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MÉMOIRE
P O U R M e.
P ierre-A lexis
-Louis B R U , Avocat et
premier Suppléant de Juge à S t, F lour, départe
ment du Cantal ;
C O N T R E les sieurs Jean M E Y R E , Greffier au tribunal
de commerce de St.
F l o u r , et F r a n ç o i s
D A U B U SSO N ,
de Clermont,
J e suis forcé de réclamer auprès des tribunaux une
justice vainement tentée auprès de mes adversaires ;
ma patience et les voies amiables n’ont produit aucun
effet. Accoutumés à faire des profits énormes par l’usure
et par l’agiotage les plus effrénés, ils ont ri de la bonne
foi de mes démarches , tant la corruption devient une
seconde nature par l’habitude de s’y livrer.
Depuis environ cinq ans ma fortune est menacée
Par cette espèce d’hommes inconnus jusqu’à nos jours,
et des sommes empruntées à diverses époques, dont
le total ne s’élève pas à vingt mille francs, réellement
�c o
reçus, sur lesquelles j’en ai déjà donné plus de vïngt-un
mille , laisseroient aux sieurs M eyre et Daubusson, un
produit en interets , et inteicts d interets de.plus de
25000 fr. dans moins de cinq ans, si les lois n’étoient
là pour réprimer leur cupidité , et si je n’avois en mon
pouvoir les preuves écrites de leur usure infâme.
Je le rép ète, c’est à regret que j’entreprends une
affaire qui auroit pu être assoupie , et dont le ré
sultat ne peut qu’être funeste à mes adversaires ; mais
ma réputation de solvabilité et de probité attaquée
a u d a c i e u s e m e n t de Jeurpart, des poursuites'vexatoires
commencées, une masse d’intérêts qu’ils réclam ent,
après avoir reçu plus que le capital ; le soin naturel de
défendre pour ma fam ille, contre des voleurs publics t
une fortune honnêtement acquise ; enfin un jugement
rendu pour et par des gens qui ont à démêler des af
faires majeures avec m o i, tout cela me force à parler
haut le langage de la justice. Je suis bien favorable , si
j’avois besoin de faveur , car je dois au sort de mes enfans les efforts que je vais faire. Je serai vrai dans l’ex
posé des faits ^ et les principes immuables du tien et
du m ien, trouveront leur application à mes intérêts
méconnus impunément jusques à ce jour.
FAITS.
Je possède au Village de Pierrefite, près de St. Flom y
département du C an tal, un domaine au milieu du
quel sont enclavés des héritages que Guillaume Amat
laissoit dans sa succession, et auxquels étoient dues des
servitudes de passage, prise d e a u , etc. etc.
�( 3 )
Moins par ambition que par nécessité je me vois
forcé de les acquérir. Je devois à cette époque en petits
capitaux exigibles environ 8000 fr. Lorsqu’au commen
cement de l’an dix je iis cette acquisition , j’ignorois
que les capitalistes coniioient leurs capitaux à des gens
la plupart sans a v e u , sans garantie, sans bonne fo i,
sans loi ; pouvois-je présumer qu’ils seroient aussi cu
pides , aussi imprudents qu’ils l’ont été. Car enfin ,
quelle garantie présentent des agioteurs en général.
L ’impérieuse nécessité de solder pour huit ou neuf
mille fr. de capitaux que je devois alors , ainsi que le
prix de mon acquisition, me fait découvrir Jean M eyre,
qui me procure, d’accord avec le sieur Daubusson,
les sommes dont j’ai besoin; le taux de 24 pour ojo est
le taux absolu exigé de leur part et accordé. L a re
construction d’une façade à ce d om ain e , la réparation
des grange et écurie , nécessitent encore un emprunt
dans les années onze, douze et treize, d’environ cinq
ou six mille livres , et il faut toujours recourir aux ad
versaires , tant les capitalistes semblent resserrer leur
argent, pour........
Les sommes que j’ai empruntées à ces diverses épo
ques ne s’élèvent pas à vingt-un mille l iv ., et s’il pouvoit y avoir de l’erreur nous la rectifierons par les
registres des adversaires , dont infailliblement le rap
port sera ordonné. Je désire ne pas en imposer.
^L e sieur M eyre ne manquoit pas d’empirer ma situa
tio n ; il faisoit ses comptes à discrétion; tantôt il fixoifc
pour six mois , tantôt pour trois m ois, 1 intérêt q u i,
quoique de 24 pour o¡o par an , se portoit à 28 ou à 5o
�(4)
pour o/o, selon les époques plus ou moins rapprochées
du renouvellement. Je vivois dans une inquiétude dont
personne que moi ne pourra se faire une idée. Les ex
trémités les plus malheureuses m’auroient paru quelque
fois' un bien infini. Je me rends inutilement chez le
sieur Daubusson , duquel je reçois pour toute réponse »
le c a p it a l ou Yagiot ; j’insiste, et il me réplique : arran
gez-vous avec M eyre , tandis que Meyre m’a dit : arran
gez-vous avec Daubusson.
Deux ou trois personnes qu’il ne convient pas de
nommer ici m’avoient bien promis de me prêter une
somme de 20000 liv. ( cette espérance cause en partie
mes malheurs ) •, ces fonds manquent, et cependant
la crainte des poursuites inouies que les agioteurs
étoient dans l’usage d’exercer, des ménagements pour
mon père et pour ma famille, la considération que j’ai
tant souhaité de me conserver, et que ces misérables
ont tenté de mo faire perdre, me forcent de renouveller de six en six , et de trois en trois mois ; mon
épouse qui partage mes sentiments , mon épouse qui
se flatte d’une espérance aussi vaine que m oi, m’engage
aussi à ce fatal et continuel renouvellement ; elle et moi
passons sous silence les chagrins que nous avons dé
vorés à ce sujet. Puissent les âmes honnêtes être saisies
d’horreur à l’aspect de pareils hommes, et de leurs as
sociés bien connus*
C e p e n d a n t j’avois déjà payé au sieur Meyre environ
six mille liv. à la fin de l’an dix; postérieurement je lui
ai donné quelques à compte , en le conjurant toujours
'de réduire cet intérêt qui alloit infailliblement dévorer
�ma fortune. Je l’ai pressé plusieurs fois de me laisser
connoitre par ses registres l’état des effets qu’il régloit
à son g ré, et il ne m’a donné qu’une fois cette satisfac
tion ; c’étoit en l’an onze, j’avoue même que je n’ai
pas été satisfait. On va voir qu’il ne falloit pas s’en
rapporter uniquement à lui.
En l’an treize , il me dit qu’il faut des fonds, il me
promet astucieusement une réduction considérable à
condition que je lui payerai une forte somme, j’y sous
cris , mais comment ferai-je ? je ne peux vendre sans
diminuer hors de toute proportion les revenus d’une
propriété considérable que je possède à Pierrefort, et
dont onconnoît aujourd’hui la valeur par l’afiiche que
j’en ai fait. L e sieuv Meyre est de mon a vis, il m’en
gage à faire une vente de 4oo septiers de bled , délivrablc en quatre ans , à quatorze francs le septier, me
sure de IVlurat, il retient les cinq mille six cents liv. que
produit cette ven te, il garde l’acte de vente entre ses
mains , et au lieu de diminuer le taux de l’usure , il me
répond que je n’ai pas fait un remboursement suffisant.
Je dévore ce trait inoui de perfidie, et je me tais.
Ce dernier procédé m’assure qu’il faut par la suite
retirer moi-même les lambeaux des lettres de change
lacérées, si je ne veux laisser périr totalement ma for
tune par la dévorante activité à renouveller, qu’em
ploient les sieurs Meyre et Daubusson.
J avois déjà tenté plusieurs fois de vendre tout ou
partie des biens dont je viens de parler ; mais comme
les agioteurs accaparent plus que jamais les fonds des
capitalistes, je ne peux vendi'e^ je tente de me faire
�d’autres ressources pour payer au moins partie aux
adversaires ; je suis forcé de contracter d’autres enga
gements qui, quoique onéreux, ne seront pas contestés
de ma p a rt, tant ils sont éloignés du taux énorme que
les sieurs M cyre et Daubusson ont adopté. Je rem
bourse donc plus de vingt-un mille liv., ce qui excède
de beaucoup le capital ; ensorte que ce qui est dû au
jourd’hui ne présente que des intérêts, cl intérêts des
intérêts.
Je tente in u tile m e n t à plusieurs reprises d’obtenir
une diminution auprès .du sieur Daubusson. Je me dé
te r m in e à revenir à Clerm ont, en foire de mai 1806 ;
tout ce que je peux obtenir est une diminution qui
porte à 18 pour ojo l’intérêt, en payant cet intérêt
dans deux m ois, et le capital en novembre suivant.
Il ne sortira jamais de ma mémoire que le 9 mai 1806,
jour où en présence du sieur Meyre je renouvellai les
effets éch u s, chez ledit D aubusson, un commis à fi
gure basse épioit mes moindres mouvements \ que les
sieurs M eyre et Daubusson n’avoient pas meilleure
m in e} que lorsque je pris et déchirai les effets précé
dents , un sourire pénible, mais dur, dérida un moment
leurs traits qu’avoit sans doute altérés une conscience
coupable, et que sortant de ce gouffre, je me dis tris
tement , le& yeux presque gros de larmes, où suis-je ?
que deviendrai-je ?
Q u o iq u ’ il en so it, à l’échéance des effets, même
embarras de ma p a rt, même rigueur , même dureté de
la le u r, menaces d’emprisonnement, de saisie, d’ex
propriation \ ei>iin, renouvellement forcé de mes effets
�( 7 )
le i 5 mai dernier, toujours à 18 pour o/o, sans éclater
contre les propos menaçants du sieur Meyre.
L ’échéance de ces derniers effets n’étoit pas encore
arrivée, lorsqu’il s’est fait une levée de boucliers parmi
les agioteurs, et qu’au lieu de céder aux sollicitations
portées par deux lettres au sieur Daubusson, mais qu’il
a laissées sans réponse, ils ont eu l’impudeur pour
20000 liv. d’intérêts usuraires et accumulés, d’àffecter
et de répandre une crainte d’insolvabilité, de grossir
des inscriptions, et d’allarmer des créanciers heureu
sement peu nom breux, tandis qu’ils n’ignoroient pas
que je possédois une fortune de plus de 200000 l i v .,
suivant l’évaluation ordinaire de notre département.
Ils font plus, me voyant afficher la majeure partie de
ines biens, ils ont répandu qu’à mon tour je voulois
imiter leur agiotage : les misérables !
Disposé a faire dés sacrifices qu’une faute produite
par la nécessité avoit rendus inévitables, en méprisant
leurs calomnies, j’ai cru ne pas devoir franchir les
bornes de la modération et de la loyauté ; je leur ai
dit que je payerois, mais qu’il falloit un peu de temps j
que ces intérêts étoient trop forts, que quelques re
mises seroient justes , etc. etc.
Ma patience a doublé leur ardeur, et soit qu’ils
1 attribuassent à la crainte , soit que par des procédés
violents et des menaces affreuses, ils aient cm m’emnieuer à détruire jusqu’aux traces de leur infâme agiotae>e > ils ont montré la même audace. L e sieur M eyre,
en présence de personnes dignes de f o i, a osé me
pioposer d attendre trois mois seulement, sous la condi-
�c, 8 ? . ,
tion de lui payer encore l’intérêt à 18 pour o/o, de lui
donner une caution, de lui remettre les effets qui font
ma preuve , ou de lui déclarer qu’il n’a voit perçu que
le taux légal. J’ai contenu mon indignation en repous
sant sa proposition; il a osé me proposer un jugement
auquel j’acquiescerois , ou dans lequel je déclarerois
que la créance:est bien et légitimement due au sieur
Daubusson ; même refus de ma part. Enfin , il a osé
me dire et répandre en public qu il ne m’avoit prêté
qu’à i5 pour o/o, tandis que la notoriété publique
l’écrase, tandis'que ses propres écrits à la m ain, et ses
lettres de change endossées par lui ou par le sieur
Daubusson, établissent d’une manière invincible qu’ils
ont porté le taux de l’usure jusques à 33 pour o/o, et
qu’ils ont accumulé intérêts sur intérêts.
Cependant ils viennent d’obtenir le 24 août dernier,
sous le nom du «sieur Daubusson, un jugement par dé
faut , qui me condamne au payement de vingt mille
deux cents liv ., montant de cinq lettres de change ; et
ce jugement est rendu dans la propre cause du greffier
M eyre , par le sieur Béraud, son cousin germain allié,
par le président, qui doit savoir que des affaires ma
jeures sont à démêler entre lui et moi. Le sieur M eyre
fait plus, il répand que nous sommes convenus d’un
jugement auquel j’acquiescerai, tandis qu’il l’a fait
rendre parce que je n’ai pas voulu y acquiescer de la
manière proposée, et que je lui ai laissé la faculté de
prendre scs avantages ; tandis que de suite il me l’a fait
signifier, et qu’il s’est inscrit, le tout contre une parole
donnée, comme ces sortes de gens la donnent.
�C9>
Si j’écrivois pour le tribunal de commerce de St.
F lo u r, je lui dirois que ce jugement est nul, parce qu’il
est rendu pour des personnes qui ont contre moi des
engagements de la nature de ceux que j’attaque, et par
des personnes qui ont aussi à régler des intérêts ma
jeurs avec moi.
Je leur dirois que le sieur Meyre est souvent partie
dans les affaires de commerce de ce tribunal ; que lui
greffier écrâse en frais une foule de propriétaires, qu’en
un mot il est du nombre de ceux qui agiotent au sein
même du tribunal.
Sans doute, Son Excellence le G ran d- Juge, informé
des abus qui se sont glissés dans les tribunaux, et de
ceux qui se commettent journellement au tribunal de
commerce de St. F lo u r, y mettra un ordre salutaire.
Les bons esprits n’cn doutent pas.
Je leur prouvcrois encore que cette espèce de tri
bunal est incompétente.
Mais comme j’écris pour le p u b lic, comme j’écris
principalement pour les juges qui connoîtront de l’u
sure et de l’agiotage dont je me plains, je vais rappeler
tes principes immuables qui doivent faire annuller les
actes de prêt à usure, en forme de lettres de change,
qui m ont rendu débiteur des sieurs M eyre et Daubuss° n , et qui doivent me faire restituer les produits
énormes de leur usure.
Il est de principe chez toutes les nations, et princi
palement en France que l’usure est un délit puni par
les lois, et que l’usurier est tenu à la restitution des
sommes qu’il aperçues de trop, qu’il est même soumis
2
�C 10 )
à des peines capitales. Je ne leur rappellerai pas les
principes du droit divin, ni môme la religion naturelle-*
la charité, Ici fraternelle charité ; leur cœur pourri est
fermé pour jamais à ce sentiment, et avertit la société
d’ètre en garde contr’eux ; je leur rappellerai les lois
qui les atteignent, en attendant que la Providence en
fasse justice.
Un capitulaire de Charlemagne, de 789, dressé à
A ix-la-C h ap elle, un de Louis le débonnaire, son fils r
de 8 1 3 , l’ordonnance de Louis I X , de 1254, celles de
Philippe le h ard i, de 12 74 , de Philippe I V , de i 3 i i*
de Philippe de V alo is, de i 34<), de Louis X I I , de
i 5 i o , de François Ier. , de i 535 , de Charles I X , de
i 56o , l’art. 147 de celle d’Orléans, de Henri III,
de 1576, celle de B lo is, de *1579 >art- 202, celles de
fleu ri IV , de i 594 > de Louis X III, de 1629, art. i 5 r,
celle de Louis X IV , de i 6j 5 , tit. 6 , portant défenses
aux marchands et à tous autres d’englober les intérêts
dans les lettres de change , et de prendre intérêts sur
intérêts, Toutes ces lois punissent de l’amende hono
rable ,, du bannissement et même de galère , au cas de
jé c id iv e , tous les usuriers connus aujourd’hui, tant sous
ce n o m , que sous celui d’escrocs et d’agioteurs.
' Divers arrêts rendus en 1699, en 1736, en 1745»
en 1752, ont,Consacré ces principes.
- Il n’est qu’à voir si ces principes s’appliquent à mon
espèce ; l’affirmative ne sauroit laisser de doute.
En effe t, les sieurs Meyre et Daubusson ont entre
tenu pendant cinq ans avec moi une relation de prêi
à usure, à 3 o , à 2 8 , à 24, à 18 , sous les couleurs de
�C rO
lettres de cl lange, portant la contrainte par corps.
Mais ces lettres de change sont des titres faits eh
fraude du code c iv il, qui défend à tout T rançais qui
n’est pas commerçant, ou qui n’est pas dans les cas
prévus aux art. 2o 5c) et suivants, de consentir à la con
trainte par corps. O r, je n’ai jamais fait de commerce
avec qui que ce soit ; les adversaires n’en ont fait ni
avec moi ni à mon occasion ; mes effets n’ont jamais
passé dans le com merce, ils se les sont réciproquement
endossés , et les ont gardés daris leur cabinet ; ce n’est
donc qu’à l’aide d’une fausse terreur de la prison, et
d’une exécution prompte et violente , qu’ils ont voulu
se procurer des lettres simulées , en fraude de la lo i,
tandis qu’ils dévoient se contenter d’une simple obli
gation de prêt; ils ont donc doublement violé la loi à
mon égard, i°. en ce qu’ils ont abusé de ma position
pour dénaturer un simple prêt ; 2 °. en ce qu’en le dé
naturant , ils ont exigé un intérêt usuraire et prohibé.
Ils diroient vainement que la simple lettre de change
me rend justiciable du tribunal de commerce ; je letir
réponds que des lettres qui sont nulles, qui contiennent
cumulativement capital et intérêts usuraires , et qui
sont un simple prêt déguisé, ne sauraient être de 1 at
tribution de ce tribunal.
, Il ne faut pas sans doute des preuves plus évidentes
que celles rapportées de ma p art, pour établir que ces
lettres n’ont pour objet qu’un prêt usuraire déguisé.
Les lettres que je tiens dans mes m ains, les comptes
et notes écrits par le sieur M eyre lui-même, ses propres
registres qu’il tient cachés, et ceux du sieur Daubusson ,
�c 12 y
la notoriété publique qui les flétrit, tout dépose hau
tement que les sieurs Daubusson et lui ont prêté à une
usure énorme , quoi qu’ils n’aient fait aucun, commerce'
avec moi.
Diront-ils que j’étois- majeur et homme d’affairesr
que dès lors je savois ce que je faisois? diront-ils qu’ilsne sont pas venu&me chercher pour, prêter ces fonds ?
Qu’un pareil raisonnement est puéril et de mauvaise
foi ! Et q u o i, l’homme d’affaire et le majeur ont-ils pu.
se mettre à l’abri de la nécessite ? Est-il une puissance
qui puisse les y soustraire ? Non. Eh bien, vous, M eyre,
vo u s, Daubusson et vos pareils, vous avez introduit
cette affreuse nécessité , vous êtes alléf accaparer tous
les fonds que vous avez pu découvrir, il n’est pas jus
qu’au salaire des gens à gages que vous n’ayez pris pour
en retirer l’usure, au moyen de laquelle vous avez mis
et vous réduisez une foule de familles à la misère ; et
vous avez le front de dire que vous n’allez pas cher
cher les emprunteurs, et vous leur dites que les ma
jeurs et les hommes éclairés doivent savoir, ce qu’ils
fo n t, vous osez, le d ire, et la société ne vous vomit pas
hors de son sein !
Dites-le m oi, quel droit avez-vous eu d’élever l’ar
gent que vous prêtez, à un taux au-dessus de celui fixé
par la lo i, à un taux inoui? aucun, si ce n’est celui du
voleur qui enlève la bourse‘ du passant, aucun., si ce .
n’est celui de la dure nécessité où vous avez mis ceux
que vous deviez regarder comme vos frères et vos amis»
et qui ne devoient bientôt devenir que des esclaves que
vous jeteriez dans des cachots.
�( . 3 )
Vous direz peut-être que l’argent est une marchan
dise ; autre misérable absurdité ! D ’abord il n entre
point dans une tête bien organisée , que 1argent inonnoyé, qui est le signe représentatif des marchandises,
de tous les autres objets quelconques , puisse etie une
marchandise lui-même ; d’autre part, cette marchan
dise ayant un taux de produit fixé par la lo i, celui
qui l’a prêté n’a pu lui donner, sans se révolter contre
la lo i, ùn taux usuraire de 25 et 3 3 pour o j o .■
On,dira peut-être encore qu’on ne connoît pas d usure en France.
Mais nous n’avons besoin
pour
répondre a cette autre
ineptie , que d’ouvrir le code civil.
„ L ’in térêt, est-il dit art. 1907> est légal ou conven„ tionel. L ’intérêt légal est fixé par la lo i, l’intérêt con„ ventionnel peut excéder le taux fi;xé par la loi toutes
„ les fois que la loi ne le prohibe} as ; le taux de l’inté„ rêt conventionnel doit être fixé par écrit. „
L ’article 1 3 y 8 ordonne la restitution des sommes et
intérêts perçus de mauvaise foL
Je conclus de là que le taux excessif est prohibé par
la lo i, et qu’il est usure comme dans l’espèce ; je con
clus encore que l’intérêt exigé de moi par les sieurs
Meyre et Daubusson , est usure, parce qu’ils ont évite
1 I j
•
de le stipuler par écrit, c’est-à-dire par convention cer
taine et dénommée. Je conclus donc que le Législateur
reconnoît qu’il peut y avoir usure, et qu’il entend la
punir.
Cela est d’autant plus vrai que j’ai en mes ma^ns
une lettre certifiée, en bonne forme, de son Excellence
«
�C *4 )
Monseigneur le Grand Juge, datée du 7 prairial an xiii,
qui porte que l ’on doit agir en restitution devant les
tribunaux civils contre les usuriers ; et que le journal
des débats du 3 floréal an x i , en rapporte une pareille
de s o n Excellence au Procureur impérial de Montreuilsur-mer ; cela est d’autant plus vrai encore , c’est que
les diverses Cours et Tribunaux ont condamné cer
tains usuriers à cinq ans d'emprisonnement, à vingt,,
à trente , à deux cents mille liv. d’amende, et que dans
l ’universalité des départements le taux de l’argent a
été remis à cinq pour cent ’, par suite de ces divers ju
gements , et des principes que les agioteurs avoient
cherché à dénaturer.
Il
est donc bien vrai que j’ai été victime d’une usure
immodérée ; il est vrai que les lettres de change simu
lées dont on a obtenu la condamnation, ne sont que
des prêts déguisés faits en fraude de la lo i, pour avoir
la contrainte par corps , qu’elles ont été exigées de
moi pour me contenir par une crainte chimérique, que
cet intérêt usuraire est le fruit d’une escroquerie pra
tiquée sous ces titres colorés ; que ces titres sont nuls
dès qu’ils supposent un négoce qui n’a jamais existé y
qu’il doit m’être rendu compte des intérêts usuraires
perçus au de-la du taux légal.
Je termine une lliscussion dont l’objet m’a causé et
me cause bien des chagrins. Je pourrais appeller plus
particulièrement l’attention du public sur ces hommes,
q u i, non contents d’usurper ma fortune , ont osé atta
quer mon crédit et mon honneur, qui me déchirent
sourdement encore ; mais me bornant à mon affaire,
�( 15)
j’aurai le courage de les combattre avec .l’opinion des
personnes estim ables, desquelles seules je désire le
suffrage ; une famille honnête et nombreuse inspirera
sans douté quelqu’intérêt à la justice, et quoique les
mœurs soient perdues , il est aussi quelques âmes rares
qui auront résisté à la corruption, et qui sentiront vi
v ement ma position ; qu’elles reçoivent ici mes remercîments sur cette sensibilité qui est le partage des bons
cœurs, et qui m’a souvent soutenu. J’avoue que j’ai
résisté long-temps á former une action qui me répugnoit; mais j’en suivrai la chance avec une constance
que rien n’ébranlera.
J’ai informé leurs Excellences Messeigneurs le Grand
Juge et Ministres de l’intérieur et de la police générale
des exactions de mes adversaires; je ne sais si mes ré
clamations leur sont parvenues ; je les réitérerai, et si
quelques-unes des entraves que j’ai vu plus d’une fois
mettre à mes démarches se renouvellent, les auteurs
seront connus, et je les suivrai par-tout. L a France ne
doit pousser qu’un cri pour signaler une espèce
d hommes dont les annales des peuples ne fournissent
pas d’exemple-
�
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Factums Marie
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[Factum. Bru, Pierre-Alexis-Louis. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bru
Subject
The topic of the resource
usure
agiotage
créances
abus
tribunal de commerce
libelle
Description
An account of the resource
Mémoire pour Maître Pierre-Alexis-Louis Bru, avocat et premier suppléant de Juge à Saint-Flour, département du Cantal ; contre les sieurs Jean Meyre, greffier au tribunal de commerce de Saint Flour, et François Daubusson, de Clermont.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
Circa 1806-Circa 1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0505
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0506
BCU_Factums_M0509
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Talizat (15231)
Pierrefite-sur-Loire (03207)
Saint-Flour (15187)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus
agiotage
Créances
libelle
tribunal de commerce
Usure
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e18b9a6f4eb144599b8d091f5701f222
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Text
PREMIER MEMOIRE,
DU
7 SEPTEMBRE
1807,
ET SUPPLEMENT EN CAUSE D’APPEL,
DU
26 N O V E M B R E
1808,
P o u rM .e P i e r r e - A l e x i s - L o u i s B R U , Avocat, et premier
Suppléant de Juge à St.-Flour, département du Cantal;
Contre les sieurs J e a n M E Y R E , Greffier du Tribunal
de commerce de St.-Flour, et F r a n ç o i s D A U B U SSO N f
de C 1ermont.
E
J suis force de réclam er auprès des tribunaux une justice v a i
nement tentée auprès de mes adversaires; ma patience et les voies
amiables n’ont produit aucun effet. Accoutum és à faire des profits
énormes par l ’usure et par l ’agiotage les plus effrénés , ils ont ri
ed la bonne foi de mes démarches, tant la corruption devient une
seconde nature par l’habitude de s’y livrer.
Depuis environ cinq ans ma fortune est menacée par cette espèce
d hommes inconnus ju s q u ’à nos jo u rs; et des sommes empruntées
a diverses e po qu es, dont le total ne s’élève pas à vingt mille f r . ,
r éellement reçus, sur lesquelles j’en ai déjà donné plus de vingt-un
mille , laisseraient aux sieurs M eyre et Daubusson , un produit en
interets, et interets d’intérêts, de plus de 25,000 fr. dans moins de
cinq ans , si les lois n ’étaient là pour réprim er leur c u p i d i t é , et
si je n avais en mon pouvoir les preuves écrites de leur usure infâme.
e le répéte , c’est à regret que j ’entreprends une affaire qui
J
aurait pu être assoupie , et dont le résultat ne peut qu’être funeste à
mes adversaires ; mais ma réputation de solvabilité et de probité ,
a ta
q uee audacieusement de leur part , des poursuites vexatoires
commencées , une masse d ’intérêts qu’ils ré cla m e n t, après avoir
recu plus que le capital; le soin naturel de défendre , pour m a
famille , contre des voleurs publics, une fortune honnêtement acq u i s e jugement rendu pour et par des gens qui ont à
déméler des
affaires majeures avec moi , tout cela me fo r ce a parler
haut le langage de la justice. J e suis bien favorable, si j avais besoin
defaveur , car je dois au sort de mes enfans ( au nom bre de
o n z e , les efforts que je vais faire. Je serai vrai dans l’exposé des
faits et les principes immuables du tien et du m ie n , trouveront
�(a )
leur application à mes intérêts, méconnus impunément jusques à
J e possède au v illa g e de Pierrefite , pre» de St.-FIour, dépar
tement du C antal, un domaine au milieu duquel sont enclavés des
h é r i t a i s que Guillaum e A m a t laissait dans sa succession, et auxquels
¿taien? dues des servitudes de p a ss a g e, prise d eau , etc., etc.
Moins par ambition que par nécessité, je me vois forcé de les ac
quérir. J e devais à cette époque en petits capitaux exigibles environ
8 co o fr. Lorsqu’au commencement de l’an dix; je fis cette acquisition ,
j ’ignorais que les capitalistes confiaient leurs capitaux à des gens la
plu part sans aveu , sans garantie, sans bonne foi, sans loi; pouvais-je
présumer qu’ils seraient aussi cupides, aussi îrnprudens qù ils l’ont été !
C a r enfin, quelle garantie présentent des agioteurs en général ?
L ’impérieuse nécessité de solder pour huit ou neuf mille francs de
capitaux que je devais alors, ainsi que le prix de mon acquisition , me
fait découvrir Jean M e y r e , qui m e procure, d’accord avec le sieur
D a u b u sso n , les sommes dont j’ai besoin; le taux de 24 pour cent est
le taux absolu exigé de leur part et accordé. L a reconstruction d ’une
façade à ce dom aine, la réparation des grange et écurie, nécessitent
encore un emprunt dans les années onze , douze et treize, d’environ
cin q ou six mille fr., et il faut toujours recourir aux adversaires, tant
les capitalistes semblent resserrer leur argent, pour........
L e s sommes que j'ai empruntées à ces diverses époques ne s’élèvent
pas à vingt-un mille f r . , et s’il pouvait y avoir de l’e rre u r, nous la
rectifierons par les registres des adversaires , dont infailliblement le
rapport sera ordonné. J e désire de ne pas en imposer.
L e sieur M eyre ne manquait pas d’empirer ma situation; il faisait
ses comptes à discrétion; tantôt il fixait pour six m ois, tantôt pour trois
m o is, l’intérêt q u i, quoique de 24 pour cent par an , se portait à 28
ou à 3o pour cent, selon les époques plus ou moins rapprochées du
r e n o u v e l l e m e n t . J e vivais dans une inquiétude dont personne que
m oi ne pourra se faire une idée. L es extrémités les plus malheureuses
m ’auraient paru quelquefois un bien infini. J e me rends inutilement
chez le sieur Daubusson , duquel je reçois pour toute réponse, le ca
p it a l ou l'a g io ; j’insiste, et il me réplique : arrangez-vous avec M eyre,
tandis que M eyre m ’a dit : arrangez-vous avec Daubusson.
D eu x 011 trois personnes , qu’il ne convient pas de nom m er ici ,
m ’avaient bien promis de me prêter une somme de 20,000 fr. (cette
espérance cause en partie mes m a lh eu rs); ces fonds manquent , et
cependant la crainte des poursuites inouies que les agioteurs étaient
dans l’usage d’exercer, des ménagemens pour mon père et pour ma
fam ille, la considération que j ’ai tant souhaité de me conserver, et
que ces misérables ont tenté de me faire p e rd re , me forcent de renou
veler de six en six, de trois en trois mois. M on épouse qui partage
�mes sentimens, mon épouse qui se flatte d ’une espérance aussi vaine
que m o i, m ’engage aussi à ce fatal et continuel renouvellement; elle
et moi passons sous silence les chagrins que nous avons dévorés à ce
sujet. Puissent les âmes honnêtes être saisies d’horreur à l’aspect de
pareils hommes , et de leurs associés bien connus !
Cependant j ’avais déjà payé au sieur M eyre environ six mille fr.
à la fin de l’an dix ; postérieurement je lui ai donné quelques à-comptes,
en le conjurant toujours de réduire cet intérêt qui allait infailliblement
dévorer ma fortune. J e l’ai pressé plusieurs Ibis de me laisser connaître
par ses registres l’état des effets q u ’il réglait à son g r é , et il ne m’a
donné qu’une fois cette satisfaction ; c’était en l’an onze , j ’avoue même
que je n’ai pas été satisfait. On va voir q u ’il ne fallait pas s’en rap
porter uniquement à lui.
, E n l’an treize, il me dit qu’il faut des fonds; il me promet astu
cieusement une réduction considérable a condition que je lui payerai
une forte somme; j’y souscris; mais comment lera i-je? Je ne peux
vendre sans diminuer hors de toute proportion les revenus d’une pro
priété considérable que je possède à Pierrefort, et dont on connaît a u
jo urd ’hui la valeur par l'affiche que j ’en ai faite. L e sieur M eyre est
de mon avis; il m ’engage à faire une vente de quatre cents setiers de
b l é , délivrables en quatre an s, à 14 fr. le setier, mesure de M urât;
il retient les cinq mille six cents fr. que produit cette vente, il garde
1 acte de vente entre ses mains, et au lieu de diminuer le taux de l’ usure,
il me repond que je n’ai pas fait un remboursement suffisant. J e dévore
ce trait inoui de perfidie, et je me tais.
Ce dernier procédé m ’assure q u ’il faut par la suite retirer moimeme les lambeaux des lettres de change lacérées, si je ne veux laisser
périr totalement ma fortune par la dévorante activité à re n o u ve le r,
q u ’emploient les sieurs M e y re et Daubusson.
J avais deja tenté plusieurs fois de vendre tout ou partie des biens
dont je viens de parler; mais comme les agioteurs accaparent plus que
jamais les fonds des capitalistes, je ne p e u x vendre ; je tente de me faire
d autres ressources pour payer au moins partie aux adversaires; je suis
iorce de contracter d ’autres engagemens q u i , quoique o n é re u x , ne
seront pas contestés de ma p a r t , tant ils sont éloignés du taux énorme
que les sieurs Meyre et D aubusson ont adopté. Je rembourse donc
plus de vingt-un mille f r . , ce qui excède de beaucoup le capital ; en
sorte que ce qui est dû aujourd’hui ne présente que des intérêts, et
inteiets cles intérêts.
J e tente inutilement à plusieurs reprises d ’obtenir une diminution
auprès du sieur Daubusson. J e m e détermine à revenir à C le rm o n t,
en . °ire de mai 1806; tout ce que je peux obtenir est une diminution
q iu porte a 18 pour 100 l’intérêt, en payant cet intérêt dans deux
mois , et le capital en novem bre suivant.
ne sortira jamais de ma mémoire que le g mai 1806 , jour où ,
en presence du sieur M e y r e , je renouvelai les effets é c h u s , chez
2
�( 4 )
ledit Daubusson , un commis à figure b a ss e , épiait mes moindres
mouvemens; queles sieurs M e y re e t Daubusson n’avaientpasm eilleure
mine ; que lorsque je pris et déchirai les effets précéd ens, un sou
rire p énible, mais d u r , dérida lin moment leur traits qu’avait sans
doule altérés une conscience coupable ; et que sortant de ce gouffre,
je me dis tristement , les j e u x presque gros de larmes : où suis-je?
que deviendrai-je ?
Q u o iq u ’il en so it, à l’échéance des effets , même embarras de ma
p a r t , même rigu e u r, m êm e dureté de la leur, menaces d ’ em prison
n e m e n t, de saisie, d ’expropriation; enfin renouvellement forcé de
mes effets , le i 5 mai dernier , toujours à 18 pour 100, sans éclater
contre les propos menaçans du sieur Meyre.
L ’échéance de ces derniers effets n ’était pas encore arrivée , lors
q u ’ il s’est fait une levée de boucliers parmi les agioteurs, et q u ’au
lieu de céder aux sollicitations portées par deux lettres au sieur D a u
busson, mais q u ’il a laissées sans reponse, ils ont eu l’impudeur, pour
20,000 fr. d ’ intérêts usuraires et a c c u m u lé s , d’affecter et de répandre
une crainte d’insolvabilité , de grossir des inscriptions , et d ’allarmec
des créanciers heureusement peu nom breux, tandis qu’ils n ’ ignoraient
pas que j ’avais une fortune de plus de 200,000 f r ., suivant l’évaluation
ordinairs de notre département. Ils font plus , me voyant aflicher la
m ajeure partie de mes b ie n s , ils ont répandu q u ’à mon tour je voulais
imiter leur agiotage : les misérables !
Disposé à faire des sacrifices qu’ une faute, produite par la nécessité,,
avait rendus inévitables , en méprisant leurs calom nies, j ’ai cru ne
jas devoir franchir les bornes de la modération et de la loyauté ; je
eur ai dit que je payerais, mais qu’il fallait un peu de tems; que ces
intérêts étaient trop forts, que quelques remises seraient justes, etc. etc.
M a patience a doublé leur ardeur , et soit q u ’ils l’attribuassent à
la crainte, soit que par des procédés violens et des menaces affreuses,
ils aient cru m’emmener à détruire jusqu’aux traces de leur infâm e
a g io ta g e, ils ont montré la m ême audace. L e sieur M e y r e , en p ré
sence de personnes dignes de f o i , a osé me proposer d’attendre trois
mois seulement, sous la condition de lui payer encore l ’intérêt à 18
p o u r 100, de lui donner une caution, de lui remettre les effets qui
font ma p r e u v e , ou de lui déclarer qu’il n ’avait perçu que le taux
légal. J ’ai contenu mon indignation en^repoussant sa proposition; il
a osé me proposer un jugement auquel j’acquiescerais , ou dans lequel
je déclarerais que la créance est bien et légitimement due au sieur
D aub usson ; même relus de ma part. E nfin , il a osé me dire et ré
pandre en public q u ’il ne m ’avait prêté qu’à i pour 100, tandis que
la notoriété p u b liq i,e l’écrase , tandis que ses propres écrits à la main ,
et ses lettres de ch a n g e, endossées par lui ou par le sieur Daubusson ,
établissent d’une manière invincible qu’ils ont porté le taux de l’usure
jusqu’ù 33 pour 100 , et qu ils ont accum ule interets sur interels.
Cependant ils viennent d’obtenir, le 24 août dernier, sous le nom.
f
5
�du sieur D aubusson, un jugem ent par d é f a u t , qui me condamne au
paiement de 20,200 fr ., montant de cinq lettres de change; et ce j u
gement est rendu dans la propre cause du greilier M e y r e , p a r l e
sieur B éraud, son cousin germain allié, par le présid en t, qui doit
savoir que des affaires majeures sont à démêler entre lui et moi. L e
sieur M eyre fait plu s, il répand que nous sommes convenus d ’un j u
ment auquel j ’acquiescerai , tandis qu’il l ’a fait rendre parce qne je
n ’ai pas voulu y acquiescer de la manière p ro p o s é e , et que je lui ai
laissé la faculté de prendre ses avantages ; tandis que de suite il m e
l ’a fait signifier, et qu ’il s’est inscrit, le tout contre une parole donnée,
com m e ces sortes de gens la donnent.
Si j ’écrivais pour le tribunal de com m erce de S a in t-F lo u r, je lui
dirais que ce jugement est n u l, parce qu ’il est rendu pour des per
sonnes qui ont contre moi des engagemens de la nature de ceux que
j ’attaque, et par des personnes qui ont aussi à régler des intérêts
majeurs avec moi.
J e leur dirais que le sieur M e y re est souvent partie dans les
affaires de commerce de ce tribunal ; que lui greffier écrase en
frais une foule de propriétaires; qu’ en un m o t , il est du nombre
de ceux qui agiotent au sein même du tribunal.
Sans d o u te. Son E xcellence le G r a n d - J uge , informé des abus
qui se sont glissés dans les tribunaux, et de ceux qui se commettent
journellement au tribunal de com m erce de S t .- F lo u r , y mettra un
ordre salutaire. L e s bons esprits n 'en dou tent p as.
Je leur prouverais que cette espèce de tribunal est incom pétente.
Mais comme j écris pour le p u b lic , com m e j’écris principalement
pour les juges qui connaîtront de l’usure et de l’agiotage dont je
me plains , je vais rappeler les principes immuables qui doivent
iaire annuller les actes de prêts à usure , en forme de lettres de
change, qui m ’ont rendu débiteur des sieurs M eyre et Daubusson ,
et qui doivent me iaire restituer les produits énormes de leur usure.
Il est de principe chez toutes les nations , et principalement en
i r a n c e , que l’usure est un délit puni par les lo is, et que l’usurier
est tenu à la restitution des sommes qu ’il a perçues de trop, qu’il
est même soumis à des peines capitales. J e 11e leur rappellerai pas
es principes du droit divin, ni m êm e la religion naturelle, la c h a r ité }
a J ra tern elle ch a rité ; leur cœur est fermé pour jamais à ce
sentlment , et avertit la société d’être en garde contr’eux; je leur
rappellerai les lois qui les atteignent , en attendant que la provi
dence eu fasse justice.
de
PI ... —* »
*<5^4 ; ceues cie rnuippe-ie-ixaj u* , uc » 2 74: de.
(le.
,
PPe Ï V , de i 3 i I ; de Philippe de V a l o i s , de 1849; de L o u is X I [
üe i io ; de Francois I.” , de i 5 3 5 ; de Charles I X , de i o art. 14-7 d e ceu e O rléans; de H enri I I I , de 1 5 7 6 ; celle de jBlois*
5
56
�( 6 )
de 15 79, art. 202; celles de H en ri I V , de 1694; de L o u i s I I I , de 1629,
art. i 5 i ; celle de L o u is X I V , de 1 6 7 3 , tit. 6 , portant défenses,
a ux marchands et à tous autres d ’englober les intérêts dans les
lettres de c h a n g e , et de prendre intérêts sur intérêts. Toutes ces
lois punissent de l’amende h o n o rable, du bannissement et même de
c a ière, au cas de récidive , tous les usuriers connus aujourd’ hui , tant
sous ce nom , que sous celui d’escrocs et d agioteurs.
D ivers arrêts rendus en 1699, en 1756 , en 1745 , en i 7 z ; ont
consacré ces principes.
_
Il n ’est qu’à voir si ces principes s appliquent a mon espece ; a f
firmative 11e saurait laisser de doute.
E n e f f e t , les sieurs M e y re et Danbusson ont entretenu pendant
cinq ans avec moi une relation de prêt à usure, a o , à 28, à 24, à
1 8 , sous les couleurs de lettres de c h a n g e , portant la contrainte par
5
1
3
^ ï & a ’is ces lettres de change sont des titres faits en fraude du code
c iv il, qui défend à tout Français qui n’est pas com m erçant , ou qui
n’ est'pas dans les cas prévus aux art. 2059 et suivans, de consentir à
la contrainte par corps. O r , je n’ai jamais fait de commerce avec qui
aue ie soit; les adversaires n’en on fait ni avec moi ni à mon occasion;
mes effets n’ont jamais passé dans le commerce , ils se les sont réci•nroquement endossés, et les ont gardés dans leur cabinet; ce n’est donc
ciu’à l’aide d’une fausse terreur de la prison , et d ’une exécution
prompte et violente , qu ’ils ont voulu se procurer des lettres sim ulées,
en fraude de la lo i, tandis qu’ils devaient se contenter d ’une simple
obligation de prêt ; ils ont donc doublement violé la loi à mon é g a r d ,
j.o en ce qu’ils ont abusé de ma position pour dénaturer un simple
prêt; 2.0 en ce qu’en le dénaturant, ils ont exigé un intérêt usuraire
et prohibé.
Ils diraient vainement que la simple lettre de change me rend jus
ticiable du tribunal de com m erce; je leur réponds que des lettres qui
it n u l l e s , q ui contiennent cumulativement capital et intérêts usur m i sont un simple prêt déguisé, ne sauraient être de l’atraires, et qui
i
1
°
tribution de ce tribunal.
,
, .,
.
Il ne faut pas sans doute des preuves plus évidentes que celles rap
portées de ma p a r t , pour établir que ces lettres n’ont pour objet q u ’ un
prêt usuraire déguisé. L e s lettres que je tiens dans mes m a in s, les
com ptes et notes écrits par le sieur M eyre l u i - m ê m e , ses propres
registres qu ’il tient cachés, et ceux du sieur D a u b u sso n , la notoriété
üubliciue qui Ies flé tr it, tout dépose hautement que les sieurs D a u
busson et lui ont prêté à une usure énorm e, quoiqu’ils n’aient fait
aucun commerce av«c moi.
„
.
,, ,
Diront-ils que j’étais majeur et homme d’afïaires, que dès-lors je
savais ce que je faisais ? diront-ils qu’ ils ne sont pas venus me cher
cher pour prêter ces fonds? Q u’un pareil raisonnement est puenl et
de mauvaise foi! E h q u o i , l’homme d ’aflaire et le m ajeur ont-ils pu
�se mettre à l’abri de la nécessité? Est-il une puissance qui puisse les
y soustraire? non. E h b ie n , vous, M e y r e , v o u s, D aubusson et vos
p areils, vous avez introduit cette affreuse nécessite; vous etes aile
accaparer tous les fonds que vous avez pu découvrir , il 11 est pas jus
qu’au salaire des gens à gages q ue vous n ay’ez pris pour en retirer
l’usure, au moyen de laquelle vous avez mis et vous reduisez une
foule de familles à la misère; et vous avez le front de dire que vous
n’allez pas chercher les em p ru n te u rs, et vous leur dites que les m a
jeurs et les hommes éclairés doivent savoir ce qu ils foiit ; vous osez le
d ire, et la société ne vous vomit pas hors de son sein.
Dites-le m o i, quel droit avez-vous eu d’ enlever l’argent que vous
prêtez, à un taux au-dessus de celui fixé par la l o i , à un taux inouï,
au cu n , si ce 11’est celui du voleur qui enlève la bourse du passant;
aucun , si ce n’est celui de la dure nécessité où vous avez mis ceux que
vous deviez regarder comme vos frères et vos am is, et qui 11e devaient
bientôt deveuir que des esclaves que vous jetterez dans des cac ots.^
V o u s direz peut-être que l’argent est u n e marchandise; autie misé
rable absurdité! D ’abord il n’entre point dans une tête bien organis e,
que l’argent m onnoyé, qui est le signe représentatif des marchandises
et de tous les autres objets quelconques, puisse être une marchandise
lui-m ê m e; d ’autre p a r t , cette marchandise ayant un taux de produit
fixé par la lo i, celui qui l’a prêté, n’a pu lui donner, sans se révolter
contre la loi, un taux usuraire de
et
pour 100.
O n dira peut-être encore qu’on ne connaît pas cl’usure en France.
M ais nous n ’avons besoin pour répondre à celte autre ineptie,
que d’ouvrir le Gode c iv il:
« L ’intérêt, est-il dit , article 19 0 7, est légal ou conventionnel.
« L ’intérêt légal est fixé par la l o i , l’ intérét conventionnel peut
« excéder le taux fixé par la loi toutes les fois que la loi ne le prohibe
« pas ; le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit».
L ’article i y ordonne la restitution des sommes et intérêts perçus
25 33
38
de mauvaise fo i.
Je conclus de là que le taux excessif est prohibé par la l o i , et qu il
est usure comme dans l’espèce; je conclus encore que l’intérêt exige
de moi par les sieurs M eyre et D aubusson , est usure, parce qu ils
°nt évité de le stipuler par écrit, c’est-à-dire, par convention certaine
et dénommée. J e conclus donc que le l é g i s l a t e u r reconnaît qu il peut
y avoir usure , et qu’il entend la punir.
Cela est d ’autant plus v r a i , que j ’ai en mes mains une lettre cer
tifiée, en bonne form e, de Son E x . Monseigneur le G r a n d - J u g e ,
atée du 7 prairial an i 3 , qui porte que l’on doit agir en îestitntion
,^vant les tribunaux civils contre les usuriers; et que le Journal des
ebats, du
floréal an 11 , en rapporte une pareille de oOn E x . au
ocureur impérial de M ontreuil-sur-M er ; cela est d autant plus
vrai encore, c’est que les diverses cours et tribunaux ont condamne
certains usuriers à 5 ans d ’emprisonnement, a 20, à o, à 200,000 f.
3
3
�( 8 )
d’am ende, et que dans l’ universalité des départemens, le taux de l ’a r
gent a été remis à cinq pour 100, par suite de ces divers jugem ens,
et des principes que les agioteurs avaient cherché à dénaturer.
Il est donc bien vrai que j ’ai été victime d’une usure immodérée;
il est vrai que les lettres de change sim ulées, dont on a obtenu la
condam nation, ne sont que des prêts déguisés, faits en fraude de la
lo i, pour avoir la contrainte par corps; q u ’elles ont été exigées de
moi pour m e contenir par une crainte chim érique, que cet intérêt
usuraire est le fruit d ’une escroquerie pratiquée sous ces titres colorés;
que ces titres sont nuls dès qu’ils supposent un négoce qui n ’a jamais
existé ; qu’il doit in’être rendu compte des intérêts usuraires perçus
au-delà du taux légal.
Je termine une discussion dont l ’objet m ’a causé et me cause bien
des chagrins. Je pourrais appeler plus particulièrement l’attention
du public sur ces hommes qui , non contens d’usurper m a fortune,
ont osé attaquer mon crédit et inon honneur, et qui me déchirent
sourdement encore; mais me bornant à mon affaire, j’aurai le courage
de les combattre avec l’opinion des personnes estimables , desquelles
seules je désire le suffrage. U ne famille honnête et nombreuse inspi
rera sans doute quelqu’intérêt à la justice; et quoique les mœurs
soient perdues, il est aussi quelques âmes rares qui auront résisté à
la corruption , et qui sentiront vivement ma position ; qu’elles-reçoi
vent ici nies remercîmens sur cette sensibilité qui est le partage'des
b o n s cœ urs, et qui m ’a souvent soutenu. J ’avoue que j ’ai résisté longtems à former une action qui me répugnait; mais j ’en suivrai la chance
avec une constance que rien n’ébranlera.
J ’ai informé leurs Excellences Messeigneurs le G r a n d - J u g e et
JVlinistres de l’intérieur et de la police générale des exactions de mes
adversaires; je ne sais si mes réclamations leur sont parvenues; je
les ré ité re ra i, et si quelques-unes des entraves que j ’ai vu plus d’ une
fois mettre à mes démarches, se renouvellent, les auteurs seront con
n u s, je les suivrai par-tout. L a France ne doit pousser qu’ un cri pour
signaler une espèce d’hommes dont les annales des peuples ne four
nissent pas d’exemple.
1
BRU.
« y , m
J .1'1 — w m a - . .
S u p p l é m e n t
tfl
. a iu h u m i
cle Mémoire sur appel.
J E vais continuer le récit des faits de cette cause, justifier des motifs
qui ont fait infirmer le jugement du tribunal de commerce , qui rejeta
mon opposition, de ceux qui ont dicté celui rendu le g août dernier
eu ma faveur, et exposer rapidement mes moyens d’a p p e l, quant aux
chefs
�'(
9
)
chefs cjui me font préjudice. L a conduite de mes adversaires paraîtra
ju sq u ’a la fin sous le jour odieux qui l’a caractérisée depuis le com
mencement.
C O N T IN U A T IO N
DES
F A IT S .
Lorsque le jugem ent du 24 août m ’eut été signifie, toujours déter
miné à épuiser les voies amiables', je fis proposer au sieur M eyre de
traiter, puisque cela se pouvait encore, et que j ’attendrais 1 expira
tion de la huitaine sans former mon opposition ; sa reponse fut que
je ferais bien de ne pas la laisser écouler. E n conséquence , j e 2 sep
tembre 1 8 0 7 , je m ’occupai de la rédaction du mémoire qu’on vient
de lire.
On ne saurait se faire une idée de la célérité q u ’on mit alors à me
poursuivre. M e y re , qui venait de faire incarcérer avec tout appareil
de là force p u b liq u e , un nom m é Louis R o u d i l, propriétaire, qu il a.
ruiné dans trois an s, répandit que je subirais le même soj-t. O n anti
cipa les délais portés par mon opposition; pour en obtenir le débouté,
on me cita à l’audience du y , et à cette audience, dont je supprimerai
les débats scandaleux, m algré mon déclinatoire : « A tten d u , est-il dit,
« que j ’ai signé des lettres de change, avec remise de place eu place ,
K qu au fond il n ’est pas constant que M eyre ait un intérêt dans la
« cause; » je fus débouté de mon opposition, mon mémoire fut dçlionce à M . le Procureur-général de la C o u r criminelle , avec priere
de l’adresser à Monseigneur le G r a n d -J u g e , q u ia fait de cette dénon
ciation le cas q u e lle méxûtait: on demanda des dommages-intérêtS au
pront de l’hosp ic e , a cause des prétendues calomnies que le mémoire
renferm ait, tandis que je l ’avais consacré à la vérité.
Cependant, qu on ju g e par la position où j’étais , des diverses inquié
tudes que je devais eprouver. On m e citait les 7 et 8 pour contester
tiois cautions q u ’offrait le sieur Daubusson. M on épouse était accouc iee le 2 septembre ; le moindre acte de violence exercé sur moi ou
ans ma maison, pouvait priver mes enfans et m o i , eux d’une mère,
et moi d une épouse à laquelle nous tenons par des liens bien chers.
appelai le sieur B eau fils, officier de santé, q u i, le même j o u r ,
a esta que la dame B r u , accouchée depuis le 2 , avait le genre
nerveux extrêmement d élicat, au point de s’affecter aisément. L e
raetne Jour j e notifiai son certificat au s.r Daubusson, avec protestation
^ue je le rendais responsable de tout événem en t, et j’allai réclamer
u pi es de la cour d’a p p e l, une justice que je ne pouvais plus espérer
de trouver dans mes foyers.
Si e. Ptlr*a*s dans les plus vives allarmes. Violera-t-on mon asile.?
s i rn U est. » cl ue deviendra mon épouse; et si à mon retour j ’apprends
011 , je demande à ceux nui sont époux et pères , dans quel état
je me trouverai ?
J e demandai des défenses à la cour; je pouvais en obtenir, parce
que d après les dispositions des articles a o
et 2070 du code c iv il,
1
63
3
�( 1° )
il est défendu de stipuler la contrainte par co rp s, hors les cas prévus
audit code: on l’avait exigé de moi pour sim ple prêt usuraire. M ais
Daubusson lit plaider qu’on n’avait pas les pièces, quoique je les aie
vues entre les mains de son avoué , qui ne le dénia pas à la cour.
L a cause Fut renvoyée à la première audience d’après les vacations,
toutes choses demeurant en état.
L e projet de mes adversaires était, en demandant le renvoi, de pou
voir mettre le jugement du 7 septembre a executiun sur moi ; ils pré
tendaient le pouvoir m algré l’arrêt : ils s’en flattaient ; un conseil per
fide les entretenait dans cette erreur.
L e sieur Daubusson lit plaider le bien juge de la condamnation
prononcée au tribunal de com m erce de S t.-F lo u r; mais pressé par
les moyens puissans qui établissaient la négociation pour simple prêt
déguisé sous les couleurs de lettres de change , avec usure énorme et
anatocism e, depuis plus de cinq a n s , il finit par déclarer q u ’il ne
m ’avait jamais vu , qu’il était étranger à 1 affaire , et qu’ il ne me con
naissait pas , moi qui soutenais avec vérité être allé chez lui à trois
diverses fois. Rien ne fut plus surprenant que cette assertion démentie
de ma p a rt, en sorte que par arrêt du 20 novembre , la cour d’a p p e l,
séant à R io m « attendu que la sérielles lettres de change fournies par
« n i o i à M e y r e , et endossées au profit de Daubusson, lesquelles lettres
« n ’étaient même pas protestées aux échéances; attendu qu’il y a sup« position de lieu , et nulle remise de place en p la c e , que Meyre et
« Daubusson sont communs , que cette négociation n ’a eu pour objet
« que de simples prêts , déclare cju’il avait été nullement et incompé« temment jugé , et pour être fait droit aux parties , elle renvoie la
« cause au tribunal civil de S t.-F lo u r, et condam ne Daubusson aux
« dépens. »
J ’avais formé contre M eyre et Daubusson ma demande au tribunal
de St-.Flour, a fin de nullité des lettres de change souscrites et exigées
contre les dispositions de l’art. o
et su iva n s, et colorant des prêts
, nsuraires depuis plus de cinq a n s , avec intérêt de 24 à 33 pour 100,
anatocism e et renouvellement de trois en trois , ou six mois ; j ’avais
dem andé la restitution jusques à due concurrence de la somme de
douze mille fr. sur celle de 2 0 ,2 4 0 ^ ., a la quelle je voulais bien me
restreindre, si mieux mes adversaires n ’aimaient un compte , sur le
rapport de mes lettres cjui portaient leurs noms respectifs , et de leurs
registres depuis l’an dix. J ’avais aussi demandé la décharge de la
contrainte par corps.
_
T o u t - à - c o u p les adversaires réalisent le projet de se séparer, qui
avait pris naissance en cour d’a p p e l , au sujet de l’incompétence.
M e y re me fait citer au tribunal civil où nous étions en instance sur
m a demande en restitution de 12,000 fr., pour voir dire , q u ’attendu
q u ’à diverses époques il m ’a prêté ladite somme de 20,240 f r . , je sois
condamné à lui en payer le montant ; il poursuit en son nom la recon
naissance des cinq, lettres de changes 7 fait inscrire le jugem ent q u i
2 63
�( 11 )
les tient pour reconnues pour la somme de 22,364 f i . , tan
Daubusson avait pris une inscription cle 22,620 rancs pou
objet. L es deux inscriptions existent encore. ( Que jeu u cre
la solvabilité des débiteurs ! )
,
Indigné de ce système soutenu d’arbitraire et c e rauc ,
y
r)aubiens frappés d’inscriptions exagérées , niiustemen îai ^ J ‘
;’aj
busson , qu ’on prétendait ne pas avoir d intere
a
pourcru devoir à mes intérêts , à mon honneur et a
m-onortionnée
suivre une demande en dom mages-interets, qui u P P ^
^
aux torts qu ’ils m ’ont fait éprouver. Je me suis on
1 ^ ¿ es
Daubusson m ’a poursuivi avec un acharnement sans^
n iniurié*
audiences extraordinaires du tribunal de com m eice , ou 1
tu c r è s
qu’il a , par ses vexations, jeté l ’allarme dans ma
de mes autres créanciers ; qu’ il m a attaqu t ans
[ortune.
d ’honneur et de probité, qui me sont bien p us
q h isse ra i
L a cause a été plaidée au tribunal civil de S t
l° u i - Je
D es
sur les outrages dont on a cherché impunément a m
pssaver d e
hommes qui n’ont pas de famille ni ¿ h o n n e u r , on
J
porter le trouble dans la mienne. C ’était vraiment une
S me
demander justice contre des usuriers est une crise). M ais sur
mme
suis soulevé d’ indignation, lorsqu’on a prétendu me présen er
ossjr
un mauvais administrateur , et que pour le prouver ou pour 8 .
les capitaux , on a osé déclarer que M e y re m ’avait fo u rn i, dans
sucre
de deux ans , pour 3,800 fr. de vins étran gers, d’eau-de-vie, u
nu rln pnfp • i’/ivnis dans ma main sa nronre note et mon billet
blll qui
4
.-1
j y o o , les lois romaines ne permettaient pas de repeler - - „jjgj.
payés ; que prenant des fonds à 18 pour 100 , il pouvait bien S'1».
quatre ou c in q ; enfin, il a mis ainsi le vol et l’exaction en P11’ r
L e tribunal a ordonné le
m a rs, avant faire droit , (^-iep an IO
et Daubusson rapporteraient leurs registres respectifs t epuis
jusques en mai 1806, si non qu’ il serait fait droit.
.nrlnirf»
Daubusson a refusé de produire les siens ; M e y re n a vou u P1
que ceux tenus par lui depuis l’an 12 , quoique j’en aie vu en
de bien fournis en lettres de change.
.
. •
;n Rm
------------- .•
0
__„
î ncrri pti ons m uni-
23
r ----»
icî) iiunieuJJies
qiu; 1
^
a
vable , j ’ai demandé un d é la i, fondé snr les cuconstances ou les
usuriers ont placé leurs débiteurs ; je me suis fonde sur le décret des
4
�( 12}
J u ifs , plus applicable peut-être à M eyre et à Daubusson q u ’à tous
aUEnS'cet é t a t , le tribunal a examiné mes lettres de change et les
notes écrites de la main de M eyre, qui établissent les renouvellemens
rapprochés , l’anatocisme et le taux énorme de 1 intérêt ; la m auvaise
foi de mes adversaires l ’a frappé. E n conséquence, il a rendu le 9 août
d e rn ie r, le jugem ent dont les principales dispositions portent en
substance
devait être s t i p u l é ; qu'il n 'y a ci autre
.u. u c 1789 c .
en l’art. IQ 0 7 , s i ce n’ est q u e d ’après cette d ernière l o i , l e t a u x g u i aurait e x c é d é
l ’intérêt l é g a l , devait non seu lem ent être stipulé par é c r i t , mais ind iq u er le taux ;
tandis que d’après celle de 1789 et d e 179 0, il suffisait de s obliger par é c r i t , a v e c ou
sans re ten u e : q u e sans c ela la loi d e 1789 >dunt 1 obJet éta.t sans doute de restreindre
la ru u id ité d u p rê te u r, d ev en ait inutile , q u e tout intérêt excessif ou non , qui 11 est
nas stioulé est par cela m ê m e illégitim e , qu e x c ip er des négociations publiques oîj
l’ intérêt s e r a i t a u - d e l à de c i n q , c’ est présenter c o m m e loi la cou traveution à la loi
iviême q u e l’ anatocism e fut toujours sé v è r e m e n t r é p r i m é , q u ’ il n’ est pas autorisé
jgs’ ait. i i 54 et i i 5 5 , q u i ne pe u ve n t s’ appliquer à des intérêts illé g itim e m e n t
nerçus et confondus ; q ue l’ art. 1906 ne peut a vo ir trait q u ’ à des intérêts lé g itim e s;
O u ’alteudu en f a i t , q u e les effets dont il s’a g it, ne sont q u ’ une suite de négociations
c o m m u n e s auxdits M e y r e et D aubusson a v e c le sieur B ru , ainsi que cela est tenu
u o u r c o n s t a n t par l’arrêt d e la cour du 20 n o ve in b ré d e r n i e r ; ce qui laisse d’autant
m o in s de d o u t e , si l’on considère le refus d e D aubusson de présenter ses r egistre s,
et l’affectation de M e y r e de ne produire que ceu x tenus depuis l’an 12 ; et q u e dire
de la part de M e y r e n’a voir été q u e l’agent de D a u b u s s o n , ne se con cilie pas a v e c
les poursuites de c e l u i - c i , sans a v o ir a p p e lé M e y r e en garantie ; que M e y r e n a pas
d é n i é a vo ir rem is à B ru les notes écrites d e sa m a i n , qui établissent et l’ intérêt à
, p 0Ur 100 , et les r e n o u v e lle m e n s ; que la noie 3 én on ce de n ou ve au les 3 lettres
d e ch a n g e d e S o o o , 3o o o e t l 3o o f r . , q u e la note 4.® et 5.« c o ntienn en t le m êm e
Câîclll » ClC» y CtC*
i
O u e dès lors M e y r e et D au bu sso n d o ive n t faire raison audit B ru de 12,000 francs,
m es nui paraît être bien au - dessous de la restitution à laquelle il s’ est restreint ;
S° I,n
ste s’ ils veulent y r e m é d i e r , il l e u r a été laissé la faculté de v e n ir h com pte.
qu a u , e
>D a u b Uss0n sont con d a m n é s à faire raison audit B ru de la so m m e de
^ f6 pour restitution des intérêts excessifs et usuraires par eux perçus, si m ie u x
ïhiïument ve n ir au com pte p r o p o s é , sur la représentation de leurs regislres de l’an
nui seront abutés a v e c les pièces dudit B r u , à la déduction en leur faveur do
l ’intérêt d e c haq ue c a p i t a l , q u e ledit B ru a offert d’ allouer. C e jugem ent c o n d a m n e
B ru du consentem ent dudit D au busson, à p a y e r audit M e y r e la so m m e de 8,240 f . ,
ou t e l l e autre so m m e qu i résultera du c o m p t e , a v e c intérêts depuis le 3o j a n v i e r ,
énonue de la d em a n d e de M e y r e , ordonne la.rad iation de l’ inscription de D a u
busson la réduction d e c e l l e d e M ^ y r e a la som m e de 8,000 f.,et attendu que q u oique
B ru soit d é b i t e u r , et q u ’ il n ’ait pas fait des o ffr e s, il a soutenu une conteslalion
l é g it i m e , c o n d a m n e M e y r e et D aubusson en vers l u i , pour tout d o m m a ges et
in té r ê ts, a u x d é p e n s , hors le cout du ] u g e m e n t , ordonne q u e c e ju gem ent sera
ex é c u té par p r o v isio n , et sur les autres dem a n d e s des p a r ties,les met hors d instance.
C e jngement vient de m ’être notifié par M e y r e , sans nullement
l’approuver de sa part, et sous reserves au contraires de appel. J en
1
�—
I,
1.1
J-------------------- -----------------------
suis moi-même a ppelant, en ce q u ’il ne m ’accorde ni d élai, ni dom
mages et intérêts, et en ce q u ’il ordonne l’exécution provisoire.
Je vais parcourir rapidement les moyens qui doivent faire con
firmer le jugement en ce qui concerne la réduction ordonnée à la
somme de 8,000 f r . , si M eyre l’attaque form ellem ent, ainsi q u ’il
paraît se le proposer. J ’espèreaussi, en peu de mots , faire ressortir ceux
qui établissent Ja nécessité d ’en faire infirmer certaines dispositions.
i.° L e jugem ent du 9 août a bien jugé en réduisant à 8240 fr. les
20,240 fr. demandés par mes adversaires. _
2 -° Il a m al jugé en me refusant le délai demandé.
..° Il a aussi mal jugé en me refusant des dommages et in térê ts,
ou en les réduisant aux dépens.
4.0 L a disposition qui en ordonne l’exécution provisoire , autorise
une action irréparable en définitif.
D ’a b o r d , les motifs du jugement justifient assez la réduction
prononcée ; je ne m ’étendrai même pas beaucoup sur les moyens qui
doivent le faire accueillir, ce serait surabondant, d’après mes premiers
moyens.
J e m e contenterai de dire à son a p p u i, q u ’à commencer de l’ori
gine des sociétés ju sq u ’à nos jours , l’usure.a été un fléau que tous les
législateurs ont cherché à extirper, par des lois fréquentes et sévères.
Un lit dans le D euléronom e, dans le L é v itiq u e et dans une foule
dautres passages, rapportés par M . D o m n t , pag. 72 et suivantes,
les defenses les plus expresses de se livrer à l ’usure.
L e s lois d’A th èn es, la loi des douze tables à R o m e , l ’ont mise au.
nom bre des d é lits, puisqu’à R o m e , l ’usurier était puni du quadruple
de la somme prêtée, tandis que le voleur ne fut puni que du double.
L a raison en était qu’on est plus porté à se livrer à l’usure et q u ’il
est moins aisé de la découvrir que le vol.
E lle était tellement en horreur à R o m e , que quelqu’un faisant à
Caton cette question-ci : Q u ’est-ce q u ’un usurier? Il répondit froide
ment par cette autre : Q u ’est-ce q u ’un a ssa ssin ? Oflic. de Cic. J e
me tairai sur les désastres qui affligèrent R o m e , lorsque l’usure y fut
a son comble.
1
^ ^ . raPPort® p lus haut les lois connues depuis l’origine de la mo
narchie irançaise.
L es nouvelles lois , depuis celle du
octobre 1789 , n’ont jamais
a nus d’autre taux que celui de 5 pour 100 , fixé par édit de 1 7 7 ° e *
autres lois précédentes.
L art. 1907 du Code civil porte les mêmes dispositions : en déclaant que le taux conventionnel peut excéder le taux lé g a l, il ajoute
j outes les fois que Ja loi ne le prohibe pas). O r , des lois prohibies existaient, principalement la loi du
prairial an , qui remet
en vigueur toutes les lois prohibitives du commerce de la m onnaie
m étallique; d’autre p artj ]iavis Ju conseil d’état, qui est l’esprit de
ta loi, t u t , lors de sa rédaction, qu'à défaut de stipuler l ’intérêt p a r
écrit, il serait réduit au taux de cinq.
3
3
3
3
�--
r
Q ue les adversaires cessent donc d ’associer le législateur et le go u
à leurs crimes , quand il est prouvé que leur pensée a été
de réprimer et de contenir l’usure.
Q u ’ils n’invoquent sur l’anatocisme et sur l ’intérêt volontairement
p a v é , ni l’art. i i 5 4 , ni l’art. **
, ni l’art, 1906, q u ’on ne peut
sans rougir appliquer à d ’autres interets q u ’aux intérêts légitimes.
E n fin , deux arrêts des Cours d ’appel de D ijon et de Besançon,
de l’an 11, rapportésau journal du palais; deux de laCour de Bourges,
deux de la Cour de T u rin de 1807 et 1808 ( c e dernier rapporté par
Sirey ); un de la Cour de L i m o g e s , du 12 mars; arrêt de la Cour de
R i o m , du 20 n o vem bre, qui préjuge dans mon affaire qu’il n’y a eu
que négociations de prêts usuraiies. Ces arrêts, dont nous appli->
querions les principes sages qui les ont dictés, si l’appel de M e y re
était connu , attestent que l’ usure a été prohibée de tout teins.
A i n s i , de tous les coins de l’e m p ire, des magistrats probes et éclairés,
dont le choix honorera à jamais fa F ra n c e , ont consacré les principes.
A in s i, plus de cent vingt opinions des plus respectables, attestent la
nécessité urgente de punir et de réprimei 1 usure.
P o u r 'établir qu ’en fait le tribunal a bien jugé en appliquant ces
principes à m a ca u se , je me contenterai de renvoyer à la lecture du
jugem ent du g août.
J e vais donc m ’occuper de prouver que le tribunal a dû m ’accorder
le délai que je demandais.
L e jugem ent du 9 août porte que la somme réclamée par moi est
au-dessous de celle que j ’aurais pu demander. L es adversaires sont
donc à peu près désintéressés; et pour payer le restant d ’une créance
provenue d ’intérêts illégitimement stipulés, il était juste que le délai
nie fût accordé.
J e devais encore d’autant plus l ’obtenir, que les doubles inscrip
tions de 45,000 f. que se sont permises les adversaires, ont éloigné
les acquéreurs , auxquels des affiches avaient fait connaître mon
d e s s e i n de vendre; et que les inscriptions, quoiqu’injustes, ne peuvent
être rayées que sur un jugement en dernier ressort, s’ ils ne les rayent
eux-mêmes.
.
O ui ce délai devait d’autant plus m être accorde, que l’esprit du
décret relatif aux Juifs , du 17 mars 1808 , devait déterminer les
ju^es en ma faveur ; car si ce décret a eu pour objet de soustraire à
la'cupidité des usuriers les departemens malheureux compris dans le
sursis porté par décret du o mai 1806, Sa Majesté a bien entendu
sans doute protéger ses sujets de l'intérieur de la F rance, contre des
usuriers non moins furieux que les Juifs. O r , l’art. porte, que toute
créance portant cumulation d’intérêts, à plus de
pour 100, sera
réduite par les tribunaux , et que si cet intérêt réuni au c a p it a l,
excède 10 pour 100, lü crcanco sera annulleej enfin, l’art. 6 porte,
q u e , pour les créances légitimes et non usuraires, les tribunaux sont
autorisés à accorder aux débiteurs des délais conformes à l ’équité.
vernem ent
55
1
3
5
5
�( i5 )
D ans l ’espèce où je me trouve, je dois le restant d'une créance énor
mément usuraire réduite; je devais donc à plus forte raison avoir le
délai demandé.
Je devais aussi l ’obtenir suivant nos anciennes lois, puisque les
édits de Henri I V , du 17 février i 6 o 5 , et 14 mars 1606 , que les parlemens enregistrèrent seulement en faveur des veuves et mineurs des
usuriers, portent que les intérêts usuraires seront convertis en c o n
trats de r e n te , ce qui suppose un délai indéfini. V o y e z Pothicr sur
l ’ usure. E n f in , ce délai était d’autant plus nécessaire, que les ad
versaires ont répandu qu’ ils me mèneraient de telle manière que je
ne trouverais pas à ven d re , et cependant il faudrait les payer de suite.
D o n c ce délai était de la plus rigoureuse équité.
Il
a été mal iu e é quant aux dommages et intérêts. E n ettet , les
dépens ont-ils pu suffire, dans une affaire où ma réputation et mon
crédit ont été a lté rés, ainsi que ma tranquillité et celle de ma fa m ille ,
puisque nous ne vivons plus que dans les amertumes et les c î a g u n s ,
qui ne devraient être le supplice que du méchant?
Non , ils n ’ont pu me suffire , dès qu ’on a dit publiquement a J au
dience, q u ’avec mes propriétés je ne trouverais pas un sou , tandis
que M e y re , sans billet et sans im m eubles, trouverait 3oo,ooo f r . , lui
qui n’a qu’ une maison , et....... mais je m ’arrête.
Ont-ils pu me suffire, lorsque j’ai été représenté comme un mau
vais administrateur , qui ai pris pour 3,800 fr. d ’objets de consom
mation superflus, tandis que , l’écrit à la main , je lui ai prouvé 11 en
avoir pas pris pour plus de oo fr. dans trois ans?
A i- je été un mauvais administrateur, moi qui établis avoir p a yé ,
suivant un état signé en famille , le
germ inal an 9 , un'passif'de
,ooo f r . , en légitimes ou dettes de mon p è r e , que je remercie de
ses bienfaits et d’une administration bien plus heureuse que la mienne»
mais qui rend hommage à la vérité; moi qui ai acquis ou répare a
Pieriefite plusieurs domaines pour 47,000 fr. numéraire , ou d’après
l ’échelle de dépréciation; .qui ai acquis ou réparé à Saint-F lour une
maison pour 10,000 fr. ; moi qui ai éprouvé en trois ans le m axim um
®t des réquisitions sans n o m b re ; q u i , emprisonné en I79^ i su.r un®
liste de suspects, dont l ’auteur est trop célèbre dans notre cité, ai payé
une taxe révolutionnaire de valeur alors de 8,000 fr. num éraire, et
ensuite 4,000 fr. d’un emprunt forcé de 120,000 f r . , le tout réduit sur
l ’echelle de dépréciation ; 4,000 fr. de réparations dans mes biens de
Pierrefort ; enfin 5,3oo fr. pour la famille Fontes. T o t a l . . . • 101,0001.
Moi qui n’ai eu pour payer ces objets en total que 8 2 ,0 0 0 . sa v o ir ,
4^,000 fr. à des termes reculés, de la dot de mon épouse, dont cerm’ont été payés en assignats ; 14,000 fr. du remboursement d ’ on
office; 13,000 fr. de retour sur les biens cédés à mes lreres et sœursj
et 12,000 fr. prix d ’un petit domaine.
M o i enfin qui n’ai causé l'infortune d’aucun de mes créanciers, que
j ’ai payés en num éraire, sauf très - peu de chose en assignats qui avaient
presque leur valeur.
5
83
25
�(
)
J e défie ici qui que ce soit de contester ce que j’avance.
C epend ant, sur soixante-quinze mille francs qui pourraient rester,
je n ’en dois pas
,ooo fr. exigibles.^
Que ces détails sont fastidieux, mais la calomnie de mes adversaires
les rend indispensables; si tant y a , c[ue celui qu’on a si audacieuse
ment e x p o lié ,a it besoin de justification. J e 11 ai donc pas mal a d m i
nistré; j ’ai donc été calom nié; j ’ai donc droit à desdommages-intérêts
plus considérables , pour avoir été blesse dans mon honneur et dans
la profession honorable que j ’exerce. ^
■
Enfin, je prouve que l’exécution provisoiren a pas dû être ordonnée,
du moins sans caution, parce que M e y re n’a qu une maison et peu d’hé
ritages, hypothéqués à la dot de son épouse, et que quoiqu’ il ait vendu
le p e u q u ’ilavait pour se livrer à l’usure, il doit la plus grande quantité
des fonds qu’il a accaparés ; et que les victimes de son usure deman
dent de vant les tri bunaux la restitution des sommes qu’il leur a expoliées.
A p rè s avoir établi les moyens qui repousseraient l’appel de M e y r e ,
et ceux qui fondent le m ie n , qu’il me soit permis quelques réflexions
bien tristes, mais bien nécessaires, ce semble , dans les circonstances
critiques où les usuriers ont mis, en F r a n c e , les propriétaires et les
familles.
Ils répandent que les propriétés vont incessamment changer de main;
les mêmes continuent leur trafic. Il y a mieux , depuis la loi du sep
tem bre, il s’ est établi encore des compagnies d’argen t, qui courent à
la découverte des effets de tous les particuliers, qui inventorient et
font le bilan des diverses fortunes; ces compagnies ont leurs livres ;
l’éducation m ême semble s’être tournée vers ces spéculations désas
treuses. P a r leur monopole, le produit des biens du C a n ta l, qui n’est
que deux et demi pour cent, est à l’argent comme un est à cinq.
Us ont profité et ils profitent des ravages de la guerre pour assouvir
leur cupidité insatiable. E n un m o t , la loi du septembre n ’est pour
eux q u ’un avertissement d’être plus circonspects ( i ) .
Si donc toutes les lois ne sont remises en v ig u e u r , si incessamment
le décret relatif aux Juifs, n'est appliqué en entier aux usuriers connus,
sur-tout les articles , 6 et 16 ; si les créances qu’ils se forment ne sont
annullées ; si ce trafic ne leur est prohibé sous les peines les plus sé
vères, notamment celles du bannissement et des grosses am endes, ou
si un délai, au moins de deux ans, n’est accordé à leurs débiteurs, pour
les créances réduites; a moins que les usuriers ne préfèrent d’être payés
en biens fonds, sur estimation; si on ne les force à acquérir; si les
magistrats ne sont point assez courageux pour les poursuivre , nous ne
voyons devant nous que la misère, le désespoir et la m ort; et que
d’exemples il en existe !
36
3
3
5
( i ) L ’ iin p u n ilé les en hard it. L e s registres du greffe que lient M e y r e , sont c o u
verts de ses d é b i t e u r s , et les tribunaux correctionnels du Cantal ont beau s é v i r ,
leurs j u g e m e n s , q u ’a basés la c o n v i c t i o n , n ée d es d é b a t s , sont réform és par un
m o in d re u om b re d e juges et sur les sim ples notes du greffe.
�( 17 )
ï ï semble indispensable que S a M a j e s t é daigne Fortifier l’ouvrage
sorti de son cœur paternel le 3 septembre 1807; qu’elle songe à ces
peres de familles qui sont la ressource la plus sure de ses états.
O ui, Sire, songez que les propriétaires et les pères de famille sont
vos plus fidèles sujets , qu’ils tiennent essentiellement au sol et à la
patrie, plus que ces vampires, ces égoïstes, qui rapportent tout à eux
comme à un centre unique. F e rm e z , fermez ces gouffres où vont
s engloutir toutes les fortunes particulières.........
Puissent ces malheureux pères de famille, répandre des larmes de
reconnaissance autant qu’ils sont pénétrés de sentimens d’admiration
et d amour ! L a fin de leurs malheurs intéresse votre gloire. Sire, votre
cœur magnanime nous préservera de tous les genres d’a n a rch ie , et
cette gloire s’élévera au plus haut période.
S ig n é , B R U .
DEMANDE,
D U 12 J A N V I E R 1809,
en
SUPPRESSION D'UN LIBELLE,
Pour M.e P i e r r e - A l e x is - L o u i s B R U , A vo cat, et Sup
p lé a n t à S t . - F l o u r ;
Contre M E Y R E , habitant de Ladite Ville (1).
U n libelle commençant par ces mots : B r u a f a i t im prim er, etc . ,
® nnissant par ceux-ci : D e s n ég o cia tio n s dont j ' a i é té chargé par
ru ; libelle qu’a conçu une imagination d éréglée, mais féconde en
3 \ocl,é s , est l’unique moyen opposé à ceux que contiennent mes
ftiemoires des 7 septembre 1807 et 26 septembre 1808.
n style grossier, ignoble et c y n iq u e , caractérise l’âme et le cœur
e .ceux ^I11* ont travaillé à la rédaction de cet écrit diffamatoire. ^On.
voit que non contens d ’avoir corrompu les m œ u r s , ils voudraient
encore corrompre la langue ; aussi me serais-je borné à le jeter dans
es egouts, si mon honneur et ma réputation , attaqués si audacieuseent, ne m imposaient le devoir d ’en obtenir justice , de le faire supjrntner, et de poursuivre les réparations auxquelles les preuves que
ej r e m a fournies par écrit, me donnent droit.
Darce n?ionîe m p ' ° !e P as cians m on supplém en t ni dans cet é c r i t , le mot d e sieur,
avait comm
r S pr,.is“ C,Pes
e* l ’ asocial.
s a & ref“ sent ce titre à CeIui auclueI 0« a prouvé
yquu uil avait
un délit
5
�t I» )
Quant aux m o y e n s, M eyre prétend n ’avoir été que mon manda
ta ire, m a caution, mon ami; et pour tout cela n’avoir pris que demi
pour io o par mois. ( L a singulière et gratuite amitié que celle d’un
usurier! )
M a réponse est fort simple ; je ne lui ai jamais donné de pouvoir
c o m in ea mon mandataire; je lui ai demandé de l’argent, Daubusson
et lui m ’en ont fourni ; tout établit qu’ils sont unis d’intérêt, l’arrêt
de la C o u r, du 20 novem bre, ne laisse aucun doute à ce sujet, et le
jugement dont est appel constate ces faits pour ceux qui ont le c o u
rage de déposer tout esprit de passion ou d interet.
J e passe donc aux faits calomnieux et injurieux qui paraissent avoir
été le seul objet du libelle de Meyre.
D ’abord, aux pag. 2 et 2 1 , Meyre est sans expérience, et se dit
rédacteur de son libelle.
Réponse. A va n t l’an 1 0 , au moyen d ’un emprunt forcé, valeur
m étallique, sur son père, il se mit à même d’agioter sur les mandats.
D ep u is, 011 sait avec quelle rapidité il a m arché, et en combien de
manières.
A la pag. 14 , lig- et en marge , on lit que j ’ai rédigé un mé
moire infâm e, etc.
R ép . Il n’a jamais existé un pareil mémoire fait par moi, je défie
d ’e n
trouver un indice.
J ’ajoute, que lorsqu’après le p thermidor je fus appelé à l’adminis
tration de département, pour aider à réparer les ravages de l’anarchie
révolutionnaire, je fus chargé par mes collègues d’appeler auprès d ’elle
les prêtres détenus à l’abbaye du B uis, et que je rendis peut-être moi
s e u l,. à ces respectables citoyens, le témoignage des espérances qu’elle
fondait sur l’exercice de leur ministère.
J ’ajoute encore à cela une maxime vraie, qu’il est impossible q u ’un
homme de bien soit sans religion. J ’aurais autre c liose à dire ; mais il
n e faut pas être long.
A la même page ligne 9. - O n ne rapporte qu’ un arrêt de la Cour
de L im o g e s, tandis q u e , dans mon m é m o ire , pag. 2 4 , j ’en ai rap
porté huit de diverses Cours d ’appel.
A lam énte p a g ', li£- 2°- - 0 n es.1 soulevé d’indignation parce que
j ’ose demander un délai, après avoir obtenu une réduction des deux
tiers.
.
.
,
Rép- J ’ai obtenu justice et non une grâce. J ai offert plus que le
taux légal.
_
J ’ajoute que , libéré envers le sieur B asset, je ne dois pas 20,000 f.;
q u ’il me reste plus de 160,000 f. de propriétés, à dires d’experts; que
je n ’ai pas de bilan à déposer, et que je dois compter plus q u e M e y re ,
sur le silence de M . ls Magistrat de surete.
Même pag., lig. 27 et suivantes. — Je renvoie à mon supplément
de m ém oire, pag. 2 4 , liget suivantes.
J ’ajoute toujours que si les articles , 6 et 16 du décret du 3o mai
5
,
5
�c 19 ;
désignent seulement les J u ifs , c’est qu’on a supposé qu’ il n’existait
f ias en France d'autres maltotiers , usuriers , escros et agioteurs, que
es Juifs.
Pag- i , lig. 11 et suivantes du lib elle. -- J e réponds que j ’ai en
mes mains un état de M . R iv e t , du 17 décembre dernier, qui cons
tate la double inscription; je n’ai connu ni la procuration de M urât,
ni la radiation qui devaient m ’êlre notifiée par Daubusson. Gela
s’expliquera devant la Cour.
M êm e p a g ., lig. 17 et suivantes. — C ’est ici qne M eyre commence
à développer tout l’affreux du complot de diffamation, de ses consorts
et de lui.
D ’abord , il est notoire que lors de l’établissement du tribunal’civil
à St. F lo ur , un ê t r e , malheureusement trop in ih ia n t, au lieu de dé
terminer le choix pour l ’alternat de l’administration départementale,
que son incurie avait f;fit perdre à la ville en 1791 , fut pousse' par le
désir de faire sa fortune et celle d’un collaborateur du lib e lle , qu’il
ecarta, sous divers prétextes plus ridicules les uns que les autres, des
avocats qui lui reprochaient une honnête banqueroute de 10,000 f r .,
en prairial an trois, à la famille B a d u e l, et que par cette influence,
il fallut s’ad ressërà son cousin , qui recevait et répétait assez bien ses
conseils à l’audience; q u ’ ainsi des jeunes g e n s , (c o m m e on d it, a
peine sortis des bancs) firent promptement une fortune scandaleuse.
Mais arrêtons-nous là pour un moment.
P o g . 16, lig. 1.re et suivantes. — P our les raisons ci-dessus don
nées , il fallut crue les beaux-frères s’adressassent à la véritable source
pour faire plaider leurs causes avec succès.
M êm e p a g ., li g , 10. ~ J e viens de donner plus haut les raisons qui
expliquent les causes inexplicables.
M êm e p a g . , lig. i . — L e fait est faux; je défie qu’on administre
un adminicule de preuve.
On sait que M . Spy-Desternes ne cachait pas une opinion qui 11’était
alors un crim e, que parce que ce n’était pas celle de l’intrigant en
c h e f, a cette époque; lequel intrigant doit se rappeler l ’avoir échappé
belle à cause de ses intrigues, dit-on. A u reste, on connaît l ’auteur
de la mise hors de la loi de cet honnête citoyen; cet auteur est un
digne compagnon d’un des collaborateurs du libelle.
M êm e pag. h g . i{j. — J e n’ai scandalisé personne en exerçant les
lonciions d’a v o c a t , pour un accusé.
,1 a * demandé toute la latitude de le défendre; elle m ’a été refusée.
honneur et l ’indépendance de mon état me faisaient une loi de de
mander'respectueusement cette latitude. Les avocats doivent respect
aux tribunaux ; a leur to u r , ceux-ci leur doivent la considération
<lu us n’ont pas droit de leur enlever. O11 sait à quel degré d’honneur
tu t portée cette profession chez tous les peuples; et il faut esp érer
mess,eurs ^es avocats se pénétrant bien du droit q u ’ils on t de le
réclam er , cet honneur reviendra.
5
5
�\
20
)
A u reste, exerçant cette fonction pénible mais honorable, je n’ai
point exigé douze cents francs, ni d e u x , ni trois, ni quatre mille
francs pour une seule c a u s e , dans un département où les fortunes
sont très-bornées , et où les véritables talens ne le sont pas moins.
M êm e pag. ligne. 24 avec une note. — Cette note est ma justifica
tion. On sait que ce qui n’est pas établi paraphernal est dotal ; le pé
cule et les droits successifs m o b ilie rs , échus pendant son mariage à
la fem m e B e r l h u , ne pouvaient sans injustice passer à des parens
qui n’étaient pas les siens.
P a g .'i ’j ,I ig i re et suivantes avec note en marge. L e sieur Basset
est payé : il m e tint un propos que M eyre et ses consorts peuvent
seuls entendre de sang lroid ; pour m o i , je ne conseille à âme qui
viv e de m ’en tenir de pareils. L e sieur Basset ne fut vigoureusement
repoussé du poingt qu’une fois. M . Loussert , mon a m i, qui m ’estime
depuis
ans autant qu ’il est lui-même estimable, me fit vivement
retirer ; il n’a pas depuis cessé de me donner des preuves de son at
tachement. V o ilà le fait.
M ême pag. lig. 4 et suivantes avec la note. — L e fait est puéril ;
fût-il v r a i , est-ce notre faute si nous recevons de faux renseignemens?
M ême pag. lig • 9 d note. — L a circonstance à laquelle on a donné
une tournure maligne est controuvée. Je n’elais pas et je n’aurais-pas
été le juge de Roussille pour une somme quelconque.
J ’a jo u te , que je suis destiné à être honnête homme toute ma vie;
q u e d ’autres sont décidés à être fripons toute la leur. J ’espère que la
cour fera justice de la noirceur de cette imputation.
M ême pag. lig. 1 r. — Jam ais ma société n ’a été fort étendue. Celle
que je hante est estimable ; des j u g e s , des beaux-frères estimés , un«
maison vo isin e , un ami intime ; jamais cela ne m ’a abandonné : je
verrais encore une autre maison , si d ’une part la m é ch a n ce té , de
l ’autre, la présence de ces êtres corrompus n’étaient venues la souiller.
Quand a l’homme dont on a parlé , il n’a reçu de moi d ’autre ac
cueil que consolation dans son malheur.
M ême pag. lig • 18 et suivantes. -- L es faits dont il s’agissait étaient
vrais. M- le Sous-Préfet n ’ignore pas, et je sais comme.lui de quelle
manière cela s’est terminé. J ’ai copie de la lettre de M . le Ministre
de l’intérieur , du 19 fruct. an 10 , qui se borne à dire que les faits ne
lu i paraissent pas prouvés. Si j eusse calomnié!..... Mais alors je me
tus pour un bten cle p a i x , comme je me tais aujourd’hui j et c ’est à
regret que je réponds.
P a g . 18 , i re ligne. — L e fait est faux ; a l’exception du s.r DnudeCissac , tous les autres ont plaidé ; quels motifs ont-ils eu pour le con
traire? je serais lâché de leur en avoir donné de fondés.
M êm e pag. lig • 9 . ^ suivantes. — J ’ai dit que M . Devillas était
incapable de tronquer des dépositions ; mais que son greffier, am i
de C h anso n, p o u va it, par un penchant naturel à excuser son ami ,
avoir affaibli fa rédaction. Misérables calomniateurs l
,
23
,
�( 2ï )
M êm e p a g .lig . i — L e cadastre parcellaire de la commune de
Paulhenc avait été fait avec une imperfection sensible. Plusieurs
liabitans, M . le Maire et moi présentâmes notre pétition à M . le
Préfet : elle porte, que si cet ouvrage n’ est pas le fruit de la partialité ,
I n e x p é r ie n c e , puisqu’on n’a pas sondé les terreins; de la
précipitation puisque dans v in g t- n e u f jo u r s , le cadastre d’une
commune qui a deux lieues de rayon a été opéré; et de l’ erreu r,
parce qu’on a ajouté des héritages qui n’existaient pas. Sur celte
pétition , M. le Préfet écrit, d il-on, au Maire dans le sens rapporté ;
il envoie les experts, l’opération est réformée. O ù est le forfait ?
M êm e p ag. lig . zB et su iva n tes. — U n des rédacteurs du libelle
sait que les siens déchirent les billets avec les dents. Quant à moi, je
vais expliquer mon fait. L e sieur Beaufils - Mentieres , qui a fait des
progrès en alliance , était mon créancier par billet à ordre, de créances
que je n’ai pas voulu lui rembourser en assignats ; ces effets avaient
porté depuis des intérêts qui ne sont connus que de nous deux ; il me
cita au tribunal de co m m erce, il prit d éfaut; ma servante porta les
fonds chez M. G a u ta r d , je les com ptai, je pris d’après cela mon
b ille t, que je déchirai ; je refusai de payer le montant des frais et le
ard pour fra n c, non stipulé; je lui évitai les frais d’une opposition,
pour cause d’incompétence. V o ilà le fait. A h , M . Mentieres ! mais il
sera encore question de vous par la suite; malheureusement trop pour
cette affaire.
pag. lig. o et suivantes. — Il ne peut exister d’autre
o servation de ma p a rt, à nies héritiers, que celle de se défendre
une action injuste que pourraient intenter des créanciers avec
lesquels j ’avais traité en nu m é ra ire , sur l’échelle de dépréciation
existant alors, pour des assignats qu’ils m ’avaient prêtés. Ceci concerne
probablement le sieur Mentieres.
. ^ l*8 - T > 1*8 . " E t malheureusement ceci le regarde : eu 1 7 9 2 ,
(je m en rapporte à lui sur l’année) le sieur Mentieres me prêta, an mois
de m a rs, 6,000 fr. en assignats, remboursables dans 6 ans , avec oo f.
«intérêts. ( I l ne tenait pas tant aux intérêts alors. ) J e lui en avais
payé deux années; je ne l’aflligeai pas d ’assignats en l’an
et 4. L es
mandats circulaient ; M . Mentieres répandait qu’il aurait de l’argent ;
je prends 1 échelle imprimée de la trésorerie, par Bailleul > laquelle
) ai encore, je lui dis : le louis, en mars 1 7 9 2 , valait’43 fr. ; il est juste
que vous ayez l’équivalent de vos assignats , ou bien des mandats;
j étais bien éloigné de les lui donner. Nous traitons pour 4,000 fr.;
’ flue vous avez été im p ru d en t, M . Mentieres !
M êm e p a g e , ligne 7. — A n n et R odier n’a jamais été mon b o u ici ; je ne lui dois que 180 f r . , à ce que je crois. Celui qui a fourni
s m atériaux, ainsi que ceux du sieur Roussille pour ce libelle, donne
Une opinion que je n ’aggraverai pas.
M êm e p ag ,
j — Et c’est Je N e c p lu s utlrà de la turpitude.
Comment 1 M e y re m ’a fourni dans un a n , à moi s e a ï, autant de
5
3
9
3
3
3
�(
22
)
vins étrangers et d’eau-de-vie, que peut en consommer la moitié des
trente meilleures maisons de S t .- F lo u r , qui font à peu près la con
sommation. ( O n sait que quelques-unes de ces maisons, présentant
bien moins d’hypothèques, sablent plus que moi de ces sortes de vjns ).
Mais en leur passant vingt bouteilles à chacune annuellement, plus ou
moins, nous aurons oo bouteilles qui, à o sous, donneront 450 fr.
C e p e n d a n t, en 1801 j’a i , en tâtonnant commencé par 5j z francs de
consommation; mais en l’an 1 2 , j’ai dépensé en toute livraison, plus
de i , i 3 o fr. ; a h , cette année, j ’ai surpassé les trente maisons. E n
l ’an i 3 , je me suis arrêté à 806 fr.; je n’avais pu sans doute digérer
celui de l ’année précédente. En 1806, j ’en ai aussi consommé pour
8 i 5 fr. ; je me suis aussi infailliblement ressenti de l’indigestion de
l ’an 12. E nfin , en 1807, j ’ en ai consommé seulement pour 484 f r . ,
j ’imagine qu’ il a été fatigué de fournir; sa cave seserait épuisée. Faut-il
encore que je lui observe q u ’il y a erreur de 100 fr. à son préjudice?
Mais M e y r e , que fîtes-vo u s, lorsqu’au tribunal je vous déclarai
fripon, lorsque je fixai sur vous les regards du tribunal , et que vous
n ’osâtes pas même lever, cette tête qui n’a plus rien de la dignité de
l ’homme. J ’ai vos notes, mes écrits, l’état de livraison de ceux qui
m ’ont fourni après fructidor an 12 ; la cour appréciera tout.
Pages 20 et 21.
J e renvoie,u mon mémoire, page 2 7 , dans
lequel j’explique les faits que M eyre paraît ne pas avoir lus.
Quant à l’ironie relative à l’emprunt de 120,000 f r . , il n’y a que des
têtes semblables à celle d’un des rédacteurs du libelle qui aient pu
l ’imaginer. Dans certaines familles il y a des lubies; je sais que les
cousins se sont forgé celle-là ; mais quelle apparence que je veuille
devenir pauvre par orgueil : les tems ne sont point assez bons pour cela.
M êm e p a g e , lig . 14. — J e n’entends rien à cela. On cpnnaît les
démarches que je faisais pour mon malheureux père, infirme et sexa
génaire, lorsqu’un des rédacteurs du libelle et son cousin s’amusaient
à le traduire dans la maison de réclusion, on sait avec quelle énergie
je me présentai devant un représentant.
Page 22, ligne 11. — L ’im punité, je le répète, a doublé l’audace
de cet usurier; je le ferai sentir plus clairement à la page suivante.
rage
, lig n e 7. — Q u o i , M e y re , on délibère sur une innocence
aussi prouvée que la votre! U n entortillement pour caractériser l’es
pèce tle d o l , tandis qu’il était plus clair que le jour cjue vous en étiez
incapable! et aussi de l ’avis de M. le Suppléant qui faisait les fonc
tions de M . le Pro cureur-gén éral, et à l’unanimité après le délibéré!
la prononciation paraît insolite! T o u t cela me passe, en vérité.
3
3
23
.................................... ... . . . C et esprit m e c o n fo n d ;
J e ne p e u x co n c ev o ir com m eutc.es M essieurs font.
M
étromanie.
A u reste, vous avez un bon arrêt qui vous blanchira s’il se peut.
A propos d’unanim ité, la délicatesse et la sévérité des principes de
�\
J
M M . les juges du tribunal de première instance q u i, selon M e y r e ,
page i du libelle, n’ont pas été unanimes, sont trop certaines, pour
q u ’on doute de l’unanimité de leur opinion ; ils ont la réputation d'hon
nêtes gens, et ne l ’a pas qui veut.
Page
, lig. a . —- M eyre ose parler de Roudil. M alheureux,
taisez-vous; s’il mourait de chagrin , comme bien d ’autres, son spectre
vous serait épouvantable.
P a g e 26 , ligne 4. — O u i, ce registre est couvert de vos victimes ;
qu’ on le compulse. E t ajoutons-y que vous étiez greffier et partie , et
que vous ruiniez vos victimes en irais.
Quant à m o i , M . Douet m’a appris qu’il ne voulait que sûreté , et
qu’il n’avait pas voulu céder 111a créance pour m ’éviter vos poursuites.
M êm e page, lig. xi et suivantes. M o i, dem andera Son Excellence
là place de greffier au tribunal de commerce de St.-Flour ! et après
Meyre ! ! ! ............
Ë t'm o n b e a u -frè re , avocat estim é, écrire contre le sieur F a h y ?
Cette lettre existe sans doute comme celle que me prêta M . le SousPréfet , en l’an 10 , et qu’il ne put trouver dans sa poche.
M êm e p a g e, lig n e 17. — Faits fa u x, que je délie de prouver.
L ig n e 20. Fait faux. Jamais je n’ai paru à Murât les jours où votre
affaire a été discutée; j ’y suis allé au sujet du blé dont la vente vous
est connue, j’y ai pris sur votre compte des renseignemens dont je
ferai usage.
M êm e p a g e , ligne 23. — Si j ’ai dit à un magistrat que notre
3
25
3
escroc était condam né, je d éclare, pour sou honneur, qu’il ne in’a
pas fait Ja réponse que vous m ellez clans sa bouche.
1
J ai fini. J e crois avoir mis a nu usure au désespoir; mais cela
ne me suffit pas. Ma réputation, mon état et mon honneur ont reçu
1 outrage le plus sanglant qui puisse leur être porté.
S il existait une société dans laquelle une poignée d ’hommes eût
le droit de nous expolier, de nous enlever ensuite notre honneur, la
seu e îessource de 1 homme dans le malheur ; si des pervers pou
vaient le faire im puném ent, si la justice était impuissante pour nous
en ve n g e r, 011 n’aurait d ’autre parti à prendre que de défendre à main
armée sa fortune, sa famille et cet honneur. Q u o i, Meyre et D a ubus
son seraient aujourd’h u i , dans l’espace de sept ans , mes créanciers
de plus de cent mille francs, pour environ vingt mille fr. de fournis,
si je ne m ’étais épuisé en tout sens pour des remboursemens fréquens.
■keschevçux se dvéssem !
1
,n.’ j eJ a* dit, la société de ces vampires doit être anéantie avec
.atraPj, ®
* eclair , si l’on ne veut voir périr les ressources de I’é>si on ne vmit voir se briser la pierre fondamentale de ces ressources.
cultn*-’
S° nt c^evenues nos manufactures, le com m erce, l ’agriu ture, depuis que ces misérables font accumuler les banqueroutes,
epuis que la plupart d’entr’eux ont quitté même leur commerce pour
se livrer a l’usure.
F
�( 2
4
)
Ils sont furieux d’être découverts. Cependant, je n ’avais pas dit que
dans l’arrondissement de M u r â t , le boiteux Dauzolle , était mort de
chagrin , de voir en trois ans ooo fr. s’é le ve r, par l’usure, à 1 1 ooo f. ;
que Sarraille a éprouvé pendant deux ans les rigueurs de l'emprison
n em ent, pour des créances non dues, et que pour paralyser l’action
publique , on l’a dédom m agé; je n ’avais pas dit qu’aux prisons de
St.-Flour, deux détenus , victimes de l’usure, sont morts de chagrin;
que Gueffier d’A lo z ie r, et celui de R u in e s, forts propriétaires , sont
en fu ite , etc. etc. etc. et qui en est la cause ?
Je n’avais pas dit que les cam pagnes, à l ’exemple des villes, étaient
infestées du poison de l’usure; quel remède y apportera-t-on ? quelle
est la peine qui vengera la société de cet état de corruption, que
M eyre et consorts y ont introduit.
Que le crim e v e ille , qu ’il soit même im p u n i, je ne m ’en défendrai
pas moins contre lui, j’a ttends justice et réparation, et j ’espère fer
m em ent que je l’obtiendrai.
S ig n é B R U .
3
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bru, Pierre-Alexis-Louis. 1809?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bru
Subject
The topic of the resource
usure
agiotage
créances
abus
tribunal de commerce
libelle
Description
An account of the resource
Premier mémoire du 7 septembre 1807, et supplément en cause d'appel, du 26 novembre 1808, pour maître Pierre-Alexis-Louis Bru, Avocat et premier suppléant du Juge à Saint-Flour, département du Cantal ; contre les sieurs Jean Meyre, greffier du Tribunal de commerce de Saint-Flour, et François Daubusson, de Clermont [suivi de] Demande du 12 janvier 1809, en suppression d'un libelle, pour Maître Pierre-Alexis-Louis Bru, Avocat et Suppléant à Saint-Flour ; contre Meyre, habitant de ladite Ville.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1809
Circa 1806-Circa 1809
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0506
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0505
BCU_Factums_M0509
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Talizat (15231)
Pierrefite-sur-Loire (03207)
Saint-Flour (15187)
Rights
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libelle
tribunal de commerce
Usure
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M
P O U R
É
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M
O
I
R
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veu ve de D
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L
am ure
en fan s , n o m m é m e n t de D
e n is
E
C
o n stan t,
, et tu trice d e leu rs
DE L
am ure
.
h é r i
tie r u n iv e rse l d e son p e rc.
C O N T R E
le c it o y e n
Jerom e
G o y e t-d e -
L i v r o n , su b ro g é de J e a n H e c t o r M o n t a g n e d e - P o n c i n s , acquéreur de la terre d e M a g n e u x h a u te -R iv e ,
e n p r é s e n c e d u c it o y e n P i e r r e
B rochard.
Q u a n d on renouv e lla , de nos jo u r s , le systèm e du
papier-m onnoie, il falloit bien s’attendre que des hom m es T R I B U N
AL
im m oraux , qui ne calculent que leur in térêt et ne craic 1v 1
gnent pas de lui sacrifier principes e t d e v o irs , p r o f i t e - Dé p a r t i
roient avidem ent de cette circo n sta n ce, pour se jo u er de DE la Lo
leurs obligations et s'enrichir aux dépens de ceux qui
avoient eu la bonhom ie de croire à leur probité et de
leur confier leurs fo n d s , à p r ê t , ou à crédit,
A
�„
•
c
2
}
P eut-être doit-on quelque indulgence au débiteur obéré
qui , n’ayant pas d’autre ressource pour se m énager une
e x is te n c e , a cherché à s’acquitter avec le papier-m onnoie
aussitôt qu’il a pu s’en procurer et avant que le papier
fût essentiellem ent déprécié ! ........ L ’im périeuse nécessité
com m ande , par fois , des expédiens que désavouent la
bonne foi et l ’exacte justice.
M ais que l ’acquéreur d’une des plus belles possessions
qui existent dans le départem ent de la L o ire , qu’un débi
teur o p u le n t, qu’un ex-financier à vjo m ille francs de ren te,
qu ’un hom m e qui fait parade de sentim ens d ’honneur et
de délicatesse, n’ait pas craint d’abuser de l ’in ciden ce d ’une
lo i d ésastreu se, pour éluder ses engagem ens , et violer les
conventions les plus sacrées......... Q u ’il ait ch erch é à se
libérer d’un capital considérable , a vec à-peu-près le revenu
d’une seule année.......... Q u ’il ait voulu s o ld e r , . en papier
de fà u x - a lo i , un prix de vente d’im m eubles stipulé payable
EN
B O N N E S M O N N O I E S D ’ OR E T D ’A R G E N T .......... Q u ’a vec
le s m oyens de se procurer des assignats dès qu’ils furent
m is en circulation , il a it attendu qu’ils fussent tom bés dans
un énorm e d is c ré d it, pour faire effectuer ce rem boursem ent
en sim ple valeur nom inale.......... Q u ’afîn d ’accroître son
superflu , il n’ait pas rougi d’ en lever le nécessaire à une
foule d’individus......... Q u ’il se soit perm is une pareille
abom ination envers des m ineurs auxquels il tenoit par les
liens de l ’a ffin ité, envers des parens de sa fe m m e ...V ...
Q u ’il se retranche dans ce sim ulacre de payem ent , et
qu’il soit assez peu jaloux de l’estim e des gens de b ie n ,
assez déhonté pour soutenir la légitim ité d’un acte inique
qu’une autre loi plus juste a elle-m êm e qualifié de v o l ...........
Certes ! on auroit de la peine à croire à un tel excès de
bassesse et de p erve rsité, si le citoyen G o y e t - d e - L i v r o n
n’en offroit aujourd’hui le hideux spectacle.
M auvaise foi ! cupidité ! soif de l ’or ! dans quels écarts
n’entrainez-vous pas ces ames viles qui se laissent corrom
pre de votre souffle e irp o is o iW ?..........
�(, 3
),
C ’est à reg ret que la v e u v e R a m u r e , o b ligée de v e il
ler à la conservation du patrim oine de ses enfans , et de
réclam er contre un rem boursem ent qui en absorberoit la
m ajeure partie ? s’il pouvoit subsister , se v o it forcée de
dévoiler toute la turpitude du citoyen de L iy ro n .........( I l eût
été bien p lu s, doux pour elle d’avoir à faire son a p o lo g ie , de
pouvoir le com pter au nom bre de ces débiteurs vraim ent
probes , q u i, avec leurs pleines mains d’assignats , ont resté
Hdelles à leurs engagem ens , ou qui , par un louable retour
aux sentim ens ¿ ’honneur et de délicatesse qu’ils avoient un
instant méconnus , se sont em pressés de réparer le tort
qu’ils avoient fait à leurs créanciers par des payem ens de
cette espece ) ........... M ais le citoyen de L i v r o n , quoiqu’il
prétende aux élo ges dus à la v e r t u } aim e encore m ieu x
l ’argent : Virtus post nummos.
Pourquoi réduit-il la veu ve L amure à la triste n écessité
de faire retentir à ses oreilles des .vérités dures , de retracer
à ses yeu x l ’opprobre dont il s’est cou vert ? P o u rq u o i, depuis
près de trois ans qu’il retient le bien de ses infortunés
m in eu rs, n ’a-t-il pas fait m ine seulem ent de leur en restituer
du moins une partie ? Pourquoi n’a-t-il jam ais voulu écouter
les propositions qy* lui ont ^
faites à ce sujet ?........
Q uand on entend cet hom m e , aussi déprécié que ses
assignats , prôner sa loyauté, alors qu’il lui échappe de
convenir qu’il a effeptué $on rem boursem ent à une époque
o î^ aux y eu x de Vhonneur, il n’était plus permis à l’homme
délicat de payer en papier ; ajprs qu’il dénature les faits ,
qu’il altéré ou fronque les actes , tpour donner quelque cou
leur à la plus m auvaise des causes : .Quand on le vo it pous
ser l ’audace jusqu a taxer d indecence , de mensonge , de ruse ,
de diffamation et de>calomnie, une familÎe honorable , dont il
devroit du moins respecter l ’infortune dans laquelle il l ’a
lui-m êm e p l o n g é e . . . . 11 est im possible de se contenir :
se spuleye’.( V . . . E t facit indignatio version.
_■Sq. fiatteroit-ij td’en im poser par le ton de confiance
"
'
A
2
�(
4
)
•
qu’il affecte , e t de se soustraire , par ses suppositions et
ses subterfuges , à la condam nation sollicitée contre lui ?
P eu t-il fonder sa libération sur un rem boursem ent qui n’est
e n c o r e , com m e au jour où il fut fait , qu’un ob jet de
scandale et d’in d ig n a tio n , sur un rem boursem ent qui porte
avec lui tous les caractères de réprobation et déjà proscrit
au tribunal de l ’opinion publique ? D oit-il espérer que la
ju stice le consacrera du sceau de son autorité ?........ N o n ,
elle ne sauroit approuver un procédé aussi d é lo y a l, et lég i
tim er une escroquerie d ’autant plus odieuse qu’elle a été
plus artificieusem ent com binée. E lle ne souffrira point qu’un
avid e acquéreur se joue de ses obligations les plus étro ite s,
qu’il solde le prix d’une superbe propriété avec un papier
illu so ire, et qu’il grossisse ses trésors des dépouilles d’une
fam ille nom breuse.
F
A
I
T
.
P a r contrat du 19 O ctobre 177 1 , Durand de L a m u r e
vendit à Jean-H ector M o n t a g n e - d e - P o n c i n s , sa terre de
M a g n e u x -h a u t e - R i v e ,
consistant en château , jardins ,
v e rg er , p r é s , bois , et fonds de réserve , e t en n e u f domai
nes situés dans la com m une du m êm e n o m , avec les meu
bles et e ffe ts , bestiaux , instrumens de labour et fourrages
dont ces château et dom aines se trouvoient alors garnis.
L e prix de cette vente fut de 35 o,ooo liv.
A com pte de ce prix , il fut p ayé , le m êm e' jour ,
100,000 liv. ; il y eut des délégations pour 13,900 liv. ; et
les 236 ,io o liv. restantes , D urand de L a m u r e eut la facilité
de les laisser entre les mains de l ’acq u éreu r, qui lui constitua
sur ce ca p ita l, une rente annuelle et perpétuelle de 9,444 liv.
à raison de quatre pour cent et exem pte de toute retenue ;
a v ec la faculté de se libérer en différens payem ens qui n e r
pourroient être moindres de 5o,ooo l i v . , sauf le dernier.1
L es parties sem bloient pressentir l ’ém ission du papier-
�(
5
)
•
monnoie , et elles voulurent préven ir l’abus qui pourroit en
être fait.
Par une clause im portante ( que le cito yen de L ivron
n ’a eu garde de rapporter , p arce qu’ il voudroit v o l e r la
ju s tic e , com m e il a v o l é la fam ille L a m u r e ) il fut expres
sém ent convenu que « l ’acquéreur ne pourra faire lesdits
» payem ens q u ’E N b o n n e s m o n n o i e s d ’o r e t d ’a r g e n t
» au cours de cejourd’hui 19 Octobre 1771 , quelque dimi
>> nution ou augmentation qui puisse survenir sur les e s p e
» c e s d ’o r
e t d ’a r g e n t , com m e étant une convention
» expresse entre les p a r tie s , relative à la valeur de la terre
» vendue qui a été réglée sur le pied de la valeur actuelle des
» especes d ’o R e t d ’a r g e n t . L aqu elle convention sera réci» proquement exécutée entre les parties , soit que le p rix des
y> especes augmente ou diminue ; en exécution de laquelle ,
y»- 1*acquéreur sera tenu de payer et le vendeur tenu de recevoir
v> le payement en especes sur le pied de leur valeur actuelle.
» S A N S L A Q U E L L E C O N V E N T I O N , L A D JTE V E N T E
» N ’A U R O I T É T É F A I T E . »
Il fut encore stipulé que
« ladite som m e ne pourra
* aussi êtrè rem boursée en aucuns billets ni autres effets
» royaux, de quelque nature qu’ils soient et quelque cours
» qu’ils puissent a v o ir, mais uniquement en especes d’oR e t
» d ’ a r g e n t au cours de cejourd’hui , conform ém ent à la
» convention ci-dessus , c o m m e s ’a g i s s a n t d ’ u n p r i x d e
»
VENTE
D ’ IMMEUBLES » .
U ne troisièm e clause portoit : « à condition que l ’acqué» reur sera tenu d’avertir le vendeur trois mois avant de faire
s» lesdits rem boursem ens. »
..
•
1 T e ls furent les p a c te s , sous la foi desquels D u r a n d de
L a m u r e se dépouilla de sa propriété. T e lle s furent les
obligations que s’imposa l ’acquéreur pour le payem ent de
ce qu’il restoit devoir du prix de cette vente.
L e 20 Mai 1780 , M o n t a g n e - d e - P o n c i n s , après avoir
fait une coupe considérable dans les bois de M a g n e u x ,
�revendit cette terre au citoyen G o y e m - d e - L i v r o n , au prix
de 408,880 l i v . , sans parler d’un supplém ent de prix , dont
les parties ju geren t à propos de ne pas faire m ention au
c o n tra t, et que le fils L i v r o n nous apprend avoir été de
plus de 100,000 liv.
C e second vendeur subrogea le citoyen de L ivron à son
lieu et place , e t lui transmit les m êm es obligations aux
quelles il s’étoit soumis envers Durand de L a m u r e , par
le contrat de 1 7 7 1.
P ar une clause ( que le cito yen de L iv ro n s’est encore
perm is de tronquer) il fut dit que « l ’acquéreûr se retiendra
» entre les m ains........ la som m e de 2.3 6,100 liv. due à
» Durand de L a m u r e , en reste du prix d’acquisition d e
» la dite terre de M agneux-haute-Rive , suivant le contrat
» ci-dessus daté ; laquelle somme il sera lib re audit acqué-*
» reur.Jde rem bourser A l a f o r m e d u d i t a c t e » ............
A u su rp lu s, le citoyen de L ivro n reconnoît quune expédia
dition de cet acte lui a été présentement remise par le sieur de
Poncins ; de sorte qu’il ne sauroit p rétexter d’avoir ign oré
les conditions du rem boursem ent.
Durand de L a m u r e m ourut au m ois d ’A o û t de la m êm e
année , laissant d o u z e e n f a n s , savoir : neuf filles , de son
prem ier m ariage a vec Louise-F rançoise D u j a s t d ’A m b e r i e u x , et deux filles et un g a rç o n , de son second m ariage
a vec l ’exposante.
Par son testam ent du 18 Juin 1779 , il avo it institué
D enis d e L a m u r e 6on fils , pour son héritier universel.
A p rès son d é c è s , il s ’éleva des contestations entre sa,
v e u v e , les enfans du prem ier l i t , et le subrogé-tuteur de
l ’héritier , à raison de leurs droits respectifs sur les biens
pqr lui délaissés.
Ces droits furent réglés par un arrêt du ci-devant parle-r
m ent de P a n s , à suite duquel » ceux revenant à six des
filles du prem ier lit qui r e s t o i e n t à p a y e r , furent liquidés ,
par transaction du 26 Mai 17 8 4 , à la somme de i 5 o,ooo liv .,
�C 7
)
qui leur fut délégu ée à prendre sur le contrat du citoyen
de Livron.
.
E n conséquence de cette délégation , leur tuteur fit
signifier à ce débiteur une opposition portant défense de
p ayer à d’autres q u a lui ladite somm e de 160,000 liv. et
la rente en proportion.
P ar ce m oyen , la veu ve L a m u re , com m e tutrice de ses
en fa n s, n’avoit à prétendre que l ’excédent.
.
C e ne fut qu’à l ’époque du m ariage de Catherine Char
lotte de L a m u r e l ’une des filles du prem ier lit , a v e c
P u n ctis de C ind rieux, que , l ’exposante lui ayant fait une
partie de sa d o t, il fut convenu qu’elle auroit droit à la
rente en qu estion, à concurrence d’un capital de 94,989 liv.
D epuis lors -, cet arrangem ent avoit été constam m ent
suivi.
L a rente se trouvant à un taux m odéré et le citoyen de
L ivro n pouvant tirer ailleurs m eilleur parti de son a r g e n t,
il y a tout lieu de présum er qu’il n’auroit guere songé à
en rem bourser le c a p it a l, si l ’ém ission du papier-m onnoie
n ’étoit pas survenue.
. C e tte circonstance lui parut des plus favorables , pour se
libérer à peu de frais.
Il crut néanmoins devoir sauver les apparences et tach er
de faire tom ber sur un tiers tout l ’odieux e t le danger dit
rem boursem ent que m éditoit sa perfidie. L e cito yen B r o chard
fut celui qu’il se choisit pour plastron.
L a m aniéré dont il s’y prit fut des plus adroites. C ’est un
vrai tour de m aître-financier, un rafinem ent d ’a g io ta g e peutêtre sans exem ple.
11 possedoit aux environs de R oanne un bien appelé
B e a u c r e s s o n , de valeur tout au plus de 120,000 liv. en
numéraire.
D è ce b ie n , il n’en vendit qu’une partie au citoyen B ro chard ; et il la lui vendit à tres-haut prix en assignats.
.
L a vente fut passée le 16 F évrier 1 7 9 3 , époque où ce
1
�(
8
)
signe m onétaire perdoit déjà presque m oitié de sa valeur
nominale. L e prix en fut porté à 336 ,i o o l i v .
Sur ce p rix , le citoyen de L ivro n se fit c o m p te r, le m êm e
jo u r , 100,000 liv. qui durent lui rendre 59,000 liv. écus ,
suivant l ’échelle de proportion.
A l ’égard des 236,100 liv. restantes , ( au lieu d ’en ordon
ner le payem ent de suite en faveur des héritiers L a m u r e ,
à qui cette somm e auroit produit alors environ 139,000 liv .,
au m oyen de quoi leur perte n’auroit été que de 97,000 1. )
il chargea sim plem ent B rochard « de les p ayer à son acquit
» auxdits h é ritie rs; sa v o ir, 100,000 liv. dans trois a n s, et
v> les autres 1 36 ,100 liv. dans quatre ans , avec l ’in térêt de
» ladite som m e totale à quatre pour cen t , à com pter du
r> 19 O ctobre p r é c é d e n t;............ sans néanmoins , est-il d i t ,
» que le citoyen Brochard soit tenu de payer A U T R E M E N T
» q u ’ e n m o n n o i e o u e f f e t s d u c o u r s ,■............ » c ’est-àdire , en bon Français suivant l ’esprit du tem ps , q u ’EN
ASSIGNATS.
_
On se doute bien que le citoyen de L iv r o n , toujours
fidelle à sa m é th o d e , a eu grand soin de passer encore sous
silence cette derniere clau se, qui seule est propre à décéler
sa m auvaise foi , et à faire évanouir toute idée de cette
bonne intention qu’il suppose avoir eue , de procurer aux
héritiers Lam ure leur p ayem en t en especes d’or et d ’argent.
Il ne sauroit faire prendre le chan ge là-dessus. O n apperço it assez que , dans la vente par lui consentie à B ro c h a rd ,
il n ’envisageoit que son propre intérêt. Il s’étoit dit : « A v e c
» Tin bien d’environ 90,000 liv. je m e libérerai d’un capital
» de 2 3 6 , i o o liv ., et j e bénéficierai encore une s o m m e de
» 59,000 liv. ; d’autre part , je ferai retom ber sur mon
» acquéreur tous les reproches que pourra m ’attirer le rem
» boursem cnt inique dont je lui im pose l ’obligation............»
V o ilà quelle a été son intention. Il est facile de la deviner.
E lle percc à travers le voile dont il a ch erch é à l'e n v e
lopper.
o il
�(
9 )
S ’il eut été aussi loyal, aussi délicat qu’il ose se dire , s’il
eut voulu faire pleine raison aux enfans L am ure , il auroit
transmis à B rochard les m em es engagem ens dont l ’avoit
ch a rgé M ontagne-de-Poncins : il lui auroit déclaré les con
ditions du rem boursem ent, déterm inées par le contrat de
177 1 , et lui auroit im posé celle de l ’effectuer a l a f o r m e
d u d it
a c t e , c ’est-à -d ire , en bonnes m onnoies d ’or
et
d ’argent.
L es term es qu’il accorda à B roch ard , loin de couvrir sa
p e rfid ie , ne servent qu’à la m anifester davantage.
Ces term es ne furent point apposés en faveur des héri
tiers Lam ure. Si leur iptérêt avoit excité sa sollicitude , il
auroit disposé leur p ayem ent pour le jour m êm e de la ven te:
il leur auroit du moins délégué les 100,000 liv. qu’il eut
soin de p ercevoir pour son co m p te , afin d’amoindrir la perte
qu’ils étoient dans le cas de souffrir. O u bien s’il prévoyoit
que les assignats n’existeroient plus dans trois ou quatre ans9
il devoit interdire à B roch ard la faculté de se libérer avant
le tem ps co n v e n u , a p e i n e d e r é s o l u t i o n d e l a v e n t e .
M a i s q u a n d il donna des term es aussi longs à cet acqué
reur , ce ne fut que pour lui v e n d r e plus ch er ; et si B ro
chard s’obligea pour un si haut p r ix , ce ne fut que parce
que , ne devant le p ayer qu’à des term es très-recu lés, et
ayant la faculté d ’en anticiper le payem en t dès qu’il n’y avoit
pas de clause contraire il avoit tout lieu de présum er qu e,
le discrédit des assignats allant toujours c ro issa n t, il trouveroit le m om ent de se lib érer à bon com pte.
Q ui pourroit en effet se persuader que B roch ard eût
voulu se soumettre à acquitter pour le cito yen de L ivron
une dette de 23 6,100 liv. é c u s , a vec un bien dont le prix
s’élevoit à peine au huitième de cette som m e , distraction faite
de 69,000 liv. à quoi revenoient les 100,000 liv. assignats
par lui com ptées à son vendeur le jour du contrat ? ..........Il
auroit fallu qu’il eût perdu la t ê t e , pour souscrire un m arché
�(
ro
)
aussi ruineux ; ..........et personne ne s’est encore avisé de le
taxer de folie.
D u re s te , on aim e à croire que B roch ard traita de bonne
f o i , et n ’entra pas dans les vues frauduleuses du citoyen de
Livron.
Q uoi qu’il en s o it , reste toujours que le rem boursem ent
n’a été effectué qu’en papier et à une époque où il perdoit
déjà énorm ém ent.
S ’il faut en croire le citoyen de L ivron , il fut f a i t , le 26
Septem bre 1793 , un prem ier acte d’offre de 98,788 1. 10 s. ;
m ais l ’exp osan te, qui se trouvoit alors réfu giée à L y o n , n’en
eu t point connoissance ; et ce qui prouve que cette offre
n ’étoit gu ere sérieuse , c ’est qu’elle ne fut point suivie de
consignation ni d’aucune autre poursuite.
On avoit si peu d’envie de rem bourser le c a p ita l, qu’on
ne songea pas m êm e à acquitter la rente de cette année.
C e ne fut que le 29 Brum aire de l ’an 3 , ( 1 9 N ovem bre
1 7 9 4 , ) que le cito yen de L ivro n fit p ayer par B roch ard deux
annuités échues le 19 O ctobre précédent. I l solda 18,888 liv.
a v e c moins de 200 louis.
L e m axim um q u i, pendant quelque temps avoit un peu
soutenu les assign ats, ayant été le v é au m ois de N iv ô s e ,
cette monnoie fantastique éprouva bientôt une dépréciation
des plus rapides ; et la loi du 6 F loréal su iva n t, qui déclaroit
l ’or et l ’argent m arch an d ises, a ch eva de lui porter le der
nier coup.
L e m om ent étoit venu pour le cito yen de L ivro n d’exé
cu ter son projet de libération. Il eut peut-être quelque ven t
de la loi qui alloit suspendre le rem boursem ent d e s r e n t e s ,
e t il se hâta d’en prévenir l ’effet. 11 pressa B r o c h a r d de le
lib érer envers la fam ille Lam ure. 11 11e se contenta pas de
lui faire cum uler les paym ens divisés par le c o n t r a t de 1 7 7 1 ,
il le dispensa encore de satisfaire à la clause d’avertissem ent
portée par le m em e acte.
Il fit donc signifier par B ro ch a rd , le 3 p ra iria l, un acte
�C
II
')
d ’offre de l'en tier capital e t de quélques arrérages de la rente
en question , tant aux filles du prem ier lit qui y avoient
d ro it, qu’au citoyen B o u rg , au nom de l ’exp o san te, com m e
tutrice de ses eufans.
.
C ette offre fut refusée :
P a r l e s f i l l e s d u p r e m i e r l i t , sur le fondem ent que
les actions héréditaires de leur pere ne résidoient point sur
leur tête , et que le capital de la rente appartenoit à la m asse
de sa succession.
E t p a r l e c i t o y e n B o u r g , a u n o m d e l ’ e x p o s a n t e , parce
qu’il n’y avoit pas eu d’avertissem ent préalable -, parce encore
que celle-ci ne reconnoissoit point d’ autre débiteur que le
citoyen de L ivron . L e citoyen B ou rg ïéclam a en m êm e
temps l ’ exécution des clauses et conditions portées par le
contrat de vente de 1 7 7 1 .
O n m enaça de consigner ; et cette m enace produisit l ’ effet
qu’on s’en étoit promis.
L a veu ve Lam ure fut circonvenue par quelques individus
qui lui persuaderont que « com m e tutrice de- l ’h é r itie r, elle
» ne pouvoit point se refuser à recevo ir l ’entiere som m e
» offerte;-que les loix nouvelles autorisoient tout débiteur à
» se libérer en assignats ; q u e , si elle laissoit consigner , elle
» ne feroit qu’ajouter au perdu 9 et qu’elle coopéreroit ainsi
* à la r-ruine de ses enfans. »
E garée par ce conseil perfide , alarm ée sur les suites de la
con sign atio n , et non instruite alors des loix conservatrices
des conventions des parties , des lo ix 1qui ont pris sous leur
protection spéciale les interets des pupilles ou m ineurs , elle
céda à 1 espece de contrainte 011 elle se trouvoit. E lle reçut
2 4 I 3 6 8 8 liv. assignats , tant pour le capital que pour les arré
rages de la rente dont il s’a g i t , non-seulem ent la portionqu ’elle avoit a prétendre au nom de ses en fan s, m ais encore
celle qui revenoit a ses belles-lilles , et elle en concéda quit
tance le 1 5 dudit mois de Prairial.
Cependant elle eut soin de faire rappeler }-dans cette quitD 2
�(
i*
)
t a n c e , la clause du contrat de 1 7 7 1 , suivant laquelle le rem
boursem ent « ne pouvoit être fait qu’en especes d’or et d’ar
gent, au cours qui avoit lieu à l ’époque du c o n tra t, com m e
» condition expresse de la ven te , et non en aucuns billets ni
» autres e ffe ts, de quelque nature qu’ils fussent et quelque
» cours qu’ils pussent avo ir......... » E lle y fit aussi exprim er
que c ’étoit « pour éviter la consignation poursuivie par les
» citoyens B rochard et L ivron , et comme forcée , s a u f t o u s
» s e s d r o i t s , a c t i o n s e t r é s e r v e s , qu’elle recevo it ce
» rem boursem ent du citoyen de L ivro n par les mains dudit
» B rochard. «
C elu i-ci étoit muni en effet d’un pouvoir spécial du citoyen
de L iv r o n , « pour p ayer à la veu ve Lam ure les sommes
» totales , principales et accessoires portées par l ’acte d’of» fre; lequel p a y e m e n t, est-il d i t , lui vaudra quittance finale
» e t libératoire , com m e s’il eût payé à m o i-m êm e, nonobs» tant toutes clauses de délégation contenues dans son
» contrat de vente ; desquelles clauses de délégation je le dé
» c h a rg e ..........» Pourroit-on ensuite ne pas admirer la véracité
com m e la bonne foi du citoyen de L iv r o n , quand il soutient,
du ton le plus affirm atif, que B roch ard a p ayé m a l g r é s a
RÉSISTANCE ?
Il est notoire qu’à cette époque , les assignats étoient déjà
tom bés dans le plus grand d iscréd it, puisqu’ils perdoient près
de d i x - n e u f s u r u n . On pouvoit dire alors ce que Cicerón
disoit de la m onnoie qui avoit cours à R om e du temps de
Gratidien : Jactabatur illis temporibus nummus s i c , ut nemo
sciret quod haberet.
C ’étoit donc par un excès de m auvaise foi intolérable que
le citoyen de Livron , ou B rochard son m andataire , avec
environ 525 louis qu’ils avoient pu agioter , prétendoient
acquitter un capital de 236 ,100 liv. et solder le prix d’une
terre dont la valeur réglée sur le cours qu’avoit alors le
papier-m onnoie , se seroit éle vée à près de c i n q m i l l i o n s j
d’une terre qui produit annuellem ent 20,000 liv. de revenu.
�C
î3
0
]Sîe devoient-ils pas sentir toute l ’iniquité d’un pareil rem
boursem ent ? et falloit-il attendre qu’une loi ( celle du 12,
Frim aire an 4 ) eût signalé les payem ens de cette nature et
les eût caractérisés de v o l ?
On se rappellera long-tem ps l ’indigne propos que le f i l s
L i v r o n eut l ’im pudence de tenir dans cette occasion , et qui
fit gém ir toutes les am es honnêtes.
L es filles Lam ure se plaignoient à lui de ce que son pere
leur faisoit rem bourser en papier un capital stipulé p ayable
en especes d’or et d'argent, e t qui form oit la m ajeure partie
de leu r, fortune , dans un m om ent où les louis étoient à
4 5 o liv . . . . . . ; il leu r répondit a vec un rire Sardónique et
i n s u l t a n t : « V o u s vous trom pez , M esdames , ils sont bien à
» 5 oo liv. à R oanne.......... », ¡Entendit-on jam ais une pareille
h o rre u r, e t péut-on baffouer aussi cruellem ent des m alheu
reu x que Üon.voLE et que, l ’on ruine ? O n s’attend de la part
de ce jeune h o m m e 'à quelque e x c u s e , à quelque réponse
compatissante d’un courtois ch evalier , et l ’on n ’entend
-sortir de sa bouche que l ’expression d’un vil agioteur.
Mais ce n’est pas là le seul trait de gentillesse que présente
■cette cause.
.
‘
Il est une certaine m anœuvre , dont on ne connoît pas
précisém ent l ’a u teu r, mais qui peut ê tre 'a sse z désigné par
cette présom ption de la loi : Is fe c it scelu s, cui prodest.
B arrieu , notaire , qui avoit reçu le contrat de ven te de
■i 7 7 1 , contenant la clause dè rem boursem ent en monnoie d’or
et d’argent, ven oit de tom ber sous la h ach e des satellites de
J A V O G U E S . Ses minutes avoient été transportées dans la
m a i s o n - c o m m u n e de M ontbrison , par les ordres de la m uni
cipalité qui dominoit à cette lam entable époque. L a clause
dont on a parlé pouvoit apporter quelque gên e au rem bour
sem ent. On forma le dessein de l ’anéantir. U ne main sacri
lè g e osa se porter sur cette clause. E lle fut raturée..............
Encore une fo is , on ignore quel fut précisém ent l ’auteur de
cette altératio n , de ce faujc ! ......... M a is, sans trop hasarder,
�(
i4
)
•
n’a-t-on pas quelque droit de soupçonner les citoyens de
L ivro n , pere ou f ils , d'en avoir été du moins les instiga
teurs ? L a note qu’on lit au bas de la m in u te , « ( expédié au
» citoyen G o y e t-d e -L iv ro n , après avoir purgé le présent
» acte conform ém ent à la loi du 8 P lu v iô s e , art. 4 >) » n ’au
to rise-t-elle pas ce soupçon ? Q u el autre individu auroit eu
intérêt de faire supprim er cette clause 2
Rem arquons que la loi ne frappoit de proscription que les
clau ses, qualifications, énonciations-ou expressions tendantes
à rappeler les régim es féodal e t nobiliaire ; et la clause dont
il s’a g it, n ’avo it rien de commun a v ec ces divers régim es.
C ette lo i , non plus que celle du 16 O ctobre 1791 , n’avoien t trait qu’à l’avenir, en défendant aux notaires d’insérer
de pareilles clauses ou qualifications dans les âctes qu’ ils rece
vraient , ou dans le s expéditions qu’ils délivreraient. E lles n’orUonnoient point d’en purger les minutes des actes déjà passés.
O n p ouvoit les retrancher dans l ’expédition dem andée par le
cito ye n de L ivron . On pouvoit aussi y supprim er le m ot royaux,
inséré dans la clause subséquente. M ais on ne devoit pas se per
m ettre d ’altérer la m inute d’aucune m a n ié ré , de toucher au
surplus de l’acte , et sur-tout à la clause relative au rem bour
sem ent en especes. d’oR et d3a r g e n t , qui se trouvoit distincte
de celle qui interdisoit aussi le payem ent en aucuns billets ni
autres effets......... de quelque nature qu’ils fussent et quelque
cours qu’ils pussent avoir ( a ) .
O bservons encore que , tout les actes reçus par le notaire
( a ) D ès qu’on étoit si ch atou illeux sur les m o ts , si rigide ob ser
v a te u r des lo ix , p ourquoi , dans le même temps qu’on purgeoit le con
trat de 1771 des qualifications rela tives aux régim es féodal et n o b ilia ir e ,
au ’on d ép o u illo it le sieur MONTAGNE de son surnom de P o n c i n s ,
co n servo it-o n au citoyen G O Y E T celu i de LlVP.ON ? Pourquoi conti
n u e - t - il de prendre ce su rn o m , contre l’expresse^ prohibition de plu
sieurs lo ix qui prononcent à cet égard la peine d’ une amende et de la
dégradation c iv iq u e ? Y a u ro it-il donc deux poids et deux m esures?
I.a modestie d’un v r a i Républicain peut-elle se con cilier a yec les titres
fastueux de la féodalité
�C
15
)
B arrieu , celu i du 19 O ctobre 1771 est le sêul sur lequ el
on ait usé de purgation , quoiqu’il y en eut bien d’autres
dans le m êm e cas. Pourquoi cette préféren ce sin gulière ?
P eu im porte sans doute de cette rature , puisque la Clause
est restée lisible , qu’elle se trouve insérée dans d’autres
expéditions délivrées par le notaire r e c e v a n t, et qu’elle
a été rappellée dans la quittance du 1 5 Prairial. M ais 011
n ’a pas moins voulu la rendre sans effet ; e t c e t attentat
sur un dépôt aussi sacré que doivent l ’être les m inutes des
actes des notaires , sur lesquels reposent la foi publique et
la fortune des fam illes , ne peut qu’exciter le zele du m i
nistère public e t l ’anim adversion de la justice contre les au
teurs d’un pareil d é l it , quels qu’ils soient.
M ais laissons ces en ca d rem en s, e t R evenons au fond du
tableau.
M algré tous ses soins pôur tirer quelque parti dss vains
papiers du cito yén de L ivro n , la veu ve Lam ure ne put en
utiliser qu’à concurrence d’environ 7000 liv. .
E lle eut encore à se féliciter d’avoir sauvé cette petite
som m e du naufrage. Si elle avô it attendu l ’expiràtion du
délai de s ix mois que la lo i lui accordoit , comme tutrice ,
pour pourvoir au rem ploi d’un capital aussi considérable
que celui q u i venoit de lui être rem b o u rsé, la perte énorm e
qu’elle avoit déjà essuyée n’auroit fait que s’aggraver par
le progrès rapide du discrédit des assignats ; discrédit *qui
ne fit qu’em pirer d’un jour à l ’autre , jusqu’à ce que ce fu
neste Papier eut enfin éprouvé la catastrophe qui le menaçoit depuis si long-tem s , et qui bien tôt après fit avorter
le m a n d a t s o n successeur éphem ere.
L e s enfans Lam ure se trouvant ainsi lézés presque du tout
au tout , puisqu ils souffi oient une perte réelle de plus de
223,000 liv. sur 236 ,io o liv. de capital , sans parler de
celle sur la rente , on espéroit que le citoyen de L ivron ,
touche de leur infortune , e t revenu à des sentimens équi
tables , s’em presseroit de lui-m em e à réparer une injustice
�(
)
aussi criante. V ain espoir ! Près de trois ans se sont écou
lés , sans qu’il ait tém oigné la m oindre intention de res
tituer à ces m alheureux enfans le bien qu’il n’a pas rougi
de leur voler. Com m ent a-t-il pu dormir tranquille au m i
lieu des rem ords dont il doit être bourrelé ?........H élas !
son ame endurcie ne sent plus son iniquité : l'honneur et
la délicatesse ne sont que sur ses levres. Ses soixante dix
ans de vertu n ’ont pu tenir contre des sacs d’or. Pour lui ,
com m e pour F igaro : c e qui est bon à p ren d re est bon à ........
garder.
31 a donc fallu im plorer le secours de la ju stice , pour
faire rendre g o rg e à ce débiteur de m auvaise foi.
N ous avons observé que le tuteur des filles Lam ure du
prem ier l i t , d ’après la délégation faite en leur faveur par
la transaction du 2.6 M ai 1784 , avoit form é opposition entre
les m ains du citoyen de L ivron , avec défense de payer à
d’autres qu’à lui les 1 5 o,ooo liv. qui reven oien t à ses m ineures.
L e s filles L am ure avoient ignoré jusqu’en dernier lieu c e t
a cte d’opposition , resté entre les mains de leu r tuteur ,
qui ne leu r a pas encore rendu com pte de son administra^
tion. .
_
Instruite de l ’existence de cette p iece essentielle , Clau
dine de L a m u r e , qui n ’avoit pu se porter aucun préjudice
par la réponse faite à l ’acte d ’offre du 3 P rairial , attendu
qu’alors elle se trouvoit encore m in e u re , a été la prem iere
à form er demande au citoyen de L ivro n du sixiem e à elle
appartenant sur les i 5 o,ooo liv. form ant l ’o b jet de la susdite
opposition.
C e débiteur a ch ican é tant qu’il a pu pour se soustraire
à la condamnation sollicitée contre lui. Mais m algré tous ses ‘
efforts e t ses faux fuyans , elle a été prononcée , par ju g e
m ent du T rib u n a l, du 18 Therm idor dernier.
P eu avant ce ju g e m e n t,la v?u ve L am u re avoit aussi form é
sa réclam ation.
E lle 11e se décida à poursuivre le citoyen de L iv r o n , qu’a
près
�(
V
)
près avoir épuisé sans succès toutes les voies de con cilia
tion , qu’après l ’avoir invité , au nom de la bonne f o i , de
Vhonneur et de la loyauté , à réparer de lui-m êm e le tort
qu’il avoit fait à ses enfans , e t à prévenir une discussion
'qui pourroit lui être infiniment désagréable sous bien des
rapports. L e jour m êm e de l ’assignation , elle lui fît faire
des propositions d’accom m odem ent. T out fut inutile. Il ne
voulut pas y entendre. E xtrêm em ent dur à la d esserre, et se
rabattant toujours sur B rochard ( com m e si l ’exposante avoifc
quelque chose à dém êler a vec ce m an d ataire, ) il répon
dit : « qu’il n’étoit pas possible de traiter cette affaire à l'a
» miable s — que , si on le forçoit de plaider , il se flat
» toit de démontrer au public , et sur-tout à ses juges , que
» sa conduite et ses sentim ens furent toujours conform es
» à Vhonneur et à Véquité ; __ que lorsqu’il en seroit tem s ,
» il m anifesteroit la justice de sa cause et la loyauté de ses
» procédés........ ».
A vez-vo u s entendu ? __ ses sentimens d'honneur et d’é*
quité / la justice de sa cause ! la loyauté de ses procédés / . . .
qu’est-ce donc , Grand D ieu ! que l ’iniquité , si le rem bour
sem ent fait à la fam ille Lam ure n’en est pas une des plus
révoltantes ? n ’est-ce pas profaner la ju s tic e , l'honneur la
loyauté, que d’acco ler ces vertus à la cause et aux p ro c é
dés du citoyen de L ivron ? ‘
«
.
On voit que cet homme n’a jamais été rien moins que dis
pose a lâcher la proie qu il a saisie. On avo it suspendu le s
p ou rsu ites, pour lui donner encore ' quelque tem ps de ré
flexion.... Il a em ployé à dresser et publier un mémoire ,
dans lequel il pretend démontrer qu’il a eu raison de voter les
enfans L a m u r e , et que ceux-ci ont tort de lui demander le u f
bien ; que du moins , en cas d é v é n e m e n t, B roch ard qu’il a
mis en ca u se , doit expier son injustice et satisfaire à ses
obligations.
1 . '
,
1
Il n y a donc plus de m énagem ent à garder avec lui ; et
G
�(
*8
)
dès qu’il n’a pas ju gé à propos de term iner à l ’a m ia b le , .il fautbien le.poursuivre.
.
Q uelles que soient ses tournu res, ses su pposition s, ses
in trig u e s, il ne sauroit en im poser au public et à ses juges. Il
ne parviendra pas m ieux à les abuser , que son fils à suborner
les défenseurs de la veu ve L am u re. ( ¿ ) L ’opinion publique
( 2>) Il est bon de s a v o ir que MORILLON fils , q ui a plaidé la cause de
Claudine de LAMURE , a bien vo u lu se charger de celle de l’exposante.
. L e s L lV R O N q u i red o u to ie n t ses talons et spn élo q u en ce é n erg iq u e
co n tre tout ce q u i p o rte l ’em preinte de la m a u v a is e fo i , de la fra u d e et
d e la frip p o n e rie , o n t e s sa y é de le sé d u ire a v e c l ’o r q u ’ils o n t v o lé à la
fa m ille L a m u r e .
_
.
Le. 14 Juin 1797 , le fils L iv ro n écrit une lettre à MORILLON , dans
la q u elle il lu i fait des plaintes ameres de ce qu’ il s’étoit chargé d’une
“affaire contre gon pere. ( C ’étoit celle de C laudin e LAMURE. ) Il lu i ob
se rve que , dans toutes les affaires qu’il peut a v o ir , soit qu’il les gagne
OU qu’ il les perde , i l contente toujours son défenseur a u -d e là même dç
ses espérances. Il lu i annonce qu’il en a encore de nombreuses et des con
séquentes à traiter. Il l’engage à refuser son m inistere à B ro ch a rd , et sur
tou t à l ’exposante. a M adam e de LAMURE , lu i m a r q u e -t-il, veu t encore
» reven ir , dit-o n : T a n t qu’elle v o u d ra . S i elle a de l’argent à m an g er,
» je lu i ferai v o ir que j’en ai aussi. M ais ce n’est pas la m a question :
» D e v e z - v o u s - , o u n o n , v o u s c h a r g e r d e s o n a f f a i r e ? . . . ». Et
p o u r lui donner de l ’avaln t-goût, il lu i p arle d’un procès q u i l se dispose
à intenter au sieur de PoNCINS , en ajoutant que “ CE TT E AFFAIRE
t> VAUDRA
»
w
»
»
AU MOINS 200 LOUIS A CELUI QUI S’EN CHARGERA.
» Je
d é sire ro is, m onsieur , que ce fût vou s. J’attends vo tre réponse sur mes
trois demandes. J’ai été au désespoir que vou s ne soyez pas ven u l ’a u tre' jour , a v e c M . SURIEUX , me v o ir . N o u s aurions pu p arler raison
et décider quelque chose......... e t c . . . e t c .. . . ».
L e plaideur aux grandes affaires s’ im agin oit sans doute de rencontrer
dans cet honnête défen seu r, une de ces ames viles et m ercenaires q u i ,
p o u r de l ’a r g e n t, ne rougissent pas de prostituer leur m inistere à la dérfense de l’iniquité.
_
P lu s ja lo u x de l’estime publique , le généreux M o r i l l o n a d éd aign é,
répoussé a vec indignation l’or du cito yen de L i v r o n . H a plaide la cause
de C laud in e de Lam ure , avec son zele ord in aire ; et il s est charge de
ce lle de l ’exp o san te, avec un désintéressement qui fait son plus bel éloge
dans le siecle de corruption et de cupidité où nous v iv o n s ......... C ’est une
juftice que nous nous faisons un p laisir de lu i rendre. Les beaux p rocé-
�( *9 >
l ’a déjà condamné , e t sans doute que le ju gem en t du tribunal
ne lui sera pas plus favorable.
L ’exposante ayant co n sen ti, sur la. réclam ation de Claudine
de L a m u r e , à ce que le citoyen de L i v r o n lui payât la som m e
de 2 4 ,65o liv r e s , dont elle faisoit d en ian d e, cette circon s
tance et les lois nouvellem ent intervenues sur les tran sac
tions , la m ettent dans le cas de corriger ses prem ieres con
clusions et de les réduire aux suivantes.
C O NC L U S I ONS .
E lles tendent à ce qu’il plaise au tribunal :
i .° D éclarer valable la clause du contrat du 19 Octobre»
1771 , par laquelle Jean-H ector M on tagne-de-P on cin s, repré
senté par le citoyen de L iv r o n , se soum it envers Durand de
L am u re de l ’avertir trois mois avant de lui rem bourser le
capital de la rente qu’il lui constituoit sur le reliquat du prix
de ven te porté par led it contrat.
.
Q u ’en conséquence , le citoyen de L ivro n prétendant rem
bourser ledit capital , suivant l ’acte d’offre qu’il fit faire par
le citoyen B ro ch a rd , le 3 Prairial an 3 , étoit tenu de faire
com pte de la rente à courir depuis ledit jour jusqu’au 3 fru c
tidor suivant pour les trois mois de l ’avertissem ent préalable
qui avo it été convenu , et dont led it acte d’ offre p ouvoit tenir
lieu-.
D eclarer que ladite r e n te , se portant annuellem ent à
9,444 livres , étoit p a y a b le , com m e ayan t pour cause un prix
de vente d’immeubles , savoir :
dés sont si r a r e s , qu.on doit av o ir d’autant plus de soin à les publier.
Il est si doux de pouvoir honorer la v e rtü , ap iès av o ir démasqué le vice.
Cette petite m anœ uvre du fils L i v r o n , ¿¿montre qu’il n’a pas plus
d honneur et de délicatesse que son digne pere.- E lle manifeste le concert
de fraude de cette fa m ille , pour re te n ir, s’il lu i étoit possible , le bien
qu’elle a volé au x enfans LAMURE.
C 2
�.
(
¿0
)
D epüis le 19 O ctobre 1 7 9 4 , correspondant au 29 V en d é
m iaire de l ’an 3 , jusqu’au: 11 N ivôse su iv a n t, en num éraire
m éta lliq u e, d’après la réduction qui en sera faite à chaque
époque de dépréciation que présentera le tableau du dépar
tem ent.
E t depuis le 12 dudit mois de N ivô se jusqu’au 3 Fructidor
m êm e année , m oitié en nature ou valeur rep résen tative, et
m oitié valeur nominale.
C e faisan t, liquider la rente courue pendant la prem iere de
ces é p o q u e s, à la somme de 430 livres , valeur m étallique.
E t celle courue .durant la seconde desdites époques , à
3 ,0 17 liv. 5 s. valeu r nom inale , et à pareille somme^de 3,0 17
livi 5 s. valeur représentative.
•
A u to ta l, à 3 ,4 9 7 liv. 5 s. érin u m éraire, et à 3 ,0 1 7 liv. 5 s
en assignats.
‘
"
‘ .
D roit par ordre;, déclarer que ladite somme de 3497 livres
5 s. valeur m étallique devoit rendre en assignats , à l ’époque
du i 5 Prairial an 3 , jour du p a y e m e n t, conform ém ent à l ’é
ch elle de proportion , une somm e de 65 , 44 ° livres i 5 s. , qui
jo in te à la susdite de 3 ,0 17 liv. 5 s ., form e celle de 68,458
liv r e s , laquelle dem eure im putée sur celle de 241,688 liv. ,
que le citoyen de L ivro n fit com pter par le citoyen B rochard
à la veuve Lam ure , ledit jo u r , 1 5 Prairial an 3 .
C om m e aussi , et attendu qu’il ne restoit que 173,230 liv.
pour faire face au capital de la rente, dont il s’a g it , se portant
à 236 ,io o l i v . , air-m oyen de quoi le payem ent ne se trouvo it pas in té g ra l, déclarer que cette som m e de 173,230 liv .,
réduite en num éraire suivant le tableau de d é p ré cia tio n , ne
rend que celle de .9,157 liv. 10 s.
.
L e t o u t , sauf erreur de calcul.
3 .° À n n u ller ou rescinder , par toutes voies et m oyens de
d r o it, le susdit p a y e m e n t, en ce qui pourroit toucher au ca
pital de 236,100 liv. ; et le déclarer im putable seulem ent sur
la rente courue depuis le 3 Fructidor an 3 , jusqu’à ce jour.
4 ,° D éduction faite ? sur led it c a p ita l, de 24 , 65 o liv. adju
�( a i )
gées à Claudine de Lam ure , par ju gem en t du 18 Therm idor
d e rn ie r, L i q u i d e r la rente due sur 2.11,460 liv. form ant l e
restant dudit c a p ita l, à raison de -8,458 l i v . par année à la
som m e de 4^7^° ^v - valeu r m étallique , à com pter depms l e
d i t jour 3 F r u c t i d o r an 3 , jusqu’au 11 Therm idor an 4 , que
le papier-m onnoie cessa d’avoir cours fo r c é , par la publica
tion de la loi du 29 M essidor précédent.
E t dem eurant l ’offre de la veu ve Lam ure , de tenir en
com pte au citoyen de L ivron , tant la susdite somm e de 9,1 ¿ 7
liv. par lui surpayée le i 5 Prairial an 3 , que celle de 5 o o liv .
pour les intérêts des droits de Claudine Lam ure courus depuis
le 29 V endém iaire jusqu’au 3 Fructidor de la m êm e a n n ée ,
com m e ayant été com pris dans la liquidation portée dans le
second ch e f de dem ande ci-d essu s, condam ner led it de L ivro n
^ faire payem ent à la ve u v e L am ure en sadite qualité de tu
trice : i.° de la-som m e de 4 7^ ° l i v ., à laquelle se trouve
liquidée la rente à elle due depuis le 3 Fructidor an 3 jusqu’au
11 Therm idor an 4 ;
de celle de 14,8.52 liv. 11 s. 6 d e n .,
pour la rente courue depuis cette derniere époque jusqu’au 5
F lo ré a l an 6 ; 3 .° d e la rente qui courra depuis ledit jou r jusqu’au
rem boursem ent du capital ; 4 .0 des intérêts desdits arrérages
de rente depuis l ’introduction d’instance pour ceux échus
p ré c é d e m m e n t, et depuis led it jour 5 F lo réa l pour ceux
échus dans l ’intervalle.
*
'
A raison desquels arrérages e t intérêts d’ic e u x , ordonner
que le ju gem ent qui interviendra sera exécuté par provision
en la forme de 1 ordonnance, nonobstant opposition ou appel
lation , et sans y prejudicier.
*
5 .° A ttendu 1 insigne m auvaise foi du cito yen de L iv r o n ,
sa contravention form elle aux clauses e t conditions du contrat
dudit jour 19 O ctobre 1771 9et vu qu’il a voulu forcer la ve u v e
L am ure à recevo ir en papier le rem boursem ent du capital dè
la rente constituée par le m êm e contrat ; ordonner qu’il sera
tenu d effectuer led it rem boursem ent en bonnes m onnoies
d ’or et d ’a r g e n t, au cours de 1771 , conform ém ent audit
�(
22
)
acte et à concurrence de 21 i , 45 o liv. qui restent dues dudiè
capital , déduction faite des 2,4,65 o liv. adjugées à Claudine
de Lam ure.
D em eurant l ’offre de la ve u v e Lam ure de ne p ercevoir le
dit ca p ita l, qu’à ch a rge ,de l ’em ploi qui lui sera prescrit par
délibération d ’une assem blée de fam ille convoquée à cet effet.
6.° Condam ner le citoyen de L ivro n aux dépens.
DISCUSSION
PRÉLIMINAIRE.
A v a n t de développer les m oyens sur lesquels sont fondés
ces divers chefs de dem ande, nous allons réfuter les sophism es
e t les suppositions , dont le citoyen de L ivron a com posé le
prem ier paragraphe de son m ém oire.
N o tre adversaire se m ontre grand partisan du papier-m onnoie : e t certes l il ne faut pas en être surpris. O n a bien in
térêt à le préconiser , quand, à l ’aide de ce p a p ie r, on a raffiê*
d ’un seul coup de m a in , 225,000 liv . sur 236 ,100 l i v . , et
q u ’on a cru solder le prix de plusieurs gros domaines sans
bourse délier.
A l ’entendre : L e s i e c l e d e p a p i e r v a l o i t l e s i e c l e d ’ o r ...
E n e f f e t , par la m agie de sa transm utation, il a su le rendre
te l pour lui. Mais tout le m onde en dit-il autant ? D em andez
aux rentiers , aux capitalistes........
S’il en étoit nécessaire , il seroit facile de dém ontrer que ,
dans tous les tem ps , le papier-monnoie a été une grande
erreur en politique. « C ’est com m e le disoit M i r a b e a u dans
» sa correspondance avec C e r u t t i ( 1 ) , un fléau v é r i t a b l e ,
» qui renverse toutes les com binaisons de la raiso n , de la
» prudence et de la ju stice ; rend incertaines toutes les va
» leu rs, et sappe tous les fondemens de la p r o p r i é t é . C ’est un
s» foyer d’infidélités et de c h im e re s , un fatal p re s tig e , un
» très-grand m al au physique et au m o ral........ *.
( i ) P age 37.
�C
23
)
E n adoptant cette m e s u re , l ’assem blée constituante eut
sans doute les m eilleures intentions. E lle crut avoir trouvé le
m oyen de com bler le d é fic it, d ’am éliorer les finances , e t de
rem édier aux maux de l ’eta t........M ais quel succès pourroiton espérer d’un systèm e q u i, soixante-dix ans a u p a ra va n t,
avo it bouleversé la F rance , la H ollande et l ’A n g le te rre ; d’un
systèm e que , dans ces derniers tem ps , la v e r tu , le patrio
tism e , le dévouem ent m êm e des A m éricain s n ’avoient pu
soutenir ? N ’appercevoit-on pas la foule des vam pires , qui
ép io ie n tle m om ent ou paroîtroit cette nouvelle p ro ie , pour
fondre sur elle e t se la partager ?........A ussi quel a été le ré
sultat ? Il n’est hélas ! que trop connu. L ’agiotage s’est em
paré du funeste papier. L a cupidité s’est élancée sur toutes
les propriétés. L a m orale a é té presqu’anéantie. L e com m erce
s’est changé en brigan dagç. L ’usure a quintuplé. L a m auvaise
foi a violé sans pudeur les transactions les plus sacrées. L a
fortune publique a été dévorée. Q uelques particuliers se sont
horriblem ent enrichis ; et une infinité de fam illes ont été rui
nées sans ressou rce..........
'
Q u e le cito yen de L ivro n cesse donc de défendre un sys
tèm e qui a fait à la F ran ce une plaie si p ro fo n d e, qui a arra
ch é tant de soupirs et fait verser tant de la rm e s, qui a traîné
a s? suite la m isçre e t la m ort
Q u ’il cesse de nous dire que les assignats avoient une hypo~
tlieque des plus solides ! ------ O ui certa in em en t, si une infinité
de m anœuvres ne l ’avoient pas rendue illu s o ire .. . . Mais de
quel secours leur a été cette hypothéqué ? Pour com bien de
m illions n’y en a - t - i l pas eu de d ém o n étisés, de réduits à
zéro , ou à-peu-près ? — ,
Q u ’il cesse de représenter com m e des m auvais c ito y e n s ,
com m e des censeurs à vues criminelles , ceux qui ont acquis le
triste droit de se plaindre d’une m e s u re , dont ils ont été les
victim es infortunées ; et contre laquelle , de son propre aveu ,
tout le monde crie....... L e mauvais citoyen, l ’homm e à vues
criminelles est celui <1111 abuse des circonstances pour éluder
�(
^4
)
ses engagem ens ; qui appelle des loix désastreuses en garantie
des actions les plus lâ c h e s, et nom m e nécessité l ’injustice et
la perfidie j qui fait à autrui ce qu’il ne voudroit pas qu’on lui
f î t ; qui fraude son créancier par un payem ent sim ulé ; qui
s ’engraisse de la substance de la veu ve et de l ’orphelin__
J e n a i f a i t , dites-vous , que ce qui etoit permis par la loi ! . . . .
M ais ce qui est perm is par la loi est-il toujours juste ? L ’hon
n ête hom m e peut-il toujours s’en p révalo ir? L ise z Ciceron,
Barbeyrac, M a b ly , et peut-être que vos idées se redresseront
à cet égard. U ne ordonnance des m agistrats de L acédem on e
p ortoit : I l e s t p e r m i s a u x C l a z o m é n i e n s d ' ê t r e s a n s
p u d e u r ___ Croyez-vous qu’il fût honnête de profiter d ’un st
honteux p rivilege ? E t croyez-vous qu’il le soit m ieux d ’être
sans foi ni loyauté ? ( 2 )
V ou s auriez quelque raison de vous prétendre libéré , si
les assignats s’étoient constam m ent soutenus au p a ir , et si
vous ne vous étiez pas vous-m êm e im posé la loi de ne rem
bourser le capital de la rente en question qu’en bonnes monnoies d’or et d’argent, à la form e du contrat de vente passé à
v o tre auteur en 1 7 7 1 — Mais , dès leu r naissance , les assi
gnats étoient tom bés en dépréciation , et leur discrédit avo it
été toujours croissant. Dès-lors , plus de rapport entre le s
obligations et les m oyens de se lib é r e r , suivant l'expression
de la loi du 28 T^entôse an 4Quand on créa les assignats e t qu’on les m it en circu la
tion , on supposoit qu’ils conserveroient tout leu r crédit. Mai$
le contraire est arrivé ; et ce seroit faire injure à l ’esprit d’é
quité de nos lé g isla te u rs, que de penser qu’ils eussent voulu
autoriser un débiteur à se libérer avec un papier déprécié
e t à-peu-pres nul. U ne loi bonne dans son principe devient
souvent mauvaise par les circonstances qui accom pagnent
( 2 ) V o y ez ce qui e«t dit dans la 146e. L ettre P ersan e, au sujet des
payemens-faits en billets de banque.
m
�'(
*5
)
•
son exécution j et il est de principe , qu’elle perd son au to rité,
sa v e r tu , du m om ent qu’il en résulte des conséquences vicieu
ses et contraires à son esprit : Sim ul cum in aliquo vitiatarest
régula , perdit officium suum . . . . . à^verbis le gis recedendum e sk j
ubi e x verbis Simpliciter intëllectis résultat-iniquitàs. . ah .Qhzcutilia visa suiiV, procedente tempore rioh^'modà inutilia quando-i
que jiu n t , sed etiam , mut'atâ ' rerum facie , ■
darrtnosa et. ; perriü-':
dosa./ quapropter jura mutari possunt. ( 3 ) .
i;
L ’équité est la prem iere de toutes les loix. C ’est sur elle
que toutes les autres doivent être calquées. 11 faut la consi-r
dérer en toutes ch o ses, et particulièrem ent dans le droit. E ii
s’attachant trop scrupuleusem ent à la- rigueur d’une loi arbi
traire , d’une loi reconnue vicieu se et conséquem m ent in-'
ju s te , le ju ge participeroit lui-m êm e à cette injustice: Summum
j u s , summa esset injuria, com m e s’exprim oit l ’orateur Romain.
Suivant le citoyen de L ivron : Le papier vaut l’argent ; comme
l u i , il est 'signe de valeur... E t à l?appili dè son o p iiiio n , il
invoque Y auteur immortel de l’esprit des lo ix ....: M a is c e n’estlà qu’un vain sophisme. N ous en appelion s, nous , au sens
commun et à l ’expérience.
.
L ’or et l ’argent sont non seulem ent des signes de valeur
et la mesure de toutes les autres choses : Mensura rerum •om
nium. ( 4 ) N on seulem ent ils sont des'm oyens d’é c h a n g e , dés
sujets de thésaurisation?*, com m e monnoie*: ils ¿ont encore
valeur reélle , com m e m atiere. Ils acquièrent toutes les au
tres valeurs. Ils n’ont pas besoin de g ag e. Ils sont ce qu’ils
sont. R elativem ent au c h a n g e , le com m erce A’en connoît que,
le poids et le titre. L é c u est valeur par lui-m êm e , indépen->
damment de son em preinte il est valeur com m e la terre il
est absolu com m e elle.
.
( 3 ) L e g . i , in fine Jf. D e reguL ju r . , leg. i 5 , § . aliud ff. D e excusât,
fu to r ., D o m a t, loix c iv ile s,, h v . i , tit. i , seu. .a . T e r r ie n , v.° \ loi
imm uable ou muanle.
>
* ■
( 4 ) Leg. r ,
De contrait, empt. , Barbota , Fabèr. •
■»
D
�(
26
)
L e papier peut bien devenir signe. Mais il n’a pas de valeur
e sse n tie lle , il n ’en a qu'une idéale. Il peut devenir m oyen
d ’échange ; mais il n’en est jam ais la base. Il n’a pas l ’avan
tage de la thésaurisation. Il n’est signe de v a le u r, que par le
crédit de celui qui Ta so u scrit, ou la solidité du gage qui lui
est assigné. Sans le c r é d it, sans le gage r c ’est un chiffon inu
tile qui devient le jo u et de tous les vents. 11 n’offre aucun
m oyen de conversion en argent. Il brûle , et ne se fond pas.
Supposons que les especes m étalliques eussent été dém o
nétisées en m êm e tem ps que les assignats. C elu i qui avoit
des e sp e c e s, auroit eu la ressource de le s fondre , et il auroit
toujours retiré une m archandise de valeur r é e lle , et à-peuprès équivalente.
Q u ’auroit-il recu eilli au contraire , celui qui auroit brû lé
ses assignats ? __ llie n qu’une vaine c e n d re , qu’une vile
poussiere.
O r , la dém onétisation des assignats s’est opérée d ’elle->
m êm e au fur e t à m esure de leur discréd it, et ils n’ont resté
en valeur que pour ce qu’on les prenoit au cours i tandis que
les especes m étalliques ont toujours conservé leur entiere et
prem iere valeur.
’
Peut-on com parer les assignats aux billets de la caisse
d’escom pte , au papier des banques de Londres et d’A m s
terdam ? . .. Sans prétendi-e approuver ces caisses ni ces ban
ques , il y a une grande différence d e.ces autres papiers d’a
vec les assignats. On étoit assuré de les éch an ger contre du
n u m éraire, en les portant à la banque ou à la caisse ? M ais
on le demande : où étoit la caisse où l ’on fût sûr de pouvoir
échanger ses assignats ? D ’a illeu rs, les billets de caisse n’avoient pas cours forcé de m onnoie. Ils reposoient sur la con~
ia n c e .
Il n’est donc pas v r a i, com m e voudroit le faire entendre le
ciloyen de L ivron , que le papier vaille l ’argent ■
> lors sur-tout
q u ’il est d é j à tom bé dans un d i s c r é d i t essentiel. S ’ il s’étoit
donné la peine de lire la note sur le passage qu’il a cité de
�(
27
)
Montesquieu, ( 5 ) il y auroit vu que « Jq papier , qui n’est
^ qu un signe de lâ valeur de 1 a ig cn t 9 c g s s g de représenter
» cette v a le u r, dès que l ’on com m ence à se m éfier dé Son
» c ré d it, et à ne plus retirer en argent toute s a V a le u r nCv» m inale ».
A in s i, du m om ent que le papier-m onnoie a com m encé de
perdre , il n’a plus été permis à Vhomme délicat de payer en
assignats le m ontant des ,obligations stipulées payables en
numéraire m étallique.
L e citoyen de L ivron ne fixe cette époque qu’au moment
ou la loi eût levé le maximum; . . . Mais , outre que les loix in
tervenues sur les transactions entre particuliers la font re
m onter au i . Janvier 1791 , e t qu’elles réduisent les obli
gations contractées et les payem ens à c o m p te , faits en papier *
au taux réglé par le tableau de d épréciation , rem arquez bieu
que le citoyen de L ivron n’a effectué son rem boursem ent que
plus de cinq mois après la le v é e du maximum.
V ou s n’êtes donc' pas un homme d élica t, citoyen de L i
vron ! . . . . ex ore tua ttî ju d ico .. . . habemus conjîtentem reum.
C ’est en vain que vous ch erch ez à pallier votre m au
vaise foi , soiis prétexte que ce fut en 1793 que , dans
la vente par vous faite à B rochard , vous le chargeâtes
de ce rem boursem ent.---- E h ! qu’im porte que vous ayez
impose cette obligation- a B roch ard en 1798 , toutesfois que le p ayem en t n a été effectué qu’en 1795 ? pour
quoi accorder a cet acquéreur des term es de trois et
quatre a n s , qu on 11e j^ouvoit pas l ’o b liger d ’anticiper ,
au lieu de le soum ettre à p ayer de suite ? pourquoi lui lais
ser h faculté de se libérer dans le courant de ces term es
et au m oment ou les assignats seroient tom bés dans une dé
préciation encore plus excessive ? nous l ’avons déjà rem arqué :
( 5 ) Liy. 22 , chap. 2.
�C 'a8
0
c’est parce que cela vous procuroit un prix beaucoup plus
considérable.
.
.
D ’ailleurs , il n’y avoit pas non plus de maximum en 1793 ;
et quand m êm e le rem boursem ent auroit été effectué à
cette époque , vous n ’en auriez guère m ieux rem pli vos
obligations. V ou s auriez toujours fraudé les enfans Lam ure
de la m o itié , à-peu-près , de leur capital. V ous leur auriez
toujours fait perdre plus de 96,000 liv: ; et c ’eût été tou
jours bien exhorbitant. Croiriez-vous donc être plus honnête
hom m e , parce vous auriez moins vo lé ?
La loi , direz-vous encore , vous autorisoil à payer enpapier....... C ette évasion est digne de vous. Mais la loi
que vous d eviez suivre ici , étoit celle que vous avoit
transmis M ontagne-de-Poncins , e t que vous vous étiez
vo u s-m êm e volontairem ent • im posée , par votre contrat
d’acquisition , de ne rem bourser le capital de la rente
dont il s agit , qu a. la, J'orme de l acte du 19 Octobre 1771 ,
c ’est-à-dire , en bonnes monnoies d’or et d’argent , et non en
aucuns billets ni autres effets publics. L es conventions entre
particuliers font leur prem iere loi r toutes les fois qu’au
tem s où elles sont consenties , elles n’ont rien de contraire
à l ’ordre public et aux bonnes mœurs. L eu r disposition
l ’ em porte sur celle de la loi générale. Pacta dant legem
contraclui........Provisio hommis ja c il cessare proyisionem le
g is....... N ih il est tam congruum jidei humanæ , quàm ea ,
quœ inter contralientes plaçait , seryar,e. ( 6. )
V ou s o b jecterez sans doute que la lo i que vous invo
quez , avoit dérogé à toutes les stipulations contraires.......
nous fléchissons le genou devant tout ce qui porte ce ca
ractère auguste.... M ais en déposan t, com m e à A th e n e s , sur
l ’autel de la patrie un ram eau d’o livier en to u ré.d e bande
lettes sacrées , com m e un gag e de notre soumission , nous
.
.
( G) Leg. 1 ,
D e p a ct.; Let;, i ,
6 ,.fT- D eposit. ; Leg. 2z ,
reg . jur. ,* Gloss, ad leg< final. D e p a ct courent
De
�C
¿9 )
observons que le législateur n’a pas lo droit de donner i
la loi un effet rétroactif , e t de d é tru ire , d'évacuer ainsi
le droit deja acquis a quelqu un par un contrat : L e x superveniens non tollit jus jàm quasitum e x contráctil ( 7 }
L es lo is ne peuvent être à deux faces com m e Janus et
regarder le passé com m e l ’avenir. « A u cu n e loi civile ni
» crim inelle ne peut avoir d’effet rétroactif. » ( 8. ) A u
cune puissance humaine ni sur-humaine ne sauroit lé g iti
m er un tel effet. L e gouvernem ent ne peut point porter
la hache sur ce que les sociétés ont de plus saint. Institué
pour maintenir les propriétés , pour assurer l ’exécution des
engagem ens , il ne l ’est point pour les saper arbitrairem ent.
N e détruiroit-il pas à jam ais la confiance publique , ne prononceroit-il pas la ruine du com m erce , ’qui ne subsiste
que des capitaux qu’il em prunte , soit fictivem ent par le
crédit , soit positivem ent par le p r ê t , en anéantissant les
conventions particulières entre les citoyen s ?........Si Y assem
blée constituante se perm it une pareille violation , en or
donnant que les assignats seroient reçus dans ¡toutes les cais
s e s ■publiques et particulières , nonobstant toutes clauses et
dispositions à ce contraires , ce fut de sa part une erreur
un abus de pouvoir que le corps lég isla tif actuel s’est em
pressé de réparer , en déclarant , par une foule d’autres
loix , que les obligations stipulées en especes ou .numéraire
métallique 3 devaient être acquittées en même monnaie ( 0
E h ! pourquoi les droits des particuliers serpient-ils moins
favorables a cet égard que ceux d.u gouvernem ent ? c ’étoit
sans doute vis-a-vis de lui qu’il sem bloit que l ’on devoit être
autorisé à solder a vec la m êm e m onnoie qu’il lai avoit plu
de m ettre en circulation , sur-tout pour des obligations
, ( 7 ) Barbota. K epertor. jur. v °. Lex.
( 8 ) D éclaratio n dés_ d r o it s , art. 1^.
( 9)
Loi d u o Therm idor an 4 , ait. 1 ^.T,oix des
Pluviôse et i5
Fructidor an f> ; L oix des n Frimaire et 2G N ivose , an G.
�(
3o
)
censées contractées en effets du cours et payables valeu r
nom inale. Cependant les contribuables n ’ont-ils pas été conîtfaints d’acquitter leurs cotes d’im position ou d’emprunt
forcé , tantôt à 3 o ou à 100 capitaux pour un , tantôt en
valeur représentative de dix livres de bled-from ent pour
chaque franc , et tantôt en mandats valeur au cours ? la
loi du i 3 Thermidor an 4 n ’a-t-elle pas statué ( art. 9. )
que « les somm es payées en m andats a c o m p t e , ou p o u r
» c o m p l é m e n t du quatrièm e quart des biens soumissionnés ,
» ne libéreroient les acquéreurs que dans certaines proporv tions qu’elle 'détermine mois par m ois....... »
Tout le monde recevoit et donnait du papier ; et le grand
nombre de ceux qui se sont acquittés ■
ainsi , assure la libéralion de tous........ N e caressez pas tant cette idée , cito ye n
de L ivron ! le grand nom bre des fraudeurs ne sauroifc
les justifier aux yeu x de la loyauté et de l ’austere probité.
L e nom bre des dupes égale au m oins celui des frippons i
et il reste encore beaucoup d’hom m es qui se sont conser
vés purs au m ilieu de la co rru p tio n , et qui ne sauroient
approuver des payem ens de cette nature. L a balance n’esü
donc pas pour les payeurs. Il y a déjà eu des m otions
pour revenir sur tous les payem ens faits en papier. Si les
circonstances les ont faites rejeter , il y a tout lieu d’es
pérer qu’elles seront reproduites un jour. L a ju stice revien t
à grands pas. L ’équité ne césse de réclam er en faveu r des
créanciers que la m auvaise foi a spoliés. Si l ’on réduit à
leu r juste valeur en num éraire les obligations contractées
pendant la dépréciation du papier-inonnoie , pourquoi ne réduiroit-on pas aussi les payem ens de cette nature ? Si l ’on
adm et cette réglé pour les payem ens à compte , pourquoi
la rejetteroit-on pour les payem ens définitifs ? n’y a-t-il
pas la m ôm e raison pour les uns com m e pour les autres ?
quel inconvénient pourroit donc produire ce grand acte
de ju stice e t d’équité ? Il n’en résulteroit pas davantage
à l ’égard des payem ens , qu’il n’en résulte relativem ent
�(
3!
)
aux obligations. Chacun seroit rétabli dans ses droits pri
m itifs. L e bénéfice de la loi se com m uniqueroit des uns
aux autres. Celui qui rece v ra it en argen t le supplém ent de
la dette dont une partie lui a été p ayée en papier , seroit
tenu d*en faire autant vis-à-vis de celui qu’il auroit p a yé
de la m êm e m anière. I l se pourroit que ceux qui ont
rem is leurs titres de créance fussent frustrés de ce qu’ils
auroient à prétendre , par la m auvaise foi de leurs débi
teurs. Mais que ne prenoient-ils leurs précautions ? il y en
a v o it , et ils deyroient s’im puter de les avoir n ég lig ée s........
encore une fois , citoyen de L ivron ! ne vous bercez pas
d’une vaine illusion. V o u s êtes moins que tout autre en
droit de vous croire à l ’abri de rech erch e , parce que le
rem boursem ent que vous avez fait sort de la sphere com
m une , et qu’il popte avec lui tous les caractères de,
réprobation.
'
Parm i les payem ens qui ont été faits en p a p ie r , il faut
distinguer , sans doute :
• • L
C eux qui ont eu pour objet des prix de vente d’ immeu
bles , stipulés payables en especes d’or et d’argent antérieu
rem ent à la révolution , d’avec ceux qui n ’avoient rapport
qu’à des dettes ordinaires pour sim ple cause de prêt et noa
accom pagnés d’une pareille stipulation.
Ceux relatifs à des capitaux de rente que le créancier
n ’avoit pas la faculté d’ex ig e r en tem ps u tile , d’a v ec ceux
au payem ent desquels le débiteur p ou voit être actuellement
contraint. '
.
,
Ceux qui devoient être précédés d'un avertissement, d’av e c
ceux qui n etoient point sujets à cette condition
*
Ceux qui n’ont été acceptés que par h fo rce des circônstances et sous protestation , d’a vec ceux qui ont été effectués
de gre à gié* 011 du moins sans une im probation m arquée
de la part du créancier.
C eux faits a des parens, à des mineurs, d’avec ceux faits à
des étrangers, à des majeurs.
�(
3.
)
C eux faits par des hommes opulens, d’avec ceux faits par
des hommes obérés.
.
C eux qui com prom ettent la fortune d'une Joule d’individus,
d ’avec ceux qui sont de peu de conséquence.
Peut-être faut-il laisser subsisterjlcs seconds: mais les pre
m iers sont sans doute inexcusables. .
O r le rem boursem ent dont il s’agit réunit tous cesTcarac
teres : et com m e il n’y a point de reg les sans excep tion s, ni
d’exceptions plus favorables que celles qui se présentent.dans
Fhypothese , ce seroit toujours un nouveau m otif pour ne
pas suivre, à la rigueur la disposition d’une loi évidem m ent
in ju ste , et dont d'iniquité est reconnue e t déclarée par d’au
tres lo ix-p o stérieu res..
•••
Vous avez bonne g râ ce, o b jecte le citoyen de L iv r o n ,
de critiquer le remboursement que je vous ai f a i t en papier ,
tandis que vous-même vous avez payé au citoyen la Plagne
12,000 Jiv'. aussi en assignats lorsqu’ils touchoient à leur
fin / . . . . S i , com m e vous , citoyen de L ivron , nous étions
anim és par la ' m auvaise foi , nous pourrions nier ce
p a y e m e n t, et vous seriez bien em barrassé de le constater__
M ais , à D ieu ne plaise-! que nous dissimulions jam ais la
v é r ité ........ O u i: la v e u v e 'L a m u r e & rem boursé 9000 liv.
( e t non pas 12,000 l i v . ) au citoyen la P lagn e avec lesassignats que vojus ven iez de lui faire c o m p te r, lorsqu’ils
touchoient à leur fin. Q uelle conséquence prétendez-vous en
tirer ? C e payem ent secondaire peut-il vous justifier e t ren
dre la ve u v e Lam ure défavorable ? N ’est-ce pas vous qui
l ’avez occasionné ? N ’est-ce pas toujours sur vous que doit
retom bèr le reproche que vous osez lui faire ? Qui prastat
occasionçm damni, damnum ipse fecisse videtur. ( 1 0 ) ............
O ui : la veu ve L a m u re, le jour m êm e ou le lendem ain du
rem boursem ent que vous lui avez f a i t , a p a y é , avec vos
( 10) Le¡'. Zo , §•
3
A d leg. aqull.
assignats ,
�C
33
)
assignats ,
h v. au citoyen la P lagn e : m ais ce n’a été
que sous parole d’honneur de lui faire' pleine raison , sitôt
qu elle aura obtenu justice con tie vous ^ et cette parole
( qu’elle .ne faussera pas , com m e vous avez faussé votre
prom esse par écrit ) elle la lui réitéré ici solem nellem ent.
V eu illez bien d’ailleurs distinguer encore entre le débiteur
personnel et l ’administrateur du bien d’autrui.
L e débiteur , celui sur-tout dont la dette n ’est pas e x ig i
ble , com m e la, vôtre , n ’a rien qui l ’oblige à se libérer.
S’il ne p aye p o in t, il ne court aucun risque ; il n’est jam ais
redevable que de la somme dont il étoit réellem ent débi
teur. Mais s’il veut s’acquitter , il peut et il doit parfaire ,
d’une m aniéré ou d’autre , le juste montant de ce qu’il doit.
- Il n’en est pas de m êm e d’un tuteur. L e devoir de sa
charge lui impose l ’obligation rigoureuse de faire un rem ploi
utile des sommes qu’il a été dans le cas de recevoir pour
le com pte de ses m in e u rs, à peine d’en dem eurer person
nellem ent responsable ; il ne peut p ayer qu’avec ce qu’il
a reçu , et il n’est pas tenu d’y suppléer du sien : Officïum
suum nemini enim debet esse damnosum.
.
On ne peu t donc pas argùm enter d ’un cas à l ’autre. L à
différence en est sensible.
.
V ou s en im posez , citoÿen de L ivrô n ! quand vous a llég u ez
d’avoir proposé en payement à ' la veu ve Lam ure votre bien
de Beaucresson ; quand yous dites q u e / c e ^ fu t, pour vous
conformer à ses désirs , que vous consentîtes de traiter a vec
B io c h a id ; que ce fut elle qui proposa les délais que vous
accordâtes a cet a c q u é re u r, et qu’elle vous témoigna sa
reconnaissance d’avoir rem pli ses v u e s .. . . . .
:
•
Jam ais, non jam ais vous n e lui avez proposé en payement
votre im meuble de Beauçresson. A quoi d’ailleui's auroit
abouti cette proposition ? A u ro it-elle p ù ‘ l'a ccep ter? Sa qua
lité de tutrice lui auroit-elle perm is de |»ïéndre en-payem ent
d’un capital de 236 ,100 liv. dû à ■
ses-m in èu rs, une partie
d’im m euble de valeur tout au plus de 90,0^0 ïiv i ?- Où auvoit-
�C
34
)
elle pris les 100,000 liv . d’en s u s , que vous exigeâtes de
B ro ch ard ? L ui en auriez-vous fait grâce ?
C e fut elle , d ites-vo u s, qui proposa les délais que vous
accordâtes à celui-ci ; et ce ne fut que pour vous conformer à
ses désirs, que vous traitâtes avec lu i......... M ais qui pourroit
vous croire à cet égard ? V o tre supposition n’a pas m êm e le
m érite de la vraisem blance : S i non ver a , saltem verisimilia
finge.
11 se peut qu’après votre m arché fait a v ec B r o c h a r d ,
vous en ayez fait part à la veuve Lam ure , et qu’elle vous
ait tém oigné quelque sentim ent de gratitude au sujet des
délais dont vous étiez convenu avec cet acquéreur....... M ais
sans doute que vous les lui aviez représentés com m e trèsavantageux à ses enfans : sans doute que vous lui aviez
m arqué que B roch ard ne pouvoit point se lib érer avant trois
ou quatre ans et pendant le cours du papier m onnoie ; ..........
a u tre m e n t, vous l ’auriez induite à erreur , ou elle se seroit
étrangem ent m éprise.
A vous e n te n d re , tout ce que vous avez f a i t , a été pour le
bien de la fa m ille Lam ure ........... C ’est com m e disoit à dom
Carlos l ’Espagnol qui l ’étrangloit : C a l l a ! c a l l a ! S e g n o r ,
to d o quo su haze , pro su ben .............. Q ui vous c o n n o ît,
sait assez qu’en m atiere d’in té rê t, le votre seul vous o cc u p e ,
et nullem ent celu i d’autrui. U n vieux financier capable de
g én é ro sité, de désintéressem ent ! Q u el phénom ene ! . . . . C e
seroit déjà beaucoup s’il étoit toujours juste.
Toutes les dissertations sur les payemens en assignats , ajou
tez-vo u s, deviennent inutiles dans notre espece. J e n’ai point
payé en papier. J ’ ai payé en immeubles ..........M ais qu’est-ce
donc que la somme que vous nous avez fait rem bourser par
Brochard ? Est-ce du fonds , ou du papier ? V ou s avez vendu
votre bien de B eaucresson : mais est-ce nous qui en avons
la possession ? C e t im m euble valo it tout au plus 90,000 liv. ;
et vous nous d eviez bien au-delà. V ous avez perçu le plus
�(
35
)
_
.
liquide du prix ; et vous ne nous avez fait p ayer le surplus
que quand le papier s’est trouvé excessivem en t déprécié.
Si à défaut de n u m éraire , vous vouliez sacrifier des i m m e u
bles à votre lib é ra tio n , ç t ne rien faire perdre à la fam ille
Lam ure , pourquoi ne pas lui proposer en payem ent , des
domaines de M agneux à concurrence de ce que vous restiez
devoir du prix de cette terre et proportionnellem ent à leur
valeur en 1771 ? C e t expédient étoit bien plus sim p le; e t à
coup sû r, il auroit été accep té avec em pressem ent. A lo rs!
la fam ille L am ure se loueroit de vos procédés , au lieu de
s’en plaindre.
Mais on le répété : dans la vente que vous avez consentie
à B rochard , vous n’avez envisagé que votre intérêt ; vous
n ’avez ch erch é qu’à vous enrichir aux dépens de la fam ille
Lam ure. C ’est pour, m asquer votre perfidie , que vous avez
pris cette tournure artificieuse. L es délais que vous avez
accordés à cet a cq u é re u r, loin d’être à notre avantage , ne
d evoient tourner qu’à notre d é trim en t, par la facilité que
vous donniez à B rochard de se libérer en effets du cours , lors
qu’ils seroient tombés dans le plus grand discrédit.
A la m auvaise foi la plus insigne , le citoyen de L ivron
finit par ajouter la fausseté la plus im pudente.
C essez, d i t - il, de ni accuser........... dirigez plutôt -vos traits
contre le citoyen Brochard, qui a injustement devancé le terme
f i x é et convenu pour sa libération , qui a payé mal Pré M A r é
sistan ce
(11).
■
.
M algré votre résistance/ citoyen d e - L iv r o n ! ..........A v e z vous bien osé im prim er une pareille assçrtion? Q u ’est-ce donc
que cette autorisation que vous rapportez vou s-m êm e dans
votre M ém oire (12 ) ?
« Je donne pouvoir au citoyen B roch ard de payer , à mon
( i t ) V o y e i le M ém oire im prim é du citoyen de L iv ro n , p jg - 14 et
(12) L e même M é m o ire , pag. 22.
F 2
•
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36
s»
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»
»
»
»
»
9>
»
»
».
a cq u it, à la veuve L am ure , en qualité de tutrice de son
enfant héritier de son pere , la somm e entiere qu’il me
reste devoir sur la vente que je lui ai faite le 16 F é v rie r.
1 7 9 3 ,. . . . . consentant que le payem ent qu’il fera à la
veuve Lam ure des somm es totales , principales et accessoires , portées en l ’acte d’offre du 3 du présent mois et 8
dudit, lui vaille quittance finale et lib éra to ire, com m e s’il
eût payé à m oi-m êm e , nonobstant toutes clauses de délé
gation contenues au contrat de ven te sus m entionné; des
quelles clauses de d é lég a tio n , je le décharge. A T a ro n ,
i 3 Prairial an 3 . »
E t c ’est en conséquence de ce pouvoir que le rem bourse
m ent s’est fait deux jours après.
A dm irez ensuite la loyauté du citoyen de L ivron ! Peut-on
en imposer, avec plus d’effronterie ? E s t- c e délire pu m al
adresse? C ’est sans doute l ’un et l ’a u tre ; ou plutôt c ’est le
sort de l ’iniquité de se dém entir elle-m êm e : M entita est ini~
quitas sibi. .. .
'
-
• M O Y
E
N S.
S ’il ne s’agissoit ici que d’une dette ordinaire et peu con
séquente , d’une dette à jour , acquittée de gré à gré , ou
reçu e du moins sans p ro testa tio n , il seroit peut-être difficile
de faire réparer l’iniquité du rem boursem ent qui en auroit
été fait en papier à un créancier m ajeur.
Mais , ainsi que nous l ’avons déjà observé , il est question :
D ’un prix de vente d’immeubles, stipulé payable en bonnes
monnaies d’oR et d’ARGENT, et non en aucuns billets ni autres
effets publics.
D ’un capital de rente constituée sur partie de ce p r ix , et
qu’on n’ ayoït pas la fa cu lté d’exiger avant l ’ém ission et la dé
préciation du papier-monnoie.
D ’un rem boursem ent, non précédé de l ’avertissement con
venu.
�(
37
)
D ’un rem b o u rsem en t, qui n ’a été reçu que par crainte et
sous toutes les protestations et réserves de droit.
D ’un rem boursem ent, qui intéresse des pupilles ou mineurs
et qui opéreroit leur ruine , s’il pouvoit être m aintenu.
5
C es divers caractères ne peuvent que form er autant d’ex
ceptions à la règle abusive et odieuse invoquée par le citoyen
de L iv r o n , et donner une nouvelle force à la réclam ation de
la veuve Lam ure.
•
L e dernier sur-tout doit fixer l ’attention de la Justice.
L a cause des pupilles tient à l ’intérêt p u b lic , et form e un
des principaux objets de la police universelle.
C ’est par cette raison e t parce que ces êtres foibles sont
dans l ’impuissance de veiller par eux-m êm es à la conservation
de le u i patrim oine , que la loi les a pris sous sa protection
s p é c ia le , e t pris toutes les précautions possibles pour m ettre
leurs intérêts à' l ’abri dç toute atteinte. E lle veille pour eux ;
ils sont l ’objet de sa plus vive so llic itu d e ..
• E lle a cru devoir les favoriser encore plus que les furieux
et les insensés : M a gis œtati quàm dementias consulendum est.
( L e g . 3 , §: i , jff! D e tutel. )
E lle a voulu que l ’on saisît tous les m oyens propres à leur
’faire obtenir pleine raison des torts qu’on auroit pu leur faire ■
Omnem me rationem adhibere subveniendis pupillis , C UM A D
' c u r a m P V B Ï I C ' A M p e r t i n e a t , liquere omnibus volo. ( L e g . 2
’§• 2,, ff. Qui pet. tut. vel. curât. )
’
E lle a ordonné que
dans tout ce qui pourrait les inté
resser , on interprétât largem ent en leur faveur : Pro favorc
pupillorum , latior interpretatio facienda est. ( L e * , i 1 ult.
ff. D e usur. )
&
»
•
E lle a permis d’adopter tous les expédiens que l ’équité
peut suggérer , pour sauver leurs biens du naufrage : U t
res eorum salya. sit. ( T ôt. titul. j}\ R em pupn lm vei adolesc.
saly. fo r . )
E lle n a donne à leurs tuteurs que le sim ple pouvoir d’ad
m inistrer leurs biens, et non. celui de les ébréch er ou a lié n er,
�(
38
)
de relâcher partie de ce qui leur est dû. ( L e g . 7 , §. 3 , ff. Pro
emptor. ; leg. 46 , §. ult. ff. D e admin. tator.)
E lle a p rescrit des form alités pour l ’aliénation de ces
m êm es biens ; ( T ô t . tit. j^de reb. eor. qui sub tut. su n t, et
cod. D e Pred. et al. reb. min.) com m e pour le rem boursem ent
des capitaux qui p euvent leur être dus. ( L e g . 2 5 , cod. D e
administ. tutor., §. 2 , Inst. Quib. alien. lie. vel n o n .)
E lle a voulu qu’ils fussent restitués envers tout acte par
leq u el ils auroient été lésés. ( L e g . 7 , jf. de m inor. ; leg . 5 ,
cod. D e integr. restitut. minor. ) ; envers tout ce qui peu t
avoir été fait à leu r préjudice par leur tuteur. ( L e g . ult. cod,
S i tut. vel curât, intew. )
En u n 'm o t , leurs intérêts sont recom m andés , non seule
m ent à leurs tuteurs et à leurs p a ren s, m ais encore aux loix
e t , à leur défau t, à l ’équité des m agistrats : N o n solhm tutoribus et propinquis , tum legibus , tum aquitati magistratuum.
( Cicero in V e rre m .)
Q u ’il nous soit perm is de rappeler ces principes fonda
m entaux , d ’entasser m êm e les autorités , pour justifier la
réclam ation de la v e u v e Lam ure et anéantir les exceptions
du citoyen de L ivron .
N ous avons cru devoir ne rien n é g lig e r dans une cause
aussi im p o rtan te, dans une cause qui intéresse tous les pu
pilles ou m in eu rs, et qui devien t celle de tous les peres de
fam ille , puisque leurs enfans p eu ven t se trouver un jour
exposés aux m êm es fraudes et à la m êm e ruine que celles
qu’ont éprouvées les enfans Lam ure.
I.
S ur
la
C l a u s e
d
’A v e r t i s s e m e n t .
On convient que , en g é n é r a l, un débiteur a la faculté de
se lib érer avant le te r m e , toutes les fois qu’il a été apposé
en sa faveur.
�C
39
)
Mais il est égalem ent certain qu on peut valablem ent coiv
venir que le p ayem ent se ia précéda d un avertissem ent
lors sur-tout que cette condition est stipulée dans un contrat
de vente , ou qu’il sagit du rem boursem ent du capital d’une
rente constituée ( i ) .
C e principe a été reconnu et consacré par l ’art. 168 du
noueau Projet de Code c iv il, présenté à la C onvention le 2,3
F ru ctid or an 2 ; et quoique ce C ode n’ait pas encore été
définitivem ent adopté , il n e ‘laisse pas que de faire une auto
rité considérable. ^
L a raison en est que le vendeur ou credi-rentier a intérêt
d’être prévenu à temps de l ’époque du p ayem en t, pour qu’il
puisse pourvoir au r e m p lo i, e t qu’en atten d an t, ses fonds ne
restent pas oisifs entre ses mains.
En supposant d’ailleurs que le débiteur eût la faculté d’an
ticiper le p a y e m e n t, les auteurs décident qu’il doit indem
niser le c ré a n c ie r, en lui faisant com pte des intérêts qui auroient couru jusqu’à l ’expiration du délai porté par la clause
d’avertissem ent ( 2 ) .
,
Par le contrat de vente , du 19 O ctobre 177 1 , M ontagnede-Poncin , en constituant, au profit de D urand-de-Lam ure,
une rente de 9,444 ^v. sur partie du prix de vente de la
terre de M agn eu x, s’obligea d’avertir son vendeur trois mois
avant de lui faire le rem boursem ent du capital j et dans la
vente qu’il passa de la m êm e terre au cito yen de Livron le
20 M ai 178 0 , i l lui transm it cette obligation.
'
’
L e citoyen de L ivron devo it donc satisfaire à cette condi( 1 ) Dupericr et son observateur , tom. 1 , l i v . 4 , quest. 20 ; Lange en sa
Pratique C iv ile , liv. 3 , chap. id , p ag. 294 ; D u n o d , des prescriptions ,
pag. 9 4 ; Rousseau de la tom b e , en son Rec. de Jurisprudence , .'.‘' D é b i
teur , n. 4 î D ennprd , v. 1 a y e m e n t, n.° G ; VInstruction facile sur les
C o/w entions, liv . 2 , tit. 8 , în pruicipio.6Vrrei , Instit. pag. 44S.
\2 ) G uipape, Quest. 271 > et ibi Hanchin ,• D espeisscs, tom. 1 , du P a y e
ment , n . 5 , vers. 2 ; Decornns , foin. ? } <,^1.
et
, où il cite
D um oulin et Cujas.
'
�(
4°
)
tlo n , ¿ ’autant plus essentielle pour les enfans Lam u re, clans
les circonstances où Ton se trouvoit au mois de Prairial an
3 , à cause du discrédit des assignats , q u e , si la clause d’aver
tissem ent eût été o b s e r v é e , ils arrivoient au 2,5 M essid o r,
époque où le rem boursem ent des rentes fut suspendu par la
loi de ce jour.
Il devoit du moins faire com pte de la rente qui étoit dans
le cas de courir durant les trois m ois de l ’avertissem en t, c ’està-dire, depuis le 3 P ra iria l, jour de l ’acte d’offre qui pouvoit
en tenir li e u , jusqu’au 3 F ructidor s u iv a n t, afin que les enfans Lam ure ne fussent pas en perte de la rente de ces trois
m ois plus que nécessaires à leur tutrice pour pourvoir à un
rem ploi utile.
O n objectera p eut-être que la veu ve Lam ure renonça au
bénéfice de la clause dont il s’a g i t , en recevan t le capital et
la rente courue jusqu’au jour du rem boursem ent.
M ais cette objection ne sauroit être écoutée.
D ’un c ô t é , par la réponse de son fondé de pouvoir à l ’acte
cToffre, elle avoit excipé du défaut d’avertissem ent ; et dans
la quittance qu’elle concéda le 1 5 P r a ir ia l, elle se réserva
tous ses droits et actions.
D ’autre p a r t , sa qualité de tutrice ne lui perm ettoit pas
de se départir d’aucun des droits acquis à ses m ineurs, ni de
faire aucun relâchem ent sur les sommes qui leu r étoient dues.
11 est constant que les m ineurs sont restitués envers tout
ce qui a été fait à leur préjudice par leur tuteur ( 3 ) , envers
les omissions qui leur sont désavantageuses : Minoribus in
his ,quœ vel pratemiiserunt vel ignorayerunt, innumeris autoritatibus constat esse consultum ( 4 ) .
L e tuteur ne peu t rien relâch er de ce qui est dû à son
( l ) Leg. ult. Cod. S i tut. vel curât, interren. ; Despeisses , des Restitiuiuiis, scct. 2 , n.os i 3 et 14 ; Rousseau de l-i C om be, p.a Restitution,
si rt. 'j. , n.y /¡.
.
.
(.)) L<"'. jjcuult. C')d. D e in integr. restituf. ininor.
"
p u p ille ,
�(
4*
)
pupille , sur-tout de son propre m ouvem ent. Il ne peut faire
de rem ise qu en cas de nécessite évidente , e t qu’autant qu'il
y est autorisé par une délibération du conseil de tutelle ( 5 ) .
• Si le débiteur a payé moins qu’il ne d e v o it, il n ’e st pas en
tièrem ent libéré , et il peut être convenu pour le restant (6) ,
com m e il fut ju gé par l ’arrêt du 11 Juillet 1742 , que rap
porte Ferriere ( 7 ) , dans une cause où un p e re , dont l ’adm i
nistration dem eure pour ainsi dire im pun ie, a v o itfa it quelque
relâchem ent sur ce qui étoit dû à ses enfans du ch ef de leur,
m ere.
A in si nul doute que le citoyen de L ivron ne fût tenu de
faire com pte de la rente qui étoit dans le cas de courir
durant les trois mois de l ’avertissem ent auquel il se trouvoit
soumis , e t qu’il ne puisse bien être rech erch é à cet égard.
On sent com bien ce c h e f de demande est essentiel pour
les enfans Lam ure ; c a r , s’il est décidé que le citoyen de
L ivro n devoit faire com pte de la rente de ces autres trois
m o is , il en résultera que le rem boursem ent par lui fait n’a
pas été in tégral, et conséquem m ent qu’il doit être réduit sans
difficulté suivant l ’éch elle de proportion.
Il n ’est pas indifférent d’observer que les payem eiis étoient
divisés par le contrat de 1 7 7 1 , et que le citoyen de L ivro n a
affecté de les cum uler. E st-il à présum er qu’ii n ’eût pas usé
de la faculté de se libérer par parcelles , s ’il se fût acquitté
en numéraire ? E t n’e s t - il pas sensible qu’il l ’a n ég lig ée
“ ’*1
parce l
PaYo lt, e" PaPier. discrédité, et parce qu'il iv o it
peut-etre eu vent de la loi qui bientôt après suspendit le rem
boursement des rentes i V n e pareiUe a f f e c t s lle mërite
gu ere d indulgence.
( 5)
Leg. 22 , f . D e admin tutor. Faber , en son Code , liv . 5 , tit. 37 ,
defm. ! ; Banner sur R a n c h i ln v .° T u t o r , art. 6 , d ’ O live , l iv . i ,
chap, i ; P othiery des O b lig atio n s, n.° 583.
((>) Leg. 46 , §. D e administr, tutor. ; D espeisses, tom. 1 , des tuteurs ,
sec/' ^ ’ n‘ ,2,2 R-ousse^u ue
Com be, v.° T u t e u r , sect. 8, distinct. 4 , n.° 3.
{ 7) T r a ite des tutelles 3 pag. 216 et s u if,
F
�(
A2
I
S ur
la
L iq u id atio n
L ivron
é t o it
préten d u
de
ten u
)
I.
la
R ente , dont
de
fa ir e
com pte
le
citoyen
lo rs
de
de
son
R em boursem ent .
A partir de la disposition des loix des 2 Therm idor an 3 ,
3 B rum aire et 18 F ructidor an 4 , qui ont assim ilé aux fer
m ages les rentes constituées pour prix de vente d’im m eu
bles , le citoyen de L ivron auroit été tenu de faire com pte
des arrérages de rente courus pendant l ’an 3 , m oitié en assi
gnats valeur n o m in a le, et m oitié en valeur représentative.
L a veu ve Lam ure l ’avoit ainsi demandé par son exploit
introductif d’instance ; e t ce m ode étoit sans doute le plus
juste.
Mais la lo i du 2.6 Brum aire dernier ( B u llet. 169 de la
2 .e s é r ie ) paroît avoir dérogé , p a r la disposition de l ’art. 6 ,
à celle des loix précitées , en ordonnant que « les intérêts et
î» arrérages de toute nature , qui ont couru depuis le 12
» N ivo se an 3 , jusqu’à la publication de la loi du 29 M es
» sidor an 4 , et qui sont dus en vertu, d'aliénation de fonds
* ruraux , e tc ......... seront acquittés de la m êm e m aniéré
» qu’ont été ou du être payés les ferm ages des biens ruraux
» pendant le m êm e intervalle de tem p s, conform ém ent à la
» loi du 2 T h erm id o r an 3 , et autres subséquentes. »
D ’autre part , l ’article 3 de la m êm e loi veut que « les
ï> intérêts et arrérages courus depuis le 1 Janvier 1791 , jusy> qu’à la publication de la loi du 29 M essidor an 4 , soient
» acquittés en num éraire m étallique , d ’après la réduction
v qui en sera faite à chaque époque de dépréciation que
:> présentera le tableau , sans égard aux term es d’échéance
» stip u lé s, et sans y déroger pour l ’époque des payem ens à
* venir. »
.
C ’est donc d’après la réglé tracée par cette derniere l o i ,
qu’il faut liquider la rente due aux enfans Lam ure depuis le
�(
43
)
29 V endém iaire an 3 , jusqu’au 1 1 N ivose suivant , à la
som m e de 480 liv. valeur m étalliq u e, suivant chaque époque
de dépréciation du papier-monnoie ; et celle courue depuis
le 11 dudit mois de N ivose , jusqu’au 3 Fructidor m êm e
a n n é e , à 3017 liv. 5 s. valeur n om in ale, et à pareille somm e
de 30 17 liv. 5 s. valeur rep résen tative, conform ém ent aux
loix ci-dessus rappelées.
•
^ A u to ta l, 3497 liv. 5 s. en num éraire, et 3017 liv. 5 s. en
assignats.
C ette somme de 3497 liv . 5 s. valeur m é ta lliq u e , devoit
rendre, à l ’époque du i 5 Prairial an 3 , jour du rem bourse
m ent , et d ’après l ’éch elle de proportion , une som m e de
65,44o liv. i 5 s. en assignats, qui jointe à celle de 3 0 1 7 1. 5 s.
pour la m oitié valeur n om inale, form oit la totale de 68,458 1.
11 faut ensuite im puter cette derniere som m e sur celle de
2,41,688 liv. p ayée par B roch ard au nom du citoyen de
L ivron .
'
A u m oyen de laquelle im putation , il se trouve n’avoir été
p ayé sur le capital que 173,230 liv. d’où il s’ensuit que le
rem boursem ent n’a pas été in té g r a l, et qu’il doit etre réduit
à sa juste valeur suivant le tableau de dépréciation.
O r , par la réd u ction , cette somme excédante de 173 ,23 o 1.
ne rend en num éraire que celle de 9 ,16 7 liv . 10 s.
L e citoyen de L ivron a cru parer à cette réduction , en
opposant qu’il n ’y a aucune lo i qui déclare réductibles ,’ sui
vant l’éch elle de p rop o rtio n , les payem ens faits pendant le
cours des assignats j et à 1 appui de sa défense , il invoque la
disposition de l ’art. 6 de la loi du 18 F ru ctid or an 4.
Mais p eu t-il asseoir quelque confiance sur une pareille
excep tion ? 11 rapporte lu i-m êm e les dispositions de deux
autres loix qui autorisent la réclam ation de la veu ve Lam ure.
. C es autres loix sont celles- du 2 Therm idor an 3 , et 18
Fructidor an 4 » explicatives de celle du m êm e jour qu’il
invoque.
La loi du 2 Thermidor porte : (art. 14 )
Les dispo-
�(
„
s
»
»
»
»
s
»
44
)
sitions de la présente loi auront lieu à l ’égard des ferm iers ,
co lo n s, m étayers e t autres qui ont payé par anticipation,
en tout ou en partie, le prix de leur ferm e pour l’an cou
r a n t, soit en vertu des clauses du b a il, soit volontaire
m ent , soit ensuite des conventions particulières ; et lors
du p ayem ent de la som m e payable en nature ou en équi-'
v a le n t, il leur sera fait état des sommes payées par anti
cipation. »
C elle du 18 F ructidor an 4 , ( n .° 681 du B ullet. yZ )
veu t que « les dispositions de l ’art. 14 , de la loi du 2 T h er» m id o r, relative aux payernens faits avant la publication de
y> cette même lo i, sur les prix de ferm e représentatifs de la
» récolte de l ’an 3 , continuent d ’être exécutées. »..........
O bservez que -cette lo i fut rendue en explication de l ’art. 6 ,
de celle du m êm e jour dont excipe le citoyen de Livron .
U ne autre loi du 9 Fructidor an 5 , (B u lle t. 14 0 ) a aussi
statué que « les payem ens d’un ou plusieurs term es faits
» par anticipation et avant la publication de la loi du 2, Ther> midor an 3 , soit en vertu des clauses du bail , soit volon
» tairem ent,, soit par suite de conventions particulières , ne
» sont pas réputés définitifs ; ils seront considérés com m e des
» simples à compte, et à ce titre im putés » com m e il est
expliqué dans le §. 2 de la m êm e loi. L a disposition que nous
venons de rapporter est celle de l ’article 16.
Par là , on voit qu’il faut distinguer les payem ens des fer
m ages faits par anticipation et avant la publication de la loi
du 2 Thermidor an 3 , d’avec ceux faits postérieurem ent.
C ’est à ceux-ci que s’applique l ’art. 6 , de la loi invoquée
par le citoyen de Livron.
Q uant aux p rem ie rs, il est hors de doute que les p aye
mens faits par anticipation ne sont point réputés définitifs
e t qu’ils doivent être considérés com m e des simples à compte.
O r , la loi du 3 Brum aire an 4 , ( B u lle t. 1 9 9 , d e là
i . re S é r ie ) ayant assim ilé, par l ’art. 3 , vers. 4 > les inté
rêts dus ou rentes constituées pour prix de vente de fonds ,
�(
43
>
aux ferm ages; et la loi du 26 B rum aire dernier f B u î M ï5 o
de la 2.« Série ) ayant déclaré que le? intérêts ¿u arrérages
de rente de cette nature ont du etre acquittés de la m êm e
m aniéré que les ferm ages , conform ém ent à la loi du 2 T h er
m idor an 3 , et autres subséquentes ; il est vrai de dire
que le payem ent fait par le citoyen de L iv ro n pour la rente
de l ’an 3 , ayant la publication de cette lo i, ne peut point être
réputé définitif, qu’il doit être considéré com m e un simple
à c o m p t e , e t qu’il doit être imputé à la form e prescrite pour
les ferm ages des biens ruraux.
Pénétré de cette v é r ité , le citoyen de L ivron ch erch e à
se tirer du pas difficile où il se tr o u v e , en opposant que
dans le cas où la quittance de la veu ve Lam ure ne produiroit pas contre elle une fin de non r e c e v o ir , elle n’auroit
jam ais d’action que pour le supplém ent de la rente e t nulle
m ent à raison du principal qui ayant été légalem en t payé e t
acquitté en son entier , ne peut revivre sous quelque prétexte
que ce puisse être.
M ais cette objection est frivole.
Il e s t , en e f f e t , de m axim e triviale q u e , dans tous les
payem ens qui sont faits à raison d’un capital portant de«
intérêts de sa nature , l ’imputation se fait toujours en
prem ier lieu sur les intérêts et ensuite sur le capital • Priiis
in uarnas , deindi in so.tem , quand m êm e le payem en t nu™ it
été d é c la r e fait d abord sur le principal e t ensuite sür'les
m t e r e t s ( i ) Dans tous les cas . porte l ’art. , 7 4 du nou
veau code ctyil . I m pu tation n’a lieu sur les c a p ita u x , que
lorsque les intérêts sont acquittés.
™
A u su rplu s, que le citoyen de L ivron ne se fatigue nas
l'esprit pour faire déclarer l ’im putation des som m es par lui
payées sur le capital de la rente dont il s’agit. N ous lui dé
(1)
Leg. 1 et Leg. 5 ^ in fine JP. De solut. f Domat liv. 4 , tit. 1 ,
sect. 4 , n. 7 et 8 , Potmer des obligations n.° 5 3 3 ,,et passim.
I
�(
4* )
m on trerons, dans le paragraphe su iv a n t, que son rem bour
sem ent est radicalem ent nul quant au principal.
C e n ’est pas tout.
A supposer la rente payable entièrem ent en assignats
valeur nominale , e t à ne la com pter que du 11 Brum aire
jusqu’au 1 5 P r a ir ia l, ( ce qui fait sept mois et quatre jo u r s, )
elle se portoit à 5 , 6 1 3 liv . 19 sols ; e t le citoyen de L ivron
n’a payé que 5,588 liv. 4 sols ; de sorte qu’il m anquoit 2,5 liv.
1 5 sols pour que son payem ent fût intégral.
Mais il y a plus. L a rente éto it due depuis le 29 V e n
d é m ia ire , correspondant au 19 O ctobre , jour fixé par le
contrat de 1771 } ce qui fait onze jours en sus. L a rente de
ces onze jours form oit un objet de 288 liv . 11 sols 5 den. ;
e t cette so m m e, jointe à la susdite de 251iv. 1 5 s o ls , p ortoit
le déficit à 3 14 liv . 6 sols 5 den.
L e payem ent n’auroit donc jam ais été d é fin itif ; il ne
sauroit être considéré que com m e un sim ple à compte y et
conséquem m ent il doit être imputé à la form e de la loi.
M ais , encore une fo is , le cito yen de L ivro n est tenu de
faire com pte en valeur représentative de la m oitié de la rente
courue depuis le 11 N ivôse ; et dès-lors il est de toute év i
dence que sa prétendue libération n’est que partielle et des
plus im parfaites.
_
A jou to n s q u e , s’il est naturel que l ’accessoire suive le
sort du p rin c ip a l, il sem bleroit que , le capital de la rente
dont il s’a git ayant été stipulé p ayable en bonnes monnoies
d ’or et d’argent, la rente devroit aussi être acquittée de la
m êm e m anière , par argum ent de l ’art. 8 , de la loi du
2, Therm idor an 3 , e t de l ’art. 3 , de celle du i 5 Pluviôse
an 5 , qui portent : « sans rien d éroger à ce qui auroit été
» stipulé payable en especes ou en délivrances quelcon» ques........... L es rentes et autres prestations stipulées en
» grains , denrées ou m archandises , continueront d’être
> acquittées en nature. » Pourquoi les bonnes monnoies d’or
et d’argent ne jouiroient-ellcs pas du m êm e p rivilège que
�(
47
)
les g ra in s, d e n rées, ou autres m archandises quelconques ?
N ous laissons au tribunal à apprécier le m érite de cette
o b serv atio n , et s’il la ju ge solide , par une interprétation
favorable aux m ineurs ; dans cette supposition, le payem ent
du citoyen de L ivro n seroit en core bien plus défectueux.
I I I .
Sur
la
N u llité ,
boursement
relativem ent
FAIT
au
C apital , d u
PAR L E C l T O Y E N
DE
R em
LlVRON.
C e rem boursem ent est illé g a l e t nul :
Com m e contraire aux conventions des parties , e t fait
en autres especes que celles qui avoient été expressém ent
stipulées.
C om m e non précédé des form alités prescrites , pour,
l ’aliénation des im m eubles réels ou fictifs des m ineurs , pour
le p ayem ent des capitaux qui leu r sont dus.
D u m oins seroit-il toujours dans le cas d ’être rescindé par
lésion.
_
Suivons la preuve de ces propositions.
i . ° 11 est de principe u niversellem ent connu q u e , en toute
sorte de traités et principalem ent dans les contrats de v e n t e ,
on peut stipuler toutes sortes de pactes , conditions , res
trictions ou reserves * pourvu qu’il n’y ait rien de contraire
aux bonnes m œurs et aux lo ix existantes lors de leu r pas
sation. C es p a c te s , ces conditions , font pour les parties
une lo i , dont elles peuvent d’autant moins éluder l ’exécu
tion , qu’elles-m êm es se la sont im posée volontairem ent.
L ’observation du pacte est com m andée par la- bonne f o i ,
com m e par l ’édit du p ré te u r: Pacta seryabo. ( i ) .
(i)
V o y . les autorités citees ci-dessus pag. 2 8 , D om at lois civiles
part. 1.1e ? i i v . 1 } tit. 1 , sect. 2-, n.° 7 , sect, 4 , n.° 1 , et tit. 2 ,
s e c t, 6 , n.° 1.
�(
48
)
T outes les fois , observe l'auteur du Code des notaires ( 2 )
que des parties capables de c o n tra c te r, stipulent des con
ventions qui n’ont rien en soi d’illicite , le devoir des ju g es
est de les faire exécuter. Ils ne sont institués que pour cela.
M odifier ces conventions, dispenser une partie de les rem
plir , c ’est autoriser la m auvaise f o i , c ’est faire le contraire
de ce qu’exige la justice.
On trotive ce principe fortem ent retracé , dans le rap
p ort de Cambacerès sur le nouveau code civil ; et l ’art. 146 ,
de ce code le consacre.
Parm i les rég lés des engagem ens que les homm es s’im
posent eux-m êm es « la prem iere de toutes , la plus invio
» lable , est celle qui ordonne de respecter le contrat ,
» aussitôt qu’il est l ’effet d’une volonté libre e t éclairée. L a
»
LOI EN FAIT UNE OBLIGATION , ET LA PROBITÉ UN D E V O IR .
*
s»
»
s>
»
»
»
»
»
Il est perm is de ch erch er son intérêt ; m ais il ne l ’est pas
de le ch erch er aux dépens de l ’intérêt d ’autrui ; il ne
l ’est pas de fouler aux pieds le fondem ent de tous les
e n g a g e m e n s, la bonne foi. Laissons aux perfides C arthaginois la honte de l ’antique proverbe de la f o i punique,
qui a flétri plus d’une m oderne C arth age. L e peuple
Français ne doit et ne ve u t connoître d’autre intérêt ni
d ’autres m oyens de le c o n s e rv e r, que la franchise , la
d ro itu re, et la fidélité à tenir ses engagem en s. v>
Par une clause expresse du contrat de vente du 19 O cto
bre 1771 , dont partie du prix fut laissée à titre de rente
constituée entre les mains de l ’acquéreur , il fut expressé
m ent convenu que celu i-ci ne pourroit « rem bourser le
capital de ladite rente qu’en bonnes monnoies d*OR et d’AR» g e n t , au cours dudit jour 19 O ctobre 1 7 7 1 , quelque
y> augmentation ou diminution qui puisse survenir sur les
» especes d’OR ou d’ a r g e n t , com m e étant une convention
* expresse entre les p a rtie s, relative à la valeur de la terre
( ) Tom. 2, pag. 278.
» vendue.
�v
»
5>
5»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
.
, , , , ( *9 .) f
vendue Cjui n ete reglee sur le pied de la Valeur actuelle des
especes d’or et d’argent ; laquelle convention sera réciproquement exécùtee entre les p arties, soit que le p rix >des
especes augmente ou diminue ; en exécution de laquelle ,
l’acquéreur sera tenu de payer et le vendeur tenu de rece
vo ir le 'p a y e m e n t en especes sur le pied de le u r .valeur
actuelle. S a n s laquelle c o n v e n t io n la d it e vente n’auroit
été faite. «
'
Il fut encore stipulé que « L ad ite somme ne pourra aussi
être rem boursée en aucuns billets ni autres effets.......... de
quelque nature qu’ils soient et quelque cours qu’ils puis
sent a v o ir, m a is -u n i q u e m e n t e n e s p e c e s d ’ o r e t d ’ a r g e n t , au cours de cejourd’h u i , conform ém ent ,à la con
vention ci-dessus, c o m m e s ’ a g i s s a n t d ’ u n p r i x d e v e n t e
d ’im m e u b l e s .
» ' -
’
O n ose dire que , de tous les contrats de rente qui ont
pu être rem boursés dans la période calam iteuse du papier
m onnoie , il n’y en avoit peut-être aucun qui rejiferm ât une
clause aussi p ré c is e , aussi énergique ; et l ’on ne peut pas
dire que cette clause eût quelque chose, de contraire aux
loix et aux bonnes mœurs. Lorsqu’elle fut stip u lé e , il n’y
a vo it aucune loi qui la prohibât. A^.cette é p o q u e , les décrets
concernant l ’émission des assignats n’avoient pas été rendus ;
et ces décrets, ne sauroient avoir d^ ffet, rétroactif : Futuris
non prateritis, dant leges formam negotiis.......... L e x superveniens non tollit jus jàm quasitum ex contracta........ainsi que
nous l ’avons déjà établi. ( 3 )
:
L es loix du 22
la circulation des
e f f e t , so it parce
exécution , soit
rétroactif (4) •
A v r i l , et 12 Septem bre
a ssign ats, ne pourrdient
qu elles étoient devenues
parce qu aucune loi ne
. . .•
( 3 ) V o y . ci-clessus pag. 2.9.
(4) Voy. ci-dessus pag. ibid.
1790 , relatives à
opérer un pareil
iniques dans leur
peut ayoir d’effet
»
�%
,
c
50
>
C ’est là une vérité êoïem nellem ent re c o n n u e , non-seule
m ent par la déclaration des droits en tête de la charte consti
tutionnelle qui nous r é g i t , mais encore par celle du i 5 F é
vrier 1793 , ( s i toutes fois on peut la rappeller , sans frém ir
d’horreur, au souvenir de tous les m aux qu’elle nous a causés.)
C e tte seconde constitution avoit aussi proclam é que I’e f f î t
R É T R O A C T I F D O N N É A L A LOI EST UN C R I M E ; e t au besoin
e lle auroit toujours détruit l ’effet des loix invoquées par le
cito yen de L ivro n , puisqu’elle éto it en core subsistante à
l ’époque du i 5 Prairial an 3,
A i n s i , quand m êm e le contrat de 1771 ne renfermeront
pas les clauses ci-dessus ra m en ées, il suffiroit que les parties
eussent traité avant l ’émission du p apier-m on n oie, pour que
le capital dont il s ’ag it eût toujours dû être rem boursé en
argen t et non en assignats ; com m e l ’ont p rescrit les loix
nouvellem en t intervenues sur les transactions.
•
L e souverain a bien le droit de créer des m onnoies d ’une
m atiere et d’une valeur différentes de celle qui avoit cours
auparavant ; mais il n’a pas celui de dénaturer les conventions
des p a rtie s, d’anéantir les clauses , sous la foi desquelles
' celles-ci ont contracté.
D u tem ps de la captivité du roi J ean , il fut ém is une
m onnoie de c u ir, à laquelle on avoit assigné la valeur de
cent florins , tandis qu’elle n’en valo it pas deux.
Guipape ( 5 ) dem ande si un acquéreur pourroit lég itim e
m ent se libérer , avec cette m o n n o ie , d’un prix de ven te
porté par un contrat antérieur ; e t il n’hésite pas à décider
pour la négative : Durum esset, rép o n d -t-il, et contra rationem , quod yenditor cogeretur recipere solutionem in tali monetâ:
non enim yerisimile est contrahentes de tali morietà cogitasse
(¡uam futuram esse ignorabant. . . maxime si pactum interyenerity quod omninô seryari debet.. . A lite r sequeretur quod res ,
( 5 ) Quest. 493.
�i
st
y
quÆ fu it justo pretio vendita , darelur pro minus justo pretio. ..
Ideo non audiri débet tahs emptor, dn detrimentum yenditoris. ,
T e lls est aussi la doctrine d une foule d autres a u te u rs, (6^
qui. s’accordent à dire que le débiteur est tenu de p ayer , sui
vant la valeur des especes au temps du contrat ; lors sur-tout
que les parties en ont ainsi expressém ent convenu.
« Dans le payem ent des capitaux , rem arque Chorier , on
» considéré le temps où la dette a été contractée ; en sorte
5» que le créancier ne doit rien gagner , ni perdre , par la
?> hausse ou la baisse du prix des especes---- C ’est un devoir
v de payer dans la m êm e m esure que l’on d o it , ejusdem ge
» neris et eâdem bonitate. L e débiteur , homme de bien, ne doit
» pas se prévaloir du changem ent des m onnôies qui pourroit
> lui être favorable ; il doit s’attacher étroitem ent à la bonne
» foi. . . . i>.
*
L a clause , dit Yauteur ' du Traité des Connoissances du
» notaire, qui porte que le rachat de la rente ne pourra se
î> faire en effets publics,, doit être religieusem ent observée.
» On ne p e u t , en e f fe t , forcer celui qui a acquis une rente
» à prix d’argent, d’en l’ecevoir le payem ent en papier. C e
> seroit aller contre l ’équité » .
Si cette proposition est juste à l ’égard de celui qui a fourni
en argent le capital de la rente , à plus forte raison doit-elle
avoir lieu en faveur de celui qui l ’a fourni en immeubles, dont
la valeur est toujours constante et solide.
C e tte doctrine des auteurs n’est pas sans fondement. Elle a
pour base plusieurs textes du droit.
■
Reproba pecuma non libçratsolventem : dit la loi 24 ,
1 ,ff.
D e pignerat. action.
(6 )
Les annotateurs de Guipape , Dumoulin de u su r ., quest. 93»
M eym rdj liv. 3 , chap. 3 o , liv. 7 , chap. 99 , et liv. 8 , chap. 94 \ Graverol- sur-la-Roche , liv. G, tit. Gi , art. 5 ; A lb e r t, lett. R , chap. 1 0 .
in fine , Despeisses , tom. 1 , du payement, n.° jo ; Cuj as, ad leg. 69 , j f .
D e verbor. obligati
�.
.
■•
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'l
(
^
5
*
' Pecunia quœ delevior redditurre.ddi non videtur. ( L e g . 3 ,
§. i , ff. Commodat., leg. i , §• 1 6 , ff. Deposit. )
, Creditorem, non esse cogenditm in aliam formant nummos accipere, si e x eâ ie damnum aliquid passurus s'it. ( L e g . 99 , jif.
D e so lu tl, et ibi Glosç. )
S i cum* aurum tibi promisissem , tibi quasi aurum , œs solverim , non hberabor. ( L e g . 5o ,.ff. D e solut.') C ette loi sem ble
avoir été faite pour l ’espece où nous sommes. L e citoyen de
L ivro n avoit prom is de l’or ; et il n’a p ayé qu’a vec des assi
gnats , qui valoient encore moins que du cuivre.
On peut encore voir à ce sujet la loi 3 , ff. D e reb. crédit. ;
elle s’exprim e en ces term es : Cum quid mutuum dederimus,
etsi non cayimus ut œquè bonum nobis redderetur : non licet
debitori deteriorem rem , quœ ex eodem genere sit , reddere : yeluti vinum novum pro vetere. N am in contrahendo quod agitur ,
pro cauto habendum est. Id âutem agi intelligitur , ut ejusdem
generis et eâdem bonitate solvatur , quâ datum sit.
Suivant une autre lo i : A liu d pro alio , inyito creditori, de
bitor solyere non polest. On ne peut payer une chose pour une
autre. ( 7 )
Enfin , il est décidé que les payem ens doivent être faits en
especes non décriées ni suspectes , et que ceux faits à la veille
d’un décri des m on n o ies, n’éteign ent pas l ’obligation. ( 8 ) A
plus forte raison , ceux qui sont faits pendant le décri et un
décri excessif.
A l ’appui de ces a u to rité s, vien t l ’arrêt du C on seil du 19
F évrier 1 7 2 6 , cité par Denizart et Jousse. ( 9 ) C e dernier
auteur o b se rv e , qu’en cas de diminution des m onnoies lors
(7)
Leg. 2 , § . i , in fine , f f . D e reb. cred ., D o m a t, P o t h e r , C h o -
r ie r , Despeisses.
( 8 ) D o m a t, liv . 4 -, tit. 1 , sect. 2 , n.° 1 4 >Serres , in stitut., pag, 52G ;
'From ental, pag.
, col. 2 ; ou il cite Faber et C amboîas. ^
.
( 9 ) D en k a rt y v.° lettre de c h a n g e , n.° 47 î Jousse , sur l ’ordonnance
d u co m m e r ce , tit. 3 , art. 1.
�(
J>3 " )
du p a y e m e n t, le débiteur est tenu d’ y suppléer selon leu r va
leur au tem ps de 1 o b lig a tio n , lorsqu il a été ainsi convenu.
11 est donc dém ontré que le citoyen de L iv r o n , à qui Montagne-de-Poncins avoit transmis les engagem ens par lui con
tractés dans le contrat de vente du 19 O ctob re 1 7 7 1 , ne
pou vo it point se lib érer du capital de la rente constituée sur
partie du prix de cette v e n t e , autrem ent qu’en bonnes monnoies d’or et d’argent, com m e il avoit été expressém ent sti
pulé , et non en assignats ; dès-lors sur-tout que ce papier
m onnoie se trouvoit énorm ém ent déprécié.
T e lle fût la condition du contrat -, et cette condition ne
p ouvoit être éludée , com m e étant censée faire partie du
prix : Pactum omnino servari debet. A u trem en t il a rriv e ro it,
ce que dit G uipape, que la chose vendue à son juste p r ix ,
se donneroit pour m oins que ce juste prix. U n acquéreur qui
se prétend ainsi libéré , ne doit pas être écouté au préjudice
de son vendeur. U n e m onnoie extrêm em ent décriée et m au
v a i s e ne sauroit éteindre l'obligation : Reproba pecunia non
libérât solventem.
L e citoyen de L ivro n s’étoit soumis à ne rem bourser qu’erc
bonnes monnoies. d’or et d’argent, au cours de 1 7 7 1 . 11 n’a pas
pu se lib érer en mauvais papier, au cours de l’an 3 , et o b liger
'lé s enfans Lam ure de se contenter d’un payem en t effectué
‘ dans une autre form e que celle qui avoit été convenue , d’un
payem ent en especes qui n’étoieiit pas du m êm e genre et de
la m êm e bonté que celles qui avoient été stipulées.
■Supposons qu’il eût été fabriqué des especes d’or et d’ar
gen t d u n e m atiere d u n e plus grande valeur que celles qui
circuloient en 1771 , ou que , par un évén em en t tout con
traire à ce qui est arrivé , les assignats eussent gagné , au lieu
de perdre , com m e le firent les billets de banque dans leu r
principe , est-il probable que le cito yen de Livron eût alors
voulu se libérer valeur nominale ? T rès-certa in em en t il ne
T a u ro ït pas fait; et on n’auroit eu garde de l ’exiger. 11 auroit
dit : D ’après la convention, je ne suis tenu de vous payer qu en
�C 54 ).
cspeces d'or et d'argent, au cours de i j j i . J e Vexecute, et vous
ne pouvez pas m'obliger à vous donner des especes d'une plus
grande valeur , ou des assignats dont le cours est au-dessus. C e t
argum ent eût été aussi naturel que pérem ptoire. Il ne s ’a git
que de le retourner.
Supposons e n c o re , qu’au lieu d’especes d’or et d ’a r g e n t ,
le rachat de la rente dont il s’a g it , eût été stipulé en b le d from ent , le citoyen de L ivron auroit-il cru pouvoir se lib érer
a v ec de l ’orge ou de l ’a v o in e , sous prétexte que ce sont des
grains com m e le fro m e n t, o u , pour nous servir des term es
de la l o ï 3 ,ff. D e reb. credit. , en donnant du vin nouveau pour
du vieux qu’il auroit r e ç u , du vin de B eaucresson pour du v ia
de B ou rgo gn e ?__ A ssurém ent que non. E h bien ! il y avoit
encore m oins de rapport entre les assignats e t l ’or ou l ’ar
gen t , à l ’époque du 1 5 P rairial an 3 , qu’il n’y en a entre l ’a
vo in e e t le fro m en t, entre le vin vieu x de B o u rg o g n e e t le
vin nouveau de B eaucresson.
Il est donc vrai de d ir e , que le citoyen de L ivro n ne pouv o it se libérer qu’en bonnes monnoies d’or et d'argent, et non
en aucuns billets ni autres Effets publics ; parce que telle fut la
convention stipulée dans le contrat de vente de 1771 ; p arce
que cette convention étoit censée faire partie du prix j parce
que , sans elle , la vente n’auroit point été consentie. L a lo i
lui en faisoit une o b lig a tio n , et la p ro b ité , un devoir. Pour
quoi a-t-il violé un en gagem en t qu’iL avoit librem ent con
tracté ! Pourquoi a-t-il foulé aux pieds la bonne f o i , la fran
chise , la droiture et la fidélité ? C ’est que sa foi n ’étoit autre»
que la^ oi punique » c ’ est qu’il ch erch o it son in té rê t, aux dé
pens de celui de la fam ille L am ure. Prônera - t - i l encore sa
loyauté, ses sentimens d ’honneur et sa délicatesse f N e les a-t-il
pas essentiellem ent com p ro m is, en faussant sa p a ro le, sa pro
m esse par écrit ? Grave est jîdem fa llere , dit la loi i re. , ff. D e
pecun. constitut.
S’il eût été inexcusable à cet égard vis-à-vis m êm e d ’une
personne m a je u r e } d ’un é tra n g e r,à com bien plus forte raisçq
�(
55
)
m érite-t-il d’être blâm é , pour s’être perm is une p areille in
dignité vis-à-vis des mineurs auxquels il ten oitp ar les liens de
l ’affinité ? Com m ent a-t-il pu être assez injuste pour vouloir les
réduire à la m isere ? N ’étoit-il pas assez opulent pour leur
faire pleine raison de ce qui leur étoit dû ? E toit-il dans le
cas d’être contraint au rem boursem ent qu’il lui a plu d’effec
tuer ? Dans 2.0,000 livres de revenu que lui rapporte la terre
de M agneux , ne trouvoit-il pas de quoi faire face à la rente
dont il étoit réd evable ? ........ E n core une fois , cito yen de
L ivro n , vous êtes inexcusable d’avoir violé sans pudeur l ’en
gagem en t le plus sacré.
2 . 0 Il suffiroit sans doute de ce p r e m i e r m o y e n , pour faire
déclarer nul le rem boursem ent dont il s’agit.
M a is , c o m m e , dans une cause aussi essentielle , il ne faut
rien n é g lig e r , nous allons établir que ce rem boursem ent est
encore n u l , par défaut des form alités prescrites pour l ’alié
nation des im m eubles réels ou fictifs des m in e u rs, ainsi que
pour le payem ent des capitaux qui leu r sont dûs. N ous pré
ciserons le plus possible.
I l est certain que , dans le ressort du ci-devant parlem ent
de P a ris , les rentes constituées sont réputées im m eubles e t
particulièrem ent celles qui ont pour cause un prix de vente de
fonds. C e tte m axim e , avouée par tous les auteurs ¡ résulte
encore de l ’art. 4 du tit. 2 de Yordon. de .174 7 concernant les
substitutions ; de 1 edit de 174 7
interdisoit aux gens de
main-morte la faculté de les acquérir ; et de l ’art. 1 3 de la loi
du y octobre 1791 relative au droit d’enrégistrem ent.
*■11 est pareillem ent d é c id e , que le rem boursem ent d’une
rente contient .une aliénation ( 1 0 ) ; e t que le pouvoir du tu
teur ne va point jusques-là ; parce qu’il ne concerne que l ’ad
ministration ordinaire des biens du m in e u r, com m e b a u x ,
’ ( 1 0 ) Ferriere , sur l ’art. -236 de la cout. de P a r i s , glos. 2 , n.° 14 î
Chopin , sur la même coutume , l i y . 2 , tit. 7 , n.° 8.
�"(
56
)
perception cles fruits , entretien des biens , et non ce qui peuï:'
entraîner l ’aliénation et la dissipation. ( 11 ) Si l ’on conteste
au mari le pouvoir de recevo ir le rem boursem ent des rentes
dues à sa fem m e , sans le concours de c e lle -c i, ou sans l ’au
torité de la ju s tic e , ( 1 2 ) à plus forte raison doit-on le refu
ser au tuteur__ Si le m ineur ém ancipé ne peu t pas lui-m êm e
recevo ir ce rem bou rsem ent, sinon en présence de ses parens
e t à la charge d’un rem ploi u t ile , ( 1 3 ) le tuteur ne le peut
pas m ie u x , parce qu’il y a la m êm e raison de décider , la con
servation du patrim oine du m ineur.........Si l ’on exige des for
m alités pour l ’aliénation d’un im m euble f ic t if , d’un office ,
d ’un m euble de grande v a leu r, appartenant à un m ineur, (1 4 )
pourquoi les négligeroit-on à l ’égard d’une rente constituée ,
qui est aussi reputée im m euble , et qui fait la m a jeu re partie
de la fortune d’une fam ille ?
‘
O n est donc fondé à soutenir que le citoyen de L ivro n ne
p ou voit point rem bourser valablem ent à la veu ve et tutrice
L a m u r e , le capital de la rente dont il s’a g it, sinon en présence
des parens des m ineurs , par autorité de ju stice , et à c h a rg e
du rem ploi.
T o u t cela étoit d’autant plus indispensable pour le rem
boursem ent d’un capital de r e n te , qu’il estm êm e prescrit pour
le p ayem en t d’un sim ple capital à jour dû à des m ineurs.
R ien n’est plus précis là-dessus que la loi 25 cod. de admi
nistrât. tutor. vel curât, y et le paragraphe 2 du titre des insti-»
tûtes quib. alien. licet yel non.
i
( 1 1 ) Pigeau , en sa procédure c iv ile du C h â t e le t , l i v . 3 , a u mot rem
boursement de rente, tom. 2. , pag. i 33.
( 1 2 ) D u p lessis, pag. 397 ; Lemaitre , pag. z!j4 ; Rcnitsson , traité des
p ro p res, chap. 4 ■
> sect; 1 0 , n.* 24.
.
.
( i o ) Chopin , loc. c i t . , D espeisses, tom. 1 , des restitutions, sect. 2 ,
31.? 2 6 , alin. 4.
'
f
'
( 1 /, ) M e s Ù , traité des m in o rité s , part. 2 , pag. 297 ; Bornier sur
Ranchin , in v .° adultus , art. 2 ; From ental , pag. S oi , où il cite P c *>
rc\ius ; Ferriere y des tuteles , pag. 242.
Sancim ui j
�C
57
)
Sancimus , dit la prem iere de ces l o ix , creatione tutorum
cum omni procedente cautelâ, licere debitoribus pupillorum ad
cos solutionem facere y J ta t a m e n u t p r i u s s e n t e ü t i a j u D l C i A H S sine omni damno celebrata , h o c p e r m i s e r i t .
L a seconde porte égalem ent : D i s p o s i t u m est ità licere tu
tori vel curatori debi lorem p u p i l l a r e m s o l y e r e , ut p ri as j u d i cialis
s e h t e N T i a , s ine omni damno c e l e b ra t a , h o c p e r
m u t â t . Q iio s u b s e c u t o , s i e t j u d e x p r o n u n t i a v e r i t et
debitor s o l v e r i t , sequatur h uj u sm od i s ol ut i one m p l e n i s s i m a s e c u
ritas. S l N A U T E M A L I T E R Q U A M DIS POSUIMUS , SOLUTIO
f a c t a F U E R I T , . . . . n i h i l proderit debitori dol i m a l i e x c e p t i o ,
SËD N I H I L O M I N U S C O N D E M N A B I T U R .
E t telle est la doctrine des auteurs des pays du droit
écrit. ( 1 5 )
'
.
L e citoyen de L ivron ne manquera pas d’opposer q u e ,
dans le ressort du ci-devant parlem ent de P a r is , 011 pouvoit
p ayer valablem ent au tuteur les capitaux dus à ses m in eu rs,
sans être obligé de prendre aucune précaution....... Mais où
est la loi française qui ait dérogé sur ce point au droit ro m ain ,
qui form e le droit m unicipal du ci-devant F orez et Lyonnais ?
Où sont les arrêts qui l ’aient ju g é de m êm e pour ces pays ?
L es auteurs de ce parlem ent sont de cet avis ! . . . Mais outre
que leur doctrine ne peut s’appliquer qu’aux pays coutuniiers
depuis quand le suffrage de quelques auteurs doit-il l ’em por
ter sur la disposition précise des lo ix ? Pense-t-on , qu’en cas
de recours au tribunal de cassation , ce tribunal suprêm e sur
lequel les autres doivent se r é g le r , s’attachât moins à là loi
qu’a l ’opimon de quelques jurisconsultes ?
T o u t le m onde sait que les m agistrats du ci-devant par
lem ent de Pans , qui vivoient au sein d’une coutum e ,
a voient le plus gran penchant a etendre les m axim es du
,
D u p en er, tom. 3 , liv . 2 , quest. 16 , pag, 202 ? 208 et 209 :
o u 11 eile Accurse , Cujas et Duaren , Decormis , tom. 2 , pag. 282 ,
öerrcs , Institut, pa<;. 201 , f e r n e r e ,
, pag. ->86 et 287.
~
H
�c
¿s •)
dro^t coutum ier aux pays de droit écrit dépendans de
son ressort. C 'est ce qu’observe Bretonnier ( 1 6 ) , et c ’est
là ce qu’il ne devo it pas se perm ettre , d ’après une foule
d ’ordonnances , et notam m ent une de Phüippe-le-Bel de l ’an
j3 o 7 , ( i 7 ) qui leur prescrivoient form ellem ent de ju g e r ,
suivant le D roit Rom ain , tous le s procès qui leur vien droient des pays du droit écrit. V o ilà pourquoi Henrys ,
député aux états généraux convoqués à R ouen , avoit inséré
dans ses m ém oires un article de plainte contre le Parlem ent,
à raison de cet abus ( 18. )
Il faut donc s’en tenir à la décision des loix Rom aines ,
puisqu’elles form ent le droit m unicipal de ce pays , et par
c e qu’elles sont vraim ent tutelaires des intérêts des mineurs.
Q uand elles ont éxigé l ’autorité du ju g e dans les payem ens faits à des tuteurs , leur raison a été que , dans
bien des circonstances , la facilité du tuteur à recevo ir
peut devenir in f in im e n t p r é j u d i c i a b l e a u x yjupilles ; soit
p arce qu’il peut dissiper les capitaux et ne pas être en état
d ’en répondre ; soit par quelqu’autre accident. L a sagesse
du m agistrat prévient ces dangers , et ordonne au besoin
des précautions salutaires à la fortune des mineurs.
'
Dans l ’esp ece présente , le tribunal , plus à m êm e que
la veu ve L am ure d’apprécier la clause du contrat de 1771 ,
suivant laquelle le rem boursem ent ne pouvoit être fait,
qu ’en bonnes monnoies d’or et d’argent et non en aucuns bil
lets ni autres effets publics , n ’auroit pas m anqué de rejetter celui dont il s’a git , tant à cause de la convention ex
presse des parties , que par la considération de l ’extrêm e
dépréciation des assignats du citoyen de L ivron , et de la
p erte énorm e q u i en résultoit pour les enfans Lam ure.
( 1 6 ) Bretonnier sur Henrys liv.
26 n." 12.
4 > quest.
127 n.° 10 , et liv. 6 qu.
’
( 1 7 ) Bretonnier en sa préface aux œ uvres d’Henrys pag. 12 , et tom.
4 pa£. 1 45.
( 1 8 ) Bretonnier sur H enrys tom. 4 , page 4o 3 et 404.
�C
59
)
Q uels dangers n’y auroit-il pas de laisser à un tuteur la
lib erté de recevo ir sans précautions , sans l ’avis des pa
rens , sans l ’autorité de la justice , les capitaux dus à ses
m ineurs, ceux-la sur-tout qui sont considérables et qui form ent
la m ajeure partie de leur fortune ?........ L e tuteur peut
les dissiper , il peut en faire un m auvais em ploi , il pçut
fuir et les em porter en pays étranger. O r , cette seule
considération ne suffiroit-elle pas pour assujettir les payem ens
de ces capitaux aux form alités si sagem ent prescrites par le
D ro it R om ain ?
A u surplus , n ’avons-nous pas des loix françaises qui or
donnent les m êm es précautions ?
•
Ouvrons la collection des decrets concernant le droit
civil. Nous y trouverons plusieurs décrets qui portent à-peuprès les m êm es dispositions.
Celui du 3 M a i 1790 , qui fixoit les principes du ra
chat des, droits féodaux , déclare , par l ’art. 7 , que * les
tuteurs , curateurs et autres administrateurs des pupilles ,
» mineurs ou interdits , ne pourront liquider les rachats des
'k droits-dépendons de iîefs appartenans aux pupilles , m i
» neurs ou interdits , qu'en la forme et au taux ci-après^
» prescrits__ L e red evab le , qui ne voudra point dem euv> rer garant du rem ploi , pourra consigner le prix du
‘i r a c h a t , l e q u e l n e s e r a d é l i v r é a u x p e r s o n n e s q u i
S) S O N T
ASSUJETTIES
» ORDONNANCE
DU
AU
R E M P L O I , QU ’EN
JUGE , R E N D U E
% DU MINISTERE PUBLIC ,
V) R E M P L O I . y>
.
AUQUEJL,
VERTU
D ’ UNE
S U R LES C O N C L U S I O N S
IL
SERA
JU STIFIÉ DU
L aTt. 2.(3 du même décret déclare p areillem ent que « le
tuteur il a point la Liberté de traiter , de gré à gré , sur
« la suffisance des offres du redevable. »
Dans 1 instruction et m éthode pratique pour opérer le
.rachat .( qu’on trouve insérées dans le second volum e de
cette c o lle c t io n ,) il est recom m andé ( p a g e 34 et 35 ) ,
au tuteur , de faire approuver la liquidation par les parent
�'(
¿°
s>
assem blés ; aux parens , de déterm iner l ’em ploi qui sera
fait du prix du rachat ; au redevable, de présenter requête
au ju ge , tendante à ce qu’il lui plaise , vu l ’acte de liqui
dation , l ’avis des p a r e n s , etc. autoriser le tuteur à tou
ch er le m ontant du prix du rachat , à la ch arge d’en
faire le rem ploi indiqué par l ’avis des parens et d ’en jus
tifier au com m issaire public. A lo rs le com m issaire , s’il
trouve l ’opération réguliere , conform e à la loi et n’ayant
rien de préjudiciable aux intérêts des m ineurs , donne ses
conclusions pour l ’admission de la requête ; sur quoi , il
in tervien t une ordonnance qui autorise le tuteur à toucher ,
à charge de faire le remploi et d’en justifier........ Si le tu
teu r , ajoute la m êm e instruction , a n égligé de prendre
l ’avis des parens , le redevable , pour ne pas dem eurer
garant du rem ploi , se fera autoriser par une ordonnance
du ju ge à consigner le prix du rachat.
L ’art. 4 du t it . 2. d u décret général sur le rachat des rentes
foncières , du 18 décembre suivant, contient la m êm e disposi
tion que l ’art. 7 de celui du 3 Mai.
E t l’ait. 5 de celui des 14 et i 5 Septembre 1791 , rendu en
interprétation des précédens , en perm ettant au rédevable de
consigner les deniers par lui offerts , statue « qu’il ne pourra
y> faire cette consignation qu’ un mois après la date des offres y
» et dans le cas où il ne lui auroit point été justifié d ’un ju» gem ent contenant reconnoissance d’un em ploi accep té par
» le com m issaire public. »
Nous avons donc aussi des loix françaises, qui assujettis
sen t à des form alités les rem boursem ens des capitaux de
rente dus à des pupilles ou mineurs ; et le citoyen de L iv ro n ,
s’il pouvoit se soustraire à la décision des loix ro m ain es, n’échapera pas certainem ent à l ’autorité de celles que nous v e
nons de rapporter.
Il est donc vrai de dire , encore une fois , que le rem bour
sem ent du citoyen de Livron doit être déclare n u l, en ce
qui pourroit toucher au c a p ita l, fau te par lui d’avoir satisfait
�(
6t
)
aux form alités qui lui étoient prescrites T.n„r n„ I]Vpr „
ration : Solutio non ntè fa cta , nullam parh r i . ?
*
debitor niliilominus condemnabitur. ï l doit s’im * V*1 lP nem ’
pas exigé que la tutrice Lam ure fût autorisée 61 dC U aV°-r
des parens et par une ordonnance du ju g e , à to u c h e r T
pital de rente en question , de n’avoir pas veillé à zq ^
en fît un rem ploi utile ; et à d é fa u t, de ne pas l ’avoir consïxrp?
Mais quel rem ploi utile la veu ve Lam ure p ouvoit-elle faire
des assignats du citoyen de L ivron ? L ui étoit-il possible d’en
extraire 236 ,io o livres , especes d’or et d ’argent? Si o,,
m em e instant, elte les avoit placés en d’autres mains retireroit-elle aujourd hui la m êm e somm e du débiteur ? D istrac
tion faite de la rente qui revenoit à ses mineurs , elle n ’a nu
utiliser sur le surplus qu’environ 7,000 liv r e s , à cause du
progrès du discrédit des assignats j et dans l ’exacte justice
elle ne devrait faire com pte que de cette dern iere'som m e
sur la rente courue depuis.
w
reiJ boiJrsem ent du citoyen de L ivron pouvoit ne
pas être déclaré nul par les m oyens qui viennent d’être réleves , il serait toujours dans le cas d’être rescindé par la l é z i o n
enorm issim e qui en-résulte pour les enfans Lam ure
Sans parler de la perte qu’ils ont essuyée sur les nnn„ît '
d e r e n t e q u i l e u r o n t été p a y é e s e n p a p i e r d u r a n t 1» c o u r d «
assignats , et qui form e un objet de'nfnc A* «
‘ - c o u i s des
se trouvent lézés d’environ J ô ooo 1iv
? ’° ° 0 llVres ’ ils
de leur capital. U ne lézion aussi pypé/ ’ SU1
2 ^6,i o o liv.
mais être to lé ré e , e t ne fourniroit-ellp
P.ourro*t-e^e jaheureux enfans un m oyen infaillible d e r a E ? ^
Il est de réglé constante mm W
•
lull0n •
envers tout acte par lequel ils ont i r T ' 1111'5 S° nt restltu®s :
soit la cause ; envers tout ce qui nen^ ezes »/ l 11®1!6
préjudice par leur tuteur. ( 1 9 )
“ avoir été fait a leur
1 '
1
.
iN^ -s e u le m e n t envers l ’alié
( . 9 ) L es. , , in p r i n c i p ., leg. 7 ,
5.
i , leg. „
« seq.
f f De mimr_
�(
6*
)
nation de leurs im meubles réels ou fic tifs, m ais encore en ce
qui concerne leur m obilier ; envers les payem ens des som
m es à eux d u e s , lorsqu’il en est résulté pour eux quelque
lézion. ( 2 0 )
L e rem boursem ent dont il s’agit devroit donc toujours être
rescindé , quand m êm e les deux prem iers m oyens seroien t
insuiîisans pour le faire déclarer nul et de nul effet. M ais ces
m oyens ne sauroient être susceptibles de difficulté. Ils sont
fondés sur l ’équité , com m e sur les lo ix les plus précises ; et
ils 11’ont besoin que d’être proposés pour être accueillis.
On prétendroit envain que la veu ve L am ure est irreceva
ble à attaquer elle-m êm e ce rem boursem ent ; sous prétexte
que c ’est elle qui l ’a a c c e p té , e t qui en a donné quittance.
D ’un côté , rien n e fut moins volontaire que son accepta
tion. E lle ne r e ç u t , que parce qu’on lui avoit persuadé qu’elle
ne p ou vo it pas refuser , p arce qu’on l ’avoit alarm ée sur les
suites de la consignation $ et qu’elle c ra ig n o itd e consom m er
la ruine de ses enfans , en ajoutant au perdu. Si elle avoit
laissé consigner et que la consignation eû t été in tégrale , ses
m ineurs auroient été frustrés de la rente ; au lieu qu ’en la re
cevan t , com m e elle en avoit le pouvoir , elle leur en conser*
v a du moins une partie.
D ’ailleu rs, la quittance m êm e fournit la preuve qu’elle ne
reçu t que comme fo r c é e , et s a u f tous ses droits, actions et re
señes. E lle protesta ainsi contre l ’iniquité du rem boursem ent
T ot. tit. , Cod. de in integr. restitut, m inor.; leg. 3 , Cod. S i tut. vel cu
rât. inurren. ; Despeisses , tom. 1 , des restitu tio n s, sect. 2 ; D o m a t, part.
1 , liv . , tit. (> , sect. 2 ; Ferriere , en son D ictionnaire y .° mineurs ;
RoussCiiu-de-Lacombe , v.° Restitution , sect. 2.
( ? o ) D iet. leg. 7 y J['. de m inor.; D om at ib id. n.°
et ?.j ; M es le ,
T ra ité des m in o rités, part. 2 , pag. 48 D espeisses, de l’a c h at, sect. 4 ,
n.° 6 , Ye r i* ^ > ou ^ cite P a p o n , Ranchin et Charondas ; Lacombe ,
ihid. , n.° r i ; Augeard , tom. x , art. 44 , pag. 62 de l’édition ia —folio ;
Bretonnier sur U nisys , tom. 4 3 p laid o y. 7 ,
et J9,
�'
(
63
)
qui lui étoit fait ; et les réserves qu’elle eut soin d’y apposer,
ne p euvent que lui avoir conservé tous ses droits et actio n s,
e t faire évanouir l ’idée d’un consentem ent lib r e , sans leq u el
tout acte est vicieu x : Protestatio tollit consensum et conseiyat
ju s proteslantis. (2.1 )
D ’autre p a rt, quoique la ve u v e L am ure n’eût fait aucune
reserve ni p rotestatio n , elle 'n’en seroit pas moins fondée à
attaquer ce rem boursem ent, en la qualité qu’elle p rocéd é....
S ’il est v r a i, en e ffe t , que le tuteur peut revenir lui-m êm e
contre la ven te du fonds du pupille qu’il a consentie nomine
tutorio, (2.2) nul doute qu’il ne soit égalem ent receva b le à
réclam er contre tout autre acte qu’il peut avoir passé au pré
judice de ses mineurs ; dès qu’il a traité adhibito nomine ojfîcii,
e t qu’il n’a pris aucun engagem en t personnel pour garantir
l'efficacité d’un tel acte ; a v ec d’autant plus de raison qu'il
représente toujours la personne de ses m in e u rs, e t que ceuxci p euvent demander la restitution pendant m êm e leur m i
norité. (2,3)
11 ne seroit pas m oins frivole de prétendre que la ve u v e
Lam ure doit dem eurer responsable de la valeur nom inale du
rem bou rsem ent.. . . O utre que sa fortune seroit trop m odique
pour faire face à un vide aussi con sid érab le, e t que la perte
retom beroit toujours sur s e se n fa n s , elle ne sauroit jam ais
être tenue personnellem ent de réparer le déficit des assignats
du citoyen de L iv r o n ; soit parce qu’elle n’a reçu que comme
Jorcée, et s a u f tous ses droits , actions et reserves ; soit parce
qu’elle n ’a quittancé qu’ en qualité de tutrice , et qu’elle n’a
( 21 ) Leg. 4 1 §• 1 i-ff' 'Q uibus mod. pign. vel hypoth. solvit. ; Bdrbosa ,
Repert. ju v ., v.° protestatio et reservatio ; F a b e r } en son c o d e , liv . 8 ,
tit. 3o , de fin. 5 i.
r ( 2 2) Journal du' P a la is , tom. 1 , pag. 941 ; Catellan et V e d e l, liv .
chap. 47 ; Seires , institut, pag. 58o ; F ern ere, des tuteles , pag. aGy.
( 2 5 ) Leg. 4 > §« 1 > co<^ DÇ 1,1
des restitutions , sect. 2 , n.° 1 5 .
5,
integr. restitue, minor. ,• Dcspeisses ,
�(
64
)
contracté aucun en gagem ent personnel pour assurer la pré
tendue libération.
L a loi du 1 1 Frimaire an 6 , ( art. 1 6 , ) ne rend les tuteurs
responsables des capitaux par eux reçus en p ap ier-m o n n oie,
que d’après l’échelle de réduction, selon les époques... E t com m e
la veu ve Lam ure ne peut être tenue de faire com pte à ses enfans que de la valeur des assignats par elle reçus , suivant leu r
cours à l ’époque du 1 5 P r a ir ia l, il en est de m êm e vis-à-vis
du citoyen de L ivro n ; toutes les fois que le rem boursem ent
n ’a pas été in té g r a l, que ce rem boursem ent se trouve nul
relativem en t au c a p ita l, et qu’il n ’y est du tout point impu
table.
N ous disons q u e , l ’excédant des som m es payées par le ci
to yen de L iv r o n , au-dessus de la ren te qui reven oit aux enfans L a m u re , étant dans le cas d’être réduit à 9, i Sy l i v ., d ’a
près le tableau de dépréciation , il n’y a pas lieu de l ’im puter
sur le ca p ita l; par la raison qu’en donne Pothier , ( 2 .4 ) qui
e st que le principal d’une rente constituée est seulem ent in
facúltate luitionis , et que le créancier n ’est pas présum é avoir
consenti le rachat de sa rente pour partie. C e t excédant ne
p eu t être considéré que com m e un sim ple placem ent en tre
les mains de la veuve Lam ure ; leq u el s’est com pensé , à con
currence , a vec la rente échu e depuis.
i y .
S ur
les
A rrérages
D O I T ÊTRE
de
R ente ,
dont
PRONONCÉE C ONTRE LE
la
C ondam nation
C l T O Y E N DE L l V R O N .
U n e fois décidé que le rem boursem ent du cito yen de L i
vron n ’a point été intégral ; qu’une grande partie s’en trouve
absorbée par la rente dont il étoit rédevable à cette époque ;
( 24 ) T raité des obligations , n.8
5^3
, in fui.
�C 65
)
que le surplus est réductible su ivan tle tableau de dépréciation f
e t que ce superflu n’est point imputable sur le p rin cip a l, à
l ’égard duquel le rem boursem ent est nul et de nul effet ,- tout
cela , disons-nous, une fois décidé , les condamnations , qui
sont l ’objet du quatrièm e ch ef des conclusions prises par la
veu ve Lam ure , coulent de source et doivent nécessairem ent
lui être adjugées ; sous ses offres de déduction et d ’im puta
tion , ainsi que de droit.
Il est temps que le citoyen de L ivron fasse payem ent de la
rente dont il se trouve arriéré; il est temps qu’il rem plisse
une o b ligatio n , dont le retard ou l ’inexécution laisse dans la
plus grande souffrance les m ineurs L a m u r e ^
L eu r tutrice réclam e les intérêts de ces a rrérages, depuis
le temps de droit ; et ces intérêts ne peuvent lui être refu sés,
toutes les fois qu’ils ont pour cause un prix de vente d’ immeu
bles , conform ém ent à la doctrine des auteurs et à l ’usage cons
tant dans le ressort du ci-devant parlem ent de Paris, ( a )
I l en est de m êm e de l ’exécution provisoire du ju gem en t
qui interviendra, en cas d é p o s it io n ou d’appel de la part du
cito yen de L i v r o n . C e t autre c h e f de demande ne peut aussi
qu’être a c c u e illi, d’après la disposition de l ’art. 1 5 du tit. 17
de l ’ordonnance de 1667 i et celle de l ’art. 10 de la loi du i5
Fructidor an 5 .
'
Y.
S ur
le
R e m bou rsem en t
d u
C a p it a l .
Par son exploit intvoductif d’instance , la veuve L a m u r e
avoit conclu à la résolution du contrat de vente du 19 O cto-
( a ) Bradeau sur Louet ^ lett R somm 55 , Gueret sur le Prêtre , cent,
f , chap. I 4 , Rousseau ae la Combe v .° intérêts n.° 6 ; D e n h a r t, sous
le même m ot, n.° 46 i Bretonmer sur Henrys , suite du liv. 4 , qùest. 147 ,
n. 9 ; P othier , en son contrat de constitution de rente , n.° 39 ; Journal
au P a la is , tom. 2 , pag. 53 et siuy.
7
‘ ’
�(
66 )
•
Bre 1771 ; et ce n ’étoit que subsidiairement qu’elle avoit de
m andé le rem boursem ent du capital de la rente constituée y
par le même co n trat, sur la m ajeure partie du prix de cette
vente.
.
C ette demande en résolution a paru extravagante au citoyen
de L ivron ; et sans doute qu’il s’im aginera d’avoir eu raison ,
en voyant que la veu ve L a m u r e vient' de s’en départir.
M ais qu’il se désabuse à. cet égard ! qu’il cesse de s’applau
dir de son idée extravagante / __
L a demande en résolution de la vente n’étoit pas plus un paTadoxe , un p ro b lèm e, n ’étoit pas plus susceptible de difficulté
que ne l ’est celle en remboursement du capital de la rente.
E lle étoit fondée sur le pacte résolutoire résultant de la
convention expresse de ne payer qu’en bonnes monnnoies d'or
et d’argent ( s a n s l a q u e l l e c o n v e n t i o n ,. l a d i t e v e n t e n ’ a u H o i t é t é f a i t e ) ; sur la violation de cette condition ; sur ce"
principe que , du m om ent que l ’un des contractans enfreint
ses engagem ens et contrevient à sa p rom esse, cette infidélité
d é g a g e l ’autre d e là sie n n e , et an éan tit, ou plutôt rom pt le
contrat j sur le défaut,de payem ent du p r ix , ou pour m ieux
dire , sur l ’intention m anifeste de le frauder j sur la décision
de plusieurs textes du droit ro m a in , sur celle du nouveau
code c i v i l , et sur l’opinion d’une foule de jurisconsultes. ( 1 )
C e n ’est donc pas à défaut d’autorités pour la so u ten ir, que
la veu ve L a m u r e a abandonné la demande qu’elle avoit d’a
bord form ée en résolution du contrat de ven te de 1771- L ’in
térêt $eul de ses m in eu rs, dans les circonstances a c tu e lle s,
l y a déterm inée.
,
Q uant au rem boursem ent du capital-, elle persiste toujours
( 1 ) Leg. 4 ìJT‘ D e leg. commiss. ; leg. 4° > §• 2 >
P e P act' 5
,
$. 1 , j f . D eprcescnpt. vtrb. ; leg. z 3 , in fin. , JT- D e obligat. et act. ; leg.
U , cod. D e paci. int. empt. et vendit. ; leg. 6’ , cod. D e haered, vel act.
le n d i t .j nouveau code ci vii f art. 203 et 294? Sarbeir&c sur P u ffen d o rf,
D o m a i, P othier , Ferriere , Bourjon , etc.
*
�(
67
)
à le demander ; e t cette autre prètentiou est égalem ent bien
fondée.
Il
est vrai' que , com m u'ném ent, en m atiere de rente cons
tituée , le sort principal dem eure aliéné pour toujours et que
le crédi-rentier ne peut point en exiger le rem boursem ent ,
tandis que le débiteur a la faculté de s’en libérer.
M ais cette réglé assez b iz a r r e , en ce qu’elle perm et à l ’un
c e q u ’e l l e défend à l ’autre ; e t m et pour ainsi d ire , le créan
c ie r à la m erci du débiteur ; cette r é g lé , disons-nous, a ,
com m e toutes les autres , aussi ses exceptions ; et dans plu
sieurs c a s , le débiteur peut .être contraint au rach at ( 2 ) ,
notam m ent :
En cas de dol de sa part. ( 3 )
L orsqu’il contrevient aux con d itio n s, sous lesquelles Iq.
constitution a été faite. ( 4 )
E t telle est la disposition form elle de l ’art. 2,4$
nouveau
.code civ il : « L e s débiteurs d ’une rente perpétu elle ou via
» gere , ( porte cet article ) p euven t être contraints au ra
c h a t, l o r s q u ’ i l s n e r e m p l i s s e n t p a s l e s c o n d i t i o n s d u
»
C ontrat. »
O r , fut-il jam ais de dol plus m arqué que celui dont a usé
le citoyen de L i v r o n ? Jamais débiteur montra-t-il plus de
m auvaise foi ? Jamais contractant enfreignît-il plus ouverte
m ent les conditions de son contrat ?__
Par le titre con stitu tif, il avoit été expressém ent stipulé :
que le rem boursem ent ne pourroit être fait qu’en bonnes monnoies d’or et d’argent, au cours de 1771 ; et non en aucuns bil
lets ni autres effets publics— Q u ’il seroit p r é c é d é ‘d ’un aver-
( 2 ) Decormis ) tom. 2 , col. 16 3 2 ; Jullieriy en ses élémens de juris
prudence , pag. 34° i D eni\art) verb, remboursement, n.° 17 ; Brodeau sur
L ouer, Lett. S , somm. 1«.
( 3 ) D u m o u lin , de usur. quest. 8 ; Duperier , tom. 2 , liv . 2 , n°. 56.
( 4 ) P o t h i e r , ' C o n t r a t ide constitution de rente , .n .° 48 et 228 , B ou rjo n ,
tom. x , l iv . 2 , tit. 8 , chap. 1 , section 4 , pag. 276 ; D u n od ? des
p rescrip tio n s, pag. 9^ et 94 *
.
I 2
�(
68
>
iissement de trois mois—
C ’est sur la foi de ces p a c te s , que
D urand d e L a m u r e s’étoit dépouillé de sa p ro p riété, et qu’il
avo it laissé la m ajeure partie du prix entre les mains de
l ’acquéreur.
Q u ’a fait le cito yen de L i v r o n ? Com m ent a-t-il exécuté
les conditions, les obligations qui lui furent transmises par
M o n t a g n e d e P o n c i n s ? ....... N ous l ’avons déjà assez expli
qué ; et ce seroit se ré p é te r, que de retracer ici tout ce qu’il
a fait pour duper la fam ille L a m u re , et la frustrer de son
patrim oine ; la mauvaise f o i , avec laquelle il a violé ses engagem ens ; les détours qu’il a pris pour m asquer sa perfidie ; les
altérations co m m ises, à son instigation , sur la m inute du con
trat de 17 7 1 i son affectation à n’effectuer le rem boursem ent
qu’au m om ent où les assignats furent tom bés dans un énorme
discrédit -, les manœuvres de son fils , pour priver la veu ve
L a m u r e d’un de ses défenseurs ; les suppositions, les men
songes , a 1 aide desquels il ch erch e a pallier cet acte inique j
v et son obstination à en soutenir la lég itim ité.........
N on : il n ’y eut jam ais de fraude plus artificieusem ent
com binée , de machination plus odieuse , de dol plus ca
ractérisé , de protenité plus évidente ! . . . . Grave est fidem
fa llere.
E t vis-à-vis de qui s’est-il perm is une pareille abomination ?....
envers des mineurs , dont il auroit dû être des prem iers à
protéger les intérêts , envers des enfans auxquels il tenoit
par les liens de Y affinité.........
Pourroit-on ensuite ne pas être ré v o lté , indigné d’un/>r0cédé aussi déloyal ? . . . . N ’e s t - c e pas traiter encore avec
d o u c e u r, ce débiteur infidele et de mauvaise f o i , en ne
l ’obligeant qu’à réaliser un rem boursem ent qu’ il a voulu
effectuer simulativement, qu’il ne tient pas à lui de faire
déclarer v a lid e , et dont il ne faut pas lui savoir gré , s’il
est in fr u c tu e u x ? .... ç e seroit bien autre chose ! si on le
condam noit aux dom m ages-intérêts , à l ’am en de, aux peines
�(
69
)
correctionnelles , que certaines loix prononcent contre ceux
qui fraudent leurs créanciers , contre ceux qui , par d o l,
abusent des circonstances , de la foiblesse ou de la crédulité
de quelqu’un pour lui escroquer la totalité ou la m ajeure
partie de sa fortune , contre les banqueroutiers ( 5) , contre
ceux que désigne la loi du 12 Frimaire , an 4.
Q u o i ! l ’on contraint au rachat le débiteur obéré qui se trouve
en arrérages de deux ou trois annuités de la rente , celui
qui ne fournit pas le cautionnem ent qu’il avoit p ro m is, celui
qui diminue le gage du créancier. . . . et l ’on ne l ’ordonneroit pas contre un débiteur opulent qui a voulu frauder
le capital par un payem ent chim érique , contre celui qui s’est
joué de ses obligations les plus é tro ite s , qui a contrevenu
aux conditions les plus expresses de son c o n tr a t, qui a
anéanti la sûreté qu’il sem bloit avoir donnée par des pro
m esses qu’il a faussées ?. . .. Q ui pourroit répondre que le
citoyen de L ivron seroit plus Jtidele à l ’avenir à des engagem ens qu’il a violés avec si peu de p u d eu r, qu’il n’abuseroit pas encore de quelqu’autre circonstance désastreuse ,
et ne prendroit pas m ieux ses m esures , pour ren ouveller
sa prem iere tentative et se libérer dans le sens qu’il a pré
tendu le faire cette fois ? Semel malus , semper præsumitur
malus , in eoclem genere mali.
Par ces raisons, et d ’après les autorités ram en ées, on ne
sauroit donc hesiter un instant à condam ner le citoyen de
L ivron au rem boursem ent du capital de la rente dont il
s ’a g i t , déduction faite de la portion adjugée à Claudine de
Lam ure.
( 5 ) T o t. t i t . / , quce in fraud, credit. , cod. de revocand. his quccin fraud.
Ordonnance d'Orléans , art. 143 , Ordonnance de B lo is , art. 205 et s u i v . ,
cod. p é n a l, part. 2 , tit. 2 , sect. 2 , art. 3o et 3i ; Loi sur la Police
correctionnelle , du 22 Juillet 1 49 1 , tit. 2 , art. 32 et 35.
�(
70
)
Q u ’il dém êle en su ite, com m e bon lui sem blera , sa fusée
particulière avec B rochard ! . . . . c ’est à quoi la veu ve L am ure
n ’a et ne doit prendre aucun in térêt....... il lui suffit d’observer
que (Brochard paroît n’avoir fait qu’exécuter les volontés du
citoyen de L iv r o n , et qu’il ne peut être sujet à aucune
recherche d e-sa p a r t, d’après l ’autorisation qu’il-lui avoit
donnée le i 3 Prairial.
Si l e c i t o y e n d e L i v r o n s e c r o i t l é s é p a r l a v e n t e qu’il a
c o n s e n t i e , i l n ’a qu’à s e p o u r v o i r e n - r e s c i s i o n .
ü i la'lésion n’est pas suffisante ,-et-que B roch ard profite sur
lui : c ’est fâcheux. Mais n’a-t-il pas dit lu i-m êm e, a vec sa
délicatesse ord inaire, ( p a g . 14 de son m ém oire ) q u e , dans
les v e n te s , il étoit perm is aux parties de se trom per ? Licet
se circumvenire. D ès que le vendeur a la faculté de vendre
aussi cher que possible, il faut bien que l ’acquéreur ait celle
d’acheter à aussi bas prix qu’ il peut. D u reste , tout cela ne
con clu t rien contre le s enfans Lam ure. C e n’est pas à eux
qu’a été vendu le bien de B eaucresson ; ce n’est pas-eux qui
ne p erço iven t les revenus : ils n’ont reçu qu’une partie du
prix en assignats , et en assignats dépréciés.
Term inons une discussion déjà trop longue , mais que
l ’importance de cette cause rendoit nécessaire.
Nous pourrions l ’orner des tableaux attendrissans qu’elle
fo u rn it. . . . nous pourrions peindre la triste situation de deux
des filles Lam ure du prem ier l i t , que le rem boursem ent
du citoyen de Livron a frustrées de leur revenu , obligées
de tenir une pension pour se procurer quelques m oyens
d ’existence , desséchées par l ’excès d’un travail au-dessus
de leurs fo rc e s , et jetées par la douleur et le chagrin dans
une langueur m o r te lle .........N ous pourrions présenter le
contraste de la détressse de cettç fam ille m alh eu reu se, avec
�l ’opulence du débiteur qui l ’a sp oliée....... - mous pourrions
m ontrer les'enfans de la veu ve E am ure , réduits à-se traîner
dans- la poussiere- des m agasins, à v é g éter dans l ’obscurité ^
à m anquer, pour ainsi dire-, d e p a in , tandis-que ceux> ducitoyen de L ivron re p o se n t, com m e l u i , sur le duvet et la
soie , roulent' dans dès chars dorés , et s?engraissent de
leur su bstance....... nous p o u rrio n s........ mais l ’art doit se
t a i r e , q u a n d riN F O R T U N E p a r l e d ' e v a n t l a ï u s T r c E e t l ’ iNTÉGRiTÉ.
L a tutrice L a m v re ne'ch erch a point à-exciter la sensibilité
de ses ju ges ; elle ne réclam e que les droits qui appartien
nent à ses mineurs/ elle sâit' qu’ils sont sous la protection de
la l o i , qu’elle ve ille pour e u x , et qu’elle veut qu’on saisisse
tous les m oyens propres à leur faire obtenir pleine raison
des torts qu’ils ont pu souffrir.
L eu r tuteur n é , le m agistrat chargé de défendre l ’intérêt
p u b lic , prendra leur cause en main ; il donnera une nou
v e lle force aux m oyens dont nous l ’avons étayée , e t sup*
pléera à ceux que nous pouvons avoir omis.
L e T r i b u n a l distinguera le rem boursem ent que nous
attaquons , de tous les autres qui ont pu être faits pendant
le cours du papier-monnoie ^ il sentira que des assignats
énormément dépréciés, n’équivalent point à des bonnes monnoies
d’or et d'argent, qu’ils ne sauraient rem plir le juste prix de
vente d une foule de domaines , et opérer la libération de
l ’acq u éreu r.. . . . Com m e nous , il sera vivem en t indigné de
tant de perfidie et de m auvaise foi ; il ven gera la loyauté ,
la droiture , les m œ u rs, la justice et l ’équité , des outrages
qu’elles ont reçu ....} il confondra les crim inelles espérances
du citoyen de L ivron ; il le forcera d’être fidele à ses engagem ens , et ne perm ettra point que le co ffre-fo rt de cet
avide traitant soit plus long-tem ps le réceptacle des dé
pouilles de la veuve e t de l ’orphelin........ Il tendr a une
main secourable à la fam ille L am urè ; il’ accueillera favo-
�(
7 2 )
rablem ent sa réclam atio n , et séparera à jam ais ses intérêts
de ceux d’un homme sans honneur et sans fo i........Pupillis
erit misericors ut pater, et , pro viro, matri illorum..........
Liberabit eos de manu potentis et iniqui.......
C O N S T A N T , v e u v e , et T u trice L a m u RE .
Le C
o m m i s s a i r e
L A VI E ,
M O R IL L O N ,
du Directoire exécutif.
Homme de Loi.
fils, Homme de L o i , chargé de plaider.
A LYON , de l'imprimerie d'AMABLE LER O Y, Plac# S .t-J e an
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Constant, Reine-Pierrette-Eléonore. An 7?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lavie
Morillon
Subject
The topic of the resource
assignats
abus
Description
An account of the resource
Mémoire pour Reine-Pierrette-Eleonore Constant, veuve de Durand de Lamure, et tutrice de leurs enfans, nommément de Denis de Lamure héritier universel de son père. Contre le citoyen Jerole Goyet-de-Livron, subrogé de Jean Hector Montagne-de-Poncins, acquéreur de la terre de Magneux-Haute-Rive, en présence du citoyen Pierre Brochard.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie d'Amable Leroy (Lyon)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 7
1771-Circa An 7
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
72 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0132
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Magneux-Haute-Rive (42130)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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Text
O B SE R V A TIO N S
P O U R
Les Q U A Y R U T ,
T H O M A S
T RI B UN ,
et V I L L E M A U D ,
in t im é s ;
d
'a pp ej i
de Rion:
C O N T R E
A n t o in e
Q U A Y R U T ,
a p p e la n t
C h arles Q uay r u t a-t-il été comptable envers A ntoine, M arie et Magdeleirie
Q u ayru t, ses frère et sœ urs? ,
A n toin e, qui soutient aujourd’hui qu’il ne l’étoit pas , a dit le contraire deux
fois ; 1°. par un exploit du 2 5 nivôse an 5 ; 20. par l’exploit même de sa demande.
Aujourd’hui il objecte que Charles, n'étant pas majeur au décès de son père,
n ’a pas été protuteur ni comptable , d’après la jurisprudence d’un jugement
du 1 3 nivôse an 10 ; que ses sœurs ont reconnu en majorité avoir perçu leur por
tion de mobilier à l'échéance de chaque succession, avoir donné leur consente
ment aux actes passés par Charles, et avoir joui chaque année en commun;
q u ’ainsi elles ne peuvent s ’élever contre leur fait ; qu’enfin Charles les a ins
truites suffisamment lors de leurs cessions dé 1789 et de l’an 6.
Ce qu’il y auroit de plus fort dans ces objections seroit la jurisprudence du
tribunal, si elle étoit applicable.
.
Mais le jugement opposé étoit dans une autre espece : c étoient des frères e t
sœurs qui avoient habité ensemble, et il n ’y avoit pas d’actes faits par un seul
pour tous; il n’y avoit que la présomption de jouissance exclusive par l’a îné, à
cause de son âge plus avancé.
Aussi les motifs du tribunal sont assez précis, pour qu’on ne puisse pas abuser
d e sa jurisprudence : « A tten d u , est-il dit, qu’ il n’y a pas de preuve de gestion
exclusive. » L e dernier m otif prouve aussi qu’il ne s agissoit que de simple
jouissance.
T
L e tribunal a si peu entendu fixer pour jurisprudence qu’il falloit être indiqué
pour tuteur par la coutume , au moment du décès du p è re , pour être protuteur
et comptable, qu’il a jugé depuis, le 18 ventôse an 10 , dans la cause des Rey et
R o u gie r , qu’un b e a u -frère,. demeurant dans la maison, avoit été comptablé
envers les frères de sa femme, mineurs au décès du père, par cela se ul qu’étant
mineurs quand il étoit majeur, il étoit présumé avoir joui pour e u x .;L a cession
q u ’ils lui avoient consentie, et même une ratification, ont été déclarées nulles
comme non précédées d’un compte.
■i
Comment donc Antoine Quayrut1 a-t-il osé prétendre que , par un renversement
total.de la jurisprudence constante et des principes, le tribunal vouloit à l’avenir
I
�(
2)
adopter des actes suspects de fr a u d e , contre le texte précis des ordonnances de
j (j et de 1G 6 7 ?
il n 'y a eu diversité d ’opinions que sur la question des d ix an s, com battue
entre l’ordonnance de i ç) et les m axim es de l ’arrêt de 1 7 0 6 ; m axim es adoptées
par Je parlement tant q u ’il a régné. L a jurisprudence en est revenue aux dix
ans ; mais les principes sur l ’incapacité des comptables n ’ont reçu aucune atteinte.
Personne ne conteste que la première règle dans les ventes est de savoir ce
qu on v e n d ; que dans le cas m ême où la chose vendue étoit distincte, il y avoit
^ action rescisoire; et que dans le cas où elle n ’étoitpas distincte, com m e dans les
droits successifs, il falloit que l'acheteur et le vendeur eussent fait le jtictum retis ,
c est-à-dire, que l’un n ’eût pas su plus que l’autre ce qu’ il y avoit dans le filet.
H o r s de cela il y a fra u d e , on n ’en a jam ais d o u té ; et ja d is , dans ce c a s ,
les cessions faites étoient nulles : aujourd’hui encore le C od e civil ne valide que
celles qui sont sans fra u d e. ( L i v . III, art. C L X X I X . )
C o m m e n t donc contester de bonne foi que Charles Q u ay ru t ait été com ptable,
depuis 17 7 8 jusqu’à l’époque des cessions qu’ il s ’est fait consentir? tous les actes
écrits de la gestion des affaires sont de son fait.
C o m m e n t concevoir que 6es sœ u r s , et m êm e A n to in e , partie a d v e rse , aient
.joui et géré en c o m m u n , com m e on le leur a fait d éclarer, lorsque dans tous
.les actes, les traités, les ventes et acquisitions, on ne voit toujours que C harles
Q u ay ru t se u l?
V eu t-on dire que c ’étoit pour éviter les frais d 'u n e p ro cu ration ? mais les actes
faits dans le lieu m ême n ’en avoient pas b e so in ; il falloit appeler les sœ u rs, si
on les comptoit pour quelque chose.
Charles Q u a y r u t , allant en A n jo u acheter les droits de son onelr» contre la
succession c o m m u n e, étoit chargé de payer 200 fran cs à ses sœurs : il ne leur
en a jam ais dit un m ot. Il y a là d e u x procédés d ’infidélité et de fraude.
Il a traité en 17 8 2 sur la succession personnelle de cet o n c le ; il n ’ a jamais
dit ù ses sœurs le résultat de ce traité : cela seul annulleroit la cession faite. C a r
com m ent o n t - e l l e s pu connoltre lu chose v e n d u e , m ême par approxim ation?
S ’il y a frau d e et nullité quant à la succession de l’o n c le , il y a nullité pour le
t o u t ; car ki vente est pour un seul prix.
D an s la cession de 17 8 9 il n ’a rien dit de la créance M andon ( / p liv. 1 4 s. )•
D a n s le traité de l’an 6 il Pa réduite à 2/(o francs on principal et intérêts.
Il n ’a parlé
dans l’une ni dans l ’autre d ’ un traité fait avec
,
. les T h o m a s , en
1 7 8 8 , portant établissement d \m e servitude pour i o francs q u ’il a reçus.
55
53
5
5
1
L ’inventaire, fait après son décès, mentionne, i°. un échange qu’il a i\.it on
1 7 7 8 ; 2*. plusieurs ventes d’immeubles à son profit; f>°. une sentence consulaire
par lui obtenue en t 7 7 9 ï 4°* UT1f! procédure suivie en son nom dans le même
tem ps; f>°. une quittance par lui donnée en 1781 ;■(?. une obligation de i7^/>> rtc.
1
C es actes, connus de adversaire s e u l , qui en est dépositaire, et q ,M 8 J'st tout
ap prop rié-au décès du frère c o m m u n , achèvent de prouver tout à la lois que
Charles Q uayrut g é r o il, plaidoit et recevoit s e u l, sans que ses sœurs lussent
jam ais comptées pour r i e n , m ême dans les p r o e î s ; ils prouvent encore (juc
Charles Q u a y ru t, en faisant les affaires de la mai so n, les iaisoit au moins Ircsbien pour son c o m p te , puisqu’il achetait des im m eu b les, m ême avant sa nui-
�( 3)
jo r i t é , tandis que scs sœurs n'ont e u , en se m a r ia n t, que ce q u ’il a bien voulu
leur donner. E t qui croira que des filles, généralem ent plus économes que des
jeunes g e n s , n ’eussent fait aucune épargne, si elles eussent pris la moindre part
dans les jouissances, le m ob ilier, les ach ats, les ventes des b e s tia u x , etc .?
„ D an s tous les procès où des cessions étoient attaquées, on n ’a p e u t - ê t r e
jamais réuni autant de preuves écrites d ’une gestion exclusive.
M a is , dit l’adversaire, vous avez reconnu, en m ajorité, avoir joui en c o m m u n ,
avoir pris le mobilier à chaque ouverture de succession, avoir consenti à ces actes.
R em arquons d ’abord que si l’acte pèche en lui-même par le défaut d ’un com pte,
toutes les déclarations pèchent aussi. Elles étoient en effet une précaution néces
saire, l ’ouvrage du comptable plutôt que celui du cédant, com m e dit C h ab rol.
( T o m . i , pug. 1 * )
avant de mériter une pleine c ro y an c e, le com ptable
devoit instruire, et non exiger des déclarations tendantes à la décharge im plicite
du compte, pour nous servir des expressions littérales d ’un jugem ent du tribunal
d e cassation, rendu en semblable espèce. ( messidor an 4> l)ull. )
C om m en t ici encore, ajouter foi à ces d éclarations, lorsqu’ elles sont démenties
p a r des faits évidens , et d 'u n genre absurde?
D ém enties par les faits. D epuis 1 7 7 8 jusqu’aux cessio n s, on voit Charles dans
tous les actes c o n n u s, on ne voit pas une seule fois ses sœurs. Charles stipuloit
pour tous ses cohéritiers sans les appeler, donc il n ’y avoit pas gestion com m une.
.Ainsi la fausseté de la déclaration contraire est prouvée par écrit.
D ’un genre absurde. E n effet les deux sœurs ont dit avoir pris leur portion
de mobilier , à l’échéance de chaque succession. O r au décès du père ( 1 7 7 2 ) ,
l'une avoit trois ans et l’autre huit : au décès de la m ère ( 1 7 7 5 ) , l’une avoit
s ix ans et l ’autre onze. E lles ont dit avoir consenti à l’ acte im portant de 1 7 8 5 ,
où Charles ralifioit une cession de sa mère , après un procès gagné , après un
-jugement qui annulloit cette cession ; m ais alors elles étoient m in eures, la cadette
avoit quinze ans et demi. O r qui croira qu’on ait cherché le consentement de
d eu x filles mineures pour une vente d ’im m eu b le s? E t en quoi ce consentement
avoit-il de la v a le u r?
T o u t se réunit à vicier les deux cessions de 17 8 9 et de l’an 6 , m algré les
fausses déclarations y insérées par le notaire , ho m m e de confiance des frères
Q u ay ru t, à tel point q u ’ il s’est attaché aux.audiences du trib u n a l, sur la cause
44
3
qu'il y
com m une.
Charles Q uayrut a été évidem m ent comptable envers ses sœurs , com m e
envers son f r è r e , quoiqu’il ne le prétende plus aussi po sitivem ent; il l’a été au
titre d ’ administrateur ou p ro lu te u r, et de negotinnun gestor.
Il a été adm inistrateur, a y an t ou n ’ayant pas le consentement de ses sœ urs;
c a r , dans les àct'es-qu’il a prfâsés., .il sfcst fa it fort pour elle s; il a promis leur
faire agréer cl ratifier.
. ,.
A in si dans les actes qu’ il «‘ com m encés en m a jo r ité , il n ’ a plus d ’/’mf/o ins
pecta à in v o q u e r, ces actes 11’étoient plus une suite nécessaire de sa gestion en
m in o r ité ; il g éro it, m a j e u r , , pour des sœurs m in eures, non emancipecs.
�D é sig n é p a r la coutum e, com m e le premier dans l ’ordre des tutelles, c’est lui
q ui au ro it été nom m é s ’il eût convoqué la fam ille ; il a m ieux aimé gérer et passer
des actes im p o r ta n s , sans m êm e faire ém anciper ses sœurs ; donc l’obligation
q u ’il a contractée en se faisan t fo rt pour ses sœ urs, est une obligation de com p
tab le, de pro tuteur ( f f . qu i pro tutore gerunt ).
C e m oyen paroît pu issan t, et ne se détruit par aucun des faits de la cause.
L e premier acte des filles devenues m ajeures a été de vend re, sans q u ’elles aient
pu connoitre un seul instant ce q u ’elles vendoient.
Charles Q u ay ru t a été negotiorum gestor, puisqu’il n ’avoit pas de procuration
éc rite, et q u ’il ne pouvoit pas m êm e en avoir de ses sœurs non émancipées.
Or le negotiorum gestor est tenu de l ’action en reddition de com pte, com m e
le tuteur ; il doit, com m e le tu te u r, actus sui rationes red d ere, suivant les
expressions de la loi qui s o n t , com m e on v o i t , les m êmes que pour le tuteur.
( L . 2 , f f . N eg. gest. ) Il doit les rendre a d ex a c tissimam diligentiam. ( Inst. de
o b . q u ae ex quasi contr. nasc. )
L ’ordonnance de 1667 déclare tout adm inistrateur c o m p ta b le; l ’ordonnance
de 1 5 5 9 défend toutes dispositions au profit des tuteurs et administrateurs, avant
q u ’ils aient rendu le compte q u ’ils d oiven t; et c’est sur le m o t if de cette ordon
n a n c e , que le tribunal de cassation , se c on form an t en cela à une jurisprudence
de deux siècles, a annullé une cession faite à un com ptable, qui cependant n ’étoit
pas tuteur , par cela seul q u ’il y trouvoit la décharge im plicite a e son compte.
L ’arrêt même de 17 0 6 étoit dans les termes de la cause ; c’étoit un fondé de
p o u v o ir, étran ger, qui en co re avoit rendu un c o m p te , m ais qui n ’y avoit pas
donné assez de d étail; il fut jugé que n ’a y an t pas suffisam m ent instruit ceux à qui
il devoit ce compte , il n ’avoit pu valablem en t traiter avec eux sur ce q u 'ils ne
connoissoient pas aussi-bien que lui. A in si ubi eadem ratio , etc.
»
C e que dem andent les intimés ne tend pas à obtenir une reddition de compte
coûteuse et difficile ; c ’est au contraire pour empêcher q u ’ il n ’en soit rendu un
à l’appelant qui le d em ande, quoiqu'il se soit ingéré dans les a f f a i r e s , com m e
cela est prouvé par quelques quittances. A ntoine Q u ay ru t ne s ’est absenté que
pendant cinq à six ans , et pour quelques mois seulement. A son retour il participoit aux a ffa ir e s , qu an d s es. sœurs gardoient les troupeaux. C e q u ’il veut
obtenir laisseroit les parties dans un long prôctis, tandis nue la dem ande des
intimés ne tend q u ’a obtenir un égal d r o it, pour tout c o n fondreiet compenser
dans la succession de C h a r le s Q u a y r u t, dont chaque-partie est héritière, et à la
quelle il s ’agira seulement d ’ajouter en rapport les som m es reçues par chaque
cohéritier.
.
A in si les premiers juges ont été conduits par la loi, et par un m o y e n p u issant
de considération , à adopter un mode d e juger qui amène la fin des procès entre
les parties, et q ui tend à l’égalité, considérée de tout temps com m e l'a m e des
partages.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Quayrut. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Mandet
Subject
The topic of the resource
successions
abus
tutelle
Description
An account of the resource
Observations pour les Quayrut, Thomas et Villemaud, intimés ; contre Antoine Quayrut, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1785-Circa An11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
4 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0333
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0735
BCU_Factums_M0241
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53781/BCU_Factums_M0333.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Giat (63165)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus
Successions
tutelle