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P R É C I S
EN
RÉPONSE,
P O U R
t
E X P E R T O N , avoué licencié
au tribunal civil du P u y , intimé;
J e a n - B aptiste
C O N T R E
G ilb e r t
Q
G IB O N ,
a v o ca t,
a p p e la n t.
UAND on a soif de la fo r t u n e , q u a n d , p o u r cou rir
à cet unique b u t, on n églige ses proches jusqu’à la veille
de leur d écès, q u ’alors on ne se souvient d’eux que p ou r
ten ter, par obssession, de leur arracher des dispositions
gratuites, on o u b lie , l’instant d’a p rès, ceux de qui on a
obtenu quoique chose, et on ne se souvient de ceux dont
on a essuyé les refus que p o u r les m audire et insulter à
leur m ém oire.
Aussi G ilb ert G ib o n ne se r e t r a c e - t - i l aujourd’hui
M a rg u erite G i b o n , sœ u r de son p è r e , que com m e un
être disgracié de la n a tu r e , o n é re u x à sa f a m ille , et
a u q u e l, tout au p lu s , on devait q u e lq u e p itié.
A
�C M
C ’est assez naïvem ent exp rim e r les sentimens q u ’il avoit
p o u r elle , et le genre de ses affections. Il avoit q u elq u e
p itié p o u r sa ta n te , et beaucoup d’aiFection p o u r son
p atrim oine : d’où il est évident que s’il daigne encore
se souvenir q u ’il eut une tante appelée M a r g u e r ite , ou
suivant lui M a rg o u to n , ce n’est pas q u ’il ait la m oindre
envie de la regretter; c’est uniquem ent parce q u ’il a con
v o ité inutilem ent sa fortune.
Beau titr e , en effet, p o u r prétendre à la tendresse de
sa tante, exclusivem ent à tous autres, exclusivem ent sur
tout à E x p e rto n qui l’avoit recueillie dans sa maison depuis
plusieurs an n ées, qui lui p ro d igu o it les soins de l’affec
tion , et avec q u i elle a v é cu dans l’intim ité jusqu’au
dern ier instant de sa v ie !
E xcellen t mo)7en de persuader à la justice que le p r é
tendu testament resté im parfait fut un acte spontané de
M a rg u erite G ib o n ; qu e par reconnoissance p o u r la p itié
que G ib o n lui p ortoit de l o i n , il lui v in t en id é e , sur
son lit de m o r t , et dans la maison m êm e d ’E x p e r t o n ,
d’appeler un notaire^ p o u r lu i ôter le m oindre espoir
dans son h éréd ité , et la transmettre toute entière à
G ib o n !
M ais la v é rité se fait jo u r quelquefois i\ travers le
b o u rd on n em en t des passions ; et m algré sa résolution
bien prise de trom p er la justice sur le f a i t , le sieur
G ib o n n’a pu retenir cette expression de son âme dans
laquelle il s’est peint tout entier.
Il n’eut pas m anqué non p l u s , s’ il n ’eût cru p o u v o ir
prétendre à l’h érédité de M a r ie -M a r g u e r ite , de dire à
la justice q u ’elle étoit asth m atiqu e, et accablée d ’iuiir-
�( s ) ,
mités ; que bien loin de p o u v o ir administrer au-dedans
et a u -d e h o rs, elle étoit six mois de l’a n n é e , au m o in s ,
incapable de se servir e lle -m ê m e , et que le plus souvent
sa sœur la soign oit, q u oiq u e boiteuse, q u oiq u e son aînée.
E lle n’eût encore été à ses y e u x q u ’un être inutile et
insupportable : elle ne lui a paru tout d ’ un cou p robuste
et a c tiv e , que parce q u ’il a cru que cette idée p o u v o it
rendre vraisem blable la singulière préférence q u ’il sup
pose à J e a n - L o u i s G i b o n , dans la distribution de sa
fortune.
A ussi le sieur G ib o n a-t-il principalem ent em ployé
ses efforts à jeter sur E x p e rto n une défaveur q u ’ il redoutoit p o u r l u i - m ê m e , et q u i à ses y e u x produisoit
ce double effet, et d ’élo ig n er ce q u ’il vedoutoit le p lu s ,
et de déverser sur lui toute la bienveillance de la justice.
P o u r cela il a fallu arranger artistement des faits controuvés et étrangers à la cause, faire un tableau infidèle
de la vie d ’E x p e rto n ', l ’accuser hautem ent d ’a v o ir en levé
l ’argent com ptant de sa tante, crier le p rem ier au v o le u r ,
tout cela p o u r détruire,d’avance PeiTet de cette accusation
contre lu i-m êm e ,.ç t ne laisser à son adversaire que l’ap
parence de la récrim ination.
M ais la justice ne se laisse pas entraîner par des illu
sions; la C o u r q u oiq u e moins à portée que les juges du
P u y de connoître spécialement les parties et les circons
tances de la cause, sera bien tô t convaincue que le tri
bunal près duquel l’intimé exerce ses fonctions, et q u ’on
dit lui a vo ir accordé tant de f a v e u r , n e s’est mépris
ni sur la ca u se , ni sur les personnes, ni sur l’application
, des principes du droit.
A
2
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(4)
F A I T S .
J e a n -L o u is, M a rgu erite et M a rie -M a rg u erite G ib o n ,
tous les trois célibataires, avoieut constamment cohabité
et vécu ensemble dans la plus grande intim ité à L a n d o s ,
leur pays n a ta l, lorsqu'ils vin ren t en la ville du P u y ,
se réu n ir à M a rie G i b o n , fçm m e E x p e r t o n , leur sœ ur,
et au sieur E x p e r t o n , leu r neveu : ils ne se sont plus
quittés ; la m o rt seule les a séparés..
O n n ’a pas à rechercher ici ni l’o r ig in e , ni l’ état de
la fortune du sieur E x p e r t o n dans les prem ières années
d e sa v i e ; on snit assez que les parties sont enfans du
frère et de la s œ u r, que leurs parens étoient de la m êm e
condition ; et si G ib o n a osé parler d’E x p e rto n com m e
d*un être m isé ra b le , n é dans l’in d ig e n ce , et destiné à
y traîner sa v i e , ce n’est là q u ’ un ton de m épris trèsm éprisable assurém ent, surtout en tre proches.
S’ il faut en croire G ib o n , ce fut encore p a r p itié que
son père reçut E xp e rto n chez lu i; c a r , à l’entendre, ce
sentiment p ou r ses proches seroit chez lui une vertu
héréditaire. M ais p o u rq u o i ces détails m in u tie u x ; p o u r
quoi surtout ces récits inexacts, étrangers à cette cause,
si ce n ’est p o u r p ro u v e r à tout le m onde q u ’il a besoin
de s’entourer d ’ une foule de petits moyens p ou r donner
une c o u leu r de vraisemblance h des faits q u ’ il suppose
capables de disposer favorablem ent les esprits? Il faut
donc parler des faits.
G i b o n , faisant scs études au P u y , habitoit et v iv o it
chez E x p e rto n p è r e , son oncle. Ses études fin ies, son
�( 5)
p ère l’envoya à T o u l o u s e , et à la m êm e é p o q u e , E x perton fut en v o yé chez le sieur G i b o n , son o n c le , pra
ticien à P radelles, où il p rit quelque teinture de pratique.
L o rs q u e G ib o n fils revint de T o u lo u se , érigé en avocat,
son p è r e , alors juge des lie u x , lui laissa son étu de; mais
com m e il lui étoit interdit de p ostu ler, il profita d ’E x perton , sous le nom duquel il commença sa fortune
p e rso n n e lle , sans q u e jamais E x p e rto n ait reçu ni de
m andé , m algré sa m is è r e , la m oin dre gratification. Son
p ère l’entretenoit ; et lorsqu’ il avoit besoin de quelque
chose de p lu s , il le demandoit à ses tantes de Landos.
A p r è s un certain tem p s, E x p e rto n revin t au P u y ; il
entra clerc chez J o u v e , p ro c u re u r, où il a resté plusieurs
années. L a rév o lu tio n su rvin t;,le s sieurs G ib o n père et
fils furent persécutés : et puisque l’appelant a cru néces
saire ou utile à sa cause de rappeler quelques traits bien
défigurés de la v ie d ’E x p e rto n , p e u t-ê tre sa m ém oire
auroit pu lu i fo u rn ir et son cœur surtout lui rappeler
la conduite que tint E x p e rto n envers sa famille et lu im ê m e , dans ces temps d’orage et de persécution.
M ais ce n’est pas ce dont il s’agit. 11 faut arriver au
fait de la cause.
E x p e rto n fixé au P u y , y fut d ’abord défenseur offi
c ie u x , puis reçu a v o u é ; la dame sa m ère quitta la c o m
pagnie de son fr è r e et de ses sœurs p o u r ve n ir habiter
avec lui. Ils vivo ien t paisiblement ensem ble, lorsque son
oncle et ses d e u x tantes vin ren t partager avec eu x la
tranquillité de leur mén.ige.
L a dame E x p e rto n m ourut la p r e m i è r e ; son frerc et
�. ( 6 )
ses d e u x sœurs ne continuèrent pas m oins de cohabiter
et de v iv re avec E x p e t t o n , leur n e v e u ; ce q u i d é m o n treroit assez, san s'qu ’ il ait besoin de le 7rem arquer luî—
m êm e , q u ’ il ne leur donnoit que des p r e u v e è d e respect
et d’attachement.
E x p e rto n avoit acquis une maison au P u y. Il est faux
q u e jamais celle de la v e u v e B enoît ait été vendue à Jean-Louis G ib o n : ce n’est l à ' q u ’u n fait a r tic u lé , com m e
tant d ’autres, p o u r le besoin de la cause.
L e sieur G ib o n , dit-on , ne cessa de s’en plaindre ! Cela
est bientôt dit, m aiscela p erd to u tesa vraisem blance quand
on avoue que L o u is G ib o n et ses sœ u rs, bien loin de
retou rner h L an do s où ils a vo ient encore leur habitation
m e u b lé e , su iviren t E x p e rto n dans là maison de la ve u ve
E sbrayat, q u ’il venoit d ’acq u é rir; quand on saura surtout
q u e J e a n - L o u i s G ib o n ne tomba pas malade peu de
tem ps a p r è s , et qu ’il vécut vingt-six mois sans se p lain d re,
toujours à la com pagnie d ’E xperto n ;
C e seroit une lég ère présom ption , :pcu t-ô tre, du m é
contentement de L o u is G i b o n , s’ il «voit testé im m édia
tement après la ve n te ; mais il sùifit’de rapprocher les dates
p o u r se convaincre du co nt ra ir e : la vente est de vendcmiaii-e an 1 0 , le testament du 25 frim aire an 1 2 , et le
décès d u 'm ê m e jour.
C e n’est pas le m om ent de s’appesantir sur les circons
tances du testament de J e a n - L o u i s
G ib o n . L e sieur
E x p e rto n sait, et le sieur G ib o n sait com m e lu i, que le
frère et les deux sœurs avoient eu constamment la réso
lution de se laisser m utuellem ent leur fortune : tous trois
�( 7)
célibataires et d’un âge a v a n c é , leurs besoins et leurs
habitudes étoient les m ê m e s, leurs affections récip ro
ques égalem ent distribuées.
L e sieur G ib o n sait aussi que pleins de gratitudes p o u r
les attentions et les égards d ’E x p e rto n , leur intention
étoit aussi de lui laisser sinon to u t, au moins la majeure
partie de cette fo rtu n e; sans cela1 p o u rq u o i tant de p r é
cautions et d ’efforts p o u r les en d é to u rn er?
Q u o i q u ’il en s o it, ce testament est fait au profit de
M a rg u erite ; en quoi certainement il ne faut ni tro uver
ni ch ercher aucun m o tif d’exclusion p o u r E x p e r t o n , mais
l ’idée bien naturelle de laisser q u elq u ’aisance à sa sœur dans
un âge a v a n c é , ou p o u r m ie u x d ire, à ses: sœurs, puis
q u ’ une lon gue habitude de v iv r e ensemble les avoient
rendues nécessaires l ’ une à l’a u tre , et q u ’ il n’a voit pas de
raison de croire q u ’elles dussent jamais se séparer.
Ici le sieur G ib o n disserte beaucoup sur les intentions
d e son oncle ; car il établit toute sa cause sur la vertu
de certaines présom ptions q u ’il croit a vo ir rendues v ra i
semblables.
E t d ’abord il avance que son oncle s’en étoit ouvert
au curé de L a n d o s , en
quoi le sieur E xp erto n est
fondé à croire q u ’ il eût été plus réservé si le curé de
L an dos ne fut pas décédé dans l’ intervalle ; car p réci
sément le sieur G ib o n lui avoit dit plus d ’ une fois q u ’il
v o u lo it laisser ses biens :\ M a r g u e r it e , sa sœur aînée.
G ib o n ajoute q u ’ Experton lui-m êm e s’est vanté d’a vo ir
dirigé le testament au profit de M a rg u e rite ; ce qui
d ’abord est in e x a c t , et en second lieu ue seroit <l’au
cune conséquence.
�( 8 ) .
E n p rem ière instance, il étoit allé plus l o in ; il avoit
avancé q u ’E x p e rto n étoit présent au testam ent, et q u ’ il
l’avoit inilnencé directem en t; E x p e r t o n , sur le c h a m p ,
offrit de s’en rapporter à la déclai-ation du notaire, tout
d é v o u é q u ’ il étoit aux intérêts de G ib o n : on se tut.
G ib o n détaille ensuite une foule d’actes qui suivirent
le décès de son o n c le ; il.p réten d en tirer la conséquence
que M a rg u erite se considéra et fut reconnue com m e
seule héritière. M ais que prou veroit le fait en lui-m êm e?
tous les actes sont consentis par. M a rg u erite ; d’ailleurs,
on le r é p è t e , les deu x sœurs viva n t ensem ble, adm inistroient également ; quand l'une étdi.t m a l a d e , l ’autre
s’en occupoit p l u s spé c ia le m en t ; et tous les actes se
faisoient au nom de M a rg u erite , c’est-à -d ire, de celle
au profit de qui é to it.d irig é le-testament.
N ous arrivons a u x événem ens qu i se rapprochent le
plus de la m ort des deux sœurs. Ici le sieur G ib o n a
coulé fort rapidem ent : les actes de la cause vo n t ap
prendre q u ’il a été au moins im prudent en accusant
E xp e rto n de sp oliatio n , sans p re u v e s, sans indices, sans
le m oindre adm inicule qu i pût justifier cette gra ve in
culpation.
D ep uis près d ’ un an E x p e rto n , dont on exagère tant
la p r é v o y a n c e , avoit reçu dans sa maison 1 1 dame G ib o n ,
sœur de l’appelant : scs deu x taules étant l’une et l’autre
fort cassées, la dame G ib o n les soignoit; elle étoit à la
tête du m énage com m un. L e sieur G ib o n ne manqua
pas de mettre à profit cette circonstance.
M a r i é - M a r g u e r i t e G ib o n fut fr ap p ée d ’a p o p l e x i e , le
7 v e n d é m ia i r e an 14 > dit -on ; E x p e r t o n étoit a b s e n t, il
ne
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ne revin t que d ix jours après cet accident, sur l’avis que
lui en donna la dame G ib o n , en lui m andant qu ’elle
avoit tous les soins possibles de sa tante. Il trouva sa tante
assez m a lad e, entourée de diverses personnes : la dame
.Gibon ne la quittoit pas un instant.
- C ’est au m ilieu de tous ces surveillans, intéressés p o u r
la p lu p a r t, et m êm e pendant son absence, q u ’on l ’accuse
d’a vo ir enlevé l’argent de sa tante.
E x p e rto n ignore si sa tante avoit une somme d ’argent;
mais à le supposer ainsi, ce qui peut ê t r e , au moins estil bien certain q u ’on n’a pas à lui en dem ander com pte.
J u s q u e - là on avoit gardé des mesures p o u r amener
les deux tantes à disposer au profit de G ib o n ; cet é v é
nement donna plus de hardiesse; peut-être trouva-t-on
dans l’enlèvem en t de l’a rg e n t, et un bénéfice n e t, et le
m oyen de noircir E x p e rto n dans l ’esprit de sa tante.
Q u o i q u ’il en soit, un testam entfutdressé le 12 brum aire
an 1 4 , sous le nom de M a rguerite. F u t - i l consenti par
l ’aînée ou la plus jeune des deux sœurs? l’acte lui-m êm e
ne décide pas cette question ; mais il ne faut pas en omettre
les circonstances.
L a testatrice fut conduite chez E y r a u d , n o ta ire, le soir
très-tard; le testament fut dressé; et ce q u ’ il y a de plus
sûr au m o n d e , c’est q u ’elle ne le dicta pas, que m êm e
elle ne déclara pas spontanément les intentions q u ’on lui
p rê te ; cependant l’acte en fait foi.
C e q u ’ il y a de certain aussi, et le sieur E xp erto n en
prod uiroit la p reu ve s’ il ne vo u lo it pas garder certains
inénagemens , c’est q u ’il fut dressé avant la venue de
�OJ&x £r*b( 10 )
quelques tém oins; qu e l ’ un d’e u x , au m oins, fut appelé
tr è s -ta r d p o u r signer un te sta m e n t; q u ’il prom it d ’y
a lle r ; q u ’ il y alla en e ffe t; qu’ il ne co n n o isso it pa s la
te sta trice ,• que néanm oins on le fit signer com m e tém oin
du testament ; q u ’ il y répugn a d’abord ; que cependant il
le fit parce q u 'il Va voit p rom is. L e sieur E x p e rto n ne
sait pas s’ il eu fut de m êm e des autres, mais il a droit de
le soupçonner.
Cette tante q u i , suivant G ibo n , s’exhaloit en rep ro
ches et plaintes amères contre E x p e r t o n , sur l’eulèvem en t
de son a rg e n t, cette tan te, à qui on arrache une insti
tution au profit de G i b o n , ne lègu e pas moins io o o fr.
à E x p e r t o n , h u i t ’ou d ix jours après ce prétendu v o l :
quelle invraisem blance!
M arie-M argu erite G ib o n vécut jusqu’au n mars 1809;
et c’est ici q u ’il faut encore se fixer sur la conduite de
G ibo n .
Ce n’étoiè pas assez p o u r lui de p o u v o ir se dire héritier
de la plus jeune des sœurs; et q u o iq u e , suivant l u i , la
fortune de l’oncle lui appartînt déjà en e n tie r, il ne jeta
pas moins ses regards sur le m od iq u e patrim oine de
l ’aînée.
Q u e l fut son b u t ? c r a i g n i t - i l que la fortune de son
oncle ne lui fût pas bien assurée par le prem ier testa
m e n t ? v o u lu t-il, par un acte p u b lic , faire prendre une
fois eu la vie à M a rgu erite le nom de M a r g o u to n ? Ce
fut peut-être l’ un et l’autre ; mais c’est ce qu ’il im porte
peu de rechercher.
G ib o n étoit venu au P u y p ou r com m ander le testa-
�( ii )
ment du 12 b ru m a ire ; il y revint encore après le décès
de M a r ie - M argu erite : et p o u r ne pas faire un voyage
in fr u c tu e u x , il m it p o u r la seconde fois tous ses aflidés
en m ouvem ent.
L e 17 m a rs, de grand matin , M a rg u erite G i b o n , dans
la maison m êm e d ’E x p e r t o n , est tout d ’un coup assiégée
p a r un n o t a ir e , des t é m o in s , et toutes les personnes qui
l ’entouroient. O n com m ence un testament q u ’elle ne
v o u lo it ni dicter ni faire; déjà le p réam bule étoit r é d ig é ,
et bien entendu M a rgu erite appelée M a rg o u ton : le
notaire en étoit à l’institution d ’h éritie r, lorsque E x p e rto n
a rrive inopiném ent.
E to n n é de cette assemblée, il in terro ge; on lui ré p o n d ;
il somme alors le notaire d’ interpeler sa tante en sa p ré
sen ce, et devant les té m o in s, afin de savoir qui elle entendoit instituer ; elle répond : m on neveu d ’i c i ,* on veut
plus d ’explication , on lui demande si c’est G ib o n ou
E x p e r to u ; elle répon d : E x p e rto n . A lo r s le notaire
déclare qu ’ayant été en v o yé par G ib o n p o u r recevoir
un testament en sa fa v e u r , et croyant q u ’en effet ce seroit
l ’ intention de la testatrice, il seroit inconvenant q u ’il
rapportât au sieur G ib o n un testament fait au profit d’ un
autre. E x p e rto n lui perm it de se retirer.
V o i l à le fait dans toute son exactitude; et en ce sens
il est vrai q u ’ il empecha la confection du testament, si
toutefois on peut croire que le notaire l’eut achevé dans
le sens du sieur G ib o n . Mais poursuivons.
Il est prcsqu’ inutile de rappeler en passant q u e , le
19 mars au matin , M argu erite G ib o n fil son testament
et disposa de ses biens au profit d’E xperton. Il 11’y eut
B 2
�certainement d’affectation ni dans le nom qu ’elle y prit
puisque c’étoit bien le s ie n , ni m êm e dans le c h o ix du
no taire; car il e s t, à juste titre , dépositaire de la con
fiance publique.
D ep u is la maladie de M arie - M a rg u erite , Ta dame
G ib o n avoit introduit dans la maison A n n e M ia l h e , sa
p a re n te , qui lui aidoit à servir ses tantes, et qui étoit
tout aussi d é vo u ée q u ’elle aux intérêts du sieur G ibon .
E lles avoient tout à leur disp ositio n , m êm e les clefs des
armoires : E xp erto n n’en concevoit pas la m oindre d é
fiance; il semble q u ’il se plaisoit à s’aveu gler volontai
rement.
L e sieur G ib o n désespéroit d’arracher désormais .au
cunes dispositions de M argu erite ; par cela seul il doutoit
beaucoup de v o ir accom plir ses vues sur la succession
de ro n d e : il jugea prudent de s’em parer de ce qui étoit
sous la main.
L e 20 mars au m atin , E x p e r t o n , à peine l e v é , entre
dans la cham bre de sa tante; il y trouve G i b o n , A g u l h o n ,
son beau-frère, et A n n e M ialhe. Ils étoient entourés de
paquets de linge et d ’autres eiTets q u ’ils avoient retirés
des armoires : A n n e M ia lh e aclievoit de coudre le der
nier. Sous le prétexte d ’em porter les bardes personnelles
à M a r ie -M a r g u e r ite , déjà d é c é d é e , le linge des deux
tantes avoit été mis dans ces paquets, dans la chambre
m êm e où M a rg u erite étoit fort mal : E x p e rto n s’opposa
à l’e n lè v e m e n t .
M ais déjà les p apiers, les obligations et mitres pièces
importantes étoient entre les mains de G i b o n , com m e
on s’en convaincra facilem ent; ce m êm e jour il requit
�;
( 13 )
l’apposition des scellés : le procès verbal va p ro u v e r ce
q u ’on vient de dire.
Il faut rem arquer d’abord que G ib o n , nanti des titres
et o b lig a tio n s, G ib o n qui avoit voulu sans aucune p ré
caution préalable enlever le m obilier, G ibon qui prétend
a vo ir toujours cru q u ’il étoit seul héritier de son oncle,
annonce par ce procès verbal q u ’ il n’entend se porter
héritier de sa tante qu e sou s bénéfice d?inventaire.
L e juge de paix se p résen te; E x p e rto n lui déclare
q u ’ il consent à l’ap p o sition , mais q u ’il se réserve tous
ses dro its, notamment con tre les d isp osition s testam en
ta ires d ont e x cip e G ib on .
Il ajoute que le matin môme il a tro u v é dans la cham bre
A n n e M ia lh e ......... laquelle s’est permis d’o u v rir les ar
m o ires, d’en extraire le l in g e , d’en faire des tas; et il
invite le juge de paix à le constater.
M o n t é dans la c h a m b re , il trouve A n n e M ia lh e fort
p rép arée à sa réponse : Il faut faire connoître ici cette
partie du procès verbal.
« A v o n s tro u v é une fille qui nous a dit s’appeler
« A n n e M ia l h e , donnant des soins à d e m o iselle'M a rgouton , ne la co n n a issa n t sou s autre n o m ........qui
« nous a dit que ce matin elle a trou vé dans la p och e
« de ladite M argouton des clefs ,• qu'elle en a ouvert les
« a rm oires , et en a extrait le linge et autres effets q u ’elle
« savoit appartenir ¿\ la d éfu n te, p o u r les rem ettre à q u i
« de d ro it; qu'au m om ent où elle faisoit l’o u ve rt u re des
« a rm o ire s, et fermoit les p a q u e ts , M M . E x p e r t o n ,
« G i b o n et A g u l h o n sont a r r i v é s ; » mais elle é c h a p p e
ly ^ E x p cr to n n éto it arrivé que le dernier.
'
�C m )
Ln justice -sera-t-elle donc o bligée de s’en rapporter
à cet h é ritie r bén éficia ire ? est-il donc si in g é n u , si fa
v o ra b le , q u ’ il fa ille , sur ses assertions, croire à la m al
honnêteté de son adversaire, et lui faire perdre en m êm e
temps sa cause et sa rép u ta tio n? M ais poursuivons.
M a rg u erite G ib o n décéda le 27 m a rs; G ib o n ne ré-r
clam oit pas la levée des scellés; E x p e rto n fut obligé de
pren dre l’ initiative. Ils furent levés le 17 a v r i l , et le
m ê m e jour D u r a s t e l, notaire commis par le président
de p rem ière instance, procéda à l’inventaire. Il est encore
essentiel de rappeler ici quelques parties de ce procès
v e r b a l; il p rou vera co m b ien , dès le p rin c ip e , E xp erto n
s’est m o n tré avec franchise , et com bien au contraire
Gil>on a refusé de s’exp liquer.
E x p e rto n a vo it appelé ses tantes par leur n o m ; G ib o n
le tro uve mauvais : il dit q u ’il n’a p p ro u v e pas les dési
gnations données aux deux tantes, parce q u e lle s so n t
con tra ires au p rocès v erb a l d 'a p p osition de scellés ; et
en effet il avoit eu grand s o i n , lors de ce procès v e rb a l,
de don ner aux deux tantes les noms qui lui convenoient,
espérant s’en faire un titre d o n t ,a u reste, il recounoissoit
le besoin.
E x p e rto n lui rép liq u e avec raison que ce procès verbal
ne peut ré g le r ni les n o m s , ni les qualités de ses tantes.
A p r è s l’in v en ta ire , G ib o n répète avec une affectation
rid ic u le , et qui dém ontre son peu de fran ch ise, q u 'il
ne c o n n o is s o itp o in t M a r ie -M a r g u e r ite , mais bien M a r
guerite G ib o n , sa ta n te , p rem ière décédée ; il ajoute
que sa tanle lui a rép été plusieurs fois q u ’E xp crto n lui
avoit en levé son o r , son argent et ses papiers.
�( iS )
I l ne sauroit être fastidieux i c i , de rem arquer les
reproches que lui lit E xp erto n à la suite de l’in ven taire,
et la m anière dont il y répondit.
« E xp erto n n’est pas étonné que G ih on méconnoisse
« sa tante qu ’ il n’a g u ère f r é q u e n té e , si ce n’est lors
« de ses dernières maladies , p o u r lui surprendre une
« disposition nocturne.
« Il soutient que l’imputation de soustraction est fausse
« et calom nieuse; que c’est par cette invention et autres
« suggestions perfides que G ib o n , la dam e G ib o n , sa
« s œ u r , A n n e M ia lh e et autres personnes commises par
« G i b o n , que ce dernier a cherch é à détou rn er les dispo
se sitions amicales et favorables de ses tantes p o u r lui.
«
«
a
«
« Q u ’à cette ép o que M a r i e - R o s e G ib o n habitoit la
m aison, et «voit seule le soin de toutes les aifiiires du
m énage de ses tantes; que G ib o u lu i - m ê m e l’a vue
lib rem en t, a m angé et lo g é dans la maison tant que
cela lui a fait plaisir.
« R é p é ta n t que le jour du procès v e r b a l, à six heures
« du m a tin , il trouva dans la cham bre A n n e M ia lh e ,
« les sieu rs G ib o n t t A g u lh o n q u i avaient ouvert les
« a r m o ir e s , et les a voient f o u illé e s , c ro y a n t E x p e r to n
« encore au lit. »
V o ilà une accusation bien g r a v e , consignée dans un
acte p u b lic , faite à la luce de celui qui en étoit le mi
nistre; une accusation enfin q u ’ un h om m e d é lic a t, in
justement offensé ne supporte pas un seul instant. Q ue
répond G ibon ?
R ien sur le fait. Il trouve que ce sero it s'a m u ser qu e
tfjr r é p liq u e r ,* il se réserve d’agir ainsi q u ’il aviseru. E t
�( ,i 6 )
cri effet ce fait résultoit déjà du procès verbal d ’a p p o
sition de scellés; il étoit vrai en lu i-m ê m e ; il falloit des
réflexions p ou r y répondre.
Suivons l’ordre des faits, et ne faisons pas com m e le
sieur G ib o n , qui p o u r tirer une fin de non-recevoir ch i
m ériq u e d’ un jugement au possessoire, a jugé à propos de
les transposer, tellement q u ’après a vo ir traversé l’année
1809 on se tro u ve tout d ’un coup au 19 juin 1806.
D ès le 21 avril 1806, E x p e rto n fit notifier à certains
débiteurs de J e a n - L o u i s G ib o n un acte par lequel il
leu r déclare q u ’ il a été instruit de leurs dettes; q u ’ il a
été averti aussi que les titres ou billets qui constatent
la cfréance sont entre les mains de G ib o n : il leur fait
défenses de le payer.
L es procédures se continuent sans in te rru p tio n , jus
q u ’au m om ent o ù , forcé de. prendre un p a r t i, G ibo n
prend le fait et cause des d é b ite u rs , et intervient p our
faire cesser les poursuites; et en 1806 la cause.s’engage.
Il est inutile de détailler ici aucun des actes de possession
respectivem ent faits, p uis qu ’ ils ne peuvent être d ’aucune
con séqu en ce; il suffit de sa vo ir que sur une citation en
co n ciliatio n , donnée par E xp e rto n à divers détenteurs des
biens de L o u is G ibo n , les uns opposèrent des contrats de
vente , d’autres des baux à ferm e ; que dès-lors E x p e rto n
abandonna sa demande en désistement, et leur fit c o m
m a n d e m e n t de payer le p r ix des bau x de ferme. Ils y
f o r m è r e n t opposition ; G ib o n intervint p o u r prendre leur
fuit et cause; et c’est ainsi que la cause a été liée devant
le tribunal du Puy»
Pu isqu ’on a parlé de conclusions, il faut en parler aussi
pour
�C *7 )
p o u r redresser le fait. E xp e rto n , en présentant une requête
contre le sieur G ibo n , y conclut à être m a in ten u et ren
voyé dans la prop riété et jo u is s a n c e ........à ce q u ’ il soit
fait défenses’ à G ib o n de l’y troubler de n o u v ea u . Il n’y
-a donc pas de sa part une simple demande d 'en voi en
p ossession : mais le sieur G ib o n ne s’attache pas à une
g ran de exactitude dans les faits.
C ’est pendant l’instance, et en 180 8, que s’est élevée
la querelle possessoire dont on a parlé : c ’est en 180 9,
c’est-à-dire, au m om ent où la qualité des parties alloit
être jugée sur contestation r é c ip r o q u e , qu ’est rendu le
jugem ent possessoire dans lequel on donne fort adroi
tement au sieur G ib o n la qualité d ’héritier de M a rg u erite
G i b o n , qui l’étoit de J ean -L ouis.
E t aussitôt, fertile en petits m oyens dont il sent gran
dement le besoin , G i b o n s’écrie : E x p e rto n a reconnu
mes droits et la v é rité du f u i t , en ne form ant pas o p p o
sition aux qualités, dans une instance où il ne s’en ngissoit
p a s , q u o iq u ’ il me contestât form ellem ent cette qualité
dans le m êm e tem ps, et que ce fût l’ unique objet d’ un
procès au pétitoire. Q u elle p itié !
Q u o i q u ’ il en s o it, le tribunal du P u y a pron o n cé
sur le fo n d ; son jugem ent n’a d’autre base que les titres
et actes respectivement produits : il déclare q u ’une fille
qui est baptisée'sous le nom de M a r g u e r it e , qui dans
tous les actes a sans cesse été appelée M a rg u e rite , s’appelle
encore M a rg u erite ; et q u ’ un testament au profit do M a r
g u e rite , de la part d ’ un frère q u i v iv o it avec elle dans
l ’ in tim ité , ne peut profiter q u ’à M a r g u e r it e . C ’est là tout
�( i8 )
le secret des premiers juges'; il s’agit de savoir si en la
C o u r on trouvera m oyen de p ro u v e r le contraire.
L ’essayer avec des m oyens de droit isolém ent, la ten
tative seroit un peu hardie ; aussi on cherche principa
lem en t, non pas à. attirer directement la faveur sur soim ê m e , car on n’a aucun titre p ou r y p ré te n d re , mais à.
l ’obtenir indirectem ent, en s’efforçant de couvrir>son ad
versaire de d é fa v e u r, par une masse de faits tous inexacts,,
et p o u r la plupart étrangère- à la cause.
E xam in on s d o n c , i° . si, en d ro it, le testament dont
il s’agit peut appartenir à tout autre qu’à M a rg u erite
G ib o n qui y est d é n o m m é e ;
2°. E t à toutes fins, quelles conséquences p ou rraien t
résulter des faits articulés p a r l’apptilanf.
11 est de principe que les actes font foi de leur co n
tenu; et q u o iq u ’en g én é ra l dans les clauses douteuses ou
obscures, il faille moins s’attacher à la lettre q u ’à l’inten
tio n , potiùs vohintatem qu iim verba s p e c ta r i, cette e x
ception s’a p p liq u e seulement au cas où l’intention résulte
de 'l ’acte m ô m e , et où le sens^ ‘littéral des termes la con
trarie. La loi veut alors q u ’on ne s’arrête pas trop rigou
reusement à ^ expression, parce que bien loin d ’exécuter
l ’acte, ce seroit s’écarter de la vo lo n té des parties dont
il est le dépositaire.
M a is , par la m êm e raison, lorsque les actes ne sont
pas obscurs, elle ne perm et pas d ’en altérer la substance,
ni d ’en e x p liq u e r les dispositions par des circonstances
prises hors de l’acte lui-m êm e : C on tra scrip tu m 'testi
m on iu m non scriptu m testim o n iu m non J e r tiir .
�( 19 )
C ’est ce que nous dit spécialement D o m a t pour le cas
du testament. « Si la disposition du testament se trouve
« ex p liq u ée bien nettement et précisém ent, il faut s’en
« tenir au sens qui paroît p a r l’expression* »
Cette m axim e est de toute antiquité; elle tient à l’ordre
p u b l i c , qui ne veut pas q u ’on se permette de porter
atteinte à la foi qui est due aux actes, surtout aux actes
publics. Aussi le législateur s’est-il exp rim é dans les termes
les plus fo rts, et a - t - i l sem bla v o u lo ir ôter tout moyen
d ’élu d er la rigueur du principe par des interprétations
arbitraires, eu disant : « Il n’ est reçu aucune p reu ve par
« tém oins con tre et outre le contenu aux actes, n i su r
« ce q u i se ra it allégué a v o ir é té d it a v a n t , lors ou
« depuis les actes. » Q u o i de plus form el ?
C ’est encore un principe certain qu e le ministre d ’ un
acte public est toujours présum é de droit l’avo ir fait
con fo rm ém en t aux lo is; et que dans le cas m êm e d ’ une
lég è re infraction qu i ne touche pas à la validité de l’acte,
cette infraction doit être p ro u v é e par l’acte m ê m e , sans
q u o i il faut dire q u ’elle n’existe pas; car on ne présume
pas davantage l’erreur que 1q d o l, surtout lorsqu’elle scuoit
accom pagnée de désobéissance envers la loi.
C ’est donc le testament lu i-m ê m e , et le testament seul,
q u ’ il faut con sulter; c’est lui qui est aux yp u x de la loi
l’ unique dépositaire do la v o lo n té du testateur; c'est sur
lui que doit uniquem ent reposer la décision de la justice.
Q u ’y v o it-o n ? le testateur, sqns la m oindre ainbiguiiij,
institue p o u r son h éritière M a rg u erite G ib o n , sa sœ u r y
h a b ita n te de ta ville du P u y , fin sa com p agnie.
C 2
�(
20
)
Ilien de moins obscur , de moins éq u iv o q u e ; c’est
M argu erite G ib o n qui est instituée.
C ’est donc celle dont le nom est M arguerite ; celle, par
con séqu en t, à qui on l’a donné lors de son b ap têm e;
car c’est aux actes de baptêm e ou de naissance q u ’on
reconnoît les in d iv id u s; ce sont eux qui tém oignent de
leu r nom , de leur état, de leu r famille.
Il semble donc q u ’en prenant d ’ une main le testament,
et de l ’autre les actes de naissance, il seca facile de dém êler
la légataire ; car toutes les sœurs habitant avec le testa
t e u r , dont le nom ne sera pas M a rg u e rite , seront exclues
de sa succession, et celle-là feule à qu i ce nom appar
tiendra pourra se dire héritière.
Ce n’est pas cependant que le nom de l ’institué ou<
du légataire soit d’ une telle nécessité q u ’on ne puissepas y suppléer. S i , par e x e m p le , le testateur, voulan t
instituer uu de ses enfans, et n ’en disant p a s.le n o m , le
désigne de-telle m anière-qu’il soit impossible de le m éc o n n o îtr e , le testament ne lui profitera pas moins.
Si m ê m e , appelant celui q u ’ il institue d’ un nom qui
n’est pas le s ie n , il le désigne p ar des circonstances ou
des expressions qui tém oignent précisém ent celui q u ’il'
a vo u lu instituer, la connoissance certaine de sa volonté
suffit, q u o iq u ’ il y ait erreur de nom..
Ces exem ples sont ceux de la l o i; ce sont ceux m êm e
que citü le sieur G ib o n p ou r les ap pliquer très-im prop rem en t à sa cause : Si quidem in nominc...... légatarii
testator crravcrit, c u m
minùs valet'legatum.
de persona c o n s t a t
29,
Inst,.de Lcg.
, 7ii/iiIor
�( 21 )
C ’est encore le langage de la loi 4 , Cod. de Testatn .
S i in fw m in e........testator e r r a v e n t ,
nec
t a m e n
de
error h u ju sm o d i n iliil
o ffîcit v e r ita ti ; et sur cette loi la glose ajoute : C u m
QUO
SENSERIT
in cer tu m
SIT,
certu m sut de qu o sensit.
O n le v o it : ces exemples ne sont que la conséquence
des p rin c ip e s'q u ’on vient de d é d u ir e , de ces principes
élémentaires, que dans les doutes ou les obscurités d’un
acte il faut suivre l’ intention, lorsque d ’ailleurs elle est
évidente par l’acte m êm e, q u o iq u ’elle paroisse contrarier
le sens littéral des termes.
M ais q u ’on se garde bien de penser que-la lo f, pr.r ces
expressions, perm et de recherch er la v érité et l’intention
réelle du testateur hors du testament; ce seroit s 'é leve rouvertem ent contre les principes les plus certains du
droit. Si on lit quelques lignes de plus de la loi rom aine,,
on en sera encore m ieux convaincu.
A p r è s a vo ir parlé de l ’erreur de nom du lég a ta ire, et
décidé q u ’une désignation précise peut y su p p lée r, cu m
de persona c o n s ta t, l’em pereur Justinien p révo it le cas
où le nom sera bien celui de l’institué, mais la démons
tration fausse; et il dit au §. 30 des Institutes, de L ég a t. :
H u ic p r o x im a est ilia ju r is régula. F a lsâ detnonstration e legatum non p e ritn i • v clu ti s i quis ità legaverit :
S ty ch u m m eam ver nam d o , lego. L ic e t zmrn non v crn a , ■
sed ernptus s i t , u tile est legatum . Il ajoute immédiate
ment : E t con ven ien tcr s i itîi dem on straverit : S ty ch u m
m eum queni à S cïo e/ni , sitq u e ab a lio c/n ptus, u tile
est legatum Si D E SEI I VO C O N S T A T .
Cette r è g l e , com m e on le v o i t , est tirée du m êm e
�( 22 )
p rin cip e que la p réc éd en te; elle est fondée sur ce q u e ,
dans les deu x cas, l’esclave est suffisamment désigné par
sou nom de S ty ch u s, et parce q u ’ il est évident q u ’ il y a
erreur dans la démonstration. C ’est ensuite pur surabon
dance de p ré c a u tio n , que dans ce dernier cas la lo i ajoute:
S i de servo con stat.
L ’argum ent à tirer de cet exem ple de la loi s’aperçoit
avec facilité. L o rs q u ’en parlant de la fausse démonstra
tion elle dit qu ’ il ne faut.pas y a v o ir é g a r d , c’est parce
q u e le nom de l’esclav^e est disertement écrit dans le tes
ta m e n t, et q u ’alors la dém onstration n’est pas considé
r a b le ; encore a j o u t e - t - e l l e S i de serv o c o n s ta t, parce
q u ’ il est possible que le nom seul ne le désigne pas assez
disertem en t, com m e s i , p ar e x e m p le , il y a voit deux
esclaves du m êm e n o m ; 'e t ; c ’est ce q u i dém ontre encore
,m ieu x q u ’il ue faut pas cherch er hors du testamçnt les
preuves de la vo lon té du testateur.
C ’est le langage des auteurs. D o in a t , qui le disoit assez
d an s.le passage cité par r a p p e la n t , s’e xp rim e bien plus
form ellem ent dans le § . i 5 : « h n c o r e q u 'il so it v r a i
« q u e f in ten tion
«
c’e s t
«
MENT
doive cire préférée à P e x p r e s s io n ,
seu lem en t
FAIT
lorsque
CONNOITRE
la
CBTTE
suite
du
t e s t a
INTENTION,
-
m a is
« n on dans le ca s où rien ne f a i t d outer du sens de
« l'exp ressio n ; c a r alors la seule présom ption q u i peut
« être reçue est q u e le testa teu r a d it ce q u 'il voula it
a d ir e , et n 'a p a s vo u lu dire ce q u 'il n 'a pas dit. »
Sans nous épuiser ici en citations, remarquons seu
lement que l’art. 5 o de l’ordonnance de 1 7 3 5 , et le passape cité de R i c a r d , qui se rapporte au mêm e cas, n ’ont
�c*s)
pas le m oindre rapport à l ’espèce a c tu e lle , et décident
seulement qu ’en pays de droit é c r it, où la p ré te n tio n
étoit ad m ise, il n’étoit pas nécessaire d’appeler chacun
des enfans par son nom , et q u ’on pou vo it les désigner
m êm e p ar cette expression générale : C h a cu n de m e»
en fa n s.
Ces principes et ces exemples posés , quelle application
peut-on en faire à la cause? R ien de plus facile à décider.
Si en instituant M a r g u e r ite , le sieur G ib o n avoit
a jo u t é , m a sœ u r la plus je u n e , ou qu elqu ’autrc dési
gnation tellement spéciale q u ’il fût facile de la reco n D o itre , a lo r s , il faut en convenir., il y-auroit difficulté
d’a p p liq u e r le testament à M a rg u e rite ; et c’est ici le cas
de rép o n d re à l ’argum ent tiré de l’article 2148 , et à
l’exem ple de l’inscription hypothécaire.
O u i sans d o u te , tout est do rigu eu r dans une inscrip
t io n , et cependant une désignation spéciale et individuelle
suffit, mais à condition que la désignation spéciale soit
dans l’in scrip tio n ; car si elle n’y est p a s , l’ inscription
est nulle : y e û t - i l m ille et une circonstances hors du
b o rd e re a u , elles ne seroient d ’aucune utilité. Ici le p rin
cipe est le m êm e ; et si le sieur G ib o n veut souffrir l’ap
plication de l’exem ple q u ’ il a lui-même p o sé , on y adhère
sans p ein e , et la cause sera bientôt jugée.
M a is Jean-L ouis G ib o n ovoit deux sœurs également
célibataires, toutes deux Agées, toutes deux habitant avec
lu i; l’une s’a p p e lle ’M a rg u e rite , l’autre M a rie-M arguerite.
Il donne à M a r g u e r ite , sans autre indication plus spéciale :
qui osera se p e rm c tlre , sans d é c o u v rir dans le testament
ui d o u te , ni a m b ig u ité , ni o bscurité, de décider que le'
�C *4 )
testateur, en désignant M a r g u e r i t e a eu en vue M a rieM arg u erite ?
O n sera donc le maître désormais de m épriser les
volontés des m ourans, sous le prétexte de les interpréter!
O n dit m ép rise r; car ce seroit dire réellem ent q u ’il n’a
pas été perm is au testateur d ’ instituer sa sœur Margue-,
r it e , sous la simple dénom ination qui lui étoit p r o p r e ;
que p o u r instituer M a rgu erite il a dû ajouter quoiqu’autre
désignation plus spéciale ; et que par cela seul q u ’ il ne
l’aura pas f a it , le testament doit profiter à M a r ie - M a r guerite q u ’il ne désigne m ê m e pas. Singulier p riv ilè g e !
A ussi se cro it-o n obligé d’avancer q u ’ il préféroit l’ une à
l ’a u tre , 6ans que rien l’a n n o n c e ; de faire de l’une un
personnage actif et robuste, et de l’autre un etre m aladif,
insupportable aux autres et à s o i-m ê m e , et précisément
en tirer la conséquence que de ces deux sœurs avec
lesquelles il a toujours v é c u , il a donné dos secours à
celle qui en avôit le moins besoin , et ôté toute espèce
de ressources à celle qui étoit incapable de se prêter à
elle-m êm e aucun secours. S in gu lier m o tif de préférence!
E n un m o t, sans disserter plus lo n g-tem p s, toute la
prévo yan ce des lois citées par le sieur G ib o n 6e réduit
à cette explication diserte et expressive d'un savant
auteur : L o c o n o m in is est certa dém onstratif).
A in si , le testament contient-il le nom du légataire
ou h éritier ? adjugez-lui le legs ou l’ hérédité.
A défaut de n o m , c o n tien t-il, com m e l’inscrip tion, une
d ésignation sp écia le s u ffis a n te , telle qiCon puisse reconnoitre dans tous les ca s F individu appelé; y a-t-il certa
d ém on stra tio n ordonnez encore l’exécution du testament.
Eu lin
�Enfin y a-t-il quelque a m b ig u ïté , quelque contrariété
entre la dénom ination et la désignation ? suivez l’ inten
tion du testateur : S i apparet de quo cogt tatum j'itit.
V o i l à la substance des principes sur cette matière.
O r , dans quel cas se trouvent les parties? évidem m ent
dans aucun des deux derniers : il ne faut donc pas appli
q u er les règles qu i leur sont p rop res; ce n’est donc le
cas ni de parler de désignation spéciale, ni de rechercher
l ’intention du testateur. L ’héritière est n o m m é e , sans
aucune autre désignation; il ne s’agit donc que d’exa
m iner à qui s’applique le nom ; et c’est ici le cas d ’exa
m iner la bizarre difficulté q u ’on élè ve sur M argu erite
ou M a rg o u to n .
N ous avons dit en c o m m e n ç a n t, et c’est en effet un
p r in c ip e , que le ministre d ’ un acte p ublic est de droit
présum é l ’avo ir fait con form ém ent aux lois.
U n e loi du 6 fructidor an 2. porte : « 11 est expressécc m ent défendu à tous fonctionnaix-es publics de désigner
cc les citoyens, dans les actes, autrement que par le nom
« de famille et prénom s portés en la c té de îia issa n ce. »
L e sieur G ib o n va se fâcher, car c’est une loi de l ’an 2.
Il ne faut donc pas se borner à cette citation ; voyons
la loi du 11 germ inal an 11.
A r t . i cr. v A com pter de la présente l o i , les noms en
« usage dans les divers calendriers, et ceux des person« nages connus de l’histoire a n c ie n n e , pou rro n t seuls
« être reçus com m e prénom s sur les registres de l’état
« civil destinés à constater la naissance; et i l est in terd it
« a u x ojjflciers p u b lics d'en adm ettre a u cu n autre dans
« leurs actes. »
D
�C
26 )
I ,’officier public ne doit donc em p loyer que le prénom
donné à l’ individu par les registres de l ’état c iv il; il est
donc présum é de droit l’avo ir fait a in s i, jusqu’à p reu ve
contraire écrite.
Ce n’est pas q u ’on prétende en tirer la conséquence
#que s’ il eût reçu le testament sous le nom de M a r g o u to n ,
celle désignation n’eût pu être suffisante, mais seulement
q u ’ il s’est servi du p rén o m lu i-m êm e , plutôt que d’em
p lo y er une corruption patoise qui n’étoit pas le nom de
b a p tê m e ;’la conséquence enfin qu'ayant désigné M ars,uer it e , et le testateur ayant une sœur appelée M a r g u e r ite ,
c’est à son profit q u ’est dirigée la disposition.
Q u ’on veuille p o u r un instant se défaire de l ’idée que
lfc testament concerne la plus jeune des de^ix sœurs.;, q u ’on
suppose, s’ il faut em p lo y er ce tei-me, que le testateur a
vo u lu désigner l'aînée, com m ent a-t-il dû s’e x p r im e r ?
Q u ’on se mette à sa place. Il savoit que sa sœur s’appeloit M a rg u e rite ; n’a - t - i l pas ren d u entièrement son
i d é e , en disant : J ’institue M a r g u e r ite , ma sœ u r? Sa
disposition u’est-elle pas parfaite, son intention rem p lie ?
Q ui osern le n i e r ? ’
M ais si cela est ainsi, qui osera declarer que son inten
tion étoit a u tre ? qui osera toucher au sens littéral de sa
disposition , sans craindre d’y porter une main sacrilège,
et de m é p ris e r, contre le vœu do la l o i , la volonté la
m ieux e x p r im é e ?
A llo n s plus lo in ; supposons que le testateur ait dit ou
dû dire au notaire : J ’institue M a rg o u to n , le notaire aura
su ou lui aura dem andé si M argouton est une corruption
de M a rg u e rite , et p o u r se conform er à la loi il aura écrit
�(* 7 )
M arguerite : la personne en sera-t-elle moins certaine?
l’intention du testateur ne sera-t-elle pas encore rem plie?
E t on oseroit dire et décider qu ’il a entendu instituer
tout autre !
L e sieur G ib o n savoit, disons-nous, que sa sœur s’ap .peloit M argu erite : témoin le certificat de civism e contre
lequel on se récrie si singulièrement. C e r t e s , si on eût
cru q u ’elle dût être désignée autrement dans un acte
p u b l i c , il faut penser que le 26 floréal an 2 , le sieur
G ib o n n’eût pas mis d ’affectation à fouiller dans le calen
d rier g ré g o rien p ou r y ch ercher un nom patronimique!
E n vain d i t - o n que c’est un acte iso lé; on défie d’en
citer un seul où elle ait pris le nom de M argouton .
M ais p o u r dém o n trer que c’est ainsi q u ’elle a toujours
été dén om m ée dans les actes, et p o u r convaincre le sieur
G ib o n q u ’il s’écarte un peu de In v é rité sur le fa it, il suffît
de le re n v o y e r au testament du 12. brum aire an 1 4 ; il
est fait par M a r ie -M a r g u e r ite , qui y p r e n d , o u , p ou r
m ieu x d i r e , à q u i on donne seulement le nom de M a r
guerite.
E lle fait un legs à sa sœur de l’ usufruit de ses biens,
en ces termes :
« J e donne et lègu e à M a rg u erite G i b o n , ma sœ u r,
« célibataire, native de L a n d o s , habitant eu celle ville
a du P u y , la jouissance, etc. »
E h q u o i! M a rie -M a rg u e rite G ib o n lègue à sa sœur
sous le seul nom de M a rg u e rite , et elle auroit pu p rétendreà l’ instant m ê m e q u e l’institution faite parson frère,
sous le m ôm e n o m , ue peut p roduire aucun ellet en sa
D 2
�(
28 )
fa v e u r! C ’est par trop abuser de la permission de jouer
sur les mois.
Rappelons encore ici l ’argument de l’inscription h y p o
thécaire.
Si les deux sœurs étant également créancières de leur
f r è r e , une inscription avoit été prise à la requête de
M a rg u e rite , à qui profiterai t-elle ?
L a question, sans d o u t e , serait bientôt d é cid é e; pas
un tribunal au m onde ne s’aviserait de juger contre le
texte form el de la l o i , q u ’entre deux sœurs q u ’aucune
autre indication ne d é s ig n e , on doit reconnoitre celle
dont le nom n’est pas identiquement le même.
Ce seroit une question d e s a v o ir , dans le cas où il
n’en existerait pus sous le nom de M a r g u e r it e , 'si l’ins
cription p ou rrait appartenir à M a rie -M a rg u erite.
M ais ce n’en est pas u n e , dès que M a rg u erite existe;
et certes personne au m onde ne décidera jamais que l’ins
cription, p ou r être valable et profiter à M a rg u erite , aurait
dû être prise sous le nom de M a rgo u to u .
L ’esprit h u m a in , ce sem ble, ne peut con cevo ir q u ’ un
seul cas d ’e x c e p tio n , c’est celui où les deux sœurs s’ap
pelleraient également M a rg u e rite ; et ce cas sans doute
serait le plus favorable dans lequel p ou rrait se placer
le sieur G ib o n . Q u ’en r é s u lte ra it-il? 11 suilit, p ou r le
d é c id e r, de se référer aux principes, aux dispositions des
lois q u ’on a déjà citées.
P artout nous avons vu que la disposition n’est valable
q u ’autant que la personne du légataire est certaine: C u m
de person a co n sta t....... cu m certu m s it de q u o sens i t ;
�( 29 )
Q u e la certitude doit se t r o u v e r dans le testament
m ê m e , com m e nous le dit M . D o m a t , et com m e le déci
dent ces lois elles-mêmes.
Si donc la personne est incertaine; si le testateur ayant
deux sœurs portant le m êm e n o m , le testament ne d é
signe pas l’ une plus spécialement que l’a u t r e , la disp o
sition est nulle. V o ilà tout ce que pourroit espérer le
sieur G ib o n dans la disposition qu ’on vient de faire : o r ,
nous ne sommes pas dans ce cas.
N ’en déplaise donc à la loi B a r b a r iu s P h ilip p u s ,
il im porte fort peu que l’aînée des deux sœurs ait pu
être usuellement appelée M a rgo u to n ; que la plus jeune
ait q u elqu efo is, m êm e habituellem ent p orté le nom de
M a rg u erite : aucune d ’elle n’a perdu ni son véritable
n o m , ni l’habitude de la distinguer par ce nom. M a r
gouton signifie M a rg u e rite ; et si le frère et la sœur se
sont servis de cette dénom ination patoise dans le com
m erce de la v i e , il est constant au moins q u ’ ils ne l’ont
pas fait toutes les fois q u ’ ils ont parlé d’elle dans des actes
p u b lics;
C ar le sieur G ib o n , dans le certificat de civisme de l ’an 2 ,
l’a appelée M a r g u e r ite , qu oique m êm e a lo rs, com m e
ensuite, elle fût M a rg o u to n dans l’ usage;
C a r M a r ie - M a r g u e r i t e , par son testament de l’an 1 4 ,
l’a appelée fri argue ri te.
D ’où il résulte q u ’ il est impossible à un hom m e rai
sonnable de d é c id e r, m êm e de présumer que M argouton
n été l'unique expression prop re à désigner certainement
l ’aînée des deux sœ urs, et que toute disposition laite
�( 3° )
sous le nom de M a rg u erite ne peut la concerner ; car
les actes de la cause tém oignent tout le contraire.
A in si donc le fait et le droit concourent p o u r justifier
le jugem ent dont est appel.
Il ne reste plus q u ’à exam iner la ressource que peut
tro u ve r le sieur G ib o n dans la p reu ve testimoniale q u ’il
oiFre.
A cet égard tous les principes se réunissent. Si la p reu ve
n ’est pas faite par le testament, rien ne peut y suppléer:
c’est ce qui résulte des lois déjà c it é e s , et de la doctrine
enseignée par M . D om a t dans le passage q u ’on a transcrit;
c’est d ’ailleurs ce qui d érive du principe q u ’ un acte fait
foi de tout son c o n te n u , et q u ’aucune p reu ve étrangère
ne peut eu altérer la substance.
C ’est enfin ce qui est disertement é c r i t , soit dans les
anciennes ordonnances, soit dans l ’art. 1341 du Code.
« Il n’est reçu aucune p reu ve p ar tém oins contre et
« outre le contenu a u x actes , n i s u r ce q u i sera it
« allégué a v o ir été d it a v a n t, lors ou depuis les actes. »
Si m êm e on vo u lo it articuler que le juge peut toujours
s’entourer des lumières que lui ollreut les présom ptions,
l ’argum ent s’ écarteroit encore avec la r t . 1363 du m êm e
C o d e , qui ne permet de les considérer que lorsqu’elles
sont g r a v e s , p r é c is e s , con cord a n tes , et dans les cas
seulem en t où la preuve testim o n ia le est adm issible.
A ussi l’appelant sentant bien la force de ces m oyen s,
cherch e à se placer dans un cas d’exception. II ne s’agit
p a s , d i t - i l , de p ro u v e r une convention q u i excèd e le
ta u x des ord on n a n ces ou de
rart. 134! du C o d e ; mais
�(3 0
il s’agit de suspicion, de supposition de personnes; et il
cite D a n t y , ch. 7 , et la loi 2 1 , ff. de T e slib u s.
Il ne s’agit p a s , il est v r a i , de p ro u v e r une conven
tion qui excède i5 o fr. ; mais il s’a g it , par une p reu ve
testim oniale, d’ajouter ou de retrancher à un a c te , de
rechercher dans des dépositions la volon té du testateur,
de p ro u v e r p o u r cela ce qui peut avo ir été dit avant et
d ep u is; et la loi p ro h ib e également l’ un et l’autre.
C om m en t le sieur G ib o n fera-t-il entendre q u ’ il s’agit
de supposition de personne ? Su r qu i se dirigera cette
accusation ? sera-ce sur E v p e r t o n ? mais- alord c’tfst une
proposition in in telligible; car le testament n’est pas son
o u v r a g e ; et quand bien m êm e il l ’auroit in flu e n c é , il
seroit difficile de con ce vo ir une supposition de personne.
Sera-ce le testateur? mais on ne le com p rend roit guère
m i e u x , et peut-être encore moins.
•
Il y a supposition de personne, lorsque p o u r p rofiter,
par e x e m p le , d’une h éréd ité, et l ’héritier étant m ort ou
ab sen t, un tiers se présente com m e cet h é r it ie r , suppose
q u ’ il est la personne instituée.
A in si , p o u r ap pliquer l’exem ple à la cause, Jean L o u is institue M a r g u e r ite , sa sœ u r; M argu erite décède
avant lu i; une autre sœ u r, qui ne s’appelle pas M a rg u e
r ite , s’empare de son extrait de naissance, et se l’a p p ro
p ria n t, réclam e l’h é r é d it é , prétendant q u ’elle est M ar
guerite. 11 y a supposition de p erso n n e, pince q u ’on a
caché qui on é t o it , parce q u ’on s’est présenté p o u r un
a u tre , parce qu ’en prenant le nom de son voisin on a
cherch é à s’a p pro p rier ce qui lui étoit lègue certa in e
m ent, Mais ici quoi de s e m b l a b l e ? M a r g u e r i t e n’a pas
�ÏA«C 32 )
supposé q u ’elle fût une autre q u ’e lle -m ê m e ; elle ne s’est
pas ap prop rié l’extrait baptistaire de sa sœ ur, en cachant
le sien p ro p re ; elle s’est présentée à la justice ( ou
quoique ce soit le sieur E xp erto n ) , son extrait de nais
sance à la main ; elle a dit : J e m ’appelle M a rg u erite
par m on acte de b a p têm e; M a rg uerite dans le certificat
de la n 2 ; M a rg u erite dans le testament de ma sœur ;
ainsi q u oiq u e j’aie pu être usuellement désignée par
M a r g o u t o n , dans le langage fa m ilie r, je soutiens que ce
sont ces actes seuls q u ’il faut consulter p o u r connoître
la véritable héritière. A in s i elle n’a rien supposé, ni
p erso n n e, ni choses, pas m êm e une syllabe. E t en v é
rité il n’est q u ’ un besoin extrêm e qu i puisse inspirer de
semblables moyens.
Si 011 o u v re D a n t y , on trouve dans le chap. 7 , cité
par l’a p p e la n t, q u ’après a v o ir parlé de la sévérité des
ordonnances sur la foi due aux a c te s, il ajoute q u ’elle
n’a pas lieu dans les con tra ts s im u lé s , et autres actes
q u i son t fa it s en fr a u d e de la lo i ou p o u r trom per un
autre. E u cela il ne faut pas s’é to n n er; car on sait que
les cas de dol et de fraude sont toujours exceptés.
11 y a dol et fraude, s’écrie l’appelant; car 011 voud roit
s’em parer de ce qui n’appartient pas à M argouton G ibon.
11 y a dol et fraude com m e il y a supposition de per
sonne. Il y a dol et fraude com m e dans tous les cas
où on form e une demande que le défendeur conteste;
car c’est toujours un d o l, si on peut s’ex p rim er a in si,
que de réclam er ce qui ne vous appartient pas. S i , par
exem ple , je demandois le payement d ’ une obligation
q u ’on m ’auroit payée la veille , ce seroit certainement
un
�( 33 )
un dol , cependant on n’admettroit pas la p reu ve du
payement. E n un m o t , les faits de dol et de fraude ne
sont recevables à côté d’ un acte que “si l ’acte lui-m êm e
en est infecté : ainsi je puis être admis à p ro u v e r que
le consentement a été exto rq u é ou surpris-, q u ’ il a été
le fruit du dol et de la violence ; que m êm e il n ’a eu
d ’autre cause q u ’une erreur sur la substance m êm e de
la chose. M ais ici personne ne conteste que le testament
du sieur G ib o n ne soit v a l a b l e , car chacun veut se
l ’a p p r o p r ie r ; personne m êm e ne prétend qu ’ il soit le
fruit de l’e r r e u r , car on soutient q u ’ il a indiqué suffi
samment la p ersonne, et chacun veut être ou représenter
cette personne.
D o n c on ne peut pas admettre de p reu ve testimoniale
contre cet a cte; rien p ar conséquent qui tende à établir
qu elqu e chose contre ni outre cet acte.
D o n c on ne peut rien p ro u v e r de ce qu i s’est dit
l o r s , avant ou depuis.
D o n c , et d’après les principes déjà rappelés, si le testa
m ent est c la ir, il faut l ’exécuter te l q u 'il e s t; s’ il ne l’est
pas suffisamment p ar lu i-m ê m e , il faut le rejeter.
D o n c enfin la p reu ve testimoniale est inadmissible.
Si on exam ine ensuite la loi O b ca rm en J a m o s u m ,
on se demande de quelle utilité peut être cette citation.
E lle ne s’occupe pas eu effet des cas où la p reu ve testi
m oniale est admissible; mais seulement des témoins qui
doiven t être p r é f é r é s , de la foi q u ’on doit ajouter à
leurs dépositions. E lle dit que celui qui aura é p ro u v é
une condamnation infam ante, ne peut être té m o in , /«tc s ta b ilis J it‘ elle dit que le gladiateur ne sera pas c r u ,
E
�( 34 )
sin e tarm entis ; elle ajoute enfin que si tous les témoins
sont honnêtes et p rob es, et q u ’ils aient connoissance par
ticulière du fait en question , le juge doit y a v o ir la
plus grande confiance.
M ais nulle part il n’est question dans ce passage , ni
de testateur, ni de testament : la loi parle d’ une enquête
f a i t e , et non d ’une enquête à faire; elle dit au juge q u elle
doit être sa base p o u r la confiance q u ’il doit aux tém oins;
mais elle ne dit pas q u ’on recevra des preuves hors les
cas de d r o i t , puisque supposant une p reu ve déjà fa ite ,
elle doit supposer aussi q u ’elle a été admise con fo rm ém en t
aux lois.
Ecartons donc de la cause toutes ces autorités, et le#
in d ices résu ltan s de fa it s d è s -lo r s c o n s ta n s , puisque
tout cela n’y reçoit aucune application.
Com bien de présomptions-et d ’ind ices, s’écrie encore
le sieur G ib o n ! n ’est-il pas constant et a v o u é ..........
N on , il n’est ni constant ni a vo u é que M argu erite ,
la p lu s je u n e y s’est mise en possession de tous les biens;
qu ’elle y fait une mainmise absolue et ex clu siv e • q u ’elle
ait ex clu siv em en t g é r é , ad m in istre, vendu et afferm é;
car l’ intimé le nie fo rm el le m en t.
E t quand tout cela seroit v r a i , ce ne seroit q u ’un seul
fait répété trois fois avec a r t , en des termes difTérens;
et ce fait ne p ro u v e ro it rien.
E t quand bien m êm e encore il seroit vrai qu e M a riéM argu erite auroit joui seule et sans la participation de
sa s œ u r, q u o iq u ’elles vécussent en se m b le; quand bien
même M argu erite , ne con n a issa n t pa s le te s ta m e n t,
auroit pu en croire aux dires de sa sœur et du sieur
�(
3
5
}
G ib o n , et ne pas réclam er l’h é r é d i t é , s e r o it - c e une
p reu ve q u ’elle ne fût pas héritière ?
Si m êm e enfin on vo uloit descendre jusqu’à l’examen
de la p reu ve o ffe rte , il seroit aisé d ’en d é m o n trer la
futilité. Q u e v e u t - o n p r o u v e r ?
i° . Q u e la plus jeune des deux sœurs a toujours été con
nue et a toujours contracté sous le nom de M a r g u e r it e ,
et l’aînée sous celui de M argouton .
Il n’a jamais été contesté que dans l’ intérieur de la
fam ille elles aient l ’une et l’autre été désignées par ces
d énom inations; il n’y a donc pas besoin de p r e u v e , et
on vient de v o ir l’inutilité de cette circonstance. Mais
que jamais elles aient été ainsi dénom m ées dans des actes
p u b lic s, c’est ce q u ’on défie d ’établir : ce 11e seroit pas
d ’ailleurs le cas d’ une p reu ve testimoniale, mais bien de
rap p o rter les actes. C ’est du reste s’a v e n t u r e r beaucoup
que de présenter com m e un acte où l’aînée auroit contrac
t é , le prétendu testament resté imparfait : il ne fut jamais
ni son o u v ra g e , ni l’expression de sa vo lon té ; 011 ne s’est
jamais p o u rv u ni en nullité de son véritable testament,
ni p a r aucune autre action qui tendît à établir q u ’elle
avo it été em p êch ée de tester. G ib o n a pensé avec raison
q u ’ il lui seroit plus avantageux de se plaindre à son aise,
que de mettre au jour la vérité.
20. Q u e c’est cette sœur qu e le sie u r G ib o n a eue en
vue en instituant M arguerite.
A v e c des allégations aussi peu caractérisées et aussi
va g u es, on se donneroit la perm isiou de tenter la preuve
la plus indéfinie et la plus contraire aux lois! Est-ce donc
là un fait susceptible de p reu ve testimoniale? laissera-tE 2
�on de côté tout ce qui résulte de l ’ac te , p o u r é ta b lir,
par des dépositions orales, V in te n tio n , le fo n d de la
pensée du testateur?
3°. Q u e la plus jeune a joui exclu sivem en t.
O n a déjà répon du à ce fa it, et dém ontré q u ’il ne
seroit d’aucune conséquence.
4°. Q u e le sieur E x p e r to n , et M argu erite l’aînée, ont
déclaré que le testament concernoit la plus jeune.
C e fait n’est q u ’ une répétition des précédons. O n a
déjà rép ondu p ou r M argu erite ; q u ’im porte ce q u ?ellè
pou rro it a vo ir cru , sa?is a u cu n e co n n o issa n ce du tes
tam ent. P o u v o it-e lle l’a p p ro u v er sans le c o n n o ître ? E t
quant à E xp e rto n , qui d ’ailleurs désavoue form ellement
ce q u ’on lui im p u te , de quelle conséquence seroit ce fait,
à le supposer vrai ? en résulteroit-il que le testament est
autre q u ’il n ’est en effet? cela changeroit - il rien aux
preuves qui en résultent?
E n fin , n’est-ce pas asseoir ses preuves uniquem ent sur
ce qui a été dit depuis le testam ent ?
E t d’ailleurs quelle v r a i s e m b l a n c e ? E xp e rto n habitant
avec son oncle et scs tantes, vivan t avec eu x dans l’ io tim ité , auroit dirigé les libéralités de son oncle sur ses
sœ urs, plutôt que sur lui-m ôm e! ce seroit au moins de
sa part une grande p reu ve de désintéressemeut. M a i s ,
dit-on , il n 'a v o it p lu s iVin fluence. Ce f a i t iCa rien de
vraisem blable : et on offre de le p ro u v e r!
E t on appelle cet unique fait divisé en h u i t , des faits
précis et concluons!
M ais tout cela s’écarte par le fait constant q u e , soit
l’o u c le , soit la ta u le , les plus jeunes ont toujours appelé
�( 37 )
l ’aînée M arg u erite , dans tous les actes où il a été question
d ’e lle , et que jamais elle n’a été dén om m ée autrement
dans aucun acte.
N ’en doutons pas; le sieur G ib o n n’a offert cette p reu ve
avec tant d ’emphase et un ton d’assurance, sachant bien
q u ’on ne l’admettroit pas, que dans l’espoir q u ’il parvien droit à faire une impression défavorable à son ad ver
saire : aussi seroit-il fort aise que la C o u r pensât qu ’il
n ’en est pas besoin, et q u ’elle se contentât des présom p
tion s exista n tes.
L e sieur G ib o n e s t - il donc tellement éd ifian t, que
la justice d o i v e , les y e u x fe rm é s, lui donner pleine et
entière confiance ? E x p e rto n sera-t-il tellement circon
venu par des allégations qu i ne sont ni. v ra ie s, ni p résumables , que la C o u r d o ive le condam ner ou m al
présum er de l u i , parce que son adversaire c rie h a r o ?
Ce seroit un étrange m o y e n , si la justice ou ses ministres
p ou vo ien t se laisser étourdir par d’aussi vaines clameurs.
N ’a llèg u e-t-on pas encore qu ’E x p c r to n s’est fait con
sentir ù la fois une donation et un testam ent? C ’est un
autre fait semblable aux premiers. M argu erite G ib o n
vo u lo it donn er à son neveu ; la donation étoit com
mencée lorsqu’on s’aperçut q u ’elle exig ero it le détail du
m o b ilie r ; alors ou l’aban do n n a, et il ne fut fait q u ’ un
testament. lia do n a tio n , quoique com m encée, n’a jamais
été parfaite; ¡1 n’en existe pas d ’acte en forme.
Enfin , si la C o u r veut bien se p énétrer des faits et
des circonstances, elle sera convaincue de l'inexactitude
de G ib o n , et du peu de confiance (ju’elle lui doit.
E li quoi ! l’oncle et les tantes des parties sont venus
�3/4 .
( 38 }
habiter avec E x p e rto n . E t ils n’avoient p o u r lui que des
rebuts!
Il a vendu une maison achetée par son o n c le , et s’est
em paré du p rix p o u r en acheter une autre en son nom.
E t cet oncle qui en avoit une à lu i , qui d’ailleurs étoit
dans l’aisance , l’a suivi dans sa nouvelle habitation , et
a continué d’y v iv r e avec lui dans l’ in tim ité, jusqu’au
dernier instant de sa v ie !
Il a v o lé à sa tnnte une som m e d ’argen t; sa tante s’est
exh alée en r e p r o c h e s , en plaintes amères. E t dans le
m êm e temps elle lu i fait un legs de 1000 fr. par son
testament !
Il avoit accaparé son o n clc et ses tantes; il avoit une
funeste influence. E t bien loin de s’en servir p o u r lu im ê m e , il a d irigé les libéralités de son oncle au profit
d ’ un autrel
Il a reçu
i dans sa maison et à sa table ,' Rose sG ib o n ,
sœur de l’ in tim é; il y a admis A n n e M ia lh e , parente et
alTidée de G ib o n ; il y a affectueusement invité G ib o n
lui-m êm e. E t il étoit plein de précautions et de ruses
p o u r leur soufTlcr des dispositions!
E t c’est avec une semblable c o n d u ite , q u ’ E x p c rto n ,
avo u é au tribunal dont est a p p e l, et bien connu de ses
ju g e s, est parvenu à leur en im poser; q u ’il y a été tel
lement favorisé, que ses con frères, les avocats qui exe r
cent près de ce tribun al, et les juges eux-inêm es ont été
p réven u s p o u r l u i , et que G ib o n a été repoussé par tout
le m onde !
E n v é rité de semblables assertions offensent la justice,
et se réfutent elles-mêmes.
�( 39 )
E t G ib o n q u i , après la m ort d’ une des deux sœurs,
et dans les derniers instans de l’autre , a p én étré dans
sa cham bre p o u r fouiller dans ses poches, y prendre ses
c lefs, o u v rir ses a r m o ir e s , en sortir et s’a p pro p rier tout
le linge et les effets qui les garnissoient ; G ib o n , con vain cu
d ’une coupable soustraction, aura le droit d ’en imposer
à la justice, et d’accuser hautement son adversaire!
D isons au contraire que toutes ces circonstances con
courent p o u r repousser, et sa p ré te n tio n , et la faveur
dont il veut s’entourer.
Disons que si le tribunal du P u y s’est arrêté au tes
ta m e n t, c’est p o u r l’a v o ir sainement ju g é ;
Q u e s’ il a rejeté la p reu ve offerte , c’est parce que ,
d’ une p a r t , elle étoit contraire au x p rin cip es; que de
l ’a u tre , étant sur les lieux et connoissant tout à la fois
les faits et les personnes, il en a sagement a p p r é c ié l’inu
tilité.
D isons enfin que s’ il est vrai qu ’E x p e rto n ait joui
auprès des juges dont est appel d ’une certaine f a v e u r ,
ce n’est pas au moins sa cause; et que c’est le m eilleur
tém oignage q u ’il puisse donner à la C o u r de ce q u ’on
pense de lui dans le lieu de son d o m ic i le , et de ce qu ’en
pensent eux-mêmes les juges près desquels il exerce jo u r
nellement des fonctions publiques et honorables.
Signé E X P E R T O N .
M° . V I S S A C , avocat.
M° .
G A R R O N , avoue licencie.
A RIOM, de l’Imp. de THIBAUD, Imprim. de la Cour imperiale, et libraire,
rue des Taules, maison Landrio t . — Août 1810.
�
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[Factum. Experton, Jean-Baptiste. 1810]
Creator
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Experton
Vissac
Garron
Subject
The topic of the resource
captation d'héritage
testament nuncupatif
dentelle
textile
infirmes
certificats de civisme
confusion d'héritier
patois
surnoms
diminutifs
nom d'usage
inventaires
dol
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour Jean-Baptiste Experton, avoué licencié au tribunal civil du Puy, intimé ; contre Gilbert Gibon, avocat, appelant.
Table Godemel : Testament : 11. dans le doute que peut présenter la volonté d’un testateur, faut-il rechercher et faire exécuter sa volonté ? pour reconnaître le véritable héritier institué entre deux personnes qu’on prétend l’être, l’une exclusivement à l’autre, faut-il considérer l’exécution que le testament a reçue, et le jugement qui a été porté dans la famille, dans le public et par celui qui contracte ?
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de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1803-1810
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2010
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2009
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53380/BCU_Factums_G2010.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cros-de-Géorand (07075)
Le Puy-en-Velay (43157)
Landos (43111)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
captation d'héritage
certificats de civisme
confusion d'héritier
dentelle
diminutifs
dol
infirmes
inventaires
nom d'usage
nullité du testament
patois
surnoms
Testament nuncupatif
testaments
textile
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53379/BCU_Factums_G2009.pdf
446eec30cb0df255d4176c00a525d88e
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Text
'<
PRÉCIS
1J
POUR
Sieur G i l b e r t G I B O N , propriétaire et avocat, habi
tant du lieu du Cros-de-Georand, département de
l'A rd èch e, appelant d’un jugement rendu au tribunal
civil du P u y , le 20 décembre 1809;
CONTRE
Sieur
J
e a n
-B
aptiste
E X P E R T O N , avoué au
tribunal du P u y , intimé.
L E sieur G ibon , héritier testamentaire d e Margueritte
Gibon sa tante, devait recueillir tous les biens dont se
compose c e tte succession.
M argueritte Gibon devait sa fortune à l'affection de
J e a n -L ou is Gibon son frère, qui l’avait instituée son
héritière universelle par un testament du 1er d écem
bre 1 8 o 3.
L e sieur E xperton, parent au m êm e degré que l’ap1
2m
s
.
�( 2 )
pelan t, de M argueritte Gibon 3 a voulu s’approprier les
biens de sa tante; e t , pour y parvenir, il n’a pas craint
d’em ployer toutes les ruses que l’ambition inspire, et
que l’intrigue prépare.
Fertile en ressources, les suppositions de personne,
les manœuvres les plus téméraires ne sont qu’un jeu
de son imagination, et il en a tellement imposé aux
juges du tribunal près lequel il exerce ses fonctions, qu’il
est p a rv e n u ^ tout e n v a h ir , et à dépouiller un héri
tier légitime.
Mais ce succès ne sera qu’éphémère ; et les suites
pourraient être funestes à cet ambitieux. L ’appelant va
mettre au jour la conduite scandaleuse de son adroit
et dangereux adversaire.
F A IT S .
D u mariage de Pierre Gibon et de Claudette Plan
cher étaient issus six enfans; Jeanne Gibon morte sans
postérité; L o u is , père de l’appelant; M a r ie , femme
E xperton, mère de l’intimé; J e a n - L o u is ; M argolon
et Margueritte.
Jean-Louis Gibon a vécu célibataire à la compagnie
de ses deux sœurs Margoton et M argueritte, qui ne
se sont pas mariées.
J e a n - L o u i s faisait un c o m m e rce considérable de
dentelles, et ce c o m m e r c e a toujours pr ospé ré; il est
l'auteur de sa fortune ; Ma rg o to n sa sœur a în é e , était
boiteuse et infirme. F aib le de corps et d ’esprit, c ’était
lin de ces êtres infortunés disgraciés de la natur e, oué-
�rJlW.
( 3 )
.reux pour les familles, mais auxquels on doit quelque
pitié; elle avait dix-huit ans de plus que sa sœur M argueritte; elle avait toujours porté le nom de M argoto n , et n ’était connue que sous cette dénomination.
M argu e ritte ,la plus jeu n e, aussi active, que sa sœur
était faible, était à la tête de la maison, tenait le m é
n age, administrait les biens de son frère, qui se livrait
•tout entier h son com m erce; il était reconnaissant des
soins de sa sœ ur, pour laquelle il avait une affection
particulière.
Jean-Baptiste E xp erto n , né dans l ’indigence, sem
blait être condamné à passer sa vie dans la misère; Louis
G ib on , père de l’appelant, en prit pitié, le reçut dans
la maison, le nourrit , l’éleva com m e ses enfans, et
lorsqu’il fut parvenu à l’ûge de vingt ans, son oncle
l ’envoya chez un procureur, au P u y , pour s’y former
dans la pratique, et se mettre en état de gagner sa vie.
-
L à , ses idées s’agrandirent, et le premier projet qu'il
conçut fut de s’approprier exclusivement la fortune de
Jean-Louis G ib o n , et de ses deux sœurs; il s’y prit
d ’abord assez adroitement : il les détermina à venir
habiter au P u y ; mais il paraissait indispensable d’ac
quérir une maison : elle fut bientôt trouvée.
L a veuve Benoît vendit à Jean-IiOuis G ibon , une
maison située rue St.-Jacques, avec le mobilier dont
elle était garnie, et deux terres. Cette vente fut faite
moyennant la somme de 8,000 fr ., dont Jean-Louis
Gibon paya la majeure partie.
Mais le pr évoyant Expert on fit croire à son oncle,
q u ’ une ve nte sous seing privé était suffisante, et il en
2
�(4 )
conserva le double dans ses mains; bientôt l’acte sous
seing privé est déchiré; la maison est revendue sous le
nom de la veuve Benoît ; Experton en reçoit le prix,
et s’en sert, pour a cq u é rir, en son nom , la maison du
sieur E s b ra y a t, où il conduisit son oncle et ses deux
tantes.
T
Cette première expérience lui réussit m a l; JeanLouis Gibon s’apperçut qu’il était joué par son n eveu;
il ne cessa de s’en plaindre , tomba malade peu de
t.ems après, et le i . er décembre i 8 o 3 , il fit son tes
tament par lequel il institua Margucritte Gibon sa
sœur, son héritière générale et universelle, sans aucunes
charges.
Personne ne s’est trompé sur la véritable héritière :
le défunt avait manifesté son intention avant son décès;
il s’en était ouvert à son curé de Landos, et à ses amis.
3 'Iargoton n’eut jamais de prétention à l’hérédité de
son frère; E xperton, lu i-m ê m e , savait bien que M a rguerittc avait été l’objet du choix de son frère; il s’est
mêm e van té , sans doute, pour se faire valoir auprès
de l’héritière, d’avoir dirigé le testam ent, et d’avoir
influé sur la détermination de son oncle.
Cette jactance n’a rien de vraisemblable; Experton
avait perdu son influence, et s’il en avait e u , il aurait
dirigé la bonne volonté de son oncle sur lui-même.
Jean-Louis Gibon succomba peu de jours après son
testament; Margucritte sa sœur, se mit en possession
de toule la fortune de son frère; une foule d ’actes sui
virent son administration el sa jouissance.
XiO 28 messidor au 1 2 , elle vendit un champ appelé
�( 5 )
de L ouschanel, situé à Landos, dépendant de la suc
cession de son frère, à Claude Cliastel, cultivateur.
L e 24 prairial an i 3 , règlement de compte entre
M argueritle G ibon, tant en s o m n o m , que comme hé
ritière de Jean - L o u is son fr è r e , en vertu de son testament, avec J e a n - Baptiste R eynion d j ce dernierse re
connaît débiteur, envers M argu eritte, d’une somme
de i , 35 o francs.
L e 11 brumaire an 1 4 , acte notarié par lequel JeanFrançois M unier se reconnaît débiteur, envers M ar
gueritte G ib o n , d’une somme de 5 oo francs, pour ar
rérages de contributions dus à Jean - Louis G ib o n ,
pendant qu’il était percepteur des impositions.’ •
1
L e 10 du même mois de bru m aire, Margueritte
G ib o n , héritière de J e a n -L o u is , avait fait un règle
ment de compte avec un sieur A g u lh o n , pour diffé
rentes sommes que ce dernier devait à la succession
de Jean-Louis.
L e 20 du môme mois de brumaire, autre acte por
tant règlement de compte entre M argueritte G ib o n ,
héritière de J e a n - L o u is , et Pierre Gros débiteur de
cette succession; le même jour quittance de M argue
ritte G ib o n , d ’une somme de 45 o francs, pour jouis
sances perçues par Jean - Baptiste Bonnaud, de deux
prés et d ’un c h a m p , dependans de la succession de
Jea n -L o u is.
9
janvier 18 0 6 , vente par Margueritte G ib o n , au
profit de Jacques M ilhit, d ’un jardin dépendant de la
succession de Jean-Louis Gibon.
24 février même a n n é e , quittance de M argueritle
�(6 )
G ib on , héritière de J e a n - L o u is , au profit de M arlin
Rivet.
Tous ces actes sont passés par-devant notaires; il en
existe plus de trente de cette nature. Margueritte Gibon
jo u it , perçoit, dispose, afferm e, v e n d , paye comme
hérilière de son frère.
C elle succession élait considérable; Jean-Louis Gibon
indépendamment des immeubles qu’il possédait, avait
aussi beaucoup d ’argent com ptant, qui élait le fruit de
cinquante ans de com m erce, et d’un travail assidu.
Cet argent avait passé dans les mains de M argue
r i t e , héritière'; elle est frappée d’apoplexie, le 7 ven
démiaire an 1 4 ; elle fut m om enlaném ent privée de
ses fa cul lés.
E x p e rto n , impatient de su cc é d e r, enlève l’argent
comptant que sa tante avait recueilli de la succession
de son frère.
M a r g u e r i t t e , re v e n u e à e l l e - m ê m e , s’apperçoit de
l’enlève m en t qui lui a été fait > elle redemande son
argent h Exp er to n ; elle s’exhale en reproches , en
plaintes amères. Ses a m i s , ses voisins sont témoins de
ses l arm es , de son chagrin.
E x p e r t o n , sans s’é m o u v o i r , garde l’argent. C ’est un
ejj'et de la léthargie de sa tante.
Margueritte G i b o n , ranimant ses forc es, se trans
porte ch e z un notaire, le 12 brumaire an 14 (n ovem
bre i 8 o 5 ) , où ello fit son teslament nuncupatiT, dont
les dispositions nousdémontren! q u ’elle était la véritable
hérilière instituée de Jea n-l-oui s Gibon son frère.
Elle no prend d’autre nom dans ce teslament que
celui de Margueritte G ib o n , fille célibataire.
�( 7 )
Elle tègue 400 francs pour messes ou aumônes ;
Elle donne aux filles dévoles de la paroisse de
L andos, sa m aison, située au même lie u , avec les
meubles qui y seront à. son décès, et le jardin y atte
nant (Ces objels dépendent de la succession de JeanL o u is);
Elle lègue un autre ja rd in , dépendant de la m êm e
succession, aux filles de l ’assemblée actuelle de Landos ;
Elle donne à une nièce religieuse 2,000 francs;
Elle lègue 1,000 francs
Experton;'
600 fr. à une demoiselle Agulhon , sa petite nièce ;
A la sœur de celte dernière, pareil legs de 600 fr.;
Quelques meubles à une cousine ;
Elle donne et lègue à sa sœur la jouissance entière
de tous et un chacun ses entiers biens revenus ou
intérêts pendant sa vie.
Enfin Margueritte Gibon institue pour son héritier
général et universel, Gilbert G ib on , fils à Louis (ap
pelant).
Margueritte Gibon a survécu à son testament, jus
qu’au 11 mars suivant. M argolon sa sœur était ellem êm e à l’extrém ité, et n’a vécu que jusqu'au 27 du
mêm e mois de mars.
Gilbert G ibon , appelant, se rend au P u y le lende
main du décès de sa tante. E xperlon lui anonce qu’il
a des reprises considérables à exercer sur la succession
de Jean-Louis G ib o n , com me sur celle de M argueritte,
qui venait de décéder.
Il refuse de s’expliquer sur rétendue de ses préten
tions; Gilbert Gibon en conçoit quelqu’inquiétude; il se
�8 }
détermine à provoquer l’apposition des scellés, et à
n ’accepter la succession que sous bénéfice d’inventaire.
L e procès-verbal d’apposition de scellés, est du 20
mars 1806 ; on y remarque que le juge de paix avait
tro uvé, dans la chambre où était décédée M argue
r i t e , une fem m e détenue malade dans un lit, qui n a
pu répondre à nos interpellations.
Celte fem m e ?gisante, était l ’infortunée Margoton
qui mourut cinq ou six jours après. Cette M argoton,
témoin des plaintes et des gémissemens de sa sœur,
sur la perte de son argent, était bien éloignée d’avoir
des vues sur Experton ; elle était au contraire dans
l ’intenlion de faire passer tout ce q u ’elle possédait à
Gilbert G ibon; le 18 mars elle avait mandé E y ra u d ,
notaire au P u y , pour recevoir son testament ; Eyraud
rédige l ’acte, conformément aux intenlions de M argofo/i, qui y est ainsi dénom m ée; Gilbert Gibon est institué
héritier universel; mais survient E xp erto n , avant que
le testament soit terminé ; il oblige Eyraud et les té
moins de se retirer; le testament reste imparfait. 11
existe entre les mains d’Eyraud , qui est en état de
le représenter; Gilbert Gibon a demandé devant les
premiers juges le dépôt de cet acte ; et on verra bien
tôt que celte légère faveur lui a été refusée.
L e même jour 18 mars, après minuit, Experton in
troduit dans l'appartement de sa tan te, un notaire à
sa dévotion (D u ra slel), et lui fait faire un second tes
tament dans lequel il ne manque pas de désigner
Margoton sous le nom de M argucrittc, et bien en
tendu qu’il est l'héritier universel.
Margoton
�(9 )
M argoton meurt le 2.5 m ars; Experton garde le
silence ; Gilbert Gibon avait fait procéder à l'inven
taire du mobilier de M argueritte; il est en possession
paisible des biens de son oncle et de sa tante; en
cette qualité, il afferme à la dame Pallier une vigne
située au terroir de Vais.
Experton veut commencer l’attaque, mais par des
voies obliques : il vend cette vigne à un sieur Héritier
qui veut en jouir.
>
D em ande en complainte de Gibon contre Héritier
et Experton; Gilbert Gibon forme cette demande en
qualité à'héritier de Margueritte G ibon, qui Celait de
J ea n -L o u is.
L e juge de paix ordonne la preuve de la possession
d’an et jour; enquêtes respectives jconcluantesen faveur
de Gibon ; cependant il est débouté de sa demande.
A ppel au tribunal civil du P u y , toujours en qualité
d ’héritier de Margueritte G ib o n , qu i L'était de son
frere.
10
mars 1809, jugement du tribunal du P u y , con
tradictoire avec E xperton, qui infirme le jugement du
juge de paix , et réintègre Gibon dans sa possession.
Qualités signifiées, sans opposition d’ Experton qui a
approuvé la qualité prise par G ib o n , d’héritier de Margueritte sa tante, qui l’était do son frèro.
L e 19 juin 1806, Experton se mit plus h découvert;
il ne s’adresse cependant pas directement au s.r G ib on ,
mais il fuit citer devant le juge de paix de Pradelles
les nommés M ilhit, Rivet et autres, acquéreurs, ou
fermiers de M argu e ritle G ib o n , la plus jeun e; il prend,
3
�('iO )
dans cette citatio n ,la qualité d’héritier de M a r g u e rite
Gibon (M argoton) sa tantè, suivant son testament du
19 mars 1806, laquelle était, dit-il, héritière de JeanLouis son frère, suivant son testament du 2 5 frimaire
an 12 , ou i . er décembre i 8 o 3 . Il suppose, com m e on
voit, que Margoton, , qu'il affecte d’appeler M argue
ritte , fût celle que le frère avait instituée ; il conclut
contre les acquéreurs au désistem ent, et contre les
fermiers au paiement du prix de leurs baux.
Tous les cités ¡comparaissent; les acquéreurs disent
qu’ils jouissent des biens, en vertu de contrat de vente
à eux consenti par feue demoiselle M arguerilte G ibon ,
la plus jeu n e; l’un d’eux déclare m êm e-avoir payé
une partie du prix à Gilbert Gîbon son héritier; les
fermiers déclarent q u ’ils ont joui des biens, 011’ à titre
de ferme verbale à eux consentie par Margueritte G i
bon, la plus jeu n e, 011 en vertu d’un bail notarié de la
m êm e; et l'un d’eux ajoute que le i . er mai précédent,
il a payé partie de sa ferme au sieur G ibon , neveu de
Marguerilte^
Gilbert Gibon comparaît aussi au bureau de p a ix ,
déclare qu’il prend le fait et cause do loiis les cités;
eJ ¡soutient Experton aon-recevable dans sa demande.
Ce procès-verbal du bureau de paix, semble être mis
de côté, pour faire place a une autre procédure; Exper
ton imagine de prendre la voie du commandement do
payer contre tous ceux qu il suppose être débiteurs de
la succession de J e a n -L o u is Gibon ; c e u x - c i forment
opposition au com m andem ent, dénoncent les pour
suites à Gilbert Gibon qui prend leur fuit et cause, et
�( 11 )
demande à son tour à être gardé et maintenu dans
l ’hérédité de Margueritte Gibon , et par suite dans
celle de Jean-Louis ; qu’il soit fait défenses à E xperton de l ’y troubler, et pour l’avoir fait, se voir con
damner en 3,ooo fr. de dom m ages-inlerêts, et aux
dépens.
E x p e r lo n , de son cô té, conclut a etre envoyé en
possession et jouissance des biens délaissés par M ar
gueritte «et Jean-Louis G ib on , et subsidiairement, en
cas de difficulté sur.ses conclusions principales, à ce qu’il
soit au moins e n voyé provisoirement en possession, et
à ce que tous les débiteurs de la succession fussent condumnés à lui payer le montant de leurs dettes en prin
cipaux, intérêts et frais.
Il est bon d’observer qu’au moment où Experton
élevait si haut ses prétentions , il croyait avoir fait une
découverte Importante. Il rapportait l’extrait de nais
sance-de Margueritte G ib o n , la plus je u n e , sous la
date du 18 avril 17 4 5 , et on y voyait qu’elle avait été
baptisé
avec les prénoms
de
M arie - M argueritte.
Cependant sa m arraine, qui est la fem m e A c c a r io n ,
veu ve C avard , n’a d’autre prénom que celui de M ar
gueritte.
Il avait encore à la main un acte d’ un autre gen re,
intitulé, E g a lité ou la M o rt, et qu'on est étonné de
trouver dans une procédure : c ’était un certificat de
civisme du 27 floréal an 2 , accordé a J e a n -L o u is
Gibon, et à ses deux sœurs,, dans lequel M arguerilte,
la plus jeune, est encore désignée sous le prénom de
M arie Margueritte.
�( *2 )
D ès-lors, plus de doute que Jean-Lou is a institué
Margoton sa sœur aînée ; et que M arie-M argueritte
n ’avait rien à prétendre dans la succession de son frère.
Un premier jugement par défaut contre l’appelant,
en date du 3 o août 1809, envoie Experlon en posses
sion provisoire des biens de J e a n - L o u is G ib o n , à la
charge par lui de donner caution.
Sur l’opposition intervient un jugement contradic
toire sur le fond, le 2.0 décembre 1809; il est impor
tant de le connaître dans son entier.
q u e s t io n . «• Quelle est celle des deux
« sœurs, Margueritte Gibon a în é e , et Marie-Margue« ritle Gibon cadette, qui a été instituée héritière par
P
remière
« Jean-Louis G ib o n , dans son testament du 25 frimaire
« an 12.
<r La solution de cette première question résulte« t-elle assez évidemment du testament de Jean-Louîs
« G ib o n , des actes de naissance des deux sœurs, et
» du certificat de civisme du 2.1 iloréal an 2 ?
«■Dans le cas de la n égative, peut-il y être suppléé
«■par les faits et circonstances dont le sieur Gibon a
« offert la preuve, et celle preuve est-elle admissible?
« D o il-o n ordonner l’apport et remise du testament
* non a c h e v é , que le sieur Gibon prétend avoir été
« fait par M argueritte ou Margoton G ib o n , devant
« E y ra u d , nolaire, et ordonner aussi que le notairo
«r et les témoins appelés seront entendus pour s’expli« qucr sur les causes qui ont empêché la confection
« de co testament?
r Margueritte Gibon aînée a-t-ello dû être désignée
�( i3 )
«• dans les actes qu’elle a passés, et dans ceux qui ont
« été faits à son profit, sous: la dénomination vulgaire
« de M argoton , et cette iamilière dénom ination, qui a
«
»
»
«
pu être consacrée par, l ’usage, empêche-t-elle de la
reconnaître sous le nom de M argueritte, d an sladisposition de Jean -G ibon ? S’il est reconnu et décidé
que Margueritte Gibon a été l’héritière; de J e a n -
«• Louis son frère, les demandes du sieur Experton
« sont-elles justifiées? Faut-il ou non les lui adjuger?
« et par voie de suite , les oppositions de Bonnaud ,
« R eym on d et autres, envers les commandemens à eux
«• faits, ii la requête d’Experton , et envers le juge« ment du 3 o août 1809, sont-elles fondées ?, doit-on
* en prononcer le démis o u non ?
D a ns la même hypothèse , les demandes et prê
te tentions de Gibon, et son opposition envers le juge« ment du 3 o août dernier, ont-elles quelque fonde<r m e n t, et doit-on l’en démettre ou non?
Si les demandes du sieur Gibon sont reconnues
* m al-fon d ées, et qu’il en soit démis, les conclusions
* en garantie, subsidiairement prises, sont-elles véri» fiées, et doit-on les adjuger ou non?
« E n fin , la cause est-elle en état d’être jugée défir nitivemenl ?
Attendu que les registres publics de l’état c iv il,
« sont destinés à prouver la filiation des individus, et
* les noms sous lesquels ils doivent être connus et
« désignés dans la société ;
« Attendu qu’il résulte des extraits de naissance,
* produits, que les deux sœurs de Jean-Louis G ib o n ,
�C 14 )
« qui lui ont s u rv é c u , y.so n t désignées, l’ une sous le
« nom de M argueritte, l ’autre-sous celui de M arieft Margueritte •
1 k Attendu qu'aucun usage certain et quelque long
« qu’i i f u t f n’aurait pu faire perdre aux deux sœurs
* Gibon les'prénom s qui leur ont été donnés dans
Tt lëurs actes de naissance, et leur en faire acquérir
& d’autres differens ;
* « Attendu que la dénôminatio’ii de M argoton, qu’a
v.
«•
*r
«
pu réCevoif vulgairement la fille ainée G ib o n , n’est
qii’ iïne corruption du prénom M argueritte, ou plulôt n’est que ce prénom rendu dans l’idiôme du pays
où ello a-pris naissance, et où elle a v é c u ;
«■Attendu que & l t e dénomination patoise, et fami
ne lièrie1 dô M'ar-gotoiV> në pouvait être em ployée dans
* les actes prtblifcs tjui doivent être rédigés eu français;
c Alténdu que la fille puînée G ib o n , a p u , dans
ir l’usage familier, n’être pas d én om m ée, Marie-Mar« gtieritte-, paice que ce double prénom aurait été
<r trop lôttg h prononcer; qu’elle 11e pouvait pas être
* appelai)-simplement M a rie, parce que c ’était le pré« nom propre
une de ses autre sœurs plus agéc ( la
<r datne Exporton); qu’elle a pu recevoir le simple nom
<r de M argueritte, qui la distinguait suffisamment de
« sa s(èuV appelée M argoton ;
« Attendu que ces dénominations, bonnes pour dis« tingnor les deux sœurs dans leurs communications
« domestiques et familières, doivent disparaître dans
« dos actes publics et solcninels, où elles ne pourraient
« pas roinplir le môme o b je t, el où chacune des sœurs,
�(CilbO)
«. ptiup être reconnue,)'avaiti.bèsoiivnd’êtret distinguée
« sous ses véritables.nom s'et prénoips ; j ¡1
" ,,i i »
«■Attendu que si les‘deux iilles G ib o n , qui'étaient
« illitérées, avaient p u , à cause de. 1 liabitùdeule s’en«' tendre appeller l’une M argoton, L’autre M argueritte,
« croire qu’elles.n ’avaient pas d’autre ^prénom, Jea n « Louis Gibon "qui savait lire et écrire, e tiq u i avait
* toujours fait toutes lés affaires com m u n es, né pour-,
« vait partager cette ¡irreur Ipetoqu’ii paraît en effet
« qu’il a su les distinguer par leurs véritables1 prénom s,
« puisque dans le certificat de civ is m e , délivré par
« le maire* de Landos’, le 27 floréal an 2 , lant à lui
« qu’à ses sœurs, celles-ci sont désignées de la m êm e
« manière que dans leurs ¡actes de naissance ; n! ;
>
«■A t te n d u q u e par suite J e a n - L o u i s Gibon en ins«. tituant M argueritte G ibon son héritière, a nécessai* rement désigné l’aînée de ses deux sœurs, et non
« la ca d e tte, puisqu’indépendamraent du nom de M ar«■g u eritte, c e lle - c i portaitüencore celui de M a rie,
qui la distinguait dtf sa sœur aînée ;
«• Attendu qu’on 11e saurait présumer d’ailleurs' la
» moindre prédilection de la part de Jean-Louis G i» b o n , en faveur de: sa sœ ur,eadelle, au préjudice de
« l’a în é e , puisque le mêm e lien les unissait, ol que
« dans l’intimité où ils vivaient tous trois, il
pou« vait y avoir d’autre m otif de préférence, que 1 âge
« plus avancé de Pim des survivans;
; /
» Attendu que si Mm guérit lo Gibon avait pu croiro
«■Marie-Murguerilte sa sœur, héritière de Jean-Louis
* Gibon, par la raison q u ’on l ’appelait sim plem entM ar-
�( i6 )
« gueritte, tandis qu’on l’appelait elle-même Margoton,
« et l’avait laissé jouir paisiblement de l’hérédité, une
« pareille erreur n’aurait pu lui préjudicier, non plus
a- qu’à son héritier;
* A ttendu que là preuve testimoniale, offerte par
« G ib on , tend à détruire lai foi due à des actes pu
te blics*, et qu’au surplus, les faits qu’il met en avant
« seraient insignifians pour justifier son assertion, que
« c ’est la sœur cadette, et non la sœur aînée de Jean« Louis G ibon, que ce dernier a eu l ’intention d’ins« tituer son héritière ;
« Attendu que la représentation du fragment d’un
a testament com m encé, et laissé imparfait par M arr gueritte Gibon, le 18 mars 18 0 6 , est inutile dans
« la cause, puisque Experton convient de La teneur de
« ce fragm ent y telle quelle est rapportée par G ibo n , et
« qu’elle ne peut en rien influer sur le testament anté<r rieurement fait par Jean-Louis G ibon ; et que d ’un
« autre côté, un projet d’acte non ach evé, et qui n’est
« revêtu d’aucune signature, ne peut être produit en
« justice;
- ¡« Attendu qu’Experton ayant été institué héritier
« do Margueritto Gibon a în é e , et celle-ci l’ayant été
c< de la part de Jean-Louis Gibon son frère, il doit sans
«• difficulté recueillir les deux hérédités ;
* Attendu que sous ce point do v u e , Experfon a pu
« poursuivre valablement le recouvrement des deniers
« faisant partie do l’hérédile do J e a n - L o u is Gibon ,
» tout comme les possesseurs des immeubles par lui
« délaissés; que conséqucim ncnt, les oppositions for
mées
�C '7 )
« mées par les débiteurs ou fermiers, envers lescom * mandemens à eux faits de la part d ’E x p erto n , sont
dénuées de fondement; que néanmoins, s’ils ont ac« quis ou affermé les immeubles par elle jouis, et qui
« proviennent de la m êm e hérédité dei M arie - M ar« gueritte G ib o n ’, ou de G ibon , héritier de cette der« nière, ou s’ils ont p a y é ,à l’un ou à l ’autre certaines
» créances dues à Jean-Louis G ibon , ils doivent néces« sairement obtenir leur recours et garantie des de« mandes à eux faites, contre ledit Gibon ;
« Attendu que l’opposition qu’ils ont encore formée,
». ainsi que G ib on , au jugem ent du tribunal du 3 o août
« dernier, est mal f o n d é e p u i s q u ’Experton avait titre
« suffisant pour être en voyé en possession provisoire de
« l’hérédité de Jean-L ouis Gibon ;
«• Attendu enfin que la demande au fond paraît suf« fisamment instruite , et que les parties en requièrent
« réciproquement le jugement définitif » ;
Par tous ces m o tifs,
*
'
i
.
L e tribunal, jugeant en premier ressort, faisant
« droit aux conclusions prises par E x p e rto n , sans avoir
« égard à celles prises par G ib o n , ni h la preuve par lui
» offerte, ni à sa demande en représentation de la
« minute d ’un com mencement de testament fait Par
« Margueritte G ib o n , le 18 mars 18 0 6 , non plus
“ qu’aux autres choses déduites par lui/dont l’a dém is,
« déclare M argueritte G ib on , sœur aînée de Jean « Louis, héritière de cc dernier; en conséquence, rena voie E xperton, en sa qualité d’héritier de M argue» ritte G ib on , en possession et jouissance définitive des
5
�( IS )
« biens'délaissés par (Jean-rLouis G ibon , -avec défenses
» à Gilbert Gîb'ôn d e l ’y troubler, aux .peines de droit.
^ Sans s'arrêter n o a ; pliis:Jj)quanl..àice , à 1’opposition
«• formée pjarlles-iacquéreurs; ou ferm iers, envers les
«• c o m oaandémens iiijéuXiFails , dout iez a dém is, a ren« vo yé Expertori en continuation de sesr poursuites ;
« démet auisii Jesdiis,acquéreurs ou fermiers, ainsi que
« Gibon/rdeJerir oppcisiiion'envers-lé jugement du 3 o
« août dernier^ jcônckimno G ib on iïrrelever et garantir
« lesdits acquérHaVsiiuli fermiers d ès’ demandes à eux
a faites, de ia jiaTt d ’Ejcperton, ep principal et âccesk soires;'condamné lesdites pairties a u x dépéris* chacune
«> e n c e q-ui lè s c p n c e m e ; condamne G ib ôn à relever et
«'^garantir les opposans des dépens dont la condamna« tion est ci-dessus prononcée contre e u x , a i n s i q ù ’en
« c e u x de la ga ra ntie; ord o n n e q u e lo présent ju g e« n ient se ra , en cas;d’a^pol, provisoirement e x é c u t é ,
v de conformité iiilh loi»!.
- .:u* l u -
>• -
Ce jugemenl a été signifié au s. *Gibon le 2 3 avril 1810.
Celui-ci pn a v a i t interjeté a p p e l l e 1 4 du m ô m e mois;
m ais, conjm e il était exécutoire par provision, E x p e r ion a exercé led poursuites les plus rigoureuses contre
lés ferinierset les cjébitenrs; il a fait procéder par saisiee x é c u t i o n , a multiplié les frais; e t , sans offrir aucune
ca u tio ,n chose re marquable! le.ju gem ent ne l’en dis
pensait ni ho pouvait l’on dispenser; son prétendu ti 1ro
était en litige ; le prem ier ju gement q u ’il avait oblenu
par défaut le chargeait expressément de donner c a u
t i o n , et ce lte formalité était d ’autant plus indispensa
b l e , que l ’exécution provisoire serait irréparable en
définitif. E n effet, Exp er ton est absolument insolvable,
�( 19 ].
il a pour plus de, 60,000 fr. d’inscriptions , somme qui
excède dix fois la valeur d e tce qu’il possède, et la suc
cession dont il s'agit est en grande partie mobiliaire.
L e sieur Gibon se vit donc obligé de demander des
défenses contre l’exécution provisoire; il présenta sa
requête'en ilaj C ou r, le r3 o avril 18 10 , et fut ren voyé
h l’audience, où il obtint un arrêt par d é fa u t, qui fit
défenses de m ettre le jugement à exécution, et ordonna
que l’arrêt iserait exécuté nonobstant l’opposition.
!: Experton s’est néanmoins pourvu par opposition
contre cet'arrêt jamais,,'du consentement des parties ,
la cause fut ren voyée à line audience fixe pour en venir
sur le provisoire et sur le fon d , toutes choses dem eu
rant èn. était jusqu?à\.ceü
>: 1
‘
■ ;
11 s’agit: donc d’examiner le mérite du jugem ent
dont est appel, ainsi que des motifs qui l ’ont déter
m in é ; m a is, avant tou t, i l est essentiel d’instruire la
Cour des faits« dont le sieur Gibon avait offert la preuve
en cause, principale^
L e sieur Gibon avait d’abord d e m a n d é , qu’E y ra u d ,
notaire, déposât la minute qu’il avait dansles mains,
du testament resté imparfait', d eM argoton G ib on ; que
le notaire et les témoins fussent) enlendus pour s’expli
quer sur les causes qui avaient em pêché la confection
de ce testament, pour être pris ensuite telles conclu
sions que de droit.
11 offrait d eiprouver, tant par titres que par témoins,
i-° que la demoiselle G ib on , la plus jeune , n a jamais
été connue, ni;désignée, soit dansila fam ille, soit hors
de la famille , que sous le prénom de M argueritte ,*
2.0 que dans tous les actes qu’elle a passés, elle n ’a
�( 2° )
pris que le seul prénom de Margueritte ; 3 .° que l’aînée
n’a jamais été appelée autrement que M argoton, et
qu’elle a con tracté, sous^ ce n o m , dans le testament
qu ’elle avait fait devant M .e E y ra u d , notaire, lequel
n'a pas été ach evé; 4.0 que le sieur Experton lui-même
n ’a jamais autrement qualifié la plus jeune des deux
sœurs, que du prénom de M argueritte; 5 .° que c ’est
cette sœur, plus je u n e , que Jean-Louis Gibon a eue en
v u e , en instituant Margueritte Gibon sa sœur, pour son
héritière ; 6.°. que cette mêm e demoiselle G ib o n , la
plus jeune , a joui exclusivement depuis la mort de
J e a n - L o u is G ibon , des entiers biens composant la
succession, sans opposition com me sans intervention,
de la part de sa sœur; qu’elle a vendu partie des biens,
en a affermé d’autres, réglé avec les débiteurs, reçu
des à-com ptes, et formé des inscriptions, le tout sous
le seul prénom de Margueritte ; 7.° que le s.P Experton
non-seulement n’a jamais' donné à la plus jeune des
deux sœurs d’autre nom que celui de M argueritte, mais
encore s’est flatJé d ’avoir coopéré h faire instituer cette
sœur, plus jeune, héritière de Jean-Louis Gibon; 8.° e n
fin , que Margoton a î n é e , a déclaré que Margueritte
Gibon cadette, était héritière de Jeun-Louis G ib on ,
et q u ’elle S a v a it rien à. prétendre sur la succession.
C ’est cetto pr’e uv o si précise, que le tribunal dont
est appel a ju g é inadmissible et inutile; on verra bien
tôt que si elle est inutile, elle ne le serait deve nue que
par les a v e u x d ’E x p e r t o n , consignés ou reconnus dans
les motifs du ju g e m e n t ; m o ti fs , q ui, quoique rédigés
a v e c a r t , ne portent que sur des futilités, qui ne p e u
vent souffrir la plus légère discussion.
�( 21 )
Quelques réflexions préliminaires serviront à démon
trer le vide des raisonneinens des premiers juges. On
paraît sur-tout avoir attaché une grande importance à
l ’acte de baptêm e de la demoiselle Gibon , 1a plus jeune,
qui lui donne deux prénoms, quoique sa marraine ne
portât que celui de Margueritte. Gètte multiplication
de noms de baptême est souvent affaire de fantaisie
ou de caprice, quelquefois de van ité, et a moins d ’u
tilité qu’elle ne présente d’inconvéniens. M a is , quel
que soit le nombre des p ré n o m s, il faut nécessaire
ment qu’un seul prédomine , et devienne habitude ;
c ’est celui qui est adopté dans l’usage pour distinguer
l’individu; une fois qu’il est consacré, qu’ilest reçu dans
l ’intérieur, il lie , il unit, par une chaîne non interrom
pue de faits, d’aclions et de dém arches, tous les insfans
de notre vie à celui qui nous a vu naître; il nous ap
prend à nous-mêmes, il apprend aux autres qui nous
som m es, par l’habitude de nous reconn aître, et par
l ’habitude d ’être reconnu; il sert à nous désigner d’une
manière certaine, à nous distinguer des autres parens
du m êm e nom. En v a in , vo u d rait-o n varier dans la
suite, l’impression reste, et si 011 s’avisait de changer,
ou d’adopter tout autre prénom , on vous prendrait
pour un autre, on s’accoutumerait diflicilement à une
nouvelle dénomination.
Naguères, dans les familles, on
connaissait
des dimi
nutifs, ou des abréviations, qui souvent dérivaient de
la manière dont les premiers accens de l’enfant pro
nonçaient le nom qu’ il avait reçu : ainsi, Margueritte
devenait M argot ou M argoton, Catherine, C a th o , etc.
�•
à o+t-
( 22 )
M a is , ces noms familiers, adoptés dans l’in fé rie u r,
désignaient chaque m em bre de la famille d’une ma
nière invariable, et cette désignation se transmetlait
extérieuremeut chez les parens, les voisins et les amis,
en un m o t, auprès de tous ceux qui avaient des rap
ports avec la maison.
* Si cette habitude devait principalement influer sur
quelqu’un, c ’était sur-tout sur le frère,,qui avait tou
jours v écu , et vieilli avec deux sœurs célibataires, et
qui ne devait les désigner, ou les faire connaître que
sous le nom qu’ellesiportaient constamment depuis leur
naissance'; d ’où il faut conclure que si Jean-Louis Gibon
avait voulu instituer sa sœur aînée , il Veut appellée
M a rg o to n ,. eti que quand il a institué M argueritte, il
a voulu donner cette marque de préférence ou de pré
dilection a sai sœ ur, la, plus jeune,! seule connu«* sous
celte dénomination.
Voilà c e que tout hom m e raisonnable doit penser,
et lorsqu'on voit que M argueritte, la plus je u n e , était
seule en état d’a g i r , et de soulager son frère du fardèau des afiaires et du ménage , q u ’elle avait loulo
sa confiance; que M argoton, infirme, im potente, était
un. être inutile et à charge , un objet de pitié ; com
ment pou rrait-il y avoir du doute sur les intentions
du testateur?
Aussi, lorsque Jean-Louis Gibon fit son testament,
personne' ne se trompa sur celle des sœurs qui était
uistituùo héritière; Margueritte fut reaonue pour telle
par. les paron s, les a m is, les ferm iers, les débiteurs
de la succession.
�( * 3 ï)
L e testateur en avait fait confidence à son cu ré , et
à ses amis,* après son décès, M argueritte se mit en
possession de tous les b i e n s d e toutes les créances j
elle géra t o u t , elle administra tout à son gré ; elle
vendit partie des biens Xonds, afferma les autres ver
balem ent, ou devant notaire; régla avec les débiteurs,
toucha tantôt des capitaux, tantôt des intérêts, fit un
grand nombre d’inscriptions aux bureaux des h y p o
thèques , toujours sous le seul nom de M argueritte,
héritière de son fr è r e ; enfin, pendant deux ans et quel
ques m o is, qu’elle a survécu à son fr è r e , elle a fait
tous les actes qui étaient une suite de sa'qualité d’hérii
tière, exclusive et universelle.
<■
Ces actes sont des preuves écrites, qui expliquent,
interprètent les intentions du testateur, qui ajoutent,
s’il se peu t, à une désignation certaine et non équi
voque.
; li
) t '
! i ii..{ |\,
L ’appelant v o u lû t.y joindre la'p reu ve testimoniale
des faits, qu’on a expliqués plus h au t, et l’admissibilité
de cette preuve ne pouvait .être mise en question^ :
Il ne sagit point ici d ’une preuve testimoniale, contre
un a cte ; il ne s’agit pas de prouver une convention
qui excède le taux des ordonnances, ou dofl’art. i 34 i
du Code Napoléon. Mais il s’agit de
susp icion ,
de sup
position de personne : en un m o t , il est question de
découvrir quelle est celle des deux soeurs qui a été
instituée. O r, dans cette matière , la vérité doit tou
jours prévaloirsuivant le sentiment des docteurs; le juge,
comme l’enseignent Boiceau et D an ty , T raité de la
prouve pur tém oin s, chapitre 7 , doit chercher h con-
�( H )
naître quelle a été la véritable intention des parties ;
ce qui est écrit est un signe équivoque de la v o lo n t é ,
et c ’est cependant cette volonté qui doit décider plu
tôt que ce qui est écrit ; res gesta potior quam scriptura habetur, et lorsque des témoins honnêtes et pro
bes, qui ont vécu familièrement avec le testateur, qui
connaissent ses intentions, com me ses habitudes, vien
nent attester un fait à la ju stice, elle doit s’en rap
porter à leur attestation. S i testes omnes ejusdem honn esta tis, et existim ationis sive, et negotii qualitas ac
J u d icis motus cuni his concurrat, sequenda surit om
nium testim onia, conjirniabitque ju d e x motum anim i
s u i , ex argumentis et testimoniis quœ rei aptiora et
vero proxim iora esse compenet. L o i , ob carmen fa m o su m y if. de testibus.
Les ordonnances de M oulins, de 1 6 6 7 , le Code N a
poléon n’ont jamais rien dit de contraire ¿1 cette loi
qui s’exprime avec tant de force; ici, tout est en rap
port avec la vraisemblance, avec le sentiment que doit
éprouver le ju g e , d ’après toutes les circonstances de la
cause; il peut donc y joindre la preuve testimoniale, s’il
y avait lieu à hésitation. On observe que les lois em
ploient souvent ce mot argum entis, dont un savant
magistrat nous expliquait dernièrement le senset l’éner
gie, et que l'art. 323 du Code a voulu exp rim er, en
parlant des présomptions ou indices résultant de fa its
dès-lors constans.
Pourrait-on mieux appliquer ce passage qu’à l’espèco
présente? combien de présomptions et d’indices résul
tent de faits constans? N ’est-il pas constaut et avoué
qu'après
�( *5 )
qu’après la mort de, son frè re , Margueritte s’est mise
en possession de tous les biens, en vertu du testament ?
N ’est-il pas constant e t.av o u é que M argoton n’a pas
réclamé contre cette main-mise absolue et exclusive?
N ’est-il pas,constant, par.une foule d’actes,authentir
ques, que M argueritte, la plus jeun e, a géré ^adminis
tré, ven d u , affermé les biens en qualité à'héritière de
son frère? Son testament du 12 brumaire an 14 ,n ’estil pas une preuve certaine qu’elle se regardait com m e
seule héritière de son frère? Com m ent concevoir au
trement qu’elle eût fait des legs aussi considérables,
des dispositions aussi étendues, qui toutes frappent sur
les biens dù frère, puisqu’elle n’a v a it,rie n ,en propre?
Sa sage p ré v o y a n ce ‘de léguer l’ usufruit h sa sœur, pour
ne pas la mettre dans la dépendance des collatéraux,
ne démontre-t-elle pas qu’elle était reconnue com m e
seule héritière?
¡,
Si on ajoute à ces présomptions graves et concor
dantes , la preuve que la demoiselle G ib o n , la plus
je u n e , n’a jamais été co n n u e , ni désignée dans son
intérieur, ou hors sa fam ille, que sous le prénom de
M argueritte, qu’elle 11’en a pas pris d’autre dans tous les
actes qu ’elle a passés"; que l’aînée n ’a jamais été ap
pelée autrement que M argoton,* qu’elle a contracté,
sous ce n om , dans le testament qu’elle avait fait de
vant Eyraud ; qu'Experton n’a jamais désigné autre
m ent les deux sœurs ; quo Jean-Louis Gibon a eu en
vue sa sœur ca d ette , lorsqu’il ,a fait son testam en t;
qu’il en a fait confidence à ses amis, à son cu ré; que
M argoton a déclaré e lle - m ê m e , que M argueritte sa
7
�;(:* 6 )
s'uar, était héritière? dei ion frère ; qu'elle M argoton
n e prétendait rieii sur cette succession y certes, en voilà
plus qu’il n’éri faut pouf convaincre les plus incrédules,
que l'hérédité dé Jéàh-'Lôùis ü été transmise à M arguerille Giboti , làplùs jeune, ét par suite à l’appelant,
»
;
en vertu'de son insfifiitiôn testamentaire.
Mais pourquoi balancer, et se jeter dans des preuves
de faits aVoüé^ et récbhrius? qu'on parcoure rapide
ment îek iW t if ë ; du ÿügétiïe'rtf et on y trouvera tous
ces faits ¿ohsignéé:IédHifrie conktaris.
O n a déjà' dif qüé les motifs portaient sur une fausse
base, et toarnaiérit ¿tins cessé sur un cercle vicieux.
O h m ë t én àvfatit qUé lés 'registres publics de l’état
civil sont destin^ a ‘pkouvét la filiâtion des individus,
et les nornà Sou3 léstipiéls ils doivent ê’tre connus et
désignés dàns la société ; voilà une vérité certaine, mais
qui ne s’applique qu’ au nom de fa m ille * qui nous fait
rem onter juS^u’à la'SôilrCo dé notre sang, ot nous as
signe'ÎeTÜngqh&f noüs devorts occuper dans la société;
il serait ridicule d’étendre cette maxirùe jusqu’aux pré
nom^ qui varient ou; Se multiplient, qui ne peuvent
tdus s’énlployèi pour la désignation dé l ’individu, et
qui dans Fttëàge dôivetit se réduire à un seul , adopté
par l’h abitu d e, et poiir distinguer un mem bre de la
famille; ainsi, il es* constant par les registres civils, que
M afgucŸitte Gifrori est'fille'légitim e do Pierre Gibon
et de Claüdéttè P la n ch e r, mais ces registres ne peuvent
influer sur le tort du téstainent du frère, et priver la
sœur cadette de l’h é ré d ité , quoiqu’on lui eût donné
deux noms de boptOme; s'il est vrai qu’elle n’a jamais
�S * 7 .)
été désignée dans, son intérieur que sou? le prénom de
M argueritte. ,
. Ces registres de l’état civil ne seront pas plus concluans en faveur de la sœur aînée, quoiqu elle y ait été
désignée sousje nom de M argueritte, s il est vrai, qu’elle
a toujours’ été connue et distinguée so.up le nom de
Margoton.
Mais il est faux en p rin c ip e ,;jqu’ un long usage ne
puisse faire, la règle ; cette assertion serait contraire à
toutes les idées reçues,- admise^?par la loi B arban us
Philipp us : E rror comm uais fa c it ju s . L ’ usage , sans
d ou te, ne fera pas- perdre aux deux sœursr les noms
de baptême qu’elles on tjreçu s; mais l’usage les fera
reconnaître ii celui qu’elles ont adopté dans leur inté
rieur; personne n ’y sera Irom pé, et justice sera rendue,
puisqu’on est forcé de convenir de ce long usage.
Q u’importe maintenant que M argoton soit unej c o r
ruption du prénom M argueritte, que ce prénom tienne
à l’idiôine du pays, que celte dénomination soit patoise
et fam ilière, que les actes doivent être reçus en fr a n
çais ye\c.f etc.? Tous ces grands mots deviennent insignifians ; Margoton n’est pas patois ; c ’est une dériva
tio n , si l’on v e u t , du nom de M a r g u e r ite , mais c ’est
une manière de distinguer l ’individu , une cliose fré
quente et usitée dans les familles nombreuses ; lçs pré
noms sont de toutes les langues, et on ne se serait.(pns
avisé de demander la nullité d ’uu testam ent, si J e a n Louis G ib o n , avait institué M argoton son héritière.,
quoique tous les actes publics doivent être rédigés en
français.
, ’
8
�(
2 8
)
On conviertt’ etîéuif'e que la fille puînée Gibon,-a p u ,
dans l’usage familier , n’être pas dénom m ée M arieM argu§ritte, parce que ce double prénom aurait été
trop long à prononcer^ parce que M arie était le pré
nom d’ une autre d é ses scieurs ( l a dame Experton ) ,
et que le simple nom dé M argueritte la distinguait suf
fisamment de sa sœur appellée M argoton ; mais on
ajoute que ces dénominations ne sont bonnes que dans
les communications domestiques, et doivent disparaître
dans les actes publics,' où elles ne peuvent remplir le
m êm e objet.' •• V ' *
:
Il est donc vrai que l’aînée s’ appelait Margoton t
et la cadette Margueritte ,• com ment dès-lors cette dé
nomination ne remplirait-elle pas le mêm e objet dans
un acte public, que dans les communications fam i
lières? Q uoi! l’article 2148 du Code N ap o léo n , exige
impérieusement qu’on insère dans une inscription , le
nom et le prénom du débiteur, mais il ajoute de s u ite ,'
ou une désignation individuelle et spéciale, qui puisse
faire reconnaître et désigner l’individu.
Dans une inscription, qui tient à l’ordre public, où
iout est deTÎgneur j où la loi veut le prénom du débi-<
l e u r , elle se contente néanmoins, à défaut du prénom;
d’une désignation individuelle etspéciale qui fasse reconnaître le débiteur; e t, dans un testament où il est do
principe qu’on doit considérer plutôt la volonté que
les paro les, çolunt&tem potiusquam verba spectari,
une désignation spéciale ne serait pas suffisante pour
assurer le legs ou l’institution. M ais, où donc est la loi
qui commande de donner le véritable prénom dans
�( 29 )
un testament, à peine. de nullité; sur quels préjugés
peut-on appuyer une pareille assertion? L ’article 5 o
de l’ordohnance de 1 7 3 5 , qui règle la forme des ins
titutions, dans les pays où l’institution est nécessaire
pour la validité du testament, exige que tous ceux qui
ont droit de légitim e, soient institués, en les appelant
par leurs noms (il n'est pas question de p ré n o m ), ou
en Les désignant de telle manière que chacun d ’eu x y
soit compris. U ne désjgnation propre à faire reconnaître
l ’institué, remplit donc le but de la loi ; qu’on ouvre le
savant R icard , qui écrivait avant l’ordonnance, on y
lit n.° 85 a , «rque combien que l’institution ne soit pas
• spécifique, pourvu qu'elle contienne quelque dési• gnation particulière de ceux au profit desquels elle
« est faite, qu’elle ne laisse pas d ’être suffisante pour
«r la validité du testament*. D o m a t, liv. 3 , titre i . er,
sect. 6 , n .' 6 , cite un exemple qui va prouver encore
combien ce m otif du jugement est contraire à l’autorité
deslois,et à la doctrinedesauteurs. «-Si le testateur,dit-il,
• avait erré dans- le nom de son h é ritie r, le nommant
» Jacques pour J e a n , et qu’il y eût une autre personne
• du môme nom et surnom dont le testateur se serait
« servi, mais à qui les qualités qu’il considérait, pour
• le choix de son héritier, ne convinssent pas, ces mêmes
« circonstances d’am itié, de parenté, ou les autres qui
• pourraient distinguer celui qu’il a u r a i t voulu nom m er
r h éritier, le feraient préférer h celui qui ne se trou• verait nommé que par uno e r r e u r , contre l’inten• tion de ce testateur, et il en serait de m êm e d’une
« pareille erreur qui regarderait quelque légataire.
�( 3o )
S i quidem in nom ine, cognomine ¡prœnom.ine, agnomine legatarii testator erraverit càm de persona constat,
nihiiom inùs valet legatum. Idem que in hœrcdibus servaturet reciè, nomina enirn significando/am hominum
gratiâ reperta sunt : qui s i alio quolibet modo intelligantur n ih il interest , §. 29 , instit. de légat. Error
h u ju sm o d i n ih il officit veritati, loi 4 , c. de testant. S i
in persona legatarii designandi aliq u id erratum fu e r it,
constat auteni cu i legare voLuerit, perinde valet legatum^
ac s i niillus error intervenerit, 1. de prob. et demonstrad
L es dispositions concordantes de ces différentes lois
écartent sans replique les faux raisonnemens des pre
miers juges. Que signifie, par e x e m p le , cette circons
tance relevée avec so in , que les deux sœurs étaient
illitérées; que l'habitude de s’entendre appeler l ’une
M a rg oton , l ’autre M argueritte , pouvaient leur faire
croire qu’elles n’avaient pas d ’autre prénom , mais que
le frère qui savait lire et écrire ( c ’est une erreur : le
frère ne savait que signer), ne pouvait partager celte
erreur, ce n’est là que du remplissage; mais on en vient
au certificat de civism e, du 27 floréal an 2 , dans le
quel certains officiers m unicipaux, en dénommant le
frère et les deux sœurs G ib o n , appelent l’une d’elles
M a rie- M a rguerittc.
Com m ent Experton a-t-il osé faire usage d ’un cer
tificat de civism e, qui rappelle de si cruels souvenirs?
la seule nature de cet acte 11 aurait pas dû permettre
de le présenter à la justice; d ailleurs il n est pas du
fait de Margueritte G ib o n , ln jeu n e; il prouve seule
ment par son isolement, au milieu de plus de soixante
�<( 31 )
ans d’existence , que »ce prénom de M arie était abso
lument insolite, soit pour Margueritte G ib o n , soit pour
sa famille, soit pour les étrangers, soit enfin pour Experton lu i- m ê m e . qui a été l’agent de sa tante pendant
tout le tems que la succession de son frere a reposé
sur sa tête, et jusqu a l ’enlèvement de l’a rg e n t, qui a
rédigé tous ses actes, fait toutes ses inscriptions, sans
lui donner jamais d’autre nom que celui de M argue
ritte. A u surplus, on ne trouve pas mêm e sur les re
gistres de la municipalié , ce prétendu certificat de
civisme, et ce n ’était pas la peine de le tirer de la
sentine
Il
dégoûtante où il était plongé.
est assez com mode de dire que Jean-Louis G ib o n ,
en instituant M argueritte pour son héritière, a néces
sairement désigné l’aînée de ses deux sœurs ; c ’est
m ettre en fait ce qui est en question, et celte asser
tion s’accorde mal avec la certitud e, que l’aînée s’ap
pelait M argoton; ce dont on convient à chaque ligne.
Mais on ne peut présumer, d it-o n , la moindre pré•dileclion du testateur en faveur de la cadette, au pré
ju d ic e do l’aînée ; le mêm e lien les unissait, et dans
l’intimité où ils vivaien t, il ne pouvait y avoir d’autre
m o tif de p référen ce, que l’âge plus avancé de l ’un
des survivans.
S’il n’y ayait pas eu de prédilection, de la part du
testateur, il les eût instituées toutes deux, s il avait eu
une préférence pour la plus âg é e , il cu t nom m é M a rgoton , mais il n’a voulu nommer que M argueritte, et
la cadette no portait pas d’autre nom ; il l’a voulu
n om m er, parce q u ’il était reconnaissant de ses soinsj
�( 32 )
parce qu’elle était seule en état d’a g i r , parce qu’elle
faisait les affaires, tenait le m én age, et qu’elle seule
pouvait avoir soin de sa sœur infirme.
Les premiers juges ajoutent, que quand bien même
l’aînée des sœurs aurait pu croire que la cadette était
héritière, parce qu’on l’appelait simplement M argue
r it e , tandis qu’on l’appelait elle-même M argoton, une
pareille erreur ne pouvait lui préju dicier, non plus
q u ’à son héritier.
C ’ est convenir en termes p ré cis , que M argoton a
eu cette pensée , et n’a pas élevé ses vues jusqu’à
l ’hérédité de son frère; m ais, où a-t-on pris que l ’ap
probation d’un testament ne pouvait pas nuire à l’h é
ritier du sang; cette proposition serait démentie par
la disposition précise des lois, et les assertions les plus
positives de tous les docteurs du droit.
Plus loin les premiers juges décident que la preuve
testimoniale, offerte par l’ap p elan t, tend a détruire la
foi due à des actes publics; quelle absurdité! lorsque
cette preuve n’a d’autre o b je t, d’autre b u t , que de faire
valoir le testament, et faire exécuter les véiitables in fentionsdu testateur; mais ces faits seraient insignifians,
et ne prouveraient pas que Jean-Louis Gibon a eu l'in
tention d ’instituersa sœur cadet te. C ’est s’aveugler étran
gement , puisque Gibon offrait do prouver que son oncle
avait manifesté cette m êm e intention à son cu ré , à ses
omis, et n’avait jamais pensé qu’à sa sœur cadette.
L a représentation du testament imparfait est inutile,
dit-on. Experton convient de la teneur do te fragment
telle qu’elle est rappo, tée paiG ibon , il ne peut en lien
influer,
�( ;33 )
in flu e i, ni sur le testament de Jeriri - L ou is, ni sur le
dernier de la sœur ainéè. Ori traite.bien légèrement une
des circonstances les plué importantes de la cause; Si
Ce testament imparfait eût été déposéi; si E y r a u d ,
notaire,1 avait été entendu, ainsi que les témoins qui
le v a ie n t accom pagné, on aurait su qu’Experton avait
empêché sa tante de tester, d ’exprimer ses dernières
volontés.
■
i C e fait une fois é ta b li, Gibon aurait été fondé à de
m ander la nullité du testament postérieur, com m e étant
l ’effet.du dol, de la violence et de la fraude; il aurait
demandé q u ’Experton fût privé de la succession de
M argoton G ib o n , dont il s’est rendu indigne, en l’e m
pêchant de tester à son gré.
Cette indignité est prononcée par les lois romaines»
ff. liv. 2 9 ,tit. 5 , de h is qui aLiquem testari prohibuerit
vel toégerit\ lois qui de tout tems ont été admises dans
notre jurisp ru d en ce, suivant L e b ru n , traité des suc
cessions, liv. 3 , chap. 9 , n.° i 3 , Lacom be au mot m*
d ig n ité, n.° 8.
E t pour ajouter à ces motifs puissans, on aurait su
encore qu’E xperton, inquiet dans ses combinaisons,
craignant de la part de sa tante une révocation de son
testam ent, lui avait fait faire, le m êm e jour, ou plutôt
avait arraché de la faiblesse d ’une femme m ourante,
une donation entre-vifs pour se prémunir contre les
accidcns, dans le cas où sa tante Margoton viendrait
ii survivre.
Les autres motifsne sont qu’ une conséquence des pre
miers, dès qu'il paraît aux premiers juges qu’Experton
�( 34 )
a été institué héritier de Marguerite Gibon a în ée; que
celle-ci l'était de Jean-Louis Gibon son fr è r e , Experton
doit sans difficulté recueillir les deux hérédités; dès-lors
les oppositions des acquéreurs ou fe rm ie rs , celle de
G ibon , ne peuvent se soutenir; il faut tout donner à
E xp erto n , verser entre ses mains tous les fonds, tous
les deniers des deux-successions.
Etranges conséquences! vaines subtilités! Com m ent
a -t-o n pu se déterminer aussi légèrement à dépouiller
un héritier légitim e, pour enrichir un usurpateur, qui
dans toutes ses démarches a donné une juste opinion de
sa perversité; qui par ses perfidies et ses profondes com
binaisons a commis un délit d’un genre nou v e a u , et qui
ne saurait profiter à son auteur?
r,’.
Experton en imposait tellement devant le tribunal
où il exerce les fonctions d’a v o u é , que Gibon n ’a pu
trouver un défenseur dans la ville du P u y , et s’est vu
livré à ses propres forces. Mais le m o m e n t de la justice
est arrivé; e t c’est en la Cour que l'appelant est sur de
trouver une perpétuelle et constante volonté de rendre
à chacun ce qui lui appartient.
Signé G I B O N .
M. e P A G E S , ancien avocat.
M. e D E V È Z E , avoué-licencié.
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A R IOM , DE L ’IMP. D U P A LA IS , CHEZ J.-C. SA L LES.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gibon, Gilbert. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gibon
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
captation d'héritage
testament nuncupatif
dentelle
textile
infirmes
certificats de civisme
confusion d'héritier
patois
surnoms
diminutifs
nom d'usage
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour sieur Gilbert Gibon, propriétaire et avocat, habitant du lieu du Cros-de-Georand, département de l'Ardèche, appelant d'un jugement rendu au tribunal civil du Puy, le 20 décembre 1809 ; contre sieur Jean-Baptiste Experton, avoué au tribunal du Puy, intimé.
Nota manuscrite : « Voir l'arrêt au journal des audiences, 1810, p. 382. »
Table Godemel : Testament : 11. dans le doute que peut présenter la volonté d’un testateur, faut-il rechercher et faire exécuter sa volonté ? pour reconnaître le véritable héritier institué entre deux personnes qu’on prétend l’être, l’une exclusivement à l’autre, faut-il considérer l’exécution que le testament a reçue, et le jugement qui a été porté dans la famille, dans le public et par celui qui contracte ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1803-1810
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2009
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2010
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53379/BCU_Factums_G2009.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cros-de-Géorand (07075)
Le Puy-en-Velay (43157)
Landos (43111)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
captation d'héritage
certificats de civisme
confusion d'héritier
dentelle
diminutifs
infirmes
nom d'usage
nullité du testament
patois
surnoms
Testament nuncupatif
testaments
textile