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P i e r r e B A R D , cultivateur , habitant
de la commune
d’A g n a t , demandeur et défendeur en tierce opposition y
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J E A N S A B Y , fils à P ierre, défendeur-,
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E t C a t h e r i n e S A B Y , et J e a n M A G A U D ?
tous c u ltiv a te u r s , habitans du lieu de B alistroux? com
mune de C hampagnat demandeurs en tierce -opposition';
A
pr ès qu'une affaire, volum ineusem ent in stru ite, a eu reçu sa décision :
par un jugem ent souverain et en dernier resso rt; après que l ’on a eu
é p u is é , dans le cours de l ’in stru ctio n , tous les m oyens q u ’un esprit
ingénieux p eu t im aginer pour se m aintenir dans un bien qui ne lu i
appartient p a s , et au m om ent où une preuve était sur le p oin t d ’être
ordonnée, ou une expérience par expert d even ait in d isp en sab le, où Bard •
qui réclam ait l ’un et l ’autre depuis p lu s de trois a n s , p ressait, so llicitait
une audience pour les faire o rd o n n e r, de nouveaux athlètes se sont
présentés sur la scène : ils viennent proposer à la justice de prononcer
une seconde fois sur les questions que le prem ier adversaire de Bard
avait mis au jo u r , et de changer à leur égard un m ode de partage qui a
été ordonné contre leurs frère e t beau-frère; ils font m êm e p lu s , i ls
poussent leurs prétentions jusqu’à soutenir que Bard n ’a aucun droit
contre eux. S e r o n t-ils plus heureux que celu i qui a déjà succombé
dans tous les incidens qu ’il a élevés ? c ’est ce q u ’on ne croit pas."
Jean S a b y , fils de P ie r r e , qui en suivant le genre de défense em ployé
par c e lu i- c i, a toujours soutenu que Pierre Saby et A n to in ette L ach au d
n ’avaient laissés aucuns biens m e u b le s, et qu’à l ’égard des im m e u b le s.
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il n’cn 'connaissait que quatre , mem e que d eu x qui leu r eussent appar
tenus et qui fussent sujets au partage ordonné par le jugem ent rendu
contre son p è r e , qui a toujours persisté dans ce systèm e m algré la
justification qui lu i a etc faite de plus de quarante titres d ’a cq u isitio n ,
toiis translatifs de propriété en faveur de Pierre S a b y , de la succession
duquel il s’agit, persistéra-t-il toujours dans sa prétention ? Ë t aujourd’hui
que des tém oins ont été entendus , que l ’application de tous les titres
produis par Bard a été fa ite, ne reconnaîtra-t-il pas que c ’est injustem ent
q u ’il a toujours prétendu qu ’il n ’y avait que quatre , même que d eu x
héritages sujets au partage? O n croit bien q u ’il ne s’avouera pas vaincu,
m a iso n a la certitude que la justice lu i en fera un d e v o ir, et qu’e lle le
forcera à reconnaître <jue celu i qu i retient injustem ent le. bien d ’autrui
e s t, tôt ou ta r d , oblige de cesser d ’en jouir.
F A I T S
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P R O C É D U R E .
D u mariage d ’A n d ré Saby avec Jeanne V i d a l, issürent quatre enfans,'
C a th e rin e , A n to in e tte , M arguerite et Pierre Saby.
A n to in ette et M arguerite furent lé g itim é e s; n i e lle s , ni leurs descôndans , ne sont pour rien dans la contestation.
C atherine Saby fu t m ariée deux fo is ; en prem ier lie u , avec A n to in e
S a b y , et en second lieu , avec A n to in e B r u h a t,e t lors de ses deux contrats
de m ariage, des 8 novem bre 1674 et 2o août 1 6 8 7 , elle fut instituée
héritière , par son père , de tous les biens dont il m ourrait saisi et vêtu ,
à la charge de payer à ses frère et sœurs des légitim es qui furent fixées.
M arguerite B ru h at, fille et héritière d ’A n to in e et de C atherine S a b y ,
fce maria aVdc Jean M agâùd , et de ce mariage issurent deux enfans,
A n to in e et G a b riellé M agaud.
L e prem ier se maria avec C atherin e Saby , fille de N o ë l , et G abrielle
épo u sa P ierre S a b y, fils de ce dernier : c ’est ce qui est prouvé par un seul
contrat de mariage du 25 janvier 1744.
A n to in e M agaud a laissé deux enfans, A n n e et M arie ; la prem ière a
épousé Jean D e g e o rg e , la seconde François M estre ; et lui-m êm e étant
décédé , C ath erin e Saby, sa veuve, a c o n v o l é en secondes noces avec
Je:m M agaud; ces deux derniers sont les tiers opposans.
Pierre Suby, fils d ’A n d ré, e t frère de C atherine S a b y , se maria avec
A n to in e tte L a c h a u d , et lors de son contrat de m ariage, qui est du iG
février 1(^94, il s’associa avec A n to in e B ru h a t, son beau-frère , en tou3
et un chacun leurs biens , m eubles et .im m eubles présens et h. ve n ir,
avec convention qu’en cas de dissolution de leur s o c ié té , tous leurs biens
seraient partagés entre eu x par égalité.
C e t A n to in e Bruhat survequit plusieurs années à cette so ciété, et
p en dan t tout ce tem ps les associés firent des profits assez considérables ;
tmiis étant décédé , C atherin e S ab y, sa v e u v e , héritière instituée d ’A n d ré
�Safry., crut^ne .pgs pouvoir inipux.faire q u e ■
de .s’associer elle-m êm e avec
P ierre Saby son frè re , et par acte public du 3 janvier 170 G , ils mirent
en communaulé universelle tous leurs biens m çu bhs et immeubles présens
çt 11 v e n ir , avec .ço,nvention expresse qu'en cas de p a rta g e , tous leurs
biens acquêts et covquets seraient, partagés par m oitié et égala portion. ,
Suivons la généalogie . dp .P ierre S iib y e t ' d ’A n to in e tte L a c lia u d ; il»
donnèrent le. jour à trois enfans nommés N o ë l , A n d ré et C atherin e Saby.
L o rs du contrat de mariage de ce jle -ci avec È tie n n e P io u x ,d u 8 janvier
1 7 1 9 , e lle fut constituée par son p o r e , à une somme de trois cents
francs , et JNoël Saby qui n'était point partie con tra ctan te, f u t institué
héritier général ctt universel de tous les biens dont son p ère m ourrait
saisi.
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Q u e lq u e temps a p rè s, et le., j«“ février 1 7 2 5 , N o ë l Saby passa son
contrat de mariage avec M a fie C u ra b et, et Pierre S a b y , son père , y
paraissant, approuva et ratifia l'institution d ’héritier qu’il a vait fa it e en
sa fa v e u r , dans le contrat de mariage de Catherine S a b y et de P ierre
Rou.v , et consentit qu'elle sortit son p lein et entier effet.
A n d ré Saby se maria avec M arie H éritier:, et lors de le u r contrat
de m ariage, du a i février 1 7 3 7 , il se constitua lui-m êm e une somme
de trois-cent cinquante francs qu’il avait par devers lu i, et N o ë l Saby%
son frère s’obligea de lu i payer ce lle de
cents francs p ou r ses d ro its
légitimâmes dans les biens de ses père et m ère.
D e ce mariage issut A n to in ette Sab y, m ère du dem andeur, laq u elle se
m aria avec A n d ré liard.
O n voit dans leu r contrat de m ariage, du 2t septem bre T74 9 , que
M arie H é r itie r , y prit en présence de toute sa fam ille et notam m ent de
N o ë l Saby, son beau-frère, la qualité de veuve d ’A n dré S a b y , ce qui
¿lait un p ieu ve (jue c e lu i- c i, qui s’était absenté depuis plusieurs an n ées,
¿tait alors décédé ou qu’au m oins toute la fam ille le croyait ainsi.
N o ë l Saby eut de son m ariage, avec M arie C u ra b e t, deux e n fa n s,
C atherine et Pierre , qui comme 011 l ’a déjà dit en pajl;uit de la descen
dance du Catherine S ab y, épousèrent A n to in e et G 4 ftU t^ fe M agaud.
L e u r contrat de mariage du ï.\ janvier 1 7 4 4 , prouve que le s quatrç
parties contractantes furent instituées héritières générales et un iverselles
de tous les biens dont leurs p ère et m ère m ourraient saisis et vêtus.
r.n fin , l ierre S ab y, second du nom , a laissé plusieurs en fan s, mai»
Jean S ab y, son iîls aîné et son héritier institué, est en possession de tous
ses^ b ien s, et lu i seul est défendeur dans la cause.
.Le 2o mars 1 7 8 S , Pierre Bord , forma contre Pierre Saby fils de
N o ë l , la dem ande en partage de tous lc3 biens m eubles et im m eubles
provenus de Pierre Saby et d’A n to in ette L acliaud , demande qui fut ad
jugée .par sentence rendue en la ci-devant justice de la M otte , le i o
ju ille t suivant.
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�C e tte sentence fut attaquée par la vo ie de l ’op p osition presque aussi
tôt qu’elle fut signifiée ; l ’affaire fut ensuite appointée en droit ; mais
par une autre sentence du 6 avril 1787 , P ierre Saby fut débouté de son
opposition , et il fut ordonné que la prem ière sentence serait exécutée
suivant sa form e et tençur.
C e dernier se pourvut bientôt après par appel contre ces deux sen
tences. L a sénéchaussée d ’A u verg n e connut de cet a p p e l, et le 11 dé«
cem bre de la même année , e lle confirma ces deux sentences.
Il restait encore une autre dégré de juridiction à suivre : P ierre
Saby ne m anqua pas d ’y avoir recours , et par exploit du -28 du même
m ois de décembre 1787 , l ’affaire fu t portée au ci-devant Parlem ent de
Paris.
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I/é ta t de détresse de ‘Bard n e lu i perm it pas de poursuivre l ’arrêt
q u i devait m ettre fin à toutes le s chicanes de Saby ; il était dans l ’im
puissance absolue de pouvoir fournir aux dépenses que nécessitait ce
procès , mais heureusem ent pour lu i le s choses ayant changées de face ,
de nouveau^ tribunaux ayant été substitués aux anciens j la justice ayant
été rapprochée des justiciables , l ’affaire fut p o rté e , du consentem ent ex
près des parties , au ci-devant tribunal du district de Brioude.
L à , des volum es d ’écritures furent faits de part et d ’autre ; l à , P ierre
S ab y eut recours à tous les m oyens q u ’un esprit ingénieux p eu t ima
gin er pour combattre des réclam ations justes , et parmi toutes les d if
ficultés qu ’il éleva , 011 remarque q u ’il donna lie u à traiter trois ques
tions principales qui étaient de savoir , i.° si l'institution d ’héritier
faite dans le contrat de mariage de Catherine S a b y , en faveur de N o ë l
Saby son frère non contractant , du 8 janvier 1 7 1 9 , était valable , qu au
m oins «i e lle n ’avait pas été validée par la ratification portée dans son
propre contrat de mariage de 1725 ; 2.° si un absent n ’est pas réputé
vivre cent ans respectivem ent à ses héritiers ; 3 .° si en A u verg n e les
enfans des cultivateurs , travaillant hors la m aison paternelle , p eu
vent faire des profits qui leurs soient propres , et si la somme de trois
cent cinquante francs q u ’A n d ré Saby s’était constituée en dot dans son
contrat de mariage de 1787 , n ’était pas sujette à rapport !
C e s trois questions furent jugées contre la {prétention de Pierre S a b y ,
par jugem ent souverain et en dernier ressort du 3o août 1732 , qui en
confirmant toutes les sentences sus-datées , ordonna que tous les biens
provenus de Pierre Saby et d ’A n to in ette Laçhaud seraient partagés par
¿ "a lité eçitre Pierre Saby et Pierre Bard.
C e lu i-c i provoqua alors une nom ination d’experts; Saby déclara q u ’il vou
lait se pourvoir en cassation contre ce jugem ent , qu’au surplus i l ne
connaissait que quatre parties de terrein sujettes au partage , et qu’il
co n se n ta it, sans préjudice , de ses droits , que le partage en fut luit.
C ’est ce que l ’pn voit dans un procès-verbal du 2o octobre 17£/3.
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D e s experts furent nommés , mais gagnés sans doute par Saby , il*
furent sourds à toutes le s assignations qui leur furent données p our
opérer. U n prem ier jugem ent du 3o septem bre 173 3 , révoqua l ’expert
de Saby et en nomma un autre pour lu i.
C e lu i-c i fut égalem ent sourd à toutes les diligen ces que put faire
Bard , et un nouveau jugem ënt du 2 i m essidor an II , porte que tous
les prem iers experts ont été valablem ent récusés par B ard, et que les
nouveaux qui seront nommés par les parties , seront tenus d ’opérer
dans le m ois.
C es nouveaux experts nommés co n trad ictoirem en t, tardèrent assez
long-tem ps à s’occuper des opérations qui leur étaient con fiées, car ce n e
fu t que le 6 M essidor an I I I , q u ’ils se transportèrent au lie u de
Balistroux.
L à , ils trouvèrent P ierre S a b y , qui ne se rappelant plus de ce que la
mauvaise fo i lu i avait dicté lors du procès-verbal du 2o octobre 17 9 2 ,
déclara qu’ il 11’y avait que d eux héritages sujets au partage ; il eut m êm e
la bonté de les leur design er, et com m e de cette désignation il résulte
q u ’il n’y a qii'un de cès deux héritages qui puisse s’identifier avec un
des quatre qu’il avait indiqué lors du procès-verbal de 1 7 9 2 , il en.
résulte qü’il y aurait au m oins cinq héritages sujets au partage.
C e s experts dressèrent procès-verbal des dires respesetifs des parties ;
ils eurent .même la com plaisance d ’y insérer des dires qui furent faits
par Jean M a g a u d , mari de C atherin e Saby , et ils term inèrent par
renvoyer les parties devant qui de droit pour faire fixer les biens
sujets au partage.
O b lig é de plaider encore avec S ab y, Bard le fit assigner au tribunal
civ il du P u y , et après que l ’affaire eut été reprise contre Jean Sab y, son
fils , i l intervint en ce tribunal un ju g e m e n t, le 6 fructidor an V , par
le q u e l il fut jugé en thèse que celu i qui réclam e un partage, doit
désigner nommément les biens m eubles et im m eubles qui peu vent y être
su jets, et que celu i contre qui la dem ande est form ée n ’était obligé à rie n ,
quoiqu’il eut toujours demeuré dans la m aison des auteurs co m m u n s,
qu oiqu’il fut présumé nanti de tous les titres constitutifs des propriétés
des auteurs com m uns, quoiqu’il dut avoir par devers lu i ou qu’au moin»
il lu i fut facile de se procurer les titres des acquisitions q u ’il pouvait
avoir faites
Q u e lq u e rigoureux que fut ce jugem ent „ contre C a r d , il ne lu i
restait aucun m oyen pour revenir c o n tre ; il était en dernier resso rt,
qnoiqu il ne dut pas l ’ùLre, et son état de détresse 11e lu i perm ettait
pas d’avoir recours à la cassation.
Par un prem ier e x p lo it, du 2 i brumaire an V I , Bard m otiva et
circonstancia la preuve qu’il voulait faire de la consistance des biens
m eubles et im m eubles provenus dew P ierre Suby et d 'A n to in ette JLachaud,
�( , G
*)
..............
et le iO fructidor suivant, sou défenseur après avoir différé ju?ques l \ ,
de présenter sa cause , obtint contre Saby un ju gem en t par défaut, q u i,
au lieu d ’ordonner la preuve qui était réclamée , et à la q u elle Bard s’était
soumis , lu i perm it de com pulser les m inutes de quelques notaires.
D o cile aux ordrçs qu e lu i donna son. d é fe n se u r, Tard cu it entrevoir
dans ce jugem ent un m oyen pour parvenir plus facilem en t à im jugem ent
définitif ; il ne fit pas attention que sa preuve vocale d é p é iL s a it, et qu’à
chaque jo u r il perdait q u elq u ’un de scs tém o in s; il se livra à la recherche
de plusieurs actes; il parvint à en découvrir quarante, qui tous constatent:
différentes acquisitions faites p a r 'A u d r é Saby , ou par pierre S a b y ,
«on fils, ou par A n to in e Bruliat et C ath erin e S a b y , associés de ce dernier.
T o u s ces actes furent signifiés à Jean Saby , avec n o u velle assigna
tion , pour voir ordonner la preuve à laqu elle Bard sYtail soumis , dire
que de nouveaux experts feraient l ’application de tous ces titres , et
Cire condam né à pa^yer une provision de six m ille francs.
C om m e si son dtfen seur eut été fâché de le voir admettre à cette
preuve , il se borna à réclam er une p ro v is io n , et par jugem ent du 4
l'ructidor an V II , rendu encore par défaut contre Jean S a b y , il fut ac
corde à Bard une m odique somme de trois cents francs : on dit m odi
que , parce q u ’elle n e lu i a
pas suffit , ni à beaucoup près , pou?
faire face aux dépenses que lu i a occasionné la rech eiclie des actes
q u ’il s’est procuré.
C e tte provision parut cependant
trop considérable à Jean Saby,
il forma opposition à ce jugem ent ; et par un autre du 6 germ inal an V I 11 ,
il parvint à faire réduire cette provision à la somme de deux cents francs.
C ’est dans ce jugem ent que l ’on voit ju squ’à quel poin t le défen
seur de Bard a com prom is ses intérêts ; non seulem ent il ne fi£
pas ordonner la preuve à laq u elle
Bard
s’etait soumis depuis le 2 1
brum aire an V [ ; non seulem ent il ne dit pas un mot pour l ’ob ten ir;
non seulem ent il n ’argum enta pas des quarante titres de propricté que
Bard lu i avait remis pour soutenir que la provision accordee n ’appro
chait meme pas de ce lle qui aurait dû l ’être , mais meme il n égli
gea de faire prononcer sur des conclusions qui avaient etc prises par
e x p lo it du 9 brumaire au V III , et qui avaient pour objet de faire décla
rer Jean M agau d, C atherin e Saby sa fem m e , François M eclre et M arie
M agaud sa fem m e,n o n recevablcs dans l ’opposition qu ’ils avaient formée au
jugem ent rendu contre Jean Saby , attendu que ce jugem ent n’était point
rendu contre e u x ; qu'ils n ’avaient jamais été eu instance avec B a r d ; et que
dès lors leur opposition était insoutenable, (1)
Q u o iq u ’il en s o it; l'affaire a été portée au tribunal de Brioude ; Bard
( 0
C e ilct.iil p j u r r . i p a r litre
l u i t les ¡ n u l e m
ics droits
uut
qui
fastidieux, u n i s
l'adversaire
eu- c o m p r o m i s
pir
ile
Hard
lui
la l o n l u n c e
il
a
a
j m u
fait
essentiel
i:r r u i i ” c r , et
«ju'il ,t e u c a s o n
pour
démontrer,
île l ' a u t r e
ilcîeiiscur.
jusqu'l
tl'imc
part,
«luci, p o i n t
�a insisté pour être admis à la preuve de la consistance <îu m obilier *
p rovenu de Pierre Saby et d ’A n to in ette L acliau d , des titres de créance
qu i existaient et qu i faisaien t partie de leu r s u c c e s s io n , et à ce qu e
les conclusions qu’il avait prises depuis l ’an V I , lu i fussent adjugées.
D ’un autre côté et par
exploit du i . er nivôse an I X , Bard après
avoir épuisé les voies de la co n ciliation , avait fait assigner Catherine
Saby et Jean M agaud son mari , A n n e M agaud e t Jean D egeorge
son mari , M arie M agaud et françois M estre son m a r i, pour voir
déclarer exécutoire contre eux les sentences et jugem ens rendus contre
P ierre S ab y, tout ainsi et de même qu’ils l ’étaient contre ce dernier.
C e n ’a été qu’alors et
par exploit du
11 du m êm e m o is , qu e
C atherine Saby et Jean M agaud son mari, seulem en t, ont attaqué par la vo ie
de la tierce opposition ces mêm es sentences et ju g e m e n t, pour d’une part
em pêcher l ’adm ission à la preuve à laq u elle Bard s’était soumis contre
Jean Saby , et de l ’autre pour reprdduire et faire ju ger de nouveau,
toutes le s questions que P ierre Saby avait m is au jour dans le cours d e
la constestation.
Jean Saby $ fils de ce dernier , invoquant cette tierce op position , s’estii
opposé de toutes ses forces à la preuve offerte et réclam ée par Bard ,
mais tous ses efforts ont été vains ; son espoir à été déçu et il^ a vu
adjuger contre l u i , par un jugem ent très - contradictoire du 2 r n ivôse
an I X , toutes les conclusions qui avaient été prises.
D es tém oins ont été produits de part et d’autre , ils ont été enten
dus ; des experts ont été n o m m és, ils ont opéré ; des expédition*
authentiques prouvent l ’un et l ’autre.
T e l est l ’état actuel de l ’affaire. A p rè s en avoir présenté les faits ;
après avoir rem is sous les yeu x de la justice une partie des incidens
que Bard a éprouvé depuis l ’époque de sa d e m a n d e , il est fa cile de voir
qu ’il doit aujourd’hui repousser la tierce opposition form ée par C ath e
rine Saby et Jean M agaud ; dém ontrer en même tem ps que ses pré
tentions , sont justes et lé g itim e s; et prouver que des dépositions des
tém oins, du rapport des experts et des titres p ro d u its , il en resuite la
preuve la p lus convaincante en sa faveur.
V É R I T É S
I N C O N T E S T A B L E S .
L e s biens qui doiven t com poser la succession de Pierre Saby sont
la m oitié de ceux qu ’ il avait lui-m êm e acquis , de ceux acquis par
A n to in e Bruhut et par C atherin e Saby , et enfin la m oitié de tous
les biens provenus d ’A n d ré Saby et de Jeanne V id a l, ses père et m ère.
C e la A-sulte p o sitiv e m en t des actes de sociétés générales faites en
tre l u i , A n to in e
B ru h a t et C atherin e S a b y , les iG février 1(194 et
3 janvier îy o 6 , par le s q u e lle s ils mirent a i commun tous leurs biens
�\
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(
.8
)
prcsens et à venir avec convention expresse qu’en cas de dissolution
de s o c ié té , ils seraient tous partagés par égale portion.
D ans tous ces biens , P ierre
Bard amende un quart aveG restitu
tion de jouissance et intérêts de la valeur du m obilier depuis 17 8 8 ,
époque du décès de Pierre Saby prem ier du nom.
C ’est ce qui résulte du jugem ent souverain et en dernier ressort du
So août 1792.
Il est vrai que ce jugem ent est attaqué par la voie de la tierce
opposition de la part de C atherin e Saby et de Jean M a g a u d , m ais
les droits de Bard sont irrévocablem ent acquis
contre Jean Saby
par le jugem ent dont, on vient de parler. L a tierce opposition de
C atherine Saby et Jean M agaud ne p eu t rien changer à son égard ,
q u elq u ’en soit le résultat ; parce que dans tous les c a s , le jugem ent
rendu doit toujours être exécuté contre lui..
C ’est ce qui résulte des p rincipes les plus certains -, les plus- in c o n
testables sur la m atière des tierces oppositions ; p rincipes consacrés
d ’une m anière bien solen n elle par deux jugem ens rendus au tribunal
de cassation les 26 germ inal an V I et 1 5 pluviôse an IX , rapportés
dans le bulletin des jugem ens de ce tribunal N °. 2.
Passons actuellem ent à la discussion des questions reproduite» p a t le s
tiers opposans.
P R E M I È R E
De
quel jour un
absent
Q U E S T I O N .
est-il réputé mort respectivem ent à
héritiers ?
ses
11 n ’y a rien de p ro b lé m a tiq u e , rien qui m érite une discussion sé
rieu se dans cette question. Presque tous les jurisconsultes anciens et m o
dernes assurent qu’un absent est réputé m ort respectivem ent à ses
héritiers , du jour de son départ ou de celu i des dernières n o u vel
le s qu'on a eues de lu i. Il n ’y a qu’une envie de plaider , une inten
tion de se m aintenir injustem ent dans un b ie n , qui puissent aujourd’hui
faire soutenir le contraire.
C e lte doctrine est consacrée d ’un m anière bien précise dans le s arrê
tés de M . le président de L a m o ig n o n , où l ’on lit : L ’absent est répu
té mort du jour qu'd n’a pas paru■ou de la dernière n ouvelle qu’on
a reçue de lui.
C ette décision , dit un auteur plus moderno ( B retonnier page i 5 du
prem ier volum e ) , est dans les règles , parce quo l ’absent dont on n ’a
p oin t de n ouvelles , est réputé mort par fiction, et que les fictions ont
tou jours un e lfe t rétroactif.
E n vain objecterait-on qu'un absent est présumé vivre 100 an s, et que res
pectivem ent à ses créanciers il n ’est réputé mort q u ’après cet espace de
tem ps, q u ’ainsi il doit en ê tic de m êm e relativem ent à ses h éritiers.
La
%
�¿g;
• C . 9 *. )
T..a prem ière partie de cette objection est fausse et a b su rd e , la
seconde ne repose que sur une erreur.
T o u te présom ption doit être fondée sur quelque vraisemblance et
sur ce qui arrive le plus souvent. Prcrsumptio e x eo quod plerumque
fit . Il faudrait pour q u ’un absent put être présumé vivre cent a n s,
que ce fut le temps ordinaire de la vie des hommes ; et certes , l ’exjpérieiicc prouve bien le contraire.
L e s lois 5 6 , au digeste , D e usuf. et quemad. , et 8 D e usuf. leg, ,
•invoquées par Sabÿ et M agaud ne disent pas q u ’un hom m e est présumé
vivre cent ans , mais seulem ent qu’il est présumé ne pas vivre au delà
de cent a n s , ce qui est bien d iffé re n t, P la cu it centum annostuendos esse
municipes , quia is fin is vitœ longtœ vi hominis est. Jusqu’à ce- que le temps
de cent ans se soit écoulé depuis la naissance d ’un a b sen t, il n ’est n i
présum é vivre , ni présumé mort , et c ’est à ceux qui ont intérêt q u ’il
soit viva n t, à prouver sa vie. P o th ier , sur le chap. 17 de la coutume
d'O rléans.
i C e t auteur , n i B réto n n ier, dont nous avons déjà rapporté les propres
expressions , ne disent pas ce que M agaud et sa fem m e leu r fon t dire ,
ou plutôt ils disent tout le contraire^
V o ic i les propres expressions de Pothier , 'traité des su cce ssio n s,
chap. 3 . sect. i . er0 §. 1 ." : « c ’est une question difficile à d écid er, de
» quand doit être présum ée ouverte la succession d ’une personne dont
» on ne sait ni la vie , ni la mort. L ’opinion la plus probable est de
» réputer sa succession ouverte du jour des dernières nouvelles qu'on a
s> eues de lui ; ce n’est pas qu’il y ait lie u de le présum er m ort dès
» ce tem ps plutôt que dans un autre , mais c ’est que 11’y ayant aucune
s> raison d ’assigner sa mort à un temps plutôt qu ’à un autre, et étant
» néanm oins nécessaire de fixer le temps de l ’ouverture de sa succes» sion , on ne peut m ieux le fixer qu’au temps où on a cessé d ’avoir
» des nouvelles de lu i ; parce que s’il n ’est pas effectivem ent mort
» dès ce te m p s , il l ’est au m oins équip ollem ent par rapport à la
» société des hommes ; car par rapport à la société , c ’est à peu prè*
» la m êm e chose qu’un hom m e n ’existe pas
ou qu’on n ’ait aucune
5> connaissance de son existence. »
Q u e M agaud et sa fem m e qui ont cru en im poser en citant l'o p i
nion de ce jurisconsulte , pèsent actuellem ent ses expressions qu’ils n ’a
vaient sans doute ças lu es ; qu ’ita conviennent que c’est sans réflexion
qu ils 1 ont invoque , et qu ’il en est de même à l'égard de Brétonnier
et Rousseau - de - Lacom be.
C elui qui s’est perdu , dit ce dernier , est réputé mort du jou r qu’il
a cusparu ; c ’est la règle en succession. M êm e dans tous les cas si ceux
qui ont intoret ne justifient que l ’absent est vivant.
S ’il est vrai que quelques arrêts puissent être invoqués h l ’appui de
�(
10
)
la seconde partie de l ’objection , il est aussi certain qu'il y en a de
contraires , et que l ’arrât de T ie lle m e n t qui a été tant invoqué par Saby,
p erd de son autorité quand on le rapproche de celu i 1688 , rapporté
par H e n r i, tom. 2. page 8 9 0 ; de celu i du 11 août 1 7 1 9 , rapporté au
journal des audiences ; et que cet arrêt de T ie lle m e n t q u i , comme le
d it P o th ie r , n’est fo n d é apparemment que sur cette v ie ille erreur , qu’un
hom me est présum é vivre cent ans , ne doit pas être suivi.
T o u s les anciens tribunaux paraissaient avoir embrassé cette opinion.
Ils l ’avaient consacrée par différents airèts. O n en trouve la preuve dans
le s questions de droit de Brétonnier , où il est d i t , qu’on ne doit pas
[douter que cette jurisprudence ne soit la m eilleure.
M on vallon dans son traité des successions , après avoir embrassé cette
m êm e o p in io n , en rapporte à l ’appui un arrêt rendu à son rapport, le
:£ i mai 1751 , par lequel, il fut jugé q u e .l’hoirie, de l ’absent avait dû
appartenir au parent Le plus proche lors de l'absence ou dz la dernière
n o u v elle , et a va it passe a u x héritiers de ce parent. A in s i il ne p eu t pas
y avoir de doute sur la vérité d u systèm e que l ’on soutient.
M ais pourquoi invoquer des autorités à l ’appui d ’une opinion qui paraît
in co n testable ? N e suffirait-il p a s , si elle pouvait être com battue avec
succès , de s’appuyer sur un fait particulier qui se rencontre dans l ’affaire ,
p our démontrer que qu elqu es efforts que fassent les adversaires de B ard,
p o u r soutenir un systèm e contraire , ils- n e pourront jam ais parvenir à
le faire adopter ? ]Se suffirait-il pas de dire que M arie H éritier ayant
p ris dans le contrat de m ariage de C atherin e S a b y , sa f ille , du 2 r
septem bre 1 7 4 9 , Za qualité de veuve d'A ndré S a b y , en présence de
toute sa fam ille , et notam m ent de N oël S a b y , père et beau-p're des tiers
opposaas; q u ’ayant repris cette même qualité de veuve d ’A ndré S a b y ,
dans une quittance donnée au m im e N o ël S a b y , le 11 novembre de là
m êm e a n n é e , les nouveaux adversaires de Bard qui représentent ce
I\ro ël S a b y , à titre d ’héritiers u iiiven vls , ne peuvent pas désavouer,
co n tester ce qui a été reconnu par lui en 1749 •
seul l a i t , cette seule
circo n sta n ce, ne seraient-ils. pas suffisons pour persuader q u ’au m oins
.en 1 7 4 9 , A n d ré Saby était décédé; que toute la fam ille en était convain
cu e , ef par conséquent pour faire r e je te r , proscrira tous les e ffo rts, tous
les raisonnemen6 que pourraient faire M agaud et sa fem m e.
T erm in on s cettè discussion , et disons que dès qu ’il est établi en poin t
dû droit q u ’un absent est réputé mort du jour de son départ ou des
dernières, n ouvelles q u ’on a eues du lu i; dès. que le fait particulier qui so
rencontre dans la cause , et qui résulte du contrat de m ariaçe et de la
quittance- de 1749 > ddns lesquels M arie H éritier prit la (juaUle de veuve
d'A ndré S a b y ,. vient d’ailleurs à l ’appui de celte vérité; dès, qii’iL est
prouvé dans le procès que l ’action d e Bard était entière en 17U G , par
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h
) r
le m oyen des m inorités, qui se sont perpétuées dcrs-sa fam ille *v 0 ; il en.
résulté que c’est sans fondem ent' que ses adversaires ont donne lie u acette discussion.
8 E C O
N D Ê
Q U E S T I O N .
Une institution, .d'héritier 'fuite dans un contrat de m ariage,. en fa v e u r
d'un non-contractant, est-elle, valable /
C ette question est décidée par le texte précis de la lo i m u n icip a le
qui régit les parties. L a coutum e de la ci-devant A uvergne, n e p erm et
los-ifistUtm ons d’h ép ü e r quten la v e u r des* mariés« ou dé leurs d e s c e n d a is
çeulom en t; e lle s n e.-p eu ven t jamais être faites en faveur de ceux out
n e contractent p a s,m anage ; a in si, un p ère qui marie un de «es e n fa n t
ç t l ’ijisLitue sou héritier avec un autre qui ne wî marie p a s, fait un acte
in u tile e.t nul à l ’égard de ce lu i - ci , s’il ne charge le premier d e
Vassocier à L’e ÿ e t de l ’institution ; parce que disent les ju riscon su ltes, le.
prem ier cavactere d ’une institution d ’héritier, est qu'elle soit fa it e en
fa u eu r des mariés ou de leurs descendans : c ’est d ’ailleurs oe qui résulte
des dispositions d« l ’art. 26 du tit. 14 de celte coutume.C e tte n u llité dont était infectée l ’institution d’héritier faite par P ierre
Saby r en ¡faveur de N o ë l S a b y , son fils , dans le contrat de mariage de Ca-therine Saby avec É tie n n c T lo u x , du 8 janvier 1 7 1 g , -était une n u llité abso
lu e qui ne pouvait jam ais être m ise1à couvert que p ar une nouvelle d isp o
sition qui eut tous les caractères distincts et nécessaires pour transmettre
la propriété d’un bien ; c lic n ’attribuait par elle-m êm e aucuns droits à
N o ë l S ab y; il n ’était saisi de rien par cette disposition ; elle était abso
l u m e n t nu lle à son égard ; e lle n o pouvait jamais ê tre -v a lid é e , q u o i
nullum est nullo modo contial&scere potest.
M ais disent les adversaires dé B a r d , en supposant que cette institu
tion d ’héritier fut n u lle , cette n u llité a été Couverte par la ratification
faite par P içrre S ab y, en faveur de N o ë l Saby , lors de son contrat dem ariage, du i.*r février 1720 : cette objection nous porte à examiner laquestion suivante.
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i
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Lne ratification pure et simple d'une disposition nulle dans son p rin cip ey
d'.une nullité a b so lu e, peut-elle produira quelque e ffe t ?
« L a nature de la ratification n ’est pas d’introduire un droit nouveau,"
’ est <1,cci1' lc : I 0£t,,brc *7 .ÏS ; Cil calculant depuis cette époque jusqu’au
„1 septtiiiure 17^9, date du contrat île m i r i a j e d’Antoinnette ^>aby avec André Bard, on n e t ro tiv e q u e
onze ans moins un m o u ; au moins jt cette époque, le cours île la prescription » été suspendue jusqu’au
•5 janvier 1781 , car Antoinette SaKv , née le î ; Février 17 3 g , était encore mineure A l’époque île io n ,fèces, arrive le 9.octohre , 7 t o , et Picrre B aril, kun f i l s , nl |e
janvier , r , « , n'a été majeur que le
janvier 1, Si 1 ainsi à 1 epf.que <le 11 demande du s o m a « 17 S 6 , i'attion était entière: ainsi l e m o v e n
de prescription disparaît, sans retour.
‘»vncm oyea-
B 2
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là
)
.
.
dit un auteur m odem c ; de donner un nouveau titre ; de faire une
nouvelle disposition ; mais au contraire d ’approuver un droit a n c ie n , de
fortifier un titre p ré c é d e n t, d ’afferm ir le s prem ières dispositions et
d ’en assurer l ’exécution. »
T o u te ratification suppose un droit e x ista n t, un droit acquis; elle a
u n rapport et une liaison im m édiate avec le titre prim ordial. R atificatio
a d hoc tantum Jingitur ut quasi continuatione duorum actuuni contractus
validetur. E lle ne p eu t dans les règles ordinaires ni l ’étendre , n i
l ’augmenter.
L ’esprit de ce lu i qui con firm e, n ’est pas de faire une no u velle dispo
sition, mais d ’approuver ce lle qu’il avait déjà fa ite , qui confirmât, n ih il
dat. T o u te ratification, toute confirm ation s im p le , renferm e toujours
cette condition tacite , que le titre originaire soit valable , ou q u ’au moin9
il attribue quelque droit : aussi M . Charles D um oulin après avoir dit que
la ratification qui est faite d ’un acte nul , avec connaissance de la n u llité
q u ’il renferm e et l ’intention de la ré p a re r, valide cet acte, s’exprim e-t-il
ainsi : secus in confirmationibus quee fiè r e n t sine causœ cognitione , sivè
in fo rm a com m uni; ratio, quia kujus modi confirmatio n ih il d a t , n ihil
novi juris confert , nec invalidum validat. N on enitn f i t ad fin e m dispon e n d i, sed solum ad fin e m approbandi confirm abde, talc, quale est , et
in quantum est verum , validum et cffica x si taie est et non aliter ;
ainsi si le titre est nul dans le p r in c ip e , d ’une n u llité absolue ; s’il
n ’attribue aucun d r o it; si celu i qui a disposé, n ’est point lié à l ’égard
de celu i en faveur de qui la disposition est fa ite ; si celu i-ci enfin, ne peut
invoquer cette prem ière d isp o sitio n , ni en tirer aucun avantage, la
ratification la plus précise , la plus form elle , ne peut opérer l ’effet de
la valid er, si elle n ’énonce sa nullité elle-m êm e, avec l ’intention de la
réparer. Q uod nullum est ipso jure , perperùm et inutditer confirtnatur.
T e ls sont les vrais principes qui s’élèvent contre la prétention des
nouveaux adversaires de Bard ; principes qui ont été reconnus etconfirinés
par le jugem ent rendu en dernier ressort, le 3o août 1792.
M ais dira-t-on encore , comme Saby l ’a répété plusieurs f o i s , la rati
fication équivaut à une nouvelle disposition ; e lle est elle - môme une
nouvelle d isp o sitio n , et d ’ailleur3 la prem ière disposition n'était nullo
que d'une n u llité relative.
C e sera toujours en vain qu'on voudra donner le change sur la ratificafion faite en 172 ^ , de l ’institution d'héritier portée dans le contrat de
mariage de C atherine S ab y, du 8 janvier i 7 iy , en faveur de N o é l S ab y,.
son frère, non contractant ; 011 rappèlera toujours les adversaires de Bard
aux term es que ru n ien iifiit ces deux a d es.
Par celui de 171.9, Pierre Saby institue N o ë l S ab y, son fils , noncontractant , son lifriiie r général et universel ; cette disposition était
nu lle et illé g a le , e lle ne pouvait produire aucun e ffe t ; e lle n ’attribuait à
»
»
»
»
�ïo \
Ce d e r n i e r a u c u n s droits n i présens ni futurs ? dans le s biens du
p re m ie r ; parce que le premier caractère de Vinstitution d ’héritier , e st,
on le r e p è t e , qu’e lle soit fa ite en faveur des mariés ou de leurs
descendons.
L a n u llité dont était infectée cette d isp o sitio n , était une
n u llité
absolue qui n ’a jamais pu être
couverte par une ratification q u elq u ’expresse , quelque précise q u ’elle ait été , parce que quod nutlum
est ipso ju r e , perperùm et inutiliter confirmatur.
L ’acte de 1725 ne contient p o in t une n ouvelle d isp o sitio n , la rati
fication est pure et sim ple , elle n ’énonce point la nullité dont était
infectée la première disp osition, ni l ’intention de la réparer. Il y est d it
seulem ent que Pierre Saby approuve et ratifie l ’institution d ’héritier
faite en faveur de N o ë l Saby son fils , dans le contrat de mariage d e
C ath erin e Saby , du 8 janvier 1719 , et consent q u ’elle sorte son p le in
et entier effet.
C ette ratification ne contient donc poin t une n ouvelle disposition."
L a prem ière disposition est ratifiée et confirmée , elle doit sortir son
p le in et entier effet. M ais si par elle-m ê m e elle ne pouvait avoir au
cun effet ; si elle ne liait poin t celu i qui l ’avait faite ; si celu i en fa
veur de qui elle avait été faite ne pouvait pas l ’invoquer , il faut
dire affirmativement , que la ratification , la confirm ation ne peut pas
l ’avoir validée ; parce que l ’esprit de ce lu i qui confirm e n’est pas de
faire une nouvelle disposition , d ’attribuer un droit nouveau , mais com
m e l’a clairem ent exprim é Pierre Saby lui-m êm e , d ’approuver seulem ent
la prem ière disposition q u ’il avait faite : qui confirm ât, n ih il dut.
E n vain dirait-on que le vice de la prem ière institution a été cou
vert par la ratification ; cela serait vrai ai la prem ière institution 11’avait été infectée que d ’une nullité relative ; mais étant frappée d’une nul
lité absolue , l ’objection ne p eu t avoir aucune force.
O n distingue en droit deux sortes de n u llité s , les unes absolues qui
sont de droit public , et que plusieurs auteurs ont appelé n ullités poulaires , parce q u 'elles appartiennent au p u blic et aux membres de
Etat qui ont intérêts de les proposer ; les autres relatives , parce
qu’elles 11e concernent que ceux au profit de qui elles sont établies ;
qu’elles dépendent absolum ent de leur volonté particulière , et qu’ils
peuvent y rénoncer soit expressém ent , soit tacitement.
^ A in s i une vente faite par un m ineur qui 11’est nulle que relativem ent
a lui-m em e , peut être ratifiée par lu i , lorsqu’il a atteint sa m ajo rité,
ou par le laps de dix ans , s’il n ’a pas reclam é pendant ce tem ps,
après sa m ajorité.
A in s i une vente des biens d ’une femme faite pendant son mariage
n ’est nulle que d ’une n u llité relative , et la fem m e devenue veuve p eu t
par une ratification expresse la confirmer.
F
�(
14
5
• L e m in eu r devenu majeur et la fem m e yenve «ont alors libres .^maî
tres de leurs d ro its; ils p euvent valider .ce q u ’ils ont fait .en minorité,
ou en puiiiyirçce dç jnari , et qui ne se trouve nul q u ’à cause de ces
circonstances , et la seule différence q u ’il' y ait entre le u r .ratification
c$t que colie faite par -le minicur.a .toujours un. « ffet rétroactif au p re
m ier acte , tandis qye .celle faite par la femmo jj.e I’a pfis , et q u e
celu i qui a traité a.v,ec re llç 'en puissance de m a r i, ii'u .de titre .valable'
que du jour de la ratification.
C e s' actes fuil3 par Je m ineur ou p a r la femme en puissance du m a ri,
ne sont nuls que .d’une ,n ullité relative. ; nul autre qu’eux-m êm es ne
p eu t s’en plaindre-; cuk seuls peuvent les attaquer, xovenir cQntre , ou.
les app rouvor, les-confirm er.
M ais il n ’tn est pas de même d ’un acte qui est nul d’une n u llité
absolue qui intéresse dos liçrs , et que (les tiers peuvent faire valoir.
A i n s i , par e x e m p le , un testament fait en pays de droit é crit, qu i
pécherait par le -défaut d ’jnîti-tution .on faveur d e.ceu x qui ont droit de
lé g itim e ; une donation qui pécherait par le défaut d ’acceptation de la.
part du donataire ; une donation qui pécherait par le défaut de tradition
de la part dn donateur., eu xlajis laquellp celui-ci se serait reservé la-lib erté
cl’hypothéqucr les biens donnés.; u n e donation q u i n,ç -serait pas faite
eu contrat de m a ria g e , ek qui aurait poux qbjej:.. les biens présens et à
venir d u d o n ateu r; une .don ation , ejifin , qui aurait été révoquée par
survenance d ’en fan s; de p areilles d ispo sition s, disons-nous , seraient en
yain ratifiées, et quelques p récises, quelques fo r m e lle s , quelques ,éclatanteç que fussent les ratifications , elles ne p o u rr a ie n t pas produire
l ’e ffet de les va lid er, parce que ces actes étant nuls d ’u n e n u l l i t é absolue,
ne pourraient jamais, être confirmés valablem ent. Q uod millutn est ipso,
ju r e , perperîtin et in ulilitcr conp.rmatur.
Dans tous ces cas , il faudrait un nouvel acte revêtu de toutes les*
form alités légales pour la validité d ’un testam ent, d ’une donation, parce
q u 'il e tt de l’essence des tcslam ens faits en pays de droit é c r it , qu’ilscontienn en t institution d'héritier en faveur de ceux qui ont droit de
légitim e ; parce qu’il est de l'essence des donations , qu 'il y ait u n e
a cce p ta tio n , q u ’il y a it une tradition; parce qu’il est de l ’essence des
donations qiu ne sont pas failes en contrat de m ariage, qu’elles ne -comprer.urnt que les biens présens du donateur ; et parce qu’e n fin , «Y
l ’égard du lU inier exem ple p ro p o sé, une donation révoquée par surve
n an te .'f-ufans, ne peut jamais revivre , et que dans tous ces cas des
ralifiç:.i--Jv> J'C pourraient produire ancun effet.
(^uctiid un acte est nul par lu i-m em e, il est toujours ratifié inutilem ent
ne conU nant poin t d ’engagem ent valable de la part de ceux qui l ’ont
conscrit, ne pouvant jamais être validé par le te m p s , ]a ratification qui
en e.'-t faite pai les p arties, ne les oblige pas à plus que ne les ob ligeait
l'acte mOmc.
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V5t
. ,.
L ’Institution d ’héritier portée dans le contrat de mariage de 1 7 1 9 ,
était nulle par e lle-m ê m e ; elle n ’attribuait aucun droit à N o ë l Saby; e llo
e lle 11e lia it en aucune m anière Pierre S ab y, son p ère ; et la ratification
que celui-ci en fit en 1 7 2 5 , était absolum ent insignifiante, et ne le lia it
pas à plus envers N o ë l S a b y , qu’il 11e l ’était par l ’acte de 1719 .
lo u t e la difficulté se réduit, e n fin , en peu de mots. O u la prem ière
disposition était n u lle par elle-m êm e, ou e lle était seulem ent susceptible
d ’ètru am iullée ; dans ce dernier cas, c ’est-à-dire si la disposition n ’était
pas m ille par e lle-m êm e, sed venit tantum annulandus, la ratification
l ’aurait fortifié, corroboré, va lid é; mais dès que la prem ière disposition
était n u lle par elle-m êm e, la ratification, la confirm ation qui en' furent
faites 11e p u r e n t pas la valid er; parce que , comme le dit q u elqu e part
Boërius-, coiifirmatio n ih il novi d a t , se d prius habita et possessa
confirmât.
C e s principes , ces d istin c tio n s, sont enseignés par tous les juriscon
sultes , et ils furent consacrés d ’une m aniéré bien précise par un arrêt
du 26 février 1 7 2 6 , rapporté par L ép in e-d e-G rain vile page 4 0 8 , dans
un e espèce qui était tout aussi favorable pour les donataires , que veulen t
l ’être le s nouveaux adversaires de Bard ; ils ont été renouvelles dans le
p ro je t du code civil qui peut être regardé comme raison écrite , quoiqu’il
n ’ait pas encore force de l o i ; voici ce qu’on y li t , art. 22g du 2.me liv . :
« l'acte confirm atif suppose un contrat antérieur et un contrat valable. »
« S i l ’acte confirme est radicalem ent n u l , il 11’est point validé par la
9- sim ple confirm ation , à moins qu’il n’énonce la connaissance de la
» nullité du p rem ier, ave L’intention d& la réparer, qu’il n ’en rapporte la
y substance et ne contienne la déclaration de la volonté de vouloir lu i
» donner l ’exécution. »
C e s principes ont encore été consacrés par le prem ier jugem ent que
Bard a obtenu contre P ierre S ab y; jugem ent qui a été attaqué par la
vo ie de la tierce op p osition , mais qui doit nécessairem ent être confirm é,
quelques efforts que fassent M agaud et sa fem m e pour le faire réformer.
C e s derniers insistent et invoquent encore en leu r fa v e u r , l ’autorité de
l ’immortel D u m o u lin ; et nous aussi nous la v o n s invoqué ! nous avoni
rapporté les expressions de ce célèbre ju riscon su lte, et certes nous sommes
-éloignés de les croire en leur faveur.
11 est vrai que D u m ou lin après avoir d it, ainsi que le s adversaires de
Bard en conviennent ( ‘ car ce sont leurs propres expressions que nous
ti.inscrivons ) , qiie la confirmation d'un acte antérieur ju q u e l celui qui lu
Conjirnie, se réfère sans en rapporter la ten eu r, ni en relater les v ice s
pour les rep arer, n'a d ’autre but que de maintenir l'acte dans sa valeur
primitive", qu'elle ne couvre ;ut.1 la n u llité , ni les vices de l'acts , ignorés
par L'auteur de la con frm ation , et qu'elle n'<mvr.che ni lui ni les siens de
fa ir e va lo ir ces vices , pour ¿e dispensât d 'e x ic u lc r l'amie , ajoute que si
�,G
)
la confirmation d ’une 'disposition n u lle est faite avcc la connaissance de
cette n u llité , et inten tion form elle de la réparer, la ratification valide
alors ce qui était nul. In tantum quod ctiam si conjïrmatum esset nullum
v e l invahdum , validaretur per coifirm ationem potestatem h a hentis, scientis
nullitatcm et vitiuni confirmait.... Tune proprie non discitur corfirm atio,
s e d nova et p r in cip a le dispositio.
L e s célèbres ju risco n su ltes, rédacteurs du projet du code civil qui est
attendu avec tant d ’im patience par toute la I rance , p our faire cesser la
bigarrure de nos lois , n ’ont-ils pas puisé dans l ’immortel D u m o u lin ,
l ’article que l ’on a déjà r a p p e lé , et cet article et les suivans ne sont-ils
pas la traduction presque litté ra le 'd e ce que d it ce grand maître.
E n un m o t, l ’acte de 1725 n ’énonce pas la connaissance de la n u llité
dont était in fectée la disposition contenue dans celu i de 1 7 1 9 ; il n’y en
est pas dit un m o t; on n ’y voit pas l ’intention form elle de P ierre S ab y, de
vouloir réparer ce vice qu’il devait connaître, que la lo i ne lu i perm ettait
pas d ’ignorer , et dès-lors il faut dire avec D u m o u lin , avcc les auteurs
du projet du code c iv il, que la confirmation d ’une disposition radicale
ment. n u lle , n ’est point v a lid ée par une sim ple ratification qui n’énonce
point la connaissance de la n u llité, avec l ’intention de la réparer ; que
la disposition contenue dans l ’acte de 171c) , n ’a poin t dès-lors été
validée par la ratification contenue dans celu i de 1725.
Q U A T R I È M E
Q U E S T I O N.
E n Auvergne , les enfans ' des cultivateurs , travaillant hors la maison
p atern elle, peuvent-ils fa ir e des profits qui leur soient propres /
O n ne rappèlera poin t ici les distinctions faites par les lois sur les
d ifférentes espèces de biens. O n se contentera de dire qu ’en A u verg n e
et dans le F o rêt, l'usage constant a toujours été que les sommes gagnées
par les enfans des cu ltiv a te u rs, soit en s’exp atrian t, soit dans l ’etat de
dom esticité ont toujours restées en leu r libre disposition; qu ’ils ont eu
le droit d ’en disposer à leur gré; et que leurs pères n ’ont jamais consi
dérés ces sommes comme faisant partie de leur patrim oine.
E lle s ont toujours été c la ss é e s, ces sommes , dans l ’ordre des biens
désignés par la lo i sous le nom de quasi-castrence, dont les pères n ’ont
ni l ’u su fru it, ni la p ro p rié té , et qui 11e sont jamais sujets à rapport à leur
succession. ISrec castrense, nec quasi castrense peculium fratribus confertur.
T o u s les ans et à des époques périodiques on voit des nuées de cul
tivateurs quitter nos^ montagnes pour aller à la scie ou à la marre ; on
les voit à d ’autres epoques reven ir, portant dans leur maison les fruits
de leurs sueurs et de leurs travaux ; les prêter le plus souvent à leu r
frère aîné , et s’en faire souscrire des obligations , des reconnaissances.
T o u s les jours on voit les enfans des cultivateurs se constituer euxm êm es
�Tnêifies., dans’ leu r contrat de mariage» des s o m ^ s provenues de-le.ur»;
épargnes et de leurs travaux ; on voit même des filles en faire autant^
dans leur contrat de m ariage , en présence de leurs parents , sans que
dans aucun cas , dans aucun temps il soit encore entre dans l ’idee des .
héritiers in stitu é s, des légitim âm es, de dem ander le rapport de ces scitv
mes pour en grossir la masse des biens paternels. O u i , il est sans exem
p le que des héritiers aient exigés q u ’un légitim aire m écontent de 'l a
part qui lu i était fixée, pour lu i tenir lieu de ses droits, rapportât à la masse
de3 biens à partager , ce qu’il s’était lui-m êm e constitué dans son con
tint d e 'm a ria g e , comme provenant de ses épargnes , parce qu ’encoré
v u e fois 011 a considéré ces profits comme devant participer de la na
ture des biens q u a s i- c a s tr e n c e , et que sous ce point de vue- ils n ’étaient
pas sujets à rapport.
S i c ’était une erreur , comme ■
l ’a dit Pierre S a b y , qui contrarie le i
principes puisés dans la lo i sur la puissance p a te rn e lle , il faudrait la
confirm er , parce qu’étant" devenue générale , elle a acquis force de lo ii
Jrro r cornmvr.ix fa c i t legem. JElllc devrait être consacrée, parce' qu ’e lle
sert d ’un aiguillon puissant aux enfans des cultivateurs pour le s déter
m iner à abandonner nos contrées , et à aHer chercher ch ez le s habitanà
d ’autres contrées , qui ont des richesses, mais non de l ’industrie , le n u
m éraire qu’aucun autre canal nty pourrait- faire parvenir dans nos
m ontagnes.
M ais pourquoi se tant appesantir sur l'u sage", sur la force qu’il doit
a v o ir , sur l ’avantage qui en' résulte* pour nos contrées ? N e suffit-il
pas à Bard d’invoquer en sa faveur , pour faire rejeter , proscrire la
prétention de ses a d versaires, les - dispositions - du contrat de m ariagè
de son ayeul l
O n y voit dans ce'co n tra t de’ mariage qui est du 2 i-' janvier' i yZy
q u ’A n d ré Saby a été constitué par N o ë l Saby son fr è r e , à une somme
de deux cents francs , pour ce qui lu i revenait dans les b ièn 3 de ses
p ère et mère , et qu’il s’est constitué lui-m ême une somme de trois
cent cinquante francs qu’il avait par devers lu i , comme provenant de
scs épargnes.
D e la distinction de ses deux sommes ’ n ’en résulte-t-il pas é v id e n t
m ent qu’il n ’y a que la somme de deux cents francs qui puisse être
sujette à ra p p o rt, si elle a été payée ? N ’en-résulte-t-il pa3 sur-tout que
N o ë l Saby père et beau-père des adversaires de Bard ,■était convaincü
que la somme de trois cent cinquante franc9 qu’A n d ré Saby son frère
se constitua lui-m êm e , comme provenant de ses épargnes , lu i était p ro
pre , et que dans aucun cas , dans aucun temps il ne p o u r r a i t y avoir
d r o i t ? N ’en résulte-t-il pas qu ’il y a fin de n o n - r e c e v o i r contre la
prétention de Magarnl et de sa femme , qui a pour o b j t t le rapport
dé cotte sojunic de trois cent cinquante francs à la succession dont
C
�<
î8
y
le partage est ordonne. C on clu on s d o n c, et
,
_
disons q u ’il n’y a dans
cette prétention q u ’in ju stice , absurdité- ( i ) .
C I N Q U I È M E
Q U E S T I O N .
L ’action en partage dirigée contre un des détenteurs des biens, possédant
par in divis avec ses cohéritiers, interrompt-elle la prescription vis-à.vis ces derniers ! (2).
. C e n ’est pas seulem ent par le s mêm es m oyens que Pierre Saby a fait
valoir contre B a r d , que la prétention .de ce dernier est combattue ; ses
n o u ve a u x adyersaires , les tiers opposans, en les rep rod u isan t, en ajoutent
.un qui leu r est p ro p re ; ils prétendent que l ’action en partage n ’ayant été
d irigée q u e,con tre Pierre S a b y , n ’a pas pu leu r n u ire , leur p rcju d icier
interrom pre-la. prescription à leu r égard.
L a discussion de la question qu'ils m ettent au jo u r, ne sera ni lo n g u e ,
n i d ifficu ltu eu se, et il sera facile de leur dém ontrer qu’il n ’y a encore
q u ’erreur dans leur n ouvelle prétention.
U n p oin t essentiel à rappeler , pour parvenir à la solution de cett«
q u e s tio n , est que les nouveaux adversaires de Bard et leurs auteurs ont
toujours jouis avec Pierre S ab y, second du n o m , contre qui la dem ande
en partage fut dirigée en 17 8 6 , de la totalité des biens sujets au partage;
,q u e cette jouissance com m une qui avait pris naissance, qui était fondéeîsur les
actes de sociétés générales et un iverselles contractées entre Pierre Saby ;
prem ier du n o m , d ’une part , et A n to in e Bruhat e t C atherin e S ab y,
d ’au tre, par les actes publics qui sont rapportés . et qui sont des 16
■février 1694 et 3 janvier 1 7 0 6 , s’est perpétuée jusqijes à p résen t, de sorte
que quoiqu’il soit de princip e en droit que toute société est rom pue,
d isso u te par la niort d ’un des a sso ciés, morte solpitur so cieta s, il est
cependant certain que par une volonté tacite et bien exprim ée par le
fa it, les sociétés générales contractées entre les auteurs co m m u n s,.se sont
perpétuées enlre leurs descendans ; et que par Je la it de la jo u issan ce,
d e la cohabitation commune ; par la circonstance qu’ils ont toujours mis
en commun les profits q u ’ils ont faits , et que dans plusieurs actes
.publics qu ’ils ont passés , .ils se sont dits communs et associés efi
b ien s; il en résulte qu’il faut considérer ces sociétés générales établies
en 1694 et en 1706 j comme ayant ete renouvellécs expressém ent il
,chaque génération.
( 1 ) Quoique dans let!r,t moyens en tierce opposition , Magaud et sa Femme n’aien t pat r e n o u v e l é
celui que l ’on vient de discu te r, on a cru devoir le p ré v o ir, parce que Pierre S aby l'avait employé
avec f o r c e , et qu’eux-memes peuven t toujours y avoir recours.
( î ) Maraud et sa femme après avoir opposé ta pre*cripti» n, op t dit qu'elle ct.iit acquise lors île la
dem ande formée çontre Pierre S^by, et o n t î jouté p a r é c i i t , t/u'illt était hten plut ir.contntnile tn fa v eu r
ir Catherin - .Soi\y f il ont dit publiquement que la demsn.le n'ayant pas été forinie dans le même temps
r a n t r e cette d e r n i ir e , la prescriptiwn avait continué de c o u i ïr e n ^ a faveu r. La ligne qu'ils o a tt s a s c e *
L’ j p r u p o i qu’ils «nt.tenuî ont JtJicruiias à t r a it e r !» question proposée.
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,
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,
l e fait d e là j'ouissâncG com m une qui a toujours eu -licit entre tou»les adversaires de B ard , qui existait à l ’tp c q y e de la demande en p artage
form ée en 17 8 6 , et qui n ’a cessé pour le s batim ens seulem ent que depu is
le 5 janvier 1 7 9 2 , époque d ’un acte public reçu Vissac n o ta ire, suffit seul^pour faire décider la question.
■
« l i e n est des héritiers du d é b ite u r,. comme- d e s ' coobligés m êm es,
» tant que ces co h é ritie rs-n ’ont pas fait de partage^ entr’eux. De3 coy héritiers qui sont encore dans l ’in d ivisio n , sont réputés associés pour
y- tout ce qui est re la tif aux biens de la succession ; ils sont censés man» dataires les uns des autres à cet é g ard ; ainsi l ’interruption qui est/
5» faite contre l ’un d ’- eux, est-rép utée faite contre la succession e lle - (
» m ôm e; » c ’est ainsi que s’exprim e sur cette question le d e rn ie r-c o m
m entateur de la coutume de la ci-devant A u vergn e.
É co u ton s ce que disent plusieurs coutum es de F ran ce, qui ont prévus
la difficulté :
(
« Interruption de prescription faite contre l ’un des frères ou- communs^on^onnaî».
y poscédans par in d iv is ; aucune chose sert et profite comme si e lle
art- 3*>
y était faite contre/les antres communs personniers-en ladite choàe.
« L ’interruption civile par ajournem ent lib e llé , ou convention ju d i-( Rcrry.
y c ia ir e , ou autrem ent, faite pour le regard de l ’un dès possesseurs ou.11*-12
y détenteurs par indivis ,• de la m aison ou héritage c^ie l ’on veut p rescrire’
y a effet contre tous les autres possesseurs et ' détenteurs pat indivis ,
y dudit h é rita g e , et leur nu it et préjudicie. »
« Interruption de prescription faite contre l ’un des frères ou communs Niv«™«;*.
»•possédans par indivis^ aucune chose , nuit aux autres frères ou .tit- 36art. f.
y communs. »
*
Four em pêcher prescription dé" trente ani*7 où ice lle interrom pre
Anjou
y e n tr e frarescheur , suffit à celu i frarescheuT contre le q u e l on objicerai^ art. 43^
y p re scrip tio n , m ontrer et enseigner quant aux choses com m unes et
y indivisees entre lesdits fraresch eu rs, que l ’un d ’eux a été inquiété , ou
y sa possession interrom pue , car en ce cas où les choses sont encore*
y in d iv is e e s , l ’interruption faite à l ’un préjudicie aux autres. »
T e l est le langage unanim e de ces coutum es sur la question à la q u elle
donne lieu la prétention de Jean M agaud et de sa fem m e. L e u r décision •
un iform è-prouve qu e cette question ne devrait pas m êm e en faire une. Il
suffit qu’une action soit dirigée dans un tem ps u tile , contre un des
détenteurs d ’un bien possédé par indivis avec d ’autres, pour que l ’action
n u is e , prejudicie à to u s , qu ’e lle interrom pe la prescription à l ’égard
c e tous.
« Q u an d ' on s’adresse contre l ’un des possesseurs , par indivis , dit
y énergiquem ent C o q u ille , l ’adresse est faite potius in rem , quam
y in personnam , et nuit à tous ceux qui y ont part. » A in si il est
cettain que- Bard en form ant en 178O la demande en partage dfio
C •2 —
�.X
(
30
i
fciens de ses auteurs , contre Pierre S a b y , avait moin8 en vue d e
s'adresser directem ent à c e lu i- c i, q u ’aux biens auxquels il préten dait
d roit ; que les biens seuls m éritaient , attiraient toute son attention ;
q u ’eux seuls étaient le m obile de son action ; q u ’ainsi et quoiqu’il ne
s ’adressa alors qu ’à Pierre S a b y , un des détenteurs des biens , son action
îta. pas m oins eu l ’effet d ’interrom pre la prescrip tion contre tous les
autres détenteurs , parce q u ’elle était dirigée p o tiu s in rem quam in
pcrsonnam .
Q u ’on ne dise pas que le,s autorités de ces coutumes ne peuvent
ôtre d ’aucun p o id s , d ’aucun^ autorité en A u v e r g n e , leurs dispositions
ont de tout temps été reconnues si s a g e s , et tellem ent fondées sur la
justice et la raison qu’elles ont toujours été approuvées par les juriscon
sultes , et regardées comme devant form er le droit commun ; c ’est ce
qui a fait dire à Chabrol , qu'il en est des h éritiers d ’un débiteur
com m e des coobligés m {m e , e t que ta n t qu’ils n ’ont p a s fa it de p a rta g e
e n ir’e u x le principe ¿ s t le m êm e.
O n convient qu’il en est autrem ent à l'égard des cohéritiers qui
ont cessé d ’être dans l ’in d iv is io n , et que dans ce cas l ’action dirigée
^contre un ne p eu t pas nuire aux autres. O n convient qu’il en est encore
autrement dans le cas où un dem andeur restreindrait sa demande contre
un cohéritier jouissant par indivis avec d ’au tres, à la portion pour
laq u elle il serait personnellem ent tenu de l ’objet de -l'action , et que
dans ce cas encore l’açtion dirigée contre un ne nuirait poin t aux autres,mais hors ces cas, et tant q u ’il y a indivision entre des cohéritiers , tant
q u ’ils jouissent en com m un d'un bien , il est certain , il est incon
testable que l ’action dirigée contre yn , n u it , préjudiçie à tous.
Pour dem eurer convaincu que ce qu'on vient de dire ne peut pas
être combattu avec succès , il suffirait de rappeler les expressions de"
M . C harles D u m ou lin sur l ’art. i 5 du titre i2 d e l à coutum e du Ecrry ,
et sur ce mot préjudiçie.
' în te llig e , dit ce savant et profond j u r i s c o n s u lt e , quand') reus super
teto co n vçn iiu r e t super toto proCedit e t H o c e s t v a î .d è j v s t v m , quam -
i is sit contra ju s scriptum in d iv id u is : secus si actor c o n v e r ia t unum .
f x p o ssesso rilu s prn p a rte sud ta n tu m , quia tune rem anet régula juris
com m uais quoad alio-s. Il suffit donc que celu i qui réclam e ries droits
contre un des détenteurs d ’un bien possédé par indivis , réclam e la lolalité de ce «pii lui revient , pour que son actiou nuise , préjudiçie à
tous les autres détenteurs. H o c e s t vA i.ni: j u s t v m ( i ) .
( l ) P c h noie
de la première question , Il résit-lte qti'i T é p o '; u e ile.la demande f j r m i »
coinre'.Pierlc Sab v en
. ¡1 nr l ’ttait ceonlc que i'>
un im-;% i t ? j'iiirs <lc temps utile pour I»
r>r<:*rHrf'on . rt rn c a k u 'a n t lU-pnii cette épr^iic juwni’aii premier mcs«idor an VI ( ly juin I7')i ) ,
liste de h rititin n en 'c m ic iln tion portée à
et A fa F c n m c , it,ii'Y a que l î arn î mem : ?
ce 'mi f.iitnn tdtal Je »S ans.» mois 4 jours., ainsi point Je prescription e n 's u i’ p«s*ut n um ç
que U-» 1 rïnclpcs
i i m i n t pas e n f j v . ’u r d c Baril.
�S I X I È M E
Q U E S T I O N .
V a-t-il quelques biens m eubles sujets a u partage ordonne pa r Lz ju g em e n t
,en dernier, ressort de 1-732 / Y a -t-il p lu s de deux im m eubles , m è m t
. p lu s de quatre sujets à ce p a rta g e !
N o u s avons terminé la discussion de toutes les questions de droit
ûuxqu’elles a donné lie u la tierce opposition form ée de la partde Catherine
Saby et de Jean M agaud. N o u s sommes arrivés au m om ent d ’établir deux
p oints de faits qui sont ce rtain s, incontestables , c ’est-à-dire qu’il y a
des m eubles sujets au partage dont il s’agit ; q u 'il y a plus de d e u x ,
même plus de quatre im m eubles qui doivent y être com pris , et cette
tâche n ’est pas aujourd’hui p én ible à rem plir.
D ans tout le cours de la procédure qui a eu lie u depuis 1786 jusques à présent , Jean Saby et avant lu i son p ère se sont toujours obs
tinés à soutenir qu’il 11’y avait aucuns biens m e u b le s, aucuns biens im
m eubles sujets à partage. U n jugem ent contradictoire l ’a cependant or
donné , et ce jugem ent est celu i du 3 o août 179.2.
A lo r s l ’obstination de P ie ire Saby à soutenir son systèm e parut s’ac
croître de plus en plus , et cependant rentrant un p eu en lui-m êm e, il
convint dans un procès-verbal du 2o octobre de la m êm e année , qu ’il
y avait seulem ent quatre héritages sujets à ce partage , e t il eut la
bonté de les désigner d’une m anière assez précise.
Fâché sans doute d’avoir fait un p areil aveu , après avoir cherché par
tous les m oyens possiblos à éviter le transport des experts qui furent
nom m és successivem ent ; après avoir donné lie u à plusieurs in c id e n s ,
Ct voyant arriver les derniers experts nommés pour procéder au parta
g e , il soutint à ces mêm es expeits ( ce fait est consigné dans un rap
p ort du 16 m essidor an III ) q u ’il n ’y avait que d e u x héritages sujet»
à ce partage , et il -eut encore la bonhom m ie de les désigner.
E n fin , après plusieurs contestations il a été décidé par un jugem ent du G
fructidor an V que Pierre Bard indiquerait les biens sujeta au partage, et
par un autre du 2 i nivôSe an IX , il a été chargé de faire la preuve de
la consistance des biens m eubles , des titre 3 de créance et des im m eu
bles provenus de P ierre Saby et d’A n to in ette Lachaud.
Par ce même jugem ent , il a été ordonné que des experts pris par
le s parties ou nommés d’o/Tice feraient l ’application des litres produits
par Bard , et com prendraient dans leurs rapports tous les im m eubles
tjui a v a ie n t ¿lé donnes p o u r confins a u x h 'r ita ç e s acquis , et qui e ta ien t
d its dans les a ‘ tes , apportentr à ou a u x acquéreurs , c ’est à-dire, à Pierre
S>*by, à A n d ré S ab y, à A n to in e B m h at, -ou à C atherin e «Sa!>y, qui tous sont
designes comme acquéreurs dans tous les actes produits par Bard.
D es témoins ont été produit.» de part c l d ’au lie , ils ont été en ten
dus. D es experts ont été n w a m w , ils ont opCré. Il ne e’agii duuç
�T fo
U t
*> •#
»
(.
23.
y
plus que de je te r un c o u p -d ’ceil rapide-sur ce qui réduite d c 3 déposi
tions des tém o in s, et du rapport des experts , pour juger du p eu de
ion<Jcment de la prétention de Jean Saby.
D ’abord, relativem ent aux dépositions des témoins q u i ont trait à la consistance des biens m eubles , nous trouvons, quatre dépositions pres
que uniform es dans l ’en qu ête-faite à la d ilig en ce de Bard.
L e troisièm e tém oin déclare q u ’il y avait constam ment dans.la mai-v
aon de P ierre Saby d e u x p a ire s de b a u f s d i x va ch es , d e u x ju m e n s
p o u lln ia ires , d ix chèvres , entour d e u x cents m outvns , m ais qu’en h iv e r,
le troupeau d im in u a it quelquefois.
L e quatrièm e dit q u 'il y a v a it quatre p a ires de b œ u fs , d o u ze v a c h e s ,
d e u x ju m en s e t un troupeau de m outons qui s ’é le v a it q u e lq u e fo is. jus~
qu’à quatre cents , m a is qid é ta it quelquefois de d e u x cent cinquante.
. L e sixièm e assure qu e la m aison des Seby f à is a i t le com m erce dey
" m outons , qu’habituellcjxicnt il y a y a it un troupeau de d e u x cents bêtes
à la in e , h u it ou d i x v a ch es et d e u x ju m e n s pouliniaires.
L e septièm e ne parle que de d e u x p a ire s de bœufs ; mais le hui<
tièm e p arle encore de d b u x p a ire s de bœ ufs , d 'u n troupeau d e m outons
de d e u x ccnts à d e u x cent quarante - , de sept à h u it v a c h e s , de sept^
à h u it chèvres e t d ’une ju m e n t.
E n fin , tous ces tém oins staccordent.parfaitem ent sur un p pint essen»,
tie l : ils disent que la m a ison des S a b y p a ssa it po u r être pécuuieuse e t'
q u’elte jo u issa it cl'une aisance notoire.
S i nous jetons actuellem ent les yeu x sur le s dépositions des témoins*
q u i ont été produits par Jean Saby ; si nous rapprochons ces d é p o sé
tiona do celles des tém oins qui o n t été produits par B a r d , nous ver-,
rons que ce qu’on d it ces derniers , et que. l ’on vient de rappeler , ac
quiert un nouveau dégré de force et de vérité , et qu’on ne p eu t faire»
autrem ent , d'après la réunion de toutes ces dépositions , que de dem eu
rer convaincu que P ierre Saby et A n to in e Bruhat son beau-frère et son
associé , C atherin e Saby sa sœ ur.et aussi son a s s o c i é e , après le décès de ce
d e rn ie r, jouissaient d ’une fortune opulen te ; q u ’ ils avaient constam m ent
au m oili3 d e u x ou trois p a ires de bœufs , d ix. va c h es , un troupeau de.
m outons d'entour d e u x cents , sept à h u it chèvres et d e u x ju m en s.
U n pareil nombre de bétail suppose nécessairem ent l ’exiatence de
tous les inslrum ens a ra to ire s, des chars , des ch arru es, jougs , clefs d e
parc etc. et tout cela suppose encore l ’existence d ’un m obilier quel-,
conque dan* la m aison de Pierre Saby , proportionné à l ’opulence dont
il jouissait.
N o u s avouerons cependant , que d ’apjès les dépositions des tém oins
produits par Saby , il résulte que sa maison s’est considérablement»
accrue depuis le décès de P ierre S a b y , d e cujus ; mais q u ’il sache
^uc Bard n ’a jam ais poussé ses prétentions- ju squ’à «outeiur que la
i
�tu
{
23
)
totalité des t ie n s dont i l jo u it actuellem ent
est sujette au partage
o rd o n n é ; -mais qu!il a soutenu qu’il y .avait p lus de d eu x , m êm e
p lu s de quatre immeubles sujets à ce partage ; qu’il y avait des m eu
bles , et que convaincu ;par les dépositions des témoins qui ont éta
e n ten d u s; qu’accablé même par la réunion de *ces d é p o sitio n s, Saby
rentre une fois en lui-m êm e et qu’il convienne au moins aujourd’hui que son
obstination e t ce lle de
son père , à soutenir q u ’il n ’y avait aucuns
biens sujets au p a r t a g e .n’ont été propres qu ’à faire faire des frais
•dont il d o it nécessairem ent être v ic tim e , comme Bard avoue franche
m ent de son côté que lu i Saby a droit à des distractions incontesta'«
bles et q u ’il n ’a qu’à le s faire connaître pour les obtenir.
L e jugem ent du 2 1 nivôse an I X , ordonnait que Saby rem ettrait
e n t r e ‘les mains de« experts, les titres qui devaient servir à établir ce®
d istraction s, mais il s’y e*t constam m ent refusé. L e s experts q u i ont
opéré l ’attestent dans leu r rapport , et si ces experts n ’o n t p o in t fa it
e n sa faveur les distractions qu’ils auraient pu faire ; s’ils ont com pris
dans leu r p lan une quantité plus considérable de terrein que ce lle qui doit
■en dernière analise être com prise dans le partage , il ne p eu t l ’im p u
ter q u ’à l u i - m ê m e , a u r e f u s constant de rem ettre ses titres.
D ’après le rapport de ces experts , tous les -titres produits par Bard
•ont reçu une application parfaite sur le s héritages jouis encore par
in d ivis par Jean Saby., C atherin e Saby et Jean M agaud. C e s experts
•ont -constaté l ’identité
des héritages énoncés dans
ces m êm es
„titres , avec ceux possédés par ces derniers , et enfin il résulte de leurs
•opérations , de l ’éch elle jointe au p la n , du calcu l que l ’on a fait d ’a>près cette é c h e lle , que p lu s de soixante septerées de terre sont sujet
tes au partage ordonné ; ainsi , que Saby cesse donc de dire qu ’il n ’y a que
d e u x héritages même que quatre qui doivent être com pris dans .ce
•partage.
Si
cependant il lu i restait à Saby quelque espoir de p ou voir répondre
à ce que nous venons de dire ; de pouvoir combattre soit les déposi
tions des témoins , soit le rapport des e x p e rts, q u ’il écoute avant de
l ’entreprendre ; q u ’il lise avec attention une preuve littérale , une preu ve
authentique et légale qui v i e n t co rro b o rer, fortifier soit la preuve vocale,
soit le rapport des experts , et qu’il nous dise ensuite si l ’-un ou l ’au
tre p eu t être critiqué avec succès.
V o ic i mot à mot ce qu ’on trouve dans le rôle de la commune de
C ham pagnat-lc-vieux , quartier de L a c jia u d , p ou r l ’année 1 7 3 7 » yôle
rendu executoire le i 3 novem bre 1 7 3 6 , et enregictré à Issoire le même
jo u r.
• P ierre et N o c l
Saby , pure et fils , et
Jean M agaud
neveu dudit
�(
^
y
P ierre , communs en biens , labourant à d e u x : p aires de ■bœufs e t u n «
p a ire de va c h es , cent qu in ze francs , c i...................... 1 1 5 fr.
•» sols.
C apitation , quarante-sept francs trois sols , ci. . 4 7
3
- C i u e , vingt - deux irancs un s o l, ci. . . . »
22.
1
T o t a l , cent quatre vingt-quatre francs quatre sols , ci.
134 fr.
4 sols
P eu t-il d ’après cela rester encore quelque doute sur la vérité des faits
al testés par les témoins à l ’égard des m eubles et des bestiaux , sur la quan
t i t é ces im m eubles sujets au partage ordonné , tel qu ’il résulte du
rapport des expeits ? L ’énonciation qui se trouve dans ce rôle ne les
dissipe - t - elle pas tous d ’une m anière irrésistible , et Saby ne
seia-t-il pas forcé d ’avouer que les tém oins n ’ont rien dit que de co n
form e à la. vérité ; que le rapport des experts 11’embrasse pas même p eu têtre lout ce qui devrait y être compris ? Entrons m aintenant dans un cal
cul sim ple mais palpable.
L e rôle de C h um p agn at, quartier de L achaud , com prend n e u f v illa g e s ,
L a c lia u d , T o ira s , Iveyrolîes , L e g l iu l, G en esto u x, le B o u clia re l, B alistre,
Balistroux et O lpign at. C es n e u f villages payaient en principal ou acces
soire d ’im positions 2673 francs i 3 sols. L a seule maison des Saby payait
184 francs 4 sols , c'est à-dire à peu près le treizièm e des im positions ,
ce qui suppose que cette m aison possédait à p eu près le treizièm e des
biens [des n e u f villages. Faisons un autre calcul.
Il est de notoriété publique , et il ne faut pas avoir d es connaissances
bien étendues p our savoir que les im positions ont considérablem ent ac
crues depuis 1787 jusques à nos joürs-; que tel bien qui à cette époque
payait 2oo francs d ’im positions doit aujourd’hui en payer 3 oo mêm e 400
irancs : mais supposons que cette augm entation d ’im position n ’est pas ar
r iv é e ; supposons que le m êm e bien qui,existait à cette époque n ’est grevé
aujourd’hui , com m e il était alors , que de 184 francs 4 sols d ’im position ,
et calculons d ’après nas lois.
L e s im positions sont le cinquièm e du revenu n et d e s.b ie n s. Pour
connaître le capital il faut donc qu in tupler le
montant des im posi
tions et par celte opération nous trouvons que le bien qui existait
en 1787 , grevé de 184 francs 4 sols
d ’im p o sitio n , doit au m oins
être en valeur de 18400- francs : ce calcul 11e p eu t pa» être combattu avec
succès.
C e rôle de l ’année 173.7 , a donc non seulem ent corroboré , fortifié
la preuve qui résulte des dépositions de tous les témoins qui ont été
entendus , mais encore il a conduit a la découverte d e là valeur au m oins
approxim ative, des im m eubles sujets au partage ; ainsi il ne peut plus res
ter aucun doute sur la consistance des biens im m eubles ; ainsi le rapport
*dcs experts ne doit pas paraître embrasser un*: plus grande quantité
4 e biçns que ce lle qui est sujette au parlage.
�-
.
..
(
5, „
:
L e s titres translatifs de propriétés rapportés par Bard , qu’il n ’a re cu e il
lis qu’à grands frais et qui ont été souscrits par différents particuliers
en faveur des auteurs communs , depuis i 6g 3 , jusqu’en 1 7 8 7 , cons
tatent qu e' ces derAiers ont acquis dans cet espace de temps pour p lu s
de- trois m ille livres d ’im m eubles.
- Il est dé fait. insContestable que depuis la* fin de l ’avant - dernier siè
cle jusqiies à p re se n t, lès propriétés foncières ont fa it plus qüe quin-:
tupler de valeur ; et cola conduit à la certitude que le3 biens énoncé»
dans les ventes rapportées par Bard doivent être aujourd’h ui en valeur
au moins de qu in ze m ille francs; et si nous- observons que les auteurs
d e s parties jouissaienl'iavant ces acquisitions d’une fortune honnête y
qu ’ils étaient au m oins présumés en jo u ir ( car les- acquisitions qu ?ils fai
saient le prouvent ) , on dem eurera convaincu que le prem ier calcul qu e
l'o n a fait n ’a rien d ’exagéré ou plutôt q u ’il est au-dessous de la valeur
r é e lle des biens sujets au partage.
N e pouvons - n o u s pas dire m aintenant arvec certitude T qu’il y a des
biens - m eubles sujet* au partage o rd o n n é ; qu e tous les immeublesénoncés dans les titres rapportés par Bard doivent y être compris ; q u e
la prétention de 8aby est injuste et absurde , et que soutenir qu’il n e
<JeVaity être com pris que d&hix m êm e q u e - quatre im m eu b les, c ’etait
« o u t e n ir une erreur qui n ’était propre qu ’a faire faire des frais dont nul
autre q u e Saby ne p eu t etre tenu?
L e s tribunaux saisis de la connaissance des contestations des p a rtie s,
en t à prononcer sur des intérêts majeurs ; ils ont à mettre fin à un procès
qui dure depuis lougues années, et à statuer si une fam ille p lon gée dans la
m isère , privée depuis 60 ans et p lu s de la portion qu’elle am ende dans uit
bien co n séq u en t,p eu t enfin espérer de voir la fin des incidens que ses adver
saires , qui sont dans l ’op u len ce , 11e cessent d ’élever m algré un jugem ent
en dernier ressort, rendu depu is plus de 10 ans. L a
tierce op p osition
form ée par M agaud et sa fem m e contre ce ju gem en t, donne lie u à statuer
de nouveau sur les mêmes questions qui ont été décidées par ce jugem ent.
C e s tiers opposants seront - ils plus heureux que celu i qui les a précédé
dans l ’arène ! Parvieiuliont - ils à prouver d ’après les circonstances
particulières qui se rencontrent dans la c a u s e , et qui résultent des
actes p ublics passés en présence de toute la fam ille , les 2 i septem bre
1749 et 11 iu>vembre suivant , q u ’un absent est réputé vivre 100 a n s ,
et que
pendant cet
espace de te m p s , toute
action
est
inter
dite à ses héritiers de droits l Ltabliront-ils , en convenant qu ’une ins
titution d'héritier faite dans un contrat de mariage , en faveur d ’un noncontractant , est n u lle d'une n u llité absolue ; que cette n u llité a été couterte par une ratification pure et sim ple faite postérieurem ent dans son
contrat de mariage ? Seront-ils assez, heureux pour faire oublier les p rin ci
p e s , jusqu'au poin t de persuader qu’en A u verg n e les enfans des cultiva^
�teurs travaillan t hors la m aison paternelle ne p euvent pas faire des pro
fits qui leurs soient propres ; et qu’enfin , l ’action en partage dirigée con
tre un cohéritier possédant par indivis avec d ’a u tre s , les biens sujets au
partage, n ’interrom pt pas la prescription contre tous ? ils p eu ven t se flatter
d e réussir , mais qu’ils n ’invoquent pas au m oins P o th ie r , B rétonnier f
R ousseau-de-Lacom be, D u m ou lin , qui tous prononcent leu r propre condam
n a tio n , et disent tout le contraire de ce qu ’ils leu r ont fait dire : et Jean
Saby qui en suivant le genre de défense embrassée par son p è r e , a toujours,
soutenu qu ’il n ’y avait aucuns biens m eubles sujets au partage , co n vien
d ra -t-il au m oins aujourd’hui qu ’il doit y en avoir quelques-uns ? et aban-,
donnant les assertions de son p ère à l'égard des im m eubles, avouera - t-il,
q u ’il y en a p lus de d eu x , même plus de quatre sujets au partage ? S i
le s uns et le s autres continuent d ’esperer que la m isere dans la q u e lle
Bard est p lon gé ne lu i perm ettra pas de poursuivre jusqu’à jugem ent défini
t i f la réclam ation de ses droits , qu’ils se désabusent ; cet espoir fon d é;
sur l ’indélicatesse , sur la mauvaise f o i , sera déçu , et ils apprendront
qu e la détresse la plus absolue p eu t qu elquefois lutter contre l ’op u
lence.
A L L E Z A R
D ,
hom m e d E lo i à B r ioude
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P U Y , de l'imprimerie de C r e s p y et G u ilh a u m e , Imprime u r s
Libraires, rue du Collège.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bard, Pierre. An 10]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allezard
Croizier
Subject
The topic of the resource
communautés familiales
partage
absence
testaments
coutume d'Auvergne
droit romain
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Pierre Bard, cultivateur, habitant de la commune d'Agnat, demandeur et défendeur en tierce opposition, contre Jean Saby, fils à Pierre, défendeur, et Catherine Saby, et Jean Magaud, tous cultivateurs, habitans du lieu de Balistroux, commune de Champagnat, demandeurs en tierce opposition.
Annotation manuscrite: texte intégral du jugement du 10 floréal an 11, 2éme section.
Table Godemel : Absent : 1. de quel jour un absent est-il réputé mort respectivement à ses héritiers ? Institution d'héritier : 8. une institution d’héritier faite dans un contrat de mariage, en faveur d’un non-contractant est-elle valable ? la ratification pure et simple qui en est faite ensuite dans son contrat de mariage, pour énoncer la nullité dont était infectée la première disposition, ni l’intention de la réparer, peut-elle être considérée comme une disposition nouvelle et avoir quelque effet ? Prescription : 13. l’action en partage dirigée contre un des détenteurs des biens, possédant par indivis avec ses cohéritiers, interrompt-elle la prescription vis-à-vis ces derniers ? Profits : en Auvergne, les enfants de cultivateurs, travaillant hors la maison paternelle, peuvent-ils faire des profits qui leur soient propres ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l''Imprimerie de Crespy et Guilhaume (Puy)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 10
1674-An 10
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1529
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0247
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53269/BCU_Factums_G1529.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Agnat (43001)
Champagnac-le-Vieux (43052)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
communautés familiales
coutume d'Auvergne
droit Romain
partage
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53444/BCU_Factums_G2215.pdf
ebdc1e349080ed6853f23b928912a843
PDF Text
Text
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IV
i'-i
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COUR
ME MOI RE
I MPÉRI ALE
DE R I O M .
;
POUR
M. J
e a n
- C harles NOYER
D U S A U V A G E ,J
C h a m b r e s r é u n ie !]
propriétaire, habitant de la ville du Monastier,
département de la H a u te - L o i r e , intimé;
CONTRE
A
nne
-F
rançoise
se disant N O Y E R
D U
9«—xi*^
S A U V A G E , mineure, M . e G A R R O N , avoué
en La C o u r , son curateur ad hoc , appelans d 'u n
jugem ent du tribunal civil du P u y , du 3 o août 1 8 1 0 ;
E t le sieur H o n oré D E B R U S , notaire impérial,
habitant du lieu d 'A lla ira t, commune de Sallette,
défendeur en assistance de cause.
Q U E S T I O N
DÉSAVEU
U
n
D’ E T A T ,
DE PA T E R N ITÉ .
époux infortuné, blessé dans ce qu’il a de plus
cher, se voit obligé de faire au public le récit de ses
malheurs.
*'*'*
~ ,
i
�Dans quelle position cruelle, dans quel embarras se
trouve le sieur Noyer du Sauvage? Comment pourrat-il s’exprimer avec décence sur un sujet aussi vil ?
Il voudrait conserver celte dignité qui convient à la
C o u r ; il craint tout à la fois de parler et de se taire;
mais le silence serail trop dangereux : il lui importe de
dévoiler un mystère d’iniquité, qui a mis le comble
à ses maux.
A bsent, proscrit, dépouillé de ses biens, au moment
où il retrouve une patrie, il apprend que son épouse
s’est livrée, pendant son absence, aux désordres les
p l u s criminels, à tout ce que la débauche et la crapule
peuvent présenter de plus lionleux el de plus avilissant.
Cette femme adultère, en proie aux passions les plus
effrénées, ignoble dans ses caprices, dépravée dans ses
goûls, a lié son sort à celui d’ un vil scélérat qui a
trouvé sur l’échafaud la peine de ses crimes.
Elle est devenue mère : quatre enfans sont nés pen
dant l’émigralion du mari, et ces naissances lui oui été
Caillées avec soin.
On lui avait annoncé que cette femme criminelle et
déliontée avait
fait prononcer son divorce ; celle
démarche tendait à diminuer ses peines : au moins
n ’avait-il plus rien de commun avec cet être dégradé
el corrompu.
Mais quel a été son désespoir, lorsque plus éclairé
sur ses malheurs, il a élé convaincu q u ’il n’existait
aucune trace de ce divorce sur les registres publics!
Bientôt il est instruit que quatre euians, nés d un coin-
�( 3 )
merce scandaleux, prétendaient s’élever jusqu’à lui
et se faire reconnaître comme nés de son mariage.
Saisi d’horreur et d ’effroi à cette nouvelle, il s’informe
avec soin, dans la ville qu ’il habite, aux environs, s’il
existe des traces de ces différentes naissances. A force
de recherches, il découvre que cette femme a accou
ché d’un premier enfant à Clermont, et de trois en
la ville de Tournai.
Il oblient les extraits de naissance , et s’empresse
d’user du moyen que lui donne la loi : il désavoue la
paternité.
Il réussit au tribunal du P u y ; le désaveu est accueilli ;
ces enfans de ténèbres, fruits de l’incontinence et du
crime, rentrent dans le néant : il leur est fait défense
de porter un nom auquel ils ne doivent pas prétendre.
Trois d’entr’eux ont eu assez de pudeur pour res
pecter cette décision. L e jugement est aujourd’hui inat
taquable. Une seule, Anne-Françoise, a eu l’audace
d ’interjeter appel en la Cou r, ou plutôt on l’a fait en
son n o m , sans respect pour la morale publique.
L a mère, au moins, n’a pas élevé la voix; accablée
de tous les maux qui sont la suite de la débauche , elle
a fait offrir, sur son lit de douleur, une déclaration qui
put venir au secours d’un époux offensé. L e sieur du
Sauvage a refusé lout ce qui pouvait le rapprocher
de cette senline dégoûtante; il est assez fort de ses
moyens. On n’a jamais prétendu qu5A nne-Francoise
lui appartînt, 011 ne se défend que par des fins de nonrçcevoir; 011 soutient que son désaveu n’a pas été fait
�dans le délai prescrit. On a offert de prouver qu’il con^
naissait l’existence de cet enfant; qu’il était instruit
qu’elle portait son nom depuis long-tems.
Ces assertions audacieuses ont donné lieu à un arrêt
interlocutoire; des enquêtes respectives ont élé faites;
on en examinera le mérite, lorsqu’on aura fait connaîire les faits et les circonstances particulières de la
cause.
F A I T S .
L e sieur N oy e r du Sauvage eut le malheur d’é
pouser la demoiselle Anne-Françoise de V é n y , le 9 jan
vier 1782. Les conventions matrimoniales sont fort
indifférentes dans la cause; cependant il n’est pas inu
tile d’observer que le mari reçut le pouvoir de vendre
et aliéner les biens de sa femme à la charge du rem
ploi en fonds cprtains.
La révolution arriva. L e sieur du Sauvage n’avait
rien à regretter dans son intérieur; il part en 1791.
L e 9 thermidor an 2 , son nom est insciil sur la
liste des émigrés; mais déjà sa femme n ’avait pas
l a i s s é ignorer l’absence de son mari; car on voit que
dès 1 7 9 2 , et ensuite, le 4 mai 1793, elle a présenté
une pétition au directoire du département de la HauleL o i r e , pour obtenir une pension, en sa qualité de
femme du sieur du Sauvage réputé émigré.
C ’est dans le moment le plus orageux, où le gou
vernement d’alors prenait les mesures les plus san
glantes contre ceux qui avaient quitté le sol français,
�( 5 )
que la dame du Sauvage vient elle-même publier
l ’émigralion de son mari!
'<
Elle avait cependant sous les yeux de grands exem
ples! hommage et respect à ces épouses vertueuses
dont le dévouement généreux, le courage éclatant a
sauvé lli o n n e u r , la fortune et la vie de leurs époux!
qui de nous n’a pas été témoin de ces actes d ’hé
roïsme, dans un sexe faible et tim ide, qui bravait
la misère, les supplices et la m o rt , par un attache
ment sans bornes à ses devoirs.
Mais pourquoi rappeler des souvenirs aiïligeans ,
qui feraient verser des larmes sur le sort de ces tendres
victimes! L e sieur du Sauvage n’a-t-il pas assez de
ses peines, et doit-il les aggraver par un contraste aussi
choquant?
Il lui reste encore trop de choses à exprimer; il doit
dir e, en reprenant sa narration, qu ’en l’ an 3, ses c o
héritiers se virent obligés de faire le partage de leurs
biens indivis avec la nation; et que la portion qui lui
revenait fut vendue nationalement.
Dans le mois de messidor de la même année 3 ,
la dame de V é n y , prenant la qualité de femme de
l émigré du Sauvage, attaqua en désistement des tiers
détenteurs qui avaient acquis de son mari des immeu
bles propres à la fe mme, en vertu du pouvoir qu ’elle
lui avait donné par son c o n t r a t de mariage.
Celle demande donna lieu à une discussion sérieuse
qui fut terminée par un jugement du liibunal civil
de Xliom, du 24 messidor an 4 ; on lit dans les faits
�*
•
( S )
insérés au ju g e m e n t , que Jean - Charles du Sau
vage était émigré , et que dès le 17 novembre 1 7 9 2 ,
la dame de V é n y avait présenté une pétition aux
autorités administratives de la Haute-Loire, et obtenu
une provision de 2,000 francs.
Il est souvent question dans ce jugement du sieur
du Sauvage, et toujours avec la qualification d'émi
gré ou réputé émigré.
On doit donc tenir pour constant que le sieur du
Sauvage était absent depuis 1791 : qu ’en 1 7 9 2 , il est
dénoncé comme émigré par sa femme elle-même,
d ’après son indiscrète pétition ; el que le sieur du Sau
vage était encore émigré en l’an 4 , le 24 messidor.
Cette observation ne laisse pas d’être importante
pour les faits qui vont suivre ; car c'est le 19 fructidor
qu’est née A n n e-F ra n ço ise ; et il est curieux de
connaître son acte de naissance 5 on, va le rapporter
fidèlement.
« Aujourd’h u i , 4-e jour complémentaire an 4 , a
« comparu en la maison c o m m u n e , et par-devant
« m o i , officier public soussigné, Charles Blancheton,
«■officier de santé, habitant de cette commune de
« Clermont-Ferrand , qui m’a déclaré, en présence de
« Benoite G u ittard , femme d ’Anguslin R a y m o n d ,
« instituteur, et de Mugdeleine Jouberton, fille de
a L a u re n t, cultivateur, toutes deux majeures, non
« parentes de l’enfant, qu’il a accouché clans la maison
« de lui Blancheton , déclarant, le 19 fructidor der« m er, à trois heures après midi, A n n e T^ém/y épouse
�( 7 )
« de Cliarles-A ugusïin Sauvage, propriétaire, habitant
« ordinairement de la commune de Mouastier, dépar
te tement de la Haute-Loire,
actuellement absent
,
v d’une fille qui m ’a été représentée, et à laquelle
« il a été donné le prénom d’Anne-Françoise^ de tout
« quoi j’ai dressé, etc.»
Voilà donc cette femme V é n y obligée de cacher sa
honte dans une maison de santé destinée à recevoir ces
viles créatures, pour y déposer les fruits de leur incontinence.
La femme V é n y est abandonnée, séquestrée de toute
sa famille, et n’a d’autre ressource que d’aller accou
cher chez un chirurgien; elle a encore assez de
pour ne pas présenter sa fille comme l’enfant
époux; on se garde encore bien de la qualifier
légitime; l ’acte de naissance prouve, constate
pudeur
de son
de fille
même
que le mari était absent. Ainsi il ne peut résulter de
cet acte aucune possession d’état en faveur à 'A n n e Françoise.
La femme V é n y ne quille la maison de santé que
pour se livre ra de nouveaux desoídles; elle fait con
naissance avec un avenliuier, connu sous le nom de
Guine%, et bien loi elle devient féconde; liois actes de
naissance ont élé délivrés au sieur du Sauvage; il est
encore imporlanl de les faire connaître.
L e premier esl du 2 genjiinal an 6 , devant un sieur
Bonnet, membre de radminislration municipale de la
ville de Tournai. Ce même jour, comparaît Jean-Baptisle .Baigne!, accoucheur , domicilié en la même ville,
�section Egalité, « lequel, assisté de Louis Guine%, apo« thicaire, et de Pierre François, officier de santé,
« a déclaré en Cabsence de Chartes- Joseph Guine%}
« absen t pour ses a ÿ a ire s, qu A n n e V é n y , son épouse,
« en légitime m ariage, est accouchée aujourd liui æ
« trois heures du m a l i n , en son domicile, rue du
« C y g n e , d’un e n f a n t femelle, que lui, Jean-Baptisle
« Baignet m’a présenté, et auquel il a donné les prê
te noms de Louise-Antoinette-Joseph ».
L e second est du 23 germinal an 7 , devant Mazure,
officier de l’état civil de la même ville de Tournai. C ’est
Guinez lui-même q u i , assisté de deux témoins,
a
« déclaré qu’Anne-Francoise V é n y esl accouchée hier,
« à onze heures du soir, d ’un enfant m âle, qu’il m’a
« présenté, et auqueliladonné les prénoms de Charles« Isidore, le p è r e et les témoins ont signé, etc. »
L e troisième acte de naissance est ainsi conçu : « Du.
« 6 pluviôse an 11 , acte de naissance de Ju lie Guine%,
« née le 24 brumaire dernier, vers onze heures du
« soir, fille de Charles-Joseph , rentier, domicilié rue
« du Château , et d'A n n e V én y , non m ariés, ainsi que
« l’a d é c la r é , en l ’absence du p ère , Jean -B ap tiste
« Baignet, autre Jean-Baptisfe Baignet, accoucheur;
« le sexe de l’enfant
\ a été reconnu être féminin,' etc. »
L e sieur du Sauvage, comme on peut le penser,
n’avait aucune connaissance de ces laits; il obtient une
surveillance sur la lin de l ’an 9, et revient au lieu de
sa naissance ; mais il ne fut amnistié , en vertu du sénat 11sconsulle du 6 iloréal an 10, que le 8 pluviôse an 1 1* On
se
�( 9 )
se doute bien qu’ une femme coupable n ’a pas osé se
présenter à son époux ; ses parens ou ses amis igno
raient même le lieu de sa résidence; mais on le ras
sure : on lui atteste qu’elle a fait prononcer son divorce
pendant l’émigralion, et que ce divorce a été transcrit
sur les registres publics.
Il reste dans la plus profonde sécurité, voulant sur
tout oublier qu’il fut époux, dès qu’il n'avait plus le
bonheur d’être père : il avait en effet perdu, depuis
long-iems, les deux enfans provenus de son mariage.
Plusieurs années se passent dans cet état de calme,
si nécessaire à un infortuné, qui avait traversé avec
tant de sollicitude et de crainte le tems orageux de la
révolution.
Mais bientôt sa tranquillité est troublée; il n ’entend
d’abord que des propos vagues, qui semblaient le con
cerner, mais qui ne lui étaient pas adressés directement.
Son inquiétude augmente; ilapprend enfin qu’i l n ’existe
pas sur les registres de Iraces du divorce de sa femm e;
qu ’elle a vécu dans le libertinage le plus crapuleux,
et qu’elle a donné le jour à plusieurs enfans. 11 sent
combien il est important pour lui de découvrir ce mys
tère d’iniquité; il veut suivre les traces de la femme
V é n y ; toutes recherches sont i n f r u c t u e u s e s dans le lieu
de son domicile, comme dans les villes voisines; le
hasard lui fait découvrir que la femme V é n y a fait un
long séjour dans la ville de Tournai; il écrit aux auto
rités de celle ville; et le 1 3 mai 1809, il reçoit de l’ad-
joinl de .la mairie de Tournai les trois actes de nais—
3
�V*
( IO )
sance duement en fo r m e , et légalisés, dont on vient
de rendre compte.
Ce n’est pas tout : il est aussi informé qu’il existe
à Clermont un premier enfant, dont on lui a caché la
naissance ; il se fait délivrer l’acte de naissance d 'A n n eFrançoise, qci’on a rapporté en première ligne.
Il prend sur-le-champ son parti. L e i 5 juin 1809)
il fait notifier un acte extrajudiciaire aux quatre enfans
mineurs, et à la femme Vény. Il y expose qu’il a nou
vellement découvert que les liens qui l’avaient uni
avec cette dernière n’avaient pas été légalement rom
pus, ainsi qu’il aurait dû le croire d’après la publicité
et la nature des liaisons q u ’elle avait eues pendant
l’émigralion de son mari; il se réserve de se pourvoir
contr’elle par les voies de droit.
Il ajoute que ne voulant pas laisser dans sa famille
des enfans étrangers, il entend former l'action en dé
saveu de paternité contre ces quatre enfans; il expose
qu’il lui sera facile de prouver que non-seulement il
était, pour cause d’éloignement, dans l’impossibilité
physique de cohabiter avec sa femme pendant le tems
déterminé par l’article 3 12. du Code Napoléon, mais
encore pendant plusieurs années avant ; enfin , parce
qu ’à l’époque de la naissance de ces enfans, et avant, la
femme V é n y vivait publiquement avec tout autre, ce
qui est établi par les actes de naissance, el ce qui le
serait au besoin par d’autres preuves non équivoques.
Il déclare que pour défendre à cette demande en
désaveu de paternité, il se propose de faire nommer
�4 ai
( ”
)
un tuteur aux enfans, en présence de leur mère, et
qu’il va se retirer par-devant le juge de paix de son
domicile, qui doit être, aux termes de l'article 108 du
Code Napo léon, celui de la mère et des enfans.
4 juillet 1809, cédule du juge de paix, pour con
voquer le conseil de famille. L e sieur du Sauvage a
soin d’observer que ses parens ne doivent pas être con
voqués à raison de la nature de sa d em a n d e, et il
indique huit p a r e i l s maternels, habitant tous le dépar
tement du Pu y-d e-D ôm e.
Alors le juge de paix , attendu l’éloignement, et que
le cas requiert célérité, ordonne que huit personnes
par lui indiquées comme voisins ou connus pour avoir
eu des liaisons d’amitié avec la femme V é n y , seront
appelées pour comparaître le lendemain devant l u i ,
à l ’effet de délibérer sur le choix et nomination d’ un
tuteur a d hoc aux quatre enfans mineurs.
L e lendemain, les personnes indiquées par le juge
de paix comparaissent devant l u i , en vertu de sa
cédule et de l’assignation de la veille; le sieur Debrus,
notaire, est nommé tuteur a d hoc aux enfans, et en
accepte la charge.
lie 7 juillet , demande en désaveu de paternité
des quatre enfans, devant le tribunal civil du P u y ,
contre le sieur Debrus, en sa qualité de tuteur. L e
sieur Noyer du Sauvage conclut à ce qu’il soit fait
defense à ces quatre individus de se dire et de prendre
la qualité de ses enfans, aux peines de droit.
4
�( 12 )
Le
ii
juillet, même assignation, et demande ré
pétée contre la femme V é n y.
La femme V é n y ne comparut pas: le tuteur seul
constitua avoué , ce qui donna lieu à un jugement
de jonction contre la femme V é n y , en date du 10
avril 1810.
Il s'éleva quelques discussions sur l’irrégularité de
la procédure; mais le 3 o avril
1 8 1 0 , il fut rendu
un jugement, par lequel le tribunal « Considérant
qu’il résulte des actes de naissance d’Anne-Françoise
Sauvage, Louise-Antoinetle, Joseph Guinez, CharlesIsidore G u in ez, et Julie Guinez, qu’ils sont nés dans
des communes éloignées du domicile du sieur du
Sauvage, en l’absence du sieur du Sauvage , et pen
dant son émigration ;
« Que depuis son retour, Anne V é n y et ses enfans
n ’ont pas cohabité avec lui ;
« Q u ’il parait que le sieur Noyer du Sauvage n’a eu
légalement connaissance de l’existence des enfans de
son épouse que par l’extrait des actes de naissance qui
lui ont été délivrés à Tournai et à Clerm on t, aux mois
de mai et de juin 1809; que sa demande en désaveu
a été formée dans les délais et en observant les formes
prescrites par les articles 3 r 6 et 3 18 du Code Napoléon ;
« Considérant, au fond, qu’il n’est pas disconvenu
que le demandeur fut absent du domicile conjugal, et
n’eût aucun rapport avec sa femme plusieurs années
avant lu naissance de ces enfans; qu’il est même de no
toriété publique que, vers la fin de l’année 1 7 9 3 , la
�( i3 )
femme V é n y avait f a i t , à raison de l'émigration de
son m ari, une déclaration de divorce en la maison com
mune du P a y ‘
« Q u ’on lui a donné, dans le premier des actes
de naissance, le titre de femme légitime de CharlesAugustin Sauvage, ce qui n’est pas le nom du deman
deu r; que dans les autres, on lui a donné le nom de
femme légitime de Charles-Joseph Guinez; qu’aucun
de ces enJans ne peut réclamer ainsi ni son acte de
naissance, ni la possession d'état pour se dire enfant
de Jean-Charles du Noyer du Sauvage ;
« Considérant q u ’à défaut - d’acte de naissance
pour prouver leur filiation avec le demandeur, on
n ’établit pas la possession constante de Tétat d ’enfant
légitime; qu ’on n’offre pas môme de prouver que le
demandeur ail reconnu cesenfans; qu’il lésait jamais
traitéscomme les siens; qu’il eût pourvu en cette qualité
à leur éducation, entretien ou établissement ; ni même
qu’ils aient jamais été reconnus dans la société ou dans
sa famille pour ses enfans;
« Considérant
q u ’il ne peut y avoii» lieu à faire
transcrire le jugement qui prononce sur le désaveu
des enfans, en marge des regislies de l’étal civil,
que lorsqu’ils sont inscrits sous le nom du père qui
les désavoue; que leur acte de naissance les aililie à
une famille qui n’esl pas la leur; et qu’aucun des enfans ne sont inscrits sur les registres, comme enfans
de Jean-Charles du N o y e r ;
« Par ces motifs, statuant sur la demande en désa
�( i4 )
ve u de Jean-Charles du Noyer du Sauvage, donne
défaut conlre la dame V é n y comparante, et demeu
rant le défaut joint à la demande
principale, par
le jugement du 10 avril 1810 , signifié par l’huissier
commis le 10 mai suivant; sans s'arrêter à choses
déduites par le tuteur des enfans désavoués , déclare
l a d e m a n d e régulière en la forme et b i e n poursuivie;
et y faisant droit, prononce qu ’Anne-Françoise Sau
vage , Louise-Antoinette, Joseph G u i n e z , CharlesIsidore G u in e z , et Julie Guinez ne sont pas les
enfans d e J e a n - C h a r l e s du Noyer du Sauvage; leur
fait défenses, en conséquence, de prendre son nom
à l’avenir, et de se dire nés de son mariage avec
Anne-Françoise V é n y , sous les peines de droit; pro
nonce n’y avoir lieu d’ordonner la mention du présent
jugement en marge des registres de l’état civil des
villes de Clermont et de Tournai, attendu que les en
fans n’y
sont pas inscrits comme enfans de Jean-
Charles du Noy er du Sauvage; déclare le jugement
commun avec la dame V é n y de Villemont et la con
damne aux dépens, etc. »
Ce jugement a été signifié au üiteur et à la femme
Vény. Cette dernière ainsi que les enfans Guinez ont
gardé le silence. A nne-Françoise seule a d ’abord in
terjeté a p p e l ,
m ais
ensuite elle a prétendu que sa
défense avait été absolument négligée par celui qui
avait été nommé son tuteur; elle a cru devoir pré
senter une requête en la C o u r , pour demander la
nomination d ’un nouveau c u r a t e u r , à 1’eflet de pou-
�( i5 )
4® *
voir, sous son autorisation, faire appel du jugement
rendu par le tribunal du P u y , le 10 avril 1810.
Sur celte requête non communiquée, il a été rendu
un arrêt, le 11 mai 1 8 1 1 , portant nomination de
M . e Garron, avoué en la Cou r, pouriCuraleur d'A nn e*
Françoise,* et M.e Garron, tant en son nom de curateur
qu’en celui d’Anne-Francoise, a interjeté un nouvel
appel le 14 du même mois de mai.
Cette nomination de curateur sur simple requête
est elle régulière? Cette forme paraît inusitée, et n ’est
autorisée par aucune loi. L e Code Napoléon n’indique
qu’un seul mode pour la nomination des tuteurs ou
curateurs, et c’est par la voie d’ un conseil de famille.
L e sieur du Sauvage qui ne met pas autrement d’im
portance aux discussions de forme, a cependant cru
devoir insister sur la nullité de cette nomination.
D ’un autre côlé , A n n e Françoise a aussi prétendu
que les procès verbaux du conseil de famille, des 4
et 5 juillet 1809, étaient irréguliers. Suivant elle, lë
conseil de famille devait être composé de pareils pa
ternels el maternels, el elle n’a pas voulu faire attention
qu’il était déplacé de iaire comparaître des parers du
sieur du Sauvage, d’après la nature de sa demande;
que c était dans l’intérêt même de ¡’appelante que
l ’observation avait été faite; et que les païens mater
nels étant à une plus grande distance que celle déter
minée par la loi, devait être remplacés par des amis
ou voisins.
Au surplus, ces questions de forme sont encore
�f
( 16 )
intactes; elles sont soumises à la Cour qui les appréciera
dans sa sagesse, et elles ne doivent pas retarder la dis
cussion du fond.
L e sieur du Sauvage a désavoué ces quatre enfans,
en se fondant sur l’article 3 16 du Code Napoléon,
dernier §. Les naissances lui avaient été ca il lées;
les enfans avaient été conçus et nés pendant son émi
gration, l o r s q u ’il y avait impossibilité physique de co
habitation entre les époux. Rien de mieux prouvé
que son absence, par une série d’actes qui émanent
tous de la femme V é n y , en 1 7 9 2 , 1 7 9 3 , an 3 , an
4 et an 5 . Et la cause portée en l’audience solennelle
de la Cou r, le 5 août dernier, l’évidence de sa de
mande fut portée à un si haut d e g r é , que l’ap
pelante ne parvint à en arrêter la manifestation qu’en
offrant des preuves qui tendaient à établir, i.° que
le sieur du Sauvage, après sa rentrée dans son domi
cile, et notamment en l’an 10, était venu chez la dame
Demariolles, où il avait vu rappelante, l'avait reconnue
0
et considérée comme fille de son épouse ; 2 que l’appelanle était connue sous le nom d'.Antie du Sauvage j
3.° qu’elle était ainsi nommée dans la pension où elle
était envoyée par la dame Demariolles, et dans laquelle
pension le sieur du Sauvage avait vu et reconnu l’ap
pelante comme il l ’avait fait dans la maison de la dame
Demariolles; 4.0 enfin, que le sieur du Sauvage avait
dit plusieurs fois que l’appelante ressemblait à la femme
V é n y , sa mère.
L a Cour qui met toujours la plus grande maturité
dans
�4*7
( 17 )
dans ses décisions, rendit, le même jour 5 août 1 8 1 2 ,
un arrêt interlocutoire, par lequel, en réservant res
pectivement les fins, elle ordonna, avant faire droit,
que l’appelante ferait preuve par témoins : que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de paternité,
formée par le sieur du Sauvage, il était venu après sa
rentrée en son domicile, et notamment en l’an 10,
chez la dame Demariolles 5 qu’il y avait vu A n n e Françoise, et l'avait teconriue pour êfre la fille de sa
f e m m e ; 2 ° qu ’elle élait connue de lui sous Le nom
d ’ A nna-Françoise du, Sauvage; 3 .° qu'en sa présence
de lui du Sauvage, et dans la pension où élait élevée
l ’appelante, elle a été ainsi appelée et dénom mée, et
qu ’il l’y a reconnue comme fille de sa f e m m e , sauf
au sieur du Sauvage la preuve contraire dans le
même délai.
En exécution de cet arrêt, les parties ont respec
tivement enquêté. Il est indispensable de faire con
naître ces enquêles à la Cour.
Le
premier témoin de l’enquête directe est M.
Gauthier, juge au tribunal civil de Clermont. Il ne
sait rien des faits consignés dans l'interlocutoire; il
se rappelle néanmoins avoir entendu dire chez la dame
Lacaussade, que M. Noy er du S a u v a g e était dans l’in
tention de se pourvoir eu désaveu de paternité des
enfans que sa femme avait pu avoir pendant le teins
de son émigration : il ne peut préciser l ’époque où ce
propos a été tenu, ni par qui il l a été.
L e second témoin est lu dume Lacaussade, femme
�François:
• > / elle ne sait absolument rien des faits inlerloqués.
*•
L e troisième, Victoire Vignau , femme de Pierre
Vignau , limonadier à C l e r m o n l , dépose qu'il y a
environ sept ans, autant qu’elle peut s’en rappeler,
ayant à dîner chez elle le sieur du Sauvage, le sieur
Cellier et le sieur Gervis , dans le cours de ce dîner ,
le sieur du S a u v a g e , parlant de son épouse, dit qu’il
lui serait facile de rentrer dans ses biens, mais pour
ses enfans qu'il ne les reconnaîtrait jamais, et que
c ’était ce qui l’empêchait de poursuivre la rentrée
de ses biens.
L e quatrième témoin, Victor Cellier, un des con
vives dont parle la femm e Vignau , dépose ne rien
savoir des faits interloqués, si ce n’est qu ’il y a environ,
sept ans, étant à dîner chez la dame Vignau avec le
sieur du Sauvage et le sieur Gervis, le sieur du Sauvage ,
parlant de sa malheureuse situation à l’égard de son
épouse, dit qu’ils avaient eu deux enfans qui n’exis
taient plus, niais que depuis son émigration, il en
était survenu d’autres, qui n ’ é l u i e n t pas de l u i;
que le déclarant ayant cherché à le réconcilier avec
sa f e m m e , par des voies de douceur, il n’avait pu y
parvenir; qu’au contraire, le sieur du Sauvage avait
formellement déclaré qu’il ne reconnaîtrait jamais ces
enfans, et qu ’il ne verrait pas sa femm e; qu’il savait
qu’ il y avait un de ces enfans chez la dame Demariolles, sa belle sœur, mais qu’il ne le r e c o n n a i s s a i t
pas pour le sien.
�( *9 )
L e cinquième témoin* Jean-Baptisfe Giron , dépose
qu’il connaît depuis long-tems le sieur du Sauvage ;
qu’il a tenu sur les fonds baptismaux un enfant à lui
déposant avec la dame Demariolles, sa belle sœur;
qu’en l’an 12* étant allé voir cet enfant, qui était
à l’école secondaire de Pontgibaud, à l’époque de la
distribution des prix de celte année 12 , il y rencontra
le sieur du Sauvage, qu’il n’avait pas vu depuis longtems : il lui témoigna son élonnement de le trouver
en cet endroit. L e sieur du Sauvage lui dit qu’il y éIait
venu exprès pour voir son filleul, fils du déclarant, qu’il
lui était fort atlaclié, et qu’il voulait même le faire son
héritier* à quoi le témoin répondit que cela ne se pouvait
pas, puisqu’il avait des enfans. L e s i e u r du Sauvage ré
pliqua qu’il n’en avait pas, et qu’il n ’en connaissait
point. Lors de cette conversa lion* intervint le sieur
Gauthier de B io sat, ce qui fit que le déclarant ne
poursuivit pas plus loin la conversation.
Ajoute le déposant, qu’à une époque postérieure
à celle qu’il vient de désigner, sans pouvoir la pré
ciser, il lui fui présenté, ou par le sieur du Sauvage* ou
par le sieur D e t e ix , sans pouvoir assurer par lequel
des deux, trois extraits de naissance de trois enfans
de l’épouse du sieur du Sauvage ; dans l’un de ces
extraits était le nom du sieur du Sauvage, comme père
de l’enfanl; dans le second, la paternité était attribuée
au nommé Gu inez; dans le troisième, le père était
déclaré inconnu. Celle époque remonte à-peu-près à
celle où la fille A nne du Sauvage fut retirée des mains
6
�( 20 )
de Guinez, en vertu d’un jugemeut de police correc
tionnelle.
L e témoin interpellé, à la réquisition du sieur du
Sauvage, s’il savait le nom que portait celle fille, lors
qu’elle élait chez la dame Demariolles, a répondu qu’il
ne lui connaissait pas d’autre nom que celui d’A n n a .
L e sixième témoin est le sieur Bernard Vincent. Il
dépose qu’en qualité d’ami, soit du sieur du Sauvage,
soit de la dame Demariolles, il s’est trouvé souvent avec
l’un et avec l’autre, et même avec tous les deux en
semble ; que la dame Demariolles prenait soin, et tenait
auprès d’elle un enfant nommé A n n a - que quelquefois
les personnes de la maison l’appelaient sous le nom de
du Sauvage, mais que la dame Demariolles, publique
m e n t , ne lui donnait d’autre nom que celui d ’A n n a ;
quelquefois, et par inadvertance, elle la nommait par
celui de du Sauvage; néanmoins, lorsque le sieur du
Sauvage allait chez sa be lle-sœ ur, elle avait le plus
grand soin de faire disparaître cet enfant ; et cet enfant
l u i- m ê m e , sans se le faire dire, avait soin de ne pas
se montrer. Le déclarant y a y a n t fuit attention, avait
témoigné son étonnement à la dame Demariolles, qui
lui avait dit qu’elle estimait Irop le sieur du Sauvage,
son beau-frère, pour lui montrer cet enfant; que d ’ail
leurs il n’était pas dans ses principes de lui taire voir
un enfant qu’elle savait n'être pas à lui, quoique pro
venu de sa femme.
L e témoin ajoute à ce sujet, q u ’a y a n t eu p l u s i e u r s
conversations avec le sieur du Sauvage, qui n ’iguo-
�( 21 )
4k \
mit pas l’existence de cet enfant, qu’on lui avait dit
appartenir à sa fe m m e , et être chez la dame D e m a riolles, il lui avait témoigné avoir remarqué cet enfant,
et l’aflectation de se cacher lorsqu’il se montrait. Il le
pria de savoir où la darne du Sauvage s’était accouch ée,
el où l’extrait de naissance pourrait se trouver, et s’il
avait élé fait sous son nom : il voulait même que le
déclarant s'adressât pour cela à la dame Demariolles,
sans le nommer; celui-ci montra de la répugnance sur
ce point, mais il lui offrit de s’acquitter de la commis
sion, s’il voulait trouver bon qu’il le demandât en son
nom à la dame Demariolles. L e sieur du Sauvage ne
voulut point que la commission fût faite ainsi, en con
séquence le déclarant n’en parla pointa la dame D e m a
riolles.
Interpellé sur l’époque de cette conversation, le té
moin n’a su la préciser, néanmoins il a dit qu’elle se
rapportait à l'époque d’un procès que le sieur du Sau
vage oncle avait alors pendant à la Cour.
L e septième témoin est un sieur Esmelin, d’Aigueperse. 11 était fermier de la dame Demariolles ; mais
il dit avoir cessé de l’être depuis cinq ans. 11 dépose
qu il y a environ dix ans, il a connu à Aigtieperse,
une fille à qui on donnait le nom de du Sauvage.
Elle était sous la direction d ’un nommé Guinez, alors
logé dans l’auberge de la veuve Tapon , aujourd’hui
occupée par le nommé Claustre son gendre. Elle y a
ainsi demeuré sous la même direction pendant quatre
à cinq mois. Guinez, qui était un tiès muuuais sujet,
�( 52 )
usant de mauvais procédés envers cet enfant, on fut
obligé de se pourvoir à la police correctionnelle, où
il intervint un jugement à la requête de la dame de
Mariolles, qui remit l’enfant à cette dernière, et con
damna Guinez à un emprisonnement. L e té moin ,
ayant eu plusieurs fois l’occasion de voir M. du Sau
vage , et lui a y a n t parlé de celte fille qu’il croyait
être vraiment la sienne, il lui rappela les mauvais
traifemens exercés sur elle par G u in e z , el la punition
qui avait été infligée à ce dernier par le jugement de
police correctionnelle; à quoi le sieur du Sauvage ne
répondit rien. Suivant le tém oin , l’époque de cette
conversation peut remonter à enlour huit a neuf ans,
autant qu ’il puisse s’en souvenir. Il ajoule avoir vu la
petite fille en question dans la maison de la dame de
Mariolles. On l’appelait alors la petite du Sauvage.
Ce n’est que depuis cinq ans qu’il Ta connue sous le
nom d'A n n a . Enfin les conversations que le témoin
a eues avec le sieur du Sauvage, au sujet de cet e n f a n t ,
ont été tenues h l’auberge de Boyer , et point chez
la dame de Mariolles.
Le
huitième témoin est M. Chas^aing, juge au
•tribunal de Clermont. On a observé à ce témoin qu’il
• avait la confiance générale de la maison Villemont;
qu ’il a été chargé de plusieurs comptes et liquidations
pour cette maison; que même il a contracté plusieurs
eng.'igemcns de garantie envers les acquéreurs de la
dame de Villemont.
Lorsque lé sieur du Sauvage s’est permis do faire
�celte observation à M. Chassaing, il n’avait nullement
l'intention de le blesser. Mais il est du plus grand in
térêt pour lui cl’écarter tous ceux qui pourraient avoir
quelques liaisons avec la seule personne qui ait préparé
celte intrigue, et qui lui a suscité cet incident dans les
intentions les plus hosliles : elle ne les a pas même dis
simulées, et les a présentées à ses créanciers comme
une ressource. Dans ses indiscrètes confidences, et à
raison de la pénurie de ses mo yens, elle croit que si
elle parvenait à faire déclarer cet enfant fille du sieur
du Sauvage, elle aurait à répéter contre lui des pen
sions considérables, qu ’elle promet à ses créanciers.
Il est assez naturel dès-lors que le sieur du Sauvage
suspecle ceux qui ont contracté des engagemens, ou se
sont rendus caillions de la dame Demariolles.
M. Chassaing, il faut en convenir, a répondu avec
franchise : il a dit que cela élail vr ai, dans le tems
qu'il était a v o u é , mais que tous ces faits n’exislent plus
depuis qu ’il est dans la magistrature; que la liquidation
de la dame Demariolles, donl il était chargé comme
avou é , se poursuit aujourd’hui judiciairement, et que
bientôt les engngemens par lui contractés ne subsisteront plus • donc ils existaient au moment de la dépo
sition. La Cour appréciera ces observa lions.
A u surplus, ce témoin dépose qu ’à une époque
donl il n’est pas parfuilernenl mémoralif, le sieur du
Sauvage vint le trouver dans l’ancienne maison qu ’il
occupait alors; il était accompagné du s.r L e v e t ; il était
porteur d ’un eflet de i ?6oo fr, tiré ou endossé par la
�dame Demariolles; il le pria de le faire négocier p a r l e s *
D u m a y , son gendre. Cette négociation ayant été ef
fe ctu ée, occasionna plusieurs visites chez le déposant,
de la part du sieur du Sauvage. Dans une de ces visites,
le déclarant lui demanda s’il était ic i avec la dame son
épouse; sur quoi, le sieur du Sauvage se récria, en
disant qu'il était impossible cfh ibiler avec une femme
aussi immorale, aussi déréglée qu’elle; qu’il n'ignorait
pas que pendant son émigration, elle avait eu deux
ou trois enfans, dont, notamment une fille demeu
rant chez la dame Demariolles, mais qu’il désavouait
tous ces enfans ; qu ’il se proposait même de se
pourvoir en divorce contre sa fem m e, et en désaveu
de paternité contre chacun desdils enfans; qu’ alors
le déclarant lui dit : vous ne voyez donc pas madame
Demariolles votre belle sœur? que le sieur du Sauvage
lui répondit : je la vois quelquefois; je la vois même avec
plaisir; je fais cas de la bonté de son caractère, mais,
par égard pour moi, elle a soin de faire disparaître
1 enfant lorsque j ’entre dans la maison.
Interpellé, à la requête du curateur, sur l’époque de
c e s diverses visites et conversations, le témoin déclare
ne.pas se rappeler de l’époque, que néanmoins c ’était
plusieurs mois avant 1 acquisition desa nouvelle maison,
ce qui remonte à plus de cinq ans ail moins; n’ayant
point actuellement sous les yeu x son contrat d’acqui
sition.
L e neuvième témoin est Gabriel Gervis. Il dépose
qu ?il no sait rien des faits interloqués. Depuis très longterns
�(
2$ )
44J
tems et,antérieurement à l'émigration du sieur du Sau
v a g e , il a eu l’honneur de sa connaissance. Tout ce dont
il se rappelle, ayant rencontré ledit sieur du Sauvage
dans la ville de Germont y il l’engagea à dîner, ce que
le sieur du Sauvage accepta. Il y eut à ce dîner d’autres
convives, notamment lesieur Cellier et la dameVig nau;
mais il ne se rappelle nullement qu’il eût été question
de rien sur celle a fia ire.
L e dixième et dernier témoin est le sieur Claude
Tapon. Ce témoin a été entendu au tribunal de Thiers;
et par une singularité dont on ne peut rendre compte,
le sieur du Sauvage fut assigné pour être présent à
l ’audilion de ce tém oin , le même jour qu’il assistait
à la Cour à l’enquête faile à la requête d'A n n a . Son
avoué de Thiers a cru devoir protester de nullité, et
se réserver tous moyens de récusation.
Quoi qu’il en soit, ce témoin a déposé qu’il a fré
quenté la maison de la dame Demariolles, depuis l’an
7 ou environ jusqu’en 1806, momentanément et par
intervalles; que dans le courant de l’an 10 et années
suivantes, il a eu occasion d y voir, à différentes fois, le
sieur N oy er du Sauvage; que même le sieur du Sau
vage l u i a dit souvent, dans la c o n v e r s a t i o n , que si la
dame de V é n y , son épouse, ne s’élait pas prostituée
au nommé G u in ez, qui a été guillotiné, il se serait
peut-être décidé à faire du bien à A n n a ; qu ’il a eu
pareillement occasion de voir A n n a dans la maison
de madame Demariolles, et c e , depuis entour 14 ans,
qu’il l 'y a toujours vue depuis cet le époque jusqu’au mo
�* H*
( 26 )
ment où elle fut mise en pension, et Ta constamment en^
tendu nommer A n n a , sans autre dénomination. A n n a
appelait madame Demariolles sa tante, et la dame
de V e n y sa mère : à l’égard du sieur du Sauvage, iL
ne lui a jamais dit qu’ A n n a fût la fille de sa fe mm e;
quant à lui déposant, il est bien persuadé qu ’Anna;
est fille de la dame du Sauvage, et il était d’autant
plus fondé à le croire, que c’était là l’opinion publique,
et qu ’A n n a ressemble singulièrement à la femme Veny.
L e témoin observe que lorsque le sieur du Sauvage
venait chez la dame Demariolles, sa belle sœur, Anncu
ne venait pas à table tant que le sieur du Sauvagô
séjournait chez celle d am e, et elle y reparaissait lors
qu ’il était parti; il semblait qu ’on voulût faire en sorle
que le s>ieur du Sauvage ne la vît pas.
On demande au témoin s’il est de sa connaissance
que le sieur du Sauvage .sût qu ’A n n a était l’enfant de
]a dame V é n y son épouse. Il répond que le sieur du
Sauvage 11e lui a pasdit<précisément qu’il le savait, parcequ e , malgré lest soins qu ’on prenait pour empêcher:
A n n a de se rencontrer avec le s i e u r du Sauvage, il
n ’avait pas laissé de la* voir quelquefois, et n’avait pu
faire-autrement que de lui trouver une parfaite res
semblance avec la dame Vény.
Telle est-l'enquête directe faite à larequêt CCA n n e Françoise. On sera sans doute étonné qu ’elle 11’ait
fait assigner aucun témoin qui pût déposer sur le
troisième fait dont l’arrêt delà Cour ordonne la preuve,
fait■
très-important puisqu’il tendait à établir qu eu la
�( 27 )
présence du sieur du Sauvage, e t 'd a n s la pension
à 'A n n a , elle avait été appelée et dénommée A n n a
d u Sauvage, et qu’il l’y avait reconnue comme fille
de sa femme.
L e sieur du Sauvage a remarqué cette lacune; et s’est
déterminé, à raison de ce, à faire uneenquête contraire;
mais il s’est contenté de faire assigner deux seuls té
moins, la dame de Rigaud qui tenait la maison d’é
ducation où a été élevée A n n e-F ra n çoise, et la dame
Decham p.sa coadjutrice. Cette dernière n’a pu com
paraître; mais la dame de Rigaud a été entendue.
Elle dépose que tenant une maison d’éducation de
jeunes demoiselles , conjointement avec la dame Dechamp, il lui fut amené par la dame Dum onlel d ’Ardes,
actuellement décédée, une jeune fille, âgée d ’environ
sept à huit ans, que la dame D umonlel lui dit être
la nièce de la dame Demariolles , et lui être amenée
de sa part ; qu’en effet depuis cette épo que, et pendant
environ deux ans et demi, que cette nièce avait de
meuré com me externe dans sa maison, sa pension a
été payée par la dame Demariolles; mais elle n’était
connue dans la maison que sous le nom d'A n n a , nièce
de la dame Demariolles. Pendant Finlervalle de ces
deux ans et demi, elle *se rappelle que le sieur du
Sauvage est venu une ou deux fois dans la maison ,
tnais que ce n’était que pour voir une jeune veuvo
du P u y , qui y habitait ; il était chïirgé , de la part de
la famille de cette ve u v e , de la voir, et de lui porter do
l ’argent. 11 lui en porta en e lfet, et il n’a jamais étéques-
8
�i W
'M b
( 28 )
tion , de la part du sieur du Sauvage, de demander des
nouvelles de la fille A n n a } qui même ne lui a jamais
été présenlée.
L e sieur du Sauvage a cru devoir rapporter fidè
lement et matériellement la déposilion des témoins,
avant de se permettre aucunes réflexions; il a pensé
q u e , p a r c e m o ye n , on en saisirait mieux l’ensemble,
pour comparer ensuite les faits dont il a été déposé,
avec ceux gisant en preuves.
Dans celle matière, il n’y a rien
d’indifférent; ce
n ’est qu’après la plus mure délibération que la Cour
a resserré les faits dans un cadre étroit, a pesé ceux
qui étaient susceptibles de faire impression ou de
porter la conviction dans les esprits; elle se rappellera
su r-tou t qu’ A nna-Françoise , 011 ceux qui la font
agir, voulait prendre une plus grande latitude, et ne
niellait en avant que des laits vagues et insigniiians;
q u e , malgré ses observations, la Cour maintint son
arrêt, sans vouloir rien ajouter ni retrancher.
Ainsi A n n a avait h prouver t r o i s faits : x°. que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de palernilé, et notamment, en l’an 10 , le sieur du Sauvage
est
venu chez la dame Demariolles , qu ’il y a vu
A n n a , et l’a reconnue pour être la tille de sa femme.
11 convient de s'arrêter d’abord sur le premier fait.
L e désaveu de palernilé est du i 5 juin 1809, et
remonte à trois ans et demi.
L e premier témoin a entendu dire, sans se rappeler
�( 39 )
l ’époque , que le sieur du Sauvage voulait se pourvoir
en désaveu de palernilé.
L e second ne sait absolument rien.
L e troisième a ouï dire, il y a environ sept ans, que
le sieur du Sauvage déclara qu’il ne reconnaîtrait j a
mais ces enfans.
L e quatrième tient le même langage : le sieur du
Sauvage savait qu’il y avait un enlant chez la dame
de Mariolles, mais qu’il ne le reconnaîtrait jamais pour
le sien.
L e cinquième a voulu observer au sieur du Sau
vage qu’il avait des enfans; celui-ci lui a répondu
qu’il n'en avait pas. 11 a vu entre les mains du sieur
du Sauvage ou du sieur Deleix trois extraits de nais
sance; il ne sait pas dire lequel des deux, ni préciser
l ’époque.
On sait que ces extraits de naissance n’ont été con
nus et retirés qu’en juin 1809 , el que le.désaveu de
palernilé a eu lieu dans le mois de la découverte.
Ce même témoin n’a connu l’appelante que sous le
nom d 'A n n a .
L a d é p o s i t i o n du s i x i è m e t é m o i n est p l u s é t e n d u e ;
m a i s il d é c l a r é b i e n p o s i t i v e m e n t c | u e lu d a m e R e m a iiolles ne donnait
p u b l i q u e m e n t à cet
enfant
q u e le
n o m d 'A n n a ■e l l e fiii-ail d i s p a r a î t r e c e l l e f i l l e , t o u t e s
les fois q u e le s i e u r d u S a u v a g e e n l r a i t c h e z e l l e ; e l l e
eslimaU t r o p son b e a u - f r è r e p o u r lui m o n t r e r cet e n
f a n t . 11 n’élail pas dans ¿es principes d e l u i faire voir
�un enfant qu’elle savait n’être pas à la i, quoique pro
venu de sa femme.
L e septième témoin a voulu entretenir le sieur du
Sauvage des mauvais traitemens que Gainez, faisait
éprouver à cette fille ; }le sieur du Sauvage ne lui a
rien répondu.
L e huitième dépose que le sieur du Sauvage lui a dit
ne pas ignorer que sa femme avait eu deux ou trois
enfans pendant son émigration, notamment un chez
la dame Demariolles, mais qu ’il désavouait tous ces
.enfans", et se proposait de former la demande en dé
saveu de paternité ; il ajoute aussi que le sieur du Sau
vage lui avait déclaré«, que lorsqu’il se présentait chez
la dame Demariolles, elle avait soin de faire retirer
■cet enfant.
Ce témoin fait remonter cette conversation à cinq
ans ; au moment où il déposait^ la demande en dé
saveu était formée depuis trois ans et quatre mois.
L e neuvième n’a aucune connaissance des faits.
L e d i x i è m e a entendu constamment appeler cette
fille A n n a , san s autre d é n o m i n a t i o n . Lorsque le s.r
du Sauvage arrivait chez la dame Demariolles, on
faisait retirer l’enfant; elle ne se mettait pas à'table.
L e sieur du Sauvage ne 'lui a jamais dit qu’il connût
l'enfant pour être celui'dè sa femme, mais il présume
que le sieur du Sauvage le savait.
lie dernier, la dame de R ig a u d , maîtresse de pe n
sion, atteste que le sieur du Sauvage n’a jamais vu
Anna, chez elle; qu’elle ne lui a jamais été présentée.
�Il n’est donc aucunement proavé qu’en l ’an i o le
sieur du Sauvage a vu A n n a chez la dame D e m a
riolles, et qu’il l’a reconnue pour être la fille de sa
f e m m e ; puisqu’au contraire il est établi que toutes
les fois que le sieur du Sauvage est arrivé chez la>
dame Demariolles , on a fait disparaître l’enfant.
Second fait : E lle était connue de Lui sous le nom
d 'A nna-Françoise du Sauvage. Pour le cou p , il n’y
a pas un seul témoin qui ait déposé de cette circons
tance ; personne ne s’est avisé de dire que le sieur du
Sauvage ait connu ou souffert que celte fille portât son
nom; et la maîtresse de pension apprend même qu’elle
n ’a été présentée chez elle que sous le nom d ' A n n a >
nièce de madame de Mariolles.
L e dixième témoin, celui q u i a é l é entendu à Thiers^
liors'la présence du sieur du Sauvage, n’a jamais en
tendu appeler cel enfant que sous le nom d' A n n a ^
sans autre dénominalion , el ne fait que présumer que
le sieur du Sauvage savait qu ’elle était fille de sa.
fem m e; mais loin de convenir q u ’elle pQijlâl le nom
de du Sauvage, le témoin lui-même le désavoue for
mellement.
Ainsi, c e second fait a donc é t é f a u s s e m e n l a l l é g u é .
Tioi.sieme fail :« Llle a ' é l é ainsi appelée et d é « nommee dans la pension où elle éluit éle vée, en.« présence du sieur du Sauvage, qui l y a reconnue
« comme fille de sa femme. »
Cette assertion a été completlement désavouée par,,
la maîtresse de pension qui a élevé A n n a : le ’ sieur
�du Sauvage ne l’y a jamais vue; elle ne lui a jamais
été présentée; le sieur du Sauvage n’esi venu à la
pension que pour porter de l’argent à une jeune veuve
du P u y ; aucun des autres témoins n’a déposé sur ce
fait si important : cependant la lilie A n n a , lors de l’arrêt
d e l à Cou r, s’appesantit sur cet te circonstance dans ses
conclusions, d ’une manière tellement précise, qu ’elle
détermina peut-être l ’interlocutoire.
Quel peut être l’espoir de celle fille audacieuse?
A -t-e lle satisfait-à l’arrêt d e ' l a C o u r ? Osera-t elle
espérer de porter un nom qui ne lui appartient pas?
Sans doute elle voudra entreprendre de discuter le
fo n d , en s’appuyant sur une disposition d’ usage , con
signée dans l’arrêt de la C o u r , « Sans préjudice des
’fins qui demeurent respectivement réservées ». Il
faut donc 'la suivre dans ce dernier retranchement.
« On ne croit cependant pas devoir s’occuper des
moyens Qu’elle a proposés en la forme ; et ce n’est
pas sérieusénient qu’elle a 1 prétendu !que le conseil!
de famille 'devait' être composé de parens du sieur
dti Sauvage et de ses parens d’elle A n n a . Malgré*
leur éloignement, « la femme mariée n’a poinf d’autre
« domicile que'celui de son mari :1e mineur émam ip é
«ra-soh dbmicile chez ses père el mère (art. 108, Code
« N a p o l é o n *
1“
' ■
*
*« iMi’sque lés parens ou alliés se trouvent à la dis—
« lance de plus de deux myriamèlres, le juge de paix
«’’ pèiit Appeler', pour Composer le conseil do famille,
«■'danslncommuncofi la tutelle est ouverte, des citoyens
* connus
�( 33 )
« connus pour avoir eu des relations habituelles cî’a« mi lié avec le père ou la mère du mineur ( art. 4 ° 9 ?
« Code Napoléon ). »
Il répugnerait au bon sens et à la raison, que celui
qui désavoue la paternité, fît appeler ses parens au
conseil; ce serait une contradiction évidente avec la
demande; en soutenant qu’il n’est pas le père, il sou
tient aussi que les enfans désavoués n ’ont aucun lien
avec sa famille.
Mais si ces moyens sont ridicules, en est-il de même
de la procédure singulière, inusitée, qu’a tenue la fille
A n n a ? Pouvait-elle se débarrasser à son gré du tuteur
qui lui avait été nom mé? P o u v a it - e lle , par un arrêt
sur req uête, non communiqué, substituer un curateur
de son choix à ce tuteur légal?
To ute tutelle doit être déférée par un conseil de
famille , lorsque le père et la mère sont dans l’in
capacité de l’être ( Art. 405 C. N. ). C ’est encore un
conseil de famille qui doit nommer un curateur au
mineur émancipé ( Art. 478 C. N. ). L a loi n’admet
aucune nomination sur requête. Elle a dérogé à cet
usage de l'ancienne procédure ; et il ne paraît pas
douteux que M . e Garron a été i r r é g u l i è r e m e n t nommé
curateur ; que l'appel est n u l el i r r é g u l i e r . L a Cour
appréciera ce m o y e n , sur lequel le sieur du Sauvage
insiste pour l’honneur des rc^gles; mais il n ’y donnera
pas d’aulres* développemeus.
Il
serait encore assez inulile d’examiner la question
d’éiat en elle-même; mais le sieur N oyer du Sauvage
9
�( 34 )
ne doit rien négliger dans une cause d’un aussi grand
in té rê t, quelque humiliation qu’il éprouve. Combien il
est cruel de se voir forcé de dévoiler la honte d’une
femme immorale, qui lui a porté un coup si funeste!
Son nme est flétrie, il ne peut plus espérer de bonheur;
des souvenirs déchirans fatiguent sans cesse son esprit
et son cœur.
Eh quoi! il était né bon, généreux et sensible; il
adorait son épouse, elle fut infidèle et perfide! Il désirait
d’être père! Ces liens touclians qui semblent perpétuer
notre existence; ces rapports aimables, d'où naissent
les charmes les plus doux, ne sont pas faits pour lui ! 11
fut père un instant, il est vrai! mais ses enfans ont
vécu! et lorsqu’il revient dans son domicile, lorsqu’il
a recouvré une patrie , que va-t-il apprendre— ? Mais
jetons un voile sur un tableau aussi dégoûtant, où le
vice est toujours en action sous les traits les plus hideux.
Ledésaveu delà paternité est sans doute une demande
pénible, elle excite la curiosité publique, elle met en
évidence celui qui est forcé d’en intenter l’aclion. C e
pendant c ’est un remède salutaire, et la loi, dans tous
les lems, a oflert ce motif de consolation à un époux
outragé.
lia célèbre maxime décrétée depuis plus de deux
mille ans * patcr est is queni clemonstrant nuptiœ , rece
vait aussi ses exceptions dans le droit romain. Plusieurs
docteurs avaient déjà remarqué que cette règle n’était
point placée parmi les texles du droit, qui parlent de
l’état des h o m m e s , puisqu’elle est tiiéc de la loi £>, iï. de
�4V
(35)
in ju s vocando; mais on trouve une exception dans la
loi fiLLam, ff. his qui su i vel alieni ju r is surit: celle loi
dit expressément que le mari n’est point tenu de reconnaîlre un enfant donl sa femme accoucherait pendant
une longue absence du mari d’avec sa femme : J îliu m
euni d ejîn in m s, qui ex viro et uxore ejus nascitur. Sed
siJ in garnit s abfuisse m arltum , çerbi gratiâ per decennuim reversum annicuium invertisse in dom osua, pLacet
nobis J u tia n i sententia hune non esse m a ritijîh u m . L a
loi prend pour exemple un enfant d ’un an , annicuium ,
après dix ans d’absence, mais elle n ’en est pas moins
générale et absolue, toutes les fois qu’il y a eu impos
sibilité physique de cohabitation : tous les docleurs,
dans ce cas, s’accordent à décider que l’enfant n’apparlienl pas au mari. C ’est la doctrine de l’avocat
général Talon, lors d’un arrêt du 16 janvier 16 6 4,
rapporté au Journal des Audiences, tom. 2 ; de Cocliin ,
dans la cause de la demoiselle Ferrand , quoiqu’il
plaidât dans un intérêt opposé; de M M . Daguesseau,
Séguier, et de tous les jurisconsulles.
L ’absence du sieur du Sauvage a duré dix ans. Il
est parti en janvier 1 7 9 1 , il n’est rentré q u ’à la fin de
1801. H n’y a pas de doute sur celle absence, le lableau
de proscription, celle liste fatale est là pour l’établir.
L a peine do mort prononcée contre les émigrés qui
rentraient ; les perquisitions cruelles et si souvent renou
velées contre le petit nombre de ceux qui ont essayé
de franchir les barrières, et qui ont été viclimes de leur
té m é r ilé , prouvent encore l'impossibilité du retour du
10
�sieur du Sauvage, jusqu’à la reslauraiion du gouver
nement; une série d’acles continuels et indiscrets de la
femme V é n y , en 1 7 9 2 , en 1793, en l’an 3 , où elle
a loujours pris la qualité de femme de l’émigré du
Sauvage; son autorisation en justice pour poursuivre
les acquéreurs de son mari; une procédure qui a duré
contre eux jusqu'en messidor an 4; le traité qui Ta
suivie; le partage de la successien de sa mère, fait en
l ’an 4 , toujours en l’absence de son mari, sont des
preuves irrésistibles de l’impossibilité de la cohabita
tion; et lorsqu’il est notoire q u e , pendant tout cet in
tervalle, la femme V é n y vivait publiquement avec tout
autre; qu’elle s’est dite femme Guùie%; a fait baptiser
un de ses enfans comme enfant légitime de ce misé
rable, ne trouve-t-on pas, dans cette horrible dépra
vation , de quoi convaincre les plus incrédules? On ne
peut pas résister à l’évidence.
Ainsi, dans l’ancien ordre, la sévérité des lois, la
rigueur des magistrats n’eussent pas été un obstacle h
la réclamation du sieur du Sauvage : il eût repoussé avec
succès ces enfans de ténèbres. N ’a-t-il pas encore plus
d’avonlage dans la nouvelle législation?
lie Code Napoléon, art. 3 12, a admis, comme dans
l’ancien droit, la maxime pater e s t, etc. « L ’enfant
« conçu pendant le mariage a pour père le mari ; néan« moins celui-ci pourra désavouer l’en fan I , s’il prouve
« que pendant le tems qui a couru, depuis le troiscen« tième jusqu’au cent quatre-vingtième jour avant la
« naissance de cet e n f a n t , il é t a it , soit pour cause
�4S J
( 37 )
« d’éloignëmenl, soit par l’efïet'de quelqu’accident,
« dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa
« femme ».
Voilà déjà une grande modification à la rigueur des
.anciens principes : il ne faut plus une absence aussi
longue que celle prise pour exemple dans la loi JiUutn.
L e législateur, en admettant la présomption du ma
riage pour fixer la paternité, a vu qu’il se mettrait en
opposition avec les premiers élémens du droit et de
le raison, s’il faisait prévaloir une présomption à une
preuve positive, ou à une présomplion plus forte. A u
lieu de soutenir la dignité du mariage, on l'avilirait,
on le rendrait odieux, s’il servait de prétexte à légilimer un enfant qui, aux ye u x du public convaincu
par des circonstances décisives, n’appartiendrait point
au mariage.
C'est ainsi que s'exprimait l’orateur du gouverne
m ent, lorsque la loi fut présentée.
L e mari qui se voit obligé de désavouer un enfant,
n ’est-il pas déjà trop malheureux? Comment penser
qu’il se porte à une démarche aussi scandaleuse, s'il
était véritablement père ? La nature a m a r q u é en
caractères inefîaçables les traits de la paternité; elle a
rempli le cœur des pères et mères et celui des enfans
des sentimens de tendresse les plus profonds et les plus
éclalans. El comment croire qu’un père étouffe tous
lessentimensde la nature! Comment croire qu’il allume
dans sa main les lorches de la discorde, et qu’au dehors
il se dévoue à l'humiliation, s’il n’est pas dans la con-
*<+
�\u >
( 38 )
viclion intime que l’enfant n’est point né de son ma
riage. Ce sont encore les termes dont se servait l’orateur
• du gouvernement.
L e sieur du Sauvage a le droit de se placer dans
l ’espèce prévue par le législateur; il n’est que trop
certain pour lui, que la dignité du mariage est avilie:
il en appelle au public, à tous ceux qui ont eu des rela
tions avec sa famille; à tous ceux qui connaissent la
femm e Vény. Ne sont-ils pas convaincus, par les cir
constances les plus décisives, que l’enfant désavoué
n ’appartient pas au mariage?
Mais il ne s’agit pas ici d’une naissance tardive ou
prématurée, prévue par l’article 3 i 2 du Code. Aux
termes de l’article suivant, le désaveu est admis lorsque
la naissance de l’enlanl a été cachée au mari; et suivant
l ’article 3 i 6 , le désaveu doit avoir lieu dans le mois,
si le mari se trouve sur les lieux de la naissance de
l ’enfant; dans les deux mois après son retour, si, à la
m êm e époque, il est absent ; dans les deux mois après
la découverte de la fra u d e , si 011 lui avait caché la
naissance de l ’e n f a n t .
L a naissance d’ Anne-Francoise a-t-elle élé cachée
au sieur du Sauvage ?
A quelle époque a-t-il découvert la fraude?
A - t - i l formé sa demande en désaveu dans le délai
prescrit par la loi ?
Si le gieur du Sauvage établit ces trois propositions,
il aura rempli sa tache. Anne-Francoise sera repoussée
avec indignation.
1
V
�( 39 )
L ’acte de naissance d’ Anne-Françoise établit sans
réplique que la naissance a élé cachée an mari. Il
était alors absent. La femme V é n y le disait elle-même
lors du jugement du 24 messidor an 4.
C ’est le 19 fructidor an 4 , qu’A nne-Françoise a
vu le jour. Ce n’est que le 4 complémentaire de
la même année, quinze jours après la naissanee, que
celte fille a été présentée à l’officier public. Ce retard
annonce déjà le, mystère; et sans doute qu ’alors la
femme V é n y avait déjà disparu de la maison secrète
où elle avait déposé ce fardeau d’iniquité. Que dit
l ’accoucheur chargé de présenter l ’enfant ? Q u ’il a
ac couch é, dans sa maison de Lui d écla ra n t, le 19
fru ctidor dernier, An ne V é n y , épouse de CharlesAuguslin Sauvage, actuellement absent. Les premiers
juges ont remarqué que ce n’étaient ni les prénoms
ni le nom du mari, qui s’appelle Jean-Charles N oy e r
du Sauvage, et non Charles-A ugustin Sauve.ge\ mais
le chirurgien n’en savait sans doute pas davantage.
Ce qu’il y a de moins douteux, c’est que le sieur
du Sauvage ignorait tout. S’il avait élé instruit , sa
femme n’aurait pas accouché à Clermont , dans une
maison de santé destinée à recevoir des femmes de
mauvaise vie. Ce n ’est pas ainsi qu’il aurait avili, dés
honoré son épouse.
Si la femme V é n y n ’avait pas mené une conduite
scandaleuse; si elle n ’a v a i t pas eu besoin de cacher
son crime et sa honte, elle était à Clermont, au mi
lieu de sa famille qui n’aurait pas souffert qu’elle se
�( 4° )
fût cachée dans une maison d’accoucheur , pour se
dérober à tous les regards.
I/accouclieur lui-même ne prend pas sur son compte
de présenter cet enfant comme appartenant au mari;
il ne la qualifie pas de fille légitime; il dit seulement
qu ’il a accouché Anne V é n y femme de Sauvage*
actuellement absent. Personne de la famille n ’assiste
h cet acte. L e chirurgien n’est accompagné que
de deux femmes du
peuple. Ainsi
c ’est un „acte
occulte, ignoré de tous ceux qui pouvaient y prendre
intérêt. A n n a -F ra n ço ise ne peut s’en prévaloir , ni
réclamer une possession d’étal. Elle n’a pas même
osé s’en servir. 11 est donc certain que sa naissance a
été cachée au mari de sa mère. Il n ’est donc plus
douteux qu ’elle n ’appartient pas au mariage.
L a fraude a-t-elle été découverte bientôt après ?
Cela est impossible. L e sieur du Sauvage n’est rentré
que sur la fin de l’an 9 ; il n ’a été amnistié qu’en
l ’an n . Sa femme n’élait pas à son domicile, puisqu’en l’un 11 elle vivait avec Guine%, à Tournai. L e
troisième acte de naissance n’est inscrit sur les regis
tres de celte ville de T o u r n a i, que le 6 pluviôse an
11. L e sieur du Sauvage ne pouvait savoir, au M o rjaslier, que sa femme élail en Flandre, et avait suivi
un vil scélérat. On 11e s’empresse pas de raconter h un
mari des événemens aussi désagréables; on s’était con
tenté do lui dire que sa femme avait fail divorce. Le
jugement dont est appel constate que ce divorce était
notoire. L e sieur du Sauvage devait être dans celte c o n
fiance
�{ 4* )
fiance que tous ses liens étaient rompus avec la femme
V é n y ; qu ’il n’avait plus rien de commun avec e lle ;
et c ’était la plus consolante de ses idées. Mais enfin
il est averti qu'on ne trouve pas l’acte de divorce ;
que les registres civils n’en font pas mention. Il prend
alors des informations, fait des recherches, et découvre
enfin les quatre actes de naissance, qu’il se fak dé
livrer.
C e n’est qu’au mois de juin 1809 , que ces actes lui
sont remis. On sent combien il a fallu de soins et de
peines pour les découvrir; mais ce n’est qu’au moment
où il les a r e ç u s , que la fraude a été découverte, et
q u ’il a eu la faculté d’agir pour désavouer la palernilé.
Comment en effet aurait-il pu se pourvoir contre
des individus qui se cachaient dans l’ombre^ qui n’agis
saient en aucune manière? L ’enfant même qui était
chez la dame Demariolles disparaissait toutes les fois
qu’il arrivait chez sa belle-sœur. La dame Demariolles
avait alors pour principe de ne pas montrer à un beaufiere qu elle estimait, un enfant qu’elle savait ne pas
lui appartenir.
Il
fallait donc être certain que ces e n f a n s existaient,
qu ils etaient nés de la femme V é n y , pour pouvoir
les attaquer en d é s a v e u ; il n’a pu le faire qu’avec
leurs actes de naissance, qui, par leur contenu, lui
sont étrangers; ce n’est donc que du jour q u ’il les a
eus en son pouvoir, qu ’il a découvert la fraude • il
•semble qu ’on ne peut pas être divisé sur ce point de fait.
�46 *
( 4^ )
Q u’importe que des témoins de l’enquête aient dit
que le sieur du Sauvage savait qu’il y avait un en
fant chez la dame Demariolles, qu’on faisait disparaîlre loutes les fois qu’il arrivait? Il ne résulte de cette
circonslance autre chose, si non qu’on voulait lui ca
cher la naissance de cet e n f a n t , et qu’on reconnaissait
qu’il ne l u i 1 a p p a r t e n a i t pas; c’était précisément la
fraude dont il n’a pu avoir la certitude que lorsqu’il
a connu l’extrait de naissance , qui ne lui a été dé
livré que le 24 juin 1809; ainsi, ce n’est qu’à ce mo
ment qu’il a pu concevoir des craintes, et qu’il a pu
faire des démarches légales.
" Il forme son désaveu sans perdre un instant. L e
i 5 juin 1806, acte exlrajudiciaire aux enfans mineurs
et à la mère ; 4 juillet suivant, nomination de tuteur;
7 juillet, demande au tribunal du P u y : tout a été
fait dans moins d’un mois, à die detectæ fra u d is.
A tin a -F ra n çoise voudra-t-elle enfin objecter que
sa mère n’est point condamnée comme adultère; et
qu’il répugne dès - lors qu’elle soit tille adultérine?
celle objeclion a déjà été proscrite par un arrêt so- l e n n e l , du 24 août 1811 , dans la cause du sieur B011g a r e l , contre l’enfant de son épouse, qu’il avait dé
s a vou é , et dans des circonstances bien plus fortes,’
puisqu’ il avait élé prononcé un divorce entre les époux,
par consentement mutuel, pendant la grossesse de la
femme. L ’enfant 11’en a pas moins été déclaré adul
térin ; et la Cour de cassation a confirmé cet a r r ê t .
Ainsi tout se réunit en faveur du sieur du Sauvage.
�Quiconque voudrait soutenir que cet enfant doit être
- à sa charge,blesserait également la justice et l’équité;
. ce serait une atroce barbarie que d’obliger un épo u x
malheureux , de donner son nom à un être ignoble,
•v f ruit de l'inceste, et de l’adultère. Si l a loi. naturelleet la loi divine nous imposent le droit d’aimer,, desecourir nos enfans ;si la nature a imprimé dans notre
âme en traits brûl ans, une tendresse profonde pour
ceux qui nous doivent le j o u r q u e l d o it être le dé
sespoir d’ un é p o u x , de trouver , d a n s son intérieur,
une femme infidèle et perfide ; d e voir croître à ses
côtés des êtres qui lui sont étrangers? Quel doit être
son s o r t , lorsqu’il n’ a pas même la consolation de
douter; lorsque le cri public l’avertit sans cesse de son
malheur; lorsque d e s circonstances décisives entraînent
' de toutes parts la plus intime conviction? N on! il n'est
point d’état plus déchirant, plus digne de pitié ! et la
loi doit venir au secours d’ un époux aussi cruellement
o ffensé.
S ign é N O Y E R D u SA U V A G E .
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A voué-Licencie.
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J .-C . S A L L E S , lm p. de la Cour impériale et du Barreau.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Jean-Charles. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
reconnaissance de paternité
tutelle
divorces
témoins
conseils de famille
absence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour M. Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire ; habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire ; contre Anne-Françoise, se disant Noyer du Sauvage, mineure, maître Garron, avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans d'un jugement du tribunal civil du Puy, du 30 août 1810 ; Et le sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Allairat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
note manuscrite : « Jugement confirmé par arrêt (sections réunies) du 5 avril 1813. Voir les motifs et l'arrêt à la fin de ce mémoire. »
Table Godemel : Tutelle : la délibération du conseil de famille portant nomination d’un tuteur n’est pas nulle pour avoir été prise par un conseil composé uniquement de parents maternels, surtout, dans la circonstance où la nomination du tuteur a eu lieu à la diligence du mari, à l’effet de former contre les enfants de sa femme une demande en désaveu.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1791-1810
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2215
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0617
BCU_Factums_G2216
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53444/BCU_Factums_G2215.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
conseils de famille
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53445/BCU_Factums_G2216.pdf
8fdd33e5490f59f0c23d0943ca53a5b9
PDF Text
Text
•4 $
MEMOIRE
COUR
IMPÉRIALE
DE RIOM.
EN R É P O N S E ,
ch»,b„eï
REUNIES.
POUR
Audience du
A n ne - F rançoise N O Y E R DU S A U V A G E , 6mil‘8&
m in e u re , habitante de la ville de C lerm on t ,
et M e. G A R R O N , licen cié-av ou é en la C o u r,
son cu rateu r a d h o c , appelans ;
CONTRE
Sieur J e a n - C h a r l e s N O Y E R
VAGE
propriétaire, habitant de la ville
du Monastier
Loire
département de la H aute-
intimé
;
'
D U SAU -
EN
D u sieur H
onoré
PRÉSENCE
D E B R U S } notaire impé
rial, habitant du lieu d'A lle y r a t} commune
de S a lle tte } défendeur en assistance de
cause.
!
i
U
nE
jeune in fo rtu n ée , victim e de la co lère d’ un
ép o u x contre son épouse
est réd u ite à la triste néces-
�( 2 )
site de défendre devant les tribunaux son état menacé
par une action en désaveu.
On accuse sa mère de liaisons criminelles; on nomme
le complice ; et quoiqu’on soit forcé de reconnoître que
ces liaisons sont postérieures à la naissance d’Anne du
S auvage, le malheureux enfant est cependant enve
loppé dans la vengeance.
E t quel moment a-t-on choisi pour lui porter un coup
aussi funeste?
Celui où l’âge de la jeunesse est arrivé, où la facultéde raisonner et de sentir, déjà développée dans une jeune
personne de dix-sept ans, dont l’éducation a été soignée,,
lui feroit éprouver dans toute son amertume le sort affreux
qu’on lui destine.
Si l’action du sieur du Sauvage étoit fondée, n’auroitil pas à se reprocher d’avoir tardé srlong-temps à l’exercer?
Il connoissoit l’existence de l’enfant; il étoit allé sou
vent, il avoit habité quelque temps même dans la maison
où la jeune du Sauvage étoit élevée; il savoit enfin
qu’elle étoit née de son épouse.
Pourquoi donc garder un long silence, ou plutôt,
pourquoi rompre enfin ce silence, et porter le trouble
et le désespoir dans un cœur innocent ?
Assignée devant des premiers juges, la jeune personne'
est restée sans defense.
A lors elle a dû veiller elle-m ême à ses droits : et
quel intérêt plus c h e r, quel bien plus précieux aurat-elle jamais à soutenir ?
Cependant sa défense a paru un crime ; on lui a re
proché de l’audace.
�46r
< 3 )
A h ! l’audace lui est étrangère ; son âge est celui de
la pudeur et de la timidité.
Mais elle asentí que les lois ne pou voient être cruelles;
que les magistrats étoient les protecteurs naturels de la
foi blesse ; et elle est venue chercher un asile aux pieds
de la Cour.
F A I T S #
L e sieur du Sauvage épousa, en 178 2 , la demoiselle
Anne-Françoise de V eny.
L e contrat de mariage est du 5 août 1782; la dame
de V én y s’y constitue tous ses biens en dot.
D eux enfans mules étoient nés d’abord de cette union;
ils sont décédés.
Les événemens de la révolution firent inscrire le sieur
du Sauvage sur la liste des émigrés ;
Il prétend qu’il a quitté le sol français en 1791 ; qu’il
n’y est rentré qu’en l’an 9.
Quelle preuve administre-t-il de ces faits?
Son inscription sur la liste des émigrés;
Quelques arrêtés administratifs pris en l’an 3 , et dans
lesquels on le désigne comme ém igré;
Un jugement du 24 messidor an 4 , où on lui donne,
dit-on, la qualification d'émigré, ou réputé émigré (1).
Telles sont les preuves qu’invoque le sieur du Sauvage,
pour démontrer qu’il étoit absent, et que, suivant l’ex(1) Voir pages 5 et 6 du mémoire du sieur dn Sauvage.,
1 *
*<*>
�( 4 ) * .................................
pression de la lo i, il étoit dans Timpossibilité physique
de cohabiter avec sa fem m e.
Il sera sans doute permis à un malheureux enfant dont
on conteste l’éta t, d’examiner la force de ces preuves.
Qu’il nous suffise pour le moment de remarquer que
l’inscription sur la liste des émigrés , que les* énoncia
tions qui se trouvent dans les arrêtés administratifs et
dans le jugement, que tous ces indices, en un mot, sont
des présomptions morales et non des preuves physiques
de l’absence et de l’émigration.
Nous savons tous avec quelle légèreté, dans ces temps
d’agitation et de désordres , on inscrivoit sur la liste
fatale les personnes surtout attachées à la caste privi
légiée.
Nous savons aussi que l'inscription produisoit la mort
civile, et que, par un effet nécessaire de cette inscription,
on devoit, dans tous les actes administratifs et judiciaires,
considérer tous les inscrits comme émigrés.
Quel est aussi le Français qui ne se rappelle pas les
suites de la fameuse journée du 9 thermidor an 2 \ qui
ignore q u e , lorsque la nouvelle en fut parvenue dans
les contrées étrangères, lorsque quelques essais eurent
fait connoîtrc la diminution des dangers, beaucoup d’é
migrés rentrèrent en F rance, et y restèrent jusqu’à ce
que les événemens du 18 fructidor an 5 les eussent forces
de s’expatrier une seconde fois?
Pendant cet intervalle , les proscrits rentrés ne se
montroient cependant pas trop publiquement; ils a voient
des précautions ¿\ prendre ; les lois pénales subsistoient
�4% /
( 5 )
"
encore ; seulement un gouvernement plus doux n’en
commandoit pas l’exécution avec la dureté première.
D ’ailleurs, la rentrée des émigrés étoit plutôt tolérée
que permise 7 et ce n’étoit qu’avec un peu de prudence
et quelques déguisemens, que l’émigré rentré n’avoit
aucun péril h craindre.
Cette époque fut mémorable pour les affections; elle
a laissé de lon gs, de doux souvenirs dans les cœurs des
mères et des épouses ; combien d’elles ne vit-on pas alors
tâcher de se réunir à l’objet qu’elles chérissaient, et goûter
ce bonheur, les unes dans leur propre dom icile, lors
qu’il n’y avoit pas trop de danger, les autres dans une
autre partie de la France , partout enfin où elles pouvoient rencontrer le fils, l’époux qu’elles cherchoient.
L a dame du Sauvage voyageoit à cette époque ; peutêtre partagea-t-elle la félicité de tant d’autres épouses ?
Peut-être se réunit-elle à M . du Sauvage ?
Cette idée est douce et consolante pour une malheu
reuse fille ;
Elle se plaît à s’y arrêter;
Elle en a le droit ;
E lle n’a rien à prouver d’ailleurs.
C ’est h M . du Sauvage que la loi impose la preuve
de Pimpossibilité physique de cette réunion.
Ce fut i\ cette époque que s’annonça la grossesse de
la dame du Sauvage.
Elle revint bientôt après à Clerm ont, dans la ville où
elle étoit n ée, où elle étoit connue de tous les habitans,
où sa famille étoit domiciliée.
i
*«♦>
�( 6 )
C’eût été, pour une femme coupable, bien mal choisir
son asile.
La grossesse ne fut pas cachée ;
La naissance de l’enfant ne fut pas mystérieuse.
»
Il fut présenté à l’officier public sous le nom d’AnneFrançoise , et comme fille d’Anne V é n y , épouse du sieur
du Sauvage.
L e sieur du Sauvage a - remarqué avec amertume que
l’accouchement avoit eu lieu dans la maison d’un officier
de santé ; il en a conclu qu’il fut mystérieux.
;
L a conséquence ne seroit pas nécessaire.
L e fait, au reste, s'explique par les circonstances.
Ce fut au mois d’août que l’accouchement eut lieu.
A cette ép o q u e, toute la famille de la dame du Sau
vage habitoit la campagne, suivant son usage.
La dame de V én y étoit restée seule à Clerm ont, pour
y être à portée dos secours que son état exigeo it, et
elle avoit pris un logement chez le sieur Blancheton,
officier de santé.
D ’ailleurs elle ne se cacha pas un seul instant pendant
sa grossesse, et ses parens furent instruits sur-le-champ
de la naissance de l’enfant.
D epuis, cet enfant est toujours resté dans le sein de
la famille de sa mère.
Elevée dans la maison d’une tante q u i, par sa for
tune et son ran g, avoit des relations nombreuses, elle
a été considérée par tous les habitans d’une ville po
puleuse, comme fille de la dam e’du Sauvage; et nous
verrons môme que, si elle étoit connue sous son prénom
d'A n n a , elle l’étoit aussi sous le nom de du Sauvage,
�<7 )
L e sieur du Sauvage convient ( page 7 de. son mé
moire ) que ce fut seulement à une époque postérieure
à la naissance d’Anne-Françoise, que la dame de V én y
fit connoissance du nommé Guines.
Tirons un voile sur ce qui suivit : la personne d’une
mère même coupable est toujours sacrée pour ses enfans.
Q u’il nous soit permis cependant de rappeler que dans
aucuns des autres actes de naissance que le sieur du
Sauvage a transcrits dans son m ém oire, la dame V én y
n’a pris la qualité de son épouse.
Elle a donc, même dans ses égaremens, inspecté son
époux; •
E lle n’a donc pas voulu lui attribuer une fausse pa
ternité.
Pourquoi cette différence enti'e ces actes de naissance;
et celui d’Anne-Francoise ?
Une telle différence dans les expressions ne devoitelle pas faire supposer une différence dans l’état des enfans ; et leur sort pourroit-il être confondu dans les dé
cisions des magistrats ?
JNous avons dit que la jeune du Sauvage avoit été
élevée au milieu de la famille de sa mère.
On doit cependant convenir que le nommé Guines
étoit venu en l’an 10 la réclamer au nom de la m ère;
que meme elle lui avoit été rem ise, et qu’elle resta quel
que temps avec cet liomme.
Mais bientôt les mauvais traitemens, les outrages qu’elle
en reçut, excitèrent la sollicitude et la vigilance de ses
parens maternels; ils s’adressèrent aux tribunaux ; ils de
mandèrent qu’elle leur fût rendue ; et leurs réclamations
�Vu
furent accueillies par un jugement du 26 thermidor an io ,
qui ordonna que cet enfant seroit remis à sa tante.
L ’enfant est désigné sous le nom d’A n ne du Sauvage
en plusieurs endroits, dans les motifs comme dans le dis
positif du jugement.
C’est auprès de cette tante généreuse, c’est dans sa
maison m êm e, qu’Anne du Sauvage est toujours restée
depuis ce moment.
C ’est là que le sieur du Sauvage a pu la voir plusieurs
fois depuis l’époque à laquelle il fixe sa rentrée en
France.
C’est dans cette m aison, où il est demeuré quelque
temps lui-même auprès de sa belle-sœur, dans un de ses
voyages à Clermont 5 c’est dans cette maison , où il est
allé fréquemment dans d’autres voyages, qu’il a su que
Anne-Françoise du Sauvage existoit, qu’il a pu remar
quer sa grande ressemblance avec la dame de V é n y , et
qu’il a appris d’une foule de personnes qu’elle étoit née
de son épouse.
Tous ces faits sont antérieurs de plusieurs années au
désaveu.
A lors le sieur du Sauvage ne pensoit pas à désavouer
ce malheureux enfant.
Alors même cette jeune personne l’intéressoit, comme
il le témoigna à un de ceux qui ont déposé dans cette
triste cause.
A lors enfin il ne consultoit que son propre cœ ur, et
ne cédoit pas à de dangereuses suggestions.
M ais, depuis, quelques années se sont écoulées; ses
relations
�4 1 $.
rl -9 )
relations. avec'la famille de sonaépouse sonfo’devcnues
moins fréquentes; son cœur s’est isolé; ou plutôt, mal
heureusement subjugué, dit-on, par une affection étran
gère, il s’est laissé entraîner à former une action en
désaveu, et à envelopper Anne du Sauvage'dans ses
poursuites. '
• Un acte en désaveu est signifié le i 5 juin 1809 , et le
5 juillet suivant, le sieur du Sauvage fait réunir au M onastier, lieu de son dom icile, un prétendu conseil de
fam ille, où l’on n’a appelé aucun des paren s,-ni pa
ternels , ni maternels de l’enfant dont on se proposoit
d’attaquer l’état, et q u i, composé de voisins , d’amis du
sieur du Sauvage, choisit pour tuteur ad hoc un ha
bitant du Monastier, qui ne paroît pas avoir pris le
moindre intérêt à la défense de sa pupille.
.L’action en désaveu est formée contre ce tuteur, et
elle est jugée, le 30 août 1810 , par un jugement qua
lifié contradictoire, mais dont les motifs indiquent assez
que la contradiction fut dies plus légères.
Protégée par la justice de laiC our, Anne du Sauvage
a reçu un nouveau tuteur, par arrêt du 11 mai 1811.
Ses moyens de défenses ont été développés à l’audience
solennelle du 5 août 1812; et la C ou r, en réservant les
moyens respectifs des parties', ordonna, avant de faire
droit, que l’appelante ferait preuve que plus de deux
mois (1) avant la demande en désaveu de paternité, for
mée par le sieur du Sauvage, celui-ci, après sa rentrée en
(1) Il y a deux ans dans l’expédition de l'arrét ; c’est une '
¡erreur, sans doute'. ( V. l’art. 3iG du Code Nap. )
�' ( 10}
son domicile, et notamment en l’an î o , étoit venu cliez
la dame de M ariolles, qu’il y avoit vu Anne-Françoise, et
l’a voit reconnue pour être la fille de sa femme; 2°. qu’elle
étoit connue de lui sous le nom d’Anne-Françoise du
Sauvage; 30. qu’en présence de lui du Sauvage, et dans
la pension où étoit élevée l’appelante, elle a été ainsi
appelée et dénomm ée, et qu’il l’y a reconnue comme
la fille de sa femme ; sauf au sieur du Sauvage la preuve
contraire, dans le même délai.
En exécution de cet arrêt, des enquêtes ont été faites
respectivement.
Les dépositions qu’elles renferment sont transcrites
dans le mémoire du sieur du Sauvage, et il est inutile
de les rapporter ici.
Nous nous bornerons à rappeler ces dépositions dans
la discussion des moyens.
On verra qu’il est clairement prouvé que le sieur du
Sauvage a su, plusieurs années avant son action, qu’AnneFrançoise étoit la fille de son épouse.
A van t d’exam iner le m érite de l’action en elle-m êm e,
on pourroit faire des remarques sur ce qui l’a préparée,
et sur la singulière com position du conseil de fam ille,
du 5 juillet 1809; de ce conseil de fam ille, destiné ù
protéger la m in eure, et à lui nommer un tuteur éclairé
et vigilan tj de ce conseil de fa m ille, auquel cependant
n’ont été appelés aucuns parens, ni paternels, ni maternels
de l’enfant, et com posé, dit-on , d’amis qu’avoit la mère
au Monastier ; la mère q u i, depuis près de vingt ans,
a quitté cette ville.
La Courappréciera ces irrégularités, qui e n t r a î n e r o i e n t
�c II ) .
t. ; .
la nullité même d*une action formée contré un mineur
non valablement représenté.
O n ne donnera pas dans le moment plus de dévelop
pement à ces idées.
L e sieur du Sauvage attaque lui-même de nullité la
nomination du nouveau tuteur donné à l’appelante.
L a réponse à cette objection se trouve dans l’arrêt
qui a choisi ce tuteur ad h o c ; elle se trouveroit, s’ il
étoit nécessaire, dans la loi q u i, n’ayant prescrit aucun
mode pour la nomination d’un tuteur spécial, autorise
par son silence môme les tribunaux à le nommer.
Si l’objection est renouvelée, on la réfutera avec plus
de détail.
Examinons l’action même en désaveu, et démontrons,
i° . Q u’elle n’est pas recevable;
2°. Q u’elle n’est pas fondée.
P
r e m iè r e
q u e s t io n
.
I l action est-elle recevable?
Pleins de respect pour la dignité du m ariage, et Con
vaincus de la nécessité d’assurer sur des bases fixes la
conservation des familles, les législateurs de notre Code
ont adopté la règle ancienne : l*ater is est quem nuptice
demonstrant ; cette règle fameuse, fondement de la so
ciété, que l’assentiment de tous les peuples, que les suf
frages de tous les docteurs ont consacrée comme un prin
cipe inviolable.
Cependant, quoiqu’importante que fût la rè g le , elle
devoit être soumise aux exceptions que commande quel
quefois la force même des circonstances.
�» °
« S i- .1
C 12 >
v Nos législateurs étoient trop sages'pour'ne pas pré-*
voir ces exceptions; aussi ont-ils eu soin de décider que
la règle cessoit lorsqu’il y avoit eu impossibilité physique
de cohabitation entre le mari et la femme.
L ’article 3,12, qu i établit la règle, établit aussi l’excep
tion.
Mais les articles suivans restreignent l’exception même.
L e législateur a craint que les actions en désaveu ne
se multipliassent; il a pensé qu’elles devoient être li
mitées à certains cas- et à un certain délai.
S’il-lui-a paru juste de pourvoir à l’intérêt du mari,
il n’a pas cru devoir oublier Vintérêt de Venfant , dont
Vétat ne sauroit être trop t ô t j i x é , a-t-il dit.
- De: là. les dispositions de divers articles ; les uns qui re
fusent l’action en désavew dans plusieurs!cas,/les autres
qui n’accordent que le plus eourt délai pour agir/ *
Ces articles indiquent assez combien peu favorables ont
paru au législateur ces sortes d’actions, et quelle tendre
sollicitude olui inspiraient les innocentes victimes contre
qui elles seroient dirigées.
- L ’article 316 détermine1les? délais : voici comment il
s’exprime.
« Dans les divers cas ou le mari est autorisé à réa 'clam er, il devra le faire dans le mois1, s’il se trouve
« sur le lieu de l'a naissance de l’enfant;
« Dans les deux mois- après'son' retour, si à'ia même
époque' il est absent;
« Dans les deux mois après la découverte de la fraude,
e si on lui avoit caché' la naissance de l'enfant. »
• Supposons donc pour un instant que le sieur du Sau
vage soit autorisé à réclam erj c’est-à-dire, supposons
�C *3 )
(Ju’il ait prouvé que pendant le>;tetnj5s déterminé :paÿ
l’article 3 12 , il a été dans Pim possibilité‘physique de
cohabiter avec sa fem m e ; nous le demandons au sieur
du Sauvage, quél est celui-des paragraphes <de l’article
316. qu’il voudra; qu’on lui applique ? 01 'r¿ ú or' a;Ce devroit être, il semble, le § . 2 , celui où la lûi
parle dur mari absent. ‘
' -I ni ..
L e sieur du Sauvage ne peut sérieusement dire qu’oiï
ait employé la fraude pour lui cacher lzunaissaúce de
l’enfant»r' ’ ’T.
■
\ j . j / u f oup J-îiîo o
. ,»y
S’i l Bignóraf 'd?abordy' cé- ne! pütt ê t r e iju ’àv cause 1Ud'
son absences •* r ;[ j fj' . j i f t • : .
La grossesse d’ailleurs n’avoit pas été cachée.
L ’accouchement avoit eu lieu >dánsiila ville iriôme
qu’habitoit Ordinairement la dame de V én yt et! tóate sa
famille. ;ȟ
7*:..^ nu -¡ ¡‘.'s v.b e>o :
-;i .1 ' ni \
L ’enfant fut présenté à l’officier publie, comme né dé
J’épouse du sieur du Sauvage.
t n An ,,
-> L a légère erreuu de-prénom que l’on, remarque* dans
l ’acte, ne pouvoit faire naître aucune équivoque..''m p;
-' Car o ï ï y ‘désigne le* sienr du Sauvage ^ hàbitant du
M onasiier ,->le sieur du Sduvage-y époux'de la dame1de
V én y ; caractères d’identité qui ne ;pouvoient convenir
qu’au sieur du Sauvage qui plaide aujourd’hui.
L ’enfant, dès sa naissance, avoiü été élevé axi milieu
m êm e’derla fam ille'de su 1 mère# 1 '
r. : I \?
Les fllus- légères relations* aVec dette' famille y sufliï/oient
pour qu’on sût que cet enfant étoit celui de la dame
•du Sauvagel.l isq , niv;r ,. .r< ;,f,r>0 ut> ihi* vl'I
j -,
L e tribunal même de Cletrao\it l’avoit désigné soü6;
�C 14 )
le nom d’Anne du Sauvage, dans un jugement rendu à
une audience publique, en l’an 10.
En un m o t, il étoit'si facile de connoître l’existence de
cet enfant, que si le sieur du Sauvage l’avoit réellement
ignorée à son reto u r, c’est'q u ’il auroit refusé de voir
e t'd ’apprendre; . £
t>£ ç -U •; I‘ -?*• i> ■
'
'J '
Cependant, la loi lui ordonnoit de prendre des infor
mations ; elle ne lui accordoit qu’un délai de deux mois
pour-les obtenir,
l.;[ . h; .r :•" r '
'a
Quelque court que pût paroître ce délai dans cer
taines circonstances, le1 législateur, après de profondes
méditations, après les discussions les plus réfléchies,
n’avoit pasicru devoir en accorder un plus lon g; l’in
térêt de l’enfant l’a voit-déterminé. L ’état de l’enfant,
a voit-il j dit y ne saurait être trop tôt f i x é (i).
Ainsi la négligence du sieur du Sauvage ne pourroit
lui servir d’excuse. '
A
Il avoit p u , à son reto u r, demander et recevoir les
renseignemens qu’il prétend;n’avoir eus que long-tem ps
après./;..L ,i. ’ f
‘
II seroit donc, sous ce premier rapport, non recevable dans son action en désaveu. Vigilantibus non
negligentibus ju r a subveniant.
Mais considérons-le même comme placé dans le cas
prévu par le troisième paragraphe de l’article. ;;
Si la naissance de l’enfant lui a été cachée, s’il lui a
été long-temps impossible de la découvrir, au moins
( 1 ) Voir l’Esprit du Code Napoléon, par M. Locré , au*
l’article 316 J du mari absent.
�( i5 )
a-t-il dû se pourvoir dans les deux mois, du jour où
cette naissance lui a été connue.
Les termes de l’article sont formels.
L e mari doit réclamer dans les deux mois après la
découverte de la fraude.
'
C ’est encore l’intérêt de l’enfant qui a fait établir cette
règle salutaire.
« O n ne doit p a s, sans d oute, brusquer la fin de
« non-recevoir, disoit un des législateurs (M . R égnier)\
« mais il ne seroit pas moins dangereux de laisser l’état
cc de l’enfant trop long-temps incertain. »
Mais dans quel temps la fraude sera-t-elle considérée
comme découverte?
Cette difficulté est nulle.
<
L e délai doit courir, disoit un autre législateur, de
puis Je moment où le m ari a eu connoissance de Vac7
couchement de sa fem m e.
Depuis ce moment, il a deux mois pour réclamer.
O n proposoit même d’abréger ce délai, et de se con
form er, dans ce cas particulier, à la règle qui n’accorde
qu’un mois au mari présent \
Mais le consul Cambacérès observe avec sagesse « qu’il
« est juste de donner au père, après que h fa it est par« venu à sa connoissance , le temps de prendre des ren«r seignemens; car il voudra sans doute ne faire d’éclut
« qu’après s’être parfaitement convaincu. »
A in si, de l’observation même de cet illustre magistrat,
découle la conséquence évidente que dès l’instant où le
fait est parvenu ¿1 la connoissance du père, deux mois
seulement lui sont accordés pour prendre tous les ren-
�(.«)
.
éelgtiemeris qiï’il peut désirer, et pour former l’atkiôa
'
*
en désaveu.
•' f1'
'>•••.-r.<
Examinons donc lu1 question de fait.
^ C ’est daiis l’eriquête qu?on en trouvera la solution.
Si l’on excepte de l’enquête quelques témoins qui dé
clarant ne rien savoir,^ ou qui ne fixent pas les époques
des faits qu’ils indiquent, toutes les dépositions démon
trent, jusqu’à l’évidencè, que le sieur du Sauvage conrioissoit, plusieurs années avant l’action en désaveu ,
l’existence de l’enfant 'dont il attaque aujourd’hui l’étati
L e troisième tém oin, Victoire Vincens,Jnous apprend
« qu’il y a environ sept ans, ayant à dîner chez elle
« le sieur du Sauvage , le sieur Cellier et le sieur Gervis;
« dans le cours de ce dîner, lefsieur' du Sauvage, par
ie lantde son épouse^ dit qu’il lui’ seroit facile de rentrer
« dans ses^biens, mais pour ses en fh n s, il ne les re« connoîtroit jamais ; et c’étoit ce qui l’empêchoit de
«•poursuivre la rentrée desdits biens, a
_i Plusieurs conséquences résultent de cette déposition.
ü î'<*?!)L e sieür du Saunage ¿toit certain’ alors que son
épouse n’étoit pas divorcéè/''puisqu’il croyoit avoir le
droit de s’emparer de ses biens ; droit qui ne pouvoit
lui appartenir que comme m ari, et en qualité de maître
des biens dotaux de son épouse.
C ’est donc un vain prétexté que l’opinfon d’un divorcé
antérieur, opinion alftigucc par le éieurdü Sauvage, et
sùr’laquelle il insiste en plusieurs pages de son mémoire,
et notamment pages 2 et 40.
20. Le sieur du Sauvage savoit alors qu’il existoit des
enfans nés de sa femnfie^il le sdvàit puisqu’il le déclaré
lui-même j
�C 17 )
lui-même ; il ajoute, il est v r a i, qu’il ne vouloit pas
les reconnoître; mais il ne les désavoue pas judiciai
rement ; et la loi lui imposoit cette obligation, en lui
prescrivant même un délai de rigueur, non-seulement
pour le désaveu simple, mais aussi pour la réclamation
devant les tribunaux ( articles 316 et 318 du Gode Na
poléon ).
3°. Ce fait remonte à sept années environ , d’après la
déposition qui a été reçue le 7 septembre 1812; c’est-àdire, que déjà, en i 8o 5 , le sieur du Sauvage connoissoit
l’accouchement de sa femme et l’existence de l’enfant;
cependant son action n’a été formée qu’en juillet 180g.
Les dépositions qui suivent sont plus formelles encore.
L e quatrième témoin , le sieur Cellier, archiviste,
assistoit au dîner dont il vient d’être parlé ; il dit aussi
qu’il eut lieu il y a environ sept ans.
11 dépose «que le sieur du Sauvage, parlant de sa
« malheureuse situation à Fégard de son épouse, déclara
« qu’ils avoient eu deux enfans qui n’existoient plus;
« mais que depuis son émigration il y en avoit eu d’autres
« qui n’étoient point de lu i; que le déclarant ayant
« cherché à le réconcilier avec sa fe m m e , par des voies
« de douceur, il n’avoit pu y parvenir; qu’au contraire,
« le sieur du Sauvage avoit formellement déclaré qu’il
« ne reconnoîtroit jamais ses enfans, et qu’il ne verroit
« jamais sa femme; q u ’il savoit q u il y avoit un de ses
« enfans chez la dame de M a rio lles, sa belle-sœur ;
« mais qu’il ne le r e c o n n o i s s o i t pas pour le sien. »
Cette déposition fait naître les mêmes réflexions que
la précédente ; on y remarquera cette déclaration par-
3
�( »8 )
ticulière du sieur du Sauvage, qu'il savoit qu'il y avoit
un de ses eiifans chez la dame de M ariolles.
Il le savoit depuis i 8o 5 ; comment p o u rro it-il être
reçu h le désavouer aujourd’hui ?
L e sieur G iro n , cinquième tém oin, rappelle une
conversation qu’il eut avec le sieur du Sauvage, et qui
fut interrompue par Parrivée d’un tiers, dans un instant
où elle seroit devenue sans doute intéressante pour la
cause actuelle.
Mais il ajoute qu’à une époque q u i, d’après l’indice
qu’il donne, paroît se rapporter à l’an 10, temps auquel
la jeune du Sauvage fut retirée des mains de Guines,
« il lui fut présenté, ou p a rle sieur du Sauvage, ou par
« le sieur de T e i x , sans pouvoir assurer lequel des deux,
« trois extraits de naissance de trois enfans de l’épouse
« du sieur du Sauvage. Dans l’un de ces extraits étoit
ce le nom du sieur du Sauvage, comme père de l’enfant;
« dans le second, la paternité étoit attribuée au nommé
« Guines; dans l’autre, le père étoit déclaré inconnu. »
• Ce qui est dit sur le premier extrait ne peut évidem
ment s’appliquer qu’à l’acte de naissanced’Anne-Françoise
du Sauvage ( i) .
Cette déposition prouve, si c’est le sieur du Sauvage
qui a présenté les extraits, que tous les renseignemens
(ju’ il a aujourd’h ui, il les avoit il y a déjà dix ans; et
quand ce ne seroit que le sieur de T e i x , ne penserat-o n pas que celu i-ci, qui étoit le beau-frère du sieuir
(1) Voyez ces divers extraits dans le mémoire du sieur du
Sauvage, pages 6, 7 et 8.
�( *9 )
du Sauvage , qui était lié avec lui particulièrement,
lui auroit fait connoître les extraits qui étaient en son
pouvoir ?
L e sixième témoin, le sieifr de Vincens, parle notam
ment de plusieurs conversations qu’il eut avec le sieur
du Sauvage , sur l’enfant q;ui étoit chez la dame de Maxùolles, et qui ne paroissoit pas en sa présence.
' & Il dit qu’ayant eu à ce’ sujet plusieurs conversations
« avec le sieur du Sauvage , qu i »’ignorait pas Vexis« tence de cet en faht, qiCon lu i avoit dit appartenir
« à sa fe m m e , et être chez la düthe de M ariol/es,
« il lui avoit témoigné avoir' fefnatquê cet en fan t, et
« l’affectation de se cacher lorsqu’il se montfoit. »
Cette déposition ésf précieuse. Rien de' moins équi^
voque que ses termes.
L e sieur du Sauvage nignoroit pas Texistence de cet
enfant.
’ On lu i avoit d it qiüil appartenait à sa fem m e«
I l avoit remarqué cet erfant.
Qu’importe', après cela ,* le? surplus de la déposition
relative à' l’affectation que iWettoit l’enfant à se cacher,
au soin qu’on avoit de ne pas le faire' paraître eu pré
sence du sieur du Sauvage.
Ces circonstances ne détruisent pas; le moyen.
Le'sieur du Sauvage n’en avûit pas1 moins l’emarqué
l’enfant ;
Il n’en avoit pas moins connu son existence
Il n’en avoit pas moins su qn’il'apparténoit à sa femme.
Si donc la naissance’ lui a'Vbitf été dùcliée jusqu?alore,
elle cessa de l’ôtre £ cette époque \ la fraude lui fut dé
3 *
�couverte, et par conséquent dès ce moment commença
à courir le délai de deux m o is, fixé impérieusement
par l’art. 316 du Code Napoléon.
O r , à quelle époque le sieur de Yincens fait-il re
monter cette conversation ?
« A l’époque d’un procès que le sieur du Sauvage
« oncle avoit alors pendant en la Cour. »
T elle est la réponse du témoin à l’interpellation qui
lui est faite.
Cette époque est fixée par un arrêt même rendu par
la C o u r, dans la cause du sieur du Sauvage oncle. L ’arrêt
est du 29 messidor an 13.
A in s i, encore une fois ,, plusieurs années avant l’action
en désaveu, l’enfant étoit connu par le sieur du Sauvage.
A in s i, dès long-temps celui-ci avoit perdu le droit
de désavouer.
L e septième témoin , le sieur E sm elin, propriétaire,
habitant à A igueperse, nous apprend qu’il y a environ
dix ans, il a connu à'Aigueperse uneJille à laquelle
on donnoit le nom, de du Sauvage, qui étoit sous la
direction d’un nommé Guines ? alors logé dans l’auberge
de la veuve Tapon.
Il parle des mauvais traitemens exercés par Guines
sur l’enfant, et d’un jugement de police correctionnelle,
q u i, punissant Guines d’un an de prison, ordonna que
l ’enfant seroit remis à la dame de Mariolles,
Il ajoute
« Que depuis, ayant eu occasion de voir plusieurs
« fois le sieur du Sauvage, et lui ayant parlé de cette
« fille q u il croyoit être vraiment la sienne, il lui parla
�(21)
des mauvais traitemens exercés sur elle par Guines, et
de la punition qui lui avoit été infligée par le ju
gement de police correctionnelle; à quoi le sieur du
Sauvage ne répondit rien. »
L e témoin fait remonter cette conversation à entour
huit à neuf ans.
A in si, voilà encore un témoin q u i, quatre ou cinq
ans avant le désaveu , a parlé au sieur du Sauvage de
cette jeune fille, qui lui en a parlé la croyant vraiment
la sien n e, qui ne la connoissoit môme alors que sous
le nom de du Sauvage, et qui auroit évidemment appris
au sieur du Sauvage l’existence de cet enfant qui portoit
son nom , si déjà il ne l’avoit connue.
Nous disons, s’ilneV avoit connue, car le silence même
que garda alors le sieur du Sauvage indique assez qu’il
connoissoit alox’s l’enfant; sa curiosité eût été sans doute
vivement excitée, si déjà il n’avoit été instruit.
L e huitième tém oin, le sieur Chassaing, juge au tri
bunal de Clerm ont, déclare que dans une conversation
qu’il eut avec le sieur du Sauvage, il lui demanda s’il
étoit à Clermont avec sa femme; que le sieur du Sau
vage se récria , lui disant qu’il lui étoit impossible d’ha
biter avec elle;
Que le sieur du Sauvage ajouta
« Qu’il n’ignoroit pas que pendant son émigration,
« elle ( sa femme ) avoit eu deux ou trois enfans, dont
« notamment une fille , demeurant chez madame de
« M ariolles ; »
Que le déclarant lui ayant demandé s’il voyoit la
dame de M ariolles, sa belle-sœur, le sieur du Sauvage
répondit :
«
«
te
«
'
�( 24)
« Je la vois quelquefois, je la vois même avec plaisir;
« je fais cas d elà bonté de son caractère; mais par égard
'« pour moi elle a soin de faire disparoître l’enfant,
a lorsque j’entre dans là maison. »
L e térrioin, sur une interpellation relative à l’époque
de ces conversations , dit
•
«- Que c^toit plusieurs mois1 avant Tacquisition de sa
« nouvelle maison ; ce qui remonte à plus de cinq ans. »"
L ’extrait de l’enregistrement de l’acte d’acquisition,
constate que cette maison a été acquise le 21 thermidor
an 13 ( 9 août i 8o5 ).
L a demande n’est que de 1809.
Nouvelle preuve que plusieurs années avant cette a f
fligeante action, le sieur du Sauvage savoit que la jeune
infortunée qu’il poursuit étoit née d e son épouse.
Nouvelle preuve1 qu’il la- comroissüit alors comme il
l’a connue depuis, et que1le1 délai prescrit par la loi
etbit depuis long-temps expiré lorsqu’il a agi.
L e sieur T â p o n , receveur des contributions de la ville
de T h iers, déclare
ce' Qu’il a fréquenté la maison dé la dame de Mariolles-,
a depuis l’an 7 jusqu’en 1806-, momentanément e tp a r
« intervalle; que dans le courant de l’an 10, et années
« suivantes, il a eu occasion d’y voir à différentes fois
« le sieur Noyer du* Sauvage'; que même ledit sieur
«c d u S a u v a g e lui a dit souvent dans la conversation que
« si m a d a m e de F é n y , son épouse , n’irvoit cir des liaia sons avec le nommé Guines, il se seroit peut-être déoc cidê à fa ire du bien à A n na . »•
C e témoin ajoute « qu’il a vu Annci dans la maison
�( 23 }
« de madame de Mariolles ; qu’il l’a constamment en« tendu nommer A n n a , sans autre dénomination;
« Que ladite Anna appeloit madame de Mariolles sa
« tante, et madame de V én y du Sauvage sa mère ;
« Qu’à l’égard du sieur du Sauvage, il ne lui a jamaisr
% dit qu’Anna fût la fille de sa femme ; que quant à
o lui déposant, il est bien persuadé qu’Anna est la fille
« de la dame de Vény., femme du Sauvage; qu’il est
« d’autant plus fondé à le cro ire, que c’étoit là Popi« nion publique , et qiûuinna lu i ressemblait singu« lièremenl. »
i
Sur une interpellation qui lui est faite, le témoin
répond
«
«
«
«
ce
«
a
-
« Que le sieur du Sauvage ne lu i a pas dit préciser
ment qu’il crût Anna fille de sa femme ; que néanmoins il présume qu’il le savoit, parce que, malgré
le soin que l’on prenoit pour empêcher Anna de se
rencontrer avec le sieur du Sauvage , il rtavoit pas
laissé que, de la voir quelquefois, et ri*avoit pu fa ir e
autrement que de lu i trouver une parfaite ressens
blance avec la dame de V é n y , son épouse, »
L e sieur du Sauvage a vu Anna.
Il a du nécessairement remarquer sa parfaite ressen>
blance avec la dame de V ény.
Il a dû par conséquent la reconnoitre pour la fille de
son épouse.
Il l’a dû à cause de la ressemblance;
• Il l’a dû parce que Vopinion publique la désignoit
comme telle.
Il l’a reconnue, en effet, comme née de la dame V én y7
�.
(
2
4
)
puisqu’il a témoigné l’intérêt que lui inspiroit A nna,
puisqu’il a déclaré que sans les liaisons de son épouse avec
G uines, il se serait décidé à ¿faire du bien à A n na .
Par quelle fatalité cet intérêt touchant que lui ins
piroit la jeune fille a-t-il disparu ?
A h ! qu’il la voie aujourd’hui que les grâces brillantes
de la jeunesse ont embelli encore sa personne ; aujour
d’hui qu’une éducation soignée a développé ses vertus
et sa raison!
Qu’il la voie et'qu’il l’entende, et il sentira renaître
l’intérêt qu’elle lui inspira ;
E t son cœur désavouera une action cruelle ;
E t il retrouvera une fille qui sera la consolation de
sa vieillesse, et qui fera disparoître l’abandon qui menace
ses derniers jours.
Mais s’il faut que la loi prononce dans cette affligeante
cause, quelle plus grande réunion de preuves pourroiton désirer pour démontrer que plus de deux mois avant
le désaveu, le sieur du Sauvage a vu la jeune du Sauvage,
et qu’il l’a reconnue pour être la Jille de sa fem m e.
D ’un cô té, il a su , dès les premières années de son re
tour , que sa femme n’étoit pas divorcée. Plusieurs té
moins attestent qu’il la considéroit comme étant encore
son épouse; l’un d’eu x , le huitièm e, dit même qu’il se
proposoit de demander le divorce contr’elle ; fait im
portant dans cette cause, où le sieur du Sauvage allègue
comme un moyen puissant en sa faveur, qu’il croyoit
que depuis long-temps il existoit un divorce entre sa
femme et lui.
de
�( a 5 )
D e l’autre côté, il a connu Anne-Françoise du Sau
vage dès i 8o 5 , et même antérieurement;
Il a su qu’elle étoit la fille de sa femme;
Des témoins lui en ont parlé comme si elle étoit sa
propre fille ;
Lui-même en a parlé comme de la fille de son épouse.
Ainsi le fait principal, fixé par l’arrêt interlocutoire,
a été prouvé sans la moindre équivoque.
Quant au nom que l’on donnoit ordinairement à la
jeune fille, il est vrai que plusieurs témoins déclarent
qu’on la nommoit le plus souvent A n n a , sans autre dé
nomination.
Mais cela n’empêchoit pas qu’elle ne fût connue comme
la fille de madame du Sauvage, que l'opinion publique
ne la considérât comme telle, que les tribunaux même
ne la désignassent sous le nom de du Sauvage dans leurs
jugemens.
Si d’ailleurs on la nommoit ordinairement A n n a , c’est
par un usage admis depuis un siècle dans toutes les classes
aisées, où les jeunes personnes reçoivent un nom de fan
taisie , par lequel on les appelle toujours ; le nom de
famille n’est jamais em ployé, ou ne l’est que par inad
vertance , tant devient forte l’habitude de se servir du
prénom ou du surnom qu’on est convenu d’employer.
Quelques tém oins, et notamment les sixième et sep
tième , remarquent aussi que dans la maison même de
madame de M ariolles, la jeune demoiselle étoit quelque
fois appelée du nom de du Sauvage, soit par les per
sonnes de la maison, soit par la dame de M ariolles, par
inadvertance, si l’on veut, mais par une inadvertance
4
�( *6 )
qui prouve qu’on la regardoit comme un enfant du
Sauvage.
L e septième témoin ( le sieur Esmelin ) atteste même
que ce n’est que depuis cinq ans qu’il l’a entendu ap
peler seulement A n n a , et qu’antérieurement on l’avoit
toujours nommée du Sauvage.
« Il ajoute qu’à une époque où il ne la connoissoit pas
sous le nom d’A n n a , mais seulement sous celui de du
Sauvage, il parla an sieur du Sauvage de cette jeune
fille, qu’il croyoit être vraiment la sienne,
* Il en parla donc nécessairement en la nommant du
Sauvage; il apprit donc au sieur du Sauvage que la
jeune fille portoit son nom.
A in si, l’on peut dire que le second fait interloqué a
été également prouvé.
O n a remarqué dans îe mémoire du sieur du Sauvage,,
que pour le troisième fait interloqué, l’appelanten’avoit
fait entendre aucuns témoins.
Gela est v ra i, peut-être parce que ce fait paroissoit
peu important, d’après la preuve des autres.
Ce n’est pas qu’il n’eût été facile de prouver que dans
la pension m êm e, la jeune demoiselle étoit connue des
autres élèves sous le nom de du S a u v a g e.
Elle eût pu appeler en témoignage de ce fait plusieurs
daines de cette ville m êm e, les dames de Roclievert, de
R ignud, de Sam pigny-d’Isoncourt, les demoiselles du
V ivet,D u corail.
Ces jeunes dames se seroient sans doute souvenues de la
plaisanterie innocente qu’elles se pcrmeltoient à l’égard
de leur compagne, qu’elles appcloient quelquefois la
Sauvage.
�( =7 )
.
Mais qu’importe que ce fait secondaire ait été ou non
prouvé !
Qu’importe que les témoins entendus n’aient pas su
\tout ce qu’on leur demandoit, ou qu’ils ne se soient pas
rappelé tout ce qu’ils avoient su !
Qu’importeroit même que l’enquête ne fût pas rigou
reusement conforme à la lettre de l’interlocutoire, si elle
est conforme à la lettre de la loi !
L e système du sieur du Sauvage est de dire qu’on lui
a caché la naissance de l’enfant.
Que falloit-il donc p rouver, d’après l’article 316 du
Code ? '
Il falloit prouver que plus de deux mois avant son
action, il avoit découvert la fraude;
Qu’il avoit connu l’existence de la jeune fille;
Qu’il avoit su qu’elle étoit l’enfant de sa femme.
Ces faits ont été prouvés.
Ce que le sieur du Sauvage avoit intérêt h connoître,
il l’a connu plus de cinq ans même avant sa demande.
Ce long retard est aujourd’hui pour lui un obstacle
insurmontable.
La loi est claire;
La loi est formelle :
Elle ne peut se prêter à aucune équivoque, à aucune
interprétation.
Toute interprétation d’ailleurs, si elle en étoit sus
ceptible , devroit être faite en faveur de la foiblesse et
de l’innocence.
Et pour nous servir des expressions éloquentes du
tribun D uveyrier, le sieur du Sauvage, par le silence
4*
�qu’il a gard é, est raisonnablement supposé n'avoir pas
reçu d’offense, ou Vavoir par donnée ; et dans tous les
c a s, la loi y comme la raison , préfère le pardon à la
vengeance.
x
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
U action est-elle fondée ?
Cette question se résout par les termes de l’art. 312
du Code N apoléon, comparés aux preuves que rapporte
le sieur du Sauvage.
V oici comment est conçu l’article r
« L ’enfant conçu pendant le mariage a pour père le
« mari.
« Néanmoins celui-ci pourra désavouer l’enfant, s’il
« prouve que pendant le temps qui a couru depuis le
« trois centième jusqu’au cent quatre-vingtième jour
« avant la naissance de cet enfant, il é to it, soit pour
« cause d’éloignement, soit par l’effet de quelque acci« d en t, dans /’impossibilité physique de cohabiter avec
« sa femme. »
L e premier paragraphe de l’article pose la règle.
« L ’enfant conçu pendant le mariage a pour père le
« m ari ; pater is est quem nuptiœ demonstrant. »
L e second paragraphe établit l’exception.
Cette exception n’est admise que lorsqu’il y a eu im
possibilité physique de cohabitation entre le mari et la
femme.
Im possibilité physique : ces expressions sont de la
plus grande force comme de la plus grande précision.
�( *9 )
Elles renferment le résumé de la plus saine doctrine
de l’ancien droit sur cette matière.
L ’impossibilité physique, autrefois comme à présent,
étoit impérieusement exigée pour détruire la règle im
portante, pater is est, etc.
Ecoutons le langage d’un illustre orateur, l’honneur
de la magistrature, dans une cause où une foule de
circonstances, en démontrant l’adultère de l’épouse, sembloient autoriser le mari à désavouer l’enfant né depuis
des liaisons criminelles.
M . Daguesseau rappelle la définition de l’enfant lé
gitime , qu’il puise dans la loi 6 , ff. D e his qui su i
vel alieni juris sunt. Et il ajoute :
« Il n’y a donc que deux preuves contraires, qui
« puissent être opposées à une présomption aussi fayo
te rable.
« La longue absence du mari est la première ; et
« même nous pouvons ajouter, conformément.à l’esprit
« de la l o i, qu’il faut que cette absence soit certaine et
« continuelle.
« L ’impuissance, ou perpétuelle ou passagère, est la
« seconde : la loi n’en reconnoît pas d’autres. »
O r, quelles preuves le sieur du Sauvage rapporte-t-il
de rimpossibilité physique d’un instant de réunion entre
lui et son épouse; c’est-à-dire, d’une longue absence ,
qu’il prétend être certaine et continuelle?
Son inscription sur la liste des ém igrés;
Des arrêtés administatifs de brumaire et de frimaire
an 3 ;
Un jugement de messidor an 4,
�c 3° )
So7i inscription sur la liste des émigrés !
Est-ce là une preuve irréfragable de son absence?
Ne sait-on pas que des milliers de Français ont été
inscrits sur ces dangereuses listes, sans avoir jamais quitté
le sol de la France?
Ne sait-on pas avec quelle légèreté, quelle imprudence,
quelle facilité, dans ces temps de désordres, on signaloit
comme émigrés, par ces listes fatales, ceux qui ne s’étoient
absentés que momentanément même du lieu habituel
de leur résidence?
Ne sait-on pas enfin que pour éviter les dangereux
effets de l’erreur ou de la malveillance, les malheureux
proscrits, obligés de se cacher dans une retraite profonde,
n’y voyoient que leurs parens, leurs amis les plus proches?
Sera-ce dans ces jours ténébreux de nos dissensions
civiles, qu’on ira chercherla lumière propre à nous éclairer
sur la certitude, la continuité de l’absence du sieur du
Sauvage?
D e s arrêtés administratifs de brum aire, de frim aire
an 3 /
Mais ces arrêtés, conséquence nécessaire de l’inscription
sur la liste des émigrés, ces arrêtés sollicités pour pré
venir la vente totale des biens du présumé ém igré, ne
sauraient être une preuve eux-mêmes, tant qu’on ne
démontrera pas , par des preuves physiques, la réalité
et la continuité de l’absence.
A u reste, ces actes administratifs ont eu lieu au com
mencement de l’an 3; et comment prouveroient-ils que
le sieur du Sauvage a été aussi absent en l’an 4 , pen
dant cette année 4, où, les proscrits se pressoient en foule
�'(3 0
de rentrer dans une patrie q u i, devenue plus douce pour
eu x, n’attentoit plus à leur vie, pourvu qu’ils ne com
missent aucune imprudence, et qu’ils employassent quel
ques déguisemens.
O r, la naissance d’Anne-Françoise du Sauvage est de
la lin de l’an 4 , du 19 fructidor.
Un jugement de messidor an 4 /
Ce jugement n’est pas rapporté ; il n’a jamais été pro
duit : on s’étonne qu’il ait été invoqué comme preuve.
D e liis quœ noii sunt 2>el quœ non apparent idem ju diciurn.
A u reste, quand il seroit vrai que dans le jugement
le sieur du Sauvage est qualifié d’’émigré ou réputé émi
gré (1), cette qualification seroit-elle une preuve physique
de son absence, soit antérieurement, soit même à cette
époque?
Ne sait-on pas que tant que l ’inscription subsistoit,
l’inscrit ne pouvoit être désigné par les autorités admi
nistratives et judiciaires que comme émigré ou réputé
émigré.
D e tels indices ne sauroient être suffisans pour dé
montrer une absence longue, certaine et continuelle ;
Ils ne fourniroient que des présomptions d’absence.
O r , la loi n’admet pas l’arbitraire des présomptions,
en matière aussi grave.
Ce n est pas sur des présomptions que des magistrats
se décideront à livrer à l’infortune et à la honte la vie
entière d’un être innocent.
(1) Voyez page 6 du mémoire du sieur du Sauvage.
y'
�( 32 )
Il
faut des preuves de Pim-possibilité physique d’une
réunion même momentanée.
'
Mais que doit-on entendre par ces mots : L'im possi
bilité physique ?
Ecoutons le tribun Duveyrier.
« L ’impossibilité physique est absolue; elle tient toute
« sa force d’elle-même : c'est un fa it matériel et cons« t ant, qui n admet aucune autre supposition. »
Cet orateur ajoute plus bas :
a L ’impossibilité physique ne peut exister que par deux
« causes, l’absence, et l’impuissance accidentelle du mari.
« I c i, les anciens principes, conformes à la raison et
ff à l’équité , ne souffrent aucune altération. Il faut que
a l’absence soit constante, continue, et de telle nature
« que dans l’intervalle de temps donné à la possibilité de
« la conception, c’est-à-dire, dans l’intervalle de cent
« vingt jours, qui s’écoule entre le cent quatre-vingtième
« et le trois centième jour avant la naissance de l’enfant,
« Pesprit humain ne puisse concevoir la possibilité
« d'un seul instant de réunion entre les deux époux. »
• O r , L e sieur du Sauvage démontre-4 -il que l’esprit
ne peut concevoir la possibilité d’un seul instant de réu
nion enti’e son épouse et lui ?
Et la jeune infortunée dont on attaque l’état, n’at-elle pas le droit de dire
Q u’il est possible que le sieur du Sauvage ne fût pas
absent du territoire Français, en l’an 4 ;
Qu’il est possible, s’il avoit fui le sol français antérieu
rement , qu’il y fût rentré à une époque où tant d’émigrés
B’empresçoieat de profiler d’un teixips de calme et de tolé
rance f
�( 33 )
rance, pour revoir une patrie, objet de leurs souvenirs
et de leurs regrets ;
r Qu’il est possible qu’alors il se soit réuni à une épouse
près de laquelle ses affections comme ses devoirs semb loien tle rappeler;
•: Q u’il est possible m êm e, si le sieur du Sauvage n’étoit pas rentré en France, que cette épouse fût allée ellemême dans les contrées voisines, résider quelques temps
auprès d’un époux qui n’avoit alors à lui reprocher au
cunes liaisons avec Guines.
Ces possibilités sont dans l’ordre naturel.
• A insi', tant qu’elles ne seront pas détruites par une
preuve aussi claire que positive, le sieur du Sauvage
ne peut pas se placer dans le cas de Vimpossibilité phy
sique e x ig é e p a r l’article 312.
C e tte ’preuve n’est pas fa ite ;
u
;Cette preuve n’est pas même offerte.
Comment donc le sieur du Sauvage p o u rro it-il se
croire fondé-dans son action en désaveu?
On le v o it, des moyens puissans s’élèvent contre cette
action.
. :\\i
r
.
La loi protège une fille innocente ;
E lle ne permet pas d’accueillir la demande, tant qu’il
ne sera pas prouvé qu’il y a eu impossibilité physique
de cohabitation entre les deux époux.
Cette preuve même seroit insignifiante aujourd’h ui,
et elle n’empêclieroit pas qu’on ne dût rejeter une de
mande tardive, une demande formée plusieurs années
seulement après l’époque où Inexistence de l’enfant étoit
parvenue a la coimoissance du m an. iL! r :
�Mais qu’il est affligeant, pour la jeune du Sauvage,
d’être obligée d’invoquer la loi pour sa défense !
Q u’il lui seroit doux de devoir son salut au cœur seul
du père qu’elle réclame !
Par le long silence qu’il a gardé , le sieur du Sauvage
est présumé, ou n'avoir pas reçu d'offense, ou l'a voir
pardonnée.
S’il croit avoir reçu une offense, n’est-elle pas expiée
par les malheurs dont sa triste épouse est accablée depuis
long-temps ?
Qu’il ne révoque pas un pardon généreux!
Qu’il permette à une jeune infortunée de se jeter à
ses pieds, et de lui demander grâce pour sa m ère, grâce
pour elle-même !
Q u’il la reconnoisse pour son enfant ! et il trouvera en
elle une fille tendre et soumise, une fille dont les soins
touchans le consoleront, dont les vertus l’honoreront,
et qui répandra dans son âme le calme , la sérénité,
le bonheur que ne connut jamais l’homme isolé.
M e. A L L E M A N D , avocat.
M e. G A R R O N jeune, avoué licencié
A R IO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour impériale,
rue des Taules, maison L amdriot. — A vril 1813 ~
et libraire
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
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A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Anne. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Garron
Subject
The topic of the resource
émigrés
reconnaissance de paternité
tutelle
divorces
témoins
conseils de famille
absence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Anne-Françoise Noyer du Sauvage, mineure, habitante de la ville de Clermont, et Maître Garron, licencié-avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans ; contre sieur Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire, habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire, intimé ; en présence du sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Alleyrat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
Table Godemel : Tutelle : la délibération du conseil de famille portant nomination d’un tuteur n’est pas nulle pour avoir été prise par un conseil composé uniquement de parents maternels, surtout, dans la circonstance où la nomination du tuteur a eu lieu à la diligence du mari, à l’effet de former contre les enfants de sa femme une demande en désaveu.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1791-1813
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2216
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0617
BCU_Factums_G2215
BCU_Factums_G2220
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Clermont-Ferrand (63113)
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Domaine public
absence
conseils de famille
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
tutelle
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bda2ba2b2fdc629a98ca2b4962352323
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GENEALOGIE
P IE R R E G U E Y F F I E R ,
A
JE A N N E M A R T IN O N .
M A R IE .
JEAN, f i e
3 avril
1 7 60.
M A R G U ER ITE ,
à
M arie-A nke S o lé u a g e , f le i 3 septembre 1773.
M A U H I C E , p rêtre ,
né en 1 7 1 9 ,
et *1" en 179G.
A N T O IN E .
LO U IS.
P IE R R E .
à
P IE IU IE -J O S E P H
Nozerine.
F R A N Ç O IS ,
G U I L L A U M E , "j* le 28 août
à
à
Jeanne Lémovd.
P IE B R E -J O S E P H ,
ab sen t.
A g k è s - F s a n ç o is e L a m o th e , ’ {* en l ’ an 12 .
A N T O IN E ,
A ppelant.
J E A N -B A P T IS T E ,
n é le 20 ju in
17G0 ,
m ajeu r e n i j 85 ,
A N T O I N E T T E , n é e le 16 ju in 1768 ,
à
m aje u re e n 179 3 .
A m a b le B a t o l ,
Intimes.
A N T O IN E ,
n é le 3 n o v e m b re *774 >
m a je u r en i ; 9 5 ,
�MEMOIRE
COUR R O Y A LE
D E RIO M .
POUR
LE
SIE U R
G U E Y F F I E R D E L ’E S P IN A S S E ,
ancien A vo cat, A p p ela n t;
CONTRE
Sieur
J e a n -B a p tis te
sieur
A n to in e
G U E Y F F IE R -D E L A IR E ;
G U E Y F F IE R D U B U ISSO N ;
dame A n t o i n e t t e G U E Y F F I E R , et S r A
B A Y O L son m ari, intimés.
m a b le
Usucapio........ hoc est f i nis sollicitudinis ac periculi litium.
( C i c e r o , orat. pro Cæcinîi).
L a prescription est fondée sur le droit naturel, qui
attribue la propriété ,au possesseur : l ’intérêt public
l ’a fait admettre par le Droit c iv il, qui en a déterminé
les conditions et les eff e t s.
Chez tous les peuples, les législateurs ont considéré
la prescription comme nécessaire pour assurer les
I
« 'C„i l A“M L"'I v 7
'
bt
�fortunes, fixer l'incertitude des domaines, mettre un
terme aux dangers des procès, punir même la négli
gence de ceux q u i, pouvant avoir des droits, tardaient
' trop à les exercer, et protéger la sécurité des possesseurs
_ ou de leurs héritiers.
Ces considérations ont fait appeler la prescription
la patrone du genre hum ain, et en ont dicté les diffé
rentes règles. La loi présume que ceux qui n ’ont pas
agi dans le délai q u ’elle fixe, n ’ont eu aucun intérêt
à agir, ou ont voulu faire la remise de leurs droits ;
elle décide que celui qui a possédé pendant ce délai
est le vrai, est le seul p r o p r i é t a i r e , p a rc e que la pos
session est le signe de la propriété. E n conséquence,
elle le dispense de toute autre preuve que de celle de
sa possession j elle n ’exige pas de lui q u ’il produise
des titres p o s i t i f s , p ar ce q u ’il p e u t ne pas les c o n n a î t r e ,
parce q u ’ils ont pu disparaître dans la nuit des tems,
parce q u ’enfin, après le tems fixé pour la prescription,
il n’a pas dit les conserver avec une soigneuse sollici
tude.
Ces principes salutaires, qui offrent les seuls moyens
de défense que
rance de ce qui
à de vieilles et
bienfaisans ont
d ’anciens propriétaires, dans l ’igno
s’est passé autrefois, puissent opposer
à d ’injustes prétentions, ces principes
été invoqués par le sieur Gueyifier de
l'Espinasse dans une cause où leur application parais
sait aussi naturelle q u ’équitable : ils ont c e p e n d a n t
été écartés sous le prétexte le plus futile.
U n héritier bénéficiaire qui , pendant plus de
trente années, a joui à ce titre et exclusivement de
�l ’hérédité entière, 3 etc cependant sssiniilc u un pos
sesseur précaire, et déclaré incapable de prescrire ,
pour avoir ob te n u , contre un curateur au béné
fice d ’inventaire, une sentence q u i, pour ses créances
p e r s o n n e ll e s , l ’autorisait à faire vendre les biens ou à
s’en mettre en possession pignorative.
Jamais l ’héritier n’avait usé de cette dernière faculté,
dont il n’avait pas besoin, et qui ne lui offrait aucun
avantage : toujours il avait agi,'seulement comme héri
tier, dans ses actes d ’administration comme dans la
plupart de ses actes judiciaires, dans ses rapports avec
les créanciers de l ’hérédité comme dans ses traités
avec l ’un de ses co-successibles.
C e p e n d a n t s on titre d ’héritier, qui était tout à-lafois son vrai titre, son titre u n iqu e, et un titre u tile ,
puisqu’il lui attribuait la propriété de l ’hérédité, ce
titre important et indélébile avec lequel on ne pou
vait contester la prescription, a été méconnu en lui 5
et on lui a attribué un titre vicieux, un titre précaire
q u ’il n’a jamais e u , afin d ’accueillir une action depuis
long-tems éteinte, afin de le contraindre au partage
d’une succession ouverte depuis 1760, en déconfiture
alors, liquidée à grands frais depuis, et à laquelle
n avait pas voulu prendre part autrefois, lorsqu’elle
était en ruine, celui-là même au nom de qui des parens collatéraux la réclament aujourd’hui q u ’ils savent
q u ’il serait difficile, après plus d ’un demi-siècle, de
réunir les preuves de tous les sacrifices faits pour
acquitter les dettes héréditaires.
�(4 )
FAITS.
L e sieur Jean Gueyffier, ayeul des parties, avait
épousé Marie-Anne Soléliage en 1 7 1 7.
De ce mariage étaient nés cinq enfans mâles. Mau
rice, né en 1 7 1 9 , décédé en 1 7 9 6 ; Pierre-Joseph
Gueyffier de L on g-Pré, dont l ’appelant est le fils ;
François Gueyffier, qui 11’est pas représenté dans la
cause-, G u illau m e, qui a laissé deux fils et une fille
(ce sont les intimés); et autre Pierre-Joseph Gueyffier
• du Buisson, absent depuis 17 6 3 , époque à laquelle il
se rendit aux îles françaises en Amérique.
L ’hérédité de l ’ayeul Jean Gueyffier est l ’objet de
la cause. Les intimés en demandent le partage, non
du chef de G u i l l a u m e l e u r père, q u i a v a i t cédé ses
droits à son frère Pierre-Joseph de Long-Pré, mais du
chef de Maurice, leur oncle,
dont ils sont héritiers
partiels.
L e contrat de mariage des ayeux communs est du
27 juin 17 17 .
L e père de Jean G ueyffier, futur époux, était alors
décédé. Sa mère, la dame Martinon, l'institua son
héritier de tous les biens q u ’elle laisserait à son décès,
sous la réserve de quelques objets qui devaient faire
partie de l'institution , si elle n ’en disposait pas au
trement .
L lle déclara substituer à la propriété d« tous scs
biens celui de ses petits-enfans mâles dont son fils
ferait choix; e t, à défaut de choix, l ’ain^ d ’entr’e u x ,
�(
5)
pourvu q u ’il ne fut pas entré clans l ’Ordre ecclésias
tique.
1
Ôn r e m a r q u e clans ce contrat une preuve des désor
dres q u ’éprouvaient déjà les affaires du sieur Jean
Gueyffîer.
Il y fut stipulé q u e Y usufruit des biens
substitués ne pourrait être saisi p ar les créanciers du
fu tu r époux.
La dame Martinôn décéda sans avoir fait d’autres
dispositions.
L ’aîné des enfans Gueyffîer, le sieur M aurice,
reçut les Ordres sacrés.
L e puîné, Jean-Joseph Gueyffîer, pèreclel'appelant,
fut institué par son c o n t r a t de mariage, du 2. août
1 7 4 5 , l ’héritier universel de son père, qui se réserva
1 5,ooo francs pour la légitime des autres enfans. Il
fut aussi choisi pour recueillir l ’effet de la substitution
faite par la clame M artinon, son ayeule. L a dame
Soléliage , sa mère , lui fit don d ’une somme de
3ooo francs,
payable après son décès.
Cependant, loin de s’améliorer, la fortune du
sieur Jean Gueyffîer père devint de jour en jour
plus en désordrej et la clame son épouse fut obli
gée de demander une séparation de biens, q u ’elle fît
prononcer en 17 5 1.
Le sieur-Gueyffîer décéda en 17G0. Sa succession
était grevée de dettes considérables.
U n inventaire fut dressé, le 27 juin 17G0, à la re
quête de Pierre-Joseph G ueyffîe r de L o n g -P r é , son
fils, en présence de la dame Soléliage, sa veuve. Le
sieur Piene-Joscpli Gueyffîer du Buisson y assista ,
�K
(6)
faisant tant pour lui que pour ses autres frères; et,
sans vouloir prendre, en leur nom , de qualité, il se
borna à faire, pour eux et'pour lu i, des réserves de
leurs droits.
L e sieur Gueyffier de Long-Pré fut chargé des
objets inventoriés. Il se mit aussi, dès cet instant ,
en possession de tous les biens de l ’hérédité.
L o rs de l ’inventaire, le sieur Gueyffier avait dé
claré n’accepter la succession que comme héritier
b én é fi ci a i r e.
L e 27 juillet suivant, il ré it é ra cette déclaration,
par acte au greffe, et renonça même à l ’institution
iV héritier.
Le
3o
juillet 1760, il fit nommer un curateur au
bénéfice d ’inventaire.
Le 14 a o û t, en vertu d ’ordonnance obtenue le 1 1 ,
sur requête, il assigna ce curateur en paiement de ses
créances contre la succession,
L e i£> novembre 1760, il ob tin t, en qualité d ’hé
ritier de la dame M artinon, son ayeule, et à d’autres
titres, une sentence par défaut, q u i, liquidant scs
créances, condamna le curateur à lui payer en capi
taux la somme de
36,485
francs, avec des intérêts
remontant, pour certaines sommes, à des époques fort
reculées. Les frais de la demande furent liquidés k
1 8 9 francs. L a sentence se termine par une d i s p o s i t i o n
qui était alors une sorte de formule employée dans
toutes les sentences semblables.
E lle permet au sieur de Long-Pré de jo u ir jtigno-
�(7 )
rativement, et de se mettre en possession des immeubless
si m ieux il n aim e les fa ir e saisir et ven dre, etc.
On sait que cette permission de jo u ir pignorcitivem ent 3 s i m ieux n aime fa ire saisir et vendre , était
une dispos it io n de stile qui autrefois, en Auvergne
s u r - t o u t , terminait toujours les sentences des condam
nations obtenues par les créanciers contre les débiteurs.
Déjà en possession, en sa qualité d ’héritier bénéfi
ciaire, non seulement des.im m eubles, mais encore de
tout le mobilier de la succession, le sieur Gueyfiier
de Long-Pré ne pouvait pas penser à prendre une nou
velle possession des immeubles, s e u l e m e n t à titre
pignoratif. Aussi ne il t-il aucun acte tendant a executer, en ce point, la sentence qu il venait d ’obtenir.
On ne rapporte aucune prise de possession de sa part.
Il continua de posséder comme il possédait auparavant,
c’est-à-dire en qualité d ’héritier bénéficiaire, et passa,
en cette qualité, quatorze diiTérens baux à ferm e, de
puis le 9 décembre 17G0 jusqu’au 3o décembre Ï7 6 1.
Ces baux seront produits.
:
L e sieur Gueyfiier lit plus : bientôt il opta pour la
saisie réelle. Afin d ’y parvenir, il fit faire au curateur,
1« 7 février 1 7 6 3 , un commandement recordé, con
tenant signification de la sentence du i 5 novembre
*760; commandement que suivit uu procès-verbal de
saisie réelle; celte saisie fut aussi signifiée au curateur,
avec une nouvelle notification de la sentence.
Alors le commissaire aux saisies réelles de la séné
chaussée de Riom fit procédai’ , le if> juin 17 6 3 , au
bail des immeubles saisis. Le sieur G u eyfiier, déjà
�possesseur de ces immeubles, et de quelques autres ,
s’en rendit fermier judiciaire.
Nous disons de quelques autres, car la saisie réelle
et le bail ne comprenaient pas tous les immeubles de
l ’hérédité. On n’avait pas saisi notamment des vignes
situées à Costecirgues, et plusieurs rentes foncières ou
autres.
Cependant des créanciers de Ja succession poursui
virent le sieur Gueyfiler comme héritier bénéficiaire5
et une eentence de la sénéchaussée d ’Auvergne, du 23
août 1 7 6 4 , le condamna à rendre compte du bénéfico
d ’inventaire.
- L e sieur Gueyffier présenta ce compte le
3o
no
vembre de la même année. On y voit qu 'il porte ,
dans le chapitre des recettes : i° le produit de tous
les b ie ns d e p u i s l ’o u v e r t u r e de la succession j u s q u ’il la
date du bail judiciaire} 20 celui des renies et des
vignes jusqu’à la date du compte, parce q u ’elles n’avaient
pas été saisies.
Ce compte, rendu judiciairement, est une nouvelle
preuve que le sieur
Gueyffier de Long-Pré n’avait
jamais possédé, ne possédait pas même alors à titre
pignoratif.
Le premier bail judiciaire n’avait été passé que pour
trois années, si lant la saisie reellc dure, porte le
procès-verbal.
Ces troià ans étant expirés, un second bail judi?
ciaire fut aussi passé, le 10 avril 1 7 6 6 , pour trois
années, avec la même restriction, si tant la saisie
réelle dure.
�L e sieur Gueyfiier de Long-Pre se; rendit
encore
fermier judiciaire.'
Mais il ne cessa pas de se considérer et d ’agir comme
bénéficiaire; car, le 10 août de la même année,
h é r i t i e r
il donna à ferme , en sa qualité d ’héritier, un immeuble
dépendant de l ’hérédité; et, les années suivantes, il
traita, aussi en la même q u alité, soit avec le sieur
Guillaume G ueyfiier, son frère, père des intimés ,
soit avec les créanciers de la succession, i
'*
L e traité fait avec Guillaume Gueyfiier est du 26
juillet 1767. Celui-ci y agit* pour lui et pour la dame
Soléliage, leur m ère, créancière de la succession.
Il réclame pour la mère des sommes dues en vertu
du contrat de mariage, du 27 juin 17 17 .
Il demande, de son chef, une légitime de rigueur,
et prétendait avoir le droit de l ’exiger même sur les
biens compris dans la substitution.
Le traité fait connaitre le peu de ressources que
présentait alors l ’hérédité. On y dit que sa valeur
était absorbée par des dettes, même antérieures au
contrat de mariage de 1 7 1 7 ; il y est aussi reconnu
que la dame Soléliage avait obtenu sa séparation de
biens en 1 7 5 1 .
Par cette transaction, le sieur Gueyfiier de LongPré s oblige, non seulement; comme héritier, riiaià
encore en son propre nom , ;i payer à sa mère son
douaire annuel, h l u i f o u r n i r , pour logement,* une
chambre m eublée, et h servir les intérêts d ’une somme
de 700 francs, qui lui restait due sur sa dot pécu
niaire.
•’
'r
z
�w
( 10 )
Il promet aussi à son frère une somme de
5oo
fr.,
pour lui tenir lieu de légitime paternelle; et Guillaume
Gueyffier lui cède tous les droits q u ’il pouvait pré
tendre, tant sur les biens compris dans la substitution,
que sur ceux de Jean Gueyffier son père.
E n conséquence , les parties renoncèrent U tout
procès.
L e sieur Gueyffier de Long-Pré prit ensuite des
arrangemens avec, les créanciers ; il acquitta leurs
créances; et il obtint la main-levée des oppositions
q u ’ils avaient formées à la saisie réelle. On rapporte
six de ces mains-levees : les a u t r e s , et même tous les
actes d ’arrangement, n ’ont pu se retrouver : près de
soixante ans d ’intervalle en ont fait perdre les traces;
en sorte que les héritiers du,sieur Gueyffier de LongPré seraient aujourd’hui privés de la r e s t i t u t i o n des
sommes payées par leur père, si la prescription n ’écartait pas l ’action en partage à laquelle ils résistent.
Muni des traités q u 'il avait faits, le sieur Gueyffier
présente, le iG mai 1770 , en qu a lité cVhéritier p a r
bénéfice cVinventaire de Jean G uey ffier, son père ,
une requête en radiation de la saisie réelle. Il y parle
des arrangemens q u ’il a pris avec les créanciers, des
main-levées d ’opposition q u ’il a obtenues. Il demande
la permission d assigner, soit les créanciers encore
opposans, soit le commissaire aux saisies réelles, soit
le curateur au bénéfice d ’inventaire.
L a permission fut accordée; une assignation fut
donnée aux parties intéressées; e t , par sentence du
17 août 1670, contradictoire avec le curateur et
�certains créanciers opposans, par défaut faute de
plaider, contre les autres et contre le commissaire aux
saisies réelles, la radiation de la saisie fut ordonnée.
En
rayan t
la saisie, la sentence fit disparaître les
droits dû commissaire, et par conséquent les effets du
bail judiciaire, q u i , d’après ses termes m êm e, ne
devait pas durer plus que la saisie, q u i, d ’ailleurs,
était expiré depuis la fin de 17 6 8 , et qui n’avait pas
été renouvelé.
Il est fâcheux pour la justice que cette sentence
n’ait pas été connue en première instance, et q u ’elle
n ’ait été retrouvée q u e d e p u is le j u g e m e n t 5 sans doute
elle eût évité a u t r i b u n a l de Brioude l ’erreur grave
d an s l a q u e l l e il est tombé 5 car elle ne laissait pas de
prétexte pour considérer, au moins depuis 1770 , le
sieur Gueyffîer de Long-Pré comme possesseur à titre
pignoratif, lui qui avait obtenu la sentence en qualité
d ’héritier bénéficiaire , et qui , dès ce m om ent-là
su r-tout, n ’eut plus que ce titre d ’héritier bénéficiaire
personnellement, et celui d ’héritier pur et simple,
comme cédataire des droits de G u illa u m e, son frère,
pour jouir de la succession du père commun.
Plus de trente ans se sont écoulés, même depuis
cette sentence, avant que la possession exclusive du
sieur Gueyffîer de L o n g - P r é ne fût troublée par la
demande en partage su r laquelle la C our aura à pro
noncer. Seulement il paraît que Guillaum e Gueyffîer,
père des intimes , avait demande la rescision de la
cession de droits d u 26 juillet 17G75 mais les deux
�^ V, *
( 12 )
frères traitèrent sur cette dem ande, par acte du 10
mai 1775.
C e Guillaum e Gueyfiier décéda le 28 août 17 7 8 ,
après avoir fait un testament en date du 7 juin 1 7 7 7 ,
par lequel il avait institué son épouse son héritière
universelle. Il parait que celle-ci avait formé contre
le sieur Gueyfiier de Long-Pré, en 17 9 3 , une demande
en partage de la succession de Pierre-Joseph G u e yfiie r,
second du n o m , q u ’elle disait mort aux îles. Cette
demande n ’a pas eu de suite; et même, par acte passé
le 4 b r u m a i r e an 12 entre la dame veuve de Guillaume
Gueyfiier et ses enfans (les i n t i m é s ) , elle a reconnu
q u ’elle n’avait aucun d ro it, soit à la succession de
Pierre-Joseph G ueyfiier, leur oncle \ soit à celle de
M arie-Anne Soléliage, leur ayeule.
Maurice G ueyfiier, frère du sieur de Long-Pré, et
onc le des i n t i m é s , est décédé en j u i l l e t 1796. Il
n ’avait ni accepté, ni répudié la succession de Jean
G u e y fiie r,
son père; il 11’en avait par conséquent
jamais demandé le partage. C ’est de son chef aujour
d ’hui que ce partage est réclamé.
C etle demande 11’a été intentée q u ’après la mort
du sieur Pierre-Joseph Gueyfiier de L on g-P ré, contre
Antoine Gueyfiier de Lespinasse, son fils. Elle fut
formée par exploit du 3 floréal an i 3 ; elle avait été
précédée de deux citations en conciliation, l’ une du
18 thermidor an 12, qui avait été abandonnée, l ’autre
du i 5 pluviôse an i 3 , qui avait été suivie d ’ un procèsverbal de non conciliation, du 19 du
mois.
Par ces divers exploits, les trois enl'ans de Guillaume
�Gueyffier ‘ réclamèrent le partage de la succession de
Jean Gueyfiier et de celle de Marie Soléliage , leurs
a y e u x , pour leur en être attribué un cin qu ièm e,
comme r e p r é s e n t a n t G u illa u m e , leur p ère, et le tiers
de deux autres cinquièmes, comme héritiers de Mau
rice et de Pierre-Joseph Gueyffier, deuxième du nom ,
leurs oncles.
Cette action resta long-tems sans poursuites ; elle
fut renouvelée par exploit du 9 novembre
1812,
négligée ensuite, reprise avec plus d ’activité en 1820,
enfin jugée le
23 mai
1821.
Le sieur Gueyfiier de Lespinasse avait employé en
défense des moyens puissans.
A la d e m a n d e en partage de la succession de Marie
Soléliage, il avait opposé une répudiation.
Contre celle de l ’héritier de Jean G ueyffier, il avait
fait valoir :
i° Les actes des 26 juillet 1 7 6 7 , et 10 mai 177Î),
contenant cession de droits successifs par Guillaume
G ueyffier, père des demandeurs}
20 Le défaut de preuves du décès de Pierre-Joseph
Gueyffier, absent 5
3° Une
prescription plus que trentenaire, qui avait
Anéanti les droits que pouvait avoir, soit ce PierreJoseph G ueyfier, soit M aurice, son frère.
Tous ces moyens paraissaient sans réplique.
Cependant le tribunal de Brioude se borna à dé
bouter les demandeurs de leur action en partage de la
succession de Marie Soléliage, et de celle q u ’ils avaient
�formée du chef de G u illau m e, leur père, relativement
aux biens de l ’ayeul.
Il les déclara non-recevables, quant h présent seule
ment , dans l’action exercée du chef de l ’absent ;
E t il accueillit leur demande du chef de Maurice,
leur oncle, en considérant comme précaire la possession
paisible et exclusive, pendant plus d ’un demi-siècle,
du sieur Gueyfiiier de Long-Pré et de son fils (i).
( i ) Voici le texte des motifs d u jugement sur cette difficulté prin-p,
cipale :
« Considérant qu après le décès de J e a n G u c y filer, ayeul des parties,
et de la succession de cujuSy arrive le 2 avril ï ^ 6 o t Pierre-Joseph
G ueyffier, son fils aîné et son héritier institué, renonça à son i n s t i
t u tio n , par acte du 29 ju ille t, même an n ée, et se porfa son héritier
bénéficiaire, inventaire préalablement fait desmpubles, titres et papiers
dépendans de la succession, en présence de ses autres cohéritiers ; q u e ,
p e u de tems après, il fit n o m m e r u n c u r a t e u r à c e l t e s u c c e s s i o n , contre
laquelle il forma une demande tendant à être envoyé en possession
pignorative des biens en dépendant,
ou à être autorisé à les faire
vendre en la manière accou tum ée, pour être payé des reprises ou
avances qui lui étaient dues par cette succession ; q u e , sur cette de
m ande, intervint sentence par défaut contre le curateur, le 12 novembre
1760, qui adjugea les conclusions des demandeurs; qu ’en vertu de cette
senten ce, il préféra posséder pignorativement les biens de cette suc
cession, au lieu de les faire vendre; qu ’il le s fit néanmoins saisir réelle
ment à sa requête, et s’en rendit le fermier judiciaire; que c ’est ce
qui résulte d ’ un procês-verbal qu’ il fit dresser de ces biens, saisis lo
2 juillet 1763 ; saisie réelle à laquelle cependant il parait qu ’on n’a pas
donné de suite ;
« Considérant que la partie de Mallye ne peut méconnaître cello
sentence, qui est l’ouvrage de son au teu r, des faits
te n u e ,
et
que les parties de Jonquoy peuvent
succès ; qu en vain la partie de Mallyo so
la
duquel
elle est
1»< opposer avec
retranche
dans la qualité
d héritier bénéficiaire, prise par sou a u te u r , pour établir qu’il lui
�( *5 )
Tel est le jugement que le sieur Gueyffïer de Lespinasse a soumis à l ’examen de la C o u r , en interjetant
¡¡ppgj par exploits des et Q^aout 1821.
Ses moyens sont aussi simples que décisifs.
L a fa c u lt é d’accepter la succession de Jean Gueyfiier
a été perdue pour les intim és, par plus de trente ans
de prescription.
L a propriété des biens de cette succession a été
suffisait de cette qualité pour se maintenir dans la possession des Liens
dépendans de la succession de cujus ; qu ’ il n’est pas moins vrai qu ’on
doit supposer à son auteur un intérêt quelconque pour a v o i r p r é f é r é de
se f a i r e envoyer en possession p i g n o r a t i v e d e c e s m ê m e s b ie n s , en vertu
de c e t t e s e n t e n c e o b t e n u e c o n t r e un c u r a t e u r de son choix , et a 1 insu
de ses c o h é r i t i e r s ; q u ’ il n ’ e n a pas moins changé volontairement le titre
de sa possession, dans le dessein sans doute de faire voir qu’ il abandon
nait cette succession pour en jouir avec plus de sécurité ; que cette
sentence a été exécutée ; que cette exécution résulte de la qualité de
ferm ier, qu’il a prise, et que cette qualité suppose une possession or
donnée par Justice; et que cette possession ne p o u v ait, dans l ’espèce ,
que se rattacher à la possession pignorative qu ’ il avait obtenue par la
sentence de 1760; que dès-lors la partie de M allyc ne peut se plaindre
que les parties de Jonquoy invoquent contr’ellc un titre que son auleur
s’est créé lui-même dans son intérêt personnel, et qui existe dans toute
sa force, sur-tout lorsqu’ il s'agit d'écarteF un m oyen de prescription
°pposé par un héritier à ses cohéritiers,
sacrée ;
qui réclament une dette
" Considérant dès-lors que la possession de la partie de M a l l y c , ou
son auteur , n’est fondée que sur la sentence du 12 novembre 17G0 ;
qu’ elle n’a joui, par elle ou par son auteur, que pignorativement de ces
biens, que comme un gage de sa créance; qu’ une pareille jouissanco
n ’est que précaire, et ne peut produire une prescription utile, quelque
tems qu ’ elle ait durée ; q u ’il f a u t , pour acquérir une pareille p r e s c r ip
tio n , jouir animo dom ini; et que £a jouissance n ’a pas de
th 'c , etc. >1
caisc-
/
�acquise à l ’appelant par une possession utile et plus
que trentenaire.
Il suffirait, pour le succès de la cause de l ’appelant,
de démontrer une seule de ces propositions.
Il prouvera surabondamment q u ’elles sont toutes
les deux également vraies.
•
P R E M IÈ R E PR O PO SITIO N .
L a fa c u lté d ’accepter la succession de Jean Gueyjfier
a été perdue par p lu s de trente ans de prescription. >
«
Fixons les faits et leurs dates.
Jean Gueyfiier est décédé le
3 avril
1760.
A son décès, sa succession n ’a été acceptée que par
Joseph Gueyfiier de Lon g-P ré, son fils, soit lors de
l ’inventaire du 27 juin 1760, soit par un acte au
greffe, du 27 juillet suivant.
Maurice G u eyfiier, prêtre, au nom duquel agissent
les intimés, n ’accepta point alors, n’a point accepté
depuis.
Il est décédé, en 1 7 9 6 , sans avoir rien fait, sans
avoir exprimé aucune intention qui put être consi
dérée comme un acte d ’héritier.
O r , de 17G0 à 1 7 9 6 , trente-six ans s’étaient écoulés,
c’est-à-dire, plus d ’années qu il n ’en fallait pour le
cours de la seule prescription admise en Coutume v
d’Auvergne , et de la plus longue de celles connues
dans le Droit romain.
A sa m ort, ses uoveux, enfans de G u illaum e, ont
�( 17 )
encore gardé le silence; ils ne l ’ont rompu q u ’en i 8o 5 ,
pour réclamer judiciairement le partage de la succes
sion de Jean Gueyffier, dont ils ont pris alors, pour
la première fois , la qualité d ’héritiers du chef de
M a u r i c e , leur oncle.
Quarante-cinq ans d ’abstention permettaient-ils
encore à ces prétendus héritiers de se présenter pour
accepter enfin une succession si long-tems abandonnée
par eux, et qui cependant n’était pas vacante, puisque
le sieur Gueyffier de Long-Pré l’avait acceptée luimême dès son ouverture?
L ’article 789 du Code civil répondra à la question
en ces termes :
« L a f a c u l t é cV accep ter ,
ou de répudier une
« succession , se prescrit par le laps de tems requis
« pour la prescription la p lu s longue des droits
« immobiliers. »
O r , si l ’on consulte l ’article 22G2 du C od e, qui
fixe la durée de la prescription la plus longue^ on y
verra que cette durée est de trente ans :
« Toutes les actions, tant réelles que personnelles,
« sont prescrites par trente ans, sans que celui qui
« allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter
<( nu titre, ou q u ’on puisse lui opposer l’exception
“ déduite de la mauvaise foi. »
Les textes des deux articles sont clairs et formels.
Mais, dira-t-on peut-être, que sert ici le C o d e ,
puisqu’il s’agit de droits ouverts avant son émission?
Nous pourrions nous borner à répondre que le Code
n’a pas établi un principe nouveau, et q u e , dans cette
3
�( i8 )
partie de notre droit comme dans le surplus, les nou
veaux législateurs se sont bornés à recueillir et à.
réunir en un seul corps les principes épars dans les
lois romaines, les statuts coutumiers, les autorités des
arrêts et les opinions des jurisconsultes.
Il n’est pas difficile, au reste, de prouver q u ’autre
fois, comme aujourd’ h u i, la f a c u lt é d'accepter une
succession se prescrivait par trente ans.
- Suivant le Droit romain, la prescription de dix
ans, appelée prœscriptio longi temporis , ne suffisait
pas pour d é t r u i r e l ’ a ct io n en pétition d ’hérédité. C ’est
ce que décide la loi 7 , Cod. D e petitione hœreditalis.
Pourquoi ? parce que les droits personnels n ’ é t a ie n t
pas effacés par cette sorte de prescription. C ’est la
remarque de Godefroi sur cette loi : Personales
actiones decennio nul viccnnio non tolluntur.
Mais la prescription de trente ans éteignait l’action :
P etitio hœreditatis prescribitur triginta annisj ajoute
Godefroi.
Cette prescription de trente ans s’appliquait à toute
espèce d’actions, soit spéciales, soit universelles, soit
personnelles. Elle s’étendait même à celles q u i, dans
l ’ancien droit, étaient désignées sous le nom de perpé
tuelles. La loi 3 , C . D e p r œ s c r ip tio n e 3o v e l /|0
annoruinj s’exprime ainsi :
S ic ut in rem sp écia les, ita de universitate ac per
sonales actiones ultra triginta annorum spntimn
minime protendantur......... Jfœ aillent actiones anno
triginta contmuis cjclinguantur (pue perpétua vulebantur.
�!9
L e président Faber, dans son code, rappelle cette
règle :
Il est permis à l ’héritier naturel, dit-il, de ne pas
prendre de qualité, tant q u ’il a le droit d’accepter la
succession, c ’est-à-dire pendant trente ans : Tarn d ik
eniiii tacerè illi perm ittitur, quàrn cliü liberum est ci
aclire hœreditatem, id est, usque ad triginta annos
(Voyez livre 6 , titre 11 , yjef. 46 ).
C ’est dire assez clairement que l ’héritier qui ne
s’explique pas dans les trente ans perd le droit d ’acçepter l’hérédité.
Dans la définition 11 du titre x i , l ’a u t e u r a jo u t e
que l ’héritier qui n ’ a ni r é p u d ié ni a c c e p t e , est tou
jo ur s ad m i s si b le h a p p r é h e n d e r 1 hérédité, pourvu que
ce soit dans les trente ans : Salvum illi erit ju s
adeundi quandocumquè
dum modo
intrà triginta
annorum. Le m o tif de cette restriction est indiqué
dans une note : c’est parce que le droit d ’accepter une
hérédité se prescrit par trente ans, comme tous les
autres droits perpétuels. Jus adeundi præscribitur
hodiè spatio triginta annorum , ut et cœtera ju r a
perpétua. A l ’appui de cette note, l ’auteur cite la
loi 3 , C. de prœscrip. 3o v e l /jo annorum.
Ainsi, dans
appelé par la
trente ans sans
Il ne lui était
la pureté du Droit romain, celui qui,
loi à une succession, laissait écouler
se porter héritier, était privé de ce litre,
plus permis d ’accepter l ’hérédilé.
Dans le Droit français, où était admise la maxime:
N u l n ’est héritier qui ne v e u t, comment la même
prescription n’aurait-elle pas frappé celui qui aurait
�gardé trente ans de silence absolu depuis l ’ouverture
de la succession ?
,
■
«
«
«
«
«
«
«
u
u
«
« L ’usage de la prescription, dit l ’immortel auteur
des Lois civiles, n ’est pas seulement d ’acquérir la
propriété à ceux qui ont prescrit par la possession,
et de dépouiller les propriétaires qui ont laissé
prescrire; mais il y a encore un autre usage des
prescriptions, où la possession n ’est pas nécessaire,
qui est celu i tVanéantir les droits et actions q u ’on
a cessé d ’exercer pendant un tems suffisant pour
prescrire. Ainsi un créancier perd sa dette, et tous
droits et actions se perdent, quoique ceux qui en
sont débiteurs ne possèdent rien, si on ne dem ande ,
« ou si on cesse d ’exercer le droit pendant le tems
« réglé par la loi. »
L ’application de cette doctrine aux droits d ’un
h é r i t i e r p r é s o m p t i f est aussi facile que naturelle : il
a la faculté d ’accepter; mais il la perd, cette faculté,
si trente ans s’écoulent sans q u ’il l ’exerce. Alors le
titre d’héritier et les droits qui y sont attachés n’existent
plus pour lui.
Furgole, dans son Traité des Testamens (chap. 10,
section i re, n° i 5y ) , enseigne la même doctrine :
« Afin qu ’on soit recevable à accepter une hérédité,
« il faut venir dans les tfcrns marqués par les lois, et
« que le droit de 1 héritier n ait pas été éteint par la
« prescription. »
lia loi 8, cod. de ju r e d e lib ., décide q |ie “ le
« droit d’accepter une hérédité n ’est pas sujet à la
<< prescription de long-tems, c’esL-îi-dire de di xans.
�( ai )
' M A
« Il n’est donc su jet qu’à la prescription de trente ans
«
l ’ouverture-, et quoique certains auteurs aient
d e p u i s
« cru que la faculté d’accepter une hérédité ne se
« perd pas par la prescription de trente a n s, il n’y a
« pas liç£ de douter que l ’opinion contraire ne soit
« c e r t a i n e , parce que le laps de trente ans est le
a terme fatal de toutes les actions personnelles ».
h . 4 et tôt. , tit. C. de prœscript. 3o v e l 40 annorum.
L ’auteur ajoute cependant qu e, si l'héréd ité était
v a ca n te, et sur la tête d ’ un curateur qui serait un
simple dépositaire, elle pourrait être acceptée pendant
trente ans.
M.
M e r l i n e x a m i n e la q u e s ti o n avec sa profondeur
or d in a ir e (i)* Il cite les o p in io n s de Sand et de V oet,
auteurs B e l g e s , sur la faculté q u ’a l ’héritier naturel
de délibérer pendant trente ans, s’il n’est pas poursuivi,
nemine urgente; mais sur la nécessité où il est d ’ac
cepter dans les trente ans, pour ne pas être exclu de ce
droit : Antequhm tempore ah adeundd hœreditate
excludatur.
Il rapporte aussi et développe l ’avis de Furgole.
En fin il détermine les conséquences de cette doctrine:
« Pour nous fi.\/er sur ce point important, d it- il,
<( nous devons rechercher quelle e s t , relativement
“ aux successions *qni vsont restées vacantes pendant
« trente ans , l'eflet de la prescription du droit
« d ’accepter. Cet effet est très-bien déterminé par
« Gomès, dans ses f^ariœ l'esolutiones, t. 1 , ch. 9 ,
0)
Voyez R épertoire, au mot J U iU ier, section 3 , paragr. i Cï.
�i
( 22 )
« n° 2 7 , ju s adeundiprœ scribiturper triginta annos^
« undc si infrà eos hceres.... N on adivit hœredilatem
« sibi delatam e x testamento v e l ab intcstato, amittit
\
« cam ,etdevplviturproxim ioriingraduipsiusdefuncti.
« A in si, par la prescription, du droit (^accepter,
« il s’opère une dévolution de ce droit aux parens du
« de gré qui suit immédiatement celui dans lequel se
« trouvent les parens qui en o n t, pendant trente ans,
« négligé l ’exercice. »
I
L ’auteur suppose que tous les héritiers au premier
degré o n t né gligé p e n d a n t trente ans d ’user de leurs
droits; ce q u i, en fa isa nt d is p a ra ît re ces droits, pro
duit la dévolution de l ’hérédité en faveur des hé rit ie rs
d ’un degré inférieur.
z
. A plus forte raison doit-il en être ainsi, lorsqu’un
des héritiers au premier degré a accepté la succession ;
à sa portion doit alors accroître celle de ses cohéritiers,
q u i , par trente ans de silence, ont perdu la faculté
d ’accepter.
Cette doctrine était applicable sur-tout en Auvergne,
dont la loi municipale (art. 2 , tit. 17 ) déclare que
tous droits et actions corporels ou incorporels se pres
crivent, acquièrent et perdent p ar le laps et espace
de trente ans.
Tels étaient les principes sous lesquels s’était ouverte
la succession de Jean Gueyfiier père, décédé à Brioudc.
Il avait laissé cinq enfans appelés à la recueillir;
mais ils pouvaient ne pas répondre à cet a p p e l : car
on n’est pas héritier malgré soi. Pour q u ’ ils devinssent
héritiers, il iulluic q u ’ils acceptassent; sans accepta-
*
�( >3 )
lion ils étaient seiilement héritiers présumés, avec
la faculté de devenir héritiers réels. Mais cette faculté
devait être exercée dans le délai fixé par la l o i , c’està-dire , a v a n t les trente ans. Elle s’est éteinte en eux,
s’ils n ’en ont pas u sé , et si d ’autres héritiers ont
accepté eux-mêmes. ,
O r , c’est précisément ce qui est arrivé. L a succes
sion de Jean Gueyffier n’a jamais été vacante. Le sieur
Gueyffier de Long-Pré l ’a acceptée, dès son ouverture,
sous bénéfice d ’inventaire.
L e sieur Guillaume Gueyffier, après s’être abstenu
pendant quelques années, l ’a aussi a c c e p t é e , meme
, purement et simplement, en cédant ses droits hérédi
taires, moyennant un prix, au sieur de Long-Pré ,
son frère.
A insi, ce dernier a été saisi de l ’hérédité, non seu
lement comme héritier bénéficiaire, mais encore comme
héritier pur* et simple , puisqu’il représentait son
cédant.
11 a seul possédé, dès le décès du père com m un, le
titre d ’h éritier, le j u s et nomen hceredis.
Ce titre d’ héritier, ce j u s et nomen hceredis, il l ’a
possédé exclusivement, et sans trouble, pendant plus
de trente ans.
Qu importerait donc que le sieur de Long-Pré eût
ou non été détenteur aussi des immeubles de la suc
cession ?
Fiit-il vrai même que ces immeubles avaient été
détenus précairement, tout détenteur précaire ne les
aurait possédés que pour le sieur de Long-Pré, parce
�<ÎJK
(»4
5
q u e, scs frères s’étant abstenus, lui seul, qui avait
accepté, était seul aussi rhomme'de la succession, en
était le vrai propriétaire et le vrai possesseur.
Ce titre d ’ héritier, dont il a joui sans partage
p e n d a n t le tems le plus long que les lois fixent
pour la prescription, ce litre d ’héritier, il a le droit
de continuer d’en jouir aussi sans partage, et de l’op
poser à des personnes qui ont dédaigné la succession lors
q u ’elle était embarrassée, onéreuse, et une occasion de
tracasseries et de sacrifices. Il a le droit de leur dire que
leur abstention pendant p lu s de 4o ans, et l ’occupation
du ju s et nomen hœredis, par lui s e u l , pendant ce long
période, leur ont fait perdre la faculté d ’accepter u n e
hérédité qui n ’est devenue aujourd’hui liquide que
par ses soins, affranchie de charges q u ’à ses frais, et
qui offrirait p e u t - ê t r e quelqu’avantage, mais s e u l e m e n t
j>arce que les titres des dettes acquittées se sont la.
plupart égarés, et parce que les sommes considérables
employées à satisfaire les créanciers ne seraient pas ,
dans les comptes du partage, considérées comme valant
plus aujourd’hui q u ’en 1760; tandis que la valeur des
biens s’est beaucoup accrue , tandis que les mêmes
sommes, si elles eussent servi alors à acquérir des
immeubles, au lieu de payer les dettes héréditaires ,
auraient produit au sieur de Long-Pré une valeur plus
que triple.
Cette première dissertation suffirait pour repousser
les prétentions tardives des intimés, et pour démon
trer l’erreur du jugem ent, quand il serait vrai que le
sieur Gueyffier n’aurait pas possédé pendant trente
�(
*5 )
ans, ou n’auïait possédé que pignorativement les biens
de la succession en litige.
Mais, sous ce second rapport aussi, l ’erreur du ju
gement est palpable.
D E U X IÈ M E PR O PO SIT IO N .
)
L a propriété des biens de la succession a été acquise
à Vappelant par une possession utile et p lu s que
trentenaire.
Pour, motiver leur décision, les p re mi er s ju g e s ont
dit :
Que le sieur G u e y f f i e r de Long-Pré fit nommer un
curateur à la succession de son père;
Q u ’il forma contre ce curateur une demande [ten
dante à être envoyé en possession pignorative des biens
de la succession ; '
Q u ’en exécution de cette sentence,' il préféra pro
fite r pignorativement des b ien s , que de les fa ir e
vendre ; q u ’il les f i t saisir réellem ent 3 et s ’en rendit
ferm ier ju d icia ire ; que l ’exécution de la senténce ré
sulte de la qualité de fermier q u ’il a prise ;
Q u e c e l t e q u a l i t é de f e r m ie r suppo se u n e possession
01 donnée p a r
la J u s t i c e ; et q u e c e t t e possession
ne
p o u v a i t , dans l ’esp èce, se r a t t a c h e r q u ’à la possession
p ig n o r a t i v e q u ’ il a v a i t o b t e n u e ;
Que dès-lors sa possession et celle de scs héritiers est
fondée seulement sur la sentence du i5 novembre
17G0; qu ’ils n’ont joui du bien que pignorativement,
4
)
�( ’G )
et Comme du gage de leur créance; q u ’une pareille
jouissance n’est que précaire, et ne peut produire de
prescription.
Tels sont, en analise, les motifs du jugement.
Ces motifs prouvent que les faits n ’ont été ni bien
connus, ni bien appréciés : ils présentent beaucoup
d ’idées fausses ou contradictoires.
Il y a eu erreur de f a i t , lorsqu’on a dit que le
sieur de Lon g-P ré avait formé contre le curateur
une demande tendante à être envoyé •en possession
pignorative .
L e seul bu t q u ’il ait e u , q u ’ il ait pu avoir en
agissant contre le curateur, a été de faire liquider
ses créances.
Q u ’avait-il besoin d ’un envoi en possession pigno
rative?
Déjà il avait pris la qualité d ’hériter bénéficiaire;
déjà, en cette q u a lité , il était en possession des biens.
.Cette possession réelle et légale rendait absolument
inutile pour lui une sentence d’envoi en possession
nouvelle. Mais il lui était utile d’obtenir la liquidation de
ses créances , ainsi q u ’uue condamnation exécutoire
contre une succession q u ’il n ’avait acceptée que sôus
bénéfice d ’inventaire, et dont les actions et les biens
étaient, par cette précaution, séparés de ses propres
actions et de ses biens personnels.
Tel fut le m otif qui 1# détermina
faire nommer
un curateur au bénéfice d ’inventaire, à assiguer ce
�(
27 )
curateur en paie men t, (le ses ciéances, e t a. faire pro
noncer la sentence du i 5 novembre 1760.
Cet te sentence liquide les créances à la somme de
36,485 francs de pr inci pa ux , por tant intérêt depuis
lo ng -t em s. C ett e'l iqu id a ti o n est la disposition princi
pa le de la sentence.
Il est vrai q u e , dans une disposition secondaire, il
est ajouté :
* « Pour parvenir au paiement des condamnations
« ci-dessus prononcées, tant en principal et intérêts
« que frais et dépens, permettons au suppliant de
« jouir pi gnorativefnent, et se mettre en possession
« des immeubles des successions des dits P i e r r e (1) et
« Jean G u e y f f ic r , si m ieux ri aime les faire saisir et
« vendre par décret en nos audiences, en la manière
« ordinaire. »
On voit que la sentence n ’envoyait pas directement
en possession pignorative.
Seulement elle permettait de jouir pignorativement,
et de se m ett re, à cet effet, en possession.
C ’était une faculté q u ’elle accordait, et non une
possession q u ’elle attribuait sur-le-champ.
C ette faculté pouvait être exercée ou négligée.
Cett e faculté était même subordonnée à. une action
qui devait en précéder l ’exercice, si m ieux il r i aime
fa ire saisir et 'vendrej dit la sentence.
A i n s i, pour jouir pi gnorativem ent, il eût fallu que
( . ) Pierre Gucyfficr ¿Lait le père de Jean <pi lui aYait succédé. Le?
deux successions étaient confondues.
�le sieur de Long-Pré fit quelqu’acte tendant à sa mise
en possession pignorative ; q u e , par exemple, il dé
clarât au curateur q u ’il entendait opter pour la jouis
sance pignorative ; q u ’il l ’assignât pour assister à une
prise de possession, faite en exécution de la sentence*,
et q u ’il fit dresser un procès-verbal de cette prise de
possession.
O r , le sieur Gueyffier de Long-Pré n ’a jamais fait
d ’actes semblables ; jamais il n ’a usé de la permission
de jouir pignorativement ; jamais il ne s’est mis en
possession , à cet eft'et, des immeubles de la succession;
jam ais, par conséquent, il n’a opté j>our cette faculté
que lui donnait la sentence.
C ’est donc une idée fausse, que celle qui suppose
q u i i a j o u i pignorativement.
A u contraire, il a opté pour la seconde faculté q u e
lui d o n n a i t la s e n t e n c e ; celle de fa ire saisir et vendre 3
par décret, les immeubles de la succession.
Cette seconde faculté était en opposition avec la
première. Il lui était permis de jo u ir pignorativementy si mieux n ’aimait fa ir e saisir. Il a fait saisir :
donc il n’a pas voulu jouir pignorativement.
C ’est encore une idée fausse, et contradictoire en
quelque sorte avec elle-même, que de rattacher la
jouissance comme fermier judiciaire, à la jouissance
pignorative permise par la sentence de 17G0.
Possesseur à litre pignoratif et fermier judiciaire
sont deux qualités incompatibles.
Le possesseur à titre pignoratif a y a n t , dans la sen
tence d envoi en possession, uu lin e pour jou ir, n ’a
�(
29
)
pas besoin de s’en procurer un nouveau en affermant
judiciairement.
L e possesseur à titre pignoratif jouit en son propre
n o m , administre les biens à son g r é , en conserve la
j o u i s s a n c e , tant qu ’il n’est pas payé de sa créance*, il
fait les fruits siens, et les compense ou intégralement,
ou jusqu’à due concurrence , avec les intérêts de ce
qui lui est dû.
L e fermier judiciaire, au contraire, ne jouit qu'au
nom du commissaire aux saisies réelles ; il ne conserve
la jouissance que pendant la durée de son bail ; il
doit en payer annuellement le prix au commissaire 5
c’est ce dernier seul qui est le vrai administrateur des
biens saisis.
La saisie réelle, suivie d ’un bail judiciaire, détruit
même le titre pignoratif, si le possesseur laisse exé
cuter ce b a i l , que ce soit lui ou un tiers qui devienne
fermier judiciaire; car alors les immeubles passent
sous la main de la Justice : ils ne sont plus en la
possession du créancier, et sa jouissance p i g n o r a t i v e
disparait.
C ’est donc une grande erreur que d ’avoir confondu
la jouissance pignorative avec celle d ’un fermier judi
ciaire , et de s’être servi, contre le sieur Gueyffier de
Long-Pré, de cette dernière qualité, q u i, comme 011
le verra, n ’a été en lui que momentanée, pour lui
attribuer la qualité de possesseur à titre p ig n o ra tif,
q u ’il n’a jamais eue.
M ais, pour prouver de plus en plus le mal-jugé de
la décision des premiers juges,
rappelons quelques
�PM
(
3o
)
principes, rattachons-y les faits, et déterminons les
conséquences de ce rapprochement.
D ’Argentré, sur Particle 265 de la Coutume de
Bretagne, chapitre 5 ; M. M erlin, dans son Répertoire
de Jurisprudence, au mot Prescription (section i re,
§ 5 , art. 3 , n° 5 ) , posent des règles propres h. lever
tous les doutes, et q u ’il est utile de transcrire :
« i° Celui qui a un titre est présumé posséder en
« vertu et en conformité de ce titre : c’est la cause
« appavente de sa possession, et rien n ’est plus naturel
« que de les référer l ’ un à l ’autre. Les lois ont pris
« d ’ailleurs soin d ’assurer ce principe : A d primor« clium iitu lij dit un texte célèbre du Droit romain,
« semper posterior form atur eventus, ( C ’est le texte
de la loi unique, au Code de imponendd lucrativd
descriptione. )
« 2° Celui qui a plusieurs titres est censé posséder
« plutôt en vertu de ceux dont la validité n ’est pas
« susceptible de contradiction, que de ceux dans les« quels on peut trouver des défauts ou des nullités.
« I I peut même 3 sur-tout quand i l est défendeur ,
« rapporter sa possession à ce lu i des titres q u ’il ju g e
« ii propos, pourvu q u ’en le faisant il ne choque pas
« trop la vraisemblance.
« 4° Quand il n ’y a pas de circonstances ou de
« raisons pressantes pour faire présumer q u ’ou a pos« scdé pour un au tre, c’est pour soi-i»^mc qu on est
« censé l’avoir l’a it. »
�’
% V
( 31 )
Toutes
ces
règles ont un trait direct à la difficulté
qui s’est élevée dans la cause.
Quel t i t r e avait le sieur Gueyffier de Long-Pré
p o u r posséder? et, en supposant qu ’il en eût p l u
s i e u r s , quel est celui dont il a fait dès l ’origine et
c o n s t a m m e n t usage? quel est le seul même qu ’il ait
conservé depuis 17 70 ?
La réponse à ces questions se trouve dans le résumé
des faits.
•v. L a succession de Jean Gueyffier s’ouvre le
1760.
3
août
Dans un inventaire du 27 juin', et par un acte au
greffe, du 27 juillet de la même annee, le sieur
Gueyffier déclare accepter cette succession sous béné
fice d ’inventaire.
Ainsi, dès l ’ouverture de la succession, il prend la
qualité d ’héritier; il est investi de ce titre , qui est
indélébile, comme on le sait : Q ui sem el liceres semper hœres.
Ce n ’est pas tout; il se met en possession, en sa
qualité d ’héritier bénéficiaire, de tous les biens meu
bles et immeubles de la succession. L ’inventaire du
27 juin 17G0 en fait foi, quant au mobilier. L e fait
est attesté, quant aux immeubles, par quatorze baux
passés dans les années 17G0 et 1 7 6 1 , par lesquels, en
qualité d ’ h é r it ie r b é n é f i c i a i r e , il donne à ferme des
biens de l ’hérédité.
-.
Il fa it, il est v r a i, liquider ses créances person
nelles; il obtient des, condamnations considérables
contre un curateur de la succession bénéficiaire ; ou
�■t f t f
(30
lui permet (le se mettre en possession pignorative, si
m ieux il n’aime fa ir e saisir et vendre.
Mais il n ’use pas de la première faculté; il ne se
sert que de la seconde : il fait saisir.
Pendant cette saisie, et pour ne pas perdre la
possession q u ’il avait eue dès le moment du décès du
père, il se rend, il est encore vrai, fermier judiciaire.
Mais la saisie réelle q u ’il fait faire, le bail judi
ciaire q u ’il accepte, ne l ’empêchent pas de posséder
encore, de se considérer lui-mêm e, et d ’être considéré
par les autres, même par la justice, comme héritier
bénéficiaire.
I l continue de posséder à ce titre ; car le mobilier
de l’hérédité, plusieurs rentes et une vigne qui en
dépendaient n ’étaient pas compris dans la saisie réelle;
et il en garde la possession.
I l se considère lui-m ém c comme héritier bénéfi
ciaire ; car il passe un bail en cette qualité, le 10 août
1766.
I l est considéré comme te l , non seulement p a r luim êm e, mais encore p a r la ju stice .
Car les créanciers le poursuivent et le font con
damner, en cette q u alité, par sentence du 23 août
1764$ et- c’est en cette qualité q u ’il rend judiciaire
ment un compte de bénéfice d ’inventaire; compte dans
lequel il porte en recette la valeur du mobilier, celle
des jouissances devons les immeubles jusqu’à la date
du bail judiciaire, les jouissances postérieures même a
ce b a i l , pour les rentes et les vignes q u i n’avaient pas
¿té saisies; compte où il porte, eu dépense, diverses
�V * *
( 33 )
sommes payées aux creanfciers de la succession ; compte
qui
jusqu’à l ’évidence, q u ’il n’avait jamais
p
r
o
u
v
e
'
cessé de jouir comme héritier bénéficiaire.
B i e n t ô t il traite avec son frère G u i l l a u m e , reçoit
dans l ’acte la qualité d ’ héritier bénéficiaire, et achète
les droits.d’iin héritier pur et simple.
E n fin , voulant faire disparaître la saisie réelle, il
prend des arrangemens avec les créanciers; il demande,
en qualité d ’héritier bénéficiaire , fait prononcer, aussi
en cette qualité, la radiation de la saisie, et annulle
ainsi les baux judiciaires, q u i, déjà même, étaient
expirés, n ’avaient pas été re no u ve lé s , et q u i, d ailleurs,
d’après une clause expresse, ne devaient durer q u ’au
tant que la saisie.
Comment d outer, d ’après ces circonstances, que ce
n ’est ni pignorativement, ni précairement, mais que
c est comme héritier, comme propriétaire, que le sieur
Gueyffier de Long-Pré a toujours joui des biens de. la
succession ?
N ’a-t-il pas le droit de dire, en invoquant la pre
mière règle ci-dessus rappelée, q u ’il faut considérer
1 origine de sa possession pour en apprécier les effets?
et fIue ? puisqu’au moment de l'ouverture de la
succession, il s’est déclaré héritier bénéficiaire; puisqu a ce moment même il s’est mis en possession
des biens en cette qualiié ; puisque c’eât, en cette
qualité aussi-qu’il a rendu compte du mobilier reçu ‘
lors de l'inventaire, et des jouissances perçues dès la
première année*, n’a-t-il pas le droit de dire q u ’il est
�n
(
34
)
présumé avoir possédé en conformité de son titre
d ’héritier ? A d primordium titu li semper posterior
fo rm a lu r eventus.
N ’a u r a i t - i l pas aussi le droit, s’il y avait du doute,
d ’invoquer la seconde règle ? e t , en supposant q u ’il
eût eu réellement plusieurs titres de possession, n’au
rait-il pas le droit de choisir le titre valable plutôt que
le titre vicieux, e t, lui sur-tout qui est défendeur,
de rapporter sa possession à sa qualité d ’héritier,
plutôt q u ’à un titre précaire?
Ne serait-il pas même autorisé à soutenir que s i ,
suivant les jn’incipes, le détenteur précaire possède
pour le propriétaire, et si la possession du premier
sert au second ( i ) , sa possession, même à un titre
précaire pendant un certain tenis, n’aurait pu servir
à d’autres q u ’à l u i - m ê m e , en sa q u a l i t é d ’ h é r i t i e r ?
C ar lui seul ayant accepté la succession, c’était lui
seul aussi q u i, pendant cette possession, aurait été le
vrai propriétaire des biens de l ’ hérédité, les autres ne
pouvant le devenir avec l u i, q u ’en prenant un ti t re
d ’héritier q u ’ils avaient refusé lors de l’inventaire.
Enfin le sieur de Long-Pré et son fils ne seraient-ils
pas fondés à remarquer, suivant la dernière règle de
M. M erlin, q u ’ils sont présumés avoir possédé pour
eux-mêmes , puisqu'il n ’y a pas de circonstances ou
de îaisons pressantes p o u r f a it e pre'sutner cju ils ont
possédé pour un autre?
( i ) Voyez Dunod , Traile do la
»ïliclcs 2228 et a» 3G.
P rescrip tio n
, cl». 7 , cl Code civ il,
�E t pour q u i a u r a i e n t- il s possédé?
S e r a i t - c e .
pour les autres enfans de Jean G u e y filer?
Mais ils ne s’étaient pas portés héritiers.
S era it- ce pour les créanciers de la succession ?
Mais ils avaient été désintéressés.
Serait-ce pour la Justice ou pour le commissaire
aux saisies réelles, chargé par elle d ’administrer les
biens saisis ?
Mais les biens saisis ne formaient pas tous ceux de
l ’hérédité.
Mais la Justice n ’est pas propriétaire des biens
qu’elle fait administrer : on ne peut d o n c pas posséder
pour elle.
Mais enfin la Justice elle-même avait dépouillé' le
commissaire aux saisies de son administration , en
rayant la saisie réelle par la sentence du
17
août
1770, rendue avec le commissaire, avec le curateur
au bénéfice d ’inventaire, et avec tous les créanciers.
Celte sentence nous fournirait un nouveau moyen,
s’il était nécessaire 3 car les moyens abondent dans
cette cause.
On sait que le possesseur, même précaire, peut
prescrire, lorsque le titre de 6a possession se trouve
interverti.
G est un principe élémentaire, que celui qui pos
sède précairement commence à posséder pour soi x
comme m aître, par la déclaration de sa volonté.
« Le propriétaire qui le sait et qui le souffre, dit
« D unod, est ccnsu avoir abandonné la possession
« qu’il avait.
�if'f-y
(
3C
)
« Ainsi, non seulement le fermier, mais encore le
« créancier, le dépositaire, l ’administrateur du bien
« d’a u tru i, le vassal, l ’emphitéote, le censitaire,
« l ’usufruitier, la douairière, et généralement ceux
« qui ont la possession d’a u t r u i, changent leur pos<< session lorsqu’ils le veulent, et q u ’ils le déclarent
ft ¡par des faits et des actes extérieurs. C ’est ce q u ’on
« appelle une interversion, une contradiction, relativejp,e,nt à laquelle on prescrit; car l ’on u ’acquiert
« par cette voie que ce que l ’on a déclaré vouloir
« possédçr. >f
Le
ticle
Code civil a résumé ces p r i n c ip e s d an s l ’ar
2238.
' L eu r application à la cause est facile.
Les faits et les. actes prouvent que le sieur de LongPré a toujours-joui comme héritier de tous les biens
meubles o f i m m e u b l e s de la succession de son père ,
à l ’exception, de ceux q u ’il fit saisir réellement luimèxue, en qualité de créancier, par procès-verbal du
27 avril 1763.
Il
devint fermier judiciaire des immeubles saisis ;
çt ¿i, sous ce rapport, on le considérait comme dé
tenteur précaire do, ces immeubles, au moins est-il
certain que sa possession précaire aurait cessé avec le
b a il, avec la saisit* réelle, dont la sentence de 1770
prononça la radia lion.
.CeUo sentence, il la fil rendre en (¡milité d’hériüu*'
b/MiéJicinire.
' ■
, j
1 H l'obtint contre toutes les parties intéressées., et
même contradictoirement contre lu curateur au béné-
�c
37
)
•fice d ’ i n v e n t a i r e , c’est-à-dire contre l ’ homme qui re
présentait la s u cc e s si o n , lorsqu’ il ne pouvait pas, dans
les a ctions q u ’il a v a i t à exercer, la représenter
lui-
meme.
Cette sentence f a it main-levée au sieur Gueyffier
de la saisie r é e l l e e t
nulle et sans ejjet.
ordonne q u e lle
demeurera
E n traitant d’abord, comme héritier bénéficiaire, avec
les créanciers opposans à la saisie réelle; en demandant
ensuite, en cette qualité, contr’eux et contre le cura
te u r, la main-levée de cette saisie; en la fa is a n t pro
no n c e r avec eux et le c u r a t e u r , t o u j o u r s en qua lité
d'héritier 3 le sieur de Long-Pré aurait fait évidemment
disparaître le titre précaire, dont la saisie réelle était
la base. Des cet in stan t, s il a possédé les immeubles
saisis, ce 11’est plus comme fermier, ce n’est plus pour
le commissaire aux saisies réelles ou pour les c r é a n
ciers , c’est comme héritier seulement; car il n ’avait
plus d ’autre titre de possession.
D ’ailleurs, comme créancier seulement, il n ’aurait
pas eu qualité pour faire rayer la saisie ; il 11’avait
CG droit,
les autres créanciers étant désintéressés ,
qu en sa qualité d ’héritier, c ’est-à-dire de propriétaire
des immeubles saisis.
Ainsi,, les poursuites faites pour parvenir à la main
levée de la saibic, et la sentence qui la pr ononce, sont
des actes de propriétaire, sont des actes d ’interversion
de toute possession précaire antérieure, et d ’une in
terversion d ’autant plus puissante, q u ’elle a. été faite
�t**
(38 )
en présence de la Justice, et consacrée par son autorité,
D onc, en négligeant même les années antérieures,
au moins depuis 1770 le sieur Gueyffier de Long-Pré
a possédé comme propriétaire ; et par sa possession il a
pu prescrire.
O r , de 1770 à i 8o 5 , date de la demande, trentecinq années se sont écoulées, c’est-à-dire, cinq ans
de prescription de plus que la loi n ’en exige.
Opposerait-on q u e , ne jouissant que comme h é r i
tier b é n é f i c i a i r e , le sieur de Long-Pré n ’a pu prescrire?
L ’objection serait futile.
D ’un côté, le sieur de Long-Pré, comme acquéreur
des droits de Guillaum e G ueyffier, qui était héritier
pur et simple, avait succédé à cette qualité.
D ’un autre côté, personne n ’ignore q u ’entre un
h é r i t i e r b é n é fi c ia i r e et u n h é r i t i e r p u r et s im p l e , il
n ’y a de différence q u ’en ce que le premier n ’e§t pas
tenu des dettes au-delà des forces de la succession.
L ’héritier bénéficiaire est d ’ailleurs propriétaire des
biens de la succession. Il en est saisi, p a r la lo i,
comme l ’ héritier pur et simple. E11 les administrant,
en les possédant, il administre, il possède sa chose. 11
peut en d is po s er même à son gré. S ’il^ les vend sans
form alités, la vente est valable, parce q u ’elle est faite
p a r le vrai propriétaire. Seulement il se rend alors, à
l ’égard des créanciers, héritier pur et simple.
Donc l’ héritier bénéficiaire peut prescrire comme
tout autre héritier.
Les idées qui conduisent à cette conséquence sont
trop élémentaires en droit, pour q u ’il soit nécessaire
�c 39 )
•.
*
de preuves. On peut, au reste, consulter Furgole
(Traité des T e s t a m e n s , chapitre 10, section 3 , n° 3 );
Merlin (Répertoire de Jurisprudence, au mot bénéfice
«l’i n v e n t a i r e , n° 2 1 ) ; Chabot de l ’Allier (Traité des
Successions, sur l ’article
).
E n fin , invoquerait-on de vaines considérations ,
déclamerait-on contre la prescription, la présenteraiton comme un moyen odieux, et que l ’on doit chercher
à éluderj si quelques circonstances y prêtent?
Il
serait superflu de répondre à ces déclamations;
depuis long-tems elles ont été répétées, et depuis longtems aussi elles ont été appréciées à leur juste valeur.
Les législateurs, qui les connaissaient, n ont pas hésité
cependant à maintenir une règle bienfaisante, néces
saire pour protéger la propriété, et sans laquelle tout
lie serait que tro u ble, désordre et incertitude dans les
fortunes«
C ’est, au reste , h des prescriptions courtes q u ’elles
s’appliqueraient , c'est-à-dire à ces prescriptions de
quelques mois ou de quelques années, qui sont subor
données à l'affirmation du débiteur, mais non à la
prescription trentenaire, qui n’est soumise à aucune
condition , qui fut toujours considérée comme équi
valant à un titre, que toutes les nations policées ont
admise, dont d’Argentré et les auteurs les plus dis
tingués ont fait l’éloge, et que Cassiodore a éloquem
ment appelée le seul port où les hommes soient à l’abri
des orages de la société : H ic unus inlcv humanas
procclliis portus.
l u de quelle faveur les circonstances de la cause ne
�P
t J5
(
4°
)
doivent-elles pas entourer cette prescription, qui tend
à consacrer une possession paisible de plus de soixante
ans !
L ’hérédité
était à son
ouverture plus onéreuse
q u ’utile.
Grevée de nombreuses dettes, elle n’eût pu suffire
ii les acquitter, si les biens eussent été vendus alors.
Pour en juger, q u ’on se rappelle q u e , dès 17 17 ?
les affaires de Jean Gueyffifer étaient en désordre 5
q u ’une séparation de biens fut obtenue contre lui en
1 7 5 ï ; q u ’en 1760, le sieur de Long-Pré accepta sa
succession, seulement sous bénéfice d ’ i n v e n t a i r e ; q u ’ il
crut même nécessaire de renoncer à l'institution d’hé
ritier faite en sa faveur; et que les autres enfans,
quoique tous majeurs, quoique tous représentés dans
l ’ i n v e n t a i r e , ne v o u l u r e n t pas p r e n d r e la qualité
d ’héritiers.
Que Ton considère aussi que les biens saisis avaient
été affermés, en justice,
35o
francs seulement.
Q u ’on fasse attention au grand nombre des créan
ciers opposans, sans y comprendre le sieur Gueyffier
de L o n g -P ré , créancier de 3G,ooo francs de capitaux,
et d’intérêts considérables.
C e n ’est pas sans réflexions, que Maurice Gucyffier,
majeur avant
17G0, mort seulement en 1 7 9 6 ,
n ’a
jamais demandé lui-même sa portion •d ’ une hérédité
dont il avait connu les charges et le peu de v a l e u r .
C e n’est pas sans réflexions aussi, p e n t - ê u e , qu au
jourd'hui des parons collatéraux la réclament en son
nom. Ils n’ ignorent pas que le sieur Gueyffier do
�( 4< )
ai«
Long-Pré est m o r t depuis long-tems. Il est mort après
- l a pr e sc ri p ti on a c q u i s e , à u n e époque où il devait
croire q u e t o u t danger de procès avait cessé. Il est
m o r t et avec lui ont disparu une partie de ses titres
et p eu t -ê tr e ses principaux moyens de défense. Son fils,
q u i ne peut connaître ce qui s’est passé dans des tems
r e c u l é s , son héritier, contre lequel seul l ’action a été
formée, doit-il être entendu avec défaveur, lorsqu’il
propose un moyen que la loi protège, un moyen que
la loi lui fo u rn it, pour suppléer aux titres qui se sont
égarés, aux traités que son père a dû faire avec les
créanciers de la succession, aux a r r a n g e m e n s q u ’ il a
p ris p e u t -ê tr e même a ve c ce M a u r i c e G ueyffier, du
c h e f d u q u e l on a g it aujourd’h u i; arrangemens dont
les traces ont pu s’effacer dans le cours de près d ’un
demi-siècle ?
E t comment aurait-il conservé des droits 'a l ’héré
dité, le sieur Maurice G ueyffier, qui avait cessé
d’être exposé au paiement des dettes héréditaires?
Plus de trente ans de prescription l ’avaient libéré à
l ’égard des créanciers, qui ne l ’ont jamais poursuivi.
N ’est-il pas juste aussi que plus de trente ans de
prescription l ’aient privé
de tout, droit aux biens
d’une hérédité dont il n ’avait plus à redouter les
charges ?
Dans la cause, la prescription se présente sous un
double rapport pour repousser la demande en partage :
Prescription du droit d ’accepter contre Maurice
Gueyffier ou ses représentons, qui ont laissé écouler
quarante ans sans prendre la qualité d ’héritier ; et
�‘i j i
(
42
)
prescription d ’autant moins équivoque, que la suc
cession
ritier,
ce long
le sieur
n’est pas
le ju s et
intervalle,
G u e y ffier
restée vacante, car le titre d ’hé
nomen hœredis ont été pendant
et sans interruption, occupés par
de Long-Pré ou son fils;
Prescription de la propriété des biens de l ’hérédité,
que le sieur de Long-Pré a possédés seul, sans trouble
et sans interruption, aussi pendant plus de trente ans,
non à titre pignoratif, non même par suite d ’une
saisie réelle, puisque la Justice avait annulé cette
saisie dès 1 7 7 0 mais animo dom ini, en qualité de
vrai m aître, de seul propriétaire, qualité nécessaire
ment attachée à celle d ’héritier q u ’il avait prise dès
1760 et q u ’il a constamment exercée depuis.
N ’a - t - i l pas dû se reposer avec sécurité sur une
prescription ainsi doublement car actérisée ?
N ’a-t-il pas dû croire q u ’enfin était arrivé pou r lui
et pour ses enfans l ’heureux terme de toute inquiétude
et de tout danger d ’un procès? U sucapio ............. hoç
est finis sollicitudinis ac periculi litium,
Me A L L E M A N D , Avocat.
Me G R A N E T , L icencié-Avoué.
R IO M ;
IM P R IM E R IE
DE
SA LLE S,
P R ÈS L E
P A L A IS
DE
JU S T IC E .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gueyffier de l'Espinasse. 1830?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Granet
Subject
The topic of the resource
successions
prescription
absence
renonciation à succession
séparation de biens
arbre généalogique
possession pignorative
saisie
créances
vin
preuves de décès
colonat
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Gueyffier de L'Espinasse, ancien avocat, appelant ; contre sieur Jean-Baptiste Gueyffier-Delaire ; sieur Antoine Gueyffier du Buisson ; dame Antoinette Gueyffier, et Sr Amable Bayol, son mari, intimés. Usucapio….hoc est finis sollicitudinis ac periculi litium. (Cicero, orat. Pro Caecinâ).
Annotations manuscrites.
annotations manuscrites : texte de l'arrêt.
Table Godemel : Absent : 2. le décès d’un individu à Saint Domingue est-il suffisamment établi par un acte en forme authentique indiquant le jour du décès, son nom de famille et l’un de ses prénoms, bien que, contre les termes de la déclaration du 9 avril 1736, il ne mentionne pas non plus la qualité ; à moins que l’on établisse qu’un autre individu du même nom ait résidé dans l’isle et y soit décédé à la date de l’acte rapporté ; surtout, si l’identité résulté d’autres documents et des faits de la cause. Renonciation : 14. l’enfant, héritier institué, qui, après avoir fait procéder à l’inventaire du mobilier existant au décès de son père, a renoncé à son institution d’héritier contractuel, pour n’accepter la succession qu’ab intestat et sous bénéfice d’inventaire ; qui a fait nommer un curateur au bénéfice d’inventaire et obtenu, contre lui, sentence de condamnation pour un capital de créances assez considérable, avec permission de se mettre en possession des immeubles de la succession, ou de les faire vendre par placard ; qui s’est réellement investi de fait de l’universalité des biens ; n’a joui, à titre de propriétaire, que du cinquième formant sa portion virile, et à titre pignoratif des autres quatre cinquième, en qualité de créancier.
Quelque longue qu’ait été sa possession, il a joui aux mêmes titres, s’il n’a pas manifesté expressément une volonté contraire ; il ne peut, dès lors, opposer aux autres enfans, ses cohéritiers, aucune prescription. malgré le nombre des actes de possession qu’il a pu faire, il ne peut résister au partage, ni se refuser au rapport des biens et jouissances, sauf à prendre le cinquième qui lui revient en qualité d’héritier bénéficiaire.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1830
1760-1830
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2608
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2609
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53523/BCU_Factums_G2608.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Saint-Ilpize (43195)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Saint-Domingue
République dominicaine
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
arbre généalogique
colonat
Créances
possession pignorative
prescription
preuves de décès
renonciation à succession
saisie
séparation de biens
Successions
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53524/BCU_Factums_G2609.pdf
f8c3894008aa1d414d189565b9bd3ef2
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Text
MÉMOIRE
CO U R R O Y A L E
EN
RÉPONSE,
DE RIOM.
i r0
POUR
Sr
A n to in e
da m e
A
G U E F F IE R -D U B U IS S O N , Propriétaire-,
n t o i n e t t e G U E F F IE R , A m a b le B A Y O L ;
son m a r i,
Officier de S a n té ,
et J e a n - B a p t i s t e
G U E F F I E R , Propriétaire, Intim és ;
CONTRE
Me
A
n to in e
G U E F F I E R D E L ’E S P I N A S S E ,
ancien A v o c a t, Appelant.
D a mihi fallere : da just.o sanctoque. videri :
Noctem peccatis, et fraudibus objica nubem!
H o r a c e , l i v r e I e r , chap i t r e 1 6 .
filia tio n des intimés et leur droit aux successions
dont ils ont d e m a n d é le partage , ne sont point
L
a
contestés : ils ne pouvaient l ’ètre. Le sieur G u e ffierL'Espinasse, leur adversaire, oppose,
pour unique
c iia m b u t:.
�m oyen, la prescription
j
dont il exalte l ’utilité dans
le Droit c i v i l , et les bienfaits dans l ’intérêt privé.
Son système, fortifié de toutes les ressources du talent
et de la m éthode, repose entièrement sur cet axiome
léon in , q u ’on n ’oserait invoquer ouvertement : Q u i
tenet, teneat : possessio va let. Il suffit de l ’indiquer
pour le faire proscrire.
Sans doute, des considérations d ’une haute impor
tance ont dû faire admettre la prescription , comme
moyen conservateur ; mais cette patrone du genre
. humain ne protège pas indistinctement tous les posses
seurs 5 soumise à des conditions essentielles qui en
règlent l ’application, elle ne consacre que la possession
faite de bonne foi , animo dom ini} et à juste titre.
L ’appelant pourra-t-il en réclamer les effets, quand
il est démontré que , par une suite de manœuvres
frauduleuses , c e l u i q u 'il représente a éloigné ses
cohéritiers de la connaissance des affaires de la succes
sion ; q u ’il
a volontairement
renoncé à son titre
d 'héritier universel, pour ne retenir que sa portion
virile comme héritier bénéficiaire ; q u e, préférant à
toute autre qualité celle de créa n cier, il a été saisi
des biens de la succession , non comme propriétaire,
mais précairem ent, aux titres successifs ou cumulés
de gardien, d ’antichrésiste , de possesseur pignoratif
et de fermier judiciaire?
Vain em en t, pour consommer une usurpation révol
tante, ce cohéritier se sera-t-il efforcé, par des p r o c é
dures clandestines, par une fraude l o n g u e m e n t méditee, et par des jugemeus c o n c e r t é s , de couvrir le vice
�de sa possession et d ’en intervertir le titre. Vainem ent,
après avoir paralyse 1 action des cicanciers et des suc-*
cessibles, aura-t-il v o u lu , Protée judiciaire, s’attribuer
le
titre u n iv e r s e l
auquel il avait formellement renoncé. ~
Toutes ces ten tatives, réprouvées par la morale et par
la Justice, n ’ont porté aucune atteinte aux droits des
cohéritiers présomptifs , parce que sa possession , se
référant au titre p rim o rd ia l, n ’a aucun des caractères
propres à, lui attribuer le bénéfice de la prescription.
FAITS.
- Six enfans sont nés de l ’union de Pierre G uefiler
et de Jeanne M artin on , bisayeux des parties : M arie,
q ui avait épousé Charles de Gouzel de L auriat 5
Antoine ,
Jean ,
Marguerite ,
épouse
de
Maurice
Nozerinej Louis et Pierre.
Jean, qui devint dans la suite bailli de Brioude,
épousa Marie-Anne Soléliage. L e u r contrat de mariage
eut lieu le 26 juin 1 7 17 .
On y lit que Jeanne Martinon, alors veuve de Pierre
Guefiier, institua le futur son héritier universel do
tous les biens q u ’elle laisserait à son décès, avec décla
ration q u ’elle les substituait à celui des enfans mâles
dont son fils ferait choix, o u , à défaut de choix, à.
19 * ' 1
1 aine des mâles, pourvu q u ’il 11e fût point d ’église.
Ces dispositions , faites sous différentes réserves et
charges, sont terminées par la clause suivante :
« Desquels biens ci-dessus substitués,
le futur
« époux ne pourra faire aucune distraction de quarte,
�« mais sera tenu de les remettre, et en leur entier, à
«
«
«
«
ceux à
et sans
puisse
époux,
qui la demoiselle Martinon les a substitués;
aussi que l'usufruit desdits biens substitués
être saisi par aucun créancier dudit futur
pour quelque cause et raison que ce puisse
« être. »
L e sieur Gueffier-rEspinasse, trouve dans ces der
nières expressions, une preuve que les affaires de Jean
Gueffîer étaient déjà en désordre.
C ’est aller chercher un peu loin un moyen de cause.
Il était plus simple de n ’y voir q u ’une stipulation de
prévoyance, pour assurer, 'a tout événement, au fu tu r,
l ’usufruit des biens. Si ses affaires eussent été dé
rangées, il n ’est pas vraisemblable q u ’il l ’eût constaté
dans son contrat de mariage, ni q u ’il eût obtenu la
main de la demoiselle Soléliage, q u i , indépendam
ment des autres biens maternels dont son père retint
l ’u su fru it, lui apporta effectivement une dot considé
rable en m obilier, argent et immeubles, notamment
cinquante œuvres de vigne et le domaine du Buisson,
au labour de deux paires de bœufs.
»
L a dame Martinon décéda le 3 septembre 1780.
Jean Gueffîer avait acquis de Marguerite , épouse
du sieur de N ozerine, ses droits légitirnaires paternels
et maternels.
Il est établi, par un traité en forme authentique,
du 10 avril 17.39, q u ’il la suite d ’un procès considé
rable avec un sieur de Bussac, ledit sieur Gucliier fut
�constitué
de celui-ci (l’une somme de 20,768 fr.
en principal, et de 53,82 1 fr. pour intérêts. Le débi
te u r, pour payer partie de ces sommes, adjugées par
arrêt de la C ham bre des enquêtes, du 8 août 1738,
lui délaissa par le même acte, i° un domaine situé
dans les faubourgs de Brioude , appelé de SaintL a u r e n t , évalué à 12,000 fr. ; 20 un autre domaine
de Vouliandre. L ’imputation du prix fut faite sur les
intérêts, le surplus et le capital de la créance demeu
rant réservés aux créanciers.
c r é a n c i e r
A la même époque, Jean Gueffîer fut appelé à recueillir
deux successions assez considérables, celle d ’Isabeau
E stiva l, qui lui avait légué une maison et ses dépen
dances, ainsi que trente oeuvres de vigne, le tout situé
à Saint-Upise} et celle d’Antoine G ueffîer, son frère,
lieutenant-colonel, q u i, l ’ayant institué son héritier
général et universel,
par testament du 21 octobre
1738, lui transmit ses droits indivis dans les biens
de Pierre Gueifîer et de Jeanne Martinon.
Sa fortune, loin de se détériorer, comme on l ’a
dit, prenait donc un accroissement progressif.
Pierre-Joseph Gueffîer de Longpré, père de l'appc^ut ,
contractant
mariage avec demoiselle
Jeanne
Léniond, le 2 août 174^3 fut institué héritier un i
versel de son père, qui le choisit également pour re
cueillir l'effet de lu substitution faite par la daine
Martinon eu 17x7. Jean Gueffîer se réserva l ’usufruit
des biens substitués, et une somme de 1 5 ,000 francs
�, sur sa fortune personnelle, pour faire la légitime de'
ses autres enfans.
L a dame Soléliage , mère du f u t u r , lui assura
3 ooo fr. , payables après son décès.
L e sieur Gueffier, b a illi, mourut le 2 avril 1760.
Indépendamment des biens de la dame Martinon
sa m ère, dont la propriété passait au sieur de Longpré, il laissait une fortune considérable, ayant fait
plusieurs acquisitions avantageuses. E n voici le tableau :
Deux maisons à Brioude ;
L e pré B ourg, contenant trente-un journaux, donné
en dot à la dame M ontfleuri, sœur de l ’appelant, pour
25,ooo f r . , par son contrat de mariage, du 2 février
1 7 8 5 , et estimé, en partage} 5o,ooo fr. ;
Des vignes à Coste-Cirgue et à Chavelange -,
L e domaine de Sain t-L a u ren t, en valeur de 12,000 fr,
au 10 avril 1739 }
Ceux de Youliandre et de Vichel;
Les biens de Saint-Germain-Lambron, réunis à ce
dernier domaine, et que Jean Gueffier avait acquis
du sieur Ranvier 5
L e domaine de Saint-ïlpise ;
TJn grand nombre d'héritages détachés ;
E t des contrats de rente pour plus de 2000 fr.
Il est vrai q u ’il laissait des d ettes5 mais à l ’excep
tion de celles par lui contractées pour prix d ’acquisi
tion , elles provenaient presqu’en totalité de Pierre
Gueffier son père,
�( 7 )
On n’a pas remarque q u ’il eût été p r i s , à cette
époque, aucune précaution pour distinguer les dettes
qui a p p a r t e n a i e n t à Jeanne Martinon. Cette confusion,
qui n ’a peut-être pour cause que l ’inadvertance, a du
nécessairement jeter de l ’obscurité sur l ’état réel de
la
succession
de Jean Gueffier.
L e 27 juin 1760, le sieur de Longpré fit procéder
à un inventaire où la dame Soléliage et Pierre-Joseph
Gueffier-Dubuisson, son frère le plus jeune et son
filleul, assistèrent seuls. Les autres cohéritiers, M au
rice, François et G uillaum e, père des intim és, étaient
éloignés.
Nulle mesure conservatoire n ’avait éic prise : les
scellés ne furent pas même apposésj on n appela au
cun créancier pour assister à cette opération , le sieur
Longpré ayant déclaré au procès-verbal que sa mère
et ses frères étaient les seuls créanciers q u ’ i l connût
avoir intérêt à la succession.
L e sieur de Longpré, qui ne jugea point à propos
de faire mettre à prisée les denrées et eifets mobiliers,
f u t chargé de tous les objets inventoriés 3 p our en
rendre compte à qui de droit. C ’était pour lui un
mode de prise de possession qui lui parut sans incon
vénient, et propre à le conduire à son but.
Par acte fait au greffe, le 27 juillet s u iv a n t,
il
réitéra la déclaration, déjà faite dans l ’in ven taire,
}•1 5
qu il n entendait accepter la succession que comme
héritier bénéficiaire, et renonça formellement à 17«.$titution d ’héritier faite en sa faveur par Jeau Gueffier
son père, le 2 août 17/15.
�E n abdiquant son titre universel3 le père de l ’ap
pelant changea la situation des parties intéressées : de
simples légitimaires q u ’ils étaient , aux termes de
l ’institution contractuelle, ses frères devinrent ses co
héritiers à portion égale. L ’acceptation q u ’il fit comme
héritier bénéficiaire ne pouvant restreindre les droits
ouverts à ses co-successibles , ne porta dès-lors que sur
sa portion virile, qui était un cinquième de l ’hérédité.
'Ainsi, comme héritier bénéficiaire, il devint pas
sible des dettes personnellement pour un cinquième,
et hypothécairement pour le tout; mais ayant d roit,
comme créancier, d ’exiger et de poursuivre, sur les
biens, le paiement de la totalité de ses créances.
Calculant que le bénéfice d ’inventaire empêchait la
confusion, le sieur de Longpré se servit habilement de
sa qua lité de créancier pour envahir l’universalité
des biens.
Dès le 3 o ju illet, et sans aucune provocation à ses
cohéritiers, à l ’eiFet de s’expliquer sur la qualité q u ’ils
entendaient prendre, un curateur est nommé.
L e 14 ao û t, agissant comme héritier substitué de.
Jeanne M artinon, et en qualité d’ héritier d ’un sieur
Armand de l ’Espinasse, il assigna ce curateur en paie
ment de ses créances contre la succession.
Il o b tin t, le i 5 novembre suivant, au bailliage de
Brioude, une sentence p ar d é f a u t f a u t e de com pa
roir , q u i, en adjugeant les conclusions par lui prises,
condamna le curateur à lui payer un capital de
33 , 45o f r . , avec des intérêts remontant h des époques
plus ou moins reculées.
�Co)
Ces condamnations ayant été obtenues sans contra
diction , il n ’est pas étonnant q u ’il se soit glissé une
foule d ’erreurs très-considérables, et toutes k l ’avan
tage du poursuivant. Voici les plus notables : L a suc
cession de Jean Gueffier, qui n’avait succédé à son
père que pour un sixième, de son chef, et pour un
autre sixième, du chef d’Antoine, son frère, fut con
damnée à restituer la totalité de la d o t , reprises et
avantages matrimoniaux de Jeanne Martinon. L a
sentence attribua au sieur de Longpré 2800 fr. pour
. les arrérages du douaire de celle-ci, tandis q u ’elle avait
joui, jusqu’au moment de sa-m ort, des biens de Pierre
Gueffier, son mari. On évalua k la somme évidemment
exagérée de i 3 , i 2 i fr. les contrats de rente et créances
actives de la dame Martinon. Plusieurs chefs furent
alloués sans être établis. Non seulement on ne déduisit
aucune des dettes nombreuses payées par Jean, b a illi, à
la décharge de la succession M artinon, mais on con
damna même le curateur à rembourser des capitaux
et arrérages de rentes dues par le poursuivant, comme
héritier substitué. Avec de telles inadvertances, il
était facile de grossir un capital. La sentence est terminée par la disposition suivante,
qu’il est important de faire connaître :
<c E t pour parvenir au paiement du montant de
<( toutes les condamnations prononcées, tant en prin« cipaux , intérêts que frais, permettons au suppliant
«
jo u ir pignorativement et se mettre en possession
« des immeubles des successions desdits Pierre et Jean
« G ueffier, si mieux il n ’aime les faire saisir et
�a
«
«
«
vendre, pour, des deniers provenant de la vente
d ’iceux être payé de ses créances ; et, attendu que le
demandeur est fondé en titres, ordonnons que notre
présente sentence sera exécutée f nonobstant oppo-
« sition ou appellation quelconque. »
L e sieur. Gueffier de Longpré, qui ne considérait
pas cette disposition comme étant purement de s tile ,
s’empressa d ’en profiter.
Après avoir fait signifier la sentence au curateur,
le a décembre 1760, il se mit en possession des biens.
Les baux à ferme que produit l ’appelant sont loin
de prouver que son père eut joui à tout autre titre ,
puisqu’ils sont postérieurs à cette signification.
C ’était p e u , dans ses intérêts, d ’être en mesure
contre ses cohéritiers, q u i , au moyen de sa jouissance
pignorative, ne pouvaient l ’expulser sans le rem
bourser préalablem ent j il fallait encore arrêter les
créanciers de la succession, dont les actions n ’étaient
point paralysées. L e génie du sieur Gueffier lui en
indiqua les moyens.
L e 7 février 1 7 6 3 , il fit faire au curateur une
nouvelle signification de la sentence, avec commande
ment recordé.
C e t acte fut suivi d ’un procès-verbal en date du 27
avril, qui saisit réellement la plus grande partie des
biens dépendans de la succession. Ceux qui étaient
les plus éloigués, et qui pouvaient n ’être pas connus
des créanciers, furent exceptés.
Sur les diligences du commissaire aux saisies réelles
de la sénéchaussée de Riom , où celle-ci avait été
�9\fô
( n )
portée,
il fut procédé, le
16 j u i n ,
au bail des
immeubles saisis.
L e sieur de Longpré s’en rendit \eferm ier ju d icia ire.
Il ne l’eût pas p u , s i , comme on le prétend, il ne
possédait ces biens q u ’en qualité d’héritier bénéficiaire,
puisqu’il aurait été à-la-fois saisissant et partie saisie.
La position qu'il avait su prendre était éminemment
avantageuse. Comme possesseur pignoratif et même à
titre d ’héritier bénéficiaire pour un cinquième, il était
devenu comptable des jouissances j en qualité de fer
mier judiciaire, il ne devait plus que la somme exiguë
à laquelle il avait bien voulu fixer le prix du bail.
D ’un autre côté , il s’était créé un arsenal dans lequel '
il puisait des moyens de défense, contre les attaques
de toutes les parties intéressées.
L e 12 mai 1 7 6 4 , le sieur G ueffier fit procéder à
l ’adjudication au rabais des réparations à faire aux
biens saisis, dont il reconnut être en jouissance comme
bailliste ju d icia ire.
Il songea bientôt à mettre les biens meubles de la
succession à couvert des poursuites des créanciers. Ce
bu t fut rempli par une sentence que Julien Nozerine,
son cousin germain, obtint seul contre lu i, le 23 août
176 4. E lle condamnait le défendeur, en qualité d ’héri
tier bénéficiaire de Jean Gueffier son père, à rendre
compte du bénéfice d ’inventaire, e t, à défaut de ce
faire, h payer audit Nozerine une somme de 1000 fr.
portée par un billet dudit Jean G ueffier, du 16 sep
tembre 1 7 4 9 , qui avait été éteint par d iffé r e n s traités
passés avec le débiteur lui-même.
\
�( 12 )
C e lle sentence, évidemment obtenue de concert,
puisque toutes les copies de signification failcs à
Nozerine sont dans le dossier de l’appelant , fut
exécutée comme elle devait l ’ètre, par un simulacre
de compte qui n’a jamais été débattu, et q u ’on a gardé
en réserve pour l ’opposer à tout venant. Pour donner
une idée de la régularité de ce compte, on se contentera
de (“a ire observer que tous les objets mobiliers, énumérés
dans l ’inventaire, n ’y sont portés que pour m ém oire,
et sans aucune évaluation.
L e premier bail judiciaire, q u i, conformément aux
ordonnances, n’avait été passé que pour trois années,
étant expiré, il fut procédé à un second, le io avril
1 7G6, pour le même nombre d ’années, si tant la saisie
réelle dure. L e sieur Gueffîer se rendit encore fermier
judiciaire : ainsi se perpétua sa jouissance précaire.
On semble vouloir tirer avantage de ces expressions:
S i ta n t l a s a isie d u r e . Mais 011 peut se convaincre, en
ouvrant le Traité des Immeubles de M. d ’JIéricourt,
à la page 1 1 7 , n° 17 , que celte clause était de rigueur,
d ’après l ’ordonnance de 1626. E lle eut pour but de
faire cesser les-fraudes qui rendaient interminables les
procédures eu saisie réelle. On n ’y peut donc rien voir
de particulier à la cause.
Parfaitement éclairé sur les forces de la succession,
le sieur de Longpré résolut de lirer parli de ses avan
tages, en composant, soit avec ses cohéritiers, soit
avec les créanciers. Les frais furent bien moins consi
dérables q u ’ou 11e voudrait le faire croire. Il est aise
de s’en convaincre.
�( >3 )
La dame Soléliage, sa mère, réclamait la restitution
de la d o t , portée, par sou contrat de mariage, à
1720 fr. ; i3oo fr. pour gain de survie, bagues et
joyaux 5 le service d ’un douaire annuel de 100 f r . , et
son l o g e m e n t ; enfin , la restitution d’une somme
de 7000 f r . , montant d’effets et créances que défunt
Jean Gueffier avait touchés pour elle, en vertu d ’une
transaclion du 4 février 1728.
- Guillaume Gueffier, père des intimés, avait droit
à une légitime sur les biens substitués de Jeanne
M artinon, et à un cinquième dans ceux de Jean
Gueffier, par suite de la renonciation de l ’héritier.
On traita sur toutes ces préten tion s, par acte sous
signatures p r iv é e s, du aG ju ille t 17 6 7 . Pour les
restreindre, le sieur de L ongpré p r é t e n d i t ce sont les
termes de l ’acte, « que la succession du sieur Gueffier
« père était entièrement absorbée par des dettes anté« Heures » 5 mais cette allégation n ’est même justifiée
par aucune énonciation.
Toutes les créances et reprises de la dame Soléliage
furent réduites à la somme de 3 ooo f r ., q u i, est-il d it,
demeurera com pensée, au jour du décès de celle-ci,
avec celle de 3 000 francs q u ’elle lui a donnée par son
contrat de mariage. E n bornant ainsi l ’avoir de sa
niere à quelques intérêts viagers q u ’il n ’osa refuser,
le sieur de Longpré méditait alors la répudiation que
nous verrons réaliser, en 1820, par son fils, qui suit
scrupuleusement ses plans.
Son frère ne fut pas mieux traitéj il promit de lui
payer la somme de 5oo francs, sans intérêts jusqu’au
�( i4 )
jo u r , « pour tenir lieu au sieur Guillaume Gueffîer
« de tout ce q u ’il pouvait prétendre, à titre de légi« time de grâce ou autrem ent, sur les biens de
« Jeanne M artin on , son ayeule , substitués
audit
« sieur Guef’fier de Longpré, ou sur les biens dudit
« sieur Gueffîer, bailli, sou père. »
Toute ridicule que fût cette espèce de destination k
l ’égard d ’un cohéritier, le sieur de Longpré eut l'ascen
dant de la faire approuver plus tard , par une ratifi
cation du 10 niai 1 7 7 5 , q u ’on a opposée comme fin
de non-recevoir aux justes réclamations des intimés.
Ce traité, du 26 juillet 1 7 6 7 , renferme mention
d ’une prétendue séparation de biens q u i aurait existé
entre la dame Soléliage et Jean Gueffîer, son mari.
On n’en trouve de traces nulle part. L'appelant ne
produit ni titres ni documens qui puissent certifier
ce fait.
C epen dan t la saisie réelle était toujours tenante elle avait été frappée de plusieurs oppositions. U n
certificat du greffier aux criées de la sénéchaussée, dé
livré au saisissant, le 24 juillet 17 6 7 , constate q u ’elles
n ’étaient q u ’au nombre de huit.
De ces créances, deux frappaient les biens de Jeanne
Martinon : celle du sieur du Gouzel de Lauriat et des
héritiers Nozerine, qui avait pour objet le rembour
sement des dots par elle promises; et les arrérages de
cens auxquels ses biens étaient assujétis, au profit du
chapitre de Brioude. Elles étaient exclusivement à la
charge du sieur de Longpré, son héritier.
L a troisième, qui était un contrat de rente de 107 liv.
�(. i 5 )
W
10 sous annuellement, consenti par Jeanne Martinon
et Jean Gueffier (alors due à dame Marie N ugicr,
veuve Yiallard) , devait être répartie par ég alité entre
les deux successions.
La q u a trièm e, consistant en un contrat de renie
de i 5 fr. au profit de l ’Hôtel-Dieu de B rio u d e , et la
cinquièm e, qui était une fondation de 20 fr. en faveur
du curé de la même v ille , concernaient la succession
de Pierre Gueffier, époux de la dame Martinon.
' L a sixième et la septième ayant aussi pour objet
deux rentes, l ’une'de i4 1 iv . 2 s ., et l ’autre de 7 5 liv .,
paraissent être dues par Jean Gueffier.
E t la dernière opposition, faite à la requête d ’un
sieur Gueffier-Taleyras, n ’était que conservatoire.
On peut ju ger, dès-lors, de l ’étendue des sacrifices
que dut faire le sieur de Longpré pour obtenir main
levée de ces oppositions, sur-tout lorsqu’on sait ce qui
résulte d’ailleurs des actes rapportés par lui , q u ’ilJ
n ’acquitta aucunes' créances 3 et que les arrangemens
avec les créanciers se bornèrent h ratifier les contrats
de rente.
Si la vente des biens saisis eût été mise à fin , les
débats de l ’ordre auraient nécessairement mis à dé
couvert le véritable état de la succession. Ce n ’était
pas le but auquel tendait le sieur Gueffier; il avait
conçu le projet de conserver les bien s, et d ’intervertir
lè titre de sa possession. Voici comment il entreprit
de l ’exécuter
Rien n’avait été négligé par l u i , pour cacher à ses
co-succcssibles la connaissance des affaires de la succès-
�( '0
)
sicm, cl (les procédures q u ’il dirigeait dans ses intérêts
personnels.
Une lettre q u Jil écrivait, le i 3 avril 1 7 6 9 , à
Me F a v a rd , son procureur, ne laisse aucun doute sur
ses plans ni sur la nature des moyens q u ’il employait
pour arriver à ses fins. On y lit : « J’ai v u , Monsieur,
« par la dernière lettre que vous m ’avez écrite, en
« réponse à ma dernière 3 que vous aurez l ’attention
«
«
«
a
«
«
d ’observer que personne ne fa sse aucune démarche
vis-à-vis le commissaire a u x saisies réelles. Vous
avez dû savoir que j ’ai un frère qui a été rester à
Iiiom y c est précisément de ce côté-là que j ’avais
lieu de craindre $ mais me voilà r a s s u r é , par l ’attention que vous me promettez de prendre à mes
« intérêts. »
Sur un réquisitoire signifié par l ’appelant, il lui a
été donné copie de cette lettre qui n ’a pas besoin de"
commentaire, et sur laquelle il a cru devoir garder le
silence dans son Mémoire imprimé.
C ’est dans ces entrefaites, et au milieu de toutes
ces précautions , que le sieur Guefiier de Longpré
demanda la radiation de la saisie réelle.
E n avait-il le droit?
L e 17 août 1770 , il o b tin t, en la sénéchaussée,
contradictoirement avec le procureur du curateur
q u ’il avait choisi, et avec celui des dames religieuses
de Brioude, créancières opposantes dont il avait ratifié
la vente, mais p ar d éfa ut contre tous les autres c r é a n
ciers et le commissaire a u x saisies réelles} une sen
tence qui ordonna « la radiation de la saisie réelle et
�( 17 )
«
«
«
«
«
<
des oppositions, et en fit main-levée, à la charge
toutefois que les droits et actions du sieur GueffierTaleyras, pour lesquels son opposition h. fin de conserver avait été formée, demeureront sains et entiers,
du consentement du sieur Gueffier de Longpré, et
« aussi à la charge de lu i rembourser les fr a is de son
« opposition, et c e u x p ar lu i fa its en conséquence
« ju s q u à ce jo u r . »
On voit avec quelle attention le sieur de Longpré
soignait, même en son absence, les intérêts du sieur
Taleyras, dont il redoutait la surveillance.
Cette sentence, signifiée aux procureurs des parties
en cause, ne l’a jamais été à leurs domiciles, pas même
à celui du curateur T h ib a u d , partie saisie.
Il est alors difficile de concevoir comment elle aurait
p u , de p ia n o , faire disparaître les effets de la saisie
q u i avait placé les biens sous la sauve-garde de la
Justice.
L e redacteur du Mémoire de l'appelant a commis
une erreur, en disant quVZ était fâ c h e u x que la sen
tence du 17 août 1770 n ’eût pas été connue des
premiers juges, parce qu e, sans doute, ils n’auraient
pas considéré comme précaire la possession du sieur
Gueffier.
Les qualités du jugement dont est appel font mention de cette sentence et de son -dispositif} elle est
meme implicitement rappelée dans les motifs. C ’est
donc en connaissance de cause, que le tribunal de
Brioude ne s’y est point arrêté.
Que se passa-t-il alors dans la famille ?
3
�Pierre-Joseph G u effier-D u bu isson , le plus jeune
des frères, allant chercher fortune en Am érique,
confia, en 1 7 6 4 , au sieur de L o n gp ré, la régie de ses
biens et droits, et notamment d ’un pré appelé des
Prés N o irs j provenant de MM. M illanges , dont il
était devenu le propriétaire en 1755. Le mandataire
tenait état des revenus pour en rendre compte au
retou r5 mais, in struit, à la fin de 1781 , de la mort
de son frère, il disposa de ses biens en les vendant à
son profit. Il se détermina à repousser, par des fins de
non-recevoir, la demande en partage de ses cohéritiers.
François G u e ffie r , célibataire, avait réclamé ses
droits, tant paternels que maternels. Des difficultés
sans nombre furent élevées par le sieur de Longpré.
Obligé de quitter la maison de celui-ci, il obtint
judiciairement une provision. A son décès, il laissa
pour son héritière testamentaire la dame de Montfleury,
sœur de l ’appelant. Il a fallu alors s’exécuter : un traité
sous signature privée a terminé leurs différends.
Guillaume Gueffier est décédé en 1 7 7 8 , après avoir
fait un testament, par lequel il a institué la dame
Lam othe, son épouse, pour son héritière universelle.
Croyan t avoir droit à la succession de Pierre-Joseph
Gueffier-Dubuisson , cette dame en avait forme la dejnande en partage contre le sieur Longpré, par exploit
du 28 janvier 1793.
Le quatrième frè r e , Maurice
Gueffier , prêtre ,
éloigné, par ses fonctions, de son pays natal, avait
aussi remis le soin de ses affaires et l’administration
de ses biens au sieur de Longpré. C e lu i-c i, comptant
�( '9 )
sans rcloute sur son. affection-, qu il avait déjà mise a
l ’épreuve j crut pouvoir usex largement du m andat ,
en ven d a n t, par acte du 7 deçembre î j ' j G, à un sieur
F o u r n i e r - S a tou raille , un bien et .des contrats de rente
que possédait Maurice au lieu, de Saint-Ilpise^ et dont
il s ’a p p r o p r i a le p r ix , porté à 6100 francs. Il est à
croire que le père de l ’appelant a procuré à son frère
des assurances tant sur cet objet que sur ses autres
droits successifs : la morale et
l ’équité
repoussent
l ’opinion contraire.
Les excès de la révolution ayant frappé plus parti
culièrement les ministres du culte, Maurice Guefiier
obtint un asile au château de l ’Espinasse, qu'habitait
le sieur de Longpré. Il y est décédé le 2/f prairial an 4
(12 juin 1796), âgé de soixante-dix-sept ans. }
On remarque avec étonnement q u ’ il n ’a été pris
aucune mesure pour constater les effets mobiliers , et
■
sur-tout les papiers, qui étaient au pouvoir du défunt.
•f '•
• < * . ) : '
>1
Après q u ’ils eurent été subrogés, par* traité du 4
brumaire an 12 , à tous les droits de la dame Lamothe
leur mère, dérivant du testament de Guillaum e Guef
iier, les intimés citèrent, le 18 thermidor de la même
année , le sieur Antoine Gueffier-l’Espinassé, appelant,
1 effet de se concilier sur la demande .qu’ ils se pro
posaient de former eu partage des successions de Jean
Gueffier et de Marie-Anne Soléliage, ayeux Communs
pour.leur en être attribué les portions àteux revenantes
du c h e f «le G m l l u u m c l e u r p è r e , d e P ie r rc -J o s 'c i.l.
�lO R
( 20 )
Gueffier-Dubuisson et de Maurice
oncles.
Gueffier, leurs
Cette première poursuite fut suspendue par des pro
positions d ’arrangement qui restèrent sans effet.
Une nouvelle citation en conciliation ayant aussi
été infructueuse, fut suivie d ’une assignation donnée
devant le tribunal de Brioude, le 3 floréal an i 3 .
Les débats qui s’élevèrent ont mis à jour les inten
tions de l ’adversaire.
Il soutint d ’abord, par ses défenses signifiées le 12
thermidor, en se l'etranchant dans un moyen généi’al,
que la demande en partage des biens et successions de
Jean Gueffier et de Marie Soléliage était éteinte par
la prescription; que dès-lors les demandeurs devaient
y être déclarés non recevables, ou, en tous cas, en
_ être déboutés.
Cette objection fut victorieusement com battue par
une requête du 5 février 1820. Les demandeurs dé
montrèrent que leur action était entière à l ’égard de
toutes les successions dont ils provoquaient le partage.
Après avoir reçu différentes sommations de venir
plaider la cause, le sieur Gueffier de l ’Espinasse se
ravisant prend le parti de se présenter au greffe et d ’y
faire la déclaration q u ’il renonce, du chef du sieur de
Longpré son père, à la succession de Marie Soléliage,
pour s’en tenir aux avantages stipulés au contrat de
mariage du 2 août
C ette démarche, faite quarante-sept ans après le
deces de Mûrie Soléliage, arrivé le i 3 septembre
�aurait pu paraître extraordinaire , si quelque chose
pouvait étonner dans cette affaire.
Alors, et par des conclusions signifiées le 4 avril
1821
fense.
le sieur l ’Espinasse établit son système de dé
'
= 1 'u ’ ’
}
' |
Il opposa sa répudiation à la-demande en partage
de la succession de la dame Soléliage 5
Contre celle de Jean Gueffier ,
i° D u chef de G u illa u m e, il fit valoir le traité du
26 juillet 1767 , ratifié par celui du 10 mai 1775 ;
20 Relativement à Pierre-Joseph^Gueffier-Dubuisson,
il se retrancha sur le défaut de preuve légale de son
décès ; •
3 ° A l ’égard de Maurice G u effier, il prétendit q u ’il
s'était écoulé un laps de tems [suffisant pour opérer la
prescription.
Le tribunal de Brioude a statué sur toutes ces ex
ceptions, parson jugement contradictoire du 23 mai
1821.
- Les intimés ont été déboutés de leur demande en
partage de la succession de Marie Soléliage et de celle
de Jean Gueffier, du chef de G u illau m e, leur père.
ïls ont été déclarés non recevables, quant ¿1 présent,
dans celle relative à la succession de Pierre-Joseph
Gueffier-D ubuisson.
Leur demande, du chef de Maurice Gueffier, a été
accueillie.
On croit inutile de faire connaître littéralement les
motifs de décision, puisque ceux relatifs au dernier
•
�^
^
( 22 )
chef, qui constitue la principale difficulté,
ont été
transcrits dans le Mémoire de l ’appelant.
L a relation exacte des faits de la cause rendra trèsfacile l ’exposé des raisons qui doivent déterminer la
confirmation du jugement quant au grief relevé par
l ’appel du sieur l ’Espinasse.
DISCUSSION,
L es in tim é s c r o ie n t d e v o ir fa ire p ré c é d e r cet examen,
p a r q u e lq u e s co n sid é ra tio n s s u r les a u tre s d isp o sitio n s
d u ju g e m e n t .
Ils ont la conviction intime q u ’ils parviendraient ,
soit k faire rejeter, comme tardive et suspecte, la re
nonciation faite à. la succession de la dame Soléliage ,
soit à obtenir l ’annullation des traités que Guillaume
G u e ffier, leur père, souscrivit aveuglément, par suite
des manœuvres frauduleuses constamment pratiquées
par le sieur de Longpré. Mais, jaloux de mettre fin
aux débats qui depuis si long-tems troublent leur fa
m ille, ils se réservent d ’examiner s’ils feront à l ’amour
de la paix le sacrifice de leurs droits sur ces deux
points.
Il ne peut y avoir de difficulté relativement au dispo
sitif du jugement qui a déclaré non recevable, quant
à présent, la demande en partage de la succession de
ï*ierre-Joseph Gueffier, deuxième du n o m , parce quç
son décès ne serait pas légalement établi.
Ce point de fait ne peut être raisonnablement mis
�(' 2 .3 )
*6$
Cil cloute. U ne lettre écrite officiellement de l ’ ile de
Saint-Domingue, le 5 décembre 1 7 8 1 , par un sieur
Vausselin, commis au bureau du trésor de la marine,
au Port-au-Prince, et adressée aux maire et échevins
de la ville de Brioude, annonce positivement la mort
de Gueffier-Dubuisson, avec invitation à en trans
mettre la nouvelle à sa famille. E lle indique en détail
les pièces qui doivent être envoyées par ses héritiers
pour recueillir la succession q u ’il a laissée dans l ’ile.
Cette lettre, qui fut alors transmise, par l ’autorité
locale, aux membres de la famille Guefiier, ne parut
point équivoque. Le sieur de Longpré nè croyait cer
tainement point h l ’existence de son frère , lorsqu’il a
disposé d ’une partie de ses b ien s, dont il a touche le
prix.
Si l ’appelant, son fils et son héritier a allégué de
puis l ’insuffisance des preuves du décès, il est aisé
d ’en apercevoir le m otif, qui tend à prolonger sa pos
session et à éloigner le compte des jouissances.
La Justice ne consacre point de semblables pré
tentions.
Mais fùt-il vrai que l ’absence de quelques formalités
« empêchât de considérer comme pièce légale et probante
la lettre produite par les intim és,
au moins reste-
t-elle au procès comme une*forte présomption du décès
q u e lle annonce. Dans cet état de choses, le tribun al
de Brioude ne devait point rejeter la dem ande, mais
Seulement ordonner un sursis, et fixer un délai pen
dant lequel les actes et procédures seraient régularisés.
C ette mesure conciliait les in léiêts de toutes les parties,
�ÏW
( 24 )
et évitait aux demandeurs l ’inconvénient grave de re
commencer un nouveau procès lorsqu’ils auront obtenu'
les renseignemens q u ’ils ont demandés aux autorités
compétentes.
Ces réflexions, qui n’exigent pas de plus grands développemens, motivent suffisamment la réserve expresse
que font les intim és, d ’interjeter un appel incident.
Si l ’on scrute avec attention le système proposé par
l ’appelant, on s’aperçoit bientôt q u ’il repose entière
ment sur cette erreur de f a i t , reproduite avec com
plaisance sous toute espèce de form e, que le sieur de
Longpré avait j dès son o u v e r t u r e , i n t é g r a l e m e n t
a ccep té la succession de Jean Guejfier son père.
E n fondant sur cette base fausse, on a aplani les
difficultés. Les principes se sont présentés en foule \
et de leur application, des conséquences pressantes ont
été déduites.
Rappelons quelques principes, et rétablissons les
faits.
Quoique la qualité d ’héritier soit universelle et
indivisible, en ce sens que le successeur ne peut en
restreindre les droits et les obligations j néanmoins,
si le défunt laisse après lui plusieurs héritiers, elle se
divise entr’eux, de manière que chacun succède à titre
universel, mais non comme héritier universel. Les
biens et les charges se distribuent proportionnellement
entr’eux, sans q u ’il puisse exister aucune
prépondé
rance pour les uns au préjudice des autres.
S il y a abstention ou renonciation de la part do
�( »5 )
l’ un des successibles, le cohéritier n’est pas contraint
d ’accepter l ’accroissement qui peut en résulter. Son
intérêt est, à cet égard , la seule réglé qu il ait a
suivre : il peut à son gré recevoir ou refuser cette por
tion. On conçoit en effet q u e , par un sentiment de
délicatesse, un cohéritier ait voulu faire honneur aux
affaires de la succession, pour sa part seulement, sans
entendre se livrer aux chances d ’un événement imprévu,
par lequel il se trouverait chargé de la totalité. S’il
n ’opte point pour l ’accroissement, son obligation per
sonnelle ne subsiste que pour sa portion seulement ;
sauf, de la part des créanciers, leur action hypothé
caire sur tous les biens de la succession , aux termes
de la loi 6 1 , J f . d e a c q u ir c n c ld v e l c in iitte n d d Jicered ita te
(i).
Voyons maintenant ce qui s’est passé après le décès
de Jean Gueffier, arrivé en 1760.
E n v e r t u d e son i n s t i t u t i o n c o n t r a c t u e l l e , le s ie u r
d e L o n g p r é a v a it la saisine lé g a le de la succession de
so n p è r e , a v e c la ch a rg e des d ette s p a s s iv e s , et l ’o b li
g a tio n d e d é liv r e r à c h a c u n de ses frères sa d e s tin a tio n
co n v en tio n n elle, o u ,
si c e lu i-c i le p r é f é r a i t , sa l é g i
tim e de d r o i t , q u i é t a it u n d i x i è m e , les e n fa n s é t a n t
a u n o m b r e de c i n q .
I l n ’ a. pas vouiïu accepte'r la r e s p o n s a b ilité a b so lu e
c£ui r é s u lt a it d u j u s et noincn hæ redis , de la q u a l i t é
d h é r it ie r u n iv e r s e l.
E n conservant cette qua lit é , il pouvait en restreindre
(1) Chabrol, tome 2 , page i 4 o.
‘
4
ft6?
* iy
�(
)
les e f f e t s , é v i t e r a u m o i n s
d e c o m p r o m e t t r e ses b i e n s
p erso n n e ls , p a r u n e a c c e p ta tio n sous bénéfice d ’i n v e n
taire :
C
il
ne
réancier
l’a
et
pas
voulu
héritier
.
tout à-la-fois, le sieur Guef-
fîer donna la préférence au premier titre.
Soit par
défiance des forces de la succession, soit par un calcul
m édité, pour ne pas confondre ces deux qualités , il
déclara l'enoncer à l ’institution d ’héritier, faite en sa
faveur, le 2 août 174^ ? et n’accepter la succession
que comme héritier bénéficiaire.
Par cette abdication profondément réfléchie, l ’ac
ceptation sous bénéfice d ’inventaire ne porta et ne put
porter que sur un cinquième de la succession , qui
était sa portion virile. L ’iustitution contractuelle ainsi
anéantie, les cohéritiers rentrèrent dans leurs droits
naturels et légitimes, et devinrent habiles à recueillir
les quatre autres cinquièmes.
Fùt-il vrai que l ’abstention de quelques-uns des
successibles eut rouvert de nouveaux droits en faveur
du sieur de Longpré, on conviendra du moins, i° q u ’il
n ’aurait pu les recueillir que dans les délais et avec les
conditions prescrits par la loi j 20 que n étant point
forcé de les accepter, il a dû exprimer la volonté d ’en
profiler. A défaut d ’option, la renonciation q u ’il avait
faite était un obstacle insurmontable à toute occupation
contraire.
Ainsi, quand les intimés n ’auraient à opposer à leur
adversaire que sa propre détermination, indépendam
ment de toute autre circonstance, ils ne devraient
point redouter l ’issue du procès.
�( 27 )
%§<)
Mais si l’attention se porte sur le$ faits qui ont
suivi, il ne peut rester le moindre doute sur la nature
de la possession du père de 1 appelant.
Lors de l ’inventaire, le sieur Gueffier entendit si
peu recevoir les denrées et effets mobiliers, en qualité
d ’héritier, q u ’il sq f i t çharger, par le procès-verbal,
de tous les objets inventoriés 3 pour en rendre compte
à qui de droit. Il en fut donc constitué gardien judi
ciaire. (.1).
A u lieu de s’adresser, comme il le devait (2), aux
héritiers présomptifs, q u ’il connaissait parfaitement,
il fit nommer un curateur à la succession, et obtint
contre lu i, sans contradiction, une liquidation abusive
de ses créances personnelles , q u ’il osa porter a la
•somme de 34>ooo fra n cs , en principal seulement.
Cette condamnation le frappait personnellement
pour un cinquièmej elle était obligatoire, quant au
surplus, pour ses cohéritiers.
Pour envahir l ’universalité des biens, il se servit
utilement de sa qualité de créancier, en obtenant de
la Justice l ’envoi en possession pignorative, à défaut
de paiement de ces quatre cinquièmes, si mieux il
n’aimait les faire saisir et vendre.
Il opta d’abord pour la jouissance pignorative, et se
«lit en possession , en vertu de la sentence qui ordon
nait rexécution provisoire.
( 0 1 igeau, Procédure civile > t. 2 , page 343 .— Code de procédure ,
art. 9^3 , n° 9.
(2)
Idem , art.
996.— Quest. de D roit y° Héritiers § 2
colonne 2, alinéa 8 .
,
,
,
p .
648,
�fi-i;,
( 28 )
Trois ans après, afin d ’écarter les créanciers qui lui
donnaient de l’inquiétude, il usa de la seconde faculté
que lui accordait la sentence, en faisant saisir réelle
ment la plus grande partie des biens.
Il se rendit lui-même fermier judiciaire.
Sa possession continua de fa it. A quels titres?
D u mobilier, comme gardien;
Des immeubles non saisis, comme créancier pignoratif;
Des objets saisis, comme fermier judiciaire.
U ne semblable jouissance, loin de pouvoir être con
sidérée comme faite animo d o m i n i ne porte-t-elle pas
tous les caractères d ’une possession précaire?
Tout au p lu s, et en abondant dans le sens de l ’ap
pelan t, pourrait-on dire q u ’il n ’a jo u i, comme pro
priétaire, que du cinquième dont il était héritier
bénéficiaire ; mais q u ’à l ’égard du surplus de la succes
sion , il ne l ’a possédé q u ’à des titres insuffisans pour
lui en transmettre la propriété.
Tel est le véritable état de la cause.
On peut actuellement suivre l ’adversaire dans la
, division q u ’il a adoptée; la réfutation de ses moyens
semble découler naturellement des faits.
P R E M IÈ R E PR O P O SIT IO N .
L a f a c u lt é d ’ accepter la succession de Jean Guefjfier
a -t-e lle
é té perdue par p lu s de trente ans de
prescription ?
A fin d ’établir que Maurice Gueffier ou les intimes
qui le représentent n’ont plus été recevables à accepter
�( 29 )
la succession cle Jean G ueffier, pour s’être abstenu
de prendre la qualité d h éritier, pendant
plus de trente ans, on invoque les lois
l ’opinion des auteurs, et l ’article 789 du
q u i, dit-on, se réfère, en cette m atière,
un laps de
romaines,
Code civil,
aux législa
tions préexistantes.
On a donné à la règle sur laquelle on s’appuie un
sens beaucoup trop absolu. P o u r l ’apprécier saine
ment , il faut le coordonner avec deux autres principes
q u ’on doit aussi respecter :
i° D ’après la maxim e, le mort saisit le v i f , con
sacrée par l ’article 724 du Code c iv il, le successible
étant saisi de plein droit de la succession, est réputé
définitivement h éritier, s i, dans les trente a n s, il n a
pas renoncé. Ce résultat ne contrarie pas la règle,
n ’est héritier qui ne 'v e u t,
puisque l ’ héritier pré
somptif peut se dépouiller de cette q u a lité , en décla
rant q u ’il ne veut pas l ’accepter.
Telle était la disposition du Droit romain.
L a loi D7 , ff. D e acquir. v e l omit, h c e r e d .il.après
avoir laissé aux héritiers nécessaires le pouvoir de
s’abstenir de la succession, explique comment on doit
entendre cette abstention > en ajoutant : Que quoique,
dans la rigueur du D ro it, ils soient obligés envers les
créanciers du d éfu n t, cependant il n ’est point donné
d action contre eux, s’ils veulent délaisser la succession :
&t v elin l derelinquere hœreditatem.
« Ce mot derelinquere, dit M. M erlin , en traitant
« cette question ( 1 ) , n’est ni obscur ni équivoque; il
( 0 Question de Droit. V° Héritiers ^.paragrnpheX
�( 3o )
^
ci signifie clairement q u e , pour n ’êlre pas soumis aux
« poursuites des créanciers, il ne suffit pas que les
«< héritiers siens ne se soient pas immisces de fait dans
« la succession , mais q u ’il faut encore q u ’ ils la répu« d ie n t; car clerclinquerc exprime un délaissement,
« un abandon ,
c’est-à-dire un
acte
positif ,
une
« déclaration fo rm elle de ne pas vouloir demeurer
« héritier. »
« L e $ 2 , aux Institûtes D e hœredum qualitate et
« dijferentiâ , dit également q u ’à la vérité les héritiers
« siens sont héritiers nécessaires, mais que le préteur
« leur pe rm et, lorsqu’ ils le v e u le n t, de s’abstenir de
« l ’ hérédité : sed his prœtor perm ittit vo lek tib u s
« abstinerc hœreditate. L o rsq u ’ils le v e u le n t , volen« tibus, leur abstention n ’a donc pas lieu de plein
« d ro it; elle ne peut donc être que le résultat de leur
« volonté*, il faut tlonc cjue leur volonté de s’abstenir
« soit déclarée expressément, pour q u ’ils soient censés
« s’être abstenus. »
C e t auteur recom m an dable, après avoir parcouru
différons textes de lois ro m a in e s, cite l ’opinion du
président F a v r e , dans son T raité D e erroribuspragma-
ticorum , où il é t a b lit , avec sa profondeur ordinaire,
que les héritiers siens sont censés accepter la succession,
p a r cela seul q u ’ils n'jr renoncent p a s , et que la
m axim c filin s , ergo hœres, s’applique à eux dans toute
son étendue.
Si nous consultons la C o u tu m e d ’ A u vergn e, sous
l ’empire de laquelle s’est ouverte la s u c c e s s i o n de Jean
G u e fiie r, q u e lle doit ré g ir, l ’article 54 du chap. 12
�( 3i )
décidera la question dans le même sens. Il est ainsi
conçu :
« Aucun n ’est recevable de soi dire n ’être héritier
« d ’aucun, s’il ne répudie et renonce expressément
« à sa succession. »
Ce texte, puisé dans les lois romaines, n ’exige pas
de commentaire. Il apprend clairement que celui
auquel une succession est déférée est le maître de
l ’abdiquerj mais il veut que l ’abdication soit expresse.
Tant q u ’il n ’y a point renonciation de sa p a r t , l’hé
ritier conserve la qualité dont la loi l ’a saisi. Il peut
en réclamer les prérogatives, comme on peut lui en
opposer les obligations.
r
« C ette règ le , dit M. C h ab rol ( i ) , est au tan t eu
« faveur de l ’héritier présomptif que contre lui ,
« puisque, s’il n ’a pas renoncé formellement, on ne
« peut pas lui opposer son abstention et son simple
« silence. Il est donc juste q u e , de sa p a rt, il ne
« puisse se soustraire à la qualité d ’héritier, q u ’en y
« renonçant dans une fo rm e suffisante et légale. »
L a disposition de la Coutum e est d ’autant plus
juste, q u ’elle est en harmonie avec la maxime que la
renonciation ne se présume p a s 3 et q u ’elle doit être
formelle (V oyez L e b r u n , Successions 3 liv. 3 , ch. 8 ,
sect. 2 , n ° 3 6 ; Code c iv il, art. 784.).
E n fin , le sens dans lequel l ’appelant a entendu
1 article 78g du nouveau C od e, le rendrait absurde et
contradictoire, en lui faisant décider q u ’après trente
�ans, la prescription anéantit simultanément la faculté
d’accepter et celle de renoncer. On ne conçoit pas
qu'un héritier puisse perdre à-la-fois l’exercice de
deux
facultés opposées; il faut nécessairement que
l ’une cède à l ’autre.
Aussi la loi ne dit pas que la faculté d ’accepter
et la faculté de répudier se prescrivent ; elle dit que la
faculté d ’accepter ou de répudier se prescrit; ce qui
signifie, suivant l ’opinion de M. Chabot ( r ) , « qu ’après
le délai de trente ans, la faculté que l ’héritier pré
somptif tenait de la l o i , ou d ’accepter la succession
qui lui était déférée , ou de la répudier, se trouve
éteinte par la prescription, et q u ’ainsi, lorsque l ’hé
ritier a laissé passer trente ans, sans avoir fait son
option, il se trouve, à défaut de renonciation expresse ,
héritier définitif, héritier obligé, quoiqu’il n’ait fait
aucun acte d ’ héritier.
C e savant commentateur justifie cette interprétation
par une dissertation à laquelle il suffit de renvoyer.
E lle est basée sur ce m otif puissant, que l’ héritier qui
est appelé par la loi ; q u i , par e lle, est saisi de la
succession, sans q u ’il soit besoin à cet égard d ’aucun
acte de sa volonté, peut bien, en manifestant une
volonté contraire, n’être pas héritier et faire cesser la
saisine; mais q u e, s’il ne manifeste pas cette volonté
contraire, en renonçant expressément dans le laps de
trente ans, il est considéré comme ayant définitivement
( 1) S u c c e s s i o n s , a r t i c l e 7 8 9 , t o m e a , p a g e 5 .'|8 .
�accepté le titre et les droits d ’héritier, que la loi lui
avait conférés.
Dès qu’il est reconnu, dans la cause, que Maurice
Gueffier n’a jamais renoncé à la succession de son père,
on a mal à propos conclu de son abstention pendant
trente ans, q u ’il a été déchu de la faculté d’accepter.
L a conséquence la plus juste à déduire e s t , au con
traire, q u ’il a v o u lu être héritier 3 puisqu’il n’a pas
répudié, et q u ’au moyen de son silence pendant la
période indiquée, son acceptation tacite est devenue
irrévocable, par la perte de la faculté de renoncer.
Ainsi tom be, sous ce premier rapport, le moyen
proposé.
2° L a thèse posée par l ’adversaire, fùt-elle absolue,
il n ’en serait pas plus avancé.
La privation de l’exercice d ’une faculté ne peut être
admise sans q u ’il se présente un adversaire qui ait droit
et qualité pour la réclamer. Lorsque la loi déclare un
héritier présomptif déchu par l'effet de la prescription,
c’est pour investir celui qui a possédé à son préjudice.
E lle ne veut point que les biens puissent rester sans
propriétaire, ce qui serait contraire à l ’ordre public.
Cette doctrine est professée par tous les auteurs.
Voici comment s’explique,
au n° 160, Furgole,
dont l’appelant a invoqué l ’opinion (pages 20 et 21
du Mémoire) , pour prouver que la faculté d ’accepter
U n e hérédité se perd par trente ans :
« Mais il faut prendre garde q u ’afin que le droit de
« l ’héritier fut éteint par la prescription, il fa u d ra it
« (ju un autie l eut acquis par la possession j car la
�(« '
! 34 )
« prescription est bien mise au rang des moyens
« d ’acquérir ou de perdre ; mais il fau t, afin q u ’elle
« ait lieu , que ce qui est perdu par l’un à cause de
« sa négligence, soit acquis par un autre à cause de
« sa possession. Si une hérédité était va ca n te, et sur
« la tète d ’un curateur qui serait un simple déposi« taire, lequel ne pourrait jamais l ’acquérir par la
« prescription, elle pourrait être acceptée,
même
« après les trente ans depuis la mort du défunt ,
« parce que le droit n ’en serait pas perdu, à cause
« qu’i l n ’aurait pas été acquis par un autre. »
M. M erlin, q u ’on a également cité , suppose aussi,
ce qui est de toute nécessité, q u ’il y a possession de la
part d ’un autre héritier, et en cette q u a lité d ’héritier.
On aurait pu remarquer, en rapportant son opinion,
q u ’elle n’est point appuyée sur les principes généraux
du D ro it, mais fondée, dans l ’espèce q u ’ il exa m in a it,
sur une disposition précise et spéciale de l’article 21
du titre 21 de la Coutum e d ’Audenarde. Elle 11e peut
donc faire impression dans la cause.
Quels sont donc les droits de l ’appelant, ou du
.sieur Gueffier de Longpré q u ’il représente , pour
opposer aux intimés une déchéance de la qualité
d ’héritier , résultant de la prescription ?
On répond : Dès le décès du père commun , il a seul
possédé le titre d ’héritier, le j u s et nomen hœredis.
C ’est une erreur.
Il
n ’a pas voulu accepter le titre d ’héritier universel
qu ’il tenait de la libéralité paternellej il l ’a expressé
ment répudié.
�Il
s’est volontairement restreint à sa portion virile.
Les autres successibles, au nombre desquels se
trouve Maurice Gueffier , ont reçu de la loi la qualité
d ’héritiers à titre universel; ils l ’ont conservée, puis
q u ’ils ne l ’ont point répudiée.
L e sieur de Longpré a lui-même fait nommer un
curateur q u i , en représentant la succession, a laissé
intacts les droits de tous les héritiers, malgré leur
abstention.
i
Il
n ’a donc aucun droit acquis dont il puisse se
prévaloir au préjudice de Maurice G uefiier, qui est
réputé héritier pur et simple , tandis qu ’il n’est
q u ’héritier bénéficiaire.
E u eiit-il? il ne les recueillerait pas exclusivement.
Les intimés seraient, sans doute, bien fondés à ré- '
clamer une portion de cet accroissement, du chef de
G u illau m e,
leur père. E n effet, la cession q u ’il a
consentie de ses droits n’aurait pu porter sur un-béné
fice qiuiè’se serait ouvert po/térieurement.
A in s i, à moins q u ’on ne prouve .que le père de
l ’appelant a légitimement possédé ^ à titre d ’héritier,
la totalité des biens, il ne peut espérer de trouver,
dans son titre se u l} le droit de s’opposer à la pétition
d hérédité, formée du chef de Maurice Gueffier. Ceci
nous conduit à l’examen de la deuxième questiou, agitée
par l ’appelant.
�( 30 )
D E U X I È M E PR O PO SITIO N .
L a propriété des biens de la succession a-t-elle été
acquise à Vappelant par une possession utile et
p lu s que trentenaire?
négative est déjà établie par ce qui précède-,
quelque réflexions compléteront la démonstration.
L a possession trentenaire suffit seule pour accom
plir la prescription, parce que celui qui a joui aussi
long-tems sans trouble, est censé avoir acquis de bonne
fo i, à moins que le contraire ne soit prouvé. Mais s’il
est représenté un titre sur l e q u e l l a p o s s e s s i o n s’appuie,
quoiqu’ancienne q u ’elle s o it, cette possession sera
L
a
vicieuse et inefficace, si le titre n ’est pas de sa nature
translatif de propriété, parce q u ’alors il démontre que
la possession n’a pas commencé de bonne foi ; ce qui
s’entend, l o r s q u e l e p o s s e s s e u r n ’ a p a s e u ju s la opinio
acquisiti dominii. Aussi les possesseurs à titre précaire,
d ’impignoration ou de nantissement; le fermier, le
dépositaire, e t c . , ne peuvent jamais prescrire, quelque
longue que soit leur possession.
Delà s’est formée la règle : A d prunordium tituli
posterior se/nper fo rm a lu r eventus, dont on lait un
usage si fréquent au Palais (i).
(i) L e b r u n , Traite des Successions, tilrc du partage, n° 78.—
Répertoire de Merlin. V° Prescription, seel. i r*t paragr. G, art. 2.
—
D o m a t,
Lois civiles, liv. 3
,
til. 7 , sect, 5 , n0> 11 et
12.—
l’olbicr,
de la Possession , n04 i 3 et 3 a.— Le m êm e, Introduction à la Coutume
d Orléans.— Code civil, art. aajG.
�)
W)
L e vice de la possession se perpétue de succession
en succession5 tn
? parce que, 1 héritier étant
la continuation de la personne du défunt, celui qui a
commeneé à posséder un bien en vertu d’un titre qui
ne lui en attribuait pas la propriété j est censé vivre
dans sa postérité, q u i, aux yeux de la loi, est la même
personne (i). Le Code civil, par son article 2287, a
consacré cette.vérité, qui est écrite également dans les
lois romaines : Usucapere hceres non p oterit, quod
defunctus non p o tu it; idem ju r is est chm de donga
possessione quœritur. L . 1 1 , if. de diversis temporibus
prœscript.
• c *
- ’r
i’ ~y
L ’application de ces principes est ici sensible, lors
q u ’on se rappelle que ce n ’est q u ’en sa qualité de
cre'ancier seulement, que le sieur de Longpré s’est mis
en possession des biens, à titre d ’impignoration, et
jusqu’à parfait paiement du montant des condamna
tions q u Jil avait obtenues.
'I '
V ' "i n
Com m ent, avec une possession aussi précaire, dont
il a transmis le vice à'son successeur, le sieur de Longpré aurait-il pu prescrire la propriété des biens?
Cette prétention est d ’autant plus insoutenable,
que ce n ’est que dans son intérêt personnel, après de
longues réflexions, et dans des vues manifestes d’usurpatlQn , que l ’auteur de l ’appelant, e n rabdiquant ou né
gligeant sa qualité d’héritier, a voulu jouir h. tout antre
titr e des biens de la succession.
(1) Polluer, Possession , „«• 33 et 5 ^ — Doinal, loco
sect. 4 > ll°
— Merlin , cod. loc. , ait.
tuprà citato
�p ffr'
( 38 ) •
Il
trouvait en effet, clans ses combinaisons artifi
cieuses, des moyens contre tous les intéressés. Il disait
aux créanciers : Je vous dois, à la vérité, sur les biens
de la succession, un ciuquième des dettes, comme
héritier bénéficiaire; mais, hypothécairement, je suis
antérieur à vous comme créancier; vous n’aves rien à
prétendre tant que je ne serai pas soldé. Quel peut
être votre b u t , disait-il aux cohéritiers? les droits des
créanciers absorbent tout, et je suis le premier, le
principal et le plus privilégié.
N ’est-il pas juste q u ’après avoir joui pendant si longtems des avantages du système q u ’il avait adopté ;
l ’adversaire en subisse aujourd’hui les conséquences
opposées.
Pour éluder les suites de sa jouissance précaire ,
l ’appelant soutient que son père n ’avait pas dem andé
à être envoyé en possession pignorative; que la dispo
sition insérée clans la sentence n ’était que de stile ;
q u ’au surplus, cette sentence lui accordant une option,
il s’était déterminé pour la f a c u lt é de fa ir e saisir et
vendrey q u ’aiqsi il n ’avait pas voulu jouir pignorativement.
Que d’erreurs et de mauvaise foi dans ces objections!
V o u s n’avez pas dem andé l ’envoi en possession
pignorative ! E t la sejitencc qui vous l ’accorde e$t votre
propre ouvrage, puisqu’elle a été rendue par défaut
faute de comparoir, contre le curateur. Vous en avez
d’ailleurs accepté toutes les dispositions, en la signi
fiant et en l’exécutant.
/><i disposition n ’est (pie de stile ! Rica n’est inutile
�( 3y )
aSil •
dans les j u g è m e n s n i dans les lois. On ne peut consi
dérer-comme telle une disposition (|iii sssure'tiu■
cvcîiii*
cicr un moyen certain d execution. L
adopte en
Auvergne prouverait seul contre vous l ’importance
q u ’on mettait à obtenir cette faculté.
V o u s n’avez pas usé de la permission ! E t votre:
mise en possession a suivi immédiatement la signifi
cation de la sentente. Vous ne justifiez d’aucun acte
de possession antéfiêure ; les baux consentis' par 'le
sieur de Longpré sont tous d’une date plus récente.
E n fa isa n t' saisir et v e n d r e v o u s avez opté pour
cette f a c u lt é , et ii avez pas vou lu jo u ir ‘p ignorative;n ient! Mais cette jouissance pignorative de l ’universa
lité des biens a duré trois ans, depuis 1760 jusqu’au
ï6 juin 17 6 3 , date du premier bail judiciaire. E lle
ii’â cessé sous cette forme que';pour se reproduire sous
un autre titr'e également précaire, celui de fermier
judiciaire. Il y a plus, les"deux modes de possession
ont résidé conjointement sur la tète du sieur de Longpré, puisqu’en même tems q u ’il possédait ,f comme
fermier judiciaire, les biens saisis réellement, il con
tinuait de jouir , à titre d’im pignoration, en vertu de
la sentence, des objets non compris dans le procèsverbal de saisie.
Les intimés sont loin de redouter l'application des
Tègles posées par d’ Argentré, et q u ’on a rapportées
dans le M émoire, d ’après M. Merlin; ils la réclament^
au contraire, puisque c’est par l’appréciation du titre,
que cet auteur juge des effets de la possession.
~
'
�( 4» )
Sentant bien l ’impossibilité de faire méconnaître la
véritable cause de la possession de son auteur ^ l ’advei>
sa ire se restreint soutenir què le titre de sa possession
a été interverti par la sentence dé 1770, qui a prononcé la radiation de la saisie réelle. Il en conclut
que dès cet instant il a joui comme héritier, comme
propriétaire, et q u ’il doit profiter,des.avantages de la
prescription, puisqu'il s>,st écoulé; trente-cinq ans
depuis 1770 jusqu’en i 8o 5 x époque de la demande
en partage.
,
Des réponses se présentent en droit et en fait.
. C est une erreur en D roit de prétendre q u ’un pos
sesseur précaire puisse se changer a lui-même la cause
de sa possession. Cette m utation , q u ’on nomme inter
version, ne peut être opérée que de deux manières :
ou par une cause venant d ’un tiers, telle q u ’une
vente, échange, donation, ou autre titre transmissiblc
«le la propriété 5 ou par la contradiction que le pos
sesseur oppose aux droits du propriétaire. C ’est ainsi
que s’en expliquent D om at, tit. 7 , sect, 5 , art. 1 2 ,
et Dunod lui-même, dont on n ’a cité q u ’un fragment.
L ’article 3238 du Code civil n ’ji pas disposé diffé
remment.
•
E n f a i t } la sentence de 1770 n’a aucun de ces
caractères.
1’ E lle n ’a attribué ni pu attribuer au sieur Gueffier aucune qua lité nouvelle, puisqu’elle avait pour
objet unique la radiation d ’une saisie réelle q u ’il avait
lui-même provoquée comme créanciery
20 ïùlle n’opère eu sa faveur aucun« transmission
�( 4i )
de droits en propriété ou possession, de la part de
tiers qui aient stipulé à cet effet ;
- > On n ’y voit point de contradiction vis-à-vis du
propriétaire, puisque la main-levée de la saisie ne
portait aucune atteinte aux droits des créanciers ou
des héritiers ;
• 4° Les circonstances qui environnèrent cette sentence
la feraient d ’ailleurs considérer comme une fraude qui
»e peut profiter à son auteur ;
E lle fu t rendue par défaut contre la p lu part des
créanciers \ soigneusement cachée aux cohéritiers*, ob
tenue dans l ’ombre du m ystère, avec toutes les précau
tions propres à induire en erreur les parties intéressées,
dont les domiciles étaient éloignés : témoin la lettre
du i 3 avril 17695
5 ° Cette sentence n’a jamais été signifiée a u x do
m iciles des parties en cause, notamment au curateur,
par lequel 011 faisait représenter la succession ; elle n’a
donc eu ni pu avoir d ’ejiécution : elle est censée même
n ’avoir jamais1 existé.
Dès-lors la saisie réelle a continué de subsister, et
dvec elle tous les effets que la loi lui attribue. Pen
dant trente ans elle a conservé les droits des parties
intéressées, et suspendu le cours de toute prescription j
6° E n f i n , e t c e tt e o b je c t io n d é t r u i t t o u t le s y s tè m e
d e défense de l ra p p e l a n t , quand la sen ten c e de 1 7 7 0
A u ra it v a l a b l e m e n t e t u t i l e m e n t o r d o n n é la r a d i a t i o n
d e la saisie r é e lle , q u e l l e en
s e ra it la c o n s é q u e n c e ?
�■
'i Cl»!.
( 42 )
Que le sieur de Longpré, qui ne trouvait plus d'avantage
à laisser vendre les biens mis sous la main de la Justice,
a continué de les posséder comme il avait commencé,
et comme il jouissait encore des objets non saisis ,
c’est-à-dire à titre d ’impignoration, en vertu de la
sentence du i 5 novembre 1760.
Que l ’appelant cesse donc d ’invoquer la prescription!
C ’est comme gardien à titre de jouissance pignora
tive , comme fermier judiciaire, que son auteur a
commencé à posséder : ces causes de possession n ’ont
jamais changé. Il a constamment pris dans les actes
la qualité de créancier et de fermier judiciaire ; la
sentence de 1760 n ’a jamais cessé d ’être exécutée $ sa
possession a toujours été précaire, et par suite inca
pable de lui attribuer la propriété.
Parvien d rait-il à faire décider que sa qualité
d ’ héritier bénéficiaire lui donnait un titre pour
jo u ir? Cette qualité, restreinte par sa déclaration, à sa
portion virile, ne pourrait s’appliquer q u ’au cinquième
de la succession, q u ’on ne lui conteste pas -, mais elle
ne préjudicie point aux droits des autres cohéritiers,
de recueillir leur amendement dans une succession
encore indivise, que la Justice a conservée pour tou s,
et à laquelle ils peuvent venir prendre part, malgré
leur abstention, puisqu’aucun autre héritier n ’a été
substitué à eux par unejiossession utile.
L a jurisprudence procure sur ce point des préjugés
aussi décisifs que nombreux. On connaît le fameux
�( 43 )
^
arrêt du 21 avril i 55 i', qui d'condamne l ’evêque de
Clerm ont à rendre à la reine Catherine de Médicis la
seigneurie de la ville de Clermont*, quoique depuis
plusieurs siècles elle fut possédée par les évêques de
cette ville. Il était prouvé, par le titre originaire ,
que cette seigneurie avait été donnée en garde a un
évêque de C lerm on t, par Jean de Bourbon, que re
présentait la reine.
.> j
t■ :
1
* 2 , r
L e Répertoire de Jurisprudence rapporte plusieurs
arrêts qui ont jugé que la possession la plus lon gu e
n ’était d ’aucune considération quand le titre qui lui
avait servi de fondement était vicieux, c’cst-à-dire
incapable de transmettre la* propriété.
L a Cour de Riom, par arrêt du 19 germinal an 10,
a admis les descendans d?un successible à prendre la
qualité d héritiers, quatre-vingts ans après ^ r é p u
diation , en rejetant la'prescription opposée par un
cohéritier qui avait joui à titre pignoratif.
' ^
L a Cour de cassation a consacré les mêmes prin
cipes, en cassant une décision dè la' Cour de D o u ai,
qui les avait violés, et adjugé q u e , 'nonobstant la
contradiction"opposée par un cohéritier qui jouissait
^es biens de la succession à titre préc’aire, la prescrip
tion 11’avait pu courir en sa faveur. L ’arrêt, du 6
novembre 1 8 2 1 , est rapporté par Sirey, tome 22 ,
I r6 partie, page 69. ‘ '
1
L ’appelant est-il favorable, lorsqu’il s’est évidem
ment créé une fortune considérable au détriment de
�( 44 )
ses cohéritiers? Lorsque, probablement, le silence de
Maurice n’est dù q u ’à cles promesses fallacieuses ou à
des garanties qui auraient disparu après son décès ?
Est-il favorable en se défendant par une fin de non
recevoir, odieuse même aux yeux de la loi, après que
son père a jou i, comme mandataire, des biens de
M aurice, que ses fonctions tenaient éloigné du lieu de
leur situ ation , et de ceux de Gueffier-Dubuisson ?
parti pour l ’ile de Saint-Domingue ?
Est-il favorable, lorsque prétendant avoir, par le
paiement des dettes, affranchi la succession des charges,
il ose alléguer que les titres de libération sont adhirés?
Ces petits moyens de considération n ’imposent
point.
i° On ne justifie point de ces paiemens, que l ’on
fait mou ter à des sommes considérables ;
20 L es actes de m a in -levée d ’opposition prouvent
q u ’on n ’a pas payé, mais assuré le service des rentes ^
3° P u isq u e , dans le système même de l ’appelant, il
ne s’était écoulé que trente-cinq ans de prescription utile
à l ’époque de la demande, il n ’est pas vraisemblable
que son père et lui-mème aient négligé de conserver
des titres aussi précieux j
4° E n fin , lors du partage, il sera de toute justice
q u ’ ils prélèvent
les sommes q u ’ils établiront avoir
versées pour le compte des héritiers.
Sans doute, les prétentions d u eieur l ’Espiuasso ne
�,( 4 5 )
W
vont pas jusqu’k faire rejeter d ’une manière absolue
la demande en partage de la succession de Maurice
Gueffier. E n s’efforçant de paraliser l ’action des in
tim és, quant a u x droits qui dérivent de Jçan Gueffier,
il n'a pas voulu se refuser au partage des biens meubles
et immeubles qui appartenaient au défunt. Le silence
q u ’il a gardé relativement à cette partie de la cause
laisse penser q u ’il sent la nécessité de faire le rapport
des biens de Saint-llpise, que le sieur de Longpré a
vendus en 17 j 6 , ainsi que du mobilier et autres objets
qui sont restés dans sa maison, où est décédé Maurice
Gueffier. ,
.,
Les droits des intimés paraissent donc établis, lis
se .présentent comme successeurs, en partie, de Mau
rice G ueffier, leur oncle ; celui-ci était héritier de
Jean son père 5 il n ’a jamais perdu cette qualité ,
puisqu’il n’y a point renoncé. L a loi a rendu définitive
son acceptation tacite5 aucun autre héritier n’ayant
utilement possédé à son préjudice, ses droits et son
action sont entiers. Ses héritiers doivent donc obtenir
de son chef, comme il l ’evit obtenu lui-m êm e, la dé
livrance de leur portion dans son amendement.
Si la résistance opiniâtre du sieur l'Espinasse ne
1
1
leur permet plus d ’espérer de sa part un acte de jus
tice, ils l’attendent avec confiance de la C o u r , qui
saura apprécier les faits et appliquer les principes.
L ’appelant n'a-t-il pas lieu de craindre q u ’on ne lui
applique ce passage énergique de LaJbruyèr.e.?
. « N ’envions point à une sorte de gens leurs grandes
�( 46 )
« richesses; ils les ont à titre onéreux, et qui ne nous
« accommoderait point. Ils ont mis leur repos, leur
« santé, leur honneur et leur conscience pour les
« avoir. Cela est trop cher, et il n’y a rien à gagner
« à un tel marché. »
BAYOL.
B A Y O L , née G U E F F I E R .
G U E F F IE R -D U B U IS S O N .
G U E F F IE R -S A U V A T .
Me G O D E M E L , ancien A vocat.
M e D O N I O L , A voué.
R IO M , I M P R IM E R IE DE S A L L E S , PRÈS LE P A L A I S DE JU STIC E .
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Gueffier-Dubuisson, Antoine. 1824?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Godemel
Doniol
Subject
The topic of the resource
successions
prescription
absence
renonciation à succession
séparation de biens
arbre généalogique
possession pignorative
saisie
créances
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour sieur Antoine Gueffier-Dubuisson, Propriétaire ; dame Antoinette Gueffier, Amable Bayol, son mari, Officier de Santé, et Jean-Baptiste Gueffier, Propriétaire, intimés ; contre Maître Antoine Gueffier de l'Espinasse, ancien avocat, appelant.
Table Godemel : Absent : 2. le décès d’un individu à Saint Domingue est-il suffisamment établi par un acte en forme authentique indiquant le jour du décès, son nom de famille et l’un de ses prénoms, bien que, contre les termes de la déclaration du 9 avril 1736, il ne mentionne pas non plus la qualité ; à moins que l’on établisse qu’un autre individu du même nom ait résidé dans l’isle et y soit décédé à la date de l’acte rapporté ; surtout, si l’identité résulté d’autres documents et des faits de la cause. Renonciation : 14. l’enfant, héritier institué, qui, après avoir fait procéder à l’inventaire du mobilier existant au décès de son père, a renoncé à son institution d’héritier contractuel, pour n’accepter la succession qu’ab intestat et sous bénéfice d’inventaire ; qui a fait nommer un curateur au bénéfice d’inventaire et obtenu, contre lui, sentence de condamnation pour un capital de créances assez considérable, avec permission de se mettre en possession des immeubles de la succession, ou de les faire vendre par placard ; qui s’est réellement investi de fait de l’universalité des biens ; n’a joui, à titre de propriétaire, que du cinquième formant sa portion virile, et à titre pignoratif des autres quatre cinquième, en qualité de créancier.
Quelque longue qu’ait été sa possession, il a joui aux mêmes titres, s’il n’a pas manifesté expressément une volonté contraire ; il ne peut, dès lors, opposer aux autres enfans, ses cohéritiers, aucune prescription. malgré le nombre des actes de possession qu’il a pu faire, il ne peut résister au partage, ni se refuser au rapport des biens et jouissances, sauf à prendre le cinquième qui lui revient en qualité d’héritier bénéficiaire.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1824
1760-1824
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
46 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2609
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2608
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53524/BCU_Factums_G2609.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Saint-Ilpize (43195)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Saint-Domingue
République dominicaine
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
arbre généalogique
Créances
possession pignorative
prescription
renonciation à succession
saisie
séparation de biens
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53569/BCU_Factums_G2813.pdf
2de4f6544249d9da4ed6b5b3a52238a9
PDF Text
Text
TRIBUNAL
DE PREMIÈRE 1NSTA
D ’A U R I L L A C .
audience du
Mme
M a r ie - C h a r lo t t e
de C A S S A G N E S
D E
B E A U -,,
veuve, de M . le Marquis
François-Félix Duplessis-Châtillon, en sa qualité
d’héritière bénéficiaire de M. le MARQUIS de Miramon, son père, D e m a n d e r e s s e ;
*
F O R T
D E
M IR A M O N ,
CONTRE
M. P i e r r e B A D U E L , ou s e s h é r i t i e r s e t a y a n t - c a u s e
comme détenteurs du domaine de Lollièr e appartenant à la succession bénéficiaire dudit Marquis
de Miramon, D é f e n d e u r s .
.
. il O üi .« u -o h
,
,<
FAITS.
'
Le 5 mai 165 4 Claude de Brezons, Chevalier, Seigneur de la
R oque, M assebiau, P aulhac, Saint-H éran et autr e s p l a c e s
acquit de G uillaum e de la V olpillière, par-d evan t J a c q u e s
Bardol, notaire garde-notes, tabellion royal de Sain t F l o u r
terre et seigneurie de Lollière, situées dans la paroisse de SaintClém ent, près de V ic-en-C arladès, datis la H aute-Auvergn e.
L'acte porte « que les biens vendus, nobles et allodiau x , re « lèvent en fief et hommage du roi notre sire , à cau se d e sa
�—
2
-
iA/i ‘H 1/11 o comté de Ylàrlat; qu’ils sont déchargés de tous profits féot.r<w
n«i '»'U daux, dette»i-hypothèques et autres charges quelconques;
,3ajji«U a,<- « qu’en outre il est vendu audit seigneur de La R oque, de
—
x cens fonciers uniformes, argent°49 sous G deniers, seigle qua\ih vMwi\»tk« torze setiers deux cartons, n euf setiers avoine , le tout mesure
_
«-de'La* S o c q u e ¿"'trois manœuvres à faucher, trois gellines et
« demie et un chevreau qu’il a droit de prendre et percevoir
«'.sur les édifices, ténem çnt et dépendances de Morèzes dans
« ladite paroisse de Saint-Clément, suivant et conformément aux
« terriers et anciennes reconnaissances énoncés en l’a rrèl de
« la Cour du parlement de Paris, d ’entre Gabriel de la Volpil« lière, François Dupouget de Nardailhac, Marguerite Ouvrier,
« J e a n F a b r i, du 1er ju in 1630, et tout ainsi et de même que
« ledit sieur de L ollière, vendeur, et ses prédécesseurs l’ont,
«-jédr
lpei*^t/j, lésiHtes rerites'1relevant d e ‘sa majesté quilles
«-pareillement de tous profits féodaux et autres usages , dettes
«? et hypothèques. » Le prix de la vente était de 18,500 francs,
dont 8,500 fr. furent payés com ptant, et les, 10,000 francs restans le 29e jo u r de novembre l’an 1G58, ainsi q u’il résulte de la
quittance annexée à l’acte de vente.
En conséquence, les seigneurs de La Roque se sont mis en
possession des domaine et seigneurie de Lollière. Nous pro
duisons au procès leurs baux, lièves, comptes de fermages et
autres preuves de leurs jouissances pendant près d ’un siicle ,
et | jjysqy’çi, l’an ,^755 qu’ils consentirent , le (>« jo u r du
mçjSj'Cjfj *pars)>; nouveau bail em phytéotique, nouveau cens et
nQjj^pj|.e inyestison, du domaine de Lollière à Pierre Baduel,
labouç£^r,>_ h^ibitarjt de la ville de Vic-en-Carladès, « pour
«_ fljtj m oyennant (nous copions textuellement les termes de l’acte),
« les ceijiS/et rente annuels, perpétuels, seigneurs et uniformes
« de frp{i)fige 29, q u in ta u x ,, tant d ’été que d ’automne, porta• bles et ppsés au,poids dç
ville d ’Aurillac ; plus de la quan-
�-
3
—
« tité de 45 setiérs ble-seigle, mesiire dii m ur de Barrés;
« plus un quintal de beurre, un cochon gras, payable à descente
« de montagne, ou 30 livres poiir le prix d ’icelui, au choix du dit
« seigneur bailleur; plus u n veau gras, deux paires d e 'c h a « pons, deux pois de vin du vignoble du château de P estel,
* et 20 aunes de toile femelle; lesdils 45 setiers'seigle, dite
« mesure, payables et portables audit château de P e s te l, à cha« que fête de Saint-Michel, de même que toutes les autres choses
« ci-dessus spécifiées , annuellement en leurs temps et saisons ;
« le tout censuel et rédituel, avec tous droits de directe justice,
« h au te, moyenne et basse, usage et exercice d’icelle; m ère,
« mixte, im p è re , droits de rétention par prélation, lo d set v e n te ,
« et taille aux quatre cas accoutumés au présent pays d’Auver« gne, et autres droits et devoirs seigneuriaux dus et accoutu« més et contenus aux terriers anciens dudit seigneur, de sadite
« seigneurie de La Rocque, auxquelles charges et conditions le« dit Baduel a accepté le présent bail en emphytéose, et sous et
« en conséquence d’icelui, reconnaît tenir et avoir le susdit
* domaine dudit seigneur, marquis de M iram on, et a promis et
« s’est obligé, ledit B aduel, de payer et porter, comme il est ci« dessus d it, les susdits cens et rente de 29 quintaux de fro* mage à chacune fête de Saint-Géraud et aux R o is, au poids
« de ladite ville d ’Aurillac; les susdits 45 setiers seigle, susdite
« mesure du mur de Barres audit château de Pestel, à chaque
« fête de Saint-Michel, de même que toutes les autres choses ci« dessus spécifiées, annuellement en leurs temps et saisons à
« perpétuité...... Tant q u ’il jouira et sera tenancier dudit do« maine de Lollièrc, lequel a promis meillorer à son pouvoir,
« ne le déterriorer, vendre ni aliéner h personne de droits pro« hibés, ne y mettre cens sur cens, n ’y autre pension annuelle,
« s:insle vouloir et consentement dudit seigneur et de ses suc* cesseu rs, et d’icelui domaine He Lollière faire nouvelle recon-
�_
4
—
« naissance à toute mutation de seigneurs ou de paysans , toutes
« et quantes fois qu ’il en sera requis, et d’icelle comme des
-, présentes bailler, et fournir à ses frais et dépends, expédition
« en bonne el due forme audit seigneur et aux siens à l’avenir,
« et à l’égard du droit d ’entrée de la présente investison, il a été
« réglé entre les parties à la somme de 3,000 livres. »
Un acte particulier, reçu Ratignac, notaire royal, constata que
le cheptel el les outils et meubles excédaient en valeur les 3,000 li. vres d’entrée qui ont été payées par le sieur Baduel pour son
investison.
Le sieur Piqrre Baduel, ainsi mis en possession de Lollière, paya
fort exactement ses redevances foncières, ainsi q u ’il résulte des
Î*
.I
,
lièves.et quittances. Mais quand la révolution de France eut
éclaté, que M. le marquis de Miramon eut été inscrit sur la liste
des émigrés et son bien frappé de confiscation, M. Baduel voulut
se prévaloir de ces circonstances. L’administration locale avait
mis en vente le domaine de Lollière le 22 septembre 1793. Le 19
du même mois, M. Baduel fit opposition à cette vente par acte de
Chaylus, huissier, et donna copie de l’acte du G mars 1755 aux
administrateurs du district de Saint-Flour, qui renvoyèrent l’op
position et les pièces y jointes au Corps-législatif à Paris. Il eut
éle contraire à tous les principes que le pouvoir législatif se fût
immiscé de l’application des lois; cependant les pétitions de
M. lladuel ne furent pas inutiles, car le domaine de Lollière ne
fut pas vendu. Mais ce résultat n ’a rien pu ni dû préjuger sur la
question de savoir si la rente de Lollière était féodale.
31. le marquis de Miramon ne resta pas long-temps en émigra
tion; ifprofila du bienfait de la loi du Gfloréal an X(2G avril 1802),
pour rentrer en France. Le consul Lebrun, qui fui consulté dans
ses intérêts sur la valeur du bail emphytéotique de Lollière el sur
le droit'queM . de Miramon pouvait avoir de réclamer ce domaine,
répondit qu ’il ne voyail rien dans ce litre de contraire au droit
�de propriété de M. le marquis de Miramon, et q u ’il n ’y apercevait
aucune expression qui e û ttraitiàila féodalité. M. Baduel conçut
dès lors le désir de traiter avec le bailleur* et de racheter la fente
aux termes des lois. Il fît des propositions raisonnables, dont le
projet^ écrit de sa main, a été retrouvé dans les papiers de la
succession de M. le marquis de M iram on, . décédé en l’an 1810.
On y lit ces mots : « 11 y a apparence que M. de Miramon n'ignore
« pas la loi du 29 décembre 1790, relative au rachat des 'rentes
« foncières. En conséquence, s’il veut me traiter favorablement,
« nous ferons un forfait de gré à gré relatif auîrachat de la vente
« du domaine de Lollière, déduction faite du cinquième d’icelle,
« suivant la loi du 15 pluviôse an V, pour raison des contribu« lions, qui, pour lors, est réduite h trente-quatre sétiers blé, et
« vingt-trois quintaux cinq livres fromage et les suites, et pour
• lors nous prendrons une évaluation commune depuis trente ou
« plus ; et pour lors Baduel ferait des termes honnêtes à M. de
a Miramon, que la loi soit rapportée ou n o n , et M. de Miramon
« doit considérer qu’il a élé donné trois mille livres d'entrée,elc.^.»
M. de Miramon n ’était pas du tout éloigné d’accepter cçs con
ditions; mais quelques créanciers ayant pris inscription sur ses
biens, M. Baduel craignit d’être recherché s’il rachetait la rente
postérieurement à celte inscription, et il garda tout. A ujourd’hui,
uneayanl-causede M. le marquis de Miramon, c’est-à-dire madame
sa fille, la marquise Duplessis deC hâtillon, qui a accepté sa suc
cession sous bénéfice d’inventaire, vient réclamer le domaine de
Lollière comme n’ayant jamais cessé d ’appartenir à son père, puis
q u ’il n ’a jamais été ni vendu ni confisqué par la nation. 'Tel est
l’état de la cause.
—«—
' T
11“
DISCUSSION.
•
f:
,
Il s’agit par conséquent de savoir: 1° si la 'ren te imposée à
�—
6
—
M. Baduel, pour le domaine de Lollière, est féodale ; 2° si les dé
tenteurs précaires de ce domaine ont pu en acquérir la toute
propriété par la prescription.1 '>< ‘J
*
U'est évident que si la renie de Lollière n ’est pas féodale,
les lois relatives à l'abolition de la féodalité n’ont pas pu' l'at
teindre, et que ces lois spéciales ne sont nullement applicables à
l’espèce ;
Qu’ainsi les questions de propriété et de prescription'soulevées
dans celte cause, doivent se résoudre par les titres des parties et
par les principes de la loi commune.
,1 II faut examiner l’affaire sous ces deux rapports.
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:i ‘La rente de Lollière n'est pas féodale,
i
Nous soutenons que la rente de Lollière n ’est pas féodale, ni
entachée de féodalité, et q u’elle n'a pas été supprimée par les lois,
bien qu’elle ail cessé d ’être payée par l’emphytéote. Cette cessa
tion de paiement peut bien prouver qu’on s’est prévalu de l’oc
casion pour exciper d ’un prétexte de féodalité et refuser de servir
la renie; mais elle ne prouve pas que ce prétexte soit vrai, que la
rente soit féodale.
Avant d ’examiner cette question avec toute l’attention q u’elle
exige, qu'il nous soit permis de faire observer que les choses sont
encore entières, que le domaine de Lollière n ’ayant été ni vendu
ni confisqué par l’Etat, dans les circonstances les plus orageuses,
c’est pour la première fois que les tribunaux sont appelés h déci
der s’il faut en dépouiller M. le marquis de Miramon, ou ses ayant,
cause, en vertu des lois sur les émigrés. Seront-ils plus sévères
aujourd’hui q u ’on ne l’eût élé quand ces lois révolutionnaires
venaient d’étre proclamées ? Il faudrait les restreindre, loin de les
�étendre, et ne pas y voir ce qui n ’y est pas. On a dit q u ’un des
chefs suprêmes de la république avait décidé que le titre consti
tutif de l’emphytéose de Lollière n’avait rien de féodal et n ’était
point supprimé. Cependant on n ’avait mis sous les yeux de ce
consul qu’une simple copie de l’acte du 6 mars 17 55, sans lui pré
senter l’acte du 6 mai 1654, qui en est toute la base, et qui déter
mine d’une manière si précise le caractère allodial de la propriété
que nous réclamons»
, 11 •
Qu’est-ce en effet que la féodalité ? Quelle a été la pensée de l^As- >
semblée constituante quand elle en a décrété la proscription dans la
lameuse nuit du 4 août 1789? Croit-on qu ’elle n ’ait voulu que por
ter atteinte aux droits inviolables delà propriété, la base essentielle
de toute société, de tout état politique?— Non certes! telle n’a
pas été la pensée de ces grands hommes. Ils ne voulaient point/ils
n ’entendaient point frapper au cœur l’état social. Cette œuvre de
mort n ’eût été digne ni de leur intelligence, ni de leur mission; Ils i
voulaient en changer la forme, en rejeter la vieille dépouille. Quoi- »
que la féodalité eût été déjà rudement atteinte par le ministère de
Richelieu et par le règne de Louis XIV, qui avaient délivré la
couronne des rivalités seigneuriales, elle se trouvait encore active
et puissante dans les relations de la vie privée. On avait affranchi
le chef du peuple, maison n ’avait pas encore affranchi leipeuple^i
dont la dépendance des seigneurs était constituée sur une obliga
tion de services personnels et de redevances qui prenaient leur
origine dans la qualité du seigneur. Voilà ce que l’Assemblée con
stituante a voulu prescrire, non pour ébranler les bases de là pro
priété, mais pour qu’elle ne reposât désormais que s u r ’des fondemens que la raison et la dignité de l’homme pussent avouer. Aussi
l’on peut remarquer qu’elle a toujours conservé partout les rentes
foncières. Elle n ’a aboli sans indemnité que les redevances quiisei
payaient pour prix d elà protection des seigneursj en exceptant
formellement les droits qui, quoique perçus sous’des dénomina-
�—
8
—
tiorts féodales, seraient justifiés ¡avoir pour cause<des concessions
de fonds..(Loi des 15-28 mars 1790, lit. 2, art. 11.)
La loi des 25-28 août 1792 est encore plus explicite» L’article 5 •
de cette loi, après avoir fait [’énumération la plus complète de
tous les droits seigneuriaux, tant féodaux que censuels, conservés
ou déclarés rachetables par les lois antérieures, et qu’elle abolit
sans indemnité, excepte néanmoins toujours le cas où ils seraient
justifiés avoir pour cause une concession primitive de fonds, la
quelle sfecause,dit l’article précité, ne pourra être établie q u ’autant
q u’ellese trouvera clairement énoncée dans l’articleprim ordiald’inféodation, tl’accensement ou de bail à cens qui devra être rapporté.
A cet égard, on ne peut rien ajouter aux titres produits par les
ayant-cause de M. le marquis de Miramon, qui peuvent y joindre
tous ceux; de leurs prédéctesseursi pendant plusieurs siècles.
Une loi d u 19 juillet 1793 a supprimé sans indemnité toutes les
redevances ci-devant seigneuriales' et droits féodaux, même ceux
conservés pari 1«Sdécret du 25;'août 1792. Voyons cette loi.
L’article l.»r porte que « Toutes redevances ci-devant seigneu*
« riales, droits féodaux, cerisuels, fixes et casuels, même ceuxcon* serves par le décret du 2& août dernier (1792), sont supprimés
« dans indemnité; * L’ariicle 2 excepte des dispositions de l’article
précédent, l<Ss renies ou prestations purement foncières et non
féodales. Ainsi, toute la question est donc toujours de savoir si la
renie emphytéotique pour le domaine de Lollière étaii féodale ou
non. féodale. En fait, il est manifeste que cette rente est foncière,
purement foncière, puisqu'elle est imposée pour une concession,
de fonds et non pour aucune considération de personnes ; peu im
porte la qualification de la redevance et la dénomination donnée
au droit du bailleur emphytéotique. Ainsi, la Cour de cassation ;■
jugé et jugoitoujours quei des rentes qualifiées féodales sont dues,
lorsque la suhstançcidel’acte indiquequ’elle&nesont point féodales
(Ca«tM 19 février 1.80G.—S. G, 2,, 124 ).j que la renie qualifiée ré-
�—
9
—
cognitive de la seigneurie, mais créée par l’aliénation de l’immeu
ble que le bailleur possédait en franc-alleu, est simplement fon
cière (Cass., 11 germinal an XIII.— S. 5,2, 148) ; q u ’enfin, un bail
emphytéotique n ’est point aboli comme féodal, quoique lebailleur se soit réservé un cens ou tout autre droit,- ayant un nom
féodal (Cass., 30 brumaire an X. — S. 3, 1, 17). Les baux em
phytéotiques à cens ne sont point féodaux, alors même que le
bailleur est u n ancien seigneur féodal. Les fermiers sont tenus de
continuer les services des redevances promises (Rouen, l ^ a o ù t
1811. — S .1 2 , 2, 76). Telle est la jurisprudence d ed ro it commun .
La coutume d ’Auvergne est encore bien plus favorable. Là, non
seulement la féodalité ne se présumait jamais, mais elle n ’y ré
sultait pas des réserves et stipulations qui en auraient été la
preuve dans d ’autres coutumes. Voilà comment toutes les fois
qu'il s’agissait d ’uti bail emphytéotique, la clause de cens annuels,
perpétuels, seigneurs et uniformes, avec tous droits de directe
justice, haute, moyenne et basse, usage et exercice d ’icelle , mère,
mixte, impère, droits de rétention par prélation, lods et vente et
autres droits et devoirs seigneuriaux, n ’était pas une clause féo
dale, mais une clause purem ent contractuelle et foncière, ainsi
q u’on l’a plus amplement établi dans la Consultation imprimée cijointe, du 5 mai dernier. Lés droits et devoirs seigneuriaux ne
doivent s’entendre dans cette coutume que des droits et devoirs
domaniaux, selon la doctrine savament développée par M. Merlin,
Questions d e d ro it, verbo t e r r a g e , et consacrée récemment encdre par u n arrêt de la Cour suprême (Cass., 3 ju in 1835.—
S. 35 , 1 , 324 ). Nous no reviendrons pas sur ces prin
cipes déjà suffisamment expliqués, et nous nous bornerons à
rappeler que, d ’après le titre d’acquisition du domaine de Lollière, en 1654, ce domaine relevait directement du Roi, comme
toutes les terres en relèvent aujourd’hui en France, immédiate
ment et non médiatenent, c ’est-à-dire et non par aucun intermé-
�—
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—
diaire obligé, seigneur féodal. Il n'y a point ce que nous appelons
féodalité à relever directement du souverain, que ce souverain
soit prince, soit peuple ou sénat. Celte sujétion est la loi néces
saire de la société civile, qui lie tous ses membres pour n ’en
faire q u ’un corps homogène. Tout au contraire, la féodalité, en
nemie de l’unité, se fonde sur une polyarchie jalouse et mal assise,
qui est, par cela même, un principe de division, de querelles in
testines et d’épuisement national,
La rente emphytéotique pour le domaine de Lollière n ’est
point féodale : on ne peut donc prétendre q u ’elle est abolie ; mais
si la rente n ’est point abolie, comme, grâce aux soins de M. Ba
d u e l, le domaine de Lollière n ’a été ni confisqué, ni vendu par
la nation , à qui ce domaine doit-il appartenir au jou rd ’hui q u ’il
est réclamé par les Héritiers du vrai propriétaire? M.Baduel leur
sera-t-il préféré? Pourquoi cette préférence? D'où pourraient lui
venir de semblables prétentions ? M. Baduel ne peut invoquer la
prescription, et il n’a ni titres ni droits, comme on va le voir.
D EUXIÈ M E QUESTION.
Les détenteurs de J.ollière ne peuvent invoquer la prescription : ils
n ’ont n i titres ni droits.
Il suit de ce qui précède que M. le marquis de Miramon n'a
jamais été dépouillé par l’Etat du domaine de Lollière. Il ne peut
donc pas le réclamer de l’Etat comme invendu, aux termes de lu
loi du 5 décembre 1814: il ne peut invoquer que les principes de
la loi commune; mais cetle loi est bien suffisante pour protéger
et faire valoir tous ses droits.
i
Supposons q u ’un homme s’absente en laissant une p ro cu ra
tio n , ou si l’on veut un détenteur précaire de ses biens immeu
bles, tel que colon partiaire, fermier ou cmphytéote.Son absence
se prolonge vingt, trente, quarante ans , ou davantage. Les par
ties intéressées négligent de se pourvoir devant le tribunal de
�première instance, afin que l’absence soit déclarée. Il reparaît
après celle époque. Il n ’est pas douteux qu ’il aura le droit de
rentrer dans la propriété de ses biens, el q u ’on ne pourra lui op
poser aucune prescription acquise, à cet égard, à son préjudice.
Il n ’aura perdu que les fruits par chaque cinq ans (2277, C. civ.).
Voyons une autre hypothèse, et supposons que les parties in
téressées ont fait déclarer l’absence ; que les trente ans de l’en
voi en possession provisoire s e r o n t écoulés, avec toutes les for
malités voulues par la loi ; et que l’absent reparaisse, ou que
son existence soit prouvée, même après l’envoi définitif, eh bien!
ses droits ne seront pas contestables ; et quelle q u ’ait été la d u
rée de son absence, il recouvrera ses biens , le prix de ceux qui
auraient été aliénés, ou les biens provenant de l'emploi qui aurait
élé fait du prix de ses biens vendus (Code civil 432). Ses enfans
ou descendans, jouissent du même droit pendant les trente a n s,
à compter de l’envoi définitif (133, C. civ.). Il faudra, dans ce der
nier cas, plus de soixante ans pour pouvoir opposer la prescrip
tion , alors que les parties intéressées, vigilantes et actives,
auront suivi, sans interruption cl sans perdre-un moment, tou
tes les phases de la procédure. C’est, à ce prix seulement q u ’el
les au ro nt pu conserver leurs droits et prescrire. Combien l’hy
pothèse dans laquelle se présentent les enfans ou descendans
de ¡VI. le marquis de Miramon , est plus favorable! Aucun envoi
en possession de leurs biens n ’a jamais eu lieu en faveur du dé
tenteur qui sc les adjuge ; ce délenteur n’est point au nombre des
héritiers présomptifs qui auraient eu le droit de le réclamer , el la
justice n ’aurait pu l’ordonner pour lui; enfin , le délai de soixante
ans n’est pas expiré. Il n ’y a pas même trente ans que les négocia
tions entre M. Baduel et J\I. le marquis de M iramon, sont in ter
rompues. Il faul donc renoncer à ce premier moyen d’établir le
droit prétendu du sieur Baducl. Il faut aussi renoncer à tous les
argumens q u ’on pourrait tirer en sa faveur des lois révolution*
�»aires , puisqu'il est établi que ces lois ne sont pas applicables au
domaine de Lollière, heureusement oublié ou délaissé par la na
tion , dans la mesure qui frappa de confiscation les biens de M. de
Miramou , émigré.
Ou’on nous dise donc à quel titre le sieur B aduel, ou ses avantcause , prétendent à la toute propriété du domaine de Lollière ?
Ce n ’est pas en vertu de la coutume d ’Auvergne , qui déclarait le
chef-cens imprescriptible à tolo, même par mille ans. (Voir la con
sultation imprimée , pag. 6 et suiv. ) Serait-ce en vertu des lois
ordinaires sur la prescription ? L’affirmative n’est pas soutenable.
Elle choquerait les principes les plus élémentaires de la matière ,
et méconnaîtrait toutes les règles du droit. O uv ron s, au hasard,
le titre du Code sur la prescription.
a Article 2229. Pour pouvoir prescrire , il faut une possession
a continue, et non interrompue, paisible , publique , non-inter« rompue, e t a t i t r e l>e p r o p r i é t a i r e .
« 2230.On est présumé posséder pour soi, et à litre de propriétaire,
« s’il n ’est prouvé qu’on a commencé à posséder pour un autre.
« 2231. Quand on a commencé à posséder pour autrui, on est
« toujours présumé posséder au même titre , s ’ i l n ’ y a p a s p r e u v e
«
c o n t r a ir e.
»
Il est bien démontré, el sans doute ou ne contestera point que
M. Baduel a commencé à posséder pour 31. le marquis de Miramou.
Ce l’a il est prouvé p arles litres p ro du its, et n ’est point du tout
con les table.
M. Baduel n’a donc jamais possédé a t i t r e d e p r o p r i é t a i r e , e!
par conséquent il ne peut prescrire.
Dirait-il qu'il y a eu interversion de titre ? Ce serait à lui dVu
faite la preuve. Où est celte preuve ? Résulterait-elle de ce que
le Corps-législatif a accueilli favorablement sa pétition et permis
q u ’il ne fût point inquiété pour le service des rentes emphytéoti
ques ? Mais cette prise en considération d ’une pétition n esl point
�—
13
—
un .acte qui puisse opérer une interversion de t i t r e , t,çl que serait
un acte ,de dgnation fait régulièrement par l’E ta t, ,ou u p acte 4 e
Pautqrité judiciaire qui aurait prononcé que la re p te servie par
Baduel était féodale. Si M. Baduel, après la prise en considéra
tion de sa pétition , eut fait juger que sa rente était féodale, p’il
n’eût pas craint de s'adresser, dès le principe, aux cours <Je ju s
tice , nous convenons q u ’un jugement qui, à cette époque, aurait
fait droit à ses prétentions, aurait opéré en sa faveur une inter
version de titre, à partir de laquelle il aurait pu commencer de
prescrire la toute propriété du domaine de Lolliere, meme dans
le cas où la loi du 17 juillet 1793, que le jugement lui aurait, se
lon nous , fort mal appliqué, aurait été rapportée plus tard.
Mais il n'en a pas été ainsi. M. B ad uel, qui avait commencé de
posséder pour a u tru i, a continué de posséder au même titre. Il
n ’a pas de preuve contraire,
Passons à d ’autres textes du Code civil.
« A r t . 2236. Ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent
« jam ais, par quelque laps de temps que ce soit. — Ainsi le fer« m ier, le dépositaire, l’usufruitier, et tous autres qui détiennent
'i précairement la chose du propriétaire, ne peuvent la près*
« crire.
« A rt . 2337. Les héritiers de ceux qui tenaientla chose à quel« q u ’un des litres désignés par l’article p récéd en t, ne peuvent
« non plus.prescrire.
« A r t : 2 2iO. On ne peut pas prescrire contre son litre, en ce
« sens que l’on ne peut point se changer à soi-même la cause et
« le principe de sa possession.
« A r t . 2211. On peut prescrire contre son l i t r e , en ce sens
« que l’on prescrit la libération de l’obligation que Ion a con« traclée. »
Des textes si clairs n’ont besoin d ’aucun commentaire. Il est
bon cependant de f’.iire rem arquer, sur ce dernier arlicle, que la
�—
14
—
prescription de libération ne porte point sur le titre même que la
coutume d’A uvergne, appelé chef-cens, mais sur l’obligation qui
résulte du titre., sur le cens ou redevance. Dans la coutum e
d'Auvergne, l ’emphytéote ne pouvait être condamné à payer plus
de trois ans d ’arrérages. C’est tout ce que nous réclamons au
jo u rd ’hui.
CON CLU SIONS.
plaise au tribunal condamner le sieur Baduel
ou ses héritiers et ayant-cause à payer à la requérante trois années des arrérages de la rente consentie par le bail emphytéotique du 6ejo u r du mois de mars de l’an 1755, laquelle consiste,
par chaque an : 1° en 29 quintaux de fromage, tant d ’été que
d’autom ne, pesés au poids de la ville d ’Aurillac; 2° 45 setiers
blé-seigle, mesure du m ur de Barrés ; 3° un quintal de beurre;
4° un cochon gras payable à descente de montagne, ou 30 livres
p o u r prix d ’icelui; 5° un veau gras;
deux paires chapons;
7° vingt aunes de toile femelle ;
« Et à servir à l’avenir ladite r e n te , année par a n n é e , soit aux
époques fixées par le bail em phytéotique, soit à telles autr es
époques qui seraient fixées par le jugement ou consenties par
les défendeurs , si mieux n ’aiment le sieur Baduel et ses ayantcause racheter la rente ou bien déguerpir. »
« P ar c e s m o t i f s ,
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
C’EST JUSTICE!..
A PAILLET BOLE Avocats à la Cour royale de Paris.
RAMPON , avoué.
-
.... .
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�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Cassagne de Beaufort de Miramon, Marie-Charlotte. 1837?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
A. Paillet
Bole
Rampon
Subject
The topic of the resource
bail emphytéotique
domaines seigneuriaux
cens
retranscription de bail
biens nationaux
émigrés
droit de propriété
abolition des privilèges
droits féodaux
coutume d'Auvergne
prescription
absence
poids et mesures
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour madame Marie-Charlotte de Cassagne de Beaufort De Miramon, veuve de M. le marquis François-Félix Duplessis-Chatillon, en sa qualité d'héritière bénéficiaire de M. le marquis de Miramon, son père, Demanderesse ; contre M. Pierre Baduel, ou ses héritiers et ayant-cause, comme détenteurs du domaine de Lollière, appartenant à la succession bénéficiaire dudit marquis de Miramon, défenseurs.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Bail emphytéotique. v. emphytéote.
2. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? Les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? Féodalité : 1. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? les Baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayans cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéote ?
en d’autres termes les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayant cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens soumis à l’emphytéose ? Reconnaissance.
4. plusieurs reconnaissances notariées peuvent-elles dispenser le demandeur de représenter le Bail emphytéotique primitif ?
3. les baux emphytéotiques ont-ils été détruits ou intervertis, à l’égard du bailleur originaire, par les lois des 18-29 décembre 1790 et 11 brumaire an 7 et par les dispositions du code civil ? voir les faits spéciaux. ibid.
en tout cas quel caractère doit avoir la notification faite aux représentants du bailleur originaire, pour opérer l’interversion ?
la prescription a-t-elle couru valablement, en faveur du possesseur, dès la notification (1793) si l’on considère que, d’après la législation, la rente quel que soit sa nature, foncière ou féodale, aurait été déclarée rachetable ? prescription.
24. en Auvergne, les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers, ou ayans-cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéose ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Maulde et Renou, imprimeurs (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1837
1651-1837
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2813
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2814
BCU_Factums_G2815
BCU_Factums_G2816
BCU_Factums_G2817
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53569/BCU_Factums_G2813.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vic-sur-Cère (15258)
Saint-Clément (15180)
Lollière (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abolition des privilèges
absence
bail
Bail emphytéotique
biens nationaux
cens
coutume d'Auvergne
domaines seigneuriaux
droit de propriété
droits féodaux
émigrés
poids et mesures
prescription
retranscription de bail
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53570/BCU_Factums_G2814.pdf
c3f08c7e6499bfb2f8d03d918a5c80c4
PDF Text
Text
MEMOIRE
ET C O N S U L T A T I O N
P OUR
M. le Marquis D U P L E S S I S - C H A T I L L O N ;
CONTRE
Les
détenteurs
L O L L IÈ R E ,
de ses
domaines
LA CROUX ,
de
LA
RO U SSIÈRE ,
L A FAGE ,
situés
dans
la paroisse de S a in t-C lém en t, en Auvergne.
-------—
——
\
,
«
L E C O N S E I L S O U S S I G N E , q u i a lu q u a tr e r e c o n n a i s s a n c e s n o
tariées de b a u x e m p h y t é o t i q u e s , p u b li é e s d a n s les p iè c e s j u s t i f i c a
tives c i - jo i n t e s , 1" p a rtie , n “‘ 1, 2 , 3 et 4 ; et q u i a e n t e n d u M. le
m a r q u i s D u p le s s is - C h â tillo n d an s sa c o n s u lt a t i o n v e rb a le ;
C O N S U L T É su r les q u e s tio n s de s a v o i r : 1° Si le s su s d ites re
c o n n a i s s a n c e s n o ta r ié e s p e u v e n t d is p e n se r d e r e p r é s e n t e r le titre
p r im o r d ia l des b a u x e m p h y t é o t i q u e s a u x q u e l s elles se r é fè r e n t ; —
2* S i c e titre est p r e s c r i p t i b l e ; — 3 ° S ’il est fr a p p é d e n u llit é c o m m e
féo d al ; —
4° S ’il est d é tr u it o u in te r v e r ti p a r les lois n o u v e l l e s ;
E S T I M E q u ’il y a l i e u de r é s o u d r e a f f i r m a t i v e m e n t la p r e m iè r e
q u e s tio n , et n é g a t i v e m e n t les trois au tres.
«
A i n s i , n o u s p e n s o n s q u e les r e c o n n a i s s a n c e s d is p e n s e n t d u titre
p rim o r d ia l ;
Q u e ce titre n ’est p o in t p r e s c r i p t i b l e ,
N ’est p o in t f é o d a l ,
N ’est p o in t d é tr u it o u in terverti p a r les lois n o u v e lle s.
N o u s a llo n s tra ite r s u c c e s s i v e m e n t ces q u a tr e q u e s tio n s .
�i-
2
PREM IÈRE Q U ESTIO N .
r
Q u elle est la valeur actuelle des quatre l'cconnaissanccs notariées des
bau x em phytéotiques de la R o u ssiè re , la F â g e , L olliere et la C r o u x ,
dom aines situés dans la paroisse de S a in t-C lé m e n t, en A u v er g n e ?
— ■P eu v e n t-e lle s dispenser le consultant de représenter le b a il p r i
m itif?
D ’a p rè s l ’a rticle 1 357
C o d e c i v i l , « les actes r é c o g n it ifs n e d is
p e n s e n t p o i n t de la r e p r é s e n t a t io n d u titre p r i m o r d i a l , à m o in s q u e
»sa t e n e u r
n 'y
soit s p é c i a l e m e n t r e la t é e . N é a n m o i n s , s ’il y a va it
» p lu sie u rs r e c o n n a i s s a n c e s c o n f o r m e s , s o u t e n u e s de la p o ssessio n ,
«et d o n t l ’u n e e u t tr e n t e a n s de d a t e , le
créancier p ou rrait
être
» d i s p e n s é de r e p r é s e n t e r le titre p r i m o r d i a l. »
D a n s n o tre e s p è c e , o n n e p r o d u i t q u ’u n e se u le r e c o n n a i s s a n c e
p o u r c h a q u e b a il e m p h y t é o t i q u e ; elle e s t , il est v r a i , fort a n c i e n n e .
S e lo n D u m o u l i n , § 8 , g l . , n* 9 0 , c e tte c i r c o n s t a n c e d ’u n e g r a n d e
a n c i e n n e t é , si elle e s t s o u t e n u e de la p o s s e s s i o n , p e u t é q u i p o ll e r
au titre p r i m o r d i a l , et d is p e n s e r le c r é a n c i e r de le ra p p o r te r, P o t h i e r r e p r o d u it c e t t e o p in io n d a n s so n n° 7 7 7 d u T r a ité des O b lig a
tions. O n sait q u e t o u t e s le s d is p o sitio n s d u C o d e c i v i l , s u r
cette
m a t i è r e c o m m e su r b i e n d ’a u t r e s , o n t été co p iées p r e s q u e littérale
m e n t de Potlu'er , ce q u i d o n n e b e a u c o u p d e p o i d s à so n o p in io n
pour
les q u e s tio n s q u e le C o d e 11’a p a s s p é c i a l e m e n t p r é v u e s , et
q u i p e u v e n t ê tre c o n s id é r é e s c o m m e u n e c o n s é q u e n c e d es a n c i e n s
p r in c ip e s .
M ais il est u n e c i r c o n s t a n c e d é c is iv e q u i d o n n e
a ux reco n n ais
s a n c e s p r o d u i t e s p a r le c o n s u lt a n t t o u te la fo rce d u titre p r i m o r d i a l :
c ’est le c o n t e n u
de ce s a c t e s , q u i p r é s e n t e n t u n é ta t d e s c r i p t i f des
lie u x d o n n é s à b a il e m p h y t é o t i q u e , et q u i r e la t e n t s p é c i a l e m e n t l ’ob_
je t et les c o n d i t i o n s d u c o n t r a t . L e c o n s u lt a n t est d o n c b ie n d an s
l ’e x c e p t i o n p r é v u e p a r l ’a rtic le 1 5 3 7 . l i n e l l e t , q u e fa u t - i l e n te n d r e
�o
p a r ces m o ts : a moins que sa teneur n ’y soit spécialem ent r e la té e? L a
loi n ’a pas v o u lu dire q u e l ’a c te r é c o g n i t i f d e v a it r e p r o d u ir e la co p ie
littérale et au l o n g d u titre m ê m e ou d e ses d is p o sitio n s . R é f é r e r lu
t e n e u r d ’u n titre , ce n ’est pas le c o p i e r , ce n ’est pas n o n p lu s se
b o r n e r à l’i n d ic a tio n du titre : c ’est e n dire le c o n t e n u , e n p r é s e n
ter l ’a n a ly s e . L e s r e c o n n a i s s a n c e s p r o d u ite s r e m p lis s e n t la r g e m e n t
c e tte c o n d i t i o n , c a r les d é ta ils q u ’elle s d o n n e n t de l ’o b je t e t des
c o n d itio n s d u c o n t r a t y so n t é n u m é r é s d ’u n e m a n i è r e si m i n u t i e u s e ,
q u ’i l e s t p r o b a b le q u e le titre p r im o r d ia l
y est r e p r o d u i t , c o m m e
l ’e x ig e n t les c a n o n is te s et D u m o u l i n : ad longum tenor....... enarralo
toto tenore.
N o u s n ’h é s it o n s pas à d é c id e r q u e ces r e c o n n a i s s a n c e s d is p e n s e n t
le c o n s u lt a n t
de r e p r é s e n te r le titre p r i m o r d i a l , s ’il est p e r d u , et
q u ’elles fo n t p reu ve, e n ce cas , de t o u t ce q u e l l e s c o n t i e n n e n t . « L e
« C o d e , d i t M . T o u l l i e r . t o m e 8, p. 6 84 , n ° /| 85 , n ’e x ig e m ê m e pas
• q u e l ’acte r é c o g n it i f soit a n c i e n ; il ne p o u v a it l ’e x ig e r san s t o m b e r
» d a n s u n e c o n t r a d i c t io n m a n i fe s te a v ec l ’article i 555 , n. 1 , q u i
» d o n n e à la co p ie tirée e n p r é s e n c e d u d é b i t e u r , p a r le d é p o sitaire
»de la m i n u t e , la m ê m e foi q u ’à l ’o r i g i n a l , s ’il est p erd u , q u o iq u e
• la co p ie n e soit pas a n c i e n n e .
» A p lu s forte r a i s o n , 011 ne p o u r r a it r e fu se r à l ’acte r é c o g n it i f, qui
» est 1111 vé rita b le o r i g i n a l , la fo r ce de su p p lé e r le titre p r im o r d ia l
kq u ’u n e
La
s im p le co p ie p e u t s u p p lé e r . »
co u tu m e
d ’A u v e r g n e
p r o c la m a i t les m ê m e s ' p r i n c i p e s .
et
n ’était p a s m o in s fa v o r a b le ..
« L e s r e c o n n a i s s a n c e s , dit C h a b r o l , t o m e 2 , p. 70 2 et s u i v a n t e s ,
• les r e c o n n a is s a n c e s s u p p lé e n t au b a il à c e n s ; m a i s , c o m m e elles
» n e s o n t q u e des r a tific a tio n s , q u e l q u e s a u t e u r s o n t e x i g é q u ’il y en
» ait p lu s ie u rs , et au m o in s , s ’il 11’y en a q u ’ u n e se u le , q u e l l e soit
» a n c ie n n e ou q u ’elle en r a p p e lle u n e a u t r e , o u q u e l l e soit e n la v e u r
de l ’é g l i s e o u d u s e ig n e u r h a u t - j u s t i c i e r , o u , e n fin , qu elle soit s u i /tvie de p r e s t a t i o n s , o u a c c o m p a g n é e d ’a d m i i u c u l e s . »
C h a b r o l r ap p elle , e n t e r m i n a n t ce p a s s a g e , u n e s e n t e n c e de la
�sé n é c h a u s s é e d ’A u v e r g n e , c o n f ir m é e p a r a r r ê t , la q u e lle
avait j u g é
su ffisante u n e se u le r e c o n n a i s s a n c e de d e u x ce n ts a n s , sans p r e sta
tio n s , e n fa v e u r d e la d a m e m a r q u i s e de L a f a y e t t e .
Il
sera it
bon
q u e le c o n s u lt a n t p r o d u i s i t , à l ’a p p u i d es actes
r é c o g n it ifs d o n t il v e u t se p r é v a l o i r , u n e p reu v e de p o ssession ou
jo u i s s a n c e d e
ses
auteurs,
qui
d o it r é s u lte r des lièves et r e ç u s
q u i é ta ie n t en u s a g e d a n s la c o u t u m e d ’A u v e r g n e et a u tr e s c o u t u m e s ,
d e p u is la fin d u s e iz iè m e siècle. O n a p p elait ainsi u n e e s p è c e d e r é
p e r t o ir e , u n e t a b le im a g i n é e p o u r fa cilite r la p e r c e p t io n d e s c e n s .
C e t t e t a b le c o n t e n a i t le n o m de l 'h é r i t a g e , c e lu i d u c e n s i t a i r e , l ’o b
je t de
la r e d e v a n c e et le p a i e m e n t . S o u v e n t o n se c o n t e n ta it de
m e t tr e u n e c r o i x à c ô t é d e l ’a rticle p o u r p r e u v e des p a ie m e n t s . Q u e l
q u e fo is les fe r m ie rs se s e rv a ie n t d e s p r e m iè r e s lettres de l ’a lp h a b e t
p o u r i n d i q u e r q u ’ils a v a ie n t r e ç u les a n n é e s d e l e u r b a il. L a lettre A ,
m ise à c ô t é de l ’a r t i c l e , su p p o s a it le p a i e m e n t de la p r e m iè r e a n n é e ,
la lettre B
de la s e c o n d e , et ainsi d es au tres. ( C h a r r o i . , Coutume
d ’ A u v erg n e, t. 2, p. 684 et su iv a n te s . )
N o u s p a ss o n s à la s e c o n d e q u e s tio n p ro p o sée.
DEUXIÈME QUESTION.
IsCS b a u x emphytéotiques des quatre dom aines situés dans la paroisse de
S a in t-C lé m e n t, en A u v e r g n e , sont-ils p rescrip tib les? E n d ’ autres
term es, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers et ayants-cause
o n t-ils pu acquérir ou transm ettre pa r prescription la tonte-propriété
des biens soum is à Vem phytéose?
La
so lu tio n n é g a tiv e d e c e t t e q u e s tio n ne p e u t p a s . ê t r e d o u
teu se. 11 est «le règle q u e <r p o u r p o u v o ir p resc rire il fau t u n e pos» se ssio n c o n t i n u e et non i n t e r r o m p u e , ¿
t it re de propriétatiie .*
(C.
civ. 3 2 2 9 . )
De là , cette c o n s é q u e n c e é crite d a n s u n e fo u le d e lo i s , r e n o u v e l é e s
p a r l ’a rticle 2250 du C o d e c i v i l , q u e « c e u x qu i p o s s è d e n t pofh- ;m-
�»tru i n e p r e s c riv e n t j a m a i s , p a r q u e l q u e laps de t e m p s q u e ce soit.
»— A i n s i , le fe r m ie r , le d ép o sitaire , l ’u s u f r u i t i e r , e t to u s a u t r e s q u i
» d é t i e n n e n t p r é c a i r e m e n t la ch o se d u prop riétaire., ne p e u v e n t la
»prescrire.
» L ’a rtic le 22.57 a jo u te q u e «les h é r itie r s de c e u x qui
» t e n a i e n t la c h o s e à q u e l q u 'u n d es titres d é s ig n é s p a r l ’article p r é c é » d e n t , ne p e u v e n t n o n p lu s p resc rire. » U n te x te si cla ir n ’a b e s o in
d ’a u c u n c o m m e n t a i r e .
C e t t e d isp o sitio n d u C o d e civil e x ista it d a n s les lois 1, C . com. de
usucap. —
1 , C od .
in
quib. caus. 3 et d a n s la loi 2 , § i 3 f f .p r o •
herede. E lle s ’a p p liq u e à l ’e m p h y t é o t e , q u o i q u e le C o d e n ’en ait
p o in t r a p p e lé le n o m ; il est fra p p é de la m ê m e i n c a p a c i t é q u e le
fe r m ie r o rd in a ire : c e tte i n c a p a c i t é n e cesse p a s p a r l ’e x p ir a tio n d u
b a i l , p a r c e q u e la fe r m e est c e n s é e p r o r o g é e p a r t a c it e r e c o n d u c
tio n . L e s h é r itie r s s u c c é d a n t à la fe r m e s u c c è d e n t ù l ’i n c a p a c i t é de
l e u r a u t e u r . P a r arrêt d u 21
août 1 7 3 4 ,
le
G ra n d -C o n seil a jugé
q u ’ u n h é r ita g e d o n n é e n e m p h y t é o s e d ev a it r e t o u r n e r au b a i ll e u r ,
q u o iq u e d e p u is l ’e x p ir a t io n d u ba il il se fû t é c o u lé p lu s de q u a trev in g ts ans.
Q u a n d 011 a c o m m e n c é à p o s s é d e r p o u r a u t r u i , o n est t o u jo u r s
p r é s u m é p o s s é d e r a u m ê m e t i t r e , s ’il n ’y a p r e u v e du c o n t r a ir e . ( C .
c i v . , 2 2 J 1. ) O n n e p e u t p a s p rescrire c o n t r e so n titre, e n ce se n s q u e
l ’o n n e p e u t pas se c h a n g e r à s o i - m ê m e la c a u s e et le p r in c ip e de
sa p o ssession ( I d . , 2 2 4 0 ) : TSemo sibi potest m utare causant posscssionis—
P o u r d é tr u ire c e t t e p r é s o m p t io n , il fa u d r a it u n e in te r v e r
sion de t i t r e , c ’e s t- à - d ir e u n c h a n g e m e n t d a n s la q u a lité de la p o s
session.
T e l s so n t les p r in c ip e s d e d ro it c o m m u n , a n c ie n s e t n o u v e a u x .
M ais q u e lle é t a i t , en cette m atière, la loi sp éciale d ’A u v e r g n e ?
L 'a r t i c l e
2 1 8 d e la
c o u t u m e d ’A u v e r g n e c o n s a c r a it le p r in c ip e
g é n é r a l de la p r c s c r i p t i b i li t é p a r tre n te ans. M ais elle a d m e tta it des
droits i m p r e s c r i p t i b l e s ; et la fix a tio n faite p a r cette c o u t u m e des d if
fé r e n te s p r e s c rip tio n s à tre n te ans n e . s ’e n t e n d , dit C h a b r o l , t. 2,
pag.
G68,
q u e des d ro its p rescrip tibles, et n ’est relative q u ’a u x
�G
p r e sc rip tio n s lé g a le s
de d i x , de v i n g t a n s ,
de' tr e n t e et q u a ra n te
ans.
Q u e l s é t a ie n t les d ro its i m p r e s c r i p t i b l e s ? — L a j u r i s p r u d e n c e et
les a u t e u r s d o n t l ’a u to rité a v a it le p lu s d e p o i d s , d i s t i n g u a i e n t . l e
c h e f - c e n s , ou le c e n s e n t o t a l i t é , d u c e n s de q u o tité o u d es a rré
r ag es . Ils d is a ie n t q u e le c l i e f - c e n s éta it im p r e s c r ip tib le e n A u
v e r g n e , im p r e s c r i p t i b l e à to to , niais q u e les a rr é r a g e s é t a ie n t p r e s
cr ip tib les. O n cita it u n a rr ê t d u 4 m a r s 1 6 0 7 , r e n d u e n fa v e u r d u
■
s e ig n e u r de T h i e r s ( M .
de M o n tp e n s ie r ) , c o n t r e le n o m m é C h a -
b r i o t , q u i d é c l a r e i m p r e s c r ip tib le u n c e n s d û su r u n e v ig n e situ ée
d a n s le te r ro ir de T h i e r s , p a y s de c o u t u m e , q u o i q u ’il y
eût cent
a ns q u ' a u c u n e p r e s t a tio n n ’e û t été fa ite a u s e ig n e u r terrier.
T o u t le p a y s d ’A u v e r g n e n ’éta it pas r c g i p a r la m ê m e loi. U n e
p a rtie se g o u v e r n a i t e n t i è r e m e n t p a r le d ro it é c r i t , u n e
a u tr e p ar
l e d r o i t é c r i t e t p a r l a c o u t u m e ; u n e t r o is iè m e s ’éta it s o u m is e à la c o u
t u m e d u B o u r b o n n a is . L e s lo c a lité s d o n t il s’a git a u p r o c è s é ta ie n t
situ é e s d a n s la p a ro isse d e S a i n t - C l é m e n t , q u i o b é is s a it au droit
é c r i t , ain si q u ’o n p e u t vo ir d a n s l ’état d es lie u x p l a c é a u
cem en t du
com m en
p r e m ie r v o l u m e d u C o m m e n t a i r e de la c o u t u m e , pa r
C h a b r o l , p a g e 5 G.
D a n s le d e r n i e r é ta t d e la j u r i s p r u d e n c e , le c e n s o u c h e f - c e n s
a v a i t , a p rè s d es arrêts
c o n t r a i r e s , é té en fin r e c o n n u c o m m e i m
p r e sc rip tib le d a n s la p a rtie de d ro it é c r it d ’A u v e r g n e .
M ais l ’im p r e s c r ip tib ilité de la d ir e c te s e ig n e u r ie ou d o m a in e d i
rect d u
b a i ll e u r e m p h y t é o t i q u e n ’a va it j a m a i s é té m is e en d o u t e .
T o u s les a u t e u r s t ie n n e n t u n a n i m e m e n t q u e l ’e m p h y t é o t e n e [»eut
p a s p resc rire c o n t r e so n t i t r e , pas p l u s q u e le fe r m ie r o u le c r é a n
c ie r h y p o t h é c a i r e , m ê m e q u a n d il y a u r a it c e s s a tio n d e p a i e m e n t
p e n d a n t m ille a n n é e s , d it D u m o u l i n , à m o in s q u ’il n ’y a it eu in t e r
version de t i t r e , c o m m e q u a n d o n c h a n g e l ’é ta t et la q u a lité de la
p r e m iè re p o s s e s s io n , o ù q u e l ’e m p h y t é o t e , d é n i a n t le d o m a i n e d i
rect au b a i ll e u r e m p h y t é o t i q u e ,
le p r e n d p o u r l u i - m è m e e t c o m
m e n c e à p o ss é d e r de son c h e f : Q u u m d iü cnim possidet tn hac cam<)
�7
et in luic q u a litate, etiam per spatium m ille annorum nunquam prœscrib i t ,q u ia ...S i c u t in sim ili em p h iteu ta , colonus, creditor hypothecarius,
quam dià in illâ qu a litate possident, etiam si n ih il so lv a n t, nec a lite r reco g n o sea n t, nullo tempore p ræ serib u n t, nec unquam incipiunt prœscrib ere, n is i in d ie quâ , possessione p rio ri intei-versâ , cœperint pro suo
possidere ( C a r o l . M o lin e i O p é r a , t o m . I , p. 2 1 9 ).
N o u s n ’a v o n s p a s à n o u s o c c u p e r (le la d i s t i n c t i o n fa ite p a r la
c o u t u m e e n t r e l e c e n s d es b a u x o r d i n a i r e s , e t le c e n s des b a u x e m p l i y t h é o t i q u e s . L e s a rr é r a g e s d e s p r e m ie r s n e se p r e s c r i v a i e n t q u e
p a r t r e n t e ans. M a i s l ’e m p h y t é o t e n e p o u v a it ê tre c o n d a m n é à p a y e r
p lu s d e trois a n s d ’a rrérag es . « L a l o i , d it C h a b r o l , t. I I , p a g .
» a d é s ir é p r é v e n i r la g r a n d e m u l t i p l i c a t i o n
d e s a r r é r a g e s , d a n s la
» cra in te q u e l ’e m p l iy t é o t e n e fû t t r o p grevé. »
M ais t o u t e s ces r e n t e s n ’o n t -e lle s p a s été fr a p p é e s de n u llit é pa r
les lois des 25 a o û t 1 7 9 2 et 1 7 j u i l l e t 1 7 9 0 ?
N o n , c a r e lle s n ’o n t
a u c u n e c a u s e fé o d a le , c o m m e o n v a le voir.
TROISIÈM E QUESTION.
L e s rentes emphytéotiques d ’ A u v e r g n e ne sont nullem ent féodales.
L a loi des 25 -28 a o û t
d ’a b o r d , art.
1 7 9 2 , r ela tive a u x d ro its f é o d a u x , a tt e in t
1 " , t o u s les e ffe ts q u i p e u v e n t a v o ir é té p r o d u i t s par
la m a x i m e nulle terre sans seigneur.
M ais o n sait q u e la
co u tu m e
d ’A u v e r g n e r e c o n n a i s s a it , to u t au c o n t r a i r e , la m a x i m e n u l seigneur
sans tit r e , d ’où il su it q u ’il fa lla it u n titre p a r t i c u l ie r p o u r éta b lir
la d ir e c te . C e titre , t o u te p e r s o n n e n o b le o u n o n n o b le p o u v a it l ’a c
q u é r i r : ce q u i fait d ire q u e c e tte c o u t u m e éta it a llo d ia le , c ’es t-à -d ire ,
s e lo n 1 e x p lic a t io n de C u j a s , liv. 2 , des F ie f s , tit. 1 7 , f r a n c h e de t o u l
v a s s e la g e , de t o u te fé o d a lit é .
L a rticle 5 de la m ô m e l o i , e n a b o lis s a n t to u s les d ro its i é o d a u x
o u c e n s u e ls u tile s , t o u te s les r e d e v a n c e s s e ig n e u r ia le s a n n u e ll e s en
a r g e n t , g r a i n s , v o l a i l le s , e t c . , e x c e p te e x p r e s s é m e n t le c a s o ù ils
�seraient ju s tifié s avoir pour cause une concession p rim itive de fo n d s,
l o r s q u e cette c a u s e se trouvera clairem ent énoncée dans l'acte, prim or
d ia l d ’ inféodation, d'accenscm ent ou de b a il à cens.
L e s titres p r o d u its p a r le c o n s u lt a n t
sont é v id e m m e n t
d a n s le
cas de c e tte e x c e p tio n . Mais la loi d u 17 ju i l l e t 17 9 0 a s u p p r i m é ,
sans i n d e m n i t é , t o u te s les r e d e v a n c e s c i - d e v a n t s e ig n e u r ia le s , m ê m e
celles c o n s e r v é e s p a r le d é c r e t des 2 5 - 2 8 a o û t 1 7 9 2 .
A i n s i , la seule q u e s tio n à e x a m i n e r est c e lle d e sa v oir si les r e n
tes r é c l a m é e s p a r le c o n s u lt a n t so n t d es r e d e v a n c e s s e ig n e u r ia le s ,
si la d ir e c te se ig n e u r ie q u i s ’y tro u v e st ip u lé e p o u r le b a i l l e u r d oit
s ’e n te n d r e d a n s l ’a c c e p t i o n fé o d a le ou se p r e n d r e p o u r le
d o m a in e
d ir e ct d a n s l ’a c c e p t i o n o r d in a ir e d u d ro it é c r it e n g é n é r a l , et de la
c o u t u m e d ’A u v e r g n e en p a r t ic u lie r .
D u n o d , T r a ite des P r e s c r ip tio n s ,p a r t i e 5 , c lia p . 1 0 , n o u s a p p r e n d
q u e s o u v e n t , p a r u n e c o n f u s i o n de t e r m e s , o n a q u a lifié d e directe
le d rô it d ’ u n e r e d e v a n c e s tip u lé e p o u r c o n c e s s io n de f o n d s , le d ro it
q u e d o n n e l ’e m p h y t é o s e ; d ’o ù il fa u t c o n c l u r e q u e le m o i directe ne
d é s ig n e pas to u j o u r s u n d r o it ’ féod a l.
Il s ’agit u n i q u e m e n t d a n s les titres p r o d u its p a r le c o n s u lt a n t d ’un
bail à c e n s e m p h y t é o t i q u e , e t n o n d ’a u c u n b a il à c e n s s e ig n e u r ia l.
O n ne p e u t dire q u e le c e n s e m p h y t é o t i q u e p r e n d
la n a t u r e d u
ce n s s e ig n e u r ia l p a r c e la se u l q u ’il est d û à u n s e ig n e u r , c a r il est i n
co n t e s ta b le q u e d a n s les p a y s a ll o d i a u x la c o n c e s s io n p a r bail à re n te
p u r e m e n t f o n c iè r e é ta it p r é s u m é e p l u t ô t q u e la c o n c e s s io n p a r ba il
à c e n s se ig n e u r ia l. ( M e r l i n , Rëpert.
v° C e n s ,
§ 5,
pag. i 3 i , 3e
»'•dit. )
D ’a illeu rs , la C o u r de ca ss a tio n a ju g é , l e a ô v e n d é m ia i r e an i 3 ,
q u ’ u n e re n te ne p o u v a it pas être p r é s u m é e s e ig n e u r ia le p a rc e q u ’elle
était d u e à u n se ig n e u r . L e m ê m e a rr ê t d é c i d e a ussi q u ’a v a n t le C o d e
ci\il la loi n e d é fe n d a i t p a s de j u g e r q u ’u n e s e u le
r e c o n n a is s a n c e
suffit p o u r é t a b lir u n e re n te ( voir c e t arrêt d a n s Sin iiY , ô.» 1 ^ ->7 »
et d a n s les p iè c e s ju s tific a tives c i - j o i n t e s , a* p a r t ie , 11° 5 ).
V o u d r a it - o n a r g u m e n t e r co n t r e les p r é t e n t i o n s d u c o n s u lt a n t , d«
�9
ce q u e les a c te s d o n t il v e u t se p rév a lo ir r é se r v e n t au s e ig n e u r les
d ro its d e l o d s e t vente*, r é te n tio n p a r p r é l a t i o n , et a u tres d ro its de
d ir e c te s e ig n e u r i e , e n s e m b l e , t o u t e j u s t i c e b a u t e , m o y e n n e et b a s s e ,
les c e n s et r e d e v a n c e s c o n v e n u s , et les a u tr e s d ro its et d evoirs se i
g n e u ria u x ?
.
M ais-, d ’a b o r d , il a été j u g é p a r a rrêt d u p a r l e m e n t . d e P a r is , d u
5 fév rie r 1 7 8 6 , a u su je t d e la terre d e P o l i g n y , q u e d an s les p a y s
a ll o d i a u x où il n ’y a p o in t de statu t c o n t r a i r e , l ’a llo d ia lité est aussi
b i e n de d ro it p o u r les s e ig n e u r ie s d é c o r é e s de h a u t e , m o y e n n e et
b a ss e j u s t i c e , q u e p o u r les fo n d s p o ss éd é s e n r o tu re ( M e u l i n , /. c.,
p. 10 0 ).
Q u a n t a l a r é s e r v e 'd e la directe seig n eu rie, ces m o t s 11e d o iv e n t
ici é v i d e m m e n t s ’e n t e n d r e q u e du dom inium directum d es e m p h y t é o tes,
de la directe emphytéotique telle q u ’o n l ’e n t e n d d a n s les lois
r o m a i n e s , d a n s l ’é d i t d u m o is d ’a o û t 1 G 9 2 , et d a n s la d é c la r a tio n
d u 2 ja n vier 17 6 9 . E n ce s e n s , la d ir e c t e s e ig n e u r ie 11e t ie n t rien
de la féo d alité. C e tte i n t e r p r é ta t io n sort n a t u r e l l e m e n t de la c o m b i
n a iso n des a rticles 1 et 2 d u c h a p itr e 5 i de la c o u t u m e d ’A u v e r g n e ,
p u i s q u e , s u iv a n t l ’a rticle i e r , t o u s c e n s et r e n t e s d u s su r h é r ita g e s
certain s e m p o r t e n t directe seigneurie , et q u e l ’article 2 p o rte aussi
q u e q u i c o n q u e a c q u ie r t c e n s o u r e n t e s u r fo n d s a l l o d i a l , a c q u ie r t la
directe; q u e , de c e t t e id e n t ité d o n t se sert la c o u t u m e d a n s d e u x ar
ticles q u i se s u iv e n t , il fa u d r a it , p o u r i n t e r p r é te r le m o t directe d an s
le se n s f é o d a l , a ller j u s q u ’à dire q u e t o u t p a r t ic u lie r q u i a lié n a it
son fo n d s en A u v e r g n e , m o y e n n a n t u n e r e d e v a n c e .,c e n s o u r e n t e ,
se fa isa it u n f i e f , se fo r m a i t u n e v r a ie d ir e c t e fé o d a le : ce
q u i est
a b s u r d e , et c e q u e la c o u t u m e d ’A u v e r g n e n e su p p o s e n u lle paft.
( Voyez, l ’arrêt de la C o u r d e c a s s a t io n , d u 21 b r u m a i r e an 1 /j, d an s
M erlin , /. c. p. 1 0 7 ) .
L a d ir e c t e p u r e m e n t
e m p h y t é o t i q u e n ’a pas été c o m p ris e d an s
l’a b o litio n d u r é g i m e f é o d a l , et
le s r en tes r é c o g n it iv e s de c e t t e d i
re cte su b s iste n t e n c o r e a u j o u r d ’h u i d a n s t o u te l e u r é t e n d u e . C ’est
c c q u i a été j u g é p a r u n a rrêt de l a C o u r de c a s s a t io n , d u 26 plu viôse
a
�10
F
an 1 1 , q u ’o n p e u t v o ir d a n s S i r e y , 5 , i , 16 2 . O n y lit q u e la d irecte
qui tirait so n e x i s t e n c e d e c e t t e a n c i e n n e ma’x i m e : nulle terre sans
seig n eu r, es t la se u le q u e les lois a ie n t a b o li e ; q u e ce lle q u i d eva it
so n e x i s t e n c e à u n e c o n c e s s io n d e f o n d s su bsistera
t a n t q u e la loi
n ’ô te ra p a s au p r o p rié ta ir e le d ro it d e c o n f é r e r sa p r o p r ié t é m o y e n
n a n t u n e r e d e v a n c e q u e l c o n q u e , c ’e s t - à - d i r e q u ’elle e x istera t o u
jou rs.
Un avis d u C o n s e i l - d ’É t a t ( S. 8, 2, i 3 4 ) a a ss im ilé la c la u s e d e
p e r p é t u i té d es l o c a t e r i e s o u e m p h y t é o s e s p e r p é t u e lle s à la réserve de
la d irecte s e ig n e u r i e , et l ’a q u a lifié e de fé o d a le . M a is , o u t r e q u e c e t
avis a b i e n p e u d e p o id s d a n s u n e p a r e ille q u e s t i o n , la d ir e c t e sei
g n e u r ie n ’a y a n t rie n d e fé o d a l d a n s la c o u t u m e d ’A u v e r g n e , la f é o
d a lité n e p e u t p a s p l u s s e p r é s u m e r d a n s c e t t e c o u t u m e p o u r la c la u s e
d e p e r p é t u ité q u e p o u r d ’a u tr e s c la u s e s .
Q u a n t à la r éserv e d e s lo d s et v e n t e s , elle e s t e n c o r e a tt a c h é e à la
n a t u r e do l ’e m p l iy t é o s e , q u i e m p o r t e à c h a q u e m u t a t i o n u n d ro it
de l o d s , taudim ium .
L e s r e d e v a n c e s e m p h y t é o t i q u e s d o i v e n t d o n c c o n t i n u e r d ’é tr e ser
vies c o n f o r m é m e n t a u x titres q u i les c o n s t i t u e n t : c ’est ce q u e d é c i d e
f o r m e l l e m e n t u n d é c r e t im p é r i a l d u 25 n iv ù s e a n i ô , r a p p o r té d a n s
'
M e r lin , /. c ., p . 1 5 4 11 se ra it fa cile d e m u lt i p li e r les a u to rité s et les citations;. m a is n o u s
c r o y o n s i n u t i le d ’e n t r e r d a n s p l u s d e d éta ils s u r u n p o in t q u i ne n o u s
pa ra ît p o in t souffrir d e d ifficu lté.
11 est c e p e n d a n t u n e o b je c t io n g r a v e q u ’on p e u t tirer des term es
de 1 a cte d u î a n o v e m b r e 1 6 8 3 , le q u e l stip u le le d ro it de fa ire gu et et
gçirde au château de la Roque. C e t t e st ip u la t io n p o u r r a i t p a ra ître fé o
d a le , d ’a près les t e r m e s e x p r è s d e l ’a rtic le 10 d u titre 2 de la l o i d e s
i 5 - 2 8 m a r s 179 0. M ais 011 a vu q u e les s t i p u la t i o n s de lo d s et v e n te s ,
et a u tres q u e le s lois d é c l a r e n t fé o d a le s , n e l ’é t a ie n t p a s d a n s la c o u
t u m e d ’A u v e r g n e ; il en é t a i t d e m ê m e d u d r o it d é f a i r e g u e t et g a r d e.
C e n ’éta it
pas
d a n s cette
co u tu m e
u n e s e r v itu d e p e r s o n n e lle ;
m a is b i e n u n e s e rv itu d e r é e l l e , é t a b lie d a n s l ’in t é r ê t c o m m u n tan t
I
,
�n
•
d u s e i g n e u r q u e des p a y s a n s , q u i a v a ie n t le d ro it de se r é fu g i e r en .cas
d e péril é m i n e n t , a vec le u rs b i e n s , d a n s le c h â t e a u . C ’est de là q u e
v e n a i t le d ro it de g u e t et g a r d e , qui é ta it c o m m a n d é p a r l e u r p r o
pre i n t é r ê t , et q u i l e s o b li g e a i t
à. c o n t r ib u e r a vec
le s e ig n e u r à
c e r ta in e s r é p a r a t io n s d é t e r m i n é e s p a r l ’u s a g e . U n e p r e u v e q u e ce
d ro it n ’é ta it pas u n e s e rv itu d e p e r s o n n e l le é t a b lie en fa v e u r d u se i
g n e u r , c ’est q u e si le c h â t e a u était trop é l o i g n é o u tro p p etit et q u ’i l '
n e p û t c o n t e n i r les p a y s a n s a v e c le u rs b i e n s , ils n e d e v a i e n t p lu s ni
g u e t ni g a r d e , et a v a ie n t le d ro it d ’a lle r faire g u e t et g a r d e a illeu rs,
p r è s d ’u n c h â t e a u p lu s v o i s i n , o u q u i p û t a u b e s o i n les r e c e v o i r e u x
e t le u rs b ie n s . Il fa u t l i r e , s u r c e t t e q u e s t i o n , la P r a tiq u e de M a s u e r ,
é d itio n de P a r i s , 1 5 19 , fo l. 10 2 . N o u s n o u s b o r n e r o n s à
en rap
p o r t e r la t r a d u c t i o n fr a n ç a is e , p a r A n t o i n e F o n t a n o n , 3' é d itio n ,
P a r i s , 1 58 1. A u t i t r e 8 , des ta ille s , c o lle ctes, g u e ts , e tc ., p a g . 553 ,
§ § i 4 et i 5 , o n lit ce q u i s u it :
« § 14. L e s e ig n e u r a y a n t u n c lia s te a u ou f o r t , p e u t , e n t e m p s de
» g u e r r e , c o n t r a i n d r e les h a b i t a n t s de sa j u r i d i c t i o n à faire le g u e t ,
>>çt c o n s é q u e m m e n t les r é p a r a t io n s e n so n c l i a s t e a u . T o u t e s f o i s , il
» fa u t c o n s id é r e r si le c lia s te a u est a ssez fo rt en g r a n d e u r et fo r te » resse p o u r la d é fe n s e d e s d ic ts h a b i t a n t s et de leurâ b i e n s , et si les» d i c t s h a b i t a n t s p e u v e n t a v o ir a c c è s a u d i c t c l i a s t e a u , en p éril éin i» n e n t : c a r s’il y a vait l o n g u e d i s t a n c e , de f a ç o n q u e l ’a c c è s l e u r
»soit q u a s i i m p o s s i b l e , ils d o iv e n t a vo ir r e c o u r s au p lu s p r o c h a i n
• c l i a s t e a u , et e n ic e l u i faire le g u e t et r é p a r a t i o n s . . . . T o u t e s f o i s , le
» s e ig n e u r est t e n u de c o n t r i b u e r , p a r c e q u e c e la r e d o n d c p r in c i» p a i e m e n t à so n u tilité .
» § 1 5 . Q u a n t a u x fo r a in s se Retirant avec le u rs b ie n s e n q u e lq u e
»ville m u r é e et g a r n ie de fo s s e / , ils s o n t te n u s à la r é fe c tio n et
p r é p a ra t io n d ’i c e u x , se lo n la fa c u lté d es b ie n s q u ’ils y o n t
m is,
» e n c o r e q u ils a ie n t d es m a i s o n s l o u é e s , p o u r c e q u e cela v ie n t
au
» profit et u tilité d ’u n c h a c u n . E t e n o u t r e , y fa is a n t l e u r d e m e u r e et
« r é s id e n c e en cas de p éril é m i n e n t , p e u v e n t être c o n t r a in ts de faire
»le g u e t et a s s is t e r a la g a r d e des p o r t e s , p r i n c i p a le m e n t s ’ils ne le
�'
•- K
'
¿2
» fa isa ien t e n a u tre lieu. A u t r e c h o s e serait des r é p a r a t io n s des c h e » m in s et d es p o n t s , c a r le u rs lo c a t e u r s s o n t t e n u s à c e l a , c ’est-à»dirc les p r o p r i é t a i r e s des m a is o n s q u ’ils t ie n n e n t à lo u a g e . A u s s i
» u n fo r a in n ’est t e n u d e p a y e r l a taille r o y a l e , p o u r c e q u ’elle doit
» s ’im p o s e r a u x p e r s o n n e s en r a is o n des b ie n s. >•
N ’est-il p a s é v i d e n t , d ’après c e l a n g a g e , q u e d a n s la c o u t u m e
d ’A u v e r g n e la se rv itu d e de g u e t et g ard e n ’était p a s d u e à la p e r s o n n e , m a is à la c h o s e : ce q u i n e p e u t c o n s t i t u e r u n e s e rv itu d e fé o d a le ?
L e c a r a c t è r e des se rv itu d e s fé o d a le s est d ’etre p u r e m e n t p e r s o n n e l le s
et de c o n t r a i n d r e u n e p e r s o n n e au service d ’ u ne a utre p e r s o n n e . M ais
l o r s q u e l ’o b lig a tio n a p o u r o b je t l ’e n t r e t i e n o u la r é p a ra t io n d ’u n
b i e n c o m m u n , t a n t d a n s l ’in t é r ê t de l ’o b lig é q u e d u c o -tr ^ ita n t, o ù
p e u t être la féo d alité ? O r , les c h â t e a u x , en A u v e r g n e , é t a ie n t , c o m m e
on v ie n t de v o i r , l ’asile fo r c é des p o p u la t io n s cir c o n v o is in e s ; elles
p o u v a i e n t s ’y r e tir e r , s ’y lo g e r a v e c le u rs fa m ille s , d a n s des cas p r é
vus. C e d ro it n ’a c e r t a i n e m e n t rie n de féo d a l.
O n p e u t e n c o r e lir e , su r c ette q u e s tio n , le C o m m e n t a i r e de C h a
b r o l , s u r l ’art. 455 de la c o u t u m e d ’A u v e r g n e .
« L e g u e t , d it- il,
» p a g e 4 4 9 » t o m e 3 , est u n e e s p è c e d e c o r v é e é ta b lie p o u r l ’utilité
» c o m m u n e d es j u s t ic ia b le s et d u s e ig n e u r . C e d ro it a pris sa n a issan ce
» d a n s ces t e m p s m a l h e u r e u x o ù n u l n ’éta it e n sû reté c h e z soi ; tel
» q u i s ’éta it c o u c h é lib re se tr o u v a it es cla v e à so n réveil : ses effets
» é t a ie n t pillés j sa f e m m e et ses filles vio lées ; la fo rce et la vio len ce
» d é c i d a i e n t . L e s s e ig n e u r s lé s p lu s p u iss a n ts se fo r t i fi c r c n t d a n s leurs
» c h â t e a u x ; le u rs su je ts ét e m p h y t é o t e s s ’y retir a ie n t avec le u rs e f« fets, quand
i l s 'é t a i e n t m e n a c é s de q u e l q u e i n v a s i o n ; p o u r a c -
» q u é r ir ce d r o it, ils s ’ass u jettis sa ien t à g a r d e r le c h â t e a u et à e n tr e
t e n i r les fo r tifica tio n s; les voisin s s ’y s o u m e t t a i e n t aussi l o r s q u ’il
» n ’y avait p o in t de c h â t e a u - f o r t d a n s le lieu où ils h a b ita ie n t . » C es
pa ro les p r o u v e n t b ie n q u e le g u e t , e n A u v e r g n e , était é ta b li d an s l ’in
térêt c o m m u n d u s e ig n e u r et d es ju s tic ia b les .
N o s p r in c ip e s s o n t c o n s a c re s p a r un arrêt de la C o u r de c a ss a tio n ,
du 3 juin
i 8 3 5 , rap p o rté p a r Si r e y ,
tom e
35 , p r e m iè r e pa rtit1,
�13
p a g . 024 et su iva n tes. N o u s l ’a vo ns c ité t e x t u e l l e m e n t en e n t i e r ,
a u x p iè c e s ju s tific a tiv e s , 2 ' p a rtie , n° 6.
.
,-
V o y o n s m a i n t e n a n t si les a n c ie n s titres., i n v o q u é s p a r le Consul
t a n t , n ’o n t p a s été d é tr u its o u intervertis p a r le s lois n o u v e lle s.
QUATRIÈME Q U ESTIO N .
Les b a u x dont il s ’ a g it n ’ ont été d étruits ou intervertis, à l ’ég a rd du
bailleur o rig in a ire , n i p a r les lois des 18-29 décem bre 17 9 0 et 11 bru
m aire an 7 , ni pa r les dispositions d u C o d e civil.
L a p r e m iè r e de c e s lois, c e lle des 18-29 d é c e m b r e 1 7 9 0 , q u i dé
cla re r a c h e t a b l e s t o u t e s les r e n t e s fo n c iè r e s p e r p é t u e l l e s , soit e n
n a t u r e , soit en a r g e n t, de q u e l q u e e s p è c e q u ’elles so ie n t, et q u e lle
q u e soit l e u r o r ig in e {tit. t , art. 1 . ) , n e c h a n g e a it r ie n à l e u r n a
tu re i m m o b i l i è r e , ni à la loi q u i les rég is sa it (tit. 5 , art. 5 ) ; e lle
11e d é r o g e a it e n rie n a u x droits,- p r iv ilè g e s et a ctio n s q u i ' a p p a rte
n a ie n t c i - d e v a n t a u x b a i ll e u r s de f o n d s , soit c o n t r e les p r e n e u r s p e r
s o n n e l le m e n t , soit s u r les fo n d s b a illé s ;’i r e n t e (art. 1 , même titre).
E lle fixait le m o d e et le t a u x d u r a c h a t . T o u t r e d e v a b le q u i v o u
la it r a c h e t e r la r e n t e o u r e d e v a n c e f o n c iè r e d o n t so n fo n d s éta it
g r e v é , é ta it t e n u de r e m b o u r s e r , a v e c le ca p ita l d u r a c h a t , t o u s les
a rr é r a g e s q u i se tr o u v a ie n t d u s , t a n t p o u r les a n n é e s a n t é r ie u r e s , q u e
p o u r l ’a n n é e c o u r a n t e , au p r o r a ta d u t e m p s q u i s éta it é c o u lé d e
puis la d e r n i è r e é c h é a n c e j u s q u ’au jo u r d u r a c h a t (tit. 5 , art. i/j).
C e t t e f a c u l t é de r a c h a t , é ta n t a u j o u r d ’h u i de d ro it c o m m u n , n ’est
p l u s p r e s c rip tib le c o m m e elle l ’éta it autrefo is. M ais tou t l ’e fT e td e c e
p r i n c i p e de la loi n o u v e lle est d ’a c c o r d e r a u x d é b ite u r s des rentes
f o n c i è r e s , u n d ro it q u ’ils n ’a v a ie n t p a s a n t é r ie u r e m e n t . C e d ro it
n ’est pas u n e o b li g a t i o n , et le d é b i t e u r de la r e n t e est to u jo u r s p a r
fa i te m e n t lib re de la r a c h e t e r a u x c o n d i t i o n s v o u lu e s pa r la l o i , o u
de c o n t i n u e r de la s e r v i r , s o u s p e in e de d é g u e r p i s s e m e n t , fa u te d e
p a i e m e n t de la r e d e v a n c e .
�A près la loi d u 18 d é c e m b r e 1 7 9 0 , est v ç n u c la loi d u 11 b r u
m a ir e an 7 , su r le r é g i m e h y p o t h é c a i r e , q u i porte', art* 7 , q u e les rentes
constituées3 les rentes foncières3 et tes autres prestations que la loi a dé
clarées raclietables, ne pourront plu s à l'a v en ir être frappées d ’hypo
thèques. C e t a rticle est u n g r a n d p a s vers la m o b ili s a t io n des r en tes ;
m a is c ette m o b ili s a t io n n e r é su lte n é c e s s a ir e m e n t ni d e ce q u e les
r e n te s so n t d é c la r é e s r a c li e t a b le s , ni de c e q u ’elle s n e p e u v e n t p lu s
être fr a p p é e s d ’h y p o t h è q u e s .
E lle n ’a été p a rfa ite q u e p a r les lois p o s t é r ie u r e s . 'V o y ez les c o n
sid éran ts d ’u n arrêt de la C o u r d e c a s s a t i o n , c h a m b r e s r é u n i e s ,
d u 2 7 n o v e m b r e i 855 . (S. 55- 1 , 900. — D . 56 , 1, 4 i - )
D ’a i l l e u r s , d a n s a u c u n c a s , o n n é p o u r r a i t o p p o s e r au c o n s u l
t a n t la loi d u 11 b r u m a i r e a n 7 , p u i s q u e t o u s les titres q u ’il p r o
d u it à l ’a p p u i de ses p r é t e n t i o n s o n t é té cr é é s a v a n t c e t t e loi.
L e s art. 5 29 et 55 o d u C o d e civil s o n t les p r e m i è r e s ' l o i s - q u i
a ie n t r é e l le m e n t c h a n g é la n a t u r e d e s r e n t e s , les p r e m iè r e s q u i les
a ie n t r e n d u e s e n t i è r e m e n t m e u b l e s . « D a n s l ’a n c i e n n e j u r i s p r u d e n c e ,
» d i t M . T o u l l i e r , t o m e 5 , n° 55 2 , p a g . 2 2 1 , elles ( le s r e n t e s ) é t a i e n t
»des d ro its r é e l s , d es d é li b a t i o n s de la p r o p r i é t é ; et c o m m e p e r » s o n n e n e p e u t être fo r c é d e v e n d re son b i e n , il éta it de l e u r e s se n ce
» d e n ’être p a s r a c l i e t a b l e s , t e l le m e n t q u e si la fa c u lté de les r a c h e
t e r é ta it s tip u lé e d a n s le c o n t r a t de bail à r e n t e , c e tte fa c u lté se
» p r e sc riv a it p a r tr e n t e ans.
» M ais le C o d e les d é c la r e m e u b l e s et e s s e n ti e lle m e n t r a c h e t ù b l e s .
»sa n s q u ’o n p u iss e s t ip u le r le co n t r a ir e (art. 5 2 9 c t 55 o ). Il e n r é » su ite q u e l l e s ne s o n t p lu s d es d ro its r é e l s , et q u ’elles n ’a ffe c te n t
» p lu s le fo n d s q u e p a r h y p o t h è q u e o u p rivilè ge. L ’o b lig a tio n de les
• p u r g e r n 'est d o n c p lu s p u r e m e n t r éelle d a n s la p e r s o n n e d u p r e » n e u r ou d e ses h é r itie r s , q u i ne p e u v e n t p l u s se lib é re r a u t r e m e n t
» q u e p a r le r a c h a t .......
•
M ais à l ’é g a r d d es r e n te s fo n c iè r e s cr é é e s a n t é r ie u r e m e n t à la
’ p r o m u lg a t io n du C o d e , q u o iq u e a u j o u r d ’h u i m e u b l e s et r a c h e t a » )>les, le d é b i t e u r o u ses h éritiers p e u v e n t e n c o r e s ’en lib ére r p a t le
�15
» .d ég u erp isse m e n t o u a b a n d o n d e fo n d s , p a r c e q u e les d is p o sitio n s d u
» C o d e n e p e u v e n t a v o ir d ’effet ré tro a c tif. »
C e t t e d is tin c tio n est fort im p o r t a n te d a n s l ’e s p è c e p r o p o s é e . Si l ’o n n e p e u t faire r é t r o a g ir les d is p o sitio n s d u C o d e civil p o u r res
t re in d r e les d ro its d u p r e n e u r o u de ses h é r itie r s , o n ne le p e u t p a s
d a v a n ta g e p o u r r e str e in d re les droits q u e lé s lois a n c i e n n e s d o n
n a ie n t au b a ille u r . Il fa u t r e sp e cte r t o u s es d ro its a c q u i s , so u s p e in e
d e v io le r la g r a n d e et sa lu ta ire m a x i m e q u e les lois ne disposent que
pour l ’avenir.
D e là n o u s c o n c l u o n s q u e le b a i lle u r e m p h y t é o t i q u e o u ses h é
r it ie r s , p r o p rié ta ir e s de r e n te s f o n c iè r e s c r é é e s a v a n t la p r o m u l g a
tion d u C o d e civil, o n t t o u j o u r s l 'a c t i o n e n d é g u e r p i s s e m e n t , fa u te
de p a i e m e n t de la r e d e v a n c e , et q u ’a u c u n e p r e s c r ip t io n n e d o it leu r
être o p p o sée à c e t é g a r d , p a r c e q u e le p r e n e u r n i ses h é r itie r s n e
p e u v e n t p r e s c rir e c o n tr e le u r s titres.
'
J u s q u e là ces p r in c ip e s n e n o u s p a r a i s s e n t p a s 'd e v o i r être c o n . t e s t é s ; m a i s le c o n s u lt a n t n e dit pas d e p u i s q u e lle é p o q u e les r en tes
e m p h y t é o t i q u e s d o n t il s ’a g it o n t cessé d ’être p a y é e s , ni s ’il y a d e s
t ie rs-a cq u éreu rs.
N o u s p e n s o n s q u e s ’il n ’y a p o i n t de m u t a t i o n , ni d 'in te r v e rs io n
d e t i t r e , ni d é n é g a t i o n lé g a le d e l à r e d e v a n c e , la ces sa tio n de p a i e
m e n t d es r e n t e s e m p h y t é o t i q u e s n e s a u r a it suffire p o u r la p r e s c r ip
t io n , q u e lle q u e p û t être sa d u r é e , p a r c e q u e la p r e s c rip tio n d o it avoir
u n p o in t de d é p a r t a u tre q u e le titre d e la r e d e v a n c e . S ’il en éta it
a u t r e m e n t , o n p r e s c rir a it c o n t r e so n t i t r e , o n v io le ra it c e c é lè b r e
a x i o m e q u i, d e p u is d es s iè c le s , f o r m e la règle de n o s t r i b u n a u x : ad
prim ordiurn titu li om nis form atur eventus.
S ’il y a d es l i e r s - a c q u é r e u r s , il fa u t d is t in g u e r s ’ils o n t a c h e t é
a v a n t o u après la p r o m u l g a t i o n d u C o d e civil.
S ’ils o n t a c h e t é a v a n t la p r o m u l g a t io n d u C o d e c i v i l , il fa u t e n
co re d i s t i n g u e r s ils o n t fait o u n o n la sig n ifica tio n d u t r a n s p o rt au
b a ille u r o rig in a ir e . C e n ’est q u e d a n s l ’h y p o t h è s e de cette s i g n i fi c a -
�tion q u ’ils se s o n t d o n n é u n titre p r o p re , u n titre n o u v e l q u i p e u t
o p é r e r la p r e s c rip tio n , p a r c e q u e c e l t e s ig n ific a tio n p e u t être c o n
sid érée c o m m e u n e d é n é g a t i o n du d o m a i n e d ir e c t au b a ille u r e m
p h y t é o t i q u e , c o m m e u n e c o n t r a d i c t io n de so n titre : ce q u i suffisait
a u t r e f o i s , 'e t suffit e n c o r e , p o u r o p é r e r u n e in t e r v e r s io n de titre. —
V o y e z U u p e r r i e r j Q uestion s n o ta b les, liv. 2 , c h a p . 7 ; — M erlin.,
v° P re s cr ip tio n s, 5e é d i t i o n , p a g e 477 > et le C o d e c i v i l , art. 2208 .
S ’il n ’y a p o i n t eu de s ig n ific a tio n de t r a n s p o r t , ils 11e s o n t en
q u e l q u e sorte q u e de s im p le s m a n d a t a i r e s de l e u r v e n d e u r , q u i n ’a
p u l e u r c o n f é r e r q u e les d ro its q u ’il a va it l u i - m ê m e . L e v e n d e u r l e u r
a t ra n s m is les b i e n s a vec t o u te s les c h a r g e s d o n t ils é t a ie n t grevés ,
e t il n e p o u v a it p a s en être a u t r e m e n t , ca r les a c q u é r e u r s é ta ie n t
t e n u s de p u r g e r , p o u r se g a r a n t i r d e to u te s p o u r s u i t e s , et p a r c o n
s é q u e n t te n u s de r e m b o u r s e r le c a p ita l de la r en te. ( A r r ê t de la C o u r
de ¡Nîmes, d u 20 fr im a ir e an i 4 - — S. 6 , 2-82. ) S ’ils ne l ’o n t p o in t
f a i t , ils n e s o n t p o i n t v a l a b l e m e n t saisis à l ’é g a r d d u b a ille u r e m
p h y t é o t i q u e , et ils n ’o n t p u c o m m e n c e r a u c u n e p r e s c r ip t io n c o n t r e
lu i, p a r c e q u ’ils n ’o n t p o in t e t q u ’ils n e p e u v e n t i n v o q u e r c e t t e sorte
d ’in t e r v e r s io n de titre q u i r é s u lte r a it de la sig n ific a tio n d u t r a n s
p o rt au vrai p r o p rié ta ir e . A i n s i , les
tie rs -d é te n te u r s n ’o n t a cq u is
d ’a u tr e s d ro its q u e c e u x d es p r e n e u r s o r i g in a ir e s ; ils s o n t à leu rs
lieu et p l a c e , et la v e n te est c o m m e n o n a v e n u e à l ’é g a r d d u b a i l
le u r e m p h y t é o t i q u e . E lle n ’a d ’effet p o u r l ’a c h e t e u r q u ’à l ’é g a r d du
v e n d e u r ; elle n ’en a p o i n t à l ’é g a r d des tiers a u x q u e l s le tra n sp o rt
n ’a p o in t é té sig n ifié. L e 10 ve n tô se a n 1 2 , le t r i b u n a l d ’ap p e l de la
S e in e a j u g é q u ’en pareil c a s , le d é f a u t de s ig n ific a tio n é q u iv a la it
au d é fa u t de t i t r e , et q u e le n o u v e l a c q u é r e u r n ’a va it ja m a is été va
l a b le m e n t saisi à l ’é g a r d d e s tiers. ( S. 4 > 2 , 70 4 )• H n ’a d o n c pu
prescrire c o n t r e e u x , ni p a r les a n c ie n s p r i n c i p e s , ni p a r les n o u
v e a u x q u i les r e p r o d u i s e n t , ainsi q u ’il r é su lte des t e r m e s d e l ’article
a2.")8 d u C o d e c i v i l , q u i n ’a d m e t de p r e sc rip tio n en fa v e u r d es d é
te n te u r s p ré ca ire s c o n t r e les b a illeu rs o rig in a ir e s de b ie n s i m m o b i
li e r s , q u e tou t a u t a n t q u ’il y a eu in terversio n de t it r e , soit p a r u n e
�17
v a u s c v e n a n t d ’u n t i e r s , soit p a r la c o n t r a d i c t io n au d ro it d u pro
p r i é t a i r e , q u i est ici le b a i ll e u r e m p h y t é o t i q u e .
i,
Si l ’a cq u isitio n d es b ie n s e m p h y t é o t i q u e s est p o sté r ie u r e à la p r o
m u lg a t i o n d u C o d e c i v i l . il est certain q u e la m o b ilis a t io n d es r e n
te s , *par l ’effet de la loi n o u v e l l e , les a r e n d u e s p r e sc rip tib le s pa r
tre n te a n s ; m ais cette p resc rip tio n n e p e u t c o m m e n c e r q u e du j o u r
d e l ’a c q u is it io n faite a près la p r o m u l g a t io n d u C o d e civil. E lle ne
p e u t d a te r de c e tte p r o m u l g a t i o n , p a rc e q u ’elle n e c o u r a it pas au
p ro fit des v e n d e u r s , d é te n t e u r s p r é c a ire s des b i e n s e m p h y t é o t i q u e s .
11 ;n’y a eu in te r v e r sio n de titre p a r le fait de la loi q u e p o u r les n o u
v e a u x a c q u é r e u r s s e u le m e n t. C e t t e c i r c o n s t a n c e n e l e s a p a s d isp en sés
d e se c o n f o r m e r a u x a rticles 2 1 83 et 2 1 8 4 d u C o d e c iv il, q u i p r e s c r i
v e n t la n o tifica tio n à faire p a r l e n o u v e a u p r o p rié ta ir e a u x c r é a n c ie r s ,
avec offre de p a y e r j u s q u ’à c o n c u r r e n c e s e u l e m e n t d u prix., to u tes
les d ettes e x ig ib le s ou n o n e x ig ib le s . S ’ils o n t n é g li g é de r e m p lir ces
c o n d itio n s , ils 11e p e u v e n t a u j o u r d ’h u i r é c l a m e r le b é n é fic e de ces
lois p o u r se g a r a n tir de l ’effet d es p o u rs u it e s d u b a ille u r e m p h y t é o
tiq ue. P e u im p o r te q u ’en soi la c r é a n c e soit d é so r m a is p r e sc rip tib le
011 n o n p r e s c rip tib le ; du m o m e n t q u e le b a i lle u r e m p h y t é o t i q u e rtv
pa ra ît a vec son titre , et q u ’il p e u t a gir d i r e c t e m e n t , la q u e s tio n ne
d o it p lu s être co n s id é r é e d ’u ne m a n i è r e a b s o l u e ; elle est t o u te r e
lative, e t q u a n t à l u i , sa c r é a n c e o rig in a ir e reste im p re s c r ip tib le .
T o u t e f o i s , il est p o ss ib le q u e le b a i lle u r e m p h y t é o t i q u e 11e se soit
pas c o n f o r m é
a u x d isp o sitio n s de l ’a rticle 07 de la loi d u 11 b r u
m a ir e an 7 , q u i v o u la it q u e les d ro its d ’h y p o t h è q u e o u p r iv ilè g e ,
e x ista n ts lors d e la p u b lic a t io n d e c e t t c lo i, fu s s e n t in s crits d a n s trois
m o is p o u r to u t d éla i. M ais c e tte n é g l i g e n c e ne d o it pas lui
faire
p erd re ses d roits. L ’a rticle 267 d e la loi d u 9 m e s s id o r a n 3 , r e p r o
d u it d e p u is p a r l ’a rticle 3 g de la loi d u 11 b r u m a i r e an 7 , se b o rn e
à d é c la r e r q u e les h y p o t h è q u e s q u i n ’a u r a ie n t pas été inscrites d an s
le d élai v o u lu n ’a u r a ie n t effet q u ’à c o m p t e r d u jo u r d e l ’in s c r ip tio n
q u i en sera re q u ise p o s t é r i e u r e m e n t : — c ’est là toute la p e in e légale
de la n é g lig e n c e .
3
�M ais q u e d o it faire le c o n s u lt a n t p o u r r e n t r e r e n possession di
ses droits?
L a loi 2 , C od e de ju r is p . emphyt. , d é c i d e , en g é n é r a l , q u e l'e m p liy t é o te q u i ne p aie p a s p e n d a n t trois a n s , ou ne c o n s ig n e pas les
a r r é r a g e s , p erd t o u t le d ro it q u ’il a v a it s u r la c h o s e . Il est d 'a illeu rs
o rd in a ire d e s tip u le r d a n s les b a u x à r e n te q u e , fa u te de p a i e m e n t
p e n d a n t trois a n s , le c o n tr a t d e m e u r e r a n u l et r é s o l u ; a in s i, la r é so
l u t io n s ’o p ère ta n t e n ve rtu de la c o n v e n t i o n , q u ’en c o n s é q u e n c e de
la loi.
M ais c e tte p r iv a tio n n ’a p a s lieu d e p le in d ro it : il fa u t la d e m a n
d er e n ju s tic e . 11 n est p a s
n é ce ss a ir e de p r e n d r e i n s c r ip t io n p o u r
la co n s e r v a tio n de c ette f a c u lté , q u i n ’est p o in t s o u m is e aux f o r m a
lités éta b lie s p a r les lois s u r le r é g i m e h y p o t h é c a i r e . (V o ir a u x p iè c e s
j u s tific a tiv e s , 2*partie, n ° 7 , l ’arrêt de la C o u r de c a ss a tio n , d u 1 1 o c t o
b re 1 8 1 4 , S . , i 5, î, i4 7 - ) U n a u t r e a r r è t d e l a m ê m e C o u r a p a r e i ll e i n e n t
d é c i d é , le i 6 j u i n 1 8 1 1 , q u ’u n ba il à r e n t e fo n c iè re r e n f e r m e essen
t ie ll e m e n t u n p a c t e
c o m m i s s o i r e ; q u ’il n ’e m p o r t e de sa
n a tu re
a lié n a tio n de p r o p rié té q u e so u s la c o n d i t i o n de p a i e m e n t ; q u ’ainsi
le c r é a n c i e r d ’ u n e r e n t e , cr é é e p a r c o n c e s s io n d e fo n d s , p e u t d e
m a n d e r le d é g u e r p i s s e m e n t , fa u te de p a i e m e n t des a r r é r a g e s , e n
c o re q u ’il n ’ait pris a u c u n e i n s c r i p t i o n , q u e l 'i m m e u b le ait été
h y p o t h é q u é au profit d ’u n t i e r s , et q u e le d é b i t e u r de la re n te a it
la fa c u lté de la r a c h e te r . ( V o ir S . , » 1 , 1 , 53 ; , et les p iè c e s ju s t ific a
t iv e s ; a* p a r t ie , 11" 8. )
C e t t e a c t io n en d é g u e r p is s e m e n t est u n e a c tio n q u i se ratta c h e
a u x a n c i e n s p r i n c i p e s , et q u i , pa r cela s e u l , n ’est p a s m o b iliè r e .
M a i s ,a l o r s m ê m e q u 'e ll e a u r a it été r e n d u e m o b i l i è r e , elle n e p o u r
rait pas être p r esc rite a v a n t le 5 i m a r s 1858 , p u i s q u e , m ê m e d an s
la p lu s f â c h e u s e h y p o t h è s e , la p r e sc rip tio n 11e p o u r r a i t c o u r ir q u ’à
p a rtir de la q u a tr iè m e a n n é e après la p r o m u l g a t io n d u C o d e civil.
L e c o n s u lt a n t d evra d o n c m e t tr e les d é t e n t e u r s d e s e s l i i o n s en
d e m e u r e de lui p a y e r : i° u n e a n n é e d es a rrérag es
d e v a n c e s fo n c iè re s s t ip u lé e s en
d es r en tes et re
service d e j o u r n é e s d 'h o m m e s , d e
�c h e v a u x , b ê t e s de travail et de s o m m e o u de v o i t u r e , é v a lu é s ainsi
q u e de d ro it ;
2° T r o is a n n é e s des arrérag es des r e d e v a n c e s fo n c iè r e s s t ip u lé e s
e n a rg e n t c o m p t a n t , et de lu i servir ù l ’a v e n ir , e x a c t e m e n t , lesd ites
r e n i e s , a n n é e p a r a n n é e , si m i e u x ils n ’a i m e n t d é g u e r p i r , o u les
r a c h e te r .
L a raison d e c e t t e d is tin c tio n est p u is é e d a n s l’a rticle i 5 d u titre 5
de la loi d u 18 d é c e m b r e 1 7 9 0 , q u i p o rte q u e les r e n t e s et r e d e
va n ce s e n n a tu re n e s ’a r r é r a g e r o n t p o in t.
E n r é s u m é , il reste éta bli : i° q u e les r e c o n n a i s s a n c e s p r o d u i t e s
p o u r r a i e n t d is p e n se r le c o n s u lt a n t de r e p r é se n te r les titres p r i m o r
d ia u x a u x q u e l s elles se r é f è r e n t ;
20 Q u e ces titres s o n t im p r e s c r ip tib le s ;
5° Q u e les r e n t e s q u ’ils o n t é ta b lies n e s o n t pas fr a p p ées de n u l
lité c o m m e f é o d a l e s ;
4 ° E n l i n , q u e ni les lois des 1 8 - 2 9 d é c e m b r e 1 7 9 0 , et 11 b r u
m aire a n 7 , ni les d isp o sitio n s d u C o d e civ il, n ’o n t c h a n g é la n a tu re
de ce s r en tes e n les r e n d a n t r a c h e ta b le s , et q u e le c o n s u lt a n t a t o u
jours le d ro it de ren tr e r d a n s ses p r o p r i é t é s , si m i e u x n ’a i m e n t les
d é b ite u r s , soit d é g u e r p i r , soit r a c h e t e r , o u servir le s rentes.
D é lib é r é à P a r i s , le 5 m a i
18 3 7 .
''B O L E .
P u . D U P IN .
O D IL O N
BARROT.
A. P A I L L E T .
II.
de
Y A T IM E SIS’ IL.
�PIÈCES JUSTIFICATIVES
PR E M IÈ R E PA R T IE . — T IT R E S.
( N 'â .)
LA ROUSSIÈRE.
Antoine et Guillaume Trine, cousins, laboureurs, habitants du village de
la Roussière, paroisse de Saint-Clément, lesquels, solidairement l’ un pour
l’autre, et le seul pour le tout, sans faire division ni discussion, y renonçant
de leur bon gré et volonté, ont reconnu et confessé tenir et posséder en
emphytéosc perpétuel, tènement et p a gé zie, du puissant seigneur messire
Claude de Brezons, chevalier, seigneur, baron de La R o q u e , M ontm ayoux,
Paulhac, Bulsac et Samtheran, résidant ordinairement h son château et place
dudit Paulhac, près la ville de B rioude, absent, mais pour lui présents,
stipulants et acceptants, les notaires royaux soussignés h l’original du présent,
comme personnes publiques, commissaires députés en cette partie, à savoir:
Un domaine et tènement appelé de la Roussière, situés audit village, et
appartenances d’icelui, consistant :
i* En une maison à trois étages, couverte de tuiles, contenant sept toises
de face et trois et demie de profondeur;
a0 Une élable et grümge contenant dix-huit toises de face et quatre de
profondeur ;
3° Autre ¿tnb'le et grange contenant environ douze toises de face et quatre
de profondeur;
4° Autre ¿table et grange contenant cinq toises de face et trois do pro
fondeur ;
»
5° Autre élable et grange contenant huit toises de face et quatre de pro
fondeur.
Cours et terrains contigus auxdits bâtiments :
i° Un jardin potager et h chanvre de la contenue de quatre seterées, h<
semer chenovis;
a0 Loges l\ pourceaux et volaille;
�22
TIÈCES JUSTIFICATIVES.
5° Divers prés tic la contenue de quatre-vingts journaux de faucheur;
4° Un moulin h deux meules dans l’un desdits prés , sur le ruisseau
d’égout;
5° Divers champs de la contenue de soixante seterées terre labourable;
6° Divers pâturages, bois et autres terres inculles, de la contenue de cent
seterées terre ;
7° Une montagne avec dcuxburons et loges h veaux et à pourceaux , de la
contenue de cinquante têtes d’herbage ou environ , compris la troisième
partie d’un bois situé dans ledit tènement de la Roussière, appelé de la Devèze, contenant en tout trente seterées ou en viro n , et d’ icelui prendre et
user pour chauffage, y passer lesdits bestiaux, le tout conjoint et incorporé
ensemble, tenant et aboutissant dans le même tènement appelé de la R o u s
sière, qui fut donné et délaissé à titre de nouveau bail emphytéotique per
pétuel, par défunt puissant seigneur messire Jacques de Brezons, vivant,
seigneur baron desdites terres et seigneuries, capitaine d’une compagnie
d’ordonnance, et maréchal de camp de l’ armée du r o i , h Pierre et Antoine
Trinc frères, pères desdits reconnaissants, suivant lo contrat sur ce, fait et passé
par-devant Boissy, notaire royal à Vic, le trois février mil six cent vingt-neuf,
où les propriétés, possessions et héritages composant ledit tènement sont
spécifiquement dénombrés, le tout h présent confiné en son entier, du sep
tentrion par les montagnes appelées d ’Esclaux et de Lalandes; du midi par
les prés et champs de Pierre T r i n c , fils dudit Antoine reconnaissant, et le
pré du seigneur de Lasalle Salvagnac; d’orient par le bois dudit seigneur
d’ un bout h l’autre; et d’occident par la montagne dudit seigneur, appelée
de Belle-Vesle, auxquels confins, bornés et lim ités, doivent être mis et
ailichés suivant ledit contrat de bail emphytéotique;
8* Plus, leur part et portion de pâtureaux com m uns, fra u x , bois et autres
choses qui sont communes, indivises, entre eux et les autres habitants emphytéotes de ladite seigneurie de La Roqu e, et spécialement du bois de la
Boulesque , appartenant en propre audit seigneur, étant situé 5 l’endroit du
côté de la montagne de la Cepceyrc, pour leur usage. Quant aux outils ara
toires et autres nécessaires pour lo service dudit tènement et domaine de lo
Roussière , encore de pouvoir faire passer et repasser toute sorto de bétail
dudit domaine dans le bois de la Goulcsque dudit seigneur, et do couper
toutes sortes de bois, arbres, buissons des haies et endroit* dépendant do
�PREMIÈRE PARTIE. —
TIT8ES.
23
tout ledit tèncment, et ledit bois étant coupé, le pouvoir vendre h autrui
ou faire b r û le r , et autrement en faire et user ainsi que bon leur semblera.
Sous les cens et redevances :
Annuellement et perpétuellement en pagézie, de la quantité de soixantehuit quintaux fromages de montagne, un quintal beurre aussi de montagne,
poids de la ville d’Aurillac !
Quatre gellines;
Un veau de lait gras, le tout bon, suffisant, et de recette; que Iesdits Trinc
cousins, reconnaissants solidairement comme dessus, ont promis et s’obligent
payer et délivrer audit seigneur, ses fermiers et receveurs, savoir:
Lesdits fromages peser et recevoir dans les burons de ladite montagne, ti
chacun jour de Sainte-Foi, sixième octobre un chacun'an; et où il n’y aurait
assez de fromage d’été dans ledit buron pour suffire î» ladite quantité de
soixante-huit quintaux , ledit seigneur, et ses successeurs h l’ avenir, seront
tenus de prendre le surplus qui manquera en fromage d’autom ne, qui se
feront avant ln fête des Rois, aussi bons et de recette.
Lesdites gellines portables, et aussi ledit veau de lait gras, au château dudit
La Roque, ¡celles gellines à Saint-André apôtre, et ledit veau ¿1 la fête de
Pâques, après au suivant.
En outre, seront tenus lesdits T r in c reconnaissants, ou l’ un d’e u x , par
même solidarité que dessus, de faire audit seigneur, et sesdits successeurs
h l’avenir, un port de vin avec une paire de bœufs chacun an, h l’ arrièresaison et aux environs ladite fêto Saint-André apôtre, du vignoble du Quercy,
audit château de La Roque perpétuellement.
Aussi ont reconnu lesdits Trinc, reconnaissants pour eux et leurs successeurs
à venir, devoir audit seigneur, et h ses suctésseurs aussi à l’avenir, pour
raison et à cause dudit tènement sus-confiné et déclaré, propriétés, posses
sions et héritages qui le com posent, le droit de faire guet et garde audit
château de La Roque, en temps dû et accoutumé, droit de lods et ventes,
rétention par prélation.
Lnscmble, toute justice haute, moyenne et basse, mère mixte, empire et
tout exercice d ¡celle, être bons et fidèles tenanciers, payer les susdits cens
et redevances aux terme* ci-dessus réglés, et les autres droits et devoirs sei
gneuriaux, n y mettro cens sur cen s, ni autres charges, au préjudice dudit
*cigneur. F aire montre et vue oculaire d’iceux, (aire semblable reconnaissance
�2/i '
HÈCES JUSTIFICATIVES.
quand requis en seront et leurs successeurs h l’ avenir, et lui donner l’expé
dition en grosse î» leurs dépens, et généralement faire lout ninsi et comme
de bons paysans sont tenus faire, le tout suivant et conformément audit bail
emphytéotique dudit jour trois février 1G29, et sans rien innover aux parties,
aux autres conventions portéos par icelui respectivement, m êm elesd its
reconnaissants, à ce qui regarde l’effet do la taiile. Car ninsi tout, ce dessus,
lesditsTrinc reconnaissants l’ont promis et juré n’ y contrevenir directement,
ni indirectement, h peine de tous dépens, domaiges et intérêts, et h ce faire
ont solidairement, comme dessus, obligé, affecté, etliypothéqué, tous et cha
cun leurs biens , meubles et im m eubles, présents et à v e n ir , même et par
exprès, sans qu’une qualité déroge ü l'autre, de la généralité h la spécialité,
n i , au contraire , le susdit lènement reconnu , propriétés, possessions et
héritages qui le composent, avec les fruits, revenus et émoluments d’iceux,
pour quoi faire se sont soumis aux rigueurs de toutes cours royales qu’il
appartiendra, même de la cour et juridiction ordre dudit seigneur de La
R oqu e, voulant être contraints h l’ usage et stil d’ icelles et que une rigueur
de cou r; qu e,po ur raison de ce, sera accommencé pour l’autre non cessant,
renonçant à toutes exceptions de fait, de droit, qui pourraient être 5 ces
présentes contraires.
Fait et passé audit lieu de La Roque, paroisse dudit Saint-Clément, dans
la maison de Bernard Boisset, h ô te , le douze novembre après m idi, l’an
m i ls ix cent quatre-vingt-trois, en présenco de M* Guillaume Trin , prêtre
de la communauté de l’église dudit Saint-Clément, et M* Guillaume Apchier,
praticien du village de Lasscnac, paroisse de Cezeus, et Antoine Péchnud,
cle r c, résidant audit Cezcns, signés ù l’original des présentes, et lesdits
reconnaissants n’ayant su signer de ce requis.
S ig n e , B l a k c , Notaire.
( K* 2. )
L Ü L M iiIlE .
Jean Bastides a i n é , habitant au domaine de Lollièrc, paroisse do Snintiilément, faisant tant pour lui que pour autre Jean Bastides, son frère, au-
�25
PttEMIÈItE PA11TIE. - TITRES.
quel il promet faire agréer et ratifier le contenu en ces présentes, toutes et
«{liantes fois qu’ il en sera requis, î» peine de tous dépens, dommages et
intérêts des intérêts, de son bon gré et volonté, a reconnu r l confessé tenir
et posséder en emphyléose perpétuelle, lènemenl cl pagézie, du puissant sei
gneur inessire Claude de Brezons, chevalier, seigneur, baron de La llofjuc,
Montmayoux, Paulhac, Lalnac, Saint-Iléran et autres places,'résidant ordi
nairement h son château dudit Paulhnc, en la ville de Brioude, absent, mais
pour lui présents, stipulants et acceptants, les notaires royaux soussignés,
comme personnes publiques, commissaires députés en cette partie, h savoir :
ledit domaine et linement appelé de L o lliè re , situé audit lieu et apparte
nances de Lollière, que ledit seigneur aurait ci-devant baillé et délaissé auxdits Bastides frères, à litre d’investison et bail emphytéotique perpétuel, par
contrat passé par-devant Martin, Boudesd, notaires, le vingt-huitième août
mil six cent quatre-vingt-un : ledit domaine consistant en une maison h trois
étages, couverte de tuiles, contenant cinq toises de face et trois et demie de
prolondeur au four; loge h pourceaux; trois jardins, do la contenue, tous
trois, d’environ six cartonnées, pour semer clicnevis, laitues de terrain; une
élable et grange de la conteniie*de trois toises et demie de largeur ci seize
toises de longueur, avec un aire sur sol; le tout contigii, allouant et abou
tissant, confinant en leur entier du Septentrion : par le grand chemin qu’on
va de Paillieyrols en la ville d’Aurillac ; et de tous les autres aspects par les
champs dépendants dudit domaine de Lollière. Plus deux prés joignants, l’ un
appelé- Despradaux , et l’autre D u prodel, contenant tous deux environ huit
journaux de faucheur, confinés ; du Septentrion par le ruisseau appelé de
Cantcrimne; du Midi par ledit chemin dudit Pnillioyrols audit Aurillac;
d’ Orient par un bois levé dépendant du domaine de la Fage; et d’Occidcnt
par un pré et bois sive Vernieyres dépendant du domaine de Mourèzc. Plus
un autre pré appelé le Manis, contenant environ six journaux de faucheur,
confiné : du Septentrion par les prés et champs dudit domaine du Mourèzc;
du Midi par le pré de derrière, la grango dudit domaine de Lollière; d ’ Orient
par le pâturage et bois, broussaillc, appelé Labuge-Pialade; et d’Occidcnt
par ledit champ de Derrière la Grungc ci-après reconnu. Plus ledit pâturage
et bois, broussaillc, appelé la Buge-Pialade , contenant environ six selcrécs,
confinant : du Septentrion pnr le chemin dudit Pnillioyrols audit Aurillac;
du Midi par le champ appelé de Devant la Grango ci-après reconnu ; d’Orient
4
�20
TIKCES JUSTIFICATIVES.
pur le bois levé dudit domaine h la F a g e; cl d’Occident par ledit pré du
Manis ci-dessus reconnu. Plus ledit champ appelé de Derrière la G ran ge,
contenant environ trois seterées terre, partie duquel étant présentement en
buge, confiné : du Septentrion par le chemin dudit domaine de Mourèze;
du Midi pnr le chemin susdit ; d’ Orient par le même chemin ; et d ’Occident
pnr autre chemin qu’ on va dudit Mourèze h Paulhac. Plus un autre champ
appelé de Devant la Grange , contenant environ quarante-cinq seterées,
confiné : du Septentrion par le susdit chemin'dudit Paillieyrols audit Aurilluc; du Midi par le champ d’ Ktienne Fabre , maréchal; et d’Occident
pr.r les bâtiments et pré de la Gorale dudit domaine de Lollière ci après
reconnu. Plus ledit pré appelé de la C o m b e , contenant environ trois jo u r
naux de faucheur, confiné : du Septentrion par le champ de la Froinental
dudit domaine de Lollière; du Midi par la Buge do
, de Pra-
d e b c n c , pré do Jacques Dégoul dudit Pradebenc ; d’ Orient par le susdit
champ de devant là ; et ¿ ’ Occident par le champ del Qucyrel dudit domaine
de Lollière ci-après reconnu.
Plus ledit champ appelé Delgueyrel, contenant environ douze seterées,
confiné: du Septentrion par autre champ ci?après reconnu appelé do Laubré;
du Midi parla Buge dudit domaine Delleus; d’ Orienl par ledit pré de la Combe;
et ¿ ’Occident par autre pré aussi ci-après reconnu, appelé Prot de Casorne.
Plus ledit champ appelé de Laubré, contenant environ six selerées, confiné :
du Septentrion par ledit chemin dudit Paillieyrols audit Aurillac; du Midi
par ledit pré do la Couilic et ledit champ de la Fromental; d’ Orieiit par
lesdits bâtiments, parties et terrains dudit Lollière ; et d’Occidenl par ledit
pré de la Casorne. Plus ledit champ appelé de la F ro m en ta l, contenant
environ quatre seterées, confiné : du Septentrion par ledit champ de Laubré
et ledit pré de la Casorne; du Midi par ledit champ Delgueyrel ; d’ Orient
par led it pré do la Com be; et d’Occidenl par ledit pré de la Casorne. Plus
ledit pré appelé de la Casorno, contenant environ seize journaux de fau
cheur, confiné: du Septentrion par le communal de la Cans dudit Lollière ; du
Midi par le pré de maitio Joseph F a b re , avocat do Vie ; d’Orient pnr les
dits champs de L a u b ié , de la Fromental et Delgueyrel; et d ’ O c c i d e n t par
les terres et bois broussailles de lo Casorne, contenant environ huit seterées,
confinant: du Septentrion par ledit communal de la Cans; du Midi parles
terres et bois broussailles dudit F a b re , avocat; d ’ O r i e n l par ledit pré de la
�PREMIÈRE PARTIE. — TITRES.
27
Casorne; cl ¿ ’Occident par ledit communal de In Cans. Plus mie buse appelée
D c l- lio c , contenant environ quatre scieries, confinée : du Septentrion par les
terres dudit domaine ds Mourèze; du Midi par ledit chemin dudit Paillieyrols
audit Aurillac ; et d’Occident par le roucher dudit Lollière. Pliis ledit bois
indivis entre ledit Bastide et lesdits jésuiies d’Aurillac, contenant tout ledit
bois,environ quinze scie ries, confiné en son entier: du Septentrion par ledit
champ appelé de Devant la Grange; du Midi par 1rs bois de Jean Dégoul et
Jacques Dégoul dudit Pradebenc; d’Orient par lesdits bois et terres dudit
Étiennc F a b re , maréchal, et le bois de Jacques Dégoul ; et d’ Occident par
divers héritages des habitants dudit Pradebenc.
Plus un pré appelé Pro t-C laux, contenant environ un journal, confiné:
du Septentrion par le chemin qu’on va dudit Mourèze aux Ultes; et de tous
les autres aspects par ledit communal appelé de la Cans. Plus ledit com
munal appelé de la Cans, contenant environ soixante seterées, terre confinée:
du Septentrion par le communal dudit Mourèze appelé de la Cans; du Midi
par la Cnns dudit sieur F a b r e , avocat; ¿'Orient pur Iesdiles terres et bois
broussailles de la Casoritè, plusieurs rochers entre deux; et d’Occident par la
(’ ans
du village de l’ Ernel, une base entre deux, faisant les limites, el
généralement tout ce tp i dépend el peut dépendra dudit domaine de Lollière,
avec tous droits ¿ ’entrées, servitudes, privilèges dus, anciens d'accou tu m és
sous les cens et rente annuelle, perpétuelle et uniforme, c l en pagézie, de la
somme de quatre cents livres, prix réglé par ledit contract ¿ ’¡nvestison el
bail emphytéotique perpétuel : laquelle somme de quatre ccnls livres ledit
Bastide a promis et s’ oblige payer fiudil seigneur et porter audit chateau de
La Roque, annuellement h perpétuel, un chacun ou en deux termes égaux,
le premier le jour et fêle de N o ë l , el le second le jour et fêle ¿e Saint-JeanBaptislc, ¿e chacune ¿es années.
De p l u s , ledit Basti¿c reconnaissant sera tenu et s’oblige ¿ ’ aller faire
voitureret apporter nadit chateau de La lloque; un chacun dft aussi perpé
tuellement une charretée de vin que ledit seigneur achctcra au vignoble b ses
dépens, et ladite voiture et port dudit vin sera fait aux dépens dudit
ilastide. Pourra icelui Bastide reconnaissant couper, prendre et emporter
un chacun ou à perpétuel, trois arbres bois do hêtre, autrement face du bois
<t forêt diulit seigneur, que part de le ruisseau D égo u l, propre et réservé
audit seigneur, poi»«’ lesdits trois arbres être employés aux utils ¿ ’agriculture
�28
PIÈCES JUSTIFICATIVES,
dudit domaine , h la charge d’ averlir pour lui ledit seigneur ou son fermier
lorsqu’ il les voudra couper, prendre et emporter. Aussi ledit Bastide recon
naissant, pour lui et scs successeurs à l’avenir, pour raison et h cause dudit
domaine de Lollière, propriétés, possessions et héritages qui le composent,
le droit do faire guet et garde audit c'hateau de La Roque en lomps dû et ac
coutumé. Droit de lods cl ventes en mutation de mains, rétention par droit
de prélation; ensemble toute justice haute, moyenne et basse, more mixte,
empire et tout exercice d’ icelle, être bon et fidèle tenancier r payer ladite
somme de quatre cents livres aux termes ci-dessus réglés, faire ladite voiture
et port de ladite barrique de vin lorsqu’il en sera requis, ne mettre cens sur
cens ni autres charges au préjudice dudit seigneur, faire vue et montre
oculaire desdites propriétés et héritages ensemble, et reconnaissance quand
requis en sera et ses successeurs îi l’avenir, et en donner expédition en bonne
et duc forme, h ses dépens, audit seigneur, et généralement faire tant ainsi et
comme en bon paysan est tenu faire îx son seigneur, car ainsi tout ci-dessus
ledit Bastide reconnaissant l’ a promis cl juré tenir, et n’ y jamais contrevenir
directement ni indirectement par quelque cause, occasion et prétexte que ce
soit, h peine de tous dépens, dommages et intérêts, et à ce faire a obligés,
affectés et hypothéqués tous à chacuns les biens meubles et immeubles pré
sents et avenir, spécialement ledit domaine de Lollière reconnu, propriétés,
possessions et héritages qui le composent, avec fruits, revenus cl émolemcns
d’iceux : pour quoi faire s’est soumis aux rigueurs de toutes Cours royale«
qu’il appartiendra, même de la Cour et juridiction ordre de ladite seigneurie
de La Iloque, voulant être contraint suivant l’usage et stil d’icclles.et qu’ une
rigueur de Cour que pour raison de ce qui sera commencé pour l’autre non
cessant, renonçant 5 toutes exceptions do fait et de droit qui pourraient être
h ces présentes contraires. Fait el lu audit lieu de La Roque, maison de Bernard
de Boissel haute , le dix-neuvième jour du mois de juillet avant midi , mil
six cent quatre-vingt-quatre, en présenco de Guillaume Apchier, praticien
du village de Lussenac, paroisse de C ezens, et Pierre R c v a l, huissier dudit
Cezens, signés h I original des présentes, et ledit Bastide reconnaissant ne l’a
su faire de ce requis.
S ig n e B l a n c , not ai re.
�PREMIÈRE P4RTIE. — TITRES.
29
( K - 3 .)
• LA c n o u x .
Antoine Auzolle, fils h Pierre, laboureur, habitant du village de La Croux,
paroisse de Saint-Clément, de son bon gré et volonté, a reconnu et confessé
tenir et posséder en emphytéose perpétuel tènement et pagézie, du puissant
seigneur messire Claude de Brezons, chevalier, seigneur, baron d eL a R o q u e,
Montmayoux, Paulhac, Balsac et Saint-Héran, r é s id a n t o F d in a ir e m e n t à son
château et placeduditPaulhac, lès la ville deBrioude, au Bas-Auvergne,absent;
mais pour lui présents, stipulants et acceptants les notaires royaux soussignés,
comme personnes publiques, commissaires députés en cette p a rtie ,
à
savoir : Un corps de domaine et métairie sis et situé audit village et appar
tenances de La Croux, que les prédécesseurs d u d i l seigneur auraient baillé
et délaissé aux prédécesseurs dudit A u zolle, à litre de nouvelle investison
et bail emphytéotique perpétuel, suivant le contrat sur ce fait et passé pardevant Dumas, notaire royal, vingt-sept décembre mil six cent douze, con
sistant :
i°. En une maison à quatre étages , couverte de paille , contenant quatre
toises de face et trois et demie de profondeur; cour nu-devant, et jardin
de la contenue d’environ quatre cartonnées, pour sômer chenevis; le tout
joignant et attenant ensemble, confinant en leur entier : du Septentrion par
une rue publique, et le four c f l e jardin dudit A u zo lle , à cause du bail e m
phytéotique perpétuel ; du Midi par autre rue publique
dudit village ;
d’Orient par autre jardin dudit Auzolle, de son ancien patrimoine; e t d ’ Occident par le chemin qu’on va dudit La Croux audit saint Clément, aux det
tes contenues, et confins compris, et englavés lesdits four et jardin.
2*. Plus une établo et grange contenant douze de longueur et quatre de
largour, parties de fumier, aire ou sol, et-un champ appelé Delpuech , con
tenant dix cartonnées : le tout contigu et adjacent, confinant en leur e n
tier : du Septentrion par nutro champ dudit Auzolle, do son patrimoine; du
Midi
et d Occident par le chemin qu’on va dudit La Croux à la tuillèrc;
et d’Orient par ledit chemin qu’on va dudit La Croux au d it Saint- Clément.
3°, Plus un autre jardin et champ joig n a n t, appelés Delacombo et Dugnot, contenant tout environ trois seterées terre, confinant : du Septentrion
�30
PIÈCI-S JUSTIFICATIVES.
par le jardin de Pierre Àuieilliaii ; du Midi par le communal dudit villnge ;
d’Orient par ledit jardin dudit Pierre Auieilhan, le jardin du gérant lisdouloux ; et d’Occidenl par le jardin de George llecural.
4°. Plus autre pré appelé Lasgoutles-Basses, contenant environ dix jour
naux de faucheur, confiné: du Septentrion par le chemin qu'on va dudit vil
lage de La Croux à Vie ; d’Orient par le pré de Jeanne Lacroux, veuve, dite
Joanniquo; du Midi par les prés de la Ganc, de la Live et de la S ì,igne, autre
ment des Serres ci-après mentionnées; et d’Occident par le communal d u
dit village, et susdit chemin qu’ on va d’icclui audit Vie.
ii°. Plus autre pré appelé de Gane , de la Live et de la Saigne de Legue ,
autrement des Serres, contenant environ quinze journaux de faucheur, c o n
finé: du Septentrion par ledit pré de Lasgoultes-Basses, ci-dessus reconnu;
d’Orient par le pré dudit Esdouloux et le pré de Jean Lacroux ; du Midi par
les prés de la Izoulles et la côte dépendant du domaine de Mourèze; et
d’Occidenl par le pré d’Abian, dudit domaine de Mourèze.
T)0. Plus un autre pré appelé le Pradel de B ru n et, contenant environ Irois
qunrls de journal de faucheur, confiné : du Septentrion par le pré de Jean
Calmon Bousquet; d’Orient par le pré dudit Récurât et d’Antoine Auziol ;
du Midi par le pré dudit Auziol et le champ dudit Auzolle reconnaissant,
de son patrimoine; et d’ Occidenl par autre champ d’icelui Auzolle , d épen
dant dudit bail emphytéotique.
7°. Plus un mitre pré appelé lePrat-Long, contenant environ un journol de
faucheur, confiné : du Septentrion et d’Orij'nl par le pré dudit Auzolle; du
Midi par le champ d’icelui Auzolle; et d’Occident par aulre champ dudit
Auzolle, dépendant dudit bail emphytéotique.
»S\ Plus un autre pré appelé Prnt-Mort;', contenant environ deux journaux
de faucheur, confiné : du Septentrion p a rle pré de la Gleyse dudit Aii/.olle;
d’ Oricnt par le chemin qu’on va dudit Lacroux h T hiézac; du Midj par le
pré de Borio dudit Auzolle; et d’Occidcnt par ledit Pré-Long ci-dessus r e
connu.
Plus un autre pré appelé d’Extrase, contenant enviion deux journaux de
funchcur, confiné : du Septentrion pur le chemin tendaul de C.urebourse a la
Tuillère; d’Orient par autre chemin susdit duditLn Croux audit Thiézac; du
Midi par lo pré d’Antoine \ iollard ; t l d’Occident par les champs desdits
(iéraud, Ksdouloux et Jeanne Lacroux Joaunique.
�PREMIÈRE PAT.TI1Î. -TITRES.
31
. 9°. Plus autre pré appelé Lou-Gombel, contenant environ cinq journaux de
faucheur, confiné : du Septentrion par le champ des dames religieuses de la
Visitation, à Sainl-Flour; d’ Orient par le .pré desdites dames religieuses,
et un petit pré d’Antoine et Marguerite Auzolle de Saint-Clément ; du Midi
par le champ de Jeanne l l e y t , veuve do M* Martial d’ A b crn n rd , notaire
d’AurillaC, et autre petit préd e ladite R ey tj et d’ Occident par ùutre champ
desdites religieuses. ‘
•
10». Plus autre champ appelé Del Gouteilzou et do Lasparrso, contenant
environ quatresetérées, confiné: du Septentrion par le champ dudit Auzolle
de son fait particulier; d’ Orient par le champ desdites dames religieuses;
du Midi par le champ de ladite Lacroix Joannique ; et d’Occident par le
champ d’Antoine Lacroux.
ï i°. Plus unpetit champ appciédelGoubel,contenant environ unesetérée,
confiné: du Septentrion par le pré desMonnies dudit Auzolle de son fait par
ticulier; d’Orient par ledit pré Del Goubcl ci-dessus reconnu ; du Midi par le
champ desdites religieuses; et d’ Occident par le champ appelé dudit Esdouloux.
12°. Plus un autre champ appelé de la Vaissière , contenant environ sept
cartonnées, confiné: du Septentrion p a rle chemin dudit Antoine Lacroux;
d’Orient par ledit chemin dudit village h ï u il l è r e ; du Midi et d’Occidenl
par le champ dudit Auzolle reconnaissant, de son fait particulier.
i 5°. Plus un nuire champ appelé de la Croix d’E x trex , contenant environ
dix cartonnées, confiné: du Septentrion par le communal de la Gonleilze et
d itls s a r d ; du Midi par le pré d’Extrex, dudit bail emphytéotique ci-dessus
reconnu; d’ Orient par ledit chemin qu’on va audit Thiézac; et d’Occident
par le champ dudit Esdoulonx.
i/|°. Plus autre champ appelé Lou-Camp de-Marty-d’Extrex', contenant
environ quatre setérées, confiné: du Septentrion par le communal appelé des
iss a r d sjjlu Midi parledilchemih dudit La Croux nudit Thiézac; d’Orient par
lo champ dudit Antoine Lacroux; et d’Occident par le champ do Marguerite
Armandies, fillo îi leu Uunoît.
i 5®. Plus autre champ appelé Lou-Calcadis, contenant environ dix carton
nées, confiné : du Septentrion par le champ del Calcadis dudit domaine de
Mourèzc; d’ Orient par le coudcrc commun del Calcadis, et le chemin par
lequel l’on va de Currhourtsc à Vcrnet.
�3*2
HÈCES JUSTIFICATIVES.
i6°. Plus autres champs appelés Deltremou-Lcus-des-Camps, et pièce rcdonde, et de Puech-Ferre, joignant, contenant par ensemble environ cin
quante selérées terre, confinant en leurentier : du Septentrion par le champ
de Jean Viallard ; d’Orienl par le pré de Jean Calmon et ledit Pral-Long cidessus reconnu, et Pradel dudit Auzolle, de son fait particulier; du Midi par
le pré do Laprégne, de ladite Jeanne Lacroux Joanuique; et d’ Opcidenl par
le communal du Puech-Ferre, et champ dudit Esdolloûx.
17°. Plus un pré appelé de Losgnnes , contenant environ un journal de
faucheur, que ledit Auzolle, reconnaissant, tient par permutation de ladite
Lacroux Joannique, en contre-change d’ un autre pré appelé Lasgoultes-llau
tes, dépendant dudit bail emphytéotique; enfin du Septentrion, Orient et
Midi, par les prés de la Ganc, de la Line, de la Saigne, de Lègue et des Ser
res, ci-dessus reconnus , le ruisseau appelé de la Gnne, et ledit chemin dudit
La Croux audit Vie.
18°. Plus un champ appelé de Curebourse, contenant environ cinq carton
nées, confiné : du Septentrion et d’ Orient par ledit communal dePuech-Ferre;
du Midi par le pré de Marguerite Lacroux, veuve de Jean Boise ; et d ’Occi
dent par le grand Thermidor du Puech Bossct h la Tuillère.
190. Plus trente têtes d’herbage à la montagne dudit seigneur de La Roque,
appelée de B e lle-V iste, située dans le district de ladite paroisse de SaintClément, avec un buron : toute ladite montagne contenant environ
d’herbage, confiné : du Septentrion par le communal et maison
de la Tuillère, appartenant à Marguerite Gaillard , veuve de Pierre Benoch ,
dudit la Tuillère, de la montagne de l’Estrade, appartenant à M. M* Jean (Je
Culdaguès, président à la Cour des aides, h Clermont; d’ Orient par le bois
commun de la Goulesquc; du Midi par la montagne de Megeannc-Cornc, ap
partenant à ladite Reyt, veuve dudit Dabernard , et le bois de la Roussière ;
et d Occident par la montagne appelée du Caylal, appartenant à Antoine
d’Uumières, écuycr sieur de Le Begeac.
ao*. Plus dépendantes et indépendantes dudit bail emphytéotique perpé
tuel, ail cens cl revenu annuel, redituelct perpétuel, pour tout ce dessus Ircnlesix quintaux de fromages bons et marchands, et un carteron beurre aussi
bon et marchand : le tout poids d’Aurillac; un chareau , deux gellinrs dp
r e c e t t e , et le port d’ une barrique do vin h aller prendro au vignoble du
Q ucrcy, et la conduire audit château de Lnroquc, ii la saison qu’il plaira
�/
A
PREMIÈRE PARTIE. -TITRES.
33
a u d i t s e i g n e u r , et c e s er a à f e i u l r o U d u d i l v i g n o b l e du Q u e i c y q u e led it s e i
g n e u r a c h è t e r a le v i n , san s q u ’ ic e lu i s e ig n e u r soit ten u de r ie n c o n t r i b u e r à
ladite v o i l u r e , le s q u e ls t r e n t e -s ix q u i n t a u x d e f r o m a g e , e t le d it c a r t c r o n de
b e u r r e , e t le d it s e i g n e u r e t ses s u c c e s s e u r s , à l ’ a v e n i r , s e r o n t t e n u s d ’e n v o v e r
•
•
*
o u a lle r luire p e s e r , p r e n d r e et r e c e v o i r u n c h a c u n au b u c o n d u d it r e c o n n aissan t, le j o u r d e l à S a i n l - G é r a 'u d . e t l e s d i t s c h e v r e a u e t g c ll iu e s p a y a b l e s e t
p o r t a b l e s a u d i t c h â t e a u , Aussi un c h a c u n , led it c h e v r e a u h P â q u e s e t les d ite s
g c lli n e s h N o ë l , et a u t r e m e n t c o m m e r é s u l t e d u d it b a il e m p h y t é o t i q u e p e r
p é t u e l , a u q u e l il n ’e st rie n d é r o g é p a r la p r é s e n t e d é c l a r a t io n e t r e c o n n a i s
s an ce .
Confessant ledit A u z o lle , reconnaissant ledit seigneur avoir sur les pro
priétés et héritages susdits cl reconnus oulre et au par-dessus, les redevances
ci-dessus s p é c i f i é e s , .droit et lods et ventes, droit de rétention par droit de
prélalion et advanlnge, le cas advenant et tout autre droit de directe sei
gneurie, ensemble loutc justice haute, moyenne et basse mère mixte , em
pire et exercice d’ icelle; et généralement ledit reconnaissant s’est soumis en
vers ledit seigneur el lesdits successeurs à l’ aven ir, à tous et chacun lus
autres droits et devoirs seigneuriaux, à la réserve de la taille aux quatre cas.
Et aussi s’est soumis aux mêmes clauses, rigueurs, soumissions et renoncia
tions portées par la déclaration et reconnaissance rendue audit seigneur,
par Pierre A m eilh a u , dudit Lncroux, devant lesdits notaires commissaires
susdits, le six juin dernier, de laquelle lui a été fait lecture du mot îi m ot,
tout au long. Fait et passé audit lieu de Laroque. dans la place publique du
dil lieu, le troisième jour du mois de septem bre, avant m i d i , mil six cent
quatre vingt-cinq, en présence d’ Antoine Laroque, marchand dudit La Roque,
• paroisse de Saint-Clém ent, et Jean Boudon ; clerc du village de Lapeyro
Piarre.
I)e Paulliac signées it l’original/les présentes, avec ledit Auzolle recon
naissant, et François Ameilhau , limitant du village de L u b a r ie , paroisse
dudit Saint-Clément, qui n’n su signer de ce requis.
S ig n é B l a n c , notaire.
4
5
\
�PIÈCES J ljSTIFICATi YES.
( N ' 4 .)
LA
FA G lï.
Barthélémy Malgràs, laboureur, habitanl.au lieu et domaine de la Fage,
paroisse de Suint-Clément, du son bon grc et volonté, a reconnu et confessétenir et posséder en emphyléose et perpétuel tellement et pagezie, du puis
sant seigneur messire Claude de B r e z o n s, chevalier seigneur , baron de la
Roque, Monlmayoux, Paulhac, Balzac, Saint-Iléron, et autres places, rési
dant ordinnircment îi son château et place dudit P au lh ac , en la ville de
Briotide au bas Auvergne; absent,mais pour lui présent,stipulant cl accep
tant, les notaires royaux, soussignés comme personnes publiques, commissai
res, députés en cette partie; h savoir : Un corps de domaine et métairie sis
et situé audit lieu , et
appartenance de la F a g e , que ledit seigneur de. la
Roque aurait ci-devant buillé cl délaissé audit Barthélémy Malgras, h litre
de nouvelle investiture et bail emphytéotique perpétu el, suivant le contrat
sur ce fait cl passé par-devant Caflinial, notaire r o y a l, le vingt-quatrième
mai mil six cent soixante-seize , consistant en différentes propriélées, pos
sessions ethérilages, ci-après désignés, limités et confinés, cl premicremrnten
une maison à deux étages compris le sellier avec cheminée, entrée servitude
au-devant, et au-dessus grange et ¿table , sol du côté du septentrion, porte
du fermier du côté d’.cricnl, jardins potagers au derrière de ladite maison,
jardin îi chanvre au-devant ladite grange du côté du,m idi, four contigu
auxdiles maison et grange, pré au-dessous,-¡cellesmaisons et granges a p p e
lées de la Goutte, Pro-Voullet, de la Boigues, do Tram cyrcs; terres appelées
Dclcamp Redon de B a u d y , les lernièyres Delcnmp cl Dontcuil : le tout joi
gnant et attenant ensemble, conlennftt lesdils jardins, environ six carton
nées pour semer chenevis, en prés vingj journaux do faucheurs ou environ ,
en terres environ cinquante seterées, confinant en leur entier, do septentrion
par les buges et champ des damos religieuses du couvent de la Visitation de
la villo de Sa in l-H o ur, h cause de leur domaine de Cnflolain ; do Midi et
d’O ccidcnt, par le ruisseau de Canlcronue , encore d’Occidcnt par le pré de
Jean Calmon , et d’Oricnt par le ruisseau do Goulettc ; plus, en bois pnrlio
levé et partie broussailles et terres appelées de C o u rbio y res, contenant en
champs terro labourable environ trois seterées , et bois levé ou
brous-
�PREMIÈRE PARTIE. -TITRES.
suilles environ
cinquante seterées , confinant en. leur entier par ledit
ruisseau de Gculeltes , et
Midi,
3")
audit ruisseau Canteronne ; (¡’Orient ,
du
p a r la terre et bois d’Etienne Fabre , maréchal dudit Courbières;
il'Oceident, parles buges et terres du domaine d cl’Ollière, c l bois du domaine
de Mourèze; et du Septentrion p a r l e bois de Georges, ouvrier, et audil
ruiseau de Canteronne et un chemin par lequel ou va du village de Cassa
t e
audit domaine de l’Ollière. Plus en une barthe et bois broussailles ap
pelé deLastremeyres,contenant environ trois seterées, confiné : d’ Orientpar
ledit ruisseau de Canteronne ; du Midi par le pré dudit ouvrier ; d’ Occident
par le chemin susdit dudit village do Cassagnes , audit domaine de l’O l
lière; et du Septentrion par le pré dudit domaine de l’OHière, et audit ruis
seau deCanteronne. Plus en une terre et buges ou bois et bar the, contenant
environ.six seterées appelésBoigueBasseD elm iexet delaBoigue-IIaute, contenanten bois, bugesou barthes, bois broussaille, environ huitseterées, con
finant : du Septentrion par les buges dudit domaine dé l’Ollière; du Midi, par
le bois dudit domaine de Mourèze; d’ Occident par lesdites buges dudit do
maine de l’ O llière, et d’Orient par le même chemin qu’on va dudit Cessagne audil l’ Ollière. Plus en un pré appelé Pral-Migier, et champ appelé del
Sivedal, joignant, contenant environ un juurnal el d e m i, et en terres cinq
seterées, confinant en leur entier : d’Orient parle communal des habitants du
dit lieu de la Roque appelé de La Salle; du Midi par la terre de Bernard
Boissct-llaste, et le pré de Pierre Jurquet; et d’ Occident par le pré du
seigneur de Uoussilîe, à cauâe de sou domaine de la Gaminade* et le chemin
qu’ on va dudit Cassngnc au lieu de la lloqu e; et du Septentrion par le mê
me chemin.
Plus un pré appelé de Pesquier^ contenant
environ ciuq journaux de
fa u ch eu r, confiné : d’Orient par le chemin qu’ on va dudit Cassagne à Con
l’o len; du Midi par nuire chemin tendant dudit Cassagnes audit Confolen ;
il’ Occident par le pré de Claude Bonnal, et ledit' ruisseau de Goulettes; et du
Scptcutrion par autre
chemin qu’on va dudit lieu do la Roque audit lieu
de la Fage. — Plus en un autre pré, terre et pâturage joignants, appelés des
Vicrs, contenant, en pré et pâturages, dix journaux de faucheurs ou environ,
eten torredix-huit seterées ou environ, confiné : d’Orientpar le pré de Jean
Mondât, et communal des habitants dudit lieu d e là Roque; du Midi par le
communal et terre d’Annel Malgras, et au susdit pré appelé del Pejquior, les
�3G
PIÈCES
ju s t if ic a t iv e s .
susdits chemins de la.Fage h la Roque, entre d e u x ; d’ Occident par le ruis
seau dos Gouleltes et du Septentrion par le passage desdites dames religieu
ses de la Visitation-Notre-Dame de Saint Flour, et le chemin tondant dudit
Confolen , ou Heu de la Roque et nu prò dudit Annct Malgras , au milieu
duquel pré de Viers et dudit paturage est ledit chemin traversant dmlit Cassa g n e , audit Confolen.
Plus une nuire terre appelée aussi de Viers, contenant environ quatre seterées, confinée : d’Orient par ledit chemin tendant dudit Cassagne audit la
Roque; du Midi, par le pré dudit Pierre T rin e; d’Occident par le pré et par
le pâturage desdites dames religieuses, et la terre dudit Trine ; et du Septen
trion par la terre dudit Malgras.
Plus une autre terre appelée de Paubercyres, contenant environ quatre seterées, confinée : d’Orienl, parle chemin appelé de Pauberceyres, tendant du
dit Cassagne audit La R o qu e; du Midi par la terre, dudit Malgras ; d'Occi dent par la lerre dudit Pierre Trine et la terro de Suzanc de Laubré, femme
de maître Jean F u b rie r , procureur au siège de V i e ; et du Septentrion, par
la terre dudit seigneur de Roussiile.
Plus une autre terre appelée del Fagens, contenant environ trois selcrées,
confinée : d’ Orient par la terre dudit seigneur de Roussiile; du Midi par la
terre de ladite L au b ré; du Septentrion p a rle pré de Jeanne Cliastre, fem
me de Pierre Lnfon; etd'O ccident, par le ruisseau desG oulettes, et avec les
autres confrontations plus vraies, si point y en a , entréo issue et servitudes
anciennes, ducs et accoutumées, prises et perceptions d’eaux. Plus en vingtcinq têtes d’herbages dans la montagne dite Claux hauts cl bas; plus toutes
les autres propriétés et choses dépendantes, et qui peuvent dépendre du
dit domaine
de la Fage , et dudit bail emphytéotiquo perpétuel d ’icelui, au
censet revenu annuel, rédituelet perpétuel pour tout ci-dessus, de la quan
tité de vingt-huit quintaux fromage et demi-quintal beurre: le tout bon et
m archand, pur et net, poids d’ Aurillac, que ledit Barthélémy Malgras re
connaissant n promiset s’est obligé de payer annuellement audit scigncurde
Ln Roque ou h ses fermiers, un chacun pour la fête deSaint-Michel-Arebangc.
Plus do faire voîturer et charrier avec bœ ufs, une barrique a u d it sei
gneur du vignoble du Q u c r c y , chacune année audit jour et fêle de SaintMichel-Archnngo , d e 'l ’endroit dudit vignoble du Q ucrcy, q u e ledit seigneur
fera a c h e te r , qui sera conditilo par ledit reconnaissant et Ì» scs d épen s, au-
�PREMIÈRE PARTIE. -TITRES.
37
«lit château de La Roque, le tout conformément h autre contrat «Vin vos tison
dudit domaine, du dernier octobre mil six cent dix-huit, auquel je n’ai rien
dérogé par la présente déclaration et reconnaissance,-confessant ledit Malgras, reconnaît ledit seigneur avoir sur toutes lesdites propriétés , posses
sions et héritages ci-dessus reconnus, outre et autres par-dessus lesdites re
devances ci-devant expécifiées, droits de lods et ventes, droit de rétention
par droit de prélation et advantages le cas advennnt, et tout autre droit de di
recte seigneurie; ensemble toute justice, haute, moyenne et basse, m ère,
mixte, empire et exercice d’icelle, et généralement. Ledit reconnaissant s’est
soumis envers ledit seigneur et ses successeur.'h l’ avenir, à tous et chacun les
autres droits et devoirs seigneuriaux, h la réserve de la taille aux quatre cas,
et aussi s’est soumis aux mêmes clauses , rigueurs , soumissions et renoncia
tions portées par la déclaration et reconnaissance rendue audit seigneur des
propriétés, possessions et héritages que Annet Malgras , son frère, a reconnu
do son fait particulier qu’ il tient et possède, dépendant de la seigneurie de
La Roque , devant lesdits notaires commissaires susdits, le dernier août, de
•laquelle il a entendu la lecture qui lui a été faite tout au long et mot à
mot. Fait et passé audit lieu de La Roque, dans la place publique, le quatriè
me jour du mois de septembre mil six cent quntre-vingl-cinq,avant midi, en
présence de M. Jean S o b ricr, procureur aux cours royales de V ie , rési
dant audit La Roque, et Jean B eu d eu , clerc, résidant au lieu et paroisse de
Cezens, signés h l’original des présentes ; et ledit reconnaissant n-’ a su signer
de ce requis. — Signé B l a n c , notaire.
�38
PIÈCES JUSTIFICATIVES. - DEUXIÈME PARTIE.
( i V 5 .)
Arrêt de la Cour de "cassation., recueil de S i r e y , t. 5, i ” partie, p. 5 - .
R E N T E . --- T lT I tE PRIMORDIAL. ---- P ü R C lk R E .
Une rente est-elle présumée seigneuriale, parce qu’ elle est due à un seigneur?
— Rés. nég.
Lorsque ¿’existence de la rcn le est avérée, et que sa nature est présumée foncière,
le débiteur qui excipe de son abolition est-il obligé de ju stifier par litre
q u e lle a été créée seigneuriale? — Rés. aff.
I a percière ( d’ A u v e rg n e) est-elle présumée rente foncière ? — Rés. aff.
(Jacoux, Mouly et consorts, demandeurs. — Delassalle et sa fem m e, dé
fendeurs.)
Entre les sieur et dame Delassalle , ci-devant seigneurs hauts-justiciers de •
la baronnie de Blanzac, et leurs ci-devant tenanciers Jacoux, Mouly et con
sorts, il était constant en point do fait :
Q u e , par acte du 17 mai 1 7 7 2 , les tenanciers avaient reconnu « tenir,
»porter et posséder, et les auteurs et prédécesseurs avoir, de tout temps et
»ancienneté, tenu, porté et possédé de Simon-Claude Amable de T u b c u f,
»seigneur de Blanzac, en un tènement, e t c .,d e terres, charmes et rochers >
» etc. ; »
Que. ln redevance établie consistait en une portion de fruits;
Que les biens arrentés étaient situés sur le territoire régi par la coutume
d ’Auvergne.
L e seigneur prétendait que l'existence de la rente étant établie par l’ acte
du 10 mai 1772 , elle devait lui être payée, à moins que les débiteurs de la
rente , excipant de l’ ubolition, ne justifiassent qu'elle fût seigneuriale.
Ceux-ci répondaient qu’ il.sullisait do la qualité de seigneur dans le pro
priétaire do la r e n t e , pour qu’elle fût réputée seigneuriale.
8 nivôse an 11. — Arrêt de la cour d’nppcl séant h R io m , »u profit du
seigneur; — considérant que la coutume d ’ Auvergne est allodiale ; qu ainsi
les rentes sont présumées foncières; que la présomption est plus forte h l’é-
�ARRÊTS DE LA COUU DE CASSATION.
39
giird des percières, donl les arréarges pouvaient être demandés de vingt-neuf
a n s , à la différence du cens seigneurial, dont les arrérages se prescrivaient
par trois ans : et que la coutume ne parle point des percièrcs dans les divers
titres qui concernent les droits féodaux et seigneuriaux.
Pourvoi en cassation pour contravention aux articles 5 et 17 de la loi du
a 5 août 1 7 9 2 , ainsi conçus :
( A r t. V .) c Tous les droits féodaux ou censuels utiles, toutes les rede-
» vances seigneuriales annuelles, et-généralement tous les droits seigneuriaux
» conservés ou déclarés rachetables par les lois antérieures... sont abolis sans
»indemnité, h moins qu’ ils no soient justifiés avoir pour cause une conces» sion primitive de fonds.
{ A r t . X V I I . ) > Ne sont point compris dans le présent déçret les rentes,
»champarts et autres redevances qui nn tiennent point à la féodalité, et qui
»sont dus de particuliers à particuliers non seigneurs ou possesseurs de fiefs.»
Les demandeurs voyaient dans ces deux dispositions com binées, que les
particuliers non seigneurs ou possesseurs de fitfs étaient dispensés de justi
fier que la- rente eût pour cause une succession primitive de fonds.
Ils e n c o n c l u a i e n t , a contrario sen su , o u p a r l a r è g l e qui de uno d icit, de
nllero n e g a t , q u e les s e ig n e u r s n e p o u v a i e n t ê t r e d isp en sés d e c e l l e p r e u v e .
Ou , en d’autres termes, qu’ il suffisait de la qualité do seigneur pour que
la renie fût présumée seigneuriale.
Les demandeurs trouvaient cette doctrine justifiée par un décret du G mes
sidor an 2 , portant : — «La Convention nationale, après avoir entendu le
»rapport de son comité do liquidation sur la pétition des citoyens P ip elet,
» père et fils, considérant que les citoyens Îip elet père et fils étaient ci devant
»seigneurs dp L a illy , que la rente dont le remboursement ost réclamé était
»duc sur un bien situé sur la paroisse du même nom ; que la loi du 25 août
» 1792 n’excepte de la suppression que les rentes purement foncières dues à
» des particuliers von seigneurs ni possesseurs de fiefs; el enfin que lesdits Pi-
»pclel 11e sont pas dans le cas de l’cxceplion : — Décrète qu’il n’ y a pas
»lieu 5 liquidation. »
•
V o ilà , disaient-ils, clairement décidé q u ’ u n e renie 11’csl pas purement
foncière lorsqu’elle est due à un ci-dcvant seigneur; que cette qualité do sei
gneur lui donne une couleur de rente seigneuriale , et la fait présumer telle
jusqu’h justification du contraire.
�fiO
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
—
DEUXIÈME PARTIE.
Après avoir amplement développé tous les moyens cjui faisaient présumer
la foncialité de la percière, les défendeurs se sont attachés h prouver, en géné
ral, que lu qualité de seigneur ne suffisait pas pour faire présumer une rente
seigneuriale, pour obliger le propriétaire h justifier par titre de sa foncialité.
Ils ont invoqué un arrêt de la C o u r , rendu le 5 pluviôse au 11 , par la
section des requêtes, au rapport de M. B o yer, sur la demande rejetee de
Fleehlein et consorts, en matière de rentes colongérrs ( i).
Ils ont rappelé comment M. M erlin,.procureur-général impérial, avait
alors réfuté l ’argument pris de l’article 5 de la loi du «5 août 1 792 , et celui
qui était pris du décret du 6 messidor an 2.
C ’est un principe, disait ce m agistrat, qu’un seigneur peut posséder des
renies purement foncières. — Donc celui qui prétend le contraire doit en of
frir la preuve ; — et la présomption contraire n’est point établie par la loi
du 25 août 1792.
L ’ art. 5 maintient les renies seigneuriales qui sont prouvées, par litre pri
mitif, être récognitives d’ une concession d’ immeubles. Quant aux rentes sei
gneuriales dont l’origine n’est pas constatée par de pareils tilres, la loi les
déclare abolies sans indemnité. — Mais la loi ne s’arme de celle rigueur qu’à
l ’égard des rentes seigneuriales ; elle ne dit rien des rentes foncières.
L ’arl. 17 porte bien que la loi du 25 août 1792 n’ost pas faite pour les
rentes purement foncières dues î» des particuliers non seigneurs. — Mai»
quant aux renies foncières dues b des ci-devant seiggeurs, la loi ne s’ex
plique point. Et l’art. 2 d elà loi du 17 juillet 1790 les maintient, puisque,
sans exception, elle maintient les renies purement foncières et non féodales.
A u s s i, le 7 ventôse an 2 , la Convention nationale déclara-t-elle abolie une
rente, non parce qu’elle était due h un seigneur, mais parce q u e , réunie îi
un cens emportant lods et vente , elle était seigneuriale et qualifiée telle.
Si le décret du G messidor an 2 semblo décider que la qualité de seigneur
.sullit pour faire présumer la féo d a lité , c ’est parce q u e , dans l’espèce propo
sée , la renie était réclamée sur un bien sis dans le ci-devant Verm and ois,
pays n o n -allodial, où l’on’ tenait pour maximo : 11tdle terre sans seigneur , où,
conséquemment, toute renie première ¿luit réputée seigneuriale,
M. le procureur-général Merlin, dans celle cause de p ercière, comme
( 1 ) V o jc z S irc y , llc c u c il d e l ’an 1 0 , p. 2 1 5 .
�ARRÊTS DE LA COUR DE CASSATION.
/jl
dans colle tle rentes colongeres , a été d’avis que la qualité de seigneur ne suf
fisait pas pour que la rente fût présumée seigneuriale; et attendu q u e , dans
l’espèce, l’existence de la rente était constatée et que la Coutume la pré
sume foncière , — il a conclu au rejet.
A rrêt.
Attendu (sur le moyen du fond de l’ affaire) que ia Coutume d’Auvergne
étant purement a llo d ia le, ainsi que cela résulte de la comLinaison de plu
sieurs de ses articles et de la jurisprudence constante du pays ;
Que, par conséquent, toutes les redevances dues sur les biens situés dans
le ressort de cette Coutume qui était soumise à la maxime : nul seigneur sans
titres, étaient, de leur nature, réputées purement foncières, à moins que le
contraire ne fût positivement stipulé par acte valable ; qu’il est d’autant n^oins
permis de supposer qu’en Auvergne les redevances connues sous le nom de
perr.ières étaient exceptées de cette conséquence générale résultant d e l ’allodia-
lité, et réputées, de leur nature, seigneuriales ou censuclles; que, de l’aveu des
demandeurs, il n’en est pas dit un mot dans les divers litres de la Coutume
qui concernant les droits féodaux et seigneuriaux , et qui en font une longue
énumération ; et qu’en oulrc la cour d’appel met en fa it, ce qui n’est point
contesté non p l u s , qu’ il est de principe reconnu , qu’à la différence du cens,
dont la Coutume ne permettait de demander que les trois dernières années
d’arrérages , on pouvait, au contraire , demander vingt-neuf années d’ arréra
ges ou fruits de la pcrcicre.
Q ue l’ article 5 de la loi du 25 août 1792 n’oblige que les propriétaires de
droits féodaux ou censucls h représenter le litre primitif, et que l’article 17
dispose que les rentes et cliamparls purement fonciers ne sont pas compris
dans la disposition do cet article 5 ; que si ce même article ajoute : «et autres
redevances qui ne tiennent point à la féodalité, et qui sont ducs par des par
ticuliers h des particuliers non seigneurs ou possesseurs de fiefs », on ne saurait
induire de ces dernières expressions, non-seulement que le législateur uit
d it , mais encore qu’il ait entendu dire «pie désormais, et par dérogation aux
lois antérieures , toutes les renies purement foncières , lorsqu’elles se trouve
ront ducs à des ci-devant seigneurs ou possesseurs do fie fs , seront réputées
féodales cl obligeront les propriétaires h représenter le titre primitif.
A t t e n d u enf i n q u e , p a r a u c u n e îles cl a us e s des act e s p r o d u i t s a u p r o c è s ,
6
�hll
PIÈCES JUT1FICATIVES. —
DEUXIÈM E
PAIïTIE.
il n ’c s l é ta b li q u e les «leux p e r c i è r e s d o n t ¡1 s ’ agit e u s se n t un c a r a c t è r e féo d a l
ou se ig n e u r ia l.
P a r t e s m o t i f s , la C o u r r e j e t t e , e t c .
D u 25 v e n d é m ia i r e a n
i 3 . — C o u r d e c a s s a t i o n .- — S e c t i o n c i v i l e — P r é
sident, AI. M a lc v ille . — Rapporteur, AI. R u p e r o u . — P la id a n t, MAI. D u fr e s ncau c l G uich a rd .
N . B . — L e m ô m e a r r ê t d é c i d e aussi q u ’ a va n t le C o d e c i v i l
d é fe n d a it p a s
de j u g e r q u ’ u n e se u le r e c o n n a i s s a n c e
lu loi ne
s iifiï l p o u r
établir
u n e re n te .
(N * 6 .)
M ê m e R e c u e i l , t. 55 , i r* p a r t ie , p . 5 a/[ e t s u iv an tes .
i “. R E N T E
F É O D A L E . — P e r c i Lr e .
a 0. R k c o k s a i s s a k c e . —
T
itre
primordial.
i ° E n pays d’a llo d ia lité , les percières, ou renies en portions de fru its, n'avaient
pas essentiellement le caractère de droit féo d a l; elles étaient réputées fonciè
res, ci m oins.de stipulations contraires ; —
Ces rentes n'ont donc pas été a t
teintes par les lois abolitives de la féodalité ( i ) ; et cela encore que lis débi
teurs aient reconnu q u ils tenaient de la directe seig neu rie, et que les fonds
étaient mouvants de la ju s tic e du seigneur; qu'ils aient aussi reconnu devoir
un droit de guet, cl se soient soumis « l'obligation de se présenter aux assises :
toutes ces stipulations sont insuffisantes pour établir un mélange de féoda
lité. ( L L . 2.r) a o û t 1 7 9 2 e t 1 7 j u ill. 1 7<>3.)
•i° I)e simples reconnaissances antérieures au C od e civil peuvent être regardées
comme suffisantes pour établir l ’ existence d ’une ancicnni r en te, bien qu’ elles
ne relaient pas la teneur de l ’acte prim ordial. ( C o d . c i v . , 1 0 5 7 . ) (a)
( S o u c h a t e t a u t re s —
L e s h é r it ie r s R id o n
C . de Y i l l e m o n l e i x . )
de V i l l e m o n l e i x r é c l a m a i e n t d e s s i e u r s
Soucliat ,
(1) C’est ce que la Cour dp cassation avait déjà décidé. J'uy. t. 5, i , 57, et J u r h p , du 1 9 ' ttt'c/r,
v* ¡lent» fio d a te, n* 8 0 . — I oy. uussi le Ilipcrt. de M erlin , v" T errage, $ l ,r.
(2) / ov. J’arrf-t filé dans la note précédente, -r- f ’oy. aussi t. 28, 2, 270 et 2 7 7 ; — Ju riip r.
(ï* tiicle, v* Rente t J 1",
,I»
�ARRÊTS DE I,A COUP. DE CASSATION.
Ù3
lix ier et autres, le paiement de plusieurs rentes pvreières (espèce de droit
de champart) dass en vertu d’anciennes reconnaissances.— Les défendeurs
soutenaient que ces fentes étaient nlleinles par les loisabolitives de la féo
dalité, soit comme étant essentiellement seigneuriales, soit comme se trou
vant mélangées de féodalité ; e t , pour établir le mélange de féodalité, les
défendeurs argumentaient de ce que les actes produits constataient que les
débiteurs avaient reconnu tenir de la directe seigneurie du baron deVillemonteix; de ce qu’ ils avaient aussi reconnu que les fonds concédés étaient situés
dans la ju s tic e liante , moyenne et ¿•nsse du seigneur; de ce qu’ils s’étaient
soumis au paiement d ’un droit de guet, et h l’obligation de comparaître aux
ossises, à peine d’amende; enfin, de ce que les reconnaissances étaient por
tées dans un terrier où figuraient d’autres reconnaissances féodales. — En
outre, les défendeurs opposaient le défaut de représentation des titres pri
mordiaux , et prétendaient que les reconnaissances invoquées ne pouvaient
suppléer ces titres.
Les premiers juges déclarèrent les rentes frappées d’abolition; mais sur
l’appel, c l le 2y mai i 834. la Cour royale de Riom rendit un arrêt ailirmatif,
motivé principalement sur ce que la Coutume d’Auvergne, dans le ressort
de laquelle se trouvaient situés les fonds concédés, était une Coutume allo
diale , et que le pays était régi par la maxime : n u l seigneur sans litre. —
Quant au défaut de représentation des litres prim ordiaux, l’arrêt considère
que les reconnaissances rappelant ces titres et ayant été insérées au terrier
des demandeurs, doivent faire pleine foi et justice tant que les défendeurs
ne démontreront pas qu’elles contiennent autre chose que ce qui élait con
tenu dans les titres anciens.
POURVOI .en cassation par le sieur Souchat et consorts : i* pour viola
tion des lois nbolitives des rentes féodales ou mélangées de féodalité; —
pour violation] des règles relatives h la preuve de l’exislencc des rentes.
(Art. 5 d e là loi du a 5 août 1792,01 art. 1537, Cod. civ.)
ARI\KT.
LA C O U R ; Attendu, sur le premier m oyen, qu’il en est de la percière
conune du champart : ce n’est pas un droit essentiellement féodal; il n’est
pus incompatible avec la directe; il n’emporte pas la directe seigneuriale, et
même les mots directe seigneurie 11c supposent point, en pays allodial, une
�PIÈCES JUSTIFICATIVES. - DEUXIÈME TAHTIE.
Uh
mouvance féodale : c ’est le dominium directum retenu par le bailleur ït cmphy téoso ;
*
Attendu que l’Auvergne était un pays allodial régi par la maxime : nul
seigneur sans litr e , et où fief et justice n’avaient rien de commun , o ù , par
conséquent, le droit de guet, l’obligation d e sc présenter aux assises, se ré
féraient à la justice, étant.dus au seigneur haut justicier, ralione superioritatis, sans avoir rien de féodal; — Attendu que les titres des percières dont
il s’ agit ne sont ni féodaux ni mélangés de féodalité;
Attendu, sur le deuxième m o y en , que l’obligation de rapporter le titre
primitif n’est imposée, par l’art. 5 de la loi du 25 août 1792, que relative'
ment aux droits féodaux; que l’art. 1307, God. civ., ne pourrait être appli
qué à la cause sans effet rétroactif, et que la question étant fort controversée
avant le Code civil, sans qu’il existât de loi positive, In Cour royale de Piiom
a pu, sans violer aucune l o i , admettre comme suifisnntes des reconnaissan
ces qui contiennent l’ aveu du droit, la confession de la dette , qui sont la
loi dos conventions, et forment, entre les parties, des actes parfaits, le lien
civil résultant du consentement qui forme le contrat, des reconnaissances
qui sc réfèrent h d ’anciens titres remontant aux années 1765, 153g et 1542 ;
— Rejette, etc.
Du 3 juin i 835. — Ch. req* — P r è s ., M. Borel. — lîa p p ., M. Mesladicr.
— C o n cL , M. Lebeau, f. f. d’ av. gén. — P l . , M. Garnier.
( I V -7 .)
Même R ec u e il, t. i 5 , 1” partie, page 147P A C T E C O M M I S S O I R E . — D é g u e r p i s s e m e n t . — P i u v h . é g k . — In s cjiip noN
HYPOTHÉCAIRE.
f a pacte commissoire (ou la faculté de reprendre la chose aliénée à défaut d ’exé
cution des conditions de l ’aliénation, telles, par exem ple, (jue la condition
de paiem ent du p rix) est essentiellement compris dans le bail à rente, foncière.
— A i n s i , le défaut de paiement résout le contrat, et autorise l ’ action en
déguerpissement . — C e droit de reprendreest (entre le bailleur et le preneur)
�ARRÊTS DE
la
COUK HÉ CASSATION.
/|5
toute autre chose qu’ une créance soumise pour sa conservation a u x form a li
tés établies par les lois sur le régime hypothécaire. (Loi du i 8-29 décem
bre 1790, tit. 1 " , art. 1 et 2; tit. 5 , art. 1 et 3 ; — Loi du 11 brumaire
an 7, sur les hypothèques, art. 4°- — Cod. civ., art. 1284» 2106.)
( Galonier — G. Vors. )
.
1—
».
1:
Ces questions ayant déjh ¿té agitées devant la Cour de cassation , et jugées
dans un sens moins restreint par arrêt du 1G juin 1811 (V. tom. u ,
r*
p a r t ., pag. 3 5 7 ) , il suffira de dire ici un mot du fait qui a donné lieu à l’ ar
rêt suivant.
Le sieur Vors,détenteur d’ un domaine baillé en 1770, à titre de locatairie
perpétuelle, no payait pas la rente stipulée pour prix du bail. Déjà, en 1 an 8 ,
il avait été condamné au paiement de plusieurs années d’arrérages échus;
depuis cette condamnation il avait également négligé le service de la rente.
E n fin , le 5 avril 1808, il fut rendu contre lui jugement portant condamna
tion au paiement de nouveaux arrérages é ch u s, cten outre au déguerpisse
ment , si, dans le délai de trois m o is , il n’ avait purgé la demeure. — Sur
l’ap p el, un arrêt de la Cour de Nismes avait réformé et rejeté la demande en
déguerpissement; a Attendu que pnr les nrl. 1 et 2 du lilro 1 " , la loi du
18 décembre 1790 a déclaré rachetables les redevances foncières établies
par des baux h locatairie perpétuelle; qu’ elle a , par cela seul, aboli l’action
en déguerpissement; et q u e, pour leur conservation,elle a soumis ces ren
tes aux formalités de l’inscription hypothécaire , et qu’ ici le créancier de la
redevance n’ a point rempli ces formalités» » — Sur le pourvoi du sieur
Galonier, cet arrêt a été cassé.
A iuiêt (par défaut).
L A C O U R : — Vu les articles 1 et 2 du tit. 1 " de la loi du 29 décembre
1 790, et les art. 1 cl 3 du tit. 5 de la même loi ; — Vu la loi du 11 brumaire
an 7 et autres sur le régime hypothécaire;
Attendu que, d’ après les articles 1 et 3 précités du lit. 5 de la loi du 29
décembre 179 0 , le rachat autorisé par l’ art. 1 " du tit. i " d c la même loi
" ’a rien changé h la nature des rentes foncières, ni aux droits en résultant
pour le bailleur; q u e , suivant les lois et la jurisprudence ancienne, le pacte
commissoire était de la nature du contrai do bail îi renie foncière, et que
ce principe a même élé appliqué h tous les contrats synallagmaliques, pnr
�PIÈCES JUSTIFICATIVES. —
ftC>
DEUXIÈME PARTIE.
P a r i. 1 1 84 «1» C o d e c i v i l ; q u ’ il s uit de là q u e le d r o it q u i c o m p è t e a u b a i l
l e u r d e r e n t r e r dans son f o n d s , e u v e r l u d u p a c t e c o m m i s s o i r e , £1 d é fa u t de
p a i e m e n t d e la r e n t e f o n c i è r e , e s t , au m o in s d a n s so n a p p l ic a t i o n a u
prdiieur
e t vis-à-vis d e c e d e r n i e r , a b s o l u m e n t é t r a n g e r a u x lois s u r le r é g i m e h y p o
t h é c a i r e , e t se c o n s e r v e in d é p e n d a m m e n t d e s f o r m a li té s é ta b lie s p a r ce s lois;
q u ’ ainsi l ’a r r ê t a t t a q u é , e n d é n ia n t au d e m a n d e u r l ’e x e r c i c e de c e d r o i t ,
so us le p r é t e x t e du d é f a u t d ’in s c r i p ti o n d e sa p a r t s u r les b ie n s a ff e c t é s à ln
r e n t e , n fait u n e f u i s s e a p p l i c a tio n des lois s u r le r é g i m e h y p o t h é c a i r e ; et
f o r m e l l e m e n t v io lé les a r t ic l e s 1 *r e t 5 du lit. 5 < l e l a l o i d u y g d é c e m b r e 17 9 0 ;
— C a s s e , etc.
Du
11
octobre
4 - — C o u r du c a s sa tio n . — S e c t i o n c i v ile . —
18t
RI. le b a r o n M o u r r e , p . —
Prcs.
Rapp. M. B o y e r . ;— C oncl. M. G i r a u d , a v o c . g é n .
P l. -M. M a ilh e. ( Z . )
(iV 8.)
M ê m e I l e c u e i l , t. 1 1 , 1 " p a r t ie , p . 0 5 7 .
j ”.
PACTE
CO M M ISSO IRE.
—
P ropriété. —
H y p o t h è q u e . —r R e s t e
FOSClfcnE. - DÉGU ER PI9SEM EN T.
a°.
T
ierce
-
opposition
.
—
R
eprésentation
judiciaire
.
—
C
réancier
.
1". U n bail à rente foncicrc renferme essentiellement un pacte commissoire : it
n’ em porte, de sa nature, aliénation de p rop riété, ¡¡ne svtts la condition du
paiement. — A in s i, le créancier d'une rente créée pour concession de fonds
peut demander le déguerpissement, faute de paiement des arrérages, encore
ou il n'ait pris aucune inscription, que l'imm euble ait été hypothéqué au pro
fit d'un tiers, et que le débiteur de la rente ail la faculté de ta racheter.
20. Les créanciers hypothécaires ne peuvent form er tierce-opposition aux j u g e
ments rendus, sans fraude, contre leur débiteur, et passés en force de chose
j u g é e , encore que leur hypothèque se trouve sans effet par suite de ces j u g e
ments. — D ans ce eus, les créanciers ont été représentes au jugem ent par
leur débiteur.
( C o d . P r o c . c i v . , a rt. 074*)
(L a dam e S q u iro ly —
C. D écès-C anpènr. )
L e .r> s e p t r m b r e 1 7 ‘i 1 , l’ un d e s n u tc u r s de Décès- C a n p è n e d o n n a , ù titre
�ARRETS DE LA COUR DE CASSATION.
47
de bail à Iocatairié perpétuelle, à l’un des auteurs du sieur Squiroly, deux
domaines situés dans lo ressort du parlement de Toulouse.
Le sieur Squiroly négligea de servir la r en te, c l , en l’ an g , il fut con
damné au'fléguerpissement; le jugement fui confirmé par un arrêt du 4 août
1808, çt mis h exécution.
'
Observons qu’à cette époque le créancier n’ avait rempli aucune formalité
pour la conservation do sa rente, devenue rachetable par l’effet de la loi du
29 décembre! 1790; tandis que la dame Squiroly avait pris une inscription
hypothécaire pour la*conservation de sa d ot, sur les deux domaines tenus
par son mari, à tilro de locntairie perpétuelle.
La dame Squiroly, après avoir fait prononcer la séparation de biens entre
elle èl son mari, fit sommation au sieur Décès-Canpène de lui payer le mon
tant do sa dot; ou de délaisser les immeubles sur lesquels elle avait pris une
inscription.
Décès-Canpène répondit que le pacte commissoire avait eu l’effet de faire
rentrer dr.ns ses mains les immeubles donnés à locatairic perpétuelle, quittes
de toutes hypothèques; q u e , d’ailleurs, la dame Squiroly ne pouvait avoir
plus de droilsj que son créancier, et que le jugement qui avait ordonné le
déguerpissement, ayant acquis l’autorité d e là chose jugée, était inattaqua
ble de la part du sieur Squiroly el de scs créanciers.
Le 23 août »809, jugement du tribunal civil de M u r e t, qui débouta la
dame Squiroly de sa demande.
Sur l’nppel, elle forma tierce-opposition à l’arrêt du 4 août 1808, confir
mât^ du jugement qui avait ordonné le déguerpissement; mais ses moyens
échouèrent, comme ils avaient échoué en première instance.
Un arrêt do la Cour de Toulouse la débotita de sn tierce-opposition et de
son appel.
P O U RVO I en cassation.
La demanderesse invoquait d’abord les dispositions de l’art. i “ du lit. 2
de la loi du a 9 décembre 1790, qui déclarent rachetablcs toutes rentes cl
redevances perpétuelles; elle disait que celte loi avait converti les droits des
propriétaires do rentes foncières eu des créances personnelles, et que les dé
biteurs étaient devenus propriétaires inconiinulobles des immeubles affectés
au service des rentes; que, par conséquent, ils avnicnt pu les aliéner et les
hypothéquer, du moment que la loi sur le rachat avait été promulguée; que,
�48
p iè c e s
ju s t if ic a t iv e s ,
d e u x iè m e
p a r t ie .
—
ARRÊTS,
dès ce moment, le sieur D écès-C anpèn e aurait dû prendre inscription sur
les biens de son débiteur pour la conservation de ses droits ; mais qu'ayant
négligé de remplir cette formalité , il ne pouvait exercer scs droits qu’ après
les créanciers inscrits de son débiteur; que, d’ ailleurs, il devait poursuivre
le paiement de sa rente par la voie de l’expropriation forcée , et non pas de
mander le déguerpissement ;
Q ue la Cour d’appel de Toulouse, en déclarant la tierce-opposition mal
fondée, avait violé l’art. 474 du Code de Procédure; qu’il est faux, de dire
qu’ un débiteur représente son créancier; que, s’il en était ainsi, il s’ensui
vrait que les créanciers hypothécaires n’ auraient aucun droit à exercer toutes les fois qu’ il plairait à leur débiteur d’aliéner les biens affectés au paie*ment de leurs créances, puisque les acquéreurs seraient fondés à soutenir
que la vente est parfaite à l’égard du vendeur, et que ses créanciers n’ ont pas
plus de droit que lui.
A rrêt.
LA CO U R : — Sur les conclusions de M. Daniels, avocat-général ;
Attendu que la loi du 29 décembre 1790, qui a rendu rachetables les ren
tes foncières perpétuelles, n’a pas changé la nature de ces rente s , et que le
pacte commissoire est de leur nature ;
Attendu que l’exécution du pacte commissoire, dérivant du titre origi
naire, résout le contrat ab initio, e t , par conséquent, efface toutes les hypo
thèques intermédiaires.
Attendu que l’arrêt contradictoire du 4 août 1808, conforme à ce prin
cipe, avait de plus acquis l’autorité de la chose jugée lorsque la réclamante
y a formé opposition ;
Attendu qu’elle ne pouvait avoir plus de droit par son hypothèque que
son débiteur lui-même, qui n’ avait qu’ une propriété résoluble; q u e , dans
cet état de ch oses, cette tierce-opposition aurait é té mal fondée
quand
même elle eût été rece vable;
Attendu, enfin, que l’arrêt attaqué n’est contrevenu à aucune loi, et s’est
c o n f o r m é , au contraire , à l’ ancienne jurisprudence, à laquelle la loi du
29 décembre 1790 n’ a porté aucune atteinte : — Rejette.
Du 16 juin 1811. — Section des requêtes. •— P r . , M. le baron Henrion.
R app., M. Lefessier Grandpre y.
Im p r im e r i e d e T E R Z U O L O R U E D E V A U G IR A R D N 1 1
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Duplessis-Chatillon. 1837?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bole
Ph. Dupin
Odilon Barrot
A. Paillet
H. De Vatimesnil
Subject
The topic of the resource
bail emphytéotique
domaines seigneuriaux
cens
retranscription de bail
biens nationaux
émigrés
rentes féodales
droit de propriété
abolition des privilèges
droits féodaux
coutume d'Auvergne
prescription
absence
poids et mesures
doctrine
droit écrit
franc-alleu
directe seigneuriale
jurisprudence
droit de guet et de garde
Masuer
forains
corvées
code civil
droit intermédiaire
domaines agricoles
fromages
vin
percière
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire et consultation pour M. le marquis Duplessis-Chatillon ; contre les détenteurs de ses domaines de la Roussière, Lollière, la Croux, la Fage, situés dans la paroisse de Saint-Clément, en Auvergne [suivi de ] Pièces justificatives.
Table Godemel : Bail emphytéotique. v. emphytéote.
2. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? Les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? Féodalité : 1. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? les Baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayans cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéote ?
en d’autres termes les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayant cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens soumis à l’emphytéose ? Reconnaissance.
4. plusieurs reconnaissances notariées peuvent-elles dispenser le demandeur de représenter le Bail emphytéotique primitif ?
3. les baux emphytéotiques ont-ils été détruits ou intervertis, à l’égard du bailleur originaire, par les lois des 18-29 décembre 1790 et 11 brumaire an 7 et par les dispositions du code civil ? voir les faits spéciaux. ibid.
en tout cas quel caractère doit avoir la notification faite aux représentants du bailleur originaire, pour opérer l’interversion ?
la prescription a-t-elle couru valablement, en faveur du possesseur, dès la notification (1793) si l’on considère que, d’après la législation, la rente quel que soit sa nature, foncière ou féodale, aurait été déclarée rachetable ? prescription.
24. en Auvergne, les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers, ou ayans-cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéose ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Terzuolo (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1837
1651-1837
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2814
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2813
BCU_Factums_G2815
BCU_Factums_G2816
BCU_Factums_G2817
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53570/BCU_Factums_G2814.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Clément (15180)
La Roussière (domaine de)
Lollière (domaine de)
La Croux (domaine de)
La Fage (domaine de)
La Roque (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abolition des privilèges
absence
bail
Bail emphytéotique
biens nationaux
cens
Code civil
corvées
coutume d'Auvergne
directe seigneuriale
doctrine
domaines agricoles
domaines seigneuriaux
droit de guet et de garde
droit de propriété
droit écrit
droit intermédiaire
droits féodaux
émigrés
forains
franc-alleu
fromages
jurisprudence
Masuer
Percière
poids et mesures
prescription
rentes féodales
retranscription de bail
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53571/BCU_Factums_G2815.pdf
41c30e1b0bb0dbc06e61db9ef81cc37a
PDF Text
Text
p
T
TRIBUNAL
de
POUR
PREMIÈRE INSTANCE
D ’A U R IL L A C .
Mme M a r i e - C h a r l o t t e d e CASSAGNE DE BEAU,
.
FORT DE MIRAMON, veuve de M. le Marquis
François-Félix Duplessis-Châtillon, en sa qualité
d’héritière bénéficiaire de M. le Marquis de Miramon, son père, D e m a n d e r e s s e ;
CONTRE
MM. A n t o i n e BADUEL, comme détenteurs du do
maine de Lollière, appartenant a la succession bé
néficiaire dudit Marquis de Miramon, D é f e n d e u r s .
Le 21 août 1837, madame la marquise Duplessis de Châtillon a
fait signifier aux héritiers Baduel un acte du 6 mars 1755, qui les
oblige à la prestation d’une rente emphytéotique, au profit du
marquis de Miramon, son père, de ses héritiers ou ayant-cause.
Le 2 septembre suivant, elle leur a notifié un commandement de
payer les arrérages de la rente.
,|
Aujourd’hui elle les poursuit devant le tribunal civil d ’Aurillac,
faute de paiement, pour obtenir contre eux l ’exécution de son
titre.
Madame de Châtillon avait déjà publié quatre mémoires sur
Audience du
_
�2
PREMIÈRE P A R T IE .
celle affaire, l’un en forme de consultation générale; les (rois
autres contre les héritiers Druo, les héritiers Auzolle, et les héri
tiers Baduel. Ces derniers seulement viennent de répondre dans
un écrit fort insidieux, qu’il importe d’autant plus de réfuter que
la matière q u ’il a pour objet étant fort peu connue maintenant, on
est obligé d ’en faire une étude spéciale pour décider les questions
que ce procès présente à résoudre.
La consultation avait été demandée par M. le marquis de Chàtillon pour sa mère. Elle portait sur quatre héritages dont deux
seulement sont réclamés aujourd’hui. Le rédacteur du mémoire
en réponse se prévaut de celte double circonstance pour nier les
qualités de la demanderesse, qui résultent de ses titres héréditai
res, et de la renonciation de ses deux sœurs à la succession de
M. le marquis de Miramon, père commun, qu'elle a fait signifier
aux héritiers Baduel, par acte du 20 septembre dernier. Il oppose
en outre des exceptions de chose jugée à la demande des domai
nes de Lafage et de la Koussière qui ne sont pas demandés. C’est
à quoi se réduisent les six premières pages du mémoire.
On examine dans ce qui suit jusqu’à la quarante-neuvième page
inclusivement:
« 1° La nature de l’acte du G mars 1755, qui sert de base aux
demandes de madame de Châlillon, contre les héritiers Baduel j
a 2° La question de savoir, en thèse générale, si les baux em
phytéotiques, à cens ou rentes, sont frappés de la suppression
prononcée par les lois de 1792 et 1793, quand ils sont mélangés
de féodalité;
i
« 3° La question de savoir particulièrement,' si les beaux em
phytéotiques perpétuels sont atteints par ces lois suppressives ;
« 4 “ L ’a p p l i c a ti o n d e la d o c t r i n e é t a b l i e a u x p a r a g r a p h e 2 e t 3
c i - d e s s u s , à l’a c t e d u G m a r s 1755.
« 5° L’o b j e c t i o n t i r é e d e c c q u e la c i - d e v a n t A u v e r g n e é t a it
u n p a y s a ll o d i a l .
« G° Enfin la question de la prescription. »
�IL n ’ y
a
pas
de
pr e sc r ipt io n
.
3
Nous répondrons d ’abord au sixième et dernier de ces para
graphes , parce que , s’il était vrai qu’on pût opposer la pres
cription à madame d e C h â lillo n , il serait inutile d’examiner si
sa demande contre les héritiers Baduel est féodale ou non féo
dale.
Quant aux cinq autres, nous n ’avons jamais contesté que les
rentes mélangées de féodalité ne fussent frappées de suppres
sion ; mais nous soutenons que l’acte du 6 mars 1755 n ’est point
féodal, parce que la»féodalité ne se présume point dans la cou
tume d ’Auvergne , et q u ’elle ne résulte pas des clauses de l’acte.
Ainsi , nous écarterons la presque totalité du mémoire de nos
adversaires , qui est étrangère aux difficultés qui s’élèvent entre
nous.-Nous réfuterons tout le reste, t
PREMIERE PARTIE.' '
Les demandes de madame la marquise de Châtillon ne sont pas
repoassees p a r la prescription.
Nous avions é ta b li, pages 5, 14 , 15 et suiv. de la consultation
du 5 mai 1837, q u e , pour q u ’on put opposer la prescription à
madame la marquise de Châtillon , d’après le droit c o m m u n ,
qui ne nous empêchera pas de nous prévaloir des lois spéciales,
il faudrait une interversion de titre, un changement dans la qua
lité de la possession. Sans cela , ou prescrirait contre son titre,
ce qui serait contraire à tous les principes anciens et nouveaux.
Que cette interversion pouvait résulter d’un acquisition faite par
«les tie rs, ou d ’une dénégation légale de la redevance, mais non
d’une transmission à titre héréditaire , ou d’une simple cessation
dupaiinent des rentes promises. Nous avions d it, avec M.Toullier,
que , dans notre espèce, c ’est-à-dire , « à l’égard des rentes fon-
�“*
a
«
«
«
«
PREMIÈRE PARTIE.
cières créées antérieurement à la promulgation du Code, quoique aujourd’hui meubles et rachetables, le débiteur ou ses
héritiers pouvaient encore s’en libérer par le déguerpissement
ou abandon du fonds , parce que les dispositions du Code ne
peuvent avoir d’effet rétroactif. »
Nous avions ajouté que le bailleur pouvait, dans la coutume
d ’Auvergne, exercer l’action en dégaerpissement trois années
après la cessation de paiement de la redevance; q u’il n ’avait droit
q u ’à trois années d’arrérages , quelle que fut la durée de la ces
sation , fût-elle de mille a n n é e s , suivant l’expression énergique
de Dumoulin ; que du moment q u’il n ’y avait, dans l’espèce,
ni interversion de litre, ni dénégation légale d e là redev an ce,
il fallait exécuter l’ancien titre, qui ne pouvait être apprécié que
d ’après les lois d e l à coutume d ’Auvergne, les seules qui l’a
vaient toujours régi. Voilà pourquoi nous avions conclu :
Qu’il plût au tribunal condamner les sieurs B aduel, comme
héritiers directs du preneur originaire, à payer à la requérante
trois années des arrérages de la rente consentie par le bail em
phytéotique du 6e du mois de mars de l'an 1755, et à servir à
l’avenir ladite rente , année par année , si mieux n ’aimaient les
sieurs Baduel racheter la rente, ou bien déguerpir.
Ce langage était simple et conséquent. L’auteur du mémoire
en réponse a feint de ne pas l’entendre. Cependant personne
ne pouvait jug er mieux que lui, que la seule question à exami
ner était ici celle de savoir si l’interversion de titre qui n ’existe
pas en fait dans la cause , pouvait résulter implicitement du fait
de la loi. Mais comment résoudre cette question pour les défen
deurs ? Il est clair q u’il faut une interversion de titre pour que
le titre ancien ne soit pas exécuté, et que cette interversion ne
peut résulter implicitement du fait de la loi. Il aurait fallu , pour
anéantir des contrats quelconques p a s s é s antérieurem ent a nos
lois nouvelles, que ces lois les eussent expressément abolis ,
�IL
n ’y
a
pas
DE PRESCRIPTION.
Ô
ce qu ’elles n’ont fait que pour les actes ou droits féodaux e lcen suels; ou'bien q u ’elles eussent positivement déclaré que le titre
ancien serait remplacé pas le litre dont elles auraient imposé
les conditions. Nous verrons , dans le cours de la discussion , ce
q u ’ont fait les lois spéciales sur les baux à rentes emphytéoti
ques. Il est vrai que les défendeurs assurent que l’acte du 6
mars 1755 est un acte féodal : nous démontrerons q u ’ils se
trompent. Ecartons premièrement ce q u ’ils disent de la pres
cription.
'
Ht, d’abord , remarquons! q u ’après avoir rapidement esquissé
une savante analyse des lois des 5 mars 1790, 6 juillet 1791,: 20
août 1792,'et des articles 529 et 530 du Code civil, on suppose
partout ce q u ’il faut prouver, c’est-à-dire que ces lois générales
ont opéré une interversion de titre- Il faut convenir qu’elles ont
pu déclarer,et on t déclaré prescriptibles-des droits qui n ’étaient
pas d ’abord prescriptibles; mais elles n’ont pas changé le titre du
possesseur originaire, et comme des dispositions de cette nature
doiventêtre restreintes plutôt q u ’étendues, la seule conséquence
rigoureuse q u ’on pourrait tirer de l’article 8 de la loi du 15 mars
1790, tel q u’il est cité, page 44: d ^ m é m o ire , serait que toutes
les rentes, redevances et autres droits rachetables, sont soumis
à la prescription p o u r l e s t i f . u s a c q u é r e u r s . Mais cet article-ne
porte point atteinte à la maxime qu'on ne peut pas prescrire contre
ion titre (C. c. 2240). Le principe qu’il renferme a été d ’ailleurs
de nouveau consacré par l’article 2239 du Code civil , ainsi
conçu : « Ceux à qui les fermiers, dépositaires et autres déten« teurs précaires ont transmis la chose par un titre translatif de
v propriété, peuvent la prescrire ». Encore faut-il, même dans ce
cas, que l’acte translatif de propriété ne rappelle point le titre
purem ent précaire du vendeur, parce que ce dernier ne peut
pas avoir transmis d ’autres droits que ceux qu ’il a déclarés. Le
seul droit que les lois nouvelles aient introduit en faveur des
�G
PREMIÈRE PARTIE.
preneurs originaires ou (Je leurs héritiers directs, est celui de
racheter la rente. Ju sq u ’à ce rachat, la rente reste pour eux ce
q u ’elle était par son litre. On ne peut dire que l’article 8 de la
loi du 15 mars 1790 ne distingue point; qu'il déclare les rentes
et redevances de toute nature rachelables etprescriptibles, parce
que cette manière d ’entendre la loi la rendrait contraire aux
principes, et q u ’il ne faut admettre d’antinomies que lorsque
toute conciliation raisonnable est impossible. D’ailleurs voyons
cette loi; ouvrons, non plus le mémoire de nos adversaires,
mais le bulletin officiel, le texte entier de la loi.
C’est une l o i générale concernant les droits féodaux supprimés
sans indemnité, e t ceux déclarés rachetables. Nous pouvons , par
conséquent, la repousser hautem ent, comme inapplicable. Elle
s’occupe uniquement des droits féodaux. Nous ne réclamons
point de droits féodaux. On invoque l’article 8 ; lisons cet
article.
1
« VIII. Tous les droits féodaux cl censuels, ensemble toutes
« les rentes, redevances, et autres droits qui sont rachetables
« par leur nature ou par l’effet des décrets du 4 août 1789 et
« jours suivans (par lesquels le régime féodal est entièrement
« détruit), seront, ju sq u ’à leur rachat, et à compter de l’époque
« qui sera déterminée par l’article 33 du litre 2 des présentes,
« soumis, pour le principal, à la prescription que les différentes
« lois et coutumes du royaume ont établie .relativement aux im« meubles réels, sans rien innover, quant à présent, à la près« cription des arrérages ».
On voit que cet article, fidèle à la rubrique de la loi, n ’a pour
objet que les droits féodaux et censuels, ou tout ce qui est relatif
au régime féodal, aboli par les décrets des 4, (>, 1, 8 et 11 août
1789, ainsi q u ’il est dil dans le préambule. Ajoutez que l’articlc
n ’établit aucune prescription nouvelle r e l a t i v e m e n t aux immeu
bles réels, et q u ’il s'en réfère aux différentes lois et coutumes du
�Xi1)
IL
n’y
A PAS DE PRESCRIPTION.
7
royaume. Cette citation est donc déplacée et ne prouve absolu
ment rien pour nos adversaires, puisqu’ils n ’ont aucun besoin de
la prescription, s’ils dém ontrent que nous réclamons u n droit
féodal.
D’aüleurs rien n'est plus élémentaire ni plus juste que les p rin
cipes que nous invoquons. Nous disons aux héritiers Baduel :
« Votre père ou grand-père, s’il vivait encore, n ’aurait pu pres« crire la toute propriété du domaine de Lollière, q u’il avait reçu
« du marquis de Miramon, à titre d ’emphytéose. Il n ’aurait
« pu que prescrire les arrérages des redevances, à l’excep« tion des trois dernières années. Telle était la loi de son titre.
« Vous ne faites que continuer votre père ou votre aïeul. Vous
« possédez en vertu du même t i t r e , sans aucun changement
« dans la qualité de la possession. Vous avez tous les droits
« q u ’ilavaitlui-mème; mais vous n ’en pouvezavoir davantage.Si
« vous aviez vendu vos droits successifs depuis que la coutume
« d ’Auvergne est abolie, que les lois anciennesontété changées, le
« titre de vos acquéreurs au domaine que vous possédez, e û t été
a régi par les lois nouvelles ; mais ces lois ne peuvent pas avoir
« de rétroactivité par le seul fait de leur existence. La rétroacti<f vite ne saurait se présumer, et vous la présumeriez nécessaire« ment, si vous vouliez soumettre à la loi nouvelle, des contrats
« passés sous les lois anciennes, alors que cette même loi ne l’a pas
« expressément ordonné : or, toutes les dispositions rétroactives
'< de la loi nouvelle ne frappent que les droits féodaux et censuels,
« et pas d ’autres droits. Rendez-nous donc l’héritage de notre
« père que vous retenez sans aucun titre ...... » Cette d éten
tion injuste, dans son p rin c ip e , ne peut être légitimée par la
longueur de la possession.La détention est injuste dans son
principe : 1° parce qu'on n ’a point respecté la condition de
la redevance dont la stricte observation pouvait seule la légitimer;
2” parce que les héritiers Baduel ne pouvaient pas se prévaloir du
�8
,i
PREMIÈRE P A R T IE .
,
titre emphytéotique de leur père, puisque l’emphytéose n’avait
été consentie q u ’à Pierre Baduel seulement. Q u’il n ’est point dit
dans l’acte q u ’elle ait été consentie à Baduel e t a u x s i e n s ; q u ’ainsi
l’emphytéose du 6 mars 1755 était essentiellement temporaire
ou à vie du preneur. Qu’on ne peut pas induire le contraite des
termes de l’obligation prise par Baduel de p a yer et porter les sus
dits cens et rente... a p e r p é t u i t é . . . au marquis de Miramon et aux
siens... TANT ET SI L ONGUEM EN T Q u ’i l . JOUIRA ET SER A T ENANC IE R DUDIT
d o m a i n e d e L o l l i e r e , car ce mot de
perpétuité est immédiate
m ent suivi d ’autres termes, qui en limitent formellement l’éten
due à la durée de la jouissance par le tenancier : or, cette jo uis
sance n epouvants’étendre audelà de la vie, il suit de là que le bail
emphytéotique a pris fin à la mort de ce tenancier, et que de
puis cette époque ses héritiers ont joui sans aucun titr e ,d ’où nous
concluons qu ’ils n'ont pu prescrire.
Le mémoire en réponse rte se dissimule pas que si le bail
emphytéotique est réellement temporaire, on ne peut point op
poser de prescription. Nous avons montré par les termes mêmes
de l’acte qu'il est temporaire. Mais nos argumens ont plus de
portée. Dans l’hypothèse où nous sommes placés, en l’absence
de tiers acquéreurs, d ’interversion de titre, ou de dénégation lé
gale de la redevance, nous repoussons la prescription tant pour
le bail emphytéotique perpétuel que pour le bail temporaire.
Les héritiers Baduel expliquent la prescriplibilité prétendue du
bail emphytéotique perpétuel par l’article G de la loi du 11 août
1789, « par lequel, disent-ils, page 43, toutes les rentes foncières
« perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce
« qu’elles fussent, quelle que fut leur origine , à quelques per« sonnes qu ’elles fussent dues, ainsi que les champarts de toute
« espèce, et sous toutes dénominations, furent déclarés racheta« bles. » Il ne suivrait pas de là que ces ventes fussent prescrip
tibles. Mais lorsque plus tard les articles 529 et 530 du Code civil
�IL n ’y
k
PAS DE PRESCRIPTION.
9
ont mobilisé ces rentes, elles sont devenues seulement alors pres
criptibles, comme nous l’avons établi dans la consultation du 5
mai, d ’après les doctrines expliquées dans les considérans d ’un
arrêt de la Cour de cassation, sections réunies ( lire l’arrêt dans
Dalloz, 3G-1-41). Néanmoins, même dans ce cas, la prescription
ne s’est opérée q u ’en faveur des tiers-acquéreurs. Les preneurs
originaires sont restés sous la loi de leur titre, en ayant de plus la
faculté de racheter la rente, parce que les lois ne disposent que
pour l’avenir. Tout cela a été développé dans la consultation et
appuyé des autorités les plus imposantes. Il nous suffira de faire
observer que le rédacteur du mémoire en réponse n ’a pas même
abordé notre observation que les héritiers directs du preneur em
phytéotique , alors même qu’ils auraient été légalement investis
du domaine de Lollière, ne pouvaient en aucun cas prescrire con
tre leur titre.
Il faudrait donc, pour repousser la demande de madame la m ar
quise de Châtillon, que ses titres fussent féodaux ou mélangés de
féodalité. Ils ne le sont p o in t, comme on va le voir.
DEUXIÈME PARTIE.
L ’acte du G mars 1755 ri est point féodal, ni mélangé deféoaalüf.
Notre honorable adversaire consacre une grande partie de son
mémoire à soutenir que les actes féodaux sont abolis, et que celte
abolition a été étendue, par une loi du 29 floréal an I I , a toute re
devance ou rente entachée originairement de la plus le'gèrc marque
de féodalité. Tel est le principal et comme l’unique objet de ses
s § 1, 2 et 3 qui s’étendent de la page 7 à la page 20. Eh bien !
nous ne contestons pas le moins du monde scs principes sur ce
2
�10
DEUXIÈME P A R T IE .
p o in t; mais nous contestons l’application q u ’il veut en faire à
l’acte du 6 mars 1755, tant dans les paragraphes cilés que dans les
suivans. C’est la mineure du syllogisme auquel se réduit tout son
travail. En démontrant qu’elle est fausse, nous aurons détruit son
mémoire radicalement, et il n’en restera rien q u ’on puisse opposer
à nos prétentions.
Le paragraphe premier du mémoire s’attache à distinguer le
bail à cens proprement dit, ou cens féodal, du bail emphytéoti
que. Il soutient que l’acte du 6 mars 1755 est un bail à cens
féodal. Son principal argument repose sur ce que le bail à cens
est le bail d'un fonds noble et féodal; au lieu que le bail em
phytéotique est celui d ’un fond qui est tenu en roture. Il ap
puie sa distinction d ’une citation de l'annotateur de Boutarie,
traité des droits seigneuriaux, page 2. Ici encore notre contradic
teur suppose ce qu’il faut prouver, que le mol cens introduit,
n ’importe comment, dans un bail quelconque, le rend féodal.
Cependant ce mot se prend pour toutes sortes de renies, c’est
un terme générique dont on peut se servir indifféremment pour
indiquer les redevance foncières, emphytéotiques ou autres.
Voilà pourquoi la rente de l'émphyléose ainsi, que celle de cetts,
porte également le nom de censive. Ces paroles sont précisément la
fin de la phrase de l’annotaleur de Boutarie, citée dans le mé
moire des héritiers Baduel (voir le traité des droits seigneuriaux,
pag. iij, dernières lignes (1). Il paraît que notre adversaire s’en
est rapporté à une citation de M. Merlin, q u e s t i o n s d e d r o i t , verbo,
( 1) M* Viollc, rédacteur du mémoire, qui avance dansl’observation essentielle,
ajoutée page 60, que Mmc de Cliùlillou désavoue, dans l’acte du 20 septembre
1837, qu’il ait été publié des mémoires, a aussi tronqué cet acte. La copie,
sur papier libre, envoyée par M. Hampon à M. Bole, à P aris, porte qu’il n’y
a pas eu de mémoires publiés, à moins ceux confiés à l’ancicn avocat de (a
dame requérante (Mc Viollc).
�LA BENIE DE LOLLlÈUE
n ’ e ST
POINT FÉODALE.
t 1
Moulin. M. Merlin cite aussi par erreur la page 2 pour la page 3;
mais il dit après cette citation: « Ajoutons que le franc-alleu
« noble, c’est-à-diredéeorédes titres deseigneurieetdejustice, peut
« aussi bien être donné en emphytéose que le franc-alleu roturier ,
« c’est-à-dire dénué de justice et de seigneurie. M. Boutaric ni
« son annotateur ne le disent, mais cela sesenlde soi-même.» Ainsi
parle M. Merlin, l. c , page 277, qui ne fait néanmoins, quoiqu’il
en dise, q u ’abréger et reproduire l’opinion professée par Bou
taric, au traité cité, chapitre 13, page 377, lignes 31 et suivantes.
Dans plusieurs contrées, et particulièrement dans les pays al
lodiaux, la dénomination de cens était commune à la rente sei
gneuriale, au canon emphytéotique et à la rente foncière.
L'acte du G mars 1755 est qualifié de bail emphytéotique. Cette
qualification lui convient, et elle n ’esl pas détruite parce que la
rente de Pemphytéose aura été désignée comme fiouveau cens, ou
comme censive.
Après Boutaric, on cite Merlin. Ecoutons Merlin, s’adressant
à la Cour de cassation, dans l’affaire de Jean Salomon et consorts,
( \ Juthss, r é p e r t o i r e u n i v e r s e l , verbo Cens,% 5, pages 129 et
suivantes.— Troisième édition. — Après avoir dit que le mot
cens ne signifie par lui-même q u ’une ren te, une prestation,
un revenu quelconque, il cite une dissertation de feudo censuali,
qui se trouve dans le thésaurus ju risJ e u d a lis d ’Inichen, imprimé
à Francfort en 1750. tom. 2, page 45. « L ’auteur de cette disser« talion, disait M. le procureur général à la Cour suprême, s ’oc« cupe des différences q u ’il y a entre le bail à fief annuel, et le
« bail à emphytéose; et à ce sujet, il s’exprime en ces termes: ou
“ la chose est concédée purement et simplement à censou à rente
perpétuelle, sous réserve du domaine direct, de l’investiture,
« du droit de lods ; et dans ce cas le bien n ’est pas fief, mais sim0 plement ccnsive : ou la chose est concédée à cens, avec réserve
« du domaine direct, de l’investiture, et, comme il arrive sou-
�12
DEUXIÈME PARTIE.
« vent, du droit de lods; et alors,
« MAGE,
c ’e s t
s ’i l y a r é t e n t i o n
UN F IE F CE NSUEL; SI LA F OI-H OM MAGE
n ’ e ST
de
la f o i- hom
PAS R E S E R V E E
« c ’ e s t u n e e m p h y t é o s e ..... Rien à conclure ici de la dénominatiot
« de cens donnée à la redevance.. ..
« Sans doute il est des pays où une redevance originairemen
« foncière, due à un ci-devant seigneur, doit être présumée avoi
« été originairement seigneuriale ; mais quels sont ces pays ? G
« sont ceux où était en vigueur, avant l'abolition du régime féodal
« la règle nulle terre sans seigneur.
« Mais dans les pays allodiaux, rien n ’empêche de présumei
« que le seigneur à qui est due une rente foncière, l'a stipulée pai
« un simple bail à rente qui ne cohtenai t de sa part aucune réserve
«du domaine direct; et non seulement rien n’y fait obstacle à
« cette présomption, mais elle est la conséquence nécessaire de la
« maxime, nul seigneur sans titre.
«Telle est la distinction que nous tracent les principes es« sentiels et fondamentaux de cette matière, et il ne faut pas
« croire q u ’elle soit en opposition avec l’article 17 de la loi du
« 25 août 1792.
« Cet article ne dit pas que les rentes foncières dues à des ci« devant seigneurs soient abolies : il dit seulement que les rentes
« foncières dues à des particuliers non ci-devant seigneurs sont
«maintenues. Il sc tait donc sur les rentes foncières dues à des ci« devant seigneurs, et, par cela seul qu’il se tait à leur égard, il ne
«les abolit ni ne les maintient: il s’en réfère aux principes du
«droit co m m un, qui établissent, entre les pays allodiaux et les
« pays non allodiaux, la ligne de démarcation dont nous venons
« de parler. »
Ces principes furent consacrés par l’arrct du 11 germinal an
XIII, au rapport de M. Lombard-Quincieux (S. 2. 148). La même
question avait été résolue dans le môme sens, par la même Cour,
�LA RENTE DE L0LL1ÈRE
h ’ e ST
POINT FÉODALfc.
15
pour la coutume d’Auvergne, le 13 vendémiaire de la même an
n é e ^ . 5. 1. 57).
On voit, tant par la citation de-M. Merlin que par les doctrines
des plus habiles feudistes, que le bail emphytéotique et le bail à
cens proprement dit, qui avaient d’ailleurs tant de rapports, dif
féraient cependant d’une manière essentielle, mais sur un seul
point. La rétention de là foi-hommage était de l’essence du-bail à
cens proprement dit, mais ne l’était pas du bail emphytéotique.
Peu importait d ’ailleurs la qualification du bail. On avait beau
l’appeler emphytéotique, s’il contenait«rétentiori de la foi-hom-j
mage, ou si la redevance était stipulée en reconnaissance de la
seigneurie, c’était un bail à cens proprement dit, une rente seij
gneuriale, dans le sens de la loi du 25 août 1792; mais s’il n i
contenait pas rétention de la foi-hommage, si la redevance n'étaij
stipulée que pour une concession originaire de fonds, c’était un
bail emphytéotique.
Dans son § '2 , le rédacteur du mémoire en réponse se borne à
une exposition doctrinale des trois périodes de la législation qui
frappa graduellement de suppression les droits féodaux, en les
déclarant en partie rachetables et les maintenant jusqu’au rachat,
ensuite en les annulant sans indemnité, même ceux conservés et
déclarés rachetables par les lois antérieures, enfin, en supprimant
aussi toute redevance ou rente entachée originairement de la plus
légère marque de féodalité.
Nous n ’avons rien à dire contre ces principes ; notre unique
objet est de faire voir qu’on ne peut pas nous les appliquer.
Le mémoire ajoute, page 13 : « O r cette loi, ou plutôt cés lois
* que nous avons analysées avec la plus sévère exactitude, ne font
« aucune différence à l’égard des titres constitutifs ou récognitifs
«de seigneurie ou droits féodaux. Elles ne distinguent pas si les
“ titres sont des baux cmphylcotiqu.es ou à cens, ou bien s’ils doi« vent avoir toute autre dénomination ; elles ne voient dans les ti-
�14
DEUXIÈME PARTIE.
« très, quels qu ’ils soient, que les signes de féodalité ou de sei«gneurie qui peuvent y exister; et si de tels signes s’y rencon« trent, les lois prononcent la suppression des litres, sans égard
« aux redevances que ce mélange impur cesse de faire considérer
«comme des prestations purement foncières.» Cette consé
quence que notre adversaire a tirée de ses principes est vraie gé
néralement; mais elle est fausse dans l’espèce. Il existe une dé
claration de Louis XV, qui, quoique donnée seulement pour la cidevant P rovence, n’est pas moins applicable à tous les pays de
franc-alleu, ainsi que l’a si profondément établi M. Henrion, dans
ses Dissertations féodales , t. 1 , article A lleu , et M. îtlerlin
après lui, questions de droit, Ferbo , Rente seigneuriale, § 12. 11
est vrai que cette déclaration est postérieure à l'acte du G mars
1755, puisqu’elle est du 2 janvier 1769; mais elle s’applique, par
une disposition formelle de l’article 2 , aux redevances emphytéo
tiques stipulées dans des contrats antérieurs. La voici :
I
'V "
a Les gens des trois étals de noire pays de Provence rio^s auraient fait r t» présenter que l'usage du droit éc"i< qui régit la Provi ::cc, aurait donné lieu
a à une sorte d’emphytéose, *j: r lauucll«* 1er. ¿»rcpiiétaires de terres en franc« alleu-roturier , en cédant la propriété utile desdites te rre s , s’en réservent
« la propriété foncière, et n’en font l’aliénation qu’à la charge de redevances,
« de droits de lods et ventes en cas de mutations, du droit de prélation ou de
• retrait, et quelquefois môme à la charge de foi et hommage; en sorte qu’il
« paraîtrait en résulter une espèce de directe ayant la plupart des attributs
a des fiefs, ce qui les aurait fait qualüier abusivement dans les actes, de fiefs,
« de directes nobles et féodales, et de seigueuries : que ces qualifications
« auraient donné lieu aux fermiers de nos droits de franc-fief, de prétendre
o (jue ce droit leur est dû, lorsque ces directes emphytéotiques passent entre
« les mains de roturiers et sont possédées par eux; et de former contre les
« possesseurs de ces redevances, des demandes à l’occasion desquelles il se
« serait élevé un grand nombre de contestations actuellement pendantes en
« notre conseil, sur quoi ils nous auraient supplié de vouloir bien les faire
« cesser, en expliquant nos intentions à cet égard. Nous nous sommes en
�LA RENTE DE LOLLlÈRE
n’est
POINT FÉODALE.
15
« conséquence fait rendre compte de l’origine de cet usage, et nous aurions
« reconnu qu’il pouvait provenir de ce'que notre déclaration du 12 décembre
« 1676 et noire edit du mois d’août 1692, en conservant à la Provence, l’u« sage de cette sorte de contrats, ne se seraient pas suffisamment expliqués
« sur leur nature ; qu’elle ne peut cependant être douteuse, puisqu’il nous
« seuls appartient le droit d'annoblir, tant les choses que les personnes; que
« d’ailleurs les emphytéoses diffèrent essentiellement des inféodations, en ce
« que, suivant les principes du droit féodal, celui de prélation ou re tra it ne
« peut appartenir qu’au possesseur du lief; au lieu que dans cette espèce de
« bail emphytéotique, le droit de prélation peut devenir réciproque, et s’exer*
« cer également par le propriétaire de la redevance foncière, lorsque le fonds
« est aliéné, et par le propriétaire du fonds, lorsque la redevance est ven« duc ; ce qui a même été ainsi réglé par deux statuts des comtes de Provence,
« accordés, l’un dans l’année 1293, à la ville de Sallon, et l’autre en l’année
« 1352, à celle d'Aix. Nous avons, en conséquence, résolu de tellement déter*
miner la nature de ces emphytéoses, qu’elles ne puissent être en aucun cas re« gardées comme formant des fiefs et seigneuries, et que les possessions des
« redevances emphytéotiques ne puissent être inquiétées pour le paiement des
« droits de franc-lief. A ces causes et autres considérations à ce nous mouvant,
« de l’avis de notjçc çonseilet de notre certaine science, pleine puissance et au« torité, avons dit, déclaré et ordonné, d$ons, déclarons et ordonnons, voulons
« et nous plaît ce qui suit : — Art. 1er. Les redevances créées pour la concession,
« à titre d’emphytéose, de terres et héritages tenues en franc-alleu roturier dans
« le pays de Provence, ne pourront, en aucun cas, être qualifiées de directes
« nobles et féodales, de fiefs et seigneuries; encore que par les contrats, les
« bailleurs se réservent les droits de lods et ventes, et quelesdits contrats con« tiennent stipulations du droit de prélation ou de retrait. Défendons à tous
* notaires, gardes notes et autres, d’employer lesdites qualifications, comme
« aussi d’énoncer danslesdits contrats, aucune réserve de foi et hommage en
« faveur des bailleurs.— A rt. 2. Les qualifications énoncées dans l’article
« précédent, qui auraient été données P A n d e s c o n t r a t s a n t é r i e u r s a n o * t r e p r é s e n t e d é c l a r a t i o n , a u x r e d e v a n c e s e m p h y t é o t i q u e s stipulées par
« lesdits c o n tra ts, seront regardées comme nulles, ainsi que les réserves de foi
« et hommage qui y seraient exprimées, et ne p o u r r o n t lesdites qualifica« lions et réserves changer la nature desdites redevances et celle des héri*
" tages qui en sont l’objet. Défendons, en conséquence, aux fermiers de nos
�16
OEUXIEMK PARTIE .
« domaines, d’exiger, t a n t p o u r l e p a s s é q u e p o u r l ’ a v e n i r , aucuns droits de
« franc-fief pour la jouissance desdites redevances, encore qu’elles fussent
« possédées par aucun de nos sujets roturiers. — A rt. 3. Avons dérogé et déro« geons à tous édits, déclarations et autres lettres, et particulièrem ent à notre
« déclaration du mois de décembre 1076, et à notre édit du mois d’août
« 1692, en ce qui pourrait être contraire à la teneur de ces présentes. »
Il résulterait de cette déclaration, qui se fonde sur les prin
cipes généraux de la matière dans tous les pays allodiaux, qu ’a
lors même que le marquis de Miramon aurait inféodé et accensé
son domaine de Lollière, ce qu ’il n’a pas fait, ces clauses d’inféodation et d ’accensement devraient être réputées non écrites, et
que, la rente fût-elle qualifiée seigneuriale ne serait pas abolie
parla loi du 17 juillet 1793. Mais nous ne voulons pas nous en
prévaloir.
Notre contradicteur, poursuivant l’exposé de ses doctrines,
essaie d ’établir, § 3, pag. 14 et suivantes, que si l’acte du 6
mars 1755 était un véritable bail emphytéotique, il n ’en
serait pas moins frappé par les lois répressives de la féodalité.
C’est ici qu’est toute l'alfaire, et l’on nous permettra de discuter
minutieusement les théories expliquées dans cette partie de son
.aémoire.
On y distingue l’cmphytéose à temps de l’emphytéose perpé
tuelle qu’on dit abolie par l’article Ie' de la loi du 29 décembre
1790, et depuis encore par larticle 530 du Code civil. Ces d e r
nières paroles sont une erreur grave. L’article 530 du Code civil,
ne parle que des rentes établies h perpétuité. Or, il y avait autre
fois une différence capitale entre les rentes emphytéotiques et les
rentes à perpétuité. Celles-ci emportaient une aliénation absolue;
point de droits seigneuriaux comme dans le cens, point de réten
tion dç domaine direct comme dans l’emphytéose : tout passait
lu preneur, tout lui appartenait, sans aucune autre charge que la
-"ente stipulée par le bail. Merlin, verbo Cens, § 5, p. 126.
�LA. RENTE DE LOU.lÈRE
n ’ e ST
POINT FEODALE.
17
De ce que le Code civil ne s’est pas occupé d u contrat emphy
téotique, nous tirons la conséquence que ce contrat est toujours
régi par les lois intermédiaires qui en ont parlé, c’est-à-dire par
des lois spéciales qui ne rentrent pas dans la loi commune du
Code civil, et qui peuvent y faire exception.
Eludions ces lois.
La première, du 15-28 mars 1790, se bornant à déclarer rachetables les rentes emphytéotiques de toute n a tu re , nous n’avons
rien à en dire, puisque nous ne nions pas que ces sortes de rentes
ne soient rachelables.
La seconde, du 18-29 décembre de la même année, reconnaît
expressément, par le texte formel de l'article 5 du titre 3, q u ’une
rente emphytéotique peut être perpétuelle et non seigneuriale,
puisqu’elle s’occupe expressément des empliytéoses perpétuelles
et non seigneuriales. En effet, cet article est ainsi conçu :
« 5. Lorsque les baux à rente, ou emphytéose perpétuelle et
« non-seigneuriale, contiendront la condition expresse imposée
« au preneur et à ses successeurs, de payer au bailleur un d ro it
« de lods ou autre droit casuel quelconque en cas de mutation,
« et dans les pays où la loi assujettit les détenteurs auxdits ti« très de bail à rente ou emphytéose perpétuelle et non sei« gneuriale, à payer au bailleur des droits casuels aux muta« lions, le possesseur qui voudra racheter la rente foncière ou
« emphytéotique sera tenu, outre le capital de la rente indiquée
« en l’article ci-dessus , de racheter les droits casuels dus aux
* m utations, et ce rachat se fera aux taux prescrits par le décret
* du 3 mai, pour le rachat des droits pareils ci-devant setgueu" riaux, selon la quantité et la nature du droit qui se trouvera
* dû par la convention , ou suivant la loi. »
Mais nous avons, dans l’espèce, peu d'intérêt à défendre les
e,nphytéoscs perpétuelles, puisqu’on a déjà prouvé, par les lermes même de l’acte du (i mars 1755, que l’emphytéosc consentie
3
�18
DEUXIÈME PARTIE.
à Pierre Baduel était uniquement temporaire. Notre adversaire
prend condamnation, page 26, sur l’emphytéose temporaire : il
conteste seulement le sens du contrat qui fait notre titre, et il
nous oppose les principes applicables à l’emphytéose perpétuelle.
Nous ne parlerons que de ces principes.
'
L’article Ier du titre Ier de la même loi jiorte : « Toutes
« les rentes foncières perpétuelles...... quelle que soit leur
« origine....... seront rachetables...... au taux qui sera ci-après
« fixé. Il est défendu de plus, a l ’a v e n i r , créer aucune rede« vance foncière non remboursable, sans préjudice des baux à
« rentes ou emphytéose, et non perpétuels, qui seront exécutés
o pour toute leur durée, et pourront être faits, à l’avenir, pour
« 99 ans et au-dessous, ainsi que les baux à vie, même sur plu« sieurs tètes, à la charge qu’elles n ’excéderont pas le nombre
a de trois. »
L'article 2 ajoute immédiatement : « Les rentes ou redevances
« foncières établies par les contrats connus en certains pays sous
« le titre de locaterie perpétuelle, sont comprises dans les dispo« sitions et prohibitions de l’article précédent, sauf les modiûca« tions ci-après sur le taux de leur rachat. »
Nous concluons de là : 1° que toutes les emphytéoses et locateries perpétuelles existantes avant cette loi sont devenues rache
tables; 2° qu ’il n’est plus permis de créer à l’avenir aucun bail
emphytéotique, aucune locaterie non viagère dont la durée lé
gale puisse avoir plus de 99 ans, et qui ne soit remboursable après
cette époque.
Or, de ce que les emphytéoses et locatcries perpétuelles sont
devenues rachetables, il s’en suit, non pas q u ’elles sont abolies,
mais qu ’on [»eut les racheter. Elles existent donc toujours jusqu’au
rachat ; et, s’il n ’y a pas de rachat, la propriété desJonds concédés «
titre de baux emphytéotiques perpétuels ou héritables, n ’appartient
aux débiteurs des rentes, qu'à la charge p a r eux de remplir les con~
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IlENTE DE L 0 L L 1 E R E N EST P O IN T
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FE O D A L E.
19
'
diliotis de leur bail. Ces paroles sont tirées de l’avis du Conseil
d’État, du 7 fructidor an XIII, cité par M. Merlin, Reperl. /^ E m phytéose, § 6 , pag. 528.
Le législateur a pu fixer au rachat ün délai fatal. S’il ne l’a
point fait, la rente reste ce q u ’elle était a son origine; mais elle
est de plus rachetablè, nonobstant toute convention contraire.
Le rachat est aujourd’hui de son essence, et cette faculté, déri
vant uniquem ent delà loi, n ’est plus prescriptible.
Mais on ne voit nulle part qu’on ait fait une obligation de la fa
culté de racheter les renies foncières,’et bien moins encore qu ’on
aitpresôril un délai fatal', après lequel le bailleur serait dépouillé
sans indemnité, au profit du preneur qui n’aurait pas voulu ra
cheter. Une telle disposi tion eût été absurde, parce qu’elle eût fait
de la faculté de rachat une faculté dérisoire.
Quand nous disons q u’on n ’est pas obligé de racheter les rentes
foncières, et que la faculté de rachat est imprescriptible, nous
n ’entendons point'que cette faculté soit perpétuelle. Elle doit se
renfermer dans les limites de la disposition qui ne permet pas que
des baux quelconques puissentètre faits pourplusdequatre-vingtdix-neufans, et ce délai doit courir dé là date delà loi' d ùr 18-29 dé
cembre 1790, et non de là date dés bau* dont plusieurs pouvaient
alors avoir plus de quatre-vingt-dix-neuf ans d’existence! Ils’n ’en
sont pas moins compris dans les dispositions de l’article 5, cité cidessus. Cette loi rie lés a pointabolis. Mais en les déclarant racîiétablcs, et en fixant la durée q u’ils pourraient'avoir à l’avenir, elle
a fait une novation dk titre, et ceMlitré nouvel se trouve nécessaire
ment régi par la loi dc'sW créàtiori'qui le valide pour qiiiitre-vingtdix-neüf'a'hs, ét‘qln lé rend raclietable pour toui le temps dé celte
durée.
Nous croyons avoir suffisamment1établi juscjuV préseni que; là
demandé de riladiirhe lii’inirquise de Ch'iltiUon contre les héritiers
N,aduèl; est conformé aux principes'du' droit'coVnlnün . si* on les
�20
DEUXIÈME PARTIE.
invoque, et q u ’elle n’a rien de contraire aux règles spéciales de la
matière qui lui laissent encore un très long délai, pour mettre les
détenteurs du domaine de Lollière dans l’alternative de racheter
la rente, ou de la servir.
Il n'est pas inutile de faire observer que l'article 3 du titre 5 de
la loi que nous commentons, ne veut pas même que les rentes fon
cières dont il s’occupe perdent leur nature immobilière par la fa
culté de rachat. Voici ce qu’il porte :
« La faculté de rachat des rentes foncières ne changera pareil« ment rien à leur nature immobilière, ni quant à la loi qui les
« régissait; en conséquence, elles continueront d ’ètre soumises
« aux mêmes principes, lois et usages que ci-devant, qu ant à l’or« dre des successions, et quant aux dispositions entre vifs et tes« tamentaires, et aux aliénations à titre onéreux. »
Sous ces mots de rentes foncières, l’article comprend générale
ment toutes les rentes dont il est parlé dans la loi, et particuliè
rement les emphytéoses perpétuelles et non seigneuriales.
Pour échapper à des lois si claires et si précises, notre adver
saire n’a d ’autre ressource que d ’établir que notre emphytéose
est seigneuriale. Nous pourrions nous en tenir àce q u e nous avons
dit à cet égard, mais q u ’on nous permelte d’y revenir un moment,
puisque aussi bien c’est un point du litige digne de quelque at
tention.
Sur quoi donc voudrait-on fonder cette assertion que notre em
phytéose est seigneuriale ? On a vu que cette qualité ne résulte
pas de ce que la rente est duc à un seigneur; q u ’elle ne pouvait
venir que des conventions accessoires de l’obligation de payer la
rente, comme par exemple de la réserve de la directe. Mais ces
mots ne doivent s’entendre que de la directe emphytéotique.
« Et dans le fait, dit M. Merlin, q u e s t i o n s d e d u o i t , verbo , rente
« seigneuriale, § 1 1 , page 6GÎ>, ne sait-on pas que les juriscon« suites ont toujours reconnu deux sortes de directes , la directe
�LA l i t S T E DE LOLLILRE
n ’ e ST
POINT FÉODALE.
21
« seigneuriale et la directe emphytéotiqueP Dunod en fait expres« sèment la remarque dans son Traité des prescriptions, partie 3 ,
* chap. 10; et nous devons ajouter que quoique la première de
« ces directes ait été abolie avec la féodalité qui en était la source,
" la seconde subsiste encore et subsistera tant que la loi civile
« n ’ôtera pas au propriétaire d 'u n héritage franc et libre , la fa« culte d ’en concéder le domaine utile, à la charge d ’une rede« vance annuelle, récognitive du domaine direct q u ’il retient de« vers l u i , c’est-à-dire q u ’elle subsistera toujours. » — Le même
auteur traite cette question ex professo dans plusieurs endroits de
ses ouvrages qu’il serait trop long de citer. Nous nous contente
rons d ’extraire quelques passages décisifs de son Répertoire , v°
fief, sect. 2, § 7. — « De même, dit-il, page 242, que dans le bail
« à cens seigneurial, le bailleur retient à soi la seigneurie directe;
« de même aussi dans le bail à emphytéose , le bailleur retient à
« soi la directe emphytéotique et assurément les redevances re« cognitives de la directe emphytéotique ne sont pas seigneu« riales; elles ne sont pas abolies par la loi du 17 juillet 1793 . —
« Témoins deux arrêts de la Cour de cassation, qui l’ont ainsi
« jugé.
« Le premier est celui du 29 pluviôse an I I , que nous avons
« déjà cité.
« Le second arrêt a été rendu dans la coutume d’Auvergne où
« l’allodialité est toujours présumée de droit comme dans la ci-de« vanl Alsace, comme dans le ci-devant Porentruy...» (V. Cens,
S 8 , n . 2.)
« . . . La question se présenterait dans une coutume soumise
* à la règle, nulle terre sam seigneur,... c ’est la directe seigneu* riale, et non pas la simple d i r e c t e emphytéotique, que le bailleur
« serait censé s’être réservée.
« M ais, dans les pays allodiaux , dans les pays ou le bail
* à cens seigneurial ne se présume pas, la présomption de l’em-
�22
DEUXIEB1E PARTIE.
a phytéose doit i’em porler; e ttb u te directe,' réservée sans a u n e
« expression, ne peut être entendue què de la directe e.nrphv« téotique. »
Notre auteur cite à l’appüi de ses doctrines un arrêt du 24 ven
démiaire an XIII, au rapport de M. Ruperon, par lequel la Cour
de cassation a jugé non aboli! par la loi du 17 juillet 1793, un
droit d e persière ou champart que les sieur et dame Lasalle récla
maient sur des héritages situés dans leur ci-devant seigneurie
de Blanzat, régie par la coutume d ’A uvergne, et que l’on pré
tendait avoir été originairement seigneuriale;
n
Il cite un autre arrêt de la même Cour du 9 floréal an XIII.
au rapport de*'M. R ousseau, qui a cassé un arrêt de la Cour
d’appel de Trêves , et proclamé le principe que la présomption
de la qualité purement foncière des redevances } est admise , datis
le cas mcme où elles sont dues à des seigneurs dans les pays allo
diaux. ( V. Tiers ou quart-raisin. )
Enfin M.. Merlin cite encore un décret impérial du 9 vendé
miaire an XIII qui décide que, dans les pays allodiaux, ce n’est
Jjas en fief, mais eni franc-alleu q u’un seigneur de fief est cérisé
posséder les héritages dont la nature n ’est déterminée ni par ses
litres, ni par sa possession.
C’est à l’aide de toutes ces autorités que l’ancien procureurgénéral à lîl'Cour de cassation provoqua l'arrêt d u '10 février 1806,
311 rappôrlide M. Zangiarconii, qui rejeta la demande en cas
sation d’un a rrê t du tribunal civil de Delemont. Le tribunal
¡■ivait condamné le sieur Ilertzeis ii payer comme redevanbe fonhièrodt m aintenue-par les'loi«», une rente établie dans le? PorenIruy; pays allodial comme-la ci-devant Auvergne.
Ndtlle adversnire'soiitient, pagd 15; ligne 21 de son mémoire,
que cet arrêt et ceux qui l’ont précédé, comme le d é c r e t impérial
dui 9 > vendémiaire an X III, sont -e n t i k r k m e n t a ‘ n K i s m i n s o e s l o i s
KxisïANTïfc,'Nous aurions désiréqu’unè assertioh sinrnnbhantc frit
�/
/V
LA KENTE DE L O L U È n r
¡n ’ e ST P O IN T FE ODA LE.
23
appuyée de quelques preuves. Mais c’est encore sur la parole du
maître que nous devons croire. On cite, il est v r a i , un avis du
Conseil d’Etat du 13 messidor an XIII; mais, d ’après le texte mêmp
desconsidérans de cet avis, tels qu ’ils sont reproduits dans le mé
moire en réponse , même page 15 , lignes 33 et suiv., il est évi
dent que cet avis est inapplicable à notre espèce , puisqu’il
suppose manifestement que le titre de la redevance dont il s’a
gissait, dans l’affaire portée au Conseil d’Etal, était féodal, et que
la redevance était seigneuriale. C’est là précisément ce qu ’il
fallait établir. Voici le texte entier de l’arrêt du Conseil d /É ta t,
qui n ’a rien de contraire aux doctrines que nous avons éta
blies.
« 2 ju ille t 1805. — 13 messidor an XIII.
« Le Conseil d’Etat, sur le renvoi qui lui a été fait par Sa Ma« jesté Im périale, d ’un rapport du Ministre des finances, et d ’un
« projet de décret tendant à déclarer maintenues des redevances
« à prestation de fruits, mêlées de cens portant lods, loi, amende
« et seigneurie, dues par des habitans de la commune d’Arbois,
« en vertu d e t i t r e s d ’ a c c e n s e m e n t consentis par des individus que
« l’on prétend avoir pris mal à propos la qualité de seigneurs ,
« — considérant que lorsque le litre constitutif de redevances ne
« présente aucune am biguïté, celui auquel.ce titre est opposé ne
« peut pas être admis à soutenir q u ’il n’avait pas de seigneurie,
« — considérant que toutes les dispositions législatives, et, en
0 dernier lieu, l’avis du Conseil d’Etat du 30 pluviôse an II, ont
" consacré la suppression de toutes prestations, de quelque na* ture qu’elles puissent être, établies p a r des titres constitutifs de
« redevances seigneuriales et droits féodaux supprimés par ledécret
0 du 17 juillet 1793, — est d’avis q u’il n’y a pas lieu d ’adopter le
9 projet présenté par le Ministre. »
�24
DEUXIÈME PAfiT lE.
Nous repoussons l’autorité (le cet avis qui ne peut pas nous at
teindre : i° parce que la commune d ’Arbois n’était pas en pays
allodial; 2° parce qu'il s’agit ici de titres d’accensement, et non de
titres emphytéotiques ; 3° parce que la féodalité de ces litres était
évidente.
iNous repoussons pareillement l’autorité du décret impérial du
23 avril 1807. Il s’agit, dans ce décret, d ’un bail à cens, propre
ment dit, consenti au profit des religieuses de Saint-Bénigne, de
Dijon, le 30 avril 1664. On sait qu’un bail de cette nature élail
féodal;
Enfin nous repoussons l’avis du Conseil d ’Etat du 17 janvier
1809, approuvé, p o u r c e q u i c o n c e r n e l e c a s p a r t i c u l i e r , le 2 fé
vrier suivant, relativement à une réclamation des hospices d’Aix,
parce que la restriction de l’approbation ne permet pas que celle
autorité tire à conséquence. Ajoutez qu’on lit dans l’avis du Con
seil d’Etat, sur cette même affaire, en date du 7 mars 1808, que
le décret du 17 nivôse an X III, « portant que les redevances ori« ginairement imposées au profit du chapitre de l’église d’Aix,
« sur les héritages de divers particuliers, continueront d’être
« servies comme redevances emphytéotiques, et sans la charge
« des lods et demi-lods qui y avaient été ajoutés i n d u e m e n t e t
« s a n s t i t r e s par les bailleurs, n a p o in t pu être d’ordonner le str« vice des renies auxquelles les lois reconnaîtraient un caractère
* essentiel de féodalité ; — que si la non féodalité de ces rentes est
< contestée, l a q u e s t i o n d! o i t ê t r e p o r t é e d e v a n t l e s t r i b u n a u x . »
Ainsi l’avis du Conseil d ’Etat, du 7 mars 1808, ne se prononce
que sur une question de compétence. C’est une simple opinion
que nous nous empressons de partager; ce n ’est pas une loi ni un
jugement qiron puisse opposer h nosprétentions. Si le décreldu 17
nivAse an XIII affranchit les redevables du chapitre d’Aix de la
charge de lods et demi-lods, ce n ’est pas que ces lods et demi-loris
lussent féodaux, c’est uniquement, ainsi que le décret le déclare^
�LA. RENTE DE LOI.LlÈR E
n ’ e ST
POINT FEODALE.
parce q u’ils avaient été ajoutés au bail
in d u e m e n t
et
25
sans t it r e s .
Dans toutes ces objections de notre adversaire, nous ne voyons
rien qui soit contraire aux principes sur lesquels nous avons
fondé les droits de madame la marquise de Ch&tillon au domaine
de Lollière.
»
Notre contradicteur s’appuie encore d'u n avis du Conseil d ’Etat, du 8 avril 1809, qui lui paraît assimiler aux redevances mé
langées de droits féodaux, les rentes constituées par des baux
emphytéotiques, consentis par les bailleurs, a t i t r e d e f i e f , scus la
réserve de la seigneurie, avec la stipulation de lods et ventes à cha
que mutation. Mais nous ne contestons pas q u ’une emphytéose con
sentie à titre de fie f ne soit féodale. Seulement nous affirmons
que les emphytéoses d’Auvergne n'étaient pas et ne pouvaient pas
être consenties à titre de fief. Ces expressions même à'emphytéose à titre de fief, nous sembleraient presque un oubli total, ou
plutôt un non-sens de la langue du droit féodal. On pouvait bien
consentir un fief, ou portion de iief, à titre d'emphytéose; mais
vous ne trouverez point dans les ouvrages des anciens feudistes
cette étrange qualification d ’emphytéose « titre d ejief. Cependant
elle est consignée dans l’avis du Conseil d’Etat, du 8 avril 1809, ap
prouvé le 13 avril suivant, et rapportéen entier dans le quatrième
volume des additions de M. Merlin, à sa troisième édition, v° Fief}
pag. 577.
Ces additions ne sont pas toujours heureuses. Notre affaire va
le démontrer.
« Dans les véritables principes, disait cet auteur au temps de
« toute sa force, R é p e r t., v° F ief, sect. 2, §. 3, lrc colonne, page
« 223, ligues 47 et suiv., c’est à celui qui prétend q u ’un bien
«est fief plutôt que franc-alleu, à prouver que ce bien procède
''originairement de la concession d’un seigneur qui s’en est re° tenu le domaine direct, avec la foi.
�26
DEUXIÈME P A R U E .
« Car la concession de l’héritage est le premier des titres; et
« sans celui-là, tous les autres sont nuls.
« Mais l’usage, bien plus que la raison, l’ascendant des sei« gneurs, bien plus que l’autorité de la loi, ont apporté une modi« fication à cette règle. Il y a des provinces où la concession est
« légalement présumée; il y en a d ’autres où toute terre est présu« mée franche si le seigneur ne démontre le contraire. »
Dans les coutumes allodiales, et particulièrement dans celle
d’Auvergne, on présumait toujours le franc-alleu , s’il n ’y avait
preuve du contraire.
Il résulte de là, non pas que l’emphytéose du 6 mars 1755 ne
doive pas être présumée consentie à titre de fie f, langage que nous
ne saurions approuver; mais q u ’on ne peut pas présumer que
l’emphytéose de Lollière provint ou fût détachée d’une terre
tenue à titre de fief, puisque cette terre n ’était pas fief, mais bien
franc-alleu.
Telles sont les doctrines longuement expliquées par 31. Merlin,
dans les vingt-quatre colonnes de son Répertoire, v° /'7<?/Jsect. 2,
§ 7 ,e td a n su n grand nombre d ’autres articlesdes questions d e d ro it
ou du répertoire. Notre adversaire mentionne une espèce de ré
tractation dece grave jurisconsulte à l’article cité, v® Fief, scct. 2,
§ 7.0ncliercherait inutilement cette rétractation dans la troisième
édition; mais il est vrai de dire q u ’au premier volume de ses addi
tions, publié en 1821, et formant le quatorzième de son grand ou
vrage, page 577, on lit ces mots:
« F ii;k, scct. 2, § 7, pag 2iG, col. 2, après la ligne 5, ajoute/ :
« Cet arrèl ( il s’agil de l'arrêt de la Cour de cassation du lOfé« vrier 1806), quoique fondé sur les vrais principes, ne peut ce«. pendant plus faire autorité , depuis que le Conseil d ’Etal a pris
« le parti d’assimiler aux redevances mélangées de droits féo«daux, les rentes constituées par des baux emphytéotiques
�LA RENTE DE LOLLlÈnE Pc’EST POINT FÉODALE.
27
» conlcnant stipulation, soit d ’un droit de lods, soit d’un droit de
« relief à chaque mutation.»
Suit l’avis du Conseil d ’Étal, du 8 avril 1809, approuvé le 13
avril suivant.
Voilà dans quels termes est conçue la nouvelle opinion de
M. Merlin.
Remarquez 1° qu ’il persiste dans ses doctrines, puisqu’il les
déclare fondées sur les vrais principes; 2° que sa citation des avis
du Conseil d’Élat n’est point entière, ce qui la rend inexacte. On
vieut de voir que si le Conseil d ’Etat avait écarté des redevances emphytéotiques des hospices de la ville d'Aix, la charge des lods
etdemi-lods qui y avaient été ajoutés, ce n’était pas que celte
charge fût féodale: c’était uniquement parce q u ’elle avait été
ajoutée i n d u e m e x t e t s a n s t i t u e s . Enfin q u’est-ce après tout que ces
avis du Conseil d ’Etat sur une question que le Conseil d’Etat
déclare lui-même ne pouvoir être jugée que par les tribunaux or
dinaires? Nous le demandons à lout homme de bonne foi, est-ce
bien sérieusement q u ’on voudrait opposer les quatre lignes des
additions, ou si l’on veut de la nouvelle édition de M. Merlin, à
des théories exposées par lui quelque temps avant, d’une manière
si profonde, après de si pénibles recherches et tant de travaux,
;iprès s u rto u t q u ’elles avaient déjà reçu la consécration de la
Cour suprême? Mais ce serait le dépouiller de son nom, et rayer
de nos annales judiciaires ses plus beaux titres de gloire, ses titres
d’immortalité.
On nous oppose encore plusieurs arrêts de laC ourde cassation,
deux notamment des 4 et 5 juillet 1809. Dans notre consultation
du ü mai dernier, nous avons pu cependant argum enter d arrêts
tout récens, plus explicites encore que ceux rapportés parM. Mer
lin. Nous ne prétendons pas soutenir l’infaillibilité de la Cour
de cassation; mais en supposant que les deux arrêts, des 4 et 5
juillet 1809, eussent décidé que les emphytéoses perpétuelles
�28
•
DEUXIÈME P ART IE .
étaient féodales, ces deux arrêts ne pourraient faire ju ris p ru
dence, en présence d ’arrêts antérieurs et postérieurs de la même
C our, qui ont. jugé le contraire. Voyons cependant.
Le mémoire en réponse fait connaître une partie des considérans du premier de ces arrêts ; mais il ne dit point que le bail
dont il s’agissait était un bail à cens, une emphytéose seigneuriale,
consentie par une lettre de fief, dans le ci-devant évêché de
Bâle et le pays de Porentruy, avec réserve d’un droit de relief que
l’article 1er de la loi du 18 juin 1792, place expressément au nom
bre des droits féodaux q u ’elle supprime sans indemnité. Il ne dit
pas que le bailleur, évêque de Bàle, était feudataire et vassal de
l’empereur d ’Allemagne, seigneur suzerain, tant en ce qui c on
cernait l’évêché et ses dépendances, que les biens particuliers de
l’évêque ; et que l’acte du 29 janvier 1745, par lequel il accensa
purement et à perpétuité une terre de la seigneurie de Porentruy,
à Jean-Claude Baillif de Courtedoux, n était q u ’une lettre de fief,
une sous inféodation, doublement (ëodale. Ces circonstances sont
rappelées en tête de l’arrêt de la Cour de cassation, et étaient
suffisantes pour motiver l’annulation de l ’arrêt rendu lie 8 ther
midor an XII, par la Cour d ’appel de Colmar, qui avait ordonné
le paiement de la rente réclamée comme purem ent foncière.
Qu’importe maintenant que', dans la surabondance de ses motifs,
la Cour de cassation se soit éloignée des vrais principes? Elle fait
autorité par sa décision qui est juste et légale; mais ces motifs
n ’on t de poids que par leur plus ou moins de connexité avec la
nécessité de la décision.
Ces réflexions peuvent s’appliquer encore à l’arrêt du 5 juillet
1809, dans la cause du sieur Thévenot contre le sieur Montaudon. Pour n ’en pas douter, on n ’a qu ’à jeter les yeux sur quel
ques uns des motifs de cet a rrêt, sur le suivant, par exemple : 1
« Attendu, en fait, quant au bail emphytéotique consenti, le
« 7 janvier 1687, par le chapitre de Saint-Germain, à Thévenot
�H
LA RENTE DE LOLI.IÈRE
n ’ e ST
POINT FÉODALE.
29
« el consorts, que l’héritage y énoncé est baillé en Jîefh éri« tab/e\
« Que le preneur est tenu, à chaque changement de main par
« décès, de reprendre le fie f ex. de p a y er au chapitre p a r chaque
« reprise dix sous bâlois, ce qui, d’après les monumens publics
« du pays, était considéré comme un droit de reliej;
« Et que de cette stipulation et de cette qualification, il résulte
« notamment que celte redevance est mélangée de féoda« lité......»
C’est par ces motifs que la Cour a cassé et annulé, le 5 ju illet
1809, l’arrêt rendu, dans cette cause, le 28 floréal an XIII, par
la Cour d’appel, séant à Colmar. On pouvait citer un troisième
arrêt de la même Cour, rendu le même jo u r, dans l’affaire Morel,
C. W etter et Lecomte, au sujet encore d’un droit de relief q u i ,
dans le langage des lois françaises, était un droit féodal. O n cite
celui du 18 juilleL 1809, où il y avait aussi stipulation de droits
de relief, et celui du 17 juillet 1811 qui s’explique par une cir
constance particulière constitutive d’un droit féodal. Le 2 juillet
1742, l’hospice de Dôle avait baillé à C. A. Sengon et H. Yerguet,
un terrain îi titre d'accensement perpétuel, et moyennant le cens
annuel, perpétuel, irrédimable et imprescriptible de 91 liv. 16 s.
8 d . — Le tribunal de I)ôle et la Cour de Besançon avaient jugé
que cette redevance n ’était pas féodale. La Cour de cassation en
!> jugé autrem ent, — « parce qu’il suffit, dit-elle, dans les consi« dérans de son arrêt, que les termes de l’acte portant constitu« tion de cens imprescriptible et irrédimable, avec lods et vente
0 en cas de mutation, ne laissent aucun doute sur l’intention de
« créer une redevance seigneuriale. » Mais la féodaiité de cette
redevance tient h la constitution du cens imprescriptible et irré
dimable qui en fait un véritable bail à cens seigneurial. Nous
n ’avons rien de pareil dans notre espèce.
Enfin, notre adversaire nous oppose deux autres arrêts de
�30
DEUXIÈME PARTIE.
la Cour de cassation, l’un du 2 mai 1808, l'autre du 4 avril
1810. Ni l’un ni l’autre ne sont applicables.
Le premier, rendu sur les conclusions de M. le procureur gé
néral Merlin, déclara la rente dont il s’agissait féodale, parce
qu’elle était mêlée de cens; le second est dans le même cas, ainsi
que l’indique le très laconique dispositif de l’arrêt :
« Considérant que la rente dont il s’agit ayant élé créée par
« un ci-devant seigneur, sur les fonds dépendans de sa seigneu« rie, e t a t i t r e d ’ a c c e n s e m e n t , cette rente est de plein droit re« cognitive de la directe féodale, et par conséquent supprimée
<( par les lois ;
« La Cour rejette, etc. »
Nous avons réfuté toutes les assertions de notre adversaire dans
ses § § 1 , 2, 3 et 0, sans en rien excepter ni réserver. Nous pas
sons aux §§ 4 et 5 , relatifs à ses preuves prétendues de la fé o
dalité de l’acte du G mars 1755, et à ce q u ’il appelle Vobjection tirée
de ce que la ci-devant Auvergne était un pays allodial. Ces deux
paragraphes se lient essentiellement, puisque ce qui était fé o d a l,
dans certaines coutumes, ne l’était pas dans celle d’Auvergne.
L’auteur du mémoire en réponse feint de voir une preuve de
féodalité de l’actudu G mars 1755, dans les qualités nobiliaires du
bailleur. Qui contracte dans cet acte , se demande-t-il i‘ C’est un
très haut et très puissant seigneur , chevalier, marquis , baron ,
conseigneur !,.. « Assurément, poursuit-il, page 21 , M. le mar« quis de Miramon, en se qualifiant de seigneur de Pestels , Pol« minhuQ» Laroque, et autres vingt-un paroisses ou localités, et
« coMseignertK de Vie et Thiézac, n ’eutendait pas se d ire />/*>v pr¡¿taire de Ions les héritages situés à Pestels, Polm inhac, La• roque, Vie, Thiézac, etc., etc. » Non, M. de Miramon n’enten
dait pas se dire propriétaire de lous les héritages situés dans ces
lieux, mais il avait partout des titres de propriété. C’est en vertu
de ces titres q u ’il se disait seigneur deces propriétés, désignée*
�/
,v<
LA RENTE DE LOI.l.lKRE
n ’ f ST
POINT FEODAL!'..
31
sous le nom de la localité où ellesélaient situées et dont elles étaient
souvent la portion la plus importante. Il pouvait les d on ner et il
les donnait à bail emphytéotique, ce qui constituait à son profit
une redevance ou censive toute foncière. Mais il n ’entendait pas
assujettir à cette censive les héritages dont il n ’était pas proprié
taire, et qui se trouvaient situés dans les lieux dont il pouvait être
seigneur, conseigneur, chevalier, baron ou marquis , parce que
tous ces p a y s é t a i e n t allodiaux, et q u ’on n ’y reconnaissait pas de
seigneur sans titre ; toute seigneurie y supposait propriété. Le
savant auteur du mémoire en réponse explique très bien, d ’après
Loiseau, les deux sortes de seigneuries qu’on reconnaissait autre
fois, l’une ayant trait à la paissance de propriété, c’était le dominimn directum de la loi romaine; l’autre à la puissance de domina
tion, c ’était la seigneurie féodale.
Dans les coutumes allodiales, comme était celle d’Auvergne ,
on ne reconnaissait pas de seigneur sans titre, ce qui voulait dire
que le seigneur n’avait aucune puissance de domination su r les
tenanciers des héritages dont il n ’était pas propriétaire. Dans
d’autres coutumes, dites féodales, où dom inait la maxime nulle
terre sans seigneur, le seigneur n ’avait besoin d ’aucun titre pour
exercer la puissance de domination, dans toute la seigneurie,, et
pour imposer un cens aux habitans du pays, ou aux paysans, scs
vassaux. C’était le cens seigneurial qui se payait en reconnais
sance de la seigneurie, in recognitionevi dominii. On voit combien
cette distinction est importante. Elle est établie par Chopin , Du
moulin, Cambolas, Salvaing, Bouhier; par M. Merlin , après
eux, Flépei t. v° Enclave ; cl l’on ne comprendrait pas qu ’elle eut
été si légèrement trailée, et meine méconnue par notre adversaire,
page .‘ÎG , si les besoins de sa cause ne le condamnaient point a
l’oubli de principes q u ’il eût assurément très bien détendus, sans
la circonstance accidentelle et toute fortuite, <jvii a si m alh eu reu
sement tourné contre nous des talens qui avaient protégé , pen
�32
DEUXIÈME PARTIE.
dant une durée de plus de vingt ans, les droits et intérêts de ma
dame la marquise de Châlillon et de sa famille.
C’est par suite de cette confusion , faite si habilement par no
tre adversaire, dns coutumes allodiales et non allodiales , q u’il
donne à la seigneurie de Laroque , page 22 , le titre de fiel, d ’où
il conclut que la seigneurie de Lollière , dépendance de la sei
gneurie de L aro qu e, n’était par conséquent qu’une portion de
fief donnée en emphytéose. Un fief donné en emphytéose ! Cela
se comprend. C’est le langage de nos lois anciennes. Mais il
n ’est pas vrai que M. de Miramon possédât le domaine de Lol
liè re , ni aucune de ses terres du pays d ’Auvergne, à titre de
fief. Q u ’est-il besoin de rappeler, avec Montesquieu, Mably, Henrion , l’origine historique des fiefs, et ce q u ’on entendait sous
cette dénomination ? après tout ce q u ’on a d i t , cet étalage d ’é
rudition est fort inutile. Vous prétendez que notre terre de La
roque est un fief! C’est à vous de le prouver. En a tte n d a n t,
comme elle est située en pays allodial , nous avons le droit de
soutenir, même sans preuves, q u ’elle est franc-alleu. Néanmoins,
si vous pouvez déchiffrer et parcourir des litres qui se conti
nuent sans interruption depuis les 13e et 14* siècles jusqu ’aux
temps présens; si vous avez au moins une ou deux années à
consacrer à celte laborieuse et pénible élude ; madame la mar
quise Duplessis de Châlillon vous ouvrira ses archives et la vo
lumineuse collection de ses anciens titres de propriété sur
les terres de Pestels, Polminhac , Marions, Teissières-les-Iîoulies,
le Chaumeil de Saint-Cirgucs-de-Jordanne, Laroque, Sainl-Clémens, Brdzons, Cézens, Monréal, Nérebrousse , I’aulhac., Balzac,
Saint-lléran, Cocudoux , Lasalle, Lacalsade, Selles, IJassinhac,
Lecayre, Loubejac , Lafage, Mongranat , Foulholes, Ciou, Vie
et Thiézac, et autres places. Ces titres proviennent d’achals ,
échanges, transactions, contrats de mariage , donations entre
vifs et testamentaires, successions et autres manières d’acqué
�L\
RENTE DE LOLLIÈRE
n ’e ST
POINT FÉODALE.
33
rir aux termes de nos lois civiles. Pour le seul domaine de Lollière , si minime dépendance de la seigneurie de Laroque, nous
avons vu près de quatre-vingts titres sur parchemin qui sont les
titres des premiers possesseurs de ce bien, titres dont personne
assurément n ’avait encore imaginé de contester la validité. Ma
dame la marquise Duplessis de Châtillon n’a pas besoin de re
monter si haut pour prouver la justice de ses prétentions. Elle
fonde sa demande sur sa qualité d ’héritière bénéficiaire de M. le
marquis de Miramon , son père , jo in te ^ la circonstance que ce
qu’elle réclame aujourd’hui a été fort heureusement oublié dans
l’immense confiscation de ses palrimoines. Ce n’est point une
rente féodale,, un fief abo li, puisque ces rentes féodales, ces fiefs
ne supposaient pas de titre , pas de propriété. Le fiéf propre
ment dit était une concession gratuite , libre et perpétuelle d’une
chose immobilière ou réputée telle , avec translation du domaine
utile , et réserve de la propriété directe, à charge de fid élité
et de service (1). C’est la définition de D um oulin, l’oracle
«lu droit féodal. A insi, pour tenir une terre en fief, il fallait
1° un seigneur suzerain qui l’eùtdonnée gratuitement, librement
et pour toujours, avec réserve de la d ir e c te ;’ 2° un feudataire
qui l’eut acceptée à charge de reconnaître le droit réservé, c ’està-dire de foi et hommage. Qu’ont fait les lois anti-féodales? Elles
ont maintenu la concession et supprimé le droit réservé, le cens
payé en reconnaissance de la seigneurie , le cens féodal. Mais
dire que le domaine de L o llière, acquis à titre onéreux par la
familie de Miramon, et annexé à la seigneurie de Laroque , pos
sédée de temps immémorial , aussi à titre onéreux , est un fief
(1) Bencvola , libéra et perpétua conccssio rci inimobilis, vel æquipollentis, ciini tradilione utilis dom inii, proprictatc re te n ta, sub fulelitate et
exhibiiione servitiorum. Mol. in cons. par. tit. 1. tn p r a 'J n° 104.
�34
DEUXIÈME P ART IE .
ou démembrement d ’un fief, par cela seul que AI. de Miramon
s’est dit seigneur de Laroque, seigneur de Lollière, c’est vou
loir abuser des mots et donner à la loi une extension qu’elle ne
peut pas avoir; c ’est supprimer, contrairement à la loi, non pas
un droit féodal , niais le droit de propriété le plus inviolable.
Pour prouver que la redevance réclamée des sieurs Baduel
est féodale, notre adversaire se fonde surtout sur un passage de
l’acte du 6 mars 1755, qui après avoir spécifié et détaillé la rede
vance payable à M. le marquis de Miramon, ajoute ces mots : « Le
« tout censuel et rédituel, avec tout droit de directe et justice
« haute, moyenne et basse, usage et exercice d’icelle, mère, mixte,
« impère, droit de rétention p a r prélahon, lods et ventes, et taille
« aux quatre cas accoutumés au présent pays d ’Auvergne, et
« autres droits et devoirs seigneuriaux dus et accoutumés, et con« tenus aux terriers anciens dudit seigneur de la seigneurie de
« Laroque, etc. »
On voit là six causes de stipulations féodales, qui sont :
1°
2°
3°
4°
5°
6°
La directe;
La justice haute, moyenne et basse;
La rétention par prélalion ;
Les lods et ventes ;
La taille aux quatre cas;
Les droits cl devoirs seigneuriaux.
Quant à la réserve de la directe, nous n’ajouterons rien à cc
qui précède. Nous avons déjà bien suffisamment établi que la
directe emphytéotique n ’est pas féodale, comme le cens seigneu
rial; elle est de pur droit privé, cl aucune puissance de domina
tion n ’y est attachée. Voyez Merlin, Questions de droit,verbo'Xmh â g e , tome 9, pag. 17 et suiv. et pag. 50 el s u iv ., où cc point de
droit est traité avec étendue et de la manière la plus lumineuse.
La réserve de la justicc haute, moyenne et basse, se trouve dans
�I,A RENTE DE L0LL1EBE
n ’ e ST
POIIST FÉODALE.
35
le même cas. Comment notre savant adversaire a-L-il pu nous
mettre dans la nécessité de lui rappeler ce brocard de notre an
cien droit : F ief et justice n’ont rien de commun? Toutes les ju r i
dictions émanent du Roi, comme de leur source, dit D um oulin,
de manière q u ’aucun seigneur en France n ’a la justice en son
fief, terre ou seigneurie, sans un litre particulier; c’est-à-dire
sans une concession du Roi, justifiée par écrit, ou par une
possession immémoriale. Il ne faut pas confondre le droit de
justice avec le droit féodal. Autre chose est la juridiction et la
majesté royale ; autre chose le domaine direct, féodal ou censuel,
et l’obligation du vassal ou du censitaire de le reconnaître. Aliuct
jurisdictio et Majestas regia, aliuddomininm feudalevel censuale et
eorum recognilio. Dumoulin, sur Paris, § 1, Gloss., 6.
Cependant, les justices étant devenues des biens patrimoniaux,
elles pouvaient être aliénées en tout ou en partie, ce q u ’il faut
entendre avec ce tempérament qu’il ne soit pas permis à l’acqué
re u r d’ériger un iribunal séparé, où la justice soit rendue parti
culièrement en son nom ; mais q u ’il faut que la justice continue
d’être exercée comme elle l’était auparavant. Dumoulin, su r Pa
ris, § 1, Gloss. 5 , n° 62 , et § 16, n° 25. En effet, il ne peut
pas dépendre des particuliers de multiplier les justices. Ce droit
n’appartient q u’au Roi. Un arrêt du 3 juillet 1625, rapporté au
premier tome du Journal des Audiences, Iiv. 1er, ch. 61 , a jugé
que le seigneur haut-justicier ne pouvait, en donn an t une terre
en arrière-fief, concéder la moyenne et basse justice à son vassal.
Cet arrêt est parfaitement conforme aux principes, parce que
toutes les justices se trouvant comprises dans la haute, le sei
gneur haut-justicier qui aliénait seulement la moyenne et basse
justice, créait deux justices nouvelles, et usurpait un droit ré
galien.
Il est vrai que les seigneurs haut-justiciers jouissaient du droit
de déshérence, de celui de confiscation, de celui de s’approprier
�36
DEUXIÈME PARTIE.
les biens vacans,'et de celui de triage sur les biens communs.
Mais'le droit de déshérence, le droit de confiscation, le droit aux
biens vacans, le droit de triage ne tenaient ni à la mouvance féo
dale, ni à la directe censuelle ; ils dépendaient uniquement de
la justice,' et constituaient par conséquent des biens tout-à-fait
distincts des biens aliénés par les contrats , où les justices étaient
réservées. Comment cette réserve pourrait - elle être féo
dale ?
La rétention par prélalion et la réserve des lods et ventes, la
condition de ne mettre cens sur cens, celle de fournir une nou
velle reconnaissance à chaque mutation de seigneur ou de
paysan/appartenaient à la nature de Femphytéose non seigneu
riale, et ne constituaient rien de féodal.
« La rénovation de l’investiture à chaque mutation de posses« scur, disait M. Merlin, en s’adressant à la Cour de cassation,
« dans l’affaire H ertzeis, contre la Régie de l’Enregistrement
« et des Domaines, et le paiement d’un droit pour cette rénovao tion, n ’est, pas particulière aux fiefs ; elle est commune aux em« phytéoses, et elle a même été introduite, dans celles-ci, par la
« législation rom aine, qui bien certainement ne connaissait pas
« la féodalité : Necessitatem autem habere dominos (dit la loi der« nière, de jure emphyteutico, au Code), noviun emphyteutam in
a possessionem sm cipcre, non perprocuratorem , sed ipsos dominos
« perse, velper litteras suasj vel, si hoc non potnerint vel noluerint,
« p e r depositionem apud magistrum censuum, velprœsentibus tabu
le lariis per attestalionem ....... et ne avaritiâ tanti domini magnant
« molem pecuniarum super hoc cfflagitent , non amplius eis liceat
« pro subscriphone suâ vel depositione, nisi quadragesimam p a r
ti tem pretii velœstimationis loci qui a d alium trans/ertur, accipcre. »
Merlin, Repcrt. v°, f i e f , seel. 2 , § 3, pag. 240.
La ¡prohibition de mettre cens sur cens sans le consentement du
seigneur n ’aurait pas eu besoin d ’être écrite, puisque par Far-
�LA RENTE DE L0LL1ÈRE
n ’ e ST
POINT FÉODALE.
37
licle 4 du chapitre 20, la couiume (l’Auvergne déclare que cens
■sur cens n’a point de lieu sans le consentement du seigneur direct.
Comment une clause de cette nature, une clause de ne point faire
quelque chose qui p o u r r a i t en soi, et sous certaines c o n d itio n s,
être féodale, serait-elle entachée de féodalité PMais c’était, dit-on,
pour assurer le paiement des droits de lodset ventes, droits abo
lis comme féodaux?— Entendons-nous.
Le mot lods se prenait généralement pour tout droit dû au
seigneur pour l’aliénation faite du fonds, et ce mol ventes, pour
le droit dû pour l’achat. Dumoulin, sur Paris, lit. 2 , § 74,
num. 4. On voit par là que c’était une espèce de pot-de-vin qui
devait être payé par l’acquércur, quand le contrat avait reçu son
exécution.
Les lods étaient dus par les héritages, et le seigneur foncier
avait l’action hypothécaire et l’action personnelle pour les ré
clamer. Loyseau, Traité du déguerpissement, liv. 1er, chap. 10,
n° b, 6 e t ! . Ainsi Henri IV, ayant acquis à Fontainebleau quel
ques terres relevant de la dame d ’Alonville, en paya les lods.
Galand, en son Traité du[ranc-alleu, pag. 31, etsuiv.
Mais si le contrat d ’achat, si l’emphyléose avait pour objet un
fief, ou démembrement de lief, les lods étaient dus au seigneur
immédiat du fief. Si le vendeur n’était pas le seigneur immédiat
du fief, ils étaient dus au seigneur plus proche et immédiat du
vendeur. D’Argentré, incons. Brilan., art. G8, in fin. et in tract, de
Innd. cap. 2, inprincip., et Julius Clarus, § E m phyt., quæst. 23,
num. 1. En ces cas, les lods et ventes étaient féodaux, parce que
les lods étaient les fruits du fief. D’Argentré, ibid.
Ainsi la nature des lods et ventes réservés dans un bail em
phytéotique, dépendant de la nature de l’cmphytéose, il faut dis
tinguer si les emphyléoses équipollent à des baux à cens sei
gneurial, ou si elles sont de véritables emphytéoses, telles que
les définit le droit romain. Dans la première hypothèse, les lods
�38
DEUXIÈME PART IE.
et ventes étaient féodaux; ils ne l’étaient pas dans la deuxième.
Notre adversaire prouve la féodalité de l’emphytéose par la
féodalité des lods et ventes, et la féodalité des lods et ventes
par la féodalité de l’emphytéose. Tout son mémoire ne présente
guère q u’une longue série de dialèles, ingénieusement variés
sous toutes les formes.
Nous disons , nous , que notre emphytéose n’a rien de féodal
en elle-même; que c’est l’emphyléose ordinaire de la loi romaine ;
et qu ’on ne peut la présumer féodale en pays de franc-alleu,
où toutes les terres sont présumées libres, comme en pays de droit
écrit. Voyez Merlin, Répei't . , v° Franc-alleu, § 14, p. 346 et aliàs
pas sim.
La réserve de la taille aux quatre cas accoutumés au pays d’A u
vergne, n ’est pas plus féodale que les autres dont on a parlé, puis
que la cause de ces prestations était toujours une concession o ri
ginaire de fonds, une concession non féodale. Pour que la taille
aux quatre cas fût féodale, il aurait fallu qu’elle imposât des ser
vices personnels au profit du seigneur. Mais la taille en Auvergne
n ’était qu’une prestation du double de la redevance promise, dans
les quatre cas prévus par l’article 2 du chapitre 25 de la coutume.
Si cette redevance n ’était pas féodale, l’obligation de la payer
deux fois ne pouvait pas l’ôlre davantage. La féodalité n’était pas
non plus dans la cause de l’obligation, car cette cause était un
événement qui eut pu devenir la condition de tout autre contrat
du droit commun, condition aussi casuelle que potestative, at
tendu q u’il ne dépend pas absolument de la seule volonté d’un
individu de se faire chevalier, d ’aller outre-mer visiter la Terre
Sainte, d ’etre prisonnier des ennemis, pas même de marier ses fil
les en premières noces.
Le sixième et dernier grief, reproché au titre de madame la
marquise do Chàtillon, relatif au domaine de Lollière, est que ce
titre réserve les autres droits et devoirs seigneuriaux, dus et ac
�LA RENTE DE LOLLIP.RE
n ’e ST
POINT FÉODALE.
39
coutumes, et contenus aux terriers anciens dudit seigneur de la
seigneurie de Laroque.
Il faut ici ne pas oublier que dans la coutume d ’Auvergne il
n’y avait que des seigneurs fonciers; que la seigneurie féodale n ’v
pouvait ê t r e établie que par titre; q u ’ainsi les droits et devoirs
seigneuriaux dus et accoutumés ne pouvaient avoir rien de féo
dal. L’expression devoirs, corrélative à celle de droits, indique
l’obligation du seigneur q u i, dans certains c as, était obligé à
l’égard des habitansde son territoire. Tel était son devoir de les
recevoir, eux et l e u r s biens, dans son château, en cas d’invasion
de l’ennemi. De leur côté, les habitans ou paysans lui devaient le
droit de guet et garde. Les droits et devoirs étaient réciproques.
Mais, dit-on, pour savoir s’il n’y avait pas quelque chose de féodal
dans le titre deM. le marquis de Miramon, il faudrait voir l’énumérationde ces droits etdevoirs seigneuriaux, tels q u ’ils sont contenus
aux terriers anciens de la seigneurie de Laroque. Qu’on produise
ces terriers!... » En nous je ta n t cedéfi, on pense peut-être que les
terriers ont été brûlés ou perdus, et que celte production est im
possible. Nous ne nous expliquerons pas à cet égard, quoique
nous sachions très bien que les terriers n ’avaient rien de féodal.
Madame la marquise deChâtillon a justifié sa demande en produi
sant le titre du G mars 1755. C’est aux héritiers Baduel à prouver
leurs exceptions, ficus excipiendo fil actor.
Nous n ’avons presque rien à dire sur le paragraphe 5 du mé
moire en réponse au sujet de l’allodialité de la ci-devant Au
vergne. Notre adversaire n ’a pu s’em pêcher de la reconnaître, et
il se borne à soutenir que la présomption allodiale qui s’attache
aux actes passés sous l’empire de cette coutume, pouvait être dé
truite par un titre féodal, ou entaché de féodalité. C’est très vrai,
et nous ne l’avons nié ni dans notre consultation, ni dans nos
mémoires. La question n ’était pas là : la question était de savoir
si telleou telle clause présumée féodale dans le droit commun, ou
�DEUXIÈME P ART IE .
dans certainescou tûmes, était féodale dans lacoutum ed’/\uvergne.
Nous avons prouvé q u ’elle n ’étaitpas féodale,quand la féodalité ne
ressortait pas évidemmentdu contrat e tq u ’il était nécessaire de la
présumer. Nous avons fait v o irqu en o trecon trat,o u l’acteduGmars
1755, n ’avait par lui-même rien de féodal. Notre adversaire, tou
jours fidèle à son système de prouver la question p a rla question,
suppose partout que notre litre est féodal, et il nous repousse
par les loissuppressives de la féodalité. Il nous accuse de pousser
au rétablissement d ’un régime délesté, et d’émouvoir les habitans
du pays d’Auvergne. Il appelle à son aide les souvenirs de la res
tauration qui avait déclaré coupables d’actes séditieux toutes
personnes qui répandraient ou accréditeraient le bruit du réta
blissement des droits féodaux ; et il se flatte que sous l’empire des
institutions de juillet 1830, on n ’aura point à concevoir de pa
reilles craintes.— Tout cela sans doute est fort éloquent, mais ne
touche point à notre bail emphytéotique du domaine de Lollière,
et ne prouve nullement que les héritiers Baduel ne doivent point
racheter ou servir leur rente foncière.
Toutefois on voit dans les 13 pages de ce paragraphe une
idée nouvelle q u’il faut réfuter pour ne rien laisser sans réponse.
Pressé par les conséquences que nous avions tirées de l’allodialilé de la coutume d’Auvergne, notre adversaire n’imagine rien
de mieux que de rappeler la distinction du franc-alleu, en noble
et en roturier. Il convient que nos raisonnemens peuvent s’ap
pliquer au franc-alleu roturier.» Mais votre franc-alleu, nous dit-il,
était un franc-alleu noble, puisque vous étiez noble, chevalier,
baron, marquis; que vous aviez haute, moyenne et basse justice,
tous les droits et devoirs seigneuriaux. »
Nous répondons q u ’il ne s’agit pas de prouver la noblesse de
M. le marquis de 3Iiramon, mais la noblesse de sa terre, de
son franc-alleu. Celte noblesse, comme celle des personnes , ne
pouvait s’établir que par litres.
�l.A H ENTE T>E LOLLIKRE n ’f.ST POINT FÉODALE.
41
* Ce qui constitue la noblesse d’un héritage, dit Ilenrion dans
* ses dissertations féodales, tome 1, article A lle u , § 9, c’est un
« titre de;seigneurie ajouté à la propriété...... Un alleu noble
“ ne peut:dônc exister qu’en vertu d ’une concession émanée de
« celui dans lequel réside, l’autorité souveraine. » Où donc est ce
titre, cette concession pour l’héritage deLollièrePJusqu a produc
tion du titre qui l’aurait érigé en terre noble, cet héritage est
présumé roturier en pays de droit écrit, et en pays de franc-alleu.
(Merlin, v° Franc-fief, § 2.) Nous ne pouvons nous empêcher de
faire remarquer q u’ici encore notre adversaire fait la pétition de
principe. Il lui faudrait prouver que l’héritage est noble ou non
roturier. II affirme qu’il est noble, et il en conclut que notre rente
emphytéotique est féodale. Nous nions le principe et la consé
quence. Le principe, puisqu’à défaut de litres constitutifs de la
noblesse de l’héritage, il doit être présumé dans la condition natu
relle, dans le droit commun de tout héritage qui est d’être ro tu
rier. La conséquence, parce q u ’alors même que le domaine de
Lollière serait une terre noble, on ne pourrait pas en conclure la
nullité de la rente emphytéotique, qui n ’en serait pas moins pureihent foncière et non féodale, puisqu’il n ’en est pas de l’emphytéose comme du bail à cens, et que tout le monde pouvait donner
à emphytéose u n héritage tel q u ’il fût, noble ou roturier. (Henr i o n , /. t . j ; et q u ’il suffit pour que la redevance ne soit pas
censée féodale q u ’elle soit payée pour prix de la concession ori
ginaire du fonds grevé de la rente, é t'n on pour aucune recon
naissance de la seigneurie, puissance 'publique. Mais quant au
bail à cens, pour avoir le droit d’imposer sur un immeuble, une
redevance censuelle et seigneuriale, ce n’était pas assez d ’en
être propriétaire, il fallait avoir cette propriété à titre de sei
gneurie. ( Henrion, ibid. ) Notre adversaire cite , comme nous*,
H etirion, même article, même paragraphe; mais il parle du
�i-
D E U X IE M E P A R T I E .
bail-à cens, et nous parlons du bail emphytéotique; il conclut
d‘une chose à une autre, manière de raisonner toute sophis
tique. Les paragraphes 4 et 5, qui comprennent depuis la page
20 ju sq u ’à la page 40, ne contiennent plus rien à répondre.
Nous sommes donc arrivés au terme de notre tâche. Nous avons
suivi pied à pied nos adversaires, et nous avons démontré contre
eux 1° q u ’il n ’v a pas de prescription acquise, au profit des hé
ritiers Baduel, contre l’acte d u 6 mars 1755; 2° que la rente
emphytéotique créée par cet acte, pour prix du domaine de Lollière, n ’est point féodale.
Nous avons réfuté leurs objections, qui se réduisent à dire, en
ce qui touche la prescription, que notre emphytéose étant per
pétuelle, la propriété a passé tout entière sur la tête de l’emphytrote, et que la prescription s’en est ensuivie par cela même; en
ce qui touche la féodalité, que la féodalité est abolie, et que notre
rente est féodale parce qu ’elle est rédituelle et censuelle, et ac
compagnée de clauses et conditions féodales.
Nous avons répondu , sur la prescription, q u ’on ne peut point
l’opposer aux termes du droitcommun, puisqu’il n ’y a pas de tiers,
acquéreurs, et que les héritiers Baduel ne peuvent prescrire
contre leur litre. Qu’on ne peut pas non plus l’opposer encore
aux termes des lois spéciales sur les emphytéoses perpétuelles,
antérieures à ces lois.
Nous avons d it, sur la féodalité, que nous ne contestions
point, et que nous n ’avions jamais contesté son abolition, mais
que notre litre n ’était point féod al, ni entaché de féodalité ,
parce q u’il n’avait pour objet aucun bail à fief ou bail à cens
seigneurial ; que les clauses et conditions de ce titre apparte
naient à la n ature de l’emphytéose, et que n’ayant en elles-mêmes
rien de féodal, elles ne pouvaient pas être présumées féodales en
�LA RENTE DE LOLLIKRE
n ’ e ST
POINT FEODALE
43
pays de franc-alleu, où les terres sont présumées libres jusqu’à
preuve du contraire.
On concevra que nous n’ayons pas relevé le reproche de quel
ques arrêts mal compris, mémoire de M. V iolle, page 29, ligne 10,
et d’absurdes contradictions, même mémoire , page 39, ligne 20,
q u ’on n ’a pas pris la peine de nous signaler. Nous ne sommes
pas habitués à des argumens de cette nature , et ce sont les seuls
que nous ayons laissés sans réponse.
Restent les considérations!..Faut-il dépouiller les héritiers Baduel de biens qu’ils possèdent depuis 46 an s, paisiblement et
sans trouble ? Cette possession qu’on nous assure de bonne foi
aurait-elle été illusoire pendant si long-temps? ■
— Notre ,adversaire ne le pense p o in t, mémoire c ité , page 2 , et nous le pen
sons , 1° parce que le temps ne suffit pas pour légitimer une
possession, ni pour faire courir une prescription quelconque ;
2° parce que la possession des héritiers Baduel n’a jamais été ni pu
être de bonne f o i, puisqu’on ne peut pas ignorer le titre de sa
possession , et q u ’on n’est pas de bonne foi contre son titre.
Mais le pays d ’Auvergne s’émeut de nos prétentions! — Nous
ne craignons pas ces alarmes préten d ues, et nous ne püuvons
pas y croire. La cause des héritiers Baduel n ’a rien de commun
avec leurs voisins ou tous autres qui ont acquis légitimement
de la nation les biens immenses de M. le marquis de Miramon.
On n ’a pas la folie de vouloir revenir sur ces ventes doublement
irrévocables, et par l’effet des lois qu i les ont prescrites et qui ont
reçu leur exécution, et par suite de la loi de l'indemnité qui a
désintéressé les anciens propriétaires de ces biens vendus natio
nalement. Mais dans ces ventes on a oublié quelques domaines
qui sont restés depuis dans les mains des colons, fermiers ou pre
neurs à titre précaire. Pourquoi la fille, l'héritière bénéficiaire
�14
DEUXIEME PAUTIE.
de M. l e (marquis de Miramon n ’aurait-elle pas le droit de les
réclamer? Ces biens n ’ont pas été confisqués. La nation ne s’en
est pas emparé , ne les a point vendus ni donnés, n ’en a disposé
en aucune sorte. Seraient-ils dans ses m ains, une loi prescrit de
les rendre. (Loi des 5-6 décembre 1814.)
Nous nous contenterons de faire observer que par l’effet
des lois sur les émigrés, qui paraissent n ’avoir été appliquées
que par erreur à M. le marquis de M iramon, non émigré , il
se vit réduit avec son épouse, lui naguère si magnifique, si
grand et si généreux , à ’trouver ‘dans des secours étrangers et
dans un zèle admirable du service le plus dévoué (1), de quoi
fournir aux premiers besoins de sa v ie , aux nécessités de son
existence ! ! ! Ainsi , sur trois filles qu ’il a laissées après lui ,
deux ont renoncé à sa succession , et la troisième ne l ’a accep
tée que sous bénéfice d'inventaire. Cependant, si du magnifi
que site du château de Miramon , au dessus de Vie, aujourd’hui
propriété de simples chaudronniers, vous portez vos regards, au
tant q u’il pourront s’étendre, sur un immense lointain d’un pays
riant et fertile, partout et de tous côtés, vos yeux s’arrêteront sur
quelque riche domaine ayant appartenu à la famille deM. de Mirainon, jusqu’aux jours de l’émigration et des ventes et confiscations
dites nationales. Elle a beaucoup souffert des loisde cette époque,
qui ne devaient pas l’atteindre. Nous ne venons pas ici nous livrer
pourelle à des plaintes inutiles et sans but; ce sontdes faits accom
plis ; nous les avons acceptés et acceptons, mais tels q u ’ils sónr,
sans les restreindre ni les aggraver. Les héritiers Caduel veulent
être plus sévères que la loi et nous ravir, à leur profit, ce qu'elle
(1) Mademoiselle llumcl. Tout le inonde sait à Auriliac, les soins généreux
rendus» Monsieur et Madame de Miramon, par cette respectable (ille.
�L a r e n t e d e L O L L I E R E n ' e s t P O IN T
45
FÉ O D A L E .
nous avait laissé par oubli, ou par quelque fausse e t trop rapide
appréciation de nos titres.
C’est au tribunal civil de la ville d ’Aurillac à décider s’il fera
maintenant, contre le marquis de Miramon ou ses héritiers et
ayant-cause, ce que n ’ont pas fait les administrations révolu
tionnaires au temps de la république; et s’il reconnaîtra aux hé
ritiers Baduel, par cela seul que leur possession précaire de l’hé
ritage que nous réclamons s’est continuée furtivement, sous un
faux prétexte , un droit de propriété sur cet héritage , que même
l’état ne pourrait avoir aujourd’hui par le double fait de son an
cienne confiscation et de la durée de sa jouissance.
Paris, le 15 novem bre 1837.
A . P A IL L E T ,
BOLE,
!
Avocats à la Cour royale de Paris.
Le baron DELZONS, Avocat plaidant à Aurillac.
RAMPON, Avoue.
E rratum . Page 7, ligne 29. La détention est injuste, etc.
nons que la détention, etc,, etc.
l is e z
: Nous soute-
PA RIS. — MAULDE E T R E N O U , IM P R IM E U R S , R U E B A IL L E U L , 9 e t 11.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Cassagne de Beaufort De Miramon,Marie-Charlotte. 1837?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
A. Paillet
Bole
Delzons
Rampon
Subject
The topic of the resource
bail emphytéotique
domaines seigneuriaux
cens
retranscription de bail
biens nationaux
émigrés
rentes féodales
droit de propriété
abolition des privilèges
droits féodaux
coutume d'Auvergne
prescription
absence
poids et mesures
doctrine
droit écrit
franc-alleu
directe seigneuriale
jurisprudence
droit de guet et de garde
Masuer
forains
corvées
code civil
droit intermédiaire
domaines agricoles
fromages
vin
percière
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Réplique pour madame Marie-Charlotte de Cassagne de Beaufort de Miramon, veuve de monsieur le marquis François-Félix Duplessis-Chatillon, en sa qualité d'héritière bénéficiaire de monsieur le marquis de Miramon, son père, Demanderesse ; contre MM. Antoine Baduel, comme détenteurs du domaine de Lollière, appartenant à la succession bénéficiaire dudit marquis de Miramon, défendeurs.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Bail emphytéotique. v. emphytéote.
2. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? Les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? Féodalité : 1. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? les Baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayans cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéote ?
en d’autres termes les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayant cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens soumis à l’emphytéose ? Reconnaissance.
4. plusieurs reconnaissances notariées peuvent-elles dispenser le demandeur de représenter le Bail emphytéotique primitif ?
3. les baux emphytéotiques ont-ils été détruits ou intervertis, à l’égard du bailleur originaire, par les lois des 18-29 décembre 1790 et 11 brumaire an 7 et par les dispositions du code civil ? voir les faits spéciaux. ibid.
en tout cas quel caractère doit avoir la notification faite aux représentants du bailleur originaire, pour opérer l’interversion ?
la prescription a-t-elle couru valablement, en faveur du possesseur, dès la notification (1793) si l’on considère que, d’après la législation, la rente quel que soit sa nature, foncière ou féodale, aurait été déclarée rachetable ? prescription.
24. en Auvergne, les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers, ou ayans-cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéose ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Maulde et Renou, imprimeurs (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1837
1755-1837
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
45 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2815
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2813
BCU_Factums_G2814
BCU_Factums_G2816
BCU_Factums_G2817
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53571/BCU_Factums_G2815.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
La Roussière (domaine de)
Lollière (domaine de)
La Croux (domaine de)
La Fage (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abolition des privilèges
absence
bail
Bail emphytéotique
biens nationaux
cens
Code civil
corvées
coutume d'Auvergne
directe seigneuriale
doctrine
domaines agricoles
domaines seigneuriaux
droit de guet et de garde
droit de propriété
droit écrit
droit intermédiaire
droits féodaux
émigrés
forains
franc-alleu
fromages
jurisprudence
Masuer
Percière
poids et mesures
prescription
rentes féodales
retranscription de bail
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53572/BCU_Factums_G2816.pdf
346941c5d22fc82aeedec091af387eda
PDF Text
Text
POUR
Le Sieur Antoine BADUEL, propriétaire-cultivateur,
demeurant à Lafage, commune de Saint-Clément;
et le Sieur Antoine BADUEL, 2e du nom, aussi
propriétaire-cultivateur, demeurant à Lollière, commune de Saint-Clément, défendeurs;
CONTRE
Dame Marie-Charlotte CASSAGNE-BEAUFORT d e
M ir a m o n , veuve de M. le marquis D u p l e s s i s C h a t i l l o n , agissant comme héritière bénéficiaire
de M. le marquis de Miramon, son père, demeurant
à Paris, rue du Bac, n° 128, demanderesse.
— ..................... — 1 ■
—
M adame la marquise veuve de M. Duplessis-Châtillon , représentant,
dit-elle, M . le marquis de Miramon , son père , dont elle est héritière
sous bénéfice d’inventaire , a publié u ne consultation signée par d’honorables avocats , et plusieurs Mémoires ayant pour objet de prouver
qu'elle est recevable et fondée à demander la revendication d’héritages
jadis accensés , ou à exiger le service des rentes et prestations portées
par les titres d’accensement. Les Mémoires se réfèrent les uns aux autres,
et tous ont pour base la consultation. Leur publication , en précédant
eo
demande
tu
judiciaire, semble avoir été faite pour épouvanter d’avance et décourager au moins des adversaires fort modestes sans doute,
qui ne craignent aucun danger, quand ils ont pour eux la consécration du tems et la protection des lois.
il y a quarante-cinq ans que de simples cultivateurs possèdent paisiblement et sans trouble , par eux ou leurs auteurs , des biens-im-
�(2)
meubles libres de toute redevance seigneuriale et fe’odale. Ils les ont
recueillis ainsi dans la succession de leurs païens ; ils n'ont même pas
l'idce que ce patrimoine de famille ait jamais pu être différent de ce
qu’il est aujourd'hui. Et voilà pourtant qu’après un demi-siècle , ils
son^ troublés dans leur bonne foi , comme dans leur sécurité. Celle
sécurité aurait-elle été trompeuse? Cette possession de bonne loi pen
dant un si long-tems serait-elle illusoire ? Nous ne le pensons pas.
Avec eux nous avons confiance dans les lois, et la justice qui les ap
plique. Nous croyons que M"1“ de Châtillon s’ est bercée d’espérances
chimériques, et que ses demandes ne sont ni recevables ni fondées.
F A IT S .
Madame la marquise Duplessis-Châtillon est l’une des trois filles
qui ont survé’c u à M . le marquis de Miramon , leur père. Elle seule*
cependant, a conçu le projet d’attaquer les détenteurs actuels des do
maines de la Roussicrc, hollière, Lacroux, Lajâge situés dans la cou1'
mune de Saint-Clément, et les détenteurs du moulin de Marjons
ses dépendances, situé dans la commune de Polminhac.
Elle a publié un premier Mémoire, ou consultation pour M . le marquis
Duplessis-Châtillon, qui n’a rien à dire , parce qu'à madame sa mère
seule il appartiendrait de parler dans la cause ; et cette consultation .
signée des noms les plus honorables ( i ) , datée de Paris, le 5 mai 1837 »
expose les prétentions de M. le marquis , et cherche à justifier ces pré
tentions , ce qui est dans la règle.
Madame la marquise de C hûlillon, après avoir parlé par son
’
prend elle-même la parole, et public trois Mémoires (2) , dont l’un est
particulièrement dirigé contre M. Pierre Baducl ou ses héritiers et ay‘ini'
cause, comme détenteurs du domaine de hollière. Elle y prend la qualité
d héritière bénéficiaire de M . le marquis de ¡Miramon , son per •
Dans ce mémoire, imprimé, publié avant toute citation en justice ’
M m<î de Châtillon conclut ainsi : « Plaise au tribunal c o n d a m n e r le
» sieur Baducl ou ses héritiers et ayant-cause, à payer à la requérante
» trois années des arrérages de la rente consentie par le bail cmpby
(1 ) Celle consultation est signée par MM" B o l e , l ' u . ’ I H p i n , O i > i i .o s ll.wmoï , A. P a iia OT. e l j î ;
(Je Y atw f .snil . Il est a observer fj'ic , relativement nu domaine «le Loi.ufcitis , la consultation rul
sonne sur un acte du I!) juillet 1084, totalement ¿traiter aux héritiers II aduel .
(2) Ces trois Mémoires 11e sont signés que par MM" Houe et A. P a illk t .
�”
"
”
*
”
“
"
"
*
“
”
(3)
tcotiquc du sixième jour de mars de l’an 1755, laquelle consiste par
chaque an, i° en 2() quintaux de fromages, tant d’été que d’automne,
pesés au Poids de la ville d’Aurillac ; 2° 45 setiers bled seigle, mesure du Mur-de-Barrez ; 3° un quintal beurre ; 4° un cochon g r a s ,
payable à descente de montagne, ou 3o livres pour prix d’icelui ;
5“ un veau gras; 6“ deux paires de chapons; 70 vingt aunes de toile
femelle; — et à se r v ir a l’avenir ladite rente, année par année, soit
aux époques fixées par le bail emphytéotique , soit à telles autres
époques qui seraient fixées par le jugement ou consenties par les
défendeurs, si mieux n’aiment le sieur Baduel et ses ayant-cause raclieter la rente ou bien déguerpir. »
Ces conclusions sont incomplettes d’après l’acte du 6 mars 1 7 5 5 ,
*ïue nous transcrivons ci-après. M me Duplessis-Châtillon oublie de de
mander l'exercice de la justice haute, moyenne et basse, le droit de retention par prclation , les lods et ventes , les tailles aux quatre cas , et
outres droits et devoirs seigneuriaux stipulés par cet acte. En effet, voici
Ce htre qu’il importe de connaître.
<( I-’an mil sept cent cinquante-cinq et lo sixième jour du mois de mars aprèsj au château de Pestels, paroisse de Polminliac , par-devant le notaire royal du
^Hlago immédiat du Carladès, résidant au lieu do Polminliac, soubsignés, présents
°s témoins ci-après nommés, fut présent très-haut et très-puissant seigneur m essire AleX;ii)(]rc-I’ inaiiuel de Cassanhes de Beaufort, chevalier, marquis do Miramon, seigneur
dudit Pestels, Polminliac, Marions, Teyssières-les-Bouliès, Saint-Chaumiel et Saint^'rgues en Jourdanne, Laroque, Saint-Clément, Brezons, Cezeps, Monréal, Nebrousse, Paulhac, Balzac, Saint-IIéran, Cocudoux, Lasalle, la Calsade, Selles,
assinhac, le Cayre, Loubegeac, Lafage, Mougranat ; baron de Foulholles et do
*°u; conseiyneur do Vie et de Thiézac, et autres ses places, liabilant en sondit châ*eau de Pestels; lequel, de gré, pur et franc vouloir, a baillé et baille par ces
I*1«seules, à nouveau bail emphytéotique, nouveau cens et nouvelle inveslison,
* *>'er|e Baduel, laboureur, habitant de la ville de Yic en Carladès, à présent
urn'u,r de M. le marquis de Boussille, en son domaine de Mourèzo, ici présent
acceptant, son domaine appelé de Lollière, dépendant de sa terre et seigneurie de
ar»(jue, composé de maison, grange, vaclial, prés, champs, terres, bois eu
C()uiniun , pâturages, communaux, moutague de Bannes au prorata, et de la
contenue de trente tôtes d’herbages, et autres terres cultes et incultes dépendant
“ dit domaine; le tout, ainsi et de même que (îeraud Prunct et scs autres précé^ens fermiers ont accoutumé de jouir, sans autre réserve que des bois propres et
Particuliers dudit seigneur, si aucuns en y a dans ledit domaine, Oîitres toutefois
flue les bois communs qui en dépendent qui demeurent de la comprise des pré
�(4)
sentes, duquel domaine de Lollière et ses dépendances, tel et do môme qu’il est
ci-dessus baillé, j compris les prés et grange situés au lieu et appartenances do
Laroque, il sera ci-après fait un état particulier cuire ledit seigneur, bailleur, et ledit
Baduel, preneur, de tous les bâtiraens et héritages qui le composent. Le présent bail
emphytéotique à nouveau cens et nouvelle investison fait par ledit seigneur marqua
de Miramon audit Baduel, pour et moyennant le cens et rente annuels, perpétuels,
seigneuriaux cl uniformes de fromage vingt-neuf quintaux tant d'été que d'automne,
portables et posés au Poids de la ville d’Aurillac; plus de la quantité de qua
rante-cinq setiers seigle, mesure du Mur-de-Barrès; plus un quintal de beurre,
un cochon gras payable à descente do montagne ou trente livres pour le prix
d’icelui, au choix dudit seigneur bailleur; plus un veau gras, deux paires cha
pons, deux ports de vin du vignoble en sondit château de Postels, et vingt aunes
de toile femelle ; lesdits quarante-cinq setiers seigle dite mesure, payables et
portables audit château de Pestels à chaque féte Saint-Michel, de môme qi'°
toutes les autres choses ci-dessus spécifiées, annuellement en leur tems et saison,
le tout censuel et raddituel, avec tous droits de directe et justice haute, moyenne et
basse, usage et exercice d’icelle, meze, mixte, impere , droit de rétention par pre~
lation , lods et ventes et tailles aux quatre cas accoutumés au présent pays d’ AuuergM >
et autres droits et devoirs seigneitriaux dûs et accoutumés et contenus aux terriers an
ciens dudit seigneur de sadite seigneurie de Laroque. Auxquelles charges et conditions
ledit Baduel a accepté le présent bail en emphytéose, et sous et en c o n s é q u e n c e
d’icelui reconnaît tenir et avoir le susdit domaine dudit seigneur, marquis de Mi*,
ramon, et a promis et s’est obligé ledit Baduel de payer et porter comme il
est ci-dessus dit, les susdits cens et rente de vingt-neuf quintaux de fromage»
etc., de même que toutes les autres choses ci-dessus s p é c i f i é e s annuellement en
tous tems et saison à perpétuité, audit seigneur , marquis do Miramon et aux siens
à l’avenir, à commencer , etc., tant et si longuement qu’il jouira et sera tenan
cier dudit domaine de Lollière, lequel il a promis melliorer à son pouvoir,
ne le détériorer, vendre ni aliéner à personnes do droit prohibées, ni y nul(re
cens sur cens, ni autre pension annuelle, sans le scù , vouloir e t c o n s e n t e m e n t
dudit seigneur et de scs successeurs ; et d ¡celui domaine de Lollière faire nouvelle
reconnaissance à toute mutation de seigneur ou de paysan, toutes et ((liantes fois qu ^
en sera requis, et d’icelle comme des présentes, bailler et fournir à ses frais e t
dépens expédition en bonne et due forme audit seigneur et aux siens à l’avenir ;
et à 1 égard du droit d ontréo do la présente investison , il a été réglé entre les par*
tics à la somme de trois mille livres, etc. »
T e l est la cté dont M rae la marquise Duplcssis-Châtillon demande
1 exécution partielle contre les héritiers représentons , ou ayant-caiisc
«lu sieur Pierre B a d u e l, de même que par la consultation et les ¡>JC"
moires publics, elle reclame l'exécution d ’actes semblables concernant
�(5 )
les domaines de la Roussière, de Lafage, de Lacroux situe's , ainsi
que le domaine de Lollière , dans la paroisse ou commune de Saint—
Clément.
Mais ici, une difficulté sc présente. Par exploit du 12 brumaire an X I ,
(3 octobre 1802), M m0 A n ne-Jea nne Cassagne-Mirarnon , procédant
tant en son nom propre et p r iv é , suivant l ’acte passé à P a ris, le 20
aodt 1790, devant Boursier et son confrère, notaires, entre elle , son feu
rnn,i , et Jean-Gaspard Cassagne-Beaufort-Mirarnon , son p ère , que
comme mère et tutrice de ses enfans, forma devant le tribunal de pre
mière instance d’ Aurillac , contre le sieur Pierre Griffuel, détenteur
du domaine de Lafage , la même demande que prétend former au
jourd’hui la dame Duplessis-Châtillon, sa sœur; et elle en fut déboutée
par jugement du 4 frimaire an XII (26 novembre i 8o 3 ).
Ce n’est pas tout. L e 11 frimaire an XI (2 décembre 1802), la même
anie » agissant dans tes mêmes qualités, forma une demande semblable
contre le sieur Pierre T r i n , détenteur du domaine de la Roussière, et
n°us croyons que cette demande a eu le même sort que celle dirigée
c°ntre le détenteur du domaine de Lafage.
dame Anne-Jeanne Cassagne-Mirarnon était, comme madame
Uplessis-Châlillon, une fille de M. le marquis de Miramon. Les de
mandes qu’ elle formait en l’an X I , contre les détenteurs des domaines
e Lafage et de la Roussière étaient faites du vivant de M. le marquis
e Miramon , et par suite d’un acte passé avec lui , à P a r is , le 20 août
l ?i)° i acte qui devait lui avoir transmis les droits de M. le marquis
^ Miramon. Comment se fait-il donc aujourd’hui que madame de Châ^ 0n > se disant héritière bénéficiaire de son p ère , vienne réclamer cour° les détenteurs des mêmes domaines de Lafage et de la Roussière ,
^ e,i sa qualité d’héritière de son père , des droits que celui-ci aurait
nsrnis à son autre fille , la daine Anne-Jeanne Cassagne-Mirarnon,
Par 1acte du 20 août i7()0?
d’ J C'S^ c^ lc^e “ ex2>liquer , on en conviendra ; et pourtant, cela est
aI)lcs la consultation délibérée le 5 mai 18^7. On répondra sans doute
j1” 0 ’ dans ces procès intentés en l’an XI , à la requête de la sœur de
du r*116 * * lnanIu' sc
Gbâtillon , il n’ était pas question du sieur Bala
^
(^oma‘ne
Lollière , ce qui est vrai ; mais puisque , d’après
j,] Co!1st>llatioa , M n,c de Châtillon se croyait autorisée, en sa qualité
<]e eri^ re bénéficiaire , à exercer contre les détenteurs des domaines
e ^ aJoge et de la Roussière , des droits qui auraient appartenu à sa
�( 6 )
sœ ur, en vertu de l’acte de 1790, et qu’en cela elle se trompait évi
demment , les siéurs Baduel se croient bien fondés , à leur t o u r , à
demander communication de ce traite' de famille, à provoquer un conipulsoire , si besoin est , alin de savoir si le domaine de Lollicrc est
ou non compris dans les arrangemens portés par ce traité, et si îMm°
de Châtillon a qualité pour s’adresser aux détenteurs de ce domaine
situé, comme ceux de Lafage et de la Roussicre , dans la c o m m u n e de
Saint-Clément.
A i n s i , les qualités de la demanderesse sont encore incertaines , et
les sieurs Baduel déclarent ne pas lui reconnaître, en ce moment, 1e
droit qu’elle prétend exercer.
Cependant, elle a fait signifier aux héritiers Baduel , le 21 août 18^7 ?
l’acte du 6 mars 1755 , qu’ elle qualifie d’acte d’inveslison , e t , le 2 sep
tembre suivant , elle leur a notifié un commandement de payer lcS
arrérages de la rente , avec déclaration que , faute d e paiement, elle
poursuivrait contre eux l’cxccution de son titre par toutes les voies
de droit. Ceux des héritiers Baduel que ce commandement pouvait con
cerner se sont empressés d’y former opposition par acte e x t r a - j u d i c i a i r e
du 4 du même mois ; et ils viennent maintenant exposer dans ce m é m o i r e ,
les motifs d’une opposition qu’ils croient bien fondée. Ils ne d i r o n t
pas que M me Duplessis-Châlillon fait une tentative insensée ou du moin5
téméraire , pour rétablir en France le régime de la féodalité ; ce se
rait, nous en sommes surs , mal interpréter une pensée qui n’a PaS
une aussi vaste étendue. Il est certain , toutefois , que les Mémoire*
publiés ont répandu dans le public , et particulièrement dans la classC
estimable des cultivateurs , des idées fâcheuses qui troublent la scCl1
rité d’un grand nombre de propriétaires. Il est bon de les r a s s u r e r »
en attendant que les tribunaux viennent eux-mêm es leur a p p r e n d r e »
par la solennité des arrêts , que les lois subsistantes n’ont rien per
de leur vigoureuse efficacité.
Les héritiers Baduel ont à répondre à quatre Mémoires, car, b)Cn
qu’ ils ne soient pas tous dirigés contre eux , ils se réfèrent l’un à 1 a u t r e »
et lous ont pour objet de démontrer que M me de Châtillon , en sllP
posant ses qualités reconnues , est recevable e t fondée à d e m a n d e r 1 e%e
cution de lacté d u (i mars lyiïi», à faire revivre, par c o n s é q u e n t )
titre q u i , selon nous , est frappé , tout-à-la fois , par la prescript*°n
par les lois suppressives de la féodalité, comme nous allons le démontre1
Nous le ferons avec ordre cl méthode , ce nous semble , et nous auii°
�( 7 )
.
'
l’occasion de discuter toutes les objections, en nous occupant succes
sivement ;
10 De la nature de l’acte du 6 mars 1755 , qui sert de base aux de
mandes de M ’re de Châtillon ;
2° De la question de savoir e n t h è s e g é n é r a l e , si les baux emphy
téotiques, à cens ou à rentes , sont frappés de la suppression prononcée
Par les lois de 1792 et 1793, quand ils sont mélangés de féodalité;
3° De la question de savoir PARTicuLiÈRtMtNT , si les baux emphy
téotiques perpeiuels sont atteints par ces lois suppressives ;
4° De l’application de la doctrine établie aux paragraphes 2 et 3 cidessus , à l’acte du 6 mars 1755;
5° De l'objection tirée de ce que la ci-devant Auvergne était un
Pa>s allodial ;
6" Enfin , de la prescription , qui , dans tous les cas , rend la dame de
Châtillon non recevable dans ses demandes.
En plaçant le moyen tiré de la prescription, à la suite de l’ examen
du titre , de l’a n a ly e des lois et de la jurisprudence sur la suppression
la féodalité , nous n’avons d’autre objet que de suivre un ordre
plus lo gique , sans entendre préjudicier en aucune manière, aux droits
ceux pour qui nous écrivons. Il nous a paru plus convenable de
Cor>stater le véritable esprit des lois de la matière, la juste application
*lu* doit en être faite à la cause actuelle , avant de prouver que même
dans le doute la prescription protège les héritiers Baduel contre les
demandes de leur adversaire.
§ 1".
la nature de l'acte du 6 mars 1755. — I l est bail à c e n s ,
plutôt que bail emphytéotique.
Ce n’ est pas une futile distinction à établir ’, celle du bail à cens et
11 bail emphytéotique, bien qu’ en définitive, les résultats doivent être
es mêmes quant à l'application des lois abolitives de la féodalité. INIais
me de C h âlillo n , ou ses Mémoires , tiennent beaucoup à donner à
du g mars 1755 le caractère de bail emphytéotique; e t, pour
l t ster dans la vérité, nous devons simplement rechercher la nature de
cel- acte afin d’ en mieux connaître les effets ou les conséquences.
L acte de 1755 par lequel M. le marquis de Miramon concède à
•erre Baduel le domaine de Lollière, e s t , si l’on s’en rapporte à sa
ré<laotiqu , un bail emphytéotique et un bail à cens, on y voit que M . de
�( 8 )
Miramon baille à nouveau bail emphytéotique, nouveau cens et nouvelle
investison, son domaine de Lollière, dépendant de sa seigneurie de Laroque.
Ces expressions le caractérisent aussi bien nouveau bail à cens que nou
veau bail emphytéotique. Dès lors, les termes ne décident rien. Mais on
sait que la nature des contrats se détermine, non par les qualifications
qu’il a plu aux parties contractantes de leur donner, mais par la subs
tance des clauses qu’ils renferment. C'est un principe de tous les tem s,
consacré de nouveau par notre code civil, dont l’article n 56 prescrit
de rechercher dans les conventions quelle a été la commune intention
des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des
termes.
En partant de cette r è g le , et recherchant l’intention des parties , il
est difficile de trouver dans l’acte du 6 mars 17 5 5 , la simple emphytéose des Romains, qui ne savaient pas ce qu’était la directe seigneuriale ,
la justice haute , basse et m oyenne, la taille aux quatre cas , et les au
tres droits et devoirs seigneuriaux, qui se rapportent au régime féodal,
et caractérisent le véritable acccnsernent.
Il est vrai que suivant l’annolateur de Boutaric , traité des droits sei
gneuriaux, page 2 , l’essence du bail à cens et du bail emphytéotique,
ainsi que le fonds de ces deux contrats , sont absolument les m êm es,
puisque l’un et l’autre sont également un contrat par lequel il n’y a que
le domaine utile qui soit aliéné , tandis que la dominité directe reste
au bailleur avec une rente qui lui est payée en reconnaissance de la
direclilé ; ce qui fait que le contrat est spécifiquement le même. « La
» différence, ajoute-t-il, ne vient que des biens qui font le sujet de
» l’un ou de l’autre. Le bail à cens est le bail d’un fonds noble et féo » dal, au lieu que le bail emphytéotique est celui d’un fonds qai est
» tenu en roture. » E t c’est cette qualité des biens qui fait dire aux auteurs
du répertoire universel,* V° emphytéose : En France, l'emphytéose faite
par un seigneur d’ un héritage qui fait partie de son domaine féodal, a
le même effet que le bail à cens.
M . Merlin, dans ses questions de droit, V® M oulin, dit que : « Si un
» seigneur de fief donnait en emphytéose une partie quelconque de son
» domaine féodal, sa concession ne serait pas une emphytéose propre» ment dite , mais un véritable bail à cens. C ’est ce qu’établit Ilerve dans'
» sa théorie des matières féodales , tome 2 , page 3a<) : 1' emphyteose, à per» peluite, dit i l, est un vrai bail à cens ou un vrai bail à rente, suivant
» que le bailleur est ou seigneur de fief-, ou simple propriétaire de censives. »
�( 9 )
Ajoutant à ces autorités celles que nous invoquons au § S ci-après où
nous aurons occasion «le revenir sur cette distinction à faire entre les
biens nobles et les biens roturiers pour caractériser le bail à cens ou le
bail emphytéotique , il est impossible de ne pas reconnaître un bail à
cens dans l'acte du 6 mars 1755. Nous ne considérons pas uniquement,
pour le qualifier ainsi, les expressions bail à cens employées dans l’a c te ,
mais nous voyons la nature des biens concédés. Nous voyons que le
domaine de Lollière, loin d’être un bien roturier, était éminemment noble
dans les mains de M. le marquis de Miramon , qu’il dépendait de sa sei
gneurie de Laroçue, que M. le Marquis se réservait sur ce bien les droits
et devoirs seigneuriaux contenus aux terriers anciens de la seigneurie de Laroque; et de ces indications, puisées dans l’acte même , nous tirons la con
séquence que M. le marquis de Miramon a voulu faire et a fait réellement
tin bail à cens et non un bail emphytéotique. Une des conditions de l’acte
le prouve d’ailleurs d’ une manière claire et précise. M. de Miramon
y fait défense expresse au preneur de mettre cens sur cens sur le domaine
de Lollière. Cette prohibition , étrangère au bail emphytéotique , est
précisément de la nature du bail à cens. D ’ où il faut conclure que ce
serait commettre une erreur manifeste que de qualifier de bail emphytéo
tique l’acte dont il s’agit.
Nous lui conserverons cependant cette dénomination dans le cours
de ce Mémoire, uniquement pour la facilité de la discussion. Nous
pouvons d’autant mieux employer l’expression de bail emphytéotique ,
qu’elle est indifférente comme nous allons l’établir dans le § suivant.
§2.
H est indifférent de considérer l'a cte de i y 55 com m e b a il em phy
téotique ou ba il à cens ; il est toujours un titre fé o d a l ou m élangé
de fé o d a lit é , fr a p p é p a r les lois suppressives.
Après avoir affranchi les personnes , l’assemblée nationale s’occupa
de la libération du sol français. C ’était une mission digne d’elle, et
fIu elle remplit avec de sages précautions. La liberté esl un breuvage
enivrant pour les peuples qui n’y sont pas habitues. Si la pensée
de régénérer l'homme et la terre qui le porte était à la hauteur
de cette auguste assemblée , les grands hommes qui la composaient
savaient aussi combien il fallait de prudence pour prévenir cet enivre
ment dangereux. Ils ouvrirent le sanctuaire avec précaution, e t , pour
2
�( 10 )
ne pas éblouir des yeux accoutumes à la servitude , ils n’accordcrent
que successivement, et p e u - à p e u , une liberte' qui, dans leur inten
tion, devait un jour être entière.
Les décrets des
G, 7 , 8 et 11 août 178g, en détruisant le régime
féodal établirent cette distinction : Les droits et devoirs féodaux ou censuels , ceux qui dépendaient ou étaient représentatifs , soit de la main
morte personnelle ou réelle , soit de la servitude personnelle , furent
abolis sans indemnité. T ous les autres furent déclarés rachetables et main
tenus jusqu’au rachat.
On sentit le besoin d’une énumération détaillée des droits seigneuriaux
supprimés et de ceux qui étaient maintenus et rachetables. L a loi du
i 5— 28 mars 1790 survint, et par son titre 3 , art. 2 , elle classa parmi
les droits rachetables. « Toutes les rentes seigneuriales annuelles en argent,
» grains, volaille , cire, denrées ou fruits de la terre, servis sous la déno» mination de cens, cencives, surcens , capcasal, rentes féodales , sei» neurialcs et emphytéotiques , champart, tasque , terrage, arage , agrier ,
» comptant, so été , dîmes inféodées , ou sous toute autre de'nomina» tion quelconque , qui ne se paient et ne sont dus que par le pro» priétaire ou possesseur d’ un fonds, tant qu’il est propriétaire ou pos» sesseur, et à raison de la durée de sa possession.»
L a loi du 1 8 -2 9 décembre
*a m&ne année, après avoir, par son
article 1 " , déclaré rachetables toutes les rentes foncières perpétuelles
de quelque espèce qu’elles fussent , régla par l’art. 5 , du titre 3 , le
mode et le taux du rachat pour les baux à rente, ou ernphytéose p e r p é tu e lle
et non seigneuriale , qui contiennent les conditions expresses de payer
au bailleur un droit de lo d s , ou autre droit casuel quelconque en cas
de mutation.
C ’est ici que s’arrrete la première période du système d ’ a f f r a n c h is s e
ment. O n voit que la suppression n’avait encore porté que sur une
partie des redevances féodales , et que l’autre était maintenue, mais
les droits étaient déclarés rachetables.
Il fut fait un pas de plus par la loi du 18 juin — 6 juillet I 792,
Cette loi supprima sans indemnité, tous les droits casuels, soit c e n s u e ls ,
soit jéodea ux, et tous ceux qui en étaient rcprésentaiijs , c o n n u s sous les
noms de quint, requint, treizième, lods et trezains , lods et ventes, etc.,
qui se percevaient à cause des mutations qui s u r v e n a i e n t dans la pro
priété ou la possession d’un fonds , sur le v e n d e u r , 1 acheteur, les
donataires , les héritiers , et tous autres a y a n t- c a u s e du précédent pro-
�( Il )
priétaire ou possesseur; à moins , est-il dit, que lesdits droits ne fus
sent justifiés par le titre primitif d’inféodation , d’accensement ou de
bail à cens , tire le prix ou la condition d ’une concession de fonds pour
lequel ils étaient perçus; auquel cas, lesdils droits continuaient d ’être perçus
et d ’être rachetables.
L a loi du 2 5 - 2 8 août suivant confirma celle du 18 ju in , et suppri
ma sans indemnité, « tous les droits féodeaux ou censuels utiles , toutes
" les redevances seigneuriales en argent, grains, volailles, cire, den» rc'es ou fruits de la terre, servis sous la dénomination de cens, cen" cives, surccns......... et généralement tous les droits seigneuriaux, tant
" féodaux que censuels , conservés et déclarés rachetables par les lois an» térieures , quelle qu’en soit la nature et leur dénomination , etc. »
Toutefois , l’art. 5 excepta de cette suppression sans indemnité , les
droits qui auraient pour cause une concession primitive de fonds; et l’art.
*7 fit encore exception pour les rentes champarts et autres redevances
qui ne tenaient point à la féodalité, et qui étaient dues par des parti
culiers à des particuliers non seigneurs ni possesseurs de fiefs.
Ici finit la seconde période.
La première n’ avait supprimé sans indemnité qu’une partie des droits
féodaux et avait déclaré l’autre partie rachetable , la seconde periods
supprima de plus une partie de ces droits , maintenus d’abord et ra
chetables, et n’excepta de la suppression que les droits dûs pour con
cession de fonds , ou par de particuliers à de simples particuliers.
Mais vint ensuite la loi du 17 juillet 1 7<)3, dont l'article 1er supprima
sans indemnité toutes les redevances ci-devant seigneuriales , droits féo
daux , censuels , fixes et casuels , même ceux conservés par le décret du
aoât 1792. L ’article 2 ne maintint que les rentes ou prestations purerement foncières et non féodales.
C ’est la troisième et dernière p é r io d e , car les lois et autres dispo
sitions législatives survenues depuis , ne sont qu’interprétatives de la
loi du 17 juillet i7j)3.
Ainsi , d’après cette loi , les rentes purement foncières et non féo
dales > sont les seules qui soient maintenues ; les droits même conservés
par la loi du 25 août 1792 ’ comme ayant pour cause une concession
de fonds , ne le sont p o in t , s’ils ne sont purement fonciers, c’est-àdire , sans mélange de féodalité.
On ne tarda cependant pas à vouloir faire des distinctions , malgré
les termes positifs de la l o i , en demandant la séparation dans les actes
�( T2 )
de concession primitive de fonds , à titre d’inféodation ou d’accensement, de ce qui e'tait purement foncier, d’avec les droits q u i , sous
le nom de cens et de censualité, rappelaient le régime féodal aboli.
Une loi du 2 octobre 1 7 9 Î , rejetta cette distinction et cette sépara
tion par l’ordre du jour , de sorte qu’il devait être désormais bien
reconnu , que toute renie due pour concession de fo n d s, cesse d’êlre
purement foncière, quand elle est mélangée de droits féodaux ou sei
gneuriaux.
Il 11 en fut pas moins proposé à la convention nationale , peu de
tems après cet ordre de jour, la question de savoir si l’administration
des domaines nationaux pouvait recevoir le rachat offert d’une rente de
35 setiers de b lé , qualifiée foncière et seigneuriale p a r le titre primitif
ou bail d’héritage , dans lequel était en même tems stipulé un droit de
cens emportant /ods et ventes. Par la loi du 7 ventôse an II , la con
vention déclara qu’il n’y avait pas lieu à délibérer, attendu « que déjà
» elle a déclaré par un décret d’ordre du jour , du 2 octobre 17g3 ,
» q u elle avait entendu, par la loi du 17 juillet précédent, supprimer
» sans indemnité les rentes foncières qui avaient été créées , même par
» concession de fo n d s, avec mélange de cens ou autre signe de seigneurie
» ou de féodalité. »
Interprétant encore le véritable sens de la loi du 17 juillet 1703,
line autre loi du 29 floréal an I I , déclara supprimée sans i n d e m n i t é
toute redevance ou rente entâchée originairement de la plus légère
marque de féodalité.
Ce commentaire donné par la législature elle-même, par cette légis
lature qui avait rendu la loi du 17 juillet 1793, manifeste clairement
le sens de cette dernière l o i , et l’on ne peut s’y méprendre. A u s s i ,
ne fut-il plus question, pendant quelques années, de chercher à tourner
la loi pour échapper à scs dispositions précises.
Mais sous le consulat, alors que d’autres idées paraissaient prendre
faveur, et que les législateurs interprètes n’ étaient plus là pour pro
clamer leur pensée, quelques tentatives furent faites. On e s s a y a de res
susciter le système de séparation de la partie féodale de la rente d avec
la partie foncière. Le conseil d’état fut appelé à en délibérer ; et par
son avis du 3o pluviôse an X I , après avoir rappelé la loi du 17 juillet
1 79 3 , les décrets des 2 octobre et 7 ventôse an I I , l’ordre du jour
portant refus de proroger le délai fixé pour le brûlement des litres
constitutifs et récognitifs de seigneurie , et d’autoriser la séparation
�( i3 )
de ce qui pouvait être purement foncier, qui « annonce clairement
* que. la convention regardait tous les droits quelconques établis par
» les titres , comme supprimés par une suite de leur mélange avec des
" cens ou autres signes de féodalité; après avoir ajouté que telle avait
» été depuis l’opinion constante du corps législatif; qu elle s’est ma» infestée eu l’an V , en l’an VIII dans les discussions sur les projets
“ présentés à l’effet d’établir une distinction entre les rentes et pres* tâtions créées par des actes constitutifs ou récognitifs de seigneurie,
" pour soustraire à la suppression celles qu’ on regardait comme pu“ rement foncières ;
Après avoir dit « qu’il n’ est pas possible de méconnaître des inten" tions aussi évidentes, et qu’il ne peut y avoir, lieu à interpréter des
* dispositions qui ne sont nullement obscures ;
“ Le conseil d’état fut d’avis que toutes prétentions , de quelque na“ ture qu elles pussent être, établies par des titres constitutifs de rede" vances seigneuriales et droits féodaux, supprimés par le décret du
” 17 juillet 1793, ont été pareillement supprimées, et que l’on ne
" pourrait admettre les demandes en paiement de ces prestations , sans
changer la législation. »
Se méprendre maintenant sur le sens et sur le but de cette législa
tion , ce serait fermer les yeux à l’cvidcnCc , et se jetter volontairement
dans l'erreur. Q u’011 d is e , tant qu’ on v o u d ra , qu’il y aurait eu justice
d établir la distinction demandée, on peut avoir raison en faisant le
procès à la l o i , mais ce procès ne prouverait autre c h o se , si non que
loi existe, et qu’il faut lui obéir. O r , cette l o i , ou plutôt ces
lois que nous avons analysées avec la plus sévère exactitude, ne font
aucune différence à l’égard des titres constitutifs ou récognitifs de sei
gneurie ou droits féodaux. Elles ne distinguent pas si les litres sont
dcs baux emphytéotiques 011 à cens, ou bien s’ils doivent avoir toute
autre dénomination; elles 11e voient, dans les titres, quels qu’ils soient,
les signes de féodalité ou de seigneurie qui peuvent y exister ;
si de tels signes s’y rencontrent, les lois prononcent la suppres
sion des titres sans égard aux redevances que ce mélange impur cesse
faire considérer comme des prestations purement foncières.
^ avis du conseil d'état du 3o pluviôse an XI n’est pas le seul qui
se soit expliqué sur le véritable sens des lois suppressives. Nous al
lons montrer dans le paragraphe suivant la persistance de ce conseil
® repousser toute idée rétrograde, particulièrement en ce qui concerne
es baux à cens et les baux emphyteoliques.
�Quand on considérerait l'acte du 6 mars 1 755 comme un véri
table bail e m p hy t é o t i qu e , il n'en serait pas moins frappé par
les lois suppressives de la féodalité.
L ’ emphytéose à lems doit être distinguée (le l’emphytéose perpétuelle.
Dans l’origine , le bail emphytéotique n’avait qu’une durée limitée qui
ne pouvait excéder 99 a n s , ou la vie d’un homme , ou bien la vie
du preneur et celle de ses enfans. L ’emphytéose perpétuelle fut dans
la suite autorisée , et elle existait à l’ époque de la loi du 29 décembre
1790, dont l’article I er prohibe pour l’avenir les baux à rente ou emphytéose perpétuelle. L ’article 53o du Code civil a confirmé cette prohi
bition.
U ne emphyte'ose à tems n’ était considérée que comme un simple
louage , bien que des différences essentielles dussent la distinguer du
louage ; tandis que l’emphytéose perpétuelle était une véritable transmis
sion de propriété , une vente réelle. A u ssi, les lois suppressives de la
féodalité et la jurisprudence ont-elles soigneusement distingué ces deux
espèces d’emphytéose.
Sous le gouvernement im périal, il y eut quelque velléité de revenir
au système de séparation des droits féodaux et seigneuriaux d’avec la
prestation foncière, et des essais furent faits. P o u r ne pas suivre la
même voie dans laquelle on s’était précédemment engagé, on inventa
la distinction entre les pays d'allodialitè et ceux où la maxime, nulle
terre sans seigneur, était de droit commun. Un décret du 25 nivôse an
X I I I , ordonna , en conséquence , que des redevances originairement im
posées au profit du chapitre de l’église d’Aix , et qui étaient mélan
gées de féodalité , continueraient d’être servies comme redevances em
phytéotiques , et sans charge de lods et demi-lods qui y avaient été ajoutés
indûment et sans titre par les bailleurs. Ce d é c r e t, en opérant la sépa
ration de la partie purement foncière de celle qui était féodale, et
ordonnant le paiement de la première à l’état, représentant alors l’c'glise
d’A i x , rouvrait la porte à l’introduction d’un système si long-tenis et
si nettement repoussé ; de plus , il établissait une distinction entre les
titres frappés de suppression , et classait les baux emphytéotiques au
nombre de ceux que la suppression ne devait pas atteindre. Enfin, il
était le premier acte de l'autorité publique qui distinguait les personnes ,
suivant qu’elles avaient droit de seigneurie ou qu’elles ne 1avaient pas. Un
�( i5 )
arrêt de la cour de cassation, du 10 février 1806, ne tarda point à se pro
noncer dans le même sens pour une redevance établie dans le PorenIrui, pays allodial.
Mais on s’effraya bientôt des conséquences d’une rétroactivité dont
l'effet certain était de porter le tiouble dans les familles , d’anéantir
les traités , les actes , les conventions de toute nature qui avaient été
la suite de l’abolition du régime féodal, et de détruire les garanties
hypothécaires des créanciers. I)e nombreuses réclamations s’ élevèrent
de toute part, et de nouvelles dispositions législatives, en sanctionnant
les lois subsistantes , vinrent calmer les esprits. La jurisprudence ellemême ajouta son autorité interprétative à la puissance des décrets et
des avis du conseil d’état.
Il est utile de présenter ici l’analyse chronologique de ces nouvelles
dispositions législatives et de la jurisprudence, pour démontrer avec plus
d évidence encore le véritable esprit de la législation , en ce qui con
cerne la suppression des droits féodaux , et prévenir des erreurs dans
lesquelles 011 pourrait facilement se laisser entraîner. Cela est néces
saire d’ailleurs, parce que AI“1' de C h âlillo n , dans sa consultation
et dans ses Mémoires , s’arrête précisément à cette époque dont nous
venons de parler où le gouvernement impérial faisait un pas rétrograde, entièrement à rebours des lois existantes.
Un avis du conseil d’ état, du i 3 messidor an X III, rendu six mois
après celui du 25 nivôse de la même année , commence cette série
de dispositions interprétatives qui doivent désormais faire règle pour
1application des lois concernant le régime féodal. Le conseil d’état
avait à examiner un projet de décret tendant à déclarer maintenues des
redevances à prestation de fruits, mêlées de cens, portant lods, amende
et seigneurie, dues par les habilans d’ Arbois, en vertu de titres d’acccnscmcns consentis par des individus que l ’on prétendait avoir pris
r,,al~à-pr0p 0s la qualité de seigneur. Ce projet fut rejeté par les motifs
suivan's :
* Considérant que lorsque le titre constitutif de la redevance ne
“ présente aucune ambiguité , celui auquel le titre est opposé ne peut
" être admis à soutenir qu'il n'avait pas de seigneurie ;
* Considérant que toutes les dispositions législatives, et en dernier
“ üeu l’avis du conseil d’état du 3 o pluviôse an XI , ont consacré
” la suppression de toutes redevances, de quelque nature qu’elles
” puissenL ê t r e , établies par des titres constitutifs de redevances sei-
�( 16 )
» -gneuriales et droits féodaux supprimés par le décret du i y juillet
« 1793. »
L e gouvernement renh'ait ainsi dans la saine interprétation des lois
de 15 matière , et se mettait en harmonie avec les lois des. 2 octobre
1793 et 29 floréal an II.
L e 23 avril 1807, un décret impérial, rendu à l’occasion de rede
vances provenant de concessions faites à titre de cens annuel et per
pétuel emportant lods et ventes , retenues et tous autres droits censaux et seigneuriaux, quoique l’abbaye de Sainte-Benigne ne possédât
pas les terrains à titre de fief, et qu'elle n'y eut aucun droit de sei
gneurie, s’exprimait ainsi : « Considérant que les redevances dont il
» s’agit sont entachées de féodalité par leur mélange avec des droits
» de lods et ventes, et autres supprimés p arle s lois ; que d’après l’avis
» du i 3 messidor an X III, approuvé par nous , il n’y a pas lieu à exa» miner si lesdits religieux possédaient les fonds à titre de seigneurs. »
E t le décret prononça la suppression sans indemnité de ces redevances.
Ce décret prenait l’avis du conseil d’état du i 3 messidor an X I I I , pour
base de sa d écision, parce que cet avis était rentré dans les vrais
principes. Nous verrons dans la suite que M . M erlin, procureur gé
néral à la cour de cassation , qui avait conclu plusieurs fois dans le
sens du décret du 25 nivôse an X III, revint aussi sur ses pas , et recon
nut que l’avis du conseil d’état tranchait, pour l’avenir , toute difficulté.
Un avis du conseil d’état du 17 janvier 1809, approuvé le 2 fé
v rie r, rejette une réclamation des hospices d’A i x , et s’exprime avec
plus de précision encore. « A tten d u , porte cet a v is , que les rede» vances perpétuelles établies par des titres qui portent en même tems ,
» soit stipulation de lods et ventes ou dem i-lods, soit réserve de la
» seigneurie directe , sont comprises dans les abolitions sans indem» nité prononcées par les lois antérieures , quelle que soit la dctiomi» nation du titre ou la qualité de la personne au profit de qui les re~
» devances ont été étublies. » C ’est conforme au décret du 23 avril 1807,
qui déclare indifférent pour la suppression des redevances, que le
bailleur de fonds eût droit de seigneurie ou qu’ il ne l’ait point. Mais
l’avis du conseil d’ état ajoute de plus qu’il n’y a pas lieu de con
sidérer la dénomination du titre, c’est-à-dire, qu’il importe peu que le
titre soit qualifie de bail à c e n s , de bail à r e n te , ou de bail em
phytéotique.
�( '7 )
D ’ailleurs, il existe des dispositions semblables pour les emphyteoses ,
et notamment pour des emphyteoses créées en pays de droit écrit.
Une décision ministérielle avait autorisé l'administration des domaines
à poursuivre le paiement des arrérages des redevances affectées sur
les biens donnés en emphytéose, dans le ci-devant évêché de Baie et le
pays de Porentrui , pays régi par le droit écrit. L e conseil d’éta t, par
son avis du 8 avril 1809, approuvé le i 3 , rapporta cette décision, et
déclara les redevances comprises dans l ’abolition de la féodalité.
« Considérant, porte cet avis, que les titres, joints aux réclamations
» desdites communes , présentent des emphytéoses perpétuelles , consenties
» par les bailleurs à titre de fiefs sous la reserve de la seigneurie, avec la
" stipulation de lods et ventes à chaque mutation. »
Aussi M. Merlin qui avait porté la parole comme procureur-général
à la cour de cassation , lors de l’arrêt contraire du 10 février 1806, se
hâte-t-il de dire, dans le Repertoire universel, V° f i e f , sect. 2 , ^ 7 ,
que cet arrêt ne peut plus faire autorité, depuis que le conseil d’ état
a pris le parti d’assimiler aux redevances mélangées de droits féodaux,
les rentes constituées par des baux emphytéotiques, contenant stipulation
soit d’ un droit de lods , soit d’un droit de relief à chaque mutation.
Et la cour de cassation est elle-même revenue sur la jurisprudence
qu’aurait établie l’arrêt du 10 février 1806. L e 4 juillet 1809, elle a eu
1 occasion d’examiner à fonds cette question , qu’ elle a résolue dans le
sens des décrets et avis du conseil d’état que nous venons de rappeler.
11 s’agissait encore d’une redevance emphytéotique , assise sur des héri
tages situés dans le Porentrui. Un arrêt de la cour d’appel de C o lm a r ,
du 8 thermidor an X I I , antérieur par conséquent à la jurisprudence
du conseil d’ état et aux décrets que nous venons de citer , avait or
donné la continuation du paiement de cette redevance. Cet arrêt fut
cassé par la cour régulatrice , et les motifs de cassation méritent d’être
textuellement rapportés , parce qu’ils reçoivent une application directe
a la cause des sieurs Baduel.
L ’arrêt commence par viser les lois du 18 juin 1792, le décret du 23
avnl 1807 , et les avis du conseil d’état rappelés ci-dessus ; p u is, il ajoute :
" Attendu que des dispositions de ces lois combinées avec les dis* positions de ce décret impérial et des avis du conseil d’état, rendus
’* eu interprétatation , il résulte évidemment que toutes redevances cm* phyteotiques établies à perpétuité par des titres qui portent en même
® tem s, soit des droits de lods et ventes à chaque mutation , soit réserve
3
�( 18 )
»
»
*
»
»
de seigneurie directe, sont dans le ci-devant pays de Porentrui même , comme dans tous les pays de l’ancienne France , comprises
dans l’abolition de la féodalité , quelle que soit d’ailleurs la dénomination du titre, ou la qualité de celui en faveur duquel ces redevances sont consenties ;
» Attendu que la redevance emphytéotique , comprise au bail du 29
» janvier 174$, et dont il s’agit , est de ce genre ; et en effet :
» i° Elle est dite à perpétuité;
» 20 Elle contient une réserve de seigneurie , puis qu’elle soumet
» le preneur à l’obligation de reconnaître le bailleur comme seigneur
» direct de la terre grevée de cette redevance ;
» 3 ° Elle est accompagnée d’ un droit de lods et ventes, puis que le
» preneur s’oblige à payer un droit de 2 sous par livre du prix de la
« vendition ou cession qu’il fera ;
» Attendu qu’il est stipulé en outre , dans ce bail , un droit de relief,
» puisque le preneur s’y oblige , à chaque changement de main par
» dc'ccs, ou tout autrement, de reprendre cette terre, dans le délai de
» six semaines , des mains du bailleur , de lui payer à chaque reprise
» huit livres bâloires , et de renouveller alors la lettre de fief ;
» Attendu que le preneur s’oblige de plus, pour lui et ses successeurs,
» de prendre jugement du bailleur dans toutes les contestations qu’il
/ » aura à l’ occasion de cette terre ; et que de cette soumission il ré» suite que le bailleur avait un droit de justice sur cette terre , dont
» l’existence serait, au besoin , attestée notamment par la sentence ar» bitrale de i4 8 6 , jointe aux pièces et invoquée par le demandeur,
» droit éminemment féodal , et compris tel dans l’abolition du régime
» féodal ;
» Attendu que s i , comme le prétend le défendeur, à l’aide d’une tran» saction de 149- * postérieure à cette sentence arbitrale , le chapitre
» de Sainte-Ursanc a alors renoncé à tout droit de justice sur le ter» ritoire dans lequel est assise la terre sur laquelle est affectée cette
» redevance , il eu résulterait alors que le chapitre aurait u s u r p é ,
» en I 745 > ce droit de juridiction qui avait cessé de lui a p p a r t e n i r ,
» et se serait dès-lors arrogé un devoir féodal auquel il n 'a v a i t aucun
» droit, ce qui suffirait, d'après l'avis du conseil d ’état , approuvé le 28
» messidor an X I I I , et le décret impérial du 23 avril 1807 , pour faire
j» tomber cette redevance dans lit suppression de la jéod a lité;
» Attendu enfin , que de tout ce dessus , il suit que la redevance
�( T9 )
» emphytéotique, dont il s’agit, était, si non seigneuriale de sa nature,
» du moins mélangée de droits et devoirs féodaux , et comprise dans
» tous les cas , dans cette suppression ;
» Et que l’arrêt attaqué , en confirmant purement et simplement le
* jugement dont était appel, qui avait avait déclaré cette redevance pu» remerut foncière , et ordonné que le paiement en serait continué comme
» par le passé , a évidemment violé les lois , ainsi que le décret impe» rial et les avis du conseil d’état ci-dessus transcrits, c a s s e , etc.»
( Sirey , tome 9 - 1-387).
Le lendemain, 5 juillet 1809, un autre arrêt de la cour régulatrice
cassa celui de la cour d’appel de C olin ar, dans la cause du sieur T hevenol, contre le sieur Moniemdon , par les mêmes considérations et les
mêmes motifs , et surtout , parce qu’il résulte de la combinaison des
lois, décrets et avis du conseil d'c'tat, « que l’intention évidente du lé» gislateur est de frapper du même anathême et de soumettre à la
" suppression sans indemnité , non seulement les redevances emphy” téotiques perpétuelles , qualifiées seigneuriales , quoiqu’ elles ne pusM sent pas l’être, ainsi que celles auxquelles cette dénomination appar“ tenait réellement, mais encore celles déclarées foncières , mais à
* l’occasion desquelles ceux qui les avaient constituées s'étaient dits
* seigneurs , encore bien qu’ils ne le fussent p a s , et n’eussent sur les
» héritages grevés de ces redevances aucune seigneurie ; — qu’il suffit
» même pour cette suppression , que ces redevances , quoique foncières ,
» encore bien que celui qui les a constituées ne se fu t pas dit seigneur,
" fussent accompagnées et mélangées de charges féodales , parce que
" là où le titre n ’estpoint équivoque, il nest besoin d ’aucun examen ultérieur. »
Enfin, un arrêt de la cour suprême, du 18 juillet de la même année ,
déclara frappées de la suppression, les emphytéoses perpétuelles dans le
pays de Porentrui , établies avec stipulation seulement des droits de
consentement aux mutations par ventes, des droits de relief, et des peines
de commise. (Sirey, tome 9 - 1 - 3 9 3 ) .
La cour régulatrice persista dans cette jurisprudence qu’il est impos
sible de ne pas reconnaître comme fondée sur les principes qui ont
déterminé l’abolition du régime féodal et la suppression de tout ce qui
se rapportait à ce régime.
L e 17 juillet 1811 , elle eut de nouveau à résoudre la question dans
une espèce où l’ hospice de Drtle soutenait, que n’étant pas seigneur du
lorrain accensé, le census et le laudirnium stipules au titre primordial, n’a
�( 20 )
vaient rien de féodal ; que les redevances reclamces étaient de simples re
devances emphytéotiques. La cour de cassation, par son arrêt, proscrivit ce
système, et déclara de nouveau : « Q u ’il n’y a pas lieu d’examiner si les fonds
» sont réellement possédés à titre de seigneurie , et qu’il suffit, pour
» l’abolition des redevances , qu’elles soient entachées de féodalité par
» leur mélange avec des droits de lods et ventes , et autres droits sup» primés. » (Sirey, tome 1 1 - 1 - 3 7 7 . )
Nous pourrions citer un grand nombre d’autres arrêts interprétatifs
du sens des lois abolitives de la féodalité , notamment celui de la cour
de cassation du 2 mai 1808 , d’après lequel la clause de cens portant
lods, lo i, amendes , retenues et seigneurie , indique la rétention de la
seigneurie féodale. (Sirey, tome 8 - 1 - 3 12);
Celui de la cour d’appel de Besançon, xlu 29 avril 180g, portant
que la simple qualité de seigneur, prise dans le titre, frappe la rente
de suppression, sans indemnité. (Sirey, tome 9 - 2 - 2 1 2 ) ;
Celui de la cour de cassation, du 4 avril 1810, d’après lequel, la
redevance créée par un ci-devant seigneur sur des fonds dépendant de
sa seigneurie , à titre d’accensement , même sans réserve de directe , est
de plein droit récognitive de la directe féodale , et par conséquent sup
primée. (Sirey, tome io)-i-3o2) ;
L ’avis du conseil d’état du i 5 septembre 1810, approuvé le 2.3, qui
prononce l’annulation de toutes les soumissions ou obligations de payer
les capitaux ou les arrérages , souscrites par des emphytéoses , depuis
l’abolition du régime féodal ; et la rénonciation pour l’état au bénéfice des
jugemens passés en force de chose ju g é e , qui ont condamné des emphy
téoses à servir les rentes établies sur les héritages dont ils sont détenteurs.
¡Niais il faut se borner , cl nous avons d’ailleurs suffisamment cons
taté l’interprétation donnée par le gouvernement et par la cour de cas
sation aux lois abolitives de la féodalité;
Il nous reste à faire l’application de ces lois et de ces interpréta
tions législatives ou judiciaires au titre du 6 mars 1755, eu nous ré
servant de revenir sur les objections qui ont été faites ou qu’ on pourrait
faire, car nous n’ en voulons laisser aucune sans réponse.
§ 4.
Preuves de la féodalité de Facte du 6 mars 1755.
Qui contracte dans cet acte ? Quelle est la p e r s o n n e qui concède le
domaine de Laitière? C ’est le « très-haut et très-puissant seigneur, messire
�( 21 )
» Alexandre-Emmanucl de Cassa'nhes «le Beaufort , chevalier, marquis
»» de M iramon, seigneur de Peslels , Polminhac , M arions, Tcissicrcs1• les-Bouliès , le Chaumeil et St-Cirgues-de-Jordanne , Laroque, St» Clément, Brezons, Cezens, Monréal, Nerebrousse, Paulhac, Balsac,
" Saint-llcran , Cocudoux , Lasalle , Lacalsade , Selles , Bassinhac ,
” Lecayre , Loubejac , Lafagc , Mongranat; baron de Foullioles et de
” (ïiou ; conseigncur de Vie et Thiézac et autres ses places. » Certes,
v°ila des titres nobiliaires et féodaux que nous ne reprochons pas à
M. de Miramon, mais que nous devons faire remarquer dans l’intérêt
bien entendu de la cause.
L e concédant du domaine de Lollière était marquis de Miramon !
P r i qu’était-ce qu’un marquis, avant la révolution de 178g? C ’était
jadis , mais il y a du tems , un seigneur préposé à la garde des fron
tières de l’é ta t, qu’ on appelait marches. Plus tard , ce ne fut qu’un
titre de dignité donné à celui qui possédait une terre que le souverain
avait érigée en marquisat.
Dans l’ordre des dignités féodales et politiques , le titre de marquis
était pins considérable que celui de comte.
M. le marquis de Miramon était de plus seigneur de Pestels , P o l^ m lia c , etc. , et particulièrement de Laroque.
Q u’était-ce autrefois qu’un seigneur ?
Loyseau, Traité des seigneuries, chapitre xer, n° 2 4 , e t c ., enseigne
que seigneurie signifie puissance; il distingue la seigneurie privée, qu’il
°elinit puissance en propriété, de la seigneurie publique , qu’il définit
Puissance de domination.
La seigneurie privée ou la puissance en propriété serait donc \cdominium
directurn q u i , aux termes des lois romaines , est le droit du propric» taire , et le droit de directe retenu par le bailleur à emphytéose.
Mais assurément M. le marquis de Miramon , en se qualifiant de
Scigneur de Pestels , Polminhac , Laroque et autres vingt-une paroisses
011 localités, et conseigncur de V ie et Thiézac , n’entendait pas se dire
Propriétaire de tous les héritages situés à Peslels, Polminhac, Laroque,
101 Thiézac, e t c ., etc. L e titre de seigneur qu’il prenait dans l’aclc
e *7^5 , comme dans tous les actes par lui souscrits, n’avait donc
aucun rapport ¿1 la puissance en propriété dont parle Loyscau , ou bien
au dominium directurn des lois romaines ; il ne pouvait s’appliquer
(j u a la puissance de d o m in a tio n c’est-à-dire, à cette puissance féodale
écoulant naturellement alors de la qualité de marquis, de seigneur,
e monseigneur et de baron.
�( 22 )
Il faut donc reconnaître qu e, soit comme marquis, soit comme sei
gneur , M. de Miramon réunissait en sa personne toutes les qualités
nobiliaires et féodales qui désignent ou un seigneur de f i e f , ou un
seigneur censitaire ; e t , nous nous empressons de le d ir e , cette der
nière dénomination serait trop modeste.
Maintenant que ces qualités sont établies, rappelons l’arrêt déjà cité
de la cour de Besançon , du 29 avril 1809 , qui déclare supprimée la
rente ou redevance , par cela seul que le bailleur avait pris dans le
titre la simple qualité de seigneur.
Rappelons encore un arrêt de la cour de cassation , du 4 novembre
18 18 , qui déclare abolie toute rente censuelle établie par une personne
qui prend le titre de seigneur, encore qu’ elle ne le fût pas. (S ir e y ,
tome 19— 1 — 37).
D e là résulte qu’alors même que M . de Miramon aurait pris une
qualité qui ne lui appartenait pas , ce que nous sommes loin d’ad
mettre, la redevance qu’il réclame des sieurs Baduel, ne serait pas moins
une redevance supprimée sans indemnité.
Ainsi les lois suppressives de la féodalité frappent déjà le titre de 175.),
par les qualifications seules que M. de Miramon a prises dans cet acte.
Poursuivons.
M . le marquis de Miramon donne à nouveau bail emphytéotique, nou
veau cens et nouvelle investison, son domaine appelé de L ollière, « dé» pendant de sa terre et seigneurie de Laroque-» , com p osé, etc.
M . de Miramon s’ était déjà qualifié de seigneur de Laroque T et main
tenant il désigne le domaine de Lollière comme dépendant de sa terre
et seigneurie de Laroque, ce qui veut dire certainement que ce domaine
était un démembrement de son fief de Laroque. Dans tous les cas, ce
domaine de Lollière est suffisamment désigné comme une dépendance
de la seigneurie de M . de Miramon, et c’en est assez pour caractériser
l’origine féodale de ce b i e n , et amener l’application des lois abolitives
de la féodalité.
Après avoir spécifié et détaillé la redevance payable à M. le marquis
de Miramon , l’acte ajoute : « L e tout censuel et redditucl, avec tout
» droit de directe et justice haute, moyenne et basse, usage et exercice
« d’icelle , m ère, mixte, impère , droit de rétention par prèlation , lods
» et ventes, et tailles aux quatre cas accoutumés au présent pays d Au»> vergne , et autres droits et devoirs seigneuriaux dûs et accoutumés ,
» et contenus aux terriers anciens dudit seigneur de sa seigneurie de La» roque, cto. »
�( 23 )
P ar conséquent, la redevance imposée par M . le marquis de Miramon,
est pas seulement censuelle et reddituelle , elle est faite,
i° Sous la reserve de la directe, ce qui concerne évidemment, d’après
les explications que nous avons données sur la qualification de seigneur,
la directe seigneuriale, et non le dominium directurn des lois romaines ,
011 le droit que tout propriétaire d’héritages peut encore se réserver
en donnant ces héritages à bail emphytéotique à tems. E t la preuve qu'il
11 est pas possible de comprendre autrement cette réserve de la directe,
résulte des expressions qui suivent immédiatement ce mot de directe.
2° Sous la réserve du droit de justice haute, moyenne et basse, etc.
Nous n’avons pas besoin d’examiner ici en quoi consistait la haute,
Moyenne ou basse justice. On peut consulter à ce sujet C h ab rol, Cou
tume d ’Auvergne, en tète du chapitre 2. Il nous suffit de dire q u e ,
Quoique le droit de justice n’implique pas nécessairement l’ existence
d u n fief, parce que la justice et le fief peuvent se trouver en des
Plains différentes, la présom ption, d’après le droit com m u n, était en
faveur du seigneur hau t-justicier, Y 0 C habrol, loco citato, tome i ,
PaSe 3g. Il est vrai que dans les pays allodiaux on ne reconnaissait
nul seigneur sans tilre , et que celte maxime s’appliquait au seigneur
iaut-justicier, comme à tout autre. Mais ici , nous avons , dans le
nieme tilre , la preuve de la seigneurie du fief, et du droit de justice
dans la personne de M . le marquis de Miramon. T o u t se trouve réuni
Sllr la même t ê t e , et caractérise de la manière la plus formelle les
droits féod aux de celui qui se réserve en même tems la directe, et les
droits de justice haute, moyenne et basse. L e droit de rendre la justice
, en e ffe t, une émanation de la souveraineté , de la puissance pu1(llle , et le seigneur qui possédait ce droit et se le réservait dans un
a c le , n’agissait plus comme un simple propriétaire , mais bien comme
Un seigneur usant de sa puissance féodale.
3° Sous la réserve du droit de rétention par prelation.
Çe droit de prèlation, c’esl-à-dire de retraire le domaine en cas d’alienation par le concessionnaire, est commun au bail à cens et à l’emphy*éose; c est une conséquence de la directité que le seigneur s’est réservée.
4“ Sous la réserve des lods et ventes.
Ajoutons ici q u e , dans la suite de l’acte de 17^5, le sieur Pierre
uel » concessionnaire du domaine de Lollière, « promet de ne le
vendre, ni aliéner à personnes de droit prohibées, ni y mettre cens
sur c e n s n i autre pension annuelle, sans le s c û , vouloir et consen-
�( 24 )
» tement dudîl seigneur (M. de Miramon) et de ses successeurs ; et
» d’icelui domaine fournir nouvelle reconnaissance à toute mutation de
» seigneur ou de paysan, toutes et quantes fois il en sera requis. »
O r , celte défense d’aliéner sans la permission du seigneur, est une
précaution prise pour assurer le paiement des droits de lods et ventes,
droits reconnus fé o d a u x, et comme tels abolis par les d écrets, avis
du conseil d’état et arrêts que nous avons précédemment rappelés. La
réserve des lods et ventes est donc une nouvelle circonstance carac
téristique de la féodalité dont l’acte de 17^5 se trouve entaché.
Quant à l’obligation de fournir une nouvelle reconnaissance à toute
mutation de seigneur ou de paysan, c’est-à-dire, chaque fois que lar
directe seigneurie changerait de main par décès ou autrement, et chaque
fois que le domaine de Lollierc passerait sur la tête d’un autre paysan,
c’ est une condition particulière et spéciale au bail à cens, aux actes
constitutifs d’une censive et de droits seigneuriaux.
5° Sous réserve des tailles aux quatre cas accoutumés au présent pays
d’ Auvergne.
Argon et ses annotateurs, liv. 2 , chap. 4 i titre des ccnsivcs cl droits
seigneuriaux, nous font connaître ce que c’ est que la taille aux quatre
c a s, redevance féodale, s’il en fut jamais. C ’est le double des devoirs
que le sujet doit ordinairement, et qu’il paie au seigneur.
i° Quand il est fait chevalier;
2° Quand il marie noblement sa fille aînée ;
3 ° Quand il est prisonnier de gu e rre , pour payer sa rançon ;
4e Quand il part pour une expédition en terre sainte , ou pour la
visite des saints lieux.
L a Coutume d’ Auvergne, chapitre 2 5 , intitule des tailles, gaits et
AUTRES
SERVITUDES,
p o r t e .’
Art. i cr. « Le seigneur haut-justicier a droit el faculté de tailler 5« hommes
» reseans et sujets en sa haute justice, cl pour raison d’icellec/z quatre cas»
» Art. 2. C ’est à sa vo ir, quand il se fait chevalier ; quand il va en
» voyage o u tre -m e r visiter la terre sainte; quand il est prisonnier
» des ennemis , et quand il marie scs filles en premières nopces. (**)
( ') L a ta ille a u x quatre c a t, telle que l’imposait le seigneur de Laroque, n'était pas aussi douce
que celle de la coutume. Nous voyous dans une reconnaissance du \ï juin KiS4, imprimée dans le
Mémoire contre les héritiers A uzoi.lk, qua le seigneur stipule en ces termes : « K l davantalge , de payer
» le double cens dudit argent <v. quatre cas en suivant; sçavoir: pour la iriuvelle chevalerie dudit seigneur
» de Laroque, pour le mariage de scs lils, lilles, frères, sniirs, nepveus et niepees, ou pour les mettre en
» religion ; pour le fait de la guerre ou arriére-han que ledit seigneur sera mande par le r o i, notre »il« r
» pour retirer ledit seigneur de prison, étant faict prisonnier en faict de guerre ; etc. »
�( 25 )
On voit que la coutume attribue la taille aux quatre cas à tous les
seigneurs liauts-justiciers , et que ¡NI. de Miramon l’impose, à ce titre ,
au concessionnaire du domaine de Lollière. Est-ce là , nous le deman
dons , une rente, une prestation purement foncière? N ’cst-ce p a s , au
contraire, comme l’indique la rubrique du chapitre 25 de la C ou tu m e,
une servitude, une de ces obligations inutiles à qualifier, auxquelles la
féodalité' avait soumis les personnes et les choses ? Peut-on d o u te r,
après une telle condition, que l’acte de 1745 dont on demande l’exé
cution , soit un titre mélange de féodalité et par conséquent atteint
par la loi du 17 juillet 179'^ ? Si l’on en doutait, il suffirait de lire
ce que dit à ce sujet D u n od , traité des prescriptions, partie 3 , cha
pitre n : « L ’origine des tailles, dit-il, est plus incertaine. On peut
” cependant l’attribuer à la promesse qu'on fa isa it ja ire aux esclaves,
* qu’ils feraient des dons à leurs maîtres, particulièrement dans le cas
” de mariage de leurs filles, lorsqu’ils seraient affranchis. Les seigneurs,
n ont étendu ce droit à d’autres cas extraordinaires , auxquels ils étaient
” constitués en dépense ; surtout pour une cause p u b liq u e , comme
” pour rançon , nouvelle chevalerie et voyage d’outre-mer ; lesquels
” joints au mariage d’une fille du seigneur , font les quatre cas auxquels
" les tailles sont dues aux liauts-justiciers par leurs sujets dans cette
” province. »
6° Enfin , M. le marquis de Miramon se réserve les autres droits et
devoirs seigneuriaux dus et accoutumés, et contenus aux terriers anciens
dudit seigneur de la seigneurie de Laroçuc.
Il serait important de consulter ces anciens terriers de la seigneurie
de Laroque , puisqu’ils énoncent la nature des droits et devoirs dûs
et accoutumés, dont M. le marquis de Miramon se fait la réserve. A
défaut de ces pièces importantes , nous ferons observer que la réserve
a pour o b je t , non-seulement les droits, niais encore les devoirs sei
gneuriaux. Si l’on pouvait contester sur cette expression droits seigneuriaux, bien qu’ elle caractérise assez nettement la nature féodale des
droits réservés , au moins ne peut-on pas raisonnablement élever des
difficultés en ce qui concerne les devoirs seigneuriaux réservés. Les de
voirs ne sont ni un cens , ni une rente , lorsque surtout ils sont ex
primés par opposition aux droits. Les devoirs s’ entendent alors de quelque
chose de personnel, tel que la foi et, hommage , quand ils concernent
seigneur, ou la corvée et autre servitude personnelle, quand ils re
gardent le paysan. En se réservant donc les devoirs seigneuriaux, M. le
4
�( 26 )
marquis de Miramon avait imposé au concessionnaire du domaine de
Lollière et à ses héritiers et a ya n t-ca u se , des obligations féodales,
tenant uniquement à la féodalité , et qui doivent disparaître avec elle
et avec tout ce qu’elle a touché et vicié.
Nous avons d i t , au n° 4 ci-dessus, que le sieur Pierre B a d u e l,
en acceptant la concession de INI. le marquis de M iram on, avait promis
de ne mettre cens sur cens sur le domaine de Lollière, ni autre pen
sion annuelle, sans le consentement du seigneur. Cette prohibition
tient encore à la nature du contrat de bail à cens, et non à celle
du bail emphytéotique, ce qui confirme de plus en plus notre allé
ga tio n , que l’acte du 6 mars 1755 n’est pas une emphyléose.
P o u r démontrer le contraire, M me de Châtillon , dans le Mémoire
qu elle a publié , prétend que cet acte renferme même un véritable
bail emphytéotique à tems. On sent bien l’intérêt qu’aurait la deman
deresse à prouver qu’ effectivement l’acte de 1755 n’est autre chose
qu’ une emphyléose temporaire, puis qu’alors elle ne serait point frap
pée par les lois abolitives de la féodalité, l’ einphytéose à tems n’étant
considérée que comme une espèce de louage par plusieurs arrêts ,
notamment l’un de la cour royale de R o u e n , du 1 " août 1811. (Sirey,
tome 1 2 - 2 - 7 6 . ) Mais les principes de la matière et la simple lecture
de l’acle ne permettent pas de faire celle erreur.
En principes, l’emphyléose est censée faite à perpétuité , si , par une
clause expresse, elle n’est stipulée temporaire, c’ est ce qu’atteste le
Rcpertoire universel, V° emphyléose , § 1“ . A i n s i , quand même il 11c
serait rien dit dans l’acte de 1755 sur la durée de la concession, elle
serait réputée perpétuelle.
Mais il s’en faut bien que cet acte soit muet à cet égard. Il est
formellement exprimé que la concession est faite pour et moyennant le
cens et rente annuels et perpeluels , seigneuriaux et uniformes d e , etc.
Plu s loin , il est ajouté que le sieur Baduel a promis et s’est obligé
de payer les susdits cens et rente de même que toutes les autres char
ges ci-dessus spécifiées annuellement en leur tems et saison a ri;ni>KTurrE
audit seigneur marquis de Miramon et aux siens.
V ainem ent, dit-on, dans le Mémoire publié que c e s mots : Perpétuels
et Perpétuité ne concernent que le service et le paiement des presta
tions , sans se rapporter à la durée de la concession. Nous répondons
que celte distinction est plifs subtile que solide ; que la perpétuité con
sentie pour le paiement des prestations est nécessairement corrélative à
�( 27 )
la perpétuité de la dure'e de la concession ; que l’une ne peut exister sans
I autre , et qu’il serait dérisoire de prétendre avoir assujetti le sieur
Baduel à servir perpétuellement une rente , tandis qu’il ne pourrait
jouir que temporairement du domaine productif de la rente.
A in s i, l’acte du 6 mars 1755 est un acte où la féodalité sue par
tous les pores , si l’on peut s’exprimer ainsi ; c’ est une concession à
perpétuité faite sous des Conditions que les lois , les décrets , les avis
du conseil d’état et les arrêts frappent de suppression sans nul doute.
II faudrait une préoccupation bien singulière pour rester dans l’indécision à cet égard, après avoir lu l’acte , et parcouru la législation de la
Matière ; il nous reste cependant une réponse à faire à l’objection ti
rée de Yallodialité de la ci-devant Auvergne , objection d’avance refutée
parce que nous avons déjà dit , sur laquelle néanmoins il est à pro
pos de revenir pour completter la défense des héritiers Baduel.
§ 5objection tirée de ce que la ci-devant Auvergne était un pays allodial
ri a aucune jorce ni application dans la cause actuelle.
Obligés de traiter une matière aujourd'hui peu connue , et dont un
deuii-siècle d'affranchissement nous a heureusement débarrassés, on nous
pardonnera de donner quelques définitions inutiles sans doute aux an
ciens jurisconsultes, nos maîtres; mais qui faciliteront à beaucoup d’au
tres l’intelligence d’une discussion étrange aujourd’hui , quoique elle
devienne nécessaire dans la cause des héritiers Baduel.
O11 appelait pays dallodialité, ceux où les héritages fonciers étaient
tenus en jranc-alleu.
L e mot alleu avait originairement la même signification que celui d'im nuiuble , d ’heritage. Le terme de franc fut ajouté, dans la suite, pour
désigner l ’alleu ou l’héritage entièrement libre.
Ainsi , le Jranc-alleu était une propriété foncière entièrement lib r e ,
rçui ne reconnaissait aucun seigneur, et, par conséquent, exempte de
lous droits seigneuriaux.
l)ire comment il y avait en F ra n c e , dans le pays des F rancs, des
héritages libres el d’autres qui ne l’étaient pas , serait fort long et fort
uficile, car les auteurs Montesquieu, Mably, Boulainvillers et beau
coup d’autres , ne sont point d’accord. L ’opinion le plus généralement
admise , fait remonter à l’époque de la conquête la division et la dis
�( 28 )
tinction des biens en francs-alleux et en biens soumis aux droits et
devoirs seigneuriaux. Il serait plus curieux qu’utile de rechercher les
causes de cette division.
Ce qu’il importe de bien prc'ciser, c’est que , d’après Argou, desfiefs,
chapitre 3 , et tous les auteurs qui ont écrit sur les matières féoda
les le jrapc- alleu n’est autre chose qu’un héritage qui ne dépend d’au
cun seigneur, ni en fief ni en censive , qui ne doit ni foi et hom
mage , ni autres devoirs seigneuriaux.
D ’après l’article 68 de la Coutume de P aris, et les dispositions d’un
grand nombre d’autres coutumes , e t , en cela , tous les auteurs sont
d’un avis conforme , il y avait deux sortes de franc-alleu , le noble et
le roturier. L e franc-alleu noble était celui qui avait ju stic e , cen sive,
ou fief mouvant de lui. L e franc-alleu roturier était celui qui n’avait
ni ju s tic e , ni aucune mouvance.
Quand nous disons que le franc-alleu était un héritage indépendant,
ne devant ni f o i , ni hommage ou autres droits seigneuriaux , nous ne
voulons pas dire qu’il y avait en France des héritages possédés à titre
de souveraineté, car les francs-alleux étaient comme les autres héri
tages , sous l’ empire de la souveraineté royale , surtout en ce qui con
cernait la justice, les seigneurs hauts-justiciers, comme on les appelait
alors, étant obligés de reconnaître que leur justice était une éma
nation de la puissance royale ou souveraine.
Cela p o s é , et pour rentrer dans la cause voici comment on a cher»
ché à éluder les dispositions des lois abolitives de la féodalité , à l’ égard
des rentes et redevances assises sur des héritages situés en pays allo
d ia l, c’ est-à-dire , tenus en franc-allcu.
L ’art. i cr de la loi du 17 juillet 1793, a-t-tin d it, ne supprime que
les redevances seigneuriales , et l’art. 2 maintient les rentes et prestatalions purement foncières. O r , dans le pays d’allodialité , où les
héritages étaient francs et lib re s, toutes les redevances étaient de leur
nature purement foncières , et par conséquent maintenues par la loi
même du 17 juillet 1793; et quelques arrêts avaient admis ce système
qui tendait à sauver les débris du naufrage léodal. Nous avons même
déjà vu le décret impérial du 2«1) nivôse an XIII , adopter celte idée.
Continuant le raisonnement, 011 a d it: L e t i t r e 3 i de la Coutume
d’Auvergne, et Chabrol, son savant c o m m e n t a t e u r , établissent 1allodialitc du haut et bas-pays d’Auvergne. Le c o m m e n t a t e u r ajoute même
que ce titre 3 i de la Coutume , a etc reçu en entier par les habitons du
�( 29 )
droit écrit d'Auvergne. D o n c , les rentes et redevances pcrar concession
de fonds dues par des héritages situés en Auvergne, ne peuvent être
entâchées d’une féodalité impossible, puisqu’elle est repoussée par la
Coutume ; et dès-lors , les rentes censuelles ou emphytéotiques n’y ont
pas été supprimées sans indemnité par les lois de 1792 et I 7 g 3 , qui
n ont frappé que les rentes féodales.
Ce système , qui n’est pas nouveau, car nous l’avons déjà vu se for
muler , sert de base à la consultation et aux Mémoires de M mc de
Chûtillon. L a consultation et le Mémoire s’efforcent de le rajeunir au
moyen de quelques arrêts mal compris , qu’il suffira d’expliquer pour
dissiper de trompeuses illusions.
Quand nous admettrions, avec Chabrol, que le titre 3 i de la Cou
tume était reçu en pays de droit écrit d’Auvergne , ce qui serait dou
teux pour le Carladès , d’après le procès-verbal, il 11’cn résulterait point
Que tous les héritages étaient nécessairement allodiaux. Chabrol luimême a soin de nous prémunir contre cette idée, en convenant, tome 2,
page 677 , que « s’il y a un bail à cens , ou une reconnaissance qui
” )' équipolle , la présomption d ’allodialité est totalement détruite quant
” a l’héritage qui y est compris. » Cela devait être, en eifet, à moins
de prétendre , malgré l’évidence , que tous les biens étaient roturiers
dans le haut et bas-pays d’Auvergne.
« D e cela seul qu’un pays était allodial, dit M . Dalloz aîné, \ ° féo * dalité , chap. 2 , scct. i re, n° 8, il ne s’ ensuit pas que toutes les Te" devances qui y étaient créées n’ étaient point féodales ; elles avaient
” ce caractère lorsque la redevance était féodale par sa nature ou sa
" qualification ; » et il cite , pour confirmer cette règle , l’arrêt de la
cour de cassation du 27 février 1809 , qui décide que , dans le pays
de Jranc-alleu , il ne résulte autre chose si non , que sous le ressort
des coutumes les plus allodiales, il n’y avait pas de seigneur sans titre.
Dalloz aurait pu citer, à ce sujet , un grand nombre d’autres dé
cisions semblables.
Effectivement , l’arrêt de la cour de cassation , du 23 vendémiaire
an X I I I , rapporté par M me de Cliàtillon sous le n° 5 , des pièces justi
ficatives annexées à la consultation , décide de la même manière en
Ce qui regarde précisément la Coutume d’Auvergne. Il rejette le pourvoi
contre un arrêt de Iliom , parce que « toutes les redevances dues sur
" les biens situés dans le ressort de cette coutume, soumise n la maxime,
” nul seigneur sans titre, étaient de leur nature réputées purement fon-
�( 3o )
» cières , à moins que le contraire ne f û t positivement stipulé par acte
» valable. » (S ir e y , tome 5— i — 5 7 .)
Plus re'cemment, et le 25 mai 1824, la cour régulatrice, en recon
naissant qu’aux termes du droit romain, les droits de cens, commise ,
etc. , pouvaient être imposés aux preneurs des baux emphytéotiques
proprement dits, sans avoir un caractère fc’odal dans un pays d’allodialilé,
ajoute : Pourvu que les circonstances particulières de la transaction n ’clablissent d'ailleurs sa nature féodale , ou mélangée de féodalité. ( Sirey ,•
tome 25— 1— 219). E t il est à remarquer que, dans l’espèce jugée, le
bailleur n’était point seigneur du territoire, et qu’il ne s’était pas at
tribué cette qualité dans l’acte constitutif de la redevance.
C ’est donc le'titre qu’il faut consulter et non la coutume ; c’est dans
le titre qu’il faut chercher les preuves de la féodalité, parce que s’il
est vrai que , sous les coutumes allodiales , la maxime nul seigneur sans
titre, est le droit commun , le titre forme le droit exceptionnel, et
qu’avec ce titre , s’il renferme des signes de féodalité , les héritages
cessent d’être régis par le principe de l’allodialitc'.
L ’arrêt de la cour de cassation, du 27 février 1809, que nous venons
de citer , consacre cette doctrine , et ajoute , en parlant des titres,
que « l’esprit général de la législation relative à la suppression des droits
» féodeanx, est d’en détruire toutes les traces, même dans ce qui n ’ayant
» pas pour base le pouvoir fé o d a l, en réveillerait cependant (idée par des
» stipulations qui en supposent l'existence, et qui ne pouvaient légalement
» émaner que de lui; que c’ est aussi dans ce sens que s’expliquent et
» l’avis du conseil d’é ta t , du i 3 messidor an X I I I , et le décret im» périal , du 3 avril 1807. » ( S ir e y , tome y — 1— 242.)
Une rente était qualifiée dans le titre, de cens annuel et perpétuel,
nature d ’ernphytéose, portant lods et ventes, retenue, rem uage, et tous
autres droits censaux et seigneuriaux. Il s’agissait de biens concédés
dans un pays d’allodialité. Par arrêt du 3o mai 1809 , la cour de cas
sation déclftre cette rente féodale et supprim ée, « attendu que la qua» lilication de la rente dont il s’agit, et les droits qui y sont inliérens ,
v dispensent d’examiner le point de f a it , si le bailleur originaire des
» fonds qui y sont affectés, en était le seigneur, ou s’il les possédait
» allodialcment ou en simple censive, puisqu’il résulte de la qualification
» et des droits attachés à la rente, qu’il s’était réservé une directe sur
» les fonds par lui concédés ; — qu’ il suffit que les droits de lods et
» v e n te s, et autres que le bailleur a établis ou <iu il s est fait recon-
�( 3i )
» naître , soient contraires à la liberté et aux avantages de Vallodialitê,
“ et «le la franchise que les lois précitées ont eu pour objet ; que les
» droits réservés par le propriétaire de la rente soient les mêmes , et
J> qu'ils produisent les mêmes effets que les droits féodaux qui ont été
® abolis , pour que les principes qui ont déterminé cette abolition,
’> soient applicables à ladite rente.» ( Sirey , tome 10— i — 2ÜG. )
Ces arrêts et bien d’autres que nous pourrions citer, sont conformes
au* principes des lois abolitives de la féodalité, tels que les lo is, les
décrets , les avis du conseil d’état et les diverses autorités que nous
avons rappelés au § 3 , ci-dessus , les ont établis. Il en résulte que
le titre et les stipulations qu’il renferme sont seuls à considérer , même
dans les pays allodiaux , pour décider si les redevances sont ou non
féodales. Le territoire disparait dans cette appréciation où il ne s’aque de vérifier le titre ; et c’est pour n’avoir pas bien réfléchi sur
cette doctrine de la jurisprudence que beaucoup de personnes se sont
hissées induire en erreur sur son véritable esprit.
oppose cependant deux arrêts qui semblent à des yeux prévenus,
contraires à la doctrine que nous venons d’ établir; examinons.
Par arrêt du i 5 février i 83o , la cour royale de Rioin avait déclare
Cnlaché de féodalité et frappe de suppression le bail à cens d’une
Raison située dans la coutume allodiale d’Auvergne, bien que le bailleur
n ait point pris dans l’acte la qualité de seigneur ; mais il s’était réservé
h directe seigneuriale. L a cour régulatrice a casse' cet arrêt, le 3 i dé
cembre i 833 , « attendu que la maison baillée à rente , élait tenue en
" franc-alleu roturier ; que par une conséquence nécessaire, le 'bail—
leur ne pouvait conférer à cet héritage une qualité féodale , ni se
conférer à lui-même la qualité de seigneur, que la directe seigneurie
* dont parle la Coutume d’Auvergne , ne peut s’entendre que du dotni” fuurn dirccturn, tel qu’on l’induit des lois romaines , et qui ne tient
a rien à la féodalité ; — attendu , dans l’espcce que le bailleur non
* seulement n’était pas seigneur , mais qu’il ne s'est pas donne cette qua“ Me ", e tc ., (Sirey, tome 34— i — 171.)
Il nous parait difficile de voir dans cet arrêt une contradiction avec
teux précédemment rendus par la même cour ; nous y trouvons , nous ,
au contraire , une confirmation des arrêts antérieurs. La cour régula
trice commence par rendre hommage au principe «le l’allodialité , et
a la maxime nul seigneur sans titre; p u is , examinant le litre, elle voit
1 U il s’agit d’un iranc-allcu roturier, que le bailleur n'avait pas la puis
�( 32 }
sance d'ennoblir, et qui mime n’avait pas eu cette prétention puis
qu’il ne s’était pas qualifié seigneur. Dans celte circonstance, il eût été
bien rigoureux de voir dans le titre des signes de féodalité, et de ne
pas reconnaître dans la directe seigneuriale reservée , cette seigneurie
privée , ou puissance en propriété , dont parle L o y se a u , Traité des sei
gneuries , c’est-à-dire , le simple dorninium directurn des lois romaines.
Cet arrêt est donc en harmonie avec la jurisprudence, et si parfaite
ment d’accord avec elle , que la cour de cassation a soin de faire re
m arquer, dans un considérant particulier , que non seulement le bailleur
n’ était pas seigneur, mais qu’il ne s’est pas donné cette qualité, motif
qui laisse supposer que , s’il en eût élé autrement, s i , dans le titre ,
le bailleur s’ était arrogé la qualité de seigneur, la décision aurait pu
être différente.
Un autre arrêt de la cour de cassation, du 3 juin i 835 , le dernier
sur cette matière qui soit rapporté par les arrêtistes, est relatif à un
droit de percière ou charnpart , établi pareillement dans la Coutume
d’ Auvergne. En rejettant le pourvoi contre un arrêt de lliom , la cour
reconnaît que la percière n’emporte pas la directe seigneurie , et elle
ajoute :
« Attendu que l’Auvergne était un pays allodial, régi par la maxime ;
» nul seigneur sans titre, et où fief et justice n’avaient rien de commun ,
» où , par conséquent , le droit de guet , l’obligation de se présenter aux
» assises , se référaient à la justice , étaient dûs au seigneur liaut» justicier, rationc superioritatis, sans avoir rien de féodal; — attendu
» que les titres des percières dont il s’a g it , ne sont ni féodaux , ni
» mélangés de féodalité. » (Sirey, tome 35— i — 3 a 4 .)
Il y a dans les motifs de cet arrêt , une distinction entre le f i e f et
la ju stice, qui s’accorde peu avec ce que dit M. Dalloz aîné, V° féodalité r
sect. i rc, ait. i cr, que, « lorsqu’il s’agit de décider si un cens est sei» neurial ou ne forme qu’une simple rente foncière , la haute justice
» résout la queslion : le cens dû au seigneur haut-justicier est, par
» cela seul , réputé seigneurial. »11 y a peut-être aussi d é s a c c o r d avec
les avis du conseil d’état et les décrets que nous avons précédemment
cités. Mais enfin , il n’y a pas contradiction avec la règle posée dans
tous les arrêts , que pour les pays allodiaux il faut s’en référer au titre
et savoir s’ il est féodal ou s’il ne l’est point.
Esl-il bien vrai d’ailleurs que fie f et justice n’ont rien de commun
daus les pays allodiaux ; cl doit-on entendre cette proposition en cc
�( 33 )
se n s , que la haute justice exclut dans ces pays la présomption de
féodalité , malgré les titres ? Ce serait, nous le cro yon s, pousser trop
loin les conséquences du principe que fief et justice n’ont rien de
commun. Si l’un peut être séparé de l’autre et n’en dérive pas né
cessairement , les coutumes et les auteurs nous apprennent pourtant
que fief et justice peuvent se trouver réunis dans la même main. Bacq u e t , Des droits de ju stice, chapitre 6 , après avoir établi , au n° 4 i
que fief et justice n’ont rien de commun , que le fief peut appartenir
à l’un et la justice à un autre , les suppose réunis dans la même
personne lorsqu’il dit : « Quand le vassal baille à son seigneur do* minant l’aveu et dénombrement de son fief, il fait mention expresse
" qu'audit j i e f il a justice haute, moyenne et b a sse, ou bien haute
” justice seulement, ou bien moyenne el basse justice tout seulement. »
D u n o d , Traité des prescriptions, chapitre 8 , s’exprime ainsi : « Les
" justices ayant donc été usurpées par les possesseurs des fiefs et à
" l’occasion des fiefs , elles y furent communément unies , et en firent
M la partie la plus noble. Ce ne fut néanmoins que par accident; car
“ la justice en elle-même est différente du fief, comme l’autorité pu” blique diffère de la propriété , et le droit du souverain de celui du
" particulier ; en sorte que l’un n’emporte point l’autre. Ainsi l’on peut
” avoir la justice sans aucune directe dans un territoire , et toute la
" directe du territoire sans la justice. C ’est pourquoi les auteurs disent
” que fief et justice n’ ont rien de commun , l’un n’attirant pas néces” saireinent l’autre , quoiqu’ils soient ordinairement unis. » E l c’est ce
que démontre dans la cause actuelle, le titre du 6 mars i j 55 , où M. le
Marquis de Miramon stipule tout à la fois , comme seigneur du terri
toire et comme haut-justicier.
L arrêt que nous examinons , attribue au seigneur haut-justicier et
non au seigneur féodal, le droit de guet; el la consultation de M me de
Chalillon invoque la pratique de ÎNIasuer et C h a b r o l, pour démontrer
que ce droit n’avait rien de féodal.
Cependant, l'article i o , titre 2 de la loi générale du i 5— 28 mars 1790,
concernant les droits féodaux supprimés sans indemnité , abolit formel
lement les droits de guet et de garde, comme droits féodaux. De
Plus , soit Mazncr , soit Chabrol , et tous les auteurs , établissent
que le droit de guet étail une servitude personnelle à laquelle le sei
gneur avait droit de contraindre ; c’é ta il, comme Bœrius le décide ,
dccisio 212, nos 8 cl 21 , des corvées dues pour les réparations du clià' 5
�( 34 )
leau. II les considère , dit C h a b r o l, tome 3 , page 4^0 , comme faisant
partie du château même , sunt partes castri. Ce droit de guet fut fixe
à cinq sous par a n , par l’ordonnance de Louis X I , de 147f) ? et ^
se payait sur ce taux en Auvergne. Despcisses , tome 3 , page 2 1 6 ,
n° 5 , cite un arrêt du parlement de Paris , du 22 avril i 5 i 8 , por
tant que ce droit était du , même après que le château était démoli.
On peut donc être surpris que l’arrêt de la cour de cassation , en
distinguant le fief et la justice , ait attribué le droit de guet à cette
dernière, et surtout qu’il ne l’ait pas considéré, de même que la loi
du i 5— 28 mars 1790 , comme un droit éminemment féodal et supprimé.
D ’ailleurs, peut-on sérieusement prétendre que le droit de guet n’avait
rien de féodal , parce qu’il se référait à la justice , étant dû au sei
gneur haut-justicier rationc superioritatis? ce serait contredire l’histoire
de l’établissement des justices seigneuriales ; ce serait oublier q u e ,
dans l’origine, les possesseurs de fiefs étaient guerriers et juges en
même tems ; que leur justice et leur fief étaient révocables, et devin
rent permanens , héréditaires et patrimoniaux par suite de l’usurpation
des seigneurs sur la puissance souveraine. L a taille aux quatre cas
était aussi attribuée, comme le droit de g u e t , aux seigneurs haulsjusticiers par le titre 25 de la Coutume d’Auvergne; serait-il raison
nable de soutenir que c ’est pour la justice et rationc superioritatis, que
les vassaux étaient obligés de payer quand le seigneur haut-justicier
était fait chevalier, quand il mariait ses lilles , quand il était prison
nier de g u e rre , quand il lui prenait fajitaisie de faire un voyage en
terre sainte ?
Quoiqu’il en soit, il ne résulte pas de cet arrêt que la haute jus
tice et le fief soient incompatibles , et que la justice , excluant l’idée
de la féodalité, il n’y ait plus lieu d ’examiner les litres pour savoir
s’ils ne contiennent rien de féodal. La cour de cassation qui a pu
se tromper dans l’un de scs m otifs, ajoute celui-ci ; « Attendu que
» les titres des pcrcières dont il s’a g it , ne sont ni féodaux , ni mi:» langés de féodalité , » et prouve par là-même qu’il faut toujours
recourir au titre.
L e titre sur lequel la cour a prononcé était constitutif d’un droit
de percière, portion de fruits qui se prélevait sur la terre m ê m e ,
comme l’atteste C h a b r o l, tome 3 , page ¿3. C ’est donc d une part de
récolte qu’il s'agissait, d’ une espèce de dîme foncière, et non d’ un
bail à cens , ou emphytéotique. La cour de lViom , et la cour de cas
�(35)
sation après elle , ont bien pu ne pas reconnaître ni caractère de féo
dalité',, ni mélange de féodalité dans une concession de terrain sous
réserve d’une part aux fruits.
Cet arrêt ne peut donc faire naître l’idée d’un changement de juris
prudence. Il suffit, pour se convaincre du contraire, de bien se pé
nétrer des circonstances sur lesquelles la cour régulatrice a eu à pro
noncer , et des motifs de sa décision.
Quant à la cour royale de Riom , elle vient de prouver par un arrêt
récent, que sa jurisprudence n’a point varié. Par acte du 3 octobre i y i o ,
ta veuve du marquis de Chavagnac, tutrice de son fils m ineur, dé
laisse à titre de rente annuelle foncière et non rachetable , à Pierre
Baratier , un champ situé au M e y n ie l, paroisse de L u g a r d e , mouvant
en roture de la terre de Lugarde , aux cens anciens el accoutumés, et
Moyennant 60 francs de rente. L e 21 mai 1776, Pierre Tournadrc fut
subrogé aux droits de Pierre Baratier, et le 24 fructidor an X , il
approuva et ratifia le contrat de rente annuelle de 60 francs du 3 oc
tobre 1 y5o. Cette rente fut postérieurement transmise aux pauvres de
Lugarde. L e maire de la commune , dans l’intérêt des pauvres , assigna
]cs héritiers Tournadrc devant le tribunal civil de M urât, en paiement
de cette rente; el le 27 novembre 1833 , jugement qui déclare l’acte
du 3 octobre 1750 et celui du 24 fructidor an X , nuls et de nul effet,
et le maire mal fondé dans ses demandes ;
« Attendu que la loi du 17 juillet I7g3 a supprimé non-seulement
M les cens seigneuriaux et les redevances qualifiées seigneuriales, mais
" encore les rentes foncières crcces simultanément avec ces redevances,
" avec ces cens ; que la convention nationale a interprêté dans ce sens
” la loi du 17 juillet 1793, par deux décrets, le premier, du 2 no” vembre i 7[)3 ; le second, du 17 venlAse an II;
- " Attendu que , dans les pays de droit é c r i t , la renie foncière était
“ considérée comme féodale , toutes les fois qu’elle avait une origine com" rnune avec un cens proprement dit;
” Attendu qu’ on ne peut supposer aux législateurs de I7y3 d’avoir eu
“ ^intention de donner à la loi du 17 juillet, dans les pays coutuntiers,
” une exécution moins étendue que dans les pays de droit écrit ;
” Attendu que l’acte du 24 fructidor an X , est purement récognitif,
" qu’il n’opère pas novation , cl que par suite , il est entaché du même
" vice que le litre primordial, etc... »
, Ce jugement a été conlinné par arrêt de la cour royale de R iom ,
du
juillet i 837 .
�( 36 )
Tenons donc pour certain qu’il n’y a pas de changement de ju
risprudence ; e t , disons-le hautement, s’il y en avait, ce ne serait
pas une raison pour déserter les lois existantes. Les jurisconsultes sa
vent bien que la jurisprudence est parfois obligée de céder aux néces
sités passagères de la politique; c’est un malheur dont nous avons été
témoins au commencement du régime impérial. La restauration, il
faut en convenir , se défendit d’ un exemple semblable , puisque par la
loi du g novembre i 8 i 5 , article 8, elle déclarait coupables d’actes sé
ditieux toutes personnes qui répandraient ou accréditeraient les bruits
du rétablissement des dîmes ou des droits féodaux. Sous l’empire des
institutions de juillet i 83o , on n’ a pas à craindre non plus de ces
retours à de vieilles idées dont la magistrature française s’est pour
jamais débarrassée. Suum cuique sans doute ; mais il ne faut point ren
verser les lo is, ou leur donner des interprétations forcées qui.ont le
même résultat, pour rétablir ce qui ne peut plus exister, et le rétablir
au préjudice de nouveaux droits acquis.
Concluons de tout ce qui précède q u e , pour les pays d'allodialité,
comme pour les autres contrées, les lois de 1792 et I 7 g 3 , frappent
également de suppression les rentes et redevances féodales ou mélan
gées de féodalité.
Alors revient naturellement ce que nous avons exposé sur le cai'aclère féodal de l’acte du 6 mars l'jS j , dans le § 4 ci dessus. M. le mar
quis de M iram on, s’il vivait encore , trouverait fort étrange qu’on mit
en doute sa qualité de seigneur, lui qui comptait dans scs titres vingt
et quelques seigneuries , sans y comprendre les coscigneuries de V ie
et de Thiézac ; lui qui joignait à la directe seigneuriale les droits de
justice haute , moyenne et b a sse , qui se réservait le droit de retrait
ou de prélation, les droits de lods et ventes , et enfin , la taille aux
quatre cas, cl autres droits et devoirs seigneuriaux.
E t savez-vous à quoi il faudrait réduire tant de titres, tant de droits
superbement proclamés ou imposés, pour éviter en pays allodial, l’ap
plication des lois suppressives de la féodalité ? Il faudrait avouer que
ces nombreuses seigneuries ne constituaient qu’un alleu roturier; il fau
drait déclarer, à la face de la justice cl des hommes trompés, que
M . le marquis de Miramon n’était qu’un simple roturier comme ses
paysans , qu’il n’avait que des biens et des droits possédés en roture ,
et que le haut et puissant seigneur, comme il est q u a li f i e dans 1 acte de
1755, n’était quun vilain, comme 011 daignait nous nommer alors, nous
�( 37 )
tous qui n’ avions ni seigneuries , ni directe , ni haute, moyenne ou basse
justice, ni droits de rétention par prélation, de lods et ventes, et q u i ,
privés <le la taille aux quatre cas, étions obligés de nous racheter nousnicmes si nous étions prisonniers de g u e rre , et de marier nos filles
a nos frais et dépens. Certes ! maigre l’intérêt de la cause , nous ne
croyons pas que cette injure soit sérieusement faite à la mémoire de
^ 1- le marquis de Miramon.
On se trompe , au reste , sur les effets ou les conséquences de l’ai—
lodialité. On se trompe , parce qu’ on ne veut pas remarquer la dif
férence qu’ il y avait dans les pays allodiaux entre les héritages nobîts
et les héritages roturiers, ou bien entre les fiancs-alleux possédés par
les nobles et ceux possédés par les roturiers. On confond volontaire
ment ces deux espèces d’héritages pour les soustraire ensemble à l’appl'cation des lois suppressives de la féodalité : c’est une erreur qu’il
importe de relever pour l’empêcher de se répandre.
différence entre le franc-alleu noble et le franc-alleu r o tu rier,
c°nsiste principalement en ce que le propriétaire du franc-alleu noble
pouvait l’inféoder ou l’accenser, tandis que l'acccnsement ou l’inféodatioil
du franc-alleu roturier ne pouvait jamais avoir lieu. De cette règle féodale
(lue nous allons établir, résulte la suppression ou non-suppression des
prestations et redevances.
l*our justifier cette proposition , nous pourrions citer le titre ic),
article 5 , des arrêtés de Lamoignon, portant : « Celui qui possède un
’’ banc-alleu roturier, ne peut donner aucune portion de son domaine
a cens. » Nous nous bornerons à rappeler ce que dit M. ilenrion
e Pansay, dans ses Dissertations féodales, tome i cr, article alleu} § <).
Le propriétaire d’uu alleu roturier , dit le savant jurisconsulte , ne
peut ni l’inféoder ni l’accenser ; il y en a une infinité de raisons : la
principale, c’est qu’ on ne peut donner à fief ou à cens que des hcr*tages nobles; c’est que, pour pouvoir communiquer ou se réserver
puissance féodale, il faut l’avoir, il faut en être investi; enfin,
c est que les fiefs sont des dignités réelles , et que le r o i , ou ceux
flUl en ont reçu le pouvoir de lui, peuvent seuls conférer les dignités,
^e qui constitue la noblesse d’un héritage, c’ est un titre de seigneurie
aJ°uté à la propriété. Le franc-alleu noble est donc_une seigneurie,
Uu
actif. Un fief est un héritage dans lequel la propriété est unie
“ ,l la puissance publique....... »
peu plus loin , il continue : « Sans doute le propriétaire d’un
�(38 )
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
héritage peut le vendre, le donner à renie, à bail emphytéotique, en
un m o t , en disposer comme il le juge à propos ; mais cette règle
reçoit une exception à l’égard du cens. Pour avoir le droit d’imposer
sur un immeuble une redevance censuclle et seigneuriale, il ne suffit
pas d’ en être propriétaire , il faut avoir cette propriété à titre de
seigneurie : celte décision sort de la nature des choses. Le bail à cens
s’ établit par la séparation du domaine direct et du domaine ulilc ;
ce dernier passe seul entre les mains du prem ier, le premier demeure en celle du bailleur. A la vérilé , le bail emphytéotique cmporte de même la séparation des deux domaines ; et tout le monde
peut donner à emphytéose 1111 héritage tel qu’il soit, noble ou roturier. Mais il faut distinguer deux espèces de domaines d irec ts, l’un
particulier et privé , l’autre public et seigneurial. Il ne reste entre les
mains du bailleur à emphytéose que la directe privée ; et le contrat
d’accenseinent doit emporter la directe seigneuriale et publique ; c’ est
cette directe seigneuriale qui en constitue l’essence. »
A cette imposante autorité nous pouvons ajouter celle de Chabrol »
tome 2 , page 677 , qui déclare formellement que l’existence d’un bail
à cens, ou d’une reconnaissance qui y équipolle, détruit totalement
la présomption de l’allodialité ; ce q u i , certes , est d’une autre consé
quence , puisque le bail à cens suffit, lui s e u l , pour soumettre les
héritages au régime féodal. Nous pouvons enfin, invoquer l’opinion
de M. M erlin, questions de droit, V° rente fo n ciè re, § 14-, qui recon
naît sans difficulté que le franc-alleu noble peut seul être inféodé ou
accensé.
Maintenant qu’il est établi que les immeubles roturiers ne p o u v a i e n t
être inféodés ou accenses , et que l’ existence d’un bail à cens détruit
l a présomption d’allodialité, parce que les biens nobles pcuvcnL seuls
être accenses , et l’être par un seigneur fé o d a l, nous demanderons à
M",e de Ghàlillon si le domaine de L ollière, baillé à nouveau cens et
nouvelle investison, par l’acte du 6 mars 173.5, était un allodial ro
turier dans les mains de M. le marquis de Miramon , son père ; si
ce domaine , situé dans la seigneurie de Laroquc dont M. de Miramon
était le seigneur, a pu être concédé comme roturier, alors (p ie le
concédant établissait, par acte de concession, des redevances censuclles , reddituelles , avec tout droit de directe , de liaulc , moyenne
e t basse justice , droit de rétention , lods et v e n t e s , taille aux quatre
cas et autres droits et devoirs seigneuriaux contenus dans les anciens
�( 39 )
terriers de la seigneurie de L aro que ; si enfin, la directe réservée
peut être , avec ce grand cortège de féodalité , reconnue pour ce domaine direct et privé dont parle M . Henrion de P a n sa y , ce deminiurn directurn des lois romaines q u i , dans les pays d allodialité comme
dans les pays où la maxime nulle terre sans seigneur était adoptée, se
réservait sur les biens roturiers. Nous sommes persuadés que sa réponse,
quoique contraire à l'intérfit de sa cause, sera conforme à sa loyauté,
et quelle conviendra franchement de la qualité nobilière du domaine
concédé.
Eh bien ! cette qualité nobilière des immeubles situés dans les pays
allodiaux, cette seigneurie ajoutée à la propriété, comme le dit Ilenrion
forme un fie f, c’est-à-dire, un héritage dans lequel la propriété est unie
à la puissance publique. C ’est ce qu’était évidemment le domaine de
Laitière entre les mains de M. le marquis de Miramon , et ce qu ôtaient
tous les héritages possédés par lui dans les vingt ci quelques seigneuries dont le titre de 1755 nous donne l'énumération. Voilà ce qui
Résulte, sous l’ empire de l’allodialité de la coutume d’ Auvergne, de
^ distinction établie entre les francs-alleux nobles et les fiaucs-alleux
roturiers ; voilà ce qu’il fallait observer pour ne pas se jetter dans
d absurdes contradictions en parlant de 1allodialité.
I)u reste , cette digression est sans utilité réelle dans la cause , parce
qu en prenant le domaine de Lollière pour un franc-alleu roturier, les
prestations et redevances créées par la cté de 1755, n en seraient pas
^oins supprimées. M . Merlin , procureur général à la cour de cassation,
a long-tems fait triompher par ses éloquens et savans réquisitoires ,
Cc système qui tend à distinguer les allodiaux nobles des allodiaux
roturiefS • mais après l’avis du conseil d é ta t, du i 3 messidor an X III,
^ reconnut la nécessité de renoncer a cette distinction. On peut von
Ce qu’il dit à cc s u j e t , dans le Répertoire universel, V° cens , § 8 ,
Pa£e i 37 , et dans les questions de droit, V “ rente foncière , § 4 , p. 3()3 ,
' 0,1 après avoir établi cette doctrine , que le propriétaire d un francalleu roturier ne pouvait le concéder ni à fief ni a cens seigneurial,
tll,e par conséquent, la rente qualifiée seigneuriale qu il s était reservée,
11était point abolie par la loi du 17 juillet 1793 , il ajoute en note : « Cette
” c°nséquence, quelque conforme qu’elle soit aux principes rigoureux
“ du droit , 11c pourrait plus être admise aujourd’hui que dans le
" cas où le bailleur aurait fait connaître par l’acte qualifié de bail à hef
* ou de bail à cens , qu’il n’ était pas seigneur et n’ entendait pas le
�( 4o )
» devenir par cet acte. C ’est ce qui résulte de l’avis du conseil d’état
» du i 3 messidor an X III, et du décret impérial du 2.3 avril 1807.
» La cour de cassation elle-même l’a ainsi jugé par plusieurs arrêts. »
Nous avons rapporté au § 3 ci-dessus, cet avis du conseil d’ c'tat et
le décret cités par M. Merlin ; nous avons de plus fait connaître d’au
tres avis du conseil d’ état et plusieurs arrêts dans le même sens. Il suffit
de les lire avec un peu d’attention pour demeurer convaincu que, mê
me dans les pays d’ailodialité, les redevances et prestations résultant
de concession de fonds , ont été supprimées par les lois de «792 et
I 7 g 3 , quand les titres reservent au bailleur des droits et devoirs qui
se rapportent à la féodalité.
§ 6.
Dans toutes les hypothèses, les demandes de M mt de ChûlUlon sont
repoussées par la prescription.
Nous avons placé cette proposition la dernière , parce qu’il était dans
l’ordre naturel de démontrer la suppression des redevances féodales
ou censuelles que M rae de Châtillon veut faire revivre , avant de s’oc
cuper de la prescription qui , dans tous les cas possibles , vient assurer
aux héritiers Baduel la propriété libre de toute redevance , d’héritages
qu’ils possèdent paisiblement depuis plus de quarante-cinq ans.
C ’est ici le moment de présenter à la justice des considérations q«1
ont bien leur importance. Il a sans doute été fâcheux pour le s pro
priétaires d'héritages et droits féodaux de se voir subitement dépouillés
d’une partie de leur fortune. Ce malheur ne s’excuse pas à nos yeux
par la violence et les nécessités d'une révolution. Mais la même raison qui
nous fait environner de respect les droits acquis , ne nous permet pas
d'approuver des réclamations tardives qui , à leur tour , n’ont et ne
peuvent avoir d’autre but que de dépouiller des fils et petits-fils de
biens qu’ils ont recueilli par succession , qu’ils possèdent l é g a l e m e n t à ce
titre. La prescription est la patrone du genre humain , disait un e m p e r e u r ;
et cela est vrai , parce que la prescription , surtout la p r o s c r i p t i o n trentenaire , est la sauve-garde des droits de propriété. Les biens accensés ,
tous ceux dont les redevances ont été supprimées par les lois de 1792
et 1793, sont possédés depuis, libres des charges qui les grevaient et
en rendaient la valeur presque nulle dans les mains des premiers te
nanciers. Les enfans de ces premiers possesseurs ont recueilli ces me-
�( 4t )
mes biens avec toute la valeur que leur donne l’affranchissement des
droits et devoirs seigneuriaux. Ils les ont partage's en cet e'tat et dans
la pleine confiance qu’ils devaient avoir dans les lois d’affranchissement
et de libération. Des dots ont été constituées et payées eu égard à la
nouvelle valeur de ces biens ; de nombreuses transactions de famille
ont leur base dans cette valeu r, et des créanciers ont consenti à pren
dre pour gage et sûreté hypothécaire, ces mêmes biens libres de re
devances.
Il faut renverser et détruire tout cela , si vous voulez faire revivre
des redevances éteintes depuis si long-tems. Il faut opérer une ré
volution nouvelle, et ruiner , à leur t o u r , ces enfans , pères de famille
aujourd’h u i , ces créanciers qui ont eu foi dans les lois existantes et
dans le long silence des ci-devant seigneurs ou de leurs héritiers.
Y aurait-il de la raison et de la justice !' nous ne le pensons pas.
Les lois politiques ne sont point les seules qui le défendent ; les lois
civiles viennent encore au secours des droits acquis , en offrant à ceux
(iui possèdent , le moyen de la prescription comme une barrière in
franchissable à des prétentions surannées.
Nous ne devons pas être surpris que M me de Chatillon veuille faire
considérer comme bail emphytéotique Uacte du 6 mars 1755, quoique
cet acte soit plutôt un bail à cens ; et qu’elle le présente comme un
bail emphytéotique temporaire. En faisant admettre qu’il s’agit d’une
concession emphytéotique à tems , elle éviterait le moyen invincible de
la prescription , si d’ailleurs les lois suppressives de la féodalité ne
s’appliquaient pas ; et l’acte ne serait plus qu’une espèce de louage,
^«prescriptible de sa nature : ce système , s’il n’est pas fondé , ne man
que point d’adresse.
Nous avons déjà prouvé § 4 ci-dessus , que l’acte de 1 7 5 5 , n’est
Pas un bail temporaire , mais bien une concession à perpétuité ; inutile de revenir sur les preuves que nous en avons données. Voyons donc
Maintenant , si , en supposant un simple bail emphytéotique , et lui
conservant cette dénomination pour la facilité de la discussion , celte
espèce de contrat a de l’analogie avec le louage , notamment quand
les biens sont concédés à perpétuité.
fleineccius dans ses leçons élémentaires sur le Droit civil romain , liv. 3 ,
remarque la différence qui 'existe entre le louage et 1 emphytéose. « Le conducteur, dit-il, est tenu de faire la prestation du salaire
* promis, el l’emphyléose du canon. Dans le louage, le salaire est en
6 -
�(42)
» raison des fruits de la chose du bailleur ; dans l’emphytéose, la. re» devance est modique ; elle est due en vertu de la chose propre au preneur,
» et en reconnaissance du domaine supérieur et direct. »
L ’emphytéote, ajoute-il , perçoit tous les fruits, et même fait sien
le trésor qu’il trouve dans le fonds. Il a le droit d’imposor des servi
tudes ; il peut changer la face du fo n d s, il peut l'aliéner, le donner
entre-vifs, l’échanger, l’hypothéquer ; droits qui certainement ne com
pétent pas au preneur à louage qui paye un salaire ou une redevance pour
une chose qui ne lui appartient pas. Enfin , une autre différence existe ;
c’est que le preneur par bail à louage a droit à une remise de prix
du bail dans le cas de perte des fruits par force m ajeure, tandis qu’il
n’y a jamais de remise pour la prestation du canon emphytéotique.
Il est facile de voir par ces différences entre l’emphytéose et le louage ,
que le bail emphytéotique transmet au preneur le droit utile de pro
priété , ce que ne fait pas le bail à louage.
Voilà ce qui subsistait avant 178g.
Alors on disputait sur la question de savoir si le cens ou la rente
étaient prescriptibles. C h ab rol, dans son savant commentaire, tome 2 ,
pages 668 et suivantes , examine longuement cette question , rapporte
l’opinion des auteurs et cite les nombreux arrêts qui ont décidé pour
ou contre. Il fait voir la difficulté et ne la résout point ; cependant,
l’art. 2 , du titre 17 de la Coutume d’Auvergne p o r te : « T o u s droits
» et actions cens , rentes, servitudes et autres droits quelconques pres» criptibles, soyent corporels ou incorporels , se prescrivent, acquièrent
» ou perdent par le laps et espace de trente ans continuels et accom» plis ; » et il est remarquable que les opinions qui admettent la pres
cription se fondent particulièrement sur les principes de l'allodialilé des
héritages en Auvergne , parce que la prescription du cens les fait rentrer
dans le droit commun.
Les partisans de l’imprcscriplibilité raisonnaient a in s i, d’après Cha
brol , loco cítalo , page 677. Le cens est imprescriptible , disaient-ils ,
» parce que le dQinaine direct , réservé par le seigneur , est regardé
» comme une portion de la chose qui le doit : « L e seigneur est cense
» posséder le domaine direct , comme l’ emphytéote possède le do» mai ne utile. Les droits incorporels sont susceptibles de possession ,
» et elle se conserve par la seule intention. Ainsi , l’cinphyléotc ne
» possédant que le domaine u t ile , ne peut prescrire le domaine direct
» qu’il 11c possède également. » La division des deux dominités , c est
�( 4'* )
a-dire , la séparation du domaine utile et du domaine d ir e c t, était donc
la raison déterminante de l’imprescriptibilité. O r , si cette séparation a
légalement cessé d’exister , si le domaine utile et le domaine direct se
sont réunis en la personne du preneur ; si cetle réunion a duré pen
dant un laps de tems suffisant à prescrire, il faudra bien admettre , même
en supposant l’imprescriptibilité originaire du cens, que, les motifs de
cette imprescriptibilité n’existant plus, la prescription a couru au profit
d» preneur et de ses héritiers ou ayant-cause,
Eh biçn ! Par l’article 6 de la loi du i l août 1789, toutes les rentes
foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce
Çu’elks fussent, quelle que fût leur origine, à quelques personnes quelles
fussent dues, ainsi que les champarts de toutes espèces, et sous toutes
dénominations, furent déclarés rachelables. Il fut défendu en même tems,
de plus, à l’avenir, créer aucune rente non remboursable.
L ’article Ier du titre 3 de la loi du i 5 mars 1790, déclara pareillement
^achetables tous les droits et devoirs féodaux ou censuels utiles qui
étaient le prix et la condition d'une concession primitive de jonds ; et
article 2 présuma tels , sauf la preuve du contraire , toutes les rede
vances seigneuriales annuelles en argent, grains, volailles, cire, denrées
0u fruits de la terre, servis sous la dénomination de cens, censives,
surcens , capcasal , rentes féodales , seigneuriales ou emphytéotiques ,
chaniparl , etc.
La loi du 18 décembre de la même année, après avoir de nouveau
déclaré rachetables toutes les rentes foncières perpétuelles, régla, dans
So» titre 3 , le mode et le taux du rachat ; et l’article 5 de ce titre
s °ccupa spécialement du rachat des baux à r e n te , ou emphyteose per
pétuelle et non seigneuriale, contenant la condition de payer des droits
e lods et des droits censuels aux mutations.
Ces lois ont donc déclaré rachctable le cens ou le canon emphy
téotique comme toutes les autres rentes foncières et perpétuelles. Nulle
1 iculte 11c peut s’élever à cet égard, e t , au besoin, les articles £29
«>3o du code civil viendraient confirmer cette doctrine.
Maintenant , que rc'sulte-il de ce changement apporté par les lois de
*789 cl 1790 à l’ancienne législation sur les redevances emphytéotiques
Perpétuelles ?
11 en résulte , d’après l’avis du conseil d’état , approuvé le 7 mars
1 °8 , que « les titres q u i , qualifiés d’emphytéoscs perpétuelles aban“ donnent ensemble la jouissance cl la propriété, ne sont autre chose
�( 44 )
» qu'une aliénation absolue qui fa it reposer la propriété sur la tête de
» Vacquéreur à pareil titre. »
Il
en résulte, comme le dit M. Duranton , Cours de Droit français,
tome 1 9 , page ;5()0 , que « la propriété a passe toute entière sur la tête
» de l’emphytéote , même avant le racliat , par la faculté qu'il a ac» quise , et qu’ont encore ceux qui n’ont point racheté , de se libérer
» de la redevance ; et le concédant n’a plus eu qu’un simple droit de
>» créance , un droit purement mobilier ; en sorte qu’il n’a plus eu le
» droit d’hypothéquer le fonds , et le concessionnaire l’a eu plein et
» entier , non plus comme simple emphyléote, mais comme propriétaire
« absolu du fonds , en restant débiteur de la prestation annuelle , et avec
» la faculté de s’en racheter. » Nous observerons que cette doctrine ,
quant au droit du concessionnaire d’hypothéquer le fonds tenu à eniphytéose, a été consacrée par 1111 arrêt formel de la cour de cassation,
du 19 juillet i 832. (Sirey , tome 3a — 1— 53 1.)
11
ne peut donc plus être^ question aujourd’hui , en matière d’ emphytéose , de comparer ce contrat au bail de louage , et de parler de
possession précaire. La doininité , autrefois séparée , repose maintenant
toute entière sur la tête du concessionnaire qui n’est plus débiteur que
d ’une rente rachetable à volonté. Devenu propriétaire absolu, in to to ,
sa possession est celle de tous les propriétaires d’héritages chargés de
rentes foncières.
Ces principes reconnus , la question de prescription est d’ une solu
tion facile, puis qu’elle rentre dans l’application des règles ordinaires;
et , peut-être , aurait-il sufli de dire que nos lois et nos codes ne re
connaissent plus , à cet égard , de droit exceptionnel.
P ou r appliquer ces règles ordinaires du droit c i v i l , il ne faut pas
continuer à se faire illusion , eu regardant les fonds concédés à titre
d ’emphyléose, comme si le seigneur ou bailleur y avait conservé quelques
droits de propriété : (“) ce serait le moyen de ne jamais s’entendre.
Il ne peut s’agir maintenant que de la rente ou redevance , et de la
question de savoir si cette rente est prescrite , ou si elle ne l’est pas.
O r , nous devons nous reporter, à ce sujet, à l’art. 8 , de la loi du
i 5 mars 1790, qui porte expressément, que toutes les rentes, redevances
et autres droits rachetables, sont soumis , pour le principal, à la pres(*) <'.c fond» est appelé chef-certi dans les Mémoires de la dame de CliAlillon ; cest une erreurLe chef-cens n'est autre chose que le premier ccus dont uu htiriUige est eliargé. — Folhier, intend• >
nu titre 2 de la Coutume d Orléans.
�(4M
crîptîon établie relativement aux immeubles réels ; et à l’art. 33 du titre 2
<le la même loi , qui fait courir cette prescription à partir du 5 mars 179O.
Ainsi d o n c , voilà la rente ou redevance déclarée prescriptible par
cela seul qu’ elle est rachetablc ; et le point de départ de la prescription
fixe au 5 mars 1790.
Il
serait superflu d’ examiner qu’ elle était la durée de tems nécessaire
pour la prescription , parce que s’étant écoulé depuis cette époque ,
plus de 47 ans , la prescription serait acquise , quelle que fut l’hy
pothèse dans laquelle M me de Châtillon voudrait placer sa cause.
Le code civil , titre de la prescription , publié le 25 mars 1804, pose
Cn principe , dans son article 2219, que la prescription est un moyen
d acquérir ou de se libérer par un certain laps de tems , et sous les con
ditions déterminées par la loi. Le tems voulu dans l'espèce actuelle ,
est celui de trente ans, d’après l’art. 2262.
Trente années sont quelque chose dans le cours de la vie humaine.
M est bien juste que celui qui a possédé pendant un laps de tems si
considérable, sans avoir été inquiété dans sa possession , soit protégé
par la loi et maintenu dans cette possession paisible, à l’abri de toute
recherche et de toute tracasserie. Aussi , cette protection a été considérce comme tellement équitable et nécessaire , dans l’intérêt de l’ordre
public et du repos des familles, que l’art. 2281 du code civil a même
l'cduit à cette période de 3o années les prescriptions commencées k l’époque de sa publication, et pour lesquelles il aurait fallu , suivant les
anciennes lo i s , un plus long délai.
Cependant, la consultation, qui ne s’occupe nullement de la presCription établie par l’article 8 de la loi du i 5 mars 1790, prétend
Page 18, que la prescription ne peut courir qu à partir de la qua
trième année après la promulgation du code civil; et elle le prétend sans
donner aucun motif d’une opinion que nous devons trouver au moins
singulière. Il est vrai que la consultation parle de l’action en déguer
pissement ; et si nous sommes parvenus ^ deviner la pensée du ré
dacteur , il a voulu dire , sans doute , que cette action en déguerpisSe,nent étant jadis autorisée après la cessation, pendant trois ans ,
du service de la re n te , ce n’est qu'après ces trois ans expirés, et
par conséquent, la quatrième année après la publication du code civd > que l’action s’est ouverte et que la prescription a commencé.
Ce raisonnement est faux cn tous points. D ’abord , il ne s’agit pas
en ce moment de l'action en déguerpissement qui n’ existe plus et ne
�( 46 )
peut plus exister en faveur du bailleur qui n’a conserve , comme nous
l ’avons démontré, qu’un simple droit de créance sur les fonds con
cédés ; ensuite , parce qu’en reportant le commencement de la pres
cription à la promulgation du code civil seulement , il n’ en sorait
pas moins v r a i , en fa it , que la rente avait cessé d’être servie depuis
plus de trois ans avant ce code , et que l’action en déguerpissement,
si elle avait existé , se trouvant ouverte depuis long-tems , ce ne se
rait plus le cas d’ajouter aucune année supplémentaire aux 3o années,
fixées par l’article 2262.
D'ailleurs , il n’ est pas e xa ct, en principe , de prétendre ajouter au
délai rigoureusement fixé pour l’exercice d’une action , les années pen
dant lesquelles on a négligé de faire ce qui devait empêcher cette
action. La négligence du débiteur motive l’actio n , mais ne prolonge
point la durée du tems pendant lequel elle doit être exercée. Ne seraitil pas absu rde, par exemple , que le créancier d’une rente qui n’aurait
pas été servie depuis 32 ans , c’est-à-dire, depuis la date du titre cons
titutif, prétendit être encore dans le délai de poursuivre le débiteur
en remboursement du capital, sons prétexte qu’il faut ajouter aux 3o
années de prescription , les deux années de cessation de paiement q u i ,
d ’après l’article 1912 du code civil, motivent l’action en remboursement ?
M me de C hâtillon, dans son M ém o ire, va plus loin encore : elle
veut faire porter à 60 années le tems nécessaire pour acquérir la pres
cription ; et voici le raisonnement qu elle fait. Elle commence par se
placer dans la catégorie des absens, et invoque à l’appui de sa thèse ,
les dispositions du code civil sur les biens des absens. Un homme
s’absente , dit-elle , et ne reparaît qu’après 3o ou 4 o ans. Son absence
n’a pas été déclarée, e t , à son retour, il aura le droit de rentrer
dans la propriété de ses biens , sans qu’on puisse lui opposer aucune
prescription acquise.
Elle suppose ensuite la déclaration d’absence et l’envoi de ses hé
ritiers présomptifs en possession provisoire de scs biens dont ils ont
joui depuis plus de 3o ans. En ce ca s, dit-elle, même après l’envoi
en possession définitive, l’absent, s’il reparaît, ou ses enfans et des
cendais directs, recouvreront les b ie n s , lors même qu’il se serait
écoulé plus de Go ans depuis la disparition de l’absent.
T o u t cela est vrai ; mais pourquoi ? parce qu'il s’agit d’une matière
spéciale , parce que la possession provisoire qui doit d’abord être de
mandée , n'est qu'un dépôt entre les mains de ceux qui 1 ont obtenue,
�( 47 )
article 125 du code civil ; et le dépositaire ne prescrit jamais , ar
ticle 2236. Il peut d o n c, à la rigueur, s’écouler 40 , 5o et même 60
a«s « pendant lesquels la prescription ne courra point.
Mais après l’envoi en possession définitive, il n’en est plus de même;
ceux qui possèdent, possèdent animo dom ini, et prescrivent contre
toute réclamation qui ne serait pas faite dans les trente ans, article 133.
L ’exemple est donc mal choisi. Il l’est d’autant plus mal, qu’il prouve
contre M me de Miramon. En effet, l’ envoi en possession définitive qui
fait commencer le cours de la prescription , produit un résultat pareil
a celui des lois de 1789 et 1790, qui , en déclarant toute espèce de
rente foncière rachelable, ont consacré le droit de propriété absolue
sur la tête du redevable , et commencé pour lui le cours de la pres
cription de la rente.
Un aulre argument de même force est encore présenté dans le Menioirc do M me de Châtillon.
Elle y parle de propositions que le sieur Baduel , grand-père, au
rait faites à M . le marquis de M iram on, décédé enj 1810 , et sans
‘ »diqner la date de ces propositions qui seraient conçues en ces ter
mes : « Il y a apparence que M. de Miramon 11’ignore pas la loi du
” 29 décembre 1790, relative au rachat des rentes foncières. En con’* séquence , s’il veut me traiter favorablement, nous ferons un forfait
*• de gré-à-gré relatif au rachat de la renie du domaine de Lollière ,
" déduction faite du cinquième d’icelle , suivant la loi du i 5 pluviôse
" an V ' pour raison des contributions , q u i , pour lors , est réduite
a 34 seliers blé , et 23 quintaux cinq livres fromage et les suites ,
”
pour lors nous prendrons une évaluation commune depuis 3o ans
’’ au plus ; cl pour lors Baduel ferait des termes honnêtes à M . de M in fanion, que la loi soit rapportée ou no n , et M . de Miramon doit
considérer qu’il a été donné trois mille livres d’en trée, etc. »
f
cst 1e texte rapporté dans le M ém oire, texte dont la rédaction ,
*ord à la première personne , puis à la troisième , laisserait sup
poser que ces propositions émanent et n'émanent pas du sieur B a d u e l .
^ en soit de celte contradiction , 011 sent bien que les petits—
| s d.u sieur Baduel îte peuvent avouer ni désavouer une pièce sans
atc et dont 1 ct-cœlera annonce qu’elle n’est publiée qu'en partie.
I1"' de Châtillon prétend , page 1 1 , qu’il n’y a pas 3o ans que les
legociations entre M . Baduel et M. le marquis de Miramon sont inClroinpucs ; et celte observation est faite à coup-sûr, pour échapper
�( 48 )
aux conséquences de la prescription trentenaire, q u e , dans l'idée du
Mémoire , ces négociations auraient interrompue.
Nous ne trouvons , ni dans le code c i v i l , ni dans aucune loi anté
rieure , ce mode d’interruption de la prescription. Nous voyons bien
que d’aprcs l’art. 2248 du code civil, la reconnaissance que le débiteur
ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, inter
rompt la prescription ; mais l’écrit cité par la dame de Chatillon n’est
pas une reconnaissance de la dette. Ce serait, tout au plus , un arrange
ment proposé , resté dans les termes d’un simple projet , en suppo
sant encore que l’écrit soit de la main du sieur B a d u e l, et signé de lui.
Mais quand même cet écrit serait un acte r é e l, un accord , une transac
tion entre le sieur Baduel et M. de Miramon, il ne serait pas d’ un grand
poids dans la cause. Un décret impérial de 24 juin 1808 , approuvé
le 3 i mai, déclare nulle et sans effet une transaction faite à l’occasion
du titre de concession d’un moulin , moyennant un cens emportant lods
et ventes, défaut et amende, transaction (jui avait été exécutée pendant
cinq ans. Le décret décide que n ’ayant pas traité sur la question de l(t
féodalité, la débitrice de la rente n’avait par conséquent pas renoncé
au bénéfice de la loi du 17 juillet i7<)3.
L a cour de cassation a été plus explicite encore , en décidant, par
arrêt du 26 octobre 1808 , qu’entre un ci-devant seigneur (ou ses ayantdroit) et son tenancier , la loi n’autorise pas un acte récognitil d’une
rente féodale pour être payée comme foncière. (Sirey, tome 11 — 1— 3 a3 .)
L a cour royale de Iliom a jugé de même sur la ratification, faite de
puis les lois abolitives de la féodalité , d'un bail emphytéotique per
pétuel , avec droits censucls et reddituels, lods et ventes et autres droits
el devoirs seigneuriaux. Par arrêt du 4 avr*l 1811 , elle a déclaré la ra
tification nulle , parce qu’ elle ne renfermait aucun traité sur le vice du
titre primitif. ( Journal des audiences de la cour de liio r n , année 1811»
page 258.)
11 y a plus encore : Un arrêt de la cour de cassation , du 27 juillet
1818, a positivement déclaré que le paiement des redevances depuis
les lois abolitives , 11c peut priver les redevables du bénéfice de ces lois ,
à moins dune rénonciation expresse de leur part. (Sirey, tome 19— 1 — 126.)
Que peuvent donc signifier, en présence de ces autorités législative?
et judiciaires , les prétendues propositions faites par le sieur Baduel»
on ne sait o ù , à quelle époque , cl qui, dans aucun ca s, 11e sont ni
une reconnaissance , ni un traité , ni une renonciation , au bénéfice des^
�(49)
lois et de la prescription? Elles annonceraient sans doute de bonnes
intentions de la part de celui qui les aurait faites ; mais leur nonacceptation , en les réduisant à un projet honorable d’un côté, prouverait
que , de l’autre , on n’entendait se soumettre à aucune modification et
réduction , et qu’ on avait l’intention de courir la chance des e've'nemens.
Eh bien ! le tems et les évènemens ont prononcé : Il faut savoir accepter
les faits accomplis.
Soit donc que la prescription n’ait commence' qu’à l’ époque de la
promulgation du code civil, c’est-à-dire le 25 mars 1804, il s’est écoule',
depuis , plus de 33 années utiles à la prescription de l’acte de 1755.
Mais si, comme cela doit être , la prescription court du 5 mars 1790,
ou seulement du 2 novembre 1794 1 à cause de la suspension prononcée
Par les lois des 6 juillet 1791 et 20 aoiit 1792, il s’est ccoulé 47 ou 43
ans , près d’un demi-siècle pendant lequel le domaine de Lollière , pos
sédé en toute propriété par ses détenteurs, a successivement p a s s é ,
a titre héréditaire, entre les mains de trois générations, c’en est assez
P°ur que la prescription soit acquise.
Ici se termine la défense des héritiers Baduel. Sans avoir suivi pasd~pas, la consultation et les Mémoires publiés au nom de M me la
^ r q u i s e Duplessis-Châtillon , ils ont cherché à démontrer, dans un
Pel‘t nombre de propositions , que l’acte dont M me de Châtillon de
mande l’ exc'cution, est un acte féodal de sa nature, ou mélangé de
féodalité , et frappé de suppression absolue par les lois de 1792 et
*793, dont l’intention et le but sont clairement manifestés par les lois,
es décrets , les avis de conseil d’é ta t, les arrêts postérieurs. Ils ont
*epOndu aux objections faites , e t , se prêtant à la supposition de dii•cultés qui n’existent p as, ils ont établi que le titre de 1755 est même
elruit par l’effet de la prescription ; de sorte q u e , sous tous les rapP°rts , les demandes de la dame de Châtillon sont inadmissibles. C ’est
^aintenant aux tribunaux saisis de la cause , à prononcer et décider
* d est bien opportun de soulever des questions qui se rattachent à
!*n Régime proscrit depuis un demi-siècle , et que nos mœurs et nos
ln5tituti0ns nouvelles repoussent avec plus d’énergie que jamais.
V I O L L E , Avocat,
Et Conseiller do Préfecture à Aurillac.
f
PELET, Avoue.
OBSËKVATlOft
7
�OBSERVATION ESSENTIELLE
il
Pendant que ce Mémoire était à l’impression, et par acte du 20 septembre 1837,
Mme Duplessis-Châtillon a fait signifier aux cohéritiers Baduel la rénonciation de
ses deux sœurs à la succession de M. le marquis de Miramon, père commun ; et,
en même tems, elle les assigne devant le tribunal de première instance d'Aurillac
en main-levée de leur Opposition du 4 du même mois. Cette assignation donne
lieu à deux observations :
1°. Mms Duplessis-Châtillon ne prend plus, comme dans les actes précédens, la
qualité d'héritière sous bénéfice d’inventaire; elle agit comme seule et unique
héritière de M. son père ;
20. Elle désavoue qu’il ait été publié des Mémoires; désaveu surprenant et dont il
est difficile d'expliquer le motif, lorsqu’il est de notoriété publique que la Consul
tation et les Mémoires sont entre les mains d’un grand nombre de personnes, et
qu’ils ont été distribués à MM. les juges et membres du parquet du tribunal d’Aurillac. Y aurait-il quelque petite ruse de basoche dans ce désaveu ?..... Nous
verrons.
Aurillac, imprimerie de P. PICUT. — Septembre 1837.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Baduel, Antoine. 1837]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Violle
Pelet
Subject
The topic of the resource
bail emphytéotique
domaines seigneuriaux
cens
retranscription de bail
biens nationaux
émigrés
rentes féodales
droit de propriété
abolition des privilèges
droits féodaux
coutume d'Auvergne
prescription
absence
poids et mesures
doctrine
droit écrit
franc-alleu
directe seigneuriale
jurisprudence
droit de guet et de garde
Masuer
forains
corvées
code civil
droit intermédiaire
domaines agricoles
fromages
vin
percière
droits rachetables
titres nobiliaires
lods
terriers
retrait féodal
opinion publique
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Antoine Baduel, propriétaire-cultivateur, demeurant à Lafage, commune de Saint-Clément ; et le sieur Antoine Baduel, deuxième du nom, aussi propriétaire-cultivateur, demeurant à Lollière, commune de Sain-Clément, défendeurs ; contre dame Marie-Charlotte Cassagne-Beaufort de Miramon, veuve de monsieur le marquis Duplessis-Chatillon, agissant comme héritière bénéficiaire de monsieur le marquis de Miramon, son père, demeurant à Paris, rue du Bac, n° 128, demanderesse. [suivi de] Observation essentielle
Table Godemel : Bail emphytéotique. v. emphytéote.
2. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? Les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? Féodalité : 1. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? les Baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayans cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéote ?
en d’autres termes les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayant cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens soumis à l’emphytéose ? Reconnaissance.
4. plusieurs reconnaissances notariées peuvent-elles dispenser le demandeur de représenter le Bail emphytéotique primitif ?
3. les baux emphytéotiques ont-ils été détruits ou intervertis, à l’égard du bailleur originaire, par les lois des 18-29 décembre 1790 et 11 brumaire an 7 et par les dispositions du code civil ? voir les faits spéciaux. ibid.
en tout cas quel caractère doit avoir la notification faite aux représentants du bailleur originaire, pour opérer l’interversion ?
la prescription a-t-elle couru valablement, en faveur du possesseur, dès la notification (1793) si l’on considère que, d’après la législation, la rente quel que soit sa nature, foncière ou féodale, aurait été déclarée rachetable ? prescription.
24. en Auvergne, les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers, ou ayans-cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéose ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de P. Picut (Aurillac)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1837
1755-1837
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
50 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2816
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2813
BCU_Factums_G2814
BCU_Factums_G2815
BCU_Factums_G2817
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53572/BCU_Factums_G2816.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Clément (15180)
La Roussière (domaine de)
Lollière (domaine de)
La Croux (domaine de)
La Fage (domaine de)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abolition des privilèges
absence
bail
Bail emphytéotique
biens nationaux
cens
Code civil
corvées
coutume d'Auvergne
directe seigneuriale
doctrine
domaines agricoles
domaines seigneuriaux
droit de guet et de garde
droit de propriété
droit écrit
droit intermédiaire
droits féodaux
droits rachetables
émigrés
forains
franc-alleu
fromages
jurisprudence
lods
Masuer
opinion publique
Percière
poids et mesures
prescription
rentes féodales
retrait féodal
retranscription de bail
terriers
titres nobiliaires
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53573/BCU_Factums_G2817.pdf
26851e119a733f6da10958df345b76e7
PDF Text
Text
POUR
Mme MARIE-CHARLOTTE
DE
CASSAGNES
DE
BEAUFORT
DE
MIRAMON, Ve de M. le Marquis D uplessis-C hatillon ,
APPELANTE ;
CONTRE
*
M. P i e r r e BADUEL, ou ses héritiers et ayant-cause,
INTIMÉS.
— ----------
■rg»g(JO«^ ■
----------
Nous avons déjà dans trois mémoires ou consultations, produits
devant le tribunal d'Aurillac, examiné les différentes questions qui
vont être agitées à la Cour royale, et qui n'ont pas été jugées
en première instance. Nous nous en référons, à cet égard, à ce qui
a été dit dans ces mémoires, dont les doctrines ont depuis obtenu,
dans quelques espèces semblables, la sanction de la Cour suprême.
Mais un incident inattendu est venu com pliquer ce procès d’une
question nouvelle, la seule qui ait été décidée par le jugement dont
est appel. Nous ne l'avions pas prévu, et il n'était pas de nature à
l’ètre. C'est un fait inconnu qui a surgi au milieu des débats, et du
quel on voudrait faire résulter que les héritiers Baduel, de qui nous
réclamons la rente emphytéotique d'un bail qu'ils tiennent de nos
auteurs,
o n t interverti le litre de leur possession par un acte du 19
septembre 1793, et qu’en conséquence ils peuvent se prévaloir de
�la prescription qui aurait couru à leur profil depuis cette époque.
Voici cet acte :
« L'an mil sept cent quatre-vingt-treize et le second de la répu« blique, le 19 septembre, avant midi, à la requête d ’ Antoine Bà« duel, propriétaire cultivateur, au hameau de Lollière, commune
« de Saint-Clément, où il fait élection de domicile dans sa maison
« d'habitation, je Jacques-Alexandre Cheylus, premier huissier im« matriculé au ci-devant baillage du Carladès à Vie, y demeurant,
« soussigné, suis allé au domicile que fait en la ville de Vie, le ci« toyen Germain-François Arnal, homme de loi, et administrateur
« de la régie nationale, receveur des droits d ’enregistrement, au« quel, parlant à sa servante, lui ai notifié, signifié et laissé copie de
« bail à nouveau cens emphytéotique et investison perpétuelle, con« senti au profit du requérant, par Alexandre-Emmanuel Cassagnes
« de Beaufort, ci-devant marquis de Miramon, seigneur de la Roque
« et autres lieux, devant Trainier, notaire, le G mars 1755, dûment
« contrôlé, insinué et en forme, et du domaine de Lollière, situé en
« ladite commune de Saint-Clément ; en conséquence, ayant été
« instruit par affiche posée dimanche dernier à la porte de l'église
« dudit Saint-Clément, à la diligence dudit Arnal, qu'il devait être
« procédé dimanche prochain vingt-deux du courant, à la vente
« par adjudication au district, du beurre et fromage énoncés en
« l’acte susdaté, et attendu que conformément au décret de la Con« vention du 17 juillet dernier, il est dit dans l'article 1er que toutes
«redevances ci-devant seigneuriales, droits féodaux, censuels,
« fixes et casuels, mêmes ceux conservés par le décret du 25 août
« dernier, sont supprimés sans indemnité; l'article 2 n’excepte que
« les rentes ou prestations purement foncières et non féodales', et
« l'art. 3, que les arrérages des droits supprimés, portés par l'art.
« 1", lesquels sont éteints sans répétition des frais ;
« Ai dit et déclaré audit Arnal, que le requérant entend jouir du
* bénéfice de la loi; en conséquence, il est opposant et s'oppose par
�«
«
«
«
ces présentes à la vente et adjudication du beurre et fromage dudit domaine de Lollière, et autres denrées, si aucunes y a portées
en ladite affiche, protestant de nullité de ladite vente et adjudication qui pourrait se faire au préjudice du présent acte d’ opposi-
« tion, duquel ai baillé et laissé copie audit Àrnal, ensemble du
« susdit bail, en son domicile et parlant comme dessus, le tout à fin
« de dépens, dommages-intérêts, au cas où il soit passé outre.
« Signé Cheylus. — Enregistré à Yic, le 19 septembre 1793.
« Reçu quinze sols. — Signé Arnal. »
C'est sur cet acte que s’est principalement fondé le tribunal de
première instance d’ Aurillac, dans son jugement du 27 mars 1838,
ainsi c >ncu
* :
« En ce qui touche la prescription invoquée par Baduel,
« Attendu que par l’ article 6 de la loi du 19 août 1789, toutes les
« rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de
« quelque espèce qu'elles fussent, quelle que fût leur origine, et à
« quelques personnes qu'elles fussent dues, furent déclarées rache« tables ;
<r Attendu que par l’art. 1er du titre 3 d elà loi du 15 mars 1790,
« tous droits et devoirs féodaux ou censuels utiles qui avaient été
« le prix ou la condition d’ une concession primitive de fonds, fu« rent pareillement déclarés rachetables ;
« Attendu que l’art. 8 de la même loi dispose que toutes les ren« tes, redevances et autres devoirs rachetables, sont soumis pour
« le principal à la prescription établie relativement aux biens im« meubles, c ’est-à-dire à la prescription de trente ans ;
« Attendu qu’il ne paraît pas que la loi du 29 décembre de la
n même année 1790, ait rien changé aux dispositions de la loi du
« 15 mars précédent ; qu’ il parait qu’ elle ne fit que régler le mode
« et le rachat desdites rentes ; qu’ ainsi sous ce premier point de vue,
« en supposant que la rente dont s’agit fût. une rente purement
« foncière, il s’ensuivrait toujours qu’ elle serait prescrite, puisque,
�« d'après l'art. 8 d e là loi du 15 mars 1790, la prescription aurait
« commencé à courir à compter du jour où la rente n’ aurait pas été
« servie, c ’est-à-dire à compter du 19 septembre 1793, date de la
« déclaration faite par Baduel, par acte extrajudiciaire dudit jou r,
« signifié à Arnal, receveur des biens nationaux, qu’il n ’entendait
« plus payer ladite rente comme étant supprimée par la loi du 17
« juillet 1793, et qu’ il se serait écoulé depuis celte époque un délai
« de plus trente ans, suffisant pour prescrire ladite rente ;
« Attendu que c’est en vain que la dame Duplessis-Châtillon, pour
« écarter la prescription, invoque l’ art. 2236 du Code civil qui dis« pose que ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais,
« par quelques laps de temps que ce soit, parce que quand il serait
« vrai, ce qui n’ est pas constaté, que Baduel n’eùtjoui, d ’après l’acte
<r du 10 mars 1755, que comme propriétaire utile du domaine de
« Lollière, dont la propriété directe aurait resté au sieur de Mïra-
« m on, ledit Baduel aurait réuni par les lois nouvelles, sur sa tête,
« les deux propriétés par l’effet du rachat qu ’il avait le droit d’exer« cer, et parce qu ’enfin l’ art. 2238 du même Code civil dispose
« que les personnes énoncées dans les articles déjà cités, peuvent
« prescrire, si le titre de leur possession se trouve interverti ;
« Attendu que dans l’espèce il y a eu interversion formelle sur
« l’exécution de l’ acte du 6 mars 1755, par l’ acte extrajudiciaire du
« 19 septembre 1793, puisque par cet acte notifié au receveur des
«
b ie n s
et revenus nationaux, ledit Baduel lui déclara qu’ il s’ oppo-
« sait formellement à la vente de la rente énoncée dans l’ acte dudit
« jour G mars 1755, et fromages, grains et autres objets portés dans
a ledit acte, sur le fondement que ladile renie avait été supprimée
« par la loi du mois de juillet 1793; qu'ainsi ledit Baduel a le droit
« d’ invoquer les dispositions de l’ art. 2238 du même Code civil,
« d 'o ù il suit encore, sous ce second point de vue, que l'auteur de la
« dame Duplessis-Châtillon est non recevable ;
« Attendu que dès que l’ aclion de la dame Duplessis-Châtillon se
�«
«
«
«
«
«
«
trouve éteinte par la prescription, il s'ensuit q u ’il est inutile de
s’occuper de la question de savoir si la rente dont s’agit est une
rente foncière, ou une rente féodale ou entachée de féodalité, puisque quand elle serait déclarée foncière, elle ne serait pas plus
avancée, devant toujours être déclarée non recevable dans sa demande; qu’ainsi c ’est le cas, sans entrer dans d'autres examens,
de la déclarer non recevable;
« Attendu, quant aux dépens, que c ’ est la dame Duplessis-Châtil« lou qui les a occasionnés, qu’ainsi c ’est à elle à les supporter ;
* Le tribunal, jugeant en premier ressort et en matière ordinaire;
« ouï, pendant six audiences, les avoués des parties, M. le baron
« Delzons, avocat de la dame Duplessis-Chàtillon ; M. Viole, avocat
« dudit Baduel, déclare la dame Duplessis-Cbâtillon non recevable
« dans sa demande, et la condamne aux dépens;
« Jugeant MM. Vigier de Meullet, président; Cabanes, Verniols,
« d’Estanne de Bernies, ju g es; assistant M. Bastard, procureur
« d u roi. »
Comme nous n’ avons à nous occuper pour l’appréciation de ce
jugement, que d’ une simple question de droit, citons l’ art. 8 du dé
cret des 15 et 28 mars 1790, invoqué par les premiers juges.
Cet article porte :
« Tous les droits féodaux et censuels, ensemble toutes les ren-
«
«
«
«
«
«
«
les, redevances et autres droits qui sont rachetables par leur naturc, ou par l’effet des décrets des 4 août 1789 et jours suivans,
seront, jusqu’ à leur rachat et à compter de l’époque qui sera déterminée par l’art. 33 du tilre 2 du présent décret, soumis pour
le principal à la prescription que les différentes lois et coutumes
du royaume ont établie, relativement aux immeubles réels, sans
rien innover, quant à présent, à la prescription des arrérages. »
Les premiers juges ont pensé avec raison que cette loi rejetait
notre espèce dans le droit commun ; mais ils ont erré en appliquant
les principes: ils se sont trompés en fait et en droit.
�En fait, même en admettant qu'il y aurait dans l’espèce une inter
version de titre, résultant de l’acte extrajudiciare du 19 septembre
1793, ce qu'on a contesté et dû contester, la prescription aurait été
interrompue par la loi des 5 et G décembre 1814, relative aux biens
non vendus des émigrés; et la nouvelle prescription qui pourrait
dater de cette époque ne serait pas encore accomplie.
En d roit, l’ article 2238 du Code civil qu’ ils ont pris pour base
de leur jugement est inapplicable, et il y a lieu d’ appliquer tout au
contraire l’ article 2236 du même Code qui porte que ceujc qui possè
dent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce
soit.
Ainsi toute notre tache consiste à démontrer :
1° Q uelaloi des 5 el Gdécembre 1814 a interrompu la prescription
invoquée par les héritiers Baduel, comme leur seul titre;
2° Qu’ il n’ y a eu aucune prescription depuis celte époque.
PREMIERE PARTIE.
La loi des 5 et G décembre 18Lj a interrompu la prescription invo
quée par les héritiers Baduel, comme leur seul litre.
Les héritiers Baduel invoquent la prescription trentenaire, aux
termes de-l’article 8 de la loi des 1 5 - 2 8 mars 1790 que nous venons
de rapporter. Ils font courir cette prescription de la contradiction
faite à l’ ancien propriétaire par l’acte extrajudiciare du 19 septem
bre 1793. Mais l'ancien propriétaire, c ’est-à-dire l’ État qui était h
tous ses droits, a disposé de la propriété, et a fait incontestable
ment acte de maître les 6 - 6 décembre 1814. Alors la prescription
invoquée n’ était pas acquise. Les trente ans requis par laloi n’étaient
pas révolus. La prescription a été interrompue au profit de ceux
à qui l’État a fait son transport.
Il s'agit donc uniquement de savoir quelle est la nature de 1 acte
�du gouvernement sanctionné par la loi que nous invoquons, quel est
le caractère, l'esprit de la loi.
Pour se fixer sur celte question, il suffit de prendre les feuilles
du Moniteur, contenant les séances de la chambre des députés des
17, 25, 26, 27 et 31 octobre, et du 4 novembre 1814, dans lesquelles
la loi pour la remise des biens non vendus aux émigrés fut discutée
el adoptée.
M. Bcdoeh , organe de la commission chargée d ’examiner le projet
de loi, se crut obligé de faire un blâme sévère du discours de M. le
ministre, qui en exposait les motifs. Il l’ accusa de former un
contraste avec la loi même.
« Ce contraste est t e l , disait le rap-
« porteur de la commission , et dans les principes et dans les expres« sions du rédacteur, que si on jugeait de la loi par l'exposé, l'exa« men de ses dispositions et de ses termes mêmes pourrait en prendre
u une fausse direction. » {Moniteur du 19 octobre 1814). C’est qu’en
effet M. le ministre Ferrand avait entendu que le projet de loi n'était
pas le bienfait d ’un acte spontané de la libéralité du gouvernement,
mais seulement la déclaration d'un droit préexistant à la loi. Cette
doctrine fut repoussée avec énergie par la commission et par la
chambre. L’ orateur de la commission rappela les différentes lois qui
ont été rendues contre les émigrés, pour arriver à cette conséquence
(pie leurs biens étaient acquis à la république.
« L'Assemblée nationale, disait-il, par un décret du 9 février 1792,
« mit les biens des émigrés sous la main de la nation et sous la sur« veillance des corps administratifs.
« Le 30 mars suivant, elle rendit un autre décret, par lequel elle
» déclara que les biens, ainsi que leur produit , étaient affectés à
« l'indemnité due à la nation.
« Le 23 juillet de la même année, elle prononça la confiscation et
« la vente au profit d e l ’Etat, des biens des émigrés.
« Enfin, par une loi du 28 mars 1793,1a Convention nationale dé« clara que les émigrés étaient bannis à perpétuité du territoire
�« français, qu'ils étaient morts civilement et que leurs biens étaient
« acquis à la république.
«E n
exécution de ces diflerens d écrets , la majeure partie
« des biens des émigrés fut vendue, et l’État se rendit lui-même ga« rant de ces ventes.
« La constitution de l’an VIII donna une nouvelle force à cette
« garantie, en déclarant, par une disposition de l'article 9 3 , que
« les biens des émigrés étaient irrévocablement acquis au profit de
«la république, et par l’article 94 , qu 'après ane vente légalement
« consommée des biens nationaux, quelle qu’ enjâ t l'origine, l’acquéreur
« légitime ne pourrait en être dépossédé, sauf aux tiers réclamans à
« être, s’il y a lieu, indemnisés par le trésor public. »
Voilà pourquoi la commission proposa de supprimer le titre du
projet de loi dont la rédaction était .linsi conçue :
«Projet de loi relatif à la restitution aux émigrés de leurs biens
« non vendus. »
Et de le remplacer par celui-ci :
« Projet de loi relatif aux biens non vendus des émigrés. »
Pareillement, comme les mots restituer et restitution se trouvaient
dans plusieurs articles du projet de loi, la commission y substitua
partout les mots remettre et remise.
Ces amendemens furent longuement discutés dans les séances
des 25, 26, 27 et 31 octobre 1814, et ils furent adoptés avec la
loi le 4 novembre suivant, à une immense majorité. Sur 192 volans,
169 membres votèrent pour le projet amendé par la commission ,
et 23 contre. ( Moniteur du 5 novembre 1814, page 1246. )
Il n’ est donc pas douteux que la remise des biens non vendus
des émigres est une véritable libéralité, et non pas une r e s titu tio n .
La jurisprudence est aujourd’ hui fixée sur ce point. Voyez notam
ment les savans arrêts de la Cour royalede Dijon, troisième chambre,
du 12 avril 1821; S., 21, 2 , 1 2 6 ; — de l a C o u r royale de Toulouse,
deuxième chambre, du 20 août 1824 ; S., 25, 2, 407;
de laCoui de
�Cassation, du 4 juillet 1825; S., 2 5 , 1, 368. Nous observerons
néanmoins que la question ne s’était jamais encore présentée,
comme dans l’ espèce actuelle, dégagée de toutes circonstances de
fait , et que c ’ est la première fois que les tribunaux sont appelés
à juger uniquement si l’Etat était ou non propriétaire des biens
confisqués sur les émigrés.
ment pas une, soit qu’ on
cipes , comme l’ ont fait les
Toulouse, cités ci-dessus;
La question ainsi posée, n’en est réelle
veuille l’expliquer par d’ anciens prin
arrêts des Cours royales de Dijon et de
soit qu’ on se borne à la résoudre par
les discussions de la chambre des députés qui ont pré; aré la
rédaction et l ’adoption de la loi. Mais toute discussion nous semble
inutile puisqu’ on ne pourrait sérieusement révoquer en doute le
droit de l’ Etat sur les biens qu’ il a confisqués, sans nier tout à la
fois le principe comme le fait de la loi, c ’est-à-dire sans nier la
révolution.
On pourrait faire une objection plus sérieuse, plus spécieuse du
moins. Nous réclamons du chef de M. le marquis de Miiamon le
domaine deLollière, comme non vendu. Nous le réclamons d’ après
l’arh'cle 2 de la loi des 5 - fi décembre 1814. Mais cet article est re
la! if uniquement aux biens immeables séques/rés ou confisqués pour
cause d émigration, et qui font actucllemen' partie f/n domaine de
l’ Etat. — Or, le domaine de Lollière n’ a été ni séquestré ni cont
fisqué; il n’ a jamais fait partie du domaine de l’Etat. Il n’ était
point compris dans l’énuméralion des biens invendus, s’élevant
ensemble à un revenu de 9,383,965 francs, et dont le tableau dé
taillé fut rnis sous les yeux de MM. les membres de la Chambre
des députés par le rapporteur de la loi des 5 - 6 décembre 1814.
(Voir le Moniteur du 19 octobre 1814, page 1176.)
Nous acceptons l’objection dans toute sa force. Mais si nos ad
versaires en avouent les conséquences, à quel titre possèdent-ils, et
.pourquoi viennent-ils invoquer la prescription ? Quels avantages
peuvent-ils alors tirer de l’acte extrajudiciaire du 19 septembre
2
�»
— 10 —
1793, qui est jusqu'à présent toute la base de leurs prétentions ?
Quel serait le sens de cet acte signifié à un fonctionnaire public,
prétendu représentant de l’Etat, qui lui-même n'eut représenté per
sonne ?.C a r , s’ il n'y avait point eu de confiscation par l’ Etat, pour
quoi signifier à PEtat des réclamations quelconques sur la chose
confisquée? Mais il allait confisquer, et la réclamation l’en a empêché !
il a reconnu qu'il était mal fondé, et que Baduel était en droit de
garderies biens litigieux! Eh bien, nous concluons de là qu'en ce
qui touche ces biens, l’ Etat ne s'est pas mis au lieu et place de l'an
cien propriétaire. Quant au détenteur, a-t-il pu, par son acte signifié
à un tiers, se changer à lui-même la cause de sa possession?— Non,
il ne l’a pas pu. Son titre est resté toujours le même; il n’a pas subi
la moindre altération : il en serait autrement si, au lieu de s’opposer
à la vente que PEtat voulait faire à cette époque, il avail acquis de
l'État. Cette acquisition eut indubitablement opéré une conversion
de titre qui eut fait courir la prescription , et les frères Baduel au
raient aujourd'hui deux titres pour u n , leur titre d'achat et la pres
cription. Mais ils n'ont ni l'un ni l’autre dans la position où ils sont
placés; ils n’ ont pas le litre d'achat, puisqu'ils n'ont acquis en
aucune sorte; ils n'ont pas la prescription qui n'était pas accomplie
en 1,814, et qui n’a pu l’être depuis cette époque. S'il n'y a pas eu
de confiscation par l'État, ils sont dans le cas de l'article 223G du
Code civil, et ils ne peuvent jamais prescrire par quelque laps de
temps que ce soit.
On pourrait insister, et dire que si l'État n 'a pas confisqué, il avait
le droit de con fisq u er, et qu'il pouvait toujours s’ emparer des biens
qu'il avait négligé de s’ approprier par erreur ou par omission. D ’où
la con séq u en ce possible que l’abandon présumé qu'il aurait fait de
s«s droits en faveur des tiers détenteurs, eût pu constituer pour
ceux-ci un droit véritable, un titre à la prescription. — Mais outre
que la prescription n'était pas encore acquise en 1814, cette simple
présomption d'abandon ou de donation, en faveur de tiers incon-
�—
11
—
nus, devra-l-elle prévaloir sur la remise faite expressément’par l'État, et avant tout droit acquis de ces tiers, en faveur des ayant-droit
qu’ il adésignés ? D’ ailleurs cettequestion n’est pas nouvelle : elle s’est
présentée devant les tribunaux, et il a été jugé que la loi du 5 dé
cembre 1814, en réintégrant les émigrés dans la propriété de leurs
biens non vendus, alors existans dans les mains de l’É tat, ne les a
pas seulement réintégrés dans les biens dont l’ Élat était en posses
sion de fait, qu’ elle les a encore réintégrés dans toutes les actions
t
que l’ Etal aurait pu exercer lui-même pour recouvrer des biens
contre des tiers détenteurs. Voyez l’ arrêt de la Cour de Cassation du
10 août 1829. (S., 29,1,383.)
Nous croyons avoir suffisamment établi que la loi des 5 et 6 dé
cembre 1814, a interrompu la prescription invoquée par les héri
tiers Baduel, comme leur seul titre, et répondu aux objections les
plus spécieuses qu’ on puisse nous faire. Il nous reste à démontrer
qu’il n'y a eu aucune prescription depuis cette époque.
DEUXIEME PARTIE.
Les héritiers Baduel ne peuvent se fonder sur aucune prescription
depuis la loi des 5 - 6 décembre 1814, jusqu’à ce moment.
En effet, d’ après l'art. 8 du décret des 15-28 mars 1790, qu’ on
cite à l’appui du jugement du 27 mars 1838, les rentes, redevances
et autres droits qui sont rachetables par leur nature, ou par l'effet
des décrets des 4 août 1789 et jours suivans, sont soumis pour le
principal, à la prescription que les différentes lois et coutumes du
royaume ont établie relativement aux immeubles réels, c'est-à-dire
à la prescription de trente ans.
Tout ce qu’on peut conclure de cette loi, c'est 1° que la rente
foncière due par les héritiers Baduel a été'soumise pour le princi
pal à la prescription trentenaire;— 2° que celte prescription doit
être établie d'après les lois et coutumes du royaume relativement
�aux immeubles.—'La loi dit encore que rien n'est innové sur la
prescription des arrérages
1° Nous disons que la renie n’est soumise, pour le principal,
qu’à la prescription trentenaire. C’est en effet ce qui est écrit tex
tuellement dans la loi. Cette prescription, aujourd’ hui la plus lon
gue de toutes, est la seule qui dispense celui au profit duquel elle
exisle de rapporter un titre de sa propriété, et qui ne permette pas
qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise f o '. (C. civ.
2202 ).
,
Les autres sortes de prescription, celles par dix et vingt ans, exi
gent : 1° l’acquisition ; — 2° la bonne foi; — 3° le juste litre. Ces
trois conditions sont formellement requises par l’ arl. 2265 du Code
civil qui commence par ces mots : celui qui a c q u i e r t de b o n n e f o i et
par j u s t e t i t r e un immeuble> en prescrit la propriété par dix ans, etc.
Le droit d ’acquisition ne peut pas être un effet du temps : Tempus non est moclus conslituendi vel dissolvendi juris. Il suppose le fait
actuel de l’homme et le concours de deux volontés , au moins
présumables.
La loi veut que l’acquisition soit faite avec bonne foi. La bonne
foi est un accessoire obligé de l’ acquisition , d ’où il suit qu'il n’ y
a pas de bonne foi possible quand l’acquéreur savait que celui qui
lui transmettait la chose n’ en était pas propriétaire; ou qu’ il n’avait
pas le droit et la capacité de l’ aliéner.
Il
est donc indispensable, avant t o u t , de prouver l’ acquisition.
Cette acquisition faite avec bonne foi pourra seule enfanter le juste
titre. Mais s’ il n’y a pas d’acquisition , comment prétendre agiter
les questions de titre et de bonne foi ?
Ainsi, dans l'espèce, les héritiers Baduel n’ ont aucune des pre
mières conditions voulues pour la prescription par dix et vingt ans,
et nous n’ avons pas à nous occuper de savoir s'ils ont ou n’ont pas
de bonne foi dans leur possession, celle bonne foi qui est, dit
M .T roplon g, la croyance ferme et intacte q u 'o n est propriétaire;
�qui n’a lieu qu’avec la conviction que nul autre n'a droit à la chose,
qu'on en est le maître exclusif, qu'on a sur elle une puissance
absolue. — Nous ne demanderons pas aux héritiers Baduel s’ ils ont
eu vraiment jamais cette croyance ferme et intacte qu'ils étaient pro
priétaires des biens qu'ils savaient tenir à titre de bail, de M. le mar
quis de Miramon, ou de ses auteurs? Celte première condition de
la légitimité de la prescription, ils en sont totalement dépourvus. Ils
ne peuvent pas l’avoir-, ils sont non recevables à l'invoquer à l'ap
pui de leur possession.
Diraient-ils que l’acte extrajudiciaire du 19 septembre 1793 leur
a donné titre nouvel, et qu'ils ont pu prescrire par dix et vingt ans,
à partir de ce nouveau titre? Ce serait mal entendre el mal appliquer
l'article 2238 du Code civil qui fonde l'interversion de titre des
personnes qui possèdent pour autrui sur la contradiction qu’ elles ont
opposée au droit dupropriétaire. Dans notre espèce, cette contradic
tion n'était autre chose qu'une fausse application de l’article i er de
la loi du 17 juillet 1793, dont le sieur Baduel se prévalut pour se
dispenser de payer sa rente emphytéotique, sous le prétexte que
celle rente était féodale. L'Etat avait le droit de contester celte al
légation, ou même d'exiger la rente, sans s’ occuper de l’allégation.
C’ étail à Baduel de prouver son exception. Mais l’Etaln'a exercé son
droit de maître qu’en 1814, lorsqu’ il a disposé de toutes les pro
priétés dites nationales en faveur de ceux sur lesquels elles avaient
été confisquées, de leurs héritiers ou ayanL-cause. Jusque là, il avait
indubitablement conservé son droit d’ exiger la rente. Qu’eût pu
répondre Baduel? Qu'il y avait prescription ? — Mais la prescrip
tion n'était pas acquise; car l'État pouvait exercer son droit pendant
trente années, d'après l’article 8, précité, du décret des 15 et 28
mars 1790, depuis rappelé par l'article 530 du Code civil. — Que la
rente était féodale? — Mais celte assertion eût été détruite par la
seule production du titre prétendu féodal. Les tribunaux auraient
prononcé, celle question ne pouvant être légalement résolue ni par
�— 14 l’administration de l'État, ni par la Chambre des députés qui a le
droit de faire les lois, mais non pas celui de les appliquer. C’est en
core aujourd’hui la seule question à juger dans ce procès. On
conçoit que les adversaires veuillent l’éluder par des fins de nonrecevoir. Ils n’ ont point intérêt à porter le débat, sur ce terrain. Ils
savent trop bien que la rente emphytéotique du domaine de Lollière est une rente purement foncière et non féodale.
Dans aucun cas, la prescription dont il s’ agit dans l’article 2238
du Code civil, ne peut être la prescription par dix et vingt ans.
C’est nécessairement la prescription trentenaire, puisque la pres
cription étant en elle-même un moyen odieux, il n'est pas permis
,d*én abréger la durée par voie d ’ interprétation, et que les prescriplions spéciales ne peuvent s’ appliquer qu’ aux cas expressément
déterminés par la loi.
2° Nous soutenons que les héritiers Baduel n’ ont pu dans aucun
temps invoquer la prescription trentenaire, telle q u ’elle est établie,
d ’après les lois et coutumes du royaum e, relativement aux im
meubles.
D’ abord ils ne le pouvaient pas en vertu de leur titre emphytéoti
que. Il est de règle que l’emphytéote, fermier à très longues années,
est assimilé au bailliste et trouve dans la nature de sa possession le
même empêchement pour prescrire. L’ empereur Justin le décidait
ainsi dans la loi 7, § 6 ,C. de prescrip . 30 vel 40. — « Nulla scilicet
« danda licentia vel ei qui jure emphyteolico rem aliquam per qua« draginta, vel quoscumque alios annos, detinuerit, dicendi ex tran« sacto tempore dominium sibi in iisdem rebusquæsitum esse; cum
« in eodem statu semper manere datas jure emphyteotico res
» oporteat. »
Par arrêt du'21 août 1734, le Grand Conseil a jugé qu’ un héritage
donné à emphytéose devait retourner au bailleur, quoique depuis
l’expiration du bail il se fût écoulé plus de 80 ans.
Ils ne le pouvaient pas en vertu des lois et coutumes du royaume
�- 15 —
quidéclaraient pareillement les emphytéoses imprescriptibles,et qui
d'ailleurs n’ admettaient pas qu'un possesseur précaire, quel qu’il fût,
pût jamais prescrire, quand la causede sa possession n’était pas chan
gée. Ce changement s’opérait de deux manières, soit par une cause
venant d ’ un tiers, alirjuâ extrinsecàs accedente causâ, soit par la c o n
tradiction au droit du propriétaire. L’article 2238 du Code n’a fait
que reproduire et consacrer ces doctrines. Mais la contradiction ou
l'interversion n’ opérait la translation de la propriété q u ’au bout de
30 ou 40 ans. Si donc le vrai propriétaire usait de son droit avant
l’expiration de ce laps de temps, l’interversion ne s’ opérait point et
la contradiction restait sans effet.— « Mais comme l’interversion ne
« forme pas un litre légitime, dit Dunod, page 37, et qu ’elle est or« dinairement accompagnée de mauvaise f o i , elle ne suffît pas pour
« donner lieu aux prescriptions qui demandent la bonne foi et le
« titre, elle n’autorise que celle de 30 et de 40 ans ; et il y a des au« teurs qui disent qu’ il faut distinguer dans les droits incorporels,
« celui avec lequel on a interverti la possession du tiers avec lequel
« on voudrait prescrire. Car à l’égard du premier, l’ intention de ce« lui qui prescrit lui étant connue, la prescription commence d ’ a« bord et s’ acquierl par 30 ans. Mais à l’égard de l’ autre, s’ il
« possède encore civilement, animo, il semble qu'il relient toujours
« la possession, lorsque l’ interversion n’ est pas faite avec lui, jus« qu ’à ce que par un long espace de temps, il soit censé l’avoir
« abandonnée ; après quoi seulement l’ on commence à prescrire
o contre lui. »
Nous ne voulons point nous prévaloir de celle distinction, quoi
qu'elle nous soit favorable. Elle nous est totalement inutile, puis
que la prescription Irenlenaire n'ayant pas, dans notre espèce, été
acquise à l'égard de l’ Etat, les 5-6 décembre 1814; l'Etat pouvait
à la même époque disposer, comme il a disposé, valablement des
biens confisqués, au profit de l'ancien propriétaire, de ses héritiers
ou ayant-cause. Dès ce m om ent,ce propriétaire originaire est rentré
�— 16 —
dans tous ses droits, et a pu exiger le paiement 011 le rachat de la
rente. Les héritiers Baduel se sont alors bien gardés de lui faire aucune
notification qu'ils entendaient jouir comme maîtres. Dans la position
nouvelle où ils se trouvaient placés par la loi, cette notification qui
pouvait avoir ses dangers, eût été fort inutile. On ne peut se dissi
muler que si les héritiers ou ayant-cause deM. de Miramon avaient
gardé le silence encore pendant trente ans, à partir de la loi des 56 décembre 1814, ils ne dusssent être repoussés par une prescrip
tion qui prendrait sa source, non dans la qualité de la possession
des détenteurs actuels du domaine de Lollière, mais dans la na
ture du droit de remise qu'ils prétendraient exercer en vertu de cette
loi, droit nécessairement prescriptible.
Nous venons de voir que les deux points auxquels se réduit le j u
gement d’Aurillac, du 27 mars 1838, sont erronés sous le double
rapport de la prescription et de l’ interversion de litre, puisqu’on
ne pouvait invoquer ici que la prescription trentenaire, q u ’elle
n'était pas acquise en 1814, et qu'elle n'a pu courir depuis cette
époque.
Que l’ interversion de titre n’ayant pu également conférer de droits
qu'il partir de l’expiration des trente ans requis pour la prescrip
tion, cette interversion, en supposant qu'elle ail corn meneé, est restée
sans effet, puisqu’ il n’ y avait point de droit acquis aux tiers-déten
teurs, lorsqu'elle a été interrompue parle fait de la loi de 181 i.
Quant à l’objection qu’ on pourrait tirer de la mobilisation des
renies par l’effet de la loi du 1 1 brumaire an VII , combinée avec
les articles 52Í) et 530 du Code civil, il est aujourd’ hui de jurispru
dence constante que cetle mobilisation n’ a pas frappé les renies
emphytéotiques qui sont demeurées purement foncières et suscep
tibles d’ hypothèque, comme les immeubles. (Voyez notamment. l’ar
rêt de la Cour royale de Paris, du 10 mai 1831, S., 31-2-153; et le
pourvoi contre cet arrêt, rejeté par la Cour de Cassat ion, le 19 juillet
1832, S., 32-1-531.)
�Reste la question des arrérages sur laquelle rien n’est innové, par
l’article 8 de la loi des 15 * 28 mars 1790. Mais depuis, l’article
2277 du Code civil, réalisant enfin la sage ordonnance du 15 ja n
vier 1629, tombée sitôt en discrédit par la disgrâce du chancelier
deMarillac, son auteur, arrivée l’année suivante, a soumis à la pres
cription quinquennaleles arrérages des rentes perpétuelles et viagè
res, les loyers des maisons, et le prix de ferme des biens ruraux;
les intérêts des sommes prêtées, et généralement tout ce qui est
payable par année, ou à des termes périodiques plus courts.
On sait que ces arrérages n’ étaient généralement prescriptibles que
par trente ans. Mais celte question est indifférente aujourd’hui,
puisque, aux termes de l’article 2281 du Code civil, toutes les
prescriptions de ce genre qui auraient com mencé, ne fût-ce qu’ à la
promulgation du titre d e là prescription, faite le 29 mars 1804, ont
été accomplies le 29 mars 1834 ; et que, depuis ce moment, l’ article
2277 du même Code gouverne, à cet égard, tous les anciens
titres.
Toutefois ces principes généraux devaient être restreints dans
l’espèce, la coutume d ’ Auvergne ne permettant pas que l’ emphytéote pût être condamné à payer plus de trois ans d’ arrérages.
Voilà pourquoi nous n’ avons conclu qu’ à trois années de paiement
d e là rente de Lollière, devant le tribunal d’ Aurillac. Mais depuis,
l’ incident dont nous venons de nous occuper, s’ il avait quelque fon
dement, aurait changé cet état de choses. Il y aurait eu novation de
titre pour les héritiers des ayant-causede M. de Miramon, parlefail
de la loi des 5-6 décembre 1814. Le nouveau titre de l’ appelante
ne pouvant être régi que par le Code civil, elle aurait droit à
cinq années des arrérages de la rente réclamée, et il faudrait réformer
et amplifier, en ce point seulement, les conclusions prises en pre
mière instance, en y persistant pour le reste.
A Paris le 8 juillet 1838.
�— Í8 —
Nous adhérons au mémoire qui précède, et nous estimons aussi
que le tribunal d ’Aurillac a fait une fausse application des principes
qu’ il a rappelés.
§ Ier
Le bail emphytéotique du 6 mars 1755, était (personne ne peut le
méconnaître) un titre essentiellement précaire , qui ne permettait
pas à Baduel d’acquérir par prescription, la propriété des héritages
dont la jouissance seulement lui était concédée
Le tribunal objecte quela rente due par Baduel, pour prix de cette
jouissance, étant devenue rachetableet prescriptible parles lois de
1789 et 1790, la prescription de la rente, une fois acquise, aeu pour
conséquence d’assurer à Baduel la propriété des immeubles euxmêmes.
La réponse est, Io que, si la prescription d ’ une rente foncière pro
prement dite met le débiteur à l’abri de toute action ultérieure, c ’est
que le titre primitif constitue une véritable aliénation de la propriété
à son profit, et q u ’il en est quitte pour le service de la rente, tandis
que parle bail emphytéotique, la propriété continue de résider sur la
tète du bailleur, qui a toujours le droit d ’ y réunir la jouissance, du
moment où, par un motif quelconque, le preneur prétend se dispen
ser du service de la rente;— 2° quant à la faculté de rachat, sans doute
Baduel,s'ill’ avaitexercée, serait devenu propriétaire incommutable;
mais pourquoi? c ’est qu'il se serait opéré alors une novation dans le
titre primitif, c ’est que Baduel aurait payé le prix de l'immeuble,
c'estquc la qualité d'acquéreur sérieux et définitif aurait remplacé,
dans sa personne, celle de détenteur précaire que lui avait seule
ment conférée le contrat de 1755.
§H .
Aussi le tribunal d ’Aurillac a-t-il cherché une interversion du titre
originaire dans l’ acte exIrajudiciaire du 19 septembre 1793.
�— 19 —
Mais c'est une erreur, car la contradiction que Baduel a opposée
par cet acte, à l’agent de l'administration, ne concernait que la qua
lité de la rente, qu'il prétendait être supprimée comme féodale; il ne
s'agissait nullement là de la question de propriété de l'immeuble
même, dont, par conséquent, Baduel continuait de jouir au même
titre que par le passé, ne pouvant d'ailleurs se changera lui-même
la cause et le principe de sa possession (C. civ. 2240), possession dont
la nature précaire, encore une fois, résistait perpétuellement à la
prescription (2236-2237).
D'où il faut conclure que madame la marquise Duplessis-Châtillon est recevable et fondée à demander, comme elle l’a fait, aux hé
ritiers Baduel, soit la continuation de la rente, soit, s'ils s’y refu
sent , la restitution des héritages compris dans l'emphytéose du
6 mars 1755 (indépendamment même de l'argument tiré d e la lo i du
5 décembre 1814).
A. PAILLET.
ODILON BARROT.
Paris, le 8 juillet 1838.
mv
U
PARIS
IMPRIMERIE
DE
MAULDE
ET
t^(f-
RENOU
RUE
BAILLEUL
PRES
DU
LOUVRE.
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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A name given to the resource
[Factum. De Cassagne de Beaufort De Miramon, Marie-Charlotte. 1838?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bole
A. Paillet
Odilon Barrot
Subject
The topic of the resource
bail emphytéotique
domaines seigneuriaux
cens
retranscription de bail
biens nationaux
émigrés
rentes féodales
droit de propriété
abolition des privilèges
droits féodaux
coutume d'Auvergne
prescription
absence
poids et mesures
doctrine
droit écrit
franc-alleu
directe seigneuriale
jurisprudence
droit de guet et de garde
Masuer
forains
corvées
code civil
droit intermédiaire
domaines agricoles
fromages
vin
percière
droits rachetables
titres nobiliaires
lods
terriers
retrait féodal
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour madame Marie-Charlotte de Cassagne de Beaufort de Miramon, veuve de monsieur le marquis Duplessis-Chatillon, appelante ; contre monsieur Pierre Baduel, ou ses héritiers et ayant-cause, intimés.
Annotations manuscrites. « le 8 août 1838, 1ére chambre, arrêt confirmatif ».
Table Godemel : Bail emphytéotique. v. emphytéote.
2. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? Les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? Féodalité : 1. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? les Baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayans cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéote ?
en d’autres termes les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayant cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens soumis à l’emphytéose ? Reconnaissance.
4. plusieurs reconnaissances notariées peuvent-elles dispenser le demandeur de représenter le Bail emphytéotique primitif ?
3. les baux emphytéotiques ont-ils été détruits ou intervertis, à l’égard du bailleur originaire, par les lois des 18-29 décembre 1790 et 11 brumaire an 7 et par les dispositions du code civil ? voir les faits spéciaux. ibid.
en tout cas quel caractère doit avoir la notification faite aux représentants du bailleur originaire, pour opérer l’interversion ?
la prescription a-t-elle couru valablement, en faveur du possesseur, dès la notification (1793) si l’on considère que, d’après la législation, la rente quel que soit sa nature, foncière ou féodale, aurait été déclarée rachetable ? prescription.
24. en Auvergne, les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers, ou ayans-cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéose ?
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Imprimerie de Maulde et Renou (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1838
1755-1838
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2817
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_G2814
BCU_Factums_G2815
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Saint-Clément (15180)
Lollière (domaine de)
Vic-sur-Cère (15258)
Carladès
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Domaine public
abolition des privilèges
absence
bail
Bail emphytéotique
biens nationaux
cens
Code civil
corvées
coutume d'Auvergne
directe seigneuriale
doctrine
domaines agricoles
domaines seigneuriaux
droit de guet et de garde
droit de propriété
droit écrit
droit intermédiaire
droits féodaux
droits rachetables
émigrés
forains
franc-alleu
fromages
jurisprudence
lods
Masuer
Percière
poids et mesures
prescription
rentes féodales
retrait féodal
retranscription de bail
terriers
titres nobiliaires
vin
-
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cdbb9b7277eb9f8e6ff7680104d0221f
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TRIBUNA L
P O U R .
G
d' appel
H E Y R A U D et M a r i e M IL H O N
son épouse, habitans de la ville du Puy, intimés ;
u illa u m e
C O N T R E
Jean- M
a th ieu
, Je a n - A ndré BER AU D ,
Y, et F r a n ç o i s e B E R A U D ,
sa femme, tous habitans de la même ville du
P u y , appelans d' un jugement rendu au ci-devant
tribunal civil de la Haute-Loire, le 14 fructidor
an 7 ;
E t encore contre J e a n - B a p t i s t e et J e a n
P i e r r e P A Y S , habitans du lieu de L ia c ,
J e A n n e - M a r i e P A Y S , et A n d r é G R A I L L E ,
son mari; M a r g u e r i t e P A Y S et J e a n C l a u d e G I M B E R T , tous défendeurs en
assistance de cause.
.
E
tienne
Q
JUN
U
E
S T I O
N
S .
Un absent est-il réputé mort du jour de son départ,
lorsqu’il n'a pas donné de ses nouvelle ?
A
séant à Riom.
�Q ui doit être envoyé en jouissance de ses biens ?
E s t-c e Vhéritier testamentaire, muni de la procu
ration de Vabsent? est-ce au contraire les plus proches
parens de Tabsent ?
.
E t i e n n e B e r a u d a ¿té marié, deux fois; en
premières noces, avec Marie Narse : il a eu deux enfans
de ce m ariage, André et Cécile.
En secondes noces, il a épousé Marguerite D um as;
quatre enfans sont provenus de ce m ariage, Jean-M a-’
thieu , Jean-A n dre , Françoise et E tienne, second du
nom.
'
Etienne B eraud , premier du n om , a traité des droits
de sa première fe.mme , avec Jean Narse, son beau-frère.
Par acte du 12 juin 1762 , ces droits furent réglés à 900 tt~.
Etienne Beraud, alors veuf, traite en qualité de légitime
administrateur de ses enfans'; il reconnoît avoir précé
demment reçu 400 ^~} ^ ^n
délaisse des immeubles
jusqu’à concurrence de la somme de 5oo
qui lui revenoit, pour compléter le montant de ses droits.
L e 29 du même mois de juin, Etienne Beraud vendit
les immeubles qui lui avoient été délaissés, à Jean-Pierre
Pays , représenté par les défendeurs en assistance de cause.
Etienne Beraud vend encore comme légitime adminis
trateur de ses enfans ; et l'acquéreur stipula, pour sai
sû reté, que fe prix de la vente resteront er> ses mains 7
jusqu’à ce qu’E-tienne Beraud en feroit un emploi valable ,
ou qurl donneroit bonne et suffisante caution.
‘
Cécile Beraud, sœur germaine d’A n d ré , décéda sans
�. .
^3 ?
.
postérité ; elle habitoit en droit écrit ; le père succédoit
concurremment avec son fils : mais ce droit de successibilité du père fut bientôt réduit à un simple usufruit
par son convoi, d’après l'édit des secondes noces.
.
Etienne Beraud , rem arié, porta toutes ses affections
sur les enfans du second lit. L e 23 mars 1762 , il fit son
testament, par lequel il légua à son fils du premier lit
ce qu’il ne pouvoit pas lui ôter; c’est-à-dire / tout ce qui
pouvoit lui revenir à titre de succession sur les biens de
Cécile B eraud, sa fille, et le légitima à une somme de
400 ; il institua ensuite Marguerite D um as, sa seconde
fem m e; son héritière universelle, à la charge de remettre
son entière hérédité à Jean-Mathieu Beraud, son.fils aîné
du second lit. — Il mourut le lendemain. André Beraud,
son fils du premier lit, maltraité dans la maison pater
n elle, et ne pouvant cohabiter avec sa mar ât re , se retira
dans la maison de Michel M ilh o n , son cousin germ ain,
qui étoit âgé de trente-un ans.
.
: Les appelans veulent que ce Michel M ilhon fût alors
un vieillard plus que sexagénaire, sans doute pour faire
croire q u e , dans l’ordre de la nature, il ne devoit pas
succéder à son cousin. Mais ce prétendu vieillard étoit né
en 1731 : c’est en 1762 qu’A udré Beraud s’est retiré à sa
compagnie; il navoit donc alors que trente-un ans.
André B eraud , abreuvé de chagrins, ne voulut pas
habiter dans le lieu de son origine. L e 4 avril 1763, il
donna une procuration à Michel M ilh o n , pour régir et
administrer ses biens, former à cet effet toutes demandes
judiciaires : il est dit que sa procuration ne sera pas sujette
à surannation.
.
A 2
�.
( 41
L e 7 du même mois d’avril , il fit son téètarfient, par
lequel il institua Michel Million son héritier universel ;
il partit le lendemain, et, depuis, on n’a su aucune de
ses nouvelles.
■
Après son départ, M ilh o n , son fondé de pouvoir, se
mit à la tête des affaires de son cousin ; il actionna en
désistement Jean-Pierre Pays, qui avoit acquis d’Etienne
Beraud les biens de Marie Narse, mère de l’absent; il
assigna Marguerite D um as, veuve d’Etienne B eraud, en
qualité de tutrice de ses enfans, en payement des droits
d ’André.
L e 1 6 juillet 1763, il obtint pour l’absent une provision
de 30 tf*. Marguerite Dumas paya cette provision à M ichel
M ilh o n , en sa qualité de ¿fondé de 'pouvoir, ainsi qu’il
résulte d’une quittance notariée, du 31 août 1763.
M ichel Milhon ne survéquit pas long-temps h ces pour
suites; il mourut au mois de novembre 1765, laissant pour
unique héritière Marie M ilhon, sa fille, et qui n’avoit
alors que huit ans: elle est née le 18 mars 17675 elle s’est
mariée en 1 7 7 5 , avec Guillaume Heyraud.
Il ne fut pas difficile à Marguerite Dumas et aux enfans
du second lit d’Etienne Bei’aud, de s’em parer, pendant
la minorité de Marie M ilhon, de tous les biens d’A ndré
B eraud, absent ; et ce n’est que bien tard que Marie
Million et son mari ont eu connoissance des droits qu'ils
avoient sur la succession d’André Beraud, soit en vertu
de son testament, soit en vertu de la procuration. Ils
obtinrent, le 17 juillet 1792, au bureau de conciliation,
un procès verbal de défaut contre Marguerite Dumas et
Mathieu Beraud, son fils; et le 13 août de la même année,
�( 5 )
ils les firent citer au ci-devant tribunal de district du P u y ,
' en payement ou remise de tous les droits revenant à
A n d ré , absent.
Après le décès de .Marguerite Dumas , il y • a eu
reprise d’instance et nouvelle citation du 26'brumaire an 3,
contre tous les enfans et héritiers de Michel Beraud.
D ’un autre côté , les intimés avoient aussi formé
demande en désistement contre Pierre j P ays, et, autres
acquéreurs d’Etienne B eraud ,-des immeubles-donnés
en payement par Jean Narse à Etienne ' Bera'ud, son
i)eau-frère.
.
•
Ces deux demandes étoîent poursuivies séparément.
JDabord, les héritiers Beraud ne, daignèrent pas comparoître; il fut rendu contre eux un premier jugement
le 6 frimaire an 3-, q u i, quoique par défaut, ordonna
avant faire d ro it, que les intimés feroient preuve ,
tant par titres que par témoins, q u ’A n d r é Beraud sétoit
absenté en avril 1763 , et que depuis son départ il n’avoit
donné aucune de ses nouvelles.
•
'
Les intimés firent procéder à une enquete, qui établissoit l’absence depuis les époques déterminées , sans
qu’André Beraud eût donné aucune de ses nouvelles.
Dans l’intervalle, les tribunaux de district furent
supprimés, l’instance reprise au tribunal civ il; et il y
fut rendu le i 5 thermidor an 5 , un jugement par
défaut qui condamna les frères Beraud à payer aux intimés
la somme de 460
qu’Etienne Beraud avoit reçue sur
les droits de Marie N arse, sa première fem m e, et celle de
400
à laquelle avoient été réglés'les droits légitimaires
d’André Beraud, par le testament de son père.
‘
A
3
�f 6)
,
.
- L e 18 ventôse an 4 , il avoit été tenduim précèdent
jugement contradictoire entre les intimas et les acqué
reurs d’Etienne Beraud, qui avoit condamné ces derniers
au désisteYnent des immeubles par'eux acquis, avec resti
tution de fruits.
Les acquéreurs, à leur tour, avoient formé leur demande
en garantie contre les appelans; ceux-ci formèrent enfin
^opposition au jugement du i 5 thermidor an 5 , et tierce
opposition au jugement contradictoire du 18 ventôse an 4.
' Les deux' instances furent jointes. Les, appelans p ré
tendirent qu’ils avoient des preuves écrites qu’A n d ré
Beraud avoit survécu à Michel Million ,son légataire ; ils
offrirent également la preuve testimoniale qu’André
Beraud avoit survécu long-temps après le décès de M ichel
Million. Un jugement du 27 ventôse an 6 , sans avoir
égard à leur demande en preuve vocale , avant faire
droit sur leur opposition et tierce opposition , les admit
a prouver, mais seulement par: actes authentiques ,
qu’André Beraud absent, avoit survécu à Michel M illion 5
ordonne qu’à cet effet ils rapporteront,-dans le délai de
4 m ois, un extrait en bonne et due forme du registre
d u régiment du P o r t - a u - P r in c e , constatant l'entrée
d’André Beraud dans ce régim ent, et l’époque où il en
est sorti ; qu’ils rapporteront aussi des extraits des baux
d’entrée, si aucun existe, d’André Beraud chez les
différens maîtres où on a prétendu qu’il avoit travaillé,,
sauf aux intimés la preuve contraire, aussi par actes
seulement.
'
< L e délai de 4 mois exp iré-, les appelans en dcman*dèrent un nouveau. Un jugement du i 5 messidor an 6 ,
�.
.
.
( 7 >
prorogea le délai de six ttipis, Mais les appelans n’ayant
fait aucune démarche ni produit fjucun acte qu} pût
établir leur assertion , il fut enfin rendu , 14 mois après*
c’estrà-dire, le 14'fructidor an 7 , un jugement contra
dictoire, q u i, sans avoir égard à l'opposition des appelans, ordonna de pli^s fa r t fexéçutiQn de$ pyécéclens
jugemens. '.
,
.
•
Ce dernier jugement est principalement m otivé, sur
ce que ' l’absent est^réputé mort du jour de son départ;
qu'après dix années d’absence >■
sansmouvelles, on accorde
au plus proche parent l'administration æt jouissanceprovisionnelle des biens de l’absent, en'baillant caution;
mais que si l’absent a laissé un héritier testamentaire avec
procuration pour régir èt administrer ses biens, on doii
par préférence, et'moyennant j caution , accorder cette
jouissance provisoire à l’héritier institué. On ajoute, que
cet héritier institué doit transmettre à ses héritiers ce
droit de jouissance pr ovis oir e; que cette décision est
disertement conforme aux principes et à la jurisprudence
du ci-devant parlement de Toulouse, attestée par Catellan
tom. 2 , chap. .5 7 , et par Serres, dans ses institûtes. 20.
Sur ce que les opposans ne ¡rapportent aucune preuve
de l’existence d’ André Berand* et n’ont pas satisfait aux
jugemens qui les y avoient;admis.
*
•i Relativement aux ventes consenties par Etienne Beraud,
p’ère d’A n d ré, les premiers juges ont pensé, que n’ayant
traité et vendu que comme marict maître des biens dotaux,
ou comme père et légitime administrateur, il n’a jamais
été propriétaire des héritages par lui vendus ; iJ a traité
tixorio-nominü\ 'il a vendu nomme tutoris\ l’acquéreur
A 4
�.
.
a connu le vice de son acquisition \ et ne doit avoir
aucune garantie pour tout ce qui appartenoit aux enians
mineurs d’Etienne' Beraud.
Ces motifs sont sages, fondés e n , principe, et le
jugement n’en est qu’une conséquence.
Cependant, les Beraud ont cru devoir se pourvoir
par appel, et prétendent qu’eux seuls doivent jouir des
biens d’André Beraud, 'absent.
;
; • On va s’occuper de démontrer qüe leur prétention
est destituée de fondement.
■ '
On dit et on répète tous les jours, que l’absent doit
êti’e réputé vivre cent’ ans r mcnierus dierum hominum
ut multüm centum m ini , dit l’ecclésiaste. Quelques juris
consultes ont prétendunque c’étoit une vieille erreu r,
q u i - n’est fondée que s u r‘des lois citées à contre sens;
que les lois disent seulement que l’homme ne doit pas
être présumé vivre plus dé cent ans: q u ijin is vitce
longissimus estf dit .la loii8,fF. de usu et usufructu.
■
‘ Quelles; que soient les règles ou les brevets de lon
gévité qu’on voudroit accorder aux; absens, il est des
•principes' dont il ne faut pas s’écarter. La justice ne
regarde pas l’absent comme viv a n t, quoiqu’elle refuse de
déclarer sa succession ouverte ; et d’accorder le partage
définitif de ses biens .y elle, aimé mieux v dans l’incerti
tude, suspendre 'son ¡jugement ,i que del se décider sur
de simples présomptions; cependant, le seul doute de
la vie de 1 absent, produit 'nécessairement à certains,
égards, les mêmes effets qui résulteroient de la certitude
de sa’ mort.
;
'
s
\
L ’absent nest ni .présumé vivre ni présumé mort.;:
�( 9 )
mais la puissance publique doit s’entremettre pour que
la propriété des absens ne reste point inutile. On ac
corde alors la jouissance provisoire de ses biens à celui
ou à ceux qui ont le plus d’intérêt à leur conservation;,
ils n’en sont que les dépositaires et doivent les restituer
à l ’absent, en cas de retour.
Les héritiers du sang , dans ce cas, doivent-ils être
préférés à l’héritier testamentaire ? On sent que la solu
tion de cette question dépend de savoir de quel jour
l’absent est présumé mort.
Tous les auteurs qui ont traité la matière, disent que
l’absent est réputé mort du jour qu’il n’a pas paru
dans le m onde, ou de la dernière nouvelle qu’on a
reçue de lui. Il est difficile à cet égard, de rapporter
aucune loi positive ; mais une longue jurispi’udence doit
y suppléer, et l’opinion des jurisconsultes qui ont traite
la matière, doit également servir de règle.
Ceux qui prétendent que l’héritier présomptif doit
être préféré dans certains cas, comme Chenu; R icard ,
Lebrun et Bretonnier, n’accordent cette préférence que
pour un temps; l’opinion la plus commune est pour
dix années , après quoi on la renvoie à l’héritier ins
titué , pour ne lui pas faire perdre entièrement le
fruit dé son institution. C’est ainsi que s’en explique
Catellàn , tom. .Ier- liv. 2. chap. 57. Comme cet auteur
a écrit pour le parlement de Tçmlquse,, et(que les par
ties étoient domiciliées dans le ressprt de ce parlement,
il est essentiel d’analiser son opinion particulière. Il
pense qu’on doit adjuger la jouissance provisionnelle
des biens de l’absent, pon . ù l’héritier qu’il a institué
/
�( ï° )
avant son départ, s'il ri a de lu i une procuration,
mais à ses plus proches parens et successeurs ab intestat.
Cependant, il rapporte un arrêt du 3 mars 16 79,
qui adjugea la jouissance provisionnelle des biens de
l’absent A l’héritier testamentaire, et nullement purent,
à l’exclusion de la tente de l’absent, la plus proühe pa
rente , parce qu’il s’étoit écoulé vingt-quatre ans sans
qu’on eût su des nouvelles de l’absent; et Catellan estime
q u ’il faudroit donner cette jouissance et administration
provisionnelle , au plus proche parent de l’absent, pen
dant dix ans, à compter du jour qu’on n’en a pas de
nouvelles, et la donner après ceâ dix ans à l’héritier
institué , à la charge de bailler caution d’en rendre compte
à l’absent, en cas qu’il revienne. Cet auteur pense que
ce tempérament doit concilier toutes les opinions y
d'autant, d it-il, que l’absence de dix ans sans donner"
de nouvelles, après des contestations qui ont réveillé les
recherches, est une grande et assez forte présomption
de la m ort, poür transférer la preuve du contraire à
ceux qui la nient, ou du moins pour opérer la jouis
sance provisionnelle en faveur de celui qui est institué
par l’absent, pour ne pas lui faire perdre entièrement
le fruit de cette institution.
'
Les auteurs au contraire, qui veulent que l’héritier
testamentaire soit envoyé en possession , par provision
des liiens de l'absent, comme Accurse , Barthole, Mornac ,•
Bornrer et D unod, disent que c’est le seul moyen de
faire'Cesser toutes discussions sur la préférence; que celle
de l’héritier présomptif ne pourroit jamais être que mo
mentanée ; t*t qu'il est plus régulier de s’en tenir à l’hériticr institué.
�*
, > . ^ 11 *
.
C’est ce qui a été disertement jugé par un arrêt du
parlement de D ijon, du 12 août 17 3 4 , rapporté dans
A u geart, tom. 2. dans la cause du nommé Lethenet,
contre Calandre. Cet arrêt décida que l'héritier testa
mentaire devoit obtenir la préférence, et l’arrêtiste nous
apprend, «•que M. l’avocat général,, après l’arrêt, avertit
« les avocats que la eour s’étoit précisément déterminée
c en faveur du testament : de sorte qu’on avoU jugé
k que l’envoi en possession provisionnelle des biens d un
« absent, devoit être accordé à l’héritier testamentaire,
« à l’exclusion de l’héritier présomptif ».
Cet arrêt s'accorde parfaitement avec les principes , qui
veulent que la mort présumée de l’absent remonte au
jour de son départ ou de la dernière de ses nouvelles ,
principe qui est consacré dans les arrêtés de M. de L amoignon , art. I er. du tit. 6Les intimés se trouvent dans cette position heureuse ,
de pouvoir concilier toutes les opinions. Michel M ilhon,
leur père , cousin germain de l’absent, étoit porteur
de sa procuration • sa qualité de fondé de pouvoir a
été reconnue parla famille d’André Beraud. Cette circons
tance déjà feroit une exception en sa faveur , d’après l’avis
de CatellanAndré Beraud est absent depuis 17635 crest-à-dii’e ,
depuis trente-huit ans. L ’héritier testamentaire doit donc
être envoyé en possession , même d’après l’opinion des
auteurs, qui accordent la préféi-ence momentanée à l’hé
ritier présomptif.
Enfin , d’après l’arrêt de 1734, il doit dans tous les cas
avoir la possession exclusive, d’où il faut tirer la consé-
�' .
{ 12 )
.
quence, que le jugement dont est appel a bien jugé.
Les appelans, dans leurs griefs, prétendent qu’André
Beraud n’est pas décédé, ou du moins qu’il n’y a aucune
certitude de sa mort ; ils veulent même faire usage sur
i ’.appel de quelques certificats extra-judiciaires dans lesquels
-on atteste qu’André Beraud a été vu à diverses époques
jet en divers lieux ; ces actes sont au moins, suivant eux, des
‘/•nouvelles indirectes de l’absent.
Ces certificats pretendus ne sont que des enquêtes à
fu tu r, constamment rejetées dans les tribunaux, proscrites
par l’ordonnance de 1667. D ’ailleurs, aucuns de ceux qui
ont (ait des déclarations ne se réunissent sur le même fait et
la même epoque. Trois le font soldat dans le x'égiment du
Port-au-Prince, et son nom ne s’est trouvé nulle part dans
le contrôle de ce régiment. L ’un croit l’avoir vu à Nantes,
il y a vingt-deux ans, et J’autre, il y a une trentaine
d’années, à l’ époque de son départ pour les pays étran
gers, Un autre l’a vu s’embarquer en 1772, pour le Môle**
Saint-Nicolas, et le dernier témoin l’a vu s’embarquer pour
le même Môle en 1784 ou i j S 5 ,
Ce n est pas sérieusement sans doute qu’on présente
ces déclarations officieuses, qui se croisent et se contredis
sent; qui ne peuvent établir l’identité de l’individu, et
qui portent avec plies un caractère de fausseté d’autant
plus remarquable, que ces individus n’ont pas pu conrnoître , ou n’avoient p-is atteint l’âge de connoissance ,
Iprsque André Beraud s’est absenté du ] ays.
A ndré Beraud auroit été vu h Nantes, à Dijon , à Mûcon
et î\ Chalons , et n’auroit donné aucun signe de vie à sa
famille? il n’auroit ni écrit, ni fait écrirp,ni chargé personne
�( *3 )
d’aller voir en son nota ses parens? Il auroifc servi dans
un régiment, et les contrôles de ce régiment ne feroient
aucune mention de lui • aücun de ses camarades , aucun
officier , aucun Français, l’ayant vu dans les îles, n’auroit
écrit pour lui ; ceux qui sont revenus n’auroient pas porté
de ses nouvelles ou un souvenir de sa part. N o n , il n’est
pas vraisemblable , comme le dit un auteur qui a traité la
matière « qu’un homme passe un grand nombre d’années,
« sans porter un regard verá le pays de sa naissance, et
a sans qu’il se présente quelque occasion d’y rappeler son
« souvenir. A mesure que le temps de s ix , sept ou huit
« ans s'écoule depuis son absence , l’opinion devient tous
« les joürs plus forte et plus vraisemblable que la mort
« seule a pu dérober si long-temps ses traces à sa famille. *
Comment, d’ailleurs, les appelans pourroient-ils espérer
que ces singuliers certificats pourroient faire quelque im
pression en cause d’appel! ils les ont produits en cause prin
cipale, où ils ont été rejetés. Les premiers juges ont donné
aux appelans toutes les facilités pour établir l’existence
d’André Beraud, mais par des titres authentiques. Un délai
de quatre mois, renouvelé pour autres s ix , enfin qua
torze mois de plus, n’ont rien produit de la part des appe
lans , et ce laps de temps prouve assez l’impuissance où
ils se trouvent d’établir l’existence de l’absent.
Ces certificats, d’ailleurs, ne sont qu’un jeu des appe
lans, qui ont eux-mêmes figuré pour André Beraud aux
yeux de quelques hommes crédules- Ils étoient trois frères
errans et vagabonds , qui , tous trois , ont parcouru le
monde depuis i y 65 , et se donnoient quelquefois pour
André Btaca-ud. L ’un d’eux , Jëan M athieu, doit sur-tout
�.
.
( I 4 )
.
se rappeler d’avoir servi, et les aventures qu’il a éprouvées,
soit dans les régimens où il a déserté, soit dans les colo
nies. La réputation dont il jo u it, la conduite qu’il a tenue,
apprend assez quelle confiance on doit avoir en lu i, et dans
ses adhérans , dont il a mendié les certificats.
'
. C’est au surplus s’arrêter trop long-temps sur des actes
de cette nature, toujours aisés à obtenir, mais auxquels
les tribunaux ne doivent avoir aucun égard.
André Beraud est absent depuis trente-huit ans : par une
fiction de d ro it, il est réputé mort du jour de son départ,
dès qu’on n’a reçu aucune de ses nouvelles. Fictio ope~
ratur in casu Jîcto , quasi veritas in casu vero. La
mort présumee doit opérer le même effet pour la jouis
sance provisoire, que la mort prouvée pour la jouissance
définitive. C ’est donc à l’héritier testamentaire que doit
appartenir cette jouissance provisoire; il est présumé avoir
survécu à l’absent; il a transmis son droit de successibilité à ses descendans ; la succession est ouverte en droit
écrit; on connoît le respect qu’avoientles Romains pour
les testamens : dicat testator , et erit lex.
.
On n’ajoutera qu’un mot sur la demande en assistance
de cause contre les enfans de Jean-Pierre Pays, acqué
reur d’Etienne Beraud. Ces derniers ne figurent que
pour la demande en garantie résultante de l’éviction
qu'ils ont éprouvée. Cette demande est étrangère aux
intim és, parce qu’A ndié Beraud, qu’ils représentent,
n’étoit point héritier d’Etienne, son père. On se rappelle "
qu’il avoit été légitimé à une somme de 400 fi~, et les
intimés ont encore pris la précaution de répudier à la
succession d’Etienne. Aussi cette demande en recours
�'
( 15 )
n’a-t-elle été dirigée que contre les appelans , et on doit
leur laisser le soin de la débattre, s’ils le jugent à propos.
Par Conseil, P A G È S , ancien jurisconsulte.
M A L L E T avoué.
A R io m , de l’imprimerie cîe L à n d r i o t , imprimeur du tribun»*
d’appel. — ■A n 9«
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Heyraud, Guillaume. An 9]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Mallet
Subject
The topic of the resource
absence
successions
droit écrit
bureau de conciliations
ventes
doctrine
Description
An account of the resource
Précis pour Guillaume Heyraud et Marie Milhon, son épouse, habitans de la ville du Puy, intimés ; contre Jean-Mathieu, Jean-André Beraud, Etienne Juny, et Françoise Beraud, sa femme, tous habitans de la même ville du Puy, appelans d'un jugement rendu au ci-devant tribunal civil de la Haute-Loire, le 14 février fructidor an 7 ; et encore contre Jean-Baptiste et Jean-Pierre Pays, habitans du lieu de Liac, Jeanne-Marie Pays, et André Graille, son mari ; Marguerite Pays et Jean-Claude Gimbert, tous défendeurs en assistance de cause. Question : un absent est-il réputé mort du jour de son départ, lorsqu'il n'a pas donné de ses nouvelles ? Qui doit-être envoyé en jouissance de ses biens ? Est ce l'héritier testamentaire muni de la procuration de l'absent ? est-ce au contraire les plus proches parens de l'absent ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 9
1752-An 9
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0125
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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absence
bureau de conciliations
doctrine
droit écrit
Successions
ventes
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47adc67ff277359d0e73dce0f09f1482
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Text
M
É
M
O
P
O
I
U
R
R
P i e r r e B A R D , cultivateur , habitant
d ’A g n a t j
E
de l a com m une.
dem andeur et défendeur en tierce opposition } t
C
O
N
T
R
E
S A B Y , fils a Pierre y défendeur,
Et C a t h e r i n e S A B Y y et J e a n M A G A U D
J
e a n
,
■ tous cultivateurs, habitans du lieu de B a listr o u x , com
mune de C h am pagnat , demandeurs en tierce opposition ,
.A .P R È S qu’une affaire, volumîneusement instruite, a eu reçu sa décision!
par un ju g e m e n t souverain et en dernier ressort ; après que l ’on a eu
é p u isé , dans le cours de l ’instruction, tous les moyens qu'un esprit
in g é n ie u x peut imaginer pour se maintenir dans un bien qui né lu i
appartient p a s, et au moment où une preuve était sur le point d’être
o r d o n n é e , où une expérience par expert devenait indispensable, où Bard
q u i r éclamait l'un et l ’autre depuis plus de trois an s, pressait, sollicitait
une audience pour les faire ordonner, de nouveaux athlètes se sont
présentés sur la scène t ils viennent proposer à la justice de prononcer
une seconde fois sur les questions que le premier adversaire de Bard
avait mis au jo u r, et de changer à leur égard un mode de partage qui a
é té ordonné contre leurs frère et beau-frère; ils font même p lu s, il a
poussent leurs prétentions jusqu’à soutenir que Bard n ’a aucun droit
contre eux. Seront-ils plus heureux que celui qui a déjà succombé
dans tous les in c id c n s qu’il a élevés ? c’est ce qu’on ne croit pas.
Jean S a b y , fils de Pierre , qui en suivant le genre de défense em ployé
par c e lu i-c i, a toujours soutenu que Pierre Saby et A ntoinette Lachaud
n ’avaient laisses aucuns biens m eubles, et qu’à l’égard des immeuble»
A
'
�il n ’en connaissait que quatre , même que deux qui leur eussent appar
tenus et qui fussent sujet?, au partage ordonné par le jugement rendu
contre son p è re , qui a toujours persisté dans ce système malgré la
justification qui lui a été faite de plus de quarante titres d'acquisition,
toup translatifs de propriété en faveuif de P ie rre . S a b y , ' de la succession
duquel il s’agit, persisterart-il toujours dans sa prétention ï E t aujourd’hui
que des témoins ont été entendus , que l ’application de tous les titres
produis par Bard a été faite, ne rçconnaîtra-t-il pas que c’est injustement
qu’il a toujours prétendu qu’il n ’y avait que ' quatre , même que deux
héritages sujets au partage ! O ji croit bien qu’il ne s’avouera pas vaincu,
mais oii a laicertitude que la justice lui en fera un devoir , et qu’elle le
forcera à reconnaître cjue celui qui retient injustement le bien d ’autrui
est) tôt ou tard, oblige de cesser d’en jouir.
■
F A I T S
E T
P R O C É D U R E
.
D u mariage d’André Saby avec Jeanne V id a l, issurent qua^e enfans ^
Catherine, A ntoinette, Marguerite et Pierre Saby.
Antoinette et Marguerite furent légitimées ; ni elles., ni leurs descen
dons , ne sont pour rien dans la contestation.
. . . . . .
Catherine Saby fut mariée deux fois ; en premier lie u , avec. Antoine
Saby., et en second lieu , avec Antoine Bruliat, et lors de ses deux contrats
de mariage, des 8 novembre i G74 et 2o aoiit 16 8 7 , ellg fut instituée
héritière , par son père , de tous les biens dont il mourrait saisi et vêtu ,
à la charge de payer à ses frère et sœurs des légitimes qui furent fixées.
Marguerite Bruliat, fille et héritière d’A ntoine et de Catherine Saby;,
se maria avec Jean Ma,gau,d , çt de ce mariage issurent deux enfans,
Antoine, et Gabrielle Magaud.
•
; L e premier se maria avec Catherine S a b y , fille de N o ë l, et Gabrielle
¿ppusli Pierre Saby, fils de ce dernier : c’est ce qui est prouvé par un seul
Contrat de mariage du 25 janvier 1744.
Antoine Magaud a laissé deux enfans, A nne et Marie ; la première a
¿pousé Jean D ègeorge, la seçonde François Mestrc ; et lui-même étant
décédé , Catherine Saby, sa vçuve, a cçmvolé en secondes noces avec.
Jean Magaud; ces deux derniers sont les tiers opposans.
Pierre Saby, fils d’André, et frère de Calheriiïc Saby , se maria avec'
Antoinetti; Lachaud , et lors de son contrat de mariage, qui est du 16
février 1G94, il s’associa avec Antoinç Bruliat, son beau-frère, en tous
et un chacun leurs biens , meubles et immeubles pn'scns et à venir,
avec convention qu’en cas de dissolution de leur société. , tous leurs lien s
seraient partagés entre eux par égalité.
Cet Antoine Bruliat survçquit plusieurs années à celle société, et
pendant tout ce temps les associés firent des profits assez considérables;
nuis étant décédé , Catherine Saby, sa veuve, héritière instituée dTYndré,
�.
...
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.
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•
.
.
■Sâby , 'ttùT né 'p as pouvoir ïnfêiïx faire quê de s'aresôcië? éllë-Jrhêmfe' avec
l'ie ïre Soby y feon frère, et pdir acte public ctu 3 jà’n viër 1706-; ils 'ihirêrlt
ën communaut é ünivérseile tous- leurs biens meublés et immeubles 'préSëns
gt à ven ir, uveb éó'nvèfitìóti expieés'e 'Çà’éri cas de partage, ’tous làùi^s '
biens acquêts et conquets seraient partagés par moitié et égale, portion. \
- Suivons' l â ’géiVéaldgië de "Pierre7 Saby et d’Antôiiiette L àch'àud;' ils
üohAère’n t le jour à trois erifans nótìiift'és Nô'ël , André è't Catherine Sâbÿ.
L ors dû contrat dò mariage de celle-ci avec Etienne RôuX', du; 8 jànviéV
^7 19» elle fut constituée par son p è re , à’ ùnë s'onimè de trois cénts
fran cs, ét N o ci Saby qui n’éiait point partie contractante, fu t institué
héritier général ut universel- die fottà’ les biens doni sôxl pèrè mbürrâït
saisi
• Q uelque 'temps après , et'l'é 1 " . février 172 5 , N o ë l Saby pïssà son
tontrat de màriaigè' avec Marie Curabet, et Pierre Saby , son père ,, y
paraissant, a}>pràüva ét ratifia l’institution d’héritier qu’il avait f^'ae Cji
sa fa v e u r , dans le contrat dé mariage dé Catherine Sabir ¿t de Pierre
■Houft, et consentit qu’elle sortit son p lein et entier effet. . ■
- André Saby së iriaria avec Marie Héritier ^
lors de , leur contrat
de mariage, du a'i février 17 3ÿ , _i l . ^ _CQ’TisfUûa lui-même ïrne' somme
ûe trois-cerit cinquante francs qu’il àVait par devers lui," et N o ël' § a b y .
son frère s’obligea de lui payer celle de deux cents francs pour ses droits
légitimaires dans lés biens'de ses pèrè ét mère.
1
• D e ce mariage issut Antoinette Saby, mère" du demandeur » laquelle sé
'maria avec André Bard.
.
.
, . .
- O n voit dans leur contrat de m ariage,, du^ 2 i. septembre 1749 ,. que
Marié H éritier, y prit e n ’ présence de toute sa fam ille, et notamment de
N o ë l Saby, son bèaü-frère, la' qualité de veuve d’André S a b y ç é .q u l
était un preuve cjiie celu i-ci, qui s’était absente depuis plusieurs années,
¿tait alors décédé ou qu’au moins toute la famille le croyait ainsi.
, .\'r
■ N oël Saby eut de son mariage, avec Marie C urabet, deux ,e n fa n s>
Catherine et P ierre, qui comme 011 l ’a déjà dit en parlant d e là <;lpscenr
darice de Catherine Saby, épousèrent Antoine et Guillaume Magaud. , , '
L eur contrat’de mariage du 2 4 janvier' 17 4 4 , prouve, que les quatre
parties contractantes furënt instituées héritières générales et .universelles
de tous les biéns dont leurs père et mère mourraient saisis et, vêtus.
E nfin, Piérre Saby, second du nom, a laissé _plusieurs enfans, mais
Jean Saby , son fils aîné et son héritier institué, est en possession de tous
ses biens, et lui seul est défendeûr dans la c a u s e ..............
.
1
‘ L e 20 rniars 178 6, Pierre Bard , forma contre Pierre Saby fils de
N o ël , la demande en partage dé tous les biens meubles, et immeubles
provenus de Pierre Saby et d’Antoinette Lachaud , demande qui fut ad
jugée par sentence rendue en la ci-devant justice de la Motte , le 10'
juillet ‘ suivant;
'
A 2
�Cette sentence Rit attaquée par la voie de l'opposition presque aussi-«'
tôt qu’elle fut signifiée ; l ’affaire fut ensuite appointée en droit ; mais
par une autre sentence du 6 avril 1787 , Pierre Saby fut débouté de son
opposition, et il fut ordonné que la première sentence serait exécutée'
suivant sa forme et teneur.
C e dernier se pourvut bientôt après par appel contre ces deux sen
tences. L a sénéchaussée d’Auvergne connut de cet appel , et le 11 dé»
cembre de Ja même année , elle confirma ces deux sentences.
Il restait encore une autre dégré de juridiction à suivre : Pierre
Saby ne manqua pas d’y avoir recours , et par exploit du 28 du même
mois de décembre 1787 , l ’affaire fut portée au ci-devant Parlement de
Paris.
L ’état de détresse de Bard ne lui permit pas de poursuivre l ’arrêt
qui devait mettre fin à toutes les chicanes de Saby ; il était dans l'im
puissance absolue de • pouvoir fournir aux dépenses que nécessitait ce
procès , niais heureusement pour lui les choses ayant changées de face ,
de nouveaux tribunaux ayant été substitués aux anciens ; la justice ayant
été rapprochée des justiciables , l ’affaire fut portée, du consentement ex
près des parties , au ci-devant tribunal du district de Brioude.
,
L à , des volumes d’écritures furent faits de part et d’autre ; l à , Pierre
Saby eut recours à tous les moyens qu’un esprit ingénieux peut ima
giner pour combattre des réclamations justes , et parmi toutes les dif
ficultés qu’il éleva , on remarque qu’il donna lieu .à traiter trois ques
tions principales qui étaient de savoir , i.° si l ’institution d'héritier
faite dans le contrat de mariage de Catherine Saby., en faveur de N oël
Saby son frère non contractant , du 8 janvier 17J9, était valable , ou au
moins si elle n'avait pas été validée par la ratification portée dans son
propre contrat de mariage de 1725 ; 2.° si un absent n ’est pas réputé
vivre cent ans respectivement à ses héritiers ; 3 .° si en Auvergne lesr
enfans des cultivateurs , travaillant hors la maison paternelle , peu
vent faire des profits qui leurs soient propres , ek si la somme de trois
cent cinquante francs qu'André Saby s’était constituée en dot dans son
contrat de mariage de 1787 , n’était pas sujette à rapport !
Ces trois questions furent jugées contre la (prétention de Pierre S a b y ,
par jugement souverain et en dernier ressort du 3o août 1792 , qui en
confirmant toutes les sentences sus-datées , ordonna que tous les biens
provenus de Pierre Saby et d’Antoinette Lachaud seraient partagés par
égalité entre Pierre Saby et Pierre liard.
Celui-ci provoqua alors une nominaUon d’experts; Saby déclara qu’il youlait se pourvoir en cassation contre ce jugement , qu'au surplus il n»
■connaissait que quatre parties de terrein sujettes au partage , et q u ’il
consentait , sans préjudice de scs droits , que le partage en fut lait.
C ’est ce q u e l’on voit dans un procès-verbal du 2o octobre
�D es experts furent nômmcs , mais gagnés sans cloute par Saby , i l s
furent sourds à toutes les assignations qui leur furent données pour
opérer. U n premier jugement du 3o septembre 1793 , révoqua l ’expert
de Saby et en nomma un autre pour lui.
■
; Celui-ci fut également sourd à toutes; les diligences que put faire
Bard , et un nouveau jugement du 2 i messidor an I I , porte que tous
les premiers experts ont été valablement récusés par Bard, et que les
nouveaux qui seront nommés par les parties , seront tenus d’opérer
dans le mois.
_ Ces nouveaux experts nommés contradictoirem ent, tardèrent assez
long-temps à s’occuper des opérations qui leur étaient confiées, car ce ne
fu t que le 6 Messidor an I I I , qu’ils se transportèrent au lieu de.
Balistrour,
.
t
. ^ à , ils trouvèrent Pierre Saby, qui ne se rappelant plus de ce que la
mauvaise foi lui avait dicté lors du procès-verbal du 2o octobre 179 2 ,’
déclara qu’il n’y avait cjue deux héritages sujets au partage ; il eut même
la bonté de les leur designer, et comme de cette désignation il résulte
q u ’il n ’y a qu’un de ces deux héritages qui puisse s’identifier avec un
des quatre qu’il avait indiqué lors du procès-yerbal de 17 9 2 , il en.
résulte, qu’il y aurait au moins, cinq héritages sujets au partage.
C e s experts dressèrent procès-verbal des dires respesctifs des parties;
ils eurent même la complaisance d’y insérer des dires qui furent fait*'
par Jean M agaud, mari de Catherine Saby , et ils terminèrent par
renvoyer les parties -devant qui de droit pour faire fixer les bien*
sujets au partage.
Obligé de plaider encore avec Saby, >Bard le fit assigner au tribunal
civil du Puy,_et après que l ’affaire eut été reprise contre Jean Saby, son
fils., il intervint en ce tribunal un jugem ent, le G fructidor an V , par
lequel il fut juge en these que celui qui reclame un partage, doit
designer nommement les biens meubles et immeubles qui peuvent y être
sujets, et que celui contre qui la demande est formée n’était obligé à rien ,
quoiqu il eut toujours . demeure dans la maison des auteurs communs ,
quoiqu il fut présume nanti de tous les titres constitutifs des propriétés
des auteurs communs, quoiqu’il dut avoir par devers lui ou qu’au moins
il lui fut facile de se procurer les titre» des acquisitions qu'il pouvait
avoir faites
' ,
Quelque rigoureux que fut ce jugement contre Bard , il ne lui
restait aucun moyen pour revenir contre ; il ¿lait en dernier ressort
quoiqu’il ne dut pas l'&t;re, et son état de détresse ne lu i permettait
pas d’avoir recours à la cassation.
.Par un premier exploit, du 21 brumaire an V I , Bard motiva et
circonssUmcia la preuye . qu’il voulait faire de la consistance des bien*
meubles et irmneublcs provenus de__ Pierre Saby et d'Antoine lie Lachaud
�X
v
j
e î le i 3 fructidor suivant, son défenseur apréë aVoir diffé ;é fVTS'qifeslà,
de présenter sa cause , obtint contre Saby un jugement par défaut, q u i,
au iteu d’ordonner la-preuve qui était réclarhée, et à laquelle Bard s’Ctâit
soumis , lui permit de compulser les minutes de quelques notaires. • J
D o cile aux ordres que lu i donnai son ■
défenseur, Bard éru-t Entrevoir
dans ce jugement un .m oyénpour parvenir ty'lus facilem ent à un jugemCiit
définitif ; il ne fit pas attention que sa preuve vocale dépérissait, et qü’à
chaque jour il perdait quelqu’un de ses tém oins; il se livra à la recherché
de plusieurs actes; il parvint à en découvrir quarante, qui tous'Constatent
différentes acquisitions faites par André 8aby , ou par pierre i?aby,
*011 fils, ou par A ntoine Bruhat et Catherine Saby, associés de ce dernier.
Tous ces actes furent; signifiés à' Jeàil Saby , avec nouvelle assigna
tion , pour voir ordonner la preuve à laquelle Bard s’était soumis ^dirô
que de nouveaux experts feraient l ’application de tous ces titres , et
être condamné à payer une -provision de six mille francs.
Comm e si 8on defenseur eut été fêché de le voir admettre à cette
preuve , il se borna, à. réclamer une provision , et par jugement du 4
fructidor an VII , rendu encore par défaut contre Jean Saby , il fut ac
corde à Bard une modique somme de trois centfe francs : on dit medi*
que , parce, quîelle n e lui’ a pas suffit , n i à ‘ beaucoup jbrès , poufc
faire face aux dépenses que lui a occasionné la recherche des actes
q u ’il s’est procuré.
:
. ■
Cette provision parut cependant trop considérable à Jean 8abyV
il forma opposition.à.ce jugement ; et par un autre du 6 germinal an V I I I ,
il parvint à faire réduire cette provision à la somme de deux cents- francs*
C ’est dans ce jugement que l’on v o it jusqu’à quel point le défen
seur de Bard a compromis ses intérêts ; non seulement il ne fit
pas; ordonner la preuve à laquelle Bard
s’etaib soumis depuis le 2 i
brumaire an V f ; non seulement il ne dit pas: un mot) pour l ’obtenir;
non seulement il n’argumenta pas des quarante titres de propriété que
Bard lui avait remis pour soutenir que la provision accordée n'appro
chait môme pas do celle qui aurait dû; l ’étro , mais même il negli*
gea de faire prononcer sur des conclusions qui avaient été prises par
exploit du y brumaire an VIII , et qui avaient pour objet de faire déclaJ
rer Jean M agaud, Catherine Saby sa. femme , Krançois Mcstre e t ’ Marid
Magaud sa fem m e,non recevables dans l’opposition qu’ils avaient formée ait
jugement rendu contre Jean Saby , attendu q u e c e jugement n ’était point
rendu contre eu*; q u ’ils n’avaient jamais été en instance avec B ard; et que
dès lors leur opposition était insoutenable, ( i)
Q uoiqu'il en soit; l'affaire a été portée au tribtinal de Brioude ; Bard
( 0 Ce détail po u r ra p a r a î t r e f a s t i d i e u x , m n i i il a p a r u e s se n tie l p o u r i l c i n û n t r i r , d ' u n e p a r t j
t o u s les inciilcn^ (juc l 'a d v e r s a i re de Bard lui a fa it é p r o u v e r , e t «le l 'a u t r e j u s q u ’à qu el p o i n t
« et d r o its o n t etc c o m p r o m i t p r r lo-son fian cc
a en en so n 'd cfc iiscu r.
�• / ,
- 7r 1 a insisté pour, être admis à la preuve de la consistance du mobilier *
,
provenu dè Pierre Saby et d’Antoinette Lachaud , des titres de créance
qui existaient et qui faisaient partie de leur su ccessio n , et à ce que
lés conclusions qu’il avait prises depuis l ’an V I , lui fassent adjugées.
^D ’üÀ àutre côté et par
exploit du i . er nivôse an I X , Bard après
avoir épuisé les voies de la conciliation , avait fait assigner Catherine
Saby et Jean MâgaudJ son m a r i A n n e Magaud et Jean D egeorge
son m a ri, Marie Magaud et français Mestre son m ari, pour voir
déclarer exécutoire" contre eux les sentences et jugemens rendus contre
Pierre Saby, tout ainsi et de même qu’ils l’étaient contre ce dernier.
C e ' n’a 'été qu’alors et .par exploit du 11 du même m o is, que
CatherineSabÿ/et Jean,Magaud son mari, seulement, ont attaqué p arla voie
d£ la tierce opposition ces mêmes sentences et jugem ent, pour d’une part
empêcher’ ' l'admission à la preuve à laquelle Bard s’était soumis contre
Jean Saby n et de l ’autre pour reproduire et faire juger de nouveau
toutes les questions que-Pierre Saby avait mis au jour dans le cours de
la constestation,
' Jean Saby, fils de ce d ern ier, invoquant cette tierce opposition , s’est
opposé1 -de toutes ses forces à la preuve offerte et réclamée par Bard r
mais tous ses efforts ont été vains ; son espoir à été déçu et il a vu
adjuger contre lui , par un jugement très - contradictoire du 2 i nivôse ,
an I X , toutes les conclusions qui avaient été prises.
'
Des témoins, ont été produits de part et d’au tre, ils ont été enten
des,,; des experts ont été . nommas, ils ont opéré; des- expéditions
authentiques prouvent l ’un et l ’autre.
T e l est l ’état actuel de l ’affaire. Après en avoir présenté les fa its;
après avoir remis sous lt s yeux d e - la justice une partie des incidens
que Bard a éprouvé depuis l ’époque de sa demande , il est facile de v o ir:
qu’il doit aujourd’hui repousser la tierce opposition formée par Cathe
rine Saby et- Jean Magaud ; démontrer en même temps que ses pré
tentions , sont justes et légitimes ; et prouver que des dépositions des
témoins, du rapport, des experts et des titres produits, il en résulté te
preuve la plus convaincante , en sa faveur.r
V É R I T É S
I N<C 0 N T E S T A B L E S.
L e s biens qui doivent composer la succession de Pierre Saby sont
la moitié de ceux qu’il avait lui-mêine acquis , de ceux acquis par
A.ntoine Bruhat et par Catherine S a b y, et enfin la moitié de tous
les biens provenus d’André Saby et de'Jeanne V id a l, ses père et mère.
C e la résulte positivement des actçs de sociétés générales faites en-'
lie l u i , 'Antoine Bruhat et Catherine Saby, les iG février if,q/. et
3 janvier 1706 , par lesquelles ils mirent en commun tous Leurs biens
�§-
•
•
' - (
5
ptésens et à venir avec convention expresse qu'en cas de dissolution
'> ç de so ciété, ils seraient tous partagés par égale portion.
Dans tous ceà biens , Pierre Bard amende un quart avec restitu' £ tion de jouissance ei intérêts dp la valeur du mobilier depuis 1788,.
"i? > époque, du décès de Pierre Saby premier du nom.
v.
C'est ce qui résulte du jugement souverain et en dernier ressort du
a °Û t
17 i)2 *
1
■
'
;
II est vrai que ce jugement est attaqué par la voie de la tierce
^ opposition de la part de Catherine Saby et de. Jean M agaud, mai»
^ les droits de Bard sont irrévocablement acquis contre Jean Saby
ÎC Î"G.finent dont on vient de parler. L a tierce opposition de
Catherine Saby et Jean Magaud ne peut rien changer à son égard ,
^ •quoiqu’on soit le résultat; parce que dans taua les cas , le jugement
^ Jv^rçndu doit toujours, être exécuté contre luî. ^
C ’est ce qui résulte des principes les plus certains, les plus i'nscon-.
~ ïstestables sur la matière des tierces oppositions; principes consacrés
T^l^d’une manière bien solennelle par deux jugemens rendüs au tribunal
V* fc de cassation les 26 germinal an V I et i 5 pluviôse an I X 'r a p p o r t é s—
d&ns le bu'Ilêtin des'jâ^omens de ce tribunal Is10. 2.~
, R s P a s s o n s ~ 'â c tu e lie m e n t à la discussion des questions Teproduites p a rle s
tiers opposans.
.
*'J
^ £
^
-
P R E M I È R E
De
quel jour un
.
Q U E S T I O N .
absent est-il réputé mort respectivement à ses
.
héritiers ?
I ».
Il n’y a rien de problématique , rien qui mérite une discussion séY ^ rieuse dans cette question. Presque tous les jurisconsultes anciens et mo
dernes assurent qu’un absent est réputé mort respectivement à ses
.> héritiers , du jour de son départ ou de celui des dernières nouvel„^
les qu’on a eues de lui. Il n ’y a qu’une envie de plaider , une intenJs ^ tion de se maintenir injustement dans un bien, qui. puissent aujourd'hui
faire soutenir le contraire.
.^ 5 Cette doctrine est consacrée d’un manière bien précise dans les arrê^ *h lés de M. le président de Lam oignon, où l’on lit : L ’absent est répu
té mort du jour qu'il n’a pas paru ou de la dernière nouvelle qu'on
~
a reçue de lui.
/v
Cette décision, dit un auteur plus moderne ( Bretonnîer page i 5 du
$ ' premier volume ) , est dans les règles , parce que l ’absent dont on n’a
point de nouvelles , est réputé mort par fiction, et que les fictions ont
$ tou jou rs un elfct rétroactif.
^
E n vain objecterait-on qu'un absentes! présumé vivre 100 ans, et que rc&ç pectivement à scs créanciers il n ’est réputé moi t qu’après cet espace de
temps, qu’ainsi il doit eu étie de même relativement à scs héritiers.
h*
�'
■ C- 9 . )
L a première partie de cette objection, est fausse et absurde, la
f seconde ne rcyjose que sur U n e erréur.
Toute présomption doit être fondée sur quelque vraisemblance èt
sur ce qui arrive le plus souvent, l ’ rœsumptio ex co quod plerumque
:f:t. 11 faudrait pour qu’un absent put être présumé vivre cent ans,
que ce fut le temps ordinaire de la vie des hommes ; et certes , l'ex
périence prouve bien le contraire.
•
L es lois 5 G, au d igeste, D e usuf. et qvemad. , et 8 D e usuf. leg; ,
invoquées par Saby et Magaud ne disent pas qu’un homme est présumé
vivre cent ans , mais seulement qu’il est présumé ne pas vivre au delà
de cent a n s, ce qui est bien d ifféren t, Placuit centinn annos tuendos esse
municipes , quia is finis vit.ee longuœvi hominis est. Jusqu’à ce que le temps
, de cent ans se soit écoulé depuis la naissance d’un absen t, il n’est ni
présumé vivre , ni présumé m oi.t, et c’est à ceux qui ont intérêt qu’il
soit vivant, à prouver sa vie. Pothier > sur le ckap. ly de la coutume
d ’Orléans.
.
, C et auteur , ni Brétonnier , dont nous avons déjà rapporté les propres
expressions , ne disent pas ce que Magaud et sa femme leur font d ir e ,
ou plutôt ils disent tout le contraire.
Voici les propres expressions de Polluer , traité des successions,
cliap. 3 . sect. i . ere §. i .er i « c’est une question difficile à décider, de
» quand doit être présumée ouverte la succession d’une personne dont
» on ne sait ni la vie , ni la mort. L ’opinion la plus probable est de
» réputer sa succession ouverte du jour des dernières nouvelles qu'on a
» eues de lui ; ce n ’est pas qu’il y ait lieu de le présumer mort dès
» ce temps plutôt que dans un autre , mais c’est que n’y ayant aucune
» raison d’assigner sa mort à un temps plutôt qu’à un autre, et étant
» néanmoins nécessaire de fixer le temps de l’ouverture de sa succes» sion , on n e peut mieux le fixer qu’au temps où on a cessé d’avoir
» des nouvelles de lu i; parce que s’il n ’est pas effectivement mort
^ dès ce temps , il 1 est au moins cquipollem ent par rapport à la
société des hommes ; car par rapport à la société , c’est à peu prè.»
» la même chose qu’un homme n ’existe pas , ou qu’on n ’ait aucune
» connaissance de son existence. »
, Q ue Magaud et sa femme qui ont cru en imposer en citant l'o p i
nion de ce jurisconsulte , pèsent actuellement ses expressions qu’ils n ’a
vaient sans doute pas lues ; qu’ils conviennent que c’est sans réflexion
qu’ils l’ont invoqué , et qu’il en est de même à l ’égard de Brétonnier
et Rousseau - de - Lacombe.
Celui qui s’est perdu , dit ce dernier , est réputé mort du jour qu’il
a disparu ; c’est la règle en succession. Même dans tous les cas si ceux
qui ont intérêt ne justifient que l ’absent est vivant.
S ’il est vrai que quelques arrêts puissent être invoqués à l ’appui de
B
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10
)'
'
la seconde partie de l ’objection , il est aussi certain qu’il y en a de
contraires , et que l ’arrêt de T iellem ent qui a été tant invoqué par Saby,
perd de son autorité quand on le rapproche de celui i 683 , rapporté
par H e n ri, tom. 2. page 890; de celui du 11 août 1 7 1 9 , rapporté au
journal des audiences ; et que cet arrêt de Tiellem ent q u i, comme le
dit P o th ier, n'est fon d é apparemment que sur cette vieille erreur , qu’un
homme est présumé vivre cent ans , ne doit pas être suivi.
T ous les anciens tribunaux paraissaient avoir embrassé cette opinion.
Ils l ’avaient consacrée par différents airèts. O n en trouve la preuve dans
les questions de droit de Brétonnier , où il est d it , qu’on ne doit pas
douter que cette jurisprudence n& soit la meilleure.
Monvallon dans son traité des successions , après avoir embrassé cette
même opinion, en rapporte à l ’appui un arrêt rendu à son rapport, le
: 21 mai 1 7 5 1 , par lequel il fut jugé que l ’hoirie de l!absent avait du
appartenir au parent le plus proche lors de l ’absence ou de la dernière
nouvelle , et avait passé aux héritiers de ce parent. A in si il ne peut pas
y avoir de doute sur la vérité du système que l’on soutient.
Mai3 pourquoi invoquer des autorités à l ’appui d’une opinion qui paraît
incontestable ? l\e suffirait-il pas , si elle pouvait être combattue avec
su ccès, de s’appuyer sur un fait particulier qui se rencontre dans l’a ffa ire ,
pour démontrer que quelques efforts que fassent les adversaires de Bard,
pour soutenir un système contraire, ils ne pourront jamais parvenir à
le faire adopter ] N e suffirait-il pas de dire que Marie Héritier ayant
pris "dans le contrat de mariage de Catherine S a b y , sa fille , du 2t
septembre 1749 , la qualité de veuve d'André Saby , en présence de
toute sa fam ille , et notamment de N oël Sa b y, père et beau-père des tiers
opposans ; qu’ayant repris cette même qualité de veuve d ’André Saby,
dans une quittance donnée au même Noël Saby', le 11 novembre de la
même année, les nouveaux adversaires de Bard qui représentent ce
N oël S a b y, a titre d ’héritiers universels, ne peuvent pas désavouer,
contester ce qui a été reconnu par lui en 1749? C e seul fa it, celte seule
circonstance, ne seraient-ils pas sulfisans pour persuader qu’au moin*
en 1 74 i).i André Saby était décédé; que toute la famille en était convain
cue , et par conséquent pour faire rejeter, proscrire tous les efforts, tous
les raisonnemens que pourraient faire Magarnl et sa femme.
Term inons celte discussion, et disons que dès qu’il est établi en point
de droit qu’un absent est réputé mort du jour de son départ ou des
dernières nouvelles qu’on a eues de lui ; dès que le fait particulier qui se
rencontre dans la ca u se, et qui résulte du runtrat.de mariage et do la
■quittance de 1741) , dans lesquels Marie 1lérilier p rit la qualité de veuve
d ’Andrc. Saby, vient d’ailleurs à l ’appui de celle vérité; dès qu’il (;5t
-ptouv«-' dan? lc procès que l ’action de Bard était'en tière en 17 8 6 , paf
�lc jn o y e n des minorités qui se sont perpétuées clar*s sa famille, ( i ) ; il en
risriiiLe' que c’est sans fondement qne ses adversaires ont donné lieu à
celte discussion.
S E C O N D E
Q U E S T I O N .
Une institution d'hcr Hier fa ite dans un contrat de mariage, en faveur ,
d’un non-coîitractant, est-elle valable /
Cette question est décidée par le texte précis de la loi- m unicipale
ne permet
les institutions d ’héritier qu’en faveur des mariés ou de leurs descendans
seulement; elles ne peuvent jamais ê tre,fa ites en faveur de ceux qui
ne contractent pas mariage ; ain si, un père qui marie un de ses c n fa n S '
et l ’institue son héritier avec un autre qui ne se marie p a s, fait un acte-'
inutile et nul à l ’égard de celui - ci , s’il ne charge le premier de
l'associer à l’effet de l’institution] parce que disent les jurisconsultes, l&
premier ca r a c tè r e d’une institution d'héritier, est qu’elle soit fa ite en.
faveur des mariés ou de leurs descendans : c’est d’ailleurs ce qui résulte
des dispositions de l’art. 26 du tit. 14 de cette coutume.
Cette nullité dont était infectée l ’institution d’héritier faite par Pierre
Saby , en faveur de N o el Saby , son fils , dans le contrat de mariage de Ca
therine Saby avec Étienne Ilo u x, du 8 janvier 1719 , était une nullité abso
lue qui ne pouvait jamais être mise à couvert que par une nouvelle dispo
sition qui eut tous les caractères distincts et nécessaires pour transmettre
la propriété d’un bien ; elle n ’attribuait par elle-même aucuns droits à
N o e l Saby; il n’était saisi de rien par cette disposition; elle était abso
lument nulle à son égard; elle ne pouvait jamais être validée, quod
nullum est nullo modo convalescere potest.
Mais disent les adversaires de B a rd , en supposant que cette institu
tion d’héritier fut n u lle , cette nullité a été couverte par la ratification
faite par Pierre Saby, en faveur de N o ël Saby , lors de son contrat de
mariage, du 1." février 172&: cette objection nous porte à examiner la
question suivante.
qui ré "it les parties. L a coutume de la ci-devant Auvergne
T R O I S I È M E
Q U E S T I O N
Une ratification pure et simple d'une disposition nulle dans son principe y
d ’une nullité absolue, peut-elle produira quelque effet ! A
« L a nature de la ratification n ’est pas d’introduire un droit nouveau ‘
C O P i e r r e S a b y , de e/y a», es t décédé le î i o c to b r e 173S» cil c a l c u l a n t d e p u i s c e tte é p o q u e u u o u ' u .
c i s e p t e m b re 17^9 , d ate du c o n t r a t de m a r i a g e d’A n t o i n n c t t e S a b y av ec A n d r é B a rd , 011 n e t r o u v e nnio n z e a n s m o in s un m o is ; a u m o i n s a e s tte é p o q u e , 1e co u rs de la p r e s c r i p t i o n a été s u s p e n d u e h w i n
«S j a n v i e r 1781 i car A n t o i n e t t e i a b v , n w le s S f é v r i e r i 7 m , « t a i t e n c o r e m i n e u r e à l 'é p o q u e de “ o a
•lé c è s, a r riv é le 9 octflhre 1760 , et P ie r re B a rd s o n f i l s , ne le « j a n v i e r 17^ , n 'a été n r l i u r a u c le
i ç ja n v i e r 1781 ; a insi à 1 é p o q u e de la d e m a n d e d u 20 m a r i 1 7 *6 , 1 a c t i o n é t a i t e n t i è r e - a in s i le m o v e a
de p r e s c r i p t i o n d i s p a r a î t sa n s i c t o u ï . .
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12
)
'dit un auteur moderne ; de donner un nouveau titre , de faire une
nouvelle disposition ; mais au contraire d’approuver un droit an cien , de
fortifier un titre précédent, d’affermir les premières dispositions et
d’en assurer l ’exécution. »
Toute ratification suppose un droit existant, un droit acquis; elle a
un rapport et une liaison immédiate avec le titre primordial. Ratificatio
ad hoc tantum Jîngitur ut quasi continuations duorum actuum contractus
validetur. E lle ne peut dans les règles ordinaires ni l ’étendre , ni
l ’.augmenter.
L ’esprit de celui qui confirm e, n ’est pas de faire une nouvelle dispo
sition, mais d’approuver celle qu’il avait déjà faite, qui confirmât, nihil
dat. T oute ratification, toute confirmation simple , renferme toujours
cette condition tacite , que le titre originaire soit valable , ou qu’au moins
il attribue quelque droit : aussi M. Charles Dumoulin après avoir dit que
la ratification qui est faite d’un acte nul , avec connaissance de la nullité
qu’il renferme et l ’intention île la réparer, valide cet acte, s’exprime-t-il
ainsi : seats in confirmationibus quœ jieren t sine causez cogn'dione , sivb
in forma communi ; ratio, quia hujus modi confirmatio nihil d a t, nihil
novi juris confert , nec invalidum validat. Non enim f i t ad finem dispon en d i, sed solum ad finem approbandi confirmabile, tale quale est , et
in quantum est verum , validum et efficax si taie est et non aliter ;
ainsi si le. titre est nul dans le principe , d’une nullité absolue ; s’il
n’attribue aucun droit ; si celui qui a disposé, n’est point lié à l’égard
de celui en faveur de qui la disposition est faite; si celui-ci enfin, ne peut
invoquer cette première disposition, ni en tirer aucun avantage, la
ratification la plus précise , la plus formelle , ne peut opérer l ’effet de
la valider, si elle n'énonce sa nullité elle-m êm e, avec l ’intention de la
réparer. Quod nullum est ipso ju r e , perperàm et inutiliter confirmatur.
T els sont les vrais principes qui s’élèvent contre la prétention des
nouveaux adversaires de Bard; principes qui ont été reconnus et confirmés
par le jugement rendu en dernier ressort, le 3o août 1792.
Mais dira-t-on encore , comme Saby l ’a répété plusieurs fo is , la rati
fication équivaut ù une nouvelle disposition ; elle est elle - mémo une
nouvelle disposition, et d’ailleurs la première disposition n’était nulle
que d ’une nullité relative.
C e sera toujours en vain qu’on voudra donner le change sur la ratifi
cation faite en 1t 2 S, de l’institution d’héritier portée dans le contrat de
mariage de Calheiiue Saby, du 3 janvier 1719 , en faveur de N oël Saby,
son frère, non contractant ; on rappèlera toujours les adversaires de Bard
au* termes que ni.ferm ent ces deux acies.
Par <clu i de
i îurre Saby niotituç Notil Saby, son fils, nonconl.ractant , «un ! ' u îu t gén.'îul et universel; celle disposition était:
ïiulle et illejv l e ,
pouvait produire aucun eilet ; elle n ’attribuait a
»
»
»
y
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)'
,
.
ce d ern ierJ
, aucuns droits ni presens ni futurs , dans les biens du
premier ; parce que le premier caractère de l’institution d'héritier , est,
on le re p è te , qu’elle soit fa ite en faveur des mariés ou de leurs
descendons.
L a nullité dont était infectée cette disposition, était une nullité
absolue qui n’a jamais pu être couverte par une ratification quelqu’expresse , quelque précise qu’elle ait été , parce que quod nullum,
est ipso jure , perperùm et inutiliter confirmatur.
'
L ’acte de 1725 ne contient point une nouvelle disposition, la rati
fication est pvire et simple , elle n’énonce point la nullité dont était
infectée la première disposition, ni l ’intention de la réparer. Il y est dit
seulement que Pierre Saby approuve et ratifie l ’institution d’héritier
faite en faveur de N o ël Saby son fils , dans le contrat de mariage de
Catherine Saby , du 8 janvier 1719 , et consent qu’elle sorte son plein
et entier effet.
Cette ratification ne contient donc point une nouvelle disposition;
L a première disposition est ratifiée et confirmée , elle doit sortir son
plein et entier effet. Mais si par elle-m êm e elle ne pouvait avoir au
cun effet ; si elle ne liait point celui qui l ’avait faite ; si celui en fa
veur de qui elle avait été faite ne pouvait pas l’invoquer , il faut
dire affirmativement , que la ratification , la confirmation ne peut pas
l ’avoir validée ; parce que l ’esprit de celui qui confirme n ’est pas de
faire une nouvelle disposition , d’attribuer un droit nouveau , mais com
me l’a clairement exprimé Pierre Saby lui-même , d’approuver seulement
la première disposition qu’il avait faite : qui confirmât, nildl dat.
E n vain dirait-on que le vice de la première institution a été cou
vert par la ratification ; cela serait vrai si la première institution n’ a
vait cté infectée que d’une nullité relative ; mais étant frappée d'une nul
lité absolue , l’objection ne peut avoir aucune force.
O n distingue en- droit deux sortes de nullités , les unes absolues qui
sont de droit public , et que plusieurs auteurs ont appelé nullités p o
pulaires , parce qu’elles appartiennent au public et aux membres de
l ’Élat qui ont intérêts -de les proposer ; les autres relatives , parce
qu’elles ne concernent que ceux au profit de qui elles sont établies ;
qu’elles dépendent absolument de leur volonté particulière , et qu’ils
peuvent y renoncer soit expressément , soit tacitement.
A insi 11ue vente faite par un mineur qui n’est nulle que relativement
à lui-même , peut être ratifiée par lui , lorsqu’il a atteint sa majorité ,
ou par le laps de dix ans , s’il n’a pas réclamé pendant ce tem ps,
après sa majorité.
_
A in si une vente des biens d’une femme faite prndant son mariage
n'.est mille que d’une nullité relative , et la femme devenue veuve v e u t
par une ratification expresse la confirmer.
.
�.
.
<■ ^
y
.
.
I,c mineur -devenu majeur et la lemn\e veuve sont alors, libre? , vnaî-,
1res de leurs dioits ; iis peuvent valider ce qu’ils ont fuit en m inunlé.
ou eu puissance de mari , et qui ne se trouve nul qu’à cause de ces
circonstances , et la seuie différence qu’il y ait entre leur ratification,
est que ceilç faite par ie mineur, a toujours un effet rétroactif au pre
mier acte , tandis que celle faite par la femme ne l ’a pas , et que
celui qui a traité avec elle en puissance d,e m ari, n’a de titre valabiej
que du jour de la ratification.
'
. Ces actes faits par le mineur ou par la femme en puissance du mari,,
ne sont nuls que d’une nullité relative ; nul autre, qu’eux-mêmes ne
peut s’en plaindre; eu*c seuls peuvent les attaquer, revenir contre , ou
les approuver, les confirmer.
. Mais il n ’en est pas de même d’un acte qui est nul d ’une nullité
absolue qui intéresse des tiers , et que des tiers peuvent faire valoir.
A in s i, par exem p le, un testament fait en pays de droit écrit, qui
pécherait par le défaut d’institution en faveur de ceux qui ont droit de
légitim e; une donation qui pécherait par le défaut d ’acceptation de la*part du donataire ; une donation qui pécherait par le défaut de tradition
de la part du donateur , ou dans laquelle celui-ci se serait réservé la liberté
¿ ’hypothéquer les biens donnés ; une donation qui ne serait pas faite,
en contrat de m ariage, et qui aurait pour objet les biens présens et à
venir du donateur; une donation, enfin, qui aurait été révoquée par
survenance d’enfans; de pareilles dispositions, disons-nous, seraient en
vain ratifiées, et quelques précises, quelques fo rm elles, quelques écla
tantes que fussent les ratifications, elles ne peuirrraient pas produirere fle t de les valider, parce que ces actes étant nuls d’une nullité absolue,
ne pourraient jamais être confirmés valablement. Quod nullum est ip so ,
ju r e , perpcrùm et inutiliter confinnatur.
'
Dans tous ces cas , il faudrait un nouvel acte revêtu de toutes les
formalités légales pour la validité cl’un testament, d’une donation, parce
qu’il est de l ’essence des testamens faits en pays de droit é c rit, qu’ils
contiennent institution d’héritier en faveur de ceux qui ont droit de
légitime ; parce qu’il est de l ’essence des donations , qu’il y ait une
acceptation , qu’il y ait une tradition; parce qu’il est de l ’essence des
donations qui ne sont pas faites en contrat de mariage, qu’elles ne com
prennent que les liiens présens du donateur ; et parce qu’en fin , à
l ’égard du dernier exemple proposé, une donation révoquée par surve
nance d ’enfans, ne peut jamais revivre , et que dans tous ces cas des
ratifications ne pourraient produire aucun effet.
Quand un acte est nul par lui-m êm e, il est loujours ratifié inutilem ent;
r.e contenant point d’engagement valable de la part de ceux qui l ’ont
souscrit, ne pouvant jamais être validé par le tem ps, la ratification qu*
tu est faite par les parties, ne les oblige pas à P^lis (i uc ne ^es obligeait
l ’acte même.
�.
,
?
V5
)
L'institution d'héritier portée dans le contrat de mariage de 1719,'
était nulle par elle-même ; elle n ’attribuait aucun droit à N o ël Saby; elle
e lle ne liait en aucune manière Pierre Saby, son père ; et la ratification
q ue celui-ci.en fit en 17 2 5 , était absolument insignifiante, et ne le liait
pas à plus envers N o ël Saby, qu’il ne l ’était par l ’acte de 1719.
Toute la difficulté se réduit, enfin, en peu de mots. O u la première
disposition était nulle par elle-m êm e, ou elle était seulement susceptible
d ’ètre annullée ; dans ce dernier cas, c’est-à-dire si la disposition n'était
pas nulle par elle-m êm e, sed venit tantum annulandus, la ratification
l ’aurait fortifié, corroboré, validé; mais dès que la première disposition
était nulle par elle-même, la ratification, la confirmation qui en furent
faites ne purent pas la valider; parce que , comme le dit quelque part
B o ëriu s, coufrmatio vihil novi d a t , sed prius habita et possessa
confirmât.
C es principes , ces distinctions , sont enseignés par tous les juriscon
sultes , et ils furent consacrés d’une maniéré bien précise par un arrêt
du 26 février 1 7 2 6 , rapporté par Lépine-de-Grainvile page 408, dans
une espèce qui était tout aussi favorable pour les donataires , que veulent
l ’être lés nouveaux adversaires de Bard ; ils ont été renouvellés dans le
p ro je t du code civil qui peut être regardé comme raison écrite , quoiqu’il
n ’ait pas encore force de lo i; voici ce qu’on y lit, art. 22g du 2.me liv. ;
« l ’acte confirmatif suppose un contrat antérieur et un contrat valable. »
« Si l ’acte confirme est radicalement n u l, il n’est point validé par la
*» simple confirmation , à moins qu’il n’énonce, la connaissance de la
» nullité du premier, ave: l'intention de la réparer, qu’il n’en rapporte la
# substance et ne Contienne la déclaration de la volonté de vouloir lu i
» donner l ’exécution. »
Ces principes ont encore été consacrés par le premier jugement que
Bard a obtenu contre Pierre Saby; jugement qui a été attaqué par la
voie de la tierce opposition, mais qui doit nécessairement être confirmé,
quelques efforts que fassent Magaud et sa femme pour le faire réformer.
Ces derniers insistent et invoquent encore en leur faveu r, l ’autorité de
l ’immortel Dum oulin; et nous aussi nous l ’avons invoqué ! nous avons
rapporté les expressions de ce célèbre jurisconsulte, et certes nous sommes
éloignés de l«s croire en leur faveur.
11 est vrai que Dum oulin après avoir d it, ainsi que les adversaires de
’Bard en conviennent ( car ce sont leurs propres expressions que nous
trani'.crivons ) , que la confirmation d’un acte antérieur auquel celui qui Le,
confirme, se référé sans en rapporter la teneur, ni en relater les vices
pour les réparer, n’a d'autre but que de maintenir l'acte- dans sa valeur
primitive-, qu'elfe ne couvre pas la n u llité, ni les 7/ices de l’acte , ignorés
par L'auteur de la confirmation, et qu'ells n'empêche ni lui ni les siens de
fa ire valoir cas vices , pour se 'dispenser d’exécuter l’acte , ajoute que si
�.
.
.
je
>
.
.
îa confirmation d’une cüspositionr nulle est faite avec la connaissance de
cette n u llité, et intention formelle de la réparer, la ratification valide
.alors ce qui.était nul. Tn tantum quod etiamsi corjirmaium esset nv.h.um
x e l nw aiidnni, vahdarctur per coirfimiationem potestatem halerilis, scicnlis
nuilitatem et vilium confirmati.... Tune propnè non discilur corfirmatio,
sed nova et principaiis dispositio.
L es célèbres jurisconsultes , rédacteurs du projet du code civil qui est
.attendu avec tant d’impatience par toute la H a n c e , pour faire cesser la
bigarrure de nos lois , n ’ont-ils pas puisé dans' l'immortel D u m o u lin ,
. l ’article que l ’on a déjà rappelé, et cet article et les suivans ne sont-ils
pas la traduction presque littérale de ce que dit ce grand maître.
E n un m ot, l ’acte de 1725 11’enonce pas la connaissance de la nullité
dont était infectée la disposition contenue dans celui de 1719 ; ii n’y en
est pas dit un m ot; on n’y voit pas l ’intention formelle de Pierre S ab y,d e
.vouloir réparer ce-vice qu'il devait connaître, que la l o i ne lu i p erm etta it
pas d’ign orer, et dès-lors il faut dire avec D um oulin, avec les auteurs
du projet du code civil, que la confirmation d ’une disposition radicale
ment n u lle , n’est point validée par une simple ratification qui n'énonce
point la connaissance de la nullité, avec l ’intention de la réparer ; que
la disposition contenue dans l ’acte de 1719 , n ’a point dès-lors été
.validée par la-ratification contenue dans celui de 1725.
Q U A T R I È M E
Q U E S T I O N *
E n Auvergne , les en/ans des cultivateurs , travaillant hors la maison
paternelle, peuvent-ils fa ire des profits qui leur soient propres J
O n ne rappèlera point ici les distinctions faites par les lois sur les
différentes espèces de biens. O n se contentera de dire qu’en A u v e r g n e
et dans le Forêt, l ’usage constant a toujours été que les sommes gagn ées
par les enfans des cultivateurs, soit en s'expatriant, soit dans l ’etat de
domesticité ont toujours restées en leur libre disposition; qu’ils ont cu
le droit d’en disposer à leur gré; et que leurs pères n’ont jamais consi
dérés ces sommes comme faisant partie de leur patrimoine.
E lles ont toujours été classées, ces som m es, dans l’ordre des biens
désignés par la loi sous le nom de quasi-castrence, dont les pères n ’on t
ni l ’usufruit, ni la propriété , et qui ne sont jamais sujets à rapport à leur
succession. Nec castrense, nec quasi castrense peculium fratribus co n fcr lu r .
Tous les ans et à des époques périodiques on voit , des nuées de cul
tivateurs quitter "nos montagnes pour aller à la scie ou <\ la marre ; on
les voit à d’autres époques revenir, portant dan s leur m a iso n les fruits
de leurs sueurs et de leurs travaux ; les prêter le plus souvent <\ leur
frère ainé , et s’en fairo souscrire de8 obligations , d es re co n n a issa n ce s.
Tous les jours 011 voit les enfans des cultivateurs se constituer euxmèmea
�,
,
< ' > 7 "5
xnêrtics , dans leur contrat de mariage, des sommes provenues d e leura
épargnes et de leurs travaux ; on voit même des filles en faire autant
dans leur contrat de mariage , en présence de leurs parents , san* que
dans aucun-cas , dans aucun temps il soit encore entré dans l ’idée des
héritiers institués , des légitimâmes, de demander le rapport de ces- som
mes pour en grossir la masse des biens paternels. O ui , il est sans exem
ple que des héritiers aient exigés qu’un légitimaire mécontent de la
part qui lui était fixée, pour lui tenir lieu de ses droits, rapportai à la masse
des biens à partager , ce qu’il s’était liii-mème constitué dans son con
trat de mariage , comme provenant de ses épargnes , parce qu’encorô
une fois on a considéré ces profits comme devant participer de la na
ture des biens quasi-castrence , et que sous ce point- de vue ils’ n ’étaient
pas sujets a rapport.
Si c’était une erreu r, comme l ’â dit Pierre S a b y , qui contrarie le i
principes puises dan* la loi sur la puissance paternelle, il faudrait la
confirm er, parce- qu’étant devenue générale , elle a acquis force de loi;
F.rror fommunis fa ç it legem. E lle devrait être consacrée, parce qu’elle
sert d’un aiguillon puissant aux enfans-des cultivateurs pour les déter
miner à abandonner nos contrées , et à aller chercher chez les habitans
d'autres contrées , qui ont des richesses, mais non de l ’industrie
le n u
méraire qu'aucun autre canal ne pourrait- faire parvenir dans nos
montagnes.
.
Mais pourquoi se tant appéèantir sur l ’usage , sur la force qu’ik d o it
a v o ir, sur l ’avantage qui en résulte pour nos contrées ? N e suffit-il
pas à Bard d'invoquer en sa faveur ,. pour faire rejeter , proscrire la
prétention de ses adversaires , les dispositions • du contrat de maria«fe
de son ayeul ?
°
O n y voit dans >ce contrat’ dé manager qui est du 2 i janvier 1737V
qu’Andre Saby a ete constitue par N o ël Saby son frère , à une somme
de deux cents francs
pour ce qui lui revenait dans les biens de ses
père et mere , et qu il s est constitue lui-même une somme de trois
cent cinquante francs qu’il avait par devers lui , comme provenant de
ses épargnés.
D e la distinction de ses deux sommes n’en résulte-t-il pas évidem
ment q u d n y a que la somme de deux cents francs qui puisse êtrfc
sujette a rapport, si e lle 'a étépayée ? N ’en résulte-t-il pas sur-tout que
N o ël Saby père et beau-père des adversaires de B ard, était convaincu
que la somme de trois cent cinquante francs qu’André Saby son frère
se constitua lui-même , comme provenant de ses épargnes , lui était pro
pre , et que dans aucun cas , dans aucun temps il 11e pourrait y avoir
droit ? N ’en résulte-t-il' pas qu’il y a fin de non-recevoir contre là
prétention de Magaud et de sa femme , qui a pour objet le rapport
a t cette somme’ de trois c u it embuante francs à la succession dont
C
�'(
ï
ïe partage est ordonné. Concluons donc,' et
cette prétention qu’injustice, absurdité ( i) .
C I N Q U I È M E
..
..
disons qu’il n*y a dans
Q U E S T I O N .
U aclion en partage dirigée contre un des détenteurs des biens, possédant
' par indivis avec ses cohéritiers, interrompt-elle la prescription v is - à vis ces derniers ! (2).
C e n’est pas seulement par les mêmes moyens que Pierre Saby a fait
valoir contre B a rd , que la prétention de ce dernier est combattue ; ses
nouveaux adversaires , les tiers opposans, en les reproduisant, en a jou ten t
un qui leur est propre ; ils prétendent que l ’action en partage n ’ayant été
dirigée que contre Pierre S ab y, n ’a pas pu leur nuire, leur préjudicier ,
interrompre la prescription à ieur égard.
L a discussion de la question qu’ils mettent au jour, ne sera ni longue,
n i difficultueuse, et il sera facile de leur démontrer qu’il n ’y a encore
qu'erreur dans leur nouvelle prétention.
U n point essentiel à rappeler , pour ^parvenir à la solution de cette
q u estio n , est que les nouveaux adversaires de Bard et leurs auteurs ont
toujours jouis avec Pierre Saby, second du nom, contre qui la demande
en partage fut dirigée en 1736, de la totalité des biens sujets au p a rta g e ;
que cette jouissance commune qui avait pris naissance, qui était fondée'sur les
actes de sociétés générales et universelles contractées entre Pierre Saby,
premier du nom , d’une p a r t, et Antoine Bruhat et Catherine Saby,
.d’autre, par les actes publics qui sont rapportés et qui sont des 16
février 1694 et 3 janvier 170 6 , s’est perpétuée jusques à présent, de sorte
que quoiqu’il soit de principe en droit que toute société est r o m p u e ,
.dissoute par la mort d’un des associés , morte solvitur societas, il est
cependant certain que par une volonté tacite et bien exprimée par Ie
fait, les sociétés générales contractées entre les auteurs communs, se sont
perpétuées entre leurs descendans ; et que par le fait de la jo u issa n ce ,
de la cohabitation commune ; par la circonstance qu’ils ont toujours mis
en commun les profits qu’ils ont faits , et que dans plusieurs actes
.publics qu’ils ont passés , ils se sont dits communs et associes cfl
biens; il en résulte qu’il faut considérer ces sociétés générales établies
en 1694 et en 1706 , comme ayant été renouvellées e x p ressém en t *
.chaque génération.
Ci^ Q u o i q u e d a n s le urs m o y e n « en ti erce o p p o s iti o n , M a r a u d et sa f e m m e n ' a i e n t pas r e n o u v e l é
c e l u i q u e l ' u n v i e n t île d i s c u t e r , o n a c r u i l e v o i r l e p r é v o i r , p a r c e q u e P i e r r e S a b y l ’i v a i t e m p i
aveu f o r c e , et qu'cnx-niéines p e u v e n t to ujours y avoir recours.
, .
•
i . le I*
( î ) M a^ a tu l et sa f e m m e a p r i s a v o i r o p p u s é la p r e s c r i p t i o n , o n t dit q u ' e l l e était ac q u is e lor 1
d e m a n d e j n r t i u e c o n t r e P i e r r e S i l i y , e t o n t a j o u t e p a r é c r i t , i/u’iUr ttm t h i v plus im -ou tn tiélc enJ *
]lS
A ' C.tlhivs'it Snhy ; il on t d i t p u b l i q u e m e n t q u e l.t i l er . i ni i . l e n ' a y a n t p J s e t i f o r m e e dans l e m e m
¡v
c o n t r e cctt'-* d e r n i è r e , U p r e s c r i p t i o n a v a i t c o n t i n u é d e c o u r i r e n s a l a v e u r . L j l i mi t e ' j u ü s o n t t .
les p r o p o i qu 'i ls p u t te n u s o n t d é t e r m i n é à t r a i t e r l a q u e s t i o n p r o po s ée .
�^
y
. 1 e fait de la j'ouissance commune qui a toujours eu lieu entre tou»
les adversaires de Bard, qui existait- à l ’époque de la demande en partage
formée en 178G, et qui n’a cessé pour les biitimens seulement que d.epma
•
le 5 janvier 1792, époque d’un acte public reçu Vissae notaire, suffit seul'*
pour faire décider la question.
•*
t « l i e n est des héritiers du débiteur, comme des coobligés m êm es,1
» tant que ces .cohéritiers n ’ont pas (fait départage entr’eux. D es co -'
*> héritiers qui sont encore dans l ’indivision, sont réputés associés pour
y tout ce qui est relatif aux biens de la succession; ils sont çenscs jnaji- •
V dataires les uns des autres à cet égard; ainsi l ’interruption qui est
» faite contre l ’un d'eux, est réputée faite contre la succession elle
» même; » c’est ainsi que s’exprime sur cette question le dernier com
mentateur de la coutume de la ci-devant Auvergne.
• Écoutons ce que disent plusieurs coutumes de France, qui ont prévu$i
la difficulté :
,
« Interruption de prescription faite contre l ’un des frères ou communs Bourfconnaîs.
» p o s s é d o n s par indivis ; aucune chose sert et profite comme si elle
art-35» était, faite contre les autres communs personniers en ladite chose. »
« L ’interruption civile par ajournement lib e llé , ou convention judiBerry.
» claire, ou autrement, faite pour le regard de l ’un des possesseurs ou tlt- 1S',rt-l6» détenteurs par indivis , de la maison ou héritage que l ’on veut prescrire
» a effet contre tous les autres possesseurs et détenteurs par indivis ,
>> dudit héritage , et leur nuit et préjudicie. »
« Interruption de prescription faite contre l ’ùn des. frères ou communs. Nivcrneis.
ü> possédans par in d iv is , aucune chose ,. nuit aux autres frères o u t!t 36 art- ?•
>> communs. »
. .
,
.
.
.
« Pour empêcher prescription- de trente ans, ou icelle interrompre
Anjou
» entre frarescheur , suffit à celui frarescheur contre lequel on objicerait art. 435..
» p r e s c r ip t io n , montrer et enseigner quant aux choses communes et
» iiidivisees entre lesdits fraresclieurs , que l ’un d’eux a été inquiété , ou
2 sa possession interrom pue, car en ce cas où les choses sont encore
y indivisées , l ’interruption faite à l ’un préjudicie aux autres. »
T el est le langage unanime de ces coutumes sur la question à laquelle
donne lieu la prétention de, Jean Magaud et de sa femme. L eur décision
imiiormè prouve que cette question ne devrait pas même en faire une. Il
suffit qu’une action soit dirigée dans un temps utile , contre un des
détenteurs d’un bien possédé par indivis avec d’autres, pour que l ’action
n u i s e , préjudicie à tous, qu’elle interrompe la prescription à l ’égard
de tous.
« Quand on s’adresse contre l ’un des possesseurs , par indivis , dit
énergiquement Coquille , 1 adresse est faite poiius in rem , (¡uam
» in personnarn , et nuit à tous ceux qui y ont part. » A in si il est
certain que liard en Xormaut en 1786 la demande en partage deo
.
.
.
'
C 2
�biens <5e scs auteurs , contre Pierre S a b y , avait moins en vue d e
s'adresser directement à c e lu i- c i, qu’aux biens auxquels il prétendait
dxoit ; que les biens seuls m en ta ien t, attiraient toute son attention;
qu’eux seuls étaient le mobile de son action ; qu’ainsi et quoiqu’il ne
s’adressa alors qu’à Pierre S a b y , un des détenteurs des biens , son action
n'a pas moins eu l ’effet d’interrompre la prescription contre tous les
autres détenteurs , parce qu’elle était dirigée potius in rem quam in
personnam.
Q u ’on ne ’ dise pas que les autorités de ces coutumes ne peuvent
être d’aucun p o id s, d’aucune autorité en A u v e rg n e , leurs dispositions
ont de tout temps été reconnues si sages , et tellement fondées sur la
justice et la raison qu’elles ont toujours été approuvées par les juriscon
sultes , et regardées comme devant formeF le droit commun ; c’est ce
qui a fait dire à Chabrol , qu'il en est des héritiers d ’un débiteur
,
comme des coobligés même et que tant qu'ils n’ont pas f a i t de partage
entr'eux le principe est le même.
O n convient qu’il en ;est autrement à l ’égard des cohéritiers qui
ont cesse d etre dans l ’indivision, et que dans ce cas l ’action dirigée
contre un ne peut pas nuire aux autres. O n convient qu’il en est encore
autrement dans le cas ou un demandeur restreindrait sa demande contre
un cohéritier jouiesant par indivis avec d’autres, à la portion pour
laquelle il serait personnellement tenu de l’objet de l ’action , et que
dans ce cas encore l’açtion dirigée contre un ne nuirait point aux autres,
mais hors ces cas, et tant qu’il y a indivision entre des cohéritiers , tant
qu’ils jouissent en commun d'un bien , il est certain , il est incon
testable que l ’action dirigée contre
, n u it, préjudicie à tous.
;
Pour demeurer convaincu que ce qu’on vient de dire ne peut pas
être combattu avec succès , il suffirait de rappeler les expressions de
M . Charles Dumoulin sur l ’art. i 5 du titre i2 d e là coutume du Berry t
et sur ce mot prejudicie.
Fntellige , dit ce savant et profond jurisconsulte quando reus supeT
toto convcnitur et super toto procedit et H oc e s t v a l v e j v s t v m , quam -
,
t Îs
sit contra, ju s scriptum individuis : secits si aclor conveniat unnmE x possessoril us pro parte sud t ant um, quia tune re.mcmct. régula ju vis
commuais quoad ahos. Il suffit donc que celui qui réclame des droits
contre un des détenteurs d’un bien possédé par indivis , réclame la lo
calité de ce qui lui revient , pour que son action nuise , préjudicie à
tous les autres détenteurs. H oc e s t v a l v e j u s t u m (i).
_____ t
(0 Dv la nole mise nu Iws île h premii'rc question, il réjulte qu'ü l'époque île l:i ile*iamle forme;
cor.>'r;pj,.rrC Sahy tn t7HJ>, il ne l’etnit écoulc une ans un mois et >jours île temps utile pour
jee* motion . et en calculant tlepuis cette époque jiuqu’nu premier mmsiilnr a n V I ( 19 juin t; i'<
date Oc ln *•!t-nti-,n en 'rnncilintitm portée à Mi'.;:uii| et à si femme, il ii't a Tne H »lis : 11101^
■jour', ceji'ii r.ijr nn total Je 2« .111s4 mois 4. jour«, aütsi point île preterijuion en supposant
que Iïs l'rinv.fccilpUiuitnc l'ussmt pas en favïisr dî Bard.
.
�-
S I X I È M E
Q U E S T I O N .
-
IV a-t-il quelques biens meubles sujets au partage ordonné par ls jugement
en dernier ressort de 1792 / Y a-t-ïl plus de deux immeubles , mèm®
. ¿lus de quatre sujets à ce partage î
Nous avons terminé la discussion de toutes les questions de droit
âiix qu’elles a donné lieu la tierce opposition formée de la part de Catherine
Saby et de Jean Magaud. N ous sommes arrivés au moment d’établir deux
points dé faits qui sont certains, incontestables , c’est-à-dire qu’il y a
des meubles sujets au partage dont il s’agit ; qu’il y a plus de deux ,
même plus de quatre immeubles qui doivent y être compris , et cette
tâche 11’est pas aujourd’hui pénible à remplir.
• Dans tout le cours de la procédure qui a eu lieu depuis 1786 jusques à présent , Jean Saby et avant lui son père se sont toujours obs
tinés à soutenir qu’il n’y avait aucuns biens m eubles, aucuns biens im
meubles sujets à partage. U n jugement contradictoire l’a cependant or
donné , et ce jxigement est celui du 3o aoiit 1792.
• A lors l ’obstination de Pierre Saby à soutenir son système parut s’ac
croître de plus en plus , et cependant rentrant un peu en lui-mème, il
convint dans un procès-verbal du 2o octobre de la même année , qu’il
y avait' seulement quatre héritages sujets à ce partage , et il eut la
bonté de les désigner d’une manière assez précise.
Fâché sans doute d’avoir fait un pareil aveu , après avoir cherché par
tous les moyens possibles à éviter le transport des experts qui furent
nommés successivement ; après avoir donné lieu à plusieurs incidens ,
et voyant arriver les derniers experts nommés pour procéder au parta
ge , il soutint à ces mêmes experts ( ce fait est consigné clans un rap
port du t 6 messidor an. III ) qu’il n’y avait que deux héritages sujets*
à ce partage , et il eut encore la bonhommie de les désigner.
. E nfin, après plusieurs contestations il a été décidé par un jugement du 6
fructidor an V que Pierre Bard indiquerait 1ns biens sujets au partage, et
par un autre du 2i nivôse an IX , il a été chargé de faire la preuve de
la consistance des biens meubles , des titres de créance e t des immeu
bles provenus de Pierre Saby et d’Antoinette Ladiaud.
.
Par ce même jugement , il -a été ordonné que des experts pris par
les parties ou nommés d’office feraient l ’application des titres produiu
par Bard , et comprendraient, dans leurs rapports tous les immeubles
qui avaient etc donnés pour confins aux .héritages acquis , et qui étaient
dits dans les a t.es, appartenir à ou aux acquéreurs , c’est à-dire, à Pierro
Saby, à André Saby, à Antoine Bruliat, ou à Cathcrino Saby, qui tous sont
désignés comme acquéreurs dans tous les actes produits par Bard.
Des témoins ont été produits de part et u’autre , ils ont élé enton•dus. Des experts on t. été nom m és, ils ont .opéré. 11 ne Va^it dvue
�C
255
)
.
.
,
,
.
plus que de jeter tiB côitp illceil rapide 'sur cc qui résulte des déposi
tions des tém oins, et du rapport des experts , pour juger du peu de
fondement de la prétention de Jean Saby.
D ’abord, relativement'aux dépositions des témoins qui ont trait à la
consistance des biens meubles , nous trouvons quatre dépositions pres
que 'uniformise dans l'enquête’ faite à la diligence -de Bard.
L e troisième témoin déclare qu’il y avait constamment dans la mai-*
son de Pierre Saby deux paires de bœufs, dix v a ch es, deux jumens
pBuiiniairjs , d ix chèvres , entour deux cents moutons , mais qu'en hiver
le troupeau diminuait quelquefois.
L e quatrième dit qu’il y avait quatre paires de bœufs, douze vaches,
deux jumens et un troupeau de moulons qui s’élevait quelquefois jus*
qu'à quatre cents , mais qui était quelquefois de deux cent cinquante.
■ L e sixième assure que la maison des Saby fa isa it le commerce d&
moutons , nu’habduellement i l y ayait un troupeau de deux cents bêtes
« laine , huit ou dix vaches et deux jumens, pouhniaires.
L e septième ne . parle que de deux paires de bœufA ; mais le hui-.
tième parie encore de deux paires de bivufs , d’un troupeau de moutons
de deux cents à deux' - cent quarante , de sept à huit vaches 3 de sept
à huit clùvres et d’une jument.
.
.
Jinfm T. tous ces témoins s’accordent parfaitement sur un point essen
tiel : ils disent que la maison des Saby passait pour être pécitnieuse eh
qu'elle jouissait d ’une aisance notoire.
Si nous jetons actuellement les yeux sur les dépositions des témoin*
qui ont été produits par Jean Saby ; si imus rapprochons ces déposilio n s'd e celles des témoins qui ont été produits par B ard, nous veri
iori6 que ce qu’on dit ces derniers , et que l ’on vient de rappeler , ac
quiert un nouveau degré de force et de vérité , et qu’on ne peut faire
autrement , d’aprèa la réunion de toutes ces dépositions , que de demeu
rer convaincu que Pierre Saby et Antoine Bruhat son beau-frère et son
associé , Catherine Saby sa iccur et aussi son associée, après le décès de ce
dernier , jouissaient d’une fortune opulente ; qu’ils avaient constamment
au moins deux ou trois paires de bœufs , d.ix vaches , un troupeau
moutons a entour deux cents , sept à huit chèvres et deux jumens.
U n pareil nombre cle bétail suppose nécessairement l ’existence de
tous les inslrumi. ns aratoires , des chars , des charrues, jougs , clefs de
parc elc. et tout cela suppose encore l'existence d'un mobilier quel
conque dans la maison de Tierre Saby , proportionné à l ’opulence dont
il jouissait.
,
.
Nous avouerons cependant , que d'après les dépositions des témoins
produits par Saby , il résulte que sa maison s’est cou.Vukrablement
accrue depuis le déct-s de Pierre S ab y, de cujus ; mais qu'il sache
*piu Bard n’a jamais poussé ses prétention.1* jusqu’il soutenir que 9
�J
M
)
...
.
totalité des biens dont il jouit actuellement 'e s t sujette au partage
'ordonné; mais qu’il a soutenu qu’il y avait plus de deux , même
plus de quatre immeubles sujets à ce partage ; qu’il y avait des meu
bles , et que convaincu par les dépositions des témoins qui ont été
entendus ; qu’accablé même par la réunion de ces dépositions , Saby
jentre une fois en kii-mêmeet qu’il convienne au moins aujourd’hui que son.
obstination et celle de son père , à soutenir qu’il ri’y avait aucuns
.biens sujets au partage n’ont été propres qu’à faire faire des frais
■dont il doit nécessairement être victim e, comme Bard avoue franche
m ent de son côté que lui Saby a droit à des distractions incontesta
bles et qu’il n ’a qu’à les faire connaître pour les obtenir.
L e jugement du 2 i nivôse an I X , ordonnait que Saby remettrait
entre les mains des experts, le9 titres qui devaient servir à établir ces
•distractions, mais il s’y est constamment refusé. L e s experts qui ont
opéré l’attestent dans leur rapport , et si ces experts n’ont point fait
jen sa faveur les distractions qu’ils auraient pu faire ; s’ils ont compris
dans leur plan une quantité plus considérable de terrein que celle qui doit
•en dernière analise être comprise dans le partage , il ne peut l ’impu
ter qu’à lui-m êm e, au refus constant de remettre ses titres.
D ’après le rapport de ces experts , tous les titres produits par Bard
.ont reçu une application parfaite sur les héritages jouis encore par
indivis par Jean S a b y , Catherine Saby et Jean Magaud. Ces experts
'ont
constaté l’identité
des héritages énoncés dans ces mêmes
’titres , avec ceux possédés par ces derniers , et enfin il résulte de leurs
opérations, de l’échelle jointe au p la n , du calcul que l ’on a fait d’a
près cette é ch e lle , que plus de soixante septerées de terre sont sujet
tes au partage ordonne ; ainsi , que Saby cesse donc de dire qu’il n’y a que
deux héritages même que quatre qui doivent être compris dans ce
partage.
Si cependant il lui restait a Saby quelque espoir de pouvoir répondre
à c? que nous venons de dire ; de pouvoir combatiré soit les déposi
tions des témoins , soit le rapport des experts, qu'il écoute avant de
l ’entreprendre ; qu’il lise avec attention une preuve littérale , une preuve
authentique et légale qui vient corroborer , fortifier soit la preuve vocalo,
soit le rapport des experts , et qu’il nous dise ensuite si l ’un ou l ’au
tre peut être critiqué avec succès.
V oici mot à mot en qu’on trouve dans le rôle de la commune (le
•Chainpagiiat-le-vieux , quartier de L ach au d , pour l’aunée 1 7 8 7 , rôle
rendu exécutoire le i 3 novembre 1 7 3 6 , et enregistré à Issoire le même
jour.
-
Ticrrc et N o ël
Suby , p ire et fils , et Jean Magaud
neveu dudit
�.
.
<
24
5
.
,
Pierre , communs en biens , labourant à deux- paires de - bœufs et une
paire dz vaches , cent quinze francs , ci. . . . . i i 5 fr.
» sois.
Capitation , quarante-sept francs trois sols , ci. . 4 7
3
.
1
Crue , vingt - deux Lancs un s o l, ci.............................22
T o t a l, ccnt quatre vingt-quatre francs quatre sols , ci.
184 fr.
4 sols
re u t-il d’après cela rester encore quelque doute sur la vérité des fait*
. nites-lés p a rle s témoins à l ’égard des meubl.es et des bestiaux , sur la quan
tité des immeubles sujets au partage ordon n é, tel qu’il résulte da
rapport des experts ? L'énonciation qui se trouve dans ce rôle ne les
dissipe - t - elle pas tous d’une manière irrésistible , et' Saby ne
scra-t-il pas forcé d’avouer que les témoins n’ont rien dit que de con-*
forme à la vérité ; que le rapport des experts n’embrasse pas même peut*
être tout cc qui devrait y être compris? Entrons maintenant dans un cal
cul simple mais palpable.
L e rôle de Champagnat., quartier de Lacliaud , comprend neuf villages,
Lachaud , Toiras , I\eyrolles , Leglial , Gcnestoux, le Boucharel ,.Balistre,
Balistroux et Olpignat, Ces neuf vdlages payaient en.principal ou acces
soire d’impositions 2673 francs i 3 sols. L a seule maison des Saby payait
184 francs 4 sois , c’est-à-dire à peu près le treizième des impositions ,
ce qui suppose que cette maison possédait à peu près- le treizième des'
biens ’des neuf villages. Faisons un autre calcul.
"
Il est de notoriété; publique', et il 11e faut pas avoir des connaissances
bien étendues pour savoir que les impositions ont considérablement ac
crues depuis 1787 jusques à nos jours; que tel bien qui à cette époque
payait 2oo francs d'impositions-doit aujourd'hui en payer 3 oo même 400
francs : mais supposons que cette augmentation d’imposition n’est pas ar
rivée ; supposons que le même bien qui.existait à cette époque n’est grevé
aujourd’hui , comme il était alors , que de 184 irancs 4 sols d’imposition,
et calculoii.3 d’après nos lois. •
L es impositions sont le cinquième du revenu net des biens. Pour
connaître le capital il faut donc quintupler le. montant des imposi
tions et par cette opération nous trouvons que le bien qui existait
en 1787 , grevé de 184 francs 4 sols d’im position, doit au moins
fitre en valeur de 18400 irancs : ce calcul ne peut pa* être com b a ttu avec
succès.
t
Ce rôle de l ’année 1787 , a donc non seulement corroboré , fortifie
la preuve qui résulte des dépositions de tous les témoins qui ont etc
cnU-iidus , mais encore, il a conduit à la découverte d e là valour au moins
Approximative, des immeubles sujets au partage ; ainsi il ne peut plus res
ter aucun «luutc sur la consistance des biens immeubles; ainsi le ra p p ort
des exports mj
pas paraître embrasser une plus grande quantité
de biens que Cyllc q u i est sujelty au par'.agc.
.LCS
�. f
ft5t
)
Le* titres translatifs de p r o p r e s rapportés par Bard , qu’il n ’a recueil
lis qu’à grands frais et qui ont été souscrits par différents particuliers
en favçur des auteurs communs , depuis 3 , jusqu’en 1 7 0 7 , constatënt 'q'iiëices dem iérs' ont acquis dans x e t espace de temps pour plus
de trois m ille 'liv re s d’immeubles.
:
■
11
est »de fa it in'scontestable que depuis la fin de 'l ’avant - dernier siè
cle jusqües à* présent, les propriétés foncières ont fait plus que quin-’
tiipler de valeur ; et cela conduit à la-certitude que les biens énoncés
dans le*s ventes rapportées par Bard doivent être aujourd’hui en valeur
aii m o in s de quin ie m ille francs; et si nous observons que les auteurs,
des parties jouissaient avant' ces acquisitions d’une fortune honnête ;
qu’iis étaient au morns présumés en jouir ( car les acquisitions qu’ils fai
saient le prouvent -), on demeurera convaincu que le premier calcul que
l ’on a fait n’a rien d’exagéré ou plutôt qu’il est au-dessous de la valeur
té e lle des biens sujets au partage.
N e pouvons - nous pas dire maintenant avec certitude, qu’il y a des
biens meubles sujets -au partage .ordonné ; que tous les immeuble*
énoncés dans les titres rapportes par Bard doivent y être compris • quç
la prétention de Sal>y est injuste et absurde , et que soutenir qu’il ne
devait: être compris que deux même qwe quatre immeuhles , c’etait
soutenir une'erreur qui n’était'propre qu’à faire faire des frais dont nul
autre que Saby ne peut être tenu? ■
L e s tribunaux saisis de la connaissance des contestations des parties,
ont à prononcer sur des intérêts majeurs ; ils ont à mettre fin à un procès
qui dure depuis lougues années, et à statuer si une famille plongée dans la
misère , privée depuis 60 ans et plus de la portion qu’elle amende dans un
bien conséquent,peut enfin espérer de voir la fin des incidens que ses adver
saires , qui sont dans l’opulence , ne cessent d’élever malgré un jugement
en dernier ressort, rendu depuis plus de 10 anç. L a tierce opposition
formée par Magaud et sa femme contre ce jugement, donne lieu à statuer
de nouveau sur les mêmes questions qui ont été décidées par ce jugement.
Ces tiers opposants seront - ils plus heureux que celui qui les a précédé
dans l'arêne ? Parviendiont - ils à prouver d’après les circonstances
particulières qui se rencontrent dans la ca u se , et qui résultent des
actes publics passés en présence de toute la famille , les 2i septembre
*749 et 11 novembre suivant , qu’un absent est répute vivre 100 a n s ,
que
pendant cet
espace de tem ps, toute action
est
inter
dite à ses héritiers de droits l i.tabliront-ils , en convenant qu’une ins
titu tio n d’héritier faite dans un contrat de mariage , en faveur d’un noncontractant, est nulle d’une nullité absolue ; que cette nullité a été co u
Verte par Une ratification pure " et simple faite postérieurement dans son
«ontrat de mariage ? Seront-ils assez heureux pour faire oublier les princi
pes, jusqu’au point de persuader qu’en Auvergne les enfaris des cultiva«
’
'
D
�partage, n’interrompt pas la prescription contre tous ! ils peuvent se flatter
de réussir , mais qu’ils n ’invoquent pas au moins P o th ier, Brétonnier ,
Rousseau-de-Lacombe, Dum oulin, qui tous prononcent leur propre condam
nation, et disent tout le contraire de ce qu’ils leur ont fait dire : et Jean
Saby qui en suivant le genre de défense embrassée par son p è re ,a toujours
soutenu qu’il n’y avait aucuns biens meubles sujets au partage , convien
dra-t-il au moins aujourd’hui q u ’il doit y en avoir quelques-uns ? et aban
donnant les assertions de son père à l’egard des immeubles, avouera - t-il
q u ’il y en a plus de deux , même plus de quatre sujets au partage ! Si
les uns et les autres continuent d ’esperer que fo .misère dans laquelle
Bard est plongé ne lui permettra pas de poursuivre jusqu’à jugement défini
t i f la réclamation de ses droits , qu’ils se désabusent ; cet espoir fonde
sur l ’indélicatesse , sur la mauvaise f o i , sera déçu , et ils a p p re n d ro n t
que la détresse la plus absolue peut quelquefois lutter contre l ’opu
le n ce.
'
"
‘
'
A L L E Z A R D ,
AU
homme de loi à Brioude
P U Y , de l’imprimerie de C r e s p y et G u i l h a u m e , Im p rim eu r
Libraires, rue du Collège.
A u X»
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bard, Pierre. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allezard
Croizier
Subject
The topic of the resource
communautés familiales
partage
absence
testaments
coutume d'Auvergne
droit romain
Description
An account of the resource
Mémoire pour Pierre Bard, cultivateur, habitant de la commune d'Agnat, demandeur et défendeur en tierce opposition, contre Jean Saby, fils à Pierre, défendeur, et Catherine Saby, et Jean Magaud, tous cultivateurs, habitans du lieu de Balistroux, commune de Champagnat, demandeurs en tierce opposition.
Annotations manuscrites
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l''Imprimerie de Crespy et Guilhaume (Puy-en-Velay)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 10
1674-Circa An 10
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0247
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Agnat (43001)
Champagnac-le-Vieux (43052)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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absence
communautés familiales
coutume d'Auvergne
droit Romain
partage
testaments
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b56ed7fee8be9bb3e34d474faa00beb6
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SO MM A IR E
POUR
4 yo
10
l°
3 24
^
A
^
*
les héritiers des fieur & dame F l o u v a t ; '
C O N T R E la demoiselle M
e t Me
a r c o n
C O L L E T DE B L A C Y
,
;
-
Procureur en la Cour. .
-
a
Pr
fon contrat de m ariage, paff é
nant , entr’autres c o n d itio n s, la fomme de 4,000 livres.
Le
fieur M a r c o n , alors fon futur é p o u x , a autorifé &
approuvé cette ceff i o n , il a reçu les 4,000 livres.
V ers 1 7 7 0 , après vingt-fept ans de m a ria g e , le mauvais
état de fes affaires l’a forcé de s’évader ; il paroit que depuis ce
tems on n’en a pas eu de nouvelles.
L a dame Marcon a demandé fa féparation de biens & l’a
obtenue.
Son premier foin a été de revenir contre la vente de fes
droits p aternels par elle faite en m inorité; elle a conclu à la
rcft itution des fonds & des jouiffances.
L e fieur Flouvat s ' eft oppofé à cette dem ande; mais un
A rrê t
du 31
Juillet
1 7 7 9 , 'rendu
7*
devant Notaires e n
1743
dame Marcon a cédé au fieur F l o u v a t , fon beaufr e r e , tous fes droits dans la fucceffion de fon perc , moyen
conformément à des
^
J
C
12-
‘
A‘
�principes r ig o u r e u x , l’a accueillie pour le malheur de toutes
les Farcies.
C e t A r r ê t , contradi&oire entre la dame Marcon & le ficur
F lo u v a t, condamne celui-ci à delaifler les fonds.
A rendre & reftituer à la dame M arcon les jouiflances fui—
vant l’eftimation qui feroit faire par Experts.
Condam ne la dame M arcon à faire raifon au fieur F lou vat
des 4 , c c o liv. avec les intérêts à compter des paiement.
O rdonne que le tout fera compenfé avec les jouiifances,
& ce d'année en année.
A l’effet de quoi les Parties compteront à l’a m iab le, fi faire
fe p e u t , finon en la C our.
A c c o r d e à ladite M arcon fon recours pour le principal des
4,000 liv. contre l'on m a ri, qui les avoit to uchées, mais ne lui
accorde aucun recours contre lui pour la reflitution des intérêts.
E n exécution de cet A rrêt &
de plufieurs autres rendus
entre les mêmes Parties les 25 Juillet &
i er A o û t 178 1 } il a
été procédé aux eftimations des jouiifances & au règlement*
de toutes les répétitions refpe&ives.
L e s fieur & dame F lou vat font décédés fans avoir vu la fia
de ces opérations. Cependant il n’avoit pas tenu à eux de les
terminer à l’amiable ; c a r , dès le 12 N ovem bre 1 7 8 3 , l a ?
dame F lo u v a t, devenue v e u v e , avoit cédé âc délaiifé à la dame
M arcon , fans attendre le compte ordonné par l’ A rrê t de
■ l 7 7 9 > différens immeubles pour demeurer quitte envers elle
des fommes liquidées par les Arrêts de 1 7 8 1 ; le prix de ces
immeubles excédoit de 1,400 liv. le montant de ces fommes
liquides ; elle i v o î t laifle ces 1,400 liv. entre les mains de la
dame M arcon.
A p rè s fon d écè s, les héritiers des fieur & dame F lou var
�3
imitant ccttc conduite , ont licite entr'eux & h dame M arcon
une maifon eflimé° î 8,000 liv , dans laquelle il ne revenoit à
celle-ci, pour fa p a rt, que 2 , 5 0 0 livres.
Le 19 Décembre 1 7 8 4 , la dame M arcon s’e il tendue adju
dicataire de cetre maiion moyennant 15 ,6 0 0 liv. Il devoit
donc y avoir une perte proportionnelle pour chacune des Par
ties; on n’en a pas fait fupporter à la dame M a rcon ; on a
confenti qu’elle fe retînt les 2,500 liv. en entier fur fon prix ;
qu’elle ne payât aux héritiers F lou vat q u ’une fomme de 600 I.
& il a été convenu que les 12,500 liv. reliantes demeureroient
ès mains & au pouvoir de la dame Marcon jufqu’après l’apu
rement du compte à faire entre les Parties.
Il n’étoit pas poflible de fe conduire avec plus de franchile j ( i ) s’ils en avoienteu moins, ils n’auroient plus de procès ;
lacraintc de la reilitution & l’amour de la chicane les perpétue.
O n n’accufera pas la dame Marcon d’avoir formé ce pvojer ;
il efl certain qu’elle n’ y a pas même coopéré ; la demoifelle
M arcon & fon Procureur en la C o u r , M e C ollet de Blacy en
font les auteurs & les exécuteurs.
P ou r parvenir à leur b ut,ils ont fuppofé que le fieur M arcon,
abfent & féparé de biens d’avec fa fem m e, avoit des droits aux
joûiflances dont la reftitution avoit été ordonnée par l’ArrcC
du 3 1 Juillet 17 7 9 , que c’étoit avec lui que le compte de ces
( x ) Dans l’état a&uel des ch o fes, la dame de Marcon a dans fes mains plus
de 15,000 livres de Ibmmes claires & liquides appartenantes aux héritiers F lou vat;
i° .
1,400 liv.
a0. 12,500
3°.
4°.
4,000
7,000 liv. au moins pour les intérêts des 4,000 liv. depuis 1743
T o ta l. 15,000 liv . non compris environ 1,500 1. de provifions payées en exécution
des Arrêts de la C ou r.
A 2
�4
jouiflances d evo it être fa it, & que c’étoic pat lui qu’il devoît
être préfenté.
M e C ollet de Blacy a développé cette idée heureûfe dans
une Requête non com m uniquée, fur laquelle, le 19 A o û t
1 7 8 4 , il a furpris un A r r ê t qui a nommé la demoifelle M arcon
curatrice à l’abfence de fon pere, & l’a autorifée à affilier à
toutes les opérations & liquidations à faire en exécution des
A rrêts de la C ou r.
O n ne parlera point ici des procédures faites par M e C ollet
de B la c y , tant en fon nom p e r fo n n e l, que pour la demoifelle
M a r c o n , de fes réferves contre les Arrêts de la C o u r , & mille
autres iemblables abfurdités; on remarquera feulement qu’à
l’inftant où les héritiers de la dame F lo u v a t, qui avoient été
affignés en la C ou r à la requête de la demoifelle M a rc o n , pour
voir dire quelle (croit reçue Partie intervenante dans l’in ftance de compte de liquidation , fe font préfenrés pour ré
pondre à cette dem ande; on leur a oppofé des Arrêts déjà
rendus par défaut faute de plaider contre quelques-uns d’entre
eux & auxquels il n’y avoit point eu d ’oppofition formée dans
la huitaine, un procès-verbal déco m pté fait par défaut contr’eux en l’hôtel de M . Clement de B la v e tte , par lequel, fans
qu’il y ait eu d’homologation du rapport d’ E x p e r t s , qui doit
lu ifervir de b a ie , & lans égard pour les Arrêts de 1 7 7 9 & 1 7 8 1,
on avoit fixé le prétendu reliquat de ce compte au préjudice
des héritiers F lo u v a t, à des Tommes é n o rm es, & c . & c . & c .
N e pouvant rien concevoir à toute cette p ro c é d u re , les
héritiers Flouvat fe font vus contraints de l’e x a m i n e r de p rès,
& par cet examen ils le font convaincus qu’ il n’ y avoit pas
une feule des procédures faites contr’cux par M* Collet de
B l a c y en fon nom perfonnel, ou comme Procureur de la D I l e
�5
M a r c o n , d’un fieur C hau laire, d’un fieur B clhom m e, & au
tres perfonnages femblables dont M e Collet de Blacy fait les
rôles, foie en fon n o m , foit fous le nom de fes C o n frè res, qui
ne fût une procédure fruüratoire nulle & véritablement feandaleufe.
Diftinguant donc la demande de la demoifelle M a rc o n , à
fin d’être reçue Partie intervenante d’avec toutes ces procé
dures, ils ont d em and é,
i°. que la demoifelle M arcon fût
déclaré non-recevable dans fes interventions ; i° . que toutes
les procédures faites contr’eux par M e C ollet de B la c y , fours
les differens n o m s , fuifent déclarées nulles.
C ’eil en cet état que la Caufe plaidée pendant plufieurs A u
diences , a été mife en délibéré au rapport de M . F erra n d .
M O Y E N S .
L es moyens des héritiers F lou vat fe d iv ife n te n deux parties;
la premiere, relative à l’intervention de la demoifelle Marcon ;
la ieconde, relative à la nullité de la procédure.
*L intervention de la demoifelle M arcon s’ écaite en peu
de mors ; c’eit comme curatrice à l’abfence de fon pere q u ’elle
dem ándele compte des jouiiTances dont les Arrêts de la C o u r
ont ordonné la reftitution au profit de la dame M arcon perfonnellement.
Mais ion pere n’a pas droit àces jouiiTances, i°. parce que la
dame M arcon n’a eu de bien dotal que la fomme de 4,000 liv.
& q u e tout le bénéfice quelle pourra retirer de la refeilion de la
vente de 1743 eit un bien paraphernal & extradotal ( 1 ) .
(1 ) Vide Bafmaifon fur l’art. 8 du tit. 14 de la C o u tu m e , & M e C k b r o l dans fcn
C om m entaire, tom. 2 , p a g - î & fuivantes.
§• r.
�6
'
2 ° , Parce que lesa&ions rcfcindantes'& rcfcifoires font perfon nelles, & ne peuvent être cédces que par une convention
c x p r e ffe ; une conflitucion de d o u , même gén érale, ne c o m prendroit pas les a v ions refcifoires, à plus forte raifon quand il
n’ y a pas même eu de conilitution gén érale, feroit-il contraire
à la raifon qu’une femme fût réputée s’être conilituée en doc
en
m ê m c -te m s ia fomme pour laquelle
elle a cédé
les
d ro its , & ces mêmes droits q u ’elle a c é d é s , ce qui ieroit & U
chofe & le prix.
A u ifi la L o i veut-elle expreflemem que le mari qui s’eit cor.*
tenté du fonds que fa femme avoir reçu en échange de fes
droits patern els, ne puiiïe pas réclamer aurre chofe que la
valeur de ce même fo n d s , dans le cas où fa femme fe feroit
reilituer contre la ceflion qu’elle avoic faite de fes droits pa
ternels ( i ) .
C ’eit d ’après ces principes que la C o u r a j u g é , par fes
A rrêts de 1775) &
l 7 ^ l t S ue ^cs jouiflances feroient relli-r
tuées à la dame M arcon perjonnellem ent, & qu’en la condam
nant à rendre les 4,000 Iiv. avec les intérêts, elle ne lui a ré fervé fon recours contre fon mari que pour le principal. C es
A r r ê t s ne font pas attaqués, & fourniiTent aux héritiers F l o u v a t
une fin de non-rccevoir infurmontable contre la demande de
la demoifelle M arcon.
Il y a plu s; fi le fieur M arcon s’étoit prefenté avant les
A rrêts
qui
ont
ordonné
que
les
jouiiTanccs
reilituées à la dame Marcon perjonnellem ent,
pu
prouver que
ces jouiflances
ne dévoient
&
leroienc
s’il avoic
appartenir
qu’à lu i, le fieur Flouvat n’eût pas été condamné à les refti4»)
Vide L . 6 2 , j f . de jure dotium.
�7
tu e r, parce que le ficur M areon n’étoit pas recevable à atta
quer de ion c h e f, en 1 7 7 9 ) unc ventc Par
co n ^cnc*c en
743Inutilement auroit-il dit que le mineur releve le m a je u r,
& que l’a&ion intentée par fa femme le rétabliiïoit dans fes
droits.
,
O n lui auroit répondu avec avantage que le mineur ne
releve le majeur que dans les chofes in d iviiib le s, & que la
ceflïon faite par la femme pouvoir être nulle fans que la ceffion
faite par le mari le fût également.
Ainfi la demoifelle M arcon e f t , très-heureufement pour les
Héritiers
F l o u v a t , non - recevable à tous égards dans
fa
demande à fin d’intervention dans les inftances de compte
& autres opérations ordonnées entre les fieur & dame F lou
vat & la dame M a r c o n , par les A rrêts de 17 79 & de 1 7 8 1 .
O n die très-heureufement pour les Héritiers F lo u v a t , parce
que cette fille qui déjà s’eft oppoféc à ce que le compte fût
fait à l’amiable entr’eux & fa m e r e , ne manqueroit pas de
remettre en queition tout ce qui a été jugé par les Arrêts de
la C ou r.
O n peut juger de ce qu’elle feroic à cet égard par ce
qu’elle a fa it, & fur-tout par l’examen de ce procès-verbal
fait par défaut en l’Hôtel de M . Clémenr de Blaverte , & dans
lequ el, fans égard pour le procès-verbal des E xp erts qui a
eitimé les jouiiTances, pour les A rrêts qui ont réglé tous les
autres droits de la dame M arcon & des Héritiers F lo u v a t;
elle a fait clorre un compte qui n*a d’autre baie que fon imagi
nation exaltée par le defir d’éternifer les conteftations.
O n peut juger de ce qu’elle feroit par cette multitude
énorme de procédures qui font déjà faites fous fon, nom en
�8
en la C o u r , en la G rand ’ C h a m b r e , aux Requêtes de l’Hôtel
au Souverairt, par Tes rélerves expreffes contre le s'A rrê ts de
la C o u r , par cette acquifition de droits litigieux à laquelle
elle n’a pas eu honte de prêter fon n o m , fans autre objcc
que celui d ’avoir une occafion de plus de vexer les Héritiers
F lo ü v a t.
Mais n’imputons pas à la demoifelle
M arcon feule cc
qui eil encore plutôt l'ouvrage de M e C ollet de B la c y , que
le fien ; & , après avoir prouvé que la demoifelle Marcon
doit être déclarée n on -recev ab le dans fes interventions &
d em and es, établirons que toutes les procédures faites par
M e Collet de B la c y , depuis le 20 O ctobre 1 7 7 9 , tant pour
lui que pour elle, & encore pour les êtres imaginaires qu’il
a nommés C hau laire, Belhomme & autres, font des procé
dures n u lles, fruilratoires & fcandaleufes.
§• 1 !•
O n co n çoit que les bornes d’un Précis ne nous permettent
pas d’entrer dans le détail de toutes les procédures que M e
Collet de Blacy a pu faire depuis près de fept années, contre
les Héritiers F lo u v a t; nous allons limplement donner un léger
apperçu de fon l'avoir faire en cette partie.
En 17 79 »
Collet de Blacy éioit Procureur de la dame
M a rc o n ; il demandoit pour elle la nullité de la vente de (es
droits paternels ; l’un de fes grands moyens réfuîtoic de l i
léfion que la dame M arcon avoit éprouvée par cette ven te;
il prétendoit qu’en annullant cette v e n te , la dame Marcon
feroit créanciere du (leur F lo u v a t de Tommes très confidérables.
L ’ A rrêt du 3 1 Juillet 1775» annulle donc la vente , & con
d a m n e l e ' fieur F louvat à la reilitution des jouiffances <S’ aux
dépens.
M e Collée de Blacy demande la diflraftion a fon profit des
dépens
�9
dépens adjugés à la dame M arcon ; il
en
obtient l’exécutoire
en fon nom.
Quel ufage en fera-t-il ? S’il ne veut qu’être p a y é , il pourfuivra le fieur F lo u v a t, le fera fa ifir, e x écu ter, le forcera à
payer : ce n ’eil pas ainfi qu’opere M e C ollet de Blacy ; le
moment d ’exiger fon paiement n’eil pas encore v e n u , il faut
auparavant qu’ il double fes frais.
A cet effet, il fait une faifie-arrêt, non pas entre les mains
des débiteurs de fon d éb iteu r, mais entre les mains de la dame
M arcon fa cliente, entre les mains de cette femme qu’il vient
de préfenter à la Juilice comme créanciere du fieur F lo u v a t.
A iïig n a u o n à fa cliente en déclaration affirmative au fieur
F l o u v a t , pour v o ir déclarer la faific v a la b le; il occupe &
pour la dame M arcon & pour lui-même ; il donne & combat
h déclaration affirmative, & c . & c .
Y eûc-il jamais procédure plus r id ic u le , plus évidemment
fruilatoirel L es fuites que M e Collet lui a données depuis que
la demoifelle M arcon a jugé à propos d’in terven ir, comme
exerçant les droits de fon p e r e , la rendent encore beaucoup
plus criminelle. O n a rendu compte de cette procédure à I’ Aud icn ce; elle fera remife à JVI. le Rapporteur.
A utre procédure ; l’A rrêt du 31 Juillet 17 7 9 ordonnoic
qu’il feroit procédé par Experts à l’eilimation des jouiflances,
& que les Parties compteraient à l'am iable, fi faire fe pou
voir , dans le délai de deux m o is, linon en la C o u r,
M e Collet de Blacy n’attend pas que l’une des Parties air.
mis l’autre en demeure ; & , de fon autorité p r iv é e , comme
créancier du fieur F l o u v a t , il provoque le c o m p te , en fon
nom perfonnel, devant M . Clément de Blavette,
Sous le nom de la dame M a r c o n , il dit que le compte n’eft
B
�pas p o ifib le , que l ’cilimation des Experts c ii n u lle , qu’ il
faut en ordonner une autre.
L e Procureur du fieur Flouvat comparoir au même procèsv c r b a l , mais c’eil pour réclamer contre la malhonnêteté d ’une
femblable procédure.
Il en cil en effet de c e lle -c i comme de la fa ifie - a r fê c ;
elle c il fru iîratoire, indécente de la part d ’un P rocu reu r,
q u i , en fuppofant qu’il y eût lieu à faire le compte , pou
voir le provoquer fous le nom de fa clien te , fans faire double
p rocéd u re, doubles va ca tio n s, & c . & c .
M ais en outre cette procédure eil nulle, parce que M e Collée
de Blacy n’auroit pu provoquer en la C o u r le compte or
donné par l’A rrê t du 3 1 Juillet 1775?, qu’après s’être fait re
cevoir Partie intervenante dans la conteflation fur laquelle
ce compte avoit été ordonné ; & cette intervention ne pou
voir , aux termes de J'Ordonnance de 1 6 6 7 , être reçue qu’à
l’A u d ie n c e , il ne pourroit encore provoquer ce co m p te , de
vant un des M agiilrats qu’après que le rapport d ’Experts , qui
devoit lui fervir de bafe , feroit fait & hom ologué.
C ette p ro céd u re , nulle dans fon p rin cip e, eil le fondement
des opérations faites en l’hôtel de M . Clément de B lavette, par
défaut contre les Héritiers F lçu v a t, Nous ne finirions p as, fi
nous voulions rendre compte ici de toutes ces opérations ; il
eil impoiïible d e fe faire une idée de la maniéré dont M e
C ollet de B la cy, en fon nom p erfon n el, fous celui de la dame
IVIarton , & fous celui de la demoifelle M a r c o n , les a con
duites. L es Héritiers F lou vat font très-heureux qu elles n aient
été faites que par défaut contr’e u x , & d’être en conféqucnce
recevables à en provoquer Panéantiflement.
Il faut encore^voir dans les R equêtes memes de M e Collet
�11
de B la c y , les prétextes d’une foule de demandes plus abfurdes
les unes queles autres, par lui form ées, fous l'Cs différens noms
qu’il a p r i s , & formées de Procureur à
P ro cu reu r,
quoiqu’elles-
foient pour la plupart des demandes principales qui ne p o u voienc être formées qu’à domicile : il eft impoilible d’en
rendre compte ici ; mais elles pafTeront fous les yeux de
M . le R a p p o rteu r, & la C our y verra qu’ il n’en eft pas u n e ,
mais pas une feule qui ait d’autre objet que celui de faire des
frais inutiles & purement fruilratoires.
Il eft cependant une partie de cette procédure qui mérite
une attention particulière, c’eft celle dans laquelle M e Collée
de Blacy remplit tout à la fois trois rôles eflentiellement diffé
rens.
Sous le nom de la demoifclle M a r c o n , il d o n n e , le 27
A v ril 1785 , une R equ ête par laquelle cette fille demande aéte
de fes offres, de faire état aux Héritiers F lou vat de la fomme
de 4000
dus.
li v r e s , & des intérêts qui peuvent
lui en être
D ’après ces offres généreufes , fous le nom de C h a u la ire,
il fait une
M arcon.
faifie-arrêt entre les mains
de
la
demoifelle
4 Juin 1 7 8 5 , demande de Chaulaire à fin de déclaration
affirmative.
10’ J u in , défenfes de la demoifelle M arcon.
10 J u in , nouvelle Requête de Chaulaire.
go
J u in ,
Requête de la demoifelle M a r c o n , a£te de fes
offres de payer le reliquat des 4000 liv res, à qui par Juftice
fera o rd o n n é , en le faifant dire avec les faifiifans, les héri
tiers Flouvat & le nommé B elh om m e, curateur à la fucceflion
vacante de Claude E n jo b e rt,
�E n f i n , ic 14 Juillet 1 7 8 5 , M e Collet de Blacy donne une
R equ ête en fon propre n o m , demande à être reçu Partie in
tervenante dans ces graves conteftations d’entre la demoifelle
M a rcon & le fieur Chaulaire ; il demande acte des offres faites
par la demoifelle M arcon ; il demande enfin que dans le cas
o ù il y auroit lieu à une inftance d e préférence , elle foit faite
à
fa re q u ête, pourfuite & diligence..
L e 26 Juillet, la dem oifelle M arcon défend à l’interven-
ti o n , & c .
C ’e f t ainfi que M e C ollet de Blacy fait des procédures; pourroit-on n’en pas être in d ig n é , fur-tout lorfque l’on fait que
ce C hau laire, ce Belhom me , font des perfonnages qui n’ont
jamais eu de créances contre les héritiers F lo u v a t , ou qui n’ont
peut-être pas même c x ifté ( 1 ) ?
( 1 ) L a demoifelle M arcon vient d’acquérir les droits litigieux de ce nommé
C h a u la ire ,
& fait plaider, en ce m om ent, aux Requêtes de l’H ô te l, que Chaulaire
n’a jamais été que fon prête-nom : c’eft même par cette allégation que M e C ollet de
B la c y prétend juft ifie r , aux Requêtes de l’H ôtel ? les procédures énormes qu’ il y
a faites fous le nom de ce Chaulaire.
Monfieur F E R R A N D
, Rapporteur.
Me P O R I Q U E T ,
A v o c a r.
D u r a n d , Procureur.
A
PA RI S ,
c h e z P. G . S i m o n , & N. H. N y o n ,
Imprimeurs du P a r le m e n t , rue M ig n o n , 17 86.
�
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Héritiers Flouvat. 1786]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Ferrand
Poriquet
Durand
Subject
The topic of the resource
successions
séparation de biens
absence
Description
An account of the resource
Sommaire pour les héritiers de sieur et dame Flouvat ; contre la demoiselle Marcon ; et maître Collet de Blacy, Procureur en la Cour.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
chez P. G. Simon et N.H. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1786
1743-1786
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0718
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0717
BCU_Factums_M0719
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53913/BCU_Factums_M0718.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
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Rights
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absence
séparation de biens
Successions
-
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MEMOIRE
COUR
D ’APPE L
SÉANT
P O U R
Les héritiers F L O U V A T ;
C O N T R E
Jeanne
,
A S T A N I È R E veuve M A R C O N .
I l est peu d ’héritiers aussi maltraites par les procès de successions,
que l'ont été les sieur et dames Flouvat. L a veuve Marcon est
depuis vingt-un ans en possession de son lot et de la presque tota
lité des autres biens; cependant, après des variations sans nom bre,
elle se dit aujourd’hui leur créancière.
Quoique toutes les difficultés soient réglées entre les parties par
deux arrêts; à en juger par le mémoire que signifie la veuve M arcon
il resteroit encore à statuer sur un compte inextricable.
A Dieu ne plaise que les sieur et dames Flouvat aient le projet
d’y fournir des débats détaillés! Après trente-cinq ans déjà passés
en procès, le reste de leur vie n ’y suffiroit pas.
A R IO M .
�( a )
Il semble que la veuve M arcon ait oublié ce règlement des arrêts,
car la base de ses calculs repose sur des systèmes nouveaux. 11 faut
encore chercher ces systèmes dans l’entassement de chiffres sous
/ lequel elle a affecté de les cacher, pour que la lassitude de la suivre
fit adopter en niasse un compte qu’on ne comprendroit pas.
C a r, il faut 1 avouer franchem ent, les héritiers F louvat, épou
vantés d’ avoir à combattre un ennemi fort de soixante-dix pages
1 in-4°. de chiffres, et d’un errata de deux pages, ont senti toute
la difficulté de lutter contre de telles arm es; et, semblables aux
E gyptiens, qui se voyoient forcés de résoudre, sous peine de la
vie, une énigme du Sphinx, ils ont hésité d’abord si, dans l’im
puissance de répondre à celle de la veuve M arcon, ils ne lui lais—
seroient pas plutôt dévorer ce qui reste de leur fortune.
Cependant il étoit dur de penser que la veuve M arcon, ayant
cédé ses droits pour 4 °°o liv re s, dans une succession estimée
27000 liv ., jouissant de son lo t, et débitrice en sus de 13900 liv.
depuis plus de vingt ans, pût cependant se trouver libérée et même
créancière.
Cette impossibilité étoit tellement palpable qu’elle devoit résister
à tous les chiffres du monde; et quand les héritiers Flouvat se sont »
un peu enhardis à considérer les détails du compte de la veuve
M arcon, ils ont vu bientôt le bout d’oreille percer en plusieurs
endroits, et ont trouvé très-simple que la veuve M arcon parvint
se dire créancière, lorsqu’elle fait porter intérêt à ce qui lui est
d û , et n ’en fait porter aucun h ce qu’elle doit; lorsque pendant
quarante ans elle s’obstine à trouver qu’un sixième revenant à sa
mère est absorbé par les charges , tandis que la moitié qu’elle y
amende elle-m êm e se porte chaque année à une somme consi
dérable; lorsiju’enfin, de son autorité privée, elle ajoute à son
I
�( 5 )
actif des valeurs arbitraires, des sommes inconnues, et éteint des
l ’origine, par une compensation à sa guise, les capitaux quelle
doit, pour qu’ils ne portent plus intérêt.
Voilà cependant sur quelle base est fondé un colosse de compte
qui pourroit séduire d ’abord par l ’immensité du travail et par
les précautions minutieuses qu’on a affecté de prendre dans des
tableaux explicatifs. L es héritiers Flouvat nç l’attaqueront pas
dans sa jn a sse , ils n ’y sont pas tenus, et n ’oseroient d’ailleurs
l ’entreprendre ; mais ils se contenteront de revenir à leur propre
com pte, sur l’une des premières années, de le comparer à celui
que présente la veuve M arcon à la même époque, et d ’en exa
miner les points de discordance. Cela suffira pour toutes les autres
années et pour l’éclaircissement du procès.
Pour se rendre intelligibles, les héritiers Flouvat donneront
quelques explications sur les faits principaux qui ont précédé le
compte ; et il est surtout nécessaire que la cour ait sous les yeux
l’état de la famille des parties et les deux arrêts principaux qui
ont statué sur leurs contestations,
F A I T S .
E t i e n n e A s t a n i è r e , m o rt en 1722.
M ARIE A u T E R O C H E , m orte le 11 m ars 1743 .
M a r ie .
F r a n ç o is e ,
Jean A s ta n iè r e .
A n to in e ,
Jea n -Jo sep h ,
m orte ab intestat.
C la u d a A u te r o c ü e .
m ort le 27 sep-
m o iu e .
tem b re 1738.
I
A s t a n iè r e .
C la u d e M a rc o n .
M r-C ésar,
M arc-A l e x .
M a r ie .
m o rt le i 5 septem -
m o rt le s a ju in
A n to in e F lo u v a t .
bro 1739.
1740.
I
�(4 )
Jean Astanière, par son testament de 1^5 8 , avoit institué ses
quatre enfans héritiers par égalité, sauf un préciput à César, de
5ooo livres.
César et Marc étant décédés peu de temps après, en droit écrit,
leur mère avoit recueilli une portion virile : mais elle passa en
secondes noces, et perdit par conséquent la propriété de cette
virile, sauf l’usufruit ; elle ne conserva la propriété que de la por
tion recueillie en collatérale du chef de M a rc , dans la succession
de César, comme n’étant pas provenue e x substantid patris, sui
vant la distinction du droit.
L a dame M a rc o n , héritière pour moitié dans le surplus, con
tracta mariage le 3 septembre 174^, et céda au sieur Flouvat ses
droits successifs moyennant 4000 liv., et ;\ la charge d ’être libérée
de la moitié d’une pension de 5oo liv. due à sa mère par la succes
sion paternelle.
Sa mère, présente, lui constitua de son chef 5 ooo livres, et la
moitié de scs meubles m eublans, à la charge de ne demander
aucun compte. Cette constitution étoit conforme au contrat de
mariage de la dame Flouvat, qui avoit été instituée héritière clela
mère en 1742.
En 177 1, la dame Marcon se pourvut contre sa cession, sous
prétexte de minorité.
U n arrêt du parlement de Paris, du 5 i juillet 177g* annulla
cette cession, condamna le sieur Flouvat à rendre compte des jouis
sances des successions cédées, depuis le 3 septembre 174^» avec
intérêts depuis la demande, à la charge par la dame Marcon de
lui faire compte de la moitié de la pension de i 5o livres, et de la
somme de 4000 livres, avec interdis depuis les payemens.
En exécution de cet arrêt, les biens furent estimés par experts
�(5)
le 24 février 1780. L e sieur Flouvat présenta l’état des charges dont
les biens étoient grevés, jusliiia du payement des 4000 ü v*>
de
quelques dettes de la succession.
L e procès sembloit toucher à sa fin : mais la dame M arcon ne
trouva pas avoir assez gagn é, et elle éleva la prétention singulière
que les 4000 livres ayant été reçues par son mari ( insolvable ), on
n ’avoit de recours que contre lui ; elle fit naître une foule de dif
ficultés sur les dettes payées, sur les charges, sur l’usufruit dû à
la m ère, représentée en cela par le sieur F louvat; car la dame
Marcon avoit trouvé plus lucratif de scinder sa cession, et de s’en
tenir à la dot particulière que sa mère lui avoit constituée.
Ces nouvelles difficultés donnèrent lieu à second arrêt du a 5
juillet 1781. Cet arrêt condamne la dame M arcon à payer person
nellem ent, i°. la somme de 4000 liv., avec les intérêts ¿1 compter
du jour cle chaque payement ( Ils sont de 1743, 1745 et 1746* ) ;
2 . la somme de 725 livres pour quatre ans et dix mois de la pen
sion de i 5 o liv.; 5 . la somme de 1000 liv. ( pour une provision
payee ); 4 • la somme de 5 oo liv. ( pour autre provision p ayée) :
elle est encore condamnée à faire compte de 279 livres 5 sous de
dettes payées.
'
Il est dit qu’il ne sera pas fait compte des intérêts de ces articles,
mais que les sommes seront compensées sur les jouissances jusqu’à
due concurrence.
Et à l’égard des déductions à faire sur les jouissances, des cens,
rentes, et usufruit dont les biens étoient grevés, l’arrêt porte les
dispositions suivantes :
O rd o n n e que sur le montant desdites jouissances revenantes à la fem m e
M a r c o n , seront déduites les sommes c i - a p r è s ,
�(6 )
■S a v o i r , i°. celle de i 5 G l i v r e s , portée en l ’article i du troisième c h e f
des conclusion s cle lad ite d em a n d e ;
a 0. C e lle de S7 livres a s o u s , portée en l ’article a ;
3 °. La m oitié des arrérages de la rente de 157 l i v r e s , payée aux sieurs
Costet de Crespat , à co m m e n ce r du 3 septembre 1 7 4 3 , jusques et com pris
l ’é c h é a n ce de la Tou ssain t d e 1769 seulement ; le tout sa uf la d é d u c tio n
des im positions royales ;
E t en outre la somme de 1 1 9 l i v 10 sous, faisant m o itié des 23 g l i v . ,
pa y ée à com pte par F lo u y a t fils a u d it de C re s p a t, le ao juillet 1 7 7 4 , en
sem b le la moitié de tous autres payeinens faits par lesdits F lo u y a t audit
d e C r e s p a t , depuis 1769 , sous les mêmes d éductions ;
4 °. L a somme de 997 liv . i o s o u s , portée en l ’article 4 ( droit de sur
v ie de la m ère ) , sur laquelle néanm oin s seront retenues les im positions
royales ;
5 °. C e lle d e 55 livres 10 sous T portée e n l ’a rtic le 5 ;
6°. L a m oitié des intérêts de la somme de 1260 l i v r e s , form ant le q u art
revenant à C l a u d a A u tero ch e dans le prélegs de M ich el-C ésa r A s t a n i é r e ,
depuis le 3 septembre 1 7 4 3 , ju s q u ’au 8 jan vier 1 7 7 2 ; ensemble la moitié
de la somm e à laquelle se trouvera m o n te r , depuis led it temps , le seizième
des jouissances des biens de Jean A stan iére, qui a appartenu à ladite C laud a
A u t e r o c h e , du c h e f d u d it M ic h e l- C é sa r Astan iére, à titre d ’usufruit seule
m e n t , d éd u ction faite des intérêts, tant des charges foncières que des rentes
annuelles et autres ch a r g e s, lequel seizième sera liq u id é d ’après l ’estimation
générale qui sera faite ( si fait n ’a été ) des jouissances des biens d u d i t
Jean A s t a n ié r e ;
7 0. L a m oitié de la som m e à laq uelle se trouvera m onter, p o u r le temps
et d ’après les estimations et déd u ction s ci-dessus énoncés , le d o uzièm e
des jouissances des biens de Jean A s t a n i é r e , q u i a appartenu à ladite C lau d a
Auteroche,
à titre d ’ usufruit s e u le m e n t,
d u c h e f personnel de M a r c -
A lex a n d re Astaniére :
P lu s , p e n d a n t led it tem ps, la moitié de? intérêts de la som m e de 4 1^ Hv»
i 3 sous 4 d e n ie r s, faisant le tiers revenant à ladite C la u d a A u t e r o c h e dans
le quart rec u eilli par ledit M a rc-A lexa nd re A staniére, du prélegs de 5 ooo liv.
d e M i c h e l- C é s a r , son f r è r e ; p l u s , la m oitié de la somme à laq uelle se
trouvera m o n t e r , po u r le temps et d ’après les estimations et d éd uction s
c i dessus é n o n c é s , le quarante - huitièm e des jouissances des biens diidit
Jean Astaniére , q ui a appartenu à ladite C l a u d a Au t er o c h e , à titre d ’usu
fruit s e u le m e n t, du c h e f d u d it M a r c-A le x a n d r e , c o m m e a y a n t eu droit
�( 7 )
dp jouir d ’un tiers dans le seizième échu a u d it M arc-Alexandre par le décès
d u d it M i c h e l - C é s a r , son frèru ( * )•
D éb ou te les héritiers F lo u v a t de leur d em ande en p a y em en t d u surplus
de la som m e portée en l ’ article 3 , et en condam nation d ’intérêts des sommes
portées aux sept articles ci-dessus,
sauf l ’im pu tation et la com pensation
sur les jouissances , ainsi qu'il a été ci-dessus ord o n n é.
C o n d a m n e lesdits F lo u v a t à a cq u itte r et faire te nir q u itte lad ite M a r c o n
de toutes d em andes et répétitions qui pourroient être formées c o n tre elle
pour raison d ’a u cu n e des dettes , rentes et charges ci-dessus allouées auxdits Flouvat.
E t dans le cas où , par l ’évén em en t des im putations et com pensation s
ci-dessus ordonnées , soit a vec les jouissances a nnuelles , soit a vec les autres
sommes particulières q ui po u rroien t se trouv er dues à lad ite M a r c o n , elle se
trou v ero it reliquataire envers lesdits F l o u v a t , c on d a m n e ladite M a r c o n à
payèr auxdits F lo u v a t le m o n ta n t d u d it r e l i q u a t , avec les intérêts à c o m p te r
du 5 o mai dernier , jour de la d e m a n d e , dépens c o m p e n s é s , fors le c oû t
de l 'a r r è t , q u i sera supporté par c e lle des parties qui , d ’après les i m p u
tations et compensations ci-dessus ordonnées , se trouvera d éb itrice.
Après une aussi ample explication, il ne sembloît plus rester de
difficultés; mais la dame Marcon ne jugea pas le procès assez com
pliqué ; elle prétendît qu’on n ’obéissoit pas à l’arrêt de 1779» en
se désistant sur le champ; et cependant elle n ’adoptoit pas le rapport
d experts de 1780, et concluoit à un amendement : à cela elle ajou
tait plusieurs conclusions nouvelles.
i°. Elle plaidoit, en première instance, sur le partage de la suc
cession de Marie A uteroch e, son aïeule, ouverte en 174^; elle le
fit évoquer au parlement.
( * ) C e ca lcu l de fraction s se réd u it à un s ix iè m e ; en e ffe t , r
«
~
T
ï
— ï.
C ’est donc un six iè m e que la nièrij a en u su fru it.
l ’ i u s , il lu i est accordé u n q u art et une m o itié dans le p réleg s de fcooo liv r e s , aussi en
u su fru it.
E n f in , ses d roits en p rop riété sont fix és à u n n e u v iè m e , p lu s un t r e n t e - s ix iè m e , par
l ’arrêt ci-ap rès.
�(S )
a*. Elle plaidoit sur le partage de la succession de son père et
de ses frères, quoiqu’il fû t virtuellement ordonne par les deux
premiers arrêts, dès qu’on devoit lui rendre compte de moitié des
jouissances; elle le fil encore évoquer.
5°. Elle plaidoit sur le partage de la succession de Clauda Auteroche, sa mère, ou du moins de la virile à elle due, de l’argenterie, ^
des gains de survie et du compte de tutelle, quoique son contrat
de mariage et les précédons arrêts eussent réglé tout cela : autre
évocation , et jonction du tout.
4“. E nfin, elle demanda les jouissances de 178 1, qui étoient de
d roit, en vertu du premier arrêt.
Ces nouvelles réclam ations, et les débats qu’elles occasionnèrent,
embrouillant de plus en plus le procès, il fut rendu un troisième
arrêt le
I er.
août 1781.
« L es F lou va t sont c o n d a m n é s à se désister de la p o rtio n de b iens cédés
» en 1 7 4 3 , a v e c r estitu tion de jouissances et intérêts depuis 1 7 7 1 .
« I l est or d o n n é u n e nouvelle estim ation aux frais a va n c és de la dama
« M arcon. »
F ,lis a n t d r o it sur la dem ande en p a r ta g e d e la s u c c e s s io n d e M a r ie
s is ta n iè r e , évoquée en la c o u r , c o n d a m n e les héritiers F lo u v a t à payer
à ladite d ame M a r c o n la som m e de j 5 livres , faisant m oitié
de celle
d e i 5o liv r e s , à laquelle les meubles délaissés par M a r ie A u te r o clie ont
été estimés par le procès
le i 5 octobre
Verbal de d esc r ip tio n
fait après son décès ,
; ensemble la som m e de 18 livres i 5 sous p o u r le quart
en sus de ladite e stim a tio n , avec les intérêts d u tout à c o m p te r d u d i t
jo u r ; ensemble la m oitié de la valeur de tous autres meubles qui seront
justifiés a v o ir appartenu à lad ite M arie A u t e r o c l i e , au jou r de sa m o r t ,
m êm e des li t s , ta b le s, a r m o i r e s , coffres <:t chaises de M a r ie A s t a n i é r e ,
q u e ledit feu Ant oi ne F lo u v a t a reconnu a voir eus en sa possession , sui
v a n t l’estimation
qui en sera f.iite à l’ami.ible en tre les parties , sinon
par exp °rtj conven us d ev an t le juge royal d ’Issu ite, que la c o u r c o m m e t ,
ou par lui pris et nom més d ’office. Q u a n t aux autres droits de la suc
cession
de ladite M a rie A u t e r o c l i e , r é s u l t a n t , soit de son
contrat de
mariage
'
�(9 )
mariage avec Etienne Astanière , <lu
janvier 1681 , soit de la recon-
noissance passée pa r-d e va n t n o ta ire s , du 16 juin l'Ji'J t sans s arreter a
tous traités q u i auroient pu être faits au préju d ice de l ’institution contenue
dans le contrat de mariage de Jean Astan ière , d u 16 février 1722 ;
O rdo nn e que ladite M a r c o n , p o u r sa moitié dans lesdits droits , sera
payée sur les biens de la succession d u d it Jean Astanière , de la somme
de 3408 livres ; s a v o i r , celle de i 85 o l i v . à la date du 23 jan vier i6 S t , et
celle de i 558 livres à la date du 16 juin 1 7 1 7 , ensemble des intérêts
du
tout à c o m p te r d u
12 mars
174-3 j date d u décès de lad ite M a r ie
A u tero clie (*).
E n c e q u i to u c h e les dem andes en p a r ta g e d e la s u c c e s s io n d e J e a n
A s t a n iè r e , père c o m m u n , évoquées en la cou r , sans s’arrêter à la d em a n d e
en n u llité de la d isposition de Jean Astanière , relative à son m o b i l i e r ,
form ée par ladite M a r c o n , la d éclare n o n -recevab le dans sa dem and e
afin de partage des m eubles meublans d u d it Jean Astanière.
A l ’égard des im m eu b les autres que la maison située sur la place d ’I ssoire ,
ordonn e que dans la q u in za in e de la signification du prése n t
arrêt a
personne ou d o m ic ile , il sera à l ’am iable , si faire se peut , sin on par
deux experts autres que c e u x qui o n t dressé le procès verbal du 24 fév rie r
1 7 8 0 , p ro c éd é à la v i s i t e ,
arpentage
et e stim atio n
Vignes et bois , proven an s de la succession
des te rres,
prés,
d u d it Jean Astan ière , au
nom bre desquels ils c o m p r e n d r o n t le bosquet ou petit bois Saussay, actuel
lem en t joint au pré M outon par la partie seulem ent q ue lesdits experts
r ec on n oitron t être devenue une d ép en da n ce d u d it pré M o u to n , laquelle
partie sera, par lesdits experts , mesurée et estimée a vec led it pré M o u to n .
O r d o n n e que lesdits experts p ro c éd ero n t ensuite au partage et d ivision
de tous lesdits biens en deux lots égaux , autant que faire se pourra ,
lesquels l o t s , chargés de leurs soultes ou retour en d en iers, si aucunes il
y a , seront tirés au sort.
Q u a n t à la maison située sur la p la ce d ’Issoire , ayant égard aux d e m a n d e s,
offres et consentemens respectifs des parties , ord onn e que par les mêmes
experts il sera procéd é à la v i s i t e , toisé et estimation de ladite m a i s o n ,
en distinguant dans ic elle les trois parties d o n t elle se trouve a c t u e lle
m en t composée ; sa voir :
La prem ière p a n ie acquise par feu A n to in e F lou va t , de J e a n - B a p t i s t e
T i x i e r et sa fem m e , tenant du m id i
à la maison de C h a b r a t , et de
bise , à la seconde partie ci-après.
(*) Celta somme a ¿té payée. Voir l ’acte de 1 7 8 3 , ci-après,
B
�( 10 )
L a d i t e seconde partie én on cée et d écrite en un proeès verbal et rapport
d 'e x p e r ts, du p rem ier octobre 1667.
L a troisième partie , qui , a c o m m e n c e r des confins de la précédente ,
suivant ledit procès v e r b a l , form e le reste de ladite maison actuelle jus*
q u ’au c o i n de la maison du nom m é le B l a n c , de bise.
Lesquels experts examineront s i , dans l ’état actuel de la m aison, les trois
parties qui la com posent p e u v e n t se partager en telle sorte que les h éri
tiers
F lo u v a t aient la p rem ière po rtio n
ci-dessus
désignée , la
fem m e
M a r c o n et la veuve F l o u v a t , aient chacu n e m oitié dans le surplus ; auquel
cas ils in d iq u eron t et fixeront la m anière d ’o p é r e r , au profit desdits h é r i
tiers , le partage et séparation de la prem ière portion d ’avec le s u r p l u s ,
ainsi que le partage et séparation dud it surplus.
E t dans le cas où lesdits experts seroient d ’avis que lad ite maison ne
pe u t sa partager , et q u ’il seroit de l ’intérêt de toutes les parties ou de
q u e l q u ’une d ’elles de l i c i t e r , soit les trois portions de maison e n s e m b le ,
soit seulement les deux dernières portions , o r d o n n e q u ’ils estimeront la
valeu r de c h ac u n e desdites portions qui seront à lic ite r .
•
O r d o n n e au s u r p l u s , par rapport à la nouvelle estim ation des fruits
et jouissances c i-d e v a n t prescrite , que par les mêmes experts il sera de
s u ite , et par un procès verbal sé p a ré , p ro c éd é aux frais de ladite M a r c o n ,
et sauf à r é p é t e r , com m e d it e s t , à la nouvelle estim ation du produit de
c hacune pièce de t e r r e , pré ou
vig n e ,
le 3 septembre 1 7 4 3 ,
depuis
jusques et com pris 1 7 7 9 , année c o m m u n e , eu égard aux bonnes et m au
vaises années , d é d u c tio n faite des tailles , vingtièm es et autres im p o s i
tions royales , m êm e des cens et rentes foncières ( autres que celle
de 8 livres i 3 sous 4 deniers due aux B én é d ictin s , de 5 livres due aux
prêtres de S ain te-A n n e , de trois coupes from en t due aux mêmes , sur la
v ig n e aux C h a p e l l e s ;
desquels
cens
et
rentes
les parties
ont c om pté
entr'elles jusqu’ en 1778 et 1 7 7 9 , suiv an t l ’arrêt du 25 juillet dernier ) ,
ensemble des frais de culture et semailles , suivant l ’usage des lieux , sans
a v o i r , par lesdits experts , aucuns égards à la prétention des héritiers F lo u
vat , dans le cas où ils prétendroient a ppliq u er à feu A n to in e Flouvat la
jouissance à titre de percière , des objets dont
les baux à pe rcière ont
cesbé pe n d a n t sa possession ; desquels objets 1 s fruits et jouissances , à
com pter de la cessation desdits baux à p e r c i è r e , seront estimés p u rem ent
et s im p le m e n t , et suivant la d é d u c tio n ci-dessus.
C o m m e aussi ordonn e que lesdits experts estimeront la valeur du prod uit
<!<■ chacun desdits objets d ’année en a n n é e , et c e , suivant les m e r c u ria le s ,
minages ou pancartes de c h a c u n e a n n ée, s'il
s’en trouve po ur chaque
espèce de fr u it s , e t , à défaut d ’icclles , suivant la com m u ne ren o m m ée et
�( ”
)
leurs connoissances personnelles , dans
laquelle
fruits et j o u is s a n c e s , ne sera , du c o nsentem en '
estimation toutefois de
respectif des p a r t i e s ,
com pris le prod uit du bosquet on petit bois S a u s sa y , joignant le pre M o u ton .
O rdo nn e p a reillem en t que lesdits experts e s t i m e r o n t , com m e dit est , le
prod u it ou la valeu r de tous les objets ( autres que ceux expressément ex
ceptés par le présent arrêt ) q ui leur seront indiqués par l ’ une ou 1 autre
des p a r tie s, c o m m e d èp en d a n s des successions d o n t il s’a g i t , et c e , sans
p r é ju d ic e du d ro it de la partie q u i se c ro ir o it fo n d ée à em p êch er ladite
es t im a tio n , défenses réservées au con tra ire ;
C o m m e aussi qu'ils estim eront les loyers q u ’o n t du prod u ire les deux
dernières parties de la m a ison , eu égard à l ’ état dans lequel elles étoient
a va n t les réparations et reconstru ction s faites par feu A n t o i n e F l o u v a t ,
d éd u c tio n faite sur le m on tant desdits loyers T i°. de ceux des cham b res et
logemens stipulés au profit de M a rie A stanière et de C la u d a A uteroclie ,
aux termes des contrats de m ariage des 16 février 1722 et i 5 octobre 17/(2,
po ur le tem ps qu’elles en ont joui ou dû j o u i r ; 20. de ceux de la moitié de
la seconde partie d é c rit e au p roc ès v e rb a l d u p rem ier o c to b r e 1667.
R e la tiv em en t aux dem andes des héritiers F l o u v a t , afin d ’in d e m n ité des
réparations , nouvelles a cq u isition s , impenses et recon stru ction s par eux
prétendues faites dans lesdites deux dernières parties de m aison , c o n d a m n e
ladite M a r c o n , su iv a n t s e s o f f r e s , x°. à pa yer auxdits héritiers F lo u v a t la
somme de /po l i v . , de laq u elle ils ont d éclaré se c on ten ter p o u r une in d e m
nité de la moitié des droits cédés à feu A n to in e F l o u v a t , dans la seconde
partie de lad ite m a is o n , par Jean-Baptiste T i x i e r ' e t Jeanne M o u r n a t , son
épouse ; 20. à ]eur payer le m o n ta n t des réparations utiles et nécessaires
faites par le d it A n to in e F l o u v a t ; à l ’effet de q uoi ord onn e que par les
e x p e r t s , et dans le m êm e procès verbal d ’estim ation des f r u i t s , revenus
et jou issa n c es, estimation sera faite desdites réparation s, r e c o n s t r u c tio n s ,
impenses et améliorations utiles et nécessaires.
S u r les demandes de la dame M a rcon , afin d ’ind em nité des aliénations
faites par An toin e F lo u v a t , d ’aucuns des biens de la succession de 3ean
A sta n ièr e,
d éclare ladite M a r c o n non recevable. dans sa d e m a n d e en i n
d em n ité de la valeur et des jouissances des im m eubles donnés par led it
F lo u v a t à M a rie A s ta n iè r e , par la transaction du zZ septembre 1 7 4 4 , pour
l'a c q u it de sa légitim é.
Q u a n t aux in d e m n ité s prétendues p o u r l'a lién a tion de la petite maison
de Sauvngnac , v e n d u e à rente au n o m m é Canassy , et de la v ig n e aussi
donnée à rente à un p a r ticu lie r de S auvngnac , o rd on n e que par les mêmes
experts il sera procéd é à la visite, to is é , mesure et e stim a tio n , ta nt de
l a d ite maison que de ladite vigne , eu égard à le u r v a le u r actu elle
B
2
dé-
�( 12 )
du ction faite toutefois des im p e n se s, augmentations et améliorations qui
jeroient du fait des preneurs à rente , ensemble à l ’estim ation des loyers et
jouissances depuis le 3 septembre 1743 jusques et c om p ris 1779 ; et, dans le
cas où le m o n ta n t de 1 estim ation excederoit le p r in c ip a l des rentes m oyen*
n an t l e s q u e l l e s lesdites maison et vigne on t été a lié n é es, c o n d a m n e dés à
présent les héritiers F louva t à p ayer l'excédent à ladite M a r c o n .
A l'egard des im m eubles qui ont pu être c o n c é d é s à aucuns p a r t i c u l i e r s ,
s o it
par ledit Antoine F l o u v a t , soit par sa veuve ou ses h é r itie r s , à titre
de perciere , donne acte au xd its ve u ve et héritiers F l o u v a t , de leurs
offres de rend re sans e f f e t , dans le délai d ’un an à c o m p te r de la date du
present a r r ê t, tous les baux à percière q ui ont pu être consentis par ledit
feu A n to in e F louva t ou par eux , sans a u cun e garantie toutefois du fait
des tenanciers q u i se p rétend roien t en d roit d ’en jo u ir a ud it titre de p e r
c i è r e , in d é p e n d a m m e n t desdits nouveaux baux à p e r c i è r e , et en vertu de
titres en possession antérieure à iceux.
Sur les autres dem andes respectives des parties , afin d ’estimation des
d égrad ations ou améliorations prétendues faites aux terres, vignes et p r é s,
les m et hors de cour.
D e toutes lesquelles estimations de jou issances, répa ra tion s, r econ stru c
t i o n s , impenses et am éliorations et i n d e m n i t é s , sera, par lesdits e x p e r t s ,
dressé procès verbal séparé , c o m m e dit e s t , lors d u q u e l les parties p o u r
r o n t faire tels d i r e s , réquisitions et observations que bon leur semblera.
P o u rr o n t lesdits experts, à l’effet de toutes les opérations des deux procès
ci-d«ssus o r d o n n é s, f a i r e telles autres opérations prévues ou non
prév u es qu'ils jugeront nécessaires ou c o n v e n a b le s, m ê m e , en cas de par
V erb au x
tage e n t r 'e u x ,
c o n v e n ir d ’un tiers expert devant
le juge royal d ’Issoire ,
que la c o u r c om m et à cet e f f e t , ou en requérir la n om ination d ’office;
po u rron t aussi c o n s u lt e r , si bon leur s e m b l e , les v o i s i n s , o u v r i e r s , et
autres ayant connoissance de l ’ancien état et valeur tant de la maison d ’Is
soire que de la maison et vig n e baillées à rente , m êm e , com m e renseignem e n s , les titres et papiers q u i leur seront remis par les p a r tie s, n o ta m
m en t le procès verbal du prem ier octob re 1(167 . c elu i dressé à la requête
d u d it A n to in e F l o u v a t , le 22 avril 1 7 5 7 , et enfin celui du 2.4 février 1780.
F jH ce. f/ni to u c h e la dem ande en p a r ta g e d e s s u c c e s s io n s d e M ic h e lC é sa r e t d e M i n e - A l e x a n d r e A s ta n iè re ., frères c o m m u n s , form ée par
la d ame M a r co n ,
D on n e acte à ladite M a r ro n de ses offres de faire état ou payement en
deniers , à la veuve F lo u v a t , de la valeur à laquelle se trouvera monter la
portion virile de C lau d a A u ter o ch e , mère c om m u n e , dans la succession
d u d it M arc - Alexandre A staniére ; lui donne pareille m en t acte de ce q u e ,
�( ,3 )
par leur requête du ¡\ juin d e r n i e r , lesdits Flou vat accep ten t lesdites offres;
en co n s é q u e n c e , c on d a m n e ladite M a r c o n à faire état ou p a y em en t en d e
niers , à ladite ve u ve F l o u v a t , de la m o itié de la som me de 555 livres 11 sous
2 deniers , faisant le neuvièm e des 5 ooo livres de prélegs fait à Michel-Cesar
Astanière , par Ji.-an, son p è r e , ensemble de la m oitié du trente-sixième de la
valeur à laq u elle les biens de Jean A stan ière se trouveront monter , d après
l'estimation ci-dessus ord onn ée , d é d u c tio n faite des capitaux tant des charges
fon cières que des dettes , en sem ble dudit prélegs et autres legs , si aucuns y
a eu ; auxquels neuvièm e et trente-sixième le d roit de portion virile de Clau d a
A u teroclie , q uan t à la p r o p r ié t é , dem eure fixé p a r lu présent a r r ê t , sans
p réju d ice de l ’usufruit de la totalité des portions viriles de ladite C la u d a
A u teroclie , dans les successions desdits M i c h e l - César et M a r c - A l e x a n d r e ,
ses enfans , suivant q u 'il est fixé par l ’arrêt du 25 juillet dernier.
C e faisan t, sur la dem ande en partage desdites su c ce ssio n s, met les parties
hors de cour.
E n c e q u i to u c h e les demandes relatives à la s u c c e s s io n d e C la u d a
A u t e r o c lie , déboute lad ite M a r c o n de sa d em a nd e en n u llité de l ’o r d o n
nance du juge d ’ Tssoire, du 2g mai l'/ 'jZ , qui a permis à la veuve F lo u v a t de
prendre la qualité d ’héritière par b énéfice d ’inventaire de lad ite C l a u d a
Auteroclie.
Sans s’arrêter aux autres demandes de ladite M a r co n , afin de p a rtag e,
tant des portions viriles recueillies par C la u d a A u t e r o c l i e , que de ses gains
de survie , ni à sa dem ande afin de remise de sa p a rt de l’argenterie p r é
tendue irouvée dans la succession de C la u d a A u t e r o c lie , desquelles d em a n
des elle est d éb outée, d on ne acte aux F lo u va t de la déclaration faite par
ladite M a r c o n , q u ’elle n ’entend point d em a nd er le c o m p te de tu telle à
elle du par C la u d a A u te r o clie ; en c o nséquence , cond am ne ladite ve u ve
F l o u v a t , en ladite qualité d ’héritière bénéficiaire ,
i ° . A payer à ladite M a r c o n la som m e de 3 ooo livres à elle assurée par
ladite Clauda A u te r o clie , tant par le contrat de mariage d ’A n t o i n e F l o u v a t ,
que par celui de ladite M a r c o n , sous la c o n d itio n de ne pas d em and er
ledit co m p te de t u t e l le , avec les intérêts à c om pter du 8 jan vier 1 7 7 2 ,
date du décès de lad ite C lau d a A u t e r o c lie ;
2e. A délivrer à ladite M a r c o n la m oitié de tous les meubles en nature
( a u tre s q u e c e u x d e cave ) , à elle pareillem en t assurée par lesdits contrats
rte mariage , et ce , suivant les procès verbaux d ’apposition de scellés ,
reconnoissance d ’iceux et in v e n t a ir e , des 8 jan vier 1 7 7 2 , 6 et 19 j u i l
let 1 7 7 5 ;
3 °. A payer en m êm e temps à ladite M a r c o n la som m e de 35 o liv r e s ,
à laquelle la c o u r arbitre les dommages - intérêts r é s u l t a n s , soit du d é
�(
*4
)
faut de jouissance desdits m e u b le s , soit d u dépérissem ent q u ’ils ont pu
éprouver.
Sera ladite veuve F lo u v a t tenue de satisfaire aux condam nations ci-dessus1,
dans deux mois p o u r tout d é l a i , a com pter de la signification du présent
arrêt à personne ou d o m i c i l e , si m ieux elle n ’aime ren d r e son com pte de
bénéfice d'inventaire , ce qu elle sera tenue de faire dans le m ême délai de
deux m ois , sinon , et a faute de ce faire dans ledit d é l a i , et icelu i passé ,
en vertu du présent a rr êt, et sans q u 'il en soit besoin d ’autre , la déclare
d é c h u e d u d it bénéfice d 'in v e n ta ir e , et la répute d é b itric e p u r e .e t sim ple
d e ladite M arcon .
L e tout sans préju d ice et sous la réserve des droits et prétentions des
héritiers F lou va t , contre la succession de ladite C la u d a A u te r o c h e , d é
fenses réservées au contraire.
E n c e q u i to u c h e la dem ande de ladite Mar-con, afin de jo u is s a n c e p a r
m o itié y en la p ré sen te a n n é e , d e ton s le s f r u i t s e t revenus d e s b ie n s
d o n t i l s’ a g i t , ensemble afin d ’ind em nité de la priva tion q u ’elle a essuyée
d ’aucuris
d ’ic eu x en 1 7 8 0 ,
nonobstant
l ’arrêt
provisoire
du
8 juillet
de la m êm e an n ée, ordonne que led it arrêt sera exécuté pour la présente
a n n ée
com m e
i l devoit l ’être po ur 1780; en
c o n s é q u e n c e , que
ladite
M a r c o n jouira de tous les biens des successions dont i l s’a g it, par égale
po rtio n a vec la veu ve F l o u v a t , à la charge par elle , suivant ses offres ,
i ° . de faire état ou payem ent à la ve u v e F lo u v a t pour les années 17S0
et
178 1, des
in té r ê ts
de
la som m e
à laquelle
se
trou vera
m on ter,
quant à la p r o p r i é t é , d'après les estimations ci-dessus o r d o n n é e s , la por
tio n vi r i l e de C l ? u d a A u t e r o c h e , dans la succession de M a r c - A le x a n d r e ,
son fils, appartenante à lad ite ve u ve F l o u v a t , en sadite q u alité d'h éritière
b énéficiaire ;
20. D e c o n trib u e r pour m o itié au payem ent des c e n s , ta ille s , v in g
t i è m e s , frais d ’exp lo itatio n, rentes et autres charges desdites su ccession s,
m êm e de p a y e r , à la S ain t-M artin p r o c h a i n e , aux héritiers F l o u v a t , la
som m e de 218 livres po ur intérêts des 4°oo liv r e s , d ’une p a r t, et 725 liv.
d 'a u t r e , allouée par l ’arrêt du 2.5 juillet d ern ie r, plus celle de 18 livres
répétée par les F lo u v a t p a r leur requête du 4 juillet d e r n i e r ; lesquelles
sommes néanmoins ladite M a r c o n demeure autorisée à reten ir entre ses
m ains , sur et en d éd u ction du m ontant des sommes par elle répétées à
titre de non jouissance pe n d a n t l'a nn ée d e r n iè re , de tout ou partie d ’au
cuns des objets desdites successions ; à l ’effet de quoi o rd on n e que par
les mêmes experts qui procéd eron t aux opérations c i- d e v a n t ordonnées ,
la m oitié revenante à ladite M a r c o n
dans les loyers de la deuxième et
iroisieine portion do la maison sur la p la ce d ’Issoire , pour les années 1780
�( i5 )
et i y S i , sera estimée , eu égard à l ’état dans lequel etoient lesdites p a r
ties de m aison avant les réparations et reconstruction s faites par A n t o i n e
F lo u v a t , et d é d u c tio n faite seu lem ent des loy ers de la moitié de ladite
deuxième partie ; desquels loyers , ensemble du m on tant du produit de*
autres objets dont ladite M a r c o n n 'a pas eu la j o u is s a n c e , elle pourra
im puter et d éd uire la somm e sur le total de celles allouées par ledit arrêt
du 3,5 juillet dernier.
S u r le surplus des dem andes , fins et conclusions desdites parties , les
inet hors de cour.
C o n d a m n e les F l o u v a t , pour tons dom m ages et i n té r ê ts , aux trois quarts
des é p ic e s , v a c a t io n s , et co û t de l ’arrêt du 6 septembre 1 7 7 9 , q u i a dù être
a v a n c é par A n to in e F louva t et sa f e m m e ; cond am ne la dam e M a r c o n à
l ’autre quart des dépens réservés par 1rs précéd e n s arrêts; p l u s , à supporter
ou rembourser le quart des é p i c e s , v a c a t i o n s , et coût d u d it arrêt du 6 sep
tem bre 1 7 7 9 , tous les dépens relatifs à la nouvelle estimation réservés : c o n
d am n e la ve u ve F lo u v a t en une m oitié des autres dépens faits depuis l ’arrêt
du 6 septembre 1 7 7 9 , autres que ceux de la cause jugée par l ’arrêt du
a 5 juillet d ern ie r , de laquelle m oitié ladite ve u v e F lo u va t pourra e m p lo y e r
un sixièm e en frais de bénéfice d ’inventaire : cond am ne les héritiers H o u v a t
en un sixième desdits dépens, les deux autres sixièmes compensés, que la dame
veu ve Flouvat et la fem m e M a r c o n em p lo iron t r e sp e ctiv e m e n t en frais de
partage.
F.t sera le cout du présent arrêt supporté pour deux c in q u ièm es par la
dame veuve F l o u v a t , qui pourra en e m p lo ye r un sixième en frais de b én é
fice d inv en ta ire ; pour un au tre cin q u ièm e par les h éritiers F lo u v a t ; un
cinqu ièm e demeurant com pensé entre l a d i t e ve u v e F lo u va t et ladite M a r co n ;
et 1 autre c in q u iè m e réservé pour être répété en définitif.
11 est aisé de vo ir, par-plusieurs des dispositions de cet arrêt,
que le parlement étoit lassé de statuer sans cesse sur les mêmes
difficultés ; il donnoit tout pouvoir aux experts ; il régloit des in
demnités d ’office: et il y avoit lieu de croire qu’enfin il n ’y auroit
plus de procès.
M ais les sieurs Flouvat étoient assez malheureux pour qu’il n ’en
fût pas ainsi. Les experts nommés pour l’amendement requis
par la dame M arcon, employèrent un rapport de n eu f cent vingt
�( 16 )
pages à être divisés d’opinion ; un tiers expert estima la succession
à 27905 liv. 5 sous, et fixa les jouissances.
L es héritiers Flouvat purent enfin s’exécuter; et ils prouvent,
par ce qui se passa alors, combien ils étoient jaloux de terminer
avec la veuve Marcon par tous les sacrifices possibles.
i°. L ’arrêt lui adjugeoit, dans la succession de l’aïeule , une
somme de 3408 livres ; ils lui délaissèrent des fonds pour cette
somme.
20. L ’arrêt lui adjugeoit 83 liv. i 5 s. pour le mobilier de ladite
succession, estim é; plus, la moitié de celui qu’Antoine Flouvat
reconnut avoir en sa possession (d ’après une transaction de 1756).
Les héritiers Flouvat le fixèrent eux-mêmes à i 5 o livres, lors du
premier rapport d ’experts : ce qui eut lieu sans réclamation.
3 °. Par traité du 12 novembre
i j
85 , ils délaissèrent des im
meubles à la veuve Marcon pour la payer de tout ce qui lui étoit
dû dans, la succession maternelle, c’est-à-dire , de 3 ooo üy. pour
sa d o t, de 1714 hv* pour intérêts, de 35 o liv. pour dommagesintérêts arbitrés d ’office , et
pour
la somme de 55 o liv. pour un
quart des frais du premier rapport.
E t comme les immeubles cédés excédoient lesdites sommes de
celle de ï /^oo livres, il fut dit que cette somme de 1400 livres
resteroit entre les mains de la veuve Marcon , pour être ensuite
imputée : elle en est débitrice.
4 °. Par autre traité du 19 décembre 178 4 , la maison d ’Issoire
fut licitée entre les parties à i 56 oo livres ; la femme Marcon la
retint pour cette som m e, et il fu t réglé qu’il ne lui en revenoit
que pour a 5 oo liv. ( à cause des réparations et augmentations
inllcs par le sieur Flouvat. )
Sur le surplus, elle paya 600 liv. aux sieurs Flouvat; elle retint
en
�( l7 )
en scs mains la somme de i 25oo liv. pour en faire le rapport,. Sur
(J u oi
elle s’obligea d ’acquilter ce qui restoit dû au sieur T ix ie r ,
vendeur ( environ 800 liv .) ; et il fut ajouté qu’elle feroit compte
de l’ intêrét du surplus au taux de la lo i, sans retenue.
A in s i, la voilà débitrice de 1400 liv. depuis iy 83 , et d’environ
11700 liv. depuis 17 8 4 , avec l ’intérêt au denier vingt.
D e leur p a rt, les sieurs Flouval dévoient la restitution des jouis
sances de la moitié des biens de Jean Astanière depuis 174^; mais
tout prouvoil que les charges les réduisoient à rien , puisque leur
père avoit donné tous les biens à jouir à sa belle-mère pour ses
reprises : fait dont la dame M arcon se fait elle-même un m oyen.
T elle étoit la position des parties, lorsque le 18 mai 1785 la
dame Marcon assigna les sieurs Flouvat pour exécuter les arrêts,
et voir homologuer les rapports.
A lors les sieurs Flouvat présentèrent leur compte le 1". février
1786.
Ils divisèrent chaque année en deux chapitres ; le premier se
composoit, i°. des sommes payées à la dame Marcon , avec l'in
térêt , 2 . des reprises de la mère ( représentée par eux suivant les
aiiets ) , 3 . des charges annuelles et rentes; et le deuxième cha
pitre se composoit de la moitié des jouissances dues à la dame
Marcon , suivant le rapport.
Par ce com pte, les héritiers Flouval s’établirent créanciers de
5 i 52 liv. en 1780, époque où la dame Marcon s’étoit mise en pos
session; à cela, ajoutant les provisions payées, et autres sommes
ne portant pas in térêt, p lu s, les i 25 o liv. prix du retour de lot
de la maison, et.enfin les intérêts du tout jusqu’à la fin de 1785;
il en résulta que la dame Marcon étoit débitrice de 17983 liv.
Bientôt les sieurs Flouvat s’aperçurent qu'ils avoient omis dans
G
�C 18 )
ce compte quelques articles, et notamment la somme de 1400 liv.
portée en l’acte de 1783, comme restée dans les mains de la dame
M arcon : ils rectifièrent cette erreur par des conclusions.
L a dame M arcon signifia, le 17 décembre 178G, des débats à
ce
com pte,
ou plutôt elle en présenta un nouveau, où elle se
reconnut débitrice, en compte final, d e 4629 liv ., déduction faile
des 4000 livres et des i 5 ooo livres; laquelle somme de 4629 livres
elle prétendit devoir rester en ses mains pour sûreté des frais par
elle faits , offrant de payer Vintérêt de ladite somme de 4629 liv.
suivant l’acte de 1784.
Com m e par ce débat la dame M arcon avoit fait apercevoir
quelques défauts de calcul au compte des sieurs F lo u va t, ceux-ci
les rectifièrent par une écriture du 6 avril 1789. C e n’est qu’après
celte dernière rectification que le compte fut affirmé par-devant
M . Ferrand , conseiller, le 2 juillet 1789: après c e la , la dame
M arcon fit encore signifier de très-longs débats le 17 décembre 1790.
*Tel fut le dernier état au parlem ent, supprimé peu de jours après.
On fait grâce à la cour du détail fastidieux d ’une foule de pro
cédures frustraloires et occultes , qui furent faites sous le nom de
la dame Marcon , au sujet du même compte. On avoit fait inter\enir sa fille, comme curatrice du sieur M arcon; c’est à elle qu’on
rendoit un compte : on y faisoit paroilre plusieurs prétendus créan
ciers, et le procureur lui-même y intervenoit sous son nom. On
faisoit trouver les sieurs Flouvat débiteurs de 67000 liv.; et on surprenoit des arrêts par défaut , auxquels , faute d’eri recevoir copie,
il n 'y avoit pas eu d ’opposition, fenfin le scandale de celte procé
dure appela l’attention: un arrêt du 5 o août 1786, la déclara toute
entière nulle et fruslratoire, et condamna le procureur ( le sieur
Colet de lila c y ) aux dépens en son nom personnel.
�( *9 )
L e procès fut repris à R io m , comme tribunal choisi par les
exclusions respectives, en 1702. II n’y fut rien statué; mais ce qui
s’y passa est important pour la cause.
L e 1 3 prairial an 4 >les fils M arcon, agissant pour leur mère, signifièrent aux héritiers F lo u v a t, que le jugement du procès en reddition
de compte étoit peut-être fort éloigné, parce que le tribunal civil étoit
encombré d ’affaires (e tsa n s doute que les assignats approchoient
de leur fin ); qu’ils avoient intérêt de se libérer de trois objets indépendans du compte; en conséquence, ils firent des offres, à porte
feu ille ouvert et papiers déployés ( ce sont leurs expressions ), de
*999 ^ ^v* » Pour 1° Pr*x resté en leurs mains des deux actes de
1783 et 1784, et pour la virile due à Clauda Auteroclie, dans les
successions de ses enfans ; ils augmentèrent ces offres par autre
exploit du i 5 , et les portèrent à 21000 liv.
Ces offres ont été déclarées nulles, par jugement du a 5 prairial
an 7 , attendu qu’elles dépendoient d’un compte non réglé. 11 n’y
a pas eu d’appel de ce jugement.
Enfin, le procès a été repris en la c o u r, où la dame M arcon a '
fait signifier le inémoire auquel on répond.
M O Y E N S .
L a dame Marcon s’obstine h 11e vouloir pas suivre les formes
reçues. L ’ordonnance de 1667 dit que l’oyant compte donnera ses
blâmes et débats dans la huitaine ; et c’est un compte nouveau
qu’elle a voulu présenter. Mais où en seroit-on, et comment pourroit-on s’entendre, si le comptable étoit obligé de débattre un
second compte? et quelle raison y auroit-il pour qu’il n ’en donnât
pas aussi un troisième, sous prétexte de corriger le second ? 11 f auC a
�C 20 )
droit bien aussi le présenter avec ses apostilles et ses preuves ; et
malheur à la patience même la plus exercée, si les héritiers Flouvat
eussent voulu rectifier le second ou plutôt le troisième compte de
la dame Marcon par un quatrième compte!
L a course passera certainement de cette surcharge de chiffres;
il est même difficile de ne pas lasser son attention , par ce qui
reste à lui dire. Mais au m oins, puisqu’un soutènement décom pté
est chose nécessaire, les sieurs Flouvat en abuseront le moins pos
sible, et se contenteront de prendre pour exemple la première
année 1743 , c’est-à-dire, les quatre mois comptés de l ’année 174^ ;
de là ils parcourront quelques articles d’années subséquentes.
Il faudroit peut-être répondre auparavant à un calcul prélimi
naire que fait la veuve M arco n , aux pages 4 et 5 de son mémoire.
M ais la plupart de ces articles sont des objets étrangers aux arrêts,
et déjà proscrits par les hors de cour : tout cela d’ailleurs exigeroit
des développemens nouveaux; e t, dans une cause aussi compli
quée, ce seroit brouiller les idées de la cour, et s’embarrasser soim êm e, que de s’éloigner de l’objet positif du procès.
Il s’agit d ’un compte de jouissances , dû à la veuve M arcon, qui
doit, de son côté, des créances réglées, et des charges. Ce compte
a été présenté, il ne s’agit donc que d’examiner en quoi on le
dit défectueux.
§ . i ,T. D e 1743* ( Pctge 8 du mémoire. )
L ’article premier est un capital de 5 oo liv. pour un terme de
la dot reçue par la dame M arcon; elle l’alloue. L ’article 2 éloit
de 7 liv, 10 sous pour les intérêls de cette dot en 174^* L a dame
M arcon, par sa requête de 178G, allouoit 7 liv. 7 sous (j den. ;
�( 21 )
par sa requête de 1790, elle allonoit seulement 29 sous ; et enfin,
par son mémoire , elle n’alloue rien du tout.
Cette négation paroît d’abord peu conséquente ; mais elle s étend ensuite à toutes les années du compte ; et par ce moyen ,
la dame Marcon se dispense de payer pendant quarante ans 1 in
térêt des 4®oo livres qu’elle a reçues, malgré l'arrêt de 1779*
Son m oyen (q u i se trouve page 10 ) est de dire que le capital
est éteint par la compensation de sommes antérieures au 3 septemt
bre 1743» et ne peut porter intérêt.
Quelles sont ces sommes? Elle n’en dit x’ien. Quelles peuventelles être? A ucunes, sans contredit ; car les héritiers Flouvat ne
doivent rien d ’antérieur.
Us ne doivent que du mobilier de la succession de l’aïeule : le
total etoit de 86 liv. par l’arrêt, à quoi ajoutant *75 liv ., suivant
le rapport des sieurs Petit et R o b e rt, on sera toujours bien loin
de compenser 5 oo liv., et ¡x plus forte raison, dans les années
suivantes, sera-t-on éloigné de 4000 liv.
D ailleurs , de quel droit la dame M arcon raye-t-elle un article
autorisé? L arrêt du 21 juillet 1779 la condamne à faire compte
de la somme de 4000 liv. ; savoir, 5oo liv ., etc. avec intérêt à
compter de chaque payement.
Les articles 5 , 4 , 5 , 6 ont peu de différence entre le compte
Flouvat et la correction. C elte différence sera aisément rectifiée
lors de l’apurement; et quoique les héritiers Flouvat croient avoir
raison , il est inutile d’en occuper la cour.
L ’article 7 , relatif au sixième revenant en usufruit à la m è re ,
est rayé par la dame M arcon; et son m otif ( page 10 ) est de
renvoyer à un tableau par elle rédigé, pour montrer qu’il n ’y a
rien de reste dans la succession après les charges payées, et qu’ainsi
le sixième se réduit à rien.
�( 22 )
il y a p lu s, car nous verrons ci-après , dans Je § . II, que la
dame Marcon fait supporter à sa mère le prétendu déficit qu’elle
dit avoir observé.
C et article est encore très-important ; car il se répète à toutes
les années suivantes; et il en résulte que pendant vingt-neuf ans
( j u s q u ’e n
1772
)
les Flouvat n ’auroient rien
à
prendre pour lé
sixièm e des jouissances dû à leur mère : cela 11’est exact que pour
très-peu d’années , et les héritiers Flouvat n’ont pas attendu le
tableau auquel la dame M arcon les renvoie, pour dim inuer, ou
rayer même les années absorbées par les charges*
Par leur requête de 1789, ils ont réduit l’article 7 , de 174^ , à
39 so u s, et ont indiqué les autres années pendant lesquelles il y
avoit des déductions à faire.
M ais la loi doit être égale, et les héritiers Flouvat prennent acte
du tableau lui-m êm e, pour en induire que la moitié de ces mêmes
jouissances due à la dame M arcon doit aussi être réduite à rien.
C e n ’est cependant pas là le calcul de la dame Marcon ; elle
raye les articles du sixièm e, et conserve ceux de moitié.
N e nous étonnons donc plus qu’avec de tels élém ens, en ôtant
tous les ans d ’une part, et augmentant de l’autre, il y ait au bout
de quarante ans une si grande différence entre les deux comptes.
Il faut rétablir l’article 7 comme les sieurs Flouvat l’avoient
réduit eux-mêmes en 1789, et il est juste de partir de celle base
pour les années suivantes, jusqu’à 1772. Les héritiers Flouvat con
viennent encore que le sixième des jouissances revenant à la m ere,
et devant être prélevé avant partage , doit n ’être compté qu’en
dernier article, c ’e s t - à - d i r e , après le dégrèvement des charges.
L es articles 8 et 9 ne sont diminués que de peu de chose : c’est
encore un objet de calcul lors do l ’apurement.
�( =3 )
'
L ’article 10 consiste en 277 liv. i 5 s. pour le neuvième on pro
priété du prélegs de 5ooo liv. adjugé par l’arrêt du 1 '. août 1781.
L a dame M arcon ne rejette pas indéfiniment celte somme ; mais
il lui plaît de la transporter à l'année 1772 , comme elle le dit à
la page 10.
f •"
Ses motifs seroient assez cu rieu x, s’ils n’étoient contradictoires
1
avec ceux qu’elle emploie dans son tableau relatif à la radiation
de l'article 7. Si cela étoit p a yé, dit-elle, en 1 7 4 s , la mère n ’auroit plus dû réclamer les intérêts; et il vaut mieux lui payer la
somme au moment de sa m o r t, parce qu’elle a besoin jusque-là
de son revenu.
>
D ’après cela, on va croire que la dame Marcon portera tous
les ans l’intérêt de cette somme à sa mère pour la dédommager :
point du tout.
On croira au moins q u e , dans le tableau en question , elle lui
en fait compte, avant de la grever d’un sixième du prétendu
déficit, Au contraire ; car elle porte la moitié du prélegs en dé
duction , quoique la mère ne le prenne p a s , et il résulte du tableau
que la mere n ’a rien dans les jouissances à cause du [»rélegs qui
aide a les éteindre. 11 résulte aussi des pages 8 et 10, qu’elle n ’a
rien dans le capital de ce prélegs, a cause qu’il faut lui conserver
scs revenus.
11
11e reste plus qu’à savoir à quelle page on lui accorde ces
revenus ; mais la dame Marcon n ’en a accordé nulle part. Cepen
d a n t, dans son acte d’offres de l’an 4 , elle comptoit 6000 livres
d’ intérêts, et par conséquent elle y comprenoil ceux du.prélegs
de sa m ère, puisqu’il faisoit partie dos.trois capitaux offerts.
A u reste, comme la veuve Marcon n’est pas libre de transposer
des sommes qu'un arrêt ne transpose pas , les héritiers Flouvat
�( ^4 )
demandent qu’elles soient laissées à l’année où ils les ont placées,
parce que jamais on n’a vu attendre le décès d ’un créancier pour le
payer.
Ils remercient la dame Marcon d’avoir bien voulu veiller à leurs
intérêts, en disant qu’elle opéroit ainsi pour ne pas priver la mère
de ses revenus. M a is, s’ils se sont fait to rt, ils s’en consoleront;
et ce n ’étoit pas la peine de refondre tout un compte pour faire
semblant de ne pas les priver d ’un intérêt qu’ils ne veulent pas.
L ’art, xi est encore renvoyé à 17 7 9 , par un semblable effet de
la complaisance de la dame M arcon. Les sieurs Flouvat 11’en persis
tent pas moins à demander que la somme reste à l’annce 174^ , au
risque d’être privés des intérêts à courir.
L ’art. 12 est rejeté tout à fait par la dame M arcon; et ses
moyens ( page 10 ) so n t, sur ce point, beaucoup plus étendus.
C ’est qu’aussi sa tâche étoit pénible , car il ne s’agissoit de rien
moins que de lutter contre l’arrêt du 1". août 1781.
E11 e ffe t, cet arrêt dit textuellement que la dame M arcon fera
compte au sieur Flouvat de ^bo livres pour indemnité à lui duc
sur partie de la maison.
L a dame Marcon ne se le dissimule pas ; mais elle prétend
prouver que c ’est une injustice, parce que l’arrêt supposoit un par*tageet non une licitation.
Précisément l’arrêt prévoyoit aussi une licitation. Il fixa une
somme d ’office pour empêcher de nouvelles contestations ; et on
croit possible de faire tomber cette fixation.
Par quoi , au reste , est-il prouvé que la moitié de la maison , qui
revenoit dans l’origine à la dame Marcon , ait eu pour moins de
45 o livres de réparations? La dame Marcon veut-elle encore une
expertise ? Mais elle tranche la difficulté en 11’allouant aucune
somme
�C =5 )
somme. Elle veut en revenir à une transaction de 1G67, et a une
explication qui tendroit à rejuger partie du procès. Elle convient
cependant que la difficulté étoit nc6 lors de l’expertise et du traite
de 1784; m ais , d it-elle, on ne pensa
p a s
alors à ces 4^o livres.
On pensa à tou t, mais personne ne s’avisa de ¡mettre
en
question si
l ’arrêt de 1781 seroit.réformé lorsqu’il adjugeoit ces.460 livres , en
même temps qu’il ordonnoit partage ou licitation;' Les héritiers
Flouvat persistent donc à demander ces 45 o|‘livres , et lesi intérêts
dont ils ont formé demande,additionnelle par l,eur requête de 178g.
L ’ art. i 3 consiste en une so m m e''d e'^ g livres 5
sq ù s
, pour les
dettes payées par Antoine Flouvat. L a dame M arcon, dans sa requête
de 1786, allouoit cet article* kà la charge de produire les quittances;
aujourd’hui elle le réduit à 11 livres 18 sous , et se permet de ren
voyer le surplus à d’autres années.0
V
fi !) •
* 1
C ’est ainsi q u e , sans raison et avec de plus léger prétexte', elle
dénature un compte tout entier, et nécessite', à pure p erte, des
frais plus considérables cent fois quë la différence’ qui peut exister
entre 1 intérêt d’une foible somme divisée en trois années , et l’in
térêt de la même somme porté' tout à la fois.
A u reste , et ce n ’est pas seulem ent'une inutile tracasserie qu’il
y a h reprocher là-dcssüs à la veuve Màrcon , l’arrffculu 2$. juillet
1781 est im pératif; il a ordonné qu’elle tiendront compte de 279 1.
5 sous sans intérêts, et par simple compensation avec les jouissances.
L a loi ne doit donc pas êlre dure-pour le débiteur seul, qui s’est
libéré en payant la detle du créancier. L ’arrêt n-’a rien distingué sur
cette somme; et cependant, quant aux^ooo livres^'il a distingué les
époques de payernens : il a donc fallu distinguer quand l’arrêt le
voulait, et 11e pas distinguer qudndul ne le disoit pasi Los héritiers
Flouvat ont en eiiet divisé la somme de 4000 livres à scs diverses
D
�C 26 )
époques; et quant aux 279 liv. 5 sous, ils les ont portés à la pre
mière a n n é e , ce qui est absolument sans conséquence, puisqu’ils
ne les portent que pour déduire et non pour produire intérêt. C et
article doit donc être maintenu.
Q uant à l’article 14 > relatif aux impositions à déduire, les sieurs
Flouvat les portoient au hasard à 120 livres par an ( ce qui étoit
très-peu pour une succession de 27900 livres d ’immeubles ) , parce
qu’il leur avoit été. impossible de trouver les rôles.
L a dam eM arcon prétendit avoir été plus heureuse, etd it qu’elle
avoit un état général. Il se portoit , d is o it-e lle , à 101 livres 4 sous
pour 1743 ; e t, par une différence ass.ez inconcevable, l ’imposition
n ’éloit que de 27 livres en 1749 > quoique les biens fussent les
mêmes.
. ■
'
A u jou rd ’hui la dame Marcon fixe les quatre mois de 1745 à
jo livres, et l ’année 1749 a 5 francs 77 centim es( pages 8 et 17 );
et pour prouver combien tout cela est intelligible, elle.dit ( page 11 ).
qu’on trouvera dans trois tableaux tous les renseignemens néces
saires.
L a première cliose, également intelligible dans le premier tableau,
est que la cote des biens Astanière étoit confondue avec celle du sieur
P a y o t, deuxième mari de Clauda Auteroche, de sorte que la divi
sion à en faire a été à la pure volonté de la dame Marcon.
M ais c’cst assez s’occuper d ’un article qui doit encore rester tout
entier soumis au calcul définitif. Si la dame Marcon a des extraits
en règle des rôles, comprenant toute la cote dles biens A stanière,
et qu’il soit possible de la distinguer, pas de difficulté alors à suivre
cette déduction; sinon il faudra bien s’en tenir à celle faite par
les sieurs F lo u vat, ou la cour la fixera d’office.
�( 27 )
M S- 2. D e 1743. ( Page 9. )
L es héritiers Flouvat n’ avoient d ’abord, dans leur compte, porté
en déduction que la moitié des jouissances au profit de la dame
M arcon; m ais, par leur requête de 178 6 , ils ont reconnu q u i
falloit y ajouter le deuxième article rela tif aux meubles dont ils
avoient fait omission.
Aujourd’hui la dame M arcon se fait créancière de n euf articles
au lieu de deux. *
L e premier article n ’est pas contesté ; mais il plaît à la dame
Marcon de le portera
i
5 i liv. 18 sous au lieu de 137 liv. 10 sous.
C ’e st, d it-e lle ( page 11 ), une erreur qui s’est étendue à toutes
les autres années : aussi augmente-t-elle sa créance tous les ans ; et
sa preuve est encore renvoyée à un tableau.
M ais un meilleur tableau se trouve dans le rapport lui-même
du tiers expert. En 1743 , il a porté les produits à 375 livres : donc
la moitié étoit 137 liv. 10 sous; ainsi de suite dans les années
précédentes.
O r , la dame M arcon a assigné en homologation de ce rapport en
1785, aussitôt qu’elle fut nantie de 16900 liv. et de deux provisions.
T o u t est donc terminé, et il est inutile de refondre un compte
pour chercher au delà de ce qui est définitif.
L es jouissances doivent donc subsister telles qu’elles sont en
1743 , et à toutes les autres années, sauf au commissaire de la cour
à examiner si les sommes portées en compte par les Flouvat sont,
chaque année, la moitié exacte de la somme réglée par l’expert.
L ’article 2 est relatif au mobilier de l’aïéulc -, il est fixé par le
troisième arrêt : donc pas de difficulté. Les héritiers Flouvat ont
avoué l’omission.
: JïiK
j,
D 2
�( a8 )
D e m êm e, pour l’artîclc 5 , ils conviennent qu’il faut déduire
cette autre partie de mobilier ; mais on ne* peut diviser leur décla
ration : ils ont o ffe rt, au rapport Petit, y 5 1. pour moitié de i 5 o 1.,
et non g5 liv. 1 5 sous.
,
L es articles 4 et 5 sont une nouvelle, découverte de la dame
M arco n , fondée sur deux transactions de 1758 et 1744Si elle avoit voulu lire celle de 175G, elle y auroit vu que le
sieur FJouvat s'est chargé seulement de mobilier pour i 5 o livres,
et que le surplus avoit été vendu au sieur Payot. _
Elle y auroit vu que Marie Àstanière avoit la majeure partie
du mobilier par elle laissé à titre d’ usufruit, et que cela concorde
avec l’acte de 1738, où il n’est parlé d’autre mobilier que de celui
qu’on lui délaisse dans une chambre garnie.
L a transaction de 1766 est la dernière : donc les autres s’y rap
portent. D ira-t-on que si Clauda Auteroche a vendu à son mari
du mobilier de sa belle-m ère, la dame M arcon doit le retrouver
dans sa succession à titre de prélèvement , puisque les sieurs
Flouvat en sont héritiers?
M ais précisément l’arrêt de 1781 règle tout ce qui doit appar
tenir à la dame M arcon dans la succession de sa mère : elle y demandoit plusieurs espèces de mobilier ; elle en est déboutée, ainsi
que de toute réclamation en çompte. Il y a p lu s, elle est, sur tout
le reste de ladite succession , mise hors de cour.
Si donc il y a lieu de, débattre le compte de la dame Marcon ,
et de devenir o y a n t, on soutient que les articles 4 et 5 du §. a
doivent être rayés.
Il
!
en est de mêmd,fie l’article 6 , il n ’est fo n d é sur rien; et ce
n ’est pas. après, tafit jdç djébaljç. et de difficultés qu?il|faut élever
des prétentions nouvelles. Comm ent la veuve M a rco n , payée de
�( 29 )
la succession de son aïeule, a-t-elle pu laisser en arrière le revenu
de la seule année 174 3 ?
L ’art. 7 n ’est qu’une transposition de l’art. 3 du
1". L a dame
M arcon veut déduire les vingtièmes de la pension viagère de sa mère.
Elle y est fondée, d it-elle , par ¡son contrat de m ariage: on y
lit que sa mère a une pension payable de trois en trois mois par
avance, mais il n ’est pas dit qu’elle sera sujette à retenue.
A la vérité, le contraire n’est pas exprimé ; mais une pension
est par sa nature une chose alim entaire, et ce n’est pas une rente.
D ans ses écritures, la dame M arcon se fondoit su rF é d itd e >
174 9 , qui parle des rentes viagères. Il est curieux, de voir appli
quer à des arrérages de 1743 , un édit de 1749*
L 'a rt. 8 sexrapporte à l’art. 7 du § . 1 " ., qui étoit relatif au sixième
des jouissances appartenant à la mère.
Ici la dame M arcon , non contente d’avoir réduit ces jouissances
à rien , veut que la mère lui paye à elle le déficit de ces jouissances.
Demandons lui à quel titre; pour toute réponse elle renvoie à
l’un de ses tableaux.
„ Ce qu on y voit n ’est autre chose qu’ un calcul des .charges qui
absorbent les revenus, en y comprenant môme la moitié du prélegs
<jue la mère n ’a pas, mais qu’on n ’en met pas moins sur son compte.
T o u t cela n’explique pas par quel étrange système la m ère, qui
avoit droit au sixième des biens , et qu’on réduit à ne rien prendre
pendant trenle-six ans sur quarante, est obligée de fournir au déficit.
Q u’un héritier paye ultra v ir e s , cela se conçoit ; mais qu’une
mère, usufruitière d’un sixième, paye à Fhéritière de moitié le déficit
du sixièm e, parce que la succession est épuisée par les ch arges,
cela est impossible à comprendre ; et tous les tableaux du monde
ne peuvent pas en donner la solution.
it
�( 3o )
Enfin , l’article g est aussi une nouvelle découverte de la dame
M arcon. C ’est encore la mère q u i, n ’ayant pas assez de fournir
un sixième à la succession de son m a r i, doit fournir un autre
sixième h la succession de l’aïeule. L a dame Marcon a calculé qu’il y
avoit cinq mois et demi de différence entre l’époque fixée par
l ’arrêt pour le calcul des intérêts, et le temps où ils doivent com
mencer à cet égard.
Mais , i°. il est trop tard , encore une fo is , pour élever de nou
velles prétentions ; 20. ce n’est pas à la mère à rien fournir au profit
de la succession de l’aïeule; 5°. les arrêts de 1781 fixent le point
de départ général au 3 septembre 174^ : c’est donc les attaquer
que d'exiger des intérêts au delà.
D e 1744 à 1785.
L a dame Marcon n’ayant plus jugé à propos de donner de
motifs de sa manière de calculer, et de son habitude de réduire et
rayer presque tous les articles de l’actif des héritiers F lo u va t, il ne
sera nécessaire que de parcourir quelques-unes des années ci-dessus,
pour y faire quelques observations sur quelques articles, autant
néanmoins qu’on aura pu les comprendre.
1°. A partir de 174 3 , la dame M arcon annonce qu’elle ne
comptera plus d ’intérêts des capitaux de sa dot ; e t , en e ffe t, la
cour se convaincra que tous les ans chaque article premier est
par elle rayé du compte Flouvat.
C ’e st, dit-elle ( pages 12 et 14 ) , parce que les capitaux sont
absorbés par la compensation qui s’est opérée en 1743.
E t , en signe d ’exactitude, 011 voit en 1749 ( Pa8e 17 ) > qu’elle
lie compte pas Fintérêt de 5 ooo livres , mais qu’elle le compte des
�( 5 i )
1000 livres restantes; on voit encore ( p a g e g ) , qu’elle ne se dit
créancière qu’en 1771. O r, comment a-t-elle pu compenser, trente
ans auparavant, et tant qu’elle a été débitrice, ces /jooo livres?
Cependant elle se permet de détruire la disposition de l’arrêt de i 779>
qui la condamne à faire compte des intérêts.
Voilà donc près de quarante ans d’intérêts de 4 000 livres à
rétablir.
2". Quelle raison donne la dame Marcon d’une triple division
qu’elle fait à chaque année ( à son profit ) des excédans, avec ou
sans intérêt ?
D ès 1746 > elle se trouve en discordance de 2000 livres , c’està-dire , elle s’adjuge 2000 livres de plus ; car il faut s’entendre : et
on conçoit sans peine qu’avec un aussi bon com m encem ent, et de
bonnes dispositions à ne pas le laisser péricliter , on doit aller loin.
Ainsi , il ne faut pas s’étonner de la finale de son compte.
Cependant, dans sa note sur 1745 ( page 10 ), elle laisse percer
quelque chose de son plan sur le calcul des intérêts. Elle a fait
se« im putations, dit-elle , d’après les principes de l’arrêt du 25
juillet 1781 ; e t , par exem ple, elle a éteint des capitaux par com
pensation , notamment l’article 2 , comme la dette la plus dure :
on voit la même explication à la fin de la page 2.
O r , quelle est cette dette la plus dure? C ’est justement un capital
de 1000 liv ., auquel on veut bien donner un intérêt pour 17 4 5 ,
quoiqu’il ne soit payé qu’en septem bre, mais qui n ’en produit
plus pendant toutes les années subséquentes.
Voilà donc comment on s’est affranchi de cet embarras de payer
les intérêts du prix d ’une cession, tandis qu’on la fait annuller,
et qu’on se fait rendre compte du revenu des jouissances. T o u t
cela n’est ni juste, ni légal ; mais la dame Marcon n ’en donne
�( 52 )
de raisons que par deux lignes d'une note, ou par des tableaux de
c h iffre s, si on les trouve plus aisés à concevoir.
5°. Que signifie, en 17G7 (page 3 5 ), cette séparation d’un capital
qui ne produira d ’intérêt qu'en 1771 ? Pourquoi seulement en 1771 ?
Effectivement, en 1771 se trouve un grimoire d’excédans de six
espèces , sans la moindre réflexion ; et tout cela se perpétue jusqu'à
la fin , sans le secours encore d ’aucun tableau.
P e u t-ê tre bien la veuve M arcon aura-t-elle pitié de ce qu’on
renonce à la comprendre; mais il vaut mieux se confesser incapa
ble , que de raisonner sur ce qu’on n ’entend pas.
4°. L a dame M arcon ( page 49 ) déclare qu’elle a séparé du
compte sa dette de i 5Goo li v ., quoiqu'elle y ait porté celle de
1400 liv. de l’année précédente.
.
Elle ne dissimule pas que c ’est une finesse de sa part pour ne pas
payer les dépens qui sont réservés pour être payés par le débiteur.
Elle a même quelque soupçon encore d ’être d ébitrice, car, à la
page suivante, elle appelle à son secours 529 liv. qu’elle a portées
en compte sur les i 4 ° ° livres. L e compte plus régulier des Flouvat
prouve q u ’ils étoient créanciers en jy 85 : et si la veuve Marcon ne
le croyoit pas elle-même, pourquoi offroit-elle 21000 liv. en l’an 4?
L es héritiers Flouvat n ’étendront pas plus loin l’examen du mé
moire de la dame M arcon , quoiqu’à plusieurs des dernières années
il y ait bien des choses inintelligibles. M ais des doutes ne sont pas
des moyens ; et les héritiers Flouvat croient en avoir assez dit pour
démontrer que tout le travail de la dame M arcon doit être mis de
cô té, et qu’il faut s'en tenir au compte qu’ils ont présenté, sauf
les corrections que la cour jugera convenables.
OBSERVATION'S
�( 35 )
OBSERVATIONS
G E N E R A I j * 9,
.1 :
Quoiquè la dame M arcon cherche' à hérisser de difficultés un
procès déjà jugé trois fois, il est un fait certain qui parle plus haut
que tous ses chiffres.
C'est qu’elle a dans les mains la presque totalité de la succes
sion paternelle , qui est aujourd’hui la seule chose litigieuse.
Cette succession est estimée toute entière 27905 liv. ,5 sous, non
compris une partie de la maison à laquelle elle n ’avoit rien à pré
tendre , puisque c’étoit un acquêt du sieur Flouvat.
O r , elle a reçu en sus de la succession maternelle , et à imputer
sur la succession paternelle, 1400 liv. d’une p a rt, et i 56 oo livres
d’autre, à la charge de payer une seule créance, q u ’ e lle fixe ellemême à 8 i 5 livres; elle a reçu deux provisions de i 5 oo livres;
et enfin elle a encore reçu 4000 liv. pour sa d o t , dont elle n ’a
fait compte qu’en chiffres.
E lle a donc environ 22000 liv. en ses m ains, depuis 21 ans.
Elle doit au moins l’intérêt de ce qui ne lui appartient pas, puis
qu’elle réclame l’intérêt antérieur de ce qui lui appartient.
C e qu’elle doit, dira-t-elle, doit être compensé. O u i, mais jus
qu’à due concurrence ; telle est la convention de 1784.
O r , c’est elle-même qui a calculé qu’à chaque année , depuis
1783 jusqu’à 17 7 2 , les jouissances étoient absorbées par les charges
et les reprises de la mère (d o n t elle n ’est pas héritière). Elle
n ’a donc rien à prendre pour ces jouissances ; car si son cohéri
tier les p e rd , pourquoi ne les perdroit-elle pas ?
A u contraire, tout ce qu’elle a reçu en 1783 et 1784 lui a été
donné franc et quitte ; elle jouit depuis cette époque de plus du
double de ce qui lui revient.
E
�( 34 )
U n second fait duquel il est fort aisé aussi de tirer des consé
quence , est l’acte d 'o ffres, qui fut fait en l’an 4» de 21000 livres.
A qui persuadera-t-on que celui qui est créancier, se dise lui-même
débiteur, et offre de son bon gré une somme aussi considérable.
Les assignats sont en cendres ; mais Pacte d’offres existe avec tous
ses résultats.
1
Voilà ce que Monsieur le rapporteur est supplié de prendre en
principale considération, parce que si on peut fasciner les yeux
avec des pages d’arithem étique, au moins elles n ’éteignent pas'
l’évidence, et l’évidence préserve de l’étourdisscment.
L ’étourdissement naltroit sans doute de la grande étendue que
la veuve Marcon donne à son com pte, et encore plus du compte
préliminaire qui se lit aux pages 4 et 5.
Car on ne peut douter à la page 4 > que la veuve Marcon veuille
entasser de nouveaux faits par sa différence des valeurs de 1784
et de 1782, par une transaction inconnue de 1691, par des virilea
plus inconnues encore, des ventes de mobilier dont on ne parloit
pas avant les arrêts, et tant d’autres innovations.
Muis il ne s’agit pas d ’un nouveau procès.
Les héritiers Flouvat ont été assignés pour rendre un compte de
jouissances*,' dont les éléméns sont fixés avec détail. Ils l’ont rendu;
c’est donc lui seul qu’il faut su ivre, et rejeter d ’autrés com ptes,
puisqu’ils ne serviroient qu'à rendre l’opération interminable.
Ce 11e peut pas être un travail extrêmement pénible, puisque
toutes les sommes Sont connues. Les héritiers Flouvat doivent des
jouissances ; ils les doivent après les prelèvemens des reprises de la
m ère, après la déduction des charges; ils doivent encore deux
articles du mobilier de l’aïeule.
D e sa p a rt, la darne M arcon doit l’intérêt de ce qu’elle a reçu :
�( 35 )
les deux sommes se compenseront en se rencontrant, et ensuite
il courra des intérêts pour celui qui ne devra plus de capitaux.
D éjà on aperçoit un résultat quelconque, même avant d arriver
au temps où la dame M arcon a reçu des immeubles ; car les
sieurs Flouvat ne lui devoient pour capitaux que la moitié d’un
mobilier de 3 oo liv re s , plus le quart de 75 livres : de sa p art,
la dame M arcon devoit depuis 1743 un capital de 4000 livres;
à l’égard des revenus, l’un des cinq tableaux de la dame M arcon
prouve que le sieur Flouvat n'en avoit perçu aucuns.
A u re ste , les arrêts sont là pour tout ramener à la chose jugée,
et dissiper toutes les incertitudes. Les héritiers Flouvat ne pré
tendent pas qu’eux seuls ont raison. En se dépouillant de to u t ,
sans attendre les ordres de la justice, ils ont prouvé qu’ils savoient
sacrifier à leur repos leurs droits et leur fortune. C e qu’ils désirent
principalem ent, est de voir la fin d ’un procès qui a été la ruine
de leur m aison, et que la dame M arcon a seule aujourd’hui intérêt
d ’éterniser.
M . C A T H O L , rapporteur.
%
M '. D E L A P C H I E R , avocat.
M*. F A Y E , avoue'.
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul im prim eur de la
Cour d’appel.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Flouvat. An 8?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cathol
Delapchier
Faye
Subject
The topic of the resource
successions
séparation de biens
absence
experts
Description
An account of the resource
Mémoire pour les héritiers Flouvat contre Jeanne Astanière, veuve Marcon.
Arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 8
1738-Circa An 8
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
35 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0719
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0717
BCU_Factums_M0718
BCU_Factums_M0317
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53914/BCU_Factums_M0719.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ambert (63003)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
experts
séparation de biens
Successions