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M
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L e citoyen
N icolas
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L es
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J U G E , demandeur;
C O N T R E
h éritiers
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de la dame M
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. :
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arguerite
D U B O I S épouse S O U B R A N Y , défendeurs;
j
'
e t
C O N T R E
H é l è n e D U B O I S et M a r t i n
son mari
9 aussi
VALLEIX
.
,
défendeurs
C E T T E cause est plus remarquable par sa singularité que
’difficile pour la décision.
Une fille naturelle, baptisée sous le nom de père et
de mère inconnus, qui depuis, soit dans son contrat de
A
�m ariage, soit dans d’autres actes , s’est qualifiée ellemême Hélène D u b o is , qui n’a jamais été connue sous
d’autre n o m , cherche tout d’un coup à se transporter
dans une autre famille.
Elle n'est plus D ubois.
Elle prétend qu’elle est fille naturelle de Marguerite
M ercier et de Jean-Pierre Carraud ; qu’elle a été légi
timée par le mariage- que le père et la mère ont con
tracté ensemble , peu après sa naissance ; que cette lé
gitimation a opéré le môme effet que si elle étoit née
pendant le mariage, et lui a donné tous les droits de famille..
J e a n -P ie r r e Carraud avoit un frè re , Jean - L o u is
Carraud' c P U j'b is e q u i est décédé en 1 7 8 3 , sans pos
térité. Ce frère a laissé un patrimoine assez considé
rable : c’est ce patrimoine qu’Hélène Dubois voudroit
s’approprier.
Elle ne réclame pas la succession du père qui lui a
paru peu avantageuse j c’est la succession de l’oncle qu’elle
ambitionne.
F A I T S .
L ’extrait baptistaire, ou pour mieux dire l’extrait d’ex
position d’Hélène Dubois à la porte de l’hôpital des enfans
trouvés, fixe sa naissance à l’année 1761 • elle est nommée
simplement llélèn c , sans désignation de père ni de mère»
Jean-Pierre Carraud à qui on voudroit déférer la pater
nité, a con tracté mariage en 1762, avec Marguerite M ercier.
Dans le contrat de mariage on lit les clauses suivantes.
« E n fa v eu r du présent mariage ladite Mercier et
�( 3 J
y> donné et donne flw lit ¿futur \époux^\ acceptant pàr do
» nationentre v ifs, tous les biens qu i lu i appartiennent
» présentement, meubles et immeubles , desquels le fu tu r
»' époux fera la ,recherche comme il avisera.
i
- » E n secondlieulafuture se.réserçe, en cas de viduité,
» Ja jouissance et usiifruit des hien's-donnés, et même la
»réversion en-cas de prédécès du ¿futur époux sa?is
j) enjansi
.
» Ladite donation tiendra lieu .az*d¿tfiitu r époux de
» gain de surv** n»
• '
O n prévoit le cas contraire, où la femme su rvivroit, et
il est stipulé pareillement en sa faveur un gain de survie et
un douaire viager.
Nulle mention de l’enfant prétendu né de leur com
merce antérieur.
JLe mariage a duré trente ans. Pendant tout ce temps ,
nulle reconnoissance, ni de la part de Jean-Pierre Carra u d , ni de la part de Marguerite Mercier.
.
Ce qui est à remarquer., ce qui rend le silence sur l’état
de l’enfant plus étonnant, c’est qu’il n y en a point eu du
mariage.
'
.
’
Jean-Pierre Carraud est décédé en 1781.
N ul écx*it encore, nulle parole, nul signe, même au der
nier moment* dont on puisse induire qu’il ait jamais ima
giné être le père de l’enfant qu’on lui attribueaujourd’ hui.
Il décède : Hélène Dubois paroît-elle pour'recueillir sa
succession? N on ; c’est Jean-Louis Carraud d’Urbise, frère
du défunt, qui se présente.
Ce frère répudie la succession par acte au greffe du a
janvier 1783. Sur cette répudiation, la v e u v e , Marguerite
A a
�C4}
,
.
M ercier, fait nommer un curateur à la succession vacante;
Jacques Labat est nommé par procès verbal du 7 du même
mois de janvier.
L e 10 , la veuve présente une requête aux juges de la cidevant sénéchaussée de cette ville , dans laquelle elle ex
pose q u e , comme créancière de la succession de son mari,
elle a x-equis l'apposition des scellés; que depuis Jean-X/Ouis
Carraud d’U r b is e , seul habile à succéder, a répudié la
succession, et que Labat a été nommé curateur à la succes
sion vacante. Elle demande en conséquence, qu’il soit pro
cédé à la rémotion des scellés, le curateur présent, ou
dûment appelé ,* qu’il lui soit permis de faire procéder ¿1
l ’inventaire par le premier notaire sur ce requis, et ensuite
à la vente dudit mobilier.
18 mars 1 7 8 3 , sentence de la ci-devant sénéchaussée de
R i o m , qui liquide ses reprises, et condamne le curateur ù
la succession vacante à en payer le montant.
En vertu de cette sentence, la veuve ne s’est pas conten
tée de faire procéder à la vente du mobilier j elle a encore
poursuivi la vente judiciaire des immeubles ; et sur qui l’at-elle poursuivie? sur le curateur à la succession vacante,
et vacante par la répudiation du frère.
8 juillet 1783, procès verbal de saisie réelle, notification,
criées, certification de criées, et enfin vente et adjudica
tion , toujours sur le curateur à la succession vacante d’après
la répudiation du frère.
Jean-Louis Carraud d’U rbise, qui avoit répudié la suc
cession de son frère , est décédé aussi sans en fans le 22 fé
vrier 1 7 8 3 , laissant aux collatéraux une succession aussi
opulente que celle du premier avoit paru obérée.
�................................................................................... '
-C’étaitleinowrentmirbtui oit la mère devoît reconnoître
l’état de sa fille ; toutlui èn faisoit ua devoir.
Elle’ laisse passer tranquillement ce riche patrimoine à
des collatéraux;- !
. ” ..rri î. :
L e citoyen J u g e , alors domicilié à Grenoble, n’a ,été
instruit t'u -décès de' ¡C à rra ù d 'd ’Urbiié j 'dont il étoit
unique héritier paternel, que long-temps après. ' v
- lia dame Marguerite Dubois , veuve Soubrany, qui sc
cioyoit en ordre de-succéder, s'est mise en possession de
l’universalité cio la succession. >j -îo *j
^
' L e 18 décembre 178 6 , le citoyen' Jugé à fait assigner la
dame D u b o is, veuve Soubrany, en la ci-d eva n t séné
chaussée de Clerm ont, en vertu d’arrêt d’attribution.du
ci-devant parlement de Paris., en désistement, avecrresli-;
tution des jouissances et des dégradations.! "
. \.
Sur cette citation la veuve Soubrany s’est pourvue par
opposition contre l’arrêt du parlem ent, qui attribuoit la
connoissance de la contestation à la sénéchaussée de Cler
mont. A rrêt est intervenu qui en recevant ladite Soubrany
opposante, a délaissé les parties à se pourvoir en la séné
chaussée de Riom.
Divers événemens survenus depuis cet arrêt, ont sus
pendu les poursuites du citoyen Juge.
L e i 5 fructidor an 2 , après ‘plus de 40 ans de silence,
Marguerite Mercier , alors octogénaire , déclare devant
notaires, qu’IIélène Dubois est sa fille, et de Jean-Pierre
C arraud , née du commerce qu’ils avoient eu avant leur
mariage. C ’est sur cette déclaration qu’Hélène Dubois
fonde sa métamorphose. ■
.
E n frimaire an 5 , le citoyen Juge a repris ses poursuites
�contre la veuv'e Soubrany ; il l’a fa \ijasâigner ciofn'©,uyeau
au tribunal civil'du département du Puy-de-Dôme. r ' '
A u moment où il s’attendoit'à recevoir une décision, la
dame Soubrany est décédée elle-même, le 27 prairial au y \>
sans postérité..
' ■
' h '1’
v r.
'
Après son d é c è s l e s scellés ont'été appèsfesur ses effets.'
L,e citoyen Juge, pour la conservation de-ses droits, a fait
faire différentes saisies-arrêts, entre les mains des débi
teurs et des dépositaires: des .effets de la succession.
Marguerite Mercier est décédée en l’an 8.
'
A v a n t son décès elle avoit fait un testament et un codi
cille. Par ce testament et ce codicille, elle iaijt differens legs
à safemme-de-chambre, au fils de son ancien domestique,
et à d’autres particuliers. Elle nomme pour son exécutrice
testamentaire Catherine de F rétât, veuve Mercier , sa bellesœur. Il n’est point question d’Hélène Dubois. Elle y ou
blie entièrement -celle qu’elle avoit reconnue pour sa fille.
Elle meurt. Hélène Dubois assure qu’après son décès
elle s’est mise en possession de sa succession , sans aucun
obstacle de' la part de la famille Mercier. C ’est ce qu’on
ignore.
Quoi qu’il en s o it, elle a prétendu avoir également droit
à la succession de Jean-Louis Carrand d’Urbise.
Elle a fait différentes saisies - arrêts, entre les mains des
débiteurs et des détenteurs des effets de la succesion de lu
veuve S o u b ra n y, détentrice e lle -m ê m e de celle dudit
Carraud.
E n cet état le citoyen Juge a fait citer , et les liânliers de
ladite veuve Soubrany , pour reprendre l'instance pen
dante entre lui et la veuve S o u b ra n y, et voir adjuger les
�I ?}
conclusions prises en kditciJmslahce ; et' ladite Héléne
BllbOis^êt:.VallelX',- son rmn>i j pour voir faire m ain-levée
d'e&-sa^it\^«aïn-êts',i-.éÊ' \Foir'ii<iblai!©r eommtm'avec euhri le
j^gëmëttt'âiitttevwftii’iponitré les héritiers Soubranyj -y\l(j
• 1‘I l m ¡peut ÿiayoii! âerdifS'oiilté relativènaehC -aux héritiers
de la dame Soubrany. L e citoyen Juge leur a com m uniqué
les titres établissant sa qualité. '
ïï. i : -, ' I
T oute la contestation est relativement à H élène Dubois.
OVd•à'ïÇw qûdllî: èst là’vpuétentîôn qu’elle élèvé. ' .r
1.
A la déclaration de M^i‘s « ^ irc’M ercicr du 1 5 fructidor
an 2 , elle demande à ajouter la preuve testimoniale.
Elle offre'suèsidiairementide p r o u v e r , '-r •
■ 'iovfQüal\e9t!qatotrie(:âansrl0lcüœfaiia)0p';de' Riom ¿qu'elle
a*-toùjours>ipassé poinr» êtrempaidusMÎxynmerce' de Jean-*
Pierre CaiTaüdav.ëc JVi'iirgiieritéîMetcier , avant lenaQria’g ej
z Q. Que Jettn-Bierrô-Garratud a;payé tesmaiside'la’riour*
rice ^eùa recommalndé àila>‘n ourrice cet e n f a n t ; t
. 3«. Q^àpuèsi quelle fùtseVréeij ijl la fit transporter dan»
son dotoaîne de 'Re^v^alleîyicliargeaMt Ses fermiers ou: mé~
tayers de sa subsistance et de son entretieii'^ët leur-en-four»
nissant tous les frais
a . * - ■-.•rr • > iV
r n i ) 40. Q u ’il'a ,a voué a pluçtetixs. personnes , qu’if ¡avoit eu;
cette fillô\dë -Margum'kü\^U:raiieuv.-.aVaiit<sow.niaviage'j* • >">
5 °. Que Jean-Pierre Car rnud.Tink'tuiVmêmo a Reyyial 1(\
pour régler les conditions dû» nxâciageldèisa; fille*;-qoîiÎlui
donna des Héritages’ pour, coroposeh'sa dot'; qu’à i]iù vérité
l’acte fut déguisé sous le nom de v e n te , mais que'Ciirraud
n’en reçut’pas le prixvceoqui'fut"dcmiu db-'toutes lèü per
sonnes iqui s’enU;emimïfr pour le mariage^ ’dont le?e<!)ntrat
iut passé le'lendemain'mûrhtifde- la' veiite-; eü recïtf par l é
môine notaire.-
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.
£ .V ;
.
.
• V o ilà les faits qu’elle artiotile.î r
' “'rr; • ' :
L a déclaration de Marguerite. Merciçr ést-elle un titre?.
• ; S i e lle n ’est!ip oin t
e tre adm ise subsidiâi’r éirieni 'ària pi'dav.q qiViîll'e.^Ç’llicite?
s-roieiles sont . l e s r ' d e L l K r q u ^ t i o i n s f q i f i l i d e discuter.
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q u e s t ?i , o n .
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coriTOvilnfo'i j.vj noij.'i.i - lri(/> /il îJij-
L a déclaration dp iMtt?^ucriïà M ercier estrelle
- ' ' on-' ■j: . .
Su.uri. litre ? - • ;oiJn- ' ¡/ , fi* •
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E lle ne seroit point) un titre , quand, même H élène
D u bois seroit néeijpettdrmtolo.mariage j à plus forte /raison
dès qu’e lle ‘.e«t>néej,(jdeisbnj;propiiè avcuj, Iro n ie mariage.
Nous ■
disons, quand'inéine ellc\ seroit néc\pendant le
mariage : lés ¡principes à cet égard sont conslans. .
N on seulement Ja) 'déclaratiah de la moce , . mais I.r
déclaration !incnüèudiü <père,et dcj'la ‘. m crqjréunisîjyic' $uflïseï it-pas.jj'sausawlücs? rçdmibiçolès i,; polir établir :1a 11égitimité .de l’êilfant.■>ijO,jJaü ne : . J'.: ojnnl - ^\n;\ v* • ■o-i‘
‘
Il y en a une loi expresse: non'f nudis asseveration ib u s, dit Ja l o i , nev. ;en u\n ttiâ profession e , licet utr-ique
consçntiantr. scdin airùuxm w ■
legitimo con àêptijilii civili
ju re p a ir i.. cannl i tribu thr.hu - . n - v
•• ’
'
• A .cette ■IojUÙu t-il ajo uter dés a u td rité s ?
Quand frie me, disoit'lc célèbre avocat général Talon,lors
de l’arrêt du 12 janvier 1686, rapporté dans le cinquième
tome d u Jou mul des audiences, connu sous le nom de Marsîint, les sieur fct demoiselle.do Marsant voudroient aujour
d'hui avouer l'intimée, pour leur fille légitime, ils ne le
pourvoient
�(9 >
pourroient pas sans rapporter eux-m êm es des preuves
par écrit et incontestables de la filiation; et il cite à ce
sujet la fameuse loi que nous venons de rapporter.
C ’est ce qui a été jugé dans les plus forts termes,
dans une cause ¿1 la première des requêtes du palais, et
qui intéressoit un magistrat du premier ordre et d’un
des plus grands noms du parlement. Dans cette cause la
déclaration de ce magistrat, partie dans l’instance, qu’une
fille qui aspiroit à être reconnue pour sa iîlle légitime,
étoit réellement
légitim e, ne fut d’aucune con
sidération. On donna acte à ce magistrat de sa déclara
-
tion, et sans s’y arrêter, la prétendue fille fut déboulée
de sa demande, afin de faire preuve des faits justificatifs
de filiation. Get arrêt est cité par M. A u b r y , qui en connoissoit les circonstances, dans la cause contre la demoiselle
.Ferrand.
Il faut que la déclaration soit soutenue non seulement
.par la vraisemblance, mais par d’autres indices, par d’au
tres preuves.
' ■ <
Telles sont les maximes; telle a été constamment la
jurisprudence.
, ,L a déclaration de M arguerite M ercier ne seroit donc
pas un titre , quand même Hélène Dubois seroit née
pendant le mariage.
,
Dira-t-on que les nouvelles lois ont dérogé à ces prin
cipes; que la loi du 12 brum aire an 2 , et les lois sub
séquentes qui ont admis les enfans illégitimes ù succéder,
admettent en même temps la simple reconnoissance pour
preuve de la filiation.
,
Cette objection s’écarteroit facilement.
B
�,
.
.
(
1
0
)
.
.
i ° . Il ne s’agit point de nouvelles lois. L a succession
soit de Jean-Pierre Carraud , soit de Carraud d’U rbise,
11e s’est point ouverte depuis la révolution; l’un et l’autre
sont décédés long-temps avant.
2°. L a loi de brum aire an 2 ne concerne que les enfans illégitim es, et H élène Dubois n’agit point comme
illégitim e; elle n’a git, et ne peut a g ir , que comme fille
lég itim e, comme légitim ée p a r le m ariage subséquent.
L a raison en est simple.
L a loi de brum aire an 2 a accordé aux enfans nés
hors le m ariage, le droit de successibilité que les anciennes
lois leur refusoient.
E n ligne collatérale elle ne l’a accordé que pour les
successions qui s'ouvriroient à com pter de la publication
de la loi.
E n ligne directe elle a fait rem onter le droit de suc
cessibilité aux successions ouvertes depuis le 14 juillet
1789 : cette disposition, comme renfermant un effet ré
troactif, a été rapportée par le décret du i 5 therm idor
an 4 , qui form e à cet égard le dernier état de la légis
lation. Ce décret a lim ité le droit de successibilité en
ligne directe aux successions ouvertes depuis la loi du
4 juin 1793O r , Carraud d’Urbiso est décédé lo n g -tem p s avant
l’une et l’autre époque.
H élène Dubois ne peut donc rien prétendre comthe
illégitim e; elle seroit exclue par la loi m ême qu’elle invoqueroit.
Cela est sensible.
Llic ne peut donc exciper de la loi de brumaire an 25
�.
,
11 5 ,
. .
elle ne le pourroit qu’aulant qu’elle agiroit comme illé
gitime , ce qui seroit d’un autre côté détruire sa propre
demande.
3°. La loi de brumaire an 2 admet la simple reconnoissance pour preuve de la filiation, mais contre qui?
contre celui qui a reconnu; dans quelles circonstances?
lorsque la déclaration ne tend à donner un héritier qu’à
celui qui a reconnu ; mais n o n , lorsque comme dans
l’espèce elle tendroit à donner un héritier à celui même
qui n’a point recon»«*
^
D ans l’ancienne législation, qui n’admettoit point les
bâtards à succéder, la question ne pouvoit se présenter
que dans l’une de ces deux hypothèses; ou dans le cas de l’en
fant né pendant le mariage m êm e , auquel le mari est
de droit réputé le père; ou, comme dans l’espèce actuelle,
dans le cas de l’enfant né ayant le m ariage, mais qu’on
prétendoit légitimé par le mariage subséquent. Dans l’un
et dans l’autre cas, la déclaration de la mère tendoit
nécessairement à donner un héritier au mari ; mais
comme d’un côté il eut été de la plus dangereuse con
séquence, et contre la raison, qu'un des conjoints eût
pu être lié par le fait seul de l’autre conjoint ; et que
d’un autre côté on ne pouvoit scinder l’ état de l’enfant;
on jugeoit avec raison que la déclaration seule du père
ou de la m è re , n’étoit pas suffisante, même pour la suc
cession de celui qui avoit reconnu.
Maintenant les enfans illégitimes succèdent. Dans ce
nouvel ordre de choses, il n’est pas étonnant que le lé
gislateur ait ajouté que la rcconnoissance feroit preuve
de la filiation. ; niais comment cela doit - il s’entendre ?
B 2
�( 12 )
contre qui doit-elle faire foi de la filiation? contre celui
seul qui a reco n n u, et non contre celui qui n’a point
reconnu. V o u lo ir l’entendre différemment, vouloir ap
pliquer ]a loi à l’espèce particulière dont il s’agit, au cas
où la déclaration tendroit à donner un héritier à celui
même qui n’a point reconnu, ce seroit prêter une absur
dité au législateur; ce seroit supposer qu’il a consacré en
principe qu’on peut être dépouillé par le fait d’autrui.
Quel a été le but de la loi ? le but de la loi a été d’a
doucir le sort des enfans nés hors le m ariage, de leur
accorder le droit de succéder qui leur avoit été jusquelà r e f u s é . L a loi n’a donc eu en vue que les enfans illégi
times; elle n’a eu ni pu avoir eu en vue les enfans légi
_
^
^
timés par le mariage subséquent. Il ne falloit pas de loi
pour accorder à ceux-ci le droit de succéder.
Lors donc que la loi a admis que la reconnoissance
feroit preuve de la filiation, elle n’a point porté atteinte
aux anciens principes, en ce qui concerne les enfans lé
gitimes , et pour les cas où la reconnoissance d’un des
auteurs de la naissance tendroit h donner un héritier i\
l’un et à l’autre. Elle a établi un droit nouveau , mais
pour les enians illégitimes, demeurés dans l’état d’ illé
gitim ité: elle a voulu à leur égard que la reconnoissance
fît preuve de la f i l i a t i o n ; mais pourquoi ? parce que
dans ce cas la reconnoissance ne tend à donner un héritier
qu’à celui qui a reconnu.
J3ie.ii loin qu’Hélèno Dubois puisse s’aider des nouvelles
lois, elles lui sont contraires.
Ces lois ont supprimé les déclarations de paternité;
et lu confession de Marguerite M ercier, qui recounoît
�,
( '* 3 )'
\
elle-même qu’IIélène Dubois est néei avant lë m ariage,
est-elle autre chose qu’uneIdéclarationjde paternité?
E t qu’on ne dise pas que s’agissant d’une succession
ouverte avant la révolution, cette.déclaration.se'.reporte
à un temps où ces déclarations étoient permises. Il ne
s’agit point de .reflet; il s’agit de-jfacte eri.lui-mê.më"Marguerite Mercier a f a i t ’ cé qu’elle ne pouvoit faire,
et n’a'point fait ce qu elle pouvoit. faire : elle n’a point
fait la déclaration lorsqu’elle■
po.Uvjpit.la-;fair£et elle l’a
faitei^ôrsque^la
Jui^lûterdisoit.
Hélène Dubois n’avoit aucun drbit acquis avant les nou
velles lois. On n’a pu dépuis lui en donner un.
• U n jugement; du tribunal de cassation d u '2 ï prairial
an 10 , à cpnfirraé iun j'ùgement clailrib.una], civil du Pasde-Calais, qui avoit'Cu:égard àune'^éèlaratipn de paternité.
Mais par quèls motifç ? -i^r.^arce ¡que* la déclaration- avoit
été faite, à la yéritéydepuis-la révolu tion , mais antérieu
rement 'à la loi de brumaire j quë le procès avoit même
étë intenté-antérieurement y la Iqv; a ° 4 ça^’ce .qu’il s’agissoit à’alim ent , et.non dii droit.de suçcess{.bilité.
Q u’Héièxie Dubois fasse;elle-m êm e l’application de ce
/•
f.
.
.* r
préjugé." a . - *
' ^ .
Ce n’est pas tout. La déclaration de Marguerite Mercier
li’es't même point1dans la)formëiY.oulue par la loi, '
I^a reconnoissarice iesfc^devant notaires et la .loi veut
qu’elle soit devant l’ ojjioifi'yubhQ dcü’etat civil.
.
L a reconnoissauce devant notaires pourroit peut-etre
suffire pour alimeris; mais pour succéder, il faut qu’elle
soit devant foflicier publie.
' .!
.
;
N ’oublions pas que lu déclaration de, Marguerite M er-
�((*4* r .
cier a été'ftfitc postérièurèmeiit tiu^' nouvelles lois., quelle .
a dû dès-lors être faite en la forme prescrite par ces
mêmes lois.
* -r. ,
- ‘
'■C ’est*done umactc informe qit’on .présente comme, un
titre. : ■’ ■ ' ( ■. i
îTjfil'v ■ v )j ' >
..
Hélène Dubois assure-qu’après le- décès de. M argue
rite M ercie r, elle a recueilli sans -obstacle sa succession.
O n ignore ce qui s’est passé à !cét égard; vrai ou-Sup
posé, le -fait est indifférent. .
,: •
Marguerite Mercier est. décédée en 1an 8 , postérieuremént aU& nouvelles lois quii:ont accordé aux 'eiifans
naturels les-mêmes avantagés qu’à ceux-, nés d’une union
lé g itim e ? d’après ces lois, Hélène Dubois a pu recueillir
.
sa succesion. Maig^ànquel titre ?: comme illégitime.
.
• P o u r être (autoriséèfjà»;s’eri "mettre' en posspsgion, elle
n’avoit à prouver qutttneictyoée.'; .quelle étoit- fille de
Marguerite" Merbier : •la loi ne l’appéloit pas seulement
comme légitime; elle l’appeloit encore.comme illégitime.
Mais ici elle a à prouver , et que Marguerite M ercier -lui
a donné -le jour, et que Jèan-Pierre Carraüd est le père;
elle a ¿i p ro u v e r, et la m aternité, et la'paternité. '
Si Hélène Dubois étoit née pendant le m ariage, la
preuve de la maternité emporteroit celle de la pater
nité ; l’une seroit la conséquence d e .l'a u tre , d’après la
maxime paler est queni ju.stœ nvqitiœ demonslrani j
maxime fondée sur riionnêtcté publique et sur la dignité
du mariage; maxime admise non seulement chez les R o
mains , mais chez tous les peuples.
Mais Hélène Dubois n’est pas née pendant le mariage;
elle est née avant : et alors la preuve du premier fait
n établit pas le second.
�S lÿs) ,
U n cas est Lien différent de l’autre. L ’enfant naît-il
pendant le mariage? le mari est de droit réputé le père;
la femme mariée ne peut pas'être mère sans que le mari
•soit le père.
>■*., ' ■. h
Mais hors le m ariage, il faut d’autres preuves pour
déférer la paternité. Marguerite Mercier auroit pu être
m è r e , et Jean-Pierre .Carraud n’être pas le père.
.
.
-Dans la circonstance o ù ’ l’enfant est né pendant le
■mariage, tout ^se réduite à un seul p o in t, «« fiiit de la
naissance. L e f a i t d c i a naissance établit, et la mater
n ité, et la paternité. Il n’en est pas de même de la cir
constance où l’enfant est né hors le mariage ; la mater
nité peut être établie sans que la paternité le soit. ' ■
Si on se fixe sur les anciennes lois, la déclaration de
Marguerite Mercier ne peut être d’aucun effet, ni pour
la succession du père, ni pour celle de la mère.
.. Si on se fixe sur les nouvelles lois, Marguerite M e r
cier aura p u , si l’on veut, donner un titre et un droit
à sa succession. Mais a-t-elle pu donner un titre et un
droit à la succession de Jean-Pierre Carraud, et des pa
rens de Jean-Pierre Carraud? non sans doute.
‘
S e c o n d e
q u e s t i o n
.
Hélène D ubois peut-elle être admise ci la preuve testimoniale. ?
■■
’
Il est des arrêts qui ont autorisé cette preuve. Mais si
l’on a pensé que la preuve testimoniale ne devoit pas
être interdite dans tous les cas, on a pensé aussi quelle
�f 16)
ne devoit être reçue qu’avec beaucoup de peine et de
circonspection; qu’on ne devoit pas légèrement faire dé
pendre la destinée d’une famille, son repos, sa sûreté,
de la déposition de témoins passionnés, surpris ou çoi>
.
rompus.
• L a loi. 2 au code de testibus , en a une disposition pré
cise..Telle est l’espèce de cette loi. Un affranchi prétendoit
être né libre et dans l’état d’ingénuité. Que répond ¡’em
pereur ? defende causcim tuairi instrumentis et argumentis quibus potes ; soli enini testes' ad ingenuitàtis
probationem non siifficiunt.
•
L ’auteur de la consultation en faveur d’Iiélène Dubois
répond singulièrement à cette loi ; il cite la note de Denis
Godefroi. Et que dit cette note? elle dit que ce m ot, s o li,
doit s’entendre, non solummodo. N e dites p a s ,' c’est ainsi
que l’auteur de la consultation fait pai’ler Denis Godefroy,
ne dites pas que la preuve de l’ingénuité ne peut être
faite que par témoins. Ce n’est là ni le sens ni l’esprit de la
loi : dites plutôt avec elle , que la preuve testimoniale n’est
pas la seule qui soit décisive , non solummodo ; mais que
tout autre genre de preuve aura la même autorité, pourvu
qu’il conduise à connoître la vérité.
Mais qui a jamais douté qu’à la preuve testimoniale, on
ne pût joindre la preuve résultante des actes ?
\ oilà , certes, line grande vérité que Godcfroy a mise
an jour ! Il valoit bien la peine de faire une note expresse,
pour apprendre ce que personne n’a jamais imaginé de ré
voquer en doute,
Accurse , Bartole , Paul de Castres, que l’autour de la
consultation cite égalem ent, n’ont fait que copier la note
de
�.
_ ( r7 )
p
de Denis Godefroy. Us disent comme lu i, que la preuve
testimoniale n’exclut pas les autres ; ce que personne ,
encore une fois , n’a mis en problème.
Mais ce n’est pas là la question. Il ne s’agit pas de savoir
si la preuve testimoniale peut marcher avec les autres
preuves; mais si elle peut être admise , sans le concours
d’autre preuve, ou commencement de preuve; ce qui est
bien différent.
L ’auteur de la consultation cite d ’A g u essea u 7 fils de l’il
lustre chancelier, ¿«na sou plaidoyer lors de l’arrêt de
Tocqueli«^
A v a n t d’en venir au fils nous citerons d’abord le père,
rimmortel d’Aguesseau lui - même. On ne dira pas, sans
.doute, que ce savant magistrat n’a pas entendu le texte de
la loi ; voici comme il s’exprim e dans la cause d’Henriette
d’A v r i l , se prétendant fille de Pierre d’A v ril et d’A nne
de L a va l, rapportée au second volum e de ses œuvres.
-■il « .Quand il.s’agit de prouver la naissance, permettra-t-on
» à une partie, sans in dice, sans présomption , sans commenceinent de preuve par écrit, de faire entendre des
■
» témoins pour déposer en sa faveur? C ’est un doute qui
» est éclairci par la loi 2 au code de testibus, »
^‘ Il rappelle les termes de cette loi et il continue : « Voilà
» donc trois sortes de preuves’que l’empereur distingue
•» i dans les questions d’état ; les actes, les présomptions, les
» témoins : il décide nettement que les témoins seuls ne
* peuvent pas suiïïi*e pour faire une preuve certaine; il
» faut nécessairement que les dépositions de témoins soient
» soutenues ou par la foi des actes ou par la force des pré
» somptions j et par là on concilie l’intérêt public avec
C
�.
.
.
ç 18 }
. .
celui des particuliers. L ’utilité publique est satisfaite en
ce qu’on n’admet pas légèrement la preuve par témoins,
et les particuliers ne sauroient se p laindre, puisqu’on ne
les réduit pas à l’impossibilité de prouver leur état, lors
que les actes qui ne peuvent l’établir sont perdus. Telle
est la disposition du droit civ il, à laquelle nous ne voyons
pas que les ordonnances, qui sont notre d ro it, aient
dérogé. »
L e iils de cet illustré m agistrat, invoqué par l’auteur de
la consultation, ne s’est pas expliqué différemment lors de
»
»
»
»
»
»
•»
»
l’arrêt de Tocquelin. Il rapproche les divers textes des lois
civiles et les ordonnances : il établit que la preuve qui sc
tire des actes n’est pas la seule preuve légitim e de l’état;
que, ni le droit c iv il, ni les ordonnances, n’interdisent au
juge de chercher une autre route pour parvenir à la connoissance de la v é r ité ; qu’il ne lui est pas interdit d’ad
mettre la preuve testimoniale; mais que la loi l’avertit en
m êm e temps de ne l’admettre qu’avec la plus grande cir
conspection et la plus mûre réflexion.
Il ajoute : « Les arrêts qui paroissent opposés entre eux
x> sur de pareilles contestations, peuvent se réunir pour
» l’établissement de la m ême maxime ; et ils prouvent
» tous que la preuve par témoins peut être adm ise, mais
» qu’elle ne doit l’être qu’avec une extrême réserve. Les
»
»
»
»
»
*
mis font voir ce que le juge peut fa ire , lorsque les circonstances l’exigent absolument ; les autres, ce que la
sagesse lui fait faire, lorsqu’elles 11e peuvent pas balancer
la juste appréhension qu’il y a de renverser l’ordre d'une
fa m ille, en y faisant entrer line personne qu’elle regarde
t-ounne étrangère. >1
�C 19 )
Que fa u t-il pour que les juges puissent admettre la
preuve testimoniale, sans cette juste appréhension ?
L a loi le dit : instrumenta , les actes ; il faut q u ’il y ait
au moins un commencement de preuve par écrit.
A rgum enta , les présomptions.
C ’est surtout, lorsque l’enfant qui réclame n’a pas en
sa faveur la possession d’état, lorsqu’il demande à acquérir
un titre n ouveau, un titre dont il n’a jamais j o u i, que la
preuve doit être admise difficilement. C'est alors qu’il n’ est
pas permis aux juges de s’érax^c de la disposition de la l o i,
des conditio«»' imposées par la loi : defende^causam tuani
argumentis et instrumentis .
- O u celui qui réclame a la possession, ou il réclame un
état dont il n’a jamais joui. A u premier cas, il n’a presque
pas besoin de prouver; il lui suffit presque de dire, comme
dans les matières communes, possideo quia possideo.
A u second cas, dit Cochin , celui qui réclame un état
dont il n’a jamais joui, trouvant le même obstacle dans la
possession , ne peut réussir dans son entreprise, s’il n’a en
sa fa veu r, ou des actes, ou des présomptions très-fortes !
Il n'est personne qui ne se pénètre, et de l'importance,
et de la nécessité de cette distinction.
Que seroit-ce, si la possession étoit même contraire!
Enfin il faut que les faits soient pertinens.
P rem ière
c o n d i t i o n
.
Commencement de preuve par écrit.
Y a-t-il ici le moindre acte du fait de Jean-Pierre Car-
C 2
�^
raud , dont on puisse induire un commencement de preuve
par écrit ?
Si Jea n -P ierre Carraud avoit dû reconnoître Hélène
Dubois pour sa fille, c’étoit principalement au moment où
il s'est marié avec Marguerite Mercier ; c’ étoit le moment
.
.
(
d’assurer son état.
Il n’en est fait m en tion , ni dans le contrat de mariage ,
ni dans aucun autre acte.
M ôm e silence pendant toute la durée du m ariage, et de
la part du p è r e , et de la part de la mère. '
L e i l mai 1779 , et la veille du mariage 'd’Hélène
D u b o is , un fondé de p o u v o ir , ou soi-disant fondé de pou
v o ir de Jean-Pierre Carraud, lui vend une portion d’hé
ritage, moyennant la somme de 700 francs. On argumente
de cette circonstance. Mais que signifie cette vente ? ren
ferme-t-elle le moindre indice que Jean-Pierre Carraud
ait reconnu q u ’Hélène Dubois étoit sa fille ? Bien loin
quTIélène Dubois puisse se faire un moyen de cet acte, on
le lui opposera à elle-même. Comm ent y est-elle qualifiée?
prend-elle le nom de Carraud ? Elle y prend le nom ÜH é
lène D ubois. Dans le contrat de mariage du lendemain ,
elle prend le même nom.
Cet acte prouve donc contre elle ; ou du moins ne
prouve pas pour.
On n’en produit point d’autre.
L a déclaration de Marguerite Mercier ! Cette déclaration
peut-elle même être proposée comme un commencement
de prouve par écrit?
i«. T o u t commencement de preuve par écrit doit être
du lait m êm e de celui à qui ou l’oppose.
�.
.
t 21 ï
Ensuite, il faudroit au moins que cette déclaration ne
fût pas combattue par des aveux contraires ; que M argue
rite Mjercicr ne fût pas en opposition avec elle-même.
Dans la requête du 27 janvier 1 7 8 3 , après le décès de
Jean-Pierre Carraud, elle a déclaré en termes exprès, que
Jean-Louis Carraud d’Urbise éfcoit seul habile ci lui suc
céder. Sur la répudiation de celui-ci, il a été nommé un
curateur à la succession vacante, et elle a dirigé toute sa
procédure contre ce curateur. N ’est-ce pas là la déclaration
la plus form elle, quelle ne reconnoissolt poi«t H élène
Dubois p o u r > Æ1Ie ^ Jean-Pierre C arraud, légitimée
le mariage subséquent ?
par
Hélène Dubois dit avoir la déclaration de Marguerite
Mercier en sa faveur. L a déclaration est contraire. Dans l’arrêt cité plus h a u t, la déclaration du père, d’un
magistrat du parlement , non seulement ne servit point de
preuve , mais même de commencement de preuve par
écrit ; et dans cette espèce le père n’étoit point en contra
diction avec lui-inême ; il n’avoit point donné deux décla
rations opposées.
. V o ici deux autres arrêts plus récens, qui ont jugé con
form ém ent aux mêmes principes.
L e premier a été rendu au parlement de Paris, sur
délibéré, le 23 mai 1765.
Par cet a rrê t, le sieur de Rougcm ont et la veuve Hatte
qui s’étoit réunie à lui , furent déclarés non-recevables
dans leurs demandes; et il fut fait défense au sieur de
Rougem ont de prendi’e le nom de Hatte.
Dans cette espèce, la maternité ,(et le sieur de Rougemont
étant nê pendant le mariage, la maternité faisoit preuve
�.
#
.
( 22 )
p
.
de la paternité), étoit établie par l’éducation fournie aux
dépens de ladite Hatte. Elle étoit attestée par la déclara
tion de la mère qui offroit de la faire judiciairement ; elle
étoit avouée, ce qu’il y avoit de plus particulier, par pres
que tous les parens paternels dont on rapportoit nombre
de lettres qui contenoient la reconnoissance la plus formelle;
il articuloit trente-huit faits dont il demandoit subsidiaireinent ù faire preuve. Par l’a r r ê t, la preuve fut rejetée.
.Voici les réflexions de l’arrétiste.
« L e sieur Rougem ont n’a v o it, d it-il, ni acte baptis>3 taire conforme à l’état qu’il réclam oit, ni aucune pos>3 session du même état. Il avoit titre et possession d'un
» état contraire ; déclaration tardive de la dame H atte
» au bout de quarante-quatre ans ' silence -perpétuel
» pendant plus de quarante ans que son m ari avoit sur53 vécu ¿1 la naissance du sieur Rougemont. Nulle date
» certaine, nulle preuve de l’aveu de la maternité qui lui
» avoit été fait; aveu fait, suivant lui-m êm e, au bout de
>3 trente-sept ans de silence ; silence dans les premiers
» momens de la mort du sieur H u tte , et au moment
» du partage de sa succession ,• reconnoissance de la
» dame H atte, tant avant qu’après le décès du m a r i,
» qu il Tt étoit issu de son mariage que deux jilles. Ce
» sont les motifs qui déterminèrent les juges. »
Est-il un arrêt dont les circonstances se rapprochent
davantage de l’espèce actuelle?
L e second est du parlement de Toulouse.
L e 3 juin 17 3 2 , une fille est baptisée sous le nom de
Jeanne-Gabriclle, Cille de père et mère inconnus. Lorscpi il
est question de régler la succession du c o m t e d e Sainton ,
�t
,2 3
)
qiii avoit pour fils, seul et unique h é ritie r, l’abbé de
Sainton, Jeanne-Gabrielle prétendit être fille légitim e des
sieur et dame de Sainton.
L e 28 janvier 176 5 , elle demande à partager la suc
cession, par m o itié , avec l’abbé de Sainton, qu’elle dit
être son frère.
'
P o u r constater l’état qu’elle vouloit s’attribuer, elle
articule et offre de prouver devant le sénéchal de Toulouse :
Que vers la fin de 173 1 , la dame de Sainio», quoique
séparée de son
¿toit devenue enceinte;
Q u ’avant et pendant sa grossesse, le sieur de Sainton
son m ari, lui rendoit de fréquentes visites, qu’il mangeoit
.chez elle , et y faisoit sa partiè;
Que le 30 mai 1732, la comtesse de Sainton étoit accou
chée d’une fille, dans, sa maison , rue V eïa n n e, qu’elle
avoit donné ordre ùraccouchèur de faire baptiser Fenfanta
sous le nomade père et mère in conn us , de lui faire
donner les noms de Jeanne-Gabrielle C l o t j l h e .
■ Que l’accoucheur avoit i-emis cet enfant à Jeanne-M arîe
-Loubert, femme de Laurent B ou cé, habitant de la paroisse
de Saint-M ichel de Tou lou se,-qui la fit baptiser sous le
•nom de père et mère inconnus.?.. . ■
Que la dame de Sainton avoit-payé sept mois de nour-rice, pension, et fourni «tout ce qui lüL étoit; nécessaire
jusqu’en 1743 , que la dame de Sainton, devenue vjouve!,
l’avoit retirée auprès d'elle, lui avoit apprisqu,’elle ¿toit
sa fille; que depuis elle étoit restée dans la maison, au
milieu delà famille, appelant la dame de Sain ton sa m am an ?
et'celle-ci la nommant sa\fdl&., /
; 'i ; !
Jeanne-Gabrielle rappbrtoit,au soutien dedix-septfaits.
�I h ) ............................................................
quelle articuloit, un acte extrajudiciaire du 29 janvier
1 7 6 5 , dans lequel la dame de Sainton convenoitde tous
les faits articulés;
■
- Les déclarations' données devant le notaire, par un
ancien chirurgien-accoucheur et par sa fille ;
l/n testament mystique fait en 1 7 6 2 , par la dame de
Sainton, dans lequel elle reconnoît Jeanne - Gabrielle
•pour s a jille , et lui léguoit sa légiLime et son mobilier;
D ix -h u it lettres de parens et amis, entr’autres, trois
de l’abbé de Sainton lui-m êm e, à la dame sa m ère, datée
de 176 4, où l’on parloit de Jeanne-Gabrielle, comme d ’un
enfant des sieur et dame de Sainton.
Sentence du sénéchal de T o u lo u se, qui permet la
preuve des faits articulés.
' ' , ,
Appel. A r rê t du parlement du. 11 mars 1766, qui in
firme la sentence, et fait défense à Jeanne-Gabrielle de
prendre le nom de Sainton , sous les peines de droit.
Jeanne - Gabrielle se pourvoit en cassation. Pendant
l’instruction, le comte de Betout contracte mariage avec
elle : et p o u r'd o n n er plus de consistance a la réclama
tion contre l’arrêt, ils) produisent dix nouvelles lettres
et une déclaration devant notaires, concernant la nais
sance et l’éducation privée de Jeanne G abrielle , et comme
îformarifciüne suite de preuves de l’ état qu’elle s’attrii>uoit. *’!
'
r ’
. ’ T je'23 juillet¡1 7 7 1 , là danie de Sainton fait devant
notaire les mêmes déclarations que celles consignées dans
son acte extra judiciaire.
•
>
’
Elle fait plus, elle intei’-vient daiis l’instance an conseil,
forme un incident en suppression de la requête impri
mée
.
�( 25 )
^
ïnée par l’abbé de Sainton, comme lui étant injurieuse,
et réitère les déclarations précédemment faites en faveur
de Jeanne, Gabrieïïe.
L a dame de Sainton est déboutée de sa demande.
Enfin, arrêt du conseil du 8 août 1 7 7 2 , qui déboute
le comte et la comtesse de Betout ( Jeanne-Gabrielle ),
de leur demande en cassation.: J
.
Dans 1’un- ek^dans l’autre 7 o o a
la déclaration
de la
malgré divers adminicules, n’a point été
re g a rd é e même comme un commencement de preuve.
Ici il y a un moyen de plus. L a déclaration de M ar
guerite Mercier a été faite en un temps où la loi l’in
terdisoit, même pour alimens; elle est donc nulle : et si
elle est nulle, quel effet peut-elle produire?
S e c o n d e
, 'V
‘
’r
'1
c o n d i t i o n
Précomptions."
:• - . .
’
.
••
i. '
,
' • .! ;J.’’
■ \x . <
A défaut de commencement de preuve par écrit,
Hélène Dubois a-t-elle au moins les présomptions en sa
faveur, argumenta? Mais ici, au contraire, toutes les
présomptions ne militent-elles pas contre elle ? '
A qui persuadera-t-on, si Hélène Dubois avoit été
effectivement la fille de Marguerite Mercier et de Jean
Pierre Carraud, qu’ils ne se fussent point empressés de
la reconnoître lors du mariage.
• '
Hélène Dubois expose elle-même, dans la consultation
im prim ée, que les deux fa m illes engagèrent Carraud
à se marier avec Marguerite M ercier j c’étoit donc
D
�( 26)
ru,
pour donner un état à l’enfant ; et il n’eil est point
question!
P ar le contrat de mariage, M arguerite Mercier donne
tous ses biens à son m a r i, en cas de survie : cette do
nation n’est* elle pas une preuve directe du contraire de
ce qu’on avance?
'
i , e mariage dure trente ans ; point d’enfans de ce
m ariage; et le père et la mère
, et paroissent ne s’accorder, qu’à ne pas reconnoitre celui provenu
avant le mariage , celui à qui la nature et la religion
leur faüsoient également un devoir d’assurer l’état.
Jean - Pierre Carraud meurt. Carraud d’U rb is e , son
frè re , répudie sa succession : sur cette répudiation, un
curateur est nommé à la succession vacante. L a veuve
poursuit contre ce curateur, et la liquidation de scs re
prises, et la vente du m obilier, et la vente judiciaire
des immeubles.
Elle n’avoit, diva-t-on, aucun intérêt à déclarer l’état
de sa fille : Jean-Pierre Carraud laissoit une succession
obérée. Mais n’y avoit-elle pas in térêt, au moins pour
la validité des poursuites et de la saisie réelle qu’elle
poursuivoit ?
Mais Carraud-d’Urbise meurt à son tour; voilà une
succession opulente, et elle continue à garder le silence.
Elle se détermine enfin à la reconnoitre. Après cette
rcconnoissance , il semble qu’elle auroit dû s’empresser
de la recevoir dans sa maison, de l’investir en quelque
sorte de son état : elle ne l’a vu e, ni avant, ni après.
Enfin, dans ses dernières dispositions elle l’oublie en
tièrement.
�.
(
2
7
^
.
Toutes les circonstances ne se réunissent-elles pas pour
démontrer que la déclaration dont on veut se faire
■un titre,, n’est que l’eifet de la surprise ; qu’elle n’est
rien moins qu’un hommage rendu par Marguerite M er
cier , à la vérité.
.
'
Hélène Dubois n’est donc pas dans le second cas de
la loi.
,‘
T a o - I S l È M B
ÇON.Dia-xoW.
»■
Possession d'état.
■
!
'
A-t-elle cette possession? Qu’est-ce que la possession
cl’état? .c’est le rapport des parens entr’e u x ; c’est le rap
port sous lequel l’enfant quitréclame a été considéré, ou
reçu dans la famille; lorqu’il a'co n n u un tel pour son .,
p è r e , une telle pour sa mèi*e , celui-ci pour son f r è r e ,
ceux-là pour ses cousins, et qu’il a été reconnu par eux.
Anciennem ent, dit C o c h in , et avant qu’on eût ima
giné la formation de registres publics, la possession étoit
la seule preuve de la naissance . C’était par cette pos
session , par cette dénomination réciproque de père, de
fils, de frère, de cousin, que'les hommes se connoissoient.
- ■
1
.Hélène Dubois peut - elle invoquer cette possession ?
A-t-elle jamais été connue dans. la; famille Carraud, pour
iille de.iJean-Pierre Carraud?
‘
L o in d’avoir la possession, elle a la possession con
traire.
*
Elle demande ¿1 prouver qu’elle est fille de Marguerite
Mercier, et de Jean*Pierue Carraud. E t dans la vente
‘
D *
'
•
"
�.
.
.
.
.
d u - i l im i 1 7 7 9 , dont' elle a cru pouvoir se'faire tin
moyen ; dans le contrat de mariage du lendemain, elle
s’est qualifiée du nom d’Hélène Dubois. Elle demanderoit donc à prouver contre ses propres titres , contre *
les titres qu’elle a produits, contre la possession, qu'elle
est C arraud , et non D ubois.
.
L e jurisconsulte, auteur de la consultation imprimée,
a voulu aller au-devant de cette objection.La réclamante,
dit-il, est qualifiée dans son contrat de mariage Hélène
D u b o is ; mais cette qualification ne peut faire preuve
d’une possession contraire ; on n’y a désigné ni le père
ni là mère. Ce nom d’ailleurs n'est point étranger à Jean
Pierre C arraud ; il a été pris dans sa famille m i m e ,
puisque c’est le vrai nom de la veuve Soubrany, qui
après la mort de Garraud-d'Urbise, s'est présentée pour
être "son héritière.
. Il faut convenir que c’est une singulière raison. L e
p è re'n ’est point désigné! Mais qu’est-ce donc que le nom
D u b ois ? c’est un nom de la famille de la veuve Sou
brany, parente des Carraud; et parce que c’est le nom d’un
parent, ou d’un parent des parens Carraud, il s’ensuit qu’il
faut l’attribuer à Carraud ! Ne suit-il pas au contraire que
le parent dont elle porte le nom est aussi le pere ?
V o ilà le mystère éclairci! L e père n’est point incer
tain. C ’est un Dubois ; et effectivement il existoit dans
ce temps, dans cette même commune de iliom , un D u
bois , olïicier.
Que devient maintenant la prétention d’Hélène D u~
bois ?
Dem ander j disoit Cochin ; dans la cause de la dame
�(C a # T
B'ruix^ii conquérir par là preuve par témoin un état
nouveau , non seulement^ sans possession , m ais lors
qu'on a un état.-et..une possession contraires ,■n est-ce
pas le comble de Vaveuglement^ . r i
viio-! ' ü
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■. >’ . Pertinence des faits.
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- Hélène D>’W s ^demande à prouver premièrement
qu’il esc notoire dans la commune de R i o m , quelle a tou
jours passé pour être née du commerce de J e a n -P ie rre
Carraud avec Marguerite M e rcie r, avant le mariage.
O n le demande.-Si le'fait ayoit été si n o toire, Jean
Louis Carraud se seroit -• il présenté après la m ort de son
frè re ,n o n pour accepter, mais pour répudier une succes
sion à.laquelle il n’auroit eu aucun droit? fa u t- il d’autre
preuve que ce fait si public étoit ignoré de la famille m êm e,
et des plus proches de la famille ?. auroit-on sur la répu
diation du frère , nomm é u n curateur à la succession va
cante? au ro it-o n poursuivi sur ce curateur la vente des
meubles et des immeubles ?
L e premier fait est dorïc démenti par écrit, par les
pièces de la procédure, par les jugemens existans au greffe.
Les autres faits sont insignifians.
Les bienfaits, les soins, les faits d’éducation et de libé
*
.
ralité, ce que les docteurs appellent tractatus eteducatio ,
ne sont pas seuls une preuve de filiation. Comme on peut
aim er, dit encore C o ch in , dans la même cause contre la
dame de Bruix ? comme on peut éle v e r, gratifier un en-
�c 3° y
. .
fa n t, sans lui avoir donné le jour , la preuve de ces faits
est entièrement mutile quand il s’agit de prouver la filia
tion. Ces faits, ajoute-t-il, ne sont importans que quand il
s’agit de prouver Tidentité.
Ici, il ne s’agit point de l’identité. L e citoyen Juge ne
contestera p as, si l’on v e u t , qu’ïïé lè n e Dubois ne soit la
m êm e que celle qui est née de Marguerite Mercier avant
le mariage ; mais il désavoue , il soutient du moins qu’il
n’est pas constant,que Jean-Pierre Carraud ait été le père;
c’est la filiation qu’il s’a g it'd ’établir ; et pour prouver la
filiation , les faits seuls d’éducation et de libéralité ne suf
fisent pas.
Menochius dans son traité, des présomptions exige trois
circonstances : la p rem ière, que. l ’enfant ait été élevé dans
la m a iso n , et qu’il ait été traité comme tel par les père et
m ère ; la seconde , que les--père et mère l’aient souvent
nommé et appelé leur fils; la troisième, que l’enfant ait
été connu et traité dans le public comme l’enfant des père
et mère qu'il s’attribue: Sic à pâtre habitum fu is s e - sic
ab eo sœpius nomination et appellation ,• sic ab omni
bus com m unij'am u et voce habitum et creditum.
Il faut que les bienfaits, le traitement ne puissent sc
rapporter qu’à la paternité , et non à un sentiment de
bienfaisance. N on pronedit , dit encore Menochius , con
jecturafdiallonis quœ co tracta tu eteducatione provenit ,
quando is iractatus servare points in causa/n pielalis
quant fdiationis , ut pote in eo q u i simpliciter alimenta
prœ stitil ,• est ratio quia alimenta, quœ in altéram c#11'
s<*m quant Jilialionis prœ slari potuerunt} non ojjvrunt
concUalanlcm probalioneni,
�( 3i )
' Que faut-il polir que les soins se réfèrènt à la paternité?
les auteurs encore üous l’apprennent. Il faut que l’enfant;
non seulement ait-été élevé , mais qu’il l’ait été propor
tionellement à l’état d’enfant légitime de celui qui l’a élevé.
S’il n’a été dans la maison qu’à titre de domesticité, on
n’en peut rien conclure pour la filiation.
Helene Dubois ne sait ni lire ni écrire j elle a t o u jo u r s
gardé les bestiaux
? eE n’a tout au plus été re
gardée qu*> comme domestique et fille de peine.
La loi du 12 b ru m a ire , si favorable aux enfans illégiti
mes, 11 a point dérogé a ces principes; elle les a au contraire
consacres : quand elle parle de soms donnés , elle ajoute x
à titre de paternité.
' Quels sont les faits articulés par Hélène Dubois ?
Articule-t-elle avoir été élevée dans la maison même'
de Carraud ?
A rtic u le -t-e lle que Carraud et Marguerite Mercier
l’aient jamais appelée leur fille ?
Articule-t-elle que les voisins l’aient jamais appelée du
nom de Carraud , et traitée comme là fille de Carraud ?
O n l’appeloitau contraire D ubois; elle-même ne s’est point
donnée d’autre nom ; elle expose elle-m êm e qu’elle n’a
connu son état que par la déclaration de la mère en l’an 2.
Elle a été élevée chez le m étayer; mais à quel titre?
comme les autres domestiques. Que suit-il de là ?
Carraud s’est entremis de son mariage! la vente de 1779
est une libéralité déguisée ! Quand tous ces faits seroient
vrais , en résulteroit-il une preuve de filiation? il en résulteroit au plus, une preuve de bienveillance.
Le quatrième fait, que Carraud a avoué ¿1 plusieurs
�•
_
ï 33 >
__
personnes qu’il étoit.Je père', est encore plus insignifiant.
Quoi ! .la déclaration écrite et judiciaire du p è r e , n’a pu
servir de preuve, ni de commencement de preuve ; et l’on
admettroit la preuve par témoins d’un aveu verbal !
L e p è re , dit-on, a avoué à tout le inonde qu’Hélène
Dubois étoit sa fille. Il vient lui-même à Reyvialle pour
régler les conditions du mariage. II donne la dot. Ce q u i ,
ajoute-t-on , f u t connu de toutes les personnes qu i s'en
tremirent du mariage. E t il ne paroît point au contrat
qui se passe le lendemain ! Marguerite M ercier auroit dû
également s y rendre ; et elle n’y vient point ! et après ,
comme ayant, ni le père ni la mère ne lui donnent aucun
signe quils la regardent comme leur fille !
A u inoinsauroit-il fallu construire une fable vraisemblable?
A u défaut de commencement de preuve par é c r it, au
défaut de présomptions, au défaut de la possession, se joint
rinsullisance des faits. En faudroit-.il davantage pour
faire rejeter la p re u ve, quand même Hélène Dubois seroit née pendant le mariage?
L ’auteur de la consultation cite l’arrêt de T ocqu elin , de
la demoiselle de Choiseul, de la demoiselle Ferrand; mais
Hélène Dubois se rencontre-t-elle dans la même espèce?
L a demoiselle Ferrand a été admise à la preuve; mais
elle avoit dans les registres de la paroisse de Saint-Sulpice ,
et dans le procès verbal fait le meme jour, à la requête du
président Ferrand son père,un e preuve légale, une preuve
d’ordonnance de sa naissance, et de l'accouchement de la
r
présidente F erra n d , soutenue p a rla reconnoissance prL’~
ci se du la présidente Ferrand. La demoiselle icrra n d étoit
née pendant lo mariage même ; la naissance étant établie
par
�( 33 )
>
par les preuves écrites les plus authentiques, la paternité
étoit également constante, d’après la maxime , yater est.
On pülit vérifier ces circonstances dans Cochin, qui rap
porte cet arrêt.
.
Dans celui de T o c q u e lin , l’acte de baptême contenoit
une énonciation démontrée fausse; 011 l’avoit baptisée sous
le non de L ouise D u fe u , de la paroisse de Saint-Dénis
d’A n jo u , et il étoit établi a » * i ï - y «volt Jamais eu d eL o u ise
D u feu dar>c cette Par° isse* L ’acte de baptême contenoit
don« la preuve d’un d élit, la preuve d’un dessein marqué
de cacher au public la naissance de l’enfant. L e père avoit
fait les premières démarches pour donner l’état à sa fille ;
enfin il y avoit des comrnencemens de preuves par écrit.
L a demoiselle de Choiseul joignoit à des commencetnens de preuves par écrit, non une simple déclaration de
l’accoucheur, qui auroitpu paroître avoir été donnée pour
le besoin de la cause, comme dans l’espèce de l’arrêt du
président de T o u lo u se, cité plus haut; mais le livre-journal
de l’accoucheur, mort huit ans avant la contestation ,*
journal où il écrivoit, jour par jour, les opérations de son
a r t , et où il rendoit compte, dans le plus grand détail,
de l’accouchement de la demoiselle de Choiseul. Ce journal
étoit une espèce de monument authentique de la naissance.
' Mais sans entrer dans les circonstances particulières de
ces arrêts, qu’ont-ils ordonné? L a preuve de la maternité.
Soit la demoiselle de Choiseul, soit la demoiselle T o c queiin , étant nées pendant le m ariage, il n’y avoit à
établir que le fait de la naissance; la loi désignoit, démoniroil le père.
fait
Le
de la naissance çst un fait extérieur , un
E
faitsen-
�C
34 )
'
p
sible, un fait du ressort des y e u x , dont les témoins peu
vent déposer avec certitude.
Mais Hélène Dubois est dans une espèce tout#autre.
Elle ne demande pas à prouver la maternité : nous avoue
rons,. si l’on v e u t, que la maternité est constante; la mère
est co nn u e, c’est Marguerite Mercier : mais Hélène Dubois
demande à prouver la 'paternité.
L a preuve du premier fait, peut être certaine, mais non
la preuve du second.
E t de là la différence extrême entre l’espèce où elle se
ren co n tre, et l’espèce des arrêts qu’elle invoque ; ce qui
seul écarteroit toutes les inductions qu’elle veut en tirer.
Lorsque l’enfant est né pendant le mariage, la loi dé
cid e, la loi prononce, que le mari est le père.
A l’égard des enfans nés hors le mariage, qui sont,
pour nous servir de l’expression de la l o i, vu/go concepti ,
la paternité est toujours flottante.
V in g t témoins déposeront du com m erce, de la liaison
d’une personne avec une autre 3 c’est une présom ption, et
non une preuve.
Des témoins déposeront de visu : ce n’est pas encore une
preuve certaine ; rien ne constate que la mère 71a pas eu
commerce nçec (Vautres.
Les témoignages ne peuvent opérer qu’une présomption..Ici i l y a une présomption plus forte; c’est celle fondée
sur la nature. On ne présumera jamais, si Jcan-Pierrc
Carraud avoit été le père, qu’il eût persisté trente ans, et
jusqu'au dernier m om ent, à ne pas reconnoîtrc l’enfant,
surtout n’ca ayant point d ’autres do son mariage.
Enfin [[ n'y a point, pour nous servir des expressions do
�C 35 )
>
.
d’Aguesseau, de rapport intime entre le fait de la naissance,
et le fait qu’on veut prouver, qu’un tel est l’auteur.
Dirart-on que la déclaration de la fille, et la preuve des
hantises et fréquentations, a toujours suffi, en pareil cas?
C ’est encore ici un abus, et une extension de principes.
Lorsqu’il ne s’est agi que des alimens de l’enfant, et les
bâtards dans l’ancien régime ne pouvoient prétendre autre
cliose , cette présomption suffisoitO n t r o u v e , B a s s e t , un arrêt par lequel plusieurs par
ticuliers , au nombre de quatre ou cinq, ayant connu une
jeune fille le même jour , furent condamnés solidairement
à se charger de l'enfant. L u i auroit-on donné cinq pères ?
L ’objet des magistrats, dit F o u rn el,d an s son traité de
la séduction , n’est pas de rencontrer nécessairement l’au
teur de la paternité naturelle ; mais seulement la possi
b ilité, pour assurer des alimens à l’enfant.
Mais pour prétendre à succéder, pour demander à dé- .
pouiller une famille déjà en possession des biens, il faut
outre chose que la possibilité; il faut la certitude. E s t
majoris momenti.
.
E t voilà pourquoi les nouvelles lois ayant admis les bâ
tards à succéder , ont supprimé les déclarations de pater
nité; et c’est ainsi qu’en saisissant toutes les conséquences
d’une lo i, on en admire la sagesse.
Ce n’est pas seulement dans la nouvelle loi qu’on trouve
cette distinction ; elle es t encore tracée dans les anciens usages.
L e mariage subséquent opère la légitimation. L ’ usage
étoit que lors de la célébration du mariage, on faisoit passer
les enfans sous le poêle. Cet usage ne subsiste plus ; mais
il eu résulte toujours la uçcessilé d’une recoonoissauce pu-
�.
( 3 5 ,
blique, authentique. La paternité est alors d’ une au tre
conséquence ; et il ne faut pas s'étonner si on exige alors
d’autres preuves.
Il ne reste qu’à répondre à un passage de P o th ie r, cité
par l’auteur de la consultation.
P o th ier rappelle l’usage de-faire passer les enfans sous
le poêle; il ajoute que cette cérémonie n'est pas néces
saire , lorsque les -parties contractantes les ont recon
nus pour leurs enfans , de quelque manière que ce so it,
soit avant , soit depuis le m ariage, et en un m ot , lorsque
les enfa n s peuvent, de quelque manière que ce so it, ju s
tifier leur état.
L ’auteur dit : Lorsque les parties contractantes les ont
reconnus. Il faut donc que l’un et l’autre les aient recon
nus. O r , i c i , Jean-Pierre Carraud a-t-il jamais reconnu?
L ’auteur ajoute : Lorsque ces enfans peuvent justifier
leur état, de quelque manière que ce soit. Cela veut dire
par écrit ou par témoins.
Il
résulte de là, si l'on v e u t , que la preuve testimo
niale n’est pas entièrement exclue; mais cela ne dit pas
qu’elle doive être admise indistinctement.
La prétention dH élène Dubois n’est donc que le fruit
d’une vaine imagination.
'
Les anciennes et les nouvelles lois concourent également
à la faire proscrire.
Par conseil, P A G E S - M E I M A C , anc. jurisc.
M I O C H E , avoué.
•A-R I O M , do l’imprimeric de L a n d r i o t , seul imprimeur du
Tribunal d’appel, — A n 10
�
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Title
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Juge, Nicolas. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meymac
Mioche
Subject
The topic of the resource
abandon d'enfant
fausse identité
captation d'héritage
possession d'état
Description
An account of the resource
Mémoire pour le citoyen Nicolas Juge, demandeur ; contre les héritiers de la dame Marguerite Dubois, épouse Soubrany, défendeurs ; et contre Hélène Dubois et Martin Valleix, son mari, aussi défendeurs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 10
1752-Circa An 10
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0248
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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abandon d'enfant
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fausse identité
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MEMOIRE
C O U R iA R O Y A L E
DE
R IOM.
EN RÉPONSE
1er C H A M B R E .
POUR
P R É C E P T E U R , INTIMÉ ;
CONTRE
et L o u i s - E t i e n n e G U E S T O N , Pro
priétaires; F r a n ç o i s e G U E S T O N et J e a n
C A U S S E , son mari, Docteur en médecine;
Appelants d’un jugement rendu par le Tri
bunal de Moulins, le 28 avril 1836.
G ilb ert
t ¡ t tfi
L
es héritiers légitimes du sieur Gueston , en s’adressant à la publi
cité, ont plutôt consulté leurs intérêts matériels, dont la conserva
tion les a toujours vivement préoccupés, que les devoirs de la piété
filiale , dont l'accomplissement était pour eux sans bénéfice. Dans le
but d ’expliquer en leur faveur les actes et les faits de la contestation
qu’ ils ont so u le vé e , ils n’ont pas craint d ’outrager la mémoire de
leur p è r e , en imprimant que la seule présence de ses enfants lui
�faisait ombrage, et q u ’il allait jusqu’à les menacer de faire disparaître
sa fortune, en le représentant comme un liomme faib le, livré à la
domination d ’une femme entièrement illétrée, et dupe des plus gros
sières mystifications. Son fds naturel accepte comme une portion
précieuse de son héritage le soin de venger sa mémoire. Il lui suffira
d ’exposer fidèlement la conduite que son père a tenue, pour le jus
tifier des reproches immérités qui lui ont été adressés, et faire res
sortir l’ingratitude de ceux q u i, après avoir partagé pendant sa vie
son riche patrim oine, ne craignent pas de Taccuser après sa mort.
Dans ces débats, qu ’il est obligé de soutenir seul contre des adver
saires opulents, sans autre appui que la bonté de sa cause, sans autre
ressource que le produit de son travail de tous les jours, il aura du
moins la consolation, en défendant ses d ro its, de remplir un pieux
devoir, et de seconder les bienveillantes intentions de son père.
Déjà le tribunal de Moulins, dont la Cour a souvent eu l’occasion
d ’apprécier les décisions empreintes de sagesse , lui a rendu justice.
Il a répudié la responsabilité q u ’on voulait lui faire encourir, en l’as
sociant à des actes dont il n’avait pu juger la portée sans débats con
tradictoires ; il n’a pas voulu q u ’arrachés à la faiblesse d ’une tutrice,
ces actes devinssent pour un mineur une'cause de dommage et de
ruine, et il l’a réintégré dans la plénitude de ses droits. Bientôt, il
l’espère , la Cour partagera les mêmes convictions , et ratifiera, après
un examen consciencieux , cette œuvre d e sagesse et de réparation.
FAITS.
Le sieur François Gucston a contracté mariage avec mademoiselle
' >
•
lîarathon-Desgranges le i juin 1790. Cette union fut de courte du
4
rée. : madame Gucston mourut en 1 7 9 7 , laissant trois enfants en
bas âge. Par son testament, en date du 21 mars 1797 , elle avait lé
gué à son mari l’usufruit de tous ses biens. Devenu veuf dans la force
de lago ,llíe sieur Gucston q u i , dans l’intérêt de scs enfants, n’avait
pas voulu contracter un second mariage, ne put cependant vivre
�dons l’isolement où l ’avait placé la perte prématurée de'sonl épouse.
H jeta les yeux suri une jeune fille de dix-neuf ans, qui était, à son
service, é t q u i ,. simple et naïve,-ne sut'résister. à lia «séduction d ’un
homme qui'avait sur-elle l’avantage de l’éducation et l’ajitorité d ’un
maître-, Marie Brun et, dans sa nouvelle position
se dévoua entière-
mentià la personne ;du sietlr Gueston ; l'attachement q u ’elle lui por
tait ;rejaillit‘sur. saijeune fam ille, dont elle soigna l’enfance avec une
tendrosse;touf;e maternelle;;D’un désintéressement à toute épreuve\
jamais, elleune, songea à tireraprofit de l'affection et de la confiance
que luv témoignait sopi maître. Pari son active surveillance’ , par soii
économie soutenue, elle contribua puissamment à l ’amélioration no
table que le sieur Gueston apporta à: sa fortune. Depuis la mort de
sa fe m m e , il avait *(! en ‘ éfiet'J »acqu is, des .propriétés considérable«;,
dont il avait ientièremerii payé1Le prixv> malgré les dépenses occa
sionnées par l ’éducation de sesjeiifantsyjeti les sacrifices qu.’iî était
obligé de faire pour les exempter.du service militaire. L e remplace
ment de' l’un d ’eux ,i notamment, s’était élevé à la somme de dix
mille franc?,! poiir laquelle il avait souscrit uneiobligatio.O:en faveur
de .lean Alibert.ùCett«: sage administration^ loin d'imposer à ses «fin
fants la recodnaissanccjqu’elle devait leur inspirer^ jne fit :qu’exciter
leur cupidités L e sieur ¡G ueston, domicilié en jB ourboun ais, avait
adopté le régime et les usages consacrés dans cette!province. A d é i
faut d’inventaire, la communauté avait continué de Subsister après
le décès dolson épouse ; ! et toutes les; acquisitions' qü’il avait faites,?
appartonaientipour moitié à ses enfants.) Impatient d !çn;profiterV.>le
sieur Gilbert Gueston , son fibtaîné, à peine parvenu,àisa majorité ,
lit brusquement apposer les scellés dans le domicile.de sOn.pèreJ et
un inventaire fut dressé’, les 28 et 29 avril
i
8i 3 ,
par le notaire Bou-
caumont. Cet inventaire constate que les seules valeurs mobilières
dépendant de la commnnaulé s'élèvent a lla som m e;de 60,000 fr.
Malgré le chagrin qu un procédé aussi violentjdùtucauser a)i sieur
Gueston, il ne contesta.pas lés droits rigoureux de son fils; i^fit
plus , il se montra à son égard généreux et bienveillant : un partage
�\.
-
X-
de tous les biens composant la communauté fut p assé , le
5
3o
avril
18 1 , entre le sieur Gueston p ère , son fils aîné m ajeur, et le cura
teur à l’émancipation du sieur Louis-Etienne Gueston.et de la demoi
selle Française Gueston, encore dans les Hens.de la minorité. On
procéda d ’abord au partage du mobilier, estimé 60,000 francs.'Il fut
convenu q u e , sur cette valeur, le sieur*Gueston père se retiendrait
dix mille francs pour solder le prix du remplacement: encore dû à
Jean Alibert. Les reprises du.'sieur Gueston p ère, soit pour les som
mes q u ’il avait recueillies dans plusieurs s u c c e s s io n s s o it pour les
dettes q u ’il avait payées dans l’intérêt de son épouse , furent réglées
à 55,891 fr. , qu ’il fut également autorisé à prélever sur les valeurs
mobilières. La portion revenant aux enfants’, soit pour les prélève
ments q u ’ils avaient à exercer, soit à titré de communistes, fut fixée
à 1
1,644 fr- 5°
cent. M. Gueston leur délivra immédiatement pour
2,265 fr. de mobilier, et paya comptant à son fils aîné la somme de
3 ,1 2 6 fr.
5o c c n t ., complétant son amendement, et s’engagea à payer
une pareille somme à chacun de ses deux autres enfants, lorsqu’ils
seraient arrivés à leur majorité. On procéda ensuite au partage des
immeubles acquis pendant la communauté. Deux lots égaux furent
form és, et attribués, par la voie du sort, l’un aux enfants, l’autre
au sieur Gueston père. Celui échu aux enfants se composait de la
5
propriété des Salles, garnie de son cheptel estimé 6,002 fr.T o c. ;
celui échu au sieur Gueston père comprenait : i* le domaine des
Veaux ; 2* celui de Loulaigue ;
mêm e-nom ;
46 ta locatcrie de
3®celui
de la Faye et la locatcrie du
Loulaigue;
5° les bestiaux
attachés ;»
l’exploitation de ces diverses propriétés.
Enfin, M. Gueston ren on ça , en faveur de ses enfants, à la jouis
sance des biens de son é p o u se , qui lui avait été assurée par le tes
tament de cette dernière.
>
:i;
■
Gct acte nous donne des renseignements précieux sur la cousislance do la fortune personnelle du sieur Gueston. Nous y trouvons
la preuve que les seules valeurs mobilières dépendant de la commu
nauté s’élevaient à 60,000 l r . , et qn’ù l'exception de 1 i,6/j4 francs
�5o cent,
—5—
reconnus appartenir à ses enfants, tout le surplus avait'été
retenu par le père comme étant sa propriété exclusive. Nous'y trou
vons aussi un indice qui peutrservir à apprécier la valeur corrélative
des immeublesisoùmis au partage ; et dont l’exploitation rd !un seul
domaine nécessitait pour plus de 6,060 fr. de bestiaux. Nous'terrons
plusitard l'estimation q u ’en ont faite les héritiers Güeston .’’ Idrsqn’ils
ont voulu liquider les droits de leur frère naturel.
1,1
Cette, conduite loyale et généreuse du sieur Gueston était de na
ture à satisfaire lesiexigences de ses enfants; e lle >ne fit que donner
plus d ’aclivité à leur ambition, ils exploitèrent habilement'une oc
casion favorable qui se.présenta dans la famille. Marie B ru n et, qui
s’était retirée à Tagnères pendant les opérations que: nécessitèrent
l’apposition des scellés et le partage de la communauté, fut bientôt
rappelée par le sieur G u e sto n , qui l’envoya chercher par la femme
Chavillat, sa locataire. Elle rentra au domicile de son m aître, dont
elle ne s’était pas séparée depuis 1808, au commencement de juin
8 3 , et non dans les
premiers mois de 1 S 1 4 , comme l’ont avancé
les héritiers Gueston dans une intention q u ’il est facile d e compren
dre. Par suite de ses relations avec le sieur Gueston; elle devint en
i
i
4
ceinte. Au mois de juillet 18 1 » celui-ci la fit conduire à M oulins,
chez les dames B o r d e t , accoucheuses, o ù , le 18 octobre 1814 , elle
donna le jour à un Gis qui fu t, le lendemain 1 9 , dépoSé à l’hospice
5
de Moulins. L e môme jour 19 octo bre, et non le a , l’enfant fut
présenté à l’officier de l’état civil, et reçut les noms d ’Éléonard Canu.
Il fut baptisé le 20 , dans l’église de Notre-Dame. Une nourrice du
lieu de T ré v o l, indiquée par la m ère, reçut de l'administration cet
enfant q u i , pendant son séjour chez sa nourrice , fut souvent visité
soit par Marie B ru n et, soit par le sieur Gueston lui-même , dont la
paternité n était un mystère pour personne. L e 11 janvier i
8i5 ,
Marie B ru n et, qui était sur le point de contracter mariage avec un
nomme Gilbert l'ratissier, récemment revenu du service, déclara à
1administration^qu elle
entendait rester chargée de son enfant. Un
acte constatant la r e m is e d ’Éléonard lui fut délivré par la sœur Bartit.
�L attachement.que lersieur Gueston portait à son enfant naturel, et
qui .cependant oe j e t a i t manifesté que par des caresses ou deilégers
présepjt£,faits à*-£a;:npumce> dor(na de,;ripquiétude.à ¡son fils aîné ,
dont prt(a déjà pu apprécier ln cpnduite.iütéressécdà l’égard.de son
pèrp.-II.ejsagéra sesci<aintçs:, et manifesta une défiance que.'lê sieur
Çiiestonlcrut devoir dissiper en faisant-encore de< nouveaux sacrifices
personnels. L e ]
4 ¡janvier 18 i 5
par afcle reçu Boncaiitpont
il icôn-
sgplijí, en*'iayeur-de ses'deux fils majeurs'et de îsatfilleiencôre xninpureij une donation , sous la forme de- vente',: de’ la majeure partie
de, ses biens.rneubleSiiet immeubles. Cette':ventc comprend : i® le
château et la,réserve[de :Sciàuve; 2,".Je domaineidei Sciauve et ses
3
dépendances ; ° le moulin des Y e a u x e t j e s dépendances » consistant
pu jardin, chenevjpres* prés et Ierres;
5° le domaine dçs.y.çaux ; 6° le domaine
4? la locatcrie
d e Bôuchon ;
de la Faye- e t la locaterie y
attenant ;'7°ile domaine d e i o u l a i g u e ; 8®-.tojJs les bestiaux garnissant
lesdils domaines ; ç)° tous, lep .meubles m eublants, à l'exception de
ceux,garnissant;]^chambre habitée par le sieur Gueston j et de quel
ques objets réservés, tçls q u ’ils:ont été.estimés datas l’inventaire des
83
28 et 2 9 ,avril j i ;i io° toutes les récoltes engrangée'siet tous les
grains écossés qui sont daris les .greniers. Vu'.'. ¡
uÀ
. Cettç vente fut consentie à la charge par les acquéreurs de payer :
1» n n f somme de 48,000 fr. au sienr de Boisrcnaud, sur le prix de
la vente qti’ile v a it consentie au sieur Gueston ; 2».collé de lo ,o o o f:
onçoni di\e ail Remplaçant A libert, e t ,’ en outre., ¡Via'charge de serjvir une rente, viagère de
5,-000 fr.
annuellement au sieur Gueston l
<•1 de quelques.prestations en nature;
¡;*ui «
1•
i-
1
8 5 , les (rois enfantsGueston souscri*-
■
Le même joui% il\ janvier i i
virpnt un acte soüs seing .’privé par lequel ils reconnurent devoir à
Marie Brunei une somme de 2 ,o o q frnnfcs pour^el)e;et>son eilfant
naturel , et 'ce par don et par forme de récompense «le ses services*.
Ils s’engagèrent solidairement à la paver au moyen d ’une rente an
5
nuelle et viagère de ôo francs, dorft Mario Brtinct profiterait jusqu’il
('A* rjUc Jiléonard \Cariu, 1son fils naturel", ne le 18 âclnbrc 1 8 1 4 > cl
�qu elle'avait retiréi le 1 1,janvier, auraitiatteinV l ’âge d eh S 'û n s], atrü
quel cas ils s’obligeaient à la payer en totalité audit Éléonard
jusqu’après son décès.- , ?o}os ai h
‘)iliir.ri( î:;jrnr>ri toinqr.i r>-f
En présence d ’un pareil a c t e y l e s héritiers Gueston peuvent-ils
encore balbutier quelques articulations, contre! l ’identité d’Éléônard ')
^Dansce moment où ils triomphaient de leur pfere ¿'où ils obtenaient
l’abandon gratuit de la presque totalité de saifortune, ils n'hésitaient
pas à reconnaître que l’enfant auquel ils promettaient une rente
3
viagère de, oOt iVàiics était l)ien réellement le fils de Marie Brunet ;
e t.c ’est parce q u ’ils.redoutaient lei concours de c e f enfant dans les-aflections et'dans le ¡partage des biens duipère co m m u n , qu ’ils con
voitaient et s’assuraient à l’avance son riche patrimoine.
Peuvent-ils également s’en prévaloir pour insinuer que Marie
Brunet exerçait un empire absolu sur l ’esprit du ^sieiir Gueston ?
Cette femme crédule et confiante allait bientôt qiiitter pour toujours
le domicile de son ancien m aître, et devenir l ’épouse^ d'un autre ;
elle n’avait même plus à cette époque les avantages de la jeunesse.
D ’ailleurs ; elle ne demandait et n’obtenait rien pour elle.1 La faible
pension constituée au profit de son fils, n ’était, de la part des en
fants G u eston , que l’acquittement d ’une dette légitime et sacrée ; et
cependant cetteprom esse si sainte, que l’h onueur, à défaut de lien ,
aurait;du laire respecter, n’a été de leur part q u ’une promesse trom
peuse, et décevante! Ils n’ont pas rougj de la.briser,' en prétendant
qu’elle était.une donation sans valeur, pour n ’avoir pas été passée
devant notaire avec.les solennités requises pour ces sortes de contrats.
Si quelqu’un exerçait une influence intéressée sur l’esprit du sieur
Gueston, que l’on prononce entre lesisieursGueston fils, q u i , après
avoir.obtenu la jouissance immédiate des biens de leur m è r e ,- Ici
partage des acquêts de la communauté, se font encore délaisser gra
tuitement pour trois cent mille francs d ’immeubles ou de valeurs
mobilières, et la femme objet de leur rivalité, q u i, après avoir sa
crifie son honneur c l vingt années de sa v ie , s’éloigne, en emportant
pour subvenir aux premiers besoins de son enfant, une promesse
�—8—
illusoire que le caprice ou’la mauvaise foi pouvaient à chaque instant
anéantir !
Ce rapprochemeut justifié par des a c te s , suffit pour faire justice
des allégations imaginées par les héritiers Gueston.
5
iij
Deux jours après, et le 16 janvier x8 1 , Marie B ru n et, contracta
mariage avec Gilbert Fratissier. Dans cet acte solennel elle reconnut
Éléonard Canu pour son fils, et l’institua son unique héritier, dans
le cas où il ne naîtrait pas d ’enfant de son mariage. Cette reconnais
sance isolée est restée complètement étrangère à Fratissier, absent à
l’époque de la conception et de l’accouchement. Les héritiers Gues
ton ont cru devoir signaler la constitution faite par Marie Brunet
comme un indice des bénéfices q u ’elle avait pu faire pendant sa lon
gue cohabitation avec le sieur Gueston. Cette observation de leur
pari ne prouve q u ’une ch o se , c ’est que le temps n’a pas amorti chez
eux cette ardeur d ’ambition intéressée qui caractérise toute leur
conduite. Eux seuls peuvent s’exclamer en effet devant un pécule de
a,
35o francs et de 200 francs de mobilier.
Après vingt années de ser
vices, certes Marie B run et, qui avait recueilli la succession de sa
mère , a bien pu réaliser ces faibles économies sans recevoir du sieur
Gueston autre chose que les gages annuels qui lui étaient légitime
ment dus. Bien loin de trouver dans cette constitution un prétexte
de blâme contre e l l e , on y puise la conviction de son désintéresse
ment et de sa loyauté. Il est. vrai que' dans son mobilier , elle n’y
comprend passes hardes et ses habillements personnels, q u ’elle n ’a
point voulu faire détailler ni estimer, et l’on s’empare de cette cir
constance pour y voir une réticence , une dissimulation coupable.
Nous y trouvons au contraire la preuve que ces objets exclusivement
destinés à son usage, ne valaient pas la peine d ’une estimation. ¡Ne
sait-on pas, du reste, que pour ne pas en transférer la propriété au
m a ri, il arrive souvent que l’on omet un détail estimatif pour se
ré-server la faculté de les conserver en nature? D ’ailleurs, ces robes et
bardes d ’une paysanne ne pouvaient pas appartenir à la famille Gues
ton. La précaution q u ’ils avaient prise depuis 1 8 1
3 de
faire tout in-
�veulorier ; cl la vente faite deux jours avant de tous les meubles
oompris dans l’inventaire, sont des actes qui doivent dissiper toutes
l<2urs inquiétudes.
Le sieur Gueston père , après s’être dépouillé d ’une fortune con
sidérable en faveur de ses enfants légitimes, se croyait quitte envers
eux. La locaterie de Loulaigue, la pension de
3 ,ooo francs,
le loge
ment et les prestations en nature q u ’il s’était réservés, les 3oofrancs
de rente créés en faveur de Marie Brunet et de son fils, lui parais
saient des éléments suffisants pour assurer l’avenir du jeune Éléonard ,
auquel il portait toute l’affection d ’un père. Accoutumé à des habi
tudes d ’ordre, de travail et d ’économ ie, il espérait, avec ces res
sources, lui créer un patrimoine convenable, et s'acquitter à cet
égard de la dette qu ’il avait contractée. Mais ce n’était pas la seule
obligation q u ’il eût à remplir. Il devait à son fils naturel un nom et
une position sociale que l ’on n’obtient pas avec de l’argent seulement.
Marie B run et, depuis son mariage, ne résidait plus avec lu i; il était
à l’abri de toute influence, si elle avait été capable d ’en exercer.
Mais le cri de l’honneur et de la conscience , plus fort que toutes les
sollicitations, s’était fait entendre, et devait trouver de l’écho auprès
du sieur Gueston. Il n ’y fut pas insensible. Le
3o mars i 8 i 5 , il
se
transporta devant M" Place , notaire , e t , en présence de tém oins,
il reconnut liléonard Canu , né à Moulins, suivant son acte de nais
sance en date du 19 octobre 1814 > pour être son fds naturel et celui
de Marie B r u n e t , et déclara que cédant à l ’ impulsion de la nature,
el voulant rendre sa reconnaissance publique et authentique, il requé
rait le notaire de la recevoir, afin que ce mime enfant pût recueillir,
dans sa succession, l'intégralité des droits que les lois accordent aux
enfants naturels reconnus t it ce sans préjudice des autres dispositions
qui peuvent avoir été faites en sa faveur.
Marie Brunet comparut également dans le même a c t e , et'renouvela la reconnaissance et la donation déjà insérées dans son contrat
de mariage.
L e sieur Gueston ne se borna pas à l’accomplissement de ce de
2
�—
10
—
voir; il prit aussi des précautions pour donner à-son fils naturel ¡es
4
85
moyens de faire respecter ses droits. Le
juillet t i !, il déposa.en
l’étude du notaire P la ce , qui en constata la rem ise, un paquet ca
cheté portant cette suscription, entièrement écrite de) sa main.et
signée par lui : « Sous cette enveloppe, sont les papiers rjai conccrncnt
Eléonard, mon fils naturel* » Sous cette enveloppe étaient : i° J’acte
1 4
de naissance d ’El^onard, du
octobre 8 i 'î 2° l’acte deJreinise
faite à sa mère le 1i janvier s8 l ; ° la promesse relative it la cons
5 3
3oo fr. ; 4° ie contrat de mariage d e
Marie Brunet ; 5 ° la reconnaissance du 5o mars 18 1.5. Pensant que
titution d ’une rente viagère de
ces actes pouvaient être utiles à son üls, craignant q u ’ils ne lui fus
sent pas fidèlement remis s’ils restaient parmiises papiers domesti
q u e s , connaissant le caractère faible et l ’inexpérience de sa mère
il avait chargé le.notaire de ne les remettre q u ’à Eléonard , lorsqu’il
serait m ajeur, ou au tuteur qui lui serait nommé.
L ’espoir que le sieur Gueston avait conçu de créer à son fils na
turel un patrimoine par son travail intelligent et scs économ ies, ne
put se réaliser. Encore jeu n e, le sieur Gueston succomba le 1er mai
1 8 1G. Sa mort tragique priva Eléonard du seul protecteur qui pût le
défendre des embûches qui furent tendues à la faiblesse imprévoyante
de sa mère.
Les scellés ne furent pas apposés après le décès du sieur Gueston.
Ses héritiers se bornèrent à faire procéder sans contradiction à la
prisée et ù l ’inventaire des objets mobiliers q u ’ils indiquèrent comme
appartenant à leur père. Ceux représentés à son domicile lurent es
65 cent. ; ceux
i’ureut évalués 58 y fr.
timés 4*209 fr.
trouvés dans sa résidence de Moulins
L e 12 juin ¡ 8 1 6 , un conseil de famille fut convoqué pour nom
mer un tuteur au mineur Eléonard. Les sieurs Gueston furent con
voqués» ils comparurent; et sans contester ni l’identité ni la recon
naissance d ’Eléonard, en l'acceptant au contraire implicitement-, ils
soutinrent que la loi n’accordait à l’enfant naturel que des droits
réels sur les biens du père qui l’avait reconnu ; mais qu’il n’existait
�—
11 —
entre lui et la famille de son père aucune parente légale. En consé
quence , ils s’abstinrent de prendre part à la délibération. L e conseil
nomma Marie Brunet tutrice, et Fratissier, son m ari, co-tnteur.
En sa qualité de tutrice, Marie Brunet retira le dépôt confié à
M® P la c e , et se disposait à faire valoir les droits de son fils, ou plu
tôt les héritiers Gueston, alarmés d ’une action judiciaire, cherchè
rent à la prévenir. A l’aide de l'influence q u ’ils avaient conservée sur
l’esprit de cette femme incapable de leur résister, et des moyens
qu ’ils employèrent auprès de Fratissier, ils les déterminèrent à sa
crifier tous les droits d ’Eléonard moyennant une somme de
3 ,ooo f.
Un partage en justice aurait révélé, par ses formes protectrices, le
préjudice qu ’uni pareil abandon causait au m ineur; une cession de
droits ex ig e a it, pour être valable , des précautions également dan
gereuses: pour ceux q u i, à vil p rix , voulaient dépouiller Eléonard ;
on eut recours à la voie détournée et plus facile d ’une transaction.
Le
5 août 1 8 1 6 , un
conseil de famille fut formé devant M. le juge
de paix du Montet-aux-Moines, arrondissement de Moulins; Il fut
composé d’étrangers, sous prétexte que l’enfant naturel n’avait aucun
parent. On leur exposanlongnement une savante dissertation , dans
laquelle les époux Fratissier d ém ontren t, comme des jurisconsultes,
que les droits d ’Eléonard sont incontestables, q u ’ils s’élèvent à un
seizième des biens composant la succession du sieur Gueston père ,
q u e , d ’après la liquidation q u ’ils ont fait faire des forces actives et
passives de la succession, la part héréditaire du mineur s’élève ¡à
3
2,887 fr- 29 «eut» q u i, étant inférieure à celle de ,ooo fr. , il est
avantageux de transiger pour le prix proposé. Comme on s’en doute
b ie n , le conseil répondit : Benè. Il déclara même qu’il était à sa con
naissance personnelle que les biens avaient été estimés au-dessus do #
leur valeur, quoique aucun des membres ne connût ni la consistance,
ni même la situation des propriétés du sieur Gueston , et qu ’aucun
nioyen de s’en assurer n ’ait été fourni. Munis de cette autorisation ,
les tuteurs présentèrent à M. le procureur du roi de Moulins une
requête à l’effet d’obtenir la nomination de trois jurisconsultes. L ’or-
�^
K 'l
— 1 2 ---donnanee portant nomination de MM. Jutier, Ossavv et Iîoyron , fut
rendue le 10 août, e t , le même jo u r , ces honorables jurisconsultesdonnèrent line consultation dans laquelle ils établirent que , sous
aucun rapport, l’on ne pouvait critiquer la qualité du mineur Klénuard; que son amendement dans la succession de son père devait ,
à raison de la quotité disponible absorbée par la donation du 14- jan
8 5 , être du tiers dans les trois quarts, ou d ’un seizième dans
vier i i
la totalité. Ils visèrent ensuite le projet de liquidation qui fait suite
au: règlement des droits de l’enfant naturel, duquel il résulte que la
succession de François Gueston tant en meubles q u ’immeubles , dé
duction faite des dettes, ne s’élève q u ’à 4^,196 fr.
65 cent. , dont
le
seizième , revenant à Eléonard C a n u , est de 2,887 fr, 29 cent. , et
pensèrent que la transaction projetée était avantageuse au mineur
puisqu’elle avait lieu moyennant un prix supérieur à son amen
dement.
;
Le 12 août 1 8 1 6 , ce projet de transaction fut réalisé : il importe
de faire connaître par une analise co m p lè te , les principales dispo
sitions de cet acte, dont le mérite fait l’objet du procès.
-, Dans un exposé préliminaire , on fait connaître l’état de la famille
du sieur Gueston p è r e , 011 rappelle l ’acte de vente du i!\ janvier
i8 i.‘j ; mais on garde le silence sur l’inventaire et le partage de
communauté du mois d ’avril i
8i3,
dont la communication aurait
servi à faire connaître la fortune du sieur Gueston. On unalisc en
suite la,promesse d’une rente viagère de
3oo francs,
la reconnaissance
4 juillet 1 8 1 5 r
faite par le sieur Gueston d ’KIéonard, le dépôt fait le
les pièces comprises sous l’enveloppe ca ch etée, et l’on d i t : Les
choses étaient dans cet é t a t , lorsque les sieur et, dame Fratissier,
^voulant s’éclairer sur les effets de la reconnaissance du 3o mars 181J»
et sur la nature «t l’étendue des droits q u ’Éléonard pouvait exercer
sur la succession de son- p è r e s ’adressèrent à des jurisconsultes qui
déclarèrent ;
i* Que b reconnaissance du 3o mars 1 8 1 S était valable en la.
forme et au fond.
.
.
�a» One l’on ne pouvail révoquer en doule l’identité de l'enfant ,
parce qu’en pareille matière, des'üllégalions ne peuvent tenir lieu de
preuve.
3°
*
Q u e , suivant l’article 757 . le droit de l’enfant naturel, lorsque
le père a laissé des descendants légitimes, est d’un tiers d e là por
tion q u ’il aurait eue s’il eût été légitime.
4° Que l’enfant naturel adroit à une réserve légale,
de môme que
l’enfant légitime, sauf la différence de quotité.
5°
Que pour fixer cette quotité , il faut l’admettre momentané
ment au nombre des enfants légitimes., et le faire concourir figura
tivement avec eux.
J
6° Q u e, par une conséquence de ces principes, l’enfant naturel
qui ne trouve pas sa réserve dans les biens de la succession , peut
demander la réduction des dispositions entre-vifs qui ont excédé la
quotité disponible.
7° Que la valeur en pleine propriété des objets aliénés par l'acte
5
du 14 janvier 1 8 1 , doit être imputée sur la quotité disponible , et
l’excédant rapporté ii la masse.
8° Q u ’il importe peu que la reconnaissance ait eu lieu après la
vente, par la raison que le droit de l’enfant est acquis par sa nais
sance et non par la reconnaissance qui ne fait que le déclarer.
9° Q u e , d ’après ces principes, le sieur Gueston ayant laissé trois
enlants légitimes et un enfant naturel, il ne pouvait disposer que du
quart de ses biens; en sorte que si Éléonard était légitime , sa pari
serait du quart des trois quarts ; que la loi lui attribuant le tiers de
cette portion héréditaire, il a droit de réclamer un seizième de la
succession.
io° Que la cté sous seing privé du 14 janvier 181 J> est nul.
On ajoute que les sieur et dame Fratissier se disposaient à former ,
au nom de leur pupille, une demande en justice contre les enfants
8 5,
Gueston, en réduction de la donation de i i
et en partage des
cinq sixièmes de la locaterie de Loulaigue , et de tout le mobilier
dépendant de la succession, pour en ôtre attribué un seizième du
�- 1-i tout à Eléonard, ’orsque les sieurs et demoiselle Gueston ont pro
posé de transiger sur tous les droits dudit enfant naturel moyennant
3 ,ooo
la somme de
francs, q u ’ils disaient supérieure à celle qui
pourrait lui revenir, en admettant ( c e qui selon eux pouvait être
contesté) que les diverses questions précédemment agitées fussent
résolues en sa faveur.
On expose que sur cette proposition, les sieur et dame Fratissier,
s’étant fait remettre les litres et papiers concernant la succession, les
ont communiqués à leurs conseils, qui ont procédé à la liquidation des
droits d ’Éléonard de la manière suivante :
i° La terre de Sciauve, telle qu ’elle a été vendue par l ’acte du 14
8 5 , a été portée pour une valeur estimative de cent mille
janvier i i
francs, c i *
• • • «
. *, 1« * > « •
20 Les cin q sixièmes de la locaterie de L o u Jaigue............................................................................
5° L e
x.00,000 fr. ®# c*
;l;
5
Z|, 5c)6
. a , o o *ij r» :
65
T o t a l ........................107,096 fr. 65 c.
mobilier constaté par les inventaires .
Arrêtons-nous un moment sur cette évaluation. La terre de
Sciauve, si vaguement désignée, ne comprend pas seulement les
objets vendus par M. de Boisrenaud , au moins 48,000 francs, puis
que cette somme était encore duc an vendeur lors de l’ouverlure
de la succession ; elle comprend encore tous les domaines attribués
au sieur Gueston par le partage du
3o avril
181
3 , dont nous avons
déjà fait connaître la consistance et la désigation.
Tous ces immeubles réunis donnaient et donnent encore un re
venu annuel de 10,700 francs, savoir : le clifiteau et la réserve de
Sciau ve, 2,000 francs; le domaine de Sciauve, a,5oo francs; le
domaine des Y c a u x , 2,3oo francs; celui de la P a ye , 1,800 francs;
celui de Loulaiguc , 1,600 francs ; le moulin des Veaux , üoo francs ;
et toutes ces propriétés sont estimées en bloc cent mille francs! Ce
n ’est pas tout, on y comprend encore tous les objets vendus le 14
janvier i
3
8i5,
c ’est-h-dire, les meubles énumérés dans l’inventaire
«le 18 1 , d ’une valeur de 60,000 fr ^ c s . Il est vrai cju*îl faut retran-
�—
lâ
cher de celle estimation la portion qu e les enfants Crueston iimendaicnt dans le partage.de La comnuinaulé, et la valè-ur des^objcts
réservés au père. La portion*des héritiérS (iiueslon datïs l'c'tfiobilier
dépendant de~la communauté, javait été réglée à 1 1 ,
6/(4 francs 5o
centimes, sur laquelle le père avait p a jé co m p ta it à son fils aîné
3,12(5 francs, ce qui fa réduisait h
8 , 5 i'8 francs r5ô 'centimes.
Les
meubles réservés, d’après"Testlination de l'inventaire* f'ait9laprès le
décès du sieur Gueston, s’élevaient à
3 , ' j e f î francs ¿5 centimes.
En
reLranchant'ces deux sdmmes de l'eValualiüti porlée dans l'inventaire
de i 8 i 3 , i l en résulte q u ’indépendamment1dés ¡¡niheuliles, les seuls’
8 5 , -et'par consé
objets mobiliers compris dans la donation de i i
quent dans l’article i cr de la liquidation, étaient d ’une valeur de
47,688 francs.
1
i,
!Tii■r
■
■r
t
Q u’on ajoute maintenant la valeur des bestiaux attachés à ex
ploitation de ces diverses propriétés , celle des récoltes engrangées,
celle du blé renfermé dans les greniers, et q u i, à cette é p o q u e ,
était d ’un prix très-élevé, et l’on aura une idée de l’exactitude de
cette estimation véritablement dérisoire.
•i
Les mêmes observations s’appliquent à la locatcrie de Loulaigue ,
d’un produit annuel de
3oo francs, et que l’on a estimée 2 , 5oo francs.
Dans le cas où les héritiers Gueston soutiendraient que les va
8 3,
leurs mobilières constatées par l’inventaire de ,i i
ne sont pas
comprises dans la vente faite à leur profit', il faudrait tirer de cette
allégation , fondée ou n o n , une conclusion encore plus directe contre
la sincérité des éléments qui ont servi à la composition de l’actif. En
e llet, ces valeurs qui formaient une partie essentielle du patrimoine
du sieur Gueston, et qui existaient à son décès, auraient été sciem
ment dissimulées par les héritiers légitimes ; et cette omission de
leur part suffirait pour caractériser la moralité de celle prétendue
transaction.
Après avoir composé l’actif de la succession , on établit son passif
ainsi q u ’il suit :
�— 16 —
i° Il était dû à SI. de Boisrenaud . ........................
2° Au nommé Alibert . j ........................................ .
3° Les frais de l’acte du
‘
:i
:l:
1
i/j janvier
T o t a l ’.
i
48 >ooo
.
fr.
jo ,o o o
8 i 5 i .................. 2,900
. . . . . .
Go.qoo
fr.
Les héritiers Gueston, qui dissimulent avec tant de soin les forces
actives de, la succession , sont plus ingénieux lorsqu’il s’agit de com
poser la masse des dettes. Les dix mille francs dus à Jean Alibert
avaient pour cause le remplacement de l’un d ’eux : cet engagement
contracté dans son intérêt personnel l’obligeait à le supporter entièrem ent,
et pouvait d ’autant moins grever la succession, que la
quotité disponible avait été épuisée. Les frais d e là donation du i
janvier 18 1
4
5 étaient une charge exclusive des donataires , avec d ’au
tant plus de raison q u ’ils conservaient les propriétés dont la mutation
Jes avait occasionnés.
Après avoir ainsi apprécié , au détriment dn m ineur, l ’actif et le
passif de la succession, on arrive à cette conclusion q u e , balance
faite, elle se compose de biens meubles et immeubles d ’une valeur
de 4 6 ,196 francs
65
centimes. On en retranche 11,5 4 9 francs 16
centimes pour le quart formant la quotité disponible , et l’excédant
montant à
partage.
Si
36,647
francs /j9 centimes devient
la
matière
du
Éléonard C a n u , est-il d it, avait été légitim e, il aurait eu le
quart de cette somme , qui est de 8,661 francs 87 centimes ; comme
enfant naturel, il ne doit avoir que le tiers, qui est de 2,887 francs
29 centimes.
'
On rappelle ensuite les diverses formalités remplies pour parvenir
à une transaction, et on termine en stipulant que pour satisfaire
au vœu de la famille, cl d ’après l ’avis des jurisconsultes commis à
cet effet, les parties ont résolu de transiger, comme de fait, elles
tra n sig en t
par forme de transaction sur procès pour tous les droits
que peut prétendre Élconard Canu dans la succession du sieur F ra n
çois Gueston , son père naturel, pour une somme de
3.,00c» fra n cs, que
�les sieurs et demoiselle GueUon s ’engagent' solidairement à payer à son\
émancipation ou à sà majorité. >»*:/.. ¡».‘nflrt'If îjH -N • n:.¡o. -...i
11
4
est surabondamment reconnu que la: prétendue- donation-faite
le ' i janvier i'SïS à Marie Brunetlet à son fils,'Jsera.nulle iet ré
putée comme 'non avenue. " :hoN
‘ïi-au ni) h i..:„u ¿i;ui
T el est en substance l ’acte idu 1 1 août 1 8 1 6 , dont il s’agit d ’ap
précier le caractère et les'effets.>On'y trotove réunis tous les «ÿémentSi
1
qui constituent un partage : il est intervenu entre'les divers ayants
droit à la succession du sieur Gueston ; il a pour objet de faire cesser
entre eux l’indivision, et de déterm iner, par voie d ’attribution ,i
l'amendement du mineur. On procède comme dans toutes les opéra
tions q u ’une liquidation exige : ’après avoir fixé , d ’aP ^ s ^avis ^es
1
jurisconsultes , les droits d ’Eléonard, on eompose la masse active des
biens meubles et immeubles ;>on en retranche-les dettes, qui sont
rappelées en détail ; on prélève sur cette masse, ainsi réduite , le
quart formant la quotité disponible ; e t , par ce travail préparatoire ,
on parvient à une liquidation rigoureuse, et en apparence exacte ,
de la portion héréditaire d ’Eléohard. Malgré le noni* donné à ce
Iruilé , il est bien constant qu ’étant entre les' parties le premier aètë
qui ait lait cesser l’indivision, il réunit tous les caractères d ’un par
tage véritable.
11 est bien
certain que les formes''employées n'ont eu
d ’autre but que d’éluder celles plus efficaces que le législateur a
tracées dans l’intérêt d u ’miri'our.
‘
I'
>r:
Cette transaction fut homologuée le 19 août. Les héritiers Guèston étaient tellement impatients d ’arriver au but qu'ils s’ôtaient pro
pose, que , dans moins de quinze jours, touteé'les formalités exîgéés
p a r la loi avaient été remplie^. A peine Eléonard était-il parvenu h
sa majorité, q u e , dand'rtspoir!U!obtienîr un,acqüiesccment'à ieéfc acte
luineux poiir l u i , ils ‘lui firerit offrir, par expldrt du 16 janvier 1636,
la somme de
3 ,000 fr. en capital, et
IcsMnlérÔt^ échus. Eléonard re-
fusa , e t, par le même acte,! il fût assigné en validité devant le1 tri
bunal dé Moulins. De son côté , il forma contre les héritiers GùeSton
une demande! en partage qtii fut portée devant le tribundl db Mont-
�— 18 —
luçon , dans l’arrondissement duquel la succession s’était ouverte.
La demande en validité d ’ofl'res avait pour, but de foire décider que
la transaction) du ,12 août était) irrévocable , letndevait,.interdire à
Kléonard toute actiontrelative àjl’exercifce de ses droits comme en
fant naturel du sieur Gueston. Pour la com battre, il a d ’abord ré
clame un sursis jusqu’à Ja décision à intervenir sur la demande en
partage pendante, devant lei tribunal de M onllüçon; e t , au fon d , il
a soutenu-que la transaction-n’étant autre chose q u ’un partage n u l,
ou du moins provisionnel^ et- dans tous les cas susceptible d ’ôtie
rescindai pour cause de lésion , ne pouvait avoir la force de paralyser
son action, et de.produire à son égard des effets déGnitifs. Sa défense
a été accueillie par un jugementrcontradictoife du 28 avril i
836 ,
textuellement rapporté dans le mémoirefde nos adversaires, et dont
nous reproduirons lesjprincipa,ux motifs en discutant son mérite.
’’T i ;
DISCUSSION. 5
.1
Avant d ’aborder la discussion du fo n d , il est nécessaire d ’écarter
immédiatement une objection présentée au nom des héritiers Gues
ton , qui aurait les effets d ’yne fin de non-recevoir, quoiqu’ils ne
1
l’aient,pas.ainsi formulée. P ’aprèseux , le jugement du i g aûut 1 8 1 >
qui a homologué la prétendue transaction du 12 aôut, est une déci
sion irrévocable qui a épuisé la juridiction du tribunal, et q u ’aucune
autre jnç peut Réformer. L e caractère de transaction q u ’il a reconnu
dans çet acte lui a été définitivement imprimé ; il n’est plus permis,
1
de , e contester. Etrange doctrine que celle qui attribuerait à un
jugement rendu sans débats j. sans conste^tation, des eil’e ts aussi
désastrçux^AinÊi l’erçeur,, d ’un tribunal ;trompé p a r le s apparences
dont op aurait revêtu un contrat ser£tl,f irréparable ; la justice res
terait,, impuissante, et désarmée pour, venir au sçcours d ’un mineur
dont,les,jintérêts ¡auraient été nûïçonnus. et sacrifiés! Sous le nom
de.transaction, un tuteur iqûdèlc|aurai^ aliéné ses biens, aurait pro
cédé à un partage /Çnns .rcjuplir aucune ,dcs formalités prescrites par
�— 19 —
la lo i, et cette œuvre de'spoliation serait à tout jamais consacrée
par le jugement d'homologation’ que le tuteur aurait’obtenu ! Ras-1
surons-nous , la loi n’a pas voulu Être complice*d’une injustice aussi
révoltante.
r'
.......’’
Pour qu’une'décision judiciaire produise' des effets irrévocables,
il faut qu’elle ait obtenu l’autorité de la chose ju^ée. Parmi les carac
tères de la chose jugée ,* définis par l’article 1
35 1 ,
lés principaux
sont que la demande soit, entre les mêmes 'parties, formée par
elles et contre elles en la même qualité. II faut donc que le jugement
ait prononcé sur des prétentions contradictoires, sur des intérêts
opposés et débattus devant la justice par diverses parties , xpour q u ’il
puisse attribuer à l’une d ’elles un bénéfice quelconque 'qui devient
définitif s’il n’ est pas attaque dans les formes et dans les délais fixés
par là loi. Un jugëm ent'd’homologation n’a aucun de ces caractères ;
rendu sur requête sur la demande isolée d ’une partie, il ne peut
conférer aucun droit à celui qui n’y figure pas ; fil manque d’un des
éléments essentiels qui constituent la chose jugée. C ’est' ce qui a
été positivement décidé par un arrêt de la Cour royale de Bordeaux,
( D a llo z , i
a , p. i
, deuxième p a rtie).
du 22 novembre i
832
83
58
T out jugement qui statue sur des intérêts d ’une nature déterminée
est susceptible d ’être réformé par l’autorité
supérieure, sur la
plainte de la partie lésée. Celui du 19 août, s’il avait les caractères
d ’un jugement contradictoire, serait encore susceptible d ’être frappé
d ’a p p e l, puisqu’il n’a jamais été signifié ni h la tutrice ni au subrogé
tuteur; et cependant com m ent, dans ce c a s , devrait procéder le
mineur Éléonard? Intimerait-il devant la Cour les héritiers Gueston?
Mais c e u x -c i répondraient : Nous n’avons pas été parties dans le
jugement de première instance ; vous ne p o u v e z, par ce m o y e n .
nous enlever le bénéfice du premier degré de juridiction. Inter
jetterait-il appel contre la tutrice? Mais e n c o r e , l’arrêt infirmatif
serait sans influence contre les héritiers Gueston. Etrangers à ces‘
nouveaux débats, par quels moyens donc obtenir la nullité de la
prétendue transaction homologuée? Par voie d ’action en nullité,
�ou par voie d ’e xception, comme l!a fait Eléonnrd, sans s’inquiéter
du jugement d ’homologation. Cette approbation donnée par la jus
tice à la tutrice qui le réclamait, est l’accomplissement d ’une for
malité exigée par la loi ; sans elle , l’acte du 12 aôut serait resté dans
le néant : soif intervention a eu poui^ effet de lui donner une valeur
comme transaction , e t d e relever la tutrice de son incapacité à con
sommer un acte dev cette nature. Mais si le mineur démontre que
cet acte n ’est pas \ine transaction , que la tutrice a excédé les,
limites de ses pouvoirs, q u e lle a stipulé une cession de droits suc
cessifs pu opéré, un véritable partage définitif,(il lui suffira d ’attaquer
le traité sîins faire réforme^séparément le jugement d ’homologation
qui-en est. J’acces^oire , et qui n’a pu ni éfpndre les pouvoirs de la
tutrice au delà des bornes fixées par la lo i, ni dépouiller le mineur
«les garanties qui le protègent,,, En faisantj.prononcer la nullité de
L’acte du 12 aôut 1 8 1 6 , ou en restreignant ^es effets à ceu xjd ’un
partage provisionnel, il fera tomber eu môme t e m p s ,o u il restrein
dra aux mêmes proportions le jugemqnt, d'homologation qui. lait
corps avec lui. De nombreuses décisions judiciaires rendues dans
des espèces analogues ♦ont ju gé que c ’était la seule marche à suivre.
Ainsi la.Gour,dc cassation , par un arrêt du i g floréal an x u ( Dencçcrsf an .x i iy p. 447 ) » a décidé en matière de v^nte de biens de
mineurs, qufil n ’était pas nécessaire d ’attaquer les jugements qui
l ’ayaient. ordonnée. En cas de vente de biens dotaux, la Cour de
Caeiv, p a r flrrÇ't (^u
4
G renoble, par arrêt du
Juillet 1826 ( D . 1827 , p. 47 ) •; la Cour de
4 aôut
1802 ( J). i
833 , p.
102 ) ont jugé
que la fonirae dç^ait ¡directement agir par voie de nullité contre les
acquéreurs,, njalg^ les jugements rendus sur requête qui avaient
autorisé v,c,s aliénations. La Cour.de Turin a consacré le même prin
cipe en nmtièrç de transaction passée par un tuteur en vertu d ’un
jugement
. p.y66.).
1
», ,’homologation.
[ T u r in , 29 ju illet
1 8 0 9 , lome 10,
pouvons donc sans crainte aborder la discussion du
et lech^rchqf dç quel c ô té s e trouve le bon droit.
,Le,traité dn ti 2 a ô u t ^ S i ô est-il une transaction ou uu partage,?
i
�Telle est la question dominante.
Les héritiers Gucston se sont
efforcés d ’établir que cet acte méritait la qualification qui lui avait été
d o n n ée, e t, q u ’à ce titre, il était irrévocable comme ayant reçu la
sanction spéciale que la loi exige pour les contrats de cette nature.
Nous allons, au contraire, cherchera d ém ontrer, i° que ce traité,
malgré sa dénomination vicieuse, est un véritable partage, dont la
nullité doit être prononcée pour n ’avoir pas été revêtu de toutes les
formalités prescrites par la l o i , ou dont les effets provisoires doivent
cesser sur la demande d ’un partage définitif; 2° que lors même q u ’il
participerait en même temps et de la transaction et du partage, il
faudrait e n co re, s’il était possible , distinguer ce qui tiendrait à l’un
ou à l’autre de ces deux contrats, et rejeter la partie du traité qui
serait relative aux stipulations d ’un partage définitif et aux opérations
qui en seraient le complément.
La dénomination que les parties donnent à un contrat est abso
lument insignifiante pour.en assigner le véritable caractère. Il se ré
vèle exclusivement par les conventions qu’il renferme , par l’objet
qui en fait la matière , par les effets q u ’il doit produire. A cet égard,
le fond l’emporte sur la form e, la chose est plus significative que le
n o m , la réalité est plus forte que l’apparence. Peu importe donc que
le traité de 1816 ait été qualifié transaction; cette appellation est
sans influence pour en juger la nature. 11 faut, pour l’apprécier, pé
nétrer plus intimçment dans les entrailles de cet acte. Les héritiers
Gueston en ont reconnu la nécessité ; aussi ont-ils cherché à faire
ressortir tout ce qui pouvait servir à lui conserver non-seulement la
form e, mais encore la réalité d ’une transaction pure et simple. Pour
y parvenir avec plus de facilité, ils ont supposé que cet acte
avait etc passé avec un majeur, et ils ont demandé si, dans cette
hypothèse, le traité intervenu ne serait pas à l'abri de toute critique,
et ne participerait pas de. l’irrévocabilité des transactions, dont il
présentait tous l»[s caractères. Nous accepterons volontiers le terrain
sur lequel la discussion a été portée ; mais il faudra bien alors con
venir qu’en admettant ce raisonnement, la conclusion sera toute con
�— 22 —
traire , si nous parvenons à démontrer que lorsque ce traité aurait
été passé avec un majeur, il ne serait pas réellement une transaction,
mais un véritable partage.
L e caractère spécial, distinctif de la transaction, est de ne pou
voir être attaqué pour cause de lésion. A r t.
2o 52.
L ’acte de partage, au contraire, destiné à consacrer l’égalité
entre chaque héritier, est toujours rescindable pour cause de lésion.
Prouver que l’acte du 12 août 1816 aurait pu être rescindé pour
cause de lésion, sur la demande d ’Eléonard Gueston , qui l’aurait
consenti en m ajorité, sera donc prouver que cet acte, aux yeux de
la lo i, était réellement un acte de partage.
O r , d ’après l’art. 888 du Code civil, est réputé partage tout acte
qui a pour objet de faire cesser l’indivision entre cohéritiers, encore
q u ’il soit qualifié de v e n te , d ’éch an ge, de transaction, ou de toute
autre manière.
Cette disposition du Code civil ne fait que confirmer les principes
anciens.
M o rn ac, sur le titre du digeste : Familiœ erciscundœ, s’exprime
ainsi : E o ju re utimur ut quocumque nomine denominetur contractus ,
scu transactio vocetur , seu non, tamen pro divisione hœrcditatis rcrumque communium accipi debeat.
Nous tenons pour maxime au palais, dit également L e p restre, que
le premier acte qui se fait entre les h éritiers, quoiqu’il soit déguisé
sous le nom de contrat d ’éch an ge, môme de transaction , est néan
moins tenu pour partage.
Bretonnier sur Ilenrys, t. 2 , p. 944» confirme cette doctrine gé
néralement admise. C ’est une maxime constante dans tous les tribu
naux, d it-il, que l’on peut revenir contre le partage quoique fait par
transaction, et quoique la transaction soit intervenue sur un procès
intenté pour parvenir au partage. Car l’acte qui finit cette discus
sion, quelque nom q u ’on lui d o n n e , est toujours un partage.
Tous nos auteurs m o dernes, sans exception, proclament les m ê
mes principes. Seulement M. Chabot, dans son Commentaire sur les
�Successions, t.
3 , p.
7 0 g , a pensé que si des contestations réelles
et sérieuses s’étaient éleyées relativement aux droits respectifs des
prétendants à la succession , sur la quotité de la portion qui doit ap
partenir à chacun, sur la validité des dons et legs, sur l’obligation
ou la dispense du rapp ort, l’acte par lequel on aurait traité sur tou
tes ces questions, et réglé les droits de tous par une attribution spé
ciale de biens déterminés, devrait être considéré comme une tran
saction , et produire tous les effets attachés à la nature de ce contrat.
Mais cette opinion contraire à la définition du partage, qui est
l ’acte qui fait cesser l’indivision, quel que soit le nom q u ’on lui
donne, et la forme adoptée pour y parvenir, est repoussée par B e leurie, t.
3 , p. 455. Tout premier acte entre
cohéritiers, dit-il, est
considéré comme un partage , et résoluble dans les mêmes cas , de
quelque nature et gravité q u ’aient été les difficultés qui s’élevaient
entre les coparlageants. M. Yazeille combat victorieusement l’opi
nion de Chabot. À ses y e u x , la transaction ne peut rester ferme que
lorsqu’elle est isolée et distincte du partage , soit en nature , soit par
attribution. S ’il y a confusion, la rescision du partage doit emporter
la nullité de la transaction. {Com . sur les Succrss. t p.
o.)
54
C ’est dans ce dernier sens que s’est prononcée la Cour de cassa
tion. Après plusieurs difficultés et môme plusieurs jugements sur le
partage de la communauté dissoute par la séparation de c o r p s , les
époux Ramonet firent, le 6 juin 1 8 2 5 , une transaction par laquelle
le mari s’engage, pour terminer toute contestation, à payer à sa
femme une somme de 80,000 francs. Au moyen du payement de
cette somme, ¡1 devait rester seul propriétaire de tout l’actif de la
communauté. Sur la demande en rescision de cet acte , formée par
la dame Ramonet, la Cour d ’Aix jugea q u ’à raison des questions
épineuses, des difficultés réelles qui s’étaient éleyées entre les par
ties, le traite du 6 juin 1825 avait tous les caractères d ’une vérir
*able transaction. Mais sur le pourvoi dirigé contre cet arrêt , la
Cour suprême en prononça la cassation par les motifs suivants :
• Considérant, en droit, que la loi déclare tout premier acte passé
�-
2i -
enlre cohéritiers on communistes, rescindable dans les cas p révus,
lorsque cet acte fait cesser l’indivision, quand même cet acle serait
qualifié transaction ;
''
’'
’
*
s Considérant que la loi ne distingue pas des autres cas ceux
où il existerait des difficultés graves et réelles, môme des procédures
et jugements antérieurs ;
» Considérant, en fait, que l’acte du 6 juin 1825 est un premier
acte entre les deux communistes; que cet acte a eu pour objet de
faire cesser l’indivision enlre eux, et qu’il avait en effet opéré le par
tage par attribution à forfait d ’une partie de l ’actif de la commu
nauté. » ( Cour de cassation, 12 août 18 2 9 ; D . 1829 , p.
332. )
On
peut encore citer, dans le môme Sens, un arrêt de la Cour de Pau ,
du 12 janvier 1826. (D . 1 8 2 6 , p. 114 .)
Toutefois, une sage distinction a été faite : il peut arriver q u ’avant
de déterminer la part afférente à un cohéritier ou à tout autre co
propriétaire, il soit nécessaire de régler des difficultés préalables ,
dont la gravité ou les chances incertaines sont de nature à engager
les parties à une transaction. Dans ce cas, l’acte peut alors réunir le
double caractère de transaction et de partage. Toutes les questions
qui se rattachent à la qualité des parties, à l ’étendue de leurs droits,
à l’appréciation des actes qu ’elles s’opposent mutuellement, sont ir
révocablement jugées par le traité qui intervient ; mais ensuite le rè
glement qui est fait en conséquence du droit reconnu de la quotité
déterminée, est un partage véritable, susceptible de rescision, si
l’un des copartageants n’a pas obtenu tout ce q u ’il devait avoir d ’a
près les bases adoptées.
Cette distinction est enseignée par M. Chabot lui-même comme
modification à l’opinion q u ’il vient d’ém ettre; il ajoute : « Mais il
s est bien important de remarquer que l’acte ne peut être considéré
; comme transaction, et non comme un simple partage, que dans
» le cas seulement où les contestations et les difficultés sur lesquel> les il'à été transigé étaient rée lle s, étaient sérieuses, et présen» taient des questions dont la solution pouvait être incertaine.........
�—
25
—
» 11 faut ajouter que même dans le cas d ’une transaction réelle.,.si,
» on avait fixé d ’abord la quotité de la portion que devait avoir cha» cun des héritiers, et q u e , d’après cette fixation, il eût été procédé
» au partage de la masse, celui des héritiers qui n’aurait pas eU|Ia
» totalité de la portion déterminée, et qui éprouverait à cet égard
» une lésion , serait encore fondé à se pourvoir en rescision. L ’acte
» vaudrait bien comme transaction quant à la fixation de la quotité
» des parts pour chacun des héritiers; sons ce rapport il ne pourrait
» être attaqué : chacun des héritiers ne pourrait réclamer que la
» quotité qui a été réglée ; mais s i , dans la distribution des parts ,
» un des héritiers avait eu moins des trois quarts de la quotité qui
» devait lui revenir d ’après les bases adoptées, il aurait le droit de
» se pourvoir contre l’opération du partage, sans toucher aux autres
» conventions ; l’acte, dans ce cas, ayant deux parties très-distinctes ,
» la transaction sur la fixation de la quotité, et le partage qui aurait
» déterminé chaque part séparément. » ( Chabot, Comment, sur les
Success. , p. 7 11 et suiv.)
Cette distinction est approuvée par MM. Duranton (Coursde droit
français, t. y , n°
o) ; et Yazeille ( Comm. sur les Succ. , p.
o).
£11 e est consacrée par un arrêt de la Cour de Nîmes, du o juin 1819
58
( D . 1 8 2 1 , p.
54
3
35 ) ; et par un arrêt de la Cour d ’Amiens,
du 10 mars*
1 8 2 1 { D . 18 23 , p. 1 1/| ).
Ces principes posés, faisons-en l'application à la cause. Comme
nous l’avons fait remarquer dans l ’exposé des faits, les prétendues
questions graves, rée lle s, que les héritiers Gueston mettent en avant
pour donner à l’acte du 12 août 1816 les apparences d ’une transac
tion , n’avaient ni gravité ni réalité.
Ils auraient pu contester l’identité d ’Eléonard comme le fils de
Marie Iîriinét! Pure allégation, ridicule et grossier m ensonge, qui
ne pouvaient faire illusion à personne. L ’acte de dépôt h l’h osp ice ,
1 acte de naissance, 1 acte de remise , la reconnaissance insérée dans
1<‘ contrat de
mariage de Marie B r u n e i, témoignage de son affection
maternelle, protestent contre une si étrange prétention. Qui aurait
4
�cru , sur le dire des héritiers Gueston , q u ’une mère affiche, son
déshonneur, s’impose des sacrifices de tous genres, pour se prêter
à une spéculation aussi immorale? La reconnaissance du sieur Gueslo n , les soins minutieux q u ’il prend pour assurer ît son>fils naturel
les actes et les moyens nécessaires de
conserver son é ta t , ne
viennent-ils pas donner encore un démenti énergique à dés alléga
tions dictées par la cupidité? Enfin, l’acte volontaire contracté par
4
les héritiers Gueston , le 1 janvier
i
8 i 5 , en faveur de Marie Brunct
et de son fils, n ’est-il pas de leur part une reconnaissance positive et
formelle?
Le droit de réserve, disent-ils e n c o r e , était contestable à l’égard
de l’enfant naturel. Sans d o u te , on peut tout contester, même l’é
vidence ; mais celte contestation ne pouvait créer une difficulté sé
rieuse et réelle. Que l’on consulte sur cette question MM. Merlin,
G ren ier, Touliier, Duranton, Loisoau, F avard, Malpel, Dalloz,
Yazeille , Delvineourt, Levasseur ; ils enseignent tous quo l’art. 761
du Code civil attribue à l’enfant naturel un droit de réserve sur les
biens du père ou de la mère qui l ’a reconnu. La jurisprudence des
Cours royales et de la Cour de cassation est également uniforme sur
la solution de cette question.
Mais, ajoutent-ils, ils auraient pu oontester le droit de réduction
pour composer cette réserve sur les biens compris dans la donation
déguisée du \l\ janvier
i
8 i 5 ; mais si l’enfant naturel a une réserve,
s’il doit com p ter, suivant les termes de l’arrêt de la Cour de cassa
tion du 26 juin ¡80 9, comme une fraction d ’enfant légitime, il doit
bien avoir les moyens de l’obtenir; et ces moyens ne doivent pas
être différents de ceux qui ont été organisés par la loi pour complé-.
1er la léserve des enfants légitimes.
Rem arquons, d’ailleurs, que cette question de réduction était
*ans inlluenco sur la détermination de la tutrice, et q u e , sous ce
rapp ort, elle n’a pu rien sacrifier pour éviter les chances d ’uno
discussion judiciaire qui aurait pu tourner contre son pupille. Eu
effet, la question do réduction des immeubles précédemment dun,-»
�nés, n’aurait pu s’agiter que dans le cas où les Liens libres provenant
de la succession du sieur Gueston n’auraient pu faire face aux droits
que la loi attribue à l’enfant naturel. Il est bien sensible que si les
héritiers Gueston avaient voulu y prendre part, ils auraient été
obligés de rapporter ceux q u ’ils avaient antérieurement reçus. Or ,
les biens libres et dont le sieur Gueston n’avait pas disposé, consis
taient: i° dans les cinq sixièmes de lalocaterie de Loulaigue, estimés
dans l’acte du 12 août i 8 i 6 à ........................................... 2,5oo fr.
2° Dans le mobilier du sieur G ueston, porté dans les
inventaires et le traité à........................................................ 4 ^ 9 6
T o t a l ...................................... 75096 fr.
Ces valeurs, malgré la dissimulation qui a été faite de celles énu
8 3 , étaient supérieures à la somme de
mérées dans l’inventaire de p i
3 ,ooo
francs attribuée à Éléonard. La question de réduction était
donc sans intérêt pour l u i , et ne pouvait porter la tutrice h accep
ter une pareille transaction.
M ais, d’ailleurs, est-ce qu ’on peut dire sérieusement que ces pré
tendues difficultés sont entrées pour quelque chose dans le règle
ment des droits d ’Éléonard? Les jurisconsultes consultés avaient ils
sur leur solution laissé à la famille, aux tuteurs, la plus légère incer
titude? IVavaient-ils pas, à l’unanimité, déclaré q u e , sous tous les
rapports, les droits du mineur Gueston étaient à l’abri d ’une contro
verse dangereuse ? Les héritiers Gueston eux-mêmes demandaientils un sacrifice-pour prix de leur renonciation à soulever ces contes
tations , dont ils connaissaient bien
le peu de fondement et de
consistance? Non. Dans l’acte du 12 août 1 8 1 6 , ils proposent3 à
lilrc de transaction, une somme de 3,000 francs supérieure à celle
qui pourrait revenir à l'enfant naturel, en admettant (ce q u i, selon
e u x , pouvait être contesté ) <juc. 1rs diverses questions agitées fussent
résolues en leur faveur, lo u te leur contestations se réduit h une
possibilité indiquée entre deux parenthèses. Loin de se prévaloir de
la ressource d ’un procès injuste pour obtenir une réduction sur
�l'étendue des droits du mineur G ueston, ils offrent, pour le désin
téresser, line somme supérieure à la valeur de son amendement. Ils
reconnaissent d o n c , par cette offre ainsi formulée, q u ’Eléonard est
bien fondé à obtenir au moins sa portion héréditaire dans la suc
cession de son père. Autrement celte supposition de leur part n’au
rait été q u ’un mensonge d ’autant plus coupable, qu’il aurait eu pour
but de tromper un frère mineur
en se donnant les avantages d ’une
apparente générosité.
A u ssi, sans s’inquiéter des prétendues questions graves et sérieuses
que l’on voudrait faire revivre, procède-t-on immédiatement à la
liquidation des droits d'Eléonard. Pour y parvenir, on compose la
succession du sieur Gueston. On récapitule les dettes qui la grèvent,
dans lesquelles on fait figurer 2,900 francs, montant des droits
85
d ’enregistrement de la vente du il\ janvier i o ; il en résulte que
l’actif est réduit à 4 6 ,1 9 6 francs. Sur celte somme , on détermine le
seizième revenant à l ’enfant naturel.
2,887
Ce
seizième est
porté à
fr” 29 c * C ’ est pour remplir Élconard de tous scs droits dans.
la succession du sieur François Gueston, son père naturel, que les
héritiers légitimes s’engagent à lui payer à>sa majorité la somme de
1
3 ,ooo francs.
f t ’est-j’ l pas évident que cet acte a eu pour effet de faire cesser
l ’indivision? ÎN’est-il pas évident que la somme de
3 ,000
francs était
l ’amendement d ’Éléonard dans la succession de son père naturel ? A
l’exceplioi) do la qualification donnée à cette prétendue transaction,
11e remontre-t-on pas dans cet acte tous les éléments, tous les caractères
qui sont propres au partage? Sa forme , son b u t, ses résultats permcttent-ilsde se méprendre sur la nature véritable de celte conven
tion? Si donc Éléonard Gueston avait passé cet acte en majorité,
il pourrait sans contredit en demander la rescision pour cause du
lésion. En démontrant que les 0,000 francs qu ’on lui offre ne sont
pas la sixième partie de ce qui lui revient dans la succession de son
p è r e , nul doute que ses adversaires seraient réduits à l’impuissanco
de combattre cette action. En vain parleraient-ils des difficultés
�i
—
29
—
sérieuses qui s’élevaient au moment où le traité'à élé passé; ii leur
répondrait victorieusement qu ’elles n’étaient pas s é r i e u s e s ‘qui;
d ’ailleurs elles ont été sans influence sur la fixation de son amende
ment.
11 leur
répondrait, avec la Cour de cassation, queT existency
de contestations réelles justifiées au besoin par des débats judiciaires,
est insignifiante pour déterminer le véritable caractère d ’une tran
saction ou d ’un partage ; q u ’il suffit que ce soit un premier acte
intervenu entre des communistes sur des biens indivis, pour qu’il
soit considéré par la justice comme un véritable partage, malgré la
dénomination que lui ont donnée les parties.
Il
leur dirait, au besoin , que si la renonciation des héritiers
Gueston à contester son droit, et la renonciation de la part de la
tutrice à se prévaloir de la promesse du 14 février, peuvent consti
tuer une transaction définitive, il n’en est pas de môme du règle
m ent, qui avait pour objet de lui attribuer auimoins le seizième de
la succession de son père. A l’aide de la distinction émise par MM.
Chabot, Duranton et Vazeillé, il leur répliquerait : Cet acte alors
renferme deux parties distinctes : d ’une part, la (reconnaissance de
mes droits, la fixation de mon amendement , l’abandon par ma
mère de ses prétentions à la somme de 2,000 francs que vous lui
aviez volontairement promise , forment, si vous le v o u le z , un traité
irrévocable; j’admets avec vous que l’on ne puisse pas faire revivre»
ces prétendues question^ préliminaires dont la solution est restée
complètement indépendante de mes droits; mais il:n’en est pas de
même de la seconde partie de cet acte , dans laquelle une somme de
3 ,ooo francs est promise pour tenir lieu de
tons mes droits dans la
succession de mon père naturel. Cette attribution, qui est calculée
sur mon amendement, est le lot que vous m’avez fait; elle n’a eu
d autre but que de faire cesser l’indivision. Dans l’intention com
mune des parties contractantes, il est bien certain q u e lle devait re
présenter le Seizième qui me revenait. Son règlement a été déter
miné d ’après les forces actives et passives de la succession et d ’après
1étendue
et la quolilé de mes droits comme enfant naturel. C e lle
�seconde partie de l’a c te , entièrement indépendante des autres dis
positions, est donc un partage soumis àitoutes les règles, à tontes
les conditions résolutoires des conventions de cetteinature. Eh bien !
je demande à prouver que',cette fixation à
3 ,ooo
francs que vous
disiez dépasser m o n 'a m e n d e m e n t, est une fixation mensongère et
décevante : je demande à prouver que je n’ai pas été lésé d ’un quart,
mais de plus des cinq sixièmes. La loi, l’é q u i t é , la nature des con
ventions se réunissent pour justifier ma réclamation.
Les conséquences légales qui dérivent des principes que nous ve
nons d ’établir sont faciles à tirer. L ’action en rescision que le sieur
Gueston serait fondé à introduire , dans le cas où il aurait passé en
majorité le traité du 12 août, ne pourrait être accueillie que parce
q u ’aux yeux de la justice cet iacte serait un véritable partage. C a r ,
aux termes de l’art. 2 o 5 2 , il serait, . comme transaction, à l’abri de
tout grief de lésion. L e caractère de cet acte une<fois légalement
fixé, ne peut pas changer; il'doit rester le même dans toutes les h y
pothèses; et la minorité d ’EIéonard, loin d ’être une raison de le dé
naturer, est au contraire une considération puissante, qui doit en
gager les magistrats à lui conserver sa véritable physionomie.
Comme partage, le traité du 12 août, malgré l’intervention de la
justice , et les formalités qui ont été remplies, est sans valeur, ou du
moins ne peut produire que des elTets.’ provisoires. Aux termes de
l’art. 466 duiCode c iv il, pour obtenir, à l’égard du mineur, tous les
effets q u ’il aurait entre majeurs, le partage doit être fait en justice ,
et précédé d ’une estimation faite par experts nommés par le tribunal
du lieu de l’ouverture de la succession. Les experts do iv en t, après
avoir prêté serment, pro cédera la division des héritages et à la for
mation des lots, qui sont tirés au sort. Tout autre partage est consi
déré seulement comme provisionnel. Les mêmes dispositions! sont
reproduites dans l’nrt. 8/|0. Dans sa sollicitude pour le mineur,'dont
les intérêts peuvent être si facilement compromis par des cohéritiers
cupides, des tuteurs inhabiles ou infidèles, le législateur a multiplié
les précautions qui doivent lui servir de garantie. l\on-seulemcnt la
�—
jl
—
justice est chargée de.veiller, mais encore elle doit êtreiéclairée par
des hommes dont les études spéciales lui font connaître d ’une ma
nière certaine la valeur et la consistance des immeubles.:¡Trois ex
perts choisis par le tribunal du lieu doTottvérture de lafsuccession ,'
après un serment quilenehaînHéuricdnsciencey sont tenus d ’estimer
les biens , et de faire connaître les bases de léiir estimation ; et y dans
la crainte encore que celte estimation soit vicieuse ou erro n é e , la
loi pousse plus loin sa sage prévoyance1: elle rejette toute combinai'
sou par voie d'attribution qui pourrait être iunq'occasion de dom
mage pour le m ineur; elle veut que devantttti’ mènibrc du tribunal:,f
ou devant un fonctionnaire public désigné iti'cét 'effetvles lois soient
tirés au s o r t , afin que l’incertitude d e 'ce litage sbit"utle"te'conimandation efficace auprès des experts et môme dos parties majeures, de
se conformer à la plus scrupuleuse égalité. :l
•
Toutes ces garanties ont manqué au mineur Gueston. Peuventelles être remplacées par l’avis d ’un conseil de famille composé d eirangers q u ’aucun lien d ’affection ne rattachait à un enfant de dixhuit mois, et qui déclarent que des biens situés dans un autre
arrondissement, et qu ’ils n’avaient même jamais vus, sont estimés
au-dessus de leur valeur, sur une indication sommaire et incomplète !
C ’est cependant le seul document qui’ ait été fourni à la justice. Les
honorables jurisconsultes qui ont été appelés à rédiger la consulta
tion , n’ont pas dû s’occuper de la valeur réelle des biens : leur mis*
sion se bornait à: examiner quelle était, en d roit, la quotité de
I amendement du m ineur, et si les actes qui servaient de fondement
à la demande en partage projetée par la tutrice, étaient réguliers. Sur
toutes ces questions, ils ont été unanimes pourldécider que les in
térêts du mineur étaient à l'abri de toute contestation. Mais, quant
a la valeur des, biens, qui leur élail entièrement inconnue, ils ont
déclaré s’en remettro a l’opinion exprimée- par le conseil de famille,
be tribunal lui-même, toul en homologuant la prétendue transaction,
II a pris aucune mesure préalable pour s’assurer légalement de la
consistance et de la valeur de la fortune immobilière du sieur G ués-
�ton.-L’omission de ces formalités importantes , et dont l’accomplis
sement est indispensable pour donner une valeur définitive au par
tage qui, in t é r e s s e r a m in e u r, né permet pas de regarder comme
irrévocable leiréglement arrOlé par le traité d u -¡12[août ¿816.1 Tout
au plus p e u t - a n lui faire produire les effets d ’un partage provisoire,
qui
mettrait ¡ le s h é r i t ie r s Gueston à l’abri d ’une restitution de!
jouissances perçues pendant plus dé vingt ans au détriment du mi-i
neur. Mais consacrer la spoliation dont se plaint Eléonard, décider,'
au t mépris des dispositions les-.plus formelles de la lo i, que ce
traité qui lui' est étranger, consommé par uneLtutrice ignorante,
illétrée ; par ùu co-tuteur soumis à l'influence des héritiers Gueston ,
a pu le lier pour toujours et lui interdire une nouvelle action en
partage, serait une monstruosité que la justice ne sanctionnera
jamais. E h ! comment pourrait-elle s y résigner, lorsqu’elle est spé
cialement chargée du soin de protéger les intérêts sacrés du mineur ;
lorsque toutes les dispositions de notre Code» témoignent de la
sollicitude éclairée du législateur, qui'; par toutes les voies possibles ;
a voulu lui fournir les moyens d ’obtenir la réparation des illégalités
ou des injustices dont il aurait été la victime? En e f fe t , pour le
inineur, il n ’y aipas de contrat qui puisse lui causer préjudice. La
simple lésion suffit pour q u ’il soit fondé à obtenir la rescision des
conventions qui auraient été passées en son nom , malgré toutes les
précautions et toutes les formalités dont on aurait pris soin de les
35
environner. L ’article i o
du Code civil porte : La simple lésion
donne lieu à la rescision en faveur du mineur non émancipé.contre}
toutes sortes de conventions. Cette disposition ne s’applique pas aux
contrats passés par le.mineur seul ; car ils seraient frappés de nullité
à raison de son incapacité personnelle; elle est spéciale aux conven
tions qui auraient obligé le mineur malgré son incapacité, c ’est-àdire , à celles passées par,le tuteur dans les limites de ses pouvoirs,
avec le concours du co n se il, lorsque son intervention est nécessaire ,
et l’autorisât ion de la justice, lorsqu’élle.'fst exigée p a rla loi. Quant
53
à c<ilie,v- ci » 'J’article 1 o
2
ne distingue p a s , i l s’applique i toutes
�sortes de conventions d ’une'manière générale, absolue. C’est dans ce
sens que cette disposition a été interprétée par M. Merlin : <? Il
» importe peu , dit-il, que les transactions avec un mineur aient été
» homologuées par la justice après toutes les formalités prescrites
» par l’article 467 , ce n ’est qu’à l’égard des aliénations d’immeubles,
» ou des partagés de successions, que l’article 1
314 ferme aux mi-
» neurs la voie de la rescision , lorsque les formalités requises à rai» son de la faiblesse de leur âge ont été remplies ; les transactions
35
» restent sous l’empire de la règle générale qu ’établit l’art. i o . »
( M erlin3 Rrp., v. Transaction, § Y , n°
8 . ) Cette opinion est égale
ment professée par M. Toullier.
Il
resterait donc à Eléonard la ressource de faire rescinder pour
simple lésion l'acte du 12 août, s’il était possible de le considérer
comme une transaction dans toutes ses parties; mais celte ressource
subsidiaire et incomplète serait loin de réparer le préjudice qu’il a
souffert: fort de son bon droit, convaincu que malgré lafausse qualifi
cation donnée au traité du i 2 a ô u t , la justice ne peut en mécon
naître le caractère, le but et la p o rté e , il persiste à réclamer
l'intégralité de ses droits, et à demander q u ’on lui attribue la part qui
lui revient dans l'héritage paternel.
Le tribunal de première instance, dont la décision est empreinte
d un caractère remarquable de sagesse et de circonspection, a consacré
ces principes par le jugement q u ’il a rendu. Il n ’est p e u t-ê tr e pas
inutile de remettre sous les yeux de la Cour les motifs principaux de
cette décision, sauf à examiner ensuite le mérite de deux considé
rants dont on a fait une critique particulière:
« Attendu que l’acte du 12 août i 8 i 6 ,b i e n q u ’il soitqualifié tran
saction , équivaut à un partage à l’égard de Canu , puisqu’il en pro
duit tous les effets pour lui ;
» Q11 il conlient, en effet, l’énumération des biens formant la tota
lité de la succession de l'rançois G ueston, leur
estimation,
la
composition de la niasse, la liquidation de la succession, enfin la
determination de la quotité revenant à Cauu , en sa qualité d ’enfant
�34
-
naturel, laquelle y est fixée à un seizièm e, par suite de la réduction
opérée par l’exercice de scs droits -, de la donation déguisée du 14
8 i 5 ; qu ’il contient évaluation de celte qu o tité àu n e somme
peu inférieure à 3 , 00a f r . , et portée ensuite à la somme de
janvier î
un
3,ooo fr. pour désintéresser complètement C a n u , et pour ( est-il dit
dans l’acte) tous les droits que peut prétendre Eléonard Canu dans
la succession de François Gueston ; d ’où il suit qüe cet acte ren
ferme tous les éléments d ’un partage , qu ’il en a , en outre , le carac
tère essentiel et distinctif , celui de faire cesser l’indivision ;
» Q u ’enfin, s’il pouvait exister quelque doute sur ce point de doc
trine et de d roit, il serait levé textuellement par l ’article 888 du
Code c i v i l, disposition dans laquelle le législateur, par une sagesse
remarquable, évite avec un soin évident de se servir du mot partage,
et dit : Tout acte ayant pour objet de faire cesser l’indivision , encore
q u ’il fût qualiûé de v e n te , d ’échange et de transaction, ou de toute
autre manière;
?
» Attendu qu ’en matière de partage intéressant dès m ineurs, la
loi a établi des règles et déterminé des formes spéciales dont elle
prescrit l’observation rigoureuse, sous peine de ne laisser à l’acte
dans lequel elles n’auraient pas été scrupuleusement observées, que
le simple caractère et la seule force d ’un partage purement provi
sionnel ;
» Attendu que si quelques monuments de jurisprudence
con
sacrent la validité d ’un partage par voie de transaction entre ma
jeurs et mineuis, môme avec attribution de part ( arrêt de rejet,
(Jour de cassation j du
3o
aôut 18 1
5 ),
on doit y signaler que le
partage élail alors attaqué par les majeurs, tandis que l’inobserva
tion des articles/jGo 840 du Code civil ne peut être invoquée que
pur les mineurs;
>
2” Que les biens avaient été estimés en justice , et que celte
seconde garantie des intérêts protégés du mineur manque dans les*
pècc dont il s’agit ;
�» D ’où il suit que cet acte du 12 août 1816 V' q u i ’ sert dé base à
la demande, est nul en tant qu ’il détermine d ’une manière définitive
la part afférente à» Canu comme enfant naturel’, et qu’il fait cesser
pour lu i, l’indivision dans la succession de François Gueston. » '
Des raisons aussi logiques n’ont pas besoin de justification.’ Les
héritiers Gueston n’ont pas cherché à les combattre autrement
q u ’en déplaçant la question, et en dénaturant le véritable caractère
du traité de 1816. Ont-ils été plus heureux dans les critiques de
détail qu’ils ont faites de deux considérants, dans lesquels ils ont cru
voir des erreurs de droit et des contradictions manifestes. Il nous
sera facile de montrer que dans le jugement du tribunal de Mou
lins , il n’y a ni erreur de droit, ni contradictions, et que toutes ses
dispositions s’enchaînent, se coordonnent, et répondent victorieu
sement aux objections des héritiers Gueston.
Nos adversaires, dans leur m ém oire, ont cherché à éluder l’ap-'
plication de l'article 888 du Code civil : ils ont voulu se placer sous
la protection de l’article 88g qui porte : * L ’action en rescision n’est
» pas admise contre une vente de droits successifs faite sans fraude
» à l’un des cohéritiers à ses risques et périls, par ses autres co » héritiers ou par l’un d ’eux. Ainsi, disent-ils, les droits de Canu
» supposés certains, sa qualité reconnue , le traité sur ces droits par
» un majeur, moyennant une somme G xe, serait^une véritable
» cession de cette espèce, inattaquable de sa nature, parce que
» c ’est encore sur la quotité et la valeur des droits une sorte d e '
» transaction. »
L emploi de ce moyen était dangereux dans la bouche des héri
tiers Gueston. D ’une p a r t, c ’était considérablement affaiblir le ca
ractère exclusif de transaction que l’on voulait conserver au traité
«le 181G. D un autre côté , présenter cet acte comme une cession de
droits successifs, c était reconnaître qu ’il rentrait'nécessairement
dans la catégorie des actes qui font cesser l’indivision , et dont s'oc
cupe l’art. 888, si l’on n’établissait pas q u ’il fût compris dans l’excep
tion prévue par l’article 88g. Aussi l’habile interprète des intérêts
�—
5G-—
des héritiers Gueston., tont en développant ce moyen avec étendue ,
prend-il la précaution d ’indiquer quç s ’ il aborde,,cette question fort<
inutile, à sa cause, c ’ est uniqiwment parce que Je tribunal l'a mis sur
cette voie. .
h, ,
tL ’objection avait été en effet présentée devant le tribunal de Mou
lins^,et le jugement y répond par les motifs suivants
« Attendu
» que l ’acte du 12 août i 8 i Ü 'n e peut être considéré comme reu» fermant une vente de., droits successifs, lorsque l’on considère
» également le caraclèfe propre ;et distinctif de ce genre d ’aliéna» tion.
*
ft.
v,, . ,
,t, 4.
En effet, le vendeur de droits,successifs ne vend et ne garantit
» que . sa [qualité d ’héritier ou d ’ayant droit ; du ¡reste , il n’eit pas
1» garant de la moindre pu de la plus grande étendue de ses droits ;
p il ne vend que ce qui se .trouve ou peut se trouver dans la suc3 cession : dans l ’acte du 12 août, Canu a vendu nonrseulement des
» droits certains, mais des droits liquidés, déterminés , une quolc
» part enGn, attributive d ’une valeur fixée; en un m o t, le résultat
» d ’un partage préexistant. »
Ces motifs répondent parfaitement à l’argumentation des héritiers
Gueston. Par une exception au principe proclamé par l ’article 888 ,
le législateur déclare qije la vente des droit successifs laite aux ris
ques et périls de l ’acheteur , était à l’abri de l’action, en rescision.
Pourquoi? parce que, dans ce cas, les forces de la succession n’étant
pas connues, les dettes qui la grèvent étant ignorées, il y a pour
les deux parties chances aléatoires dans le contrat qui intervient.«
C ’est, disent Lebrun et P o th ie r , parce que l ’ incertitude sur la quotité
de Ca ctif de la succession et sur la quotité ¡des dettes et des charges,
rend également incertaine la valeur des droits successifs. L e caractère
distinctif de cette convention est d'ailleurs, assigné par l’article 889 ,
qui exige que .la vente soit faite,«!/# risques et périls de l ’acheteur,
c ’e$t-à-dire, suivant l’opinion générale des auteurs, q u ’il reste seul
expressément chargé d ’acquitter toutes les dettes.
D a n i-le traité de 181Ü, trouve-t-pu les éléments d ’un contrat
�aléatoire'.résultant dé l ’incertitude^dans laquelle toutes les" parties!
auraient été sur la quotité des biens et sur la*quotit<*i des dettes et
descharges? Mon : l ’actif est rappelé toutes lesdettessonténumorées ;
nulle part il est indiqué qu ’elles resteront à la charge des.cessionnai*
res; loin dé là , on fait.paÿer au mineur sa part contributive , en re
tranchant ide l’actif de la succession les dettes, qui. la grevaient. C e
n ’est pas une part incertaine., ignorée des parties, et dont-: la con
sistance pCit dépendre d ’un passif inconnu:,» que se fonticéder les
héritiers Gueston , mais un seizième déterminée d ’après les droits
reconnus d’Éléonard, et les forces d e <la succession soigneusement
énumérées.
Le tribunal a donc eu parfaitement raison lorsqu’il a décidé que
le traité du 12 août ne pouvait, sous aucun rapport, être assimilé à
la cession aléatoire dont s’occupe l’article 88g , et que la vente con
sentie au nom d ’Éléonard portait sur des droits certains, liquidés,
déterminés, enfin sur le résultat d ’un partage auquel toutes les par
ties avaient réellement procédé.
Où conduisait d ’ailleurs l’objection? Quand il serait vrai que la
cession consentie au nom d ’Éléonard fût un contrat aléatoire q u i,
par sa nature m ê m e, ne peut jamais être ni autorisé ni consommé
lorsqu’un mineur y est intéressé, elle n’en resterait pas moins une
cession de droits successifs dont la nullité serait évidente. En ellet’,
I aliénation des immeubles appartenant à un .mineur ne peut avoir
lieu qu’après l’accomplissement de nombreuses formalités qui témoi
gnent de la vigilance du législateur. Ces formalités sont indiquées
par les articles
4 ^7 » 4 ^®» ^ 9
Gode civil , g
56 et
suivants du
Code de procédure. Il faut q u ’il y ait nécessité absolue , ou avantage
«•vident reconnu par le conseil de famille et par le tribunal. Il faut,
encore que le subrogé tuteur soit appelé à la vente, q u ’elle soit
précédée d ’aiTichcs , d une estimation préalable par experts , et con
sommée publiquement sur des enchères reçues par un magistrat ou
un notaire. Ces dispositions sont communes à une cession de droits*
successifs, qui comprend nécessairement aliénation d ’immeubles,
�lorsque la succession est principalement immobilière. Sous la forme
d ’une transaction, et en se conformant aux prescriptions de l’article
¿¡G"1 , il n ’est pas plus permis au tuteur de faire un partage.;qu’une
cession de droits successifs qui puisse lier son pupille; autrement
toutes les garanties dont la loi a voulu l’environner lui seraient ravies.
En matière de .transaction, elle a seulement exigé le concours de
trois jurisconsultes, parce que la nature du débat sur lequel une
convention de cette nature est provoquée, exige plutôt l’appréciation
d ’une question de droit que l’appréciation de la consistance et de
la valeur des biens immeubles ; mais toutes les fois que les droits
immobiliers d ’un mineur sont en litige, elle a pris des mesures spé
ciales et plus appropriées à la nature même des droits q u ’il s’agit de
protéger.
11
ne nous reste plus q u ’à justifier le jugement attaqué du reproche
de contradiction que lui adressent les héritiers Gueston. Après avoir
fortement démontré que l’acte de 1816 était un partage réel qui ne
devait produire que des effets provisoires, le tribunal ajoute : « At» tendu que l ’acte dont il s’a g it, contenant transaction sur d ’autres
» points litigieux, les héritiers Gueston pourraient alléguer, peut» être , que l’admission de Canu à prendre part à la succession de
» leur père dans la proportion qui s’y trouve déterminée . n’a été que
» la condition par forme de transaction , de la renonciation de leur
» part à différents droits, et notamment h celui de contester la qua>
» lité d ’enfant naturel. »
• Très-bien ! s’écrient les héritiers Gueston , le tribunal en dit plus
» q u ’il n’en faut pour détruire tout l’effet des précédents motifs; il
» reconnaît que l’acte du )2 août contient transaction sur des points
» litigieux...... ; il reconnaît qu ’un de ces points litigieux était le droit
» de contester à Canu sa qualité d ’onfimt naturel ; d o n c, d ’après le
» jugement lui-même . il y avait contestation , et il v a eu transaction
* sur ce point important, fondamental, en même temps que sur
» d ’autre.'. »
Le tribunal de Moulins avait été saisi par la demande en validité
�—
39
—
<les offres faites par les héritiers Gueston d ’une somme de
3 ,ooo l i . ,
qui devait, selon e u x , désintéresser complètement leur frère natu
rel. Pour déterminer si ces offres étaient suffisantes , il était néces
sairement amené à examiner le caractère définitif que l’on voulait
imprimer au traité de 1 8 1 6 ; mais il n’avait pas à s’occuper du par
tage, qui était pendant devant le tribunal de M ontluçon, dans le
ressort duquel la succession s’était ouverte. Il aurait pu cep en d a n t,
en appréciant toute la portée de l’acte du 12 août, décider que les
héritiers Gueston, en reconnaissant la qualité de leur frère naturel,
en ne conlestant ni'sesdroits à une réserve, ni l’action en réduction
qu’il pouvait form er, et dont le mérite avait été sanctionné par l’avis
des trois jurisconsultes, ne pourraient plus, dans l’avenir, présenter
de pareilles objections; qu e, sous ce rapport, il y avait eu de leur
part renonciation formelle ; que celte renonciation , accompagnée
de la paît de la tutrice de l’abandon des droits que lui conférait l’acte
5
sous seing privé du 14 janvier 18 1 , constituait une transaction qui
devait être respectée par toutes les parties. En le jugeant ainsi , le
tribunal n’aurait pas été en contradiction avec les précédents motifs
q u ’il avait donnés. Suivant la distinction établie par MM. C h a b o t,
Duranton et Y azeille, et d ’après la doctrine des Cours d ’Amiens et
de ¡Nîmes, il aurait pu reconnaître q u e , dans celte partie de l’acte ,
>1 y avait transaction, et dans l’autre partage q u i, à raison de la mi
norité et de l’inaccomplissement des formalités prescrites, devait se
borner à des effets provisoires; et cette décision aurait été logique ,
conséquente; et le tribunal n’aurait pas, en l’adoptant, donné 1111
démenti à 1 interprétation qu ’il avait dé,à faite du règlement de 181 (5.
Mais il 11 est pas allé jusque l à , il a été plus circonspect : après avoir
constate le fait, ¡1 s’est b o rn é , en rejetant la demande eu validité
d o llre s, à faire réserve à toutes les parties de leurs droits respec
tifs, à 1 ellet soit de procéder à un nouveau partage, soit d'exercer
lesdils droits ainsi qu elles aviseront. Les héritiers Gueston peuventils s en plaindre? S ils attachent quelque importance à ces misérables
contestations, libre à eux de les reproduire à leurs risques et périls|;
leur frère naturel 11c les redoute pas.
�-40
-
!
Q u ’on ne dise pas surtout que le tribunal a reconuu q u ’un des
points litigieux était la qualité d ’enfant naturel, et qu ’il y avait con
testation sur ce point important, fondamental. Pour motiver la ré
serve générale faite aux parties, réserve que nos adversaires récla
maient positivement dans leurs conclusions, il dit seulement que les
héritiers Gueston pourraient alléguer peut-être. Certes, traduireainsi
leur prétention, était suffisamment en apprécier la valeur. Jamais,
en e ffe t, les héritiers Gueston n’ont contesté la qualité d ’Eléonard.
Indépendamment des actes nombreux qui l’établissent, eux-mêmes
l’avaient reconnue, soit dans l’acte du 14 janvier i
8 i 5 , soit dans la
délibération du conseil de famille du 12 juin 1 8 1 6 , soit enfin dans
le traité de 1 8 1 6 , où toujours Eléonard est indiqué comme fils na
turel du sieur Gueston. Aussi le tribunal dit-il qu’aucun doute ne
saurait s’élever sur cette qualité d ’enfant naturel du sieur Gueston.
Sous tous ces rapports, les premiers juges ont fait une apprécia
tion exacte et judicieuse des questions qui étaient soumises à leur
examen. L ’erreur involontaire commise parleurs devanciers ne les a
point égarés; ils ont su la réparer au moins pour l’avenir, en lais
sant le passé sous la protection du traité de 1816 et du jugement
qui l’avait homologué. Malgré la fausse qualification donnée à cet
acte , ils lui ont restitué son véritable caractère, révélé par les prin
cipes les plus certains de notre législation , par la nature des conven
tions qu'il renferm e, et les résultats qu ’il était destiné à produire.
La C o u r, dans sa haute sagesse, n ’hésitera pas à donner une nou
velle consécration aux droits imprescriptibles d ’un enfant mineur,
que des cohéritiers malveillants et cupides ont voulu compromettre,
et qu ’une faible fem m e, dominée par leur ascendant, n’a pas su
défendre. Dans cette lutte décisive , elle prêtera son appui tutélaire
à celui que la loi a placé sous sa protection spéciale, et dont les in
térêts ont été l’objet de sa constante sollicitude. L ’arrêt que pom Miit Eléonard, et q u ’il attend avec confiance, doit fixer son avenir.
Jusq.i’à présent, malgré tous les obstacles suscités par le besoin et
la détresse , il est parvenu , secondé par un travail opiniâtre , soutenu
�4
1
par l'intérêt qu’il a su inspirer, à terminer ses études. l ' instruction
qu ’il a r e çu e , et qu ’il donne en échange pour acquitter sa d e tte, lui
permet de suivre une carrière h on o rab le, s' il parvient à recueillir
l’héritage paternel. Toutes ses espérances, tous ses eff orts viendrontils se briser dans le sanctuaire de la ju stice, où il a cherché un
refuge ?
Me L. R O U H E T , Avocat.
Me T A IL H A N D , Avoué-Licencié.
RIOM.— IMPRIMERIE DE E. THIBAUD.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gueston, Eléonard. 1836?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rouher
Tailhand
Subject
The topic of the resource
successions
partage
enfants naturels
coutume du Bourbonnais
exposition
abandon d'enfant
fausse identité
reconnaissance de paternité
transactions
partage
domestiques
conscription
jurisprudence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Eléonard Gueston, précepteur, intimé ; contre Gilbert et Louis-Etienne Gueston, propriétaires ; Françoise Gueston et Jean Causse, son mari, Docteur en médecine ; appelants d'un jugement rendu par le tribunal de Moulins, le 28 avril 1836.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Enfant naturel.
6. lorsqu’après la reconnaissance authentique d’un enfant naturel et le décès du reconnaissant, les héritiers légitimes de ce dernier ont confirmé la reconnaissance, dans un acte passé avec le tuteur autorisé par une délibération du conseil de famille, en admettant l’enfant naturel à l’exercice de ses droits, en cette qualité, dans la succession de leur père, et que, dans cet acte, qualifié transaction, après l’énumération de tous les biens de la succession, leur estimation, la composition de la masse, la liquidation et enfin, la détermination de la quotité revenant à l’enfant naturel avec évaluation d’une somme fixe, on lui abandonne une somme un peu plus forte pour le désintéresser plus complétement et pour tous les droits qu’il peut prétendre dans la succession du défunt ; cet acte bien qu’il ait été homologué en justice, à la diligence du tuteur, et sans contradiction doit-il être considéré comme vente de droits successifs et transaction, ou au contraire comme partage ?
l’enfant naturel après sa majorité, peut-il, en invoquant le véritable caractère de l’acte, s’il a réellement fait cesser l’indivision, et en excipant de ce que les formes prescrites par la loi, pour l’efficacité des partages avec des mineurs, n’ont pas été observées, en demander la nullité, ou la rescision pour cause de lésion, et conclure à un nouveau partage ?
peut-on lui opposer, comme fins de non-recevoir, l’autorité de la chose jugée, résultant, soit de la décision judiciaire qui avait homologué l’acte réglant à une somme fixe ses droits dans la succession de son père naturel ? soit du caractère et des effets de la transaction ayant eu pour objet de trancher, entre parties, des difficultés nombreuses sur la qualité du réclamant, sur le règlement de ses droits, sur les conséquences des libéralités et dispositions antérieures faites à son profit ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1814-1836
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
41 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2806
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2805
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53562/BCU_Factums_G2806.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Montet (03183)
Moulins (03190)
Veaux (domaine des)
Loulaigue (domaine de)
La Faye (domaine de)
Châtillon (03069)
Tronget (03292)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandon d'enfant
conscription
coutume du Bourbonnais
domestiques
enfants naturels
exposition
fausse identité
jurisprudence
partage
reconnaissance de paternité
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53561/BCU_Factums_G2805.pdf
4020a4866c4c888127e012cc3695ef5e
PDF Text
Text
^
iff:
—
COUR R O Y A L E
MÉMOIRE
DE
RIOM.
POUR
PR EM IÈRE c h a m b r e .
G ilb e rt et Louis-Etienne GUESTON, Pro
priétaires; Françoise GUESTON, et JeanPourçain CAUSSE, son mari,
Proprié
taire et Docteur en médecine, Appelans de
jugement rendu par le Tribunal civil de
Moulins, le 28 avril 1 8 3 6 ;
CONTRE
L éonard CANU, Intimé.
D e u x jugemens du tribunal civil de Moulins sont en présence d ans
cette cause ; l'un du 19 août 1816, qui, après l’emploi des fo rm a lités
prescrites par l’art. 467 du Code civil, homologue une t ra n sa ctio n
faite par un tuteur; l'autre t de 1 8 3 6 qui annule cet acte , parce
que , d it-il, c était un partage et non une transaction.
A insi, deux jugemens du m ême tribunal ont différemment qua
lifié l'acte qui fait le fondement du procès : le premier y a reconnu
une transaction et l’a hom ologuée, à une époque où le tribunal était
�*
V
— 2 —
chargé par la loi d ’en examiner les caractères, de le qualifier com m e
il devait l’ê t r e , et de n’y mettre le sceau de son autorité que lors
qu’il aurait reconnu que le mineur avait avantage à transiger ; le se
cond , mettant à l’écart le jugement d ’homologation , et ne voyant
qu’u a simple acte de la juridiction volontaire, en a prononcé la
nullité , à une époque où il semble que , d’après les lois , il n ’avait
aucune autorilé pour examiner les caractères déjà fixés et reconnus
de cet acte, et ne pouvait l’annuler q u ’aulant q u ’il n’aurait pas été
accompagné des formalités prescrites par la loi pour l’espèce d ’acte
qu ’on avait voulu faire, et que le tribunal de
i 8 jG
avait autorisé.
Ce n’est pas la seule erreur de ce jugement.
Léonard Canu réclame une part de succession y comme enfant na
turel du sieur Gueston. O r , en reconnaissant que les droits de l’in
tim é , comme enfant naturel, étaient contestés; que son id e n tité ,
sa qualité, elle-m êm e, était en litige; q u ’en la supposant ré e lle , on
lui contestait, encore, le droit de critiquer des actes passés antérieu
rement et de bonne foi entre le père et ses enfans légitimes , le tri
bunal de Moulins n ’a pas voulu voir une transaction dans le traité
par lequel on-lui accordait une somme de 3 ,ooo fr. pour éviter un
procès sur ces questions graves, q u i , en compromettant les intérêts
desparties, tendaient à accuser, d ’une part, et à justifier, d<^l’a u tre ,
la mémoire du sieur Gueston.
Allant plus loin enco#re , il a décidé que toute transaction, fût-elle
sincère et de bonne fo i, ne pouvait être considérée que comme un
partage, si elle faisait cesser l’indivision; que la cession de droits
successifs, elle-même, perdait son caractère, d ’après l’article 888 du
Code civ il, touLes les fois que le vendeur demeurait garant d ’autre
chose que de sa qualité d ’héritier.
Enfin., et quoique , dans l’espèce , Léonard Canu , pour lequel 011
a a ccep té, avçc autorisation régulière, 3^000 fr. par forme de tran
saction, n\iût garanti, ni la qualité du droit, ni le droit' lui-même ,
ni,la qualité qui lili était contestée, et quoique tout cela résultât du
niêwe î)cto i le tribunal a décidé q u ’on devait y supposer ou y voir
�— 3 —
la vente des droits* certains déterminés 3 et le résultat d’un .partage
préexistant.
S ’arrogeant ainsi nne autorité supérieure à la sienne p r o p r e , et le
droit de contredire ce que lui, ou ses devanciers, avaient fait en 18 16,
il a déclaré nulle la transaction faite avec un mineur ;
Q uoiqu’il y eût matière à transaction , et transaction réelle sur des
points en litige , lesquels portaient sur les fondemens même du
droit prétendu pour le mineur ;
Quoique le besoin et les avantages de cette transaction eussent été
reconnus par un conseil de fam ille, et par trois jurisconsultes nom
més par le procureur du roi ;
Q u o iq u e , enfin , le tribunal co m p étent, le même tribunal, il faut
le dire , alors chargé par la loi d ’apprécier le mérite de cet acte , de
l’autoriser ou de l’empècher , l’eût homologué purement et simple
ment comme transaction, après l’observation de toutes les forma
lités prescrites.
De si graves erreurs devaient être signalées à la haute sagesse de
la C o u r, et nous lui en soumettons l’examen avec confiance. Les
faits et les actes nombreux qui constituent cette cause , les questions
assez piquantes qu’elle fait naître ou apercevoir, nous entraîneront
dans quelques détails. ¡Nous tâcherons de les abréger et de les pré
senter clairement. Elle a d ’ailleurs pour les intimés une importance
morale qui réclame spécialement l’attention.
FAITS.
I'rançois Gueston , père et beau-père des appelans, avait contracté
mariage avec Françoise lîarathon-Desgranges le 14 juin 1790. Ils se
soumirent au régime de la communauté, q u i , d ’ailleurs, à cette
époque , était la loi établie par la Coutume du Bourbonnais. La femme
avait des biens assez considérable^
Françoise Barathon décéda en 1 7 9 6 , l a i s s a n t e s trois enfans en
bas âge. Le m a ri, survivant, ne fit ni inventaire ni acte equipollent,
�— 4 —
et la communauté continua avec ses enfans , conformément à la
Coutume.
François Gueston resta ve u f, dans la force de l ’âge. Ses enfans
n ’ont pas à rechercher si les passions de la jeunesse l ’entraînèrent à
quelques écarts; ils mettraient bien plutôt du prix à couvrir de leur
respect des faiblesses qui ne sont que trop dans la nature, si la nais
sance d'un enfant naturel reconnu par lui à une époque plus recu
lée , et dont l ’origine est encore un mystère, n ’était la cause unique
de ce procès.
Marie Brunet était entrée chez lui assez jeune. Deux fois elle avait
été renvoyée et reprise. Sans nous jeter dans des conjectures, sans
adopter comme vrais des bruits publics plus ou moins vraisem
blables , et dont le souvenir existe encore dans le p a y s , nous nous
arrêterons à des faits matériels résultant des actes qui constituent le
procès , et nous ne remonterons pas plus haut que le fait qui lui a
donné naissance. Nous nous bornerons à dire q u ’après avoir ren
voyé Marie Brunet, une première fois, de son service, en 1808, Fran
çois Gueston la reprit en 1 8 1 0 , et la garda très-peu de temps.
Jusque l à , il n’avait pas manqué de tendresse envers ses enfans;
ils s’empressent de reconnaître qu ’il leur avait donné tous les soins
q u ’exigeait leur âge, et n’avait rien négligé pour leur éducation.
Mais leur retour des pensions dans la maison paternelle , leur âge
plus avancé, leur intelligence plus développ ée, qui pouvaient deve
nir un peu gênans pour lui ; enfin , l’approche de leur majorité , au
moins celle du fils aîné, qui faisait apercevoir la possibilité qu ’il eût,
bientôt, à rendre un compte de tutelle et de communauté, ame
nèrent chez lui quelques inquiétudes qui changèrent sa manière
d ’être envers ses enfans. Les moindres ch ose s, leur seule présence
lui faisait ombrage ; et en certains momens, où son esprit ne pouvait
pas être c a lm e , il allait jusqu’à menacer de faire disparaître sa for
tune , q u i, d isa it-il, lui apparjenait d ’autant plus exclusivement
qu ’elle était le fr& t de son industrie.
I ù n 8 i a , le fils aîné, devenu majeur, fut effrayé de cet état de choses.
�— 5 —
Il pensa à réclamer ses droits ; mais les menaces q u ’il avait enten
dues , l’empire qu ’on exerçait sur son père , la facilité qu ’on avait
d’influencer, surtout dans certains niomens, un homme qui autre
fois était un exemple de re te n u e , lui firent craindre que s il formait
une demande sans autre précaution, sa fortune mobilière ne disparût
d ’un coup de main. Copropriétaire par suite de la continuation de
communauté , il requit une apposition de scellés. Cette démarche
un peu bru sq u e , peut-être, à raison de sa qualité de fils, dut empi
rer la situation respective.
Au commencement de i 8 i 4 > Marie Brunet demeurait au Montetaux-Moines; elle y avait fait connaissance avec Gilbert Fratissier,
qu’elle épousa plus tard. Dans le cours de la même année , elle ren
tra chez le sieur Gueston. Â.lors elle était en ce in te , c ’est un fait po
sitif, soit que l’enfant dont elle accoucha plus tard fû t , en réalité,
Léonard C anu, dont la naissance fut constatée le 23 octobre 1 8 1 4 *
ou que son enfant fût né mort à une date différente , comme on le
croyait dans le pays. Quoi q u ’il en soit, les î g et 23 octobre, deux
actes indiquèrent légalement la naissance d’un enfant dont l ’origine
fut laissée dans les ténèbres.
Sur le registre matricule des enfans trouvés de l’hôpital-général
de Moulins, ou trouve cette insertion :
« IS'° 797. Léonard C a n u , apporté au berceau le 19 octobre 1 8 1 4 ,
» âgé d ’ un jo u r , confié le 19 dit h Françoise L o m e t, femme de Jean
» ll é n a u d , commune de Trévol. »
Et sur le registre double des naissances de la ville de. Moulins ,
pour 1 8 1 4 * on tro u ve , à la date du 23 o c to b r e , un acte qui constate
q u e , ce jour-là m ê m e, 23 octobre, Catherine ll i b i e r , préposée de
l’hôpital-général, a présenté un enfant nommé Léonard C a n u , dgé
d un jo u r , trouve exposé dans le berceau dudit hospice ; en sorte
que ce serait le infime enfant qui était âgé d ’un jour le 19 , et envoyé
le i g à l r e v o l , qui est présenté à la mairie de Moulins le 2 0 , comme
âgé d ’ un jour.
Nous oc relevons cette circonstance que comme étant le commen-
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cernent des singularités qui ont accompagné tous les actes dont ce
Léonard Canu a été l’objet. Au reste, on y remarque que cet en
fant n ’est reconnu par personne ; q u ’il a été exposé sans aucune
marque distinctive , comme le dit le procès verbal. S ’il était l’enfant
de Marie Bru net ; s i , ce qui était bien plus douteux encore , il était
celui de François G ueston, il faut convenir que ce prétendu père
n’avait pas eu la pensée de le réclamer un jour. L e procès v e r b a l,
en indiquant minutieusement tout ce qui avait été trouvé sur l ’enjfant : un drapeau, une bourrasse, une chemise 3 une brassière et deux
bonnets t sans autres marques distinctives qui puissent donner des renseignemens sur sa naissance, démontre que le nom Léonard Canu
ne lui avait été donné q u ’à l’hospice ; en sorte q u ’il ne restait aux
véritables parens de cet enfant aucun moyen de le reconnaître parmi
ceux qui pouvaient avoir été déposés à la même époque.
Peu de temps après, et au mois de janvier 1 8 1 5 , nous trouvons
des actes qu ’il faut nécessairement connaître, et surtout bien ap
précier. Que Léonard Canu fût l’enfant de Marie B run et, ou qu ’elle
l ’eût supposé ; qu’il fût le produit des œuvres du sieur Gueston , ou
de tout a u tre , il est certain, il est notoire dans le p a y s , que le sieur
Gueston était vivement persécuté par Marie B r u n e t, pour en obtenir
quelque chose; q u ’il y avait eu entre eux des scènes violentes ( on le
prouverait au b e so in ); q u ’enfin le sieur Gueston avait fini par aper
cevoir qu'on l ’irritait mal à propos, q u ’on l’entretenait dans de
fausses et déplorables démarches contre ses enfans, et q u ’en deve
nant injuste à leur égard, il s’éloignait pour lui-mcrne de tout ce
qui fait le bonheur de la v i e , en se laissant captiver par Marie Bru
net. 11 sentit le besoin de sc défendre et des violences et des sé
ductions qui l ’entouraient.
Au mois de septembre 1 8 1 4 • H avait acheté du sieur Renaud de
B o i s r e n a u d la propriété de Sciauve. Il n ’en avait pas payé le prix
(4 8 ,oo o fr. ) , et le devait en totalité; il ne p o u v a it pas le payer avec
ses ressources personnelles, surtout à la compagnie de Marie Bru
net. Le i 4 janvier i 8 i 5 , il en lit la vente à ses enfans, en même
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temps que (le ses autres biens. Les deux frères majeurs y assistèrent
Françoise Gueston, leur sœur, mineure émancipée, e t , se P5Uj¿atlt
torts pour elle, promirent sa ratification à sa majorité. La vemfe fut
laite moyennant certaines réserves de jouissance, pour la vie du
vendeur, et à la charge de p ay e r, 1*48,000 francs au sieur de
Boisrenaud et les intérêts depuis l’acquisition; 2° 10,000 fr. au sieur
Alibert; 3° 3,ooo fr. de pension viagère au vendeur, et sa provision
de bois à brûler. E n fin , le sieur Gueston y impose à ses enfans une
condition que nous devons transcrire littéralement.
« A la condition très-expresse que lesdits biens cédés seront par» tagés avec ceux de la mère des acquéreurs , et ce par égalité entre
» ses trois enfans; qu ’à cet effet, il en sera fait trois lots les plus
» justes et les plus égaux possibles , de manière que les deux lots qui
» comprendront, l’ un, le château et la réserve de Sciauve; et l ’autre,
» la terre des S a lles, seront attribués aux deux garçons, vo ulan t,
» ledit sieur Gueston p è r e , que si l’un des enfans contrevient à cette
» clause, et q u e , dans l’année de la majorité de sa demoiselle, ses
» enfans ne lui rapportent pas l’acte de partage portant attribution
» des deux lots ci-dessus, le présent demeurera nul et non avenu ;
» e t , dans ce cas, ledit sieur François Gueston dispose au préjudice
» du contrevenant à cette clause, et au profit des non contrevenans,
» de la portion disponible de ses b ien s, en meilleure forme que
» donation puisse valoir, la présente clause étant acceptée par ses
» enfans. *
On voit parfaitement ici le but et 1esprit de cet acte. L e sieur
Gueston voulait transmettre à ses enfans une propriété dont il devait
le prix et qu’il ne pouvait pas payer; il voulait qu ’ils acquittassent,
pour lui, une somme de 10,000 francs ù un, tiers; enfin, il voulait
faire entre eux une sorte de partage et attribution de lo ts, autant,
cependant, que pouvaient le permettre les conditions onéreuses q u ’il
leur im posait, et qui ôtaient h sa disposition le caractère de pure
libéralité. Il faisait, d ailleurs, cette disposition entre scs■
enfans, ses
deux garçons, sa fiUc» comme u a homme qui n’avait pas d ’autre
�— 8 —
enfant ayant droit à une réserv e, ni qui pût porter la moindre at
teints à la distribution q u ’il faisait de sa fortune. Il ne connaissait
pas
en effet , il ne pouvait pas connaître Léonard Canu , cet
enfant exposé au bac de l’hospice de Moulins, à une grande dis
tance de son dom icile, sans aucune marque distinctive, et sans que
rien pût lui indiquer qu ’il était le sien ni même celui de Marie Bru
net. S ’il fallait d ’ailleurs s’en référer aux bruits qui coururent alors,
Marie Brunet se serait accouchée sur les lieux et non pas à Moulins ;
l’accouchement aurait eu lieu à une époque postérieure au 18 oc
tobre ; enfin, elle aurait mis au monde un enfant m o r t- n é , ou né
m o rt, et non Léonard C a n u , vivant depuis le 18 ou le 23 o c to b r e ,
comme on voudra. Il ne faut donc pas s’étonner que le sieur Gueslon ne pût ni ne voulût le reconnaître. D ’ailleurs, l ’ acte du i 4 jan
vier est reçu par le sieur Boucaumont-Marzat, notaire de la famille,
au château de Sciauve, avec tous les caractères de l’authenticité.
Toutefois, placé dans cette position difficile d ’un homme qui a ,
d ’un côté , ses onfans légitimes pour lesquels il éprouve le sentiment
du père de fam ille, e t , de l ’autre, une personne du sexe vers la
quelle il a été entraîné par son isolem ent, et qui exerce encore sur
lui une sorte d’e m p ire, il ne p ut, en rendant justice à ses enfans , et
en se mettant lui-même dans l’heureuse impossibilité de les priver
de sa fortune, se défendre de subir et de leur imposer quelqnes co n
ditions. Ici se présente un fait que nous ne devons pas laisser ignorer.
Trois jours avant cet a cte, et le 11 du même mois de ja n v ier,
Marie Brunet s’était présentée à l’hospice de Moulins; elle y avait
réclamé Léonard Canu comme étant son enfant, et il lui avait été
remis par une sœur de l’hospice. Rien n ’était plus facile : l'adminis
tration publique comme celle de l’hospice y trouvaient tout h la fois
l ’intérêt de l’enfant et le le u r ; celui de l ’enfant, puisque, obligé q u ’on
était de le livrer àdes mains mercenaires, une femme qui se présentait
comme sa mère était préférable; l’intérêt de l’administration, puis
q u ’elle était déchargée des frais de nourriture , d ’entretien et d ’édu
cation. On sait, d ’ailleürs) combien l’administratiou prcnd de soins
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pour connaître les parens qui font déposer des enfans 'au berceau
des hospices, et pour les forcer à les reprendre. A plus forte raison
autorise-t-elle à les leur remettre , lorsqu’ils se présentent d’euxmêmes, et que ce no sont pas des gens sans aveu. La commission
administrative de l’hospice n’avait donc pas dû hésiter, sans avoir b e
soin de demander à Marie Brunet des preuves de son assertion.
Celle-ci avait pu , au surplus, choisir cet enfant comme tout autre
parmi ceux déposés satis aucune marque distinctive ; et si, en géné
ral , il y a beaucoup plus de ceux qui cherchent à se débarrasser de
ces fruits du libertinage que de ceux qui cherchent à se les appro
p rier, il n’est pas sans exemple q u ’ils deviennent un objet de spécu
lation. Cela put arriver dans l ’espèce; et nous verrons, par la suite
des faits, qu ’on en eut la p en sée, et qu ’on en éleva la question lors
de la transaction qui a donné lieu au procès.
Si Léonard Canu était l’enfant de Marie B r u n e t , il y avait quel
que chose d’extraordinaire à le lui voir retirer de l’hospice moins
de trois mois après l’y avoir déposé; aussi pensait-on généralement,
alors , qu ’elle avait pris un enfant à l’hospice pour s’en faire un
moyen à l’égard du sieur Gueston. 11 y avait quelque chose d’ingé
nieux à cette manœuvre pendant qu’on préparait les élémens de
l’acte ; et c ’était une adroite diversion, au moment même où il allait
être consommé, que de jeter au milieu de ces négociations un enfant
que Marie Brunet s’appropriait. 11 servait merveilleusement scs vues
en embarrassant le sieur Gueston de sa présence en même temps
que de ses réclamations. Quoi qu ’il en soit, le même jo ur, i 4 jan
vier, les enfans donnaient la déclaration suivante :
« Nous soussignés, Gilbert etLouis-Llienne G ueston, demeurant
» dans la commune de Meillet, et demoiselle Françoise G ueston,
® dememant en la commune de Saint-IIj'laire , reconnaissons devoir
» à M arie Brunett hlle majeure , demeurant en la commune de
» M urât, la somme de deux mille lrancs pour elle et son enfant na» tu re l, seulem ent, aux conditions ci-après, et ce par pur don et
• » par forme de récompense de ses services, pour laquelle somme
2
�— 10 —
» nous sommes convenus de lui servir et faire une pension viagère
» de trois cents francs, tant à sou profit q u ’au profit de Léonard Canu,
» son fils n a tu re l, né le 18 octobre 1 8 14 > lequel elle a retiré de
» l'hospice, le i l janvier présent mots, avec convention que si ledit
» enfant parvient à la g e de d ix - h u it a n s , ladite pension cessera
» d’avoir lieu sur la tète de Marie B r u n e t, et appartiendra en totalité
* raudit Léonard C anu, auquel cas nous nous obligeons de la payer ;
» mais s’il décède sans s’établir, après les dix-huit a n s, et que Marie
» Brunet, sa m è r e , vive, nous nous obligeons de continuer ladite rente
» sur la tête de M arie Brunet ju sq u ’ à son décès............ « Cette décla
ration est ensuite approuvée par les trois enfans, quoique écrite d ’ au
tre main.
11 n ’est pas difficile de découvrir la pensée qui a présidé à cet
acte. Ou on n’ose pas demander au sieur Gueston qu ’il reconnaisse
cet enfant dont l’origine est couverte de ténèbres, ou si on le de
mande, il le refuse. II estentouré de sa famille, de ses enfans, moins
exposé à la séduction, à la contrainte. T ou tefo is, à la suite de quel
ques familiarités avec Marie Brunet, et sans examiner si' 1enfant q u ’elle
présente comme le sien, est ou non celui du sieur G ueston, ni lui
ni ses enfans ne reculent devant un sacrifice purement pécuniaire.
Cette déclaration peut d ’autant moins avoir un autre b u t, que per
sonne n y intervient, pas mèinc Marie Brunet, pour y donner un état
à cet enfant. Elle-même n’accepte pas la disposition, qui demeure
avec le simple caractère d ’acte unilatéraf, sous seing prive, quoique
contenant un don purement gratuit’, qui renferme , par co n séqu en t,
une simple obligation morale plutôt qu'un contrat réel et légalement
consenti. Reconnaissons ici que si François .Gueston eut cru que
cet enfant était le sien, et q u ’il eût voulu le reconnaître , il n ’a u ra it
pas manqué d’ajouter q iw l entendait le réduire à cette pen sion,
conformément à l'article
t
du Code
civil. On ne peut pas
en douter; et l’acte témoigne assez nettement de cette volonté. 11
prouve plus, encore , puisqu’il est exclusif d ’une reconnaissance
que François. Gueston îuÎ refuse. D eux jours après, un no uvel'acte *
�— il —
se passe; nous devons encore en faire apercevoir les singularités.
. Nous avons dit qu ’au commencement de 1814 » Marie Brunet de
meurait au M ontet, et y avait connu Gilbert Fratissier. L e 16 jan
vier i 8 i 5 , elle passe avec lui son contrat de mariage; il constate
que son père était encore vivant, et qu elle n ’avait pas recueilli sa
succession.
« Elle se constitue les biens et droits qui lui sont échus par le décès
» de Marie M ica u d , sa mère ;
v E t , de son ch ef, une somme de deux mille cinq cent cinquante
* francs; savoir : 2 ,3 5 o fr. numéraire, par elle à Cinstant comptés
» et réalisés en espèces d ’or et d'argent ; et 200 francs de meubles
» consistant en un lit de plume et couverture avec traversin, une
» armoire en cerisier, quatorze draps de lit, deux nappes, neuf ser» vieltes et treize aunes de toile b la n c h e , au petit étroit. Dans l’ar» moire ci-dessus sont les rob es, habillemens, linges et bardes de
» la future é p o u se , non compris dans les sommes ci-dessus ¿et qu elle
* n ’ a voulu détailler ni faire estimer par les présentes. ■
>
Elle déclare que le tout provient de ses épargnes , gages et écono
mies. Elle déclare , en o u tr e , avoir une petite pièce de terre en jar
din , située à Mural, en valeur de 200 fr.
On voit q u ’indépendamment des 5 oo fr. de rente viagère promis à
Marie Brunet et à l’enfant, le sieur Gueston ne faisait pas trop mal
les honneurs du contrat de mariage, qui, toutefois, se passait hors sa
présence, devant M‘ P la ce , notaire au Montet. 2 , 35 o francs et des
meubles, d’une part, 3 oofr. de rente viagère de l’autre, une quantité
de linge qui demeure inconnue, parce que Marie Brunet n'a voulu
ni le detailler ni le faire estimer. Dans toute supposition, il n’avait
pas été déraisonnable.
Après cette constitution, le contrat renferme la clause suivante :
« La future epouse nous a requis de déclarer en ces présentes
» qu’elle est m è r e , depuis environ trois m ois, d ’un enfant mâle
» nommé Léonard C anu, suivant l’acte de naissance dudit enfant,
» constaté par M. le juge de paix du canton de Moulins, partie de
�— 12 —
i l’ouest, le 19 octobre 1814 5 extrait duquel acte lui a été délivré le
» 10 janvier, présent m o is, par M. Ripoud l’aîné, adjoint à la mairie
» de Moulins; voulant ladite future que ledit enfant soit, par cespré» sentes, et ainsi qu’ elle se propose de le réitérer par l ’acte civil de
» son m ariage, légalement et authentiquement reconnu comme son
» enfant légitime, et qu'il lui succède conjointement et par égales
» portions j avec les autres enfans quelle pourra avoir du mariage q u ’elle
a se propose de contracter ; voulant q u e , dans le cas où elle 11’en
» aurait pas d'autres, ledit Léonard Canu lui succède en totalité, et
» soit reconnu pour son iicritier universel de tous les biens dont elle
s mourra vêtue et saisie. »
Il faut en convenir : le futur époux qui consentait à une pareille
insertion dans son contrat de m ariage, si cet enfant ne provenait pas
de ses œuvres , n'était pas dominé par le respect humain. Tout
homme du p eu ple, si bas placé qu’il fût par la fortune , et s’il avait
conservé quelque chose de l'hom m e, 'n’aurait pas voulu constater
ainsi, par l’acte môme de son mariage , le déshonneur de celle à la
quelle il allait s’un ir, et sa propre immoralité ; car il y avait immo
ralité notable, si cet enfant n’était pas le sien, à consigner ce té
moignage dans cet acte solennel, pour que ses enfans et sa famille
l ’y retrouvassent à jamais. Cela n ’est pas dans la nature de l’hom m e
honnête. Dans cette supposition, quel jugement faudrait-il donc por
ter et de l’homme qui accepte une pareille condition, et de la femme
q u i, avec 0,000 fr. au m oins, des im meubles, du m obilier, un via
ger de 5 oo fr. et des droits successifs, ne trouve q u ’un pareil époux?
Où trouvera-t-elle le droit de dire à un tiers q u ’un enfant q u ’elle
vient de retirer d ’un hospice lui appartient, s i , d ’ailleurs, il n ’existe
pas de signes certains auxquels on puisse le reconnaître?
Mais cet acte fait plutôt croire que le futur époux était le père de l’en
fant, à supposer, toutefois, q u ’il pût s’en assurer. C ’est à cette pen sée’
plus morale que tendent toutes les expressions de la clause que nous
venons de transcrire. Comment, en elfet, si elle n’avait pas dominé les
esprits, y aurait-oa écrit que Marie Brunct reconnaissait Léonard
«I
�Canu comme son enfant légitim e? Comment y aurait-on stipulé qu’il
lui succéderait conjointement et par égale portion, avec les autres
enfans q u ’elle pourrait avoir du m ariage, et q u ’au cas où elle n’en
aurait pas d'autres, il lui succéderait pour le tout, et serait son hé
ritier universel? Com m ent, sans ce la , le futur époux aurait-il con
senti à le mettre sur la môme ligne de légitimité et de droits successifs
que ses propres enfans? Y a-t-il rien de plus expressif que ces ter
mes : Son enfant légitime............ .. qui succédera par égalité avec les
autres en fa n s.............. du mariage? Il n’y avait que la paternité de
Fratissier qui pût produire de semblables résultats ; et aussi s’em
presse-t-on de dire que la reconnaissance sera réitérée par l ’acte civil
du mariage ; pensée monstrueuse, si ce n ’était pas pour l’attribuer
au futur époux.
Celte réitération, il est v r a i , n ’a pas eu lieu dans l’acte civil de
célébration, et Fratissier n’a jamais reconnu l’enfant. Un instant de
réiléxion avait suffi à Marie Brunet pour en écarter la pensée. Elle
songea que quelque moment se présenterait o ù , trouvant le sieur
Ciucston livré à lu i-m ê m e , elle pourrait reprendre/ses moyens de
séduction, et l’amener à une reconnaissance , moins sans doute dans
l’intérêt moral de Léonard Canu, que pour en tirer quelque chose de
p lu s , soit pour l u i , soit pour elle-même ; car elle savait très-bien
stipuler les conditions à son profit. Poursuivons.
Le 16 février, elle se présente devant Boucanm ont, notaire. Elle
lui dépose l’acte sous seing privé du i4 janvier, et en fait acte d’ac
ceptation authentique ; acceptation complètement inutile sous deux
rapports différons ;
Inutile dans toute supposition, si elle ne comptait pas sur la fidé
lité des enfans Gueston à tenir leur promesse, puisque l'acte n’était
pas valable légalement ;
Inutile e n c o r e , si on pouvait obtenir plus tard la reconnaissance
du sieur G ueston; car, en ce cas, on était bien obligé de recon
naître qu ¡1 faudrait abandonner la pension, ou l’imputer sur la por
tion réservée par la loi à l’enfant naturel reconnu.
�-
H -
Cet acte n ’était donc q u ’une précaution pour s’assurer la pension',
au cas où on ne pourrait pas obtenir la reconnaissance. Cette pré
voyance est demeurée sans effet. L e 5 o mars
i
8 i 5 , moins de six se
maines après, Marie Brunet parvint à obtenir la reconnaissance du
sieur Gueston.La forme de cet acte est encore bonne à considérer. Le
sieur Gueston n ’y figure pas seul : Marie Brunet y comparaît avec lui
pour y répéter une reconnaissance désormais inutile, après l’avoir
faite dans le plus solennel et le plus authentique de tous les actes ;
mais sa présence était nécessaire pour que François Gueston accom
plît ce qu ’on voulait de lui. Aussi n ’est-ce plus le notaire de la fa
m ille, à Montmaraut, qui la reçoit, mais bien celui qui avait reçu
Je contrat de mariage des époux Fratissier ; e t, pour cela, le sieur
Gueston se transporte au Montet. I c i , on ne peut s’empêcher de re
marquer q u ’après une reconnaissance formelle et très - suffisante,
faite dans cet acte même par Gueston et Marie B run et, « qu’ ils ont
» donné l ’ un et l ’autre le jou r à Léonard Canu , suivant l’acte de nais» sance dudit enfant, du 19 octobre 1 8 1 4 >dont copie a été délivrée
» par Ripoud, adjoint, » on met dans la bouche de chacun d ’eux une
déclaration particulière ;
D ’abord, par Marie B ru n et, une réitération expresse de la recon
naissance portée dans son contrat de mariage ; chose fort inutile as
surément , si ce n'est pour amener celle qui la suit.
■ Et, enfin, une réquisition spéciale, par le sieur Gueston au notaire,
de recevoir sa déclaration publique et authentique, et de la rédiger
par acte en forme , chose pour le moins superflue , à côté de cette
déclaration en forme déjà écrite par le notaire, et qui serait absurde,
si immédiatement on n ’avait ajouté, o u , pour mieux dire , échappé
Je véritable motif de cette répétition surabondante :
»
A fin que ce môme enfant put recueillir dans sa succession l’ intégra <■
litédes droits que les lois accordent aux enfans naturels reconnust
s a n s rn É J U D icE d e s a u t r e s d i s p o s i t i o n s
e t ce
qui peuvent avoir été faites en
sa faveur. »
A insi, toujours le même but de la part de Marie B run et, prendre,
�recevoir et tirer à soi. A rg e n t, m obilier, r e n t e , tout cela ne suffira
pas ; il faudra d’autres promesses. Elle a voulu, par son propre contrat
de mariage, que l ’enfant qu ’elle a v a i t auparavant fût considéré comme
légitime; qu ’il partageât par égalité avec tes autres enfans q u e lle
pourrait avoir de son mariage; aujourd'hui, elle n’ose pas le quali
fier légitime à l’égard du sieur Gueston , ce qui serait absurde ; mais
elle veut, et elle lui fait dire qu ’il aura l ’ intégralité des droits de
l’ enfant naturel} en outre, et sans préjudice des autres dispositions
déjà faites en sa faveur ; tout comme si un enfant naturel reconnu
pouvait, par des dispositions directes ou indirectes, obtenir des préciputs au delà de la part que lui réserve la loi ! Q u o n dise mainte
nant que Marie Brunet a négligé les droits et les intérêts de son fils,
et q u e , quelques mois aprèst elle les a sacrifiés par un traité dé
savantageux !
Évidemment, celte déclaration était écrite dans l’acte pour porter
atteinte, autant que possible, aux dispositions que le sieur Gueston
avait faites de sa fortune au profit de ses trois enfans. Mais ceux-ci
pouvaient attaquer la reconnaissance ; ils pouvaient la critiquer comme
frauduleuse, s’ils croyaient y reconnaître ce caractère; Personne ne
savait mieux que Marie Brunet si la vérité des faits devait lui inspirer
des craintes à ce sujet. La suite va nous prouver q u ’elle en concevait
de très-sérieuses.
Certes , après une reconnaissance aussi authentique , deux ou trois
fois constatée dans le même acte, en termes géminés, elle n’avait b e
soin d’aucune autre précaution, à moins qu’un sentiment intérieur,
dicté par une vérité q u elle seule, peut-être-,, pouvait connaître tout
entierc, ne lui inspirât des doutes sur son efficacité. Dans la perplexité
ou la mettait la crainte que cette vérité ne fut connue, elle dicta au
sieur Gueston une démarche qui décèle scs inquiétudes et son em
barras.
Le 4 juillet 18 1 5 , François Gueston se présente encore au Montet
devant le notaire Place , 1homme de confiance des époux Fratissier.
11 lui dépose un paquet de papiers cacheté t concernant Léonard, son
�— 16 —
*
fils naturel. Il le requiert d ’en recevoir Je d é p ô t, se réservant de le
retirer à sa volonté, en donnant décharge ; ajoutant que « dans le cas
» où il ne retirerait pas lui-même l’objet de ce d ép ô t, il voulait et
* entendaitqu’il fûtrem is soit audit Le'onard, son fds naturel, lors de
» sa majorité, soit au tuteur qui pourrait lui être nommé ; mais à
» condition q u ’en ce dernier cas, il en sera (ait ouverture par le no» taire dépositaire, lequel constatera, de suite, en .présence du tu» teu r, l’existence des pièces contenues audit paquet, par un inven» taire détaillé. »
Lorsqu’on connaît les pièces qui étaient contenues dans ce paquet,
on se demande pourquoi tout ce mystère , si ce n ’est pour p arven ir,
par un moyen indirect, à faire répéter e n c o r e , et consolider par le
sieur Gueston , une reconnaissance dont on se défiait? C ’était tout
bonnem ent, i° l’acte de naissance de Léonard Canu ; 2®.une note
du reirait de l’hospice, par Marie Brunet ; 3° une expédition du con
trat de mariage des époux Fratissier, qu’assurément le sieur Gueston
n’avait pas retirée de son propre mouvement ; 4®l’acte d ’acceptation
de la rente viagère, en date du 16 février; 5®enfin, une expédition
de l’acte de reconnaissance du 3 o mars i 8 i 5 . Assurément, tout
cela n’exigeait pas ce dépôt mysLériéux, et il avait nécessairement
une autre cause, que tout le monde peut apercevoir, la confirmation
d ’une reconnaissance qui n’avait pas été assez spontanée pour inspirerune entière confiance. Aussi, après la mort de François Gueston,
lorsque ces enfans connurent ce d é p ô t , leur inspira-t-il la crainte
que ce paquet ne renfermât quelque chose d ’injurieux, et exigèrentils que l’ouverture du paquet fût faite en leur présence.
T outefois, Marie Brunet n’était pas encore pleinement rassurée.
Toujours pleine de sollicitude pour les intérêts matériels de Léonard
C a n u , et les siens propres, elle chercha à se tranquilliser par d ’au
tres moyens; et, n’importe que ce soit avant ou après la mort de
F ra n ç o is Gueston, arrivée le 1er mai i 8 i G , elle communiqua scs
craintes à des jurisconsultes, en leur demandant un avis. Dans un
' mémoire qui indiquerait que le sieur Gueston vivait e n co re, et on
�— 17 —
on parle beaucoup de son attachement sans bornes pour son quatrième
enfant, on dit qu’ il voudrait lui assurer une existence honnête, mais
q u ’il craint de ne pouvoir seconder l’intention de la nature , i° parce
q u ’il a vendu tous scs biens à ses trois premiers enfans, le i/( janvier
1 8 1 5 ; 2° parce qu’t'/ craint qu'on ne conteste l’identité de l ’ enfant,
qui a resté, en quelque sorte, inconnu depuis sa naissance jusqu’à la re
mise qui en fut faite à sa mère par une sœur de l’hospice de Moulins;
3° parce qu’il craint que la reconnaissance ne soit tardive ou q u ’elle
soit contestée.
Puis,
on fait observer que l’acte de pension viagère, qui
désigne Léonard Canu , fils de la B ru n et, devrait valoir comme ap
probation de la part des enfans, et faire remonter la reconnaissance
au jour de la naissance. Enfin, on demande d ’indiquer, s’il peut en
core en être temps, lotit ce qu’il est possible de faire dans l'intérêt
de Léonard Cami. Là-dessus, les jurisconsultes s’e x p liq u e n t, et
après quelques hésitations sur une question q u ’ils reconnaissent dif
ficile par rapport aux droits de l’en fan t, ils se prononcent sur tous
les points en sa faveur. Nous n ’entrerons dans aucun détail sur celte
consultation; cela n’est pas nécessaire à la cause.
Aussitôt après le décès du sieur G ueston, ses enfans firent procéder
régulièrement à l’inventaire de son mobilier*, soit à la Sciauve, où il
était décédé , soit à Moulins, où il avait une chambre à loyer. De son
cô té , Marie Brunet provoqua la réunion d’un conseil de famille, qui
lui confirma la tutelle de Léonard C a n u , lui donna pour cotuteur
Fratissicr, son mari ; pour subrogé tu te u r, G ilb e rt'C o u rre t, c l l ’aulorisa à faire ouvrir le paquet déposé chez M* Place. L e i o ju ille l,
il fut procédé à cette ouverture, qui ne produisit autre chose que les*
cinq pièces que nous venons de désigner e t, immédiatem ent, Marie
Brunet se mit en mesure de connaître et de faire effectuer les droits
qui îesultaient, au profit de Léonard Canu , de la reconnaissance et
des autres pièces renfermecs dans ce paquet. Au moins , cela servit ’
*le pretexte avant tout, elle chercha à se procurer des consulta
tions.
I c i , nous parlerons avec une délibération de famille du 5 août
3
�•=.*8
1 8 1 6 , quî est, en quelque so rte, l’ouvrage des intimés, et qui ne
saurait être suspecte à leur égard.
Sur quoi les avocats furent-ils consultés ? Quelles questions eu
rent-ils à résoudre? C ’est là ce q u ’il faut bien expliquer; car c’est le
point d e départ de toutes les opérations ultérieures; c ’est ce qui'
peut seul nous montrer parfaitement quels é taien t, i° la position
«les parties; 2° leurs prétentions respectives,. et nous apprendre si
elles ont voulu faire,, si elles ont effectué , et si la- justice a homo
logué le partage, non contesté, d ’une succession, ou une transaction
sur des difficultés réelles, plus ou moins graves, opposées à celte pré
tention.
Après avoir fait procéder à la reconnaissance des pièces déposées
chez M' P la c e , les époux Fralissier, désirant s ’éclairer sur leurs ef
fets ( c ’est la délibération du conseil de famille qui parle ) , s ’adres
sèrent à des jurisconsultes , q u i, après un mûr examen des pièces , dé
cidèrent :
« i° Que la reconnaissance du 3 o mars i 8 i 5 était valable en la.
forme et au fond......
« a® Que si, dans les termes de l’article 33 (), l ’intérêt suffit pour
» q u ’on soit admis à contester la reconnaissance d ’un enfant naturel,
» on ne voit, dans l ’e sp èce, aucune raison de craindre que les hé» riliers légitimes pussent faire accueillir une action qui tendrait à
» faire révoquer en doute l'identité de l ’ enfant reconnu,
b
Après avoir fixé, d ’après la loi., les droits de l ’enfant naturel re
connu , les jurisconsultes ajoutent :
•
« 6® Que s’il ne trouve s i réserve dans les biens de la succession,
* il peut demander la réduction des dispositions entre-vifs qui ont ex~
» cédé la quotité disponible ; »
7° Q uc > dans l’espèce , et d ’après l’artide 9 1 8 , qui exige l'impu
tation cl rapport de la valeur des dons faits, à charge de rente via
g è re , à des succcssiblcs en ligne d irecte, L éonard Canu était fondi
à demander le bénéfice de cet article ;
8* Q u ’il importait peu que la reconnaissance fût postérieure à 1&
�vente , parce que le droit résultait de la qualité do l’enfant n a tu r e l,
que le père pouvait toujours reconnaître.
Ils déterminent ensuite c e qui. doit lui revenir dans leur opi
nion.
¡'
Faisons ici une remarque essentielle. Nous n’avons pas à rechercher
si ces jurisconsultes étaient dans l’erreur pour le tout ou pour partie,
ou s’ils avaient complètement raison en décidant toutes ces ques
tions en faveur de Léonard Canu ; une seule chose nous occupe et
doit nous occuper : celle de savoir s’il s’élevait ou non des question:1
qui missent en litige le droit de Léonard Canu ; si les enfans Gueston
approuvaient toutes ces décisions, ou se mettaient en mesure de les contester. O r , deux choses demeurent constantes :
L ’une , qu ’il s’élevait des questions plus ou moins graves ;
L ’autre, que ces questions ne naissaient pas sur les détails d’un
partage dont le droit serait re co n n u , mais bien sur ce droit en luimême ; tellement que, les jurisconsultes examinent le droit au par
tage bien plus que les questions secondaires qui pouvaient naître de
l ’exercice de ce droit.
O r , à supposer même que ces questions eussent peu de gravité ,
cela demeurait sans importance; car il suffisait qu’elles existassent ,
qu’elles fussent ou qu’elles pussent être élevées, pour qu ’elles de
vinssent matière à transaction.
C ’est là, nous devons le dire, toute la question du procès.
S i , d’ailleurs , on considère ces difficultés soit isolém ent, soit dans
leur ensemble, on sera forcé de reconnaître q u ’elles étaient graves
et sérieuses.
Fasse qu ’une reconnaissance d’enfant naturel soit valable à quelq u ’époque qu’elle soit faite ; qu ’en général, il soit difficile à des enfans légitimes de contester utilement l’identité d ’un enfant naturel
que leur pere a reconnu librement ; passe encore que l’enfant ait
droit à une reserve et à la réduction de toutes d isp o sitio n s gratuites
antérieures; mais, quelle que fût là-dessus la force de l’opinion des
jurisconsultes, leur consultation ne témoigne pas moins que ces
�questions étaient élevées, et q u ’il fallait les franchir avant d ’arriver
au partage. E t , en outre, deux questions fort graves ne s’étaient pas
présentées aux conseils avec toutes leurs circon*tqjnces.
Et d ’abord, s’ils avaient examiné, dans les termes ordinaires, la pos
sibilité de contester l’identité, ils ne l’avaient pas fait par application
aux faits particuliers. Remarquons bien q u ’ils n’étaient consultés que
pat Léonard Canu ou ses tuteurs, q u i, en témoignant la crainte
qu ’on ne contestât l ’identité, ne leur avaient pas fait connaître les
motifs spéciaux de celte crainte, tous les actes, toutes les circons
tances que nous avons rappelées ci-dessus, et qui laissent apercevoir
non une volonté froide et peu croyable, de la part d ’un p è r e , de
supposer 1’cxisterhce d ’un enfant naturel, mais un système fallacieux
dont il était plutôt, lui-môme , la victime que l’artisan. A lors, il était
‘ n otoire, on étail en état de prouver, et on le serait encore anjour“d ’h u i, que l’enfant de Marie Bninet était m o rt; que la reconnais
sance du 3 o mars i 8 i 5 avait élé arrachée au sieur Gueslon par des
manœuvres honteuses; qu’il avait été dépouillé de toute liberté d ’es
prit, et subjugué par tous les moyens de séduction et de contrainte.
Les faits que nous venons d ’exposer ne le faisaient que trop pres
sentir. Les actes antérieurs h la reconnaissance prouvent que Marie
Brunet n'espérait pas faire accepter par le sieur Gueston l ’enfant
q u ’elle avait choisi à l'hospice. Il suiïit, pour cela, de lire et l'acte
constitutif de la pension du i/j janvier, et le contrat de mariage
de Marie B n in e t, du surlendemain 16. Ceux postérieurs démon
tren t, à n'en pas do uter, combien peu elle se fiait à cette reconnais
sance, qu’elle tachait de faire confirmer par des actes indirects q u ’elle
faisait faire successivement, et qui, sans cela, eussent été sans objet.
Tout cela même écarté, il fallait encore examiner une question grave
et important*:. L ’atl. ()iS, quiserait tout le litre de l'enfant naturel,
oblige seulement le successible qui a accepté une vente à fonds
perdu , à imputer ou rapporter la rnlriir de l'immeuble ainsi aliéné.
O r , ici deu* choses se rencontraient :
i* Les biens avaient été vendus non-seulement pour une rente
�viagère, mais encore pour un capital de 58 ,ooo fr., délégué aux ven
deurs de ces mêmes b ie n s, pour le prix des acquisitions, d’où on
pouvait conclure qii’il n’y avait rien à réclamer à ce sujet , spéciale
ment pour le bien d e là Sciauve, sur lequel il n’avait pas été payé une
obole par François Gueston ;
2° Et dans le cas même où il y aurait eu lieu à rapport pour le sur
plus, il était question de savoir si ce rapport pouvait s’appliquer aux
immeubles m ôm es, ou seulement à leur valeur ; o r , c ’était une ques
tion élevée.
Enfin, si on abandonnait la position présente, si on élevait en
justice de semblables prétentions contre les enfans légitimes, on
pouvait courir le grave danger de les voir retirer le pur don de 3oo f.
de rente viagère q u ’ils avaient promis par l’acte sous seing privé du
*4 février i 8 i 5 , puisque tout le monde reconnaissait qu’il était ra
dicalement* nul.
*
D où il était évident qu ’avant de former en justice une demande
c n partage, et d’en courir la responsabilité, les tuteurs de Léonard
Canu avaient de graves réflexions à faire. O r , c ’est ce qui les porta à
demander des conseils avant d ’ouvrir un litige, pour le moins incer
tain, sur les droits de l’enfant naturel à un partage de succession.
Jusque l à , il n ’y avait de débats avec personne
les tuteurs seuls
examinaient et faisaient examiner les droits de leur pupille liors la
presence des intéressés. Ils exposaient la question à leur guise; mais
quelle que fùl la décision ou l’opinion de leurs conseils, les enfans
légitimes restaient les maîtres de leurs droits et de leurs m oyens,
qu ils n ont abandonnes dans aucun temps. Pendant q u ’on se mettait en
garde contre leurs contestations, cn les prévoyant, avant môme q u ’ils
les eussent élevées, ils conservaient leur propre position. Voyons la
suite des laits, toujours dans la délibération du conseil de f a m i l l e ,
provoquée par les époux Fratissier.
Ceux-ci ajoutent « qu après avoir pris ces éclaircissemcns............ ..
* Us se proposaient de former en justice une demande en réduction de
» la donation faite cn forme de vente le i/f janvier i 8 i 5 , et en par-
�✓/
•t
*
— 22 —
» tage des cinq sixièmes d ’une locaterie qu i formait, avec la terre
» de la Sciauve j la totalité des immeubles de la succession.... , lorsque
» les enfans légitimes du sieur Gueston ont proposé de transiger sur
» lotis les droits dudit enfant naturel, moyennant une somme de
» trois mille fr a n c s, q u ’ils disaient supérieure à celle qui pouvait lui
» revenir, en admettant, ce qui t o l t a i t êtiie c o n t e s t é , selon e u x ,
» que les diverses questions précédemment agitées fussent résolues en sa
» faveur. »
Nous devons insister là-dessus, parce que ces détails fixent nette
ment la position des parties.
Au milieu de toutes les prévisions des tuteurs et de leurs conseils,
de tout ce q u ’ils disaient de favorable pour Léonard Canu , les enfans
du sieur Gueston, menacés d'un procès, se présentent. Ils leur di
sent : a Tous élevez des prétentions que nous pouvons combattre ; vos
conseils vous donnent raison sur toutes les questions agitées; nous
sommes fondés à le contester. Ils prétendent que votre identité ne
peut être révoquée en doute, que vous avez droit de critiquer la
vente de 1 8 1 5 , d ’exiger le rapport des biens ,*etc., etc. Nous pou
vons contester tout cela, repousser votre action, e t , qui plus e st,
vous refuser jusqu’aux 5 oo fr. de rente viagère promis par un acte
n u l, en 18 1 5 . Çi vous voulez ouvrir cette lu tte, nous nous défen
drons. T outefois, même e n .su cco m b a n t, vous nous aurez fait sou
tenir un procès fâcheux, peu honorable pour la mémoire de notre
auteur ; et nous préférons faire un sacrifice pour laisser ces questions
enfouies. Youlcz-vous renoncer à entrer sur ce terrain? nous renon
cerons h nous y défendre; et pour éviter toute discussion sur ces dé-'
tails fâcheu x, nous vous offrons 3 ,000 fr. Si vous examinez bien ,
vous verrez que nous vous offrons, en numéraire, plus qu’il ne vous
reviendrait en supposant tout, et que nous faisons un sacrifice réel
pour éviter un procès. Les acceptez-vous? Tout est fini. An cas con
traire, nous restons avec nosdroits, et nous les ferons valoir, assurés de
ne jamais vous devoir davantage, quand vous réussiriez , mais avec la
çhance de ne pas vous devoir une o b o le, pas inème la pension que
�nous avions promise, si vous succombez. a Voilà le véritable sujet dit
litige, le droit et la qualité môme de l’enfant naturel mis en ques
tion , et non pas seulement les détails d’un partage auquel on lui
contestait toute espèce de droit. Cette situation est dessinée autant
que possible dans cette délibération , puisqu’il n’y avait aucun procès
commencé , et que la question était de savoir si on devait s’exposer
a l introduire.
La délibération ajoute que, sur celte proposition* les tuteurs avaient
eu de nouveau recours à leurs conseils, et que ceux-ci, après avoir
pris connaissance de la valeur des biens, et en persistant à décider
en faveur de l’enfant naturel toutes les questions déjà résolues par
e» x , reconnaissent encore qu’il est avantageux à l ’ enfant naturel que
les tuteurs transigent moyennant te p rix propotc. Q u ’eussent-ils donc
d it, s’ils avaient entrevu des doutes sur les questions qu ’ils avaient
soulevées?
Pour s’en convaincre, les conseils avaient fait ou fait faire l’esti
mation des biens. Déduction faite dés dettes, ils n ’étaient en valeur
^ e de 4 6 , 196 fr. G5 cent. *, et comme , dans toutes les suppositions,
Ie mineur n ’amendait q u ’un seizième, il ne pouvait obtenir que
2*887 fr* En recevant 3 ,000 fr., il avait donc plus que ce à quoi
*1 pouvait prétendre.
D où il résultait que les enfans Gueston faisaient, en réalité, uir
sacrifice à la mémoire de leur p ère , et qu ’ils étaient à l’abri de tout
soupçon d ’injustice envers Garni, supposé môme son enfant naturel.
Voulant se conformer à l ’art. 4G7 du Code C iv il, les tuteurs de
mandent ensuite l’avis du conseil de famille. Le juge de paix com
pose ce conseil d ’amis et de voisins, attendu que l ’enfant naturel n ’ a
d autres parens que ses pire et m ère, et que , d ’ailleurs , les pareils du
pire naturel seraient trop souvent portes à sacrifier les intérêt» de l ’en
fant ne hors mariage. L e conseil de fam ille, ainsi com posé, co n si
dère que toutes les questions sont résolues en faveur du mineur. Il
deelare qtt il est à lu connaissance particulière de chacun de ses mem
bres que Us immeubles de la succession sont estimés au-dessus de tetir
�- 2 1 raleur; e t , e n fin , reconnaissant que l'arrangement proposé ne peut
qu’être avantageux au m ineur, il autorise à transiger comme il est
proposé.
L e 10 a o û t, les tuteurs présentent une requête au procureur du
roi; e t , poursuivant l’exécution de l’article 46 7, ils réclament la no
mination de trois jurisconsultes.
L e procureur du roi ne
sq
'
v
méprend pas ; il ne voit là que ce qui
y était, c ’est-à-dire un projet de transaction sur des prétentions op
posées, et non un projet de partage, qui aurait exigé d ’autres forma
lités et des mesures différentes, et il rend l’ordonnance suivante :
« Yu la présente r e q u ê te , et l ’article 467 du Code de procédure
» civile, nous commettons MM. Jutier o n cle , Ossavy et Boÿron
» fils, jurisconsultes , à l ’effet de donner leur avis su r'le projet de
b transaction dont il s’agit. Fait à Moulins , le
10 août 1816.
» Meilheurat. »
I c i , remarquons encore que les enfans Gueston , après leur pro
position faite, demeuraient étrangers à toutes ces investigations; que
les jurisconsultes rccommandables, commis par le procureur du roi,
n ’avaient, comme les conseils des tuteurs, d ’autres lumières, sur
les faits, que celles que les époux Fratissier jugeaient convenable
de leur donner. L eur consultation démontre toute l’attention
qu’ils mirent à cet examen. Faute d ’une discussion contradictoire,
ils pensent que les décisions prises par les conseils du mineur « sont
» en harmonie avec les lois nouvelles et la jurisprudence de la Cour
» de cassation ;
» Que s’il y avait des doutes............ le mineur ne pourrait s’en
* plaindre, puisque toutes les questions ont été résolues en sa fa* veür;
*
Q u ’il est reconnu, en fa it , par le conseil de famille, que les
» biens de la succession se trouvent portes à une estimation supérieure
* à leur valeur réelle. »
Q u ’e n fin , « il importe d ’éviter à l ’enfant naturel un procès qui no
» tendrait q u ’à faire naître pour lui des chances incertaines, et à rc-
�— 23 —
» m ettre en question ce qui est résolu en sa faveur, en 1 exposant a des
* frais considérables qui pourraient consommer sa ruine. »
Ainsi, les jurisconsultes ne s’occupent pas d un partage, mais bien
d ’une transaction, pour prévenir un procès qui présenterait <les chances
incertaines ; et aussi, après un mûr exam en, ils estiment qu il y a
Heu d ’ autoriser l ’enfant naturel A t r a n s i g e r pour tous les droits à lui
afférens dans la succession , moyennant la somme de 0,000 fr.
Après cette consultation, les tuteurs firent dresser la transaction
par M" G ueulettc, notaire à Moulins. Elle ne fu t, pour ainsi dire ,
qu une copie de la délibération du conseil de famille. Elle énonce ,
comme la délibération , les questions qui pouvaient s’élever sur
l’ identité de l ’ enfant, sur la validité de la vente du pere , sur la ré
duction de cet acte considérée comme donation , etc. ; e t , enfin ,
on déclare qu’on a résolu de transiger, par forme de transaction sur
procès, pour tous les droits que prétend Léonard Canu. Les enfans le
gitimes ne mettent aucune importance à ce qu on qualifie I'rançois
Cueston père naturel de Léonard Canu , puisque celui-ci ne pouvait
rien prétendre q u ’à ce titre ; cela entrait dans la transaction comme
le reste. Les enfans renonçaient à le contester, en môme temps que
les tuteurs de Canu renonçaient à demander quoi que ce soit au
delà de5 3 ,ooo fr. olferls par forme de transaction. Après cela, les tu
teurs soumettent le tout à l'homologation du tribunal. La-dessus ,
après les formalités voulues en matière de transaction , le tribun a l , sur le rapport de son p résident, et sur ics conclusions conformes
de
l\r., le procureur
du roi, prononce ainsi q u ’il suit»:
« Attendu que toutes les formalités prescrites pour la validité des
» transactions laites au nom des mineurs ont été scrupuleusement ol>» servées ;
» Attendu que le conseil de famille du mineur Canu , ainsi que
» les trois jurisconsultes désignés par M. le procureur du r o i , ont
» reconnu qu’ il était très-avantageux pour le mineur de traiter et tran-
* siger aux conditions fixées par l’acte du 12 août ;
* Le tribunal homologue la transaction passée entre les cotuteurs
4
�\ S V
.
— 20 —'
» du mineur Leonard Canu et les enfans légitimes de François Cues» to n , le 12 août présent m ois, pour ladite transaction Être exé» entée selon sa forme et teneur. »
Croira-t-on que le magistrat éclairé qui tenait le p arqu et, et le
tribunal lui-m êm e, se soient mépris sur ce q u ’ils faisaient et sur ce
qu ’il y avait à faire ? Q u ’ils aient cru apercevoir un procès avec des
chances incertaines, là
oh
il y aurait eu un droit certain et reconnu'
( car il aurait fallu qu’il fût reconnu ), et seulement un partage à ef
fectuer? Comment prêter une erreur si grossière aux magistrats de
cette époque, au jurisconsulte qui préside aujourd’hui le tribunal d e
Moulins, et q u i, avec ses' deux collègues, commis par le procureur
du roi, avait préparé et la transaction et la décision du tribunal?.
Toutefois, et en le supposant, en tenant pour certain ce qui n’ost
ni vrai m possible , la question serait encore de savoir'si on ne doit
pas prendre les choses telles q u elle s sont; si ce n’est pas une véri
table transaction qu’on a faite , une transaction que le tribunal a ho
mologuée , alors même qu’il aurait pu ou dû ne pas le fa ire , et si cen ’est pas seulement une transaction dont il faut examiner la validité.
Vingt ans se sont écoulés pendant lesquels cette transaction a été
exécutée par le payement annuel des intérêts. Nous ne disons pas
cela pour en tirer un moyen de fin de non-recevoir contre’ Canu ,
qui était mineur, niais pour montrer comment l’acte a été apprécié
par.les tuteurs, qui, mieux que personne, pouvaient en connaître la
p o r té e , par la nature des faits qui l’avaient amené. La majorité de
Léonard Garni ¿tant arrivée, les enfans Gueston lui ont offert le
payement du capital. Il l’a refusé, prétendant avoir de plus amples
droits. Le iG janvier i 8 3 6 , il lui a été fait, en personne, un acte
d ’offres; et sur son refus constaté, il a été .assigné devant le tribunalîle Moulins , pour en voir prononeçr la validité.
Le iG février, pour faire diversion, Léonard Canu a assigné les
enfans Gueston devant le tribunal de Montluçon ; il a demandé le
partage de la succession du sieur Gueston, ouverte dans l ’étendue d e
sa juridiction.
�— 27 —
L e 24 mars, il a signifié des défenses sur la demande en validité
, «l'offres, et a conclu , i° à ce que le tribunal de Moulins se déclarât
incompétent, et renvoyât les parties devant le tribunal de Montluçon ; 20 subsidiairement, à ce qi/il sursît jusqu’après le jugement de
la demande en partage. Il s’est fondé sur ce que l’acte de 1816 était
Un véritable partage sous la forme de transaction ; q u ’il était qualifié
tel par l’art. 888 du Code civil ; que les formalités du partage n ’ayant
pas été observées.à l’égard du mineur., il n ’était que provisionnel ;
<îue , dans tous les cas, il serait nul ou sujet à rescision. Il a ajouté
qu’en excipant de ce m o ye n , même devant le tribunal de M oulins,
il devenait; par exception, demandeur en partage; et que , dès lors,
le tribu n al de M o n tlu ç o n , q u ’il avait saisi par a ctio n principale , pou
vait seul prononcer §ur le litige ; que , dans tous les cas, l’action en
validité des offres était subordonnée à ce qui serait jugé sur l’action
en partage.
En venant plaider la cause , Léonard Canu a étendu ses conclu
sions : il a demandé principalement le sursis, et subsidiairement,
sans s’arrêter à l’acte du 12 août 1 8 1 6 , qui serait declatc nul
t l subsidiairement rescindable , les demandeurs fussent déclarés non
recevables, ou mal fondés dans leur demande.
Sur cette exception, le tribunal de Moulins a prononcé comme il
suit, par jugement du 8 avril i 836 :
« En fait, attendu que la qualité d’enfant naturel de Canu a été
reconnue par François Gueston et Marie lî r u n e t , suivant l’acte au
thentique du 3 o mars 181 G; que celle reconnaissance a été confirmée
dans l’acte du 12 août suivant, par l'admission, de la part des cnlans légitimes de Gueston , à l’exercice de ses droits, en cette qualité,
dans la succession île leur père ; d ’où il suit qu'aucun doute ne sau
rait s elevcr sur cette qualité de Canu comme enfant naturel de
Gueston;
*
» Attendu que la demande des héritiers Gueston contre Canu est
uniquement fondée sur 1 acte du 12 août 1 8 1 6 , d'où résulte la nécescilui d’apprécier la nature et les effets de cet acte au respect dudit
Canu ;
�» Attendu que cet a c t e , bien qu'il soit qualifié transaction, équi
vaut à un partage à l’égard de C a n u , puisqu’il en produit tous l e s .
effets pour lui ;
*
•
» Q u’il contient, en effet,«rémunération de tous les biens formant
la totalité de la succession de François Gueston, leur estimation, la
composition de la masse, la liquidation de la succession , enfin , la
détermination de la quotit^* revenant à Canu en sa qualité d ’enfant
naturel, laquelle y est fixée à un seizième par suite de la réduction
op érée, par l’exercice de ses droits, de la donation déguisée du
14 janvier l 8 j 5 ; q u ’il contient évaluation de cette quotité à une
somme un peu inférieure à 3 ,ooo f r . , et portée ensuite .à la somme
de 3 ,ooo fr. , pour désintéresser plus complètement Canu , et pour
(est-il dit à la fin dudit acte) tous les droits que peut prétendre Léo
nard Canu dans la succession de François Gueston; d ’où il suit que
cet acte renferme tous le’s élémens d ’nn p artag e, q u ’il en a , en
«jutre, le caractère essentiel et distinctif, celui dé faire cesser l’indi
vision ;
» Attendu que si l'acte du 12 août 1 8 1 6 n’est pas un partage pro
prement dit, en ce sens q u ’il n’est pas susceptible des conséquences
légales des partages ordinaires , énoncés notamment dans les art. 883
et 884 du Code c iv il, c ’est uniquement parce qu’il n’y a pas eu at
tribution , délivrance et mise en possession réelle de la portion en
nature de la succession revenant à Canu ; niais que cette partie de
l’acte de partage en est plutôt la conséquence et le résultat qu’elle
n’en est l’eQet principal et le caractère essentiel, lesquels résident
seuls dans ce double point de faire cesser l’indivision et de déter
miner la quotité ;
» Attendu que cet acte du 12 août 1 8 1 G ne peut être considéré
comme renfermant jtnc vente de droits successifs, lorsqu’on considère
également le caracterc propre et distinctif de ce genre d'aliénation ;
» En effet, le vendeur de droits successifs ne vend et ne garantit
que sa qualité d'héritier ou d’ayant-droit ; du reste, il n ’est pas ga
rant de la moindre ouîdc la plus grande étendue de ses droits; il ne
�vend que ce qui se trouve ou peut se trouver dans la succession ; o r ,
dans l ’acte du 12 août, Canu a vendu non-seulement des droits cer
tains , mais des droits liquidés, déterminés, une quote p art, enfin ,
attributive d ’une valeur fixée; en un m o t , le résultat d u n partage
Préexistant;
» D ’où il suit que l ’acte du 12 août 18 16 tient lieu de partage,
puisqu’il a fait cesser, à son respect, l’indivision de la succession à
laquelle il avait des droits et une quotité d ’ailleurs non conlestée ;
» Q u’enfin , s’il pouvait exister quelque doute sur ce point de doc
trine et de droit, il serait levé textuellement par l’art. 888 du Code
civil, disposition dans laquelle le législateur, par une sagesse remar
quable, évite avec un soin évident de se servir du mot partage, et
dit : « Tout acte ayant pour objet de faire cesser l'indivision, encore
* qu’il fût qualifié de v e n t e y d ’échange et de transaction, ou de toute
* autre manière. »
* En d ro it, attendu qu'en matière de partage intéressant des mi
neurs , la loi a établi des règles et déterminé des formes spéciales,
dont elle prescrit l’observation rigoureuse, sous peine de ne laisser
a ‘l’acte dans lequel elles n’auraient pas été scrupuleusement obser
vées, que le simple caractère et la seule force d ’un partage purement
provisionnel (articles 466 et 8/|0 du Gode civil) ;
* Attendu que l ’acte dont il s’agit, contenant transaction sur d ’au- •
très points litigieux, 'les héritiers Gueston pourraient alléguer, peutêtre , que l’admission de Canu à prendre part H a succession de leur
pure dans la proportion qui s’y trouve déterm inée, n ’a été que la
condition, par forme de transaction, de la renonciation de leur part
à dillérens droits, et notamment à celui de contester la qualité d ’enfant
naturel;
» Mais attendu que cotte considération, toutefois, noterait rien
au résiliât de lacté du 12 août 18 16 pour C a n u , et 11c s a u r a i t en
changer la nature et îles effots ;
* Attendu que si quelques inonnmens de jurisprudencecons.lcront
la validitu d\un partage par voie de ¡transaction cuire majeucs;cfjm -
�— 30 —
neurs, même avec attribution cle parts (arrêt do rejet de la Cour de
cassation, du 3 o août i 8 t 5 ) , ou doit y signaler que le partage était
alors attaqué par les majeurs, tandis que l ’inobservation des art, [\QQ
et 84 o du Code civil ne peut être invoquée que par les mineurs ;
» Deuxièmement, que les biens avaient été estimés en ju stice , et
que cette seconde garantie des intérêts protégés du mineur manque
dans l’espèce dont il s’agit ;
■
« D ’où il suit que cet acte du 12 août 1 8 1 6 , qui sert de base à la
demande, est nul en tant q u ’il détermine d ’une manière définitive la
part afférente à C a n u , comme enfant naturel, et q u ’il fait cesser
pour lui l’indivision dans la succession de François Gueston.
» En ce qui touche la surséance dem andée,
» Attendu q u ’il n ’y a lieu de surseoir à statuer sur la demande des
héritiers Gueston jusqu’après la décision de la demande en partage
formée par Canu au tribunal de Montluçon ;
» Q u’il y a nécessité, au contraire, de prononcer préalablement
sur celle dont il s’agit, parce q u ’avant de procéder sur un nouveau
partage, il est de raison, autant que de justice , de décider d ’abord
sur l’effet ou l ’invalidité d ’un partage antérieur, objet de l’acte du
1 2 août 1816 ;
» Statuant et faisant d r o i t ,
» Déclare les héritiers Gueston mal fondés en leur dem ande, les
déboute d ’ic e lle , en renvoie Léonard Canu ; fait réserve à toutes les
parties de leurs droits respectifs, à l'effet soit de procéder à un nou
veau partage , soit d ’exercer lesdits droits ainsi q u ’elles aviseront ; or*donne qu ’il sera fait masse des dépens, qui seront supportés par
quart ^ar chacune des parties. »
DISCUSSION.
En déférant aux lumières supérieures de la Cour l’examen de cfcttc
décision, les appelans n’ont pas à craindre l'influence d ’un préjugé.
S ’ils ont à critiquer au jugement de première instance , ils invoquent
�— 51 —
une autre décision du même tribunal, et en demandent la mainte
nue ; et il leur serait permis de dire q u e , pendant que la dernière
de ces décisions est sujette à l’a p p e l, la première en était affranchie
par ses caractères propres, et que le tribunal de Moulins était incom
pétent pour se réformer lui-mètne. Aussi le ministère public avait-il
Pris des conclusions diamétralement opposées.
Le tribunal était saisi d ’une demande en validité d ’offres , et il était
essentiellement compétent pour y statuer, puisque c ’était une de
mande personnelle, et que le défendeur était domicilié dans l’étendne de sa juridiction. Tout le monde, au reste, l’a reconnu ; mais
avait-i[ la capacité pour annuler, sur.une question incidente, la dé
cision judiciaire du 19 août 1816,? Nous n ’hésitons pas à dire que
n°n ; mais nous devons, tout à la fois, expliquer notre pensée et la
prouver.
Si la décision du tribunal de Moulins, du 19 août 1 8 1 6 , était un
v^ritable jugement rendu en matière conten lieuse, entre deux partlcs soutenant des propositions contraires et des intérêts opposés,
lo»t le inonde avancerait que le tribunal de Moulins, ayant epuise
*a juridiction , n ’avait plus aucune capacité pour réviser son propre
)ugeinent. L e tribunal n’a pas abordé cette question; il a cru n’avoir
P0"^ à s’occuper de la décision rendue le 19 août ib iG . l i a proC(!(lé comme si elle n ’existait pas ; il n’a vu qu’ un aclc passé devant
Gueulclic , notaire, le 12 août 1,816, et a déclaré cet acte nul.
^ ’«st donc un simple acte que le tribunal a voulu annuler; mais ,
s°us ce rapport, il est tombé dahs une erreur tout aussi grave.
■Pour que la réfutation soit plus claire, représentons-nous le sysletnc du jugement. 11 se résume en ce peu de mots :
l * Le sieur Cuestou avait reconnu Léonard Canu par IVcte du
12 août 1 8 1 6 ; cette reconnaissance a été confirmée par l’acte du
*9 août. Sa qualité était donc certaine.
Cet aclc du 19 août est le fondement de la. dem ande, et il faut
* apprécier.
Or» bien que qualifie transaction, il équivaut à un partage , et en
�— 52 —
produit toüsdcs effets; il en a d’ailleurs le caractère essentiel et dis
tinctif, celui de faire cesser l ’indivision.
Ce n’est pas, à la vérité , un partagé proprement d it, puisqu’il n’y
a point attribution de part à Léonard Canu ; mais ce n ’est pas non
pins une cession de.droits successifs : car le caractère de cette es
pèce d ’acte est que le vendeur ne demeure garant de rien. O r , ici,
Cànu à vendu non-seulement des droits certains, mais des droits liqui
dés, déterminés, une quote part attributive d ’ une valeur fix é e , en un
VlOt,
LE RÉSULTAT » ’ UN r A R Î A G E PRÉEXISTANT.
A cela vient se joindre l’art. 888 , qui veut qu ’un a c t e , qui fait
cesser l’indivision, ne puisse jamais être considéré que comme un
véritable* partage.
3° Les formalités prescrites pour les partages avec les m ineurs,
n’ayant pas été observées, l ’acte est demeuré purement provisionnel,
Nous omettons le dernier motif, qiii nous suffira plus lard pour
démontrct combien le tribunal s’est Vu embarrassé dans ce système ;
nous le prenons tel q u ’il e s t , et ne croyons pas difficile de le réfu
ter. Tout consiste, sous ce rapport, à apprécier les caractères de
l’acte du i g août 18 16.
Oublions pour un instant, quoique ce soit un moyen tranchant
dans la cause, que cet acte était passé pour un m ineur, et que la
justice y avait présidé avec sa gravité»et ses formes régulières ;
qu’elle l’avait couvert de son autorité, reconnu et déclaré valable,
en la forme qui lui était donnée ; qu ’enfin , elle en avait fixé défini
tivement les caractères, alors q u ’elld en avait le droit et le pouvoir;
supposons que Léonard Canu était majeur; que c ’est lui seul, en
personne, qui a’ Cônsenti l’acte tel qu’il est présenté, et q u ’aujour
d ’hui, il en demande pnrement et simplement la nullité, il no fau
drait qu’ouvrir la loi pour lui répondre :
« Les transactions ont, entre les parties, l’autorité do la chose jugée
» en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées ni pour cause
» d ’erreur de droit, ni pour cause de lésion ( art. 2032 ). » Elles
ne peuvent l’ôtre que par suite d'crreür dans la personne ou sur l ’ objet
de la contestation , pour cause de dol et de violence ( art. 2o53 )•
�O r , lui dirait-on, vous étiez majeur, libre (le vos droits , vous les
avez réglés volontairement, et en connaissancedecauso; vous n’argu
mentez ni d ’erreur dans la personne ou sur l ’objet de la contestation ,
n<-de dol ou de violence. L ’acte demeure donc inattaquable.
Vous dites que ce n ’est pas une transaction ! Mais celui qui a
passe un acte, dans une qualification et avec des caractères qui lui
sont propres, n’est jamais recevable à le dénaturer, à lui supposer
Une autre volonté, une autre intention que celle q u ’il y a formelle
ment écrite; e t, d ’ailleurs, qu ’importerait? N’est-il pas vrai q u e ,
quels que soient ses caractères, pourvu qu’il n’y ait rien d ’illicite ,
les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les
°nt faites ? Q u ’elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement
Mutuel, ou pour des causes que la loi autorise? ( Art. 1 1 3 'j. ) L ’acte
6eriut donc valable sous une forme comme sous une autre, soit comme
transaction, soit comme vente ou cession ou autrement, puisqu’il
a °té volontairement consenti.
t ^ *a vérité, la loi ne tient pas compte de la qualification , lorsqu’il
San>t de tout acte qui a pour objet de faire cesser Vindivision e n t r e
^H éritiers ; et le tribunal a dit que le titre de l’enfant naturel étant
reconiui, il avait un droit incontestable au partage ; que l’acte ne
P°uvait pas même être considéré comme cession de droits succèsc|r,
bî mais c’est ici q u ’il est à peine besoin de signaler les erreurs de
C° sysletne, tant elles sont nombreuses et évidentes.
du
^ > d a b o r d , il n’v avait ici ni indivision ni cohéritiers. Dans l’acte
»
*
< r
*2 août 1 8 1 6 , comme dans la délibération du conseil deiam ille
(ÎU| lavait p récédé, il a été reconnu q u ’il y avait seulem ent, à cet
c‘nai d , prétention des tuteurs, appuyée par l’avis de leurs conseils,
j?a,s c°ntestée par les enfans Gueston , soit quant à la qualité de
anu, soit quant à sa prétention de contester la vente de 1 8 1 5 , d ’en
mander la réduction comme don à rente viager«;, d ’exiger le
Apport dos immeubles, etc. Avant d’arriver au partage, il fallait
^ r c d accord de tout cela , il fallait avoir franchi toutes ces difficultés,
a*t résoudre toutes ces questions; et c ’est sur tout cela qu’on a
�transigé, pour etouffer un procès dans sa naissance. Ni l’une ni
les autres parties ne sont donc admissibles à soulever aujourd’hui
toutes cesquestions. Inutilement on argumente de ce qu’il y avait eu
reconnaissance par le p è r e , le 3 o mars 1816. D ’une part, la recon
naissance d’un enfant n’empêchait pas de contester l’identité de celui
qui voulait se l’approprier. O r , une contestation grave s’élevait sur
ce point, et les circonstances que nous avons signalées y répandaient
des difficultés sérieuses; de l ’autre, les enfans légitimes
pouvaient
être admis à critiquer cette reconnaissance, comme frauduleuse ellem ê m e, autant q u ’on voudrait s’en servir pour porter atteinte aux
droits qui leur étaient acquis par des actes antérieurs.
„
Supposé même que les droits de l’enfant fussent reconnus,
et
qu ’il ne restât qu’à les régler, il y aurait eu encore, sur ce règlement,
matière à contestation sur laquelle on pouvait traiter. E11 ce ca s,
l ’acte de 1816 serait une véritable cession de ses droits aux héritiers
légitimes. O r , si l’article 888 veut q u ’on n’ait pas ég ard , dans le cas
q u ’il suppose., à la qualification de transaction, ce n’est pas pour
annuler l’acte ainsi qualifié, mais uniquement pour le soumettre à
à la rescision, comme acte qui a pour objet de faire cesser l ’ indivision
entre cohéritiers; -mais, e n co re, celte disposition n’est ni générale
ni absolue; la loi 11e veut pas soumettre à la rescision tous les actes
qui font cesser l’indivision entre cohéritiers ; elle reconnaît q u ’il est
de ces actes qui doivent en être affranchis par leur caractère propre ;
c l , aussi, elle s’empresse d ’a jo u te r, art. 88g :
« L ’action ( en rescision ) n ’cst*pas admise contre une vente de
» droits successifs faite sans fraude à l’un des héritiers par les autres
» cohéritiers ou par l’un d ’eux. »
E l , ainsi, lesdroiis de Canu supposés certains, sa qualité recon
nue, le traité sur ces droits, par 1111 majeur, moyennant une somme
fixe, serait une véritable cession de celle e s p e c ¿ , inattaquable de
sa nature, parce que c’est encore , sur la quotité et la valeur des
droits, une sorte de transaction où tous les hasards restent d ’un
�s
35 —
L e tribunal a abordé cette objection ; et si nous l’examinons* à
notre tour, quoique fort inutile à la c a u se , c ’est uniquement parce
qu’il nous a mis sur cette voie. Voyons donc comment il la re
pousse.
« Dans la vente de droits successif» ( dit-il ) , le vendeur ne ga* ranlit que sa qualité d ’héritier ou ayant-droit ; il n’est pas garant
* de la moindre ou de la plus grande étendue de ses droils; il ne
* vend que ce qui se trouve ou peut se trouver dans la succession.
* O r , dans la vente du 12 août, Canu a vendu non-seulement des
* droits certains, mais des droits liquides et détermines, une quote
* part attributive d ’une valeur fixée, en un m o t, le résultat d ’ un
* partage préexistant. »
On ne peut pas errer plus complètement et en droit et en fait.
En droit, et q u clq u’indifférent que cela soit à la question qui nous
°ccupe, il est certain qu’une cession de droils successifs peut avoir
des bases diverses sans perdre ses caractères, ni le bénéfice de l’ar
m e 889. •
Ou peut céder une quote part déterminée dans une succession ;
quoique le cédant demeure garant q u ’il y avait droit pour la qu oqu’il a v e n d u e , il sufiit que cette part soit cédée pour un prix
certain et à la charge par le cédataire de payer les dctles , pour quo
lacté soit une véritable cession de droits successifs qui résiste à l’arlicle 888.
On peut, encore, céder simplement son droit à la succession, lorsqu ¡1 y a 1itige sur la quotité, lîn ce cas, la quotité elle-même reste
aux périls du cessionnaire ; mais le cédant demeure garant q u ’il était
héritier; car la ce*ssion suppose qu ’il avait un litre; et cependant,
n)nlgré celte garantie, l’acte échappe encore à l'application de l’ar
ticle 888.
E nfin, on peut céder son droit alors même qu ’il y a litige sur sou
existence, cas auquel le cédant ne vend q u ’une chance, et 11e demeure
garant de rien. C ’est à celle dernière espèce seule que le tribunal
dont est appel a voulu réduire l’application de l’art. 889 ; erreur ma»
�— oG —
nifeste, que condamnent les principes, les lois positives et la juris
prudence de tous les temps. IN’est-il pas certain, en effet, et l’ex
périence
des affaires, comme la simple intelligence des actes,
n’apprend-elle pas à tout le monde que toutes ces espèces de con
ventions renferment ce que ^
lois qualifient jaclus relis, c ’est-à-
dire, que le cédant transforme en une somme fixe, ou une chose
certaine , des droits plus ou moins contestés, pour rejeter sur le cédataire toutes les incertitudes de son droit, de la quotité ou de
l’étendue de ce d ro it, en un m o t , tous les hasards de la succession?
Que , par cela s e u l, et n’y eut-il que la condition imposée de payer
la généralité des dettes connues ou inconnues, il n’y a jamais lieu à
rescision, parce que les parties ne pourraient reconnaître soit une
matière certaine et déterminée, soit un prix fixe et invariable , aux
quels elles pussent s’arrêter, et qu'alors il n’y a jamais possibilité de
prouver la lésion?
Au reste , remarquons bien l’antithèse qui existe entre les deux
articles 888 et 889. L e premier refuse toute conséquence à la quali
fication de transaction, lorsqu’elle est donnée à un véritable partage;
à tout acte qui fait cesser l’indivision entre cohéritiers, lorsqu’il pro
duit lotis les résultats du partage, garantie réciproque , etc. Il n’a
q u ’un b u t , celui de m a i n t e n i r l’action e n rescision qu’il introduit,
et à laquelle, sans celte disposition, 011 aurait.toujours pu échapper
par la forme et la qualification des actes. Mais la loi ne veut, et n’a
besoin de cette exception, que lorsqu’il s’agit d ’un véritable partage,
et que la qualification est donnée dans une intention frauduleuse. Il
11’esl p as, en cilet, défendu de transiger sur la matière des partages
Tpas plus que sur toute autre , lorsqu’il existe line malière quelconque
à transaction; l’art. 888 n ’a pas ce sens absolu. On peut indépen
damment de la raison , qui semblerait suffire
consulter tous les doc
teurs qui ont écrit sur cette m alière, notamment M. Chabot de l’Allie r , sur l’arlicle 888. llien de plus formel que leur doctrine. Au
surplus, tout cela n ’est autre chose que l’application spéciale de ce
grand principe de l’art. 1 l 5 G , que la nature des actes se détermine
�— 57 —
plus par l’intenlion que par le sens littéral des termes. Aussi le lé
gislateur s’empresse-t-il d ’ajouter que cette exception cessera, et q u ’il
11 y aura pas lieu à rescision contre la vente de droits successifs. Pour
quoi cela? parce q u ’une cession de celle nature (q uoiqu e premier
acte entre cohéritiers) , faite par celui qui prétend un droit à celui
qui le co n teste , soit dans sa réalité, soit dans son étendue , et alors
même qu’il ne contesterait que sur la valeur, est une véritable tran
saction entre deux parties qui ont des intérêts opposés; e t , alors,
n’importe que la transaction porte sur des difficultés fondamentales
ou sur des questions de quotité ou de détail, il y a toujours une vé
ritable transaction. En d r o it , le tribunal a donc évidemment erré.
En fait, nous ne concevons pas qu’il ait pu dire sérieusement q u e ,
« dans la vente du 12 a o û t , Canu a vendu non-seulement des droits
certains, mais encore des droits liquidés et déterminés. »
*
Quoi ! ses droits étaient certains , lorsqu’il s’était empressé de
constater lui-même qu ’il craignait contestation sur son identité? lors
que ses conseils ayant décidé que cette identité était'suiïisamment
établie , ses adversaires lui répondaient que cela pouvait être contesté,
et q u ’on l’insérait dans l ’acte même? lorsqu’enfin 011 soutenait que
la reconnaissance étant postérieure à l ’acte du 14 janvier i 8 i 5 , elle
ne pouvait y porter atteinte?
Q u o i! scs droits étaient liquides cl déterminés, lorsqu’on lui con
testait celui d ’exiger le rapport des biens attribués aux enfans, par
l ’acte du i4 janvier, et l’application 'de l’art. 9 1 8 , à raison du prix
considérable et des conditions onéreuses attachées à cet acte !
E t , enfin, où était donc ce partage préexistant, que le tribunal
voit partout, q u ’il ne peut cependant pas signaler, et q u ’on n’aper
çoit nulle part? Q u ’importe q u e , pour savoir si 011 avait intérêt *i
transiger et pour quel prix, la partie eut examiné, par l ’estimation
des b ien s, si elle aurait des chances plus ou moins avantageuses à
courir en cas de succès dans une lutte judiciaire, et voulu connaître
ce qui lui reviendrait, toutes suppositions fuites en sa faveur? Cela
cm pêchc-t-il q u ’elle ait réellement transigé sur des difficultés eiijr-
�lantes, et qui pouvaient être décidées contre elle, si elle soutenait le
procès? Q u’importe, enfin , qu’il y ait une valeur fixée, dés qu’il n’y
en a pas d ’aufre que celle de la transaction? Sans doute si, avant de
transiger, et en dehors de la transaction, on eût reconnu les droits
de Léonard Canu ; si on en eût fixé la nature, la quotité, l’étendue
et la valeur, et q u ’ensuite on lui eût attribué une somme moindre,
sous prétexte de transiger, l’argumentation du tribunal pourrait être
vraie. Mais ici, en estimant les biens et la part qui en serait revenue
à Canu en supposant son droit, on lui contestait ce droit, et on n’a
vait d ’autre but que de mettre cette valeur en regard de la somme
offerte , pour prouver q u ’on faisait une proposition avantageuse. Au
r e s te , sans raisonner nous-mêmes, nous n ’avons qu’à laisser argu
menter le tribunal dont est appel : il a senti le besoin d ’un partage
préexistant à la transaction, d ’une valeur fixée en dehors de cette
transaction ; et il nous suffit de nous reposer là-dessus, en démon
trant q u ’il ne se rencontre aucune de ces conditions que lui-même a
jugées nécessaires, et qui le seraient en effet.
A la v érité, on a dit dans la transaction que Léonard Canu était
le fils naturel de François Gueston ; mais qu’importe ? Cela résultait,
bien ou m a l, de l’acte de reconnaissance du père ; et en le répétant
dans la transaction , les enfans disaient qu'ils pouvaient contester cette
reconnaissance, postérieure à l’acte du i/j janvier
i
8 i5,
comme
faite ou surprise à leur père en fraude de leurs droits. L e tribunal
ajoute encore que cela résulte même de ce que les enfans Gueston
Vont admis à l’ exercice de ses droits en cette qualité. Mais on ne veut
pas voir que c ’est seulement par la transaction, c l en transigeant,
q u ’il a élé admis, non à exercer scs droits comme héritier, mais à
recevoir 3 ,o o o fr. par transaction. O r , dès que les enfans Gueston
sc résignaient à donner 3 ,ooo fr. , il était impossible de ne pas sup
poser à Canu un titre pour les recevoir; e t , dès lors , il fallait néces
sairement transiger sur le titre comme sur la somme ; e t , clans leur
ensemble, toutes ces conventions ne faisaient toujours q u ’une tran«action unique, où chacun renonçait à de plus grandes prétentions1,
�et "où l’admission de Canu à prendre 3 ,ooo fr. , comme enfant na
t u r e l, n ’était écrite qu’à côté de sa promesse de ne pas faire valoir
sa reconnaissance pour réclamer quoi que ce soit au delà de ces
3 ,ooo fr. , et pour accuser devant les tribunaux la mémoire du sieur
Gueston.
M ais, là-dessus, nous serons bien plus forts en laissant raisonner
le tribunal lui-même. 11 en dit plus q u ’il n’en faut, dans un motif
subséquent, pour détruire tout l’effet des p récéd en s, quand son ar
gumentation serait vraie, jutant q u ’elle manque de justesse.
« Attendu que l’acte dont il s’a g it , contenant transaction sur d ’au» très points litigieux, les héritiers Gueston pourraient alléguer, peut» être, que /’admission de Canu à prendre part à [a succession de leur
» père, dans la proportion qui s’y trouve déterm inée, n ’ a été que la
« condition, par forme de transaction, delà renonciation de leur part à
* différons droits, et notamment à celui de contester la qualité d ’enfant
» naturel.
» Mais, attendu que cette considération, toutefois, n ’ôterait rien
» au résultat de l’acte du 12 août, pour en changer la nature et les
» effets. »
Très-bien : le tribunal reconnaît rtettement que l ’acte du 12 août
contenait transaction sur des points litigieux. Ce n’était donc pas une
qualification fausse réclamant l’application de l’art. 888. Seulement,
le tribunal dit que celte transaction portait sur d ’autres points : il
aurait été fort embarrassé, sans doute , d ’en désigner d ’autres , c ’està-dire des points de litige étrangers à la question et aux droits de
Léonard Canu ; mais il s’empresse de nous rassurer à cet égard ; luimême il efface immédiatement celte qualification :
A
utres
, qu'il
vient d ’écrire, et il reconnaît qu’ un de ccs points litigieux était le
droit de contester à Canu la qualité d ’enfant naturel. D o n c , d ’après
le jugement lui-m êm e, il y avait contestation, et il y a eu transac
tion sur ce point important, fondamental , en même temps que sur
d ’autres; et l ’admission de Canu à prendre part à la succession a été
le résultat, l'effet et uue des conditions de cette transaction. Q u ’avions-
�-
4
0
-
nous donc besoin d ’examiner nous-mêmes les caractères de cet acte',
de rechercher s’il contenait ou non transaction ; et com m ent, à côté
de ce m otif, tous ceux qui précèdent peuvent-ils se soutenir ? N'estil pas désormais incontestable qu’ un de ces d roits, auxquels les héri
tiers Gueston ont renoncé, était celui de contester la qualité de Canu
comme enfant naturel de leur père , et q u ’ils l’ont fait en regard des
conditions qui ont accompagné cette renonciation? Q u ’enfin, la pro
messe de payer 3 ,ooo fr. n ’a été que la conséquence de cette re
nonciation, qui n’était faite elle-même que parce que Canu ou ses
tuteurs, pour l u i , renonçaient à toute prétention autre que celle de
ces 3 ,ooo fr. ? L e jugement le reconnaît.
Au r e s te , convenons que les enfans Gueston auraient joué une
partie de dupes, s’ils avaient consenti à reconnaître sans retour une
qualité q u ’ils contestaient, une identité q u ’ils contestaient e n co re,
des droits de réduction qu’ils ne voulaient pas souffrir, et tout cela
sans prendre aucune précaution pour lie r , à leur égard, Léonard
Canu. Evidemment, ils n’ont pas abandonné leurs m oyens; et au
jourd’h u i, si on pouvait annuler le traité, et aborder la demande en
partage, il y aurait toutes ces questions à juger. O r , ces questions,
avec un majeur surtout, seraient matière à transaction, llien n ’est
plus évident. Pourquoi donc ne l’auraient-elles pas été en 1 8 1 6 ?
Iist-ce qu’elles n’étaient pas les mêmes ?
II est donc bien évident que l ’acte de 1 8 1 6 , supposé fait entre
majeurs, ne serait pas susceptible d ’ôtre anéanti; qu ’aucun moyen
de nullité écrit dans les lois pourrait l’atteindre , et qu’en le consi
dérant même comme ayant, au fond, les caraclères d ’un acte qui fait
cesser l ’indivision, il serait inattaquable , parce q u ’il ne serait pas
moins une véritable transaction ; e t , d é jà , il demeurerait démontré
que ni le procureur du roi de 181 G, ni les jurisconsultes qu ’il avait
n o m m é s, ni le conseil de famille qui avait autorisé la transaction , ni
le tribunal qui l’a homologuée, n ’ont été si mal avisés q u ’on le sup
pose.
L a minorité de Léonard Canu, en 181G, forcerait-elle d ’adopter une
�décision, contraire ? Non-seulement nous repoussons cette proposi
tion , mais nous allons prouver que la position des enfans Gueston
devient plus favorable, et encore plus ¡également fixée par cette seule
circonstance ; et on va reconnaître q u ’alors même qu ’un majeur
pourrait encore, quoique sans avantage, agiter la question de res
cision , et un tribunal la. ju g e r , cas auquel il serait obligé de la re
je te r, comme nous venons de l’établir , tous les tribunaux sont
incompétens pour examiner le mérite et les caractères de la transac
tion judiciaire de 1 8 1 6 , et que le mineur, lui-m êm e, demeure dé
pourvu, e t , pour mieux dire, dépouillé par Ja loi même de toute
capacité pour la critiquer, parce qu ’elle a pris du jugement d ho
mologation un caractère irrévocable et une validité qui ne peut plus
être mise en question. Ici se présente une question grav e, qui tient
à l’honneur même de la justice.
Avant le Code civil, la législation n’offrait aucun moyen de faire
une transaction solide avec les mineurs; et comme on le voit dans
l’exposé des motifs de la l o i , par M. B e rlie r, sur l’article 4^7 » Ie
Code a voulu créer cette faculté dans un intérêt général.
<t Les principes admis jusqu’alors, dit M. Berlier , sans repousser
ces transactions, en rendaient l’usage impraticable; car elles ne pou
vaient valoir qu ’autant q u ’elles profitaient au pupille , et que celui-ci
s’en contentait ; si hoc pupillo expédiât ; et ce point de fait, toujours
subordonné à la volonté future du mineur, écartait nécessairement
un contrat aussi peu solide.
» De cette manière, toutes les difficultés dans lesquelles un mi
neur était engagé devenaient un dédale d ’où l’on ne pouvait sortir
q u ’à grands frais, parce que les issues conciliatoircs étaient fermées,
et que si le tuteur n’osait rien faire qui eût l’air d ’altérer un droit
équivoque, de son c ô t é , l ’adversaire du pupille ne voulait point
traiter avec un homme dont le caractère ne lui offrait aucune ga
rantie.
» De là, ruine de plus d’un m ineur; de là , aussi, de nombreuses
entraves pour beaucoup de majeurs.
v
6
�-
ni -
_ ti II convenait de mettre un terme à de si grands inconvénient,
et le projet y a pourvu en imprimant un caractère durable aux tran
sactions pour lesquelles le tuteur aura été autorisé par le conseil de
l'amille, de l'avis de trois jurisconsultes désignés par le commissaire
du gouvernement, et après que le tribunal civil aura homologué la
transaction sur les conclusions du môme commissaire.
i Tant de précautions écartent toute espèce de danger ; elles sub
viennent aussi aux besoins de la société, q u i , en accordant une juste
sollicitude aux mineurs, doit aussi considérer les majeurs ; elles don
nent enfin à l’administration du tuteur son vrai complément. Que serait-ce , en effet, q u ’un administrateur qui ne trouverait pas dans la
législation un moyen d ’éviter un mauvais procès, ni de faire un ar
rangement utile. ?»
Ces considérations, qui ont une haute portée , et qu'on trouve
reproduites dans les discours prononcés sur les art. 20S2 et 2o53
du Code civil, ont amené la disposition de l’art. 4 ^7 - Avec ce la , i)
est facile d en saisir les caractères et d ’en déterminer les effets. La loi,
toujours prévoyante, a voulu imprimer aux transactions qui seraient
faites en la forme q u e lle prescrit, le caractère de l’irrévocabilité , no
nobstant la minorité d'une 011 de plusieurs parties; et elle en a con
fié le pouvoir aux ministres de la justice. Sous leurs ailes , et avec
leur protection , les mineurs peuvent tfaire les actes qui les intéressent aussi valablement que les majeurs.
E t , aussi, dans cette nouvelle création , ne retrouve-t-on plus,
comme principô applicable à tous les cas, la hiérarchie des divers
degrés de juridiction. 11 ne s’agît plus, en effet, do ces discussions
qui naissent de la diversité des intérêts entre des parties opposées,
lesquelles peuvent élever des questions subtiles , faire naître des
doutes, embarrasser les esprits. L;\ les magistrats sont appelés à pro
noncer sur des questions souvent difficiles ; ils peuvent se méprendre
sur le sens des actes, sur la véritable volonté des parties, sur l’appli»
cation des lois; et il faut au législateur des garanties contre l’erreur
des juges oux-môincs. C ’est pour cela q u ’il établit divers degrés de
�— 43 —
juridiction comme une sauvegarde pour les intérêts privés qui sont
en présence.
- Mais lorsqu’il s’agit seulement de suppléer à l’incapacité des per
sonnes, et d ’environner les incapables d ’une autorité tutélaire qui
veille à la conservation de leurs droits, le législateur ne pense plus, il
ne peut plus admettre la nécessité des divers degrés de juridiction. L e
ministère du juge n’est plu^le même ; il n’est'plus q u ’un surveillant*
que la loi charge de protéger le mineur, et à qui elle donne toute
autorité pour mettre la sanction à ses actes, lorsqu’ils sont faits avec
les formes régulières , et qn’il y a reconnu.de l’avantage ; mais, aussi,
après qu’il les a homologués, la loi leur donne-t-elle .tout lu carac
tère d ’irrévocabilité q u ’ils auraient, si toiiLes les parties eussent été
majeures et libres de leurs droits; c ’est ce que le Code civil nous
enseigne
O dans une foule d ’arlicles.
~ i
m
Nous avons rapporté plus haut les articles 2o 5 a et 2o 5 3 * sur l’eEfet
des transactions entre personnes capables de contracter ; à cela il
faut ajouter diverses dispositions, soit générales, soit particulières,
sur les personnes incapables;
L ’art. 1123 : « Toute personne peut contracter si elle n’est pas
déclarée incapable par la loi. j
’
,
L ’art. 1 1 2 4 : « Les incapables de contracter sont les mineurs , —
» les interdits , — les femmes mariées, dans les cas exprimés. »
L ’art. 1 1 25 : « Le mineur , l’in terd it, la femme mariée, ne peu> vent attaquer leurs engagemens que dans les cas prévus parla loi. »
D ’où il résulte que leurs engagemens sont valables toutes les fois
que la loi ne les autorise pas expressément à les attaquer.
O r , tous ces articles sont coordonnés avec l’art. 467 , qui autorise
le tuteur * à transiger après autorisation du conseil de famille, et
» l’avis de trois jurisconsultes commis par le procureur du roi. »
Il ajoute que « la transaction ne sqra valable q u ’autant q u ’elle aura
» été homologuée par le tribunal de première instance. »
Quoique cette disposition ne soit exprimée q u ’en termes négatifs,
«lie ne renferme pas moins la règle que l’homologaliou du tribunal
�-
«
-
¿tiiTîra pour valider la transaction faite par le mineur} ou , pour l u i ,
par son tuteur, Elle est1-, d ’ailleurs, confirmée par l’art. 2o/f5.
Enfin , on peut y ajoutèr l’art. 1 3 1 4 :
t Lorsque les formalités requises à l’égard des mineurs, soit pour
» aliénation d ’immeubles, soit dans un partage de succession> ont
» été remplies , ils so n t, relativement à ces a ctes, considérés comme
4» s ’ ils les avaient faits en majorité. »
*
Cet article semble* ne parler que de deux cas spéciaux, la vente
des immeubles et le partage ; mais il est évident que sa disposition
est générale, o u , tout au m oins, qu’elle le devient par une inévi
table analogie.
D ’une p art, il est placé sous la rubrique générale de l ’action en
■nullité des conventions.
•i
O r , en ^ ra p p ro ch a n t des art. 1 1 23 , 1 124 et 1 1 2 5 , sur les nul
lités résultant de la minorité, et de l'art. 467 > qui autorise la tran
saction entre m ineurs, avec les formes prescrites, on demeure con
vaincu que l’ art. i 3 i 4 s’applique à toutes les conventions permises
au m ineur, lorsque les formalités requises ont ctè remplies, et que ne
lut-il pas écrit dans le Code, il faudrait l’y suppléer.
E t , aussi, dans le rapport de M. Jaubert au T ribu nal, trouve-ton ce passage décisif :
a Hors les cas spécialement exprim és, les mineurs ne peuvent être
admis à la restitution. La restitution est un bénéfice extraordinaire
et une exception. Toute exception doit &tre fondée sur une loi pré
cise.
» Cependant, il était convenable de rassurer pleinement ceux qui
traiteraient avec des mineurs, en suivant les formalités prescrites.
Cette précaution , si elle n’était pas nécessaire, est du moins u tile , à
cause de cette idée si invétérée, et qui s’est si souvent réalisée , q u ’il
n’y avait pas de sûreté à traiter avec les mineurs.
» Pour les partages, l ’opinion générale était q u ’ils ne pouvaient
être que provisdires ; quant aux ventes, toutes les formalités possi
bles n’empêchaient pas que l’acquéreur ne fût inquiété sous prétexte
de la moindre lésion.
•
�* » Il fallait souvent des demi-siècles pour savoiï si une affaire traité^
avec un minenr pouvait être regardée comme absolument con
sommée.
*
5 L ’intérêt des mineurs, celui des familles, le respect dû à là mo
rale publique, exigeaient que la personne et les biens des mineurs
Fussent environnés de toute la protection de la loi.
r » Mais enfin , an est souvent forcé de traiter avec les mineurs, et
des mineurs ont souvent besoin qu’on traite avec eux. Il faut donc
que l ’ intérêt des tiers soit garanti, lorsque les tiers ont suivi les for
mes prescrites par la loi. »
'• Evidemment celte doctrine, qui est le fondement de la lo i, s’ap' plique aux transactions comme à toute autre espèce d’acle qu’elle a
autorisés avec des formalités diverses. D ’ailleurs, cela est d ’autant
plus
évident
j que la transaction ne peut jamais avoir trait q u ’à des
meubles ou ii des immeubles. Dans le premier cas, elle est presque
toujours dans le domaine du tuteur 011 du mineur émancipé ; dans le
l’art. i 3 i/j y est expressément applicable; il l’est surtout
dans le cas particulier : car de quoi se plaint-on? de ce q u ’au lieu
d ’ouvrir un partage au mineur, et d ’o r d o n n e r une estimation judi
Second,
ciaire d'immeubles, le tribunal a autorisé le mineur à recevoir une
simple indemnité de 3 ,ooo fr. IVest-il pas évident que plus cela se
rait
Il
vrai,
plus l’art. 13 14- serait applicable?
est donc démontré qu ’une fois l’avis dit conseil de famille et des
troiâ jurisconsultes obtenu, et l’homologation du tribunal prononcée,
l’acte est irrévocable comme s’il avait été fait entre majeurs; nous
osons ajouter qu’il est cent fois plus respectable , parce q u ’il est cou
vert de la protection de la justice.
Un majeur, en effet, peut se tromper, agir avec légèreté, se lais
ser préoccuper par des apparences, par quelques entrainemens ; et
il tie faut pas moins sanctionner ce qu ’il a fait librement, alors môme
qu’il ne le voudrait plus. La justice, au contraire, ne se préoccupe
t>as; olle n'agit ptiS légèrement; elle ne dément jarrriis la gravité de
fion ministère ; et lorsqu'elle a observé les formes exigées pour tel ou
G.
�-
46 -
tel acte, toute garantie est acquise aux intérêts de l’incapable, parce
que son incapacité, suffisamment suppléée, a totalement disparu. . ,
Ici une réflexion se présente, que nous ne devons pas laisser ina
perçue.
Saisi du pouvoir d’accorder ou de refuser l’homologation , le tri
bunal de première instance est nécessairement investi du droit de
déterminer la nature de l’acte qu ’on lui p résente, et les formalités
qui lui conviennent. O r , il est et il doit être de l’essence de sa dé
cision d ’être aussi-bien irrévocable dans cette partie que sur le fond
même de l’intérêt du mineur.
î
Eh quoi ! il aurait le pouvoir d ’homologuer une transaction , et
l’obligation de l’examiner avec scrupule avant de statuer, et ¡1 n’au
rait pas le droit et le pouvoir de décider si l’acte q u ’on lui présente
est une véritable transaction !
. Qui d o n c, lorsqu’il l’a reconnu, serait compétent pour décider le
, .
«
contraire?
Serait-ce lui-m êm e, comme le juge'naturel des parties? Mais estce qu ’il pourrait proroger sa juridiction pour détruire ce q u ’il a fait?
- On comprend*bien que si l’acte a été fait sans les formalités pres
crites, il puisse en prononcer la nullité; mais pourquoi cela? C ’est
que , dans cette hypothèse, l’acte a été fait sans pouvoir, hors des
termes de la loi, et il reste sans valeur; e t, en ce ca s, le tribunal
ne fait qu’appliquer la loi dans les bornes de son autorité, en décla
rant nul un acte fait en contravention aux lo is, et qui ne se trouve
plus souscrit que par un mineur dont l’incapacité n ’a pas été légale
ment suppléée. Mais dans le cas, au contraire , où les formalités re
quises ont été observées, et l’homologation prononcée , le juge a agi
légalement; il a consommé un acte de son ministère. O r , il n’a pu
Je, faire ainsi sans fixer définitivement les caractères du contrat, et
déterminer le genre de formalités qui lui était propre. Si donc elles
o n t
été remplies, l’homologation de l’acte a épuisé sa juridiction : il
ne serait plus admissible ensuite h décider, et aucfiiî autre tribunal
ilu serait compétent pour dire qu ’il s’est trompé , q u ’il a mal apprécié
�-
47 -
'
l’acte qui lui était soumis. Il était juge , clans le cercle de ses fonc
tio n s, la première fois, comme il l’est la seconde, et il n’est pas au
torisé à se réformer.
Toute cette doctrine se résume en deux mots.
•
L é jugement qui intervient sur la demande de l’incapable, et qui
homologue l’acte qualifié transaction, n’est autre chose que la con
sommation du contrat, l’acte nécessaire pour q u ’il soit valable et
parfait, en donnant au mineur pleine et entière capacité pour le
consommer ; et si celui au nom duquel Pacte a été fait et le jugement
rendu veut se plaindre, i^faut qu ’il attaque l’acte lui-même par les
moyens ordinaires de nullité. O r , il ne lui su (Tira pas de dire que la
justice a prononcé légèrement, qu ’elle n’a pas assez examiné , il fau
dra qu’il prouve qu’èlle a été surprise , q u ’on a amené la consomma
tion de l’acte par des moyens frauduleux, exercés au préjudice de
lui mineur ou interdit, et que le tuteur qui a provoqué l’acte a par
ticipé à la fraude, ou a été lui-même trompé et surpris par le dol
d ’un tiers qui a profilé de l’acte. C ’est donc , dans cette supposition ,
une action en nullité qu’il faut exercer contre les autours de la
fraude, et q u i, en certains cas, peut amener la révocation de l’au
torisation judiciaire ; mais lorsque le mineur ne pourra citer aucun
fait de dol exercé par des tiers, et q u ’il se bornera à dire qu ’il a mal
à propos demandé l’autorisation de faire un a c t e , et q u ’on ne devait
pas riiomologuer, son action s’anéantira devant l’autorité des lois,
qui protègent les contrats régulièrement consommés, et les actes des
corps judiciaires qui les ont autorisés ou confirmés. Toute autre
doctrine serait dérisoire pour la justice. A in si, le tribunal de 18 1G a
pu decider que c ’était une transaction, il l’a fait valablement, ir
révocablement, et il n’y a plus à y revenir. Iîl comment, dans l’es
p è c e , hésiter à le reconnaître? On veut qu’en 18 1G le tribunal de
Moulins eut du employer les formalités du partage; mais c ’eût été
refuser au mineur la faculté de transigea, le forcer à p l a i d e r ' malgré
lui, l’obliger à soulever des questions, et à provoquer une décision
qui pouvait détruire jscs_espéranccs ; tourner enfin contre lui ce qui
�4 + 1
♦*
*
*
*
'* •
î
était établi en si» faveur. Mais quoi! on voudrait donc ^refuser au tri—
bùnal compétent eh 1 8 1 6 , le droit de juger ce qui était plus avan
tageux au mineur! On 11e fait pas attention qu’avant d'ordonnôr
l’emploi des formalités du partage, le tribunal de. Moulins Voyait des
questions à juger, et qu ’il a reconnu préférable au mineur qu ’elles
ne fussent pas agitées. C ’est donc avec une intention bien méditée
q u ’il a eu recours aux formes de la transaction. Est-ce q u ’il n’en avait
pas le pouvoir? E t , d ’ailleurs, quel est donc ce grief si fâcheux qui
doit soulever aujourd’hui le zèle de la justice? Il se borne à dire quô
l’estimation des biens n’a pas été faite par trois experts commis. Ou
nVa pas fait attention, e n co re , que le tribunal n’a ordonné d ’estima
tion d ’aucune espace ; q u ’il était le juge du besoin de cette estima*
t i o n , et q u ’évidemment elle n’était pas nécessaire!, puisqu’il ne fai
sait pas un partage.
Mais pourquoi tant raisonner sur des hypothèses, en droit, aloM
que le fait est positif, certain , et d’une telle évidence , quJil apparaît
de lui-mème à tous ies yeux? Est-ce q u ’il peut s’élever le moindre
doute sur la question de savoir si l’acte était une véritable transac
tion? Nous en avons assez dit ci-desSus, pages 18 et suivant., et 3 g ,
pour qu’il ne puisse pus subsister (le doutes, et iious il’y reviendrons
pas. L e tribunal dont est appel lui-mème s’est vu obligé de le recon
naître et de le consigner dans son jugement; eu sorte que ce n’est
plus seulement avec des autorités étrangères, mai .4 avec le jugement
dont est appel lu i-m è m e , que nous détruisons le système des pre
miers juges, et le fait sur lequel il est établi.
Mais ce n’est pas là seulement que nous pouvons mettre ce juge
ment en contradiction avec lui-mème ; ne dit-il pas encore que
l’acte de i 8 1 5 , portant cession de ses biens , par le sieur Gueston
père à ses enfans , était tine donation déguisée ?
Quoi ! c ’est le tribunal doi^t est appel qui juge celte question , et
qui décide en même tem fs
q u ’il
n’y avait en 1816 ni litige ni ma
tière à transaction ! Est-ce qu’il a vu quelque part que les enfans
Gueston eussent renoncé à se sfcrvir de cet acte authentique, et doftt
�— 49 —
l’exécution était depuis long-temps consommée? Est-ce q u ’il’ n’a pas
lu dans la délibération du conseil de famille , et dans la consultation
judiciaire , que les enfans Gueston entendaient en soutenir la vali
dité et se refuser à la réduction? Est-ce que cela n’y est pas exprimé
assez clairement lorsqu’on y lit ce motif des trois jurisconsultes :
« Considérant q u ’il importe d ’éviter à l ’enfant naturel un procès
» qui ne tendrait q u ’à faire naître pour lui des chances incertaines,
» et à remettre en question ce qui est résolu en sa faveur, en l’expo» sant à des frais considérables qui pourraient consommer sa ruine. »
E t , enfin, e s t - c e q u e , aujourd’hui m ô m e , cette question se
trouve jugée quelque part ?
Ce n’est pas tout encore ; lisons la disposition finale du jugement,
et nous verrons q u e , là comme dans ses motifs, le tribunal détruit,
de ses propres mains, tout le système q u ’il avait édifié.
C ’est après avoir reconnu q u ’il y avait transaction sur des points
liti gieu x, fondamentaux, q u ’il prononce sur la demande en validité
d ’offres. Considérant l’acte de 1816 comine n u l, parce q u ’il n’était
q u ’un partage, y appliquant l’art. 888 du Code civil, qui est évidem
ment étranger à cette question de nullité, il rejette la dem ande,
puis il ajoute :
« Fait réserve à toutes les parties de leurs droits respectifs, à l’effet
» soit de procéder à un nouveau partage, soit d ’ exercer lesdits droits ,
» ainsi q u ’elles aviseront. Ordonne qu ’il sera fait masse des d é p e n s,
» qui seront supportés par quart par chacune des parties.
L e tribunal savait très-bien que Léonard Canu, avait formé une
demande en partage devant le tribunal de Montluçon, dans le ressort
duquel la succession s’est ouverte , et que cette demande faisait re
vivre toutes les questions soulevées et éteintes en 1816. O r , n ’osant
pas les juger directement, il réserve aux parties tous leurs droits,
soit pour faire un nouveau partage, soit pour exercer lesdits droitsPuisque de ces deux hypothèses il fait une alternative, il a donc la
pensée, il reconnaît donc que l ’exercicc desdits droits p o u rrait écarter
la demande en partage; e t, en effet, c ’est une position inévitable,
�qui résulte de ce q u e , en annulant la transaction , il ne pouvait pas
s’empêcher de remettre chacune des parties dans la position où elle
était auparavant. Ainsi, il délaisse toutes les parties à se présenter
devant le tribunal de Montluçon , l’une pour suivre sa demande en
partage, les autres pour s’en défendre, y faire valoir leurs droits, et
faire rejeter, si elles peuvent, cette dem ande, par leurs moyens
préjudiciels. On en reviendra donc devant le tribunal de Montluçon,
pour agiter toutes les questions qui sVilevaient en 1 8 1 6 , sauf, toute
fois, la difficulté que trouveraient, peut-être, les enfans Gueston à
établir, après un intervalle de vingt années, certains points de fait
qui étaient notoires à cette époque. L à , nous aurions à examiner,
avant tout, la question d ’identité du dem andeur, celle de savoir si
la reconnaissance du 3o mars 1816 a été faite librement et avec con
naissance de cause ; ;si elle n ’était pas, au contraire, le produit du dol
exercé sur le sieur Gueston, comme on offrait de le prouver; si elle
pouvait, dans tous les cas, porter atteinte à la vente de i 8 i 5 , faite
par le père à scs trois enfans, etc., etc.
.
Sans d o u te , e n co re , le tribunal a eu la conviction que les enfans
Gueston avaient pu soutenir, sans injustice, que l’acte de 1816 était
une transaction ; c ’est le seul motif qui ait pu autoriser la compensa
tion des dépens'. O r , celte conviction a dû résulter nécessairement
de ce que le tribunal reconnaissait q u ’il y avait eu transaction sur
des points litigieux q u e , d ’abord, il qualifiait autres; qu ’ensuite, il
reconnaissait s’appliquer aux prétentions de Canu. Mais c ’est évi
demment avouer q u ’en 181.6, il y avait, comme aujourd’hui, matière
à transaction ; et comment le tribunal n’a-t-il pas aperçu q u ’en se
refusant, à lui-même (tribunal de *81G) , le. droit de reconnaître,
dans l’acte , une véritable transaction , et de l’homologuer comme
te lle , alors que la loi lui en donnait le pouvoir, il faisait lui-m êm e,
sans le d ire, en i 836 , et 6ans en avoir le droit, une véritable tran
saction, pleine, toutefois, d’inconséquences ?
Mous ne pousserons pas plus loin cette discussion. C ’est déjà trop,
sans doute. Si quelque chose est respectable au monde, ce sont les
�— 51 —
actes des corps judiciaires lorsqu’ils sont faits dans les limites de leur
autorité, et environnés de toutes les solennités prescrites par la loi.
I c i , en 1 8 1 6 , des prétentions opposées faisaient pressentir une
lutte vive, animée, chanceuse; un mineur y était intéressé. Pour en
prévenir les dangers, il a réclamé l’autorisation de transiger; un
conseil de famille y a reconnu d ’incontestables avantages; trois ju
risconsultes , régulièrement com m is, en ont démontré l’utilité pour
le m ineur, et ont signalé le danger q u ’il y aurait pour lui à ne pas
le faire. Légalement éclairé, le tribunal a couvert de sa protection
tutélaire les intérêts du mineur, et l’a relevé de son incapacité. Ainsi
couvert de son autorité souveraine, ce contrat a reçu toute sa perfection ; il demeure donc inébranlable; et c ’est honorer à la fois la
justice et son ministère, que de prononcer la maintenue d ’une con
vention fait loyalement, en connaissance de cause et avec pleine li
berté , sous la foi de la législation qui nous régit.
**
»
Me DE VISSAC avocat.
Me V EYSSET, avoué-licencié.
RIOM, IMPRIMERIE DE E. T HIBAUD
�
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[Factum. Gueston, Gilbert. 1836]
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successions
partage
enfants naturels
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exposition
abandon d'enfant
fausse identité
reconnaissance de paternité
transactions
partage
domestiques
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Gilbert et Louis-Etienne Gueston, propriétaires ; Françoise Gueston, et Jean-Pourçain Causse, son mari, propriétaire et Docteur en médecine, appelans de jugement rendu par le tribunal civil de Moulins, le 28 avril 1836 ; contre Léonard Canu, Intimé.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Enfant naturel.
6. lorsqu’après la reconnaissance authentique d’un enfant naturel et le décès du reconnaissant, les héritiers légitimes de ce dernier ont confirmé la reconnaissance, dans un acte passé avec le tuteur autorisé par une délibération du conseil de famille, en admettant l’enfant naturel à l’exercice de ses droits, en cette qualité, dans la succession de leur père, et que, dans cet acte, qualifié transaction, après l’énumération de tous les biens de la succession, leur estimation, la composition de la masse, la liquidation et enfin, la détermination de la quotité revenant à l’enfant naturel avec évaluation d’une somme fixe, on lui abandonne une somme un peu plus forte pour le désintéresser plus complétement et pour tous les droits qu’il peut prétendre dans la succession du défunt ; cet acte bien qu’il ait été homologué en justice, à la diligence du tuteur, et sans contradiction doit-il être considéré comme vente de droits successifs et transaction, ou au contraire comme partage ?
l’enfant naturel après sa majorité, peut-il, en invoquant le véritable caractère de l’acte, s’il a réellement fait cesser l’indivision, et en excipant de ce que les formes prescrites par la loi, pour l’efficacité des partages avec des mineurs, n’ont pas été observées, en demander la nullité, ou la rescision pour cause de lésion, et conclure à un nouveau partage ?
peut-on lui opposer, comme fins de non-recevoir, l’autorité de la chose jugée, résultant, soit de la décision judiciaire qui avait homologué l’acte réglant à une somme fixe ses droits dans la succession de son père naturel ? soit du caractère et des effets de la transaction ayant eu pour objet de trancher, entre parties, des difficultés nombreuses sur la qualité du réclamant, sur le règlement de ses droits, sur les conséquences des libéralités et dispositions antérieures faites à son profit ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1836
1814-1836
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
51 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2805
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_G2806
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Le Montet (03183)
Moulins (03190)
Trévol (03290)
Sciauve (château de)
Salles (terre de)
Saint-Hilaire (03238)
Saint-Silvain-Bas-le-Roc (23240)
Rights
Information about rights held in and over the resource
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abandon d'enfant
coutume du Bourbonnais
domestiques
enfants naturels
exposition
fausse identité
partage
reconnaissance de paternité
Successions
transactions
-
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a6913de896476b92bc3405d7b1f26403
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M E M O IR E
A CONSULTER
ET CONSULTATION
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4M AmVÎ ^K4luutf(
A CONSULTER
ET CONSULTATION A w ‘
POUR
Les S rs P O Y A , RO M E, dame V e ABRAHAM
et consorts, héritiers ou légataires de l’estoc
paternel de J e a n - L o u is C a r r a u d d ’U r b i s e ,
CONTRE
Les enfans d’HÉLÈNE DUROIS, se disant fille
de J e a n - P i e r r e CARRAUD , frère du sieur
d ’URBISE.
f
L e 27 août 1 7 5 1 , une fille est exposée à la porte de l’hôpital
de la ville de RIOM : son extrait baptistaire la nomme simple
ment H é l è n e , sans désignation de père ni de mère.
Jean-Pierre Carraud, fils d’un conseiller en la sénéchaussée
de Riom, à qui on voudrait déférer la paternité, a contracté ma
riage, le 23 novembre 17 5 2 , avec Marguerite Mercier, issue
�( 3)
d’une riche et ancienne famille. On lit dans cet acte réglant
CiC«\ w«\ «lejirs conventions matrimoniales, les clauses suivantes :
((*Ë^fiiveur du présent mariage, ladite Mercier a donné cl
•»'*¿îiHin(î audit futur époux acceptant, par donation entre-vifs,
tous «les biens qui lui appartiennent présentement, meubles et
“ immeubles, desquels le futur époux fera la recherche comme*
« il avisera.
« En second lieu, la future se réserve, en cas de viduité, la
« jouissance et usufruit des biens donnés, et même la réversion,
« en cas de prédécès du futur époux sans enfan s.
« Ladite donation tiendra lieu au futur époux de gain de
« survie. »
Nulle mention de l’enfant prétendu né de leur commerce an
térieur.
Le mariage a duré trente ans. Pendant tout ce temps, nulle
reconnaissance, ni de la part de dame Mercier, ni de J.-I\ Car
ra ud.
Il importe de remarquer (et c’est ce qui rend le silence sur
Pélal de l’enfant plus étonnant), qu’il n’y en a point eu du mariage.
Hélène, âgée de vingt-huit ans, s’est mariée le 12 mai 1779 ,
à Martin Valleix, cultivateur, habitant le village d’Ardeyrolles,
*
paroisse de St-Pierre-lloche, distant de plusieurs lieues de la
ville de Riom. La future prend dans le contrat la simple qualité
d’Ui'xÙNE Üuuois, iille majeure, habitante du village de l\eyvialle, même paroisse.
Elle s’y constitue, d’elle-meme, divers objets mobiliers à son
usage, d’une très-mince valeurj la moitié d’un pré appelé Loche;
cl cinq quartelées de terre appelée la Clope, qu’elle a acquises,
est-il dit, par acte du jour d’hier, reçu le même notaire, moyen
nant la somme de 700 francs.
�( 3)
La vente de ces héritages peu considérables, avait eu lieu
en effet le 1 1 mai 1779 , veille du contrat de mariage, parm i
fondé de pouvoir du sieur Jean-Pierre Carraud, en faveur
d’Hélène; mais le sieur Carraud n’était point intervenu au
contrat de mariage et avait réellement consenti vente par un
fondé de pouvoir.
Jean-Pierre Carraud est décédé en 17 8 1. Nul écrit encore,
nulle parole, nul signe, même an dernier moment, dont on
puisse induire cjii’il ait jamais imaginé être le père de l’enfant
([u’on lui attribue aujourd’hui.
11 décède, et Hélène Dubois ne paraît pas pour recueillir sa
succession. C’est Jean-Louis Carraud d’Urbise, frère du défunl,
q ni se présente.
Ce frère répudie la succession par acte au greffe du 1 janvier
1783. Sur cette répudiation, la veuve, Mmc Mercier, fait nom
mer un curateur a la succession vacante. Jacques Labat est
nommé par procès-vcrbal du 7 du même mois de janvier.
Le 10 janvier, la veuve requiert l’apposition des scellés, et,
dans sa requête, elle expose que Jean -Louis Carraud d ’Urbise}
seul habile a succéder, a répudié la succession, etc., etc.
Elle demande et obtient, par sentence du 18 mars 17 8 3, de
la ci-devant sénéchausssée de liiom, la condamnation contre le
curateur du payement de scs reprises.
Des poursuites rigoureuses ont lieu au nom de la veuve, et
enfin vente et ajudication, toujours sur le curateur à la succes
sion vacante.
Jean-Louis Carraud d ’Urbise, qui avait répudié la succession
de son frère, est décédé aussi sans enfans, le 1 1 février 1783,
laissant aux collatéraux une succession considérable, dont la
propriété et remise sont réclamées aujourd’hui par les héritiers
�ou légataires de l’estoc paternel, et par les héritiers d’Hélène
Dubois.
A ce moment (en 1783) Mmc Mercier devait sans doute re
connaître l’état de sa fille, mais elle garde le silence.
Un procès s’entame; les poursuites sont suspendues. Le 10
Iructidor an 2, après plus de l\.o ans de silence, et i3 ans après
le décès de son mari, Mmo Mercier, alors octogénaire (aux temps
orageux de la révolution), déclare, dev ant notaire, (\\i Hélène
Dubois est sa fille et de Jean-Pierre Carraud, née du commerce
qu’ils avaient eu avant leur mariage ; c’est sur celle déclaration
([u Hélène Dubois a fondé sa métamorphose•, en voici les termes:
« Dame Mercier, veuve du sieur Pierre Carraud, habitant à
« lliom, reconnaît qu Hélène Dubois, femme à Martin Yalleix,
«■ cultivateur, du lieu cl’Ardeyrolles, commune de Saint-Pierreu IW he, est sa fille naturelle, née du commerce qu’elle avait eu
K avec ledit Pierre Carraud, avant leur mariage. Voulant lui
« rendre une existence légale et le droit de successibilité, aux
« termes de la loi du 12 brumaire an 2, elle déclare qn Hélène
« Dubois, baptisée le 17 aoiit 17 ^ 1, sous le nom Hélène,
(( nouvellement née et exposée, à minuit, à la porte de l’hô« pital de cette commune, sans billet, est la fille d’elle déela« rante et dudit Pierre Carraud, et la reconnaît pour telle; et
« même ledit Pierre Carraud lui a donné, en tout temps,' des
«• preuves de paternité, soit en fournissant à son éducation, en<( trelien, soit en lui constituant une dot lors de son contrat de
« mariage avec Martin Yalleix, le 12 mai 177g.»
Marguerite Mercier est décédée en l’an 8. Le 12 mai 1800, .
clic avait fait un testament portant différons legs à des ecclé
siastiques et à des serviteurs. Il n’est point question d'Hélène
Dubois. Six jours après, Marguerite Mercier fait encore un co-
�(5)
dicille. Elle nomme la dame de Frétât, sa belle-sœur, son
exécutrice testamentaire; mais elle garde le même silence sur
Ilclene.
La dame Mercier meurt; Ilélène assure qu’après son décès,
elle s’est mise en possession de sa succession sans aucun obstacle
de la famille Mercier : c’est ce qu’on ignore.
Hélène prétend aujourd’hui avoir également droit à la suc
cession de Jean-Louis Garraud d’Urbisc.
A la déclaration de l’an 2, elle réunit les présomptions résul
tant de l’acte de vente du 1 1 mai 1779, de son contrat de mariace.
et,/ au besoin, elle a offert la preuve de differens faits:
o /
cette preuve a été admise par un jugement du tribunal civil de
lliom, en date du 3o juillet 1828, conçu en ces termes :
« En ce qui touche les demandes en intervention des héri« tiers Home et Abraham, parties de Mcs Parry et Tailliand;
« Attendu qu’elles ne sont pas contestées et que ces parties
<' sont intéressées au jugement en contestation.
« En ce qui touche le fonds :
« Attendu que, dans les anciens principes et suivant la dé« crétale d’Alexandre III, cliap. 6, la légitimation des enfans
« nés avant le mariage s’opérait par la seule force du mariage,
« et qu’il n’était pas nécessaire, ainsi que l’enseigne Pothier,
« que le consentement du père et de la mère intervînt pour
« cette légitimation ;
« Attendu qu’il est déjà établi et prouvé, par l’acte notarié
c< du 2 fructidor an 2, que la dame Mercier avait mis au monde,
« quinze mois avant son mariage avec le sieur Garraud, une
« fille qui fut d’abord portée à l’hôpital, sous le nom d'H élène;
cc Attendu qu'il est constant que cette fille a succédé à la dame
« Mercier, veuve Garraud, sa mère, et que si la déclaration
�(c)
<< faite par cette dernière, dans l’acte de reconnaissance du
« ï fructidor an 2, qu’elle avait eii cet enfant du sieur Carraud,
« ne peut lier la famille du mari, ni même être regardée comme
« un commencement (le preuve par écrit; néanmoins la circons« tance du mariage qui a suivi, rend vraisemblable le fait allé« gué, que c’était le sieur Carraud qui était le père de l’enfant
« dont était accouchée ladite dame Mercier;
« Atlendu que ce fait deviendrait encore plus certain, s’il
» était vrai, ainsi que l’ajoute la dame Carraud, dans sa re
te connaissance, que les mois de nourrice furent payés par le
« sieur Carraud lui-meme, et que ce fut par scs soins que l’en« fant fut élevé et transporté dans un domaine à lui appar<< tenant, oh il a ensuite été marié par le sieur Carraud;
« Que toutes ccs circonstances sont graves et concordantes :
« Par ces motifs,
« Le tribunal reçoit les parties de Parry et Tailband inter« venantes, et, avant laii-e droit au fonds, ordonne que, par
ti devant M. Mandat, juge, les parties de llouher feront preuve,
« tant par titres que par témoins,
« i". Que Marguerite Mercier avait eu, avant son mariage,
« iin commerce charnel avec Jean-Pierre Carraud, et (pie de
« ce commerce était née Hélène, dite Dubois} du nom de la
« mère du sieur Carraud;
«
Que ladite Hélène Dubois passait publiquement dans
« Kiom pour être la fille de Jean-Pierre Carraud, et qu’elle a
« passé pour telle dans les lieux oh le sieur Carraud lui a fait
«■ passer sa jeunesse;
o 3°. Que c’est lui qui a payé les mois de la nourrice et lui
« avait recommandé cet enfant;
« /|°. Qu’après qu’elle fut sevrée, il la fit transporter dans
�(7)
« son domaine à Reyvialle, et chargea ses fermiers ou métayers
« de pourvoir îi sa subsistance et à son entretien, leur en four« uissant tous les Irais;
—
« 5°. Qu’il avait avoué dans diverses circonstances et devant
<f plusieurs personnes qu’il était le père de cette iille, et qu’il
« 1avait eue de la demoiselle Mercier avant son mariage;
« 6°. Enfin, (pie le sieur Carraud vint lui-même à Reyvialle
« pour régler les conditions du mariage d’Hélène-, qu’il lui donna
« des héritages pour composer sa dot, et que si l’acte fut coloré
« du nom de vente, il est certain qu’il n’en reçut pas le prix.
x Sauf la preuve contraire,
« Pour les enquêtes faites et rapportées, être statué ce qu’il
« appartiendra : tous moyens et dépens réservés. »
Un demande au conseil quel doit être devant la Cour de
Kioin le mérite et effet de ce jugement?
�(8)
CONSULTATION
TOUR
Les Héritiers ou Légataires de la ligne pater
nelle de J e a n - L o u is C a r r a u d d ’ U r r i s e .
I ue conseil soussigné,
Vu le dispositif d’un jugement rendu au tribunal civil de
Rioin, le 3o juillet 1828, contradictoirement entre les consullans, et les enfans d’Hélène Dubois, femme Yalleix, se disant
fille de Jean-Pierre Carraud, et en celte qualité héritière eu
partie dudit sieur Carraud d’Urbisc.
Par lequel jugement, ce tribunal se fondant sur une dér ré talc d’Alexandre III, chapitre V I, et les anciens principes
en matière de légitimation des enfans naturels par le ma
riage subséquent de leur père et mère naturels, a décidé qu’il
V* avait des présomptions suffisamment graves, précises et
concordantes pour décider qu’llélène Dubois, femme Vallcix,
est née en 17 /ïi, de la cohabitation supposée entre Jean-Pierre
Carraud et Marguerite Mercier, depuis unis en mariage (en
17Í)?.), sans avoir ni alors, ni pendant sa durée, reconnu la
dite paternité, et qu’il y avait lieu d’admettre la preuve de
la paternité dudit Jean-Pierre Carraud.
�(9)
Yu le Mémoire à Consulter, par lequel les héritiers et lé
gataires de Carraud-d’ Urbise, en contestant l’état que l’on at
tribue à Hélène Dubois, demandent si l’appel qu’ils ont inter
jette de ce jugement, devant la Cour de Riom, est bien fondé :
Est d’avis de l’affirmative;
Le Code civil, dans le titre de la Paternité et de la Filiation,
promulgué le 2 avril i 8o3, permet aux enfans nés de deux
individus, unis par le mariage, de demander à prouver par
témoins leur filiation contre les auteurs de leurs jours, lors
qu’ils ont été inscrits comme nés de père et mère inconnus,
ou sous de faux noms; mais, d’après l’article 3a3, la preuve;
ne peut être admise que lorsqu’il existe un commencement de
preuves par écrit, émané de celui dont on invoque la pater
nité, ou lorsque des présomptions ou indices résultans des faits
dès-lors constans, sont assez graves pour déterminer l’ad
mission.
L ’action en réclamation d’état est imprescriptible à l’égard
de l’enfant (art. 328); ainsi elle peut être exercée contre ses
parens décédés; l’action ne peut être intentée par les héritiers
de l’enfant qui n’a pas réclamé, qu’autant qu’il est décédé
mineur, ou dans les cinq années après sa majorité, ou qu’il
a commencé cette action, et qu’il n’a pas laissé trois années
sans poursuites, à compter du dernier acte de la procédure.
(Art. 329, 33o).
Voila pour les enfans nés de deux personnes unies par le
mariage. La présomption de droit P aler is est quem justœ nupliœ
demonstran!, les protège contre la suppression de leur état.
À l’égard des enfans nés des individus non mariés, la re
cherche de la paternité est interdite (art. 34o); ils ne sont
�( 10)
légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère,
qu’autant qu’ils sont formellement reconnus (art. 331).
Dans l’espèce, il paraît qu’llélène, avant sa mort, a intro
duit l’instance dont il s’agit, puisqu’aucune fin de non-recevoir
n’est opposée à ses héritiers; il est présumable toutefois, que
cette demande a été faite, depuis la promulgation du Code civil,
bien que nous ayons sous les yeux une consultation en faveur
d’Hélène, du iG ventôse an 10 , qui relate une opposition à
scellés de sa part, un procès-verbal de non conciliation, puis
une instance.
Ces premières poursuites ont du être interrompues pendant
au moins trois années, et dès-lors il faut en conclure que l’ac
tion a été introduite sous l’empire du Code civil.
Si ce point de fait est constant, la première question qui
se présente au fonds, est celle de savoir si cette action est
régie par le Code civil 011 par les lois antérieures.
Les lois n’ont pas d’eiïet rétroactif, en ce sens que celui
qui a un droit acquis au terme des lois, ne peut le perdre par
l’effet de la promulgation d’autres lois.
Hélène avait-elle à cette époque un droit acquis a se dire
enfant, soit légitime, soit même naturel du sieur Carraud?
non assurément-, son acte de naissance ne lui donnait aucun
droit; elle n’avait aucune possession d’état; elle n’avait formé
aucune demande en justice; ou, si elle en avait commencé
une, elle y a renoncé, en n’y donnant aucune suite depuis la
consultation du ^() ventôse an 10 (7 mars 1802).
C’est l'aimée suivante (en avril i 8o3) que fut promulguée la
loi qui défend la recherche tde la paternité.
Celte loi lut faite en vue de mettre fin à des scandales dont
la société et la morale avaient à souffrir, et à des décisions
�( IX)
toujours incertaines, où le mystère, dont le Créateur
a enveloppé la paternité, devait, dans la pensée de ses auteurs,
régir tous ceux qui n’avaient pas alors des droits acquis.
La loi ne distingue pas entre les enfans nés sous l’empire
des législations antérieures, et ceux nés depuis le Code civil.
La loi exige la reconnaissance du père, a dit M. Troncliet,
dans la séance du Conseil d’Etat du i 5 novembre 180 1 (24 bru
maire an 10), séance inédite, et que vient de publier M. Locré
(pag. 95 de sa Législation civile, t. v i.) « La loi l’exige, parce
« que le père seul peut juger si l’enfant lui appartient; or lors« qu’il n’a voulu le reconnaître, ni avant, ni au moment du
« m ariage, c’est une preuve qu’il doutait alors de la paternité. »
Dans la séance également inédite du 17 novembre 18 0 1, où
l’on discuta spécialement la question de la recherche de la pa
ternité, on fit l’observation que, si autrefois cette recherche
était admise à raison de la fréquentation d’une personne du
sexe, l’enfant naturel n’avait droit qu’à des alimens; qu’on doit
être plus sévère quand il s’agit d’attribuer à l’enfant naturel
des droits dans la famille; et qu’enfin la loi du 12 brumaire
an 2, si favorable aux enfans naturels, avait interdit la re
cherche de la paternité non avouée.
M. Troncliet fit la remarque qu’autrefois, une fille était libre
de faire tomber la paternité sur qui elle voulait, et qu’elle
choisissait ordinairement le plus riche de ceux qui l’avaient
fréqucntee; cette manœuvre était presque toujours heureuse;
cependant, dans la vérité, il restait des doutes sur la qualité
exclusive du père, et, indépendamment du danger d’admettre
une preuve aussi incertaine que la preuve testimoniale, c’était
donner trop de poids à la déclaration de la fille. ( V oy. pages
12 0 , 12 1) .
judiciaires
�M. Thibeaudcau ajouta que l’usage de cette action était au
trefois scandaleux et arbitraire: les lois qui y ont mis un terme
ont servi les mœurs. (Ibid, page 122).
Dans l’exposé des motifs de cette loi fait au Corps-Législatif
le 1 1 mars i 8o3, par M. Bigot-Préameneu, il s’exprime ainsi
(page 2 12 ) : Depuis long-temps, dans l’ancien régime, un cri
général s’était élevé contre les recherches de paternité; elles
exposaient les tribunaux aux débats les plus scandaleux, aux
jugemens les plus arbitraires, à la jurisprudence la plus va
riable; l’homme dont la conduite était la plus pure, celui
dont les cheveux avaient blanchi dans l’exercice de toutes les
vertus, n’étaient point à l’abri de l’attaque d’une femme im
pudente, ou d’enfans qui lui étaient étrangers; ce genre de
calomnie laissait toujours des traces affligeantes. »
Ici, l’orateur invoque la prohibition de la loi de l’an 2. «Dans
la loi proposée, ajoute-t-il, celle sage disposition qui interdit
les recherches (le la palernile cl elc* m aintenue; elle ne pourra
jamais être établie contre le père (pie par sa propre recon
naissance, et encore faudra-t-il pour que les familles soient
à cet égard à l’abri de toutes surprises, que celte reconnais
sance ait été laite par acte authentique, ou par l’acte même
de naissance. »
Le tribun Lahary, dans son llapport au tribunal, du 19 mars
8o3, après avoir rappelé tous les débats rapportés dans les
auses célèbres, s’écriait : « Llle cessera enfin celle lutte scan
daleuse et trop funeste aux mœurs; la recherche de la paterternité est interdite.» 11 invoquait aussi l’opinion émise par
le consul Cambacérès, dans le Discours préliminaire à son
projet du Code civil. (l*ag. 2G7 et 268.)
Le tribun Duveyrier, dans le Discours qu’il prononça au
�0 3 )
nom du trilwnat, devant le Corps-Législatif, dans la séance
du 3 mars i 8o3, s’élevait aussi contre l’admission de la re
cherche de paternité.
« On convenait, dit-il (pag. 3 i 8), que la nature avait cou« vert la paternité d’un voile impénétrable $ on convenait que
« le mariage était établi pour montrer, à défaut du signe na« turel, cette,paternité mystérieuse; et c’était précisément hors
« du mariage, qu’on prétendait percer le mystère et découvrir
« la paternité.
« Ces procès étaient la honte de la justice et la désolation
« de la société. Les présomptions, les indices, les conjectures
« étaient érigées en preuves et l’arbitraire en principe.«
Yoilà les égaremens auxquels la loi du 12 brumaire an 2
avait déjà remédié par des mesures efficaces, et que la légis
lation de i 8o3, à une majorité de 2 16 voix contre G, a proscrits
pour toujours. Et c’est 2^ ans après la promulgation d’une loi
aussi sage, que le tribunal de l\iom a admis cette scandaleuse
recherche, sous prétexte de l’existence des anciens principes
et sur la foi de la décrétale d’un pape qui n’a jamais joui de laulorité législative en France!
On se fonde sur un droit acquis, quand il est évident
qu’il n’en existe aucun; on transforme l’action qui eût pu être
exercée par Hélène Dubois, avant la loi de l’an 2, en 1111 droit
sur lequel ni cette loi de l’an 2, ni le Code civil, ne peuvent
avoir d’iniluence sans encourir le reproche de rétroactivité.
Mais les lois (pii déterminent la recevabilité des actions,
saisissent à l’instant même de leur-' promulgation ceux qui
pouvaient avoir droit de les exercer.
M. M erlin, dans scs additions au Nouveau Répertoire>
/. xvi 3 v° E ffet rétroactifsection 3 , agite celte question : Si
�( *4)
toute loi nouvelle, qui ne rétroagit pas expressément, est, par
cela seul, inapplicable à tout ce qui s’est passé avant le mo
ment de sa promulgation et à tout ce qui existe en ce moment.
Le principe de la non-rétroactivité repose sur la garantie due
aux membres de la société contre les caprices du législateur,
pour l’empêcher, soit de violer leur sûreté individuelle, en les
faisant punir aujourd’hui à raison dit fait d’hier, qui n’était pas
défendu, soit d’attenter à leur propriété en les dépouillant de
biens 011 de droits qu’ils avaient acquis sous le nom de lois pré
cédentes; 011 chercherait vainement ailleurs le motif de ce
grand principe. Il faut donc, pour qu’il y ait rétroactivité dans
le sens du Code civil, le concours de deux conditions: la pre
mière, que la loi revienne sur le passé et le change; la seconde,
qu’elle y revienne et le change au préjudice des personnes qui
sont l’objet de scs dispositions.
Telles sont les limites du principe de non-rétroactivité, et ou
voit de suite qu’ils ne s’appliquent pas à l’action des héritiers
$ Hélène.
D’une part, celle-ci ne trouvait pas, dans les anciennes lois,
de texte qui lui garantît le droit de rechercher le mystère de la
paternité*, en sorte qu’un tribunal qui eût rejet té son action,
n’eût pas encouru la cassation. Elle n’avait donc aucun droit
absolu, c’e st-à -d ire , garanti par la loi. La décrétale d’A
lexandre III, quand même elle serait une loi de notre patrie, ne
statue pas sur la légitimation par mariage subséquent. Elle
suppose la reconnaissance de la paternité. Il s’en faut qu’elle, ni
aucune loi d’origine ecclésiastique, autorise cette recherche.
L ’admission de ces actions tenait au pouvoir arbitraire, que
s’attribuaient alors les tribunaux, en l’abscncc de lois écrites;
et l’erreur qui avait entraîné les tribunaux ne pouvait pas se
�( i 5)
justifier. Car, si d'un côte, une femme délaissée et un enfant
abandonné inspirent de l’intérêt, de l’autre c’était une entre
prise téméraire cpie de vouloir percer le mystère de la pater
nité, et d’attribuer, par jugement, à un homme, un enfant qu’il
savait n’être pas le sien. L ’erreur, en pareil cas, était déplo
rable et de nature à soulever les honnêtes gens.
Ainsi, en premier lieu, Hélène n’avait pas de droit pour re
chercher la preuve d’un fait de paternité improuvable et qu’au
cune loi ne l’autorisait à attribuer au sieur Carraud.
D’autre part, elle n’avait pas de droit acquis en vertu des
concessions imprudentes de l’ancienne jurisprudence, lorsque
les lois de l’an 2 et de i 8o3 sont venues fixer un principe si
important dans l’ordre social 5 puisque long-temps après sa ma
jorité elle n’a pas réclamé, et pendant qu’elle pouvait agir;
puisqu’au décès de son père putatif, en 17 8 1 et depuis, elle a
gardé le silence, quoiqu’elle eut droit à la succession, si elle est
ce quelle prétend.
*
Son silence est d’autant plus inexplicable, que la reconnais
sance de maternité faite à son profit, le i 5 fructidor an 2 ,
sous l’empire de la loi du 12 brumaire precedent, la conviait a
rechercher la paternité, au moins dans les limites établies par
cette loi.
Au décès de sa mère naturelle, en 1800, elle a élevé des
prétentions; elle a su qu’une loi était proposée pour régler
l’état des enl'ans naturels; elle a laissé promulguer cette loi
(celle du i/f. iloréal an 1 1 ) sans régulariser son action; elle a
laissé également promulguer le Code civil, dont la prohibition
absolue devait détruire toutes ses espérances; et l’on prétend
encore quelle pouvait dormir en sécurité sur la foi de ses droits
�( IÔ)
acquisj quand aucun droit ne lui était reconnu dans le sens
qu’on prétend aujourd’hui l’exercer!
La loi 7, au Code de Legibus, dit que les constitutions don
nent la forme et l’existence aux affaires futures, mais non aux
faits consommés*, non ad facta p ne teri la revocariy à moins que
le législateur n’y statue spécialement, nisi nominatim et de
prœterito tempore et adliuc pendentibus negotiis cautuni sit.
Il
est évident qu’il n’y avait rien d’accompli ni de consommé
dans l’état d’Hélène, avant la promulgation du Code civil; qu’au
contraire cet état était incertain; que, par conséquent, c’était
une affaire pendante, adhuc pendentibus negotiis.
Maintenant, il sera facile de démontrer que, non-seulement
cette affaire a été soumise à l’empire du Code civil, j>ar cela
seul qu’elle était pendante, mais encore que, par deux lois spé
ciales, elle a été expressément soumise à l’empire des lois suc
cessivement promulguées sur l’état des enfans naturels.
Le décret du 1 2 brumaire an 2 .^ 2 novembre 179 3), par son
article I er, admet les enfans nés hors mariage, et alors eæistans
aux successions de leur père et mere, ouvertes depuis le i/j
juillet 1789. Comme il leur conférait un droit d’hérédité supé
rieur à la quotité admise par les lois antérieures, il y avait ré
troactivité, puisque le sort de ces successions était définitivement
fixé par le décès de leurs auteurs. Aussi la partie rétroactive
de celte loi fut-elle bientôt rapportée (loi du i 5 thermidor an 4,
1 août 1796) mais le principe relatif à la question d’état reste
intact, et la preuve que le droit à établir une filiation laissée in
certaine par l’acte de naissance, n’était pas régi par les lois
existantes à cette époque, quoiqu’il prenne sa source dans la
naissance, c’est que l’article 8 dit : » Pour être admis à l’exercice
« des droits ci-dessus dans la succession de leur père décédé,
�if y V
(*7)
« les enfans, nés liors du mariage, sont tenus de prouver leur
« possession d’état. Cette preuve ne pourra résulter que de
<f la représentation d’écrits publics et privés du père, ou de la
« suite des soins donnés à titre de paternité et sans interruption,
« tant à leur entretien qu’à leur éducation: la même disposition
« aura lieu pour la succession de la mère. »
C’est ce mode restrictif de preuve que l’on appèle la prohibi
tion de la recherche de la paternité, autre que celle avouée par
des actes directs ou indirects. Voyez l’arrêt de la Cour de cas
sation, du 3 ventôse an 10 , sur le rapport de M. Rupérou, pré
sident M. Malleville. (Sirey, 3 -- i ~ i 85, et le Recueil pério
dique de M . D alloz, vol. 1791^ l ’an in , première partie, p. 60G.
Cet arrêt décide positivement et après une discussion solen
nelle, que la loi du 12 brumaire n’a pas seulement réglé les
droits héréditaires des enfans naturels, mais aussi leur état.
C’est de cet article qu’on est parti, quand on a rédigé le Code
civil*, on voit par le projet, que la recherche de la paternité,
autre que la paternité avouée, avait été proposée pour être in
terdite. Le Code civil n’admet pas, comme la loi de l’an 2 , la
preuve de filiation résultant des soins donnés et des écrits pri
vés-, mais à part la forme de la preuve, à l’une comme h l’autre
époque, le législateur s’est cru autorisé à régler la filiation des
enfans alors vivans, qui n’avaient pas obtenu la reconnaissance
de la paternité et de la maternité. Et la preuve, sans réplique,
que telle fut la volonté du législateur, se trouve dans le décret
d’ordre du jour du 4 pluviôse an 2 (23 janvier 17 9 4 ), ainsi
conçu :
« La convention nationale après avoir entendu le rapport de
« son comité de législation sur la pétition de la citoyenne Ber« trand, tendant à ce qu’il soit rendu un décret qui autorise les
3
»
�( 18)
«
«
«
«
«
tribunaux à juger définitivement les procès en déclaration de
paternité, dans lesquels la preuve testimoniale a été ordonnée et faite antérieurement aux lois nouvelles sur les enfants nés hors mariage, passe à l’ordre du jour motivé sur ce
que les lois n’ont pas d’eiFet rétroactif. »
En exerçant l’action en déclaration de paternité et en se
faisant admettre h la preuve, dans les formes admises antérieu
rement à la loi du i :ï brumaire, la pétitionnaire avait réelle
ment un droit acquis, dont elle ne pouvait plus être dépouillée,
qu'autant que la loi nouvelle aurait formellement aimullé ces
procédures et les aurait mises au néant; iiisi nomhialim et adluic
pendentibus negotiis. C’est en effet ce qu’on aurait pu soutenir,
en vertu de l’article 17 de la loi de brumaire; mais cet article
s’appliquait, non à la question d’état, mais au mode de partage
des successions.
Du reste, il résulte Irès-évidcmment de ce décret, d’ordre du
jour, que la loi du ta brumaire a saisi tous les enfans naturels,
qui n’avaient pas formé encore de demandes en déclaration de
paternité, dans l’état oii ils se trouvaient, et les a soumis à
son empire. L ’article <8 ne laisse aucun doute sur sa généralité,
et son applicabilité a l’espèce, puisqu’il s’occupe expressément
de la recherche de la paternité à l’égard des individus alors dé
cédés, et la succession de Jean-Pierre Carraud se trouvait dans
ce cas, puisqu'il est décédé eu 17 8 1.
Or, à cette époque, Hélène n’avait introduit aucune action en
justice, ni contre son père supposé, ni même contre sa mère;
celle-ci ne l’a reconnue qu’en fructidor de la même année.
Cette reconnaissance est, sans doute valide à l’égard de la
mere, quoiqu'elle n’ait pas été passée chez l’ofiieier de l’etat
civil, puisqu’elle a été passée en forme authentique, et que
�( I9 )
l’arrêté du Directoire, du 12 ventôse an 5, n’a proposé l’annullation que des reconnaissances sous signature privée. Le
rejet de cet arrêté, prononcé par le conseil des anciens, le 12
thermidor an 6 (3o juillet 1798), laisse même à penser qu’une
reconnaissance privée, conforme à l’article 8 de la loi du 12
brumaire, a sufli jusqu’au Code civil de i 8o3. Au reste, la re
connaissance de la mère n’a pas été attaquée comme émanant
d’une personne qui avait perdu l’exercice de sa volonté (elle
avait 80 ans), et qui avait cédé à la crainte d’un procès scan
daleux; mais elle n’a aucun effet relativement à la succession
du père, à cause du mystère de la paternité.
La loi du 13 brumaire rejette la preuve de fréquentation de
la mère, et 11’admct comme preuve de paternité qu’un aveu
formel, ou une suite de soins non interrompus, donnés à titre
de paternité, tant à l’entretien qu’à l’éducation de l’enfant na
turel.
Si nous avions à examiner le jugement du 3o juillet 1828,
dans ses rapports avec la loi du 12 brumaire, nous dirions que
le tribunal a erré en autorisant Hélène ou ses héritiers à
prouver le commerce charnel du sieur Carraud avec Margue
rite Mercier, à l’époque de la conception de l’enfant, puisque
ce genre de recherche, si arbitraire et si scandaleux, est for
mellement interdit par la loi du 12 brumaire, ainsi que l’a jugé
l’arret déjà cité de la Cour de cassation, du 3 ventôse an 10.
Sous ce premier rapport, il devrait être nécessairement réformé.
Ce même jugement admet, comme deuxième chef à prouver
la commune renommée, sur les rapports de paternité qui pa
raissaient exister entre Hélène et Carraud, ce qui est encore
une extension donnée a la rl. 8 de la loi de brumaire.
En troisième lieu, le tribunal admet à la preuve d’aveux ver
�H
c
(2°)
baux émanés du père, tandis que la loi de brumaire exige des
aveux écrits, publics ou privés.
En cpiatrième lieu, quant à la preuve des soins ou des frais
d’entretien et d’éducation, le tribunal ne s’explique pas sur la
circonstance de la non-interruption, ce qui était un point capital
sous l’empire de la loi de brumaire.
Si ce genre de preuve était admis par la Cour royale de
Kiom, les consul “ans seraient donc autorisés à se pourvoir en
violation de l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, qui, comme
l’a observé M. Bigot-Préameneu, dans son Discours législatif,
(page 2 1 3), a réglé tout le passé.
Quant à l’avenir, a-t-ilajouté, « l’état et les droits des enfans
« naturels, dont le père et la mère étaient encore cxistans lors
« de la promulgation du Code civil, il fut statué qu’ils seraient
« en tous points réglés par les dispositions de ce Code, et que
« néanmoins, en cas de mort de la mère avant la promulgation,
« la reconnaissance du pere, laite devant un officier public,
(t suffirait pour constater l’état de ces erifans. »
Telle est en effet la disposition de l’art. 1 1 de la loi ; il
est clair que ce décret statuait aussi bien sur l’état que sur
les droits successifs des enfans nés hors mariage, et les pre
nait dans l’état ou il les trouvait.
Il
est aussi singulièrement à remarquer, (pic le décret de
brumaire, en autorisant la preuve de la filiation par des écrits,
même privés, émanés du père, ou par les soins non interrompus
donnés à 1’enfant, lui refusait expressément tout droit dans la
succession des pareils collatéraux; en sorte qu’011 n’aurait pu
s’autoriser des anciens principes sur la légitimation tacite par
mariage subséqnent, pour prétendre à ces successions dès qu’il
existe une disposition prohibitive dans la loi.
�L ’article q est ainsi conçu :
u Les enfans nés hors du mariage, dont la filiation sera
« prouvée de la manière qui vient d’être déterminée par l’ar« ticle 8, ne pourront prétendre aucun droit dans les succes« sions de leurs parens collatéraux, ouvertes depuis le i!\ juillet
« 1789 ’, mais, à compter de ce jour, il y aura successibilité ré« ciproque entre eux et leurs parens collatéraux, à défaut d'hét< ritiers directs. »
A insi, malgré la faveur avec laquelle le législateur de cette
époque traitait les enfans naturels, il ne voulait pas que, par
un genre de preuve si incertain de paternité, ces enfans eussent
les m êm es droits que ceux nés dans le mariage; surtout il n’a
pas voulu qu’ils vinssent dans les successions collatérales ou
vertes avant la promulgation de sc.r décret du 12 brumaire,
et c’est ce que décide virtuellement la loi du i 5 thermidor an 4
(2 août 1796), dont l’article 4 est ainsi conçu: « Le droit de
« successibilité réciproque entre les enfans liés hors le mariage
« et leurs parens collatéraux, et celui donné à ces enfans et
« leurs descendans, de représenter leur père et mère, n’auront
« d’effet que par le décès de ces derniers, postérieurement à la
« publication de la loi du 4 jnin 179^?
seulement sur les suc« cessions ouvertes depuis la publication de celle du 12 bru
maire. »
Or, la succession Carraud d’Urbise, frère du père putatif
d’IIélène, s’est ouverte depuis 1783.
Quant à la question de rétroactivité, le législateur a si bien
cru que l’état des enfans existans, dont le sort n’était pas fixé,
serait réglé par les lois à venir, que par l’art. 10 de celle du
12 brumaire, il a voulu, non - seulement que la quotité de
leurs droits successifs, mais que leur état fut réglé par un Gode
it
�civil qui n’était pas fait, et qui n’a été promulgué que dix ans
après; de telle sorte que les droits de ces enfans ont été sus
pendus pendant cet intervalle; et c’est en vertu de cette dis
position, déjà exhorbitante, que la Cour de cassation, par ses
arrêts des 21 juin 1 8 1 5 (affaire Lanclière) et 12 avril 1820
(affaire Salomon), a annullé des reconnaissances de paternité,
dans des cas non prohibés par les lois de la naissance des enfans et qui l’étaient devenus par les nouvelles. ( Voy. le Recueil
périodique de M . Dalloz} vol. 1820, i re partie, pag. 4o6.)
Venons à la loi du 14 floréal an 1 1 (4 mai i 8o3), contempo
raine du Code civil. On y lit, article i cr, que l’état et les droits
des enfans nés hors mariage, dont les père et mère sont morts
depuis la promulgation de la loi du 12 brumaire an 2 jusqu’à
la promulgation du Code civil, sont réglés par ce Code.
Dans le système contraire à celui que nous soutenons, il y
aurait donc encore ici rétroactivité, non-seulement en matière
de succession, mais en matière lYétat, puisque les droits des en
fans nés hors mariage, avant la promulgation du Code civil,
sont, par un acte de puissance absolue, places sous la règle
établie parce Code, tandis qu’ils devraient l’être par les lois in
termédiaires.
Le reproche, en effet, serait fondé, surtout sous le rapport
successif, si la loi de brumaire an 2, n’avait pas elle-même averti
tous les Français que leur succesion serait régie par la loi alors
en projet.
Quant à Yctal de ces enfans, nul reproche de rétroactivité ne
peut être imputé au législateur, puisque cet état n’étant pas en
core détermine par jugement ou transaction, il n’y avait pas
droit acquis.
�( a3)
Voyons maintenant l’objection soulevée par M. Merlin, loco
cilatOj sect. 3, art. 7, n° 3, oii il examine spécialement ce qu’il
faut penser de la rétroactivité des lois, dans le cas de paternité
ou filiation naturelle.
« Les qualités de père et d’enfant naturel (dit ce jurisconsulte,
page 235), lorsqu’elles sont établies par des preuves que la loi
reconnaît, produisent en faveur de l’enfant, une action pour se
faire donner des alimens par son père; et comme cette action a
son fondement dans le droit naturel, il est évident que, dès
qu’une fois elle est acquise, une loi postérieure peut bien en
étendre ou en resserrer les effets, soit quant à leur quantum, soit
quant à leur durée, mais non pas la détruire complètement.
Ce que la loi ne peut faire directement à cet égard, peut-elle le
faire, et est-elle jamais censée le faire indirectement? En d’au
tres termes, lorsqu’à une loi qui admettait l’enfant naturel à
prouver sa filiation, soit par témoins, soit par des présomptions
plus ou moins graves, succède une loi qui exige des preuves
d’un autre genre, celle-ci est-elle applicable aux enfans naturels
qui sont nés avant celle-là?
« D’après ce que nous venons de dire sur le mode de preuve
du mariage ou de la filiation légitime, la négative ne paraît pas
douteuse. »
Ici M. Merlin élève une doctrine en opposition manifeste avec
l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2,/ et avec l’art. i crde
celle
♦
du i4 fi°i'éal an 1 1 ; car ces lois n’ont fait autre chose que
statuer sur le mode de preuve de filiation des enfans nés hors
mariage, existans lors de leur promulgation.
Le décret d’ordre du jour de l’an 2 prouve clairement que
ne sont exceptés des dispositions de la loi, que ceux qui avaient
�ic o
(4)
antérieurement formé leur action selon les lois et la jurispru
dence existantes.
Que prétend donc M. Merlin, quand il veut que l’enfant
soit admis, apparemment d’après la loi existante, au moment de
sa naissance, à prouver sa filiation ?
Si les hommes étaient ainsi régis par les lois qui gouvernent
le pays, au moment où ils ouvrent leur carrière, sans que les lois
postérieures puissent régler un état non encore assis, le législa
teur serait impuissant pour déterminer l’ordre de la société et
réprimer les abus.
Que la prestation des alimens soit de droit naturel, lorsque
l’état est constaté, rien de plus juste; mais qu’il soit de droit
naturel de prouver le mystère de la paternité par la seule fré
quentation de la mère, ou par des actes que la charité seule a
pu motiver, voilà ce qu’on ne prouvera jamais. C’est parce que
la paternité est un mystère, que la loi a sagement voulu qu’elle
ne pût résulter que d’un aveu authentique du père, et qu’elle
a proscrit l’arbitraire des présomptions.
M. Merlin argumente des principes qui régissent les enfans nés dans le mariage; mais le fait du mariage est un fait
public, d’oii résulte la présomption de paternité. Cette pré
somption, le mari a voulu la subir et elle n’a rien de déraison
nable; il n’y a pas d’incertitude sur le père, quand la femme
n’est pas accusée d’avoir fréquenté un autre que son mari.
La filiation des enfans nés dans le mariage repose donc pré
cisément sur le principe opposé au concubinage; la femme,
dans ce cas, étant libre, il n’y a pas de raison d’attribuer la pa
ternité à l’un plutôt qu’à L’autre.
31. Merlin a été si embarassé qu’il a commencé par dire: Ces
qualités de père et d’enfant naturel, lorsqu'elles sont établies par
�1
( , 5)
des preuves (pie la loi reconnaît, etc. Oui, sans doute, quand elles
sont établies, le législateur ne peut plus, par des lois posté
rieures, remettre l’état en question-, il ne peut que régler la
qualité du droit héréditaire dans les successions non ouvertes.
Mais lorsque ces qualités ne sont pas établies au profit de
l’enfant naturel, dans les formes voulues par les lois, lorsque
par conséquent, il n’existe pas de droits acquis, la loi nouvelle
saisit l’individu qui n’a pas fait constater sa qualité, dans l’état
ou il se trouve; et telle est l’opinion du célèbre publiciste et ju
risconsulte d’Amsterdam, Meyer, auteur du savant et profond
ouvrage sur les Institutions judiciaires des principaux pays de
l’Europe, dans ses Questions transitoires. (Pag. •206 et 207.)
Ses raisons sont, que l’action en déclaration de paternité n’é
tait pas, pour les enl’ans naturels, la suite nécessaire d’un événe
ment antérieur à la loi (pii la prohibe, lorsqu’elle n’est pas fondée
sur la reconnaissance formelle et par écrit du père; qu’elle pou
vait être intentée ou abandonnée au gré des intéressés; qu’elle
dépendait d’un jugement incertain en soi, sans lequel la de
mande aurait été comme non avenue; qu’elle ne peut donc être
considérée comme un droit acquis irrévocablement, à moins (pie
celte action ne soit déjà intentée} que l’intention formelle et po
sitive du demandeur se soit ainsi manifestée, et qu’elle 11e soit
devenue sa propriété irrévocable.
Nous ne connaissons pas l’opinion de Meyer autrement (pie
par ce quen rapporte 31. Merlin. Celui-ci prétend que, dans la
page 94, Meyer ne conteste pas le principe que, sur l’admissi
bilité de tel ou tel mode de preuve d’un fait, il n’y ait pas à
consulter d’autres lois que celles du temps oii le fait s’est passé.
S ’il ne le conteste pas formellement, nous 11e voyons pas qu’il
l’admette; il faudrait avoir le texte sous les yeux pour s’assurer
4
�(a6)
que la contradiction reprochée par M. Merlin à Meyer, existe
réellement.
Quoi qu’il en soit, voyons les raisonnemens que M. Merlin
oppose au passage très-formel de M. Meyer sur la non-rétroac
tivité des lois, au fait dont il s’agit.
« Quel est l’objet direct de l’action en déclaration de pater« nité?C’est principalement, c’est même uniquement, dansbeau« coup de pays, de faire déclarer le père assujetti à l’obligation
« de fournir des alimens à l’enfant qui lui devait le jour.
« Cette obligation, et par conséquent l’action tendante à en
« faire déclarer l’existence, sont-elles la suite nécessaire de la
« conception de l’enfant? Comment ne le seraient-elles pas?
« Nourrir l’enfant à qui on a donné l’être, jusqu’à ce qu’il puisse
« se procurer à lui-même sa subsistance, c’est la première dette
« de la nature; et elle lient tellement à l’essence de la pater« nité, que les animaux e u x - mêmes mettent à s’en acquitter
<( une sollicitude qui leur fait oublier leur propre conservation
« et braver tous les périls. »
Nous répondons : Sans contredit, c’est le premier devoir d un
homme, quand il a donné le jour à un enfant, de reconnaître
sa paternité, et de subir les obligations qu’elle lui impose; mais
si sa conviction intime repousse cette paternité; si, sachant qu’il
n’a existé aucun lien charnel entre lui et la mère, il refuse de
reconnaître celle paternité, et de prendre aux yeux de la société
une responsabilité morale, qui ne sera pas sans influence sur
son avenir, sur le bonheur et les droits d’une épouse délicate et
d enlans parfaitement légitimes, dira-t-on qu’ici le droit naturel
soit pour quelque chose? Et si une loi intervient, qui, pour laire
cesser 1 abus de la recherche de paternités aussi aventureuses,
prohibe la preuve de la seule fréquentation ou la preuve par
�6« !
( 27 )
témoins, quel droit naturel aura été violé? Le législateur aurat-il fait autre chose qu’user d’un droit légitime?
De quoi auront à se plaindre, la mère naturelle qui, pendant
la minorité de son enfant, ou l’enfant lui-même qui, depuis sa
majorité, n’auront pas invoqué la licence du genre de preuve
autorisé par une jurisprudence mensongère, abusive et scan
daleuse, si on les repousse en leur disant: La recherche de pa
ternité, entre personnes libres, est interdite, hors les cas parti
culiers spécifiés dans la loi-, ces cas sont précisément ceux oii il
y a un fait public, comme le rapt équivalent à un mariage
légal.
« Qu’importe, dit 31. Merlin, que cette action puisse être
« intentée ou abandonnée, au gré des intéressés ? De ce que je
« puis renoncer à une action, s’ensuit-il que ce n’est qu’en Fin
it tentant que j ’acquiers le droit de la poursuivre ? »
Oui, sans doute, quand la filiation est un fait plus qu incer
tain-, si on ne le prouve pas selon la forme admise par les lois,
on perd le droit qu’elle donnerait si elle était prouvée.
Deux arrêts de la Cour de cassation, des G juin 1820 et
12 juin 18 25, ont proclamé en principe: « Les lois qui règlent
« l’état des personnes, a dit le premier, saisissent l’individu
« au moment même de leur émission, et le rendent, dès ce mo« ment, capable ou incapable, selon leur détermination. Les
« lois qui régissent la capacité civile des personnes, a répété le
« second, saisissent l’individu et ont effet du jour de leur pro« mulgation. » En cela, elles n’ont aucun effet rétroactif, parce
(pie l’état civil des personnes étant subordonné à l’intérêt
public, il est au pouvoir du législateur de le changer ou de
le modifier, scion les besoins de la société.
M. Merlin pense que ces principes pèchent par trop de géne-
o
�te a
(>8)
ralité. Sans doute, si on les appliquait à des droits acquis par
transaction, jugement ou par action légalement intentée, avant
la loi nouvelle, à cause de la maxime : Qui liabet actionem ad
rem recuperandam, ipsam rem habere videtur.
Mais ces principes s’appliquent évidemment à un état de
meuré incertain.
M. Merlin lui même le concède :
Lorsqu'il s’agit d ’une action que la loi m’accorde par pure
faveur, et a titre de simple faculté.
Telle est bien la recherche de la paternité, hors mariage,
puisqu’il n’y a rien de plus incertain sans l’aveu volontaire du
père; et la preuve que c’était une faveur exhorbitante, ou plutôt
un abus de l’ancienne jurisprudence, c’est qu’aucune loi n’avait
consacré le principe de cette action, et que la Convention, au
moment mémo oh elle appelait les enfans naturels aux mêmes
droits que les enfans legitimes, a réglé le mode de preuve tant
pour le passé, que pour l’avenir, en prohibant la recherche de
la paternité, ailleurs que. dans les actes écrits du père, ou dans
•les faits personnels de lui à l’enfant, en rejetant les preuves
de fréquentation de la mère, etc., etc.
Au surplus, dit M. Merlin, notre question n’en est pas une
pour la France. Le législateur l’a tranchée lui-même de la ma
nière que je l’ai expliqué dans des conclusions du 9 novembre
1809, rapportées au § -x de l’art. Légitimité de 111011 Recueil des
Questions de Droit.
En se reportant surtout à l’arrêt intervenu, au rapport de
M. Cochard, le 9 novembre 1809, on voit que la Cour de cassa
tion n’a approuvé ni désapprouvé la doctrine que Fauteur des
Questions avait professée dans ce long réquisitoire.
�6 o^
( 29 )
Ce savant magistrat a prétendu alors, qu’il fallait distinguer
dans l’état des enfans nés liors mariage, ceux dont les pères
étaient décédés sous l’empire de la loi du 12 brumaire, ceux
dont les pères étaient décédés dans l’intervalle du décret du 4
juin 1793 au 12 brumaire, et ceux qui étaient décédés avant
1793. À l’égard des premiers, il dit qu’on était en droit d’exiger
d’eux une preuve authentique de l’aveu de paternité, bien que
l’art. 8 de la loi du 12 brumaire se contente d’une reconnais
sance privée. Comme on le voit, c’est la reproduction du sys
tème exposé par le ministre de la justice, dans son Rapport au
Directoire, lé 1 3 ventôse an 5, système rejeté par le conseil des
anciens, le 12 thermidor an 6. Ce rejet n’a pas convaincu
31. Merlin de son erreur, il n’en persiste pas moins à soutenir
(pie lui seul a bien interprété la loi.
L ’art. 8 du décret du 12 brumaire an 2, statue sur la preuve
de filiation des enfans dont les pères étaient décédés, sans dis
tinction entre ceux qui étaient décédés avant ou depuis le
decret du 4 J l,iu 1 7d3- Cela n’empêche pas 31. Merlin de sou
tenir sa distinction, et de prétendre que la preuve de la filia
tion, pour les premiers, pouvait encore se faire par la fré
quentation de la mère, en 1111 mot, par la voie scandaleuse
de la recherche indéfinie, tandis que la loi dit expressément
le contraire.
On sait que 31. 3Ierlin avait un rare talent pour soutenir
des griefs de ce genre, à l’aide d’une argumentation très-subtile*,
en discutant ainsi, il se fondait sur ce qu’autrement, la loi du
t 2 brumaire aurait eu 1111 effet rétroactif trop étendu. 3Iais,
soit qu’il s’agisse de pères décédés sous l’empire du décret du
4 juin 179^5 soit qu il s agisse d individus décédés auparavant,
l’effet rétroactif serait le même, si réellement la loi était ré-
%
�(3o)
Iroactive, quand elle règle l’état encore incertain d’individus
nés hors mariage.
L ’article 8, de la loi de brumaire an a, a fait cesser un abus
de jurisprudence qui n’aurait pas dû exister, et qui n’existait
pas partout. C’est donc une loi déclaratoire, plutôt qu’innovatoire. Elle disposait sur une matière non réglée, et il est de
principe que les lois qui statuent ainsi, ne sont jamais censées
rétroagir, puisqu’elles n’enlèvent pas de droits acquis. Les droits
acquis 11e sont que ceux qui sont garantis par des lois expresses.
On peut, il est vrai, appuyer l’opinion de M. Merlin d’un arrêt
rendu le 14 thermidor an 8; mais des arrêts aussi anciens ont
peu d’autorité aujourd’hui, surtout lorsqu’ils se trouvent contre
dits par des arrêts postérieurs, tels que ceux des 3 ventôse an
10, 26 mars 180G, 6 juin 18 10 , 12 juin i 8 i 5.
La manière tranchante dont est terminé le § 3 de l’art. 8,
sect. 3, de la Dissertation de M. Merlin, qui va jusqu’à dire
que la question agitée ne fait plus de doute, parce cjue le légis^lateur l’avait tranchée de la manière qu’il avait dite, ne doit
donc pas en imposer à ceux qui veulent se reporter aux preuves.
Au reste, les tribunaux se sont plus d’une fois écartés de
l’opinion de M. Merlin; l’ascendant qu’il exerçait par sa logique
et sa science a cessé depuis long-temps, et l’on n’examine plus
aujourd’hui que ses preuves.
Il
a soutenu, dans une Note additionnelle à ses Questions de
Droit, v° Testament, § G, pag. 2G9, que depuis le Code civil, il
n’y avait pas de doute sur ce que le testament mystique, nul
pour défaut de formes, ne pouvait valoir comme testament ologiaphe; mais malgré cette assertion, la chambre des requêtes
de la Cour de cassation, par arrêt du u3 décembre, rapporté
�6II
(30
dans la Gazette des Tribunaux, a rejette le pourvoi des héri
tiers Gauthey, sans délibérer.
On pourrait citer beaucoup d’autres exemples, non pour éta
blir que l’opinion de ce grand jurisconsulte est de peu de poids,
mais pour prouver que, comme un autre, il paye tribut à l’er
reur, et que ses opinions doivent être appréciées d’après la na
ture des argumens et non d’après l’autorité de son nom.
Au reste, même dans l’opinion de M. Merlin, la latitude de
preuve admise par l’ancien droit, pour la filiation des enfans
nés hors mariage, tenait à ce qu’il ne pouvait leur être accordé
que des alimens; du moment qu’on veut établir cette filiation
pour obtenir des droits d’hérédité et même de légitimité, nonseulement dans la succession du père supposé, mais encore dans
celle des parens collatéraux, des actions de cette nature doivent
être assujetties à la rigueur des formes introduites par les lois
postérieures.
Or,rllélène est décédée; elle n’a donc plus besoin d’aliinens*,
ce qu’on réclame aujourd’hui, de son chef, est la succession de
Jean-Louis Carraud d’Urbise, frère de celui dont la paternité
est recherchée. L ’action dont il s’agit est repoussée, quant au
fonds, par le texte formel de l’art, g de la loi du 12 brumaire
an 2 et par l’art. 4 de la loi spéciale du i 5 thermidor an 4*Quant
a la forme, cette action a été successivement régie par l’art. 8
de la loi de brumaire an 2, par l’art. 1 " de celle du 14 floréal
an 1 1 , et par la prohibition absolue du Code civil.
Les héritiers d’Hélène, fussent-ils recevables dans leur ac
tion et fondés dans leur revendication, d’après la jurisprudence
antérieure aux lois de 17 9 3, resterait a examiner si réellement
Hélène, après avoir prouvé quelle était enfant naturel du sieur
�Uo
( 3. )
Jean - Pierre Carraud, se serait trouvée légitimée, de plein
droit, par le mariage subséquent de ses père et mère.
On invoque encore sur ce point les anciens principes et la
dccrétalc d’Alexandre III. Il est bien vrai que, d’après une opi
nion généralement adoptée, le mariage subséquent des père et
mère d’un enfant naturel, avait pour effet de le légitimer; mais
il fallait certaines formalités, telles que de passer sous le poêle 3
s’il n’y avait eu une reconnaissance antérieure. Voilà ce qui
fut exposé au Conseil d’Etat, dans la séance du i 5 novembre
18 0 1, et ce qui lit rejeter la proposition d’admettre la légiti
mation tacite, ou par reconnaissance postérieure au mariage.
La décrétale d’Alexandre III, qui d’ailleurs est une loi étran
gère, ainsi que Potliier le reconnaît, 11c dit pas que le mariage
aura pour effet de légitimer des enfans naturels, non reconnus
comme tels : c’eut été singulièrement encourager le concubinage,
et accorder une prime à une chose qui était déjà de pure fa
veur, puisque la légitimation par le mariage subséquent, intro
duite dans la législation par Constantin, restreinte par Zénon,
rétablie par la Novelle X IX de Justinien, a toujours été con
sidérée comme faveur.
Potliier dit, il est vrai, que la légitimation s’opère par la
seule lin du mariage, sans que le consentement des père et
mère soit exprimé; mais il ajoute en parlant de l’inutilité de la
cérémonie du poêle: « Quelle n’est pas nécessaire, lorsque
<r les époux les ont reconnus pour leurs enfans, de quelqu’autre
» manière que soit, soit avant, soit depuis leur mariage; en un
« mot, lorsque ces enfans peuvent, de quelque manière que ce
a soit, justifier leur état. »
Potliier ne dit pas «pie, pour jouir de la faveur de la légi-
�(jl'S
(33)
timation, on peut faire un procès en reconnaissance de pater
nité, mais seulement qu’il fallait justifier d’une reconnaissance
de cet état.
Nous ne connaissons aucune décision judiciaire qui ait fa
vorisé les bâtards, au point d’ajouter au scandale de la recherche
d’une paternité toujours incertaine, celui de leur attribuer tous
les honneurs de la légitimité. C’eût été un moyen d’éluder les
lois du temps, qui, de l’aveu de M. Merlin, ne leur accordaient
d’action que pour leur assurer des alimens.
Ce serait créer un moyen d’éluder les prohibitions des lois
de l’an 2 et de l’an 4, dans ce qu’elles ont de salutaire, pour
empêcher les enfans naturels de revendiquer des droits de suc
cession dans les familles collatérales; ce serait renverser tous
les principes de moralité et d’ordre social.
Dès que l’action des héritiers d’Hélène a ce but, elle doit être
proscrite d’autant plus fortement.
Nous n’avons pas relevé, dans le cours de cette discussion, la
circonstance que l’action n’a été intentée que long-temps après
la mort du père, et que les consultans sont fondés à repousser
une calomnie; que le père supposé, loin de vouloir reconnaître
cet enfant, a fait des dispositions qui excluent toute idée de pa
ternité.
Nous n’avons pas, non plus, relevé la bizarrerie qu’il y a d’ad
mettre aujourd’hui, sur une déclaration faite par une femme
octogénaire, dans un temps oh la terreur devait paralyser toute
résistance de sa part, l’application de la maxime : Credilur
virgini.
* !À
�(34)
Mais nous disons avec une grande conviction, que le tri
bunal de Riom, par son jugement du 3o juillet 1828, a faus
sement appliqué la décrétale d’Alexandre III, et les anciens
principes sur la légitimation par mariage subséquent; qu’il a
violé l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, applicable aux re
cherches de paternité dirigées contre ceux qui étaient décédés
sous l’empire des lois antérieures, l’art. 9 de cette loi et l’art. 4
de celle de l’an 4 5 qui défendent l’admission de ces actions ten
dantes à attribuer des droits aux enfans naturels dans la suc
cession des parens collatéraux ;
Que, d’ailleurs, la question est régie par le Code civil; qu’ap
pliquer ce Code à une action née sous son empire, pour un état
non fixé auparavant, et ou il n’existait pas de droit acquis, sera
ne pas violer le principe de la non-rétroactivité des lois et faire
au contraire une juste application de ces lois, de l’art. 1 cr de
celle du 14 floréal an 1 1 , du décret d’ordre du jour du 4 plu
viôse an 2, de l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, et des
principes fixés par les arrêts de la Cour de cassation, de l’an
10 , de 1806, de 1 81 0 et 1 8 1 5, précités.
Délibéré à Paris, ce 28 décembre 1828, par les avocats au
Conseil du Roi, et a la Cour de cassation, soussignés:
IS A M B E R T , H E N N E Q U IN , D A L L O Z .
C L E R M O N T-F E R R A N D , DE I.’ IM P R IM E R IE . DE J . - J . V A I S S I E R E ,
rue des G ras, n* 15, maison boisson . 1820.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Poya. 1829]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Isambert
Hennequin
Dalloz
Subject
The topic of the resource
abandon d'enfant
renonciation à succession
successions
estoc
successions collatérales
enfants naturels
testaments
reconnaissance de paternité
conflit de lois
recherche de paternité
loi du 10 novembre 1803 (travaux préparatoires de la)
rétroactivité de la loi
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter et consultation pour les Sieurs Poya, Rome, dame veuve Abraham et consorts, héritiers ou légataires de l'estoc paternel de Jean-Louis Carraud d'Urbise, contre Les enfans d'Hélène Dubois, se disant fille de Jean-Pierre Carraud, frère du sieur d'Urbise.
Annotations manuscrites. « 19 février 1829, arrêt infirmatif en audience solennelle. Journal des audiences, 1829, p. 337 ? »
[suivi de] Consultation pour les héritiers ou légataires de la ligne paternelle de Jean-Louis Carraud d'Urbise.
Table Godemel : Enfant naturel : 5. l’enfant naturel, né en 1751, baptisé sans désignation de père ni de mère, mais produisant, plus tard, une reconnaissance émanée de sa mère, sans en rapporter une de son père putatif, peut-il prétendre qu’il a été légitimé de plein droit, par le mariage subséquent de ce dernier avec sa mère ?
pour réclamer les effets d’une pareille légitimation n’est-il pas nécessaire de prouver la filiation antérieure au mariage ?
les dispositions des lois romaines sur cette matière s’appliquant à des mœurs et à des usages qui rendaient d’ailleurs, inutile toute reconnaissance, peuvent-elles être invoquées ?
a défaut de la cérémonie du poêle, qui sous l’ancienne législation, tenait lieu, en France, de reconnaissance des enfants nés avant le mariage, et qui était tombée en désuétude, doit-on chercher des éléments de décision dans la jurisprudence antérieure aux lois intermédiaires et au code civil ?
l’ancienne jurisprudence ne présentant, en l’absence d’une loi positive sur la matière, que variation et contradiction, ne doit-elle pas être regardée comme inapplicable ?
ne doit-il pas en être de même de la loi du 12 brumaire an 2, et de celles qui l’ont suivie, quant à son exécution, soit en ce que cette loi de brumaire n’avait trait qu’aux enfants naturels existant alors et agissant en réclamation de paternité ou de maternité contre un individu pris isolément, soit en ce qu’elle n’admettait que le droit de prétendre aux successions ouvertes depuis 1789 ?
n’est-ce pas le cas, au milieu de cette incertitude, et s’agissant de déférer la paternité à un individu décédé en 1781, de recourir au principe consacré par l’article 331 du code civil, considéré, sur ce point, comme l’expression d’une raison générale ?
tout effet rétroactif ne doit-il pas cesser, dès le moment qu’il est reconnu que l’enfant naturel n’avait aucun droit acquis, au moment de la publication du code civil ?
si, dans tous les cas, l’ancienne jurisprudence pouvait être invoquée pour l’enfant naturel, soit à raison de sa naissance (1751), soit à raison du décès de son père putatif (1781), ne devait-il pas alors s’appuyer sur des commencements de preuve par écrit, sur des indices et présomptions graves établissant sa filiation, et rendant admissible la preuve des faits articulés ?
spécialement, pourrait-on admettre, sous l’empire du code civil, une recherche de paternité, à l’occasion d’une naissance arrivée en 1751, et de la part des héritiers de celle qui ayant intérêt à l’existence de cette paternité, ne rapporte aucune reconnaissance, aucun écrit de son père putatif, et qui n’a elle-même intenté son action en réclamation qu’en 1802, c’est-à-dire 51 ans après sa naissance et 21 ans après le décès du père putatif ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-J. Vaissière (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1829
1751-1829
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2618
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Saint-Pierre-Roche (63386)
Ardeyrolles (village de)
Reyvialle (village de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53533/BCU_Factums_G2618.jpg
abandon d'enfant
conflit de lois
doctrine
enfants naturels
estoc
loi du 10 novembre 1803 (travaux préparatoires de la)
Recherche de paternité
reconnaissance de paternité
renonciation à succession
rétroactivité de la loi
Successions
successions collatérales
testaments
-
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996b0d8d9122dea1ff386404671faa37
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Text
MÉ MO IRE
D E C H A R D O N ; M a r g u er ite D E
C H A R D O N , et Jacques M O N T A N IE R , son mari;
P e r r e t t e D E C H A R D O N , veuve d e R o c h e v e r t ; et
A n n e D E C H A R D O N , fille majeure -,
M a r i e - A n n e - H é l è n e D U B O I S D E L A M O T H E , veuve
de Fre t a t ; Marguerite D U B O I S D E L A M O T H E ,
veuve Forget;
E l i z a b e t i i D E R E C L E S N E , veuve de G a s p a r d d e L i g o n d è s ;
M a r i e - T h é r è s e D E R E C L E S N E , ex-religieuse;
A n n e- M a r ie - J oseph - G arr iel- J e a n - J a c q u e s V I D A U D D E
L A T O U R et ses frères et sœurs;
F r a n ç o i s D U R A N D , de Pérignat ; G a b r i e l l e D U R A N D ,
de Pérignat; M a r i e D U R A N D , de St. Cirgues; M a r i e A n n e - F é l i c i t é F R E D E F O N D , et J e a n - J a c q u e s R O C H E T T E son mari; M a r i e - T h é r è s e B E L L A I G U E , et
autres héritiers testamentaires ou ab intestat, médiats
ou immédiats, d ’A NNE D E L A I R E , épouse de J e a n C h a r l e s C l a r y , p r é s i d e n t en la cour des Aides de Clermont-Ferrand, défendeurs;
E t e n c o r e p o u r J e a n - P i e r r e D E C L A R Y , de M u rat;
M a r i e D A U P H I N , épouse de J e a n R o d d e , de Chalagnat; E t i e n n e C H A B R E , et A n t o i n e C H A B R E , héri
tiers dudit J e a n - C h a r l e s d e C l a r y , aussi défendeurs ;
P our C la u d e - A nto in e
F É L I X , et Louis M A R L E T , son mari,
coutelier à Clermont, demandeur.
C ontre A nne
C
ette
affaire est née on 1794, a u m ilieu des orages révolutionnaires.
L a femme M arlet se prétendit alors fille naturelle adultérine
de la dame de C l a r y , et réclama à ce titre le tiers de sa succession.
�( a )
-
Elle demnnrlc aujourd'hui, après dix ans de silence, à être re
connue pour fille légitimé de M . et M mp- de C l a r y , el à recueillir
à ce titre l’universalité des deux successions.
Elle a sans doute en sa faveur les titres, la possession?
N i l’un , ni l’autre.
L a possession est contraire.
T o u s 1rs titres la condamnent.
Elle n ’a pas même pour elle la plus légère présomption , la
moindre probabilité morale ; rien enfin , qui puisse laisser un
instant en suspens l’opinion du magistrat et celle du public.
Son entreprise n ’est donc pas seulement téméraire,- elle est
l ’excès de l’audace.
Elle est l’excès de l’ingratitude; c ’est le serpent gelé, réchauffe
par le villageois.
Elle est l’excès de la mauvaise foi.
L a femme M arlet, en usurpant un nom distingué, en aspirant
à dépouiller d ’uno grande fortune des héritiers légitim es, n ’a pas
m em e pour excuse 1 ignorance <ie son sort
Pincert.itude de son
origine; il est prouve q u e lle doit le
jo u r
à une servante de la
Chapelle-Agnon.
F A I T S .
L a d a m e d e C la r y avoit de grandes propriétés dans les environs
d ’Arnbert ; elle avoit une maison dans cette ville , où elle passa les
années 1761 el 17G2.
D égoûtée du séjour d ’ A m b o r t , elle se retira à L y o n .
Naturellement sensible* et bienfaisante, elle cberclioit tous les
moyens de soulager l’infortune; et elle crut
ne
pouvoir laire un meil
leur usage de son aisance, que de l'employer à élever de jeunes filles
orphelines ou abandonnées.
Son premier mouvem ent fut d ’en prendre à l’hôpilal de L y o n ;
mais ne les ayant pas trouvées assez saines, elle préféra d ’en faire
venir d ’A m b c r t , lui paroissanl d ’ailleurs juste de répandre ses bien
�( 3 )
faits dans un pays qui étoit le berceau de scs pères et le principal
siège de sa fortune.
Elle s’adressa pour cela au sieur M adur, procureur fiscal à A m b e r t,
qui lui envoya successivement et en différens temps plusieurs jeu
nes filles, les unes tirées de l ’hôpital, les autres de chez les nourrices
dont les mois éloient payés par l'hôpital.
L a femme M arlet eut le bonheur d ’être du nombre de ces jeunes
filles envoyées par le sieur M adur à la dame de C la r y .
Elle étoit alors âgée de cinq à six ans; elle avoit été nourrie aux
frais de l’hôpital par la nommée Louvau fruitière vis-à-vis l’église
paroissiale d ’A m b e r t , où elle avoit été trouvée exposée à l’ûge d ’en
viron six m ois, pliée dans un mauvais sac et couverte des haillons
de la misère.
Arrivée à L y o n , l a d a m e de C la r y la fit baptiser, parce qu’on ignoroit si elle l ’avoit été, n ’ayant été exposée que lo n g -te m p s après sa
naissance; elle voulut être sa marraine.
Elle ajouta à son nom de baptême celui de F é lix , et elle a toujours
été connue depuis sous ce nom dans la maison de la dam e de C la ry .
Elle a été élevée, nourrie et entretenue par la dame de C l a r y ,
com m e les autres élèves ses compagnes.
P arvenue à l’àge de n e u f a n s ,
dame de C la r y crut devoir lui
faire apprendre un m étier; elle la plaça , ainsi q u ’A n n e P errier,
qui étoit aussi du nombre de ses élèves, chez le no m m é H ibaud
boutonnier; m ais, après six semaines d ’essai, elle la r e lira , parce
que sa trop grande jeunesse ne la rendoit pas propre à cet état.
• Elle la plaça ensuite, à l’âge de treize à quatorze a n s, avec une
autre de ses élèves nom m ée Catherine P errier, chez la dame Pinel
lingère dans l’allée des Images, où elle demeura deux ans.
L a dame de C la ry ayant pris le parti de fixer sa demeure à sa
terre de G o n d o lle , elle revint de L y o n avec A n n e F élix , et la
nom m ée J a n y , autre élève qu ’elle a mariée depuis avec le sieur
C o t i n , de M o n l-F erran d .
Elle envoya peu de temps après A n n e F é lix
A m b ert.
au
couvent
A 2
à
�(4 )
Pondant qu'elle éloit dans ce c o u v e n t , elle fut recherchée en
mariage par un nom m é A c lia rd , garçon menuisier et vitrier : la
dame de C la r y vouloit lui donner 600 francs de dot et un trousseau:
mais A n ne F élix ayant témoigné quelque répugnance pour ce
m a ria g e , il n'en lut plus question.
D e retour à G o n d o lle , elle eut occasion de faire connoissancc
avec Louis M a rle t, coutelier.
L a dam e de C ln ry éloit très-attacliée à la famille M arlet.
M a rlet p ire avoit servi le sieur Delaire son frère avec beaucoup
de zèle et de fidélité; elle lui d«voit même personnellement de la
reconnoissance pour les soins q u ’il avoit pris de veiller à ses intérêts
dans les derniers moraens du sieur Delaire.
D éjà elle avoit donne 600 francs à l’une des filles M a r le t , lors
de son mariage avrc Pons.
Elle avoit aussi donné une pareille som m e de six cents francs
à une autre des filles M a ile t établie à Paris.
L a recherche de Louis M arlet pour A n n e F élix ne pouvoit donc
que lui cire agrôalile.
INon seulement elle y donna les m a i n s , mais elle voulut faire
plus pour cet établissement, qui éloit dans son g o iu , rpiV-lle 11’avoit
fait pour ses aulres elèves; elle porta la dot d ’A n n e Félix à 3 ooo fr.
au lieu de 600 fr. q u ’elle étoit en usage de leur donner.
O n lit d,afl,s son contrat de mariage passé devant C h asso g ay ,
notaire à M o n t-F e rra n d , le 5 o janvier 1 7 7 9 , q u ’elle y est dénom
mée M a rte-A n n e F é l i x , originaire de la ville d ’ A m b e r l;
Q u ’elle procède de l’agrément et sous l ’autorité d ’A n n e D elaire,
épouse de M . Charles de C l a r y , sa marraine;
Q u e la dame de C la r y fait donation à la future sa filleu le de la
som m e de 5 ooo fr a n c s , qu’ elle promet payer dans des termes.
On lit les mêm es noms de M a rie-A n n e F é l i x , dans l’acte de
célébration , sans indication de père et in è r e , comme dans le
contrat de mariage.
L a dame de C l a r y , après avoir établi ses élèves, ne les perdoit
pas de vue.
�(5 )
A y a n t quitté G on d o lle , pour se Fixer à M o ttt-F e rra n d , elle visitoit souvent soit la J a n y , qu ’elle avoit mariée au sieur C o t in , et
à laquelle elle avoit constitué une dot de 1400 fra n cs, soit la femme
M a r le t , qui étoit mariée à Clerm ont : si elles étoient malades,
elle les faisoit soigner à ses frais par son m édecin, et par fois elle
ne dédaignoit pas de les soigner elle-même.
Scs premiers bienfaits étoient des titres auprès d ’elle pour en
obtenir de nouveaux.
L e 12 mars 1783 , elle fit donation d ’une rente viagère de 200 fr.
payable sur la tète de Louis M a rle t, de M cirie-Aim e F é li x , sa
f e m m e , et de Rose M a r le t , leur fille m in e u re , jusqu’au dernier
vivant d ’eux.
Cependant cette rente ne fut pas entièrement gratuite; on y lit
qu ’elle est faite « à la charge néanm oins, et non autrem ent, que
» ladite dame donanle demeurera quitte envers lesdils sieur et
» dame M a r le t , i°. de la somme de 5 oo fran cs, à eux restée due
» -de celle de 3 ooo fr a n c s , donnée par le contrat de mariage du
» 3 o janvier 1 7 7 9 ; 20. de celle de 5 oo francs, aussi due par ladite
» dame audit M a rle t, pour cause de prêt. »
L a dame de C la r y a payé exactem ent cette rente tant q u ’ elle a
v é c u ; mais elle n ’a rien f.n’i de plus pour la fem m e M a rle t.
Elle a fait son testament olographe le 20 juin 178g.
Elle f a it , p a r c e testament, pour environ 25 o,ooo francs de legs
aux hôpitaux, aux établissemens de charité, à des communautés
religieuses e t à des particuliers q u ’elle connoissoit à peine.
E t elle ne donne pas la plus légère marque de souvenir à la
fem m e Marlet.
Cepend an t, toujours conséquente dans ses principes, elle met
■une si grande importance à ce genre de charité q u ’elle avoit exercée
pendant une grande partie de sa vie, q u ’elle fait un legs de 3 6 ,000
francs à l'hôpital d ’ A m b e r t , « pour l’établissement de trois filles
» de charité de l’institut de St. V in cen t de Paule, pour l’éducation
» e.t entretien de 12 orphelines, légitimes ou n o n , qui s e r o n t reçues
» dans ledit h ô p ita l, pour y être nourries, logées, soignées et iu-
�( G)
» struîtes : elles y seront gardées jusqu’à l ’âge de 18 a n s ; elles y
» seront reçues dans le premier âge ou plus t a r d , suivant que la
» charité le requerrera ; et elles seront remplacées successivement
» à mesure que les places viendront à vaquer. »
Elle a vécu plus de deux ans après ce testa m e n t, sans q u ’il lui
soit venu en idée d ’y faire aucun changement.
E tan t au lit de la m o r t, le 27 octobre 1 7 9 1 , elle a fait un codi
cille par lequel elle a fait différons legs, tous à des personnes quilui étoient étrangères; et elle ne s’est pas plus occupée de la femme
M arlet et de sa fille dans ce codicille, que dans son testament..
L a dame de C la r y est décédée le lendemain 28 octobre..
C e d écès a été suivi d ’apposition de scellés, d ’inventaire; et la
fem m e M arlet ne s’y est pas présentée.
Plusieurs années se sont écoulées dans un'silence absolu de sa
part.
.v
L a loi d u 12 brumaire an 2 , rendue en faveur des enfans natu
re ls, a sans doute exalté scs idées; elle a cru que n ’ayant point de
p aren s, elle pouvoit
donner au gré de son ambition.
L e s circonstances étoient heureuses pour la fem m e Marlet : l ’illé
gitimité de la naissance étoit en honneur; l ’immoraiitô ¿toit érigée
en principe ; la désorganisation sociale étoit à son comble..
L a succession de la dame de C la r y étoit d ’ailleurs entre les m ains
d’une religieuse sexagénaire hors d ’état de se défendre d ’une pareille
attaque, qui n ’étoit elle-même appelée à recueillir cette opulente
succession que par une loi révolutionnaire, et qui dans tous les cas
ne pouvoit inspirer aucun intérêt.
Pou r faciliter de plus en plus aux enfans naturels l ’usurpation
de la place et de lii fortune des héritiers légitimes, on avoit interdit
la connoissance de ces sortes de contestations aux magistrats établis
par la loi, pour la d é fé re r ,, en.dernier ressort, à fies arbitres qui
dévoient être munis de certificats »le civisme ; formalité qui n e
laissoit ni latitude dans le ch o ix , ni sécurité dans la confiance.
C ’est dans cet état de choses que la femmo M arlet a paru pour
la première fois sur la scène, le i 5 ventóse>an 2.
�C7 )
( O n vo it, dans le premier acte juridique qu'elle a signifié à la dame
D e laire , sœur et héritière de la dame de C la r y , qu’elle prend le
nom d ’ Anne-M arie jDe/a/Ve, dite F é lix;
« Q u ’elle entend form er demande en délivrance du tiers à elle
j) attribué par l ’art. i3 de la loi du 12 brumaire an 2 , dans les
» biens et successions d ’A n n e - M a r ie D elaire, décédée femme du
» citoyen Charles C la r y , de laquelle la requérante est née, dans
» le temps que ladite citoyenne A n n e-M a rie Delaire étoit engagée
» dans les liens du mariage. »
L ’objet de ce premier acte est de nommer deux arbitres, et de
som m er la dame Delaire d ’en nommer de sa part.
L e tribunal arbitral fo r m é , la fem m e M arlet assigne la dame
D e la ir e , le i 5 prairial an 2 , « pour 'voir reconnoitre la requérante
« f i lle naturelle de défunte A n n e -M a r ie D e la ire , à son décès
» fem m e de Charles Clary ; en conséquence lu i voir adjuger le
» tiers de sa su ccession , qui lu i est attribué par Varticle 1 3 de
»> la lo i du 12 brumaire dernier; voir dire que pour parvenir au
» partage les parties conviendront d ’experts, etc. »
L e s arbitres assemblés, et le tribunal f o r m é , le 4 messidor, la
fem m e M a r le t, se disant toujours M a r i e - A n n e D ela ire, a exposé
« qu’étant fille d ’A n n e Marie D elaire, à son décès femme de Charles
» C l a r y , et née hors du mariage, elle réclame l'exécution de la
» loi du 12 brumaire an 2; et par les différens actes qu ’elle a signi» fiés à la dame Delaire les 16 floréal, i 5 prairial dernier, et autres
» portant nomination d ’arbitres pour e lle , elle a dem andé, en
» exécution de Varticle i 5 de ladite lo i, que délivrance lu i soit
» fa ite seulement du tiers de la succession de la défunte A n n e » M arie D elaire.
»>E l d ans le cas où sa possession d ’état seroit contestée, elle offre
» de la prouver, tant par représentation d’écrits publics et privés
» de sa m è re ,
que
par suite des soins qu’elle lui a donnés à titre de
» m atern ité, et sans interruption, tant à son entretien qu'à son
)> éducation, et demande à faire ladite preuve
.» loi. »
co n fo rm ém en t
à la
�‘( 8 )
L a dame Delaire a répondu que la prétention de la fem m e M arleï
est loul à la fois une calomnie atroce contre la mémoire de la dame
de C la r y , et un trait monstrueux d ’ingratitude;
Q u ’elle sait m ieux que personne, que « la dame de C la r y a é t é ,
M pendant tout le temps de sa v i e , dans l’usage de prendre des
» enfans de l’hôpital par m o tif d ’hum an ité, de les. élever, de les
» é ta b lir, et de leur donner une petite dot pour faciliter leur m a» riage et leur état ; »
Q u e c ’est par un heureux hasard q u ’elle s’est trouvée de ce
nom bre;
Q u ’elle a retiré com m e elle de l’hôpital la nommée Perrier, qui
est au service de la veuve T e y r a s ;
L a nommée C atherine, qui est établie dans la ville d ’A m b e r t ,
à qui elle a fait une dot ;,
L a nom m ée J a n y , qu’elle a établie avec le nom m é C o t i n , à qui
elle a fait aussi une dot ;
Que la dame de C la r y a encore élevé plusieurs autres enfans
de 1 hôpital d A m b e r t , tpj’eiie tenoit dans une des salles dudithô-pital, à qui elle fournissoit la nourriture et l’entretien,, et payoit
les personnes chargées d’en avoir soin ;
Q ue s’il étoit aussi vrai qu’ il est faux que la dame C la r y fû t la
mère de ladite fem m e M a r le t, elle ne l ’auroit pas réduite à une
dot modique de 3 ooo liv. , pour laisser Ja totalité de sa fortune à
des héritiers collatéraux.
E lle a ajouté que la preuve de sa possession d ’é ta t, qu ’offroit la
fe m m e M a r le t , indépendamment qu ’elle étoit vague , indétermi
n ée, et incapable dans tous les cas de satisfaire au vœu de la loi,
n ’étoit pas admissible, dès qu’elle se présentoit comme bâtarde
adultérine, parce que celte preuve étoit scandaleuse, qu’elle o ffensoit l’honnêleté publique, et ne tendoit à rien moins q u ’à trou
bler toutes les fa m ille s } et à renverser les premières bases de l’ordre
social.
M ais h quoi pouvoit servir alors ce genre de défense ? tout étoit
entraîné par le torrent révolutionnaire; et les arbitres, cn>admettant
�( 9 )
lant par leur jugement la preuve testimoniale offerte par la
fem m e M a r l e t , ne firent sans doute que céder à regret à l’impul
sion irrésistible du moment.
C'est encore à l’empire des circonstances qu ’il faut attribuer le
soin qu'ils prirent dans ce jugement de stipuler les intérêts de la
fem m e M a r le t, et de lui indiquer les changemens qu ’elle devoit
faire dans son plan d ’attaque.
Elle n ’avoit osé jusque-là usurper que le nom de M a r ie - A n n e
D ela ire ; elle ne s’étoit présentée que com m e fille naturelle née
d’ une autre union (¡ne celle d’ sin n e-M a rie IDelairc avec Charles
Clary , c’est-à-dire, comme fille naturelle adultérine :
O n lui insinue que se prétendant née pendant le mariage de
M arie-A nne Delaire avec Charles C l a r y , elle a droit d ’aspirer à
la qualité de leur fille légitime.
E lle avoit jusque-là borné son ambition au tiers de la succes
sion de M a rie -A n n e D elaire, qu ’elle réclamoit en vertu de l ’articlei 3 de la loi du 12 brumaire an 2 :
O n lui apprend q u ’elle a droit de prétendre à la totalité de cette
succession é c h u e , et à la totalité de celle de M . de C la r y , à échoir.
E n co n séqu en ce, et d ’après des considérans qui développent
toute la théorie de ce nouveau plan, « le tribunal d arbitres ordonne,
» avan t faire d r o i t , que la demanderesse, conform ém ent à L’ar» ticle 8 de la loi du 12 brumaire , prouvera sa possession de l ’état
» par elle réclamé d ’enfant d ’A n n e-M arie D e la ire , p a r la repré» sentation d ’écrits publics et privés de ladite Anne-Marie Delaire ,
» ou par la suite des6oinsà elle donnés à titre de maternité et sans
» interruption, tant à son entretien qu ’à son éducation : autorise
» à cet effet la demanderesse à faire entendre témoins en pré» sence du tribunal, sa u f la preuve contraire de la même manière.
» O rdonne en outre que la demanderesse sera tenue, lant par ti» très que par tém oins, d'éclaircir le fait de la présence de Charles
» C la r y auprès de son épouse, ou de son absence, lors et à l’é» poque de la naissance d ’elle demanderesse; et en cas d absence,
D dan6 quel éloignement de son épouse se trouvoit Charles C la r y à
B
�( IO )
)> ladite époque; tous moyens de fa ite t de d r o it, ainsi que les dépena,,
» réservés aux parties: L'étal et les droits de la demanderesse lu i
)) demeurant aussi réservés , tant envers Charles C la ry , que sur
» la totalité de la succession d’ A n n e-M a rie D e l aire. »
C e jugement étoit rendu en l’absence de Charles C la r y ; on
disposoit à son insu de tout ce que l ’homm e a de plus sacré sur
la terre , d ’une prétendue paternité q u ’il devoit repousser avec
h o r r e u r , de son n o m , de sa fortune.
L a fem m e M arlet cependant n ’eut pas le courage de su iv re , dans
les premiers instans, la marche que sembloient lui tracer ses arbi
tr e s ; elle avoit sans doute de la peine à se familiariser avec l ’idée
d ’une entreprise aussi hardie : elle se contenta d o n c , sans appeler
M . de C la r y dans la, cause, de suivre l’exécution de son jugement
controla religieuse sexagénaire, q u ’ellecroyoit trouver sans défense.
Elle fit entendre tre n te -d e u x tém oin s, dont presque toutes les
dépositions, quoique préparées et combinées avec art par les m o
teurs et les agens de cette intrigue révolutionnaire, ne sont qu ’un
tissu de contradictions, e.t 8o réduisent d ’ailleurs à des o u ï-d ir e
insignifians, dont il est facile de trouver la source dans l ’intérêt
q u ’avoit la fem m e M arlet de les répandre et faire répandre par ses
nom breux émissaires, pour form er l ’opinion publique qui dirigeoit
tout alors;
A des so in s, à des caresses que la dame de C la r y prodiguoit
indifférem m ent à toutes ses élèves, et surtout aux plus jeunes, et
qui n ’étoient de sa part que l'e ffe t de la compassion, de la cha
r ité , de la bienveillance q u ’inspirent aux âmes tendres et sensibles
l ’enfance et le m alh eur, et dont l ’habitude de la bienfaisance fait
un besoin.
*
Enfin ces dépositions se réduisent à une prétendue ressemblance,
qui scroit indifférente quand elle seroit véritable, mais qui est
d ’une iausscté telle cpi'il seroit peut-être impossible de trouver
entre deux fem m es une dissemblance plus co m p lète, soit dans les
traits de la figure, soit dans la taille et la constitution; la dam e de
C la r y étant d ’une taille avantageuse, c l réunissant tous les traits
�( Il
)
^
et toutes les formes de la beauté, tandis que la fem m e M arlet joint
à une maigreur qui lient de la momie une constitution si frêle et si
mesquine , q u ’on y retrouve encore les tristes effets du brsoin et de
la misère qui ont assiégé les premières années de son enfance.
L a dame D elaire, de son cô té , a fait entendre dix-huit tém oins,
qui ont attesté unanimement l'habitude où étoit la dame de C la r y
de prendre chez elle, dès leur enfance, de jeunes filles orphelines
ou abandonnées, de les élever, de les nourrir, de les entretenir, de
leur procurer des états, de les doter et de les établir; et cela sans
autre m o tif que la charité, l'h um an ité, et par suite d ’une bienfai
sance naturelle qui dirigeoit toutes ses actions.
Il résulte encore des dépositions d'un grand nombre de ces té
m o in s, i eaf-, que la femme M arlet a été nourrie dans son enfance
■chez la fem m e L o u v a u , à A m b e r t ;
2eot-, que la fille nourrie chez la fem m e L ouvau a été exposée
à la porte de l'église paroissiale d 'A m b e r t , à l’àge d ’environ six:
mois, pliée dans un mauvais sac ;
5 Pnt-,
que cette
fille exposée à la porte de l ’église paroissiale
d ’A m b e rt , est une fille n a tu re lle , née au village de la B âtisse,
de la n o m m é e Jeanne M io la n e , servante de L o u is E c r l a n , bo u
langer à la C h a pelle-A gno n .
O n sent q u e , dès que cette enquête a été connue de la femme
M a r l e t , son ardeur à poursuivre sa prétendue possession d ’état
a dû s’attiédir.
C e qui a dû l ’attiédir encore , c ’est la loi du
nivôse an 3 .
D e s p lain tess’étoient élevées de toutes les parties de la F r a n c e ,
contre l’abus introduit p a r la loi du 12 brumaire an 2 , de confier
a de prétendus arbitres,
p ris
indistinctement dans toutes lesclasses
«le la société, le droit de décider en dernier ressort, et sans le
concours du ministère p u b lic , sur les réclamations des en fans na
turels, et généralement sur toutes les questions d ’elat que
ces
récla
m ations pouvaient faire naître.
Cette loi a lait cesser cet a b us; elle a abrogé la disposition de
l ’ article 18 de la loi du 22 b ru m a ire , et a statué q u ’à l'avenir
15 2
�toutes les contestations de ce genre seroienl jugées par les triLo.naux de district.
Depuis cette loi, il n ’a été fait aucun acte de procédure de la
part de la fem m e M a rle t, jusqu’au 17 floréal an 3 .
A cette é p o q u e , elle a fait citer au bureau de conciliation la
dame Delaire et M . de C la r y :
C e l u i - c i , « à ce qu'il eût à assister dans la cause, pour voir dé» clarer le jugement à intervenir com m un contre l u i , pour être exé» cuté à son cgard suivant sa form e et teneur ; en conséquence ,
» voir dire que la requérante sera reconnue sa fille , née de son
» mariage avec défunte An ne-M arie D elaire ; que son acte de bap» tême sera r é fo r m é , ainsi que tous les actes civils où elle auroit
» pu être ci-devant qualifiée sous le nom de F é l i x , et q u ’il y sera
» ajouté le nom de C l a r y , fille de Jean-Charles de C la r y et d ’Ànne» M arie Delaire; q u ’elle sera envoyée en possession de tous les
» droits, biens et actions à elle appartenans à ce titre : et ladite
» dame D clairo, u ce q U’en rectifiant et augmentant les conclusions
» prises d abord par la rufjUttrante^ ene soi(; condamnée à lui re» mettre et abandonner la totalité de lu succession de ladite défunts
» Delaire de C la r y . »
C e tt e citation en conciliation n ’a pas eu de suite;, et non seu
lement la fe m m e M arlet s’est depuis cet instant condamnée au
silence, mais elle a mêm e formellement abandonné sa prétention.
C e t abandon résulte d ’une procédure faite en son n o m , en l’an 6 ,
pour raison de la rente viagère de 200 francs , créée le 12 mars
1783 par la dame de C l a r y , sur sa tête , sur celle de M arlet et
sur celle de leur fille.
A celte époque de l’an 6 , e l l e 17 vend ém iaire, M a r le t , agissant
tant en som qu ’en qualité de mari d ’sin u e F élioc, et encore en
qualité de père et légitime administrateur de R o s e Marlet sa fille ,
tous donataires de défunte sln n e D ela ire fem m e C la ry , fil citer
au tribunal civil du département du P u y -d e -D ô m e , séant à R io m ,
Je sieur C h a r d o n , pour voir déclarer « exécutoire contre lu i, en
» qualité d’ héritier d 'A n n e D ela ire fem m e Clary, l ’acte du
�( >3 )
» mars 1783 , portant création d ’une rente viagère de 200 francs
» en sa faveur et en celle de sa fe m m e et de sa fille. »
Il dem ande, en conséquence, le payement des arrérages de cette
rente en deniers ou quittances valables, et provisoirement un
payement de 600 francs à compte.
C e provisoire a été accordé par jugement du 4 brumaire an 6.
L e s 6 0 0 francs ont été p ayés, et la pension viagère a été servie
exactement depuis, sur les quittances tantôt du m a r i, tantôt de
la fe m m e , indifféremment.
On a dit que la fem m e M arlet avoit, par cette procédure , aban
donne form ellem ent son action en possession d ’é ta t; i ent-, parce
q u e , dans cette procédure, la fem m e M arlet a cessé de prendre
le nom de D e la ir e , qu’elle avoit usurpé, et qu’elle avoit pris dans
tous les actes de la procédure, pour reprendre modestem ent celui
d ’A n n e F é lix ;
2eu t, parce qu ’elle a dirigé son action contre le sieur C h a r d o n ,
en qualité d’ héritier d ’A n n e D ela ire femme de Charles Clary ,
et qu’en le reconnoissant ainsi pour héritier, elle renoncoit ellem êm e formellement à toute espèce de prétentions sur cette héré
d ité , surtout donnant celte q ualité d ’héritier à M . de C h a r d o n ,
apiès s^être prétendue fille légitime de IYlme- de C l a r y , et avoir
réclam é l’universalité de sa succession, com m e elle l ’avoit fait par
sa citation du 17 floréal an 3 .
C ’est après cet abandon a b so lu , perpétué et renouvelé pendant
dix années, et sept à huit ans après le décès de M . de C l a r y , que
la femme M a r le t , mue par, on ne sait quel esprit de vertige, a cru
pouvoir faire revivre sa scandaleuse recherche,
qui étoit déjà
oubliée dans le p ublic, et que les deux familles Delaire et de C la r y
avoient bien voulu elles-mêmes oublier ou dédaigner.
L e 1". prairial an 1 2 , elle a fait citer en conciliation M . de C la r y
de M u r â t , frère et héritier de M . Charles de C la ry .
J u s q u e - l à , elle n ’avoit usurpé que le nom de la dame D elaire ;
elle n avoit pas même osé prendre celui de C l a r y , dans la citation
q u ’elle avoit donnée à M . de C la r y , le 17 floréal an 5 .
�\ *
(
14
)
M a is, dans celte nouvelle citalion, elle ne croitplus devoir garder
de m esure; elle se nom m e sJ nne-M arie F é li x de C la ry , dite
F é lix .
Elle expose q u ’elle étoit en instance avec Jeanne-Marie D elaire,
sœur d 'A n n e D elaire, relativement à son état civil, et à sa reven
dication de tous les d roits, biens et actions de ladite A n n e D e la ir e ,
decedt-e épouse de Jean-Cliarles C la r y , sa m ère;
Que d'abord cette instance étoit pendante devant un tribunal
de famille ( i ) , et a ensuite été portée au ci-devant tribunal de dis
trict de cette ville (2) ;
Q u e depu is, soit à cause des cliangemens dans l’ordre judiciaire,
soit à cause des cliangemens des qualités des parties, et autres
rnolifs puissans, celte instance est restée impoursuivie et indécise;
Q u ’a y a n l intérêt d e là voir finir, elle se propose de la poursuivre
au tribunal de première intance de celle ville.
D ’après ce préambule, elle cite M . de C la r y de M u r â t , com m e
s étant cinparii <1<_* la succession de M . Charles de C l a r y , son frère,
poui etre conciliée av<-c
sul, ja (]em am ]e qu ’elle se propose de
fo r m e r , tendante « à ce q u ’il soit t c „ „ . v>?ssister dans la causc dont
» il s ’a g it, ii l’effet de voir déclarer le jugement rju’c-iio va pour» suivrecontre les prétendans droits et détenteurs d e là succession
« de la dame Delaire femme C l a r y , com m un avec l u i, pour être
« exécuté selon sa forme et teneur; pour voir dire que l’exposante,
v fille légitime desdils leu Jean-Cliarles de C l a r y , et A n n e D e la ir e ,
» comme étant née de leur m ariage, sera reconnue en ladite qua» lilé , q u ’en conséquence son acte de baptême sera ré fo rm é , ainsi
» que tous les actes civils où elle auroil pu élre ci-d e va n t qualifiée
» seulement sous le nom de Félix , et q u ’il y sera ajouté le nom de
» C l a r y , fille de Jean-Cliarles C la ry et d ’ A n n e D elaire; que com m e
(1) C’est 11110 erreur; il n'y a jamais eu do tribunal do famille, niais lin trilnniul arbitral, composé do quairo citoyens absolument étrangers aux deux
familles Delaire et de Gary.
( ? ) A u tre e r r e u r ; il n ’y a jam ais eu d'assign atio n a u trib u n a l tic d is tric t.
�■( i5 )
»
véritable, seule
et
unique héritière de sesdits père et m è r e , elle
») sera envoyée en possession de tous les droits, biens meubles
et
» immeubles et actions généralement quelconques, dudit feu de
» C la ry , son père, et ledit de C la r y de M urât tenu de se désis)> ter de tout ce qu’ il retient de ladite succession, avec restitution
» des jouissances, d é g r a d a t i o n s , détériorations et intérêts du tout. »
M . de C la r y de M u r â t a paru par son fondé de p o u v o ir, sur
cette citation , et a demandé à son tour à être concilié sur la de
m ande qu’il se proposoit de former contre la fem m e M arlet et son
mari , en 20,000 francs de dommages-intérêts , pour les punir de
l ’infàme calom nie, à laquelle ils n ’avoient pas craint de se livrer
contre la mémoire de M . et de M nîp. de C la ry.
L e procès verbal de non-conciliation a été suivi d ’une assigna
tion à l’audience du 16 messidor.
Pareille assignation a été donnée à M M . de C h a rd o n , V id a u d '
de L a t o u r , et autres héritiers testamentaires ou ab intestat , m é
diats ou immédiats de la dame de C la r y : elle a également conclu
contre e u x , à être reconnue pour fille légitime d ’A n n e D elaire,
com m e née de son mariage avec Charles C l a r y , et à être envoyée
à ce titre en possession de l'universalité de ses biens.
T e l est l’ordre des faits et l'état de la procédure.
MOYENS.
L a fem m e M arlet a paru successivement dans cette cause sous
deux titres opposés et qui s’entre-détruisent :
C o m m e fille naturelle adultérine d ’A n n e Delaire , épouse de
Charlés de C la r y ;
E t com m e fille légitime de l ’un et de l ’autre.
Sous le premier titre, elle a conclu à être maintenue dans sa
possession d ’état : elle a demandé à être envoyée en possession du
tiers des biens d ’A n n e D e la ir e , conform ém ent à l’article i 3 de
la loi du 12 brumaire an 2.
Sous le second, elle revendique un état q u ’elle convient n ’avo:r
�( 16 )
jamais possédé , et clic demande à êlre envoyée en possession de
l'universalité des deux successions de M . et M m=. de C la ry.
D e l à , la division naturelle de la discussion en deux paragraphes.
§• I er,
E xa m en de la demande de la femme Marlet, comme
se disant jille naturelle adultérine d'Anne D e la ire ,
épouse de Clary,
L a première loi de la révolution, rendue en faveur des enfans
n a tu rels, est le décret de la C on ventio n, du 4 juin 179s.
C e decret est conçu en ces termes :
« L a Convention nationale, après avoir entendu le rapport de
» son com ité de législation, décrète que les enfans nés hors le
» m a ria g e , succéderont à leurs père et m è r e , dans la form e qui
« sera déterminée j>ur \„ i0;
C o lle form e a été déterminée par , a loi d(J I2 b r u m a ;re an a ,
qui est ainsi conçue, article I ." :
« Les enfans actuellement existans, nés hors du m ariage, seront
» admis aux successions de leurs père et m è re , ouvertes depuis le
» 7 4 j u ille t 1789. »
L a dame de C la r y est décédée le 28 octobre 1 7 9 1 ; dès-lors la
fe m m e M arlet se Irouvoit appelée, par celle loi, à recueillir le
tiers de sa succession, si, en e ffe t, elle é to it, com m e elle le préten d o it, sa fille naturelle adultérine.
L e 5 vendémiaire an 4 » il est survenu une aulre loi ainsi conçue,
art. X I I I :
« L a loi du 12 brumaire an 2 , concernant le droit de succéder
» des enfans nés hors m ariage, n’aura d’ effet qu’ à compter du
» jour de sa publication. »
D ès-lors, plus de moyens de succéder à la dame de C l a r y , dé
cédée en 179* >quanti la femme Marlet auroit été reconnue pour sa
fille
�C 17)
fille naturelle adultérine, et qu ’elle auroit eu en sa faveur toutes les
espèces de preuves écrites ou testim oniales, qui peuvent mettre ce
genre de filiation à l ’abri de contradiction.
II ne lui resteroit pas mêm e la ressource de réclamer des alimens
contre ceLte succession , à ce titre de fille naturelle adultérine, parce
q u ’elle a reçu 3 ,000 francs de d o t; q u ’elle touche annuellement
200 francs de rente viagère; qu’elle a été d ’ailleurs mise en état de
gagner sa vie; et qu’aux termes de l ’article 764 du nouveau C o d e ,
« lorsque le père ou la mère de l'enfant adultérin ou incestueux
» lui auront fait apprendre un art mécanique, ou lorsque l’un d ’eux
m lui aura assuré des alimens de son v iv a n t , l’ enfcint ne pourra
» élever aucune réclamation contre leur succession, »
A i n s i , tout seroit terminé sous ce premier point de v u e ; et la
réclamation de la fem m e M arlet seroit repoussée par une fin de
non-recevoir insurm ontable, sans avoir besoin d ’entrer dans l’exa
men de la réalité ou de la fausseté du titre de fille naturelle adul
térine qu'elle a voulu se donner.
II ne reste donc qu’à savoir si elle peut être plus heureuse, en se
présentant aujourd’hui com m e fille légitime de M . et de M “»- de
C la r y .
S.
II-
Exam en de Vaction de la femme Marlet, comme se disant
Jille légitime de M. et de M me- de Clary.
I l s’élève d ’abord contre cette action deux fins de non-recevoir
également décisives.
L a première résulte de ce que la fem m e M arlet a com m encé
par se dire fille naturelle adultérine de la dame D e la ir e , et née
d’ une autre union qu’avec Charles Clary ; qu ’elle a demandé à
¿Ire maintenue dans sa possession d ’état à ce titre, et que , dans le
cas où sa possession d ’état seroit contestée, elle a
o f f e r t
d e
la prouver
tant par représentation d'écrits publics et privés de sa m è r e , que
G
�< ’T
( 18)
par la suite des soins q u ’elle lui a donnés à titre de m atern ité, et
sans interruption, tant à son entretien qu ’à son éducation.
O n a v u , dans les tribunaux, des individus commencer par récla
m er le titre d ’enfant légitime, et, après avoir échoué dans cette pre
mière tentative, se réduire à la condition d ’enfant naturel adul
térin , pour obtenir du moins des alimens sur les successions de
leurs père et mère.
T e l étoit le prétendu Jean D u r o u r e , qui a d o n n é lieu au 17*.
plaidoyer du célèbre M . d ’Aguesseau.
T e l est encore le prétendu Jean Neuville , qui a donné lieu à
Parrêt de la cour d ’appel, du i 5 prairial dernier, dont il sera parlé
ci-après.
M ais il est sans exem ple, qu ’après s’être avoué bâtard a d u ltérin ,
on ait osé prétendre au titre d ’enfant lé g itim e , et en réclamer le
ra n g , les honneurs et les droits.
Cette fin de non-recevoir , au surplus , est textuellement écrite
dans le nouveau C od e civ il, art. 3 a 5 .
L e s articles precea<;ns « r,IiqUent les différens genres de preuves
qui peuvent être admises en faveur t u l’enfant qui se prétend né en
légitime m a riag e, pour établir sa possession d ’état, ou pour récla
m e r un état dont il auroit été dépouillé.
L ’article 325 détermine ensuite quelles sont les preuves con
traires, qu ’on peut opposer à la preuve directe q u ’offre le prétendu
enfant légitime.
C e t article est conçu en ces termes :
« L a preuve contraire pourra se faire par tous les m oyens
» propres à établir que le réclamant n ’est pas l’enfant de la mère
» qu ’il prétend avoir, ou m êm e , la maternité prouvée, qu’ il n’est
» p as l’ enfant du mari de la mère. »
O r , celte dernière preuve est déjà acquise par le fait de la fem m e
M a r le t elle-même.
Elle a formé sa première demande com m e fille adultérine d 'A n n e
D e l a i r e , épouse de Charles C la r y ; elle a consigné dans tous les
actes de la procédure, «t dans le jugement arbitral d u 4 messidor,
�C J9 )
(
q u e lle étoit née d’ une autre union que celle d’A n n e D elaire
avec son mari.
Elle ne peut donc être admise à se dire aujourd’hui fille légitime
de M . et M mc. de C l a r y , puisque lors même qu'elle parviendroit
à acquérir la preuve de la m a te rn ité , cette preuve seroit écartée
par la preuve contraire émanée d ’e ll e - m ê m e , qu’ elle n’ est pas
l’enfant du mari de la mère.
Cette première fin de non-recevoir ne permet pas de réplique.
L a seconde fin de non-recevoir , qui s'élève contre cette, nouvelle
prétention de la fem m e M a r le t, résulte de ce qu’après avoir annoncé
par sa cédule du 17 floréal an 3 , qu ’elle étoit dans l’intention d ’ac
tionner M . de C la r y , pour voir déclarer com m un aveclui le jugement
qu’elle se proposoit d ’obtenir contre la dame D e laire , ex-religieuse,
et pour voir dire qu’elle seroit reconnue fille légitime de M . et M me- de
C la ry, comme née pendant leur mariage, elle n ’a donné dans le temps
aucune suite à cette cédule, et de ce q u ’elle s’est m êm e départie
depuis, non-seulement de toute prétention à ce titre de fille légi
time de M . et M m*. de C la r y , mais encore de toute prétention au
titre de fille naturelle adultérine de M»e- de C la r y .
On vo it, en e ffe t, dans la procédure tenue au tribunal de d e parlem ent, à R iom , dans le cours de l ’an 6 , pour raison de la
rente viagère de 200 f r a n c s , que la fem m e M a r le t , qui avoit con
stam m en t usurpé le nom de M a rie-A n n e D ela ire , depuis les pre
miers actes juridiques faits dans la cause, ne se nom m e plus
qu ’A n n e F é lix ;
Q u ’au lieu de se dire héritière de la dame de C l a r y , cette pro
cédure est dirigée contre M . de C h a rd o n , à titre d ’héritier;
Q u ’au lieu de prétendre droit à cette succession,
titre d ’héri
tière, elle ne réclame des droits, et le jugement ne lui en accorde,
contre cette succession, qu’à titre de créancière;
Q u ’en fin , elle n ’a cessé, pendant dix ans consécutifs, de ne se
considérer que sous ce point de vue de créancière de celte suc
cession, puisqu’elle a touché constam m ent, depuis, celte rente via
gère des mains des héritiers de M m0, de C lary.
C a
�( 20 )
M a 's quelque décisives que soient ces fins de n o n -re ce vo ir, les
représentans de M . et de
de C la r y n ’en ont fait usage que
pour l’honneur des règles, et parce que , d ’ailleurs, elles n ’auroient
pas échappé à la sévérité du ministère public; ils veulent bien les
oublier un instant pour se livrer à l’examen de cette nouvelle pré
tention de la femme M a r l e t , qui a pour objet de se faire reconnoître
pour fille légitime de M . et de M me' de C la r y ,
et de se faire
en vo ye r, à ce tilre , en possession de l ’universalité de leurs deux
SUCCi SSioHS.
L e premier pas à f a ir e , dans cette discussion, est de mettre
à
l ’écart la procédure faite en l ’an 2 et en l’an 3 , devant les arbitres.
Cette procédure doit être rejetée de la cause, i ent-, à raison de
son o b je t;
a eDt*, à raison du temps où elle a été faite ;
3 ent-, à raison de son irrégularité.
E lle doit être rejetée de la cause, à raison de son o b je t, parce
qu il s’ a g<ssolt alors d ’une demande en possession d ’é ta t, formée
par la f e m m e M a r i c t , « m m e fille naturelle adultérine de la dame
de C l a r y , et que 1 institution des a u t r e s n ’avoit pour objet que
les contestations qui pourroient s’élever sur i v ^ clll;on ¿ e ]a i0i
du 12 brumaire an 2;
Q u ’il ne s’agit plus aujourd’hui de l ’exécution de cette lo i, ni
de statuer sur une question d ’é ta t, élevée par un enfant né hors
m a riag e , mais par une fille soi-disant légitime; question qui n ’a
jam ais pu être de la compétence des tribunaux d'arbitres institués
par celte loi.
2enti, elle doit être rejetée de la cause, à raison du temps ou
elle a été fa ite , parce qu ’elle a eu sa source dans l'effet rétroactif
de la loi du 12 brumaire an 2 , qui faisoit remonter les droits de«
enfans naturels aux successions de leurs père et m e r e , ouvertes
depuis le i/( ju ille t 1789 ;
Q u e cet effet rétroactif a été aboli par l’ art. XIII de la loi du
3 vendémiaire an/j., qui a ordonné que la loi du 12 brumaire an a
ji'auroit d’effet qu'à compter du jour de sa publications
�( 31 )
Q uecette
même loi a aboli et annullé tous les actes et toutes les pro
cédures qui avoient eu leur Fondement dans cet e ffe t rétroactif, et
par conséquent cette procédure faite pour une succession ouverte
en 1791*
C 'est ce qui résulte formellement du II*. paragraphe de cet ar
ticle X III, qui est ainsi conçu :
« Les règles d ’exécution du présent a r tic le , seront les mêmes
» que celles établies ci-dessus, relativement à Tabolition de l’effet
» rétroactif des lois du 5 brumaire et du 17 nivôse. »
O r , on lit dans l’article X I , qui précède, que « tous procès
» e x is to n s , même ceux pendans au tribunal de cassation, tous
» arrêts de deniers, toutes saisies ou oppositions, tous fugemens
» intervenus, partages ou autres actes et clauses qui ont leur l’on» dement dans les dispositions rétroactives desdites lois des 5 bruw maire et 17 nivôse an 2 , ( p a r conséquent de celle du 12 b r u -
» m a i r e ) , ou dans les dispositions des lois subséquentes rendues en
j) interprétation, sont abolis et annuités. »
5cnt. t celte procédure doit encore être rejetée de la cause, à
raison de son irrégularité.
Q u 'o n suppose, si l’on v e u t , que la fem m e M arlet ait pu in
tenter contre l’héritière de la da m e de C l a r y une action tendante
à se faire déclarer sa fille naturelle adultérine, sans appeler dans la
cause M . de C la ry, qui étoit si essentiellement intéressé, sous tous
les ra p p orts, à repousser les traits de la calomnie qui cherchoit à
remuer les cendres de son épouse et à flétrir sa mémoire : on ne
pourra du moins disconvenir que le tribunal arbitral ne p ouvoit,
sans le concours de M . de C l a r y , « ordonner que la demanderesse
» seroit tenue, tant par litres que pur témoins, d ’éçjaircir le tait
» de la présence de Charles C la r y auprès de son épouse, lors et à
» l’époque de la naissance d ’elle demanderesse; et, en cas d ’absence,
» dans quel éloignement de son épouse se trouvoit Charles C la r y
» à ladite é p o q u e ; ...................................... l’état et les droits de là
» demanderesse lui demeurant réservés > tant envers Charles Clary
�« que sur la totalité de la succession d ’A n n e - M a r i e Delaire. »
C e jugem ent seroit donc évidemm ent n u l , sous ce point de v u e ,
com m e rendu sans y avoir appelé la principale partie intéressée.
A u surplus, ce jugement a été attaqué par la voie de la tierce
opposition, soit par M . de C la r y de M urât et les autres héritiers
représentans de M . Charles de C la r y , soit par les héritiers testa
mentaires ou ah intestat de la dam e de C l a r y , qui n ’avoient pas
été appelés dans la cause : ainsi il ne peut plus y avoir de prétexte
ci’en faire usage à l ’avenir; et dès-lors les enquêtes qui en ont été
le produit ne doivent pas être lues.
C ’est ainsi que l’a décidé la cour d ’ appel de R io m , par son arrêt
du i 5 prairial dernier, rendu dans la cause de Jean Neuville dit
V ille fo rt, contre M a r ie -A n n e R o u stan g, veu v e d e Gilbert N euville.
Jean N euville, se prétendant filsnaturelde Gilbert N euville, dé
cédé le i " . nivôse an 9 , avoit fo rm é , au mois de ventôse su iva n t,
contre M arie-A n n e R o u s t a n g , sa veuve et son héritière, une de
m ande temíante à ce qu’elle fu t tenue de lui abandonner la tota
lité de sa succession.
U s’est ensuite restreint au rang dW î m t naturel adultérin, et
xl a demandé à ce titre le tiers de celte succession.
Il o ffr o it , dans le cas où son état seroit contesté , de prouver les
soins q u ’il avoit reçus de Gilbert N euville, pendant 18 ans, à titre de
paternité.
L e tribunal de première instance de L y o n , par jugement du i*\
germinal an g , sans s’arrêter à la preuve des faits articulés par Jean
N e u v ille , dans laqùélle il aVoit été déclaré non-recevable, avoit
renvoyé la veuve de G ilbert N euville de l’instance.
C e jugement avoit été infirmé sur l’appel par arrêt du i/¡ floréal
an i o , et la preuve offerte avoit été ordonnée.
L a veuve de G ilbert Neuville s’étoit pourvue en cassation ; m'dis,
pendant l'instance en cassation, Jean Neuville avoit fait procéder
il l ’enquête.
.............................
V !L e jugement de la cour d ’appel de L y o n ayant été cassé, et los
�í
( =5 )
parties renvoyées à la cour d ’appel d e R i o m , il s’est élevé un inci
d e n t, sur la question de savoir si les enquêtes seroient Iues.
M . le procureur général a été d ’avis qu’elles ne pouvoient être lues.
L a cour a ordonné q u e , sans lire les enquêtes, il seroit passé
outre au jugement de la cause; et le jugement du tribunal de pre
mière instance de L y o n , a été confirmé avec amende et dépens.
A combien plus forte raison la lecture des enquêtes doit-elle être
interdite dans la cause actuelle, où non-seulement ces enquêtes ont
etc faites en vertu du jugement le plus nul et le plus irrégulier qui
fu t jam ais, mais lorsqu’elles ont été abolies, ainsi que toute la pro
cédure qui les a précédées, par le texte formel de la loi du 3 ven
démiaire an 4 , qui a rapporté l’effet rétroactif de la loi du 12
brumaire an 2 ; et q u ’enfin, ces enquêtes sont non-seulement étran
gères à la ca u se , mais inconciliables avec l’état actuel de la cause,
puisqu’elles avoient pour objet d ’établir une filiation adultérine,
et q u ’il s’agit aujourd’hui d ’établir une filiation légitime !
Si les représentans de M . et de M me* de C la r y insistent sur ce
p o i n t , ce n ’est encore que pour l’honneur des règles : ils sont loin
d ’avoir à redouter la lecture de ces enquêtes; c a r , quoique faites dans
les temps les plus orageux de la révolution, et dans les circonstances
les plus favorables à la fe m m e M a r l e t, elles ne prouvent rien pour
elle, qui avoit tout à prouver, et prouvent to u t, au contraire, pour
les représentans de M . et de M me- de C la r y , qui n ’avoient rien à
prouver.
Quoi qu’il en soit: s i, après avoir oublié les fins de non-recevoir,
après avoir mis à l’écart la procédure arbitrale et les enquêtes, on en
vient à l’objet de la cause, on ne trouve plus qu ’une question d'état,
dégagée de tout ce qui a précédé, qui se réduit aux idées les
plus simples, et à l’application des principes fondam entaux du droit
et de la morale de toutes les nations.
L ’état des hommes porte sur deux genres de p reu ves, les titres
et la possession.
r
« Q u a n d on a en sa faveur l’ autorité des titres publics et de
�( 24 )
'
» la possession, dit M . C o c h in , dans l ’affaire de M me> de F r u i x ,
» tom. II, pag. 3 /,6 , on jouit d ’un état inébranlable; et par la même
» ra iso n , quand on n ’a en sa faveur ni l’une ni l’autre de ces preuves,
» les tentatives que J on fait pour s'arroger un état dont on n ’a
» jamais jo u i, ne peuvent tourner qU’à la confusion de ceux qui
» s’engagent dans des démarches aussi téméraires. »
L a femme M arlet demande à être reconnue pour fdle légitime
de M . et de Mme. <je C la r y ; à jouir, à ce titre, du n o m , des dro its,
du ra n g , des prérogatives qui y sont attachées, et à être envoyée
en possession de l’universalité de leurs deux successions.
E lle convient n ’avoir pas la possession de cet état de fille légi
time de M . et de M me- de C l a r y , et n ’en avoir jamais joui.
E h ! com m ent pourroit-elle en effet avoir cette possession d ’état
de fille lé g itim e , après s’être prétendue elle-m êm e, quoiqu’avec
aussi peu de fondem ent, fille naturelle adultérine de M me- de C la r y ,
et née d'une autre union qu ’avec son m a r i , et avoir demandé à ce
titre le uors de sa succession, en vertu de l’art. i5 de la loi du 12
brumaire an 2 , r c n , i Ul, OT1 f a v e u r (]es enfans naturels?
M ais si la fem m e M arlet n ’a
^ sa faveur la posse6siori de
l ’état de fille légitime q u ’elle réclame dans
..,om e n t, a-t-elle
du moins quelques titres qui lui donnent le droit d ’y prétendre?
C e n ’est pas son extrait baptistère, qui est ordinairement le monu
m ent le plus précieux dans ces matières ; il n ’est pas dans ses pièces:
d ’où l’on peut conclure avec confiance q u ’ il ne peut être représenté
sans nuire !x sa prétention.
C e n ’est pas son co ntrat de mariage avec Louis M a rle t; elle y
est dénommée A n n e F é l i x , originaire de la ville d ’A m b e r t , sans
indication de père ni de mère.
L a dam e de C la r y y intervient com m e sa marraine ; elle lui con
stitue une dot com m e elle étoit dans l'usage de faire à toutes ses
élèves, avec quelque augmentation, p a r c e q u ’elle étoit sa f ille u le
,
et q u ’elle avoit dailleurs un attachement particulier pour la famille
M arlet,
Cq
�(¡.5)
C e n ’est pas l ’acte de célébration de son mariage; e]ie n >y csj.
encore désignée que sous le nom d ’A n n e F é lix .
C e ne sont pas les actes baptistères de scs enfans; elle n ’y
encore désignée que sous le nom de M a rie-A im e h é lix .
C e n’est pas l’acte constitutif de la pension viagère de 200 francs,
où la fem m e M arlet n ’est encore dénommée q u A n n e h é lix .
C ’est encore moins sans doute dans le testament et dans le codi
cille de la dame de C la ry qu’elle espère trouver ces titres solennels,
qui doivent Pélever au nom , au ra n g , à la fortune auxquels elle
aspire.
L a dame de C la r y fait son testament olographe en pleine santé
en 178g : elle semble dans ce testament être embarrassée de sa for
tune; elle comble de biens tous les hôpitaux de Clerm ont et d ’A m b c r t , différons établissemens de charité des campagnes; elle fait
des legs à des maisons religieuses, à des cu rés, à des particuliers;
ces legs sont au nombre de 19, et montent à environ 25 o,ooo francs;
et il n ’y a pas une ligne, pas un m o t, pour la fem m e M a r le t, ni
pour personne de sa famille.
U n e pareille conduite n ’ est pas dans la nature ; on ne croira
jamais q u ’une mère ait étouffé tous 1ps sentimens cJe la tendresse
m a ternelle, nu point <lc prodiguer sa fortune et de la verser a plei
nes mains dans les établissemens publics, ou pour enrichir des per
sonnes qui lui sont étrangères, pendant qu’elle laisse son enfant
en proie au besoin et luttant contre la misère. Num quid oblivisci
potest niulier infanlem suum , ut non misereatur f i l i i uteri su i?
Mais si la dame de C la ry a oublié la femme M arlet dans son
testament olographe, quoique fait dans le silence de la réflexion,
on croira peut-être q u ’elle aura réparé cet oubli dans son codicille
fait au lit de la m o rt, dans un temps où elle n ’avoit plus rien à
craindre ni à espérer des hom m es, et où les seuls remords de la
conscience a uroientdû l’obliger à rendre témoignage à la vérité.
M êm e silence dans ce codicille que dans le testament, sur le
compte de lu fem m e M arlet : la daine de C la r y prodigue cncorç
D
<
�V JÎK -
( 26 )
âcs dons à un grand nombre d ’individus qui lui sont absolument
étrangers ; et ce codicille ne contient pas pour elle le legs d ’une
obole.
A in s i, de tous les titres écrits qui sont destinés par leur nature à
constater l’état des h o m m e s, extrait baptistère, contrat de ma
riag e, testam ent, codicille; pas un ne laisse apercevoir la plus lé
gère présomption en faveur de la fem m e M a rle t, et tous au con
traire s’élèvent contre elle et form en t, réunis, un témoignage irré
cusable contre sa prétention.
M ais sera-t-il du moins permis à la fem m e M a rle t de suppléer
par la preuve testimoniale, soit à la possession qui lui m a n q u e ,
soit au silence des a ctes, et au- défaut de preuves é c rite s , dont elle
est absolument dépourvue ?
Ecoutons sur cette question M . C ocliin , dans l ’affaire de la *
dam e de Bruix , tome 4 , p age ^4^*
« \Jn citoyen veut se donner entrée dans une fam ille: il n ’a pour
» y p arve n ir, m \0 »<«ours jg g rnonumens publics, ni l ’avantage
» de la possession: arrêté par ccaoW acle8 invincibles, qu'il articule
h des faits , qu’il demande permission d'et, îy.;..«, preuve ; cette voie
» inconnue à la l o i , funeste à la société, sera nécessairement rC» jetée dans tous les tribunaux. »
» Quand les titres et la possession , dit-il plus b a s , page 5 5 i ,
» sont d ’accord sur l’état d 'u n citoyen , la preuve testimoniale qui
» a pour objet de les co m b a ttre , ne peut jamais être a d m ise ;
« i° . parce q u ’elle est nécessairement impuissante; 2°. parce qu ’elle
» est infiniment dangereuse. «
Elle est nécessairement impuissante, parce que, quelles que soient
les déclarations des tém oins, elles ne peuvent jamais être mises en
balance avec le poids des preuves q u ’administrent les titres et la
possession.
Elle est infiniment dangereuse, parce q u e, dit encore M . C ocliin ,
« l’état des h om m es, ce bien précieux qui fait, pour ainsi dire, une
*> portion de nous-m êm es, et auquel nous sommes attachés par des
\
�4
( 27 )
» liens si sacrés , n ’aura plus rien de certain; on le verra tous les
» jours exposé aux plus étranges révolutions.
» L ’homme qui jouit d ’un nom illustre et d ’un rang distingué
» sera renversé et précipité, pour ainsi d ire, dans le n éa n t, parce
» qu ’on entreprendra de lui prouver, par tém oins, qu’ il n ’est point
» né des père et mère qui lui ont été donnés dans son acte de bap» têm e, et qui l ’ont élevé publiquement comme leur enfant: on
» supposera des faits auxquels on donnera un extérieur de vraisem» b la n ce ................................D ’un autre côté, un enfant de ténè» bres, qui ne trouve dans son sort que dégoût et que misère , en» treprendra tout pour en sortir: plus sa destinée sera obscure et
» inconnue au public, et plus il lui sera facile de se donner un nom
» et un rang distingués, s’il lui est permis d’y aspirer avec le se» cours de quelques témoins disposés à soutenir son imposture, n
L es lois romaines ont un grand nombre de textes qui consacrent
ce principe.
S i tib i controversia ingenuitatis fia t, clefende causam tuam
instrumenlis et argumentis quibus p otes; s o li enfm testes ad in
genuitatis probationem non suffichint. L o i 2 , au C o d e , de Testib.
Probationes qitœ de JUifs dantur, non in sold affirmatione
testium consistunt. L oi 24» au D i g . , de Prob.
L a législation française a toujours été animée du même esprit :
elle a voulu que la preuve de la naissance fut faite par les registres
publics: en cas de perle de ces registres publics, elle a voulu q u ’on
eût recours aux registres et papiers domestiques des père et mère
décédés , pour ne pas faire dépendre l 'é t a t , la filiation , l ’ordre et
l ’harmonie des familles , de preuves équivoques et dangereuses,
telles que la preuve testimoniale dont l ’incertitude a toujours
effrayé les législateurs.
C ’est par suite de ces principes q u e, dans la cause jugée par l’ar
rêt du 7 mars 1641
,
M arie D a m itié , ayant demandé
p e rm issio n
de faire preuve par témoins, q u ’elle éloit s œ u r d ’Élizabeth et Anne
R o u ssel, elle fut déboutée de sa demande, sur les conclusions de
M . l’avocat général T a l o n , qui « soutint comme une maxime m D a
�N (vV t j
( 28 )
)) dubifable q u ’il ¿toit Hc périlleuse conséquence d ’admettre cette
)) p reu ve, parce q u ’il seroit facile à toute sorte de personnes de
» se dire de quelle famille il lui pluiroit; d ’où pourroienl naître
* de grands inconvéniens. »
INI. T a lo n , en portant la parole en i 65y , dans l ’affaire de
Georges de Lacroix , se disant fils de M . de L a p o r t e , soutint en
core en principe q u e , « comme l’état et la naissance ne se pouvoient
» vérifier par tém oins, mais seulement par titres, pour lo rs, à
» l ’égard de celui qui se prétend d ’une condition dont il ne rap>) porte point de titres, ne pouvant prouver son état par tém oin s,
» sa prétention passe pour une imposture et pour une usurpation ,
» qui font un crime pour lequel il a pu être poursuivi : » et sur
ses conclusions, Georges de L acroix fut condamné en des peines
très-graves, pour avoir usurpé le nom de M . de L a p o r t e , et s’être
dit son fils.
M - T a l o n disoit encore dans l ’affaire de M a r s a n t , jugée par
afret du 13 janvier tc.gf; ^ (( qUe ja seu|e preuve par témoins n ’étoit
„ pas suffisante dans les quesu«,,. r,,é t a t . que les disposilions tie
» droit en avoient été rapportées, qui étou-.,i r >^;scs et formelles:
)> que si cette voie étoit admise , elle seroit d ’une conséquence- ¡n-
« finie dans le public, et il n ’y auroit plus de sûreté dans les
w f a m ille s } que les plus sages peuples de la terre ont voulu q u ’il
» y eût des témoignages publics de la naissance des en fans. »
L ’arrêt de S a c illy , rendu sur les conclusions de M . l’avocat gé-»
ïîéral C bguvelin , a encore maintenu ce principe avec sévérité.
Les premiers juges avoient ordonné la preuve , et elle étoit même
faite et concluante; mais la cour, inflexible sur des règles qui peu
vent seules maintenir l’ordre et la tranquillité p u b liq u e , ne crut
pas mêm e devoir entrer dans le mérite de la preuve ; et, en infir
m ant ln sentence qui l’ avoit admise, débouta le prétendu Sacilly
Je sa demande,
E n fin , ce principe vient encore d être solennellement consacré
par l’arrêt de la cour d appel de f lio t n , rendu contre le prétendu
Jean N e u v ille , le i 5 prairial dernier,
�( 29 )
Les enquêtes étoient faites; mais com m e le prétendu Jean N eu„
•ville n ’avoit en sa faveur ni titre ni possession, la cour a déridé
q u ’elles ne scroient pas lues, et a confirmé purement et simplement
le jugement du tribunal de p r e m i è r e instance de L y o n , q u i, sans
s’arrêter à la preuve des faits articulés par Jean N e u ville, dans la
quelle il avoit été déclaré non-recevable, avoit renvoyé la veuve
Neuville de l’instance.
M a is, au surplus, c ’est ici lutter contre une chim ère, que de
s’occuper de l ’admissibilité ou de l’inadmissibilité de la preuve
testimoniale.
L a fem m e M arlet a f o r m é , depuis plus d ’un an, sa d e m a n d e ,
tendante à être reconnue pour fille légitime de M . et M me- de C la r y ,
sans avoir, en sa faveur, ni titres, ni possession ; et elle n ’a pas
encore articulé un seul f a it , qui tende, sinon à justifier, au moins
à colorer sa prétention:
C a r on ne peut pas regarder com m e des faits articulés pour la
cause actuelle, ceux qui l’ont été en l’an 2.
- D ’une p a rt, on a démontré que tout ce qui a été fait alors ne
subsiste plus, soit comme ayant son fondement dans Felfet ré
tro actif de la loi du 12 bru m a ire , qui a été abolie, soit com m e
ayant été fait sans le concours de M . de C l a r y , qui étoit la partie
la plus intéressée, et celle qu ’on devoit le moins oublier dans une
pareille cause.
D ’autre p art, la fem m e M arlet ne prétendoit alors qu’au rang
de fille nalureîie adultérine; et quoique la preuve des faits qu’elle
articuloit ne dût pas être admise, parce que la loi du 12 brumaire
ne l’aulorisoit que pour les enfans nés de personnes libres, et qu'elle
exceptoit formellement les enfans naturels adultérins, ces f a it s ,
quand ils seroient articulés de nouveau aujourd’h ui, seroient ab
solument indifférais.
Ils consistent uniquem ent, en effet, dans l’ articulation
vague
des
joins que M me- d e C la r y avoit pris (l’elle dans son e n f a n c e .
O r , ces soins 11’ont pas besoin d ’être prouvés; ils sont avoués
dans la cause : ils lui ont été donnés par M me- de C la r y , comme à
�(5p)
Leaucoup d'autres jeunes filles, orphelines ou abandonnées, qui
cloient l’objet continuel de sa charité et de sa bienfaisance.
(f C ’ est abuser des choses les plus in n o ce n tes, disoit encore
» M . C o c h i n , de vouloir que les soins et la tendresse deviennent
» des preuves de m atern ité: c ’est bannir de la société toutes ces
» communications qui peuvent la rendre si douce et si agréable, si
» l ’on est en droit d ’en tirer de si funestes conséquences : c'est se
» servir des propres bienfaits d’ une personne tendre et charitable,
» pour la déshonorer ; en un m o t, c’ est corrompre, c’ est em » poisonner ce q u 'il y a de plus pur et de p lu s sacre’. »
O n ne parlera pas ici de sa prétendue ressemblance avec la
dame de C la ry : indépendamment q u ’il n’y a pas de signe de filia
tion plus équivoque, elle n ’a pas osé l’articuler en l’an a : ce fait
n ’étoit pas du nombre de ceux dont le jugement du 4 messidor ordonnoit la preuve; si plusieurs de ses témoins en ont pari«!, c ’est
d ’office, et dans la vue de donner de la faveur à sa
cause, t.t «Mo »
;<;)S pa r tic u |cr aujourd’h ui, pour ne pas cho
quer trop ouvertement 1.«
paraison qui la couvriroit de ridicule.
¿ viicr cl’aillcurs une co m
M ais il y a m ie u x : supposons q u ’on articule ici 1rs laiis n-» ,,i„»
précis, les plus propres à porter la conviction dans tous les esprits ;
supposons q u ’en renversant tous les principes, on admette la
preuve de ces fa its, et que cette preuve soit si forte, si co n cluan te,
que personne ne puisse se refuser à l ’évidence q u ’elle présentera;
on n ’aura beso in, pour renverser tout CCI édifice, que de rappeler la
disposition de Part. 5 a 5 du C o d e civil, que nous avons déjà cité,
qui porte q u e, <« la preuve contraire pourra se faire par tous les
» m dycns propres à établir que le réclamant n ’est pas lYnfant de la
>» mère qu'il prétend avoir, et tnerne , la maternité prouvée , qu*il
» n’rst ¡Hts /*enfant du mari de la rnrrr. »
Ici, celle p rrm o co n tra ire, *i elle ctoit jamais nécessaire, *e trouveroit f.iite d ’avance, et par l'aveu mêm e de |j fem m e M a r le t ,
q u e lle n ’est pas l'enfant du nuiri île la mèrr, puisqu'elle a f.iir tous
«es e ffo rts, en l’an a , pour prouver q u ’clJc ctoit fille adultérine de
�( 3i )
la dame de C la r y , et née d'une autre union qu'avec Charles Clary,
son mari.
Jusqu’ici les représentons de M . et de M me- de C la r y ont parlé
le langage des lois ; ils n ’ont vu que leurs juges ; ils ne sc sont occupés
q u ’à les convaincre : ils ont actuellement une autre lâche à remplir;
, c ’est celle d ’éclairer le public, qui n’est jamais indifférent sur les
questions d ’état, et qui croit aussi pouvoir s’ériger en juge.
L a prétention de la femme Murlet ne seroit-elle, aux y eu x do la
ju stice , que l’effet du délire d ’une imagination déréglée; elle peut
laisser dans l’opinion des impressions désavantageuses, q u ’il est in
téressait t de dissiper.
L a femme Marlet s’est d ’abord annoncée, dans la cause, com m e
fille naturelle adultérine de la d a m cD e la ire , épouse de M . de C l a r y ;
clic sc dit aujourd'hui fille légitime de l’un et de l’autre.
La première réflexion qui so présente, c ’cst q u ’ il ne tombe pas
cous les sens que la fem m e M arlet ait pu hasarder un« prétention
aussi extraordinaire, si elle n'a pas du moins r u s a faveur des pré
som ptions, dos probabilités mor*»!«’« , qui i i f i u r n t «on erreur; et
dès-lors, on sent cnmMen ¡1 «»» difficile de vaincre les préjugés que
cette première n llexion, si simple, si naturelle, peut faire naître
dans tous les esprits.
Il n ’y avoit peut-être pour c e la , q u ’un seul moyen , c ’étoit de ro*
monter à l’origine de la femme M a r le t, et d ’etablir sa naissance ; et
la famille Dcl.iire y est parvenue.
O n diroil en vain q u ’il y a »le l'inconséquence
faire usage des
enquêtes, après avoir démontré qu elle s dévoient être rejetées de
la cause.
D 'une p a r t , on ne doit pas oublier que nous parlons ici au pu
blic, qui r.*t étranger aux form es ju rid iqu es, et qui ne doit 'o i r ,
d ans ce* >n q u c tr s , que les preuics qui m résultent ;
D autrr purt , quoique ce* enquêtes ne doivent | H cire lues
�r
*'■ r
Y 5a )
com m e pièces juridiques de la cause, et q u ’elles ne puissent être
d'aucune utilité à la fem m e M a r l e t , on n ’â pas moins le droit d ’en
user contre e ll e , parce que c ’est elle qui y a donné lieu, et q u ’on
doit les considérer com m e son ouvrage.
O r , il résulte de ces enquêtes plusieurs faits essentiels et qui
répandent le plus grand jour sur celte affaire.
L e prem ier, qu ’une servante de la Cliapelle-Agnon , nommée
Jeanne M iolan e, s ’est accouchée d'une fille vers l’année J 7 6 2 .
L e second, que Jeanne M io lan e, étant morte après l’avoir allaitée
pendant cinq à six m o is , elle a été portée à A m b e r t , où elle a
été exposée à la porte de l ’église paroissiale.
L e troisième, que celle fille exposée a été nourrie jusqu’à l ’âge
de 4 à 5 ans, chez la nom m ée L o u v a u , qui habitoit à A m b e r t , visà vis la porte de l’église.
L e q u atriè m e , que c ’est cette même fille nourrie chez la L ouvau ,
qui a été envoyée à L y o n , chez la dame de C la r y , et qui csl au
jo urd’hui ltt fem m e M a r le |i
I
our établir ces fau& , 0lt ^ s’arrêtera q u ’à des dépositions posi
tives et à l ’abri de toute contradicU oi..
C ô m e B e rtu i, tisserand, de la C hap elle-A gnon , i \ , „ <1^ ^
moins entendus à la requête de Jeanne-Marie D e l a i r e , sœur de
la dame de C la ry,
« Dépose qu ’il est parent du nom m é Berlan , boulanger de la
» Chapelle-A gnon : il y a environ 3 o ans, que revenant du P u y
» en V e l a y , à la C h ap e lle -A g n on , il entendit dire que la nommée
» M iolan e,servan te chez Berlan, a v o lt f a i t u n e nfant; q u ’A n lo ine
» B e rla n , fils de L o u is , en étoit le père; que la mère, qui nourris» soit cet enfant au village de la Bâtisse, étant décédée, l’enfant
» fut porté chez B e rla n ; q u ’alors le déposant fut invité par l’un
» dos Berlan , d ’aller chercher q uelqu’ un qui se chargeât d ’aller
» porter l ’en fant ;’» A m b e rt : le déposant fit en effet son marché
» avec le nom m é M o u r le v a u , qui sera un des témoins à entendre,
» et qui portu en effet à A m b e r t 1 enfant dont il s’agit, qui étoit
une
�( 33 )
» une fille : le père du déposant fut chercher chez Berlan le chej) val qui porta à la fois le commissionnaire et l'enfant.
Jeanne C h ain b ad e, fem m e d ’A n n e t M io ia n e , tisserand cle I3
C h ap e lle -A g n o n ,
« Dépose q u ’il y a environ 32 ans , la nommée M io ia n e , sœur de
» son m a r i, demeurant à la Chapelle-Agnon, chez Ber 1an , y
h devint grosse; ses maîtres la firent sortir; ladite M ioiane vint
« alors dans la maison oùdem euroit la déposante , qui n ’étoit pas
» encore sa belle-sœ ur, et elle y fit ses couches; qu’après la mort
» de la M ioiane, rncre de l’e n f a n t , la nommée Chegne porta l ’en»^fant chez Berlan , boulanger. »
A n n e t M ioiane , frère de Jeanne ,
'( Dépose, q u ’il y a environ 5 o ou 3 i ans, que Jeanne M ioiane,
» sa sœur, s’accoucha chez lui d ’ un enfant femelle , q u ’elle avoit
» eu des faits d ’Antoine Berlan , fils à Louis , boulangera la C h a -
» pelle-Agnon, chez lequel elle derneuroit com m e domestique; que
» sadite sœur étant m orte, ses parens ne pouvant se charger de
» la nourriture de cet en fa n t, il fut porté dans la maison de Louis
» Berlan, grand-père, et qu ’il ne sait pas ce q u ’il est devenu, et
» où Berlan m il ensuite cet en fa n t.»
Jean M io ia n e , neveu du précédent,
« Dépose q u ’il est fils naturel de Jeanne M io ia n e , qui reslo it,
« il y a environ trente-trois ans, en service chez L ouis B e rla n ,
» boulanger à la C h a p e lle -A g n o n ; que lui restoit au village de la
» Bâtisse, dans la maison deses auteurs maternels; qu’à cetteépoque,
» sa mère sortit de service de chez Berlan , et vint s'accouchcr
» dans la maison où lui déposant derneuroit, d ’une fille qu ’elle
« avoit eu avec J3e r la n , fils audit L o u is ; que sa mère nourrit cet
» enfant jusqu’à sa m ort, et q u ’ensuite, ni le déposant, ni sespa» rens ne pouvant lui continuer les mêmes soins, il fut porté chez
» Louis Berlan ; que cet enfant y demeura quelques jours ; et qu’il
» a ouï dire, dans le temps, que Berlan avoit fait porter cet enfant à
»
A in b e rt ; le déposant n ’a pas SU depuis ce qu'il étoit devenu. »
A n toin e M ourlevau, Tisserand au village du M a s , commune
de la Chapelle-Agnon ,
�( 54 )
« Dépose qu’il y a environ 5 i ans q u ’il lui fut proposé par L ouis
» Berlan , de mener un on f¡in t <I’en\¡ron 12 ou i 3 mois ( * ), d e là
» Cliapelle-Agnon à Arnbert. Le déposant y consentit; cl en effet
» C ó m e Boriili , père de l’un des témoins qui a déposé, alla
j) chercher le cheval de Louis B e rla n , et accompagna le déposant
j) et l’en faut jusqu’à environ une lieue : ¡] (‘toit alors n u it , et
» c ’étoit à l'époque des environs de la Saint-Martin d ’é t é , qui se
» trouve dans le mois de juillet. C ò m e Berlui , après une lieue
» de c h e m in , laissa le déposant à pied , chargé dudit e n f a n t, et
» emm ena le cheval. L e déposant arriva à A m b e r t à la pointe
)> du jo ur, et au m om ent où l’on sonnoit la cloche: il laissa l’en» fa n l à la porte de l ’église, sur Pescalier, à un endroit que l’on
» appeloit alors vis-à-vis la rue de chez Mandarol. L e déposant se
» retira , et depuis n’a plus ouï parler de cel enfant. Ajou te le dé» posant q u ’il est de sa connoissance que l’enfant dont il vient de
» pnrler, est l’enfant d ’une nom m ée
M i o l a n e , habitante de la
» Cl.apoUcî-Agnôn , et qu ’il est sorti de chez Berlan; mais il ignore
;> qui en étoit le
^ j oulc encore qUe l’enfant avoit une coeffe
» de cotonnade b leue, et
, olic jjjeue unie,e£e£o/£ enveloppé
» dans un sac qui lu i tenoit jusqu’ au
„
V o ilà donc la fille de Jeanne M io la n e , exposée a
p erle de
l ’église d ’A m b e r t : il ne reste q u ’à savoir ce q u ’elle est deven u e,
et si celte fille est la mêm e que la fem m e M arlet. O r , c ’est co
qui est encore établi jusqu’à la démonstration.
L a fem m e M arlet a fait entendre dans son enquête M arcellin
L o u v a u , qui dépose « q u ’il ne sait autre chose relativement à la
» naissance de la dem anderesse, si ce n ’esL que le père de lui dé-
» posant, l ’ayant trouvée exposée au-devant de l’église d ’A m b e r t ,
» la conduisit dans sa m aison, où elle a resté l'espace de plusieurs
» années.
II
y3
ici e rre u r s u r les
m ois
<lo l ’eiifuiit > mQis il ne üiut piis p erd re do
Vue qu’on a remis au témoin cet enfant la n u it , plié dans un sac j que l’Ago do
l’enfant ¿toit étranger à sa mission., et qu’il dépose de faits qui remontent à
plus do
5 o uns.
�(35)
» L e déposant, dans ce temps-lù , avoit ouï dire que c ’étoit une
» bâtarde de la Chapelle-Agnon. »
A n n e L o u v a u , sœur du précédent tém oin, entendue dans l ’enquête contraire,
« Dépose qu’à une époque qui remonte à plus de trente ans,
» le père d ’elle déposante, revenant le malin de l’église d ’A m b o r t ,
» d i t , en rentrant chez l u i , I l y ci ci la porte de l’ église un paquet;
» mais sans dire ce que conlenoit ce paquet; qu’elle déposante,
)) mue par un sentiment de curiosité, se rendit au-devant de l ’église,
» trouva, en e ffe t, un s'ac dans lequel ètoit un enfant de cinq
)> mois ou environ, ledit sac ayant une petite ouverture qui cor» respondoit au visage de l’ enfant ; que la déposante fut aussitôt
» avertir un nom m é Perrier, avec lequel elle se rendit chez un
» boulanger voisin, pour faire chauffer cet enfant; q u e lle quitta
)) ledit Perrier pour aller chez le cit. M a d u r, alors procureur d ’office
» du bailliage d ’A m b e r t , le prévenir de l ’exposition de cet en» f a u t ; .................. qu’il envoya la déposante chez le cit. M a lh ia s,
» qui étoit, à ce qu’elle croit, greffier; que M athias et M a d u r furent
» ensemble constater l ’exposition de cet enfant; q u ’après cette opé» ration, ils dirent à l’exposante de porter cet enfant à 1 hôpital
» d ’A m b e r t; q u ’ o n e f f e t , c l i c s ’y r e n d it; que le sieur V i m a l , ad» ministraleur dudit h ô p ita l, lui dit de l ’emporter chez elle pour
» quelques jo u r s , et q u ’on lui trouveroit une nourrice ; qu ’en.
» effet la déposante porta cet enfant dans la maison de son père ;
» que son père étant revenu le soir, se fâcha contre elle déposante,
)i mais que sa mère l’engagea à garder cette p e tite , en disant q u ’on
» avoit promis de payer les mois (Je nourrice ; que le père de la dé» posante embrassa cette peLile et consentit de la garder ; q u ’il est •
» de sa connoissance que le sieur V im a l a depuis payé au père de
» la déposante cinq ou six mois de pension, à raison , h ce q u ’elle
» c r o i t , de 5 à /t liv. par m o is , et qu’elle ignore si son père a
» été payé du surplus du temps où cet enfant y a dem euré, et par
» qui il a été payé. »
Plusieurs autres témoins déposent encore de l ’identité de cette
E 2
�( 36 )
fille, exposée à la porte de l ’église d ’A m b e r t , avec la fille née de
Jeanne Miolane.
Jeanne C h ain b ad e, belle-sœur de Jeanne iVTiolane, dépose avoir
vu cet enfant chez des filles revendeuses de fruits, qui deineuroient
vis-à-vis la porte de l’église d ^ A m b ert, lesquelles filles revendeuses
de fruits étoient les deux filles Louvau.
A n to in e tte L av a n d ier, veuve de Pierre P a cr o s, « dépose qu ’elle
» se rappelle l ’époque où un enfant fut expose au-devant de la
» porte de l’église d ’A r n b c rt, et amené ensuite chez la L o u v a u ;
)> q u ’alors elle demeuroit chez la darne de C la r y . »
E lle ajoute qu’elle alla voir l’enfant qui avoit été e x p o s ', et
qui attiroit la curiosité debeaucoup de personnes; elle remarqua,
qu’il étoit enveloppé dans un mauvais sac.
A n n e P e r rie r , l ’une des élèves de la darne de C la r y , u dépose,
» q u ’elle se rappelle parfaitement l ’époque où la demanderesse fut
» exposée au-devant de l’église d ’A m b e r t , qu’elle y f u i trouvée p liée
» dans un sac ; elle ajoute, q u ’elle fu t portée chez un nom m é L o u » v a u , où elle a
.... . ;nsqu,. r «ge (Je 4 ans< „ O n voit dans la déposition de j Ca ,.„ 0 M a re in at, fem m e d 'A n n e t
B â tisse , qu ’elle a ouï dire par son m a ri, « f|tlt u boulanger de la
» C hapelle-A gnon avoit fait un enfant avec sa servante, et que
» l’enfant qui étoit chez la L o u v a u , éloit ledit e n fa n t.»
11
ne reste donc plus q u ’à savoir s’il est prouvé que cet enfant de
Jeanne M i o l a n e , exposée devant la porte de l'église d ’A m b e r t ,
p lié dans un mauvais sac , et nourri depuis par la fem m e L o u
v a u , est identiquement le même individu qire la fem m e M arlet.
O r , c ’est un fait avéré dans la cause , qui est d ’ailleurs établi par
une multitude de dépositions.
Marcellin L o u v a u , témoin entendu à la requête de la fem m e
M a r le t , dépose en parlant de la demanderesse , q u ’il qualifie a in si,
« que la dame de C la ry la fit retirer , et conduire chez elle à L y o n ,
)) et observe que si son père avoit vécu, la darne de C la r y auroit
» éprouvé des obstacles. »
M arie J a n y , fe m m e C o t i n , l ’une des élèves de la dame de
�( 57 )
C
C l a r y , pareillement entendue à la requête de la fem m e M a r le t,
« dépose , qu ’il est à sa connoissance que la citoyenne M arlet a
» été recueillie par la citoyenne C l a r y , sur l’invitation qui lui en
» avoit été fuite par une citoyenne Perrier, qui a\oit été élevée
» elle-même par ladite dame de C la ry. »
Elle ajoute encore q u e , « dans un temps où la dame C la r y se
» plaignoit de la haine qui exisloit entre la demanderesse et la
» nommée P e r rie r , la darne C la ry dit à elle déposante, que la de» mandoresse avoit tort , parce que sans ladite Perrier elle ne
» seroit pas venue cliez la dame C la ry. >>
A n t o i n e Buisson , autre témoin de la fe m m e M a r le t , d é p o se ,
que la demanderesse a demeuré chez la nom m ée A n n e L o u v a u ,
jusqu’à la fin de 17G4 ou au com m encem ent de iyG S, q u e l a ie m m e
L o u v a u la conduisit à L yo n , chez la dame C la ry.
A n n e Louvau dépose, que la demanderesse a resté chez son pere
jusqu'à sa mort , arrivée quatre ou cinq ans après son exposition ;
que ce fut à celte époque que la dame de C la r y , qui étoit à L y o n ,
manda à défunt sieur M aclur, de faire venir cet
enfant
auprès
d'elle, et que ce fut elle-même qui la conduisit avec sa sœur.
Antoinette Lavandier, fem m e de Pierre* Pacros, dépose de m êm e,
quela dame de C la r y a retiré I entant qui élojt chez la Louvau.
A n n e Perrier, dont on a rappelé ci-devant la déposition , après
avoir dit que la demanderesse, qui avoit été exposée à la porte
de l ’église, fut portée chez un nom m é L o u v a u , ajoute que c ’est
sur son indication, q u ’il y avoit une petite fille élevée chez les
L o u v au , c tq u e c e s g e n s -là étoient très-pauvres,que la dam ede C la r y
écrivit au sieur D ulac - M a d u r , d ’A n ib e rt, pour faire venir cette
petite, qui en effet fut amenée à L y o n par la nommée L ouvau.
L a déposante, qui étoit a lo rs, com m e e l l e , chez la d a m e d e
C l a r y , la suit dans tous les instans :
Ch ez le marchand bonlonnier , où elles ont resté ensemble;
Chez la lin^ère de l ’allée des Im ages, où elle fut placée avec
Catherine Perrier, autre élève de la dam e de C la ry ;
A u couvent d ’A m b e r t , où elle a été recherchée en mariage
par le nomme A c h a r d , garçon menuisier et vitrier ;
�( 38 )
Et enfin , jusqu’à son mariage avec M a r le t , qui fut p ré fé r é ,
dit-elle, par la daine de C la r y , p;trce q u ’elle éloil atluchée à sa
fa m ille , ce qui la détermina à augmenter sa dot.
Catherine Perrier , autre élève de la dame de C la r y , dépose
« qu'elle a plusieurs fois oui d ir e , soit par la dame C l a r y , soit
» par la Perrier , que si la demanderesse éloil auprès d ’elle, c ’éloit
» à la Perrier q u ’elle en éloit redevable. »
Elle répète plus bas que ce fut sur l’ invitalion que lui avoit
faite la Perrier île prendre un enfant fort pauvre, qui étoit à A m hert chez des gens peu fortunés, qu'elle consentit à prendre cet
enfant dont il s'agissoit, qui est la demanderesse.
E lle ajoute encore , « avoir ouï dire par la dame de C la r y à la
» demanderesse, q u ’elle ne pouvoit pas souffrir la Perrier, et q u ’elle
» avoit bien t o r t , puisque c'étoil à elle q u ’elle étoit redevable de
» l ’avantage d ’avoir été reçue dans sa maison. L a dame de C la r y
» ajouioît q u ’elle ne comprenoit pas l’orgueil de la demanderesse,
« puisqu’elle ctou ,liV à la ci,a p e llc-A g n on , et q u ’elle étoit fille
„ d ’un boulanger nom m e ^ 1;<n qu Mlolane> „
Elle rend compte ensuite, com m e
p errjer t de la recher
che du n o m m é A chard , menuisier el vitrier, pcm iam ,pio \a j emanderesse étoit au couvent à A m b e r t ; des offres de la dame de
C la r y , de lui donner fioo francs de dot pour ce mariage ; de la
préférence qu ’elle a donnée depuis à Mari e t , el de l’augmentation
de dot q u ’elle a donnée à la demanderesse , à raison de son atta
chem ent pour la famille M arlet , dont le père avoit servi son
frère avec un zèle et une fidélité dont elle avoit toujours conservé
le souvenir.
C ’est donc un fait c o n s t a n t , et qui d ’ailleurs ne sera pas désa
voué par la fem m e M a r l e t , qu ’elle est identiquement la même
que celte petite fille nourrie et élevée chez la L ouvau jusqu’à l’Agc
de /f à 5 ans , et conduite à L y o n chez la dame de Clary.
O r , il a été établi précédemment que celte petite fille nourrie
et élevée chez la L o u v au est identiquement la mêm e que celle
qui a été exposée à la porte de l’église d ’A m b e r t , pliée dans un
mauvais sac.
�(Sq )
E n fin , ¡1 ost établi que ccl enfant , expose à ln porte d e T M i s c ,
plié (Iîiiis un mauvais sa c , est né de Jeanne IYlioLn0
servante
du boulanger de la Chapelle Agnon.
D ’où il résulte que la prétention d e l à femme M.'irlet, do se
faire reconnoître pour fille de la dame de C l a r y , soit q u ’ello se
présente com m e sa fille naturelle adultérine, et com m e née d'une
autre union q u ’avec M . de C lary , soit q u ’elle se présente com m e
fille légitime de l’un et de l’a u tre , est une ingratitude d ’autant
plus monstrueuse, et une calomnie d ’autant plus criminelle contre
la mémoire de sa bienfaitrice, q u ’elle n ’a même pas l’excuse de
l ’ignorance et de l ’obscurité sur son sort, que ses parens sont con
n u s, et son origine mise au grand jour.
A u surplus, pour effacer jusqu’aux dernières traces des cica
trices que la calomnie de la femme Mariet a pu laisser après elle,
il suffit de rappeler que dans l’une et l’autre des enquêtes, ou
trouve un grand nom bre de témoins qui déposent de la bienfai
s a n c e , de la charité de la dame de C la r y , de l ’usage habituel où
elle étoit de retirer de jeunes filles de r h û p ila l, de les n o u rrir, de
lis entretenir, de les élever, de leur donner des états ou des dois
pour les établir.
Q ue non contente d ’avoir toujours auprès d ’elle un certain n o m
bre de ces filles orphelines ou abandonnées, elle répandoil encore
«es bienfaits sur celles qui lui étoient inconnues; qu’elle avoit re
com m andé à François B o uch on -M alm en ayde, son chargé d ’affaires
à A m b e r t , de procurer des nourrices aux filles qui se trouveroient
exposées , d ’en payer provisoirement les mois , q u ’elle lui en tiendroit compte sur ses revenus, et q u ’elie avoit fait un établisse
ment. à l’hôpital d ’A i n b e r t , pour fournir à l’entietien d ’un certain
n om bre de filles de celte classe.
E t ce qui prouve jusqu'à quel point ce genre de charité étoit
dans ses habitudes et dans ses goûts , c ’est la disposition q u ’elle
fait par son testament d ’une somme de 56 ,ooo francs en faveur
de l’hôpital d ’A m b e r t , pour rétablissement de trois filles de cha
rité
,
pour l’éducation et entretien de
douze
orphelines
,
légitimes
ou n o n , qu elle veut être reçues dans cet hôpital pour y etre lo
�C4o)
g é e s , nourries ,e t instruites , et y être gardées jusqu’à l’âge de
18 ans.
Vouloir , d ’après cela, présenter com m e des preuves de m ater
n ité, les soins q u ’a pris la dame de C la r y des filles orphelines ou
abandonnées q u ’elle a retirées du séjour de l ’infortune et de la
m isère, et q u ’elle a élevées auprès d ’elle; c ’est, com m e nous l’avons
déjà d it, d ’après M . Cochin , se servir des propres bienfaits d’ une
personne tendre et charitable , pour la déshonorer; en un m o t ,
c ’ est corrompre, c ’est empoisonner ce qu’ il y a de plus pur et
de p lus sacre.
U n pareil attentat ne doit pas demeurer impuni.
L a fem m e M arlet s’est livrée à une supposition calomnieuse
contre la mémoire de la dame de C l a r y , sa bienfaitrice ; elle a
cherché à porter le trouble et le déshonneur dans un grand nom
bre de familles qui ont un rang distingué dans la société : elle a
usé de ruse et d ’artifice pour conquérir une grande fortune , et
en dépouiller les vrais propriétaires.
L e s bornes d u civil n e permettent pas aux représentans de M .
et M m de C l a r y , de co n clu re co n tre la fe m m e M arlet à d ’autres
peines qu'à des Dommages-intérêts applicables aux pauvres
Ils laissent au zèle du Magistrat chargé du maintien de
l’ordre
s o c ia l, de venger la morale publique outragée, et d ’appeler sur
sa tête toute la sévérité des lois.
BO I R O T ,
ancien jurisconsulte.
C H ASSAING,
LEBLANC,
> avoués.
G R IM A R D ,
A
de l'imprimerie de L a n d r io t , imprimeur de la Préfecture,
place du Vieux-Marché, maison Viallanes anciennement.
CLERM O N T ,
�
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[Factum. De Chardon, Claude-Antoine. An 12?]
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An entity primarily responsible for making the resource
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Chassaing
Leblanc
Grimard
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The topic of the resource
enfants naturels
abandon d'enfant
legs charitables
hôpitaux
arbitrages
successions
témoins
jurisprudence
preuves
Description
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Titre complet : Mémoire pour Claude-Antoine de Chardon ; Marguerite De Chardon, et Jacques Montanier son mari ; Perrette De Chardon, veuve de Rochevert ; Et Anne De Chardon, fille majeure ; Marie-Anne-Hélène Dubois de Lamothe, veuve Forget ; Elizabeth Dereclesne, veuve de Gaspard de Ligondès ; Marie-Thérèse Dereclesne, ex-religieuse ; Anne-Marie-Joseph-Gabriel-Jean-Jacques Vidaud de Latour et ses frères et sœurs ; François Durand, de Pérignat ; Gabriel Durand, de Pérignat ; Marie Durand de Saint-Cirgues ; Marie-Anne-Félicité Fredefond, et Jean-Jacques Rochette son mari ; Marie-Thérèse Bellaigue, et autres héritiers testamentaires ou ab intestat, médiats ou immédiats, d'Anne Delaire, épouse de Jean-Charles Clary, président en la Cour des Aides de Clermont-Ferrand, défendeurs ; Et encore pour Jean-Pierre De Clary, de Murat ; Marie Dauphin, épouse de JeanRodde, de Chalagnat ; Etienne Chabre, et Antoine Chabre, héritiers dudit Jean-Charles De Clary, aussi défendeurs ; Contre Anne Félix, et Louis Marlet, son mari, coutelier à Clermont, demandeur.
Table Godemel : Enfant naturel : 2. la femme Marlet, après avoir formé une demande tendant à être reconnue fille naturelle adultérine de défunte Anne Delaire, épouse de Charles de Clary, et à être envoyée en possession du tiers de ses biens, conformément à l’article 13 de la loi du 12 brumaire an 2, a-t-elle pu, dans la même cause, prétendre au titre d’enfant légitime de la dite dame et du sieur Clary, et demandeur à être admise à prouver sa filiation par témoin ? n’y a-t-il pas là recherche de paternité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 12
1794-An 12
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1622
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ambert (63003)
La Chapelle-Agnon (63086)
Le Cendre (63069)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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