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P O U R
V I N G T
H A B I T A N T S
du village d e Taleizat,oppofants à l'enrégiftrement
des Lettres Patentes obtenues a l’effet de leur
ôter le droit de fecondes herbes dans les prés.
C O N T R E les fleurs C A R R I E R E &
B A R T H O M E U F , fe difants Syndics
du village de Taleizat réellement parties en la
caufe, & demandeurs en enrégift rement def dites
Lettres Patentes.
E T V I N G T - T R O I S autres H A B I T A N T S
, Vagabonds , à qui Ja f uppref f ion du
droit de fecondes herbes eft indifférente , ou qui ,
débiteurs de Carrière & Barthomeuf nofe nt pas
f e def endre,& font obligés d' en paff e rpar leur avis.
' f urp r is
T
Out ce que l’injuftice a inventé de plus étonnant fe trouve en cette caufe. Les fécondes
herbes des prés du village de Taleizat ont, de tout
tem ps, appartenu aux Habitants , qui font fans com
munaux. B arthomeuf, C arriere, la dame de M ontlo u b y , les Héritiers d’un feu fieur P rivat , feuls
A
�w,
a
propriétaires des p rés, ie font apperçus que cet
ufage leur laiibit un tort notable , ils ont voulu le
fupprimer, & à force de furprifes & d’aftuces, ils
en font prefque venus à bout.
Achever de ruiner un village au profit de quatre à
cinq particuliers , détruire un ufage auiîi ancien que
Taleizat, juger contre la coutume, ne pas avoir
égard aux furprifes vifiblement faites a ceux qui
paroiiïent conientir à la fuppreffion des fécondes
herbes, voilà ce que l’on propofe de faire au C o n feil Supérieur, après avoir furpris le R o i , par des
menées auiTi fourdes que criminelles.
F A I T .
Taleizat eit fitué dans la haute A uvergne, a deux
lieues de S. Flour : il n’a que 4. à feterées de com
munaux ; il s’y trouve néanmoins beaucoup de prés,;
mais tous appartiennent aux héritiers P rivât, la
dame de M ontlouby , Carriere & Barthomeuf.
Com m e de tous les temps les chofes ont été
dans cet é ta t, de tous les temps les Habitants, qui
n’avoient pas de quoi elliver leurs beftiaux , ont eu
le droit de fécondés herbes dans ces prés, qui iitués en pleine coutume d’Auvergne , <Sc n’ayant
jamais porté revivres , font régis par l’article 4 du
titre 28 , qui permet de faire pafturer le beftail eç
héritages portants fruits , /oit prés ou terres, iccux
levés.............. f i 11 ejl e% prés où ¿'ancienneté Von
a accoutumé faire revivre.
�3
Le fieur P riv â t, Procureur du R oi a S. P lour,
homme puiiTant'a T aleizat, fut le premier qui con
çut le projet de fupprimer ce droit de fecondeskerbes: il éveilla tous les antres propriétaires au
nombre de quatre , 6c après des prieres, des me
naces , d e 'l’argent prêté , de petits fervices rendusà quelques malheureux de la paroiiîe, il fit cons
truire clie^ lui certain délibératoire du 2 j Juin 1 7 6 5,dans lequel il paroît que vingt-cinq perfonnes qui
font dites tous faifant la communauté ¿'Habitants'
dudit lieu de Taleizat, ont (a) reconnu-qu’ancien
nement les- prés de Taleizat portoient foin 6c re
gain, que depuis quelques années, il s’étoit introduit’
parmi eux unufage iingulier de ne faucher qu’une
fois leurs prés, ce qui étoit contre l’uiàge de tous;
les villages 6c de la Province d’Auvergne ; que les
iecondes herbes dont ufoient les gens de Taleizat
empêchoient la confommation des herbes des pâturaux pendant l’été, attendu que les Habitants-nfcpouvoient eiYiverdebeitiaux qu’autant qu’ils en pouvoient hiverner. Ils dirent que ce droit étoit a char
ge a la communauté , qui par la n’avoit aucun;
iumier pour améliorer les terres , & que la fuppreffion de ce droit, en facilitant le paiement des im
pôts, dont ils étoient furchargés, empêcheroit leur
expatriation.
Le fieur Privât 6c Barthomeuf crurent qu’ils
pouvoient agir en vertu de ce feul délibératoire.
(a) C et extrait eit fidele.
�D ès le lendemain leurs près furent fermes ; mais
les habitants, même ceux qui font en nom en
l’a& e, ignorants ce qui s’étoit pailé , réfiilerent.
Barthomeuf prit desbeiliaux, le village s echauflà,
Barthomeuf craignit, &c s’applaudit de les avoir
rendus , fentant bien que , quoique l’on puniilè le
défefpoir des gens , il n’y si qu’un téméraire qui,
l’excite.
_ '
:
Le fieur Privât m ourut, & en mourant il re
nonça a fes projets odieux , recommandant a fes
domeftiques de mener fes beftiaux aux fécondés
herbes, 6c de le faire avec toute la publicité
Alors Barthomeuf, qui ne travailloit qu’en ious
ordre , devint chef d’un parti, que lui & la dame
de M on tlou by, dont il eil fermier & homme
d’affaires, avoient trop intérêt de ne pas laiilèr étein
dre. O n croit d’abord qu’il agit en vertu du,dé
libératoire : point du tout. O n ne voit ni fes ac
tions, ni fes mouvements; il paroît s’endormir en
176^ , pour ne s’éveiller qu’en 177 3 .
Le délibératoire eftd e 1765 ; au bout de
ans de fom m eil, il obtient 1111 Arrêt du Confeil
d’Etat du R o i, le 21 Août 1770 , qui rend les
prés défenfables juiqu’à la Saint M a rtin ,
il
garde cet Arrêt avec le délibératoire. Trois ans fe
pailènt encore dans le filence le plus profond, ÔC
il obtient des Lettres Patentes, le 12. M ai 17 7 9 ,
qui ordonnent la même chofe, & font adreiTées
à la Cour pour y être cnrégiftrées.
\
�Barthomeuf ne dit rien de touàcela àTalciza*,;
dont les Habitants jouiiïoient toujours des fécon
dés herbes. Arrêt de la C our du
Juillet 1773 ,
q u i, fur la requête de Barthomeuf, ordonne une
enquête de commodo & incommodo. L e 18 cette
enquête fe fait chez la dame de Montlouby par
le Lieutenant Général de Saint-Flour, qui couche
chez Barthomeuf ; dans cette enquête on n’entendque des parents & des amis de la dame de M ont
louby , que l ’on a eu la précaution de ne pas
mettre en caufe , que des. gens étrangers, que des
débiteurs de Barthomeuf. A rrêt du 31 Juillet,
q u i, fur requête, enregiftre les Lettres Patentes.
Com m e l’on v o it, la Procédure a été prompte :
en huit jours de temps tout eft confommé. Le but
étoit de dérober aux Habitants la connoiiTance de
la matiere que l’on traitoit; aufil lorfqu’ils virent
le Juge de Sain t-Flour a Taleizat, fut-on obligé
de répandre le bruit qu’il venoit informer contre
le C uré du lieu.
Barthom euf, muni de fon A r r ê t, voulut le
mettre a exécution ; il faifit les beftiaux de trois
Particuliers , un d’eux fe laiila condamner par
défaut, les deux autres confentirent condamna
tion ,
Barthomeuf, leur rendant leurs beitiaux ,
les tint quittes.
Mais le 0.4. Aouc tout le village, tant ceux qui
paroiiîènt aii délibératoire de 176^ , que ceux
qui n’y font pas, ignorants 6c les Lettres Paten
tes 6c les Arrêts de la C our , abattirent les mu
�6
railles que Barthomeuf 6c Carriere avoient fait
élever autour de leurs prés ; procès verbal en
fut d reiîé, Arrêt intervint le 30 , qui , par
provifion , ordonna l’exécution des Lettres Paten
tes , & permit de faifir les beitiaux qui fe trouveroient dans les prés.
■A lo r s , (■& voici le premier a£te public que
Barthomeuf ait fait ) alors il fit afficher & publier
à la porte de l’Eglife cet A rrê t, q u i remplit de
refpeft 6c d’étonnement tous les Habitants.
Ils efpérerent enfin d’avoir juftice , ceiTerent les
voies de fait dont ils étoient en droit d’ufer , 6c
s’ ailèmblerent pour prendre la voie de l^oppofxtion.
Quelques-uns n’oferent réfifter à Barthomeuf,
&c ne voulurent rien accorder ni contefter* à cet
homme la ; mais trente-un autres prirent leur parti,
£>C délibérèrent de défavouer tout ce qui avoit été
f a it , démandé &: par lui obtenu pour l’autre par
tie du village.
C om m e le PrédéceiTeur de M . l’intendant
avoit homologué le délibératoire de 1 7 6 ^ , celui
de 1773 , qui étoit abfolument contradi&oire , ne
le put être ; mais loin que cet incident rebutât les
O ppofants, ils réfolurent de plaider chacun en
leur n om , puifqu’ils ne pouvoient pas le faire en
nom collectif.
Q u ’a fait Barthomeuf? il a taché d’attirer dans
ion parti plufieurs des oppofants. Il les a fait boi
re , m anger, leur a fourni du tabac 6c prêté de
�■V7
«■
7
l’argent ; huit des oppofants ont défavoué tout cô
que l’on avoit fait pour eux. M ais Barthômeuf, à
qui ils ioutiendront, quand il vou d ra, qu’ils ont
déiavoué tout ce qui s’étoit fait, fans lavoir ni
pourquoi ni comm ent, Barthômeuf oleum perdidit.
Nous rapportons aujourd’hui le défaveu de ces
prétendus déiaveux , un a&e par lequel 2,4. H a
bitants renouvellent leur premiere oppofitio.11, ce
font eux tous qui plaident en préfence de 14 au-*
très qui ne veulent prendre aucun p arti, crainte
de fuccomber ; Barthômeuf n’a donc pas feule
ment quatre mutins a réduire en dépouillant le
village de T aleizat, c’efl: donc plus de la moitié
du village qui s’oppofe a Tes injuftices, 6c voici
fur quoi elle fonde ion oppofition.
M
1
O Y
E N -S .
Les Lettres Patentes iont obreptices êc iiibreptices ; la procédure faite en conséquence, 6c les'
Arrêts intervenus fur icelle font nuls.
. -n rr
P ' R E M
I E R E - P
A R T
i
I E.
7
O b r e p t i o n .
L ’obreptiôn confifte à fuppofer un f a it , pour obtenir quelque ‘grâce qiie l?on neût pas obtenue,
fi ce fait n’avoit été fuppofé.
Pour obtenir la fuppreifion des fécondés her- J obr^ o^ '
�8
bes , Barthomeuf a été obligé de iuppofer dans le
délibératoire que les 27 Habitants y dénommés
faiioient la communauté entiere de T aleizat, il a
été obligé de l’expofer. ainfi dans fa requête au
R o i , qui, n’eut accorde ni A r r ê t, ni Lettres Pa
tentes , fi l’expofé n’avoit été tel.
L e délibératoire porte : Tous ( les dénom
més ci—deiTüs ,) faifant la communauté d'Habitants
dudit lieu de T aleizat, lefquels de leur bon gré ,
L ’À rrêt du Confeil du R oi porte : V u la requete préfentée au R o i ? en fo n Ç o n fe il, par les
Habitants & Laboureurs xde la paroijje de T alei^at.
!
r
• •
11 fuit bien de ces termes que l’on a expofé au
R o i que tous les Habitants de Taleizat demandoient la fuppreifion des fécondés herbes : que
le R oi n’a prononcé' la. iiippreiïion des fécondés
herbes, que parce que tous les Habitants la de
mandaient ; delà deux objets à prouver : l’un ,
qu’il s’en faut plus de la moitié que tous les H a
bitants aient demandé cette fuppreifion : l’autre ,
q u e , pour que cette fuppreifion ait lieu , il faut
que tous les Habitants , ufque cid unum , l’ayent
demandée.
. „
§. I.
L es z y ’ uîénqpinif s au (h’libératoire de ¿765 ne
J ç n t-p o in t la .communauté.
.
;
,
¡,
Il y a 27
perfonnes de nommées dans le
délibératoirc
�délibératoire de 17 65 , qui fait la bafe de la de
mande de Barthomeuf. N ous rapportons le rôle
des Tailles de 1765 , cette piece eft irrécufable ,
ôc nous y trouvons qu’il y a 94. cotes ; de ces
94. cotes il en faut ôter 33 , qui , quoique de
laparoiiîè de T aleizat, ne font pas du village ;
ainfi relient 6 1 fe u x , 61 chefs de famille à T a
leizat. Si donc il ne fe trouve que 27 vocaux dans
le délibératoire de 176$ , il s’enfuit que la moitié
de la paroiiTe n’a pas été appellée
il s’enfuit in
vinciblement que l’on a fait un faux expofé au
R o i , lorfque l’on lui a dit que ces 1 7 vocaux
faifoient tous la communauté cCHabitants de Ta~
lei^at. Il y a obreption, la preuve en eft on ne
peut pas plus claire.
En effet fi on n’eut pas expofé au R o i que ces
27 vocaux faifoient le village entier de T aleizat,
il on lui eut expofé au contraire q u e, pendant qu’il
y avoit 27 demandeurs , il y avoit 34. perfonnes
qui n’avoient point été confultées, ou qui refufoient
de confentir a la ilippreftion des fécondés herbes,
le R oi n’eût accordé ni Arrêt ni Lettres Patentes,
voici pourquoi.
§.
I I.
I I faut que tous les Habitants, ufque ad unum ?
confentent à la JuppreJJion desfécondés herbes. Taleizat n’a point de comm unaux, les fécondés
B
�^
IO
herbes lui en tiennent lieu. L ’on doit Juger des fé
condes herbes comme des com m unaux, & ceuxci étant inaliénables & imprefcfijriibles, celles-là
doivent jouir des mêmes privilèges. Ce n’eft qu’avec
l’autorité.du R oi que l’on peut porter atteinte aux
communaux, les Parties adveries ont eu recours
au R oi pour fupprimer les fécondés herbes. Elles
¡ont donc reconnu que les fécondés herbes devoient
;fe juger comme les communaux ; or in pari caufâ
idem judicîum.
Dix Habitants
Suivant la coutume <le-Nivernois, chap. i %art.
font communauté
t r
I
rr i l r o
.
pour délibérer fatJJ . dlX fOîlt peUlUC OU Cl etÎlbléc'' 'Qt tOUS les A u chofe de pure pofin
\
r ce •
n
lice & non per- teurs dilent que ce nombre lumt pour compofer
«natieme.
.une aifemblée faite pour choie1qui concerne l’adminiflration d’une communauté , charger Procu
reur , nommer Synd ic, parce que ces choies ne
font pas permanentes; tous dilent que les autres
Hjbitants ne peuveht s’en plaindre , parce que c’eiî
à eux à s’imputer la faute de ne s’y pas être trouvés,
il faut les deux Mais tous les Auteurs difent en même-temps que
n'autépôurobliger dix Habitants ne fuffifent- pas, lorfqu’il s’agit d’un
Ja communauté. çmprunt xonfidérable , de paffer tranfa&ion ; qu’il
faut alors au moins les deux tiers des Habitants, &c
c’eil là en particulier le fentiment de Baquet en
foti traité des droits de juilice, chap. 2 9 , n°. 22
& 23 ; de Tronçon fur l’article <51 de la coutume
dç ¡Paris ; de Legrand fur Part. 64 de la coutumede Trbyes , n°. 34. '
11faut latotalité E nfin, ajoutent les mêmes Auteurs avec un
,des Habitants ufi
r •n
vi /'
1
i
„¿«n«*«,pour nombre innnid autres, qu il-leroit trop long de ci-
�11
ter, s il s 'a g i t e d’aliéner partie des communaux,
bois, pâturages, ou même de traiter avec le Sei- pâturages, &c.
gn eu r, s’afiiijcttir à un droit de bannalité , fo u r, *
moulin , corvées & autres fervitudes : il' faut que
tous les Habitants foient afiemblés, fans exception, '
parce que l’exécution s’en fait ab omnibus ut a
jin g u lis, chacun y eft intérefle pour foi, ôt paye de r
fa perfonne ou de fon argent. Etant de principe
que routes les fois qu’il s’agit d ’une chofe’ qui ap
partient a tout un corps, non comme corps, mais
comme appartenante a chacun des membres en
particulier, qui perd quelque chofe, ou eft aiTujet- jti perfonnellement, il faut le confentement de tous.- ^
L a Poix de Fréminville n’elt pas le feul qui pehfe.
ainfi, avant lui Godcfroi fur la loi 1 9 , ff. ad nui- nicip. avoit dit : in his quee jiu nt à plunbns ut^ ab
omnibus, majoris-partis confenfus fujficit ; in his ~
autem quœ Jiunt à pluribus ut à jingulis , non fuffic it majons partis confenfus. Ferriere fur l’art. ?
7 1 de Paris ; DupleiTis, liv. 8 , chap. 2 des fiefs;
Brcdeau fur 71 de Paris, & une infinité d’autres
font la même diilin&ion.
*;
Si donc , pour l’aliénaiion des biens d’une com
munauté , il faut le confentement de tous les Ha- ;
hitants ujque ad unum , comment permettroit-on
cette aliénation , lorfque fur 6 1 Habitants il n’en
paroît que 2 7 , qui encore ont été furpris ou n’o
ient s’en expliquer , lorfqu’encore ces 27 ont é,é •
■dits, fauiîèment au R o i, faire le total de la com
munauté } tandis qu’ils n’en font pas la moitié ,
B 2
1
�IX
ioriqu’enfin il eil clair que le R o i , qui ( comme
on l’a plaidé ) fait to u t, Tachant qu’on ne peut
dépouiller, une communauté, fans que tous ies
membres n’y conientent, n’eut pas accordé iès Let
tres Patentes, s’il n’eut cru que les chofes étoient
dans l’état où on les lui expofoit. Il y a donc obreption dans les Lettres Patentes, & le total des
Habitants n’ayant jamais demandé la fuppreilion
des fécondés herbes , il eil: donc impoiîible de l’or»
donner par l’enrégiflrement de ces Lettres.
Contre ce premier moyen, on a bien ofé plaider
que le délibératoire de 176 5 étoit compofé de 36
perfonnes ; mais quand cela feroit ( ce qui n’eft
pas ) ce nombre ne ieroit pas fuiiifanr. O n a
bien dit que ce nombre faifoit com m unauté, que
les oppofanrs n’éroient qu’au nombre de quatre ;
c’eit à cela que Barthomeuf a réduit tous fes
moyens Mais', comme l’on v o it, cela ne répond
>as au rôle des taillesde 1765 , qui prouve que
’on n’a point appellé tout le village au délibé
ratoire portant aliénation des fécondés herbes ;
cela ne prouve pas que s’il y a 17 demandeurs en
enrégiftrement de lettres , il y a réellement 10
oppofants pour lefquels ce Précis cil: fait, & qu’il
y a i^. perfonnes , qui ne voulant fe mêler de
rien , relient dans l’ina6lion, & p ourrjn t après
le jugement former oppofition a l’ Arrêt. Quand
Barthom euf réuniroit aujourd’hui tout le village,
tout ce qu’il a fait n’en feroit pas moins nul.
H é, pourquoi! c’ eft que le délibératoire de 1765>
Ï
�cp'b
13
portant que les 2 7 vocaux font la communauté
entiere de T a le iz a t, il contient un faux , fur lequel
font intervenus un A rr ê t du C o n fe il d’Etat, des
Letcres Patentes & des A rrêts du C o n fe il Su
périeur ; que tout cela ayant pour bafe un faux
fu ppofé, tout cela eft nul de toute nullité.
L e délibératoire ds 176^ & la R equête pré- Ile. Moyen
fentée au R o i portent qu anciennement tous les D° BRE*T10*'*
prés des Habitants du village de Taleizat por
taient fo in & regain ; que depuis quelques années
il sétoit introduit parmi eux & dans leur village
un ujage fingulier , de ne faucher quune f o is
leurs prés.
C ’ eft encore la un faux expofé. Si en effet les
prés de Taleizat avoient jadis porté foin & re
gain , eft-il pofiible de croire que les propriétaires
de ces prés en euilènt abandonné la fécondé her
be au public? N ’eft-il pas plus naturel de croire,
en voyant Taleizat réduit a 4 a 5 feterées de
communaux , que dans l’origine les fécondés
herbes ont eu lieu, & que quelqu’ eiTai que l’on
ait tait en différents temps pour faire porter revivres
aux prés de T aleizat, on n’a jamais pu y parvenir.
L ’ état des choies eft d’abord une preuve pour les
Oppofants ; cette preuve eft foutenue par l’art. 4
du tit. 2,8 de la C o u t u m e , qui permet de mener
paître les beftiaux dans tous les prés 6c terres où
l’on n’ a pas accoutumé faire revivre.
A cet article de C o u tu m e , à des chofes exiitantes, au défaut de’ pâturaux, a une néceflité de
••
�fécondés herbes attachée au fol d eT a leiza t, qui
n’a point changé, on oppofe un ancien ufage;
& où eft donc la preuve de cet ancien ufage ?
Elle c ft, nous dit-on dernièrement à l’ A u
dience, confignée dans l’enquête de commodo &
incommodo ; mais outre que cette enquête eft
nulle pour avoir été faite en vertu d’A rrèt obrep*
tice,fans parties appellées ; outre qu’elle eft nulle,
parce que tous les témoins en font reprochablcs ,
pour être parents des véritables Parties adveriès ,
)our être leurs débiteurs & ne pas connoître le
o ca l, c ’eft qu’aucun des témoins ne dépofc de
cet ancien ufage. Ils difent bien qu’ils ne favent
pas quand les fécondés herbes ont commencé à
avoir lieu en faveur des Habitants , mais ils ne
difent pas qu’ il y eût auparavant un ufage con
traire : ils ne fixent point les époques de la ceflàtion de l ’un & du commencement de l’autre. Il
n’y a donc pas de preuve, comme le prétendBarthom euf, de cet ancien prétendu ufage.
O n plaida enfuite que ce fait étoit indifférent.
N ’étoit-ce pas plaider qu’il étoit indifférent de
faire un expofé v r a i, eu un expofé faux au R o i,
de lui furprendre .des Lettres Patentes, quelque
moyen que l ’on employât pour les obtenir, pourvu
que l’on les obtint?
O n en vint jufqu’h dire que peu im portoitque
la Coutume fût contraire à la prétention de Barthom euf ; mais eft*cc là répondre à un moyen
d ’obreption "? N ’eft-cc pas là pouiïer l’abfurdité
j u f q u a l'on comble?
Î
�s> *
M
En effet, Barthomeut dit dans fa requête au
R oi que l’ancien ufage privoit les Habitants des
fécondés herbes ; on dit a Barthomeuf qu’il en
a im pofé, que jamais les prés n’ont fait revivre :
on lui ajoute que la coutume autorife en ce cas
les Habitants a prendre les fécondés herbes, qu’il
n’eft pas préiumable que l’ufage des fécondés her
bes fe foit introduit fans raiion en faveur des H a
bitants , qu’il faut que ce droit ait exifté de tous
les temps, que l’article de la coutume n’a pas été
mis fins iujet, qu’il a été fait pour les Paroiiîès
mal fituées 6c fans communaux, 6c il nous répond:
cela eft égal, cela eft indifférent. C ’eft a la C o u r
à juger du mérite de l’obje&ion 6c du mérite de
la réponfe; mais toujours eft-il vrai qu’il s’en faut
bien que la réponfe vaille l’obje&ion.
Barthomeuf a expofé dans fon délibératoire de nie. Moyen
D O B R E P T IO N .
i 7 6j 6c fa requête au R oi que les regains 6c les
revivres étoient d ’ufage dans toute la Pro\ince
d’Auvergne 6c dans tous les autres villages de
Taleizar. .
C ’elV encore là un faux expofé. Toute la Pro-*
vince d’Auvergne n’a pas pour maxime de faire
porter revivre a fes prés. Tous les villages ne {ont
pas privés des fécondés herbes : pour s’en convain
cre , il n’y a qu’à fe rappeller l’article 4 du tit.
de la coutume d’ Auvergne, & l’on y voit que*
naturellement les prés portent revivre ; que ceux
qui ne portent pas revivre font exceptés de la loi ' .
générale, à caufe de la poiîeifion ancienne 6c im.
�16
mémoriaîe où ils font d’être clos & bouchés ; mais
cette poiîèiîion ancienne eft un privilege pour les
propriétaires ôc une privation pour ceux qui ont
droit aux fécondés herbes. D ’où il fuit que Bàrthom euf a non feulement vifiblement trompé le
Prince en lui expofant que les fécondés herbes
n’étoient pas d’ufage dans toute la Province d 'A u
vergne y mais encore qu’il a pouffé les choies au
point qu’il a engagé les Habitants de Taleizat a
fe priver d’un droit qu’ils avoient, pour lui donner
un privilege qu’il n’avoit pas.
a°. C e t ufage de tous les villages circonvoifins
n’eft pas vrai ( b ) ; mais quand il le feroit, que
s’enfulvroit-il ? les villages voifins ne font pas fitués
comme T aleizat, ils ont des communaux , ce ne
font pas 4 a ■
>particuliers qui y pofledent tous le>
prés. Enfin fi dans les villages voifins tous les prés
ont été clos d’ancienneté par les propriétaires au
préjudice des Habitants, c’eft la faute de ces H a
bitants de s’êtrelaifTés priver d’un droit qu’ils avoient,
&: laifîe acquérir fur eux un privilege. L a faute de
ces Habitants ne doit pas faire la condamnation
des Habitants de Taleizat, & quoiqu’en dife Barthomeuf, le droit de la coutume d’Auvergne eft
toujours d’abandonner les fécondés herbes des prés
aux Habitants, puifque fi la coutume ôte ces fè(b) A lla n c h e s & M u râ t , q u o iq u ’a y a n t b eaucoup d e c o m
m u n au x , jouifi'ent du d r o i t d e fécondes herbes : à S. i ’io u r le
p iê.ne d ro it a lieu.
condes
�condes herbes, ce n’ eft que dans le cas où les près
aurcient fait revivre d’ancienneté, que par conféquent c’elf la une exception a lo i, &:!que dans la
faine raifon, pourfaire exception à une; loi ' il faut
qu’il en exille une générale, qui fait le droit com
mun 6c univerfel du pays. C ’eft auffi dans ce fens,
que Barthomeuf a toujours parfaitement bien en
tendu que nous^ propofons notre troifiéme: moyen
d’obrepticn, fondé fur ce que l ’on a trompé le j l o i
fur le droit & l’ufage de la coutume d’Auvergne.
Barthomeuf a expofé au R oi que pendant l’été d*obrepÎ ioh.K
les Habitants de Taleizat ne pouvôieht pas confommer leurs pâturages, n’ayant pas la ‘liberte de ‘
tenir plus de beiliaux qu’ils n’en pouvoient hiver
ner.
• C e f t encore la un faux expofé; Les Habitants r -•
de Taleizat n’ont point dé communaux, ce qu’ils
en ont, ne peut nourrir lé'gros bétail’ 6c ne iùfft-'
roit pas a cent brebis ; tout eft rocher , tout eft
fec , tout cil aride , tout eft ftérile a Taleizat- :
n’eft-ce pas la un fait notoire ¿^comment Bartho
meuf peut-il entreprendre de perfuader le con
traire ?
Que répond-t-il a ce fait que les Oppofants ar
ticulent ? il n’ofe pas le nier ouvertement 6c en
public, du moins ne l’a-t-il pas fait a l’Audience :
il répond que quand les Habitants de Taleizat
n’auroient pas de communaux , il n’y auroit pas
faux expofé : mais quelle abfurdité ! Si Taleizat
n’a pas de communaux, il n’a pas d’herbes * s’il
c
�i8
n’a pas d’herbes’ , comment eft-il vrai qu’il s’en
perd par la trop grande abondance ? comment eftil vrai que les fécondés herbes lui font inutiles ?
comment peut-il lui être avantageux d’en être
privé ? cela étant iènfible, 6c le faux expoie étant
dém ontre, pafïons à la fùbreption.
S E C O N D E
P A R T I E .
S U B R E P T I O N .
.1 . '
1
L a fùbreption confifte à taire des choies q u i,
fi elles eufîènt été feues , eufïènt empêché le Sou
verain d’accorder la grâce que l’on lui demandoit.
: Barthomeuf a tu au R o i, que fi le droit de fé
condés herbes avoit lieu à Taleizat, ce village tenoit ce droit de la Coutume.
Il eft vrai que Barthomeuf a répondu, a l’au
dience , que le R oi favoit to u t, qu’il favoit par
conféquent que l’ancien ufage de Taleizat étoit
contraire à l’ufage aduel.
Mais fi le R oi fait to u t, que deviendra donc
la fùbreption ? il faut donc la rayer du nombre
des moyens que le R oi veut que 1on emploie
contre les grâces qu’il fait , 6c qu’il n’accorde
jamais que fous la condition que. toutes choies lui
ont été expofées dans leur véritable point de vue ?
fi le Roi fait tour, a quoi bon l’adreile qu’il fait
aux Cours de fes Lettres , n’eft-ce pas pour les
�19
^
vérifier ? à quoi iert cette information , de coirtmodo &’ incommodo , n’eft-ce pas pour découvrir
la vérité toujours iuipeétée en pareil cas ? le R oi
ne fait donc pas to u t, puifqu’il veut que l’on vé
rifie les faits ? en difant que le R oi fait tout ,
Barthomeuf convient qu’il ne fait rien lui-m êm e,
qu’il ne voit rien qui puiilè répondre à notre ob
jection.
Barthomeuf a tu au R o i que , fi les villages
voifins n’avoient pas droit de fécondés herbes ,
c’eft qu’ils avoient des communaux , c’eft qu’il y
avoit titre ou poiïeiïion contr’eux de la part des
propriétaires.
Et qu’a-t-il répondu: a cette obje&ion ? la même
chofe que ci-deilus : Le R o i Jait to u t, il favoit
cela, il n’e'toit pas befoin de le lui dire. 'JSJlême
réponfe par conféquent.1 '
Barthomeuf a tu ;au R o i'q u e 'le s‘''pires de T a - n ie . M oyen d*
•1 •
■>
■
^
T i\ " ■ /
„
SUBREPTION.
leizat n appartenoient qu a 4011/$ iroprietaires.,
que le relie n’avoit aucun communal , aucun
fo n d s, ou fi peu. que cela nevaloit nas.la peii>e
d’ en parler.
' ; - •_; ■-1 /
™
f
E t Barthom eiif à plaidé1qu’il n ^ voirpas dit
cela au R o i , parce que cé fait étoit faux: “
Les Oppofants perfiftent néanmoins1' dans ce
qu’ils ont dit , & foutiennent; que la' clame de
M ontlotiby B arth om eu f, Càm erpfy Fontanier
& les Héritiers Privât enleVent à; eux *feul’s .tous
les foirts de Taleizat , qu’il n’en appartient pas 100
chars au refte des Habitants.
C *
»
y-«
-I
'
.
-l.M
«*
’
�20
T R O I S I E M E
P A R T I E .
t
. N u llité de toute la procédurefaite parBarthomeuf.
!•
■-rt h■
Les Lettres Patences font viciées d’obreption &
fubreption. Barthom euf s’eft préfenté a la Cour
pour les faire entériner. Il a parlé au nom de tout
je village de T aleizat, tandis qu’il n’étoit charge
que par 27 Habitants. Il a induit la C o u r en er
reu r, comme il y avoit induit le R oi. Le premier
A rrê t, rendu par la C o u r eft donc. ,nul comme
obreptice & fubrepticc.
1
C et A rrê t eft d’autanr plus n u lp que s’il eut été
expofé au Confeil Supérieur qu’il n’y avoit que 27
Habitants qui demandoient la fuppreiîion des fé
condes herbes , que fi on eut expofé que tous n’avoient pas donné leur avis, .que fi la Cour eut
iii qu’il y eût eu,un feul Oppofànt, au lieu d ’or
donner fu rie champ une information de commoi/o & ijîçp.mmodQjr elle auroit prdonné,, fuivanc
Tordre de là procédure, que les* 0 [Vpofants ftiilènc
appelles.,pgur. favoir,; leur .radions;?rrleur auroit
permis, cj’articuler,, des ..faits., contraires au de libé
ratoire d e . . a u r o i t 'f a i t , f a i 'r e . l ! i n f o r m a t i o n
^ntradiâD irem cnt.ay.ec.eux. y
-j ,
sJi.> p ' . ' y ^ '•v'1' r Î- \ 1' :
J^
'1 Vd ^
; L înrorm^tiopfh ite a ^ rçquet^ d e ,M ,.lc P r o
cureur Général' eft eiicore,,n.ulle ^..patjce’ qucj M .
le Procureur Général e^bien le jprortîâeur ne des
communautés ; mais- lçs Oppofants aux délibéra-
�toircs doivent être en caufe aufïi-bien cjne lu i,
pour détendre leurs droits, perionne ne les en
tendant mieux que le perionnellement intérefle.
Il a été ordonné que l’information feroit faite à la
requête de M . le Procureur G én éral, parce que
tout Taleizat étant dit confentir & requérir l’enrégiftrement, il n’y avoit que lui que l’on put met
tre en caufe.
Si l’enquête eft nulle , l’A rrêt auquel les vingt
Habitants ont formé oppofition étant toujours
vicié d’obreption 6c fubreption, eft également nul,
rien de tout ce qui s’eft fait ne peut fubfifter.
V oyon s quelles font les raiions avec lefquelles
Barthom euf a prétendu fejuftifier de ces nullités
radicales.
Il pôle pour principe ce qui eft en queftion.
L ’ A rrê t, dit-il, le premier A rrêt de la C o u r ne
porte pas que je vous mettrai en caule. N ous la
vons parfaitement cela. Ce n’étoit pas là le but de
Barthom euf, il s’en faut bien. Mais pourquoi cet
A rrêt ne le porte-t-il pas? c’eft que vous avez
furpris la C o u r, en lui difant que tout le village
de Taleizat étoit d’accord-, que tout le village
.de .Taleizat demandoit U iiippreifion des fécondés
herbes : ce fait étoit faux ; obreption par conléquent.
^ L ’information, dit Barthom euf, n’eft pas nulle,
quoique faite"chei, la dame de M on tlon by, parce
.que, qu oiq u ’elle ait beaucoup de prés à T a leiza t,
Çc que Î’on ait entendu quelques-uns de les parents,
gens qualifiés , cette dame n ’eft point partie en
la caule.
�(ûX
11
M ais v o u s, fieur Barthom euf, vous êtes bien
partie au procès, puifque, fans vous, il n’exiileroit
pas, puifque iî vous n’exiiliez p as, il n’auroit ja
mais exiilé. H é bien! les Juges de S. Flour , qui
ont procédé à cette information , ont couché, bu
& mangé che^ vous & avec vous ; eft-ce là une
nullité?
Dans cette information que vous n’ofez fignifier,
toute avantageufe qu’elle vous eft, pour éviter les
reproches qui pleuvroient fur les témoins qui la
com pofent, l’articulation du contraire des faits qui
y font dépofés, &: bientôt la preuve que ce n’eft
qu’un tiifu de menfonges , dans cette information ,
n’avez - vous pas fait entendre les parents de la
dame de M ontlouby, vos débiteurs, des gens qui
dépendent de vous, des gens qui n’ont peut-être
jamais vu les ccmmunaux de Taleizat, qui n ’en
ont jamais examiné la nature du fol ? ne font-ce
pas là des nullités, qu’avez-vous à dire à cela ?
Réponfes à dautres objections faites par B a ithomeuf
l°. Il oppoÎè une fin de non-recevoir en la for
me , réfultant du filence des Oppofants, jufqu’à la
lignification de l’A rrêt fur requête, qui ordonne
l’enrégiilxcnicnc des lettres.
Pitoyable fin de non-recevoir, vous ères l’ou
vrage d’un défefpéré! rappelions les faits, Bartho*
m euf n’appelle que 1 7 Habitants, lui compris au
�lo2f
délibératoire de 1 7 6 ^ ; il met en poche ce déli
bératoire , ce n’eft que cinq ans après, ce n’eft
qu’en 1 7 7 0 qu’il le préfente au R o i , ôc obtient
un A rrêt du Confeil.
Il met cet A rrêt du Confeil avec le délibéra
toire; ce n’ell: qu’en 177 3 qu’il leur fait voir le
jour
obtient des Lettres Patentes. Pendant ces
huit années perionne ne trouble les Habitants dans
leur pofTeiTion des fécondés herbes, ils ignoraient
les fourdes menées de Barthomeuf, qui n’en parloit
pas même à ces cofyndics, tant il avoit peur de
manquer ion coup.
Il vient a la C o u r, y furprend un A rrêt qui
ordonne une information. Il fait venir des témoins
éloignés qu i, fous prétexte de vifite, vont chez la
dame de Montlouby figner leurs dépofitioris. Le
nombre. des vijîtants excite la curiofité des Habi
tants, ils veulent favoir ce que font les Juges de
Saint-Flour chez la dame de M ontlouby , ils veulent
favoir le fujet des vifites que l’on lui rend ; Bar
thomeuf dit a chacun en particulier & d ’un air
m yftérieux, que l’on informe contre le Curé de
Taleizat , a qui l’on va faire le procès. A u lieu
d’appaiièr les mouvements de curiofité , Bartho
m euf, avec ce menfonge , les excite davantage ,
& r on découvre la vérité.
Auifi-tôt les Habitants prennent le parti de
s’oppoièr à la fuppreflion des fécondés herbes ; ils
vont garder leurs beftiaux : l’Arrèt d’enrégiitre-
¿üi
�M
Ku,
a4
ment fur requête eft du 31 Juillet, le 8 A oût il
eft publié , & le 10 trente-deux Habitants s’a f
femblent pour s’y oppofer.
/
Avant cette publication, cette affiche de l ’A r
rêt , peut-on dire que ces Habitants euilent connoiiîàncé des' démarches de Barthomeuf, puifqu’ils
ne connoiiîoient pas le délibératoire de 1765 ; que
même , quand ils l’auroient connu, il n’étoit pas
préfumable que Barthomeuf , qui l’avoit depuis
8 ans, en eût fait aucun ufage , puifqu’il n’avoic
fait faire aucune ailèmbl e , ni demandé aucun
fonds/A infi point de fin de non-recevoir dans la
forme , puiique la procédure eft non feulement
obreptice , mais encore frauduleufe , tortueuie ,
& 011 ne peut pas plus dangereufe ; car enfin quel
étoit le but de Barthom euf, en cachant ainfi fes
démarches? il favoit parfaitement que 1 7 Habitants
ne pouvoient dépouiller le village ; en habile hom
m e, repréfentant ces 27 Habitants, comme faifànt
la communauté entière, ion projet, fut de faire
clandeftinement toute fa procédure , afin de par
venir a un Arrêt d’enrégiftrement , au nom de
toute la communauté, de fupprimer enfuite le délibératoire , de ne montrer que les pièces qui
parlent purement 6c fimplement de toute la com
munauté, 6c de dire enfuite : l’Arrêt d’enrégiftre
ment fuppofe le délibératoirc, fi cet A rrêt porte
que tout le village a demandé la fuppreifion des
fécondés herbes , perfonne ne peut aujourd’hui
s’y
�s'y oppofer. C ’étoit là le but de Barthomeuf, &
l’on défie d’expliquer autrement fon filence de 8
années fur l’objet dont il s’agit.
a°. Barthomeuf oppofe une fin de non-recevoir , particulière a Antoine. Chaftinel ; il la fait
réfulter de ce qu’apr'es que l’Arrêt d’enrégiftrement a été rendu , ce Particulier oppoiant continua
de mener fes beltiaux , qui furent pris aux fécon
dés herbes , & fut condamné par une Sentence
rendue par le Juge des lieux.
M ais cette fin de non-recevoir eft im aginaire,
parce que Chaftinel n’a été condamné que par
défaut , qu’il a appellé de la Sentence , dont il
pourfuivra l’infirmation quand bon lui femblera.
30. Salus populi fuprema lex ejlo , s’écrie Bar- thom euf ! &: dans quelle bouche fe trouve cette
loi fainte , qui doit faire le premier m otif du ju
gement que le Confeil Supérieur va rendre ici ?
Barthomeuf dit qu’il fe fait un commerce confidérable de Mules a Taleizat ; que fi on n’ôte point
les fécondés herbes aux Habitants c’eft ruiner ce
Com m erce , qui foutient le peuple.
Mais Barthomeuf en im poiè, on ne peut pas
plus lourdement : jamais il n’y a eu de commerce
de Mules a Taleizat. Il eft vrai qu’il a acheté 4.
Mules au mois de M ars dernier, que Fontanier
&: Juilhe, fes adhérents, "en ont acheté chacun
deux , mais on ne voit de Mules que chez’eux. E it-ce
donc là un fonds de commerce? eft-ce là ce corn*
D
�16
mercc tant van te, qui devroit procurer la iubfiftance des gens de Thaleizat ? B arthom euf,
Fontanier & Garriere font-ils le peuple ? pour s’é
crier S alu s popuh ?
Suprema lex ejlo , hé bien, qu’il le ioit donc ;
examinons les inconvénients qu’entraînera la fuppreiïlon des fécondés herbes.
Barthomeuf n’uie plus des raifons employées
dans le délibératoire , il en a fenti la vanité ; peut»
être y reviendra-t-il clandeftinement, fuivons ce
délibératoire pied à pied.
O n y dit que les fécondés herbes étant fupprimées , l’on confommera les pailles par le moyen
de la mêlée qui s’en fera avec le regain , pour
nourrir une quantité fufHiante de belûaux , pour
produire & fournir du fumier qui engraiflera les
terres labourables &C produira l’abondance.
Mais B arth om eu f& fes adhérents raifonnent là,
on ne peut pas plus mal. Ils ne confultent sûre
ment que leurs intérêts, fans prendre garde que
tout le monde n ’eft pas des Barthomeuf.
L ’abondance vient bien des terres labourables
& labourées ; ces terres produifent bien , parce
qu’elles font fumées ; on fait bien du fumier avec
du regain ôc de la paille ; mais pour en venir là,
que Barthomeuf & fes adhérents donnent donc
du regain &c de la paille à 57 maifons qui n?ont
rien en prôpriété, qui n’ont point de communaux,
qui n’ont que les fécondés herbes pour toute reír
?
�4o7
,
X?
.
iou rce, qui, déjà prefque hors d’étàt d’hiverner les
beitiaux qui font leur ioutien & leur v ie , ne pour
ront jamais les eftiver, puifqu’elles n’ont point de
regain , & qu’elles ne pourront acheter de la
paille.
Tant que Barthom euf, qui a du regain <Sc de
la paille autant 6c plus qu’il n’en peut deiirer, dira
qu’il faut l’un & l’autre pour faire du fum ier; tant
qu’il dira de labourer la terre , & que loin
d’en faciliter le labour, il ôtera la nourriture
des befliaux , il eft confiant qu’il conflituera l’Habitant dans l’inipoifibilité d’exécuter ce projet,
d’autant mieux que, convenant que cet Habitant
eft déjà furchargé par les. im p ôts, il ne pourra
acheter ni regain, ni p aille, ni faire du fumier,
ni labourer, ni procurer l’abondance.
Renfermé dans la fphere, Barthom euf raifonne
comme un homme qui a tout ce qu’il lui faut
pour exécuter ce p rojet, qui eft bienfait pour des
propriétaires, mais non pour des malheureux qui
deviendraient les efclaves forcés de ceux à qui les
terres appartiennent. Q ue l’on applique a préfent
cette fameufe loi que Barthomeut nous cite avec
tant d’emphafe. S al u s populi Jùprema lex ejlo ?
Le délibératoire ajoute que les Habitants fe
font apperçus que l’ufage oii ils font d’abandon
ner les p rés, après qu’ils lont fauchés , leur eft
à charge, qu’il tend à leur ruine 6c deflru& ion,
en ce que , pendant l’été , ils ne peuvent confom-
ot
�mer leurs pâturages, n’ayant pas la liberté d’efc
tiver plus de beftiaux qu’ils n ’en peuvent hiverner.
M ais d’abord où lont ces pâturages ? Si Bar
thom euf vouloit les indiquer, s’il pou voit en don
ner d’à peu-pres fuififants , on lui abandonncroic
ici le champ de bataille.
E nfuite, fi l’on fait bien que l’on ne peut eftiver plus que l’on ne peut hiverner, comment peut-il
s’enîuivre que les fécondés herbes ruineront le
village de Taleizat? Les prés appartiennent touc
au plus à cinq particuliers, & comme expedit
imum hominem mori pro populo, on ne voit pas
que Barthom euf entre bien dans l’efprit de la loi
qu’il cite : Salus populi fuprema lex ejio.
Enfin , fi ce droit eft fi à charge, pourquoi
avoir recours à des remedes violents, à des déli
bératoires , des Arrêts du Confeil d ’E ta t, des
Lettres Patentes, des Arrêts de la C o u r, des in
formations ? Si ce droit eft à charge aux Habi
tants de T aleizat, il n’y a qu’à s’en rapporter à
eux, le remede eft tout fimplc , ils n’ont qu’à
n’en plus ufer. La Coutum e le leur confervera
pendant qu’ils uferont du projet œconomique ,
6c un homme qui veut faire le bien des gen s,
leur propofera plutôt de fufpendre l’exercice de
leur droit que d’y renoncer. En effet , fi le pro
jet ne réuilit pas , les Habitants de Taleizat ic
trouveront fans regain, fans paille & fans fécondés
herbes; Barthomeuf & les adhérents, les {culs qui
�2 9
en puiiTent fournir, puilqu’ils ont tous les prés,
y mettront tel prix que bon leur femblera , ÔC
au lieu d’avoir fait le bien du village , on en aura
occafionné la perte , & que deviendra la loi Salus populi fuprema lex efto ?
Le delibératoire continue & porte que fi l’on
rend les prés détenfables, les Habitants auront
l’avantage d’avoir en hiver plus de beftiaux, que
leurs fourages augmenteront, 6i qu’en été ils au
ront lieu d’avoir les beftiaux néceiïaires pour confommer les petites herbes vaines qui fans cela iè
perdent, que l’on payera facilement les impôts
dont on eft furchargé, ôc que l’on ceiTera d’être
vagabond.
Là les mauvaifes raifons manquent, & làauiïi
finiiïènt le délibératoire & la Requête préfentée
au Roi.
L ’attentif Barthom euf a tout compté. Il fem
óle qu’il fait jufqu’au nombre des brins d’herbes
qui peuvent par-ci, par-là, border les chemins de
Taleizat ; mais à quoi fert tout fon calcul, lorfque
1 im posibilité de Ion iyftême eft démontrée par
ion iyftême même.
D ’aprcs lui on eft furchargé d’impôts, on ne
peut les payer, on eft obligé de s’expatrier, 6c
Ion fait tout cela dans le temps où l’on jouit des
fécondes herbes; que fera-ce d o n c , lorfque l’on
ne jouira plus de ce d ro it} Couper un bras à un
homme , eft-ce lui donner le moyen d’être plus
�w>
3°
adroit ? Si avec un fecours, tel que les fécondés
herbes, on peut à peine fuffire à to u t, ne fera-ton pas absolument hors d’état de faire la même
ch o ie, fi l’on diminue les forces, ii l’on ôte ce iecou rs ?
Barthom euf prétend qu’en hiver on aura plus
de beftiaux, mais il n’offre pas d’en payer l’acquiiitio n , & de nourrir ces mêmes beftiaux, qui,
faute des fécondés herbes pendant l’été , auront
ruiné leur maître qui pendant l’hiver ne pourra
fubvenir à leur fubiiftance.
• Il prétend qu’en été ces beftiaux confommeront
les petites herbes vaines qui fe perdent, ôc il ne
fait pas attention qu’il reconnoît la qu’il n’y a pas
de communaux. Pourquoi en effet cite-t-il plutôt
ces petites herbes vaines que ces grands & gras
pâturages communs dont il a coutume de parler
& qui ne giflent que dans fon imagination ?
D ’après cela ne voit-on pas que fi jamais la loi
• Jalus popuh fuprema lex ejlo , a été faite pour être
appliquée a la cauie préfente , ça été pour foudroyer
Barthomeuf & non pour l’en voir abufer comme
il a ofé le foire.
Le refte des obje&ions ne tirant a aucune confequence, trouvant d’ailleurs fa réponfe dans tout
ce qui cil ci-deffus, il ne reile plus aux Oppofants
que de fe réfumer.
Obreption , fubreption dans les Lettres &c les
Arrêts rendus en conféquence ; injuilice , fauifeté ,
furprife, indignité , oppreiïion, vexation de la part
�pg?-------------
■
Hk
3 l1
de Barthomeuf contre les O ppofants, qui ne cefferont d’invoquer la loi fa lu s populi f uprema lex
ef t o , voila à quoi fe réduit la caufe.
Perfuadés qu’inftruite de leur m ifere, la C ou r
les traitera moins comme des mutins puniffables
que comme des pauvres défefpérés qui, manquants
prefque déjà de to u t, fe voient encore dépouillés
par Barthomeuf ; les oppofants demandent juftice
& s’affurent qu’ils l’obtiendront, malgré la brigue
& les démarches fouterraines de cet homme dan
gereux pour tout le village.
M o n f ieur C A I L L O T
A vocat Général.
D E
B E G O N ,
M e. G U Y O T D E STE. H É L É N E , Avocat.
, I m b e r t , Procureur.
A
De
C L E R M O N T - F E R R A N D ,
de P i e r r e V I A L L A N E S , Imprimeur des Domaines
du R o i , Rue S. G enès, près l’ancien Marché au Bled. 1774,
l'im p r im e r ie
W.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Carriere. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Caillot de Bégon
Guyot de Sainte Hélène
Imbert
Subject
The topic of the resource
communaux
pacage
coutume d'Auvergne
droit de secondes herbes
enquête de commodo & incommodo
troubles publics
subornation de témoins
obreption
faux témoignages
communautés villageoises
consentement
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour vingt habitants du village de Taleizat, opposants à l'enregistrement des lettres patentes obtenues à l'effet de leur ôter le droit de secondes herbes dans le prés. Contre les sieurs Carriere et Barthomeuf, se disant syndics du village de Taleizat, réellement partie en la cause, et demandeurs en enregistrement desdites lettres patentes. Et vingt-trois autres habitants surpris, vagabonds, à qui la suppression du droit de secondes herbes eft indifférente ou qui, débiteurs de Carriere et Barthomeuf, nosent pas fe défendre, et font obligés d'en passer par leur avis.
Table Godemel : Secondes herbes. d’injustice et de violation de la règle salus populi suprema lex esto.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1765-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0603
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Talizat (15231)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53012/BCU_Factums_G0603.jpg
communautés villageoises
communaux
consentement
coutume d'Auvergne
droit de secondes herbes
enquête de commodo & incommodo
faux témoignages
obreption
pacage
subornation de témoins
troubles publics
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/17/53992/BCU_Factums_V0117.pdf
cc6698e81af40c7225dd6652432441aa
PDF Text
Text
MÉMOIRE A CONSULTER
ET
P O U R
C O N S U L T A T I 0 N,
le Chapitre de l’Eglife Cathédrale de C le rm o n t,'
Intimé j
.
lesfieurs G
CHEIMOL :
C O N T R E
E T
•
l a n e ,
M A T H I E U
-contre les H abitans de la Paroiffe de S a in t - Çernin ,
Appellans,
L
A N D R IE U
.
E Chapitre de Clermont eft gros décimateur de la paroiff e
de Saint-Cernin ; c ’eft une qualité qu’on ne lui contefte pas.
A ce titre , il a droit de percevoir la dîme-des gros fruits,
& il eft en poffeffion d e la p e r ce v o ir, notamment fur le bledfroment & fur le feigle. C ’eft : en core un point confiant entre
les Parties.
Depuis quelque-tems, plufieurs cultivateurs de cette paroiff e,
pour éviter la perte de leurs femences , fouvent détruites par
les neiges & l’humidité des h iv e rs , avoient adopté l’ufage de ne
femer leurs fromens & leur feigle qu’au commencement du
printems, au lieu de les femer en automne.
�Les grains que produifent ces enfemencemens ta rd ifs, s’ap
pellent bleds de M a rs, bleds tremois ; mais cette variété de nom
qui naît de la feule différence dans l’époque des enfemencem e n s , ne peut en mettre aucune dans la nature des fruits ; elle
n’empêche pas qu’ils ne foient toujours des gros fruits, déciniables par le même droit que ceux qui auroient été femés
plutôt.
Q u elqu es particuliers fe font perfuadés cependant qu’ils pouvoient fouftraire cette efpece de récolte au droit des décimateurs.En 1 7 6 9 , le nommé Benaguet donna l’exemple du refus,
pour du froment qu’il avoit recueilli fur des terres enfemencées
au mois de M ars.
Traduit en Juftice fur ice refus, il fe défendit, en foutenant
que ce genre de dîme étoit infolite , & qu'il étoit én pofîeffion
de ne point la payer.
L ’affaire fut appointée en la Sénéchauffée de C lerm ont j &
le 6 M ai 17 73 > il in te r v in t, fur produirions re fp e & iv e s , une
Sentence qui maintient le Chapitre de Clerm ont dans la p o ffeflîon de percevoir la dîme des fruits de fro m e n t, appellés
Term ois fur toute la paroifle de Saint-Cernin , & notamment
fur deux parcelles de terre appartenantes à Benaguet , & qui
condamne Benaguet à payer celle du froment par lui récolté
en 1 7 6 9 , ü mieux il n’aimoit faire p r e u v e , tant par titres que
par tém oins, que les habitans de Saint-Cernin étoient depuis
trente ans dans l’ufage de femer du froment de M a r s , fans que
le Chapitre en eût jamais perçu la dîme.
L e Chapitre auroit d û , fans doute , appeller de cette Sen
tence , en ce qu’elle faifoit dépendre d’une poiTeflion diftinéte
& particulière , le droit de dîme d’un fruit qui 11e pourroit
être diftingué des autres gros fruits 5 mais foit [négligence 7
�3
Toit inattention de fon défenfeur, elle reçut Ton exécution avant
que le C h o p itre fu t inftruit qu’elle a v o it été rendue.
B e n a g u e t fit Ton enquête; & tout ce qu’il parvint à prouver,
c ’eft que le Chapitre avoit négligé de percevoir la dîme de
quelques tremois enfemencés dans des jardins, ou fur quelques
parcelles de terre qui avoient échappé à la recherche des décimateurs.
O n revint en Jugement d’après cette enquête j les habitans
de Saint-Cernin fe réunirent à Benaguet j ils intervinrent, pour
foutenir avec l u i , que l’enquête étoit concluante , &
que le
C lu p itte devoit être déclaré non-recevable dans fa demande.
L e C hap itre, de fon c ô t é , cherchant à réparer le vice de fa
premierc défenfe , foutint que l’interlocutoire n’avoit pu porter
atteinte aux principes inaltérables qui donnent au gros décimateur le droit de percevoir la dîme de tous les gros fruits -y que
les Juges de Clermont ne pouvoient être liés par cet interlo
cutoire , ni par l’enquête faite en conféquence , fût-elle auflï
décifive qu’elle 1 etoit p e u , & que la queftion devoit être jugée
comme abfolument entiere.
C e t te défenfe fut accueillie. Le 28 A o û t 1 7 7 6 , il a été rendu
une Sentence définitive, q ui, fan s avoir égard à l’intervention des
habitans , non plus qu’à l’enquête de B e n a g u e t, maintient pu
rement & fimplement le Chapitre dans le droit de percevoir
la dîme du froment de M ars, appelle Tremois, fur toute l’étendue
de la paroifle de Saint-Cernin, & notamment fur les deux par
celles de terre appartenantes à Benaguet.
Benaguet feul s’eft pourvu par appel contre cette Sentence ;
les habirans ont refufé de fe joindre à lui. C e t appel a fait la
matiere d’un procès en la deuxieme Cham bre des Enquêtes ,
où Benaguet a foutenu que la queftion fe trouvant réduite à un
fait de pofleflion , par une Sentence interlocutoire , exécutée
A i
�4
de part & d’autre, devoit être jugée par le point de f a i t , fans
qu’il fût permis de fe rejetter dansJa difcuflïon du droit.
Meilleurs des Enquêres fe regardant comme liés par ce con
trat judiciaire, ont rendu le 31 A oû t 1 7 7 9 , Arrêt q u i , en in
firmant la Sentence de la Sénéchaufîee de Clermont , a dé
bouté le Chapitre de fa demande contre B e n a g u e t, & l’a con
damné aux dépens envers ce particulier. C ’efl ainfi que la mauvaife défenfe du C h a p itre, & la marche vicieufe de fa p rocé
dure , ont forcé la Joftice de lui refufer, vis-à-vis de B e n a g u e t,
l’exercice d’un droit qu’elle fe fût certainement empreffée de
c o n fa cre r, fi elle n’eût pas été enchaînée par Jes formes de
l’inftruftion.
L e Chapitre ne diifimulera point qu’il a tenté les voies de
droit qui lui étoient ouvertes au C on feil du R o i , contre cet
Arrêt} & que fa réclamation a été infrutlueufe, faute d’être
a p p u yée fur les m oyens de forme qui pouvoient feuls la faire
accueillir.
T o u t fe trouvant ainfi confommé vis-à-vis de B e n a g u e t, le
Chapitre n’a pas dû croire fans doute qu’un Arrêt obtenu par
un particulier ifo lé , à la faveur d’une inftru&ion vicieu fe , fût
un titre d’affranchiffement général pour tous les d é c i m a b le s ,&
il a continué de percevoir la dîme des fromens & feigle femés
au mois de M a rs, comme de ceux femés en automne.
Mais le fuccès de Benaguet a fait naître de nouveaux refus
de la part de quelques particuliers, qui n’ont pas voulu pénétrer
le principe & le m otif d’un fuccès auffi précaire.
A u mois d’A oû t 1 7 8 0 , les fieurs de G lane , M a th ieu , A n drieu & Cheim ol ont refufé de p a yer la dîme de feigles qu’ils
avoient enfemencés au mois de Mars précédent.
Sur la demande formée par le Chapitre contre ces quatre
particuliers , en la SénéchauiTée de C lerm ont, le 11 A vril
�5
1 7 8 1 , les habitans de S. Cernin font intervenus le 29 A oût
fuivant.
y
L ’objet de cette intervention étoit d’attirer les demandes du
Chapitre en la deuxierae Chambre des Enquêtes qui a rendu
l’Arrêt au profit de Benaguet $ & voici la marche que l’on a
fuivie pour tâcher de parvenir à ce but.
Q u o iq u e les habitans n’euftent point été parties fur l’appel
de la Sentence du 28 A o û t 1 7 7 6 , l’Arrêt obtenu par Benaguet
lesrendoit fans intérêt à fe plaindre de cette Sentence. O n leur
en a cependant fait interjetter appel en leur n o m , afin de lier
un nouveau procès en la deuxieme Cham bre des Enquêtes. O n
a pris enfuite prétexte de ce procès pour faire é v o q u e r , par
un Arrêt fur re q u ête, les demandes que le Chapitre venoit de
former en la SénéchaaiTée de C le rm o n t, relativement à la
dîme de feigle trem ois, & fur lefquelles les habitans s’étoient
rendus parties intervenantes.
L e Chapitre a demandé la nullité de cette procédure, élevée
fur une bafe purement fruftratoire, & dans l’unique objet d’in
tervertir l’ordre des Jurifdi&ions. Sa demande > renvoyée du
parquet à l’audience de la Grand’C h a m b re, y a été ju g é e par
A rrêt contradi&oire du 30 Août 1 7 8 } , rendu fur les conclu
io n s du Miniftere public. C e t A rrê t, en déclarant nulle l’é vo
cation & la procédure faire en conféquence, a ordonné que fur
les demandes & interventions formées en la Sénéchauiîee de
C lerm o n t, les Parties continueroient de procéder au même
S i e g e , fauf l’appel en la Cour.
L ’inrtruétion s’eft donc reprife à C le r m o n t, & le 29 Juillet
1 7 8 4 , il eit intervenu Sentence qui maintient le Chapitre dans
je droit & poiTeiîion de percevoir la dîme fu r tous les fruits
décimables qui fa cucillent dans la paroi'¡Je de Saint Cernin} &
�<5
notamment fu r le bled-feigle appelle tremois ; en conféquencs,'
condamne les quatre particuliers refufans à payer la dîme de
celui qu’ils avoient récolté en 1780.
C e s particuliers & les habitans fe fons réunis pour interjetter
appel de cette Sentence.
Toujours attachés à ce fyilême de p ro céd u re , que l’on vient
de voir profcrit par l’ Ariêt du 30 A oût 1783 , ils demandent
encore que la caufe portée en la Grand'Cham bre fur cet ap p el,
foit renvoyée en la deuxieme Cham bre des Enquêtes, pour y
être jointe au procès dont cette Cham bre fe trouve faifie.
A u fo n d , ils foutiennent que la Sentence a mal jugé} que les
fromens & feigles tremois font des fruits différens des fromens
& feigles d’automne ; que le droit de percevoir la dîme de
c e u x -c i, ne donne pas celui de dîmer les autres; que les bleds
tremois ne font point décimables dans la paroifle de S. Cernin}
que cette forte de dîme y eft infolite; & enfin ils invoquent
l’Arrêt obtenu par Benaguet en la deuxieme Cham bre des E n
q u ê te s , com m e ayant définitivement jugé la queftion en leur
faveur.
C ’eft dans cet état que le C onfeil eft prié de donner fon avis
fur le mérite de l’appel des habitans de S. C e r n in ,
fur celui
des m oyens em ployés pour le foutenir.
L a queftion de droit paroît intimement liée à celle de favoir
fi l’on p e u t , ave c raifon, aflïgner quelque différence d’e ip eces,
entre les bleds tremois & ceux qui fe fement en automne ; car
fi ces deux bleds font précifément le même g r a in , le même
fruit, la même e fp e c e , il eft impoiîible de voir pourquoi l’un
feroit affranchi de la dîme à laquelle on convient que l’autre eit
fournis.
Mais comme cette d e m i e r e queftion eft principalement du
reiïort des Botaniftes & des A gro n o m e s, on a cru devoir
�7
mettre fous les y e u x du Gonfeil ¡’avis d’une perfonne particu
lièrement livrée à ce genre d’études & d’obfervarions. C e t avis
eft l’ouvrage d’un Obfervateur éclairé, M em bre d’une C o m
pagnie favante * , connu par des Recherches agronomiques,
*M. l’Abbé
qui ont mérité de fixer l’attention du Gouvernem ent. Il eft le ^Académie*
réfultat des expériences particulières dont l’Auteur s’occupe ^esu^ci]eenc“ »
depuis long-tems fur la culture & le produit des bleds, & dont vient de
con -
il a rendu com pte à l’A cadém ie des Sciences, qui leur a donné ^eÎîavfux11
fon approbation. II eft appuyé fur des obfervations & des faits
reconnus par les plus célébrés A gronom es, & m érite,
à
tous ces Rambouillet ;
titres, autantde confiance, qu’il eft propre à répandre de lumieres par^edll’agrifur la queftion de droit, fouraiie à l’examen du Confeil.
Cnouveneré-la
d aitio n du
D i& io n n a ire
CONSULTATION.
L e C O N S E I L foufligné qui a vu le Mémoire à confulter
ci-d e flu s , & l’A vis de M . l’A b bé T e ifie r , de l’Académ ie des
Sciences ;
E
st
d’avis fur les queftions propofées :
En premier l i e u , que les Habitans de Saint-Cernin ne font
pas recevables à demander le renvoi en la deuxieme Cham bre
des E nquêtes, de l’appel dont la Grand’Cham bre eft faifie.
C ’eft renouveller de leur part une prétention formellement
profcrites par l’Arrêt du 30 Août 1783. Ils avoient fait évo
quer en la C o u r le s demandes formées par le Chapitre en
la Sénéchauflee d e C lerm o n t, fous prétexte de c o n n e x it é avec
la queftion qui fait la matiere du procès qu’il leur a plu d’in
troduire en la deuxieme Chambre des E n q u ê t e s ; mais cet
A r r ê t , du 30 A oû t 1 7 8 3 , a jugé qu’il n’y
avoit point de
JS*'**
�8
co n n exité, & que les demandes du Chapitre n’étoient pas
fufceptibles d’être jointes au p r o c è s , puifqu’il a déclaré l’é
vocation nulle , & a ren voyé les Parties à procéder devant
les Juges de Clerm ont.
Il
ne fe trouve en effet aucun rapport entre ces demandes
& le Procès intoduit en la deuxième Cham bre des E rq u êtes.
C e p r o c è s , purement fi & i f , n’offre plus aucune queftion à
juger ; car celle que préfentoit la Sentence de C le r m o n t ,
rendue contre B e n a g u e t, a été jugée fur l'appel que ce par
ticulier avoit interjetté de cette S e n te n c e , dont les Habitans
ont imaginé depuis de fe rendre appellans. L e nouvel appel
des Habitans, &
le procès dont il fait la matiere , ne peut
donc tout au plus avoir pour objet que les dépens auxquels
ils ont été condamnés par la Sentence que Benaguet a fait in
firmer. O r , une iîmple queftion de d ép ens, n’a & ne peut
avoir aucune connexité a ve c les demandes p rin cip ales, foumifes en ce moment au Jugement de la G rand’C ham bre,
O n peut aller plus lo i n , & foutenir a v e c raifon que quand
même le procès feroit encore fubfiftant & indécis avec B e
naguet , il n’auroit point de connexité a v e c la caufe pendante
en la G rand ’Chambre entre le Chapitre & les fieurs G l a n e ,
M a th ie u , Andrieu &
Cheim ol. En e f f e t , tout feroit difpa-
rate entre ces deux conteftations ; elles n’auroient point le
même objet j elles n’exifteroient point entre les mêmes Par
ties. Dans le procès , il s’agiffoit d’une dîme de fro m en t, &
dans la cau fe, il s’agit d’une dime feigle. L e nommé B en ag u et,
feule Partie principale au p ro c è s , eft un individu différent de§
quatres particuliers qui font auffi les feules Parties principales
dans la caufe. Les Habitans ne font Parties dans la caufe &
dans le procès que comme intervenans j mais ils ne font pas
maîtres de li e r , par leurs interventions, deux conteftations
�qui étoïent diftin&es avant qu’ils intervinrent. T o u t interve
nant eft tenu de prendre le litige dans l’état où il le trouve.
Mais encore une fo is , le procès n’a plus d’exiftence réelle.
T o u t eft jugé par l’A rrêt qu’a obtenu Benaguet. Il ne reile
vis-à-vis
des Habitans qu’une fimple
queftion de dépens.
Pourroit-on donc établir la moindre trace de relation entre
un procès qui n’exiile p l u s , & une caufe qui attend fa déciiïon ?
A infi , c’eft ave c raifon que l’Arrêt du 30 Août 1783 ,
a profcrit l’évocation que les Habitans avoient fait pronon
cer,
lorfque la caufe étoit encore
devant
les Jages de
Clerm ont. C e t A rrê t fait la loi des H abitans, &
ne leur
permet pas de renouveller une prétention dont il les a fi
formellement déchus.
Q
uant
à la qùeftion d u fon ds, tous les moyens fe réunifient
pour la faire décider en faveur du Chapitre de C lerm ont. Il
ne peut exifter aucun prétexte de lui refufer la dîme des feigles
tremois.
D e u x faits fuffifent pour rendre ce droit d e (dîme inconteftable.
L ’u n, que le Chapitre, en qualité de gros décim ateur, eifc
en pofleflion de percevoir la dîme des fromens & des feigles
flans la paroifle de Saint-Cernin.
L ’autre, que les feigles qui fe fement au mois de Mars, &
q u ’on appelle par cette raifon feigles tremois, font des grains
de la même e fp e c e , de la même nature que ceux qui fe f e m e n t
fin Automne.
L e premier de ces faits n’efl pas contefté , & le fécond 11e
peut l ’être raifonnablement.
C ’eft fans doute aux Botaniftes & aux A g ro n o m es qu’il apB
�(
10 H
partient de p r o n o n c e r a i un fait de cette nature. L e Jurifconfulte ne peut ,fe décider que d ’après les expériences & les faits
recueillis par ces obfervateurs.
T o u t ce qui peut fervir à fixer une opinion fur ce point d’a
griculture , fe trouve raffemblé dans le M émoire mis fous les
y e u x du C o n f e i l , ouvrage d’un Académ icien fpécialement
livré à ce genre de recherches & d’obfervations ; & l’on voit
que les expériences intéreffantes, perfonnelles à cet obfervate u r, fe réunifient a v e c les faits atceilés par les plus célébrés
A gronom es qui l’ont précédé dans la même carriere , pour
démontrer , de la maniéré la plus complette , l’identité des
feigles de Mars & des feigles d’Automne.
L a Botanique ne peut leur aiîigner aucune différence.
L a c u l t u r e en c o n f o n d , en identifie tellement les produits ,
que le feigle de M a rs, femé dans un b o n te rre in , égale & furpaffe même fouvent en qualité le feigle d ’Automne femé dans
un terrein nïédiocre.
L ’expérience démontre que les fromens & feigles d’A u touine prennent en très-peu d’années la qualité de fromens &
feigles de Mars , & que ceux-ci reprennent encore plus facile
ment la qualité de bleds d’Automne ; preuve inconieftable qu’ils
font identiquement le même grain , & que les uns ne différent
des autres que par une foible dégénération a c c id e n te lle ,
qui ceffe auiîi-tôt qu’ils font rendus à leur état primitif de cul
ture.
Enfin le tableau que trace l’Obfervateur de l’AgricuItute
françoife nous apprend que toute diftinétion entre les bleds de
Mars & les bleds d’A u to m n e , eft d’autant plus chim érique,
que les femences des fromens & des feigles ie f o n t , en F ra n ce ,
prefque fans interruption, depuis la mi-Aout jufqu’à la miM a rs , aux diverfes époques de cet intervale qui font les plus
�convenables à la nature du fol, ou à la température de l’air de
chaque pays.
D es faits aufïï clairs, des expériences aufîï pofitives, ne
permettent certainement pas de révoquer en doute la parfaite
identité des feigles de Mars & des ieiglos d’ Automne.
O r (î ces deux bleds font abfolument identiques, s’ils forment
un feul & même grain, de même nature , de même e fp e c e , il
eft de toute impofîibilité d ’établir aucune diftinélicn entr’eux
relativement à la perception de la dîme. Le même droit qui y
affujettit les u n s, y foumet néceflairement les autres.
La feule différence qu’on puiiTe leur aflîgner réfulte de la
diverfité des faifons auxquelles ifs font femés. Mais cette diffé
rence eft incapable de fonder en faveur de celui qui eft femé
plus ta r d , l’afFranchiffement de la dîme que doit inconteftablement celui qui eil iemé plutôt.
Q u ’importe à l’exigibilité de ce droit que le fruit décimable
foit femé à telle ou telle époque ? La dîme eft due à raifon de
h nature du fruit, & non pas à raifon du tems où la femence
de ce fruit eft confiée à la terre pour y végéter. Q u ’il foit iemé
plutôt ou plus tard ; que la durée de fa végétation ait été plus
ou moins longu e, tout cela eft indifférent. Si le fruit eft reconnu
d ecim a b le, il doit la dîme dans tous les c a s , telle qu’ait été
l ’efpece & le mode de fa culture.
O r c ’eft ce qui fe rencontre ici. L e feigle eft reconnu pour
décimable dans la paroiiTe de Saint-Cernin. La dîme n’en eft
pas conteftée, du moins pour les feigles produits par des femences faites en A u tom n e; & cependant on veut la r e fu f e r
pour ceux qui naiffent de femences faites au printems* II eft
impoiiib/e de donner un prétexte raifonnable de cette diftinction. Les uns font néceflairement d é cim a b le s , par la raifon
que les autres font reconnus pour tels. Les diverfes époques
�Iï
de leurs enfemencemens font des circonftances nulles, des va
riétés de.culture abfolurnent indifférentes , qui doivent être
mifes à l’é cart, pour ne coniîdérer que la nature des grains au
m >ment de la récolté. O r puifque ces grains font de la même
nature , de la même e fp e c e , puifqu’ils forment un feul & même
feigle dont l’identité eft co n fia n te , la dîme en eft indiftin&ement due, dès-lors qu’il eft avoué que le feigle eft décimable
dans la paroifle de Saint-Cernin.
D ire que les. feigles de Mars font un fruit nouveau dans
cette Paroifle, les ranger à ce titre dans la clafle des menues
dîmes foumifes à l’ufage, & dont le droit ne peut s’établir que
par une pofleflîon particulière & diftinfle de celle des grofles
dîmes ; prétendre que la dîme en eft infolite fous prétexte que
le Chapitre n’a point !a pofleflîon particulière de oîmer cette
efpece de f r u i t , c’eft équivoquer fur des mots & confondre
toutes les idées.
•
L e feigle a été cultivé de touttems à Saint-Cernin, puifque,
de l’aveu des habitans, il eft au rang des grofles dîmes dont
le Chapitre a le droit
la pofleflîon immémoriale. Lorfque ,
dans des tems modernes, on a commencé à le femer en Mars
au lieu de le femer en A utom ne, on n’a point introduit un fruit
nouveau dans la Paroifle ; on a feulement adopté l’ufage de
retarder l’enfemencement d’un fruit qui y étoit connu de toute
ancienneté. Il n’y a donc de nouveau que le mode de la cul
tu re, l’époque de l’enfemencement. Mais le fruit eft toujours
un fruit a n c ie n , faifant partie des grofles dîmes, & décimable
comm e tous les gros fruits dont la dîme n’eft pas conteftée au
Chapitre.
A iniî le Chapitre ne peut pas être réduit à l’obligation de
prouver une pofleflîon diftin&e & particulière de dîme fur les
feigles femés en Mars. L e droit &
la poiTeflion qu’il a de
�iî
dîmer les feigles femés en A u tom ne, fait fon titre pour tous
les feigles. Son droit fur les uns réfulte du droit qu’on lui reconnoîr fur les autres. Sa pofleflïon fur ceux-ci conftitue fa
pofleflïon fur ceux-là. Le titre ne fouflre point de diftin&ion,
dès que l’identité confiante des grains ne permet pas d’en
former deux efpeces. Il a droit de dîmer ceux femés en Mars ,
parce qu’ils font un grain de même nature que ceux femés en
A u to m n e , parce que les récoltes des uns & des autres font la
récolte du même fruit, parce que ce fruit fait partie des groiTes
dîmes qu’il a droit de percevoir.
,
C e c i prouve combien étoit vicieux rintérldcutoire ptononcé
par les Juges de Clermont dans la premiere'conteftation in
troduite contre B enaguet, & combien la défenfe du Chapitre
a été compromife par l’exécution qu’on lui a fait donner à
cet interlocutoire. O n a , par cet acquiefcemenr indiferer ,
fuppofé que des fromens identiques formoient deux fruits de
nature différente ; que le droit réclamé fur les. uns étoit indé
pendant de celui reconnu fur les autres. O n a réduit à la
qualité de menues d îm e s , de dîmes d’ufage ,iun .fruit qui" ne
pouvoit être féparé de la clafle des groiTes dîmes. O n a fait
dépendre de la preuve d’ une pofleflïon particulière, une dîme
qui ne devoit s’établir que par le titre général d’un droit &
d ’une pofleflïon certaine & reconnue.
A uflï l’ Arrêt qu’ une défenfe (i peu réfléchie a , pour ainiï
dire , né ceflïté , ne peut-il former aucun préjugé dans la conteftation aftu e lle . O n ne peut le regarder que c o m m e la c o n
séquence forcée d’ un contrat judiciaire .inconiïdérém ent pafle
p a r le C h apitre. M ais en abandonnant fon droit vis-à-vis d’un
Particulier i f o l é , le Ch apitre n’y a pas renoncé en faveur de
tous les autres propriétaires de la Paroiiïe. Les e n g ag e m e n s
qu’il a contractés indiferettemen; dans le cours de l’inflru£î:ion
�14
contre Benaguet, n’ont pu le lier que vis-à-vis de Benaguet.
C elu i-ci p e u tfe u l, par conféquent, fe prévaloir de l’ Arrêr qu’il
a obtenu. Il le doit à une forme d’inftru&ion qui lui eft excluiivement perfonnelle ; & les autres habitans fonr d’autant
moins recevables à l’in v o q u e r , qu’il a prononcé fur un objet
différent, fur une dîme de froment, tandis qu’il s’agit dans la
caufe d’une dune de feigle.
A u j o u r d ’hui les chofes font entieres. Il eft queftion de pro
noncer entre le Chapitre & quatre Particuliers auxquels il n’a
pas donné les mêmes avantages qu’il avoit laiffé acquérir à
Benaguet. Sa défenfe n’eft altérée par aucuns confentemens.
Son droit eft intaft. La queftion fe préfente dégagée de toutes
circonftances capables d’en dominer la décifion. Elle ne peut
donc être jugée que par le mérite des moyens du fond, & par
l’unique confidération du point de droit.
O r ce point de droit reçoit fa folution de deux faits, dont
l’un n’eft pas contefté , & dont l’autre eft inconteftable.
D ’un c ô t é , il eft convenu que le Chapitre a droit & pofleffion de dîmer les feigles dans la Paroifle de Saint-Cernin.
D e l’autre, il ne peut pas être permis de révoquer en doute
l’identité du feigle qui fe feme en Autom ne & de celui qui fe
feme au Printem s, l’exa£te conformité des grains que produifent
ces divers enfemencemens.
D o n c , puifqu’ils forment la même e fp e c e , le même fruit,
la même récolte , ils font également fujets à la perception de
la dîme.
L ’évidence de cette conféquence doit aflurer au
Chapitre un fuccès auiïi favorable en la C o u r , que devant les
premiers Juges.
D élibéré à P aris ce i5
Février i j 8 5 . DELACROIX DE
. F r a i n v i l l e , C o u r t i n , Camus.
�CONSULTATION AGRONOMIQUE.
L e
SO U SSIG N É
confulté fur cette q u e ft io n : « l e feigle & le
» froment qu’on feme après l'hiver font-ils de même efpece que ceux
» qu’on feme avant l’h i v e r » ? croit ne p o u v o ir mieux y répondre que
p a r les f a it s , expériences Si obi'ervations qui fuivent.
Si on examine avec des y e u x de Botaniile les plantes proven ues
du feigle de Mars &
du feigle d’A u to m n e , chacun femé dans la
faifon où on le feme ord in airem e n t, on en tro u v e r a les r a c in e s ,
les t i g e s , les feuilles & les épis femblables ; on trou vera la mêm e
difpofition & le même nombre des organes de
la fru&ification.
R ien n’indiquera une différence d’efpece à e f p e c e , qui confifte dans
line diverfité de form e ou de nombre , ou d’arrangement des parties.
O n ne pourra même regarder ces plantes , com m e des variétés les unes
des au tre s, puifqu’en Botanique , cette forte de d iftin û io n , la plus
foible de toutes , exige une différence dans la couleur des individus ,
différence qui n’a pas lieu entre le feigle de Mars &c celui d’Autom ne.
A la v é r i t é , le feigle d ’Automne effc plus vigoureux que le feigle de
M ars ; il produit des épis plus b e a u x , des grains plus gro s & plus
nourris ; mais ces a v a n t a g e s ,il les doit à une végétation plus lo n g u e ,
q u i , donnant au x racines le tem s de fe fortifier avant l’afcenfion
des fucs & la formation des é p i s , fournit une feve plus ab on d an te,
dont l’effet eft de rendre les plantes plus fortes & plus fécondes. C e s
nuances font fi peu propres à établir une diftin&ion r é e lle , qu’ elles
diiparoiiTent entièrement lorfqu’on com pare entre eux le feigle de
M ars , femé dans un bon terrein , & le feigle d’Automne , femé
dans un terrein médiocre ; car le premier égale le feigle d’A u to m n e;
l ’ e x c e l l e n c e du fol faifant une compenfation a v e c l e peu de duree
de la végétation. Il y a p l u s , le feigle de M a r s , femé dans une
terre de bonne qualité , furpafle le feigle d’A utom ne , femé dans une
terre maigre.
Linnæus, fçavant S u é d o i s , dont les lum ieres en Botanique fonî
�z6
répandues dans le m onde e n tie r , M. de Ju ifie u , M . le C h e v a lie r
de la M a r k , & b eau c ou p d’autres Botaniftes F rançois très - é c la iré s,
ne reconnoiffent point de diilin dion entre le ieiglc de Mars & celui
d’ Autoxtine.
L e s Cultivateurs n’en reconnoiffent pas davantage , à en juger
par la conform ité des procédés qu’ils em ploient pour l’un & pour
l ’autre ; car ils les fement dans les mêmes fortes de t e r r e in s , &c les
façonnent de la môme maniéré.
C e que l’obfervation apprend fur les rapports de ces deux grains
eft confirme par des expériences fuivies que j’ai faites p o u r m’ en
affurer. D u feiglr de M a r s , femé en Automne eft devenu plus beau
que s’il eût été femé en M ars. D e s la prem iere année il s ’eft rap p ro c h é,
pour la groffeur des grains , du feigle d’A u to m n e , femc en Autom ne.
D u feigie ¿ ’Automne , femé en M a r s , dans unterrein qui étoit nou
vellem ent d é fr ic h é , & par conféquent dans toute fa f o r c e , a bien
réuffi. Sem é clans une terre cultivée depuis long-tems , & qui s’ étoit
repo fee un an , il n’a pas produit autant que le précédent ; mais ce
qu ’il a produit ayant été re fe m é au printems fu iv a n t, s’ eit perfectionné
b eau cou p 6£ a donné l’efpérance que s’il étoit refemé plufieurs prin
tem s de fu ite , il pafferoit à l’état de feigle de M ars parfait. Pour le
fuccès de cet.:e derniere e x p é r ie n c e , il faut éviter de femer tard
3U
printems le feigle d’Automne , & dans une terre déjà épuifée
p a r une rccolte récente de feigle ou de fr o m e n t ,
parce qu’il eft
cTobfervation qu’ un terrein ordinaire ne produit pas deux années
de fuite des grains de même e f p e c e ,o u d’ efpeccs qui fe r a p p ro c h en t,
com m e le feigle & le from ent. C ette inattention a fait manquer à
plufieurs P h y flc ie n s, & à m o i- m ê m e , des expériences tentées en
ce genre.
J ’ ai rem arqué qu’en général il ¿to it plus facile de con vertir le
feigle de Mars en feigle d’A u to m n e , que celui-ci en feigle de M ars;
O n en concevra la raifon : dans le prem ier c a s , on rétablit l ’ordre
de la nature , qu’ on intervertit dans le fécond. L e fe igle, s’il étoit aban
donné à lui-même , fe femeroit A fa maturité. C e n’eit pas s’éloigner
o u c’ eft ne s’éloigner que très-peu de ce t e r m e , que de le fem er en
A u to m ne, Mais en ne le fetnant qu’en M a r s , on m et un trop grand
in te rn ll«
�*1
intervalle entre l’époque fïxéerpar la n a t u r e , & celle que l’induftrie
humaine lui affigne; on refferre trop les bornes d ’une végétation
qui doit durer un certain tems.
L a faciiité av ec laquelle le feigle de Mars redevient feigle ¿ ’A u
tom ne , & la poflibilité marquée de form er du feigle de Mars av ec le
feigle ¿ ’ A u to m n e , prouvent qu’ils ne font l’un 6c l’autre qu’une feule
& même efpece.
Avant de répondre à ce qui concerne les fromens de Mars &
¿ ’ A utom ne, il cil néceflaire ¿ ’ob ferver qu’il peut fe faire q u e , dans
quelques p a y s , on feme en M ars un from ent qui ne reffembie pas
à celui qu’on y feme en Autom ne , parce qu’il n’en eft. pas des
from ens com m e du feigle. On feme en M a r s , on feme en Autom ne
des fromens de plufieurs fortes. La plupart de ceux de M a rs , que
je c o n n o is, ayant leurs analogues en from ens ¿ ’A u to m n e , c’eft av ec
ces analogues qu’on doit les comparer pour en m ontrer les rapports.
L e froment à épis blanchâtres &c fans b a r b e s , celui dont les épis
blanchâtres font barbus , & celui qui a les épis roux privés ¿ e barbes ,
foit qu’on les feme en Mars , foit qu’on les iem e en Autom ne , ne
différent pas plus entr’e u x , que le feigle de Mars du feigle ¿ ’A utom ne.
Il ne f o n t , au jugement des B o tan iftes, ni des efpeces , ni des v a r ié té s ;
la m a n ié r é de les cultiver eft la mêm e pour tous.
J ’ai femé en Automne le froment de Mars à épis blanchâtres &
fans b a r b e s , & j’ai continué à femer de fu it e , dans cette faifon , Je
produit de chaque a n n é e , dont j ’ai con fcrvé des échantillons. L a
prem iere année , les tiges étoient plus b a f f e s , les feuilles plus petites ,
&
le grain moins
beau que celui du bled d ’Automne
cultivé
à
côté. L a maturité même en a été plus tardive. Succeflivement ce
froment a eu une végétation plus fo r te , d’une maniéré graduée. L es
grains qu’ il a donnés font devenus plus gros , à mefure que les géné
rations avançoient. Si on com pare la iixieme génération av ec celles
qui l’ont p r é c é d é , on y trouvera des différences ienfibles ; mais
ii n’y en a aucune dans la qualité des grains de cette gén éra tio n
& dans celle des grains d’un froment d’Automne , toujours femé en
Autom ne dans le même terrein & récolté en même tems.
M. D elu , félon le célébré M. D u h a m e l,
tlu bled de M a r s , qui vint
auiïï beau
avoit
femé avant l’hiver
que ¿ u bled
¿ ’Automne.
C
�i8
L e s prem ieres années , à la v é r i t é , le produit des planches enfemencées en Autom ne a v e c ce from ent de M ars, n’a p as égalé en quan
tité celui d’ un grand nom bre d ’autres planches enfem encées en froment
¿ ’A utom ne de differens pays ; mais les années fu iv an tes, il en a égalé
& furpafle mêm e la plupart. L es épis ont mûri au ifi-tô t, en forte qu’il
ne s’eft p lus tro u v é entre eux aucune différence.
P o u r com pletter l’ e x p é r ie n c e , il s’agiffoit d’am ener à l'état de fr o
m ent de M ars fon analogue en froment d’Automne. J ’y ferois déjà en
tièrement p arv en u fans d o u t e , fi des circonilances & quelques fautes
n ’avoient reculé le fuccès de cette tentative. T o u jo u r s eft-il vrai que
du bled d-Automne fem é au Printems a produit du grain ; ce grain refem é a mieux réuffi la deuxicm e que la prem iere année ; il s’eil perfec
tionne fenfiblem ent, & j ’ai lieu de cro ire qu’après quelques généra
t io n s, il prendra la qualité de froment de M a r s , c’eil-à-dire , q u ’accou
tumé à être femé au P rin te m s,il ne fouffrira plus de n’a v o ir qu’ une v é g é
tation rapide.
M . D u h am el av o lt rem arq ué q u ’une année oii l’intempérie du ciel
n’ayant permis de fem er les b leds qu’immédiatement avant les g e l é e s ,
ils ne le veren t qu’au m ois de F é v r i e r , & produifirent néanmoins une
b on n e récolte. O r ces grains confervés dans la terre pendant la faifon
rigoureufe , n’y profitaient pas plus que du bled d’ Automne , qu’on
auroit femé en Février.
J ’ai ép ro u v é àuiïï qu’il faut femer de bonne heure après l’hiver , furtou t les prem ieres a n n é e s , le froment d’Autom ne deftiné à pafier à
l’état de froment de Mars. C e n’eft que peu à peu qu’on le défaifonne ,
parce q u ’on ne change pas brufquement l’ordre de la nature. Je m’en
fuis convaincu en en femant à différentes é p o q u e s , à com m encer des
premiers jours de F évrier jufqu’au premier A v r i l , ce qui confirme une
expérience de M. D e l u , rap p o rtée encore par M. D uham el. D u bled
de miracles qu’il av oit femé en F év rier vint à bien ; ie m êm e bled femé
en M a r s , échauda & ne fruûifia pas.
Il
eit donc démontré que le from ent de M ars ;ï épis blanchâtres &
fans barbes peut le con vertir en froment d’ Automne de même efpece ,
& que celui-ci fe convertit à fon tour en froment de M a r s , pourvu
qu’on prenne les précautions convenables. D ’où il fuit qu’on peut les
regarder com m e une feule & mûme efpece , puifquc d ’ailleurs ils ne
�19
différent point par les cara& eres de B o tan iq u e , ni par la m anîere dont
on les cultive. Q u o iq u e je n’aie pas fait les m êm es épreu v es fur les
from ens d’Automne & de M a r s , foit à épis roux fans barbes , foit à
épis blanchâtres & barbus , je fuis en droit d ’en p o r t e r ie même juge
ment , d’après leur conformité dans Jes qualités a p p a r e n t e s , & par une
analogie qu’on ne peut rejetter. J ’ai fait v o ir quels étoienr les rapports
entre le feigle d ’A utom ne & le feigle de M a i s ; il eft donc hors de
doute que les grains tremois, nom qu’on donne au feigle & au from ent
de M a r s , ne font diftingués de ceux d ’Autom ne que par une diftinttion
de fa ifo n , qui n’ en eft pas une réelle aux yeux des Botaniftes éclairés ,
& des C ultivateurs inftruits.
C e n’eft pas feulement fur le feigle & fur les fromens proprem ent
dits qu’on pourroit faire les mêmes obfervations. O n feme en Automne
& en Mars la grande & la petite épeautre , efpeces de fr o m e n t, le l i n ,
l ’av oin e , l’orge àplufieu rs rangs , la vefce , les lentilles, les p o i s , la
gefle & autres grains. J ’ai fem é en M ars la petite é p e a u t r e , quoiqu’on
la feme comm unément en été dans le D auphiné. J ’ai femé indiilinilem en t en M ars & en Automne la grande epeautre ,1e lin , l’avoine noire
de B r e t a g n e , la geffe, la v e f c e , & c . C es grains m’ont procu ré des ré
coltes plus ou moins bonnes les unes que les autres ; tous ont fru&ifié.
J e n’ ai p a s , à la v é r i t é , fui v ile s expériences a v e c la même affiduité 6c
p e rfév éran c e que celles qui avoient les fromens po u r o b jet. Mais ces
d iv e r s grains com parés av e c leurs a n a lo g u e s, m ’ont paru de m êm e
efpece.
Un cou p d’œ il jette feulement fur l’agriculture françoife fuffiroit
p o u r faire connoître combien eft chimérique la diftinftion des grains
en grains de Mars & en grains <TAutomne. A com pter de la m i-A oût juf-
q u ’à la m i- M a r s , on feme en France du feigle & du froment prefque
fans interruption , autant que l’intempérie de l’air ou la molefle du fol
n ’y
form e pas d’ obftacle. C haque pays choifit le moment qui lui p a ro ît
le plus favorable & le moins fujet aux incç>nvéniens qu’il connoît. Ici,
on p r é v ie n t le froid & la gelée ; là , en évite le débordement des ri
vières , les fontes de n e ig e s, les ravages des torrens. J ’en pourrois citer
b eaucoup d’e x em p les, tirés d’une correfpondance étendue. L a div er
sité des climats , l’inconitance des faifons empêchent qu’il n’y ait
d ’époqu es fixes pour tout le R oyau m e. O n commence à femer des
�20
grains de M ars dans un e n d r o i t , tandis que dans un autre on feme
encore ceux d’Autom ne. II y a lieu de croire que les grains accoutum és à
être femés à la fin d’A oût & au comm encem ent de Septem bre fouff rifroient
autant fi on les femoit à N o ë l , que fouffrent ceux qui font accoutumés à
être femés en N o v e m b r e & D écem bre , quand o n les fem e en M ars.
C e s faits & ces o b fervatio n s r é u n is , dont les d é t a i l s , que je fupprim e i c i , ont été lus à l’Académie des Sciences , & a p p r o u v é s par
cette C o m p agn ie , dém ontrent des rappo rts com plets , une fimilitude
p a r f a it e , une forte d’identité entre plufieurs grains de M ars & les grains
d’A utom ne qui leur font an alo gu es, &c particulièrement entre les feigles
com m e entre les from ens , fem és dans les deux faifons. D ’o ù je conclus
que les grains tremois ne font qu’une fimple dégénération de grains
d’Automne , fans changer de nature , ni de qualité. Q u e lq u es c ir c o n s
tances ayant fo rcé de ne fermer qu’au Printems les grains d’Automne,
ils s’y font accoutum és peu à peu , & dans la fuite o n a préféré de les
femer dans cette faif on , plutôt que de faire pren dre une nouvelle ha
bitude aux grains d’A u to m n e , dont les prem iers produits font néceffairem ent foibles.
Q u e qu elq u es Auteurs de livres de Botanique & d’AgricuIture aient
diftingué le feigle & le from ent de Mars du feigle & du from ent d’Au
tom n e , il n’ en faut point être é t o n n é , ils n’ont adm is cette diftinctio n
q u e p o u r fe conform er à un ufage populaire des p a y s o ù ils v i v o i e n t ,
& cette diftinction n’ eft qu’ une diftinction de faifon,
O n fçait combien les écrivain s en ce genre parloient peu d’ap rès ’
leurs propres recherches , 8c s’ en rapportoien t au x prem ières idées
qu ’on leur donnoit. Mais leur opinion ne peut p r é v a lo ir contre l’ord re
de la n a tu r e , contre une obfervatio n ex acte , contre l’avis des gens
éclairés, & enfin con tre les expérien ces pofitives que j ’ai rapportées,
A
Paris ce 20 Janvier
Signé l’A bbé T e s s i e r .
D A R T I S , Procureur,
A
PARIS,
ch ez P. G . S i m o n ,
& N . H. N y o n ,
Imprimeurs du P a rle m e n t, rua Mignon,
1785
.
�
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A name given to the resource
Factums Vernet
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chapitre de l'église cathédrale de Clermont. 1785]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delacroix de Frainville
Courtin
Camus
Dartis
Subject
The topic of the resource
dîmes
intempéries
semences
seigle
froment
Chapitre cathédral
communautés villageoises
agronomie
céréales
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter et consultation pour le Chapitre de l'église cathédrale de Clermont, intimé ; Contre les sieurs Glane, Mathieu, Andrieu et Cheimol : Et contre les habitans de la paroisse de Saint-Cernin, appellans. [suivi de] Consultation agronomique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de P. G. Simon et N.-H. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1785
1769-1785
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0117
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Cernin (15175)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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communautés villageoises
dîmes
froment
intempéries
seigle
semences
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Text
^ e ^ w « _ j£
MEMOIRE
'
P O U R , les A b b é , Chantre &
Chanoines de l’Eglife de St:
Martin d’Artonne , Décîmateurs dans la Paroiffe de St.
M y on , Demandeurs.
C O N T R E
Sieur Medulphe P e y r o l , ancien
Secretaire
de
l'intendance
Dé/** / ' \ f \
fs •
»
*
fendeur
,
LES Parties font divifées fur la queftion de fa voir
à quelle cotité doit être payée la dim e novale
par les
Propriétaires étrangers, - dans u n petit
A
"V
�canton de la Paroi (Te de St."Myon ; le.Chapitre
d’i r t o n n e , fubrogé aux droits du Curé , qui a
fait l’option de $00 I. pour fa portion congrue,
la ,demande à. l’onzieme portion; le fieur Peyrol
- prétend ne la devoir qu’à la vingt-unieme.
La maniéré de payer la dîme eft finguliere
dans cette ParoiiTe ; la coriré fe détermine non
par la fituation de l’héritage , mais par le domi*
cile du Propriétaire : l’Habitant de St. M y o n ne la
doit qu’à la vingt-unieme. Les Etrangers fonr tenus
de la payer a raifon de l ’onzieme portion des
fruits.
• - ~
■
Cefte différence éil établie fur un ancien traité
*\
*
de 1 4 7 8 . & fur deux Arrêts de la Cour de Par
lement de 1 6 1 7 . & â e ' i y z 6 . l ’Arrêt de 1 6 1 7 .
cil même un Arrêt de Règlement rendu, tant
avec lesHabitans de Sr. M y o n , qu'avec'les Pro
priétaires Forains; l’exécution en eÆ.d’àütant plus
refpe&able qu’elle, remopte àun temps plus reculé.
Ainfi le Chapitre d’Artonne réunît en- fa faveur,
ijn titre ancien > cjeux Arrêts qui en ont ordonné
Î^xécütiôn -, &'.par conféquent une poiFeiTionnoiî
interrompue.*
’
Le (ieur Peyrol , qui eft né a St. M y o n ,
ne pouvoit méconnoître , ni le d r o i t , ni l’ ufage
pbvi/’ Ie'ypaitrnent de la dîme,;) fon pereiquï n‘^
pjtw ^eurjd’autrc,‘domicile
la^Pa/oifle deuSL
Myi(jiVr3,;Ô£ q>ii y cil déaedi, *eu
ne-jlai
�5 .
payoit qu’à rdifon de la vingt-unierne portion de
tous les-fruits: qu’il recueillait dans la Paroiffe.
L a prestation devint différente par la mort. Son
fils qui étoit étranger, puifqu’il habitoit à Clermont, devoit la dîme à l’onzieme portion; il l’a
paya effectivement, & il a continué-'de la payer
îur ce fpied là au Chapitre d’Artonne, pour tous
les héritages fujet à la ,dîme ancienne. .
• ’ La novale appartenoit alors au Vicaire perpé
tuel .de St. M y o n ; elle étoit due! fur un tenement appelle de la cote , qui formoit ancienne
ment un communal. Ge tenement fut défriché &
converti en vignes fur la fin du dernier fiecle.
C e défrichement avoit été fait par des Habitans de St. M y o n ; il n’étoit même pas pofîible
qû’on y eut admis : des Etrangers ; la nature de
ice tenement.le démontre ; il.avoit formé jufqu alors un communal, & perfonne n’ignore que les
Habitans ont la propriété exclufive des commu
naux en. conséquence là dîme n’étoir & ne pou.voit .être pérçue, dans le principe, qu’à raifori de
la vingt-unieme portion. C ’eft le privilege des
Habitans de la Paroiffe, à qui ce communal ap
partenoit.
!
ltk.II y a ’plus. L è Seigneur de St. M yo n voulut
s ’oppofer à ce défrichement ; mais lesr;Hibitans
traitèrent avec lui. Ils conftituerent un cens en
.dire&e ; on divifat le tenement en Soixante trois,
A z
■'
i.
�4
portions, dont chacune fut afleryie à un iol de
redevance. Le iieur P ey ro l auroit bien rempli
fa produ£lion de cette reconnoiflance, fi on y
avoit admis des Etrangers, ainfi de cela même *
qu’on n’a pas rapporté la reconnoiflance , & que
le terrein défriché étoit en communal ; il en réjfuite cette preuve décifive, que le défrichement
fut fait en totalité par des Habitans ; par.-confé*
quent, ils ne devoient & ne pouvoient devoir
la dîme qu’à la vingt-unieme ; mais à mefure que
la propriété d ’une partie de ce tenement paiToit
entre les mains des Etrangers, par vente ou au»
trement, la cotité de la dîme varioit ; la prefta*
tion en étoit faite à l’onzieme pottion, par ces
Propriétaires Forains.
Le pere du fieur Peyrol étoit Propriétaire
de quelques œuvres de vigne., fituées dans c e
tenement de la cote , fon fils .dût p a y e r , & payait
effe&ivement la dime à lonzieme portion pen
dant les premières années ; mais enfuire il n ’en
fit ¿acquittement q u a riifon de la vingt unieme.
O n ignore quelle'fut la catiie de ce changement!;
on.pourroit l?imputer moins à la négligence du
Curé , qu à la !iai(on qu il pouvoit avoir, avec
i e riiiearfLBeÿfoJ ; ce qu’il y a de" certain, & dont
Je ficur{Pétrel Gonviiem. lupniéitjeL,'C*eft k]upÿ ên
1 7 j S .q u ie f l l epoqiie de>la mort de fon pere,itout
Jee ¿Propriétaire Facaius payaient la
£
*>o.
�43 7
•s.
J ’onzîeme portion,dans le tenemènt de la cote ;
il fuppofe que ce fut en 1 7 3 4 . ou 1 7 3 5 . ^eu^e'
jnent que le Curé commença à l'exiger des F o
rains à cette cotité ; ainÎi dans le premier mo
ment que le iieur P e y r o l , par le décès de Ton
p e r e , eft devenu Propriétaire des vignes au tene.ment de la cote; les Forains de ion aveu pay oient
ia' dime a l’onzieme portion.
.Cependant quelques années après le fieur
P e y r o l refufa de la payer à cette cotité , il
.n’en firle paiement qu’à la vingt-unieme, le Curé,
tjin.ra. percevoir des autres Propriétaires Forains
à l’onzieme, -le fit ailîgner jen 1 7 6 5 . pour erre
condamné à la payer à la même cotité; le fieur
Peyrol contefta le droit en lui-même; il préten
dit *que ,1a prédation étoit uniforme dans toute
la ParjoiiTe ians diftinQron de ceux qui y habi
taient., ;d’avec les Propriétaires étrangers.
iLo p po jfo it, i ° . que le traire de 1 4 7 8 . n’éta
i t LïiToit pas cette différence; z°. que les Arrêts
'¿de
& * j z 6 . a voient ¡eu pour fondemenr,
fOU la poiTeiïion du Chapitre d’Artonne, ou queljqu’àutre motif particulier ;<c’étoit fe refufer à l’é.
.-vidence. t V L e traire de 1 4 7 8 . en réduifant
-Lobliganon des Habitant à ne payer qu’une demi-<iimelaiiToit fubfifter Je droit du Chapitre , pour
i ’iiixigor enîfentîer des Forains; z ° . l’ Arrêt de
« 6 1 7 . eft un Arrêt de Règlement, & celui de
1 7 1 6 . l’a confirme.
(
ty*.
�()
Cependant le fieur P e y r o l , après avoir mis erc
fait que la dîme navoit été payée par les Forains^
qu’à raifon de la vingt-unieme dans le tenement
de.la cote , avoit déclaré qu’il confentoit que le
Curé fut admis à faire la preuve du paiement à
l’onzieme portion ; mais enfin , il prit des xo n clufions fubiidiaires, & il offrit de prouver, i ° .
que depuis le défrichement du communail jufqu’en
1 7 6 5 . aucun Forain n’avoit payé la dîme pen
dant trente ans, à raifon de Tonzieme portion.;
z°. que c’eit pour la premiere fois environ 1 7 5 y.
que le Curé força un Forain par autorité, & par
violence, à la payer à l’onzieme portion.
En cet état, il intervint Sentence, qui ordonna
avant faire d r o it , que le fieur P eyro l feroit
preuve , tant par titre que par témoins', que de
puis le défrichement du communal, & en exprès,
depuis 16 9 5 . date de la recônnoiiîance confentie
pour ce tenement de la cote ; partie du tenement
a été poiTédée par des Forain s, tk que pendant
trente ans avant l’année 1 7 3 4 . les Forains, &
-les Habitans, qui ont poiTédé dans ce tenement ,
n’ont payé la dîme novale qu’à là vingt-unieme
ponion des fruits, que ce ne f u t . q u ’en 1 7 3 4 *
ou 1 7 3 5 . que les Curés de St. M y o n , ont com
mencé à percevoir dans ce tenement de la cote,
sla dîme novale fur les Forains à l'onzieme por"
Ttion , & que cette, perception n’a été faite dan*
�7
les premîers'tem’ps fur ce
pied là que par r u f e ,
force ou violence, fauf au fieur R o z ie r, C u r é , à
faire la preuve contraire.
La même Sentence porte que les témoins
feront tenus de s’expliquer fur le nom de chaque
Forain, qui ont poifédés des vignes dans ce tenement.
*' Les Parties ont fait faire des Enquêtes refpective ; on les a contredites , tant par des repro
ches contre les témoins, que contre leurs dé- -,
pofitions en elles-mêmes.
- L ’interlocutoire avoit été rendu avec le fieur
R o z ie r , Curé de St. M y o n , à qui la dîme nó
vale appartenoit alors ; c’eft avec lui que la Sen
tence a été exécutée; mais depuis, il a fait l ’option
de 500 1. pour fa portion congrue conformé
ment à l’Edit du mois de Mai 1 7 6 8 . il a fait la-,
bandon des novales au Chapitre d’Artonne, qui
s’eft fubrogé » Tinilance.
L e droit du Chapitre d ’Artonne, pour exiger
des Propriétaires Forains, la dîme à l’onzieme
portion dans le tenement de la cote eft inconteftable. Ce droit eft fondé fur des titres qui ne
peuvent fouffrir ni critique , ni équivoque.
Un ancien traité de 1 4 7 S . forme le premier
titre du ¡Cha-pitre d ’ Artonne; il étoit en inftance
avec les îHabitans de la ParoiiTe de St. M y o n ,
p o u r ’le .paiement de la dimej il demandoit 1 ¿
�g
dixieme partie des fruits excroiiîans, & ! terres
de vignes, fituées dans ladite ParoiiTei Le traite'
n’apprend pas à quelle cotité les Habitans enteridoient la réduire ; mais il porte que Us Paroif-
Jiens ,
leurs fuccejjeurs paieront demi-dîme de
tous les bleds & vins qui excroitront dorénavant,
& toutes & chacunes les vignes & terres, que iceux
Paroijjiens tiennent & pojjédent , tiendront &pajjederont dans les limites de ladite Paroijje de• St.
Myoti ; on excepte un canton, qui eft affranchi
du paiement de la dîme en faveur des Habitans;
enfin on ftipule, que dans le cas, ou iceux Paroiiïiens, ou aucun deux vendroient fur lefdits
héritages autre mi*dîme ; qu’il foroit permis au
Chapitre d’Artonne, d’avoir & retenir cette midim e, pour le prix & fomme quelle fe vend
ailleurs.
D ’après les termes de traité, il paroit que le
Chapitre d’Arronne , réclamoit la dîme , à raiion
de la dixieme portion des fruits ; mais qu’en le
réduifant à une demi-dîme, les Habitans obtenoient le droit de percevoir l’autre moitié fur eux*
mêmes, c’eil une conféquence héceflaire de la
elaufe de traité qui autoriloit le Chapitre à retraire cette féconde portion de d îm e , dans le
cas ou les Habitans en feroient l ’aliénation.
Quoiqu’il en foit, en fixant la cotïté à une:
demi-dime en faveur des Habitans'de St. M yo n .j
C etoît
�C ’étoit laiiTer fubfifter en faveur du CJiapitre le
droit de percevoir la dîme entiere , fur les P ro
priétaires qui n’habitoient pas dans la ParoiiTe.
C ’eft aufïi de cette maniéré que le traité de
1 4 7 8 . avoit été exécuté. Les Habitans de la ParoifTe de St. M y o n payèrent la dîme à raifon de
la vingt-unieme portion feulement, tandis qu’on
la percevoit à l’onzieme fur les Propriétaires
Forains.
C e traité de 1 4 7 8 . eil le premier titre du
C h a p itre, pour exiger la dîme des Etrangers à
l’onzieme portion des fruits; le fécond eil encore
plus précis; il explique en termes exprès la diffé
rence dans la prédation de la dîme entre les
Habitans de la ParoiiTe de St. M y o n , & les Pro
priétaires étrangers.
Jean de Sirmond, Procureur en ce Siege, ayant
fait l’acquiiition d’un Domaine à St. M y o n , éléva
la même difficulté que le fieur Peyrol ; il prétendoit ne devoir la dîme qu’a raifon de la vingtunieme portion , ainfi que les Habitans de la Paroiife. Il avoit même obtenu en ce Siege une
Sentence conforme ; mais fur l'appel qui fut in
terjeté en la Cour de Parlement, le Chapitre
«TArtonne ayant excipé du traité de 1 4 7 8 . ÔC
de l’exécution qu’il avoit eu ; il intervint un pretnier Arrêt qui ordonna que les Habitans de la
Paroiffe enfemble, tous autres Propriétaires non
B
�domiciliés, feroient aiîîgnés en afîîftance de caufe.'
L e Chapitre d’Artonne fit entendre des témoins
qui dépoferent unanimement de la différence
dans la preilation de la d îm e , entre les Habitans
& les Propriétaires Forains.
En cet état, il intervint Arrêt q u i, en infirmant
la Sentence de ce S i e g e , maintint le Chapitre
au droit 5c poffeiîîon de prendre & percevoir
la dîme entiere fur tous les héritages fitués en
la Paroiffe apparrenans audit de Sirrriond, & au
tres non domiciliés en icelle à raifon de l ’onzieme,
de la demi-dîme qui eftla vingr-unieme des bleds,
& vins feulement fur les héritages nppartenans
aux Habirans & domiciliés en ladite Paroiffe.
. Cet A r r ê t , qui eft du quinze Juillet 1 6 1 7 .
avoit fait un Règlement général; il fut rendu
avec tous les Propriétaires, tant ceux qui étoient
Habitans dans la Paroiffe, que les Forains, les
uns & les autres avoient été aiîignés en afîiiïance
de cauie; ils y étoient tous Parties. Cet Arrêt de
Règlement ne devoit donc pas permettre d’éléyer de nouveau la queftion.
Le iieur Ferrand de Fonîorîe-, devenu P r o
priétaire d’un Domaine fitué dans cette Paroiffe,
n ’ofa pas entreprendre de contefter le droit du
Chapitre en lui-même ; mais il fuppofoit avoir
transféré foli domicile à St. M y o n ; & , en confé.quencç, il refufçlt de payer la dîme k- l’otwiemjB
�\
J&'I*
11
portion ; il préteàdou ne la devoir qu’à raifon
de la vingt-unieme, ainii que tous les Habitans;
quoique le iïeur Ferrand n’eût qu’un domicile
Néanmoins, il étoit parvenu à obtenir un Sen
tence en ce Siege qui réduifoit la cotité de
-dîme à la vingt-unieme ; mais fur lappel'de cette
Sentence en la Cour de Parlement, le Chapitre
rapporta de nouvelles preuves, que le domicile du
fieur Ferrand de Fontorte nétoit que fi&if dans
le lieu de St. Myon. En conféquence, il intervint
A r r ê t , le 9 Août 172.6. qui, en infirmant la
Sentence , le condamna à payer au Chapitre
la dîme des fruits de tous les héritages dépendans de fon Dom aine, qui font firués dans la Paroifle de St. M y o n ; & ce depuis & compris
l ’année i j z i . k raifon de l’onzieme portion des
f r u i r s ...................& à continuer le paiement fur
le même pied , tant qu’il fera Propriétaire &:
poflelfeur dudit D o m ain e, & qu’il ne fera pas fa
réfidence a&uelle dans la Paroiile de St. M yon.
“ On voit, par ce détail, que le Chapitre d’Artonne a eu raifon d’annoncer en commençant que
fon droit j pour la maniéré de percevoir la d îm e ,
eft établi fur les titres les plus précis, & les plus
refpe&ables. Ï1 ne la perçoit fur les Habitans de
la ParoiiTe de St. M y o n , qu’à la vingt unieme
portion ; mais elle çft duée à raifon de l’onzième
B *
�par tous les Propriétaires qui ont leur domicile
hors de la ParoiiTe ; il étoit réfervé au iieur
Peyrol de vouloir faire naître des doutes, fur
un droit auiîi inconteftable.
Quoiqu’il n’ait cefle de prétendre qu ’il n’y
avoit aucune différence à faire entre les Habitans & les Etrangers ; néanmoins il ne fe conciliot pas avec lui même , en même temps qu’il
payoit la dîme à l ’onzieme portion fur tous fcs
héritages iîtués hors du tenement de la cote \ il
foutenoit fur la demande formée contre l u i , que
la preilation étoit la même pour les Habitans &
pour les Etrangers. Cependant la différence eft
certaine : elle eft fondée fur un ancien titre, dont
l’exécuion a été ordonnée par deux A rrêts, &
mçme l’un de ces Arrêts forme un Règlement
général. Encore une fois, le fieur Peyrol s’y conformoit pour tous fes autres héritages fitués dans
St. Myon. Il ne devoit donc refter aucun doute
fur le point de droit. L ’Habitant de St. M y o n ,
ne doit la dîme qu’à la vingt-unieme, tandis que
l’ Etranger la paie à raifon de l’onzieme portion
des fruits.
C ’étoitune illufion de la part du fieur P e y ro l,'
de vouloir rejeter fur le Chapitre d’Artonne
l ’obligation de faire la preuve direfte, que la
dîme avoit été payée par les Etrangers, à l’onziemc portion dans le tenement de la cote. Le
�15
Chapitre a en fa'faveur le Droit Commun de la.
Paroiffe. C e droit eil fondé fur un titre & une
poffeiîion autorjfée par deux Arrêts. C etoit donc
au iîetfr P e y r o l , qui prétendoit que la condition
des Etrangers n ’étoit pas différente de celle des
Habitans pour le tenement de la cotte, a en
offrir la preuve ; auiïi en a-t-il été chargé ; la Sen
tence a préjugé la queftion contre l u i , & par une
fécondé conféqûence s’il n’a pas fourni cette preu
ve , & que fon Enquête n’établiffe pas tous les
faits interloqués, il 11e lui reftera plus aucun pré
t e x t e , pour fe difpenfer de payer la dîme dans
le tenement de la cote à l ’onzieme portion ,
ainfi qu’il la paie pour tous fes autres héritages.
Il faut donc réprendre^chacun des chefs de la
Sentence pour les concilier avec la preuve qui
réfulte de l ’Enquête du fieur Peyrol.
L e premier f a i t , dont le fieur Peyrol a été
chargé de faire la preuve, eft que depuis l ’année
1 6 9 $ . date de la reconnoiffance confentie pour
ce tenement, une partie en a été poffédée par
des Forains.
Aucun des témoins du fieur P e y r o l , n’a dé
claré dans quel temps une partie du tenement
en queftion , avoit paffé entre les mains des Etran
gers; il ne pouvoit y avoir que des Habitans de
la Juftice qui fuffent Propriétaires de la totalité
du tenement lorfqu’il commença à être défri
�Vt/,
*4
ché ; ce terrcin étoit en naturede communal, 5c
cela fuffit pour être convaincu de la propriété
exclufive en faveur des Hibitans; la propofition
fe démontre par le texte même de la Coutume
qui interdit aux Forains l’ufage des communaux;
ainfi lors du défrichement de ce communal, £c
qu’il fut converti en v ig n e s, les Etrangers ne
pouvoient y avoir ni d r o it , ni propriété ; cette
circonftance tient lieu de preuve juiqu a ce qu’on
ia détruife. Gilbert Fmery , premier témoin du
fieur P e y r o l , l ’a même dépofé que le tenement
apparrenoit aux Habirans lors qu’il fut défriché;
mais dans ce cas, la dîme ne pouvoit être duée
qu’à la vingt-unieme ; c’eft un privilege attaché
à la qualité d ’Habirans. Le fieur Peyrol n’a donc
pas fatisfait au premier chef de l lnrerlocutoire.
Tout le tenement appartenoit aux Habirans de St.
M y o n en 1 6 9 5 . & l’Enquête du ficur P e y r o l ,
n'apprend pas à quelle époque les Forains ont
commencé à jouir d’une partie des vignes dans
ce tenement.
2 0. La Sentence ordonne, que le iieur Peyrol
fera preuve que, pendant trente ans avant 1 7 3 4 .
les Forains & Habitans, qui ont pofledé dans ce
tenement, n’ont payé la dime novale qu’à la vingtunieme portion des fruits.
C e chef de la Sentence paroit le plus impor
tant de ceux qui ont été interloqués pour dé
cider de l ’objet de la conteilation.
�i5
' jfp y
Suivant le droit commun de la ParoiiTe , la
la dime eft duée à l’onzieme portion par les P ro
priétaires Forains ; par çonféquent, fi tous ceux
.qui avoient des propriétés dans ce tenement de
la cote*, n’ont pas fait le paiement de la dîme
d ’une maniéré uniforme, à raifon de la vingt.unieme portion ; il en réfultera une fin de non.recevoir infurmontable , pour faire réduire par
•Ja prefcription la cotité à laquelle ils la doi,■vent.
‘
.- .■
i» - M
i
I
Quelques Auteurs penfent que la cotité de
,1a dîme efl imprefcriptible , lorfqu’il y a un titre
qui, la détermine. Mr. H en ry s, qui le donne en
m ax im e, livre i er. queft. 37. obferve que le titre
' détruit la coutume, mais que la coutume ne dé
truit pas le titre. Cet Auteur rappelle le fentiment de Mr. D u v a l , de Mr. M a y n a r d , & de
, M o rn a c, & il ajoute que la raifon de cette propofition eil évidente : car fi la cotité peut fe
prefcrire, c’eil parce que n’ayant pas été établie
' précifément, & le droit d iv in , ou pofitif oblie géant bien à payer la dîme , mais fans aucune
détermination, ou l ’obligation précife manque,
ü.Tufage J ’em porte. . . . . ..mais cette confidération ceiTe quand il appert par le titre que la
dîme eft duée à une cote certaine,
¿Cependant fh la cotité ,efl fujette à preferip„ t i o i w u -pjcjudiçe> du, titre qui la; fixe , il feroit
'• J
�fit
<
v '
y6
an moins néceflaire que la prédation eût été uni
forme pendant trente ans confécutifs, de la part
de tous les Propriétaires étrangers.
S ’ils n’avoient pas payé la dîme à la même co û
té , comme il quelques-uns l’avoiënt fervi à l’onzieme , & les autres à la vingt-unieme portion, on
n’en pourroit tirer aucun avantage pour faire va
loir la prefcription en faveur de tous les Proprié
taires étrangers. Chacun de ceux qui nauroient
payé.la dîme qu’à la vingt-unieme, pourroient
être fondés à oppofer ce m o y e n ; mais ce feroit
une abfurdité de prétendre que la prefciption,
qu’ils auroient a cq uife, devroit profiter aux au
tres qui auroient payé la dîme à l’onfcieme. Il feroit donc néceflaire encore une fois, que le fleur
P eyrol eut fait la preuve de deux faits ; l’un, que
tous les Propriétaires et aiigers n’ont payé la
dîme qu’à la 'vingt-unieme ; & l’autre , que ce
paiement a été uniforme*penaant trente ans con
fécutifs, & antérieurs à 1 7 3 4 .
Il y a plus. Il feroit même néceflaire qu’une
partie de ce tenement eût appartenu à plufieurs
Etrangers; unfeul qui auroit payé pendant trente
ans‘à la vingt-unieme portion feulement, n’auroit
pas dérogé au droit commun de la Paroifle, en
faveur des autres Forains, qui feroient devenus
Propriétaires dans la fuite ils rie feroient pas. recevables à faire ufagécnleur faveur, de la preflatioia
�ly
cfüp
tion d’un feul Etranger, s’ils n’avoient pas acquis
eux-mêmes la prefcription ' par une preftation
uniforme-de trente ans à la vingt-unieme avant
1 7 3 4 . ainfi ce ne feroit pas aiTez d’avoir prouvé
le paiement à la vingt-unieme portion , s’il n’y
avoit pas en meme temps plufieurs Etrangers, qui
eufTent des propriétés dans ce tenement, & qui
auroient payé la' dîme pendant trente ans à la
vingt-unieme.
L ’Enquête du fieur P ey ro l ne contient la
preuve d’aucuns de ces faits ; elle n’apprend ni
a quelle époque une partie de la propriété de
ce tenement avoit paiTé à des Etrangers, ni le
nom de ces Propriétaires, ni en quel nombre ils
étoient, ni enfin ii pendant trente ans confécutîfs, & antérieurs à 1 7 * 4 . ils n’ont payé la dîme
qu’à la vingt-unieme portion.
i ° . Aucun témoin du fieur Peyrol n’a dépofé
à quelle époque les Etrangers ont commencé à
devenir Propriétaires dans ce tenement de la
cote. Si Gilbert E m e r y , premier témoin, a dit
q u e , peu de temps après le défrichement, les
iiilles des premiers pofTeiTeurs, s’étant mariées hors
de la ParoifTe, portèrent en dot à leurs maris, des
portions de çe^ tenement ; i °. ce témoin ne fixe
pas une époque'précife. On ne pourroit dope pas
en conclurett que ce fait foit arrivé trente ans
avant 1 7 3 4 . ou 1 7 3 5. 2*0. C e témoin fe contreC
�V>
18
«lit bientôt après ; car il ajoute que le C u r é , lui
ayant donné la dîme de ce tenement à titre de
forme , il y a environ trente cinq ans , il croit que
Pacquêt Rigaud étoit le feul étranger q u i ' y
pojjéda alors.
Cette époque, pour lever la dîme, remonte
à 1732,* feulement, puifque J’Enquête a été faite
en 1 7 6 7 . o r , fi Rigaud étoit alors feul Proprié
taire , il n auroit pas fait la loi pour tous lés
Etrangers qui auroient acheté depuis. La Sen
tence de la Cour a exigé une pofîeiïion de trente
ans antérieure à 1 7 3 4 . de la part de tous les
Forains; & il eft reconnu que Riga u d , n’avoit
acheté qu’environ 1 7 3 1 ,
f i ° . L ’Enquête n’apprend, ni quels étoient les
Propriétaires, ni quel.nombre il y en avoir; la
prescription , pour réduire la côtité de la dîme,
n auroit pu profiter à tous les Etrangers que dans
le cas feulement où une partie du tenement
auroit appartenu à plufieurs, Ôc que tous n’auroient payé la; dîme qu’à la vingt-unieme. Le filence de l’Enquête du fieur P e y r o l , fur.ee point
de fait, démontre donc qu’il n a pas fatisfait à
l'interlocutoire.
r ! 3 °. Cette Enquête ne contient pas la preuve >
'que. pendant trente ans avant, i73'4* les Forains
'n’ont rpayéula dîme qu’à,la vingt-unieme.
Si quelques témoins, tels que Jean Marmoiton>
�*9
Gilbert & Antoine A g a t , & Etienne E m e r y ,
qui font les 6. 8 . 9* & i 6 Q. témoins adminiitrés par le fieur P e y r o l , ont dépofé avoir ouidire que les Forains n’avoient payé la dime
q u ’à la vingt-unieme dans le tenement de la
cote. i ° . Ils n’en fixent pas une époque précife; ce qui laifleroit de l’incertitude, & cepen
dant la Sentence exige une poflefîion de trente
ans antérieurs à 1 7 3 4 . i ° . Ce tenement appartenoit aux Habitans de la Paroiiïe en 1 6 9 5 . lors
de la reconnoiffance qui fut confentie au profit
du Seigneur, & peut-être que la propriété d ’une
partie n’a paiTé que long-temps après entre les
mains des Etrangers. Ces déportions ne fourniffënt donc"pas une preuve capable de déroger
au droit du Chapitre , & de donner atteinte aux
titres qui lui attribuent la dime à l’onzieme por
tion fur les Forains; 3 0. enfin, Jean Chabrier,
1 4 e. témoin de cette Enquête, dépofe avoir ouidire , q u e , dans-ce Canton comme dans le furplus
de la ParoiJJe, les Habitans payoient à la vingtunième portion , & les Forains à l'on^ieme.
Il eft vrai que ce témoin eil unique ; mais il
efl adminiftré par le fieur P e y r o l , & de même
que celui qui produit un titr e , eft obligé de'
fouffrir tout le préjudice qui en peut réiulter
contre lui; de même aufîi celui qui adminiflre
un témoin neft recevable, ni à le reeufer, ni à
C2,
»
�'{IX
2
0
'
critiquer fa dépofition; ainfi la dépofition de ce
témoin étant contraire à celle des autres témoins,
elle les détruiroit, ii les faits dont ils ont dépofé,
fourniiToient la preuve d’une poiTeiïion de trente
ans antérieure à 1 7 3 4 . Mais l’Enquête du fieur
Peyrol ne fournit pas cette preuve ; elle n’ap
prend, encore une fois, ni à quelle époque les
Etrangers ont commencé à poiîéder dans ce tene
m ent, ni le nombre qu’il y en avoit avant 1 7 3 4 .
n i , enfin , fi pendant trente ans antérieurs à cette
même année 1 7 3 4 . ils n’ont payé la dîme qu’à
la vingt-unieme.
Le troiiieme fait, interloqué par la Sentence,
eil que ce fut en 1 7 3 4 . ou 1 7 3 5. que les Curés
de St. M y o n ont commencé à p e r c e v o ir, dans
le tenement de la c o te, la dîme novale fur les
Forain.* à l’onzieme portion des fruits."
Si quelques témoins du fieur Peyrol ont ’dé
pofé que le changement de la cotité de la dîme
fe fît à cette époque , la preuve de ce fait de*
vient inutile, par la raifon que l’Enquête n'ap
prend pas fi plufieurs Forains avoient antérieu
rement *des propriétés dans ce tenement, & s’ils
n’avoient payé la dîme qu'à la vingt-unieme.
Il eil vraifemblable que le premier Etranger
qui fera devenu Propriétaire dans ce tenement *
n’aura pas «té connu du Curé ; il aura continué
de • pay&r la diine comme fem prédécefTeur qui
�etoit Habitant; il avoit intérêt de tenir ce chan
gement c a c h é , à caufe de la différence dans la
preftation de la dîme ; le Curé n’en aura pas été
inftruit dans les premiers temps ; mais ce qui
fera arrivé, à cet égard, ayant été fondé fur une
e r r e u r , ne fauroit nuire au droit du Chapitre ,
à moins que le fieur Peyrol n’eût prouvé que
plufieurs Etrangers avoient des propriétés dans
ce tenement de la cote, & que pendant trente
ans antérieurs à 1 7 3 4 . ils n’avoient payé la dîme
qu’à l’onzieme portion. C ’eit à ce point de fait
qu’il faut ramener le fieur P e y r o l ; fon Enquête
ne contient pas cette preuve; par coniequent, il
eft non-recevable à exciper de la prefcription
qu’il n’a pas établi, & qui devroit former fon
•titre.
Enfin, le raifonnement eil le même à legard
du dernier fait interloqué, que ce fut par ruie ,
ou par violence que le Curé exigea des Forains
le paiement de la dîme à l’onzieme portion
rQuand il feroit vrai que le Curé auroit em
ployé la rufc ou la violence, le fait feroit in
différent, dès que c’eft à cette cotité que la dîme
lui étoi't duée , à moins que les Forains n’euflent
déjà acquis, par la prefcription , le droit de payer
une moindre cotité.
Quelques témoins de I’Enquête du fieur P e y r o l ,
ont ,bien dépofé’ que ce fut en 1 7 3 4 . ou 1 7 3 5 .
�11
que les nommés A m y , chargés de percevoir la
novale pour le Curé , forcèrent Rigaud à la
payer à Î’onzieme portion; mais il fufïitde ré
pondre qne la dîme étoit duée par les Forains à
cette cotité. Rigaud n’avoit acheté cette vigne
que quelques années auparavant d ’un Habitant
de St.. M yo n ; Jofeph S a b y , quatrième témoin
de l’Enquête du fieur P e y r o l , a dépofé ce fait;
non-feulement Rigaud ne pouvoit pas avoir ac
quis par la prefcriprion le droit de payer la
novale à la vingt-unieme; mais même il eft évi
dent qu’il ne l’auroit payé à cette cotité pendant
les premieres années de fon acquifition , qu’en
conféquence de ce que l’on auroit caché au Curé
le changement du Propriétaire.
2°. Quoiqu’il ne foit permis à perfonne d’ufer
de violence, même pour exiger ce qui efl dû lé
gitimement; néanmoins cette violence , dont per
fonne ne s ’eit plaint dans le temps, n’auroit pas
l'effet de réduire la cotité de la dîme pour les
Forains à l’onzieme portion ; on n’en pourroit
tirer aujourd’hui cet avantage que dans le cas
feulement, ou avant cette époque; les Forains
auroient acquis par la prefcription le droit de
ne la payer qu’à la vingt-unieme; & on vient
de voir que l’Enquête du fieur Peyrol ne con
tient pas la preuve de ce fait eifentiel.
3°. On n’auroit ufé de violence que contre
�■2.3
Rigaud, ce qui prouveroit, ou qu'il n’y avoit
pas d’autres Propriétaires étrangers , ou qu’ils
payoient à l’onzieme portion; Rigaud lui-même
a payé depuis à cette cotité. Le fieur P e y r o l , qui
ne commença à devenir Propriétaire de quel
ques parcelles de vignes dans ce tenement qu’en
1 7 5 8 . par la mort de fonpere, auroit d û , payer
la dîme à l’ônzieme portion ; la preilation en
étoit faite alors fur ce pied là par tous les F o
rains depuis quelques années ; & ils ont conti
nué de la payer à la même cotité jufqu’a préfent, l’Enquête du fieur Peyrol en fournit h
p r e u v e ; il n’avoit ni ne pouvoit donc avo ir,
aucun prétexte pour ne la payer qu’à la vingtunieme en 1 7 3 8 .
Ces obfervations, qui font décifives, difpenferoient le Chapitre d ’examiner le mérite de
I’Enqriête que le Curé avoit fait faire. Le fieur
‘P e y r o l , chargé de la preuve d ire & e , n’a pas
fatïsfait à l’interlocutoire ; il n’a prouvé ni a
quelle époque les Etrangers font devenus P r o
priétaires dans ce tenement , ni qu’ils euifent
payé la dîme à la vingt-unieme portion pendant
trente ans antérieurs à 1 7 3 4 . Il faudroit donc
revenir aux titres qui chargent les Forains de
payer la dîme à l ’onzieme portion; mais l’Enquête du Curé contient une preuve complette
qu?ils ont toujours payé la dîme à une cotité
différente que les Habitans.
�Cette preuve ne fauroit être plus concluante;
auiîi le fieur Peyrol n’a pas entrepris de la contre
dire en elle-même; il s’eft reftreint à attaquer
la iincérité des dépofitions. Il feroit inutile de le
fuivre dans ce détail. Un Mémoire n’eft pas fufceptible d’une pareille diicuflion ; le Chapitre
fe borne à quelques obfervations.
Prefque tous les témoins, que le Curé a fait
entendre, ont dépofé qu’ils avoient toujours v u ,
ou entendre dire , que les Forains payoient la
dîme dans ce tenement de la cote à l’onzieme
portion. La dépofition de Pierre B run , fixieme
témoin de l’Enquête du C u r é , y eft précife.
Le fieur Peyrol a répondu que ce témoin
avoit été repris de Juftice, & qu’il n’apprend,
ni dans quel temps il a vu , ni par qui il a en
tendu dire ces fa its.
i ° . Les réproches propofés contre les témoins
qu’ils ont été mis en d é cret, condamnés ou re
pris de Juftice, font réputés calomnieux, s’ils ne
font juftifiés avant le jugement du procès. C ’eft
la difpofition de l’article i . du tit. 1 3 . de l’Ordonnance de 1 6 6 7 . Le fieur P e y r o l , qui n’a pas
juftifié le reproche qu’il propofe contre ce té
moin , & qui eft hors d’état de le faire, doit donc
être confidéré comme un Calomniateur—
2 0. Il eft vrai que ce témoin n’apprend, ni
l’époque où il a v u , ni par qui il a entendu
■. .
dire -,
�f/ y
*■5.
dire que les Forains avoit payé la dîme à Tonzieme portion dans ce tenement.
M a is , i ° . on demande aü fieur P e y r o l , qui
fait ce reproche^aux témoins du C h a p itre, fi
ceux qu’il a fait entendre ont été plus exa&s à
cet égard ; on le met au défi d’en indiquer un feul
qui ait d é p o fé, ni dans quel temps il a v u , ni
par qui il a entendu dire que le Forains payoient
la dîme à la vingt-unieme avant 1 7 5 4 .
z °. Si l’omiiïion de ces faits ne permet pas
d’ajouter foi aux témoins du Chapitre, fi leur dépofition doit être rejetée par cette feul raifon,
il en fera donc de même de la dépofition des
témoins du fieur P e y r o l , à moins qu’il ne pré'îende qu’il y a deux poids & deux mefures.
Cependant il' y a cette différence que le Cha
pitre n’étoit chargé que de la preuve contraire;
il eft fondé en titre pour exiger des Forains la
dîme à l’onzieme portion ; au lieu que le fieur
P e y r o l , chargé de la preuve direQe, devoit prou
ver la rédu&ion de la dîme en faveur des Forains,
par la maniéré dont ils l’auroient payé pendant
trente ans avant 1 7 3 4 . Il conviendra bien fans
doute qu’aucun de fes témoins n’a dit à quelle
'époque il ayoit v u , ni par lqui il avoit entendu
dire , que- lès Propriétaires étrangers n’avoient
pa y é la dîme qu a'ia vingt-unieme portion. Il doit
donc convenir, d’après les moy ens qu’il a propofé
D
�contre les témoins du Chapitre, qu'il n’a pas fait
preuve du paiement de la dîme à la vingt-unieme,
de la part des Forains, pendant trente ans ayant
J734-
Gilbert E m ery , 4 e. témoin du Chapitre, a éga
lement dépofé que de tout temps les Forains
a voient payé la dîme à lonzieme portion ;~ce té
moin ajoute même quêtant Colon du fieur P e y r o l , il avoit commencé par payer la dîme à cette
cotité au fieur de Combes, Curé ; & enfuite pen
dant deux ans au fieur Dulin fon fucceffeur ;
mais que le fieur P eyrol lui ayant défendu enfuite de la payer fur ce pied l à , il ne la paya
qu’à la vingt-unieme.
Le fieur P eyrol fuppofe que ce témoin n’a été
fon Colon que long-tem ps après la mort du
fieur de C o m bes, C u r é , & pour le prouver il
juftifie d’un bail à ferme de 1 7 4 8 . Mais ce bail
ne comprend pas les vignes du fieur P e y r o l; le
témoin auroit pu les cultiver antérieurement en
qualité de Colon , & prendre d’autres héritajges
à titre de Ferme quelques années après; ce bail,
dont le fieur Peyrol a rempli fa produ&ion, &
l’obfervation qu’il a faite, ne donne donc pas la
moindre atteinte à la dépofition de ce témoin ;
fi fon pere & fon frere, qui ont été entendus
dans l’Enquête du fieur P e y r o l , ont dépofé quel
que chofe de contraire, par quel motif la Juitice
�z7 .
•
ajouteroit-elle plus de foi à leur déposition ?
On n’en pénétre pas la raifon.
Il
y a plus. Gilbert Chabrier, 1 4 e. témoin de
l ’Enquête du fieur Pey ro l, a fait une dépofition
conforme; il a dit que les Forains payoient la
dîme à l’onzieme portion , & les Habîtans à la
vingt-unieme; ainfi, en réunifiant cette dépoiition
avec celle de Gilbert Emery , & de Piere Brun ,
qui font les 4. & 6e. témoins de i’Enquête du
Chapitre, & qui n’ont pas été valablement récuf é s , i) en réfulte une preuve concluante, que les
F o n in s ont toujours payé la dîme à l’onzieme
port on, conformément aux titres.
Mais celte preuve n’auroitété néceiîaire, de la
part du Chapitre, que dans le cas où le fieur
Peyrol en auroit fait une de fa part ; le droit du
' Chapitre , pour exiger la dîme des Forains à l’onzieme portion, eit inconteftable en lui-même. Le
lîeur Peyrol ne peut fe défendre & ioutenir la
rédu&ionde la dîme à la vingt-unieme que par la
voie de la prefcription ; la Sentence de la Cour a
même préjugé la queftion. O r , il n’a prouvé ni
à quelle époque les Etrangers avoient commencé
à avoir des Propriétés dans le tenement de la cote,
ni qu’ils euifent tous payé la dîme à la vingtunieme, ni, enfin', fi le paiement avoit été fait à
cette cotité pendant trente années avant 1 7 3 4 .
lui-même n’eft devenu Propriétaire dans le tene'
�ment de la cote qu’en 1 7 3 8 . par la mort de fon
pere ; tous les Etrangers payoient alors dans ce
tenement la dîme à l’onzieme. Il ne peut donc pas
réfifter à la demande du Chapitre ; il n’a pas prouvé
la réduction de la dîme par la force de la prefcription, & le Chapitre a droit de l’exiger des
Forains à l’onzieme portion ; ainfi, il ne refte au*
cun doute pour en prononcer la condamnation
contre le fieur Peyrol.
Monjieur P E L I S S I E R
Rapporteur.
M e. A S S O L L E N T ,
s
H o
m
Avocat.
, Procureur.
1
A RI OM de l’imprimerie de la Veuve CANDEZE, 1772.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Abbé de l’Église de Saint-Martin d'Artonne. 1772]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pélissier
Assollent
Hom
Subject
The topic of the resource
dîmes novales
quotité disponible
défrichements
vin
communaux
droits féodaux
forains
Chapitres
communautés villageoises
témoins
prescription
dîmes
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour les Abbé, Chantre et Chanoines de l’Église de Saint Martin d'Artonne, décîmateurs dans la Paroisse de Saint Myon, demandeurs. Contre sieur Medulphe Peyrol, ancien secrétaire de l'Intendance, défendeur.
Table Godemel : Dîme : 4. Dans la paroisse de St Myon la quotité de la dîme novale se déterminerait, non par la situation de l’héritage, mais par le domicile du propriétaire : l’habitant ne la devait qu’à la vingt unième, tandis que les étrangers étaient tenus de la payer à raison de la onzième portion des fruits.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'Imprimerie de la Veuve Candeze (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1772
1478-1772
Avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0423
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Myon (63379)
Artonne (63012)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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communautés villageoises
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dîmes novales
droits féodaux
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témoins
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