir à
laquelle la dame juge nuroit difficilement résisté. L a
faculté de requérir la mise aux enchères d’un im m euble
vendu par contrat volontaire , n’appartient qu’aux créan
ciers du vendeur légalem ent inscrits. Ils demandoient à
la dame Juge si elle pouvoit prétendre être de ce nombre :
elle avoit inscrit en l’an 7 su r V é n y , e x -m a r q in s, sans
autre explication. L a loi du i cr. floréal an 3 défendoit
aux créancier« d’émigrés tout acte conservatoire de ce
genre, et ne leur donnoit d’autre m oyen, pour être rem
boursés , que de faire liquider leurs créances dans les
formes et les délais q u’elle prescrit. La nation se char
geait alors de toutes les dettes des ém igrés, et vendoit
�(*5 5 )
leurs biens francs et quittes de toutes dettes et hypo
thèques. T o u t créancier d’ cm igrés devoit justifier de
Ses titres, et poursuivre la liquidation ; faute de justifier
dans le délai des actes qui établissoient ses créan ces, il
étoit déchu.
T e l a été l’état de la législation jusqu’au 1 6 vensôse
an 9 , qu’une loi nouvelle a accordé aux créanciers d’émi
grés le droit d’inscrire sur les émigrés qui ayoient obtenu
leur radiation. L a dame Juge avoit négligé de profiter du
bienfait de cette loi ; et sans contredit les appelans pouvoient soutenir que l’omission de la dame veuve Juge
entraînoit sa déchéance ; q u’ainsi les antres créanciers ne
pouvoient se subroger à une enchère nulle dans le prin
cipe, et qui étoit censée ne pas exister. M ais la dame veuve
Juge rendra cette justice aux appelans, qu’ils n’insistèrent
pas sur ce moyen ; qu’ils déclarèrent au contraire qu’ils rie
vouloient pas l’em ployer pour écarter la mise aux enchères
de la dame J u g e , et qu’ils ne se défendoient pas par des
fins de non-recevoir. Ils peuvent donc dès-lors se dispenser
de suivre les premiers juges dans leur dissertation sur un
moyen n égligé, et dont ils n’avoient fait mention que pour
prouver à la dame Juge qu’elle étoit aussi défavorable
que mal fondée dans une entreprise tém éraire et inutile.
Il ne reste plus aux appelans qu’à justifier la conduite
qu’ils ont tenue avec les créanciers du sieur de V é n y . T o u s
les reproches qu’on voudroit se permette sur leurs pro
cédés sont absolument injustes. Ils ont cherché dans tous
les temps , et ont saisi toutes les occasions de term iner
amiablement avec tous. Ils ont offert des sacrifices au-dessus
de leurs forces; ils ont donné aux créanciers l’état des
�( 56 )
biens du sieur de V é n y et des dettes qui existoient : on ne
pouvoit pas exiger d’eux qu’il abandonnassent la fortune
de leur m è re , qui étoit encore insuffisante pour rem plir
le déficit. L a dame veuve Juge ou son fils, ne désavoue
ront pas qu’on leur avoit proposé en payement le bien de
M ontrodès, à la charge d’ un retour de 20000 francs; qu’ils
ont également voulu désintéresser les héritiers Pitat, ainsi
que les autres créanciers , pour éteindre toutes dettes
hypothécaires.
M ais toutes leurs propositions ont été constamment
refusées; les créances se sont accrues, les intérêts se sont
accum ulés, les frais ont grossi. Il est un terme où le père
et l’époux doivent s’a rrêter, où il est perm is, sans blesser
les lois de l’honneur et de la p ro b ité , d’user rigoureuse
ment de ses droits ; et les appelans sont parvenus à ce
point qu’ils ne doivent plus entendre à aucune composi
tion , où les vaines clameurs ne doivent plus les arrêter.
Ils invoquent la plus rigoureuse justice, et ils ont tout à
espérer de l’impartialité de la cour d’appel : elle sera con
vaincue que les moyens de nullité qu’on oppose sont m inu
tieux et chim ériques ; que la demande en revendication
form ée par le sieur de V andègre doit être accueillie : et
les appelans trouveront enfin un terme aux persécutions
qu’ils ont ép ro u vées, aux vexations contre lesquelles ils
sont obligés de lutter depuis quinze ans.
M e. P A G E S ( d e R iom ) , ancien avocat,
V E R N I È R E S , avoué licencié,
A R IO M , de l’imprimerie de L andriot , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Messidor an 13.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Malet de Vandègre, Gilbert-François. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Vernières
Subject
The topic of the resource
adjudications
créances
ventes
enchères
nullité
affichage
minorité
conseils de famille
séparation de biens
contrats de mariage de mineurs
émigrés
donations entre vifs
experts
séquestre
coutume d'Auvergne
mort civile
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur Gilbert-François Malet de Vandègre, propriétaire, membre du conseil général du département du Puy-De-Dôme, habitant au lieu d'Englard, commune du Quartier, en qualité de père et légitime administrateur, et tuteur légal de Delphini-Gilbert-Antoine Malet de Vandègre, son fils, et de feue dame Marie-Marguerite Vény, son épouse ; dame Marie-Anne Vény, épouse du sieur Ignace-Hayacinthe Sampigny, de lui autorisée, propriétaire, habitant de cette cille de Riom, appelans d'un jegement rendu au tribunal d'arrondissement de cette ville, le 8 thermidor an 12 ; Contre le sieur Juge, propriétaire, fils et héritier de la dame Queyriaux, veuve Juge, habitant de la ville de Clermont, et autres créanciers inscrits sur sieur Paul-Augustin Vény, intimés ; Et encore contre le sieur Paul-Augustin Vény, propriétaire, aussi intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1792-An 13
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
56 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1713
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1711
BCU_Factums_G1710
BCU_Factums_G1713
BCU_Factums_G1714
BCU_Factums_G1715
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Gannat (03118)
Clermont-Ferrand (63113)
Jayet (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
adjudications
affichage
conseils de famille
contrats de mariage de mineurs
coutume d'Auvergne
Créances
donations entre vifs
émigrés
enchères
experts
minorité
mort civile
nullité
séparation de biens
séquestre
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53315/BCU_Factums_G1712.pdf
8fe9dc5c04d2d0e626cc8a4504a62590
PDF Text
Text
CONCLUSIONS
POUR
Sieur J U G E -S O L A G N IA T , maire de la ville
de Clermont;
CONTRE
L e sieur M A L E T D E V A N D È G R E , au nom
de tuteur et administrateur légal de son f ils
mineur impubère; et les sieur et dame de S A M P I G N Y , appelans ;
EN P RÉS EN CE
D es autres créanciers de Paul-Augustin V é n y ,
E t dudit Paul-Augustin V é n y .
A
CE
q u
’il
p l a i s e
a
l a
c o u r
,
Attendu , quant à la nullité de l’inscription de la
dame Q ueriau, comme ne contenant point l'e xigibilité
A
�. .(o
que la mention de l’exigibilité n’est nécessaire que dans le
cas où la créance n’est point exigible ; que ce n’est que
dans ce cas que l’inscription doit mentionner l’époque de
l’exigibilité;
Que c’est ce qui résulte des termes même de la l o i ,
qui d it, Vépoque de Vexigibilité ; ce qui suppose une
créance à termes;
Que toute créance est présumée,de droit exigible, et
que l’acquéreur est suffisamment averti qu’elle est exi
gib le, par cela même qu’il n’est pas dit le contraire;
Attendu que le certificat d’inscription de la dame
Q ueriau, du 13 floréal an 7 , en tête de l’acte de notifi
cation de la transcription, et en tête de l’affiche, porte :
« D roit d’hypothèque au profit de dame Q ueriau, pour
c< sûreté d’une créance de 48080 francs; savoir, celle de
« 3i5oo francs, principal d’obligation, et le surplus
« ( i
o fr. ) pour intérêts échus » ;
Que l’inscription est donc valable, au moins pour les
intérêts; que ne fût-elle valable que pour un denier, la
dame Queriau auroit eu incontestablement droit d’en
chérir (1) ;
658
(1) Les adversaires se sont fait d on ner, par le receveur de
l ’enregistrement, une copie du bordereau déposé en ses m ains,
dans lequel il est dit : « Pour 48080 francs, savoir, 3 i 5oo francs,
principal d’obligation. r> Et ensuite : « Douze années d’intéréts,
i 658 o francs » ; sans ajouter échus. Effectivem ent il n’y est point
ajouté échus. Mais qu’importe que ce mot ne se trouve point
dans le double du bordereau destiné à demeurer dans les dépôts
du conservateur j il suffit qu’il soit sur le registre. Ce n’est pn$
�" 'w
(3 )
<
• Attendu , quant à l’objection qu’il ne peut pas y avoir
d’intérêts sans principal, que cette objection seroit fondée,
si dans le fait iln ’existoit pas d’obligation; mais qu’ici l’ob
ligation, bien ou mal inscrite, n’existe pas moins; qu’un
créancier peut ne faire inscrire que pour partie de sa
créance ; qu’il peut ne faire inscrire que pour les intérêts,
sauf à prendre ensuite inscription pour le capital;
Attendu qu’il s’agit ici d’une vente du 14 avril 1792,
bien antérieure à la loi de brumaire an 7 ; que l’acquéreur
ne peut pas dire que s’il avoit connu l’époque de l’exigibi
lité il n’auroit point acquis, puisqu’il étoit déjà lié par un
acte antérieur ; qu’il ne peut donc pas exciper du défaut
de mention d’exigibilité, puisque cette mention lui étoit
indifférente, et qu’à l’égard des créanciers ils ont adhéré
à la déclaration d’enchère;
Attendu d’ailleurs que les adversaires auroient couvert
le vice de l’inscription , et ne pourraient s’en prévaloir
pour écarter la déclaration d’enchère,
i° . Par la notification de la transcription;
2°. En poursuivant eux-mêmes sur la déclaration d’en
chère la revente;
Attendu que le jugement dont est appel, en déclarant
le double du bordereau enseveli dans les papiers du conservateur,
qu’on va consulter ; c ’est le registre.
Le bordereau porte : Pour douze années d ‘intérêts, i 658of r .
Il n'étoit pas besoin d’ajouter exigibles. On sait assez que les
intérêts sont exigibles à l’échéance ; et s’il y avoit pu avoir du
doute, le certificat d’inscription auroit averti assez.
A 2
v
�(4 )
les affiches nulles, a ordonné que sur nouvelles affiches,
et à la diligence des mêmes parties, il seroit procédé à
la revente de la totalité de la terre de Jayet ;
Que les adversaires ne se plaignent point de ce qu’il
a été ordonné qu’il seroit procédé à la revente, mais
seulement de ce que les premières affiches ont été dé
clarées nulles, et qu’il a été ordonné qu’il en seroit posé
de nouvelles, et de ce qu’il a été ordonné qu’il seroit
procédé à la revente de la totalité de la ten*e;
Que par l’exploit même d’appel en la cour , ils ont
conclu à ce qu’il fût dit avoir été mal jugé par le juge
ment dont étoit a p p el, bien appelé ; émendant, sans
s arrêter à la demande en nullité de Vaffiche et adjudi
cation , dans laquelle demande la dame Queriau et les
autres créanciers seroient déclarés non receçables , ou
dont en tout cas déboutés, il f û t passé outre à Vadjudication des biens immeubles dont il s'agit voir dire
en même temps q u e, faisant droit sur la demande en
revendication...............
Que l’arrêt par défaut est conforme aux conclusions;
Que leur appel est donc restreint à ces deux chefs, à
ce que les affiches ont été déclarées nulles, et à ce qu’on
a ordonné la revente de la totalité ; que la sentence a
donc acquis, à l’égard du surplus de ses dispositions,
l’autorité de la chose jugée, et qu’il n’est pas au pouvoir
de la cour d’y porter atteinte; ce qu’elle fero it, si elle
déclaroit l’inscription, et par suite la déclaration d’en
chère, nulles;
Que le sieur de Vandègre a été autorisé par le conseil
�H'bÜ)
( 5 )
Ï
4
y
de Famille, conformément à l’article 464 du Code civ il,
à poursuivre la revente, et à former la demande en revendication de la moitié (1) ;
Que cette délibération du conseil de fam ille, du g prai
rial an 12 , a été homologuée par jugement du tribunal
d’arrondissement de cette v ille , du 26 prairial an 12
(pages 12 et 13 du mémoire des adversaires);
Qu’il n’y a point d’appel de ce jugement ;
Que la loi vient au secours des m ineurs, lorsqu’ils
sont trom pés, lorsqu’ils sont en perte ; mais non lors
qu’ils cherchent à s’enrichir indûment : deceptis, non
àecipientibus
Que si la cour admettoit le tuteur Vandègre à revenir
contre la procédure par lui faite en vertu de délibéra
tion du conseil de famille, dûment homologuée, et maintenoit, en rejetant la déclaration dûenchère, le mineur
Vandègre et la dame de Sampigny dans la propriété
de la terre de Jayet, au prix porté par l’acte du 29 bru
maire an n , c’est-à-dire, au prix de 94567 livres tour
n ois, qui sont les offres portées par l’acte de notifica
tion de la transcription, quoique le prix prim itif de la
vente, acquis aux créanciers, fut de 130000 francs, le
(1) « Le conseil de famille autorise ledit citoyen Gilbert-François Malet de V andègre, tuteur légal dudit Delphini-GilbertAntoine Malet de V andègre, son fils, d e , pour et au nom du
dit mineur, former la demande en revendication de la moitié
desdits biens compris auxdits actes de vente et modification de
vente, consentis par le citoyenPaul-Augustin V én y, les 1 4 avril
i7'J2 > et 29 brumaire an 1 1 , comme aussi de faire procéder à
la vente par expropriation forcée du surplus desdits biens. »
A
3
^
f
�( 6 )
mineur s'enrichjroit aux dépens de ces derniers ; ce que
le conseil de fam ille, en autorisant le tuteur à poursuivre
la revente, n’a même pas vou lu ;
Que la déclaration d’enchère conserve les intérêts de
tous ; l’intérêt des créanciers, et l’intérêt du mineur luimême , qui se trouvera d’autant plus lib éré, et d’autant
plus acquitté des reprises de la dame M alet de Vandègre de Y é n y , sa m ère;
Que la dame de Sam pigny, héritière pour moitié de
la dame Malet de V an d ègre-V én y, sa m ère, qui a acquis
en 179 2, étoit majeure, et auroit couvert irrévocable
ment le vice ;
Attendu que l’art. 31 de la première loi de brumaire
an 7 porte : « Lorsque l’acquéreur a fait la notification
« de la transcription dans le délai prescrit, tout créancier
« dont les titres ont été inscrits peut requérir la mise aux
« enchères et l’adjudication publique. » L a loi ne dit point,
légalement inscrits ; elle dit, tout créancier dont les titres
ont été inscrits. Il suffit, pour pouvoir requérir la mise
aux enchères, que le créancier se soit mis en mesux-e d’o
béir à la l o i, sauf à rejeter lors de l’ordre son inscription ;
et la raison est sensible. Parce que la déclaration d’en
chère est à l’avantage de tous les créanciers; parce qu’elle
prévient les fraudes; parce qu’un créancier non valable
ment inscrit n’a pas moins intérêt que les objets vendus
soient portés au plus haut p r ix , pour libérer d’autant les
autres biens;
Attendu que les adversaires cri tiquent sans utilité la
déclaration d’enchère du sieur Juge : que les autres créan
ciers dont l’inscription ne peut être attaquée, ont adhéré
�(7 )
a la déclaration d’enchère, et sont par là eux-m êm es
devenus demandeurs en déclaration d’enchère ;
Attendu que la déclaration d’enchère profite d’ailleurs,
de d roit, à tous, au point que le surenchérisseur ne peut
s’en désister ( A rt. 2190 du Code civil ) ; ce qui avoit
également lieu sous la loi de brumaire an 7 , ainsi qu’il
a été jugé par arrêt de la cour de cassation, du 22 prai
rial an 1 3 , rapporté au journal de Sirey, page 286 (1);
(1) A tten d u , porte cet arrêt, que l’article 32 de la loi du 11
brumaire an 7 , auquel on prétend que l'arrêt a contrevenu, dé
clare bien que, faute de soumission d’enchère dans le délai
prescrit, le prix de l’immeuble demeure définitivement fixé à
celui énoncé au contrat d’acquisition; mais que dans l’espèce,
il y a eu discord et soumission ; et que l’article cité et nul autre
de la loi de brumaire an 7 , ne p orte, que la soumission une fois
fa ite , ne profitera pas aux autres créanciers ; et que chacun
d ’eux sera obligé de faire une soumission personnelle.
Que dès qu’il y a eu discord et soumission d’enchère dans
le délai de la lo i, on doit raisonnablement co n clu re, par argu
ment même de l’article 3a , que le prix n’est pas définitif, aussibien envers les créanciers inscrits qu’envers celui qui a fait sa
soumission.
Q ue la cour d’appel, en professant que l’enchère des créan
ciers est un acte, passé avec la justice, qui profite à tous les
autres créanciers , n’a fait que rappeler les anciens principes
et la doctrine des auteurs les plus estimés, auxquels la loi de
brumaire n’a aucunement dérogé, et que le Code civil a for
mellement consacrés.
Q u’il suit même de l’article 18 de la 2e. loi du 11 brumaire
sn 7 , sur les expropriations, que tout n est pas consommé par
le désistement du créancier qui a fait l’enchère ; puisque, s’il
�( 8
)
~ Attendu qu’on n’objecte point que la déclaration d’cnclïère ne soit revêtue de toutes les formalités intrinsèques
et substantielles de l’acte ;
Attendu que le sieur de Vandègre et la dame de
Sampigny ont fait transcrire tant l’acte de vente de 1792,
que l’acte du 29 brumaire an 11 ; qu’ils ont fait notifier
la transcription de l’une et de l’autre vente ;
Attendu que la cour auroit dès-lors à juger en vertu
de laquelle vente le mineur Vandègre et la dame de
Sampigny doivent demeurer propriétaires;
Attendu que la dame Queriau , dans la déclaration
d’enchère, s’est réservé d’attaquer de nullité l’acte du
29 brumaire an 11 ;
Attendu que cet acte est évidemment nul et immoral;
Que par cet acte on fait diminuer le prix porté au
contrat de vente de 1792, même distraction faite des
quarante-quatre septerées, sous prétexte d’une prétendue
éviction future; que Paul-A ugustin V én y n’a pu évi
demment consentir à cette diminution de p rix , au pré
judice des créanciers ;
Q u’on fait vendre au sieur V én y le droit éventuel qu’il
auroit de demeurer propriétaire incommutable des biens
donnés, dans le cas où il survivroit à sa descendance,
conformément à l’art. 747 du Gode c iv il, qui appelle
ne se présente p a s, ce n’est qu’après l’extinction des trois feux
consécutifs, sans autre enchère, que 1 acquéreur continue de
demeurer propriétaire , moyennant le prix stipulé dans son
contrat,.
�( 9 }
les ascenclans i\ succéder, à l’exclusion de tous autres, aux
choses par eux données; et qu’on le fait traiter ainsi sur
la succession lugubre de ses enfans;
Que la justice ne peut consacrer cet acte ;
Que la dame Queriau, fût-elle même simple créancière
chirographaire, a droit d’attaquer cet acte, comme elle
se l’est réservé par ,1a déclaration d’enchère ;
Q u’elle a ce droit de son ch ef;
Q u’elle l’a encore, comme exerçant les droits de PaulAugustin V é n y , qui n’a pu traiter à son préjudice, et
traiter sur des successions futures, sur la succession de
personnes vivantes;
Attendu que par l’acte du 29 brum aire an 1 1 , le sieur
de Vandègre s’est réservé de revenir contre cet acte, et
de faire valoir sa qualité de donataire, dans le cas ou
il y auroit des déclarations d’enchères de la part des*
créanciers;
Qu’il a effectivement usé de cette résetfve, et demandé,,
en qualité de donataire, la distraction de la m oitié;
Q u ’il s’est ainsi lu i-m ê m e d é p a rti de cet acte;.
Attendu que l’article 30 de la première loi de bru
maire an 7, porte que si le prix exprimé au contrat est
insuilisant pour acquitter toutes les charges et hypo
thèques, racquéreur doit notifier, i°. son contrat d’ac
quisition ; 2°. le certificat de transcription; 30. l’état des
charges, avec déclaration qu’ il acquittera celles échues
et à éch o ir, ju sq u ’il concurrence du -prix stipulé dans
son acte j
Que faisant notifier la transcription de l’un et de l’autreacte, ils devoient offrir de payer le prix porté eu lruû
�(1 0 )
ou en l’au tre, suivant qu’il seroit dit et ordonné en
justice; de même que la dame Queriau a eu la précau
tion d’enchérir sur l’un et sur l’autre ;
Attendu que la notification de la transcription de l’acte
de 1792 est dès-lors nulle, faute d’avoir offert de payer
jusqu’à concurrence du prix porté audit acte;
Attendu que la loi accorde aux créanciers le délai d’un
m ois, à compter d’une notification régulière, pour faire
leur déclaration d’enchère
Attendu que quand même l’inscription de la dame
Queriau, et la déclaration d’enchère, seraient nulles, la
dame Q ueriau, et tout créancier même chirographaire , a
droit de s’opposer à la demande en revendication, de
s’opposer à ce que le sieur de Vandègre se dise saisi,
dès à présent, d’une donation de biens présens et à
v e n ir, et prive les créanciers tant chirographaires qu’hypothécaires, du droit de se venger sur l’usufruit, la vie
durant du donateur.
E t par les autres motifs exprimés au jugement dont
est a p p e l,
A djuger les conclusions prises, avec dépens.
M e. P A G E S - M E I M A C ,
avocat.
M e. D E V È Z E , avoué licencié.
A R I O M , de l’imprimerie de L à n d r i o t , seul imprimeur de
la Cour d’appel. — Mai 1807.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Juge-Solagniat. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Devèze
Subject
The topic of the resource
adjudications
créances
ventes
enchères
nullité
affichage
minorité
conseils de famille
Description
An account of the resource
Titre complet : Conclusions pour sieur Juge-Solagniat, maire de la ville de Clermont ; Contre le sieur Malet de Vandègre, au nom de tuteur et administrateur légal de son fils mineur impubère ; et les sieur et dame de Sampigny, appelans ; En présence des autres créanciers de Paul-Augustin Vény, et dudit Paul-Augustin Vény.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1792-1807
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1712
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1711
BCU_Factums_G1712
BCU_Factums_G1713
BCU_Factums_G1714
BCU_Factums_G1715
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53315/BCU_Factums_G1712.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Gannat (03118)
Clermont-Ferrand (63113)
Jayet (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
adjudications
affichage
conseils de famille
Créances
enchères
minorité
nullité
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53314/BCU_Factums_G1711.pdf
a0f8e8560bde3158fbb54f50786c92c4
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Text
CONCLUSIONS MOTIVÉES
POUR
Dame
A n n e - F rançoise
MARIOLES ; sieur
V É N Y , veuve DE
G a sp a r d - M elchior-
V E N Y , et sieur
M ILANGES intimés;
B althazard
b le
C la u d e -A m a -
CONTRE
Sieur G
GRE
il b e r t
-F r
a n ç o is
M A L E T -V A N D E
tuteur légitime de son enfant d’avec la
défunte dame V é n y ,
et les sieur et dame
S A M P I G N Y , appelans.
L
intimés concluent à ce qu’il plaise à la cour;
En ce qui touche la demande formée judiciairement,
seulement par les appelans, en nullité de l’inscription
es
�.r
...
c o
et de la réquisition de revente par lu dame veuve Juge ?
faute de mention de l’époque de l’exigibilité de la créance
de la dame Juge;
Attendu que la réquisition d’enchère faite par la dame
Juge est commune à tous les créanciers inscrits, si bien
que suivant l’article 2190 du Gode civ il, la dame veuve
Juge ne pou voit m êm e, en payant le montant de sa sou
mission , em p ê c h e r T a d ju d ic a tio n p u b liq u e , s i ce rûest
d u co n sen te m en t e x p rè s de to u s 1es a u tre s c r é a n c ie rs
h y p o th é c a ir e s , et qu’il en étoit ainsi sous la loi du 11
brumaire an sep t, comme il a été jugé par arrêt de la
cour de cassation, du 22 prairial an 1 3 ;
.. Attendu que la notification du contrat et de la trans
cription à tous les créanciers inscrits a pour objet la fixa
tion du prix du contrat de vente \
Attendu que les appelans, en provoquant sur la réqui
sition de la dame veuve Juge , la revente sur enchère de
la terre Jayet, tant contre la dame veuve J u g e , que
contre les autres créanciers inscrits, ont par là provoqué
la formation d’un nouveau contrat en justice, et qu’en
suite ils n’ont pas pu revenir en arrière ;
Attendu que ladite provocation a commencé contre
les créanciers inscrits, par l’exploit du 10 messidor an 12 ,
contenant, contre lesdits créanciers, notification des af
fiches, et assignation au tribunal civil de Riom ;
Attendu qu’à cette époque le titre 18 du Code civil
étoit obligatoire dans toute lu France, puisqu’il avoitété
promulgué par le gouvernement le 8 germinal précédent;
Attendu que dès l’instant de la publication de ladite
�lo i, le bénéfice de ses dispositions a été acquis aux
intimés ;
Que l’article 21 go du Code civil est devenu applicable
à la cause actuelle ;
E t que la réquisition de la dame veuve J u g e , rendue
publique par les poursuites en revente faites par les appelan s, est devenue de plus fort commune à tous les créan
ciers inscrits, au point qu e, suivant l’article 2190 du
Gode c iv il, la dame veuve Juge étoit liée irrévocable
ment envers lesdits créanciers ;
Attendu que les inscriptions des intimés sont parfai
tement régulières ;
Attendu que les appelans, en notifiant aux créanciers
inscrits, i° . les contrats dont il s’agit, ainsi que leurs
transcriptions, le 24 frimaire an 1 1 ; 20. les affiches, le
10 messidor an 1 2 , ont fait donner aux intimés copie
d’une inscription faite au nom de la dame veuve Ju ge,
le 13 floréal an 7 , portant : « P o u r sûreté d'une créance
« de la somme de quarante-huit mille quatre-vingts
«.¿francs; sa voir, celle de trcnie-un mille cin q cents
« fran cs principal d?obligation, et le surplus pour in~
a téréts échus ; »
Q u e les intimés, créanciers inscrits appelés en justice
par les appelans, pour voir procéder à la revente requise,
n’ont dû voir que ce qui leur a été signifié de la part
des appelans, et agir en conséquence ;
Que dans ladite copie d’inscription ils ont lu que ladite
inscription a été faite pour 3 i 5oo francs en principal,
et pour i 658o francs intérêts;
Que le capital et les intérêts étant liés par la conjoncA 2
�tion et, le mot échus au p lu riel, se sapportoit aux d eu xr
et qu’ainsi l’exigibilité étoit suffisamment exprim ée;
Qu’en cet état l’inscription et la réquisition de la dame
veuve Juge ont semblé régulières aux intimés ÿ
Qu’enfin ,. dans le cas où cette copie qui tient aux inti
més lieu d’original, contiendroit quelque erreur, elle procéderoit du fait des appelans, et ceu x-ci auroient tou
jours à se reprocher de les avoir appelés dans une af
faire dont la base se trouveroit erronée ;
Attendu que par l’avis de parens, du 9 prairial an 1 2 ,
le sieur V andègre, comme tuteur de son enfant, s’est
fait autoriser à poursuivre judiciairement deux choses,
i° . la revendication de la moitié des biens immeubles
du sieur V én y; 2°. la vente de l’autre moitié ; le tout
par suite de la réquisition de la dame veuve Juge ;
Que le conseil de famille ne l’a pas autorisé à pro
poser des moyens de forme , mais seulement à suivre le
fond de l’affaire -y
Qu’au moyen de cette autorisation homologuée en
justice, et de laquelle il n’y a point d’appel, le sieur
V andègre, tuteur, a p u , en se conformant à l’avia de pa
rens, agir tout comme l’auroit pu le mineur devenu
jna jeur ;
Que cette autorisation doit avoir autant d’effet que celle
voulue par l’art.
du Code civil pour les partages avec
les mineurs, laquelle les rend définitifs (d ’où il suit que
le sieur Vandègre, en se c o n f o r m a n t ;\ l’avis du conseil de
fam ille, du 9 prairial an 12, a pu couvrir tous moyens de
nullité et opérer toutes fins de non-recevoir contre iceux);
Attendu que l’article 5 du titre 5 de l’ordonnanw) de
�(5)
1667, et la jurisprudence constante de tous les tribunaux ,
n’ont, sur cette fin de non-recevoir, jamais admis aucune
distinction entre les majeurs et les mineurs, et que le prin
cipe leur a été toujours également appliqué;
Attendu que s i , en principe , le ministère public
est établi pour surveiller l’intérêt des mineurs, et sup
pléer à leurs moyens de défenses, en cas de négligence
de la part des tuteurs, c’est uniquement pour empêcher
qu’ils ne soient trompés, et non jamais pour leur faciliter
les moyens de tromper (dernier cas qui arriveroit, si le
système des appelans étoit accueilli, puisque les créan
ciers légitimes du sieur V é n y , débiteur, seroient privés
du bénéfice de la soumission faite par la réquisition de
la dame veuve Juge ) ;
Attendu que les sieur et dame Sampigny n’ont pas
pour eux l’exception de minorité ;
Attendu le principe nomina ipso ju re dividuntur;
Que l’action en nullité contre l’inscription de la dame
Ju ge, n’est point indivisible de sa nature, puisque l’effet
de la vente de 1792 est partageable, et que ladite vente
pourroit exister respectivement au mineur V an d ègre,
pour sa part, et être anéantie pour celle de la dame
Sampigny ;
A tten d u , en fa it, que les appelans ont connu l’ins
cription de la dame veuve J u g e , puisqu’ils l’ont fait
signifier à tous les créanciers inscrits, en leur notifiant
leur contrat et sa transcription ;
Attendu que la nullité opposée à ladite inscription ne
sa roi t jamais qu’un vice de forme qui a pu être couvert
par la défense au fond ;
A 3
�( 6)
Attendu que les appelans ont couvert ledit v ice , en
concluant au fond par leur exploit d’appel ;
Attendu les motifs exprimés à cet égard dans les con
clusions signifiées cejourd’hui par le sieur Juge à l’avoué
des appelans.
En ce qui touche le moyen des appelans, tiré du fait
qu’en cause principale les intimés ont proposé des moyens
à la forme et au fond ;
Attendu que les appelans procèdent en des qualités
difféi-entes ;
Que le sieur Vandègre et la dame Sampigny, comme
héritiers de la défunte dame de V é n y , figurent comme
acquéreurs de 1792, et que c’est en cette qualité qu’ils
poursuivent la revente sur enchère;
Que le sieur Vandègre se dit seul donataire, en vertu
de la donation de 1773;
Que ces deux qualités sont totalement distinctes et
séparées •,
Que contre le sieur Vandègre et la dame Sampigny,
comme acquéreurs de 1792 , les intimés ont pu et dû
proposer des moyens de nullité, parce qu’il y en avoit;
Mais que contre la demande en revendication , ils
n’ont pu proposer que des moyens au fo n d , pai’ce que
la procédure est conforme à la loi du 11 brumaire an 7.
En ce qui touche la forme de la procédure des ap
pelans;
P ar les motifs exprimés à cet égard au jugement dont
est appel.
'
En ce qui touche le fond ;
�( 7 )
&t\
. Par les motifs exprimés au jugement dont est appel f
et sans néanmoins s’arrêter à ceux desquels on pourroit
induire que la disposition de 1773 est maintenue par
ledit jugement, et iceux réform ant;
Attendu que le contrat de mariage du 12 décembre
17 7 3 , contient pour disposition principale une substitu
tion graduelle et fïdéicommissaire;
Que ladite disposition commence et finit par les termes
consacrés auxdites substitutions ;
Que la donation y contenue n’est que comme encas
trée dans la substitution;
Que la substitution est la disposition principale dans
les vues du disposant;
Q ue, comme le dit Sallé, sur l’art. 11 du titre I er. de
l’ordonnance de 174 7, au moins la s u b s titu tio n é ta n t
la co n d itio n SINE QUA NON, so u s laqu elle la d o n a tio n
e st f a i t e , il n e p e u t , d a n s cette h y p o th è s e , y a v o ir de
d o n a tio n sa n s s u b s titu tio n , c o m m e ï l n e p e u t y a v o ir
de s u b s titu tio n sa n s d o n a tio n ;
Attendu que ladite substitution n’a point été publiée
et enregistrée ;
Attendu les dispositions des articles 18 , 1 9 , 2 7 , 2 8 ,
29, 32 et 33 du titre 2 de l’ordonnance de 1747, et des
articles 1069, 1070 et 1071 du Code civil;
Attendu qu’au moyen du défaut de publication et enre
gistrement, les créanciers et acquéreurs ont pu acquérir
hypothèque et propriété valablement ;
Attendu que la loi de novembre 1792, en anéantissant
�la substitution, a aussi anéanti la donation, parce que
les deux étoient inséparables l’une de l’autre ;
Attendu que l’art. 2 de ladite loi abolit les substitutions
faites auparavant, et non encore ouvertes, et que celle
en question n’étoit point ouverte lors de la publication
de ladite loi ;
Attendu que l’art. 42 du titre 2 de l’ordonnance de
1747 défendoit la restitution du fidéicommis avant le
temps fixé par le contrat, et autorisoit les créanciers à
se pourvoir contre cette remise anticipée ;
Attendu la disposition de l’art. 3 de la section 2 de la
loi du 28 mars 1793 , par laquelle la nation conserve pen
dant cinquante ans l’effet des substitutions dont étoient
grevés les émigrés ;
Que la nation n’a accepté que sous bénéfice d’inven
taire les biens des ém igrés, pour les ve n d re, et avec le
montant payer les créanciers , et que la nation n’étoit que
la mandataire desdits créanciers ;
Attendu qu’aucune élection n’a été faite au profit de
la dame Vandègre dans le temps utile ;
Attendu la disposition de la loi du 7 mars 1793, proliiN tive de toute disposition en ligne directe;
Attendu que la dame de M arioles, pour la partie de
ses créances du chef de la dame D auph in , sa m ère, et
leshéritiersPitat, pour plusieurs articles de leurs créances,
sont antérieurs à la disposition de 1773 ;
Attendu que les héritiers Pitat o n t , par un acte pos
térieur à leur requête d ’o p p o s i t i o n , rétracté to u t consen
tement que l’on auroit pu en induire ; que lors de ladite
i
�(9)
rétractation il n’y avoit aucune acceptation de la part des
appelans, et qu’ainsi toutes choses sont rétablies dans leur
premier état ;
Attendu que de tout cela il résulte qu’indûment le sieur
de Vandègre â demandé et obtenu par l’arrêté de l’an 4 ,
et le partage de l’an 7 , moitié des biens du disposant ;
Attendu enfin, et subsidiairement, qu’il y a pourvoi
devant l’autorité administrative contre lesdits arrêté et
partage ;
Que le conseil de préfecture du Puy-de-Dôm e en est
saisi, ainsi qu’il résulte de son arrêté du
par lequel il a donné acte de la tierce-opposition du sieur
Juge et des héritiers Pitat auxdits ai’rêté et partage
( tierce-opposition à laquelle les intimés adhèrent ) , et arenvoyé à la séance du I er. juin pour y faire droit.
Recevoir les intimés opposans à l’arrêt par défaut di&
17 mars dernier, lequel demeurera sans effet.A u principal, sans s’arrêter à la demande en nullité des
inscriptions et réquisitions de la damé Juge, dans laquelle
les appelans seront déclarés non recevables, ou dont en
tout cas ils seront déboutes;
Sans s’arrêter pareillement à la disposition de 1773
laquelle sera déclarée nulle respectivement aux intimés;
D ire qu’il a été bien jugé par le jugement dont est
ap p el, mal et sans cause appelé, et condamner les appe
lans en Pàmende et aux dépens.
En cas de diiiiculté , surseoir à■faire droit sur la con
testation actuelle, jusqu’à ce qu’il aura été statué sur tierce*opposition pendante au conseil de la préfecture du P u y-
\
�jAk
( 10 )
de-D ôm e; tous moyens et dépens réservés en définitif,
sans préjudice à autres actions et conclusions que les intimés
se réservent expressément.
G O U R B E Y R E père.
A R I O M , de l'imprimerie deLANDRIOT, seul imprimeur de
la Cour d’appel. — Mai 1807.
I
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Vény, Anne-Françoise. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
adjudications
créances
ventes
enchères
nullité
affichage
minorité
conseils de famille
Description
An account of the resource
Titre complet : Conclusions motivées pour dame Anne-Françoise Vény, veuve De Marioles ; sieur Gaspard-Melchior-Balthazard Veny, et sieur Claude-Amable Milanges, intimés ; Contre sieur Gilbert-François Malet-Vandégre, tuteur légitime de son enfant d'avec la défunte dame Vény, et les sieur et dame Sampigny, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1792-1807
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1711
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1710
BCU_Factums_G1712
BCU_Factums_G1713
BCU_Factums_G1714
BCU_Factums_G1715
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53314/BCU_Factums_G1711.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Gannat (03118)
Clermont-Ferrand (63113)
Jayet (terre de)
Rights
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