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PRÉCIS
EN R É P O N S E ,
PO U R
Me
C
laude
C A V Y , Notaire royal certificateur, à la
résidence de Clermont-Ferrand, D em andeur.
�PRECIS
EN R É P ON S E ,
PO U R
Me
C A V Y , Notaire royal certificateur, à la
résidence de Clerm ont-Ferrand, D em an deu r;
C
laude
CONTRE
Sieu r P i e r r e - A n t o i n e T A C H É
se qualifiant
propriétaire , président honoraire à v ie de la
Chambre
des N otaires
de l ' arrondissement de
C lerm on t, et exerçant utilement et de fait la
profession de Notaire, sous le nom de M e A s t a i x 9
T
a c h é , son g e n d r e ,
/
Défendeur.
Auro pulsa f i des.
P ro perce
----------
1
■■
--------
M e C a v y , successeur du sieur Taché, acquéreur
de ses minutes et de sa clientelle, se plaint de ce que
son vendeur a manqué à la majeure partie de ses engagemen s.
�( o
Il lui dit : « Par une première convention (en me
« vendant votre clientelle), v o u s a v e z p r o m i s d e
.
« m ’a i d e r d e s c o n s e ils d e v o t r e e x p é r i e n c e , d e m a m « te n ir l ’é t u d e q u e v o u s m e v e n d i e z d a n s le m c m e
« é t a t d e c o n f ia n c e e t d e p r o s p é r i t é ; pour cela, j ’ai
« consenti à ce que vous vous conservassiez pendant
« dix ans le cinquième des bénéfices nets de 1 élude
« que vous me vendiez.
« Plus tard, une nouvelle convention a été faite;
« son objet était de capitaliser les cinquièmes des
« bénéfices qui vous étaient promis ; nous les avons
« évalués à la somme de 20,000 francs; e t, pour ce
« prix , vous vous ê te s o b l i g é , d ’n o N N E U n , à m ' a i d e r
« d e t o u s le s r e n s e ig n e m e n s e t c o n s e il s d o n t j e p o u r « r a i s a v o i r b e so in p o u r m a p r o f e s s i o n , c o m m e a u s s i
« à m e conserver v o tre
c lie n te lle .
C e s c o n v e n tio n s
« d e v a i e n t ê tr e e x é c u t é e s d e b o n n e f o i .
y
« Le résultat de ces faits est que vous m’avez
«•vendu votre coopération p en d an t dix a n s ; que
« j ’avais fconséquemirient le droit pendant ce teins '
«
«
«
«
«
d’exiger de vous les renseignemens et les conseils qui
devaient augmenter la confiance attachée à- mon
étude, et assurer sa prospérité; que rien sur-tout
ne pouvait vous soustraire à l’obligation de me
conserver votre' clientelle.
«. Cependant comment avez-vous agi ? comment
^avez-vous interprété, çt exécuté une convention aussi
«( Sacrée? A peine les 20,000 francs, prix de votre
« coopération et de la conservation de votre clientelle,
�(
3 )
« vous sont-ils assurés, que vous faites tous vos efforts
* p o u r r e p r e n d r e o u r e te n i r la chose vendue.
« Vous projetez un mariage : il est accompli dans
« l ’espace de vingt-cinq jours.
« Votre fille devait épouser un notaire. Ce projet
« conçu, v o u s v i s i t e z v o s a n c ie n s c l i e n s , qui étaient
« devenus les miens •, vous leur rappelez vos services ;
« vous leur annoncez q u e v o u s r e d e v e n e z n o ta ir e sous
« le nom de votre gendre; v o u s d e m a n d e z p o s i t i « v e m e n t leur clientelle et leur confiance.
« Le mariage célébré, Me Astaix, votre gendre, est
« installé dans votre maison , dans votre propre étude,
« porte à porte de la mienne.
« Une plaque de cuivre annonce au public l ’heu« reuse alliance de vos noms. On lit à votre porte :
« ¿istaiæ -Taclié 3 notaire-certificateur. Cette enseigne
« est à côté de la mienne : déjà l ’on pouvait se de'« mander lequel de votre gendre ou de moi était votre
« successeur? Les protocoles des actes, les affiches, les
« journaux contiennent la même indication.
« Tout cela est-il bien innocent, bien conforme à
« la convention et à la foi promise?
« Mais vous avez tout expliqué. Vous avez dit q u e
« le s d e u x c o l o m b i e r s é t a n t à c o t é l ’un d e V a u t r e ,
« le s a n c ie n s p i g e o n s se t r o m p e r a i e n t s o u v e n t d e p o r t e .
«
«
«
,«
Votre conduite a bientôt expliqué le véritable sens
de vos paroles. Vous avez a r r ê t e les cliens; soxivent
vous ne les avez p a s a t t e n d u s , vous êtes a l l é le s
c h e r c h e r ; yous ayez désiré et demandé des actes
�(4)
« importans. Il est vrai que vous n’avez pas tout
« obtenu : aussi vous étiez par trop exigeant.
«» Voilà comment vous m’avez livré votre clientelle!
« Mais à qui ont profité et profitent encore les
« renseignemens et les conseils que vous vous étiez
« engagé à me donner?
«
«
«
«
« Vous avez dit que vou s vou s rappeliez votre
ancien m étier y que vou s sauriez encore bien fa ir e
quelques obligations ; que lo rsqu 'il y aurait quelques
actes difficiles } on n irait pas chez M . B e rg ie r;
qu'on les rédigerait en fa m ille ; q u e v o u s s e r i e z
«
LE
M a ît r e clerc d e v o t r e g e n d r e .
« Vous avez tenu parole; vous êtes bien le Maître clerc
« de votre gendre, o u , si vous l ’aimez m ieux, vous
«
«
«
«
«
êtes toujours notaire sous son nom; vous recevez les
cliens, vous entendez leurs débats , vous arrêtez
leurs conventions, vous rédigez et dictez les actes.
S ’il faut eu croire quelques personnes, vous poussez
même le zèle jusqu’à recevoir des testamens.
-« Si tous ces faits sont vrais, vous avez violé votre
« convention ; vous ne m ’avez pas livré la chose
« vendue; vous devez donc me restituer le prix et me
« payer des dommages-interets. »
Telle est la cause de M* Cavy. Sa simplicité et la
nature des faits articulés ne permettaient pas de sup
poser que le sieur Taché voulût rendre sa défense
publique; d’autre part, le respect qui est du h l ’hono
rable profession de notaire arrêtait M° Cavy. Plein de
�(
5 )
confiance clans ses juges, il sentait q u ’il était inutile
de publier les torts de son adversaire.
Mais le sieur Taché a cru que des observations
signées de lui produiraient un grand effet sur le public,
et serviraient sa cause. t
A l ’exemple des personnes illustres, il nous fait
connaître son apophtegme favori : « H e u r e u x (s’écrie-t-il)
« QUI P E U T E X P L I Q U E R TOUS L E S A C T E S D E SA. V I E ! » E t
ses explications se bornent à dénaturer la convention
et les faits, ou à les désavouer I
Il est vrai que son mémoire n’était point destiné
pour les tribunaux. Qu’ importait, en effet, au sieur
Taché, d ’être clair et exact sur les faits?
Il n’avait d’autre objet que de iairc remarquer sa
supériorité sur son jeune successeur. Quelle satisfaction
le sieur Taché n ’éprouve-t-il pas îi parler de lui-même I
Comme il nous met dans la confidence de ses plaisirs
et de ses peines! comme il nous associe agréablement
h ses pensées! que son'adversaire est petit auprès de
lui ! quelle grâce dans son stile ! quelle finesse dans ses
épigrainmes ! sur-tout quelle franchise d’orgueil! que
le « il me parle 3 j e c ro is ! » est beau, quand on lit
le sieur Taché ! quelle vérité dans ce caractère de
M . Tufière ! ........ Au sieur Taché seul il appartenait
d’en iaire apprécier les beautés.
Toutefois, Me C avy sera plus simple : il est assezi
heureux pour n’avoir besoin de parler que de sa cause.
Il ne veut point discuter l ’apologie du sieur Taché;
mais il doit faire ses efforts pour obtenir justice.
�(
6 )
3\I* Cavy n’a rien à cacher ou à déguiser sous les formes
clu stile : « il ne vient pas e x p liq u er les actes de sa
v i e , mais bien demander la réparation du tort qu ’il
éprouve.
FA IT S.
Me C a v y , originaire du département de l ’A Hier,
habitait Paris depuis plusieurs années, en qualité de
maître clerc de notaire. Son existence dans cette ville
était agréable; et il s’y serait infailliblement établi ,
si, en 1 8 1 7 , son père ne lui eût manifesté-le v if désir
de le voir sc rapprocher de lui.
Au mois de décembre, Me C avy fit un voyage dans
sa famille : il avait un congé de son notaire-, sa place
lui était conservée : aucun projet sérieux ne l ’occupait;
aussi, à son arrivée, apprit-il avec assez d ’indifférence
que l ’étude de Me Taché, président de la chambre des
notaires de Clermont, était en vente; et il lui fallût
toute la déférence qu’il a pour son père, pour se dé
terminer à examiner si cette affaire pouvait lui convenir.
Les sieurs Cavy père et fils arrivèrent à Clermont
le 12 janvier. Un jurisconsulte dont le nom est un
éloge, et l ’amitié un titre d’honneur, voulut bien les
mettre en rapport avec le sieur Taché.
La première entrevue eut lieu le i 3 . C ?était la
première fois que le sieur C avy fils voyait le sieur
Taché. L a tenue de ce dernier était imposante; l ’assu
rance de,son maintien, la gravité de ses discours, le
�(
7
)
ton persuasif. qui les accompagnait concouraient éga
lement à inspirer beaucoup de confiance au sieur C avy,
s u r - t o u t lorsqu’il se rappelait qu’il allait traiter avec
le président d’un Ordre dans lequel il désirait d’étre
admis, et que ses études et ses réflexions lui avaient
appris à respecter.
Aussi le sieur Taché fut-il le maître des détails qu ’il
voulut bien donner au sieur C avy.
‘
Il put nommer et compter ses cliens, se vanter tout
à son -aise des services qu’il leur avait rendus.
t II put fixer à son gré le produit annuel de son
étude^¿porter même en: ligne de compte ceiqu il appe
lai^ ses, opérations de cabinet." in ' .i l jLi or>;»Il pHat enfin affirmer qu’il recevait six cents actes
par an, et qu’ il en renvoyait au moins deux cents,
parce qu’il ne/voulait pas de petite clientelle.
Tout fut cru sur parolei:/ni les répertoires, ni les
actes du sieuri Taché 11e furent vérifiés; sa.parole
d ’honneur donnée sut* la demande»du sieur C avy,:ses
protestationsid’honnôteté y de délicatesse et de loyauté
éloigniiient tous soupçons> Jetiauraient même pu faire
regarder le plus léger.examen comme une injure.
Dans cettè prèmiere; en t reirue i, on ne convint cepen-.
danT'ni d u 'p rix r, ini desuconditions de la vente. L a
demande du sidunTaché'paraissait exagérée*, il fallait
d ailleir^ donnét»quelques■instans £1 la réflexion.
tiiLeisieùriTâché et les sieurs iCaVy- acceptèrent à diner
chez le jurisconsulte qui avait la bonté.de leur servir
d’intermédiaire; L e sieur Taché sc ia it bientôt rcmar-
�quer par son caractère enjoué; cet aimable convive
fixe l ’attention par sa franchise, q u ’une légère teinte
(le brusquerie rendait encore plus piquante. Il parais
sait content de tout; il vantait son influence : à l'en
tendre, il ne lui manquait qu ’un collaborateur intel
ligent pour faire et gagner tout ce qu’il voudrait. Le
sieur Cavy lui plaisait; il voulait lui faire un pont
d ’or. Le sieur Taché improvise sur-le-champ un plan:
le sieur Cavy fera les affaires de l ’intérieur de l ’étude;
lu i,T ach é , s’occupera de celles de l ’extérieur; et, pour
sa coopération, il recevra, outre le prix de la vente,
le cinquième des bénéfices nets^ pendant dix ans.
Cette idée fut accueillie par le sieur C avy y qui
désirait sur-tout s’aider des conseils et de l ’influence
du sieur Taché. L a coopération de ce dernier rappro
cha même bientôt les parties sur le p rix, qui fut fixé
à un capital de 4 ° j 000 francs pour les minutes , re
gistres, clien telle 3 etc.; 2° à la moitié des recouvremens de l’exercice du sieur Taché ; 3° un cinquième
des bénéfices nets de l ’étude' pendant dix ans, pour
prix de la coopération qu’il promettait au sieur C avy.
Enfin le sieur Taché et les sieurs C avy se retirèrent
après être convenus que le sieur Taché laisserait lin
bureau à son successèùr; que l ’étude i ne «changerait
pas de local sur-le-champ, mais qu’elle continuerait,
d ’être tenue dans l ’emplacement qu’ellei occupait dans
la maison du sieur Taché, et qu’on y joindrait !un
petit cabinet attenant.
r
«)l .-'»ri-;
Le lendemain, on devait se réunir chez le sieur
�Taché, pour s’expliquer plus en détail sur ces con
ventions, qui n’étaient encore arrêtées qu’en termes
généraux. L e jurisconsulte, intermédiaire des sieurs
C avy et Taché, ne put assister à cette conférence. Ce
dernier sut mettre à profit l ’absence de celui dont le
caractère et les lumières lui en imposaient.
Le sieur Taché n’était plus le même homme de la
veille. Sur de sa supériorité, il était devenu extrê
mement tranchant ; il ne voulait entendre ni donner
aucune explication : il dictait des lois.
Le sieur Cavy désirait qu’il fû t positivement expli
qué que le cinquième net des bénéfices était le prix de
la coopération du sieur Taché, et que conséqucmmcnt,
s’il venait à décéder, ses héritiers n ’auraient aucun
droit à ce cinquième. L e sieur Taché trouva que la
première partie de cette proposition blessait sa délica
tesse, éleva la voix, prit un air de dignité, et attesta
que lorsqu’on traitait avec lu i, un engagement moral
de sa part était suffisant. Prenant ensuite un ton plus
radouci, et affectant de tirer un présage sinistre de
la seconde partie de la proposition de Me C a v y , il se
plaignit, de la manière la plus aim able, des précau
tions que voulait prendre son chei' e t j e u n e c o l l a b o
r a t e u r , et dit qu’il n’était pas bien de supposer qu’il
pouvait ne pas vivre dix ans.
Cette singulière scène se passait entre le sieur Taché
et Me Cavy fils, auquel le père avait abandonné le
soin de terminer cette affaire. M* Cavy commençait îi
avoir quelque défiance. Le sieur Taché ne lui paraissait
�P&P ’
P
( io )
plus aussi franc que la veille; ses actions ne semblaient
pas d’accorcl avec ses discours.
On en vint cependant à la nature des engagemens,
qui devaient être contractés pour assurer le paiement
de l ’étude. Le sieur Taché exigeait des lettres de
change ; Me Cavy lui manifesta de la répugnance a
les souscrire : il s’expliqua même sur ce point avec
quelque vivacité. Alors le sieur Taché se contenta de
la moitié du prix en lettres de change, et donna sa
parole d’honneur qu’elles ne sor liraient point de son
porte-feuille (i). 11 voulut bien recevoir une obliga
tion pour l ’autre moitié.
Il fallut rappeler au sieur Taché q u ’il avait promis un
bureau ; plus tard, il refusa de le livrer. Enfin M* Cavy
crut devoir parler de l ’emplacement occupé par l’étude,
et consistant en deux pièces de la contenance de vingt
pieds carrés. Le sieur Taché exigea pour cela un loyer
de 3oo francs; encore ne voulut-il pas faire de b ail,
parce que, disait-il, sa parole d’honneur était suffi
sante.
L e contraste qui se faisait remarquer entre les
actions et les discours du sieur Taché; la confiance
qu’il voulait commander jusqu’à l’abandon, tandis
que lui-même stipulait ses intérêts avec le plus grand
soin; la défiance qu ’inspire celui qui parle à tout
propos de son honneur et de sa délicatesse ; l ’espèce
d ’irritation que produisent des discussions prolongées
( i ) Le sieur Taché les a n égociées, au moins en partie.
�( 11 )
et minutieuses, tout enfin paraissait se réunir pour
éloigner Me Cavy : aussi les relations étaient-elles à peu
près rompues , lorsque le sieur Cavy père intervint. lise
montra plus sensible aux prévenances du sieur Taché,
plus confiant dans ses promesses, et mit fin à une
scène aussi fatigante, en apposant sa signature sur les
lettres de change et sur l ’obligation.
Quelques jours furent employés à régulariser l ’obli
gation consentie au sieur Taché; une inscription fut
prise îx sa requête; et, sur sa demande, on lui rap
porta un certificat négatif d’autres inscriptions.
L a chambre des notaires avait été convoquée pour
le 23 janvier 1 8 1B . Me C avy devait y être présenté ,
à l ’effet d’obtenir le certificat de capacité et de mora
lité, qui lui était nécessaire.
Les séances de la chambre se tenaient dans la maison
du sieur Taché, alors président; ce dernier avait, dès
la veille, fait la remise de ses minutes à Me C a v y , qui
les avait reçues de confiance. Ce dernier y jetait un
coup-d’ œil pendant que la chambre était réunie.
L ’examen rapide qu’il put faire des minutes des six
dernières années lui fit découvrir que le sieur Taché
s était trompe ou 1 avait trompé d’ un quart, au moins,
sur le nombre des actes qu’ il avait déclaré recevoir
annuellement. L e sieur Taché, qui était alors à la
chambre, fut appelé : Mc Cavy lui fit part de la dé
couverte qu’ il venait de faire, et se plaignit assez vive
ment. Pour toute explication, le sieur Taché traita
à ’enfantillage ics inquiétudes et les-reproches du sieur
�(
12
J
C a v y , et lui assura que la c o o p é r a t i o n q u i l l u i a v a i t
p r o m i s e a r r a n g e r a i t to u t . Cette réponse faite, le sieur
Taché disparut, et laissa son jeune successeur livré à
des réflexions bien amères, mais trop tardives.
Cependant que se passait-il dans l ’intérieur de la
chambre des notaires? Le but de sa réunion était
l ’examen de Me C av y; mais le sieur Taché voulait faire
une retraite triomphale : il avait disposé la cassolette
où l’idole devait brûler en son honneur l ’encens qu’elle
avait préparé.
Le procès-verbal du 23 janvier 1 8 1 8 nous fait con
naître les détails de cette séance.
L e sieur Taché y prononce un discours dont il est
constamment l ’objet. E n orateur habile, il commence
par fixer l ’attention de ses auditeurs sur l ’altéraiion
progressive de sa santé ; il parle du courage qu ’il lui
a fallu pour lutter contre ses maux; il se plaint de ce
que tout espoir de guérison lui est interdit ; de l ’im
possibilité où il est de continuer ses fonctions; cepen
dant il laisse espérer q u ’une vie moins agitée pourra
faire quelque diversion à ses maux.
Mais il ne veut pas laisser d é p r i m e r son é t a t ; il a
songé à se donner un successeur; il espère que le je u n e
h o m m e c o m p r e n d r a t o u t l ' a v a n t a g e d e l a c o n c e s s io n
q u ’i l l u i f a i t .......... .« L a jeunesse-de mon successeur,
ajoute-t-il, e t u n e s a g e d é f i a n c e en ses propres forces.
« l u i on t f a i t d é s i r e r d’être encore quelque tems a i d é
« d e s c o n s e ils d e m o n e x p é r i e n c e j j ’a i d o n c c o n s e r v é
« un i n t é r ê t d a n s m on é t u d e , et c’est dire assez.
�«. tout CELUI q u e j e m e t t r a i à l a m a i n t e n i r clans le
« m êm e éta t d e c o n f ia n c e et de p r o s p é r it é . »
Tout le reste du discours est consacré à l ’apologie
de son auteur. Si la profession de notaire est entourée
de considération, c’est à l ’orateur qu’on le doit ; s’il y
a une chambre, c’est lui qui l ’a créée; il est l ’auteur
de tous les travaux importans qui ont été entrepris :
il parait accablé de sa gloire; mais elle lui est si chère,
q u ’à peine offre-t-il à ses c h e r s c o l l a b o r a t e u r s , réunis
pour l ’entendre, le plus petit fleuron de la couronne
q u ’il vient de tresser et de se placer si modestement
sur le front.
L e sieur Taché voulait qu’on lui répondit : un de
ses c h e r s c o l l a b o r a t e u r s s’était chargé de ce soin. Il
était impossible de rien ajouter à l ’éloge. L e sieur ..
Taché, qui se connaît mieux que personne, et qui
sur-tout s a i t e x p l i q u e r to u t e s le s a c t i o n s d e s a v i e ,
avait épuisé la matière; aussi fallut-il se réduire a des
témoignages de reconnaissance, à des expressions de
regrets, d’estime et de gratitude; et après avoir débité
ce long protocole de la flatterie, l’orateur en vient au
point essentiel, à la proposition de conférer au sieur
Taché le titre de P r é s i d e n t h o n o r a i r e , e t a v i e , de
la chambre, e t d e le s o l l i c i t e r d e v o u l o i r bien l ’a c
c e p te r . Cette péroraison pouvait bien faire pardonner
la faiblesse du discours.
Enfin tout s’arrange; le sieur Taché est proclamé
président honoraire, MeAsiaix président ; et la cham bre,
ainsi formée, s’occupe de Me C avy quatre lignes du
�( >4 )
procès-verbal attestent qu ’on lui a délivré un certificat
de moralité et de capacité.
On reviendra sur cette pièce importante ; mais ,
dans l ’intérêt de la cause, il est utile de faire remar
quer à l ’instant même que ce procès-verbal explique
tout : les motifs de la retraite du sieur Taché; le désir
de s’adjoindre un coopérateur. Il apprend sur-tout à
quelles conditions le cinquième des bénéfices nets de
l ’étude lui avait été accordé pendant dix ans : ce cin
quième était le prix d e s c o n s e i l s d e s o n e x p é r i e n c e ;
l ’intérêt q u ’il conservait dans les bénéfices était le ga
rant de c e l u i qu’il mettrait à la maintenir dans le
même é t a t d e c o n f i a n c e e t d e p r o s p é r i t é .
Me C avy croyait pouvoir atten d re sa nomination à.
Clermont; on ne lui avait fait prévoir aucune diffi
culté. Le sieur Taché l ’engagea cependant à aller à
Paris pour presser l ’expédition de sa commission.
M e C avy faisait ce voyage avec plaisir; il désirait re
voir ses anciens am is, et notamment Me L e v e r t, no
taire, chez lequel il avait demeuré silong-tems; qui
lui avait donné de si bons exemples; témoigné tant
de bontés; qui lui conservait encore la place de maître
clerc de son étude, et avec lequel il avait d ’ailleurs
quelques comptes à régler.
Me Cavy avait assez d’orgueil pour ne vouloir
tenir sa nomination que de la loi; il était personnelle
ment très-en règle, et porteur de tous les certificats
que l’on pouvait exiger. Ses pièces étaient déposées au
ministère, et il attendait sa nomination, lorsqu’il
�( i5 )
apprit qu’elle était arrêtée par une difficulté assez sé
rieuse , résultant de ce que le nombre des notaires
exerçant a la résidence de Clermont excédait celui qui
est fixé par les ordonnances.
L e premier mouvement de Me Cavy dut être celui
de l ’indignation 5 mais d’autres réflexions, celles sur
tout qui résultaient de la naluro de ses engagemens,
ces lettres de change, cette obligation, causées valeur
reçue en numéraire, tandis que le traité par acte
public ne portait aucune énonciation de sommes , et
disait expressément que Me C avy suivrait sa nomina
tion à ses risques et périls : tous ces motifs vainquirent
sa répugnance, et l ’engagèrent à solliciter, et à essayer
de faire disparaître les obstacles qu’ il n’avait pu pré
voir, et que le sieur Taché s’était bien gardé de lui
signaler.
Tout ce que l ’on vient de lire devait encore dirninuer la grande confiance que le sieur Taché avait
voulu inspirer à Me Cavy. Ce dernier, en se remé
morant les protestations et les expressions favorites
de son vendeur, craignait de s’être mépris sur leur
veiitable sens, il se laissait souvent entraîner à des
mouvemens de dépit qu’il lui était difficile de ré
primer , et sa correspondance devait nécessairement
se ressentir de l ’état de son ame; aussi, à son retour,
put-il prévoir que ses relations avec le sieur Taché
seraient pénibles, ou au moins peu amicales.
Cavy revint a Clermont au mois de mars 18 1 8 .
Ses explications avec le sieur Tuché furent vives -
�( 1(5 )
l ’aigreur se fit bientôt sentir clans les discours de cc
dernier; et comme l'offenseur pardonne difficilement,
le sieur Taché voulut profiter de tous ses avantages,
et se venger de son successeur, en l ’obligeant à quitter
l ’emplacement qu’il lui avait loué.
Me C avy espérait encore; il est vrai qu’une obser
vation de quelques mois lui avait fait remarquer de
singulières nuances clans le caractère du sieur Taché.
Tantôt d’ une extrême douceur, bientôt après trèscolère, quelquefois poli, souvent dur et orgueilleux,
mais toujours vantant sa délicatesse, son honnêteté,
sa loyauté : tel est l ’homme que Me Cavy pouvait
étudier journellem ent, dont il supportait les changemens d’hum eur, n’osant supposer qu ’il pût se per
mettre aucun acte contraire aux principes qu’il pro
fessait si hautement.
Cependant le sieur Taché, absolu dans ses volontés,
voulait que 3NIe Cavy abandonnât le local qu’il lui
avait loué , location dont les avantages étaient entrés
pour beaucoup dans la vente de l’étude. Me C a v y ,
voyant que le sieur Taché oubliait ses propres prin
cipes, osa parler de la convention; il lui fut répondu
que l ’on ne connaissait que les engagemens par écrit,
et non ceux contractés verbalement. Me Cavy voulut
insister; mais le sieur Taché fixa le jour de sa sortie
avant la foire de m ai; et, comme toute résistance à
exécuter un ordre légitimement donné mérite puni
tion, il annonça qu’à défaut par M* Cavy de lui
obéir, « il ferait jeter les minutes et les autres papiers
�(
*7
» dans la rue, et que la porte de sa maison serait
« fermée. »
Il fallait terminer cette lutte. Me C avy se procura
un logement près de la maison du sieur Taché : bientôt
il s’y installa, après avoir payé au sieur Taché quatre
mois de loyer, au prix de 3 oo francs par an.
L a mésintelligence qui existait entre le sieur Taché
et Me Cavy aurait pu nuire à ce dernier, s’il n’eût
senti le désir de se rapprocher de son: coopérateur, et
s’il ne se fut imposé la loi de lui montrer de la dé
férence; d’un autre côté, le sieur Taché avait un
intérêt bien réel k ne point se laisser entraîner trop
aveuglément aux mouvemens de sa passion. Il parti
cipait aux bénéfices de l ’ étude; il fallait donc conserver
les cliens, et leur montrer de l ’estime et de la confiance
pour son successeur; enfin, Me C a v y , chargé d ’une
affaire importante, avait eu le bonheur de la terminer,
de vaincre les difficultés nombreuses qu’elle présentait:
son travail avait été loué; le sieur Taché sentit que la
considération dont son jeune successeur commençait à
jouir exigeait qu’il eût pour lui des ménagemens, ou
au moins de la circonspection. Il daigna d'abord
l ’accueillir avec moins de froideur; bientôt il se montra
d’une affabilité extrême. Me Cavy oublia to u t, et la
bonne intelligence parut rétablie.
Les événemens qui arrivent à l ’homme ont entre
eux une liaison secrète , qui exerce une influence
puissante sur ses déterminations et ses volontés. Un
esprit prévoyant juge de ce qui peut arriver par ce.
�fy
•' r A t *
( .s )
#
^ ^
qui existe, et se prépare à profiter des événemens que
ses calculs lui font regarder comme prochains.
Le sieur Taché avait obtenu la confiance du sieur
Domergue fils, q u i, en 1 8 1 6 , lui laissa sa procuration
générale. M. Domergue père, dont le nomsera à jamais
cher au commerce de Clermont, était atteint d ’une
maladie qui faisait craindre et prévoir sa fin prochaine.
L e sieur Taché avait été accueilli dans la maison Do
mergue : un père aime à s’entretenir de son fils; mais
les assiduités du sieur Taché permettaient aussi de
penser qu ’il désirait la liquidation d’une maison de
banque aussi opulente. L ’opinion publique allait jus
qu’à dire que c’était en vue de cette grande opération,
que le sieur Taché avait donné sa démission du no
tariat.
L ’événement vint prouver que le public ne s’était
point mépris sur les calculs du sieur Taché. M. Do
mergue est mort au mois de juin 18 1 8 . Au même
instant, le sieur Taché devient un homme nouveau ;
celui qu i, au mois de janvier précédent, se plaignait
d e l ’a l t é r a t i o n d e s a s a n t é ; qui annonçait que to u t
e s p o i r d e g u é r is o n l u i é t a i t i n t e r d i t ; qui n’attendait
q u e l q u e d iv e r s io n à ses m a u x , q u e d ’u n e i^ ie m o in s
a g i t é e .......... retrouve toutes ses forces à-la-fois; son
activité, son zèle, son énergie ne connaissent plus de
bornes; ses facultés augmentent en proportion des
obstacles qu’il s’agit de vaincre et de surmonter. II
a à sa disposition le porte-feuille, les lettres, les livres
de commerce, le mobilier, et les capitaux de M. Do-
�( *9 )
• f
mergue. Tous les immeubles, maisons, domaines ,
enclos, jardins, sont vendus; les effets de porte-feuille
distribués : toutes ces opérations sont terminées en
moins d’ un an; tout le monde est content , acqué
reurs, créanciers, débiteurs. Il ne restait plus au
sieur Taché d’autre soin que celui de recueillir les
témoignages de la reconnaissance bien éclairée du sieur
Domergue fils; d’autre devoir que celui de lui faire
soutenir deux petits procès, dont l ’un avait pour objet
la valeur de certaines grilles en fe r , q u e , dans des
tems plus heureux, le sieur Domergue avait com
mandées pour le château de G h a té , appartenant à
madame son épouse, et que le sieur Taché voulait
laisser pour le compte de l ’ouvrier ( i ) ; et l ’a u tre ,
une action en répétition contre le sieur Demurat ,
créancier du sieur Domergue fils; créancier que le
sieur Taché a payé, et dont il veut aujourd’ hui faire
réduire la créance. C ’est en lisant le mémoire distri
bué en ,1a Cour, sur cette dernière affaire, que l ’on
peut apprécier l ’activité du sieur Taché, la rapidité
et la sûreté de ses opérations, et que l ’on apprend
qu’une liquidation de plus de trois millions, soit en
actif, soit en passif, a été ^terminée en moins d’un
an , et sans procès ! . . ........ Il est vrai que les procès
viennent après la liquidation.
On pense bien que cette année fu t un tems de paix
( i ) Ce procès a été juge au tribunal civil (le C lerm ont çt
t e sieur Dom ergue a toujours perdu son procès.
ça
1»
Cour,
�(
20
)
pour Me Cavy. Le sieur Taché semblait n’avoir plus
rien à désirer; son ambition même paraissait satis
faite : le très-jeune successeur était accueilli avec la
plus grande bienveillance; on daignait l ’informer des
affaires de l ’étude, prendre quelque part à sa prospé
rité. Me C avy recevait les actes que la liquidation du
sieur Domergue nécessitait; enfin, c’était sur-tout à
l ’échéance du trimestre , que le sieur Taché était le
plus aimable. Me Cavy ne se retirait jamais sans avoir
entendu quelques mots flatteurs, ou reçu quelques
encouragemens. L e cinquième des bénéfices nets ,
exactement compté tous les trois mois, devait d’au
tant plus satisfaire le sieur Taché , q u ’à cette époque
la coopération qu’il avait promise ne l ’assujettissait à
aucun travail, et ne lui imposait aucune gêne.
Enfin la liquidation étant terminée, le sieur Taché
pouvait avoir besoin de repos ; mais le repos n’est point
un état qui lui convienne ; sa santé éprouvait de>nouveau
une altération sensible ; tous ses 'organes paraissaient
affaiblis; il vivait dans la retraite. Sa misanthropie
était telle, q u ’on eût dit que le sieur Taché ne pou
vait aimer et fréquenter les hommes , qu’autant qu ’ils
pouvaient lu r être utiles à quelque chose.
Quelques personnes cependant ne le laissaient point
»
abuser; elles croyaient que le sieur Taché faisait,
dans son gîte, autre chose que des songes; elles mani
festaient même quelque impatience de connaître, par
ses résultats , l ’objet de ses méditations. Les unes
supposaient qu’il voulait garder la maison Domeigue,
�(
21
)
pour y faire la banque; d’autres publiaient qu’il allait
devenir le chef d’une maison d’agences générales.
L e sieur Cavy., uniquement occupé des travaux de
sa profession, ne faisait, lu i, aucune conjecture. Le
sieur Taché se disait souffrant et malade. Me C avy l ’en
croyait sur parole et le plaignait. L e sieur Taché lui
montrait de la confiance et de l ’affection. Me C a v y ,
qui avait entièrement oublié leurs premiers débats,
correspondait à ces sentimens ; et lorsque Me Taché lui
insinua que l ’état de sa santé ne lui permettait plus
de s’occuper d’affaires sérieuses; qu’il songeait à se
l'etirer des affaires ; qu’il était de l’ intérêt de tous les
deux de capitaliser le cinquième auquel il avait droit
pour une coopération fatigante pour l u i , et tous les
jours moins utile à Me C a v y ; lorsque sur-tout il lui
promettait qu’il ne lui accorderait pas moins ses bons
offices; qu’ il ferait également tous ses efforts pour lui
conserver sa clientelle, il trouva dans Me Cavy un
homme préparé à le croire, et tout disposé à traiter
avec lui.
Cette seconde convention verbale porte le prix de la
vente a 60,000 fr. , c’est-à-dire, que la coopération
du sieur Tache, pendant dix ans, et ses efforts pour
conserver la clientelle, ont été évalués à 20,000 fr.; ët
moyennant ce p rix, le sieur Taché s ' o b l i g e , d ’n o n n e u r ,
a a id e r
C avy d e to u s r e n s e ig n e m e n s et c o n s e i l s
d o n t i l p o u r r a a v o i r b e so in p o u r s a p r o f e s s i o n , comme
aussi h lui c o n s e r v e r s a c l i e n t e l l e . — Ces conven
tions sont faites de b o n n e f o i entre les parties.
�(
22
)
A peine le sieur Taché avait-il reçu les engagement
de Me C a v y , q u ’il quitte sa retraite. Toute sa per
sonne respire un air de fête 5 son aimable sourire
annonce qu’il s’est occupé d’une bonne action : il a
accordé la main de sa fille à un jeune homme dont le
père a été malheureux. Me Astaix fils, notaire, va
devenir son gendre : le sieur Taché veut être son bien
faiteur.
Que l ’on ne dise plus que le sieur Taché recherche
la solitude5 qu’il semble fuir les hommes : il est devenu
-affable et prévenant envers tout le monde. Il nJavait
pu accorder à Me Cavy une soirée pour l ’accompagner
chez quelques-uns de ses cliens les plus notables : il
circule cependant avec Mc Astaix dans tous les quartiers
de la ville de Clermont ; c’est lui qui communique
le mariage j il voit ses anciens cliens avec son gendre
futur ; il leur rappelle qu’il a eu leur confiance, leur
dit qu’il redevient notaire, et qu’il espère qu’ils ne
l ’abandonneront pas.
M ' Cavy était averti de tout cela. Ses amis, en lui
parlant du sieur Taché, avaient beau lui crier auro
p u is a fid e s ! ........ il ne voulait rien croire. Comment,
en effet, un ancien notaire, revêtu pour sa vie d’un
titre d ’honneur, oserait-il manquer à une obligation
contractée sous la garantie de Y h o n n e u r et de la
SONNE F O l!
Cependant, au bout de vingt-cinq jours, le mariage
est célébré. Les jeunes époux viennent habiter dans
la maison du sieur Taché. L ’ctude de Me Astaix y est
�transportée; et bientôt après le nom d' A s ta ix -T a c h é,
notaire-certificateur, gravé sur le cuivre, vient décorer
de nouveau le dessus de la porte du sieur Taché,
ancien notaire, vendeur de Mc Cavy.
Me Cavy ne pouvait croire à ce qu’il lisait. Voisin
du sieur T ach é, il se demandait à lui-même comment
il avait ainsi osé exposer aux regards du public l ’en
seigne de la cupidité ? Me Astaix était notaire avant
son mariage; il avait une clientelle particulière ; il ne
succédait pas au sieur Taché; il n’ avait aucun droit à
sa clientelle : donc si ces deux noms étaient réunis ^
ce ne pouvait être que dans le but de faire naître des
erreurs et d’en profiter, en laissant supposer, contre
la vérité du fait, que Me Astaix était le successeur,
ou au moins le collaborateur du sieur Taché.
C ependant le sieur Taché pouvait encore paraître
excusable. L ’enseigne, les affiches, les insertions dans
les journaux, indiquaient bien Me Astaix, sous le nom
à ’A s ta ix -T a c h é ; mais le sieur Taché pouvait être
étranger à cette indication. Il pouvait avoir cédé aux
sollicitations de sa fille et de son gendre; leur avoir
permis de s’aider de l ’infiuence de son nom. Sans doute
ce n’était pas bien en morale; mais la tendresse d’ un
père a quelque chose de si touchant, qu’il faut bien
lui pardonner ses erreurs.
M° Cavy gardait donc encore le silence. Il savait
d ailleurs que le sieur Taché était assez heureux clans
les explications q u 'il donnait des actes de sa vie . Il
voulait acquérir la preuve de faits assez positifs et
�( H )
assez forts, pour q u ’ils pussent résister à toutes expli
cations, même à celles du sieur Taché.
Tous les jours apportaient der nouvelles lumières et
de nouveaux renseignemens à Me Cavy. Il faut grouper
ici les faits qui lui ont été révélés, et dont il offre la
preuve, si le sieur Taché ose les désavouer.
i ” L e sieur Taché se plaisait à expliquer le sens
l ’enseigne qui brillait sur sa porte; e t, la mettant
concurrence avec celle de Me C a v y , il disait « que
« deux colombiers étant à côté l’ un de l ’autre ,
« anciens pigeons se tromperaient souvent de porte
de
en
les
les
»;
2° L e sieur Taché, q u i ne s’épargne pas les éloges,
« annonçait souvent qu’il saurait encore bien faire
« quelques obligations; q u e , lorsqu’il y aurait des
« actes difficiles à rédiger, on n a u r a i t p a s b e so in
« d ' a l l e r c h e z 3 1 . B e r g i e r ; qu’on les rédigerait en
« fam ille; qu’il se rappelait son ancien métier; qu’il
« serait le m a î t r e c l e r c d e so n g e n d r e » ; mais, pour
être exact, il faut bien convenir que ceux à qui ces
discours étaient tenus sentaient bien, au ton que pre
nait le sieur Taché, en se servant de ces dernières
expressions, qu’il voulait dire et faire entendre qu’il
serait le clerc, m a î t r e de son gendre.
Telles sont le s e x p l i c a t i o n s que donne le sieur Taché
lui-même des causes du mariage de sa fille avec un
notaire; de l’habitation de ce dernier dans la maison
de son beau-père, de l'affiche qui les indique collecti
vement, au public, comme notaires.
�( >5 )
Actuellement il faut recueillir les faits positifs, qui
e x p liq u e n t ïi leur tour les paroles du sieur Taché.
i° Le sieur Taché est allé demander la confiance de
ses anciens cliens ; il a positivement sollicité quelquesuns d’entr’eux de lui faire recevoir des actes importans et considérables ;
2° Il a arrêté des cliens qui allaient chez M* Cavy,
en leur disant quVZ espérait bien regarnir le co
lom bier;
3° Il est journellement dans l ’étude de son gendre ;
il y reçoit les cliens, assiste à leurs débats, arrête leurs
conventions, et rédige tous les actes importans ;
4° Enfin il a dit à quelques personnes que l ’ étude
de son gendre était la sienne; à d’autres, qu ’il y avait
un intérêt.
C ’est après avoir acquis la preuve de tous ces faits,
que Me Cavy s’est décidé à traduire le sieur Taché
devant les tribunaux.
Son'action était légitime aux yeux des moralistes;
car, avan t'to u t, il faut observer religieusement ses
conventions.
Les jurisconsultes ne peuvent la repousser, puisque
le consilium et eventus frau clis perce de toutes parts
dans les paroles et dans les actes du sieur Taché.
Pour la procédure, il suffit de dire que la demande de
Me Cavy est du iG décembre 1820; qu ’il y conclut k ce
que le sieur Taché soit tenu de lui payer la somme
de A0,000 francs, soit à titre de restitution de partie
�( 26 )
du prix moyennant lequel il lui a vendu son étude
de notaire, soit à titre de dommages-intérêts pour le
préjudice qu ’il lui cause en lui enlevant la clientelle,
qu e, loin de lui conserver, il a détournée et détourne
journellement ; qu’il soit fait défense à Me Taché de
résider dans l ’étude d’Astaix, notaire, à titre de maître
clerc; d ’y recevoir les cliens; de conférer avec eux; de
présider à leurs conventions, et d’y rédiger ou dicter
les actes de notaire; Me C avy conclut enfin à ce que
le jugement à intervenir soit inséré dans les feuilles
%
publiques, et affiché au nombre de cinq cents exem
plaires.
C ’est a ces faits et îi cette d e m a n d e , que le sieur
Taché croit avoir répondu dans ses observations im
primées, et distribuées avec une ridicule profusion.
L e sieur Taché s’était sans doute flatté de donner de
lui une grande idée au public; mais déjà ne l ’entendil pas lui répéter ces vers du poëte satirique :
L,e m o n d e , à m on avis, est com m e un grand th éâ tr e,
O ù chacun , en p u b lic , l ’un par l ’autre abusé ,
Souvent, à ce qu’il est, joue un rôle opposé.
Il faut actuellement voir, en droit, ce qu ’on peut
penser de cette cause.
�(
27
)
M O YENS.
Les jurisconsultes romains définissent l ’obligation,
dans un sens métaphorique , un lien de droit ou
d’équité, qui nous impose la nécessité de donner ou
de faire une chose suivant les lois de notre pays.
Toute obligation tient de la lo i , soit i m m é d i a t e m e n t
par un s i m p l e a c t e d e l a v o l o n t é d u l é g i s l a t e u r ,
soit par le m o y e n d e l a v o l o n t é o u d u f a i t de l ’homme.
Les conventions elles-mêmes n’obligent qu’en vertu
de la loi qui commande de tenir la parole qu’on a
donnée. Le législateur leur confie l ’autorité de la loi,
comme le dit énergiquement l ’article i i 3 4 - « Les
« conventions légalement formées tiennent lieu de loi
« à ceux qui les ont faites. »
Les choses qui font la matière des contrats doivent
être prises dans l'acception la plus étendue, pour tout
ce dont l ’homme peut retirer quelque utilité, quelque
avantage
ou quelque agrément. L e s a c t i o n s d e
V h o m m e ou m ê m e l e u r o m is s io n , autant qu’elles
peuvent p r o c u r e r d e V u t i l i t é à une personne, sont
comprises sous le nom de chose ; ce sont moins alors
les faits et les actions de l ’homme, que l ’ utilité ou le
profit qu’on en peut retirer , qui sont l ’objet ou la
matière des contrats. « Tout contrat a donc pour
« objet une chose qu’une partie s’oblige à donner, ou.
« q u ’une p a r t i e s o b lig e à f a i r e o u à ne p a s f a i r e y
(Code civil, article 112 G ).
�Il est vrai que celui qui s’oblige à faire ou à ne pas
faire, oblige une partie de sa liberté5 mais que devien
drait la société, si les hommes ne pouvaient engager
leurs services et leurs actions?......... Il en est de nos
actions comme des choses dont nous avons la propriété.
Nous pouvons les engager, soit gratuitement, soit pour
un prix, soit par voie d’échange; e t, en les engageant,
nous sommes aussi parfaitement obligés de les remplir,
de faire ou de ne pas faire ce que nous avons promis,
que dans le cas où l'obligation consiste à donner. Il
n’y a d’exception à ce principe , que dans le cas où
l ’engagement des services et des actions serait défendu
par la loi , par l ’ordre public ou par les bonnes
mœurs.
Il est donc certain que les actions de l ’homme,
autant qu’elles peuvent être utiles à ses semblables,
sont dans le commerce comme les choses proprement
dites. L a seule différence que l ’on puisse remarquer
entre les choses et les actions, c’est qu ’on peut être
contraint à donner, céder la possession et propriété
des premières ; si on les a promises, tandis qu’on ne
peut q u ’être pu NT p a r des dom m ages - intérêts , si
l ’on fait ce q u ’on a promis de ne pas faire , parce
qu’aucune puissance ne peut rappeler le passé, ni faire
qu’il n’ait pas existé. Il en est de même relativement
à l ’obligation de faire, puisqu’il est vrai qu’on ne peut
directement être contraint h faire ce qu’on ne veut
pas faire.
Ces principes sont aussi simples que vrais ; ils sont
�*57
le fru it de l'expérience des siècles et des profondes
méditations de ces jurisconsultes romains, à qui seuls,
dit le célèbre chancelier d’Aguesseau, la justice semble
avoir dévoilé ses mystères. C ’est aussi dans leurs écrits,
que Pothier a puisé son Traité des Obligations. Ce
sont enfin les lois romaines que les législateurs français
avaient sous les y e u x , lors de la rédaction du titre
des obligations, inséré au Code civil.
L ’application de ces règles se fait ici très-facilement.
L e sieur Taché avait, lors de la première convention,
droit pendant dix ans au cinquième des bénéfices
nets de l ’étude qu’il avait vendue à INI' C avy.
Me C a v y , en payant ce cinquième, avait à son tour
le droit d’exiger du sieur Taché (et suivant ses propres
expressions) q u ’ i l f i t t o u s s e s e f f o t s p o u r maintenir
' l ’élucle 'vendue dans le même état de c o n f i a n c e e t
DE PROSPÉRITÉ.
S ’il est vrai qu’il ne peut exister aucun droit en
faveur d’une personne, sans qu’ il existe un devoir
imposé à une autre personne, il faut dire ic i, en dis
tinguant les deux contractans, que le droit du sieur
Taché était d’exiger le cinquième des bénéfices de l ’étude,
et que le devoir de M* C avy était de le lui payer.
Mais comme le cinquième de ces bénéfices était le
prix de la coopération promise par le sieur Taché, il
faut ajouter que le droit de Me Cavy était de pouvoir
exiger que le sieur Taché coopérât à tout ce qui pou
vait concourir a la prospérité de l’étude; que le devoir
du sieur Tache était de f a i r e tout ce qui dépendrait
�de lui pour assurer la prospérité de cette élude, et
sur-tout d e n e r i e n f a i r e qui put lui causer préjudice.
E n considérant les faits sous ce premier point de
vue, quels en sont les résultats les plus immédiats ?
Me C avy devait faire participer le sieur Taché au
cinquième des bénéfices de l ’étude : il a rempli son
obligation. S ’il l ’eùt négligée, il est hors de doute qu’il
aurait été contraint à le faire.
Mais si, pendant le tems que ce cinquième était
payé, le sieur Taché eût refusé d’aider Me C avy des
conseils de son expérience, de maintenir l ’étude dans
le même état de confiance et de prospérité; s’il eût
refusé sa coopération; en un m ot, s’il eût négligé ce
q u ’il avait promis m o y e n n a n t un p r i x } Me Cavy
n ’aurait-il pas été autorisé à se retenir ce prix, puisque
le sieur Taché ne remplissait pas l ’obligation d e f a i r e ,
à laquelle il s’était assujetti, moyennant le cinquième
des bénéfices ?
On suppose ici le sieur Taché dans un état passif.
Il faut aller plus loin pour voir le sieur Taché dans la
position où il s’est placé lui-mème.
L ’obligation d e f a i r e quelque chose d ’u tile entraîne
nécessairement celle de ne p a s f a i r e quelque chose de
n u is ib le . C ’est bien peu exiger de celui qui doit
c o n s e r v e r et f a i r e p r o s p é r e r 3 que de lui demander de
ne pas d é tr u ir e .
Si donc, a l’époque dont nous parlons, le sieur Taché,
au lieu de conserver l ’étude vendue dans son état de
confiance, avait fait tous scs efforts pour en détourne^
�( 3- )
la clientelle; s i, au lieu de coopérer à la maintenir
dans son état de prospérité , il avait porté ailleurs son
influence, sa coopération et ses travaux*, si enfin, sous
son nom ou celui d’un autre joint au sien , il avait
créé une nouvelle étude de notaire ; si ses démarches
publiques avaient annoncé qu’il n’agissait ainsi que
pour dépouiller son acquéi’eur , son successeur à titre
onéreux, peut-on douter que ce dernier n’eùt le droit
de réclamer la restitution des sommes, prix de la
clientelle et de la coopération du vendeur? qu’ il ne
put demander en même tems des dommages-intérêts,
pour le préjudice que devait lui causer cette double
infraction de la convention la plus positive?........N o n ,
sans doute; à moins toutefois que l ’on ne veuille
ériger en maxime , q u ’il est perm is , p a r quelque
m oyen
que
ce
soit ,
de
s ’enrichir
au
détrim ent
d ’autrui ! .......
Mais le sieur Taché voudrait insinuer que les obli
gations qu’il a contractées envers Me Cavy ont été
remplies; que tout a été consommé lors de la con
vention du 5 janvier 18 2 0 , et qu’à cette époque ,
Me C a v y , en se rédimant du cinquième des bénéfices,
auxquels le sieur Taché avait droit pendant dix ans,
lui a encore fait remise de sa coopération et du soin
de lui conserver la clientelle vendue.
Autant d’erreurs que de mots. Bien loin de là , la
seconde convention explique la première; elle s’ unit à
elle : elles se confondent pour ne former qu’ un seul
corps ; ce qui est écrit dans l’une est censé écrit dans
�C3- )
l ’autre : elles doivent être exécutées de la même ma
nière; et toute la différence que l ’on peut y remarquer,
c’est que dans la première, la coopération du sieurTaché,
et ses soins actifs pour la conservation de l ’étude dans
le même état de confiance et de prospérité, avait pour
prix le cinquième des bénéfices nets pendant dix ans;
tandis que dans la seconde, la même coopération avait
pour prix la somme capitale de 20,000 francs, repré
sentant ces mêmes bénéfices.
E n effet, qu’on se remette sous les yeux les termes
de cette seconde convention : le sieur Taché s 'o b lig e 3
- ¿ ' h o n n e u r à a i d e r le s i e u r C a v y d e t o u s le s r e n s e ig n e m e n s è t conseils dont il p o u rra a v o i r b e so in
p o u r sa p ro fe ssio n } com m e aussi
¿1 l u i c o n s e r v e r s a
c lie n te lle .
Donc il y a obligation, de la part du sieur Taché,
d ' a i d e r M e C a v y d e s r e n s e ig n e m e n s e t c o n s e il s qu’ il
voudrait exiger de lui pour l ’exercice de sa profession,
d’où naît la conséquence q u e , sans enfreindre cette
co n v e n tio n , le sieur Taché n’a pu devenir le coopérateur d’un autre notaire.
Donc il y avait également obligation imposée au
sieur Taché de conserver à Me Cavy la clientelle de
l ’étude qu’il lui avait vendue; et, à plus forte raison,
prohibition de la détourner en faveur de son gendre,
o u , pour mieux dire, à son profit personnel.
Les obligations et prohibitions imposées au sieur
T&ché devaient durer, et être respectées par lu i, au
moins pendant dix ans, puisque, par la première
�convention, il avait vendu sa coopération pour tout
ce tems, moyennant le cinquième des bénéfices nets
de l ’étude, pendant la même durée*, et que, par l ’effet
de la seconde convention, il a reçu la somme totale,
ou le capital représentant les bénéfices qu’ il ne devait
toucher qu’annuellement, et au fur et à mesure de sa
coopération.
Ainsi, étant vrai que le sieur Taché a touché le
prix des renseignemens et conseils qu’il avait vendus
à son successeur, et de la promesse qu’il lui avait
faite de lui conserver sa clientelle; si, avant les dix
an s, il a refusé ses renseignemens et conseils} s’il a.
aidé un autre notaire de son influence et de sa coopé
ration •, si, loin de rien faire pour conserver la clientelle
vendue à Mc C a v y , il l ’a détournée et a cherché à la
déverser sur u n au tre n o taire, il est évident q u ’il n ’a
pas d élivré la chose vendue ; que conséquemment il
doit restituer le prix. Il est également certain qu’ il
n ’a pas fa it ce qu’il avait prom is de f a i r e ; qu’au
contraire, il s est perm is ce q u ï l s’était absolument
interdit, et que, sous ce second rapport, il doit encore
restituer le prix de cette convention non exécutée, et
éprouver une condamnation en dominages-intérêts.
Il paraît difficile de résister à des inductions qui
se tirent si naturellement des actesj mais encore n ’estil pas de principe que les conventions doivent être
exécutées de bonne foi? L e sieur Taché ne l ’a-t-il pas
dit lui-même lorsqu’ il a stipulé avec le sieur Cavy ?
Ces conventions seront exécutées de bonne f o i .
�( 34 )
L ’article i i 34 du Code civil, en admettant la
bonne foi comme premier élément de l ’exécution des
conventions, n’a pas voulu seulement dire'que le dol
et la fraude doivent en être bannis, mais encore que
notre législation rejetait la division des conventions
que l ’on trouve dans le Droit romain et dans les in
terprètes, en contrats de bonne foi et contrats de droit
étroit. On sait que, dans ces derniers, on ne pouvait
rien demander au-delà de ce qui avait été expressément
promis, ou de ce qui était expressément convenu dans
le contrat; que dans les premiers, au contraire, on
pouvait demander, non seulement ce qui était expres
sément convenu dans le c o n t r a t , mais encore ce qui
ne s’y trouvait pas exprimé, si l ’équité et la bonne
foi l ’exigeaient.
L ’article i i 35 du Code civil fait cesser toutes ces
subtilités, en disposant que les obligations obligent,
non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à
toutes les suites que l’é q u ité , l ’usage et la loi donnent
k l ’obligation, d’après sa nature.
Il faut bien rappeler des idées élémentaires, lorsr
que l ’on plaide contre un homme qui méconnaît les
principes les plus ordinaires, et paraît se faire un jeu
de la bonne f o i , qu ’il a lui-même invoquée comme
moyen d’exécution de la convention.
Cependant Me Cavy n’a jusqu’ ici considéré cette
convention que comme un contrat de droit étroit; il
n’a compté pour
rien
la bonne foi promise par le
sieuF
�Tache*, il n ’a démandé que ce qüi était expressément
promis et inséré dans la convention.
Mais en- considérant cette cause sous un autre rap
port , et d’abord sous le point de vue de la nature de
l ’obligation contractée par le sieur Taché, Me C avy
ne1 peut-il pas lui dire que la vente d’un office de
notaire emporte, de sa nature, renonciation à tous
travaux de notariat, de la part du .vendeur, soit
dans ses intérêts, soit même dans l ’intérêt d’autrui ,
lorsque ce travail a lieu dans l ’arrondissement , sur
tout dans la résidence où était située l ’étude vendue?
Si un système contraire doit être rejeté, parce qu’ il
tendrait à favoriser la déception et la fourberie, même
dans le cas où un notaire démissionnaire deviendrait le
coopérateur d’un autre notaire étranger à ses affections,
la déception et la fraude ne sont-elles pas, à plus
forte raison, prouvées par le fait même, lorsque le
notaire démissionnaire, aussitôt après la vente de son
étude, et en avoir touché le prix, marie sa fille à un
autre notaire, l ’installe dans sa propre maison, joint
son nom au sien , et lui prête publiquement la coopé
ration la plus active?............. Cependant tous ces faits
sont prouves au procès, et avoués par le sieur Taché.
Si l’on consulte l’usage et l’éq u ité, quelle idée
pourra-t-on se faire de cette cause? Y a-t-il un autre .
exemple d un notaire qui ait ainsi abusé de la con
fiance de son successeur? qui ait manqué aussi p u b l i q u e
ment a ses engagemens? Les annales de la ju r i s p r u d e n c e
lie fournissent rien de pareil. A u sieur Taché il appar*
�tenait d’y faire consigner la violation la plus manifeste
de la foi promise.
Il faut terminer. — Les objections du sieur Taché
ne portant pas sur la cause , ne peuvent trouver de
réponse dans un mémoire qui a pour objet unique
d’éclairer la justice, et où l ’on ne doit rien écrire qui
ne soit digne d’elle. Il est vrai que le sieur Taché
parle avec beaucoup de respect de lui-même, et avec
assez de légèreté des autres ; mais l ’on ne veut pas
suivre un exemple trop facile à imiter. Le triomphe,
d’ailleurs, ne peut être glorieux, que lorsque la victoire
fait courir quelques périls.
Mais s’il est vrai que le siôur Taché soit un homme
honoré; s’il a joui pendant long-tems de la considéra
tion attachée à l ’exercice de l ’utile profession de
notaire; s’il peut se dire encore président honoraire
de l’un des Ordres les plus respectés, il doit un grand
exemple à la société. Il parait évident qu’il a méconnu
tous les devoirs que l ’équité, l ’usage et la loi lui
imposaient; qu’il a violé la foi promise, et q u ’il n’a
pas craint de s’enrichir au détriment d ’autrui. Com
ment donc les tribunaux, en examinant cette cause
dans ses détails, en l ’appréciant dans l ’intérêt de la
justice et de la morale, pourraipnt-ils perdre de vue
cette belle pensée de Cicéron?
A ltc ri aliquicl detralicrc } et suum augere cornjnodum cum alterius incommodo > magis est contrà
naturam quàm ipsa morst d o lo r et paupertas. Nai\i
�( 37 )
W
prim o tollit convictum humanum et societatem communem : nam si ita sumus a ffecti ut, propter suum ,
quisque, em olum entum , vio let aut spoliet alterum 3
dirum pi necesse est ea m quœ m axim e secundùm
naturam est humani generis societatem .
( d e o f f . , lib. 3 .)
CAVY, N otaire.
J n . - C h . BAYLE, ancien A vocat.
FL E U R Y , A vo u é.
R io m im p rim erie d e Salles p rès le P alais d e Ju stice
t
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Cavy, Claude. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cavy
Bayle
Fleury
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
chambre des notaires
ventes
offices
abus de confiance
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour maître Claude Cavy, Notaire royal certificateur, à la résidence de Clermont-Ferrand, demandeur ; contre sieur Pierre-Antoine Taché, se qualifiant propriétaire, président honoraire à vie de la Chambre des Notaires de l'arrondissement de Clermont, et exerçant utilement et de fait la profession de Notaire, sous le nom de maître Astaix-Taché, son gendre, défendeur.
Table Godemel : étude de notaire : la vente d’une étude de notaire comprend, non seulement celle des minutes et registres, mais encore celle de la clientèle et de l’influence notariale du vendeur, qui contracte tacitement l’obligation de ne rien faire qui puisse nuire à son acquéreur.
l’inexécution de cette obligation peut être prouvée par témoins, et motiver une demande en dommages-intérêts.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1818-1820
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
37 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2508
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2507
BCU_Factums_G2509
BCU_Factums_G2510
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53494/BCU_Factums_G2508.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53495/BCU_Factums_G2509.pdf
8cd88b1844cb80d963b13da38d283c14
PDF Text
Text
0,0
-
—
^
RESUME
ET NOUVELLES OBSERVATIONS
9)
*
COUR ROYALE
DE RIOM.
POUR
I ro CHAMBRE.
Me C
laude
CAVY,
Notaire r o y a l , certificateur,
à la résidence de C le rm on t- Fer ra nd, in tim é et
incidem m ent a p p ela n t;
»
.
Æ.
JUér-f/fâcitea*
CONTRE
* / v r / L f i 2**
S ie u r P i e r r e - A n t o i n e T A C H E , se qualifiant
Propriétaire, ex -P résid en t honoraire t à v ie , de la
Cham bre des N otaires de l ’arrondissement de
C le rm o n t, et exerça n t utilem ent 3 et de f a i t la
profession de N o ta ir e sous le nom de M e A s t a i x ta ch é
, s o n g e n d r e , appelant, e t incidem m ent
intim é.
Jure naturæ equum est neminem cum alterius
detrimento et injuria fieri locupletiorem.
L. 26, ff. de R. J.
U
n Précis, distribué au tr ibun al civil de Clermont-
F e rra n d , a fait connaître dans tous leurs détails les
faits et les circonstances de cette cause importante.
Elle doit intéresser les pères de famille q ui désirent
Att^
/noj&i? $ A
•1
�^
( 2 )
donner un état à leurs enfans, et les jeunes gens, qui ,
en embrassant une profession, auraient à craindre, si
le système du
sieur Taché réussissait, d ’y trouver
pour concurrens les anciens titulaires dont ils auraient
acquis l'é tu de, la clientelle et l'influence.
E l l e est digne de toute Inattention de la C o u r , q u i ,
en thèse générale, aura à déterminer quelles sont la,
nature et les suites d ’ une vente d ’ E t u d c de nota ire ,
. et à fixer, d ’après Y éq u ité} l ’usage et la l o i , les obliygations que ce contrat impose au vendeur, et les droits
^ q u ’ il confère à l ’acquéreur.
• '*V
iÀ& Xlne question particulière sera ensuite soumise à son
* * * * * * examen. E lle résulte de l ’obligation que le sieur Taché
r £ -«
\
s est imposée >MOYENNANT u n PRIX', cVahler M e C avy
'
de tous les renseignemens et conseils dont i l p eu t avoir
' besoin p o u r sa p ro fessio n , com m e aussi à lu i conserver
sa clien tellâ .
S ’il est reconnu que ce dernier engagement n ’a
jamais été ex é c u t é -, que le sieur Taché l’a violé à l ’ins
ta nt même où il l'a contracté, en se mettant dans
l ’impossibilité d ’y satisfaire, et en portant ailleurs la
coopération q u il avait promise et vendue à M* C a v y ;
si l ’inexécution de cette convention, prouvée par des
faits certains, est d ’ailléurs reconnue et avouée par le
sieur Taché l u i- m è m e , ce dernier doit-il à l ’instant
être condamné à la restitution de la somme fixée pour
le prix des services q u ’il s’était engagé à rendre?
Devant les premiers juges, la contestation se présen
tait sous ces deux rapports : Mc C a v y demandait la
�(
3
)
restitution du p r ix de la convention non exécutée et
violée par le sieur Ta c hé ; il réclamait en outre des
do minage s-intérêts résultant des manœuvres pratiquées
par son adversaire pour reprendre la clientelle vendue,
et la transmettre au sieur As taix , son gendre; mais ces
deux chefs de dem ande, n ’ayant point été suffisam
ment ou assez clairement expliqués, ont été confondus
par les premiers juges, qui n ’y ont vu q u ’ une demande
en dommages-intérèts, dont la fixation dépendait de
la preuve des manœuvres du sieur T a c h é , et du p r é
ju d ic e q u ’elles ont causé au sieur C a v y .
L e sieur Taché est appelant de ce jugement.
M.e C a v y en soutient le bien jugé, relativement à la
preuve ordonnée pour la fixation des dom m ages-intéréts,
et s’en plaint à son tour en ce q u ’ il n ’a pas ordonné
de suite la restitution du pria: mis à la co n v e n tio n , non
exécutée et violée par le sieur Taché.
L ’appel principal du sieur T a c h é , et celui incident
de Me C a v y , soumettant la cause en entier à l ’examen
de la C o u r , il a paru nécessaire de donner un nouveau
développement aux principes q u i doivent servir à sa
décision, en distinguant les questions auxquelles ils
doivent s appliquer.
L e sieur C a v y s’en rapportera
d ailleurs à sou Précis, pour les faits particuliers, et
ne rappellera que ceux q ui sont indispensables pour
1 intelligence de la discussion.
�FAITS ESSENTIELS.
L
e
sieur Taché a exercé long-tems la profession cle
notaire à Clermont. Il reconnaît que sa clientelle était
considérable; q u ’il a v a i t , dans son ét at , une grande
influence sur ses concitoyens.,
et que la confiance
étendue et absolue dont il jouissait lui permettait un
grand nombre d ’opérations de c a b i n e t , étrangères aux
travaux ordinaires d ’une étude de notaire^ et lui don
nait la certitude de conserver, et même d ’augmenter^
ses relations tle notaire.
M e C a v y est n a tif du département de l ’ A l l i e r , oii
toute sa famille est établie. Abs olument étranger à la
ville de C le r m o n t , il était maître-clerc de notaire Î*
Paris, et ne quit ta cette capitale que pour complaire
à sa f am ille , q u i , ayan t le désir de le voir s’établir
près d ’ellè, lui proposa de devenir acquéreur de l ’étude
Taché.
Il fut d ’abord question entre les parties d ’une vente
pure et simple; mais-le prix de l ’étude paraissant trop
considérable, on ne p u t s’accorder. Les chances de
succès étaient, en effet, trop incertaines et trop dou
teuses, sur-tout pour un étranger, q ui pouvait ne pas
inspirer la même confiance que son prédécesseur, et
perdre sa clientelle.
L a coopération du sieur
Taché
aplanissait cette
difficulté, et faisait cesser les craintes de M® C a v y :
elle fut promise pour dix a n s , et le prix en fut fixé
�(
5
W *
)
au cinquième des bénéfices nets pendant ce laps de
tems.
L a vente est du
i
4
janvier
1818 : elle fixe k
4o,ooo francs le prix de l ’étude, registres, minutes ,
c lic n te lle , et dit que le vendeur a u ra , outre la moitié
des recouvremens de son exercice, le cinquièm e cles
bénéfices nets pendant d ix ans.
Il est vrai que l ’obligation du sieur T a c h é , de coo
pérer aux travaux de son successeur,
ne ressort pas
clairement de cette vente. On a fait connaître*dans le
Précis les causes de cette omission ou de ce défaut
d ’explication; mais cette obligation du sieur Taché est
prouvée par la réserve et retenue, stipulée par le ven
deu r, du cinquième des bénéfices , cinquième q u i
n ’était et ne pouvait être autre chose que le prix de
sa coopération. Par le procès-verbal du
janvier
1 8 18, dont les termes sont précieux, pu is q u’ils montrent
d ’une par t, que le sieur Taché voulait vendre sa coo
pération, et M* C a v y l ’acquérir-, e t , de l ’a u t r e , que
cette convention était la véritable cause de l ’acquisition
de M e C a v y , et entrait pour beaucoup dans la fixation
du prix ; enfin par les aveux du sieur T a c h é , et par
le fait que l ’ét u d e , loin de changer de local, devait
rester chez le vendeur, afin de faciliter ses travaux et
ses relations avec son successeur.
Il convient d ’extraire ici quelques phrases d ’ une
allocution que le sieur Taché crut devoir prononcer à
la chambre des Notaires, le i
3
janvier 1818. C ett e
allo cu tion 3 véritable parodie de celle de Syila abdi-
I
•V ~
�q uan t la d ic ta ture, ou de, Char le s-Quint résignant sa
couronne, loin de diminuer les dignités de son a u t e u r ,
lui va lut sa nomination de président honoraire de la
chambre. « L a jeu n esse de mon successeur, et une
« sage défian ce en ses propres forces, lu i ont f a i t
«
désirer d'étre encore quelque teins
aidé
des conseils
« de mon exp érien ce : j ’a i donc conservé un interet
« dans mon étude y et c ’est dire assez tout c e lu i que
« j e m ettrai à la m aintenir dans le même état de
« confiance et de p rospérité ( i ) . »
Ces expressions du sieur Taché expliquent d o n c ,
d’ une manière p a r f a i t e , les causes , l ’étendue et les
conséquences des conventions insérées clans la vente
du i
3
janvier 18 18- Elles prouvent que le cinquième
des bénéfices nets de l 'é t u d e , que le sieur Taché s’était
réservé pendant dix ans, était le prix de sa coopération
pendant le même nombre d ’années •, e t , si l ’on veut
savoir de quelle influence cette coopération avait étc
pour la fixation du prix de la vente de l ’étude en ellem é m e , c’est-à-dire des minutes, registres et clientelle,
il suffira de comparer le prix des quatre meilleures
études de C l e r m o n t , vendues dans le même tems, avec
celui de l ’étude T a c h é , acquise par le sieur C a v y .
En 1816,
l ’étude C h e v a lie r,
qui avait eu pour
successeur le sieur D alm as , a été vendue
25 ,000
francs
U M* Devoucoux. E11 181-7, celle du sieur Grimardias
( 1 ) V o y e z Pièces Justificatives, u° I . — Précis de M* C a v jr , pages n
e t suivantes.
�(
7
)
a été v e n d u e , h M e R o d d i e r , 21,000 fr. E ü 1 8 1 9 ,
M e Bergier a acquis celle du sieur D u th e il 24,000 fr.
En
1820, celle du sieur Espinasse a été v e n d u e , à
M c Nicolas, 27,000 francs, tandis q u e , intermédiaireinent et en 1 8 1 8 , Me C a v y est devenu acquéreur de
celle du sieur T a c h é , moyennant la somme de [\o, 000 f r . ,
d ’une p a r t , et enfin le cinquième des bénéfices nets
pendant dix ans ,
pour
prix de la coopération du
vendeur.
C e rapprochement est remarquable*, il prouve mieux
que tout autre chose l ’importance que M c G a v y attar
chait à la coopération de son prédécesseur, et montre
également le grand avantage que celui-ci retirait de
l ’obl igation q u ’il contractait d ’utiliser , au profit de
son successeur, toute son influence, et ce q u ’il appelle
les conseils de son exp érien ce. L e sieur Taché bénéfi*
c i a i t , en ef fet, d ’ une double m anière, puisque , d ’ une
p a r t , sa coopération était payée par l ’intérêt q u ’ il
conservait dans l ’étude v e n d u e , et q u e , de l ’a u t r e ,
l ’engagement de ses services à son successeur lui per
mettait de porter le matériel de l ’étucle à un prix
q u ’il n’ aurait jamais obtenu sans cela.
Il ne faut pas s’arrêter à des circonstances intermé
diaires, qui sont expliquées dans le Précis de Me C a v y ,
tou t importantes d ’ailleurs q u ’elles puissent ê t r e , pour
faire connaître les causes de la convention qui a succédé
a celle que l ’on vient de relater (1). Il suffira de retenir
(1) Précis C a v y , pages
¡4 juseju’à
21.
�(8
)
que le sieur Taché avait pleinement exécuté ses engagemens envers M e C a v y ; que ce» dernier, obligé de
changer son étude de l o c a l , l ’avait placée dans une
maison à côté de celle du sieur T a c h é , pour ne pas
interrompre ou rendre plus difficultueuses les relations
et communications journalières, que leurs engagemens
respectifs rendaient indispensables ; q u ’enfin Mc C a v y
était marié depuis le
23
septembre 1 8 1 9 , lorsque le
sieur Taché lui proposa, sous des prétextes quelconques,
de capitaliser le cinquième des bénéfices nets auxquels
il avait droit.
Après quelques réflexions, cette nouvelle convention
f u t définitivement arrêtée, le 14 janvier 1820. L e prix
total de l ’étude fut porté à 60,000 fr.; ce qui prouve
que le rachat de l ’intérêt que le sieur Taché s’y était
réservé, eut lieu moyennant la somme de 20,000 fr.j
m ais, comme cet intérêt n ’était lui-même que le prix de
la coopération du sieur T a c h é , ce dernier c o n t ra ct a ,
envers M e C a v y , une obligation q ui devait expliquer
les précédens engagemens, et en fixer l ’étendue : c o n
vention reconnue par toutes les partie s, et sur les
termes de laquelle elles sont d ’ailleurs d ’accord.
« L e sieur
Taché s'o b lig e ,
« M e C a v y de tous les
d’ iionneuii, à aider
ren seign em en s
et
conseils
dont
« il pourra avoir besoin pour sa profession > comme
« aussi li lui
conserver
sa c lie n t e lle .— F a it de bonne
« fo i. »
L e sieur Taché était-il eiFectivement de bonne f o i ,
lorsqu’il s’obligeait euvers M ' C a v y ? Avait-il l'intention
�( 0 )
d ’exécuter sa convention? ou
.
ces belles
promesses
n ’étaient-elles q u ’un leurre jeté à son successeur, pour
l ’engager à racheter le cinquième des bénéfices, tandis
que l u i , T a c h é , était bien décidé, non-seulement à
ne tenir à aucun de ses engagemens, mais encore à les
enfreindre ouvertement, en faisant tourner à son profit,
ou en portant ailleurs sa coopération et toute son
influence n ota riale , qui étaient cependant bien la
propriété de Me C a v y ? C ’est ce que les faits doivent
apprendre.
Immédiatement après cette convention, le b ru it se
répand que le sieur Taché marie mademoiselle sa fille,
avec un jeune homme dont il veut devenir le bienfai
teur. Qu el était ce jeune homme? Me A sta ix , succes
seur de son père dans la place de notaire à C l e r m o n t ,
ayant conséquemment une clientelle particulière, une
signature, une réputation et une existence de notaire,
qui ne pouvaient être confondues avec aucune a u t r e ,
pu isq u’il était le seul de ce nom , q u i
exerçât .cette
, profession a Clermont.
Il faut grouper ici les faits qui ont précédé, accom
pagne et suivi cette u n i o n , en faisant distinguer ceux
qui sont reconnus ou a v o u é s, en tout ou en p a r t i e ,
par le sieur T a c h é , de ceux q u i sont niés par l u i , mais
dont la preuve a été expressément ou virtuellement
ordonnée par le jugement dont est appel (i ).
L e seul fait cjui précède le mariage est celui des
( i ) V o y e z , pour les d é t a i l s , le Précis de M* C a v y , p.
22 jusrju’à * 5 .
�communications. L e sieur Taché n ’avait pu trouver un
seul instant pour accompagner Me C a v y chez ses cliens;
cependant il comm unique avec M e Astaix le mariage
de sa fille ; présente son gendre futur à ses anciens
cliens; leur rappelle q u ’il a eu leur confiance; leur dit
q u ’il redevient notaire, et q u ’il espère q u ’ils ne l ’aban
donneront p a s . — L e sieur Taché avoue n ’avoir point
présenté M c C a v y ; il ne nie pas la communication d u
mariage , mais il nie avoir sollicité la confiance de ses.'
anciens cliens ( i ) .
L e mariage a été célébré le
10 avril 1820 , trois
mois et quatre jours après la convention entre le sieur
Taché et M c C a v y . Ces deux époques sont bien l’ap
prochées; et si la convention de janvier 1820 a é té
p ré céd ée de s ix grands m ois cle pou rp a rlers, de p ro
positions et de délibérations (2 ),
combien plus de
lems et de circonspection ne fallait-il
pas au sieur
Ta ché pour se décider à une union dont dépendait le
bonhgur de sa il lie ! C e mariage a donc été aussitôt
a cco m p li que p r o jeté ; peut-être même était-il arrêté
avant la convention de janvier 1820 : alors quels pou
vaient en être les pactes secrets? Pouvaient-ils s’ac
corder avec les 'obligations que le sieur Taché avait
contractées à lio h n e u r e id e bonne f o i envers M e C a v y ? . ...
Les faits von t e x p liq u e r cet acte important de la v ie
du sieur T a ch é.
( 1 ) Voyez Observations Taclié , pnge 4*
(2) Expressions d u sieur T a c h é . V o y e z scs O b s e r v a tio n s , page 7.
�( 11 )
Immédiatement après la célébra lion du mariage ,
M e Astaix vi nt habiter la maison de son beau-père :
il y transporta ses minutes et son étude. Depuis cette
époque,
le sieur Taché et son gendre n’ ont eu et
n ’ont encore aujourd’hui que le même domicile.
Ce
fait est reconnu par le sieur Taché.
Pa n s le même tems, une enseigne fut placée audessus de l a .p o r t e
de la maison T a c h é , avec cette
inscription :
- T
A
staix
aché
,
no taih e
-
certificateu r
Auprès de cette enseigne était celle de M c C a v y -
.
de
manière que l ’acquéreur pouvait être regardé comme
un nouveau notaire établi auprès de l ’ étude du sieur
Ta c hé , et que la chance la plus favorable pour lui
était que l ’on pu t hésiter pour reconnaître lequel des
deux avait réellement succédé à Taché. L e sieur Taché
convient de ce fait ( i ) . Mai s, en tr ’autres bonnes ex
cuses:, il insère, en parlant de M e As taix , cette phrase:
« Pensant fa ir e quelque chose q u i me f û t agréable ,
« ayant sur-tout intérêt de distinguer son e x e r c ic e
« de c e lu i de son p r é d é c e s s e u r mon gendre a cru
« q u ’en ajoutant li son nom le nom de sa fe m m e ,
« le second ne déparerait pas trop le premier........ ».
Tout
ici est remarquable -, t o u t ,
même ju s q u ’ aux
points q ui suivent le compliment que le sieur Taché
se fait modestement à lui-même, en mett ant , avec
beaucoup de délicatesse , l ’ influence de son nom en
contraste avec celle du nom du père de son gendre ,
(i) Voyez Observations Taché , page y.
�auquel ce dernier avait; succédé. C ett e phrase annonce
en effet
que
l ’apposition
de
l ’enseigne était chose
agréable au sieur T a c h é , et q u i l y
avait consenti ;
que cette apposition avait eu lieu parce que le sieur
Astaix y trouvait un intérêt; que cet intérêt était de
parer son no m , en y ajoutant celui de son beau-père ;
enfin ju s q u ’il ces points, qui viennent apprendre que
cette parure n ’était pas un luxe innocent, mais bien
un moyen direct de s’emparer et de profiter de l'in
fluence de notaire du sieur Taché.
Continuons.
Le
sieur Taché était journellement
dans l ’étude de M e A s t a i x , son g e n d r e , et lui prêtait
la coopération la plus active , en recevant les cliens ,
assistant à leurs débats, arrêtant leurs conventions, et
rédigeant tous les actes importans. L e sieur Taché ne
désavoue point ce fait , mais il cherche à l ’a tt é n u e r ,
en articulant « q u ’il s’écoule quelquefois dix et quinze
7
« jourssans^zi,/ / ^ « m m e d a n s r é t u d e d e s o n g e n d r e ( i) » .
Il y parait donc. E n avait-il le droit ? Il répond: «Jeune
« a m b i t i e u x , quand les faits dont vous prétendez ex« ciper seraient en partie établis, quand ils seraient
u vrais, que pourriez-vous en conclure?............... Ne
« m ’avez-vous pas delie de l ’engagement de concourir
« à votre prospérité? Séparés d ’intérêts, ne somnies« nous pas, je le répète, devenus totalement et à ja« mais étrangers l ’ un à l ’autre (2)? » Suivant lui-même,
( 1 ) V o y e z O bservations -Taché ? P aSc M *
(2) Ibid.
�le sieur Taché avait_donc le droit d ’accorder sa coo
pération à son gendre; quand il paraissait dans l ’étu de ,
c ’était
donc pour la lui donner. Mais quelle était
l ’étendue de cette coopération? quels objets devait-elle
embrasser? L e sieur Taché répond ( i ) : « Je
«
hautement
le
déclare
.
:j ’assisterai M eAstaix de tous mes conseils;
« f aiderai celui qui est devenu mon fils de tout ce
« que la connaissance des hommes et Vhabitude des
« affaires auront p u m ’apprendre..'........ M a v ie ille
«
ex p érien ce
} mes fa ib le s moyens
sont
à
l a d isp osition
« de c e u x q u i me fir e n t ja d is l ’honneur de\in accorder
« leu r confiance. P ren ez acte de ces a v e u x > M e C a v y ,
« et sur-tout retenez bien ce que vous avez cru dire
« ironiquement dans votre assignation, q u ’au moins
«
s u r Ce P O I N T , 'v o u l o i r et e x é c u t e r sero n t l a m ê m e
Ainsi, sieur T a c h é , vos conseils,
votre connaissance des hommes, et votre habitude des
«
ch o s e p o u r m o i » .
affaires ont appartenu et appartiendront désormais îi
votre gendre : v o u s
le
d écla rez hautem ent ; et cepen
dant vous avez vendu tout cela à M e C a v y ! ........ Vou s
déclarez aussi hautement que votre v ie ille exp érien ce
et vos faibles moyens sont à la disposition de vos anciens
cliens; vous leur faites un appel aussi public que votre
affiche; ou plutôt vos Observations, distribuées avec
profusion dans la ville et dans les carrefours de C l e r
m o n t , n ’en sont que le commentairç; et que n ’y avezvous ajouté: C hez A s t a i x , je u n e nptaire, on trouvera
(0
Y °)rcz Observations Taclic, pages n
et 12,
�hl V I E I L L E E X P É R I E N C E et les F A I B L E S ^ M O Y E N S de
Vancien notaire T a c h é ! Ce,.quevo.us ayez, d it et f a i t
est bien au moins l ’équivalant de ccrq u’on vous pro
p o s e n t ceperidant vo.ttç iolientelle, votre ¿vieille e x
p é r ie n c e , enfin tpute.votre in flu en ce' de notaire, sont
encore la propriété du s i e u r . C a v y . ’ O r , comment con
cilierez-vous l ’exécution de l ’obligation icontractée par
vous-envers votre su ccesseu r à titre o n éreu x } obliga
tion que vous aviez mise, sous la garde de vo ire honneur
et de votre bonne f o i , avec ce que vous avez f a i t et
déclarez 'encore "v o u lo ir fa ir e
en . faveur
de votre
gendre?........ C o n ven ez-eii, si vous avez été souvent
h e u r e u x dans le s e x p l i c a t i o n s d e s a c t e s d e v o t r e v i e
votre bonheur ^parait vous avoir abandonné dans cette
circonstance : votre génie
vous a mal servi; mais
consolez-vous plutôt : le plus bel astre a-ses éclipses;
et Sénèque a eu raison de dire : JSullum magnum
ingenium sine m ix tu ra dem entiœ f u i t .
Ces f a i t s , q u i sont prouvés et avoués au procès ,
manifestent clairement et l ’intention et le b u t des
actions du sieur Taché. Dépouiller M e C a v y de la
chose v e n d u e , la conserver ou la transmettre à son
gendre, voilà tout ce qui l ’occupe : les faits matériels
prouvent et développent à cet égard toute sa pensée.
Mais le sieur Taché était im patie nt; il craignait do
n ’être point assez tôt deviné. E n conséquence, pour
que personne ne puisse se méprendre sur ses projets,
il multiplie les démarches, presse ses anciens cliens de
sollicitations, et explique lui-même tout ce q u ’ il a
�1
A %'
( iS
)
voulu faire. Ainsi , s'arrête-t-oii à l ’enseigntfpde -sieur
Taché dit : « Q u e les deux colombiers*-étant à côté
« l ’un de l ’a u t r e , les anciens pigeons së tromperaient
t< souvent de porte. »
Parlfe-t-on de l ’art difficile deT rcdigfcr lin Acte? lè
sieur Taché assure modestement « q u ’il saura encore
« bien faire quelques obligations'; que , lorsqii’il ÿ
« aurait des actes difficiles à rédiger, 011 n ’aurait pas
’ « besoin d ’aller chez 'Ml Bergier ; q n ’on les rédigerait >
« en famille; .qu’ il se rappelait soli ancien métier ‘
« q u ’il Serait le m a ître-clerc de son gendrfe.^
L e sieur Taché apprend-il q u ’un de ses anciens client
a q u e l q u ’acte important à faire recevoir ? « il n ’ hésite
« pas ; il va solliciter et demander* sa confiance. »
Des cliens se rendent-ils dans l ’étude de M ' C a v y ?
Si le sieur Taché les rencontre, « il les arrête -, en leùr
«• d éc lar ant, avec une aimable in g é n u i t é , (¡ù’il-espé« rail bien regarnir leiC olom bier. »
J -■
* '
E n f i n , quelques personnes témoignent-elles leur sur
prise des sollicitations trop vives du sieur Taché ? « cè
« dernier ne craint pas de déclarer, aux uns*
que
« l ’étude de son gendre était la sienne, e t , à d ’autres,
« q u ’il y avait un intérêt (1). »
Les renseignemens pris par M° C a v y lui ont
fait
acquérir la preuve de ces faits, et il les a cotés dans
son Précis-, mais, comme ils étaient tous personnels au
sieui l â c h é , et que ses pratiques avaient pour o b j e t
(1) V o y e z Précis C a v y , pages ¡ 4 Cl 2 5 .
�( IG )
de se-soustraire, par la f r a u d e ,' à l ’exécution’ de son
obligation ; <\que d ’ailleurs f M e- C a v y ,
n ’ayant pu se
procurer)la preuve littérale de ces manœuvres, était
obligé de s’en référer à la déclaration de son adver
saire, ouj à une enquête, en cas de désaveu, le sieur
Taché a cru pouvoir nier ces dernières circonstances 5
mais les premier ju g es’en on t ordonné la preuve, et
les ont virtuellement compris 1 dans les motifs et le
dispositif de leur jugement. L ’événement pourra ap
prendre si le sieur Taché a été calomnié,
Quoi q u ’il en s o i t , les faits que l ’on vient de pré
ciser dévoilaient complètement la volonté du sieur
Taché. Son intention de nuire a Mc C a v y était mani-r
feste; son dessein de le dépouiller de la chose vend ue,
pour en profiter lui-mème directement ou indirecte
m e n t , sous le nom de son gendre, évident; la violation
de l ’o b l ig a ti o n , certaine : aussi M* C a v y , déjà privé
de
la coopération que
son
prédécesseur
lui
avait
v e n d u e , victime d ’ ailleurs des moyens employés pour
reprendre ou détourner sa clientelle,
ne crut-il pas
devoir attendre que les manœuvres de son adversaire
eussent produit tout l ’offet q u ’ il s’ en était promis , et
pensa que ses intérêts bien entendus et l ’ honneur de
la profession q u ’ il exerce, lui imposaient également le
devoir de signaler la conduite du sieur Taché aux
t r i b u n a u x , et de provoquer les condamnations q u i
doiveut être prononcées contre celui qui viole la foi
donnée.
Il paraissait à M® C a v y , que le sieur Taché avait
�( ll )
contracte envers lui deux engagements bien distincts :
L e premier dérivait de la nature de l ’ac te , qui était
une vente d ’étude de notaire; ainsi, suivant les règles
de l’ équité
les suites de cette vente devaient être
d ’interdire au sieur Taché l ’usage de son influence de
n o ta i r e , en faveur d ’autres personnes que celle de son
acquéreur, et de lui imposer l ’obligation de ne rien
f a ir e qui pu t lui nuire;
E n second lieu, le sieur Taché a v a i t , par une con
vention particulière et expresse, et moyennant un prix
distinct et déterminé, engagé ses services a l ’acquéreur
de-son étude; de l à , une seconde obligation du sieur
T a c h é , de fa ir e
tout
ce q u i p ou va it être utile à
M e C a v y , en l ’aidant de tous ses renseignemens et
conseils, et en lui conservant sa clientelle.
Ces deux obligations , bien ouvertement vi olées ,
donnaient ouverture à deux actions qui pouvaient être
séparées ou confondues.
L a première était une action en dommages-intérèts ;
mais avant d ’en obtenir la fixation et l ’adjudicat ion,
le sieur C a v y devait être tenu de p ro u v er, et les.
m anœ uvres'd u sieur T a c h é , et le p r é ju d ic e que ces
manœuvres lui avaient causé, c ’est-à-dire tout ce que
les jurisconsultes
entendent
par
ces
expressions :
C onsdm m et eventus f r a u d is ;
L a seconde était unoxaction en restitution de p i'ix .
Sous ce rapport , le sieur C a v y croyait avoir le droit
d'exiger cette restitution , s’il montrait que le sieur
Taché,
loin
d ’accomplir son
obligation
de f a i r e ,
�( «8 K
s’était mis dans V im p ossibilité de V e x é c u te r , et avait
même q té au sieur C a v y
la f a c u l t é d'en requérir
V accom plissem ent. Dans ce cas, la preuve de la valeur
d u préjudice
causé paraissait
inutile k connaître ,
puisque le sieur Taché ne pouvait conserver le prix
de services q u ’il avait promis de r e n d r e ,
et q u ’il
n ’avait cependant pas rendus.
L a demande de M e C a v y , q u i est du 16 décembre
182 0, comprend ces deux objets. Il y conclut formelle
ment k ce que le sieur Taché soit condamné k lui payer
la somme de 40?000 f*1’* > S01^ il titre dè r e s t i t u t i o n
d e p a r t i e d u p r i x , moyennant leq u e l i l lu i a vendu,
son étude de notaire
soit ¿1 titre de d o m m a g e s -
3
intérêts
p o u r le
préjudice
détournant la clie n te lle
qu i l
3 e t c ........
lu i a cause , en
L e sieur Taché publia alors ses Observations. Elles
commencent et finissent par une exclamation : « U e u « r e u x est l ’homme q u i p eu t e x p liq u e r tous les actes
« cle sa v ie ! __ ». Elait-elle de joie ou de douleur?...
C e que l ’on connaît de ces Observations, prouve bien
que leur auteur appréciait toutes les difficultés de la
tâche q u ’il s était imposée, et le désespoir q u ’ il dut
éprouver de les avoir si malheureusement surmontées.
O u i , le sieur Taché devait, en finissant, se dire ;
C elu i-là se u l est h e u r e u x , q u i p eu t ex p liq u er toutes
les actions de sa v ie ! Aussi Ij^sieur Taché n ’én ïvait-il
point pour les t r i b u n a u x , il l ’avoue, mais bien poiir
le p u b l i c , qui pouvait plus facilement sc méprendre
sur le sens de la sentence que le sieur Taché sc pio-
�( i
9
)
nonçait à lui-meme. Ts ih il est m isen u s
hom inis c o n s c iu s . —
P
lautc
quant animus
.
Il ne faut plus s’occuper de ces Observations, que
poifr y faire remarquer, i° que le sieur Taché y re
4
connaît avoir vendu à Mc C a v y , le 1 'janvier 1 8 1 8 ,
son ét u d e , sa coopération, ses conseils et renseignemens; 20 que le cinquième des bénéfices nets, prix de
la coopération, a été racheté par M e C a v y , le 14 j a n
v ie r 18205 mais il soutient en même tems que cette
seconde convention, était un véritable traité à f o r f a i t ,
en vertu duquel les parties étaient respectivement
quittes et déliées de tout engagement antérieur (1).
E n cet é t a t , la cause fut soumise au jugement du
tribunal civil de Clermont.
L ’audience était solennelle; les concitoyens du sieur
Taché se montraient curieux d ’entendre ses e x p lic a
tions ; ils se pressaient dans le prétoir
et remplissaient
le parvis du temple de la justice.
L e sieur Taché fixait tous les regards. Placé en
première ligne, son attitude imposante, sa tête élevée,
son regard assuré, contrastaient
fortement avec
la
tenue modeste de ses deux fils et de M e A s t a i x , son
gendre,
que l ’on apercevait derrière leur père
et
beau-père.
L e sieur Tâché avait l ’air sur de son triomphe 5 par
quels moyens devait-il le préparer?
Il va s’expliquer.......... U n avocat justement célèbre
(1) Voyez Obscryations T ach é , pages 7 cl 8.
�: W
C 20 )
doit l ’assister de toute la. force de sa lo giq ue, et'tles
charmes de son éloquence; il p a r l e . , ........ Intentic/uc
ora tenebant !
>
Q u e fait plaider le sieur Ta ché ?
Il soutient d ’abord que la convention de janvier
1820 avait eu pour objet de le délier des engàgemens
contractés en 1818 5. que cette convention était telle
ment a l é a to i r e , 'q u e si le sieur Taché était décédé
avant les dix ans, et sans pouvoir rendre au sieur C a v y
les services que ce dernier avait le droit d ’e x i g e r , le
prix n ’en aurait pas moins dû. être payé à ses héritiers.
O n lui répondait ,
Q u e la convention de 1820, loin de détruire son
obligation, l ’avait au contraire rendue plus étroite et
plus rigoureuse; q u e , conçue en termes plus clairs et
plus forts que la première, elle n’avait pas besoin du
secours de l ’interprétation pour être entendue ; q u ’elle
désignait en effet positivement le genre de service que
le sieur Taché s’ était engagé à rendre. Sur ce poin t,
Me Cavy
ajoutait q u ’il
n ’aurait point- été forcé ù
implorer l ’ intervention de la justice, si le sieur Taché
avait suivi les impulsions de l'honneur et de la bonne
f o i , q u ’il avait lui-même invoqués comme garans de
l ’excculion de son obligation.
On répondait ensuite à la seconde partie du m o y en ,
que les engàgemens des parties n ’avaient rien d ’aléa
toire, au moins pendant la vie du sieur T a c h é , et
q u e , pendant
ce teins , il devait les services q u ’il
s’était engagé à rendre; que si son décès pouvait porter
«
�( 21
q u e lq u e '
)
changement à l ’état de la q uesti o n, relative
ment au paiement du prix attaché à ses services, au
moins cet événement aurait mis Me C a v y dans l ’i m
possibilité de se plaindre du fa it , bien constant et bien
pr ouv é, que le sieur T a c h é , loin d ’exécuter son obli
gation , avait porté ailleurs sa coopération, sa clien
t è l e , et toute son influence de notaire.
L e second moyen du sieur Taché était remarquable.
Suivant l u i , Y honneur c l la bonne f o i , qui devaient
présider à l ’exécution des conventions de 1820, n ’étaient
que des mots vides de sens, ou au moins ces expres
sions ne renfermaient aucune obligation civ ile dont
l ’exécution pùt être ordonnée par la Justice, et ne
présentaient tout au plus q u ’ un engagement m o ra l,
auquel le sieur Taché pouvait se soustraire. Il conti
n u a it , en disant q u ’il n ’avait promis sa coopération
à M c C a v y , q u ’en vue du mariage projeté avec made
moiselle sa fille ; que ce mariage ne s’étant poi nt ac
com pli, l u i , T a c h e , s’ etait trouvé libéré de son enga
gement; q u ’il avait p u , en cons équence, retirer sa
cooperation a Me C a v y , la reprendre pour en disposer,
et même en e x ig e r ou en retenir le prix. L e
sieur
l â c h é cherchait enfin à justifier ce. moyen par la lec
ture de quçlques lettres de M e C a v y ; e t ,
pendant
qu on en taisait usage, Y indc irœ se faisait remarquer
dans les gestes et les regards du sieur Taché.
«
Il faut avoir* en tendu développer de pareils moyens,
pour croire q u ’ils ont été plaides; et on aurait hésité
�U les coter dans ce Précis, s’ils n'étaient déjà indiqués
et consignés dans le jugement dont est appel.
- Quel avantage ne donnaient-ils point à M e C a v y ,
en d r o it , en considérations et en f a i t ?
E
n
d ro it
.
Les. conventions doivent être ex écu tées
113 4
de bonne f o i (article
Code civil). A i n s i ,
Yhonneur du sieur Taché à p a r t , son engagement, ne
contenant cl’autres moyens d ’exécution que ceux in
diqués par la loi, formait tout à-la-fois un lien moral
et
une
obligation civ ile
et
lé g a le , dont l ’accom
plissement devait être o r d o n n é , et les infractions
punjes par les tribun aux ; d’ un autre côté , l'ar
ticle 1
134
a
disparaître la division des conventions,
admise dans l ’ancien d r o i t , en contrats de bonne f o i et
de droit é tro it;
mais,
si cette distinction existait
encore, le sieur Taché étant convenu que ses engagemens devaient être exécutés de bonne f o i
3 et les con
ventions tenant lieu de lo i à c e u x q u i les ont fa ite s
(Code ci vil , art. i i 3 4 )> c’ était encore aux tribunaux
à le contraindre à exécuter son oblig a ti on , si la voix
de
I’h o n n e u r
n ’était
pas
assez puissante pour l ’y
engager.
En
considérations .
Quel était l ’ homme qui venait
ériger en principe q u ’une convention contractée sous
les auspices de Y honneur et de la bonne f o i 11’était
point un lien ou une obligation civile, mais un simple
çngagement moral, que l ’on pouvait dédaigner? C ’était
un notaire; un fonctionnaire q u i avait'exercé pendant
long-tems la magistrature domestique la plus hono*
�>3
(
)
rable; été le modérateur des intérêts de ses concitoyens,
cju’il devait rappeler à la stricte et lîdèle exécution de
leurs conventions; le sieur Taché enfin, se présentant
h l ’audience avec la qualité de président honoraire de
la chambre du Corps respectable auquel il avait na
guère appartenu ! ...........
N u sq u à m tuta J id es ! ...........
E n quel lieu et devant q ui le sieur Taché cherche-t-il
à établir et à faire prévaloir un système aussi o d ie u x ,
si subversif de toute idée morale, si contraire à l ’intérêt
social? dans le prétoire du tribunal de la résidence où
il a exercé ses fonctions de notaire, devant les magistrats
q u i ont si souvent ordonné l ’exécution des conventions
q u ’il avait rédigées ; en présence de ses concitoyens,
rassemblés pour l ’entendre et le j u g e r ! .......A h ! sieur
Taché, au lieu de composer des apophtegmes de morale,
que ne vous êtes-vous rappelé, avant d ’employer de
pareils moyens, le cu lp a ri m etuit jid e s d ’IIora ce!.......
En
fait
.
Que signifiait l ’excuse du sieur Taché ?
Comm en t pouvait-il l ’établir? Les actes et les conven
tions apprenaient-ils autre chose qtte la vente de la
coopération du sieur Taché a M c C a v y , moyennant
un prix
déterminé? Pouvait-on y voir un dédit de
mariage, par lequel M e C a v y se serait soumis à épouser
mademoiselle Taché , ou à payer 20,000 fr. à son père;
et ce la , sans équivalan t , sans engagement réciproque ?....
Cependant le sieur Taché oublie sa dignité de père
de famille ;
il abaisse sa
fierté
ju s q u ’h faire
en
tendre des plaintes aussi puériles............• et encore
devant q u i ? ........ Dev ant M° A s l u i x , son gendre , q u i ,
�dans ce m o m e n t , pouvait paraître moins Pépoux de
choix de mademoiselle Taché , que l ’instrument des
vengeances de son beau-père. Mais le sieur Taché avait
to u t oublié. L e 'mariage de M e C a v y est du
23
sep
tembre 1 8 1 9 , et la convention dont il demande l ’exé
c u t i o n , du 14 janvier 18205 de manière que ces dates
privaient le sieur Taché de l ’emploi d ’un des sophismes
les plus communs dans ce monde : P o st hoc . ergo
p ropter hoc
3 et q u ’ il
ne pouvait pas même d ir e , pour
sa défense : L e mariage de M e C avy a é té p r o je té et
a cco m p li après la convention ; donc ce mariage est
la cause de la v io la tio n q u e j e me suis perm ise } des
obligations que j ’avais contractées envers TSIe C avy.
3
L e dernier moyen du sieur Taché consistait à dire :
Je n ’ai causé aucun
préjudice à M e C a v y 5 mes
anciens cliens ne sont point dans l ’étude de Me Astaix;
les répertoires peuvent le prouver 5 ces répertoires sont
la seule preuve que la Justice puisse admett re, par la
raiSon que la démonstration de mon dessein de nuire
à M e C a v y est absolument inutile et insignifiante, si
l'événem ent ne montre pas que réellem ent j e
lu i a i
nui.
C e tt e objection était sérieuse 5 elle ne s’appliquait
p a s , il est v r a i , à la restitution du prix mis à l ’obli
gation contractée, non exécutée et violée par Me Taché;
elle n ’enipêchait même pas que la preuve de l ’événement
de la fraude, pratiquée par le sieur Taché, put être'faite
par d ’autres moyens que le rapport des répertoires,
parce que tout fuit, dont la preuve est admissible,
�(
)
peut être étab li, tant par titres que par témoins; mais
elle portait directement sur la fixation de l ’adjudication des dommages-intérêts réclamés par M e G avy . C e
dernier sentit dès-lors la nécessité de faire connaître
les découvertes q u ’ il avait déjà faites, pour faire pres
sentir ce que des recherches plus scrupuleuses pou r
raient encore apprendre.
11 donna les noms de plusieurs cliens du sieur T a c h é ,
q ui avaient d ’abord accordé leur confiance à M e C a v y ,
et qui se trouvaient alors dans le répertoire de INI* Astaix.
Il lit également connaître la nature et l ’importance
des actes que ce dernier notaire avait reçus pour eux.
E n première ligne figurait le sieur Domergue fils,
sur l ’esprit et les volontés duquel le sieur Taché
a tant de crédit et exerce une si heureuse influence,
A v an t le traité (le 182 0, tous les actes de la liquid a
t i o n , ventes d' immeubles, quittances, e t c . , avaient
été reçus par Me C a v y , depuis le mariage de INI* A sta ix ,
cette clientellc s’était perdue. O n en demandait compte
au sieur T a c h é ........ On l ’apostrophait en ces termes :
Ou
EST LA C L I E NT EL LE
nu
SIEUR D o M E R G U E ? ..........
A cette question, les traits du sieur Taché s’animent;
son mouvement et son geste annoncent q u ’il va ré
pondre.......... Il répond; il s’écrie :
C hez m o i!
C h e z m o i ! ..........
........... C ’élait le sublime de situation et
d expression : aussi ce mot heureux produisit-il l ’eifet
1
de eclair, et vint-il dissiper l ’obscurité
Taclié s était ju sq u’alors enveloppé.
dont
le sieur
Tous les spectateurs , également électrisés, trans-
4
^/*
*
�( =<5 )
portés par l ’énergie de cet a v e u , semblaient lui dire :
r
Chez v o u s ! ........... Vo u s convenez donc avoir repris
les cli ens, sur la volonté desquels vous exerciez le plus
d ’empire, et dont vous pouviez conserver le plus faci
lement la confiance à votre acquéreur !
C hez v o u s ! Est-ce que vous seriez encore notaire?
M c Astaix ne serait-il que votre p rê te -n o m , ou au
moins a u riez-v ou s un intérêt dans son étude?
C hez v o u s ! ....... Est-ce que l ’étude de votre gendre
serait votre domicile d ’affection? N ’y paraitrait-il luimème que pour y travailler sous votre é g id e , o u , en
votre absence, pour tranquilliser vos cliens co m m uns,
en leur répétant : M agister d iæ it?
L e cri de la conscience est bien fort et quelquefois
perfide : il s’échappe au moment où Ton fait le plus
d ’efforts pour le contenir. Jusqu’ici la violation de
votre obligation trouvait une légère excuse dans l ’affec
tion que vous pouvez avoir pour vos enfans; mais votre
ch ez m oi la d é t r u i t , cette excuse 5 et rien ne peut
justifier l ’oubli d ’ un devoir, et une action nuisible à
a u t r u i , lorsqu’elle n ’a d ’autre cause que l ’avidité ou
l ’intérêt personnel.
C ’est sur ces faits et le développement des moyens
respectifs des parties,
q u ’est intervenu, le 2 avril
1821 , au tribunal civil de C le rinont, le jugement
dont est appel.
Les motifs de ce jugement sont un hommage rendu
aux principes les plus purs de la morale et de la jikstin*.
E n fait : ils démontrent q u e , 11011-seulcmcnt ie bieur
�C 27 )
Taché n’a point a cco rd é sa coopération à M e C a v y ,
mais encore q u ’il a fait tous ses efforts pour lu i n uire,
en portant scs conseils et ses renseignemens à M e A s t a i x ,
son gendre, et en cherchant à reprendre son ancienne
clientelle.
E n droit : l ’ame du Magistrat s’indigne de ce q u ’un
fonctionnaire a osé faire soutenir q u ’ une obligation
d'honneur et de bonne f o i n ’était q u ’un lien moral.
Rejetant ce sy st èm e, il fait voir que les engagemens
du sieur Taché n ’avaient rien de chim ér ique ; q u ’il
était de son devoir de les exécuter ; que M e C a v y
avait le droit de le contraindre à les observer; mais,
comme le tr ibunal n ’avait en vue q u ’ une demande
en dommages-intérêts, et q u ’il y avait confondu celle
formée par Mc C a v y , en restitution du prix de la
convention non exécutée et violée par le sieur T a c h é ,
tout en reconnaissant l ’ intention de ce dernier de dé
pouiller M e C a v y de la chose v e n d u e , il ve ut savoir
comment le
consilium fr a u d is
a été exécuté
par
M c T a c h é , et connaître les suites, et le préjudice que
M e C a v y en a souffert ; préjudice q u i n ’était autre
chose que Yevenlus fr a u d is .
L e tribunal ordonne en conséquence que M c C a v y
fera preuve des faits par lui articulés, et désavoués par
le sieur Taché ;
Savoir :
i° Q u e , lors de la communication du mariage de sa
fille avec M
A s ta ix , le sieur Taché annonçait q u ’il
�1
(
-3
)
redevenait notaire, et q u ’il espérait que scs anciens
cliens ne l'abandonneraient pas;
2° Que le sieur Taché a demandé leur confiance, et
positivement sollicité des actes importuns et considé
rables ;
3 ° Q u ’il a arrêté des cliens se rendant
chez M e C a v y ,
disant q u ’il espérait regarnir le colombier;
4 ° Enfin
que partie de la clienlelle, vendue par le
3
sieur Taché à Ue C a v y , est actuellement dans l ’élude
de Mc Astaix (i ).
T o u t semblait faire un devoir au sieur Taché d ’exé
cuter ce jugement : son intérêt pécun iaire devait l ’y
p o r t e r , puisque l ’esprit de cette décision était de faire
dépendre de l ’événement de la preuve, et la restitution
du p r ix
3
et la fix a t io n des dom m ages-intérêts ré
clamés par M e C a v y , choses qui doivent être cependant
soigneusement séparées et distinguées. L ’intérêt de son
honneur devait l ’y engager plus fortement encore ,
puisque la preuve seule pouvait apprendre ju sq u’à
quel point le sieur Taché avait été calomnié.
cependant lui qui interjette appel
C ’est
son acte est du
i 8 avril 1821 j et mérite d ’être cité comme un modèle
de
stile,
un monument de raison, et sur-tout un
exemple de la déférence q u ’ un fonctionnaire public
doit aux t r ib u n a u x , lors même q u ’il penserait q u ’ils
(1) Voir le jugement, Pièces justificatives, ij° 2.
�( 50 )
Se sont trompés, et q u ’ il a le droit d ’ attaquer leur
décision ( i) .
L e sieur Taché a d û se préparer à soutenir avec
avantage la nouvelle lutte q u ’ il avait engagée.
Quelle est sa première démarche ?
O n se rappelle combien il avait désiré la présidence
honoraire de la chambre des notaires., et par quels
moyens il l ’avait obtenue : ce titre paraissait ne plus
convenir à celui qui n ’avait pas craint de faire plaider
que Yhonneur et la bonne f o i
3 invoqués
convention, n ’étaient point obligatoires ,
dans une
et
faisait
même ressortir, d ’ une manière plus saillante et plus
odieuse, sa conduite et la violation de scs conventions.
A u ssi, le 18 avril 1 8 2 1 , le sieur Taché écrit-il aux
membres composant le corps des notaires, « que ,
« dans les circonstances où il se trouve p l a c é , vou« lant ôter à ses ennemis ju s q u ’ au p ré te x te de nou« velles ca lo m n ies
3 il remet dans leurs mains le titre
« de président honoraire de leur chambre (2) ». Dans
les circonstances où se trouvait placé le sieur Taché ,
cette lettre a quelque chose de bien singulier.
Que
voulait-il faire? Agissait-il de bonne foi, et se rendaitil justice à lui-m êm e, en faisant remise de son titre,
ou bien plutôt espérait-il que cette remise seiait re
fusée, et avait-il calculé pouvoir se servir de ce refus
pour prouver que ses confrères avaient approuvé sa
(1) V o y ez Pièces justificatives , n° 3 .
(2) V o y e z Pièces justificatives, n° 4 .
�conduite, et q u ’il n ’avait cessé de mériter leur con
fiance. Quelles que fussent les espérances ou les craintes
du sieur T a c h é , l ’assemblé générale des notaires ré
pondit par une délibération du 10 m ai, où elle déclare,
«
a
l ’u n a n i m i t é
,
q u ’elle a ccepte la dém ission Au sieur
« T a c h é , et charge son président de lui en écrire. »
P o u r completter le tableau des faits de la cause ,
faire connaître les développemens q u ’elle a reçus , et
en fixer l ’é t a t , il suffira de dire que Me C a v y a inter
jeté appel incident du jugement rendu au tribunal
de C l e r m o n t , et que son appel a pour objet d ’ob-r
tenir la r es ti tution d u prix mis a l ’o b l ig a ti on contractée,
civil
en 1820, par le sieur Taché,
DISCUSSION.
des appels doit fixer celui de la discussion.
A i n s i o n e x a m i n e r a , sous deux paragraphes diflerens,
L ’ ordre
les questions, de la solution desquelles dépend le sort
de l ’appel principal du sieur T a c h é , et celles que fait
naître l ’appel incident de M e C a v y .
§ Ier. A p p e l d u sieur T a ch é.
C et appel ne considère la cause que sous un de scs
points de v u e , c’est-à-dire comme s’il ne s’agissait ,
entre les parties, que de l'exécution d ’ une vente pure
et s i m p l e , et de la fixation des dommages-intérèts q u i
pourraient être dus a l ’acquéreur, pour cause d ’infrac*
�(
3:
)
tion de la part du ven de ur , à quelques-unes des obli
gations qui dérivent de la nature même du contrat.
Sous ce rapport, le sieur Taché soutient que la preuve
ordonnée par les premiers juges était tout à-la-fois
inadmissible et in u ti le, et que to u t devait se réduire
à vérifier, par le rapport des répertoires, quels étaipnt
les cliens qui avaient passé de l ’étude de M e C a v y dans
celle de M6 Astaix.
Pou r se faire des idées nettes et précises sur
ce point,
il faut rechercher,
i° Quelles sont les suites que l ’éq uité , l ’ usage et la
loi donnent à la vente d ’une étude de notaire.
Cet te
vente comprend-elle celle de sa clientelle et de l ’i n
fluence de notaire, de manière q u e , par le fait seul
de la v e n t e , le vendeur contracte l ’obligation de ne
rien faire qui puisse nuire k son acq ué reur, et s’interdit de porter son influence chez un autre notaire
de la même résidence?
2° Si cette obligation est une suite nécessaire de la
ve nte, peut-on prouver son inexécution par témoins?
3°
L ’acquéreur, pour avoir droit de réclamer des
dommages-intérêts, et pour en faire fixer la q u o tité,
doit-il prouver tout à-la-fois que le vendeur a eu des
sein de lui nuire, et q u ’ il lui a réellement n u i ?
L a première de ces questions se résout par l ’appli
cation de quelques règles de droit.
L e vendeur contracte deux obligations principales:
délivrer et garantir la chose q u ’ il vend (Code ci vil ,
3
article iGo ). L a garantie a pour objet de conférer
�(
3,
)
a l ’acquéreur la possession p a isible de la chose vendue.
(Code civ il, article 1625).
,
L e vendeur est tenu cV exp liquer clairem ent ce à
quoi il s’oblige : tout pacte obscur et ambigu s’in
terprète contre lui (Code civil , article 1602), et les
conventions obligent non seulement à ce q u i y
est
e x p r im é , mais encore à toutes les suites que V é q u ité ,
Y usage et la lo i donnent à l ’obligation d’ apuès sa
riATunc. (Code civil, article i i
35 ).
Ainsi le Code indique trois sources d ’où dérivent
les obligations accessoires à l ’obligation p rin c i p a l e , et
qui la suivent toujours, quoique non exprimées dans
le contrat : X équité Vusage et la loi.
3
Si l ’on recherche ensuite quelles sont les choses qui
forment la nature du contrat, la réflexion fait bientôt
découvrir que ce sont celles q u i ,
sans tenir à son
essence, en font néanmoins pa rtie, quoique les contractans ne s’en soient pas expliqués. L ’on sait aussi
que les obligations qui résultent des clauses souseniendues dans le contrat n’ont pas moins de force
que celles qui résultent des clauses qui y sont expres
sément insérées, par la raison que les parties ont du
connaître quelles étaient les obligations accessoires de
leurs conventions,
et q u ’elles sont censées s’y
être
expressément soumises, faute d ’une stipulation spéciale
q ui y déroge.
A ces principes, il convient d ’ajouter celui q ui a
anéanti l'anc/icunc division des conventions en contrais
de bonne foi et contrats de droit étroit. Les conventions
�tiennent lieu de lois aux parties qui les ont faites : elleà
doivent être exécutées de bonne f o i (Gode c i v i l ,
3
ar
ticle 1 1 4) •
Ces principes posés,
Quelle est la nature de la vente consentie par le
sieur Taché à M e C a v y ? U n e étude de notaire.
Qu e devait comprendre cette vente? Les titres, les
m in u tes, la c lie n te lle , enfin toute la confiance que
le sieur Taché s’était acquise comme notaire , con
fiance qui portait le sieur C a v y a acquérir et à mettre
un si haut prix à son acquisition.
L a vente d ’ une étude de notaire comprend donc ,
comme objets certains, les titres et les minutes; comme
objets plus dout eux, la clie n te lle et la confiance ;
mais au moins ces deux objets si essentiels, qui tiennent
si fortement à la nature du co n t rat, ne peuvent être
détournés par le v en d e u r, qui contracte, comme suite
de sa vente, l'obligation de ne pas fa ir e ce q ui pour
rait cle'truire ou diminuer la chose vendue.
Il faut que le vendeur délivre et garantisse la chose
v e n d u e , et q u ’il e x é c u te encore de bonne f o i les obli
gations q ui sont les suites de la nature du contrat ;
1 acquéreur a , de son c o t é , le droit d ’exiger la pos
session p a isible de la chose par lui acquise; mais, pour
que toutes ces conditions soient remplies, quelles sont
les obligations que Xéq u ité , Y usage et la lo i imposent
à un vendeur d ’étude de notaire?
L a nature du contrat apprend q u e , par le fait de
la vente, le notaire s’ engage h ne plus ex ercer sou
�( 34 )
in fluen ce sur ses clîens, et à n éta b lir aucune co n cu rr
rence entre lu i et son acquéreur.
1 / éq u ité et la loi
doivent donc aussi exiger que l ’ancien notaire n ’exerce
plus de fonctions dans la résidence où il a vendu son
ét u d e; q u ’il ne fasse aucun pacte avec un autre no
taire de la même résidence ; q u ’il ne lui accorde poi nt
sa coopération. L a bonne f o i veut que ces obligations
soient strictement exécutées , parce que la moindre
infraction détruirait la vente dans sa nature et dans
son essence, pu is q u ’elle laisserait à la disposition du
vendeur la partie la plus précieuse d e l à chose v e n d u e ,
c’est-à-dire la clie n te lle et la confiance.
Ces obligations , imposées au notaire v e n d e u r ,
confèrent un droit corrélatif à l ’acquéreur. L a vente
pure et si m p le, imposant au vendeur la nécessité de
ne rien fa ir e qui nuise à son acquéreur, donne néces
sairement à ce dernier la faculté légale d ’exiger que le
vendeur ne fa s s e rien q u i puisse lui préjudiciel'. De là
le droit de M e C a v y de se plaindre de tous les actes du
sieur T a c h é , qui auraient pour objet de reprendre
directement ou indirectement la chose v e n d u e , ou
d ’en d im in u er, par son f a i t , la valeur.
Mais si le vendeur a violé ses obligations, comment
prouver ces infractions? Telle est la deuxième question.
E n principe et en thèse générale,* la preuve testi
moniale n’est pas déf endue; elle n ’est prohibée que
dans certains cas prévus et désignés par la loi. L a
preuve testimoniale est même plus ancienne que la
preuve littérale. E u F ra n ce , la première a été long-
t
�(3 5 )
te m s préférée à la seconde : de là l ’ancienne maxime :
T ém o in s passent lettres.
A u jo u r d ’ hui la preuve testimoniale est restreinte,
mais elle n ’est point p ro scritey de manière que l ’on
peut dire que l ’admission de la preuve testim oniale est
toujours le p r in c ip e , et que la prohibition n ’est que
V excep tio n à la règle.
E n effet, si l ’on consulte le Code c i v i l , on y voit
34
(a r t . i
i ) ’ clu ^ prévoit les cas où il y a des a ctes
ou p o ssib ilité d'en avoir. Alors le législateur veut que
la règle de l ’admission de la preuve n ’ait aucun effet,
et que l’on applique l ’exception de la prohibition.
M a is , s ’i l n'a p a s é té p ossib le de se p ro cu rer une
preuve littéra le dans ce cas, la prohibition cesse, et
la règle de la preuve testimoniale reprend tout son
empire ( A r t . i
.).
3
348
Ces principes reçoivent-ils leur application?
On a vu que l ’obligation du sieur Taché était u n
accessoire de la nature de la vente q u ’il a consentie
à M* C a v y ; que cette oblig ati on, quoique non exprimée
dans le c o n t r a t , tenait tellemeut à son essence, q u ’elle
devait avoir la même force que si elle y était expressé
ment insérée; d ’où résulte que les contraventions k
une pareille obligation , ne pouvant être de nature à
être prouvées par titres, doivent conséqueminent ren
ti er dans la règle générale de la preuve par témoins.
E n effet, celui qui s’engage à ne point f a ir e une
chose
nuisible à a u t r u i ,
n ’enfreint point son obli
gation d une manière assez pu b lique et assez pa te nte,
�'Î!>
(36 )
pour laisser des titres qui puissent établir le clol et la
iraucle q u ’il a pratiqués; ses manœuvres sont détour
nées et occultes, et souvent on ne peut les apercevoir,
que lorsqu’elles ont produit leurs plus funestes effets.
Sous ce rapport, les contraventions à l ’obligation de ne
p a s f o ir e , étant toutes personnelles à l ’obligé, doivent
être assimilées au cas de dol et de fraude, qui peuvent
toujours être prouvés par témoins, et à la violation
des engagemens, qui naissent d ’un f a i t personnel a
celui qui se trouve obligé ( C . civil , art. 1.370, 1 3 7 1 . ) .
E n f i n , s’ il était besoin d ’invoquer l ’exception portée
dans l ’article 2347 du Code civil, n’y a-t-il p o in t, dans
l ’espèce , commencement de preuve par écrit émané
du sieur T a c h é ; commencement idc preuve qui rend
vraisemblables les faits allégués par jMc C a v y , et qui
l u i donnent conséquemment le.^droit de compléter,
par la preuve testimoniale, celle q ui résulte si claire
ment de l ’apposition de l ’affiche de Me Astaix; appo
sition d ’affiche concertée avec le. sieur T a c h é , et
approuvée par l u i , et qui ressort encore plus fortement
des aveux contenus dans les Observations imprimées
du sieur T a c h é ; aveux dont ce dernier a d on n é lu imême acte à
31e C avy ?
T o u t cela est si clair, que l ’on ne saurait insister
plus long-tems, sans craindre d ’abuser de la patience
du lecteur.
», L a troisième question a pour objet de reconnaître
jCC
qne doit embrasser la preuve à laquelle doit être
soumis celui q u i réclame des dommages-iulérêts*
«
�( 37 )
L e dol et la fraude sont
les moyens ' ordinaire.4
q u ’emploie celui qui veut se soustraire h ses engagem ens,
et porter préjudice à autrui.
Il eu conçoit
d ’abord le dessein , combine les moyens de parvenir a
sou b u t , et bientôt des laits font connaître l ’adresse,
les artifices et les machinations q u ’il a mis en œuvre.
C ’est la réunion de toutes ces circonstances, que les
jurisconsultes appellent consilium jr a u d is . L a
pre
mière condition à rem plir, de la part de celui qui se
•plaint, est donc de prouver que
l ’on
a vo ulu le
•tromper, et que l ’on a agi pour atteindre ce b u t ;
autrement l ’auteur du mal pourrait être incer tain ,
et même rester inconnu; le tort pourrait être imputé
à des circonstances fortuites et indépendantes de la
volonté des hommes; ce qui ne permettrait pas de
rendre responsable d ’un mal celui q u i n ’en serait pas
évidemment l ’auleur.
Mais lorsque le dessein de nuire est prouvé; que l ’auteurdes machinations et des artifices est connu; que des
faits personnels l ’ont clairement désigné; ce n’est pas
tout encore : l ’ homme infidèle et dangereux dans ses
relations, celui qui entoure ses concitoyens d ’embùches
et d ’artifices, doit trouver sa punition dans la perle de
1 estime publique; mais la loi ne peut ordonner que la
•réparation du tort réel q u ’ il a pu causer. Il faut donc
que l événement ait correspondu au dessein , pour que
le dessein soit punissable : de là la nécessité de prouver
tout à-la-fois consilium et eventus jr a u d is . L ’on ne
peut reclamei des tlummages-iutérêts sans l'accomplisse-
�(
38
)
meut de cette double condition. T o u t cela est conforme
à la disposition de l ’article i i
5i
du Code civil.
E n résumant les principes, l ’on se convainc q u e ,
par la nature de l ’a c t e , le vendeur d ’une étude de
notaire contracte l ’obligation de ne rien fa ir e qui puisse
nuire à son acqué reur; que la violation de cette obli
gation donne à ce dernier le droit de réclamer des
dommages-intérêts. Il est également certain que les
contraventions à cette obligation peuvent être prou
vées, tant par titres que par témoins, et que l ’acqué
r e u r , pour obtenir la fixation et l ’adjudication de ces
dommages-intérêts , n ’a cl’autre condition à remplir ,
q u e celle de p r o u v e r , contre le v en d e u r, la réunion
d u dessein et de l ’événement de la fraude : C onsilium
e t eventus fr a u d is .
L e jugement est-il conforme à ces principes, et
remplit-il toutes ces conditions?
Il o r d o n n e la p reu ve de quatre faits.
L e s trois premiers sont : i° q u e , lors de la com m u
nication du mariage, le sieur Taché annonçait q u ’ il
redevenait notai re, et q u ’ il espérait que les anciens
cliens ne l ’abandonneraient pas; a° que le sieur Taché
a demandé la confiance de ses anciens cliens; q u ’il a
positivement sollicité des actes importans et considé
rables; 3° q u ’il a arrêté les cliens qui se rendaient chez
M e C a v y , en leur disant q u ’il espérait bien regarnir
le colombier.
Ces faits, qui ne sont autre chose que le résumé
de ceux exposés au Mémoire de Mc C a v y , ne sauraient
t
�être plus pertinens. S ’ils sont prouves, ils établissent
tout
à - l a - f o i s et le dessein de nuire q u ’a
conçu
le sieur T a c h é , et les artifices et manœuvres q u ’il a
employés pour atteindre ce b u t : ils tendent donc îi
établir d ’une manière positive le con silium fra u clis.
L e quatrième fait, dont la preuve est ordonnée, est
que partie de la clientelle vendu e par le sieur Ta ché
à M* C a v y , se trouve actuellement dans l ’étude de
M e Astaix.
C e fait satisfait pleinement à la seconde condition
exigée par les principes, pour que le dol et la fraude
soient démontrés. Les manœuvres étant certaines, quel
effet ont-elles produit ? L e u r événement a été de re
mettre à la disposition du sieur T a c h é , o u , quoi que
ce soit, de son gendre, partie de la clientelle vendue à
M e C a v y . Si ce dernier fait est é t a b li, le con silium
et eventus sont réu nis, et la demande en dommagesintérêts est pleinement justifiée.
C ependant
le sieur Taché inlerjette appel de ce
jugement : que peut-i l espérer?
11 se plaint des motifs : sa délicatesse et sa bonne foi*
s alarment et s indignent de ce que les premiers jnges
ont osé les suspecter *, mais le sieur Taché a- t- il oublié
ce q u ’il a écrit dans ses Observations? N ’y a-i-il pas
dit d une manière positive q u ’il avait le droit d ’ac
corder sa coopération à ¿on gendre ? N'a-t-i l pas re
connu la lui avoir effectivement donnée? N ’est-il pas
allé plus loin, lorsque,
ajouté
que
dans ses O b s e r v a ti o n s , il a
désormais il aiderait et assisterait son
�(
45
)
gendre; et lors que , s’app uy an t sur sa v ie ille e x p e
rience et ses fa ib le s m o y en s, il fait un appel si éner
gique à scs anciens cliens? Sa plaidoirie é t a i t - e l l e
propre à effacer les impressions que ses Observations
avaient pu faire naître? Mais le sieur Taché osait y
soutenir q u ’ une obligation d h o n n e u r et de bonne f o i
ne pouvait produire aucun engagement civil ; et ce
ch ez m o i, applicable aux cliens, sur l ’esprit desquels
le sieur Taché avait le plus de crédit et d ’influence ;
cliens qui avaient cependant quitté l ’étude de Mc C a v y
pour se rendre dans celle tenue par M° Astaix; toutes
ces circonstances ne se réunissaient-elles pas pour dé
montrer à-la-fois le con silium et eventus fr a u c lis? .
Les premiers juges n ’ont donc rien exagéré; ils o n t ,
au contraire, a tt én ué, autant q u ’il était en e u x , les
conséquences immédiates ' q u i
ressortaient .des faits
avoués et reconnus par le sieur Ta c hé ; et ce dernier,
bien loin de s’en p l a i n d r e , avait des graces à leur
rendre de ce q u ’ ils avaient v o u l u ajouter de nouvelles
lumières à celles qui étaient déjà acquises , et faire
dépendre d ’une preuve l ’événement d ’ un procès déjà
jugé par les aveux du sieur Taché.
L e sieur Taché soutient ensuite que la preuve par
témoins était inadmissible et in u til e ; que tout se bor
nait à savoir si M e C a v y avait éprouvé un préjudice,
et que ce fait pouvait être vérifié par le seul rapport
et l ’examen des répertoires.— L e sieur Taché n ’est pas
conséquent avec lui-même. Dans quel sens, en effet ,
présente-t-il spn objection, et veut-il q u ’elle soit ap
�(
4i
)
préciée? S ’il convient que le con silium fr a u d is est
suffisamment prouvé; que ses artifices et ses manœuvres
sont si clairement établis par ses propres a v e u x , q u ’il
n ’ y a plus q u ’à consulter l ’événement pour connaître
les effets q u ’elle eût pu produire, pourquoi se plaintil des motifs d ’un jugement qui n ’a pas regardé comme
certains des xésultats aussi odieux et aussi offensans
pour son honneur? S i, au contraire, il nie avoir conçu
le dessein de dépouiller M e C a v y de la chose q u ’ il l u i
a vendue; s’ il soutient que sa conduite a toujours été
franche et loyale; que ses anciens cliens se sont rendus
spontanément dans l ’étude de son gendre, et sans y
être incités par aucunes sollicitations, à quoi aurait
servi une preuve q u i n ’aurait eu d ’autre objet que
d ’établir que partie des cliens du sieur Taché sont ac
tuellement dans l ’étutle de M e As taix ? Q u ’importerait
ce fait, s’il n ’était d ’abord prouvé que c’est le sieur
Taché qui les y a attirés par ses sollicitations, et con
duits par son influence? C ’est dans ce cas, que le sieur
Taché aurait le droit de se plaindre du jug em ent, q u i
serait évidemment in com p le t, puisque la preuve or
donnée* ne remplirait point les conditions exigées par
les principes, en cas de fraude. Il faut ajouter que ce
jugement ordonne que le con silium et eventus fr a u d is
seront p r o u v é s , tant par titres que par tém oins.
Il
admet donc tous les moyens q u i peuvent faire con
naître la vérité et éclairer la Justice. L e sieur Taché
peut invoquer les répertoires, demander la production
de ceux tenus par l u i pendant son exercice, la coin6
�(
42
)
munication de ceux tenus p a r M e C a v y , son acquéreur;
produire même, s’il le juge convenable , ceux q u ’il
tient sous le nom de M e A s ta ix , son gendre; ses moyens
à cet égard sont entiers : ses plaintes contre le jugement
ne sont donc pas fondées.
L a dernière objection du sieur Taché consiste à dire
que la preuve admise par les premiers juges n ’était
point offerte par M e C a v y . — C e moyen ne peut être
sérieux : M e C a v y a coté les faits, dont la preuve a été
ordonnée, dans la cédule en conciliation, dans l ’exploit
in tr oducti f d ’ instance, dans son Précis : il en a ar
gumenté devant les juges dont est appel. S ’il n ’a pas
offert la preuve en termes positifs et exprès, c’est parce
q u ’il pouvait penser que les faits acquis au procès, et
ceux reconnus par le sieur T a c h é ,
étaient suffîsans
pour convaincre le j u g e , lui faire ordonner dès l ’ins
tan t même la restitution du prix et le paiement des
dommages-intérêts ; mais Me C a v y ne s’est jamais
opposé îi ce que le tribunal éclairât sa religion , en
ordonnant d ’office la preuve des faits q u ’ il avait arti
culés. Il sent même q u ’elle était indispensable, pour
parvenir à une fixation raisonnable des dommages-inté
rêts q u ’il réclame ; et , en
rendant
hommage
aux
principes q u i ont dicté ce ju gem ent, il en soutient le
bien ju g é , dans ce sens que ses dispositions doivent
être restreintes
dus.
aux donmiages-iutérêts
q u i lui sont
i
�k
43
(
)
§ II.
A p p e l de M e C avy.
L a 'question que présente cette partie de la cause
suffit pour en indiquer l ’o b j e t , et faire connaître le
Jbut de l ’appel de M e C a v y .
S i , par la vente de son é t u d e , le notaire vende ur
engage ses services à son acquéreur , m oyennant un
3
p r ix distin ct et sép a ré et s’oblige à a id er son succes
seur de tous les renseignemens et conseils dont il
pourra avoir besoin pou r sa profession, comme aussi
à lui conserver sa clie n te lle ; s i , loin d ’e x é c u te r cette
conven tio n, le vendeur s’est m i s , par son f a i t , dans
V im p ossib ilité d ’y satisfaire y si même il reconnaît et
avoue
q u ’ il a porté
co n seils, et toute sa
ailleurs
coopération
ses renseignemens et
, la violation de cette
obligation doit-elle entraîner immédiatement la resti
tution du prix qui y était attaché?
E n droit : Qui conque s’oblige 11 fa ir e ou à ne pas
f a i r e , oblige une partie de sa libert é; mais que de
viendrait la société ,
si
les hommes ne
pouvaient
engager leurs services et leurs actions? Il en est de nos
actions comme des choses dont nous avons la propriété.
Nous pouvons les engager, soit g r a t u i t e m e n t , soit pour
lin p r i x , soit par voie d échangé; e t , en les engageant,
11
�nous sommes aussi parfaitement obligés de les remplir,
de faire ou de ne pas faire ce que nous avons promis,
que dans le cas où l ’obligation consiste à donner. Il
faut donc poser en principe gén ér al, que l ’h o m m e , en
qualité d ’être intelligent
et
l i b r e , peut s’engager,
engager ses services et ses a ct io n s, en tout ce qui n ’est
pas défendu par les lois, par l ’ordre public et par les
bonnes mœurs ( i ) .
*
.
Ces principes du droit naturel ont passé dans notre
droit c i v i l , et ont force de loi.
L e contrat est .une convention p a r la q u e lle u ne ou
p lu sieu rs personnes s’o b lig e n t envers u n e ou plusieurs
a u t r e s , à d o n n e r , à f a ir e ou à ne p a s fa ir e q u e lq u e
chose ( C .
c i v i l , a rt. i i o i .).
T o u t contrat a pour objet une chose.........., q u ’ une
partie s’oblige à f a ir e ou à ne p a s f a ir e ( C . c i v i l , ar
ticle 1 1 2 6 .) .
Ainsi,
l ’obligation de fa ir e ou de ne p a s fa ir e
impose, à celui q ui la contr act e, la
nécessité
d ’agir
ou de ne pas agir, et confère, à celui en faveur duque l
elle est contractée, la faculté légale d ’exiger que celui
q ui s’est obligé envers lui fa s s e ou ne fa s s e pas.
Si l ’on se fixe sur les effets que doivent produire les
conventions, on voit que certains de ces effets sont
( 1 ) W o l f f . — Jus naturœ, pars. 3 , paragraphe 3 Go , — et pars, 2 ,
paragraphe t\iG, — T o u l u e r .
�( 45 )
com m uns à toutes les conventio ns, et que quelquesunes d ’elles doivent
encore avoir des effets p a rti
culiers.
Un effet com m un à toutes les conventions est de
conférer à chaque contractant le droit réciproque de
contraindre l ’autre à les exécuter; de lier les parties,
de les obliger aussi fortement que la loi même aurait
fait. Leurs volontés, libres dans l ’origine, deviennent,
par la conclusion du co n t ra t, assujéties au joug de la
nécessité. — Contractus su n t
3 ab initio / v o lu n ta tis 3 e x
p ost f a c t o , necessitatis. — Quocl ab initio spontè scriptufn j cnit in stip u la tio n e m .— D e d u c tu m est
25
3 hoc
ab
invitis post ea com p lea tur ( i ,
, C od . a d . , S . C .
T^elleian, ,
>)’ En fin la loi sanctionne les conven
tions; elle leur prête toute sa force; en un m o t , elle
les érige en l o i ; e t , comme le dit énergiquement
4 29
l ’article
1134
du Code civil : « Les conventions léga-
« lement formées tiennent lieu de lo i à ceux qui les
« ont faites. »
P o u r déterminer les effets p a rticu liers à chaque
convention, il f a u t , i° connaître quels devoirs l ’obli
gation impose , et quel droit elle c 'nfère à chaque
partie contractante; i° consulter la n a t u r e , l ’o b je t ,
les clauses et les condilions du contrat.
L objet doit être une chose au moins d éterm in ée,
quant à son espèce ( C . civil, art. 1 1 2 9 .) . E t si l ’o bjet
de l ’obligation est do v e ille r ¿1 la conservation d ’une
chose, cette obligation soumet
celui q u i l ’a contractée,.
�(46 y
k y apporter tous les soins d ’ un bon père de f a m i l l e ,
soit que la convention n ’ait pour objet que V u tilité
de l ’une des parties, soit q u ’elle ait pour objet leur
utilité commune ( C . c i v i l , art. 1 1 3 7 .) .
P o u r s’assurer de l ’application que reçoivent ces
pr inci pe s, il suffit d ’ interroger les faits’ de la cause.
E n effet, si l ’on se demande d ’abord quelle a été
l ’intention commune des parties, à l ’époque où elles
ont traité, et si.l’on consulte leur position, on ne peut
méconnaître, d ’une p a r t , que le sieur T a c h é , dont
la capacité et l ’ intelligence sont connues, q u i avait
une clientelle nombreuse et choisie, sur laquelle il
exerçait la plus grande in flu e n ce , ne vo ulût, en vendant
son étude, vendre également cette in fluen ce n o ta ria le,
qui devait lui paraître d ’ un si grand p r ix ; d ’ un autre
c ô t é , M e C a v y , encore jeune h o m m e, n ’ayan t d ’autre
titre pour inspirer la confiance, que celui d ’avoir été
maître-clerc de notaire, à P a r i s , absolument étranger
à la ville
de
C lerm ont,
où ni lui ni sa famille
n ’avaient aucune relation, devait ardemment souhaiter
a cq u é rir , n on -seu le men t l ’é t u d e , mais encore toute
V influen ce de son prédécesseur.
Mais , pour que cette in flu en ce fut profitable, il
f a lla it, de la part du sieur T a c h é , une coopération
active, sur-tout dans les premiers lems; non seulement
ses conseils et renseignemens étaient utiles, ses soins
et ses efforts pour la conservation de la clientelle in~
dispeusablcs, mais encore il devait réunir ses travaux,
�¿
y
C 47 )
à ceux de son successeur, pour fixer, attirer et aug
menter, s’il
était possible, la confiance pu blique :
aussi les faits apprennent-ils que la vente a eu lieu
moyennant
Jeux prix distincts et séparés-, s a v o i r ,
4o,ooo francs pour l ’ élude-, et le cinquième des béné
fices nets, pendant dix ans, pour la coopération du
sieur Taché.
,
L a convention de 1820 a eu pour objet de capita
liser le prix mis à la coopération du sieur T a c h é ; si
l ’on veut m ême, dès cette époque, le sieur Taché n’ a
plus
été
3\Ie C a v y ;
tenu de joindre
ses travaux à
ceux de
mais son o b l i g a t i o n , d ’aidér ce dernier de
tous renseignemens et conseils dont il pourrait avoir
besoin pour sa profession, comme aussi de lui conserver
sa clientelle, étant plus clairement exprimée, a d ù
devenir d’une exécution plus stricte et plus rigoureuse.
Ainsi les obligations imposées au sieur T a c h é , et les
droits conférés à M e C a v y p a r l a convention de 1820,
sont également faciles à déterminer.
L e sieur Taché devait donner à M c C a v y les ren
seignemens et conseils dont il pourrait avoir besoin ,
employer tous ses efforts pour conserver sa clientelle;
conséquemment il s’était interdit la faculté d a fa ir e
tout ce qui pourrait le mettre hors d ’état de rem plir
son. engagem ent, et plus fortement encore celle de
porter a dleurs son in flu en ce notariale.
M* C a v y , (le son côte , pouvait m/tterir les conseils
et renseignemens du sieur 'fa cile, lorsqu’il les jugeait
�utiles; i l pouvait même l ’obliger à employer son in
fluence pour conserver la clientelle q ui lui avait été
vendue.
N
■i;
C e p e n d a n t , comment le sieur Taché a-t-il agi ?
C e n ’était point assez de ne pas exécuter la con
vention; de se mettre dans Y im possibilité de satisfaire
à l ’obligation q u ’il avait contractée; d e priver^\e C a v y
de la f a c u l t é de dem ander les services q u ’il avait
a c q u is
3 il a
encore fallu que le sieur Taché se plaçât
dans une position si singulière, que ce lui fût une
nécessité de nuire à M e C a v y , au lieu de le servir >
ainsi q u ’ il s’y était formellement engagé.
C o m m e n t tout cela est-il prouvé? Par des faits re-^
connus et avoués par le sieur Taché lui- même. Il faut
les parcourir et les apprécier.*
P
rem ier
fa it
.—
T ro is m ois après la convention de
1820 j le sieu r T a c h é marie sa f i l l e avec un notaire
de C lerm ont.
C e mariage était projeté, et même arrêté, avant la
convention. L e sieur Taché contractait donc une obli-»
gation q u ’il ne vo u l a i t ni exécuter ni accomplir ; son
dessein était de s’y soustraire par la fraude,
et de
profiter du prix mis à des services q u ’il ne voulait pas
rendre.
Q u e l est, sur ce p o i n t, le seul moyen employé par
le sieur Taché? « Je ne me suis pas interdit la faculté
« de marier ma fille à u n notaire ». Dans un sens ,
�U
9
A/7
)
4
le sieur Taché a raison; mais dans un autre, e seul'
intéressant pour la cause, il a complettement tort.
L 'effet de la convention était de prohiber et de d é
fe n d r e au sieur Taché to u t ce qui pouvait s’opposer
à son exécution. L ’obligation ,' étant antérieure" au
mariage, • devait être respectée avant to u t ; e t , si ce
mariage
était
incompatible
avec
l ’accomplissement
de l’ obligation contractée envers M e C a v y , le sieur
T a c h é , placé entre ses affections' et son devo ir, ne
pouvait faire ce qui lui p la is a it, au détriment de ce
q u ’ il devait : le mariage devait nécessairement céder
à
1 obligation;
o u , au moins, le sieur Taché ne pou
vait concilier son devoir avec ses désirs, q u ’en rache
tant la coopération vendue à M e C a v y , et en lui en
remboursant le prix..
D
tuxièm e
fait
.—
Im m édiatem ent après le mariage
M e A sta iæ vient habiter la maison du sieur T a c h é ,
son bea u -p ère $ il y
transporte son
i
m inutes.
•
étude**et ses
¡0 '»
Le second fait commence à dérouler le plan adopté
et suivi par le sieur Taché. Q u a n d oh lui accorderait
que la convention de 1820 11’était pas assez rigoureuse
pour lui imposer, en termes absolus, l ’obligation de
ne point marier sa fille avec un notaire exerçant dans
la môme résidence que son successeur, il faudrait
aussi que le sieur Taché co n v in t, de son co t é, q u e
les conditions de ce mariage devaient être
7
telles ,
�(
q u ’elles lui permissent
5o
)
de remplir franchement' Ie$
obligations q u ’il avait contractées envers M e C.avy ‘
q u ’elles ne .donnassent à ce dernier aucune crainte
sur le sort de sa clientelle, et lui permissent de de
mander avec confiance, au sieur T a c hé , les conseils et
renseignemens don t il pourrait avoir besoin.
Cel a était facile, si le sieur Taché eut été de bonne
f o i . Il devait absolument séparer sés intérêts de ceux
de son gendre; annoncer, d ’une manière p u b l i q u e ,
les obligations q u ’il avait contractées envers Me C a v y ;
en faire connaître le prix; se rapprocher davantage de
son acquéreur-, employer toute son influence pour lui
conserver sa clîentelle ; il devait sur-tout s’abstenir
religieusement de tout acte propre à attirer la confiance
chez M e Astaix, son gendre; et en était-il un plus fort
que de l ’accueillir dans sa propre maison, et d ’y faire
transporter ses minutes et son étude?
Il ne faut rien exagérer; mais le fait du mariage ,
r éu n i à c el ui de la cohabitation et du transport de
l ’étude, avaient bien évidemment pour conséquences
de mettre le sieur Taché dans Y im p ossibilité de rem
plir ses obligations envers M e C a v y , et d 'interdire à
ce dernier la f a c u l t é d ’en requérir l ’accomplissement.
C o m m e n t , en effet, le sieur Taché aurait-il donné
à M* C a v y
ses renseignemens et conseils , lorsque
INI* Astaix , sou gendre, était là pour les réclamer et
en profiter, et que le sieur Taché déclare vouloir Vas-
�( 5
i
)
sister de tous ses conseils et de tout ce que ld co n
n a is s a n c e
des hommes
et
des affaires auraient p u lu i
apprendre ?
C o m m e n t le sieur Taché aurait-il fait ses efforts
pour conserver la clien telle vendue à son acquéreUr,
lorsque M e Astaix, son gendre, était placé auprès de
lui pour reprendre la confiance des anciens cliens q u i
venaient consulter la v ie ille exp érien ce ou recourir
a u x fa ib le s m oyens de leur ancien notaire ?
C om m en t encore M e C a v y
aurait-il demandé au
sieur Taché les renseigneniens et conseils dont il pou
vait avoir besoin, et réclamé ses soins pour lui con
server sa cliëntelle, lorsque la nouvelle position de ce
dernier rendait de pareilles démarches non seulement
inutiles, mais encore dangereuses, puisque ses récla
mations et ses confidences pouvaient fournir ati sieur
Taché de nouveaux moyens de nuire à son acquéreur,
et d ’être litile à son gendre ?
. r-.,[ •-
S i , par ces faits qui lui sont personnels, le sieur
Taché a rendu impossible l ’exécution de l ’obligation
q u ’ il a consentio, comment pourrait-il se soustraire à>
la restitution du prix mis à des services q u ’il ne peut
plus re ndr e, et que l ’on ne saurait exiger de lui ?
ni
motsiîîMB f a i t . — Dans le même te in s, Une enseigne
est placée au-dessus de la porte de la
Taché,
maison
avec cette inscription : Astmx-TacmS , nolairô-certiji-
�cateur."— L e s mêmes q ua lités sont prises,p a r M* A s ta ix ,.
dans les a ffich es et actes, p u b lics.
C e fait important doit être examiné sous ses différens rapports,
r
•
• = -
E n d r o i t, les enseignes sont mises au rang des pro
priétés; elles doivent être protégées contre les entre
prises d ’a u t r u i , parce que la réputation est souvent
attachée à la désignation d ’un établissement ou à son
enseigne ; aussi celui qui est en possession d ’une en
seigne , a-t-il le droit de s’opposer à ce q u ’elle soit
adopté« par un voisin de même profession, lois nié me
que ce voisin aurait eu le soin tl’y établir quelque
différence.-Ces principes, consacrés par différons arrêts
rapportés par S o u efv e et le nouveau D en isa rt, sont
encore adoptés par INI. P a rd essu s, dans ses n o u v ea u x
élém ens de ju risp ru d en ce com m erciale.
■
'ilEn f a it ', et* dans il’espccei particulièr e, les raisons
et les motifs de prohi bition1 sont les mêmes pour u n 1
notaire que;pour, un négociant.
.t/enseigne .»désigne
un
• -
établissement
de
notaire’
comiiie celui >d un commerçant. Dans l ’ un et l’autre
cas, elle relient 'la pro ¡n ié lé de la clientelle ; et, dans
l ’espèçé-, »renseigne- indiquant Mc Astuix comme succes
seur du sieur Ta c hé , continuant la possession de l ’état
d(!i n o ta ire-de ce der n ie r, sur la tête d u successeur
q ii ’ellc’ d é s i g n â t , avait d<>nc pour objet de conserver
les au c ie n é .d i e n s, et-d'en attirer de nouveaux.
�(
53
).
D ’un autre c ô t e , cette enseigne était placée immé
diatement auprès des panonceaux de M e C a v y . Po u r le
p u b l i c , quel était le successeur du sieur Taché? E i a i t ce M c C a v y , a cq u éreu r, ou M e A s t a i x , son g en d re?
Il est évident, d ’une p a r t , que ceux qui ignoraient la
vente devaient considérer M e Astaix comme successeur
du sieur T a c h é , e t , de l ’a u t re, que cette affiche était
un appel à la confiance de ceux q u i , connaissant la
v e n te , avaient été les cliens du sieur T a c h é .: T a c h é
ou A s ta ix - T a c h é étant absolument la même personne
pour eux.
A in si , l ’apposition de cette enseigne est donc une
contravention à la convention de 1 8 2 0 , une
directe des obligations qui y sont contennes,
loin ,de conserver à M c C a v y la clientelle qui
élé ven du e, elle la conservait et Vattirait
violation
puisque,;
lui avait
au sieur
T a c h é , vendeur', o u , ce q ui est la même chose, à
M c Astaix-Taché, son gendre.
:
Mais à qui doit-on imputer l ’apposition de cette
enseigne? Est-ce à Me Astaix exclusivement, ou a-t-elle
été placee par les ordres ou du consentement du sieur
Taché ?
D ’ab ord , l ’apposition de cette enseigne étant bien
é' id em m en t un obstacle à l'exécution des conventions
de 1820, le sieur Taché devait empêcher tout ce qui'
pouvait porter p r é ju d ice à Mc C a v y , à la conservation
de la clien telle duquel ü était tenu de v e ille r . Ainsi
�(
54
)
il (levait s’opposer au placement de celte enseigne,
interdire même à son gendre la faculté de se permettre
un tel acte. Il le devait d ’aula n t plus fortement, que
rien ne lui était plus facile, puisque celle prohibition
pouvait être une des conditions du mariage de sa fille,
si toutefois il eut voulu remplir son obligation , et
que ce mariage n ’eùt pas été lui-mème un moyen de
s’ y soustraire. Sous ce premier rapport , l ’apposition de
cette affiche est donc imputable au sieur T a c h é , et il
doit en supporter toutes les conséquences,
Mais si l ’on examine de plus près; si l ’on rapproche
l ’epoque de la convention de celle du mariage; si l ’on
y joint le fait de la cohabitation immédiate, le trans
port de l ’élude du gendre dans la maison de son beaupère , comment résister à l ’idée que la co h a b ita tio n ,
le transpoJ't de l ’étude et
I’ a p p o s itio n
de
l ’e n s e ig n e
n ’étaient autre chose que les conditions du mariage
projelé entre mademoiselle Taché et M e Astaix; projets
antérieurs peut-être à la convention de 1820 ? En fin
on peut
ici réunir les aveux du sieur Taché. Son
gendre, en plaçant celte enseigne ^ •voulait, suivant
lu i , fa ir e quelque chose q u i f û t agréable à sou beaupère. INI* Astaix a v a i t , d ’ailleurs, intérêt de distinguer
son e x e r c ic e de celui de son prédécesseur. Ainsi le sieur
Taché désirait donc l ’apposition de l ’enseigne; et dans
quel intérêt le désirait-il? Son
chez
m oi!
lorsqu’on
lui demande ce que sont devenus quelques-uns de ses
anciens cliens, ne prouve-t-il pas q u ’ il était lui-mémç
�( 55 )
intéresse à cette apposition, et q u ’il devait en profiter
concurremment avec son gendre ?
L e placement de cette enseigne a donc eu lieu par
les ordres, ou au moins du consentement du sieur
Taché? C e fait doit donc lui être i m p u té ; et en est-il
de plus grave pour prouver l ’inexécution de la conven
tion de 1820?
• ‘ L e mariage et la cohabitation du beau-père et du
gendre, réunis au transfert de l ’étude de M® A s ta ix ,
établissent que le sieur Taché s’était mis dans l ’im
possibilité d ’exécuter ce q u ’il avait p r o m i s , et avait
ôté à M e C a v y la (acuité de requérir cette exécution.
L ’apposition de l ’enseigne ajoute à la gravité de ces
premiers faits; elle indique une violation ouverte et
calculée de l ’obligation contractée .par le sieur T a c h é ,
et manifeste ses projets et son intention de détourner,
à son profit ou à celui de son gendre, la clientelle
vendue à M e C a v y , au lieu de la conserver à ce der
nier. Ainsi ce fait prouve que non seulement le sieur
Tache n a point v e illé à la conservation de la chose
v e n d u e , mais encore q u ’ il a fait tout ce q ui dépendait
de lui pour la détruire.
Q u ’objecte le sieur Taché sur un point de fait aussi
grave et aussi dét erm inant, et comment cherche-t-il h.
1’expliquer p
Il
est d u s a g e , dit -i l, d ’ajouter son nom à celui
« de son épouse : M c Astaix a pu user de cette fa-
�« culte ». Pour donner plus de force à son moyen ,
le sieur Taché cite ensuite grand nombre d 'exem ples
de cet usage, et finit par donner à Mc C a v y le conseil
de sy ndiquer désormais sous le nom de C a v j-B o sg ro s.
Il faut reprendre celte objection pour y répondre.
L ’usage n ’interdit p o i n t, dans les cas ordinaires ,
d ’ajouter le nom de son épouse au sien; mais il fa ut,
pour que cela soit in nocen t, q u ’en se conformant à
l ’ usage on ne nuise pas à a u t r u i; que l ’on ne détruise
pas une convention légitimement contractée; que l ’on
ait pas sur-tout le dessein de faire un bénéfice ou de
s’enrichir au diitriment de la personne envers laquelle
on s ’est obligé : dans ces derniers cas, c’est la conven
tion , qui est la loi des parties, et non les usages de la
société, q u ’il faut exécuter.
Les ex em p les cités par le sieur Taché sont asse?
mal choisis. Pour q u ’il pu t s’en prévaloir, il aurait
fallu q u ’ il eût indique des hommes q u i , pour parer
leur nom , eussent senti la nécessité d ’y ajouter celui
de leur beau-père, exerçant la même profession q u ’eux;
que ces beaux-pères eussent, avant le mariage de leur
fiHe
vendu à un étranger leur ét at , leur clientclle et
leur coopération, et q u ’ ils eussent ensuite repris la
chose,
ou part»e de la chose aliénée, à l ’aide d ’un
mariage avec un homme (le la même profession. De
pareils exemples (levaient être rares : aussi le sieur
Ta ché est-il l'unique que l ’on puisse citer.
�(
57
)
1 L e con seil donné à M e C a v y par le sieur Taclié est
une plaisanterie dont l ’ atticismc est difficile à saisir
et à apprécier.
M. Bosgros était un commerçant es
t im é ; ses travaux n’avaient rien de commun avec les
fonctions de notaire : il est décédé; et ses enfans ont
à se féliciter de ce que sa fortune et les produits de
son industrie aient échappé a u x h eu reu x résultats
d'un e liquidation.
Q
uatrièm e
fa it
. —
L e sieur T a c h é a a cco rd é la
coopération la p lu s active à
31e A s t a ix 3 son g en d re;
il a f a i t tous ses efforts p o u r attirer son ancienne
clie n te lle dans cette étu d e.
Co mm ent ce fait si im p o r t a n t , q ui prête aux autres
une nouvelle force, et concourt avec eux pour dé
montrer que non seulement le sieur Taché n ’a point
exécuté sa co nvention, mais encore q u ’il l ’a violée de
la manière la plus ouverte et la plus m anifes te, com
ment ce fait est-il établi ?
On a vu que le sieur Taché ne désavouait pas ce
f a i t , mais qu il se bornait à prétendre q u ’ il venait
dans l ’étude de son gendre bien moins souvqnt que ne
le suppose Me C a v y . On sent que le sieur Taché devait
reserver les conseils de sa v ie ille exp érien ce et l ’em
ploi de ses fa ib le s m oyens pou r les circonstances épi
neuses, et q u ’ il ue paraissait dans l’étude de M® Astaix,
que lorsque des affaires difficiles à traiter, des conven-
�lions importantes à fixer,
ou des
actes sérieux à
rédiger pouvaient l ’y appeler ; mais cette coopération
n ’en était pas moins utile à M e A s ta ix , ni moins n u i
sible à M e C a v y .
D ’a il l e u r s ,
comment le sieur Taché p o u r r a i t - i l
désavouer cette coopération, lorsque ses Observations
attestent q u ’il soutient que la convention de 1820 ,
bien loin de lui imposer aucune obligation , l ’a v a it ,
au contraire, affranchi de toutes celles q u ’il avait an
térieurement contractées envers M 8 C a v y , et que la
conséquence directe de cette prétention serait de c o n
férer au sieur Taché le droit de refuser sa coopération
à Me C a v y , et de lui donner la faculté de l ’accorder à
3\Ie Astaix
: droit et f a c u l t é dont le sieur Taché a bien
nécessairement usé dans toute leur étendue? Il en a
effectivement usé, « parce q u ’il veut consacrer à ses
« enfans les années q u i lui restent » 5 et q u e , pour
doubler ces années, et les rendre plus fructueuses, le
sieur Taché n ’avait rien trouvé de mieux à faire que
de vendre sa coopération à M e C a v y , moyennant un
prix considérable et déterminé, et de retirer ensuite
cette coopération, pour l ’accorder et en transporter
tous les effets à M e A s t a i x , son gendre.
Sur ce p o in t, le sieur Taché ne dissimule rien : i l
v eu t assister
31e A s t a ix
de tous ses co n seils, l ’aider
de tout ce r/ue la connaissance des hommes et l ’ha
bitude des affaires auront p u lu i apprendre........ y il
�veu t encore mettre sa v ie ille exp érien ce et ses fa ib le s
m oyens à la disposition de ses anciens clien s; il dé
clare donc vouloir accorder toute son influence nota
riale à Mc Astaix; faire tous scs efforts pour lu i donner
les moyens de réussir, et employer toutes ses ressources
pour attirer ses anciens cliens dans l ’étude de son
gendre. Ainsi, moyennant un p r i x , le sieur Taché
s ’oblige à aider M e C a v y de tous les renseignemens
et conseils dont i l pourra avoir besoin..........; il s’oblige
aussi à lu i conserver sa clie n te lle ; mais le sieur Taché
garde le p r ix mis à cette co n v e n tio n , retient encore
la ch o se , ou la transmet à Me A sta ix , son gendre, au
détriment de son acquéreur. T o u t cela lui parait ce
pendant si simple, q u ’il invite Me C a v y « prendra
acte de ces a v e u x ; ce que ce dernier ne manque ra
pas de faire , puisqu’ils démontreront que le sieur
Taché a violé son obligation ; que cette violation est
tout a-la-fois volontaire et calculée; q u ’enfin le sieur
T a c h é , loin de rendre à son acquéreur les services
q u ’il lui avait vendus, a fait encore tous ses efforts
p o u r lu i nuire.
L a convention de 1820 n ’ayant point été exécutée,
son exécution étant désormais devenue impossible par
le lait du sieur T a c h é , ce dernier ayan t même ouver
tement violé l ’obligation particulière q u ’il y avait con
tractée, pourrait-il se dispenser de restituer le prix mis
h
1 accomplissement
de cette obligation? Mais ren g a
gement des services est une véritable vente , et la
�( 60 )
raison, comme les principes,
nous apprennent que
nul ne peut avoir le privilège de conserver la chose et
le p r ix .
E n d r o i t il n ’existe q u ’une différence entre les
promesses de donner une chose et l ’engagement des
services ou actions : on peut être contraint à délivrer
l a chose que l ’on a promis de donner, mais l ’on ne
peut l'être à rendre des services auxquels on s’est en
gagé, parce que nemo potest précisé co g i a d fa c tu m .
M a i s , que la vente soit d ’une chose ou un engagement
de services ou actions, il n ’en faut pas moins q u ’elle
Soit exécutée 5 et si la chose n’a point été livr ée, ou
si les services n ’ont point été rendus, le prix de la
vente ne saurait être exigé, ou doit être restitué, s’il
a été payé ; e t , dans ce c a s , il est encore dù des dommages-intérêts, résultant du préjudice causé par celui
q u i n ’a point exécuté la convention.
A u rés u m é, étant établi :
i° Q u e , par la convention de 1820, le sieur Taché
avait engagé ses services à M* C a v y , moyennant la
somme de 30,000 fr. ; q u e , pou r ce p r ix , il s’était
.obligé à lui a cco rd er sa coop éra tion , à lu i conserver
sa cliente l i e , à v e ille r enfin à la conservation de
l ’élu d e ve ndu e, ce prix doit être restitué à M* C a v y ,
pu is q u ’il est prouvé que le sieur Taché n ’a point sa
tisfait à sou obligation ; q u ’il s’cst mis dans l ’impossi
�¿*3
( 6î )
bilité de l ’exécuter, et a ôté à M e C a v y la faculté d ’en
r
requérir l ’accomplissement.
Sous ce rapport, il a étc mal j ugé, et l ’appel incident
de M e C a v y est justifié.
,,
.
r
' !
i>
2° L a vente d ’une étude de notaire, em po rtant, par
sa n atu re, obligation, de la part du ve ndeur’, de ne
rien fa ir e qui puisse nuire k son acq uére ur, et les faits
avoués venant apprendre que le sieur Taché a accordé
sa coopération à son gendre, et a employé toute son
influence pour attirer son ancienne clientelle chez ce
dernier, il est du à M e C a v y des dommages-intérêts,
qui doivent être calculés sur le préjudice q u ’a pu lui
causer la double infraction de 1’oblig ati on , résultant
de la nature du co n t ra t, et de celle, plus positive,
insérée dans la convention de' 1820: mais ces dom.•> , A
"
7
f-i ,
mages-intérêts ne peuvent être fixés et adjugés, que
lorsque
le
C onsilium
et
eventus fra u d is seront
*.
/P f
établis.
,
- iï ' i 0’ 1'
*'
* J
C ’est ce q u ’a ordonné le jugement ; ' e t , sous ce rap
port , l ’appel du sieur Taché rie peut être justifié.
T o u t est donc prouvé dans cette c a u s e , qui présente
un e xem p le, aussi rare que f r a p p a n t , de la violation
la plus hardie de la foi donnée. Si la Justice doit faire
respecter les conventions; si elle doit soigneusement
empêcher que-nul ne s’enrichisse aux dépens d ’a u t r u i ,
avec quelle sévérité ne doit-elle pas réprimor les in-
�( fe )
fractions faites aux traités , qui ont eu pour garans
Y honneur et la bonne f o i de l ’une des parties I ’
E t quel était celui qui apposait à son obligation un
sceau aussi sacré? U n notaire, connu par d ’utiles et
d'honorables tr ava ux, exerçant la plus grande influence
dans sa profession, emportant dans sa retraite le titre
de président honoraire du corps auquel il avait appar
t e n u ; un citoyen remplissant des fonctions m unic i
pales, le sieur Taché enfin , qui mieux que personne
po uva it apprécier la force et l ’étendue de ses engagemens.
Av ec q u i contractait-il ? Avec vin jeune homme
encore sans expérience, absolument étianger à la ville
où il venait s’é tab lir , désirant assurer, par les conseils
et l ’influence de son prédécesseur, la réussite de ses
premiers essais; avec un acquéreur q ui pouvait compro
mettre sa fortune et celle de sa famille, et qui n’avait
d ’autres garans de succès , que Xhonneur et la bonne
f o i du vende ur, auquel il s’en était remis.
M
L e sieur Taché a méconnu la voix de Y honneur ; sa
conduite est un outrage à la bonne f o i $ il est sans
excuses; il doit à la société un exemple utile et écla
tant.
Toutes les considérations se réunissent pour attirer
sur le sieur Taché la rigueur et la sévérité de la Justice,
Sa condamnation , plus que celle de tout a u t re , sera
utile ; elle apprendra combien les obligations sont'
�( 63 )
choses sacrées, et doivent être religieusement observées;
elle préviendra les effets du mauvais exemple, sur ceux
que leur imprévoyance expose au danger; et la C o u r
rendra également hommage à la Justice et à la Morale,
en appliquant dans toute sa rigueur, au sieur T a c h é ,
cette sentence de Virgile :
Continuo culpam f e rro com pesce, p riusquàm
D ira per incautum serpant conlagia 'vulgus.
M e C A V Y , N ota ire royal.
M e J n C h B A Y L E a în é , ancien A v o ca t.
M e H U G U E T , L ic e n cié -A v o u é .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Cavy, Claude. 1821?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cavy
Bayle
Huguet
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
chambre des notaires
ventes
offices
abus de confiance
Description
An account of the resource
Titre complet : Résumé et nouvelles observations pour maître Cavy, notaire royal, certificateur, à la résidence de Clermont-Ferrand, intimé, et incidemment appelant ; contre sieur Pierre-Antoine Taché, se qualifiant propriétaire, ex-Président honoraire, à vie, de la Chambre des Notaires de l'arrondissement de Clermont, et exerçant utilement, et de fait, la profession de Notaire, sous le nom de maître Astaix-Taché, son gendre, appelant, et incidemment intimé.
note manuscrite : « voir arrêts sur l'interlocutoire et sur le fond au journal des audiences, 182, ?, page 296 ».
Table Godemel : étude de notaire : la vente d’une étude de notaire comprend, non seulement celle des minutes et registres, mais encore celle de la clientèle et de l’influence notariale du vendeur, qui contracte tacitement l’obligation de ne rien faire qui puisse nuire à son acquéreur.
l’inexécution de cette obligation peut être prouvée par témoins, et motiver une demande en dommages-intérêts.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1821
1818-1821
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
63 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2509
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2507
BCU_Factums_G2508
BCU_Factums_G2510
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53495/BCU_Factums_G2509.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53558/BCU_Factums_G2802.pdf
4876cc8d03c43700516d988063c21699
PDF Text
Text
ff
O?
(
COUR ROYALE
MÉMOIRE
EN RÉPONSE,
de
RIOM.
a ' C h sambre C ivile.
POUR
J e a n -B a p tis te
DESMANÈCHES,
Notaire à la residence de Lempdes, intimé,
CONTRE
C la u d e
AN GLADE ,
Notaire à la résidence de Cournon, appelant.
S i c’est un besoin pour l ’h omme honnête de défendre ses
biens et son honneur s’il lu i est permis , pour y parvenir,
d ’invoquer le secours de la justice , et d’user de tous les
moyens qu’autorisent les lois , il ne l ’est pas, il ne peut pas
l ’être, d’appeler à son aide d’autres armes que celles de la
vérité ; il l ’est moins encore de s’en servir pour arracher
violem m ent à son semblable la considération pu b liqu e,
cette portion précieuse du patrimoine de tout homme qui.
a fait ce qui était en lu i pour la mériter.
Plus que personne, M e Anglade devait observer cette
loi commune à tous, exerçant une profession honorable. I l
se plaignait d’un de ses confrères; il prétendait en avoir
�¿prouvé du préjudice et il l ’avait traduit devant les tribu j
naux. Certain d’y trouver justice et impartialité, il lui suf
fisait d ’exposer ses griefs et de les appuyer sur la loi. Hien
ne lui interdisait de le faire avec énergie ; accompagnée de
sagesse et de celte mesure que déserte rarement un liomme
qui a raison , elle eut pu témoigner, si non de son d ro it,
au moins de sa conviction personnelle.
Pourquoi donc cette publication en style acrimonieux ,
qui n’épargne pas plus les outrages, qu’elle ne respecte la
vérité? ce débordement d’injures qui se déverse de toutes
parts , pendant qu’on se donne des éloges à soi-même?
Pourquoi? si ce n ’est parce que, manquant de confiance
dans sa cause, on se laisse entraîner par une aveugle passion?
Notaire depuis dix-lmit ans, sans avoir donné lieu à au
cun reproche , investi de la confiance de ses concitoyens ,
père de famille paisible et laborieuç, M Desmanèclies ne
pouvait pas s’attendre à cette agresssion haineuse , qui le
traduit violemment à la barre de l’opinion publique, et qui
croit la conquérir en jettant le mensonge à pleines mains.
Il ne la récuse pas; il ne pense pas que personne l ’ait re
connu aux peintures odieuses de M e Anglade, et il espère
que ceux qui 11e le connaissent pas , ne l’auront pas jugé
d’avance. Il se rassure, d’ailleurs, en voyant qu’il partage
les accusations de son confrère avec des hommes plus
graves que lui. Si l ’on en croit M c A n g la d e , la Chambre
des Notaires a forfait î\ ses devoirs, en laissant subsister et
s’étendre un abus intolérable ; les agens supérieurs de la
Régie ont attesté des faits faux dans leurs vérifications officiellos; le Ministère public lui a failli; le Ministre de la
Justice lui a fait préjudice en renvoyant à statuer sur sa
�(/
— 3—
plainte jusqu’après le jugement du procès; le Tribunal de
Clerm ont, malgré l ’évidence de son droit, l ’a repoussé par
une fin de non-recevoir ; et ainsi la ju stice est restée désar
mée devant des faits accusateurs; et la l o i , e lle - m êm e,
est demeurée un principe stérile pour lui. Que fe ra -t-il?
llepoussé, suivant ljui, par tout le monde , il accusera tout
le monde ; les uns d’indiscrétion ,'les autres de partialité ou
d’aveuglement, d’autres de choses plus graves encore ; et
son adversaire , surtout, d’un odieux système de rapacité
et de malice. L e ravaler aux yeux de ses concitoyens, le
montrer à ses juges comme un de ces êtres vicieux, qui ne
méritent que le mépris et l ’animadversion publique , le
charger, contre toute vérité et sans le moindre prétexte, des
plus noires accusations, voilà le rôle que s’est chargé de
rem plir, envers un de ses confrères , cet homme sim ple ,
laborieux et m odeste , q u i, s’iri’itant de ne pas inspirer une
confiance universelle et exclusive, a entrepris de l’obtenir
par la violence.
M bDesmanèches ne se rend pas le juge du choix de ces
moyens. Il appartenait tout à fait à Me Anglade de savoir ce
dont sa cause pouvait avoir besoin, et de choisir entre le vrai
et le taux, entre les moyens honnêtes et ceux qui ne le sont
pas. Il a fait sa p a rt, que nous ne saurions lui envier. C’est
dans les faits, dans les acles, dans la lo i, que nous cher
cherons la cause; c’est là , sans doute , que la Cour veut
aussi la trouver, Nous tacherons de ne pas sortir de ce
cercle de la vérité ; et sans nous départir de cette fermeté ,
qui est toujours permise à l’homme honnête injustement
outragé, nousespérons rester au-dessusde ces hideuses pas
sions , sous l’inlluence desquelles Me Anglade est maljieu1
.
�s-i
*
4
reusement’placé, et qu’il dissimule si bien quand il lui
plaît.
L a question est fort simple : M'DesmanèchesestNotaire
à Lempdes, et on prétend qu’il a abandonné sa résidence
et usurpé celle de Courjion 5 on dit qu’il l ’a fait mécham
ment et à dessein de nuire 3 il faut donc bien connaître les
faits, et examiner quels sont, dans l ’ordre de ces faits et
d ’après la disposition des lois, les droits respectifs des par
ties. Nous aurions pu être fort courts, réduire la cause à
des termes fort simples 5 mais la position de M° Desmanèclies exige qu’il ne recule pas devant quelques explica
tions. Nous tâcherons seulement d’abréger les détails que
nous devons au besoin de sa position personnelle et que la
cause n ’aurait pas exigés.
*
FAITS.
M e Desmanèches est natif de Cournonj son père y était
Notaire royal depuis 1776 , comme successeur de Me P i
nard. Alors il y avait dans cette commune trois autres
Notaires royaux , les sieurs ]îo yer, Maistre et D o ly , et un
Notaire seigneurial, M* Ainblard. Plus tard, Me Desma
nèches acheta l ’office du sieur Maistre, et réunit deux titres
sur sa tête.
y était investi de la confiance publique. Ses
répertoires prouvent qu’à lui seul il recevait autant d’actes
que les deux autres ensemble. En 1790, il fut nommé
Jugc-de-paix du canton de Cournon, qui se composait seu
lement des communes de Cournon et Lempdes. C ’est en
ce sens , qu’on a dit que ces deux bourgs ou villages n ’a
vaient fait autrefois qu’une seule commune.
11
�Son fils aîné s’était élevé dans son étude : naturellement
laborieux, il y avait appris les élémens et la pratique d’un
état qui devait être le sien. Il y travailla constamment
sous les yeux de son père, qui ne lui donna jamais d’au
tres exemples que ceux d’une honnêteté sévère. Il pense
ne s’en être jamais écarté j et telle a été, du moins, dans
tous les temps, sa volonté constante.
E n 1802} M« Desmanèclies père fut frappé d’une mort
prématurée. Son fils avait à peine vingt ans, et ne pouvait
pas le remplacer. D ’ailleurs, il y avait encore neuf Notaires
dans le canton : cinq au Pont-du-Château, deux à Cournon et deux à Lempdes. N e voulant pas abandonner la
perspective d’une profession à laquelle il s’était voué dès
son jeune âge, et vers laquelle il avait dirigé toutes ses
études, il entra comme clerc cliez M* D ucrohet, Notaire
à Lempdes. Une partie de la clientelle de son père l ’y sui
vit. Cela n’étonne pas, lorsqu’on sait qu’il avaitl’habitude
de traiter les affaires avec les cliens, et que des relations
continuelles, existent entre ces deux communes, par suite
de leur rapprochement.
E n i ô , il devint le gendre de M c Ducrohet, et il a
travaille pendant dix ans dans son étude, en qualité de
clerc.
83
• U n nouveau malheur vint le frapper en 1812 : M* D u
crohet mourut au mois de juillet. Le nombre des Notaires
du canton était encore trop considérable pour que son
gendre pût immédiatement le remplacer; alors JVl«’ I oyer et Doly vivaient encore, et occupaient la résidence de
Cournon. Le sieur Desmanèclies, pour s’occuper et conser
ver , par son travail, l ’espérance qu’il n’avait pas perdue
3
�— 6—
d ’entrer dans le N otariat, entra comme clerc cliez Me Boyer, et lui lit le dépôt des minutes de M* Ducroliet q u i,
toutefois, ne furent pas déplacées. M* Sauzet, Notaire à
Leinpdes ne les réclama pas 5 le répertoire de M‘ Boyer
augmenta comme avait fait celui de M° D ucroliet, par
suite de la confiance que les habitans avaient au sieur Desmanèches.
M° Sauzet mourut en 1814. L e nombre des Notaires
excédait encore celui fixé par la loi; toutefois, le sieur
Desmanèclies, qui avait vu disparaître successivement deux
titres réunis par son père, et celui de son beau-père , fit
A'aloir, et sa position personnelle, et le besoin de la com
mune de Lempdes. L a Chambre des Notaires donna, le
24 mars 1814 , un avis favorable. Elle pensa que la com
mune de Lem pdes , avec une population de près de deu x
m ille â m es , ne pouvait pas demeurer sans N o ta ir e , et que
le sieur Desmanèclies ,J ils et gendre de N otaires décédés,
réunissait la capacité et la moralité requises pour remplir
dignement les fo n ctio n s du N otariat. Elle fit plus, elle ajouta
qu’elle réitérait
Son Excellence le G ra n d -J u g e , M i
nistre de la Justice, l'instante prière que le sieur Jean B a p
tiste D esm anèclies, de Cournon , soit nom m é N otaire à la
résidence précitée.
L a Chambre n ’oubliait, donc pas que le sieur Desmanèches était de Cournon , fils d’1111 Notaire de Cournon, pro
priétaire à Cournon ; elle 110 voyait donc pas, malgré cela,
d’inconvéniens le nommer Notaire i\ Lem pdes, quoique
le voisinage démontrât d’avance que tout en résidant à
Lempdes, il ne s’interdirait pas d’entrer j\ Cournon pour ses '
Affaires, et qu’il serait appelé à y recevoir des actes.
I
�Il faut porter son attention sur les faits qui vont suivre:
ils prouveront indubitablement que le sieur Desmanèclies
n ’est jamais sorti des limites qui lui étaient tracées, et que
s’il y avait eu quelque cliose à réformer dans l ’exercice des
droits que lui donnaient son titre et sa résidence , il avait
au moins agi de bonne foi, et sans porter atteinte aux droits
de personne, par des manœuvres indignes de lui et de son
état.
Une Ordonnance du 9 août 181^ , fit droit à l ’instante
prière de la Cliambre de discipline de Clermont ; elle
nomma le sieur Jean-Baptiste Desmanèclies, Notaire royal
à la résidence de Lem pdes, avec droit d ’exercice dans le
ressort de la ju stice de p a ix de P o n t- s u r - A llier. Assuré
ment , ces dernières expressions étaient inutiles, puisque
ce droit ressortait des termes même de la loi j mais elles n’y
sont pas sans quelque signification, alors que la délibéra
tion même de la Chambre de discipline apprenait que le
pétitionnaire était de Cournon, et fils d’un Notaire de Cournon , ce qui, sans lui donner le droit de déserter sa rési
dence pour s’emparer de celle de Cournon , 11e supposait
pas, comme nous l’avons d it, qu’il serait obligé d’aban
donner ses propriétés et de vendre sa maison de Cournon,
parce qu’011 l’aurait nommé Notaire à Lempdes. A u s s i,
posons-nous dès à présent, et verra-t-on, plus tard, que
loin d’abandonner sa résidence de Lem pdes, il y a cons
tamment rempli son ministère avec exactitude et probité.
Nous pouvons dire, et c’est un témoignage que lui ren
draient, au besoin, ses confrères , la Chambre de discipline
et le .Tribunal civil de Clermont, que, sans faire abnégation
de ses intérêts, il l’a exercé avec désintéressement envers
�les cultivateurs qui l ’entourent. Il se plaît à en trouver le
témoignage dans la confiance exclusive et sans bornes que
lui ont montré les habitans deLempdes. Sans cesse appelés
par leurs affaires et les marchés publics au chef-lieu du
canton, le Pont-du-Château, où se trouvent trois Notaires,
ou au chef-lieu d ’arrondissement, la ville de Clermont, ils
reviennent toujours dans son étude pour y passer leurs actes
nombreux, que M* Desinanèches a constamment écrits et
rédigés de sa m ain, depuis 1814 jusqu’à ce jour.
Des faits non moins remarquables se placent à la suite
de ceux-là; le sieur Anglade les a relevés avec une inexacti
tude qui tient de la perfidie.
L a commune de Cournon est fort populeuse : assez sou
vent des ventes poursuivies avec les formalités judiciaires,
pour cause de minorité ou autrem ent, ont exigé la commis
sion d’un Notaire sur les lieux. Le Tribunal de Clermont
n ’ignorait pas que deux N otaires, M" Boyer et D oly père ,
occupaient la résidence de Cournon. Ilconnaissaitvraisemblablem entlesloiset ordonnances sur la matière. Or, quiat-il èommis habituellement? Le sieur Desinanèches , qui
n’a iait qu’obéir à ses ordres et suivre l ’indication de son
titre, en faisant des actes qu’on critique aujourd’hui avec
aigreur, et en les entourant d ’allégations matériellement
' fausses.
Obligé de reconnaître le fait des commissions données à
M* Desinanèches, par leT ribun al de Clermont, M’ Anglade
essaye d’eii tirer avantage. M* Desmanèclies, d it-il, occu
pait, de fait , a résidence de Cournon de manière à persua
der que c’était la sienne; c’est pour cela qu’011 le commet
tait , et aussi les jugeinens le qualifient N otaire ¿1 Cournon.
1
�9
—
—
On ne pourrait pas s’expliquer, si on le voyait, comment
le Tribunal de Clermont a commis, pendant seize ans, une
pareille bévue, comment personne ne l’a relevée, comment
les Notaires de Cournon et le Ministère public n’ont pas ré
clamé; mais que la Cour soit tranquille, cela n’est pas vrai.
Tous les jugeinens ou ordonnances commettent sciem
ment Desmanèches, Notaire ci Lem pdes, pour aller faire
des ventes ou autres opérations à Cournon.
L e premier de ces jugemens, du 22 février x81 , rendu
par MM. Domas , Murol et Cliassaing , a même cette par
ticularité, que pour l’estimation des immeubles, il nomme
le sieur D o ly , fils d’un des deux Notaires de Cournon,
•et commet, pour la vente, M« Desmanèclies, N otaire à
5
■Lempdes.
< Une ordonnance , portant commission pour dresser pro
cès verbal à Cournon , fournit encore cette observation que
tout est écrit d’une main étrangère , et que le nom du N o
taire et la résidence ayant été laissés en blanc, on y lit de
-la main de M. Cliassaing, juge, qui rendait l'ordonnance,
le nom de M 4 Desmancches , et sa résidence à Lempdes.
Sans doute, il n’était pas dans les intentions du T ri■
bunal de Clermont, que la vente des biens situés à Cour
non fût laite dans l’étude du Notaire de Lem pdes, où il y
eût eu moins de concurrence , et beaucoup de désavantage
.pour les mineurs. Il était évidemment nécessaire de la
faire Cournon. Le Notaire commis y possédant une mai•son , il n’y avait pas le moindre motif pour qu’il choisît un
autre lieu; et aussi, dans les alliches, il y a toujours an
noncé que la vente serait faite par M* Desmanèclies , N o
taire à Lem pdes ; dans la maison dudit ücsm anèches , à
�Cournon ; etcependant la confiance du Tribunal a tellement
résidé en lui , qu’on a continué à le commettre , même
après la réorganisation et le changement des magistrats.
M e Desmanèches a été habituellem ent, jusqu’en 1 o ,
le Notaire de la Mairie de Cournon j il n ’a pas , non plus ,
repoussé cette confiance , et certes, s’il n ’a pas écrit dans
ses actes qu’il en était requis , cela ne serait pas moins une
vérité constante , surtout lorsqu’il les a passés à la Mairie.
y>’ Enfin , il en a été de même des transactions particu
lières ; beaucoup d’individus de la clientelle de son père ,
habitués à ses relations, l ’appelaient pour passer leurs
actes ou concilier leurs différens; il avoue qu’il ne les a ja
mais repoussés. Toutes les fois qu’on a requis son minis
tère pour constater les conventions des parties , il n ’a re
gardé qu’une chose, les limites de sa juridiction ; et il a
toujours indiqué, sans la moindre dissimulation, le lieu où
il les avait passés ; le domicile des parties, son élude à
Lejnpdes, sa maison à Cournon, ou tout autre endroit. Il
ne lui entrait pas dans l ’esprit que lorsqu’on lui deman
dait son ministère dans un lieu où la loi, comme son titre,
lui donne capacité pour recevoir un acte; il ne piit pas le
recevoir dans une maison qui lui appartient, aussi bien que
dans une autre, et qu’il d û t, pour cela se u l, faire l ’option
de la vendre ou de renoncer au droit de passer des actes
dans le bourg de Cournon ; il ne le comprend pas encore.
On n ’avait pas écrit cela dans l ’acte de sa nomination, î\
coté de ces mots : A vec droit d ’exercer dans le ressort de la
83
ju stice de p a ix de Pont-sur-A llier.
Me Desmanèches n’a jamais dissimulé , non plus ,
qu’ayant à Cournon des propriétés, et surtout un vignoble,
�qu’on ne peut pas affermer, et qui exigent une surveillance
continuelle, il y avait conservé son établissement. La mai
son est occupée en partie par sa m ère, à titre d’usufruit;
le surplus , par son épouse, qui y surveille les domestiques
et l ’administration des biens. Desmanèclies , en ce qui le
concerne, tenant son étude à Lem pdes, de manière qu’au- .
cun droit n’y a jamais été compromis, aucun acte différé ,
y conservant assez bien ses propres intérêts , et le bienêtre ; comme les facilités des liabitans, pour que ses con
frères, n’ayant e u , dans aucun cas, à le suppléer pour les
actes de cette commune, ayant, d’ailleurs, là et là des
propriétés rurales et un ménage, avait cru pquvoir se par
tager entre Lempdes et Cournon.
S ’il a reçu des actes assez nombreux dans cette dernière
com mune, il n ’a jamais fait un pas pour enlever la con
fiance à ses confrères , pour obtenir des actes qu’on ne lui
aurait pas spontanément proposes. Il n’a pas. cherché à se
rendre compte des motifs qui avaient inspiré au T rib u n al,
à l’Administration locale, et à un certain nombre d’habitans, de la diriger vers lui. Tout ce qu’il peut dire, c’est
qu’il a fait, par une conduite probe et loyale, ce qui était
en lu i, non pour la provoquer, mais pour y répondre et
prouver qu’il n’en était pas indigne.
Si quelque chose était à reprendre en tout cela , il n’y a
pas apparence que ce dût être au bénéfice des dommagesintérêts de M* Anglade. M“ lîoyer etD oly , qui occupaient
la résidence de Cournon , ne se sont jamais p la in t, et per
sonne n’a vendu à M* Anglade le droit de s’en plaindre
pour eux. L ’un et l’autre reconnaissaient que tout en rece
vant des actes à Cournon, JM° Desmancches n’em ployait,
�'01
t '
■r»
—
12
—
pour les obtenir, aucune manœuvre frauduleuse. Il y a
plus : pendant le temps de la vie de M** Boyer et D o ly, ils
ont constamment contresigné les actes de M“ Desmanèches;
ils voyaient bien, cependant, qu’il en faisait beaucoup à
Cournon , et qu’ils étaient plus nombreux que les leurs ,
et ils les scellaient de leurs contre-seings ! Comment donc
Desmanèches , dans les limites de son territoire , eût-il pu
croire qu’il anticipait sur leurs droits, et qu’il était cou
pable à leur égard ?
l\r D oly père mourut à la fin de 1816. Son fils fut admis
à le remplacer en 18 17 , quoique la résidence fut encore
occupée par M> Jîoyer. M* D oly fils , plus jeune, plus ac
tif, augmenta sa clientelle ; mais il est assez remarquable
que ce fut principalement avec celle du sieur Eoyer , qui
était vieux et infirme , et qui mourut en 1823, ne passant
plus qu’une quarantaine d’actes. D oly 11’ignorait pas la
situation de M* Desmanèches, et cependant il 11e sè plai
gnit pas davantage, et contresigna ses actes comme l ’avait
fait son père. Seulement, en 1818, il crut pouvoir rivali
ser pour la résidence de Lempdes; il y acheta une maison,
par acte du 18 m ai, reçu Boyer et Desmanèches , et il y
ouvrit une sorte de cabinet, oiril venait s’installer à jours
fixes, et fit même apposer des affiches, qui indiquaient
qu’ayant le pouvoir de passer des actes à Lempdes , il s’y
rendrait à des jours marqués et toutes les fois qu’on l ’y ap
pellerait. M' Desmanèches ne se plaignit pas. Toutefois, il
est bien évident que s’il n ’eût pas tenu sa résidence et ré
pondu à la confiance publique, un autre Notaire du can
ton , qui eût offert aux habitans des facilités qui leur
manquaient, eut attiré beaucoup de gens à lui. Pourquoi
�— i3 —'
n ’en fut-il rien? Pourquoi Desmanèclies continua-t-il de
passer tous les actes des liabitans de Lempdes? Parce que,
sans doute, il résidait dans son étude, et se trouvait à la dis
position des liabitans, chaque fois qu’ils avaient besoin de
son ministère, soit pour passer des actes, soit pour les con
cilier dans leurs différens. Il n’était pas seulement Notaire
à Lempdes, il a été Maire à deux reprises différentes:
d’abord, en 1818 jusqu’en i a . Trop occupé de son étude
et de ses bien s, il crut raisonnable d’y renoncer. Il pour
rait produire les témoignages flatteurs qu’il reçut alors du
Préfet, sur l ’exactitude de son administration et son dévoue
85
ment au bien public ; tant il est vrai qu’il abandonnait sa
résidence de Lempdes !
M. Sers le renomma, en i o , membre du Conseil mu
nicipal de Lempdes. Après la révolution, il a été d ’abord
nommé Commandant de la garde nationale, puis renommé
Maire de Liempdes parM . llo g n ia t, sur le vœu des liabitans. Il a , plus tard, donné sa démission; d’ailleurs, il a
presque toujours été nommé répartiteur forain à Cournon,
où tout le monde sait qu’il est domicilié à Lempdes. V oilà
les faits qui le concernent personnellement.
M' D oly fils, de son côté, devint Adjoint au Maire de
Cournon, en i822,etM aire en 1824.8aclientelleaugmenta
à cette époque; m ais, malgré ce titre , qui lui donnait un
moyen de plus de surveiller la situation de M'Desmanèclies
à Cournon , il ne songea pas à se plaindre. Depuis.18 17 , il
avait reçu annuellement, de 204 à 291 actes. En 1824,
devenu Maire , il en reçut 3175 il mourut en juillet 1825.
M* Tibord lui succéda en mai 1826 , après une vacance
de dix mois. Pendant cet intervalle, le bourg de Cournon,
83
�-
14 -
dépourvu de Notaire, fut obligé de se pourvoir ailleurs.
M e Desmanèches, le plus voisin et le plus en relation avec
les habitans de Cournon, vit augmenter son répertoire : au
lieu de 4 1 1 actes qu’il avait reçus en 1824, il en eut
o
en 1825, et
en 1826. Convenons qu’il eût été difficile
de trouver à redire à l ’usage de sa maison de Cournon, pour
passer des actes nombreux auxquels son ministère était
indispensable. E n 1827, Tibord étant en activité, le ré
pertoire de M* Desmanèches retomba à 3^2. Il augmenta
beaucoup en 1828 ,' il se porta à 60/f, mais ce fut par une
circonstance particulière. Le sieur Rouganne avait acheté la
propriété deM. de Chalier, à Lempdes^ etil vendit en détail
des biens considérables qu’il possédait à Cournon. Établi
à Lempdes, il devait naturellement en confier la vente au
Notaire de Lem pdes, précisément à cause de sa résidence.
Indépendamment de ses relations avec le sieur Desmanè
ches, son intérêt même le lui commandait. D ’une partie No
taire était plus à sa portée ; de l ’autre, il connaissait et les
propriétés et les personnes, et pouvait beaucoup mieux
amener les négociations à b ien , que M* Tibord, étranger,
à peine arrivé dans la commune de Cournon, et qui n ’était
encore au fait, ni des personnes, ni des biens, ni de
leur valeur. O11 ne peut dont pas davantage blâmer le
sieurllougannc de ce choix, que M*Desmanèches de l ’avoir
accepté. M* Desmanèches eut encore, pendant cette an
n ée, un grand nombre d ’actes pour M. Joseph Molin ,
parsuite de l’ouverture de la succession de son épouse. Cer
tes, il pouvait se rendre dans sa propre maison ; pour répon
dre celte confiance} d’ailleurs, tous les (ictesdu sieur Houjianne ont été passés ù Lempdes.
554
55
�— i5 —
- En cette année 1828, M" Tibord permuta avec M« A n
glade, récemment nommé notaire à tiennent ; et peu de
temps après a commencé,pourM'Desmanèches, un système
de persécution qu’il était loin de prévoir.
Dans cette première année de son exercice, Me Anglade
reçut
^ actes ; et en 1829 , 276. En soignant son
étude , en répondant à la confiance qu’on lui montrait
déjà , en traitant les paysans avec bonté , et les gens
peu aisés avec modération , il eut promptement vu
accroître sa clientelle. Il 11e voulut pas de ces moyens,
qui ne répondaient pas à son impatience.
Jusqu’ici nous n’avons examiné que la position per
sonnelle de M* Desmanèclies, et nous 11’avons rien dis
simulé , pas plus que lui-inême n’a dissimulé ses actions,
dans aucun moment. En expliquant sa conduite , il s’est
tenu jusqu’à ce jour dans la plus étroite réserve , sur ce
qui concerne Me Anglade. Nous ne voulons pas, aujour
d’h u i, prendre une marche différente 5 mais la Cour nous
pardonnera, sans doute , de répondre par quelques faits, à
l’agression violente qu’il a dirigé contre M* Desmanèclies,
et de démontijer qu’il en a construit l’édilice sur des asser
tions mensongères.
Mc Anglade , qui se plaint, en termes si aigres, de ce
que Desmanèclies a usurpé sa résidence , en abandonnant
la sienne propre , résidait partout ailleurs qu’à Cournou,
et n’y venait guère que les dimanches. Le souvenir de ses
anciennes relations, pendant qu’il était clerc de M° Astaix,
le retenait à Clermont, où 011 dit qu’il avait une chambre
dans une auberge située près la lla llc aux toiles. Or ,
quand il lui plaisait de venir dans sa résidence , il
23
�—
16
—
fallait que tout le monde courût à lu i; et pour n’y être
pas parvenu de cette m anière, il s’en prit à M* Desma
nèches, de ce qu’on requérait le Notaire de Lem pdes,
lorsqu’on ne trouvait pas le notaire de Cournon , ou qu’on
avait quelque m otif de préférence.
Encore si, croyant avoir a se plaindre, il l ’avait‘fait
par les voies ordinaires ! S’il eût employé l ’autorité de la
Chambre ; ou même , en dédaignant ses confrères , celle
de M. le Procureur du llo i ! Mais il voulait faire de son
titre un moyen de monopole contre la population ; et,pour
c e la , faire révoquer le titre du Notaire de Lempdes. Il
pensa l’obtenir, en trompant l ’autorité supérieure.
Le i cr février i o, il présenta une pétition au Ministre;
et après avoir fait un exposé fallacieux, il demanda que
Desmanèches fût contraint «de fixer sa résidence notariale
v à Lempdes ; qu’il fût ordonné que ce Notaire y ferait
» sonséjour actuel et perpétuel ;.........que, 1h exclusivem ent,
» il y fera les actes de sa profession ; ...... et qu’à défaut
» de ce faire , immédiatement , il sera déclaré démissio» naire. » Pour un premier pas, ce n’était pas mal. En
voulant qu’il fût interdit à Me Desmanèches de faire des
actes ailleurs qu’à Lempdes , il exigeait l’abrogation de la
loi et de l’ordonnance de nomination du sieur Desmanèches.
L e i*r M ars, il forma une demande en dommagesintérêts.
Pendant que le sieur Desmanèches se présentait sur
cette demande, il apprit, par une communication du M i
nistère p u b lic, la plainte du i r* février. Le M inistre,
en effet , l’avait addressée à M. le Procureur-Général ;
83
�— i7 en l ’invitant, si l ’imputation était fondée à faire en
joindre au sieur Desmanèclies , de reprendre, sousun mois,
sa résidence, à peine d’être poursuivi conformément à l’ar
ticle 4 de la loi.
R ien n’étonne de celte détermination, quand on lit
le Mémoire présenté par Anglade ; il devait alarmer le
Ministre : l ’étude de Desmanèclies établie à Cournon ;
point d’étude à Lempdes ; résidence abandonnée ; les
liabitans de Lempdes obligés de se rendre à Cournon •
pour contracter ; seulement Desmanèclies s’y rend les
dimanches et quelquefois les jeudis, pour recevoir des
actes ou prendre des consentemens ; il a conservé, pour
cela, une chambre chez sa belle-mère ; m ais les minutes
de ces actes, comme toutes ses m in utes, restent à Cournon ;
et Lempdes, sa résidence, n’est pour lui qu’une succursale’
de son étude, établie de fait à Cournon. Le sieur Anglade
ajoutait d’ailleurs toutes les autres allégations qu’il a ré
sumées dans son Mémoire, pages 6, 7 et 8, et que nous
relèverons plus tard.
M. le Procureur du Iloi avait pris des renseignemens
auprès du Juge-de-Paix. On en rend compte au Mémoire,
page 10. M* Desmanèclies n’en connait que cela. Peu
après, le Juge-de-Paix expliquait, par un certificat : « que
Desmanèclies ne passait pas moins, dans son étude, pres
que toutes les affaires des liabitans de Lempdes; que
les Inspecteurs de l ’Enregistrement lui avaient'toujours
dit qu’ils trouvaient ses minutes chez lui ; que les habitans de Lempdes ne s’étaient jamais plaint de sa nonrésidence ; et qu’il jouissait dans tout le canton d ’une
confiance justement méritée. « Cela n’avait rien de contra-
3
�— iS —
dictoire avec le renseignement qu’on indique comme
fourni par ce Magistrat.
Le 19 m a i, nouvelle plainte d’Anglade au Ministre.
Il répète ses accusations; e t , ajoutant que M" Desmanèclies n ’avait pas obéi, demande qu’il soit déclaré dé
missionnaire. C’est là , en effet, le plus v if de ses désirs ,
la plus chère de ses pensées, celle qu’il caresse jour et
nuit.
A cette époque, M* Desmanèclies présenta un Mémoire
justificatif dont on croit aujourd’hui pouvoir tirer avan
tage , en le dénaturant, et en copiant ce qui n ’y est pas.
Il y exposa franchement sa situation, sa conduite ; re
connut qu’en effet il était assez souvent à Cournon ; où
il.a v a it, comme à Lempdes , une m aison, un ménage
et des propriétés ; qu’il y recevait des actes, ne pouvant
repousser la confiance lorsqu’on s'adresse à lui. 11 ajouta
que jamais il n ’avait rien fait pour attirer à soi celle
qui se serait dirigée vers un autre ; que toutes ses ac
tions étaient conformes à l ’honnêteté publique; et qu’ayant
le d ro it, comme Notaire à Lempdes , de recevoir des
actes à Cournon > il ne comprenait pas qu’on voulût l’en
empêcher ; que cela ne pourait être que lorsque la con
fiance qu’on lui donne et qu’il ne recherche p a s, se di
rigera tout naturellement vers un confrère qui la méritera
mieux. Q u’enfin, il s’étonnait que M e Anglade , nouvel
lement arrivé à Cournon, se plaignît de n ’y avoir pas ob
tenu, tout d’un coup, un patronage assez exclusif, pour que
tous les habitans, sans exception, renonçassent subite
ment à appeler un Notaire qui était à leur porte, et qui
avait eu jusque-là leur confiance , etc.
�—
i9
—
Mais, que le sieur Desmanèches ait pi'étendu , dans ce
Mémoire , qu’il avait le droit de tenir à Cournon une étude
de Notaire ouverte , d’y avoir ses m inutes, et que la rési
dence de Cournon était, pour lu i, une propriété particu
lière 5 (page 12 ) ceci est une fausseté manifeste, devant la
quelle M" Anglade n ’a pas reculé, parce que , sans doute ,
il a cru en avoir besoin.
A u contraire, M“Desmanèches dit nettement que, s’il
fait des actes à Cournon; que m êm e, s’il s’y rend jusqu’à
trois fois la semaine pour soigner ses propriétés, son étude
est à Lem pdes, dans la maison de son épouse ; ses minutes
et ses répertoires sont dans cette étude, où ils ont été cons
tamment visés par les agens supérieurs de la Régie. S i je
ne tenais pas constamment mon étude à Lem pdes, d it - il,
il est pour le moins vraisemblable queleshabitans auraient
réclamé ; mais ni les individus , ni l'administration, nont
fa it entendre la plus légère plainte, ce qui démontre qu’ils
me trouvent constamment au milieu d’eux et dans mon
étude, lorsqu’ils ont besoin de moi.
Enfin , après avoir exposé avec franchise toute sa situa
tion personnelle, M* Desmanèches dit en finissant : «Yoilà,
« M. le Procureur du l l o i , la vérité toute entière...... J ’ai
» rempli mon ministère avec exactitude et loyauté; je con» tinucrai de même, et si ma conduite.pouvait encourir le
» moindre blâme, que mes supérieurs prescrivent et je m’y
» conformerai. »
Repoussons donc loin de nous cette citation que M* A n
glade écrit en lettres italiques, comme s’il l’avait extraite
du Mémoire de M* Desmanèches, que la résidence de Cour.
5
�—
20
■—
non était pour lui une propriété particulière. V oilà-en
core comment M* Anglacle se pique de vérité.
Au reste, en écrivant ce M ém oire, M* Desmanèches ,
qui croyait n’avoir pas excédé les limites de son droit, ex
posait simplement les faits. Il avait raison ou il se trom
pait ; mais il prouvait sa bonne foi passée et présente, sa
naïveté , peut-être, et non son orgueil, lorsque, n ’ayant fait
que continuer ce qu’il faisait sous la surveillance du T r i
bunal et avec le consentement de ses confrères de Cournon,
confirmé de leur seing, il faisait tout connaître à M. le
Procureur du l l o i , en ajoutant : S i j e me trom p e , que mes
supérieurs prescrivent et j e m ’y conformerai.
M'Desinanèches ne sa it, au surplus, ce que veut dire
M* Anglade, à propos des Mémoires exj)licatifs ou ap olo
gétiques , qu’il présentait ou retirait; il n ’a jamais fait
que celu i-là , et n ’a pas pensé à le retirer.
Nouvelle dénonciation, le 19 mai, dans des termes non
moinsfacheux. Anglade y demande purementet simplement
la révocation de Desinanèches, Notaire àLempdes ; c’était là
et c’est encore toute son ambition. N ’a-t-il pas osé, derniè
rement , à l’audience de la C ou r, invoquer, comme motif
d ’urgence, la pensée de Desinanèches, de se faire rempla
cer par son fils? Est-ce que , par liazard , M' Anglade au
rait le droit et la puissance d ’empêcher cette mutation 3si
le fils est reconnu digne? Est-ce que, pour le satisfaire , il
faudrait l’expatrier ou en faire un ilote? Est-ce qu’il ne
faudrait plus de Notaire à Lempdes, parce que M* Anglade
est à Cournon? M* Desinanèches avait annoncé ce dessein
de remplacement, dans son M émoire, et il croyait en cela
aller au-devant des objections, puisque, établissant son
�--- 21 ----fils à Lempdes , et demeurant lui-même à Cournon , dé
pouillé de tout caractère et de tout intérêt personnel, il
n ’y aurait plus cet inconvénient que M* Anglade attribue
à sa position actuelle. Il ne croyait pas, en cela, fournir à
son adversaire un sujet légitime d’opposition.
C ’est en cet état que fut provoquée la délibération du
T rib u n al, du i mai i o. MeAnglade se plaint de ne pas
y avoir été appelé. Pourquoi donc? et de quel droit? Il
avait fait sa part en demandant des dommages-intérêts } et
après avoir dénoncé un fait qui provoquait une mesure de
discipline, la loi et l ’honnêteté lui commandaient de la
laisser aux soins du Ministre , seul compétent pour la
poursuivre. Ne montra-t-il pas, en cela, le désir, disons
mieux, la volonté que tout fût employé dans son intérêt
exclusivement, même les moyens de pure discipline? Nous
verrons, plus tard, si l’intérêt public est autre chose, pour
lu i, qu’un moyen plus ou moins légitime d’accroître ses
intérêts personnels.
3
83
5
M e Desinanèclies comparut, le i m ai, devant l ’Assemblée des deux Chambres et du Parquet ; il exposa nette
ment sa conduite, comme il l’avait fait dans son Mémoire.
Nous n ’avons aucun compte à rendre de cette séance, l ’ap
pelant en a dit assez, quoiqu’en sa manière ; mais il faut
faire connaître ce qui s’est passé depuis la décision : la
préoccupation du sieur Anglade, pour ne rien dire de plus,
lui en a lait rendre un compte trop infidèle, pour que nous
puissions nous en dispenser.
M* Desmaneclies , ju sq u e -là , n’avait pas transporté à
Lem pdes, l ’intégralité des minutes de son père j pas plus
que Boy er, devenu dépositaire des minutes de M 'Ducroliet,
�ne les avait transportées à Cournon ; pas plus que luimême , dépositaire apparent des minutes de B o y e r, ne les
a déplacées dans aucun temps. Pour remplir ses promesses
et se conformer aux vœux de ses supérieurs, il crut devoir
réunir à Lempdes celles de son père avec celles de M* D ucrolietetles siennes propres, qui y étaient déjà, et résider
désormais à côté de ses m inutes, dans la maison de son
épouse, où il est avec la dame Ducrohet, sa belle-mère*.
Nous allons en trouver la preuve dans des élémens judi
ciaires ou authentiques, qui démentiront les assertions que
le sieur Anglade liazarde avec une hardiesse qui ressemble
à la vérité pour ceux qui n ’en savent pas davantage.
83
Le
septembre i o , nouvelle dénonciation au M i
nistre. L ’état étant toujours le m êm e, suivant l u i , il de
mande encore que le Ministre , sans autre information ,
déclare Desmanèches démissionnaire ; mais craignant que,
d’après les renseignemens fournis, le Ministre ne pro
nonce contre l u i , il demande, subsidiairem ent, qu’il soit
sursis à statuer, jusqu’après le jugement en dommages-intérêts; dernière ressource, qui devait avoir une double
face; car, pour le soutien de cette demande, 011 comptait
se servir fortement de la question de discipline.
L e Ministre n ’ayant pas répondu, après deux mois écou-r
lés , Anglade partit pour Paris vers la mi-novembre ; et le
26 , obtint j j)ourM. le Procureur-Général, une lettre qui
fut loin de satisfaire ses vues. Elle se bornait, malgré ses
démarches intéressées , à donner à M» Desmanèches un
nouveau délai d ’un mois pour rentrer dans sa résidence ,
s’il n’y était déjà.
�y?
— 23 —
Il en fut donné.avis
à M. le Procureur du R o i,• avec ini
vitation de prendre des renseignemens.
Alors le Parquet avait été renouvelé ; comment d’autres
hommes eussent-ils pris les mêmes errem ens, s’ils n’eus
sent été ceux de la justice et de la vérité?
M* Anglade affirme ici, (page 19) qne la décision du
a novembre fu t notifiée à M ’ Desmaneches le 3o du même
mois ; et il se plaint de ce qu’il n’a pas obéi. Q ui donc a si
bien instruit M' Anglade? Et qui ne croirait qu’il dit vrai^
car, là comme ailleurs, il affirme et indique une date
précise?
5
M* Desmanèclies n’a qu’un mot à répondre : cela, non
plus , n’est pas vrai. Cette lettre ne lui a jamais été noti
fiée, et il invoquerait, au besoin , le témoignage de M. le
Procureur du R o i, pour attester le fait et le m otif du si
lence qu’il a gardé à son égard. Veut-on le savoir?
M. le Procureur du R o i prit des renseignemens :
1« Auprès de l ’ancien Juge-de-Paix, M. Rochette , qui
avait donné ceux de i o à son prédécesseur, et qui ha
bite Lempdes ;
a0 Auprès du Maire de Lempdes ;
° Auprès de M. Perrin, client de M* A nglade, devenu
Maire de Cournon, et qui l’est encore aujourd’hui.
83
5
Tous les trois lui attestèrent que M* Desmanèclies avait
définitivement établi sa résidence à Lempdes j personne
nepouvaitmieux le savoir que ces trois fonctionnaires, deux
habitant à Lem pdes, et le sieur Perrin à Cournon. L e
sieur Perrin, client de M* Desmanèclies , avant i o , et
qui lui déclara, à cette époque, qu’il lui était plus com
83
�— ¿4 —
I
mode de contracter cliez M* A n glade, parce que lu i, Des
manèches, n’était pas à Cournon.
M. le Procureur du R oi, qui se convainquit que M* Desmanèclies avait tenu ses promesses, ne crut pas devoir lui
faire d’injonction ; il en rendit compte à M. le ProcureurGénéral, par lettre du 5 février 1 1; et lui déclara que les
minutes et le siège des affaires notariales étaient transpor
tés à Lem pdes, et que Desmanèches ne passait à Cournon
que le temps nécessaire pour l ’administration et la surveil
lance de ses propriétés. M° Anglade savait tout cela quand
il a écrit que la décision avait été notifiée le 3o.
Faut-il quelque chose de plus pour établir la certitude
des preuves acquises à M . le Procureur du R o i? le sieur
Anglade lui-même va nous les fournir.
En février, il avait encore obsédé le Parquet par des
instances plus pressantes, comme il le dit lui-même. Il de
mandait à M. le Procureur-Général, de faire vérifier subi
tement, et avec m ystère, l ’étude de M* Desmanèches; et
pour n ’être pas trompé dans ses espérances, il réclamait
l ’autorisatipn d’accompagner le Commissaire, et d ’assister
à la vérification. M. le Procureur-Général voulut bien s’y
prêter; c’était un moyeu de contrôle qui devait devenir
décisif sur le fait capital du procès, le lieu de l ’établisse
ment notarial. Le sieur Desmanèches devait s’en applau
dir s’il était en règle; car, devant la démonstration acquise
par une vérification contradictoire avec son adversaire, de
vait disparaître le besoin de toute autre preuve.
M. le Procureur-Général crut devoir confier cette com
mission à M. le Procureur du R o i; et certes, personne
n’avait à s’en plaindre, pas plus qu’à soupçonner l ’iiripar-*
83
�— 25 —
tialité ou même la discrétion de ce Magistrat, si juste et si
amoureux de ses devoirs; tout lui commandait le mystère:
toutefois, comme cette vérification faite avec M.‘ Anglade ,
a tourné complètement contre lu i, il ne craint p as, au
jourd’hui, d ’accuser le chef du Parquet de Clermont, en
écrivant cette phrase audacieuse:
« M* Desmanèclies a été prévenu du transport de M. le
» Procureur dti R o i à Leinpdes ; M* Anglade offrira la
y> preuve que le transport était connu deux jours avant
» qu’il ait eu lieu. »
Ici nous ne craignons pas d’être désavoués par M. le
Procureur du R o i, en donnant à M* Anglade un démenti
formel. En ce qui le concerne, M* Desmanèches déclare
ne l’avoir su, ni directement ni indirectement.
D ’ailleurs , on le demande ? Où eut été pris le m otif
d’une semblable indiscrétion ? M. le Procureur du
R oi avait la certitude que toutes les minutes étaient à
Lempdes. Il n ’avait donc personne à avertir ; et il
est évident que dans ces circonstances, il n’aurait pu
laisser échapper son secret, que dans l ’intérêt de Mc Des
manèches, et par un véritable manquement à ses devoirs.
Nous n’avons point à l ’en défendre.
M® Anglade offre la preuve ! Eh ! quelles preuves n’of-»
fre-t-il pas? Nous verrons plus tard , quels moyens immo
raux il a employé pour se créer î\ l ’avance des déposi
tions, pourle cas où il obtiendrait des enquêtes,
D ’ailleurs , il est évident ici , qu’une indiscrétion ne
pouvait venir que du Ministère public. Nous ne croyons
pas nous tromper, en disant que sur sa demande, et pouy
n ’associer personne au secret de cette com mission ,M. le Pro-
4
�—
26
—
¿ilreür-Général avait cru devoir confier sa lettre à Me An»
gldde, pour que M. le Procureur du Roilareçûtdirectem ent
de ses mains. L e procès verbal le fait présumer. Il porte
qu’il est rédigé sur l ’invitation de M • A n g la d e.
Le procès verbal dressé par ce Magistrat, le 8 mars 1 1,
constate que M* Desmanèches n ’était pas chez lu i, et qu’il
â fallu aller le chercher dans les vignes. Il contient la vé
rification successive des minutes et des répertoires de tous
les exercices qui sont aujourd’hui réunis dans le* mains de
Mc Desmanèches, et constate leur état parfait de régularités
M* Anglade mécontent de ce procès v e rb a l, qui fut
rédigé sur place , et qu’il était obligé de signer, Voulut
y faire insérer une sorte de protestation contre le dépôt des
minutes qui, d isait-il, avaient été transportées à Lem pdes
83
les jou rs derniers, ce qui n’empêchait pas que Desm anèches
ne tint toujours étude ouverte à Cournon, etc?, etc. M. le
Procureur du Roi trouva sans doute que c’était assez de
l’assistance du sieur Anglade , sans que son procès verbal
fût encore soumis à son contrôle. Il refusa l’insertion ,
mais il joignit le brouillon de M* Anglade à son procès
verbal.
D ’ailleurs , cherchant toujours la vérité et la justice , il
s’en servit pour prendre de nouveaux renseignemens sur
ce fait même ; et quoique les fonctionnaires qu’il avait
consultés, lui inspirassent d’autant plus de confiance
qu’ils s’étaient exprim és avec beaucoup de fra n ch ise la
première fois , il s’adressa
d’autres personnes ; voulut
éclaircir le fond de ces allégations ; et après s’être bien
convaincu qu’il n’y avait ni fraude ni erreur, il donna
un nouvel avis à M. le Procureur-Général, le 18 mars j
�—
27
—
et l ’instruisit que de nouveaux renseignemens n’avaient
fait que confirmer ce f a i t : que le principal établissem ent,
létablissem ent notarial de M’ Desmanèches , était à
Lempdes.
Devant ce document irrécusable, et pour en éviter les
résultats après l ’avoir provoqué, le sieur Anglade a in
venté la plus pitoyable jonglerie: les étiquettes neuves, le
beau papier b la n c , la petite table, le tapis verd tout n e u f,
le petit encrier , etc. ; vrai compte d’en fan t, où le Procu
reur du R o i n ’aurait pas apperçu un bout d’oreille si long
et si visible, et aurait été dupe d’un nouveau Croque-Mi
taine, transportant à chaque instant, sous le plus petit obs
tacle, de Cournon à Lempdes , et de Lempdes à Cournon,
sans que personne le vo ye, trente mille minutes qui com
posent son étude, et les répertoires de cent huit ans ; et
trouvant le moyen de les ranger avec un ordre parfait
comme un habile prestidigitateur , dans un petit local hu
mide et obscur, de cinq pieds sur huit ou neuf, croyant
que personne ne l ’a vu. Nous ne répondons pas à de pa
reilles niaiseries ; si ce n’est en disant que nous avons pour
témoins: i°M . le Procureurdu llo i, son procès verbal et les
renseignemens sûrs qu’il a pris et fourni avant et après ;
2° le fait constant, que ce ch en il, qui a quinze pieds sur
n e u f, et une fenêtre de grandeur ordinaire, est l’étude où
le sieur Ducrohet a exercé pendant
ans le Notariat
avec honneur; et où, lui d’abord, et son successeur e n s u i t e ,
ont reçu chaque année un très-grand nombre d ’actes importans; que cette maison est celle où le sieur Ducrohet
■
■
et son épouse ont constamment tenu leur ménage et
(Hevé leur famille. E t certes , à côté de ces faits patens
33
4-
�—
28
—
et constatés, tout le inonde pensera que M e ‘ Desmanèclies n ’aurait pas à redouter l ’épreuve d ’une enquête.
A u reste, n’oublions pas de remarquer qu’en présence
de ces faits notoires et établis, le sieur Anglade x’edoutait
la décision ministérielle. Il redoubla d ’instances , poiir
que le Ministre ne prononçât pas sur sa propre demande,
et qu’il attendît le jugement des dommages-intérêts. C’est
ce qu’on voit dans les conclusions de ses Mémoires. Le Mi
nistre voulut bien encore obtempérer à cette demande,
par lettre du 6 octobre i
i. Ce n ’est donc pas le sieur
Desmanèclies qui eut un moment à se fé lic ite r de son
adresse ; car s’il se fût défendu contradictoirement, il eut
demandé que le Ministre vouhlt bien prononcer et lui ren
dre justice. O r, le résultat ne pouvait pas être douteux, sur
la question de savoir s’il avait ou non abandonné sa rési
83
dence.
Ici nous arrivons à un fait d’autant plus affligeant, qu’in
dépendamment des fâcheux débats auxquels il a donné
lie u , il sert de moyen à Me A n glade, pour organiser le plus
odieux système de calomnie.
Il avait sen ti, depuis long-temps , qu’il ne pouvait
pas lui suffire d’en imposer sur des faits matériels dont
la vérité se découvre toujours : que ces faits fussent-ils
vrais en partie , pour les temps antérieurs , ils se présen
teraient avec des caractères de bonne fo i, et se trouve
raient protégés par la loi et par la justice. ]1 lui fallut
donc inventer quelque moyen de noircir son adversaire ,
d ’imprimer il sa personne et à ses actions un caractère
odieux, qui répugnât à la justice, en même-temps qu’il
se présentait lui-même comme une victime innocente,
�29
—
—
immolée à la rapacité d’un ennemi puissant et audacieux.
Il crut en trouver l’occasion dans l ’affaire de LareineBoussel, et il n ’a pas craint de s’en emparer.
< M" Desmanèclies doit s’expliquer sur cette affaire , alors
qu’on s’en sert pour l ’attaquer avec tant de fiel et de per
fidie. Il commence par dire qu’il y a toujours été com
plètement étranger ; et il défie qui que ce soit au monde ,
de rapporter la plus petite preuve qu’il y ait pris la
moindre p a rt, et qu’il ait donné à Lareine ‘ou à qui
que ce so it, une lettre ou même un conseil à ce sujet.
On le connait assez, dans son canton et au Tribunal de
Clerm ont, pour savoir qu’il n ’est pas propre à devenir
un odieux m oteur, pas plus qu’un vil instrument de dé
nonciation. Obligé qu’il est de s’en défendre, il ne veut
accuser personne , ni rechercher des faits qui pourraient
accuser qui que ce soit. Il ne cherche pas à sonder ce
qu’il peut y avoir de vrai ou de faux , dans les démêlés
de M* Anglade et de Lareine-Boussel ; dans leurs rela
tions tantôt hostiles, tantôt amicales. Jean Lareine n ’a
jamais été son client ; il a toujours été celui de Me D oly
puis de Me A n glade, son successeur, et 011 croit qu’il l ’est
encore.
Lareine-Boussel se plaignait d’une obligation qu’on lu i
avait fait consentir devant M« Anglade , au profit du sieur
Chambon, son clerc, pour des frais d’actes de l ’étude de
M eD oly. Uprétendait: 1° Q u’il 11e devait rien; 20Q u’il n’a
vait jamais comparu devant M* Anglade pour consentir
cette obligation; o» Q ue le jour de sa date , il était resté
toute la journée ailleurs qu’à Cournon ; il était allé se
plaindre au Maire de Cournon.
�— 3o —
Ce Maire était le sieur Moulin , beau-frère de Desmanèches ; c’est une circonstance dont on tire parti. C’est à
regret que M* Desmanèches se voit obligé de dire que si le
sieur Moulin n’était pas bien avec M* Anglade , ce qui
peut être , il n ’était pas plus en harmonie avec son beaufrère.Ce n’est pas à M* Anglade, mais bien à Desmanèches,
que le sieur Moulin a enlevé la clientelle de la Mairie de
Cournon, qu’il avait eue sous tous les Maires précédens ,
pour la donner , non pas au Notaire de Cournon, mais à
M* D edreuil-Paulet , Notaire au Pont-du-Château. On
n ’exigera sans doute pas, que M* Desmanèches en dise da
vantage sur sa position personnelle envers un homme qui
luiappartientj d’aussi près.
Lorsque le Tribunal de Clermonteut prononcé le renvoi
devant la Chambre d’accusation, M" Anglade y fut soutenu
par le défenseur habile qu’il s’est ingénieusement attaché.
Il avait su persuader son avocat, e t , peut-être, soulever
son indignation contre les prétendus auteurs de la dénon
ciation j aussi, fit-il, dans l ’isolement de cette défense, qui
n’avait d’autre contradicteur que le Ministère p u b lic, un
ample usage des moyens que lui fournissait son clieut.
Dans une affaire de cette nature, où les nombreuses
obligations faites par M* A nglade, au nom du sieur Cham*b o n , son clerc, pour des frais dont il était personnelle
ment créancier, pouvaient, quoique simulées, être faites
de bonne foi, où une seule était attaquée, et où il s’agissait
tle faire figurer un officier ministériel sur les bancs de« A s
sises , le Ministère public pouvait et d e v a it, peut-être,
aller au-devant des moyens de la défense ; ce n ’est paslapre-
�— 3i —
mière fois qu’on l*a vu admettre parmi les témoins à charge,
des personnes indiquées par les prévenus.
Si M* Anglade ne s’en fût servi que pour se défendre,
personne ne saurait le blâmer ; mais l’indigne usage qu’il
en fait aujourd’h u i, va nous prouver que ce ne fut pas son
seul b u t, et qu’en homme habile et délié , il organisa un
plan qui devait accuser un homme honnête, sourde
ment et sans qu’il pût se défendre, et devenir, dans son
intention , une arme terrible dans les poursuites person
nelles qu’il avait dirigées contre lui.
Douze tém oins, fournis par M* A n glad e, furent enten
dus en la Cour. Les uns déposèrent de son honnêteté et de
l ’immoralité de Lareine-Boussel ; les autres, de quelques
faits particuliers. Quelques-uns dirent que Lareine s’était
vanté d’avoir une bonne lettre de Me Desmanèclies , ou
qu’il était conseillé par lui et le sieur Moulin j les autres ,
qu’on disait que Lareine n ’était pas seul am ener cette af
faire. Aucun d’eux ne déposa de faits qui lui fussent per
sonnels. L a Cour prononça le renvoi. Ici, nous devons nous
taire : il ne nous appartient de critiquer, ni la poursuite ,
ni la décision des premiers Juges, ni celle de la Chambre
d’accusation.
Nous ne nous permettrons pas davantage de censurer les
témoignages en ce qui concerne le personnel de M. Anglade
etdeLareine-Boussel,Nousn’avonsà nous occuper, quant
à M‘ Anglade, que de la cause actuelle ; e t , sous ce rapport
seul, nous nous permettrons de contester que ses actions
soient loyales etlionnêtes. Quant à Lareine-Boussel, lesiqur
Desmancclies ne veut pas plus l ’attaquer ,qu’il n’est /heu
reusement, chargé de le défendre.
�— 3a ~
Que lui im porterait, d ’ailleurs, que Lareine -Boussel,
pour se couvrir, se fût j acte d’avoir l ’appui de M* Desmanèches? ou, s’il ne-l’avaitpas dit, que des témoins, produits par
M* A n glade, eussent déposé le lui avoir ouï dire? Nous ne
voulons pas fouiller au fond de ces mystères ; mais nous
avons aujourd’hui le droit de dire , et nous le prouverons ,
que depuis long-temps , et malgré leurs scandaleuses dis
sentions , Anglade et Lareine-Boussel sont en parfaite in
telligence.
Toujours est-il, qu’après l ’arrêt de la Chambre d’accu
sation , M» Anglade et le sieur Chambon formèrent, contre
Lareine, une demande en doinmages-intérêts, pour cause
de dénonciation calomnieuse.
Sur cette demande, le Tribunal a prononcé contradic
toirement le o juin 1
; nous transcrivons le jugem ent,
et demeurons simples narrateurs :
« Attendu qu’il ne peut y avoir dénonciation calom
nieuse , qu’autant qu’elle aurait été dictée par le désir
de n u ire, et que les faits qui ont donné lieu à la pour
suite ne seraient nullement établis , ou ne le seraient
pas par la seule déclaration du dénonciateur ;
» Attendu que les plaignans ont reconnu en partie
l ’exactitude des faits avancés par le prévenu, et qu’ils lu i
3
332
ont même donn é toute satisfaction à cet é g a rd , en lui f a i
sant remise de la grosse de l'obligation , q u il disait n'a
voir poin t con sen tie, en lui donnant même m ain levée, de
l ’inscription prise sur lui ;
» Attendu que, si pour ces faits, Anglade et Chambon
ont été exposés à des poursuites criminelles, ils ne doi
vent point les imputer à la partie de Biauzat, dont le
�— 33 —
témoignage n ’a dicté en rien la décision des premiers
Juges, mais bien à ce que» des témoins entendus dans
une instruction uniquement dirigée par le ministère pu
blic, sont venus donner de la vraisemblance à ces faits;
- » Attendu que , si après un plus ample informé, A n
glade a été renvoyé des poursuites par la Chambre d’accu
sation ; c’est m oins, ainsi que le constate l’arrêt, parce
que les faits dénoncés par le prévenu, se sont trouvés
faux, que parce que les Juges d’appel ne leur ont , point
trouvé le caractère de gravité qu’y avaient vu les J uges
de première instance , et que des témoignages ont été
opposés à d’autres
» Attendu d’ailleurs, que la dénonciation était com
mandée par l’intérêt du prévenu, qui a obtenu ce qu’il dési
rait , d’où suit qu’elle n ’a point été faite dans le b u t , seul
coupable, de nuire aux plaignans ;
» Attendu dans tous les cas , que le prévenu est tou
jours demeuré étranger à la direction de l'instruction,
et n’a pu, par conséquent, exercer aucune influence sur la
décision prise, et qui ne l’aurait pas été sur sa seule dé
nonciation :
»Par ces motifs, le Tribunal renvoie le prévenu de la
plainte contre lui portée, et condamne les plaignans aux
dépens. »
On ne s’est pas plaint de ce jugement.
(j est après tout cela, que M* Anglade a cru devoir se ser
vir de cet homme , que des témoins, produits par lu i, ont
dépose être un mauvais sujet, un gueux^ ne payant jamais
et menaçant ses créanciers lorsqu’ils le pressent; un homme
�54
dangereux et capable de tout. Il a hésité,' dit-on, surle point
de savoir s’il le réserverait comme un des témoins de son
enquête à v e n ir, ou s’il s’en ferait un moyen préparatoire j
il a choisi ce dernier p arti, et sans doute , si l ’indignation
de quelques hommes honnêtes n’en avait porté la connais;sance à Mc Desmanèclies, on fût venu à l ’audience avec un
document d’un nouveau genre, dans l ’espoir de l ’étonner,
en le produisant subitement.
I c i, nous anticipons un peu sur la date des faits 5 mais
nous voulons en finir sur ce qui concerne l ’affaire Boussel.
Le 12 décembre dernier, Anglade se présente avec L areine-Boussel,chez unNotaire de Clerinont, et 011 y dresse
-un acte sous le prétexte d ’un' compte, nous ne savons
lequel. On raconte , à la manière de M* Anglade , tout ce
qui s’est passé dans son affaire avec Lareine ; puis on
ajoute que deux personnes, proches parentes, exerçant des
charges publiques, ont conseillé à Boussel de dénoncer
M° Anglade ; et Boussel déclare qu’il s’est empressé de le
faire, parce qu’on lui a fait espérer d’obtenir d’Anglade une
bonne somme d ’argent, etc. Nous 11e savons cela que par
relation ; cet acte 11’est pas au dossier de M* Anglade.
Assurément , le compte n ’était pas le véritable but.
Assurément encore, l ’indication de deux personnes , pro
ches parentes, exerçant des fonctions publiques , n ’était
pas de la façon de Jean Lareine. On hésita si on mettrait
les noms des sieurs Moulin et JJesmanèches; cette petite
linesse parut préférable j elle ressemblait à de la discrétion.
Toutefois, tout est remarquable dans cet acte:
i° Le Notaire: C’est M*Astaix, le patron de M* Anglade,
�celui de tous les Notaires qui devrait être le plus réserv é
quand il s’agit de dommages-intérêts j
a0 Les formes : M* Astaix , qui a fait le cadastre à Cournon, comme géomètre, et qui connaissait parfaitement
Lareine , croit devoir se le faire attester par trois témoins ,
deux de Cournon, et le sieur Perrier , huissier à Clermont;
° Les témoins : Qui sont ces deux liabitans de Cournon,
que Lareine piend pour l’attester? Précisément deux de
ceux qui , sur l ’indication de M* Anglade , ont déposé à la
Chambre d’accusation, que Lareine était unmauvais sujet,
et autres politesses de ce genre. Ce sont Pierre Coste et
Jacques Prononce, dont le dernier, surtout, est un des
membres les plus actifs de la police secrète, salariée ou
non , de M* Anglade , et d’un système d’espionnage dont
nous n’oublierons pas de parler ;
° Le mode! Après s’être fait certifier un lioinme qu’il
connaissait, par deux témoinsqu’ilconnaissait tout au plus
autant que lu i, M* Astaix croit nécessaire, au moins pru
dent, de se transporter avec tout ce cortège chez M* Eabre,
Son confrère , pour lui faire contresigner son acte. Cet acte
avait donc quelque chose de bien extraordinaire ? Il n’est
pas permis d ’en douter. Est-ce qu’on aurait fait tout ce
manège, s’il se fût tout bonnement agi d ’un compte entre
M Anglade et Lareine-Boussel?
Nous ne dirons rien de tous les incidens élevés en pre
mière instance pour obtenir la déclaration d’urgence.
Tout cela est étranger au sieur Desmanèches , qui n’avait
pas à se mêler de la police de l’audience, et q u i, pour son
compte, ne.refusait pas le combat. Remarquons, toutefois,
3
4
�— 36 —
que dans un-de ces jugemens, le Tribunal déclare qiû-ib
riy a pas de plainte nouvelle contre M° Desmanèches ; et
que la demande en dommages-intérêts demeure isolée de
tout intérêt public.
Nous arrivons directement au Jugement dont est appel.
Ici M* Anglade se jette encore dans les descriptions : les
images lui plaisent beaucoup plus que la réalité ; et aussi,
lui faut-il une peinture de l ’audience , de l ’effet que pro
duisirent sur le public les singulières conclusions de M 'D esmanèches, et sa plaidoirie, bien autrement remarquable. ...
Il osa bien aborder lesfa its et soutenir que sa résidence no
tariale était il Lempdes, devant un auditoire qui repoussait
toutes ses paroles comme mensongères, et manifestait la
plus profonde indignation. Nous ne répéterons pas ici ce
que dit M° A n glad e, aux pages o , i et
de son Mé
m oire ; mais ne voulant laisser aucun fait obscur avant de
discuter, nous allohs expliquer ceux-ci, en terminant cette
partie essentielle de la défense.
3 3
32
M* Conclion plaidait la cause de M* Desmanèches; il le
faisait avec des faits et non avec des phrases; avec des réa
lités et non des tableaux plus ou moins exacts. Il savait
qu’on peut étourdir le public avec des déclamations em
portées, mais que la vérité a son tour; il plaidait une cause
civile et parlait à des Magistrats, et il ne s’appcrçut pas de
cette indignation, de cette disposition des assistans , àaccabler son client du poids de leurs dépositions.
O u i, sans doute, M* Desmanèches osa aborder les faits!'
lût pourquoi pas? On se récrierait bien autrement, s’il s’é
tait retranché derrière des lins de non-recevoir.
�_ 37 'Voyons, au reste, de quel côté est l ’audace, en abordant
les faits.
Parmi ceux que Me Anglade affirme et offre de prou
ver , et sur lesquels nous nous sommes déjà expliqués
ci-dessus, nous lisons page, 6 :
« M* Desmanèclies se donne et reçoit constamment le
» titre de Notaire à Cournon , les lettres qui lui sont
» adressées, les extraits de ses impositions, les commis» sions qui lui sont données par le Préfet ou par le Tri» bunal de Clermont, les annonces publiques, s’accordent à
» le désigner comme Notaire à Cournon, à la résidence
» de Cournon, dans son étude à Cournon. »
E t d’abord, M° Anglade ne fournit aucun indice de
ces assertions , qui ne peuvent être prouvées que par écrit.
En second lieu, voyons les actes.
Toutes/es commissions du Tribunal, sans exception,
indiquent M* Desmanèclies, Notaire à Lempdes.
Les commissions pour les actes de la Mairie de Cour
non , sauf une seule, l ’indiquent comme Notaire à
Lempdes.
Les annonces publiques , affiches , journaux, etc. , sans
exception, le qualifient très-ostensiblement Notaire, à
Lem pdes, et elles n’indiquent jamais que son étude à
Lempdes, ou, s’il fallait faire l ’acte à Cournon, la mai
son de Desmanèclies , la M airie, etc. Nulle part , 011 11e
trouvera son étude ci Cournon, à la résidence de Cournon.
Les extraits de ses impositions, il les paye dans 4 commu
nes. D ’abord, Lem pdes, le Pont-du-Chàteau et Orcet.
Sur ces trois rôles , il est qualifié Notaire à Lempdes.
A Cournon seulement, on a conservé l ’ancienne indica-
�— 38 —
tion mise à la cote de son père, qui était en effet Notaire
à Cournon.
M* Anglade ajoute :
« Les employés de la Régie ont vu et vérifié les minu» tes à Cournon; c’est de ce lieu , qu’il adresse ses ac» tes au receveur du Pont-du-Cliâteau, qui lui renvoie ses
» minutes à Cournon. »
Voyons encore : Toutes les vérifications des agens de la Régie de l’En*
registrement, sont faites à Lempdes, e t , pour la plupart,
en portent la mention expresse. Elles y sont fréquentes
et répétées, surtout dans les derniers temps; quelques*unes remarquent l ’extrême régularité des répertoires, ce
qui prouve qu’on les examinait. Nulle part on ne trouvera
de réserve pour des surcharges, intercalations, etc.
L a déclaration du Juge-de-Paix, constate que les ins
pecteurs lui ont toujours dit avoir trouvé les minutes
et répertoires de Desmanêclies , à Lempdes.
Enfin , un certificat du receveur du Pont-du-Cliâteau,
constate qu’il ignore d’où lui viennent les minutes ; mais
quV/ les renvoie toujours à Lempdes, et que toute sa cor
respondance est à Lempdes.
Voilà comment M® Anglade a fait son pacte avec la
vérité! et il affirme! et il offre de prouver ! \~ t-il des
témoins tout prêts, qui soient plus dignes de foi que
ceux-là?
Il ajoute que: Desmanèches a reçu le dépôt des mi
nutes B oyer, ce q u il ne pouvait faire que comme N o
taire ¿1 Cournon.
C ’est de la mauvaise foi.
�-
39
~
Qtiand cela serait vrai, nous lui dirions
M* Y igeral, Notaire à 'Vertaison, a reçu les minutes de
M* Besse père, de Beauregard , qui devaient être dépo
sées à M* Moussât, seul Notaire à Beauregard.
M' Devoucoux, Notaire à Clermont, a reçu celles de
M* G irard, Notaire à A u bière, tandis que M* Taché
était Notaire à cette résidence.
M' Elaget, Notaire à B illom , a reçu les minutes de
M* Chalus, Notaire àM auzun , qui revenaient àM 'T éalier
son
successeur.
v•
E n fin , et négligeant une multitude d’exemples sem
blables, les minutes de M* Sauzet, Notaire à Lem pdes;
qui revenaient à M° Desmanèclies, ont été déposées chez
M* Beaufrère, au Pont-du-Château.
M a is, M° Anglade sait bien que Desmanèclies n’a
jamais eu ces minutes en son pouvoir. Ea famille Boyer,
indisposée contre D o ly , pria Desmanèclies d ’en accepter
le dépôt, ce à quoi il consentit, sans déplacement et sans
aucun intérêt personnel. Il 11e s’en est jamais chargé par
inventaire, et a seulement signé les expéditions pour le
compte des héritiers Boyer.
M* Anglade a réclamé ces minutes. Desmanèclies y
a consenti. Deux N otaires, M“ Beaufrère et Montéléon,
ont été commis pour faire l’inventaire et l ’estimation ,
M* Anglade les a refusées, parce qu’il ne voulait pas que
les héritiers Boyer fussent partie dans l ’inventaire et l ’acte
de dépôt. U11 procès verbal le constate. Cette exigence fort
déplacée, ne prouve qu’une chose ; c’est qu’il ne voulait
pas de ces minutes , et que son but unique, était de com
promettre son confrère , s’il avait pu y parvenir.
�—
4ô
—
M* Anglade poursuit les allégations.
M* Desmanèches, pour faciliter l’exploitation des deux
résidences, faisait recevoir les consentemens , pendant'son
absence, à Lempdes , par sa belle-mère ou le secrétaire de
la Mairie ; à Cournon, par la dame son épouse.
Ce serait ici un fait de fau x, puisque Desmanèclies
aurait fait des actes sans avoir vu les parties. O r , c’est
une indigne calomnie. Sa belle-mère est depuis plus de
vingt ans incapable d ’écrire ; et, ni Clavel, secrétaire à
Lempdes , ni son épouse , à Cournon , n’ont jamais pris
de consentemens pour lui. M* Desmanèches , qui rédige
toujours ses actes sur le champ et les écrit de sa m ain ,
n ’a jamais eu ni Clerc ni registre pour inscrire les consen
temens , comme on en voit dans plus d’une étude.
A in s i, sauf ce dernier fait , qui n ’est pas susceptible
d’une preuve écrite de la part de Desmanèches , puis
qu’elle serait négative, tous ceux allégués par Anglade ,
comme en ayant acquis la conviction et pouvant les
prouver, sont réduits , par des documens authentiques ,
à des allégations mensongères.
*
Et encore , pour ce dernier fa it, Anglade en fournitil le moindre indice? Non. Il n’en a pas besoin pour
accuser son confrère de faux matériels qu’il n ’a jamais
çoinmis. Il faut qu’on l’en croie sur parole.
Iléfuterons-nous ce que M' Anglade ajoute, pour cou
ronner scs véridiques assertions ? Desmanèches ne fait
que redoubler d’audace, et donner à ses manœuvres plus
d’activité) il s’est adjoint son fils ; aujourd'hui ils tien
nent ensemble étude ouverte à Cournon. Le fils écrit sous
�41 la dictée du père, et en l’absence de ce dernier, reçoit
les consentemens des parties.
Le sieur Desmanèches fils e s t, depuis trois ans , dans
la capitale , où il achève son droit ; il fait en inêmetemps son stage de Notariat, chez M* N o ë l, Notaire à
.Paris, où il tâche de mériter autre chose que les accu
sations de M* Anglade. Il y est troisième^ clerc, et fait
des actes autrement que sous la dictée de son père. Seule
ment , il a passé quelque temps dans sa fam ille, à l’époqueoù la capitale fut envahie par le Choléra. Y oilà com
ment ils se sont adjoints, pour tenir ensemble étude à
C-ournon. Nous serait-il permis de demander à qui il faut
imputer de l’audace et des paroles mensongères, propres
à exciter Vindignation?
Achevons. Pour montrer le dommage qu’il a éprouvé
de ces faits d’usurpation, que nous voyons n’être pas vrais,
M* Anglade dit avoir établi , par le rapport des réper
toires de Desmanèches :
« i° Que les actes de Cournon étaient deux fois, et
*
• n
souvent trois fois plus nombreux que ceux de Lempdes j
» que de 1814 à 1829 inclusivement, il a reçu 3,348
» actes pour Lempdes , et. 4i° 4% P ° u r Cournon. »
Quand ce calcul serait exact, ce 11e serait ni deux fois ,
ni trois fois plus , mais seulement le cinquième en sus 5
mais encore sur ce p oin t, M* Anglade a été infidèle.
Il
a lait un relevé des répertoires de Desmanèches,
article par article , et en a remis une copie à M. le Procureur-Général. l i a noté par numéros, à l’encre rouge,
les actes reçus pour Cournon, Ici 011 peut signaler plus
d’une erreur.
—
�—
42
—
> En i8i-4 , sur 91 actes qu’il indique pour Couruori,
12 ont été faits à Lem pdes, pour des liabitans de Lemp-*
des ; reste à 79 , sur lesquels il^y en a seulement 60 faits
pour des liabitans de Cournon : les autres appartiennent
à des communes étrangères.
5
5
Pour 181 , il indique 274 actes, sur lesquels 1 ap
partiennent à Lempdes : resterait à 279 , sur lesquels
encore, 168 , seulem ent, appartiennent aux habitans de
Cournon ; e t , encore, faut-il remarquer que quarante ont
été passés au domicile des parties ; et que 8 actes, pour
des liabitans de Cournon, ont été passés dans l’étude , à
Lempdes y ce qui prouve q u e , même alors, les gens de
Cournon allaient requérir le Notaire Desmanèches à
Lempdes.
Nous 11’avons pas vérifié les erreurs , en encre rouge,
commises par A n glad e, sur chacune des autres années.
Ces indications nous suffisent, surtout pour les temps an
térieurs à l’exercice d’Auglade et à la délibération judi
ciaire du i mai i o ;m a is nous pouvons ajouter que,
dans l’ensemble des années 1814 à 1829 , il n’a été reçu ,
pour deshabitansde Cournon, que ,049 actes et non 4,084 J
encore y faut-il comprendre tous ceux passés au domicile
des parties, en l’étude à Lempdes , et ceux faits par suite
de commission du Tribunal et de l’Adm inistration, tout
q u o i, certainem ent, est à l’abri de tout reproche.
3
83
5
C ’est pourtant avec ces élémens irréguliers et ces chiffres
inexacts, que M« Anglade prétend obtenir l ’assentiment
de la Justice et de l’Administration.*
» a0 D it - il, le nombre d’actes reçus par Desmanèches,
�» pour la résidence de Cournon, augmentait chaque année
» dans une proportion telle qu’on s’assurait, par l ’examen
»» des Hépertoires, que ces actes qui, en 18145 étaient au
» nombre de 91 , s’élevaient, en 1828, à
-»
Il faut donc croire cette augmentation annuelle, cette
proportion successive, qui a commencée par presque rien ,
puisque le sieur Anglade l ’affirme et qu’il peut la prouver
par les répertoires.
- Eli bien! ouvrons-les, et nous verrons encore que cela
n ’est pas vrai ; prenons même le chiffre tel qu’il est posé
par A n glade, quoiqu’il soit inexact.
E n 1814 5 91 j en 1828 , 364.
Mais , d’abord, en 1814 7 le répertoire commence au
¿21 août. Il n’a duré que quatre mois dix jours. Voilà pour
quoi le chiffre s’arrête à 91 , ce qui eut fait dès le d ébu t,
l 5y pour l’année entière.
Eu i j , toujours d’après M* Anglade, le répertoire
monte à 274 j en 1816, 289 ; puis il retombe jusqu’à 210 ;
remonte, en 1826 , à 347 ; retombe à 244 ct vient à
*
l l n ’y a d’autre variation que celles des années plus ou moins
bonnes, du plus haut prix du vin , et des baux de fermes
partiels des grandes propriétés; encore, nous le répétons ,
ces données sont celles du sieur Anglade ; nous prenons
son tableau et ses chiffres rouges.
M* Anglade fait ensuite un tableau particulier pour les
deux années i o et 1 1 ; nous devons l ’imiter: lisons-le
à la page o. Il dit en résumé : qu’en 1 o Desmanèchesa
reçu
actes pour Cournon, et 271 pour Lempdes , en
tout
j et en 1 1,4 5 4 , dont z o 5 pour Lempdes, et 249
pour Cournon. Voyons si cela est vrai.
364
85
364
253
524
3
83
83
83
83
6.
�Ici, un fait est fort remarquable. Tout ce qu’on a dit cidessus s’applique aux temps antérieurs à la décision du
Tribunal ; et la question de fa it , que M* Anglade cherche
A fixer ici 5 est q u e, depuis cette décision , M* Desmanèclies
n ’a fait qu’accroître d ’audace à raison de sa résidence à
Cournon.
.
,■
■
■
O r, il va prouver que depuis la décision de i o, lors
qu’il a transporté à Lempdes,non ses minutes personnelles
qui y étaient toujours déposées, ni celles de M* D ucrohet et de ses prédécesseurs, mais seulement celles de son
père ; c’est à Lem pdes, où était fixée tout à fait sa résidence
notariale , que cette confiance l ’a suivi.
-,
Sur les
actes notés pour Cournon, en 1800, 220 seu
lement concernent les habitans de cette commune. Ontils été reçus dans la prétendue résidence de Cournon?
Yoyons :
,, , , • j
-. .
^
y 5 Ont été reçus au domicile des parties.
1
Dans l’étude du N otaire, à Lempdes.
87 Dans la maison de Desmanèclies, î\ Cournon.
Yoyons 1 1. L à , dit encore A n glad e, l ’audace a aug
menté : 454 actes, dont
pour Cournon. On n ’avait pas
les mêmes craintes qu’en i o , et on revenait davantage
la résidence de Cournon. Yoyons si ce 11e sera pas tout le
contraire.
, •. •
u .
Sur ces 249 actes ,
seulement appartiennent aux
habitans de Cournon. Où sont-ils passés? : :
. ! ,
87 Au domicile, des parties.
111 En l'étude, 11 Lempdes.
37 Maison Desmanèclies , à Cournon.
¡<
A in si, au lieu d ’accroître, l’audace diminuait : 37 actes
I
^
255
58
83
^49
235
83
83
♦
�— 45 —
seulement dans la maison de Desmanèches; mais i 11 pour
Cournon, passés dans son étude, à Lempdes— 8y au do
micile des parties! Assurément, il y avait réquisition de se
transporter pour ces derniers. Ne fa u t-il pas encore que ,
dans la plupart de ces actes, on ait omis de le dire? E t
n’e s t - t - i l pas démontré que, lorsque Desmanèches ne
peut ou ne veut pas aller à Cournon, on vient contracter
à Lempdes?
E t remarquons que ceux passés dans sa maison, sont
toujours des actes minimes; et que tous ceux qui exigent
des discussions ou des travaux préparatoires, sont passés
dans l’étude ou au domicile des parties.
Il est donc bien avéré , que M* Desmanèches s’était
renfermé dans sa résidence ; qu’on venait également l ’y
chercher de Cournon , qu’il n ’avait pas besoin de ma
nœuvres et d’une résidence frauduleuso, pour attirer Ja
confiance , et qu’il lui suffisait de ne pas la repous
ser , comme il l’a déclaré dès le principe. Il est avéré ,
que les Vérificateurs et l’inspecteur de la llé g ie , avaient
vu c la ir, que le Procureur du llo i n ’avait pas vu trou
ble , et que M* Anglade en impose sur les choses les
mieux démontrées, avec ces offres de preuve , que tout
déconsidère et déconcerte dès à présent.
Après avoir ainsi complété les faits , il ne nous reste
qu’à discuter les moyens de la cause. L a Cour c o n n a î t
le jugement dont est appel ; nous n’avons pas besoin d’y
revenir.
�DISCUSSION.
Après avoir tiré de son exposé trois propositions qu’il
dit évidentes, M 'Anglade a senti que, même en les sup
posant, son système allait s’écrouler, s’il le réduisait à ce
qui constitue isolément sa demande en dommages - inté
rêts. Il avait trop de perspicacité , pour ne pas apercevoir
qu’il lui était impossible d’agir contxe un de ses confrères,
parce qu’il recevrait des actes dans sa résidence, en quel
que nombre que ce fût. H a donc fallu faire un amal
game, de la question de résidence, et de celle en dommages-intérêts; et alors qu’il voyait la première dispa
raître devant les faits matériels , et la conviction des
fonctionnaires publics, et qu’il ne pouvait rien espérer
de la seconde, en la laissant isolée; il fallait tâcher de
les soutenir l ’une par l ’autre, et de leur donner par l’en
semble, une consistance apparente , que chacune d’elles ,
ne peut avoir séparément.
Encore , pour tirer parti de ce système , a-t-il senti le
besoin de poser comme une base nécessaire, que le titre
de Notaire et sa résidence , sont pour lui une propriété
privée-
Et , enfin , rencontrant toujours un obstacle dans la
lo i, qui autorise Desmanèclies à exercer dans tout le can
ton , et ne permet pas de considérer comme susceptibles
de blâme , des actes couverts de son autorisation^ il lui
a fallu supposer une intention malveillante , et affirmer
que ces actes constituent des méfaits, ayant le caractère
de quasi-délit.
�47
—
—
- Voilà ce système qu’il a péniblement édifié. II ne nous
faudra pas d’efforts pour le détruire. Nous n’avons pas
reculé devant les explications de fait; mais les moyens
de droit sont aüssi de notre domaine.
Posons d’abord quelques principes :
A vant la loi du 6 octobre 1791 , un Notaire pouvait
instrumenter partout, et aucune question d’intérêt privé
ne pouvait s’élever à raison de l’exercice , malgré que
chacun fût propriétaire de son titre’, par suite de la vé
nalité.
L a loi de 1791 apporta des cliangemens notables à cette
institution.
Par les art. 8 et 10, elle décida le placement des N o
taires dans des lieux déterminés, et déclara qu’ils seraient
tenus d’y résider.
Quel fut le but de cette législation nouvelle? Put-il de
ménager l’intérêt respectif de chaque N otaire, et de dé
fendre à chacun d’eux d ’exercer dans la résidence de son
voisin? Non , évidemment. L ’intérêt public était le seid
mobile du législateur; il voyait que les populations avaient
besoin de trouver, au milieu d’elles, le ministre de leurs
transactions, et il exigea des résidences; m ais, en mêmetemps , il sentait qu’il 11e fallait pas en faire, pour chacun
d’eux, un sujet de monopole et d’exaction; e t, e n consé
quence , il écrivit dans l ’art. 11 :
«Ils 11e pourront exercor leurs fonctions hors des limites
» des départemens dans lesquels ils se trouveront placés;
» mais tous ceux du même département exerceront, con» curemment entre eux dans toute son étendue. »
A in si, la résidence était tout à fait, dans l’intérêt pu
¡cl
�=r 48 blic ; elle ne portait aucun obstacle à Vexercice avec concurrence dans tout le département. Ce principe devait',
d’ailleurs, se combiner avec la possibilité que le Notaire
fût appelé assez habituellement dans d’autres lieux, pour
faire des absences fréquentes.
L a loi du
ventôse an n a adopté ce système, tout en
y portant quelques modifications de détail.
L ’art. a conservé le principe des résidences , et a ré
servé au gouvernement, le droit de les fixer.
L ’art. , en divisant les Notaires par classes , a limité
Je territoire dans lequel ils exercent leurs fonctions.
A in si, comme la loi de 1791 , elle a admis cette grande
distinction entre l’obligation de résider et le droit d’exercer.
Tout cela prouve que l ’obligation de'résider est tout à
fait indépendante des droits et des intérêt? particuliers tle
çliaque Notaire, quant à la réception des actes.
Ce n ’est pas que la loi ait voulu abandonner le fait de ré
sidence à la volonté illimitée de chacun ; elle 11e voulait ni
ne pouvait autoriser les abus de Notaire à Notaire, mais
elle ne devait pas, non plus, ouvrir, pour cela, des actions
individuelles, toujours fâcheuses. L a surveillance de ces
sortes d’abus était toute d’administration ; et aussi, ne
voulant pas s’en dessaisir, ni même la confier aux T ribu
naux , quoique le Ministère public veillât à côté d’eux;
l’art. 4 , qui autorise à considérer les contrevenanscomme
démissionnaires, ajoute : « E n conséquence, le Ministre de
v la Justice, après avoir pris Favis du Tribunal, pourra
» proposer au Gouvernement le remplacement. »
A in s i, la loi a pourvu «\ tout ; niais elle n’a rien aban
donné aux individus, ni même aux tribunaux ordinaires ,
25
4
5
�de cette police administrative, qui demeure comxntrje
dans la main du Gouvernement, pour en user comme il le
trouvera convenable. C’est lui, et lui seul, qui fixe les rési
dences , qui les augmente ou les diminue dans le cercle
tracé par la lo i, suivant qu’il le juge nécessaire à l ’intérêt
public, qui demeure aussi seul juge des infractions et de
l ’application de l’art. 4? sans que cela ait rien de commun
ni avec les actions de l ’intérêt p rivé, ni même avec les
mesures de discipline, que l ’art.
confie aux Tribunaux
pour tous les autres cas.
E t aussi, toutes les décisions judiciaires ou adminis
tratives ont consacré ce principe de la loi. Nous nous bor
nerons à en indiquer quelques - unes : 1° U n arrêt de la
Cour de N îm es, du 20 décembre 1825 , qui refuse au M i
nistère public, lui-même , le droit de requérir du Tribunal
la suspension d’un Notaire traduit pour avoir usurpé la ré
sidence de son voisin. L a Cour décide que ce fait 11e peut
même pas donner lieu à une mesure de discipline ; que le
Notaire ne peut être atteint que par Vart.
qui n’appartient
qu’au Gouvernement. Le pourvoi, contre cet arrêt, a été
rejeté le 21 février 1827.
U11 arrêt de T u rin , du 9 janvier 1810 , a jugé de
même.
20U n arrêt de la Cour de Poitiers, du 29 mars 1828,
confirm ali (‘d’un jugement du tribunal de Saintes, qui re
jette un réquisitoire du Procureur du l l o i , présenté pour
un lait semblable , sur une lettre du Garde-des-Sceaux.
Le Iribuual ne repousse pas, pour cela, l’autorité de l’ar
ticle 4; il reiuse seulement, au Procureur du R o i, le droit
de s’en servir pour requérir une peine de discipline, parce
53
7
�— 5o —
53
qu’il n’a rien de commun avec l ’article
; mais reconnais
sant , dans le Garde-des-Sceaux , le droit de poursuivre le
Notaire, en prenant l’avis du Tribunal, par l ’intermédiaire
du Procureur du llo i, il donne acte de la remise de Jalettre,
et déclare qu’il donnera son avis , après avoir formé sa
conviction sur le fait.
L ’arrêt de la Cour de cassation , du 2 février 1829, qui
rejette le pourvoi, est plus formel encore. La Cour de Poi
tiers , d it-il, s’est conformée à la lo i, parce que c’est au
Ministre de la Justice seul, qu’il appartient de veiller à ce
que chaque Notaire habite sa résidence ; que cette surveil
lance est un acte d’administration , d’autant plus que le
Ministre p eu t, dans l’intérêt public, autoriser ou tolérer un
changement momentané de résidence ; qu’enfin , l’art. 4
exclut nécesss aireme nt l'emploi desformes relatives à l’exer
cice de lajuridictioncontentieuse, et n admet que la voix con
4
sultative , etc.
° Une Ordonnance rendue au Conseil d’Etat , le
28 août 1832, qui rejette le pourvoi d’un Notaire, contre
une décision du Ministre, qui avait appliqué l’art 4, parce
que c’est au Gouvernement seul, qu’il appartient de statuer
sur ce qui est relatifaux résidences.
C’est un point de départ fort remarquable, que celui-là :
L ’emploi de l’art. 4 n’appartient point à la juridiction contentieuse. Si donc, ce moyen ne peut être saisi directement
par le Ministère public, pour requérir les Tribunaux, il
peut encore moins être livré aux individus, dans leur inté
rêt privé.
résulte de là ; que le cas prévu et le moyen admis par
l ’article j iic sont pas dans le domaine des Tribunaux.
3
11
4
�— 5i —
Nous ajoutons qu’il ne peut jamais devenir Te principe
d’une action particulière en dommages-intérêts. Comment
ne pas le reconnaître? Il ne s’occupe que de la résidence.
L e droit de passer des actes là où est le droit d’exercer,
est renfermé dans l’art. 5. O r, il est bien évident que le
fa it de la résidence, détaclié du droit d’exercer, ne peut
être productif d’aucun dommage. Loin d’en éprouver de
ce que Desmanèclies laisserait à Cournon sa femme et
son ménage , et de ce qu’il viendrait y résider lui-même,
en abandonnant son étude à Lempdes , Anglade y trou
verait, au contraire, l ’avantage de faire les actes de sa
propre résidence , et d’aller faire ceux des liabitans de
Lempdes ; et ce serait pour lui un droit et une obligation.
Si nous avions, d’ailleurs, à examiner à quelle sorte de
position s’applique l ’art. ? un mot nous suffirait. M* A n
glade a , dans ses pièces, une ordonnance qui caractérise
très-bien la volonté du Législateur: U n sieur lîoucliet avait
été nommé Notaire à la résidence de St Maurice , canton
de Pionsat; il ne fit aucun usage de son titre, et quatre
ans s’étaient écoulés sans qu’il se fût mis en mesure d’oc
cuper sa résidence , malgré plusieurs injonctions. L a po
pulation se plaignait ; un autre Notaire de l’arrondissement
se présenta pour occuper la résidence, et elle lui fut ac
cordée par une ordonnance du llo i, qui déclara Mc lîoucliet
démissionnaire. On conçoit parfaitement cette décision ;
mais aurait on pu la rendre, si lîoucliet eût prêté serinent
et passés tous les actes de sa résidence? Quelle application
peut donc avoir un semblable fa it, à la cause?
Les poursuites de Me Anglade ont c o m m e n c é en i o.
Seize ans s’étaient écoulés pendant lesquels Desmanèclies
4
83
1'
�— 52
avait reçu tous les actes des habitans de sa résidence; il avait
été leur Al aire, leur patron, le conciliateur de leurs diffé
rons, et on auraitpule déclarer démissionnaire, pour l’avoir
abandonnée !
E t quand bien même sa résidence n ’aurait pas été ab
solue jusque-là, que les minutes de son père n’auraient pas
toutes été dans son étude , on pourrait le remplacer comme
démissionnaire , alors que toute l ’instruction, les vérifica
tions successives de la llé g ie , les procès verbaux d eM . le
Procureur du R o i, les informations qu’il a prises et qu’il
a transmises à l ’autorité supérieure, constatent que sa rési
dence notariale est complètement à Lempdes! E t tandis
que ses minutes font foi qu’il passe , dans son étude, tous
les actes de sa résidence , et un grand nombre d ’actes pour
les habitans de Cournon ; et que , d’ailleurs , le redresse
ment des infractions à l ’obligation de résidence, est ré
servé au gouvernement se u l, 011 voudrait que la Cour or
donnât des enquêtes, contre cet te masse de vérités patentes,
établies par des données authentiques et des actes qui font
foi! Quelle rêverie !
A in s i, n’en déplaise à M* Anglade, il faut qu’il cherche
ailleurs le soutien de sa demande, et qu’il se réfugie dans
l ’art i 382 du Code civil.
Mais comment y trouverai t-il un moyen pour lui?
Pour qu’un fait puisse devenir un principe de doinmages-intérêts, il faut une double condition:
i° Que ce soit un fait non autorisé par la loi;
20 Q u’il ait produit un préjudice appréciable.
O r, ici, où le préjudice 110 peut naître que des actes
passés par Desmanèches, pour les habitans de Cournon,
�53 —
comment lé reconnaître, alors même que le fait ne serait
pas permis? Il faudrait qu’on pût décider qu’au défaut de
Desmanèclies, les parties se fussent adressées à M° A n
glade. Or, dirait-il, lui-même, que ces actes fussent allés
grossir son répertoire? Les minutes de Desmanèclies, qui
constatent que les parties sont allées les passer à Lempdes ,
ne prouvent-elles pas le contraire?
Ic i, nous pouvons prendre un exemple :
I ln ’y a pas de règlemens plus sévères,que ceux de la phar
macie. L ’intérêt public exigeait, et la loi a voulu que les
préparations pharmaceutiques, et la vente des remèdes ,
fût interdite à tout autre qu’aux pharmaciens brévetés,
sous despeines correctionnelles. E n divers lie u x , des phar
maciens ont dénoncé des ventes illicites , nombreuses ,
habituelles, dans des officines ouvertes, et saisi directement
les Tribunaux de police correctionnelle. Ils ont été décla
rés non recevables, parce que , d’une p a rt, la prohibition
avait été portée uniquement dans l’intérêt public, et que
de l’autre, rien ne pouvant permettre de juger que les
acheteurs fussent allés prendre leurs remèdes dans la phar
macie du plaignant, il n’y avait pas de dommage appré
ciable. L a Cour, elle-même, a admis cette doctrine par un
arrêt de 1 1.
83
Et cependant, il s’agissait d’un fait punissable, d’un
délit qui ne pouvait exister sans donner ouverture à un
moyen de repression.
Et on voudrait} qu’un fait autorisé par la lo i, donnât
ouverture à des actions individuelles ! A-t-on réfléchi
aux conséquences graves qui en résulteraient, dans l’or
dre moral de la société?
�-
54
- -
E videm m ent, l ’action ne serait pas ouverte pour la
passation d’un acte, ou de plusieurs ; ce serait donc pour
un grand nombre , et pour quelques circonstances ; mais
comment les fixer?
E t si le titulaire jugeait convenable de s’absenter
souvent , et que des actes nombreux se présentassent ;
s’il mettait à un haut prix, son talent et son patronage ;
s’il lui plaisait de rançonner les liabitans ; s’il était mal
habile ou peu scrupuleux , ( nous n’appliquons pas ces
suppositions , nous raisonnons ) il serait interdit aux
babitans, d’appeler un Notaire de confiance, et il pour
rait devenir dangereux à ce Notaire d’y répondre, parce
que cela se répéterait beaucoup , parce qu’il pourrait,
être, plus ou moins souvent, obligé à quelque séjour, parce
qu’on.profiterait de sa présence, pour lui en faire passer
un plus grand nombre! Il suffirait donc à un Notaire,
d ’abuser de sa position, pour exposer ses confrères à des
poursuites et à des investigations de toute espèce ; et ce
lui qui ne voudrait rien faire, pour attirer les cliens ,
par la confiance, tirerait de la loi des moyens détour
nés, pour chasser ses confrères de sa résidence , en
créant des difficultés, des obstacles, en les abreuvant de
dégoûts , et en les menaçant de demandes, en dommages»
intérêts ! Espérons que l’intérêt public ne deviendra
pas, a in si, l’esclave de l ’intérêt privé; que le Notariat 110
sera pas, jusque-là , ravalé par une fausse entente des
lois; ou bien, cette profession si noble et si importante,
11e conviendrait plus aux hommes honnêtes.
Nous n’avons pas besoin de sortir de la cause, pour
chercher un exemple: U y a long-tçmps que M* Anghulo
�— 55 —
a organisé autour de la maison D e sm a n è ch e sle plus
vil espionnage. Quelques hommes , parmi lesquels se
trouve toujours u n , au moins, des témoins qu’il a pro
duits à la Chambre d’accusation, et qui l ’ont certifié au
prétendu compte de Lareine-Jioussel , chez Me A staix,
exercent l ’inquisition la plus odieuse , sur tout ce qui
entre ou sort ; souvent on pénètre dans la m aison, sous
quelque prétexte. Encore , si c’était pour voir et dire la vé
rité ! Il n’est pas jusqu’à Lareine-Boussel, qui n’ait été en
voyé chez Mc Desmanèches, un jour qu’il était à Coufnon; pour lui proposer de passer un acte. L a maison et
l ’étude de Lempdes ne sont pas non plus exempts de ces
investigations odieuses. Voilà pourquoi on veut des en
quêtes, et comment on se fait des témoins. Serait-ce là ,
le but moral de la loi , quand elle parle de résidence et
d’exercice de la profession?
Et aussi, tous les exemples de jurisprudence, ont rejetté l’action en dommages-intérêts. Ceux que nous avons
cités, ne s’appuyent pas seulement sur l ’incompétence
des Tribunaux , mais encore sur le droit donné par la
lo i, à chaque N otaire, d’instrumenter hors de sa résidence.
L ’arrêt de Nîm es, en rejettant la demande, recon
naît la fréquence des voyages, et le grand nombre d’actes
que faisait le Notaire Guérin a Chômérac, résidence voi
sine, et que M. le Procureur du llo i l’accusait de faire,
sans y être appelé.
L a Cour de Cassation , en rejettant le pourvoi, va plus
loin. Elle se fonde sur ce (pie : « L ’on n’iinjmie au No» taire Guérin aucune malversation , et que la fréquence
» de ses voyages à Chomérac, peut être expliquée par la
�— 56 —
»
»
»
»
»
grande confiance dont il paraît jouir dans le canton
dont cette commune est le chef-lieu , et que l’on ne
pourrait en faire la base d’une peine disciplinaire, sans
craindre de porter atteinte au droit qu'il a d'instrumenter dans cette commune. »
Y a-t-il au monde quelque chose de plus clair , de
plus logique ? et surtout, de plus directement applicable
à Desmanèches?
Dira-t-on qu’il était reconnu que Guérin avait à Privas
sa résidence , son dom icile, et le dépôt de ses minutes?
Mais cela est vrai pour Desmanèches , depuis 18 14 , et
plus spécialement depuis 1 o ; et si on pouvait le con
tester , encore une fois , le Ministre seul aurait droit
d ’investisation
,f et de le faire rentrer dans sa résidence.
O
Dans une autre espèce, où un Notaire se rendait ha
bituellement les jeudis et les dimanches, de sa résidence
au chef-lieu du canton, pour y recevoir des actes} le
Ministère public l’avait poursuivi. Le Tribunal Civil
de Dreux rejetta l’açtion , en copiant le motif de la Cour
de Cassation, que nous venons de transcrire j et le 14
mai i
, arrêt de Paris, qui confirme.
Le Tribunal de Clermont n’a donc fait que se con
former aux principes , en déclarant l ’action 11011-recevable.
C ’est ici que M e Anglade réunit tous ses efforts, et
s’écrie : Comment serait-il possible que je fusse réduit
à. perdre ma profession, par une fin de non-recevoir?
X^ut-on séparer mes moyens, et les annihiler en les met
tant à nud , par cette barbare dislocation? Réunissons
çes trois propositions ;
83
832
�— 5; —
I® Mon office de Notaire est ma propriété.
2° Ma résidence fait partie de mon office ; elle est
donc ma propriété, et j’ai une action contre M* Desmanèches-, qui usurpe ma résidence ;
° Les faits que je lui impute présentent les caractères
de quasi-délit, de fraude, de méfaits.
Donc, j ’ai une action civile en réparation , qu’on ne
peut me refuser.
Ges propositions seraient vraies, que nous n’admet
trions pas la conséquence ;
Mais- elles ne sont pas vraies.
A vant de livrer à la Cour quelques réflexions là-desSus , n’omettons pas d’observer que M’ Anglade luimême a senti le besoin de ces deux moyens extrêmes :
Propriété privée de son titre, et usurpation frauduleuse
par des méfaits. Il s’est donc engagé à prouver tout cela.
O r , à cAté de ses assertions inexactes , seule ressource
dans laquelle il se réfugie , nous allons prouver le con
traire , avec les simples armes de la vérité.
On nous ferait rétrogader d’un demi-siècle , que nous
n ’arriverions qu’au temps où , trouvant établi ce système
de propriété des offices , le législateur s’occupa de le
détruire. Alors qu’on jugeait convenable d’abolir tous
les privilèges, le gouvernement ne pouvait pas admett re
qu’une portion quelconque de la puissance publique pût
appartenir, de droit, à de simples individus.
Jusque-là, on transmettait, comme une propriété ordi
naire , les charges de judicature, les offices des greffiers ,
notaires et autres; le Gouvernement n’avait qu’à donner
son adhésion, pour attacher àla transmission individuelle
3
8
�un caractère public; el aussi, la nécessité de définir cette
sorte de propriété, avait fait considérer les offices comme
des immeubles fictifs , susceptibles d’hypothèque. Aujourd’hui même, considéré comme propriété, le titre ne
pourrait échapper à l ’action du créancier, et à une saisie,
soit m obilière, soit immobilière; il se transmettrait avec
l ’hérédité! Oserait-on le prétendre?
L e Gouvernement ne donne plus une simple adhésion à
la transmission individuelle d’un titre ; il nomme qui il
v e u t, et comme il veut; il donne le titre, et il le révoque
quand il le juge convenable; lui seul en est le juge.
L ’art.
de Ia
est seul qui parle des résidences; si
on pouvait en induire que lobligation de résider est un
droit de propriété, comment y trouverait-on cette idée dis
parate, que celui-là sera considéré comme démissionnaire,
qui n ’aura pas ju¿é convenable d’user de sa propriété? Et
comment M e Anglade aurait-il osé , sous ce singulier pré
texte, dem ander, avec instance , la révocation de M1' Desmanèches.
A u reste, jusqu’à la loi de 18 16 , personne n’a douté de
cette vérité, que le titre conféré par le Gouvernement n ’est
pas une propriété. Cette loi a-t-elle changé le principe?
L’art, pi donne seulement aux titulaires, 011 à leurs
héritiers, la faculté de présenter un successeur, mais non
de le nommer ni de vendre le titre. Il en est résulté, il est
vrai, des transactions, moyennant un prix; mais cette cir
constance, purement accidentelle , 11e change rien à la
question , car il faut toujours la nomination du Souverain,
qui peut, 11011 seulement la refuser, mais encore, nommer
toute autre personne que celle qu’on lui présente, eût-elle
4
�//•X ;
b9
—
—
traité, moyennant un prix. En ce cas, et à moins que le
Gouvernement n’en ait imposé la condition, le nouveau
titulaire ne doit aucune indemnité, fut-il un des héritiers
du défunt.
• A u reste, la loi de x8 16 , porte avec avec elle-même ,
son antidote.
L a faculté de présenter un successeur, n’aura pas lieu
pour les Notaires destitués— Elle ne déroge point au droit
de S. M. de réduire les fonctionnaires.
Me Anglade veut que cela ne s’applique qu’aux cas d’une
réduction non encore opérée. C’est une erreur j car , si
après avoir fixé le nombre et les résidences des Notaires ,
le Gouvernement pensait devoir l ’étendre ou le réduire
davantage encore , il en aurait la faculté.
L a loi du 2.5 ventôse an n , ne lui laisse-t-elle pas, en
l’art. i , le droit de placer deux Notaires dans une rési
dence où il n’y en avait qu’un? D ’en établir jusquàcinq
dans un canton où le nombre aurait été d’abord réduit à
deux ou à trois? N ’est-il pas arbitre souverain du besoin
des populations? A -t-il, en cela, d’autre règle que l ’inté
rêt public? Comment donc les résidences seraient-elles
une propriété privée?
3
Nous n’aurions pas besoin de relever cette singulière as
sertion du Mémoire, (p.
, 37) que la vénalité ne s’ap
pliquait qu’aux offices de judicature , et que lorsque des
( réclamations s’élevaient contre la vénalité...... Aucun bon
esprit n’essaya d’étendre la prohibition aux éludes de N o
taires , etc. Pour se laire tine juste idée de la faciliié de
JMr Anglade à afiirmçr tout ce qu’il désire, même contre
36
8,
l
�—
60
—
l’évidence, il noussuffit de'transcrire l ’art. 1" délla lo i du
ay septembre 1791.
La vénalité et l’hérédité>des Offices-royaux de Notaires,
« Tabellions, etc. , sont abolies. »
Apparemment que cette loi n ’avait pas un\bon esprit,
qu’elle n ’avait pas été provoquée et adoptée 'par ¿e bons
.esprits, et que ceux-ci avaient gardé le silence/O r, la -vé
nalité et l’hérédité du Notariat n ’ont pas été rétablies, et
nous pensons bien que les bons esprits de i
ne les récla
meront pas.
Ainsi disparaît 'cette base fantastique de l’édifice <le
M* Anglade.
Mais quand on siipposerait son principe v r a i, les con
séquences n’en seraient pas plus admissibles.
i° Parce que les infractions à la résidence , seraient
du seul ressort du Gouvernement; que M* Anglade a ,
'sous ce rapport, épuisé son droit, par sa dénonciation,
et qu’il 11e pouvait y trouver le principe d’une action
833
privée.
20 Parce que tous les faits antérieurs à 1828 , sont étran
gers à l’intérêt personnel d’Anglade.
° Parce que, pour le temps antérieur à 1 o, la situa
tion de M,f Desmanèches a été fixée par la délibération
du i mai.
° Pa rce qu’il est constaté par les documens les plus
■authentiques, que depuis cette délibération, au moins ,
Pesmanèches a sa résidence Notariale à Lempdes.
M ais, dit-011, il a encore sa femme et un ménage à
Cournon.
Cela est vrai ; mais d’abord , il a aussi son ménage et sa
5
4
83
3
�belle-mère àXem pdes; le ménagé de Lempiles est le sien;
sa femme est fille unique, et sa belle-mère est octogénaire
et dans un état complet d’infirmité; sa mère réclame d’ail
leurs, àCournoti, les soins de son épouse ; et enfin , ni l ’un
ni l’autre des deux ménages, ne sont le Notariat.
E st-il, d’ailleurs, le seul officier public, le seul fonetionnaire, qui laisse son épouse à la tête d’une exploita
tion considérable, pour se réserver ailleurs , aux devoirs
et aux affaires de son état ?
A u reste , une raison fort sensible ; que M* Desmanèclies a toujours déclarée comme un fait qui devait tout
finir et lever tous les obstacles entre M c Anglade et lu i,
s’opposait à ce qu’il supprimât son ménage de Couruon.
Son fils est en âge et en état de le rem placer, il espère qu’il
en sera trouvé digne. Le projet d’abandonner tout-à-fait
le Notariat et le soin des propriétés de Lem pdcs, et de
se retirer à Cournon avec son épouse, pour se réduire à la
régie de ses biens , ne le permettaient pas ; et comme 011
n’exigeait à Lempdes que sa résidence personnelle , et
l’assiette de son établissement Notarial , il y a satisfait.
E n fin , pendant que INI* Anglade pose comme néces
saire sa proposition de méfaits, d’intention malicieuse , ce
qui est fort ridicule, car après tout, il n’y aurait dans
toute supposition , qu’ une rivalité d’intérêts, et il n’a
même allégué rien autre chose, toutes les circonstances
démontrent que M* Desmauèches aurait agi de bonne
foi, sous l’égide de la loi, de son titre qui en a la dispo
sition expresse; des commissions duTribunal et d el’Adm inistration , qui l ’ont appelé; du consentement dcsesconfrères et de leur contre-seing volontaire et habituel ; il aurait
�— 62 —
été provoqué par la confiance d’un certain nombre de fa
m illes, qu’il ne tient pas de son Notariat ni de ses ma
nœuvres , maisde ce que de tous les temps, et bien avant
qu’il fût Notaire , ils étaient en relation avec lu i, de ce
qu’aujourd’h u i, ils ont leurs affaires dans son étude.
S’il fallait aller plus loin , et prouver que la fréquence
des actes de Desmanèclies a été rendue nécessaire par
le fait même de M* Anglade; nous le ferions sans peine,
et nous n’aurions pas besoin d’enquête.
Quant à présent, nous n’irons pas plus loin dans les
explications. Il doit nous comprendre.
Mais si nous pouvions supposer qu’il fallut des en
quêtes, nous aussi, nous prouverions par cent témoins,
par les hommes les plus honorables des deux communes,
soit la vérité des faits que constatent les documens offi
ciels, soit et aussi, les faits personnels à M* Anglade , et
;Vsa résidence. Il nous serait permis, non pour accuser, mais
pour nous défendre, de scruter la vie Notariale de M* A n
glade jusque dans ses replis , de montrer l’emploi de
son temps, partout ailleurs que dans sa résidence, et l ’o
bligation où ont été les habitans de Cournon, de s’adres
ser à tout autre qu’à lui.
A u reste, quel fait allègue-t-on, qui prouve la malice
de Desmanèclies, si ce n’est cette indigne calomnie, tirée
du fait de La reine-Boussel ? Si nous voulions chercher des
laits qui établissent le contraire, il nous serait facile.
Nous n’en citerons qu’un seul, il montrera jusqu’à quel
point il est permis à M° A nglade, d ’accuser son confrère
de mauvais procédés.
De tout tem ps, Desmanèclies père et iils avaient eu lfk
�— 63 —
confiance d e là famille Quaynoux. E n 1828, Marguerite
Dardaine, veuve de François Quaynoux, fut atteinte d ’une
maladie grave. Elle avait quatre' enfans, tous mariés sous
promesse d’égalité. Jean , et Gabriel le , femme Landau ,
habitaient aveq elle , et s’étaient emparés de son esprit.
Le 4 août 1828, Desmanèches fut appelé. L a mère lui
déclara qu’elle-.,voulait leur donner le <[uart en préciput.
Il s’y refusa, en remarquant à la mère , qu’elle avait
promis l’égalité. Elle dit alors, qu’ils avaient travaillé ses
biens, et qu’elle voulait les leur donnera m oitié, pour
qu’ils ne fussent pas en perte. Desmanèches fit le bail pour
neuf ans, mais avec clause expresse de résiliation en cas de
décès, sauf la récolte de l’année.
Mécontens de ce résultat mesquin , les deux enfans al
lèrent consulter M” Anglade ; il pensa qu’il y aurait moyen
de les satisfaire ; et le 6 août, lit chez la veuve Quaynoux,
les actes ci-après :
i° L a vente précipitée à Michel C liaput, m aréchal,
d’une terre qui le joignait. Elle est faite*moyennant le
prix fictif de 200 f r . , payés comptant. O11 stipule une
garantie, attendu que le prix a été payé de confiance, sans
savoir si la terre vendue, est libre d'hypothèques et d’ins
criptions.
E n même tem ps, Cliaput fait au profit de Jean Q uay
noux et de Landan, conjointement, deux effets montant
à 3o2 francs, faits le 6 août; ils portent la date du 3o mars j
ils sont, entièrement écrits de la main de M. Anglade.
20 Une obligation par la veuve Quaynoux , de 400 f r .,
au prolit d’un individu de Clermont, qu’on ne connaît pas.
U n partage testamentaire qui faisait ¿\ Jean et à la
�-
64
-
femme Landau', des* avantages indirects considérables.
Marguerite Dardaine décéda le 10 ao û t, quatre jours
après. On ne trouva pas une obole dans sa maison.
A u ssitôt, les enfans lésés jetèrent les hauts cris; ils ap
pelèrent M* Desmanèclies, qui les appaisa; il pensa qu’il
aurait assez d’ascendant sur les deux autres, pour les rame
ner à la justice. Il les fit appeler, ainsi q u eC h ap u t, et ne
fut pas trompé dans son attente. Le 19 août, tout cet’ édi
fice de fraude-'fut renversé par le commun consentement
des parties;
Sans être animé par l’audace, la ruse , la méchanceté la
plus froide comme la plus cruelle, M* Desmanèclies eût
pu , s’il 11e se fût pas observé, annuler ces actes comme
autant de transactions frauduleuses, et il 11’eût pas commis
un méfait. Il eut la prudence de 11e pas le faire , et il rem
plit son devoir avec autant de circonspection et d’égards
qu’il pouvait en offrir à un confrère à qui il pouvait 11e
supposer qu’un manque d’expérience.
Il 11e fit qu’un seul acte authentique, 1111 nouveau par
tage , dans lequel, sans aucune expression critique, ni
contre les personnes , ni sur le fa it, 011 se borne à dire que
les parties n’entendent pas exécuter le partage testamen
taire lait par leur mère.
Il se réduisit ensuite à deux déclarations sous seing-privé,
qui 11’ont jamais vu le jour.
L ’une de Jean Quaynoux, seul, qui reconnaît avoir pris
les /¡oo fr. empruntés par l ’obligation du 6 août, et promet
en garantir ses frères et sœurs.
L ’autre de Quaynoux et L an dau, qui reconnaissent que
�— 6£ —
les deux billets de 3o2 fir. ne sont que le prix de la vente.
Etrainsi fut enseveli, dans le secret, tout cet édifice d'e‘
fraude'y qui aurait pu compromettre, à son début, un
officier ministériel. M‘ Desmanèclies le laisserait dans
l ’o u b li, si on ne le forçait à en parler pour sa défense,
en l’accusant d’une noire malice.
V oilà toute cette cause , si singulièrement travestie par
Mc Anglade. Encore aujourd’h u i, M* Desmanèclies dira à
la Justice : J ’ai agi de lionne foi ; je n’ai jamais outre-passé
mes droits ni les limites que m’imposait la loi. Aucun de
mes actes nv’à étd'le sujet de la'moindre plainte, et l’intérêt
public a été satisfait ; j ’ai cru avoir exécuté tout ce que me
prescrivait la délibération de i o; si je me trompais en
core, que mes supérieurs prescrivent, et je 111’y confor
merai.
83
Mais, que demande-t-on contre lui avec tant d’instance?
M« Anglade se plaint que l ’exercice de son état est ré
tréci par l’usurpation prétendue de »Desmanèclies, car le
chiffre de son répertoire prouve qu’il ne lui est pas enlevé;
et il demande, contre lui , qu’on le condamne à des dommages-intérêts , et qu’on lui enlève son titre ; qu’on-le lui
arrache tout à fait; qu’on le déshonore, et qu'on prive,
dès à présent} lui et sa famille, d’un état honorable , et
qu’il rem plit, autant qu’il le peut, à la satisfaction pu
blique. On veut que son fils 11e soit pas Notaire; que l ’ave
nir de ce jeune homme soit coupé dans sa racine ; 011 s’en
arroge pour ainsi dire le droit , e t, pour y parvenir, on
dénaturé tout, ou empoisonne tout, on affirme les faits les
plus faux. Outre qu’on ne doit pas le craindre de la justice,
9
�—
66
—
la raison reviendra, sans doute, et alors on aura quelques
regrets d ’avoir calomnié un homme honnête, et d’avoir
cherché, par des moyens illicites, à lui ravir son état et la
considération publique.
D E S M A N È C H E S , Notaire.
Me de V IS S A C , Avocat.
MED R I V O N , Avoué-Licencié.
RIOM E THIBAUD IMPRIMEUR DE LA COUR ROYALE
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Desmanèches, Jean-Baptiste. 1833?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Desmanèches
De Vissac
Drivon
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
ventes
offices
juge de paix
Garde des sceaux
loi du 25 ventôse an 11
chambre des notaires
minutes de notaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Jean-Baptiste Desmanèches, notaire à la résidence de Lampdes, intimé, contre Claude Anglade, notaire à la résidence de Cournon, appelant.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Notaire : 5. le notaire qui a à se plaindre de ce qu’un de ses confrères abandonne plus ou moins souvent sa résidence et vient d’établir dans la sienne, est recevable à intenter une action en dommages intérêts contre ce dernier, pour la réparation du préjudice que peut lui causer cette usurpation de fonctions.
il n’en est pas comme de la simple infraction à l’obligation de résider, dont la connaissance et répression appartiennent exclusivement au ministre de la justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
E.Thibaud, imprimeur (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1827-1833
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf66 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2802
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2801
BCU_Factums_G2803
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53558/BCU_Factums_G2802.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cournon-d'Auvergne (63124)
Pont-du-Château (63284)
Lempdes (63193)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
Garde des sceaux
juge de Paix
loi du 25 ventôse an 11
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53559/BCU_Factums_G2803.pdf
93d76c11f09ed20664e46d65bde2642c
PDF Text
Text
QUELQUES MOTS
•
SUR
•
.
-
L ’Affaire DESMANECHES et ANGLADE.
1-
• ' i K ->
.
CUOJ
-j
•
AUCUN moyen ne répugne à M e A n g la d e , pour appeler
sur lui-même la faveur de l a j u s t i c e et se présenter
comme une innocente victime qu’ un adversaire redou
table écrase et dépouille de tout. Nous apprenons que
pour y mieux réussir, il se p la in t sourdement qu’après
avoir été nommé pour représenter les héritiers absens
dans la succession de la dame d ’Om b re t, une sorte
d ’intrigue ourdie dans l’intérêt de Desmanèch es et favorisée par l ’exécuteur testamentaire, lui a ravi cette affaire,
qui devait amener pour le notaire 'des bénéfices considé
rables et dont il détermine le q a n tu m .
Nous nous h âtons de repousser cette calomnie , que
les faits les mieux établis repoussent vers son auteur.
Madame d’O m b ret est décédée au commencement de
novembre , après avoir fait un testament qui nomme pour
son exécuteur testamentaire M . B a ssin , conseiller en la
Cour. E lle a laissé plusieurs héritiers et un assez grand
nombre de légataires.
Les scellés avaient été apposés à Cournon et à Clerm o n t, ou madame d ’Ombret avait une maison. E n cet
état, l ’art. 1 0 3 1 du Code civil investissait l’exécuteur
�testamentaire du droit $ en même temps qu’il lui im
posait l ’obligation j -de faire procéder à l’inventaire et à
la vente du mobilier. Il attendait, pour le requérir, la
remise d’une expédition du testam ent, lorsqu’une tierce
personne voulut anticiper sur la poursuite. #
L e s sieur et dame Serre, habitant à Bort ( Corrèze ) ,
étaient au nombre des héritiers. N e voulant pas se dé
placer, ils avaient donné procuration à je u r fils. Il paraît
que ce jeune homme , assisté de M e Bonnefoy, avoué ,
sans rien communiquer aux héritiers , ni à l ’exécuteur
testamentaire v présenta requête dès le 1 4
ou i 5 no
vembre ^ sicù Jours optrèsf le décès, pour obtenir la rémotoin de scellés. E lle fut répondue par M . le vice-président
du tribunal ciyil de Clërmpnt,, qui commit M* Anglade
j( | f
r .
1' > . ■ ' * * , t * .
j
i
”
pour représente^ les ..héritiers aljsens.
5 .novembre■?>, nouvelle
.pai^) 4 u cantonr( sud-est ) de
L e ,11;mêm<?.
jouri
«;••>!;■ y > u
î: ■-
;
r
■
^
requête à
' i l
M . le juge dç
ÇlerinQnt,
qui indique■lajrémotipn au 1 9.. L ’avoj.ié 11e présejUapoint
de rçquêtç,àüM ...le juge, de ,paix du Pont-du-Chateau.
L ’^xécute^ur^ testamentaire ignorait tout cela. Lorsque
l’expédition du testament jlu i • fut rem ise, il présenta,
1,^-m êm ç^unej requête ¿à
M . le président du tribunal
ciyil ,d,ç Clermont ^ q u i y répondit le 16 du même mois,
en.cçmmettauti 4M;
Yazeilhes
, notaire
î\ Clermont ,' 1 pour
1 « » 1 • . \t ‘ 1
i ', /. )
»
p^ocyder à ^’inventaire; et JM* .Desm anèches, notaire à
X^einiMles-, pour représenter les absens. Il n ’eut besoin,
pour c e la ,.d ’aucune indication. INI* J)esmanèclu's est le
notaire auquel le tribunal lui-même a ordinairement,
donné ces, sortes de commissionsj mais quaud 011 sup
poserait qu’il( y a,cp( indication par l ’exécuteur testamen
taire , il siiflirait.de dire que M* Desinanèclics ayant
�*
* * •«
* * :
**
-si-rS“ —
toujours ëu la confiancefde madame d’Ombrèt dftñg'toutes
ses affaires', c’était le moyen de‘ les éclaifcir -fafCileihent
dans l ’intérêt des5héritiers, sans initiet personne, ûutrè,
aux secrets de la’ famille. • ‘
,i? ■ ° ‘n P?;I0'r
L e même jour, 1 6 , sur la demande de M.- Bassin^
une ordonnance de M . le juge de paix du'Pont-du-Clniteau, fixa la rémotion au 2 9 .
aol ■;>
U ne seconde requête fut présentée par M . Bassiti à
M . le juge de paix du canton (sud-est) de Glermont ; mais
ce magistrat se trouva arrêté par l ’ordonnancé qu’il avait
déjà rendue, et voyant un conflit entre les deux ordon
nances de M M . les président et vice-président du tribunal
c iv il, il ordonna un référé pour le 2 1 du même mois.
Que se passa-t-il dans cette séance? L e procès-verbal
nous l’ apprend.
..
’ , ~
E t d’ab ord , M* Desmanèclies y demeure totalement
étranger.
M ais on y voit deux parties litigantes.
:
D ’ une p a r t, l ’exécuteur testamentaire qui se présente
entouré de tous les héritiers présens à Clermónt. Il*'de
mande le maintien de la seconde ordonnance' comme
rendue sur la requête de celui qui était tenu de faire
procéder à l’inventaire dans l ’intérêt de la 'succession.
Tous les héritiers l’appuyent de leur concours et se fon
dent principalement sur ce que M • Desmanèchcs, notaire
à Lempdes., avait eu la confiance de madame d ’ Ombret,
et connaissait toutes les affaires de cette maison.
D ’ autre p art, on aperçoit M* lïonnefoy qui v e n a it,
contre le texte de la loi et contre les convenances, sou
tenir, à la face de l’exécuteur testamentaire et des héritiers
intéressés, qu’on devait lui attribuer la poursuite.
*
3-
.
�•—<4 Nous ne disons pas que cette prétention eût plus d’in
térêt pour l ’avoué que pour les parties ; mais pourtant
il sera facile de se faire une idée de l ’état réel des choses,
lorsqu’on saura que , déjà, sous le nom des sieurs et dame
S e rre , il avait été formé une demande en partage. Il n ’en
fallait pas tant :pour effrayer et l ’exécuteur testamentaire
et les héritiers présens ; plus ils voyaient d ’insistance chez
l ’avoué, plus ils redoutaient une instance judiciaire, déjà
ouverte devant eux , et certes ils avaient besoin de s’en
tendre çt non de plaider.
^ A peine osons-nous dire que M* Anglade assistait l ’a
voué , en personne , dans ce singulier débat. S ’il y venait
»idt'
L!
fit!
J
•
#
#
m
pour faire maintenir sa commission et faire révoquer celle
qui avait été donnée au sieur Desm anèches, il doit recon
naître qu’il provoqua la déclaration spontanée et trèsnette de tous les héritiers présens , qui refusaient son
assistance, et réclamaient le maintien de la commission
de M* Desmanèches dans l ’intérêt même de la succession.
T o u t cela e st, par sa propre volonté, contradictoire avec
lui et non avec M* Desmanèches f qui n ’a eu garde de
prendre part à cet incident, auquel d’ailleurs il n ’était
pas plus appelé que M* Anglade.
Que fit le président?
Il,, considéra que la disposition de la loi impose à
l ’exécuteur testamentaire l’obligation de faire procéder
.à l ’inventaire j qu’il représente les intérêts de tous, et
que Ja circonstance que tous les ayant droit moins les
partiçs de Bonnefoy se réunissaient à lu i, devait déterminer sa décision. Il lui conserva la poursuite.
�‘ A r t - i l mal fait? a - t - i l manqué le but de'Ja loi et
celui qu’il se proposait lui-mêm e dans l’intérêt général
des héritiers? .Les sieur et dame Serre eux-mêmes avaientils eu à se plaindre du choix de M c Desmanèches? avaientils , en réalité, de la préférence pour M* A n g la d e?....
Voyons. ’*
‘
,
L es sieur et dame Serre ne voulant pas s’en rapporter
à leur procureur fondé, sont venus sur les lieux et'tous
les héritiers sans exception se sont réunis à C lerm on t, chez
M* Vazeilhes,' notaire , 1 0 2 9 décembre 1 833 .
!
!
Q u’ont-ils fait?
U n compromis par lequel ils nomment deux notaires
et un expert pour faire le partage et les comptes et liqui
dations de la succession.
Qui sont-ils?
■ *• ,
'
-1
■
.a •
L e sieur Desmanèches, notaire, à Lem pdes ; le sieur
Bonjour, notaire, et le sieur C lio u vy, expert, aux M artres-de-Veyre.
M . et madame Se rre , pas plus que les autres, ne
réclament aucune place pour ]VIe Anglade 5 et au con
traire , tous confient à M* Desmanèches seul la vente des
vins et eaux-de-vie et le pouvoir d ’en toucher le prix.
Voilà le fait tout entier, que M* Anglade qualifie une
intrigue ourdie contre lui par M* Desmanèches et doiit il
ose accuser sourdement l’exécuteur testamentaire. Il au
rait pu tout aussi bien en accuser les héritiers d ’Ombret
qui ne l’ont pas appelé, spécialement ceux qui s’y sont
�—
6
—
opposas, le président quii a rendu l ’ordônnance., tout
le monde , en fin , excepté M ' Bonnefoy et ses vieilles
rancunes contre, le contrat de mariage de Vedèux et
la veuve M à l l y e r e ç u
...J
par Desmanèchesii àfLem pdesi
, , • - •••,
J
r
i
l
jj
‘
,
i
M e Desmaneclies n a point «a se delendre cl avoir par
ticipé à ce débat.
ri r*
rj * f, »y 0; W‘'! 5 0;' -'.f;
;':«<; i j
, J(Quant à l’exécuteur testamentaire, s’il a pu contribuer,
par ses soins et en remplissant le devoir de sa tcharge,
à éviter une lutte judiciaire aux héritiers, il a satisfait
à ce qu’exigeaient de lui sa conscience d ’honnête homme
et sa qualité de magistrat.
■'
T out cela, on le voit b ien , a pour objet de montrer
sous u n aspect défavorable la conduite de M*~Desjnanèches et d ’arracher de la Cour des dommages-intéréts,
surtout pour le temps écoulé depuis i 83 o ; mais il ne
suffit pas, pour y atteindre, de dénaturer des; faits; et
M" Desmanèches ne saurait le redouter. S ’il devait subir
tille condamnation en dommages-intérêts, ce serait uniTfilemént par suite de son aveu , pour un fait reconnu par
lui avant l ’interlocutoire ; pour un fait q u i , tout en le lais
sant obligé envers la partie prétendue lésée , ne serait pas
moins exempt de reproche et reconnu, pour le m o in s,
excusable, par la délibération authentique de tous les
membres du tribunal de Clerm ont, du
3i
mai i 83 o.
M ais , encore, quelle perte aurait éprouvé M* Anglade?
quel g a i n , qu’on puisse reconnaître, aurait-il manqué à
faire? et comment pourrait-011 penser que tous les actes
reçus par Desmancches dans sa maison à Cournon, en 1 8 2 8
et î H v y , ont appartenu à M* Anglade ? Dès le lendemain
�du. jour où Desmanèclies;s’est tout-.à-faitrqtiré.à Lpm pdes,
les liabitans de Cournon ne l ’y ont-ils pas. suivi,?, ne sontils pas venus passer leurs actes dans son étude, ou le
requérir spécialement d’aller les passer à Cournon? n ’est-il
pas prouvé que, tandis qu’ avec les docum ens'^u’il a don
nés lui-m êm e, on dit qu’il a passé, pendant les années
1 8 2 8 et 1 8 2 9 , 4 ° 8 actes, dans sa m aison, à Cournon j
il en a passé 667 à Lem pdes, ou à dom icile, pour les
liabitans de Cournon , en 1 83 o ,
3 1, 32
et
33 ? pourrait-
on d ire , comme on l ’a prétendu , que le bénéfice des
quatre cents actes de 1 8 2 8 et 1 8 2 9 appartiendrait à M* A n glade, alors même que dans le moment de leur passa
tion , il se serait absenté de sa résidence pour négocier des
actes importans à Clermont ou ailleurs , comme le prou
vent son répertoire et son refus de s’expliquer sur ce point?
D ’ailleurs, dix francs nets par acte, dans la cam pagne,
sans charge ni avance des frais d’enregistrement, quel
tarif! E t enfin , 1a Cour, si elle1prenait ce parti, sur les
déclarations même de Desmanèclies , n ’ aurait-elle pas
quelque‘ regret de cette énorme enquête, qui reste, au
moins, sans résultat pour tous les faits non avoués , spé
cialement ceux postérieurs au
3i
mai i 83 o? C ’est cepen
dant ce qui y a donné lieu ; car Desmanèclies, en plaidant
sa cause, avant l ’interlocutoire, et en avouant les faits
antérieurs, disait: S i cela, contre ma pensée, doit don
ner lieu à dommages-intérêts, que la Cour les prononce
et 11 interloque pas. C ’est encore notre position actuelle:
car on ne peut se dispenser de reconnaître qu e , depuis
i 83 o , Desmanèclies 11’a fait qu’user d’un droit établi par
la loi. L ’enquête a donc été mal à propos réclamée par
son adversaire , qui n’a pas pu fournir la preuve qu’il
�— 8 —
avait offerte, malgré la fausse désignation des époques
d ’une foule d ’actes que nous avons produit.
L a Cour appercevra bien que ce peu de mots n ’a pas
pour objet de discuter les questions de la cause , mais
bien de l ’éclairer sur un fait dont les preuves sont jointes
au dossier
et lui prouver que M e Desmanèches est de
meuré digne de son estime et de sa bienveillance.
Nous produisons les actes qui établissent ce fait tel
que nous venons de l ’énoncer
la copie de l’ordonnance
de M . le président du tribunal de Clermont et l ’expé
dition du compromis,
D ESM AN ÈCH ES.
M* D E V I S S A C , Avocat.
M ' D R I V O N , A voué licencié.
R IO M E T H IB A U D IM P R IM E U R D E L A C O U R R O Y A L E
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Desmanèches. 1833?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Desmanèches
De Vissac
Drivon
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
ventes
offices
juge de paix
Garde des sceaux
loi du 25 ventôse an 11
chambre des notaires
minutes de notaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Quelques mots sur l'affaire Desmanèches et Anglade.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Notaire : 5. le notaire qui a à se plaindre de ce qu’un de ses confrères abandonne plus ou moins souvent sa résidence et vient d’établir dans la sienne, est recevable à intenter une action en dommages intérêts contre ce dernier, pour la réparation du préjudice que peut lui causer cette usurpation de fonctions.
il n’en est pas comme de la simple infraction à l’obligation de résider, dont la connaissance et répression appartiennent exclusivement au ministre de la justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
E.Thibaud, imprimeur (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1827-1833
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2803
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_G2801
BCU_Factums_G2802
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53559/BCU_Factums_G2803.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Bort (19028)
Clermont-Ferrand (63113)
Cournon-d'Auvergne (63124)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
Garde des sceaux
juge de Paix
loi du 25 ventôse an 11
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53493/BCU_Factums_G2507.pdf
a0bbba4f7d15cea50bdeada544eac1ae
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OBSERVATIONS
D
e
P
ie r r e
-A
n t o in e
TACHÉ,
SUR LA D EM A N D E
D
e
Me
C
laude
C A V Y.
�TRIBUNA L C IV IL
QUELQUES
DE
OBSERVATIONS
CLERMONT-FERR AND
d écem b re
DE
P
ie r r e
-A
n t o in e
T A C H É , Propriétaire, Prési
dent honoraire de la C ham bre des Notaires
de l’arrondissement de C le rm o n t, M e m b r e
du Conseil m unicipal de cette ville,
Sur
la dem ande
M .e C
laude
formée contre lu i,
C A V Y ,
par
Notaire royal certifi-
c a te u r , à la résidence de Clerm ont.
J E
l ’ai toujours pensé, et je l ’ai dit souvent, comme étant une
vérité d’une moralité incontestable : Heureux est l’homme qui
peut expliquer tous les actes de sa vie ! Cherchons maintenant
l ’application de cette espèce d’épigraphe.
M e Claude C a v y, cédataire de mes minutes et de celles de quatre
notaires, mes prédécesseurs; acquéreur des recouvremens et autres
objets dépendans de mon ancienne étude ; pourvu de mon office de
notaire et de ma commission de certificateur, par suite de ma démis
sion et de mes démarches; M e C avy, q u i, par toutes ces causes,
et seulement par ces causes, unies, il faut l’avouer, à un talent
auquel il ne m’appartient pas de mettre des bornes, se trouve, au
commencement de sa carrière, et presque à ses débuts, placé à
ce point de prospérité auquel aucun notaire de départem ent, aucun
1
1820.
�*vt V
V .
( 2 }
notaire du moins de celte ancienne province, n ’est jamais arrivé
après trente et même quarante années d ’exercice.
M e Claude C avy (le croira-t-on?) à cette espèce d’apogée de
fortune , peu satisfait de cet état de choses, après huit grands
mois de réflexions, va s’imaginer q u e , par la cession de son étal,
son prédécesseur s’çtoit indubitablement ôté le droit de marier
sa fille à un notaire, s étoit tacitement interdit h lui-méine l ’usage
de ses facultés m orales; et partant de là , sans trop calculer si
c ’étoit à tort ou à d ro it, dans les intérêts ou contre les intérêts
de lui plaignant, mettant de côté les conseils de la prudence ,
pour suivre ceux d ’une ambition dém esurée, mon jeune successeur,
M . Claude C a v y , par citation du 20 novembre 1820, suivie d’ex
ploit du 16 décembre même an n ée, vient d’introduire contre
11101 une instance au tribunal civil de Clermont.
L a nature d’une demande autant extraordinaire que peu ré
fléchie de la part de son auteur, les motifs sur lesquels il cherche
à l ’appuyer, les prétendus faits à l ’aide desquels il s’efforce de la
justifier, les paradoxes, les fausses interprétations, les consé
quences erronées, les insinuations, les réticences , jusqu’aux
calom nies.. . . ; rien n ’a été oublié pour faire prévaloir cette ridi
cule prétention.
L a publicité d’une attaque aussi im prévue, autant peu conve
nante d ’un côté qiie peu méritée de l'autre, m’impose l’obligation
d ’expliquer les faits tels qu’ils se sont passés, de rappeler les
transactions qui ont eu lieu , de dire enfin l’intention qui y a présidé.
Je laisse au talent bien connu de l ’avocat distingué, du juris
consulte recommandable qui me fera l’honneur de se charger de
la défense de ma cause, le soin de développer plus tard les moyens
qui doivent en assurer le succès devant les tribunaux.
E n attendant leurs solennelles décisions , je dois au p u b lic ,
qui m’a conservé son estim e; à mes anciens collègues, qui m’ont
honore; aux fonctions diverses que j ’ai remplies avec quelques
succès, peut-être; je dois à l ’existence de mes enfans dans le
�(3 )
inonde, à mes constans principes, h. mon âge, à moi-même, enfin,
de repousser l ’injuste, l ’inexplicable agression de mon adversaire.
F A IT S .
A u commencement de l’année 18 18 , le sieur Claude Cavy
encore clerc de notaire dans une campagne près de P a ris, ou clerc
à Paris, extra muros, s’il le veu t, eut la pensée, forma le projet
de devenir notaire dans le département du Puy-de-D ôm e, voisin
de celui de l’A llier, où habite sa famille j quelqu’un de la connoissance du sieur Cavy me parla de lui en termes honorables, vrais
sous plusieurs rapports ; il s’informa de moi si quelque notaire de
Clerm ont étoit dans l ’intention de céder son état.
Toute indirecte que pou voit être cette o u vertu re, j’y réfléchis.
D epuis quelque temps ma santé étoit considérablement dépérie;
les années s’accumuloient sur ma tête, et mes infirmités alloient
croissant. L e mode d’éducation, le genre d ’instruction adopte par
mes fils et qui convenoit peut-être au caractère de chacun , détruisoient sans retour mon vœu le plus cher, celui de me voir remplacer
par l’un d’eux, comme moi-même j ’avois succédé à mon père. Je
crus donc utile de conserver à mes enfans un capital quelcon que,
q u i, d’un instant à l’autre, pouvoit leur échapper avec moi ; je
pris mon parti, et le 14 janvier 1818, je traitai avec M . Claude
C a v y, en la présence de son p ère, toutefois après avoir mis sous
leurs yeux mes répertoires, mes journaux, mes livres d ’ordre, et
tous les renseignemens qui élçient en mon pouvoir. T o u t se passa
dans l’ordre, avec des procédés réciproques, et dans de plus grandes
espérances de part et d’autre.
M . C a v y , après être demeuré quelques jours à Clerm ont, presse
d aller solliciter son investiture, se rendit dans sa fam ille, et de là.
h P aris, où, après quelques lenteurs et quelques tracasseries de
bureau, que j’ai cherché à faire cesser autant qu’il a dépendu de
moi, il fut pourvu de provisions de notaire, en février, je crois.
2
�(4 )
Ici, mon successeur sembleront vouloir m’imputer quelques con
trariétés éprouvées dans sa nomination j il fait erreur: j ’avois d’abord
un intérêt égal au sien dans sa réussite ; puis il sait bien que j ’ai
directemement obtenu, même à son insçu, et long-temps avant
son investiture comme notaire, sa commission de ccrtificatcur,
du ministre des finances.
Sur mes pressantes sollicitations, et dans l'intérêt d ’une étude
dont les résultats lui appartenoient depuis le i er janvier 1818,
M . Cavy arrive, s’établit à mon bureau, prête son serm ent, fait
ses visites , et travaille environ un mois et demi dans l’ancien local
de mon étude, aidé de tous renseignemens et soins de ma part
et de celle des personnes ju sq u e-là attachées à ma profession.
C ’est à tort que mon successeur se plaint de ce que je n’ai pas
voulu 1 accompagner dans ses visites; il sait bien qu’à son retour
de Paris , il m'a trouvé retenu au lit par un accès de goutte. Bien
tôt il annonce son installation, par une circulaire aux cliens qui
m ’avoient honoré de leur confiance; la liste étoit longue; elle étoit
recommandable surtout: M . C avy daigna la trouver ainsi, et voulut
bien m ’en faire compliment.
A u x approches de la foire de mai 1 8 18 , ayant besoin de mon
lo c a l, et mon successeur, au courant désormais de son é tu d e ,
n ’ayant plus avec moi des rapports autant intimes ni aussi néces
saires, nous étions gênés l’un et l ’autre, M . C a v y, par le resser
rem ent du lo c a l, et l ’inconvénient de ne pouvoir point y coucher;
m oi, par le bruit et le mouvement continuels des personnes qui
alloient et venoient, et l’impossibilité de maintenir l ’ordre établi
dans ma maison. J’invitai donc mon successeur à prendre un
logement plus vaste, plus commode, et à faire cesser ce qui étoit
un véritable assujettissement pour nous deux.
M . C a v y , avec le q u e l, quoi qu il en dise , je n’avois pris aucun
engagement de location, comprit enfin qu il ne pouvoit pas pro
longer plus long-temps son séjour dans ma maison ; il prit un
logem ent tout-à-fait dans mon voisinage, et il me souvient q » i
�celte époque il voulut bien me consulter sur quelques distri
butions de son nouvel intérieur. Je me rendois fréquemment dans
l ’étude de M e C a v y , lorsque ma santé me le perm ettait; j’y
allois du moins toutes les fois que quelques actes à passer, quelques
affaires à expliquer, ou que quelques renseignemens à donner m’y
appeloient: à son tour, mon successeur venoit aussi quelquefois
le matin dans mon cabinet pour me parler d’affaires : nos rapports
se bornoient là ; ils ont duré jusque vers la fin de 1819.
A partir à peu près de cette dernière époque, et sans prémé
ditation d’une part ni d’a u tre , de la mienne du m oins, mes rela
tions avec M . Cavy sont devenues beaucoup moins fréquentes; et,
comme mon successeur le dit encore fort jolim ent, nous ne nous
voyions guère que pour traiter de nos intérêts , et à cet égard
M . Cavy n ’a pas non plus à se plaindre, je crois : je ne jetois les
yeux que sur les totaux des sommes par lui inscrites et addi
tionnées à l ’avance; je signois sans aucune observation, et ces
sortes de règlemens ne duroient ordinairement pas plus de dix
à quinze minutes.
C et éloignement réciproque sur le q u e l, sans nous être entendus,
nous semblions ctre au fond parfaitement d’accord, s’étoit au sur
plus opéré sans du moins porter atteinte à ces procédés généraux,
indépendans des rnécontenlemens particuliers qu’on peut avoir.
Rechercher les causes de cet éloignem ent, assigner les motifs
de celle froide politesse, de cette indifférence un peu marquée
de part et d autre, n est peut-être pas sans intérêt, du moins sans
quelque utilité.
Pour mon compte c ’est chose assez facile : occupations étrangères
au notariat, voyages indispensables, délabrement de santé, besoin
de repos, lassitude des affaires, et par-dessus tout le devoir cher
et sacré de songer à l’avenir de mes enfans; voilà quels ont été mes
seu ls, mes véritables motifs.
A 1 égard de mon successeur, cela 11’csl p eu t-être pas aussi aisé
à dire, ou plutôt à deviner...... Essayons pourtant. M e Claude
3
�(6
)
C a v v , en possession d’une des plus honorables professions de la
société, exploitant utilement un des étals les plus lucratifs du dé
partement, riche de son fonds, plus riche encore par son alliance,
entrant dans la carrière comme tant d’autres, à mérite peut-être
é g a l, n ’ont pas eu le bonheur de sortir; fier de son savoir, de sa
personne, d’une fortune aussi nouvelle qu’inespérée , a dû attacher
une Lien foible importance à conserver des relations désormais
inutiles î\ ses intérêts, fatigantes peut-être, et dont ainsi que son
prédécesseur il conservoit au fond de lain e le v if désir, la secrète
espérance de s’affranchir bientôt.
Comme vous le dites fort bien, M 'C a v y , je vous ai vendu mes
minutes et celles de mes prédécesseurs , expéditions, registres ,
bureaux, presse, recouvreinens, clientelle; même, si vous le voulez,
conseils et renseignemens (quoique, entre nous, je ne conçoive
pas trop comment ces deux dernières choses peuvent se vendre ),
et généralement tout ce qui dépendoit de mon étude, et sans doute
tout ce que je pouvois raisonnablement vous vendre, moyennant
40,000 fr ., sous la réserve de la moitié de mes recouvrem ens, et
sous celle, pendant dix années, du cinquième net des produits an
nuels de votre étude, après le prélèvement de tous déboursés, in
dem nités, frais et faux frais.
O u bien, si vous le préférez, M e Cavy, le prix de la cession que
je vous ai consentie le 14 janvier 1818, toujours mes recouvremens
compris, est de 60,000 fr., comme il vous plaira.
Toutefois faut-il, pour vous répondre en tous points, suivre le
narré établi dans vos citation et assignation, au sujet du rachat du
cinquième de vos bénéfices pendant dix années; dire comment j ’ai
eu la répréhensible adresse de vous amener à vous rédim er; ap
prendre enfin au p u blic, dès que vous 1 ordonnez, comment il a
pu arriver qu’un homme afïoibli par l’âge et les souffrances ait pu
concevoir la pensée, a eu le pouvoir de convaincre un jeune
homme tel que vous , jouissant de la plénitude de toutes scs
facultés; par quels moyens enfin votre prédécesseur a pu obtenir
�(7)
le succès de persuader à un notaire accoutumé à traiter ex professo les plus grands intérêts, qu’il étoit dans les convenances de
sa considération, comme dans ses avantages pécuniaires, de s’affran
chir d’une charge autant onéreuse qu’assujétissante l
Tranchons le m ot, M e Cavy, et disons vrai. Lassés l ’un de Vautre,
celte mutuelle déplaisance devoit naturellement nous rendre dési
reux, vous de vous rédimer de la gêne extrême de venir, au moins
une fois tous les trois mois, me mettre sous les yeux le tableau dé
vos affaires, qui n’avoient certes pas ou plus besoin de moi pour
être maintenues en prospérité; moi d’en finir tout-à-fait avec vous,
de savoir h quoi m’en tenir, et de laisser à mes enfans un règlem ent
de moins à faire.
Nous convînmes donc, dans les premiers jours de janvier 1820,
après six grands mois de pourparlers, de propositions et de délibé
rations sur le plus ou le moins du quantum du prix du rachat pro
jeté, qu’il demeureroit fixé à 20,000 francs, y compris à peu près
3,000 francs comptant, que j’avois pu déjà avoir touchés sur ce cin
quièm e, et à la charge par moi d’abandonner environ 8jOOO francs
encore dus sur mes anciens recouvremens.
O h ! certes, ce n’est pas dans ce dernier m arché, où tous les sa
crifices ont été de mon côté, en renonçant, pour environ 10,000 fr.,
à un bénéfice assuré de plus de 20,000 fr., que le sieur C avy doit
avoir à se plaindre ; et ici il est à remarquer, comme fait essentiel
dans la cause, que ce rachat conventionnel, si longuem ent réfléchi,
n’a été proposé et consenti qu’en parfaite connoissance des produits
de l ’étude du sieur C a v y, sur la déclaration à lui plusieurs fois
réitérée qu’il ne devoit plus compter sur mes soins et ma coopé~
ration ; de tout quoi il fait un formel aveu dans son exploit de de
mande, et ce dont au surplus il avoit depuis long-tem ps acquis
1 indifférente conviction par le relâchement introduit dans nos re
lations d'affaires.
En exécution et pour prix de ces nouveaux accords, le sieur Cavy
m a fait des billets pour 17,000 f r . , payables à des époques fort
�reculées, et sans stipulation d’intérêts; il n’a plus compté ni dû
compter avec moi, depuis celte époque, ni des anciens recouvremens opérés, ni do ses produits subséquens.
Pour ne laisser exister entre nous aucune suite de comptes et
affaires, nous avions traité sur le tout à forfait et sans réserves. Alors
parfaitement quittes, déliés désormais de tous les engagemens réci
proques qui auroient pu avoir existé entre nous , devenus étrangers
l ’un à l’autre, nos relations ont totalement cessé, parce qu’elles
dévoient cesser, parce qu e, je le répète, il n ’étoit plus dans les
besoins, dans l'intérêt du sieur Cavy, de les faire durer, et qu’il
étoit extrêmement dans mon goût et dans mes convenances de les
voir finir.
Quatre mois s’étoient écoulés dans ce profond repos, et dans
1 indifférence la plus absolue de part et d ’autre. Un notaire nou
vellem ent titulaire a recherché mon alliance; sa bonne réputation,
l ’ancienneté et les malheurs de sa famille me décidèrent promp
tement. Ici, au m oins, mon successeur ne me reprochera point
les calculs de l ’ambition.
C e mariage, que M . C avy dit avoir été aussitôt accompli que
projeté, quoiqu’il insinue ailleurs que j ’en avois la pensée lors
que je l ’ai fait consentir à se racheter du cinquièm e, a eu lieu
dans le courant d’avril, c ’est-à-dirc, plus de trois mois après notre
convention. M e Claude C a v y , mettez-vous donc d ’accord avec
vous-m êm e, et, s’il est possible, soyez un peu plus conséquent*
dans vos dires. C est comme, à la troisième page de votre assigna
tion, quand voulant plaisanter avec votre grâce ordinaire, avec
votre finesse accoutum ée, vous dites
aussitôt après la vente
que je vous J is , et qui avoit pour prétexte le délabrement de ma
santé, sentant mes forces renaître, je me trouvai assez d'activité
pour accepter le pénible emploi de liquidateur de la maison Do~
mergue. L ’heureuse rém iniscence! qu’il y a d ’à-propos, de vérité,
et surtout de logique dans ce peu de mots !
Si j ’en ai bien compris le sens, ne voudriez-vous pas dire aussi,
�'VW
(9 )
J
ou du moins inférer, sieur Claude Cavy, que le i/{ janvier 1818, je
ne vous vendis mon office que dans la pensée de devenir, six mois
après, le liquidateur d’une maison dont le ch e f n’est mort que le
1 1 juin suivant? O h! pour le coup, la force de ce raisonnement,
l ’évidence surtout de la conséquence, doivent faire disparoitre toute
idée de m alice, ou du moins doivent la faire pardonner.
Reprenons notre narration. Voilà le mariage de IVle Astaix ac
compli aussitôt que projeté. Garder ma fille chez moi, étoit 1 objet
de tous mes vœ uxj j ’ai donné asile à son mari, et il a établi son
étude dans ma maison. Pensant faire quelque chose qui me fût
agréable, ayant surtout intérêt de distinguer son exercice de celui
de son prédécesseur, mon gendre a cru qu’en ajoutant à son nom
le nom de sa femme, le second ne dépareroit pas trop le prem ier.....
Inde ira?, de là sont nés la prompte humeur, le politique dépit, la
grande colère de la jeune victime.
Cependant ce noble courroux, concentré pendant près de huit
mois, vient enfin d’éclater, dans des ternies mesurés, il est vrai,
avec ces formes polies où on reconnoît au moins cette aisance, ce
ton parfait que donnent seules l’habitude des grandes sociétés et
l ’urbanité de la capitale.
M e Claude Cavy, dans les citation et assignation qu’il m’a fait
poser en personne, d’abord par l’huissier Baslon, ensuite par l’huis
sier Picard, se plaint premièrement de la jonction de mon nom à
celui de mon gendre, de ce nom fa m e u x , y est-il dit (sans doute
en parlant de mon nom.) Sur ce point, je l’avoue, je ne m ’attendois
pas à tant d honneur, à tant de courtoisie de la part de mon adver
saire; cette épilhèle fa m e u x , soulignée, est certes bien quelque
chose ; et en y réfléchissant un peu, modestie à part, je serois presque
tenté de m’en croire digne, surtout quand je songe que mon suc
cesseur aura peut-être pensé, que son conseil lui-même lui aura
peut-etre insinué qu’en somme ce nom en valoit bien un autre en
solvabilité, en considération et en bonnes m œ urs; et je commence
a comprendre qu’on a bien pu se permettre l ’adjectif fa m e u x , qui,
-,
�(
IO )
d’ailleurs, ajouté à. mon nom , ne faisoit pas m al, comme étant un
mot à double entente. A u surplus, passons cette franchise ou cette
espièglerie au sieur C a v y; ce n ’est au fond qu’une gentillesse de
jeune homme j et répondons à mon adversaire que M e Astaix ne
signe que son nom , sans la jonction de celui de sa fem m e; que ce
dernier nom n’est qu’une simple indication que M e A staix, actuel
lem ent notaire, n’est pas le même que le sieur A staix, anciennement
notaire; n’est pas le même que M . Astaix fils aîné, que M . Astaix
fils puîné, etc., etc. E t quand, passant en revue toutes les profes
sions , je lis partout les noms de M M . B eille -B erg ier, D evalFressanges, Pradon-Leblanc, Laroche-Fauverleix, Dulin-Thom as,
T ixier-A llant, Collon-Bonarme, Cassan-Guyot, Jusseraud-Charles,
B om part-Lachaize , M arnai-C ourbayre, N icolas-Cham prigaud,
Gourbine-Sablon, A driand-D upuy, ces quatre derniers notaires,
e tc ., etc., j ’ai peine à comprendre la gravité d’un délit q u i, dans
tous les ca s, ne seroit pas le mien.
M on successeur se plaint égalem ent, et ceci pourroit paroître
plus sérieu x, que bien loin de lui conserver sa clien telle, qui fut
autrefois la m ienne, ainsi que je l ’avois promis en me démettant
en sa faveur, j ’emploie toute sorte de moyens pour la détourner
de chez lui; que j'arrête les cliens au passage , etc. , etc. L a natuxe
du reproche, son inconvenance, sa gravité autorisent une réponse
sévère. L e fait est faux, il est calomnieux, et je pourrois ajouter
qu’il est de toute fausseté, parce q u ’il est de toute im possibilité.
Je n ai point fait une visite, même de politesse, avec mon gendre;
je ne me suis point permis une demande dans ses intérêts; jo
n ’ai, en un m ot, fait aucune démarche indigne ni de lui ni de moi,
non plus que du noble ministère que j’ai rempli pendant tant
d ’années. Ici je dois m’arrêter.... L es gens d ’affaires n’ont pas oublié
ma manière, et les honorables souvenirs des hommes du barreau
de Clermont me vengent assez d’une pareille injure.
Ainsi donc, M e Claude C a v y , revenez de votre erreur; un
publiciste l a dit quelque part : Ce n'est point en vieillissant que
�( 11 )
les abeilles deviennent frelons. Je n’ai point changé, et j’aurai,
je l ’espère, le bonheur de demeurer toute ma vie l’homme que
j etois lorsque vous m'avez connu pour la première fois.
Poursuivons. L e sieur Cavy ajoute que je réside constamment
dans l ctude de mon gendre, que j e discute les intérêts des par*
d e s , que je préside à leurs conventions , rédige ou dicte les actes
les plus importons, etc.
Cette seconde imputation n’est pas mieux fondée, pas plus vraie
que la précédente, que toutes celles que vous osez vous perm ettre,
sieur Claude Cavy.
Il
s’écoule quelquefois dix et quinze jours , sans que je paroisse
dans l’étude de mon gendre; c ’est un fait sur lequel mes domes
tiques, les clercs de M e A staix, et les habitués qui fréquentent
son élude, peuvent être interrogés; et puis, je vais plus loin , et
je le demande aux bons esprits, aux hommes raisonnables , à tous
les pères de fam ille; car enfin, c ’est ic i, plus q u ’on ne le pense
p eu t-être, leur cause que je défends ; je le demande à vous-m êm e,
jeune am bitieux, quand les faits dont vous prétendez exciper,
seroient en partie établis, quand ils seroient vrais, que pourriezvous en conclure ? Depuis le rachat volontaire de ce que vous
appelez le tribut dans le cinquième de vos produits, de ce que
je nomine moi un supplément de prix convenu, un droit réservé
sur vos honoraires, répondez, ne m’avez-vous pas délié de l’enga
gement de concourir à votre prospérité ! Séparés d ’in térêts, ne
sommes-nous pas, je le répète, devenus totalement et à jamais
étrangers l ’un à l’autre !
E t maintenant, regardant autour de m oi, n ’y vois-je pas l’obli
gation de consacrer à mes enfans les années qui peuvent encore
m être données î le reste de mon existence ne leur appartient-il
pas tout entier? quelle puissance pourroit m’ôter la volonté de
les secourir ! quelle autorité pourroit me retirer le d ro it, m’in
terdire le devoir que me donnent, que me prescrivent la nature,
la société et la morale? O ui, M e C a v y , puisque vous avez l ’inju*-
�(
12
)
tice , la maladresse peut-être de m’y forcer, je le déclare hautement
i c i , j ’assisterai M e A staixde tous mes conseils; j ’aiderai celui qui est
devenu mon fils, de tout ce que la connoissance des hommes et
l ’hahitude des affaires auront pu m ’apprendre. Je n’ambitionne
assurément aucunes fonctions ; je ne recherche ni ne sollicite per
sonne, ni pour m oi, ni pour mon gendre j’ mais je le déclare aussi,
autant de temps encore que ma santé pourra me le perm ettre, ma
vieille expérience, mes foiblcs moyens sont à la disposition de
ceux qui me firent jadis l'honneur de m’accorder leur confiance.
Prenez acte de ces aveux, M e C a v v, et. surtout retenez bien ce
que vous avez cru dire ironiquement dans votre assignation , qu’au
m oins, sur ce point, vouloir et exécuter seront la même chose
pour moi.
A u fond, sieur C a v y , quels sont donc mes torts et ceux de
3\Ie Astaix? Jusques i c i , ses cliens ne sont pas les vôtres, et n’ont
jamais été les m iens; c’est une vérité que le rapport de vos réper
toires , de ceux de mon gendre, et de ceux que vous tenez de m oi,
peut démontrer jusqu’à l ’évidence. O r , je vous le demande,
par quels m otifs, sur quelles bases peut donc être fondée votre
instance ? sur des craintes futures , chimériques , sans doute :
allons , du courage , jeune homme , bannissez une prescience
qui vous afflige sans raison, que rien n'autorise ni ne justifie ; et
p u is, quand, dans la suite, vos affaires ne répondroient pas toutà-fait à vos débuts, n ’auroient-elles pas encore de quoi vous satisfaire !
Il y a long-temps qu on l ’a d it , les années se su iven t, mais elles
ne se ressemblent pas toujours; résignons-nous donc, et tout en
jouissant du p résen t, même avec sagesse , songeons qu’il faut
savoir faire la part de l ’avenir, comme celle de la destinée.
Jusque-là, M e C a v y , votre part n’a pas été bien mauvaise; ne
vous laissez donc pas abattre, c l n ’allez pas trop réjouir peut-être
vos jeunes co llèg u es, par une inquiétude sans fondement et sur
tout par une indiscrète insistance dans des plaintes peu réfléchies,
cpnlrc un homme q u i, au moins une fois en sa v ie , vous a fait
�( i3 )
bien, qui ne vous a point fait de m al, et dans l’intention
duquel ne peut entrer la pensée de vous en faire jamais.
q u e lq u e
M a is, dites-vous toujours et de tant de m anières, M e C avy :
M on confrère est devenu votre gendre; il a établi son étude
dans le local où e'toit celle que vous m’avez ven d u e, et il se
nomme A s t a ix - T a c h é ; tout cela est éminemment répréhensible.
E h bien ! so it, je l ’avoue pour un moment; mais vo u s, sieur C a v y ,
n’avez-vous pas transporté votre domicile maison Mabru ? n’avezvous pas établi votre étude dans Vétude de mon gendre, dans la n
cienne étude de son père l M e Astaix vous a-t-il fait une querelle
pour cela ? E h bien ! appelez-vous Cavy-Bogros, vous voilà toutà-fàit quittes, et moi liors de procès.
Quoi! pour ne s’aimer pas, faut-il donc se haïr?
Arrivons enfin aux conclusions de M e C avy; elles sont décentes,
elles paroissent justes, elles sont raisonnables, comme tout ce qui
les précède : c ’est bien là véritablement ce qu ’on peut appeler le
bouquet de l ’artifice. Seulement ¿^0,000 f r . de dommages-intéréts,
déjenses à M e T a c h é , président honoraire de la chambre des no
taires, de devenir à cinquante-cinq ans clerc de notaire dans l ’étude
d 'A s ta ix , de conférer avec les c lie n s, de rédiger, etc. , etc...
Impression à 5 oo exem plaires, affiches, insertions , dépens, et
toutes réserves d’usage.
A tout cela que répondre? non à la justice, qui n’a pas besoin
de réponse, et pour les organes de laquelle je professe un trop
grand respect pour me permettre une plaisanterie ; mais pour le
p u b lic, au yeux duquel de telles conclusions doivent faire paroître
celte affaire singulièrement grave; à quelques amis pour lesquels
elle pourroit sembler inquiétante , que répondre ? Jlisum teneatis.
Ah ! c est bien à présent, mais trop tard, que je comprends que
1 adjectif/amewa:, précédemment accolé à mon nom , n ’étoit qu’une
épigramme, puisque maintenant on ne veut même pas me per
m ettre 1 espérance de devenir un jour clerc de notaire.
�Encore , si l ’on ve u t, passe pour cette interdiction, voire mêmt '
pour l'affiche, l'impression, les dépens et tout ce qui s’ensuit, quand
toutefois il y a m otif pour le demander, et raison pour l’obtenir;
mais 40,000 fr. de dommages intérêts ! c ’est important, et cela paroil
exagéré.... Ainsi donc, sieur Claude C a v y , quelqu« honnêtes,
quelque modérées que puissent être vos prétentions, avant de vous
payer la som m e, ou plutôt avant de vous permettre de vous en
libérer envers moi sur ce que vous me devez, d’une manière aussi
prom pte, et surtout d ’une manière aussi com m ode, comptons
ensem ble, s’il vous plaît, et établissons notre balance.
L e prix de votre acquisition, mes recouvrement, et mon cin
quième capitalisé compris, est, disons-nous, de soixante mille fr.,
ci.............................................................................. , ................ 60,000 fr.
E n déduire pour mes recouvremens encaissés ou à ren
trer , ou pour autres travaux par moi faits et à vous cédés,
quinze mille francs, c i ..........................................................i 5 ,ooo fr.
L e prix de la cession que je vous ai faite est donc -----------réduit à quarante-cinq mille fran cs, c i........................... 45>000 fr.
M aintenant, vous le savez, M e C a v y, vous n ’ignorez
pas que je le sais, que \olre journal d ’ordre le sait aussi, et
peut l’établir au b e s o i n , vous savez, disons-nous, que les
produits de votre étude, rentrés ou à recouvrer, sur
l'exercice de votre premier triennal, s’élèvent au moins
à 45,000 francs ( la première année vous a valu plus
de 18,000 francs); ils soldent donc bien la somme cidessus , ci................................................................................... 45 ;ooo fr.
Partant, il reste donc encore à porter très-positivement à votre
actif, au moins pour souvenir,
i°. Vos créances et prétentions, qu’on dit être considérables,
pour la direction des affaires Champjlour, créances q u i, soit dit
en passant, font bien partie de ma cession du cinquième , mais
ji’ont point été comprises dans nos règlem ens, ni évaluées dans
l ’appréciation des bénéfices de votre trienn al, attendu que lorsque
�( 15 )
nous avons traité, cette affaire exigeant encore quelques travaux,
il n'avoit pu être fait aucunes rentrées, c i..................... Mémoire.
2°. Vos inappréciables espérances, fondées sur des premiers
succès incontestables; les résultats infaillibles d ’une profession
autant lucrative qu’honorable, produit certain d’un état dont
l’exercice peut durer trente années, et qui se trouvant payé par
les bénéfices déjà faits des trois premières années écoulées, ne
vous coûtera plus un cen tim e, et y o u s laisse déjà, et à cet instant
même, propriétaire d’un fonds valant au moins ce que vous l ’avez
acheté , ci.................................................................................. Mémoire.
3°. Votre bonne situation actuelle dans le m onde, q u i, je ne
crains pas de le red ire, a peut-être bien un peu pour cause pre
mière la cession de mon étude.
E t enfin, tout ce q u i, en définitif, peut vous revenir ou ne pas
vous arriver par le bénéfice, et par suite de la demande que vous
avez formée contre m oi, pour restitution de p r ix , dommagesintéréts, lésion, pertes, e tc ., etc.; tout quoi est assurément bien
démontré par le petit exposé qui précède, ci................. Mémoire.
R É SU M É .
M éditez sur ce que je viens d’établir, M e Claude Cavy, et voyez si
votre demande, tout injuste qu’elle peut ê tr e , n’est pas enore plus
inconsidérée ; et dites-nous franchement si vous persistez à croire
vos craintes fondées,vos doléances réfléchies , vos prétentions ad
missibles.
Vos prétendus griefs, mes projets antécédens ; l'adresse, les
moyens frauduleux que j’a i, dites-vous, employés, tout ce que
vous m’imputez avec autant de politesse que de v é rité, n’a jamais
existé que dans votre imagination; tant il est vrai de dire que quand
on a peur, on n y voit pas si bien.
P eu t-elre même pensez-vous m aintenant, sieur C a v y , que
les faits redoutables dont vous comptiez tirer un si grand parti,
que ces torts si répréhensibles, fussent-ils établis, si par le
�fam eu x rachat de janvier, vous avez perdu le droit de vous en
plaindre, vous ne pouvez pas raisonnablement espérer en décembre
d ’en obtenir le redressement ; et qu’alors, à défaut de motifs plus
louables , vos véritables intérêts devoient du moins vous prescrire
une marche tout opposée à celle que vous avez suivie.
M aintenant que j ’ai exposé les faits avec la plus grande vérité,
que le public ju ge, que les tribunaux prononcent; j ’attends avec
une respectueuse confiance cette double décision.
Quant à vous, mon je u n e, mon très-jeune successeur, qui ne
vous attendiez sans doute pas, après une si inconvenante provo
cation , à tant de modération de ma part, si vous n’avez voulu faire
que du b r u it, du fracas, .........soyez satisfait.
Vous étiez inconnu dans ce département; et trois ans se sont
à peine écoulés, que vous y voilà en possession d’une brillante exis
tence.... notaire recherché,...officier de la chambre,... grand électeur!
A v e c un peu d’argent promis, vous en avez déjà recueilli passa
blem ent; vous avez acquis le droit d’en amasser beaucoup : que
vous faut-il de plus ?
Convenez-en, M e Claude C a v y , vous avez, je le répète, débuté
avec de grands avantages et un rare b o n h eu r.... D ’autres succès
vous attendent sans doute e n c o r e .... Tant mieux pour vous :
jouissez avec un peu plus ou un peu moins de modestie de tant
de p r o s p é r i t é ; parcourez avec orgueil, si cela vous convient, la
route fortunée qui vous est ouverte; mais, de grâce, laissez en
paix des hommes retirés, qui ne vous envient rien , qui ne vous
demandent rien ; honorez-les du plus profond o u b li.... Ils vous
promettent en retour l'indifférence la plus parfaite ; m ais, comme
nous l’avons dit en commençant, souvenons-nous toujours que celuilà seul est heureux, qui peut expliquer toutes les actions de sa vie.
TACHÉ.
A C L E R M O N T , de l’im p rim erie de
L
andriot,
et de la Préfecture.
L ib r a ir e , Im prim eur du Roi
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Taché, Pierre-Antoine. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Taché
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
chambre des notaires
ventes
offices
abus de confiance
Description
An account of the resource
Titre complet : Quelques observations de Pierre-Antoine Taché, propriétaire, président honoraire de la Chambre des Notaires de l'arrondissement de Clermont, membre du Conseil municipal de cette ville, sur la demande formée contre lui, par maître Claude Cavy, Notaire royal certificateur, à la résidence de Clermont.
Table Godemel : étude de notaire : la vente d’une étude de notaire comprend, non seulement celle des minutes et registres, mais encore celle de la clientèle et de l’influence notariale du vendeur, qui contracte tacitement l’obligation de ne rien faire qui puisse nuire à son acquéreur.
l’inexécution de cette obligation peut être prouvée par témoins, et motiver une demande en dommages-intérêts.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1818-1820
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2507
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2508
BCU_Factums_G2509
BCU_Factums_G2510
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53493/BCU_Factums_G2507.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53496/BCU_Factums_G2510.pdf
199e85240f2ef66438c78321f4ed0b37
PDF Text
Text
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
N°
1 er.
A d i e u x d e M . T a c h é à s e s c o l l è g u e s 3 en l e u r
p r é s e n t a n t so n s u c c e s s e u r .
A
u jo u h d ’ h u i
, vin g t-tro is janvier mil h uit cent d i x - h u it , entour
l ’heure de m i d i , les membres composant la ch ambre de discipline des
notaires de l'arrondissement de C l ermont- F errand, ville principale,
chef-lieu du département du P u y -d e -D ô m e , réunis dans la salle ordi
naire de leurs séances, présens M M . T a c h é , F le u r y , P a llet, Dessaignes,
Fileyre , F la g e t , C hassaigne et Astaix, membres de la chambre actuelle;
G e o r g e , Vigeral , Espinasse, I.aroche , Marnat et H uguet , notaires,
anciens membres de la m ême cham bre, tous convoques par la lettre de
M . le président, individuellement adressée à chacun d’e u x , le 1 du
4
présent mois,
M e T a c h é , après avoir réclamé l’attention de l’assemblée, a dit :
« M e s s ie u r s
et
ch ers
collègues
,
. « Si l ’objet de cette réunion extraordinaire vous est déjà connu ,
« vous pressentez d’avance la nature des communications que je vais
« avoir l’honneur de vous faire.
« Depuis plusieurs années, m a santé s'est progressivement altérée.
« c ' est en vain que j’ai cherché à lutter contre mes m a u x : ces combats
m ' o n t peut-être fait que les irriter e t accroître leur résistance.
«E n f i n , si tout espoir de guérison m’est interdit; si à tant de
« souffrances je n’ai plus à opposer que de la résignation , du m oin s,
« comme homme public et comme père de famille, j’ai la consolation
e de penser que mes veilles et mes travaux ne sont peu t-être pas étrang e r s aux causes de ce dépérissement.
« Divers accidens graves ont été pour moi des avis, des ordres, q u e ,
« tout affligeans qu’ ils sont, je n'ai pas dù plus long-tems méconnaître,
�« Me sentanl désormais dans Vimpossibilité de continuer l'exercice de
« mes fonctions avec les soins qu ’elles commandent, avec le zèle et
« l’activité que j ’y ai apportés jusqu’alors, j ’ai d û , dans l'intérêt de
« mes enfans, dans l ’intérêt d ’ une réputation péniblement acquise,
« ne pas laisser
d é pr im e r
un élut que j ’ai peut-être eu le bonheur de
(( professer avec quelque succès.
« Envisageant avec courage ce terme inévitable pour to u s , comme
« peut-être plus prochain pour m o i; e t , l ’avoucrai-je, me livrant a
« Y espérance qu ’ une vie moins agitée pourra faire quelque diversion a
« mes m a u x , j 'a i dti songer à me donner un successeur.
« L e seul de mes fils, qui aurait pu me remplacer un jour, se trouvant
te encore fort jeune , et étant peut-être porlé vers des occupations d’ un
k autre genre, j ’ai fait choix du principal clerc d ’ uni; E lu d e dont le
« chef est justement investi de la confiance publique. Les principes et
(t la moralité «le c e n o t a i r e , les honorables témoignages qu’ il a rendus
a de son élève sont une première garantie clc la bonté de mon choix.
« J’espère que le jeune homme qui en est l’o b je t, comprenant tout
« l ’avantage de la concession que je lui fais, ne tardera pas à mériter,
« par sa bonne conduite et son instruction, l ’estime et la bienveillance,
« que j ’ose réclamer pour l u i , de mes anciens collègues, et qu ’en tout
« il sera digne d ’ une corporation qui, en honorant d’abord ceux qu’elle
« veut bien admettre dans son sein, leur demande bientôt en échange
« d’en être à son tour honorée.
« L a jeunesse de m o n successeur, c l une sage défiance dans ses propres
« forces, lui ont fait désirer d’être, encore quelque tems, aidé des
tr conseils de mon expérience : j’ai donc conservé un intérêt dans mon
« E tude ; et c’est dire assez tout celui «pic je mettrai à la maintenir
« dans le même état de confiance et de prospérité.
a Messieurs, dans ces circonstances grandes pour m o i , et peut-être
« pas tout-à-fait indifférentes pour le corps des notaires d’ un re& ôrt, le
« premier clc noire département,
plein du souvenir des constantes
« bontés de mes collègues, pénétré des obligations que m’ impose le
et rang où jc me trouve placé pour la huitième fois, je n’ai pas dit
« quitter une corporation qui m ’a tant honoré, que j’ai tant respectée,
« sans que les notaires qui la composent fussent instruits, par inoi, et de
« ma détermination et d e s trop justes motifs qui l’ont c o m m a n d é e . No
«< pouvant convoquer la corporation entière, j'ai dû eu réunir au tnoms
�(3 )
« ici quelques-uns des membres les plus recommandables, soit par leur
« c a r a c t è r e personnel, soit à raison des anciennes fonctions qu ’ ils ont
« remplies dans cette chambre.
« C ’est donc à la corporation e lle -m ê m e, que je m ’adresse en m ’adres« sant à vous, mes cliers confrères , mes utiles collaborateurs dans une
« carrière où j’ai constamment marché à votre t ê t e , honoré de votre
a choix, soutenu de votre indulgence, et appuyé de votre approbation.
« C ’est à vous que j’ai dû communiquer les raisons qui me condamnent
« à une retraite, dont mon âge et les habitudes de ma vie semblaient
« devoir éloigner encore le moment ; c’ est dans votre sein , que mon.
« cœur éprouve le besoin de s’ épancher , e t , en y déposant ses regrets,
« d’en dim inuer, s’il est possible, l ’amertume.
« Recevez donc avec mes adieux l ’expression de ma reconnaissance
« pour vous, celle de mes vœux et de mes plus durables sentimens pour
« le repos, l’honneur et la prospérité de notre clière corporation. Usez
« de toute l’ influence que vous y ex ercez, pour maiutenir la paix et
«
'
«
«
l ’harmonie parmi les membres qui la composent.
« Conservez nos règles, nos usages; perpétuez nos institutions :
maintenez cette heureuse surveillance , cette sage discipline dont
nous avons tant de fois senti le besoin et reconnu l’ utilité ; trans
it mettez ce bon esprit à ceux qui vous succéderont dans cette chambre;
« gardez moi une part dans votre estime, dans votre amitié ; et s’ il est
« vrai que mes efforts et mon zèle eussent été utiles à un corps auquel
« je m’enorgueillirai toujours d’avoir appartenu, qu ’à la conscience
« d’avoir rempli mes devoirs, qu’à la satisfaction d’avoir opéré quelque
a b i e n , vienne se joindre la pensée que peut-être il en restera quelques
k souvenirs. »
Cette communication est faite et entendue avec une émotion profonde.
M° Tache quitte le fa u te u il, et invite M e Floury , notaire à G erzat,
en sa qualité de syndio de la chambre , à vouloir bien le remplacer.
Différons membres parlent des regrets et de la perte de la corporation.
U n membre, ayant obtenu la parole, a dit :
« Comme vo u s, Messieurs et chers collègues, j ’éprouve le besoin de
« témoigner toute notre reconnaissance et d’exprimer nos r e g r e t s à
« notre collègue, M. T a c h é , au sujet de la communication qu’il vient
« de nous faire, laquelle est un titre de plus à notre amitié c o m m e à
« notre estime. Si nous lui devons exclusivement la formation de cette
�flj*
( 4 )« chambre, sauve-gardc, alors qu'il l’a présidée, des notaires calomnié?
« ou de ceux que des erreurs involontaires ont mis dans le cas de com« paraître devant e lle , l’esliine à laquelle ¡1 a force l’amitie qu on no
« pouvait se défendre de lui porter, notre gratitude, résultat inévitable
« de ses importans travaux , n’amènent-elles pas naturellement à désirer
« que notre honorable aini conserve , dans la corporation qu ’ il a su.
« (lever au point de dignité où elle se trouve p la cée , le titre de prê
te sident honoraire, et à v ie , de notre tribunal de famille? En vous
« engageant à consigner
dans
voire procès-verbal
mes
regrets, o u ,
on
« d’autres termes, ceux de la corporation tout entière, je viens vous
« prier de solliciter M . T a c h é , notre digne collègue, de vouloir bien
« accepter l'honorable titre de président honoraire de la chambre de
« discipline des notaires de l ’arrondissement de Clermont-Ferrand ,
« titre auquel ses travaux et son zèle lui donnent tant de droits ; de le
« prier aussi <lc; c o n t i n u e r exclusivement la rédaction de nos instructions
« trimestrielles, tant que sa santé lui Cil laissera le loisir.
« E n conséquence, convertissant ce vœu , qui est celui de vous to u s,
« mes chers collègues, en une motion expresse, je prie la chambre
« d’arrêter que cette proposition sera soumise à la délibération et ratiiîn cation de l’assemblée générale des notaires du ressort, du io mai
« prochain. Tels sont les vœux que forme un ancien membre de celle
« chambre précieuse, laq uelle, en exerçant une discipline autant imr< partiale que nécessaire, a toujours su ouvrir une porte au repentir,
« cl qui saura désormais, comme par le passé, couvrir, de son égido
n imposante, les notaires que l’insidieuse envie livre trop souvent à la
« calomnie. J’ignore si nous avons à délibérer sur quelques points du
« service, mais il me paraît extrêmement convenant q u e , vu l’impor« tance tic cette communication , et la douleur où elle nous plongera
« long-tems, nous ne nous occupions d’autre chose que de nourrir nos
« justes regrets , et de les exprimer à celui qui en est l’objet. »
Sur quoi tousles membres présens déclarent partager les scnlim ens,
l ’opinion et les vœux que lepreopinant vient d exprimer; cl la chambre,
convertissant en arrêté la proposition qui vient de lui être faite, l’adopte
entièrement, et à l'u n a n im ité , en ce qui la touche, et arrête q u ’ello
sera soumise à la prochaine assemblée générale , pour recevoir son
adhésion. E lle arrête q u e , dans les prochaines instructions, il sera
rendu un compte sommaire de l ’objet do la présente délibération ,
�(5 )
dont copie
en cc qui concerne M . T a c lié , lu i sera adressée, comme
un premier témoignage de la reconnaissance de la corporation.
- De suite , et sur la proposition de M e F le u r y , l ’assemblée s’occupe
de la nomination du président qui doit remplacer M . Taché jusqu’à la
prochaine réorganisation de la chamLrc ; e t , sur le résultat du premier
scrutin, M® Astaix, notaire à C lerm ont, ayant réuni la localité des
suffrages, moins u n , il est proclamé président par M e F le u r y , qui lu i
cède aussitôt le fauteuil.
L a place de secrétaire se trouvant vacante par la promotion de
M e A s ta ix , qui en exerçait les fonctions, la chambre s’occupe de
l ’élection de ce second officier ; et le dépouillement du scrutin ayant
conféré cet emploi à M
0 Cliassaigne,
notaire à C lerm o n t, il est pro
clamé dans la qualité de secrétaire de la chambre.
L a chambre élant ainsi reconstituée, le secrétaire donne connaissance
a l’assemblée de la démission de M e T a c h é , qui indique la personne du
sieur Claude C av y, pour son successeur dans ses fonctions de notaireccrtificateur à la résidence de Clermonl-Ferrand.
Il fait lecture de la pétition du sieur Claude C a v y , licencie en droit,
habitant d e 'l a commune d ’Escurolles , arrondissement de G a u n a t,
département de l’A l l i e r , tendant à obtenir l ’agrément et l’appui de la
chambre dans la demande qu’ il sc propose de former auprès de Sa
Grandeur Monseigneur le Garde des Sceaux, aux fins d’ être admis en
remplacement dudit M e Taché.
L ’ aspirant est introduit : il est interrogé sur différens articles du
Code civil ; et la'ch a m b re , après en avoir délibéré ,
V u son travail sur les résidences des notaires, adressé au Gouverne
ment en l’année 1 8 1 1 ;
V u l’acte de démission de M® T a c h é , sous la date du 14 de ce mois,
enregistré le 17 ;
V u les diplômes produits par l’ aspirant, et les attestations d’ un stage
plus que suffisant, à lui délivrées par différons notaires de I’ aris, ou par
la cha mine de discipline du département de la Seine ,
Considérant que le nombre des notaires exerçant dans le canton O u e s t
de cette v ille , dont fuit partie M* Taclié, n’excède pas le nombre voulu
par la loi ;
Considérant que le sieur Cavy , qui se présente p o u r son s u c c e s s e u r ,
�réunit l ’instruction et la moralité nécessaires pour exercer clignement
les fonctions auxquelles il se destine,
A ruéte qu’ il est délivré audit sieur C avy (Claude) le certificat de
moralité et de capacité voulu par la l o i , et que Sa Grandeur M o n
seigneur le Garde des Sceaux de France est supplié de vouloir Lieu
admettre l ’aspirant en remplacement dudit sieur T a c h é , à l ’exercice
des fonctions de notaire - certificateur à la résidence de ClermontFerrand.
L a chambre arrête, en outre , qu ’extrait de la présente deliberation
sera préalablement adressé à M. le procureur du Roi près le tribunal
civil de ce ressort.
L a présente rédaction ayant été lue à l ’assemblée, et par elle adoptée,
les président et secrétaire définitifs la signent ; et la séance est levée les
j o u r , mois et an que dessus.
ÎST» 2 .
Jugement dont est appel.
,
i A v r il 1821.
Attendu
q u ’il résulte des Mémoires imprimés et des plaidoiries
respectives, q u e , le 14 janvier 1 8 1 8 , en vendant son office au sieur
C a v y , partie de Bayle , le sieur T a c h é , partie de Vissac, s’eu était
réservé le cinquième des bénéfices nets pendant dix ans ;
Q u e dans les premiers jours de jauvier 1820,
5
époque à laquelle
le sieur Cavy était marié avec la demoiselle I ogros, les parties en
fixèrent le montant à 20,000 francs, y compris
3 ooo
francs que le
sieur Taché avait reçus l’année précédente, et qu’ il s'obligea, d'honneur
et de bonne f o i , d'aider le sieur C a v j de tous les renscignemcns et
conseils dont il pourrait avoir besoin pour sa profession, comme aussi à
lu i conserver sa clicntelle ;
Q u ’on ne trouvait dans la conduite subséquente du sieur Taché ,
aucune preuve, aucun indice même de l’exécution de ces conventions ;
Q u ’ il était reco nnu , au contraire, que peu de teins npnis, ayant
marié sa fille nvec le sieur Astaix , il lui fit transporter son domicile
rt son étude dans sa maison; qu’ il fit inscrire sur sa p o rte, à cûté
de l’écrileau du sieur Cavy , qui avait la sienne dans la maison voisine ,
�celui du sieutf A staix,
notaire-cor lificateur ;
aüqilel
(1)
il joignit
le
nom
Taclié
: 'A s ta ix -T a c h ê ,
Q ue la justice n’ avait pu voir dans cette translation subite de
dom icile, dans celte addition et superfétation du nom de T aché à celui
de son gendre, qui n’avait aucune autre raison d’ajouter à son nom
celui de T a c li é , puisqu’ il n’y avait aucun autre notaire de ce nom ,
que l ’intention formelle de la rendre utile i ce d e r n ie r , au préjudice
du successeur; et que le sieur Taclié voulait d’autant moins qu’on
en doutât,
qu’ il en fait l ’aveu, pages n
et 12 de scs Observations
imprimées, où il fait un appel à ses anciens c lie n s, et où il d i t , non
seulement qu’il assisterait son gendre de tous scs conseils, mais encore
q u e , pendant autant de tems que sa santé pourrait le p erm e ttre, sa
vieille exp érien ce, ses fa ib le s moyens seraient à la disposition de c e u x
qui lu i firent Thonneur de lu i accorder leur confiance, et q u e , sur ce
point, vouloir et exécuter serait la même chose pour lu i ;
Q ue les offres faites à ses anciens cliens, par le sieur T a c b é , dans
un écrit imprimé et distribué au p u b lic , de ccltc v ieille expérience t
ne l ’avaient sûrement pas été dans l ’intérét de son successeur ; et que
les anciens cliens , qui répondraient à cet appel , ne retourneraient
pas cliez lui ; que ce n’ était pas sérieusement que ce dernier avait d i t ,
page 8 de ses Observations, et avait fait p la id e r , q u e , dès l’instant
de cette dernière convention de janvier 1820, il avait été délié désormais
de tous ses engagemens ; que scs relations avec le sieur C avy avaient
cessé, et qu’ ils étaient devenus étrangers l ’ un à l ’autre;
Q u ’il é ta it, au contraire, bien démontré que jamais les engagemens
du sieur T a c li é , envers le sieur Cavy, n ’avaient été plus forts, puisqu’ ils
s étendaient sur la conservation de la chentelle y ce à quoi il ne s’était
pas même obligé formellement jusque l à , et qu’ ils avaient été con
tractés sous les auspices de l'honneur et de la bonne f o i ;
Q ue quand ces mois honneur et bonne f o i ne formeraient, comme
on 1 a prétendu à l ’audience, qu’ un lien purement m oral, en seraient-
0
ils moins obhgat ircs de la part d ’ un ancien fonctionnaire public >
investi d’ estime et de considération? Non.
L ’obligation de conserver la clientelle à son successeur, 11c pouvait
pas être une cliimèro a u x j e u x
du sieur T a c h é ; qu ’elle pouvait
k e n ne pas 1 obliger à conduite lçs cliens du -j son successeur, mais
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j.
1
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( s )
qu’il ne pouvait jamais en résulter le droit de les en éloigner et de
les conserver à son gendre, comme l'articule le sieur Cavy ;
Mais attendu que la partie de Vissac désavoue formellement q u ’aucun
de ses anciens cliens ait passé dans l ’étude de son g e n d r e , et que
celle de Bayle soutient et articule le contraire, la justice doit ordonner
la preuve de ceux des faits articulés, qui lui paraîtront pertinens ,
r"! '
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S.K
comme tendant à p r o u v e r que l ’intention de le dépouiller avait déjà
reçu un commencement d ’exécution;
L a loi lui en fait un d e v o ir, parce q u e , s’agissant de la violation
¡ t " ”|j
d’ une convention , la preuve testimoniale est admissible.
P ar
l l î f 'J i
ces
m o tifs,
le tribunal
ordonne, avant faire dro it, que lo
sieur C a v y , partie de B a y le , fera p reu v e , dans le délai de la l o i ,
tant par titres que par tém oins, devant
31.
M a n d c t , juge-suppléant,
commis à cet effet, i° q u e , lors de la communication d u mariage de
sa G l l e , l e s i e u r T a c h é , partie de Vissac, annonçait aux personnes
q u ’ il visitait, qu’ il redevenait n o t a i r e , et qu ’ il espérait que ses anciens
cliens ne l ’abandonneraient
confiance,
pas ; a° qu ’ il est allé demander leur
et avait positivement sollicité quelques-uns d ’eux de lui
faire recevoir des actes importans et considérables j
3 ° qu ’ il
avait arrête
des cliens qui allaient chez le sieur C a v y , partie de B a y le , en leur
disant qu ’il espérait bien regarnir le colombier ;
E t qu ’enGn une partie de la clientelle vendue au sieur C avy était
déjà dans l ’étude du sieur A s t a i x ;
S auf à l a d i t e p a r t i e d e V i s s a c l a preuve contraire, dans le môme
d é la i, p o u r , les enquêtes faites et rapportées, o u , faute de ce faire,
être fait droit aux parties, tous moyens de fait et de droit réservés,
ainsi que les dépens.
3.
I
A p p el du sieur Taché.
18 A v r i l
i 8î i .
J’ai remontré q u e , dans l ’instance pendante nu tribunal civil de
1
Clerinonl, entre lesdits sieurs Taché et C a v y , il est intervenu, e a avril,
•N
hi'y|
présent m ois, un jugoinent interlocutoire, qui ordonne la preuve do
certains faits;
�t
9
)
Que lout inadmissible qu'était une preuve testimoniale , le requ éran t,
certain de la fausseté des faits, et cle l ’ impossibilité où est le sieur
Cavy
de les établir par des témoignages dignes de f o i , aurait pu en
attendre les résultats; mais que les motifs les plus impérieux ne lu i
permettent pas de fortifier, par son approbation, un jugement qui
s’ écarte aussi essentiellement de la vérité des fa its , que des règles
de la justice; qu’en ufl'ct , en mi liuiuttpt à nu interlocutoire aussi
insignifiant en lui-m êm e, on a , par des motifs longs et entortillés,
préjugé le fond de la contestation, e n - te lle sorte q u e , si le sieur
Taclié ne s’en p la ign ait, il semblerait leur donner une approbation
q u i , par la suite , deviendrait une arme qu ’on paraît avoir préparée
au sieur C a v y , a laquelle il s'attacherait bien davantage qu'aux ré
sultats d’ une preuve qui l ’intéresse peu ;
Q u e , d’autre p a r t, on trouve dans ce ju g e m e n t, comme résultat
des Mémoires et des plaidoiries respectifs, des assertions qui sont
dem enties, tant par les Observations publiées par le sieur T a c h é , que
par les actes même qui ont lait le fondement de la plaidoirie , et
notamment en ce qui touche le prix donné au cinquième des bénéfices,
dont 011 n’a pas déduit celui des rccouvrcmens restés dus ;
Q u ’on y donne pour reconnu par le sieur T a c h é , pour être de
son f a i t , comme décisifs sur la q u estio n , des actes qu ’au contraire il
a constamment repoussés, comme n ’étant pas les siens, et ne pouvant
être d’aucune influence dans la contestation ;
Q u ’enfin , dans ce même ju g em e n t, on réduit les désaveux du sieur
Taché à un seul fa it, qui n’était ni celui de la cause, ni celui duquel
les plaidoiries respectives ont fait dépendre l ’événement ;
Q u ’en examinant le fond de l ’interlocutoire , le requérant ne peut
être surpris de voir ordonner une preuve qui n’était pas offerte ; qu’en
effet, le sieur Cavy n’a pris aucune conclusion tendant à être admis
à faire enquête ;
Q ue seulement, en p laidant, l ’avocat a déclaré être en état du
prouver tous les Faits écrits dans les conclusions du sieur Cavy ;
E t qu en réponse , l’avocat du requérant a soutenu les faits inadmis
sibles, i° par la
(1(; la contestation ; a" par le vague dans lequel
ils étaient enveloppés; et q u e , bien loin de se réduire à désavouer, par
une expression générale, qu ’aucuns de ses anciens cliens ont passé dans
�l ’élude de son g endre, il somma expressément le sieur C avy de s’expli
quer sur les personnes et de préciser les faits, déclarant être prêt à
répondre sur chacun d ’e u x , de manière à ce que le tribunal n’a pu
statuer sur-le-champ sur le résultat;
Q u ’en réplique, le sieur C a v y , bien loin d ’insister sur sa prétention
de preuves générales, nomma six in d iv id u s, anciens cliens du sieur
Taché , qui avaient passé dcs'çctes chez M* Astaix ; q u ’ immédiatement,
l ’avocat <lu requérant répondit sur ce qui est relatif à ces individus,
de manière à ce que le tribanal fût suftisamment éclairé , et qu ’il
ajouta être prêt à répondre de même sur tous autres faits positifs qu’il
plairait au sieur Cpvy de préciser ;
E t qu’alors il ne fut ni ne put être question d ’aucuns faits de
preuves entre les parties ; que , d’ailleurs , le fait indifférent de savoir si
cliens d u sieur Taché ont passé dans l ’étude du sieur Astaix ,
pouvant être p r o u v é p a r l e s r é p e r t o i r e s d e c h a c u n d ’ e u x , il n e s a u r a i t
d ’an cien s
dès-lors être soumis à une preuve par témoins ;
Q u e les autres faits sont ou insigniflans, ou tellement vagues et
dépourvus de p récision, qu ’ ils ne laisseraient pas au sieur Taché la
possibilité de faire une preuve contraire ;
Q u ’enfin ce n’est pas de là que dépend le sort de l ’aiTaire ; et qu ’en
somme, le jugement dudit jour 2 avril pourrait, dans les motifs qui
semblent l’avoir d ic té , paraître autant injurieux que nuisible au sieur
T a c h é , c o m m e é t a n t i m p r é g n é d e c i t a t i o n s insuflisantes ou tronquées,
de préjugé au moins prématuré , et de conséquence inexacte.
A
ces
causes,
j ’a i , huissier susdit, déclaré audit
31e C a v y ,
que le
requérant interjette appel dudit jugem ent; e t , par suite et aux effets
que
dessus, j ’a i, audit sieur Cavy , donné assignation à comparaître,
après la huitaine , par-devant et à l’audience de la C our royale do
lÜQin, pour voir déclarer ledit jugement n u l; subsidiairement, le voir
infirmer, mettre au néa n t, et ê tr e , ledit M 8 C a v y , débouté de sa
dem aude, e t , condamné aux dépens; e t, afin qu’ il n’en ignore, j’a i,
en son domicile , et parlant connue dessus, laissé copie du présent
acte d’a p p e l, dont le c o û t , etc.
�( 11 )
N° 4.
C le rm o n t-F e rra n d c e 18 a v ril 18 2 1
P . A . T A C H É , ancien N o t a ir e , membre du Conseil
municipal de la V i ll e de C l e r m o n t ,
A M M . les Membres composant le Corps des Notaires de l'arrondissement
de Clermont.
M
e s sie u r s
,
D ans les circonstances où je me trouve p lacé, voulant ôter à mes
ennemis jusqu’au prétexte de nouvelles calomnies, je remets, dans vos
mains, le titre de président honoraire de votre C ham bre, que vous aviez
daigné me conférer par votre délibération du 10 mai 1818.
Je demeure, avec les sentimens de respect, de reconnaissance et
d ’affection, que j ’ai toujours professés pour le Corps auquel j ’ai eu
l ’honneur d ’appartenir,
V otre ancien et dévoué C o llèg u e,
N°
E x tr a .it
5.
Signe T A C H É .
du Procès-Verbal de l 'assemblée générale
des Notaires de l 'arrondissement de
Clermont-
Ferrand, en date du 10 mai 1821.
M. le Président a donné lecture d ’ une lettre qui lui a été adressée
par M. Taché a în e , sous la date du 18 avril dernier, par laquelle
il donne sa démission de President honoraire de la Chambre des Notaires
de cet arrondissement, qui lui a été conféré par la délibération du 10
mai 1818.
L ’assemblée, après avoir entendu la lecture de la le t t r e , a déclaré à
l ' unanimité qu' elle acceptait la démission, et a chargé son Président
d en écrire à M
eTaché
Elle a en outre ordonné que la lettre dont
il venait d être donné lecture , serait déposée aux archives , pour y être
conservée.
R I OM , IMPRIMERIE D E SA L L E S , P R ES L E P A L A I S D E J U S T I C E .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Taché, Pierre-Antoine. 1821?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
chambre des notaires
ventes
offices
abus de confiance
Description
An account of the resource
Titre complet : Pièces justificatives.
Table Godemel : étude de notaire : la vente d’une étude de notaire comprend, non seulement celle des minutes et registres, mais encore celle de la clientèle et de l’influence notariale du vendeur, qui contracte tacitement l’obligation de ne rien faire qui puisse nuire à son acquéreur.
l’inexécution de cette obligation peut être prouvée par témoins, et motiver une demande en dommages-intérêts.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1821
1818-1821
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
11 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2510
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2507
BCU_Factums_G2508
BCU_Factums_G2509
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53496/BCU_Factums_G2510.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Escurolles (03109)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
minutes de notaires
notaires
offices
ventes