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e36f96132f015c7fab643f20a092d0da
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Text
DE LA COUR DE PARLEMENT,
RENDU LES CHAMBRES ASSEMBLÉES,
LES
PAIRS
Y SÉANT,
Q U I condamne un Imprime ayant pour titre : La Paffion , la
Mort & la Réfurrection du Peuple , fans nom d’Auteur ni
d’imprimeur, à être lacéré & brûlé par l'Exécuteur de la
Haute-Juftice , comme impie , facrilége, blafphêmatoire &
féditieux.
E X T R A IT DES R E G IS T R E S D U P A R L E M E N T .
C
,
,
D u treize. Mars mil f ep t cent quatre-vingt-neuf.
,
E jo u r la Cour toutes les Chambres aff emblées les
Pairs y féant, les Gens du Roi font entrés ; & , Me
Antoine-Louis Seguier, Avocat dudit Seigneur R o i, portant
la parole , ont dit :
MESSIEURS,
Il vient de tomber entre nos mains une Brochure, portant
fur fon premier feuillet : La Paffion, la M ort & la Réfurrection du Peuple................Imprimée à Jerufalem. 1789. Sans
nom d Auteur ni d’imprimeur.
Sur le feul titre de cet Imprimé clandeftin , nous nous
fommes demandes à nous-mêmes fi notre Miniftere devoit
s’en occuper. Mais, après en avoir fait la lecture, nous avons
reconnu que s’il ne renfermoit pas l’impiété la plus éclatante,
il ne feroit digne que du plus profond mépris. Cette pro
duction anonyme eft en effet le fruit du délire d’une ima
gination malade, d’un cerveau troublé , d’une tête fanatique,
qui dans l’accès dont elle eft agitée , rapproche toutes les
�idces pour les confondre , mêle le facré ail profane pour
détruire l’un par l’autre , & affe&e de contrefaire le langage
refpeélable de nos faints Evangéliftes , pour donner plus de
force aux imputations qu’on s’eft: permis de faire au Clergé
& à la Noblefte du Royaume.
L’A uteur, par une dérifion facrilége, s’eft: attaché à tra—
veftir le récit du grand Myftere de none Rédemption. N onfeulement il abufe à cet égard du texte des faintes Ecritures ,
mais encore il les falfifie ; & après en avoir adapté les circonftances au plan de folie qu’il s’eft: propofé, il le couronne
par le facrifice de la Vi6time qu’il a lui-même chargée de la
haine de fes Concitoyens.
Le Peuple François perfonnifié repréfente l'Homme-Dieu,
Le Clergé,, la NobleiTe & la Magiftrature font déiigncs fous
le nom des Princes des Prêtres , des Phariiiens & des Do&eurs
de la L o i, qui accufent & pourfuivent jufqu’à la mort la
condamnation de l’Accufé. On le traduit au milieu de l’Affeinblée de fes Ennemis , & on lui demande s'il efl ' homme,
s’il efl François. Il répond : Je le fuis ; & vous verre^ dans
quelques jours que je fais défendre mes droits & prouver mon
innocence. Funefte alluiion aux. troubles de la Province de
Bretagne , ainii que le démontre la conclufion de cet Ou
vrage féditieux ! Au fortir de cet interrogatoire , l’HommePeuple eft: traîné de Tribunaux en Tribunaux, par-tout iniulté, par-tout couvert d’ignominie; il efl: conduit enfin au
lieu appelle Golgotha , où il eft crucifié entre deux Larrons ,
nommés , l'un l’Ordre du Clergé, & tautre l'Ordre de la Nobleffe. Au moment où cette Vi&iine imaginaire eft prête à
expirer , la terre fe couvre de ténebres , Te Plébéien pouffe un
grand cri, & prononce les paroles que l’Ecriture place dans
la bouche de notre divin Sauveur en mourant.
Quelqu’impie , quelque facrilége que foit cette infâme pro
fanation du lacrifice du^ Calvaire, nous nous contenterions
de plaindre l’efprit égaré qui n’a pas rougi de fe permettre
une application, plus extravagante encore que fcandaleufe :
mais ce qui doit faire trembler les plus fages, & révolter les
jaartiilms môme les plus outrés de l’égalité républicaine , ce
font les paroles imprimées à la fuite de cette imitation crimi
nelle de la Paillon de Jefus-Chrift. Les voici : Per Evangelica
dicîa delcantur carnifices Magijlratus & Nobilitas. Amen.
�. ,.
5^5
A cette imprécation atroce5 , nous ajouterons un dernier
trait d’animofité & de fureur.
L'Auteur n’a pas négligé d’inférer à la fuite de ce prétendu
Evangile quelques réflexions pour en faire connoître le but ;
on y lit : que cet Evangile apprend, que la Bretagne , la FrancheComté & les autres Provinces à Parlements, doivent bien fe
tenir fur leurs gardes . . . . . . que les Citoyens de Nantes , de
Rennes & de Befançon , méritent d’être déclarés traîtres à la
Patrie , s’ils ne vengent l’affront fan glatit fait à leurs Compa
triotes, en exterminant leurs cffafjins & les efclaves de ces lâches,
en brûlant fans délai dans une place publique toute la Robinaille
facrilege & la Nobleffe infolente , & c. &C. f A u nom de
Louis X V I , & du Comte de Provence & de Necker. Ainfî-foit-iL
Les termes de mépris , les injures les plus graves , ne font
rien dans les Ecrits d’un infenfé : mais abufer du iigne facré
de la Religion pour inlpirer le meurtre & la vengeance , mais
fubftituer le nom auguite du Roi au nom adorable de la Divi
nité , pour envoyer au bûcher la Nobleffe & la Magiftrature,
c’eft un accès de frénéfie fi inconcevable, qu’il faut en avoir
la preuve pour y ajouter foi ; & quand elle exifte, notre Miniftere ne peut trop fe hâter d’en prévenir les effets <Sc d’en
pourfuivre le coupable.
Et fe font lefdits Gens du Roi retirés, après avoir laiffé fur
le Bureau ledit Imprimé, & les concluions par eux prifes par
écrit fur icelui.
Eux retirés.
V u l’imprimé intitulé : La Paffion , la Mort & la Réf/rrectian du Peuple. Imprimée à Jerufalem. ijSc). Sans nom d’A uteur ni d’imprimeur ; commençant par ces mots : En ce temsla , & finiffant par ceux-ci : Ainfi-foit-iL Concluions du Pro
cureur Général du Roi. Oirt le rapport de M e Adrien-Louis
Lefebvre d’Ammecourt, Confeiller.
La matiere mife en délibération.
L A C O U R ordonne que ledit Imprimé fera lacéré &
brûl é en la Cour du Palais, au pied du grand efcalier d’icclui,
�par l’Exécuteur de la Haute-Juftice , comme impie , facrilege,
blafphêmatoire & féditieux ; enjoint à tout ceux qui en ont des
exemplaires de les apporter au Greffe de la Cour, pour y être
fupprimés ; fait inhibitions & défenfes à tous Libraires & Im
primeurs d’imprimer, vendre & débiter ledit Imprimé , & à
tous Colporteurs, Distributeurs & autres, de les colporter ou
diftribuer, à peine d’être pourfuivis extraordinairement &
punis fuivant la rigueur des Ordonnances ; ordonne qu’à la
requête du Procureur Général du R o i, il fera informé pardevant le Confeiller-Rapporteur pour les témoins qui le trouve
ront à Paris, & pardevant les Lieutenans Criminels des Bail
liages & Sénéchauffées pour les témoins qui demeurent en
Province , de la compofition & diftribution dudit imprimé ,
pour les informations faites , rapportées & communiquées au
Procureur Général du R o i, être par lui requis & par la Cour
ordonné ce qu’il appartiendra ordonne à cet effet qu’un
exemplaire dudit Imprimé fera dépofé au Greffe de la C our,
pour fervir à l'inftuction du procès ; ordonne que le préfent
Arrêt fera imprimé, publié & affiché par-tout où befoin fera ;
& copies collationnées envoyées aux Bailliages & Sénéchauf
fées du reffort, pour y être lu , publié & regiftré ; enjoint aux
Subftituts du Procureur Général du Roi efdits Sièges d’y tenir
la main & d’en certifier la Cour dans le mois. Fait en Parle
ment , toutes les Chambres affemblées , les Pairs y féant, le
treize Mars mil fept cent quatre-vingt-neuf. Collationné
L utton .
Signé D U F R A N C .
,
,
, ,
E t le Samedi quatorze. Mars mil fept cent quatre-vingt-neuf à la levée
de la Cour ledit Imprimé ci-.deffus énoncé a été lacéré & brulé par
l'Exécuteur de la Haute-Juftice , au pied du grand efcalier du Palais , en
préfence de moi François-Louis Dufranc E cuyer l'un des Greffiers de la
Grand ' Chambre t affifté de deux Huiffiers de la Cour.
, ,
Signe D U F R A N C .
A P A R I S , chez N. H. N y o n , Imprimeur du P a rl em en t ,
r ue Mignon Saint-André des-Arcs, 1789 .
�
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Factums Godemel
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[Arrêt de la Cour de Parlement. 1789]
Creator
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Subject
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censure
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Titre complet : Arrêt de la Cour de Parlement, rendu les Chambres assemblées, les pairs y séant, qui condamne un Imprimé ayant pour titre : La Passion, la Mort et la Résurrection du Peuple, sans nom d'Auteur ni d'Imprimeur, à être lacérés et brûlés par l'Exécuteur de la Haute-Justice, comme impie, sacrilège, blasphématoire et séditieux.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez N.H. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1789
1789
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
4 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0708
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
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0b830cbde2bdd686063b6cdceb47bde7
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■‘ 2>o\
A R R Ê T
DE
LA
COUR
DE P A R L E M E N T ,
Q U I condamne un Imprimé fans nom d'Imprimeur , ayant
pour titre : A lm anach des honnêtes Gens , à être lacéré &
brûlé 3 par l'Exécuteur de la Haute-Juf t ice, dans la Cour du
Palais y au pied du grand Efcalier d’icelui.
EXTRAIT
DES
REGISTRES
DU
PARLEMENT.
D u fept Janvier mil fept cent quatrt-vingt huit.
E jo u r , à l’iffue de l’A udience du R ô le, les Gens du Roi
font entrés ; & , M e A ntoine-Louis Séguier A vocat dudit
Seigneur Roi portant la parole , ont dit :
C
m
e
s s
i e
u
r
s
,
N o u s venons de prendre com munication de l’im prim e que
la C our nous a fait rem ettre, dont elle nous a chargés de lui
r endre com pte, & fur lequel elle nous dem ande des C onclufions.
I
■nx
�Nous nous arrêterons d ’abord au titre de cet E crit vraim ent
fcandaleux ; il eft intitulé Almanach des honnêtes Gens. Pourro it-o n fe flatter de com prendre quel eft le but de l’Auteur
de cette miférable pro d uôion ? Veut-il que ce ioit un Alma
nach à l’ufage des honnêtes gens feulem ent, ou plutôt n’a-t-il
pas voulu préfenter ce C atalo g u e, comme devant fervir à
rem ettre fans ceiTe fous les yeux tous les hommes., prétendus
honnêtes, dont il penfe que les noms doivent faire époque''
dans les faites du genre hum ain ? Cette queiKon ieroit un
p ro b lè m e , fi le R édafteur de cet Alm anach n’avoit pris la
peine de nous iniïruire lui-même de fon intention.
O n lit dans une note : I l y a des honnêtes gens par-tout, &
c ejl d’eux & pour eux quon s’ejl occupé ici. C et aveu fait difparoître jufqu’au m oindre doute. C e Calendrier nouveau eft
fait pour les honnêtes g en s, & ne contient que la nom encla
ture des gens honnêtes : c’eft-à-dire, que tous ceux qui y font
com pris, ont droit de prétendre au titre d’hom m e honnête,
titre h o n o rab le, fi prodigué aux Se&ateurs du matérialifme par
les Philofophes m odernes, & fi rare parm i eux en effet, d’après
l’abfurdité de leurs principes , puifqu’ils ne pourront jamais
croire la do&rine qu’ils enfeignent.
Si de l’exam en du titre , nous defcendons dans le détail des
noms compris dans ce N écro lo g e, nous v o y o n s, avec douleur,
que cet efprit infenfé , fous prétexte d’amufer ou d’intéreifer la
curiofité publique, s’efl: permis de publier une colle&ion bifarre
de perlonnages, étonnés de fe trouver réunis, & d’avoir tous
le m êm e genre de célébrité. L’Auteur place à fon gré à chaque
jour de l’année com binée fuivant le ftyle an cien , les noms.les
plus refpe&ables à côté des noms les plus dignes de m ép ris,
ou du moins qui ne font pas exempts de blâm e. O n eil
�3
a
indigné de voir M oïfe { rangé dans la m êm e'ciaffe que
Mahomet* H o b b e s, Spinofa , V oltaire &: Freret font furpris d’être honorés com m e B ofluet, P a fc a l, F é n é lo n & Bourdaloue. Socrate & Platon ne font pas plus recommandables»
qu’Epicure & D ém ocrite; Spartacus eft égal à Ciceron ; Caton>
n’eft pas plus vertueux que l’aiTaiIm de Jules-Céfar ; Vefpafien
reffemble à M arc-Aurele -, Titus èft mis en parallele avec
Crorm vell ; & Julien fe trouve à côté de l’Em pereur T rajan.
Q uelle idée l’Auteur s’eft-il donc fait de ce qu’on peut
appeller un honnête hom m e ? Q uelle eft fa façon de penfer fur
ces êtres privilégiés qu’on doit propofer pour modèles aux
fiecles à venir ? Q uel eft fon fy ftê m e , lorfqu’il place fur la
m êm e ligne Plutarque & B oindin, Soliman & Louis I X , Sully
& M ach iav el, W o lf & C o lb ert, Bayle & d’Aguefleau ? Q ue
devient l’honneur & la vertu de la plus belle moitié du genre
humain , fi l’efpece de célébrité honteufe que N inon Lenclos
s’eft acquife doit confacrer fon n o m , & lui attirer l’hom m age
dû à E u d o x ie, époufe infortunée du jeune Théodofe.
C et aiTemblage m onftrueux de perfonnages, choiiis dans
l’étendue des ixecles, ce rapprochem ent de noms égalem ent
célébrés ou fam eux, cette réunion enfin des hommes qui ont
fait la gloire & les délices de la T erre avec ceux qui ont fait
la honte & le m alheur de l’hum anité , annonce le projet formé
depuis long-tem ps d’a n é a n tir, s’il étoit p o ilib le, la Religion
C h ré tie n n e , par le ridicule qu’on veut répandre fur fes plus
zélés défenfeurs.
. ; Peut-on lire fans indignation, que cet Alm anach eft donne
pour l an premier du regne de la R aîfon , com m e fi la raifon ne
pouvoit dater fon em pire que de l’époque qu’un vil troupeau
d’incrédules veut bien lui aiïïgner ; comme fi le monde avoit
A i
�4r
été jufqu’à préfent dans les ténebres ; comme fi les Novateurs
du fiecle étoient venus l’éclairer du flambeau de la vérité.
M ais en. quoi confifte donc cette lumiere de la raifon nouvelle
qu’on veut faire briller à nos y eu x ? Elle confiite à fupprimer
de nos anciens Calendriers les noms de tous ceux qui fe font
diftingués par leur piété & leurs v ertu s, & à fubiKtuer à leur
place les noms des P ay en s, des A thées, des P yrrh o n ien s, des
In créd u les, des C om édiens, des C ourtifannes, en un m ot des
D étra& eurs outrés ou des ennemis déclarés de notre Religion
Sainte j & fi ces derniers fe trouvent confondus avec des noms
refpe&és & refpe& ables, c ’eft pour accorder aux premiers une
célébrité p o litiq u e , q u i, dans l’intention de l’A u te u r, s’allie
avec fon plan deftru& eur de toutes les inftitutions religieufes.
Mais c e q ue nous ne pourrions jamais c ro ire , fi nous n’en
avions la preuve entre les m ains, c’eil de trouver le Saint
nom de Jefus-C hriit au m ilieu de cette foule d’impoileurs &
d’impies.
Q u el blafphêm e d’afîbcier le nom de notre divin S auveur,
D ieu & H om m e tout enfem ble, le feul objet de notre culte
& de notre ad o ra tio n , à une multitude d’idolâtres & m êm e
de fcélérats !
N on-feulem ent les m yftères de notre fainte Religion font
pour ainfi dire é c a rté s , comme les fruits de l’ignorance &
de la créd u lité, mais l’A uteur propofe de fubüituer à nos
Fêtes folemnelles , la Fête, de ïA m o u r profane, celles de l'H ymenée, celle de la Reconnoijfancc & de l’A m itié , qu’il é r g e en
D ivinités p a y e n n e s, pour nous replonger dans l’aveuglem ent
de l’idolâtrie.
C ’ell en rougiiTant que nous rendons com pte à la C our des
conitquenceif abfurdcs & révoltantes qui réfultent de cet O u -
i
�»
..............................
$
vrage d’im p ié té, d ’ariiéifme &■ de folie. Nous ne pouvons envi
sager l’A uteur que com m e un frénétique dont l’imagination ne
produit que des idées extravagantes & inconciliables. Mais le
fcandale inoui qu’un tel O uvrage peut caufer dans le public, &
le cri général qui s’eil élevé au m om ent même de fa diftribution,
nous fo rc e n t, m algré nous-m êm es, de propofer à la C our de
lui donner une forte de publicité par une flétriflure éclatante j
& puifque l’Auteur n’a pas craint de m ettre fon nom à la fin
de fon A lm anach , pour fe donner à lui-m êm e le jufte tribut
de louange qu’il croit m é rite r, en requérant que cet E crit foit
condam né aux flam m es, com m e fcandaleux & b lafphém atoire , nous nous éleverons contre l’A u te u r, com m e im pie
& blafphém ateur.
C ’eft l’objet des Conclufions par écrit que nous avons prifes,
& que nous biffons à la C our avec l’im prim é qu’elle nous a
fait com m uniquer.
E t fe font les Gens du Roi re tiré s , après avoir laiffé fur le
Bureau ledit Im prim é & les Conclufions par eux prifes par
écrit fur ¿celui.
Eux retirés.
V u l’im prim é com m ençant par ces m o ts: Almanach des
honnêtes Gens , & finiflant par c e u x -c i, fo it ployé dans un étui,
Conclufions du P rocureur G énéral du Roi. O ui le rapport de
M c G abriel T a n d e a u , Confeiller. La matiere mife en déli
bération.
• ' ■' • •
1
«
L A C O U R , ordonne que ledit Imprimé fera lacéri?
�6
brûlé dans la cour du P alais,'au pied du grancl efcalier d’icelui *
par l’Exécuteur de la Haute'-JuiKce, comm e im p ie, facrileg e,
blafphém atoire, & tendant à détruire la Religion : Enjoint à
tous ceux qui en ont des exemplaires de les apporter au Greffe
de la C o u r, pour y être fupprimés : Fait inhibitions & défenfes
à tous L ibraires, Im prim eurs, d’im p rim er, vendre & débiter
ledit E c r it, & à tous C o lp o rteurs, Diftributeurs & autres, de
le colporter ou d iftrib u er, à peine d ’être pourfuivis extraordi
nairem ent & punis fuivant la rigueur des O rd o n n an ces:
O rdonne q u à la requête du Procureur G énéral du R o i, &
pardèvant le Confeiller qui fera commis par la C o u r, il fera
inform é contre les A u teu rs, Imprimeurs ou Diftributeurs dudit
E c r i t , pour l’inform ation faite , rapportée & com m uniquée
au Procureur G énéral du R o i, être par lui requis , & par la
C our ordonné ce qu’il appartiendra : O rdonne que le nommé
M . P. Silvain M aréchal fera pris
appréhendé au corps /
conftitué prifonnier dans les priions de la C onciergerie du
P a la is, pour être oui & interrogé,pardèvant le C onfeillerR apporteur, fur les faits fur lefquéls le Procureur G énéral du
Roi v o u d ra 'le ; faire ouir & interroger ; & ou ledit Sylvain
M aréchal ne pourrait être pris ni ap p réh en d e, fe ra , après"
perquifition faite de fa perfonne , affigné à q u in zain e, fes
biens faifis & a n n o té s, & à iceux établi C om m iffaire, jufqu’à
ce qu’il ait obéi , .fuivant [’O rdonnance. O rdonne que le préfent A rrêt fera im p rim é,: publié & affiché par-tout où befoin.
fe ra , & copies çollationnées dudit A rrêt envoyées aux Bail-'
liage$ & SénéchauÎTées du reiTort, pour y être l u , publié
regiftré : Enjoint au Subilitut du Procureur G énéral du Roi au'
Châtelet de Paris , & aux Subftituts du P rocureur G énéral du
Roi dans les Sièges R oyaux, de tenir la m ain à l’exécution
�#0*
7
dudit A rrêt , &: d’en certifier la C our dans le mois. Fait en
P arlem ent, le fept Janvier mil fept cent quatre-vingt-huit.
Collationné L u t t o n .
Signé Y S A B E A U .
E t le Mercredi neuf Janvier m il fept cent quatre-vingt-huit,
ledit Imprimé ci-deffus énoncé , ayant pour titre : Alm anach des
honnêtes G en s , a été lacéré & brûlé par l'Exécuteur de la HauteJuftice , au pied du grand efcalier du P alais, en préfence de moi
Etienne -Timoléon Yfabeau , E cuyer, l'un des Greffiers de la
Grand’Chambre , affifté de deux Huiffiers de la Cour.
Signé Y S A B E A U .
*
A P A R I S , chez N. H . N y o n , I mp ri me ur du P arlem en t,
rue Mignon Saint-André-desArcs, 1788,
�
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A name given to the resource
[Arrêt de la Cour de Parlement. 1788]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Ysabeau
Subject
The topic of the resource
censure
blasphème
Description
An account of the resource
Titre complet : Arrêt de la Cour de Parlement, qui condamne un imprimé, sans nom d'imprimeur, ayant pour titre : Almanach des honnêtes Gens, à être lacéré et brûlé, par l'Exécuteur de la Haute-Justice, dans la Cour du Palais, au pied du grand Escalier d'icelui.
Publisher
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Chez N.H. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1788
1788
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
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7 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0703
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Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
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1acb957baea2064d0a6896eadf5e376e
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Text
A
R
R
D E LA
Ê
T
COUR
DE P A R L E M E N T ,
Q U I condamne, trois Imprimés : le premier en un petit volume in-18 ,
en 2 8o pages , fans noms d'Auteur ni d’Imprimeur , ayant pour titre:
V o yag e de Figaro en E fp agn e, avec cette épigraphe : C urrente rotâ ;
à Saint-Malo , 1 7 84.
L e fécond f dans le format d'un in-8° , de 88 pages , ayant pour titre :
V o yag e de Figaro en Efpagne ; fans noms d’Auteur ni d Imprimeur ¡
A Séville ,1 7 8 5
L e troifîeme, en deux tomes in-1 2 , dont le premier de 2 23 pages, le
fécond de 209 pages , l’un & l’autre ayant pour titre : V o yage en E f
pagne , par M . le Marquis de Langle , imprimé à Neufcha te l, de
l’imprimerie de F a u c h e , fils a în é , & C om pagnie, 1 7 8 5 , à être
lacérés & brûlés p a r L’Exécuteur de la Haute-Juftice.
EXTRAIT
DES
REGISTRES
DU
PARLEMENT.
D u fept Février mil fept cent quatre-vingt-fix .
'
E jo u r, la C our, les Grand-Chambre & Tournelle affemblées à
l’iffue de la premiere Audience , les Gens du R oi font entrés ; & ,
M e Antoine-Louis. S eg u ier, Avocat dudit Seigneur R o i , portant la
p a ro le , ont dit :
C
M E S S I E U R S ,
L ’ a t t e n t i o n continuelle des Dépofitaires de l’autorité ne fuffit
pas toujours pour arrêter aux barrieres du Royaum e ces Ecrits dangeA
�ti.ux , dont la licence eft véritablement un fcandale pour la Religion ,
& dont la témérité ne peut qu’exciter la jufte réclamation des Puiffances alliées de la France. Mais la vigilance de notre miniftere dé
couvre bientôt les productions furtives que la fraude a fù fouftraire à
la furveillance de la Police -, il ne tarde pas à réparer , s’il eft poiîible,
le mal d’une diftribution clandeftine , en provoquant une condamnation
éclatante : & iî la fageiïe des Magiftrats pàroît alors tirer des ténèbres
ces oeuvres d’iniquité, c’eft pour les flétrir avec une plus grande
publicité, & les replonger auiîitôt dans le iilence de l’oubli le plus
profond.
T e l fera le fort des différens Imprimés que nous venons dénoncer
à la Jultice : & nous ne pouvons mieux les cara&érifer qu’en les an
nonçant comme les productions obfcènes du délire & de l’extrava
gance , ou comme les fruits infâmes de l’impiété & de l’irréligion.
L e premier de ces Imprimés eft un petit volume iti-1 8 , fans noms
d’Auteur ni d’im prim eur, portant pour titre : Voyage de Figaro en
Efpagne. A Saint-Malo , IJ8 4 .
Cette énonciation {impie & modefte femble indiquer un récit amufant plutôt qu’un recueil d’impiétés -, mais à peine en a-t-on parcouru
au hafard quelques articles, qu’on apperçoit le but de l’Auteur. Son
projet n’eft encore qu’ébauché dans cette brochure bizarre ; on diroit
u’inquiet de la deitinée de fon ouvrage, il a voulu s’aiïurer de l’efpece
e fenfation qu’il produiroit fur les elprits ; & pour preiïentir l’opinion
publique, il a jetté au hafard une premiere édition informe , avec
cette épigraphe latine , •currente rota, comme voulant donner à en
tendre que cette production anonyme fe reiTentoit de la fatigue de
l’efprit d’un Ecrivain qui a travaillé en courant, Sz dont les idées n’ont
d’autre fuite que le rapprochement des objets qui fe font préfentés à
fes regards, d’autres combinaifons que celles de la Nature qui femble
avoir difpofé ces mêmes objets pour former un contrafte capable d’a
nimer & de foutenir la curiofité du leiïeur.
Le nom du Voyageur pouvoic fans doute contribuer au fuccès de
l’ouvrage: & ce n’eft pas fans une intention maligne & cachée que
l’Auteur a pris pour fon Héros un être imaginaire , qu’il a cru rendre
plus^ piquant en le reprefentant comme étranger lui-même dans fa
patrie. Cet intriguant comique , fubilitué de nos jours aux intriguans
fameux depuis ii long-temps en poileilion de la feene , comme eux
fans pudeur. & {ans.principes, plus inilruit & pkis intelligent, mais
trop aiTorti peut-etre à nos mœurs & au cara&ere du iiecle ^ ce nou
veau perfonnage étoit feul digne du rôle qu’on lui fait jouer , feul il
3
�pouvoit remplacer un Auteur qui condamnoit par fon filence l’écrit
qu’il n’ofoit avouer.
Cette premiere édition a bientôt été fuivie d’une fécondé dans le
format d’un in-8 ° ., mais elle n’eft qu’une copie littérale de la preipiere,
fans changemens & fans augmentations ; c’eft précifément le meme
texte que Pédition de Saint-M alo, à la feule différence qu’elle eft datée
de 1 7 8 5 , & que , fans noms d’Auteur ni d’imprimeur , & même fans
épigraphe , Sèville eft le lieu où elle paroît avoir été imprimée.
Dans cette fécondé édition , l’Auteur n’a pas imaginé pouvoir en
core fe nommer. C e n’eft qu’à la troifieme qu’il a ofé fe montrer à
découvert j il a cru fans doute , ou qu’il donneroit plus d’importance
à fon ouvrage en mettant fon nom au frontifpice de l’imprime , ou
qu’il fe donneroit à lui-même plus de célébrité en faifant connoitre le
génie créateur d’une produ&ion auiTi extraordinaire.
Cette troifieme édition n’a pas tardé à fe répandre. C e n eft plus
F ig a ro , qui entreprend de parcourir fon pays natal & d e rendre compte
de fes obfervations ; le titre porte iimplement : Voyage en Efpagne >
p ar M . le Marquis de Langle ; Imprimé à Neufchatel, de l’Imprimerie
de Fauche s fils aîné, & Compagnie , i j 85 .
L e nom de l’Auteur cefle ici d’être un myftere : le V oyageur chi
mérique eft devenu le Marquis de Langle ; mais auffi l’ouvrage a pris
une forme toute nouvelle. C e font deux volumes in- 12. , dans lefquels
le véritable Auteur s’élevant au-deffus de tous les préjugés , s’eft prin
cipalement attaché à ajouter des infamies aux horreurs qu’il avoit
déjà publiées. Il a mutilé lui - même fes premiers é c rits, pour être
plus concis & plus énergique dans le dernier j & quoiqu’il paroifle
avoir fait des changemens confidérables aux deux premiers exemplaires,
il n’en a pas moins laiifé fubfifter , il a même inféré dans la nouvelle
relation de fes découvertes, un grand nombre d’articles plus licentieux
encore que ceux qu’il a fupprimés : & par cette augmentation il a
donné un nouveau degré d’atrocité aux blafphêmes & aux obfcénités
déjà répandus dans les éditions de Séville & de Saint-Malo.
Pour fe former une idée jufte de ce prétendu voyage , dans un pays
dont il paroît que l’Auteur ne connoît pas même le lo c a l, on doit l’envifager comme une colle&ion infâme de blafphêmes contre la D ivin ité,
d’impiétés contre la R e lig io n , de farcafmes contre les m œ urs, d’in
jures contre la Nation Efpagnole, & d’inve£Kves contre fon gouver
nement.
Nous allons parcourir tout l’ouvrage fous chacun des points de vue
que nous venons d’annoncer.
A %
�4
*■
Le premier blafphême de l’Auteur eft déguifé fous le voile de l’ironie
Imre^DiP^us indécente. Il exifte, dans le magnifique Monaftere deftiné à la
inité.
iepulture des Rois d’Efpagne , un crucifix placé dans le réfe&oire des
42 3° édit Hiéronymites : Un Chriflm’a fra p p é , dit le M. de Langle , ce Chrifl ejl
vol.'
en fa n g y Marie pleure à fes pieds ; & de quoi ? puifqu’elle fa it que fon
fils , mon feulement pour la forme , refj'ufcitera quand il voudra«
i
Une interrogation auiîi facrilége fait aifément préfager tout ce qu’on
!
doit attendre de la plume d’un écrivain qui ne lait rien refpefter. Par
cette efpece de. profanation, il a voulu , pour ainii d ire, faire l’eiTai
de fes forces. Le premier trait ùne fois lancé , il ne garde plus aucune
mefure. Mais comment entrer dans le détail des abominations que
vomit la bouche impure de cet infenfé ? L ’extravagance eft pouffée à
un tel point, que l’Auteur n’en paroît que plus digne de pitié. Il propofe
1
-de compter déformais lsamour & fes jouiffances au tiombre des Sacremens.
3* ¿dit. i vol. Il in vite.................
à fe rendre dans les Temples. Les Marches du
pag. io 2 .
San&uaire y font le théâtre de la débauche. Les jeunes gens des deux
fexes • « .............y viennent invoquer , im ploreradorer D ieu ; & croyent
lutter avec lu i, f i on ofe le dire, de bonheur, de grandeur & de p u if
fance.
Après avoir eu la hardieiTe de crayonner ce tableau infâme , dont
nous n’offrons cependant ici qu’une foible efquiife ; dans un accès de
i r* ¿dit. pag. f o l ie e n c o r e * p lu s o u t r é e , l ’A u t e u r s’é c r i e : J e ne f u i s p a s un impie :
ïii u i2i. toujours j ’ai cru, j e crois encore que les myjleres de l’amour ne peuvent
profaner un Temple.........................Il ne nous eft pas permis d’achever:
vous frémiriez d’un blafphême abominable : l’honnêteté publique
nous ordonne en ce moment d’élever une barriere de décence & de
pudeur entre le dénonciateur & la dénonciation.
Il eft cependant dans le refte de l’Ouvrage un blafphême plus hor
rible encore. Notre miniftere fe refufe encore à le biffer foupçonner.
La feule idée en fait rougir le cenfeur, & la cenfure feroit elle-même
un fcandale.
L ’excès de licence à laquelle l’Auteur s’abandonne avec tant de fécurité, ne doit pas étonner. Il avoit fon projet & fon plan. Il a bien fenti
qu’il blafphémoit. Il s’eft hâté de prévenir l’accufation, & de fe fouftraire au châtiment. Son affurance , vraiment téméraire , eft fondée fur
i,eédlt
i im Pr*nc*Pe dont ^
foi* une Égide , qu’il croit impénétrable. Ce qui
vid. la noie 3lï n’° f 'enf e P as ^ Société, n’eflpas du rejfort de lajuflice. Cette vérité, dit-il,
devroit être la bafe de tous les Codes criminels. Quelle eft la conféquence
de cet axiome? L impunité. Pour peu qu’un tigre eût eu le jens commun,
eut eu de la religion, jam ais, dit le Marquis de Langle, il n’eût condamné
�■les blafphématenrs à avoir la langue coupée. Un blafphémateur n*offenfe
perfonne. Il a néanmoins le courage d’avouer, qu'il blejje , q u il outrage
la Divinité. Mais c’eil en quelque façon pour la provoquer. D ieu ,
ajoute-t-il, ejl ajjeç grand, ajfe^ puijjantpour punir. L a mort efl à les
ordres. Son arfenal ejl plein d’armes. Sa foudre à côté de lui n a pas befoin
de nos bras , de nos bourreaux pour le venger.
Un blafpkémateur ti'offcnfeperfonne. Maxime intolérable, avancée par
la Philofophie moderne, & déiavouée par la fagefle ! Eh- quoi donc ?
Le blafphême n’eft - il pas un fcandale public ; le fcandale n’eft - il
pas une contagion ; la Société n’eft-elle pas intéreiTée à arrêter les
progrès de cette épidémie morale? Chez tous les Peuples policés, il efl
défendu, fous les peines les plus graves, de manquer au refpe£l dû aux
PuiiTances de la terre; à combien plus forte raifon ne doit-on pas violer
impunément la majefté du Roi des R o is, devant laquelle toute la gran
deur humaine s’éclipfe & difparoît.
Etrange aveuglement d’un E crivain , aiTez éclairé pour ne pas ignorer
que les blafphémateurs ont de tout temps été punis par la Juilice
humaine, aiTez audacieux pour ne pas trembler en blafphémant contre
le Ciel , aiTez extravagant pour défier la patience de FEtre fuprême , dans l’inftant même où il reconnoît l’étendue de fa toutepuiffance !
S i l’Auteur a porté la démence jufqu’à faire du Dieu des Chrétiens
une de ces divinités phantaftiques du Paganifm e, qui donnoient aux mortels l’exemple des vices les plus honteux, on ne doit pas s’attendre à
trouver en lui le panégyrifte ou le difciple d’une R eligion , dont il veut
avilir le divin Fondateur. Etablie par les prodiges les plus éclatans,
-appuyée fur les preuves toujours Habilitantes de la révélation , atteitée
par une tradition confiante & loutenue , fondée , enfin , fur la morale
la plus fublime, notre Religion fainte eil vraiment l’ouvrage d’un Dieu
fait homme pour le falut de tous les hommes. Elle eft defcendue du
C ie l, & l’univers converti s’eil rangé fous l’étendard de la Croix. Le
M . de Langle , au contraire , attribue la rapidité de fon établiflement & fes progrès, à des motifs purement humains ; & encore entre
tous les motifs capables d’entraîner l’humanité, il ne rougit pas d’adopter
celui qui eil le plus oppofé à la fainteté des Dogmes facrés que nous
avons le bonheur de profefler.
Que le Conquérant de l’Arabie falTe efpérer à fes profélytes un
torrent de délices .& des plaifirs fans ceiTe renaiiTans : cette béatitude
charneV.e annoncée dans l’Alcoran , n’eil promife aux croyans qu’après
k u r trépas, & pour récompenfe de l’obfervation fcrupuleufc de la loi ;
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c’eft le fer à la m ain , c’eft avec cette efpérance, que Mahomet a fubju g u é, & que fes iucceiTeurs captivent encore des peuples innom
brables. L ’Auteur du V o yage d’Efpagne s’eft égaré fa:ns doute dans un
pays autrefois fournis aux Mahométans. L a tête encore pleine des rê
veries du Prophète de la M ecque , il place au berceau de l’Eglife
naiflante le fyftême de volupté que les Mufulmans n’attendent que
dans l’autre vie ; & s’il faut l’en croire, c’eft par la force de la féduftion
du fexe que la Religion Chrétienne a fait tant de conquêtes. Cet infenfé
déclare expreiTément que les Apôtres de Jéfus-Chrift étoient intapables
de remplir l’objet de leur apoftolat : que les prodiges qu’ils ont opérés
par la vertu du Très-H aut, n’ont point contribué à la converiion des
Pjge j , 4> Juifs & des Gentils. Sans les femmes , dit-il, tout fçavans, tout illuminés,
¿dit., i". tout éloquens quétoient les Apôtres , jam ais le Paganifme n’eût été aboli,
ol.
jam ais le fa n g des Martyrs neût coulé. C’ejl pour plaire à des femmes ;
c e fl à leurs genoux, c’ejl dans leurs bras que les premiers Chrétiens, ivres
de f o i , d’amour, de religion & de volupté, jurerent de croire à Jéfus-Chrifl3
de L’implorer , de l’adorer, & de mourir pour lui.
Abandonné au délire de fon imagination, l’Auteur n’héfite pas à s’é
riger en réformateur. Ce n e jl point aux hommes à prêcher $ c’ejl aux
Ibid.
femmes à qui D ieu conféra le don d’attendrir, le don de perfuader. Mais
ce n’eft point affez de la prédication. Il veut attribuer aux femmes
toutes les fondions du Sacerdoce ; le pouvoir excluiif de confacrer, de
préfenter à Dieu les offrandes, d’adminiftrer les Sacremens. S i cétoit à
leurs pieds qu’on dût aller avouer ou pleurer fes fautes ; f i cétoit de leurs
’age 9 4 , i,«r«
Ins qu’on dût recevoir l’h oflie,........ les temples & les fancluaires feroient s
dit.
mains
remplisi plus d ’Incrédules, plus de D éifies, plus d’Athées.
Cet erithouiiafme n’eft cependant pas de longue durée. Rendu à luimême , l’Auteur veut abolir tout le culte extérieur de la Religion. Nos
Bafiliques facrées lui paroiffent fuperflues. I l n’ejl pas v ra i, dit-il, que
Page 29; , £ ) leu ait dit à Salomon de lui bâtir un Temple , pour avoir un Temple. C’ejl
parce que les coffres de Salomon regorgeoient d’o r; parce que la Judée étoit
pieine d’ouvriers fans occupation. Ce fu t pour les nourrir, pour les occuper,
pour faire- circuler l’argent. . . L a preuve qu’il ne s’en Joucioit guères , c’ejl
qu’il permit que Titus profanât & convertit en étables, en écuries, le bel
ouvrage de Salomon.
L ’exemple de Titus paroît à l’Auteur digne d’être imité. Il propofe de
dépouiller toutes les Sacriflies, toutes les Madones du monde C/uétien; &
ce pillage une fois exécuté, il confeille d’oublier tout-à-fait la Divinité.
Exploitons ces mines, dit-il en parlant des ornemens & des vaïes
facrés -, ceffons d’enfermer D ieu entre quatre murailles. Tout d’or, tout vafie
�que fo it un Temple', c efi un cachot, c’efi une crèche.pour lui. Démolijfohs
toutes nos E glijes , & affemblons-nous dans une plaine. . . l à , une fo is feu
lement par m ois, prions . . . le refie du temps travaillons. . .ne payons pas ^a(fe
plus à D ieu que s’ il n’exifioit pas , & croyons qu’il fera enchanté de nous volume.
voir travailler.
Il n’eft pas facile de comprendre ou d’expliquer les alternatives aux
quelles l’Auteur fe livre tour à tour. E il- il rien de plus injurieux que
cette invitation faite au genre humain : N e penfons pas plus à D ieu que
s’il n’exifioit pas ? Comment reconnoître un Dieu créateur , & juiKfier
cette indifférence à fon égard ?
Le M . de Langle penfe que tous les hommes, vertueux ou non,
religieux ou coupables, Chrétiens ou Idolâtres , ont un droit égal à
1héritage célefte ? Les defeins de D ieu fo n t, dit-il, impénétrables. Son
Cielefi à lui ; il peut y loger qui lui plaît. M ais le Mufulman qui s’en- page 100
rhume en criant A lla A lla , & le Talapoin qui s'enfonce des épingles dans le 3e
kcon
corps, & le Marabou qui marche à cloche-pied , è* le Santon qui regarde f i 0 u ‘ *
le bout de fon ne{ efi rouge, verd ou noir...........................................................
tne paroiffent aujji dignes de pajfer Uéternité dans le palais de D ieu , que le
D évot • • • • qui fe querelle & qui fe bat en attendant l’abfolution.
Malgré le rapprochement bizarre des Religions les plus inconci
liables , on croiroit que l’Auteur eft bien convaincu de l’exiftence d’un
D ieu, du bonheur des Elus, & du refpeft dû aux Bienheureux. Ce
feroit s’abufer groiïiérement, que de lui prêter une façon de penfer
fi raifonnable. L e Ciel efi défert, dit-il, depuis que les bourreaux payens
ne peuplent plus le Paradis. L ’imbécillité, la iàinéantife & la malpro
preté j telles font les vertus que le Ciel récompenfe ; tels font les Saints q u il
^ ’
faut invoquer. Car depuis l’invention du Ciel, je défie quon me site pour
Saint un homme utile, un homme aimable, un homme, enfin, dontj’euffe „e
92 ’Cf
voulu faire mon ami.
^
volume.'
11
elt étonnant fans doute que dans le nombre infini des Êtres pri
vilégiés que l’£glife propofe à la vénération des Fid eles, il ne s’en
trouve aucun digne de l’amitié du M. de Langle. A bien plus jufte
titre ils fe feroient refufés à toute communication avec lu i, à moins que
le zele & la charité ne les euifent déterminés à faire les plus grands efforts
pour vaincre fon incrédulité & le ramener à la raifon ! Qu’auroient-ils
Pu gagner fur un efpnt aliéné , qui prétend qu’en parcourant le nom
It‘J des perfonnages compris dans le Calendrier, on efi tenté d’en déchirer les
-^
H n’eft qu’un feul homme qui a pu.trouver grâce devant lui.
faut effacer le nom de tous les Saints, & y fubilituer le nom de
°uiieau. I l faut mettre en pieces tous les ouvrages de philofophie } de
�8
f j p. 94
, piété* de morale , & conferver uniquement les livres de Roujfeau. O mon
i j'éd. i*r vol. D ieu , s’écrie FAuteur, ta morale, le texte , le commentaire , le premier
mot, le dernier mot de ton Evangile , ton Evangile tout entier , & tel qu’il
j‘
efl fo rd de ta bouche, fe trouve à chaque page dans les (Æuvres de Rouffeau.
ji .
Ne faut-il pas être doué d’une impudence plus que cynique , pour
|I
appeller en témoignage Dieu lui-m êm e, & lui faire atteilcr que notre
!■
laint Evangile eft tout entier dans la Nouvelle Héloïfe , dans E m ile, &
!. i ;
dans les Confeifions du Citoyen de Geneve.
E n fin , M e s s i e u r s , une derniere impiété que nous ne pouvons
paiïer fous filence, c’eft celle qui concerne les vœux faits en Religion.
n y a que le D ieu des ajj'ajjins , le D ieu qui préjîde au meurtre & au
*, ’ ’
néant, qui puijje recevoir les vœux facrileges , les voeux germicides d'une
'■° ‘
jeune Religieufe. Quel eft donc ce Dieu des aiîailins, ce Dieu qui préiide au meurtre & au néant?........Quelle horrible aiîertion ! L ’énergie
p
de notre filence peut feule vous indiquer le Dieu à qui s’adreffe cet
effroyable blafphême.
Nous n’ajouterons rien à ces réflexions, en terminant ici le tableau
des horreurs que FAuteur a proférées contre la Religion Chrétienne.
Nous nous contenterons d’obferver qu’il eft des impiétés de tous les
genres. Vous avez dû voir en effet, qu’il n’eft aucun des objets qui
intéreflent le dogm e, la croyance & le culte ,• que FAuteur n’ait cherché
1
à tourner en ridicule, ou qu’il n’ait eilayé de deshonorer par l’obfcénité
,
des couleurs fous lesquelles il a affefté de les préfentcr.
di
jjj
Le troifieme objet que nous fommes chargés d’examiner dans cet
Sarcafmes Ouvrage im pie, c’eft la maniéré dont FAuteur s’eft expliqué fur les
co^tr® les mœurs publiques.
1
’
La Religion épure les m œ urs, & les mœurs confervent & entre
tiennent Fefprit de la Religion dans tous les cœurs. Le premier devoir
¡e|
d’un Ecrivain eft donc de refpe&er les mœurs. L ’Auteur s’eft fait un
!
jeu d’outrager par-tout la décence. Sa plume impure paroît familiarifée
avec les défordres les plus greffiers -, & par les peintures licentieufes
dont nous avons foulevé le voile pour les faire entrevoir, vous êtes déjà
convaincus que l’imagination du Peintre ne refpire que la lubricité la
plus effrénée.
Mais indépendamment de ces images honteufes , que l’homme le
plus corrompu n’oferoit expoler aux regards de la fociété , il eft une
maniéré plus adroite de dégrader les mœurs publiques, de les altérer
jufques dans leur fource , & de hâter leur corruption} en détruifant
les établiffemons faits pour les conferver.
L ’Auteur ne veut ni éducation publique dans les C o llèges, ni éduca
tion
�don particulière dans la maifon paternelle. Que devien ra c onc une
jeuneiTe vive & inconiidérée, qui ne coniulte que les goûts pa agers
& la phantaiiie du moment ? Ardente & impetueufe dans es e 1rs ,
elle ne connoît d’obftacles que ceux quelle ne peut furmonter; indo
cile par caraftere & obftinée par foibleiTe , toujours prete à lecouer
le joug de la dépendance , elle fe croit libre ; & lufage de a 1 erte
en eft l’abus continuel. Inçapable de réfléchir , codant à la premiere
impuliion, entraînée par l’exemple , l’a&ivité dune imagination exaltee
lui fait la loi. E n iin , guidée plutôt par des fenfations repetees que
par les lumieres d’une raifon qui n’eft point encore developpee, quelle
fera la deftinée de l’enfance, ii elle n’eft confiee de bonne heure à la
furveillance d’une fage inftitution, qui lui apprenne à distinguer le bien
d’avec le m a l, à difcerner le jufte de l’injufte , à feparer lhonnete de
l’utile , le vice d elà v ertu ; en un m o t, qui lui enfeigne les ventes
fondamentales de la Religion , & la force de fe livrer à 1étude pour
y puifer les premiers élémens des connoifîances humaines ; qui lui
montre l’étendue de fes obligations , les lui fafle chérir , & lui perfuade que fon bonheur eft attaché à l’obfervation de fes devoirs. Dans
quelle école l’enfant, parvenu à l’adolefcence , ira-t-il fe penétrer de
Page 1 3'
ces grands principes ? L ’Auteur répond , qu il fau t abandonner les enjans ^c édit. z' V'
à eux-mêmes ; que les P ré ce p te u rs 11 apprennent, rien , ne forment , ne
changent rien ; que l’éducation morale efl une chofe impojfible, une idée
bigarre , & que fans fecours étrangers , lam e fe développe & croit a' mefure
que le corps grojjit & grandit.
Cette proposition tend à établir le pur matérialifme ; & pour qu on
IbU.
n’en puiiTe pas douter , l’Auteur ajoute : Nous naijfons bons ou méchans,
& jamais aucune éducation quelconque n a e u d’influence fu ries difpofîtions
de notre cœur.
Eh quoi ! les végétau x, ces êtres infenfibles , fe corrigent, fe rcdreflent, s’adouciffent par les foins d?un cultivateur habile -, l’homme
feu l, cet être qui penfe, qui raifonne , qui délibéré , l’homme fera
incapable de profiter des leçons de la fageiïe, & des confeils de l’expé
rience ! Et fon efprit , s’il eft naturellement porté à quelques v ic e s ,
toujours rebelle à l’inftru&ion , nes’élevera jamais jufqu’à la fphere de
l’honneur & de la vertu ! Contradiction révoltante dans l’ordre même de
la nature , inconciliable avec l’ufage de la raifon , Ôz qu’on ne peut
hippofer dans l’intelligence parfaite qui a créé tout ce qui exifte.
Si l’homme eft naturellement tout bon ou tout méchant, placé au milieu'
de la fo ciété, livré à l’efprit d’indépendance qui le gouverne, fans
autres principes que ceux qu’il fe fera faits h lui-même , fans autre
�!
guide que fa propre volon té, quelle fera un jour fa conduite dans
b;i
cette union intime formée pour le bonheur commun des deux fex es,
fi.J ;
& deflinée à perpétuer les générations ? Le mariage , dont la fiabilité
!
importe fi fort à la confervation des m œ urs, le mariage eil une fource
féconde d’abfurdités dans le point de vue fous lequel l’Auteur l’envifage.
'
L ’indiiTolubilité d’un nœud aufli intérefTant à l’ordre public , n’eil plus
'i
qu’une chimere. Les noms de pere , de mere, d’époux , d’enfans , pafferont
3* édition ,
mode ; on ne faura bientôt plus ce qu ils voudront dire , & le Gouver, Mge i >¡6,2e nement fera le pere commun. L a poilérité peut-elle être flattée de fe trouver
l,ol‘
réduite au fort des Enfans-trouvés, ou ae devoir fon exiilence civile à la
bienfaifance de l’Etat ?
L ’Auteur articule que cette époque n’eil pas bien éloignée. Mais en
0
attendant ces triiles événemens, il fe charge d’introduire des mœurs
nouvelles dans la fociété. Son premier mouvement eil de s’indigner
!
contre le célibat involontaire des Prêtres & des Soldats. C e il fur-tout
?
le fort de ces derniers qui l’intéreffe ; il veut les marier à quelque prix
que ce fo it , mais fans leur impofer le joug du mariage ; & à cet effet
il imagine l’extravagance la plus complette que l’efprit humain ait
P^e 149 , jamais enfantée. C ’eil de changer la deflination des cafemes, & de faire
xl edmon. marler chaque Soldat avec la fem m e, la fille ou la fervante de la maifon
, ,
où fon billet l'envoye loger.
M a is c e n’ e ft p o in t a ffe z d ’affra n ch ir les célibataires de la contrainte
où ils font réduits. L ’Auteur croit devoir également venir au fecours
’a
des perfonnes mariées, en les débaraiTant des liens indiffolubles du
d
Sacrement. Pour réparer les malheurs des unions mal aiTorties , pour
prévenir l’uniformité , l’ennui & les dégoûts de la vie conjugale, dans
*
les cœurs qui ne font point animés d’une véritable tendrefle, l’Auteur,
-'éJit âge fertile en reiTources, propofe qu’en Efpagne & par-tout, le mariage dea* vol. vienne un contrat civil quon puiffe renouveller ou rompre tous les ans.
M
Légiilation funeile ! q u i, loin d’arrêter le défordre , ne feroit qu’en
augmenter le fcandale , qui acheveroit de corrompre les mœurs fous
prétexte de les rétablir dans leur ancienne pureté, qui nous rameneroit
1
enfin à ces tems de divorce & de diifolution où les nœuds du mariage
étoient aufli-tôt rompus que formés ; enforte, dit le fatyrique Rom ain,
qu’il exiiloit à Rome des femmes qui comptoient les années de leur
mariage par le nombre de leurs époux. Détournons les yeux de ces
fiecles d’opprobre & de corruption. Quelle tendreffe les époux ainii
divorcés pourroient-ils avoir pour les fruits d’une union momentanée,
union honteufe , formée plutôt par le defir que pour le bonheur. Et
ne feroi;-il pas à craindre ae voir s’éteindre infenfiblement cette nom-
�breufe poiiérité qui fait le bonheur des familles & la richeffe de 1Etat ?
C ’eft ians doute une des vues fecrettes du M. de Langle ; car il
s’éleve contre la population. L ’Efpagne ejl déferte, dit-il j tant mieux.
L e monde ejl plus que complet ; il y a beaucoup d’hommes de trop , 6*je 119, 1 "
le crois depuis long-tems. A vec de pareilles idees , il n eft pas étonnant
qu’il fafle en quelque façon l’apologie du fuicide. C’ejl, ait-il, une fpe- 3«édit.
culation. I l ejl aujji Jimple d’aller chercher le bonheur dans l autre monde ^ &■ 8
que d’aller tenterfortune dans le nouveau. L e plus grand nombre des Théolo
giens & des Moralijles Efpagnols permettent à tàut malheureux de fe
tuer quand la vie lui fa it m al, ou quand la fociété lui refufe la portion de
fortune quelle lui doit.
Nous ne ferons point l’injure aux fameufes Univerfites de Salamanque & de Valladolid , aggrégées à l’Unrverfité de Paris , aux
Univerfités d’Alcala & de Tolede , de Grenade, de Seville & de V a
lence , ni à tant d’autres Facultés qui n’ont peut-être pas le même dégré
de célébrité , mais qui font toutes animées du même efprit, nous ne
leur ferons pas l’injuftice de croire , fur l’affertion du M . de Lan gle,
que leurs Théologiens enfeignent ou tolerent une doftrine contraire
à la Religion , aux Loix , à l’humanité. C e qui cara&érife de plus en
plus l’aveuglement & le délire de 1*A u teu r, c’eft que cette meme
do&rine eft combattue & proferite par le feul prétendu Sage dont il
veuille adopter la morale. Si le M. de Langle avoit autant de
confiance qu’il montre d’admiration pour les écrits de ce raifonneur
profond , il fe feroit convaincu, en lifant la Nouvelle Héloïfe , que
le fuicide cil une révolte de la Créature contre fon Créateur, un attentat
contre la Providence & un oubli de tous les devoirs de l’homme & du
citoyen. S’il eût médité fur les vérités que J. J. Roufleau préfente avec
tant d’énergie lorfqu’il a le bonheur de les faifir , & qu’il entreprend
de les défendre, il eût trouvé dans ce Moralifte qui ne parle félon
lui que le langage de l’Evangile , il eût trouvé que l’homme doit l ’ufage
de fa vie entiere à fa Patrie , à la fociété , a fes femblables. Il eût appris
à fon ecole , que celui qui ofe attenter à fes jo u rs, par cette mort nonteufe & furtive > trompe fa dejlination. Il eût applaudi à la bienfaifance
. du Philofophe de Geneve , qui apprend au défefpoir à aimer encore
la vie. Qu’il eft fublime , le langage du Milord à un jeune infenfé
qui le confulte ! Chaque fo is que tu es tenté de fortir de la vie , dis
en toi-même : que je fajje encore une bonne aclion avant de m ourir............
S i cette confidération te retient aujourd'hui , elle te retiendra encore demain,
après demain & toute la vie. Douce & confolante maxime ! feule ca
pable de ranimer le courage le plus abattu. Mais fi la main de l’erreur
B 2
�11
s’empreiTe de répandre ce baume falutaire fur les plaies du furieux qui
cherche à fe détruire ; comment fuppofer qu’un corps de Théologiens
éclairés des lumieres de la révélation & de la foi , puifle jamais fe relâ
cher de l’étendue d’un précepte émané de la bouche de Dieu m êm e,
lors de la promulgation de lv Loi des Juifs. Non occides , dit la voix
du Seigneur fur le mont Sina” ; & Moïfe rapporta cette prohibition
gravée de la main du Très-Haut fur les tables de la Loi. Non occides.
Défenfe publique & générale qui n’admet aucune reftriftion ! C ’eft
comme ii le C iel avoit prononcé , N on occides, neque fratrem tuum ,
neque te ipfum : ni ton frere , ni toi-même. Neque fratrem tuum, parce
que tou6 les hommes font freres , & qu’ils doivent s’aimer & fe pro
téger -, neque te ipfum , parce que tu m’appartiens avant d’être à t o i ,
& que tu ne peux difpofer de ma créature fans mon confentement.
La généralité du commandement en fait un précepte dans tous les cas
poflibles. Non occides.
La tolérance inhumaine imputée aux Théologiens Efpagnols , eft
donc une impofture aufli grofliere quelle eftabfurde: mais Tidéc affreufe
du fuicide, idée révoltante pour un être doué d’une intelligence railonnable, à qui la nature a donné une horreur prefqu’invincible pour fa
deflxuéUon, & qui au moment où il s’eft décidé à attenter à fa vie ,
fe trouve pour quelques inftans encore placé entré le néant & l’infini,
ce tte idée capable a e faire frémir quand on y réfléchit de fang-froid ,
même s’il pouvoit y avoir la plus légère incertitude fur l’avenir, cette
image de la mort n’eft point effrayante pour le M . de Langle. Il
s’y arrête avec complaifance : il en fait un fujet de badinage & de plaifanterie. Il fixe lui-même la deftinée qui l’attend : & ces lieux confacrés
à recevoir les triites reftes de l’humanité, n’offrent rien de terrible à
fon imagination. Il fait la defeription la plus agréable des cimetieres
fitués aux environs de Madrid. Il les peint comme des jardins de délices ,
émaillés de fleurs, plantés d’arbres fruitiers , entrecoupés de ruifleaux ,
& déclare qu’il veut y avoir fa fépulture. Et pourquoi cette prédilcftion ?
C ’efl: pour fe dire en mourant, quand mes enjans iront fu r ma tombe pleurer
inédit ,88’ ma Perte>
tr0llvcr0nt de l'ombre, ils pourront cueillir des rofes, s’affeoir
au bord de l'eau, & me manger dans une pomme. Quelle douce confolation pour un pere ! Quelle horrible jouiiTance pour des enfans! La nature
fe fouleve à l’afpeft d’un fruit aufli amer que dégoûtant -, & la piété
filiale recule en frémiiTant d’un tel excès d’aveuglement.
Jufqu’à préfent, M eifieurs, nous avons analyle l’Ouvrage relative
ment à la D ivin ité, à la Religion & aux M œ urs, foit en ce qui con
cerne la décence & l’honnêteté , foit en ce qui peut les altérer &:
�achever de les corrompre. Nous avons encore à le confiderer fous
deux afpefts ¿salement intéreffants à l’ordre public -, relativement a la
Nation Efpagnole , & relativement à fon Gouvernement. Commençons
par ce qui concerne le corps de la Nation.
„
Notre miniftere ne peut encore vous présenter le Voyage en hjpagne
.J
que fous la qualification d’un véritable libelle. Nous avons eja eu ^ Nation ^
l’honneur de vous faire obferver que ce titre n’eftq u u n pretexte que l)agnole,
le prétendu Voyageur faiiit pour marquer les différentes (rations q u i
prétend avoir mites dans fa courfe. C ’eft un cadre qui lui a paru propre
à renfermer les objets dont il avoit fait ch o ix , à leur donner le mou
vement & la vie , & à les offrir à fes leftcurs tels que fon ima
gination les lui préfentoit à lui-m êm e. Mais la nature des o jets
dont l’Auteur a fait c h o ix , l’ordre dans lequel ils font dilpoles , ix
l’affeftation de rapprocher ce qu’il y a de plus profane de ce qu îh y
a de plus facré , ou de faire fuccéder une niatiere licencieuie aux
chofes les plus refpe& ables, tout annonce que le but de 1Auteur a ete
de publier une Satyre auffi indécente que criminelle , des m œurs, des
ufages & du caraftere de la Nation Efpagnole. Il entre à cet égard
dans les plus petits détails, ils parcourt tous les états, toutes les con
ditions. Les menfonges les plus groifiers , les exagérations les plus
extravagantes ne coûtent rien à fa plume, pourvu cju elle puiffe creei
un ridicule, ou préfenter un appât à la crédulité des oiiifs qui ne
liiént que pour tromper leur ennui.
C e carattere de libelle fuffiroit pour armer notre févérité. Le genre
de diffamation que l’Ouvrage renferme eft une infulte g ra v e , dont la
Nation Efpagnole juftement offenfée a droit de demander réparation.
Et le relpeft dû aux Nations fait partie du Droit des Gens , ainii que
de la Police publique dont la manutention eit fpécialement confiée à
notre vigilance.
(;
Nous ne nous arrêterons point à relever les reproches b a s, puériles
& déplacés que l’Auteur a accumulés contre le commun des Habitans
de l’Efpagne fans aucune fpécification individuelle. Qu’importe la cou
leur , la Itature , la conformation générale de tout un peuple ? Chaque
Nation a des traits plus ou moins prononcés , une configuration diftin ftiv e, un enfemble prefqu'uniforme qui la fait reconnoitre. Quel
quefois , il eft v r a i, des Particuliers vont emprunter l’attitude & la
c émarche , l’air & le coftume de leurs voifins} ¿c ious ce deguifement,
iis croient fe donner une nouvelle maniéré d’exifter. Mais la copie eft
toujours h éloignée de l'original, qu’il n’eft pas poilible de s’y mé
prendre. Ces imitateurs font des êtres mixtes qui ne font plus ce qu’ils
�, 14' .
étoientpar la naiffance & par l’éducation, & qui ne font pas devenus
ce qu’ils vouloient être par adoption & par goût. Repouifés par leurs
compatriotes, défavoués par leurs modeles , ils n’ont bientôt d’autre
reifource que de reprendre le ton de la nature : mais l’exemple de ces
transfuges n’influe en rien fur le corps de la Nation. Elle eft toujours la
même. L e peuple a fon mafque qu’il ne peut dépouiller : fes yeux
y font accoutumés : il y trouve même une forte de beauté, parce que
la beauté eft idéale : & l’Indien rembruni fur les bords du Gange ne
porte point envie à la blancheur des Européens.
La conftitution phyiïque de l’homme eft égale, à peu de chofe près,
dans tous les climats : mais de même que chaque Nation a un genre
de phyfionomie qui la cara& érife, de même aufli elle a un cara&ere
d’efprit qui lui eft perfonnel. C ’eft ce caraftere inhérent au Peuple
Espagnol que l’Auteur a voulu principalement ridiculifer -, voilà ce que
nous appelions une infulte faite au corps de la Nation : & dans le peu
d’exemples que nous nous permettrons de vous citer, nous vous prions
de remarquer que chaque inventive particulière eft accompagnée &
foutenue a une impiété plus monftraeufe encore que l’injure.
L ’Auteur accufe également le Peuple & les Grands de fanatifme &
de fuperftition. Il donne à entendre que leur dévotion ne coniifte que
dans un extérieur com pofé, dans des grimaces & des contorfions, dans
l’habitude de porter le fcapulaire & de réciter le chapelet : enforte que
la Religion n’eft en Efpagne qu’une Religion d’apparat, de cérémonie
& de pure oftentation.
;i
On y porte le Viatique , dit l’Auteur, avec pompe, L a première perfonnç
Vq\] qui fis trouve en voiture} efi obligée d ’en deficendre & de prêter fo?i carrojje
à Dieu, Et il ajoute tout ae fuite : Ces vaines cérémonies fiont les dernieras
planches fur lejquelles fie fiauve, f i on ofe le dire, la Religion, aux abois.
Perfonne n’ignore quelle eft la haute confiance que les Peuples
d’Efpagne ont toujours eue pour la mere de notre divin Sauveur. L ’ef*
pece de culte qu’ils lui rendent paroît tenir de l’adoration. Ces hom
mages éclatans, ces pieufes falutations, ce refpeft profond, eft trans
formé pur l’Auteur en momerie & en dérifion ; il va mçme jufqu’à le
qualifier d’idolâtrie.
Les tréfors des Eglifes confacrés à Dieu fous l’invocation de la Sainte
V ie r g e , les E x voto placés fur les murailles des Chapelles qui lui font
dédiées, ces témoignages de la reçonnoiflimee, ne font que des dons
f aits en payement de fies miracles,
^
Chaque E f 'pagnol regarde la Vierge comme une parente , comme une
’ amie , comme une maitrcjfiç toute pmffiante, . . . . C’efi en fion nom quune
�femme trompe fon mari t quune fille aime fort amante reçoit une lettre 3fa it
la réponfes donne de fes cheveux t envoie fon portraits Ù accorde des render-vous.
Quel aflemblage inoui de piété & de corruption ! Quel mélange
incompréheniible de confiance & de défordre ! Peut-on fuppofer un
abus aufli monftrueux de l’interceflion de la Proteélrice de tous les vrais
Fideles ? Cette fuppofition eil-elle même vraifemblable ? Nous ne dis
conviendrons cependant pas que le Peuple, dans l’ardeur de Ton z e le ,
par une pieufe ignorance, peut rendre quelquefois à la Mere un culte
qui n’eft dû qu’à fon Fils : mais s’il donne un peu trop aux apparences
extérieures de la dévotion, ce ne font point les premiers Pafteurs qu’il
accufer. C ’eft que le peuple eft extrême en tout: c’eft que
^intérêt entretient fon enthoufiafme : c’eft qu’il ne connoît que les pra
tiques du C lo ître, & qu’on ne lui explique pas allez en quoi confifte
la véritable piété. Un peuple religieux n’a befoin que d’inftru&ion :
•& s il va plus loin que la Religion ne l’ordonne , il faut en chercher la
caufe dans l’excès de fa ferveur, & dans le deiir ardent de remplir les
devoirs que l’Eglife impofe à tous les Fideles. Auffi n’eft-ce pas dans
la claffe des hommes inftruits que l’Auteur place la grande dévotion.
C efl parmi le peuple , c efl parmi les pauvres gens que l'on compte le plus pag. î0 , 3
de dévots. Tant il efl vrai que lorfqu’on n a rien, lorfqu'on fo u jjre 3 cefl un ¿dit. a* vol.
, plaifir de prier D ieu.
Seroit - ce une vérité échappée à la plume du M . de Langle ?
Non fan^ doute j ce genre de plaifir lui eft inconnu. Il en fait un objet
de raillerie., parce qu’il n’a jamais été dans le befoin ou dans la fouffrance. Mais un jour viendra, où cet incrédule deiîrera connoître par
lui-meme la fituation heureufe d’une ame pleine de confiance, q u i,
accablee de peines & de chagrins , de douleurs & d’infirmités , va fe
jctter aux pieds de la D ivin ité, trouve une véritable confolation dans
la priere, oublie tous fes malheurs en la préfence de fon D ieu, & puife
de nouvelles forces dans la foumiffion même avec laquelle elle accepte
es epreuves qu’il plaît à la Providence de lui faire fupporter.
r ,
Giflons pas féduire par une efpérance vaine. Peut-elle jamais
e realiler . Que peut-on attendre d’un homme qui ne veut pas qu’on
implore 1aiïiftance du Tout-PuiiTant ; qui dit qu’il faut laiffer faire D ie u ,
f fi11^ regarde la ferveur de la priere comme une dépendance de la
uperftition & du fanatifme dont la Nation Efpagnole eft tranfportée ?
*e peuple en Efpagne efl généralement fanatique & 'f uperflitieux,
comme le dit le M . de Langle , cet excès lui conftitue au moins
l,n genre de cara&ere quelconque. Cependant il ne veut pas que l’Ef-
�16
pagnol ait un cara&ere de quelque nature que ce puiiTe être. E t , toujours en contradiélion avec lui-même, il lui ôte le ligne caraélérif¡ie ¿¿Ut. pag. tique qu’il lui avoit aiîigné. Les Efpagnols manquent de caractere, dit-il,
!f* " vo1, dès-lors il ejl impoffible de les aimer beaucoup, de trouver plaifir à 'vivre
avec eux. Un homme fans caraclere n e fl rien , n e fl bon à rien.
La nouveauté de cette inculpation peut furprendre. Mais auffi Ton
abfurdité démontre le peu de jugement de l’Auteur. On peut en con
clure que s’il a jamais parcouru l’E fp agn e, il n’a pas été aiTez heureux
pour y former la plus foible de ces liaifons que le hazard fait naître
quelquefois , que le rapprochement des efprits entretient, & que lefentiment perpétue. Il avoue cependant qu’il a trouvé un Peuple grave &
iïlencieux, renfermé en lui-même, & ne cherchant point à fe familiarifer avec les Etrangers. Cet aveu juiKfie ce que nous ne faifions que
préfumer. Le Peuple Efpagnol aura craint de fe communiquer à un
eiprit auiîi fuperficiel, aufli inconiidéré que celui de notre Voyageur.
L e M . de Langle cherchoit peut-être un autre lui-même, & au ro it
voulu fe rencontrer par-tout. Mais incapable , par fa légereté , de
defeendre dans la profondeur d’une ame naturellement circonfpe&e &
• réfervée, pouvoit-il faiiir le cara£lere d’une Nation dont chaque indi
vidu l’étonnoit par fa feule prélence , & accabloit fon imagination du
poids de fa gravité ?
:
I’
tl°s
' o u , liv. 1 9
^i.ip. 10.
■:
I!
j!
i:
Un Philolophc du fie c le , appréciateur éclairé de tous les P euples,
a rendu plus de julHce aux Efpagnols. Il obferve , que leur bonne fo i a
été fameufe dans tous les temps : que toutes les Nations qui commercent à
J.
J r
1
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1
c
•
■
,1
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r
Cadix , confient Leur fortune aux LJpagnols ; <y que jam ais elles ne s en Jont
repenties. Cette probité nationale ne fuffit-elle pas pour former un grand,
un noble caraftere ?
A ce défaut de cara£tere , le M . de Langle affe&e de joindre le
défaut de connoiffances & d’inftruélion. Les Efpagnols , dit-il , ont
cultivé l’Hiftoire avec une forte de fuccès : mais ils ont négligé d’ailleurs
tous les genres de Littérature. Et peut s’en faut qu’il 11e les accufe d’être
abfolument étrangers aux A rts, aux Sciences & aux Belles-Lettres. .
C e Paradoxe eft-il l’effet de l’aveuglément ou de la mauvaife foi ?
Comment refufer aux Efpagnols les plus grands talens ? Ils ont de l’é
lévation dans le gén ie, & de la nôblefle dans les idées. Leur ame eit
pleine de fentiment, & leur efprit capable de pénétrer dans les Sciences
l e s plus abftraites. La plus haute antiquité dépofe en faveur de l’Efpagnc.j
& l’on citera , jufques dans la poltérité la plus reculée, les grands
Hommes qu’elle a produits. Elle a fans doute à fe glorifier d'avoir •
donné le jour à l’Empcrcur T ra ja n , qui fut les délices du genre-humain ;
¿1 TEmpereur
�à l’ Empereut A drien, qui le premier établit dans Rome
^m
pour y enfeigner les Sciences & les Lettres, 1Eloquence & es L o ^
C ’eft de fonbfein que font fortis les deux Seneques le: Phdo o ^ e &
le Rhéteur, les deux Poètes Lucain & M artial, le célébré Q uinül«n
le Géographe Pomponius M ê la , & le fameux Co urne e q t C
premier Traité fur l’Agriculture. Nous ne parlons point des; Ec: <
illuftres qui depuis ont été la gloire S i la lumiere de eurs c
P‘
»
foit dans la Médecine , foit dans la Jurifprudence , foit ans c
logie. Mais cette eiquiffe fait voir combien 1 Auteur e mju e
ignorant fur des faits qui fe trouvent coniignes dans es anna es
toutes les Puiffances de l’Europe.
...
,
Un dernier reproche, mais d’une nature ii extraor maire qu
lifant on doute encore s’il eft écrit, c eft celui dans eque
ue
l’impudence, permettez-nous cette expreilion, oui lim pu ence e r
voquer en doute la bravoure des Troupes Efpagnoles. e
.. I
Langle s’eft exprimé en ces termes : L ’ Efpagnol pajje p o u r Joutenir pat
i re éditio>
faitement le premier choc, mais aujji-tot qu il voit Jon J an§ cou f 7 3 J ° J page 143* |
camarade tomber mort, on l’accufe alors de perdre courage , e quitter Jes
rangs , & de recommander fon ame à D ieu. Voila c e qu i fit a a atai
de R am illies, &c.
T
i i- ,
La citation eft précife : à la bataille de Ram illies. Le temps & le lieu
ne préfentent aucune équivoque. Ne faut-il pas avoir un iront pLus que
d’airain pour faire une pareille affertion ? Lim pofture eft d autant p us
grofliere, que les malheurs de la F ra n c e , à 1époque de 170 6 , ont
univerfellement connus. Philippe Y étoit alors occupé à reconquérir on
Royaum e fur l’Archiduc Charles qui s’en étoit empare. La * raijce eUc"
même avoit à fe défendre de prelque toutes les Puiiïances cle Europe
conjurées contre elle. Les Alliés étoient commandés par le
uc e
Marlborough. Les François avoient à leur tete le Marecha e 1
leroy. La pofition des deux armées décida du gain de la bataille, otre
aile droite fut écrafée, parce quelle eût à foutenir le choc de toute
l’armée ennemie. Notre aile gauche, poftée de façon qu elle ne pouvoi
attaquer ni être attaquée , le retira en bon ordre en prc ence es
Impériaux. Mais il n’y avoit aucunes troupes Efpagnoles ans
camp. Les accufer d’avoir quitté leurs rangs, d avoir pet du coût âge, c e
en impofer contre l’apparence même de la vente.
.
f
Indépendamment de la fauffeté de cette accufation dans a circon
tance particulière de la bataille de Ram illies, lEurope entière atte
tera le courage de la Nation & fur-tout de l’infanterie EfpJgno e.
plaines de Rocroi ont été témoin de fon intrépidité, &: les ^ a n e s u
�I
18
Grand Condé dépoferoient de la fermeté de ces vieilles Bandes qu’il
enfonça trois fois à la tête de la Noblefle Françoife, & dont lui & les
fiens furent trois fois repouiTés : corps inébranlable qu’il ne pût rompre
qu’avec du canon. C e Prince , digne fang de nos R o is , & qui
femble avoir laiile fa valeur en héritage à fa poftérité, ce héros viendroit attefter que chaque Soldat conferva fon poite jufqu’à la m ort:
qu’il voyoit fon fa n g couler, & fes camarades tomber fans quitter fon
rang. Il vous diroit que le Comte de Fuentes, jaloux de fa g lo ire, mais
digne C h e f de cette brave Infanterie , quoiqu’oftogénaire goûteux &
impotent, fe fit porter fur un brancard au milieu de la m êlée, qu’il
fou tint par fa préfence la valeur inouie de cette antique milice ; que
la conilance de ces généreux Efpagnols fut portée à un tel degré, qu’ils
aimerent mieux fe voir détruire que de fe rendre prifonniers & de
quitter le champ de bataille. Et ii la deftru&ion prefqu’entiere d’une
Troupe jufqu’alors invincible ajoute au triomphe du vainqueur, la
réiîitance héroïque des vaincus devient pour eux un titre de gloire &
d’immortalité.
Les Armées navales du Roi d’Efpagne ne font pas traitées avec plus
de circonfpe£tion que les Troupes de terre» La Marine Efpagnole y dit
»95 > l’Auteur, a très-peu de confidêration. L ’efprit mercantile, l'ardeur des prifes%
édlt‘
Uamour du gain qui domine les Officiers, l ’âge décrépit des Vice-Amiraux'
& des Chefs d'Efcadre y & la fuperflition de tout l’ Equipage y ne permettent
pas de compter fur les forces maritimes de ce Royaum e. L ’Auteur
convient cependant qu’on a une grande idée des talens militaires de
plufieurs Généraux dont il rapporte les noms» Mais après avoir fait
2HJ.
d’eux un éloge m érité, il fe hâte de le détruire en ajoutant: D es V ieil
lards décompofés , qui-ne voyent plus , qui n entendent plus , qui ne refpirent qu'à demi, & qui vivent à peine, ne font pas plus en état de fe
battre y de commander une flotte, de fe faire obéir, que de fauter fu r la
torde y de s*y tenir en équilibre , ou de danfer à l ’ Opéra.
Peut-on fe permettre une comparaifon plus outrageante y & l’An
gleterre elle-même reconnoîtra-t-ellc à ce portrait les Généraux Efpa
gnols qui fe font fi .fort diftingués dans la guerre que la France vient
tle terminer à la fatisfaflion de l’Europe & du Nouveau Monde ?
Si le M . de Langle fe déchaîne avec tant de fureur contre le
corps de la Nation Efpagnole, dans tous les afpefîs où il a voulu la
faire envifager ? on ne doit pas s’attendre qu’il témoigne plus de refpeét
>our la Majefté du Souverain & pour le gouvernement paiticulier de
’Efpagne.
U a des premiers objets dont l’Auteur a paru s’occuper, ce font les
Î
�Edits du Confeil, & les Ordonnances de la Police de Madrid. Il annonce
cet article avec une forte d’emphafe. On croiroit qu’il va développer
le plan de la Légiilation Efpagnole , & entrer dans le détail des Loix
nationales. Il n’en a pas même la plus légere connoiiTance. Une feule
lemble avoir fixé fon attention. C ’eft la Loi qui condamne à être
enfermées, les femmes &filles qui fe font avorter. C efl Charles-Qidnt, dit-il, Pa^68 & Æ'
quiafigné , qui a diclé cette Loi. C’ejl Charles-Qidnt, qui lui-même étouffa, 1 ^ lU0]
enterra , dit-on , l’enfant qu’il eut d’une Bouquetiere d’ Oudenarde.
Il
eft vrai que dans une note il femble fe rétra&er. On y lit :
eaucoup d Hifloriens difent que non ; je crois quils ont raifon. L e
fameux D on Juan d'Autriche , l*un des nombreux bâtards de Charles{¿u m t, prouve au refie que ce Prince n étouffoit pas tous fes enfans.
' Voilà fans doute un genre de rétractation tout-à-fait nouveau. C ’eft:
reparer un outrage par une injure aufli grave ; fur-tout quand on trouve
a la fuite de ce paflage , que ce même Empereur vouloit qu’on punît
de mort les femmes adultérés. Le rapprochement de ces deux L o ix ,
miles en oppofition avec la conduite de l’Empereur Charles V , plutôt
?°\/r ln^ ter à fa mémoire que pour inftruire , renferme tout ce que
e M. de Langle connoît du Code Éfpagnol. Il ne s’eft jattaché au furplus
qu à la maniéré dont il prétend que les Loix font publiées.
E n Efpagne, dit-il, c e fl au bruit du tambour, c e fl le Bourreau qui pa„e
publie les Ordonnances & les Edits. Il fe demande enniite la caufe d’un ¿dit. 2* vol
uiage aufli extraordinaire. Il n’a pu la pénétrer ; & il ajoute : Quelle
Janclion , quel poids, en effet, peut conferver un E d it quelconque, après
avoir paffépar la bouche d'un Bourreau , d'un homme infâme ? .............
1
es partifans de la reforme en matiere de légiilation lui répondront fans
oute que la Loi ne perd rien de fon autorité, du refpeft qui lui eit
u , quelle que foit la perfonne qui en faiTe la publication ; que les
I z01.^ P^na^es acquéreroient peut-être un degré de force , fi la puiflance
eguLitive les faifoit publier par celui qui fera chargé d’en punir la
vio ation. L Exécuteur de la loi en proclameroit les difpofitions ; &
îorreur naturelle que fa préfence infpire pourroit commander l’atten
tion ite préparer à l’obéinance. Mais fans iniifter fur ces réflexions} cet
u iag e , vraiment fingulier, n’a jamais exilté. Les Edits du Confeil &
es Ordonnances de Police fe publient à M adrid, comme par-tout ailleurs,
par le miniftere d’un Crieur public. Nous avons en France des Officiers
charges de cette publication. Qu’elle fe fafle au fon de la trompette
? U a t^
tam^our y l’effet eft toujours le même ; les fondions du
uré-Trom pette, ou de l’homme qui bat de la caille , ne font que des
appels bruyans pour avertir le peuple de la proclamation. La lecture
C z
�20
g.
26, id.
g- -7
;gc 8 0 , i rc
ion.
•âge 2^4
e édition.
de l’Ordonnance fe fait à haute & intelligible voix ; elle eft cenfée con
nue du moment qu’elle a été publiée. Après avoir attefté un ufage
qui n’exifta jam ais, l’Auteur s’attendrit fur le fort'des hommes dont
l’unique emploi eft de faire les exécutions publiques. L e M. de
Langle veut bien qu’il y ait une note d’infamie attachée aux fondions
d’Exécuteur des Hautes-œuvres ; mais comme l’infamie ejl une peine réelle,
comme il efl injufle de punir un homme qui fouvent penfe mieux, vaut mieux ,
a plus d’amc que la plupart des gens qui le fuient ,• il voudroit que cette
fonction fût attribuée à un fcélérat à qui on laifleroit la vie , & q u i,
condamné à une prifon perpétuelle , en fortiroit feulement pour les
exécutions. Et comme le métier ne(l pas a ifé , quun habile Bourreau efl un
homme rare , l’Auteur , par un effort de génie incroyable , veut qu’on
maffole pour tous les crimes ; & alors, il ne faudra ni apprentiffage , ni coup
d ’è jp ii, ni chef-d’œuvre, & le premier venu fera fuffifant. Cette maniéré
de punir les criminels a des attraits pour le M . de Langle. Car dans
un autre endroit de fon ouvrage , il avoit déjà avancé : P a r p itié} par
humanité, vuidons tous les cachots, toutes les prifons , tous les bagnes ;
infligeons la mort pour tous les crimes ; faifons mourir fans faire de mal;
maffolons tous les brigands , & tout de fuite ; plutôt aujourd’hui que demain.
Cette doftrine meurtriere fuppofe qu’il n’y a point de gradation dans
les crimes : & tandis que les Moraliftes les plus fages cherchent à dé
montrer que la peine doit être proportionnée au délit , le M . de
Langle décide que tous les crimes méritent égalem ent la mort; mais une
mort douce & qui n’ait rien d’effrayant pour le coupable , ni pour ceux
qui pourroient le devenir. C e nouveau Légiflateur fe feroit-il flatté de
s’attirer les hommages & de mériter la reconnoilfance de l’humanité ?
Il en eft perfuadé ; 6c fa compaffion pour les malheureux eft fi excefîive
qu’elle va ju fqu à la cruauté. S i j étois R o i , dit-il, & que dans une de
mes Villes il mourût quelquun de mifereyje fcrois affembler tous les riches
& les ferois décimer.
Quelle idée fanguinaire ! Faut-il donc être atroce pour être bienfaifant ? L ’humanité fouffrante a fans doute des droits fur une aine bien
née. Le fpeélacle de la mifere attendrit l’être le moins fenfible ; &
l’aumône qu’une main charitable dépofe dans le fein de l’indigence eft
le produit d’un fentiment naturel, plus que l’accomplilTement du pré
cepte , qui en diminueroit le mérite & le prix. La charité eft une vertu
qui ne fe laiiTe pas commander ; elle ne demande qu’à être avertie ,
inftruite & dirigée ; elle eft fa récompenfe ; elle jouit de fes bienfaits >
elle ne confulte qu’elle-même pour les répandre , & n’écoute que le
cri de la pitié quli retentit au fond d’une ame compatiiïante. Mais eo
�faire une L oi de rigueur ou d’obligation , rendre la dixieme partie des
citoyens opulens d’une même ville refponfable de la vie dun mendiant,
peut-être inconnu, qui a péri faute de fecours, ce n’eft plus humanité ,
c’eft barbarie ; & de même qu’il n’y a pas de généroiite a fecourir
un malheureux, de même le défaut de bienfaiiance ne peut être regardé
comme un crime digne du dernier fupplice.
C ’eft nous arrêter trop long-tems à réfuter les idées abfurdes & bi
zarres répandues dans un écrit qui ne doit infpirer que la plus vive
indignation. Reprenons-en l’an a ly ie, & hâtons-nous de remplir la tâche
que nous nous fommes impofée. Parcourons rapidement les injures
atroces prodiguées contre le fyftême politique & le gouvernement in
térieur de l’Eipagne.
Si le M. de Langle parle de l’adminiftration des finances & de la
v;
perception des impôts , ce n’eft pas feulement pour en fixer la nature Inve&vc*^ j
& en critiquer l’étendue : il femble qu’il a formé le projet de foulever co"e"nement j '
les peuples contre l’autorité. Rien , dit-il , de plus multiplié , de plus d’Efpagne. :
exorbitanty de plus mal ajfis, que les impôts quon paie en Efpagne. Rien pa^ ^ ^
de plus onéreux pour le R o i, de plus coûteux pour les peuples , que la ma- édit. ier vol. [■
niere dont on les perçoit.......... L e peuple ejl malheureux , & le R o i fe plaint
'
toujours de n’avoir, pas affè^ d'argent. Cette inventive , dirigée contre le
Gouvernement 8c contre le Roi lui-même , eft terminée par une comparaifon injurieufe, qui frappe également fur toutes les Têtes couron
nées. Mais cette offenfe n’eft pas encore fuffifante à ce Critique effréné.
Il ofe avancer que le peuple de M adrid ejl celui de toits les peuples qui a le pag
moins de nerf. On peut impunément doubler , tripler les impôts : il ne dit édit. z* vol, *
rien; les Minijlres font ce quils veulent, Une fe plaint jam ais.
Ce reproche fait à tout un peuple, de manquer de nerf, de ne jamais
fe plaindre, & fur-tout cette expreiîion, impunément, nous paroiflent
i
placés à deffein, pour exciter de la fermentation dans les efprits, pour
les encourager à la défobéiiîance \ & cette femence de fédition n’eft
plus équivoque, quand on fait attention au peu de ménagement avec
lequel l’Auteur s’eic expliqué fur le compte des Miniftres.
D es projets commencés, des moyens lents , des demi-volontés , voilà le iTf ¿flition,
rond que l’orgiteil national trace depuis plus de deux Jieclcs autour du M i- pa&e
nijlre • • • - Voilà le fléau , la hache 3 la coignée , qui cléracine, qui arrachey
qui étouffe en Efpagne tous les germes, tous les plans , tous les hommes.
Depuis long-temps l’Efpagne n’a eu que des Minijlres nuls , abfolument p3ge
,
nuls.
v ii.la note.
Les M inijlres, les Généraux, les Ojficiçrs s’accufent tour a tour d’irré- page
folution, (Cinfouciance j d’impéntiek
�22
Page 193 ;
Enfin, il y a des hommes de refie ¡ mais cefont des hommes fans courage,
id. la note. ^ Jl0,m m£s Çans ¿ ra s.
Sera-t-il donc permis à un particulier d’infulter ainfi à une Nation en
corps ; d’avilir les Miniftres dépofitaires de l’autorité ; de dégrader aux
yeux des fujets les Agens de la Souveraineté? E ft-il un Etat policé où
l’on puiiTe tolérer une pareille licence ?
C e n’eft pas feulement fur le genre d’adminiftration , & fur les Mi
nières d’Etat que l’Auteur fe plaît à répandre le poifon de la calomnie.
Il
ne craint pas d’attaquer les repréfentans de la Majefté royale auprès
des PuifTances de l’Europe. Mais par un rafinement de m échanceté,
c’eit en faifant leur éloge q u ’il prend p laiiir à les outrager. L ’Ambafladeur extraordinaire de S. M. C. auprès de la Cour de France n’eit point
à l’abri des traits de fa plume empoifonnée. C’ejl le feu l homme , dit
3e édition, l’Auteur, de qui la Monarchie Efpagnole puijfe s’enorgueillir à préfent.
oag. 1 2 7 ,1 " Cet éloge eft pompeux : mais pour en connoître la force & l’étendue,
' ol*
il faut pénétrer le fens de l’Auteur. Quel eft donc le fondement de cet
orgueil? Le croiroit-on? C ’eft que le M. de Langle lui prête fon lan
gage , fes opinions, fon aveuglement & fon abfurdité. L ’Ambafladetir du
Roi d’Efpagne eft trop modefte & trop éclairé, pour avoir Famour-propre
Idem.
de fe croire le feu l que la poflérité puijfe inferiré fu r fes tablettes. Ne peuton être gran d, fans être l’homme unique à qui ce titre foit réfervé ?
Toute l’Europe rend juftice à fa fageiîe, à fa prudence, à fes talens.
Mais les idées extrav ag an te s qu ’ on fubftime à fes v u e s
à fes principes ;
íes projets infames qu’on fuppofe qu’il devoit mettre à exécution j l’aiTociation de la vérité & de Fimpofture qu’on lui attribue ; ces fyftêmes
de tolérance & d’irréligion, font fi éloignés de fon caraétere , de fon
efprit & de fon cœ ur, que les motifs mêmes de fon éloge ne peuvent
qu’exciter fa jufte indignation. Le M. de Langle s’eil en quelque
lorte perfonifié dans l’Homme d’Etat qu’il a voulu calomnier. Vous
avez déjà vu qu’il affeftoit dans le corps de fon Ouvrage de rapprocher
&■ de confondre les rêveries de l’Alcorán & les Myfteres de notre fainte
Religion : qu’il confeilloit la deftruélion des Temples & le dépouille
ment des Eglifes. Il a cru fans doute ajouter à ia glo ire, en donnant
cette façon de penfer impie & facrilege, à un Miniitre également confommé dans Fart militaire & dans la Tcience du Gouvernement, à un
Politique profond, trop inftruit pour ne pas deviner les autres, mais
trop habile pour fe laifler pénétrer lui-même ; enfin, à un génie fage &
religieux, vigilant & a£lif, qui ne s’eft pas moins acquis de réputation
dans les Cours étrangères, qu’à la tête des Confeils de fon Souverain.
Voilà Fhomme que le M . de Langle ne craint pas d’aiTocier, pour
�ain fid ire,à ion extravagance, ¿k qu’il dégrade au point de le louer,
comme ayant adopté ion fyftême & fes impiétés.
Nous ne releverons point les irrévérences dont l’Auteur s eft rendu
coupable envers la perfonne même du Roi d’Efpagne. S’il convient que
ce Monarque ejl adoré, fa plume audacieufe fe permet des remarques Page
& des expreflions aufli indécentes qu’injurieufes à la Majefté Royale. édlt* 1
Auroit-il donc oublié que le Prince qui gouverne aujourd’hui l’Efpagne
avec tant de fagefle , formera , par les ieuls événemens de l'on regne ,
une époque mémorable dans les Faites de cette Monarchie ? Auroit-il
oublié cjue ce Prince eft un B o u rb o n -, que cet augufte nom eft devenu
aufli precieux à l’Efpagne , qu’il a toujours été cher à la France ? Le
D uc d’A n jo u , en montant fur le T rô n e, femble avoir tranfporté dans
ces climats cet amour v if & généreux que les François ont de tout
temps fait éclater pour les Defcendans de Clovis & de Saint Louis ? Les
Elpagnols ne fe font-ils pas fait une gloire de nous imiter ? N ’ont-ils pas
prodigué leur fortune & facrifié leur vie pour le petit-fils de Louis X IV ?
Tant il eft vrai que la deftinée des Bourbons eft d’être aimés de tous les
Peuples qui ont le bonheur de vivre fous leur empire.
L ’union entre la France
l’Efpagne doit être auiïi incliffoluble que
les liens du fang : elle eft aufli conforme aux intérêts réciproques des
deux Nations, qu’aux vœux conftans & finceres de leurs auguftes Sou
verains. Comment cette union fi naturelle & fi deiirable pourroit-elle
fubiîfter entre deux Peuples nombreux, dont l’un fe verrcit en butte
aux infultes de l’autre ? Le mépris provoquerait néceflairement la haine;
& l’Hiftoire ne fournit que trop d’exemples des terribles effets produits
par les antipathies & les rivalités nationales. Les guerres fanglantes qui
ont défoie l’Europe, ont dû leur commencement & leur prolongation
à ces funeftes fentimens. I l n’y a plus de Pyrénées, difoit Louis X IV .
Faut-il qu’un Ecrivain furieux vienne élever une barrière plus difficile à
franchir que les monts les plus efearpés ? Un Auteur qui tend à renouveller d anciens motifs de diviiion, ou à en faire naître de nouveaux, doit
etre puni comme un incendiaire. Les Nations, plus éclairées fur leurs
véritables intérêts S; fur les droits de l’humanité, femblent aujourd’hui fe
rapprocher naturellement, & vouloir faire entr’elles un pafte de frater
nité. Ne doit-on pas regarder comme une pefte publique, l’Ecrivain qui
maltraite aufli gratuitement quinjuftement, une grande Nation, voifine
de la France, ion alliée, & qui mérite à tant de titres fon eftime & fon
amitié ?
Si chaque Nation a fon cara& ere, fes mœurs & fes ufages , chaque
Nation a aufli fon honneur dont elle eft jaloufe, & fa Majefté qui doit
�14
être refpeftée. Eft-il rien de plus capable d’animer le zele de notre
M iniitere, que le traitement odieux que la Nation Efpagnole éprouve
dans l’écrit que nous venons de vous dénoncer ?
Elle n’a pas befoin d’être juilifiée des imputations ou des reproches
d’un Auteur dont la démence peut à peine fe concevoir : des écrivains
plus accrédités, plus fages, plus véridiques, lui ont d’avance rendu
juitice j & notre apologie iéroit fuperflue. Mais notre miniftere indigné
de voir un François s’abandonner à un tel excès de frénélie , croit
qu’il eit de ion devoir de défavouer, au nom de toute la France , les
outrages que le M. de Langle a eu Finfolence de fe permettre ; 8c
nous ne craindrons point de tracer ici le portrait tout - à - fait oppofé
d’un Peuple ii cruellement défiguré.
Les Eipagnols ont le maintien férieux ; la nature leur a donné un
air grave, qui, au premier abord, impofe à ceux qui ne le connoiffent pas : ils font froids, réfervés & peu communicatifs ; mais fufceptibles d’attachement, de liaifon & d’amitié ; 6c lorfqu’ils fe font une
fois familiarifés dans le commerce de la vie , ils quittent cette gravité
extérieure , 6c fe montrent animés, doux, fociables 6c pleins d’aménité.
Iis ont l’efprit noble & fublime , pénétrant 6c propre à toutes les
fciences : ils n’ont befoin que d’être encouragés au travail ; l’excès de
la fatigue 6c le manque de fuccès ne font pas capables de les rebuter.
Ardens dans leurs entreprifes , conilans à les pourfuivre , lents à fe
déterminer, mais fermes dans leurs délibérations , fages 6c patiens dans
l’adveriîté , le péril n’a rien qui les étonne ; & le fang-froid du vrai
courage accompagne toujours, leur intrépidité.
Généreux 6c magnifiques, délicats fur le point d’honneur , exafts à
tenir leur parole , même contre leurs propres intérêts, ils donnent à
toutes les Nations l’exemple de la probité la plus fcrupuleufe. En gé
néral les Efpagnols ont de grandes vertus & quelques défauts, commetous les autres Peuples. Quelle Nation ofera fe vanter de n’avodr au
cune des foibleiTes attachées à l’humanité ?
Nous devions ce genre de réparation à un Peuple notre ami 6c notre
allié. Mais après avoir fatisfait à cette obligation , nous devons nous
occuper de la condamnation d’un ouvrage aufli fcandaleux. En moins
d’une année , le V oyage en Efpagne a été imprimé trois fois fous deux
titres différens ; & la troifieme édition eft déjà prefque épuifée. Les
impoftures les plus groiïïeres , à force d’être répétées 6c répandues ,
acquièrent enfin une forte de confiftance : elles produifent infenfiblement une impreffion confufe 6c générale -, 6c la plaie n’eft jamais par
faitement cicatrifée.
La
�La flétriffure la plus éclatante ne fuifit pas pour reparer un fcandale
déjà trop multiplié. Le M. de Langle a pris à tâche de calomnier les
Nations , d’attaquer les Gouvem em ens, cl’infulter la Religion , de dé
grader la Providence , d’anéantir la Divinité , s’il étoit poffible , en la
peignant comme complice de tous les défordres des paillons humaines.
Son ouvrage doit fans doute être jetté dans les flammes avec tout
l’appareil de l’infamie qu’il mérite ; c’eft peut-être lui faire trop d’hon
neur que de le regarder comme dangereux. Mais l’Auteur avoit prévu
le fort qui le m enaçoit, & l’annonçoit avec fatisfaélion. Mon ouvrage
fâremetit fera réduit en cendres, dit-il, tant m ieux, tant mieux , mille
fo is tant mieux , cela porte bonheur ; falut aux ouvrages qiion brûle , le
Public aime les livres brûlés.
Cette joie faélice & immodérée n’eft qu’un épanchement de l’amourpropre ; ces exclamations redoublées font le cri de l’orgueil & de la
préfomption ; les fentimens qu’il décele annoncent une ame vouée à
l’ignominie. Eft-il un des Cyniques de l’antiquité qui fe foit fait un
plaifir de provoquer ainfi la condamnation ? Et le M. de Langle
ofe'appeller fur fa tête la cenfure publique , il ne craint pas de s’en
faire un triomphe ! Mais il fera de courte durée. Nous la requerrerons
cette condamnation : 8c pour la rendre plus folemnelle, nous y ajou
terons les qualifications qui conviennent à l’Auteur & à fon ôuvrage.
Nous ferons plus encore, nous' requerrerons que le procès foit fait à
celui qui n’a pas craint de mettre fon nom au frontifpice de la troifieme édition ; & alors la vanité qu’il efpere tirer du goût du Public
pour les ouvrages brûlés, fera tempérée par la honte de refter dans
les liens d’un décret toujours fubfiftant.
On nous dira peut-être qu’il y a du danger à décréter un A uteur,
parce que fon nom fe trouve à la tête d’un imprimé ; un étranger ne
peut-il pas avoir emprunté ce nom pour donner le change aux Magiftrats? C ’eft un malheur fans doute , mais un malheur facile à réparer,
oi le M. de Langle n’eft pas l’Auteur du Voyage en E fp ag n e, qu’il
fe préfente à la Juftice , qu’il fe hâte de défavouer un ouvrage , qui
ne fait honneur ni à fa plume , ni à fon efprit, ni à fes m œurs, ni
à fa qualité.
Nous finirons comme l’Auteur lui-même a fini fon premier volume.
11 s’écrie -.Heureux qui n a jamais lu ; la lecture efl un poifon lent qui
tUe le génie, monte à la tête , & laiffe dans le cerveau une efpece de fédiment qul empêche de fentir & de penfer.
Le M. de Langle a voulu cara&érifer fon propre ouvrage. Quand
on en a pris lefture , on eft forcé de dire avec lui : Heureux qui n a
.
Page 13,!
¿¿it.ac vol,|
Pag. a n ;
édlUL- v,1‘
�i6
jamais lu une produ&ion impie , blarphêmatoire & facrilége. Elle ne
pourroit infpirer qu’un fentiment d’horreur .& de mépris, iî l’impreiîion
que produit l’audace & la licence effrénée de l’Auteur n’étoit modérée
par un mouvement de pitié pour l’aliénation totale de Ton efprit.
Nous laiffons à la Cour les trois éditions de l’imprimé dont nous
venons de rendre compte , avec les concluions par écrit que nous
avons prifes à ce fujet.
Et fe font les Gens du Roi retirés , après avoir laiffé fur le Bureau
lefdits trois Exemplaires & les concluions par eux prifes par écrit
fur iceux.
Eux retirés;
V u trois Imprimés : le premier en un petit volume /7 2 -18 , en 2 8 0
p ag es, fans noms d’Auteur ni d’imprimeur, ayant pour titre : Voyage
de Figaro en Efpagne , avec cette épigraphe : currente rota. A SaintM a lo , 1J8 4 . Le iecond dans le format d’un in-8°. de 88 pages, ayant
•pour titre : Voyage de Figaro en Efpagiie , fans noms d’Auteur ni d’Im.prim eur; à S ¿ville, i y S5 . Le troiiieme en deux tomes in - 1 2 , dont le
premier de 223 pages, le fécond de 209 pages , l’un & l’autre ayant
pour titre : Voyage en Efpagne , par M . le Marquis de Langle, imprimé
à Neujchatel, de TImprimerie de Fauche , fils aîné, & Compagnie, i y 85.
Concluions du Procureur Général du Roi. Oui le rapport de M c Ga
briel Tandeau , Confeiller. L a matiere' mife en délibération.
L A C O U R ordonne que lefdits trojs Imprimés feront lacérés &
brûlés en la Cour du Palais, au pied du grand efcalier d’ic e lu i, par
l’Exécuteur de la Hautc-Juftice , comme impies , facrileges , blasphé
matoires , deftrufteurs des Moeurs & de la Religion , injurieux & ca
lomnieux envers la Nation Efpagnole & fon Gouvernement, féditieux
& propres à foulever les efprits contre l’autorité légitime & les Dépofitaires de ladite autorité, enfin tendans à porter atteinte à l’union
indiffoluble qui doit régner entre la France &: l’Efpagne : enjoint h
tous ceux qui en ont des Exemplaires, de les apporter au Greffe de la
Cour , pour y être fupprimés : fait très-expreffes inhibitions & défenfes
à tous Libraires, Imprimeurs , d’imprimer, vendre & débiter lefdits
Livres , & à tous Colporteurs, Diftributeurs & autres > de les colporter
ou diilribuer, à peine d’être pourfuivis extraordinairement, Si punis
�27
fuivant la rigueur des Ordonnances : ordonne qu’à la requête du Pro
cureur Général du R o i , il fera informé , pardevant le Confeiller-Rapporteur , que l a Cour com m et, pour les témoins qui fe trouveront à
P aris, & pardevant les Lieutenans Criminels des Bailliages & Sénéchauff ees du reffort, pour les témoins qui font hors de ladite Ville ,
contre les Auteurs, Imprimeurs ou Diftributeurs. defdits L ivres, pour
les informations faites , rapportées & communiquées au Procureur
Général du R o i , être par lui requis & par la Cour ordonné ce qu’il
appartiendra ; ordonne à cet effet qu’un Exemplaire defdits Imprimés
fera dépofé au Greffe de la C o u r, pour fervir à l’inftructio n du procès.
Ordonne en outre que le préfent Arrêt fera imprimé, publié & affiché
par-tout où befoin fera, & copies collationnées envoyées aux Bailliages
& Sénéchauffées du reffort, pour y être lu , publié & regiftré enjoint
aux Subftituts du Procureur Général du Roi efdits Sièges d’y tenir la
mai n, & d’en certifier la Cour dans le mois. Fait en Parlem ent, les
Grand Chambre & Tournelle affemblées, le fept Février mil fept cent
quatre-vingt-fix. Collationné L u t t o n .
'Signé L E B R E T .
E t le mercredi quinze Février mil fept cent quatre-vingt-f îx , lefdits trois
Imprimés ci-deffus énoncés , ayant pour titre' les deux premiers , V oyage
de Figaro en Efpagne; & le troif ieme , V oyage e n Efpagne, par M. le
Marquis de L an gle, ont été lacérés & brûlés par l’Exécuteur de la HauteJuftice , au pied du grand efcalier du Palais , en préfencè de moi EtienneTimoleon Yfabeau , E cu yer, l’un des Greffiers de la Grand"Chambre 3
affifé de deux Huiffiers de la Cour.
Signé Y S A B E A U .
■
■'
-
-
...... 1
---------- --
■
------
A P a r is . Chez P. G . S im o n & N . H. N y o n , Imprimeurs du Parlement,
rue Mignon, 1786
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Arrêt de la Cour de Parlement. 1786]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lebret
Ysabeau
Subject
The topic of the resource
censure
recueil d'impiétés
blasphème
atteintes aux bonnes mœurs
livres interdits
Description
An account of the resource
Titre complet : Arrêt de la Cour de Parlement, qui condamne trois Imprimés : le premier en un petit volume in-18, en 280 pages, fans noms d'auteur ni d'imprimeur, ayant pour titre : Voyage de Figaro en Espagne, avec cette épigraphe : currente rotâ ; à Saint-Malo, 1784. Le second, dans le format d'un in-8°, de 88 pages, ayant pour titre : Voyage de Figaro en Espagne ; fans noms d'auteur ni d'imprimeur ; à Séville, 1785. Le troisieme, en deux tomes in-12, dont le premier de 223 pages, le second de 209 pages, l'un et l'autre ayant pour titre : Voyage en Espagne, par monsieur le Marquis de Langle, imprimé à Neufchatel, de l'imprimerie de Fauche, fils aîné, et compagnie, 1785, à être lacérés et brûlés par l'exécuteur de la Haute-Justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez P. G. Simon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1786
1784-1786
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0701
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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atteintes aux bonnes mœurs
blasphème
Censure
livres interdits
recueil d'impiétés