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Sieur J e a n - B a p t i s t e - A m a n t M O N TM O R IN
D E SA IN T-H E R E N , et dame A n n e - J e a n n e L o u i s e D E L A Q U E U IL L E , son épouse ,
habitans du lieu de la Barge, commune de
Courpierre, appelans ;
c o n t r e
Sieur Tau r i n J U S S E R A U D , propriétaire,
habitant de la ville de Riom , intimé.
L ES sieur et d ame de Saint-Héren réclament contre
une vente que la dame de Saint-Héren a consentie au sieur
Jusseraud, d’ une coupe de bois taillis, situés en coutume
de Bourbonnais, sans être autorisée de son m ari. Une
A
1
'
�telle vente doit-elle être maintenue? Telle est la question
sur laquelle la cour a à prononcer.
F A I T
S.
L é sieur de Saint-Héren a contracté mariage, le 27
octobre 1 7 7 7 , avec demoiselle de Laqueuille. A cette
é p o q u e , le père de la future étoit décédé sans avoir
fait de dispositions. L e contrat de mariage , passé au
lieu de Saint-Jal, en L im ousin, contient les stipulations
‘‘^suivantes :
« A r t. i er. L e s f u t u r s époux se -prennent avec tous
« leurs droits respectifs ; savoir, la demoiselle de L a
ie queuillc avec 70000 fr. que la dame de Léiqueuille, sa
«
«
«
«
«
m ère, lui constitue pour tous droits de légitime, tant
paternelle que maternelle, à im puter, i°. sur la succession paternelle, et le surplus, su reeq u i peutlui revenir
de la su ccessio n m a lei'n elle-, la q u e lle so m m e d e 70000 fr.
sera payable, savoir, 40000 fr. lorsqu’il se présentera
« 1111 emploi convenable, avec l’intérêt à cinq pour cent,
« à compter du jour de la célébration du mariage; et
« les 30000 fr. restans, après le décès de la dame de
« L aqueuille, sans intérêt jusqu’alors.
« A rt. 2. L a demoiselle de L a q u e u i lle , future épouse,
« se constitue en la somme de 10200 francs, provenante
« des successions du sieur de Saint-Jal, son grand oncle,
« et de la dame de Vauban , sa tante paternelle.
« A rt. 3. La demoiselle de Laqueuille, future épouse,
« ne renonce à rien de ses droits,part et portion qui pour* roient lui revenir dans la suite dans les successions col-*
�(
3
)
« latérales, ni aux donations que ses frères et sœurs pourc< roient lui faire, dont la réserve lui demeure expres« sèment faite. »
Les articles 4 , 5 , 6 et 7 ont trait aux douaire et gains
de survie.
« A rt. 8. Les futurs époux seront communs en tous
« biens a c q u ê ts et conquêts, et la future épouse, le pré« décès du futur époux arrivant, prélèvera tous les avan
ce tages matrimoniaux expliqués ci-dessus liors la comc< munauté; et quant au surplus des biens présens et à
« v e n ir, les futurs époux acceptent la coutume du droit
« écrit, à laquelle ils se restreignent entièrement. »
L a somme de 40000 francs, payable en premier lieu ,
a été payée par le sieur de Laqueuille a în é , en posses
sion de tous les biens de lu fam ille, peu de temps avant
la révolution.
L e sieur de Laqueuille ayant été compris sur la liste des
ém igrés, la dame de Saint-IIéren a réclamé près de l'ad
ministration ses droits successifs, en corps héréditaires.
On ne pou voit lui opposer le règlement fuit dans son
contrat de mariage : ce règlement f a it , e/fitso sei /nonc y
pour un seul prix , tant pour droits paternels échus, que
pour droits dans la succession de la mère encore vivante,
étoit évidemment nul.
Par arrêté de l’administration, il fut ordonné que la
portion qu’elle amandoit dans les biens du père, tant de
son ch ef que du chef de deux de ses frères qui s’éloient
engagés dans l’ordre de M nlthc, lui seroit expédiée en
corps héréditaires. Les 40000 francs à elle constitués
furent imputés sur les jouissances.
A a
�( A)
Les biens expédiés par suite de cet arrêté consistent,
en majeure partie, en bois taillis, situés en coutume de
Bourbonnais.
En l’an 7 , il a été passé entre la dame de Saint-Héren
et le sieur Jusseraud, un acte sous seing p r iv é , rédigé en
acte public le 9 vendémiaire an 10.
Par cet acte, où on lui fait prendre la qualité de maî
tresse de ses biens parapliernaux, elle fait vente au sieur
Jusseraud de la coupe d e ?cent soixante-quinze arpens de
bois taillis,moyennant la somme de 2Ôooo fr. ; de laquelle
somme, porte l’acte authentique, le sieur Jusseraud a payé
comptant celle'de 17300 francs, ainsi que la dame venderesse l’a reconnu , dont d’autant quittance; et quant à
la somme de 7700 francs restante, elle est stipulée payable
en l’an 14, sans intérêts qu’à défaut de payement.
Il est expressément convenu que l’acquéreur aura pour
l ’exploitation et vidange d e s d ils h o i s , jusques et c o m p r is
l’a 11 1 8 . 'D a n s là c o u tu m e de B o u r b o n n a is j les bois taillis
sont en âge d’ètre coupés tous les dix ans. En se réservant
o n z e ans pour l’exploitation, le sieur Jusseraud profitoit,
pendant ces onze ans, de l’accroissement du bois; et la
dame de Saint-Héren, croyant ne vendre qu’une coupe,
en vendoit deux.
Par une dernière clause, la venderesse s’oblige de jus
tifier dans huitaine, à l’acquéreur, de l’arrêté définitif du
département du Puy-de-Dôm e, et de lui en fournir copie
colla donnée , ainsi que d’un extrait de son contrat do
mariage, pour établir la paraphernalité des objets cidessus vendus.
11 a fallu profiter de toute l’inexpériencc de la dame de
�Saint-IIéren pour lui faire consentir une pareille vente.
La coupe de bois vendue valoit, à l’époque de la vente,
76000 f . , et vaut aujourd’hui, par l’accroissement, iooooo f.
C ’est de ce contrat inique dont les sieur et dame de
Saint-IIéren demandent la nullité*
A p rès avoir essayé tous les moyens de conciliation, tant
le sieur de Saint-IIéren que la dame de Saint-IIéren ont
fait assigner le sieur Jusseraud, par exploit du 27 prairial
an 1 2 , p o u r , attendu que les bois dont il s’agit sont situés
en coutume de Bourbonnais, que dans cette coutume on ne
c o n n o î t ni biens aventifs ni biens parapliernaux , que
la femme ne peut consentir aucun acte sans l ’autorisa
tion du m a r i, voir déclarer ladite vente' nulle et de nul
effet; se voir condamner à restituer la valeur des parties
de bois qui auroient pu être exploitées; se voir faire dé
fense de continuer l’exploitation; se voir condamner aux
dommages et intérêts s’il y avoit lieu, le tout à dire d’ex
perts, avec dépens.
L,e sieur Jusseraud a défendu à cette demande.
Il a soutenu qu’y a y a n t constitution de dot particulière
d elà somme de 70000 francs, tous les autres biens avenus
à la dame de S ain t-IIéren étoient paraphernaux, aux
termes de l’article 8 du titre 14 de la coutume d’A u v e r
gne , et même conformément aux principes du droit écrit ;
Q u’il étoit inutile d’examiner quelles étoient les dis
positions de la coutume de Bourbonnais; q u e par l’art. 8
du contrat de mariage les contractans avoient declaré,
pour le surplus de leurs biens présens et à venir, se
soumettre au droit écrit, auquel ils se restreignoient en
tièrem ent; que les contrats de mariage étoient susceptibles
�( 6
de toutes sortes de clauses'; qu’il falloit se décider pnr les
principes de droit écrit; et qu’en pays de droit écrit la
femme cl oit libre de disposer de scs biens paraphernaux,
sans l’autorité du mari ;
Que presque l’entier prix avoit été employé à payer
des dettes du m ari, en présence du mari; qu’il y auroifc
dès-lors approbation et ratification de la part du m ari;
et qu’ainsi les sieurs et dame de Saint-Héren seroient dans
tous lés cas non recevables.
Les premiers juges ont adopté cette défense. Par juge
ment du 26 août dernier, les sieur et dame de SaintH é ren ont été déclarés non recevables et mal fondés dans
leur demande, et condamnés aux dépens. Ils ont interjeté
appel de ce jugement; et c’est sur cet appel que les par
ties attendent la décision de la cour.
I O Y E N S .
Les biens de la daine de Saint-Héren sont-ils dotaux ou
paraphernaux ?
L ’article 8 du titre 14 de la coutume d’A u vergn e réputé
dotaux tous les biens que la femme a au temps de ses
fiançailles, s’il n’y a dot particulière en traitant le mariage.
Ce sont les termes de l’article.
O n ne connoît de biens paraphernaux que les biens sur
venus depuis le mariage, ou réservés en paraphernal.
Sur quoi M . Chabrol observe qu’il y a la î-éserve
expresse, et la'réservc tacite.
L a réserve est expresse, s’il est stipulé que les bicila
actuels de la femme scront réputés paraphernaux en toiit
ou eu partie.
�(
7
)
L a convention est tacite, s’il est dit simplement que
la femme se constitue en dot tels et tels biens, et qu’elle
en ait d’autres. L ’effet de cette constitution particulière
est de rendre le surplus des biens paraphernal, d’en ôter
conséquemment an mari la jouissance et l’administration,
et d’en laisser la femme dame et maîtresse.
Les biens dont il s’agit sont-ils survenus ù la dame de
Saint-Héren depuis son mariage? Ils lui étoient acquis
lors du m a ria g e ; le père étoit alors décédé.
Y a-t-il eu réserve expresse, ou tacite enparaphernal?
Y a-t-il eu constitution particulière de dot? O n voit au
contraire qu’elle s’est constitué tous ses biens : le contrat
de mariage commence par une constitution générale de
ses droits. L ’article i er, porte : « Les futurs époux se
« prennent avec tous leurs droits respectifs. » Ce qui est
ajouté : « Savoir, la future avec la somme de 70000 fr. » ,
est pour le règlement des droits, et non pour restrein
dre la constitution.
Il n’est pas dit seulement, avec tous leurs biens; il est
dit, avec tous leurs droits. L e droit de prendre sa por
tion en corps héréditaires fait partie des droits constitués.
A u tre chose seroit si elle avoit commencé par se cons
tituer la somme d e ................ pour tous droits; mais elle
n commencé par se constituer tous ses droits; ce qui suit
est explicatif, et non restrictif.
Il ne faut pas confondre le cas actuel (ayec celui auquel
la fille se constitue en son contrat de mariage u^ie somme.
Elle demande ensuite un supplément. 11 ? ^
ct
avec raison, que ce supplément étoit hors de la consti
tu tio n ,'et étoit pavapherual. M?is ici la dame de L a -
�( 8 )
q u e u ille ne s’est pas constitué une somme particulière;
e lle s’est constitué tous ses droits.
Ce n’est pas ici que l’ordre dans les expressions, le
mode de rédaction est indifférent.
Si l’intention de la dame de Laqueuille «voit été de se
constituer une somme particulière, elle auroit dit qu’elle
se constituoit en la somme de 70000fr a n c s : mais ce n’est
pas ainsi qu’elle s’exprim e; elle se constitue tous ses droits.
11 est dit ensuite, S a v o ir , avec la somme d e ............O n
n’a pas entendu par là déroger à la constitution générale;
on a voulu seulement expliquer à quoi ces droits pouvoient se porter. L ’intention des contractans, dans cette
dei’nièrc partie de l’article, s’est fixée sur le règlement des
droits; mais l’intention n’a pas été d’annûller à la fin du
même article ce qui avoit été dit au commencement;
autrement 011 auroit cliangé la rédaction.
S’il pouvoit y avoir du doute, il faudroit in te r p r é te r
Pacte d e m a n iè i’e q u e to u s les tei’m cs , a u ta n t qu’il est
possible, aient leur effet, magis ut actas valeat quàm
ut pereat; parce que rien ne doit paroître inutilement
écrit dans un acte, surtout dans un contrat de mariage,
et qu’il faut présumer que les parties se seroient expli
quées différemment, si elles n’avoient pas entendu y atta
cher un sens.
L a somme de 70000 fr. étoit la représentation de
ses droits héréditaires. S’étant constitué tous ses d ro its,
il est indifférent que ce soit la somme ou la portion
héréditaire; d’autant plus, pour se servir de l ’expression
d’H cnrys, traitant une autre question, que la fem m e,
prenant sa portion héréditaire par voie de rescision ou
do
�(
9
)
de n ullité, cela marche en a r r i é r e n t que c’e st'la
même chose que si d’abord elle s’étoit constitué pure
ment sa portion héréditaire.
Elle s’est constitué, en un m o t, tous ses droits; et
le droit de demander sa portion en corps héréditaires,
faisoit bien partie de ses di*oits.
Par l’àrt. 2 elle se constitue également la somme de
10200 f r . , provenante des successions de ses oncle et
tante : preuve qu’elle n’entendoit se rien réserver en
paraphernal.
Que disent les premiers juges dans leurs motifs?
« A tte n d u , disent-ils, qu’il y a constitution spéciale ; que par
« 1 article i er. la dame de S a in t-H ére n se constitue tous ses
cc droits , c ’est à savoir avec la somme de 70000 francs ; que
« par l ’article 2 elle se constitue la somme de 10200 fr. pour
« droits collatéraux éclius. »
Oui-, l’article
I e r.
contient une constitution spéciale,
mais de tous droits directs. C ’est une constitution parti
culière des droits directs, mais de la généralité de ces
droits.
cc Attendu , continuent - ils , qu’on diroit vainem ent que par
cc les prem iers termes de la clause les époux se prennent avec
cc tous leurs droits respectifs; que ces mots ne form ent pas une
«
cc
cc
«
cc
cc
clause spéciale et d istin cte , mais bien sont le com m encem ent
de la phrase qui se continue ainsi : Savoir , la demoiselle
Laqueuille avec 70000 francs que la dame sa m ère lui constitue ; que ces derniers mots particularisent évidemment les
droits que la demoiselle L aqueuille auroit apportés en général
à son é p o u x , si cette constitution spéciale n’eut pas existé :
cc ils expliquent en quoi se r e n fe r m e n t ces droits de constitu
te tion de d o t, et ils en donnent le d étail, et en font l’applica-
B
�( 1° )
te
«
cc
«
«
ic
«
te
ts.
«
«
tion à chaque nature de biens , p a te rn e l, ou m a te rn el, ou
c o lla té ra l, dont cette dot est provenue, ou éch erra; ces mois
e n fin , liés entr’eu x par la conjonction savoir, form ent deux
m embres d ’une m êm e phrase , et ne form ent qu’un m ême
sens ; car il est reçu , en term es de gram m aire, que l’adverbe
savoir est une conjonction déclarative qui sert à développer,
à m ieux faire entendre une chose ; d’où il résulte que ces
m o ts, les ép oux se prennent avec tous leurs droits respec
tifs y no font qu’énoncer à l’avance ce qui doit composer ces
droits dont ils ne peuvent altérer la désignation spéciale de
d o t , laquelle a cessé d ’étre générale et a été particularisée. »
I-es juges mettent en thèse précisément ce qui est en
question ; ils disent que la conjonction à savoir a parti
cularisé-, et c’cst ce dont on ne convient pas. La conjonc
tion à savoir n’est pas adversative ; les premiers juges
eux-mêmes conviennent qu’elle n’est qu’explicative. Elle
explique que les droits qu’on constitue sont de 70000 fr. ;
mais on ne déclare pas moins qu’on se constitue tous les
droits, et par conséquent le surplus, s’ils e x c è d e n t. L a
constitution ne tombe pas sur le règlement que l’on fait.
On se constitue tout. La dame de Saint -H é ren n’a pas
attaqué la constitution, elle n’a attaqué que le règlement.
L e motif des premiers juges ne renferme qu’une pétition
de principes.
A - t-il été d é ro g é , par l’art. 8 du contrat de mariage,
à ce qui avoit été stipulé par l’art. i e r. ?
Il faut remettre sous les yeux de la cour cet article.
« Les futurs é p o u x , est-il d it, seront communs en
« tous biens acquêts et conquôts, et la future épouse,
« le prédécès du futur époux arrivant, prélèvera tous
« les avantages matrimoniaux expliqués ci-dessus, hors
�4 Zx
( ii )
a la communauté; et quant au surplus des biens présens
« et à v en ir, les futurs époux acceptent la coutume
« du droit écrit, à laquelle ils se restreignent entière« ment. »
L e sieur Jusseraud prétend inférer de cette dernière
partie de la clause, de cette soumission à la coutume
du droit écrit, pour le surplus des biens présens, ainsi
que pour les biens à v e n ir, une stipulation de paraphernalité.
Remarquons que cette clause est dans le. même article,
et à la suite de la convention de communauté, et n’a,
par conséquent, évidemment trait qu’à la communauté;
elle n’a pour but que de régler ce qui entrera ou n’en
trera pas dans la communauté; et c’est en détourner le
sens, que de l’appliquer à autre chose qu’à la com
munauté.
E n pays de droit é c r i t , la communauté n’a lieu
qu’autant qu’elle est stipulée; elle ne comprend que les
acquêts faits depuis le mariage; elle ne comprend point
les meubles que les conjoints avoient lors et au temps
du mariage; elle ne comprend point non plus les meubles
qui échoient pnr succession pendant le mariage, à la
différence de ce qui s’observe dans les pays de coutume.
Ilenrys, tom. i cr. , liv. 4 , cliap. 6 , quest. 58.
Les futurs stipulent qu’ils seront communs en tous
leurs biens acquêts et conquêts, c’est-à-dire, dans toutes
les acquisitions qu’ils feront pendant le mariage ; et
qu’au surplus de leurs biens présens et à v en ir, ils
entendent se régir par le droit écrit, auquel ils se res
treignent , c’est-à-dire, qu’ils n’entendent pas donner
B 2
�( 12 )
plus d’étendue' ù leur com m unauté, et qu’ils veulent
que la communauté soit régie d’après la coutume et
les usages du ,droit écrit.
L a stipulation de conquêts est même exclusive de la
paraphernalité; car le mari a le droit de jouir des con
quêts : il peut même les aliéner sans le consentement
de la femme ; il est maître et clief de la communauté :
la femme a au contraire seule droit de jouir et de
disposer des biens paraphernaux.
Si cette partie de la clause avoit eu un autre objet
que le règlement de la communauté, n’en auroit-on
pas f a i t . un article séparé ? au lieu que c’est dans le
même article, et une même phrase : la dernière partie
de la phrase n’est séparée de la première que par un
point et une virgule.
Il faut toujours interpréter un article de manière qu’il
se concilie avec les précédens.
Par l’article i e,Y elle s’est constitué tous ses droits
directs ; par l’article 2 , tous ses droits collatéraux : elle
n’avoit point d’autres droits. Comment donc se prêter ù
l ’interprétation que le sieur Jusseraud veut donner ù ces
derniers termes de l’article 8 : E t quant au surplus des
biens présens et à v en ir, les fu tu r s acceptent la coutum e
du droit écrit? Comment supposer que les parties ont
e u , dans le même article, autre objet en vue que la
communauté ; qu’elles ont voulu stipuler que le surplus
des biens présens sortiroit nature de paraphernal? L e
surplus des biens présens! elle n’en avoit point d’autres
que ceux expressément constitués par l’article i e1'. et
l’article 2..
�( i3 )
Ou l’article I er. contenoit une constitution particulière
de dot, de la somme de 70000 francs, ou non. A u pre
mier cas, la clause dont il s’ag it, dans le sens du sieur
Jusseraud, eût été inutile. L e surplus des biens auroit été
de droit paraphernal : on n ’ a u r o i t pas eu besoin de le
stipuler.
A u second cas, si l’article i er. contenoit une consti
tution générale de tous droits , il eût été absurde de dire
qu’on se réservoit le surplus des biens présens} en paraphei’nal.
'
Dira-t-on que par cet article on a voulu déroger à Par
ticle i er.? Cela ne se suppose point. Si telle avoit été l’in
tention des parties, elles s’en seroient expliquées expres
sément et plus clairement; elles auroient dit simplement
que tel et tel objet demeui’eroit paraphernal à la future.
Mais les biens dont il s’agit ne sont pas situés en la
coutume d’Au vergn e ; ils sont situés dans la coutume de
B ou rbon nais, qui n’admet point de parapliernalité.
Dans la coutume de Bourbonnais, les biens de la femme
sont conquôts 011 propres : dans l’un et l’autre cas, le mari
en a le régime et l’administration.
L ’article 235 porte : « L e mari a le gouvernement et
« administration des héritages et possessions de sa fem m e,
« le mariage durant, et est seigneur des biens meubles,
«
«
«
«
«
fruits, revenus et émolumens appartenans à sa femme,
et de ses dettes «nobiliaires, et les peut demander et
poursuivre en jugement, ou dehors, en son nom , sans
ladite femme ; et à lui a p p a r tie n n e n t les actions personnellcs et possessoires, et en peut être convenu : mai>
�(H )
« ne peut vendre ni aliéner les héritages de sa femme
« sans son vouloir et consentement. »
«
«
«
«
«
«
cc
L ’article 171 porte: « Contrats de ven d itio n ,donation,
quittance, ou autres actes, faits par femme mariée, ou
par enfans étant en la puissance de leurs pores, tuteurs
et curateurs, sans le consentement de leurs dits maris,
pères, tuteurs et curateurs, ne valent; et ne sont tels
contrats validés et confirmés par la dissolution du mariage, ou par la mort desdits pères, émancipation desdits
enfans et majorité desdits mineurs. »
L ’article 238 porte que la femme peut vendre, donner,
échanger, et autrement aliéner ses héritages, sans être
récompensée ; m ais de Vautorité du m ari.
L a coutume déclare la femme absolument inhabile à
contracter sans autorisation ? et ne fait exception pour
aucune espèce de biens.
Y
a u r o i t 'il constitution particulière de d o t, p e u t-o n
a p p liq u e r à la coutume de Bourbonnais la d is p o s itio n de
l ’a r tic le 8 d u titr e 1 4 d e la c o u tu m e d ’ A u v e r g n e ? Peuton étendre î\ cette coutume qui prononce contre la femme
une incapacité absolue de contracter sans l’autorisation du
m a r i, la disposition de l’article 9 du môme titre 14 de la
coutume d’A u v e rg n e , qui rend la femme dame et maî
tresse de ses biens paraphernaux, et lui permet d’en dis
poser, fora et excepté au profit du m ari? L a disposition
de ces articles, celle de l’article prem ier, ainsi con çu:
F em m e m ariée, ou fia n c é e ^est en la puissance de son
m a r iy ou fia n c é , excepté quant a u x biens aventifs et
p arap hernaux, desquels elle est mère defa m ille ¡et dame
�( i5 )
de ses d r o its, form e-t-clle, comme les premiers juges
l ’ ont prétendu, un statut personnel?
Ceci jette dans la question sur la nature des divers
statuts ; question qui a exercé un grand nombre d’au
teurs, et qui exige d’être développée.
Parm i les auteurs qui ont traité celte matière, on ne
peut sans doute mieux faire dans cette cause que de ci tel
les commentateurs même des coutumes d’A u verg n e et
de Bourbonnais, Chabrol, et A u ro u x des Pommiers. Nous
citerons d’abord A u r o u x des Pommiers : c’est dans sa
préface. On y trouve le résumé de toute la doctrine en
cette matière ; qu’il soit permis de le transcrire.
A u r o u x distingue avec d’A rgen tré les statuts person
nels, les statuts réels, les statuts mixtes.
L e statut p e rso n n el, d it-il, est ce lu i qui se rapporte d irecte
ment à la personne , qui en règle universellem ent l’é t a t , sans
parler des b ie n s , et abstraction faite de toute m atière réelle :
citrà remm immobilium mixturam et abstractè ah omni materia r e a li, suivant l ’expression de d’Argentré.
L e statut réel est ce lu i qui parle des b ie n s , et qui en règle
les dispositions.
L e statut est m ixte lorsqu’il ne se rapporte pas à la personne
d irectem en t, purem ent et sim plem en t, mais ind irectem ent, et
par rapport à certains biens et
certaines personnes ; qu’il n ’en
règle l’état et la capacité que par rapport à ces biens et à ces
personnes, circumscriptive.
O n m et au rang des statuts purem ent personnels , ceu x qui
règlent la légitim ation, l’ém ancipation, l’interdiction, la tu telle,
la puissance paternelle ; car tous ces objets règlent universelle
m ent l’état de la personne.
O n com pte au nombre des statuts purem ent réels ce u x qui
�( IÓ )
règlent les successions , les partages , la légitim e , le droit
d’aînesse , le re tra it, les servitudes réelles.
E n f in on r e ga rd e c o m m e statuts m ix te s les statuts q u i d é
f e n d e n t a u x c o n j o i n t s p a r m ariage d e s’ avantager. Ila b e t cnim
personales quasdam consiclerationes.
Dans les droits purem ent personnels, et lorsqu’il s’agit d’établir
universellem ent la capacité d ’une personne, il faut suivre la loi
du dom icile , parce que c ’est la loi du dom icile qui soum et les
personnes qui sont dans son détroit.
Mais dans les m atières réelles, et celles qui sont m ixtes, qui
participent de la réalité et de la personnalité, il faut suivre la
coutum e du lieu où les héritages sont situés.
L ’effet du statut personnel est que réglant universellem ent
l’état de la personne , il règle aussi indirectem ent toute sa for
tune et tous ses b i e n s p a r c e qu’ils sont attachés à sa per
sonne.
L ’e ffe t du statut réel est qu’il ne s’exécu te pas hors la co u
tume.
O n p e u t, co n tin u e -t-il,
d é ro g e r à la c o u t u m e pa r des c o n
v e n tio n s p a r t i c u l i è r e s , q u a n d elle n ’est pas p ro h ib itiv e e t irri
ta n te. C 'e s t le c a s o ù o n d it q u e dans les c h o s e s permises la
disposition d e l’h o m m e f a it c e s s e r c e l l e d e la loi.
Mais lorsque l’article de la coutum e est p ro h ib itif, négatif ou
irritant, toutes les stipulations contraires sont inutiles.
Sur quoi il faut observer qu’une disposition de coutum e sim
plem ent réelle , quoique p ro h ib itiv e , n’annulle pas les actes ,
mais qu’elle leur ôte sim plem ent leur effet dans l’étendue de
son ressort; et il en est de m êm e du statut mixte. Ainsi la dis
position d une coutum e qui défend aux conjoints par m ariage
de s’avantager autrem ent que par don m u tu e l, n’annulle pas
absolum ent la d on atio n , mais ôte sim plem ent l’effet de cette
donation par rapport aux biens qui sont situés dans l’étendue
de son ressort, n’em péchant point que la m êm e donation ne
s’exécute sur les biçns qui sont situés ailleurs.
Nous
�<21
( r7 )
Nous viendrons dans un moment à l’autorité
M. Chabrol.
de
Les auteurs de la consultation qui se trouve dans
Duplessis, définissent également le statut personnel celui
qui règle principalement et universellement l’é t a t , la
condition , le pouvoir et la qualité de la personne ,
indépendamment et abstraction faite de toute,matière
réelle; ils citent d’Argentré.
Ils ajoutent que quand d’A rgentré d it, abstraction
faite de toute matière réelle, il ne prétend pas que le
statut personnel n’influe jamais sur les biens. Il est, au
contraire, disent-ils, presque toujours impossible qu’un
statut qui règle par lui-même tout l’état des personnes,
n’emporte en même temps des conséquences par rapport
aux biens qui y sont attachés; mais le statut n’est pas
moins personnel, lorsqu’il influe sur tout; il est réel,
lorsqu’il n’affecte qu’ une action particulière, une espèce
de biens, et qu’il ne règle pas universellement tout.
L e président B on liier, cliap. 3 3 , donne une autre
règle pour distinguer le statut personnel du stiitut réel;
il veut que le statut soit personnel ou r é e l , suivant
qu’il est conforme ou non au droit commun. Il dit
q u 'il n'y a -point de jurisprudence plus universelle
m ent r e çu e , que celle de la réalité des coutum es q u i
sont contraires au droit co m m u n , et que les ju r is
consultes appellent E X O R B I T A N T E S , et q u i, en consé
quence , doivent être restreintes dans les lim ites de
leur territoire. Satis est quod statutum exorbitans
aliquid vel m odicitrn, ultra ju s commune operetur, ut
in rcsiduo , quantum J ie r ip o te s t, restringatur. C ’e s t ,
C
�( 1 8 }
ajoute-t-il, non-seulem ent îa v is de D u m ou lin , m ais
de tous les docteurs.
C ’est aussi le sentiment de Garnier , célèbre juris
consulte, dans son discours prononcé ù la conférence
des avocats du parlement de Metz.
En partant de cette distinction , le droit commun
est que la femme ne puisse stipuler ni faire aucun acte
sans l’autorisation du mari. La disposition de la cou
tume d’A u verg n e, qui constitue la femme dame et maî
tresse de ses droits, quant aux biens paraphernaux, est
donc contraire au droit commun. Elle est même con
traire au droit commun de la coutume.
Comment est concu l’article? Fem m e mariée est en
la puissance du m a ri : voilà la règle gén érale, voilà
la disposition principale, conforme d’ailleurs à la dis
position de toutes les coutumes ; la suite n’est que l’ex
ception, excepté quant a u x biens paraphernaux.
L ’art. 8 porte : T ous les biens que la fe m m e a au
temps de ses fia n ça illes sont réputés dotaux : voilà la
règle générale, conforme encore au droit général coutumier. Il est ajouté : Si ce n’est qu’il y ait constitution
particulière de dot, o u , comme dit Chabrol, réserve
expresse ou tacite en paraphernal : voilà l’exception.
Cette disposition, qui affranchit la leinme de la puis
sance du m a r i, quant à celte dernière espèce de biens,
est donc exorbitante, non - seulement du droit commun
de toutes les coutumes, mais encore du droit commun
de la coutume d’ A u verg n e, et par conséquent, en partant
même de la doctrine du président Bonhier, forme un
statut réel, limité dans sou territoire*
�( J9 )
On clit que cette disposition n’est point exorbi
tante; qu’elle ne fait que conserver à la femme, quant
à ses biens, la liberté primitive qu’elle a voit de disposer;
que son état de citoyenne est plus ancien que celui de
'femme. Mais quand on dit que cette disposition est
exorbitante , il ne s’agit pas de considérer la femme
dans l’état qu’elle avoit avant le mariage , de la faculté
qu’elle avoit, par suite du droit de propriété, de vendre
et aliéner; faculté dérivant du droit des gens. O n sait
que le droit des gens est celui qui est commun à tous
les peuples policés : C’est la définition qu’en donnent
les Institutes. V o ca tu r ju s gentium q ua si quo jura
onines gentes utantur. D u nombre des contrats du droit
des gens est la vente ; et ex hoc ju r e gentium onines
pene contractus introducti s u n t, ut emptio venditio,
locatio conductio. L e droit c iv il, au contraire, est le
droit particulier de chaque gouvernement, civile, quasi ju s
proprium civitatis. Institutes, au même endroit, liv. i or,
tit. 2. Quand on dit que la disposition est exorbitante,
on n’entend pas parler du droit des gens, mais du droit
commun particulier à la cité, du droit c iv il, qui met
les femmes sous la dépendance du m a ri, qui veut qu’elles
ne puissent faire aucuns actes sans son autorisation.
Suivant le raisonnement de l’adversaire , la dispo
sition de la coutume relative aux biens paraphernaux
seroit le droit commun , et la première partie de l’ar
ticle qui met la femme sous la puissance du inari, l’ex
ception, tandis que c’est le contraire; que l’exception
porte sur les biens paraphernaux, ex cep té, dit la cou
tume, quant a u x biens paraphernaux.
C 2 _
�L a coutum e, en permettant à la femme de disposer
de ses Liens paraphernaux, fait exception aux autres
coutumes et à elle-même.
E t sans entrer dans d’autre discussion, n’est-il pas évi
dent qu’une coutume qui établit une exception doit être
restreinte dans son territoire; qu’on ne peut rétendre à
une autre coutume qui ne porte pas la même exception ?
Stokmans, décision 1 2 5 , n°. 9 , veut q u e , dès qu’il
s’agit d’aliénation d’héritages, de rerum so li alienatio n e , le statut, n’importe comment il est e xp rim é, swe
verbis in r e m , swe in personam directe con ceptum ,
soit regardé comme réel.
On seroit étonné s i j parlant de statut, on ne citoit
point Boullenois, quoique cet auteur, ainsi que l’observe
M erlin dans ses questions de d r o i t , tom. 7 , au mot
rem ploi ou nous avons puisé les citations de Garnier
et de Stokmans, ne donne souvent que des dispositions
longues, abstraites, obscures, et peu p r o p r e s à faci
liter la distinction des statu ts personnels d’avec les
réels. Boullenois, dans son traité de la démission de
L ien s, où il a inséré une dissertation sur les statuts,
définit également le statut personnel celui qui règle
l ’état et la condition de la femme ; mais il ne veut pas
qu’on ajoute universellement. Il en donne deux exem
ples , le premier relativement à la femme marchande
p u b liq u e ,
qui a trait
les autres
émancipé ,
qui est libre et indépendante pour tout ce
à son commerce, et en puissance pour tous
actes ; le second relativement au mineur
qui est indépendant pour percevoir les
revenus ,
et sous la dépendance du tuteur quant à
�43
( 21 )
l’aliénation clés héritages. Mais c’est toujours univer
sellement. La femme marchande publique affecte tous
ses biens ; le mineur émancipé a le droit de jouir du
revenu de tous ses biens quelconques. L a disposition
de la coutume qui a ffr a n c h it la femme de la puissance
maritale, quant a u x b ie n s parapliernaux, est particu
lière à cette so rte de b ien s, et ne p e u t , par consé
quent , s’ é te n d re aux coutumes qui ne reconnoissent
point la paraphernalité.
L e même auteur observe que le statut personnel qui
perm et, cède au statut réel qui défen d; et en effet,
deux choses doivent concourir pour mettre un acte
en état d’être exécuté. Il faut qu’il ait été passé par
line personne capable; et en second l ie u , que la loi
du pays où sont situés les biens ne s’y oppose pas.
« P o u r p o u vo ir, dit-il, pag. n o , étendre la loi d’un
« pays dans un a u tre, il faut que la loi du lieu où on
« veut faire l’extension soit muette, ou que la loi que
«
«
«
«
l’on veut étendre soit une espèce de droit commun,
ou qu’il n’y ait pas une loi qui dispose expressément, et qui soit prohibitive et négative de celle que
l’on y veut faire recevoir. »
Ainsi le statut du droit écrit, qui permet de disposer de
tous ses biens par testament, est arrêté par le statut de
la coutume d'A u vergn e, qui ne permet de disposer de
cette manière que des trois quarts.
Ainsi les coutumes qui permettent au mari d’avantager
sa femme sont arrêtées par celles qui le defendent.
O r , la coutume de Bourbonnais est en termes négatifs
et irrita iis. Contrats de rendition et autres actes faits
�( 22 )
p a r la fe m m e sans le consentem ent et autorisation du
m a r i, ne valent.
O n a objecté que c’étoit ici une vente d’une chose mobiliaire, et que les meubles suivent le domicile.
Les meublés qui sont meubles de.leur nature, suivent
le domicile; sans difficulté. Il en est de même de ceux
q u i, n’étant pas meubles de leur nature, le deviennent
lorsqu’ils ont été détachés du fonds; tels que les fruits
des récoltes, et autres fruits pendanspar racine : mais tant
qu’ils sont inhérens au fonds, ils sont immeubles comme
le fonds môme. Boullenois, pag. 101, en a fait l’obser
vation. A p rès avoir dit que les meubles suivent la loi du
domicile, il ajoute: « Je ne crois pas être obligé de re« marquer qu’il en faut excepter les meubles qui sont
c< inhérens au fonds. »
Il n’y a point d’exception pour les bois taillis. L ’article
Ô2i du Gode civil porte : «Les coupes ordinaires des bois
« taillis ou futaies mis en coupe réglée, ne devien« nent meubles qu’à fur et m e su re que les arbres sont
« abattus. »
La coutume de Paris, article 9 2 , portoit également:
B o is coupé, blé, f o i n ou g ra in , soyé ou f a u c h é , sup
posé q u il soit ( c’est-à-dire, quoiqu’il soit ) encore sur
le cham p, et non transporté ( mais coupé ) , est réputé
jneuble.
L ’article 131 de la même coutum e, porte que les
fruits des héritages propres d’un des conjoints, pendans
par racines au temps du trépas d’ un des conjoints,
ne tombent point dans la communauté, et appartiennent
à celui auquel appartient l’héritage; à la différence dp
�43-3
( 23 )
ceux qui ne seroient plus pendans par racines. Sur
quoi M . Pothier, dans son traité de la communauté,
parle des bois taillis, et s’explique ainsi :
Q uoique le principal revenu de l’héritage de l’un des con
joints, par exem ple de la fem m e , consistât dans un bois taillis,
d ’où il n’y a eu a u c u n e coupe à faire pendant tout le temps qu’ a
duré le m ariage, quoique le m ariage ait duré plusieurs an n ées, le
mari ne pourra rien prétendre pour la • com m unauté qu’il a
eue avec sa défunte fem m e, dans la coupe qui s’ en fera après
la m ort de sa fem m e.
.
.
: •
Supposons, au contraire , que peu après le mariage il se f a it ,
durant la com m unauté, une coupe de bois taillis, propre de
l’un des con join ts, qui ne se coupe que tous les dix ans;
quoique cette coupe soit le fruit de dix années, et que le m a
riage n ait duré que peu de m ois, la coupe entière ne laissera
pas d’appartenir à la com m unauté.
A u ro u x des P o m m iers, pag. 4 7 0 , après avoir dit
que les premiers fruits des propres, après la célébra
tion du mariage, entrent dans la communauté, ajoute
qu’ il en est de même d’ une coupe de bois taillis, dont
la neuvième année, ou le temps de la cou p e, finit le
jour du mariage.
T o u t cela est une suite du principe que les fruits ,
tant qu’ ils sont inliérens au fonds, 11e sont pas distingués
du fonds.
• > : *«
1 *1
L a dame de Saint-IIéren, d it-o n , n’a fait qu’un acte
'd e jouissance. Les bois taillis1étoient eu maturité! c’étoit
un fruit dont elle a pu disposer! ’
Réponse. La dame de Saint-IIéren n’a-t-olle fait qu’un
acte de jouissance? en dormant au sieur Jusseraud onze
�C 24 )
années pour l’exploitation et la vidange des bois s
n’a-t-elle pas effectivement vendu deux cou pes, au lieu
d’une ? N ’a-t-elle pas vendu entièrement par anticipa
tion cette seconde coupe ? Est - ce là un simple acte
d’administration?
N ’a fait qu’un acte de jouissance! Mais il faut savoir
à qui il appartenoit de faire cet acte de jouissance.
C ’est un fruit! les bois étoient en maturité! Si c’est
un fru it, l’art. 235 de la coutume attribue au mari la
jouissance de tous les biens de la femme, n on -seu le
ment des conquets, mais des propres; elle se trouveroit
avoir vendu ce qui ne lui appartenoit pas, ce qui appar
tenoit au mari.
O u c’est im m obilier, ou c’est un fruit. Si c’est immo
bilier, la vente est nullç, d’après l ’art. 1 7 1 , qui annulle
tous les actes qu’une femme fait sans l’autorisation du
m a r i , tant relativement à ses biens meubles qu’à ses
im m e u b le s.
Si c’est u n f r u i t , le m a ri se u l a u r o it pu vendre; la
vente seroit n ulle, comme faite à non domino.
Il est temps, sans doute, de citer M . C h ab ro l; de
rapporter non-seulement son sentiment, mais encore la
discussion; elle est trop importante pour en rien omettre:
on craindroit, ou d’affoiblir la défense des sieur et dame
de Sain t-lléren , ou d’être accusé d’inexactitude.
La principale question, dit-il sur l’article i cr. du titre 14,
tome 2, page 181, qui se présente, est de savoir si lorsqu’il
échéoit à la femme, pendant le mariage , une succession de
biens situés dans des coutumes qui , comme celles de B o u r
bonnais ou de Paris, ne connoissent pas la distinction des biens
dotaux
�( â5 )
dotaux et paraphernaux, la jouissance en appartient au mar*
ou à la femme. N ous ne parlerons pas du droit de disposer en
lui-m ém e, parce qu’il est évident q u ’il dépend de la loi de la
situation des héritages. A in s i, la fem m e m ariée en A u vergn e,
qui recueille une succession [à Paris , ne pourra en vendre les
biens que sous l’autorisation de son m a ri, com m e cette cou
tum e l’exige , q u o iq u ’elle n’ait pas besoin d ’étre autorisée pour
l’aliénation de ses biens paraphernaux en A uvergne ; a in si, elle
ne pourra disposer par testament que du quint, parce que la
c o u t u m e de Paris ne perm et pas de léguer une plus grande quan
tité de ses biens propres par testament.
N ous ne parlons pas non plus du m obilier et des contrats de
rentes sur p a rticu liers, parce que tous ces objets suivent la
loi du d o m ic ile , et se portent à celu i de la fe m m e , aussitût
qu’elle y su c c è d e ; ils sont réputés y être situés, dans le m êm e
instant où le m ort sa isit de -vif. A in s i, la fem m e dom iciliée dans
cette p ro v in c e , jouira sans difficulté de tout le m obilier , et
des contrats de rente sur p a rticu lie rs, qui lui sont échus dans
une succession ouverte à Paris ; elle en jouira séparém ent et
sans l’autorité de son m a ri, et elle pourra en disposer de m êm e.
Mais il reste à savoir qui du mari ou de la fem m e aura la jouis
sance des im m eubles réels d’une pareille su ccessio n , ou des im
m eubles fictifs qui ont leur situation dans le lieu où les rentes
se p a ye n t, com m e celles dues sur l’hôtel-de-ville de Paris.
O n peut dire pour la fem m e que les revenus de ses bien s,
en quelque lieu qu’ils soient, se portent dans le lieu où elle
ré sid e , et que la
lo i
de ce dom icile lui donne les fruits de ses
biens aventifs : d’ailleu rs, il s’agit de sa cap acité; la co u tu m e,
en lu i donnant le droit de jouir de cette nature de biens, dit
qu’elle en est dam e e t m aîtresse; e t , s u iv a n t la m ême c o u
tu m e , elle n’est pas à c e té g a r d en la puissance de son m a r i ;
il s’agit de son é t a t , de c e q u i régie sa personne, et elle ne
peut être m ère de fam ille pour ses biens aven tifs, situés en
A u vergn e, si elle ne l’est pas des biens pareillem ent aventifs
D
�( *6. )
situés à P a ris; son droit, de jouir est une suite d’une capacité
personnelle que la loi de son dom icile lui donne ; et de m êm e
qu’ un arrêt rapporté par L ouet a jugé qu’un m ineur dom icilié
à Senlis , où l’on n’est m ajeur qu’à vingt cinq a n s, n’avoit pu
vendre des biens situés, en la coutum e d’A n jo u , qui règle la
majorité à vingt ans, une fem m e d’A u v erg n e , à qui la jouis
sance et disposition de ses biens inventifs appartient à son mari ,
devroit jouir de ceux qu’elle recueille à Paris , où , suivant le droit
com m u n , le m ari a la jouissance des biens de sa fem m e; et
c ’est le sentim ent de Froland.
.
O n peut dire / au contraire , qùe de m êm e que la fem m e
ne pourroit pas vendre valablem en t, sans l’autorisation de son
m a ri, une maison située à P a ris, qui lui seroit venue par su c
cession , de m êm e elle ne peut en jouir s é p a r é m e n t ; que le
droit de jouir est en elle une suite de celu i de disposer ; que
la c o u t u m e d’A uvergne n ’emploie , pour exprim er l’un et l’autre ,
que le term e de disposer : au fo n d , quand on considéreroit m êm e'
le droit de la fem m e sur ses biens aventifs , com m e une capa
cité personnelle qui se conserve partout, on ne peut pas dire
cependant qu’elle ait partout les m êm es effets : la f e m m e a
droit de jouir de ses b ie n s a v e n tifs , en q u e lq u e lieu qu ils soient
situés, pourvu qu’ils soient de nature que cette capacité puisse
y réfléchir , et que la coutum e de leur situation n’en dispose
pas différem m ent ; mais la coutum e de Paris ne reconnoissant
pas de biens aventifs , et donnant au mari l’administration de
tous les biens de la fem m e , celle-ci ne peut réclam er la jouis
sance que des biens situés dans des coutum es q u i en reconnoissent de cette qualité : chaque coutum e disposant souverai
nem ent il;? la destination des biens qu’elle régit , il est incon
ciliable que la f< initie en Auvergne ne puisse disposer d’un bien
de Paris par c o n t r a t ou par testament , que com m e la co u
tume de Paris le perm et , et qu’elle puisse en jouir d ifférem
m ent de ce que cette coutum e a réglé. Rien n’est plus per
sonnel que le droit d’ainesse , ou la capacité de tester : un aîné
�< 3>
( 27 )
l’est pour tout. C elu i à qui la fa c tio n du testam ent appartient
par la loi de son dom icile l’a égalem ent en tout lieu ; cep en
d a n t, l’ainé ne prendra pas dans la coutum e de la situation
des b ie n s , les avantages que lui donne la loi de son dom icile ;
et le testateur 11e pourra disposer des biens de chaque c o u
tum e , que dans la proportion , et pour la quotité qui y est
déterm inée. Si la capacité est attachée a la loi du dom icile ,
les effets de cette capacité ne sont pas moins subordonnés à
la loi de la situation des choses auxquelles on prétend l’appli
q u e r; il ne faut jamais pei’dre de vue le principe enseigné par
M. d ’A r g e n t r é qui a le pltls approfondi la m atière des statuts
personnels et réels , et qui veut que le prem ier soit co n sid éré,
abstraction faite de toute réalité ; citrà reruni im m obilium m ix turam , e t abstractb ab om n i matériel reali.
C ette question a été jugée en faveur du mari , par une sen
tence de la sénéchaussée d’A u v erg n e , du 22 juin 173 7, rendue
au rapport de M . Geslin , lieutenant g é n é ra l, en faveur du
sieur com te de P o n s, contre la dame de B oulieu de M ontpensier,
sa fem m e. L e marquis de M ontpensier , frère de la com tesse
de Pons , laissoit dans sa succession entr’autres objets , un
contrat de rente de 400 ïiv. au principal de 16000 liv. dues
par le r o i, et réputé situé h Paris : la jouissance de ces rentes
fut adjugée au mari : la d a m e <le P o n s tiroit avantage de ce
que son contrat de m ariage contenoit une soumission expresse
à la coutum e d ’A uvergne ; mais on jugea que cette clause ne
pouvoit se rapporter à l’objet sur lequel les parties étoient d ivi
sées , et lui donner le droit de jouir com m e a v e n tifs, de biens
situés dans la coutum e de Paris , qui n’en reconnolt pas de cette
qualité. C ette cause avoit été plaidée à l'audience du z 5 août
170 6; et l’on y cita une sentence précédenle de 1G90, par la
quelle on prétendit que la question avoit été jugée de la m êm e
m anière , en faveur du mari.
M e. D u h a m e l , a v o c a t c é l è b r e du p a r le m e n t, a v o it d é c id é en
f a v e u r d e la f e m m e ; il disoit dans sa c o n s u lta t io n d u m ois do
D 2
�(28)
mars 1736, que les droits respectifs des sieur et dame de Pons
devoient se régler par la coutum e d’Auvergne , pour tout ce
qui n ’étoit pas de m atière purem ent réelle ; q u e , par la stipu
lation expresse du contrat de m a ria g e , les parties avoient dit
qu’elles se régiroient par la coutum e d’Auvergne ; que d’ailleurs
les dispositions de cette coutum e , sur la qualité des biens aventifs , étoient censées répétées par le contrat de m ariage , et faisoient partie des conventions qui y étoient écrites ; que la cou
tum e de P a ris , où cette nature de biens étoit inconnue , ne
contenoit néanmoins aucun statut prohibitif ou n ég atif, aucun
texte qui portât que la fem m e n’en auroit. pas la jouissance ,
et qu'ainsi rien n’em péchoit que la loi ou la convention qui
réservoit cette jouisance à la fe m m e , ne produisit son e ffet
sur des biens de Paris. Il convenoit néanmoins que la dame
de Pons ne p o u v o it aliéner ses biens de Paris, sans le consente
m ent et l'autorisation de son m a ri, parce que l’article 223 qui
ôte à la fem m e cette faculté d’a lié n e r , sans le consentem ent
de son m a r i, étoit con çu en term es prohibitifs et négatifs ; mais il
disoit que la convention portée par un contrat de m ariage passé
en A u verg n e, conform ém ent à la loi d’A u v erg n e, pouvoit s’e x é
cuter sur des biens situés à Paris » p u is q u e la m ê m e conven
tion en tr e des personnes m ariée s à Paris , au ro it tout son effet.
L a sentence qui fu t rendue paroît plus juridique. I l est inconcilia b le que la fe m m e puisse j o u i r , com m e d ’un bien ave 111if,
d ’un im m euble dont elle ne p e u t disposer que com m e d ’un bien
d o t a l, e t que le m a r i, sans leq u e l elle ne p eu t v e n d re, n’a it
pas le droit de jo u ir.
Les premiers juges ne se sont arrêtés ni ¿1 l’opinion de
M . C h a b r o l, ni au préjugé de la sentence de la séné
chaussée d’A u vergn e; ils ont pensé différemment. Il im
porte de discuter les motifs qu’ils ont donnés de leur
décision.
« A tte n d u , disent-ils, que la fem m e mariée est en la puis-
�( 29 )
« sance du m ari, excep té quant au x biens aventifs et parapher« naux ; que cette disposition qui établit en général la puissance
« du m a r i, mais q u i , par sa restrictio n , en lim ite les effets à
« l’égard d’une espèce de c h o s e , est évidem m ent personnelle. »
C ’est précisément ce qui est en question.
«
«
«
k
«
cc
«
« Q u ’elle règle l’état du mari et celu i de la fem m e ; qu’elle
constitue la c o n d itio n du m ari envers sa fe m m e , d ’abord sur
sa perso n n e, et puis sur ses biens d ’une certaine nature ; que
le statut a pour objet d’alléger la condition où la fem m e
étoit jadis, de la tirer de cette sujétion excessive et hum iliante où elle étoit pour toutes choses envers son m ari; d’où
il suit qu’on ne peut se refuser à voir dans cette disposition
un véritable statut personnel. »
Mais c’est toujours relativement aux biens parapliernaux, relativement à une nature de biens, et à des biens qui
ne sont de cette nature que dans la coutume d’A uvergne.
Comment ne pas vo ir dans la coutume d’A u v e rg n e , qui
admet la paraphernalité, une disposition p a rticu lière, et
dans cette disposition p a rticu lière, un statut r é e l , c’està-dire, qui ne puisse être étendu hors des limites du
territoire qui reconnoît cette sorte de biens.
« A ttendu que c e qui distingue la personnalité du sta tu t, c e
« qui le sépare clairem ent du statut r é e l, c ’est lorsqu’il se dé« term ine à fixer l’hom m e libre ou indépendant, l’homm e assu« jéti ou subord on n é, tel que la m ajo rité, l’autorisation de la
« fe m m e , la libre jouissance des droits civils. »
U niversellem ent, mais non relativement à une seule
espèce de biens ; ce qui est le caractère du statut réel.
« Q ue le statut de paraphernalité est évidemment de cette na*
te tu re, puisqu il rend la fem m e su i ju r is , ou dame et maltresse
« de ses droits, com m e dit la coutum e d’Auvergne. «
�r
L 3° )
Toujours même pétition de principe.
«
«
«
«
«
«
cc
«
« A ttendu que si, en m atière de distinction de sta tu t, quelques auteurs ont voulu qu’un statut qui déroge à une capacité générale pour form er une interdiction ou prohibition lû t
réputé un statut réel et non personnel, on ne peut appliquer
cette règle au statut de paraphernalité d’A uvergne, puisque
c e statut, loin de form er dans la fem m e un état d interdiction
ou de prohibition, est au contraire à son égard un retour au
droit g é n é ra l, à l’état ordinaire de société , la rétablit dans
l’état où elle étoit avant de se m a rie r, et ayant pouvoir de
« disposer librem ent de sa chose. »
Relativement à une seule espèce de b ie n s, et à une
espèce de biens particulière à la coutume, inconnue dans
la généralité des coutumes.
« Q u ’a in si, loin de rentrer dans l’exception qui form eroit le
cc statut réel, les effets de la paraphernalité constituent de plus
cc en plus le caractère d’un vrai statut personnel et e x clu sif de
cc toute réalité dans la personne de la fem m e. »
Les juges prennent, conunc on l’a observé plus haut,
la disposition de la coutume qui rend la femme dame et
maîtresse de ses'biens parapliernaux, comme le droit g é
n éra l, et la disposition qut la met dans la dépendance
du mari pour les biens dotaux, comme étant l’exception;
tandis que c’est l’opposé.
D e droit commun, la femme est sous la dépendance
du mari. Il ne s’agit pas de son état avant d être mariée;
il s’agit de son état de fem m e. D e droit commun aussi,
et même dans la coutume d’A u v e rg n e , les biens que la
femme a au temps de scs fiançailles sont réputés dotaux.
L a coutume d’A u vergn e dérogeant au droit commun ,
dérogeant à elle-m êm e, déclare lu femme dame et mai-
�44»
( 31 )
tresse d e ses d r o it s , q u a n t a u x b ie n s p a ra p h e rn a u x ,.' Q u i
n e v o i t là u n e d is p o s itio n p a r tic u liè r e d e la c o u tu m e q u i
a d m e t la p a r a p h e r n a lité q u e les a u tres c o u tu m e s re je tten t',
q u i r e n d la fe m m e , q u o iq u e p a r le m a r ia g e e lle a it passé
so u s la p u iss a n c e d u m a r i , s u i j u r i s , q u a n t à ces b ien s
p a r a p h e r n a u x ? E t c o m m e n t d ’ u n e d is p o s itio n p a r t i c u
liè r e fa ir e u n d ro it g é n é r a l; ce q u ’ il fa u d r o it c e p e n d a n t
p o u r le re g a r d e r c o m m e u n sta tu t p e r s o n n e l ?
’ « A t t e n d u qu’il est de la nature du véritable statut personnel
<x d’étre inhérent à la person n e, et de la suivre en tous lieux ;
te adllivrent personœ e t illarn a fjîc iu n t; qu’une personne cacc pable en un lieu est essentiellem ent capable p a rto u t, m êm e
«
cc
«
a
ie
à l’égard des biens situés hors de son dom icile ; que cette
capacité est aussi indivisible que la personne m êm e q u i en est
revêtue ; d’où il suit que la dam e de S ain t-H éren , capable de
disposer de ses biens paraphernaux en A u v erg n e , l’a été éga
lem ent de jouir et administrer ses biens de m êm e n a tu r e ,
« situés en Bourbonnais ; que ce lte capacité de jouir et admi« nistrer lui a donné le droit de disposer des revenus sans l’au«
te
«
te
torisation du mari ; que les coupes des bois taillis en question
11 e to ie u t, de q u e l q u e m a n i è r e q u ’on les e n v is a g e , q u ’un revenu annuel dont la dame Saint Iléren pouvoit disposer; que
par conséquent elle n’a pas excédé ses pouvoirs, et que la
« vente qu’elle a faite de ces coupes est inattaquable. »
L a capacité générale suit la personne et l’afiecle par
tout. Mais la capacité restreinte à une nature de biens ne
peul avoir d’ellet que la où il y a des biens de celle nature;
et c’est ce qui prouve que la disposition'de la coutume,
même quant aux biens p a r a p h e r n a u x est réelle:
La capacité, même générale, suit la- personne et l’af
fecte partout, excepté dans les coutum es prohibitives :
u4't*
�( 32 )
q uciftobjecto o b ice, pour se servir de la comparaison de
B ou llen ois, page 12 4 ; et l’on a vu que la coutume de
Bourbonnais est de ce nombre. L ’article 171 est conçu
dans les ternies les plus prohibitifs, ne peut.
Les premiers juges se retranchent dans le pouvoir de
jo u ir, de percevoir les revenus; ils n’ont pas été jusqu’à
conférer à la dame de Saint-Héren le pouvoir de vendre
la propriété.
Ils posent en principe que la coupe des bois taillis,
comment qu’on les envisage, étoit un revenu annuel.
i° . Quoique la coupe d’un bois taillis soit le produit de
l’accroissement annuel des bois, ce n’est cependant pas
un revenu annuel ; ils ne tombent en revenus que lors
qu’ils sont en âge d’être coupés.
Seroit-ce un revenu, il s’agiroit de savoir à qui le re
venu appartenoit, du mari ou de la femme.
Mais on a vu que la femme n’a pas seulement vendu
une coupe, mais qu’en accordant onze ans pour l’exploi
tation , elle en a effectivement vendu deux. A -t-elle pu
vendre cette seconde coupe par anticipation? N ’est-ce pas
comme une aliénation de la propriété?
«
«
«
te
«
«
«
«
v
« Attendu qu’on a llè g u e , sans ra iso n , que les coutum es
étoient souveraines dans leur ressort..........; que cette objection s’écarte sans p ein e, en faisant ré fle x io n , i ° . que l’em pire des co u tu m es, sur les biens de leur en clave, portoit
sur la p ro p riété, sur la conservation des fonds; qu’elles
avoient pour but de conserver et de transm ettre les biens
dans les fam illes; qu’ain si, cette affection ne frappoit que
sur la propriété ; que tel étoit le m o tif des prohibitions irritantes ; que s’il étoit question dans l’espèce d’une vente de
propriété, peut-être la disposition prohibitive de la coutum e
au
�( 33 )
cc de Boui’bonnais auroît son application ; mais que s’agissant ,
« au co n traire, d’une simple disposition de revenus, et d’ un
« acte de pure administration , on ne peut croire qu’à cet
« égard le statut prohibitif de la coutum e de Bourbonnais pût
c< étendre son effet ju sq u e-là ; que sans doute la dame de
« Saint-Héren auroit pu valablement se faire la réserve de
« jouir seule , in d é p e n d a m m e n t du mari , des biens qu’elle
« avoit et qu’elle pourroit avoir un jour en Bourbonnais ; qu’une
«c telle réserve lui auroit été perm ise, et n ’auroit point violé
« le statut irritant de cette coutum e ; que sur ce point la dis« position de l’hom m e auroit su p p lé é , ou m ôm e fait cesser
« la disposition de la l o i , puisque le statut irritant doit se
« prendre dans ses termes étroits et de rigueur, c ’est-à d ire ,
« se borner à la prohibition de disposer de la propriété , et
«
ce
«
cc
ce
cc
d’abandonner la disposition des fruits à la liberté ordinaire
des conventions. O r , cette clause de réserve se trouve en
plusieurs m anières, sinon en termes exprès, au moins implicitem ent, dans le contrat de mariage des parties; savoir,
d’abord par la constitution dotale qui a opéré indirectem ent
la paraphernalité de tout ce qui n’étoit pas d o ta l, et en
cc second lie u , par la clause de soumission au droit é c r it , pour
« les biens [»résens et à yenir. »
C ’est une erreur, disons-le sans crainte, de la part des
premiers juges, de prétendre que la disposition de l’ar
ticle 171 de la coutume de Bourbonnais, n’a eu pour objet
que la conservation des fonds, la transmission des biens
clans les familles, puisque la disposition est générale et
absolue, qu’elle frappe de nullité généralement tous les
actes dans lesquels la femme a agi sans être autorisée, tant
relativement à ses biens meubles qu’à ses immeubles; con
trats de vendit io n , porte l’article, donation, quittances
et autres actes.
E
�C 34 )
Quel a été le motif de la coutum e? c’est
générale de la femme de contracter; c’est la
absolue où elle est de son mari ; dépendance
incapable par elle-même de tous actes civils;
Vinhabilité
dépendance
qui la rend
dépendance
qui est de droit public.
On ne peut penser, dit-on , que la coutume ait voulu
étendre sa prohibition à une simple disposition de reve
nus! On répondra : E t comment croire qu’elle ait voulu
faire exception en faveur de la femme pour lés reVènus,
puisqu’elle attribue tous les fruits, tant des conquêts que
des propres, au m ari; que la femme ne peut en disposer,
non-seulement par la prohibition générale de consentir
aucuns actes sans être autorisée, mais encore par cette
autre raison, qu’on ne peut disposer de la chose d’autrui.
Les premiers juges se retranchent dans les revenus. Ils
conviennent que la disposition de la coutume d ’A u v e r
g n e, qui rend la femme dame et maîtresse de ses biens
parapliernaux, ne lui donneroit pas droit d ’a lié n e r la
propriété des b ie n s situ és e n B o u r b o n n a is . N ’est-ce pas
démentir tout d’un coup ce qu’ils ont d it? 11’est-ce pas
reconnoitre que la disposition de la coutume forme un
statut réel?
O u il faut suivre la coutume d’A u v e rg n e , ou il faut
suivre la coutume de Bourbonnais. Si l’on suit la coutume
d’A u verg n e, la femme a le droit de disposer de la pro
priété, comme des revenus; si on suit la coutume de Bour
bonnais, les revenus appartiennent au mari.
L a dame de Saint-IIéren auroit pu se réserver de jouir
des revenus! la clause de paraphernalité équivaut à cette
réserve !
�44S
'
C 35 )
Les premiers juges supposent toujours dans le contrat
de mariage une paraphernalité qui n’y est point.
O n a vu que cette distinction entre la propriété et les
revenus est chim érique, et que c’est s’écarter en même
temps de l’une et de l’autre coutume.
N ’a-t-elle donc disposé que de ses revenus ? n’a-t-elle
fait, comme les premiers juges le prétendent, qu’un acte
d’administration, et de sage administration, en vendant
deux coupes au lieu d’une, par le délai qu’elle a accordé
pour l’exploitation , en vendant cette seconde coupe par
anticipation? et la vente de cette seconde coupe est faite
unico prêt 10.
« Attendu......... que, dans l’espèce, s’agissant d’un bien à
a l’égard duquel la femme est dame et maîtresse de ses droits,
« au moins quant à la jouissance, elle ne doit, sur ce point,
« aucune subordination au mari; que le mari n’y a aucun
«’ intérêt propre, les biens de cette nature ne lui ayant pas été
« donnés pour supporter les charges du mariage. »
O n répondra par ces termes de d’A rg en tré , expliquant
la différence entre le consentement et l’autorisaliou du
rnai'i ; autoritas personam habilitai ad coritrcthendum ,
consensus m a riti intéressé respicit.
« D’où il suit que la coutume de Bourbonnais n’a pas ici d’ap
te plication; que la loi du, domicile des époux, que leursicon,« ventions expresses ont fait seules la règle dans cette circons« tance ; et que c’est là le cas de dire avec D u m o u l i n , que ce
« n’est pas le statut d’A uvergne qui a exercé un empire hors de
« son territoire, mais que c’est l’obligation contractée entre les
« époux qui les lie, qui les gouverne partout, et qui s’exécute
« sur tous, leurs, biens.. »
E 2
�( 36)
Les juges partent toujours de leur supposition favorite,
que le contrat de mariage contient une convention de
paraphernalité.
En second lieu , les conventions affectent les biens où
qu’ils soient situés,
L orsqu’il n’y a pas de disposition prohibitive*, on en con
vient ; mais non lorsqu’il y a prohibition ; et c’est ce qui
est encore enseigné par les auteurs qu’on a déjà cités.
On ne peut, môme par contrat demariage^ déroger aux
lois prohibitives. C ’est ainsi qu’on ne peut stipuler dans
la coutume de Normandie, la communauté; c’est ainsi
qu’on stipuleroit vainement un douaii’e plus fort dans
les coutumes qui bornent le douaire. Boullenois, p. 113.
Quelques susceptibles, dit Potliier, dans la préface au
traité de la communauté, que soient les contrats de ma
riage de toutes sortes de conventions, celles qui contrediroient, et qui tendroient même à éluder quelque loi
prohibitive , 11e sont pas valables ; il en cite plusieurs
exemples.
Dans l’espèce de l ’arrêt de Pons, rapporté par M. Cha
b ro l, il y avoit une soumission expresse à la coutume
d’A u v e rg n e ; le parlement ne s’y arrêta point.
O n a objecté que la coutume de Bourbonnais n’étoit
pas prohibitive ; on en a rappelé plus haut les termes :
contrats de vendition, donation, quittance, et autres actes
faits par la femme sans le consentement du mari, ne valent $
il est ajouté, et ne sont tels contrats validés et confirmés
p a r la dissolution du mariage. Peut-elle être conçue en
termes plus irritans?
L ’articlc 238 ci-dessus cité est dans le même esprit
�44*
( 37 )
«
«
«
cc
«
cc
«
cc
cc Attendu qu on ne peut trouver d’inconséquence en ce que
la dame de Saint-Héren auroit l'adm inistration de certains
biens dont cependant elle ne pourroit aliéner la propriété
sans autorisation ; car ces deux manières de d isp o ser, dont
l’une procède de la lo i, l’autre de la convention , sont trèscom patibles; que l’art. 1576 du Code civil déclare expressém ent cette c o m p a t i b i l i t é , p u isq u il donne a la fem m e la disposition de ses biens paraphernaux, mais soum et la fem m e
à une a u t o r i s a t i o n pour disposer de la propriété de ces m êmes
cc biens ; qu’on ne s’est pas imaginé de voir une inconvenance
cc dans cette disposition du Code c iv il, qui n’a fait que sanccc tionner les principes généraux du droit naturel ou civil. «
Ce moyen terme, que les premiers juges ont imaginé,
côtte espèce de transaction qu’ils veulent'faire entre les
deux systèmes, est, comme 011 l’a déjà dit, contraire, et
à la disposition de la coutume d’A u v e rg n e , et à la dispo
sition de la coutume de Bourbonnais, qui ne font ni l’une
ni l’autre aucune distinction; il est également contraire à
la convention prétendue des parties.
O u il y a stipulation de parapliernalité, ou non; ou
c e lte s tip u la tio n p e u t ê tre é te n d u e a u x c o u tu m e s p r o h ib i
tives , ou non ; ou la disposition de la c o u tu m e d ’ A u v e r
g n e , q u i, faisant exception au droit g é n é r a l, fa isa n t
exception à elle-même, met la femme entièrement hors
du pouvoir marital quant à ses biens paraphernaux,
peut être étendue, ou non, à la coutume de Bourbonnais:
c’est tout u n , ou tout autre.
E t, comme dit M . Chabrol, il est inconciliable que la
fe m m e puisse jo u ir, connue (Van bien aventif\ à'un im
meuble dont elle ne peut disposer quQ comme iVun bien
�( 38 )
d o ta l, et que le m a r i, sans lequel elle ne peut vendre,
n 'a it pas le droit de jo u ir.
_ L ’argument tiré du Gode civil ne signifie rien ; il ne
s’agit pas ici de l’effet de la clause de paraphernalité en
elle-même ;
Il s’agit de savoir s’il y a clause de paraphernalité;
Si cette clause de paraphernalité, en supposant qu’elle
existe, peut être étendue h la coutume de Bourbonnais,
conçue en termes irritans et pi’ohibitifs, à une coutume
qui déclare indistinctement et généralement nuls tous les
actes qu’une femme fait sans l’autorisation du m ari;
Si cette clause, qui, de l’aveu des premiers juges, n’auroit pu affranchir la femme de la puissance du mai’î
quant à la propriété, a pu l’en affranchir quant aux
revenus;
Si ce n’est pas le sort du capital qui doit régler le
sort des revenus, et décider à qui ces revenus appar
tiennent ;
Si la vente dont il s’agit ne contient même qu’alié
nation de revenus;
Si on peut dire que non-seulement la première, mais
la seconde coupe, aliénée dans le fait, et aliénée pour un
seul et même p rix , étoit tombée en revenus.
Mais pourquoi tant combattre le système du sieur Jusseraud? Veut-on qu’il y ait même une réserve expresse
en paraphernal? Veut-on étendre à la coutume de Bour
bonnais, la disposition de la coutume d’A u vergn e? Que
porte la coutume d’A u v e rg n e ? elle autorise, par l’art. 9,
la femme à disposer à son plaisir et volonté de ses biens
�( 39 )
paraphernaux ; elle ajoute : Fors et excepté au profit du
m ari, ou autres à qui le mari puisse et doive succéder.
L ’art. I er. du tit. 18 renouvelle la même prohibition:
F em m e, constant le m ariage, ne se peut obliger pour
lef a i t de son m a r i, ne de celui ou ceux à q u i son m a ri
puisse succéder, ne aussi renoncer a u x obligations et
hypothèques q u i l u i appartiennent. Sur quoi M . Chabrol
dit que le sens de cet article est qu’il est défendu à la
femme d’obliger ses biens, soit d otau x, soit paraphern a ù x , en faveur de son m a r i , ou dé ceux à qui son
mari peut ou doit succéder.
O n reconnoît là l’esprit des lois romaines, ne aut m eia
cogatur, aut pretio concordia emeretur. Dans les qua
lités du jugem ent, rédigées par son défenseur, il est
exposé que le prix de la vente fut fix'é à 2.5ooo francs;
que sur cette somme il fut payé comptant 17000 francs
en acquittement des dettes passives du mari et de la
femme; que le surplus des deniers a été également em
ployé à payer des dettes à lui personnelles ou communes
avec son é p o u s e : il n’en faut pas davantage p o u r , dans
tous les cas, rendre la vente nulle.
C ’est le moment de répondre aux faits particuliers
dont le sieur Jusseraud veut faire résulter ou la validité
de la vente en elle-même, ou une fin de non-recevoir
polir l’attaquer. Ces faits sont consignés également dans
les qualités du jugement ; on va les transcrire littéra
lement.
« ïo . L e sieur de Saint-Héren, est-il dit, a connu la
« vente dès son origine; il a donné au sieur Jussel'aud
* une copie signée de sa m ain, de son contrat de ma-
�( 4° )
cc riage, en exécution d’ une des clauses de cette vente;
«
c<
«
cc
cc
cc
cc
cc
«
cc
ce
«
cc
cc
ce
ce
« 2°. Interpelle à l’audience, il n’a pas desavoué qu’il
fût de sa connoissance que des aiïichcs avoient été
mises pour annoncer la coupe des taillis à vendre ;.n’a
pas désavoué non plus que quelques jours après la
vente, et du temps qu’elle n’étoit encore que sous seing
p rivé, le sieur Jusséraud, en sa présence, avoit offert
de la résilier; et, quelque temps après, la ratification
de cette vente se fit sans aucune opposition de sa part ;
cc 3°. L e sieur de 5aint-Héren a avoué avoir été de sa
maison d’habitation à Clermont, avec le sieur Jusséraud,
pour porter 12000 fr. du prix de la vente, qui furent
employés, du consentement et en présence du sieur
de Saint-IIéren, en acquittement de dettes à lui personnelles, ainsi qu’à son épouse ;
ce 40. Enfin, le sieur de S ain t-H éren n’est pas disconvenu que l’emploi du surplus des deniers avoit été
fait de son consentement, en acquittement de plusieurs autres d ettes p e rs o n n e lle s ù l u i , ou communes
avec son épouse. »
C ’est ici la seconde partie de la discussion, sur laquelle
il n’importe pas moins d’éearter la défense du sieur
Jusséraud, que sur la première.
Résulte-t-il de ces faits la validité (\c la vente en elle7)ïÔTne? La circonstance que le sieur de Saint - Héren
auroit eu connoissance des ailiches posées à cet effet,
qu’il auroit été instruit du projet d e 1la vente, suppléet-elle au défaut d’autorisation ?
L e consentement, la présence, la signature même du
mari
�¿¡Si
}
( 41 )
mari au contrat, dit A u r o u x des Pom m iers, sur l’ar
ticle 1 7 1 , ne suffisent pas. Quand même le mari auroit
été présent, et auroit signé au contrat, et quand il y
auroit consenti, s’il n’est pas dit en termes exprès qu’il
a. autorisé la fem m e, l’obligation ne peut pas subsister.
L orsqu’en l ’a b sen ce clu mai!i , ajoute-t-il, il y a une
procuration de sa part, il faut qu’il soit dit par celte pro
curation q u ’il T autorise, et encore il faut que dans
l’acte e lle déclare qu’elle agit comme autorisée de son
m a r i, suivant sa procuration; et la procuration doit être
jointe à la minute de l’acte.
L e mot autorisation est sacramentel; il ne peut être
suppléé par aucun autre terme. L e consentement seul
rie suffit pas; le consentement, comme dit d’A rg e n tré ,
n’est que pour l ’intérêt du mari. L ’autorisation est l’ha
bilitation de la femme à contracter; sans cette habilita
tio n , tous les actes qu’elle passe sont nuls, tant pour
les meubles que pour les immeubles : la coutume ne dis
tingue point.
Q u ’importe également que sur les offres du sieur Jusseraud, de résilier la vente, le sieur de Saint-Héren ait
gardé le silence; que l’acte ait ensuite été rédigé en acte
authentique, sans opposition de sa part (1).
(1) O n n’entrera point dans les motifs qui pouvoient déterminer
alors le sieur Jtisseraud à offrir de résilier; soit ju stice, soit
crainte sur la solidité de la vente. Q uoi q u ’il en so*t > le.sieu r
de Saint-Héren a o ffe rt, par la m éd ia tio n dô M". B erg ie r, une
somme de 45 ooo fr. , et d epuis, par un” jurisconsulte de cette'
v ille , 5oooo f r . , en ce com pris la- restitution du prix : le sieur
F
�( 42 )
L ’em ploi des deniers ne valide pas davantage la vente.
A u r o u x des Pom m iers, sur le même art. 1 7 1 , dit que
si toutefois une femme avoit profité de l’obligation con
tractée sans l’autorité du m ari; qu’elle eût fa it, par
exem ple, un emploi de l’argent à payer un créancier
d’ une succession qui lui est échue, pour lors il n’y auroit
aucune nullité civile en l’obligation , laquelle subsisteront
tant civilement que naturellement. Mais A u ro u x des P o m
miers ne parle, en cet endroit, que d’une simple obliga
tion, d’ un prêt en deniers; mais autre chose est une vente.
Dans le cas d’ une simple obligation, la femme n’est point
en perte, lorsqu’elle profite des deniers. A u contraire,
elle s’enrichiroit, contre la maxime nenio cum alterius
ja ctu râ locuplctior fier i debet. Mais il n’en est pas de
même dans le cas d’une vente, dont la femme peut éprou
ver un préjudice considérable, surtout si elle a été faite,
comme dans l’espèce, â vil p rix ; il en doit être comme
d’une vente de biens de mineur : l’emploi des d e n ie rs ne
fait q u ’ a ssu rer la r é p é t it io n du p r i x , mais n’assure pas
la vente.
Observons qu’une partie du prix n’a été stipulée payable
qu’en l’an 14; la vente est de l’an 7 : il n’y avoit donc
pas nécessité de ven d re, au moins de sousci*ire une
vente si considérable. Il est dit, payable en l’an 14 , sans
intérêt qu’à défaut de payement au terme. L e sieur JusseJus.seraud, dans cette proposition, devoit rapporter le prix des
bois vend us; il disoit <|ue tout ne lui avoit pas été p ayé; cju’il
y avoit des restes : le sieur de S a in t-Iléren les prenoit pour
com ptant. Ces offres ont été inutiles. •
Il a été apposé des affiches ; mais il n’y a point eu d’enchères.
�4 -i 3
C 43 )
raud n’achetoit qu’une coupe, et cependant profitoit de
d e u x , et encore de l’intérêt d’une partie du prix.
Relativement à l’emploi en acquittement des dettes per
sonnelles au mari, loin que cette circonstance soit favo
rable au sieur Jusseraud, elle foui'nit, comme on l’a déjà
étab li, un moyen de plus contre lu i, dans son système
de la paraphernalité, la femme ne pouvant, aux termes
de la coutume, disposer de ses biens paraphernaux, ni les
affecter au profit du m ari, directement ni indirectement.
Résulte-t-il de ces faits une f in de non-recevoir pour
attaquer la vente ?
Il est d’abord à observer que la vente n’est pas seule
ment attaquée par le sieur de S a in t - H é r c n ; elle l’est
encore par la dame son épouse.
Relativem ent à la dame de St. - H éren, on ne peut lui
opposer aucun acte approbatif, ni ce qu’elle auroit pu faire
en exécution de la vente. Cet acte approbatif, quand il
en existeroit, ce qu’elle auroit pu faire en exécution de la
vente, seroient infectés du même vice que la vente ellemême; il faudroit que le mari l’eût expressément autorisée.
Ce n’est pas tou t; un simple acte approbatif, môme
avec l’autorisation du mari, ne suffiroit pas. L e premier
acte n’ayant pu produire aucune obligation civile ni na
turelle, si ce n’est pour la restitution des deniers s’ ils
avoient été employés, et que l’emploi fut bien cons
taté, il faudroit un nouvel acte revêtu des mêmes formes
que le prem ier, c’est-à-dire, double, s’il étoit sous-seing
p riv é , ou passé devant notaires.
'
Qn sait la distinction qu’il y a à faire entre les actes
F a
�( 44 )
absolument nuls'dans Je pi-incipe, et ceux qui sont seu
lement dans,le cas d’être annullés, q u i veniunt annullandi.
Si le contrat est absolument n u l, s’il n’a pu produire
aucun engagem ent, s’il est nul dans le principe et ab
in itia y pour se servir de l ’expression des auteurs, l’acte
par lequel on ratifie n’est point une ratification : c’est
une nouvelle disposition. Il n’y a point deux contrats;
il n’y en a q ü’un. T u n e e s t , dit D u m o u lin , nova tt
-principalis dispositio.
, V o ilà pourquoi cet acte doit être revêtu des mêmes
formes que le premier.
U n m ineur, d e v e n u m ajeur, ratifie l’acte qu’il a sous
crit en minorité : il y a un contrat préexistant avant la
ratification; le mineur étoit déjà lié : on sait que l’en
gagement du mineur subsiste tant qu’il ne se fait pas res
tituer. V e n it annullandus ; la ratification remonte au
jour de l’acle.
U n e fe m m e en p u issa n c e de m a r i contracte une obli
gation sans le consentement du m ari, ou vend sans son
autorisation, l’obligation et la vente sont absolument
nulles, et n’ont produit aucun engagement. Il faut alors
non une simple approbation, mais un nouveau c o n tr a t;
et il n’y a d’engagement que du jour de ce nouveau
contrat.
; j
Ces principes ont été consacrés par l’arrêt rendu en
faveur du sieur Daudin , contre Cupelle.
R elativem ent au sieur deSa in t-H éren ,an veut induire
une fin de non-recevoir. de ce que les deniers ont été
employés de son consentement, et en sa présence, à
�<Ss
( 45)
payer des dettes personnelles à lui ou à sa fem m e, o u
communes à tous les deux ; de ce qu’il a donné une copie
de son contrat de mariage.
O n répondra d’abord que la simple exécution d’un acte
n’en est pas l’approbation; q u e la s im p le continuation
de ce qui a été fait ne p e u t équivaloir h cette rati
fication e x p re sse que la loi désire; et Dum oulin en exprim e
la raison a v e c son énergie ordinaire.
. »
R a tio quia hujusm odi conjirm atio n ih il d a t, n ih il
n ov i ju ris c o n fe r t, nec invalidum validai. N o n enim
j ï t ad jin e m disponendi, sed soîitm ad Jin em approbandi confirm abile, taie quale e s t, et non aliter. Q u oniarn natura confirm ationis non est de novo disponere, nec novum ju s da re, sed antiquum et prœ existens approbare, et semper prœsupponit aliquid priùs
inesse quod confirm atur. N ec tamen illud in aliqno
augct vel ex ten d it, sed ad illud com m en sura tur, et ad
ejus fin es et lim ites restringitur.
Remarquons ces expressions : Semper prœsupponit a li
quid priùs inesse.
Il faut encore que la ratification soit faite en connoissance de cause , avec connoissance du vice de l’acte et
intention de le réparer.
r
A u r o u x d e s Pommiers enseigne les mêmes principes,
sur l’art. 171 ; il dit que si la ratification est pure et simple,:
ce que Dumoulin appelle in ,fo rm a com m uai’, elle ne
couvre point le vice , et ne valide p o in t l’acte. Il ra p
porte le passage de Dumoulin que nous venons de citer.
« Autre chose, ajoute-t-il, q u a n d la ratification est faite
« en forme dispositive; que ce n’est pas tant une con-
�k
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
firm ation, qu’une nouvelle disposition faite dans le
dessein d’en couvrir la nullité par celui qui en a la
counoissance et le pouvoir. Mais pour cela il faut que
toute la teneur de l’acte qui est confirmé soit rappelée
dans l’acte qui le confirm e, et qu’il soit approuvé , reconnu et confirmé. D ic itu r autern, dit D u m o ulin ,
corrfirmatio f a c t a in forn ici, speciali et dispositiva,
quando enarrato toto tenore con firm a ti, approbatury
recognoscitur, et conjìrm atur à potestatem habente.
T u n c enim e x quo piene iifo r m a tu s , de f a c t o , f i d i
veritate et circum stan tiis, per instrum entum originaie confirm ati, narratum in confirm atione, non in telligitur conjìrm aiìs , condiiionaliter et prcesuppositivè lo q u i, sed p u r è , sim p liciter, et prcecisè............
«
«
«
«
E t en' ce cas il faut que cette nouvelle disposition,
qui n’a son effet que du jour de la date ou ratification,
soit revêtue des formalités requises par la loi ou
coutume pour la validité de l’acte. »
Il ne suifiroit pas de prouver que le prix a été employé
en présence et du consentement du sieur de Saint-Héren.
Q u a n d , au lieu de son aveu, on rapporteroit les quittances
même; quand il seroit dit dans ces quittances que la somme
a été payée en sa présence, de sou consentement, qu’elle
provient de la vente, s’il ne paroissoit pas d’ailleurs, au
moins par la relation de la date, et du nom du notaire
qui l’a reçue, qu’il a eu pleine connoissance d e là vente,
qu’ il en a connu toutes les con dition s, on ne pourroit
en induire aucune fin de non-recevoir.
Pourquoi le sieur Jusseraud est-il réduit à l’aveu du
sieur do Saint-Héren? Pourquoi n’a-t-il pas retiré dea
�C 47 )
quittances ? Pourquoi n’a-t-il pas fait intervenir le sieur
de Saint-Héren dans ces quittances, s’il vouloit se mettre
à l’abri de toute recherche? ou s’il a retire des quit
tances, pourquoi ne les produit-il pas?
L e sieur Jusseraud rapporte une copie du contrat de
mariage, signée du sieur de Saint-Heren, sans date à
Ici signature. Y e st-il dit que cette copie a ete delivree
en exécution de la dernière clause de la vente ? L e sieur
Jusseraud le prétend et l’a inséré ainsi dans les qualités
du jugement. Il y a eu opposition aux qualités. Dans les
motifs du jugement il est dit que le sieur de Saint-Héren
a avoué avoir donné une copie du contrat de mariage
signée de lui ; mais il n’est pas ajouté, en exécution de
la vente. La l’emise de cette copie prouve-t-elle au surplus,
et indubitablement, que le sieur de S a in t-H ére n a eu
pleine et entière connoissance de la v e n te , de toutes les
conditions de la vente, principalement de celle qui accordoit au sieur Jusseraud onze années pour l’exploitation.
L a vente sous seing privé est de l’an 7 \ elle a été
rédigée eu acte authentique en l’an 10.
Pourquoi le sieur de Saint-IIéren ne figure-t-il pas
dans ce second acte? ou c’est parce qu’il ne l’a pas voulu ,
ou parce que le sieur Jusseraud ne l’a pas voulu luim êm e, dans la crainte, fondée sur quelques préjugés de
la sénéchaussée d’Auvergne , que si le mari paroissoit
dans l’a cte , toujours dans son système de la paraphernalité , la vente ne lut moins solide. A u premier cas,
que signifient les prétendus consentemens tacites ? au
second cas, le sieur Jusseraud peut-il exciper d’une pré
tendue ratification tacite, lorsqu’il n’a pas voulu d’une
�. ( 4 8 }
ratification expresse? Dira-t-il que c’est par erreur; mais
il est trop instruit pour ne pas savoir que l’erreur de
droit nuit; error ju r is nocet.
Mais pour écarter la fin de non-recevoir qu’on veut
faire résulter de la prétendue approbation donnée par
le sieur de Saint-Héren à l’acte, il est une réponse plus
péremptoire.
• O n a vu que la coupe d’un bois taillis, même lors
qu’il est à l’âge d’être c o u p é , est immobiliaire ; que les
arbres, tant que par la coupe ils n’ont pas été déta
chés , sont immobiliers comme le fonds auquel ils sont
inhérens; qu’ils ne peuvent pas être distingués du fond.
Cet objet immobilier n’étoit point uncon quêt de la com
munauté,* c’étoit un propre à la dame de Saint-Héren,
puisqu’il provenoit de la succession de son p è r e , échue
môme avant le mariage. Par la coutume de Bourbonnais,
et suivant le droit général coutumier, le mari peut
vendre les propres de sa fem m e, mais avec son c o n se n
tement : il n e le p e u t sans so n c o n s e n te m e n t, art. 2 ^5 .
L e femme peut également ven d re, mais de l’autorité du
m a r i, article 238.
L a vente consentie par la dame de Saint-Héren, sans
L’autorisation du mari, étant radicalement nulle, n’ayant
p u produire pour la dame de Saint-Héren aucun enga
gement ni civil ni n a tu rel, il ne falloit pas seulement
un acte approbatif du m a r i, mais un nouvel acte de la
fem m e, le mari ne pouvant pas plus ratifier que con
sentir la vente des propres de sa fem me, sans son vouloir
et consentement, et le premier acte, imprimé d’un vice
radical, devant être considéré comme n’existant pas. Il<
falloit,
�( 49 )
falloit , en un m o t , une nouvelle vente souscrite
par le mari et par la femme conjointement, c e lle - c i
dûment autoi’isé e, et une vente revêtue de toutes ses
fo r m e s.
Si on considère la coupe d’un bois taillis comme mobiliaire, comme un fruit, le mari a le droit de jouir de
tous les biens propres de sa femme : ce fruit, comme
tous les autres fruits, lui appartenoit. L a dame de Saintïïé re n en vendant en son nom propre et p r i v é , a donc
v e n d u ce qui n’étoit pas sien; et sous ce rapport, la vente
est encore évidemment nulle.
A la v érité , la v e n te 'd ’autrui est valable, en ce sens
qu’elle oblige le vendeur à faire avoir à l’acquéreur la
cliose vendue, prœstare em ptori rem habere lice re, ou
à payer les dommages et intérêts. (Ici elle ne peut môme
avoir cet effet, parce que la femme n’a pu s’engager eu
aucune manière quelconque, sans l’autorisation du mari.)
Mais relativement à celui dont on a vendu la ch ose,
la vente est radicalement n ulle, puisque cette ven te,
faite sans son consentement, ne peut pas plus avoir l’effet
de le dépouiller de sa propriété, que celui de la trans
férer dans les mains d’un autre. I d quod noslrum est
sine fa c to nostro in aliuni tronsferri non potest.
D e ce principe inconstestable, et non contesté , que
la vente du bien d’autrui est radicalement nulle , rela
tivement au propriétaire , tous les jurisconsultes , sans
exception, tirent la conséquence directe que l’acte par
lequel le propriétaire approuve l’aliénation, est moins
une ratification qu’ une véritable vente qu’il fait de sa
G
�( 50 ?
chose ; et sa ratification, qualifiée improprement ratifi‘ cation, n ’a point d’effet rétroactif.
I,a ratification n ’est i*atification , et n’a un effet ré
troactif, que pour faire valider un contrat fait par une
même personne, ou suivant sa procuration. R a tih a bitio ad hoc tantum fingitur ut q u a si continuâtionc
duorum actuum contractus vaîidetur.
U n majeur ratifie les actes par lui souscrits en mi
norité; la ratification les rend obligatoires pour lu i, du
jour même qu’ils ont été passés. Il en est de même lors
que le commettant ratifie ce qui a été fait par son man
dataire, même hors les termes et les bornes de son
mandat. O n a fait l’affaire d’un particulier à son in su,
mais en son nom et se portant fort pour lui : ce par
ticulier ratifie; en ratifiant l’acte, il se rend propres et
personnelles toutes les obligations qui en dérivent : la
loi suppose qu’il a donné dès le principe, un mandat
verbal. Dans tous ces cas, même dans les deux d e r n ie r s ,
l ’acte q u ’o n r a tifie , et c e lu i p a r le q u e l on r a t ifie , sont faits
par la même personne; car ce qui est fait en notre n o m ,
en vertu d’un mandat exprès ou présumé , est censé
fait par nous. R a iih a b itio ad hoc tantum fm gitur ut
q u a si continuatione duorum actuum contractus validclur.
Mais un tiers vend la propriété d’ un particulier; il
la vend non au nom de ce p a rticu lier, et se faisant fort
pour lui, mais en son nom propre et privé. L e particulier
ratifie ensuite; la ratification n’aura effet que du jour
m êm e, ut e x n u n c , et non du jour de la vente faite
�( 5 0
par ce tiers. A lo rs , on ne peut pas dire que les deux
actes sont de la même personne; alors, on ne peut pas
appliquer la maxime ratihabitio mandata cumparatur.
O n ne peut pas feindre un m a n d a t là où celui qui a
passé l’acte a traité , non au nom de celui qui ratifie,
mais en son nom propre et p r iv e ; non pour l’afïaire
de celui qui r a t if ie , mais pour sa propre affaire.
L a loi 2, au code de rebus a îien an dis,n on a lien a n d is,
p r é s e n te un exemple d’autant plus frappant qu’il est dans
l’espèce.
U n mari vend le bien de sa fem m e, sans son consen
tement formel. (Ici c’est la femme qui a vendu le bien du
m a r i, dans l’hypothèse où la coupe d’un bois taillis seroit
considérée comme un fruit. ) Cette vente ne donne aucun
droit à l’acquéreur, et la vente est radicalement n ulle,
quand même la fem me, induite en erreur par son m ari,
l’auroit tacitement ratifiée en apposant son cachet sur
l’acte ou instrument de la vente. D istra h en te m arito
rem tu i j u r i s , s i consensum e i non accom odasti îicct
SÎgillo tuo venditionis instrurnentitrn , fra u d e con qu isitâ, signaveris, hujusm odi tamen com m entant, emptori,
itsucapione non subsecutâ, vel iongi temporis prœ scriptione m inim e m in u to , nullam prœ stitisse securitatem
potest.
‘ L a loi 3 , au même titre, dit la même chose. S ifu n d u m
tuum pater, te non consentiente venumdèdit, ne'queeisuc
cès sisti , neque possidens longi temporis prescriptione
m unit us es ; tihi agent L rector provinciccreddi cfjficict.
Rien ne confirme ^mieiix le principe que la vente faite
G a
�( 5 0
^
par un tiers ne peut transmettre aucun droit contre le
propriétaire.
Potliier, dans son Traité des retraits, partie i ere. ch. 4,
n. 124, décide de même.
Lorsqu’un mineur, dit-il, a vendu son héritage propre,
et que devenu majeur il ratifie, c’est du jour du contrat
de vente que le retrait lignager est ouvert. Il semble,
ajoute-t-il, qu’il en doit être autrement d’une vente qu’une
femme sous puissance de mari auroit faite sans être au
torisée , et qu’elle auroit ratifiée en viduité. L ’acte qu’elle
a fait en puissance de mari est absolument n u l;la ratifica
tion qu’elle a faite en viduité n’est pas proprement une
ratification , ce q u i est nul ne pouvant être confirmé ;
c’est un vrai contrat de vente qu’elle a fait de nouveau,
par lequel elle a mis son héritage propre hors de sa famille.
L a vente qu’elle en avoit faite sous la puissance du mari
ne l’en a pas fait sortir, puisque celte vente étant un
acte absolument n ul, ne pouvoit avoir aucun ellet.
A p lu s fo r te ra is o n e n e s t-il d e m ê m e d e la vente qu’un
tiers fait de ce qui 11e lui appartient pas.
Ce qu’on vient de dire est tiré en partie de la consul
tation de M M . T ron cliet, Poirier et Co/Iinhal, imprimée
et produite, dans la cause de Daudin contre C apclle, et
qui a déterminé l’arrêt en faveur du sieur Daudin.
D e ce que dans ce cas la ratification est moins une ra
tification qu’ une véritable vente, il suit qu’elle doit être
par écrit, expresse; qu’on ne peut pas la faire résulter
de faits plus ou moins équivoques, et à la preuve des
quels on ne peut être admis; qu’elle doit être devant no-
�4Ï 3
C 53 )
taires, avec minute; ou si elle est sons seing ptivé , qu’il
y en ait un double entre les parties contractantes , parce
qu’autrement celle des deux qui auroit l’acte en sa pos
session , pouvant le supprimer sans qu’il en restât aucune
trace, seroit libre de se délier de ses obligations, s’il devenoit plus convenable à ses interets de les anéantir que ■
de les exécutex*.
« S’agiroit-il, en effet, continuent les auteurs de la con
sultation, d’un contrat de vente? Si l’écrit se trouve entre
les mains de l’acquéreur, et que la chose vendue vienne
à périr par incendie ou autrement, il peut supprimer
cet écrit, pour rejeter la perte sur son vendeur, et annuller ses propres obligations. (Com m e le sieur Jusseraud
auroit pu garder en ses mains, et ne pas produire la copie
du contrat de mariage dont il veut se faire un moyen. )
T^ice versa. L e vendeur lui-même est-il possesseur de cet
écrit? Si la chose vendue vient à augmenter de valeur
depuis l’aliénation, rien de plus facile pour lui que de
rentrer dans sa p rop riété, en détruisant la seule preuve
qui existe de la vente. Dans ces deux cas, et mille autres
semblables qu’on peut im aginer, il n’y a réellement pas
de contrat, parce que les deux contractans ne sont pas
réciproquement et civilement tenus, vinculo j u r i s , à l’ac
complissement de leurs conditions. »
L a remise de la copie du contrat de m ariage, seul
écrit signé du sieur de Saint-Héren , sans date à la signa
ture, sans qu’il y soit parlé de la vente, peut-elle sup
pléer la vente, tenir lieu de l’acte de vente? Cette copie
que le sieur Jusseraud étoit maître de retenir en ses
�X
5 4 ')
,
mains, de produire ou de ne pas produire, formoit-elle
ce lien de d r o it, qui est de l’essence du contrat de vente,
et de tous les contrats synallagmatiques , surtout dans
l ’espèce où le contrat ne porte point quittance de l’en
tier prix.
Ce moyen a été encore inutilement proposé devant les
premiers juges.
« A tten d u , disent-ils dans le jugem ent, que le sieur
« de Saint-Héren, interpellé à l’audience, n’a point désa« v o u é ...........» Les mêmes faits qu’on vient d’exposer.
cc A ttendu q u e , d’après de telles circo n stan ce s, le sieur Jus« seraud invoque avec raison le §. 2 de l’art. i 338 du Code
« c i v i l , suivant, le q u e l, à. défaut d’acte form el de ratification,
cc il suffit que l’engagem ent soit exécu té volontairem ent, ce tte
« exécution volontaire, suppléant l ’acte précis de confirm ation,
ce L e sieur de Saint-H éren ne peut être regardé com m e ayant
e< été étranger à tout c e qui a été fait avant, pendant, et dans
et tout c e qui a suivi la vente de la coupe de bois dont il s’agit ;
« que par suite la disposition dudit art. x338 doit lui être ap« pliquée. »
Cet art. 133^ ? titre 3 des contrats ou des obligations
conventionnelles en gén éra l, porte :
cc L ’acte de confirmation ou ratification d’une obli-
« gation contre laquelle la loi admet l’action ca nullité
cc ou en rescision, 11’est valable que lorsqu’on y trouve
« la substance de cette obligation, la mention du m otif
« de l’action en rescision, et l’intention de réparer le
« vice sur lequel cette action est fondée. » L e sieur Jusseraud n’invoquera point cette première partie de l’ar-
�46s
C 55 )
ticle; elle ne fait que confirmer les principes que nous
avons développés.
Il est dit ensuite :
« A défaut d’acte de confirmation ou ratification, il.
« suffit que l’obligation soit exécutée volontairement,
« après l’époque à laquelle l’obligation pouvoit être va« lablement confirmée ou ratifiée. »
- L e sieur J u sse ra u d s’est emparé de cette dernière partie
de l ’a rtic le . Il a soutenu que le Code Napoléon avoit
d é r o g é aux anciens principes; que cet article décide que
la seule exécution suffit; et ce moyen a prévalu auprès
des premiers juges.
i ° . Les faits dont on veut faire résulter la prétendue
exécution donnée par le sieur de S ain t-H éren à l’acte
seroient antérieurs à la publication du Code Napoléon, et
07i ne peut donner au Code un effet rétroactif.
L e procès verbal de non conciliation sur la demande
en nullité de la vente, est de nivôse an 12, et la loi for
mant le titre 3 du C o d e, relative aux contrats, est du
17 pluviôse an 1 2 , publiée le 27 du même mois, par
conséquent postérieure.
2°. Cette disposition ne peut s’appliquer qu’à un contrat
du fait môme de celui qui l’exécute, et qui continue
l ’engagement qu’il a contracté', et ne doit point s’entendre
d’un contrat, du fait d’un tiers, auquel on a été entiè
rement étranger; d’un contrat qui n’a pu produire aucun
engagement, puisqu’on ne peut être lié par le fait d’un
tiers. A lo rs il faut, comme on vient de l’établir, entiè
rement un nouvel acte, revêtu de toutes scs formes.
�( 56 ) ‘
3°. Il f a u t , dans cette dernière espèce su rtou t, que
les actes dont on veut faire résulter l’exécution, soient
en la possession de chacune des parties, ou qu’il y en ait
minute; car, s’agissant dans ce cas d’ un contrat entiè
rement nouveau, il est de l’essence des contrats synallagmatiques que l ’une des parties ne puisse être engagée
sans que l’antre le soit.
Mais tout ceci est dans la supposition où l ’on considéreroit la coupe d’un bois taillis, même avant qu’il
soit coupé, comme un objet m obilier, comme un fruit
appartenant par conséquent au mari. O n a v u , au con
traire, que les bois taillis, même en âge d’être coupés,
tant qu’ils ne le sont point, font partie de l’immeuble;
qu’ils sont aussi immeubles que le fonds auquel ils sont
inhérens : la vente est surtout incontestablement irnmobiliaire, sapit sempcr quid im m obile, quant à la seconde
coupe qu’elle com prend, au moyen du soin que le sieur
Jusseraud a eu de se faire accorder un délai de onze années
pour l ’e x p lo ita tio n , le to u t p o u r u n se u l prix.
Si la vente est im m obiliaire, il auroit fallu que la
femme eut été participante à l’exécution, le mari ne
pouvant disposer des propres de sa femme sans son con
sentement. Ce n’est pas ici comme s’ il s’agissoit de l’exé
cution d’un acte par lequel le sieur de Saint-IIércn auroit
disposé de sa propre chose : on conçoit la différence d’un
cas à l’autre.
0
Il y a ceci de remarquable, qu’il s’agit toujours ici de
la vente de la chose d’autrui, sous quelque rapport qu’on
la considère.
Si
�46ï
( 57 )
Si c’est un fruit, la dame de Saint-Héren a vendu ce
qui ne lui appartenoit évidemment pas; et cette vente,
consentie sans l’autorisation de son mari ? ne peut pro
duire à son égard aucune obligation même de garantie;
Si c’est un objet immobilier, c’est un propre de la
fem m e; c’est u n e p r o p r ié t é de la femme dont le mari
ne peut, par son fait seul, la depouiller.
.. L e sieur Jusseraud n’a d’autre preuve de la prétendue
e x é c u tio n donnée par le sieur de Saint-Héren, à l’acte,
que les aveux même du sieur de Saint-Héren : on dit
d’autre; preuve. L e seul écrit dont il a pu s’aider est la
copie du contrat de mariage, signée du sieur de SaintH éren; mais il n’y a point de date à la signature : en sorte
que rien ne constate que la copie ait été i-emise après et
non avant la vente; qu’elle ait même été délivrée pour
cet objet.
11 n’en doit sans doute pas être différemment de la ra
tification d’une vente, que de la vente elle-même. O r , des
aveux même judiciaires sufïiroient-ils en matière de vente
immobiliaire? Quand 011 conviendroit avoir vendu, cette
confession feroit-elle impression sur les juges? aucun
tribunal s’y arrêteroit-il ? une pareille vente ne seroitelle pas nulle, comme péchant dans le principe par le
défaut de lien, une des parties pouvant être de moins
bonne foi que l’autre ?
La vente n’est pas seulement attaquée par le mari;
elle est encore attaquée par la dame de Saint-Héren
et à l’égard de celle-ci, 011 ne peut tirer avantage de cette
dernière partie de l ’article 1338. L ’article porte : A p rès
II
�( 5 8 )
l'époque à laquelle l'obligation pourroit être valablement
confirmée ou ratifiée et la dame de Saint-Héren est
encore sous la puissance maritale.
Il n’y a donc de fin de non-recevoir, ni contre le sieur,
ni contre la dame de Saint-Héren.
L ’équité se joint en leur faveur aux moyens de droit.
Ils combattent pour éviter une perte immense; le sieur
Jusseraud combat pour avoir un lucre, et un lucre im
modéré.
M e. P A G È S - M E I M A C ,
avocat.
Me. G O U R B E Y R E , avoué.
A R I O M , de l'imprimerie de T hibau d -L a n d r io t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Février. 1808.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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A name given to the resource
[Factum. Montmorin de Saint-Héren, Jean-Baptiste-Amand. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
émigrés
coupe de bois
autorité maritale
biens paraphernaux
biens dotaux
coutume d'Auvergne
réserve héréditaire
doctrine
capacité de la femme mariée
ventes consenties
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Sieur Jean-Baptiste-Amand Montmorin de Saint-Héren, et dame Anne-Jeanne-Louise de Laqueuille, son épouse, habitans du lieu de la Barge, commune de Courpierre, appelans ; contre Sieur Taurin Jusseraud, propriétaire, habitant de la ville de Riom, intimé.
Note manuscrite : Voir arrêt au journal des audiences, 1809, p. 143. »
Table Godemel : Autorisation : la nullité résultant du défaut d’autorisation de la femme par son mari, est-elle une nullité simplement relative, qui peut être couverte pas les approbations et l’acquiescement du mari ? Bois taillis : la vente d’une coupe de bois taillis en maturité est-elle une vente mobilière ? Contrat de mariage : 4. une convention de contrat de mariage portant soumission au droit écrit pour le surplus des biens présents et à venir, est-elle une création de biens extra dotaux ou paraphernaux, et habilite-t-elle la femme mariée à jouir seule des biens ainsi soumis au droit écrit, quelque part qu’ils soient situés, même dans la ci-devant coutume du Bourbonnais ? la nullité résultant du défaut d’autorisation de la femme par son mari, est-elle une nullité simplement relative, qui peut être couverte par les approbations et l’acquiescement du mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1777-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
58 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1913
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1917
BCU_Factums_G1914
BCU_Factums_G1915
BCU_Factums_G1916
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53365/BCU_Factums_G1913.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Courpière (63125)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
autorité maritale
biens dotaux
biens paraphernaux
capacité de la femme mariée
contrats de mariage
Coupe de bois
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
doctrine
émigrés
réserve héréditaire
ventes consenties
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53366/BCU_Factums_G1914.pdf
f1485402256b639a1fe79b2e503ea120
PDF Text
Text
JUGEMENT
R E N D U
AU TRIBUNAL CIVIL DE 1re INSTANCE
;
DE
RIOM,
E n t r e les sieur et dame St.-HERENT, demandeurs;
•
C o n tr e
*
Le sieur
T a u r in
J U S S E R A U D , défendeur.
9
iw v w v w v w x iw w w ^
N a p o l é o n , par la grâce de Dieu , et les constitut
tions de l’Etat, E m p e r e u r des Français, roi d’Italie,
et protecteur de la confédération du R h in , à tous
présens et à v e n ir, SALUT :
A l’audience du tribunal civil de première instance de l’a r
rondissement de R io m , séant audit R io m , département du P u y d e -D ô m e , du 26 août 1807 , tenue par M M . P a ra d es , président;
D a n ie l et M andosse~N év rezé, ju g e s , a été rendu le jugem ent
suivant :
S u r l ’avenir signifié le 6 octobre dernier à M . e Gosset, pour
s’expliquer sur l’opposition par lui formée contre les qualités cicontre et des autres parts, les avoués respectifs des parties ont
com paru le lendemain 7 octobre , devant monsieur le président;
et lesdites qualités ont été définitivement réglées et arrêtées par
l u i , ainsi qu’il suit :
I
�( a )
Entre Jean-Baptiste-A m ant M ontm orin-St.-Hérent, et AnneJea'iine-Louise L a q u e u i lh e , son épouse, de lui autorisée, pro
priétaires, habitans du lieu de la B a rg e , com m une de Courpière,
dem andeurs, suivant l’exploit du 27 germinal an 12 , d ’une part ;
E t le sieur T a u rin J u sse ra u d , propriétaire, habitant de la
ville de R io m , département du P u y - d e - D ô m e , défendeur a u x
fins dudit e xp lo it, d’autre part:
O u ï M . e Pu r a y , avoué du sieur Jusseraud , qui a conclu à ce
que les sieur et dame Saint-Hérent frissent déclarés non-recevables , o u , en tous cas, déboutés de leur demande en nullité de la
vente consentie par la dame Saint-Hérent au sieur Jusseraud , le
9 vendémiaire an i o , et condamnés en tous les dépens, sous
toutes réserves que se fait le sieur Jusseraud.
O u ï M .e G o s s e t, avoué des sieur et dame Saint - H é r e n t , q u i
a conclu à ce que la vente dont est q u estio n , fût déclarée nulle
et de nul effet; ce faisant, condamner le sieur Jusseraud à res
tituer le prix du bois v e n d u , à dire d ’experts, aux dom m agesintérêts, sauf à lui tenir compte des sommes qui ont pu être
payées par lui au sieur Saint-Hérent, ou à son épouse, et à la
condamnation des dépens, sous toutes réserves é g a l e m e n t p a r
lesdits sieur et dame Saint-IIérent.
O u ï encore le procureur im p é ria l, qui a conclu à la nullité de
ladite ve n te , avec dépens.
Q U E S T I O N
P R I N C I P A L E .
Il s’agit de savoir, si la vente consentie au sieur Jusseraud f
par la dame Saint-H érent, le 9 vendémiaire an 10 , de la coupe
de trois ta illis, est va la b le , quoique le sieur Saint-Hérent n ’y
eût point autorisé son épouse.
FA IT S.
L e contrat de mariage de la dame Saint-IIércnt est sous la date
�C3 )
du 28 octobre 17 7 7 ; à cette é p o q u e , le père de la demoiselle
L aqu eu ilh e , aujourd’hui dame Saint-Hérent était décédé ; elle
procédait sous l’autorité de dame Jacqueline L a s li q u e , sa mère:
L ’article premier de ce contrat est ainsi conçu : « L es futurs
a époux se pren n en t, avec tous leurs droits respectifs ; sa v oir, la
« demoiselle L aq u e u ilh e , avec soixante-dix m ille l i v . que sa
« mère lui constitue pour, tous droits de lé g it i m é , tant pater« nels que maternels, à imputer sur la succession paternelle , et
« le reste sur ce qui peut lui revenir de la succession maternelle.
A rticle
II. « L a demoiselle L aq u e u ilh e se constitue la somme
« de dix mille deux cents liv. provenant de la succession de feu
« d e S a in t-J a l, son grand o n c le , et de feue madame de V a u b a n ,
« sa tante paternelle.
E n f i n , par l ’article V I I I et dernier du contrat, il est dit : « L e s
a futurs épou:: ceront communs en tous bien s, acquêts et co n
te quêts , et ladite future épouse, le prédécès arrivant de l’époux,
« prélévera les avantages matrimoniaux expliqués c i - d e s s u s ,
« hors la communauté ; et quant au surplus des biens présens
« et à v e n i r , les futurs époux acceptent la coutume du droit
« é c r it, à laquelle ils se restreignent entièrement».
F a it et passé, le
L a dame Saint-Herent qui f u t , com m e on le remarque, mariée
après la mort de son p è r e , était saisie, à l’époque de son mariage,
des droits héréditaires à elle revenant dans sa succession, et avait
droit à une pari héréditaire.
Cette succession du père com m un était jouie par le sieur
L a q u e u ilh e frore a în é , qui fut inscrit sur la liste des émigrés.
E n l’an
5,
avant que la totalité des biens du père com m un
eût été v e n d u e , la dame S a in t-H ére n t seule présenta une péti
tion ù l’administration du département pour obtenir sa part
héréditaire; l’administration accueillit sa dem ande, et le partage ayant été f a i t , suivant l’ordre naturel des successions, il lui
fut adjugé un cinquième en corps héréditaire; savoir, un sep2
�(4 )
tièrae du c h e f du père , et le reste du c h e f de deux frères morts.
Parm i les fonds délaissés à la dame S a in t- H é r e n t, se trou
vaient plusieurs bois taillis, situés à V e n d a t en Bourbonnais.
L a dame Saint-H érent voulut vendre la coupe de trois de ces
taillis; elle en fit afficher la c o u p e , et la vente fut consentie au
sieur Jusseraud , d ’abord sous seing^privé en l’an 8 , et p a rdevant le notaire C ailh e, le 9 vendémiaire an 10.
L e prix de la vente fut fixé à vingt-cinq mille liv. é c u s , dont
dix-sept mille liv. furent payées com ptant, le tout en acquitte
ment des dettes du mari et de la fe m m e ; le surplus du p rix de
la vente fut stipulé payable en l’an 14.
P a r l ’acle, la dame Saint-He'rent prend la qualité de dame
et maîtresse de ses biens aven tifs et paraphernaux ; elle se fait
réserve de toute la partie de ses bois , qui peut être haute futaie ;
et elle soumet l’acquéreur à exploiter conformément à l’ordon
nance de 1669; le sieur Jusseraud devait a v o ir , pour l ’exploi
tation du taillis, jusqu’à l’an 18 de la république.
L e sieur St.-Hérent s’est réuni à son 'épouse pour demander
la nullité de la vente du 9 vendémiaire an 10 ; il paraît que
le sieur St.-Hérent ne fut point étranger à cette vente; i.° il a
donné c o p i e , signée de s a m a i n , c o n f o r m é m e n t à une des clauses
de l’acte, de son contrat de mariage , avec la dame L a q u e u ilh e ;
2 .0 interpellé à l’audience , il n ’a pas désavoué non plus qu’il
fût de sa connaissance, que des affiches avaient été mises p o u r
annoncer la vente de la coupe de ces bois ; n ’a pas désavoué non
plus , que quelques jours après la v e n te , et du tems q u ’elle
n ’était encore que sous s e i n g - p r iv é , le sîeur Jusseraud , en sa
présence, avait offert de la résilier ; quelque tems après , la rati
fication de la vente se fit sans la moindre opposition de sa part;
3 .° le
tion à
sieur Saint-IIérent avoue avoir été de sa maison d’habita
C len n on l,
avec le sieur Jussçraud , pour porter douze
m ille liv. du prix de la vente, qui furent e m p lo y ée s, du con
sentement, et en présence du sieur Saint-IIérent, en acquit
�( 5 )
tement de dettes à lui personnelles, ainsi qu’à son épouse;
4.* enfin , le sieur Saint-Hérent est convenu que l ’emploi du
Surplus des deniers avait été f a i t , de son consentement, eii
acquittement de plusieurs autres dettes personnelles à l u i , ou
communes avec son épouse.
C ’est dans ces circonstances, et le 17 nivôse an 1 2 , -q u e le
sieur Jusseraud fut cité en conciliation par les sieur et dame
St.-H é ren t, sur la demande en nullité de la vente dont il s’agit ;
intervint
procès -
verbal de non-conciliation, et le 27 germ inal
an 1 2 , l’assignation fut donnée devant le tribunal de première
instance de cette ville de llio m .
L e s faits ci-dessus ont présenté plusieurs questions à juger.
Q U E S T I O N S .
i.° L e contrat de mariage de la dame St.-Hérent présente-t-il
une dotalité universelle , ou bien n ’y a - t - i l pas conjointement
stipulation de paraphernalité et de com m unauté?
2.0
E n a p p o s a n t q u ’ il y eût stipulation de paraphernaux , la
dame Saint - lièrent a-t-olle pu jouir des biens de cette n a tu r e ,
situés en Bourbonnais , et a-t-elle pu y disposer d’une coupe de
taillis ?
3 .° L e sieur Snint-Hérent ayant connu cette vente , ne l’ayant
pas empêchée , et l ’ayant m ême exécutée, d o it- il être présumé
l ’avoir approuvée, et n ’est-il pas dans le cas prévu par l ’art. i 338
du code Napoléon ?
L e s conclusions ci-jointes et des autres parts ont été arrêtées
et fixées par nous, président du tribunal c i v i l , à l t i o m , ce
25
octobre 18 0 7, signé, P ara des, président, et A r d e n n e , com
mis -greilier.
Sur q u o i ,
A tte n d u que sur la validité de la vente de coupe de bois dont
il s’a g it, 1rs parties ont respectivement agité plusieurs questions
distinctes, qui exigent chacune une décision particulière.
�( 6 )
E n ce qui touche le point de savoir si le contrat de mariage
des sieur et dame de S a int-Iîéren t contient ou non une dot
spéciale ;
A ttendu que , suivant l ’article 8 du titre 14 de la coutume
d ’A u v erg n e , qui forme le domicile d ’origine des parties, la cons
titution particulière de dot faite à la femme par elle ou par un
tiers, fait cesser la disposition du m ême article, suivant lequel
tous les biens que la femme avait au tems de son mariage lui
avaient été d o tau x, s’il n ’y avait pas e j d éno nciatio n de dot
particulière ;
Attendu que dans le fait cette constitution spéciale est c la i
rement énoncée dans le contrat de mariage de ladite dame de
Saint-Hérent ; q u ’on y lit expressém ent, article i . e r , que la
mère de la dame de Saint-Hérent lui constitue une somme de
soixante-dix mille fr. pour tous droits de légitime paternelle et
m aternelle; et q u ’en l’art.
3,
on voit la dame de Saint-Hérent se
constituer elle-même une somme de dix m ille deux cents francs
provenant de legs ou succession collatérale ; que ces constitutions
particulières ont pleinement rempli le vœu de la coutume d ’A u
v e rg n e , ont empêché que tout ce qui appartenait à la dame de
Saint-Hérent, lors du m a r i a g e , n e l u i fût d o t a l ; et p a r une c o n
séquence fo rcée, ont rendu paraphernal ou exlra-dolal ce qui n ’a
pas été' compris dans ladite constitution particulière;
Attendu que quoique la mère de la dame de Saint-Hérent se
soit servi du mot de légitime , en constituant les soixante-dix
mille francs par elle stipulés, cette expression n’a pas empêché
que ladite somme de soixante-dix mille francs n’ait formé une
véritable constitution dotale ; car la dot est le bien que la femme ,
en se m a r ia n t, apporte au mari pour supporter les charges du
m ariage; que peu importe que cette dot provienne de la femme
ou d ’un tiers; or,
q u ’o n
ne peut douter que ces soixante-dix mille fr.
n’aient été donnés et spécifiés pour supporter les charges du
m ariage; q u ’il en est de même des dix mille deux cents francs
�constitués par ladite dame de Saint-Hérent elle-mêm e, sans
exprimer ni le mot d o t , ni le mot de lég itim e ; mais que l’expres
sio n , se constitue , dont elle se s e r t , exprime assez qu’ elle livre
et remet à son époux cette somme comme dot matrimoniale,
pour remplir le but et l’ idée de dot ; que ces circonstances ont
suffisamment fait connaître à son époux ce q u ’il recevait à titre
de d o t, et ce qui en était distingué;
A tte n d u q u e l a constitution dotale n ’a reçu sous aucune légis
lation de terme sacramentel et de rigueur, pour la désigner; que
les
articles
dotal,
1640 et 1541 du Gode c i v i l , en carr.ct^risantle régim e
ne consacrent aucune expression distinctive et propre à
cet effet ; q u ’ils énoncent au contraire q u ’il est suffisant, pour
constituer la-dot, de faire une destination spéciale d’objets certains
apportés au m ariage; et comme on ne peut méconnaître cette
intention bien précise dans la constitution d e là dame de SaintH érent, il résulte qn’on
ne
peut refuser à cette constitution le
nom de tous les ei/ets d’une dot particulière;
A tte n d u que r 'u ir écarter cette conséquence, on dirait va in e
ment que , par tas termes de la première cla u se, on voit que les
époux se prennent avec tous leurs droits respectifs; s a v o ir ,
la dams de Sainl-Ilérent avec soixan te-dix m ille fr. que sa
mère lu i constitue ;
Q ue cetle objection ne peut détruire la force de la constitution
particulière ci-dessus ; car ces mots : L e s époux se prennent
avec
,
tous leurs droits respectifs ne forment pas une clause spé
ciale et distincte, mais bien sont le commencement de îa phrase
qui se continue ainsi ; savoir « : la demoiselle L aqueuilhe avec
« soixante-dix mille fr. que la dame sa mère lui constitue»; que
ces derniers mots particularisent évidemment les droits que la
demoiselle Laqueuilleaurait*apportés en généralàson é p o u x , si
cette constitution spéciale n ’eût pas existé; ils expliquent en quoi
( se renferment ces droits de constitution de dot ; ils en donnent
le détail , et en font l ’application à chaque nature de biens
�( 8)
paternel on m a te rn e l, ou collatéral, dont cette dot est p ro ve n u e ,
ou écherra : ces mots enfin liés entr’euxpar la con)ancAion, savoir,
forment deux membres d’ une même phrase , et ne forment qu’ un
m êm e sens; car il est r e ç u , en terme de gram m aire, que l ’adverbe
savoir est une conjonction déclarative qui sert à d évelopper, à
m ieu x faire entendre une ch o se, d’où il résulte que ces mots :
L es époux se prennent avec tous leurs droits, ne font qu’énoncer
à l ’avance ce qui doit composer ces droits, dont ils ne peuvent
altérer la désignation spéciale de d o t, laquelle a cessé d’être g é
nérale, et a été particularisée ; donc y ayant une dot particulière,
ce qui ne compose pas cette dot devient nécessairement para
phernal ou extradotal ;
Attendu que cette conséquence de paraphernalité se fortifie
encore par la dernière clause du contrat de mariage portant : « E t
« quant au surplus des biens présens et a v e n ir , les futurs époux
« acceptent la coutume du droit écrit, à laquelle ils se restrei« gnent entièrement » ; que ces mots présentent une idée asseï
claire pour n’avoir pas besoin d’autre explication ; q u ’ils signi
fient évidemment que, distraction faite de ce qui form e, soit la
dot particulière, soit les avantages m a trim o n ia u x, soit de la sti
pulation de société c i - d e s s u s , tout le s u r p l u s des biens presens
et à venir sera régi par le droit écrit; que telle est l ’idée litté
rale et naturelle que présente cette clause ;
A ttendu que vainement on soutient que cette disposition, mise
immédiatement à la suite d’une communauté d ’acquêts et de
conquêts, n’est q u ’ une prévoyance de ce que chacun devait re
prendre dans cette communauté conventionnelle lors de sa dis
solution et partage; et que les parties ont entendu seulement
prendre pour règle les usages de communauté stipulés en droit
écrit; mais qu’ une telle interprétatiftn est inadmissible; que les
termes et l’esprit de la clause la repoussent : qu’en e ffe t, il ne
faut pas perdre de vue que les parties avaient leur domicile
d’origine en A u v e r g n e ; que le conti’at de mariage se passait en
droit
�( 9 )
droit écrit ; q u ’ainsi toutes les idées des parties devaient se porter,
d ’après les p rin c ip es, vers les lois ordinaires de ces pays; que
les clauses obscures, s’il y en a v a it, s’expliqueraient nécessai
rement par ces bases de leurs conventions matrimoniales; que
la com m unauté est étrangère en A u verg n e , com m e en pays
de droit écrit; qii’ayant été stipulée, il Faut la prendre dans ses
termes étroits et rigoureux; que non-seulement ces mots -.Quant
au surplus des biens presens et a ven ir , e t c ., ne peuvent pas
se rattacher à l’idée antérieure d ’une communauté : ils forment
môme une exception , et une séparation de toute idée de co m
m u n a u té , puisque les mots : Quant au su rp lu s , sont une véri
table disjonction , et rendent cette pensée , que tous les autres
biens ne seraient point en communauté , et seraient régis par
les lois du droit écrit; or comme en droit écrit on ne connaît
que biens dotaux ou extradotaux , que le surplus des biens était
exclu de la d o t, par une constitution spéciale de d ot, il résulte
que ce surplus devient extradotal ;
Attendu q u ’on ne doit pas se permettre d’expliquer des clauses
non a m b ig u ë s , et qui présentent une idée claire et nette; q u ’il,
faut les prendre impérieusement dans le sens naturel : tantùm
valent quantum sonant ; que celle dont il s’agit est précise;
q u ’elle présente l’idée d ’ une paraphernalité inôontestable d’après
les principes du droit écrit, et que tout autre sens ne p o u r r a i t
s’admettre , que par des suppositions et des additions entassées
l ’une sur l’autre ; ce qui serait créer arbitrairement des co n ve n
tions.
■,
En ce qui touche la question d esa vo ir s i , en admettant que la
dam e de Saint-IIérent eût des biens paraphernaux, et pût en
disposer en A u v e r g n e , elle aurait aussi eu le droit d’administrer
lib re m e n t, et indépendamment de son mari , les biens de cette
n ature, situés en B ourbon nais;
Attendu que l’article i . « du titre 14 de la coutume d ’A u
vergne , porte que la fem m e mariée est en la puissance de son
3
�( 10 )
m a r i, excepté quant aux biens aventifs et pn ra p h ern au x, des
quels elle est réputée mère de famille et dame de ses droits;
que cette disposition, qui établit en général la puissance du
m a r i, mais q u i , par sa restriction, en limite les effets, à l ’égard
d ’ une espèce de chose , est évidemment personnelle, et q u ’elle
règle l ’état du mari et celui de la fem m e ; qu ’elle constitue la
condition du mari envers sa fe m m e , d ’abord sur sa personne,
et puis sur ses biens d ’une certaine nature; que le statut a pour
objet d’alléger la condition où la femme était jadis; de la tirer
de cette suggestion excessive et humiliante où elle était pour
toutes choses envers son mari ; d ’où il suit q u ’on ne peut se
refuser à v o ir , dans cette disposition, un véritable statut p e r
sonnel ;
Attendu que ce qui distingue la personnalité du sta tu t, ce qui
le sépare clairement du statut r é e l, c’est lorsqu’il se détermine à
fixer l’hom m e libre ou indépendant, l’homme assujéti ou subord o n n é , tel que la m ajorité, l’autorisation des fem m es, la libre
jouissance des droits civils; que le statut de parapliernalité est
évidemment de cette n ature, puisqu’il rend la fem m e, su iju r is ,
ou dame et maîtresse de ses d ro its, com m e dit la coutume d’A u
vergne ;
A ttend u q u e , si en matière de distinction de statut, quelques
auteurs ont voulu q u ’un statut, qui déroge à une capacité géné
rale pour former une interdiction ou prohibition , fût réputé réel
et non personnel, on ne peut appliquer cette règle au statut de
parapliernalité d ’A u v e rg n e , puisque ce sta tu t, loin de former
dans la femme un état d’ interdiction ou. de p ro h ib itio n , est au
contraire, à son égard , un retour au droit g é n é ra l, à l’état ordi
naire de société, la rétablit dans l’état où elle était, avant de
de sc marier, et a jn n t pouvoir de disposer librement de sa chose.
Q u ’ainsi, loin de rentrer dans l’exception qui formerait le statut
réel, les effets de la parapliernalité constituent de plus en plus
le caractère d ’un vrai statut personnel et exclusif de toute réalilé dans la personne de la fe m m e ;
1
�4ry ,
( I I
)
A ttendu q u ’il est de la nature du véritable statut p e rso n n e l,
d ’être inhérent à la personne, et de la suivre en tous lieux :
adherent personce et illam affJciunt , q u ’ une personne , capa
ble en un li e u , est essentiellement capable par-tout, m êm e à
l ’égard des biens situés hors de son d om icile; que cette capa
cité est aussi indivisible que la personne même qui en est revê
tu e , d ’où il suit que la clame de St.-Hérent , capable de dis
poser de ses biens p a ra p h e rn a u x, en A u v e r g u e , l’a été égale
ment de j o u i r et d’administrer ses biens de même nature', situés
en
Bourbonnais;
que celte capacité de
lui
a donné le droit de disposer des revenus, sans l ’autorisa
jouir
et d’administrer
tion de son m ari ; que les coupes de bois taillis en question,
n ’ étaient, de quelque manière q u ’on les envisageât, q u ’ un revenu
a n n u e l, dont la dame Saint-Hérent pouvait disposer; que par
co n sé q u e n t, elle n’a pas excédé ses pouvoirs, et que la vente
q u ’elle a laite de ces coupes est inattaquable;
A ttendu q u ’on allègue sans raiso n , que les coutumes étaient
souveraines dans leur territoire; que l’article 7 1 de la coutume
du B ourbon nais, interd isant, à la femme m ariée, toute dispo
sition de son bien , sans le consentement de son m a ri, la dame
de Saint-Hérent n’a pu v e n d r e , sans ce consentement, et se
soustraire à une prohibition irritante;
Q ue cette objection s’écarte sans p e in e , en faisant réflexion,
que l’empire des coutumes sur les biens de leurs enclaves por
tait sur la propriété , sur la conservation du fonds q u ’elles
avaient pour but de c o n se rve r, et de transmettre les biens dans
les familles ; q u ’ainsi cette aflection ne frappait que sur la pro
priété; que tel était le m otif des prohibitions irritantes; que s’il
était q u estio n , dans l’e sp è c e , d’ une vente de propriété , peutetre la disposition prohibitive de la coutume du Bourbonnais
aurait son application; mais que s’agissant au contraire d’une
simple disposition de revenu et d’ un acte de pure administra
t io n , on ne peut croire q u ’à cet égard le statut prohibitif do
4
�l ’article 7 1 de la coutume du Bourbonnais pût étendre son effet
ju sq u e-là; que sans doute la dame de Saint-IIéreut aurait pu
valablem ent se faire la réserve de jouir seule, indépendamment
de son m a r i , des biens q u ’elle a v a i t , et qu’elle pourrait avoir un
jo u r on Bourbonnais; q ü ’ une telle rérierve lui aurait été permise,
et n ’aurait point violé le statut irritant de celte co u tu m e; que
sur ce point la disposition de l’homm e aurait suppléé , ou
m ême fait cesser la disposition de la l o i , puisque le statut irri
tant doit se prendre dans scs termes étroits et de rigu eu r, c ’està-dire se borner à la prohibition de disposer de la propriété, et
d ’abandonner la disposition des fruits à la liberté ordinaire des
conventions. O r , que cette clause de réserve se trouve en p lu
sieurs manières, sinon en termes e x p rè s, au moins implicite
ment dans le contrat de mariage des parties; savoir, d ’abord
p a r la constitution dotale qui a opéré indirectement la paraphernalité de tout ce q u i- n’était pas dotal , et en second lie u ,
p a r la clause de soumission nu droit écrit, pour les biens présens
et à v e n ir;
A tten d u que la coutume du B o u rb o n n ais, dans son statut
prohibitif; su p p o se , d ’après le sens qu’ il représente, qu’ il s’agit
d’une vente de biens d o ta u x; quo la lem m c «Stnnt ù l'égard de
cette espèce de biens, en la puissance de son m a r i , la coutume
veut que la ici» inc ne puisse disposer de sa propriété, q u ’avec le
consentement du m a ri, soit parce que c e lu i- c i y a un intérêt
propre , soit com m e une m arque de la subordination de la
fe m m e , et une suite de la puissance m aritale; mais q u e , dans
l ’espèce, s’agissant d ’un b ien , ù l’égard duquel la femme est
dam e et maîtresse de scs droits , au moins quant à la jouissance ,
et ne d o it, sur ce point, aucune subordination au m a ri; q u e l o
mari n'y a aucun intérêt p ro p re , les biens,do cette nature ne lui
ayant pas été donnés pour supporter les charges du mariage ;
d ’où il suit que la coutume du Bourbonnais n ’a pas ici d’a p
plication ; que la loi du domicile des é p o u x , que leurs c u u v c l -
�4SI
( i3 )
tions expresses ont fait seules la règle dans cette circonstance
et cpie c’ est là le cas de dire avec D u m o u li n , ce n ’est pas le
statut d’A u v e rg n e qui a exercé un empire hors de son territoire,
mais que c ’est l’obligation contractée entre les époux qui les lie ,
et qui les gouverne par-tout, et qui s’exécute sur tous leurs biens ;
A tten d u q u ’on ne p e u L t r o u v e r d iuconsequeuco, en ce que
la dame deSaint-IIérenL aurait l’administration de certains biens,
dont
c e p e n d a n t elle ne
risation
car
ces
pourrait aliéner la propriété, sans auto-
deux manières de disposer, dont l’une procède
de la loi*, l’autre de la convention, sont très-compatibles; (pie
l ’art. 1Ü76 du Code civil déclare expressément cette com patibi
lité , puisqu’il donne à la femme la disposition de ses biens .parapliernaux , mais soumet la femme à une autorisation pour dis
poser île la propriété de ces mêmes biens ; qu’on ne s’est pas
im agine de voir une inconvenance dans cette disposition du
Code civil (pii n’a fait que sanctionner les principes généraux
du droit naturel ou civil.
E n c e q u i t o u c h e le m o y e n tiré des F a i t s q u i ont eu lieu
entre les parties ;
A t t e n d u (pie l e s i e u r S a i n t - I I é r e n t , i n t e r p e l l é à l ' a u d i e n c e , n ’a
p a s d é s a v o u é « v o i r c o n n a i s s a n c e q u e des a il i ch cs a v a i e n t cto
ini'o*: p o u r a n n o n c e r la eowpe d u ln>is t*n ([iicslion , n ’a p a s
d é s n v o u é non pltis n v o i r c o n n u la v e n t e fai te a u s i e u r «Jlisse
r a 11d ; a r e c o n n u (pie !e s i e u r J u s - c r a m l a v a i t off ert en sa p r é
s e nc e d e r és i li e r le m a r c h é <ou< s e i n g - p r i v é , fait q u e l q u e s j o u r s
a u p a r a v a n t , et q u e la ra ti f icat i on d e ce m a r c h é se lit en p r é e n c e
d e l u i , s i e u r S l i n t - H c r e n l , q u i n ’y a m i s a u c u n ob st ac l e ni o p p o
s i tion ; q u e le s i e u r S a i n t - H é r e n t n a v o u é p a r e i l l e m e n t a v o i r eti:
ù C l c r m o n t d.ins la m ù m e v o i l u r e , et a \cc lu s i eu r J u - e r a u d ,
p o u r p i y e r et r e t i r e r d es *■11**1' négociai)!*
» ,,f p ' f ' o n n t î s , '-oit a u
sieur S .ù n t-llere n t, soit à vi femme . l e q u e l ' étaient
par le sieur Ju.*>scraud en p r é p u c e , et du cou.-cütciuenl du û cur
�( T4 )
de Saint-Hérent, sur le prîx de la vente desdites coupes de bois ;
que ledit sieur de Saint-Hérent a reconnu avoir eu connaissance
du paiement qui avait été fait par le sieur Jusseraud, sur le
surplus du prix de la v e n te , de différentes autres dettes per
sonnelles audit sieur de Saint-Hérent, ou communes entre lui et
son épouse; q u ’il a offert d’allouer lesdits paiemens; q u ’il a
avoué aussi avoir donné au sieur Jusseraud une c o p ie , signée
de l u i , de son contrat de m ariage avec la dame de Saint-Hérent;
A ttendu q u e , d’après de telles circonstances, le sieur J u s
seraud invoque avec raison le § . 2 de l’article i 338 du Codo
civil , suivant le q u e l, à défaut d’acte formel de ratification, il
suffit que l’engagement soit exécuté vo lo n ta irem en t, cette e x é
cution volontaire suppléant l’acte précis de confirmation ; que
dans la circonstance , le sieur Saint-Hérent ne peut être regardé
com m e ayant été étranger à tout ce qui a été fait avant , p e n
dant , et dans tout ce qui a suivi la vente de la coupe des
bois dont il s’a g it ; que par suite, la disposition dudit article
l 338 doit lui être appliquée ;
A ttend u que d ’autres moyens de considérations se réunissent
aussi en faveur du sieur Jusseraud ; que la vente en question est
de l ’an 3 , c ’ e s t - à - d i r e * d ’ u n e é p o c j u e o ù l a d i s t i n c t i o n d e ré alité ,
de personnalité de statut était déjà abolie pour toute disposi
tion de b ie n s , à titre gratuit ; que la publication du Code c iv il
a fait cesser peu après cette bigarrure de lois,*par lesquelles on
était r é g i , d’où il suit que l’effet des distinctions du statut doit
être renfermé dans les bornes de la nécessité la plus a b s o lu e , et
pour ne pas porter atteinte au grand principe du droit;
A tten d u que les bois dont il s’a g it, sont advenus à la d a m e
de S a in t-H é re n t, par le délaissement qui lui en a été f a i t , à
titre de partage, en l’an 7 , par l’autorité administrative ; que
ces bois ont formé par conséquent un bien paraphernal ou
a ven tif, à la dame de Saint-Hérent; q u ’elle a eu le droit d ’ en
jo u ir , et d’en vendre les coupes, sans l’autorisation de son m a ri;
�4
( 15 )
q u ’ainsi la ven te q u ’ elle en a fa ite , étant un e suite de la p e r
sonnalité d u s tatut sous le q u e l elle v i v a i t , et a va it form é des
e n g a g e m e n s , ne p eu t être atta q u é e lé g itim e m e n t;
PAR
CES
MOTIFS,
L E T R I B U N A L , par jugement en prem ier ressort, sans
s’arrêter au m o y e n de nullité opposé par les sieur et dame de
S aint-H érent, les déclare non-recevables et mal fondés dans
leur d e m a n d e , et les condamne a u x dépens.
«
Fait et prononcé publiquem ent à l’audience du tribunal civil
de première instance de l ’arrondissement de R i o m , département
du Puy-de-Dôme, tenue par M M . P a r a d e s , président ; D a n i e l
et M a n d o s s e
juges
le vingt-six août mil huit cent sept.
*
M
andons
et ORDONNONS à tous h u issie rs, sur ce r e q u i s , de
m ettre ledit ju g e m e n t à e x é c u tio n ; à nos p r o c u r e u r s -g é n é r a u x ,
et à nos procureurs près les trib u n a u x de prem ière in stan ce, d ’y~
tenir la m ain ; à tous co m m a n d a n s et officiers de la force p u b l i
q u e , de prêter m ain-forte, lo rsq u ’ils en seront lé g a le m e n t requis.
E n foi de quoi le présent jugem ent a été signé par le prési
dent du tribunal, et par le sieur A r d e n n e , commis-greffier.
A u registre sont les signatures de M . le Présiden t , et A rd e n n e ,
commis-greffier.
A
RIOM,
D E L ’I M P R I M E R I E D U P A L A I S , C H E Z J .- C . S A L L E S .
sa
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Jugement. Saint-Hérent. 1807?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
émigrés
coupe de bois
autorité maritale
biens paraphernaux
biens dotaux
coutume d'Auvergne
réserve héréditaire
doctrine
capacité de la femme mariée
ventes consenties
dot
ordre de Malte
ventes
affichage
Description
An account of the resource
Titre complet : Jugement rendu au Tribunal civil de 1ére Instance de Riom, entre les sieur et dame Saint-Hérent, demandeurs ; contre le sieur Taurin Jusseraud, défendeur.
Table Godemel : Autorisation : la nullité résultant du défaut d’autorisation de la femme par son mari, est-elle une nullité simplement relative, qui peut être couverte pas les approbations et l’acquiescement du mari ? Bois taillis : la vente d’une coupe de bois taillis en maturité est-elle une vente mobilière ? Contrat de mariage : 4. une convention de contrat de mariage portant soumission au droit écrit pour le surplus des biens présents et à venir, est-elle une création de biens extra dotaux ou paraphernaux, et habilite-t-elle la femme mariée à jouir seule des biens ainsi soumis au droit écrit, quelque part qu’ils soient situés, même dans la ci-devant coutume du Bourbonnais ? la nullité résultant du défaut d’autorisation de la femme par son mari, est-elle une nullité simplement relative, qui peut être couverte par les approbations et l’acquiescement du mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1807
1777-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1914
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1917
BCU_Factums_G1913
BCU_Factums_G1915
BCU_Factums_G1916
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53366/BCU_Factums_G1914.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Courpière (63125)
Riom (63300)
Vendat (03304)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
affichage
autorité maritale
biens dotaux
biens paraphernaux
capacité de la femme mariée
contrats de mariage
Coupe de bois
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
doctrine
dot
émigrés
ordre de Malte
réserve héréditaire
ventes
ventes consenties
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53367/BCU_Factums_G1915.pdf
caf47f6b2fbaa7d0b5ec3f9d71d38a11
PDF Text
Text
M E M O I RE
EN RÉPONSE,
P o u r
le
sieu r
JUSSERAUD,
intim é;
<
C ontre le s
sieur
e t dame
SAIN T-H ER EN ,
A P PE L AN S.
■
;1 :>
L E sieur Sain t-H éren s’est réuni à son épouse, pour
demander la nullité d’ une vente de coupe de taillis,
que cette dernière , agissant comme maîtresse de ses
biens paraphernaux, a consentie au sieur Jusseraud,
en l’an 8.
L e mari prétend que l ’épouse n'a pu contracter,
sans son autorisation 1 .° parce qu’elle n’avait point
de biens paraphernaux ; 2.0 parce que , quand elle
aurait eu des biens, non constitués en dot , leur situa-
�- ' -V\*
*%
( 2 )
lion en Bourbonnais, ne lui permettait pas d’en dis
poser sans l’assistance de son mari.
Les premiers juges ont rejeté les prétëntions des
sieur et dame de Saint-Héren.
' ' •*
Ils ont décidé 'que leur contrat de mariage conte
nait une double réserve de parapliernalité ; réserve ,
d’abord tacite, par la constitution spéciale de dot:
réserve, ensuite expresse, à cause d’une soumission à
la loi du droit é c r i t , pour Le surplus des biens tant
présens qu’ ci venir.
Ils ont également décidé que les laillis v e n d u s ,
n ’étaient, de quelque manière qu’on les envisageât,
que des revenus annuels ,’ dont la darne Sl.-EIéren
s’était fait réserve par son contrat de mariage: réserve
qui non-seulement n'avait rien de contraire à la dis
position de Ta coutume de Bourbonnais, mais qui était
même permise dans cétte3coutume.
L e s premiers juges ont
encore déclaré
q u e , dans
tous les c a s , les sieur et dame Saint-Héren étaient
non-recevables dans leur demande.
Cette fin de non -recevo ir repose sur l a ‘certitude
que le sieur Saint-"lïéren ii’a'paS été étranger a cette
vente; qu’il l’a connue et approuvée dans le principe;
qu’il l’a ratifiée ensuite; et enfin qu ’il Ta exécutée
pendant cinq années.
Les appelant auraient dû respecter cette décision,
qui les plaçait dans l’lieiireusd nécessité d’être justes,
et fidèles à leurs engagemens.' Déjà les débats de pre
mière instance avaient prouvé que les efforts du so-
�***
(
3 )
plásme sont-toujours impuissants j lorsqu’ils ont à lutter
contre les principes et la raison. Que peuvent pspérer
les sieur et dame S ain t-H éren en la cour? L à , lé b i e n ,
comme le mal ressort av,ec plus de force et de solennité.
-" O!
F A I T S. ^
,
Les
sieur
et
dame
! - *;
'•
.Saint-Héren,se sont maries, le
28
octobre 1777» au lieu de^Saint-Jal en l i m o u s i n , pays
de droiLéçrit. L e père dç la demoiselle L a q u e u ilh e ,
aujourd’hui dame Saijit - H é r e n t é t a i t .décédé sans
avoir ^disposé de ses biens; elle procédait sous l ’auto
rité de.xlame de Lastic, sa mère.
^
On voit par le premier article du contrat de mariage,
que « les fu tu rs époux se prennent avec tous Leurs droits
« respectifs • savoir, La demoiselle de L a q u eu ilh e, avec
«• 70,000 fr. que Sa ’merfi lu i constitue pour tous droits
« de légitim e, l a n t N
paternelle,que maternelle,,à impu« tçr i.° sur*.la succession paternelle, et le surplus sur
« ,çe qui peut lui rev/enir ;de)la succession maternelle,
« l a q u e l l e s o m m e d e 7 0 , 0 0 0 fr. sera p a y a b l e , s a v o i r ,
« 40,000 fr. à compter de la célébration du mariage,
« et)les 3o,ooo fr. restant, après le décès de la dame
«• Laqueuilhe , sans intérêts jusqu’alors».
A r t . I I . « L a demoiselle future épouse se constitue
« en la somme de 10,200 fr. provenant des successions
«■du sieur de Saint-Jyl t gon g r a n d oncle, et de la dame
« de Vauban , sa tante p a t e r n e l l e .
|
Art. IIJ. « L a demoiselle de Laqueuilhe ne reuonce
2
�( 4 }
« à rien de ses droits, part et portion qui pourraient
« lui revenir dans la suite, dans les successions colla« térales , ni aux donations que ses frères et sœurs
« pourraient lui faire , dont la réserve lui demeure
» expressément faite».
Les articles I V , V , V I et V I I sont inutiles au procès.
Art. V I I I . c< Les futurs époux seront communs en
« tous biens acquêls et conquêts, et la future épouse,
« le prédécès du futur époux arrivant, prélévera tous
* les avantages matrimoniaux expliqués ci-dessus, hors
* la communauté-». L ’article est terminé par la clause
suivante : a E t quant au surplus des biens présens et
« à venir, les fu tu r s époux acceptent la coutume du
« droit écrit , à laquelle ils se restreignent entiere« ment ».
»-
Fixons-nous sur les principales idées que fait naître
ce contrat ; d’abord, constitution, de la part de la mère,
portée à 7 0 , 0 0 0 f r a n c s ; constitution, de la p a r t de la
future épouse, de 10,200 ir. : ainsi dot de 80,200 fr.
Ensuite on remarque création d ’une communauté
convenlionnelle, limitée aux acquêts et conquêts.
Enfin, pour le surplus des biens présens et a v en ir,
les époux se créent une loi particulière, en soumettant,
au régime du droit écrit, le surplus des biens présens
et à venir.
On a dit que la dame St.-IIéren fut mariée après
la mort de son pè re , et que ce dernier n’avait point
disposé de ses biens ; dès-lors celte dame avait droit
à sa part héréditaire, dans la succession de son père*
�( 5 } .
L a vente involontaire qu’on lui en avait fait consentir ,
ne pouvait lui être opposée , et la priver de ce droit
acquis.
Cette succession du père était en totalité^entre les
mains du marquis de L a q u e u i l h e , son frère; il émigra,
et le séquestre fut apposé sur ses biens.
C'est en Tan 5, et avant que la totalité des biens du
père commun eut été aliénee par la nation , que la
dame de Saint-H éren seule présenta une pétition ù
l ’administration centrale de ce d é p a rle m e n t, pour
obtenir sa portion dans les biens de son père.
L ’administration accueillit sa demande, et le partage
ayant été fait , il lui f u t , par arrêté définitif du i 5
prairial an 7 , adjugé un cinquième en corps hérédi
taire ; savoir, un septième, du chef du père , et le
reste, comme héritière de deux frères, morts cheva
liers de Maltlie.
Parmi les fonds délaissés à la dame St.-Héren, se
trouvèrent
plusieurs bois taillis, situés en la commune
de Vendat
en
Bourbonnais.
Trois de ces taillis étaient en âge d’exploitation; la
dame Saint-H éren en lit afficher la coupe, en annon
çant que les enchères seraient ouvertes pendant tout
le mois de brumaire an 8, dans le lieu de Vendat, où
elle se transporta avec un nommé Faure , homme
d’affaire de son mari.
Quelques enchères particulières eurent lie u , et ne
portèrent pas les coupes au prix désiré.
Ce fut alors que la dame Saint-Iléren proposa au
�( 0 )
sieur Jusseraud l’acquisition de ses bois faillis. Un juris
consulte de cette ville, ami des deux parties, fut choisi,
par elle pour diriger cette négociation.
Enfin, la vente fut terminée et signée dans le c a
binet du jurisconsulte, d’abord sous seing - privé , en
frimaire an 8 ; ensuite l’acte fut passé par le notaire
C a i l h e , en vendémiaire an 10. Cet acte notarié fat
reçu en présence du sieur Saint-Héren, en sa liaison
d’habitation de la Barge (i).
Dans l’un comme dans l’autre de ces contrats, la
dame de S a in t - H é r e n prend la qualité de maitresse
de ses biens aventifs et paraphernaux.
L ’on doit remarquer qu ’elle se fait, en vendants
toutes les réserves qui sont une suite d’une simple
aliénation de fruits, telles que tous les baliveaux an
ciens et modernes , les pieds-cormiers et arbres de
lisière.
Il ne
pas n o n p l u s i n u t i l e d e d i r e , p o u r l aisser
déjà combien le sieur de Saint-Héren fut
ser a
pressentir
peu étranger à la vente, que c ’est lui qui, en exécu
tion d’une des clauses, donna copie, signée de sa main
et de celle de son épouse, de son contrat de mariage ,
( i ) Si l’on n’a pas fait menlion dans l ’acte , de la présence
et de l’autorisation du mari , il ne Faut pas croire que le
mari fut étranger à cette vente , ni qu’il refusât son autorisa
tion; c’est seulement par l’etlet du préjugé, dans lequel étaient
quelques personnes, d’après M. Chabrol lu i- m ê m e , que s’agissant de biens paraphernaux, la présence du mari pouvait vicier
l’acte.
�( 7- )
pour al lester que sa lemme avait seule la disposition
des objets vendus.
Cette vente fut: consentie moyennant la somme de
25,000 fr. écus, dont 17,300 fr. furent payés comptant
en présence du mari , et employés à acquitter des
dettes particulières ou communes avec son epouse. Les
7,3oo fr. restant furent stipulés payables en l’an 1 4 ,
et l'ont: été, par anticipation, toujours au profit et sous
la direction de l’époux.
L e sieur Jusseraud devait a voir, pour l ’ exploitation
des taillis, jusqu’à l ’an 18.
C ’est après quatre ans d’une exécution paisible et
publique de ce contrai , après la libération de l’acqué
reur, que les sieur et dame Saint-Tléren onl imaginé
d’attaquer cette vente de nullité.
En conséquence, le 17 nivôse an 1 2 , le sieur Jus
seraud a été cité en conciliation : il ne pouvait y avoir
de rapprochement ; le sieur Jusseraud se contenta de
m a n i f e s t e r s o n é t o n n e m e n t sur ce que l’on se jouait
d’une convention à laquelle la bonne foi el la réflexion
avaient présidé.
Bientôt le procès fut porté au tribunal civil de l’ar
rondissement de cette ville; et par jugement du 28 août
1807, la demande des sieur et dame Saint-IIéren a
été rejetée.
C ’es! en cet état que l’intimé a h établir le bien
jugé de la décision du tribunal civil de Biom.
La dame Saint-Héien lui a vendu la coupe de tiois
taillis. Elle a vendu ces coupes comme des revenus de
�(
8 )
biens paraphernaux. On prétend que l’acte est nul, et
qu’en contractant, cette clame a excédé sa capacité.
L e sieur Jusseraud soutient que son titre est à l’abri
de toute recherche ; pour le prouver, il démontrera:
1.° Que la vente consentie est une vente mobiliaire,
un acte de jouissance;
>
2.° Que cette vente mobiliaire, que cet acte de jouis
sance avaient pour objet des biens paraphernaux, dont
l ’administration appartient à la femme seule;
3.° Que la situation en Bourbonnais, de là chose
vendue , ne s’oppose point à la jouissance exclusive de
la femme.
C ’est là le point de droit du fond de la cause.
L ’intimé terminera par quelques réflexions, sur les
faits, qui motivent la fin de non-recevoir adoptée par
les premiers juges; on verra que l ’époux a consenti à
la vente ; qu’il l’a ratifiée ; qu’il l’a exécutée ; que le
prix a s e r v i il p a y e r ses d e t t e s , e t à l ui é v i t e r de s pour
suites humiliantes.
Mais n’anticipons pas sur cette partie de la cause,
et livrons-nous à la discussion de la première propo- ,
si lion.
p
r
e
m
i
è
r
e
q
u
e
s
t
i
o
n
.
E n vendant la coupe de ses taillis, la dame SaintI lé r e n a - t - e l l e fait une vente de meubles ou d’im
meubles ,jun acte de jouissance ou d’aliénation?
Quel engagement a souscrit la dame Saint-H ére n?
Elle a vendu des taillis en pleine maturité, ayant ac
quis l’age d’exploitation.
�( 9 )
O r , c’est un principe incontestable que les taillis en
coupe sont des fruits, et qu’ils se régissent comme des
meubles.
Cependant les sieur et dame Saint-ITérent vont jus
qu ’à soutenir que la vente est immobiliaire.
“ Il est nécessaire de revenir a cet égard aux elémensj
pour écarter tout équivoque, parions d ’un point cer
tain, c ’est que les taillis vendus étaient en âge d’exploi
tation. En effet, par les ordonnances de 15 73 et 1669,
les bois des particuliers furent soumis aux lois fores
tières ; et par ces lois, les bois taillis sont réputés en
maturité lorsqu’ils ont passé dix ans. : or toutes les
coupes avaient acquis au moins cet âge. :
Il
ne peut y avoir de difficulté sur ce fait. C ’est
encore le sieur Jusseraud qui avait exploité les pré
cédentes coupes de ces mêmes bois, et il avait suivi
,
A
1 r i:.
1:
i f '•
j n h 1:
la meme marche.
j
1
Onpa donc eu raison de dire que les coupes étaient
en pleine maturité.
Cela posé , ces coupes étaient-elles mobiliaires ou
immobiliaires?
-
'
•
<
\ f<i
• Si l’on ouvre les auteurs les plus élémentaires, Denisard , Lacom be , on trouve que les taillis sont des
fruits. B ri llon, dans son dictionnaire, au mot fo r e ts ,
dit aussi qu’un taillis, prêt à être coupé, est meuble,
et qu ’on p e u t , sans qu’il soit besoin de le d écréter,
le faire saisir et vendre. Bouvau x, tonu 2, verb. meubles,
question 3 2 , rapporte un arrêt du parlement de D ijo n,
3
�( IO )
qui l’a ainsi jugé. Enfin, tous les auteurs du droit civil
sont du même sentiment.
Si l’on voulait connaîlre k cet effet les dispositions
des lois ecclésiastiques, on trouvera, dans la bibliothè
que canonique, tom. i . er, pag. 461, de belles disserta
tions qui démontrent que les bénéficiers doivent per
cevoir la dîme sur les taillis comme sur les autres fruits.
Ces dissertations sont terminées par plusieurs arrêts qui
ont maintenu des curés, et autres titulaires, dans ce
droit.
..
.
On ne croit pas que ce soit avec une grande confiance
que les appelans veuillent présenter à la cour la vente
dont il s’a g i t , çomme ayant pour objet des immeubles/
du moins est-il vrai q u e , dans le.mémoire im p rim é ,
on^n’en a dit que très-peu de chose , et encore a-t-il
fallu‘s’emparer de quelques dispositions isolées du droit
civil; donner uu sens absolu et général à ce q u i n ’ est
applicab le q u ’à certains
cas.
Par exem p le , pour prouver que les' taillis vendus sont
des immeubles, on invoque l’article 92 de la coutume
de Paris, qui porte que les bois^ f o i n s , blés , sont ré
putés meubles quand ils sont abattus et coupés ; mats
tant qu ils sont Sur p ifd et- pendans par ra cin e, ils
sont réputés 'immeubles] ‘ ,n- 1' ;
Cette disposition de la coutume de Paris doit être
sainement entendue ; los.'auteurs nous, l’expliquent :
L es boi?,!foins,y e tc ., peftdans par racine, sont réputés
immeubles ; c ’est-à-dirb, qu’en supposant le sol et les
fruits à la mêm e personne, lesifruits suivent la m êm e
�4<fS
règle
que
( 11 ) )
l’immeuble dans le transport de la propriété,
parce que ces bois\et ces'fruils, Innt qu'ils sont incor
porés à l’immeuble, en sont considérés comme acces
soires , et dès-lors, par un fiction de la loi, réputés de
même-nature respectivement au propriétaire ou à ses
héritiers." • ni
/ r-l 1
p '
■'
■ ' f'
Mais le commentateur observe , immédiatement
après l’article cité, que si le propriétaire'avait vendu
ses bois., ou ses rses autres'fruits séparément, la vente
de ces objets devait être1réputée mobiliaire >fparce que
la fiction cesse , et que les bois>et antres ifruits sônt
considérés comme détachés du 'so i, dès l’instant que
la vente est consommée.
i:
,
Pour éviter tout'd oü te sur l'interprétation de £et
article 92 , M. le Camus , lieuténant-civil en lâ^prévoté de Paris, et l’un des plus estimés^cOmmenlafè-uts
de cette coutume , a rédigé l’article suivant , qu ’on
trouve à ses' ;observatiorifc , sur l’article cité
« Mais si le propriétaire à vendu,rSes bois paj^ablësi
a h difï’é rens termes, ou donné èa terre en fermé, ée
«• qui est dû sur le prix de la vente ou du:bail est melible,
« quoique le bois ne soit coupé et les fruits séparés du
cr fonds; et lesdifs bois et fruits, non séparés du fonds,
sont ré'pulés^meutles à Fégârd du fermier et de sds
1 ' •»•
l ■
I
*1
tt héritiers ».
On voit donc que les sieur et dame Saint Héren ne
sont !pas fort h e u r e u x dans la1 cifalion qu’ils ont faite
de1 Parlicle 9 2 'de'la c o n t u m e l i e Paris. ' ,
k
'-•Ils invoquent encore larliclé 521 du code Napoléon^
4
�( 12 )
qui porte que les bois ta illis , mis en coupe réglée, ne
deçiennent meubles qu’au f u r et a mesure que les bois
sont abattus.
Cel article ne renferme point un droit nouveau*
Cet article., comme presque tout le titre i . er du livre
ra du code, est tiré du titre 3 de la coutume de Paris.
Ainsi , on répétera q u e , pour avoir des idées fixes
sur le caractère des immeubles, il serait contraire à la
raison de prendre dans un sens absolu une disposition
isolée de la législation On sent facilement qu’ un objet
a ce caractère sous certains rapports, et qu’il est im
possible de le lui donner sous certains autres. Par
exemple, en faisant abstraction du droit de jouir, sup
posons qu’un individu dispose par testament de ses
meubles et effets mobiliers en faveur de certaine per
sonne , et de ses immeubles en faveur d’une autre
personne.
Sans difficulté alors les c o u p e s de bois taillis , qui
s e r a i e n t danssa succession, auraient le caractère d ’im
meubles, et, quoique des fruits, appartiendraient au lé
gataire des immeubles.
Quelle en est la raison ? C ’est que ces coupes de
taillis, sans, ê treim m eu b le s par leur n ature , sont ré
putées telles par cela seul qu’elles doivent suivre la con
dition du sol auquel elles sont attachées.
Mais si l'on considère les coupes de bois taillis
comme des fruits, comme un objet de jouissance ;
sous ce rapport, il est impossible de les ranger dans
la classe des immeubles; aussi voyons-nous quo, dans
�<9 ^
( 13 }
l ’ancienne comme dans la nouvelle législation, le mari
a le droit de jouir des coupes de taillis qui sont sur le
sol dotal j que les droits de l'usufruitier comprennent
les coupes de taillis (code Napoléon, art. 590). En un
mot, on avoue qu’on ne c o n c e v r a jamais que ce qui
peut être un objet de jouissance comme fruits, soit a.
l’égard du p r o p r i é t a i r e , soit par rapport à tout autre
individu, puisse ne pas être meuble.
Au surplus, le sens des art. 520 et 52 i du code, a
été fixé par la cour de cassation.
Par arrêt du 19 vendémiaire an 1 4 , rapporté par
Sirey, cette cour a d é c id é , en thèse, que les fruits d’ un
fonds ne sont censés immeubles que lorsqu’ils sont
compris dans le transport de la propriété de ce fonds j
mais que vendus séparément, sans fraude, la vente
est mobiliaire.
Cette décision est d’autant plus remarquable, qu’elle
a cassé un arrêt de la cour d’appel de Colm ar, qui
sans doute trop servilement les dispositions
du droit , avait jugé q u ’ u n e vente de f rui ts pendans
par racine 61 ait immobiliaire.
prenant
Pour échapper à l’énergie de ce point de droit, les
sieur et dame St.-IIéren répèlent, en plusieurs endroits
de leur mémoire, que le sieur Jusseraud, ayant eu dix
ans pour l'exploitation des taillis , avait acquis deux
coupes au lieu d’une ; que la dame Saint-Héren , qui
ne croyait vendre qu’ une c o u p e , en avait effective
ment aliéné deux ; qu’ une pareille administration ne
saurait être considérée comme un acte de jouissance.
�( T4 )
On a pensé long-tems à ce moyen proposé par les
appelans. On confesse qu’on n ’a pas eu l’avantage de.
comprendre ni ce qu’ils voulaient dire, ni l ’eiFet qu’ils
en attendent.
V o u d r a i t - o n faire croire aux magistrats qu’effèclivement le sieur Jusseraud profita de deux coupes ; c'està-dire , qu ’après avoir coupé, une fo is, il reviendra
couper encore sur le même sol? Ce ne peut être là le
3dut du moyen proposé. D ’a b o r d , les appelans seraient
en contradiction avec eux-mêmes. Ils annoncent, dans
les premières lignes de leur m é m o i r e , qu’ils demandent
la nullité de la vente d'une coupe de bois taillis. Ensuite,
rien ne serait plus facile que de prouver que le sieur
Jusseraud n’a acheté et exploité qu’ une seule coupe.
V o u d r a i t -011 faire entendre d’un autre côté, que
l ’acquéreur, s’étant ménagé dix ans pour le vidange de
ce bois, a laissé cumuler ces dix années de pousse sur
la même lig e; al ors ne c o m m e n ç a n t s o n e x p l o i t a t i o n
que la dixième an n ée, il avait des bois d’une valeur
plus considérable par l’accroissement ? Dans cet te h y p o
thèse, il y aurait mauvaise foi de la part des appelans.
La
dame S a i n t - I l é r e n n ’ignore pas que le sieur
Jusseraud a commencé à vider les bois , le lendemain
de son acquisition; elle ne peut ignorer ce fait, puis
qu e , dès l’an 10, elle a vendu les arbres qui se trou
vaient dans les taillis, au fur et à mesure que le sieur
Jusseraud exploitait.
S’il fut accordé dix années pour le vidange entier,
c ’est que celle condition était d’usage dans la maison
�4 9*)
( i5 )
de Laqueuilhe et dans le pays; qu’elle était indispen
sable à cause de l’exploitation lente des taillis, qui se
fait à Vendat, en détail de petite surface de 5 o, s 5 011
12 pas carrés; au surplus le prix de la vente f u t
augmenté à cette considération.
Ainsi la circonslance du délai accordé ne change rien
à la q u e s t i o n , et comme nous avons prouvé en point
de droit, qu’une vente de taillis était une vente de
m e u b l e s , il faut en examiner les effets d’après ce
caractère.
■
Voyons donc si, en contractant avec le sieur Jusseraud , la dame Saint-Héren a excédé son p ou voir?
Elle était affranchie de la puissance maritale, rela
tivement à ses biens aven tifs el paraphernaux.
O r, la darne St.-Héren avait-elle des biens a ve n tifs et paraphernaux? Les objets vendus sont-ils de
cette-qualité? Telle est la seconde question.
t
D E U X I È M E
Q U E S T I O N .
’
Pour connaître de quelle nature sont les biens d e l à
dame S a in t -H é r é n , il faut examiner son contrai de
mariage, et voir si les familles contractantes ont voulu
réserver à l ’épouse des biens paraphernaux?
Remarquons d’abord que le sieur Saint-Iiéren était
domicilié en Auvergne.
Ensuite on lil dans le contrat de mariage, art. I.er,
que les époux se prennent avec tous leurs droits res
pectifs ,• savoir, la demoiselle Laqueuilhe, avec 70,000/.
�( 16 )
que sa mère lu i constitue pour tout droit de légitim e,
tant paternelle que maternelle.
Art. II. L a demoiselle Laqueuilhe se constitue ellemême la somme de 10,200 f r .
-j
On voit donc, par le contrat, que les sommes cons
tituées se montent à 70,000 lianes d’une part, et à
10.200 fr. de l ’autre; c’est-àJdire, à 80,200 fr. C ’est
bien là ce qui forme la dot de la dame Saint-Héren,
ce qui compose la chose mise entre les mains du m ari,
pour supporter les charges du mariage.
M a i s , en A u v e r g n e , quand il y a destination spé
ciale, le surplus reste paraphernal : c'est la disposition
de l’art. V I I I du tit. X I V , ainsi conçu: « Tous les biens
«• que la femme a au tems de ses fiançailles, sont tenus
«• et réputés dotaux, s’il n’y a dot constituée, en trai«■tant mariage ».
Cet article est conforme au droit écrit, qui ne ré
puté dotal que la p a r t i e d e s b i e n s e x p r e s s é m e n t déli
vrés au mari, par le contrai.
D ’après ces principes, la dame S a i n t - I l é r e n n ’a
vait pour dot que 80,200 francs; l’époux avait touché
5 0. 2 00 francs de cette somme; il lui revenait encore
3 o,ooo francs.
L a dame Saint-IIéren est revenue contre ce règle
ment dotal; elle a obtenu en corps héréditaire une por
tion des biens de son père ; ces fonds lui sont néces
sairement extra dotaux, au moins quant à ce qui
excède la somme nécesssaire pour parfaire la dot.
En s’arrêtant donc à la loi d ’A u ve r gn e , domicile des
époux,
�( l7 ) t
é p o u x , en s’arrêtant à la première et deuxième clause
du contrat de mariage , il reste »certain qu’à l’excep
tion de 80,200 fr. , tous ses autres biens étaient paraphernaux. Mais e s t - c e là la seule preuve qui établit
la paraphernalité? il en est une autre plus puissante
encore dans l ’art. V I I I et dernier du contrat.
Les époux , après avoir stipulé une communauté
c o n v e n t i o n n e l l e , restreinte aux acquêts et conquêts ,
terminent par cette clause générale, et quant au sur
plus des biens présens et à venir, les fu tu rs époucc
acceptent la coutume du droit écrit à laquelle ils se
restreignent entièrement. Il faut se fixer sur cette der
nière convention des époux : elle est de la plus haute
importance au procès. Ils avaient réglé la dot par les
articles I.er et II de leur contrat; dans le premier § de
l ’article V I I I ils créent une communauté convention
nelle réduite a u x acquêts et conquêts ; en s’arrêtant là
ils n’avaient pas tout p r é v u , puisqu’ils ne parlaient
pas d es b i e n s qui n ’étaient ni dotaux, ni acquêts, ni
conquêts.
Dans le silence des é p o u x , il est vrai que la cou
tume d ’Auvergne déclarait ces biens paraphernaux,
puisqu’il y avait constitution limitée à une chose.
Mais les époux ne se sont pas contentés de cette
soumission virtuelle à la loi du domicile ; ils ont choisi
une loi particulière pour ces biens qui n ’étaient ni
dotaux, ni acquêts, en disant qn’ils entèndaient qu’ils
fussent régis par le droit écrit.
Quel peut être l'effet de cette stipulation? la raison
�( 18 )
l’indique; c’était de ranger, dans le domaine du droit
écrit, le surplus des .biens présens et à venir.
O r , en droit écrit, comme en A u v e r g n e , quand
il y a dot désignée , le surplus des biens, demeure
para pliernal.
En lisant avec attention le contrat de mariage des
appelans, on est frappé d’ une double démonstration
de biens paraphernaux; i.° biens paraphernaux résul
tant de la dotalité spéciale, stipulée en A u v e r g n e ;
2.° biens paraphernaux exprimés par la convention ,
portant soumission au droit écrit pour le surplus des
biens.
Cette manière d ’interpréter le contrat de mariage
des adversaires est simple et naturelle ; ils ont fait des
efforts pour l’obscurcir : c ’est ici le lieu d’apprécier leurs
objections.
On prétend, page 7 du m é m o i r e , que la dame
St.-IIéren s’est constitué t o u s ses b i e n s e n d o t ; pour le
prou ver, on se fait un appui de l’article I . er du contrat,
portant : les époux se prennent avec tous leurs droits
respectifs ; savoir, la "future avec 70,000 f r . que sa
niera lu i constitue.
Les appelans s’emparent des premières expressions
de cet article : les époucc se prennent avec tous leurs
droits respectifs, et veulent que ces mots, pris isolé
men t, renferment toutes les intentions des parties, et
attribuent la qualité de biens dotaux à tous ceux de
la future, sans qu’on doive examiner ce qui suit:
savoir, ¿a demoiselle L a q u eu ilh e, avec 70,000 f . que
�So'b
( *9 )
sa mère Lui constitue; ces derniers mots , dit-on, n’ont
point modifié, ni restreint la constitution qui était de
tous droits.
- Est-il bien vrai de dire que pour connaître la cons
titution de la dame Saint-IIéren, il faille s’arrêter uni
quement à cette première partie de la clause : L es
é p o u x , etc. ?
‘
c'
N ’est-il pas évident au contraire, ainsi que le disent
les
premiers
juges, que ces mots: Se prennent avec tous
Leurs droits respectifs, ne forment point une clause
distincte et séparée, mais sont seulement le commen
cement d’ une phrase qui se termine ainsi : savoir, La
/
demoiselle LaqueuiLhe avec 70,000 fr. Ces deux mem
bres d’une même période, liés par la conjonction savoir,
ne présentent qu’un même sens; il est impossible gram
maticalement de l’entendre d’une autre manière : car
le mot savoir est une façon de parler qui a pour objet
de particulariser et déterminer la chose dont il s’agit.
Ainsi, le premier membre de la phrase énonçait v a
guement et généralement que la future mettait des
droits
la disposition de son mari ; mais ce qui suit
immédiatement savoir.......... limite, et détermine les
droits, en expliquant qu'ils se montent à 70,000 fr.
pour tous les biens des père et mère.
Enfin, le sens de l’article i . cr serait, en tant que de
_ besoin, expliqué par la période finale de l’article 8',
où il est dit que : «Quant au surplus des biens présens
« et à venir, les futurs époux acceptent la coutume du
« droit»; ou ce qui est la mêm e chose, quant au sur-
6
�(2 0
)
plus des biens présens, et quant au surplus des biens
à venir........
Or , ces mots : Quant au surplus des biens présens ,
ne peuvent avoir trait qu’à une classe de biens pré
sens, sur laquelle il n’y avait encore rien de réglé pré
cédemment ; d’où l’on doit conclure qu’ il y avait en
core des biens présens dont les époux entendaient
soumettre le sort aux principes du droit écrit ; d’où
l’on doit conclure que ces termes de l’article i . er : L es
époux se prennent...., ne renferment pas une constitution,
de tous les biens présens, et que les parties ont voulu
limiter la dot aux sommes portées par le contrai.
C ’est donc une ridicule subtilité de la part des appelans, d ’avancer que la contéxture de la première clause
de leur contrat renferme une dotalilé universelle.
Après cette première objection , 'les sieur et dame
Saint-H éren passent à l’article 8.
Cet article, dans sa dernière partie, présente, comme
on l’a déjà v u , une formelle réserve de biens paraphernaux. Cette réserve contrarie singulièrement le système
des appelans. Ils ont multiplié leurs efforts pour en dé
truire le sens : voyons s’ils ont réussi.
Rappelons cet article: «Les futurs époux^seront com« muns en tous biens acquêts et conquêts;-ét la future,
« le prédécès du futur arrivant, prélévera les a va n«• tages ci-dessus stipulés hors la communauté. E t
« quant au su rplu s1des biens présens et à venir, ¿es
« fu tu rs époux acceptent la coutume du droit écrit, à
« laquelle ils se restreignent entièrement ».
�Jo$
( 21 )
Les appelans prétendent que cette, clause finale j, et
quant au surplus.......... est seulement relative à la com
munauté dont on vient de parler; qu’elle a pour objet
de régler ce qui doit composer cette communauté (con
ventionnelle; de spécifier ce qui doit rester propre au
aux époux lors de sa dissolution ; qu en un m o t , celte
clause est synonime avec celle-ci: laquelle communauté
sera réglée par le droit écrit.
Il
est une première réflexion
\ et une bien
simple
réflexion , qui rend inadmissible l’interprétation qu’on
veut donner à cette clause. C'est que , non-seulement
ces expressions : Quant au surplus des biens présens et
à venir......., ne peuvent passe rattacher à l’idée anté
rieure d’une communauté; mais elles forment même,
pour se servir des termes des premiers juges, une excep
tion et une séparation de toute idée de c o m m u n a u t é ,
puisque ces mots: Quant au su rplu s, sont une véri
table disjonction, et font naître cette pensée, qu’il est
ici question d ’autre chose qu’on ne veut pas. mettre en
communauté, mais bien ranger dans le droit écrit.
Allons plus loin, et démontrons que, pour accueillir
l’interprétation que veulent donner les sieur et dame
Saint-IIéren à la dernière partie de l’article '8, il faut
supposer cette clause inutile, et comme devant être
non écrite. Car si elle a seulement pour objet,,ainsi
qu ’on l e d i t , de régler ce qui entrera, ou ce qui n'en
trera pas dans la com m unauté, elle était ¡inutile. C e
�( â2 )
qui devait entier ou ne point 'entrer dans la commu
nauté, était déjà réglé sans cette clause.
E n effet, ne perdons.pas de vue qu’il s’agit ici d’une
communauté conventionnelle, introduite dans un pays
qui n’en connaît pas ; dès-lors cette convention est de
droit étroit, et doit se:resserrer dans les t e r n i e s de l’acte.
Or, si l ’on se fixe sur ilesjvériiables effèls d’une co m
munauté conventionnelle',’ restreinte aux acquêts , on
voit (art. 1408 du code) qu’ une semblable commut;
^J \ j*j ( • r
1 ji : 'i
, ni
nauté n’embrasse.que les objets que l ’un ou les deux
r • ii r> t.
, ■.ii» .
.} j. ;--. ü ■ f îu. -
épouxacquièrent, tant de l’industrie com mun e, que des
économies pendant’ le mariage, sous ¿a condition que
tovis leuijSbiens présens et à venir leur demeurent pro
pres, et,n’entrent point dans la communauté.
J,, ; ; ■
i ■
l.
¡1 ç
;jr,nj
•:
(i
,
i•
D ’après ce développem ent, la convention par la
quelle les^ é p o u x , après avoir stipulé communauté res
treinte au^ acquêts, ajoutent q u e , quant au surplus
des biens présens et à venir, ils se soumet tent a u droit
é c r it,n e saurait avoir pour but d’expliquer la com mu0 ; )u .
f 1
t
ir L
nauté antérieure, parce què, sans cette clause, les idées
sur la nature de celle communauté étaient parfaites;
le règlement de ce qui la composait était clairement
exprimé.
Il faudrait donc, ainsi qu’on l ’a avancé , pour ad
mettre l'interprétation des appelans sur cette conven
tion du contrat, la supposer sans objet et non écrite.
O11 ne vbit aucun motif raisonnable pour effacer
celle condition; c ’est ati contraire un principe certain
�( 2 3 j)
que t o u t , dans un contrat de mariage, est présumé
avoir un but utile.
Mais ce qui doit paraître plus singulier dans le rai
sonnement des sieur et dame Saint-Héren, c ’e s t q u ’ils
s’efforcent d’appliquer à la communauté une clause
qui en exclut même j u s q u a 1 idee ; en effet la com
munauté conjugale est inconnue dans le droit écrit ; elle
n’y a jamais lieu que par convention formelle. O r , , il
clioque la raison de dire, que pour expliquer une conven'timï de com m unauté, les çoutractans aient in vo
qué une législation qui n’en reconnaît pas.
Toutes les idées de raison et de, saine logique repous
sent l’interprétation que veulent donner les appelans de
•
•
•
' .
.’ il*
1
la dernière slipulaiion de leur contrat de mariage. C e
pendant ce pacte est écrit ; il doit avoir un objet. Po ur
quoi entasser des subtilités, tandis que naturellement il
présente l ’idée d’une paraphernalité, conformément
aux principes du droit écrit? Ta n tu m 1^aient quantum
son arit.
•
Enfin s’il était besoin d ’ajouter encore à ce que l ’on
vient de dire, on observerait que la règle la plus sure
et la plus équitable, pour interpréter les contrats, est
de s’attacher aux intentions communes des parties,
de suivre la marche qu’elles ont suivie dans l’e xé
cution.
Or, c’est depuis le procès
seulement
que le sieur
Si.-
Héren veut signaler sa puissance ; c ’est po.urle procèsseuleinenl que la dame son épouse vient se ranger, avec
humilité,sous la bannière de son maître et seigneur. Car
�( ZA )
depuis longues années, et dans plusieurs actes, elle a pris,
même en présence de son mari, la qualité de dame et
mai tresse de ses biens paraphernaux. L e 28 pluviôse an 6,
elle contracte, en cette qualité, avec le sieur Meissonn i e r , banquier à Clermont; le 7 floréal an 7 , nouvel
engagement entre la dame St.-Héren et M. Favard ,
procureur-général en la cour; elle se qualifie toujours
de' dame et maîtresse ; et cette qualité a été si bien
reconnue par l’ un et l’autre époux, que depuis l ’ins
tance actuelle, ils ont, envers M. le procureur-général,
pleinement exécuté leurs conventions.
Lors de la plaidoirie, on donnera plus de dévelop
pement à ces faits, en mettant sous les y e u x de la
cour les contrats qui les justifient.
Il
est tems de terminer cette partie de la discussion,
et de conclure qu’il est démontré, si quelque chose
peut l’être, qu’à l ’e x c e p t i o n d e s s o m m e s c o n s t i t u é e s a
la dame S a i n t - H é r e n , tous ses autres biens "sont de
nature extradotale.
Si ces biens extradolaux étaient placés en A u v e r g n e ,
sans difficulté la dame Saint-IIéren aurait pu vendre,
soit les fruits, soit les fonds, sans l’autorisation de son
mari.
M a i s , d i t - o n , quand on admettrait que la dame
Saint-IIéren s’est réservé des biens paraphernaux, les
coupes q u ’elle a vendues sont situées en Bourbonnais;
dans cette coutume, lu femme ne peut
contracter
sans
le consentement du mari; donc la qualité de biens
paraphernaux ,
�( 25 )
paraphernaux , sans le consentement du m a r i , n’en
pourrait valider l’aliénai ion.
Nous voici arrivés à la 3 .e question de la cause.
T R O I SI È M E
La
la
QUESTION.
des bois en Bourbonnais priva-t-elle
Sai nt- II ér en du pouvoir d’en vendre la coupe
situalion
dame
sans la participation de son époux?
r ,!
L a raison d’abord nous porte à dislinguer la faculté
de disposer de la proprié lé , de la simple faculté de
jouir des r e v e n u s , de faire une vente de meubles,
sans l ’autorisation du mari.
S’il s’agissait de savoir si la dame de St.-Héren a
pu vendre, sans son mari, ses fonds exlradolaux silués
en Bourbonnais; on avoue qu’on a peine à concevoir,
pourquoi la clause générale et expresse de réserve de
paraphernaux , insérée au contrat de mariage des
appelons, ne pourrait point avoir son entier elïet en
Bourbonnais , même quant à la faculté de disposer
des fonds.
Les contrats de mariage sont les actes de la société
les plus privilégiés; tout ce qui n’est pas contraire aux
mœurs et à l’ordre public peut en être l’objet.
On
peut dire qu ’en matière d’association conjugale, la
loi a plutôt en vue de suppléer aux conventions omises
que de dicter des c o n v e n i o n s (A rticle i S z y du code
Napoléon ).
Delà le principe certain , que lorsqu’une coutume
7
�( 2 6 )
gardait le silence sur un droit, on pouvait l ’introduire
par la convention : delà le principe certain , que par
des dispositions particulières, on pouvait déroger aux
lois des coutumes.
En Au ve rgn e , par exe m ple , la communauté est in
connue : on ne trouve nulle part des traces de ce droit ;
cependant il est indubitable q u e , par la convention,
les époux avaient la faculté d’être communs.
Dans la mêm e coutume encore, rien d’aussi sacré
que le fonds dotal; rien d’aussi irritant que le statut
qui en défendait
l’aliénation.
Cependant la femme
majeure p o u v a it , en se mariant, conférer à son époux
le droit de vendre le fonds dotal.
L a coutume de Bourbonnais, il est vrai, ne parle pas
des biens parapliernaux ; ce mode est insolite dans son
ressort.
N e sera it-ce point une erreur d’en conclure q u ’on
ne peut pa s i n t r o d u i r e c e r é g i m e e n B o u r b o n n a i s , par
la force de la convention; la c o u t u m e , il est v r a i ,
garde le silence sur ces biens; mais, ne les défendant
pas, ne pouvait-on pas en créer?
On ne prétend pas néanmoins donner à ces ré
flexions une extension trop générale; on sait bien qu’il
est des cas, o ù , par des conventions particulières, on
ne peut pas déroger à la loi. C ’est lorsque celte loi con
tient une prohibition formelle et irritante; alors, ainsi
que le remarque Dumoulin , ces pactes ne sont pas
seulement inutiles; nonsolUm Lnutilia, secipro in/eclis
etiani liabcanUir.
�( 27 )
Mais ici, nous ne sommes pas dans le cas d’un statut
prohibitif irritant-, on a déjà remarqué que la coutume
de Bourbonnais ne repoussait pas expressément les biens
parapliernaux, mais qu’elle se taisait seulement sur cette
nature de biens.
Ou sent combien il est raisonnable de ne pas confon
dre une slipulalion contraire à une prohibition de cou
tu m e, avec une stipulation qui introduit un droit, sur
lequel la coutume garde le silence.
A u premier cas, la stipulation est annullée, parce
qu’on ne peut pas faire ce que la loi prohibe.
A u second cas, la stipulation doit être tolérée, quand
elle est la condition d’un contrat, parce que ce qui n’est
pas défendu par la loi est permis.
S’il s’agissait donc, au procès, de savoir si la dame
Saint - H é r e n , en vertu de la réserve expresse portée
par son contrat de mariage, a pu vendre seule la pro
priété des biens réservés, et situés dans le Bourbonnais,
on vient de v o i r que la rais on et la force des principes
conduiraient à penser que la dame avait celle capacité.
Mais ne perdons pas de vue que ce n’est pas la ques
tion à juger; celle soumise à la cour est infiniment plus
favorable.
L a dame
S a in t-Héren
n’a pas porté l’exercice de
son droit jusqu’à l’aliénation des immeubles; elle a
seulement souscrit une vente mobiliaire.
•Or, sous ce dernier rapport, sa capacité ne peut être
douteuse : elle la tenait à la fois de la loi de son do
micile , et de la clause insérée dans son contrat de
mariage.
�( 28 )
Capacité par la loi de son domicile. C ’est 1111 prin
cipe certain que les meubles-ont toujours suivi la loi
du domicile de la personne : mobiiia sequuntur abicurnque sint consuetudtnem lo c i, in quo qulsque habet
d o m icilu im , dit D um o u li n , ait. 254 de la coutume
d’Orléans.
Ainsi dès l’instant que les coupes ont été en matu
rité , dès l’instant qu’elles ont été rangées dans la
calhégorie des meu bles, par la ve n t e ,
ces meubles
ont été gouvernés par la loi du domicile ; o r , la loi
d’A u ve r gn e , domicile de la dame S a i n t - I l é r e n , lui
donnait le droit de les vendre comme paraphernaux.
* L a coutume de Bourbonnais élait donc étrangère
a chaque parlie des bois vendus, qui successivement
devenail mobiliaire.
Ainsi, sans difficulté, si l’on consnlle la loi d’A u v e r
gne, la dame Saint-IIéren a pu vendre la coupe dont
il s’agil.
Mais pour connaître ce que la dame Saint-IIéren
a pu faire ou ne pas faire, il ne faut pas se conduire
par les xègles ordinaires : les époux se sont dicté des
lois.
J,e mariage n ’a eu lieu que sous la condition que
tous les biens de l’épouse, qui n’étaient point consti
tués en d o t , seraient gouvernés par le droit écrit ; clause
dont la force était nécessairement, et au moins, d’attri
buer à l’épouse le droit de jouir de ses biens sans sou
mission à son mari.
'
Si Von refuse à cette stipulation son eifel,[dans le
�C 29 )
.sens qu’elle n’a pu habiliter la femme à disposer de la
propriété (question qu’il serait inutile d’exam iner), il
serait absurde de la contester dans le sens qu’elle lui a
conféré le droit de jouir et d’administrer.
La convention qui aurait pu être faite en Bourbon
nais, pour des biens de Bourbonnais, a pu l e i r e en
Auvergne pour les mêmes biens. O r , sans difficulté,
en Bourbonnais, la dame Saint-ITéren aurait p u , en
se m a n a n t, stipuler qu’elle jouirait seule de tous ses
biens , ou de certains biens, à supposer qu ’ils lui fussent
restés d otau x, quant à la propriété; et l’on voudrait
qu’ une pareille réserve, faite en A u ve r gn e , n ’eût pas
d’effet! On sent qu’il ne peut résulter aucune différence
de ce qu’un contrat est passé en Auvergne ou en Bour
bonnais.
A u surplus, sur cette question de savoir si la fe m m e
d’ Auvergne , qui s’est réservé des biens extradotaux r
peut en j o u i r lorsqu’ils sont situés en Bourbonnais, qu’il
nous soit permis de transcrire l’opinion d ’ u n auteur
éclairé.
M. Froland , à la suite d ’ une longue dissertation dans
notre espèce, s’exprime ainsi dans son ouvrage intitulé:.
Mémoire sur La nature et La qualité des sta tu ts, tom. 2 ,
pag. 1149 : «■Relativement aux biens paraphernaux, il
« y a deux choses à considérer, l’administration et la.
«• disposition de la propriété.
«Quant à la jouissance, comme-elle regarde le mari
« personnellement, nulle difficulté qu ’il peut: y ienon«• c e r , et consentir que sa femme en profite, sans que:
�( 3 0 }
«• ses créanciers aient sujet de s’en plaindre; et par rap« port à cel article, il est vrai de dire encore que la
« coutume de la situation des biens n’est en rien à con«■sidérer, mais seulement la loi du contrat de mariage,
« qui contient les pactions qui ont été faites entr’eux».
Les appelans espèrent trouver une grande ressource
en invoquant ce qui a été dit sur la question , par
M. Chabrol, tom. 2 , p a g . 1 8 1. Cet auteur semble pen
cher pour l’opinion contraire > sans cependant s'être
expliqué d’une manière affirmative.
Remarquons d’a b o rd , relativement à M . Chabrol,
qu’il ne s’occupe pas d’une question identique il la
nôtre ; il recherche seulement qui du mari ou de la
femme d ’Au vergn e, doit jouir des revenus d’une succes
sion de Paris, qui échoit à l’épouse pendant le mariage.
Et il raisonne dans l’hypothèse que leur contrat de
mariage est m u e t , et que les époux n’cnt p o i n t tracé
de r è g l e m e n t pour ces biens aventifs 11 n’y a pas de
similitude, puisqu’on a vu que les sieur et dame SainlH ére n avaient inséré dans leur contrat une loi im pé rative, qui s’emparait des biens aventifs et parapliernaux, qui en réglait le sort et la condition.
Mais quand il y aurait identité, on 11e croit pas que
les appelans puissenl trouver un appui dans le commen
tateur de notre coutume.
Quand on lit avec attention les raisons pour et contre
que cet auteur déduit, on est étonné qu’il ait paru sc
décider contre l’opinion de Froland qu’il cite, et qui
était renforcée de celle du célébré D u h a m e l , avocat
�au parlement. Ce jurisconsule pensait, d’après les plus
solides raisons, «que rien n'empêchait que la loi ou
« la convention qui réservait la jouissance à la f e m m e ,
« ne produisît son effet sur des biens de Paris» (dont
la coutume est semblable à celle de Bourbonnais). Il
ajoutait que «-la convention portée par un contrat de
« mariage, passé en Auvergn e, conformément à la loi
«■d’Auvergne, pouvait s'exécuter sur les biens si lues
« à P a r i s , puisque la même convention faite entre des
« personnes mariées à Paris, aurait tout son effet-«.
C elle dernière réflexion est d’ un tel poids, qu'on
peut dire qu’elle est accablante.
Les sieur et dame S a i n t - H é r e n veulent renforcer
leur système d’un préjugé de la sénéchaussée d ’A u
vergne ( C ’est sans doute par erreur qu’on prétend ,
pag. 36 du mémoire, que ce préjugé est un arrêt du
parlement ). 11 s’agit d’une sentence rendue entre deux
époux.
Si on avait à redouter cette jurisprudence isolée, on
observerait q u e , quelque considération q u ’on puisse
avoir pour un jugement qui émane de ce tribunal , il
serait impossible de lui donner la préférence sur la
raison, qui est une autorité supérieure.
Mais s’il était nécessaire d’écarter le préjugé de la
sentence de 17 8 7, on pourrait remarquer, i.° que, dans
l’espèce de cette sentence, le contrat de mariage pou
vait ne pas présenter une clause de réseve aussi pré
cise que celle qui se trouve dans le contrat de la dame
�(
32 )
Saint-TIéren. On dit que le contrat de la dame D e pons, contenait une soumission ea.presse à la coutume
d ’ Auvergne. Cette clause vague pouvait ne pas avoir la
mêm e énergie que celle insérée dans celui de la dame
Sainl-IIéren. 2 ° On observerait que cette sentence a
été rendue entre le mari et la femme-, que dès-lors la
conduite de celle-ci à l ’égaid de son mari, Péiaf ou
les besoins de ce dernier ont pu iniluer sur le juge
ment.
Mais ici il s’agit d’une demande dirigée contre un
tiers, qui a acquis sous la garantie d’une convention
portée au contrat de mariage, analogue à la législation
de la province, et qui n’est contrariée par aucune autre.
Contre un tiers qui paya le prix de la vente à des
créanciers qui menaçaient le mari et la femme de
poursuites fâcheuses ; paiement qu'il a fait sous la
direction du m ari, qui n’a jamais été étranger à lout
ce q u i s’est passé; contre un tiers de q u i il dépendait
enfin d ’avoir le c o n s e n t e m e n t du m a r i, et qui l’a refusé,
par suite de celte prévention , où l ’on a été quelques
teins en Auvergne ( d ’après M. Chabrol), que lorsqu’il
s’agissait de biens avenlifs, la présence du mari pou
vait donner lieu à la nullité de l'acte.
Mais , disent les sieur et dame Saint I l é r e n , la dis
tinction qu’on veut introduire entre la faculté d ’admi
nistrer les biens, et la faculté de disposer des fonds,
est une chimère.
Les revenus doivent suivre le sort des capitaux, et
a
�. . ( 33 )
à l ’égard de la disposition du fonds ou des capitaux, le
combat s’élève entre la coutume d’Auvergne et celle
de Bourbonnais.
Si c’est la coutume d’Auvergne qui règle la capacité
de la dame St.-Héren, elle aura pu disposer des fonds
comme des r e v e n u s .
Si c’est la coutume de Bourbonnais à laquelle il
faille s ’a r r ê t e r , elle n’aura pu vendre ni les fonds, ni
revenus.
f L ’examen de cette question nous jette dans une ma
les
tière des plus obscures, celle qui résulte du choc de la
diversité des dispositions des coutumes.
L e sieur Jusseraud pourrait se dispenser d’entrer dans
cette nouvelle lice, puisque ce qu’on a dit jusqu’à pré
sent conduit à la conséquence forcée, que la dame
Saint Héren n’a vendu que les revenus des biens, dont
elle s’était fait réserve , par son contrat de mariage.
Mais serait-il donc vrai, ainsi qü’ôn ne craint pas
de 1Javancer, q u e la di s p o si t i o n de la coutume d’A u vergne , sur les biens aven tifs et paraphernaux , soit
un statut réel, qui ne peut régir que les biens de celte
nature, situés dans l’étendue de son territoire?Seraitil donc vrai également, que la disposition de la cou
tume de Bourbonnais , qui défend à la femme d’alié
ner ses biens, sans son mari, soit aussi un statut réel
qui embrasse tous ceux situés d a n s son étendue?
C ’est ce qu ’il faut maintenant examiner.
Nous devons comrnencor par critiquer la théorie
émise sur les statuts, par les sieur et dame St.-Ilére n,
9
�(
3
4
}
page 16 du mémoire. Cet le tliéorie est appuyée sur
deux bases vicieuses.
La première, que le statut personnel doit régler g é
néralement et universellement l’état de la personne;
la d e u x iè m e , qu’il faut que le statut personnel fasse
abstraction de toute matière ré e lle , abstráete ab om/ü
materia reati.
Il est impossible d'adopter ces deux choses. i.° Il
n ’est pas nécessaire que le statut, pour être peisonnel,
règle universellement l ’état de la personne. Il a
été jugé qu'une multitude de dispositions de coutume
étaient personnelles , quoiqu’elles ne réglassent l’élat
et la condition que respectivement à certains cas. Par
e xe m p le , le sénatus-consulte Velléien qui défendait,
comme on sait, à la femme de s’obliger pour autrui,
a été constamment réputé statut personnel; cependant
il ne concernait pas l'état universel de la femme q u i
pouvait l e s t e r , v e n d r e , et f a i re u n e i n l i n i l é d’autres
actes, indépendamment de ce sénatus-consulte, qui ne
lui liait les mains, que par rapport à l’obligation con
tractée pour autrui.
Par exemple, le statut de la coutume de Paris qui
défendait au mineur de vingt-cinq ans, de vendre et
engager ses biens, était réputé personnel; et pourtant
on 11e peut pus dire q u ’il concerne l’élat universel du
mineur puisque ce mineur peul, suivant l’art. 293 dp
la coutume , disposer par testament', à l ’âge de vingt
ans , de ses meubles et conquêls-immeubles.
C ’est également une erreur de prétendre avec les
�C 35 )
auteurs cités dans le mémoire, que le statut personnel
doit régler la personne , abstraction faite de toute
chose réelle.
Quand on réfléchit au but des lois personnelles, peutcroire q u ’elles aient eu s e u l e m e n t pour objet d’agir
sûr la personne prise, abstraction faite de toute rela
on
tion avec les biens?
Ne s e n t - o n pas bientôt au contraire leur rapport
e s se n ti el , et nécessaire aussi bien aux choses qu ’aux
personnes; en effet, si la loi a réglé la minorité, n’estce pas pour fixer l ’âge auquel on peut disposer de sa
propriété?
Si on interdit une personne, n’est-ce pas pour
pêcher de dissiper son bien?
rem-
11 n’est donc pas nécessaire, pour qu’un statut soit
personnel, qu ’il embrasse universellement l ’é t a t , ni
qu’il n’ait aucun rapport aux biens.
Donnons donc une vraie déiinition des statuts.
I-e si ai ut personnel est la loi qui dirige la personne,
qui l’affecle intimement, qui établit en elle u n étal et
une condition, sans disposer des biens; ou s’il en dis
pose, ce n’est que par la suite et la conséquence de
l’élal de la personne.
L e sial ut réel est celui qui a pour objet principale
ment la c h os e , et accessoirement la personne; par
exem ple, la r^gle , palcrna paierais. Ces déiinitions
sont puisées dans des sources pures.
M. Froland, mémoires sur les statuts, page 3 8 ;
jVJ. Boulenois, question des démissions de biens, p. 92 ;
�(36)
M. Merlin , répertoire de jurisprudence, au mot statut.
Cela posé, recherchons de quelle nature est le statut
d ’Auvergne. L ’art, porte : L a fem m e mariée est en La
puissance de son m a ri, excepté quant a u x biens aventifs et paraphernaux.
Remarquons dans cet article une première disposi-*
lion : ta fem m e mariée est en La puissance de son mari.
Ces premiers mots font connaître en général la condi
tion de l’épouse, en font un être faible et dépendant;
mais ce qui suit , excepté quant a u x biens aventi/s et
paraphernaux, change toutes les idées. La femm e n’est
plus cet être qui était en la puissance d’un autre : elle
est isolée; le caractère de la liberté enveloppe sa per
sonne ; elle devient dame et maîtresse, c ’est-à-dire,
comme si elle n’était pas m a r i é e , à l’égard des biens
paraphernaux.
Ce règlement de coutume affecte donc la femme d’un
nouvel é l a t , e l l e lui attribue u n e c o n d i t i o n n o u v e l l e ; de
subordonnée qu ’elle é t a i t , elle devient libre , ce qui
découvre évidemment un droit personnel. D e plus, ce
statut règle aussi le sort des biens, puisqu’il en rend la
femme dame et mailresse. Mais, remarquons que s’il
dispose des biens, ce n’est pas directement, mais par
une suite, une conséquence de l’élat, que ce statut a
déjà imprimé sur la personne ; il n’eti dispose que secon
dairement, et après avoir à cet égard affranchi la femme
d e l à puissance maritale, ce qui coïncide parfaitement
avec les idées d'un véritable statut personnel.
On a dit encore au mémoire, page 17 et suivantes>
�qu’une disposition der coutume’, qui renfermait ¿une
exception, devait être restreinte à son territoire. D e droit
c om m u n , en A u vergn e, la femme est en puissance du
mari ; la faculté accordée pour les paraphernaux est une
exception exorbitante, et doit se limiter à son ressort.
- On cite à cet é g a r d un passage du président Bouhier:
ce sont les p r e m i è r e s lignes du chap. 35 de ses observations, sur la coutume de Bourgogne.
■
>
E n v é r i f i a n t cette citation, on est demeuré con
vaincu que lesappelans l’ont transcrite, en la trouvant
isolée dans les questions de M. M erlin , au'mot remploi.
S’ils eussent connu l ’opinion de M. Bouhier, sur l’es
pèce qui nous occup e, ils auraient évité le danger de
fournir des armes au sieur Jusseraud. •'> i
*11 résulte en effet de l’interprétation que donne c&
savant magistrat ,iau passage i n v o q u é , que ce'Statut
de la paraphernalité d’Auvergne est un statut personnél; qu’il doit être protégé, çt s’étendre par-tout où
des biens; cela résulte d’ un raisonnement
infiniment simple. « 11 n’est g u è r e de m a x i m e de juris
la f e m m e a
te prudence plus universellement re ç u e , dit M. Bouhier,
t< que celle de la réalité des coutumes qui sont con
te traires au droit c o m m u n , et que les jurisconsultes
«■appellent exorbitante^. Ces dispositions, dit notre
auteur, doivent se renfermer à leur territoire.
r
Par une
juste
manière de
raisonner,
on doit con
clure que les dispositions des coutumos, qui sont con
form es au droit commun , so nt personnelles, et doivent
porter leurs effets hors de leur arrondissement.
�. c 3 8 }
L a question se:réduit donc^ dans Thypothèse-posée
par les ôppèlans eux-mêmes, à-savoir si la' disposition
de la coutume d’Au ve rgn e , relativement aux biens
paraphernaux, est conforme ou contraire au droit com
mun. Peut-il*y avoit la moindie difficulté ?
i
.
: L e droit écrit, ou les lois romaines ont toujours été
le droit foncier, le droit commun de la France Les
coutumes au contraire, en tant qu ’elles différaient'du
droit écrit, étaient appelées droit exorbitant ou haineux
droit (On peut voir, au chap. 3 5 , du président Bouhiér,
çle savantes dissertations sur cet objet).
!
'
Si le droit i’ômain était le droit commun de la France;
si lesappelaris conviennent, avec l'auteur qu ’ils citent,
que toute disposition de coutume, conforme au droit
commun , doit être ¡réputée personnelle , il ne peiit y
avoir de doute.sur-la personnalitédu statut qui établit;
des paraphernaux, puisque ce régime est conforme au
droit écrit; il doit donc.porter son e m p i r e a u - d e l à de
son e n c l a v e . C ’ est aussi l’avis de l'auteur des observations
de la* coutume de Bourgogne; il s’exprime ainsi, cha
pitre 3 6 , pag. 598, n.° 4, édition in-folio :« L e droit
«■naturel est la loi primordiale de toutes les nations;
« et à l’égard du droit commun, comme il est le droit
« ancien et foncier du royaume , selon que je crois
<r l’avoir justifié ci-devant, et q u ’il est d’ailleurs fondé
« sur les règles de l’équité, nous devons en faciliter le
« retour, ou du moins nous en rapprocher autant qu’il.,
<r est possible; ce qu’on ne saurait mieux faire, qu’en
« donnnjil la plus grande extension aux statuts qui y
*■sont conformes».
�( 39 )
C ’est donc en vain qu’on voudrait contester la qualité
de statut personnel à l’article de la coutume d’A u v e r
gn e, qui accorde à la femme un droit absolu stirses
biens paraphernaux.
D ’un autre côté , l’article 171 de la coutume de Bour
bonnais , qui défend à l’épouse de disposer sans l ’au
torisation de son mari, forme-t il un statut réel qui ré
gisse né cessairement tous les biens db'son ressort?j 1
d’abord une remarque essentielle, c ’est que
le statut de Bourbonnais ne contient pas une prohi
bition réelle et irritante d’aliéner, mais seulement une
Fai so ns
prohibition relative, la femme pouvant'vendre avec
l ’autorisation du mari,
j
I:
1.
En sorte qu ’en Bourbonnais, comme en A u v e r g n e ,
l ’aliénation est permise ; mais en Bourbonnais, il faut
une formalité de plus, /’autorisation maritale.
i.Quelle peut être la raison de cet té différence? Elle
est évidente; c’est que la puissance maritale en A u
vergne, a u n degré de m o i n s q u ’ e n B o u r b o n n a i s . En
Au vergne , la femme est affranchie pour les biens extradotaux ; en Bourbonnais, a u . contraire p tant que le
niartage dure, la /èmme demeure soumise.
Or cette puissance maritale, aussi'étendue en Bour
bonnais, est-elle un statut réel?
Cette question pourrait se résoudre par l’acception
naturelle que présentent ces m o\s:Puissance maritale.
Il est clair que ces mots signifient puissance du mari
sur la femme. Il est positif aussi que c ’est sur la per
sonne de lu femme, que cette puissance est accordée,
�(
4
0
}
et que si cetle puissance s’étend sur certains biens, ce
n ’est que secondairement, et par une conséquence de
son exercice,sur la personne, r.l r
Mais deux observations bien simples convaincront
que ce Statut de la puissance maritale, en Bourbonnais,
est personnel.
i . ? L a loi du Bourbonnais parle de la puissance mari
tale.en d e u x (endroits ; l’article 170 établit cette puis^
sance en termes énergiques et précis : Femme mariée
est en la puissance de son niari.
'
L ’article zd z étend cette disposition à la femme
séparée de biens, comme à la fem m e commune. Dans
l ’un comme dans l’autre de ces articles, il n’est point
parié des biens , et la loi place la femme commune et
séparée sur-la mêmé ligne; elle les soumet l ’une comme
l’autre au même degré\ et aux mêmes effets de la puis
sance maritale. Peut-on méconnaître.à ces indices un
véritable slalut personnel?
Si cette puissance maritale était un statut r é e l , qui
eût pour objet les b i e n s , . i l eût fallu nécessairement
établir une distinction entre la puissance maritale qui
aurait affecté la femme séparée, et la puissance mari
tale qui aurait affecté la femme commune, puisque les
droits du mari sont nuls sur les biens de la femm e sé
parée, et qu ’ils sont si grands sur ceux de la femme
commune. Aussi voit-On dans les art. 235 et 2 3 6 , où1
la loi s’occupe du sort des biens de la f e m m e , qu’ello
n ’accorde au mari un droit réel que sur ceux de lü
femme commune.
Fix er
�Fixer dans un article particulier la puissance du mari
sur la femme commune et séparée, sans distinction;
Déterminer ensuite dans d’autres articles la puissance
du mari sur les biens de la femme commune seule
ment , c’est évidemment établir une puissance sur la
personne, indépendante de la puissance sur les biens;
c ’est faire d e u x statuts bien distincts, l’un purement
personnel, c ’e s t - à - d i r e , relatif à la personne de la
femme e n général; l’autre réel, c ’est-à-dire, applicable
seulement à ceux des biens de la femm e qui font partie
de la communauté.
. Première preuve, que la puissance maritale est per
sonnelle en Bouibonnais.
r E n veut-on une nouvelle? elle se déduit de ce que
le m ari, dans cette province, n’a aucun droit sur les
biens pour lesquels la femme est séparée; car nous dit
M. Auroux , sur l’art.
: (£a femme a seule l’ad
ministration de ses biens; la femme seule en .perçoit
les revenus; la femme seule dispose des meubles; la
femm e seule reçoit te p r i x d e s i m m e u b l e s qu’elle
aliène avec le consentement de son m a r i , ou de la
justice.
Cependant nous avons remarqué que la femme sé
parée est , en Bourbonnais , soumise à la puissance
maritale, de la même manière et avec autant d’éten
due que la femme commune en biens.
Or , si cette puissance maritale était produite par
l ’eifet d’ un statut réel , elle devrait accorder au mari
un droit quelconque sur les biens de la femme séparée,
�( 42 )
parce que le statut réel est celui qui affecte, qui di
rige principalement la chose. E s t statutum in re.
D e ce que ce statut n'at Iribue au mari aucun droit utile
de disposition , ni même d’administration , concluons
qu ’il n’est que personnel.
Mais si la puissance maritale n’est que personnelle
en Bourbonnais, doit-elle exercer son empire sur les
personnes domiciliées hors du ressort de celte loi?
L a question ne peut être douteuse. Les lois person
nelles ne peuvent affecter les personnes qui habitent
au-delà de leur domaine. L a dame S a in t - H é r e n , ha
bitante d’Auvergn e/ n ’est frappée que par les lois per
sonnelles de celle coutume; elle ne peut être soumise
à une puissance maritale plus étendue que celle admise
dans sa coutume.
Pour que la dame Saint-Iléren , habitante d’A u
vergne, fût empêchée, par la loi personnelle de Bour
bonnais , de vendre ses biens, il f au dr a it q u e c e s i a l u t
d e B o u r b o n n a i s sortît d e son lerrj'toire, et vînt diriger
la personne d ’Auvergne , changer son état et sa qua
lité, ce qui n’est pas possible, ce qui est contraire à
loules les idées et aux principes suivant lesquels on a
vécu jusqu’à présent. Car enfin, l’état, la condition,
tous les droits personnels de la dame Sainl-Iiéren sont
sous la main du juge de son domicile ; c ’élait à lui à
décider ce qu’elle pouvait , ou ne pouvait pas faire.
O r , ce juge lui permet lait de vendre, disposer à son
gré de ses biens extra dolaux, quelque part qu’ils lussent
situés; il n'exigeait d’olle aucun tribut de déférence, de
�S 2'
( 43 )
soumission à cet égard envers son mari ; elle pouvait
aliéner la propriété ; à plus forte raison, a - t - e l l e pu
souscrire une vente de fruits.
Ainsi s’écartent et tombent les inductions qu’on s’est
efforcé de tirer de la réalité du statut d’Auvergne sur
les paraphernaux, et du s t a t ut de Bourbonnais, touchant
l ’autorité m ar i t a l e . Ces dispositions coulumières sont
p u r e m e n t personnelles, et dès-lors la dame SaintITéren était habile à disposer de ses biens de Bour
bonnais.
Mais, 011 le répète, ce n’est pas par cette théorie que
doit se décider la question soumise à la cour; celle qui
se présente se résout par une marche plus simple. L a
dame Saint-IIéren n’a vendu que des fruits.
L e sort de ces fruits était connu et réglé ; réglé i.°par
la loi du domicile qui gouverne les meubles j 2.0 réglé
par la clause impérative de soumission au droit écrit.
C elle clause est tracée dans le contrat en termes
on ne peut la méconnaître sans renver
ser ces maximes sacrées de la l é g i s l a t i o n ; que les
contrats de mariage sont susceptibles de toutes con
ventions licites et honnêtes; que les pactions, une
énergiques;
fois écrites, doivent être protégées, et religieusement
observées. Il était superflu eulin d’examiner si cette
clause de réserve a pu revêtir la dame Sl.-IIéren du
droit de vendre ses fonds. C ’est encore sans nécessité,
qu’on a agité la question des slatu Is. Ces discussions ont
prouvé du moins que les s y s t è m e s des appelans, sous
quelque rapport qu'on les envisageât, 11e pouvaient se
13
�( 44 )
soutenir devant une logique raisonnable, et fondée en
principe.
L e s appelans ne doivent donc pas s’attendre à un
sort plus heur eu x en la cour que devant les premiers
juges.
MOYENS
TIR E S
DES
FA ITS.
Jusqu'à présent le sieur Jusseraud s’est attaché à
repousser l ’attaque des appelans, par la force du droit,
et abslraction faite des moyens lirésdes faits.
C ’est ici le m om en t d ’eXaminer ces circonstances,
desquelles les premiers juges ont fait résulter une fin
de non-recevoir.
Mais avant tout, qu’il soit permis au sieur Jusseraud
de rectifier deux faits faux, ou dénaturés, sur lesquels
on revient sans cesse, comme moyens de considération.
O n ne craint pas de d ir e, page 4 du m é m o i r e , que
le sieur J u s s e r a u d p r o f i t a d e l ' i n e x p é r i e n c e d e l à dame
Sainl- Hére n, pour se faire consentir la ve nt e de ces
taillis m oye nn an t 25,000 francs, tandis qu'ils valaient
75,000 francs.
Mais quelle est donc la mauvaise foi de la dame de
Sainl-IIéren? A-t-elle oublié que c’est elle-même qui
proposa ses coupes au sieur
Jusseraud;
qu’elle lui fit
cette proposition, après les avoir préalablement fait
afficher, et reçu des enchères? A-t-elle oublié qu ’elle
invita un jurisconsulle de celle ville à rédiger les clauses
de l’acte? A-t-elle oublié enfin, que c’est dans le cabinet
de cet avocat (qui, depuis 3 o ans, éclaire Yincxpèricnct
�de ses cliens), que l’acte fut signé, que les condi
tions de la venle et l’emploi des deniers furent réglé?.
L e jurisconsulle, dont il est ici question, pourrait attes
ter tous ces faits. Est-ce là tendre des pièges à Yinexpé
rience? I l y A v i l i t é d a n s l e p r i x , s’écrie-t-on! les
coupes valaient, au tems de la ve n le , 75,000 francs,
et elles e n v a l e n t aujourd’hui 1 0 0 , 0 0 0 ! D ’abord on
conçoit difficilement sur quelle base on se fixe, pour
a v a n c e r que cescoupes vaudraient.aujourd’hui 1 0 0 , 0 0 0 f.
C ’est bien donner une idée chimérique de ces taillis,
puisque déjà, depuis l’an 8 , ils n’ont cessé d’être ex
ploités, et que dans ce moment, il en reste à peine un
neuvième encore sur pied : mais passons celle première
erreur. Concevra-t-on mieux une prétendue vililé dans
le p rix, quand on pense , d ’une p a rt , que le sieur SaintIléren
a
avoué devant les premiers juges, qu’un mois
après la v e n l e , le sieur Jusseraud lui avait offert de
la résilier, sans autre rétribution que le remboursement
de c e qu ’il avait déjà payé.
Quand on pense, d’autre pa rt, que la vente a eu
lieu, pour ainsi dire, à la chaleur des.enchères ; que le
sieur Saint Iléren a eu connaissance des affiches appo
sées dansdiverses communes, pour annoncer cet le vente.
L e sieur Jusseraud prouverait môme que plusieurs mar
chands de bois du département de l’Allier, sont allés
trouver la dame Sainf-lléren à V e n d a l , et qu’il lui fut
oflérl différens prix de ses bois; que le sieur Jusseraud
devint acquéreur en couvrant les dernières mises.
Un second fait, sur lequel il n’est pas moins ulile-
�u
6
.}
d ’éclairer la Cour, c’est celui dont on parle à la note
de la pag. 41 du mémoire.
Il est vrai, comme le disent les sieur et dame St.I lé r e n , qu’en l ’an 1 2 , ils offrirent au sieur Jusseraud,
par la médiation de M. D e m a y , leur homme d’aflaires,
habitant cette v i l l e , la somme de 45,000 francs ( en
ce compris la restitution du prix), pour résilier lavente;
le s.r Jusseraud accepta celte proposition : mais la manière
dont les sieur et dame S a in t - I l é r e n voulaient payer
cette somme était ingénieuse; ils imaginèrent de payer
le sieur Jusseraud avec les bois mêmes qu’ils voulaient
racheter. En conséquence, ils proposèrent de prendre
en paiement les mêmes taillis qui lui avaient été vendus,
et ils réglèrent le prix de l ’arpent à six cents francs,
quoique le sieur Jusseraud, par une administration trèspénible, ne vende l ’arpent de la plus belle qualité en
taillis, que 200 fr. Par ce m o ye n , le sieur Jusseraud,
non-seulement n ’aurait eu aucun bénéfice de c e t t e ré
t r o c e s s i o n , mais même il n’aurait pas retiré les fonds
qu ’il avait avancés.
Ce n’ est qu’en dénaturant les faits que les appelans
essaient de se rendre favorables; mais voilà l'exacte
c
vérité.
Ilâlons-nous de justifier la lin de non-recevoir pro
posée par les premiers juges; voici les faits sur lesquels
elle est motivée, tels qu ’ils sont déposés, non pas seu
lement comme on ledit dans les qualités du jugement,
mais bien dans 1111 des motifs, ainsi conçu:
«• Attendu que le sieur Suint-IIércn, interpellé à l’nu-
�( 47 )
a dience, n’a pas désavoué avoir connaissance que des
« affiches avaient été mises pour annoncer les coupes
« de bois en question ; n’a pas désavoué non plus avoir
« connu la vente faite au sieur Jusseraud; a reconnu
que ce dernier avait offert, en sa présence, de ré« silier le marché sous seing-privé fait quelques jours
«■auparavant, et que la ratification de ce marché se
« fit en la présence de lui sieur S ain t-H é re n , qui n’y
n- a mis aucun obstacle ni opposition ; que le sieur St.cr Iléren a avoué pareillement avoir été à Clermont
«• dans la même voiture que le sieur Jusseraud, pour
<r payer et retirer des effets négociables, et personnels,
« soit au sieur St.-TIéren, soit à sa f e m m e , lesquels furent
«
«
«
«
acquiltés par le sieur Jusseraud , en présence et du
consentement du sieur Saint-Héren, sur le prix de
la vente desdites coupes de bois; que le sieur SaintHéren a reconnu avoir eu connaissance des paie-
« mens qui avaient été faits par le sieur Jusseraud,
le surplus du prix de la vente , de différentes
a autres de Iles personnelles au sieur S t.-Iléren , ou com
te munes avec son épouse ; qu’il a offert d’allouer lesdils
« paiemens; qu’il a avoué avoir donné au sieur Jus
«• sur
te seraud une copie, signée de lui et de son épouse,
«• de son contrat de mariage •».
A quoi on aurait dû ajouter, ainsi qu'on le démon
trera, que la copie de ce contrat de mariage avait été
donnée en exécution d’une clause de l’acfe.
D eux séries de moyens se rai lâchent à ces aveux;,
les uns tiennent purement à la moralité de la cause-
�l i e sieur Jusseraud laisse aux magistrats le soin d’ap
précier quelle faveur on mérite, alors qu ’on se pré
sente à la justice , en confessant soi-même qu’on vient
se jouer de ses engagemens , et oublier la foi promise.
Les autres moyens sont du domaine de la loi. Il s’agit,
de savoir, en point de droit, si les aveux et approba
tions des sieur et dame Saint-Héren ne les rendent pas
non-recevables.
i.° Relativement à la dame Saint-Héren, pçut-elle,
revenir contre la vente consentie au sieur Jusseraud?
L ’emploi des deniers repousse son action. Elle a
vendu en l’an 8. On ne peut opposer contre cet acte ni
fraude, ni vilité de prix; tout prouve au contraire que
ce fut un contrat de bonne administration, qui rendit sa
condition meilleure , puisque les deniers ont été e m
ployés en totalité en paiement de dettes personnelles
à l ’épouse, ou communes avec son mari; dettes pour.
lesquelles
on
avait
dirigé
de vives
p o u rs ui t es .
O r , l a l oi n e saurai t p r o t é g e r te d o l et la
mauvaise
foi ; il n'est pas juste qu’une personne s’enrichisse ex
allerius jactura.
A u r o u x , sur l’art. 1 7 1 , 11.0 7 , pose en principe, que
si toutefois la femme a profité dtrTobligalion contrac
t é e , sans l’autorisation de son mari, si par celte obli
gation elle est devenue plus riche , il 11’y a point de
nullité dans l’acte , lequel doit subsister, tant civile
ment que nalurellenicnt.
On a prétendu dans le mémoire, p. 42, qu’A urouxDespomier n’a parlé que d ’une simple
obligation
pour
�( 40 )
prêt de deniers, et qu'il en était autrement d’une vente;
c ’est une erreur. L e commentateur agite la question,
dans l’hypothèse générale d’ un engagement souscrit
sans'le consentement du mari ; et s’il présente le cas
d’une obligation pour p rê t, ce n ’est que pour indi
quer un exemple sensible.
'
Mais il est bien évident que son opinion s’applique
à toute e s p è c e de contrats avantageux à la f e m m e ;
a u t r e m e n t cet auteur n’aurait pas dit que l’obligation
civile subsistait ; il aurait seulement dit qu’en vertu
de l’obligation naturelle, et de la maxime, nemo locupletior ja ctu râ alterius J ieri clebet; la femme devait
rendre
ce qu’elle avait reçu.
M. Lebrun, traité delà communauté, 1. 2,chap. i . ' f,
section 3 , n .° 8 , partage l ’opinion de M. Auroux.
. L ’emploi des deniers présente aussi une fin de nonrecevoir contre le sieur Saint-Héren ; il est convenu
devant les premiers juges, que les,deniers de la vente
avaient été employés, sous sa direction, à acquitter des
dettes personnelles; son aveu était même i n u t i l e , puis
que le sieur Jussergud rapporte les quittances des
créanciers.
Dans ces circonstances, le sieur Saint-Héren peut-il
se prévaloir du défaut d’autorisation. Auroux-Despomier, sur l’art, cité, n.° 8, s’exprime ainsi : * E.e mari
« ne peut pas même se prévaloir du défaut d ’auto«• risalion , quand la somme, ou la chose prêtée à sa
» fem m e, a été employée pour ses affaires, et à i o n
r profit, et que l’emploi en est constant et bien jusi3
�( 5 0 ) « lifié. C ’est une obligation, à son égard, qui naît ex re;
« il cite la loi 4 6 , ff. de obligationibus et actbonibus.
Quand il n’y aurait dans la cause que la seule cir
constance de l’utilité de la vente , et de l'emploi des
deniers au profit des deux é p o u x , elle serait suffi
sante pour écarter la demande.
Mais ce ne sont pas les seuls faits sur lesquels repose
la fin de non-recevoir : il en est de plus déterminans.
On a vu que le sieur Suint-IIéren avait déclaré judi
ciairement , qu ’il avait connu la vente'dès son origine;
qu ’on avait en sa présence proposé de la résilier, et
qu’elle fut ratifiée‘chez l u i , et devant l u i , sans oppo
sition ; on a vu qu’il était également convenu d ’avoir
donné copie, signée de sa main, de son contrat de ma
riage , en exécution de la vente; alors il voulait donc
la v e n l e ; si sa volonté a changé depuis, peut- il espérer
que la cour se prêtera à son inconstance? la loi s’y
oppose; l’art. 171 de la coutume de B o u r b o n n a i s e x i g e
seulement, pour la validité de l’acte, le consentement
du mari.
L ’art. 217 du code Napoléon, au chapitre des droits
et devoirs respectifs des époux, porte, que la f e m m e ,
pour donner ou aliéner, soit à litre onéreux ou lucratif,
n’a besoin que du concours du m a r i , dans l’acte, ou
de son consentement par écrit.
Peut-on prétendre sérieusement ici que la loi ;a été
méconnue; que le mari n’a pas consenti ni concouru
à racle?
N ’e s t - c e pas le cas de dire avec D a r g e n t r é , sur
�l ’art. 465 de la coutume de Bretagne, glose a , n/5
d e r n i e r , qu’il ne sait pas comment on peut soutenir
qu'on n’a pas prêté son autorité ci un acte qu’on a été
en état d’e m p ê c h e r , et qu ’on a approuvé tacitement
p a r son silence ou par sa si gnature ( 1) ?
On a dit, page 41 du mémoire, que le mot autori
sation était s a c r a m e n t e l , qu’il ne pouvait être suppléé
par aucun autre terme.
On vient de voir que le texte de la coutume dé
ainsi que le C o d e , ne parle que du con
sentement; certes les sieur et dame Saint-Héren ne se
Bourbonnais,
présentent pas assez favorablement, pour qu ’on doive
ajouter à la rigueur de la loi.
A u surplus, plusieurs arrêts ont jugé que l’autorisa
tion était tenue pour suffisamment accordée , quand
le mari a été présent à l’acte, et Ta signé. M .B o u li ie r,
sur la coutume de Bourgogne, tome i. er, page 342,
parle de trois arrêts qui l’ont ainsi décidé; cette juris
prudence est fondée sur la plus droite raison, car soit
que l’on pense que l ' a u t o r i s a t i o n du m a r i est requise
comme un droit révérentiel de la part de la fe m m e ,
soit que suivant quelques auteurs, elle ait'pour objet
l’inlérêt du mari, de quelque manière qu’on envisage
la chose, la présence de l'époux satisfait à tout.
Objeciera-t-on que si le sieur Saint-Héren a ap(•1) Prœstalur autoritas aulem aut ver bis , aut facto : nam
sdìam prœsentiam salis esse n egant , et vix e s t , ut probcm in
eo qui aclum impedire p o tu it) et d eb u it, ncc tacendo alterius
capiioni locum. aperire.
H
�prouvé l’acte par son silence, du moins il ne l’a pas
signé?
Il est vrai que le sieur St.-Héren n ’a point apposé
sa signature à l’acte de vénte ; mais il a fait quelque
cliose d’équivalent, en donnant, au sieur Jusseraud,
copie signée de lui, de son contrat de mariage, con
formément à l’une des clauses de l ’acte.
On a dit que celte copie était sans date à la signa
ture,'et. qu’elle né prouvait pas que le sieur St.-Héren
avait eu connaissance de,la vente ; il est impossible d’al
térer la vérité. L e sieur Saint-Héren a déclaré , dans
un acte de procédure en piëmière instance, que la copie
remise au sieur Jusseraud, lui avait été délivrée,en exé
cution d\üne des clauses du contrat de vente. i
>M ais
?i ces faits, qui remontent au temsdu contrat,
sont suffisans.pour écarter toute idée de nullité, il en
est d’autres qui s’y réunissent pour faire cesser la nullité
q u ’on pourrait' Supposer dans l ’acte.
E n effet , o n a v u , p a r l a ' c o n f e s s i o n j u d i c i a i r e d u SieUT
St.* I i é r e n , qu ’il n’a jamais été étranger à tout ce qui
s’est passé; qu ’il a provoqué l’exécution du contrat, en
conduisant le sieur Jusseraud chez ses créanciers, pour
payer ses dettes. , ti r[i
r
Cette exécution emporte ratification, et suffit. 11 ne
s’agit pas ici des principes de ratification dont parle D u
moulin en l’endroit cité, page 46 du m é m oire ; toute
celle théorie porte à faux.
11 faut distinguer les nullités absolues des nullités r e
latives. Quand il y a une nullité absolue, le contrat
�( 53 )
n ’existe pas; il faut une ratification, la fo rm a spéciale et
dispositivay c’est-à-dire, un nouveau contrai ; et c ’est
la question qui occupe Dumoulin au lieu invoqué.
Quand il y a nullité simplement relative, l ’exécu
tion ou la ratification couvrent le vice du contrat. Ce
que Dumoulin appelle ratifier La f o r m a c o m m u a i.
O r , le défaut d’autorisation de la femme forme-t-il
une nullité relative ou absolue?
I l n’y a point de doute que cette nullité ne soit que
r e l a t i v e : elle n’est introduite qu’en faveur de la fe m m e ,
car si elle juge son engagement avantageux, ceux qui
ont contracté avec elle ne peuvent opposer cette nullité.
C ’est l’avis de M. A u ro u x , art. 1 7 1 , n.° 2 5 ; et le pré
sident D u r e t , au mot de cet article : c o n t r a t s n e
v a l e n t , ajoute : E x uao latere, nam qui cum illis coatrahit illis obligatus est, illos autem sibi aoa oblig a ta isi
siat locupletiores. L ’art. 225 du code Napoléon, nous
enseigne aussi que le défaut d’autorisation ne peuf être
que par la f e m m e , le mari ou ses héritiers.
Ce n’est donc pas une n u l l i t é a b s o l u e , mais s i m p l e m e n t
relative à certaines personnes; dès-lors, pour effacer
la nullité, il n’est pas nécessaire d’un contrat : il suffit
opposé
de la confirmation de l’exécution de la pari de celui
qui pouvait attaquer l’acle.
Ecartons donc tout ce que l’on a dit au mémoire sur
la nécessité d’une nouvelle vente, revêtue !de toutes
les formes voulues par la coutume, s’agissantiseulement
d ’un vice relatif; les divers actes d’approbation du sieur
Sainl-LIéren, ont effacé la nullité. O r, nous avons vu
combien sont nombreux ces actes approbatifs.
�(
5
4
}
D ’ailleurs, quand on serait réduit, pour seule res
source, à l’exécution résultante de l’emploi des deniers;
les premiers juges ont pensé avec raison que cette
circonstance unique ferait rejeter la demande des sieur
et dame Saint-Héren.
Leur opinion est appuyée sur le £.e §. de l’art. i 338
du code, ainsi conçu : « A défaut de confirmation ou
«■ratification, il suffit que l’obligation soit exécutée vo
ir lontairemënt aprèâ l’époque à laquelle l’obligation
« pouvait être valablement confirmée et ratifiée ».
Ici l’exécution volontaire des sieur et dame SaintHéren ne peut être équivoque, ils en font l’aveu formel.
* Ajoutons à c e 'q u e nous venons de dire, que dans
l ’hypothèse même où l’on considérerait comme dotaux
tous les biens de la dame Saint-Héren, il se présente
rait un nouveau moyen pour écarter l'action du mari.
Nous avons vu que les taillis étaient fruits ; or les
fruits^ si le fonds était dotal, a p p a r t e n a i e n t a u s i e u r
S a i u l - H é r e n t ; e t l a d a m é S a i n t - H é r e n , en contractant
seule, vendait la chose d’aulrui : mais la vente de la
chose d’autrui est valable lorsque le propriétaire l’ap
prouve. O r, le sieur St.-Héren a approuvé cette vente;
il s’est approprié le contrat en l’exécutant et en en rece
vant le prix : il ne peut être admis
à s’ e n
plaindre.
Ainsi, en réduisant l’aflaire à sa plus simple expres
sion , ou les objets vendus étaient des fruits de biens
parapliernauxy ou des fruits de biens dotaux.
Si c’étaient des fruits de biens paraphernaux , l a .
femme a pu les vendre sans son mari.
�( 55 )
Eût-elle dû même être autorisée, la loi exige seu
lement le consentement du mari, ou son concours dans
l ’acte. Ici il y a consentement du sieur Saint-H éren,
puisqu'il a été présent ¿1 l ’acte ; il y a concouru en
donnant copie du contrat de mariage.
Considérât - on cette autorisation comme insuffi
sante? Alors la vente, nulle dans son origine , serait de
venue valable par l’exécution qu’elle a reçue.
D ’un autre côté, si les taillis vendus étaient dotaux,
ils appartenaient au mari, comme propriétaire des re
venus de la dot. La femme aurait aliéné la chose comme
mandataire; mais le mari propriétaire a connu la vente,
l ’a e x é c u t é e , a profité sciemment du prix. Il aurait
donc ainsi virtuellement et même directement approuvé
l ’acte de son mandataire? Il ne pourrait être admis à
s’en plaindre.
L e sieur Jusseraud attend donc avec sécurité l’arrêt
de la cour; il se flatte de n’avoir rien proposé qui ne
soit à la fois équitable et fondé : il s’ est défendu avec
calme; o n l u i eût p a r d o n n é sans d o u t e m o i n s d e m o
dération ; car c ’est lui qui a vraiment à se plaindre.
Que les sieur et dame Saint-Héren t cessent un ins
tant d’oublier ce qui s’est passé à l’époque de la vente;
ce qui s’est passé pendant quatre années de relations
amicales. L e sieur Jusseraud ne voudrait d’autre juge
que leur propre conscience, dégagée de ces désirs de cu
pidité qui dessèchent tout; alors, revenus l’un et l’autre
à des sentimens d’équité et de morale, ils respecteraient
leurs engagemens; ils craindraient sur-tout de ternir,
�( 56 )
!>k0
par une injustice, un nom qui rappelle de si touchans
souvenirs.
Mais ce que le sieur Jusseraud ne peut obtenir des
sieur et dame Saint-H éren, il l’obtiendra de la cour,
dont la raison supérieure fait chaque jour une si sage
application des règles du juste e t de l’injuste. '
•
/
t
J U S S E R A U D F i l s , avocat.
«
V E R N I È R E avoué-licencié. -
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D E L ’IM P R IM E R IE D U P A L A I S , CHEZ J .-C . S A L L E S .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Jusseraud, Taurin. 1807?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jusseraud fils
Vernière
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
émigrés
coupe de bois
autorité maritale
biens paraphernaux
biens dotaux
coutume d'Auvergne
réserve héréditaire
doctrine
capacité de la femme mariée
ventes consenties
dot
ordre de Malte
ventes
affichage
enchères
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour le sieur Jusseraud, intimé ; contre les sieur et dame Saint-Héren, appelans.
Table Godemel : Autorisation : la nullité résultant du défaut d’autorisation de la femme par son mari, est-elle une nullité simplement relative, qui peut être couverte pas les approbations et l’acquiescement du mari ? Bois taillis : la vente d’une coupe de bois taillis en maturité est-elle une vente mobilière ? Contrat de mariage : 4. une convention de contrat de mariage portant soumission au droit écrit pour le surplus des biens présents et à venir, est-elle une création de biens extra dotaux ou paraphernaux, et habilite-t-elle la femme mariée à jouir seule des biens ainsi soumis au droit écrit, quelque part qu’ils soient situés, même dans la ci-devant coutume du Bourbonnais ? la nullité résultant du défaut d’autorisation de la femme par son mari, est-elle une nullité simplement relative, qui peut être couverte par les approbations et l’acquiescement du mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1807
1777-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
56 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1915
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1917
BCU_Factums_G1913
BCU_Factums_G1914
BCU_Factums_G1916
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53367/BCU_Factums_G1915.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Courpière (63125)
Riom (63300)
Vendat (03304)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
affichage
autorité maritale
biens dotaux
biens paraphernaux
capacité de la femme mariée
contrats de mariage
Coupe de bois
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
doctrine
dot
émigrés
enchères
ordre de Malte
réserve héréditaire
ventes
ventes consenties
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53368/BCU_Factums_G1916.pdf
8e6bd9d1b7ce4d309456bcc6a5d3e12c
PDF Text
Text
C ~ -X ^ Q .
A -*-
t-4
c '~- < * - e ^ c ^ u - ' *
CONCLUSIONS MOTIVÉES,
i*i
POUR
Les
sieur et dame DE SAINT - H E R E M ?
•■
j
appelans; " , t
C'■<<VC O N T R E
j ;••I
r•
Le sieur J U S S E R A UD
A
CE
QU’IL
' A ttendu que
bonnais
P L A IS E
par
A
l’article 2
LÀ
35
intimé.
C O U R ,
de la coutume de Bour
le mari a le gouvernement et l’administration
des héritages et pos sessions de sa femme , le mariage
durant, et est seigneur des b iens meubles, fruits et re
venus appartenans à sa fe mm e
- 1 Atten d u que par l'article 1 7 1 c o n t r a t de vendition,
donation qu ittan ce et autres actes faits par la femme
A
�Π2 ) '
mariée sms le consentement ( Aikoj'isirtiftn } du m ari, ne
vident; ''-r
-■"*
\
Que cet'article est conçu en ternies^irritans et prohi
bitifs;
Attendu que d’après l’article 8 du titre 14 de la cou
tume d’A u vergn e , tous les biens que la femme a au
temps du,contrat de mariage et des fiançailles, sont éga
lent era.t^éjpuiéij dotaux /¡à
pon$tijjition
particulière de d o t , ou stipulation de paraphernalité ;
Que le père de la dame dp. i*aint-Hérem étoit décédé
à l’époque de son contrat de mariage ;
T
Attei>^u que_ppr A r t i c l e i^ .r d u contrat de jcniiriage,,
la dame de Saint-H érem
sVst
constitué tous ses droits;
•
*1c\ . ;£r£»
que ce qui suit, à sa v o ir ‘en ïcè somme de 70000f r a n c s ,
n’est qu’explicatif et non restrictif;
Attendu qu’on ne p e iit'in d u ire , ni de cet article, ni
de l’article 8 du contrat de m ariage, ni constitution par
ticulière de < ot /-ni' stipula t'idn ex-pressé de paraplier-
3
nalité ;
Attendu subsidiaire ment que quand la C our pen$eroit que l’article: i£r. du çontrat dpqmariagç çqntient
constitution particulière de d o t , la disposition de l’ar
ticle S du litr e ’ 14 de! lai coytiUifleiçl’A u y q rg n e , qui <?$pute
en ce icns.iles AUtces ibitms^derla fei|nmc ,paraphernauxj
form emn statut réel , borné a u ïterriio ire, çtjqu^.pc peut
s’étendre aux. bienajsitué& dliusjlaiCQvUüQîe i}ej.J3oy,vbflp-;
nais, qui ne reconnoît point cette flajipFfi <Jp ,i|icn ^ no7
, A ttendu que la .stipulfltipnl jiifone çxppç^e, j^ .jp / r a phcnnaliüé, à supposer qut oa;p M » $ s p d p
M PJr
�(3)
»iène partie dé l’article 8 du> contrat.de mariage , ne
poùrroit avoir effet sur les biens situés en coutume de
Bourbonnais,,contre là disposition prohibitive et irritante
dex l’article 1 7 1 ; qu’à^ la vérité les contrat's-J de-mariage
sont susceptibles de toutës»sortes"de clauses, mois non
lorsque la) coutume défend , parce que pour exécuter un
acte iL fa ut deux choses-, ei?qu?il soit consenti pai? une per
sonne capable 'en clie-même,- eti que 1# coütumei duilieuj
ou lès biens sont situés ne s’ÿ oppose: pas ; r *"
;f
,
: Qu’iliest absurde de prétendre que l6;statut n’est' point
prohibitif; contrats de venditionfwe valent $ 1
A tte n d u , quant à - l’objection que la coupe-des bois
taillis est meuble,v que les meubles suivent' la loi du do
m icile, etipar'conséqucnt le statut deda coutume d’A u
vergne , domicile de-la dame de Saint-Hérem ;
;
Q u ’à ila vérité une coupe de bois taillis peut être"mobiliaire-, parce1qu’elle: tend ad\aliqnidm obile ,1 qu’elle a trait à Un tempstoir panila coupecles'bois seront détachés
du.fonds; mais' qu’il s’agit ici. de savoir*, non quel peut
être reflet de la vente ^commèntrelle’peût ótre c o n s id é r é e ,
mais de savoir qui a droit 'de vendre, qui a droit de
détacher les arbres dui fondst; ce qui est nécessairement
attaché'àda nature du fonds!, comme les arbres'eux-mêmés
y sont attachés ; que; ltorrctd u 19) vendémiaire an 1 4 ;
rapporté par Sirev ,1 qu’ont oppose, ne reçoit aucune ap
plication';
1 , !
"•
/
Attendu que la distinction; que les premiers juges ont
voulu faire entiie lés revenue et la propriété est chiméA 2
�( 4:)
riqu.e; qu’il est inconciliable, comme l’observe M . Cha-,
b r o l, que la Jem m e puisse jo u ir comme d’un bien
a vent i f , d’un bien dont elle nepéut disposer que comme
d un bien dota h; et, que lé .ma ri , sans üequel.'\eïïé\né:
peut vendre, n'ait pas le droit de jouir;', v : v u
Que c’est ne suivre , ni la coutiime d’A u v e r g n e , ni!
la coutume dé Bourbonnais ; que si on veut suivx-e la
coutume d ’A u ve rgn e , la femme a Je droit de disposer
de la propriété comme des revenus; que si on veut suivi*e>
la coutume de Bourbonnais, les revenus appartiennent au
m ari, et la femme n’a pas le droit d’en disposer ;
.
Que dans la coutume de Bourbonnais, la fem m e, au
sentiment d’A u r o u x , peut stipuler qu’elle disposera de
ses,revenus; qu’on y admet les séparations contractuelles :
mais qu’alors le contrat de mariage contient une autori
sation ou une procuration générale du mari ;
Que ces autorisations et procurations générales ne sont
même admises que pour la jouissance, et non pour, tout
ce qui excède les bornés d’une simple a d m in is tr a tio n ;
Maïs qu’ulors la fuirtme agit toujours d’après l’autOl’isation et le pouvoir du mari ; ce qui ne heurte point la
disposition de l’art. 171 de la coutume de Bourbonnais;
Que ces séparations contractuelles ainsi modifiées,
n’ont rien de commun avec la stipulation de paraphernalité , telle' qu’elle est admise dans les pays de droit
écrit et dans quelques coutumes q u i ont suivi en cela
le droit éc rit, laquelle rend la iemme entièrement indé
pendante pour la propriété comme pour les revenus ;
Que les séparations contractuelles ne sont même ad
mises, comme plusieurs auteurs eu font l’observation,
�J4 S
. ( 5' }
que lorsqu’il y a exclusion de communauté ; et la raison
en est sensible, parce qu’en cas de communauté les
fruits des propres des conjoints tombent dans la commu
nauté, dont le mari est le maître ,' ' ••
Que la dame de Saint-IIérem ne pouvant avoir droit
de percevoir les r e v e n u s que par suite, par conséquence
de la p a r a p h e r n a li t é , s’il n’y a point de parapliernalité ,
elle ne p e u t y avoir droit;
'
— ' r'
Q u e les revenus ne peuvent être paraphernaux si le
fonds ne l’est pas ;
!
- >iQu il est enjîn inconciliable , comme l’observe M. Cha
b ro l, que la femme puisse jouir'; comme d'un bien
açentif , d’un bien dont elle ne peut disposer que comme
d'un bien dotal ;
- k’
Q u’on ne peut diviser la clause ; qu’elle doit avoir son
effet pour le to u t, ou n’en avoir aucun; ;
i¡.cf
Q u’on ne peut convertir la clause en une autre pour,
lui donner quelque effet*,
T ' ¡
. . n
Que lors de la sentence de la sénéchaussée, rapportée
par M . C h ab rol, on convenoit bien q u e ‘la femme ne
pouvoit aliéner; on se bornoit à soutenir.qu’elle pouvoit
disposer des revenus ; qu’on n’y eut point égard y ’-u \r
••
T
#
• •
*4
Attendu que la vente dont il s’agit n’est pas une simple
disposition de revenus; que la dame de Saint-lié rem a
excédé les bornes d’une simple administi^lion:; 'io-f o'
Que la daine de Saint-Ilérem , e n : accordant dix ans
pour l’exploitation de la coupe, a effectivement vendu
deux coupes au lieu d’une; que la vente de lar seconde
A 3
�(6)
coupe par anticipation est évidemment une aliénation du
fonds ;
-:Que la dame de Saint - Hérem par l’acte a affecté et
hypothéqué spécialement la propriété et très-fonds des
dits, bais ;
Que toutes les lois mettent l’hypothèque au rang des
aliénations ;
Q ue l’article 217 du Gode défend à la femme de
v e n d r e , aliéner et hypothéquer sans le concours du mari
dans l’acte, ou son consentement par écrit;
av
A tten du que le sieur Jusseraud convient que la somme
de 70000 francs, et par conséquent les fonds représen
tatifs d’icelle, sont dotaux à la dame de Saint-Hérem ;
qu’iL n ’y a que le surplus qui sortiroit nature de Lien
paraphernal ; que sur les fonds expédiés à la dame de
Saint-Hérem par L’arrêté du département, du 1 prairial
an 7 , montant à io oxo o francs, il n’y auroit de para
phernal que jusqu’à concurrence de 30100 francs ;
_A.ttendu que Ica hais taillis dont la dame de Saint—
H érem a rendu la coupe sont portés par le même a rrêté,
5
d’après- le rapport des experts, savoir, le bois. Brissat
à
oo f r . , le bois appelé grand Cachet à 20000 f r . , et
Id bois appelé Coutagnou a 20000 fr. ; total 46500 fr. ;
Q u e la dame de Saint-Hérem , en vendant la coupe de
ces trois bois , a excédé ses biens pai'nphernaux ;
n Q ue ld vente'a été faite unico pretio;
65
Attendu que la circonstance que le sieur de Saint-
�M l.
7
_( j
Hérem auroit eu connoissance des affiches posées pour
parvenir à la ven te, qu’il auroit été instruit du projet
de la v e n te , ne peuvent suppléer au défaut d’autori
sation ;
.
..
/
Que sa présence , sa signature même qu’il auroit
apposée au co n tra t, ne peuvent y suppléer , ainsi que
l’observe A u ro u x sur le même article 171 ;
Attendu que d’après même l’article 217 du C o d e , la
f e m m e , même non com m une, où séparée d e bieps ne
peut v e n d r e , alién er, hypothéquer y acquérir à titre
gratuit ou onéreux, sans le concours du m ari dans Pacte,
ou son consentement par écrit ;
—
Que le concours du mari doit être dans Tacte-même,
ou son consentement donné par écrit;
Que la présence , le défaut d’opposition A la passation
de l’acte ne suffisent donc pas;
Que l’emploi des deniers ne peut servir, comme dans
le cas d’une vente de biens de mineurs qui seroit faite
sans formalités de justice , qu’A assurer la répétition des
d e n i e r s j ustifiés avoir été utilement em ployés, et non
à valider la vente;
Attendu que loin qu’il en résulte un moyen en faveur
du sieur Jusscraud, il en résulte un moyen de nullité
de plus; que le sieur Jusseraud convient, page 49 de son
m ém oire, que partie a été employée à payer des dettes
personnelles au m ari, et que l’article 9 du titre 14 de
la coutume d’A u v e rg n e , qui permet à la femme de dis
poser de ses biens paraphernaux, et l’en re n d dame et
maîtresse, ajoute : F o r s et e x c e p t é au p r o ft du m ari,
ou de ceux à qu i le m ari peut et doit succéder ,*
A 4
�(8)
Attendu , quant au x prétendus actes approbatifs , et
à la fin de non-recevoir qu'on veut en fa ir e résulter ,
que la vente est attaquée tant par la dame que par le
sieur de Saint-Hérem ;
A tte n d u , relativement à la dame de Saint-H érem ,
qu’on ne peut alléguer aucun acte approbatif de sa part;
Que quand il en existeroit, cet acte approbatif, sans
l ’autorisation du mari, seroit infecté du même vice que
la vente elle-même ;
Q u ’on ne peut non plus, pour écarter sa réclamation,
opposer aucun acte approbatif du m ari;
Que Vautorisation même subséquente du m a r i, et à
plus forte raison de simples actes approbatifs , ne peuvent
valider la vente ;
Q u ’il faudroit que la femme fût intervenue elle-mènle
dans ces actes approbatifs; qu’autrement il dépendroit du
mari de l’o b liger, ex post fa c to , et sans elle;
Attendu que la vente faite par la femme sans l'auto
risation du mari étant essentiellement n u lle , n’ayant pu
produire aucun engagem ent, il auroit fa llu , non de
simples actes approbatifs, mais une nouvelle vente revêtue
de toutes ses formes ( i ) ;
(1) L e sieur Jusseraïul convien t, page 62 de son m é m o ire , que
quand il y a une nullité absolue, le contrat n ’existe pas; qu’il faut
une ratification iu fo r m a sp ecia li e t dispos itivâ , c ’est à-dire, un
nouveau contrat. C ’e s t, d it-il, la distinction entre les nullités
absolues et les nullités relatives ; et par nullités absolues il en
tend celles qui anuullent l’acte pour toutes les parties contrac-
�(9)
Attendu, relativement au sieur de Saini-JJércni , et
si on juge que la coupe des bois taillis dont s’ agit J a it
tantes, e x utroque la ter e, et par nullités relatives celles qui ne
vicient l’acte que e x uno latere : il met au rang de celles ci le
défaut d’autorisation, q u i, d’après l’article 225 du Code N apo
léon , ne peut être opposé que par la f e m m e , le mari ou ses
héritiers. C e l a est vrai depuis le Code , mais avant ce n’étoit
pas ainsi; on tenoit pour constant que le contrat étoit n u l,
aut ant pour un contractant que pour l’autre ; que la femme
n’obligeoit pas plus ceux qui contractoient avec elle qu’elle ne
s’obligeoit elle-même, à la différence du mineur qui n’a voit pas
une incapacité absolue de contracter. C ’est ce que l’crdonnance
de iy3x a consacré bien clairement en principe par l ’article 9 ,
qui déclare que les fe m m e s , même non communes en b ie n s ,
ou séparées de biens par sentence ou par arrêt, ne pourront a c
cepter aucune donation, et par conséquent lier le donateur,
sans être autorisées de leurs m aris, ou par justice à leur refus.
Quant à l’autorité de D u re t, que le sieur Jusseraud oppose , il
écrivoit avant l’ordonnance de 1 7 3 1 , et dans un temps où les
p r i n c i p e s sur l’autorisation n’étoient pas bien fixés. Sans entrer
davantage dans c e t t e <jnestion , il e s t certain du moins que le
c o n t r a t est radicalement nul à l ’égard de la femme ; qu’il ne
produit pour elle aucun engagement; qu'il est nul ab initio. Et
c ’est la distinction que font les auteurs entre les contrats qui
sont nnls ah in ilio , e t u t e x tu n e , et ceux qui sont seulement
dans le cas d’être rescindés, q u i v en iu n t tantum a u n u lla n d i;
distinction qui se confondoit dans la première avant le Code
N a p o l é o n , mais qui n’existe pas moins aujourd’hui, et qui peut
recevoir encore son application en certains c a s , par exemple
pour régler l’ordre d’hjpothèque.
A u ro u x , où le sieur Jusseraud a puisé le pasiage de D u re t,
dit au m ême endroit, n. 26, que la ratification et ïa utorisation
�C10 )
'partie des revenus d o ta u x , que lui seul a voit droit de
vendi-e ;
Attendu qu’il n’est partie, ni dans la vente sous seing
p r iv é , ni dans la vente devant notaires;
Q u ’il ne s’agit pas seulement d’ un contrat n u l, qu’il
n’existe même pas de contrat de sa part;
Que dès-lors les mêmes principes militent; qu’il falloit,
non de simples actes approbatifs , mais une vente revêtue
de toutes ses formes ;
Q u ’il auroit fallu du moins que ces actes approbatifs
eussent été faits doubles, ou passés devant notaires avec
m inute; qu’autrement le contrat auroit manqué par le
défaut de lien récip ro q u e, le sieur Jusseraud n’étant
point lié par ces actes approbatifs qui n’auroient pas été
dans les mains de chacune des parties, et d’un autre côté
n étant point lié par le contrat pansé avec la dame de
Saint-Hérern , non autorisée , le contrat n'étant pas
moins nul à son égard , qu'à l'égard de la dame de
Saint-Hérem ;
qui surviennent depuis les a c te s , ne devroient p a s , dans l’étroite
rigueur, les valider, mais qu’on s’est relâché de cette sévérité,
au témoignage de M. Denis L e b r u n , qui en rapporte quelques
arrêts.
Et nombre 27, il ajoute : L a ratification e t autorisation sub
séquente du m ari ; car il faut que le mari autorise sa femme
en ratifiant le contrat, et la sim ple approbation ne su jjiro itp a s.
Il cite le mémo M. L ebrun , n°. 8.
Il faut donc aussi que la femme soit partie dans la ratification,
puisqu’elle doit être nutorisée.
Pourquoi le sieur Jusseraud n'a-t-il pas cité ce passage?
�( II
)
Attendu qu’il n?existe même aucun acte approbatif;
que le sieur Jusseraud n’argumente que de prétendus
f a it s approbaïifs ;
Que l’article 217 du Code, dont le sieur Jusseraud ar
gumente , exige le concours du mari dans l’acte, ou son
consentement par écrit ;
Que la copie même du contrat de m ariage, de la
remise de laquelle le sieur Jusseraud argumente pour
prouver l’exécution de l’acte, ne dit point à quelles fins
elle a été remise ;
Que cette copie m êm e, que le sieur Jusseraud pou ~
voit retenir en ses m ains , ne forme point un lien réci
proque ;
Q u ’il est absurde de penser que le sieur de Saint-Hérem
puisse être lié , et le sieur Jusseraud ne l ’être pas ;
Que la simple remise de. cette copie n’emporte point
disposition de la part du sieur de Saint-Hérem ; que ce
n’est point la ratification in form a speciali et dispositiçâ
qu’exigent Dumoulin et tous les auteurs;
Que le second paragraphe de l’article 133^
Code
qui porte qu ci d é f a u t de r a t if ic a t io n e t d e c o tifir m a —
lion , il suffit que l'obligation soit exécutée voloT?taireinent, et qui introduit à cet égard un droit nouveau,
ne peut s’entendre que d’une obligation du fa it même
de celui qui exécu te , et non de l’obligation d’un tiers;
Que le Code d’ailleurs est postérieur > et à la vente, et
a u x prétendus faits approbatifs , et qu’il ne peut avoir
d ’effet rétroactif;
Attendu que le sieur Jusseraud , dans le procès verbal
devant le juge de p aix, a déclaré que la veille « authen-
�cc
es
«
«
«
«
«
te
( 12 )
tique, de laquelle seule les sieur et dame de Saint
Hérem avoient parlé dans leur citation , étoit du g
vendémiaire an 10 ; que la vérité est cependant qu’elle
a eu lieu à compter de frimaire an 7 , et que le citoyen
Jusseraud paya , à cette époque , la somme de 17300-fr.,
laquelle somme fut employée en présence du citoyen
Saint-Hérem lui-même à l’acquittement des dettes con
tractées solidairement par le citoyen Saint - Hérem et
« son épouse ; »
Que les payemens et les prétendus actes approbatifs
sont donc antérieurs à lu vente devant notaires ; et que
dans la vente devant notaires, le sieur Jusseraud a encore
traité seul avec la dame de Saint-H érem ; qu’il a écarté
avec soin le m a r i, et dans les quittances, et dans la
vente devant notaires ;
Q u ’il co n v ien t, page 32 de son m é m o ire , qu’il dépendoit de lui d’avoir le consentement du m a r i, et qu’il
l ’a refusé par suite de cette prévention où l’on a été
quelque temps en A u v e r g n e , d’après iVI. C h a b r o l , q u e
l o r s q u ’ il s’ag i s s o i t d e b i e n s a v e n t i f s , la p r é s e n c e dll m a r i
pouvoit donner lieu à la nullité de l’acte;
Q u ’il n’a donc pas voulu du consentement du mari ;
qu’ il n’y a donc jamais eu de contrat entre lui et le mari;
Que tous les actes approbatifs que le mari auroit pu
fa ire , n’ont pu lui attribuer un d ro it, personne ne
pouvant acquérir un droit m a l g r é soi ;
Q u ’il s’est départi encore plus formellement de tous
actes approbatifs, en traitant par la vente devant notaires
avec la dame de Saint-IIérem seule, en faisant quittancer
à la dame de Saint-IIérem seule la somme de 17300'fr. ;
�*3
(
)
f r Que s’il a erré dans le droit, on sait que l’erreur de
droit nuit, error ju ris nocet ,*
,f
Q u’autrement il s’ensuivroit que le sieur Jusseraud
l'eroit paroître, ou mettroit’à l’écart le m a r i , comme il
croiroit convenable à ses intérêts ;
Que le sieur J u s s e r a u d ayant refusé, de son aveu , le
consentement, ne peut le faire renaître, ni faire renaître
les actes approbatifs, dont il n’a pas voulu ;
Que le contrat n’aj^ant point été alors formé entre
lui et le sieur de Saint-Hérem , par son refus, il ne peut
le former aujourd’h u i , parce qu’il faudroit que le sieur
de Saint-Hérem eût persisté dans la même intention ;
Donner acte de l’aveu fait par le sieur Jusseraud,
page 32 de son m ém oire, qu’il dépendoit de lui d’avoir
le consentement du m a ri, et qu’il l’a refusé par suite
de cette prévention où l’on a été quelque temps en
A u v e r g n e , que lorsqu’il s’agissoit de biens aventifs, la
présence du mari pouvoit donner lieu à la nullité de
l’acte; ce faisant, dire qu’il a été mal jugé par le juge
ment dont est appel, bien appelé; émendant, décharger
les appela IIS des c o n d a m n a t i o n s c o n t r e e u x p r o n o n c é e s .
Faisant ce que les juges dont est appel auroient dû faire,
déclarer la vente dont il s’agit nulle et de nul effet ;
condamner le sieur Jusseraud à restituer la valeur des
parties de bois qui ont pu être exploitées jusqu’à ce jour;
faire défenses au sieur Jusseraud de continuer l’exploi
tation; le condamner aux dommages et intérêts à dire
d’experts convenus ou nommés d’oflice, sauf à lui tenir
à,compte les sommes, qu’il, peut avoir payées en l’acquit
du sieur de Saint - Ilérem , ou de la dame son épouse,
�( 14 )
et le condamner aux dépens tant des causes principale
que d’a p p e l, même en ceux réservés.
Me. P A G È S - M E I M A C , avocat.
M e. G O U R B E Y R E père.
A R I O M , de l'imprimerie de T hidaud -L a n d r iot , imprimeur
de la Cour d’appel. — Janvier 1809.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Saint-Hérem. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
émigrés
coupe de bois
autorité maritale
biens paraphernaux
biens dotaux
coutume d'Auvergne
réserve héréditaire
doctrine
capacité de la femme mariée
ventes consenties
dot
ordre de Malte
ventes
affichage
enchères
conflit de coutumes
Description
An account of the resource
Titre complet : Conclusions motivées, pour les sieur et dame de Saint-Hérem, appelans ; contre le sieur Jusseraud, intimé.
Table Godemel : Autorisation : la nullité résultant du défaut d’autorisation de la femme par son mari, est-elle une nullité simplement relative, qui peut être couverte pas les approbations et l’acquiescement du mari ? Bois taillis : la vente d’une coupe de bois taillis en maturité est-elle une vente mobilière ? Contrat de mariage : 4. une convention de contrat de mariage portant soumission au droit écrit pour le surplus des biens présents et à venir, est-elle une création de biens extra dotaux ou paraphernaux, et habilite-t-elle la femme mariée à jouir seule des biens ainsi soumis au droit écrit, quelque part qu’ils soient situés, même dans la ci-devant coutume du Bourbonnais ? la nullité résultant du défaut d’autorisation de la femme par son mari, est-elle une nullité simplement relative, qui peut être couverte par les approbations et l’acquiescement du mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1777-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1916
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1917
BCU_Factums_G1913
BCU_Factums_G1914
BCU_Factums_G1915
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53368/BCU_Factums_G1916.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Courpière (63125)
Riom (63300)
Vendat (03304)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
affichage
autorité maritale
biens dotaux
biens paraphernaux
capacité de la femme mariée
conflit de coutumes
contrats de mariage
Coupe de bois
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
doctrine
dot
émigrés
enchères
ordre de Malte
réserve héréditaire
ventes
ventes consenties
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53369/BCU_Factums_G1917.pdf
8f549fa976947dcadfb89938989b5c02
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Text
ADDITION DE CONCLUSIONS,
POUR
Les sieur et dame DE S A I N T - H E R E M ,
appelans ;
C O N T R E
Le sieur J U S S E R A U D
A
ce
qu’il
p l a is e
a
la
intimé.
Co u r ,
Ajoutant aux conclusions ci-devant prises,
Donner acte de l’aveu fait par le sieur Jusseraud,
page 44 du m émoire, que c’est la dame de Saint-Hérem
qui lui proposa ses coupes ; qu’elle et lui se rendirent
dans le cab in et d’un jurisconsulte distingué, que l’acte
fut rédigé et signé dans le cab in et de ce ju risc o n su lte ;
que tout a donc été fait par le conseil de ce juriscon
sulte ;
D e l’aveu par lui f a it, page 32 du m ém o ire, et qui
a été déjà accepté, qu’il n’a point fait paroître le mari,
qu’il ne l’a point fait entrer dans l’acte, par suite de la
prévention où l’on étoit que sa présence pourroit donner
lieu à la nullité;
D e l’aveu par lui fa it, page 47 du même m ém oire,
�( 2 )
que c’est postérieurement à l’acte que le sieur de Saintllé reu i'lu i a remis la copiie du contrat de m ariage;
E t attendu qu’il suit de ces aveux que le sieur de
Saint-IIérem n’a point induit en erreur le sieur Jusseraud ; qu’il ne l’a point engage à contracter, puisqu’il
avoit déjà contracté ;
Q u ’il résulte surtout du second aveu , que c’est le
sieur Jusseraud qui a tout f a it , qui a choisi le mode
de contracter ; que c’est de sa part l’effet d’une mûre
réflexion; que si le jurisconsulte a trop déféré à la jui-isprudence de la sénéchaussée d’A u v e r g n e , s’il a plutôt
consulté cette jurisprudence que la loi, c’est un malheur;
Attendu que quand même la dame de Sain t-H érem
auroit pris partout la qualité de maîtresse de ses biens
parapliernaux, quand même le mari auroit souffert qu’elle
prît cette qualité, quand même il la lui auroit donnée
l u i - m ê m e , cela n’excuseroit point le sieur Jusseraud;
que le sieur Jusseraud ne devoit pas ignorer que la paraphernalité ne pouvoit s’étendre à la coutume de Bour
bonnais ; qu’on ne pouvoit m ê m e , par co n tra t de m a
r ia g e , déroger aux term es p ro h ib itifs de la coutum e;
Attendu, si ou objecte, que s i le sieur de Saint-llérern
n’a point induit en erreur le sieur Ju ssera u d , il a du
moins partagé la môme opinion; que Terreur de droit
seroit alors commune ; que l’erreur de droit ne nuit
point in darnnis amittendcu rei suce ;
Attendu qu’on ne peut pas dire que la femme a été
le mandataire du m ari; que c’est le sieur Jusseraud qui
au contraire a cherché
écarter le inari, qui n ’a point
voulu traiter avec le mari ;
�( 3 )
Q u ’il a à s’imputer de n’avoir pas fait ce qu’il pouvoit
faire, et d’avoir fait ce qu’il ne pouvoit pas faire;
Attendu que dans la vente devant notaires, et posté
rieurement 11 tous les prétendus fa its approbatifs ( i) ,
le sieur Jusseraud a persisté à traiter avec la femme
seule, par suite de la même précaution qu’il croyoit
devoir prendre;
E t qu’il n’est pas tolérable, que les magistrats n’admet
tront pas, qu’il puisse à son gré se servir ou ne pas se
servir du m ari, le faire paroître ou disparoître, et se
rendre maître de sa cause ;
(x) Le jugement dont est a p p el, dans les motifs , après avoir
dit que la somme de 17000 francs, quittancée dans la vente
devant notaires, a été employée au payement de dettes person
nelles , soit au m ari, soit à la femme , ajoute que le sieur de
Saint-Hérem a reconnu avoir eu connoissance que le surplus du
prix de la vente a été également employé à payer des dettes
personnelles , ou communes à lui et à son épouse. Le sieur
Jusseraud, qui a bien compris que la simple circonstance que
le sieur de Saint-Hérem auroit été instruit, du payement, ne
p o u v o it suffire, a m is, dans les laits , que le surplus du prix
de la vente a été em ployé, élu constvticrnemt. Il y a eu opposi
tion aux qualités. Il faut donc s’attacher à ce que porte l’attendu
du ju g e m e n t. Et comment le payement du surplus du prix do
la vente auroit-il été fait du consentement du sieur de SaintIIérem? La demande en nullité est de l’an 12, et le surplus du
prix n’étoit payable qu’en l’an 14. Le terme et les payemens sont
postérieurs.
L e lien civil ne consiste pas seulement dans Tobligation con
sensuelle iles contractons ; il consiste' de plus dans le droit trèsréel d'employer l'autorité de la justice et des tribunaux pour
�(4 )
Et par les motifs précédemment imprimés,
Adjuger aux exposans les conclusions par eux ci-devant
prises, avec dépens.
le fa ir e exécuter. Vinculum juris quo necessitate adstringimur
ad dandum aliquid v e l fa c iendum. ( Consultation de Tronchet,
dans la cause du sieur Daudin. )
S i , aux termes de l’art. 217 du Code, il faut le consentement
du mari par écrit, lorsque la femme traite de sa chose propre,
à plus forte raison lorsqu’elle traite de ce qui ne lui appartient
pas, de la chose du mari.
L e sieur Jusseraud est réduit à de simples faits; car il n’existe
point d’acte.
Ces prétendus faits sur lesquels il pouvoit garder le silen ce,
qu’il pouvoit taire ou désavouer, ont-ils pu former un lien réci
proque ?
L ’aveu que le sieur de Saint-Herem a fait depuis à l’audience,
et qui n’auroit pu être un titre pour lu i, peut-il en être un pour
le sieur Jusseraud?
L ’aveu d’une des parties, en matière de contrat synallagma
tiq u e, peut-il être considéré ?
Et si on ajoute que le sieur Jusseraud déclare avoir écarté le
mari de tous le s a c t e s q u e l droit peut-il en tirer ?
Peut-il argumenter d’une ratification tacite, lorsqu’il n’a pas
voulu d’une ratification expresse? Et c ’est lui qui le dit!
Me. P A G È S - M E I M A C ,
avocat.
Me. G O U R B E Y R E père.
A R I O M , de l’imprimerie de T hibaud-L andriot , imprimeur
de la Cour d’appel. — Janvier 1809.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Saint-Hérem. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Gourbeyre père
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
émigrés
coupe de bois
autorité maritale
biens paraphernaux
biens dotaux
coutume d'Auvergne
réserve héréditaire
doctrine
capacité de la femme mariée
ventes consenties
dot
ordre de Malte
ventes
affichage
enchères
conflit de coutumes
Description
An account of the resource
Titre complet : Addition de conclusions, pour les sieur et dame de Saint-Hérem, appelans ; contre le sieur Jusseraud, intimé.
Table Godemel : Autorisation : la nullité résultant du défaut d’autorisation de la femme par son mari, est-elle une nullité simplement relative, qui peut être couverte pas les approbations et l’acquiescement du mari ? Bois taillis : la vente d’une coupe de bois taillis en maturité est-elle une vente mobilière ? Contrat de mariage : 4. une convention de contrat de mariage portant soumission au droit écrit pour le surplus des biens présents et à venir, est-elle une création de biens extra dotaux ou paraphernaux, et habilite-t-elle la femme mariée à jouir seule des biens ainsi soumis au droit écrit, quelque part qu’ils soient situés, même dans la ci-devant coutume du Bourbonnais ? la nullité résultant du défaut d’autorisation de la femme par son mari, est-elle une nullité simplement relative, qui peut être couverte par les approbations et l’acquiescement du mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1777-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
4 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1917
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1916
BCU_Factums_G1913
BCU_Factums_G1914
BCU_Factums_G1915
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53369/BCU_Factums_G1917.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Courpière (63125)
Riom (63300)
Vendat (03304)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
affichage
autorité maritale
biens dotaux
biens paraphernaux
capacité de la femme mariée
conflit de coutumes
contrats de mariage
Coupe de bois
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
doctrine
dot
émigrés
enchères
ordre de Malte
réserve héréditaire
ventes
ventes consenties
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53377/BCU_Factums_G2007.pdf
380099e08bd9745bdc5b5d61e4531dcc
PDF Text
Text
MEMOIRE
SUR
LA
D EM AN D E
EN
NULLITÉ
D’UNE VENTE
DE
DONT
LE
BIENS
PRIX
A
É T É
A
d e
l
IN D U M E N T
PAYÉ.
RIOM,
’ i m p r i m e r i e
I M P R I M E U R
DOTAUX,
DE
d e
L A
L A N D RIOT,
COUR
Juillet 1804.
D ’A P P E L ,
s e u l
�MÉMOIRE
P O UR
D am e S u z a n n e D E C H A L U S , veuve en pre
mières noces de F r a n ç o i s D U B O I S D E ST.J U L IE N , et en secondes noces de P i e r r e
D E T O U R N E M 1 R E , h a b it a n t e du lieu du
M o n t , commune de S t .- E ti e n n e - a u x - C la u x ,
canton d’U s s e l, département de la C o r r è z e ,
appelante ;
C O N T R E
,
Le cit. G A Z A R D , propriétaire habitant de la
ville de M urât intimé, et incidemment appelant
,
,
- L ’ a p p e l a n t e , Suzanne de C halus, par s o n prem ier
contrat de mariage avec Dubois de S t.- Ju lie n , s’est cons
titue tous ses biens présens en d o t, à l'exception d’une
A
�(
23
somme de 2,000 francs, qu’elle s’est réservée en paraphernal. P ar le même contrat, elle a donné pouvoir à
son mari de vendre, à la charge que le prix seroit em
ployé à l’acquittement des dettes du mari emportant
hypothèque, à commencer par les plus anciennes et pri
vilégiées.
»
E n vertu de ce p o u v o ir, le mari a vendu à Gazard.
L e prix de la vente a-t-il été employé conformément
¿1 la clause du contrat de m ariage?
S ’il ne l’a point été, la vente doit-elle être maintenue?
Subsidiairement, Gazard ne doit-il pas être condamné du
moins à payer une seconde fois le prix qu’il a indûment
payé par sa propre faute, saut son recours contre la suc
cession de son vendeur?
T e l est le principal objet de la contestation.
FA ITS.
D u mariage de F r a n ç o is - A im é de Chalus et de Ca
therine Danti, sont issues deux filles, Marianne et Suzanne
de Chalus.
Marianne de Chalus s’est mariée la première avec. . .
.............. de Chalus. Mineure i\ l'époque de son mariage,
elle n’a ni donné, ni pu donner pouvoir à son mari de
vendre.
Quoique le mari nYfit pas ce pouvoir, cependant, par
acte du I er. juin 17 7 3 , il vendit, et la dame de Chalus
devenue majeure vendit avec l u i , sous son autorisation,
au citoyen Gazard père de l’ intimé, quelques héritages dé
tachés, moyennant la somnac de 2; 100 irancs. Suzanne de
«
�( 3 )
Chalus, ¿gaiement majeure, et libre alors de ses droils,
est aussi partie dans le contrat; il est dit que la vente a
été consentie solidairement, tant par elle que par sa sœur
et son beau-frère.
L e 4 a o û l 1 7 7 4 , Suzanne de Chalus a contracté mariage
avec. François Dubois de St.-Julien.
Il est essentiel de transcrire ici les clauses du contrat
de mariage.
« E n faveur dudit m ariage, et pour en faciliter les
« charges, la future épouse, est-il dit, maîtresse de ses
« droits et actions, pour n’être sous la puissance de quel« conque, et non fiancée, s’est d’elle-même constituée
« en tous les droits, part et portion héréditaires qui lui
« sont échus par le décès de ses père et m ère, et par
«■ celui de Jean-Baptiste Danti, son oncle maternel: les« quels droits, de quelque nature qu’ils puissent ê tr e ,
« en quoi qu’ils puissent ou doivent consister, et où qu’ils
« soient sis et situés, la demoiselle future épouse donne,
« par ces présentes, plein pouvoir et autorité audit Dubois
« de St.-Julien, son futur m ari, de les rechercher, faire
« partager, vendre, céder, a'iéner, et autrement en traiter
« et transiger à tel prix , clauses et conditions qu’il avi« sera bon être; recevoir et fournir quittance dudit prix
« desdites aliénations ou traités qu’il passera; pour tous
« lesdits actes auxquels le futur époux aura consenti à
« raison desdits biens et droits de la future, valoir et
« sortir le môme cifet que si elle les a voit faits elle-même
« par avant ces présentes.
« A la charge toutefois que sous la réserve et retenue
« de la somme de io,ooo francs, que le futur pourra
A 2
�(
4)
c< recevoir sur les premiers deniers à toucher des biens
« de la future épouse, pour en disposer et faire tel em« ploi que bon lui semblera, et de laquelle dite somme
« de 10,000 francs il déclare faire dès ce jour assiette et
« assignats sur tous ses biens présens et ¿1 v e n ir, pour la
« future y avoir recours , le cas arrivant, tout le surplus
« du susdit prix des susdites aliénations, et autres droits
« mobiliers déjii acquis ci la fu tu r e , seront employés à
« la libération des dettes et créances hypothécaires , à
« commencer par les plus anciennes et privilégiées dudit
« futur époux; à l'effet duquel emploi, ledit fu tu r, faisant
« lesdites aliénations, sera tenu de déléguer le prix d’icelles
« en l’acquit desdites créances auxquelles la future épouse
« demeurera , pour p/us ample sûreté de la restitution
« de sa dot , de plein droit subrogée. »
Et ensuite:
« Nonobstant ce que dessus est d ît, que tous effets
« mobiliers acquis 11 la future épouse seront eni« ployé s à ï acquittement des dettes du fu tu r époux ‘
« cependant il demeure dès tout à l heure autorisé à recc-»
« voir et quittancer , sans aucune indication d'em ploi,
« ceux dépendans et faisant partie de la succession dudit
« sieur Danli son oncle maternel, non excédant la somme
« de io o francs, pour chaque échéance de chacun desdits
« effets, déclarant ledit futur, assigner dès ce jour sur
« toussesdits biens présens et à ven ir, toute somme qu’il
« pourra recevoir desdits effets. »
11 est dit ensuite : « Reconnoît de plus, le futur époux,
« que la future ayant déjà en son pouvoir quelques meubles
« meublans, linge et argenterie provenus de la succession
�. futur-époux se contente
tt dudit Danti ?on onc!e, (lui5 )dit
« de ce que lesdils meubles sont en possession de la future,
« qui sera réputée lui en avoir lait Ja délivrance, le prê
te sent mariage accompli; la bénédiction nuptiale duquel
te tiendra lieudequitfance,sansqu’ilenso:lbesoîn d’autre;
« et déclarent, lesdiles parties, lesdils meubles être en
« valeur de ]a somme de i,9 4 ° fi’ancs.
« Se constitue déplus, est-il ajouté, la future, la somme
« de 1,000 francs, à elle due par Teillard de M u ra l, et
« qui lui est payable, moitié le 12 novembre prochain,
« et le restant le i 5 mai prochain.
ce P lu s, celle de 2,574 francs à elle due par demoiselle
ce Benoît, veuve Chabanon, habitante de la même ville;
îc laquelle somme lui est encore payable, moitié à la St.« Martin d’ hiver, 1 1 novembre prochain, et l’autre moitié
« au même jour de l’année prochaine; desquelles sommes
cc le futur époux se contentant de 1a solvabilité desdits
« débiteurs des sommes dont il s’agit, fait dès ù présent
ce reconnoissance à la future.
« Plus, celle de 300 francs à elle duc par Joseph Pichot j
« Celle de 5oo francs t\ elle due par Gaudilhon 3
ce Celle de i 5 g francs, due par Chareire;
ce Celle de 276 francs, due par llodde ;
ce Celle de 200 francs, due par Catherine Coudère.
ce lleconnoît de plus, le futur, avoir reçu comptant,
ce en espèces de cours, la somme de 5oo francs.
Toutes lesdites sommes, y compris celle de 1,940 fr.,
pour mobilier, revenant à celle de 7.3^4 bvuics.
ce A la suite de ces clauses, la future se réserve tous
les revenus de scs biens, qui étoienl échus, et qui pou-
�• ( 5 )
« Voient lui être dûs, pour en faire elle-même la p é r
it ception, et en disposer ainsi qu’elle aviseroit.
« Elle se réserve encore , en paraphernal, deux créan
ce ces, l’une de 2,000 francs en capital, à prendre sur
« un particulier de Clerm ont, et fautre à prendre sur
un particulier d’Aurîllac. •»
L e fu tu r, de son coté, se constitue tous les biens et
droits qui lui étoient échus par le décès de Jean Dubois
de la M argeride, son père.
Marguerite Gorce, mère du futur, vivoit encore; elle
comparoît au contrat par un fondé de pouvoir.
Ce fondé de p o u v o i r , en vertu de la procuration an
nexée au contrat de mariage, et conformément A la pro
curation, choisit et nomme le futur pour recueillir l’effet
de la donation de moitié des biens présens, faite dans le con
trat de mariage de la mère, tant par le père que par la
m ère, à celui des en fan s à naître qui seroit choisi.
Il est dit ensuite que le fondé de pouvoir fait dona
tion au futur époux de tous biens présens de ladite dame
Gorce , tant en meubles q u ’ immeubles , pour et au nom
de ladite dame.
Se déport , est-il ajouté, en même faveu r dudit fu tu r
époux , de Cusufruit <ie la moitié des biens présens de
ladite dame , tant mobiliers qii'immoblicrs , et même
de la totalité de ses gains nuptiaux, ¿1 la charge d'une
légitime de d ro it, envers les autres frères et sœurs.
Enfin il est constitué à la future, en cas de survie,
un douaire.
Telles sont les clauses du rontrat de mariage.
Dubois de S t .- J u l ie n eut bientôt dissipé la somme
�7
)
de 7,384 francs, qu’il avoit reçue lors du contrat, ou eu
(
argent ou en effets exigibles à des époques très-rapprochées.
Il perçut encore, à différentes fois, sans songer à en
donner em ploi, du cit. d'Anglard, une somme de 14,500 f.
Ces deux sommes étoieut loin de suffire ù sa prodi
galité.
Des biens de la future dép^ndoit le domaine de Landet,
indivis, et h partager par égales portions avec Marianne
de Chalus sa sœur.
L e 1 3 octobre 1 7 7 5 , Dubois de St.-Julien, en vertu
du pouvoir à lui donné par le contrat de mariage, M a
rianne de Chalus, et Chalus son m ari, conjointement
et solidairement, vendirent au cit. Gazard, père de l’in
tim é, ledit domaine de Landet, avec tous les bestiaux,
meubles et outils d’agriculture qui le garnissoient.
L e prix de la vente i'ut fixé à la somme de 36,968 fr.;
savoir, 4,000 francs pour le mobilier, 968 francs pour
épingles, et le surplus pour le domaine; la moitié de la
quelle somme de 36,968 francs, revenant à Dubois do
S t.-Ju lie n , pour la portion de son épouse, formoit la
somme de 18,484 francs.
Sur cette somme de 18,484 francs, il fut payé comptant
celle de 2,884 francs, qui fut perçue par Dubois de St.Ju lie n , sans em ploi; le surplus, c’est-à-dire, la somme
de 1 5,6 oo francs restante, fut stipulée payable, savoir,
3,600 francs à la nocL lors prochaine , aux créanciers ,
est-il dit, dudit S t.-Ju lie n , qui seront par lui indiqués ,
en conformité et suivant les cl mises énoncées en son
contrat de m ariage; et le surplus à raison de 3,000 Francs
par an, à la St.-Martin de chaque année, avec l’intérêt;
�(8 )
nonobstant les termes ; et il est répété que le montant
de ces quatre termes de 3,000 francs chacun, parfaisant
l’entier prix revenant audit Dubois de St.-Julien, seroit
.payé aux créanciers dudit de S t.-Ju lien , sur l'indica■tion qu i en seroit faite p a r ce dernier : le tout aussi,
est-il ajouté, en suivant les clauses énoncées au contrat
^de mariage dudit'de St.-Julien.
Il est dit que les biens sont vendus francs et quittes de
toutes dettes, charges et hypothèques, jusqu’au jour.
L e 1 7 du même mois, quatre jours après, mandement
de Dubois de St.-Julien, d’une somme de 13,000 francs
à payer à Blatin, négociant à C lerm ont, un de ses créan
c i e r s ; et acceptation au bas, de la part de Gazard, à la
date du même jour : l’un et l’autre sous seing privé.
L e lendemain 1 8 , autre mandement, également sous
seing privé, de 1,600 francs à payer au cit. Lamouroux,
Mêm e jo u r, troisième mandement de 1,000 francs à
.payer à R o u x cadet.
-,
Ces mandemens sont également acceptés par Gazard.
On ne se livre dans cc moment u aucunes réflexions
sur la sincérité de la date donnee, et aux mandemens,
et à l’acccptation qui en a été faite par Gazard ; on se
borne à rendre compte des actes, et à les suivre dans l’ordro
de la date qu’ils présentent.
L e 19 du même mois d’octobre, acte entre Dubois de
St.-Julien et le cit. d’A n g la rd , devant notaires.
P ar cet acte, Dubois de St.-Julien fait quittance finale
au cit. d’A n g la rd , des sommes que celui-ci devoit, dès
avant U; mariage, A Suzanne de Chalus, et faisant partie
de ses biens dotaux,
- i:
•i
Dubois
�(9 )
Dubois de St.-Julien déclare avoir reçu depuis son
m ariage, en différentes fois, la somme de 14 ,5 16 francs.
Voici les termes de la quittance :
Fut présent Dubois de St.-Julien, lequel, tant en son
nom propre et p rivé, que comme maître des biens dotaux
■de son épouse, a x’econnu et confesse que lu i, ou la dame
son épouse, ont reçu du sieur d Anglard de Combe, savoir:
la dame de St.-Julien, le 28 septembre 1 7 7 1 , la somme
de 700 francs; le 10 juin 1 7 7 2 , la somme d e .400 francs;
le 25 juillet 1 7 7 3 , la somme de 300 francs; le 20 juillet
de la même année, la somme de 7 francs; le 14 juillet
1 7 7 4 / la somme de 400 francs; et lui dit de St.-Julien,
depuis son mariage avec ladite dame, la somme de 14 ,5 16 fr.
revenant lesdites sommes ensemble, à celle de 17 ,0 16 fr.
L e 16 novembre 1 7 7 6 , arrêté de compte entre Dubois
de St.-Julien et Blatin , par lequel compte Dubois de St.Ju lien se rcconnoît débiteur envers Blatin de la somme
de 13,030 livres 1 1 sous 9 deniers; il paye comptant la
somme de 30 livres 1 1 sous 9 deniers, et il est dit qu’en
payement du surplus, il a présentement délivré audit
Blatin un mandement de 13,000 francs sur G azard,
sous la date du 17 octobre précédent, signé dudit G azard
pour l'accepter, ainsi que l'a déclaré D ubois de St.Ju lien . Blatin accepte ce mandement aux hasards, périls
et risques de Dubois, et se réserve, contre ce dernier,
son recours à défaut de payement.
Il paroît que. Gazard a payé.
Il paroît qu’ il a aussi payé les deux mandemens de
Laniouroux et de Roux,
B
�( 10 )
Il prétend qu’au moyen de ces trois mandémens il s’est
entièrement libéré. Ces inandemens et la somme de 2,884 fr.
payée comptant lors de la vente, font effectivement la
somme totale de 18,484 francs.
i r
II est à observer que partie de la créance de Blatin
étoit purement chirographaire; que la créance de Lamouroux et celle de R ou x étoient également chirographaires.
L ’adversaire en convient : il ne porte lui - même la
créance hypothécaire de Blatin , résultat de différentes
condamnations consulaii-es, qu’à 7,838 francs j il convient
encore que celle de ces créances dont l’hypothèque est la
plus ancienne, ne remonte qu’à 1757.
Ce n’étoit pas assez pour Dubois de St.-Julien d’avoir
vendu le domaine de Landet ; il vendit bientôt après,
par acte du 8 janvier 1 7 7 6 , au cit. T eillard , un autre
domaine appelé le domaine de V e irière , également indi
vis avec Marianne de Chalus, moyennant, pour sa por
tion , la somme de 16,546 francs: il n’est justifié non plus
d’aucun emploi utile de cette somme.
lie 1 3 juin 17 7 7 1 ü perçut, des biens de son épouse,
une somme de 2,600 i r ., pour reste du prix de la charge
de trésorier de France, dont étoit revêtu défunt Danti.
L e 1 1 juillet 1 7 8 4 , après le décès de la m ère, il a
perçu une autre somme de 1,000 francs.
Nul emploi encore de ces deux sommes.
II n’avoit pouvoir, par le contrat de mariage, de dis
poser sans emploi que dune somme de 10,000 francs; et
voilà plus de 60,000 francs perçus sans emploi, ou avec
un emploi chimérique.
�( ” )
P ar le contrat de mariage................................ 7i3^4 fr*
Du cit. d’A n glard ................................................ 14.500
Lors de la vente du domaine de L a n d et.. 2,884
Pour reste du prix de cette vente..................iô,6oo
D e Teillard............................................................ 16,646
P our reste du prix de la charge..................... 2,600
Des droits de la mère......................................... 1,000
T o t a l .......................................................6 0 5 1 4 fr.
C’est ainsi que Dubois de S t.-Ju lie n a disposé arbi
trairement de la dot de sa femme, au mépris des clauses
du contrat de mariage.
Marianne de Chalus, quoiqu’elle n’eût pas donné le
même pou voir, n’avoit pas été plus heureuse ; ses biens
n’avoient pas moins été aliénés.
Devenue, la première , maîtresse de ses droits, par le
décès de son m a r i, elle a réclamé la première, et contre
la vente du 1 3 octobre 17 7 6 , et contre celle du 1 er. juin
I 7 7 3 '
Sur la demande en désistement, Gazard transigea par
acte du 7 mai 1 7 8 7 , 0 1 il obtint la ratification des deux
ventes, moyennant la somme de 5,600 francs, qu’il donna
pour plus-value.
’
Cependant Dubois de St.-Julien ajoutoit toujours de
nouvelles dettes aux anciennes : la dame de St.-Julien se vit
obligée de demander sa séparation de biens.Cette séparation
fut prononcée par sentence de la sénéchaussée de llioin ,
du 1 3 janvier 1789.
En vertu de cette sentence, elle fit, le 2.5 avril suivant,
une saisie -arrêt entre les mains de Gazard fils, héritier
B 2
�institué de son père décédé peu après l’acte de 1 7 8 7 ,
de tout ce qu’il pouvoit devoir du prix de la vente,
sans cependant, est-il dit, Vapprouver. Elle le fit citer
en même temps pour faire sa déclaration ailirmative sur
ladite saisie-arrêt. •
Gazard fds fit signifier des exceptions dans lesquelles
il dit que la demande de la dame de S t.- Ju lie n étoit
contradictoire5 qu’il impliquoit de demander le prix de
la vente, et de se réserver de l’attaquer; qu’il falloit qu’elle
s’expliquât.
E n cet état, et le 30 mai de la même année, Dubois
de St.-Julien est décédé, laissant de son mariage une fille
u n iq u e, Jeanne D u b ois, encore mineure. L a dame de
St.-Julien fut nommée tutrice; elle a géré en cette qua
lité jusqu'en 17 9 1 .
Son premier soin fut de faire procéder à l’apposition
des scellés et à l'inventaire.
Ce soin rem p li, elle s’occupa de recouvrer ses propres
biens, sa dot si légèrement dissipée par son m a ri; elle
reprit l’instance contre Gazard fils.
L e 6 août 17 8 9 , elle présenta requête par laquelle elle
conclut à ce que Gazard fût condamné à lui rapporter
quiltanccs contenant subrogation ¿\ son profit, de la part
des créanciers hypothécaires les plus anciens, jusqu’A con
currence de la somme de 18,484 francs; sinon cl faute
de ce, la vente du 1 3 octobre 17 7 5 fût déclarée nulle en
ce qui la concernoil : à ce que Gazard fût condamné à so
désister de la moitié du domaine de Landet, avec restitu
tion des jouissances et des dégradations.
E n 1 7 9 1 , la dame de St.-Julien s’est mariée en secondes
�' *
noces avec Pierre de Tournemire. En même temps le fils
de celui-ci a épousé .Jeanne Dubois.
Dans l’intervalle, les anciens tribunaux ont été sup
p rim és; la dame de Tournemire et son mari ont repris
successivement l’instance au tribunal de district, au tri
bunal civil, et enfin au tribunal d’arrondissement de M urât,
lieu du domicile de Gazard.
E n ce dernier tribunal, Gazard a donné plus de dévelop
pement h sa défense.
Il a justifié des trois mandemens de Blatin, Lam ouroux
et R o u x ; il a soutenu qu’au moyen de ces mandemens
par lui acquittés, et de la somme de 2,884 francs
comptant lors de la vente, il avoit rempli l’entier prix
de la vente.
Il a été plus loin : il a prétendu que loin d’étre débi
teur, et de pouvoir être recherché par la dame de T o u rnemire, celle-ci étoit personnellement débitrice envers lui;
il s’est rendu en conséquence incidemment demandeur.
Il a prétendu que la dame de Tournemire devoit lui
rembourser la somme de 5 ,600 fr. qu’il avoit été obligé
de payer à Marianne de Chalus, par l’acte du 7 mai 17 8 7 ,
pour obtenir la ratification des deux ventes, du i e r juin
1 7 7 3 , et 1 3 octobre
Rt ce, en vertu de la garantie
solidaire promise par elle-m êm e dans la première vente,
et par son mari dans la seconde , eu vertu du pouvoir
qu’elle lui avoit donné de vendre.
Il a exposé qu*il avoit éprouvé différentes demandes
hypothécaires de la part dt s créanciers de Ja succession
Danti, et, par suite, de la dame de T o u r n e m i r e elle-même;
qu’il étoit juste que celle-ci lui remboursât les irais que ces
�demandesliypothécaireslui avoientoccasionés.11 a porté ces
diflérens frais à une somme de 120 liv. 19 sous", d’une part;
75 francs, d’autre ; et 64 livres 5 sous, encore d'autre.
Il a allégué avoir payé une somme de 89 francs pour
arrérages de cens ; une autre somme de 53 francs pour
arrérages''d’une rente-due à un nommé Gàudilhon ; et
i 55 francs pour reste d’impositions des années 1 7 7 3 , 1774
et 1775.
- 1
:
• ! *•
Il a réclamé une somme de i 5 j francs pour un envoi de
toile fait à la dame de Tou rnem ire, dans le temps de son
r
premier mariage. } ' ■
i,; i
Il a exposé enfin ’que la dame veuve Boisset, tante desdites dames deChaluset de Tournem ire, décédée en 17 8 0 ,
avoit, par son testament et par cod ifies, institué scs deux
nièces ses héritières, et avoit en même temps légué à M.
S o lf ie r de Laubrot, en le nommant pour exécuteur testa
mentaire, une somme de 1,400 francs, laquelle s’étoit en
suite , avec les intérêts et frais , élevée à la somme de 1,680
francs ; qu’ il avoit été contraint de payer cette somme, évi
demment à la charge de la dame de T o u rn em ire, et que
celle-ci ne pouvoit se d isp en ser de lui en faire raison.
Il a conclu à la condamnation de ces diverses sommes.
I/objet le plus important étoit la vente du 1 3 octobre
17 7 5 . La discussion s est principalement engagée sur le
mérite de cette vente*.
La daim* de Tournemire a soutenu que les pnyemens
faits ;i Blatin, Roux et Lamouroux , ne remplissoient pas le
vœu deson contrat de mariage; qu’elle n’avoit donné pou
voir de vendre'qu’à la charge, et sous la condition insépa
rable du pouvoir, que le prix seroit emplpyé à’ i acquitte
�( i5 )
ment des dettes du mari les plus anciennes et les plus privi
légiées; que cette clause^étoit d’autant plus de rig u e u r, que
le,,prix devant être employé à acquitter, non ses propres
dettes, mais celles du m ari, il lui importoit d’être subrogée
aux plus anciennes créances, pour ne pas être exposée à
perdre, tout à la fois, la chose et le prix ; que les créances
L a m o u ro u x , R o u x et Blatin étoienL loin d'être les plus an
ciennes; qu’il en existait de beaucoup antérieures; qu’ une
partie même de ces créances Blatin, R o u x , Lam o u ro u x,
était chirographaire.
Quant aux demandes incidentes» elle s’est contentée de
dire que c’ étoient des demandes entièrement distinctes et
séparées, des demandes principales qui devoient être for
mées à domicile, et après citation préalable en conciliation.
Gazard , de son côté, a cherché à justifier, et la vente,
et les payemens par lui faits en conséquence delà vente.
. l i a dit, d’une part, qii’aux termes du contrat de m a
riage, Dubois de S a in t-Ju lie n avoitla liberté de disposer
sans em ploi, sur le prix des aliénations, d’ une somme de
10,000 francs; qu’il a voit pu dès-lors percevoir lui-m êm e,
ou déléguer à tel de ses créanciers que bon lui sembloit, jus
qu’à concurrence delà somme de 10,000 francs ; qu’il im
portoit peu, jusqu’A concurrence de celte somme , que les
créanciers délégués fussent chirographaires ou hypothé
caires, puisqu’il auroit pu même ne pas déléguer; qu’une
pa»tie de la créance de Blatin étoit à la vérité chirographaire, m aisq iù l y avoit 7,838 francs emportant hypothèque ; qu’au surplus il avoit payé à la bonne fo’ , et sur l'in
dication du mari ; et que si le mari n’avoit point indiqué
�( 15)
les créanciers les plus anciens, la femme de voit s’imputer
d’a v o i r choisi un mandataire infidèle.
II a persisté dans ses demandes incidentes. II a soutenu
que ces demandes avoient été régulièrement formées
d’avoué à avoué, et qu’ il n’avoit pas eu besoin de les faire
précéder de conciliation.
L a causé portée à l'audience'des premiers juges, du 14
prairial an g, jugement est intervenu, dont on ne transcrira qu’un des motifs, nécessaire pour l’intelligence mémo
du jugement.
A ttendu, est-il d i t , entre autres motifs au nombre de
vingt contenant le plaidoyer.de Gazard, que Gazard a
payé la somme de 1,680 francs à défunt Sobrier d e L a u lre t,
créance à la charge de Suzanne de Chalus, hypothéquée
sur le domaine de Landet; que la somme de 10,000 francs
payée sans em ploi, celle de 7,838 francs faisant partie de la
créance de Blatin , hypothécaire, et dont l’hypothèquo
remonte 1 7 6 7 , et celle de 1,680 francs payée à Sobrier
de Laubret, forment le prix de la vente, et une somme
de 6 3 4 francs en sus, le tribunal déboule Suzanne de Chalus
de sa demande.
Faisant droit sur les demandes incidentes de Gazard , la
c o n d am n e A payer et rembourser Gazard :
i<\ La somme de 634 livres 2 sous 6 deniers, faisant, avec
celle de 1,045 liv. 17 sous 6 deniers, celle de 1,680 francs,
payée par G a z a r d père, à Sobrier de Laubret ;
2°. Celle de 89 livres 2 sons 6 deniers pour arrérages de
)
ccus;
3°. Celle de i 5 5 francs pour impositions antérieures A la
vente ;
�( *7 )
4 °. Celle de 53 livres 8 sous pour arrérages d’une rente
due à Gaudilhon ;
5°. Celle de 120 livres 19 sous 6 dcriicrs d’une p a r t , 75
livres 1 sou d’autre, 64 livres 5 sous d’autre, pour frais
faits par Gazard, sur les demandes hypothécaires ;
Avec intérêts desdites sommes depuis les demandes qui
en ont été formée?.
Renvoie Gazard à se pourvoir ainsi qu’il avisera pour la
somme de i 5 j francs, pour le prix delà toile fournie par
son père à Suzanne de Chalus.
Condamne Suzanne de Chalus à payer et rembourser à
Gazard la somme qu’il lui en a coûté pour obtenir la ratifi
cation de Marianne de Chalus, des deux contrats de vente
du i er. juin 17 7 3 ? et du 1 3 octobre 1 7 7 5 , suivant la liqui
dation de la somme de 5,630 francs, montant du prix de la
ratification ou frais d'acte','et ce au sou pour franc , sur le
prix desdits déüx actes dé vente ^’ ensemble aux intérêts de
la somme à laquelle se trouvera monter la portion de ladite
somme de 5,630 francs, qui sera déterminée de la manière
ci-dessus, à compter du jour des payemens qui en ont été
faits par Gazard à Marianne de Chalus.
Sur la demande de Gazard en remboursement de ce qu’il
lui en a coûté pour obtenir la ratification de Marianne de
Chalus, du contrat de vénte du domaine de Landet, ainsi
que sur tous les autres chefs de demandes, fins et conclu
sions des parties , les met hors de procès.
Condamne Suzanne de Chalus en tous les dépens faits
tant en la ci-devant sénéchaussée qu'au tribunal de district
de Riorn , tribunal civil du département du Puy-de-Dôme,
et au tribunal de Murât.
C
�( i8 )
L a dame de Tournemire a interjeté appel de ce jugement.
Gazard s’est rendu aussi incidemment appelant ;
1 ° . E n ce q u e le j u g e m e n t d o n t cal a p p e l ne lui a pas
adjugé la somme de 1,680 livres 17 sous 6 deniers, par
lui payée à M. Sobrier de L a u b r e t, exécuteur testamen
taire de la dame veuve Boisset, pour le legs à lui fait;
2°. En ce que le jugement ne lui a pas adjugé l’entière
somme de 5,630 francs, pour l’indemnité payée à Marianne Chalus, par l’acte du 7 mai 17 8 7 , ou frais dudit acte.
Dans cet intervalle , la dame de Tournemire est de
venue veuve une seconde fois par le décès de Pierre de
Tournemire. .
Sur l’appel, en persistant dans les conclusions par elle
prises en première instance, elle a conclu subsidiairementj
attendu qu’en tribunal souverain il faut conclure h toutes
fins, à ce que dans le cas 011 le tribunal feroit quelque diffi
culté de prononcer la nullité de la vente, et de condamner
Gazard au désistement du domaine, il fût condamné à lui
payer le prix de la vente, c’est-à-dire, la somme de 18,484
francs, avec intérêts à compter du jour de la sentence de
séparation, sauf son recours contre la succession de Dubois
de St.-Julien pour la répétition de ce qu’il a indûment payé.
L a cause portée à l’audience du six nivôse dernier, n’a
pu recevoir sa décision. L e tribunal a appointé les parties
au conseil.
Depuis, la dame de Tournemire a présenté à sa fille cl à
son gendre le compte de tutelle, c est-à-dire, des revenus
q u ’elle a perçus, sous la déduction des dépenses. On ima
gine bien que Dubois de Saint-Julien n’a pas laissé de titres
de créances.
�t 19 ^
C’est en cet état que le tribunal a à faire droit, et sur l'ap
pel principal de la dame de Tournem ire, et sur l’appel inci
dent de Gazard.
jlp p el principal de la dame de 'Tournemire.
L a discussion sur cet appel se réduit à cinq questions.
Gazard a-t-il payé valablement jusqu’il concurrence de
la somme de 10,000 francs, disponible sans emploi ?
A-t-il payé valablement, en payant sur l’indication du
mari ?
A-t-il pu et dû connoître s’il existoit des créanciers an
térieurs ?
Existoit-il en effet des créances antérieures ?
L e pouvoir de vendre peut-il être séparé de la condition
sous laquelle il a été donné ?
Telles sont les questions que cette première partie de la
cause présente.
PREM IÈRE
QUESTION.
G azard a-t-il payé valablement jusqu à concurrence de
la somme de 10,000 fr a n c s , disponible sa?is emploi?
On a vu le contrat de mariage. L a future , Suzanne de
Chalus, a donné pouvoir de vendre. Mais comment a-t-elle
donné ce-pouvoir? Elle a augmenté, et en même temps
restreint, le pouvoir légal du mari. Elle l’a augmenté, cil
lui donnant le pouvoir d’aliéner les immeubles, dont la loi
lui interdisoit la disposition. Elle l’a restreint, en lassujétissant ù donner em ploi, moins 10,000 francs, de tous les
C 3
�(
)
deniers provenans tant des droits mobiliers qu’immobi
liers.
Ces 10,000 francs étoient à prendre sur les premiers
deniers. Ils ont été épuisés, et bien au delà , par la somme
de 7,384 francs, reçue lors du contrat de mariage, en
argent ou effets mobiliers, et par la somme de 14,500
francs , perçue du citoyen d’Anglard , en différentes
fois ¡depuis le m ariage , ainsi que la quittance l’énonce.
E t quand on voudroit mettre cette quittance à l’écart,
comme postéi'ieure à la vente notariée , ils seraient tou
jours épuisés par les 7,384 francs perçus lors du contrat
de mariage, et p arles 2,884 francs payés comptant lors
de la v e n te , sans emploi.
Ainsi l’objection tomberoit, au moins pour le surplus.
Ce calcul n’est pas celui de Gazard.
II donne au mari une double latitude de pouvoirs.
II prétend que Dubois avoit, p a r la lo i , la liberté de
disposer, comme il jugeroit à propos, de tous les objets
mobiliers de la fem m e; et, p a r la convention , le droit
de disposer d’une somme de 10,000 francs, sur le prix
des immeubles; que sans cela la femme ne lui auroit fait
aucun avantage; qu'elle auroit diminué au lieu d'étendre
son pouvoir; qu’on ne pouvoit dès-lors imputer sur les
10,000 francs disponibles par la convention, ni les sommes
ou efTets mobiliers qu’il pouvoit avoir x-eçus lors du con
trat de mariage, ni les 14,500 francs reçus du citoyen
d’A n glard , sommes dont la lui lui donnoit la libre et
entière disposition.
Sans doute, d’après la loi, Je mari est maître absolu
des droits mobiliers, des actions mobilières et possessoires
�2u
(
)
de la femme. Mais on sait aussi que les contrats de mariage
sont susceptibles de toutes sortes de clauses. C ’est principa
lement dans ces actes , les plus favorables de la société,
que la disposition des parties fait cesser celle de la loi. L a
femme majeure et libre p eu t, contre la disposition du
droit qui interdit au mari l’aliénation de la dot immobi
lière , lui donner pouvoir de vendre : de même elle peut
restreindre le droit de disposer du mobilier, assujétir le
mari à donner emploi des sommes qu’il recevra provenant
de ses effets mobiliers. Si le mari n y trouve pas son
com pte, il n’a qu’à ne pas accepter la constitution. L a
femme pourroit affranchir entièrement ses biens de la puis
sance maritale, en se les réservant en paraphernal; à plus
forte raison peut-elle apposer à sa constitution de dot telle
condition que bon lui semble.
¡
La loi règle et détermine le pouvoir du mari sur les biens
de la femme; mais c’est lorsqu’il n y a point de conven
tion , ou que par la convention il n’est point dérogé au
droit commun.
L ’adversaire cherche ensuite à équivoquer sur le con
trat de mariage. Suivant l u i , la stipulation d’emploi ne
frappe que sur le prix des immeubles ; suivant lu i, les
10,000 francs disponibles sans emploi étoient également à
prendre sur le prix des immeubles : c’est sur cette double
équivoque que porte son raisonnement. De cette double
proposition, il tire la conséquence qu’ilne peut ê t r e question,
ni des 7.384 francs reçus lors du contrat, ni de la créance
de d’Anglard. Il faut prouver qu’il erre sur l’ une et sur
l’autre.
Pour prouver que la stipulation d'emploi ne frappe pa»
�VP
( 22 J
seulement sur le prix qui proviendroit des aliénations des
immeubles, il suffit de remettre la clause sous les yeux.
« A la charge toutefois que sous la réserve et retenue
« de la somme de 10,000 francs que le futur pourra rece« voir sur les premiers deniers à toucher des biens, tout le
« surplus du susdit prix des susdites aliénations, et autres
« droits mobiliers déjà acquis à laj'uture , seront ern« ployés. »
Il n’est pas dit, à toucher des biens immeubles; il est dit,
à toucher des biens généralement; et l’on sait que le mot
biens , terme générique, comprend dans son acception
tous les biens tant meubles qu’immeubles.
L ’adversaire insiste sur ces m ots, tout le surplus du sus
dit prix des susdites aliénations ; mais il ne faut pas les
séparer des autres mots qui suivent immédiatement, et
autres droits mobiliers déjà acquis à la future.
E t quelques lignes plus bas, nonobstant ce que dessus ,
est dit que tous les effets mobiliers acquis à la future
cpouse seront employés à Vacquittement des dettes du
jfutur époux. Ces expressions peuvent-elles être plusclaires?
Si la première partie de la clause présentoit quelque obscu
rité , ces derniers termes ne leveroient-ils pas tout doute ?
E t ce qui suit expliqueroit encore suffisamment l’inten
tion des parties.
« Cependant il demeure dès tout à l’heure autorisé à
• recevoir et quittancer, sans aucune indication d’em« ploi , ceux dépendons et faisant partie de la succession
« dudit D an ti, non excédant la somme de 100 francs
« pour chaque échéance de chacun desdits effets. »
Exclusio unius est inclusio alterius , et vice versâ.
�( 23 )
De cela qu’il a fallu une clause expresse pour autoriser le
mari à percevoir sans emploi ces effets particuliers, non
excédant 100 francs, ne résulte-t-il pas évidemment qu’on
a entendu l’assujétir , et qu’il a entendu s’assujétir luim êm e, à l’emploi du surplus ?
L a stipulation ne frappe donc pas uniquement sur le
prix des immeubles. Dubois de St. Julien a etc assujéti à
donner emploi de tous les deniers indistinctement, qu’il
percevroit de son épouse, soit de ses biens meubles, soit
de ses immeubles, moins les effets particuliers dont on
vient de parler, non excédant 100 francs , et moins tou
jours la somme de 10,000 francs conformément à la pre
mière partie de la clause.
I/adversaire n’est pas plus exact sur la seconde asser
tion. Qu’on lise encore le contrat de mariage. Il est dit,
sur les premiers deniers à toucher des biens ; il n’est pas
dit, des biens immeubles; il est dit, des biens , généra
lement; terme absolu, terme générique, qui ne s’applique
pas plus à une nature de biens qu’à l’autre, qui comprend
tout, meubles et immeubles.
Ces 10,000 étoient à prendre sur les premiers deniers.
Quels ont été ces premiers deniers ? On l’a déjà dit.
i ° . Les 7,384 francs reçus lors du contrat de mariage;
2°. L a somme de 14,600 francs reçue du citoyen d’Anglard ;
3 0. Celle de 2,884 francs perçue sans emploi lors du
contrat de vente.
Gazard, fécond en objections, a encore incidente. Il a
opposé, quant à la somme de 7 , 3 8 4 fr- clu,d n avoit été
reçu en deniers que celle de 5 oo francs; que le surplus
�( 24)
étoit en créances sur différens particuliers; que rien ne cons
tatait que le montant en eût 6 t6 perçu.
On lui a répondu que d’abord, indépendamment des
5 oo fr., Dubois de St.-Julien avoit reçu, en meubles ou ar'genterie qui équivaloit à l’argent comptant, 1,940 francs1;
que le surplus étoit à la vérité en billets, mais à des époejues
très-rapprochées; les uns à la St.-Martin lors prochaine, et
les autres au mois de mai suivant : qu’il n’étôit pas à pré
sumer que Dubois de St.-Julien eût laissé ses débiteurs
en retard : qu’au surplus il avoit pris les billets pour comp
tant; qu’il en avoit fait son affaire : qu’il avoit déclaré,
principalement pour la créance de 1,000 francs sur Teillard de M urât, et de 2,674 francs sur la veuve Cfiabanon ,
que se contentant de la solvabilité des débiteurs , il
en fa is o it dès à présent reconnoissance à la future.
Relativement à la quittance de d’Ariglard, Gazard a
cru récarter d’un m ot, en disant qu’elle étoit postérieure
aux mandemens de Blatin , R o u x et Lafnoüroûx. Ces
mandemens sont effectivement à partir de la date qu’ils
présentent, des 1 7 et 1 8 octobre , et la quittance de d’A nglard est du 19 ; mais il y est dit, et depuis le m ariage:
le payement n’est donc pas seulement du jour delà quit
tance; il avoit donc perçu antérieurement. Ces mots, et
depuis le mariage , prouvent ce que tout concourt d’ailleurs
à faire penser, que cette somme de i 4 , 5oo francs n’a pas
été acquittée en un seul payement; quelle a été acquit
tée en plusieurs payemens partiels, lors desquels d’Ariglnrd se contenta de quittances sous seing p rivé; que ce
fut seulement lors du dernier payement qu’il prit une
quittance devant notaires, quittance dans laquelle il com
prit
�f* 5 )
prit l’entière somme, en annullant les quittances par
tielles, qui devenoient inutiles.
L a quittance est du 19 octobre , et les mandemens
de B latin , Lamouroux et R ou x sont du 17 et du 18.
Mais ces mandemens sont sous seing privé. Est-il cons
tant qu’ils ont été véritablement souscrits à cette date ?
Dubois de S t.-Ju lie n et'Gazard n’ont - ils pas été les
maîtres d y donner la date quils ont voulu?
r
E t on le demande : Dubois de St.-Julien ne pouvoit
percevoir, soit sur les effets mobiliers, soit sur-les im
meubles, que 10,000 francs sans emploi. Si on imputoit les 10,000 francs sur les mandemens de Blatin, L a
mouroux et R o u x , d’Anglard auroit donc mal p a y é ,
comme ayant payé sans emploi ! L a dame de Chalus pourroit donc l’attaquer ! Car, enfin, elle n’a remis à la discrétion
de son mari que 10,000 francs ; elle n’a pu être constituée
en perte par son mari que de cette somme. Si elle attaquoit
d’A n glard , celui-ci ne formeroit-il pas tierce-opposition
au jugement? ne diroit-il pas que les mandemens, étant
sous seing p riv é , ne peuvent faire foi de leur date que
du jour qu’ils ont été revêtus de la formalité du con
trôle; qu’il n’a pas été au pouvoir de Dubois de SaintJulien et de Gazard, en donnant à ces mandemens la
date qu’ils ont vo u lu , de rendre sans effet sa quittance?
L e mandement de Blatin est du 1 7 octobre ; il est
taxativement de la somme de 13,000 francs; et cepen
dant il n’a réglé son compte avec Blatin que 1° *6 no
vembre suivant, par lequel compte il se trouve débi
teur précisément de cette somme de 13,000 francs, plus
30 livres 1 1 sous 9 deniers qu’il paye comptant. Est-il
D
�( a 6 )
a présum er, est-il vraisemblable qu’il ait donné le man
dement précisément du montant du reliquat du compte,
avant le compte ?
Ce mandement n’ a été remisa Blatin que le jour même
de l’arrêté de compte , le 16 novembre; l’arrêté de compte
en fait foi. Ju sq u e -là il avoit demeuré dans la poche
de Dubois de St.-Julien. O r , que signifioit ce mande
m ent, tant qu’il n’ étoit point accepté par Blatin , tant
q u ’il a demeuré dans la poche de. Dubois de St.-Julien
à qui il étoit libre de le mettre au feu si bon lui sembloit?
L e mandement de R o u x est du 1 8 ; et il se trouve
accepté par Gazard le 1 7 , avant par conséquent qu’il eût
¿té souscrit.
Tout cela ne justifîe-tril pas le soupçon sur le peu de
sincérité de la date donnée à ccs mandemens?
L e tribunal s’arrêteroit-iJ, nonobstant toutes ces cir
constances, à la date qu’ils présentent; mettroit-il à l’écart
la quittance de d’A n glard, comme postérieure; l’adversaive n’en seroit pas plus avancé. Les 10,000 francs dis
ponibles sans emploi se trouveroient toujours épuisés
antérieurement aux mandemens , ainsi qu’on l’a déjà
observé, 1°. par les 7,384 francs perçus lors du contrat
de m ariage, et ensuite par la somme de 2,884 francs
perçue sans emploi à l’instant de la vente. Ces deux sommes
fcnt celle de 10,268 francs.
Mais pourquoi entrer même dans cette discussion ?
toutes ces questions sont oiseuses. L e litre même de Ga,zard, le contrat de vente, le condamne. Par lè contrat
du vente il a été expressément chargé de payer le prix,
�( 27 )
déduction faite de la somme de 2,884 francs, aux créan
ciers dudit St.-Julien, qui seroient par lui indiqués , en
conformité et suivant les clauses énoncées en son con
trat de mariage ; et cette clause n’est pas exprimée ûnô
seule fo is, elle est géminée.
De là il résulte, ou que Dubois de St.-Julien a re
connu qu’il avoit déjà épuisé les 10,000 francs disponi
bles sans em ploi, lesquels étoient à prendre sur les pre
miers deniers; ou que, s’il ne les avoit p a s ’épuisés, il
n’a pas voulu faire usage de la faculté qui lui avoit été
laissée par son contrat de mariage ; ce qui revient au
même.
Gazard n’a pu s’écarter de la loi qui lui a été im
posée par la vente. Ce n’est pas seulement le contrat
de mariage, c’est son propre contrat qu’on lui oppose.
Venons maintenant au grand moyen de défense qu’il
a fait valoir.
Il a prétendu qu’ayant payé à l’indication du m a r i,
il avoit valablement p ay é ; qu'il ne pouvoit être tenu
que de suivre cette indication ; que le contrat de vente
porte, aux créanciers q u i seront indiqués p a rle m ari ;
que le contrat de mariage porte également, sur l’indi
cation du mari ; que la femme a à s’imputer d’avoir
choisi un mandataire infidèle ; que quant à lui on ne
pouvoit lui imputer aucune faute; que d’un autre doté
le contrat de mariage portoit, à l’acquittement des créances
les plus anciennes et les plus privilégiées; et que la dette
de Blatin, Lam ouroux et RouX , emportant la contrainte
par corps, étoient privilégiées : ceci conduit à la second©
question.
Dz
�(' 28
S E C O N D E
)
Q U E S T I O N .
G azard a-t-il valablement p a y é , en payant sur tin di
cation du m ari ?
Il cherche encore à équivoquer. Il équivoque, et sur
la clause du contrat de y e n te , et sur la clause du contrat
de mariage.
, L ’acte de vente porte : aux créanciers qui seront
indiqués p ar le vendeur. Mais ensuite il est ajouté : con
form ém ent aux clauses du contrat de mariage.
Les parties n’entendoient donc point déroger au con
trat de mariage; et elles ne le pouvoient.
.M aintenant, que porte(le contrat de m ariage? Est-il
dit sur Vindication? Il est dit : à l'effet de quoi le m ari
sera tenu. Ce n’est pas une confiance que la femme lui
témoigne ; c’est une obligation qu’elle lui impose. Ce n’est
pas une simple faculté ; c’est un devoir. L e pouvoir n’est
donné que sous cette condition; condition d’autant plus
de rigueur, que le prix devoit être employé à payer, non
les dettes de la fem m e, mais celles du mari, et qu’il importoit à la femme d’avoir une subrogation utile, pour
n’ être pas exposée à perdre tout *\ la fois le domaine et
1 e prix.
Qu’ont dit les premiers juges? « A ttendu, porte un
« de leurs motifs, que s’il est vrai que François Dubois
« n’ait pas indiqué ses créanciers les plus anciens en
« hypothèque et les plus privilégiés, Gazard, acquéreur,
« ne doit pas en être responsable. Suzanne de Chalus a
t
t
�( 29 )
« à se reprocher de n’avoir pas pris les moyens néces« saires pour venir à son but, d’avoir choisi un manda
te taire infidèle, et doit seule supporter les effets de cette
« infidélité, quelque funeste qu’elle puisse être pour elle. »
Ils citent ensuite la loi 21 au D igeste , § . 3 , de Negotiis gestis , qui s’exprime ainsi : Mandato tuo negotia
mea JLucius Titius gessit. Tu mihi actione negotiorum
gestorum teneris , non ni hoc tantum ut actiones tuas
prœstes , sed etiam quod imprudenter eum ehgeris , ut
quidquid detrimenti negligentia ejus f e c i t , tu m ihi
prœstes.
Ils n’ont pas vu que cette l o i , et autres qu’ils auroient
pu citer, sont dans l’espèce d’un mandat indéfini, et
qu’ il y a bien à distinguer entre un mandat indéfini et
un mandat limité.
Dans le mandat indéfini, le mandant est indistinctement
engagé par le fait du mandataire. Dans le mandat limité,
il n’est engagé qu’autant que le mandataire s’est stricte
ment renfermé dans les termes du mandat : c’est la dé
cision du jurisconsulte P a u l , dans la loi 5 au D igeste ,
M andait : Diligenter fin es mandait custodiendi sunt ;
nam qui excessit aliud quid fa c ere videtur.
Dans le mandat illim ité, le mandant a à s’ imputer
qu’ il a choisi un mandataire infidèle. Dans le mandat
lim ité, au contraire, c’est à celui qui contracte avec le
mandataire au delà des bornes du mandat, à s’imputer
d’avoir contracté. Il ne seroit pas même recevable à
alléguer qu’il a ignoré les bornes du mandat. On lui
répondroit qu’il devoit s’en inf or me r , suivant cette
maxime, Unusquisque débet esse gnarus conditioms
ejus cuni quo contrahit,
�{ 3° )
Quelle faute peut-on imputer h Suzanne de Chalus ?
Elle a donné pouvoir au mari de vendre ; mais, en même
temps , elle a subordonné ce pouvoir à la condition
d’employer le prix au payement des dettes les plus an
ciennes en hypothèque. Elle savoit que cette condition
étoit inséparable et indivisible du pouvoir. Elle s’est repo
sée, et elle a dû se reposer sur la loi du contrat.
En est-il de même de Gazard? peut-il .dire qu’il est
exempt de faute ?
T R O I S I È M E
QUES T I ON.
Gazard a-t-il dû, a-t-il pu connaître s’il existoit des
créances antérieures ?
L e contrat de mariage Je lui annonçoit assez. En l’assujétissant à payer les créanciers les plus anciens et les
plus privilégiés, c’ étoit assez l’avertir qu’il en existoit
nombre. C’étoit assez l’avertir de ne payer qu’avec une
extrême r é s e r v e , . non-seulement pour assurer la validité
delà vente, mais encore pour assurer le payement; pour
ne pas courir le danger, après avoir payé des créanciers
postérieurs, d’être recherché par des créanciers anté
rieurs.
A cette époque, l'édit de 1 7 7 1 étoit en vigueur. Il ne
s’agissoit que de se transporter au bureau des hypothè
ques, de vérifier s’il existoit des oppositions : c’étoit la
démarche la plus simple et la plus facile.
A-t-il pris cette précaution? a-t-il agi comme le père
de famille lu moins diligent auroit agi i a-t-il même donné
Je temps aux créanciers de se faire connoîlrc ?
�C 31 )
Qu'on se fixe sur les dates.
L a vente est du 1 3 octobre, les mandemens du 17
et du 18 , et l’acceptation est du même jour que les
mandemens.
Il accepte quatre jours après la vente.
Il accepte par anticipation, avant l’échéance des termes.
Il accepte pour payer des créances qui ne sont même
point hypothécaires.
Ce n’est pas ici simple imprudence ou faute légère :
c’est faute lourde, que les lois assimilent au dol. Et qui
sait si Gazard, courant le risque, ne l’a pas fait payer?
I/édit de 1 7 7 1 n’eûl-il pas été en vigueur; il avoit
encore un m o yen , celui de ne payer que d’autorité de
justice, d’appeler la dame de Saint-Julien, pour faire
ordonner le payement contradictoirement avec elle.
C’est se moquer de dire que les créances de Blatin ,
Laniouroux et R o u x , emportant la contrainte par corps ,
étoient privilégiées. Elles pouvoient être privilégiées pour
le m ari; ce pouvoit être celles qu'il importoit le plus au
mari de payer: mais elles n’étoient pas privilégiées pour
la femme. Quand il a été dit, dans le contrat de mariage,
à la charge de payer les créances les plus ancieimes et
les plus privilégiées, on a entendu parler d’un privilège
sur les biens , et non sur la personne ; d’un privilège
qui survécût même à la dissolution du mariage.
Non-seulement le mari ne pouyoit vendre les biens
de sa femme , et intervertirla loi du contrat, pour sortir
de prison, mais la femme elle - même ne le pouvoit,
sans avis de parons et décret du ju g e , et encore à dé
faut de biens paraphernaux.
�( 32 )
Ajoutons que rien ne justifie que la créance de Lamouroux et de R o u x emportât la contrainte par c o rp s,
puisqu’on ne rapporte point le titre. On est réduit , à
cet égard, à croire l’adversaire sur parole.
Q U A T R I È M E
QUESTION.
E x isto it-il des créances antérieures ?
.
*
5
Il en existoit du chef de Dubois de M arg erid e, père
dudit Dubois de St.-Julien.
Il en existoit du chef de la mère , Marguerite Gorce.
P o u r plus grande intelligence de cette partie de la
cause , on a fait deux tableaux qu’on se propose de
joindre au présent mémoire, l’un comprenant les dettes
du chef du p è re , l’autre les dettes de la m è re , toutes
conservées par des reconnoissances 6u poursuites en temps
utile. On a divisé ces deux tableaux par colonnes. L a
première contient le nom du créancier originaire ; la
seconde, la date de l’hypotlièque ; et la troisième, la
somme.
On n y a compris que celles évidemment antérieures
en hypothèque.
Non-seulement il existoit des créances anciennes; mais
il existoit, à raison d’une partie de ces créances , des
oppositions au bureau des hypothèques. On a justifié de
ces oppositions.
Gazard ne s’est pas dissimulé combien l’objection étoit
pressante. Il s’est retourné de toutes manières.
Il a d it, quant aux créances pour lesquelles il n’avoit
pas
�i 33 )
pns été formé d’opposition au bureau des hypothèques,
qu’il n’avoit point été obligé de les connoîtrè. On a déjà
vu que ce n’étoit pas une raison.
Relativement aux autres, il a dit qu on ne justifioit que
de quatre oppositions; que ces quatre oppositions portoient sur des dettes personnelles à la mère , dérivant de
son chef ou du chef de ses auteurs ; que ces dettes éloient
étrangères au fils, tant que la mère vivoit ; quelles n etoient devenues propres à Dubois de bt.-Julien, qu après
li! décès de la mère , décès arrivé long-temps après la
vente du domaine , et après l’acceptation des niandemens.
Il a été encore facile de lui répondre.
Ou a v u , dans le récit des faits , que Marguerite
Gorce, par son contrat de mariage avec Dubois de Margeride , avoit donné la moitié de ses biens présens à
celui des enfans à naître qui scroit choisi; qu’ensuite en
mariant Dubois de Sa in t - Ju lie n son fils, avec Suzanne
de Chalus, elle Favoit nommé pour recueillir l’eflet de
celte donation.
Cette élection , se référant à la donation , ne pouvoit
comprendre que les biens qui faisoient l’objet de la dona
tion , c’est-à-dire , ceux que Marguerite Gorce avoit à
l’époque de son mariage.
L a mère ne voulant pas borner là scs avantages , il est
d i t , par une clause subséquente, qu’elle lui fait donation
de tous ses biens présens , c’est-à-dire , de ceux même
qui lui étoient advenus depuis son mariage , qui n’ctoient
pas préscus alors, qui étoient plutôt biens à retur par
rapport à la première donation , mais qui étoient biens
présens lors do la seconde ; en sorte que le mot présens
E
�( 34 )
a une acception bien plus étendue dans la seconde clause
que dans la première.
Par une troisième , il est dit qu’elle s’est démise, en
faveur du futur, de l’usufruit de la moitié des biens pré
sens; et par le mot présens', il faut entendre dans cette
clause, comme dans la clause précédente , tous les biens
à .elle appartenons au moment de la démission , nonseulement ceux qui lui appartenoient à l’époque où elle
s’est elle-même mariée, mais encore ceux qui lui sont
parvenus depuis, qu'on peut appeler adventifs.
Dès ce moment, les dettes de Marguerite Gorce ne sontelles pas devenues personnelles à Dubois de Saint-Julien ?
N ’é toi t-il pas d'abord, comme donataire en propriété
et usufruit de la moitié des biens , tenu de la moitié de
toutes les dettes existantes à l’époque de son mariage ?
N ’étoit-il pas même tenu de la totalité, comme dona
taire de la totalité des biens?
I/effet de la donation de biens présens est de saisir à
l’instant le donataire , à la différence des donations de
biens présens et à venir qui ne saisissent que par le décès.
Dès l’instant de la donation , Dubois de Saint-Julien a
été saisi de la propriété. S'il a été saisi de la propriété,
il a été aussi saisi des dettes : les biens n’ont pu passer
sur sa tête qu’avec cette charge.
L a réserve que la mère s’est faite de l'usufruit d’une
partie, n’a pas été un obstacle à cette saisine. La réserve
d’usufruit ne change pas la nature de la donation.
Dubois de Saint;-Julien
n’éloit pas seulement donataire
»• •
contractuel de la m ère, il étoit encore aux droits d'une
tante, Dauphine Gorce , 'sœur clc Marguerite,
�Comme aux droits de cette tante , il ¿toit encore
évidemment tenu des dettes , au moins pour la part et
portion que cette tante amendoit dans la succession des
auteurs communs. Il faut expliquer ceci.
Antoine Gorce et Anne Murol étoient l’aïeul et l’aïeule
maternels de Dubois de Saint-Julien.
D e leur mariage issurent trois enfans, François, M ar
guerite et Dauphine.
François fut destiné à être le chef de la maison , et à
recueillir par conséquent toute la fortune.
Marguerite contracta mariage avec Dubois de M àrgeride. Par le contrat de mariage, il lui fut destiné une
somme de 19,000 francs; e t, au moyen de cette somme,
elle fut forclose. C’est de ce mariage qu’est issu Dubois
de Saint-Julien.
Antoine G orce, père commun , décéda , e t , après lu i,
François G o rce, sur qui portoient toutes les vues de la
famille, sans postérité , et sans avoir fait de dispositions.
M argu erite, dont la forclusion cessa par le défaut de
mâles, et Dauphine , lui succédèrent par égales portions.
Dauphine contracta mariage , en 173 8 , avec JosephAlexis Cheix , officier au régiment d’Agénois. P ar le
contrat de m ariage, elle céda à Dubois de M argeride,
sou beau-frère , tous scs droits- successifs , mobiliers et
immobiliers , dans la succession de François Gorce et
d’Antoine Gorce , moyennant la somme de 19,^00 fr.
quelle se constitua en dot. L ’effet de cette cession a ensuite
passé, par le décès de Dubois de M a r g e r i d e , à Dubois
de Saint-Julien ; et Dubois de Margeride étoit décédé
long-icmps avant la vente dont il s’agit.
E 2
�.Z2D.
( 3^ )
Dubois de Saint-Ju lien , à l’époque de la vente, étoit
donc tenu des dettes provenantes de l’estoc maternel, nonseulement comme donataire contractuel de la mère, mais
encore comme étant aux droits de Dauphine Gorce.
Il y a plus : il étoit tenu personnellement comme ayant
reconnu de nouveau, en son n o m , partie de ces dettes.
Entr’autres dettes, il s’étoit obligé, par acte du 19 avril
1 7 7 4 , personnellement et solidairement avec sa m è re ,
envers Joseph et Pierre Sim on , créanciers anciens et
qui avoient formé opposition au bureau des hypothèques.
C’est donc mal à propos que les juges dont est appel
ont dit, dans un de leurs motifs, que la presque tota
lité des créances dérivoient de l’estoc m aternel, et que
Dubois de Saint-Julien n’avoit pu en devenir débiteur
qu’après le décès de sa m ère, arrivé long-temps après
la vente; que dès - lors le prix de la vente n’avoit pu
être employé à payer des créances qui lui étoient encore
étrangères.
C’est aussi mal à propos que dans le même mol if
ils ont ajouté que ces créances n’avoient été déclarées
exécutoires, contre Dubois de Saint-Julien, que depuis
1777 ju5llu en 1785. Déjà l’acte du 19 avril 1 7 7 4 , dont
on vient de parler, par lequel Dubois de Saint-Julien
s’étoit constitué personnellement débiteur solidaire avec
ga mère envers Joseph et Pierre Sim on, étoit bien sans
doute exécutoire par lui-même. Il n’éloit pas besoin d’ob
tenir un jugement» Ensuite celte obtention d un juge
ment , pour faire déclarer le titre o.\ceuloirc , pouvoit
cire nécessaire, et étoit même requise avant le Code
civil, pour ramener le titre à exécution , pour contraindre
�( 37 ) w .
au payement; mais l’héritier n’étoit pas moins tenu de
la dette dès l’instant du décès, et le donataire à titre
universel dès l’instant qu’il étoit saisi de la donation. La
saisine des biens emportoit Ja saisine des dettes.
Ces créances, a-t-on dit, ont été acquittées depuis.
Partie a été effectivement acquittée, non par Dubois
de Saint- Julien , qui s’en inquiétoit p e u , mais par le.
sieur de T o u rn em ire, son gendre, qui- a p aÿé, non des
deniers de la succession, repudiee d’abord et ensuite ac
c e p té e sous bénéfice d’inventaire par la dame son épouse ,
mais de ses propres deniers, -et q u i, en p a y a n t s ’est
fait subroger.
Ces créances ont été si peu acquittées, que le sieur
Théroulde aux droits du sieur B e ra u d , autre créan
cier également de l’estoc m aternel, et du nombre de
ceux qui avoient formé opposition au bureau des hy
pothèques antérieurement à la vente qui fait l’objet de
la contestation , a po u rsu ivi, au tribunal de première
instance de Clerm ont, la vente par expropriation forcée
de tous les biens de la succession.
On «mettra eous les yeux du tribunal l’afFiche conte
nant la désignation des biens saisis , et l’dxtrait des in
scriptions, au nombre de 85 .
L e sieur de Tournemire s’est rendu adjudicataire à la
chaleur des enchères, et l’adversaire ne peut pas dire
que les biens n’ont pas été portés à leur valeur. Il a
été lui-mc*mc du nombre des enchérisseurs, et un des
plus ardens.
Ou ne peut mieux prouver que les créances auxquelles
la daine de Tournem ire, alors de Saiiit - Julien , avoit
�; %%*
( 38 )
intérêt d’être subrogée, n’ont pas été acquittées, que
par le rapport de la procédure en expropriation forcée
faite par un de'ces créanciers anciens précisément pour
parvenir au payement.
Autre objection. Ces créances, a-t-on dit, n’ont point
été inscrites. Elles ne peuvent dès-lors faire obstacle à
la collocation de jla dame de Tournemire à la date de
son hypothèque personnelle, résultante de son contrat
de mariage : elles doivent être regardées, quant à 1*hy
pothèque , comme n’existant pas; e t, d’autre part, la
'dam e de Tournemire ne s’est elle - même pas fait in
scrire pour la conservation de son hypothèque person
nelle , en sorte que si elle perd , c'est par sa faute.
" Réponse. La créance de B erau d , un des créanciers
opposans au bureau des hypothèques, a bien du moins
été1 inscrite , puisque T h éro u ld e, qui est à ses droits,
a fait vendre par expropriation .forcée. Il en est de
même des autres.
.1
N ’auroicnt-elles point été inscrites; ce n’est point par
ce qui s’est passé ex in te rv a lle par des événemens subséquens, par des lois qui n’existoienl point alors, qu’il
faut juger de la*validité de la vente.
Les créanciers auroicnt-ils même laissé entièrement
prescrire leur créance; la dame de Tournemire seroit
toujours fondée h dire : Vous n'avez pas satisfait à la
condition sous laquelle j’avois donné pouvoir de vendre,
vous ne vous êtes pas renfermés dans le mandat; la
vente est nulle. Tout le monde sait que les conditions
ne se remplissent point par des équivalons; quelles sont
de droit étroit. Lorsque j'ai apposé pour condition au
�( 39 )
pouvoir que je donnois de ven dre, le rapport de la
subrogation aux créanciers les plus anciens en hypoA
tbcque, je n’ai pas entendu entrer en procès avec vous
pour mesurer le degré d’intérêt que., je pouvois avoir
à cette subrogation. J ’ai stipulé que le prix seroit
employé à payer l e s créanciers les plus anciens. C est la
condition apposée h ni on consentement vous n’avez
pu vous en écarter. Si vous^ vous^jr étiez .cpniormes,
si vous m’aviez rapporte la subrogation,etjles(pieces à
l’appui, je les aurois fait inscrire; j’aurois fait tous les
actes conservatoires; ou si je ne les avois pas faits, la
perte seroit retombée sur moi.
r
M ais, de plus, cette première partie de l’objection
tombe par le fait. Les créances ont été inscrites ; et
ces créances inscrites , bien antérieures ù celle de Blatin,
absorbent, et au delà, le prix de la vente.
L a seconde partie de l’ o b je c tio n , qui forme un des
attendus du jugement, n’est pas,,plus frappante : elle
reçoit deux réponses également victorieuses.
L a prem ière: elle n’avoit past besoin de^veiller h la
conservation de son hypothèque personnelle, tant qu’ella
a dû croire qu’on lui rapporteroit^ une subrogation à
une hypothèque plus ancienne.
»
L a seconde: c’est qu’elle n’agit; point ici comme créan
cière ; elle agit comme propriétaire. Si elle agissoit comme
créancière, 011 pourroit lui opposer le défaut d’inscrip
tion : mais elle agit comme propriétaire. Ce n’est pas le
prix qu'elle réclam e; c’est la c h ose.(t EI •P,| P °,V u 1^
nullité de la vente, faute par l e ( vendeur f et par 1 ac
quéreur, de s’ètre conformés,à la condition sous laquelle
»
"
l '
11
�( 40 )
seule elle avoit donné pouvoir de vendre. SI la vente
est nulle, elle n’avoit pas besoin d’inscription pour con
server sa propriété.
L e sieur Gazard a fait une dernière objection. Après
la mort de Dubois de Saint-Ju lien , Suzanne de Chalus
a été tutrice de sa fille. E n cette qualité, elle a joui
de tout; elle a géré et administré tous les biens de la
'succession ; elle n’a point rendu le compte de tutelle.
Tant qu’elle n’a point rendu le compte, elle est censée
s’être payée par ses mains du prix de la vente.
Toujours même équivoque de la part de l’adversaire.
Il ne s’agit pas, encore une f o i s , du prix de la vente. Ce
n*est pas le p r ix , c’est la propriété que la dame de
Tournemire réclame. Elle a consenti, à l’époque du con
t r a t de mariage, à vendre ses biens, à condition que
le prix scroit employé à payer les créanciers les plus
anciens. L a condition n’a pas été remplie. L e consente
ment donné sous cette condition n’existe plus. Elle a
youlu vendre alors ; elle no le veut pas aujourd’hui.
P ar la mort de Dubois de Saint-Julien, le pouvoir
a été a néan ti. Ce n’est pas après sa m ort, et dans un
teirfps où il n’a plus été le m aître, in ïd ternpus quo
dominus non est, que le sieur Gazard peut demander
à suppléer, par là garantie du p r ix , par le payement
même du prix , au rapport ¡de la subrogation.
A in si, quand même la dame de Tournemire auroit
perçu, par la jouissance et l’administration qu’elle a faite
des biens de son riinri après son décès, des sommes
excédant ’ même le prix dé la vente, le sieur Gazard
n’uuroit qu1unc action pour lui luire rendre compte de
ces
�(4 0
ces sommes. Cette circonstance ne lui donncroit pas
droit à la propriété du domaine.
, Mais, de plus, pour faire cesser cette objection faite
à l’audience, elle a rendu le compte de tutelle; compte
qui ne pouvoit être qu’un compte des revenus ; car on
imagine b ien , comme nous l’avons observé dans.l’ex
pose des faits, que le sieur Dubois de Saint-Julien n’a
pas laissé d’effets actifs. P ar le résultat, la recelte faite
par la dame de Tournemire depuis le 14 juillet 1789
jusqu’au 2 mai 17 9 1 , époque du contrat de mariage de
sa fille, et époque par conséquent où la tutelle a fin i,
se trouve inférieure à la dépense de 5688 fr. 75 centimes.
En se résumant sur cette quatrième question, il existe
des créances antérieures. Ces créances n’ont pas été acquit
tées , comme il a plu au sieur Gazard de le dire. Elles
subsistent. Elles ont été inscrites. Elles priment, aujour
d’hui comme alors, l’hypothèque de Blatin.
. Il y a plus : la créance de Blatin n’a pas été inscrite ;
en sorte quelle est primée par les créanciers même
postérieurs. E t à qui la faute si elle n’a pas été in
scrite? n’est-elle pas au sieur Gazard, q u i, d’une part,
'avoit les quittances, et les pièces à l’ap p u i, en ses mains,
et qui , d’autre p a r t , obligé de rapporter une subro
gation utile, devoit principalement, et pour sa propre
sûreté , veiller ù la conservation de l'hypothèque.
L e prix de la vente n’a pas même été employé en
tièrement à payer des créances hypothécaires du m ari,
soit antérieures, soit postérieures. Les juges dont est
appel n’ont pu eux-mêmes porter les payemens faits
par Gazard eu l’acquit du m ari, qu’i\ 16930 fr. Pouç
E,
�(4 0
compléter la'somme de 18484 f r . , ils ont été obligés
de recourir à un payement que le sieur Gazard a dit
avoir fait au sieur Laubret d’une somme de 1680 l i v . .
1 7 sous 6 deniers, pour legs à lui fait par la dame
veuve Boisset ; dette, non du m a ri, mais de la femme.
Sur ce payement, ils ont pris 1046 ir. pour faire l’ap
point des 18484 fr ., eL.ont condamné Suzanne de Chalus
à rembourser la somme de 6co fr. restante.
JVlais , d’une p a r t , Suzanne de Chalus n’avoit pas
donné pouvoir de vendre pour payer ses dettes, mais
pour payer celles du mari. C’est une seconde interver
sion à la loi du contrat; interversion que les premiers
juges ne dévoient pas se permettre.
- D ’autre part, cette opération contient une injustice;
On fait payer A Suzanne de Chalus l’entière somme de
1680 livres 17 sous 6 deniers, tandis que la moitié
seule est à sa charge, comme héritière, seulement pour
m o itié , de la veuve Boisset. On ne pouvoit donc im
puter sur le prix que la somme de 840 livres 9 sous,
et non celle de 1046 f r . , et encore moins condamner
à payer les 600 fr. restans»
C I N Q U I È M E
Q U E S T I O N .
L e -pouvoir de vendre -peut-il être séparé de la condi
tion sous laquelle il a été donné?
»
Cette question ne peut être l’objet d’une difficulté
sérieuse. « Lorsque la femme, dit Chabrol dans son corn« mentairc 6ur l’article 3 du titre 14 de la Coutume,
�( 43 ) #
« permet au mari d’aliéner ses biens dotaux à la charge
« d’un emploi en d’autres fon ds, ou en payement des
et dettes; dans ce cas, l’acquéreur doit veiller exacte« ment à l’einploi : on ne peut pas séparer la permission de
« vendre, de la condition sous laquelle elle a été donnée :
a l’une ne peut subsister sans l’autre. L ’acquéreur ne
« seroit pas admis à dire qu’il n’a pas connu cette res« triction , puisqu’il n’a pu être instruit de la permisT
« sion de vendre, sans l’être en même temps de la con
te dition sous laquelle elle a été donnée; il s’expose donc
« volontairement à être évincé s’il suit la foi de son ven« deur, et qu’il n’y ait pas d’emploi. »
Remarquons ces expressions de C habrol , à être évincé ;
et celles-ci, s'il suit la J o i de son vendeur. Il étoit donc
bien loin d’adopter le système des premiers juges, qui
ont rejeté la faute sur le mandant, qui ont pensé que
le mandant devoit s’imputer d’avoir choisi un manda
taire infidèle.
L ’adversaire a qualifié lui-même de m andat, et il ne
pouvoit le qualifier autrement, le pouvoir que la femme
donne au mari de vendre. Si c’est un mandat, il doit
être exactement observé ; il n’est pas permis de s’écarter
des bornes. Et quelle est la peine en cas de;contraven
tion? la nullité du contrat. C ’est la disposition de la loi 5
au Digeste , M andati , du jurisconsulte P a u l, que nous
avons ci-dessus citée. Diixgenter fin es mandati custodiendi sunt. L e mandant n’est point alors engagé par
le fait du mandataire. Il n’y a plus de contrat. N am
qui cxcessit aliiul quid facere videtur.
E t c’est ce qui a été jugé par la seconde section de
F 2
�( 44 )
ce tribunal dans les plus forts termes, dans la cause de
M . Lucas, président du tribunal d’arrondissement de
G an n at, contre Prévost.
' L ’espèce étoit particulière.
L a fem m e, en se constituant ses biens en dot, s’étoit
réservé à elle-même le pouvoir de ven d re, sous l’au
torisation de son m ari, et à la charge de l’emploi. De
ses biens dépendoit une maison située A Ebreuil. Elle
avoit vendu sous l’autorisation du mari ; mais il n’avoit
pas été fait emploi. L a femme étant décédée, les héri
tiers sont revenus contre la vente , sur le fondement
q u ’il n’avoit pas été fait emploi. L ’acquéreur répondoit
que le défaut d’emploi ne pouvoit entraîner la nullité
de la vente ; que cette circonstance ne pouvoit que le
rendre garant du prix ; que dans l’espèce où le pou
v o ir est donné au mari de vendre à la charge de l’em
ploi , on concevoit que le défaut d’emploi emportoit la
nullité de la vente, parce que le mari vendoit la chose
d’autrui, et qu’il ne pouvoit séparer son mandat des
conditions qui y étoient imposées : mais qu’ici la femme
s’étoit réservé à elle-même le pouvoir de vendre; qu’elle
vendoit sa propre chose; qu’il ne s’agissoit plus d’ap
pliquer la maxime Fines mandati custodiendi sunt ,• que
dans cette espèce la femme ou scs héritiers ne pouvoient
exiger que la garantie du prix.
* Nonobstant ces raisons, la vente a été déclarée nulle,
et l’acquéreur condamné au désistement, sans s’arrêter
à ses offres de faire raison du prix.
/
�'■il SJ.
(
(+
*
45)
Appel incident de Gazard.
Gazard se plaint, de son côté, de ce que le jugement
dont est appel ne lui a pas adjugé la somme de 1680
livres 17 sous 6 deniers par lui payee à M . Sobrier de
Laubret , exécuteur testamentaire de la dame veuve
Boisset, pour le legs à lui fait.
S’il avoit lu avec plus de réflexion et le jugement et
les molifs du jugement, il auroit vu qu’il se trompoit.
Il auroit v u , dans un des attendus, que partie de cette
somme a servi à parfaire le prix de la vente; et, dans le
dispositif, que le surplus, montant à 634 f r . , fait un
des chefs de condamnation prononcés contre la dame de
Tournem ire.
Gazard ne pourroit réclamer la partie de la somme
qui a été compensée avec le restant du prix , qu’autant
qu’on annulleroit la vente. Il reconnoît donc déjà luim êm e, par cet appel incident, la nullité de la vente; et,
dans cette hypothèse, il n’a voit pas besoin de se rendre
incidemment appelant en ce chef. L a dame de T o u r
nemire n’auroit pas élevé de contestation. L a vente étant
annullée , Gazard cessant d’être débiteur du p r i x , il ne
pouvoit plus être question de compensation, et la dame
de Tournemire auroit offert, comme elle offre en ce
cas, de faire raison , pour la part qui la c o n c e r n e , de ladite
somme de 1680 f r . , en par Gazard justifiant l’avoir
effectivement payée.
Il
se plaint encore de ce que le jugement ne lui a
pas adjugé l’eutière somme de 56oo fr. pour plus-value
�C 4^ )
payée à madame de Chalus , sœur de Suzanne de Chalus,
par l’acte du 7 mai 1 7 8 7 ; plus-value dont il a prétendu
que Suzanne de Chalus devoit le garantir et l’indem
niser, en vertu de la garantie solidaire promise par ellemême dans la vente du i*\ juin 1 7 7 3 , et par son mari
dans la vente du 1 3 octobre 17 7 $ en vertu du pouvoir
qu’elle lui avoit donné de vendre.
P our écarter ce second chef d’appel incident, il n’est
besoin que de transcrire les motifs du jugement, et de
rappeler ensuite la disposition du jugement relative à ce
.chef de demande.
. A ttendu , quant à la vente du i°r. juîn 1 7 7 3 , que
G azard a été obligé de payer à madame de Chalus
une somme de 5630 j'r . pour obtenir sa ratification
du contrat de vente du I er. ju in 1 7 7 3 , et de celui du
domaine de Laudet du 1 3 octobre ijy S ‘ que Suzanne
de Chalus ayant vendu p a r le contrat du I er. ju in
1 7 7 3 solidairement avec sa sœ ur, est tenue de fa ir e
valoir ledit contrat , et p ar conséquent de rembourser
audit G azard ce q u il lui en a coûté pour en obtenir
la ratification ;
Attendu, quant à la vente du 1 3 octobre 1 7 7 5 , ga
rantie solidairement par Dubois de S a in t-Ju lie n se u l,
que quelque pouvoir général et illimité que Suzanne
de Chalus eût donné à son m ari de vendre ses biens
dotaux, elle ne lui a pas donné le pouvoir de vendre
la portion de bu'ns appartenante a sa sccur , et indi
vise avec la sienne .
En conséquence les premiers juges ont condamné
Suzanne de Chalus à rembourser le montant de f i a -
�( 47 )
demnité payée par l’acte du 7 mai 1 7 8 7 , à raison seu
lement de la vente du I er. juin 1 7 7 3 , par ventilation
sur le prix des deux contrats. Ils ont débouté le sieur
Gazard du surplus de sa prétention ’ et ils ont rendu
justice exacte.
On ne conçoit pas comment le sieur Gazard s’est élevé
contre cette disposition du jugement. Ce n’étoit pas lui
qui pouvoit se plaindre de ce que les premiers juges
ne lui avoient pas été assez favorables.
*
•
*
•
Tels sont les appels respectifs. Tels sont les moyens que
la dame de T ournem ire a fait valoir à l’appui de son droit.
Ces moyens peuvent-ils être combattus avec quelque succès
dans un tribunal impartial et éclairé ?
P A G È S - M E I M A C , jurisconsulte.
D E V È Z E , avoué
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Chalus. 1804]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Devèze
Subject
The topic of the resource
biens dotaux
contrats de mariage
créances
créanciers hypothécaires
biens paraphernaux
successions
ventes
domaines agricoles
ferme
créanciers chirographaires
autorité maritale
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Suzanne de Chalus, veuve en premières noces de François Dubois de Saint-Julien, et en secondes noces de Pierre de Tournemire, habitante du lieu de Mont, commune de Saint-Etienne-aux-Claux, canton d'Ussel, département de la Corrèze, appelante ; contre le citoyen Gazard, propriétaire, habitant de la ville de Murat, intimé, et incidemment appelant.
Table Godemel : Conditions : 3. le pouvoir donné au mari d’aliéner les biens dotaux, énoncé dans un contrat de mariage, peut-il être séparé de la condition pour laquelle il a été donné ? la condition donnée au mari d’employer le prix provenant des ventes en payement de ses dettes et créances hypothécaires, en commençant par les plus anciennes, et qu’il sera tenu de déléguer, a-t-elle pu obliger l’acquéreur de rechercher la date de ses créances, même sous l’empire de l’édit de 1771 ? L’indication faite par le mari a-t-elle valablement libéré l’acquéreur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1804
1773-1804
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
47 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2007
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2008
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53377/BCU_Factums_G2007.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Murat (15138)
Saint-Etienne-aux-Clos (19199)
Landet (domaine de)
Veirière (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
autorité maritale
biens dotaux
biens paraphernaux
contrats de mariage
Créances
créanciers chirographaires
créanciers hypothécaires
domaines agricoles
ferme
Successions
ventes
-
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29ffe46dd46841681e378fd6e8fc1658
PDF Text
Text
C R É A N C E S
D U
NOM
DATE
d es
de
CRÉANCIERS
ORIGINAIRES.
P È R E .
SOMMES.
l'D ÏP O T H È Q U E .
Chateau Debort
15 mars 1719.
Dubois - Dumont , dit
Lavinhac....................
Gaspard Dubois - Du Hugues Rochefort, . . .
Pcsquet ou Tlieroulde,
comme aux droitsde la
veuve Puliabilier. . .
1020 fr.
1731.
9560
1731.
5571
1753.
97 2
1751.
571
1741.
260
1746.
7349
1765.
2545
�C R É A N C E S
N
0
D E
M È R E .
DATE
M
de
des
CRÉANCIERS
L A
1’
ORIGINAIRES.
A n n e Gorce et Gaspard
Sinionet..........................
S 0 M M E S.
II Y P O ” H â Q U E,
6 septembre 1712.
5 o 4 4 fr.
réduit en 1727
à 525 1 f r.
24 décembre 1726..
5257
P e r ro n .................................
24 avril 1731.
5240
L aville.................................
27 avril 173G.
1200
28 juillet 175g.
649
Pesrjuet ou T b e ro u ld e ,
com m e aux droits de
Beraud............................
1722.
6337
Joseph et Pierre Simon.
1728.
8679
»
-------------------------------- ,
�MÉMOIRE
P ou r M e. A n t o i n e G A Z A R D , avocat, maire
de la ville de Murât, intimé, et incidemment
appelant ;
dame S u z a n n e D E C H A L U S , veuve
en premières noces de François D u b o i s d e
St.- J u l i e n , et en secondes noces de Pierre
T o u r n e m i r e , appelante d'unjugement rendu
au tribunal civil de Murât, le 14 prairial an 9.
C o n tre
QUESTIONS.
L e pouvoir d’ aliéner les biens d o ta u x, énoncé au
contrat de mariage de la dame de C halus, est-il général
et illim ité?
La. condition imposée au m ari d’employer le p rix pro
venant des ventes au payement de ses dettes et créances
hypothécaires, en commençant par les plus anciennes,
et qu’ il sera tenu de déléguer, a-t-elle pu obliger l'acqué
reur de rechercher la date de ces créances ?
Pouvoit-il en avoir les moyens lors de l'édit de 1771 ?
L' indication faite par le m ari vendeur n'a-t-elle pas
libéré valablement l’acquéreur?
L ’appelante seroit-elle aujourd’hui recevable dans sa
demande en nullité de la vente ou en restitution du prix?
F A I T S .
S
uzanne
DE
CH ALU S,
a u j o u r d ’h u i v e u v e T o u r -
n e m i r e , e t M a r i e - A n n e d e C h a l u s , sa s œ u r , o n t s u c c é d é
A
�44 *
( 2 }
par égale portion au sieur Danty, leur oncle maternel.
Elles jouissoient indivisément de sa fortune, lorsque, le
I er. juin 1773, Suzanne Chalus, majeure et non mariée,
et le sieur de Chalus, son beau-frère, époux de MarieAnne , vendirent solidairement, et avec promesse de
garantie, quelques parcelles d’héritages provenans de la
succession Danty, au sieur Denis Gazard, père de l’inti
m é, moyennant la somme de 2100 francs, dont le con
trat porte quittance.
L e 4 août 17 7 4 , la dame Suzanne Chalus contracta
mariage avec le sieur François Dubois de Saint-Julien.
On a vu qu’elle étoit majeure, et maîtresse de ses
droits. E lle se constitue en tous ses droits, parts et por
tions héréditaires qui lui sont échus par le décès de ses
père et m ère, et par celui de Jean-Baptiste Danty, son
oncle maternel; « lesquels droits, est-il dit, de quelque
« nature qu’ils puissent être, en quoi qu’ils puissent et
« doivent consister, et où qu’ils soient sis et situés. Elle
k donne par ces présentes plein pouvoir et autorité au
« sieur Dubois de Saint-Julien, son futur m a r i, de les
« rechercher, partager, vendre, céder, aliéner, et au« trement en traiter et transiger à tels p r ix , clauses,
« charges et conditions qu il avisera bon être,■recevoir
u et fournir quittance du prix des aliénations ou traités
« qu’il passera ; pour tous les actes auxquels le futur
« époux aura consenti à raison des droits et biens de la
« demoiselle future, valoir et sortir même effet que si
« elle les a voit elle-même passés avant ces présentes. »
Il est ajouté : « A la charge toutefois que sous la
« réserve et retenue de la somme de 10000 francs que
�«
«
«
«
«
«
«
C 3 ).
le futur époux pourra recevoir sur les premiers deniers
ci toucher des biens de la demoiselle future, pour en
disposer et faire tel emploi que bon lui semblera, et
de laquelle somme de ioooo francs il déclare faire dès^
ce jour assiette et assignat sur tous ses biens présens
et à venir, pour la demoiselle future y avoir recours
le cas arrivant.
« Tout le surplus du prix desdites aliénations, et
« autres droits mobiliers déjà acquis à la demoiselle
« future, seront employés à la libération des dettes et
« créances hypothécaires, à commencer par les plus
« anciennes et privilégiées du futur époux; à l’effet
« duquel emploi le futur faisant les aliénations , sera
« tenu de déléguer le prix d’icelles en l’acquit des
« créances, auxquelles la future demeurera subrogée de
« plein d ro it, pour plus ample sûreté de la restitution
« de sa dot. »
On lit encore dans ce contrat la clause suivante :
« Nonobstant ce qui est ci-dessus d it, que tous effets
o mobiliers déjà acquis à la demoiselle future seront
« employés en l’acquittement dés dettes du futur époux,
« cependant il demeure dès tout à l’heure autorisé à
« recevoir, sans aucune indication d’em ploi, ceux dé« pendans de la succession et faisant partie des biens du
« sieur Danty, son oncle, non excédant la somme de
« ioo francs pour chaque échéance, etc. »
L e 13 octobre 1775, Jean-François Chalusdu Chûtelet,
tant en son propre et privé nom, qu’au nom et comme
mari de dame M arie-Anne de Chalus, et ayant droit,
suivant leur contrat de mariage, de vendre les immeubles
A 2
�( 4 )
appartenans à sa femme, et François Dubois de SaintJulien , aussi tant en son propre et privé nom , que
comme mari de dame Suzanne de Chalus, tous deux
solidairem ent, sans division ni discussion, vendirent
avec pleine garantie, au sieur Denis Gazard , père de
l’intimé, un domaine appelé de Lan del, une montagne
en dépendante, euseinMe les bestiaux qui garnissoient les
montagne et domaine, et qui sont désignés au contrat.
L e prix de la vente est fixé ù 36000 f r . , et 968 fr.
pour épingl s; savoir, 4000 francs pour le mobilier,
et le surplus pour les immeubles. L ’acquéreur paye
comptant la somme de 9368 francs, dont le contrat porte
quittance. 11 est dit que sur cette somme le sieur de
Chalus a pris celle de 6484, francs, et le sieur Dubois
de Saint-Julien celle de 2884 francs : quant à la somme
de 27600 francs restante pour parfaire l’entier p rix , le
sieur Gazard, acquéreur, s’oblige de la payer, savoir,
celle de 3600 francs à la Noël lors prochaine, aux créant
ciers du sieur de Saint-Julien qu i lui seront indiqués
par lu i, en conform ité et suivant les clauses énoncées
en son contrat de mariage avec la dame Suzanne de
Chalus.
Les 24000 fr. sont stipulés payables en quatre termes
égaux; moitié sera payée au sieur de Chalus, et l’autre
m oitié aux créanciers du sieur de Saint - .Julien , sur
Tin d ic a tio n qui en sera faite par ce dernier : le to u t
a u s s i ch c o n fo r m ité e t s u iv a n t les cla u s e s cn o n cée s a.u
c o n tr a t de m a r ia g e du s ie u r de S a in t - J u lie n .
Jusque-là il est impossible d apercevoir aucun abus ou
excès de pouvoir de la part du sieur de Saint-Julien,
�C 5 )
l’un des vendeurs : toutes les clauses de la vente sont
conformes à celles du contrat de mariage, et le sieur de
Suint-Julien n’a fait que ce qu’il avoit le droit de faire.
Cette observation trouvera sa place dan§ la suite.
Il paroît que le sieur Dubois de Saint-Julien étoit
pressé de faire cette indication. L e contrat de mariage
n’énonçoit aucune date des créances qui pesoient sur le
sieur Dubois; il n’en particularisoit aucune, et il étoit
impossible au sieur Gazard, acquéreur, de les counoître :
il dut donc suivre la foi de son vendeur, qui étoit luimême intéressé à ce qu'on remboursât les dettes les plus
anciennes comme les plus onéreuses.
D ’un autre côté, l’acquéreur devoit être pleinement
rassuré sur la plus grande partie de la somme qu’il devoit
pour la portion du sieur de Saint-Julien; son contrat de
mariage apprenoit que sur le prix des venfes immobi
lières qu’il avoit le droit de faire, il pouvoit toucher
jusqu’à concurrence d’une somme de ioooo francs, dout
il avoit la faculté d’user comme il lui plairoit, sans être
tenu à aucun emploi ni désignation de payement. Il ne
revenoit sur le prix de la vente , au sieur Dubois de
Saint - Julien , qu’ une somme de 18484 francs : il n’y
avoit donc, par conséquent, que celle de 8484 francs
qui devoit être employée au payement de ses dettes.
Quoi qu’ il en soit, les 17 et 18 du même mois d’oc
tobre 1775, le sieur Dubois de Saint-Julien fait ses indi
cations ; il désigne les sieurs Lamouroux , Roux cadet,
et Blattin , tous trois négocians à Clermont, et leur donne
des mandemens pour être payés sur le prix de cette
vente.
�( <5 )
L e sieur Gazard paye au sieur Lamouroux une somme
de 1600 francs; celle de 1000 francs au sieur Roux cadet;
celle de 13000 francs au sieur Blattin. Il rapporte toutes
les quittances, ainsi que les titres authentiques, dont le
plus ancien remonte à
E t quels étoient ces titres ? C ’étoit des lettres de change
dont les créanciers avoient obtenu la condamnation par
corps. Certes il étoit urgent pour le sieur Dubois de
Saint-Julien de se débarrasser de pareils créanciers, et
il ne pouvoit faire un meilleur emploi du prix de ses
ventes.
Mais ce qu’il y a d’important à ajouter, c’est que par
le contrat de vente, du 13 octobre 1775, les immeubles
avoient été vendus francs et quittes de toutes charges,
dettes et hypothèques, même des arrérages des cens dont
les biens étoient grevés envers les seigneurs.
Cependant le sieur Gazard fut bientôt assailli par une
foule de créanciers du sieur D an ty, qui l’assignèrent
hypothécairement; et malgré les dénonciations faites à
ses vendeurs, qui se laissoient toujours condamner par
défaut, il s’est vu obligé de payer, i°. une somme de
467 francs pour arrérages de cens ou impositions restés
dûs, et dont il rapporte les quittances; 20. une somme
de 160 francs pour frais, sur les demandes hypothécaires
formées par les sieurs D um as, Gandillon et Danjou ,
créanciers à titre de rente viagère, du sieur Danty;
30. celle de 82 livres 18 sous au sieur Gandillon, pour
arrérages d’une rente due par la succession Danty, et
dont le sieur Gazard a retiré quittance le 12 octobre 1777;
40. la somme de 1756 francs 20 centimes au sieur Sau-
�( 7 ) ..
brier de L au b ret, exécuteur testamentaire de la dame
veuve de Boisset, créancière de cette somme de la suc
cession Danty, et dont le sieur Gazard rapporte aussi la
quittance.
Ainsi le sieur Gazard q u i, aux termes de son contrat,
ne devoit au sieur de S a i n t -Julien que la somme de
18484 francs, a payé,
i°. L e jour du contrat, deux mille huit
cent quatre-vingt-quatre francs, c i ...........
2884 £• »Ci
20. Au sieur Lamouroux , seize cents
francs, c i .........................................................
1600
»
3°. A u sieur Blattin, treize mille francs,
c i ...................................................................... 13000 • »
4°. A u même sieur Blattin, une somme
de dix-huit cent soixante-onze francs, ci. 1871
»
dont ce dernier étoit encore créancier, et
en a fourni quittance au sieur Gazard le
zo février 1789.
5°. Pour arrérages de cens ou impositions, quatre cent soixante-sept francs, ci.
467
»
6°. Pour frais des demandes hypothé
caires dont on a déjà parlé, deux cent
soixante francs, c i ........................................
260
»
7°. A Gandillon, quatre-vingt-deux liv.
huit sous, c i ..................................................
82 40
8°. A Saubrier de Laubret, dix-sept cent
1756 20
cinquante-six livres quatre sous, c i .........
T o t a l
................................. 21920f. 60c.
Ce n’est pas tout encore •, le sieur Chalus du Châtelet,
�(
8 )
covendeur du sieur Dubois de Saint-Julien, s’étoit permis
d’avancer que son contrat de mariage, dont il ne justiiioit pas, lui donnoit la faculté d e vendre : ce n’étoit
de sa part qu’une assertion mensongère. A peine est-il
décédé, que Marie-Anne Chalus, sa veuve, fait assigner
le sieur Gazard, par exploit du 25 octobre 1785, au
bailliage de V ie , pour voir déclarer, en ce qui la concernoit, les deux ventes de 1773 et de 1776 nulles et de
nul eifet, et que le sieur Gazard fût tenu de se désister
des immeubles par lui acquis, avec restitution de jouis
sances.
Il fallut composer avec la dame veuve Chalus, dès que
son mari n’avoit pas craint de commettre un stellionat,
mais sauf la garantie du sieur Gazard contre le sieur de
Saint-Julien, qui avoit vendu solidairement. En con
séquence, par acte du 7 mai 1787, Marie-Anne Chalus
ratifia, soit la vente consentie en 1773 , conjointement
avec sa sœur, soit la vente de 17 75 , moyennant une
somme de 5630 francs et une pièce de toile. De sorte
que le sieur Gazard a été rançonné de toutes les manières,
pour une acquisition faite de bonne foi, et qui sembloit
lui présenter toute sûreté.
L ’exemple de la dame de Chalus 11’a fait qu’encourager
la dame de Saint-Julien, sa sœur : cependant la récla
mation de celte dernière a été plus tardive, et sa conduite
précédente n’annonçoit pas qu’elle eût l’intention d’in
quiéter le sieur Gazard.
On voit que la dame Saint-Julien forma contre son
mari, le 10 s e p t e m b r e 1788, une demande en séparation
de biens; le 26 du même mois de septembre, elle fit
rendre
�rendre ¿'une sentenceT1 intërtô'cutoire , qui ' ordonna la
preuve des faits de dissipation du mari* elle obtient, le
13 janvier 1789, une sentence qui prononce cette sépa
ration , et n’oublie rien dans les condamnations qu’elle
fait prononcer. . ■t . :
‘-•-Elle fait notamment condamner son mari à lui payer
et rembourser une somme de 18484 francs, revenant,
est-il d it, à la demanderesse, en sa qualité d’héritière
du sieur Danty, son oncle maternel, pour sa m oitié'du
p rix de la vérité du domaine dé ‘L a n d e l, provenant de
cette succession ; laquelle v e n t é é t é consentie par' le
sieur Dubois* de S ain t-Ju lien , et par le sieur François
de Chalus du Châtelet, son b e a u -frè re , au profit du
sieur D en is G a z a r d , négociant, de la ville de M urât,
par contrat1du 13 octobre 1775.
La dame veuve Saint-Julien ne contestoit pas alors la
validité de la vente ni des. indications faites par son mari,
puisqu’elle l’a fait expressément condamner au rembour
sement dû prix de cette môme vente. ’ ,!l
Son premier, acte d’hostilité suppose encore les mêmes
intentions; car le 28 avril 1789 elle fait faire entre lfes
mains du sieur Denis Gazard une saisie-arrêt de tout ce
qu’il pourroit devoir à François Dubois, son m ari, et
par exprèsidu prix de la vente du dôrilainè de Landel.
Elle annonce que cettè saisie-arr!ê t )e'st faite eu vertu
de sa séparation du 3 janvier pbécédetlt,' qui 'lh déclare
créancière de son é p o u x d ’une somme'cle 60004 francs.
Elle assigne en même temps le sieur Gazard pour faire
son allirmation sur la saisie.
Elle ajoute, à la vérité, qu’elle n’entend point npprouB
�MO-
( IO )
ver la ven te, et qu’elle se réserve, au contraire, d’en
demander la nullité. Mais la protestation ne sauroit être
aussi forte que l’action; et lorsqu’on voit que la dame de
Saint-Julien fait condamner son mari à lui rembourser
le prix de la vente, sans aucune réserve; lorsqu’en même
temps elle fait saisir et arrêter entre les mains de l’acqué
reur le prix de cette même vente, il est diflicile de penser
qu’après ces actes approbatifs et géminés, elle puisse se
pourvoir avec succès contre un acquéreur légitime.
La dame Dubois de Saint-Julien ne s’en tint pas là.
L e 6 août suivant, et dans une requête ou elle se qua~
lifie veuve de Saint-Julien , elle demande que le sieur
Gazard soit condamné à lui remettre les titres et quit
tances contenant subrogation à son profit de la part des
créanciers hypothécaires et les plus anciens de son mari,
jusqu’à concurrence de la somme de 18484 francs, faute
de quoi elle conclut à la nullité du contrat de vente de
17 7 5 , avec restitution de jouissances depuis le décès de
son mari, si mieux n’aime le sieur Gazard lui payer la
gomme de 18484 francs, avec l’intérêt depuis la même
époque.,
,
;
L e sieur G azard, en défenses, justifie des quittances
des créanciers qui lui avoient été indiqués par son ven
deur ; et par requête du 19 février 1790, il forme de
mande incidente contre elle du prix de la ratification
consentie par la dame de Chalus, sa sœur, des intérêts
et des frais par lui faits sur les demandes hypothécaires.
E t , au surplus, soutint la validité de la vente et de sa
libération.
La discussion fut quelque tejnp9 suspendue par le si-
�( II
)
lence de la dame de Saint-Julien et le changement des
tribunaux. Mais l’instance ayant été reprise au tribunal
civil de M urât, le sieur Gazard, par ;une nouvelle re
quête du 14 prairial an 9 , en soutenant 'la dame de
•Saint’-Julien non recevable dans sa demande, conclut à
la restitution de toutes les sommes qu’il a voit payées
au delà du prix de son acquisition , et dont on a fait
plus hautüe détail",!avec les intérêts ainsi que dè droit.
- C ’est lë même jour q u e ,‘ la cause portée à l’audience,
le tribunal de Mui’at rendit Un .jugement contradictoire
par lequel il donne acte au sieur Gazard de ses offres
de remettre, dans tel dépôt public qui seroit choisi, les
titres de créances qu’il a remboursées sur le prix de sa
vente, les quittances par lui retirées, ainsi que les délé
gations qui ont été faites par le sieur Dubois de SaintJulien; ordonne que le sieur G azard déposera au greffe
du tribunal ses titres, pièces et quittances, pour y rester
e n ’ dépôt pendant l’espace d’un mois à compter de la
Signification du jugement, pour que la1dame de Chalus
puisse en prendre communication, ou en retirer telles
copies colla tionnées qu’elle jugera à propos.
La dame de Chalus est déboutée de sa demande en
nullité de la vente.
I
'
Faisant droit sur la demande incidente du sieur Ga
zard, Suzanne de Chalus est condamnée à luî rembourser,
i°. La somme de 634 liv. 2 sous 6 deniers, faisant avec
celle de 1045 liv. 17 sous 6 deniers, celle de 1680 liv.
payée par le sieur Gazard , à défuttt Saubrier-Laubret,
sur celle de 7490 liv. formant le principal d’une rente
constituée par feu Jean Danty, le 20 aôût 1760.
B 2
�¿5X( I2 )
2°. Celle cîe 89 livres 2 sous 2 deniers, payée par le
sieur Gazard, pour arrérages de cens dûs sur le domaine
de L an d el, pour les années 1773, 1774 et 1775, ainsi
qu’il résulte des quittances relatées au jugement.
30. La somme de i 55 livres 12 sous pour les impo
sitions de l’année 17 75 , suivant la quittance représentée
par le sieur Gazard.
4°. Celle de 53 liv. 8 sous pour le montant des arré
rages d’une rente due au sieur Gandillon.sur la succes
sion D anty, et payée par le sieur Gazard, suivant sa
quittance.
r
5°. La somme de 120 liv. 19 sous 6 deniers pour le
montant d’un exécutoire de dépens décerné au profit de
Gazard, contre les héritiers Danty, le 26 janvier. 1782,
et le coût de deux procès verbaux de refus,et rébellion,
qui ont suivi cet exécutoire.
6°. Celle de y 5 livres 1 sou pour frais faits par le sieuv
Gazard dans l’instance relative à la demande hypothé
caire formée par Gandillon sur le domaine de Landel;
la dénonciation de cette demande et celle en recours
contre les héritiers Danty , qui avoit été adjugée par
sentence d elà sénéchaussée d’Auvergne, le 24 mai 1777,
si mieux n’aime la dame Chnlus, suivant la taxe qui en
sera faite en la manière ordinaire.
7 0. La somme de 64 livres 5 sous pour frais faits par
le sieur Gnzard, sur la demande en déclaration d’hypo
thèques, formée par le sieur D anjou, dénonciation d’icelle, et poursuite en recours.
Suzanne Chalus est également condamnée au pavement
des intérêts de toutes ces sommes, à compter de la
demande.
�( 13 )
L e sieur Gazard est renvoyé à se pourvoir ainsi qu’il
avisera pour le payement de la somme de i 5j francs,
faisant le prix de la pièce de toile fournie par le sieur
Gazard p è r e , à Suzanne de Chalus.
Cette dernièi’e est encore condamnée à rembourser au
sieur Gazard les sommes qu’il lui en a coûté pour ob
tenir la ratification de Marie-Anne de Chalus, du contrat
deivente du i er. juin 1773? suivant la ventilation qui
en seroit faite sur la somme de 5630 francs, montant du
prix de cette ratification, pour la vente de 1773 et celle
de 17 75 , avec les intérêts de cette somme.
Sur la demande en remboursement formée par le sieur
Gazard, du prix de la ratification du contrat de 1775 ,
le sieur Gazard est mis hors de cour, ainsi que sur les
autres chefs de demande, fins et conclusions des parties:
la dame de Chalui est condamnée en tous les d é p e n s,
tant ceux faits en la sénéchaussée qu’au tribunal de
Murât.
Les premiers juges se sont déterminés par plusieurs
motifs qu’011 se contentera- d’analiser.
Ils avoient posé en question, i°. celle de savoir si
le sieur Gazard étoit tenu de rapporter les quittances
établissant sa libération du prix de la vente; 20. si faute
de rapport de ces quittances, le contrat de vente de
1775 devoit être déclaré nul; 30. si le sieur Gazard étoit
valablement libéré du prix de son contrat; 40. si Suzanne
de Chalus devoit être tenue de rem bourser au sieur
Gazard la somme de 5630 francs par lui payée à MarieA n n e Chalus, pour obtenir la ratification des ventes de
1773 et de 1775; 5». si on pouvoit statuer sur les de-
�( 14 )
mandes inçidentes formées par le sieur Gazai’d , contre
la dame de Chalus, en remboursement des sommes par
lui payées aux créanciers de la succession Danty, ainsi
que du montant des frais par lui faits sur les demandes
hypothécaires; de ces mêmes créanciers, et sur les de
mandes en recours.
« Les premiers juges pensent sur la première question,
que le sieur Gazard n’est pas tenu de se dessaisir des titres
qui établissent sa libération, qui lui sont nécessaires visà-vis les héritiers Dubois; que les offres qu’il fait de les
déposer au greffe, pour que la dame de Chalus puisse
en prendre communication ou en retirer des expéditions
collationnées, sont raisonnables, et doivent suffire à la
dame veuve Saint-Julien.
« Les premiers juges disent ensuite que Suzanne de
Chalus a donné à son mari, par son contrat de mariage,
le pouvoir de vendre ses biens dotaux ; qu’elle l’a au
torisé à toucher sans em ploi, ou pour en faire tel usage
qu’il jugeroit à propos, une somme de ioooo francs.
« Il leur paroît évident, d’après les termes du contrat
de m a r ia g e , que cette somme devoit être prise sur le
prix des aliénations des immeubles, et qu e, dans tous
les cas, quand on supposerait quelqu’ambiguité, l’obscu
rité ou l’équivoque s’interpréteroit contre la dame de
Chalus.
« L e contrat de mariage ne porte pas que la somme
de 7384 francs, prétendue touchée par le sieur Dubois
de Saint-Julien, sera imputée sur les 10000 francs dont
il avoit la libre disposition.
« Daus la supposition que cette somme de 10000 fr.
�( i5 )
dût être pi'ise sur le mobilier, le sieur Dubois n’a réel
lement touché, lors de son contrat de mariage, qu’une
somme de 5oo francs.
« La somme de 1940 francs, à laquelle la valeur des
meubles a été fix é e , ne forme pas une créance pour
Suzanne de Chalus ; ce n’est qu’une vente du trousseau
faite au mari, d’après la maxime, D o s œ stim ata, dus
vendita : et pour le surplus, le mari a seulement reçu
les titres établissant'ses créances; remise de titres néces
saire, puisque Suzanne de Chalus se constituoit én^dot
ces différentes sommes, et que le mari seul avoit le droit
de les percevoir.
« Les indications faites par le sieur Dubois au sieur
Gazard, des créanciers qui devoient recevoir le prix du
contrat de 1 7 7 5 , ont été^faites par actes des 1 7 . et 18
octobre 177^; elles sont donc antérieures à la quittance
de 14000 francs, donnée par Dubois au sieur d’Anglard:
d’où il suit qu’en supposant que la somme de 10000 fr.
que Dubois devoit toucher sans em ploi, dût être prise
tant sur les meubles que sur lés' immeubles, François
Dubois a pu toucher la somme de 10000 francs , sans
em ploi, du sieur G azard, ou la déléguer à tels de ses
créanciers qu’il lui plaisoit d’indiquer.
« D ’un autre c ô té , Suzanne de Chalus a jugé ellemême que cette somme de 10000 fr. devoit être prise
sur la vente des immeubles, autrement elle eût eu ù
exercer une action contre le sieur d’Anglard , en rem
boursement d’une somme de 4000 fr. qui auroit excédé
celle de 10000 francs dont le innri pou voit user. Elle
n’a pas formé cette action.
•
�.(i6)
« SiiMune de Clialus, en donnant à son mari le pouvoir
de vendre ses biens dotaux pour en employer le prix
au payement des créanciers personnels du mari, à com
mencer par les plus anciens en hypothèques, et les plus
privilégiés , a formellement chargé son mari de faire
l’indication des créanciers. Il en résulte que le sieur Gazard a dû payer les créanciers qui lui étoient indiqués
par Dubois, il lui étoit d’ailleurs impossible de connoître
les créanciers les plus anciens : il n’avoit aucun moyen
dans les lois du temps pour acquérir ceite connoissance.
« Si François Dubois n’a pas indiqué ses créanciers
les plus anciens eu hypothèques , Gazurd , acquéreur,
ne doit pas en être responsable : Suzanne de Chalus a
à se reprocher d’avoir choisi un mandataire infidèle, et
doit seule supporter les effets de cette infidélité, quelque
funeste qu’elle puisse être pour elle. La loi 21 il'., §. 3 ,
Jiegot. gest., en a une disposition précise.
« Le sieur Gazard a pu valablement payer la somme
<le 10000 francs, fcoit ù François Dubois, sans emploi,
soit à ses créanciers chirograpliaires.
« Dans la créance de 13000 francs payée à Blattin,
il se trouve une créance hypothécaire pour la somme
de 1838 francs, dont l’hypothèque frappoit tant sur
François Dubois que sur J e a n , son père.
a La presque totalité des créances dont Suzanne Cluilus
justifie par le rapport des inscriptions, vient du chef de
la mère de François Dubois et de son aïeul; celui-ci n’a
pu devenir débiteur de ces différentes créances qu’après
le décès de sa mère, et elles 11 ont été déclarées exécutoires
contre lui que depuis 1777 jusqu’en 178Î).
a Les
�( *7 )
« Les premiers juges remarquent ensuite deux choses;
l’une, que ces créances appartiennent aujourd’hui à Pierre
Tourneinire, second mari de Suzanne de Chalus, qui
eu est devenu cessionaire; la seconde, que dans ses ins
criptions elle ne dit point en vertu de quel titre il étoit
devenu propriétaire de ces créances : d’ou il suit que
dans cette famille on a formé le dessein, ou de s’emparer
des biens à vil p rix, ou de rançonner les acquéreurs;
ce qui n’est ni juste ni honnête. Enfin il est douteux
que les inscriptions de Tourneinire aient conservé l'hy
pothèque de ces mêmes créances.
« Le tribunal remarque encore que toutes les créances
payées par Gnzard à Blattin , Lamouroux et Roux ,
étoient des créances emportant la contrainte par corps;
cette contrainte avoit même été prononcée par les sen
tences que Blattin avoit obtenues : elles formoient donc
des créances privilégiées, surtout pour un gentilhomme
qui avoit compromis sa liberté, et pour qui l’emprison
nement eût été l’a liront le plus sanglant. Les femmes,
dont les biens dotaux étoient inaliénables, avoient néan
moins la faculté de les vendre pour les créances de cette
nature, lorsque le mari n’avoit point de ressources.
« Indépendamment de toutes les sommes payées aux
créanciers indiqués, le sieur Gazard a payé encore celle
de 1680 francs à feu Saubrier-Laubret, pour partie du
sort principal d’une rente due à la veuve de Boisset par
la succession Danty , et qui étoit hypothéquée sur le
domaine de Landel. Ainsi 10000 francs jwyés .sans
em ploi, et qui pouvoient l’être aux tenues du contrat
de mariage, 7838 fr. faisant partie de lu créance Blattin,
c
�( i8 )
et portant hypothèque depuis 17 6 7, 1680 francs payés
à Saubrier-Laubret, excèdent la portion l'evenante à
Dubois d’une somme de 634 francs.
« Il résulte de deux certificats d’inscription formée au
bureau des hypothèques par les créanciers de François
Dubois, délivrés par le conservateur de Clermont, le 5
fructidor an 8 , et les bordereaux d’inscription rapportés
par Suzanne de Chalus constatent qu’elle n’a fait aucune
inscription sur les biens de François D ubois, son mari ;
elle auroit perdu toute espèce d’hypothèque sur ces mêmes
biens, quand bien même le sieur Gazard auroit employé
le prix à payer les créanciers les plus anciens.
<f L e sieur Gazard a été aussi obligé de payer plusieurs
sommes pour arrérages de cens, rentes foncières, impo
sitions dues sur le domaine de Landel. Il a payé des
dépens sur les demandes en déclaration d’hypothèques
formées contre lui ; il a été obligé de faire des frais
pour se défendre : la demande en remboursement qu’il
a formée de ces objets n’est qu’une demande incidente
pour laquelle il étoit inutile de passer au bureau de paix;
et ces sommes doivent lui être allouées.
« Le sieur Gazard a été obligé de payer à Marie-Anne
de Chalus une somme de 5630 francs, pour obtenir sa
ratification du contrat de vente du i cr. juin 1773 , et de
celui du domaine de Landel. Suzanne de Chalus ayant
vendu par le contrat du icr. ju,n 1773 , solidairement
avec sa sœur, est tenue de faire valoir ce contrat, et par
conséquent de rembourser à Gazard ce qu’il lui en a
coûté pour obtenir la ratificationde cet objet. iVlaisqueîque
pouvoir général et illimité que Suzanne de Chalus ait
�( T9 )
donné à son mari de vendre ses biens dotaux, elle ne
lui a pas donné pouvoir de vendre la portion de bien
appartenante à sa sœur, et indivise avec la sienne. »
Tels sont en substance les motifs qui ont déterminé
les premiers juges ; ils sont de la plus grande force rela
tivement à la demande formée par Suzanne de Chalus;
mais les intérêts du sieur Gazard sont blessés en deux,
points : i° . les premiers juges ne pouvoient amalgamer
la créance payée à Saubrier avec le prix de la, vente.
L e sieur Gazard avoit payé au delà de ce qu’il devoit,
indépendamment de cette créance qui est personnelle à
la dame de Chalus : ce seroit la faire perdre au sieur
Gazard, que de vouloir l’employer à compléter le prix
de la vente de 1776 ; et il n’en étoit nullement besoin.
D ’un autre côté, le sieur D ubois, par son contrat de
mariage, avoit droit de vendre les biens de sa femme
à telles conditions que bon lu i sernbleroit. Les propriétés
de la dame Dubois étoient indivises avec celles de sa sœur:
il étoit difiieile de trouver des acquéreurs sans une vente
solidaire, et cette condition de solidarité n’excédoit pas
les pouvoirs du mari.
Le sieur Gazard devoit donc obtenir la condamnation
de la somme totale qu’il a payée pour obtenir la rati
fication de la dame de Chalus.
La dame veuve Tourncmirc ayant eu le courage d’in
terjeter appel d’un jugement qui a si justement repoussé
ses prétentions, le sieur Gazard s’est, de son côté, rendu
incidemment appelant quant aux deux chefs qu’on vient
d’expliquer; et c’est sur ces appels respectifs qu’il s’agit
de prononcer.
C 2
�*.
\(iO-
( 20 )
A van t d’examiner le mérite des prétentions de la dame
Teuve Tournemire, il convient de vérifier si la dame de
Chalus est aujourd’hui recevable à former cette demande.
On se rappelle que la dame de Chalus a fait prononcer
sa séparation de biens avec le sieur Dubois, son premier
m a ri, par sentence de la sénéchaussée d’A u v e r g n e , du
13 janvier 1789 ; cette sentence liquide en même temps
ses droits , et on voit que Suzanne de Chalus n’a rien
oublié : elle conclut entr’autres choses à ce que son mari
soit condamné à lui payer la somme de 18484 f r . , qui
lui revient en sa qualité d’héritière du sieur Danty, son
oncle maternel, pour sa moitié du prix de la vente du
domaine de Landel, provenant de cette succession, et
consentie par le sieur Dubois de Saint-Julien conjoin
tement avec le sieur François de Chalus du Châtelet,
son beau-frère, au profit du sieur Denis Gazard, négo
ciant, de la ville de M urât, par contrat du 13 octobre
l y 7 5'
Telles sont littéralement les conclusions par elle prises,
comme on le voit, en grande connoissance de cause, et
avec le contrat à la main. La sentence de séparation
prononce la condamnation de cette somme au profit de
Suzanne de Chalus : au moyen de cette sentence, et de
son hypothèque, qui remoutoit à son contrat de mariage,
elle avoit dans les mains tous les moyens de se faire rem
bourser.
Elle a clle-mêine reconnu et confirmé la vente faite
par son mari. Elle obtient tout ce qu’elle pouvoit exiger,
le remboursement du prix de la vente. Comment donc
aujourd’hui pourroit-elle réclamer la nullité de cette
�M r.'
( 21 )
même vente ? Ne seroit-ce pas avoir et la chose et le
prix ?
La dame de Chalus dira-t-elle que loi's de cette con
damnation elle étoit toujoui’s en puissance de mari; que
ses biens dotaux n’en étoient pas moins inaliénables?
Mais , i°. il ne s’agissoit pas d’aliénation , puisque
l ’objet étoit vendu en vertu du pouvoir qu’elle avoit
donné en majorité par son contrat de mariage ; 2°. il
est de principe que celui qui peut agir peut aussi ap
prouver. O r , on ne contestera pas, sans doute, que la
dame Dubois, séparée de biens, avoit la faculté d’ac
tionner les acquéreurs en désistement, de demander la
nullité des ventes, comme d’exiger le payement du prix,
si les acquéreurs ne s’étoient pas valablement libérés.
La dame Dubois ne px-end pas ce parti; ce n’est point
la nullité des ventes qu’elle demande, elle reconnoît que
son mari à valablement vendu ; elle ne réclame pas contre
les tiers acquéreurs le remboursement du p r i x , elle re
connoît aussi qu’ils se sont valablement libérés : mais
elle demande la condamnation de toutes ces sommes
contre son mari qui les avoit touchées; elle obtient cette
condamnation qui remplit son objet, et lui fait reprendre
tout ce que son époux a touché ou reçu pour elle.
Cette sentence de séparation a passé en force de chose
jugée; la condamnation contre le mari subsiste : il y a
donc une contradiction bien frappante entre cette sen
tence et la demande formée contre le sieur Gazai’d. Elle
réclame contre ce dernier ce qui ne lui est pas d û , ce
qu’elle a droit de reprendre sur les biens de son m ari,
�( 22)
ce qu’elle ne peut obtenir deux fois. Il y a donc contre
sa demande une fin de non-recevoir insurmontable.
La dame veuve Tournemire n’osera pas dire que les
biens de son mari fussent insufïisans pour obtenir le
remboursement de ses créances; elle a produit au procès
plusieurs pièces qui prouveraient sa turpitude. Elle fait
usage d’une expropriation forcée poursuivie sur partie
des biens du sieur Dubois, à la requête d’un sieur Théroulde et d’un sieur Lebarois-d’Orgevalle, tous les deux
prête-noms du sieur Tournemire, ou dont il a acquis les
droits à vil prix. L e sieur Tournemire s’est rendu adju
dicataire des biens expropriés, moyennant une somme de
60000 f r . , c’est-à-dire, pour la moitié de leur valeur; il
s’est ouvert un ordre pour la distribution du prix de
cette vente, et là le sieur Tournemire, figurant comme
cédatàire des prétendus créanciers du sieur Dubois de
Saint-Julien , s’est fait colloquer par jugement d’ordre
pour la totalité du prix ; de manière qu’ il a trouvé le
moyen d’avoir une grande partie des biens sans bourse
délier.
Ce li’cst pas tout encore ; il s’est rendu aussi adjudi
cataire des biens qui appartenoicnt ou sieur D ubois,
d.ins le département de la Corrèze. L à , il iiguroit sous
le nom du sieur Lachapelle, son cousin, qui a fait en
sa faveur une déclaration de mieux. Il a obtenu pour
45000 fr. des biens qui valoient plus de 100000 fr. ; et
c’est lorsque Tournemire est nanti de toute la fortune
de Dubois de Saint-Julien , de tout ce qui formoit le
gage des créanciers dont il a obtenu les cessions par
�( 23)
lassitude; c’est avec cette fortune si considérable, dont
il est en possession , ou dont il a revendu une partie
avec des bénéfices immenses, que la dame veuve Tournemire vient porter l’inquiétude et jeter l’alarme parmi
les créanciers de son m ari, qu’elle a spoliés avec autant
d ’audace que d’indignité.
Les circonstances qui accompagnent cette demande
sont tellement défavorables, qu’elle ne peut se promettre
aucun succès, indépendamment de la fin de non-recevoir
qu’on vient de développer.
Mais ces moyens pourroient-ils avoir quelqu’apparence
de fondement en point de droit? Ce n’est pas sans raison
que les premiers juges, dans leurs motifs, ont tiré parti
de toutes ces circonstances, de ces présomptions graves
et concordantes, qui établissent que la dame Dubois de
Saint-Julien , en ne justifiant d’aucun de ses titres de
cession, a conçu le dessein de tout dissimuler à la justice,
de s’emparer, pour des sommes modiques, de tous les
biens de son mari , et de rançonner les acquéx*eurs; ce
qui est contre toutes les convenances et contre toutes
les règles d’honnêteté et de délicatesse.
En prenant les choses dans l’état où elles se présentent,
la dame Dubois de Saint>Julien ne peut espérer de rendre
le sieur Gazard garant ou responsable de l’inexécution
prétendue des clauses de son contrat de mariage : elle
étoit majeure et maîtresse de scs droits lorsqu’elle s’est
mariée; elle a donné ù son mari le pouvoir le plus absolu
et le plus illimité, de vendre ses immeubles à telle con«
dition qu’il jugeroit à propos. Il est inutile de s’appe
santir sur le point de savoir si elle a pu donner ce droit
�1 24 )
à son mari. Il est constant, eu principe, que la femme
majeure peut donner à son futur le droit de faire ce
qu’elle pouvoit faire elle-même.
Elle lui a donné plein pouvoir et autorité de vendre,
céder et aliéner tous ses biens immeubles, sous la seule
condition et x’éserve de la somme de 10000 fr. que son
futur pourra recevoir sur les premiers deniers à toucher
de ses b ien s, pour en disposer et faire tel emploi que
bon lui semblera.
Il est remarquable que cette permission 'de toucher
10000 francs suit immédiatement la faculté de vendre les
immeubles. Ce n’est qu’après cette clause indivisible, que
la demoiselle Dubois parle de son mobilier, dont elle fait
l’énumération dans son contrat, et pour lequel elle se
contente de l’hypothèque sur les biens de son mari.
L e mari est le maître de toute la dot mobilière ; c’est
son domaine c iv i l , comme le dit Duperrier : il a le
droit de la toucher, de la percevoir; et sa quittance li
bère valablement les débiteurs.
Si pour le prix de ses immeubles elle charge son
mari de l’employer au payement de ses dettes anciennes,
elle le charge aussi d’en déléguer le prix; et les acquéreurs
devoient nécessairement suivre la foi de son indication.
La fin de non-recevoir résultante de la séparation
du 13 janvier 1789, de la saisie-arrêt faite entre les
mains du sieur Gazard iils, sur le prix de celte vente
de 1775, suiliroit pour écarter les prétentions de la dame
de Saint-Julien. Ce sont autant d’actes géminés et npprobatils de la vente, dans 1111 temps ou elle avoit la
liberté d’agir et la faculté de vouloir.
Au
�( *5 )
A u fond, et indépendamment de ces premiers moyens,
il est aisé de prouver que la dame veuve Tournernire
n’a aucune sorte d’action à exercer contre le sieur Gazard.
Il faut considérer d’abord par quel acte le sieur
Dubois a reçu les pouvoirs en vertu desquels il a vendu;
2°. quelle étoit l’étendue de ses pouvoirs, s’il les a ex
cédés ; 30. si l’acquéreur avec lequel il a traité, n’a pas
été forcé, par la nature môme de ces pouvoirs, à suivre
la foi de son vendeur.
Quand on aura discuté ces différentes propositions,
on examinera le mérite des objections de la dame de
Saint-Julien ; il sera besoin surtout de faire remarquer
son inexactitude, et de relever les erreurs dans lesquelles
elle est volontairement tombée.
P r e m i è r e
p r o p o s i t i o n
.
C’est par son contrat de mariage que la dame veuve
Tournemire a donné à son mari le pouvoir le plus ab
solu et le plus illimité, de vendre et aliéner ses biens
immeubles. Les contrats de mariage sont susceptibles de
toutes les conventions : c’est un pacte entre deux familles
qu’ il faut respecter , parce que sans ces conventions le
mariage n’auroit pas eu lieu.
La dame Dubois, née en 1744 , étoit âgée de trente
ans lors de son contrat de mariage; elle avoit déjà ellemême vendu , étant fille, une portion de ses immeubles;
elle avoit une connoissancc exacte de ses liions; ce qui
est assez prouvé par le détail auquel elle se livre dans
son contrat.
D
�( 2 6 }
Quel étoit son objet lorsqu’elle a permis à son mari
d’aliéner ses biens? c’étoit de venir au secours de son
époux, d’affranchir ses propriétés des dettes qui les grevoient; et elle ne faisoit pas un grand sacrifice, puis
qu’elle n’a voit que des propriétés médiocres et indivises,
qui eussent perdu de leur valeur en les divisant. Elle
convient elle-même qu’elle a donné à son mari un pou
voir valable; elle reconnoît qu’il a pu vendre, mais elle
prétend que c’est sous des conditions inséparables de la
permission qu’elle a donnée; et c’est sur cette prétendue
indivisibilité de la condition que roule tout son système.
En quoi consiste donc cette condition ? Est-elle res
trictive? L ’inexécution pourroit-elle entraîner la nullité
de la vente? Ce n’est là qu’une chimère qui ramène à
l’étendue des pouvoirs qu’elle a donnés à son mari, et
à vérifier si ce dernier a excédé ses pouvoirs. C’est l’objet
de la seconde proposition.
S
e c o n d e
p r o p o s i t i o n
.
S’il y a jamais eu d’exemple d’un pouvoir général et
illimité, c’est dans le contrat de mariage qu’on le trouve.
L e mari est le maître absolu : tous les actes qu’il va
passer sont aussi valables que si la femme les avoit
passés elle-même. Sur les premiers deniers à toucher
des bien s, le mari peut disposer à son gré d’une somme
de 10000 francs, et sans aucune désignation. Il est clair
qu’on ne peut entendre par biens que les immeubles :
jusque-là il n’a point encore été question du mobilier;
ou n’a parlé que des aliénations ou des ventes qui sont
�7
C' 27 )
permises au mari; et déjà, avant qu’il soit question du
mobilier, le mari a assigné et hypothéqué cette somme"
de ioooo francs sur ses propres biens. La clause sui
vante établit encore plus clairement que les ioooo fr.
ne s’appliquent qu’aux immeubles. Tout le surplus, estil dit, du prix desdites aliénations ainsi que des autres
droits mobiliers seront employés, etc. Donc la somme
de ioooo francs doit être prise préalablement sur le
prix de la vente des immeubles. C’est une chose avant
l’autre : la future ne s’occupe que postérieurement.de son
mobilier dont elle veut aussi l’emploi à la libération de
son mari.
Et comment cela pourroit-il être autrement? le mari
ne touche point de mobilier lors du contrat de mariage,
la femme ne se constitue que des billets ou effets qu’elle
livre à son mari, si on n’cn excepte une somme de 5oo fr. :
il est dans l’intention respective des parties que la vente
des immeubles soit faite avant l’échéance des effets. C’est
donc nécessairement et préalablement sur le prix des
immeubles que \ù mari pouvort et devoit toucher cette
somme de ioooo francs.
11 faut d’ailleurs faire une bien grande différence entre
les immeubles et le mobilier. I/acquéreur qui achète du
mari un bien dotal de sa femme doit connoître le contrat
de mariage, et a le droit d’en exiger la représentation;
le débiteur du' mobilier, au contraire, n’a pas cette fa
culté. L e mari est le maître du mobilier de sa iemme ;
il peut seul exercer toutes les actions m obilières et en
.faire le recouvrement : le débiteur est tenu de verser
entre les mains1 du m ari, et so libère valablement sans
D
2
�( 2S )
autre examen ; et quoique le mari soit tenu par son
contrat de mariage de faire emploi de ce mobilier, la
femme seule, qui a exigé cette condition, doit veiller à
cet emploi : elle n’a d’action que sur les biens de son
mari ; elle n’en a point contre les débiteurs qui justifient
de leurs quittances.
Point de doute donc que la somme de ioooo francs
a dû être prise sur les immeubles, et que le sieur Gazard a dû payer sans crainte jusqu’à concurrence de cette
somme.
Maintenant Suzanne Chalus a voulu que le surplus
fût employé au payement des créanciers du mari, les
plus anciens et les plus privilégiés , qu’il seroit tenu
de déléguer. Voilà sans doute une indication bien Vague :
il est impossible de savoir et de connoître quels sont ces
créanciers; on n’en désigne aucuns. La dame de Chalus
s’en rapporte pleinement et entièrement à la foi de son
mari; elle l’investit d’une confiance générale : et les tiers
ne doivent pas être plus scrupuleux dans leur examen,
que la femme elle-même. L ’acquéreur qui se présente
prend connoissance du contrat ; il y trouve un pouvoir
illimité donné au mari de vendre les immeubles de la
femme; il y voit bien qu’après ioooo francs le reste du
prix doit être employé au payement des créanciers les
plus anciens. Mais comme c’est d’après la délégation du
mari, et qu’on ne s’est pas mis en même de faire rénu
mération ou la désignation de ces créances, pourvu qu’il
paye à des créanciers indiqués par le mari, il a rempli
toutes les conditions du contrat; il se voit nécessaire
ment obligé de suivre la foi du vendeur. Il n’y a point
�( 29 )
d’excès de pouvoirs : il peut y avoir abus de la part
du mandataire; mais cet abus ne concerne pas l’acquércur : et c’est ce qu’on va démontrer dans la troisième
proposition.
T
r o i s i è m e
p r o p o s i t i o n
.
Par le contrat de vente, du 13 octobre 1775, le domaine
de Landel a été vendu au sieur Gazard par les maris
des deux sœurs. Le sieur Dubois de Saint-Julien donne
quittance de 2884 francs sur la portion qui lui revient;
le surplus du prix, stipulé payable à termes, doit l’être aux
créanciers du sieur de Saint-Julien , qui seront indiqués
par l u i , en conformité et suivant les clauses énoncées
en son contrat de mariage avec Suzanne de Chalus. Cette
condition est répétée deux fois, à raison de la différence
des termes despayemens, et toujours sur l’indication qui
sera par lui faite des créanciers, conformément à son
contrat de mariage.
Une première réflexion qui se présente, c’est qu’il est
impossible au moins d’attaquer la vente de nullité ; car le
mari n’a vendu que suivant les conditions énoncées en
son contrat de mariage : elles sont littéralement rap
portées dans la vente. 11 apprend qu’il ne peut vendre
qu’en faisant payer le prix aux créanciers qu’il indiquera,
conformément au contrat de mariage. Jusque-là pas
d’excès de pouvoirs, sûreté pour l’acquéreur, puisqu’il
doit payer aux créanciers qui lui seront indiqués par le
vendeur, qui doit aussi déléguer d'après son contrat de
mariage.
�( 30 )
La demande en nullité de la vente est donc une véri
table absurdité. Que la dame Dubois se fût bornée à
demander la restitution du prix qui n’auroit pas été payé
aux créanciers plus anciens, il devient alors nécessaire
d’entrer dans quelques explications. Mais qu’elle conclût
à la nullité de la vente et au désistement du domaine,
lorsqu’elle est obligée de convenir qu’elle a pu donner
permission de vendre, lorsque cette vente a été faite con
formément aux clauses du contrat, c’est ce qu’on ne peut
concevoir ni expliquer. Aussi voit-on qu’elle est en con
tradiction avec elle-même dans sa défense ; car dans ses
griefs elle ne conclut qu’à la restitution du p rix, et dans
son mémoire elle demande la nullité : ce n’est donc que
sous le rapport de la demande en restitution du prix que
l’on doit discuter. La demande en nullité est tellement
choquante, qu’elle ne mérite pas un plus grand déve
loppement.
On a déjà prouvé que la somme de ioooo francs a
été valablement acquittée, sans qu’il fût besoin d’emploi :
reste celle de 8484 francs.
Le surlendemain de la ven te, le sieur Dubois de St.Julien indique les créanciers Blattin, Roux et Lamouroux:
le sieur Gazard paye sur cette indication. Blattin étoit
créancier hypothécaire jusqu’à concurrence de la somme
de 7838 francs, et son hypothèque remontoit à 1767; il
étoit indiqué par le sieur Dubois, et le sieur Gazard a
dû croire qu’une hypothèque qui remontoit si haut devoit
être une des plus anciennes; il ne devoit voir autre chose
que l’indication. Lamouroux et Roux , dit-on, n’étoient
que créanciers chirographaircs. Cela peut être; innis ces
�( 3i )
créances étoient des lettres de change; mais ces créances
entraînoient la contrainte par corps; mais ces créanciers
étoient'indiqués par le sieur Dubois; mais enfin le sieur
Gazard pouvoit payer jusqu’à concurrence de ioooo fr.
sans emploi. O r, en payant Blattin, Lamouroux et R o u x,
le sieur Gazard ne pouvoit courir aucuns risques.
Si le sieur de Saint-Julien étoit tenu de déléguer le
prix de la vente aux créanciers plus anciens en hypo
thèques, ou privilégiés, il a abusé de son p ou voir;
mais ce n?est point la faute de l’acquéreur, qui ne pou
voit apercevoir ni éviter cet abus; et on sait que l’abus
de pouvoirs est un fait personnel au mandataire, qui
seul en est responsable : c’est ce qui est enseigné par
D ôm at, dans ses Lois civiltis, liv. I er. , tit. i 5 , sect. i re.,
n°. i r . Celui qui donne un pouvoir à un tiers est obligé
de répondre de ce qui uura été mal géré par celui qu’il
commet , sauf son recours contre le mandataire : telle
est la disposition de la loi 21 , §. d ern ., ff. de neg. gest.
Voici comment s’explique cette loi : M andatu tuo negot¿a mea L ucius T itiu s gessit, quod is non rectè gessit,
tu mihi actione negotiorum gestorum teneris ?ion in hoc
tantum ut actioncs tuas prœstes, sed etiam quod itnprudenter eum elegeris, ut quidquid detrimenti negligentùî cju sjecit tu rnihi prœstes.
L ’art. 1991 du Code Napoléon dit que le mandataire
est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure
chargé, et répond des dommages-intérêts résultans de
son inexécution. Par l’article suivant, il est tenu nonseulement du d o l , mais encore des fuutcd qu’il commet
dans sa gestion.
�( 3* )
En appliquant ces principes à l’espèce, qu’étoit ici le
sieur Dubois de Saint-Julien? Il étoit le mandataire de
sa femme. S’il n’a pas bien rempli son mandat, si elle
l’a imprudemment choisi, s’il n’a pas fait des indications
conformes à son mandat, il en est responsable; il est
tenu des dommages-intérêts : mais la dame Dubois n’a
d’action que contre lui; elle a à se reprocher de ne pas
avoir limité davantage son pouvoir, de ne pas avoir fait
une délégation plus précise, de s’en être rapportée à son
indication. Cette délégation est absolument extrinsèque,
ne tient pas à la substance de l’acte, et ne peut vicier
ni la vente ni les payemens.
Dès que la dame Chalus s’<*toit elle-même livrée à son
époux par la généralité de ses pouvoirs , l’acquéreur
devoit donc, suivre la foi de son vendeur. En effet, de
deux choses l’une; ou la dame Chalus connoissoit les
dettes anciennes et privilégiées de sou mari, ou elle ne
les connoissoit pas.
Dans le premier cas, il étoit tout simple de prévenir
toutes discussions, en indiquant elle-même les créanciers,
et les dettes à acquitter.
Dans la seconde hypothèse, si elle ne les connoissoit
pas, si elle ne s’est pas fait représenter l’état de ces
créances, il est évident qu’elle s’est entièrement confiée
à son mari, et s’en est rapportée à lui sur les payemens.
Comment voudroit-elle aujourd'hui rendre les acquéreurs
garans de l’abus que son mari a fait de sa confiance illi
mitée ? Il a vendu et délégué en vertu d’un pouvoir
spécial; il n’apparlenoit pas à l’acquéreur de s’immiscer
dans aucune recherche à cet égard : il étoit même im
possible
�( 33 )
possible à cet acquéreur d’obtenir, relativement aux dettes
personnelles du sieur de Saint-Julien, d’autres connoissances que celles que ce vendeur vouloit donner. Les
immeubles vendus appartenoient à la dame de SaintJulien , le prix en provenant devoit être employé à l’ac
quittement des dettes du mari; que pouvoit faire l’acqué
reur dans cette circonstance? Il achetoit sous l’empire de
l’édit de 17 71, devoit-il obtenir des lettres de ratification?
mais ces lettres de ratification ne lui auroient fait connoître que les créanciers de la femme, et ce n’étoit'point ,
à eux qu’il devoit payer le prix. Devoit-il rechercher les
oppositions qui pou voient subsister sur le sieur Dubois?
mais ces oppositions, s’il en existoit, ne lui am’oient appris
ni la date ni la nature des créances. La législation hypo
thécaire qui existoit à l’époque de la vente ne donnoit
aucune publicité aux hypothèques ; le créancier chirographaire a v o it, comme le créancier hypothécaire, le
droit de former opposition au bureau des hypothèques :
cette recherche eût donc été absolument vaine; et il ne
restoit d’autre moyen au sieur Gazard, pour se libérer,
que de suivre l’indication de son vendeur.
Il faut toujours se reporter au temps où les actes ont
été faits. Aujourd’hui, et depuis la loi du 11 brumaire
an 7 , il est facile de connoître les créanciers hypothé
caires; il suflit de retirer un extrait des inscriptions du
bureau des hypothèques : ces inscriptions a p p r e n n e n t la
date des titres, par conséquent l’antériorité d e s . créances.
L ’éditde 1771 n'oiï'roit pas cette ressource; on ne pouvoit
connoître les titres hypothécaires que lors de l’ordre ou
distribution des deniers sur le prix d’une vente ; et le
E
�( 34 ) ^
sieur Gazard ne pouvoit pas même user de ce moyen,
puisque les immeubles vendus appartenoient à la femme,
et qu’il devoit payer aux créanciers du mari.
Ce n’est donc qu’en confondant les temps et les lieux
que l’appelante a pu donner quelque couleur à un sys
tème extravagant. Et lorsqu’on considère que l’appelante
a obtenu contre son mari la condamnation du prix de
cette vente; lorsqu’on la voit elle ou ses enfans en pos
session de tous les biens de ce même mari; quand on se
pénètre des clauses du contrat de mariage, qu’on y trouve
un pouvoir absolu et illimité de vendre tous les im
meubles , que le prix doit en être payé aux créanciers
du m ari, et sur l’indication du mari, on demeure con
vaincu que le sieur Gazard n’ayant acquis que confor
mément aux clauses du contrat, n’ayant payé que sur
l’indication du mari, est nécessairement à l’abri de toutes
recherches à cet égard.
On ne peut s’empêcher d’observer encore que par une
fatalité singulière, et une préférence dont le sieur Gazard
se seroit bien passé, la dame Suzanne dp Chalus ne s’est
adressée qu’à lui ; et cependant elle nous apprend ellemême dans son mémoire, que postérieurement à la vente
de 1775 le sieur Dubois de Saint-Julien a vendu le do
maine de la Verrière au sieur Teilhard, domaine qui est
d’une égale valeur A celui de Landel. Le sieur Teilhard,
comme le premier acquéreur, a payé un à-compte lors
de la vente, et s’en est rapporté pour le surplus à l’in
dication de son vendeur, qui n’a pas été plus exact que
lors du premier contrat. Cependant la dame de Chalus
a gardé le sileuce sur cette vente. Il étoit dans l’ordre
�( 35 3
des choses, si elle croyoit avoir des droits, de s’adresser
d’abord au dernier acquéreur ; c’étoit le moyen d’éviter
un circuit d’actions. Elle pouvoit recevoir tout .ce qui
lui étoit dû de ce second acquéreur, pourquoi a-t-elle
donc dirigé exclusivement ses poursuites contre le sieur
Gazard ? On ne peut imputer cette démarche qu’à des
intentions perverses et de mauvaise foi.
Mais cette vente postérieure est un obstacle à la de
mande de la dame de Chalus. Il est dans les principes
qu’on doit d’abord épuiser les derniers acquéreurs avant
de remonter aux premiers. Il est bien évident que la
dame de Chalus, même dans son système, n’est qu’une
simple créancière, que les ventes sont inattaquables, que
le premier acquéreur auroit un recours contre les der
niers : la dame de Chalus devoit donc, avant tout, épuiser
les derniers acquéreurs; et en supposant qu’elle eût des
droits, elle seroit non recevuble à les exercer contre le
sieur Gazard.
Il ne s’agit plus que de parcourir rapidement les objec
tions proposées par la dame de Chalus, qu’elle a divisées
en cinq questions.
Dans la première, elle prétend que Gazard n’a pas
payé valablement jusqu’à concurrence de ioooo francs.
C ’est attaquer l’acte dans sa substance même ; et c’est
alors qu’elle se promène de suppositions en suppositions.
Elle n’est pas exacte, lorsqu’elle dit que cette somme
étoit à prendre sur les premiers deniers; il falloit au moins
achever la phrase : à toucher des biens de la demoiselle
fu tu r e ; il falloit dire que cette phrase se lie avec la permissiou de vendre les immeubles, qu’elle en forme l’emE 2
�>V Xl(t-
( 36 )
,
semble ; que ce n’est que le surplus du prix des aliénations,
ainsi que les droits mobiliers, que le mari est obligé d’em
ployer.
Elle n’est pas exacte, loi’squ’elle dit que le mari a
touché, lors du contrat, la somme de 7384 f r . , puisqu'il est constant qu’il n’a reçu que la somme de 5oo fr. ;
que le surplus consistoit en billets ou effets payables à
termes, et qui ne répondoient pas à l’urgence des besoins
du mari.
Elle n’est pas exacte encore, lorsqu’elle parle de la
somme de 14500 francs reçue du sieur d’Anglard, puis
qu’elle est obligée de reconnoître elle-même que la quit
tance donnée au sieur d’Anglard est postérieure et à la
ven te, et à l’ indication des payemens.
L e surplus de la discussion n’est qu’un jeu de mots et une
ridiculité. Elle voudroit élever des doutes sur la sincérité
de la date de ces mandemens, comme si la date n’obligeoit
pas celui qui a souscrit le mandement, lorsque la dame
de Chalus reconnoît elle-même, par sa sentence de sépa
ration, que le mari avoit touché cette somme, et qu’elle
n’a formé sa demande qu’après le décès du mari.
La dame Suzanne de Chalus n’est pas plus lumineuse
sur la seconde question. Elle prétend que le sieur Gazard
n’a pas valablement payé sur l’indication de son mari;
elle veut combattre les principes qu’il a invoqués; elle
soutient que la loi de negnt. gest. , citée par le sieur
Gazard, ne s’applique qu’à un mandat général et in
défini, et elle prétend que dans l’espèce le mandat étoit
limité : mais elle n’a pas même cherché à prouver cette
assertion ; elle met en fait ce qui est en question , et
�( 37 )
combat la difficulté par la difficulté. Comme on croit
avoir démontré que le mandat étoit général et absolu,
que Suzanne Chalus s’étoit elle-même livrée par la géné
ralité de ses pouvoirs , et s’en étoit entièrement remise
à l’indication de son mari , ce seroit tomber dans des
l'épétitions que de s’occuper plus long-temps d’une asser
tion aussi hasardée.
La dame Suzanne de Chalus n’est pas plus conséquente
sur la troisième question ; elle prétend que Gazard a
pu et dû connoître s’il existoit des créances antérieures.
Il n’a voit qu’à se transporter, dit-elle assez légèrement,
au bureau des hypothèques, et vérifier s’il existoit des
oppositions. Mais on a déjà fait voir à la dame de Chalus
que l’existence des oppositions n’auroit rien appris au
sieur Gazard : ces oppositions n’énonçoient ni la date,
ni la nature des créances ; le créancier chirograpliaire
formoit son opposition comme l'hypothécaire-, il n’y avoit
donc aucun moyen possible de vérifier la priorité des
créances.
La dame de Chalus prétend établir sur la quatrième
question, qu’il existoit des créances antérieures à celles
acquittées par le sieur Gazard ; elle a pris la peine de
faire deux tableaux pour la plus grande intelligence de
cette partie de la cause, et elle n’a pas atteint son but,
car elle n’a fait que l’obscurcir. Qu’importe au sieur
Gazard, et à tout autre, de connoître ce qui s’est passé
dans cette famille; les institutions, les substitutions, les
élections, les Gorsse, ou les Dubois ? D ’abord la dame
Gorsse vivoit encore à l’époque de 17 7^ , et c’étoit à
elle à se mêler de ses affaires.
�zï*
( 38 }
La seule chose qui n’est pas fort importante, mais qui
auroit au moins quelque chose de plausible, eût été de
savoir s’il existoit des oppositions. La dame de Chalus,
malgré toutes ses recherches, n’en a présenté que quatre:
mais sur ces quatre oppositions, l’une faite à la requête
du sieur Troupinon-Dum as, ne frappe que sur la suc
cession Danty, et par conséquent étrangère à la question;
l ’autre, du 3 décembre 17 7 6 , également postérieure à
la vente, frappe sur Marguerite Gorsse, qui vivoit alors:
elle est faite à la requête d’un sieur Barre, procureur,
demeurant à Clermont; et ce Barre, qui ne réclame rien,
n’a jamais figuré parmi les créanciers Dubois. Une troi
sième, du 30 avril 1774, faite à la requête des sieurs
Simond , frappe encore sur Marguerite Gorsse. Enfin,
u n e - quatrième, du 18 octobre 1773, faite à la requête
du sieur Jean Beraud, porte seule sur François Dubois,
sans énoncer aucuns titres. D e sorte que le sieur Gazard
ne pouvoit acquérir aucune lumière sur la priorité ou
l’ancienneté des créances, et n’a voit d’autre boussole que
l’indication de son vendeur.
Il ne paroît même pas que ces créanciers aient pris
aucune précaution conservatoire. Si Théroulde est aux
droits de Beraud, Tournemirc est lui-même aux droits
de Théroulde, et a dans ses mains le gage des créanciers.
Ma is la dame Suzanne de C halus, qui ne veut jamais
paroîlre embarrassée , prétend que quand bien même
les créanciers anciens auroient laissé prescrire leurs titres,
elle seroit toujours fondée à dire que le sieur Gazard
n’a pas rempli le mandat qui lui étoit imposé ; c’est
tourner autour d’un cercle vicieux : car bien certaine-
�C 39 )
m e n t, si les anciennes créances étoient prescrites , le
payement fait à Blattin, Lamouroux et R o u x, rempliroit
alors l’objet de la vente, et la dame Chalus n’auroit aucun
motif pour se plaindre.
La dame de Chalus a-t-elle mieux raisonne lorsqu’elle
a prétendu qu’elle n’agissoit pas comme créancière, mais
comme propriétaire ? Pour le dire ainsi, il faudroit
prouver la nullité de la vente, et c’est ce qui a le moins
occupé la dame Suzanne de Chalus.
lia cinquième question retombe dans les premières, et
n’offre que du vague ou de l’incertitude. La dame de
Chalus voudroit prouver que la permission de vendre
ne peut pas être séparée de la condition ; elle invoque à
cet égard l’autorité du dernier commentateur sur l'art. 3
du titre 14 , qu’elle voudroit expliquer à sa manière. L e
dernier commentateur suppose une condition limitée,
comme une charge d’emploi en d’autres fonds , ou en
payement de dettes, ce qui suppose les dettes de la femme,
ou en acquisition d’une charge, etc. : c’est alors qu’il dit
avec fondement que la condition est inséparable de la
permission, parce qu’il y a un objet certain et déterminé
qui forme la matière de l’engagement, qui est nécessaire
pour la validité de la convention. Mais lorsqu’il s’agit
d’une condition vague et indéterminée, d’une chose dont
le mandataire est le maître, puisqu’on se livre à sa foi,
alors il n’existe plus de condition essentielle et insépa
rable. On ne peut mieux comparer cette clause générale
et si étendue, qu’à celle par laquelle le mai’* se seroit
engagé à employer sur le plus clair et le plus liquide de
ses biens. O r , le dernier co m m en ta te u r, 6°. quest., ne
�%%<?( 4 0 )
pense pas qu’une clause aussi vague puisse équivaloir à
une condition d’emploi. Ce seroit entraver les transactions
commerciales; il n’y auroit plus de mutations certaines;
et l’intérêt public exige qu’on puisse donner toute sûreté
comme toute facilité dans les mutations.
La dame de Chalus en revient toujours à prétendre
que le mandat étoit borné et limité ; elle invoque cet
adage de droit : Fines maïuiati custodiendi sunt. Mais
qu’elle se rappelle donc qu’on lui a nié la majeure, qu’on
lui a prouvé que son mandat étoit général et absolu,
qu’elle n’a d’action que contre son m ari, s’il est vrai
q u ’ il ait abusé de son pouvoir, et q u ’elle l’a ainsi reconnu
en faisant elle-même prononcer la condamnation contre
lui de toutes les sommes qu’il a reçues sur le prix des
ventes.
Restent les demandes incidentes du sieur Gazard : la
dame de Chalus les combat bien foiblement; elle auroit
d’ailleurs bien mauvaise grâce de contester au sieur Ga
zard les sommes qu’il a payées à sa décharge, et notam
ment la créance Saubrier. Mais la dame de Chalus pré
tend que le sieur Gazard n’a pas voulu faire attention
que les premiers juges avoient employé cette somme à
compléter le prix de la vente de 1776; et c’est préci
sément de quoi se plaint le sieur Gazard. 11 avoit payé
bien au delà de sa dette , indépendamment de cette
créance ; et il entend avec raison la répéter contre la
dame Chalus, en la faisant débouter de sa demande. Il
se plaint de ce que les premiers juges ont ajouté cette
somme pour compléter le prix de la vente, parce que
c’est un moyen de la lui faire perdre, si d’ailleurs il est
libéré
�( 4 i )_
libéré du prix de son acquisition. O r il a payé bien
au delà : 2884 francs quittancés par le contrat, 13000 fr.
au sieur Blattin , 1600 fr. au sieur Lamouroux, 1000 fr.
à R o u x , 1871 fr. qu’il a payés de plus au sieur Blattin,
les intérêts de ces sommes : tout cela s’élève au delà de
la somme de 18484 francs dont il étoit débiteur.
Les premiers juges ne devoient point retrancher de ce
payement les créances qu’ils regardent comme cliirographaires, puisque le sieur Gazard n’avoit payé que sur
l’indication du sieur Dubois; les premiers juges l’avoient
ainsi décidé par leurs motifs précédens, et se trouvent
en contradiction en faisant porter la créance Saubrier
sur le prix de la vente. Ce grief est donc bien fondé,
puisque la dame de Chalus ne peut pas même contester
la légitimité de la créance; et quand elle vient dire que
le sieur Gazard, en réclamant cette somme, reconnoît la
nullité de la vente, elle ne fait que déceler son embarras
et la pénurie de ses moyens.
L e second grief du sieur Gazard a déjà été expliqué
dans le cours du mémoire. On n’a pas oublié que le
sieur Dubois de Saint-Julien pouvoit vendre à telles
charges et conditions qu’il lui plairoit. La solidarité sti
pulée avec le sieur de Chalus, son beau-frère, étoit une
condition essentielle et indispensable de la vente : elle
résulloit de l’indivision du domaine, qui 11e pouvoit se
vendre que cumulativement et solidairement. La dame
de Chalus a dit que tous les actes faits par son mari
auroient la même force et validité que si elle les fai soit
elle-même. C’est donc elle-même qui a contracté un en
gagement solidaire; et si les premiers juges l’ont conF
�( 4^ )
damnée justement k rembourser au sieur Gazard les
sommes qu’il avoit payées pour obtenir la ratification
de la vente de 1773 , il falloit aussi porter la même
décision pour la ratification de la vente de 177^ : ubi
cadem ra tio , ibidem jus.
A l’égard des autres sommes payées pour frais des
demandes hypothécaires ou pour y défendre, de celles
payées pour arrérages de cens, impositions, ou rentes
antérieures à la vente, Suzanne de Chalus n’a pas entrepris
de les contester. '
On terminera cette discussion par une observation
essentielle. Dans le prix de la vente du domaine de Landel,
il y est entré la somme de 4000 francs pour mobilier >
dont 2000 francs pour la portion du sieur Dubois de
Saint-Julien. Cet objet n’étoit point assujéti à un emploi;
c’étoit une somme que le sieur de Saint-Julien avoit
droit, comme mari, de recevoir : elle seroit donc aussi
à diminuer sur celles qui devoient être payées aux créan
ciers. Enfin le bien avoit été vendu franc et quitte de
toutes dettes et hypothèques, et on a vu que le sieur
Gazard, à peine devenu a c q u é r e u r , avoit été assailli de
demandes hypothécaires.
Cette acquisition, loin de lui être avantageuse, n’a cessé
de lui donner des inquiétudes; et après plus de trente
ans de possession, on le voit encore obligé de parcourir
tous les degrés de juridiction pour se défendre contre
une demande inconvenante et hasardée. C’est une femme
qui a dans ses mains toute la fortune de son mari; qui
n’a d’autre but, d’autre objet, que de rançonner un ac
quéreur de bonne foi; qui lui donne la préférence sur
�( 43 )
des acquéreurs postérieurs, comme sur les détenteurs des
biens de son mari, qui lui off roient une ressource certaine.
Les circonstances, les principes, les motifs de considéra
tion se réunissent en faveur du sieur Gazard, et il a tout
à espérer de la justice de la Cour.
M . C A T H O L , rapporteur.
Me . P A G E S ( d e R i o m ) , ancien avocat.
M e. M A N D E T , avoué licencié.
/-v
m o, <a - ( f - ,
'
A RIOM , de l’imp. de TH IBAU D , Imprim. de la Cour impériale, et libraire
rue deS Taules, maison Landriot. — Mai 1810,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Gazard, Antoine. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cathol
Pagès
Mandet
Subject
The topic of the resource
biens dotaux
contrats de mariage
créances
hypothèques
biens paraphernaux
successions
ventes
domaines agricoles
ferme
créanciers chirographaires
autorité maritale
stellionat
fraudes
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour maître Antoine Gazard, avocat, maire de la ville de Murat, intimé, et incidemment appelant ; contre dame Suzanne de Chalus, veuve en premières noces de François Dubois de Saint-Julien, et en secondes noces de Pierre Tournemire, appelante d'un jugement rendu au tribunal civil de Murat, le 14 prairial an 9. Questions. Le pouvoir d'aliéner les biens dotaux, énoncé au contrat de mariage de la dame de Chalus, est-il général et illimité ?
tableau des créances du père et de la mère
note manuscrite : « 13 août 1810, 1ére chambre, bien jugé sur les deux appels. »
Table Godemel : Conditions : 3. le pouvoir donné au mari d’aliéner les biens dotaux, énoncé dans un contrat de mariage, peut-il être séparé de la condition pour laquelle il a été donné ? la condition donnée au mari d’employer le prix provenant des ventes en payement de ses dettes et créances hypothécaires, en commençant par les plus anciennes, et qu’il sera tenu de déléguer, a-t-elle pu obliger l’acquéreur de rechercher la date de ses créances, même sous l’empire de l’édit de 1771 ? L’indication faite par le mari a-t-elle valablement libéré l’acquéreur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1773-1804
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2008
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2007
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53378/BCU_Factums_G2008.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Murat (15138)
Saint-Etienne-aux-Clos (19199)
Landet (domaine de)
Veirière (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
autorité maritale
biens dotaux
biens paraphernaux
contrats de mariage
Créances
créanciers chirographaires
domaines agricoles
ferme
fraudes
hypothèques
stellionat
Successions
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53389/BCU_Factums_G2019.pdf
5d2a2e52634a1a685c1173f629959c9f
PDF Text
Text
U
7
MÉMOIRE A CONSULTER,
V<wuC" *
POUR
A n t o i n e ,
J e a n
¿».■a»«.»«
et L o u i s - X a v i e r - S i l v a in
GOM ICHON, appelans, et demandeurs en garantie;
C O N T R E
F r a n ç o is e
G O M IC H O N , veuve, de Pierre
intimée
ET
Jea n
et
Joseph
et G u i l l a u
en garantie.
ENCORE
Depeyre,
CONTRE
D E P E Y R E , N ..... D E P E Y R E ,
m e
A R M E T , son mari, défendeurs
TABLEAU
G ÉN ÉA LO G IQ U E.
G r é g o ire G o m ich o n ,
m o rt en 172 0
à
Catherine A u g ier.
Jean,
n é en 16 9 7,
m ort en 172 7 ;
à
F ra n ço ise B o n te m ,
m o rte en 1733,
S ilv a in ,
A n to in e
n é en 1702.
n é en 1699,
m o rt e n 174 8 :
i
P é tro n ille C u ssat,
Jean,
)Françoi»o,
M a rie L a fo n t,
In tim ée,
n é e en 1737»
m a rié e en 175 3 ,
à
,i
>■Pierre Depeyre
I
.• Antoine.
J ean.
l.o u is-Xavier-Silvain.
Appelans
Catherine, Jean. J o
s
e
p
h
_
Guillaume Armet,
.:
�(¡n-
C2 )
F A I T S .
J e a n G o m i c t i o n , premier du n o m , est décédé en 1 7 9 7 ,
laissant en minorité un fils appelé Jean , com m e son pére.
Silvain G om iclion, son oncle paternel, fut nommé son tuteur.
Jean G o m ic lio n , deuxième du nom , étant parvenu à sa ma
jorité, forma demande contre ledit Silvain, son o n c le , en red
dition de compte de tutelle, par exploit du 23 janvier 1745.
1 Cette demande fut portée devant le châtelain de Montluçon.
I.e 24 mars suivant, Jean Gomiclion obtint une semence par
d é f a u t , qui condamna Silvain Gomichon à rendre le com pte
demandé ; et à défaut de c e la ire , le condamna a payer la soinmô
de 3ooo francs , intérêts et dépens*
Silyain Gomiclion décéda le xo juin 1748 , laissant une fille
m ineure, appelée Françoise Gomichon.
L e 21 du mëine mois, Jean Gomichon fut nommé son tuteur.;
Il n’avoit que vingt-deux ans.
Il obtint, îe 11 juillet 17491 des lettres r o y a u x , pour étro.
relevé de différens actes qu’il avoit faits en minorité, et entre
autres de l’acceptation de cette tutelle.
Il ne paroit pas que Jran Gomiclion ait donné suite h ces
lettres : il paroit m ê m e , au contraire, que Françoise Gomichon
ayant contracté mariage avec Pierre D e p e y r e , le 21 novembre
17 5 5 , Jean Gomichon a paru au contrat par fondé de pouvoir,
en qualité de t u t e u r de ladite Françoise Gomichon.
Q u o iq u ’il en soit, le 8 juin 17^8, D ep eyre a donné assignation
h Jean Gomiclion devant lt; châtelain de T re jg n a t, pour rendre
compte de. la gestion qu’ il avoit eue des biens de Françoise Gomiclion , sa femme.
^
Jean G o m i c h o n , de son c u t é , à qui il étoit du un semblable
compte par la succession de Silvain G o m ich o n , se pourvut de
nouveau par exploit des #4 et 3o juillet 1768, et conclut contre
Françoise Gomichon ? Cl Pierre D e p e y re , son m a ri, à ce que la
�Q*6
( 3 )
sentence du 2% mars 174^, qui ordonuoit la reddition de c e
compte de tutelle, et à défaut de c e , condamnoit Silvain Gom ichon au payement de la somme de ¿>000 fr a n c s , pour tenir
lieu de reliquat, avec intérêts et dépens, fut déclarée exécutoire
contre la femme D e p e y r e , comme elle 1 étoit contre Silvain
G o m ic h o n , son père ; qu’en conséquence elle fut condamnée à
payer la somme de 3ooo fr a n c s , avec intérêts et dépens.
En m êm e temps Jean Gomichon se mit en règle sur la de
mande en reddition de compte de tutelle de Françoise Gomichon
et de son mari.
C e compte fut rendu juridiquement le i 3 août 1769; et Jean
Gomichon établit qu’au lieu d’étre débiteur de sa pupile, il étoit
son créancier : et il étoit difficile que cela fût autrement, Silvain
G om ichon ayant fait de très-mauvaises affaires , au point qu’il
avoit été emprisonné pour dettes, qu’il étoit mort peu de temps
après s’étre évadé des prisons, et que Jean Gomichon ayoit été
obligé de liquider sa succession.
Françoise Gomichon et son mari fournirent des débats sur co
co m p te, le 25 du m ême mois d’août, et les choses sont restées
dans cet état jusqu’au mois de juin 1763.
A cette époque , Jean D e p e y r e , qui habitoit dans la haute
Auvergne , près de S t.-F lo ur, vint en Bourbonnais ; des amis
et parens communs cherchèrent à concilier les parties ; et par
le résultat de leur m édiation, il fut passe une transaction sur
p ro cè s, le 22 juin 1763.
D ep eyre y stipule ta n t en son nom qu’en qualité de mari et
maître des droits et biens dotaux de Marie-Françoise Gomichon,
fia f e m m e , absente.
O n y rend compte de la tutelle qu’avoit eue Silvain G om ichon ,1
de laipersonne de Jean G o m ich o n , son neveu, et du jugement
de 1745, qui condamnoit ledit Silvain à rendre compte de ladite
tutelle; i\ défaut de c e , le condamnoit à p«yer
3° 00
fr* > ayeo
intérêts et dépens.
A a
�r 4 )
On y rend aussi compte de la tutelle! rpravoît eue Jean Goxniclion , de Françoise G om ich on, fille à Si)vain ;
"»
D e fa reddition juridique de ce dernier c o m p te , par lequelr
Jean Gomichon s’étoit pi étendu créancier au lieu<d’ëtre débiteur,,
et
'
«
<c
des débats fournis sur ce compte.
« Toutes lesquelles demandes et poursuites, est-il ajouté ,■
metroient les parties dans le cas d'avoir p l u s i e u r s ' sentences et
arrêts de la Cour de parlement, qui auroient pu occasionner
a la perte totale de leurs b ie n s, pour à quoi obvier, et é viter
« les inconvéniens iaclieux qui auroient pu en résulter, et rnain« tenir la paix et l'u n io n , elles ont été conseillées de traiter et
* transiger sur le tout, ainsi et de la manière qui suit. »
Pierre D f p e y r e , stipulant com m e il a été dit en tète de P a c te ,
S u b roge Jean Gomiclion à to u s les d roits revenons h sa fem m e,
sans e x c e p tio n , moyennant la somme de 600 francs , stipulée
payable en quatre termes, sans intérêts pendant les termes.
A u moyen de quoi les parties se tiennent mutuellement quittes,
et tous procès demeurent éteints et assoupis ;
« E t les p a rtie s, à V exécution eh entretènem ent de to u t co
<c que d essu s, ont respectivem ent obligé , ajfectè eL hypothéqua
« tous leurs lie n s présens e t à v en ir. »
L es choses sont restées dans cet état jusqu’au iG avril 1787.
A cette époque , Jean Gom ichon étoit d é c é d é , laissant ses
enf'ans en minorité sous la tutelle de Marie La font, leur mère.
I ,i erre D cpc.yre, e t M arie-Françoisc G o m ic h o n , sa fe m m e ,
firent signifier la transaction dn 22 juin 17G5 à Marie L n fo n t,
en celte qualité de tutrice de ses enfans m ineurs, et ils l’assi
gnèrent en m ême temps pour voir déclarer cette transaction
exécutoire contre e l l e , audit, n o m , comme elle 1 étoit contre
ledit défunt Jean Gom ichon ; en conséquence, se voir condamner
ii leur payer la somme de Goo fr. portée par ledit a c t e , ave c lea
Intérêts et frais.
JLt l’année suivante, le jf) avril 1788, Antoine Gomichon,
�&Z q
( 5 J
l ’un des appelai« , se transporta à Murât ; il Et compte avec
Françoise Gomiclion de tous les intérêts du capital de Goo f r . ,
dûs e t échus jusqu'au jour, qui se trouvèrent monter à une
somme pareille de 600 fr; , et Françoise Gomichon lui en donna
quittance tant en son nom propre et privé , que comme fondéo
de procuration de son mari.
D e u x ans après cette quittance, et le 3o juillet 1790, Pierre
D ep eyre est décédé à Bayonne.
E n 1793, et le 9 m ars, Françoise Gomichon a , pour la pre
mière f o i s , conçu l’idée de rechercher sa famille du Bour
bonnais.
Elle a pris pour prétexte une prétendue succession d ’un Antoine
G o m ich o n , oncle et gran d -o n cle c o m m u n , q u e lle supposoit
décédé à Passy près Paris ;
Elle a fait citer en conciliation Marie L afon t, veuve de Jean
Gomichon t sur les différentes demandes rju’elle se proposoit
de form er, soit en partage de cette succession,
Soit en nullité de la transaction du 22 juin 1760,
Soit en reddition et règlement du compte de tutelle qu’elle
prétendoit lui être dû par Jean Gomichon , e t de c e lu i q u ’elle
poiH’o it devoir du c h e f de f e u Silvam G om ichon ,
Soit en désistement des biens provenus de ses père et m ère,
avec restitution des jouissances, avec intérêts et dépens.
Cette citation a été suivie de procès verbal de n o n - c o n c i
liation , et d’assignation au tribunal de Montluçon , en date
du 5 septembre suivant.
Cette action ne fut poursuivie par la veuve D e p e y re , que
jusqu’au mois messidor an 2.
Silence absolu depuis cette époque jusqu’au mois de frimaire
an 9.
Elle fit alors une première tentative en reprise, qui fut annullée par jugement du tribunal de Montluçon ; et elle fu i
condamnée aux dépens.
�( 6 )
Elle forma une nouvelle action en reprise , au mois messidor
an 11.
Les parties s’occupèrent alors principalement de la succession
d’Antoine Gomichon , oncle et grand-oncle c o m m u n , qu’elle
prétendoit être décédé à Tassy près P a r is , dont la veuve D epeyre demandoit le partage.
O n lui opposa que pour demander le partage d ’une succession,
il falloit établir, i°. le décès de l’individu de c u ju s ;
2°. Q u ’il n’avoit pas laissé des héritiers plus proches ;
3°. Q u ’il avoit laissé une fortune quelconque.
O n ajouta qu’il étoit de notoriété qu’Antoine Gomichon avoit
jadis entrepris un com m erce de bœufs , qu’il y avoit fait de
mauvaises affaires, et que se voyant accablé de dettes, il s’étoit
expatrié pour se soustraire aux poursuites de ses créanciers.
L a veuve D epeyre , convaincue par ces raisons , se rendit
justice : elle se départit de son action ; et un jugem ent contra
dictoire , du 5 ventôse an 12, donna acte de ce département,
et ordonna que les héritiers Gomichon défendroient au fo n d ,
dépens réservés.
Cette réserve des dépens est un peu étonnante, d’après le d é
partement prononcé juridiquement de l’action principale q u i,
jusqu’a lo r s , avoit occup é les parties ; mais ce qui est encore
plus étonnant, c ’ est que les héritiers Gomichon ont été con
damnés depuis à ces mêmes dépens , com m e op. le verra par
la suite.
Q uoi qu’ il en soit, les parties ont ensuite procédé sur l’objet
cle la contestation relatif h la transaction du a2 juin i j Gj , dont
la veu ve D e p e y re demandoit la nullité.
Les héritiers Gom ichon l’ont soutenue non recevable dan9
cette demande en nullité , attendu qu elle avoit ratifié cette
transaction , soit par la demande qu elle avoit formée conjoin
tement avec son mari, le iG avril 1787, tendante à faire déclarer
r;ctto transaction exécutoire contre les enfans Gom ichon, conunç
�(7 )
elle l ’étoit contre leur père, soit par la quittance notariée du 19
«avril 1788, de tous les intérêts du prix de la transaction, échus
jusqu’alors.
Nonobstant ces moyens qui sembloient décisifs, il est inter
venu un sécond jugement contradictoire, le i 3 iructidor an 12,
q u i, sur le m otif que la ratification de la veuve D epeyre 11 étoit
pas form elle, cc sans avoir égard à la fin de non-recevoir procc posée par les héritiers G o m ich o n , déclare nul l’acte du 22 juin
« i y 63 , qu’on date mal à propos du 22 juillet. »
C e m êm e jugement joint au fond une demande en provision,
qui avoit été formée par la veuve Depeyre.
Et pour être fait droit sur les fins et conclusions de la de
manderesse , ordonne que les parties en viendront à l’audience,
tous dépens réservés.
'
♦
C e jugement a été signifié à avoué le 20 floréal an i 3 ; et les
choses sont restées dans cet état jusqu’au 2 juillet 1807, que la
cause portée de nouveau à l’audience, 11 est intervenu un troi
sième jugement conçu en ces termes :
v « Le tribunal donne acte de la déclaration faite par M e. M eu
te nier, qu’il n’ a plus charge d ’occuper pour les défendeurs;
« donne défaut contre e u x ; pour le p ro fit, tient l’instance pour
« reprise ; les condamne à rendre compte de la gestion qu’il
« a eue de la personne et biens de Françoise Gomichon ; à le
« présenter et affirmer dans le mois, par-d evan t le président
« du tribunal ;
« Les condamne à se désister dés biens immeubles revenant
« à ladite Gomichon dans les successions de ses p è r e et m é r e ,
« avec restitution des jouissances, telles qu’elles se ro n t fixées
« par experts ;
« Condam ne lesd ù s défendeurs a u x dépens liquides à 4 J J f« 5a c. , au c o û t, levée et signification du présent jugement. »
jugement a été signifié à avoué le 8 juillet dernier, et ¿v
domicile le 21 du même mois.
�( 8Ï
L e s héritiers Gomichon ont interjeté un premier appel au domi
cile élu par la veuve D e p e y re , le 5 août dernier , tant de ca
dernier jugement que du précédent, du i 3 fructidor an 12, et
. ils ont réitéré cet rappel à son dom icile, avec assignation en la
Cour d’appel h R io m , par exploit du 26 septembre dernier.
Ils ont, ,par un autre e x p lo it du m ême jo u r, dénoncé à Jean
et Joseph D e p e y r e , et à la femme Armet et à son mari, lesdits
iDepeyre enfans et héritiers de Pierre D e p e y r e , les poursuites
exercées contre eux par Françoise Gom ichon, leur mère et belle-,
m ère , avec sommation de les faire cesser, sinon, et'à défaut de
c e f a i r e , ils ont protesté de les rendre garans et responsables
de tous les évènemens et de toutes pertes, frais, dépens, dom, mages - intérêts.
D ans cet état de choses, les appelans demandent au conseil,
x°. Si leur appel du premier ju g e m e n t, du i 3 fructidor an 2,
est recevable et fondé?
,
,
20. Si leur appel du s e c o n d .ju g e m e n t, du 2 juillet 1807, est
également recevable et fondé?
3°. ’Et su bsidiairem ent, dans le cas où le premier .jugement
jse ro lt confirmé, si le second pourroit l’étre, soitidans la dispo
sition relative au com pte de tutelle,
'
Soitidans celte relative au désistement prononcé contre les
nppelans, ’
•
Soit dans celle,relative à la.restitution des,jouissances,
}
Soit enfin dans celle relative aux dépens?
.
‘
4°. Eulin, si,les héritiers r.Gom
• ichon sont en droit vd’oxercer
.>
. liiie action en garantie.contre les héritiers D e p e y re , et jus^u’ou
iloit s’étendre 1cette garantie?
1 .
�1 9 Ï
L e S O U S S I G N É , quî a vu et examiné le mémoire à cori*
sulter ci-dessus et des autres parts, ensemble toutes les pièces
du procès, e s t d ’a v i s , sur les différentes questions proposées,
des résolutions qui suivent.
Sur la première question, qui consiste à savoir si l’appel des
héritiers G o m ich o n, du jugement du i 3 fructidor an 12, est
recevable et fondé , le soussigné estime qu’il y a lieu de se dé-,
cider pour l'affirmative.
D ’abord il ne peut pas y avoir de fin de n o n -recevo ir à
opposer aux héritiers Gom ichon contre c e t appel.
L e jugement est à la vérité du i 3 fructidor an 1 2 ; mais il
n’a été signifié qu’ à avoué le 20 floréal an i 3 , et il ne l’a été
dans aucun temps û domicile. O r , il n’y a que la signification
à domicile qui fasse courir le délai de trois m o is , accordé pour
interjeter appel d ’un jugement contradictoire.
C ’est ce qui est textuellement décidé par l’article 14 de la
loi du 16 août 1790 r dont la disposition a été expressément!
renouvelée par l’article 443 du Code de procédure actuelle
m ent en vigueur.
C et appel est également fondé.
Ce jugem ent, sans avoir égard aux différentes approbations
faites par la veuve D ep ey re, de la transaction du 22 juin 17 6 3 ,
a déclaré cet acte n u l , sur le fondement que ces approbations
n’étoient pas une ratification assez formelle.
Les premiers juges ont pensé, et avec raison, que le traité
du 2a juin 1763 étoit nul dans son p rin c ip e , respectivement
a Françoise G om ichon, parce qu’il étoit fait par le mari seul, et
*]u il comprenoit dos droits immobiliers a p p a r t e n a i t a la femme.
Si ces droits immobiliers eussent été situés en coutume d Auvergnoyil$ auroient encore eu raison do regarder comme sans co n
séquence les différentes approbations que Françoise Gomichon
B
�(' 10 ■)
auroit pu faire du traité de 1760, parce que ces droits i m m o
biliers étoinrit d o tau x, que la loi les auroit rendus inaliénables,
et que dans ce cas elle n’auroit pu approuver ce traité et le
ratifier valablement qu’après le décès de son mari.
1
IVlais les biens immeubles dont il est question dans ce traité,’
étoient situés sous l’empire de la coutume de Bourbonnais >
et cette coutume les rendoit aliénables , avec le consentement
de la fe m m e , d’après ces expressions de l’article 225 de cette
coutum e : et Mais il ne peut ( l e mari ) vendre ni aliéner les
« héritages de sadite fem m e, sans son 'vouloir et consentem ent.»
D ’où il résulte qu’il 11e faut dans cette co u tu m e, de la part
d e la fe m m e , pour rendre l’aliénation valable, que la preuve
de son vouloir et consentement.
Et
cette disposition est la m ê m e , soit que la f emme soit
mariée en coutume d’Auvergne , ou qu’elle le soit en coutume
de Bourbonnais, comme l’attestent un acte de notoriété de la
sénéchaussée de Bourbonnais, du C juillet 1706, rapporté par
A u r o u x ,s u r l’article 238 de cette co u tu m e, et le dernier co m
mentateur de la Coutum e d’A u v e rg n e , sur l’article 3 du titre
j/f , tome 2 , page 226.
Ces premiers principes une fois posés, il ne s’agit que de
savoir si le vouloir e t consentem ent de Françoise Gomichon sont
Suffisamment établis par les actes que les appelans rapportent.
Le premier est la signification juridique, faite par le mari et
la fe m m e , de c e traité du 22 juin 1763, à Marie La (ont, en
qualité de tutrice de ses etifaus, héritiers de Jean Gom ichon,
leur p è r e , avec assignation devant le juge des lieux, pour voir
déclarer ce traité exécutoire contre e u x , com m e il l’étoit contre
leur p è re ; en conséquence, se voir condamner h leur payer la
somme de 600 francs portée par ledit acte , avec intérêts et
dépens.
Cet acte n’a pas besoinde commentaire : Françoise Gomichon
no pouyoit pas mioux exprimer son vouloir et consentement
�u
C 11 )
à tout le contenu au traité du 22 juin 1763, qu’en en deman
dant elle-m êm e l’exécution en justice, conjointement avec son
mari, contre la veuve et les héritiers de celui qui l’avoit souscrit.
Mais cette première preuve du v ou lo ir e t consentem ent de
la fem m e D ep ey re a bientôt été suivie d une seconde p re u ve
encore plus énergique.
L e 19 avril 1788, Françoise G o m ich o n , tant en son nom
propre et privé , que com m e fondée de procuration de son m ari,
a réglé compte a v e c Antoine Gom ichon, 1 un des appelans, de
tous les intérêts qui étoient échus jusqu au j o u r , du capital
de 600 francs, porté par le traité du 22 juin 1763.
1
Ces intérêts se trouvèrent monter, les retenues légales dé
duites, à la somme de 600 francs, qui fut comptée à Françoise
Gom ichon , qui en consentit quittance devant G a n ilh , notaire
au bourg de. Chalinargue, « sans préjudice à elle des 600 fr.
« de capital, et des intérêts qui pourroient en échoir à l’avenir,
cc jusqu’à parfait p a y e m e n t, et de son hypothèque. »
< O n a vu qu’il ne failoit , en cout ume de Bourbonnais , pour
valider l’aliénation faite par le mari des biens de sa fem m e,
que son vouloir e t consentem ent.
r O r , ici ce vou lo ir et consentem ent sont exprimés de la m a
nière la plus absolue, et dès-lors l’acte de 1763 doit être consi
déré comme aussi parfaitement régulier que si Françoise
Gomichon y avoit paru, puisque tout ce qu’elle auroit pu faire
auroit été d’y donner son vouloir e t con sen tem en t, com m e
elle l’a fait par la demande en déclaration de titre exécutoire
du 16 avril 1787, et par la quittance notariée du 19 avril 17^8.
C e seroit vainement que la veu ve D ep ey re c r o i r o i t , pour
justifier les premiers juges, pouvoir tirer parti de la disposition
de l’article i 358 du C o d e , sur les ratifications, car cet article
prononce encore formellement sa c o n d a m n a tio n .
A piès avoir d it, en e ffet; dans quelle forme et dans quels
ternies doit être conçue la ratification d ’une obligation, pour
être valable, la loi «joute;
J .
13 3
.
�( 12 )
te A ctéfhut d’acte de confirmation ou ratification, i l ^suffit
que l ’obligation soit ex écu tée volo/Uatre?/icnt,apvàs l’époque
« à laquelle l’obligation pouvoit être valablement confirmée ou
k
te ratifiée. »
Ici les parties étant régies par la coutume de Bourbonnais,
l’acte du 22 juin 1760 pouvoit être valablement confirmé et;
ratifié dans tous les temps, à la différence de la coutume d\Auyergne , qui n’auroit permis de le confirmer et de le ratifier
qu’après le décès du mari.
D è s - lo r s , à défaut d ’acte de confirmation ou ratification, il
suffi soit que l’acte fût ex écu té volontairem ent.
O r , on ne peut pas nier que le traité de 1763 n’ait été e xé
cuté volontairement par Françoise G o m ic h o n , soit par la de
mande du 16 av ril 1787, soit par la quittance du 19 avril 1788»
E t com m e aux termes de c e m ême article « la confirmation,
« ratification ou exécu tion v o lo n ta ire , dans les formes et à,
« l’époque d< terminée par la lo i, emporte la renonciation a u x
<1 moyens et exceptions qu’on pouvoit opposer contre cet a c t e ,
« 6ans préjudice néanmoins aux droits des tiers, » il en résulte
que Françoise Gomichon est absolument non recevable à revenir
contre ce traité du 22 juin 17G5, et que le jugement qui l’a
déclaré nul ne peut subsister.
JEt c ’eat un grand bonheur que cela soit ainsi. On verra par
la suite combien ce traité étoit précieux pour toutes les parties,
et avec quelle vérité les rédacteurs de cet acte ont dit d a p sle
préambule, « q u e toutes leurs demandes et poursuites mettroient
« les parties clans le ca6 d’avoir plusieurs sentences et arrêts d e
« la Cour de p a rle m e n t, qui auroient pu occasionner la perte
« totale de leurs b i e n s .......................pour ù quoi obvier, elle»
v ont traité et tra n sig é , etc. »
Sur la seconde question, q u i a pour objet de savoir si l’appel
Ou jugement du a jnillet 1807 est également recevable et fo n d é ,
il y a aussi lieu de décider affirmativement,
�( 13 0
D ’abord,-il 'Xie .peut pas y avoir de. fin d e non-recevoir à
opposer ajix.jappelans,
, j ..
.
;
Soit parce que c e jugem ent, à la rigueur , deyroit ¿ire rér
puté com m e non avenu , aux termes de 1article i 5 6 du Code
d e procédure, attendu qu’il est rendu par d é la u t, et qu’il n’a
pas été mis à exécution, dans les ¡six mois de son obtention,
n ’ayant été; signifié,.qu’au mois dç juillet 1809;
Soit parce que les appelans ont interjeté leur appel presque
immédiatement ,après la signification quiileur en a été faite.
A u fo n d , l’appel est'fondé.^t),; j |t,
-,
t C ’est une conséquence forcée de ce qui a été dit précédem
m ent sur l’appel du jugement du i 3 fructidor an 12.
t Si en effet il 'est démontré que ce premier jugement a mal
à propos annullé le traité du 5,2■ju in 1763, et que cet acte doit
conserver toute sa force et v e r t u , tout est terminé entre les
parties, et toutes les condamnations prononcées contre les
appelans par le second ju g e m e n t, tombent d ’elles-m êm es et
disparoissent.
Mais com m e en Cour souveraine il faut défendre à toute»
fins, il nous reste à examiner subsidiairement quel seroit le
sort des parties dans le cas o ù , contre toute attente, le juge
ment du i3 fructidor an 12, qui déclare le traité n u l, seroit
confirmé.
Les parties rentreroient alors dans le dédale des discussionsqu'elles ont voulu éteindre par ce traité.
Ces discussions éloient effrayantes alors; elles m e n a ço ie n t,
par leur n o m b re, par leurs détails, par leur obscurité, d’en-r
gloutir la fortune des parties; que s e r a - c e , lorsqu’un demisiècle qui s'est écoulé depuis ce traité a rendu cette obscurité
impénétrable, a fait perdre la trace des faits, a fait égarer lea
titres et [es procédures qui auroient pu du moins répandre
quelques traits de lumière dans ce chaos?
. û u° i su 'il en s o it, si Ica parties sont jamais forcées d e u xo»
�( 14 )
venir à ces ancîèrines contestations, il faudra du moins com
mencer par infirmer toutes les dispositions de ce dernier jugement
du 2 juillet 1807.
La première est conçue en ces termes :
« Les condamne à rendre compte de la gestion que leur père
« a eue de la personne et biens de Françoise Gomichon ; à le
« présenter et affirmer dans le mois , par-devant le président
cc du tribunal. »
■
1 ‘
1
.
• O n a vu dans les faits que si Jean Gomichon avoit été tuteur
de Françoise
G o m ich o n, sa cousine, Silvain G om ichon, père de
»
ladite Françoise, avoit lui-m ém e été tuteur de Jean Gomichon,
son neveu ;
Q ue Jean Gomichon avoit formé demande à Silvain Gomichon,
en reddition de ce compte de tu telle, le
janvier iy /t5 ;
Q ue par une sentence du châtelain de Montluçon, du 34 mars
de la même année, Silvain Gomichon avoit été condamné à rendre
c e compte , sinon à payer à son neveu 3ooo fr. pour re liq u a t,
a r e c intérêts et dépens ;
Q ue ce compte n’a jamais été rendu ; que dès-lors cette somme
de 5ooo francs étoit censée acquise à Jean G om ichon, avec les
intérêts depuis 1745 jusqu’en 1763, que les parties ont transigé
tant sur c e compte de tutelle que sur celui (¡ue devoit Jean
Gom ichon à Françoise G o m ic h o n , sa cousine.
D ’après ces faits, il est clair que les juges de première instance
n o m pu annuller ce traité de 1765, sans l’annuller pour toutes
les parties; que chacun a dû rentrer dans ses droits; que dèslors ils 11’ont pu ordonner que les héritiers rendroient le compte
de tutelle demandé par Françoise Gomichon , et qu’ils le préscnteroient et affirmeroient duns le mois, par-devant le président
du tribun al, sans ordonner en m ême temps que Françoise Gomichon re n d ro it, comme héritière de Silvain Gomichon , son
p è r e , le compte île tutelle du à Jean G o m ic h o n , dont il avoit
£t<S tuteur antérieurement, ou q u i . défaut de c ë , le jugement
�<¿¿0
'
X i5
,
)
du 24 mars 174^ , qui condamnoit ledit Silvain Gomichon ù
5o o o ‘francs pour reliquat* avec intérêts et frais, seroit exécuté
selon sa forme et teneur.
Indépendamment que c e mode dé prononcer1sur ce c h e f entre
les parties, étoit de d r o it , puisque les parties se devoient res~
pectivem ent un compte de tutelle, et que le traité nnnulle avoit
également c e compte respectif pour objet, ï îançoise G om ichon
y avoit elle-même donné les mains, en ce que par sa cedule en
"conciliation, du y mars 1793, elle avoit conclu « au règlement
« et reddition du compte de tutelle que leu Jean Gôm ichon, son
« cousin , a eue de sa personne et biens , et de celui 'que la dite
« requérante p e u t devoir du c h e f de f e u Silvain Gom ichon. »
C e premier c h e f du jugement du 2 juillet 1807, contient encore
un autre m al-jugé m an ifeste, en ce q u ’il est établi par le traité
du 22 juin 176 3 , que Jean Gomiçhon avoit'fourrli soîi .compte
à Françoise Gomichon le i 3 août ‘175 g , et que celle-ci'ét son
mari y avoient fourni des débats le 23 du m ê m e mois d’aoùt.
• D ès qu’il existoit un compte de tutelle rendu et débattu, les
premiers juges ne devoient pas condamner les appelans à rendre
c e même co m p te , et à le présenter et affirmer dans'le m o is,
devant le président du tribunal; ils dévoient seulement ordonner
que les parties procéderaient en la forme oïdinaire à l’apurement
du compte rendu et débattu en 1759.-'
r!*i
Ce premier c h e f du jugement du 2 juillet 1807, ne pourrait
donc manquer d’être infirmé sous un double point de v u e , quand,
par impossible, le premier jugement du i 3 fructidor an 12, qui
annulle le traité du 22 juin 1763, seroit confirmé.
Il en seroit nécessairement de même de la seconde disposition
de ce jugem ent, ainsi conçue :
« Les condamne il se désister des biens immeubles revenans
« à ladite G om ichon, dans les successions de s*‘s père et m è re,
« avec restitution des jouissances telles qu’elles seront fixées
a par experts. »
!
t
�( i6 )
Il faut distinguer dans cette disposition c e qui est relatif aq
désistement des immeubles, et ce qui est relatif à la restitution
des jouissances.
Et d’abord, en c e qui est du désistement des im m eubles, la
disposition de ce jugement ne peut se soutenir, par plusieurs
raisons également décisives.
La première se tire de ce que cette demande en désistement
a été formée vaguement, ïn globo , te des biens immeubles pro« venus des. successions de ses père et m ère » , tandis que
l ’ordonnance de 1667, sous l’empire de laquelle la demande a
été form ée, portoit expressément,,article 3 du titre 9 , que dan?
toute demande eu matière réelle ou désistement d ’immeubles,
1 exploit de demande devoit c o n te n ir, à peine de nullité , le
n o m , la situation, la contenue, les tenans et aboutissans, et la
n a t u r e , au moment de l ’exploit de chaque héritage dont le
désistement ^toit demandé ;
Disposition qui a été impérieusement renouvelée sous la même
peine de n u llité , par l’art. 64 du nouveau Code de procédure.
En second lieu, les biens de la maison Gomichon étoient restés
jndivis ; Silvain Gomichon , père de la veuve D ep ey re , les a
jouis long-teinps en totalité pendant sa tutelle de Jean Gomichon,
son neveu.
Il a m êm e continué d’en jouir après l'émancipation de son
n e v e u , jusqu’à s*i mort arrivée en 1748.
Jean , de son c ô t é , devenu tuteur de la fille de S ilv a in , en
a joui à son tour, toujours par indivis ; et les choses étoient en
c e t état au moment du traité, du
juin 17GJ.
D ans cet état de choses , en su p p o s a n t le traité de 17GJ annullé , F ran ço ise Gomichon ne pouvoit pas former contre les
représientans de Jean Gomichon une demande en désistement,
mais une action en partage des biens indivis, qui est; la seulo
jreçue entre cohéritiers.
J.a jurisprudence de la Cour est constante i cet égard ; elle
annullo
�( 17 ') «
annulle journellement de pareilles demandes en désistement, et
renvoie les parties à se p o u rvo ir par l’action en partage.
C o m m e n t, d ’a ille u rs, les appelans pourroient-ils aujourd’hui
exécuter c e jugement? D e quels objets pourroient-ils se désister,
lorsque tous les biens de la famille n ’ont jamais cessé d ’être
divisés ?
Sur quelle base pourroit se faire c e désistement? Q u e lle est
la portion que Françoise Gomichon prétend lui appartenir dans
ces biens? E st-c e le tiers , le quart, la moitié?
A u ra -t-elle le choix de la maison, du jardin, de telle ou
telle nature de biens ?
O n sent que tout cela seroit absurde, et qu’en pareille ma
tière il n ’y a de juste, de raisonnable, de possible dans l’exé
cution , que l’action en partage.
C e c h e f du jugem ent relatif au désistement des immeubles
no peut donc encore manquer d ’être infirmé.
. Il ne peut pas m ieux ae soutenir dans la partie d e cette dis
position qui est relative à la restitution des jouissances.
En e f f e t , cette disposition est encore v a g u e , indéfinie ; on
ne voit pas quand cette restitution doit co m m e n cer, et quand
elle doit finir.
Cependant cette explication n’est pas indifférente.
O n ne peut disconvenir que le traité du 22 juin 1763, quand
il seroit annuité pour Françoise G o m ic h o n , ne doive avoir sa
pleine et entière exécution pour Pierre D e p e y r e , qui avo it,
com m e m ari, l’usufruit des biens de sa fe m m e , et qui a pu
"valablement traiter de cet usufruit.
Il n ’y auroit donc, m êm e dans la supposition de l’annullation de c e traité, aucune restitution de jo u is s a n c e s à prétendre
d e la part de Françoise G o m ich o n , depuis 1763, époque du
traité , jusqu’en 1790 q u ’il est décédé ; ce qui diminue de vingtsept ans la restitution vague et générale prononcée par le juge
m ent dont il s’agit.
l
�'( 18 )
On pourroit ajouter que clans tous les cas il n’y nuroit encore
pas lieu à cette restitution de jouissances , depuis le décès de
Pierre» D e p e y re , jusqu'au mois de septembre 179^, que Fran
çoise
Gomichon a formé sa demande en annulation du traité
»
de 17G3, avec d ’autant plus de raison, que les biens dont il
étoit question dans ce traité étoient situés en Bourbonnais , où
l’aliénation en étoit perm ise, et que le traité de i ^63 étoit par
faitement connu de Françoise G om ichon, puisqu’elle 1 avo itap
prouvé en 1787 et 1788.
Il ne reste qu’à dire un mot sur l’article des dépens.
L es appelans y ont été condamnés indéfiniment ; et une
grande partie de ces dépens avoit eu pour objet la demande en
partage de la succession d’Antoine G o m ich o n, dont elle avoit
été obligée de se départir, et dont le département avoit été ho
mologué par un jugement contradictoire du 3 ventôse an 12.
C ’est donc dans tous les points que ce jugement ne peut
manquer d etre infirmé ; il faut m ême convenir que la rédac
tion en seroit inexcusable, si on ne considéroit qu’il a été rendu
par défaut contre les appelans ; ce qui doit aussi faire disparoltre toute espèce de préjugé que pourroit faire naître cette
première décision.
>
Sur la dernière question du m ém oire, relative 11 l’action en
garantie contre les héritiers D ep eyre , et sur l’étendue de cette
garantie -, le soussigné estime que cette action est fondée , et
que l’étendue de celte garantie n’a d’autres bornes que le quan
tum interest des héritiers Gonichon.
I l ne fa u t pas p erd re de v u e q u ’on r a is o n n e toujours dans
la su p p o sitio n invraisemblable q u e le jugement du i 3 fructidor
«tu
12 , qui
a n n u ll e
le
tiaité du 12 septembre 17G3, soit
confirmé.
Pierre Depeyre a stipulé clans cet a c t e , tant en son nom
qu’en qualité de mari et maître des droits et biens dotaux de
�( 19 )
M arie-Françoise Gom iclion, son épouse ; e t à Vexécution e t
entre tellem ent de to u t le contenu .en cet a c t e , i l a obligé
tous ses biens présens e t à 'venir.
~
En contractant cet engagem ent, il s est.soumis a toutes les
conséquences qui en pourroient résulter; il a promis de faire
valoir cet acte dans tout son contenu ; d ès-lo rs il est devenu
garant de tous les effets de son inexécution.
O r , quels seroient les effets de cette inexécution , dans le
plan de la veuve D ep eyre? D e nouveaux comptes de tutelle,
l’éviction des biens aliénés , des restitutions de jouissances q u i ,
suivant ses prétentions, monteroient a plus d un d em i-siècle,
et d ’énormes dépens.
T ous ces effets devroient être supportés par les héritiers
Depeyre.
C ’est ainsi que le décident les anciennes et les nouvelles
lois. Rvicta res e x em plo actlonem a d pretium d u n ta x a t recipiendum , sed a d id quod in terest, com petit. Loi 70, au dig.
d e evict.
Rousseau de la Com be, au mot év ictio n , n°. 6, explique co
quod interest en ces termes :
« Én cas d’éviction , l’acquéreur peut demander au vendeur,
« non-seulem ent la restitution du p rix, mais aussi ses domcc mages-intérêts .......................... tout le profit que l’acquéreur
cc eût reçu de la ch o se, si elle ne lui avoit pas été é vin cée .»
Et le nouveau Code en donne une définition encore plus
e x a c t e , article i 63o , qui est conçu en ces term es:
cc Lorsque la garantie a été pro m ise, ou qu’il n’a rien été
« stipulé à c e su je t, si l’acquéreur est é v in c é , il a droit de
« demander contre le v e n d e u r,
« x°. L a restitution du prix;
, « 2°. Celle des fruits, lorsqu'il est obligé de les rendre au
« propriétaire qui l’évince;
« 3°. Les frais faits sur la demande en garantie de lachc-j
ce te u r, et c e u x faits par le demandeur originaire;
C 15
�(
« 4°.
20 )
Ênfin les dommages-intérêts, ainsi que les Trais e*
« loyaux coûts du contrat. »
C e seroit vainement que les héritiers D ep ryre voudroient
exciper de c e que la cession faite par Pierre Dopeyre à Jean
Gomichon , de tous les droits mobiliers et immobiliers de sa
fe m m e , l’a été aux risques, périls et fortunes de ce d ern ier,
sans autre garantie de la part de Pierre D ep ey re que celle de
ses faits et promesses.
Il
est évident que ce qui est aux risq u e s, périls et fortunes
de Jean G o m ic h o n , c ’est le plus ou moins de valeur des objets
cédés ; c e sont les dettes des père et mère de Françoise G om ic h o n , qui demeurent aux risques et périls de Jean G o m ich o n ,
sans répétition contre D ep eyre e t sa femme.
Mais au moyen de la garantie de ses faits et prom esses, g a
rantie qui êtoit d’ailleurs de droit, et au moyen de l’engage
m ent de faire exécuter et entretenir cet acte dans tout son
co n te n u , il s’est incontestablement soumis à le m aintenir, à
]e faire valoir envers et contre to u s , et par conséquent à toutes
les suites que pourroit ^entraîner son inexécution.
C e seroit encore en vain que l e s héritiers D ep eyre prétendroient qu’ il n’y a lie u , dans l'e s p è c e , pour toute garantie, qu’à
la restitution des deniers , parce que Jean Gomichon connoissoitle v ice du traité, en c e qu’il traitoit des droits de la fem m e
D ep ey re avec son mari, en l'absence de cette d e rn iè re , et qu’ici
le prix du traité de 1760 n ’ayant pas encore été payé , cette
garantie devient illusoire.
C e moyen seroit peut-être proposable, s’il s’agissoit d’un bien
dotal, situé sous l’empire de la coutum e d’A uvergne, à raison
de l’inaliénabilité rigoureuse des biens dotaux, fondée sur un
statut négatif prohibitif.
Encore le3 opinions étoient-elles divisées sur cette question;
et la plupart des jurisconsultes regardoient, dans ce c a s , le
mari com m e passiWc des dommages-intérêts de l’a c h e te u r,
�'
( 21 )
pnrce q u ’il n’^toît pas «xcusable d’avoir contracté des engagemens qu’il n’étoit pas en état de tenir'j'et que ces engagemena
ne pouvoient pas être le jouet des vents. 1 L£ir*‘; t
Mais ici les biens qui ont donné lieu au traité *de 1763, sont
situés sous l’empire de la coutume d»î Bourbonnais. Les biens
dotaux, dans cette c o u tu m e , sont soumis au droit co m m u n ;
ils sont aliénables c o m m e ides biens de toute autre nature.
O r , dans le droit c o m m u n , une vente q u e lco n q u e, mémo
du bien d’autrui, donnoit lieu à des dommages-intérèts, lorsque
l ’acquéreur se trouvoit évincé par le véritable propriétaire.
R em aliénant distrahcre quem p o ss e , n u lla d u b ita lia e s t,
nam em ptio est, e t ven d itio ; sed res em ptori ai/Jeri potest.
Loi 28, au dig. D e contralm ida n n p lion e.
V e n d ita re aliéna , disent les interprètes, tenet conlractus
in prejudicium v e n d ito r ïs, non dom ini.
V e n d ito r de evictione tenctur.
« La chose d’autrui peut être v e n d u e , et la vente en est
u valable, dit D esp e isse s, toin. i er. , page 1 4 , n°. 7 , à ce que
te le vendeur so it tenu d'éviction. »
Rousseau de la Combe nous dit a u s s i, dans son Recueil de
jurisprudence, au mot Vente , section i re. , n°. 2 , que « quoicc que la vente du bien d’autrui soit valable, à l'effet de la g a « rantie de l ’acquéreur contre son 'vendeur, 1 acquéreur peut
« être évincé par le propriétaire. »
C ’étoit donc un point constant et de droit commun dans
notre ancienne jurisprudence, que le ven d eu r, même du bien
d 'a u tru i, ne pouvoit être à l’abri de l’action en éviction , et
des dommages-intéréts dus
l'acquéreur.
Au surplus, les héritiers D ep ey re peuvent ici d ’au tan t moins
échapper à cette actio n , que Pierre D ep eyre n’n rien iait que
du "vouloir e t consentem ent île sa J e m n ie , comme le prouvent
la demande du 16 avril 1787, et la quittance du 19 avril 1788;
que s il y ayoit, com m e oa le suppose ^ daus le jugement d u
'
�I
( 22 )
fructidor an 12 , insuffisance dans ces deux ratifications, cette
insuffisance seroit du fait de Pierre D e p e y re , attendu qu’il ne
tenoit qu’à l u i , dans tous les temps, de la rendre plus form elle,
plus parfaite , et telle que ce traité de 1763 fut à l’abri de
toute atteinte.
D
élibéré
à C lerm ont-F erran d, le 2 octobre 1809.
B O I R O T .
A Riom, de l’imp. de THIBAUD, imprimeur de la Cour d’appel, et libraire,,
rue des Taules maison L andriot, — Janvier 1810«,
�
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Factums Godemel
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Text
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gomichon, Antoine. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Subject
The topic of the resource
successions
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
créances
prison
autorité maritale
procuration
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, pour Antoine, jean et Louis-Xavier-Silvain Gomichon, appelans, et demandeurs en garantie ; contre Françoise Gomichon, veuve de Pierre Depeyre, intimée ; et encore contre Jean et Joseph Depeyre, N….. Depeyre, et Guillaume Armet, son mari, défendeurs en garantie.
arbre généalogique.
Table Godemel : Transaction : 6. le mari peut-il transiger seul sur des biens dotaux situés en coutume de Bourbonnais ? peut-on considérer comme ratification la demande en paiement du prix de la transaction formée par le mari et la femme, et la quittance que la femme, non autorisée à cet effet, aurait donnée, tant en son nom que comme fondée de pouvoir de son mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1753-1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2019
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0548
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53389/BCU_Factums_G2019.jpg
Coverage
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Treignat (03288)
Rights
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coutume d'Auvergne
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