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4z
f
MEMOIRE
POUR
M a r i e B Œ U F , veuve de J e a n C ham bon , meunier,
tant en son nom que comme tutrice légitime de leurs
enfans, habitante du moulin du Mayet-d’École, muni
cipalité de Jenzat, arrondissement de Gannat; appelante:
CONTRE
J a c q u e s B O I R O T - L A C O U R , ex-législateur, ex-juge
au tribunal civ il de l'arrondissem ent de G a n n a t, et
- m embre de l'académ ie de législation, séante à P a r is ,
q u a i V o lta ir e ; habitant du lieu des P la c e s , m unieip a lité de J e n z a t , tant en son nom que com m e usu
f r u it i e r du dom aine des P la c e s ; C ha r l e s - V i n c e n t
D U B R E U I L D E L A B R O S S E , propriétaire, demeu
rant à la B r o s s e , arrondissem ent de M ontluçon , et
dame M a r i e - C a t h e r i n e D U B R E U I L , épouse divor
cée du citoyen Rollat je u n e , habitante de la ville de
M on tluçon intim és.
C e t t e cause présente plusieurs questions peu considéra
bles par elles-mêmes. Mais son objet est de la plus haute
A
�t â )
importance pour la veüve Chambon et ses enfans. Tou s leà
efforts des adversaires tendent à lui ôter provisoirement
la jouissance de sa p r o p r ié té , la jouissance d’un moulin
très-employé et très-utile au canton de sa situation.
P a r trop de précipitation les intimés ont fait naître des
difficultés. Entraînés, on ne sait par quel m otif particulier,
ils veulent fatiguer une malheureuse veuve. Mais ils n ’ont
pas assez médité les moyens d’exécution. S’il est v r a i >
comme l’a dit le grand d’Aguesseau, que différer la justice
c’est la refuser, il l’est aussi qu’il y a bien des dangers de
la solliciter avec trop d’ardeur. L a cause présente en est
un «xemple,
F A IT S .
L e 9 floréal an 2 le citoyen Petit-Dossaris, receveur des
finances à G annat, se rendit adjudicataire d’un moulin
appelé moulin du M a ye t-d ’École. Ce moulin est sur la
rivière de Sioule. L ’adjudication fut faite au directoire du
district àa G an n at.L ’on imposa au citoyen Petit la charge,
i° . de construire un glacis en pierre m oellon , le long du
pré des Places, appartenant à défunte Marie D u b re u il,
épouse du cit. B oirot; 2°. de changer l’écluse du moulin.
L e citoyen Petit désira s’affranchir de cette servitude.
I)e leur côté , les adversaires convoitoient un pré dépen
dant du moulin du Mayct. Ces sentimens divers opérèrent
une satisfaction mutuelle. L e 19 germinal an 3 il fut passé,
entre le citoyen Boirot et la dame Rollat, d une p a rt, et le
citoy. P e tit, d’autre p a r t, un traité par lequel, i<>. le citoy.
Petit fut débarrassé de la charge du glacis et du change
ment de réclusc ; 20. en récompense il abandonna aux
�4*7
C3 )
adversaires la propriété d’un pré appelé B e rn a rd , qui est
d’une valeur très-considérable.
L e 5 floréal an 3 le citoy. Petit subrogea, sans garantie,
le citoyen Cham bon, à l’effet de l’adjudication du 9 floréal
an 2, moyennant certaines choses, et la somme de 10,000 f.
déjà payée. L a subrogation contient la clause suivante.
« Et comme par la même adjudication dudit m oulin,
« ledit citoy. Petit-Dossaris étoit expressément chargé de
« construire un pérel ou glacis en m oello n , le long du
« pré des Places, dépendant des biens de défunte Marie
«
*
«
«
«
«
D u b r e u il, de la manière désignée au procès verbal de
ladite adjudication; et qu’il a traité sur cet objet avec le
citoy. Jacques B o iro t, veu f de ladite Marie D ubreuil, et
tisufruitierde ses biens, et Marie Catherine D u b r e u il,
femme divorcée du cit.Rollat, de la commune de Montlu ço n , suivant l’acte reçu Baudet et son confrère, no
te taires à G annat, le 19 germinal d ern ier, enregistré à
« Gannat l é f2 i , par Genglaire, pa r lequel ils ont non«
«
«
«
«
«
seulem ent déchargé ledit P e tit-D o ssa r is de la coustraction dudit pérel ou g la c is , m ais encore du ch an gernent de l'écluse dudit m o u lin , l a q u e l l e , a u d é s i r
DU MÊME A C T E , DEMEURERA OU ELLE EST, sans
nêa?imoins que ledit Charnbon, q u i s'y soum et, puisse
la fo r t ifie r autrem ent que p a r derrière, et à la charge,
« EN CAS DE DIFFICULTÉ SUR LA HAUTEUR DU DEVER« SOIR, ELLE SERA DÉTERMI NÉE PAR LES INGÉNIEURS
« DU DÉPARTEMENT DE L’ A L L I E R ,
CONFORMÉMENT
« AU CODE R U R A L , et que les haies qui se trouvent tout
* le long de ladite écluse et du b é a i, de chaque côté de
« l’eau, resteront aussi à la même place où elles sont;
A z
�\
i
C4 )
« et que pour avoir obtenu cette décharge dont les dé« penses auroient été incalculables, il leur a abandonné
« en toute propriété et jou issa n ce Le pré B e r n a r d , dési« gné et confiné au môme acte, d'un p rix très-considék rabie; ledit C ham bón , pour Ten dédom m ager, lui a
« payé comptant, en effets de v a le u r, tant ci-devant que
« présentem ent, la som m e de 10,000 f r a n c s , etc.
L e citoyen Boirot-Lacour, tant en son nom personnel,
com m e usu fru itier du bien des P la c e s , q iie n celu i du
citoyen Jüubreuil de la B ro sse et de la dame R o lla t , a
fait citer la veuve Chambón en conciliation ; et il y a eu
entr’eux un procès verbal de non-conciliation, le 3 ther
midor an 10.
D e ce procès verbal il résulte que le citoyen BoirotLacour demande, i°. que la transaction du 19 germinal an 3
soit déclarée exécutoire contre la veuve Chambón; 20'. que
pour ne s y être pas conformée elle soit condamnée en
10,000 francs de dommages-intérêts, pour réparation des
torts qu’elle lui a faits en avançant son écluse, en élevant le
niveau de l’eau par des cornblemens en pierre, etc.; 30. que
la hauteur du déversoir du moulin soit déterminée par les
ingénieurs du département; 40. que la veuve Chambón soit
tenue de nettoyer le lit du béai, en jetant le gravier égale
ment sur chacune des deux-rives ; 5°. que la veuve Cham
bón soit condamnée à se conformer aux diliérentes lois et
aux clauses de la transaction.
D e ce procès verbal il résulte que la veuve Chambón a
répondu , i°. n’avoir rieu fait contre la teneur de la tran
saction ; a(). s’en rapporter ù une expertise sur le fait.
D e ce procès verbal il résulte enfin que le citoyen BoirotLacoui’ a refusé expertise et arbitrage.
�( 5 )
L e 26 lîrumaire an 1 1 , assignation devant le tribunal
civil de Gannat, à la veuve Cham bon, de la part du citoyen
B o iro t-L a c o u r, stipulant tant en son nom p erson n el,
com m e usufruitier de la propriété des P la c e s , q u ’en celu i
du citoyen D u b r e u il de la B rosse et de la dame R o lla t.
Il corrige un peu ses conclusions. Il demande, i°. que la
veuve Chambon soit condamnée à se conformer exactement
à la transaction du 19 germinal an 3 j et à son contrat d’ac
quisition ; et toujours 10,000 francs de dom mages-inté
rêts; 20. que la hauteur de l’écluse soit déterminée par les
ingénieurs du département d’A llier , et que la veuve
Chambon soit tenue de la faire baisser d’après la base qu’ils
arrêteront.; 30. que la veuve Chambon soit condamnée
à creuser le béai du moulin dans toute sa lon gueur, de
manière à en jeter le gravier également sur les deux bords;
4°. enfin , que la veuve Chambon soit forcée de tenir
continuellement son écluse et son béai à tel niveau ; qu’elle
ne rejette pas f eau su r les prés et la propriété des P la c e s ,
d’ une m anière nuisible ¡a in s i q u elle n a cessé de lef a i r e .
Les parties se rapprochent. Un projet de traité est fait
an désir du citoyen Boirot. Les clauses en sont infiniment
onéreuses à la veuve Chambon. Néanmoins elle y souscrit,
»parce qu'il ne lui paroit pas sage de lutter contre plus
. puissant qu’elle. L e cit. Boirot agrée l’arrangement : un
• notaire le met au net. En attendant , sous un prétexte >
quelconque, le citoyen Boirot sort et ne reparoît plus.
I*e 21 nivôse an 1 1 , présentation de la veuve C/uimbon , sur la demande du 26 brumaire.
23 nivôse , signification de celte présentation à
l'avoué des adversaires.
�( 6 )
Ce fait, ordinairement indiffèrent en s o i, est très-consU
dérable dans la cause.
'
A rriv e une inondation qui fait de grands ravages au
moulin de la veuve Ghambon. L ’écluse est entraînée ; et
le premier soin de la veuve Ghambon a diî être de réparer
ces dégâts. Son intérêt personnel et celui du public l’y
portent. Nom bre d’ouvriers y sont employés.
Les adversaires saisissent cette circonstance. L e premier
pluviôse ils présentent requête au président du tribunal
civil de Gannat. Ils lui demandent la permission d eJa ire
assigner provisoirem ent, à jo u r et audience déterm in és,
la veuve C h a m b o n , p our o u ïr d ir e , i° . que Tétat des
lie u x sera v u , visité et constaté p a r Tun des m em bres
du tr ib u n a l, q u i sera com m is à cet effet, et dont ils
requièrent le transport ; 2°. qu avant que le déversoir,
actuellem ent enlevé p a r la riv ière, puisse être ré ta b li,
la hauteur ci laquelle il devra être élevé so it déterm inée
p a r les ingénieurs du département ; 30. q u i l so it dit que
toutes choses dem eureront en é ta t, et q u i l ne pourra
être f a i t aucune réparation , avant le transport de Vun
des ingénieurs ou de Vun des juges.
L e premier pluviôse, ordonnance du président s e u ly
qui porte que la requête sera communiquée au commis
saire du gouvernement. Il n’y est pas dit qu’elle sera signi
fiée préalablement à l'avoué de la veuve Ghambon. Aussi
point de signification à cct a v o u é .
D u même jo u r , conclusions du commissaire en faveur
des adversaires.
Du même jour, ordonnance du président s e u l, et en
sou h ô tel, qui permet d'assigner ¿\ l’audience du 9 : J u s
�4 * *
C7 )
que-là, y est-il dit, ordonnons que toutes choses dem eu
reront en état entre les parties, A c e t e f f e t , d é f e n s e s
SONT FAITES AUXDITES PARTIES DE CHANGER L’É T A T
DANS LEQUEL SE TRO UVE NT A CT UELLEMENT LES L IE UX
C O N T E N T I E U X , JUSQU’A CE Qü’l L EN A I T ÉTÉ A U T R E
MENT ORDONNÉ.
L e 2 du m ême m ois, signification de la req uête, des
conclusions du commissaire, de l’ordonnance et ( par
extrait) de la transaction du 19 germinal an 3 , à l’avoué
de la veuve Chambon.
• D u même j o u r , même signification au domicile de la
veuve C h am b o n , h la requête du citoyen Boirot seul, et
sans y prendre la qualité d’usufruitier.
L e 4 pluviôse, opposition de la veuve Chambon à l’or
donnance du prem ier, contre le citoyen Boirot seul. L a
veuve Cham bon n’assigne point sur cette opposition. Elle
se réserve la voie de Vappel.
Cette opposition étoit tout au moins suspensive, i°. parce
que l’ordonnance ne portoit pas la clause nonobstant opposition ; 2°. parce que cette clause y eût-elle été, elle auroit
été hors de place, et sans force au moyen de l’opposition.
N éanm oins, le même jour, le citoyen Boirot seul envoie
un huissier sur les lieux. Il paroît que cet huissier ( sans
re co r s) a dressé un procès verbal constatant, i°. que la
veuve Chambon faisoit travailler î\ rétablir son écluse ou
déversoir; 20. que l’huissier lui a réitéré les défenses de
passer outre; 30. que la veuve Chambon et ses ouvriers
ont refusé formellement de se retirer.
D u même jour ( 4 pluviôse), ordonnance du commis
saire du gouvernem ent, qui permet à l’huissier porteur
�. C 8 )
des pièces de se faire assister de gens en nombre suffisant,
m êm e de la force armée, pour empêcher q u i l ne soit f a i t
AUCUNE RÉPARATION NOUVELLE audit déversoir, ju s
qu'il ce qu autrement par ju stice il lien soit ordonné.
- L e 5 pluviôse, à 10 heures du m atin , arrivent sur les
lieux huit huissiers ou gendarmes. L e citoyen Boirot
leur rapporte que ce jour-là il n’a vu aucun ouvrier tra
vailler aux réparations de la veuve Chambon ; mais que
la veille la veuve Chambon avoit;augmenté le nombre de
scs travailleurs, et avoit réussi à relever son écluse.
L e citoyen Boirot requiert l’huissier d’examiner et de
constater l’état du béai, la hauteur du déversoir et les nou
velles constructions et réparations de la veuve Chambon.
* L ’ huissier et sa troupe adhèrent au réquisitoire, e t ,
quoiqu’ils n’aient aucune mission pour cela, ils font un
procès verbal descriptif des lieux : il a quatre pages d’écri
ture; il est dressé non sur le local, mais dans la maison
du citoyen B o iro t, en l’absence de la veuve Chambon :
cela y est dit bien expressément.
L e 8 pluviôse, appel de la veuve Chambon contre les
adversaires. Elle déclare qu’elle ne veut pas se servir de
son opposition du 4 : elle déclare qu’elle appelle de l’or
donnance du I er. , et de ce qui a précédé et suivi, pour
causes de nullité et incompétence . Elle intime les ad-r
versaires.
T e l est l’état de la procédure.
MOYENS.
�C
91
M O Y E N S .
»
*i
**
Trois propositions à dém ontrer: i ° . nullité de toute
la procédure des adversaires devant les premiers juges;
2°. incompétence, ratione m ateriœ ; 30. mal jugé. . .
§• Ier*
i
-,
•
N u llité de la procédure.
i;.-
Tou s les actes, les poursuites rigoureuses, rapides, etc.
des adversaires contre la veuve Cham bón, sont vicieux-.
T o u t est n u l, même le prem ier; c’est-à-dire, la citation
en conciliation.
Dans la citation au bureau de paix , le citoyen Bofrot
agit tant en son nom que comme faisant pour le citoyen
D ubreuil de la Brosse et la dame Rollat. Dans la nonconciliation et dans l’assignation introductive de la con
testation , le citoyen Boirot figure do même.
O r , tout le monde sait qu’en France on ne peut plai
der par procureur : ainsi le citoyen Boirot n’a pu stipuler
et agir pour le citoyen Dubreuil de la Brosse et la dame
Rollat. T o u t ce qu’il a fait pour eux est nul : c’est une
vérité certaine en droit et en fait.
Dira-t-on que si la procédure ne vaut rien pour le
citoyen Dubreuil de la Brosse et pour la dame R o lla t,
elle est bonne pour le citoyen Boirot - L a co u r, comme
usufruitier du domaine des Places? Mais, 10. toutes les
fois qu’il est question de propriété, l’usufruitier seul 11’cst
B
�(V io )
pas partie capable pour figurer valablement en justice ;
il faut le concours du propriétaire. Ici, le règlement pour
Ja baisse ou maintenue du déversoir tient à la propriété :
donc il faut la présence des propriétaires. 2°. Les p r o
priétaires sont parties dans la transaction du 19 germinal
an 3 ; -et le citoyen Boirot a jugé lui-même leur présence
nécessaire, puisqu’il dit faire pour eux : par cette raison ,
il seroit non recevable ù mettre la chose en question.
D e ce que nous venons de dire il suit que la citation ,
la non-conciliation et l’assignation sont nul!es.
\
Quant à l’ordonnance de défenses de passer o u tre, en
date du 1 e1'. pluviôse dern ier, et l’assignation donnée
en conséquence le 2 du même m o is , à la requête du
citoyen Boirot seul, elles sont aussi nulles par.plusieurt
motifs.
i 6. L a veuve Chambon avoit constitué avoué dès le 23
nivôse, sur la demande du 26 brumaire. A u moyen de
cette présentation, les adversaires ne pouvoient rien faire,
obtenir aucune ordonnance portant profit , sans signifier
préalablement leur requête à l’avoué de la veuve Cham
bon. Cette signification préliminaire a toujours élé de
règle et d’usage dans tous les tribunaux , tant inférieurs
que supérieurs. Ici, l’ordonnance en question porte profit ;
elle fait défenses de passer outre : ici , point de signifi
cation , pas même de communication de la requête à
l ’avoué de la veuve Chambon. Il y a donc surprise j il
ÿ a donc irrégularité.
2°. L ’ordonnance a été donnée par le président seul,
et eu son hôtel. C ’est une nullité, tant dans l’ancien que
dans le nouvel ordre judiciaire.'Dans l’ancien ordre, au
�4 -Ji
( ” )
parlement de Paris, les arrêts sur requête, étoient rendus,
non pas par le président, ni par aucun des conseillers,
delà grand’ehambre, mais par toute la chambre. Ils étoient
rendus par le parlement. Dans le nouvel o rd re,les juges
des tribunaux et de première instance et d’appel ne sont
rien, pris isolément. Ils n’ont d’aulorité qu’autant qu’ils
sont réunis en corps; il ne leur est plus permis de pro
noncer par, ISous ordonnons, etc. nous condam nons, etc.
mais p a r , L e tribunal o rd o n n e, etc. le tribunal con
dam ne , etc. E n sorte que le tribunal seul a pouvoir de
statuer; et partout où le tribunal n’est pas, il n’est pas
possible *de trouver autorité judiciaire. Il y a vice radical
dans ce qui est statué par un seul des membres du tri
bunal. Personne n’a encore oublié que plusieurs fois il
a été question de savoir si. le président se u l, et en son
hôtel , avoit le droit de donner des défenses , et même un
toutes choses dem eurant en état. Il s’agissoit de parer
aux inconvéniens qui quelquefois en vacations résultoient nécessairement de l’intervalle entre les audiences.
La matière mise en délibération, il a été décidé qu’il n’y
avoit pas moyen de conférer un pouvoir qui n’étoit pas
écrit dans les lois nouvelles.
Cette vérité a été sentie, et on s y est religieusement
soum is, surtout dans le nouvel ordre judiciaire. L e tri
bunal de cassation l’a maintenue constamment.
. Dans le mémorial de ce tribunal, tom. 2 , page 334 ;
on lit : « D u 22 messidor an 4 , annullation d’un juge« ment du tribunal de B r e s t, rendu par forme de rétr ié r é , p a r le président s e u l, portant, sur la demande
« dç la veuve rA iT o n d e l, injonction au nommé L egay
B 2
�ti-îi
s
( a )
« d’évacuer une maison dont il étoit locataire, et, à dé« fa u t, autorisation de l’expulser.»
■
« L e motif fut que la lo i nouvelle a com posé les tri« bunaux d’w i certain nombre de ju g e s , dont auciin
« d’eu x n ’est rien isolém ent ,* que le pouvoir de jug er
« a été délégué à leur ensem ble, et non à un seul; que
« la loi n a point f a i t d'exception pour les m atières
« célèt'es, qui se jugeoient ci-devant par forme de référé
« devant un seul juge. »
Que l’on ne nous cite pas ce que jadis faisoient les
baillis et les lieutenans généraux. Suivant les règles de
leur institution , ils pouvoient juger seuls. Mais aujour
d’hui il en est autrement des tribunaux. Il n’y a de
juges que dans la réunion du nombre fixé par la loi :
hors cela, point de pouvoir judiciaire dans eux.
Ici, les adversaires demandoient qu’il fût fait à la veuve
Chambon défenses de continuer ses réparations: il s’agissoit de juger si c’en étoit le cas. L e président du tribunal
de Gannat ne pouvoit le faire seul : son ordonnance est
donc nulle; cela est sans difficulté.
Si de cette ordonnance l’on passe au procès verbal
du 4 pluviôse, dressé par le citoyen L ab alm e, huissier,
a l’ordonnance de main-forte du même jour, et au procès
verbal* du 5 , on ne trouve que des irrégularités.
D ’une p a r t , tout est nul, pour avoir été fait au pré
judice de l’opposition formée le 4 , par la veuve Cham
bon , à l’ordonnance de défenses de continuer ses répa
rations. Cette ordonnance ne portoit pas qu’ elle soroit
exécutée nonobstant o p p o s i t i o n ; il su/ïisoit donc de l’op
position pour en arrêter l’exécution. L ’iiuissicr Labalme
/
�4 3 >t
t 13^
ne pouvoit donc faire de procès verbal de prétendue
rebellion : par cette raison il est nul.
D ’autre p a r t , ce procès verbal de rebellion a été Tait
par le citoyen Labalrne se u l, sans assistance de recors.
L e citoyen Labalrne'seul n’avoit pas caractère suffisant
pour constater légalement le fait : autre m otif de nullité.
D e ces deux nullités il suit que l’ordonnance de
m a in -fo r te est déplacée; il s’ensuit q u e , quelque évé
nement qui puisse arriver dans la cause, les frais de
m ain -forte, de gendarm erie, etc. sont en pure perte
pour le cit. JBoirot. O n ne lui devroit jamais le rem
boursement de sommes employées uniquement pour
effrayer, fatiguer, etc. la veuve Chambon.
P o u r ce qui est du procès verbal du 5 pluviôse, où
le citoyen Boirot-Lacour a fait faire , comme bon lui a
semblé, la descriptiou de l’état des lie u x , c’est un acte
bien étrange. L ’on ne peut comprendre qu’un ex-législa
teur, un ex-juge, un académicien en législation, ait donné
dans une erreur de cette force.
Il seroit inutile d’examiner la valeur intrinsèque de
ce procès verbal, l’avenir en fera justice, sur les faits :
mais, en attendant, il tombe par la forme. 11 est vicieux,
i°. pour avoir été fait par fhuissier Labalrne, qui n’a
voit pas, ad h o c y mission de la justice. L ’ordonnailec de
défenses et celle de main - forte ne l’autorisoient pas à
constater la hauteur du déversoir, etc.
2°. Ce procès verbal est vicieux, pour n’avoir pas été
dres>,é sur le lo ca l, pour l’avoir été dans la maison du
citoyen Boirot. Cela y est écrit bien clairement.
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V .* - .
( 14)
SIncom pétence
h
-
r a t io h e m a t e r iæ
.
L e code rural, titre I I , porte, article X V : « Personne
« ne pourra inonder l’héritage de son voisin, ni lui trans
it mettre volontairement les eaux d’une manière nuisible,
« sous peine de payer le dommage , et une amende qui
« ne pourra excéder la somme du dédommagement. »
A rt. X V I . « Les propriétaires ou fermiers des moulins
« et usines, construits ou à co n stru ire, seront garans
« de tous dommages que les eaux pourroient causer aux
« chemins et a u x propriétés v o isin es, par la trop grande
« élévation du déversoir, ou autrem ent. Ils seront forcés
« de tenir les eaux à une hauteur qui 11e nuise à pér
it sonne, et q u i se r a jix é e p a r le directoire de départeet m e n t, d'après l’avis du directoire de district. E11
« c a s de contravention, la peine sera une amende qui ne
« pourra excéder la somme du dédommagement. »
Celte partie est dans les attributions de l’autorité admir
nistralivo, parce qu'elle tient ¿\ la voierie, et q u ’aujour-?
d’hui les tribunaux ne peuvent plus en connoître.
A u jo u rd ’ hui cette partie est de la compétence des
conseils de préfecture. L a loi du 28 pluviôse an 8 le
règle ainsi.
Dans la cause, les adversaires demandent : i>\ que la
hauteur du déversoir du moulin de la veuve Chambon
soit déterminée par les ingénieurs du département de
l’Allier , et que la veuve Chambon soit tenue de le
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( i 5 )
baisser au point qui sera fixé ; 2°. qu’elle soit forcée de
récurer également son b éa i, et d’en jeter le gravier sur
•les deux rives ; 30. qu’elle soit contrainte de contenir les
eaux en tel état qu’elles ne nuisent point aux propriétés
du domaine des Places.
T o u t ceci est dans la voierie; et les contestations qui
en sont nées doivent être jugées par le conseil de la
préfecture de l’Allier. D e là la conséquence que le tri
bunal civil de Gannat est incompétent pour en connoître.
D i r a - t - o n que la transaction du 19 germinal an 3
porte que , en cas de difficulté sur la hauteur du déver
soir , elle sera réglée par les ingénieurs du département
de l’A llier , conformément au code rural ? Mais cett«
clause elle-même est pour l’incompétence du tribunal de
Gannat. i°. La police sur les rivières est d’ordre public.
La hauteur des déversoirs des moulins n’intéresse pas
seulement quelques riverains, elle les intéresse tous; elle
intéresse tous les citoyens. Quand il s’agit d’en faire le
règlem ent, elle est pour le profit de tous. E n pareil cas,
la loi n’a préposé que les autorités administratives pour
faire la balance juste de l’intérêt du plus grand nombre,
contre l’intérêt de certains individus. 20. La transaction
du 19 germinal an 3 ne dit pas uniquement que la hauteur
du déversoir sera réglée par les ingénieurs du départe
m ent; elle ajoute ces expressions remarquables: Cotiform ém ent aucode rural. Ce qui fait entendre bien clairement
que le code rural est la loi à laquelle les parties se sont
soumises. D e là il suit qu’il faut se conformer à tout ce
qu’elle prescrit, et agir devant l’autorité q u’elle désigne.
�,(ï6)
T o u t autre est incompétente. A u conseil de préfecfure
de M oulins, seul, appartient la contestation. L ’incom
pétence du tribunal de Gannat est donc bien évidente.
Les adversaires ne sauraient résister à cette conséquence.
Suivant le code rural , l'affaire est ou civile ou crimi
nelle.
Si elle est civile, la connoissance en est dévolue au
conseil de la préfecture de M o u lin s, exclusivement aux
tribunaux. Ce point est très-clair.
Si elle est criminelle, elle n’appartenoit pas au tribunal
de Gannat comme tribunal c i v i l , mais, bien comme
tribunal correctionnel. Et à cet égard se présentent deux
réflexions entraînantes contre la marche tenue par les
adversaires.
i°. Sous le rapport crim inel, la contestation ne devoit
pas commencer par une citation au bureau de p a ix , par
u n e assignation, et par une requête au civil; il falloit, en
s e conformant au code des'délits et des peines, du 3 bru
maire an 4 , etc., ou exciter le ministère du substitut du
commissaire du gouvernement près le tribunal criminel
de l’A llie r, ou se p o u rv o ir, par citation, au tribunal de
police correctionnelle. Les adversaires n’ont fait ni l’un
ni l’autre. Dans ce sens, point de compétence pour le
tribunal de Gannat, parce que celui-ci ne pouvoit être
saisi correctionnellement de l’affaire, qu’on faisant ce que
la loi commande.
2l>. Les adversaires ont pris contre la veuve Chanibon
uniquement la voie civile. Par là ils se sont fermé la
porte de toute action criminelle, même correctionnelle.
Alors
�44»
( 17 )
Alors la contestation est purement c iv ile , et n’appartient
plus qu’ à l’autorité administrative.
Les adversaires auroient-ils agi devant la police correc
tionnelle, ils n’en auroient pas été plus heureux. L ’af
faire eût été renvoyée nécessairement à fins civiles : car
pour caractériser une contestation correctionnelle, il faut
absolument qu’il y ait un délit; parce que point de d élit,
point de poursuite criminelle. Ce fait ne donne lieu qu’à
des intérêts simplement civils. Ici la veuve Chambon n’a
usé que de son droit. Elle est dans les termes rigoureux
de ce droit : nous allons le prouver jusqu’à la démons
tra tio n , dans le paragraphe suivant. Conséquem ment,
point d’action correctionnelle ; et la compétence des
premiers juges ne sauroit être sauvée par aucun prétexte.
Il n y en a pas pour la pallier.
§.
III.
M a l jugé.
Cette partie de l’a fia ire n’est ici traitée que très-subsidiairement; parce que si l’ordonnance de défenses, du
premier pluviôse, est annullée, ainsi que tout ce qui a suivi,
et s’il y a vraiment incompétence, le tribunal d’appel n’a
pas besoin d’aller plus loin. Les parties sont alors renvoyées
devant l’autorité propre à la cause, ratione mciteriœ.
M a is, en cour souveraine, il faut défendre à toutes
fins; en cédant à cette règle, nous allons [démontrer le
mal jugé de cette ordonnance.
A cet é g a r d , on peut aller jusqu’à contester aux adverC
�4 4 ?»
u v
, f 18 1
saires la permission d’assigner à l)ref délai. Ce n’en est
pas ici le cas.
En effet, l’abréviation des délais ne doit être accordée
que dans des positions provisoires, dans des positions
qui requièrent célérité.
M . Jousse , en son commentaire sur l’ordonnance
de 16 6 7 , art. X V I I du tit. X V I I , page 248 et suivantes,
nous explique quels sont les cas provisoires. Il pose en
principe ce que tout le monde sait au palais. Il appelle
affaires provisoires, celles qui requièrent célérité, et où
il y auroit péril en la dem eure; celles où il est possible
d’ordonner quelque chose réparable en définitive, pour
nous servir des expressions mêmes de l’ordonnance
de 1667. Quand ces raisons d’intérêt public ne se ren
contrent pas,
d’abréger les
lieu , lorsque
préexistante.
O r , ici les
point de provisoire, et point de permission
délais de l’ordonnance. Il n’y a pas plus
ces délais sont expirés sur une demande
conclusions des adversaires, en leur requête
du I er. pluviôse, ne présentoient rien de provisoire, rien
de c é iè r e , s’il est permis de parler ainsi. D e ce qu’ils
demandoient provisoirement il résulteroit un dommage
irréparable en définitive.
Eu effet , les adversaires demandoient, en premier lieu,
que le local fût visité par l’un des juges. Cela 11e se pouvoil pas, parce que les tribunaux ne peuvent pas déléguer
un de leurs membres, pour voiries lieux. Tous doivent
y aller, et pas un seul.
.lies adversaires d e m a n d o i e n t , en second lieu, que la
veuve Chambon ne put rétablir sou déversoir avant que
�4^3
C *9 )
la hauteur en fût déterminée par les ingénieurs du dé
partement : mais de ceci suivoit un mal irréparable en
définitive. En attendant, le moulin de la veuve Ghambon
auroit cliom m é; le public en auroit souffert; les chalands
auroient quitté et passé ailleurs. E h ! le moyen de les
rappeler deux mois après? parce qu’il se seroit bien
écoulé au moins ce tem ps-là avant que ces ingénieurs
eussent opéré.
D ’ailleurs les choses ne périclitoient pas pour les ad
versaires : leur position ne changeoit pas. L eu r demande
du 26 brumaire étoit là; ils pouvoient la faire juger. S i,
en définitive, la veuve Charnbon avoit tort, elle auroit
payé le dédom m agement, dans le cas où il y en auroit
été dû.
En supposant ce qui n'est p a s, en supposant que le
pré des Places soit endommagé par l’ea u , il y a là beau
coup moins d’inconvéniens qu’à faire chommer un moulin.
L e a u n’emporte pas la sole du p r é ; le pré demeure tou
jours pré : le mal est réparable. Mais un moulin qui
chomme ne sert plus au public : l’homme peut en souffrir
pour l’aliment le plus nécessaire. L a balance doit donc
pencher pour faire aller le moulin. 11 y a là beaucoup
moins de préjudice, et pour les parties, et pour les
citoyens.
- A u fond, celte ordonnance est contraire», non-seulement
à la justice, mais encore au but annoncé par les adver
saires pour couvrir leur vue secrète de fatiguer une
malheureuse veuve et ses enlans.
En eJfet, i ° la transaction du 19 germinal an 3 porte
que l’écluse ( ou déversoir ) ne sera point changée, et
�I»
( 2° )
qu’elle demeurera à la même place. Cette écluse est enlevée
par une inondation ; la veuve Chainbon se hâte de la
faire rétablir : il n y a là que du naturel, du juste. Il faut
être de bien mauvaise humeur pour s’en fâcher.
L a veuve Chambon fait faire ce rétablissement sur l’an
cienne place; elle n’avance, elle ne recule pas d’un pouce;
elle suit très-exactement la ligne primitive : en sorte
quelle travaille seulement à remettre les choses précisé
ment au même état qu’avant l’inondation. Elle ne fait
rien de nouveau; elle ne fait que réparer : elle est donc
dans les termes de la transaction du 19 germinal an 3.
E n cela il n y a pas excès de pouvoir de sa part, dès qu’elle
se renferme rigoureusement dans son droit.
A u provisoire, tout gouvernement bien policé veut
qu’entre particuliers tout demeure in statu q u o , jusqu’à
l'instant où la justice a prononcé entr’eux. Ici notre statu
quo ne doit pas être celui d ’après l’inondation, mais bien
celui d’avant l’inondation. A u provisoire , l’exécution est
due au titre : notre titre est tout au moins le traité du
19 germinal an 3. Ce titre donne une écluse au moulin
de la veuve Chambon : celle-ci n’a fait que ramener les
choses au même état que celui déterminé par cette tran
saction : et le président du tribunal de Gannat a mal
ordonné eu nous défendant de continuer de re ver le
déversoir; il a fait une chose contraire à la justice. L ’in
térêt du p u b lic, celui de- la veuve Cham bon, s’opposent
à ce que cette dernière cesse provisoirement de jouir de
sou moulin.
2°. Les adversaires sont dans l’erreur, en prétendant
que c’est le cas de régler la hauteur du déversoir avant
�44S
( si )
de le rétablir, afin que l’on soit plus à même de juger.
D ’une p a r t , le rétablissement actuel est nécessaire ,
môme dans le sens des adversaires : il l’est pour l’intérêt
public, et pour celui de la veuve Chambon ; il l’est pour
fixer avec plus de jùstesse l’éJévation convenable, et pour
le service du m oulin , et pour empêcher que les eaux
nuisent aux propriétés voisines. Si lorsque les ingénieurs
viendront sur les lieux l’écluse n’étoit pas faite , il fau
drait qu'on la f î t , pour les mettre à même de décider
plus sûrement. L ’on ne juge jamais mieux les choses que
par leur e ffet..A in si, le déversoir étant posé, les ingé
nieurs verront à quelle hauteur il porte l’eau; ils verront
si réellement cette hauteur est telle qu’elle nuise au pré
du domaine des Places: de cette m anière, ils auront une
base très-certaine; ils auront le fait de l’exécution, tandis
que l’écluse ôtée , ils seraient plus exposés à se tromper;
il pourrait en sjiiyre un mgl qui-aujoifid’huî n’existe pas; ; * ♦*'
D ’un autre c ô t é , la veuve Ghàmbon articule •qu’elle" n’«aj*.\s
rien changé à Torl!l«rçi*»iifcieiiwdes choses, .CommoAllo»
l ’a déjà d it, son écluse est toujours sur la même ligne.
Les adversaires soutiennent le contraire; ils l’ont assignée
en conséquence. Les parties en sont là en justice. Quand
elles en seront devant l’autorité com pétente, elle pro
noncera : mais, en attendant, ou ne peut pas priver la
veuve Chambon de sa chose : m ais, en attendant, elle
doit jouir de son moulin jusqu’à la définitive,
3°« Il y a encore une erreur de la part des adver
saires, en soutenant que le béai étant à sec les ingénieurs
çcront plus à même de vérifioi’ s i , en le nettoyant , la
veuve Cham bon a faij: jeter également le gravier sur les
deux rives.
* il
'
�( 22 )
D ’une p a r t , c’est ici ce que l’on peut appeler une
querelle de mauvaise humeur. Ce chef de conclusions
prouve combien les adversaires veulent tracasser la veuve
Chambon.
D ’un autre cô té , la veuve Chambon a toujours fait
faire le récurement du béal , de manière à ne pas faire
porter l’eau du côté du pré du domaine des Places : elle
y a même perdu partie d’une propriété à elle-même.
E n troisième lieu , il suffit d’avoir un peu d’intelli
gence pour concevoir que le béal étant plein, il est éga
lement possible et m êm e facile de juger le mode de son
récurem ent, et bien plus encore de ses effets.
E n fin , tout ceci tient encore au fond de l’affaire : les
adversaires n’ont pu l’en détacher; ils n’ont pu convertir
en provisoire un chef qui est tout principal.
i
>
G O U RBEYR E.
I nih;
A R I O M , de l'imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur du
Tribunal d’appel. — A n 1 1
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bœuf, Marie. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
moulins
jouissance des eaux
transactions
experts
écluses
béal
inondations
obligation de travaux
huissiers
code rural
compétence de juridiction
rivières
climat
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Marie Bœuf, veuve de Jean Chambon, meunier, tant en son nom que comme tutrice légitime de leurs enfans, habitante du moulin du Mayet-d'Ecole, municipalité de Jenzat, arrondissement de Gannat ; appelante : Contre Jacques Boirot-Lacour, ex-législateur, ex-juge au tribunal civil de l'arrondissement de Gannat, et membre de l'académie de législation, séante à Paris, quai Voltaire ; habitant du lieu des Places, municipalité de Jenzat ; tant en son nom que comme usufruitier du domaine des Places ; Charles-Vincent Dubreuil de la Brosse, propriétaire, demeurant à la Brosse, arrondissement de Montluçon ; et dame Marie-Catherine Dubreuil, épouse divorcée du citoyen Rollat jeune, habitante de la ville de Montluçon ; intimés.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Usine : les contestations relatives aux dommages causés par la trop grande élévation du déversoir ou de la chaussée d’une usine, sont-elles de la compétence administrative ou judiciaire ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1794-Circa An 11
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1220
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Mayet-d'Ecole (03164)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53178/BCU_Factums_G1220.jpg
béal
climat
code rural
compétence de juridiction
écluses
experts
huissiers
inondations
Jouissance des eaux
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obligation de travaux
rivières
transactions
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332f905acce22ca04152cde66959ac8d
PDF Text
Text
P
R
É
C
I
S
P O U R L o u i s B O I S S O N , citoyen de la
ville de RiOM plaintif.
,,
CONTRE les sieurs TRAPET, MARCHAND
PELLABO U T, ASTRE, garçons tanneurs
et PE TIT, dit TIX IE R , voiturier, tous de cette
ville de Riom , accusés.
couru les risques de perdre la vie dans mon
ja rd in , où les accusés se sont introduits exprès pour
m’assassiner. Pour en avoir le prétexte, ils me provoquent
par les outrages les plus sanglans , et les obscénités les
plus infâmes.
L a présence de mes enfans, auxquels je dois l’exemple
de la prudence , et la crainte de les voir victimes de-la
fureur de ces forcenés, me rendent patient au-delà du
croyable je souffre les outrages sans y répondre ; ils
durent trois quarts d’h eu re, au m oins; e t , lorsque je
A
J ’A I
�\
■:
■ c o
v *
crains de voir pousser ma patience à b ou t, j ’ai recours à.
la fuite. J e quitte mon chez moi avec mes enfans ; je
l ’abandonne aux assaillans ; mais ils me poursuivent sur
le grand chemin ; ils se jettent sur moi : les coups de
pierres et de bâton pleuvcnt sur ma personne ; ils veulent
m’arracher un fusil , que je remporte de mon jardin à
la ville , sans doute pour consommer plus facilement,
avec cette j&rme , le crime cpi’ils ont médité : lorsqu’ils
sont trompés dans leur ^espW'j ils: ameutent le peuple
contre moi par le^cri qui leValîie f e f s i j ’ai Conservé la
yie 3 je la dois à plusieurs gardes nationaux qui accourent
au secours d’un, homme qu’on assassiné ( i ).
Pour me soustraire ai là *îiiréiir ^d’e^cé^peuple trompé
gar_ me^ ^ssassins^, qui^ crioient que j ’avois tué deux
hommes à coups'de fùsil , je suisv'<àBligé? de demander à
la m u n icip a lité un asile*dans le/séjour des c r im in e ls ,
tândis-que le s cciim in els;vtQnt coucher tra n q u illem en t dans
leur lit : pour comble de disgrâce ? j ’apprends qùfe l’on
impute mon malheur à une imprudence de ma part ; qu’on
répand que j ’ai tiré'su fiîes enfaris'qui se b a ig n o ie n t, et
p e n d a n t q u ’ils é to ie n t dans l ’eau.
i ■
~ J ’apprends encore que ces malheureux ont ,des pro
tecteurs , et qu’ils espèrent fermer la bouche à mes té
m oin s, et se.soustraire^à la punition de leur crime. Je dois
donc détromper mes concitoyens, et leur faire connoître
la vérité, les coupables, et la satisfaction qui m’est due.
( i ) MM. Barbat du Clozcl et Loriette, de Clermont; Dumontj
ci-deyant procureur ; Forel, oratoiienj Rougier, fils J Faure , grç*
nadier de la garde nationale.;
'
,
9
�yy ° )
< j. )
y ^
.Tout le jnbnde saif 4 u e rje suis adjadic^ita ire.cje l ’en cios
de Bardon , dont j ’ai fait un jardin à gros frais. Il est
fermé de murs à trois aspects ; un faux ruisseau , amené
du moulin des Boules, et-démembré du grand ruisseau,
à la faveur d’un droit de prise d’eau , le ferme à l ’aspect
de bise. Mon ja rd in , le Champ-Redon , et, le ruisseau
qui les sépare, ne form oient, avant mon adjudication ,
qu’une même propriété des dames religieuses de la visita
tion, de cçtte v ille , et la moitié de son lit fait aujourd’hui
partie de la mienne.
■
3;, ; ,
,■ * ,
. Au bout de mon enclos, à l’aspect de jo u r, les anciens
propriétaires avoient fait un rutoir ou une serve, aux
dépens du terrein qui en fait partie ; et à la faveurjd’une
digue qui en soutient le terrein , l ’eau „est retenuejî la
hauteur nécessaire, soit pour faciliter l ’irrigationfdes deux
héritages, soit pour faire chute au moulin .Bardon ,,.dont
les dames religieuses de Sainte-Marie étoient aussi pro
priétaires.
:
...
Depuis la digue jusqu’au mur de clôture , , à l ’aspect
de jo u r, le ruisseau porte le nom de ruisseau Beaum é,
parce qu’il l ’est effectivement; entre le ruisseau Beaumé
et l’ancieii rutoir, il y a une langue de terrein de 12 à
15 pieds, sur lequel sont d’anciens arbres qui font partie
de mon adjudication ( 1 ).
•j
. . . i;
Ainsi je suis seul propriétaire de l’ancienne .serve ou
( 1 ) Cela est établi par un plan géométrique des sieurs Manneville et Savarin qui ont fait 1arpentage de mon jardin , par ordre du
district, et j’ai fait l ’année dernière et celle-ci les mayères qui ont
été successivement en coupe.
A 2
�Ÿùtolï
jfcôifteèdelalànguedutetéiriquiestau-delà
.
■<*■>
du tnur qui rénfefrftie le tout dans l’enceinte de mon
jardin*. A l’égard dü lit du ruisseau, j ’en suis co-propriétâife dans toute sa longueur s depuis le pré de M .
Sàm pigny, jùsqu’à mon mur de clôture.
L e public n ’a donc aucun droit dé venir se laver dans
ce ruisseau qui n’est pour ainsi dire qu’un b é a i, environné
de propriétés particulières, et pratiqué pour l'usage du pro
priétaire s cela est si v r a i, c ’est qu’on ne peut y arriver
qu’en traversant ces propriétés particulières, ce que nul
ii’adroit de faire, pas même du consentement d’un des ri
verain s, dont la Co-jouissanee n’est pas cessible , dès que
là propriété ta’est que promiscue entr'eux.
Cependant sur le fondement que dans les tettips où la
ctiltùre des deux héritages que ce ruisseau divise , étoit
livtée à 60 ou r8o fermiers ou sous-fermiers, on hantoit
familièrement ce ruisseau, et même l’ancien rutoir, prati
qué dans mon jardin : quelques jeunes gens de la ville se
iônt persuadés que cettë tolérancè des anciens jouissans
leur forme aujourd’hui un droit acquis : il sem ble mêmô
îqu’ils ont entrepris de me faire tenoncer à la jouissance de
taon jardin.
Ils viennent journellement se baigner, et dans mon ruis
seau , et dans mon rutoir ; ils s’y mettent exactement
hus , sans s’embarrasser s’ils peuvent être v u s, ou non r
par des personnes du sexe ; ou pour mieux d ire , c’est
lorsqu’ils en v o ie n t, soit dans le Cham p-Redon, soit
dans mon jardin , qu’ils affectent de se montrer davan
tage ( 1 ).
( r ) Quelques personnes mieux élevées et mieux instruites n y
�Ils font p lu s, ils s’attachent à me provoquer et à me
braver, lorsque je suis dans mon jardin ; ils y viennent en
troupe pour être en force et m’insulter impunément ( i ).
Parmi ces jeunes gens se sont fait sur-tout remarquer le
sieur T rap et, fils j un sieur Marchand ( a ) , et un sieur
P ellab ou t, tous garçons tanneurs de cette ville , et
un sieur Petit, dit Tixier , fils du voiturier, qui se sont
mis dans la tête qu’ils avoient autant de droit que m oi, non
seulement au ruisseau, mais même au rutoir qui fait
essentiellement partie de mon jardin, comme renfermé
dans les murs qui en forment l ’enceinte.
J ’ai reçu en conséquence, de leur p a r t , plusieurs in
sultes, et sur-tout de très-graves, de la part du sieur Trapet
t[ui m’a toujours paru être le chef et le principal acteur
des scènes que j ’ai eues à supporter, qui s’est montré
chaque fois non seulement un homme qui est sans mœurs,
tnais qui se fait encore une gloire de les braver et de se
livrer aux actes et aux propos de la plus infâme obscénité.
sont venues que de mon agrément, et d une matière décente : toutes
personnes honnêtes auroient cet agrément, sans le demander, s’ils y
venoiçnt de la même manière.
(i)
Il y en eut même un qui poussa l'audace jusqua menacer
de battre mon enfant, parce qu’il vouloit chasser de mon jardin un
chien qui pouvoit y faire du dégât.
A la vérité tous n’ont pas été aussi malhonnêtes; et dans la même
société , il s’en trouvoit qui paroissoient reconnoitre la justice de
mes plaintes.
( 2 ) Il est mon parent; j’ai même été assez heureux pour rendre
quelques petits services à sa famille > dent une partie est venue
me témoigner les plus vifs regrets de sa conduite.
�( O
J e m’étois tu sur les premiers motifs de plainte que ces
jeunes gens m’ont donnés ; une seconde scène plus grave
me détermina à me plaindre à un de MM. les officiers
municipaux : je nommai principalement le sieur T ra p e t;
je ne voulois pas en faire encore une matière à p ro c è s(i);
je sollicitois une ordonnance de police contre les indé
cences de la jeunesse ; j ’espérois que l’ordonnance que
je sollicitois, en défendant à toutes personnes de paroître
nuesj dans les endroits fréquentés , me débarrasseroit de
cette foule d ’étourdis et d’m solens, qui rendent impos
sible toute jouissance de mon jardin ; je ne voulois leur
faire d’autre mal que de les chasser de chez moi.
L ’impunité enhardit les ames basses et malhonnêtes ;
ils imputent à crainte et à foiblesse les ménagemens dont
on use à leur égard ; et cette espèce d’hommes mesure
toujours sa hardiesse sur le degré de crainte qu’ils s’ima
ginent inspirer ; tels ont été les accusés ; parce que j ’ai
_ ( i ) Entre les insultes que le sieur Trapet vomit , il me dit que
son père étoit procureur, comme m oi, mais avec cette différence que
son père étoit u n h o n n ê t e h o m m e , e t q u e j'étois un coquin; je me
contentai de lui répondre , que si son père étoit aussi honnête
homme qu’il le disoit, il devoit payer à la communauté des procu
reurs l’argent qu’elle lui avoir prêté et qu’il leur fait perdre. J ’avois
alors été provoqué à tel point par le sieur Trapet qui s’étoit, ainsi
que ses camarades, armé de pierres contre moi, et q u i, pour me les
lancer sapprochoit du bord de mon p ré , qu’un sieur Rougier'qui
de mon agrément faisoit baigner son cheval, fut obligé de le prendre
par le corps pour le retenir , et lui dit qu’il étoit bien heureux qu«
je fusse plus prudent que lui : ce jeune homme qui m’a parit fort
honnête , et que j ’ai appelé en témoignage , rendra assurément
compte de ce fait.
�c 7 }
souffert de premières insultes, lors même que je pouvoia
avoir pour moi l’avantage des armes et du nombre : parce
que je n ’ai pas même cherché à les en faire punir par la
lo i, ils ont cru qu’ils pouvoient venir m’assassiner impu
nément.
j C ’est dimanche dernier qu’ils ont choisi pour exécuter
ce complot : sur les six heures et demie du soir,ils s’introdui
sirent dans mon jardin, en passant sous-le pont, non pour
y prendre les bains, car le temps ¿toit si froid, que l’usage
ne pouvoit qu’en être funeste : l’air furieux avec lequel
ils entrèrent, annonçoit leurs desseins et les fit suivre par
plusieurs particuliers ; ils ont à peine les pieds dans l ’in
térieur de l ’enclos, qu’ils crient qu’il faut me tuer; ils
s’excitent à ce meurtrç à haut cris ; ils s’imaginent que
le bruit qu’ils font m’attirera vers eux ; ils se trompent,
J ’étois au haut de mon jardin avec mes enfans, où je
cueillois quelques fruits, et récoltois quelques grains; ils
étoient alors dans l’ancien rutoir à 80 pas de nous , je
feignis de ne pas les entendre, et ne bougeai point. Alors
ils moptent dans le pré qui fait partie de mon enclos; ils
le traversent dans toute sa largeur.en crian t, ou pour
mieux dire en hurlant; ils vont jusqu’au ruisseau Beaumé ;
ils reviennent dans mon pré ; j ’affecte de leur tourner le
dos : alors ils m’appellent et m’insultent; je fais la sourde
o re ille ; j ’ai déjà dit les raisons de ma m odération,j’avois
mes enfans avec m oi, mais ellenefaisoit pas leur compte:
ils prirent un autre moyen pour m’émouvoir et m’attirer. '
Trapet.se déshabille ; il se met nu , exactement nu ; en
cet état il s’ étale sur mon p ré, et, tourné de mon côté, il
affecte de montrer sa nudité, en appelant ma fille et
�C 8 )
moi ( i ) , en nous provoquant à l ’acte de la plus grande
obscénité , et en tenant et répétant des propos tels qu’on
rougiroit de les prononcer dans les lieux mêmes destinés
à la débauche la plus crapuleuse. A ce spectacle , à ces
horreurs, mes enfans et moi courûmes nous cacher dans
ma maison basse ; nous en étions éloignés : il profita du
temps que nous mîmes à y arriver, pour s’approcher, nous
répéter les mêmes propos, et nous les faire mieux entendre:
arrivés à notre m aison, nous fermons portes et fenêtres;
ses camarades et lui s’approchent alors davantage ; il vient
nu jusqu’au milieu du p r é , et nous les y entendions
comme auparavant ; les obscénités , les insultes, les me
naces se succédoient et se répétaient sans discontinuation.
Soit pour ne plus les entendre , soit pour être plus en
sûreté, je monte avec mes enfans en ma maison haute(2),
je m’y ferme derrière, et me contente de regarder par la
fenêtre ce qu’ils deviendroient.
Trapet nous voyant échapp er, courut s’habiller en
partie ; car il ne prit pas le temps de se chausser, et
re v in t comme un furieux , avec q u e lq u e s-u n s de ses
cam arades, jusqu’au milieu du jardin ; l à , armé de
pierres qu’il frappoit l’une contre l’au tre, il m’appeloit,
en me menaçant et en me défiant de venir j il insulta
ma domestique ; il menaça de la battre : lorsqu’il vit
que je ne me mettois pas en mouvem ent, il traversa,
( 1 ) Elle aura bientôt quinze ans.
( 3. ) Mon domestique, qui (levoit sortir le même soir de chez moi
m'avoit rendu un outil, et un fusil que je lui avoit donné pour la
garde du jardin , <t je l'emportais ¡)vec moi.
avec
9
�(> ))
avec quelques-iins de ses camarades'qui s6 contentoient
de m’insulter de plus loin , la partie basse de mon jardin
dans toute sa longueur ; il revint sur ses p a s, s’approche
de moi en me disant qu’il vouloit venir sortir par la
po rte, et en invitant ses camarades à lui porter un bâton.
A ces mouvemens, à la fureur qui se manifestoit chez
ces assaillans , je ne doutai pas que leur projet étoit de
m’assassiner ; la frayeur s’étoit emparée de mes enfans ,
nous résolûmes de venir à la ville avant qu’il fût plus
nuit j nous sortons, et laissons ces assaillans dans mon
jardin. Mais pendant que nous les évitons, ils nous
cherchent j nous venions à la ville par le chemin de
Bardon"; les compagnons de Trapetnous voient sortir ;
une partie passa sous le pont, et vint nous couper le pas.
Trapet ne nous avoit pas vu sortir , et ne m’appercevant
plus à ma fenêtre, vint à ma maison haute , en m’appe
lant et en criant : Où est-il, ce coquin de Boisson, où estil que je le tue ? Cependant nous voyions en venant ici
ses camarades sortir de dessous le pont, et déjà au-devant
de nous. Pour les éviter, nous rebroussons chemin , et
nous enfilons un sentier qui conduit au faubourg de
Clermont ; mais déjà Trapet et un autre sont sortis par
le portail de mon jardin ; et les autres étoient venus à
bride abattue sur nos pas. J e vois leur dessein de nous
suivre par ce petit sentier peu fréquenté ; nous nous
arrêtons, je prends témoins ; ils passent en se tenant
sous le bras et m’insultant : je me contente de le faire
remarquer. Ils feignent de prendre un chemin qui
conduit à la Varesne. Nous revenons sur Je grand
chemin j ils y sont aussi-tôt de retour que nous i ils
B
�4'
( 10 )
s’arrêtent près de moi en continuant leurs insultes ; alors
plusieurs personnes passent , et nous les suivons, dans
l ’espérance que ces forcenés n’oseroient nous attaquer en
leur présence; m ais, vaine précaution l ils se contentent
de nous suivre en chantant jusqu’à ce que nous sommes
arrivés en face de la porte du moulin Bardon ; là , ils
avoient des amis et des soutiens dans le m eunier, son
domestique et ses enfans, contre lesquels j ’ai déjà rendu
plainte pour mauvais traiteniens commis sur la personne
de ma fille a în é e , à coups de pierres.
> C e fut devant le moulin que mes assassins, confians
dans le secours que le meunier leur avoit promis , sans
doute , viennent m’assaillir ; j ’étois au milieu de mes
deux en fan s, Trapet s’approche en m’insultant; je
rapportois de mon jardin à la ville le fusil que j ’avois
confié à mon jardinier ; je le tenois sous le bras droit,
la crosse en arrière , le canon en avant ; il fa u t que tu
rendes cé fu s il à ma compagnie , dit-il , ou j e te coupes
la fig u re à coups de bâton ; et dans le même in stan t,
pendant que de la main gauche il s’em pare du bout
de mon fusil , de l ’autre il me porte deux coups d’un
bâton à nœuds , beaucoup plus gros en bas qu’en haut ;
il espéroit , sans doute , que cette attaque imprévue
me feroit lâcher plus aisément mon fusil ; mais elle
produisit l’effet contraire ; il m’étoit aisé de voir que ces
assassins vouloient s’en emparer pour s’en servir contre
moi , et je le saisis des deux mains ; en vain Trapet
continuoit de me porter des coups de bâton à la tête ?
pendant qu’aidé d’un ou deux de ses cam arades, il
tiroit le fusil par le bout du canon, que d’autres cher-
I
�itr
( 11 )
choient à m’arracher la crosse des m ain s, et que
d ’autres me lançoient des pierres ; je tins bon , lorsque
le valet du meunier accourut , se précipita sur moi ,
me porta deux coups à la tête et me terrassa. Cependant,
dans les efforts respectifs de mes assassins pour m’ôter
le fusil, et des miens pour le retenir, le coup partit( i ) ,
mais il n ’atteignit aucun de mes meurtriers qui avoient
eu soin , en essayant de l’ô ter, d’en placer la bouche
entr’eux , de manière que le coup en partant ne pût
les atteindre ; car ils sentoient bien qu’ils ne méritoient
aucun ménagement de ma part ( 2 ) ; ce qu’il y a de
v r a i, c’est que Trapet , ses camarades et le valet
( 1 ) Sans doute il s etoit armé , lorsque Trapet en le prenant par
le bout l ’avoit tiré de dessous mon bras.
(2 )
Trapet a montré une meurtrissure à la poitrine ; elle ne peut
être du coup de fusil, parce que, ou il étoit boutonné, ou il avoit la
poitrine nue : dans le premier cas, si le coup avoit porté à bout tou
chant à l’endroit qu’il indique , dès qu’il n y a aucune blessure , ce
seroit une preuve que le fusil n etoit chargé qu’à poudre ; mais
alors ses habillemens auroientbi en em p o ch é le coup de marquer sur
sa poitrine:si sa poitrine eût été nue, ou seulement couverte de sa
chemise, alors la poudre auroit brûlé le linge ou la poitrine dans la
largeur d’une assiette, et il auroit dû le faire constater par le juge
de paix , lorsqu’il se transporta chez lui , sur la suppositiun qu’il
ne pouvoit sortir: l’assertion est donc fausse; mais quelqu'un qui dit
avoir vu le sieur Trapet, m’a assuré que sa peau sur le côté du bas
ventre présente , comme de petites, vessies ou levures, ce qui
annonce que la poudre en sortant du canon l’a eiïïeuré légèrement
et brûlé en cette partie , et confirme ce que j ’ai dit que le coup
n avoit pu passer qu’entre lui et son camarade.
. t,
�du m eu n ier, ne cessèrent de me frapper jusqu’à ce
<jue, m’arrachant de leurs mains , je me sauvai dans
Ia maison voisine , dont la porte étoit ouverte, dans
l ’espoir que cet asile ne seroit point v io lé , et que je
pourrois y retirer mes enfan s, dont l ’état faisoit mon
plus grand mal et ma plus grande inquiétude ; mais
les meurtriers m’y poursuivirent avec fureu r, et s’y
précipitèrent aussi promptement que moi ; le meunier
et un autre y furent les premiers ; ils sautèrent sur moi
pour me terrasser : je vis alors que j ’allois être; assas
siné dans cette maison, sans espoir de secours : j ’es
quivai , en me baissant , les mains qui vouloient me
saisir ; ils ne purent prendre que ma perruque et mon
chapeau qui quittèrent ma tête ; je profite du moment';
je m’arme de force et de courage , je repousse et
éloigne de moi , par un effort du. bras d ro it, les deux
coquins qui s’étoient jetés sur moi , et en poussai en
avant trois ou quatre autres qui étoient sur le pas de
,1a porte pour entrer dans la m aison, et je m’échappai,
la tête n u e , et en parant du bras les coups de bâtons
qu’on me portoit.
Mes enfans, plus morts que v ifs, jetoient les hauts
cris ; j ’appelois du secours , et ne pouvant me résoudre
à les laisser seuls au milieu de mes assassins , je ne
courois qu’en proportion de leur force pour me suivre ,
et cependant j ’étois accablé de coups de bâtons et de
coups de pierres ; les scélérats, ils ne sont pas assez de
huit contre un , ils ameutent contre moi le peuple ,
ils le provoquent en criant : A rrête£ L'aristocrate, il a tué
deux enfans y et dans l'instant j e suis’ assailli par cent
�C
)
personnes; j ’allois perdre la v ie , j ’en aurois perdu mille,
si je les avois eu es, sans le secours des braves gardes
nationaux qui m’arrachèrent aux assassins , me condui
sirent à la municipalité , me défendirent généreusement
contre les coups qu’on me portoit en chemin.
• Tout le monde sait le reste de cet événem ent, le
rassemblement populaire qui eut lieu auprès d e là maison
de ville , et le parti que je fus obligé de prendre
pour ma sûreté.
.
; '
...
Mais ce que l ’on ne conçoit p a s , c’est la ^situation
de mon fils qui me suivit à la maison de ville et en
prison , et qui s’évanouit à différentes reprises ; c’est
celle de ma fille qu’on avoit portée évanouie chez moi}
et que la douleur et le désespoir tinrent pendant'deux
heures entre la mort et la vie ; eh ! qui pourra, s’il n’est
pas père, se peindre ma situation pendant tout le temps
que j ’ignorois le sort de cet enfant, et jusqu’à ce qué
je l’eus vu e; les scélérats, sera-t-il jamais en leur pouvoir
de réparer tout le mal qu’ils m’ont fait ? quelle,,puis
sance humaine le pourroit? Voilà les faits ( i ) : je n’ai
besoin d ’a u cu n e réflexion. Il suffit de la connoître pour
juger les coupables et la punition qu’ils méritent. Qui
n e verra qu’ils ont cumulé les délits lés plus graves; ils ont
violé ma propriété; ils l’ont souillée ; ils "¡sont vernis dè
dessein prémédité ppur m assassiner 3 puisqu aucun ne
( i ) Toutes les dépositions des témoins , en forment la preuve,
et ils se seroient exprimés bien plus disertement encore , si.lors de
leur déposition, leur mémoire eût été rafraîchie sur cliaqiie fait de
la plainte, et si la s l^ ifit é du juge ne les-eût pas interdits.
�(
H
)
s’est m ouillé, ni mis à même de le fa ir e , si ce n’est
le sieur Trapet qui voüloit aggraver l ’insulte. Ils ont
commisr• ou servi de soutien à des obscénités horribles
devant une jeune personne de quinze ans. Ils sont
vpnus ensuite m’attaquer en grand chemin pour m’homicider ; ils m’y ont assailli ; ils auroient consommé leur
crime , s’ils Pavoient pu ; enfin , ils ont provoqué une
émotion populaire pour faire faire par le peuple ce
qu’ils n ’avoient pu faire eux-mêmes , m’arracher la vie.
Pour mettre le comble à leur scélératesse , ils se sont
livrés à la plus noire calomnie ; quels hommes ( i ) !
( i ) Trapet dit à la maison commune , que je lui avois tiré un
coup de fusil et deux coups de pistolet. Dans sa déclaration devant
le juge de paix ( M. Polignat ) , il a dit d’abord que dans la
chem in, je lui avois tiré un coup de fusil ; qu’il avoit ra té , et
que de la maison où je m’étois réfugié, je lui avois tiré un coup
de pistotet ; ce n’est que par réflexion , et par un renvoi, qu’il
a ajouté que j’avois réarmé mon fusil et tiré un second coup : dans
son i n t e r r o g a t o i r e , il a dit qu’il ne savoit pas si le c o u p de pistolet
étoit parti ; mais que je l’avois sorti, et qu’il avoit eu tant de
p e u r, qu’il s etoit évanoui, et qu’il ne sait s’il a raté ou s’il esc
parti. Dans le fa it, j ’ai déposé à la municipalité le pistolet bien
chargé , bien amorcé , et je réponds qu’ujx essai prouveroit que sur
cent coups, il ne rateroit pas un seul. Il est plaisant d’entendre dire
au sieur Trapet qu’il a été raté d’un premier coup de fu sil; qu’il
en a reçu un second dans la poitrine; qu’il 11e s’est pas trouvé mal,
puisqu’il a dit qu’après le coup , il avoit voulu m’arracher mon
fu sil, et qu’il s’est trouvé mal à la vue d’un pistolet. Cet homme là
n’est-il pas aussi bête que scélérat? A coup sûr, depuis qu’il m’afteignit, jusqu’à la maison-commune, il nd^essa de me frapper, ou
d’essayer de le faire. A mon égard, si je m\rois servi, à dessein, ds
�1
5 )
mon fu s il, si je m’étois servi de mon pistolet, je n’aurois besoin ni
de désavouer , ni de me justifier ; eh ! où est le doute que je me
s erois servi , et de toutes mes forces , et de toutes mes armes, pour
écarter ou diminuer le nombre de mes assassins, sans un sentiment
plus fort que celui de ma conservation , la crainte de faire assas
siner mes enfans : ouï, ce n’est ni dans ma foiblesse, ni dans ma pru
dence que j ’ai puisé, et ma patience, et ma modération; c’est à ma
tendresse paternelle qu’ils en ont l ’obligation : sans la présence de
ces êtres chéris, ils auroient vu ce que peut un homme arm é, quand
il a à défendre sa vie mais j ’ai mieux aimé leur laisser assouvir
leur rage sur m oi, que de la voir tomber sur ceux-ci.
B O I S S O N .
^
mmmmmtmé——— —
A R IO M , D E L ’IM P R IM E R IE DE L A N D R IO T , 1752.
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boisson, Louis. 1792]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boisson
Subject
The topic of the resource
violences sur autrui
violation de domicile
jouissance des eaux
béal
troubles publics
atteintes aux bonnes mœurs
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Louis Boisson, citoyen de la ville de Riom, plaintif. Contre les sieurs Trapet, Marchand, Pellabout, Astre, garçons tanneurs, et Petit, dit Tixier, voiturier, tous de cette ville de Riom, accusés.
Table Godemel : Violation : de domicile et voies de fait.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1792
1792
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0936
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53097/BCU_Factums_G0936.jpg
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