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CONSULTATION
SUR LA VALIDITÉ D’UN TESTAMENT OLOGRAPHE,
FAIT PAR M. GUYOT,
AU PROFIT DE SON ÉPOUSE,
DE M. P É N I S S A T , SO N C O U SIN G E R M A IN , E T D ES SO EU RS
D E C E D E R N IE R .
L e C o n s e il s o u s s ig n é , qui a pris connaissance du testament olographe de
M. G u y o t , portant d’abord la date du 1 er janvier 18 2 7 , laquelle est raturée,
puis la date du 1 " octobre 18 2 9 , date évidemment erronée quant à rénon
ciation de l’année, puisque le testateur était décédé le 26 septembre précédent
et qui a également pris connaissance des consultations de MM. Boirot et
Vazeille (avocats près la Cour royale de R io m ), qui regardent le testament
comme valable, malgré l’erreur de date,
Est
p l e in e m e n t
de
l ’a v is
d e
la
v a l id it é
d e
ce
t e st a m e n t
.
L a jurisprudence de tous les âges, les lois romaines, nos auteurs éclairés
par tes lois, nourris de leur doctriue, raison écrite, tout atteste que l’on s’est
toujours bien plus attaché à la volonté sacrée des morts, qu’aux subtilités
intéressées des collatéraux.
S’il fallait des citations, nous ne serions embarrassés que du choix : Domat,
Despeisses, R ic a rd , Rousseau-Lacombe, Furgole , témoigneraient de ce res
pect pour la volonté des testateurs.
�I^es lois romaines qui professent le même respect sont également multipliées.
Les anciens arrêts, c’est-à-dire ceux antérieurs au Code c iv il, les arrêts
modernes rendus depuis la publication de ce Code, offrent aussi des preuves
géminées , qu’il faut s’arrêter à la volonté des testateurs, et ne pas la sacrifier
à une erreur échappée à l ’inadvertance, lorsqu il est possible de la rectifier.
Sans doute, les formalités doivent être observées; loin de nous .'hérésie
contraire; mais ces formalités n’ont eu qu’ un but, faire connaître la volonté
du testateur, afin d’en assurer l ’exécution. Mais lorsque, dans l’intention
du testateur, la formalité a été observée ; qu il a eu le désir d’obéir à la loi,
et qu'il s’est glissé une erreur qu’il est possible de reconnaître et de rectifier 5
lorsque d’ailleurs cette erreur est indifférente pour la capacité, soit du testateur,
soit des légataires, ainsi que pour la disponibilité; anéantir pour un motif sem
blable un acte de dernière volonté, ce serait a lle r, nous ne craignons pas de le
dire avec tous les auteurs, non seulement contre la volonté du défunt, mais
contre l’intention du législateur; surtout quand il est question d’ un testament
olographe , où le testateur opère seul 7 n’est averti par aucun témoin d’une
m éprise, et qu’une inadvertance involontaire, une légère distraction peut
causer une omission, peut l’ induire en erreur sur un fa it , ou sur une date.
A in si, pour en venir à l’espèce qui nous occupe , le testament doit être
d até, nous le savons , mais lorsque le testateur a bien eu lintention de lui
donner une date, qu’il a erré seulement dans la fixation du jour . que
l’erreur est évidente , et tju il est possible, et même facile de la rectifier, doiton annuler ce testament ? T elle est la question à examiner.
L a formalité de la date, toute importante qu’elle soit, n’est pas aussi essen
tielle, aussi inhérente à la nature du testament olographe que la signature et
l ’écriture de la main du testateur, formalités sans lesquelles il n’est pas pos
sible de concevoir un testament olographe.
La coutume de Paris n’exigeait point la date pour formalité ou solennité du
testament olographe. Son article 289 s’exprimait ainsi : <t Pour réputer un
« testament solennel, il est nécessaire qu’il soit écrit et signé du testateur; ou
« qu il soit passé devant deux notaires, etc. »
Despeisses dit également que le testament olographe peut être valable quoi
que non daté.
Cujus , le docte Cujas, avait adopté cet avis.
Les anciens arrêts du parlement tic Paris avaient originairement pron on cé
dans ce sens. ( V . Ferrière. )
Quoi qti’il en so it, ce n’est pas sans de grandes raisons que nos lois oui.
prescrit cette formalité. Déjà la jurisprudence avait introduit la d ate , et dès
�l’année 1660 un arrêt du parlement de Paris l ’avait exigée sous peine de
"uJ!ité-
.
........................
*)a£^y'ïy-*
x
En effet, la m ajorité, la capacité, la portion disponible peuvent dépendre
7
de la date. Mais aussi, lorsque le testament fournit des indices certains de
l’époque où il a été fa it, qu’à celte époque le testateur était m ajeur, capable,
le but de la loi paraît rempli.
Que dirait-on, que penserait-on d’un tribunal qui laisserait p érir un testa
ment dans l’espèce suivante?
U n testateur décède le 4 ju ille t, après avoir fait et daté son testament du
^
mois de ju ille t, mais le quantième du mois est illisib le, l’encre a cou lé, le
chiffre est mal formé; esl-ce le I er, le 2 ou le 3 ? Il est certain que c’est un des
trois jours, le leslaleur fait même mention d’ un événement arrivé le 3o juin
précédent. Aucun changement dans son élal ne s’est formé depuis ce 3 o juin;
mais on ne peut découvrir au juste lequel des trois premiers jours a été celui
de la confection , quoi qu’ il soit matériellement prouvé que c’est un des troisÿ
dans le doute, le tribunal déclare le testament nul. Nous croirions faire injure
à la Cour de justice devant laquelle nous conclurions à la nullité d’un pareil
testament ; nous ne le pourrions d’ailleurs en conscience.
C ’est une maxime de la matière qu’il faut, surtout dans les testamens,
s’attacher à la volonté du testateur, malgré les énonciations fautives. Tous les ^
auteurs reconnaissent celte m axim e; elle est puisée dans le droit romain, A.r, 2 ■
ainsi qu’on peut le voir dans la loi 58 au dig. de Hœredibus instiluendis. ^
u
Parag. qui fr a t e r ; dans la loi g au même lilre ; dans la loi 5 au C od e, an '
même titre de Hœredibus institumdis ; dans la loi 4 , au code de Testamentis;
dans la loi 7 , au même litre ; dans les lnslitutes de L egatis, parag. 29 et
3 o , etc.
C ’est déjà une règle générale du droit qu’il faut tendre à maintenir et con
server les actes: E n interpréta/io surnenda est y quœ , quod actum gesturnque sit , conserver. Cela esl vrai pour les conventions, cela est plus vrai pour
les testamens, que le législateur a environnés d’une faveur tutélaire d'autant
plus grande qu’il a toujours prévu des intérêts opposés au testament, et un
absent à défendre, qui est le testateur.
Parmi les nombreux monumens de la jurisprudence qui sont venus attester
que la sagesse du juge esl le complément de la l o i , ainsi que le dit Daguesseau ,
et qu’elle en assure l’exécution , alors que des subtilités tortueuses voudraient
en étouffer le véritable esprit, nous choisirons, en première ligne, l’afliiire
Lelellier. U nous est tombé sous la maiu une consultation dont nous allons
présenter le précis, non seulement parce que les principes de la matière y
,
/
^
�— k —
sont exposés avec autant de lucidité que de raison, et qu’on y trouve rap
portés d’anciens arrêts, mais aussi parce que les signataires font autorité.
A insi, celte consultation rédigée par M. Pardessus , est aussi signée de M. D elvincourt, de M. Gicquel un des membres les plus distingués de l’ancien
barreau de P aris, de M. Delacalprade, jurisconsulte d’ un savoir et d’un
mérite éminens, de M. Toullier qui y a adhéré par une consultation séparée.
E n fin , l’on y rapporte l’opinion de M. Bellart dans une question sem blable ,
cL celle de M. F e re y , alors doyen de la consultation du barreau de Paris.
Dans l espèce de cette consultation, le testament de Mme Letellier était daté
du 1 5 juin mil cent s e iz e On en demandait la nullité faute de date : la date
était évidemment fausse, la testatrice étant décédée en 18 16 ; huit ceiits ans
après la date énoncée.
Les principes de la matière et les règles du bon sens, disait M . Pardessus,
dans la consultation dont nous parlons, répugnent à la prétention de faire
déclarer nul le testament.
D’abord, est-il nécessaire que le jour, le mois, l ’an soient énoncés tex
tuellement.
Sous l’empire de l’ordonnance de 1 7 3 5 , cette question pouvait présenter
quelque difficulté, l’article 58 était ainsi conçu:
« Tous testamens, codiciles, contiendront la date des jo u r, mois et an,
« encore qu’ils fussent olographes. »
Les articles 47 et 67 avaient même prononcé la nullité pour inobservation.
Nonobstant des dispositions en apparence si impératives on n’ a jamais
hésité à reconnaître que le but de la loi n’était pas d exclure des indications
équivalentes ou supplétives, que son intention n’était pas d’ interdire aux tri
bunaux le pouvoir de les admettre.
C’est dans ce sens qu’on a vu les Cours supérieures décider les contesta
tions qui se sont élevées souvent à ce sujet.
Un arrêt du 17* juillet 1 7 6 1 , a jugé que le testament de Charles Pichon,
portant la date matérielle du quatre lévrier mil cent trente n eu f était valable.
Un autre du 1 1 février 1760 n’a reconnu que de l’erreur dans le testament
de la dame Baze de N y o n , daté du 16 novembre
quoiqu’il portât en
lui-même la preuve qu’ il avait été fait postérieurement, et par conséquent la
preuve de la fausseté matérielle de sa date.
U n arrêt du 5 janvier 1 7 7 0 , rapporté dans le recueil de Denisart, au mol
Testament n ° 55 ,a prononcé la Validité’ du testament fait parla demoiselle L achaise , portant matériellement la date du 5 juin 170 7. On doit remarquer
qu’en 1707 la testatrice v iv a it, mais était trop jeune pour faire un testa-
�ment valable. Ainsi à la rigueur ont eût pu prendre cet acte pour ce qu'annon
çait la date, et le faire annuler pour incapacité. M. deBarentin, avocat géné
ral, établit par les énonciations de certaines personnesqui se trouvaient nom
mées dans le testament, que la date devait s’appliquer à l’année mil sept cent
soixante sept; qu’ainsi la testatrice avait daté son testament, clans son
intention , d’une manière à l’abri de toute critique. L ’arrêt cité adopta ses
conclusions.
'
U n autre arrêt du 5 juillet 17 8 2 , qu on trouve dans la gazette des tribu
naux, tome. i 4 , pag. 20, et dans le répertoire de jurisprudence, v° Testament,
sect. 2, parag. 1 , a déclaré valable la date du testament du sieur Dulau, por
tant ces seuls mots : ce vingt et un juillet mil sept soixante quatre.
Ainsi donc, quoique l’ordonnance de l'j'bS exigeât dénonciation des jou r,
mois et an, on a toujours pensé qu’une erreur, une omission dans les dites énondations, pouvaient être appréciées et rectiliées.
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Mais peut-être cette jurisprudence était-elle l'effet du droit que s’étaient
arrogé les anciennes cours d’apporter des modifications aux anciennes lois.
Nullement, les arrêts entre particuliers ne ressemblaient en rien aux arrêts
de 1 èglemens. L a loi une fois vérifiée et librement enregistrée était appliquée
avec exactitude entre particuliers ; et le recours au conseil du Roi était libre,
comme aujourd’hui le pourvoi en cassation. D ’ailleurs, ici la loi était dans
l’esprit de la jurisprudence qui l’avait précédée et introduite.
De plus, on suivait en cela l'esprit des auteurs, et les règles du bon sens :
Observandum est in investigando legum sensu .jurisconsultum nimis scrupulosœ et grammaticœ verbortim interprétatif)ni mservire non debere, dit
Pothier, Pandect. Just. de L e gibus, n° 17 .
Domat s’exprime de la même manière : « S ’ il arrive que par quelque oubfi
ou quelque méprise, le testateur qui a écrit lui même son testament, manque
dans quelque expression des mots nécessaires, de sorte qu’elle ne puisse
avoir de sens qu’en les ajoutant, et que si on les supplée le sens soit parfait;
cette omission sera réparée, en y entendant les mots qui manquaient. » Te stamena, tit. i,s e c t. G, n. 1 1 .
On a essayé de faire entendre que celle règle ne regardait que l’interpréta
tion des dispositions obscures insérées dans les teslamens et ne devait pas être
appliquée à la forme.
Une vérification du texte de Domat eût épargné celte erreur : ce savant
jurisconsulte transcrit à l'appui de sa proposition la loi 7 au code de Teslamentis qui précisément est relative à la solennité de l’acte et à l'orajssion de
^
�quelques mois requis pour sa validité dans la forme : Errore scribentis testamenlum ju ris solcmnitas mutilari nequaqüam potest; et Perez ajoute qu’il
importe peu que cette erreur provienne du testateur lui-même : Sive testator
ipse, cunifestinnndo non sit mirum aliquid omisisse.
Ces principes consacrés par les arrêts n’ont jamais été attaqués ni par voie
d’autorité telle qu’un pourvoi en cassation devant le conseil du R o i, ni par
voie de doctrine telle que des opinions contraires de jurisconsultes. Ils sopt
puisés dans le droit Romain : Voluntalis defuncti quœstio in cestimatione judici\'est, L. 7 , Cod. de F'idei'jomm. Toutes les questions qui s’agiteront sur
les testamens seront eL devront toujours être soumises aux tribunaux, et il n’en
peut être autrement.
Furgole dont le traité sur les testamens était le plus récent lorsque le Code
civil a paru, s’exprime ainsi , chap. 5 ,sect. 4 , n. 18. (Tome i e‘ , page 324 ,
de l’éditicn de 1769 .)
« Tmites les fois qu’ il y aura une date, on aura satisfait à la loi, quoiqu’il
<{ y eût quelque erreur dans la date du jo u r , du jnois, ou de Vau; et si l’er« reur peut être justifiée par le testament même qui marque par quelque
<1 ^circonstance la véritable date . on ne peut pas dire qu’elle a été om ise, vu
« qu’en corrigeant la date erronée on trouve dans les circonstances que le tes« tament renferme sa véritable date. »
Plus bas, le même auteur parle d’un testament souscrit le 27 octobre 17 4 9 ,
que la testatrice avait daté du 27 octobre mil sept cent vingt neuf t l ’erreur
était évidente , car le testament faisait mention d’un prêt fait en 174 9 , et
Furgole fut d’avis que la date devait être rectifiée comme contenant une
erreur, et le Leslament valable.
Il cite un arrêt du Parlement de Paris en date du 19 mai 1 7 5 8 , rapporté
par Rousseau-Lacombe , dans son recueil d’ /Yrrêts et Réglemens notables,
chap. 5 4 , qui a confirmé un testament d até du 9 mai 1 7 3 6 , quoique la testalrice fut décédée le 8 mai de cette année. Il faut même remarquer que le
testament n’était pas olographe , mais reçu par notaires. L ’on avait écrit lu
mardi 9 mai au lieu du mardi 8 niai. On jugea que l’erreur des notaires 11e
pouvait préjudiciel’ au testament. T e l était l’état de la législation et de la
jurisprudence antérieures au Code. L a législation a-t-elle changé? doit-on
abandonner l ’ancienne juriprudence ?
La législation n’a pas changé, ou si Ton pouvait supposer quelque chan
gement c • ne serait que dans un sens plus favorable à notre question.
En eflf t , l’Ordonnance de 17 3 5 exigeait la date par jour, mois et an. L e
Code civil a des dispositions moins précises. Il se borne à exiger que le tes
�tament olographe soit daté , et n’ajoute pas que cette date soit faite par
jo u r , mois, et an.
Est-ce avec intention de changer la rédaction ancienne? Accoutume's aux
principes d’une jurisprudence qu’ ils avaient vu s’établir et se maintenir si
uniformément, les auteurs du Code ont-ils craint de renouveller une rédac
tion qui pouvail fournir à des esprits pointilleux quelques occasions de
disputer ?
Dans ce cas pourquoi demander plus qu’on ne demandait sous l ’em
pire de cette loi dont les term es, nous ne saurions trop le rép é te r,
semblaient presque une minutieuse indication de tous les éle'mens dont, se
compose une date.
Vainement dira-t-on que la manière de dater la plus usuelle , est
1 indication du jo u r, du mois , et de l’année. Pour qu’ il y eut n u llité , il
faudrait que la loi l’eût prononcée. Ce sont les contraventions à ce qu’elle
ordonne, et non les contraventions à ce que l’usage ou l ’habitude a introduit,
que la loi veut punir par la nullité. Les nullités ne sont jamais favorables ,
elles ne peuvent-ètre étendues.
Veut-on suppléer dans l’art. 970 les mots jour , mois et an ? Alors il ne
faut pas y mettre une rigueur plus grande que l ’ancienne jurisprudence ;
regarder comme une nullité , ce qui n’est qu’une erreur dans l’énonciation. Il
faut continuer d’interpreter la loi dans un esprit de sagesse, ainsi que l’ont
fait, d’une manière uniforme et sans variations les anciennes C ou rs, et cela
sans réformation de la part de l’autorité supéieure, sans critique delà part des
jurisconsultes. 11 faut enfin suppléer à l’erreur évidemment échappée à l’inad
vertance, plu loiqu cd e méconnaîtrelesvolontés évidentes,les volontés sacrées
des morts.
L ’auteur de la consultation dont nous donnons l ’extrait, refuie ensuite
quelques objections faites par ses adversaires.
Première. On a objecté que notre manière de raisonner conduirait à sup
pléer par des renseignemens arbitraires à l ’énonciation de la date.
N on. 11 ne s’agit point, de prouver la date par des moyens puisés hors
de l’acte.
Deuxième. On objectait un arrêt rendu p a rla Cour de cassation annulant
celui par lequel la Cour de Metz avait., le 18 pluviôse an 1 2 , confirmé d’après
les circonstances, plusieurs Codiciles sans date , écrits et signés à la suite les
uns des autres.
Mais en premier lieu , l’espèce était toute différente; et si nous rapportons
l’objection, c est pour prouver par la réponse que la Cour de cassation
�reconnaît le droit des Cours royales dans l'appréciation des fails et des
circonstances.
lie Codiciles e'taient. au nombre de neuf dont les deux derniers contenaient
un legs d’actions sur la caisse Lafarge. Après le neuvième codicilc on lisait
ces mots, signes du testateur. « Je date les derniers articles de mon présent
«testam ent, concernant le don de mes billets Lafarge du l " r jour complé«mentaire de l ’an neut ». Il paraissait naturel de présumer qu'en attribuant1
ainsi une date à deux des Codiciles, le testateur avait laissé volontairement
les autres sans date ; cependant la Cour de Metz avait regardé le testament
comme v alab le , et la Cour de cassation avait annulé l ’arrêt. L ’espèce, disonsnous , était bien différente.
Mais voici une seconde réponse; et si ceux qui ont fait l’objection avaient
en connaissance des fails, ils auraient vu combien l ’autorité qu’ils invoquaient
était contraire h leur système.
L ’affaire avait été renvoyée à. la Cour de N ancy. Cette Cour jugea comme
celle de Metz. Aussitôt pourvoi, et cette fois la Cour de cassation revint au x'
vrais principes. E lle sentit que ce n’était pas à elle à juger le fond; par arrêt du
7 iuars 180H, le pourvoi fut rejeté par le m otif que le droit d ’interpréter Vin
tention des parties appartenait aux Cours d'appel, et que l’usage de ce
droit ne pouvait jam ais fournir matière à cassation.
I l était, disions-nous tout-à-l’heure, naturel de penser que le testateur
avait laissé volontairement les précédons codiciles sans date. Celte considé
ration spécieuse avait, lors du premier pourvoi, séduit l’avocat général, et en
traîné la C our, qui ne remarqua pas assez qu’elle sortait de ses attributions
et jugeait le fond.
U ne troisième objection était tirée de la défaveur attachée aux testamens.
Ce langage employé par les conseils des adversaires devait surprendre : ils
11e pouvaient pas ignorer que dans le système de nos lois actuelles, la succes
sion testamentaire est véritablement placée en première ligne, si le défunt n ’a
pas laissé d’héritiers à réserves, et que la succession déférée par la lo i, est
seulement, pour nous servir des expressions mêmes du conseiller d’Etat
Treilhard au corps législatif : L e testament présumé de toute personne qui
décéderait sans avoir valablement exprimé une volonté différente.
L ’auteur de la consultation rapporte ensuite l’opinion de M M . Ferey et
Ilellart, dans I affaire du testament Dandigné, ainsi que 1 arrêt d e ’ la Cour
royale de Paris qui a déclaré le testament valable.
M . Dandigné de la Chasse avait fait un testament olographe contenant des
leg* particuliers en faveur des demoiselles Josephine et Caroline Dandigné,
�ses petites nièces, et un legs universel à leur frère Charles Dandigné; ce testa
ment était du 2 1 prairial an xm ,
A la suile de ce testament se trouvait un codicile qui tranférait les legs des
demoiselles Dandigné à leur frère; ce second testament était daté du a 5 fri
maire an x m .
L a daie était évidemment fausse, puisqu’un acte de frimaire ne pouvait
désigner ni modifier un acte de prairial : on se souvient que dans l’année répu
blicaine, frimaire précédait prairial.
Ce second testament fut attaqué pour cause de nullité.
MM. Ferey et Bcllart, consultés, furent d'avis de la validité.
Us disaient : « De ce que la date 'est erronée , s’en suit-il que les nièces
* puissent faire déclarer le coilicile nul? »"Les soussignés ne le pensent pas.
« Il faut, sans doute, pour être valable, qu’un testament soit daté, la loi
<c l’a exigé; mais la loi n’est pas judaïque, et s i, de quelque manière que ce
« soit, en chiffres, en leltres en expressions propres ou équivalentes, la date
« s’y trouve, le codicile est valable. Ce que veut le législateur, c’est connaîtra
« l'époque certaine où un testament a été fait, pour y appliquer les règles sur
u la capacité du testateur, et toutes celles qui sortent de l ’epoque; mais
« pourvu que cette époque lui soit connue, le reste lui est indifférent. V ai« nement demanderait-on la nullité d’un testament, parce que les expres<x sions tel mois, telle année ne s’y trouvent pas. Ainsi un testament daté du
« jour de ma majorité, ou du jour où j ’ai eu le malheur de perdre mon père,
« ne serait pas nul.
« Il ne le serait pas davantage, si le testateur ayant eu la volonté d ’obéir
au législateur, a commis dans la date quelque méprise ou quelque erreur,
« qu’il soit possible de réparer avec du bon sens et du jugement. Nos livres
« sont pleins de monumens de la jurisprudence qui distinguent l ’erreur de
«c la desobéissance. »
T el fut l’avis des deux jurisconsultes notables que nous avons nommés, et
cet avis fut adopté par le tribunal et la cour de Paris.
Arrêtons-nous ici un moment sur les expressions dont ces deux juriscon
sultes se servent; elles énoncent toute l'importance de la date. Le législateur
a voulu la connaître, pour j- appliquer les règles de la capacité et toutes
celles qui sortent de l'époque.
A in si, ce qui regarde la portion disponible , l’âge de majorité ou de mino
rité, la capacité en un mot du testateur, tout cela peut dépendre de la date.
Lors donc qu’il est constant d’après le testament même qu’ il était m ajeur,
qu’il était capable; lorsque sa capacité n’a jamais depuis été enlevée ou dimi-
rr-
�nuée par un acte quelconque, que la capacité des légataires est incontestable,
le but du législateur paraît rempli.
Dans l’espèce, le sieur G uyot était depuis long-temps majeur, lorsqu’il a
écrit son testament. ïl y parle du bureau de bienfaisance, des dames religieuses
de la maison de charité de Saint-Am and, tons élablissemens postérieurs à sa
majorité. Il y parle même d’ un acte du 5 o août 18 17 . Aucune cause n’a depuis
ce temps nui à sa capacité.
D’ailleurs il n y a pas ici de question de priorité enlre plusieurs tesiamens.
L a consultation que nous avons analysée et dont la doclrine et les autorités
sont entièrement applicables à l’espèce du testament du sieur G u yo t, cette
consultation rédigée parM . Pardessus, signée par M M . Delvincourt, Delacal prade et ^tcquel, fut communiquée à M. T o u llie r , qui y a pleinement adhéré
le 20 mai 18 17 .
7JL e conseil soussigné, dit-il, qui a pris lecture de la consultation ci-dessus ,
partage en tout point l’opinion et les principes des célèbres jurisconsultes qui
l ’ont souscrite et délibérée. Dans l’ancienne jurisprudence on tenait pour
maxime qu’une erreur dans la date, l’omission d’un mot ou d’un chiffre, ne
sont point une cause suffisante pour annuler un testament, s u r t o u t lorsque
Jjerreur ou l’omission sont indiquées dans l’acte mémo du testament.
Attache par conviction à Fancicnne doctrine, le soussigné crut devoir la
professer et la rappeler dans le cinquième volume de l’ouvrage qu’il a publié
sur le Code. Sans doute, il faut observer toutes les formalités prescrites par la
loi sous peine de nullité, et l’omission d’une seule suffit pour annuler l’acte.
Mais il n’y a rien de contradictoire à d ire, d’une part, qu’il faut observer
toutes les formalités, chacune de ces formalités, et de l’autre part, qu’une
erreur légère, l’omission d’un mot dans l’observation d’une de ces formalités,
11e rend point la formalité nulle. Eriove sevibentis testamsnlum juris solemnitas mutilari nequaquam potest. L . 7, Cod. de Testamentis , 6. a 5 . La loi
en donne pour exemple l’omission de deux m ots'bien essentiels, de deux
mots qui tiennent à la substance même du testament, les mots lucres esio.
A plus forte raison, le testament n’est-il point annulé par la simple omission
d'un mot dans la date, s u r t o u t quand celte omission esL démontrée et sup
pléée par les énonciations, par les circonstances puisées dans I acte même. 1)
T el fut, dans l ’affaire Letellier , l’avis de jurisconsultes hommes d’une
grande autorité, et lelle était leur doctrine et les motifs de leur opinion.
Aussi la cour de Caen rendit le 2 août 18 17 un arrêt qui confirma le juge
ment qui avait déclaré valable le testament d e là dame Letellier, et la Cour
décussation, en rejetant le pourvoi par arrêt du 19 février 1 8 1 8 , a sanctionné
�celte même doctrine ainsi la jurisprudence ancienne avait interprété l ’ordon
nance de 17 ^ 5 , plus rigoureuse que le Code c iv il, d’une manière favorable
aux testamens, venant au secours des testateurs qu’une inadvertance avait
induils en une erreur réparable et se conformant en cela à l ’esprit des lois
romaines, si tulélaires pour la volonté des défunts.
Mais nous venons aussi de voir que la jurisprudence moderne était animée
du même esprit de sagesse. L ’arrêl Dandigné, l’arrêt Letellier que nous venons
de citer, l’arrêt delà Cour de N ancy rapporté plus haut, et l'arrêt de la Cour
de cassation du 7 mars 1808 qui reconnaît qu’aux Cours royales appartient le
droit d’apprécier les circonstances qui peuvent suppléer à l’omission appa
rente des formalités, en font foi. Celte doctrine a élé mainte fois reconnue et
sanctionnée. Nous allons en ciler d’autres exemples.
Dans l’affaire du testament Damboise, la testatrice avait trois fois écrit 17 9 3 .
Mais elle faisait mention d’événemens bien postérieurs et la Cour de Bordeaux
avait corrigé la dale de 179 5 en celle de 18 15 .
P ou rvoi; et par arrêt du iü juin 18 2 1 la Cour de cassation rejette Je
pourvoi.
La Cour de cassation nous l’avons déjà fait remarquer, ne juge point le
fond d’une affaire, et laisse aux tribunaux et auxCours royales l ’appréciation
des faits. Aussi le considérant de l’arrêt de la Cour de cassation dans cette af
faire p orte-t-il, qu’aucune loi ne signale les m otifs, les circonstances et les
dispositions d’après lesquels les juges doivent se déterm iner, et qu’à cet égard
elle ne leur impose qu’une seule obligation, celle de puiser les motifs de leur
décision dans le testament même.
Nous pouvons accepter dans la cause, cette condition, nous n’avons aucun
intérêt à l’exclure; mais nous ferons cependant remarquer que Domat et F u rgole sont bien moins restrictifs. M. T oullier cilé plus haut dit que l’erreur de
date n’esl point une cause d annuler un testament, surtout lorsque l’erreur ou
1 omission sont indiquées dans l’acte même du testament. Surtout!
Mais nous le répétons ce n’est pas dans l’intérêt de la cause que nous faisons
cette remarque, car dans notre affaire nous n’en avons pas besoin, le testament
du sieur GuyOl contient les élerncns de rectification.
Nous avons déjà vu bien des autorités citées dans la consultation dont nous
avons donné l’extrait, nous pourrions en citer encore et de plus récentes.
Ainsi outre M . Delvincourt qui professe dans son ouvrage sur le Code c iv il,
les principes qu’il a souscrits dans la consultation ci-dessus, nous pouvons
citer M. l avard-de-Langlade qui dit, au mot Testam ent, sect. i rC,parag.
a.
�n° 1 1 . « S i un testament olographe non daté est radicalement nul , il n’en est
» pas nécessairement de même lorsqu’il contient une date erronée.
« Les juges peuvent et doivent rectifier Verreur , toutes les fois que par
» des erremens qui sortent du testament même, ils sonl conduits à la véritable
» date, c’est-à-dire qu’il est évident à leurs yeux qu’il a été rédigé tel jour, tel
» m ois, telle année.
« Et comme la loi n’a point déterminé les circonstances d’après lesquelles
» ils peuvent être conduits à un pareil résultat, quels que soient les motifs
» qui les ont déterminés 7 ils échappent à la cassation, dès qu’ils ont été puisés
»
dans le testament e x testamento non aliunde. 11 cile l’arrêt Damboiseet
la date de 179 3 énoncée par erreur au lieu de 1 8 1 3 .
M. Grenier, n° 228 dit : « Sur la certitude ou incertitude de la d a le , il peut
» s’élever des difficultés d après la négligence et l’inattention du testateur, eu
» apposant la date à son testament ; et à cet égard il est aisé de sentir les in » fluences que doivent avoir les circonstances.YWcs deviennent en général
» une matière à appréciation de la part des tribunaux, et l’on sait que lorsque
» le cas arrive, il ne peut guère y avoir prise à la cassation. L e point essentiel
» et qui doit servir dé boussole consiste à savoir s’il est possible ou non, de
"•> trouver dans le testament la preuve d’une date qui raisonnablement doive
» être regardée comme certaine. Au premier cas, il ne peut y avoir de diiïi» culié sur la confirmation du testament. »
Plus bas il parle d’une date surchargée, et il dit qu’un testament public,
par le seul fait de cette surcharge pourrait être déclaré nul, quoiquon put
lire la date surchargée; ce qu’on ne pourrait pas d ire, d’ un testament ologra
phe, ajoute-t-il, lorsque la dale, quoique surchargée est lisible.
M erlin, dans le Répertoire de Jurisprudence au mot testament, sect. 2.
parag. 1 , art. 6 , examine la question, et demande si, lorsquil y a erreur
dans la date d’un testament, on doit considérer cette dale comme non apposée,
et en conséquence déclarer le testament nul ?
Il
répond que la solution dépend des circonstances. 11 cile plusieurs arrêts,
l’un du parlement de P aris, en date du 19 mars 170 8. (Nous en avons fait
mention plus haut.) Le testament réellement fait le 8 m ai, portait la date
postérieure du g m ai, quoique le testateur fût décédé le 8.
Un autre qui a confirmé un testament qui portait la date de 1 7 0 8 , mais
que-certaines circonstances prouvaient être de 1758 .
Un troisième, du 5 juillet 17 8 2 , qui avait déclaré valable le testament du
sieur Dulau, portant la date de mil sept soixante-quatre, au lieu de »76^.
Un quatrième de la Grand’Cham bre, qui a déclaré valable le testament
de la dame Benoise. La date avait éprouvé une alléralion, dont on ignorait
�la cause. On voyait le chiffre 3o, et la lettre X , ce qui faisait présumer dc-^
cembre. Une main étrangère avait même indiqué cette date 3o décembre.
Cela compliquait la difficulté. M ais on n'a pas pensé que cette addition pût
nuire à un testament parfait dans le principe.
L ’auteur rapporte ce que l’on présentait en faveur du testament:
« Au fond, et dans le droit, tout ce qui est essentiel c’est que la volonté
« soit connue ; rien de plus indifférent à Ici preuve de cette volonté que la
« date. C’est la mort qui date un testament. L a date de l’instrument ne peut
« devenir nécessaire qu’accidentellement ; c est-à-dire lorsqu’il y a concours
« de testamens, ou lorsqu’il y a incertitude sur l’âge du testateur, pour
« connaître s’il était capable d’ avoir une volonté. L ’ordonnance de 17 5 5 a
« fait un précepte de la date, mais elle l ’a fait pour prévenir les difficultés
« qui pourraient naître; elle n’a pas voulu changer la nature des choses, et
« les magistrats q u i, ministres des lo is, en sont en même temps les modéra
it teurs savent distinguer celles qui permettent des tempéramens d’équité
« d’avec celles qu’il faut prendre dans une rigueur mathématique.
« Ces moyens ont prévalu; par arrêt de la Grand’Chambre du 6 juin 17 6 4 ,
» la sentence du Chalelet a été confirmée. »
11
est une chose digne de remarque dans la citation que nous venons de
faire. C ’est que l’exposé des moyens que nous avons rapportés, se trouve dans
le nouveau répertoire, ouvrage publié depuis le Code civil et ne se trouve pas
dans l’ancien répertoire. On voit que Merlin n’interprétait pas le Code civil
dans un sens plus rigoureux que l’ordonnance de i n3 5 . Cette citation nou
velle, ces réflexions sur les erreurs de date le font voir assez clairement.
Après avoir établi que l’erreur de date ne détruisait point la force d’un tes
tament, faisons quelques objections possibles et même en partie prévues par
les deux jurisconsultes dont les consultations nous ont été communiquées.
On a cité l’ arrêt de la Cour de Rouen dans l’affaire du testament de l’abbé
Lalou. Ce testateur était décédé le 5 mars 18 2 8 , et le testament était daté du
i cr avril suivant. La Cour de Rouen a reconnu 1 erreur, et cela n’était pas
contestable. Elle regardait bien comme certaine et suffisamment exprimée lu
date du quantième du mois, le premier. Mais de quel mois? Ce n’était pas
avril, ce n’était pas janvier, mais c’était février ou mars. Lequel des deux?
Elle n’a pas osé choisir, et a laissé tomber le testament.
Diverses réflexions se présentent ici à l'esprit. C ’est qu on trouve dans cet
arrêt une espèce de timidité qui contraste avec l’ensemble des arrêts, qui
contraste avec le zèle des lois romaines à venir au secours des testateurs pour
assurer leurs dernières volontés.
�— \h —
L e parlement de Paris nous semble avoir été bien moins timide, el surtout
bien plus sage, lorsqu’il a, parson arrêt de Grand’Chambre du 28 juin ]6 7 8 }
déclaré valable un testament daté du trentième de l’année 16 7 6 , et ce con
formément aux conclusions de l’avocat général T alo n , jurisconsulte si émi
nemment sage lui-même. Y . R icard , n° 1 555 , p. 3 0 2 .------- E l cependant la
jurisprudence de ce parlement était lixée sur la nécessité de la dale. Cette ju
risprudence était son ouvrage.
Mais aussi il ne faut pas perdre de vue que chaque espèce a ses circonstances
particulières et distinctives , circonstances que ne peuvent pas apprécier ceux
qui n’ont pas connu le fond de 1 affaire.
On doil en dire amant de l ’ a r r ê t de la Cour de Bourges, rendu dans l'inté
rêt de la dame Lhomme. Celle Cour avait déclaré nul un testament olographe
de ia demoiselle Grangier, portant la date du 29 mai 18 2 7 , dans lequel on
trouvait une clause qui révoquait un testament reçu par notaire, en dale du
•>.3 mars 1828. Une circonstance compliquait encore l aüaire, on 11e trouvait
pas de teslament daté du 9^-mars 18 2 8 , mais bien un testament du 2b m ars,
Inême année.
™
Quelle était la qualité de la dame Lhomme dans l’affaire? Larrêtiste qui
rapporte assez obscurément les faits, dit seulement qu’elle était héritière na
turelle. Cependant la demoiselle Grangier testatrice, avait institué ses neveux
qui étaient bien ses héritiers puisqu'elle n’élait pas mariée. Quoiqu’il en soit
le testament fut déclaré nul.
Mais nous remarquerons à ce sujet, i° qu'un ou deux a r r ê t s i s o l é s ne peu
vent balancer les monumens nombreux, constaris, persévérans, de la jurispru
dence appuyés de la doctrine des auteurs; a° que certaines affaires, nous ne
peravons trop le répéter, ont des particularités qui leur sont propres, et qui
déterminent la décision ; circonstances apperçues par les juges qui ont connu
intimement l ’affaire, circonstances qui, dans des vues d’équité, appellent une
solution particulière; s i , par exemple, des enfans réclamaient; si u n légataire à
]» connaissance des juges était peu digne; si des faits de suggestion trop certains
ne pouvaient sans inconvénient être articulés.
Nous avons rapporté plus haut une espèce qui a beaucoup d’analogie avec
le testament de la demoiselle G rangier, l’affaire Dandigné dans laquelle la
Cour de Paris déclara le testament valable. Peut-être que dans cette affaire
la (.our de Bourges eut jugé comme celle de Paris.
5 (> fe.nfin, nous remarquerons que la C o u r suprême s abstient avec grande
raison <le s’immiscer dans 1 appréciation des laits. Outre que, ce serait juger le
fond f ce qui n’est pas dans ses attributions, elle n’est pas placée dans une posi-
�tion, où elle puisse les évaluer, et aussi elle laisse les Cours et Tribunaux
décider en fait que les conditions sont remplies.
Passons à une autre objection:
On a cité l’avis de Dumoulin q u i, dans l’affaire du testament de M. G il
bert, conseiller au Parlement de P a ris, fut d’avis, que le testament daté du
mois d’octobre j 546' était n u l, le testateur étant décédé le 9 du mois d’août.
Non intendebat, disait Dumoulin, non intendebat antea testai'i. Nous avons
toujours va avec quelque surprise, l’opinion émise, en cette circonstance,
parce grand jurisconsulte. Non intendebat! Comment Dumoulin avait-il
connaissance de l’intention? sa décision ici était bien évidemment conjec
turale et hasardée. Ce n’était que sur des conjectures et des présomptions qu’il
établissait son opinion. Sans doute, ce testament d’un conseiller au P arle
ment, offrait, un l'ait bien singulier dans la date. Mais à conjecture 011 pouvait
opposer co n je ctu re ,p réso m p tio n , présomption. Quand un homme écrit son
testament, qu’il d it: je donne, j e lègue, ne peut-on pas présumer aussi
qu’il exprime ses volontés, ses intentions? Mais pourquoi cette date? C ’est là
la difficulté. S i , pour la résoudre, on dit qu’il n’avait pas Vintention de
tester, nous !e répétons , on ne parle que par conjectures. L e tout au surplus
dépend des circonstances, et c est aux juges à examiner si la date est le ré
sultat de l’inadvertance ou de l'intention calculée.
La sagesse d’un si grand nombre de bons esprits, la faveur, le respect ma
nifesté par les lois romaines, par les arrêts, par les auteurs, pour les testa-
mens, doit être réputé une règle dictée par la raison même ; surtout lorsque ,
comme dans le testament olographe, ouvrage d’un seul, une erreur peut faci
lement se glisser dans la rédaction.
A u surplus, sans nous embarrasser dans les conjectures et les présomptions
sur une affaire qui remonte à deux siècles, et dont les circonstances particu
lières purent être connues de Dumoulin, nous dirons seulement qu'on ne peut
faire de sa décision, dans cette occurrence, une règle générale applicable à
tous les cas. Encore une fois cela dépend des circonstances que les juges peuveut et doivent apprécier.
Nous ajoutons qu’il serait à jamais impossible d’en faire,sous aucun rapport
l’application au testament du sieur Guyot. On ne pourrait sérieusement dire
de ce dernier qu’il n’a pas eu l’intention de disposer par un testament, dont
l a date n’est postérieure que de cinq jours à son décès.
Le sieur G u yo t avait déjà fait un précédent testament par devant notaires,
et il avait déjà donné u sa femme l’usufruit de tous ses biens. Dans le testa
ment olographe il renouvelle ce legs. Son épouse est l’objet de son attention
rh
�particulière. Il a soin de régler toutes choses de manière à la délivrer de
tout embarras. Il la dispense de donner caution , il la dispense d’un in
ventaire. Ses parens, ses légataires doivent s’en rapporter à cetle épouse qui
ne peut, d it-il, faire qu’un bon usage de ce qu’elle possède. Il suffît de lire le
premier article du testament pour voir que son épouse élait l’objet de sa solli
citude, de ses affections et de sa haute estime. Après l’avoir exprime dans le
testament, il ajoute une clause qui, en lui donnant les moyens de vendre, prouve
jusqu’à quel point il songeait à éviter des embarras de gestion à sa respec
table veuve. Et s il fallait s’en rapporter aux suffrages de ses concitoyens pour
savoir combien les affections du testateur étaient justifiées par les vertus de son
épouse, nous ne craignons pas de le dire, la ville entière de Saint-Amand n’au
rait en cela qu’une v o ix ; et nous n hésiterions pas de faire dépendre le sort du
testament d’un seul vote contraire, tant nous sommes sur de l’unanimité des
suffrages.
i
O h! ce n’est pas ici que l’ intention du testateur est douteuse, il y a erreur
dans la date sans doute, dans l’énonciation de l’année, mais il n’y a qu’erreur,
et la volonté est par trop évidente ; et celui des héritiers qui voudrait nier
cette volonté, mentirait à sa propre conscience.
Mais comment rectifier l’erreur ?
C ’est ce qui nous reste à examiner, et c’est dans le testament même que nous
trouverons les moyens de rectilication.
En effet il porte encore visiblement les traces d’une autre date que le dona
teur, persévérant dans ses intentions d avantager ses légataires, a voulu ra
fraîch ir. On voit clairement que ce testament porte la date primitive du pre
mier janvier mil huit cent vingt sept. Le testateur au premier janvier a substitué
premier octobre.Il avait surchargé janvier en écrivant octobre; puis il a écrit
séparément, premier octobre en toutes lettres. Il ne s’élève aucune difficulté
sur la date du mois et du quantième, sur les mots premier octobre, 11 a efface'
le mot sept , encore très-lisible, et il a écrit neuf, changeant l’année 1827 en
l’année 1829. Il a approuvé la rature de sept et les mots premier octobre mil
huit cent vingt-neuf. Mais le testament existait avant le 1 er octobre 1829,
puisque le testateur était décédé quelques jours avant, savoir le «6 septembre.
C’est sur l’année seule que porte l’erreur. Cela posé et partant de ce point de
fait que les mots de mois, et de quantième ne présentent pas de difficulté, on
doit dire : voila trois années qui se présentent, 18 2 7 , 1828, 1829, ce n’est pas
1827 qu’il faut prendre, le testateur a effacé le mot sept et renouvelé la date; ce
n’est pas 1829 > cela par la force et la nature des choses, il élait décédé; resle
donc i8p8, et cela,sans prendre des documens ailleurs que dans le testament.
�T elle était notre manière de voir et nous n’éprouvions en cela aucun doute,
lorsque nous avons eu connaissance de l'espèce suivante q u ia la plus grandeanalogie avec la notre.
L e sieur Ducoudray décède le 2 avril 1829. On présente un testament, olo
graphe portant la date du 1 er mai 1827, qui instituait pour légataire un parent
éloigné. Ce testament était écrit sur une feuille de papier timbré qui n’ avait
paru qu’en janvier 18 28 .
L a sœur du testateur attaque le testament comme portant une date finisse.
Jugement qui déclare le testament valable. Arrêt confirmatif de la Cour de
Caen en date du 1 1 décembre i 83 o. Voici les motifs principaux. — Consi
dérant que le testament est écrit sur du papier qui n’a été mis en circulation
qu’en janvier 1828. — Qu’ il en résulte évidemment que le testament n’a pas
été fait le i ermai 1 8 2 7 , date mentionnée par le testateur, mais que rien ne
prouve que cette erreur de sa part ait été fa ite dans une intention fr a u
duleuse , et qu’on doit penser au contraire quelle Va été involontairement :
— Que cette erreur ne peut cependant être rectifiée, qu’autant qu’011 trouve
dans le testament les moyens de reconnaître sa vraie date, — Que l'erreur ne
porte que sur Vannée , et que toutes les autres énonciations conservant toute
leur force, il en résulte qu’il aété fait au i el m ai.— Que le timbre qui prouve
l'erreur relative à Vannée établit en même temps que le testament n’a pas été
fait avant 1 8 2 8 ; et que Ducoudrai est décédé le 2 avril 1829. — Considérant
que le testament qui n’ a pu être fait avant 18 2 8 , et qui n’a pu Vôtre après Je
2 avril 1 8 2 9 , ayant été fait au i or mai, ainsi que le testament le constate, a
nécessairement pour vraie date le 1 e1 mai 18 2 8 , puisque le testateur n’a pas
vécu un autre premiei mai, depuis que le papier dont il s’est servi a été mis
en circulation.
C ’est par un raisonnement assez semblable que nous disons : la date du i rl
octobre est incontestable, mais ce n’est pas le
octobre 18 2 7 ; le testa
teur qui avait fait son testament le 1 " janvier 1 8 2 7 , qui depuis a rafraîchi la
date, a rayé le mot sept; ce n’est pas le i <:‘ octobre 18 2 9 , il était décédé le 26
septembre précédent, reste donc le premier octobre 1828.
Dans l’affaire D u coudray, on s’est pourvu en cassation contre l'arrêt de la
Cour de Caen. On présentait pour moyen que le papier timbré , chose maté
rielle et extrinsèque ne pouvait servir à la correction de la date.
La Cour de cassation par arrêt du 1 ' r mars i 8 5 2 , a rejeté le pourvoi.
L a Cour attendu que l ’erreur de date ne vicie pas le testament, lorsque»,
comme dans 1 espèce, les juges ont reconnu qu’e l l k ¿ t a r i ’ i n v o lo n t a i r e - —
Oue c’est dans lacté meme qu ils ont trouvé les élémens de sa rectification.
�puisque le timbre de la feuille sur laquelle le testament a été écrit, et qui faisait
corps avec e lle , n’ayant élé mis en circulalion que le i or janvier 18 2 8 , il
était impossible que le testament eut été fa it, comme il apparaissait le i er mai
1827.
Que, d’un antre coté, le testateur étpnt décédé le 2 avril 1 8 2 9 , il était
de nécessité que le i er mai 1 8 2 8 , ainsi resserré entre les deux espaces de
temps , de la confection de l’acte à la m ort, fût la vraie date du testament ;
qu’en le déclarant ainsi par la force d’une preuve physique et légale , et en
validant le testament, la Cour royale de Caen s’est conformée aux principes
de la matière , et n’a violé aucune loi. Rejette. »
Nous voyons encore en tête de cet arrêt la maxime constante que l’erreur
de date ne vicie p as, lorsqu’elle est involontaire; et nous croyons avoir am
plement établi que M. Guyot ne pouvait avoir eu l’intention d’inscrire une
date fausse dans son testament; à moins que pour pousser les conjectures jus
qu’à l’absurde, on s’avise de dire qu’il avait donné à son teslament la date du
premier octobre 18 2 9 , sachant bien qu’il n’irait pas jusques là , et qu’il mour
rait cinq jours avan t; en sorte que toutes les marques de sollicitude, de ten
dresse qu’ il donnait à sa respectable épouse n’étaient qu’une espèce d ironie.
Cela a-t-il besoin de réfutation?
M ais, ajoutera-t-on, le testateur a peut-être voulu faire un legs conditionnel,
et dire: si je vis jusqu’à cette époque, jusqu’au j er octobre, j ’entends donner.
Nous répondrons, i° qu’il n’y a aucune apparence que l’époque du i et oc
tobre 1 8 2 g , ait pu, en façon quelconque, influer sur sa détermination. Ce
serait un jeu d’imagination qu’on ne peut raisonnablement admettre dans le
testateur, non prœsumitur luderc.
Mais, en second lieu, s’ il eut voulu faire un legs conditionnel, il était
libre de le d ire ; il lui était possible, facile et très facile de l’exprim er, et
lorsque le testateur n’a point exprimé une condition , qu’il lui était très facile
d'énoncer, il nous semble contraire aux règles d’une bonne logique de con
clure qu'il a voulu faire un legs conditionnel. Il est bien plus conforme à Ja
raison et au bon sens de dire qu’il s’est trompé dans la date; surtout lorsque
lont concourt à écarter l’idée d’une condition. Nous avons parlé plus haut de
l';iflaire Dan,boise, où la testatrice avait par erreur écrit 179^ au lieu de
j 8 i 3 . f'.lle l’avait ainsi écrit sur trois exemplaires ; et il était plus diilieile
du substituer 1 81 5 à 17 9 ^ , que de substituer dans notre espèce 1828 ù i82<).
Et de plus, que l'on considère quels sont les légataires. C ’est M“* Penissat,
cousine germaine du testateur, amie intime de la respectable veuve et sa
commensale depuis le décès, ensuite la sœur de cotte Du* Penissat, aussi
�cousine germaine par conséquent ; enfin , M . Penissat , également cousin
germain, et q u i, en sa qualité de père de famille , reçoit davantage. L e testaleur n’a pas de frère. La proche parenté, l’intimité, tout annonce que le testateur
a a"i avec réflexion et discernement, et c’ est ici le cas, ou jam ais, d’appliquer
à un testament, en cas de difficulté, la maxime Mcigis valeat quant pereat.
En un m ot, nous avons prouvé par les circonstances, les énonciations,
tout ce qui constitue ce testament, que les dispositions qu’il contient étaient
bien volontaires, bien sérieuses, bien réelles, et par là même nous avons
prouvé que linexactitude de la date était involontaire. S’il faut prouver que
la date est erronée, nous l’avons fait.
Mais la chose considérée sous un autre point de vne , qu’y gagneraient les
adversaires? Si la date nouvelle était nulle, l’autre qui est très visible, facile
même à lire , malgré la surcharge, et la rature , qui est aussi une surcharge,
cotte antre datç resterait seule. Nous citions plus haut M. G renier, qui dit
qu'une date surchargée n’annule pas un testament olographe. En conséquence,
la date qui reste visible, malgré la rature, doit être au besoin regardée comme
valable.
On objectera peut-être que le testateur, en raturant le mot sept a approuvé
cette ratu re; mais cette clause, par laquelle il approuve la ratu re, la sur
charge 7 et la nouvelle date du i cr octobre, cette clause, dans le système de
ceux qui feraient l'objection , manque de date, s’il faut regarder la nouvelle
da'e comme n u lle, et par là même elle ne peut produire aucun effet. Quod
nullum e st, nullum producit effeclurn.
Mais nous croyons plus vrai de dire que la date du i er octobre est véri
table , que l’indication de l’ année est seule erronée , mais facile à rectifier.
Un sentiment d’équité, de justice, maintiendra une volonté aussi claire
m ent, aussi positivement manifestée que celle du sieur G u y o l, et les moyens
ne manqueront pas. La jurisprudence, la doctrine des auteurs, 1 esprit de la
loi bien entendue , ont tiacé la roule et indiqué la décision.
Nous avons établi qu’ une erreur de date involontaire ne peut vicier un
testament. Nous l’avons établi par le sentiment des auteurs anciens et mo
dernes, en cela tout à fait conforme à l’esprit des lois romaines; nous lavons
établi par les nombreux monumens de la jurisprudence, et avant et depuis
le Code civil. Nous avons cité les raisonnemens de jurisconsultes d’un grand
poids , et nous nous sommes appuyés de leurs suffrages.
Nous avons réfuté les inductions qu’on pourrait tirer d’arrêts rares, isolés,
et d’esnèces dont les faits net aie rît pas suffisamment connus.
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JÏ-4U
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20
—
Nous avons fait voir qu e, dans notre espèce,l’intention du testateur n’était
pas équivoque, qu’il n’avait commis qu’une erreur bien involontaire.
Nous avons montré comment cette erreur pouvait être rectiûée par les
documens puisés dans le testament.
Nous avons enfin fait voir que si la date récente devait être regardée comme
nulle , l’autre date restait seule au testament.
Qu’ainsi, sous tous les rapports, le testament devait être regardé comme
valable.
Nous ne pouvons que persévérer dans l’opinion que nous avons émise.
Délibéré à P aris, le 4 mai i 855 -
Sign é R E G N IE R .
PA RD ESSU S.
H E N N E Q U IN .
P A R Q U IN .
P h . D U PIN .
D U V E R G IE R .
Un jugement du tribunal de Clermont a déclaré le testament valable.
i m p r i m e r i e d e j. g h a t i o t ,
Hue du iuio Saint-J.ic(]urs, maUun J» la Reine BUnolie.
�
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Factums fonds privés
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Title
A name given to the resource
[Factum. Guyot. 1855]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Regnier
Pardessus
Hennequin
Parquin
Ph. Dupin
Duvergier
Subject
The topic of the resource
testaments
nullité
droit romain
coutume
droit intermédiaire
doctrine
testament olographe
jurisprudence
Description
An account of the resource
Consultation sur la validité d’un testament olographe fait par M. Guyot au profit de son épouse, de M. Pénissat, son cousin germain et des sœurs de ce dernier
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J. Gratiot (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1855
1828-1855
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
1848-1852 : 2nde République
1852-1870 : 2nd Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV06
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Amant-Tallende (63315)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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coutume
doctrine
droit intermédiaire
droit Romain
jurisprudence
nullité
Testament olographe
testaments
-
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27cc4b50781eb172263282f8b7c36251
PDF Text
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MÉMOIRE
POUR
Dame
A
dèle
DE C L E K M O N T
M A I G N O L et le sieur M A R T I N A T
D E C H A U M O N T son mari, propriétaires, demeu
rant à La ndogne
Le S r B O U Y O N , ancien receveur de l ’enregistrement j
L e sieur B O U Y O N - L A F O N T ,
receveur de l ’enre
gistrement à Pontgibaud;
L a dame B O U Y O N et le sieur B O U T A R E L son mari,
juge de paix à Pontgibau d;
L a dame B O U Y O N et le sieur C L U Z E L son mari,
notaire à Chapdes;
E t autres, héritiers de dame M arie M A I G N O L ,
décédée épouse du sieur B O U Y O N , notaire à Bromont ;
L a dame M a r i e - G i l b e r t e MAIGNOL, veuve de M. D E
PA N N E V ERT , demeurant au Puy-Saint-G ulm ier;
L a dame M arie-G ilberte M A I G N O L et le Sr L E G A Y
son mari, ancien notaire, demeurant à Pontgibaud;
Tous héritiers de sieur A ntoine M A I G N O L , ancien
receveur général à Clerm ont, demandeurs j
CO NTRE
J E U D Y -D U M O N T E I X ,
ancien ju risco n su lte à C lerm on t, d éfen d eu r.
31e J
Llégué
o se ph
-A
TRIBUNAL
n t o in e
|e sieur Maignol, ancien receveur général, avait
à la dame Jeudy son épouse l’usufruit de tous
les biens meubles et immeubles q u ’ il possédait dans la
commune de Nohanent.
I re CHAMBRE.
�Devenue veuve, la dame Je u d y n ’avait élevé aucune
prétention à la propriété de ces biens-, loin de là , elle
avait rempli fidèlement les formalités que la loi lui
imposait en sa qualité d’ usufruitière; c’est en cette
seule qualité, q u ’elle a joui jusq u’à son décès des biens
de son mari.
Alors, les héritiers Maignol devaient naturellement
être mis en possession de la propriété de Nohanent,
q u ’ils sont appelés à recueillir, et par la volonté du
sieur Maignol, et par les dispositions de la loi : mais
il n ’en fut pas ainsi ; Me Jeu dy , seul héritier de la
dame veuve Maignol sa sœur, s’empara de tout, et,
quoique sans aucuns droits, sans aucun titre, il en
jouit encore actuellement.
Les héritiers Maignol ont espéré long-tems q u ’ il se
rendrait justice à lui-mème, et leur abandonnerait
à l’amiable tous les biens de la succession dont il est
détenteur; ils avaient cru q u ’il serait facile de s’en
tendre ensuite pour le compte des différentes sommes
que Me Jeudy peut leur devoir personnellement, ou
comme héritier de la dame sa sœur.
L e caractère honorable de Mc J e u d y , l’esprit de
justice qui distingue sa profession, et dont il a donné
de si nombreux exemples, semblaient leur confirmerque
cet espoir ne serait pas trompé.
Cependant, après beaucoup de démarches, ils ont
obtenu,en 1820, q u ’il lut lait un compromis pour faire
statuer par des arbitres sur leurs réclamations et sur
celles que M* Je u d y prétendait avoir lui-même à
exercer contv’eux. Mais 011 a laissé expirer le délai du
�compromis sans
fournir aux arbitres les pièces et
doc 11 mens sur lesquels ils devaient baser leur décision ,
et les héritiers Maignol se sont Vus forcés d intenter
une demande en justice.
Cette demande embrasse la réclamation de tout ce
que les héritiers Maignol ont pensé leur ctre dû par
Me J e u d y , soit de son chef, soit comme héritier de sa
sœur : de son chef, différentes sommes que le sieur
Maignol lui avait prêtées, déposées entre ses mains, ou
payées pour lui à des tiers; comme héritier de la dame
sa sœur, la restitution du mobilier et le désistement
des immeubles dont la dame Jeu dy était usufruitière,
la restitution des jouissances et intérêts du tout. Enfin
les héritiers Maignol demandent q u ’ il soit fait un
compte entre les parties aiin de connaître leur position.
L ’on va rappeler les diiFérens faits qui donnent lieu
à toutes leurs réclamations.
FAITS.
Du mariage de M.
Gérard J e u d y ,
et de dame
Françoise Guillau m e, naquirent deux enfans : le sieur
Joseph-Antoine Je u d y-D u m o n te ix, et la demoiselle
Madel eine-Michelle Jeudy.
Celle-ci contracta mariage, le 6 juin 17 ^ 0, avec le
sieur Antoine Maignol.
E lle était encore mineure et orpheline, et procéda
sous l ’autorisation de M. Joseph J e u d y , chanoine,
son curateur;
E lle se constitua un trousseau en valeur de 1000 liv.,
et tous les droits, noms, raisons, actions et préten
�tions à elle acquis par le décès de ses père et mère,
donnant pouvoir au futur de les rechercher, venir à
division et partage avec ses cohéritiers, et de les vendre
et aliéner, à la charge de remploi en biens fonds.
Les biens de la dame Jeudy étaient encore indivis
entr’elle et Me Jeudy-Dumonteix son frère; l ’une et
l ’autre avaient été sous la tutelle de la dame Guillaume
leur tante.
Différentes circonstances, et notamment l ’absence
de Me J e u d y , qui alors faisait son droit à Paris,
firent suspendre le partage des biens provenant des
auteurs communs; mais il fut pris des arrangemens
pour la jouissance.
Par acte du 28 juin 1780 , la dame G u ill a u m e , en
vertu de procuration spéciale à cet effet, céda et aban
donna au sieur Maignol la part et portion revenant à
M e Je udy dans ions les revenus et produits des biens
indivis enlre ce dernier et la dame sa sœur, et ce, pour
quatre années consécutives, sous différentes conditions
énoncées audit acte, et en outre moyennant la somme
de 1400 liv. ( o liv. par année), qui fut payée au
sieur J e u d y , ainsi q u ’il le reconnut par un autre acte
35
du
25 avril
5
178 .
Mc Je u d y n ’ayant pas, à cette époque, le projet
d ’ habiter l’Auvergne, ne larda pas à proposer aux sieur
et dame Maignol de lui acheter sa portion dans les
biens indivis.
Plusieurs lettres établissent q u ’il en demandait
1 ,ooo fr., et que le sieur Maignol ne lui en offrait
que 10,000; elles prouvent encore que pendant un
5
�assez long tems, les parties avaient été en correspon
dance sur ce p r o je t , sans s’accorder sur le prix de la
vente proposée.
5
E n f i n , le janvier 1 7 8 $ , par acte reçu Lasteyras,
notaire, Me Je u dy fit cession, par forme de licitation
et partage, à la dame Je udy sa sœur, épouse Maignol,
et au sieur M a ig n o l audit nom de m ari, de tous les
droits m obiliers et im m obiliers à lui échus et advenus,
3
et qui lu i restaient du s, par le décès de son père et par
celui du sieur François J e u d y , lesdits biens situés dans
les lieux de Nohanent, Blan zat, Sayat et Durtol seu
lement, dont il amendait la moitié.
Il est dit dans l ’acte que cette cession fut faite
moyennant la somme de 7600 liv. sur laquelle le sieur
Jeu d y reconnut avoir reçu celle de i oo liv. dont il
5
donna quittance; plus celle de 4 ° ° o liv« qui lui fut
payée par M. Marie-Joseph Maignol de Landogne, frère
de l’acquéreur, présent au contrat. Quant à la somme
de 2000 liv. restant, elle fut stipulée payable k Paris,
dans trois ans, avec intérêts.
L e sieur Antoine Maignol déclara dans cet acte que
dans la somme de i oo liv. par lui payée personnelle
m ent, il y en avait celle de 1000 l i v . , provenue des
5
deniers q u ’il avait reçus du sieur Bertrand, en sa
qualité de mari de la dame Jeudy.
D ’ une autre p a r t , et pour se libérer envers Joseph
Maignol son frère, de la somme de 4000 liv. par lui
payée à M° J e u d y , le sieur Maignol lui céda l ’effet
d ’ une donation de parcilie somme de qooo l i v . , à lui
�faite par leur père com m u n , pour supplément de
légitime, par acte du 8 mars 1 7 8 3 .
Il est vrai que cette acquisition , faite par les sieur
et dame Maignol, était faite uæorio 110mine , et ne
devait profiter q u ’à la dame Je u d y ; mais il faut
remarquer aussi q u e , sur les sommes payées lors du
contrat, /j oo liv. furent payées des deniers person
nels du sieur Maignol.
Au surplus, le prix de cette cession n’avait été fixé
dans l ’acte à y oo l i v . , que pour éviter les droits
5
5
d ’enregistrement; et toutes les circonstances semblent
annoncer que le véritable prix était au moins de
10,000 liv. Il parait même que cet acte avait été
accompagné d ’ une contre-lettre qui constatait de plus
que cette cession embrassait encore les droits de
M e J e u d y , dans une maison située à C le rm on t, et
provenant aussi des auteurs communs. Cette contrelettre n ’est point produite, à la vérité, par les héri
tiers Maignol; mais ils peuvent en justifier l ’existence
par une foule de documens, ou commencemens de
preuve écrite, qui 11e laissent aucun doute sur ce
point. On ne tardera pas à les faire connaître.
L e 26 janvier 1 7 8 5 , par acte reçu C h e v a l i e r ,
notaire, Mc Jeu dy et le sieur Maignol son beau-frère
vendirent conjointement au sieur Chalamet une
maison située à Clermont, qui fut dite, dans l a c t é ,
élre indivise e n t r 'e u x , et ce, moyennant 7000 liv. 3
dont 4.000 liv. furent payées comptant, et les ooo liv.
3
restant furent stipulées payables, en deux termes,
au sieur Maignol, mais U la charge par lui d ’en faire
�emploi en fonds certains, libres de toutes hypothèques.
L e 12 avril même année, il fut fait, entre Me Je u dy
et le sieur M aig n o l, différens actes, dont il est utile
de donner sommairement connaissance.
Par un premier acte, Me Je u dy reconnut que le
sieur Maignol lui avait remis la portion lui revenant
clans le mobilier et linge qui se trouvaient dans la
maison de Clerm ont, vendue à Chalamet.
Par un second , il reconnut que M. Maignol lui
avait fait raison des jouissances de ses biens, pour les
années antérieures à la cession du
janvier 1 7 .
5
85
Par un troisième enfin, Me Jeu dy fit cession, par
forme de licitation et partage, à la dame sa sœur,
autorisée du sieur Maignol son mari, des part et
portion à lui revenant clans les principaux de rentes,
au nombre de quatre, h eux ci-devant dues indivisé
ment, comme héritiers de leurs père et mère.
Cette cession eut lieu sous différentes conditions y
exprimées , et en outre moyennant la somme de
4
i o l i v . , qui fut payée comptant par le sieur Maignol
à Me Jeudy.
Cet acte contient encore, en faveur de Me J e u d y ,
la réserve de la moitié lui revenant dans quelques
créances actives qui y sont indiquées, et (¿ui prove
naient des mêmes successions.
L ’on a dit plus haut que le véritable prix de la
cession de droits successifs, consentie par M* Je udy
aux sieur et clame Maignol, le
janvier f 7
, était
5
85
au moins de 10,000 l i v . , quoique cet acte ne porte ce
75 0
prix q u ’à la somme de > o
m-,
liv. ; et cela résulte très-
�clairement de la correspondance de Mc Jeudy luimême.
Dans une lettre du 20 mars 1784» écrite de P aris ,
il demandait à son beau-frère 18,000 liv. de ses droits.
Dans une seconde,, du 29 avril suivant, il lui disait :
« Vous m ’offrez 12,000 li v .; je vois, par vous-même,
« que vous augmenteriez encore de quelque chose,
« et que vous me donneriez , au second mot ,
« i ?ooo l i v . ... J e vo u s dem ande donc irrévo ca ble-
4
5
« ment i ,ooo l iv ., dont v o u s me p a y erez 10 ,0 0 0 liv .
« c o m p ta n t,
et
le surplus dans
trois ans ,
avec
« intérêts. »
Comment Me Je u dy aurait-il donné pour 7500 liv.
5
des droits successifs dont il demandait i ,ooo li v ., et
dont son beau-frère lui avait déjà offert 12,000 liv. ?
D ’ un autre côté, l ’on ne concevrait guère que
M. Maignol, voulant traiter avec son beau-frère, et
lui ayant offert 12,000 liv. de ses droits, ne lui en ev.t
donné ensuite que 'jSoo liv.
Mais une troisième lettre de Mc J e u d y , postérieure
à la cession du
janvier 1 7 8 5 , peut jeter de grandes
5
lumières sur ce qui s’est passé relativement à cette
cession.
Cette lettre est du 2 août 1 7 8 $ , et on y lit ces mots
adressés au sieur Maignol : « Lorsrjue j e vo u s a i c é d é
« po u r d ix
m ille livres mes d ro its,
npus n ’avons
« entendu parler que de ce qui me revenait dans le
« bien de Nohanent, et dans la maison de Clermont,
« sous les réserves expliquées dans 1 acte sous seing« privé dont je vous laissai votre double signé eu
�(
9
)
X
« partant, sans que vous ayez pu encore vous déter« miner à m ’envoyer le mien. »
Me Je u d y relève ensuite une erreur q u ’ il prétend
avoir été commise par le sieur Maignol, dans un calcul
fait par ce dernier des sommes touchées par ledit
Mc Jeudy sur le prix de la cession du
janvier 1 7 8 $ ,
et il ajoute :
5
« J ’ai touché sur le prix de notre arrangement qui
« ne concernait et ne concerne que Nohanent et la
« maison de C er m ont,
« i° — 4°oo liv. en lettres de change;
« 20 — 2000 liv. que vous me redevez par l ’acte;
1
«
3°
—
3ooo
liv. de Chalamet.
« Total 9000 liv.
« Il me revient donc encore 1000 liv., sur quoi vous
« avez voulu me déduire les 120 liv. d ’épingles que
« j ’avais reçues de Cha lamet;
« E t il est clair que les 1000 liv. que j ’ai reçues de
« Bertrand, entrent mal à propos dans votre calcul :
« ainsi vous voyez q u ’ il n’y a point d’ erreurs; ren« voyez moi donc le dou ble de Vacte sous signatures
«
«
a
«
p riv é e s , convenu entre nou s, relativement à mes
réserves, et à ce que vo u s restez sur les 1000 liv .
nécessaires p o u r com pletter les 1000 liv * dont nous
étions convenus. »
Il semble évident d ’après cette lettre entièrement
écrite et signée par Me J e u d y , q u ’il avait été fait entre
lui et son beau-frère, 011 une contre-lettre, ou tout
autre acte de la même nature, contenant des additions,
%
�( 10 )
ou donnant une extension quelconque aux engagemons
5
stipulés dans l ’acte de cession du janvier 17 8 5 ;
Cette lettre explique en effet,
i° Que le prix de la cession dont il s’agit, était
de 1000 l i v . , quoique dans l ’acte authentique du
janvier 17 8 D , il ne soit porté q u ’à 'j ^qo liv. ;
5
i ° Que cette cession embrassait la portion revenant
à M c Je u d y dans la maison située à Clermont, quoique
le même acte énonce que Me Jeu d y n’a cédé que ses
droits dans les biens situés à Nohanent et lieux circonvoisins ;
° Que sur le prix de cette cession, Me J e u d y , au
1 août 1 7 8 5 , avait déjà reçu 9000 liv. dans les valeurs
3
indiquées par lui-méme, et cela abstraction faite de la
somme de 1000 liv. par lui touchée du sieur Bertrand ,
somme qui donnait lieu suivant lui à l ’erreur de calcul
du sieur Maignol; enfin, q u ’il réclamait encore une
somme de 1000 lis . p o u r com pletter c e lle de 10,000 liv .,
dont i l était convenu avec le sieur M a ig n o l ;
4° Que
si le sieur Maignol n ’avait pas vendu seul la
maison de Clermont, c’est évidemment parce que l ’acte
qui lui conférait, ou quoi que ce soit à son épouse^ la
portion q u ’y amendait Me J e u d y ,
n ’était pas enre
gistré; mais q u ’il n ’était pas moins devenu propriétaire
de la totalité de cette maison dès le
5
janvier 1 7 8 5 ,
et que Me J e u d y , en touchant de Chalamel 3 ooo liv.
sur le prix de cette vente, ne les avait point touchées
comme vendeur ou ancien propriétaire de partie
de cette maison, mais bien comme créancier de la
dame Maignol ou de son m a r i , et en imputation sur
�le prix de la cession du
5
janvier 1 7
85 ,
ainsi que
cela résulte clairement de la lettre que l ’on vient de
rappeler ;
° E n f i n , q u ’à cette époque Me J e u d y , sur le prix
de cette cession, ne réclamait autre chose que ce q u i
restait dû sur les 1000 liv . nécessaires p o u r com pletter
la somme de 10,000 liv .
E t comme Me Jeu dy reconnaît dans cette lettre
avoir reçu 120 liv. de G halam et, pour épingles-, et
que cette somme deva it être d é d u ite , il en résulte
que la somme restée due sur les 1000 liv. était de
5
880 liv.
Quoique, d ’après la lettre que l ’on vient de citer,
il ne restât du à Me Je udy que cette dernière somme,
des lettres postérieures démontrent q u ’ il réclamait de
son beau-frère des sommes plus considérables, et cela
vraisemblablement par erreur.
E n effet, par une lettre du 12 juin 1 7 8 7 , il le priait
de lui faire passer, sur les 2000 liv. portées p a r V acte
devant notaire , une somme de 600 liv.
Dans une autre, adressée a la dame Maignol sa
sœur, il lui disait : I l me f a u t ab so lu m en t, dans ce
m om ent, 1200 liv . J e laisserai le surplus dans les
mains de votre m a ri} e t c . , etc.
Dans une troisième, du 27 novembre 1 7 8 8 , adressée
au sieur Maignol, Me Jeu dy lui accusait réception
d’ une lettre de change de 600 l i v . , laquelle somme
s ’im puterait sur les causes de le u r traité sous seingp r iv é , et ensuite su r celles de
notaire.
l ’acte p a r-d eva n t
�x
( 12 )
E n fi n , le 10 février 1 7 8 9 , Me J e u d y , écrivant
encore au sieur Maignol , lui accusait la réception
d ’ une seconde lettre de change de 600 l i v . , et il
ajoutait : « F a ites aussi le com pte de notre situ ation,
« tant d ’après notre acte sous seing-privé, que celui
« par-devan t notaire , etc. , etc. , a jin que nous
« sachions oie nous en som m es, et que j e v o u s envoie
« une quittance précise. »
Ces dernières lettres semblent en effet devoir fixer
la situation des sieur Maignol et J e u d y , relativement
5
au prix de la cession de droits successifs, du
janvier
1 7 8 5 . Il en résulte même assez évidemment que
M e Jeu dy avait reçu quelque chose de plus que ce qui
lui restait d u , d ’après sa lettre du 2 août 178:); mais
comme il avait couru quelques intérêts, on 11e pourrait
le savoir au juste que d ’après un compte par échelette.
Ces lettres prouvent encore, de plus en plus, l’exis
tence d ’un do u ble , d ’un sous se in g -p riv é , ou d’ une
contre-lettre qui avait accompagné ou suivi l’acte du
5 janvier 1 7 8 5 , et qui contenait une augmentation
du prix porté dans cette cession; car sans cela, pour
quoi Me Je u dy aurait-il réclamé? pourquoi le sieur
Maignol a u r a i t - i l
payé
a u - d e l à de la somme de
7^00 l i v . , énoncée dans cet acte?
Enfin MeJeudydemandait un compte de sa situation
avec son beau-frère, afin de lui donner une quittance
p r é c is e ; et il parait que ce compte n ’a pas été fait;
que cette quittance n’a pas été donnée; au moins les
héritiers Maignol
contraire.
n ’ont
aucune
connaissance
du
�(
'3
)
Néanmoins, et quoique ce comple paraisse n’avoir
jamais eu lieu y Mc Je u d y savait bien que son beaufrère était entièrement libéré du prix de la cession
du janvier 17 8 5 : aussi lorsque, par la suite, il lui
demanda de l ’argent, ce ne fut plus q u ’à titre de prêt;
et en effet, le sieur Maignol lui avait prêté des sommes
assez considérables.
L e i floréal an ? Me Je u d y reconnut avoir reçu
5
5
4
du sieur Maignol, à titre de dépôt, trois louis d’or de
24 liv. chacun, un écu de
liv. et une pièce de 24 s.
(total, 76 liv. 4 s. ), q u ’il promit lui remettre à sa
3
volonté, en mêmes espèces.
Il 1'econnut encore, par le même acte, lui devoir,
pour cause de prêt, la somme de 12,000 liv. assignats.,
q u i , réduite en francs, au taux de l ’époque, s’élève,
sauf erreur de calcul, à la somme de 2 1 6 0 liv.
L e 24 vendémiaire an , il reconnut encore que le
5
44
sieur Maignol lui avait prêté la somme de 1
^ v * > en
six louis d ’or, n u m éra ire, q u ’il promit lui rendre à sa
volonté , sans p ré ju d ic e d ’autres reconnaissances que
le sieur M a ig n o l avait à lu i.
Il serait fastidieux de rappeler une à une toutes les
lettres par lesquelles Mc Je u d y , dans différentes
circonstances, a demandé de l ’argent, à titre d ’emprunt,
au sieur Maignol son beau-frère. Toutes ces lettres,
rapportées par les héritiers Maignol, prouvent que
Mc Jeudy avait souvent des besoins d ’argent, et q u ’ il
s’adressait continuellement au sieur Maignol, dont la
complaisance à lui
rendre service ne s’est jamais
démentie; au sieur Maignol q u i , d ’ailleurs, était
à
�(
4
)
cette époque dans un état d ’aisance bien connu. Ces
lettres sont nombreuses , et se lient les unes aux autres
par leurs dates et par leur contexture. L ’on croit donc
q u ’il suffit d ’indiquer, quant à présent, q u e , sur les
demandes et à lin vitation de Me J e u d y , le sieur
Maignol a payé pour l u i , le 1 1 nivôse an , au sieur
Perrin , expert a Cornon , une somme de 2 o francs
numéraire, pour le montant d un exécutoire que le
sieur Perrin avait obtenu contre Me J e u d y ;
Que ce dernier souscrivit, le i nivôse an
au
5
5
6
4
sieur Maignol, un billet de 120 liv. en numéraire;
Q ue, le 1 4 ventôse an 6 , Me Jeudy accusa réception
au sieur Maignol d ’ une somme de oo fr. que celui-ci
3
lui avait fait passer.
Par d ’ autres lettres datées de L y o n , où il se trouvait
momentanément pour affaires , M° Je u d y priait le
sieur Maignol de lui faire passer, tantôt oo f r . , tantôt
quinze louis.
3
L e 27 pluviôse an 7 , il écrivait au sieur Maignol :
« Quand 011 manque d ’argent, et q u ’on a un beau« frère receveur général des finances, 011 tire sur lu i ;
« c’est ce que je viens de faire , par un effet de
«
33 G f r . ,
etc....... » (C e t effet fut immédiatement
acquitté par le sieur Maignol).
Il est important de remarquer que Me Jeudy ajoute :
« Je te ferai raison de ceci comme de b e a u c o u p d ’autres
« choses. N o u s compterons et réglerons à mon p ro « chain retour. »
Pendant le séjour que Me Jeudy fit à Lyon, la dame
son épouse, qui était restée à Paris, s’adressa aussi au
�(
>5
)
sieur Maignol son beau-frère, pour lui emprunter
une somme de oo f r . , dont elle accusa réception par
une lettre du 6 ventôse an 7.
Enfin toutes ces lettres,, et les différens actes ou
reconnaissances dont on vient de parler , établissent
évidemment autant de créances en faveur du sieur
Maignol, contre Me Je u d y son beau-frère. L a dette de
M e Je u d y ne pouvait être connue que par le résultat
d ’ un compte à faire entre les parties, compte que
3
Me Je u dy promettait quelquefois dans ses lettres,
mais qui parait n ’avoir jamais eu lieu.
Ce qui le prouve, c’est que, le
février 1 8 1 1 , peu
4
de tems avant son décès, le sieur Maignol fit une
déclaration entièrement écrite et signée de l u i , conte
nant le mémoire ou note des réclamations q u ’ il avait
à faire contre le défendeur.
H y réclame le prix de différentes fournitures de
meubles, de bois et de v i n __ ; les jouissances d ’ une
vigne, q u ’il reproche à Me Je udy d ’avoir fait arracher,
ce qui l’aurait mise hors d ’état de pouvoir reproduire
de plus de dix ans.
11 y énonce q u e , depuis le premier compte qu'il a
fait avec M e J e u d y , ce dernier lui doit, jusq u’au décès
de la dame G u illa u m e , tante commune, la pension,
et même les arrérages d’ une rente, au capital de
1000 l i v . , q u ’ils lui avaient constituée solidairement,
parce que lu i , Maignol, a tout pay é , conformément
à la déclaration faite par la dame G u illau m e , devant
F l o u r i t , notaire à Sayat.
Le sieur Maignol y parle aussi des lettres de change
�( 16 )
que Me Jeiuly avait1 tirées sur l u i , et des diverses
sommes q u ’il lui avait prêtées ou payées pour l u i ,
tant en argent q u ’en papier-monnaie;
Enfin on y lit ces mots :
« L e sieur Je u d y doit compte des intérêts de
« plusieurs années, d ’une somme de 8400 liv. que le
« sieur Maignol lui fit passer de confiance par sa
« femme pour placer à intérêts; et le sieur J e u d y est
« en outre encore redevable au sieur Maignol de la
« somme de 8400 liv. en principal.
« N o ta . Il faut lire la correspondance que j ’ai tenue
« avec le sieur Jeu dy pour connaître tout ce q u ’il peut
« me devoir. »
L e sieur Maignol mourut quelques jours après avoir
fait cet écrit que l ’on doit considérer comme le dernier
témoignage d ’un mourant, et qui n ’eut d ’autre objet
que de mettre les héritiers de son auteur à même de
pouvoir exercer un jour tous ses droits.
Tels sont les faits q u i , dans cette cause, regardent
Me Je u d y personnellement, et le constituent débiteur
envers les héritiers Maignol; on renvoie à la discussion
qui va suivre, l ’examen des conséquences qui doivent
naturellement en résulter; et l ’on va s’occuper du récit
des autres faits de la cause.
2' SÉRIE DE FAITS.
Pendant son mariage avec la dame J e u d y , le sieur
Antoine Maignol avait payé en l ’acquit et décharge de
son épouse, différentes sommes qui étaient dues par les
successions de ses père et mère, ou qui étaient une
charge de la cession des droits successifs de Mc JeudyP union teix.
�( '7
)
D ’ un autre côté, cette cession ayant rendu la dame
Jeudy propriétaire de tous les biens provenant des
mêmes successions , et qui se trouvaient situés à
Nohanent, le sieur Maignol, dans l ’intérêt de son
épouse, et pour rendre sa propriété plus régulière, ou
pour la circonscrire dans un rayon plus resserré, fit
avec différens particuliers plusieurs échanges d héri
tages éloignés avec d ’autres qui se trouvaient enclavés
dans les propriétés de la dame J e n d y , et qui se trou
vaient plus rapprochés du centre de ces mêmes
propriétés.
Dans le même but d ’utilité et d’avantage pour
l ’exploitation des biens de son épouse, il fit différens
traités relativement à des droits de passage ou autres
servitudes; et soit pour ces derniers objets, soit pour
des retours d’échange, il paya différentes sommes qui
forment autant de reprises contre la succession de la
dame Jeudy.
Si r on peut rigoureusement considérer ces différens
actes comme faits u xorio nom ine, et comme ne devant
profiter q u ’à la dame J e u d y , il ne saurait évidemment
en être de même, de nombreuses acquisitions faites à
différentes époques par le sieur Maignol, de ses deniers
particuliers., et dans la commune de Nohanent ou
autres lieux circonvoisins.
E n effet, indépendamment de l ’acquisition faite de
M* Jeudy-Dumonteix pour la dame Maignol, le sieur
Maignol a acheté en son propre et privé nom des
héritages assez nombreux, et d ’une valeur assez consi
dérable pour former, à eux seuls,
3
un
très-beau corps
�( *8 )
de domaine. L ’on croit inutile de rappeler ici les actes
qui constatent ces acquisitions; l ’on se contentera de
faire connaître les plus importantes; et à cet égard, il
est certain q u e , le 19 janvier 1 7 9 1 , le sieur Maignol
se rendit adjudicataire d'un pré-verger et autres
héritages provenant des ci-devant religieux Jacobins,
moyennant C600 liv.
5
Le
frimaire an 6 , il acheta du sieur JeudyDugour différens immeubles situés dans la commune
de Nohanent, moyennant la somme de i , oo fr.
58
Quant aux autres acquisitions faites par le sieur
Maignol, elles sont beaucoup moins importantes.
Au surplus, le prix de ces différentes acquisitions, y
comprises celles que l ’on vient d ’indiquer, s’élève à plus
de
3 o,ooo
fr. d ’après les actes de vente; et l ’on est
fondé à croire que dans tous, on n'a point porté le
véritable prix des objets vendus, afin d ’éviter des irais
d ’enregistrement; et comme toutes ces acquisitions
ont été faites de l ’année 1 7 8 1 à l ’an 9 , il est évident
que, d ’après la progression générale du prix des biens,
comme d ’après les améliorations qui y ont été laites,
les héritages acquis par le sieur Maignol sont aujour
d ’ hui d ’ une valeur beaucoup plus considérable.
L e 20 janvier 1 8 1 1 , le sieur Maignol fit un testa
ment olographe, par lequel il légua à la dame Jeudy
son épouse la jouissance pendant sa viduité de tous
les biens meubles et immeubles dont il serait saisi,
et qui se trouveraient situés dans la commune de
Nohanent seulement, sous la réserve d ’un pré appelé
du C h ira t.
�*9
(
)
Par le même testament, il ordonna que l ’or et
l ’argent monnoyés qui seraient présumés lui appartenir
fussent remis après son décès à ses héritiers, comme ne
devant point faire partie de l’ usufruit de son épouse.
Il fit ensuite plusieurs legs particuliers à différentes
personnes qu'il est inutile de rappeler.
Enfin il légua aux dames Legay , Pannevert et
Bouyon ses trois sœurs, et à chacune d ’elles un quart
de tous ses biens meubles et immeubles, et aux deux
enfans mineurs de défunt Joseph Maignol son frère,
l ’autre qua rt, en ajoutant néanmoins que ses héritiers
11e pourraient jouir des propriétés de Nohanent et du
mobilier des maisons de Nohanent et de Glermont,
q u ’après la cessation de l’ usufruit légué à la dame
Jeu dy son épouse.
L e sieur Maignol décéda très-peu de tems après ce
testament.
Le
mars 1 8 1 1 , il fut procédé, tant en la maison
d ’ habitation q u ’il avait à Clermont, q u ’à Nohanent où
il passait une partie de l ’année,
à l ’inventaire des
meubles, effets mobiliers et papiers dépendant de sa
succession.
Le i
3
septembre suivant, sur la réquisition de la
dame Jeiidy sa veuve, et en présence des liéi i tiers
dudit sieur Maignol, assignés à cet effet, il fut procédé
devant Mc Chevalier, notaire, assisté de prise»i*S', à la
vente aux enchères, du mobilier personnel du sieur
Maignol, et d’autres objets, notamment de ceux q u ’en
sa qualité d ’ usufruitière, la dame Jeudy n ’entendait
pas conserver en nature, et qui se trouvaient dans la
�( 20 )
maison de Nohanent. Cette vente produisit une somme
3
de 2875 fr. i c., dont la dame Jeudy resta comptable
envers la succession du sieur Maignol son m ari, sauf
l ’exercice de son droit d ’ usufruit sur cette somme.
Du reste, la dame Jeu dy demeura en possession du
surplus du mobilier, et des biens immeubles situés
dans la commune de Nohanent.
Cependant la dame Maignol, veuve de P annevert,
par exploit du 3 i octobre i 8 i 5 , forma contre ses
cohéritiers une demande en partage de la succession du
sieur Antoine Maignol.
Un jugement du 1 1 mai 18 1G ordonna q u ’il serait
procédé à ce partage, mais seulement des biens de la
succession , situés dans l ’arrondissemenr de Riom , et
autres que ceux dont la dame Jeu dy était usufruitière;
et il fut en effet procédé à ce partage, en exécution
du jugement.
L a dame J e u d y , veuve Maignol, est décédée le 27
septembre 1 8 1 9 , laissant pour unique héritier
M c Jcudy-Dunionteix son frère.
Il semblait que, dès cet instant, les héritiers Maignol
dussent prendre possession des biens meubles et immeu
bles dont la dame Je u dy avait conservé l ’usufruit; il
semblait que les parties dussent faire amiablement le
compte des sommes q u ’elles pouvaient
respectivement
se d evoir5 m a is, tout au contraire, Mc Je u dy a
continué illégalement, et sans aucun droit, la posses
sion que sa sœur avait eue comme usufruitière ; il a
retenu tous les objets mobiliers; il jouit encore de tous
les biens de Nohanent, dépendans de la succession du
�/
( 21 )
sieur Maignol; il n ’a rendu aucun compte aux héri
tiers de ce dernier.
On doit dire néanmoins q u e , sur la proposition des
héritiers Maignol, il a été fait, entr’eux et Me J e u d y ,
le i cr septembre 1 8 2 0 , un compromis par lequel ils
avaient donné pouvoir k trois jurisconsultes de la ville
de Riom, de statuer sur toutes leurs contestations et
réclamations respectives.
Mais le délai du compromis est expiré, sans que les
arbitres aient rendu aucune décision.
Depuis cette époque, le décès de plusieurs des héri
tiers Maignol et la minorité de quelques autres ont
favorisé encore la possession de Me Jeudy.
E n f i n , par exploit du I er juin i S ^ S , la dame MarieAdcle Maignol et le sieur de C h a u m o n t, son mari,
ont formé contre leurs cohéritiers une demande en
partage de tous les biens de la succession du sieur
Antoine Maignol , dont la dame Jeu dy avait eu
l ’ usu fruit.
L e 8 juin 1 8 2 5 , ils ont dénoncé cette demande à
Me J e u d y , comme héritier de la dame sa sœur. Ils l ’ont
assigné pour assister au partage , et pour voir ordonner
q u ’il serait tenu d ’y faire le rapport de tous les biens
meubles dépendans de cette succession, ainsi que des
biens immeubles situés à Nohanent, et du montant
des jouissances et dégradations par lui perçues ou
commises dans lesdits biens, depuis le décès de la
dame J e u d y , veuve Maignol, sa sœur, avec intérêts
du tout, tels que de droit.
Tous les défendeurs ayant constitué avoue , les
�( 22 )
Cohéritiers de la dame de Chaumont ont fait signifier
des conclusions, par lesquelles ils ont déclaré q u ’ils
do unaient les mains au partage demandé.
De son côté, Mc Je udy a fait signifier, le 1 1 juillet
1 8 2 6 , des moyens de défense, dont il est nécessaire
de donner sommairement l ’analyse.
Il a rappelé d ’abord que le domaine que la dame
J e u d y , veuve Maignol, possédait à Nohanent, et q u ’il
a recueilli après elle, comme son seul héritier, lui était
propre et d ’origine patrimoniale, comme provenu de
Girard Je udy son père, et de François Jeudy son oncle;
Que le sieur Maignol était originaire de Landogne,
et ne possédait aucuns biens lors de son mariage;
Que si, depuis ce mariage, le sieur Maignol avait
fait dans le lieu de Nohanent des acquisitions q u ’il
avait réunies au domaine de son épouse, la présomp
tion serait q u ’il ne les aurait faites que u xorio nom m e,
ou en remploi des fonds dotaux de celle-ci, par lui
aliénés, ou dès sommes q u ’il aurait touchées ou re
couvrées , à elle propres.
Il a prétendu, eu outre, que les époux de Chaumont
l ’ayant assigné en rapport et désistement de biens
fonds et immeubles situés a N o h a n e n t , appartenant à
la succession Maignol, sans donner la désignation de
ces biens, et indiquer leur nature, leur contenance, leur
situation avec leurs tenans et aboutissans, aux termes
de l ’article
du Code de procédure civile ; n ayant
64
d’ailleurs justifié d’aucun titre pour établir que le
sieur Maignol aurait fait des acquisitions en son nom
p erso n n el, et pour lui demeurer propres, il en résulte
�que la demande est non seulement nulle et irrégulière,
mais encore non recevable.
E n conséquence, Me Jeudy a conclu à ce que la
demande des sieur et dame de Chaum ont fût déclarée
nulle, et à ce que les demandeurs fussent condamnés
aux dépens.
Il s’est fait réserve de tous autres droits et conclu
sions, notamment pour la répétition et liquidation des
reprises dotales et matrimoniales de la dame Jeudy sa
sœur, et de ses droits et actions personnels contre les
héritiers Maignol.
L a cause étant en cet état, les cohéritiers de la dame
de C ha um o n t, ayant vu que celle-ci, ne connaissant
pas toute l'étendue des droits de la succession Maignol
contre Mc J e u d y , avait négligé plusieurs réclamations
importantes, ont formé, le i a janvier 1 8 2 7 , contre
Me J e u d y , une nouvelle demande tendante,
i° A ce q u ’il soit tenu de venir à compte avec les
héritiers Maignol de toutes les sommes que le sieur
Maignol avait payées pour lui , ou q u ’ il lui avait
prêtées,
dans lesquelles entreront,
notamment
la
somme de 12 , 0 0 0 li v ., en assignats, prêtée au sieur
Jeudy le i iloréal an
? et
somme de 8400 liv.
en numéraire, aux offres de déduire toutes sommes
5
4
que Me Je udy justifierait avoir remboursées; pour, le
compte fait et déb attu , se voir condamner à en payer
le reliquat, avec intérêts ainsi que de droit;
20 A ce qu ’ il soit condamné à leur payer la moitié
du prix principal de la cession par lui consentie aux
sieur et dame Maignol, le
5 janvier
1 7 8 5 , et intérêts
�*4
(
)
J e ladite somme, à partir du décès du sieur Maignol,
avec offre d ’en déduire les sommes qui seraient justifiées
avoir été payées sur le prix de ladite cession des deniers
personnels de ladite dame J e u d y ;
3° À ce q u ’il soit condamné à venir avec les héritiers
Maignol, à division et partage des biens et droits acquis
par ladite cession du
janvier 1 7 8 ^ , pour en être
attribué, moitié à la succession Maignol, avec tous
rapports et prélèvemens de droit ;
5
E n fi n , par leur exploit d ’assignation, la dame de
Pannevert et consorts ont déclaré à M* Je u d y que leur
demande avait pour but de parvenir à l ’apurement et
liquidation définitive de tout ce qui peut leur être
dû par M® J e u d y , soit personnellement, soit comme
héritier de la dame sa sœur.
Me J e u d y a constitué avoué, mais il 11’a encore fait
notifier aucunes conclusions ni moyens de défense sur
ces dernières prétentions des héritiers Maignol.
Par jugement rendu en 1 8 2 7 , cette dernière demande,
après avoir été dénoncée aux sieur et dame de Chaum o nt, a été jointe à la demande formée par ceux-ci,
le
I er
8 5
juin i a , vu leur connexité, pour être statué
sur le tout par un seul et même jugement.
C ’est en cet état, que la cause est soumise à la décision
du tribunal;
elle ne présente aucune question bien
sérieuse, mais il est indispensable de faire quelques
observations sur chacun des chefs de demande des héri
tiers Maignol, après avoir écartc les fins de non recevoir
q u ’on leur oppose,
�MOYENS.
§ IerF in s de non recevo ir proposées p a r M* J e u d y .
Les moyens de nullité et fins de non recevoir pro
posés par Me Jeu d y contre la demande des sieur et dame
de Chaumont donneraient à penser q u ’il ne veut pas
aborder franchement la discussion de la demande qui
est dirigée contre lui.
Toutefois, en supposant ces exceptions fondées, il est
facile de voir que Me Je u d y en tirerait un bien faible
avantage, puisque l’on pourrait former immédiatement
contre lui une autre demande plus régulière; mais
l ’on ne saurait croire que ces iins de non recevoir
soient bien sérieuses, à moins q u ’elles n ’aient pour
cause l'espoir q u ’aurait conçu Me Je u dy de se main
tenir quelques jours de plus dans la possession de
propriétés, q u ’il sait bien ne pas lui appartenir.
Quoi q u ’il en soit, il est facile de démontrer que
ces fins de non recevoir n ’existent réellement pas, et
que l’on fait à la cause une fausse application des
dispositions de la loi.
E n effet, M* Jeu dy prétend d ’abord que la demande
formée contre lu i, par la dame de C h a u m o n t, est
64
nulle, aux termes tic l'article
du Code de procé
dure , comme n ’indiquant pas suffisamment la nature,
la contenance, la situation et les confins des immeubles
dont on lui demande le rapport et le désistement.
Il soutient, en second li e u , que cette demande
4
�( >6 )
n ’est pas recevable, parce que les demandeurs ne
justifient d ’aucun titre, pour établir que le sieur
Maignol aurait
fait
des
acquisitions en son nom
personnel.
Les mêmes moyens serviront de réponse à ces deux
64
prétentions. D ’abord, il est vrai que l ’article
du
Code de procédure exige, à peine de nullité, q u ’en
matière réelle 011 mixte, les exploits d’ajournement
énoncent la nature de l ’ héritage, la commune^ e t ,
autant q u ’il est possible, la partie de la commune où
il est situé, et deux au moins des tenans et aboutissans.
Mais cet article ajoute que, s’ il s’agit d ’ un domaine,
corps de ferme ou métairie, il suffit d ’en désigner le
nom et la situation.
Cette disposition de la loi a le même esprit que
3
l ’article , titre 9 de l ’ordonnance de 1 6 6 7 , qui con
tenait une disposition semblable; c’est de faire ^
comme le disait textuellement cette ordonnance, que
le d é fe n d e u r ne puisse ignorer p o u r q u e l héritage il
est assigné.
Aussi tous les commentateurs professent l ’opinion
q u e , lorsque la désignation faite dans la demande,
quelles que soient les expressions dont on s’est servi,
est telle que le défendeur ne puisse pas se méprendre
sur l ’objet de la contestation, le vœu de la loi se
trouve suffisamment rempli.
Les mêmes auteurs et la jurisprudence indiquent
encore que la désignation des lieu et commune est
suffisante^ lorsqu’il s’agit d ’ une u n iversalité d*immeu
bles, parce q u ’alors c’est évidemment le cas d ’appliquer
�( 27 )
64
la seconde parlie de l ’article
du Code de procédure,
qui dispense de toutes les désignations exigées pour les
cas ordinaires, lorsqu’il s’agit d ’ un domaine, corps de
ferme ou métairie. ( Voir notamment Carré, A n a ly se
rnisonnée de la p r o c é d u re , question
; — P igeau,
édition publiée, en 1827 , par M. Poncelet, tome i cr,
page 1 8 7 ; — Arrêt de cassation, du 10 décembre 18 06,
S i r e y , tome 6 , i rc partie, page i ).
232
55
Or, les sieur et dame de Chaumont, par leur exploit
de demande, ont fait connaître à Me Jeu dy q u ’ils
avaient provoqué le partage des biens d ’ Antoine
Maignol, situés dans la commune de N ohanent ; biens
dont la dame J e u d y , veuve Maignol, avait joui jusqu’à
son décès, comme usufruitière; biens dont Me Je u dy
s’est mis ensuite en possession, comme héritier de celte
usufruitière q u ’il représente. Ne lui a-t-011 pas suffi
samment indiqué les biens dont le rapport lui était
demandé? E t peut-il raisonnablement prétendre que
cette demande ait pu f a i r e naître la moindre équivoque?
Comment Mc Je u dy pourrait-il soutenir de bonne
foi que la demande est non recevable , parce q u ’on
ue lui aurait signifié aucun litre établissant que
le sieur Maignol eût des propriétés dans la com
mune de Nohanent? N ’est-il pas évident que cette
notification ne lui a pas élé faite, pour éviter des frais
considérables, parce que ces titres de propriété sont
très-nombreux?........ E t comment pourrait-il feindre
d ’ignorer l ’existence des biens du sieur Maignol, lui
héritier et représentant de la dame Jeu dy sa sœur, qui
en a élé l usufruitière?........
�( 28 )
C ’est déjà trop s^occuper de ces moyens si peu
capables de fixer l ’attention du tribunal.
Il faut examiner le fonds de la contestation , et l ’on
va parcourir successivement les réclamations des hétitiers Maignol contre Me J e u d y , soit personnellement,
soit comme héritier de la dame sa sœur.
«
§ n.
D em an des contre
31e J e u c l j personn ellem en t.
L ’on voit par quelques-unes des lettres de Me Je u d y ,
notamment celle du 10 février 1 7 8 9 , q u ’il y avait un
compte à faire entre lui et le sieur Maignol des diffé
rentes sommes q u ’il devait à ce dernier.
Tout annonce que ce compte n ’a jamais eu l i e u ,
et l ’on doit l'attribuer sans doute ou à la négligence
du sieur Maignol, ou à la juste confiance q u ’il avait
en son beau-frère, aux malheurs q u ’éprouva le sieur
Maignol pendant les dernières années de sa v ie , ou
enfin à l ’éloignement des domiciles des deux parties.
Q u oiq u ’ il en soit, il n’est pas douteux que Mc Jeu dy
était débiteur de M. Maignol à l ’époque du décès de
celui-ci.
Il est impossible quant à présent d ’assigner à quelle
somme s’élevaient les créances du sieur Maignol; mais
ces créances résultent des divers élémens que 1 011 a
déjà fait connaître,
De la correspondance de Mc J e u d y , constatant
ses fréquentes demandes à son beau-frère, et de nom-
�29
(
)
breux accusés de réception des sommes que le sieur
Maignol lui a envoyées à différentes époques;
2° Des différens billets , promesses ou reconnais
sances dont on a parlé précédemment.
Ces lettres et reconnaissances entièrement écrites et
signées par Me J e u d y , sont autant de titres q u ’il ne
saurait méconnaître;
° E n f i n , de la déclaration écrite par le sieur
3
3
Maignol, le février 1 8 1 i , peu de jours avant sa mort,
déclaration qui contient la note de ses réclamations
contre M* Je u dy.
U n compte est donc indispensable pour connaître
au juste quelle est la somme due par Me Jeu dy à la
succession Maignol; et comme Mc Jeudy n ’a jamais
donné de quittance définitive du prix de la cession du
5 janvier ^ , quoique dans plusieurs lettres il ait
1 85
annoncé l’ intention de donner cette quittance, et que,
d ’ un autre côté, il a été payé par le sieur Maignol
au-delà du prix de cette cession, il est juste q u ’en
procédant à ce compte, l ’on établisse d’abord toutes
les sommes que le sieur Maignol a payées à Mc Je u d y ,
5
depuis l’époque de la cession du
janvier 178^. E n
procédant ainsi, toutes les sommes payées par le sieur
Maignol devront être imputées jusqu'à duc concurrence
sur ce qui restait dû sur le prix de cette cession; et le
sieur Maignol sera considéré comme préteur, ou créan
cier de tout le surplus tics sommes par lui envoyées,
prêtées directement à Mc J e u d y , à litre de prêt ou de
dépôt , ou payées à des tiers , en son acquit et
libération.
�(
3o
)
Il ne paraît pas, an surplus, que Me Je u d y ait fait
aucun remboursement; car le sieur lYlaignol n’aurait
pas manqué de le constater par sa déclaration du
3
février 1 8 1 1 , où. il a établi avec tant de soin ses diffé
rentes répétitions.
Enfin Me Jeudy n’a fait encore connaître aucune
quittance, aucun acte, traité ou règlement de compte,
propre à établir sa libération, ou la diminution de sa
dette.
Cependant, par ses conclusions du 1 1 juillet 18 27 ,
il se fait réserve de tous ses droits et actions personnels
contre les héritiers M a ig n o l/ mais comme ceux-ci
ignorent absolument en quoi consistent ces prétendus
droits, ces prétendues actions, ils attendront q u ’il
plaise à Me Jeudy de les exercer pour y défendre, et 11e
fout d ’ailleurs aucune difficulté de lui allouer toutes
les sommes q u ’ il justifierait avoir payées sur celles
dont il était débiteur envers le sieur Maignol.
Cela posé, et tenant pour certain q u ’il doit être fait
un compte, il reste k distinguer les diiférens articles
de répétition qui devront y être alloués aux héritiers
Maignol.
Leurs réclamations se divisent en trois classes :
Prem ièrem ent : Des créances constatées par lettres,
reconnaissances ou autres actes émanés de Me J e u d y ;
il ne peut s’élever la moindre difficulté sur leur allo
cation.
S e c o n d e m e n t : D ’autres créances ilont les titres ne
sont point produits , et notamment la somme de
8400 l i v . , et les intérêts de cette somme, qui, d’après
�la déclaration du sieur Maignol, aurait été remise par
lui à Me J e u d y , pour être placée à intérêts.
«
«
«
«
«
«
L a déclaration est ainsi conçue dans cette partie :
L e sieur Jeu dy doit compte des intérêts de plusieurs
années d ’ une somme de 8400 l i v , que le sieur
Maignol lui fit passer de confiance par sa femme,
pour placer à intérêt s, et le sieur Jeu d y est en
outre encore redevable au sieur Maignol de la
somme de 8400 liv. en principal. »
IL est vrai que , jusqu’à présent , les héritiers
Maignol ne peuvent justifier la réclamation de cette
somme, que par cette déclaration elle-même; et l ’on
opposera sans doute que personne ne peut se faire un
titre à soi-même.
On aime à penser, néanmoins, que M e Jeudy
donnera sur ce point, comme sur beaucoup d'autres,
des explications satisfaisantes ; et sa loyauté bien
connue , invoquée par les héritiers Maignol , les
autorise à croire q u ’ il reconnaîtra la vérité de la décla
ration faite par celui q u ’ils représentent.
E n effet, que de présomptions ne résulte-t-il pas de
3
cette déclaration du
février 1 8 1 1 ?....
Elle a été faite peu de jours avant le décès du sieur
Maignol, et à une époque où, atteint de la maladie à
laquelle il a succombé, il cherchait à mettre de l ’ordre
dans ses affaires; à se rendre compte à lui-même de sa
position avec Mc J e u d y ;
à éclairer ses héritiers sur
l ’objet et la nature de ses réclamations; et dès-lors
quelle confiance ne doit-on pas avoir dans ce dernier
témoignage du dé fu n t?......
�Mais enfin , si Me Jeucly désavouait avoir reçu cette
somme et en être débiteur, les liéritiers Maignol seront
bien fondés à lui déférer le serment, d’après les dispo
sitions du Code civil.
Troisièm em ent. Enfin des répétitions d’une autre
nature, énoncées encore dans la déclaration du
février 1 8 r i Le sieur Maignol rappelle dans cette déclaration,
q u ’il a fourni à Me Jeudy plusieurs objets mobiliers,
tels que table de je u, chaises, tonneaux, e t c . . . ; plus,
3
vingt-cinq pots de vin.
Il y prétend que Me Jeu dy a retiré une quantité
de bois de corde, d ’ une portion du bois de Cosme,
qui appartenait au sieur Maignol;
Que Me Jeu dy a jou i, pendant plusieurs années, à
moitié fr u i t , de la vigne du sieur Maignol, sans lui
rendre jamais aucun compte de la récolte; q u ’enfin
Mc Jeudy avait fait arracher cette vigne, ce qui la
mit hors d ’état de reproduire pendant plus de dix ans.
Les observations qui précèdent doivent s’appliquer
aussi à ces dernières réclamations.
Cependant les demandeurs pourraient parvenir à en
justifier une partie, par la preuve testimoniale. L a
déclaration du 4 février 1 8 1 1 indique même des
témoins des faits que le sieur Maignol reprochait au
sieur J e u d y ; mais, il faut le dire, ces réclamations
sont trop peu importantes, pour que l'on y trouve la
nécessité de faire des frais considérables. On déférera
f
donc encore, sur ce poin t, le serment a M° J e u d y s
dans le cas de dénégation.
�(
33
)
S ’ il reconnaît, au contraire, l ’exaclitude des faits
attestes, par le sieur Maignol, le tribunal pourra fixer
d ’office la valeur des différens objets mobiliers ou
dégradations dont il s’agit; et les héritiers Maignol
souscrivent d ’avance a l ’évaluation qui en sera faite.
E n fi n , il faut remarquer que Me Je u d y doit encore
aux héritiers Maignol les intérêts de ces différens objets
de réclamation, à partir de chaque réception ou per
ception de sa part; et il ne saurait s’élever aucune
diffi culté bien sérieuse sur l ’allocation de ces intérêts.
C ’est donc le compte demandé, qui seul pourra
faire connaître la véritable situation de Me Je u d y avec
les héritiers Maignol.
Dès-lors on croit inutile de s’ arrêter plus long-tems
à l ’examen de la demande formée contre Me Je udy
personnellement, et l ’on va s’occuper de celle dirigée
contre l u i , comme héritier de la dame sa sœur.
S III.
D em ande contre la succession de la dam e J e u d y
3
d écédée v eu v e M a ig n o l.
Cette demande a pour objet d ’obtenir enfin de
Me Jeu dy la restitution et le délaissement de tous les
biens meubles et immeubles faisant partie de la
succession du sieur Maignol, et dont la dame Jeudy
sa veuve a conservé l ’ usufruit jusqu’à son décès, en
vertu du testament du 20 jauvier 1 8 1 1.
S ’ il fallait s’en rapporter aux conclusions signifiées
par Me J e u d y , la succession du sieur Maignol serait
5
�(
34
)
purement idéale; on si Mc Jeu d y convient que le sieur
Maignol avait acquis des biens à Nolianent, il s’em- »
presse d ’ajouter que ces biens n’ont été acquis q u ’en
remploi du prix des biens dotaux de la dame Je udy sa
sœur, ou de sommes appartenant à cette dernière,
que le sieur Maignol avait touchées en qualité de mari.
Mais lors du décès du sieur Maignol , sa veuve
n ’avait pas tenu ce langage; et d ’ailleurs les titres
abondent pour établir les droits et les reprises des
héritiers Maignol.
L e testament du sieur Maignol constate, à n ’en
pas douter, q u ’il avait à Nolianent des biens meubles
et immeubles, à lui propres, et distincts de ceux de
son épouse. Pourrait-on récuser ce testament, que la
dame Je u d y a exécuté, dont elle a profité jusqu’à son
décès ?.......
L ’inventaire, fait le 12 mars 1 8 1 1 , constate l ’exis
tence d’ un mobilier considérable; et il est prouvé, par
l ’acte du i
3
septembre suivant, que la dame J e u d y ,
veuve Maignol, en avait conservé une partie en nature;
que le surplus avait été vendu publiquement, et avait
produit une somme de 2875 francs , somme retenue
aussi par la dame Jeudy, pour en jouir, comme usufrui
tière , jusqu’à son décès.
Les actes nombreux d ’acquisition , produits par les
héritiers Maignol, sont autant de titres qui constatent
l ’existence des immeubles de la succession.
Pendant la durée de son mariage, le sieur Maignol
avait acquis des biens situés à Nolianent, indivis entre
son épouse et Me Jeudy lui-même : ce sont les droits
�(
35
)•
5
1 85
successifs compris dans la cession du
janvier ^ .
Celte première acquisition avait été faite dans l ’intérêt
de la dame Jeudy seule.
Il avait acheté aussi, à différentes époques, d’autres
immeubles situés dans la même commune de Noha
nent. Ces dernières acquisitions lui étaient propres et
personnelles; il les avait faites p o u r lu i et les siejis;
le prix en a été payé de ses deniers.
Ce n ’est pas sérieusement, sans doute, q u e , dans
ses conclusions signifiées, Me Je u dy a prétendu que
toutes ces acquisitions indistinctement doivent être
considérées comme faites uæorio nom ine, et que toutes
doivent profiter à la succession de la dame Je u d y q u ’il
représente.
On conçoit facilement tout l ’intérêt que l ’adversaire
pourrait avoir à soutenir un pareil système. Se main
tenir en possession de tous les biens acquis; profiter
de l ’augmentation de valeur q u ’ ils ont reçue depuis
l'acquisition, et, pour la restitution du p r ix , ren
voyer les héritiers Maignol a un compte : tel est évi
demment le but que l’on se serait proposé ; car on
prétend, sans en fournir aucune preuve, que ces biens
n ’avaient été acquis q u ’en remploi de biens dotaux,
prétendus aliénés par le sieur Maignol.
Quoi q u ’il en soit, ce système de défense donne lieu
à une distinction très-importante entre ces différentes
acquisitions ; et les contestations qui s’y rattachent ne
pouvant être décidées de la même manière, on va les
examiner séparément.
�B ien s acquis de M c J e u d y , le
5 ja n v ie r
5
i 78 .
5
On a déjà dit que la cession du
janvier 17 8 5 fut
consentie par Me Jeu dy à la dame sa sœur, épouse du
sieur Maignol, et au sieur M a ig n o l, audit nom de
m ari : tels sont les termes de la cession.
L ’on sait aussi q u ’en Auvergne, la femme, mariée
sous le régime dotal, ne pouvait faire aucune acquisi
tion pendant le mariage, à moins que ce ne fut en
remploi de ses deniers dotaux; et, d ’après ce principe,
tous les biens acquis par la femme étaient considères
comme la propriété du mari.
D ès-lors la circonstance que la cession aurait été
consentie à la dame Jeu dv serait fort indifférente, si
elle était isolée.
Mais les biens meubles et immeubles compris dans
cette cession provenaient des père et mère de la dame
J e u d y ; iis étaient indivis entr elle et le vendeur. De
plus, il est ajouté, dans l'acte, que la cession est faite
par forme de licitation et partage*
Cette dernière raison seule, d ’après la jurisprudence
ancienne que l ’article i/j.o8 du Code civil a érigée en
l o i , peut faire considérer l ’acquisition dont il s ’ a g i t
comme faite uæorio nôm ine, et ne devant profiter q u ’à
la dame Je udy ou à son représentant.
Ain si, les héritiers Maignol ne contesteront pas la
prétention de Me J e u d y , en ce qui concerne tout ce
qui a pu faire partie de la cession du janvier 17 8 5 .
5
Mais par cela même, Me Jeudy doit leur restituer
�37
(
)
toutes les sommes q u i , sur le prix de cette cession, ont
été payées par le sieur Maignol, et de ses deniers
personnels.
Pour asseoir une opinion sur ce point, il faut se
rappeler que le prix de la cession du janvier 1 7 8 $ ,
porté seulement à ^5oo fr. dans l ’acte authentique,
était réellement de la somme de 10,000 liv. ainsi q u ’il
est expliqué par la correspondance de Me J e u d y , et
5
notamment par sa lettre du 2 août 1 7 8 5 , dont on a
parlé dans le récit des faits.
Il résulte encore de l’acte du
5 janvier
17 8 5 que le
55
sieur Maignol paya comptant une somme de
oo liv.,
dont 1000 liv. seulement des deniers dotaux de la dame
Jeu dy son épouse; et la lettre que l ’on vient de citer
constate enfin que Me Je udy avait touché de Chalamet
la somme de
3 ooo
livres sur le prix de la maison
de Clerm ontj d ’où. il suit que sur le prix de la
cession de 1 7 8 5 , la somme de 4 ° ° ° livres aurait été
payée des deniers dotaux de la dame J e u d y , épouse
Maignol.
Quant aux autres sommes payées plus tard sur le
prix de cette acquisition, elles l ’ont été des deniers
personnels du sieur Maignol, et l’on trouve la preuve
de ces divers paiemens dans celte même lettre du
2 août 1 7 8 5 , quoique d ’ailleurs elle contienne des
erreurs de calcul q u ’ il sera facile de relever, lors des
comptes à faire entre les parties.
Ainsi MeJeudy devra restituer aux héritiers Maignol,
ou leur faire compte pour cet objet de la somme de
�(
38
)
6ooo l i v . , réellement payée par leur auteur sur le prix
de la cession de 1 785.
Il devra de plus leur faire compte des intérêts de
cette somme, à partir de l ’époque du décès du sieur
Maignol jusqu’au réel paiement.
L ’on dit ci p a rtir du d é c è s , parce q u ’étant reconnu
que la dame Je u d y était seule propriétaire des biens
compris dans la cession du
janvier 1 7 8 5 , parce que
l'acquisition avait été faite uæorio nomine , il faut en
5
conclure que dès l ’instant du décès de son m a r i , elle
s’est trouvée devoir à la succession de ce dernier toutes
les sommes q u ’il avait payées pour elle sur le prix de
cette acquisition; et s’ il est vrai que par son testament
du 20 janvier 1 8 1 1 , le sieur Maignol eut légué à son
épouse l ’ usufruit de ses biens, il est certain aussi que
cet usufruit n em brassait c/ue les biens m eubles et
im m eubles situés dans la com m une de Nohanent.
Mais le sieur Maignol n ’avait point soumis à cet
usufruit l ’or et l ’argent monnoyé, non plus que les
créances qui pouvaient lui appartenir.
Cela résulte clairement d ’ une dernière clause de son
testament, dans laquelle, après avoir légué la propriété
de tous ses biens à ses héritiers naturels, le testateui
ajoute : q u ’ils ne pourront néanmoins jouir des pro
priétés de Nohanent, et du mobilier des maisons de
Clermont et de Nohanent, q u ’après la cessation de
l ’ usufruit de son épouse.
Ces intérêts ne sauraient donc être raisonnablement
contestés,
�A u iïe s acquisitions fa ite s p a r le sieu r M à ig n o l.
6'i la jurisprudence a posé en principe que la femme
avait le droit de profiter de l’acquisition faite par son
m ari, de biens indivis entr’elle et le vendeur, la raison
principale en est q u ’ une pareille vente doit être consi- dérée comme un véritable partage, ou une licitation
au moyen de laquelle la femme cohéritière, ou co-propriétaire, qui avait déjà une portion indéterminée
dans l ’immeuble vendu (p a rs in toto et in qu dlib et
p a r te ) , devient propriétaire du tout, à la charge par
elle de payer à son cohéritier une partie du prix auquel
les parties sont présumées avoir fixé la valeur de la
chose indivise.
Cette décision est conforme a cet autre principe
d’après lequel, par l ’eiTet rétroactif que la loi donne
aux partages et licitations, chacun des co-partageans
est censé avoir succédé immédiatement au défunt pour
tout ce qui lui est attribué par reflet du partage.
(C o d . civ., art.
).
883
De même , le cohéritier auquel reste l ’ immeuble
indivis, par suite de vente ou de licitation, est censé
avoir succédé immédiatement au défunt pour la totalité
de l 'héritage dont il devient acquéreur ou adjudica
taire, à la charge de payer à ses cohéritiers leur part
clans le prix ^ il est censé n ’avoir ricm acquis de ses
cohéritiers, qui eux-mêmes, sont censés remplis du
droit indéterminé qu ils avaient dans la succession par
la portion du prix que 1 adjudicataire est tenu de leur
donner, et n ’avoir jamais eu aucune part dans l ’héri-
�(
4o
)
45
tagelicite. (Polluer, Traité de la communauté, n°s 1 ,
i o, Toullier, tome i î , nos 1
et suivans).
Mais cette fiction de la loi ne peut avoir lieu,
q u ’autant q u ’avant l ’acquisition faite par le mari, la
5
55
femme avait déjà un droit quelconque, indéterminé,
dans l ’héritage par lui acquis; q u ’autant q u e , lors
de la vente, cet héritage était encore indivis en lr ’elle
et le vendeur. C ’est le seul fait à constater, pour que
l ’on puisse faire l ’application de ces principes; et il est
évident que si un partage avait eu lieu précédemment,
la vente ne pourrait profiter q u ’au mari. Ce partage
aurait déjà fixé les droits de la femme et ceux de son
cohéritier vendeur. Ce dernier vendrait alors des
droits certains} devenus sa propriété exclusive.
Dans l ’espèce, c’est d ’après ces principes que la
5
cession du
janvier 1 7 8 5 doit profiter à la dame
J e u d y , parce q u ’ il est certain que les biens compris
dans la vente du
janvier 178G» étaient indivis entre
5
la dame J e u d y , épouse Maignol, et son frère; mais il
est certain aussi que tous les autres biens acquis par
le sieur Maignol ne faisaient point partie du patri
moine de la famille J e u d y , et sur-tout q u ’ils 11’étaient
pas indivis entre la dame Jeudy et les différens étran
gers qui les ont vendus.
Comment, dès-lors, pourrait-on prétendre que ces
biens ont été acquis uæorio n o m in e?.......Quel motif,
ou plutôt quelle disposition pourrait-on trouver dans
la loi, pour établir cette étrange prétention?
Le sieur Maignol a figuré seul dans les contrats
d ’acquisition. Il a acquis p o u r lu i çt les sien s, et non
�( 41 )
pour son épouse; il a payé de ses deniers personnels.
Peu importerait q u e , pendant le mariage, le sieur
Maignol eut reçu quelques sommes appartenant à son
épouse. Observons que rien ne justifie encore cette
assertion de Mc J e u d y ; mais, fùt-elle prouvée, ce ne
serait pas une raison de décider que les biens dont il
s’agit ont été acquis en remploi des sommes que le
sieur Maignol pourrait avoir reçues.
L e remploi ne se présume point; il faut q u ’ il soit
exprimé; il f aut , de p lus, q u ’ il soit formellement
accepté par l ’épouse. D ’ailleurs la succession de la dame
Je u d y aurait une action particulière contre les héri
tiers Maignol, pour ses reprises matrimoniales; mais
elle n ’a aucun droit à la propriété de ces biens.
L a dame Jeudy l ’a bien reconnu elle-même, après
le décès de son mar i ; elle n’a point réclamé la pro
priété des immeubles acquis par le sieur Maignol; elle
en a joui comme simple usufruitière, en exécution du
testament de ce dernier. Si la dame Je u d y eût été pro
priétaire de ces immeubles , sur quels biens aurait
donc frappé son usu fruit?. .. E t , dès-lors, puisqu’elle
a accepté cette qualité d ’ usufruitière^ en exécutant à
son profit le testament du sieur Maignol, il est évident
q u ’ il s’élève une fin de non recevoir insurmontable
contre la prétention de Me Je u d y , son héritier, à la
propriété des biens acquis par le sieur Maignol.
Il faut le reconnaître : tous ces biens appartiennent
à la succession de ce dernier; ils en sont même la partie
la plus considérable.
Il faudra donc q u ’ils soient, divisés entre les liéri-
G
�4
( » )
tiers Maignol; et les experts pourront facilement les
distinguer des biens patrimoniaux de la dame J e u d y ,
quoique les uns et les autres soient situés dans le même
l i e u , et n’aient fait pendant long-tems q u ’ un seul
corps d ’exploitation.
Les conclusions des héritiers Maignol contre MeJe u d y,
en rapport de ces immeubles au partage, sont donc
pleinement justifiées.
Enf i n, il doit être condamné à y rapporter aussi
les jouissances q u ’il en a perçues depuis l ’année 1 8 1 9 ,
époque du décès de la dame Je udy sa sœur, jusq u’au
réel désistement; les dégradations par lui commises,
le mobilier de toute nature, dont la dame Jeudy avait
conservé l ’ usufruit, et les intérêts du tout, ainsi que
de droit.
D em an de d'u n e provision.
Les héritiers Maignol, dans l ’état actuel des choses,
ne sout-ils pas bien fondés à réclamer une provision
de la somme de 10,000 francs?
Les faits que l ’on vient d’exposer prouvent claire
ment que Me Je udy est leur débiteur de sommes trèsconsidérablcs, soit de son chef personnel, soit comme
héritier de la dame Je u dy sa sœur.
Us prouvent encore q u ’il est tenu
de
leur
restituer
les jouissances de près de dix années des biens de la
succession
Maignol ,
situés
dans
la
commune
de
Nohanent.
k
1.
Il
est évident, d ’ailleurs, que le procès qui divise
les parties ne peut être mis îi fin, sans q u ’il soit procédé
à un compte^ à une expertise, opérations longues et
�( 43 )
dispendieuses, q u i , sans doute, donneront lieu à
quelques incidens; et, dans cette occurrence, il ne serait
pas juste que les héritiers Maignol fussent obligés de
faire les avances de tous les frais que peut nécessiter
l ’instance; il ne serait pas juste q u ’ils fussent privés
plus long-tems de toute participation aux revenus ou
intérêts des biens meubles et immeubles qui composent
la succession du sieur Maignol.
Si donc l ’on prend en considération, et l ’ importance
des sommes principales qui sont dues par Me J e u d y , et
le nombre des héritiers Maignol, il est impossible de
taxer d ’exagération la somme à laquelle ils ont fixé la
provision qui leur est due ; et l ’on pense q u ’ il est
absolument inutile de rien ajouter sur ce point.
Les héritiers Maignol ont cherché à présenter avec
ordre les faits dont la connaissance leur parait indis
pensable pour la décision de cette cause : c’est le
principal but q u ’ils se sont proposé en faisant imprimer
ce Précis. Il suffit, en effet, de les avoir expliqués tels
q u ’ ils résultent des actes produits, pour avoir fait
apprécier déjà toute, la justice de la réclamation des
héritiers Maignol. Us attendent donc, avec la plus
grande confiance, la décision qui doit justifier leur
demande.
D E CHAUMONT.
Pour les héritiers Maignol, •!
BOUTAREL.
Me J . J . C H I R O L , A vo c a t.
M* J O H A N N E L , A v o u é .
RIOM , IM P R IM E R IE DE SALL ES FILS , PRES L E PAL AIS DE J U S T I C E ,
�
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A name given to the resource
Factums fonds privés
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Title
A name given to the resource
[Factum. Maignol, Adèle. 1834?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
J.-J. Chirol
Johannel
Subject
The topic of the resource
partage
jouissance des biens hérités
contrats de mariage
ventes
indivision
actes sous seing privé
créances
experts
désenclavement
successions
testament olographe
enchères
partage
usufruit
Description
An account of the resource
Mémoire pour dame Adèle Maignol et le sieur Martinat de Chaumont son mari, propriétaires, demeurant à Landogne; Le Sr. Bouyon, ancien receveur de l'enregistrement; Le sieur Bouyon-Lafont, receveur de l'enregistrement à Pontgibaud; La dame Bouyon et le sieur Boutarel son mari, juge de paix à Pontgibaud; La dame Bouyon et le sieur Cluzel son mari, notaire à Chapdes; Et autres, héritiers de dame Marie Maignol, décédée épouse du sieur Bouyon, notaire à Bromont; La dame Marie-Gilberte Maignol, veuve de M. de Pannevert, demeurant au Puy-Saint-Gulmier; La dame Marie-Gilberte Maignol et le Sr Legay son mari, ancien notaire, demeurant à Pontgibaud; Tous héritiers de sieur Antoine Maignol, ancien receveur général à Clermont, demandeurs; Contre M. Joseph-Antoine Jeudy-Dumonteix, ancien jurisconsulte à Clermont, défendeur
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1830
1780-1830
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV07
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Nohanent (63254)
Landogne (63186)
Pontgibaud (63285)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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actes sous seing privé
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Créances
désenclavement
enchères
experts
indivision
jouissance des biens hérités
partage
Successions
Testament olographe
usufruit
ventes
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MÉMOIRE
^ y?
POUR
L e s s ie u r s A nnet et M
ichel
B O N H O U R S , d ame A
nne
BONHOURS
et le s i e u r J e a n - B a p t i s t e C E L M E , son m a r i , et le s i e u r L o u i s COUR
B O N H O U R S , t u t e u r l é g a l d e ses e n f a n s m i n e u r s , to u s p r o DE
p r i é t a i r e s , h a b i t a n s la v i l l e d e M o n t f e r r a n d , Intimés;
-—
CONTRE
D a m e A n t o i n e t t e B R U N , veuve en premières noces du sieur
G u i l l a u m e B U J A D O U X , et sieur J o s e p h V E R N I E T T E ,
son second m a r i , marchands , demeurant en la 'ville de
Clermont , Appelans.
S ans d o u t e , le droit de transmettre sa fortune à un héritier de
son choix est u n des droits les plus précieux de la société. Tout
acte qui renferme l ’exercice de ce droit, lorsqu’il se présente revêtu
des formes légales et des caractères de la sincérité, mérite la pro
tection de la justice.
Mais aussi la justice frappe toujours de sa réprobation l ’acte
mensonger que l ’on ose faire apparaître sous les couleurs de la
vérité. E lle sait déjouer les manœuvres criminelles, à l ’aide des
quelles on voudrait substituer la fiction à la réalité.
Dans le procès qui s’agite, la dame V er n ie tte , égarée par une
basse cu pi dité, n ’a pas craint de s’arroger la qualité de légataire
universelle du sieur B r u n , son frère. On l ’entend dire et répéter
(que c ’est là un don de la gratitude, de l ’amitié fraternelle. A l ’en
tendre, que n ’a - t - e l l e pas fait pour la mériter! Soins attentifs,
égards , peines , sacrifices , rien n ’a été épargné pour embellir
l ’existence du sieur Brun , ou p o u r la soulager dans les tristes
années d ’une vieillesse infirme.
Q ue faisaient pendant ce tems-là les enfans Bonheurs, neveux
du sieur B r u n ? Ils oubliaient leur oncle, qui disait, s’ il faut en
croire la darne V e r n ie t te , avoir depuis long-tems à s’en plaindre.
C e langage de la dame Verniette respire l ’exagération et la ca
lomnie. Il est démenti par les nombreux élémens de la cause.
La correspondance du sieur Brun , les enquêtes, sagement a p
préciées, réduisent à leur juste valeur les assertions de la dame
Verniette. C e q u ’elles apprennent, c ’est que la dame Verniette,
en attirant son frère à C le r m o n t , eu le recevant chez elle, était:
�w
.
( * >
dominée par l ’arrière-pensée de s’emparer de toute sa fortune. E lle
savait q u ’ il chérissait les enfans Bonhours, ses neveux ; elle chercha
à les lui rendre odieux. Elle prit soin de les éronduire, toutes les
fois q u ’ils se présentaient pour rendre leurs devoirs à un bon parent.
Doux et tim id e, affaibli par les souffrances', et privé souvent de
l ’usage de sa raison, le sieur Brun était entièrement sous la domi
nation de sa sœur : elle le tenait en charte privée.
C e t état moral ne permettait pas au sieur Brui', de nommer un
héritier testamentaire, quand il l ’eut voulu.
Non; jamais il ne voulut donner tout son patrimoine à la dame
V er n ie tte , et dépouiller ainsi de leur part les Bonhours, ses neveux,
dont il n ’avait point eu à se plaindre. Jamais, dans sa nombreuse
correspondance, dans ses propos, il 11e laissa pressentir une pareille
disposition.
Aussi l ’étonnement fut général, quand on parla dans le public
d ’un testament olographe, qui attribuai t à la dame Verniette toute
l ’ hérédité du sieur Br u n . On ne pouvait y croire : chacun voulait
voir cette pièce.
Tous ceux qui la virent soupçonnèrent sa sincérité; elle apparut
comme une œuvre de fraude.
Les enfans. Bonhours durent l ’a tt a q u e r, par respect même pour
la mémoire de leur oncle. S ’ ils eussent gardé le silence, on aurait
pu l ’accuser d ’injustice a leur égard.
Si le blâme de la société retombe sur la dame V e r n ie t te , elle ne
doit l ’imputer q u ’à elle-méinc. Pourquoi tant d ’avidité? N ’était-ce
pas un assez beau lot que la moitié d ’ une succession qui s’élève à
plus de Go,000 fia lies ?
L ’écrit informe sur lequel elle fait reposer sa prétention n ’a pas
été tracé par la main du sieur Brun . Il n’émanerait pas dans tous
les cas d ’ une volonté libre.
L a vérification qui en a été déjà faite par experts 11e mérite point
de confiance. Les premiers juges l’ont rec onnu’, ils en ont ordonné
une nouvelle.
La p reu ve , qui avait été offerte par la dame Verniette et or
donnée par la C o u r , n ’a point été administrée*, au contraire, le
résultat de celte mesure ajoute encore aux moyens qui tendent à
démontrer la fausseté ou l ’illégalité du testament attaqué.
FATTS.
L e sieur Brun , chirurgien à Montferrand, avait eu trois enfans,
un fils et deux tilles. __________
�T ^ J
Antoinette B r u n , l ’une de ces filles, s’était mariée en premières
noces avec le sieur Bujadoux; en secondes noces, elle est devenue
réponse du sieur Verniette. Ces époux soilt appelans dans la cause.
iV!ici)elle B r u n , sœur de la dame Verniette, avait épousé le sieur
Bonliours, propriétaire à Montfcrrand. Elle est décédée depuis
plusieurs années, laissant cinq enfans, qui sont les intimés.
L e sieur B r u n , frère des dames Verniette et Bonliours, est dé
cédé, sans postérité, depuis 1824. Leu r père était mort quelques
années auparavant.
La surcession du sieur Brun fils est assez considérable- elle est
toute mobilière. Elle se compose du bénéfice de son commerce du
fruit de ses économies et de la valeur de sa part dans l ’hérédité
paternelle.
L a dame Verniette a fait apparaître un prétendu testament,
sous la forme olographe, qui lui assurerait l ’intégralité de la suc
cession de son frère. C ’est l ’appréciation du mérite de ce testament
qui fait l ’objet du procès.
L e sieur Brun fils avait été d ’abord élève en pharmacie. Il aban
donna cette carrière pour embrasser le commerce, et vint demeurer
à Paris en 1802. Il choisit la commission. Il expédiai-t les diverses
sortes de marchandises q u ’on lui demandait. Originaire de Montferrand, les envois de marchandises q u ’il faisait à C l e r m o n t durent
être fréquens, et ses recouvremens dans la même proportion , ce
qui mult iplia les relations q u ’il eut avec cette ville durant un grand
nombre d ’années.
Les élémens de la cause n ’apprennent point quelles furent pen
dant long-tems les personnes chargées de sa confiance à Clermont.
Seulement ia dame Verniette produit plusieurs lettres dont les dates
sont postérieures à 1820, et desquelles il résulte q u ’aux tems où ces
lettres étaient écrites, la dame Verniette était chargée par le sieur
B r u n , son frère, de faire quelques recouvremens. Il l ’accuse même
par fois de négligence à ce sujet.
C e n ’est assurément pas 1111 sentiment de prédilection qui portait
le sieur Brun à s’adresser quelquefois à la dame Verniette pour
l ’aider dans ses recouvremens. Il 11e pouvait la préférer à la dame
Bonliours, qui était alors décédée depuis long-tems; et celte der
nière eu t-e lle vécu, comme elle habitait Montferrand et que sa
famille était nombreuse, elle n aurait pu servir les intérêts du sieur
B r u n , sou frère, sans nuire beaucoup aux siens; inconvénient qui
ne*se rencontrait point à l ’égard de la dame Ver niette, qui a tou
jours habité Clermont.
�I
T T T
L a clame Verniette veut s’emparer exclusivement île l'affection
(le son frère. Toujours, dit-elle, exista entr’eux la plus vive amitié;
amitié q u ’avait entretenue un échange mutuel de soins, de services
et d ’attention , et qui engageait le sieur Brun à venir de tems en
tems à Clermont pour passer quelques semaines avec elle.
A u contraire, dit-elle encore, les rapports du sieur Br un avec la
dame Bonhours et sou époux étaient nuls ou peu agréables; il
éprouvait même pour eux une sorle cl’éloigneinent , dont i l est
in u tile de -rechercher les causes, mais q u ’il a manifesté dans p l u
sieurs circonstances.
C e langage, suggéré par une Lasse c u p i d ité , est outrageant pour
la mémoire de la dame Bonhours. Il est hautement démenti pur
diverses lettres que rapportent les intimés, et qui renferment des
témoignages d ’affection et de confiance de la part du sieur B run
pour les époux Bonhours et leurs enfans; démenti encoie par les
nombreux témoignages invoqués pour éclairer la justice, il n est
rien moins que justifié par la correspondance dont se prévaut la
dame Verniette. O ù sont donc les preuves de sa perfide allégation?
Quelles sont donc les circonstances qui manifestent Véloignem ent
q u ’elle suppose avoir existé entre le sieur Br un et les époux Bon
hours? On la défie même d ’indiquer des causes qui eussent dû
amener ce prétendu-éloignement.
E lle a calomnié la mémoire deson frère.Non, il n ’eut paspour elle
une amitié exclusive. O u i , la dame Bonhours, son époux et ses
enfans , ont partagé son affection , et n’ont rien fait pour démériter.
L o r s q u ’ il venait en Au vergne, avant la-mort de sou p è r e , il té
moignait à ses sœurs une égale affection; et s’il avait quelque pré
férence , c’était pour la dame Bo n h o u r s, bonne mère et bonne
épouse. Tantôt à Montferrand, chez son père ou chez sa sœur; tan
tôt à C le r m o n t , chez la dame Bu jadoux (depuis Verniette), et chez
des amis, il recevait partout un bon accueil.
A u voyage q u ’il fit en 1818 pour le partage de l ’ hérédité pater
nelle, il résida à Montferrand plus long-tems q u ’à Clermont. La
veille de son arrivée était décédée la dame Bonhours, sa sœur; il
en témoigna les plus vifs regrets à son .beau-frère.
11 faisait des cadeaux à la dame Bonhours, à sou époux et à ses
enfans. Il en recevait d ’eux. C ’était ordinairement quelques fûts
tie vin blanc., quelques paniers de pommes choisies que sa sœur et
son bcait-lrèie lui adressaient à Paris. La vérité de cette allégation
est établie par su correspondance avec, les époux Bonhours.
La mort de la dame Bonhours lui causa beaucoup de chagrin. Il
�----------------------------- m
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témoigna sa douleur à son beau-frère. Il le plaignit, en l ’assurant
de son inaltérable amitié, avec ce ton de sincérité qui part du cœur.
C e t événement, si funeste pour les en fans Bonhours, livra le
sieur B r u n , leur oncle, à toute l ’obsession de la dame Verniette.
L ’amitié q u ’il portait aux neveux, bien q u ’elle lut sincère, ne
pouvait pas être aussi vive que celle q u ’il avait eue pour leur mère:
il les connaissait moins.
La dame* V e r n i e t t e , qui convoitait la succession du sieur B r u n ,
craignit moins alors de voir déjouer ses manœuvres pour éloigner
les eu fans Bonhours et leur enlever l ’aiFection de leur oncle. Elle
cherchait à l'aire parade d ’un atLacheinent sans bornes pour un
frère qui sans doute lui laisserait en récompense toute sa fortune.
On ne doit pas s’étonner si, postérieurement à 1820, la correspon
dance du sieur Brun est plus active avec la dame Verniette q u ’avec
le sieur Bonhours et ses enfaris. Une sœur, qui montrait tant d'a
mitié et un zèle aussi apparent pour les intérêts de son frère, de
v a i t , par rapport à ces intérêts, l ’emporter sur des neveux à qui
leur grande jeunesse et leur position 11e permettaient pas de rendre
service à leur oncle. Mais cette correspondance ne prouve p o i n t ,
elle n’indique pas même que son affection leur fut aliénée. Il se
souvint toujours q u ’ils étaient les enfans d ’une sœur chérie.
Au mois de lévrier 1821, et non en 1822, comme elle le dit dans
son mémoire, la dame Verniette se rendit à Paris. A l'entendre,
elle accourut en cette ville, n ’écoutant que khi affection et aban
donnant son ménage et son commerce pour venir entourer de ses
soins un frère malade.
On ignore si le sieur Brun était alors malade; plusieurs lettres
' q u ’il écrivait à sa sœur, dans les mois de janvier et de lévrier,
persuadent le contraire; mais ce qui est positif c ’est q u ’elle était
indisposée en arrivant à Paris; que durant le séjour d ’environ deux
mois q u ’elle lit en cette ville, elle éprouva une forte maladie.
Dans une lettre que le sieur Brun écrivait au sieur Verniette son
beau-frère, sous la date du 29 avril 1821 , il lui annonce que la
dame Verniette part de Paris dans deux heures; « il faut croire,
« ajo ut e-t-i l, q u ’elle s’est rétablie bien promptement, et j ’ai fait
« pour le mieux pour vous la renvoyer en bonne santé et en m eilleu r
« et al (¡ue j e ne l ’ai reçue. »
C e n’était donc pus pour donner des soins h son frère malade que
la dame Vcrnielte était venue à Paris, mais bien pour satisfaire sa
curiosité, et plus encore, aiin de faciliter le traitement de la
maladie dont elle se son lait atteinte.
�tq
( c )
•
L e sieur B r u n avait subi plusieurs faillites. L e chagrin q u ’ il en
éprouva altéra sa santé, qui devint de plus en plus chancelante.
Bientôt arrivèrent les infirmités, et il sentit q u ’il était teins d ’a
bandonner le commerce, de liquider ses affaires , et de réunir sa
for tu ne, q ui était toute mobilière, et qui s’élevait à plus de
60,000 fr.
L a dame Verniet te le savait. Trouver le m oyen de s’approprier
cette fortune fixait continuellement son attention. Elle'sollicita son
frère de se retirer à Clermont. E lle offrit de le recevoir chez elle,
et même d ’envoyer son mari pour prendre soin de lui dans son
voyage. C ’est ce q u ’apprennent deux lettres écrites par le sieur
B r u n , les 26 août 1822 et 8 octobre 182,3.
L a i re de ces lettres apprend aussi toute la peine que ressentait
le sieur Brun d ’être forcé d ’abandonner ses habitudes commerciales.
On voit q u ’à ce sujet il a soutenu une longue lutte avec lui-même.
C e n ’est pas lui q u i , par initiative, a résolu de se retirer à C l e r
mont. Il n ’a fait que céder aux instances de sa sœur, et il n ’a fallu
rien moins, pour l ’ y déterminer, que des infirmités croissantes et
diverses attaqu es, qui le plaçaient momentanément dans un état
de paralysie.
En fin le commerce et P a r i s sont abandonnés par le sieur B r u n ,
q u i arrive à C le n n o u t le 2 novembre 1823. C ’est de ce jour q u ’était
d ’abord daté le testament produit par la dame V e r n ie t t e , tant
elle avait hâte de s’assurer sa proie; depuis on a pensé q u u n e date
plus récente, écrite même par surcharge , conviendrait mieux.
Quoi q u ’il en soit, la dame Verniette a fait apparaître un écrit
q u ’elle prétend être le teslameut de son i r è r e , el q u i est ainsi
conçu :
« Ceci est mon tesmament
« J’ institue mon héritière universelle
« Ma sa u r Antoinette Brun
« A C le rmont-Ferrand , le vingt-trois novembre
« Mil huit cent vingt-trois
B R U N ( M iciiei ,)
Bien de plus informe que ce prétendu testament. Il est écrit eu
six ligues, dont, aucune n’occupe la largeur de la page. Plusieurs
mots sont surchargés. On a employé trois sortes d ’encre. L ’écriture
et la signature n'ont aucune ressemblance avec les écritures el les
signatures qui se trouvent dans la nombreuse correspondance du
sieur B r u n , produite au procès.
On ne peut se faire à l ’idée que le sieur Brun qui écrivait assez
.
�7
correctement, et qui avait la prétention de bien écrire, soit l’auteur
d ’un pareil écrit. Il ne l ’aurait pas laissé subsister tel q u ’il est. Il
aurait eu plutôt recours au ministère d ’un notaire, pour exprimer
régulièrement ses dernières volontés.
Cependant le sieur Brun n ’était arrivé à Clermont que pour
être mis en charte privée chez la dame Verniette, q u i , à ce sujet,
avait intimé ses ord es à son mari et à ses enfans. On l ’obsédait :
on voulait l’isoler de ses connaissances, de ses amis, excepté de ceux
qui de vaieut lui parler constamment dans l ’intérêt de la dame
Verniette. On voulait sur-tout empêcher que les enfans Bonhours,
ses nev eu x, eussent accès auprès de lui. On redoutait l'affection
q u ’ il leur portait; on travaillait à les faire oublier.
Malgré tant de précautions pour les tenir éloignés, deux des
enfans Bonhours, l ’ainé et le plus jeune, an premier jour de l ’année
1824 , surmontant tous les obstacles, parvinrent jusqu’à leur oncle.
Vainement 011 avait cherché à les éconduire. Le sieur Brun expritna
son mécontentement de ce que l'on repoussait ses neveux. 11 té
moigna beaucoup de plaisir de les voir, en les engageant à revenir.
Les souffrances physiques avaient affaissé les forces morales dans
la personne du sieur Brun. E t encore ce qui lui restait de f.icultés
intellectuelles était-il absorbé par des assoupissemens fréquens. Si
le sentiment n’était pas encore é t e i n t , sa raison affaiblie le livrait
entièrement à la domination de la dame Verniette. Il la craignait
et tremblait devant elle. On le traitait comme une personne inca
pable de se conduire seule. Quand il sortait la dame Verniette le
faisait accompagner. S ’il échappait à cette active surveillance, ce
qui lui a r r i v a i t très-rarement, 011 faisait courir après lui : on le
cherchait comme un prisonnier qui a brisé ses fers, tant 011 craignait
ou q u ’il ne révélât au public le traitement q u ’on lui faisait subir
et l ’isolement o ï l on le plaçait, si momentanément sa raison pouvait
lui permettre cette révélation, ou q u ’il ne rendit ce même public
témoin de l’absence de sa raison.
Dans une circonstance, étant parvenu à s’échapper, il était
a r r i v é seul chez le sieur Bergougnoux, pharmacien, son ancien ami,
à qui il s’était plaint de ce q u ’on le tenait en charte pr ivée, et
même de ce q u ’on exerçait sur lui des sévices, tandis q u ’au contraire
011 prétendait q u ’il rendait malheureuses les personnes qui l’appro
chaient pour lui donner dès soins.
C ertes, un pareil langage est loin d ’annoncer que les soins que
prétend avoir prodigués la dame Verniette lui avaient mérité
toute la gratitude de sou frère et obtenu son affection exclusive.
*C*
�Il éloigne au contraire la pensée que le sieur Brun ait jamais eu la
volonté d ’oublier entièrement les enfans Bonhours ses nev eu x,
pour assurer à la dame Verniette l’ universalité de sa fortune.
L a dame Verniet te alla plus loin. Elle trouva sans doute avan
tageux q u ’ une partie de cette fortune passât dans ses mains, même
du vivant du sieur Brun.
U n e procuration générale, portant pouvoir de régir et a d m i
nistrer tous biens; de poursuivre le recouvrem ent de toutes
créa n ces; de donner q u it ta n ce , etc., parut un moyen assez
plausible d ’atteindre ce b u t ( O n se rappelle que la fortune du
sieur Brun était toute mobilière); peut-être aussi voulait-on avoir
la signature du pauvre m alade, tracée en présence d ’un officier
ministériel, afin d ’en faciliter l ’imitation.
C ett e procuration est faite selon le vœu de la dame Verniette.
E l l e porte les signatures de M£* Asteix et Costes, notaires recevant.
TJn incident grave se rattache à la manière dont cet acte fut
confectionné. C ’est le sieur Anglade, aujourd’ hui notaire à Cornon,
et alors maître clerc du sieur A s te ix, qui fut chargé de rédiger
l ’acte. Pour le faire, il dut se transporter chez la dame Verniette.
Il trouva le sieur B r u n , m ala de, souffrant, abasourdi. Les
réponses du malade étaient faites péniblement et presque toujours
par monosyllabes. L e sieur Anglade déclare formellement q u ’il ne
vo ulut point rédiger l ’acte sans en référer au sieur Asteix ; ce q u ’ il
aurait fait s’ il eût trouvé le mandant bien portant. Il fallut que le
sieur Asteix, notaire, vint lui-même chez la dame Verniette pour
connaître l ’état du sieur B r u n , q u i , pendant la lecture de l ’a c t e ,
serait tombé dans un assoupissement et n ’aurait signé l’acte
q u ’après l ’assoupissement dissipé. On ne peut q u ’applaudir à la
délicatesse du sieur Anglade. Nous reviendrons plus lard sur sa
déposition et sur celle de ¡VIe Asteix, que nous mettrons en parallèle.
L e sieur Brun mourut le 29 octobre 1824* L ’ homme moraî.
était déjà éteint chez lui depuis plusieurs mois.
La dame Verniette put alors manifester sa prétention. On lui fit
entendre, sans doute, que par un reste de convenance, et peut-être
encore pour éviter des incidens qui contrarieraient ses vues , il ne
fallait pas q u ’elle présentât, elle-même à la justice le prétendu
testament de son frère. C e fut Me F a b r e , notaire à Clermon t qui
fut chargé de ce soin.
Requis par le sieur Bonhours et ses enfans, MM. Costes, juge de
paix, et llozier, son greffier, devaient se transporter dans l’apparteinent où était décédé le sieur Br un , pour y apposer les scellés.
�•
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-- -----------
Mais ils en furent dispensés par la présentation que leur fît du
testament prétendu la dame Vern iette, q u ’assistait un clerc de
M e Fabre.
Toutefois, cet écrit, examiné par ces deux fonctionnaires publics,
fut frappé de leur réprobation comme on le verra plus bas.
Après l ’accomplissement des formalités exigées en pareil cas,
l ’écrit fut déposé dans les mains de M e Fabre, notaire.
Une ordonnance du 3 décembre i 83 o envoya latlame Yerniette
en possession de l ’ hérédité du sieur Brun.
L ’apparition de cet écrit excila l ’étonnement général. Quo iq u’elle
connût l ’avidité de la dame Verniette, la famille Bonhours ne
jüouvait d ’abord croire k tant d ’audace. Il fallut pourtant se rendre
à l ’évidence du fait.
Bieniot elle se mit en mesure de signaler à la justice cette œuvre
de déception, si l ’on osait s’en prévaloir.
Un e assemblée de f a m ill e, réunie le i 5 janvier 1 8 2 5 , autorisa
Bonhours père à réclamer comme tuteur de ses cnfans, le partage
de l'hérédité du sieur Brun. Si dans la délibération du conseil de
fam ille, on garda le silence sur le prétendu testament, c’est q u ’il
n ’était pas encore légalement connu, et q u ’on espérait encore que
la dame Verniette n ’oseraii le produire et en soutenir la sincérité
devant les tribunaux.
L a demande en partage fut formée le 4 février i 8 a 5 .
E t bientôt après, la dame Verniette fit signifier le prétendu
testament.
A la vue de cet écrit informe, le sieur Bonhours et ses enfans
restèrent convaincus de sa fausseté. Ils savaient d ’ailleurs q u ’avant
la date que l ’on avait donnée au prétendu testament, l ’affaiblis
sement complet de ses facultés morales avait laissé le sieur Brun
dans un élat habituel d'imbécillité et même de démence.
lis déclarèrent alors q u ’ils ne connaissaient ni l ’écriture ni la
signature qui constituaient l ’acte produ it, et formèrent opposition
à l’ordonnance d ’envoi en possession. Ils soutinrent en même tems
que l ’état mental du sieur Brun ne lui aurait pas permis d ’exprimer
une volonté libre et éclairée, même en se reportant à une époque
antérieure à la date du prétendu testament.
U n e vériiication fut ordonnée par un jugement du 3 décembre
1825. LeS experts nommés pour procéder à cette opération étaient
les sieurs Im b ert , avoué à C le rm o nt, Bonjour et Cavy_, notaires.
Sans doute, sous le rapport des qualités qui constituent l'honnèie
Jiomme et le rende.it recomrnauduble aux yeux de ses concitoyens;
3
�sans doute aussi sous le rapport du talent qui rend propre h Lien
remplir l ’emploi d o n f o n est inve sti, il e û t été très-difficile de
trouver une plus forte garantie que celle q u ’offraient les trois
experts nommés.
Mais à côté de tous ces avantages ne se rencontraient pas, on
pe ut le dire parce que l ’événement l ’a justifié, les connaissances
spéciales et nécessaires pour bien re m plir’ la mission qui leur était
confiée. L e résultat a prouvé en effet que l ’art plus ou moins
conjectural de vérifier les écritures leur était peu familier.
L e dépôt du prétendu testament au greffe du tribunal civil de
Clerrnont fut suivi d ’un procès-verbal de description sous la date
du 8 avril 18*26."
'
Diverses pièces de comparaison furent présentées. Les unes
étaient authentiques, les autres sous seing privé.
U n procès-verbal du 17 juin admit les unes, rejeta les autres.
Des pièces produites--par les Bonhours, sont admises quatre lettres
des 17 mai et 29 novembre 1 8 1 5 , 18 août 18 18, et 9 janvier 1821 ;
un acte sous seing ptivé du 6 mai 1818 e t , 11 actes authentiques
de différentes dates et portant la signature du sieur Brun.
T.a dame Verniette avait présenté un grand nombre de lettres;
7 seulement sont admises : elles portent les dates des 2 , 2 1 et 3 1
juillet 1821 , 1 1 juillet et l\ octobre même an n ée, 19 juin et
5 novenibie 1.822.
E lle observe que l ’admission des lettres produites est nécessaire
pour faire connaître la différence qui est survenue dans les é a i t u r e s
et signatures du sieur B r u n , à raison des attaques et m aladies
q u ’ il a éprouvées.
Les experts procèdent à la vérification ordonnée. L e u r procèsverbal est dressé. 11 est clos le 11 août 182G.
Jettons-y un coup d ’œil rapide.
L a dame Verniette, clans scs dires aux experts, articulconze faits,
dans l ’espoir q u ’ils y verront autant de-motifs de proclamer la sin
cérité du testament. L ’énonciation de ces faits devant les experts
était inutile : elle ne pouvait avoir pour b ut que de leur rendre
favorable la cause de la dame Verniette.
E lle ajoute que si quelque différence se remarque dans les écri
tures et signatures du sieur B r u n , cela ne provient que des attaques
et m aladies q u ’ il a éprouvées, ce qui est établi par diverses lettres,
dans lesquelles il dii qu il a la main trem blante et q u ’il n’écrit
q u ’avec beaucoup de pe in en t de difficulté.
�Voici maintenant une analyse rapide des opérations des experts
vérificateurs.*
i° Ils remarquent que « la physionom ie , qui résulte de l ’assem, « blage des caractères du testament, s ’éloigne de celle q u ’off.e la
« contexture des onze lettres missives comparées. Cependant en
« descendant dans les détails de la comparaison, on est obligé de
« reconnaître que la conformation de beaucoup de mots entiers et
« de chaque caractère est très-ressemblante à celle des mots sein« blables et des caractères isolés des lettres missives; q u ’ainsi la
« différence de physionomie des caractères paraît provenir de ce
« que celle de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur et clif« j i c u l l e ', tandis que celle des lettres missives annonce une plus
« grande faci ité d ’exécution.»
C ette dissemblance remarquée par les experts était décisive. L a
physionomie de l éc riture, comme celle de l ’homme^ constate
l'identité.
La ressemblance de quelques caractères, de quelques syllabes,
de quelques mots, n ’avait rien de déterminant. L ’imitation aurait
été bien maladroite si elle ne s’était étendue jusques-là. Il es’t donc
facile de trouver dans onze lettres de trois ou quatre pages cha
c u n e , des mots, à plus forte raison, des syllabes, des caractères
ressemblans ; toutefois il suffit du rapprochement de ces lettres,
de leur comparaison avec la pièce arguée de faux, pour faire
ressortir une diflérence matérielle et frappante;
2° Les experts disent que les actes et titres authentiques qui
leur sont produits ne présentent q u ’un seul mot sur lequel ils
aient à porter leur examen; c ’est la signature du sieur B r u n ; et
à L’exception de ce lle apposée sur la minute de la pr o cu r at io n ,,
reçue A sta ix , le l\ février 18 2 4 , toutes les autres signatures, q u i
ont entr elles et avec ce lles q u i terminent les lettres missives ,
beaucoup de sim ilitu d e , en ont très-peu avec ce lle qui se trouve
su r la p iè ce dentée.
Cet te signature de la procuration Astaix a plus particulièrement
frappé l ’attention des experts. « Llle s éloigné, d i s e n t - i l s , du
«' caractère de la signature ordinaire du sieur Br u n ; mais 011 ne
« peut se refuser à lui trouver une grande ressemblance avec celle
« du testament : ils ne doutent pas q u e lle s aient é té toutes d e u x
« produites p a r la même main. »
Ces explications ne sont rien moins que décisives. Elles décèlent
tout l ’embarras des experts pour asseoir leur opinion. Cette opinion
n ’a rien de ferme, lien de positif : elle reste flottante. Toutes les
�i#
.
i 12 )
frvO sîgnatures l^es pièces comparées, excepté celle (le la procuration
^
de 1824? ont beaucoup de similitude entr’elles et en ont très-peu
avec c e lle de la p iè ce déiùée. Encore les experts reconnaissent-ils
que cette signature de la procuration s’éloigne du caractère de la
signature ordinaire du sieur Brun . E t c ’est pourtant par la ressem
blance de deux signatures isolées que les experts ont déterminé leur
opinion. L ’erreur palpable dans laquelle ils sont tombés ressort et
de leur propre langage et des lacunes q u ’offrent leurs opérations.
Nous le prouverons en son lieu ;
3 ° L a comparaison de quelques-uns des caractères qui forment
les mots de la pièce déniée, avec les caractères des lettres missives,
établit aux yeux des experts une conformation peu exacte, quoique
cependant il y ait assez de ressemblance avec d ’autres lettres.
Les experts qui sont entrés dans des détails m in utie ux , et que
les meilleures intentions ont toujours animés, nous nous plaisons
k leur rendre cette justice, les experts ont négligé un objet trèsim p o r tan t, l ’examen des surcharges q u ’offrent plusieurs mots du
prétendu testament, qui est pourtant on ne peut plus laconique;
4 ° Enfin 011 arrive au résumé qui exprime l ’avis des experts; le
voici :
« Par suite de l ’examen et des observations qui précèdent, les
« experts ont formé leur opi nion , et déclaré, à 1 unanimité, q u ’il
« demeure évident p o u r e u x que l ’acte soumis à leur vérification
« a été écrit et signé de la même main qui a tracé les caractères de
« comparaison. »
C er te s, les premières remarques exprimées pa rle s experts, sur
tout cette dissemblance de physionomie q u ’ils avaient si bien re
connue ne semblait pas devoir amener la conclusion q u ’ils ont
adoptée.
La vérification opérée était loin d ’être satisfaisante. E lle ne pré
sentait point à la justice les garanties, qui seules pouvaient en
faire sanctionner le résultat.
L e sieur Bonheurs et ses enfans la critiquèrent. Ils en signalèrent
les lacunes et en démontrèrent l ’insuffisance : une nouvelle véri
fication lut demandée.
Ils offrirent subsidiairement la preuve de différons faits q u ’ils
articulèrent. Parmi ces faits étaient ceux-ci :
Le sieur Brun avait toujours vécu en bonne intelligence avec son
beau-I1ère et ses neveux Bon hou rs ;
E t a n t tombé malade-à la fin do 1 S a3 , le sieur Verniette alla le
chercher k Paris, et le conduisit à C le r m o u t; depuis cette époque,
�( - 13 )
.
.
w
la dame Verniette avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour
éloigner de lui le père et les enfans Bonhours;
La plupart du tems, lorsqu'ils venaient le voir, ils étaient re
poussés avec rudesse;
La dame Verniette le tenait en charte privée, pour empêcher,
autant q u ’il était en elle, q u 'il eût des communications avec ses
parens et amis;
E l l e ' l e maltraitait et il en faisait ses plaintes à ceux qui pou
vaient l ’aborder;
II avait fréquemment des attaques, qui lui faisaient perdre con
naissance, et qui l ’avaient réduit à un état d ’im bécillité.
Ces faits ne sont pas seulement vraisemblables, ils sont vrais et
graves; les enquêtes l ’ont prouvé.
La dame Verniette essaya de les combattre en les présentant
comme erronnés, invraisemblables, non pertinens, en même tems
q u ’elle soutenait que le rapport des experts était tout-à-fait con
c lu an t , et que la justice devait s’empresser de lui en accorder l ’ho
mologation.
Elle fut trompée dans son attente. U n jugement du 2 3 avril 1827
ordonna une nouvelle vérification, et la confia aux sieurs IÎugues,
instituteur et maître d ’écriture à Clermont, et Cailhe et De Murât,
experts écrivains à Kiom.
L a vérification ordonnée sera faite sur les pièces de comparaison
admises entre les parties.
Les experts s’expliqueront sur les surcharges qui existent dans
le testament, notamment sur le mot v in g t, et sur la date qui
existait avant. Us examineront si ce mot vingt a été tracé par la
même main qui a écrit et signé le testament. Ils pèseront enfin dans
leur sagesse les doutes que peuvent faire naître les réflexions
exprimées dans les motifs du jugement.
Ces m otifs , qui sont nombreux, annoncent dans les premiers
juges la conviction que ce testament n ’était pas sincère. On voit
que cette conviction est née de l ’examen qu ils en ont lait euxmêmes, et du rapprochement avec les pièces de comparaison.
Après avoir rappelé, ce qui est vrai, que la science des experlsvérificateurs, en matière d ’écritures et signatures, est conjecturale;
q u ’ils 11e sont obligés d ’adopter leur opinion q u ’autant q u ’elle s’ac
corde avec la leur, et que tout en rendant justice à la moralité et
aux lumières des experts qui ont opéré, leur rapport laisse beau
coup à désirer, les premiers juges expriment les circonstances qui
leur ont fait sentir la nécessité d ’une nouvelle vérification.
�S
A ';-.'
( *4 )
' C ’est d ’abord la conviction que beaucoup de m o ts , beaucoup de
caractères des lettres missives ne ressemblent pas du tout à ceux du
testament ;
Q u ’il y a d ’autant moins lieu de tirer avantage de la ressem
blance de quelques traits, q u ’ il faudrait q u ’un faussaire (Vit bien
maladroit po u r ne pas imiter en quelques points ré critur e q u ’il
cherche à contrefaire;
C ’est que la signature du testament, bien q u ’elle ait paru aux
experts ressemblante à celle de la procuration de 182.4, ne ressemble
en réalité à aucune de celles qui se trouvent sur les pièces de com
paraison; et cependant quelques-unes de ces pièces sont d'une date
peu éloignée de celle du testament : deux entr’autres ne sont anté
rieures que d ’un mois et quelques jours;
Q u e les deux signatures du testament et de la procuration ne
présentent pas de similitude si parfaite q u ’on puisse en induire la
sincérité du testament;
Q u ’il y*a dissemblance de conformation dans la lettre finale ¡7./ \
Q u e le prénom , M i c h e l, qui se trouve à la suite de la signature
du testament, n ’est point contenu dans les autres pièces produites,*
Que*récr itur e du testament, d ’ une exécution plus pénible que
celle des lettres missives, doit, par cette raison, paraître suspecte;
Q u ’il y a dans le testament plusieurs mots écrits sans gène et
avec facilité, notamment ceux de la dernière ligne;
Q ue les experts avaient négligé de parler d ’ un point très-impor
t a n t , celui des surcharges qui se rencontrent dans le testament,
notamment au mot v in g t, qui est écrit en encre plus noire, et q ui
parait couvrir le mot de u x; lequel dernier mot indiquerait le jour
de l’arrivée du sieur Brun à C l e r m o n t , et jetterait du louche sur
la sincérité du testament; car il n’c.'t pas présumable que le jour
même de son arrivée le sieur Br un se fut occupé d ’ un acte aussi
important.
L e laconisme du testament frappe vivement les premiers juges.
Les circonstances ne l ’exigeaient pas, Il parait, au contraire, q u ’il
facilitait l ’ imitation.
Ces motifs, largement déduits par les premiers juges, sont puissans, Si le rapport des oxperts-vérificateurs avait laissé à la dame
Verniette un pressentiment de succès, l’ illusion fut,dissipée par le
jugement qui apprécie ce rapport.
La dame Verniette comprit alors tout le danger d ’ une nouvelle
vérification. Klle 11e pouvait se dissimuler que des circonstances
nombreuses cl entraînantes surgissaient contre la sincérité du tes-
�( -5 )
fit
l a m e n t ; que le seul examen de cette pièce ne pouvait laisser de
doute sur sa fausseté.
E l l e veut de tout son pouvoir empêcher la nouvelle vérification*
elle forme appel du jugement qui l ’ordonne; elle se rattache for
tement au rapport d ’experts, pour lesquels les premiers juges n ’ont
pas eu d ’égard; elle prétend q u ’il est concluant, q u ’il mérite toute
confiance ; cependant elle n ’est pas tellement convaincue de ce
q u ’elle essaie de persuader aux autres, q u ’elle n ’emploie devant la
C o u r ses plus grands efforts à faire admettre la preuve d ’une série
de faits q u ’elle articule comme devant établir la sincérité clu tes
tament. Elle y inet tant d’insistance, la preuve sera si entraînante,
q u ’elle repoussera la nécessité d ’une nouvelle vérification.
L a C o u r , dans sa sagesse, dut ordonner cette preuve.
C ’est ainsi q u e , par son arrêt du i 5 juillet 1829, elle dispose:
« Atten du que, d ’après la nature de l ’affaire et les circonstances
« qui s’y ra t ta ch en t, il ne peut q u ’être utile pour la découverte
« de la vérité, de corroborer l ’existence du testament dont il s’agit
« par des preuves testimoniales; que cette marche est admissible,
« soit dans l ’esprit, soit dans la lettre de la législation romaine et
« de la législation du Code civil:
« Par ces motifs,
« L a C o u r , sans p ré ju d ice des Jin s et moyens , tant de f a i t que
« de droit j qui demeurent réservés aux parties sur le f o n d ,
« ordonne, avant de faire d r o i t , que dans le mois à compter de la
« signification du présent arrêt, faite à avoué en la C o u r , les
« parties d ’Allemand feront preuve, tant par titres que par
« témoins par-devant M. V e r n y , conseiller-auditeur, commis à
« cet effet;
« i° Que la dame Vernietle et ses filles ont soigné le sieur Brun ,
« tant à Paris q u ’à C le r m o n t , pendant les dernières années de sa
« vie, clans les maladies que celui-ci a essuyées, ou à raison de ses
« infirmités;
« 20 Que le sieur B r u n , voulant venir se fixer à C lerm ont à la
« fin de 1823, invita le sieur Vernie!te à venir le chercher à
« Paris, et que le sieur V er n ie tte , cédant à cette invitation, se
« rendit effectivement à Paris et revint à Cle rm on t avec le sieur
« Brun , qui depuis, jusqu’à son décès, a continuellement habité
« avec les époux Verniette;
« 3 ° Q u e le sieur B r u n , depuis son arrivée à Clermont ju sq u’à
« son ‘décès, a reçu et rendu de nombreuses visites et est allé
“ dîner plusieurs fois chez des personnes avec qui il avait eu
�« d ’anciennes relations; que d ’ailleurs il sortait fréquem ment,
« soit pour se promener, soit pour voir ses amis;
« 4 ° Q u ’il a souvent exprimé à diverses personnes son affection
« particulière et sa reconnaissance pour la dame Y e rn ie t ie sa
« sœur, ainsi que sa v o lo n té de lu i donner toute sa fo rtu n e y
« 5 ° Qu e lorsque son testament eut été f a it, ce testament a été
« présenté à des jurisconsultes pour savoir s’il était régulier;
« 6° Qu e depuis la date de ce testament, le sieur Br un a d é cla r é
« p lu sieu rs f o i s q u i l avait d on n é toute sa fo rtu n e à la dam e
« V ern iette sa sœ ur ;
« S a u f aux parties de Godemel (les Bonhours) toute preuve
« contraire dans le même délai, dépens réservés. •>
L a preuve, mise à la charge de la dame Verniette eùt-elle été
complètement faite, n'aurait pas pour conséquence absolue d ’assurer
le triomphe de la prétention de la dame Verniette. Seulement elle
aurait pu la rendre plus spécieuse et entourer de quelque faveur
l ’appréciation matérielle du testament; mais cette preuve n ’a point
été administrée. Si quelques-uns des faits interloqués semblent
établis, d ’autres et les plus importans ne le sont pas. Au contraire,
il ressort des témoignages invoqués que le sieur B run chérissait les
enfans Bonhours comme ses autres parens; q u ’ il n’a jamais rien
d i t , rien fait, qui annonçât de sa part l ’intention de les frustrer
de sa succession; que d ’ailleurs, pendant la dernière année de sa
v i e , l ’affaiblissement de ses facultés intellectuelles ne lui aurait
pas permis d ’exprimer à ce sujet une volonté légale.
L ’analyse des enquêtes amènera aisément la preuve de cette
proposition. Mais comme nous devons suivre l’ordre de discussion,
adopté par la dame Verniette dans son mémoire, nous nous occu
perons en première ligne du rapport des experts.
MOYENS.
L a daine Verniette divise sa discussion en i paragraphes :
i° Examen du rapport des experts;
s>.° Exam en de l ’enquête.
Nous ajouterons un 3 ",e
dont l ’objet sera de démontrer que
le sieur B r u n , au tems de son décès, même à l'époque à laquelle
on reporte la date du prétendu testament, était incapable de lester.
S I".
E x a m en d u rapport des experts.
C e r a p p o r t , dit-on , était aussi satisfaisant que décisif. Puis
arrive l ’éloge obligé des experts, dont l ’opinion est si positive, si
�bien appuyée sur de nombreuses et de puissantes raisons, q u ’elle
mérite toute confiance et ne souffre pas de contradiction. Toutefois
on veut bien descendre ju s q u ’à réfuter les futiles objections que
les intimés ont osé élever contre ce rapport et contre le testament.
C e langage de la dame Verniette, qui affecte beaucoup de
confiance dans la bonté de sa cause, ne peut rendre concluant un
rapport qui ne l ’est pas, ni valable, comme testament, l ’œuvre
d ’un faussaire.
A peine le prétendu testament a-t-il paru, que son état informe
sa contexture insolite fixent l ’attention de tous ceux sous les yeux
desquels il est mis.
M. Costcs, juge de paix , le sieur Rozier son greffier,
M. Chassaing, juge au tribunal civil de Clermont, n’y voient q u ’un
écrit irrégulier et auquel il est impossible d ’accorder quelque
confiance. Ils le frappent de leur réprobation.
Il est difficile, en effet, de ne point s’arrêter à cette opinion,
quand on a vu et examiné l ’écrit; mais du moins n ’y a-t-il pas eu
possibilité de repousser les violens soupçons q u i , dès le premier
moment de son apparition, se sont élevés sur sa sincérité.
L a nécessité d ’une vérification a été reconnue judiciairement.
Il fallait des experts pour l ’op ércr, mais il les fallait capables de
bien remplir la mission qui leur était confiée, c ’est-à-dire, possé
dant les connaissances spéciales qui constituent l ’art de vérifier
les écritures et signatures.
II ne suffit pas que l ’on ait sous plusieurs rapports beaucoup de
ta len t , beaucoup de connaissances, un caractère honorable, une
impartialité qui pe se démentit jamais; avec tous ces avantages, si
l ’on n’a pas les connaissances spéciales qui rendent propres à faire
telle chose, on ne peut convenablement apprécier cette chose.
« Experts sont des gens versés dans la connaissance d ’une science,
« d ’ un a r t , d ’ une certaine espèce de marchandises ou autres
« choses, lesquels sont choisis pour faire leur rapport sur quelque
« point de f a it, d ’où dépend la décision d ’une contestation, et
« q u ’on ne peut bien entendre sans le secours des' connaissances
» fjui sont pro/uns a u x personnes d ’une certaine profession..........
« Par exemple, s’il s’agit de vérifier une écriture, on prend pour
<« experts des maîtres écrivains, et ainsi des autres matières. »
Encyclopé die, verbo experts.
Même avec les connaissances spéciales en matière de vérification
d ’écritures, il est facile de s’abuser sur la ressemblance; à plus forte
�ï
.
) 1 }
raison, en est-il de même si l ’on est étranger ou peu familier avec
ces connaissances.
C ’est ce qui a fait dire à M. T ou ll ier, droit civil, tome 8 de la
troisième édition, page 8/jG, n° 2 3 5 . « Rien en général de plus
« incertain, rien qui soit si peu digne de déterminer l'opinion,
« que l’avis donné par les experts sur la comparaison des écritures,
« lorsqu’il n ’est pas soutenu par d ’autres preuves, au point q u ’on
« doit moins le considérer comme une preuve que comme une
« simple présomption, comme un moyen qui peut éclairer le
•« magistrat et le guider dans la recherche de la vérité. »
De l à , cette conséquence forcée que plus il y a d ’incertitude pour
obtenir un bon résultat d ’ une pareille opération, plus il importa
d ’être sévère sur le choix des expeits qui doivent en être chargés.
Cett e sévérité n ’a point été apportée dans le choix des experts
auteurs du rapport critiqué. Faute de connaissances spéciales, ils
ont évidemment mal rempli la mission qui leur était confiée. L e u r
manière d ’apprécier le prétendu testament, et leur langage décèlent
l ’embarras et l ’incertitude qui les dominaient. Il semble q u ’ils
impliquent contradiction avec eux-mêmes, si l’on compare leur
remarque la plus importante avcc les minimes détails dans lesquels
ils sont descendus et la conclusion q u ’ils en ont tirée.
C e qui les frappe d ’abord, c’est que la j)hysionom ie qui résulte
de l ’assemblage des caractères du testament s’éloigne de c e lle
q u ’offre la contexture des onze lettres missives comparées.
Voilà une observation dominante. On recherche par la compa
raison s’il ÿ a identité entre des physionomies; et l'examen apprend
que cette identité n ’existe pas; q u ’il n’y a pas ressemblance entre
les physionomies comparées. Cependant c ’est par la ressemblance
que se constate l ’identité.
Pour expliquer cette dissem blance , qui les a frappés, les experts
disent q u ’en descendant dans les détails de la comparaison , on est
obligé de reconnaître que la conform ation de beaucoup de mots
entiers et de chaque caractère, pris isolément de la pièce indi qu ée ,
est très-ressemblante à celle des mots semblables et des caractères
isolés des lettres missives; et q u ’ainsi la différence de physionomie*
des caractères paraît provenir de ce que celle de la pièce déniée a
été exécutée avec pesanteur et d i f f i c u lt é , tandis que celle des
lettres missives annonce une plus grande facilité d ’exécution.
L explication n’est pas heureuse. Klle est en opposition avec la
cri table acception du mot..physionom ie.
L a physionomie de l ’écriture comme celle de l ’ homme se c o m p o s e
�( >9 )
fc/pa
d ’ un assemblage de traits et non pas de chaque trait pris isolément.
On voit chez les hommes une foule de visages qui présentent
dans certains traits isolés la ressemblance la plus frappante. Celte
ressemblance existe tantôt aux yeux,, tantôt au n ez , tantôt à la
Lo uche, et de même des autres parties qui composent le visage.
Parfois même elle embrasse presque tous les traits; et pourtant
lorsqu’on vient à considérer dans leur ensemble, tous ces traits,
ce qui seul constitue la physionomie, on ne trouve plus de ressem
blance véritable, quoique la ressemblance partielle subsiste.
Il en est de même des écritures. La comparaison de plusieurs
pièces d'écriture, qui se ressemblent, avec une autre pièce q u ’on
attribue à la même m ai n , peut offrir dans quelques lettres, dans
quelques mois même des traits de ressemblance plus ou moins
saillans; mais la ressemblance cesse quand la pièce d ’écriture est
considérée dans son ensemble. Alors reste une différence de p h y
sionomie que l ’on ne peut méconnaître.
On s’étonnerait si une pièce d ’écriture, signalée comme l ’œuvre
d ’un faux, ne présentait pas quelques traits isolés de ressemblance
avec les écritures véritables de celui auquel on l’attribue. Il faudrait
que le faussaire, qui s’est mis sous les yeux les écritures véritables
q u ’il veut im iter , fût bien maladroit , pour ne pas réussir à
donner le change sur quelques ¡»oints. Pour peu q u ’il ait du savoirfaire, il-parviendra toujours à imiter quelques lettres, quelques
mots entiers; mais l ’imitation n ’atteindra jamais ou presque jamais
la physionomie que forme l ’ensemble de l ’écriture.
La ressemblance de physionomie dans l’ensemble de diverses
pièces d ’écriture peut se reconnaître a i s é m e n t a l o r s même que
quelques-unes de ces pièces sont écrites avec plus ou moins de
hardiesse, en traits plus ou moins déliés, plus ou moins renforcés.
L e faire habituel de l ’écrivain surgit toujours au milieu de ces
variantes.
L a différence dans la physionomie des écrits est donc le principal
moyen qui puisse faire connaître s ils sont vrais ou faux. L t dans
l ’espèce cette différence demeure frappa 11Le aux yeux mêmes des
experts qui onl vérifié le prétendu testament.
Q u ’imporle après c e la q u ’ilsaient remarqué de la similitude dans
la conformation de quelques lettres et de certains mots de la pièce
arguée de faux', avec des lettres et des mots des pièces de compa
raison. Il en résulterait tout au plus que le faussaire aurait obtenu
une imitation partielle; mais imitation manifestement insuffisante
pour imprimer à l’écrit qui eu est l’œuvre les caractères de la sin-
�M
.
.
.
( 20 )
Les détails minutieux auxquels se sont livrés les experts, pour
laire disparaître cette différence de ph ysionom ie, q u ’ils avaient
remarquée avant t o u t , loin de justifier leur opinion définitive,
prouvent seulement q u ’ils n ’ont point épargné les efforts pour la
rendre spécieuse.
Mais en portant ainsi leur investigation sur la pièce déniée, ils
ont négligé des observations très-importantes. Ils n’ont rien dit des
surcharges, rien sur l ’empreinte d ’une griffe soigneusement effacée,
et qui indiquait sans doute le fonctionnaire qui avait fourni la
feuille sur laquelle est écrit le prétendu testament.
Cependant les surcharges à plusieurs mots sont remarquables,
sur-tout au mot vingt du millésime. Le mot vingt a été évidem
ment posé sur le mot d e u x ,%i[\x\ fut écrit primitivement. Les lettres
en sont formées par des traits larges et épatés, et avec une encre
beaucoup plus noire que celle qui a servi à écrire le mot pr im itif
d e u x et les autres mots du testament qui ne sont pas surchargés.
Les surcharges, autres que celles du mot v in g t, sont opérées avec
un certain soin. A-t-on voulu renforcer une écriture trop déliée,,
trop facilement exécutée, pour la faire apparaître d ’une exécution
plus difficile et plus conforme à l ’état de souffrance de ceiui q u ’on
v ou la it en faire croire l’auteur? On ne craint pas d ’adopter l'affir
mative comme une vérité.
Il parait que les experts n’ont vu dans ces surcharges q u ’une
écriture exécutée avec pesanteur et difficulté. Mais alors on de
mandera pourquoi la première et la dernière ligne de l ’écrit, et
plusieurs mots des lignes intermédiaires, sont écrites couramment,
sans pesanteur, sans difficulté? On ne pressent point de réponse
satisfaisante à cette question , dans le système des appelans.
Us ont cl t q u ’il était inutile de constater les surcharges, parce
que telles q u ’elles sont elles n ’infirmeraient point le testament. Il
en serait ainsi peut-être si d ’ailleurs le testament était reconnu
sincère. Si la signature comme l ’écriture n ’en était pas déniée; s’il
ne s’agissait que d ’une irrégularité. Mais les surcharges que présente
un testament argué de faux dans tout son ensemble, doivent, fixer
l ’attention de la justice, comme pouvant aider à la découverte de
la vérité.
C e n ’est pas sans m otif non plus que l ’empreinte de la griffe a
été effacée très soigneusement. On ne voulait pas sans doute que
l ’on put s ' i n f o r m e r auprès de la personne qui aurait fourni la feuille
de papier, à qui et à quelle époque elle aurait délivre celle feuille,
tant 011 craignait les rapprochemens, qui plus tard pouvaient avoir
�D ’autres singularités ont échappé h l ’attention des experts : c’est?
la pose des lignes; ce sont les fautes grossières d ’orthographe.
L e sieur Brun avait de l ’éducation ; il écrivait assez correcte
ment, sous le rapport du style; il faisait rarement des fautes d ’or
thographe. Les experts avaient dû s’en convaincre en lisant, en
examinant sa nombreuse correspondance. Eli bien ! les cinq lignes
qui formeraient le testament n ’occupent point toute la largeur du
papier; elles laissfcnt à droite et à gauche deux grandes marges;
elles sont d ’inégale longueur. La première,' la troisième et la cin
quième, ne sont que des demi-lignes. 11 est difficile de découvrir le
m o t if qui a pu porter l ’écrivain à couper ainsi les lignes; à moins
que l ’on ne suppose que la signature qui est au bas est sincère, et
q u ’ayant été surprise en blanc au sieur B r u n , on a voulu faire con
corder la signature avec le corps de l ’écrit, de manière à ne pas
laisser trop d ’intervalle entre la dernière ligne et cette signature.
E t comme le faussaire aurait commencé trop h a u t, que ce q u ’ il
avait à écrire pouvait être aisément compris dans deux lignes et
demie, et q u ’il s’en serait aperçu assez tôt, en tronquant les lignes,
au lieu de trois il en aurait fait cinq.
Deux fautes d ’orthographe grossières se remarquent dans l ’écrit.
A la première ligne, au lieu de testament 011 à écrit tesmarnent ;
à la dernière ligne, le mot ving t, écrit par surcharge, n ’a pas de t.
L e sieur Brun 11’aurait pas fait de pareilles /ailles, s u r - t o u l la
première. Son amour-propre l ’aurait porté à refaire le testament
après l ’avoir l u ; car ayant survéi u de plusieurs mois à l ’écrit par
lequel il aurait transmis à un seul de ses païens toute son hérédité,
il n’eut pas manqué de lire et de relire cet acte 1111 grand nombre
de fois, lui qui avait toujours montré beaucoup d ’ordre et de soin
dans l'administration de ses affaires. Il parait que l ’on avait d ’a
bord donné au prétendu testament la date du deux novembre, qui
était précisément le jour de l ’arrivée du sieur Brun à Clermont ;
mais comme l ’on s'aperçut q u ’il n ’aurait pas élé présumable q u ’à
un pareil jour il se fût occupé d ’un acte aussi important, on subs l i l u a , par surcharge, le mol v m g l au mot d e u x .
L e laconisme insolite du testament élève aussi contre la sincérité
de cette pièce le plus violent soupçon. Ilien qui n’y soit absolument
indispensable. O11 voit que le faussaire avail hâte de terminer son
œuvre.
A toutes ces réflexions, qui démontrent largement la fausseté du
rorps de l’écrit, vient se joindre la remarque encore plus accablante,
que la signature, mise au bas, 11’esl pas celle du sieur Brun.
�y.?
rCW?
.
)
Les experts qui ont examiné et comparé les nombreuses signa
tures du sieur B r u n , apposées, soit sur des lettres missives, soit
sur des actes authentiques, ont remarqué que la signature du pré
tendu testament s'éloigne du caractère ordinaire de la signature du
sieur Brun . De toutes les signatures prises en comparaison , une
seule leur a paru avoir de la similitude avec la signature déniée;
c ’est celle de la procuration reçue Astaix, notaire^ le 4 février 1824.
O n ne peut se refuser, disent-ils, à lui trouver une grande ressem
blance avec celle du testament.
Mais celte ressemblance avec une signature u n i q u e , lorsque la
dissemblance avec une foule d ’autres signatures est frappante, estelle suffisante pour convaincre de la sincérité de la signature déniée?
L a dissemblance q u ’ils ont reconnue 11e repousse-t-elle pas celte
conviction ?
E t d ’ailleurs, la ressemblance q u ’ils ont cru apercevoir est loin
d ’être parfaite. Q ui sait si le b ut de la procuration du 4 lévrier 1824
n ’avait pas été d ’obtenir sur un acte authentique la signature du
sieur B r u n , afin de pouvoir l ’imiter sur le testament que l ’on v o u
lait créer? Alors , l ’imitation opérée avec soin, a dû établir entre
les deux signatures une espèce de similitude.
Toutefois, entre les deux signatures, il y a beaucoup d<? diffé
rence : celle de la pr ocurat ion, qui serait postérieure de plusieurs
mois, est mieux faite, plus hardie; celle du testament est gênée;
elle annonce le travail méticuleux d ’une servile imitation. L a lettre
finale n n ’a pas la même conformation dans les deux signatures.
Dans l ’un e, celle du testament, le dernier jambage de la lettre n
est supérieur et bouc lé; dans l ’autre, celle de la procuration, ce
dernier jambage est inférieur, et forme dans son entier la figure
informe du chiffre 3 . O11 pensera difficilement q u ’une même main
ait tracé ces deux lettres. Bien plus, la signature du testament est
suivie du prénom M ic h e l, qui 11e se trouve sur aucune des nom
breuses pièces qui ont servi de comparaison. L e faussaire a voulu
trop bien faire; c’esl ici le cas d ’appliquer l’adage nimia /trecaulio
do/us.
T an t et d ’aussi notables dissemblances, d ’aussi étranges irrégu
larités dans la confection matérielle du prétendu testament., 11e
permettent pas de le considérer comme vrai; elles en font ressortir
la fausseté; elles détruisent l'opinion hasardée des experts, qui
n ’ont pas su les apprécier; elles font du moins sentir la n é c e s s i t é
d ’ une nouvelle vérification; par des personnes que leurs connais
sances spéciales rendent propres à une semblable mission,
�( . 23-7
-</£
L ’écrit dénié n ’est donc pas encore un titre : il reste avec toutes®
ses imperfections. Peti importe q u ’il ne soit combattu que par des
héritiers collatéraux. La dame Y e r n ie t te , qui s’obstine à s’en pré
valoir, n ’est aussi q u ’une héritière collatérale, qui vou dra it, par
la manœuvre la plus criminelle, dépouiller les Bonhours, ses ne
ve u x, de droits non moins sacrésoque les siens.
S ’il n ’y a pas déjà conviction entière de la fausseté du testament,
il y a au moins la plus grande incertitude sur sa sincérité; et cer
tes, l ’enquête à laquelle a fait procéder la dame Yerniette n ’a
aucunement dissipé cette incertitude.
S II*
E xa m en des enquêtes.
A v an t de démontrer que celle de la dame Yerniette n ’est rien
moins que concluante, posons les faits interloqués.
i° L a dame Yerniette et ses filles ont soigné le sieur B r u n , tant
à Paris q u ’à C l e r m o n t , pendant les dernières années de sa vie, dans
les maladies que celui-ci a essuyées, ou à raison de ses infirmités;
2° L e sieur B r u n , voulant venir se fixer à Clermont à la fin de
18 23, invita le sieur Yerniette à le venir chercher à Paris; celui-ci
cédant à cette invitation, se rendit effectivement à Paris, et revint
*à Clermont avec le siaur B r u n , qui depuis, jusqu’à son décès, a
continuellement habité avec les époux Verniette;
3 ° L e sieur B r u n , depuis son arrivée à Clermont jus qu’à son
décès, a reçu de nombreuses visites, et est. allé diner plusieurs fois
chez des personnes avec qui il avait eu d'anciennes relations; d ’ail
leur s, il sortait fréquemment, soit pour se promener, soit pour
voi r ses amis ;
4 ° Il a souvent exprimé à diverses personnes son affection parti
culière et sa reconnaissance pour la dame Y ern ie t te, sa sœur, ainsi
que sa v o lo n té de lu i laisser toute sa fo rtu n e y
5 ° Lorsque son testament eut été fa it , ce testament a été pré
senté à d e s jurisconsultes, pour savoir s’il était régulier;
6° Depuis la date de ce testament, le sieur Brun a déclaré p lu
sieurs f o i s q u ’il avait donné toute sa fortune à la dame Y ern ie tte ,
sa sœur.
Les trois premiers faits, isolés des trois derniers, seraient sans
importance. Les trois derniers ofirent plus de gravité ; car, s’ils
étaient établis, ils prouveraient que le sieur Brun avait voulu
donner sa succession à la dame Yerniette ; q u ’il a déclaré l ’avoir
donnée, et que l ’acte qui renfermait le don avait été soumis à
l'examen de jurisconsultes.
�2
Recherchons maintenant si la preuve offerte par la dame Verniette a etc administrée; et l ’appréciation des témoignages invoqués
nous conduira à un résultat négatif.
C hacun des faits interloqués est complexe ou composé.
L e premier est attesté partiellement. Plusieurs témoins déposent
q u ’à son arrivée de Paris à C le ft n o n t, au commencement de no
vembre 182 3, le sieur Br un vint habiter chez le sieur Verniette ;
q u ’il y demeura ju sq u’à sa m o r t , arrivée en octobre 1824; q u ’il
f ut fréquemment m alade, et q u ’il reçut les soins de la famille
Verniette. Mais la preuve de ces particularités était inutile; elles
n ’ont jamais été désavouées. Il en résulte seulement que, durant la
dernière année de sa vi e, le sieur Br un a logé à Clermont chez la
dame Ve rnie tte , et y a été plus ou moins bien soigné. C e n ’est pas
là seulement ce q u ’ il fallait prouver. L a preuve devait encore s’é
tendre à des soins donnés pendant plusieurs années, tant à Paris
q u ’à C le rm o n t ; et il n’est pas établi, il n ’est pas vrai que la dame
Verniette ou ses filles soient venues à Paris pour soigner le sieur
B r u n dans sa maladie. On en a fait courir le b r u i t ; deux témoins
m êm e, le cinquième et le treizième, semblent en attester la vérité
d ’après des ouï dire; mais ce b r u i t , qui repose sur deux voyages
que la dame Verniette et l ’une de ses filles-auraient faits à Paris, à
deux époques différentes, est démenti par la correspondance même
du sieur Brun.
L a dame Verniette fit un voyage à Paris au commencement de
1 8 2 1 ; elle y séjourna quelque teins dans la maison de son frère.
L e principal m o t if qui T y attira fut moins le désir de voir son
frère, que l’espoir de trouver des ressources pour obtenir la guérison
d ’une maladie dont elle était atteinte. Elle n ’y vint donc pas pour
donner des secours au sieur Brun . C ’est ce q u ’apprennent deux
lettres q u ’ il écrivait les 29 avril et 4 mai 1821. Dans la première,
adressée au sieur V e r n ie t te , il dit : J ’a i f a i t p o u r le m ieu x p o u r
v o u s la renvoyer (la dame Verniette) c m bonne santé et en m eilleu r
état que j e ne l'a i reçue.
L ’ une des filles de la dame Verniette était la filleule du sieur
B r u n ; il voulait la faire venir à Paris. 11 s’eft explique dans une
lettre du 9 février 1823 , écrite au sieur Jarton aîné. « ,1e fais venir
« mon espiègle de filleule Amélie; çà lui fera du b ie n ; c’est l ’àge
« pour faire ce petit voyage, »
C e 11e fut point l'espiègle Amélie qui fit le voya ge , mais bien
mademoiselle A g a t h e , sa sœur, qui vint passer auprès de son oncle,
à Paris, cinq ou six semaines, 11011 pour être garde-malade, mais
�^ :*:> ; ----- -------------------- --------- ----pour j o u i r , sous les auspices cle son oncle, de quelques-uns des
agrémens qu'offre cette ville,
Il est. constant désormais que la dame Verniette ni ses filles ne
sont point allées à Paris pour porter des secours au sieur B r u n ,
pour le soigner dans ses maladies, et q u ’elles ne lui ont donné
de soins que pendant la dernière année de sa vie , q u ’il a passée
à Clermont.
- L e premier fait, gisant en preuve, n ’est donc pas établi, puisque
des diverses circonstances qui le composent, une seule est attestée
par les témoins.
L e second l’ait comprend deux circonstances. L a première est de
savoir si c’est le sieur Brun q u i , de l u i - m è m e , avait pris la réso
lution de venir à Clermont et invité le sieur Verniette à venir le
chercher à Paris : la seconde, si après son arrivée à Clermont il
avait continuellement habité avec les époux Verniette ju s q u ’à
son décès.
L a vérité de cette dernière circonstance n ’a jamais été méconnue
par les Bonhours. 11 ne fallait pas d ’enquête pour l ’établir.
A u contraire, la première circonstance n ’est aucunement jus
tifiée. Plusieurs témoins de l ’enquête directe parlent de l ’invitation
du sieur B r u n , du voyage fait par le sieur Verniette à Pari s, pour
en ramener son beau-frère, niais ils ne disent absolument rien sur
la cause première de cette démarche.
L a dame Verniette désirait attirer et fixer son frire à Clermont.
E n offrant de le recevoir et de le garder au sein de sa famille, elle
avail une arrière-pensée que l ’événement a mise au grand jour.
E l l e était persuadée que le sieur Brun ramènerait avec lui sa
f o r t u n e , qui était toute mobilière. L e m ot if ap par en t, q u ’elle
a vo uait, était de l ’entourer de scs soins; le m oti f réel était de
s’emparer plus aisément d ’une hérédité assez considérable, à l’ex
clusion des autres parens. Elle a travaillé à son projet avec per
sévérance.
E lle avait rencontré pendant quelque lems un assez grand
obstacle dans l’attachement du sieur Brun pour ses habitudes com
merciales. Il ne se rendit à ses sollicitations que quand les attaques
q u ’il éprouvait, devenant plus fréquentes, et ses souffrances aug
mentant chaque jour, il perdit l'espoir de voir rétablir sa
nié, et
senli la nécessité d ’abandonner entièrement son commerce.
Dans une lettre du 26 août i 8 '->.3 , le sieur Brun écrivait à sa
sœur : « T u m ’as déjà dit dans ta lettre du 4 août que ça me ferait
« deux saisons, en parlant sans doute des eaux de Néris et des
�T
v\( vendanges, de p a rtir v ite > p o u r p o u v o ir en p ro fite r, mais as-tu
« réfléchi si je le pouvais.» 11 ajoute, q u ’il eût été trop inquiet d ’a
bandonner une maison q u ’il avait formée depuis 12 ou i S a n s . . . Mon
intention depuis p lu s d'un an , et j e dois te l ’avoir dit 3 a é té de
céd er ma suite d'affaires.
C e langage était tenu à la dame Ve rn iette, en réponse à la lettre
q u ’elle avait écrite le 4 du même mois.
E n septembre 1 8 2 3 , elle écrivait à son frère pour l ’inviter à
venir à C le r in o n t, d ’où ils seraient partis pour ÜNéris, où la dame
Ver niette voulait aller, espérant que les bains lui feraient du
bien. E lle le pressait, beaucoup de v e n ir .......
A i n s i , c’est la daine Verniette qui in v ita it, qui pressait son
frère. Déterminé à se rendre à l ’invitation, il en instruit sa sœur
par sa lettre du 8 octobre 1823.
U n passage de cette lettre est rappelé dans le mémoire de la
dame Verniette. Il apprend que le sieur Brun voulait écrire pour
demander que l’on fit p artir le sieur V erniette sou beau-frère,
mais ([ue M. Jarton ou M. Vauglade lui avait dit que cela était
i n u ti le , puisque Ï\J. Bard avait écr t à ce sujet, en lui marquant
de ne pas perdre de teins. Là se termine la citation imprimée par
la daine Verniette. Elle pourrait laisser croire que c’élait le sieur
B run qui avait demandé de son propre mouvement que le sieur
Verniette vint le chercher à Paris. La suite du passage cité per
suadera le contraire. « Je suis lâché que ça se trouve environ dans
les vendanges, continue le sieur B r u n , cependant puisque vou s
l ’avez offert > je pense que ceia se peut.
Plus de doute désormais que le sieur Brun ne soit venu de Paris
à Clerinont habiter chez sa sœur, que sur l’invita lion et l’offre de
celle-ci et de son époux. Il est prouvé que ce n’est pas lui qui a
pris l'initiative. Il n ’a fait que céder aux sollicitations de sa sœur,
sans se douter des vues q u ’elle avait sur sa fortune , et sans lui
accorder une affection exclusive. L ’amour de son pays natal le
ramenant à C le rinont, il 11e pouvait refuser l ’asile qui lui était
offert.
L e troisième fait interloqué a pour objet de détruire cette asser
tion des intimés , que le sieur Brun était tenu en charte [»rivée.
La preuve faite a-t-elle eu ce résultat? Non sans doute.
Que le sieur Brun ail dîné plusieurs fois chez lesieur Jarton aîné,
qui était 1 ami intime des époux V er n ie tte , ainsi que le déposent
le premier et le second témoin, cela ne prouve pas q u ’il fût libre
�de èes actions. Pour assister à ces dîners il était toujours accompagne
de quelques personnes de la famille Verniettc.
II en était de même lorsque sa santé lui permettait de rendre des
visites, d ’aller à la promenade.
L e quatrième témoin, le sieur Bonna baud , médecin, déclare
que le sieur Brun lui a rendu plusieurs visites sans être accompagné
de personne; mais une foule d ’autres témoins, qui l ’ont vu sortir
plus ou moins fréq uem m ent, soit pour des visites, soit pour la
promenade, l ’ont toujours ou presque toujours vu accompagné,
tant on exerçait sur lui une active surveillance.
L e troisième et le quatrième témoin de l ’enquête contraire par
lent d ’une circonstance où il s’était échappé de chez la dame Vern ie t te , et était venu se réfugier chez eux. Peu de minutes après,
la dame Verniette était chez le sieur Bergougnoux pour ramener
son frère. E lle se plaignit de ce q u ’o’n avait ofïert à celui-ci un
demi-verre de vin et un biscuit pour le fortifier. Elle semblait se
plaindre de ses procédés. Il lui répondit avec un ton de colère :
« Vous meniez, madame, vous prétendez que je vous bats, c'est
« au contraire v o u s q u i me battez. » E n causant, le sieur Brun
avait dit q u ’on le tenait en charte p riv é e, et q u ’il était mal chez
sa sœur. Il témoigna au sieur Bergougnoux la crainte d ’en être mal
accueilli, parce q u ’on l ’avait aâsuré que le témoin avait couru de
la haine pour l u i , et q u ’on lui avait d éfen du de v e n u 'le voir.
L e sieur Brun avait demeuré cinq ou six ans chez le sieur Ber
gougnoux, comme élève en pharmacie. Des liaisons,, d ’amitié en
étaient résultées en tr ’eux. La dame Verniette connaissait ces liai
sons ; elle les redoutait, comme une entrave à l ’accomplissement
de ses desseins sur la fortune de son frere; c est pour cela qu elle se
permit d ’employer la calomnie pour l ’éloigner du sieur Bergou
gnoux, chez qui elle montra tant de mécontentement de le trouver.
Le huitième témoin de la contr’enquête parle d ’ une circonstance
où le sieur Brun était arrive chez lui en l u y a n t , sous le pretexte
q u ’on voulait le faire confesser.
Le neuvième témoin atteste la même circonstance; de plus, il
déclare que plusieurs fois il a vu sortir de chez la dame Verniette
le sieur Brun , ayant l ’air de s échapper.
L e dix-septième témoin de l’enquête directe a vu le sieur Brun
se promener, mais toujours accom pagné de (ju eh ju u n de la maison
Verniette.
L e onzième témoin fait la même déposition ; il ne se rappelle
pas l ’avoir vu sc promener seul.
�(.
2
8
)
De même le douzième témoin.
De même le onzième de l ’enquête contraire.
L e treizième témoin de la contr’enquête était la sœur de lait du
sieur Br un. Elle va chez la daine Verniette pour le voir; les de
moiselles Verniette la refusent; elle insiste; alors elles lui disent de
repasser, que leur mère est absente, et q u e lle s n ont pa s la c l e f de
la cham bre du sieur B r u n .
Le témoin se présente un autre jour : nouveau refus. Elle eut
été éconduite encore cette fois, si le sieur Brun , de sa croisée, ne
l ’eùt aperçue dans la rue, et n ’eut exigé q u ’on lui permît l ’entrée
de sa chambre.
Le quatorzième et le quinzième témoins ont vu le sieur Brun qui
f u y a i t , et la dame Verniette et l’ une de ses filles qui le rejoignaient
et le forçaient brusquement à rentrer.
Les en fans Bonheurs se présentaient-ils pour voir leur oncle, la
dame Verniette et sa famille les repoussaient avec colère. On v o u
lait q u ’il restât isolé. Plusieurs témoins parlent de cette circonstance,
e n t r ’autres le neuvième témoin de la contr’enquête.
C om m en t, après de pareils témoignages, persister a soutenir que
le sieur Br un était libre dans ses actions? O u i , par fois on l ’a vu
seul, rendant quelques visites, ou se promenant; mais alors n’estce pas parce q u ’il avait échappé à ses gardiens, trompant leur v i
gilance? Et quand il ne pouvait mettre cette vigilance en d éfau t,
n ’était-il pas poursuivi par la dame Verniette 011 les personnes de
sa maison, jusques chez les amis ou les connaissances chez lesquels
il se réfugiait, et ramené comme un criminel qui se serait évadé?
N ’a-t-il pas dit lui-même q u 'il était tenu en charte p riv é e?
E t pourtant la dame Verniette ose soutenir q u ’ il était libre dans
sa maison! C ’est assurément là une singulière libert é, dont per
sonne ne voudrait.
L e quatrième fait, gisant en preuve, est que le sieur Brun avait
exprimé à diverses personnes son affection particulière et sa recon
naissance pour la dame Verniette, ainsi que sa volonté de lui laisser
toute sa jo r tu n e .
C e f a i t , qui est complexe, n ’est point é tab li, quant à la der
nière partie, (|ui est la plus impor tante, et qui consiste dans la
manifestation de donner toute sa fortune.
Que le sieur Brun ait toujours eu de l’aflVcliou pour la dame
V e r n ie t te , sa sœur, jamais ou a cherché à dire le contraire. Son
aileclion se reportait sur tous ses parens. La dame Bonheurs y avait
�une part non moins grande que son autre sœur; il aimait les enfans
Bonliours après comme avant la perte de leur mère.
L e dixième témoin de l'enquête directe, M. D e b e r t , juge de
paix , pense q u e , ju s q u ’au décès du sieur B r u n } i l a v é c u dans
la p lu s p a rfa ite a m itié et la m eilleure intelligence avec sa sœur
(la dame Bonliours), son beau-frère et ses enfans. La plus p a tfa it e union régnait, notamment dans cette famille en i8 r 8 ,é p o q u e
du partage de la succession du père.
Le treizième témoin de la contr’enquête atteste cette bon ne in
telligence avec la famille Bonliours. L e sieur Brun témoigna beau
coup de regrets de la perte de la dame Bonliours.
Selon le quatorzième témoin, le sieur Brun partageait son a f
fe c tio n entre ses d e u x sceui's.
Le quinzième dépose que le sieur Brun avait une même affection
pour les Bonliours et les Verniette. Il disait q u ’ils seraient tous
égalem ent ses héritiers.
Mais cette affection est exprimée par le sieur Brun lui-même,
dans des lettres q u ’il écrivait ¡1 sa sœur, la dame Bonliours, et no
tamment .dans une qui est sous la date du 29 novembre 181G. Il
embrasse la mère, les enfans et le mari, q u ’il aime bien , parce
qu i l rend sa sœ ur heureuse.
L e 9 janvier 1821 , il écrivait au sieur Bonliours père une lettre
qui renferme des expressions amicales. Il embrassait de cœ ur le
])èie et les enfans.
U ne autre preuve que la bienveillance de l ’oncle pour scs neveux
n ’avait point changé, c ’est le soin q u ’apportait la dame Verniette
d ’empêcher que les neveux n ’arrivassent jus qu’à l ’oncle.
n ’est
q u ’en forçant la consigne que deux d ’entr’eux étaient parvenus
auprès de lui ; ils en avaient été bien reçus.
II importerait peu q ue, dans deux ou trois circonstances, il les
eut mal accueillis. Une pareille réception s’expliquerait par son
état de souffrance, et encore plus par l ’ompire que la dame Verniette avait acquis sur un homme dont les facultés intellectuelles
étaient affaissées par les douleurs physiques. La dame Verniette
l ’obsédant continuellement voulait qu'il ne songeât q u ’à elle, et
q u ’il oubliât completlemenl les enfans Bonliours, ses neveux. Elle*
avait, d ’autant mieux réussi à le maîtriser et à s’en faire craindre,
q u e , mémo en é t a t 'd e santé, le sieur Brun était d ’ un caractère
f a ib le et tim ide ju s q u ’à la p u silla n im ité. C ’est ce qui est attesté
par le premier témoin de la c o n l r ’enquête prorogée, le sieur blatl.in,
�médecin, qui connaissait la maladie du sieur B r u n , et ses causes,
et avait été à portée d ’apprécier son moral.
On ne désavoue pas non plus que le sieur Brun n ’eùt reçu q u e l
ques bons offices de la dame Vern iette; mais ces bons offices étaient
réciproques. L e sieur B r u n , commerçant, avait des relations assez
fréquentes avec Clerinont : tantôt c’était des commissions de mar
chandises à prendre, tantôt des recouvremens à faire. L a dame
Verniette était dans le commerce; il n’est donc pas étonnant que
son frère correspondit quelquefois avec elle, pour l ’aider dans cer
taines opérations. Dans plusieurs lettres de 1821 et 1 8 2 2 , il lui
reproche sa négligence à faire ses commissions, même à lui répondre.
C er te s, ce n ’est pas là exprimer de la reconnaissance. S ’il en devait,
ce n ’était pas au point d ’absorber toute sa fortune.
Mais avant le prétendu te sta m e n t, avait-il exprimé à diverses
personnes la volonté de laisser toute cette fortune à la dame
Verniette sa sœur? On a vainement essayé d ’établir l ’affirmative.
Il fallait pour cela un plus grand nombre de témoignages que
ceux que la dame Verniette a péniblement recueillis.
C e l u i des sieur et dame Jarton ainé ne se rapporte pas au
quatrième fait^ mais bien à la seconde partie du cinqu ièm e, que
nous désignons comme un sixième fait. Nous l ’apprécierons en son
lieu.
L e sieur B o n n a b a u d , quatrième témoin de l ’enquête directe,
qui était le médecin du sieur B r u n , qui l ’a vu fréquemment , qui
avait sa confiance, ne l ’a jamais entendu parler de ses dispositions
bienveillantes en faveur de sa sœur, la dame Verniette.
U n seul témoin, le douzième, a entendu dire au sieur Br un :
Ce (¡lie j e p o ssè d e , j e le laisserai à ma sœ ur T'' en d ette , à q u i j e
conserve beaucoup de reconnaissance. L ’époque à laquelle ce
propos aurait été tenu n ’est point indiquée. 11 aurait été provoqué
par l ’invitation de se m arier , que le témoin faisait au sieur Br un
en plaisantant.
Ce tt e déposition , comme perdue au milieu de nombreuses
dépositions, n ’est fortifiée par rien. Il est étonnant ([lie le sieur
Pmin , s’il avait eu la volonté de tout donner à la dame Ve rn iette,
n’en eut point fait part à ses anciens amis, tels que le sieur
Bergougnoux , à scs vieilles connaissances, telles que la femme
Meteix.
Il est étonnant sur-tout q u ’il ne l ’eùt manifestée dans aucune
des nombreuses lettres q u ’ il écrivit h. la dame Vern iette, durant
les années 1 8 2 1 , 1 8 2 2 , 182.3, Faire espérer, même entrevoir à
�T ? n
cette sœur le don de toute sa fortune, eût été le meilleur moyen
de vaincre la négligence q u ’elle apportait h faire les commissions
dont il la cha rg ea it, négligence q u ’il lui avait reprochée dans
plusieurs lettres.
Ainsi le quatrième fait reste dénué de preuve.
Lorsque le testament eut été f a i t , la dame Verniette le présenta
à des jurisconsultes, pour savoir s’il était régulier. Tel est le cin
quième lait dont la preuve était offerte.
Deux jurisconsultes honorables ont été appelés en témoignage
sur ce fait.
jVL B i a u z a t , l ’ un d ’e u x , déclare que c’est lui qui a donné le
modèle du testament. Il ne peut se rappeler l ’époque précise à
laquelle on lui fit cette demande, ni la personne par qui elle fut
faite. Il a beaucoup réfléchi à cette dernière circonstance, dont il
sent toute l ’importance; mais la faiblesse de sa mémoire ne lui a
pas permis de se rappeler la personne qui a fait cette démarche
au près de lui. I l penche cependant à croire que c est la -dame
V ern iette elle-m êm e.
Plus t a r d , la même personne ou toute autre , lui présente la
copie du testament, q u ’il trouva conforme au modèle.
I l croit bien que le testament déposé au greffe et q u ’on lui a
représenté est le même.
La déposition de INI. Biauzat n ’a rien de positif., si ce n ’est q u ’il
a fourni le modèle d ’un testament.
Quelle est la personne qui lui avait demandé ce modèle? Il croit
que c ’est la dame Verniette; et il se trompe, d ’après la déclaration
de la dame Bernardin , neuvième témoin, qui affirme que c’est elle
qui a demandé et reçu le modèle du testament. A quelle époque?
M. B iauzat l ’ignore.
Il ignore également quelle est la personne qui lui lui a présenté
la copie du testament pour savoir si elle était conforme au modèle.
Il ne précise pas davantage cette seconde époque. L ’incertitude
q ui a présidé à cette déposition en détruit l'influence.
D ’ailleurs le jurisconsulte dit bien que la copie.du testament
q u ’on lui a présentée était conforme au modèle donné (sans doute
quant à la disposition , mais non quant à la confection matérielle;
car on ne peut penser q u ’ il l’eut tracé avec le même nombre de
lignes). Mais il ne s ’explique nullement sur la validité du testament.
A v an t la mort du sieur Brun aucun autre avocat n’a vu le
testament. La dame Verniette a prétendu q u ’elle l ’avait soumis à
l ’examen de M. Boii'ot oncle, qui lui avait déclaré que ce testa
�ment e'tait fo r t régulier. Elle avait instruit de cette particularité
la dame B e rn a rd in , saconfidente, son amie in t im e , celle qui avait
fait des démarches auprès de Me Biauzat.
L e témoignage de MeBoirot est venu démentir formellement cette
assertion. On connaît toute la loyauté de ce vénérable vieillard. Il
déclare sans hésitation et dans le langage le plus positif, que le
testament ne lu i a é té présenté , ni p a r la dam e V ern iette , ni p a r
personne de sa p a r t, soit avant, soit après le décès du sieur B run.
I l assure n ’avoir ja m a is vu ch ez lu i la dam e K ern iette et ne pas
la connaître.
T o u l ce q u ’on a dit et imprimé pour atténuer l ’effet cle cette
déposition , c ’est q u ’i l paraîtra p eu étonnant que Me Boirot ne se
soit pas rappelé un fait qui remonte à plus de 6 ans.
Nous arrivons au sixième fait interloqué. L a dame V ern ietle
s’était soumise à prouver q ue, depuis la date du testament, le sieur
B r u n avait déclaré p lusieurs f o i s q u ’il avait donné toute sa fo rtu n e
à la dame V er nietle sa sœur.
Des nombreux témoignages invoqués, quels sont ceux desquels
on voudrait faire surgir cette preuve?
On se complaît à rappeler celui du sieur Jarton a în é , qui est
lié d ’amitié avec les époux V e r n i e l t e , et qui déclare que le sieur
Br un lui avait manifesté des intentions bienveillantes pour la clame
V er nielte sa sœur, et qui lui avait d i t , à l ’époque où il fit son tes
t a m e n t, époque q u ’ il ne peut préciser, cjn’il avait e x é c u té ce q u ’il
avait toujours eu Vintention de fa ir e .
Mais tout cela signifie-t-il bien que le sieur Brun avait fait un
testament en faveur de la dame V e r n ie l t e , et lui avait donné son
entière hérédité? L'interprétation la plus large craindrait d'adopter
l ’affirmative. L e sien r Brun avait des intentions bienveillantes pour
la dame Ver niette , comme il en avait pour tous ses parons. Il a dit
q u ’ il avait exécuté ce q u ’il avait toujours eu l ’intention cle faire.
Mais q u ’a-l-il exécuté et eu faveur de q u i ? Il ne le dit point. S ’il
n’a exécuté que ce q u ’ il a toujours eu /’intention de faire, il n’a
point dépouiljé les enfans Bnnhours, ses neveu x, de toute partici
pation à son hérédité 5 ca r, lorsqu’ il écrivait à la dame Bonheurs
sa sœur des lettres qui renfermaient des expressions de la plus
franche amitié; que dans une de ces lettres, sous la date du 29
novembre 1 8 1 ( i , il lui disait : Jem b ra sse la m ère, les enfans et
le m ari que j'a im e b ie n , /Jarcequ' il rend ma santr heu reu se, il
n'avait assurément pas l'intention de frustrer de sa succession elle
et ses enfans. 11 11’avait pas celle int ention, quand il déplorait la
�. ( 33 )
’
V V
mort de cette sœur, q u ’il aim ait ; quand il eut témoigne tous ses ^
regrets au sieur Bonhours son beau-frère; q u ’il lui tenait un langage
affectueux dans une lettre du 9 janvier 1821 ^ q u ’il termina en
embrassant les Bonhours de cœur.
L ’intention q u ’il avait toujours eue était, n ’en doutons pas,
de laisser sa fortune àses deux sœursou à leursenfans. Cette intention
était le vœu de son cœur. Elle était commandée par ses affections.
Q u i osera assurer que ce n ’est pas cette intention q u ’il aura dit
au sieur Jarton aîné avoir réalisée ? L ’acte qui en ferait f0£
n ’apparaît point; mais on sait que la dame Verniette a fait main
mise sur l'intégralité de la succession, sans compte ni mesure
sans aucune espèce d ’inventaire. On pressent dès-lors quel aurait
été le sort d'un acte, qui aurait détruit son projet et anéanti le
testament, q u ’elle a osé produire.
Ai nsi , on ne trouve nulle part la preuve que le sieur Brun ait
déclaré, non p a s plusieurs f o i s , mais une seule fois, q u ’il avait
donn é toute sa fo rtu n e à la dame Verniette.
Le sixième fait reste donc dénué de preuves.
L e résultat de l ’examen et de l ’appréciation des enquêtes n ’est
point favorable au prétendu testament. Il est loin d ’en corroborer
V e x iste n c e . Il le la isso sous le poids de tous les vices q u ’on lui
reproche. La preuve offerte n ’est point administrée. N o n , il n ’est
pas prouvé que la dame Verniette et l ’une de ses filles soient allées
à Paris pour porter secours au sieur Brun dans ses maladies. Il n ’est
pas prouvé q u ’il eut, par initiative, invité le sieur Verniette a venir
le chercher à Paris pour le conduire à Clermont. Il est pr ouvé, au
con tr aire , que c ’était la dame Verniette qui l ’avait pressé de se
retirer à Clermont et de prendre chez elle un logement, offrant de
lui envoyer son mari pour l ’accompagner dans le voyage. Il n ’est
pas prouvé que le sieur Brun avait pour sa sœur, la dame Verniette
une affection exclusive, mais il est prouvé que la dame Bonhours
et ses en fans avaient part à cette affection.
II n ’est pas prouvé q u ’il jouissait de la plus grande liberté chez
la dame V er nietle ; mais il est prouvé q u ’il était gêné dans ses
actions; q u ’il était soumis à une active surveillance et tenu souvent
en charte privée.
Il n ’est pas prouvé q u ’il ait annoncé plusieurs fois le projet de
faire à la dame Verniette don de toute sa fortune, ni q u ’il ait dit
à plusieurs personnes q u ’il avait réalisé ce projet par un testament
ou par tout autre acte.
�r
_
•
( 34 )
Ja reconnaissance rlu sieur Br un et le don de toute sa fortu ne,
restent encore à établir, malgré l'interprétation favorable q u ’elle
s’est étudiée à prêter aux dépositions de certains témoins.
Que si les témoignages invoqués par la dame Verniette n ’ont
poi nt corroboré V existen ce du testament qu'elle prod uit, on peut
dire au contraire que plusieurs dépositions de la contr’enquête le
signalent comme un acte informe, irrégulier, comme un mensonge
que l ’on a osé présenter pour la vérité.
E n effet, il a suffi à MM. Costes, juge de paix, Rozier, greffier,
C u l h a t , géomètre, et B o i r o t , oncle et neve u, avocats, de voir
le testament, pour être frappés de ses irrégularités matérielles, et
pour manifester l ’opinion q u ’ils ne le croyaient pas sincère.
E t cependant les deux premiers avaient ainsi condamné ce tes
ta m ent, avant d ’être instruits de la démence dont avait été frappé
le sieur Brun.
s ni.
In c a p a c ité du sieur B run.
Pour faire un testament il faut jouir de ses facultés intellec
tuelles et avoir toute sa raison. Il faut aussi que la volonté du
testateur soit exprimée avec une entière liberté; q u ’elle ne soit
influencée, ni par la crainte, ni par la violence, ni par aucune
suggestion étrangère. Alors il y a capacité légale, autrement cette
capacité n ’existe pas.
Si nous supposons maintenant que le testament attribué au sieur
Brun est écrit de sa m a i n , il nous reste à rechercher si à la date
que porte le testament, le testateur avait la jouissance de scs facultés
morales, l ’exercice de sa raison, e t , en admettant l'affirmative,
s’il avait librement exprimé sa volonté.
Il n ’avait pas sa raison : de nom bi eux élémens concourent à le
démontrer. Il est certain q u ’avant de se retirer à C l e r m o n l , il avait
eu à Paris plusieurs atta qu es , qui avaient porté atteinte à sou
moral et le privaient de tems en teins de sa raison. T1 dit lui-même,
dans une de ses lettres, q u ’il perd la mémoire. Dans une a u t re,
sous la date du i ?. septembre i 8 a 3 , il se plaint d ’avoir un assou
pissement tous les soirs, de pleurer souvent de faiblesse, et d ’é
prouver un accès de jour à autre.
Le sieur Bergougnhoux père , troisième témoin de la contr euquêUî , alla voir le sieur B iu n à Paris, environ un mois avant que
celui-ci se retirât a (deiinont. «Je le trouvai , dit ce témoin , dans
« un état de démence piesqu’absolu ; il divaguait et ne répondait
« exactement à aucune de mes questions. Ses réponses, faisaient
�« rire deux domestiques à la garde desquels il était abandonné.
<. Je sortis de chez lui fort affligé de son état. » C ’est le lendemain
que le sieur Bergougnhoux, rencontrant le sieur Jarton aîné, l ’in
vita à prévenir ,1a famille du fâcheux état dans lequel était tombé
le sieur Brun. Il écrivit pour le même sujet à la dame Bergou
gnhoux son épouse.
Selon le septième témoin, le sieur Brun passait dans le voisinage
pour être tombé dans un état de démence. Il faisait, dit-on, des
extravagances. L a femme Ramade dit un jour au témoin que le
sieur Brun avait mis le f e u à de la paille dans l ’escalier de la
maison qu'il ha bita it, et q u ’on la v a it trouvé se chauffant à ce
fo y e r .
L e huitième témoin parle du bruit qui s'était répandu que le
sieur Brun avait perdu la tête, q u ’il faisait des extravagances. II
raconte que s’étant un jour échappé, il était venu se réfugier chez
le témoin et cherchait à s’y cacher. Ou lui a dit que le sieur Brun
était enfermé dans sa chambre par les personnes de la maison , dans
la crainte q u ’il ne s’échappât.
L e neuvième témoin rappelle le même fait.
Selon le quatorzième témoiu , 011 racontait que le sieur Brun
avait perdu la tête à Paris.
Le sieur B lati n , médecin connaissait les causes de la maladie du
sieur Brun . Il n ’a pas dù les révéler. Elles n ’ont pas peu contribué,
sans d oute, à le faire tomber dans l ’état d'aliénation mentale qui
parait avoir précédé sa mort. Il était aussi d ’une grande douceur
de caractère.
Ces témoignages géminés sont sans doutesuiiisans pour démon trer
([île le §ieur Brun était atteint de démence, même avant de quitter
Paris.
*
Mais la vérité q u ’ils proclament apparaît encore dans un plus
grand jou r, si l’on considère la confection matérielle du testament
et les circonstances dans lesquelles il est intervenu.
L e lecteur n ’a pas perdu de vue que le sieur Brun avait la
prétention de bien écrire, et q u ’en eftet il écrivait assez correcte
ment. Comm ent comprendre alors q u ’il e û t , avec discernement,
jeté sur une feuille dp papier quelques lignes inégales pour disposer
de toute son hérédité; q u ’il eut surchargé plusieurs mots, tandis
que d ’autres seraient traces nett em ent; q u ’il eût fait dans les
mots testament et vingt des fautes grossières d ’orthographe; q u ’il
eût. fait suivre sa signature patroniinique du prénom Michel, qu on
ne voit , nulle autre p a r t , accompagner sa signature.
�Non; il n ’aurait pas laissé subsister cet écrit informe sans
démentir son caractèr e, son amour-propre. Il l ’aurait recopié. Il
en avait eu la facilité, le teins, pu isq u’il a survécu près d ’un an
à la date de l ’écrit.
D ’ailleurs, on ne peut guère supposer que le sieur B r u n , qui
avait l ’intelligence des affaires, eût eu besoin d ’ un modèle pour faire
son testament olographe, ou bien s’il n ’avait pu lui-même rédiger
ses dernièies volontés, il se serait adressé à un notaire pour le
charger de ce soin.
Les précautions que l ’on a prises pour se procurer une feuille de
papier timbré et pour effacer l ’empreinte de la griffe qui aurait in
diqué le nom du fonctionnaire public, par qui cette feuille avait été
fournie, sont aussi un indice de fraude. On redoute la lumière. On met
à contribution la complaisance de certaines personnes. C ’est le sieur
G i l l e t , septième témoin de l ’enquête directe, qui est venu déclarer
q u e , sur l ’invitation de la dame Vern iette, il alla chercher chez
M e Roddier ou chez M. Bonnefoi ou chez Me Bergier , notaire, une
feuille ou demi-feuille de papier. Puis il ne peut préciser si c ’est
le mari ou la femme Verniette qui lui a fait l ’in vi tation , q uoi
q u ’ il ait d ’abord dit que c ’est la femme. Il ajoute q u ’il ne peut se
rappeler non plus si c’est lui ou l ’ un de ses ouvriers, qui serait allé
chercher ce papier, quoique d ’abord i l eût dit que c était lui-m êm e.
L a singularité de cette déposition est frappante.
C ’est la dame Bernardin, neuvième témoin, qui serait allée chez
M e Bi auzat demander le modèle du testament.
Mais ni la dame Bernardin, ni aucun autre témoi n, n ’ont vu le
sieur Br un copier ce modèle. Il n ’a dit à personne q u ’il eût fait un
testament olographe. Cette clandestinité est inexplicable. L e sieur
Brun n ’aurait eu aucune raison de s’y tenir. Il était maître de sa
fortune. Il n ’eut pas craint de manifester par un acte aussi positif
la prédilection exclusive dont la dame Verniette se dit l ’objet.
Qu e si l ’on admet que le testament est vraiment écrit par le
sieur B r u n , et que le testateur savait ce q u ’il faisait, ce testament
ne resterait pas moins vicié d ’ une nullité radicale, comme n ’étant
pas l ’expression d ’ une volonté libre.
E n effet, quand on a lu les enquêtes, 011 ne peut révoquer en
doute que le sieur Br un 11e fut tenu en charte privée. Il l ’a
dit lui-même au sieur Bergougnhoux. Plusieurs autres témoins
l ’attestent, et notamment le treizième à qui les demoiselles
Verniette répondirent, un jour q u ’elle insistait pour voir le sieur
�B run son frère de lait, qu*elles n avaient pas La c l e f de la chambre,
et que leur mère était absente.
La dame V er n ie tte , que l ’on dit douée d ’un caractère ferme
ju s q u ’à la rudesse, maîtrisait complètement son frère par la crainte
q u ’elle lui inspirait. ( O n a même vu q u ’il se plaignait d ’en être
b a t t u ) . Cette domination avait'été facile à acquérir par suite du.
caractère doux et timide du sieur Bru n, caractère que les souffrances
avaient achevé de rendre pusillanime.
Dans cet état m ora l, obsédé continuellement par la crainte que
lui inspirait son ty ra n , il ne pouvait exprimer de volonté.libre sur
le don de sa fortune. Aussi toutes les démarches qui ont facilité
le prétendu testament, sont-elles laites par la dame Verniette ou
par son ordre. Il semblerait q u ’elle dirigea la main qui l ’écrivait.
C ’est elle qui l ’avait en son pouvoir, et qui en f it , contre l ’usage,
la remise à un notaire.
T o u t , comme on le voi t, s’est passé à l ’égard de cet acte, d ’une
manière insolite, extraordinaire.
Ma inte na nt, q u e , selon M. Tou llier, un testament olographe
soit p lu s fa v o ra b le que le testament reçu p a r des notaires; que la
présom ption de sagesse soit toute entière en fa v e u r du testateur
<jui p ren d le soin d ’écrire ses dernières v o lo n tés, nous ne con
testons point cette doctrine; mais nous soutenons q u ’elle ne peut
recevoir d ’application à l ’espèce, parce que l ’écriture et la signature
ne sont point reconnues par les héritiers naturels q u i , au con
traire, en dénient formellement la sincérité; parce que la présomp
tion de sagesse, en faveur du testateur, disparaît devant le double
fait d ’aliénation et de charte privée.
Lorsque tant et de si graves circonstances s’élèvent contre la
sincérité du testament a t t a q u é , quelle confiance pourrait lui
accorder la justice? A h ! sans doute, si la C o u r , dans son amour
ardent pour la justice, ne frappe point immédiatement de sa répro
bation celte œuvre de fausseté et de déception, c’est que les intimés,
jaloux eux-mêmes de voir briller la vé r it é , n ’ont point formé
d ’appel incident pour amener une décision sur le fond, et q u ’ils
se sont bornés à demander la confirmation du jugement qui ordonne
une nouvelle vérification.
F O U L H O U X , A v o ca t.
MA RIE., L ice n cié -A v o u é .
R I OM ,
de
l ’i MPRIMERIE
De
salles
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bonhours, Annet. 1831?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Foulhoux
Marie
Subject
The topic of the resource
successions
testament olographe
testaments
infirmes
conseils de famille
experts
faux en écriture
expertises graphologiques
signatures
témoins
démence
médecine légale
affection fraternelle
charte privée
abus de faiblesse
procuration
notaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour les sieurs Annet et Michel Bonhours, dame Anne Bonhours et le sieur Jean-Baptiste Celme, son mari, et le sieur Louis Bonhours, tuteur légal de ses enfans mineurs, tous propriétaires, habitans la ville de Montferrand, Intimés ; contre dame Antoinette Brun, veuve en premières noces du sieur Guillaume Bujadoux, et sieur Joseph Verniette, son second mari, marchands, demeurant en la ville de Clermont, Appelans.
Annotations manuscrites.
« 19 mai 1931, 1ére chambre… Déclare le testament du sieur Michel Brun, du 20 octobre 1823, vrai et valable. »
Table Godemel :
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1802-1831
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2718
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2717
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53555/BCU_Factums_G2718.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
affection fraternelle
charte privée
conseils de famille
démence
expertises graphologiques
experts
faux en écriture
infirmes
médecine légale
notaires
procuration
signatures
Successions
témoins
Testament olographe
testaments
-
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8acb8c5aae0e52452e0bc041e6564460
PDF Text
Text
COUR ROYALE■
:
MÉMOIRE
DE RIOiM;
Dame
A n to inette
du sieur
B R U N ,
G u illa u m e
V E RNIETTE,
ve u ve, en premières noces,
B U J A D O U X ,
et sieur
J oseph
son second m ar i, marchands, ha-
b it a ns de la ville de C l e r m o n t , appelans ;
CONTRE
L e s sieurs A
n e
nt
et
M ic h e l
B O N H O U R S , dame
B O N H O U R S et sieur J e a n - B a p t i s t e
C E L M E son m ari, et le sieu r Lo u is B O N H O U R S ,
A n ne
tuteur lég a l de ses enfans m ineurs, tous proprié
taires, habitans de Clerm ont, partie de Montf errand,
Intimés.
P
armi
■- J
I re
•
les droits accordés par la loi civile à l ’homme
social, un des plus respectables est celui de trans
mettre son patrimoine à un héritier de son choix.
C hez tous les peuples, les législateurs ont protégé
l ’exercice de ce droit sacré qui nous f a i t , en quelque
sorte, revivre dans la personne dont les affections et
il |
'■
»!
'
POUR
M1
CHAMBRE.
f:
�les services ont mérité un dernier témoignage de nos
souvenirs et de notre reconnaissance.
Mais il est rare que les efforts de l ’intérêt privé ne
cherchent pas à. anéantir les dernières volontés d ’ un
testateur. Pou r tâcher d ’y parvenir, les collatéraux ne
manque nt pas de prétextes-, l ’homme q u ’ils ont oublié
pendant sa vie leur parait inju ste, s i, à sa m o rt, il les
oublie lui- même, s’il gratifie ceux q u i , dans tous les
instans de sa vie , lui ont consacré leurs soins, et q u i ,
pour embellir son existepce ou la soulager dans les
tristes années d ’une vieillesse infirme, n ’ont épargné ni
voyages, ni veilles, ni dépenses.
C ette cause présente un nouvel exemple de ces ten
tatives hasardées, contre sa propre conviction, par l ’es
prit de cupidité qui se laisse bercer de l ’espoir q u ’il
de vra , peut-être à l ’err eu r,
justice éclairée l u i refuserait.
une hérédité q u ’une
L e sieur B run a légué, par un testament olographe,
toute sa fortune à la dame V e r n ie t t e , sa sœur.
T o u t devait faire prévoir cette disposition.
U n e amitié toute particulière unissait le frère et la
sœur ;
C e l l e - c i avait recueilli dans sa maison un frère
infir me, qui avait quitté Paris pour être entouré des
secours d ’une sœur chérie. L à lui avaient été prodigués
les soins les plus m in u t ie u x , et tous les soulagemens
que des infirmités peuvent trouver dans les ressources
de l ’a r t , dans les attentions délicates des sentimens
fraternels;
11 ne voyait jamais les enfans Bonhours, qui sont
�ses neveux, il est vrai, mais dont il disait avoir depuis
long-tems à se plaindre.
L e sieur Brun a tracé, dans l ’écrit qui contient ses
de rnières volontés, des dispositions que son cœur lui
avait dictées; et son testament est tout à-la-fois un
monument d ’affection fraternelle et de gratitude.
Co mm en t pourrait-il être sérieusement critiqué?
Aussi dans l ’embarras où ils se tr ouv en t, les enfans
Bonhours qui attaquent le te st am en t, tantôt sou
tiennent q u ’il n ’est pas l ’oeuvre de la main du défu n t,
tantôt prétendent q u ’il n’est pas celle d ’un esprit sain
et intelligent; n'hésitant pas ainsi, pour se procurer
un succès illégitime, ou à accuser d ’ un faux la dame
Verniette, leur ta n te, ou à flétrir, par la supposition
de la démence, la mémoire de l ’oncle dont ils veulent
envahir la fortune.
Ces argumens, qui se détruisent l ’ un l ’autre par
une choquante contradiction, en les isolant même,
seront faciles à combattre.
^
Déjà une vérification par experts a fait justice de
l ’une de ces déplorables objections.
U n e preuve par témoins, en réduisant l ’autre à sa
vraie valeur, démontrera aussi qu'une volonté cons
tante et éclairée avait préparé, et a consommé les
bienfaits que le testateur s’est plu à répandre sur une
sœur q u ’il chérissait spécialement.
FAITS.
L e sieur Michel B r u n , dont le testa men t a donné
�lieu au procès, avait habité Paris pendant trente ans
environ.
D u r a n t cette longue absence, il n ’avait conservé de
relations intimes q u ’avec la dame Antoinette Brun sa
sœ ¡r, épouse du sieur Verniette, négociant à Glermont.
Il avait cependant une autre sœur, la dame Mich lie
B r u n , qui demeurait à Montferrand, où elle s’était
mariée avec le sieur Bonhours; mais les rapports du
sieur Brun avec cette sœur et avec l^-s Bonhours étaient
nuls ou peu agréables; il éprouvait même pour eux
une sorte d ’éloignement dont il est inutile de recher
cher les causes, mais q u ’il a manifesté dans plusieurs
circonstances.
Au contraire, il avait toujours existé entre lui et la
dame Yer niette une amitié v i v e , q u ’avait entretenue
un échange mutu el de soins, de services et d ’attentions,
et qui engageait le sieur B r u n à faire de tems en teins
■des voyages à C le :m o n t pour revoir sa sœur et pour
passer quelques semaines auprès d ’elle.
Dès 1802, il avait entrepris la commission à Paris-,
et souvent il envoyait à Glermont des marchandises de
diverses sortes. Sa sœur Antoinette lui procurait des
demandes 5 il la chargeait aussi de ses recouvremens.
Ces rapports d ’affaires ajoutaient à leur i n t im it é , et
line correspondance suivie existait entr’eux.
C ett e correspondance est établie par une foule de
lettres qui attestent aussi les sentimens affectueux du
frère envers la sœur; elle n ’a cessé q u ’en octobre 1823,
au moment oii le sieur Br un a quitté Paris pour venir
�habiter auprès et dans la maison même de la dame '
Verniette.
E n i 8 o 5 , il désira être parrain d ’une fille de sa sœur,
alors épouse du sieur Bujadoux; il fit , dans ce b u t , le
voyage de C le r m o n t , logea chez sa sœur, et passa deux
mois auprès d ’elle, sans autre table que la sienne.
E n 1809, il voulut goûter les plaisirs des vendanges
auprès de sa sœur; il occupa chez elle les mêmes appartemens que dans ses précédens voyages, fut traité de
la même manière, et ne la q u i t t a , elle et sa famille,
q u ’avec regret, lorsque ses affaires ne lui permirent
plus de prolonger son séjour. C e fut dans cette circons
tance, que le frère et la sœur se donnèrent réciproque
ment leur portrait.
.
Il serait superflu de parler des différens autres
voyages. Mais 011 ne doit pas passer sous silence celui
que fitle si eurB run, en 1 8 1 7 , q u ’avait rendu nécessaire
la mort de son père, et lors duquel eut lieu le partage
des biens de la famille.
Ces biens étaient situés à Montferrand , ce qui obli
geait M. Brun de se rendre fréquemment dans cette
ville où demeuraient les Bonhours. Cependant jamais
il n ’a couché chez eux; et lorsqu’il s'était vu dans la
nécessité de passer la journée à Montferrand, le soir il
revenait chez sa sœur Antoinette Brun, à Clermont.
L e sieur Brun avait souvent pressé la dame Verniette
de venir le voir à Paris. C elle -c i, mère de famille et
mar chande, n ’avait pu se rendre a son invitation.
Mai s, en février 18 22 , elle apprend que son frère
est malade. Alors l ’affection re m po rte , elle abandonne
�( 6 )
son ménage, son commerce, et va passer auprès de son
frère deux mois q u ’elle consacre à l ’entourer de ses
services. Ce n ’est que lorsqu’elle l ’a rendu à la santé,
q u ’elle quitte Paris pour revenir auprès de sa famille.
Cependant
plusieurs banqueroutes éprouvées par
le sieur Br un pendant l ’année 1 8 2 2 , lui causent des
chagrins qui bientôt altèrent encore sa santé-, des soins
cons'ans lui deviennent nécessaires. Il sent le besoin
de ne pas être livré à. des services mercenaires , e t ,
par une lettre écriteMe 9 février 1823 au sieur Jarton
aînéj marchand à Clermont^ il le prie de déterminer
une des filles de la dame Ve rnie tte , la demoiselle
Amélie Bujadoux sa filleule, à se rendre auprès de lui.
C elle -ci,
qui entrait alors comme novice dans la
communauté des Urs ulines , ne put se rendre auprès
de son oncle; mais elle fut remplacée par sa sœur ainée,
la demoiselle Agathe Bujadoux, q u i a prodigué pendant
plusieurs mois au sieur B r u n tous les services que son
état pouvait exiger.
Indisposée elle-même, et voyant son oncle en conva
lescence ,
la demoiselle Agathe revint auprès de sa
mère en juillet 1823.
L e sieur B run resta encore plusieurs mois à Pari s;
mais sa santé étant chancelante, et ses infirmités p a
raissant s’accroître, il vo ulut quitter les affaires et
venir se fixer à Clermont auprès de sa sœur.
A lo rs , pour se conformer aux désirs prcssans q u ’il
manifesta par plusieurs lettres écrites en octobre 1823,
le sieur Ve rniette son beau-frère alla le chercher.
A v an t de q uit te r Paris, il mit dans ses affaires lo
�( 7 )
'ìS V
plus grand ordre; il résilia le bail de son logement,
régla ses comptes avec ses commis, donna sa procuration
à un notaire de Paris, acheta une v o i tu r e , fit marché
avec un voiturier de Marvejols, et, voyageant à petites
journées, arriva à Clermont le 2 novembre, accom
pagné de son beau-frère Y e r n ie t te , chez lequel il alla
loger, suivant son usage,N.et dans la maison duquel il
est resté jusqu’à son décès.
Les jours qui suivirent l ’arrivée du sieur B run
furent employés par lui à rendre des visites à ses amis,
à régler différens comptes avec ses commettans, et à
quelques autres affaires.
L e i 5 novembre, il acheta divers objets à son usage;
le 1 7 , il acquitta de sa propre main une facture du
sieur Leg oy t et en signa l ’acquit (1).
L e 20 novembre, il fit le testament olographe, dont
les enfans Bonhours demandent la nullité.
C e testament est court; mais il contient tout ce qui
est nécessaire pour sa validité. L e içodèle en avait été
demandé à un jurisconsulte de Clermont. En voici les
termes :
« Ceci est mon testament^: »
« J’institue
mon
« Antoinette Br un.
héritière
universelle
ma sœur
A C le n n o n t-F erran d , le vingt
h novembre mil huit cent vingt-trois.
Signe Brun
« Michel. »
Depuis comme avant ce testament, le sieur Br un
a continué de sortir, le plus souvent seul; de visiter
(1) On rapporte cette facture et son acquit.
'
*
�ses amis; de diner chez eux ; de vaquer librement à
ses différentes affaires; enfin d ’agir et de parler comme
un homme qui jouit de toutes ses facultés morales.
Il donna notamme nt, le 4 février 1824? au sieur
Verniette une procuration qui fut reçue par le sieur
A s t a i x , notaire à C le r m o n t ,
et qui autorisait son
fondé de pouvoirs à traiter avee un sieur M alhie r ,
dont il avait été l ’associé à Paris.
C ’est seulement peu de mois avant sa m o r t , que,
son mal s’aggravant, il a cessé de sortir de la maison
de la dame V e r n ie t t e , où il occupait l ’appartement le
plus commode.
L e sieur Brun est décédé le 20 octobre 1824, laissant
à la dame Verniette une fortune modique , il est v r a i ,
mais précieuse pour elle, comme un gage del à tendresse
de son frère.
Telle est l ’analyse fidèle des faits qui ont précédé la
contestation actuelle.
L e testament fut présenté le 3 o octobre p a r M ' F a b r e /
notaire à Cle rm ont, au président du tribunal civil, L a
description en fut faite, et le dépôt ordonné entre les
mains du même notaire^, e t , par une ordonnance du
3 décembre su iv ant, la dame Verniette fut envoyée
en possession des biens de l ’ hérédité.
Cependant la famille Bonhours annonce bientôt des
projets hostiles.
L e i 5 janvier 1825, un conseil de famille est réuni
pour en obtenir une autorisation afin d ’agir en partage
de la succession de l ’oncle.
C e conseil de famille, dans la délibération d u q u e l il
�(
9
)
n ’est pas parlé du testament olographe, autorise l ’ac
tion en partage, quoique l ’un des parens, un oncle
maternel, refuse son consentement, la demande ne lui
paraissant pas fondée.
Alors, et par exploit du 4 février 1825, fut intro
duite l ’instance.
L a dame Verniette fit notifier le testament.
Les enfans Bonhours déclarèrent n ’en pas connaître
l ’écriture et la signature, et formèrent opposition à
l ’ordonnance d ’envoi en possession. Us alléguèrent aussi
que le sieur Brun ét ait, bien long-tems avant la date
du testament, dans un état d ’imbécillité et de démence,
qui ne lui aurait pas permis d ’exercer une volonté libre
et éclairée.
U n ju gem ent, du 3 décembre 182!}, ordonna une
vérification,
Imberl
et
ancien
nomma,
avoué,
pour experts,
Bonjour et
Cavy,
les
sieurs
tous les.
deux notaires l ’un aux Martres-de-Veyre , l ’autre à
Clermont.
L e choix de ces trois experts,
aussi habiles que
prudens, semblait devoir offrir la plus forte garantie
aux inquiétudes des parties et à la sollicitude de la
justice. O11 verra cependant q u ’ il n ’en a pas été jugé
ainsi.
Cependant des pièces de comparaison furent pré
sentées; les unes étaient authentiques, les autres sous
seing-privé.
Parmi les pièces autlientiques, la seule qui fut ré
cente, était la procuration du 4 février 1824, dont
nous avons déjà parlé, comme postérieure au testa
�ment.
C ett e
pièce
fut
présentée
par
les
enfans
Bonhours.
Les actes sous seing-privé consistaient principalement
en lettres écrites à diverses époques par le sieur Br un.
Les enfans Bonhours en présentèrent quatre dont
les dates étaient anciennes; la plus récente était an
térieure de près de quatre années au décès du sieur
Brun.
L a dame Yerniette consentit à les admettre pour
pièces de comparaison, mais à condition q u ’on a d
mettrait aussi beaucoup de lettres q u ’elle produisit
elle-même, et sur-tout celles qui étaient les plus rap
prochées de l ’époque du testament.
Il en fut autrement. Les plus rapprochées, c ’est-àdire les plus propres k éclairer les experts et la justice
furent rejetées par les Bonhours, qui ne pouvaient se
dissimuler le d a n g e r , p o u r e u x , de la comparaison de
ces écrits récens avec l ’écriture du testament.
Cependant les experts procèdent à la vérification
qui leur était confiée.
Dans leur procès-verbal ils transcrivent les dires des
parties. C eux des époux Verniet te rappellent en subs
tance les faits que nous venons d ’exposer, et la preuve
en est offerte.
Il est ajouté q u e , « s’il existe quelque différence
« entre les écritures et signatures du sieur Brun , cela
« ne peut provenir que des attaques et des maladies
« q u ’il a éprouvées; ce qui est établi dans différentes
« lettres q u ’ il a écrites à plusieurs personnes, dans
« lesquelles il leur dit q u ’il a la main tremblante, et
�(
11
)
« q u ’il n ’écrit q u ’avec beaucoup de peine et de diffi« culté. »
A l ’appui de leurs observations, les époux Vernielte
présentent aux experts plusieurs lettres et une facture
acquittée par le d é f u n t , trois jours avant la date du
testament.
Mais les experts-vérificateurs ne crurent pas devoir
faire usage de ces nouvelles pièces; et se fixant seule
ment sur les pièces adoptées dans le procès-verbal du
commissaire, les rapprochant de la pièce désignée, se
liv ra nt, d ’abord chacun à part soi, à l ’examen le plus
scrupuleux,
s étant ensuite com m uniqué leurs ré
f le x i o n s , ils s ’exprim ent ainsi :
« Nous avons remarqué que la physionomie qui
« résulte de l ’assemblage des caractères du testament
« s’éloigne de celle q u ’offre la contexture des onze
« lettres missives co m p ar ées.' C e p en d an t, en descen« dant dans les détails de la comparaison, on est
« obligé dé reconnaître que la conform ation de beau« coup de mots entiers et de chaque ca ra ctère, pris
« isolément de la pièce indiquée, est très-ressemblante
« à celle des mots semblables et des caractères isolés
« des lettres missives; et q u ’ainsi la différence de phy« sionornie des caractères paraît provenir de ce que
« celle de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur
« et d iffic u lté , tandis que celle des lettres missives
« annonce une plus grande facilité d ’exécution. »
Cet te explica Lion des experts paraîtra foit naturelle^
si l ’on considère que la plupart des lettres missives
étalonL anciennes, et q u ’elles étaient loutes antérieures
�aux attaques et aux maladies qui avaient causé à la
main du sieur B run cette pesanteur et cette difficulté
d ’exécution dont parlent les experts.
Ces hommes de l ’art eussent trouvé plus d ’identité
dans la physionomie, s’ils eussent pu employer, comme
pièces de comparaison, des lettres plus récentes, et
l ’acquit
écrit de la main du sieur Brun l u i - m ê m e ,
le 17 novembre 1 8 23, sur une facture due par le sieur
Lego yt .
Les experts considèrent ensuite les actes aut he n
tiques qui ne leur présentaient que des signatures
isolées et déjà anciennes. L e jplus grand nombre de
ces signatures remontaient à l ’an 1 2 , à l ’an i 3 *et à
l ’an 14 (1804? i 8 o 5 , 18 0 6 ) ; quelques-unes à 1 8 1 8 ;
une seule au 4 février 1 8 2 4 , c ’est-à-dire à une époque
rapprochée de celle du testament , qui est du 20
novembre mil h u it cent vingt-trois.
Les anciennes
signatures
paraissent aux
experts
présenter peu de similitude avec celle de la pièce déniée.
Mais la signature de la procuration reçue A s t a i x ,
notaire, le 4 février 1 8 2 4 , frappe particulièrement
leur attention.
« E lle s’éloigne,
disent-ils,
du caractère de la
« signature ordinaire du sieur B r u n ; mais 011 ne peut
« se refuser à lui trouver une grande ressemblance
« avec celle du testament; et les experts ne doutent
« pas qu e lles aient é té produites toutes d e u x p a r la
« même main. »'
Quo i de plus décisif q u ’ une telle opinion, fondée sur
un acte a u t h e n t i q u e q u ’avaient présenté les Bonh ou rs
�( i3 )
eux-mêmes comme pièce (le cQmparaison, et qui a été
fait presqu’à l ’époque tlu testament, c ’est-à-dire dans
un tems où le testateur était dans le même état p h y
sique, et éprouvait, pour écrire, la même pesanteur
de la main et la même difficulté d ’exécution, effet des
maladies q u ’il avait essuyées.
Les experts descendent ensuite dans des recherches
soigneuses sur la conformation de chaque lettr e, soit
du testament, soit de la.signature; et, comparant cette
conformation* à celle des lettres de la signature de la
procuration et même des caractères et des mots sem
blables q u ’ils aperçoivent dans les lettres missives, ils
démontrent que la même main a dù tracer ces différens
écrits.
Nous ne les suivrons pas dans des détails q u ’il serait
trop long même d ’analyser, mais qui prouvent avec
quelle exactitude, avec quel scrupule les experts se sont
acquittés du mandat que leur avait donné la justice.
Nous nous bornerons à transcrire le résumé de leur
avis. Il est ainsi conçu :
n
« Par suite de l ’examen et des observations qui
« précèdent, les experts ont formé leur opinion et
« déclaré, à Vunanim ité, q u ’il demeure évident pour
« eux que l ’acte soumis à leur vérification a etc écrit
« et signé de la même main qui a tracé les caractères
« de comparaison. »
L e résultat d ’ une telle vérification devait, il semble,
ne laisser aucune ressource aux tracasseries.
Mais les enfans Bonhours ne se découragèrent pas;
ils critiquèrent le procès-verbal des experts, et deman-
�dèrent mie nouvelle vérification 5 subsidiairement ils
offriient la preuve de diverses allégations hasardées,
par lesquelles ils prétendaient que le sieur Br un avait
.toujours vécu en bonne intelligence avec son beau- frère
et ses neveux Bonhours; q u ’étaiit tombé malade, à la
fin de 1823, le sieur Verniette alla le chercher à Paris,
et le conduisit à C le rm o u t; que depuis cette époque,
la dame Ver niette avait fait tout ce qui était en son
pouvoir pour éloigner de lui le père Bonhours et ses
enfans; que la plupart du tems, lorsqu’ils venaient le
voir, ils étaient repoussés avec rudesse sans être admis;
Qu e la dame Verniette le tenait en charte privée
pour empêcher, autant q u ’il était en elle, q u ’il eut
des communications avec ses parens et amis;
Que souvent elle le m altrait ait ,
et q u ’il en faisait
ses plaintes à ceux qui pouvaient l ’aborder;
E n f i n q u ’il avait f ré q u e m m e n t des attaques q ui lui
faisaient perdre connaissance, et qui l ’avaient réduit à
un état d ’imbécillité.
On ne fixait pas d ’ailleurs l ’époque à laquelle avait
commencé cet état d ’imbécillité.
Ces faits n ’étaient ni vrais ni vraisemblables, ni
pertinens. C ’est ce que démontra la dame Verniette
en demandant l ’ homologation du rapport des experts.
I,a cause portée h l ’audience,
le t r ib u n a l , par un
jugement du 23 avril 1 8 2 7 , n ’admit pas la preuve
offerte; mais par de longs considérans, déduits n o
t a m m e n t , de la faculté q u ’avaient les juges de 11e pas
adopter l ’opinion des experts, q u i , dans ces matières,
n ’est que conjecturale; du laconisme du testament qui
�( i5 )
lui parut prêter aux soupçons; de la circonstance que
la physionomie du testament s’éloignait de celle des
lettres missives; de celle q u ’à la signature du testament
était ajouté le mot M ic h e l 3 qui ne se trouvait pas dans
les autres signatures; de la différence que le tribunal
crut remarquer entre Vn finale de la signature du tes
tament et celle de la procuration ; enfin et sur-tout de la
surcharge du mot vin g t dans la date du testament; par
ces divers motifs, le tribunal ordonna une nouvelle véri
fication, en la confiant à MM. Hugues, C a il h eet Murât.
Ces experts furent chargés de s’expliquer sur les
surcharges qui existent dans le testament, notamment
sur le mot v in g t, et sur la date qui y existait avant;
d ’examiner si le mot vingt avait été tracé par la même
main qui avait écrit et signé le testament; de peser
enfin dans leur sagesse les doutes que pouvaient faire
naître les réflexions
énoncées
dans les motifs
du
jugement.
C e jugement se mb lait, par ses motifs au moins,
indiquer aux experts l ’avis q u ’ils avaient à exprimer; et
q u o iq u ’il réservât aux parties tous leurs moyens de fait
et de droit, sa rédaction présentait des singularités qui
devaient nécessairement faire éprouver quelque em
barras aux
personnes chargées de la nouvelle vén-
fiication.
On pouvait s’étonner aussi de ce que les Bonhours
n ’avaient pas été soumis à avancer les Irais de celle
seconde opération q u ’ils avaient demandée.
L a dame Verniette a interjeté appel de ce jugement.
Devant la cour, la dame Verniette a demandé l ’homo-
�logation du procès-verbal de vérification, et a renou
v e l é , subsidiairement, l'offre de la preuve des faits
q u ’elle avait consignés dans le rapport des experts.
Les Bonhours, en concluant à la confirmation du
ju gem ent, ont offert, aussi subsidiairement, la preuve
des mêmes faits q u ’ils avaient présentés eu première
instance.
L a C o u r a rendu , le i 5 juillet 1829, un arrêt ainsi
concu
«» :
« At te n du q u e , d ’après la nature de l ’affaire et les
« circonstances qui s’y rattachent, il ne peut q u ’être
« utile pour la découverte de la vérité, de corroborer
« l ’existence du testament dont il s’agit par des preuves
« testimoniales; que cette marche est admissible, soit
« dans l ’e s p r i t , soit dans la lettre de la législation
« romaine et de la législation du code civil,
« P a r ces m o t i f s ,
« L a C o u r , sans préjudice des fins et moyens, tant
« de fait que de d r o i t, qui demeurent réserves aux
h
parties sur le fonds, ordonne, avant de faire d r o i t ,
« q u e , dans le mois, à compter de la signification du
« présent arrê t, faite à avoué en la C o u r , les parties
« d ’ All em and feront preuve, tant par titres que par
« témoins, par-devant M, V e r n y , conseiller-auditeur,
« commis à cet effet:
« i° Que lu dame Verniette et ses filles ont soigné
u le sieur B r u n , tant à Paris q u ’à C l e r m o n t , pendant*
« les dernières années de sa vie, dans les maladies quo
« celui-ci a essuyées, ou à raison de scs infirmités;
« 20 Qu e le sieur Br u n , voulant venir se fixer à Cler»
�(
*7
)
« mont à la fin de 1823, invita le sieur Verniette à
/
« le venir chercher à Paris; et que le sieur Verniette,
« cédant à cette invitation, se rendit effectivement à
« Paris et revint à Clermont avec le sieur B r u n , qui,
« depuis, ju sq u’à son décès, a continuellement habité
« avec les époux Vern iette;
« 3 ° Qu e le sieur B r u n , depuis son arrivée à Cler« mont jusq u’à son décès, a reçu et rendu de nom« breuses visites et est allé dîner plusieurs fois chez
« des personnes avec qui il avait eu d ’anciennes rela« tions; que, d ’ailleurs, il sortait fréquemment, soit
« pour se promener, soit pour voir ses amis;
« 4°. Q u ’il a souvent exprimé à diverses personnes
« son affection particulière et sa reconnaissance pour
« la dame Verniette sa sœur, ainsi que sa volonté de
« lui laisser toute sa fortune ;
« 5 ° Que lorsque son testament eut été fait, ce
« testament a été présenté à des jurisconsultes, pour
« savoir s’il était régulier;
« Q u e , depuis la date de ce testament, le sieur
« Br un a déclaré plusieurs fois q u ’il avait donné toute
« sa fortune à la dame Ve rnie tte , sa sœur;
« S a u f aux parties de Godemel toute preuve con« traire, dans le même délai et par-devant le même
« commissaire, dépens réservés. »
Comm e 011 le v o i t , la C o u r a ordonne la picuve
offerte par la dame V e r n ie i le ; elle l ’a ordonnée parceq u ’elle l ’a considérée, non peut-être comme rigoureu
sement nécessaire, mais comme utile pour corroborer
V existence de testam ent; elle l ’a ordonnée en autoriT+
0
�sant seulement lesBonhours à faire la preuve contraire.
L ’on verra bientôt que tous les faits articules ont été
prouvés par la dame Ver niette , et que certains de ces
faits sont établis même par la preuve contraire, dont la
plupart des dépositions, d ’ailleurs, roulent seulement
sur de vagues propos ou sur des points non interloqués.
Mais, avant d ’entrer dans l ’exposé de ces preuves
orales, fixons-nous sur celles qui résultent de la vér i
fication de l ’écriture du testament.
DISCUSSION.
S I.
E x a m e n du rapport des experts.
Nous l ’avons dit en commençant : le rapport des
experts était aussi satisfaisant que décisif. 11 était
l ’ouvrage d ’hommes aussi éclairés que soigneux, et que
leur sévère impartialité a toujours désignés à la confiance
des tribunaux. Il a été le résultat de l ’examen le plus
m in u t ie u x , qui s’est fixé sur chaque m o t , sur chaque
lettre de la pièce déniée, pour les comparer aux mêmes
m ots , aux mêmes lettres que présentaient les pièces
reconnues.
Les experts n’ont épargné ni soins ni peines pour la
découverte de la vér ité; et leurs recherches les ont
conduits à déclarer, h l ’u n a n im ité, q u ’il demeurait
évident p o u r e u x que l ’acte soumis à leur vérification
avait été écrit de la même main qui avait tracé les
caractères de comparaison.
C e l t e opinion si positive, appuyée sur de nom
breuses et de puissantes raisons, dev rait, il sem b l o ,
�( *9 )
nous dispenser de combatiré en détail les argumens
des Bonhours.
Mais discutons-les rapidement.
L a physionomie de l ’assemblage des caractères du
t
testament s’éloigue, d i t - o n , de celle q u ’offre la con
texture des lettres missives;
L a signature du testament ne ressemble pas à celle
des pièces produites, si ce n ’est à celle de la procuration;
L a lettre n de la signature de la procuration diffère
de la même lettre dans le testament;
L e mot M ic h e l, ajouté à la signature du testament,
ne se trouve pas aux autres signatures;
Les
experts
n’ont
pas parlé des surcharges , et
notamment de celle du mot vingt ;
Enfin le laconisme du testament est frappant.
Telles sont les objections proposées. Reprenons-les.
L a différence dans la physionomie des écrits n ’est
pas un moyen sérieux. Les experts nous en expliquent
la cause; elle provient, disent-ils, de ce que l ’écriture
de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur et
difficulté, tandis que celle des lettres missives annonce
une plus grande facilité d ’exécution.
On pourrait ajouter que tous les jours l ’on remarque
quelque différence de physionomie dans les écritures
faites en divers tems, quoique par la même personne.
E l l e est produite par le changement de plume, d ’encre,
de disposition dans la m ai n , de soin dans celui q ui
écrit, de largeur ou de longueur donnée aux caractères
suivant le caprice de l ’écrivain.
Aussi tousles homuiesde l ’a r t , appelés à comparer des
�écrits, s’attachent-ils moins à la physionomie générale
q u ’à la conformation de chaque mot et cle chaque lettre.
C ’est ce q u ’ont fait les experts. Ils ont comparé
aux mots du testament une très-grande quantité de
mots semblables, pris dans les pièces de comparaison ;
et ils se sont convaincus, ainsi q u ’ils le déclarent,
d ’après la très-grande ressemblance, soit des caractères
isolés, soit de mots entiers, que la même main avait
écrit la pièce déniée et les pièces reconnues.
E n général, les lettres missives sont d ’une écriture
très-fine, et celle du testament est assez grosse. C ’est
une des principales causes de la différence des physio
nomies. C ett e différence n ’existe pas entre le testament
et l ’acquit écrit et signé, le 17 novembre 1 8 2 3 , par le
sieur B r u n , sur la facture du sieur L egoyt ; pièce qui
n ’est pas suspecte et dont parle un des témoins.
M a is, ajo ui e- t- on , parmi les signatures des pièces
de comparaison, il n ’y a que celle de la procuration de
1 8 2 4 , qui soit semblable à la signature du testament.
O n répondra q u ’il suffit de rapprocher toutes ces
signatures pour reconnaître que la dissemblance n ’est
pas réelle, et que, si elle est un peu apparente d'abord,
c ’es t,
comme nous l ’avons déjà d i t ,
à raison de la
finesse de la plume qui a tracé les signatures des pièces
de comparaison.
Aussi la dissemblance est d ’autant moins grande
que les signatures sont plus grosses. Par exemple, si
l ’on rapproche la signature du testament de celle d ’un
acte au t he n tiq u e , passé le 4 brumaire an 1 4 , devant
Gorse, notaire, on leur trouvera beaucoup d ’analogie.
�( 21 )
Toutes les diverses signatures indiquent, d ’ailleurs,
les mêmes mouvemens et les mêmes habitudes dans la
main qui a écrit.
A u reste,
n ’y eût-il même que la signature de la
procuration de 1 8 2 4 ,
qui fût conforme à celle du
testament,, ne suffirait-elle pas pour établir le mérite
de la pièce déniée? Ces deux actes, faits à deux époques
très-rapprochées, signés l ’ un et l ’autre en caractères un
peu gros, revêtus de signatures identiques, et annonçant
l ’un comme l ’autre de la pesanteur et de la difficulté
d'exécution dans la main, ces deux actes ne doivent-ils
pas se servir mutuellement de contrôle? E t si , comme
on ne saurait le contester, la signature de la procu
ration est vraie, comment pourrait-on douter de la
sincérité de celle du testament? ce n ’est pas au nombre
des pièces de comparaison, que l ’on doit s’arrêter dans
de telles vérifications. C ’est la nature de ces pièces,
c ’est le rapprochement de leurs dates avec celle de la
pièce déniée; ce sont enfin les dispositions physiques
où se trouvait le signataire, que l ’on doit sur-tout
* considérer, afin de reconnaître si la même main a réelle
ment tracé les diverses signatures.
Il serait superflu de se fixer sur u ne remarque faite
par les premiers juges; elle consiste en ce qu à la signa
ture
Brun
, le bas du dernier jambage de 1’« n ’est pas
abso lume nt le même dans les deux actes.
C ette différence, qui est fort légère, avait été aussi
remarquée par les experts; mais elle ne leur avait paru
digne d ’aucuneconsidération. Si les Bonhours l ’ont rele
vée,
c’est q u ’ils ont senti le besoin de faire valoir, même
�les plus futiles objections. Nous nous contenterons d ’y
répondre par une observation générale que f o n t, à ce
s u je t, les experts, et q u ’ ils appliquent en même lems
aux paraphes.
Voici leurs expressions :
« C ett e circonstance nous donne l ’occasion de rap« peler que la signature du sieur B r u n , soit dans le
« corps de l ’écriture, soit pour son paraphe, présente
« cles variations sensibles dans les lettres missives et
« dans les actes q u i nous ont é té présentés. »
Observation des plus justes,
et que l ’expérience
confirme tous les jours.
Q u e l ’on compare, en effet., de nombreuses signa
tures de q ui que ce soit, faites, sur-tout^ à des époques
différentes, on y trouver a, si l ’on v e u t , des caractères
généraux de ressemblance; mais si on les examine avec
trop de scrupule , on remarquera entre toutes des
différences sensibles, auxquelles pourraient s’appliquer,
et avec plus de force m êm e , les minutieuses critiques
employées par les Bonhours contre le testament du
sieur Brun.
L ’addition du prénom M ic h e l à la signature Br un
fournit aussi un argument aux Bonhours.
Mais que peut-on en conclure, si, comme les experts
l ’ont reconnu, le mot M ic h e l est écrit de la main du
d éfunt? lors même que le mot serait i n u t i l e ,
son
addition pourrait-elle nuire à la validité de l ’acte?
qui ne connaît la maxime : Quœ superabundant non
n ocen t? Q u ’on le supprime, si l ’on v e u t , le testament
u’eu sera pas moins valable,
�Mais , dira-t-on , le sieur Brun n ’était pas dans
l'usage de l ’ajouter à sa signature.
Q u ’importe? cette précaution annonce l ’importance
q u ’il attachait à son testament^ et le désir q u ’il avait
de ne laisser aucune équivoque sur la personne du
testateur. C a r le prénom M ic h e l devait aider à le faire
distinguer de toutes les autres personnes qui pouvaient
porter le nom de Brun.
Quelques surcharges dans le testament ont aussi
fixé l ’attention des premiers juges. Ils se sont plaints de
ce que les experts n’en avaient pas parlé.
L e silence des experts, à cet égard, prouve seulement
q u ’ils n ’ont pas pensé q u ’on dùl y attacher la moindre
importance. De légères surcharges, qui ne sont même
apparentes que sur le mot vingt de la da te , devaient
d ’autant moins fixer leur attention que la date était
très-facile à lire. Les experts, d ’ailleurs, ont fait tout
ce q u ’ils étaient chargés de faire; ils se sont assurés, et
ils ont déclaré que le testament entier, et par consé
quent le mot v in g t, un peu surchargé, étaient, comme
les autres, écrits de la main du défunt. Ils s’en sont
assurés par la vérification la plus détaillée et la plus
soigneuse. E n comparant, lettres par lettres, les mots
du testament aux mots des pièces de comparaison, a
ceux des lettres missives notamment, ils leur ont trouvé
une parfaite similitude; en sorte que les lettres de la
pièce déniée leu r ont p a r u , dis en t-i ls, porte/ / emp rein le du caractère habituel et involontaire (¡ne donne
la disposition des organes appliqués à l ’écriture. De
quelle conséquence, d ’après cela, pouvait être l ’appa-
�rence d ’ une surcharge? Pouvait-elle nuire à la validité
de la date? personne n ’ignore le contraire. On sait
que les règles de la loi du 25 ventôse an n ,
sur
les surcharges, ne sont pas applicables aux testamens
olographes.
« L a surcharge de la d a t e , non approuvée dans un
« testament olôgraphe, dit M. T o u ll i e r , n ’est pas un
« moyen de n u l l it é , s i , d ’ailleurs, la date est fixe
( D r o i t civil français, tome 6 , n° 3 6 7 ) .
C ’est aussi c e ’ que j u g e , en thèse, un arrêt de
cassation, du 11 juin 1 8 1 0 , rapporté dans tous les
recueils de jurisprudence (1).
Mais, a-t-on d it , le mot vin g t surchargé paraissait
couvrir le mot d e u x , q u i , se rapportant au mois de
novembre, serait précisément le jour de l ’arrivée du
sieur B run à C le r m o n t ; or, ajoute- t- on , il n ’est pas
présumable q u ’il se fût o c c u p é , ce j o u r - l à , de son
testament.
Ainsi on croit voir, c’est-à-dire on présume que le
mot d e u x a été remplacé par le mot 'vingt.
On présume aussi q u e , le jour de son arrivée de
P a r i s , le sieur Br un n ’a pas dû s’occuper de son testa
m e n t; et c’est en réunissant deux futiles présomptions,
q u ’on s’efforce de jeter de l ’ incertitude sur un seul
mot d ’ une date q ui cependant est très-fixe et très-facile
k lire. — Pitoyable argutie , q ui ne mériterait pas
même q u ’on la discutât!
A u reste, en examinant avec attention le mot sur-
(1) V . le Journal de Dcnevers, 8, i, 370, cl celui <le Sirey, io, 1 , 389.
�(
)
chargé, rien n ’est moins apparent mie la substitution
du mot vingt au mot d e u x . La surcharge parait plutôt
provenir de ce que le mot vingt ayant été d ’abord impar
faitement tracé, soit parle défaut delà plu m e, soit-par
toute autre cause, le testateur, en voulant réparer
cette imperfection , a surchargé les traits et appuyé
davantage sa plume, ce qui a noirci la teinte.
D ’ailleurs, c’est évidemment lamême plume, la même
encre, la même main qui ont écrit et cette surcharge
et le surplus du testament. C ’est ce que prouve l ’inspeclion de la pièce; c ’est ce qui résulte aussi du rap
port des experts, qui ont reconnu que tout avait été
écrit par l ’auteur des diverses pièces de comparaison;
c ’est même ce que démontre la plus simple réflexion.
C a r ne .serait-il pas absurde de présumer q u e , de tous
les mots qui composent le testament, un seul eut été
écrit d ’une main étrangère*!
Mais supposons même que le testateur eut d ’abord
écrit le mot d e u x , et q u ’il y eût, ensuite, substitué le
mot v in g t; quelle conséquence pourrait-on en tirer?
L e testament en serait-il moins valable? Le testateur
n ’était-il pas libre, n ’était-il pas capable de disposer,
le d e u x novembre, comme le vingt du même mois?
N ’avait-il pas aussi pu donner à sa disposition telle
date ou telle autre? ne se pourrait-il pas aussi q u ’il
ne l ’eut consommée par sa signature que le jour même
indiqué par la dernière date, surchargée ou non? Quelle
influence cela pourrait-il
avoir sur la validité du
testament? Portât-il même les deux dates du d e u x et
du v in g t,
4
le testament
olographe serait également
�à l ’abri de toute critique.
C ’est ce q u ’a décidé un
arrêt de la C o u r de cassation, du 8 juillet 1823 ( 1 ) .
C ’est trop nous arrêter, sans dou te, à cette vaine
objection.
Remarquons même que toutes les argumentations
contre le testament,
toutes les petites irrégularités
q u ’on lui reproche en indiquent la sincérité. C a r il
eût été facile de les éviter,
si le testament eût été
l ’œuvre d ’ une main coupable. Mais dans la sincérité de
ses dispositions, le testateur n ’a dû y attacher aucune
importance. Dans sa bonne foi, l ’ héritière n ’a pas dû
elle-même y faire att en tion; et sans cherchera engager
son frère à écrire un nouveau testament où nulle sur
charge n ’aurait été laissée, pour lequel, aussi, aurait
été employée une plume plus fine et plus propre à
donner au testament la physionomie des nombreux
écrits de son frère; sans faire retrancherde la signature
le prénom M ic h e l, q u ’elle savait bien ne pas y être
ordinairement joint; sans avoir recours enfin à aucune
de ces précautions qui décèlent plutôt le dol que la
franchise, la dame Verniette a accepté les bienfaits et
n ’a pas cru devoir s’occuper minutieusement de la
forme de chaque mot de l ’acte qui les consacrait. E l l e
ne po u v a it ,
d ’ailleurs, prév oir,
elle 11e devait pas
même supposer que les Bonhours se hasarderaient,
contre leur propre conviction, non pas à dénier, car
ils ne sont pas allés jusque-là, mais à dire q u ’ ils ne rc( 1 ) Journal de Sircy, tom. 25 , 1 , 3 1.
�( 27 )
connaissaient pas récriture et la signature du testateur.
Enfin les premiers juges se sont étonnés du laconisme
du testament.
Etrange objection ! comme s’il était nécessaire de
dire beaucoup de mois inutiles pour faire une dispo
sition vraie et une disposition saine.
C e laconisme s’exp lique, soit par l ’état physique
du testateur qui a voulu s’épargner les difficultés
d ’ un long écrit, la pesanteur de sa main ne lui per
mettant pas d ’écrire long-tems; soit par la circonstance
que c’est un jurisconsulte qui a donné le modelé du
testament et qui a dû le donner simple mais suffisant.
Le fait a été attesté par ce jurisconsulte lui-m èm e,
entendu dans la cause comme témoin.
L e laconisme critiqué n’a donc rien de surprenant;
on eût pu même être plus concis et notamment suppri
mer, à la signature le mot M ic h e l, qui était absolu
ment inutile.
Nous avons parcouru,
et nous avons réfuté, il
semble, toutes les objections élevées contre le testa
ment. Ce sont, cependant, ces faibles objections qui
avaient déterminé les premiers juges à repousser l ’opi
nion unanime de trois experts des plus recommanda7
bles , dont l ’ouvrage même signalait la scrupuleuse
exactitude comme la capacité; ce sont ces objections
qui les avaient déterminés à ordonner une vérification
nouve ll e, sous prétexte que l ’art des experts était
conjectural, comme si un nouveau rapport, fait par
de nouveaux exp erts, ne devait (rien présenter de
conjectural.
�L ’on remarquera aussi quelespremiers juges n ’ont pas
même chargé les Bonhours des frais de cette seconde vé
rification, quoique ceux-ci eussent d û , dans l ’exactitude
des principes, fournir même aux frais de la première.
C a r c’est à celui qui conteste l ’écriture et la signature
d ’un testament olographe, à démontrer q u ’il n’est pas
l ’ouvrage de la main du défunt-, c’est à lui à faire cette
preu ve , parce q u e , comme demandeur, il doit justifier
sa demande : a ctori incum bit probatio ; parce que le
légataire u n iv e rs e l,
envoyé en
possession
par une
ordonnance du jug e, comme l ’a été la dame Verniette,
a le titre en sa faveur, et que ce titre doit être exécuté
tant que sa fausseté ou sa nullité n ’est pas clairement
établie; parce q u e , d ’ailleurs, le dol et la fraude ne se
présument pas, et que c’est à celui qui les allègue à
les prouver ( C o d e c i v i l , art. i i i G ) .
Telle est la doctrine enseignée par M. T o u ll i e r , dans
son Droit civil français, tome 5 , n° 5 o 3 ; et cette doc
trine a été consacrée par plusieurs arrêts de cassation ,
deux desquels ont été rendus les 28 décembre 1824 et
10 août 1825 (1).
L a daine Verniette a le titre en sa faveur; elle est
non seulement en possession de fai t, mais encore en
possession de droit , en vertu d ’une ordonnance du
président du tribunal de C l e r m o n t , rendue conformé
ment à l ’article 1008 du Code ci vil; elle n ’a pas,
d ’ailleurs, à se défendre contre un héritier à réserve;
elle n’aurait donc rien à prouver elle-même; ce serait,
( 1 ) V o i r le J o u r n a l tic S i r e y , t o m e a 5 , i , pages i
l o m c a G , i , 1 17 , et s ui vantes.
,
58
et s u i v a n t e s ; et
�29 )
au contraire, à ceux qui l ’attaquent à tout prouver
(
pour justifier leurs prétentions; en sorte q u e , y eut-il
même du dout e, l ’exécution du testament devrait être
maintenue.
Mais s’il pouvait rester devant les premiers juges
quelque incertitude dans les esprits sur la sincérité du
testament, les résultats de l ’enquête offerte par la
dame Ver niette , et ordonnée par la co u r, la ferait
entièrement disparaître.
S2.
E xa m en de VEnquête.
L ’enquête est des plus satisfaisantes; c’est ce dont
il est facile de s’assurer en rapprochant de chacun des
faits admis en preuve, les dépositions qui s’y appliquent.
On devait établir, d ’abord, que la dame Verniette
et ses filles avaient soigné le sieur B r u n , tant à Paris
q u ’à C le r m o n t , pendant les dernières années de sa
v i e , dans les maladies que celui-ci avait essuyées, ou
à raison de ses infirmités.
Ces faits sont attestés par un grand nombre de
témoins.
t
L e premier témoin, M. .Tarton aîné, marchand a
C le r m o n t , déclare que « le sieur Brun avait desire
avoir auprès de lui une des demoiselles Bujadoux, dont
il était le parrain; mais que celle-ci n ayant pu se
rendre aux désirs du sieur B r u n , l ’ une de ses sœurs
partit à sa place, et fut accueillie et traitée avec les
marques de la plus entière bienveillance par son oncle. »
�L e témoin
ajoute que
« ce fut lui qui régla et
arrêta le départ de la demoiselle Bu ja doux. »
Il répond, sur l'interpellation de l ’avoué des Bon
h e u r s , « q u ’alors le sieur Br un avait ressenti à Paris
plusieurs attaques. »
Ce témoin dit aussi, « que le sieur B r u n , depuis
« son retour de Paris ju s q u ’à son décès, est constam« ment demeuré chez la dame Yerniette sa sœur, dont
« il a , aussi constamment, reçu les soins. »
L e quatrième té m oin, le sieur B o n n a b a u d , m é
decin ^ qui a soigné le sieur Brun depuis sou arrivée à
Clermont jus qu’à sa m o r t , parle du ton a ffec tu eu x
q u ’avait toujours le sieur Br un en adressant la parole
à sa sœur Verniette ou à ses nièces; il dit ne l'avoir
ja m a is rencontré se u l dans sa ch am bre, mais toujours
¿1 la com pagnie de q u e lq u ’ un de sa f a m i l le , p a rticu
lièrem ent de sa sœ ur et de l a j î l l e aînée.
Il
ajoute q u ’il
occupait
l ’appartement
le p lu s
agréable de la m a ison , ou auparavant i l avait v u la
dam e V ern iette m alade.
L e cinquième témoin a entendu dire par le sieur
B r u n que la fille aînée de la dame Y ern iette avait
f a i t le voyage de P a ris p o u r lu i porter des secours.
L e sixième témoin a vu cette demoiselle à Pa ris,
chez son oncle, qui était alors malade.
L a dame veuve Be rn a rd in , dont la déposition est
la neuvième,
« a été plusieurs fois témoin des soins
« empressés de la dame Y ern iet te pour son fière.
« Elle parle d ’ une c h a m b re qu e la daine Y e r n i e l l o
�( 3, )
« avait fait décorer pour recevoir sou frère, parce q u ’il
« avait l ’habitude d ’être bien logé. »
L e onzième témoin , perruquier du sieur B r u n , « a
« constamment observé q u ’il recevait, dans la maison
« de sa sœur, tous les soins q u ’exigeait son état. »
Il ajoute « q u ’il occupait une chambre au premier
« é t a g e , décorée à neuf. »
L e treizième témoin , sous-maîtresse dans l ’insti
tution de Madame Bachélerie, avait su d e là demoiselle
B u j a d o u x , avec qui elle était liée, q u ’elle allait à
Paris pour donner des soins à son
oncle.
Depuis
l ’arrivée à Clermont du sieur B r u n , elle a su que sa
sœur et sa nièce lui prodiguaient tous leurs soins.
L e dix-septième témoin, Jeanne P e t it , a vu les soins
donnés par la dame Verniette à son frère, notamment
d e u x ou trois mois avant, sa m o rt; elle les indique
et ajoute que ce soin lu i parut tellem ent répugnant
q u ’e lle dit à la dam e T^erniette , q u ’elle était bien
pauvre , mais q u ’elle ne le fe r a it p a s , quand on lu i
donnerait un louis p a r jo u r .
L e troisième témoin de la prorogation d ’enquête a
su que le sieur Brun a été soigné à Paris et à Clermont
par Madame Verniette et par ses demoiselles. Il a vu
la lettre par laquelle M. Brun avait prié sa sœur de
lui envoyer une de ses demoiselles pour lui donner des
secours dans une maladie dont il était alors atteint. Il
a vu aussi une autre lettre de M. Brun qui se loua it
des attentions de sa nièce ; et M. Brun lui en a parlé
lui-même depuis son arrivée à Clermont.
�Toutes ces dépositions ne laissent pas le moindre
doute sur le premier fait interloqué.
L e second fait tendait à savoir si le sieur Brun avait
invité le sieur Verniette à l ’aller chercher a Paris; si
celui-ci s’était rendu à cette invitation, et si depuis
son arrivée à C le n no nt ju squ’à son décès, le sieur
Brun avait
continuellement
habité avec les époux
Verniette.
Toutes les circonstances de ce fait complexe sont
tellement certaines, q u ’on n ’entreprendra pas, sans
d oute, d ’en nier aucune.
Qu e ce soit sur l ’invitation du sieur Brun , que le
sieur V e r n ie t t e , son beau-frère, est allé le chercher à
Paris et l ’a conduit à C l e r m o n t , c’est ce que prouvent
même plusieurs lettres du sieur Br un.
Dans une lettre du 8 octobre 1823, écrite à sa sœur,
il s’exprime ainsi : Je voulais écrire hier p o u r dem ander
que Von fa s s e partir v ite mon b ea u -frère y mais
31 . Jarton ou J^augelade, je crois, me d it q u ’ i l était
in u t ile , et que 31 . B a rd avait écrit en lu i marquant
de ne pas perdre de tems.
Dans une autre lett re, du même mois , au sieur
Verniette, il lui dit : T^olrc départ rn est tout-à-fait
nécessaire et même urgent.
Beaucoup de témoins parlent aussi de cette demande
du sieur B r u n , et du départ du sieur Verniette pour
ramener son beau-frère à Clermont.
C ’est ce que
déposent, notamme nt, le premier témoin, le huitième
et le neuvième de l’enquête directe, le premier et lu
troisième de la continuation do celte enquête.
�Qu ant à la cohabitation constante du sieur Brun
depuis son arrivée à Clermont ju sq u’à son décès, elle
n ’a jamais été désavouée par les Bonhours, q u i , au
contraire, en ont argumenté eux-mêmes. L a preuve
en résulte, d ’ailleurs, de l ’ensemble des dépositions
des deux enquêtes, dépositions dont plusieurs parlent
de la chambre décorée à neuf q u ’occupait le sieur Brun
chez sa sœur.
Par le troisième fait interloqué, la C o u r avait voulu
savoir si le sieur Brun , depuis son arrivée à Clermont,
avait reçu
•> ou rendu de nombreuses visites;/ s’il était
allé dîner chez des personnes avec qui il avait eu d ’an
ciennes relations,
et s’il sortait fréq uem m en t,
soit
pour se promener, soit pour voir ses amis.
Cela tendait à éclairer la C o u r sur l ’allégation des
Bonhours, qui prétendaient que le sieur Br un avait
toujours été tenu en charte privée.
Or,
jamais assertion
ne fut plus contraire à la
vérité. Elle est démentie par la plupart des dépositions
de l ’enquête directe, et même par plusieurs des dépo
sitions de l’enquête contraire.
Ces nombreuses dépositions attestent que le sieur
Brun était très-libre dans la maison de la dame Y e r niette; que ceux qui le connaissaient venaient l ’y voir;
que lui-même allait leur rendre des visites; q u ’il en a
rendu plusieurs, à son médecin notamment, sans être
accompagné de personne; qu il se promenait aussi sur
la place de Jaude, tantôt seul, tantôt avec la dame
Y e rn ie t le ou ses enfans.
Les huitième et onzième témoins de l ’enquête con-
5
�( 34 )
traire déclarent eux-mêmes avoir vu le sieur Br un se
promener, soit devant la porte de la maison Ve rn ie tte ,
soit sur la place de Jaude: ils ajou tent, il est v ra i ,
q u ’il était avec quelqu'un, de la maison V er niette;
mais ce n ’en est pas moins démentir l ’allégation de la
charte privée.
Il est certain, en effet, que le sieur B run n ’a cessé
de sortir et de se promener, ou seul ou en compagnie,
si ce n ’est lorsque l ’augmentation de sa maladie et ses
infirmités s’y sont opposées; c’est-à-dire, comme le dé
clare son médecin B on abaud , quelques mois seulement
avant sa mort.
Il est aussi prouvé par les enquêtes que le sieur Br un
a plusieurs foisdiné ou soupé chez d ’anciens amis. C ’est
ce q u ’attestent, notamment les premier et deuxième
témoins de l ’enquête directe, le troisième et le septième
de la prorogation d ’enquête.
D ’autres témoins ont vu dans diverses occasions le
sieur Brun diner en famille chez la dame Verniette sa
sœur.
L e quatrième fait interloqué tendait à la preuve que
le sieur Br un avait exprimé à diverses personnes son
affection particulière et sa reconnaissance pour la dame
Ve rn ie tte , ainsi que sa volonté de lui laisser sa fortune.'
Ge fait est attesté par beaucoup de témoins.
L e premier témoin, M. Jarton aîné, lié d ’amitié
depuis l ’enfance avec le sieur B r u n , déclare q u i l lu i
avait m an ifesté des intentions bienveillantes p o u r la
dam e V ern iette sa sœur, et q u ’à l ’époque où il fil son
testament, époque que le témoin ne peut préciser, il
�(
35
)
lui avait dit q u 'il avait e x é c u té ce q u i l avait tou
jo u r s eu l ’intention de fa ir e .
C e même témoin d i t , au contraire, sur une inter
pellation de l ’avoué des Bonhours, que le sieur Brun
ne lui avait jamais parlé, avec le ton de l ’affection, de
ses neveux Bonhours. 11 se rappelle q u e , fort peu de
teins après l ’arrivée du sieur Brun à C lerm o nt,
le
témoin et sa femme étant allés lui rendre visite, les
enfans Bonhours vinrent aussi le voir,
et q u ’ils en
furent mal accueillis ; que le sieur Br un leur avait
même dit : « Qu e venez-vous faire ici? je n ’ai pas
besoin de vous. »
L a dame Jarton, second témoin
raconte aussi le
même fait.
L e quatrième té m oin , le médecin Bonabaucl, a re
marqué le ton affectueux q u ’avait toujours le sieur
Bru n en adressant la parole à la dame Verniette et à
ses enfans. Il dit que jamais il ne lui a parlé des enfans Bonhours.
L e sieur Brun a dit au cinquième témoin, dans une
conversation, q u i l se trouvait p lu s h eu reu x dans le
sein de sa fa m ille 3 à C le r m o n t, que lorsqu’il en
était f o r t éloigné.
L e sixième témoin déclare que, « dans les différentes
« conversations q u ’il a eues à Paris avec le sieur Brun,
« il lui a paru que ce dernier portait plus d ’affection à
« la dame Verniette sa sœur, q u ’aux B o n h o u r s ,..........
« et que lorsqu’ il a entendu parler du testament du
« sieur B r u n , il n’en a pas été surpris. »
Le douzième témoin était dans la maison, un jour
�'( 36 )
où l ’un des enfans Bonliours se présenta à son oncle,
q u i le reçut assez froid em en t y le témoin lui ayant
fait observer que c’était son nev eu , il lui répondit
q u ’ i l le savait bien , mais q u ’i l ne v o u la it pas parler.
A une plaisanterie, lors d ’ une autre visite que le
témoin fit au sieur Brun , celui-ci lui répondit :
« Vous voulez que je me m arie, je suis infirme, je
« n ’ai pas une brillante fortune; j ’ai perdu beaucoup;
« heureusement j ’ai eu une bonne sœur et un beau« frère qui m ’ont été utiles (il parlait alors du sieur
« B u ja d o u x ) ; et ce que je possède, je le laisserai à
« ma sœur Verniette , à qui je conserve beaucoup de
« reconnaissance. »
L e troisième témoin de la continuation d ’enquête
déclare que le sieur Brun lui avait dit que la dame
Verniette et lui s’étaient toujours beaucoup aimés; que
« cette in t im it é , qui datait de l ’enfance, tenait à la
« conformité de leurs caractères, et à ce que la seconde
« femme de leur père les avait obligés, jeunes encore,
« de sortir de la maison paternelle. »
L e surplus de la déposition prouve aussi l'affection
particulière du sieur Brun pour sa sœur V e r n i e t t e . '
L a dame Verniette a v a i t , enfin, offert de prouver,
5 ° q-ue, lorsque le testament eut été fait, elle l’avait
présenté à des jurisconsultes pour
savoir
s’il était
régulier, et 6 ° que , depuis la date de cet a ct e, le sieur
Br un avait déclaré à plusieurs personnes q u ’ il avait
donné toute sa fortune à la dame Verniette sa sœur.
Ces deux faits ressortent aussi de l ’enquête.
Sur le premier des deux faits, M* B i a u z a t , avocat
�(
)
37
à C l e r m o n t , a déclaré que c ’était lui q u i avait donné
le modela du testam ent, qu i l s était attache a fcni'c
le p lu s b r e f possible , parce q u ’on lu i avait dit que le
testateur écrivait péniblem ent.
Il ajoute ne pas connaître la personne qui lui avait
demandé ce modèle; mais que plus tard on lu i présenta
la c o p ié de ce testament, écrite sur une dem i-feu ille de
p a p ier tim bré et signée de M ic h e l B r u n , ........ et q u ’il
trouvala copie conform e au m odèle q u ’il avait fo u r n i.
Sur la représentation faite à M e Biauzat du testa
m e n t, il a cru le reconnaître.
L e neuvième témoin , la veuve Be rnardin, a déclaré
être la personne qui était allée chercher le modèle du
testament chez Me Biauzat.
E lle ajoute que la dame Verniette lui avait dit avoir
consulté sur ce testament
fort régulier.
i\ l.
Boirot qui l ’avait trouvé
H
~ M. B o i r o t, entendu dans la contr’enquête, ne s’est
pas rappelé ce fait; ce qui paraîtra peu étonnant, puis
q u ’il s’est écoulé plus de six ans depuis cette époque.
L e sieur Gillet, horloger, septième témoin, est celui
qui procura à la dame Verniette la demi-feuille de
papier timbré dont 011 s’est servi pour la confection
du testament.
C 'é ta it,
dit-il, peu de
tems après
Varrivée du sieur Brun ci C lerm ont} et pendant q u ’on
fa is a it les vins.
Divers autres témoins parlent des dispositions testa
mentaires, comme leur ayant été déclarées par le
testateur lui-même. Il a d i t , notamment au premier
témoin, à l ’époque du testament, q u i l avait e x é c u té
�( 38 )
ce q u ’i l avait toujours eu l ’intention de f a i r e ; au
septième témoin , et à plusieurs reprises, en parlant
de la dame Verniette : e lle p ren d bien assez de peine
p o u r m oi; elle sera mon héritière, v o ilà mon héritière ;
au neuvième témoiu, q u i l avait tout donné à sa sœur.
Les dix-septième et dix-huitième témoins, Jeanne
Petit et Rosalie L e b o r o t , parlent du testament comme
ayant été fait peu de tems après l ’arrivée du sieur Br un
à Clermont.
L a dame B r u n en parla à l ’ une d ’elles à l ’instant où
il venait d ’ètre fait. L ’autre témoin voulait faire des
emplettes dans le magasin
de la dame Verniette ;
celle-ci, qui était dans la chambre de son frère, étant
appelée, ne descendit ,que pour l ’engager à repasser,
disant q u e lle était en a ffa ires/ que le sieur Brun 3 son
fr è r e , fa is a it son testament et lu i donnait tout ce
q u i l possédait.
L e même fait est déclaré par le quatrième témoin
de la continuation d ’enquête, comme l ’ayant appris
de son épouse, dix-huitième témoin.
On le voit. L ’enquête prouve les soins affectueux
donnés au sieur Brun , pendant ses maladies, soit à Paris,
soit à C l e r m o n t , par la dame Verniette et ses enfans;
E lle
prouve que ce fut sur la demande de son
beau-frère, que le sieur Verniette se rendit à Paris
pour le conduire auprès d ’ une sœur qui le chérissait,
et dont les secours lui étaient nécessaires à cause de ses
infirmités;
E l l e prouve q u ’ il est constamment resté chez cette
sœur; mais q u ’ il y jouissait de la plus grande liberté;
�q u ’il y recevait ses amis; q u ’il allait les visiter luimême et manger chez e u x ; q u ’il se promenait à son
gré, ou seul, ou accompagné de ses parens.
Elle prouve enfin son affection, sa reconnaissance
pour la dame Ver niette , ses projets plusieurs fois
annoncés de lui faire le don de toute sa fortune, et
l ’exécution de ce désir par uii testament dont il parle
so u v e n t, depuis sa d a te ,
comme é tant
une juste
récompense des services qui lui avaient été rendus.
Toutes ces preuves sont d ’autant plus puissantes
que l ’enquête contraire ne les affaiblit même pas.
Dans leur enquête contraire, les Bonhours se sont
principalement occupés de faits sur lesquels l ’arrêt
interlocutoire ne portait pas.
Ainsi ils ont fait entendre plusieurs témoins qui
ont déclaré q u ’ils avaient examiné Je testament, q u ’ils
l ’avaient comparé à des lettres missives qui leur avaient
été présentées par les Bonhours, et q u ’ils avaient cru
reconnaître une différence totale entre le testament
et les lettres.
C om m e si elle était digne de quelque considération,
l ’opinion de certaines personnes officieuses, q u i , sans
mandat de la justice, sur la seule invitation
des
Bo nh our s, et sans autres*renseignemens que ceux qui
leur étaient fournis par ces derniers , sans pièces de
comparaison si ce n’est quelques lettres anciennes; en
un mot, sans autre examen q u ’ un coup-d’œil vague et
sur la justesse duquel a pu influer même la préoccu
pation dont on les avait entourées;
comme si une
telle opinion pouvait être mise en balance avec l ’avis
�unanime de trois experts nommés par la justice, qui
ont opéré sur de nombreuses pièces de comparaison,
et qui ont apporté à l ’opération qui leur était confiée
la scrupuleuse attention que l ’impartialité de leur
devoir leur commandait.
L ’ un de ces témoins, le sieur C u l l i a t , expert, qui
a eu la complaisance de se prêtei* aux désirs des
Bonhours et d ’a l l e r , p a r c u r io s ité , d i t - i l , voir au
greffe du tribunal de Cle rmont le testament qui y
était déposé; le sieur C u llia t prétend avoir comparé
cette pièce à la
Mais ,
chose
procuration
singulière ,
du
lorsque
24 février
le
sieur
1824*
Cullia t
eut beaucoup parlé contre le testament, et de la diffé
rence que présentaient les signatures apposées aux deux
actes, le conseiller-commissaire de l'enquête lui ayant
présenté le testament,, il a déclaré ne p a s reconnaître
clans le testament dép osé la même p iè ce q u i lu i avait
é té présentée p a r M . F a u v e r te ix , greffier. Étrange
résultat qui prouve quel degré de confiance on doit
accordera toutes ces dépositions qui n’o n t , d ’ailleurs,
aucun rapport avec les faits interloqués!
Les Bonhours ont aussi (iherché à prouver que le
sieur Br un était en état de démence et 11e pouvait
pas tester; e t , dans ce b u t , ils ont fait entendre le
sieur
Bergougnoux ,
pharmacien
à
Cle rmont ,
et
quelques autres témoins qui n ’ont fait eu général que
redire ce q u ’ils tenaient du sieur Bergougnoux.
Si l ’on en croit le sieur Bergougnoux , il avait vu le
sieur Brun à Paris un mois avant l ’arrivée de celui-ci à
Cle rm on t; et il l’avait trouvé dans un état de démence
�presqu’absolue , divaguant et ne répondant
exacte
ment
dit-il,
à aucune
question;
il avait
même,
chargé le sieur Jarton ainé d ’en prévenir sa famille.
Plusieurs échos , parmi les témoins de la contre
en quête, ont répété la même chose, comme l ’ayant
apprise du sieur Bergougnoux.
Si le fait eût été interloqué, on eût pu interroger
sur ce point M. Jarton ainé, un des témoins de l ’en
quête directe, mais dont la déclaration a précédé celle
du sieur Bergougnoux.
L a déclaration de celui-ci n ’est, au reste, q u ’ une
marque de plus du zèle ardent du sieur Bergougnoux
pou r la famille B o n h o u r s , dont
on prouverait au
besoin q u ’il a dirigé tous les efforts ; elle ne fera ,
d ’ailleurs, aucune sensation, si l ’on considère q u ’elle
est démentie et par les lettres q u ’a écrites le sieur
Brun à l ’époque même dont parle le sieur Bergougnoux,
et par toutes les dépositions de l ’enquête directe, et
même par beaucoup de dépositions de l ’enquête con
traire, qui démontrent que l ’état moral du ’ sieur Brun
était parfaitement
sain , soit avant son départ de
P a r i s , soit depuis son arrivée à Clermout.
L e sieur Brun est arrivé à C le r m o u t , le deux no
vembre 1823 ; et dans les mois d ’aout, de septembre
et d ’octobre précédons, il avait écrit plusieurs lettres,
soit au sieur Jarton je u n e, soit a la famille Verniette,
qui prouvent, q u ’il s’occupait avec beaucoup d intelli
gence de ses affaires de commerce, et q u ’il raisonnait
aussi très-bien sur sa santé.
Dans une de ces lettres, qui est du 12 septembre,
6
�( 4* )
écrite en entier de la main du sieur B r u n , quoi
q u ’elle ait quatre grandes pages et plus de l o n g u e u r , “
le sieur B run donne à sa sœur des détails sur l ’aggra
vation de .sa maladie, sur ses dépenses, lçs tracasseries
q u ’il éprouve, la difficulté q u ’il a à vendre le fonds
de son commerce, etc.
Il y parle aussi clc M. Bergougnoux père q u i , est,
d it -il , toujours à Paris. T o u t le contenu de cette lettre
signale l ’inexactitude de l ’étrange déposition du sieur
Bergougnoux.
Les erreurs de ce témoin sont aussi démontrées par
plusieurs
autres lettres
écrites par le sieur B r u n ,
pendant ce mois d ’octobre 182.3, à la fin duquel il
partit pour Clermont.
Dans deux lettres du même
jour, 8 octobre, écrites l’ une à sa sœur, l ’autre à sa
filleule, dont fut porteur le sieur Jarton ainé qui re
ven ait de Pa ris, il se plaint encore de sa maladie; il
dit combien il est pressé de terminer ses affaires; il ex
prime son désir q u ’on fa s s e p a rtir v ile son beau-frère;
il parle des pertes q u ’il fait depuis un an dans son
commerce, des mesures q u ’ il va prendre pour se rendre
à Cle rm o n t.j T o u t ce q u ’ il écrit annonce une intelli
gence lu c id e , et sur-tout attentive à ses intérêts.
Aussi ne les négligea-t-il pas, ses intérêts, avant de
quitter Paris :
11 traita du fonds de son commerce;
Il prit des arrangemens pour la résiliation de son
loyer, en conservant seulement une d i a m b i c où fut
placé le mobilier q u ’il n ’emportait pas. Ces a rra ng e
mens furent consignés dans un acte sous seing privé.
�(
Nous
43
)
rapportons le double signé
"
du
^
propriétaire ;
celui-ci a entre ses mains le double signé du sieur
Brun ;
Il laissa une procuration authentique à M. L a b b e ,
notaire à N e u i l l i , pour terminer ses affaires;
Il acheta un cheval et une voiture pour voyager à
petites journées;
Il prit en un mot toutes les mesures,, toutes les pré
cautions que les circonstances et son état de santé
pouvaient prescrire à l’homme le plus soigneux, le plus
réfléchi.
L ’on sait, et l ’enquête nous l ’a appris, q u ’à l ’arrivée
du sieur Brun à C le rm on t, ses premiers soins furent
de rendre des visites à ses amis, à ses relations, et d ’en
recevoir d ’eux.
L e lendemain même de son a r r i v é e l e 3 novembre
1823 , il régla avec son voiturier les irais du voyage de
Paris, et en reçut une quittance qui est écrite sur son
agenda, au bas d ’un règlement fait de la main même
du sieur Brun.
L e 17 du même mois il acquitta une facture du
sieur Legoyt. L ’acquit,, p o u r solde de tout compte
ju s q u ’à ce j o u r , est écrit en entier, daté et signé de
la main du sieur Brun.
Le 2.4 février su ivant, il donna sa procuration au
sieur Verniette. Ce fut le sieur Astaix, notaire, qui
la reçuttémoin de la prorogay *) et ce notaire (sixième
^
^
lion d ’en q u êt e), déclare que le §ieur Brun lu i parut
j o u ir de toutes ses fa c u lté s in tellectu elles y que sur
�V
( 44 )
une première lecture qui lui fut faite par le notaire,
le sieur Br un fit quelques observations que personne
ne lui suggéra; q u ’après une seconde l e c t u r e , aussi
don née par le notaire, il prit la procuration et la relut
lu i-m êm e.
Sont-ce là des indices d ’imbécillité ou de démence?
Veut-o n s’assurer davantage de l ’état moral du sieur
B r u n , soit à P a ri s , soit à C le rm ont? q u ’on relise les
dépositions des témoins :
Celle du sieur Jarton jeune , à qui le sieur Br un
avait fait un dernier envoi de marchandises le 22 sep
tembre
1823 f cinq semaines seulement avant son
départ de Paris;
Celle du sieur Jarton a în é , qui était à Paris en
septembre*et en octobre 1 8 2 3 , qui y voyait fréquem
ment M. B r u n , qui rapporta des lettres de lui à sa
famille, q u i , certes, aurait bien remarqué le prétendu
état
de
démence
s’il
avait
été
réel ,
et q u i , au
contraire, déclare q u e , plusieurs mois après, à Clerm o n t , à l ’époque où le sieur Brun lui dit avoir mis
à ex écu tio n ses dispositions fa v o ra b les à sa sœ u r,
P O S S É D A I T T O U T E SA. R A I S O N ;
il
'
•Celles de presque tous les témoins de l’enquête
directe et de plusieurs témoins de l ’enquête contraire,
qui ont vu le sieur Brun se promener seul, ([ni l ’ont
visité, qui en ont reçu des visites, chez quelques-uns
desquels il a même d în é plusieurs fois;
C elle , sur-tout, du sieur Bon ab aud, médecin , qui,
ayant constamment soigué le sieur Brun ju s q u ’à son
#
�( 45 )
décès, é t a i t , plus q u ’ un a u t r e , à portée de ju ger de
la capacité morale de celui q u ’il traitait. O r , ce témoin
atteste que le sieur B r u n jo u issa it com plètem ent de
ses fa c u lté s i n t e l l e c t u e l l e s q u i l avait les fo rm es
très-polies
q u 'il mettait de la recherche dans ses
expressions , q u ’i l recevait toujours avec politesse et
reconnaissance les soins des personnes q u i l ’appro
chaient.
Il ajoute : que le malade a cessé de sortir de son
appartement quatre ou cinq mois avant son d é c è s ,
et que s ix ou sept semaines seulem ent avant sa m ort,
v
les attaques réitérées q u ’i l avait éprouvées , et q u i
depuis p lusieurs mois étaient devenues p lu s m ultipliées,
avaient éteint chez lu i toute sensibilité et l'avaient
rendu indifférent à tout ce q u i se passait autour de
lu i ; cependant il reconnaissait les pei'sonnes. q u i l ’en
touraient , et notamment son m éd ecin ; mais il ne
répondait p lu s que très-lentement et p a r m onosyllabes
a u x questions qu'on lu i adressait.
A i n s i , ce n ’est qu e s ix ou sept semaines avant sa
m o r t , que le sieur B r u n avait perdu sa sensibilité;
encore n ’était-il pas en état de dé m e nc e;
Mais depuis plusieurs mois ses infirmités l'e m p ê
chaient de sortir de son ap partement.
C ’e s t , sans d o u t e , celte dernière circonstance, effet
de la maladie et non .de la c o n t r a i n t e , qui a fourni au
sieur Bergougnoux et à quelques autres témoins de
l ’en qu êt e contraire , un
prétexte
pour
tenait le sieur B r u n en charte privée.
dire
q u ’on
�.)
( 46 )
Une autre partie de la déposition du sieur Bergougnoux annoncerait q u e , 25 jours seulement avant le
décès du sieur B r u n , celui-ci était venu chez l u i , lui
par ut bien porta n t, se plaignit de la dame Yerniet te
qui vint le chercher, et disait q u ’elle le maltraitait
et le tenait enfermé.
Comm ent conciliera-t-on cette promenade du sieur
B r u n , sa bonne santé, sa v i v a c i t é , avec son décès
survenu bientôt après, et avec son état physique attesté
par le médecin?
T o u t démontre que la déclaration du sieur Bergougnoux et celle de son épouse, comme celle des personnes
qui ont redit ce q u ’elles leur avaient entendu dire,
sont indignes de la confiance de la justice.
A u reste, ces prétendus faits n'étaient pas inter
loqués. L a dame »Verniette n ’aurait donc pas à les
combattre.
Ces faits n ’avaient pas même été proposés à la C our
lors de l ’arrêt. On s’était borné à offrir la preuve vague
de l ’imbécillité, sans cotter aucun trait q ui la caracté
risât , sans indiquer même l ’époque à laquelle on la
faisait remonter.
Enfin le moral du sieur Brun se fùt-il affaibli à la
fin de ses jours, et celui-ci eût-il été en état de démence
plusieurs mois avant son décès , quelle conséquence
pourrait-on en tirer contre le testament?
Ne.sait-on pas que ce testament, quoique olographe,
fait foi de sa date; et q u ’ il f aud ra it , par conséquent,
�prou ve r q u e la démence était complette au 20 novembre
1 8 2 3 , époque du testament ( 1 ) ?
O r , non seulement cette preuve n ’est pas faite, mais
il e s t , au c o n t r a i r e , démontré par l ’ensemble comme
par le détail des deux e n q u ê t e s , que le sieur B r u n
jouissait alors c om p le tt e m e nt de toutes ses facultés
intellectuelles.
Ne sait-on p a s , aus si , q u ’ un testament olographe
ne pou rrait être dé tru it , sous prétexte de d é m e n c e,
q u e par les faits les plus graves, les plus caractéris
tiques d ’u ne démence habituelle q u i ne fit pas même
supposer d ’intervalles lucides? C a r
« un
testament
« olographe est plus favorable que le testament reçu
« par des notaires. L a présomption de sagesse est toute
« entière en faveur du
testateur qui prend le soin
« d ’é rire ses dernières volontés. »
( T o u l l i e r , D r o it civil français, tome 5 , n° 5 8 ;
Dagnesseau ,
p la id o ye r sur le
testament
de l ’abbé
d ’Orléans. )
* '
Il
s’a g it , dans la c aus e , d ’ un testament olographe,
d ’ un testament dont la sincérité a été reconnue par
l ’avis unan im e de trois experts chargés de le vérifier,
d ' u n testament dont l ’existence est corroborée par une
preu ve aussi complette q u ’on p ou va it la désirer, d ’un
testament qu i est un acte de sagesse et de reconnaissance,
(1) Voir sur ce point du doctrine les Questions de droit de Mcrün,
au mot testament , $ 7; un arrêt df Cassation , du 11 juin 1810; un
anêt de la Cour du Puis, du 17 juin 1822; 1111 anêt de la Cour de
Riom , cause des héritiers De Rouzat, du 20 janvier 18¿4 i l‘l “ n autre
arrêt de cassation, du 29 avril i 8'<4.
L e pr emi er f i nôt est r appor té par D e n c v e r s , t o m e ' 8 , 1 , 2 7 0 ; le
sec ond, le troisic-me et le q u a t r i è m e par S i r c y , t o i n e a j , 33, et t ome
2 , 2 7 7 , e t , m ê m e t ome , 1 , 27C.
�( 48 )
et qui a été le prix des soins d ’une sœur particulière
ment, chérie. L a C o u r ne s’ exposera pas à anéantir les
derniers vœux d ’ un
testateur ; elle s’empressera de
consacrer par sa justice les bienfaits q u ’à sa mort il
s’est plu à répandre sur celle q u i , seule, pendant sa
v i e , s était devouee à soulager ses tristes infirmités.
V E R N I E T T E , née B R U N .
M e A L L E M A N D , A v o ca t.
M e G R A N E T , A v o u é -L ice n cié .
RIO M ,
IMPRIMERIE
DE
SALLES
FILS ,
PRES
LE
PALAIS
DE
JUSTICE.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Brun, Antoinette. 1831?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Granet
Subject
The topic of the resource
successions
testament olographe
testaments
infirmes
conseils de famille
experts
faux en écriture
expertises graphologiques
signatures
témoins
démence
médecine légale
affection fraternelle
charte privée
abus de faiblesse
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Antoinette Brun, veuve, en premières noces, du sieur Guillaume Bujadoux, et sieur Joseph Verniette, en second mari, marchands, habitant de la ville de Clermont, appelans ; contre les sieurs Annet et Michel Bonhours, dame Annet Bonhours et sieur Jean-Baptiste Celme son mari, et le sieur Louis Bonhours, tuteur légal de ses enfans mineurs, tous propriétaires, habitans de Clermont, partie de Montferrand, intimés.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Démence. v. testament. : 2. quel doit être le caractère des faits tendant à établir l’état d’imbécillité ou de démence d’un testateur ? Vérification : Lorsqu’après vérification des écriture et signature d’un testament olographe, les experts ont déclaré, unanimement, dans leur rapport que l’écriture et la signature sont émanés du testateur et que le testament est sincère et véritable ; que cette opinion est fortifiée et corroborée par les preuves contenues dans des enquêtes judiciaires ; les juges ne font-ils pas sagement de refuser un amendement de rapport et une nouvelle vérification d’experts, s’ils reconnaissent que cette vérification prolongerait inutilement le procès, sans espoir d’obtenir de documens plus positifs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1802-1831
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2717
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2718
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53554/BCU_Factums_G2717.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
affection fraternelle
charte privée
conseils de famille
démence
expertises graphologiques
experts
faux en écriture
infirmes
médecine légale
signatures
Successions
témoins
Testament olographe
testaments
-
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5cc80560c1b54c4c33d979e01276a6bf
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MEMOIRE
EN
P O U R le sieur
Ju lien
RÉPONSE,
J O U V A I N R O U X , propriétaire,
en qualité de père et légitime administrateur de
C
l a u d i n e
- F
JO U V A IN R O U X ,
l a v i e
sa f i l l e,
intim é
.
.
i •
CONTRE
1
~
L e sieur L o ui s L E G R O I N G j chevalier de ju stic e
de l ' Ordre de Saint-Jean de Jérusalem , chevalier
de l ' Ordre royal et
militaire de S a in t-L o u is
appelant.
sieur Jean -B aptiste, comte L e g r o i n g , maître
d ’une fortune q u ’il ne tenait p o i n t de sa fam ille,
L
e
n ’ayant pour héritiers naturels que des collatéraux,
a fa it, le 24 décembre 1 8 1 6 , un te s ta m e n t olographe.
�( 2 )
Ce testament contient une institution d ’héritier en
faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux, alors âgée de
cinq ans. Ce jeune enfant est chargée de payer à sa
mère une pension viagère de 800 f r . , et de lui laisser
la jouissance de quelque mobilier.
Le testateur ne se borne point à remplir les forma
lités exigées par l ’article 970 du Code civil, pour
assurer la validité de ses dispositions ; toutes les pages
de son testament sont encore numérotées et signées par
l u i } il le met sous enveloppe 7 le cachète au sceau de
ses arm es, et écrit : « Ceci est mon testament olo« graphe,
déposé de confiance entre les mains de
]\ï- E spiaiasse „ n o taire- ro y a l, à C le r m o n t. — C e 2 4
« novembre
f8 i 6
». Il signe cette suscription.
Le sieur Legroing décède en août 18 17. Pendant
ces huit mois de survie > non seulement il ne montre
aucun regret, mais encore, le 17 mai suivant, il ac
quiert, au profit, de Claudine-Flavie Jouvainroux, une
propriété assez considérable j et bientôt après, craignant
que. ses volontés ne fussent pas pleinement exécutées,
il passe à cet enfant l ’ordre de différentes lettres de
changes dues par le chevalier, son frère.
Il était difficile de penser que ce testament serait
attaqué; jamais, en effet, la volonté d’un testateur
11’avait été plus régulièrement manifestée \ jamais l ’in
tention de persister- dans des dispositions faites avec
liberté, m’était re^sor^ d ’actes austsi positifs.
Aussi, aaidécC'S du comte, l’on put remarquer un
�( 3 5
contraste assez frappant dans la conduite de ses héri
tiers naturels.
i
L a dame chanoinesse Legroing, sa sœur, et le che
valier, son frère, étaient également appelés à lui suc
céder ab intestat. L a sœur a respecté les volontés
du comte : quoique réduite à une fortune modique ,
si on la met en comparaison avec celle du chevalier,
elle a pensé qu’il ne lui convenait pas de s’associer à
ce dernier, pour outrager la mémoire de celui q u ’elle
avait l ’habitude de respecter} elle a voulu conserver
intact l ’honneur de la fam ille, et ne point s’exposer
à rougir d ’une augmentation de fortune, q u ’elle n ’au
rait pu essayer d ’o b ten ir, qu ’en méprisant une vo
lonté qui lui -était con n ue, et en élevant une voix
sacrilège pour insulter aux mânes de son frère.
L e chevalier, au contraire, célibataire, comblé de
richesses, a cru devoir , dans l ’intérêt de la morale
publique ( \ ) , et pour resserrer les liens de la société
et d e s fa m ille s , attaquer ce testament, q u i, suivant
lu i, prouve Valiénation mentale ou Vabrutissement
de Vauteur. U n mémoire de 58 pages, signé par le
chevalier, distribué en première instance avec profusion
et sans nécessité, devait apprendre au public que le
comte, réputé par tous pour homme d ’ honneur, d’une
probité austère } sur dans ses principes, ami c h a u d ,
citoyen écla iré} sujet f i d è l e , était devenu l ’esclave
( i) T o u t ce qui est en caractères italiques est textuellem ent extrait
du Mémoire du chevalier.
�C4 )
d ’iine
f il l e
de
p e in e
cVune servante sans éducation ,
et qui ne possédait aucun des charmes de son sexe y
que , sexagénaire et malade j ce débile amant, dont
des attaques réitérées d ’apoplexie avaient paralysé
une partie de la bouche, et affaibli les ja m b e s, avait
cédé à la captation et à la suggestionne sa concubine
(qu i avait déjà, en sa faveur, un premier testament
authentique, du 28 avril 1807), pour écrire un tes
tament olographe, qui fait passer sa succession, à qui? à
Claudiue-Flavie Jouvainroux, enfant âgée de cinq ans,
que le chevalier suppose être la personne interposée
de sa mère.
Jouvainroux avait épousé F r a n
çoise Boudon. Cet homme adroit et rusé 3 convoite
Ma i s le sieur J u l ie n
les trésors de son maître j i l est le père p u ta tif
d ’une f i l l e q u ’il a eue de son mariage $ i l V instruit à
em ployer toutes les ruses qu i peuvent toucher un
'Vieillard im bécille ; et comme i l 11 avait ja m a is eu
personnellement aucune espèce de crédit sur l ’esprit
de son m aître, q u ’il mangeait même toujours à la
cuisine (1), et que la femme, en changeant de véteteuiens et d ’état} en se form ant une société nouvelle ,
en négligeant son maître et le laissant dans un état
d ’abandon 3 dont tous les voisins étaient indignés, en
fa isa n t des dettes } suite du lu x e auquel elle se l i
vra itj et qui excédait ses moyens a c tu e ls, avait in
disposé le comte qui manifestait sa colère par des
(1) Conclusions signifiées.
�( 5 )
im précations f o r t énergiques et q u ï l répétait avec
fo r c e ; Jouvainroux q u i, en outre, s’apercevait depuis
quelques tems que le com te L eg roin g tém oignait de
l ’hum eur et de la colère contre la m ère, q u ’il résistait
peut-être à fa ir e un testament en sa fa v e u r , lu i f i t
entendre q u ’il valait mieux faire porter le legs uni
versel sur sa fille que sur elle.
Mais A P R È S L E T E S T A M E N T O L O G R A P H E , JUSf/u’ ail décès
du co m te , on ne v o it p lu s q u ’ horreurs , menaces et
mauvais traitemens de la part de Jouvainroux............
d ’où le chevalier, induit que la violence a été jointe à
la captation et à la suggestion, pour arracher à la
faiblesse du comte, la disposition'testamentaire dont
il s’agit.
Il faut convenir que l ’a t t a q u e d u c hevalier ne p o u
vait présenter aucun m otif de crainte à l ’héritière d u
comte; les idées de captation et de suggestion , non
seulement devenaient invraisemblables , mais encore
s’évanouissaient entièrement, si on voulait les appli
quer à Jouvainroux et à son épouse; il était même
avoué que l ’un et l’autre avaient perdu toute leur
influence sur l ’esprit du testateur; de manière que la
captation et la suggestion étant reconnues l ’ouvrage
d ’un enfant de c i n q ans_, il était peu dangereux de ne
pas repondre aux plaintes du chevalier à cet égard.
Que dire également d ’actes de violences exercés après
le testam ent? N ’était-il pas é v i d e n t , d ’une part,
q u ’ils ne pouvaient être
impuiés à
Claudine-F lavie
Jouvainroux, seule partie dans la cause; et de l’autre,
�s’ils eussent existé, loin d ’être propres à obtenir les
dispositions testamentaires du comte, ne devaient-ils
pas, au contraire, le porter à les révoquer ou à les
anéantir ?
L e chevalier disait encore qüe le testament de son
frère était l ’ouvrage de la haine et de la colère ; mais
le rapprochement de différens passages de son Mémoire
prouvait que le comte et le chevalier, d ’un caractère
absolument opposé, ne pouvaient avoir une vive affec
tion l ’un pour l ’autre. L e com te, sur dans ses prin
cip es, alliant l'honneur à la fie r té } avait cru devoir
s ’expatrier et suivre le sort de nos princes. Il était
rentré dans sa p a t r i e ; mais sa s a n té é ta it a lté r é e 3 et
son humeur changée , ce qui était sans doute l'effet
d e ses longs voya g es, de ses souffrances, et des pertes
q u ’il avait éprouvées.
Le chevalier , au contraire , moins sûr dans ses
principes , tenant moins à d ’anciens souvenirs , et
appréciant mieux les avantages de la fortu n e, avait
rendu le fo j't Saint-Ange au conquérant de M alte. I l
suivit le vainqueur en E g y p te, et rentra en France
avec des cap itaux considérables , débris d'un service
a c t if et de ses spéculations maritimes, à l ’aide desquels
il acheta à son profit une partie des biens qui avaient
appartenu à sa fam ille, et se créa une existence plus
douce et plus indépendante que celle q u ’il pouvait
espérer avant la révolution.
'
‘
Cette différence de principes devait éloigner les
deux frères. L e comte no manifestait contre le chevn-
�( 7 )
lier ni Haine ni colère ; mais sa froideur et son indiffé
r e n c e , lorsqu’il en était question , pouvaient facilement
faire deviner quel sentiment il lui inspirait........
Ainsi le Mémoire du chevalier apprenait tout ce
qu’il était nécessaire de savoir pour apprécier sa de
mande : aussi le p u b lic , ses amis même l’avaient jugce.
avant qu ’elle fût présentée au tribunal de Clermont.
Il était dès-lors inutile d ’ajouter à ce que le sieur
Legroing avait écrit ; on pouvait, par reconnaissance,
ne pas lui demander compte de certains principes
légèrement avancés , et lui faire remise du ton de
supériorité et d’audace qu ’il avait pris clans sa défense j
dédaigner ses outrages, et mépriser même ses calomnies.
Le chevalier fut laissé à lui-même, l ’héritière du comte
garcla le silence,, et le t es t a m e n t f u t conf irmé.
Mais sur appel, le sieur Legroing réunit tons, ses,
moyens et renouvelle ses efforts. Il a fait un voyage à
Paris : il y a obtenu une consultation signée de cinq
jurisconsultes, qui lu i permettent d ’espérer de faire
annuller le jugement de Clermont. Fort de ces suffrages,
le chevalier jouit déjà de son triomphe, et il ne re, connaît pour amis que ceux qui le complimenlent à
l’avance sur le gain futur de son procès.
Il faut détruire cette illusion : l ’intérêt de la léga
taire du comte Legroing lui impose a u j o u r d ’ h u i le
devoir de publier sa défense. E lle aurait v o u l u ne point
rompre le silence j mais déjà sa r é s e r v e est présentée
comme l ’effet de la crainte. Ne
pouvant
plus se taire
sans d a n g e r, elle expliquera du moins avec modération
�( 8 )
es circonstances et les moyens de sa cause. Forte de
son d r o it , c’est au magistrat seul qu ’elle prétend
s’adresser. E lle doit dédaigner les vains efforts de l ’in
trigue, et mépriser les passions de certaines coteries,
q u ’à défaut d ’autres moyens le chevalier cherche à
exciter, et appelle à son aide.
/
F A IT S.
L e sieur comte Legroing avait épousé la dame
Demadeau; elle lui porta une grande fortune, et lui
assura des reprises considérables en cas de survie.
L e c o m te émi gr a : tous le§ biens provenus de son
père furent soumissionnés et ven d u s, de manière qu ’à
son retour de l ’émigration, qui eut lieu en 1804, il
ne lui restait d’autres ressources que de faire liquider
les reprises q u ’il avait sur la succession de la dame
son épouse. Ces reprises, réunies à quelques sommes
peu considérables provenues de la succession de sa
mère, composent toute la fortune du comte.
A u retour de l ’émigration, le comte Legroing vint
dans la maison paternelle : l ’état de sa santé exjgeait
un service continuel 5 sa mère, qui l ’ a v ai t a c c u e illi avec
bonté, le confia aux soins de Françoise B ou d on , dont
les qualités lui étaient oonnuesj depuis, cette do
mestique ne l ’a plus quitté.
Le chevalier était à Malte en 1798 : il rendit le
fort Saint-Ange, où. il avait l’ honneur de commanderj
«’embarqua sur l’escadre du vainqueur 5 assista à
�( 9 )
l ’expédition d ’E g y p t e , et revint en France comblé des
dons de la fortune, et honoré secrètement, d it-o n , de
la faveur de son nouveau maître.
Dès leur première entrevue, les deux frères purent
se juger*, le comte Legroing crut s’apercevoir que le
chevalier s’éloignait un peu des principes q u ’il jugeait
ne pouvoir être abandonnés sans d é s h o n n e u r - , il v it,
sans l ’envier, mais peut-être avec pein e, l ’état d ’opu
lence de son frère. On apercevait, en effet, dans leur
position , un contraste si p a rfa it, qu ’il eût été difficile
de deviner q u ’ils avaient servi sous les mêmes dra
peaux, et combattu pour la même cause.
Le chevalier, de son c ô té , pouvait par fois être
blessé de la fierté de son frère. Au tems où il vivait,
sa fidélité à ses anciens
souvenirs d e v a i t ¿-tonner celui
qui savait avec art se plier aux circonstances.
Le
comte n’était plus q u ’un censeur chagrin et incommode :
le chevalier dut s’en éloigner et ne plus penser q u ’à
utiliser les capitaux que son séjour chez Vétranger et
un service a c tif lui avaient procuré.
L e chevalier s’entremit dans les affaires de la fa
mille : il est inutile d ’examiner s’il agit dans ses in
térêts ou dans celui de ses proches ; mais l ’on doit
remarquer que cette circonstance ne fit q u ’augmenter
le refroidissement des deux frères, et que bientôt ils
cessèrent de se rechercher et de se voir.
Le comte avait pris un logement particulier5 il y
habita pendant trois ans : b o r n é à la société intime
de quelques personnes, il ne s o r t a i t de sa maison que
�pour rendre fréquemment ses devoirs, à sa respectable
mère.
Cependant la santé du comte était altérée; son
état d ’infirmité l ’alarmait. Dans cette position, il
crut, devoir disposer de ses biens : en conséquence, il
f[t, le 8 avril 1807, un testament par acte public;,
[)ar lequel il donna à Françoise B oudon, sa. gouver
nante, la propriété de tous les biens meubles et im
meubles dont il mourrait vêtu, et saisi. Ce-testam ent,
très-régulier en sa forme, fut
reçu par Me Cailhe ,
notaire R io m , en présence de quatre témoins.
Cependant le comte sentait la nécessité de se pro
curer q u e l q u e s distract ions et de se créer un genre de
v.ie plus conforme à ses goûts. Il fut se fixer à» Clerm o n t ,. où il avait beaucoup de connaissances , et
çomptait. quelques amis; il y fréquenta plusieurs
maisons quix l ’accueillirent avec égards et am itié , et
fi.tj ijienje long-tems partie d’une société connue à
Çlermont sous la dénomination de Salon delà Poterne.
lin 1 8 1 1 , Frajiçoise Boudon fut recherchée en
niftriçtge«par Julien Jouvainroux; cet homme, né dans
u»p classeï industrieuse et utile de la. société, était
alo^s sacrjstajn,de; latcathédrale; la surveillance et la
conservation, des orneinens et des trésors de l ’église
lui étaient confiées; son honnêteté, sa fidélité à remplir
ses devoirs, et ses vertus modestes lui avaient concilié
l’estime et; la., confiance des ecclésiastiques dont il
dépendait, d e:mnnièrc que le comte Legroing dut voir
avec satisfaction) une union
qui
lui promettait de
�( lï )
nouveàux secours, et q u i , d ’ailleurs, était devenue
indispensable.
L e mariage est du 17 septembre 18 11. ClaudineFlavie Jouvainroux est née le 4 mars 1 8 1 2 , et a été
présentée à l ’officier de l ’état civil par son père, qui
a signé son acte de naissance.
Cette enfant devint bientôt l ’objet de l'affection du
comte. La douce symphatie qui existe entre l ’enfance '
et la vieillesse, les rendit nécessaires l ’un à l ’autre ;
les jeux et les caresses de Flavie charmaient les ennuis
et calmaient les souffrances du vieillard. Les petits
cadeaux et les empressemens de ce dernier captivaient
h. leur tour la légèreté de l ’enfant, qui ne quittait
plus .ton bon ami y le séclitisait à ehacjue instant dll
jour par de nouvellés preuves d ’attachem ent, se joi
gnait h ceux qui lüi prodiguaient des secours, et
appaisait, par ses énipressemeris et ses innocentes pré
venances , les plaintes et les emportemens que la
douleur pouvait lui arracher. C ’est ainsi que Flavie
devint, par les qualités aimables de son âge, si chère
au comte Legroing, q u ’il l’a présentait comme son
héritière à tous ses amis et îi toutes ses connaissances;
ne dissimulait ni l’attachemént q u ’il avait pour elle,
ni la sollicitude dont elle était l ’objet, et ne se plai
gnait des pertes q u ’il avait éprouvées et des dépenses
que nécessitait son état de maladie, q iic parce q u ’il
craignait ne pouvoir assurer à c e t t e enfant une existence
aussi douce qu ’il l ’aurait désiré.
Le testament du comte est du 24 décembre 181G.
�( 13 )
Claudine-Flavie est la seule personne qui occupe sa
pensce; il l ’institue son héritière universelle, et ne
lui impose d ’autre charge que celle de payer à sa
mère une pension alimentaire de 800 francs, et de
lui laisser la jouissance de quelque m obilier; i l ré
voque, au r e s t e t o u s testamens anciens, et même
tous codicilles.
Ainsi l ’institution d ’héritier, de 1807, est complète
ment anéantie, et Françoise Boudon ne reçoit, dans
ce dernier testament, que la récompense due à ses
longs servicesL a forme de ce testament est également remarquable.
L article 970 du Gode civil fuit dépendre la v a l i d i t é
des testamens olographes de l ’accomplissement de for
malités extrêmement simples; la disposition, la signa
tu re, et la date écrite de la main du testateur, sont
les trois seules choses nécessaires et exigées; mais le
comte Legroin g, se complaisant dans son ouvrage, et
voulant donner à sa volonté un caractère d’authenticité
qui lui fut propre, ajoute à la volonté de la lo i; ainsi
toutes les pages de son testament seront numérotées et
signées par lui ; cet acte se trouvera sous une enveloppe
cachetée au sceau des armes du testateur, et déposé
dans l ’étude d ’un notaire, avec cette suscription datée
et signee: « Ceci est mon testament, déposé de confiance
« entre les mains de M. Espinasse, notaire royal à
« Clerm ont-Ferrand, le 2/, décembre 181G. »
La suggestion et la captation, sur-tout la violence,
exigent-elles des soins aussi minutieux pour la coufec-
�9 3
( .3 )
tion des actes arrachés aux malheureùx q u ’elles dé
pouillent...... ? Non : presque toujours la contrainte sé
décèle par l ’omission de quelques formalités essen
tielles.
Mais poursuivons : ce testament n ’était q u ’un acte
de précaution. L e comte Legroing, familiarisé avec
ses m aux, et accoutumé à souffrir, espérait encore
vivre assez long-tems pour assurer la fortuné de son
héritière de prédilection, en réalisant en immeubles
les capitaux q u ’il lui destinait 5 il paraît même que
ce projet aurait été promptement *et pleinement exé
cuté , si le comte avait encore vécu quelques années ,
et si, sur-tout, il eût pu être certain de la rentrée
prochaine cle fonds considérables prêtés avec générosité
mais dont le recouvrement devenait
difficile.
L e 17 mai 1 8 1 7 , c’est-à-dire, cinq mois après le
testament olographe, déposé chez Me Espinasse , le
comte L e g ro in g , Julien Jouvainroux et Françoise
Boudon, son épouse, stipulant pour F la v ie , le u r f ille ,
acquièrent de Marien C ou steix, différens immeubles
situés a Laroche-Blanche, moyennant la somme de
33 ,Goo francs. Cet acte assure ¿1 F la vie la nue pro
p riété de ces im m eubles, moyennant 20,000 fr a n c s/
le comte doit en avoir la jouissance ¿a vie durant ;
et le p r ix de cet usufruit entre dans la vcnie pour
1 3 , 6 oo francs.
Cet acte manifeste bien é v i d e m m e n t la volonté il il
comte. Comment résister aux inductions qui s’en
déduisent naturellement? D ’abord on no cl ira point
‘v
�0 4 )
q u ’il a été arraché par la suggestion, la captation ou
la violence. L a nature de l ’acte repousse.cette idée;
ensuite, s’il n ’eut pas été consenti librem ent, Jouvainroux et sa femme seraient seuls acquéreurs ; ils
n ’auraient point acquis pou r le compte de F la v ie , et
M. Legroing ne se serait pas réservé Vusufruit des biens
compris dans cette acquisition.
Il est évident que la même voloulé qui avait dicté
le testament du 24 décembre, a présidé à la- vente
du 17 m ai; le comte Legroing ne fait rien dans les
intérêts de Jouvainroux et de son épouse; il acquiert
pour J^lavie 3 leur f i l l e . Dans ses intentions, l ’ u s u f r u i t
des biens ne d o it p o i n t leur a p p a r t e n i r , il s 'en réserve
la jo u issa n ce, et y met un p rix, qui prouve q u ’il
conservait l ’espérance d ’élever, et peut-être d ’établir
lui-même cette enfant. Enfin, Jouvainroux et sa femme
ne sont rien dans la pensée du comte; Flavie est la
seule personne dont il s’occupe; elle seule sera pro
priétaire lorsque son usufruit aura cessé.
Peu de tems après, les infirmités du comte devinrent,
plus graves : une maladie cruelle, des plaies q u i s’élaicnt formées aux jambes et qui
exigeaient
des pan-
scineus aussi multipliés que douloureux, rendirent les
soins de plusieurs médecins nécessaires, et obligèrent
d ’appeler une garde-malade. MM. Monestier, Voiret et
Blatin lui donnèrent successivement , et ensemble ,
leurs soins; ils l ’ont vu jusqu’à sa mort. L a nommée
Terrasse, gerde-malade, n’a point, quitté le chevet de
son lit. Les uns el les autres ont éié témoins de l ’af-
«
�( >5 )
fection du comte pour Flavie; il la désignait constam
ment comme son héritière ; recommandait la plti£
stricte économie, et se lo u a it, d ’ailleurs, des soins et
des services de ceux qui l ’entouraient.
F l a v i e était, en effet, 'constamment présente à la
pensée du comte. Les douleurs les plus vives ne pou
vaient le distraire de cette idée unique qui le m aî
trisait entièrement, et q u i, parfois, l’aidait à supporter
ses maux. S’il s’agissait de cette e n fa n t, il devenait
soupçonneux et défiant; les précautions q u ’il avait
prises pour lui assurer sa fortune, lui paraissaient, par
fois, insuffisantes; il aurait désiré pouvoir imprimer
à chacun dés objets qui devaient composer sa succession,
un signe tellement ineffaçable, q u ’ilr fut propre à les
faire reconnaître par tous, c o m m e apj-ïartenant: à son
héritière, et à rendre toute soustraction impossible.
L e comte Legroing était créancier de son frère d'une
somme àssei considérable : il était porteur de tiois
lettres de change; il ne voulut point en laisser la
disposition au sieur Jouvainroux. Se défiait-il de lui?
Avait-il le pressentiment que lés circonstances pourraient.'
lui faire désirer d ’acheter la paix au prix de quelques
sacrifices...... ? Quoi q u ’il en soit, il signala ces effets,
et en passa l ’ordre h Claudinc-Flavie.
Cette précaution du comte sera-t-elle aussi regardee
comme l’effet de la suggestion et de la violence ? Mais
quel avantage présentait-elle à Jouvainroux et à sa
fem m e.....? F ile n ’ajoutait rien à 1» force de la dis->
position faite par le com te, en faveur de Flavie; Îe
�( i6 )
testament était suffisant pour la rendre propriétaire
de la succession, et en exclure le chevalier*, le comte
n ’avait donc, en écrivant cet ordre, d’autre but que
celui d ’assurer la propriété de Flavie contre ses propres
parens, et d ’ôter u ces derniers la possibilité d ’abuser
du dépôt que la loi leur confiait. Les père et mère de
Flavie n ’ont pu désirer cet acte : il est évident q u ’ils
n ’ont point employé la suggestion et la violence contre
leurs propres intérêts; il est aussi certain que le testa
m ent, la vente et les ordres émanent de la même per
sonne, ne forment, pour ainsi dire, q u ’un seul acte, dont
l’objet est d ’assurer à F la v ie s e u le , et au détriment
de ses ascendans 3 la propriété des biens du c omte .
Comment d onc p our r ai t -o n diviser u n ensemble de
faits si propres à manifester une volonté libre et éclairée?
Ne prouve-t-il pas, au contraire, de la part du testa
te u r,
une
anéantit
à
persévérance dans
ses dispositions, qui
l ’avance les reproches de captation et de
violence que le chevalier a osé articuler?
A u mois d ’août, l’état du comte Legroing était
devenu
plus inquiétant; sa maladie avait
fait des
progrès rapides; il était livré à des souffrances cruelles;
il eut recours aux douces consolations de la religion.
MM. C aban e, curé des Carmes, et M o u lh o t, vicaire
de Notre-Dame-du-Port, étaient venus constamment
le voir pendant les 1 5 derniers jour de sa maladie ; il
s’entretenait avec l ’un d ’eux au moins deux fois par
jo u r; il remplit tous ses devoirs avec une respectueuse
soumission, çt mourut en chrétien résigné. Les mal
�heureux espérait peut-être que samémoire serait honorée,
ou q u ’au moins ses héritiers se respecteraient assez
eux-mêmes pour ne pas attaquer les dispositions d ’un
frère auquel, depuis long-tems, ils étaient devenus
étrangers.
Flavie ne pouvait apprécier combien était grande la
perte q u ’elle venait de faire ; cependant ses regrets
furent amers. Mais Jouvainroux et sa femme sentirent
ce q u ’ils devaient à la mémoire du comte. Ses obsèques
furent magnifiques ; sa dépouille mortelle repose dans
un terrain acquis par Jouvainroux, et consacré à con
server le souvenir du bienfaiteur de Flavie.
Les faits principaux qui ont entouré le testament
du comte Legroing étant connus, il convient de tracer
rapidement l ’esquisse de la p r o c é d u r e , d ’i n d i q u e r la
marche tenue par le chevalier, et de mettre sous les
yeux de la C ou r les dispositions du jugement qui a
rejeté ses prétentions.
On a dit que le comte était mort le i 3 août 1 8 1 7 ,
c’est-à-dire huit mois après la confection et le dépôt de
son testament.
L e 1 4 , M® Espinasse, notaire, assisté du
sieur
Julien
Jouvainroux, présenta ce testament à M. le président
du tribunal civil de C lerm on t, qui dressa procès-vcrbal
de son ouverture et de sa forme e x t é r i e u r e , e t rendit
une ordonnance qui en continua le dépôt chez le no
taire Espinasse.
Il a fallu parler de celte
circonstance
pour détruire
les allégations que le chevalier Legroing a osé se per-
3
�svp
(' 18 )
mettre clans son mémoire imprimé (pages 24?
et 2^)Suivant lu i, le testament a été déposé par Jouvainroux
seul; donc il est demeuré, contre la volonté du comte,
possesseur de cet acte important jusqu’au décès de ce
dernier. La signature de M. le président n’est pas suf
fisante pour le rassurer sur la sincérité d’un renvoi qui
indique Me Espinasse comme étant celui qui a présenté
le testament, « parce q u ’on n ’ignore pas ce qui se passe
« à l ’hotel, lorsqu’on vient demander des signatures.
« On présente ordinairement une foule d ’actes rédigés
«■la veille ou le jour même; le président, qui en a
« connaissance,
signe avec confiance , apostille les
« r e n v o i s sa n s a u t r e m e n t y
r e g a r d e r ............. »
Que répondre à une pareille imputation consignée
dans un Mémoire signifié, et que l ’on a osé faire ré
péter dans une consultation?......... E lle est fausse : le
magistrat respectable et éclairé auquel elle était adressée
a cru devoir la dédaigner; et l’héritière du comte ne
doit plus s’en occuper que pour manifester ses regrets
d’avoir été privée, par ce fait, de l ’autorité q u ’aurait
pu ajouter au jugement q u ’elle a obtenu, le suffrage
de M. le président, qui crut devoir
s’ abst eni r.
Le i 5 août, le sieur Jouvainroux, tuteur de Flavie,
lit apposer les scellés sur le mobilier du défunt.
Le 19 , le chevalier Legroing forma opposition à la
rémotion.
U ne ordonnance du
août 1817 avait envoyé le
sieur Jouvainroux en possession des biens ayant appar
tenu au comte Legroing, conformément aux art. 1006
«
�V
( *9 )
et 1008 du Code civil. L a rémotion dös scellés avait
eu lieu , et l'inventaire était même presqu’achevé ,
lorsque le chevalier crut pouvoir prétendre que le mo
bilier d evait'lui être remis, comme héritier naturel,
sauf à le représenter, et déclara q u ’il formait opposition
à l ’ordonnance du 2 3 août.
Une ordonnance rendue en référé, le 2 6 , donna
au chevalier acte de son opposition, et renvoya à l ’au
dience du 27 pour y être statué.
Le chevalier présenta alors une requête où , sans
préciser aucuns faits, il soutint que le testament était
n u l, comme étant l ’eifet de la captation, de la vio
lence,’ de l ’obsession, du d ol, et fait ab ircito. 11 de
manda en conséquence à être envoyé provisoirement en
possession 5 mais le j u g e m e n t d u 27 le déclare non
recevable dans son opposition à l ’ordonnance du a 3 5
maintient, en conséquence, l’envoi en possession pro
noncé en faveur de Jouvainroux, et ordonne q u ’au
fonds les parties procéderont en la manière ordinaire.
Bientôt le chevalier
fait signifier et publier un
mémoire.
Suivant lui ,
i°.L e testament est fait ob irato : il est l ’ouvrage de ■
la haine et de la colère \
20 II est l’ouvrage de la captation et de la suggestion
de la part d ’une concubine.
Pas un seul mot de la v i o l e n c e comme cause de
nullité du testament; ce moyen n ’a même jamais été
présenté au tribunal de Clerm ont, et ne l’est pas
f
�( 20 )
encore dans les consultations distribuées en la Cour.
Ce mémoire est suivi d ’une requête signifiée le 28
mars 1818.
Le chevalier y demande la nullité du testament de
son irère, sous un double point de v u e ,
1" Comme fait en faveur d ’ une f i l l e naturelle du
sieur comte Legroing et -de Françoise Boudon,
sa
gouvernante, laquelle f i l l e naturelle ne s t pas légalement reconnue, et ne p e u t, à ce titr e , espérer que
des alimens;
20 Com me fait ab irato,
co n tre
sa
fa m ille ,
et
comme étant l ’effet de l ’obsession, de la captation et
de
la
s u g g e s t i o n d e la . p a r t d e
JU LIEN
F ra n ço ise
boudon
e t de
JO U V A IN R O U X .
Passant ensuite à la preuve de ces propositions, il
soutient que C laudin a-F la vie Jouvainroux est née du
concubinage de la dame Jouvainroux avec le comte
Legroing.
Parce qu e, i° il est prouvé (suivant lui) que Fran
çoise Boudon est devenue enceinte une première fois,
en 18065 que son enfant, nommée Joséphine, a été re
connue par le comte Legroing, tant dans son acte de
naissance que dans celui de décès;
20 Que Françoise Boudon a continué de cohabiter
avec son m aître, et de vivre avec lu i, soit à Riom ,
soit à C le rm o n t, notoirement et publiquement en
concubinage 5
3 ° Que Françoise Boudon est devenue enceinte une
deuxième fois en 18115 que sa grossesse était de plus
�( 21 )
de trois mois, lorsque M . Legroing a p ig é à propos
de la marier avec Julien Jouvainroux. Q u e, conséquemment, Claudine-Flavie est le fruit du concubi
nage ; ce qui est, au surplus, confirmé par la présomption
de la loi, suivant la maxime : A n cilla m prœgnantem
in dubio vid eri prœgnantem à domino m axim e ;
4 ° Que ces faits se trouvent justifiés par les circons
tances de cohabitation du mari et de la femme avec le
comte,
Par la différence q u ’il mettait entre e u x, faisant
manger la femme avec lu i, et le mari à la cuisine-, par
les soins q u ’il avait pour Flavie : il l ’appelait habi
tuellement sa fille , et celle-ci lui répondait en lui
d o n n a n t le n om de papa.
Enfin, par la tendresse que le comte avait pour cette
enfant. « E lle était si grande, que lorsqu’il s’élevait
« des querelles entre lui et les Jouvainroux, ce qui
« arrivait souvent 3 on le menaçait de lui ôter la petite
« Flavie, pour l ’appaiser et obtenir dé lui tout ce q u ’on
« désirait. »
E n conséquence, le chevalier conclut à ce que C lau
dine-Flavie Jouvainroux soit déclarée enfant naturel
non reconnu du comte Legroing; à ce que l ’institution
contenue au testament du 24 décembre 1 81 6 , et te
donation indirecte faite par la vente du 17 mai 1817,
ainsi que la donation indirecte r é s u l t a n t des ordres
qui se trouvent au dos des lettres de change souscrites
par le chevalier, soient annullées; à ce que toute la
succession lui soient remise, s’en rapportant d’ailleurs
�• f(
22 )
à la prudence du tribunal sur la quotité de la pension
alimentaire qui doit être accordée à C laudin e-F lavie.
Il faut convenir que le chevalier ne pouvait créer
un système qui outrageât plus ouvertement les mœurs
et la dignité du mariage. Ainsi c’est vainement que
les rapports qui existent entre le père et l ’enfant sont
liés à l ’institution la plus sainte et consacrée par les
lois les plus positives : un étranger, mu par un vil
intérêt, peut, en invoquant les. mœurs, troubler le
repos des familles, tenter de détruire l ’état d ’un enfant
légitime, pour le classer parmi les enfans naturels non
reconnus; e t, se jouant de la religion et des lois, les
i n v o q u e r p o u r d ét ru ir e ce q u ’elles ont de pl us sacre,
à l’eiFet de se rendre maître de la succession d ’un frère
dont il ne craint point de flétrir la mémoire.
Tel était cependant le moyen principal employé par
le chevalier en première instance. Les faits de capta
tion et de suggestion, ceux même q u i, suivant l ui ,
tendaient à prouver que le testament du comte avait
été dicté par la colère, n ’étaient articulés que subsidiaireinent.
Les voici :
i u Françoise Boudon a vécu en concubinage avec le
sieur Lcgroing depuis q u ’elle est entrée à son service;
2° A compter de cette époque, elle a mis tous ses
soins pour séparer et éloigner son maître de toute sa
famille. F ile et son mari ont em pêché toute commu
nication avec son frère, ses parens et ses amis ;
3 " F ile avait inspiré à son maître une telle haine
�9*3
( ’3 )
contre ses proches, et notamment contre~le chevalier,
que lorsque le nommé Ghantelot emporta, dans le
mois de juillet 1 81 7 , 8000 francs, de la part du che
valier, à-compte de ce q u ’il lui devait, le comte refusa
de les recevoir, en désavouant le chevalier pour son
frère, et en tenant contre lui les propos les plus inju
rieux ;
4° Que le chevalier s’étant présenté chez le comte,
le 12 du même mois de ju ille t, pour régler ses comptes
avec lui et lui payer une partie de ce q u ’il lui devait,
il ne p ut pas parvenir ju s q u ’ à lu i; q u ’il fut en con
séquence obligé d ’avoir recours à des tiers, et spécia
lement à un jurisconsulte de C le rm o n t, qui se trans
le c o m t e , rédigea la quittance des sommes
q u ’il recevait, et du mo de de p a i e m e n t de ce q u i res
tait d û ; que ce jurisconsulte lui ayant fait lecture de
po rt a chez
cette quittance, dans laquelle il lui faisait dire q u ’il
avait reçu telle somme de son frère, il se mit en fu
reu r, se leva sur son séant, quoique dans un état qui
le privait, en quelque sorte, de tout mouvement; dit
que le chevalier n ’était pas son frère, vomit contre lui
toute espèce d’injure , et ne consentit à signer la
quittance, que lorsque le jurisconsulte présent, qui
l ’avait rédigée, «ut rayé ces mois : Mon frère ;
5 ° La dame Jouvainroux était toujours présente
toutes les Ibis q u ’il arrivait quelques personnes auprès
de son maître. Lorsqu’elle sortait, elle l ’enfermait sous
clef, pour q u ’il y eût impossibilité de sortir ou de
communiquer avec qui que ce fût;
�Fvo
( H )
6° E lle a souvent maltraité son m aître, qui a fait
entendre ses plaintes, et se mêttait à la fenêtre , en
criant au secours! à Vassassin! que ses cris ont attiré
les voisins, le p ub lic, et même la police;
7° Q u ’elle s’emparait des lettres qui venaient de la
fa m ille , et spécialement du chevalier, pour que son
maître n ’en eût aucune connaissance; et q u ’une de
ces lettres a été trouvée dans la commode de la dame
Jouvainroux, lors du proccs-verbal du juge de paix ;
8° Que le comte était absolument dans la dépenda nce de' sa domestique-gouvèrnante, qui s’était em
parée de tous ses biens et facultés, et que le comte
é ta i t t o m b é dans u n é t at de faiblesse et d ’ i mb éc il li tC
tel, q u ’il ne lui restait ni volonté, ni discernement.
L e vague et l ’insuffisance de ces faits se laissent
facilement apercevoir : aucune circonstance n ’y est
déterminée; ils sont d ’ailleurs anéantis par le rappro
chement que l ’on peut en faire des faits connus et
constans au procès.
Les premiers juges les ont appréciés; ils ont examiné
cette cause dans son ensemble et dans tous ses détails.
Il convient de faire connaître leur jugement. }
P remière question : en la forme ;
L e testament du comte L egroin g est-il valable?
A tten d u q u e , conform ém ent à l ’article n eu f cent soixante-dix du
Code c iv il, il a <He écrit en entier, daté et signé de la main du testateur;
que la loi ne l ’assujétissait à aucune autre form alité ; qu ’il n’est môme
pas attaqué en ce point.
D euxièm e question : au fond ;
L e comte L egroing avait-il capacité pour disposer par tostament?
�(
25 )
A ttendu q û e , d'après l ’article n eu f cent deux du Code c iv il, toutes
personnes peuvent disposer, par testa m en t, excepté celles que la loi en
déclare incapables ;
A ttendu que le comte Legroing n’était dans aucun des cas de l'article
guatre cent quatre-vingt n eu f du Code civ il ; qu’il est m ort iiitegri
statds, et que son testament même prouve qu ’il était sain d’esprit.
Troisième question.
L e comte Legroing a-t-il pu disposer de l ’universalité de ses Liens?
A ttendu que le comte L egroing n’avait ni ascendans ni descendans ;
Q u ’a in si, et aux termes de l ’article n eu f cent seize du Code c iv il, ses
dispositions testamentaires ont pu épuiser la totalité de ses biens.
Q uatrièm e question.
L e comte Legroing a -t-il fait son testament par colère et en haine do
sa fam ille ?
A tten d u q u e , quoique le Code civil ne dise rien du cas où un testa
m ent serait attaqué pour cette cause, il faudrait examiner s’ il peut
encore y avoir lieu à l ’action en n u llité admise par l'ancienne jurispru
dence , dans q u e l q u e s - u n s de c e s c a s ;
Mais attendu q u e , quand les faits allégués par le dem andeur seraient
é ta b lis, il n’en résulterait aucune preuve que ce testament a été reflet
de la haine et de la colère du comte L egroing contre sa fum ille, ou ,
pour m ieux d ir e , contfe le dem andeur ; car la dame L e g ro in g , leur
sœ u r, a pensé qu’elle n’avait pas le droit de s’en plaindre.
Ces faits de haine et de colère seraient :
L e p rem ier, un rëfus de la part du comte L egroing de recevoir une
somme de huit m ille francs, que le dem andeur lui aurait envoyée par
le sieur C lia n telo t, le premier ju illet m il h u it cent d ix -sep t, et d’avoir
accompagné Ce refus d’injures contre le demandeur.
L e dem andeur ne dit pas quelles furent ces injures , ni le m otif dû
refus.
L e deuxièm e fait serait que le dem andeur s’étant
p ré s e n té
Iui-mômc,
le douze du mémo m ois, chez son frè re, pour r é g i« 'ses comptes et
payer une partie de ce q u ’ il lu i d e v a it, il ne put pas parvenir jusqu’il
!«»•
L e dem andeur ne dit pas non p lu s pourquoi et par qui il fut empêché
de parvenir jusqu’à son frère,
4
�L e troisième fait est que le dem andeur ayant alors invité un juris
consulte à porter pour lui la somme à. son frère, de rédiger la quittance,
et de régler le mode du paiement de ce qui resterait dû , et le jurisconsulte
ayant fait lecture de la quittance au comte L e g r o in g , celu i-ci se m it
en fu re u r, parce qu ’il y était dit que le chevalier Legroing était son
frère; il vom it contre lui toutes sortes d’in ju res, et ne signa la q u it
tance que lorsque le jurisconsulte eut rayé les mots : M on frère.
L e dem andeur a laissé également ignorer quelles furent ces injures ,
/
et cependant il serait possible que les expressions du comte L egroing ne
fussent pas reconnues injurieuses ; le dem andeur aurait pu regarder
comme injures quelques paroles seulem ent désobligeantes , qu ’un mo
ment d’hum eur ou le m écontentem ent aurait pu p ro d u ire, sans que le
coeur du comte L egroing y prît aucune part.
A u surplus, les frères L egroing auraient pu vivre en m ésintelligence r
ne pas s’aimer ; mais entre la haine et l ’amitié il y a tant d’autres sentim e n s q u i n e t r o u l i l c n t n i l'esprit n i la r a i s o n , q u i ne s o n t n i de la
haine ni de la colère !
E t s i , par de semblables motifs , il était possible d ’annuller les testamens faits au préjudice des collatérau x, il serait presque inu tile d’en
faire.
Enfin , et cette observation serait seule décisive sur ce point :
'A ttendu que le testament dont il s'agit est du vingt-quatre décembre
m il huit cent s e iz e , et que les fa its de colère et de haine allégués ne
seraient que du mois de ju ille t mil huit cent d ix - s e p t;
Q u ’a in s i, ils n ’auraient pas pu influer sur des dispositions testa
mentaires fa ite s sept mois avant leur existence.
Cinquièm e question.
Si ce testament n’a pas élé l ’effet de la haine et de .la co lerc, a-t-il
été celui de la captation et de la suggestion ?
il'
A tten d u que U\s moyens de captation et de suggestion sont comme
ceux de hnine et de coli-rc , méconnus par le Code c iv il; q u e, néanm oins,
s'il en existait, il faudrait encore examiner .aussi s’ils peuvent encore
fonder l’action en nullité, d’ un testament: olographe ;
Mais attendu qu’ il serait ridicule de prétendre qu'un enfant de cinq
ans a employé lu r u se , l'artifice, la mauvaise f o i , lés insinuations per
fides, pour tromper le comte L e g ro in g , lui rendre sa fam ille odieuse,
�V
)
le faire changer de volonté, et surprendre, en sa faveur, des dispositions
qu’il aurait eu l ’intention de faire en faveur du dem andeur;
A ttendu qu’il n'est pas vraisemblable que la force d’esp rit, la fierté
du caractère du comte Legroing aient jamais cédé aux volontés de Fran
çoise B o u d o n , au point sur-tout de faire ce q u ’il n’aurait pas voulu
faire ;
Q u ’il n’est pas presumable que la femme Jouvainroux eût tenté ce
triom phe; elle eût cra in t, sans d ou te, de déplaire à son m aître, et
m ême de l ’offenser ; s’il eût pensé qu ’elle vonlait le dom iner, elle eût
craint
d'achever de perdre une confiance déjà tant affaiblie par son
mariage ;
A ttendu , q u ’en supposant même que la femme Jouvainronx eût
quelque pouvoir sur l ’esprit de son maître , il n'est pas vraisemblable
qu’ elle Veût em ployé pour fa ir e exercer envers sa f i lle une libéralité
qu'elle eut désiré conserver en vertu du testament de m il huit cent sept >
ou fa ir e renouveler pour elle ;
,
A ttendu qu ’il e s t, au contraire , tout naturel de croire que c’ est par ses
caresses , par ses assiduités, par s e s s o in s , e x c i t a s peut-âtre par de petits
cadeaux que l ’âge mûr et la vieillesse ont coutum e de faire à l ’en fan ce,
que Claudine-Flavie a o b te n u , sans le savoir ni le d ésirer, cette marque
de sensibilité , d ’affection et de toute la bienveillance du comte L egro in g ;
q u e , ce dernier a pu penser qu’il ne devait aucun témoignage d’aflcction
ni de reconnaissance au chevalier Legroing , son frère , q u i , célibataire
comme l u i , ne transmettrait qu’à des étrangers ou à des collatéraux
éloignés les biens qu’ il lui laisserait ;
A ttendu q u e , comme le disent les auteurs, le testament olographe
est celui qui dépose avec plus de sûreté de la volonté du testateur;
A ttendu que les précautions surérogatoires que le comte Legroing a
prises pour assurer et conserver saine et entière l ’existence du sien, en le
cotant, et signant à chaque page , et en le mettant sous une enveloppe
cachetée au sceau de scs arm es, avec une inscription
sa main ;
Q ue la facilité qu’ il avait de révoquer d’un
é c r ite
m om ent
et signee de
à l’autre ces dis
positions, d’en faire de nouvelles, ou de n ’en pas laire du tout , et dç
c o n fie r
l’écrit de sa dernière volonté, soit à un des médecins qui lui
prodiguaient des soins pour prolonger ses jo u r s , soit ¿1 un des ministres
�c
( »8 )
q u i lu i portaient souvent les consolations de la religion, et le préparaient
à bien m o u rir, soit à toute autre personne qu ’il aurait choisie pour eu
être le dépositaire, fa cilité q u i, comme le dit R ica r d } a v a itfa it établir,
comme m a x im e indubitable au palais , que les fa its de suggestion n'é
taient pas recevables contre un testamen t olographe ;
Q u e , Vacquisition qui fu t faite au nom de C laudine-Flavic Jouv a in r o u x , le dix-sept mai m il h u it cent d ix -se p t, environ cinq mois
après le testam ent,
Q u e l ’ordre passé par le comte L e g r o in g , en sa faveur , sur lçs effets
de commerce à lu i consentis ;
Q ue le silence du comte L e g r o in g , ou p lu tôt sa persévérance pendant
les huit mois qui s’écoulèrent entre le testament et son d écès,
P ro u ve n t, d ’une m anière incontestable, que le comte L egroin g u ’a
été subjugué par personne ; qu’ il n’a cédé ni à l ’obsession ni aux solli
citations ; qu’ il n’ a été entraîné par aucune volonté étrangère ;
Q u il
h'u
a g i ( ju e p a r
l ’ im p u ls io n d e so n c œ u r d ’ a p r is
s e s s e f lt i m e n S
et ses affections personnelles.
L e dem andeur a lui-m êm e reconnu les affections du com te pour
F la v ie , en disant : « Q u e , quand le comte avait des momens de colère
« et d ’ im patience, elle allait se jeter dans ses b ras, et que ce petit
« manège calm ait sur-le-cham p le maître em porté. »
L e choix de F lavie pour son héritière a donc été l ’effet de sa volonté
lib r e , ferme et constante.
A ttendu que l’ acte qui le renferme , contient la preuve aussi que le
comte Legroing l ’a fait avec réflexion et tranquillité d ’esprit et de raison ;
Q ue l’ordre mis par le comte L egroin g sur les effets de com m erce,
n’a sans doute été imagine par lui , que pour conserver 1« valeur de ces
effets à C la u d in c-F la v ie , et em pêcher que son père et sa mère pussent
les lui soustraire, «t s’en approprier le montant.
l) ’où s’en suivrait une nouvelle preuve que rien n’a été fait ni suggéré
par la femme Jouvainroux , ni par son mari.
E t une observation qui ne laisse aucun doute à cet égard , c’est que
le dem andeur est lui-m ônic convenu que la mère de F lavie n’u v a it, h
l’époque du testam ent, aucune influence sur l’esprit de son m nître, en
disant : « Q u e , depuis quelque tems avant ce testam ent, le comte
t Legroing témoignait de l'hum eur et de la colère contre elle. »
�( =9 )
'A tte n d u q u e , quand il serait vrai que le comte Legroing se fût
procuré un modèle pour rem plir les formes d u testament qu ’il voulait
fa ire , cette circonstance serait absolum ent insignifiante, et ne pourrait
pas autoriser la critique des dispositions ;
Q ue d’officiers publics ont souvent recours aux formulaires !
Sixièm e question.
Claudine-Flavie Jouvainroux était-elle capable de rece v o ir, par testa
ment , le legs universel que lui a fait le comte Legroing ?
A ttendu q u e , d’après l ’article n e u f cent six du C o d e , il su ffit, pour
être capable de recevoir par testam en t, d ’être conçu au décès du tes
tateur ;
E t attendu qu’au décès du comte L e g r o in g , C laudine-Flavie Jou
vainroux était âgée de près de six ans ;
A tten d u que C laudine-Flavie Jo u va in ro u x, née le cent soixanteonzième jour du mariage de Françoise Boudon sa mère et de Julien
Jo u vain ro u x, ne peut pas être considérée comme enfant naturel du
c o m te L e g r o in g ;
Q ue le mariage fait présum er que Jouvainroux était l’nnteur de la
grossesse de Françoise B o u d o n , avec l ’intention réciproque de s’unir
par le mariage ;
Q ue le dem andeur n’a pas été exact dans sa citation de la maxime
suivie dans l ’ancienne ju risp ru d en ce, et justement abolie par nos lois
nouvelles ; en voici les termes : Crcditur virgini ju ra n ti se ah aliquo
cognitam et e x eo prœgnantcm.
E lle n’établissait, comme l ’a prétendu le dem andeur, aucune pré
somption , pas même les soupçons contre le m a ître , sur l ’état de la
grossesse de sa servante ; et le serment qu ’était obligée de faire la fille
en cein te, avait seulement l ’cflet de faire contraindre celui qu’elle avait
déclaré l ’auteur de sa grossesse, à lu i payer une somme modique pour
frais de gésine.
Q ue la présomption que Jouvainroux était l ’auteur de la grossesse de
Françoise Boudon , c'est q u ’au lieu de désavouer V evfun t, c’est Jou
vainroux lui-m êm e q u i l'a f a it inscrire
s u r
h registre de l ’état c iv il ,
comme étant son enfant d'avec Françoise B ou don, et qui en a signé
l'a cte ;
E t q u e , d’après les articles trois cent dix-neuf et trois cent vingt du
�( 3o )
Code c iv il, cet acte seul eût suffi pour constituer Claudine-Flavie ênfant
légitim e d u dit Jouvainroux ;
Q ue C laudine-Flavie a en outre obtenu la possession d’état d ’enfant
légitim e de Jouvainroux , par tous les faits que l ’article trois cent vingtun du Code désire ,
Puisqu’elle a toujours été regardée comme te lle , soit par sa fa m ille ,
soit par le public ;
Q u ’elle en a toujours porté le nom , et que Jouvainroux l’a toujours
traitée comme son enfant.
A ttendu q u e, d’après l’article trois cent v in g t, cette possession aurait
elle-m êm e suffi pour constituer cet état ;
A ttend u q u e , d’après l ’article trois cent vingt-deu x, nu l ne peut
contester l ’état de celui qui a une possession conforme à son titre de
naissance ;
Q u ’ainsi il n’est pas permis d’examiner com m ent Françoise Boudon a
v é c u a v a n t so n m a r ia g e ;
Q u ’ainsi il n’est pas permis d’alléguer que C laud in e-F lavie est le fruit
d ’un concubinage de sa mère avec le comte L egroing ;
Q ue la loi ne reconnaît même pas de concubinage après le mariage ;
Q ue le commerce illicite d’ une épouse avec tout autre que son ép oux,
est qualifié adultère ;
E t que le mari a seul droit de s’en plaindre.
A ttendu que l ’article trois cent tren te-n eu f du C o d e , qui autorise
tous ceux qui auraient intérêt à contester toute reconnaissance de la
part du père et de la mère , ne s’applique qu’aux enfans nés hors
mariage ;
,
Q ue toutes les dispositions qui composent la section 2“ du chapitre
des enfans naturels, et particulièrem ent celles de l’article trois cent
trente-sept, sont positives à cet égard ;
Q u ’ainsi la disposition universelle eut pu être valablem ent faite en
faveur de la fem m e, après le mariage ;
Q u ’ainsi l’on ne peut considérer C laudin e-F lavie Jouvainroux comme
personne interposée pour faire passer la libéralité sur la tête de sa inere.
Eh ! pourquoi aurait-on conçu celte idée plulAt en faveur de la mère
qu ’en faveur du père ? et cependant l’on n’ allègue aucune iucopacitü
contre le père..
�( 3i )
Comment concevoir aussi qu ’un en fa n t, q u i, dans l ’ordre de la n a tu re,
¿Levait survivre à ses père et m è re , eût etc choisi pour leu r transmettre
une libéralité?
Q u ’ainsi, et quand on supposerait que le maître ne peut pas faire un
legs universel à son domestique , l ’état de domesticité de la mère n’ in
fluerait en rien sur les dispositions testamentaires faites en faveur de
Claudine-Flavic Jouvainroux ;
Q ue l ’article m ille vingt-trois du C ode permettant de disposer en
faveur d’un dom estique, et ne lim itant pas la disposition, elle peut
s’étendre pour l u i , comme en faveur de toute autre personne non
prohibée ;
Q u ’ainsi la raison, la m orale, l ’honnêteté p u b liq u e , la sainteté du
m ariage, l ’ordre s o c ia l, le repos et la tranquillité des familles sont ici
en harmonie avec la loi pour assurer à C laudin e-F lavie Jouvainroux son
état d’enfant légitim e et le legs qu’elle a reçu ;
A ttendu que les faits allégués par le dem andeur sont ou vagues ou
insignifians, et ne seraient pas suffisans pour fonder l ’ action en nullité
d u te s ta m e n t ;
Q u ’ainsi la preuve offerte est non recevable et inadmissible , d ’après
la maxime : Frustrà probatur quod probatum non relevât.
L e tr ib u n a l, sans s’arrêter
à
la preuve offerte par le dem andeur,
ni
avoir égard à la demande en nullité par lui fo rm ée, le déboule de
toutes
ses
demandes, et reçoit les parties de Bayle opposantes
à
l ’ordon
nance obtenue par le dem andeur, partie de Pages; fait m ain-levée de
la surseance, et ordonne qu’ elle demeurera sans effet; leur fait m ain
levée des saisies-arrêts faites à la requête du dem andeur ; met hors de
cause sur les autres demandes des parties de B ayle, et condamne celle
de Pagês aux dépens ; et attendu que la partie de Bayle est fondée en
titres, ordonne que le
présent
jugem ent sera exccule provisoirem ent,
nonobstant et sans préjudice de l ’ a p p el, et sans qu’ il soit besoin de
donner caution.
X
■ '
?
■
L ’appel interjeté par le chevalier Legroing a soumis
les questions que présente cette cause,.et le jugement
Je
Clerm ont, à l ’examen de la Cour.
�( 3= )
D ISC U SSIO N .
L ’exposition du fait a déjà donné tous les élémens
nécessaires pour apprécier les prétentions du sieur
chevalier Legroing.
Que demande-t-il ?
L a nullité de toutes les dispositions directes ou in
directes faites par le comte Legroing, son frère, en
faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux. Le testament
du 24 décembre 1 81 6 , la vente du 17 mai 1 8 1 7 ,
et
les ordres passés en faveur de Flavie , des lettres de
change dues par le chevalier, sont à-la-fois et égale
ment attaqués par lui.
Il convient que le testament est régulier en sa forme;
que le comte pouvait disposer de l ’universalité de ses
biens.
Quels sont donc ses moyens ?
Il répond :
i ° Q u e Claudine-Flavie Jouvainroux était incapable
de recevoir une institution du comte Legroing, parce
q u ’elle est son enfant naturel non reconnu, et q u ’en
cette qualité elle n ’avait droit q u ’à des alimens ;
20 Que le comte Legroing lui-même était incapable
de donner, parce q u ’il était en état d ’imbécillité ;
3 ° Que le testament du comte a été fait ab irato,
et en haine do ses proches, notamment de lui chevalier,
et que cette haine a été inspirée au comte par les
manœuvres de Jouvainroux et de sa femme;
%
�( 33 )
4 ° E n fin , que ce testam ent, et les actes qui l ’ont
suivi, ont été arrachés à la faiblesse du comte, par
l ’obsession, la suggestion, la captation, et même la
violence, également pratiquées ou exercées^par les père
et mère de Claudine-Flavie Jouvainroux.
Les moyens employés par le sieur chevalier Legroing
tracent naturellement l ’ordre de la défense de l ’héiitière du comte; elle doit les examiner successivement,
mais elle ne fera q u ’indiquer sés m oyens, et tâchera
de les resserrer dans le cadre le plus étroit.
Claudine-Flavie Jouvainroux était-elle incapable
de recevoir ?
Pour faire admettre l ’affirmative, il faudrait que le
chevalier Legroing put prouver :
Q u ’il est reeevable à a t t a q u e r l ’état d ’enfant légi
time de Claudine-Flavie Jouvainroux, état cjui est
établi et lui est assuré, soit par son acte de naissance,
soit par sa possession ;
Il faudrait q u ’il eût la faculté de substituer un état
incertaiu à un état acquis;
Q u ’il pût faire descendre un enfant légitime dans
la classe des enfans naturels, et prouver même que
Claudine-Flavie est l’enfant naturel du comte ; car
sans cette condition elle aurait été également capable
de recevoir.
Il faudrait enfin que le chevalier put , pour servir
ses intérêts, faire tout ce que les lois défendent, tout
ce que la religion et les moeurs réprouvent; q u ’il pût
outrager la dignité du mariage, détruire les rapports
5
�( 34 )
qui existent entre les enfans et les pères, rompre enfin
les liens les plus sacrés de la société.
Il est inutile d’insister sur le premier m oyen; il ne
doit rester dans la cause que pour apprendre q u ’il n ’est
rien de respectable aux yeux de celui q u ’un vil intérêt
aveugle; que, quels que soient d’ailleurs son rang, ses
lumières et sa réputation, l ’ambition peut l ’égarer,
jusqu’au point de lui faire manquer aux devoirs les
plus saints, en l ’obligeant à soutenir un système scan
daleux , que tous les amis de l ’ordre doivent repousser,
et q u ’il rejetterait lui-même avec une noble indigna
tion , si les passions qui l ’égarent lui permettaient d ’en
calculer les conséquences.
L e C o m te e tcn t - i l i n c a p a b l e cle d o n n e r ?
L e chevalier déduit cette incapacité de l ’état d ’im
bécillité de son frère; il ne cote aucun fait propre à
prouver son assertion : il se contente d’alléguer que le
comte était tombé dans un état de faiblesse et d ’imbé
cillité, tel q u ’il ne lui restait ni volonté ni discernement.
Quels sont les principes?
L a première condition pour la validité d ’un testa
ment est que le testateur soit sain d ’esprit (Code c i v i l ,
art 901).
Ce principe général, commun à tons les actes, à
tous les contrats, e s t , pour les testamens et donations,
iine disposition spéciale qui les régit particulièrement,;
de manière que l’article 5o 4 du Code 11e leur est point
applicable;
q u ’ils sont spécialement régis par l ’ar
ticle 901; et q u ’en conséquence ceux qui veulent at-
«
�/ ô û / ï,
( 33 )
laquer
un testament peuvent articuler et être admis
à prouver tous les faits qui sont de nature à établir
que le testateur dont l ’interdiction n’avait pas été
prononcée de son vivant, n ’était pas sain d ’esprit à
l ’époque du testament. Cette preuve est même admise,
quoique les notaires aient inséré dans l ’acte la clause
inutile que le testateur était sain d ’esprit ( i).
Mais pour pouvoir user de cette faculté, il faut
alléguer et prouver des faits de démence positifs et
concluans, parce que la présomption est toujours en
fa'veur de l’acte, et que la démence ne se présume ja
mais. Ce principe est si certain, que la Cour de cas
sation, par arrêt du 18 octobre 1809,
a jugé que
l ’dge a va n cé d u d on a teu r, l ’o u b li de sa f a m ille ,
l ’im portance d u le g s , la q u a lité p e u élevée d u d o
nataire , ne suffisaient pas pour faire décider que le
donateur n’était pas sain d ’esprit. Il s’agissait du tes
tament du sieur Leguerney de Sourdeval, qui avait
été jugé valable par la Cour royale de C aen; le testa
teur était âgé de quatre-vingt-six ans : ses légataires
universels étaient ses dom estiques , et les biens légués
excédaient
i
, 5 o o , ooq francs ( a ) . U n arrêt de la Cour
royale de Paris, du 26 mai 1 8 1 5 , a consacré ces prin
cipes en termes même plus absolus, et a maintenu le
testament du sieur Debermont, quoique le testateur
\
(1) Arrêt de cassation, du 22 novembre 1 8 1 0 . — Conclusions de
M. Merlin.— S i r c y , 1 8 1 1 , pag. 7 3 .
(2) Sircy, 1810, page $7.— Denevers, 1809, page/J^-
�(36)
eut été pourvu d ’un conseil, et que l ’on alléguât des
faits qui tendaient à prouver qu e, depuis 1788 jus
q u ’au 21 février 1809, il était dans un état habituel
de démence, facile à reconnaître par l'affaiblissement
de ses organes, son défaut de mémoire, et la facilité
de lui suggérer des opinions qui auraient pu compro
mettre sa fortune et sa liberté (1).
Ces principes s’appliquent spécialement aux testamens rapportés par des notaires; mais si le testament
est olographe, la présomption de sagesse augmente;,
elle est toute entière en faveur du testateur*, qui prend
le soin d ’écrire ses dernières volontés : dans ce cas, il
faut que le testament fasse naître par lui-même des
soupçons de faiblesse et d ’égarement d ’esprit; autre
m ent, il doit être respecté.
Tels sont les principes : sont-ils favorables aux pré
tentions du chevalier...... ?
D ’abord , il n’allègue aucun fait dont la preuve puisse
être ordonnée. L ’état de faiblesse d ’esprit et d ’imbé
cillité de son frère, aurait du se manifester par des
signes propres à le caractériser et à le faire reconnaître;
le chevalier n’arlicule rien , et cependant ses recherches
oiit été faites avec trop de soin, trop d ’ardeur et de
passion peut-être, pour que l ’on puisse supposer que
tous les faits ne sont point parvenus à sa connaissance.
Mais que pourrait-il prouver? L a solidité d ’esprit
du testateur n ’est-elle pas connue?
( 1) S iro y, 1 8 1 G, 2 e p artie, page a 38.
'
�fO ù ï
( 37 )
Au retour de rém igration, il liquide les reprises
qu’il pouvait avoir sur les biens de la dame son
cpouse; il en conserve seul l ’administration, jusqu’à
l ’instant de son décès; surveille ses nombreux débiteurs,
et écrit lui-même aux gens d ’affaire chargés de ses in
térêts , pour stimuler leur zèle ou leur indiquer la
marche q u ’ils ont à tenir.
E n 1807, il veut disposer de ses biens : un testament
fait par acte public, les transmet à Françoise Boudon,
sa gouvernante; il persiste dans cette disposition jus
q u ’en 181 G; mais , à cette époque , ses affections
changent d ’objet; sa volonté se manifeste de nouveau;
un testament olographe indique Claudine-Flavie .Touvainroux pour l ’ héritière du comte : une vente vient
b i e n t ô t après a ppr end re q u ’il persiste d an s cette vo
lonté, et il donne une dernière preuve de sa p r é vo y an c e,
en passant , au profit de son héritière, l ’ordre d«
certains effets, dont il pouvait craindre le mauvais
emploi.
Ces faits rendent toute autre explication superflue;
le comte pouvait disposer; son testament émane d’une
volonté éclairée; ainsi, l’étrange allégation du chevalier
est dénuée de fondement, et les conséquences s’en
rétorquent contre lui.
L e testament d u co m te a - t - i l é t é f a i t a b i r a t o ,
et en haine de ses proches ^ notamment du chevalier
L eg ro in g ?— Cette haine a-t-elle é té inspirée au com te
^ b
”
par les manœuvres de Jouvainroux et “ e sa fem m e?
On sait que les coutumes reconnaissaient un moyen
�( 38 )
d ’attaquer les testamens lorsqu’ils étaient faits en Iiainc
des présomptifs héritiers; l ’aversion générale des cou
tumes pour
les donations, avait
fait imaginer
ce
m oye n , à l ’exemple de la querelle d ’inofficiosité inventée
par les préteurs ro m ains, en faveur des enfans oubliés
ou prétérits dans l e te sta m en t de
l e u r s ascendans,
ou même exhérédés injustement. On appelait disposi
tions ab ir a to , celles qui étaient faites entre-vifs ou
par te s t a m e n t , par une personne injustem ent irritée
contre u n ea u tre; et action ab ir a to , la demande formée
pour annuller cette disposition. Tous ceux q u i se livrent
à. l ’étude des lois savent aussi que cette action faisait
naître une foule de procès scandaleux, dont la décision,
par la nature même
de
la d e m a n d e , était presque
nécessairement arbitraire.
L e C o d e garde le silence sur cette ac tio n , et de ce
que l ’article du projet q ui portait que la loi n ’admet
point la p r e u v e , que la disposition n ’a été faite que
par haine, colère, suggestion et cap tatio n, a été omise,
en faudrait-il
conclure que l ’action ab ir a to , do'ive
continuer d ’être
admise ? Bien
évidemment non :
puisque d ’ un côté, le Code permet les testamens ,|sans
permettre aux juges de créer d ’autres nullités que
celles qui existent dans la l o i , et que de l ’a u t r e , la loi
du
3o
ventôse an 12 abroge les coutumes q ui a u t o
risaient l ’action ab irato.
Dirait-on que celui dont les dispositions sont déter
minées par la haine et la colère, n’est pas sain d*esprit^
et que l ’article 901 exige celle co n d iti o n , po u r que la
�/Û
( 39 )
donation ou le testament soit valable? Mais doit-on y
en jurisprudence, rechercher la moralité des actions?
Le testament du célèbre lieutenant civil le Cam us,
fut annullé en 1712 , comme dicté par la haine et la
colère; qui aurait osé dire que ce magistrat, qui fu t ,
ju s q u ’à sa m o rt, l ’oracle le plus sûr de la justice, dans
la capitale du royaum e, n’était pas néanmoins sain
d ’esprit? On doit dire, avec M. Toullier, q u ’annuller
un testament, sous un prétexte aussi visiblement faux,
ce serait imiter les préteurs romains, q u i, dans l'im
puissance de faire des lois nouvelles, imaginèrent la
querelle d’inofiiciosité, sur le prétexte reconnu faux
par les jurisconsultes, que le testateur 11’était pas sain
d ’esprit.
pourrait-elle être
intentée? Appartiendrait-elle aux collatéraux, en fa
D ' a i l l e u r s , par q u i
c et t e ac t io n
veur de qui la loi ne fait point de réserve...? Faudraitil que les motifs de haine fussent écrits dans l ’acte ?
Quels caractères devraient avoir les faits, pour servir
de base à l ’action? De quelle manière la haine devraitelle être prouvéee— ?
Plus on réfléchira, plus on louera la sagesse du lé
gislateur, qui a écarté cette action de notre jurispru
dence (1).
Les arrêts des Cours sont conformes à ces idées. Trois
arrêts, l ’un du 3 i août 1810, de la Cour royale de
Limoges, l’autre du 16 janvier 1808, de la Cour royale
(1) Toullier, tome 5 , pages 7 1 4 et suiv.
�( 4o )
d ’A ix , et le troisième, du 2 5 juillet 18 16 , de la Cour
royale de L y o n , jugent uniformément que l ’action ah
irato n’est pas formellement conservée par le C o d e ,
q u ’elle ne peut être exercée que comme suite du prin
cipe q u ’il faut être sain d ’esprit pour disposer ; que la
disposition est valable, quoique faite par une personne
en c o l è r e si cet état ne lui a pas ôté la liberté d ’esprit
et atténué sa raison ; q u ’enfin , il faudrait que la haine
et la colère eussent été assez fortes pour occasionner
l ’aliénation des facultés intellectuelles du testateur (1).
Ces principes pourraient rendre inutile l ’examen
des faits. L e chevalier n ’avait autun droit à la succes
sion de son frère; e t , dans l ’ancienne jurisprudence,
1 action ab irato n ’ ét ai t admise cjii’cn f av eur des descendans en ligne directe (1).
D ’un autre côté,
le
testament ne laisse apercevoir aucun m otif de haine;
il est écrit avec sagesse; le chevalier Legroing n’y est
pas même nommé : comment
donc pourrait-il se
plaindre d ’un acte où le testateur ne s’est pas occupé
de lui ?
Mais le système d ’attaque, adopté par le chevalier
Legroing, repousse l’action q u ’il a intentée. Il a soutenu
que le comte avait une vive affection pour ClaudineFlavie Jouvainroux; c’est cette affection qui lui a fait
dire que Claudine-Flavie était la fille naturelle du
(i)Sir<*y, tome 10,
partie,page 5 a i ;torné i l , a* partie, page f\Qi ;
tome 17, a* partie, page i 3 .j.
(a)
Ricard, partie i r% cliap.
3,
section i 4 *
�comte; ce sont les preuves de cette affection, que le
chevalier voulait employer pour ôter à Claudine-Flavie
son état d ’enfant légitime. Les tribunaux ne peuvent*
point admettre ce genre de preuve, que la loi repousse;
mais les assertions du chevalier demeurent, pour ap-,
prendre que le comte avait pour Claudine-Flavie Une
préférence si marquée, q u ’il ne peut être permis de
s’étonner q u ’il ait voulu être son bienfaiteur.
Pourquoi donc chercher de la haine, là où il est
prouvé que l ’affection a dicté le testament ? Quelle est
la loi qui oblige de disposer en faveur d ’un parent in
différent, au préjudice de l ’étranger que l ’on préfère?
Comment serait-il perm is, sur-tout à un collatéral,
d ’outrager la mémoire d’un parent décédé, pour spo
lier l ’ héritière de son c h o i x ?
Mais encore il serait peu important que le testament
du comte eut été dicté par la haine, si elle avait été
conçue par le disposant lu i- m ê m e ,, et si elle était
fondée sur ses idées personnelles. Ce sentiment aurait
pu diriger sa volonté , sans que pour cela le chevalier
eût une action, parce q u ’en matière de testament, la
volonté assurée du disposant fait loi.
Si l'on supposait cette haine, qui oserait décider
qu ’elle fût injuste? qui oserait indiquer le caractère
q u ’elle devrait avoir, pour servir de base à.une action?
qui oserait enfin imposer à un testateur l ’obligation
de choisir, pour son héritier, celui q u ’il aurait sujet
de haïr?
Les faits ont appris que le
6
com te
et le chevalier son
�( 4a )
Irène devaient vivre dans une espèce d’éloignem etit;Le
niémoirè du chevalier donne les raisons qui pouvaient
légitimer la froideur du comte envers lu i; la différence
de lèivr conduite dans des tems difficiles; l ’entremise
du chevalier dans les affaires de la fam ille, pour de
venir le propriétaire des débris d ’une fortune, auxquels
lé comte croyait avoir des droits; une foule de nuances
q u ’ il ne peut être permis d ’indiquer : tout devait
l'aire désirer au comte de vivre éloigné de son frère.
Lorsque sa mémoire lui rappelait certaines circons
tances, il pouvait même se livrer U quelques emportemens:
1
.
,
s
^ Mills q u ’a de co m mu n cette haine avec Cl au d in e-
Flavie Jouvainroux? Ce n ’est point elle qui l ’a excitée;
on ne peut pas plus justement prétendre q u ’elle serait
** -
\f
'
l ’ouvrage de ses père et m ère, puisque le testament
qui institue Claudine-Flavie héritière du com te, ré
voque l ’institution fa ite , en 1807, en faveur de la
dame
Jouyainroux.
On
pourrait
donc
croire que
ce dernier testament a été fait non point en haine du
sieur chevalier"LegrQing, qui n ’avait pas un seul ins
tant été appelé à la sucqession de son frère, mais bien
en haine de celle que le comte
a v a it
honorée d ’une
institution, q u ’ uu changement d ’affection lui a ensuite
fait anéantir.
Q u e penser d ’ailleurs d ’une action ah ir a lo , intentée
contre un testament fait en 1 8 1 6 , et dont les causes
remonteraient à une époque antérieure à 1 8 0 7 ? ....
�( 43 )
JJi5Si l ’on examine les faits cotés par le chevalier,
quel eifet peuvent-ils produire?
Peut-on supposer que Françoise Boudon ait eu assea
d ’influence sur le, comte pour l ’éloigner de toute sa
fam ille?f
' •'
^ ■
Mais le chevalier convient, dans son mémoire, que
son frère avait eu des relations avec tous ses parens; il
convient q u ’il est accouru pour rendre ses devoirs à sa "
respectable mère , lorsqu’elle devint sérieusement ma
lade; q u ’il se montra’ pénétré, et donna des marques
de sensibilité dans ces dernières et touchantes en
trevues.
n ’est donc-point" contre sa famille q u ’il avait de
la haine : aussi la dame chanoinesse Legroing iie'se
plaint pas d ’avoir inspiré cet odieux sentiment à sou
frère.
•
L e décès de la dame Legroing mère est du 12 juillet
1 8 1 6 ; le testament est du 24 décembre suivant : il n ’a
donc eu lieu q u ’après une entrevufc assez touchante,
pour changer les intentions du com te, si sa volonté
n’eut été aussi ferme q u ’irrévocable.
Sous un autre point de v u e , de quelle importance
peuvent être les faits qui ont eu lieu en 1817 ? N ’est-il
pas insignifiant que le comte ait refusé *dé recevoir une
somme plus ou moins considérable des main s de Chantelot? q u ’il ait montré plus ou moins d ’impatience au
jurisconsulte qui lui présentait une quittance à signer?
tous ces faits seraient au moins personnels au testateur.
11 pouvait arriver que cette circonstance lui rappelât
�( 44 )
certains souvenirs peu favorables au chevalier; mais au
moins cette colère ne lui était inspirée par personne :
c ’était la
présence des intermédiaires
du
chevalier
qui l’excitait , et elle ne peut être regardée comme
suggérée par Jouvainroux ou son épouse. D ’ailleurs ces
faits étant postérieurs au testament et aux autres dis
positions du comte,
ne pourraient influer sur sa
validité.
Mais le chevalier n ’avait pu être admis auprès de
son frère! Une lettre écrite par lui n ’a point été-lue ;
elle n’a même pas été remise! Q u ’importerait à la
cause? Le sieur Legroing serait-il en état de prouver
que son frère désirait de le vo i r ; que les domestiques
s’étaient opposés à leur entrevue ; q u ’ils avaient sous
trait les lettres du chevalier, pour lui créer des torts
auprès de son frèré?
L e chevalier ne peut répondre affirmativement à
aucune de ces questions : tous ceux qui connaissaient
les deux frères savaient q u ’ils vivaient dans un éloi
gnement absolu, que le comte ne craignait point de
manifester. Les explications q u ’il a eues avec Chantelot
et le jurisconsulte chargé de la confiance du chevalier,
prouvent invinciblement que la présence de ce dernier
ne pouvait lui être agréable. Pourquoi donc rejeter
sur le compte de Jouvainroux et de sa femme la haine
dont il s’est plaint? Ces derniers devaient-ils faire vio
lence à la volonté de leur m aître, et le contraindre h
recevoir le chevalier, ou à lire ses lettres?...... Non; le
chevalier est réduit à se demander compte à lui-même
�( 45 )
d ’un sentiment dont les motifs lui sont connus. Il a
dédaigné l ’indifférence de son frère , tout le tems
q u ’elle n ’a pu lui être désavantageuse. Comment oset-il aujourd’ hui en faire reproche à sa mémoire, et
s’en créer un moyen pour arracher un bienfait q u i,
dans tous les cas, ne lui aurait été refusé, que parce
que le disposant l ’en aurait jugé indigne?
E n f a it , le testament du comte est une preuve de
son affection pour Claudine-Flavie ; il
ne montre
aucune haine contre le chevalier : son indifférence pour
lui a toujours été la même. Si le testament de 1816
est fait ab irato contre quelqu’un , c’est contre la
dame Jouvainroux.
du chevalier? Ce sentiment
est né des idées personnelles que le comte p o u v a i t avoir
sur son frère. Les faits qui peuvent l ’indiquer seraient
S e r a i t - i l fait on haine
postérieurs au testament. Ils ne peuvent donc influer
sur sa validité, ni être imputés à Jouvainroux et h
son épouse.
�I ( A V'
( 46 )
; . .
•
‘
L e testament et les actes r/ui l ’ ont suivi ont-ils été
arrachés p ar suggestion et captation ?—^L e chevalier
est-il recevable à proposer ces m oyens? — E xam en
des faits.
!
à
L a captation est l ’action de celui qui parvient II
s’emparer de la volonté d ’ un autre, à s’en rendre
m a ître , à la captiver ; elle s’opère par des démonstra
tions d ’attachement et d ’am itié, par des soins assidus*^
par des complaisances et des prévenances affectueuses,
des services, en un mot par tous les moyens qui peuvent
nous rendre agréables aux autres. L a captation . est
donc lcmaljle en cllc-meme j clic entretient l !umon
dans les familles et dans la société; elle ne peut être
vicieuse que par l ’intention, que par le but q u ’on sé
propose, et par l ’abus q u ’on en fait.
Aussi Furgole a-t-il remarqué que le mot captare ,
d ’où nous vient celui de captation , n ’était pas
toujours pris en mauvaise part ( i) . Dans le droit
romain, les institutions capta toires y étaient défendues;
mais cette prohibition ne concernait que les disposi
tions conditionnelles qui tendaient à s’attirer à soimême, ou ;i une autre personne, des libéralités de même
nature que celles que faisait le testateur; au reste, les
lois romaines permettaient des’atlirer des libéralités par
des caresses, des services, même par des prières (2).
(1) Fu rg o le , des T cs la mc n s , clxap. 5 , scct. 3 , n° 9.
(2) F ur gole , n° 19.
%
�/ û / b J è-j
( 47 )
L a suggestion suit la captation-, elle consiste en ce
que celui qui est parvenu à captiver la volonté d ’un
autr e, use de l ’ascendant q u ’il a pris sur son esprit, pour
lu i faire faire des dispositions q u ’il n ’aurait pas fa ite s,
s’il avait été abandonné à lui-même.
L e mot suggestion 3 qui vient du latin suggestio 3
et qui dérive du verbe suggerere 3 signifie proprement
avertir, inspirer, faire ressouvenir. Ainsi suggérer un
testament, c’est donc avertir, conseiller, persuader de
le faire (i).
L a suggestion par elle-même n’a rien de vicieux. Les
jurisconsultes romains, qui suivaient les austères prin
cipes d uP o rtique, n ’en tenaient pas moins pour maxime
q u ’il n ’est pas d é f e n d u de se
par des soins, des caresses, des
des prières (2).
des libéralités
c o mpl ai sanc es, et même
procurer
Cependant l ’on sait q u ’à Rome, plus que chez aucun
autre peuple, on abusait de la captation et de la sug
gestion; q u ’on en avait fait une sorte d’a r t, que culti
vaient avec fruit une foule d’ hommes méprisables ,
flétris du nom d ’ hére'dipètcs.
Mais comme la jurisprudence ne s’occupe que des
actions extérieures, et q u ’elle 11e doit ni rechercher,
ni juger rin tem ion des hommes, les viles pratiques des
(1) L a b b c , sur B cr r y, titre 18 , part. 8 , dit : « Suggerere cnim
est
« indicate, monerc. »
(2) F ur g ol c, ubi suprà, et n°
— Domat, 2e partie, Iiy. 3 , tit. 1 " ,
sect. 5 , u° a 5 , à la note ; et n° ^7.
�10** : ' ô .
1
( 48 )
hérédipètes n'étaient réprimées par aucune l o i , lors
q u ’on n ’avait à leur reprocher ni violence, ni dol, ni
surprise. On trouve même des lois formelles qui con
firment les dispositions provoquées par des soins, des
complaisances, et même des prières (i).
L e principe consacré par les lois romaines n ’est donc
pas douteux ; la suggestion et la captation simples
n ’entrainent point la nullité des dispositions testamen
taires, parce q u ’elles ne détruisent point la volonté du
testateur, à moins q u ’elles n ’aient le dol pour fon
dement.
Plusieurs coutumes de France proscrivaient les testamens faits par suggestion ; mais ce mot y était pris
par opposition à. l ’ a ct ion de dict er Çu) , c o m m e si 7 a u
moment de l ’acte, il y avait eu auprès du testateur
une personne qui lui suggérât les dispositions q u ’il
devait dicter; car ces coutumes exigeaient, comme le
Code civ il, que le testateur dictât son testament.
Bientôt quelques auteurs allèrent
plus loin , et
soutinrent que la captation et la suggestion, dégagées
de violences, de dol et de surprises, suffisaient pour
faire annuller les donations entre-vifsou testamentaires.
On
peut même dire que l ’ordonnance de i y 35 parut
favoriser cette opinion, q u a n d , après avoir ordonné,
sous peine de n u llité , l’observation des formes q u ’elle
prescrit, elle ajouta (article l\7) : « Sans préjudice des
( 3) Fnrgolc, ubi suprà, n° a 5 .
(1) Voyez Furgole cl le Nouveau Deni sai t, au mot Captation,
�C 49 )
IÛ
« autres moyens tirés de la suggestion ou de la capta^
« tion desdits actes ». Dès-lors il n ’y eut plus de règle
certaine;, ce moyen vague devint un prétexte pour at
taquer ^les testamens auxquels on n’avait à opposer
aucun yice réel ; et bientôt naquirent rune foule de
procès, scandaleux, dans lesquels des héritiers peu dé
licats
cherchaient
parens
i
* à flétrir la mémoire
1
I*de
/ leurs A
descendus dans la ]tombe, pour disputpij les dons q u ’ils
avaient faits à des.^légataires dont on ne manquait
jamais-def noircir , plus ou moins. gri^yement la répu
tation.
•
...•• i l; 1, {r jxr
.. . \j *%j ^ .il.
,
....
»
. Les .rédacteurs du projet du C od e-cjvil voulaient
prévenir ces abusjj;^ et .i}nr,article portait : « L a loi
« n’admet point la pr^uve^que la disposition n V é t ç
« fuite :<jue par , haine , ¡suggestion.! OU. captation. » ...
L e conseil d!Etat fut arrêté par la crainte d ’e n c o u
rager la cupidité. L ’article fut supprim é, mais avec
regret. i:«iLa ’ loi V 1 dit’ Forateur du Gouvernement ,
«' garde le silen ce'su r'lè défaut de 'liberté qui peut
« résulter de la suggestion et de la captation, et sur
« le vice d ’une volonté déterminée par là colère ou
« par la h a in e............. Peut-être vaudrait-il mieux ,
« pour Y intérêt g é n é r a l,r que cette source de procès
« ru in eu x et sca n d a leu x f û t ta rie, en déclarant que,
u ces causes de n u llité ne seraient pci s qçlm isesj mais
« alors la fr a u d e et les passions auraient cru »avoir
'
' ' -r '
•
a dans la loi même un titre d ’impunité. Les circons« tances peuvent être telles, que la v o lo n té de celui
disposé n 'a it, p a s é té libre ,, ou q u ’il ait
« qui a
7
�"
C
50 )
« été clolîiiné éntièrcnient par une passion injuste. »
L e m otif du silence de la loi prouve q u ’elle n 'au
torise point l ’action en nullité d ’un testament pour
cause de captation et de suggestion. L e Code exige
que lie tëstateui^ ait Tesprit sain , que sa volonté soit
lib r e , q u ’il n’ait pas été surpris où induit en errëUr:
cés principes sont fondés sur la raison^ Mais comment
la suggestion , qui rie consiste que dans la simple per
suasion tîégagée1 de fraude et de dol, pourrait-elle être
. un moyen ‘d'attaquer un acte? Détruit^élle la liberté,
lors même que les caresses et les prières seraient vive^,
pressantes et réitérées, et même importunés? Il n ’y a
que les moyens frauduleux: qui soient réprouvés par
la justice et lu morale j dans tous les attires V:as ‘ tbut
se réduit au point clé savoir si le testateur ¡n’était point
inibécille, ou si sa volonté tétait libre (r).
A in si, la captation et la suggestion nre pont pas, dans
notre d r o it , des ¡moyens différons du d o l, de la fraude
et de l ’erreur. La preuve n ’en peut être admise,, que
lorsque les faits tendent à prouver le dol* Ces1maximes sont célleâ de notre jurisprudence. Ôn
peut consulter lès arrêts rendus sur celle matière* on
y ven'a (pie la captation n’est cause de nullité d ’un
testament, qu'autan i q u ’elle est empreinte de d o l et
de fr a u d e / qu autant q u ’elle a tendu à tromper le
(r) Furgolc,'t<&i suprà, n° i S . — Mallevillc, torao a , p^go
�7èstctïeûr', et à 'anéànlir sa v o lo n té'( i j . j E lî s^écartant
rfe’ ces''principes-, ori retomberait nécessairement-dans
-l’arbitraire.
!
| e L
uJiipoùi’ être admis ti la'preuve d ’une suggestiou artb■ficieùsb, il faut encore poser des' faits précis j ’des faits
qui caractérisent des machinations, des artifices^ des
fourberies*, en un m ot, le dol et la fraude.
~ De simples présomptions, telles que celles que définit
l ’art. i 353 du C o d e , ne suffisent pas. On a déjà v u ,
"dans un arrêt de la'C o ur de cassation, du 18 novembre
1809^(2) , que l ’importance du. legs, l ’oubli de sa
"fam ille, la qualité1des légataires , qui les tenait perpé
tuellement attachés ‘à la personne du testateur1, en
qualité de domestiques, ne pouvaient être^une preuve
<que-le testateur ¡fût en c lémence, et que le .testament
lui eut-été artificieusement suggéré.
; ■
Mais la difficulté augmente , si l ’on veut prouver
la suggestion et la captation contre un testament
olographe. Tous les auteurs conviennent q^u’il çst, plus
difficile d’attaquer un testament olographe , q u ’un
testament notarié^ Dans /celui-ci on ne trouve, que la
s i g n a t u r e du testateur : c’est la.seule part, qiie l ’acte
prouve q u ’il y ait eue; le reste est une pr^spnrçtjlon. iy.e
. testament olographe, au co n tra ire ,.\est parUçuÎièvèWtiHt
et tout entier l ’ouvrage du testateur; iL pst ontit^ement
(1) Bruxelles, 21 ’avril 1808.— Si re y, 2* partie, pag. »46 el suiv.— •
Poitiers, 27 mai 1809. ■
— Si rey, , 1 81 0, a ” partie, pag. 23 et suiv.—
Agen , 18 juin 1812.— Si rey, tome
i rc partie, pag. 219.
�écrit’, -daté et . signé de sa main : ce f acte est consé»
quemment moins exposé aux surprises; et il est difficile
de supposer dans un homme faible d ’esp rit, ou qui
agit contre sa volonté, assez de patience, de docilité
et' de Soumission , pour écrire de sa main son testa
ment (i).
Aussi la forme olographe d ’un testament forme-t-elle
une fin de non-recevoir contre le reproche de sugges
tion et de captation.
Les auteurs les plus recommandables nous appren
nent q u ’il a passé comme maxime au palais, que les
faits de suggestion et de captation ne sont pas recevables contre les testamens olographes.
O n p e u t c onsult er le J o u rn a l d u P a l a i s d e P a r i s ,
itom. i er, pag. 907. — Ricard, part. 3 e, chap. i«r,
n° 49 * — B a rd e t, tom. 1 " , liv. 2 , chap. 67. —
Basnage, art. 7 3 , sur la coutume de Normandie. —
Soëfve, tom. i er, centurie 4 ? chap. 8 4 La jurisprudence nouvelle est aussi conforme h ces
maximes. L ’arrêt de la C our d ’A g e n , du 18 juillet
1812 , confirmé par arrêt de la C ou r de cassation,
du 6 janvier 1814 > a consacré, en principe, que la
fo r m e olographe d u testam ent, la survie du testateur
p en dan t un tems m o r a l, son éloignem ent et son in
d ifféren ce envers ses su cccssib le s , étaient autant de
présomptions exclusives de suggestion et de captation,
contre lesquelles elles élevaient une fin de non-recevoir.
[ ( 1 ) Œ u v re s de d’Agucsscau, lome 3 , page 3 6 8 .
�(
«3 )
Ces principe^ établis, le chevalier Legroing est-il
recevable à opposer (les moyens de suggestion et de
captation contre le testament de son frère?
Ce testament est olographe ; non seulement
il
est écrit en entier, daté et signé par le testateur, mais
encore toutes les pages en sont signées et numérotées -,
il est sous enveloppe et cacheté au sceau de armes du
comte : la suscription est écrite et signée par lui -, le
dépôt est aussi de son fait : tous ces caractères ne
sont-ils point autant de preuves de la liberté et de la
volonté du testateur ? ne détruisent-ils point à l ’avance
toutes les allégations du chevalier?
L e testateur a survécu pendant huit mois à son tes
tament. Cette survie n ’est-elle point encore une nou
velle p r e u v e de sa v ol onl d ? C h a q u e jo u r, chaque
moment n ’en sont-ils point une ratification s o le n n e lle ?
L e comte avait mille moyens pour changer ou dé
truire ses dispositions; il n ’en a employé aucun; il est
entouré de trois médecins et d ’une garde-malade; il
reçoit les consolations de la religion; pas un seul mot
de regret dans ses derniers instans; il ne manifeste
q u ’ u n e seule volonté, celle de
maintenir l'institution
d ’héritière faite en faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux; q u ’un seul regret, celui de ne pouvoir lui
une fortune plus considérable.
Les avocats généraux les. plus célèbres, les oracles
de la justice et les docteurs, consacrent la survie du
tra n sm ettre
testateur pendant un teins moral, comme une fin de
non-reccvoir insurmontable : nu arrêt a même décidé
�q u ’ un espace de trois semaines était une présomption
qui devait faire rejeter la preuve ( i). :‘f
A insi, le simple silence du testateur*serait suffisant
pour faire rejeter les moyens de suggestion et de cap
tation; mais Claudine-Flavie peut encore prouver que
son bienfaiteur a persisté dans ses volontés d ’une ma
nière très-expresse. E n effet, la vente du 17 mai 1817
et les ordres des lettres de change sont autant d ’ap
probations du testament de 1816 : ces actes démontrent
aussi que la volonté et l ’intention du comte d ’exercer
ses libéralités envers tout autre qtie le chevalier, ont
été immuables; et il est impossible, depuis 18 0 7, de
t ro uve r
aient
un seul instant où les dispositions du comte
p a r u f a vor ab le s à sou frère.
Il importe peu que le testament olographe ne reçoive
de date que par le décès du te stateur, et que rien ne
prouve que le testament soit antérieur à la vente et
aux ordres: d ’abord ce moyen ne serait pas exact ,
puisque l ’acte de dépôt fait preuve de la date du tes
tam en t; mais le fut-il? il serait insignifiant. De quelque
manière q u ’on place ces actes, les conséquences sont
les mêmes; en effet, si la vente et les ordres sont an
térieurs au testa m en t, ils prouveront
que
l ’intention
du comte a toujours été d ’être libéral envers Claudine(1) Arrêts du parlement de Paris, du iG janvier 16G4; a 3 avril 1709.
Journal des Audiences, tome
, livre 3 , chapitre t\ . — To me 5 ,
partie a ” , livre 9 , chapitre 19.— Soëfvu, tome a , centurie a , clinp. 19.
Arrêts du parlement de Toulouse , 3 o août 1735 ; 11 septembre 1722 ;
ao aoûl 1726 , etc.
�(55)
'
fldvie Jouvainroux, et que son testament* n’est que
l ’accomplissement de sa volonté déjà manifestée; si,
au' contraire, ces actes sont postérieurs au testament,
ils en seront la ratification et l ’approbation la plus
complette.
xi Que l ’on se fixe actuellement sur la suggestion et
captation reprochées à Jouvainroux et à son épouse :
la plus légère ¡attention convaincra de la faiblesse et
de la nullité de ce moyen.
h
D ’abord , il était contre l ’intérêt de la mère de
suggérer ,un testament olographe qui anéantissait son
institution d ’héritier; si elle avait eu quelque influence
sur l ’esprit du. com te, elle s’en serait servie pour fixer
ses dispositions en sa faveur; si elle avait dicté le tes
t a m e n t olographe de 18 16 , il ne serait autre, chose
que la confirmation de celui du 18 avril 1807.
Le chevalier répond par un moyen d ’incapacité.
Suivant l u i, la mère de Claudine-Flavie Jouvainroux
vivait en concubinage ayçc le comte; depuis,.,qu’julle
était entrée k son service, elle ne( pouvait recevoir, de
lui : Claudine-Flavie Jouvainroux est donc la personne
interposée de sa mère incapable. .
j
.
M ais, d’une part, si l ’ancienne législation rejetait
les dispositions faites entre personnes qui avaient vécu
dans un commerce illicite; si on y tenait pour maxime
que don de concubin à concubine ne v a u t , il est cer
tain aujourd’hui que cette prohibition n’existe plus;
qu e, suivant l ’article 902 du Code, toutes ¡personnes
peuvent disposer et recevoir, excepté celles que la loi
�( S6 )
en déclare incapables. Gom m ent, avec un texte aussi
formel, les juges pourraient-ils, sans excéder leurs
pouvoirs, faire revivre une incapacité prononcée par
l ’ancienne loi? Plusieurs arrêts ont fixé la jurisprudence
sur ce point (i).
D ’un autre côté, comment proposer un pareil moyen
contre une épouse et une mère! La preuve d ’un pareil
fait blesserait à-la-fois la morale publique et la dignité
du mariage ; il est évident q u ’elle serait plus scanda
leuse que le fait lui-même.
Il n ’y a donc point d ’incapacité, conséquemment
point d ’interposition de personne; et l ’idée de concubi
comme celle de l ’illégitimité de la naissance de
Claudine-Flavie Jouvaiuroux ne restent « q u e pour
nage
« apprendre q u ’il ne faut pas confondre la captation
« qui inspire, par ruse ou par fraude, une volonté dif« férentedecellequ’auraiteueledisposant,quisubstitue
« une volonté étrangère à la sienne, avec le motif qui
« dirige une volonté qui lui est propre. Dans le pre« mier cas, la volonté est dirigée par le fait d ’autrui ;
« dans le second, il ne peut y avoir du fait d’autrui :
« c’est la volonté du disposant qui agit » (M. Grenier,
« Traité des donations).
Ainsi les moyens les plus puissans du chevalier se
( i ) Arrôt de la Cour île Tïlincs , du 29 tlicrinidor an i a . — Jurispru
dence du Code c i v i l , loinc S , page 198.
Arr6t de la Cour de T u r i n , du 9 juin 1 8 0 9 . — Voyez M. Grenier,
des D onation s, tome i ,T, p»g(,s 3q3 cl suiv.
�rétorquent contre lu i, et viennent l ’accabler. La loi
repousse la preuve des faits q u ’il allègue ; s’ils conservent
quelque vraisemblance, c’est pour manifester la vo
lonté' du testateur; prouver q u ’il n’a point agi par
le fait d ’autrui, mais bien par une détermination qui
lui était propre, et par des motifs dont la loi ne de
mande aucun compte.
Que reste-t-il donc au chevalier? Dira-t-il encore
que la dame Jouvainroux était toujours auprès de son
maître? que celui-ci était dans sa dépendance? q u ’elle
s’était emparée de tous ses biens et facultés?
Mais que signifient de pareilles imputations? Quels
sont les faits précis? les faits propres à caractériser les
machinations, les artifices, les fourberies, en un mot,
le tlol et la f raude <jue la loi a v o u l u réprimer? L e
chevalier ne cote pas un seul fait dont la preuve puisse
être ordonnée.
Toutes ces allégations seraient même insignifiantes,
si elles étaient prouvées. E n effet, le comte Legroing
était malade et infirme : il était naturel q u ’il désirât
la présence de ceux qui devaient lui accorder des soins;
et si le besoin de son service obligeait ses domestiques
à le laisser momentanément livré à lui-m êm e, il était
aussi convenable de fermer son appartement, pendant
ces courts instans, pour le soustraire à des visites que
son état de souffrance pouvait lui rendre importunes,
et lui éviter le désagrément d ’aller ouvrir aux étran
gers , ce que d ’ailleurs il était hors d’état de faire dans
J.a dernière année de sa vie.
�( 58 )
E n fin , la suggestion et la captation ne peuvent être
produites que par les prévenances et les conseils de la
personne que l ’on aime : elles ne sauraient être imputées
à celui qui n ’aurait ni la confiance, ni l ’amitié du
testateur au moment où il écrit ses dernières volontés.
O r , que l'on suive, dans le mémoire et les conclu
sions signifiées du chevalier, l ’état de l ’in térieu r; du
comte.
Jouvainroux nravait aucune influence sur l ’esprit de
son maître; le comte le tenait éloigné de lui : il man
geait à la cuisine.
L a femme, depuis son mariage, méconnaissait son
état; elle s’était fait des sociétés nouvelles; elle négli
geait son maî t re , le laissait dans u n é t a t d ’a b a n d o n ,
faisait des dettes, excitait enfin sa mauvaise h u m eu r,
qui se manifestaiti fréquemment par des imprécations
énergiques et souvent répétées.
Claudine-Flavie Jouvainroux, au contraire , était
l robjet de toutes les caresses du comte. Sa tendresse
pour cette enfant était si grande, q u ’une prière, une
prévenance de Flavie pouvaient appaiser sa colère, et
que le chevalier n’a pu la dépeindre, q u ’en la compa
rant aux effets de la tendresse paternelle.
Si la captation e f l a suggestion ont été pratiquées, il
serait dès-lors évident q u ’elles ne peuvent être imputées
à Jouvainroux et à son épouse. L 'u n avait toujours été
indifférent au comte; rautre s’était attiré sa haine. L e
comte lui donnait même des preuves de son ressenti
m e n t, en anéantissant le testament q u ’il avait fait en
�¡ ( ù 'k ?
(i 59 )'
¡¿a laveur.
L ’auteur dé ces manœuvres serait donc
Claudine-Flavie Jouvainroux!...... Son jeune âge inté
ressait le comte : les caresses, les tendres soins del ’enfant soulageaient les douleurs du vieillard. Les empressemens de Claudine-Flavie ne pouvaient ressembler
aux démonstrations d ’ une amitié feinte; ses complai
sances n’avaient point un sordide intérêt pour mobile
la récompense q u ’elle en a reçue doit donc être sacrée
pour les tribunaux. La religion, la morale et la loi se
réunissent pour approuver et faire respecter le testa
ment du comte Legroing.
* Il faut dire un mot de la violence prétendue exercée'
sur la personne du testateur.
Les principes sont simples. Des excès réels , de
mauvais traitemens , la soustraction des a l imens ou
*
des services au testateur malade, la menace même de
le laisser sans alimens ou sans service , ou d ’user
d ’excès réels sur sa personne , pourraient être des
raisons suffisantes pour annuller un testament.
Mais il faudrait que la violence fût intervenue
et que les faits propres
& la prouver fussent articulés; car elle ne doit pas être
avan t
la
faction
du t e st a m e n t
,
présumée (i).
E n fait : les reproches du chevalier sont dénués de
vraisemblance. On supposera difficilement que la fierte
de caractère du comte se fût abaissée jusqu’au point
de souffrir de mauvais traitemens de la part de ses
I
(1) F u rg o lc , l'e s t. , cliap. 6 , scct. i ” , n°* 4 > 5 , 6 , 8 çt io.
í-l¿}
�11^
1
( 6o
gens. Il n ’est pas plus possible de croire que Jouvainr o u x , que l ’on se plaît à peindre comme un homme
a d ro it, ru sé, dissim ulé, ne perdant ja m a is de vu e
son o b jet, ait essayé de l ’atteindre en employant la
violence.
E t où aurait-elle été pratiquée? A Clerm ont! dans
une ville populeuse, dans une maison où habitaient
d ’autres locataires!
Dans quel t e m s P A p R È s
du
te sta te u r
!
le
testam en t
, ju sq u ’a u décès
Ainsi Jouvainroux et sa femme auraient
cherché à anéantir, par la violence, une disposition
q u ’ils s’étaient attirée par la suggestion et la cap
tation !
T out ce système est inconcevable; il n ’y a point
eu de violence, puisque , d ’après le chevalier luiméme, loin d ’être une cause impulsive du testament,
elle aurait été exercée dans un tems où elle ne pou
vait avoir d ’autre objet que d ’en provoquer la révo
cation ; et si elle eût existé, elle prouverait plus
fortement
encore l ’attachement que le comte avait
pour Claudine-Flavie Jouvainroux, puisqu’il aurait
persisté dans ses dispositions bienfaisantes, malgré les
justes motifs de plainte q u ’il pouvait avoir contre les
père et mère de sa légataire.
Mais toutes ces imputations ne sont qu'un roman
monstrueux, odieux, enfant de l ’imagination du che
valier. Le comte a reçu, tous les secours et toutes les
consolations que son état pouvait exiger : les souilrànces
ont pu lui arracher quelques cris de douleur; des voi-
�( 61 )'
éîns, la police même ont bien pu s’introduire dans son
domicile : q u ’y a-t-on vu ? le m alade dans les bras
de ses dom estiques, q u i le caressent, le d ésh a b illen t,
et prennent les p lu s grandes précautions p o u r soulager
ses m a u x ........ I ( i )
Il faut terminer :
i
• i
Claudine-FlavieJouvainrouxaremplila tâche q u ’elle
s’était imposée.
■
>
Elle était capable de recevoir, et ne doit point être
regardée comme la personne interposée de ses père et
m ère, puisqu’on ne peut leur reprocher à eux-mêmes
aucune espèce d ’incapacité.
Le comte, de son côté, était capable de disposer;
s o n t e s t a m e n t a é t é d i c t é par 1’afïection ; aucune trace
de haine ne s’y fait remarquer ; lors même q ù ’il au
rait eu de l ’éloignement pour son frère, ce ne pourrait
être un m otif pour annuller ses dispositions.
Les faits de suggestion, de captation et de violence
sont dénués de vraisemblance; ils sont vagues et insignifians; ils sont même détruits par les aveux du che
valier : en point de d ro it, la preuve en est inadmis
sible.
Que peut donc espérer le chevalier Legroing?.........
Fallait-il outrager la mémoire de son
frère
? Essayer
d anéantir 1 état d u n j eu ne enfant? Se montrer si peu
difficile dans le choix de ses moyens, pour n’en obtenir
aucun résultat ? Convenait-il sur-tout de descendre
( i) Mémoire du chevalier, page 1 5 .
' v
1,1
�(6 2 )
jusqu’à la calomnie pour capter la fa v e u r ,e t inspirer
un intérêt qui devait si .promptement être remplacé
par la plus juste indignation:
...
L e chevalier s’est abusé; il s’est même exposé à de
justes représailles; mais la légataire d u co m te . doit.
oublier que le chevalier n’a respecté n i son âge, ni sa
faiblesse. Son devoir est. de consoler ses parens des
chagrins q u ’ils ont éprouvés, et dont elle est la cause
innocente.
E lle attendra d o n c , avec confiance et respect,
l ’arrêt qui doit statuer sur ses plus chers intérêts;
mais il peut lui être permis de désirer que le chevalier
n e sente jamais que les faiblesses, produites par l’ambi
tion et l ’avidité des richesses , peuvent quelquefois
avilir et dégrader un homme d ’honneur; et que les
excès auxquels peuvent entraîner c e s p assions ne
sauraient, en aucun tems, trouver d ’excuse auprès des
hommes qui ont quelques vertus ou quelque générosité
dans le caractère.
'
‘
J u lie n
J O U V A IN R O U X .
Jn - C h . B A Y L E ain é, ancien A vocat.
B R E S C H A R D , A vo u é.
RIOM, IMPRIMERIE DE SALLES, PRÈS LE PALAIS DE JUSTICE.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Jouvainroux, Julien. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Breschard
Subject
The topic of the resource
testaments
abus de faiblesse
domestiques
servante-maîtresse
enfants naturels
créances
séquestration
mobilier
maltraitance
émigrés
ordre Saint-Jean de Jérusalem
fraudes
fisc
inventaires
lettres de change
doctrine
nullité du testament
captation d'héritage
testament olographe
jurisprudence
concubinage
legs universels
egyptologie
code civil
bedeau
vie intellectuelle
garde-malade
atteintes aux bonnes mœurs
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour le sieur Julien Jouvainroux, propriétaire, en qualité de père et légitime administrateur de Claudine Favie Jouvainroux, sa fille, intimé ; contre le sieur Louis Legroing, chevalier de justice de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, appelant.
Table Godemel : ab irato : 2. l’action ab irato contre les testaments est-elle admise par le code civil ? peut-elle appartenir à l’héritier collatéral ? Etat (question d') : 3. l’héritier du sang a-t-il le droit, pour prouver l’interposition de personne, de rechercher si le légataire, qui a dans une famille le titre et possession d’état d’enfant légitime, est, ou non, l’enfant naturel du disposant, surtout, lorsque cette recherche conduirait à la preuve d’un commerce adultère ? Sanité d'esprit : d’après quels principes se résout la question de savoir si le testateur était sain d’esprit ? Suggestion : La suggestion et captation sont-elles moyens de nullité pour la législation actuelle ? peuvent-elles être opposées contre un testament olographe ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1807-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2431
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2429
BCU_Factums_G2430
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53485/BCU_Factums_G2431.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Biozat (03030)
Fontnoble (terre de)
La Roche-Blanche (63302)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
atteintes aux bonnes mœurs
bedeau
captation d'héritage
Code civil
concubinage
Créances
doctrine
domestiques
egyptologie
émigrés
enfants naturels
fisc
fraudes
garde-malade
inventaires
jurisprudence
legs universels
lettres de change
maltraitance
mobilier
nullité du testament
ordre Saint-jean de Jérusalem
séquestration
servante-maîtresse
Testament olographe
testaments
vie intellectuelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53484/BCU_Factums_G2430.pdf
37bcf9e52774cffcac992e7f1aaf5206
PDF Text
Text
L ’ANCIEN AVOCAT SOUSSIGNÉ,
V u le mémoire imprimé à Riom, pour le chevalier
Legroing, contre Julien Jouvainroux, Françoise Boudon, e t c .
V u aussi les pièces jointes, et notamment copie du
jugement rendu sur cette affaire, au tribunal civil de
C lermont-Ferrand, le 11 mai 1 8 1 8
E S T IM E , en droit, que le double moyen de capta
tion et de suggestion , contre les testamens, peut tou
jours être légalement opposé depuis la promulgation
du Code civil ;
t
E t en fa it, que les circonstances qui ont précédé,
accompagné et suivi le testament de Jean-Baptiste ,
comte Legroing, du 24 décembre 1816, sont denature
à être articulées et admises en preuve qu e, si elles
sont prouvées, elles devront faire prononcer la nullité
de la disposition testamentaire dont il s’agit.
Dans le droit, d’abord, on a tout lieu de s’étonner
que le tribunal de première instance ait mis en doute
que, dans les principes du Code civil, l’action en nul
lité des testamens en général, fondée sur la captation
et la suggestion, ait été conservée. La seule nature des
choses ne permettait pas de controverse sur ce point de
jurisprudence ; et les discussions au conseil d ’E tat ,
�( 2 )
dont il y a tradition, impriment à cet égard, au juge
ment attaqué, le caractère d ’un pyrronisme into
lérable.
Suivant la définition du droit romain, le testament
est un jugement réfléchi, conforme à la loi, que l’homme
prononce sur ce q u ’il entend être exécuté après lui ;
c’est une ordonnance de sa dernière volonté, exempte
de toute iniluen.ce étrangère.
T esta m en tu m est ju s ta v o lu n ta tis nostrœ sententia
de eo q u o d q u i p o st m ortem "suani f i e r i v e l i t .
On a dû dès-lors considérer comme nulle et non
.avenue, dans tous les teins, la disposition, à cause de
inort ,
f £ ui
était
le
fru it
é v i d e n t , t i e l a c a p t a t i o n , SOlt
des artifices frauduleusement employés pour dominer
les facultés morales des testateurs, soit des mauvaises
voies pratiquées par des tiers pour substituer leur
propre volonté à celle des disposans.
Aussi la loi- romaine s’en était-elle expliquée caté
goriquement en plusieurs endroits 5 elle avait statué
que tous ceux qui avait dissuadé l’auteur de la dispo
sition de tester comme il l’aurait v o u l u , (.levaient être
déchus des. avantages q u ’ils s’étaient fait concéder; elle
avait même réputé crime toute violence employée pour
faire écrire à un testateur rien de contraire à ses in
tentions.
Q ui j du/n copiât hœ reditatem lé g itim a n t, v e l e x
tostfïnientos p ro h ib u it teslam entarium introire3 volente
�(
3
)
eo fa c e r e testa m en tu m , v e l m u ta r e
,
e i denegaritur
acliones.
E t crim en a d ju n g itu r , s i testa to r, non su d sponte
testam entum f e c i t ,
se d
co m p u lsu s 3 (juos
,
n o tu e n t
s c r ip ù t hœ redes.
Ces principes, comme raison écrite, avaient été
universellement reçus parmi nous 5 ils ont été pi'ofessés
par tous nos auteurs, et consacrés par des monumens
nombreux de notre ancienne jurisprudence.
»
Lors de la rédaction du Code civil, on avait d ’abord
été tenté d ’abolir l ’action en nullité des test.amens,,
pour cause de captation et de suggestion, sous prétexte
que ces exceptions faisaient naître.une foule de procès
fâ c h e u x d o n t il importait de tarir la source. On avait,
dans c et t e v u e , inséré au projet du Code un article
ainsi conçu :
« L a loi n’admet pis la preuve que la disposition n’a
« été faite que par haine, colère, suggestion et cap:i :i
« tation. »
1
Mais de toutes parts on réclama contre rimmoralité
' i l
•J)
et le danger d’une semblable proposition.
)
#
Plusieurs
Cours souveraines observèrent sur-tout q u e lle livrerait
la fortune des personnes laibles au crim e, à la fraude:
« Que de m aux, que de brigandages, s’ écrièrent-elles,
« pour éviterdes procès et d e s poursuites dont la cramte
« arrêtait le crime! N e serait-il pas p l u s juste., plus
« digne de la sainteté de la loi, de laisser aux tribunaux
�( 4 )
« le jugement des faits, des circonstances qui pourront
« donner lieu à admettre la preuve que des gens cupides
« ont su , par leurs artifices, substituer leur volonté
« à celle du donateur ? »
Ces considérations prévalurent, et déterminèrent à
retrancher du projet l ’article qui abolissait les argumens de captation et de suggestion.
E n conséquence , l ’orateur du Gouvernement ,
j
s’adressant au Corps législatif, s’exprima ainsi : « La
« loi garde le silence sur le défaut de liberté qui peut
« résulter de la suggestion et de la captation, et sur
« le vice d’une volonté déterminée par la haine ou par
« la colè re................... E n d éc lar ant q u e ces causes de
« nullité ne seraient pas admises, la fraude et les
« passions auraient cru voir, dans la loi même, un
« titre d ’impunité.
Les circonstances peuvent être
« telles, que la volonté de celui qui a disposé n ’ait
« pas été lib r e , ou qu ’il ait été dominé par une passion
« injuste. C ’est la sagesse des tribunaux qui pourra.
« seule apprécier les faits et tenir la balance entre la
« foi due aux actes et l ’intérêt des familles-, ils empê« chcront q u ’elles ne soient dépouillées par les gens
« avides qui subjuguent lesmourans, ou par l’effet d ’une
« haine que la raison et la nature condamnent. »
D ’apres des déclarations aussi solennelles du légis
lateur, n ’est-il pas éirangcquele tribunal de Clermont
ait affecté des doutes sur le point de droit, et q u ’il
�(
5
)
a it , en quelque sorte, disputé aux tribunaux cette
puissance qui leur fut si positivement attribuée ?
Pour achever la réfutation de sa doctrine, on pour
rait invoquer le suffrage de tous ceux qui ont écrit sur
le Code civil ; tous s’accordent à maintenir que les
causes de captation et de suggestion sont toujours
admissibles en matière de testament. Il suffit d ’en
indiquer deux dont le nom fait plus particulièrement
autorité : M. Toullier, avocat de Rennes; M. Grenier,
en son T ra ité des D onations,
M. Toullier professe que tous les vices d’erreur, de
crainte, de violence, de dol et de fraude, que l ’on peut
opposer aux contrats, peuvent être objectés contre les
testamens. Il donne la définition dés mots captation
et suggestion, il rappelle, en j"KirtiG, le discours ¿m
Corps législatif, de l’orateur du Gouvernement, que
nous avons transcrit. Il relève, dans l’article 901 du
Code, la condition que le testateur doit être sain d 'es
p rit ; il pèse sur-tout, avec M. M alleville, sur les moyens
frauduleux, tels que les calomnies employées auprès
du testateur contre ses héritiers naturels.
:
M. Grenier, page 33 g , tome i er, dit à son tour :
«
«
«
«
L a crainte de voir triompher l’artifice et la fraude,
qui se montreraient avec d’autant plus d ’audace ,
que la loi ne leur opposerait plus de frein , empêche
de se* rendre Iv l ’idée de la suppression »le cette
« action : elle existe sans être é tay.ee d ’une disposition
�« positive de; la loi, On la ¡mise dans ces principes de
« justice, .que le silence de la loi ne peut détruire,
« que ce qui est l ’ouvrage du dol et de la fraude ne
-u"p eu t Subsister. Lors même que la^Ioi dispose, les
« cas de fraude, en général, sont exceptés. >>
1
A toutes ces autorités vient se joindre, sur le^ oint
de droit, pour le confirmer, l ’arrêt de la Cour royale
de Paris, du 3 i janvier i 8 i 4 > dont le chevalier, ¡Legroing s’était, aidé dans son mémoire.
. , . j » wn
■ 'y
Y w :». it‘:
Ayant tergiversé sur la doctrine, les premiers juges
se sont donné libre carrière sur les.faits; ils ¡n'en, ont
trouvé aucun pertinent ni admissible, .Jl faut convenir
q u e , sous ce d e ux iè me aspect de la c a u s e , leur tolerance a été loin-, Car, sans vouloir ni S’appesantir sur
les détails qui appartiennent plus spécialement à la
plaidoirie, il était difficile de rencontrer un cadre plus
repoussant que celui des dispositions prétendues du feu
comte Legroing.
TJn legs universel très-considérable, fait au profit
d ’un enfant de quatre ans et dem i, fille de sa domes
tiqu e, avec laquelle il avait vécu en c o n c u b i n a g e , et
d o n t il .avait eu lui-même une au tr e fille pai’j. lui
r e c o n n u e mais décédée le 11 janvier 1807 ! Quelle
affection légitime le comte Legroiïig jmuvait-il avoir
pour cette fille de quatre ans, qui,lui élait étrangère,
étant née du mariage de sa d o m o t iq u e , Françoise
Bûtidon > avec Julien Jmivainroux. ? Aucuns soins ,
�( ( 7 ;)
aucuns services encore ne pouvaient l'attacher à la
Claudine Jouvainroux, qui était évideriinïént
ici une personne interposée , pour parer à l ’inconVénient de tester au profit de la mère , Son ancienne
petite
concubine, et restée vis-à-vis de
la domesticité.
lui
dan& leS liens de
Cette tournure, imaginée dans la vue manifesté de
m asquer, de déguiser le véritable objet d’une telle
libéralité, n’est-elle pas la preuve que le testateur a
été dominé pas ses alentours ?
Un
fait non moins pertinent pour proclamer la
suggestion à laquelle le testateur était livré, est celui
de l’acquisition immobilière de 40,000 fr. au nom
de la petite Jouvainroux ; celui encore de lettres de
change pour fortes sommes , passées h son ordre.
Quoique ce soient dès- actes entre-vifs, leur' Singularité
est telle, que l ’état d’assujétissement du testateur aux
volontés de ceux qui l ’entouraient, en ressort avec la
plus grande évidence : rien de plus insolite, notam
ment, que cette négociation des lettres de change, dont
il est impossible que la petite Jouvainroux ait fourni
la valeur.
U n troisième fait déterminant est dans l ’articula
tion des calomnies journellement débitées par les
Jouvainroux, auprès du testateur, contre lé chevalier
TLegroing, son frère ; les odieuses suppositions, que
celui-ci voulait attenter à ses j ours, ou le faire inier-
�( 8 )
dire, etc. : toutes impostures, dont les suites sont
signalées par l’aversion que le testateur avait conçue
contre son frère , et dont il a donné une preuve si
frappante, en supprimant la qualité de frère qui lui
était donnée dans une quittance.
;
Une quatrième articulation , digne de toute la
sollicitude de la justice , est celle des violences , des
mauvais traitemens sous lesquels gémissait le comte
Legroin g, et dont la manifestation avait été te lle , que
plusieurs fois des officiers publics avaient été appelés
pour faire cesser l ’oppression des Jouvainroux.
*.,;U lie cinquième circonstance, quoiqu’extérieure au
testament , q u o i q u e su rv en u e s e u le m en t depuis , et
assez difficile à établir judiciairement, est sans con
tredit celle relative au dépôt du testament. La volonté
du testateur avait été q u ’il fut déposé entre les mains
du notaire Espinasse ; il l ’avait à cet effet renfermé
dans une enveloppe cachetée, et il avait couvert cette
enveloppe d ’une suscription indicative du dépôt, datée
du ït\ décembre, dix jours après la confection du titre,
et signée.
11 parait cependant que le d é p ô t, aussi rigoureuse
ment vouluj n’a jamais été effectué; que Julien Jouvainroux s’est emparé du testament, et que c’est lui
qu i, après la mort du testateur, l ’a présenté en justice.
Cette particularité est remarquable , en ce q u ’elle
donne la mesure de l’ascendant dç$ Jouvainroux sur
�( 9 )•
(
l ’esprit du testateur, et des abus de confiance q u ’ils se
permettaient. Qui dira que si le testament avait été
Jivré à la foi d ’un officier public dépositaire, le comte
Legroing , alors qu ’il s’est vu le jouet de la famille
Jouvainroux, n ’aurait pas donné l ’ordre de le sup
primer? au lieu que, la pièce étant au pouvoir des
domestiques du testateur, dans l ’état de paralysie et
d ’incapacité où il était tom bé, ils se sont mis à l ’abri
de toute révocation.
On regrette de ne trouver au jugement de première
instance, sur ces diverses articulations, que de vains
palliatifs ou pointilleries, comme quand les premiers
juges reprochent au chevalier Legroing de n ’avoir pas
précisé les injures débitées sur son compte , à son
frère, par les Jouvainroux. Y avait-il rien à préciser
au -d el a des supposit ions d ' e m p o i s o n n e m e n t ,
d ’assas-
sinat, de plan d’interdiction, etc. ?
Que signifient encore les réflexions glissées au juge
m ent, sur la fierté du caractère du comte Legroing,
pour en induire q u 'il n ’avait pu s’abaisser jusqu’à
condescendre aux désirs de Françoise B oudon , sa do
mestique? lorsqu’il est prouvé q u ’il avait vécu avec elle
en concubinage. Que signifie cette invraisemblance ,
que la domestique ait jamais songé à dominer son
maître ? lorsqu’il est si bien avéré, si notoire, q u ’elle
faisait de ce vieillard tout ce qu ’elle v o u l a i t ; q u ’elle
l’accompagnait par-tout; q u ’elle ne laissait approcher
de lui que qui bon lui semblait.
�E t ces huit mois de persévérance, écoulés depuis la
confection du testament ? lorsqu’il est de notoriété
p u b liq u e , que l ’état physique et moral du testateur,
k celle du période de Sa v i e , était celui d’une débilité
excessive , et de l ’aiFaissement extrême de toutes ses
facultés.
‘
t
Des juges qui avaient débuté par réduire en pro
blème toute pertinence , toute admissibilité des faits
de captation et de suggestion, ont dù naturellement
se donner libre carrière sur l ’appréciation de ces faits.
Il était difficile q u ’a leurs yeux aucun de ces faits
conservât la couleur qui lui était propre.
Il n ’ en peut pas être de même devant une C o u r
souveraine, impassible, mieux pénétrée de la vraie
doctrine, plus éminemment placée pour le maintien
des règles qui protègent la morale-publique, les pro
priétés des fam illes, et qui répriment les iniques
combinaisons de la domesticité, incessamment dirigées
vers la spoliation, dans les derniers momens de l ’exis
tence d ’un maître q u ’elle a su cerner et subjuguer.
Délibéré à Paris, le 4 avril 1819.
BERRYER.
�I - Æ S C O N S E IL S S O U SS IG N É S, qui ont pris lecture
d ’un jugement du tribunal de Clerm ont-Ferrand, du
i i
mai 1818, lequel, sans s’arrêter à la preuve offerte
par le chevalier Legroing, ni avoir égard à la nullité,
par lui demandée, du testament du comte Legroing ,
son frère, portant legs universel en faveur deClaudineFlavie Jouvainroux, fille de sa domestique, l ’a débouté
de toutes ses demandes ,
que M. le chevalier Legroing doit espérer
de faire annuller, sur l ’appel, ce jugement qui met en
doute si un testament peut être annullé pour des
E
stim ent
causes qui, quoique non exprimées dans le Code civil,
parmi celles qui emportent nullité des testamens ,
résultent évidemment de l ’esprit de ses dispositions,
et qui tippiecic, de la manicre la plus otriingGj des
faits articulés pour justifier que le testateur n ’avait
pas, disposé librement et par l ’effet de sa propre
volonté.
Le comte L egro in g, par testament olographe du
24 décembre 18 16 , a nommé légataire universelle de
ses biens, qui peuvent se monter de 3 à 400,000 fr.^
Claudine-FlavieJouvainroux, déclarée, à la naissance,
fille de Françoise Boudon, sa domestique, et de Julien
Jouvainroux, bedeau de la cathédrale de Clermont ,
son mari. Cette disposition compose tout le testament
avec celle du legs d ’ une rente viagère de 800 francs,
et d ’un
mobilier assez considérable, en faveur de
Françoise Boudon elle-même.
�( 12 )
Françoise Boudon, sous le nom de Claudine, était
fille de peine dans la maison de madame la comtesse
Legroing, mère; le comte Legroing, son fils, l ’avait
prise à son service, où elle était encore à son décès,
arrivé le i 3 août 1817.
v
Cette fille vivait en concubinage avec son maître.
De ce commerce est né %le 7 septembre 1806, un enfant
du sexe féminin, présenté à l ’officier de l ’état civil ,
par le comte Legroing lui-m êm e, qui lui a donné le
nom de J o sé p h in e , et q u ’il a déclaré avoir eue de
Françoise Boudon, s’en reconnaissant le père. C e t
enfant est décédée le 11 janvier 1807; l ’acte mortuaire
la dénomme Joséphine L egro in g, fille de J- B. Legroing
et de F ra nç oi s e B o u d o n .
Françoise Boudon , lorsqu’elle s’est mariée avec
Jouvainroux, était enceinte ; son mariage est du 16 sep
tembre i'811 j et la naissance de Claudine-Flavie, du
5 mars 1812.
O11 a prétendu que cet enfant provenait des œuvres
du comte L egro in g, et q u e , pour la rendre capable
d’une disposition universelle, que sa mère méditait
de lui faire faire par son maître, elle avait préféré lui
donner un père étranger.
La sainteté des nœuds du mariage et la foi due aux
actes qui constituent l ’état des familles, ne nous per
mettent pas d ’insister sur cette présomption, lorsque
sur-tout le concubinage est suffisamment prouvé par
l ’acte authentique de la naissance du premier enfant.
�( i3 )
Quoi qu ’il en soit, le chevalier Legroing a attaqué
le testament de son frère, comme une suite du con
cubinage, comme fait dans la démence, comme l’effet
de la haine et de la colère suggérées au testateur envers
sa fam ille, et comme le fruit de sa suggestion et de la
captation.
Il a articulé divers faits analogues à ces causes, et
il a demandé à en faire preuve.
,
Le jugement du tribunal de Clermont décide net
tement que le concubinage n’est point une cause de
nullité des testamens; il le décide aussi, mais avec
l ’expression du doute, pour la démence, la haine et
la colère, et la suggestion et la captation; et cepen
dant, en en supposant l ’efficacité possible, il discute
les faits articulés et les déclare insuffisans.
Il faut donc exa mi ne r d a b o rd si les causes sur les
quelles M. le chevalier Legroing fondait son attaque
contre le testament de son frère, sont admissibles,
sous l’empire de la législation du Code civil.
On fera ensuite quelques réflexions sur le mérite des
faits articulés, et des motifs sur lesquels le tribunal
les a écartés.
j
�\
( «4 )
EXAM EN DES CAU SES D E N U LLITÉ .
Une liaison illégitime entre un donateur ou un
testateur, et la personne en faveur de laquelle il a '
disposé; sa démence au tems de la disposition; la haine
et la colère q u ’il aurait manifestées envers son héritier,
et la suggestion et captation étaie n t, dans l ’ancienne
législation , considérées, comme autant de causes de
nullité des dispositions à titre gratuit; du concubinage
ressortait, dans l ’intérêt des mœurs, une incapacité
de donner et de recevoir; et l ’on jugeait que les autres
causes produisaient, sur l ’esprit d ’un disposant, une
in.ilu.ence cjui ne laissait pas à sa v o l o n t é le caractere
de liberté requis pour disposer.
Les auteurs du Code civil n ’étaient pas sans doute
moins zélés pour la cause des mœurs que les anciens
magistrats, mais ils ont cru les mieux servir en effaçant
une incapacité qui donnait toujours lieu à des discussions
scandaleuses, dont les mœurs étaient plus offensées que
de la chose même.
L e Code civil ne fait donc pas, du concubinage,
une cause de nullité des testainens.
Au
contraire ,
lorsque, par l ’article 9 0 2 , il est dit q u e toutes personnes
peuvent disposer et recevoir, soit par donation entre
vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en
déclare incapables, et qu'immédiatement, signalantles
incapacités, il n ’exprime rien par rapport aux liaisons
illégitimes, il en faut
nécessairement conclure que
�(
>5
)
Ceux mêmes qui ont des rapports que les mœurs
improuvent, ne sont point dans une exception quant
au pouvoir de donner et de recevoir.
Cependant si, de ce fait seul, il n ’est pas permis de
tirer une nullité contre un testament, il faut convenir,
q u e , lorsque, justiiié par un acte public, il se joint à
d ’autres causes qui agissent sur la volonté du disposant,
il est un point de départ probab le, et favorise la
preuve de l ’influence étrangère qui a contraint cette
volonté.
Parmi ces causes qui agissent sur la volonté, se
rangent incontestablement la haine et la colère du
disposant envers les siens, la suggestion et la captation,
même la faiblesse d’esprit, et à plus forte raison la
démence.
L a c o l e re , prise i s o l e m e n t , serait, sans effet
sur un
testament; c’est un mouvement impétueux de l a m e ,
qui se calme comme il s’élève; mais uni avec la haine,
la colère en devient une conséquence; son mouvement
se répète toutes les fois que l ’objet haï se représente
à l ’imagination, et par là elle se constitue en passion
d urable, q u i , nécessairement détourne de la personne
qui en est l ’objet, tous les sentimens de bienveillance^
même de justice, et lui fait préférer, dans l ’esprit du
testateur, des individus auxquels, autrement, il n’eût,
pas pensé.
Il faut cependant convenir que cette cause de nul
lité dégénérerait en arbitraire, si elle était légèrement
adoptée; s’il suffisait à celui que la loi donnait pour
�( >6 )'
héritier à un testateur, d’articuler, de prouver même
q u ’il était pour lui un objet de haine et de colère ,
il faudrait encore établir que le testateur a ya n t, par
la loi, le pouvoir absolu de disposer, n’a pas été dé
terminé par un juste m otif, en faveur de la personne
q u ’il a préférée.
Mais où la haine et la colère peuvent devenir un
moyen puissant contre la disposition, c’est lorsque ce
sentiment ne s’est formé dans l ’ame du testateur que
par des rapports, des manœuvres, des suggestions in
téressées de la part de celui en faveur duquel la dis
position est faite.
Cette cause alors rentre dans le suggestion et la
c apt a ti on , et en forme un des moyens les plus efficaces.
Que la suggestion et la captation soient des causes
de nullité des dispositions à titre gratu it, point de
doute. Sans entrer dans la différence que les anciens
auteurs mettaient entre la suggestion et la captation ,
il faut les entendre dans le sens de manœuvres em
ployées pour captiver la volonté d ’autrui à son profit,
pour séduire et tromper le disposant, suivant l ’expres
sion de INI. Grenier, dans la vue d ’attirer ses biens au
préjudice de sa famille, et pour enfin substituer une
volonté étrangère à la sienne.
S i , dans les moyens pratiqués pour séduire la volonté
du disposant, est entré celui de lui donner de l ’éloignement, et de lui inspirer de la haine et de la colère
pour sa fam ille, alors la captation et la suggestion
prennent un caractère de dol et de fraude ? qui ne
�V *7 )
permet pas de laisser subsister la disposition; car,
outre que le dol et la fraude ne peuvent jamais
produire des effets légitimes, comme le testament doit
être l ’effet de la volonté libre du testateur, il s’en suit
q u e , quand il a cédé à des manœuvres frauduleuses,
il n’a pas suivi sa volonté; et par conséquent sa dis
position est viciée dans son essence.
Cette doctrine a été professée par tous les bous es
prits qui se sont occupés de cette matière ; elle est
disertement développée dans l ’excellent Traité des
Donations de M. Grenier; elle est partagée par M. Toullier, dans son ouvrage estimé sur le Code civil.
Des arrêts l ’ont consacrée; il en existe un du i 4
avril 1806, de la Cour de Grenoble; un du 14 juin
de la même année, de la Cour de Bruxelles; et un
dernier, de la même C o u r, du 21 avril 1808 , qui
tous ont reconnu que la cause de nu llité, résultant de
la suggestion et captation, n ’est point abrogée.
Le Code civil ne s’en explique pas. Mais il a été
remarqué que le premier projet de ce grand ouvrage
avait un article portant que la loi n’admet pas la
preuve que la disposition n ’a été faite que par haine,
colère , suggestion et captation , et que cet article ,
dans la discussion, a été supprimé.
L ’orateur chargé de présenter le Titre des Donations
et Testamens au corps législatif, s’est exprimé de
manière à faire connaître quel a été l ’objet de la sup
pression de l ’article.
« L a loi garde le silence, disait-il, sur le défaut de
3
�liberté qui peut résulter de la suggestion et de
la c a p ta tio n , et sur \e vice d’une volonté déterminée
p a r la colère ou p a r la haine. Ceux qui ont entre
pris de faire annuller des dispositions pour de
semblables motifs, n ’ont presque jamais réussi à
trouver des preuves suffisantes pour faire rejeter des
titres positifs; et peut-être vaudrait-il m ieux, pour
l’intérêt général, que cette source de procès ruineux
et scandaleux fut ta rie , en déclarant que ces causes
de nullité ne seraient pas admises; mais alors la
fraude et les passions auraient cru avoir, dans la
loi-même, un titre d’impunité. Les circonstances
peuvent être telles, que la volonté de celui qui a
disposé, n ’ait pas été libre, ou q u ’il ait été e n ti è
rement d o m in é par u ne passion injuste. C ’est la
sagesse des trib u n a u x , qui pourra seule apprécier ces
faits, et tenir la balance entre la foi due aux actes
et l’intérêt des familles. Ils empêcheront q u ’elles ne
soient dépouillées par les gens avides qui subjuguent
les mourans, et par l'effet d ’une haine que la nature
et la raison condamnent. »
Il faut s’en rapporter à l’orateur du gouvernement y
qui n’eût point pris sur lui de suppléer au silence
du projet q u ’il venait proposer au corps législatif de
convertir eu lo i, et qui n’a du dire que ce qui avait
été dans l ’esprit de la rédaction.
Il faut donc regarder comme certain, que l ’action
en nullité pour haine et colère, pour captation et
suggestion subsiste, mais que seulement le mérite de
�( ]9 )
cette action et l’appréciation des faits sur lesquels on
la fonde, sont abandonnés à la sagesse des tribunaux.
Quant à la démence du testateur, elle doit être
aussi une cause de nullité des testamens. L ’article g o i
du Code civil, d ’accord en cela avec le droit romain
et les coutumes qui régissaient la France avant lui ,
dispose « que pour faire une donation entre-vifs ou
« un testament, il faut être sain d ’esprit. » Il y aurait
contradiction entre cette disposition et son applica
tio n , si le testament cI’u r c personne en démence pou
vait avoir son effet.
L ’article 5 o/|. du même Code porte : « Q u ’après la
« mort d ’un in d ivid u , les actes par lui faits ne peu« vent être attaqués pour cause de démence, q u ’autant
■
« que feon interdiction aurait été prononcée ou pro« v o q u é e a v a n t son décès, à moins que la preuve de
« la démence ne résulte de l ’acte même qui est at« taqué; »
Cet article fera-t-il obstacle à l ’action en nullité
pour cause de démence, lorsque le testateur sera dé
cédé integri s ta tu s , lorsque l ’interdiction n’aura été
ni prononcée ni provoquée avant le décès?
Non : il est généralement reconnu aujourd’hui que
l ’article 5 o 4 ne s’applique point aux testamens.
« Q uoiqu’avant la disposition , dit M. Grenier ,
« T ra ité des D o n a tio n sy il n’y ait point eu , contre
« le disposant, une prononciation ou une provocation
« d’interdiction, il faut, pour juger de sa capacité
« morale, se reporter uniquement à l ’mstant de la
�( 20 )
« disposition, abstraction faite de toutes autres cir« constances. Il est aisé de comprendre les motifs de
« l ’article 901. Le législateur n ’a pas dù considérer
« les dispositions gratuites, du même œil que
les
« autres actes. L a loi redouble de prévoyance, pour
« prémunir l ’homme contre les pièges de la cupidité
« qui peut épier un instant de faiblesse, ou le pro« voquer, pour extorquer une libéralité5 or, ce mo« ment peut exister, quand il aurait même un usage
« habituel de la raison. »
L ’auteur étaye son sentiment du résultat qui eut
lieu au conseil d’É t a t , lors de la discussion de l ’ar
ticle 901 , dont le projet ajoutait à ce que l ’article
c o nt i ent aujourd’hui « que ces actes (les donations
« entre-vifs et les t es tame ns) ne p our r ai ent être atta« qués pour cause de démence, que dans les cas et de
« la même manière prescrite par l ’article 5 o 4 du
« Titre de la majorité et de l ’interdiction. »
Plusieurs conseillers d’É tat s’élevèrent contre la se
conde partie de l’article. Il fut reconnu que l ’art. 5 o 4
ne pouvait pas s’appliquer aux donations entre-vifs et
aux testamens 5 et l ’article 901 fut réduit à ce qui en
reste dans le Code.
Plusieurs arrêts l ’ont décidé ainsi , et notamment
un arrêt de la Cour de cassation, d u 22 novembre 181 o ,
qui a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de la
Cour de Poitiers, par un m otif ainsi conçu : « Con«
sidérant
que Particle 5 o 4 du Code civil n ’est point
,< applicable aux donations entre-vifs ni aux testamens
«
�«
«
«
«
«
régis par l ’article 901 du même C o d e , qui a été
définitivement adopté et promulgué en ces termes
(Pour faire une donation entre-vifs ou un testament,
il faut être sain d ’e s p r i t : q u ’il résulte de la généralité d’expression de cet article, que, nonobstant
« les articles 1 3 4 1 ? ^ 4 7 ? i 352 et 1 353 dudit Code,
« il est permis aux parties d ’articuler, et aux tribu•« naux de les admettre à prouver tous les faits qui
« sont de nature à établir que l ’auteur d’une dona« tion entre-vifs ou d’un testam ent, n ’était pas sain
« d ’esprit., à l’époque de la confection de ces actes ,
« sans distinguer si ces faits ont ou n ’ont pas constitué
« un état permanent de démence. »
L a jurisprudence est donc bien établie sur ce point.
Il est incontestable, en d roit, q u ’un testament peut
être a t t a q u é de n u l l i t é p our cause de démence du tes
tateur , quoi q u ’il soit mort integri s ta tu s , sans inter
diction prononcée ou provoquée, comme pour cause
de haine et de colère, de suggestion et captation; et
la décision du tribunal de Clermont et ses doutes en
droit, sont en opposition avec la doctrine générale
ment adoptée par les jurisconsultes et par les arrêts.
A la vérité, il ne suffit pas de la cause; il faut
q u ’elle soit soutenue par des faits qui la justifient,
qui prouvent que la disposition en a été l ’effet.
M. le chevalier Legroing attaquait le testament de
son frère par les causes réunies de la haine et de la
colère, de la suggestion et captation et de la démence ;
�( 22 )
il a rticu la it, sur. ch a cu n , des faits que le tribunal de
Clermont ne l ’a point admis, à prouver.
Il faut passer à l ’examen de ces faits, et des motifs
par lesquels ils ont été écartés.
E X A M E N D E S F A IT S E T D E S M OTIFS.
C om m e f a i t s p ro b a tifs de haine et de colère étaient
a rticu lés:
PREMIER
FAIT.
U n refus , de la part du comte L egroin g, de rece
voir une somme de 8000 f r . , que son frère lui avait
envoyée p a r le sieur C h an telot, le
avait a c c o m p a g n é l e r e f u s d ’ i n j u r e s
Legroing.
juillet 1 8 1 7 ; i l
c o n t r e le chevalier
I er
« L e demandeur , porte le jugement , ne dit pas
« quelles furent ces injures. »
In ju r e est un mot générique qui exprime un outrage ;
des injures proférées sont des paroles outrageantes contre
une personne. Quant à l ’espèce de ces paroles, c’est à
celui qui les a entendues à les déclarer. Il a suffi d ’arti
culer le fait, l ’occasion, l ’époque, et de dénommer le
tém oin, pour que l ’articulation soit pertinente et
complète.
SECOND
FAIT.
Le chevalier Legroing s’étant présenté lu i-m êm e,
le l2 du même mois , chez son frère, pour régler ses
1
�( ¿3 )
comptes, et lui payer une partie de ce q u ’il lui devait,
il ne put parvenir jusqu’à lui.
« Le demandeur, dit le jugement, ne dit pas non
« plus p o u rq u o i et p a r q u i il fut empêche de parvenir
« à son frère. »
L e p o u rq u o i est nécessairement connu, puisque le
fait est articulé pour établir l ’indisposition et l ’éloignement de son frère contre sa famille.
P a r q u i! l ’information le dira; d ’ailleurs le p a r
q u i il fut empêché de parvenir jusqu’à son frère est
assez indifférent, quand il ne s’agit que du fait de
l ’éloignement. Il suffira q u ’il soit prouve que le sieur
Legroing ne pouvait pas voir son frère ; que sa porte
lui était fermée. Le comte Legroing était infirme, ne
sortait pas : ce n’était donc pas une cause accidentelle
q u i p o u v a i t e m p ê ch e r son frère de le v oi r chez l ui .
TRO I S I ÈME
FAIT.
L e chevalier Legroing ayant invité un jurisconsulte
à porter pour lui la somme à son frère , de rédiger la
quittance, et de régler le mode de paiement de ce qui
restait d û ; et le jurisconsulte ayant fait la lecture de
la quittance au comte L egroin g, celui-ci se mit en
fu re u r, parce q u ’il y était dit que le chevalier Legroing
¿tait son fr è r e . Il vomit contre lui toutes sortes d ’in"
jures, et ne signa la quittance que lorsque le juris
consulte eut rayé cet mots : M o n fr è r e .
Le jugement répond : « Le demandeur a laissé
�(* 4 )
« également ignorer quelles furent ces injures ; et
« cependant il serait possible que les expressions du
« comte Legroingne fussent p a s reconnues injurieuses.
« L e demandeur aurait pu regarder comme injures
« quelques paroles seulem ent désobligeantes , q u ’un
« moment d ’humeur ou de mécontentement aurait pu
« produire , sans que le cœur du comte Legroing y
« prit aucune part. Au surplus , les frères Legroing
« auraient pu vivre en mésintelligence et ne pas
« s’aimer ; mais entre la haine et V a m itié il y a tant
« d 'a u tres sentim ens qui ne troublent ni l ’esprit ni la
« raison, qui ne sont ni de la haine ni de la colère I
« S i, par de semblables motifs, il était possible d ’an« nuller les testamens faits au préj udice des c ol l at ér aux ,
« il serait p re sq n’ i n u t i l e cl’ en faire. E n f i n le testament
« dont il s’agit est du i!\ décembre 1 8 1 6 , et les faits
« de colère et de haine allégués seraient du mois de
« juillet 1817. »
Quelles furent les injures? Ne sont-elles pas assez
caractérisées, quand elles viennent à la suite du fait
que le comte Legroing entra en fureur, quand il
s’e n t e n d i t
qualifié fr è r e du chevalier?
Les juges qui ont pénétré dans les replis du cœur
h u m ain ,'q u i ont creusé la m éthaphysique, pour dé
couvrir qu ’il y a tant d’autres sentimens entre la haine
et l ’am itié, que jusqu’ici on avait cru 11’avoir d ’in-termédiaire que l’indifférence, n ’ont pas pu calculer
les effets de la fureur; ils n ’ont pas senti ce q u ’a de
dénaturé le mouvement d ’un homme qui renie, qui
�( *5 )
méconnaît, qui repousse son frère, qui s’emporte sur
le titre de frère, que lui donne celüt qui l’est: en effet.
E t ils veulent que, dans l ’état de fureur, il ait prononcé
des paroles seulem ent d éso b lig ea n tes, auxquelles le
cœur n?a point de part!' S’il est un fait révoltant qui
caractérise la haine et la colère, c’est celui-là ; et;
certes, pour l ’honneur de la nature, dans l ’intérêt des
moeui's et de l ’ordre social-, les tribunaux doivent s’em
presser d’anéantir un testament fait sous de tels aus
pices.
Q u ’importe que le fait articulé soit antérieur ou
postérieur au testament attaqué? D ’abord un- testament
olographe n’a point de date jusqu’au décès du testateur ;
mais ensuite, q u ’a-t-on à prouver? la passion furieuse
que l ’on avait suggérée au comte Legroing, sa haine
p o ur son frère. U n s e n t i m e n t , une passion, ne sont
pas des choses matérielles qui se distinguent ;Y la
vue ou au toucher; ils se manifestent par des effets
que des occasions produisent ; or , un effet aussi
marquant que la fureur qui' s’empare d ’un frère>
parce que son frère l ’appelle son- frère dans une q u it
tance, et qui ne veut recevoir l ’argent qui lui' est
offert, que quand cette qualification (q u i lui» est
odieuse) est effacée de l ’écrit; cet effet, qui:vient à la
suite de deux autres, ne peut être accidentel; il dé
montre nécessairement la disposition habituelle de
l ’ame et la passion, dont, elle est occupée. Il faUt donc
reconnaître que cette passion doit avoir une influence*
pour ainsi dire exclusive, sur des dispositions testa-
4
�méntaires, consacrées sur-tout à la bienveillance, et
dont l ’idée réveille les haines comme les affections.
De la haine et de la colère, le jugement passe à la
suggestion et captation.
L e chevalier Legroing articulait des faits : i 0 de
suggérée par Jouvainroux et sa femme, soit à
l’occasion du partage du mobilier de la succession de
liaine
la mère commune, soit lorsque le comte, se plaignant
de l ’obsession dans laquelle il était tenu, et menaçant
de son frère, le mari et la femme lui disaient : « A
« qui vous adresseriez-vous? A votre plus mortel en« n e m i, qui n’en veut q u ’à.vos biens, cherche à vous
« faire passer pour fou , et veut vous faire interdire? »
20 D e chartre privée : le comte, éloigné de tout ce qu i
n’est pas la cotterie des J o u va i n ro u x ; le chevalier, son
frère, qui ne peut pas parvenir jusqu’à lu i; l ’abbé
Legroing de la Romagère, son parent et son ami, et
la demoiselle Henriette Legroing, chanoinesse, sa cou
sine, qui ne sont point admis à le voir; 3 ° de Vob
session p erp étu ellem en t p ratiquée su r l u i , résultant
de l ’empire que donnent naturellement à une femme
jeune, sur un vieillard, une intimité avérée et des
familiarités habituelles; de ce que le comte ne voit
que les Jouvainroux , n’est entouré que de leur famille,
n’a de distraction que par l ’e n fa n t dressé à l ’appeller
p a p a 3 à le rechercher, à le caresser, et dont on lui a
persuadé q u ’il était le père; de ce q u ’on lui a fait re
tirer un testament où, ne suivant que sa volonté et son
penchant, il transmettait sa fortune à sa famille; et
�(< 27 )
enfin de ce q u e , non content d ’une disposition uni
verselle au profit de l ’enfant, on lui a fait acquérir,
sous le nom de celle-ci, une propriété de 40,000 f r . ,
et on lui a fait passer des lettres de change à son
3^5
ordre.
!
1
Le jugement ne discute pas ces divers faits articulés;
il les élude et s’attache à diverses considérations.
« Ainsi l ’enfant a été incapable, par son âge, d ’em« ployer la ruse', l ’artifice, la mauvaise foi^des insi« nuations perfides, pour tromper le comte Legroing,
« lui rendre sa famille odieuse, le* faire changer de
« volonté, et surprendre en sa faveur des dispositions. »
Comme si toutes ces manœuvres étaient imputées à cet
enfant; comme si elles n ’étaient pas visiblement l’œuvre
des Jouvainroux; comme si enfin il n ’y avait pas eu
plus d ’art et (le perfidie à diriger sur un enfant l ’effet
de toute l ’intrigue, que de l ’avoir applique aux père
et mère eux-mêmes !
« Il n’est pas vraisemblable, dit le jugem ent, q re
« la fo r c e d ’esprit , la f i e r t é d u caractère du'comte
« Legroing, aient jamais cédé aux volontés de Fran« çoise Boudon, au point sur-tout de faire ce q u ’il
« n’aurait pas voulu faire. Il n’est pas présumable que
« la femme Jouvainroux eût tenté ce triomphe; elle
« eût craint sans doute de déplaire à son maître , et
« même de l' offenser, s’il eût pensé
v oulait le
« dominer; elle eût craint d ’achever de perdre une
q
« confiance déjà lant affaiblie par
son
u
’ e l l e
mariage. »
C ’est une fort mauvaise manière de. raisonner et de
�( =8 )
conclure;, que cle tirer cjes inductions de laits contestés ,
et des conséquences de principes qui sont précisément
en question. On demande k prouver, d ’un côté, que
le comtç Legroing n’ayait ni force d ’esprit, ni -fierté
de caractère; et d ’autre côté, que la femme Jouvainroux le dominait m4 me tyranniquement. Où trouve-t-on
fie la forpe d ’.esprit et de la fierté de caractère dans un
homme d ’upe naissance distinguée, qui ne craint pas
de s'abandonner à une fille des derniers rangs de la dor
mesticité^ q u i, pour se consacrer à elle tout entier ,
quitte et abjure sa fam ille; qui ne craint pas d ’avouer
publiquement un enfant q u ’il a eu de son commerce
honteux avec elle y et q u i, frustrant ses propres parens *
m e t sa f or t une sur la tète
d ’ u n e n fa n t q u i
a p our
mère sa domestique, et pour père, le bedeau de la
pathédrale? Comment supposer à cette fille, sa con
cubine, la crainte de déplaire à son maître? lorsqu’elle
le tient en chartre privée; lorsqu’elle le dérobe à la
famille et à gps amis; lorsque, pour le dom iner, elle
le m altraite, et que les voisins et l’officier de police
peuvent attester que, las de sa position , il crie par la
croisée : au sçcQifrs / à l ’assassin !
. L e jugement continue ; « E n supposant même que
« Ja femme Jouvainroux eut q u e l q u e pouvoir sur l’es« prit de son inaiiro, il n ’est pas vraisemblable q u ’elle
<î l'eut employé pour faire exercer envers sa fille une
» libéralité qu'elle ei\t désiré conserver en vertu du
« testampnt de 1807; q u ’il est,
au contraire, plus
( naturel de crpjre que c’est par ses caresses? par ses
�(
«
assiduités,
29
)
par ses soins excitéé peu t-être par de
„ petits cadeaux, que l ’âge mûr et la vieillesse ont
« coutume de faire à l ’enfance, que Claudine-Flavie
« a obtenu, sans le savoir ni le désirer, cette marque
« ide sensibilité, d ’affection et de toute la bienveillance
« du comte Legroing; que ce dernier a pu penser q u ’il
« ne devait aucun témoignage d ’aiFec-tion ni de recon« naissance au chevalier L egro in g, son frère, q u i, cé« libataire comme lu i, ne transmettrait q u ’à des
« étrangers ou à des collatéraux éloignés, les biens
« qu ’il lui laisserait. »
Ici ce sont encore des inductions et des suppositions
morales ^ qui sont opposées à des faits dont la preuve
est offerte.
. On ne peut mettre en doute que la femme Jouvainroux ait eu un gra nd p o u v o i r sur l ’esprit de son
maître , q u ’autant que la preuve par témoins offerte
ne répondrait pas à la conséquence des faits articulés.
Pourquoi n ’est-il pas vraisemblable que cette femme
eût fait substituer un testament en faveur de sa iille, à
celui qui avait été fait en sa faveur en 1807? E lle y a vu
apparemment quelqu’intérêt. N ’a-t-elle pas pu penser
que la critique en serait moins facile? et 11e serait-elle
pas confirmée dans l ’utilité de cette prévoyance, par le
jugement de Clerm ont, qui se sert du nom de reniant,
pour écarter les justes reproches faits à la mère? N al-elle pas pu croire aussi lier davantage le comte
Legroing, par une disposition en faveur de l’enfant,
sur-tout si elle lui avait persuadé q u ’il en était le père?
�( 3° )
\ne
»
Déjà elle avait fait retirer le testament que le comte
avait fait pour sa famille : elle a pu craindre un retour
dans sa volonté. D ’ailleurs Jouvainroux , son m ari,
avait aussi ses vues; et il a pu espérer, pour son propre
compte, plus de chances de la disposition faite en
faveur de son en fan t, que de celle qui aurait donné
la fortune exclusivement à sa femme.
Il n ’y a , en cela , que des conjectures; mais elles
sont aussi
exprime.
probables que
celles que
le
jugement
N ’est -ce pas outrer toutes les vraisemblances, que
de prétendre que l ’enfant aura tout fait par ses ca
resses , par ses assiduités et par ses soins ? Des assiduités
et cles soins de la part d ’un enfant de cinq ans ! Ses
assiduités et ses soins ne peuvent convenir q u ’à ses
père et mère. Les caresses, à la bonne heure : encore
sont-elles l ’eifet de la direction donnée à son jeune
âge. Les caresses d ’un enfant étranger peuvent bien
porter l ’àge mûr et la vieillesse à de petits cadeaux ;
mais il n’y a que la démence qui peut payer ces caresses
du legs d ’une fortune de 3 à 400,000 francs, enlevée
à une famille.
s
« Le chevalier Legroing, dit le jugement, est céli« bataire comme le comte l ’était : il transmettrait lui« même à des étrangers ou à des collatéraux éloignés. »
L a morale 11e peut pas avouer une conjecture aussi
hasardée, pour justifier un fait déraisonnable.
Le chevalier est célibataire, mais il peut encore se
marier. Il a de proches parons, qui l’étaient aussi du
�( 3x )
comte, et qui portent leur nom. De tels collatéraux,
qui sont l ’espoir cl’une famille honorable, ne peuvent
point être assimilés à des étrangers. Si le comte eût
disposé pour eu x, toute la famille eût applaudi à son
choix , et eût béni sa mémoire ; mais prendre pour
héritière un enfant qui n ’avait aucun titre personnel
à une telle libéralité, la fille de sa domestique, de sa
concubine! c’est l’oubli de tous les devoirs de famille,
et de toutes les convenances sociales.
Il faut donc convenir que le jugement de Clermont
n ’a point détruit les faits de suggestion et de captation-,
il ne les a pas même appréciés , puisqu’il ne s’est
attaché à les combattre que par des considérations
fondées sur des suppositions.
Ce jugement n’est pas plus convaincant , lorsqu’il
s a t ta ch e a la forme d u t e s t a m e n t , au soin que le
comte Legroing a pris de le signer à. toutes les pages,
et de le mettre sous enveloppe cachetée au sceau de ses
armes, et à la facilité q u ’il aurait eue de révoquer
son testament et d’en faire un au tre, qu’il eût confié
à son médecin ou à son confesseur.
Ricard a bien prétendu que l’action en suggestion
n’était pas recevable contre les testamens olographes;
mais il est resté seul de son avis : des arrêts contraires
ont prouvé q u ’il s’était trompé. U n arrêt récent de la
Cour royale de Paris, du 3 i janvier i 8 i 4 > a annulle,
pour cause de suggestion et captation, 1« testament
olographe d’une demoiselle Lefèvre.
E t pourquoi le testament olographe serait-il excepté
�( 3a )•.
de la règle commune? Le testament olographe, écrit,
signé el mis sous envoloppe cachetée du sceau du tes
tateu r, n ’offre pas plus de garantie que le testament
p u b lic , qui porte au moins celle de la présence de
notaires et de témoins.
L ’influence qui fait écrire le testament en dirige
les autres circonstances; et l ’enveloppe et le sceau
peuvent être Touvrage d ’une autre main que celle du
testateur.
Cette même influence s’exerce sur les démarches
ultérieures^ et protège le testament contre la révoca
t io n , q u i , parce q u ’elle est possible, est exactement
surveillée; et il n’y a pas médecin ou confesseur qui
t i e n n e , lorsque le malade est subjugué, que sa raison1
est perd ue, que les parties intéressées ne le quittent
pas.
*
Le jugement enfin propose, comme preuve de la
volonté libre du testateur, l’acquisition q u ’il a faite,,
sous le nom de Flavie Jouvaiuroux, le 17 mai 181-7 >
cinq mois après le testament; l ’ordre q u ’il a passé plus
ta r d , à cet enfant de cinq a n s , d ’effets de commerce;
à lui consentis, et enfin sa persévérance dans son tes
tam ent, pendant les huit mois qui se
sont
écoulés
entre cet acte et son décès.
Il n’est pas bien certain que le testament soit de la
date q u ’il porto. Les deux actes cités comme subséq;liens
déposeraient que le testament n ’était pas encore fait;
car le legs universel fait à la jeune Flavie comprenant
tous les biens, il devenait inutile de faire une acqui
�(33
)
sition sous son nom , et de lui passer l ’ordre des billets.
L ’ordre était, suivant le jugem ent, une précaution du
testateur pour empêcher que les billets ne fussent
soustraits par les père et mère. Mais aurait-on pu sous
traire des billets à l ’ordre du comte, qui ne pouvaient
être touchés que par lui ou par son ayant-cause ?
Cet ordre, au contraire, ne porte-t-il pas l ’empreinte
de l ’absence de la raison ? Il est absurde d’avoir passé
un ordre au profit d ’un enfant de cinq ans, p o u r
v a le u r reçue com ptant. La démence seule peut donner
la raison d ’un'tel fa it, comme la démence seule a pu
porter le comte Legroing, q u i, dans les tems de sa
raison, avait, ainsi que le jugement le déclare, de la
force d’esprit et de la fierté de caractère, à mettre sur
la tête d’un enfant étranger, à qui il ne devait rie n ,
une fortune de 3 a 4ooj°o0 francs dont il prive sa
famille.
Une telle disposition sera sans doute reconnue par
la C ou r, saisie de 1 appel du jugement du tribunal de
C le rm o n t, comme 1 œuvre ténébreuse de la suggestion,
de la captation, du dol et de la fraude réunis, pour
abuser d ’un vieillard qui n ’avait plus sa raison.
L a société est intéressée au succès de la réclamation
du chevalier Legroing. Il importe à l ’ordre public,
au repos et à la prospérité des familles, q u ’il soit mis
un frein à la cupidité des gens qui spéculent sur les
successions. Les plus dangereux sont les domestiques,
les femmes sur-tout, q u i, par l'habitude de leur pré
sence et de leurs soins, plus encore par les familiarités
5
�q u ’elles perm ettent, ou q u ’elles exciten t, acquièrent
un ascendant sur l ’esprit de leur maître, que l’âge et
les infirmités ne font q u ’accroître. Devenues néces
saires, elles l ’indisposent contre ses parens q u ’elles
écartent de sa maison ; et quand l ’affaiblissement des
organes ne lui laisse plus de volonté, elles le font
disposer, et la fortune est envahie.
L e legs d ’une fortune opulente, en totalité, en
faveur d ’un domestique., porte en lui-même un ca
ractère de séduction de la part de celui-ci et d ’as
servissement de la part du maître. Il n'est pas naturel
q u ’un homme raisonnable se porte
à
laisser de grands
biens à un individu étranger, que ni son éducation,
ni ses habitudes n’ont préparé à la richesse, et dont
il peut récompenser les services l a r g e m e n t , sans man
quer aux convenances et aux devoirs que les biens de
famille imposent. Les tribunaux ne sauraient être
trop attentifs
à
de tels excès, qui sont toujours un
abus de la loi.
Délibéré par nous , anciens avocats, ce 18 avril 1819.
C H A M P IO N - V IL L E N E U V E .
BONNET.
D E L A C R O IX -F R A IN V I L L E .
T R IP IE R jeune.
RIOM, IMPRIMERIE
de
SALL E S , PRÈS LE P AL A I S DE J USTI C E .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Legroing, Louis. 1819]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Berryer
Champion-Villeneuve
Bonnet
Delacroix-Frainville
Tripier jeune
Subject
The topic of the resource
testaments
abus de faiblesse
domestiques
servante-maîtresse
enfants naturels
créances
séquestration
mobilier
maltraitance
émigrés
ordre Saint-Jean de Jérusalem
fraudes
fisc
inventaires
lettres de change
doctrine
nullité du testament
captation d'héritage
testament olographe
jurisprudence
concubinage
legs universels
egyptologie
code civil
bedeau
Description
An account of the resource
Titre complet : [consultation]
Table Godemel : ab irato : 2. l’action ab irato contre les testaments est-elle admise par le code civil ? peut-elle appartenir à l’héritier collatéral ? Etat (question d') : 3. l’héritier du sang a-t-il le droit, pour prouver l’interposition de personne, de rechercher si le légataire, qui a dans une famille le titre et possession d’état d’enfant légitime, est, ou non, l’enfant naturel du disposant, surtout, lorsque cette recherche conduirait à la preuve d’un commerce adultère ? Sanité d'esprit : d’après quels principes se résout la question de savoir si le testateur était sain d’esprit ? Suggestion : La suggestion et captation sont-elles moyens de nullité pour la législation actuelle ? peuvent-elles être opposées contre un testament olographe ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1819
1807-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2430
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2429
BCU_Factums_G2431
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53484/BCU_Factums_G2430.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Biozat (03030)
Fontnoble (terre de)
Egypte
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
bedeau
captation d'héritage
Code civil
concubinage
Créances
doctrine
domestiques
egyptologie
émigrés
enfants naturels
fisc
fraudes
inventaires
jurisprudence
legs universels
lettres de change
maltraitance
mobilier
nullité du testament
ordre Saint-jean de Jérusalem
séquestration
servante-maîtresse
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53483/BCU_Factums_G2429.pdf
38d5071a225b8a7916f9cb3f8f6975b1
PDF Text
Text
M. L o u i s
MÉMOI RE
f 4AA*4 r * '%
POUR
o m ît .
L E G R O I N G , Chevalier de justice de J
l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, Chevalier de
l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis , demandeur ;
CONTRE
J u lie n
J O U V A IN R O U X
Cathédrale, et Cordonnier
,ancien Bedeau de La
F ra n ço ise
sa femme et encore contre Ledit
BOUDON,
J u lie n
JO U -
V A I N R O U X , en qualité de père et légitime ad
ministrateur de Claudine-F lavie J o u vain ro u x, sa
f i l l e , mineure, défendeurs.
Gvavius agendum cum servis, quam cum alus.
(Maxime duDroit.)L
e
chevalier Legroing dénonce à la justice un acte
de ténèbres, fruit de la violence, d e la haine, et de la
plus honteuse débauche; un acte arraché par la plus
I
�(2 )
vile et la plus dangereuse séduction ; un acte scandaleux
qui blesse la morale publique et rompt tous les liens de
la société; un acte qui est la récompense du crime et
de l’opprobre, qui dépouille un frère et une sœur d’un
antique patrimoine, pour leur substituer les personnes
les plus abjectes; un testament enfin portant legs uni
versel et sans réserve d’une succession de plus de
, 3 oo,ooo francs au profit d’ un enfant de six ans, lille
de la domestique, de la concubine du feu comte L e groing.
Qui osera élever la voix pour faire maintenir une
libéralité exorbitante, qui ne peut être que l'effet de
la démencfe, ou la suite d ’hàbitudos crapuleuses qui
'énervent, avilissent et détrüièent la Volonté? Toutes
les familles, la société entière est intéressée à faire
proscrire ces libéralités abusives arrachées à la faiblesse,
et qui prouvent l’aliénation m entale, ou l’abrutissenient de l’auteur. L o in de nous ces philosophes du jour,
qui ont si souvent outragé les mœurs, sous le piélexte
de venger la nature; qui vantent avec tant d’éclat cetle
liberté indéfinie dans les dispositions, ne voient dans
ces spoliations criminelles qu'un simple mouvement de
fortune. L o in de nous ces praticiens officieux et vils,
dont la complaisance servile, mais largement p a y é e ,
facilite ces odieuses manœuvres, et choisit avec ait le
moment opportun pour en présenter le modèle.
, A quel d fgi’é de dépravation serions-nous donc par
venus, s’il était vrai q u e T a c t e dénoncé trouvât des
partisans? Dans quelle classe pourrait-on rencontrer
�( 3 )
des hommes assez déhontés pour.maintenir un testa
ment qui,est un scandale ,public, çt que la,société re
pousse avec indignation?
Serait-il vrai que le Code civil proscrit les attaques
de l’hérilier du sang? qu’il exclut toute action en nullilé pour cause.de suggestion?(q u ’il a déclaré les ser
viteurs capables de recevoir un.legs universel, à l’ex
clusion des héritiers?
On ne trouve rien dans le Code qui puisse appuyer
celte assertion; on ne voit pas.que le législateur ait
voulu être im moral, qu’il ait dérogé aux anciens prin
cipes, à l'ancienne jurisprudence ^o.n sait, au contraire,
qu’une section avait voulu proposer d’abolir l’action en
suggestion, et que cette propositioniut rejetée.
L e Code civil n’a rien changé à ce qui s’observait
autrefois dans cette matière; il a voulu qu’un testament
ne fût valable qu’autant qu'il serait l’expression des
dernières volontés de l’auteur; il le rejette toutes les
fois quJil est établi que cette volonté a été captée, sur
tout parles personnes qui, parleur état, ont un empire
trop grand sur l’esprit du testateur.
Les questions de cette nature ont toujours été aban
données ù la sagacité et à la sagesse du magistrat, qui
se détermine suivant les circonstances et les présomp
tions plus ou moins graves de captation et d’obsession.
L e chevalier Legroing ne doit donc pas redouter ces""
impuissantes clameurs; il peut user de tous ses moyens;
la loi les protège, la justice les.réclame et l’encourage;
�( 4 )
et il encourrait le blâme de tous les hommes de bien, *
s’il ne cherchait à venger un aussi grand outrage à la
morale publique.
F A ITS.
J ean -B ap tiste, comte L e g ro in g , ancien capitaine
au régiment de dragons d’Artois, avait épousé la de
moiselle de Madeau , qui lui porta une grande fortune,
et lui assura des reprises considérables en cas de survie.
Ses père et m è r e , le marquis et la marquise L e groin g, l’instituèrent leur héritier universel, à la charge
d’une légitime modique envers ses frères et sœurs. Ses
deux frères, suivant l’anlique usage de celte illustre
m aison, étaient entrés dans l’ordre de M alte ; deux
sœurs, dont l’une est décédée, avaient été nommées
chanoinesses de l ’ordre.
L a révolution a détruit les espérances des deux frères,
et les prébendes des deux sœurs. Ils étaient donc ré
duits à leur légitime.
L e comte Legroin g, connu par ses sentimens de fidé
lité à la dynastie régnante, crut devoir s’expatrier, et
suivre le sort de nos princes. L a marquise L e g r o in g ,
sa mère, vint s’établir à R iom ; elle conserva la propriétédela terre deF ontnoble, qui venait de son estoc,
seul reste de l’opulence de la famille : tout ce qui pro
venait du père avait été soumissionné et vendu.
L e sieur comte Legroing avait eu le malheur de
perdre son épouse. D e retour de l’ém igralion, en 1804,
il vint se réunir, à sa famille. Il retrouva une mère
�( 5 )
octogénaire, qui le reçut avec la plus vive tendresse.
Ses deux frères et sa sœur aînée cherchèrent à lui offrir
toutes les consolations de l’amitié.
On crut s'apercevoir que sa santé était altérée et son
hum eur changée. C ’était, sans doute, l’effet de ses longs
voyages, de ses souffrances, et des pertes qu'il avait
éprouvé.
r,J
L e sieur comte Legroing était hom m e d’honneur,
d ’une probité austère, sûr dans ses principes, ami
chaud, citoyen éclairé, sujet fidèle; on pouvait peutêtre lui reprocher une certaine fierté qui tenait à d’an
ciens souvenirs, à une haute naissance, et à tous les
avantages de la fortune.
Mais bientôt des infirmités qui devançaient la vieil
lesse , des attaques réitérées d ’apop le xi e, le réduisent h
un état d’inanition et de débilité qui le mettent dans
la dépendance de tout ce qui l’approche ou l’environne.
Il avait alors tout ce qui peut tenter la cupidité; il
avait récupéré des capitaux considérables; il tran
sigea avec les héritiers de sa fem m e, et recouvra des
effets d’un grand prix. Il se retrouvait encore à la têt©
d’ une brillante fortune, toute mobilière, qui pouvait
aisément devenir la proie du plus vil intrigant.
,
Si le comte Legroing avait joui de toutes ses facultés,
s’il avait pu consulter son cœur et ses anciennes affec
tions, il eût jeté un regard d’amiliéisur deux frères
dépouillés de toutes ressources, privés des pensionsque
leur avaient mérité leurs longs services dans les armées,
�(
6
)
ét des récompenses q u i n ’échappaiehf jamaisiaux che
valiers i dé Malte. - - >rv,,:iîr- ' j-.. ■i - .
Mais qui pourrait le croire? c’estidans les plus vils
emplpis'de la cuisine-qu’il va chercher des consolations;
et cette-circonstances va faire paraître celle qui.Revint
l’objet de ses'affections, et qui depuis a e u , non-seu
lement la plus grande influence>mais un empire absolu
sur _s.es volontés,
f•
. »/
#
Françoise-Boudon, née à Effiat, d’ un pauvre jour
nalier hors d’état de nourrir sa nombreuse, famille ,
*
avait quitté de bonne heure la chaumière paternelle
p()ur.fse mejtre e n (servicô; elle ne paraissait pas douée
d’ une gronde int elligence , car elle ne s’est jamais élevée
au-dessus des derniers emplois de la domesticité telle
fut toujours ce. qu’on appelle vulgairement fille de
peine.
Quelles ressources pouvait donc trouver le comte
Legroing, sexagénaire, malade, à la compagnie d’une
servante sans! éducation, et qui ne possédait aucun des
charmés de son sexe. Cependant cette fille rusée, lourà-tour complaisante et grossière, esclave et maîtresse
attentive’ou mënacahlfe,a su Conserver son empire jus
qu’à la m'oit ilë celui dont elle avait séduit les sens et
capté les volontés.
On sent que pour tout obtenir, il fallait ne rien re
fuser. Survint un enfant, dont le comte Legroing se
crut le
p è r e , 'dont
il prit soin , mais qui n’a vécu que
quelques années. L a naissunce et la mort de celle iille
6onl constatées au procès. .
.
�( 7 )
C ’est après la mort de cet' en fan t, que Françoise
-Boudon voulut faire le premier essai de son autorité,
et obtint de son débile amant un premier testam ent,
reçu Cailhe, notaire ¿1 R i o m , sous la date du 18 avril
i8oy_, par lequel le comte Legroing institue sa gou
vernante son héritière universelle de tous les biens dont
il mourra saisi.
Ce testament fut l’efîet d’ une adresse qui annonçait
que cette fille avait l’esprit plus fin et plus délié qu’on
ne le supposait. L e comte Legroing avait éprouvé du
chagrin de la mort de l’enfant qu'il avait eu de Fran
çoise Boudon. On voit par les détails que lui donne le
chirurgien qui l’avait soigné, qu’il répond à plusieurs
questions précédentes, lui assure que sa fille a eu tous
les soins possibles. L e chirurgien n ’oublie pas ses salu
tations à mademoiselle Fanchette, cette mère malheu
reuse.
Cette lettre est sous la dale du 5 février 1807. File
a été trouvée à R io m , après le départ du comte L e
groing.
Il fallait bien consoler une mère affligée qui perdait
-toutes ses espérances, et qui était sur le point de faire
■reconnaître cet enfant par son maître. On ne put tarir
la source de ses larmes qu'avec un testament qui lui
assurait la succession entière du sieur comte Legroing.
11 se contenta de demander le secret. Il ét;iit de la
•plus grande importance pour Françoise Boudon , et
par conséquent elle devait être discrète. Personne de
la famille n ’aurait osé en concevoir l’idée. On con-
�'T?*( 8 )
■naissait bien le singulier et nouveau penchant du comte
Legroing; on s’apercevait de ses habitudes et des fa.miliarités qu’il avait avec cette fille : on le plaignait,
maison ne se permettait aucunes remontrances. Fran
çoise Boudon, enhardie par la protection du c o m te,
fut quelquefois audacieuse, insolente m êm e envers
quelques personnes de la famille; on dissimula, on.
méprisa ces grossières incartades.
Une affaire plus sérieuse porta l’allarme dans la fa
mille. La terre de Fonlnoble, son berceau, était la seule
propriété qui eut échappée à la rapacité nationale.
C ’était l’unique ressource d elà m ère, qui en partageait
le produit avec ses enfans. Tout-à-cou p ce seul m oyen
d’existence va lui être enlevé.
L a baronie du Jaun et, achetée en 1 7 6 5 , par le
marquis Legroing père , n’avait pas été entièrement
acquittée; une partie notable du prix restait d u e ; les
intérêts;avaient cessé d’êlre payés pendant rém igra
tion du comte Legroing : celui-ci, héritier de son père,
donataire de la terre d e F o n tn o b le, sauf l’usufruit de
la m ère, était tenu personnellement et hypothécaire
ment du paiement de celle dette. Les créanciers, pen
dant la révolution, avaient gardé le silence, et n’avaient
fait aucunes démarches pour la liquidalion de leurs
créances. Une loi du 3o ventôse an 12 les autorisait ¿1
prendre des inscriptions sur les biens que possédaient
encore les débiteurs émigrés. Les inscriptions sont prises ;
les poursuites com m encent, le commandement est
lancé: on va faire vendre la nue propriété deFontnoble.
�( 9 )
L e comte Legroing, affaibli par ses maux, tout occupé
de celle qu’il appelait sa Fanchette, ne voyant, n’écoutant qu’elle, apprend l’événement avec indifférence,
el déclare netlement qu’il ne veut pas s’en occuper, ni
faire le plus J é g e r sacrifice. Fanchette était de cet
avis; une terre ne lui convenait pas; elle ^préférait
une succession mobilière, dont elle disposait en maî
tresse, qui élait toute sous sa main.
Cependant il fallait prendre un parti; la chose était
urgente : il n 'y avait pas un moment à perdre. Il res
tait au chevalier Louis Legroing quelques capitaux,
les débris d’un service actif, de ses spéculations mari
times dans un long séjour chez l’étranger; il se déter
mine à traiter avec sa famille, et à se charger de l’é v é
nem ent; il paye les dettes de sa m ère, lui assure une
rente viagère de 6,000 francs, en constitue une de
3.000 francs à l’aîné de ses frères, et un capital de
3 0.000 francs payable au décès de sa mère ; prend des
engagemens personnels de payer les légitimes de sa
sœur et de son frère le chevalier, qui existait alors;
vend la terre de F ontnoble, et fait face à tous ses en
gagemens avec la plus scrupuleuse exactitude.
Il fallait autant d’activité que d’honneur et de cou
ra ge , pour déterminer le chevalier Legroing à se char
ger d ’un aussi pesant fardeau, qui ne lui a pas laissé
un moment de repos pendant dix années, qui sont
encore une longue période dans la vie; mais il fut le
bienfaiteur, le sauveur de sa famille, et le comte L e
groing se réveilla parfois de son apathie, pour lui té2
�( 1° )
moigner qu’il lai savait quelque gré de cette conduite
généreuse.
Les choses ont bien changé. Françoise Boudon , ou
plutôt Fanchette, voulait se débarrasser de ceux qu’elle
regardait comme des surveillans incommodes. Elle fait
entendre à son maître qu’il avait autrefois habité la
ville de Clerinont, qu’il y avait des amis, que sa santé
avait toujours été meilleure dans cette ville; elle lui
fait bien vite prendre celte résolution; et malgré les
larmes d’une mère octogénaire, l’empressement de ses
frères et de sa sœur, il quitte le toit m aternel,'et se re
tire à Çlermont.
Dans les premiers momens, le comte Legroing vi
sitait ses anciens a m i s , allait à la ca m pa gn e; il visita
même son frère Louis dans son habitation, distante de
vingt lieues de Clermont, où le chevalier avait l’habi
tude de passer la belletsaison. Mais ce genre de vie fut
rapidement changé; il devint taciturne, sédentaire; sa
porte est fermée à ses amis; Fanchette introduit deux
de ses sœurs dans la maison de son maître : il n’a plus
d’autre société; ses amis le plaignent ; on savait l’em
pire que ses domestiques avaient sur lui. Il arrivait
m êm e souvent des scènes singulières, qui ont parfois
attiré dans son domicile la visite des commissaires de
police. On aura occasion d’en parler plus en détail.
Fanchette fait doter par son maître scs deux sœurs;
elles sont mariées par ses largesses. Fanchette veut aussi
prendre un établissement ; elle a besoin de secours pour
soigner les infirmités du comte Legroing. Elle avait
�V i f
(II
)
distingué Julien Jôuvainroux, bedeau de la!cathédrale,
et cordotinier'de profession.
C ’est un personnage qu’un bedeau de paroisse! Il
fait commodément placer les personnes qu’il affec
tionne; iTse vantait d’avoir la 'protéction des'prêtres,
qui tous agiraient en ;sa faveur :>bref, il épouse Fran
çoise .Boudon, et vint grossir le ménage du comte L e groing. *11 n?avait plus besoin de *son métier.
Mais Fanchctte disparaît ; c’est madame Julien ;
d’autres vêtemens annoncent son changement d’état ;
elle affecte la réserve et l’austérité qui conviennent à sa
nouvelle condition; plus de 'liaison avec les domestiqu es'; elle forme une société n ouvelle, vante sa for
tune à venir, néglige sonYnaître, et le laisse dans un
état d ’abandon dont tous les voisins sont indignés. Elle
se livre à un luxe qui excédait ses moyens actuels; elle
fait des dettes; les créanciers importuns ne veulent pas
attendre, parviennent jusqu’au m aître, q u i, malgré
son asservissement, n ’entendait pas raillerie lorsqu’il
fallait donner de l’argent; delà deà imprécations fort
énergiques, et répétées avec tant de fo rce, que les
voisins et le public en étaient toujours informé.
M adam e Julien fut imprudente; son époux craignit
les suites des boutades de son maître : il chercha à cal
mer l’ôrnge; il avait les talens nécessaires pour y par
venir.
Julien est adroit et rusé; pale, taciturne, dissimulé,
les yeux toujours fixés en terre, lie perdant jamais de
vue son objet, il convoitait les trésors de son maître;
�( 1 2 ')
mais il n’était pas asse2 maladroit pour en gratifier sa
fem m e; dont l’humeur dissipatrice commençait à l’in
quiéter.
Il avait eu une fille de son mariage, ou du moins il
en était le père putatif; il conçut le projet de faire
tourner au profit de cet enfant toute la fortune de son
m a ître; il y parvint par son adresse, et sut employer
toutes les ruses qui peuvent toucher un vieillard imbécille.
Cet enfant fut instruit à prodiguer ses caresses au
sieur Legroing : elle l’appelait papa; elle ne manquait
jamais d’aller se jeter dans ses bras quand il avait des
mouvemens de colère ou d’impatience, et ce petit ma
nège calmait sur-le-champ le maître emporté.
Mais le comte Legroing ne disait rien encore. Un
événement funeste sembla, pour un m om ent, sus
pendre cet acte si désiré, et donna les plus grandes
inquiétudes. L a marquise Legroing devient sérieuse
m ent malade; son grand â ge , ses infirmités font craindre
une fin prochaine : elle a en effet succombée après de
longues souffrances. Elle est morte le 12 juillet 1816.
L e comte Legroing, instruit du fâcheux état de sa
m è re , donne encore des preuves de sensibilité ; il ac
court pour lui rendre ses devoirs :Fanchette l’accom
pagne. Ces dernières entrevues furent touchantes. L e
comte Legroing se montra pénétré; il semblait faire
une nouvelle connaissance avec sa famille : le cri du
sang se fait entendre; un regard sur lui-m êm e, sur
l’état d’avilissement dans lequel il était tombé, lui ar-
�( i3 )
•rache des larmes; il rougit de lionte et* d’effroi. On
l ’emmène bien vite; on ne le laisse pas m êm eren d re
les derniers devoirs à sa m ère; et alors ses tyrans, ses
serviteurs, devenusses maîtres, mettent tousleurs soins,
-emploient tous les mouvemens pour le séquestrer à tous
les regards, pour l ’empêcher sur-tout de voir personne
de sa famille. On calomnie son frère, on le noircit dans
son esprit, on va jusqu’à lui prêter des vues ambitieuses
et criminelles. Il n’a pas été possible au chevalier L e groing de parvenir jusqu’à son frère. U n respectable
ecclésiastique, M. l’abbé Legroing de la R o m agère,
parent et ami des parties, que le roi vient d'élever à
l’épiscopat, n’a pas pu être admis. L a porte a été fer
mée à madame Henriette L e g io in g , chanoinesse, cou
sine du d éfun t, à qui il payait annuellement une pension
de 200 francs, et qu'il a depuis oublié.
Enfin tout fut consommé le 24 décembre 1 8 1 6. Jouvainroux fit entendre à sa femme qu'il valait mieux
faire porter le legs universel sur sa fille que sur elle;
que depuis quelque tems le comte Legroing témoignait
de l’humeur et de la colère contre la m ère; qu’il résis
terait p e u t- ê tr e , et qu’on courrait le risque de tout
perdre.
Les batteries étaient dressées, le modèle du testa
ment tout prêt ; les sollicitations sont pressantes; on
redouble de soins, on fait entendre au sieur L e g r o i n g
qu'il est le père de cet enfant. L e comte Legroing
prend le modèle, le co p ie, et le signe. 11 a la maladresse
de laisser tomber son encrier sur lu feuille, mais on ne
�(■14
)
i,veut, pas lui donner Jarpeine de le-transcrire de nou
v e a u i:; on le prend; tel qii’iliest. Jouvainroux s’en emcpare, le fermecsoigneusement.illne.s’agit plus que do
.surveiller,-et dïempêeher qu’il en soit fait un autre.
iPour prouverque le comte Legroingin’estipas l'au
teur; de. ceitestainent, et,qu’on^ui aiprésenté un modela
tout prêt, iffa u t faire.connaître cet acte dans toute sa
, teneur.; -u
r<
- « Je' soussigné , 'Jean-Baptiste , • comte Legroing ,
je ancien capitaine de dragons.au régiment d’A rto is ,
p« dem eurant à Clerm ont, ai fait mon testament oloif< graphe, ainsi qu’il ¡suit :
« Je ,n omme et .institue pour mon héritière géné■
r raie et universelle de tous les biens meubles et im,*< meu,bles, d ro its, raisons et actions-dont je mourrai
« vêtu et saisi, Claudine^Flavie Jouvainroux, fille de
<r Julien et de Françoise Boudon, aux charges hérédi* tai.res, ,e,t de plus, de payer annuellement à sa mère
« la somm eide .800 francs, moitié de six mois en six
jk m ois, et d’avance, sans aucune retenue, pendant la
« vie de,la^dame Boudon , de laquelle somme annuelle
« je lui ‘fais don et legs, par forme de pension alimen
te taire; plus, sa chambre bien garnie pour elle, et une
« chambre! pour: sa domestique; plus, la jouissance de
six couverts et une écuelle d ’argent pendant sa vie;
« plus., quinze paires de draps, tant de maître que do
« domestique; douze douzaines de serviettes, et de la
«r batterie de cuisine., Je révoque tous testamens antérieurs, même loul codicille. T e l est mou testament
�(
»5
)
* ¡olographe, q u é 'j’ai écril de m a'm ain, et signé; le-1
« quel j’ai déposé ès-m ains de M e Espinasse, notaire r
« royal à Clermont-Ferrand. Je prie M. le président du ’
« tribunal de celte ville de lui confier ce dépôt. Fait à
«■ Clerm ont-Ferra nd, dans ma m a i s o n , l e i 4 d é c e m b r e ,;
«■1816. Sign é, J e a n - B À p t i s t e , comte L E G R O I N G .J» '
Sur l’enveloppe étaiUécrit :<
«■Ceci est‘mon testament olographe, déposé d e c o n <r fiance entre les mains de M e Espinasse,1 nôtaire ro ya l'1
« à Clermont, ce 24 décembre 1816. Signé', J . - 'B y «r comte ’L egRoitîG.-» *
•1
■- : i.< )
Tiff comlç LegrOing1n avait aucune Connaissance dans
les affaires; i l ‘ignorait1 sur-tout les term'ës techhrqu'ës
du m étier, et la rédaCtiôn d e ’ce testament’ annonce*'1
plutôt un praticien à protocole,: qu’un hom m e r'du"i
m onde; le préambule sur-ibüPést d’une^oridilé peu
commune. *11 est’ rare que l’hom m e'bien né ne fasse
précéder un acte aussi important de quelques réflëxiohsir*
morales, des motifs qui' le déterminent ; mais qüand
011 lit, Les droits, raisons et-dotions, les biens meublés ;
et immeubles; quoique le comte Legroing n ’eût'pas ’
d’im m eubles, ces mots'ès-m ains, qui ne Sont’ pa's une '
locution de société, on est bientôt convaincu qiid ‘cér''
ne fut pas son ouvrage, et qu’il en copia'Servilerrieïit’
le mod<Me;quJon lui a présenté. On dit servilenlent, car ‘
on a remarqué qu il était tout d’üne;:suifé^ sans £iccens:,
et sanfc'ponctuation.
On suspend pour un liiomént la discussion de cet ’
acte, dans lequel on répète si souvent le mot oldgraphè,
�(
16 )
sans doute parce qu’o n y attachait quelqueimporfance,
pour revenir sur des faits antérieurs bien importons à
connaître.
L a dame marquise Legroing m ère, peu de tems
avant son décès, avait fait quelques dispositions au
profit de la dame sa fille, et des dons à ses domestiques.
.Après sa mort, les scellés furent apposés, à raison de
l’absence du chevalier Louis Legroing. Les choses traî
nèrent en longueur, et le frère aîné s’occupait peu de
ces détails; mais madame Julien s’en occupait beau
coup; elle convoitait le mobilier, qui devait revenir à
son maître : elle le tourmentait; son mari se joignait à
elle pour le contrarier, et souvent on allait jusqu’aux
mauvais traitemens; alors l’infortuné menaçait de son
frère, qui mettrait ordre à tout, et punirait leur inso
lence. A qui vous adresseriez-vous, s’écriait-on? A votre
plus mortel ennem i, qui n’en veut qu’à vos b ien s,
cherche à vous faire passer pour un fou, et veut vous
faire interdire, peut-être pis encore.........On exaspère
par ces calomnies le frère aîné. On se rappelle qu’a
près le décès de la m ère, le chevalier devait compter
h son frère un capital de 3o,ooo francs, indépendam
ment de la rente viagère de 3 ooo francs : le comte les
exige sur-le-champ; il menace par écrit de prendre
tous les moyens de l’y contraindre, de faire enregistrer
les actes qui contenaient les arrangemens de famille;
il injurie sou frère dans toutes les lettres qu’il écrit à
son conseil. L e frère veut se présenter; il ne veut rien
entendre; enfin le chevalier est obligé de payer de suite
�( I? )
uno partie, et de faire des lettres de change à termes
très - rapprochés ; il n’obtient c e court délai que par
riulermédiaire d’un jurisconsulte estimable, qui voulut
bien interposer un ministère de paix, mais q u i , ne
connaissant pas le comte L egroing, crut, en l’écoutant,
que son frère avait eut envers lui les torts les plus
graves. Son étonnement augmenta encore, lorsqu'en
lui présentant à signer la quittance des sommes qu'il
recevait, s’étant aperçu qu’il y était dit : R eçu d u
chevalier Legroing, mon fr è r e , il raya ces derniers
mots avec la plus grande violence.
En vertu des actes de famille, le chevalier Legroing
devait aussi remettre à son frère une certaine quantité
de mobilier désigné, comme faisant partie du mobilier
paternel, mais en Cétat où ces meubles se trouveraient.
M . et madame Julien arrivent pour faire l’enlève
ment de ces meubles; ils prétendent avoir le choix des
articles sur la totalité du mobilier, e t, comme déraison,
ils prennent le meilleur. L e chevalier garde le silence;
mais les autres paraissent fort mécontens de ce que les
lits et les couches n’étaient pas neufs, et de ce que le
linge était usé. D e retour à Clermont avec leur proie,
ils recommencent leurs imprécations ordinaires contre
le chevalier, disent à l’aîné qu’ils n ’ont pu obtenir que
le rebut : l’aîu6 s’emporte en vociférations; et ce mo
ment est choisi pour présenter le modèle du testament.
11 a été copié à cette époque.
Com me le comte Legroing a survécu encore longtems à cet acte de démence et de colère, on craignait
3
*
�V, *' ( 18 )
toujours un retour de sa part, et de meilleurs sentimens
pour sa famille, il fallait s’assurer une planche dans le
naufrage. Il avait des capitaux très-considérables placés
dans des maisons opulentes et respectables. Les débi
teurs , la plupart ses anciens amis, sont sommés devenir
s’acquitter; on se refuse c'i tous renouvellemens.
L a majeure partie rentre. On fait acquérir par le
comte Legroing une propriété de 40,000 francs, payés
de suite, sous le nom de la petite Flavie. On fait plus,
on pousse l’impudeur jusqu’il faire passer à l’ordre de
cet enfant les lettres de change non encore acquittées,
et notamment celles qui avaient été souscrites par le
chevalier T^egroing à son frère. On ve rra dans un mo
ment l’usage qu’en a fait le tuteur.
Mais M. Julien n’a ara-t-il pas fait une maladresse ?
L e comte Legroing n’a donné à Flavie que les objets
dont il mourra saisi et vêtu. Bien certainement il n’est
pas mort saisi et vêtu des lettres de change qu’il a
transmises, par son ordre, à Flavie Jouvainroux. Celleci en est évidemment propriétaire, au moyen de l’ordre
passé à son profit; M. Julien ne voudra pas prétendre
que Flavie ait fait les fonds de ces lettres de change :
ce ne serait donc alors qu’un don m an u el, une libé
ralité indirecte, nulle dans son essence, puisqu’elle
ne serait pas dans la forme des donations entre-vjfs
ou à cause de mort; e t, dans ce cas, ces lettres de
change 11e feraient pas partie de la succession du feu
comte Legroing : il faudrait les rapporter aux héritiers
du sang.
�( I9 )
Revenant au récit de ce qui s’est passé après le tes
tament olographe jusqu’au décès du sieur Legroin g,
on ne voit plus qu’horreurs, m enaces, et mauvais
traitemens; on fait peser une verge de fer sur un mal
heureux moribond privé de toutes ses facultés p h y
siques et morales, ne pouvant se donner aucun m ou
vem ent, et dans la dépendance la plus absolue de ses
tyrans.
l i s e révolte parfois; on entend des cris concentrés
de fureur : M alheureux! vil cordonnier ! tu veux être
mon héritier; tu m ’as trom pé, trahi. Il se traîne jusqu’à
la croisée, crie au secours! à l ’assa ssin ! Les voisins
s’assemblent, le commissaire de police, les gendarmes
s’introduisent dans son domicile; on trouve le malade
dans les bras de ses domestiques, qui le caressent , le
déshabillent, prennent les plus grandes précaulions
pour soulager ses maux. 11 est va in cu , déclare qu’il a
pardonné, et renvoie la force publique qu’il venait
d’invoquer à grands cris.
Ces scènes se sont renouvelées souvent, et terminées
d e là même m anière;au point que ses cris deviennent
impuissans et vains : on y est accoutum é; on le regarde
comme un maniaque, un insensé qui revient à luimême lorsque sa colère est calmée.
Ses derniers momens ne sont pas plus paisibles. Il
renouvelle encore ses crisdécliirans, il répète les mêmes
menaces, manifeste son repentir. Des amis de Jouvainroux sont témoins, et lui entendent proférer les injures
�;
.......
(
)
les plus atroces contre le moribond, les menaces de s’en
débarrasser., et de Le jeter par les fenêtres.
C e n’est pas seulement ici un emportement brutal,
ou la menace d’ un homme grossier : peut-être que
l ’agonie dans laquelle le malade était entré, la certitude
d’ une mort prochaine, ont empêché un grand crime.
Iiabitans de Clermont! vous en avez vu un cruel et
funeste exemple. Il est trop récent pour être oublié.
Leçon terrible pour les malheureux célibataires livrés
à des domestiques ambitieux et infidèles !
j
L e sieur Legroing est mort le i 3 août 1817. L e len
demain 14 , Jouvainroux se présente à l’hôtel du pré
sident , porteur du testament olographe de son maître ,
que J o u v a in ro u x avait toujours gardé en sa puissance,
quoiqu’il soit dit que le comte Legroing en avait fait le
dépôt chez M e Espinasse; que cette déclaration fait
partie de la disposition, et même est répétée sur l'enve
loppe portant suscription du testament.
L e président, après avoir dressé procès-verbal de
l'acte, le remet ès-mains du greffier, qui en devient
dépositaire, pour le rendre à M e Espinasse, notaire.
Julien avait caché la mort de son maître pendant toute
la journée du i 3 . Personne de la famille n'avait été
averti : le chevalier arrive plusieurs jours après. Il ap
prend qu’on avait posé les scellés chez son frère le
i 5 août, qu ainsi on avait eu le teins, pendant trois
jours, de dévaster et d’enlever tout ce qu’il y avait de
précieux; qu’en effet il y avait eu spoliation complète
à côté du corps, qui reposait encore dans la maison.
�(
21)
On ne doit pas omettre une anecdote précieuse que
fournit cette apposition descellés du i 5 août. L e juge
de paix était absent; le suppléant fut appelé. C e sup
pléant se trouve l’avoué des Jouvainroux. 11 met les
scellés sur tout ce qui est apparent ; mais lorsqu’on ar
rive à l’appartement occupé par Monsieur et madame
Jou va in roux, on s’incline respectueusement. Com m ent
mettre les scellés sur le boudoir de madame? Et pour
rait-on sans crime gêner la maîtresse de la maison dans
ses habitudes et dans son secret asyle? B ref, cet appar
tement , où il y avait des placards et un secrétaire, reste
intact.
L e juge de paix se transporte, le 25 août, pour pro
céd era la rémotion; et la première chose qu’il aperçoit,
c ’est que cet appartement est resté libre ; il demande
pourquoi cet oubli ou ce ménagement? On lui répond
que c’est ici l’appartement de M a d a m e . — Mais des
valets ont-ils quelque chose à eux chez leurs maîtres?
Huissier, je vous confie cet appartement; vous le garde
rez jusqu’à ce que mon opération soit terminée: je vous
l ’ordonne; tout est sous votre responsabilité. Madame
Jouvainroux tombe en syncope.Pendant qu’on emploie
à grands îlots l’eau de Cologne et qu’on fait flairer des sels
pour rappeler les sensde madame Julien, le juge de paix
continue, et se met en devoir de poser ses scellés sur
/
l ’appartement. L ’évanouissement avait cessé. M ad am e
s’oppose à ce que les scellés soient mis, et demande
un référé chez le président. Il est ordonné; on se rend,
h près de neuf heures de relevée, chez le président, qui
�( 22 )
renvoie l’incident à l’audience du lendem ain, sans rien
ordonner sur l’objet principal. L e juge de paix, informé
de ce qui s’est passé à l’hôtel, croit qu’il est de son de
voir d’aller en avant, et appose ce scellé fatal...........
Proh doLor. Lorsqu’il a fallu les lever, on trouve dans
un des tiroirs du secrétaire cinquante jetons d’argent,
sur cent qu’en avait le comte Legroing, et qui avaient
été réclamés lors de l’inventaire. Madame Julien dit
agréablement que ces jetons sont le jouet de sa fille j
que le comte les a livrés à cet enfant, à peine âgé de
six ans, pour son amusement.
On continue les recherches. Dans un des tiroirs se
trouvent huit sclials de prix, destinés à la parure de
madame Julien. On lève ces scl i al s, et tout-à-coup sort
de l’un d’eux des papiers qui se trouvaient renfermés
dans les replis; on examine ces papiers : il n’y avait
que pour 23 , 8 oo francs de lettres de change, parmi
lesquelles figure une lettre de change du modeste
notaire de confiance.
Pourquoi ces lettres de change sont-elles cachées si
soigneusement dans un schal? Jouvainroux, seul pré
sent, avec toute la pilleur et la lividité qui caractérisent
sa physionomie anguleuse, r é p o n d à cet interrogat sé
v è r e , qu’il ne veut faire tort à personne, el qu’il avait
détourné ces effets par de bonnes vues, pour diminuer
d’autant les frais delà régie, pourles droits de mutation.
Survient nindame Julien. Malheureusement , elle
n’avait pas entendu la réponse de son mari ; elle répond
à son tour que son maître lui avait fait personnellement
�( *3 )
cadeau de ces effets. L e procès-verbal du juge de paix
contient le récit de l’incident, les interrogáis, et les
réponses.
Louis Legroing, habile à succéder à son frère, forme
opposition à la rémotion des scellés le 19 du même
mois d’août. L e 2 1 , Jouvainroux présente requête au
président, pour demander la rémotion des scellés : or
donnance conforme. L e juge de paix du canton fixe
au 2 3 août la levée des scellés; le mêm e jou r, Jou
vainroux fait notifier au chevalier Legroing , et au
subrogé-tuteur, le testament du défu n t, le procès-verbal
d’ouverture, et acte du dépôt d’icelui, la requête et
l’ordonnance, avec sommation d’être présens à la ré
motion des scellés et à l’inventaire du mobilier.
L e 2,3 août, nouvelle requête du lu leur, pour.de
mander l'envoi en possession de la succession du comte
Legroin g, en conformité, est-il dit, des articles 1006
et 1008 du Code civil. Il obtient ; ne ordonnance qui,,
sur le vu du testament et de l’acte de dépôt, envoie la
mineure en possession.
On procède a 1 inventaire. L e chevalier demande ;i
y faire des dires, et il déclare qu'il entend attaquer le
testament de nullité, par tous les moyens de droit, et
qu’il forme opposition à l’ordonnance qui envoie Jou
vainroux en possession de la succession ; il soutien! q u ê
tant habile ¿V succéder, comme héritier du sang, le
mobilier doit lui être remis, sauf à le représenter. Il
demande, dans tous les cas, qu’il soit nommé un sé
questre judiciaire; il se plaint principalement des en-
�( H )
lèvemens, des spoliations qui ont été commises, des
transports qui ont étéfaitsen main tierce, qu’il indique,
de ce qu’il y avait de plus précieux, en diamans, o r 7
argent et effets ; il insiste sur son opposiiion, et demande
qu’il en soit référé à l’hôtel du président.
Il est remarquable que le chevalier Legroing, qui ne
fut instruit de la mort de son frère que trois jours après,
se transporta, en arrivant à Clerm ont, au greffe du
- tribunal, où il prit connaissance de l’acte de dépôt, qui
avait été fait par Jouvainroux, du prétendu testament
olographe, le 14 août, c’est-à-dire le lendemain du
décès.
I l avait principalement observé que J o u v a in ro u x
seul s’était présenté, quoique, d’après ce testam ent,
•le comte Legroing déclarât qu'il avait déposé son tes
tament ès-mains d’Espinasse, et priât M . le président
de confirmer ce dépôt.
E n conséquence,. après avoir obtenu le référé qu’il
demandait, il présente sa requête au tribunal le 27
août. On y lit l’exposé suivant :
« L a présentation faite par Jouvainroux, porteur de
« ce prétendu testam ent, est d’autant plus remar« quable, qu’on lit en termes exprès, dans le corps du
« testament , ces lignes : Suit La mention du, dépôt èsk m ains d ’E sp in asse, etc.-«
I l ajoute : « On voit ici une condition d’autant plus
r essentielle, qu’elle est dans la disposition, et en fait
ce partie. L e défunt y avait attaché la preuve de la nia
it niieslation de sa volonté et do sa confiance. Il était
�-(*5)
« heureux encore qu’il eut obtenu celte faculté de ceux
« qui exerçaient leur empire et leur violence sur son
* esprit. Ce dépôt chez un notaire de confiance lui lais« sait au moins l’espoir de pouvoir révoquer ou changer
«• ses dispositions, qui, dans un moment lucide ou l i b r e , .
«• lui auraient paru extraordinaires et bizarres.
«■Il paraît que le défunt tenait d’autant plus à ce
« dépôt, que sur l’enveloppe qui contient la suscription
«■du testament, il répète comme chose fa ite que ce
« testament est déposé de confiance entre les mains de
« M e Espinasse. »
L e demandeur atteste, sur son honneur, que cet
exposé n'a eu’lieu que sur le vu de la m in u le, qui ne
contenait aucun renvoi. Il en avait pris une co p ie , et
c ’est sur celte copie qu’il avait cru pouvoir invoquer ce
m oyen en sa faveur.
Mais bientôt il apprend que la minute n’est plus dans
le même état , que la marge contient plusieurs renvois,
et qu’il résulte notamment de ces renvois que M e Espinasse aurait présenté lui-même le testament, accompagné de Jouvainroux.
/• '
•’
.-j s • *-i
11 y a plus, dans la copie qu'on lui a fuit signifier;
le 23 août, de cet acte de dépôt, à la requête de Jou- ,
vainroux, il paraîtrait q u e M e Espinasse seul a présenté
le testament au président; il n’y est pas même clïl qu'il
était accompagné de Jouvainroux; et quoique le gref
fier Fauverteix eût été personnellement dépositaire,
et chargé de remettre le testament à Espinasse, cq
4
�'(
20)'
n’ést^lusqLÎeCombétj'cômmisdugrëiïej'qui comparaît
dëvànt Espinàsse pour effectuer cette remise.
'L é ‘ ¿hëvâlier L e g ro in g , instruit, et sur-tout fort
étonhé ^ e bes vàriaritesldaris uïi'dépôt publient sacré,
a vdlila;iâVbir tinè expédition vidiméë*ét[figurée de cet
acte de défiât qui üV£Îïtusübi cette métamorphose. Il
est) porteur d e ’ceite exp éd ition ;‘on fy voit sans inter
ligne , ique Jôuvainroux seul a présentéde testament ;
mais>par ûn'renvoi quiippécèdé le prénom tel le nom
de Jouvainroux^-on «ajbute.,*à la m arge, ces mots :
M ‘ E sp in a sse, notaire en cette ville, assisté de , etc.;
ce qui ferait croire qu’Espinasse était porteur de l’acte,
et qu’il était seulement accompagné de Jo uvain ro ux.
A la fin , le président ren voie le dépôt à Espinasse ^en
ajoutant :« E t-a vo n s signé-avec ledit comparant el lo
« greffier ». On a surchargé le mot ledit, et m êm egrossièrement, pour y ajouter Lesdits. L e greffier n’a pas
nianqüe‘'dèafaire menfion clé*cette surcharge dans l’exjiédi lion1figurée‘qu’il a délivrée.
~ Q u e ll e ^ é s t dO’ric la fàlalilé'qùi'règne dans celle afflure^'Jouvàinroüx né Sait doncêniployer que des voies
tortueuses? et ne peui-on pas croire que le doigt de
jD itu ub'stJtâl‘ jj)du redécouvrir les f r a u d e s et les rusés?
JtjtivnirticMx^a è u 'p e u r ; il a traint l’obsirvalion du
sidur Légm itig; il y a remédié |iiir‘ 'un renvoi q u ’il a
dbl&hu■
ou^hiit1 insérer bn 'he' sdit comment ; ‘mais le
jytge- è,st°grb^ier.* Si PEs[JiH;i's^e/ élail pOrlëur du lesiamefit j s’il Pa1 p'réiëhlé, ^oüYquoiie président a-l-il rejiiis la- pièce1au gréflibr?’ 11 élïiil si ¿impie de lit rétidre
�( 27 )
à Espinasse, et d’en faire mention dans le procèsv e r b a l ? Pourquoi a^tron surchargé ledit, popr mettre
le singulier au pluriel? Pourquoi
Qh! combien
de questions il y aurait à fa ir e , et auxquelles on ne
répondrait rien de raisonnable !
On ne manquera pas de dire que ce renvoi est pa
raphé par le président, des lettres iniliales de son nom.
A Dieu ne plaise, que le chevalier Legroing ou son
conseil veuillent adresser ici le plus léger reproche à
ce vénérable magistrat; ils se plaisent, au contraire, à
rendre un hommage public h ses lum ières} sa sagacité,
ses vertus, et à son inaltérable probité. .
Mais on ,n’ignore pas ce qui se passe à l ’hôtel j lors
qu’on vient demander des signatures. On présente or
dinairement une i'o^le d ’actes rédigés la veille ou le
jour m êm e; le président,, qui en,a çonnaissance, signe
avec confiance, apostille les renvois sans autrement y
rpgarder, parce qu'il doit avoir la plus entière confiance
dans les fonctionnaires qu’il emploi,ç. Il est trop juste
et 1rop généreux pour vouloir priver le chevalier d’un
de ses principaux moyens de.dé£ep,se, et pour ne .pas
reconnaître la justesse de cette observation.
Quoi qu’il en soit, sur Je référé qu’avait demandé
Louis Legroing, le,président renvpya à l’audience; et
le 27 août 1 8 1 7 , le tribunal, prqnpn.cymt sur l’incident,
ordonna qu’au principal, sur la demande en nullité,
les iparties procéderait en la manière ordinaire ; mais
débouta l e . chevalier I-egroing .d.e ,(son opposition h
l'ordonnance d’envoi en/possessiçn, pav le m qtif qu’on
�( *8 )
ne pouvait annuller par provision un litre, et q u e ,
d’après ce titre, Jouvainroux, jusqu’au jugement du
fo n d , avait un droit universel à la succession.
L a chose était toute simple. C'est sans doule une
fatalité et une lacune dans la loi, qu’il n’y ait pas de
moyens d’empêcher l’exécution provisoire d’un litre,
sur-tout lorsqu’il y a péril dans la dem eure, que les
nantis n’offrent aucune responsabilité; mais ce n’estlà qu’un inconvénient particulier qui doit céder à
l’intérêt général.
Néanmoins, on croit pouvoir dire que si le président
et le procureur du roi eussent eu connaissance de
l ’anecdote de l ’appartement , de la soustraction des
jetons et des effets, le président n’eût pas envoyé en
possession un tuteur infidèle; il eût nommé un sé
questre; et le procureur du roi aurait sans doute requis
la destitution de la tutelle, dans l’intérêt même de la
mineure. Malheureusement, on n’en fut pas informé;
le procès-verbal qui constate l’enlèvement fut ignoré.
Les Jouvainroux ont cru avoir une pleine victoire;
ils se sont livrés à la plus insolente jactance. On ne ré
pétera pas leurs expressions grossières; on devine assez
tout ce que peut dire celte classe d’hommes, vile hotninuni genus. L e chevalier Legroing a pris le seul parti
qui lui convenait; il a gnrdé le silence.
Il n’ignorait pas même avec quelle joie brutale les
Jouvainroux jouissaient de leur bonne fortune; il savait
que madame Julien avait étalé la plus ridicule parure
au spectacle, et aux premières loges, le i 5 ao û t, le
�'
( 29 )
surlendemain de la mort de son maître; que son époux
avait passé la même journée au cabaret, et que peu
de jours après, ils avaient fait nommer leur fille reine
d ’une fête baladoire, où elle parut revêtue de brillans
ajustemens qui annonçaient sa nouvelle fortune. M al
heureux frère! dans quelles mains avez-vous placé vos
bienfaits !
Reste un dernier épisode pour embellir cette narra
tion. On se rappelle que le chevalier Legroing était
débiteur envers son frère d’ün capital de 3 o,ooo f r . ,
payable après le décès de la mère commune. Il sem
blait, sur-tout entre frères, et d’après toutes les cir
constances qui avaient accompagné le traité de famille ,
que le chevalier pouvait espérer un délai moral pour
s’acquitter de cette def le. 11 est difficile de penser qu’on
puisse avoir dans le moment même un capital aussi
important; et la justice lui aurait accordé un terme
raisonnable, s’il l’avait demandé. Mais l’aîné était tel
lement excité et irrité contre lui, qu’il se vit obligé de
prendre les moyens les plus prompts pour l’appaiser,
et éviter des droits énormes. Il était à Clermonf ; il
souscrivit différentes lettres de change qui furent datées
de R io m , tirées sur D om ergue, banquier. Ces lettres
sont sous la date du 12 juillet 181 y 5 l’une d’elles., de
la somme de 4997 francs, était à échéance le i 2 oc
tobre, lors prochain. L ’ordre, comme on l’a dil, était
passe au profit de Flavie Jouv ain roux, voleur reçue
comptant. (/<>1 une véritable jonglerie; mais ce qui
est sérieux, c ’est qu'à l’échéance, il y a eu protêt à
�( 3o)
la requête du tuteur, très-soigneux, de Flavie; signifi
cation du protêt au domicile du tireur ^ jugement par
défaut, du tribunal de commerce de Clerm orit, qui
n’y regarde pas de si près sur la forme des lettres de
change. L e chevalier Legroing en a interjeté appel en
la Cou r, tant de juge incompétent qu’autrement. L ’ap
pel est pendant en la Cour; il sera l ’objet d’ une dis
cussion très-sérieuse; et c’est ici que se termine le récit
des faits. On a cru devoir abréger des détails minutieux
qui ne sont d’aucune im portance, pour ne pas dimi
nuer l’intérêt qu’inspire naturellement une cause qui
est celle de toutes les familles.
'Le chevalier Legroin g s’oblige à établir différentes
propositions pour démontrer que le prétendu testament
olographe ne peut avoir aucun effet.
i° Il démontrera que le testament dont il s’agit est
ab iratoj qu’il a été dicté par la colère, qui tient de si
-près à la dém en ce;
2° Q u ’il est le fruit de la captation et de la sugges
tion; qu’il a eu lieu au profit d’une concubine et d’une
fem m e adultère;
3° Que le Code civ^il laisse subsister les actions ab
irato, et les moyens de captation et de suggestion;
4° Que les domestiques sont incapables de recevoir
un legs universel;
5° Et très - subsidiaireinent, que l’acquisition faite
sous le nom de F la v ie , et les lettres de change passées
ù son ordre, ne font pas partie de la succession du
�( 3i )
comte L egro in g, et ne sont pas comprises dans son
testament.
§ I er.
L e testament est fa it ab irato. IL est l’ouvrage de La
haine et de La colère.
Tous les interprètes du droit sont d’accord qu’un
testament est vicié par la liaine et la colère; on en trouve
plusieurs textes de droit au Code de inojf. test. Personne
n ’a mieux traité cette question que le célèbre Cotliin,
dans son plaidoyer pour'JVL le duc de Richelieu, contre
M . l’abbé de Laval. Il n’avait pas dans cette cause les
mêm esavantagesqu’a aujourd’huile chevalierLegroing.
Mais celui-ci n’a pas les mêmes talens pour le défendre.
M . Cochin demandait la n u l l i t é du t e s t a m e n t delà dem oiselle D acigné, tante de M. le duc de Richelieu, qui avait
institué pour son légataire universel le sieur abbé de
Laval,hom m e'dequalité. Mais le testament était attaqué
pour cau^e de haine, de colère et de suggestion, comme
fait d’ailleurs au profit d’un agent. La haine est ainsi
définie : «C’est un mouvement du cœ ur, inspiré par une
« mauvaise volonté contre l’héritier présomptif, qui
* h’éçoule plus ni la voix du sang, ni les impressions de
« la nature.« D ’argent ré l’avait déjà dit fort énergique-'
ment sur l’article 218 delà coutum ede Bretagne: Motus
anim i contra . prœsumptum hœredem ex rnalevolencïa
prœterqjficuan riaturœ et charitatem uulitam sanguine.
I-ie testament fait par une personne en colère n’est
�( 32 )
pas plus valable : il ne suffit pas que l’auteur ait lesté
recle, il faut aussi qu’il ait testé ex ojjicio pietatis; sans _
quoi son testament est comparé à celui du furieux et de
l ’homme en dém ence, quasi non sanœ mentis fu isset.
C ’est encore ce qui est répandu en différentes lois du
titre de inojjicioso testamento. On peul aussi voir Ilenrys
sur celle matière, tom. 2 ,li v . 6 , queslion 7.
11 est vrai, et 011 ne doit pas le dissimuler, quoique
tous les docteurs soient d’accord sur ce principe général,
que la colère et la haine annullent le testament; que
plusieurs ont douté qu'il pût être attaqué, sur ce motif,
en ligne collatérale; on s'est principalement attaché à
établir que ces moyens avaient plus de force contre ceux
faits par le père ou la m è r e , ou m ê m e le iils, en haine
de son ascendant. Mais les auteurs qui ont adopté cette
distinction y ont cependant apporté une modification ,
et ont pensé que les moyens ab irato reprenaient toute
leur force, même en faveur des collatéraux, lorsque le
testateur avait institué une personne vile, n isi turpis
persona sit instituía ; c ’est ce qui est enseigné par
.Boniface, tom. 4 , liv. 1 ., cliap. 1.
Cocliin n’a pas embrassé cette opinion; il pense, au
contraire, fortement que ces motifs doivent faire annuller le testam ent, tant en ligne collatérale qu’en
Jigne directe. Mais quand on ferait celle concession ¿i
Ja fem m e Julien, on se trouverait dans l’exception do
toutes les manières, turpis persona f u it instituía. E n
effet, sur qui le comte Legroing a - t - i l répandu ses
bienfaits? Sur un enfant de six ans, pour qui il no
�( 33 )
pouvait éprouver aucun mouvement d’affection, ou s’il
en éprouvait, ils étaient criminels; c'était la suite d’un
adultère honteux, d'un concubinage qui le dégradait,
q u ’il manifestait par des familiarités publiques et indé
centes, qui ont si souvent fait rougir ses anciens amis,
témoins du dégré d’avilissement dans lequel était tombé
un homme d’honneur, qui jusqu’ici ne s’était jamais
oublié, et n’avait eu aucunes faiblesses.
Sur qui a-t-il versé ses largesses? Sur la fille d’une
servante, d’un domestique, devenus tous deux ses
tyrans et ses m aîtres, dont les moindres volontés
étaient des ordres pour cet infortuné. L e chevalier
Legroing n’a pas besoin de descendre à aucune preuve
pour établir la haine et la colère du testateur, dont le
frère a été tout à-la-fois l ’objet et la victime. Ces mouvemens de haine et de colère sont prouvés par les lel 1res
qu’il a écrites après la mort de sa m ère; par la rature
injurieuse qu’il s'est permise sur la quittance, en ne
voulant pas reconnaître son frère, par les propos et
les injures qu’il a proférées en présence de lém oins,
dans des emportemens tels qu’il ressemblait à un furieux
et à un insensé, quasi non sanœ mentis / ulsset. L e
chevalier est, au surplus, en état de faire la preuve de
tous ces faits d’emportemens çt de colère.
5
�( 34 )
§ II.
L e testament est Couvrage de la captation et de la
suggestion de la part d ’une concubine.
Cet article ne donne point matière à une longue
discussion. Un testament doit être l’expression d ’une
volonté libre et éclairée; toutes les fois qu’il est prouvé
que cette volonté a été enchaînée, que les dispositions
à cause de mort ont été suggérées, alors le testament
est déclaré nul;, le texte des lois, la doctrine des au
teurs, la jurisprudence des arrêts sont également uni
formes, sur le point de droit.
Il ne s’agit donc que de prouver la. suggestion; et
pourrait-elle être douteuse dans l’espèce particulière?
L a notoriété publique apprend que peu de teins après
le retour du comte Legroing auprès de sa mère, à R io m ,
il eut des attaques réitérées d ’appoplexie. Ces atteintes
successives avaient paralysé une partie de la b o u c h e ,
affaibli les jambes, et surtout affecté le m oral; ce
ij’était,plus le m êm e hpmrpe; faible et pusillanime,
il< n ’exprimait, que difficilement sa pensée, com men
çait une phrase sans pouvoir la finir, perdait la m é' m o ire, répétait dans le même moment ce qu’il venait
de dire , confondait les noms et les choses, en un m ot,
était parvenu h cet état de débilité sénile, qui rap
proche de l’enfance, et réduit à une sorte de dégra
dation l’homme q u i , peu de tems a v a n t, avait des
%
�connaissances agréables, s’exprimait avec pureté, an
nonçait des principes et des sèritimens d'honneur.
On sait que ces attaqués d’appoplexie, l’ennemi lè
plus cruel du genre hum ain , réduisent à un état pas
sif, lorsqu’elles ne sont pas foudroyantes, pardonnent
rarem ent, font toujours craindre de nouvelles secousses,
et prévoir une fin prochaine.
L e comte Legroing était dans cet état, lorsqu’il se
livre à Une fille de peine, domestique de sa mère. Se
serait-il oublié à ce point, lui connu par des sentimens
d'honneur et de fierté, qu'il poussait quelquefois trop
loin ? Quels charmes aurait-il trouvé
dans les bras
d’une fille grossière qui n’offrait aucun agrém ent? Il
fallait bien, sans doute, que le moral fût affaibli, pour
excuser cette eâpèce de dégradation que rien ne jus
tifie. Cette fïiie prend sur son maître un empire absolu;
elle devient mère : l’enfant est éloigné; on l’envoie
dans une terre qui appartient au sieur de l’Estrangës,
ancien ami du comte. On l’élève comme la fillè de‘ ce
dernier; elle est soignée, entretenue suivant la condi
tion du père. Elle tombe malade ; les médecins sont
appelés : le père s’informe de son état avec une grande
sollicitude, apprend sa mort avec chagrin.
Privé de cet enfant, et p ou f consoler la m è r e , il
fuit un testament secret, portant institution universeïÎe
au profit de sa concubine, qui l’avait maîtrisé au point
de lui faire faire cet acte de démence. Si dans la suite
il a changé ses dispositions, ce n’est que par une ruse
du mari, qui a fuit tomber le bienfait' sur son enfant,
�( 36 )
parce qu’il en aura l’ usufruit jusqu’à ce que sa fille
aura d ix -h u it ans, et que s’il venait h la perdre, il
lui succéderait pour moitié; il n ’a pas voulu laisser
entre les mains de sa femme une succession opulente,
toute extra-dotale, et dont elle eût été maîtresse. Ainsi
la femm e avait sous sa dépendance le maître; elle
f ■
*
élait aussi sous la dépendance de son époux , plus
rusé qu’elle ; mais ces deux personnages règlent la
destinée de celui qu’ils opprim ent, qu’ils maltrailent,
qui ne peut se passer d’e u x , et qu’ils tiennent sé
questré à tous les regards. Il ne lui était permis de
recevoir aucune visite. Ses parens, ses amis ne peuvent
s’introduire, et ils se contentent de gémir sur son sort;
parfois il résiste , appelle du secours, soutient qu’on
veut l’assassiner. L a police arrive; on l’a caressé, ama
doué : il pardonne. Ces scènes se renouvellent; elles
ne font plus de sensation; on le considère comme un
homm e aliéné, qui a les caprices d’un enfant ou d’un
furieux : on ne croit plus devoir s’en occuper.
T e l est le triste état dans lequel il a consumé le reste
d’ une vie languissante et douloureuse. Son testament
lui-m êm e n’esl-il pas l’ouvrage de la captalion? Il a
servilement copié le modèle d’un praticien à proto
c o l e , d ’une aridité et d’ une sécheresse qui ne peut
émaner d’ un hom m e qui réfléchit dans le silence et
la solitude, et qui se met en présence de l’Être suprême,
lorsqu’il n’attend plus rien des hommes, qu’il va payer
le dernier tribut à la nature. Un individu qui lienl à
une classe élevée, qui a goûté les douceurs delà société,
�( 37 )
et joui des plaisirs que donnent le luxe et l’o p u len ce,
ne va pas prendre son testament dans le Praticien
fr a n ç a is , s’occupe peu des mois raisons, droits et
actions, mots techniques et barbares qu'on n'entend
qu’au barreau, et qu’on ne lit que chez les notaires
de campagne, ou dans les actes du siècle dernier; c’est
une copie mecanique qu’il a faite avec langueur, sans
soin, sans ponctuation, versant son encrier dans des
momens d ’impatience,, et sentant qu'il signe sa honte.,
qu’il va se couvrir d’opprobre; si on fait attention
qu’on lui recommande sur-tout de déposer cet acte
chez Espinasse, notaire, qui ne peut plus é c rire , et
par conséquent ne peut recevoir un testament; que
ce dépôt lait partie essentielle d e l à disposition;
esl répété dans la suscriplion , et que cependant il
en la puissance de Jouvainroux, qui veillait à ce
n’en pût faire un autre.
qu’il
reste
qu’il
^
Que lout-à-coup on oublie la disposition du dépôt,
que Jouvainroux a l’impudence de présenter seul ce
testament au président; que l’acte de dépôt est dressé
en conséquence; que la minute en est connue; qu’on
lé remarque dans la demande du chevalier Legroing,
qui s’est aperçu de la maladresse, qui a fait usage du
m o y e n , après avoir lu et tenu l’acte, l ’avoir lait lire
à plusieurs personnes, et que cependant on trouve dans
la suite un renvoi aussi gauchement exprimé, qui an
noncerait tantôt que c ’est l’Espinasse accompagné de
Julien Jouvainroux, tantôt que c ’est l’Espinasse seul,
suivant la copie qui en a été notifiée; que Ledit com
�( 38 )
parant est métamorphosé par une surcharge, pour y
substituer lesdits comparans,• que malgré la présence
de l’Espinasse, on remet le testament au greffier, lors
qu’il était si simple de le rendre à Espinasse présent;
on demeure inlimément convaincu que ce testament
n’est pas l’ouvrage de celui qu’on en dit l’ auteur; qu’il
a été gê n é , tyrannisé dans ses dispositions, et que le
doigt de Dieu a marqué du sceau de la réprobation
cet acte scandaleux.
Qu'on vante maintenant les testamens dits olo
graphes! qu’on vienne soutenir qu’un acte de cette
nature est le fruit d’une mûre réflexion ! Ce n’est pas
ainsi que Justinien l'avait pensé, lorsqu’il bnnnit cette
form e de tester dti code de ses lois; qu’il révoqua
expressément la disposition du code Théodorien , qui
autorisait ce mode ou cette form e; ce n’est pas ainsi
qu’ont pensé tous les auteurs du droit écrit, qui ensei
gnaient que les testamens olographes n'étaient pas
valables, et qu’il fallait la solennité de sept témoins
pour un testament, qui est le dernier acte de la puis
sance , de l’affection, et d’une volonté qui doit survivre
h l’auteur.
C e n’est pas ainsi que pensait M* Terrasson, dans
un éloquent mémoire pour le sieur d’E p in ay, où il
fit annuller un testament olographe de Louis d’E p in a y,
en faveur de sa femme : « Il y a des acles si importans,
c< disait-il, pour l’intérêt des familles, qu’on ne peut
« y apporter trop de solennité et d’exactitude. Les
* dernières dispositions, reste précieux des m ourans.
�( 39 )
«• sont du nombre de ces actes solennels que les diffék
rentes lois ont assujéti à diverses formalités; on pré-
« tendra que toutes les formalités n’ont été introduites
«• que pour assurer les preuyes de la volonté; qu’011
« est aussi sûr de l’intention du testateur par le témoi« gnage de six personnes que par celui de sept; qu’on
«■Test encore plus par l'écriture et signature du testa« teur, que par la présence des témoins. Tous les paror ticuliers s’érigeront en critiques des lois établies; et
<r par la licence des raisonnemens, les règles perdront
«- leur autorité, et la jurisprudence deviendra arbi« traire. »
L e lestament olographe e st-il donc si recom m andable? doit - il avoir la préférence sur un testament
solennel? quel pourrait en être le m otif? T e l homm e
dans la solitude, et dans la fougue de ses passions, écrit
rapidement cinq à six lignes, qui dépouillent, déshé
ritent les héritiers dursang ; t e l autre se permettra des
dispositions bizarres, ridicules, honteuses, qui le désho
norent, et qu’il n’aurait pas osé faire devant un officier
public et des témoins; tel autre encore sera forcé par
un misérable, un audacieux intrigant, d’écrire quelques
mots qui transmettentrà son ennem i, son tyran , une
fortune qu’il destinait à sa famille, tandis que devant
notaire1il eût été parfaitement libre, il eût dicté ses
volontés hors la présence de celui qui en gênait 1 exer
cice, ou osait donner ses ordres absolus.
Disons au contraire, malgré tout le respect qu’on
doit à la loi qui autorise cette form e de tester, qu’elle
7
�u
( 4° )
n ’est ni plus précieuse, ni plus favorable; qu'elle n'est
pas une preuve de la volonté du testateur, qu'elle peut
être commandée par la crainte ou la tyrannie; qu'elle
étouffe le sentiment et anéantit la^volonté, favorise
le caprice d’un homme im m oral, et que sous lousles
rapports les solennités sont plus recommandables, as
surent la volonté, et préviennent souvent de grands
'
crimes.
Fanckette d ir a - t - e ll e qu’en tout cas il existe, en
faveur de La gouvernante, un testament ancien et
solennel qui reprendrait toute sa force; mais ce pre
mier testament, fait dans les premiers momens d’ une
passion v éh ém en t e et grossière, qui agissait encore
avec plus de force dans un hom m e qui se trouvait
dans un état d’aliénation m entale, prouverait la sug
gestion d’une concubine devenue m ère , et qui avait
alors les plus puissans moyens de séduction.
Ceci conduit naturellement à l’état de concubinage,
dans lequel a constamment vécu Fanckette avec le
comte Legroing. Sa grossesse, ses couches, les familia
rités indécentes qu’elle autorisait, qu’elle provoquait
m êm e en public, ne sont ignorées d ’aucun de ceux
'
qui fréquentaient la maison de la dame Legroing m ère,
et ont souvent servi d’alimens à la malignité.
D écriée par ses cam arades, méprisée par les per
sonnes au-dessus d’elle, elle a bravée l’opinion publique
pour parvenir à ses fin s, et ce concubinage si cons
ta n t, si notoire, est encore un des plus grands vices
pour annuller les dispositions dont elle est l’objet.
�( 4i ) '
L e maintien des bonnes mœurs exige que les parens
des personnes que leur passion a aveuglées au point
de préférer les objets de leur attachement criminel à
ceux à qui ils tiennent par les liens du sang, soient
admis à prouver le désordre. Lorsque la preuve en est
faite, les dispositions qui ont eu lieu au profit des
concubines1sont annullées, ou réduites à de simples
alimens. Un arrêt du 2 5 février i 6 6 5 , rendu sur les
conclusions de M. l’avocat général T a lo n , prononce
la nullité des ventes, et d’un bail à rente, consenties par
le baron de Saint - G em m es, au profit de Jacqueline
R ig o f, sa concubine et sa servante. U n second, du
2.2. août 16 7 4 , annulle deux contrais de constitution
de deux rentes j|au principal de 1900 francs, créées, par
l’abbé Lapinardière, au profit de sa domestique, qui
était aussi sa concubine; ces arrêts sont rapportés
dans le dernier recueil de jurisprudence, au mot Con
cubinage. On en trouve un troisième au Journal des
Audiences, du 3 juillet i 6 8 5 , q u ia annullé une obli
gation de 3 , 5 oo francs, souscrite par la dame F au veau ,
au profit d'un sieur L atou r, avec lequel elle vivait en
mauvais commerce. Un autre, de 17 2 4 , qui a annullé
les billets du chevalier de Graville, au profit de la fille
T rico t, etc.; en un m o t, les recueils sont remplis de
semblables décisions, et la jurisprudence est uniforme
sur ce point. I>e concubinage ne peut avoir que les
suites les plus funestes; il altère les sens et détrrit la
raison; et celui qui a le malheur de se livrer à cette,
passion, méconnaît, dans son délire, les obligations les
�( 42 )
plus sacrées, pour suivre sans pudeur le penchant ir
résistible qui l’entraîne. Comment 'dès-lors les tribunaux
pourraient-ils laisser subsister un acte qui est l’ouvrage
de la débauche et le monument honteux d’ une passion
criminelle ?
Elle le devient bien davantage lorsqu’il y a adultère;
lorsqu'un mari pervers n’est qu’un manteau pour cou
vrir le désordre; lorsque sur-tout sa bassesse tend à
faire supposer, à attribuer la paternité à celui qu’on
dépouille.
L e chevalier offre la preuve de tous les faits de
suggestion qu’il vient d’annoncer, ainsi que les faits
de concubinage et d’adultère. Qu'on ne dise pas que
le Code çiyil a abrogé les peines que les lois anciennes
prononçaient contre le concubinage, plus encore contre
l’adultère, puisque, dans ce cas, elles refusaient même
des alimens. L e silence du Code sur les effets de ce
désordre, n’est pas une abrogation des anciennes lois.
C ’est ce qu'on va établir dans le chapitre suivant.
§
III.
L e Code civil Laisse subsister les actions ab irato, ainsi
,que les moyens de captation et de suggestion.
Tous les auteurs sont d’avis que pour abroger une
l.pi reçue, il faut une abrogation spéciale. L e silence
d’une loi nouvelle, sur certaine matière de çlroil, n’en
est pas une dérogation. L e savant Dumoulin, dont
�( 43 )
l'autorité est si grande parmi les docteurs, a d it , sur
l’ancien style du parlement, partie 7, n° i c 5 : Constitatlo générales non derogat speciali legi. Il prend
pour exemple la loi si pater puellœ cod. de inojf. test.,
avec la loi quoniam , du mêm e titre. Par la prem ière,
l ’empereur Alexandre décide que la substitution réci
proque entre deux enfans fait cesser la plainte d’inofficiosité. Par la deuxièm e, Justinien ordonne que
même dans ce cas, la légitime soit laissée pleine et
entière aux enfans, sans aucunes charges. C e savant
auteur examine si la deuxième loi déroge à la pre
m iè r e , et tient pour la n é g a tiv e, parce que la loi
quoniam, ne contient pas une abrogation spéciale de
la loi si pater. Cependant cette séconde loi paraissait
bien contraire à la pr em iè re; car en voulant conserver
la légitime entière, on donne à l'enfant, m êm e appelé
à une subslitution réciproque, le droit d’attaquer le
testament d’inofïiciosité pour obtenir sa légitime ;
néanmoins la première ne laisse pas de subsister.
O r , s’il faut une dérogation spéciale pour anéantir
une loi précédente, comment vouloir que le silence
d’une législation nouvelle, qui n’a pu embrasser tous
les cas, puisse déroger aux anciens principes sur les
points qu’elle n’a pas prévus? On sait bien que dans
ces premiers instans d’engouement sur le bienfait d’une
législation uniforme , quelques novateurs orft pense
que tout ce qui n’était pas prévu dans le Code, cessait
d’exister; qu’ils en ont m êm e conclu que l’action ab
irato, celle en suggestion, e tc ., étaient abrogées. Mais
�( 44 )
bientôt la réflexion et la raison ont fait place à cet
instant de délire , et peut-être d’immoralité. N ’est-il
pas, en effet., immoral de soutenir ou de protéger des
actes qui sont la récompense du crim e, bouleversent
l’ordre social, outragent les mœurs, la religion, et tout
ce que les hommes ont de plus saint et de plus sacré ?
Quant à l’action ab Lrato, deux arrêts, l’un du 28
frimaire an 1 4 , rendu par la Cour de Paris, dans la
cause des enfans de Farges ; l’autre par la Cour de L y o n ,
du 2,5 juin 1 8 1 6 , tous deux rapportés dans la collec
tion de Denevers et Jalbert, le premier an 1806, le
deuxième an 1 8 1 6 , ont décidé en principe que Fac
tion ab irato n’était pas abrogée. 11 est vrai que dans
les deux, la demande a été r e j e t é e , parce que les
circonstances n’ont pas paru assez graves; et les ma
gistrats ont observé que le silence du législateur sur
cette action, démontre assez qu’elle n’est pas proscrite,
mais qu’il faut en restreindre les effets pour le repos
des familles.
L ’auteur du nouveau Traité des Donations professe
sur celte matière une sage doctrine, tome 1 , png. 286
et suivantes. Il examine si le sentiment d’aversion
qu’on prétend avoir dicté la disposition, aurait été
conçu par le testateur lu i-m ê m e , ou si ce sentiment
de haine aurait été produit par des insinuations étran
gères, par des moyens de fraude et de calomnie mis
en œuvre par ceuxr-mêmes qui profiteraient de la dis
position , et qui auraient rendu odieux au disposant
l ’héritier appelé par la loi.
�_ A u premier cas, il pense que loufe action devrait
être interdite; mais au second cas, il décide que l’ac
tion doit être admise; et pourquoi? «-C’est qu’alors il
« n’y a plus, à proprement parler, une volonté de la
« part du disposant ; des manœuvres odieuses ont substi«r tué une volonté étrangère à la sienne. L ’action rentre
« alors dans celle de captation ou suggestion, etc. »
Cet auteur,, comme on le vo it, ne tranche pas d ’une
manière absolue sur la première hypothèse, et il y '
aurait bien des observations à faire; car la colère et
la haine, quelque soit le m otif qui les aient inspiré,
détruisent la raison et la volonté, et doivent vicier le
testament. Ce n’est pas tester ex officio c h a rita tis,
pour se servir du langage de la loi. Mais le chevalier
Legroi ng n ’a nul besoin de discuter sur la première,
et se place naturellement dans la seconde.
11 est victime des insinuations perfides de cette gou
vernante; c’est ainsi qu’elle est qualifiée dans le pre
mier testament. C ’est elle qui a fait entendre à son
maître que son frère voulait le faire passer pour fou,
et le faire interdire; qu’il en voulait à sa fortune; c’est
elle qui a excité son maître à poursuivre le chevalier,
dans les premiers tems du décès de la mère; c’est elle
qui, par les plus odieuses manœuvres, a fait fermer
la porte au chevalier Legroing, lorsqu’il voulait s’ap
procher de son frère; c ’est elle enfin q u ia p r o f i t é , par
la plus abominable calomnie, de toute une fortune, au
préjudice des héritiers du sang.
L e chevalier Legroing a également offert la preuve
�( 46 )
de ces faits, e tc e tle preuve est incontestablement ad
missible.
Quant aux faits de captation et de suggestion, il y
a encore bien moins de doute que cette action est con
servée sous l’empire du Code civil. Un arrêt de la Cour
de Grenoble, du 14 avril 1806, a jugé contre les héri
tiers du sieur Denis M on tlevin , que la preuve des faits
de captation et desuggestion n’était point expressément
réservée par le Code civil; il a , par conséquent, laissé
aux juges la liberté d’admettre ou de rejeter cette
preuve suivant les circonstances (D en evers, an 1806,
pag. i 52 , sup.). U n arrêt plus ré ce n t, rendu en la Cour
de Paris le 3 i janvier 18 14 , rapporté dans le même
recueil, an 1 8 1 6 , pag. 2.6 et suiv., a jugé en ihèse que
les téstameos faits depuis le Code ne pouvaient être
annullés pour cause de suggestion, et que ce moyen
de nullité était admissible contre un testament olo
graphe. Il s’agissait du testament olographe d’une de
moiselle L e fè v r e , âgée de trente-quatre ans, portant
institution universelle au profit d’un sieur M o u tie r,
jeune homme de dix-sept ans, àvéc lequel elle avait
vécu en concubinage. 11 est delà plus haute importance, ,
pour la cause, d éfaire connaître lès principaux motifâ
de cet arrêt. La Côur considère ¿que 1 état de concu« binage où elle vivait avec celui qu’elle a institué son
« héritier universel, est une présomption immédiate h
i la suggestion; que cet état où la passion aveugle, où
«■l’acne, subjuguée par un sentiment im périeux, n’est
* plus à soi, et où les docteurs, lorsqu’il s’agit de dons
�C 47 )
9
« faits par les concubins l’un à l’autre, ont unanime« ment reconnu, non-seulement un motil et un m oyen,
« mais l’indice le plus violent et une présomption légi«■time de séduction.,..
«
«
«•
«
« Qu’il est hors de doute que la captation et la suggestion annulle le testament sous l’empire du C ode,
comme dans la législation ancienne; que le Code n’en
contient pas de texte form el, mais que cela résulte
manifestement de son esprit et de l’ensemble de ses
c dispositions; que ce Code proscrit tout ce qui est te
« fruit du dol et de la fraude, et qu’il n’y a point de
« dol plus caractérisé, de fraude plus certaine, quoi« qu’en même tems la plus fine et la plus délipe, et
* par cela même la plus dangereuse, que la caplation
<r et la suggestion; que suivant le Code civil, etd apiès
<r tous les Codes, un testament est la déclaration que
«• fait un homme de ses dernières volontés sur la dis—
« position de ses biens; qu’il doit être conséquemment
«■l’expression pure et franche de sa volonté, et non de
« celle d’un autre; qu’enfin on a rem a rq u é, dans le
* projet du Code civil, qu’il y avait un article, qui, du
« nombre des moyens admis pour attaquer un tesfa« ment, retranchait celui de caplation et de sugges<r tiou, et que dans la discussion et la rédaction défi« n iliv e , l’arliclç a été. supprimé. Ce qui fait voir que
« 1 intention du législateur a été que ce moyen demeurât
« toujours ouvert, et ffit soumis à la prudence des juges
«r pour y avoir., selon les circonstances, tel égard ç^e
«• de raison. »
�( 48 )
« P a r ces MOTIFS, la Cour, en infirmant le jugement
<r du tribunal civil de Paris, déclare le testament 0/0«• graphe de la fille L efèvre , en date du 9 octobre 1 8 1 1 ,
« nul et de nul effet. »
M adam e
moyens de
cipes, sont
m êm e n’est
Julien d ir a - t - e lle m aintenant, que ces
suggestion sont exhumés des anciens prin
abrogés par le C od e, que le concubinage
pas un motif de captation,une présomption
de fraude, etc. Mais, dans cette cause, nous n’en
sommes pas réduits à de simples présomptions. L a
notoriété publique accuse la fem m e Julien; il y a
séduction, concubinage, adultère, captation, oppres
sion, co lère, haine, suggérées par ses calomnies; en
un m o t, on trouve i c i , dans le sens le plus propre,
et avec des caractères qui peut-être ne se sont jamais
rencontrés au même d é g r é , tout ce que les juriscon
sultes ont qualifié de captation et de suggestion.
§
IV.
L e s domestiques sont incapables de recevoir un legs
universel.
U n ancien au teu r, Brillon, dans son Dictionnaire
d e s Arrêts, au mot domestiques, les traite avec sévé
rité.
« D o m e s t i q u e s , serviteu rs
<r q u e f o i s
a
des p a r t i c u l i e r s , e t q u e l -
leurs maîtres. Il y a b i e n d e s c h o s e s à d i r e
contre cette n a l i o n i n f i d è l e et i n g r a t e » .
�ï 4 9)
Il est dans la justice d’arrêter ce m ouvem ent, qi i
n’est que trop appuyé sur des exemples sinistres.
Mais il est des exceptions honorables!
Dans ces leras malheureux de désordres et de crimes,
dont on voudrait perdre le souvenir, on a vu des do
mestiques fidèles, respectables par leur courage et leur
généreux dévouement.
Qui ont bravé la mort pour sauver la fortune et la
vie de leurs maîtres, et se sont quelquefois immolés
pour eux.
Hom m age et respect à ces hommes rares et précieux
qui ont su ennoblir les offices d e là servitude, et dont
les noms devraient passer à la postérité.
Mais ces serviteurs si recommandables ont reçu un
legs modique, une pension exiguë qui les met à peine
au-dessus des besoins de la v ie , plus souvent n'ont ob
tenu aucune récompense.
Tandis que Fanckette, par ses déportemens, désho
nore le ch ef d’une famille illustre, et arrache un legs
universel de plus de 3 oo,ooo francs ! !
Pour revenir h l’auteur c i t é , lorsqu’il rappelle le
texte des lois qui les concernent , il invite à par
courir celles des Institules et du Code, au titre de
JNoxaUbus aciionibus. 11 rappelle la maxime du
droit, gravius cigendum cum servis. 11 ne balance pas
à déclarer qu’ils sont incapables de recevoir un legs
universel; il cite plusieurs exemples, parmi lesquels eu
choisira un arrêt rendu en la grand’ehambre du p ai-
7.
�(
)
Jement de Paris, le i er juillet 17I17, dans l’espèce
suivante :
«•Un maître de pension de cette ville de Paris, dit-il,
avait fait un legs de 12,000 francs au profit de sa gou
vernante, rpar un premier testament.
« Par un second testament, il lui avait fait un legs
universel. Les héritiers offrirent les 12,000 francs du
premier legs; ils contestèrent le legs universel.
« Sentence du Châtelet, qui fait délivrance du legs
universel. Par l’arrêt, la sentence fut infirm ée, et la
gouvernante déboutée de sa demande. TVL Joly de
ï l e u r y observa que si les héritiers n'avaient pas offert
les 12,000 francs, il aurait eu de la peine à se déter
miner pour un pareil legs, qui paraît être l’ouvrage
de l’autorité et de la séduction, suivant les ordon
nances ».
R icard, Traité des D o n a tio n s, partie i re, chap. 3 ,
section 9, pense également que les domestiques ne
peuvent recevoir de leurs maîtres .un legs univèrsel.
'Le dernier annotateur de Ricard a dit sur celte ma
tière les choses les plus justes et les plus raisonnables,
dl remarque v que les dispositions faites aux domes« tiques sont favorables quand elles ne sont pas exces« sives; mais que l’homme sage ne doit récompenser
* qu’avec mesure : l'excès est une présomption pres
te qu irrésistible de suggestions de la part des domes« tiques. Ils savent quelquefois prendre sur l’esprit de
« leurs, maîtres.un ascendant qu’il serait dangereux de
« favoriser, j*
�( 5i )
• 11 rapporte un arrêt du n août t 7 i 3 , que l’on
trouve au Journal des A u d ien ces, qui refusa la déli
vrance d’un legs universel d’environ 30,000 francs ,
fait au profit du valet de chambre du testateur, et ne
lui accorda que 3 oo francs de pension viagère, pour
récompense de ses services.
Autre arrêt du 22 avril 1 7 6 6 , réduit un legs universel,
fait par le sieur Potier en faveur de sa domestique, à
6,000 fr. une fois p a y é e , et 200 francs de pension.
O11 regarde, en général, les domestiques comme
incapables de recevoir des libéralités trop considérables
de leurs maîtres. Quand elles sont trop fortes, la justice
les réduit ordinairement à une valeur proportionnée
à la qualité des domestiques, à l’importance des ser
vices q u ’ils ont rendus, à l ’état et à la fortune des
maîtres. Il est du devoir des magistrats de mettre un
frein à ces libéralités excessives qui dépouillent les
familles, et qui peuvent raisonnablement faire soup
çonner que les volontés des testateurs ont été captées.
Personne, sans doute, ne contestera ces principes;
mais on s’attend à cette perpétuelle objection, que ce
sont des principes gothiques, et que toutes ces règles,
qui gênent la liberté des donateurs, ont été abrogées
par le Code civil. On dira que sous l’empire du Code
les domestiques sont capables de recevoir de leurs
maîtres des legs universels, puisque l’article 902 du
Code fait rémunération des i n c a p a c i t é s qu’il déclare,
et n’en prononce aucunes contre les domestiques ; que
l’article i o a 3 détermine que le legs fait au domestique
�( 52 )
ne se compense pas avec les gages qui lui sont dus;
d’où il suit qu’ils sont capables de recevoir un legs
universel.
Eh quoi! parce que la loi a cité ou a fait ré n u m é
ration de certaines incapacités, il en résultera qu’on
ne peut pas les étendre à un autre cas? L a loi écarte
les médecins, les confesseurs, les conseils, les notaires,
parce qu’ils sont présumés avoir trop d’influence sur
l ’esprit de leurs malades ou de leurs cliens; et les do
mestiques seraient exempts de cette suspicion, eux qui
savent prendre sur l’esprit de leurs maîtres un empire
absolu, qui peuvent dans tous les instans emplo}7er tous
les m oye ns de séduction! C e serait supposer une ab
surdité dans la lo i, qui cile des exem ples, mais qui
n ’est pas limitative; qui établit des incapacités absolues,
et laisse à la prudence des juges les incapacités relatives
qui naissent dés circonstances; et il faut sans doute tirer
une conséquence toute contraire à la prétention des
domestiques, de la disposition de l’article 1023 du
C ode; car si le Code dit que le legs fait aux domes
tiques ne se compense pas avec les gages qui leur sont
dus, la loi, bien certainem ent, n’a entendu parler que
du legs particulier, n’a supposé dans aucun cas un legs
universel, puisqu’il aurait bien fallu alors que les gages
fussent compensés forcément.
On ne prétendra pas, sans doute, que le legs uni
versel n’étant pas fait au profit de la domestique, mais
h sa lille, l’incapacité cesse.
On répondrait péremptoirement à celte objection
�( 53 )
avec l’article 9 1 1 du Code. Il n’y aurait ici qu’une
interposition de personnes, et le legs fait à la fille est
censé fait à la mère.
§ V
ET
DERNIER.
L'acquisition' fa ite sous Le nom de F la vie, les lettres
de change passées à son ordre ne fo n t pas partie
du legs universel, et doivent être restituées a u x héri
tiers du sang.
\
Ce n’est' que très-subsidiairement que le chevalier
Legroing donne quelques détails sur ce singulier inci
dent. Il ne l’aurait pas même discuté dans le moment
actuel, s'il n ’y trouvait une nouvelle p re uve de la haine
et de la colère du testateur contre lui„ des insinuations
perfides, et de l’infidélité des Jouvainroux.
Il est p ro u vé, p a rle procès-verbal du juge de paix,
que les lettres du chevalier Legroing ne parvenaient
pas à son frère.
1
On voit dans le procès-veabal, que dans le même
endroit où on avait caché les effets soustraits, se trou*
vait une lettre du chevalier, du 3 décembre 1 8 16 , à
son frère le com te, dans laquelle il lui marquait «-que
»
«
«
«
ne voulant ni l’aigrir, ni lui donner des su jets de
m écontentem ent, étant m alade, il lui e n v o i e son
domestique pour savoir positivement ses intentions,
et les époques des paiemens du c api ta l qu’il lui doit
«■après la mort de sa m ère, et à qui il veut que ces*
�( 54 )
<r sommes soit pdyées, quand, et dans combien d?é « poques. »
Cette lettre est cachée avec soin dans*les sclials; et
aussitôt après la mort du frère^ les Jouvainroux ont
l’insolence de
traduire le chevalier au tribunal de
commerce !
Mais quelle est donc la sottise ét la' maladresse de
ces ambitieux? Ce n’était pas assez d’avoir arraché un
legs universel, d’être porteur de cet acte d ’iniquité,
dont Julien s’est emparé du moment qu’il a contraint
le feu comte Legroing d’écrire et signer le modèle qu’il
lui a présenté, on veut encore ajouter aux odieuses
manœuvres qu’on a emplo yées; on’ ne v e u t lui laisser
aucuns effets disponibles dans les mains ; on le dépouille
à l’avance, on entoure son lit de m ort, sicut vuLtus
cadaver expectàns ; on fait acheter par lu i, sous le nom
de F la v ie ,u n e propriété de 40,000 francs; ou le force
de passer son ordre au profit de cet enfant de six ans,
sur les lettres de change qu’il a dans son porte-feuille.
E h quoi! c ’est lorsqu’on l’excife contre son frère, qu’on
force ce dernier à s ’acquitter d’une dette qui devient
exigible après le décès de la m è r e , et lorsque sa d é - ‘
pouille mortelle fumait e n c o r e ,le chevalier n’obtient.,
n ’arrête les poursuites q u ’en souscrivant dos billets sous:
la forme de lettres de change; on lui tient le pied sur
la gorge, il ne peut quil 1er d’un instant; il y a suppo
sition de lieu, puisqu’ il les souscrit à Clerm ont, datées
d e B i o m ; e t ¿1 peine a-t-il signé, q u e , sans intervalle,
ceseflets passent dans les mains de Flavie ; qu’à récliéance1
�( 55 )
.du premier, on traduit le chevalier, sous le nom de cet
enfant, au tribunal de com m erce, pour obtenir contre
lui une condamnation par corps.
N ’est-ce pas le comble de l’infamie! et que doit-on
attendre de gens de cette espèce, qui veulent s’élever
jusqu’à une famille dont ils ont dépouillé le c h e f3 tout
autre à leur place .aurait usé de procédés, aurait attendu
au moins qu'il ait été statué sur la demande en nullité
du testament. Jusques-là les Jouvainroux ,n’ont qu’un
titre précaire, q u i‘va s’évanouir et s’échapper de leurs
mains infidèles et avides. Les moyens du chevalier ¡sont
victorieux ; tous ceux qui ont quelques principes d’hon,neur se réunissent à sa voix pour demander justice et
«vengeance contre une spoliai ion dévastatrice, contre
le vol le plus dangereux^ et contre les auleurs, qui sont
•le plus cruel iléau de la société.
En attendant, le chevalier Legroing s’est rendu
appelant en la C ou r, du jugement par défaut qu’on a
surpris contre lui. Il l’atlaque, tant de juge inçom pé-tenl qu’autrement. Il établira devant la C ou r, qu^l
n’y a ici aucune spéculation de com m erce,.qu e des
lettres de change souscrites de frère à frère, pour des
co n v e n io n s de famille, ne sont que de simples billets;
qu’il n’y a pas eu de change ni de remise de place en
place, qu’il y a supposition de lieu, erreur dans la
dénomination de l’effet.
A u fond, il prouvera que Flavie n ’est pas proprié
taire de ces effets, malgré l’ordre valeur reçue comptant.
-Qu’il est impossible qu-un4enfant de six ans ait fourni les
�( 56 )
fonds; que cet ordre n ’est autre chose qu’une'libéralité
indirecte, un don manuel que les lois annullent, une
donation entre-vifs qui n’est pas revêtue de la forme
prescrite par le C od e; enfin que ces effets et les im
meubles acquis sous son nom , ne font pas partie de la
succession du sieur comte L egro in g; que celui-ci n’a
légué que ce dont il mourrait vêtu et saisi, et qu’il
n ’est mort saisi, ni des immeubles, ni des prétendues
lettres de change. Cet incident donnera la mesure de
la moralité des Jouvainroux, et fera connaître à la
Cour leurs odieuses manœuvres. Ce sera un épisode,
le prélude de l’action principale ; on verra si l’ancien
b edeau dé la cathédrale aura la protection des prêtres,
s’ils agiront en sa faveur. Misérable! qui s’avise de
comprometlre les ministres d’ un D ieu vengeur, dont
la justice doit s’appesantir sur des têtes coupables! Ce "
serait un sacrilège.
C e Jouvainroux ne laisse pas’ aussi que d’avoir sa
malignité. L e chevalier Legroing est informé que cet
individu se permet de répandre contre lui des calom
nies, qu’il s’avise de critiquer sa conduite politique;
il insinue adroitement qu’il était à Malte lors de l’in
vasion de l’île; qu’il a peut-être facilité la reddition
de lu. ville; qu’il a suivi en E gypte l’armée fran
çaise, etc.
N e sutor ultra crepidani. Sans d o u te , le chevalier
Legroing devrait mépriser ces insinuations ou^ ces
calomnies; mais il est ])ien aise de saisir l ’occasion de
rendre compte de sa conduite ù celte époque mémo-
�( 5? )
rabie, et de rappeler des faits qui sont connus de
l ’ordre e n tier, ainsi que de l’armée française.
O u i, sans doute, le clievalier Legroing était à M¿ilte
lors de l’invasion. Renferm é dans le fort S a in t-A n ge,
il voulait vaincre on mourir. Ce fort inexpugnable
domine l ’entrée du port ; de triples batteries s’oppo
saient à l’entrée de l’escadre de débarquement. L e
chevalier sut comprimer l’insurrection de la garnison,
résister aux sommations du vainqueur, et ne se rendit
ensuite que sur les pressantes sollicitations ,■l’ordre
exprès du grand-maître , qui' avait déjà fait son traité.
L e chevalier Legroing suivit les Français en E gypte!
que pouvait-il faire de m ieux? Inscrit sur la liste’fatale
des émigrés, tous ses biens ayant été vendus, il n’avait
plus de patxiej il ne devait pas, sans d o u t e , se confier
au Directoire, qui renouvelait ses proscriptions contre
les émigrés, et faisait encore périr une loule de vic
times.
. L e chevalier eut l’honneur d’être aggrêgé à la
commission des arts et des sciences faisant partie de
l ’institut d ’Egypte ¿^il chercha ù se consoler de son
espoir déçu, parcourant une terre classique et visitant
les monumens, et vit enfin arriver le moment où il
pourrait revoir sa patrie.
Pourrait-on d’ailleurs suspecter la conduite politique
d’ un chevalier français qui a su défendre l’ordre dont
il est membre, et de sa plume et de son épée, et q u i,
dans les premiers m o in en s, s’est rallié autour des
défenseurs du trône?
8
�( 58)
On répand encore avec adresse que le chevalier
Legroing est célibataire comme son frère, qu'il aura
les mêmes faiblesses, et que ce n'est pas la peine do
lui rendre une fortune que la.nature et la loi lui attri
buent, pour la transmettre peut-être en des mains qui
ne seront pas plus pures.
D e quel droit Jouvainroux vient-il attaquer le che
valier L eg ro in g , et calomnier ses habitudes? Q u’il soit
célibataire ou n on , n’en e s t-il pas moins le frère et
le plus proche héritier du défunt? A-t-il un reproche
à se faire dans son intérieur, et son existence dans la
société n’est-elle pas honorable? S’il avait des faiblesses,
il sait comment un h o m m e d’ honneur les ré pare , mais
on ne le verra jamais s’avilir ou se dégrader.
Signé le Chevalier L o u is L E G R O IN G .
M e P A G E S , Bâtonnier des A vocats à La Cour royale.
F L E U R Y , A v o u é licencié.
A RIOM , DE L’IMPRIMERIE DE J.-C. SALLES, IMPRIMEUR DU PALAIS.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Legroing, Louis. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Fleury
Subject
The topic of the resource
testaments
abus de faiblesse
domestiques
servante-maîtresse
enfants naturels
créances
séquestration
mobilier
maltraitance
émigrés
ordre Saint-Jean de Jérusalem
fraudes
fisc
inventaires
lettres de change
doctrine
nullité du testament
captation d'héritage
testament olographe
jurisprudence
concubinage
legs universels
egyptologie
code civil
bedeau
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour M. Louis Legroing, Chevalier de justice de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, Chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, demandeur ; contre Julien Jouvainroux, ancien bedeau de la Cathédrale, et cordonnier ; Françoise Boudon, sa femme ; et encore contre ledit Julien Jouvainroux, en qualité de père et légitime administrateur de Claudine-Flavie Jouvainroux, sa fille, mineure, défendeurs.
note manuscrite : « 28 juin 1819, chambres réunies, arrêt, journal des audiences, p. 493 ».
Table Godemel : ab irato : 2. l’action ab irato contre les testaments est-elle admise par le code civil ? peut-elle appartenir à l’héritier collatéral ? Etat (question d') : 3. l’héritier du sang a-t-il le droit, pour prouver l’interposition de personne, de rechercher si le légataire, qui a dans une famille le titre et possession d’état d’enfant légitime, est, ou non, l’enfant naturel du disposant, surtout, lorsque cette recherche conduirait à la preuve d’un commerce adultère ? Sanité d'esprit : d’après quels principes se résout la question de savoir si le testateur était sain d’esprit ? Suggestion : La suggestion et captation sont-elles moyens de nullité pour la législation actuelle ? peuvent-elles être opposées contre un testament olographe ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1807-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
58 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2429
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2430
BCU_Factums_G2431
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53483/BCU_Factums_G2429.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Biozat (03030)
Fontnoble (terre de)
Egypte
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
bedeau
captation d'héritage
Code civil
concubinage
Créances
doctrine
domestiques
egyptologie
émigrés
enfants naturels
fisc
fraudes
inventaires
jurisprudence
legs universels
lettres de change
maltraitance
mobilier
nullité du testament
ordre Saint-jean de Jérusalem
séquestration
servante-maîtresse
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53472/BCU_Factums_G2418.pdf
0c08e863a229cf13a393c03d491ce22f
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OBSERVATIONS
SOMMAIRES
P O U R les Sieurs D o m in iq u e - L o uis - F r a n ç o is ,
et I g n a c e - H y a c i n t h e , C o m tes de S A M P I G N Y ,
in tim és,
CONTRE
Dame E m i l i e de S A M P I G N Y , et le . sieur de
S A R R A Z I N , son époux , et le sieur I g n a c e H YACINTHE Comte de S A M P I G N Y - D I SSO N C O U R T , tous appelans d ’un jugement rendu au
Tribunal civil de R io m , le 3 o m ai 1817 ;
EN RÉPONSE
A u x Consultat ions délibérées à Clermont le 7 juillet,
et à Paris le 21 août 18 17.
« J’ a i tro p b o n n e o p in io n d e m es q u a tre en f a n s , p o u r n’ é lr e
pas c o n v a i n c u q u ’ a u c u n d ’ eu x n e sera ca p a b le d e c o n t r a r ie r ,
ou m é m e d e ne p o in t a p p r o u v e r m es d i s p s i t i o n s n é a n m o in s ,
e n tan t q u e d e b e so in -, je le u r e n d o n n e l ’ o r d r e e x p rès ; e t
j e d e c l a r e A l a j u s t i c e q u e je n ’ ai agi en ces parta ges q u e
dans l ’ e q u ite la plus p a r fa ite , e t dans le s sen tim e n s d e la .
p lu s e n t i è r e e t d e l a p l us é g a l e a f f e c t i o n p o u r m es q u a tre
en fa n s. Je le u r r e co m m a n d e la plu s p a rfa ite h a rm o n ie e n tr e
eu x ; d e se p r ê te r u n e m u tu e lle assistance dans tou tes le s
a ffa ires q u i le u r s u r v ie n d r o n t , e t dans tou s le s é vé n e m e n s
im p o r ta n s d e le u r v ie . »
A rticle 15 et dernier du Testam ent du Père.
C
'EST ainsi que M. le comte Sampigny père termine
son testament. On ne p ou vait, sans doute, choisir une
meilleure épigraphe dans une cause devenue cé lèb re,
�:
- .....
( a )
el qui fait gémir tous les amis d’un excellent cito yen ,
et du meilleur des pères.
L e sieur de Sarrazin, qui attaque avec tant d’opi
niâtreté les dernières volontés de son beau -p è re, s’est
toujours prémuni de consultations qu’il a obtenues sur
son exposé. Plusieurs ont précédé le jugement du tri
bunal civil. Il a recommencé ses courses, lorsque son
espoir a été déçu en cause principale.
Dans les premières, on lui faisait dire qu'il aurait
le droit de rapporter les immeubles donnés en avan
cement d’hoirie, suivant l’estimalion à l’ouverture de
la succession, mais qu’il était trop délicat pour vo u
loir profiter de la baisse s u r v e n u e r a p i d e m e n t dans les
fonds, et faire tort à ses. beaux-frères.
Dans les secondes, ce rapport, seulement suivant
l ’estimation, est une assertion positive. L e tribunal a
violé la loi en disposant autrement.
M . de Sampigny père avait institué ses quatre enfans héritiers par égalité. Il s’est ôté par ce m oyen la
faculté de faire le partage de ses biens.
Dans tous les cas, la plus légère lésion suffirait pour
faire ordonner un nouveau partage.
E n f a i t , il y a lé sio n d e pl us d u q ua rt .
Telles sont les propositions que les jurisconsultes ont
cherché à établir et à prouver.
L e soussigné, défenseur des intimés, va tâcher de
répondre à ces différentes assertions. 11 n’a pas la pré
tention de donner un avis ou.une leçon; on pourrait lui
supposer'un peu de partialité pour ses cliens; mais il
�(
3
)
^
lui est permis de discu ter, et de démontrer que jus
qu ’ici on a toujours raisonné'à contre-sens.
A u moins est-il vrai qu*il a paru impossible de dé
fendre la cause des appelons sous un autre point de
v u e ; car on doit rendre cette justice a leur défenseur,
qu’il a déjà fait valoir tous les moyens qu’on retrouve
dans les nouvelles consultations avec une exactitude
telle,, qu'on a pensé un moment q u ’il avait transmis
l ’extrait de sa défense aux jurisconsultes qui ont donné
leur avis.
. .1
. , . •
L a consultation délibérée à Clermont rappelle l’opi
nion de plusieurs anciens auteurs. Celle de Paris se
borne à ces collections modernes , cette esp èce'd ’en
cyclopédie de jurisprudence dont nous sommes inondés,
•
•
'
et qui évite tant de peines à ceux qui'veulent aller
rapidement.
■
■
O11 commencera par discuter la première en date
celle de Clermont. Elle fait résulter un prem ier mal
jugé de ce jugem ent, en ce q u e1le ’ sieur âe Sarrazin
est tenu de rapporterles deux domaines pOuk‘i 04)000 fr.,
prix des aliénations par lui faites, tandis qu’il né devait
les rapporter que sur le pied de l’estimatio'n des experts,
lors de l’ouverture de la succession!
;1!: - T,i 1 >
On veut bien excuser le ¿ib u r'de Sâmpi^ny père
d'avoir commis cette erreur; il avait ôru n’aVoir‘donné
ces deux domaines qu’m jo u is s a n c e , et non ’én pro
priété.
; ,J1 r !
'
Mais rien ne peut justifier les p r e m i é r s jüges d’avoir
ordonné, en celte partie, l ’exécution Jdes dernières
�( 4)
volontés du p è r e ; fils ont expressément violé la dis—
posilion de l’article 680 du Code civil : l ’article 643 du
m êm e Code n’est pas applicable; d’ailleurs,, la loi ne
fait que rappeler les anciens principes. On cite Papon
daps ses Arrêts , Coquille, au titre des D o n a tio n s;
L ebrun, Traité des successions ; Denizart dans son
D ictionnaire de Jurisprudence.
Lorsque le défenseur des appelans faisait valoir cette
première objection avec lant de force, on lui répon
dait que, suivant les principes de tous les lem s, et
suivant le langage universel de tous les auteurs, Lef a i t
d u donataire ou d u cohéritier ne pouvait nuire a u x
autres cohéritiers,• que le rapport ordonné sur le pied
de l’estimation à l’époque de l’ouverture de la succes
sion, était une peine prononcée contre le donataire ou
l ’héritier qui avait aliéné prématurément 5 que la loi
supposait toujours que la chose avait augmenté de
valeur dans l’intervidle qui s'était écoulé depuis la
vente jusqu’à l ’époque de l’ouverture de la succession,
parce que la chose sujette au rapport .est censée faire
partie de la sucçession; que l’article 860 du C o d e , loin
d ’être „restrictif ou avantageux au donataire qui avait
aliéné, était, au contraire, e x c l u s i v e m e n t d an sl’inlérêt
des cohéritiers; e t que si ceux-ci trouvaient plus d’avan
tage à se contenter du p r ix , ils avaient le droit de
l’exiger.
Que peu importait que les immeubles délaissés en
avancement d ’hoirie eussent été donnés en jou issa n ce
ou en propriété; la seule différence qu’il pouvait y
�(
5
)
avoir serait seulement le cas où le donataire voudrait
s’en tenir à son d o n , en renonçant à la succession; ce
qu’il peut faire quand il a la propriété, suivant l'ar
ticle 845 du Code; mais que du moment que le do
nataire voulait venir à la succession, et rapportait
l ’im m euble, la cliose sujette à rapport était censée faire
partie de cette même succession.
S’il en était autrem ent, et si le cohéritier vendeur
pouvait profiter des circonstances pour gagner sur ses
cohéritiers,, il en résulterait que cette égalité, si pré, cieuse au sieur Sarrazin, serait évidemment blessée;
qu ’il aurait au moins 34,000 francs de plus que ses
cohéritiers; et on ajoutait encore que la dame Sarrazin
avait incontestablement le droit de reprendre sur son
mari le prix total des ventes; qu’elle avait réellement
reçu de son p ère, ecc substantiel patris, la somme de
104,000 francs, pour laquelle elle avait une h y p o
thèque légale sur les biens de son mari ;v et alors on
lui disait que l’article 843 du Code ordonnait impéra
tivement le rapport de tout ce que le cohéritier a reçu
du défunt directement ou indirectement. Sans se livrer
à de vaines subtilités, à desargumens futiles, il n’était
pas moins vrai que la dame Sarrazin avait reçu direc
tement les deux domaines, et indirectement la somme
de 104,000 fr. pour le prix de la vente de ces mêmes
domaines.
On ne doit pas omettre sur-tout q u e , pour prouver
que le rapport suivant l’estimation était une peine pro
noncée par la loi contre le cohéritier vendeur ? on
�invoquait précisément l’autorité de D en izart, cité avec
tant d’éloge par les appelans.
E n effet, cet auteur, à l’endroit qu’on rappelle, dit
« que l’héritier qui a aliéné l’immeuble doit le rapT
« porter suivant l’estimation au moment du partage,
<r parce que si le donataire avait encore l’héritage ,
« l’estimation s’en ferait eu égard à sa valeur à cette
« époque. Ce doit être la mêm e chose quand il est
«• aliéné, parce que le f a i t du donataire ne saurait
« nuire à Chéritier. »
Il ajoute, à l’article suivant, ces expressions remar
quables : a- C e que je dis ici du rapport de l’immeuble
« aliéné par le d o n a t a i r e , eu é g a r d à ce que cet im « meuble vaut a u lems du p a r t a g e , ne doit s’entendre
« que des aliénations volontaires et procédantes du
« fait du donataire.
Si le donataire avait été forcé
« de consentir à une licitation, à abandonner l’héritage
« pour un bâtiment pu b lic, etc., il serait seulement
« alors tenu de rapporter le p r ix quU. aurait reçu de
« Chéritage». D onc le simple rapport du prix est un
allégement pour le cohéritier vendeur 5 donc il ne peut
se plaindre quand ses cohéritiers se contentent du prix
de la vente.
Il semble que quelques efforts qu’on ait. voulu faire
pour entortiller, si on peut s’exprimer ainsi, le sens
de la lo i, 011 n’y verra jamais q u e lle veuille prononcer
¿ans l’intérêt du vendeur, qu’elle le puisse m ê m e ,
lorsqu’elle le tcon d am n e, et ne cherche que les moyens
de ne faire aucun tort aux autres cohéritiers.
�6 ^<)
C7 )
Les autorités plus anciennes., qu’on invoque avec
tant de confiance, seront-elles mieux choisies? On a
sous les y e u x les A rrêts de P ap o n , titre 7 , livre 21.
On y lit « qu’entre héritiers ab intestat, il est ordinaire
« de rapporter en partage ce q u i, à l ’un d’e u x , a été
« donné par le défunt de son viv a n t; et lù-dessus est
« notable qu'orès que par la donation la chose donnée
«• soit estimée, le donataire n’est recevable de vouloir
« rapporter à ses cohéritiers l’estimation ; il faut rap» porter la chose m êm e, etc. Et ainsi fut jugé par arrêt
« de Paris, du 23 décembre 16 2 4 , entre le seigneur
* des Asses et le sieur Picard et sa femme. *
Papon rapporte l'espèce de l’a r r ê t , .qui est assez re
marquable. L e seigneur des Asses père avait constitué
à sa fille 4200 francs, dont il paya 1200 francs le jour
du contrat ; il devait 3ooo f r ., en paiement de laquelle
somme il abandonna à son fils la terre et seigneurie
de la grande et petite F ou lh ou se, moyennant la rente
de 100 francs, rachetable pendant six ans. A faute de
rachat dans le délai, il fut convenu que la terre res
terait en propriété à P ic a r d , son gendre , com m e
conquêt.
L e beau-père mourut sans opérer le rachat dans le
délai. Les autres cohéritiers demandèrent le rapport
de la terre; le gendre répondait qu’il ne d e v a i t pas le
r a p p o r t in specie, mais un quantitatc} c’est-à-dire qu'on
ne pouvait lui demander que le r a p p o r t de la somme
constituée. Il pouvait être fondé en droit : D a tio iti
�(
8
)
solutum est venditio. Cependant l’arrêt l’obligea de
rapporter la terre en nature.
« Ceci est ainsi ordonné, nous dit Papon , afin que
« l’égalité soit gardée entre les enfans. Collationis
« titulus manifestant habet œquaUtatem, dit le ju
if -risconsulte U lpian, loi i re, de collât, bon. novel. 1 8 ,
et de trient.et sem is, auquel lieu Justinien ordonne que
« la collation ait aussi lieu , quand m êm e il y aurait
« estimation. »
C ’est à la suite de cette dissertation, qu’on abrège,
que Papon rapporte l’arrêt invoqué dans la consulta
tio n , du 27 février i 55 i et dit que l ’héritier qui a
aliéné doit rapporter l’héritage suivant l’estimation lors
du partage, s’ il t ia puisssance de satisfaire autrement.
,
Pour Coquille, on a lu sa dissertation avec beaucoup
de soin, et il est difficile de comprendre quelle induc
tion entend en tirer le sieur Sarrazin; car cet auteur ne
dit autre chose, sinon que si l’enfant, avant procès mus,
avait aliéné de bonne foi un héritage de la succession ,
l’aliénation tien d rait, et lui serait imputée sur sa lé
gitim e, par la raison de la loi M a rcellu s, § R es quœ j
que s’il avait aliéné plus que sa légitim e, encore ne
serait révoquée l ’aliénation, mais il rétablirait le prix.
11 faut en venir à L e b r u n , dont on ne cite que le
n° 28, et pour cause'; il fallait d’abord remonter au
numéro précédent. Cet auteur exam ine, au 110 2 6 , si
une fille qui a reçu en dot une rente foncière, et qui
dppuis est rentrée dans l’héritage asservi à la rente, iaute
dp paiem ent, doit rapporter au partage la rente ou
�l’héritage. Il décide que la fille doit rapporter l’héritage,
quand même il vaudrait beaucoup plus que la ren te,
parce que C augmentation intrinsèque ne La concerne
pas. En effet, l'héritage fait partie dans ce cas de la
succession, du moment que la fille se porte héritière.
Plus b a s , Lebrun enseigne que régulièrement le
donataire doit lapporter la chose en espèces, à moins
q u ’il ne soit prêt d3 renoncer; mais com m e ce rapport
esi dû en nature, mêm e avec l’augm entalionqui y est
survenue, il décida que si l’immeuble est ven d u , le
rapport en est dû suivant la valeur lors du p a rta g e ,
en y comprenant toute augm entation, m êm e celle qui
provient de la dépense qn’il a faite sur l’héritage.
E n fin , n° 33 , Lebrun ajoute : «Si la donation consiste
« en une moitié de m aison, laquelle eût été licitée à la
« requête des propriétaires, et adjugée h u n au tre, le
«■donataire en ce cas ne doit rapporter que sa part du
« prix, et non la valeur de sa m oitié, eu égard au tems
« du partage, pourvu qu’il riy ait point de fr a u d e ,
« parce que celte aliénation est nécessaire, et selon la
« loi 78 , i f . , § 4 , s ifu n d u s conim unis de ju re doüum .
* Il en est de mêm e si on a ôté au donataire l’objet
« donné, pour le faire entrer dans les dessins d ’une
« place publique."
Ferrières, sur l’article 3o 5 de la coutum e de P aris,
n° 20 et suivans, est d’avis que l’estimation du p ère,
n empêche le rapport de la valeur, l’estimation du père
ne pouvant préjudiciel* aux droits des autres enfans.
On ne doit se contenter du rapport du prix que dans
2
�(
10
)
Je cas d’une vente forcée, d’un retrait, ou de la vente
d ’ un office.
c
R o u sse a u -L a co m b e ,
Rapport, section 4 , n° 2 ,
in J în e , enseigne aussi que si la maison a élé licitée sans
fraude, le donataire ne doit rapporter que sa pari du
p rix , parce que c’est aliénation nécessaire; de mêm e
si elle lui a été prise par force majeure.
C ’est ainsi que s'expriment tous ceux qui ont trailé
la matière; partout le simple rapport du prix est re
gardé com me une faveur laite au cohéritier, ou dona
taire qui a aliéné, et il ne peut jouir de cet avantage
contre le gré de ses cohéritiers, qu’autant que la vente
a élé forcée; car il ne peut jamais, par sou fait, pré~
judicier aux autres.
Il est véritablement extraordinaire que ces autorités
soient invoquées en faveur du cohéritier vendeur,”
lorsqu’elles sont toutes contre l u i , lorsqu’elles n'ont
d ’autre but que de donner aux autres cohéritiers une
juste indem nité, et d’empêclier que le vendeur ne
profite en aucune manière sur ses cohéritiers.
11 faut encore le répéter, c ’est raisonner à contre
sens ^c’est méconnaître l'intention du législateur, l ’es
prit et la lettre de la loi. 11 était réservé au sieur
Sarrazin de donner cet exemple.
Les appelans tout résulter leur deuxième g rie f du
m o tif du jugement ou il est dit q u e , suivant l ’art. 1079
du C od e, le partage fait par l’ascendant ne peut être
attaqué qu’autant qu’il y a lésion de plus du quart.
Ils disent (car on ne veut pas affaiblir leur objection)
�6 ^
( ii )
que cela suppose en principe q u ’un père de famille
qui a institué tous ses enfans par égalité, n’en conserve
pas moins la faculté d’avantager celui qu’il juge à
propos, de la quotité disponible; et sur ce point ils
invoquent l’art. 1082, et plus spécialement l’art. i o 83
du C ode, qui veut que la donation du père soit irré
vocable en ce sens, que le donateur ne pourra plus
disposer à titre gratuit des oi>jelscompris dans la dona
tion, si ce n’est pour sommes modiques à titre de ré
compense ou autrement.
D onc la loi et la morale nous apprennent qu’un
père qui a institué ses enfans par égalité, est lié irré
vocablem ent, non-seulement envers les enfans, mais
plus sévèrement encore envers les familles auxquelles
ils se sont unis.
Les appelans, prévoyant bien qu’on leur opposerait
l’article 1079 du C o d e, s’en emparent égalem en t, et
en tirent la conséquence que le père qui a déjà fait
une disposition par égalité, ne peut plus disposer de
rien, pas même faire le partage de ses biens.
Comment concilier d’abord cette conséquence avec
l’article 10 7 5 du Code civil, qui autorise les père et
m ère, et autres ascendans, à faire le partage de leurs biens entre leurs enfans et descendons?
Cet article ne prive pas les ascendans de celle fa
culté, lorsqu'ils ont fait des dispositions précédentes. II
ne s agit que de s’y conformer.
I^a preuve de cet argument se tire précisément de
l ’article 10 7 9 , qui suppose nécessairement deux cas,
�(
12
)
celui où les enfans ont un droit égal, et celui où l’ un
d ’eux aurait déjà reçu en préciput la quotité dispo
nible.
E n effet, cet article ne permet d’attaquer le partage
de l’ascendant que dans deux cas, ou pour cause de
lésion de plus du quart, ou s’il résultait du partage et
des dispositions faites par préciput, que l’ un des copartagés aurait un avantage plus grand que la loi ne le
permet.
Il est clair que si les enfans ont un droit é g a l , le
partage ne peut être attaqué que pour lésion de plus
du quart; on ne peut expliquer la première partie de
cet article d’une autre m a n i è r e ; car il n ’aurait pas de
sens, sur-tout dès que la loi suppose ensuite, de la part
de l’ascendant, un legs en préciput de la quotité dis
ponible. L e législateur a senti qu’en s’arrêtant à la pre
mière partie, il pourrait arriver que le père donnerait
m oitié, savoir le quart déjà disposé, plus, le quart dans
le reste, pourvu que l’auteur du partage ne l’excède
pas. C ’est ce qu’explique disertement M alleville, l’un
des membres de la commission chargée de la rédaction
du Code. L ’objet fut d’empêcher que les ascendans ne
« pussent avantager l’un de leurs enfans au-delà de la
« portion disponiblej, en lui donnant , d?une p a rt, un
ff préciput, et de l’autre une portion dans le partage,
* qui ne pourrait être attaqué que par une lésion de
* plus du quart, au préjudice des autres, j»
Aussi le mêm e auteur apprend-il que la section avait
proposé un article portant que le partage serait nul* si
�( i3 )
les ascendans avaient fa it, par préciput, un avantage
à l’un de leurs descendans, mais que cet article fut re
je t é , et fondu dans l’article 1079.
Il est donc vrai qu’une libéralité antérieure, par
préciput, m êm e de toute la quotité disponible, ne prive
pas l'ascendant du droit de faire le partage de ses biens;
à plus forte raison, lorsque les enfans ont un droit égal
à sa succession.
Mais quand le père a fait une institution par contrat
de m ariage, quand il s'est lié avec une autre fam ille,
il pourra se jouer de ses engagemens! il pourra faire
tout de mêm e l’avantage que la loi lui permet !
Voilà com m e on raisonne quand on veut grossir les
objets, quand on veut tout exagérer; il faut se refuser
à l’évidence, à sa conscience m êm e, lorsqu’on soutient
qu'il y a ici une disposition, une libéralité quelconque.
M. de Sampigny père 11e cesse de répéter à chaque
page qu’il connaît ses engagemens, qu’il agit dans le
sens de la plus parfaite égalité, com m e dans les sentimens de la plus égale afTection.
M. de Sam pigny, qui veut partager ses biens en
quatre portions égales, a-t-il disposé de quelque chose?
s’est il joué de ses engagemens?
Q u’on adm ette, pour un m om en t, qu’il peut s’être
trom pé; mais il n’en a pas moins voulu faire un partage égal, conforme aux intentions contenues aux
contrats de mariage de ses enians; et la loi ne suppose
d’erreur, ne voit l’égalité blessée, qu’autant que l'er
�( T4 )
reur serait de plus du quart, qu’autant qu'un héritier
serait lésé de cette portion.
M . de Sampigny n’a fait que ce que ses enfans au
raient fait eux-m êm es; car si les enfans, armés de leur
contrat de mariage, avaient fait eux-m êm es les par
tages, et que l’un d’eux trouvât son lot moindre que
celui des autres, il ne serait écoutédanssa réclamation,
qu ’autant qu’il y aurait erreur de plus du quart.
Les appelans diront-ils que ce partage, volontaire
entre eu x, est de leur fait, qu’il ne peut être comparé à
un acte fait par l’ascendant?
Mais alors on en viendra ci un partage forcé, fait
en justice, sur la provocation de l’un des cohéritiers;
ce partage une fois fait tiendra encore, s’il n ’y a lésion
de plus du quart.
Et peut-on comparer un partage fait par le p ère,
à celui fait parles enfans, ou devant la justice? L a loi
ne doit-elle pas avoir plus d’égard, plus de déférence
pour ce partage, qui est le dernier acte de la puissance
et de l'affection du père? U n père n’est-il pas le pre
mier magistrat de sa fam ille, le législateur de ses en
fans? E l ne doit-il pas avoir, comme le dit M alleville,
déjà cité, «une certaine latitude de pouvoir, pour faire
« la distribution économique de ses biens entre ses env
fa n s ,
suivant la position de chacun, et l’espèce m êm e
r de ses biens, de donner aux uns un corps de ferme
« ou de m étairie, et de l’argent à d ’autres, lorsque ces
c< héritages ne peuvent, sans se déprécier, se diviser
�c h
( >5 )
« en autant de lots qu'il y a d’enfans : cela s’est iou« jours pratiqué ainsi, etc. » ?
L e sieur Sarrazin ne fera croire à personne que le
partage de son b e a u - p è r e soit une disposition, puis
qu’il chaque ligne, à chaque m o t, il est dénégatif de
toutes donations, de tous avantages; lorsqu’on lit et
qu’on admire sans cesse cette tendre sollicitude pour
tous; ces soins affectueux pour chacun dans la posilion
où il se trouve, et ce à raison de la nature de ses biens;
lorsqu’il appuie son règlement de tous les motifs qui
peuvent faire naître la confiance, et qui devaient ins-'
pirer à.chacun de ses enfans un respect religieux pour
la mémoire d’un hom m e d’honneur, qui n’en imposa
jamais à personne, et n’a pas voulu mentir à sa cons
cience dans ce terrible m om ent de vérité et de justice.
Que sur-tout on ne dise pas q u ’une institution faite
par égalité prive l’ascendant du droit d’être le régula
teur de sa famille, de distribuer ses biens dans l’ordre
qu ’il croit être plus avantageux, et sur-tout d ’éviter,
par un partage, les discussions qui naissent si facilement
entre les cohéritiers.
Ce serait opposer à l’auteur du bienfait , 1e bienfait
lui-même; ce serait défendre, repousser les affections
les plus généreuses et les plus douces, arrêter les mains
du p è r e qui veut traiter ses enfans avec une égale
tendiesse. Quel est le père qui osera, qui voudra (aire
cette p i omesse, si dans la suite il ne peut prévoir ou
ernpécher les inconveniens d ’ un partage judiciaire,
sur-tout s’il a des enfans mineurs dont il ne pourra
�✓1.
&
( i« )
arrêfer la ruine, puisqu'ils seront contraints de faire
tout régler en justice, et de se livrer à des dépenses
qui s o u v e n t excèdent leurs facultés?
L a morale et la loi repoussent d'aussi dangereuses
assertions, qui bouleverseraient tous les liens de famille,
ët feraient naître sans cesse des débats scandaleux, dont
malheureusement il n ’y a que trop d ’exemples.
Il est tems de passer au calcul, au m oyen duquel
on veut trouver en point de lait la lésion de plus du
quart. A vant de l'exam iner, il n’est pas hors de propos
de rappeler certaines circonstances.
L e sie ur Sarrazin, a v a n t d’avoir m a n i f e s t é ses inten
tions hostiles, se plaignait de ce que son beau-père lui
faisait un lot en argent, et prétendait sur-tout $es in
térêts blessés, en ce q u e , disait-il, M. de Sampigny
avait porié à trop bas prix l ’eslimalion de ses biens
immeubles.
Les intimés observaient que le père avait jugé avec
discernement que la nature de ses propriétés s’oppo
sait à une division partielle qui leur ferait perdre de
leur valeur; il raisonnait ainsi, sur-tout pour sa pro
priété d’Effiat ; et on pensait u n a n i m e m e n t qu’ il avait
eu raison. Com m e M . de Sampigny avait fait valoir
toute sa vie la plus notable portion de ses propriétés
par des métayers ou des co lo n s, on pensait qu’il en
connaissait mieux la valeur que tous les experts du
m o n d e , dont l’art est si conjectural. L e père devait
en juger par les produits qu'il en avait tirés dans une
�( 17 )
longue suite d’années, et par la dépense qu'il était
obligé de faire pour les faire valoir.
On répondait encore au sieur Sarrazin, que ce n’é
tait qu’à sa prière que le père lui avait laissé un
capital, parce qu’il n’habilait pas sur les lieux; qu’il
avait fait une acquisition considérable, et qu’il trouvait
par-là les moyens de s’acquitter, tandis qu’autrement
les biens de sa f e m m e , dotaux de leur nature, ne
pouvaient être vendus pendant le mariage.
Mais pour trancher toutes difficultés, pour ne pas
laisser l’ombre d’un prétexte à des discussions de fa
mille , le sieur de Sampigny a î n é , chargé du retour
de lo t, offrit à son beau - frère de lui délaisser pour
1 35,ooo francs de biens sur les mêmes bases ; e t , d’après
l ’estimation du père, le sieur Sarrazin n’avait dès-lors
plus à se plaindre. 11 préjêra de fa ire citer ses beauxfrères.
L e sieur de Sam pigny, malgré l’assignation, renou
vela ses offres; il les a réitérées à toutes les journées
de l’audience en cause principale, et le jugement qu’on
attaque lui en a donné acte.
L ’estimation a eu lieu; deux experts ont été d’accord
dans leurs opérations, un troisième a voulu donner
son avis à part, et ce n’est pas un ch ef-d ’œuvre : on
l ’ é ta b l ir a aisément lors de la discussion.
Tous ceux qui connaissent la fortune de M. de
Sampigny p è re , ont trouvé les estimations, même des
deux premiers experts, très exagérées. Les intimés
voulaient présenter quelques observations sur ces rap3
�0
8
)
ports; mais le sieur S arrazin, comme d em a n d eu r,
prit ¡’initiative et accabla tellement les experls, sans
épargner le troisième, que les intimés se virent presque
réduits à leur adresser, sinon des é lo ges, au moins
quelques )consolations. Errare hum anum est, c ’est sur
tout la devise des experts.
Quoi qu’il en soit , les experts réunis ont porté la
valeur de la masse entière à 1,128,500 francs-, dont
le quart, revenant à la dame Sarrazin, serait de
282,125 francs. Elle reçoit 104,000 francs d’une part,
et 1 35,000 francs d’autre ; total 289,000 francs. Il n 'y
aurait donc erreur que de la somme de 43,125 f r . ,
p a r conséquent le sieur S a r r a z i n n ’ é p r o u v e r a i t pas une
lésion du quart, qui s’élève à 70,000 fr. 2 5 cent.
Encore il faut supposer que le sieur Sarrazin serait
payé en deniers des 1 35,000 francs; car s’il les prend
en biens, l'estimation plus élevée des experls augmen
terait d’autant son lo t, et dans la môme progression.
Il est vérifié que les biens que le père a portés à
1 35.000 francs, donneraient dansla proportion de l’éva
luation des experts, 196,205 francs 21 cent. ; de sorte
qu’alors la dame Sarrazin recevrait en tout 3oo,2o5 f.
21 centimes.
Veut-on prendre l’opération fameuse du troisième
expert? 11 évalue la masse de la succession à 1,208,667 f.
75 cent., dont le quart est pour chacun de 3 o a ,i66 fr.
94 centimes. M. de Sarrazin, comme on Ta dit, reçoit
239.000 francs, erreur de 63,166 francs; par consé
quent point de lésion du quart. Pour qu’elle existât.,
�(
*9 )
il faudrait que le lot du sieur Sariazin fût au-dessous
de la somme de 226,625 fr., et il en reçoit 289,000 fr.
Ici se termine la consultation de Clermont ; arrive
celle de Paris. Elle ne demande pas une grande dis
cussion, car elle répèle mot pour m ot, â peu de chose
près, tout ce q u ia été dit dans la précédente. On doit
même convenir que la première est développée avec
plus de soin, et se présente sous un aspect plus spécieux.
M ais, chose étonnante, on commence dans la dernière
par attaquer de front le testament, en tranchant sur
un prétendu principe, sur lequel la première n ’avait
fait que louvoyer, qu’une institution empêche le père
de faire un partage par testament; et pour établir ce
système transcendant, grande dissertation sur l’origine
des institutions contractuelles, sur leur nature et leurs
effets.
Cette assertion a étonné, sur-tout de la part des
jurisconsultes célèbres qui ont voulu l’établir, et prin
cipalement dans la coutume de Paris, quJils avaient
sous les yeux.
On conviendra cependant qu’une institution con
tractuelle n’ôte au p è re , ni l’administration de ses
biens, ni le droit de les aliéner ; et dans la coutume
du Bourbonnais, par exem p le, qui admettait les ins
ti tut io ns contractuelles, le
père e t.la m ère, d’après
1 article 2 1 6 , n’en avaient pas moins le droit de faire
le partage de leurs b i e n s , q u o i q u ’ils eussent fait une
institution universelle , et pourvu q u ’ils laissassent la
légitime des autres enfans.
�C 20 )
Voudra-t-on distinguer une institution universelle
au profit de l’ un des enfans, d’une institution par éga
lité au p r o f i t de tous?
Mais la coutume de Paris était une coutume d’éga
lité en ligne d irecte, et tellement prohibitive, qu e, par
l'article 3o 3 , «• père et mère ne peuvent, par donation
« entre-vifs, par testament et ordonnance de dernière
« volonté, ou autrem ent, en manière quelconque,
«• avantager leurs enfans venant à leurs successions,
« Tun plus que l’autre. » V o ilà , sans contredit, une
défense en t ermes irritans, bien plus forte encore qu’ une
promesse d’égalité.
N éanm oins, dans cette coutum e, les partages des
ascendans étaient admis, et traités avec la plus grande
faveur. Ferrière, tome 4 , page 244, n° 22, nous dit
« que les partages faits par les père et m ère, entre
* leurs enfans, par dernière volonté, sont favorisés,
*■quoiqu'ils n’aient pas gardé l’égalité entre eux. L a
« loi présume qu’ils sont incapables de rien faire à
« leur préjudice. «
Il
est vrai que la prohibition rigoureuse de l ’art. 3 o 3
a été modifiée par l’article 307, qui autorise l’enfant
légataire h. conserver son legs, quand il serait au-dessus
de sa portion héréditaire 5 mais alors il doit renoncer
entièrement à la succession, parce que le grand prin
cipe de celle coutume était que les enfans ne pouvaient
•être à-Ia-fois légataires et héritiers. Cette modification
ne change rien à la règle générale, qui assure un droit
�( 21 )
égal aux enfans dans les biens du p ère, et lui ôfe la
faculté de faire des dispositions avantageuses, soit en Irevifs, soit a cause de mort; et si, malgré celte prohi
bition, le père n’en a pas moins le droil de faire le
partage; si ce partage est accueilli avec fa v e u r , est
regardé comme un règlement précieux entre les enfans, on sera forcé d’avouer qu’une promesse d’éga
lité ne p eu t, à plus forte raison, priver de ce droit ;
qu’il faudrait au moins que la loi en eût expressément
porté la défense; et on v o i t , au contraire, que le Code
civil a environné ce partage d e là plus grande fa v e u r,
tellement que le cohéritier qui se permet de l’attaquer
est tenu de faire l’avance de tous les frais de l’estima
tio n , et doit les supporter entièrement en définitif,
ainsi que tous les dépens de la contestation, si sa ré
clamation n’est pas fondée ( A rticle 1080 du Code
civil.)
L e reste de la discussion roule sur les mêmes points
qu’on vient d’examiner ; tout ce qu’on y aperçoit de
n o u v e a u , c’est l’opinion de Bourjon dans son Traité
du droit commun de la France. Cet auteur, dont on
a vérifié la citation, s’exprime ainsi : « L e rapport en
« n a t u r e cesse, si le fils a aliéné sans fraude l’immeuble
«• à lui donné en avancement d’hoirie. En ce cas, il fait
«• le rapport de la valeur suivant l’estimation. »
a Cette estimation doit, dans ce cas, se faire eu
<t égard au tems de l’ouverture de la succession..........
.« toute abstraction fa ite du p rix de la vente, qui, étant
�(
22
)
« du f a it du rapportant, ne peut nuire à ses cofié« ritiers. »
C ’est avec de pareilles autorités qu’on veut faire
croire que l’héritier vendeur peut foire des bénéfices,
lorsque tous les docteurs du droit s’accordent à penser,
lorsque la raison et la justice s’opposent à ce qu’ un co
héritier puisse tirer aucun avantage de tout ce qui est
de son propre fait.
L a conséquence est toute naturelle ; c’est que l’ar
ticle de la loi que le sieur Sarrazin invoque, n ’a été
promulgué que pour apprendre ail cohéritier qu'il a
tort d’aliéner prématurément des biens indivis, et qu'il
doit subir la loi des a u tr e s cohéritiers; que ceux-ci ont
le droit de choisir ce qui leur est le plus avantageux,
ou le prix, s’ils le préfèrent, ou l'estimation, si l’héri
tage a augmenté de valeur : en un m o t, d ’empêcher
qu’un donataire ou un cohéritier puisse leur nuire.
Cette décision est également fondée sur D en izart,
dont on n’a pas rappelé le passage en entier, ni l'aliéna
suivant; et encore sur M erlin, qui ne nous apprend
sur ce point que ce qu’on a lu partout.
L e s sieurs de Sam pigny, intimés,, b o r n e n t donc ici
leurs observations, sauf à d é v e l o p p e r plus amplement
leurs moyens lors d e la p la id o i r ie de la cause ; mais ils
doivent dire un m ot, en passant, sur le sieur SampignyDissoncouri.
Ce n’est pas sans surprise qu’on le voit figurer comme
appelant d’ un jugement qui condamne, dans ses in-
�( 23 )
térêts, le sieur Sarrazin, son beau-frère, à rapporter
le prix entier de la vente des domaines.
L ’étonnement augm ente, lorsqu’on a vu le sieur
Dissoncourt à toutes les journées de l’audience, n’élever
aucunes difficultés, et s en rapporter en tous points à
la prudence du tribunal. Quelle est donc cette témérité
de se plaindre aujourd’hui de ce qu’on approuvait hier?
L e sieur Dissoncourt a-t-il été séduit par les manèges
du sieur Sarrazin, ou aurait-il...........?
Dans tous les cas, il faut le plaindre ; mais il n’en est
pas moins non recevable dans son appel.
Ainsi semble. A R io m , le 9 Décembré 1817.
P A G E S , ancien Avocat.
I M B E R T , Avoué.
.
A R IO M , D E L ’IM P R IM E R IE D E J.-C. S A L L E S , IM P R IM E U R D U P A L A IS .
�
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Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Comtes de Sampigny. 1817]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Imbert
Subject
The topic of the resource
successions
testament olographe
émigrés
avancement d'hoirie
égalité des héritiers
puissance paternelle
lésion
partage
démolition de châteaux
experts
doctrine
indivision
estimation
châteaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations sommaires pour les sieurs Dominique-Louis-François, et Ignace-Hyacinthe, Comtes de Sampigny, intimés, contre dame Emilie de Sampigny, et le sieur de Sarrazin, son époux, et le sieur Ignace-Hyacinthe, Comte de Sampigny-Dissoncourt, tous appelans d'un jugement rendu au Tribunal civil de Riom, le 30 mai 1817 ; en réponse aux consultations délibérées à Clermont le 7 juillet, et à Paris le 21 août 1817.
Table Godemel : Donataire : l’enfant donataire qui a vendu avantageusement les immeubles reçus par lui en avancement d’hoirie, est-il fondé à n’en rapporter la valeur que sur le pied de l’estimation proportionnelle de tous les biens, à l’époque de l’ouverture de la succession, ou, au contraire, peut-il être tenu de rapporter intégralement le prix de vente ? Partage : 19. le père de famille qui, par diverses dispositions contractuelles, a institué tous ses enfants ses héritiers par égalité, a-t-il, comme s’il ne s’était point lié et fut resté libre de sa fortune, la faculté d’accroître indirectement, par un partage testamentaire, la part de l’un de ses enfants, jusqu’à concurrence du quart, ou même d’une moindre quotité ? les enfants lésés peuvent-ils se refuser à l’exécution de cette distribution des biens, et demander un nouveau partage pour maintenir l’égalité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1817
An 2-1817
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2418
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2416
BCU_Factums_G2417
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Gerzat (63164)
Bussières-et-Pruns (63061)
Effiat (63143)
Riom (63300)
Loubeyrat (63198)
Denone (château de)
Manzat (63206)
Charbonnières-les-Vieilles (63093)
Le Court (domaine de)
Rights
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Domaine public
avancement d'hoirie
chateaux
démolition de châteaux
doctrine
égalité des héritiers
émigrés
estimation
experts
indivision
lésion
partage
puissance paternelle
Successions
Testament olographe
-
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0f3e09f8331087fe416211358297d185
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Text
6* tZ/Jàfœ-O.
fyy
*4
CONSULTATIONS
t
POUR
Mme A n t o i n e t t e DE SAMPIGNY, et M. J e a n L o u i s DE SARRASIN, son mari et pour
M. I g n a c e - H y a c i n t h e DE SAMPIGNYD’ISONCOURT, Appelans;
CONTRE
M.M.
1H
D
om in iqu e-
yacin th e
DE
t
L ouis- F r a n ç o i s et I g n a c e
S A M P IG N Y , Intimés.
ç£t\ piahîÙKJ*.Jq
DE
A CLERMONT,
l ' IMPRIMERIE d e LANDRIOT, IMPRIMEUR DU ROI;
DE LA PR É FEC T U R E , ET LIBRAIRE.
1817
■4
�'ïch
v
L e s o u s s i g n é , qui a vu et examine le jugement rendu
au tribunal d’arrondissement de Riorn, le 3 o mai 1817, entre
M . Jean-Louis Sarrasin et Antoinette de Sampigny, son épouse,
d’une part*,
Et M M . Dominique-Louis-François et Ignace-Hyacintlie de
Sampigny, deux de ses frères, d’autre part;
M . et M raa de Sarrasin sont bien fondés à inter
jeter appel de ce jugement.
On voit dans le fait rapporté par cc jugement, et constaté
par les actes du pi’ocès, que M. François-Charles de Sampigny
et Louise-Eléonore de St-Belin, son épouse, ont eu quatre
enfans: Dominique-Louis-François, Ignace-Hyacintlie, autre
Ignace-Hyacinthe d’ Isoncourt, et Antoinette.
Tous ont été mariés du vivant de leurs père et mère.
Ignace-Hyacintlie, second du nom, a été marié le premier
avec M lla de Y e y n y le 18 floréal an 6.
Il a été institué héritier par ses père et mère, conjointe
ment et par égale portion avec leurs autres enfans.
Antoinette de Sampigny a été mariée avec M, de Sarrasin
au mois de thermidor suivant.
On lit dans son contrat de mariage du 6 du même mois,
art. 4, que « ses père et mère l’instituent leur héritière géné« raie et universelle de tous les biens dont ils mourront vêtus
# et saisis, conjointement et par égale portion avec leurs autres
« enfans ; le tout conformément aux clauses et conventions
« insérées au contrat de mariage d’Hyacinthe-Ignace de Sam» pigny avec A nne de Y e y n y , en date du 18 floréal dernier. »
Et il est dit dans l’article suivant, « qu’en avancement de
« leurs futures successions, ilp lui ont constitué solidaii’ement
« un trousseau, etc.; et, en outre, deux domaines situés dans
« la commune de Loubeyrat, l’un appelé les Trémailles, et
E
s t i me
que
À
�( a )
« l’autre appelé du Court, avec leurs circonstances et dépen« dances, et cheptels de bestiaux. »
M . Dominique-Louis-François de Sampigny aîné s’est marié
le G frimaire an 12 avec M lle Chardon.
On lit encore dans son contrat de mariage, art. 4 » que
les sieur et dame de Sampigny « l’ont institué leur héritier
« général et universel de tous les biens meubles et immeubles
« dont ils mourroient vêtus et saisis, conjointement et par
« égale portion avec leurs autres enfans, conformément au
« contrat de mariage de M . Ignace-IIyacinthe de Sampigny
« avec la dame de Y e y n y , et de la demoiselle de Sampigny
« avec M . de Sarrasin, etc. »
Enfin, M . Ignace-Hyacintlie de Sampigny-d’Isoncourt s’est
marié le 17 novembre 1806 avec M 1Ia d e.V iry; et, par son
contrat de mariage, il lé ga lem en t été institué par ses pore et
mère « leur héritier de tous les biens meubles et immeubles
« dont ils mourroient vêtus et saisis, conjointement et par
« égale portion avec leurs autres enfans, conformément aux
« contrats de mariage de M . lgnace-Hyacinthe de Sampigny
« avec la dame de Y e y n y , de M 11®de Sampigny avec M . de
« Sa rrasin, et de M. Dominique-Louis-François de Sampigny
»<avec la dame Chardon. »
M roe de Sampigny est décédée la première en 1810.
M . de Sampigny est décédé au mois de juillet 181 4 ? après
avoir faitun testament olographe contenant lepartage desesbiens.
Pour l’intelligence de ce partage, il faut savoir que M. de
Sarrasin , qui avoit reçu en avancement d’hoirie, pour sa femme,
les deux domaines de Trémailles et de Court, les avoit vendus
avantageusement, en détail, à différensparticuliers, tant en son
nom que comme fonde de pouvoir de la dame de Sampigny ;
son épouse, et que le prix de toutes ces ventes s’élevoit à
104,000 livres tournois.
�( 3 )
M . de Sampigny p ère, en faisant son testament contenant
partage, avoit estimé tous les biens dont il étoit en posses
sion beaucoup au-dessous de leur valeur réelle.
Il avoit porté, dans ce même testament, les deux domaines
de Trémailles et de Court pour io 4,ooo livres tournois, prix
de la vente qu’en avoit faite M . et M me de Sarrasin} et il
avoit formé le lot de M mo de Sarrasin, de cette somme de
104,000 fr., à laquelle il avoit joint une somme de 135,^50 fr.
en deniers, qui devoit lui être payée par son frère aîné} ce
qui portoit son lot à la somme de 239,750 fr.
M m0 de Sarrasin a cru éprouver une double perte par cette
opération.
La première, en ce que M . de Sampigny portoit à 10^,000 fr.
les deux domaines qui lui avoient été constitués en avance
ment d’hoirie, par son contrat de mariage; tandis qu’elle ne
devoit en rapporter la valeur que sur le pied de l’estimation
proportionnelle de tous les biens, à l’époque de l’ouverture
de la succession.
La seconde, en ce que le supplément de son lot n’étant
porté, par ce partage, qu’à 1 35,750 francs, elle étoit bien
loin d’être remplie de scs droits, à raison de l’égalité qui
lui avoit été promise par son contrat de mariage.
M . et M mo de Sarrasin ont donc cru devoir se refuser à
l’exécution de ce testament contenant partage, et demander
q u e , 6ans y avoir égard, il fût procédé à un nouveau par
tage dans les formes ordinaires.
^ Un premier jugement, du 18 avril 18 15 , a ordonné l’estimalion des biens par trois experts désignés dans ce jugement.
Ces experts se sont occupés de cette opération, mais il s?est
eleve un incident qui l’a suspendue.
M . et M me de Sarrasin ont exigé que les experts comprissent
dans leur estimation les deux domaines de Trémailles et cΣ
•Court.
'
�( 4 )
M . de Sampigny s’y est opposé.
Et cet incident a donné lieu à un jugement rendu le
i 5 mars 1816, qui a ordonné, sans préjudice aux droits des
parties, que ces deux domaines seroient estimés comme les
autres biens de la succession.
Les experts ont repris leur opération, et l’ont terminée
au mois de décembre dernier.
M . de Sampigny avoit évalué la totalité de ses biens à
855,ooo livres tournois, non compris les deux domaines de
Trémailles et de Court, qu’il avoit portés pour 104,000 fr. 5
ce qui donnoit, suivant son calcul, un total de 959,000 fr.
L ’évaluation des experts étoit fort au-dessus de. celle de
M . de Sampigny.
Ces experts avoient été divisés d’opinion •, deux étoient
d’accord, et ont rédigé un seul rapport;
L e troisième a rédigé le sien séparément.
Il résulte du rapport des deux premiers experts, que la
masse totale des biens est de i,i28,5oo fr., et que les deux
domaines de Trémailles et de Court entrent dans cette masse
pour 70,000 fr.
Et il résulte du rapport du troisième expert, que la masse
des biens à partager est de ^,208,667 fr. 75 c., et que les
deux domaines de Trémailles et de Court entrent dans cette
masse pour 58,45o fr.
La cause portée à l’audience en cet état le 3 o mai dernier,
il est intervenu jugement contradictoire, lequel, ayant égard
au rapport des deux premiers experts, et annulant le rap
port du troisième, déboute les sieur et dame de Sarrasin de
leur demande en nullité du testament de M . de Sampigny;
ordonne qu’il sera exécuté selon sa forme et teneur, en con
séquence envoie chacun des héritiers en possession du lot
qui lui est attribué.
�(
5
)
Ce même jugement ordonne que M . de ^nnipigny, fils
aîné, sera tenu de délivrer aux sieur et dame de Sarrasin
des biens immeubles dépendans de la succession de son père
pour la somme de 1 35^50 fr., suivant l’estimation du sieur
Charles de Sampigny par son testament*, laquelle délivrance
sera faite par des experts et d’après l’indication qu’en fera
M . de Sampigny.
Ce jugement ordonne en outre le rapport au partage d’une
somme de Go,ooo fr. d’une part, et 20,000 fr. d’autre, dont
M . de Sampigny père a voit disposé au profit de M M . de Sam
pigny aîné et puîné.
Et condamne les sieur et dame de Sarrasin aux dépens.
O11 a dit, en commençant, que M . et M me de Sarrasin
étoient bien fondés à interjeter appel de ce jugement.
Il s’agit de justifier cette décision.
Un premier mal jugé dans ce jugement, que rien ne peut
justifier, résulte de ce qu’on fait rapporter à M me de Sar
rasin les deux domaines qui lui ont été donnés en avance
ment d’hoirie, pour 104,000 fr., prix des aliénations qui
en ont été faites par elle et par son inari 5 au lieu de les
faire rapporter sur le pied de l’estimation des experts, dans
la proportion de celle de tous les autres biens soumis au
partage.
M . de Sampigny, en faisant cette erreur dans son testament,
a pu être excusable\ il n’avoit peut-être pas sous les yeux
le contrat de mariage de sa fille*, il croyoit n’avoir donné
ces deux domaines à son gendre r/i/en jouissance, et non
en propriété.
On voit en effet, dans son testament, qu’après avoir fait
l’état de sa fortune, il s’exprime en ces termes : « A quoi
« il peut ajouter la somme de 104,000 liv. tournois, prove« riante de la vente que M . de Sarrasin, .mon gendre, époux
�( G )
« de ma fille Emilie de Sampigny, a fait des domaines, l’un
« appelé le Court, commune de Loubeyrat, canton de Manzat,
« et l’autre appelé les Trémailles, commune de Cliarbonnières« les-Vieilles, canton de Manzat, dont je lui ai abandonné la
« jouissance par son contrat de mariage, et q u il doit rap
ts. porter à la masse de mes biens. »
M . de Sampigny étoit donc dans la persuasion qu’il n’avoit
abandonné ces deux domaines à sa fille et à son gendre qu’e/i
jouissance, tandis qu’il lui avoit constitué ces deux domaines
d’une manière absolue et avec toute tradition de propriété.
Il supposoit d’ailleurs que c’étoit son gendre seul qui avoit
consenti la vente de ces deux domaines, tandis qu’ils avoient
été aliénés par la dame de Sarrasin, comme par son mari.
Partant de cette double erreur de fait, il entendoit que ces
deux domaines fussent rapportés ¿\ la masse de sa succession pour
la somme de 104,000 fi\, prix des aliénations qu’il croyoit en
avoir été faites par son gendre, sans droit ni qualité pour cela.
Mais il y a lieu de croire qu’il eût agi différemment, s’il
avoit été instruit de la vérité des faits.
Quoi qu’il en soit, et en supposant qu’il ait fait cette disposi
tion en connoissance de cause, elle n’en seroit pas plus valable.
La loi est si formelle à cet égard, qu’il est difficile de conce
voir comment le tribunal de première instance a pu s’en écarter;
elle est textuellement écrite dans l’article 860 du Gode civil,
qui est conçu en ces termes :
a L e rapport n’a lieu qu’en moins prenant, quand le dona(t taire a aliéné l’immeuble, avant l’ouverture de la succession;
« il est dû de la valeur de l immeuble a l ejjofjue de Vouverture. »
Il suffiroit de dire que la loi est écrite, et qu’il faut s’y
conformer, le x scripta, le x servanda.
Mais si on veut se permettre de la juger, il est facile d’en
reconnoitre la sagesse.
�(
7
)
On ne peut exiger le rapport en nature de l’iimneùble aliéné,
sans exposer le cohéritier qui a fait l’aliénation à des dommagesintérêts ruineux envers son acquéreur.
Ce seroit d’ailleurs violer la foi des contrats, paralyser les
translations, et réduire la propriété la plus absolue en un simple „
usufruit et en une jouissance précaire.
Il ne seroit pas plus juste de prendre pour base du rapport
le prix de l’aliénation.
Si ce prix étoit inférieur à la valeur réelle de l’immeuble
aliéné, ce seroit rendre tous les cohéritiers victimes de l'impru
dence ou de l’inconduite du cohéritier qui a fait l’aliénation.
S’il étoit supérieur, ce seroit le frustrer d’un profit qui n’est
dû qu’à son industrie personnelle, à l’art de saisir les occasions
favorables, de multiplier les ventes en détail, de profiter des
convenances, et de se prêter, pour les facilités, à ce que peut
exiger la position de chaque acquéreur.
La loi est plus juste, sa marche est uniforme, le cohéri
tier qui a aliéné en est quitte, en rapportant la valeur de
sa propriété au moment de l’ouverture de la succession ; toutes
les propriétés qui la composent, sont évaluées sur le même pied,
et justice est rendue à tous les intéressés.
C ’est en vain que le tribunal de première instance a cru
devoir appuyer sa décision sur la disposition de l’art. 843 du
Code civil, qui dit que « tout héritier, même bénéficiaire',
« venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers
« tout ce qu’il a reçu du défunt par donation entre - vifs,
« directement ou indirectement. »
Ces expressions directement ou indirectement signifient
que l’héritier n’est pas seulement tenu de rapporter ce qui
lui a ele donné d’une manière directe et légale, mais encore
ce qui lui a etc donné par des voies indirectes et détour
nées; et c’est ainsi qu’il faut entendre cette loi.
�(
8)
Mais c’est étrangement en abuser que de l’appliquer à
l’aliénation faite par un cohéritier d’un immeuble dont la
propriété lui étoit assurée par son contrat de mariage.; car
la loi prévoit, quelques articles après, ce cas particulier, et
clip décide formellement que le cohéritier, dans ce cas, est
dispensé du rapport en nature, et qu’il ne doit rapporter que
la valeur de l’immeuble à l ’époque de Vouverture de la suc
cession.
A u surplus, ce texte du Gode civil n’est que le résultat
des anciens principes et de la jurisprudence uniforme de tous
les tribunaux.
Papon, qu’on peut considérer comme notre plus ancien
arrêtiste, rapporte, livre 21, titre 7, un arrêt de Paris du 27
février i 55 i , par lequel il fut jugé que « celui qui a vendu
« la chose donnée n’est tenu la l'acheter, et rapporter après,
« mais qu’il doit fournir l’estimation de ladite chose, ayant
« égard au temps qu’il faut faire le rapport. »
Coquille, qui écrivoit dans le siècle suivant, nous dit aussi
dans ses instituts, au titre des D onations, que « les enfans
« doivent rapporter les choses données, si elles sont existantes,
« en bonne valeur, et sont en leur puissance. ♦ ,,.. et si les
« choses données sont hors de leur puissance, lors de la suc« cession échue, doivent rapporter la valeur et estimation. »
On retrouve les mêmes principes dans Lebrun, Traité des
Successions, liv. 3 , cliap. G, sect. 3 , n° 28.
Après avoir dit que « si le donataire est encore en posses« sion de l’héritage, régulièrement il doit le rapporter eu
« espèces ; » il ajoute qu’il y a exception a ce principe « quand
« le donataire a aliéné les choses données., »
Il discute ensuite la question de savoir si « l’estimaliou
k doit être prise eu égard au temps de la donation ou du
<f partage, ou même de la succession échue, » mais il ne lui
est
�( 9 y
.
■.
est pas venu en idée de mettre en question si celui cfui a
aliéné doit rapporter le prix de l’aliénation, et on ne trouve
pas dans un seul auteur la plus légère trace d’une pareille
question.
Si on vient à des auteurs plus récens, tels que Denizart
dans son Dictionnaire de Jurisprudence, on y lit ce qui suit,
au mot Rapport, n° 97 :
« Si le donataire n’a plus l’immeuble donné, en sa posses« sion, comme il avoit un juste titre pour l’aliéner, il n’est
« obligé, dans ce cas, que de rapporter l ’estimation qui doit
« se faire eu égard au temps du partage, parce que si le dona« taire avoit encore l’héritage, l’estimation s’en feroiteu égard
« à sa valeur à cette époque ; ce doit être la même chose quand
« il a été aliéné, parce que le fuit du donataire ne sauroit nuire
« à ses cohéritiers. »
Cet auteur ne fait encore aucune mention du rapport du
prix de l’aliénation; la seule difficulté qui se soit élevée sur
cette matière, a été de savoir si l’estimation de la valeur de
l’immeuble aliéné devoit être faite à l’époque de la donation,
ou à celle de l’ouverture de la succession, ou à celle du par
tage ; et le Code civil a fait cesser l’incertitude de l’ancienne
jurisprudence à cet égard, en faisant l’estimation à l’ouver
ture de la succession.
Mais c’est la seule discussion qui se soit élevée enlre les
auteurs sur cette matière; il n’y en a jamais eu sur le rapport
du prix de l’aliénation à la masse de la succession; et si 011 n’a
pas même osé élever cette question lorsqu’il n’y avoit pas de
loi expresse à ce^ égard , on concevra difficilement qu’elle
ait été élevée ^jg^apUis difficilement encore, qu’elle ait pu
être accueillie dans un temps où l’art. 8G0 du Code civil
décide lu question d’une manière aussi tranchante et aussi
absolue.
B
�(
10)
Ce n’est pas ]e seul grief que M. et M mo de Sarrasin aient à
opposer contre le jugement du 3o mai, pour justifier leur
appel.
Ce jugement ordonne l’exécution pure et simple du testa
ment de M . de Sampigny, et rejette la demande de M. et
M me de Sarrasin en nouveau partage : « Attendu, y est-il dit,
« q u e , suivant l’article 1079 du Code civil, la lésion de plus
« du quart autorise seulement à attaquer le partage, ou à
« en demander la vérification. »'
Ce qui suppose, en principe, qu’un père de famille qui
a institué tous ses enfans ses héritiers par égalité, n’en con
serve pas moins la faculté d’avantager celui qu’il juge à propos,
de la quotité disponible.
O u , si l’on veut, en d’autres termes, que celui qui a fait
une semblable institution, est dans la même position que celui
qui n’a rien fait, rien promis, qui est resté libre de sa fortune,
et qui a conservé toute la latitude que donne la loi.
Paradoxe étrange, qui choque également toutes les idées
reçues en législation et en morale!
Nous lisons, dans l’article 1082 du Code civil, que « les
« pères et mères et autres ascendans, les pareils collatéraux des
« époux, et môme les étrangers, pourront, par contrat de ma
ie riage, disposer de tout ou partie des biens qu’ils laisseront au
« jour de leur décès , tant au profit desdits époux, qu’au profit
« des enfans h naître de leur mariage. »
Et dans l’article io 8 3 , que « la donation dans la forme
« portée au précédent article , sera irréestsgable en ce sens
« seulement que le donateur ne pourra plus disposer, à titre
« gratuit, des objets compris dans la donation , si ce n'est
« pour sommes m odiques, à titre de récompense ou aulre<» ment. »
�Et la loi et la morale nous apprennent qu’un père qui
a institué tous ses enfans ses héritiers par égalité, de tous
les biens dont il mourrait vêtu et saisi, est lié irrévocable
ment, non pas seulement envers ses enfans, niais plus sévère
ment encore envers les familles auxquelles ils se sont unis.
Les contrats de mariage sont en effet des pactes de famille
d’autant plus sacrés, que tout y est corrélatif dans les dispo
sitions qui y sont stipulées, et que chaque convention est
censée dictée, de part et d’autre , par celte maxime : D o ut
des , fa cio ut facias.
?
On ne peut donc altérer ces dispositions et en atténuer les
effets, sans manquer à la foi solennellement promise , non pas
seulement à l’enfant qui en a été l’ob jet, mais h la famille
qui l’a adopté, dans la confiance qu’elles seraient fidèlement
exécutées.
Il n’y a d’exception à la rigueur de ces principes que
pour les dispositions tolérées par l’art. io 83 du Gode civil,
pour sommes modiques à titre de récompense ou autrement.
A cette exception près, tout est soumis à la loi de l'égalité,
et il n’étoit pas permis à M. de Sampigny de s’en écarter.
On peut dire plus; M . de Sampigny ayant disposé de
l’universalité de ses biens en mariant ses quatre enfans, il
avoit, par cela seul, renoncé à la faculté que donne la loi
aux pères de famille de faire le partage de leurs biens entre
leurs enfans.
C ’est ce qui résulte de la disposition de l’art. 1079 du Code
civil, qui est conçu en ces termes :
« Le partage fait par l’ascendant pourra être attaqué pour
î< cause de lésion de plus du quart;
« Il pourra l’etre aussi dans le cas où il résulterait du
« partage et des dispositions faites par préciput, que l'un des
u copartagés aurait un avantage plus grand que la loi ne
« le permet, »
�(
12
)
Ce qui a fait dire aux rédacteurs de cette loi, comme on
le voit dans les conférences du conseil d’état sur cet article,
qu’on n’a pas entendu accorder cumulativement au père le
droit de disposer au profit de ses enfans, et le droit de leur
partager son bien.
« Quand la loi a posé la limite, dit encore un des juris« consultes qui ont rédigé cette loi, elle auroit fait une chose
« inutile, si elle admettoit en même temps des dispositions
« propres à l’éluder.
« Il faudroit donc, ajoute-t-il plus bas, en admettant le par« tage, décider qu’il pourroit être rescindé pour la plus petite
« lésion. Il est bien plus simple de l’interdire tout à fait dans
« le cas dont il s’agit, comme le décide Varticle en discussion. »>
Il faut donc distinguer le cas où un père fait le partage
de ses biens, rebus integi'is, et sans avoir fait de dispositions
antérieures, du cas où il a déjà disposé de ses biens, et où
les choses ne sont plus entières.
Dans le premier cas, le partage ne peut être attaqué qu’au
tant qu’il y a lésion de plus du quart, parce que la loi donne
au père la plus grande latitude, pourvu qu’il n’excède pas
la quotité disponible.
Dans le second cas, au contraire, il doit lui être interdit
de faire le partage de ses biens, ou il faut admettre que ce
partage peut être attaqué pour cause de la plus légère lésion}
puisque, s’il en étoit autrement, Vun des copartages auroit
un avantage plus grand que la loi ne le permet.
La loi, en effet, n’en permet aucun dès qu’il y a des pactes
de famille qui assurent légalité; et il y en auroit d’immenses
au préjudice de M . et M me de Sarrasin, si on laissoit subsister
le partage dont il s’agit.
C ’est un fait démontré par un simple calcul.
H a été fait un double rapport par les experts.
�( i 3 )
Celui de l’expert qui ne s’est pas réuni aux deux autres,, porte
la fortune totale de M . de Sampigny à 1,208,667 fr. 75 cent.
Cet expert comprend dans cette estimation les deux domaines
de Trémailles et de Court pour 58, 45o fr.
L e quart qui revenoit à M 1^0 de Sarrasin, d’après la pro
messe d’égalité portée par son contrat de mariage, s’élèveroit
donc à 3 o 2,i 66 fr. 94 c.
Et il ne lui reviendroit, d’après ce rapport, que ces 58, 45o fr.
d’une part, et les 1 35,750 fr. que lui offre M . de Sampigny aîné,
en tout 194,200
au lieu ¿le 3o2,i66 fr. 94 c. que lui donne
ce rapport.
La lésion scroit donc de 107,966 fr. 94 c., et par conséquent
de beaucoup plus du tiers de ce que M me de Sarrasin avoit rigou
reusement à prétendre.
Si, au lieu de calculer la lésion de M me de Sarrasin d’après
ce rapport, on s’en réfère au rapport des deux experts réunis,
on trouve les résultats suivans.
Ils ont évalué la masse de la succession à 1,128,600 fr., et
ils comprennent dans cette masse les deux domaines de T ré
mailles et de Court pour 70,000 fr.
L e quart de cette somme qui revenoit de droit à M mB de
Sarrasin, est de 282,126 fr.
Et il ne lui reviendroit que 70,000 fr. d’une part, et les
1 35, 75o f. que lui offre M. de Sampigny aîné} en tout 205,7 5of.
Ce qui donne un déficit de 76,376 fr.
Et comme le quart de 282,125 fr. n’est que de 70,63 r fr. 25 c.,
il en résulte que même, en admettant ce rapport, dont l'estima
tion est de près de 100,000 fr. inférieure à celle du troisième
expert, il y auroit encore lésion du tiers au quart dans le partage
fait par M . de Sampigny entre ses enfans.
D e sorte qu’en dernière analise, en supposant même que
M. de Sampigny ne se fût pas lié envers M rao de Sarrasin par
�( 14 )
une institution qui lui assuroit l’égalité, et en supposant encore
qu’il eût fait son testament portant partage, rebus integris,
et avec toute l’indépendance du père de famille qui n’a pas fait
la plus légère disposition, ce partage n’en seroit pas moins
nul, et le jugement qui en a ordonné l’exécution, ne pourroit
manquer d’etre infirmé.
JDélihéré à Clermont-Ferrand, le 7 juillet 1817.
B O I R O T , ancien Jurisconsulte.
�iE C O N S E IL S O U S S IG N É , vu la copie signifiée d’un juge
ment rendu par le tribunal civil de l’arrondissement de Riom ,
le 3o mai dernier, entre M. et M™ de Sarrasin, d’une part;
M M . Dominique-François de Sampigny, Ignace-Hyacinthe
de Sampigny, d’autre part; et encore M . Ignace-Hyacinthe
de Sampigny-d’Isoncourt ;
que M . et M me de Sarrasin, et aussi M . de Sam
pigny-d’Isoncourt, sont bien fondés dans l’appel qu’ils ont inter
jeté de ce jugement; et qu’il doit être infirmé.
Avant de développer les moyens qui doivent justifier cette
décision, il est nécessaire de rappeler sommairement les faits
qui ont donné lieu au procès.
M . le comte Charles de Sampigny et M lle de S t-B elin , son
épouse, ont eu quatre enfans: trois fils et une fille, aujourd’hui
M me de Sarrasin.
Ces quatre enfans ont tous été mariés du vivant de leurs
père et mère.
Chacun d’eux a été institué, par son contrat de mariage, héri
tier universel de ses père et mère, conjointement et par portion
égale avec scs frères et sœur.
Il est dit particulièrement dans l’article 4 du contrat de
mariage de M lle de Sampigny avec M . de Sarrasin, que ses
père et mère l’instituent leur héritière générale et universelle
dans tous les biens dont ils mourront vêtus et saisis, con
jointement et p a r é g a l e p o i i T i o N avec leurs autres enfans,
conformément aux clauses et conventions énoncées au contrat
de mariage d’ Ignace - Hyacinthe de Sampigny, l’ un de leurs
fils , marié quelques mois auparavant.
La même institution se retrouve, dans les mêmes termes,
dans les contrats de mariage de chacun des enfans de M. et de
M me de Sampigny.
E
st d ’ a v i s
�( 16 )
Il importe d’observer ici que, par une cîause du contrat de
mariage de M Ile de Sampigny avec M . de Sarrasin, il est dit
que « M . et M me de Sampigny, en avancement de leur future
« succession, lui ont constitué solidairement un trousseau, etc., »
et en outre, « deux domaines situés dans la commune de
« Loubejrat, l’un appelé les Trémailles* et l’autre appelé du
« Court, » avec leurs circonstances, dépendances et cheptels
de bestiaux.
Ces domaines ont été aliénés par M . et M ma de Sarrasin,
moyennant la somme de 104,000 fr.
M me de Sampigny a prédécédé son mari.
M . de Sampigny est mort au mois de juillet 181 4 , laissant
un testament contenant partage de ses biens entre ses enfans.
M . de Sampigny évalue tous ses biens par ce partage à la
somme de 959,000 fr., en y comprenant les domaines de
Trémailles et de Court, donnés à M me de Sarrasin, en avan
cement d’hoirie, pour la somme de io 4 ,oo ofr., prix des alié
nations qui en avoient été faites par M . et M me de Sarrasin.
Il compose le Jot de M me de Sarrasin de cette somme de
104,000 fr., et charge le sieur de Sampigny, son fils aîné,
de lui payer une autre somme de 135,^50 fr. \ ce qui porte
le lot de M mo de Sarrasin à 239,^5o fi\, formant le quart de
celle de 959,000 fr., montant total de la valeur des biens de
M . de Sampigny, d’après l’estimation portée en son testament.
M . et M mo de Sarrasin ont reconnu que ce testament portoit
atteinte aux droits héréditaires de ladite dame de Sarrasin,
à l’égalité qui lui avoit été assurée par son contrat de mariage;
ils ont reconnu, en deuxieme lieu, qu’ils ne dévoient le rapport
des domaines de Trémailles et de Court qu’ils avoient aliénésj
que suivant la valeur au jour du décès de M. de Sampigny, et
non le rapport du prix des ventes qu’ils en avoient laites: ils
ont eu conséquence refusé d’exécuter le testament de M. de
Sampigny,
�6 i>
( >7 ) '
Sampigny; ils ont demand^ que.}sans y avoir égard , , il fut
procédé à un-nouveau partage, suivant les formes ordinaires.,
Sur cette demande, un premier jugement a ordonné l’es’*1 ■ ' ‘ » •' ' ' ; i »' I* • :i:. ' ;•
timation des biens dépendans de la succession. de,M. de Sam
pigny; trois experts ont été ¡nommés par le même jugement
pour
procéder
à cette
estimation. r;i « -i)•.
, 1;f i r) . rr' .r- . , >«'b
i'
1
r
,
,
Un deuxième jugement a ordonné que( les domaines;de
Trémailles et de Court seroient compris dans cette estimation.
Les trois experts nommés pour procéder à. cette opération,
n’ont pu se concilier} deux ont été d’un avis uniforme, et
ont rédigé leur rapport conjointement; le troisième a donné
un rapport séparé.
Les deux experts réunis ont porté leur estimation à la somme
de i ,I28,5 oo fr., et compris dans cette masse les deux domaines
de Trémailles et de Court pour 70,000 fr.
L ’expert qui a donné son rapport séparément, a porté la
masse totale des biens de M . de Sampigny à 1,208,667 fr. 7$ c.,
et n’a compris dans cette masse les domaines de Trémailles
et de Court que pour une somme de 58,4 5 o frC ’est dans. cet état de la cause que le tribunal de R lom
a rendu son jugement définitif ; il est à remarquer que M . de
Sampigny-d’ Isoncourt s’en est rapporté ci droit sur les conclusions
respectivement prises par M. et M m0de Sarrazin, et parM . Dominique-François et M . Ignace-Hyacintlie de Sampigny, ses frères.
L e tribunal de lliom s’est proposé les questions suivantes:
i°. Si les sieur et dame de Sarrasin devoient le rapport de
la somme de 104,000 fr., prix des aliénations qu’ils avoient
faites des domaines de Court et de Trémailles, ou seulement
celle de 58,45o fr., montant de l’estimation de ces domaines
par 1 expert qui avoit donné son rapport séparément, ou celle
.de 70,000 fr., montant de la valeur donnée à ces mêmes do
maines de Court et de Trémailles par les deux experts réunis.
�W-
( ! 8 .}
2°. Si, dans le cas où il seroit jugé que les sieur et dame de
Sarrasin feroient le rapport de la somme de io/|,ooo fr., il y
auroit l é s i o n , aux termes de l’art. 107g du Code civil, dans le lot
qui leur étoit attribué par lè testament du sieur de Sampigny
père, et si, dans le cas contraire, le partage fait par ledit sieur
de Sampigny devoit être maintenu.
Sur ces questions, lë tribunal, à la suite de très-longs motifs,
à débouté les sieur et dame de Sarrasin de leur demande en
nullité du testament du feu sieur de Sampigny, a ordonné qu’il
seroit exécuté suivant sa forme et teneur, et condamné les sieur
et dame de Sarrasin aux dépens.
On va maintenant établir et justifier l’opinion qu’on a cidessus émise, et suivant laquelle ce jugement doit être infirmé.
La première réflexion qui se présente à l’esprit,.après avoir
pris connoissance du jugement qu’on vient d’analiser, c’est
que lè tribunal qui l’a rendu ne s’est nullement occupé de
la question qui dfevoit, avant tout, fixer son attention; de la
question de savoir si M . de Sampigny père ayant institué
chacun de sës enfans, par son contrat de mariage, son héri
tier général et universel de tous les biens dont il mourroit
vêtu et saisi, par portion égale avec ses autres enfans, il avoit
p u , par un testament postérieur, partager entre ses enfans les
biens qui devoient se trouver dans sa succession.
Cette question, on le répète, étoit la première qui devoit
fixer l’attention des juges; car s’il étoit reconnu et juge sur
cette question que M . de Sampigny, en instituant chacun de
ses enfans son héritier général et universel, par portion égale
avec scs autres enfans, avoit épuisé tous ses droits sur sa suc
cession, la nullité du partage porté en son testament en étoit
la conséquence nécessaire; parce qu’alors il auroit fait ce qu’il
ne p o u v o i t pas faire, ce qu’il n’avoit pas le droit de faire; et
par suite, il 11’y avoit plus à examiner s’il y avoit ou non, dans cë
�*
9
)
partage, ‘lésion suffisante pour en faire prononcer la nullité,
(
c’est-à-dire, une lésion de plus d’un quart.
Nous allons établir, sur cette première question, que M . de
Sampigny père avoit épuisé tous ses droits sur les biens qui
se trouvoient dans sa succession, par les institutions portées
aux contrats de mariage de chacun de ses cnfans, et que par
suite, le partage qu’il en a fait entre eux est un acte absolu
ment nul, puisqu’il a fait ce qu’il ne pouvoit pas faire.
Nous établirons, en second lieu, que M . et M me de Sarrasin
ne doivent rapporter à la succession de M . de Sampigny les
domaines de Trémailles et de Court que pour leur valeur
au moment de l’ouverture de sa succession, et non le prix
des ventes qu’ils en ont faites.
Nous établirons, en troisième lieu, qu’en réduisant le rap
port des domaines, donnés en avancement d’hoirie à M me de
Sarrasin par son contrat de mariage, à la valeur de ces do
maines au moment du décès de M. de Sampigny, il y a, dans
le partage fait par son testament, lésion de plus du quart au
préjudice de M me de Sarrasin.
PREMIÈRE PROPOSITION.
Pour reconnoitre et juger si M . de Sampigny a pu faire
entre ses enfans le partage des biens qui se trouveraient dans
sa succession, après avoir institué chacun d’eux sou héritier
universel par portion égale, par leur contrat de mariage,
il faut se iixer sur la nature et les effets de l’institution con
tractuelle.
L institution contractuelle est une disposition d’un genre
tout particulier, une disposition mixte, c’est-à-dire, qui par
ticipe tout à la fois de la nature de la donation entre-vifs, et de
la nature des dispositions à cause de mort.
�(20)
Elle participe de la donation entre-vifs, en ce qu’elle est
irrévocable.
Elle participé des dispositions à cause de morl , en ce qu’elle
n’a d’effet qu’après le décès de l’instituant.
Les institutions d’héritier par acle entre-vifs, ont toujours
été sévèrement proscrites par le droit romain; elles ont été
admises dans notre droit français, par suite de la grande faveur
accordée aux contrats de mariage; elles ne peuvent avoir lieu
que dans ces actes.
L ’irrévocabilité de l’institution contractuelle a toujours été
reconnue et professée par les jurisconsultes les plus recommandables; et ce caractère d’irrévocabilité lui a été expressé
ment attribué par une disposition très-précise de l’ordonnance
de 1747? nrt' 12 du titre i cr. Cette i r r é v o c a b i l i l é lui a été de
nouveau attribuée par l’art. i o 83 du Code civil, en ce sens,
y est-il dit, que l’instituant ne pourra plus disposer à titre
gratuit des biens compris en l’institution, si ce nest pour
somme modique à titré de récompense ou autrement.
L ’irrévocabilité de l’institution contractuelle porte tout A la
fois sur le titre d’héritier donné à l’institué, dont il n’est plus
au pouvoir de l’instituant de le p riv e r, et sur les biens de
l’instituant, en ce sens qu’il ne peut plus en disposer a titre
gratuit que pour somme modique, ni porter aucune atteinte,
soit directement, soit indirectement, aux droits qu’il a transmis
à l’institué sur tous les biens qu’il délaisseroit au jour de son
décès. « Il est constant, dit l’auteur du Répertoire universel de
« Jurisprudence , au mot Institution contractuelle} § 8 , n° 6 ,
« qu’une institution consignée dans un contrat de mariage ne
« peut plus etre détruite par quelque disposition universelle
« que ce soit; il n’importe même que ces dispositions tombent
« directement sur l’institution contractuelle, ou qu’elles ne la
« révoquent qii^indirectement; elles ne sont pas plus valables
« dans un cas que duhs l’autre. »
�(21
)
éu
Dans l’espèce dont il s’agit, le testament de M . de Sam*
pigny, contenant partage de ses biens entre ses enfans, est
bien évidemment une disposition universelle qui tombe au
moins indirectement sur l’institution portée au contrat de
mariage de M me de Sarrasin.
Cette institution lui assuroit l égalité avec ses frères; or, cette
égalité, même dans le système adopté par le tribunal de Iliom ,
seroit considérablement blessée par le partage porté au testa
ment de M. de Sampigny. Sous ce premier rapport, le partage
fait par M. de Sampigny seroit frappé d’une nullité radicale,
parce qu’il n’étoit pas au pouvoir de M . de Sampigny de porter
atteinte à l’égalité promise à M me de Sarrasin, par l’institution
portée en son contrat de mariage.
Ce qu’on vient de dire s’applique également à M . de Sampigny-d’Isoncourt ; l’institution portée en son contrat de ma
riage lui assuroit, et irrévocablement, une entière et parfaite
égalité avec ses cohéritiers; le partage porté au testament de
M . de Sampigny blesseroit grièvement cette égalité, puisque,
d’après l’exposé fait au Conseil, ce partage lui feroit éprouver
une perte d’environ 60,000 fr. ; il est donc bien fondé dans
l’appel qu’il a interjeté du jugement qui ordonne l’exécution
de ce partage.
Mais il y a plus ; dans le cas même où M . et M mo de
Sarrasin et M . de Sampigny-d’ Isoncourt se trouveroient rem
plis intégralement de la valeur de leurs droits héréditaires,
par les lots que leur attribue le testament de M . de Sampigny,
le partage porté en ce testament n’en seroit pas moins n u l,
parce que, dans ce cas même, il porteroit encore atteinte aux
droits héréditaires de M ms de Sari'asin et de M- de Sampignyd’Isoncourt.
En effet, M me de Sarrasin et M . d’Isoncourt, en vertu des
institutions portées en leur contrat de mariage, avoient, comme
�(
22
)
chacun de leurs cohéritiers, un droit indivis dans tous et chacun
des biens dépendans de la succession de M . de Sampigny.
Si parmi ces biens il s’en trouvoit qui fussent plus particulière
ment à leur convenance, ou pour lesquels ils eussent une
préférence quelconque, ils avoient au moins l’espérance de les
obtenir par l’événement du partage qui en aurait été fait suivant
les formes ordinaires : le partage fait par M . de Sampigny
les prive de cette espérance, inhérente à l’exercice de leurs
droits indivis: donc, sous ce rapport, ce partage porteroit atteinte
aux droits qui ont été irrévocablement acquis à M me de Sarrasin
et à M . de Sampigny-d’ Isoncourt, par les institutions portées
en leurs contrats de mariage \ et par suite il seroit encore frappé
de nullité.
Enfin , le partage porté au testament de M . de Sampigny
est nul sous un troisième rapport ; il est nul par défaut absolu
de pouvoir dans M. de Sampigny, pour disposer des biens
qu ’il délaisseroit au jour de son décès, après les institutions
portées aux contrats de mariage de ses quatre enfans.
Par l’effet de ces institutions, la succession de M . de Sam
pigny appartenoit à ses enfans \ ils en étoient saisis irrévocable
ment pour l’instant où elle s’ouvriroit : M . de Sampigny n’avoit
plus aucun droit sur les biens qui se trouveroient dans sa
succession ; il s’en étoit entièrement dessaisi : il ne pouvoit
donc plus en disposer de quelque manière que ce f û t , car
on ne peut pas disposer de ce qui a cessé de nous appartenir.
Si l’article 10^5 du Code civil autorise les pères et mères, et
■autres ascendans, à faire le partage de leurs biens entre leurs
enfans et descendans, c’est dans le cas seulement où ils en ont
la libre disposition.
A u x termes de l’article 1082, les pères, mères, et tous autres
peuvent, par contrats de mariage, disposer, en tout ou partie,
des biens qu’ils délaisseront au jour de leur décès, en faveur
�•
6 w>
C »3 )
des futurs époux et de leurs enfans à naître, et l’article i o 83
déclare ces dispositions irrévocables. I l est évident que les pères
et mères qui ont usé de la fa cu lté accordée par Varticle 1082,
pour la totalité des biens qui se trouveront dans leurs succes
sions, nont plus nen dont ils puissent ultérieurement disposer.
M . de Sampigny avoit institué ses quatre enfans ses héritiers
universels, et par égale portion, de tous les biens dont il mourroit vêtu et saisi ; il avoit donc épuisé tous ses droits sur sa
succession ; il ne pouvoit donc plus en disposer : le partage qu’il
en a fait postérieurement, est: donc, sous ce dernier rapport,
frappé de la nullité la plus radicale et la plus absolue ; car le
plus grand vice qui puisse se rencontrer dans un acte, c’est
le défaut de pouvoir dans son auteur.
Nous passons à notre seconde proposition.
SECONDE
PRO PO SITIO N .
Nous avons dit que M . et M m0 de Sarrasin ne devoient le
rapport des domaines de Trémailles et de Court, donnés à
M me de Sarrasin en avancement d’hoirie, que suivant leur
valeur à l’époque de l’ouverture de la succession de M i de
Sampigny, et non le rapport du prix des aliénations qu’ils en
ont faites, comme l’a décidé le tribunal de Riom.
L ’article 860 du Code civil a , à cet égard, une disposition
si expresse et si positive, qu’on a peine à concevoir que le
tribunal de Riom ait pu la inéconnoître. Cet article porte
textuellement :
« L e l'apport n’a lieu qu’en moins prenant, quand le dona« taire a aliéné l’immeuble avant l’ouverture de la succession :
« il est du de la valeur de l’immeuble à l’époque de l’ouver« ture. »
A
�-K
*
( s -4 )
I\ien de plus clair, rien de plus précis, rien de plus exprès
et de plus positif, et en même temps, rien de plus sage et de
plus juste que cette disposition.
En effet, si l’immeuble sujet à rapport n’eût pas été aliéné,
s’il eût été rapporté en nature, il n’auroit pu entrer dans la
niasse de la succession que pour sa valeur. La l o i , en or
donnant que s’il a été aliéné, le donataire en rapportera la
valeur au moment de l’ouvertuve de la succession , fait ren
trer dans la masse commune tout ce qui y seroit entré s’il
n’eût pas été aliéné.
L e donataire étoit propriétaire de l’immeuble qui lui avoit
été donné; il avoit le droit de l’aliéner; la perte ou le bé
néfice qui ont pu résulter de l’aliénation, lui sont personnels ;
ils sont absolument étrangers à ses cohéritiers, qui ne pour
raient pas être tenus de supporter la perte, et qui, par suite,
ne peuvent participer au bénéfice. Tout ce qu’ils ont droit de
prétendre, c’est de faire rentrer dans la masse de la succession ,
une valeur égale à celle qu’y auroit fait entrer le rapport de
l ’immeuble en nature, s’il n’eût pas été aliéné : l’article 860
ordonne le rapport de cette valeur; les cohéritiers du dona
taire sont donc pleinement désintéressés.
A u surplus, l’art. 8G0 du Gode civil n’a pas établi un droit
nouveau; il n’a fait que consacrer le droit préexistant.
Deni/.art, au mot Rapport, n° 9, s’exprime ainsi:
« Si le donataire n’a plus l’immeuble donné, en sa possession,
« comme il avoit un juste titre pour l’aliéner, il n’est obligé
« dans ce cas que de rapporter l’estimation qui doit se faire
« au t e m p s du partage, parce que si le donataire avoit encore
k l'héritage, l’estimation s’en feroit, eu égard à sa valeur à
« cette époque. »
« L e rapport ep uature cesse, dit Bourjon, Traité du droit
» pomwun de la F ra n ce, titre 1er, page f à i , si le fils a aliéné
« sans
�(
>5
)
« sans fraude l ’immeubleà lui donné en avancement d’hoirie;
« en ce cas, il fait le rapport suivant l’estimation ; cette esti« raation doit se faire eu égard au temps de l’ouverture de la
« succession ; c’étoit alors que le rapjDort à la masse devoit s’cn
« faire, c’est donc eu égard à ce temps qu’on doit l’estimer. »
Nous trouvons les mêmes principes dans Potliier, en sou
Introduction, au titre des Successions de la Coutume'd’Orléans,
n°92:
« Lorsque l’enfant a aliéné l’immeuble qui lui a été donné,
« si l’aliénation qu’il en a faite a été volontaire, il ne doit pas
« le l’apport du prix pour lequel il a été vendu*, mais il demeure
« toujours débiteur de l’héritage en nature, car il ne peut par
« son fait changer l’objet de son obligation. Mais comme il ne
« peut remplir cette obligation, n’ayant plus l’héritage, il doit
« rapporter le prix qu’il vaut au temps du partage, soit qu’il
« soit plus considérable, soit qu’il soit moindre que celui pour
« lequel il a été vendu. »
On n a pas besoin de remarquer que ces principes s’ap
pliquent, d’une manière bien directe, à l’espèce dont il s’agit;
nous les trouvons dans le Répertoire universel de Jurispru
dence, au mot Rapport à succession , § 8 , 1 1 * 7 .
« Si l’aliénation a été volontaire, y est-il dit, il ne suffit pas
« et on n’est pas obligé de rapporter le prix qu’ou en a tiré;
« on doit alors l’estimer dans l’état ou il se trouve au moment
« du partage, et obliger le donataire de le rapporter, non pas à la
« vérité en nature, puisqu’il ne l’a pas, mais sur le pied de cette
« estimation. »
‘
Il seroit inutile d’accumuler un plus grand nombre de
citations;les autorités que nous venons de rapporter, établissent
suffisamment que l’article 860 du Code civil n ’a fait que confir
mer le droit ancien; et il en résulte que le tribunal de Riom,
eq. oydonnaj.it que
de Sarrasin rapporteront à la masse de
�( 26 )
la succession de M . de Sampigny, son père', la! somme de
io 4,ooo fr., montant du prix des ventes des domaines de Court
et de Trémailles, au lieu d’ordonner le rapport de ces domaines,
suivant leur valeur, à l’époque de l’ouverture de sa succession,
a contrevenu tout ?i la fois au droit ancien et nu droit nouveau.
L e tribunal de Riom a principalement motivé sa décision
sur l’article 843 du Code c iv il, qui veut que tout héritier
venant à une succession , y rapporte tout ce qu’il a reçu du
défunt, directement ou indirectement ; le tribunal de Riom a
dit que ces mots directement ou indirectement s’appliquoient
évidemment aux sieur et dame de Sarrasin, qui avoient reçu
directement de M. de Sampigny les domaines de Court; et
de Trémailles, et qui avoient indirectement, à l’occasion de
la vente des mêmes domaines, reçu la somme de 104,000 francs,
qui en a été le prix; le tribunal de Riom a dit encore, à
l’appui de sa décision , qu’il falloit concilier l’article 860 du
Code civil avec l’article 84-3 , et cniin, expliquer l’article 860 par
le droit commun et la doctrine générale des auteurs, qui
ne permettent pas à un des cohéritiers de s’arroger exclusi
vement le bénéfice d’un traité relatif aux affaires d’une suc
cession indivise.
On ne peut s’empêcher de le d ire , tout est erreur dans
ces motifs.
Et d’abord, le tribunal de Riom a bien mal saisi le sens
de ces expressions directement ou indirectement, employées
dans l’article 843 , lorsqu’il a dit qu’elles s’appliquoient évi
demment a u x sieur et dame de Sarrasin, qui avoient reçu
directement de M. de Sampigny les domaines de \Court et de
Trémailles, et indirectement la somme do 104,000 fra n cs, qui
en a été le prix.
L e mot indirectement, employé dans l’article 843 , ne peut
être appliqué qu’aux libéralités qu’un cohéritier pourroit avoir
�6v
(
27
)
reçues du défunt par' des voies détournées , et non pas aux
bénéfices qu’un cohéritier donataire peut avoir obtenus par
la vente des objets qui lui avoient été donnés. L e cohéritier
donataire ne peut etre tenu qu’au rapport de ce qu’il a reçu
du défunt , et ce n’est pas de lui qu’il a reçu, ni directement-,
ni indirectement, le bénéfice qu’il a pu faire par la vente des
biens qui lui avoient été donnés. Dans l’espèce, M . et M mè de
Sarrasin n’ont reçu de M . de Sampigny que les domaines de
Court et de Trémailles ; ils n’ont pas reçu de lu i, directe
ment ni indirectement, l’excédant de valeur de ces domaines
qu’ils ont pu obtenir par les ventes qu’ils en ont faites : ce
bénéfice n’est nullement sorti de la masse des biens de M . de
Sampigny*, il ne peut donc être sujet à rapport.
L e tribunal de lliom a dit qu’il falloit concilier l’article
860 du Code avec l’article 843 , et expliquer l’article 860
par le droit commun et la doctrine des auteurs, qui ne per
mettent pas qu’un cohéritier s’arroge exclusivement le bénéfice
d’un traité relatif aux affaires d’une succession indivise.
Mais en premier lieu , les articles 843 et 860 du Code ne
présentent aucune contradiction , ni réelle, ni apparente, et
conséquemment, ils n’ont pas besoin d’être conciliés.
L ’art. 843 veut que tout héritier venant à une succession,
y rapporte tout ce qu’il a reçu du défunt, soit directement,
soit indirectement.
L ’art. 8G0 n’a rien de contraire à cette disposition, puis
qu’il règle uniquement le mode de rapport de l’immeuble
aliéné par le cohéritier donataire.
Lu second lieu, suivant le droit commun attesté par les
autorités qui ont été rapportées ci-dessus, le rapport de l’im
meuble aliéné par le cohéritier donataire, a toujours consisté
dans la valeur de cet immeuble, et l ’art. 8G0 n’a fait que
confirmer cet ancien droit.
�( 28 )
La seule innovation qu’on puisse remarquer clans l’art. 860,
c’est, que clans l’ancien droit, l’immeuble sujet à rapport, qui
avoit été aliéné, s’estimoit eu égard au temps du partage, et
qu’aux termes de l’art. 860, sa valeur doit être fixée eu égard
nu temps de l’ouverture de la succession.
Cette époque pour l’estimation de l’immeuble sujet à rap
port, qui a été aliéné, est beaucoup plus convenable, car c’est
au moment de l’ouverture de la succession que l’immeuble
sujet h rapport seroit entré clans la masse, s’il n’eût pas été
aliéné; c’est donc sa valeur à cette époque qui doit être
rapportée.
. En troisième lieu, la vente d’un immeuble sujet à rapport
par le donataire, n’est pas un traité relatif aux affaires d’une
succession indivise ; c’est un acte exclusivement personnel au
donataire qui ne fait qu’user de son droit de propriété, lorsqu’il
vend la chose qui lui a été donnée. L e rapport de cet im
meuble, auquel il peut être éventuellement assujetti, ne lui
en interdit pas l’aliénation; la loi elle-même l’autorise, puis
q u ’elle a pris soin de régler comment le rapport dans ce cas
en seroit effectué. E n fin , comment la vente par le donataire
d’un immeuble sujet à rapport, pourrait-elle être un traité
relatif aux affaires d’uue succession indivise, lorsqu’elle a lieu
avant l’ouverture de la succession ¿1 laquelle le rapport pourra
en être dû, puisqu’au moment de la vente cette succession
n’existe pas ?
11 seroit inutile de se livrer à une plus ample réfutation des
motifs exprimés au jugement dont il s’agit.
i
TROISIÈME PROPOSITION.
Nous avons dit qu’en réduisant le rapport des domaines
�(
29
)
de Court et de Trémailles î\ la valeur de ces domaines à
l’époque de l’ouverture de Ici succession de M . de Sampigny,
il y a, dans le partage contenu en son testament, lésion de
plus d’un quart au préjudice de M me de Sarrasin , d’où la
conséquence que ce partage devroit être déclaré nul dans
le cas môme où M . de Sampigny auroit eu, au moment de
son décès, la libre disposition des biens de sa succession.
Celte proposition s’établira par une simple opération do
calcul.
■
M . de Sampigny a composé le lot de M m8 de Sarrasin,
i°. du rapport des domaines de Court et de Trémailles, qu’il
porte à 104,000 fr., montant des aliénations qui en ont été
faites; 2°. d’une autre somme de i35,75o fr., qu’il charge son
fils aîné de lui payer. Ces deux sommes réunies montent à.
celle de 23g,750 fr., formant le quart de celle de 959,000 fr.,
à laquelle M . de Sampigny a évalué par son testament l’uni
versalité de ses biens.
Trois experts ont été nommés pour l’estimation de ces
mêmes biens; deux ont été d’un avis uniforme, et ont porté
la masse totale des biens dépeudans de la succession de M . de
Sampigny à 1,128,500 fr. ; ils n’ont compris les domaines de
Court et de Trémailles dans cette estimation que pour une
somme de 70,000 fr.
L e rapport du troisième expert porte la masse totale des
biens de M. de Sampigny à 1,208,667 fr- 7$ cent., et les
domaines de Court et de Trémailles ne sont compris dans
cette estimation que pour 58, 45o fr.
D ’après l’estimation des deux experts réunis, inférieure de
80,106 fr. 25 c. à celle de l’expert qui a donné son rapport
séparément, il y a lésion de plus d’un q u a r t , au préjudice
de M “ 8 de Sarrasin, dans le partage q u e c on t i e n t le testament
de M. de Sampigny, son père.
�{-
0
( 3o )
La masse totale des biens de M . de Sampigny étant portée par
le rapport des deux experts réunis à la somme de i, 128,600 fr.,
le quart de cette masse revenant à M me de Sarrasin est de
282.125
fr.
7
0
A u lieu de cette somme de 282,125 fr., M me de Sarrasin
ne recevroit, d’après le partage porté au testament de M . de
Sampigny, qu’une somme de 70,000 fr. dans les domaines de
Court et de Trémailles, et une autre somme de i39,5oo liv .;
ce qui, abstraction faite de la différence entre la valeur de
la livre tournois et celle du franc, ne formeroit qu’une
somme de 209,5 oo fr.
M roo de Sarrasin ne recevant que 209,500 fr., au lieu de
282.125 fr., elle éprouveroit une perte de 72,625 fr., et conséquemment une lésion de plus du q u a r t , puisque le quart
de 282,12.5 fr. n’est que de 70,531 fr. 25 c. Sous ce dernier
point de vue, en supposant que M . de Sampigny eût eu
la libre disposition de ses biens lors du partage qu’il en a
fait, ce partage devroit donc encore être déclaré nul.
En résumant tout ce qui vient d’être dit;
L e testament de M . de Sampigny, contenant partage de
ses biens entre ses enfans, est nul, parce qu’il porte atteinte
à l’égalité assurée à M me de Sarrasin et à M . de Sampignyd’Isoncourt, par les institutions portées en leur contrat de
mariage.
Il est encore n u l , par défaut absolu de pouvoirs dans
M . de Sampigny, qui avoit épuisé tous ses droits sur sa succes
sion , par les institutions portées aux contrats de m ariage de
chacun de ses enfans.
L e tribunal de R io m , en ordonnant que M me de Sarrasin
rapporteroit la somme de 104,000 francs, prix de l’aliéna
tion des domaines de Court et de Trémailles, qui lui a voient
été constitués en avancement d’h o irie , a , directement et
\
�(3 1 )
formellement, contrevenu au droit ancien et au droit nouveau,
c’est-à-dire, à l’article 860 du C ode civil, d’après lequel le
rapport de l'immeuble qui y est sujet, et qui a été aliéné,
n’est dû. que suivant sa valeur à l’époque de l’ouverture de
la succession.
L e rapport des domaines de Court et de Trémailles réduits
à la valeur qui leur est fixée par les deux experts réunis ,
il y a lésion de plus du quart, au préjudice de M me de
Sarrasin, dans le partage porté au testament de M. de Sampigny.
On persiste donc à penser que M . et M me de Sarrasin ,
ainsi que M. de Sampigny-d’ Isoncourt, sont bien fondés dans
l’appel qu’ils ont interjeté du jugement du tribunal de Riom ,
du 3 o mai dernier, et que ce jugement doit être infirmé.
Délibéré à Paris, ce 21 août 1817.
Signes, D U F R E S N E A U , L A C A L P R A D E S ,
B E R R Y E R , T R I P I E R et B O N N E T .
�
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Factums Godemel
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[Factum. Sampigny, Antoinette de. 1817]
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Boirot
Dufresneau
Lacalprades
Berryer
Tripier
Bonnet
Subject
The topic of the resource
successions
testament olographe
émigrés
avancement d'hoirie
égalité des héritiers
puissance paternelle
lésion
partage
démolition de châteaux
experts
châteaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour madame Antoinette de Sampigny, et Monsieur Jean-Louis de Sarrasin, son mari, et pour monsieur Ignace-Hyacinthe de Sampigny-d'Isoncourt, appelans ; contre MM. Dominique-Louis-François, et Ignace-Hyacinthe de Sampigny, intimés.
note manuscrite : « les parties se sont arrangées sur l'appel. »
Table Godemel : Donataire : l’enfant donataire qui a vendu avantageusement les immeubles reçus par lui en avancement d’hoirie, est-il fondé à n’en rapporter la valeur que sur le pied de l’estimation proportionnelle de tous les biens, à l’époque de l’ouverture de la succession, ou, au contraire, peut-il être tenu de rapporter intégralement le prix de vente ? Partage : 19. le père de famille qui, par diverses dispositions contractuelles, a institué tous ses enfants ses héritiers par égalité, a-t-il, comme s’il ne s’était point lié et fut resté libre de sa fortune, la faculté d’accroître indirectement, par un partage testamentaire, la part de l’un de ses enfants, jusqu’à concurrence du quart, ou même d’une moindre quotité ? les enfants lésés peuvent-ils se refuser à l’exécution de cette distribution des biens, et demander un nouveau partage pour maintenir l’égalité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1817
An 2-1817
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2417
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
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fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2416
BCU_Factums_G2418
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Gerzat (63164)
Bussières-et-Pruns (63061)
Effiat (63143)
Riom (63300)
Loubeyrat (63198)
Denone (château de)
Manzat (63206)
Charbonnières-les-Vieilles (63093)
Le Court (domaine de)
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Domaine public
avancement d'hoirie
chateaux
démolition de châteaux
égalité des héritiers
émigrés
experts
lésion
partage
puissance paternelle
Successions
Testament olographe
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7b1b976c0ec30e9a36468ff71b6bd49d
PDF Text
Text
ME MO I R E
TRIBUNAL
CIVIL
SERVANT DE DÉFENSES,
P O U R
MM.
et I g n a c e Comtes D E S A M P I G N Y ,
•
'
D o m i n i q u e - L o u i s - F r a n çois ,
H ya cin th e ,
défendeurs ;
•
c o n t r e
Dame É m i l i e D E S A M P IG N Y et M. D E
S A R R A Z I N ? son époux , demandeurs
EN
PRÉSENCE
,
De M. I g n â c e - H y a c i n t h e Comte D E SAMP I G N Y D 'ISSO N CO U R T, aussi défen
deur.
Arbitrium patris summum judicium esto.
Loi des douze Tables.
M . d e S a m p i g n y père a fait le partage de ses biens
immeubles entre scs quatre enfans, par un testament
olographe. Son intention b ien connue, et formellement
DE RIOM.
�•
■
.
'
.
( 3 )
exprim ée, étoit de prévenir toute discussion dans sa fa
m ille, d’éviter le morcellement de ses biens, et de n’ user
de la faculté que lui donne la lo i, que pour le plus grand
avantage de ses enfans.
M . de Sam pigny, bon citoyen, ami gén éreu x, le plus
tendre des pères, liomme juste', doué d’un grand dis
cernement, a laissé un monument de sagesse et d’affection
pour ses enfans, qu’il aimoit avec une égale tendresse •, ils
dévoient chérir sa m ém o ire, et respecter ses volontés.
Par quelle fatalité son testament n’est-il qu’ un brandon
de discorde ? quel m otif a pu diriger M . de Sarrazin
dans ses attaques ? Un g e n d re , il est v r a i, n’a pas toujours
la même affection, le même respect, lorsqu’il s’agit de
ses intérêts : mais il a entraîné dans son parti l’un de
ses beaux-frères, qui a peut-être des motifs pour faire
croire que sa portion héréditaire doit être plus consi
dérable; et, sans égard pour les convenances, il devient
aussi l’adversaire de ses frères, et se réunit pour demander
la nullité du testament de son père.
A la v é rité , M . Sampigny d’Issoncourt n’est pas dans
les qualités de la demande; mais on connoît son calcul,
ainsi que celui de son associé. En faisant former l’action
par M . de Sarrazin, il y a plus de deux parties; 011 évite
le bureau de p a ix , et tous les préliminaires de la conci
liation. D ’un autre coté, l’un des défendeurs se présente
pour acquiescer à la demande, et c’est toujours un avan
tage : ce n’est là qu’ une finesse de praticien , qui 11e peut
avoir0aucune influence, qui est déjà fort connue, et ne
tend qu’à démontrer l’ inutilité, quelquefois le danger de
ces moyens préparatoires.
«
�.
C 3 )
M M . de Sam pigny, défendeurs, n’ont pas le droit,
puisqu’on les prétend favorisés, de faire l’éloge du testa
ment de leur père. Pénétrés de respect pour sa m ém oire,
c’est avec un sentiment pénible qu’ils paroissent dans les
tribunaux : ils ont pensé que ce règlement du père de
famille seroit mieux apprécié lorsqu’il seroit c o n n u ,
et ont cru devoir le rendre public.
.
Ils vont maintenant s’occuper de leurs moyens de dé
fense.
• :
„ ■.
,,
,
;
■ J
A I T S.
M , de S a m p ig n y , et madame de Saint-Belin , son
épouse, ont eu quatre çnfans de leur mariage, trois
garçons et une fille. D e u x des enfans, le fils le plus
jeune, Ignace-Hyacinthe , et la demoiselle de Sampigny,
ont été m ariés par leurs père et m è re , sous l’empire
de la loi prohibitive du 17 nivôse an 2.
A cette ép o qu e, les deux fils aînés étoient inscrits
sur la liste des émigrés ; il importoit au père et à la mère
d ’assurer à leurs enfans présens une portion égale dans
leurs biens. L a loi défendoit toutes libéralités; ils les
instituèrent tous deux leurs héritiers par égalité. Lorsque
les deux fils sont rentrés dans des temps moins orageux,
les père et mère ont pris pour r è g le , dans leurs disposi
tions, les deux premiers contrats de mariage : ils ont aussi
institué leurs deux fils héritiers par égale portion.
On sait avec quelle loyauté M . Sampigny père a tenu
t\ sa parole et à ses promesses. E t puisque M . de Sarrazin
s’est permis de divulguer les secrets de famille, M . de
�.
, ,
.
( 4 )
.
.
Sampigny aîné dira avec franchise ce qui se passa a
l ’épo que de son mariage.
O n représenta à M. de Sampigny père qu’il y avoit
peut-être quelque justice à dédommager son fils aîné des
torts que lui avoit faits rémigration. Ses amis lui observoient qu’il p o u v o it, sans manquer à sa parole, faire
quoiqu’avantage à l’aîné de ses enfans, sur ses revenus
ou ses économies. M . de Sampigny père s’y refusa ; ses
enfans le sollicitèrent, et M . de Sarrazin fut le premier
à engager son beau-père ù donner à son fils une somme
de 60,000 francs, dont il ne seroit pas fait mention dans
le contrat. La réunion et le consentement des enfans
déterminèrent le père. M . de Sampigny fils aîné a reçu
cette somme.
.
Quelques années après, le sieur Sampigny d’Issoncourt
se maria. Quoiqu’il fût aussi sur la liste des émigrés',
il avoit moins souffert que l’aîné; il étoit entré fort
jeune au service de l’Em pereur d’Autriche : l’usage de
la famille étoit d’avoir un fils au service de l’Allemagne.
L e sieur d’Issoncourt avoit des appointemens comme
officier. Il n’auroit pas môme dû être considéré comme
émigré , puisqu’il servoit long-temps avant la révolution;
cependant les enfans demandèrent pour lui un avantage
de 20,000 francs, dont il ne seroit également pas fait
mention dans le contrat. M . de Sarrazin , et encore mieux
M . d’Issoncourt, savent que cette s omme a été payée,
cl comment elle l’a été.
Cependant, dans deux consultations demandées et pu
bliées p ^ ’ M M . d Issoncouit et Sarrazin^ ou n rappelé
�-
•
.
,
w
( 51
avec affectation l’avantage fait à l’aîné , et 011 a gardé le
plus profond silence sur celui fait au puîné. Cette réti
cence pourra s’expliquer dans la suite, lorsqu’on exami
nera les argumens du sieur Sarrazin sur cette circonstance.
">
M . de Sampigny p è r e , après l’établissement de ses
quatre enfans, crut devoir régler le partage de ses biens
entr’e u x ; la nature de ses propriétés exigeoit toute la
p révoyan ce, toute la sagacité d’un pèi’ë de famille aussi
juste qu’éclairé, et qui connoissoit mieux qu’ un autre
la valeur et le produit de ses immeubles, les avantages
et les inconvéniens de l’exploitation , puisqu’en général
il faisoit tout valoir par lui-m êm e, ou par des régisseurs
dont il surveilloit l’administration.
.
>
L a situation de ses biens convenoit parfaitement à
ses trois fils. Mais son gendre, dont l’habitation est plus
éloignée, et qui a fait des acquisitions plus à sa portée,
avoit lui-même manifesté le désir de recevoir la portion
héréditaire de son épouse, èn argent plutôt qu’en im
meubles \ déjà même il avoit vend u , du consentement
de son beau-père, deux domaines donnes en avancement
d’hoirie à sa fem m e, moyennant la somme de 104,000 fr.
M . de Sampigny père, prenant en considération la
position de chacun, opère en conséquence : son objet sur
tout est d’éviter le m orcellem ent de ses dijférens corps
de b ie n s , parce que tout morcellement ou subdivision
nuiroit singulièrement h son exploitation.
»
Il détaille et estime toutes ses propriétés; et ses enfans
n’ ignorent pas que M. de Sam pigny, quoiqu’ il en connût
parfaitement la v a le u r , avoit encore pris l’avis des gens
'
�( 6 )
du pays, les plus exerces dans l’habitude des estimations.
11 balance les avantages c om m e les in co n v é ni e n s; il o b
serve « que la grandeur disproportionnée, des bâtimens
« d ’Effiat, leur multiplicité, la cherté de leur entretien,
« forment une charge considérable p o u r celui de ses eu
« fans à qui il destine cette propriété.
« Il annonce qu’il a pris ces motifs en considération
« dans l’estimation qu’il en a faite. Il remarque qu’après
« lu i, les revenus qui resteront attachés à ce corps de
« b ien s, ne seront plus en proportion avec les dépenses
« qu’il nécessitera. »
L a masse de ses immeubles s’é l è v e , d’après son esti
mation, à 959,000 francs; et M . de Sampigny déclare
qu’il estime d’après la p arfaite connoissance q u 'il a de
leur consistance et valeur. Il ajoute qu’il sait aussi, ce q u i
convient le m ieu x à chacun de ses enfans, et ce q u i
est le plus à leur bienséance réciproque.
C roira-t-on , et malheur à qui pourrait le penser!
que M. de Sampigny p è re; dans son testa m en t, dans un
acte où tout respire la sagesse, où tout est marqué au
coin d’une égale affection, où il ne cesse de répéter
qu’il veut que chacun soit traité avec la plus scrupuleuse
égalité; que M . de Sampigny p è r e , dans ce moment de
v é r ité , ait voulu en imposer à sa fam ille, et q u ’il n’a
été guidé que par une aveugle prédilection ? T e l est le
langage de l’intérêt, de la passion, ijui entraînent ceux
qui ne cherchent qu’un prétexte pour attaquer la m é
moire de leur père. Cette masse s’élevant à 959,000 f r . ,
et chacun des enfans ayant droit au quart des b ie n s ,
chaque portion étoit de 239,750 francs. M . de Sampigny,
�( 7 )
.
.
.
après ce ca lc u l, compose les lots qu’il distribue de suite.
L ’aîné doit avoir la propriété d’Effiat, et la maisou de
v ille , située rue des Taules. Ces deux objets sont portés
à 390,000 francs : le fils a donc à rendre i5o,25o francs ;
il peut s’acquitter ou payer ce.retour en numéraire ou
en biens fonds, à son ch o ix ; il y est autorisé, mais il
ne peut y être contraint.
I.e second lot est distribué au sieur d’Issoncourt ; il
se compose du bien.de G e r z a t, et des immeubles situés
au village de Prun : le tout i-éuni s’élève à 225,000 fr.
Il a de plus un retour de 14,753 francs, qui doivent
completter les 239,760 francs qui lui reviennent.
L e troisième lot est attribué à madame Sarraziti ; il est
tout en deniers : il se compose d’abord de la somme de
104,000 francs, prix de la vente, des deux domaines
aliénés par son m a ri, et de la somme de 135,760 francs
qu’elle doit reprendre par forme de soulte sur son frère
aîné.
L e lot du troisième fils est form é de la maison de
v ille , rue S o u s-la -C ro ix , et de la propriété de Denone :
le tout évalué 240,000 francs; il doit une soulte de 260 f.
* P o u r le m obilier, M . de Sampigny père ne croit pas
devoir s’en occuper. T o u t ce qui est meuble est suscep
tible de partage avec une égalité mathém atique’, les enfuns doivent faire cette opération entr’eux.
’ .
Us n’éprouvoieut aucunes entraves, puisque madame
de Snmpigny a prédécédé son mari ; sa succession n’étant
que m obilière, se confondoit dans celle du p è re ; ainsi,
il 11e doit pas en être question.
�( 8 )
,
’
•' Aussitôt après le décès de ce père respectable, et dans
le moment où on luj a voit rendu les derniers devoirs, les
demandeurs avoient déjà réclamé le partage de tout le
m o b i l i e r , mais avec des réserves et des protestations
contre le testament. M . de Sarrazin .étoit seul présent ;
il n’avoit pas la procuration de sa femme. S’il pouvoit
exercer ses actions m obilières, il étoit juste, il étoit
même dans son intérêt de constater la valeur de ce mo
b ilier, parce qu’il en doit une reconnoissance à sa femme;
il a tout pris sur son compte; et quoique le mobilier
ait été évalué par des appréciateurs et revendeurs, le
prix n’en est pas«porté dans le partage : c’est une omission
qu’ il importe de réparer.
Ce n’est pas que ce partage n’ait été fait dans la plus
grande rigueur -, rien n’a échappé. Quoique les cohéritiers
véquissent sur la masse com m u n e, il a fallu descendre
jusqu’aux plus vils détails. Les plus petites provisions
de b ouche, les salaisons de cuisine, ont été soumises au
partage, tant on tient à Végalité. O n conçoit que cela
est possible pour des meubles ou des provisions de bouche;
mais on ne peut partager des immeubles comme une
queue de m orue ou une écorce de lard. T elle étoit ce
pendant la prétention des récalcitrans, qui ne cessoient
de déclamer contre le testament, et qui ne témoignoient
d’autres regrets que d’être obligés de l ’exécuter par pro
vision.
Ils connoissoicnt ce testament ’avant le décès de leur
père. Ce brave et digne v ieillard , sentant sa fin p ro
chaine , a voit réuni ses enfans pour leur faire scs derniers
adieux,
�adieux. Il avoit exigé qu’on leur fît lecture de ses der
nières volontés; et lorsqu’il avoit le droit d’ordonner,
, il se contenta de leur en recommander l’exécution.
A u ssi, les demandeurs faisoient procéder au partage
avant d’en avoir l’expédition, et avoient déjà fuit main
basse sur les meubles meublons, destinés par cet acte à
faire partie du legs des maisons : il fallut ensuite res
tituer ces objets dont on avoit déjà fait des ballots, et
renoncer au projet qu’on avoit sur certaines glaces, sur
certaines tapisseries. Mais ce n’est là qu’ un léger incident,
qui tient plus aux procédés qu’au droit en lu i-m êm e,
et sur lequel il faut jeter un v o ile , pour s’occuper de
choses plus sérieuses.
L e testament fut bientôt connu de la famille et des
amis du digne citoyen dont on pleuroit la perte. Les
regards se fixèrent sur le lot du fils aîné ; et tous les gens
sensés, qui connoissent aussi-bien la valeur des propriétés
que le sieur Sarrazin , s’écrièrent spontanément que l’aîné
payoit cher le principal m an oir, et se trou voit le moins
Utilement partagé. On ii’iinaginoit pas que les autres ,
le sieur d’Issoncourt surtout, eussent droit de se plaindre;
et personne n’ignoroit que M . de Sarrazin avoit désiré
du numéraire plutôt que des immeubles, qui n’étoient
pas à sa bienséance. O n félicitoit les en fans sur la sage
prévoyance de leur vénérable p è r e , qui avoit su pré
v e n i r tout sujet de discorde.
rI e l fut le cri universel des nombreux amis de M . de
Sampigny père.Cependant les deux demandeurs, munis de
leur contrat et de l’expédition du testament, prônant leur
promesse d égalité, annoncent des intentions hostiles, ro.
a
�C
)
pondent que les deux fils sont avantagés au préjudice
des autres, que le partage du père n’est qu’ un monu
ment d’injustice et de prédilection; parcourent les cabinets
des jurisconsultes, et obtiennent deux consultations en
leur faveu r, où on cherche à prouver que le p è r e , ayant
promis Végalité à ses quatre enfans, n’a pu la blesser
dans son partage, à tel point que la plus légère erreur
feroit anéantir le testament du père.
L ’ une de ces consultations discute la question avec
étendue, et le discernement qu’on connoît à l’auteur.
On tâchera d’y répondre d’une manière satisfaisante.
L ’a u t r e , intitulée ¿Lvis a m ic a l, ne descend dans
aucuns détails ; il trouve la question si sim p le, qu’on
ne p ou rroit, sans être fauteur d’hérésie ou de schisme,
soutenir le contraire.
Les amis, qui n’avoient pas demandé cet avis, et qui
se seroient fort bien passes de la leçon, ne trouvent pas
mauvais que chacun ait son opinion , et la donne, sur
un ton plus ou moins tranchant.
Mais ce qui a dû blesser les défendeurs, qui ne s’y
attendoicnt pas, c’est d’y lire que les sieurs Sarrazin et
d’Issoncourt avoient révélé des secrets de famille abso
lument étrangers au point de d ro it; qu’on y disoit que
M . de Satnpigny avoit reçu 60,000 francs, qu’on avoit fait
des dépensés pour lui pendant l’émigration ; et que le ton
de l’amitié devient le ton du reproche et de la menace.
A la v é r ité , on fuit reconnoîlre au sieur de Sarrazin
que c’est de son consentement que la somme a été don
n é e , et qu’il n’entend lu réclamer qu’autant qu’il faudroit une lésion de plus du quart pour faire rescinder
�C i r )
'
f
le partage ; qu’alors, pour grossir la lésion , on y ajouteroit cette somme.
Pas un mot sur les 20,000 francs reçus par M . d’Issoncourt. O n ajoute que les frères de Sampigny ne
doivent pas penser que le sieur Sarrazin soit intimidé,
parce que la loi le force à faire les avances des frais de
l ’estimation; qu’ils sachent, leur d i t - o n , que le sieur
Sarrazin est en état de subvenir à ces dépenses, et que
les frais ne l ’arrêteront pas.
Cette menace, ou cette jactance, est bien peu digne
d’ un aussi vigoureux athlète. Gomment a-t-on pu imagi
ner que les frères Sampigny aient pu faire ce calcul ?
auroient-ils jamais pu penser que de foibles avances,
bien au-dessous des moyens de leiir beau-frère, l’arreteroient dans sa démarche ambitieuse? ils savent trop
bien que leur beau-frère n’est pas effrayé d’ un procès,
et qu’il en a l’habitude; et c’est bien gratuitement qu’il
fait parade de ses moyens ou de ses ressources.
Mais la défense est de droit natui’el ; et déjà les frères
Sampigny avoient modestement exprimé leur pensée
dans une consultation qu’ils avoient com m uniquée, et
qui leur a valu cette rem ontrance am icale.
Ils espéroient alors parvenir à une conciliation ; ils
manifestaient leur répugnance de faire retentir les tri
bunaux de leurs querelles domestiques; ils se crojoien t
fondés à soutenir, d’après le droit rom ain, la disposition
de plusieurs coutumes, la doclrine des anciens auteurs,
que le partage fait par le père devoit être environné
d’un respect religieux ; que le père étoit le législateur
de sa famille ; que son autorité est la première et la plus
a *
�'
( iO
respectable de toutes ; que la loi avoit la plus grande
confiance dans sa sagesse; qu’en faisant le partage de ses
biens, un père remplissoit les fonctions d’un véritable
ju g e; que son opération devoit même êti’e préférée à
celle faite par la justice; qu’une légère inégalité ne pouvoit vicier un monument d’affection. Ils invoquoient les
termes du Code c iv il, qui ne donne que deux moyens
d’attaquer le partage fait par l’ascendant : la lésion de
plus du quart, lorsqu’il étoit fait par égalité; et l’excès
dans la quotité dispon ible, lorsqu’il contenoit un préciput en faveur de l’ un des enfans. Les défendeurs citoient encore les discours des orateurs du Gouvernement
qui a voient présenté cette partie du Code, l’opinion des
magistrats et cles jurisconsultes qui «voient coopéré à la
rédaction; et soutenoient allirmativement que les de
mandeurs n’auroient pas la témérité de prétendre que
le partage qu’ils critiquoient avec tant d’amertume con
tînt une lésion du quart.
L a lutte qui s’élevoit entre les héritiers causoit le
plus v if déplaisir aux défendeurs; ils ont présenté tous
les moyens de rapprochement. Dans une des consulta
tio n s, qui n’est pas l’ollicieuse, on lisoit que le sieur
Sar razin étoit mécontent que son lot fût fixé en num é
raire; on iaisoit pressentir qu’en lui donnant des biens
héréditaires, ce se roi t peut-être une v oie de conciliation.
L e sieur Sampigny aîné s’est empressé d’oil’rir des biens,
immeubles, d'après Vestimation du père. Il est vrai que
le père s’étoit contenté .d'estimer en masse chacun de ses
corps de biens; mais une ventillation étoit facile,'et le
sieur Sampigny M r o i t . Que pouvoit-il faire de plus?
�.
,( I 3 )
.
.
L e sieur Sarrazin a répondu qu’il préférait de f a i r e
citer ses beaux-frères • et il les a fait assigner par ex
ploit du 8 octobre 1814.
' I l conclut à la nullité du testament du p è re , et de
mande un nouveau partage. Il se fonde principalement
sur la promesse d’ég a lité, sur la lésion qu’il prétend
éprouver, sur la disposition qui fixe son lot en argent, etc.
Il faut donc descendre dans l’arène. Les défendeurs se
doivent à eux-mêmes ; ils doivent surtout à la mémoire
de leur p è re, tous leurs eiforts pour faire respecter ses
volontés : mais cet éclat scandaleux ne troublera pas ses
cendres. N o n itur ad tuniulum , sed quœ ritur teslam entum et. q u i in tiunulo q u ie s c it , vivus de tabuîis
loquitur.
^ Les partages faits par les pères, entre leurs enfans,
ont toujours été reçus favorablement par les lois. L es
pères sont des magistrats domestiques, constitués-par la
nature juges et arbitres entre leurs enfans. Dans le droit
rom ain , le partage du père devoit avoir son entière
exécution, quoiqu’il ne fût revêtu d’aucunes formalités.
Q ualicunque ju d icio s nam dcclaraverit voluntatem .
L o i S i cogitation e, 2 1 , Cod. F a m . ercisc. L e législa
teur vouloit qu’on s’en rapportât absolument ù la cons
cience du père : pater pietatis sibi conscius. L o i 8 ,
P a re?itib u s, Cod. D e inoff. testam.
Eu pays coutumiers, un grand nombi’e de coutumes
autorisoit ces sortes de partages: Bourbonnois, art. 2 1 6 ’,
N iv e rn o is, chap. 3 4 , des successions, art. 1 7 ; Bour
g o g n e, titre 7 , article 7 ; Bretagne, art. 56o ; .Amiens,
article 4 9 ? l u r o n n e ; article 1 0 7 , etc. Dans ces diverses
�Y;
( i4 )
'
coutum es, le partage étoit ex éc u té, pourvu que les
enfans eussent leur légitim e; et le père avoit la plus
grande latitude dans ses dispositions.
D a n s les coutumes qui n’avoient pas de disposition
formelle pour autoriser le partage du père entre ses
enfans, dans celles même qui établissoient une égalité
parfaite entre les enfans, le partage du père ne laissoit
pas que de jouir de la même faveur. C ’est ce que nous
atteste L ebrun dans son Traité des successions, des par
tages, liv. I V , chap. I er, , n°. 11. Cet auteur distingue
lorsque le partage est fait dans une coutume qui permet
des avantages , et celles qui commandent l’égalité ; et
pour ne parler que de ces dernières , il dit que « si
« l’on reconnoît que l’ intention du père a été de faire
« un partage à peu près égal, ni la raison d’une légère
« inégalité, ni la considération de ce que le père aura
cr disposé des propres, ni le défaut de formalités, n’em« péchera pas que "cet acte , pourvu que la volonté
« du père soit une fois certaine , n’ait sou plein et
« entier eifet. »
Si on en vient à examiner les moyens de restitution
que lu loi a admis , en g é n é r a l, contre les partages ,
on trouve que, dans le droit romain , il falloit lésion
d’outre moitié. C ’est ce qui résulte de la loi i r0- , et
de la loi M a jo iib u s, 3, Cod. Comni. utr. jud . C ’est, nous
dit L ebrun au même titre, n°. 63, l’opinion commune
des docteurs, et principalement de Barlhole sur la loi _
M a joribu s. L e partage u est autre chose, dans le droit,
qu’ un échange ou une vente; per/nutatiu reru.ni discernens commimioncrn. L . 7 7 , §. 18, fi'. D e legatis 2,
�,
( i 5 )
.
_
Q u a si lege certâ p erm u ta tio n s n fccerin t. L . 20, § . 3 ,
II. Farii. ercisc. JDiçisionem prœ diorutn vicern ernptioms
ohtinere placuit. IiOi i re. , Cod. Cornm. utr. M . Dom at,
Lois civiles, titre 6 , sect. 3 , n°. 3 , nous apprend seu
lement par une note , que dans notre usage on est
reçu à attaquer le partage, s’il y a lésion du tiers au
quart. Lebrun l’a répété d’après le sentiment commun
de nos docteurs, notamment de Godefroy et de M ornac;
et en cela, ils disent que cette lésion doit être admise,
parce qu’elle est de moitié : c’est la moitié de ce qu’on
a eu , et le quart de ce qu’on devoit avoir. L ’annotateur
de Lebrun nous explique comment doit se faire la sup
putation de la lésion en fait de partage. 11 suppose
deux cohéritiers qui doivent avoir chacun 30,000 fr. ;
l ’un d’eux eu a obtenu 34,000, et l’autre n’en a que
26,000; quoique l’ un ait 8,000 fr. de plus que l’autre,
il n’y aura pas de lésion , parce que le cohéritier ne
souffre, dans ce cas, qu’ une lésion de 4,000 f r . , attendu
que l’autre a moitié dans ces 8,000 f. Il faudroit donc, pour
qu’il y eût lésion , que le cohéritier qui se plaint eût
nioius de 22,600 fr. B o u rjo n , Traité du droit commun
de la France, vend cet exemple encore plus clair. Il part
d’ un thème qui donne 40,000 fr. à chacun des cohé
ritiers; et pour qu’ il y ait lésion de plus du q u a rt, il
faut que le cohéritier qui se plaint ait moins de 30,000 fr.
En un m o t , q u’on ouvre tous les auteurs, qu’on
dépouille tous les recueils d’arrêts , le cas du dol ex
c e p té , un partage entre majeurs, qu’il soit fait volon
tairement , ou par le juge , ou par le père , ne peut
être attaqué par la voie de la restitution , qu’autant
�C 16 )
qu’il y a lésion de plus du quart; encore est-ce une
f a v e u r , puisque le droit romain n’admettoit cette action
qu’autant qu’il y avoit lésion d’outre moitié.
T e l étoit l’état ancien de la jurisprudence, qui accordoit encore plus de faveur aux partages faits par le
p è r e , même dans les coutumes qui n’avoient pas de
disposition formelle à cet é g a r d , ou qui prohiboient
tous avantages entre les enfans.
A u jo u rd ’hui le Gode, par une loi uniform e, accorde
cette faculté aux ascendans, en termes généraux (art. i o y 5
et suivans). Il n’est pas même nécessaire que ce par
tage comprenne la totalité des biens; il suffit qu’il soit
fait entre tous les enfans; et l’article 1079 porte « que ce
« partage , fait par l’a s c en d a n t , pourra être attaqué pour
« cause de lésion de plus du q u a r t; qu’il pourra l’être
« aussi dans le cas où il résulteroit du partage et des dis
« positions faites par préciput, que l’ un des copartagés
« auroit un avantage plus grand que la loi ne le permet. »
L a loi, par ces expressions, ne prévoit-elle pas évidem
ment deux cas? L e prem ier, celui où les enfans ont un
droit égal à la succession ; le second, celui où il y a
des enfans précipués. Dans le premier cas, la loi ne fait
que confirmer l’ancien usage introduit dans le droit
français, contre la disposition du droit rom ain; elle no
reconnoît d’autrc lésion que celle de plus du quart. Dans
le second, elle v eu t que la portion du précipué ne puisse
excéder la quotité disponible; et le m otif de celle res
triction est bien é v id e n t, dès que le G ode, article 913 ,
11e permet pas d cxceder le quart dans les dispositions
Jjbérales. 11 falloit limiter l’opération de l’ascendant,
qui
�.
.
( 17 )
.
■qui auroit eu le droit de donner m oitié, en disposant
d ’abord du quart en p réeip u t, et ensuite en faisant, sur
•les trois quarts réservés, un lot qui en auroit absorbé
le quart. Mais dans tout le Code il est impossible de
-trouver aucune disposition qui fasse une différence entre
les cohéritiers, ou qui établisse un moyen de restitution,
-lorsqu’il n’y a pas lésion de plus du quart, dans un p a r
tage où les enfans amendent une portion égale.
L es demandeurs soutiennent-ils que le partage fait par
leur père contient une lésion de plus du quart? Si telle
est leur prétention, il ne s’agit que d’ordonner une es
timation des biens qui composent la succession, et les
défendeurs y donnent les mains.
Mais ils ne vont pas jusque-là. Les sieurs d’Issoncourt
et S arrazin , réunis en cette p a rtie , prétendent que leur
père étant lié par une promesse d’égalité, consiguée
dans les règleinens de fam ille, ils sont saisis d’une por
tion arithmétiquement égale, et que la m oindre lésion
seroit suffisante pour annuller l ’opération du père.
L e sieur Sarrazin ensuite attaque le partage, en ce que
le père a réglé sa portion en num éraire, tandis qu’il
devoit la lui donner en biens héréditaires.
E n fin , la dame Sarrazin et son mari se plaignent de
ce que le père leur fait rapporter ou leur tient à compte
la somme de 104,000 francs, prix de la vente des deux
domaines. Il trouveroient plus commode et plus avan
tageux de rapporter fictivement ces deux objets, suivant
leur valeur à l’époque de l’ouverture de la succession.
A i n s i , si ces deux domaines ne valoieut à cette époque
que 40,000 francs, la dame Sarrazin n’en auroit pas moina
3
�( i8 )
p
.
reçu 104,000 francs, et n’en rapporteroit que 40,000:
c’est ainsi qu’ils entendent ce qu’ils appellent une égalité
parfaite. O n conviendra au moins qu’ils sont fort indulgens pour ce qui les concerne.
A u milieu de tous ces débats, on n’aperçoit vérita
blement qu’ une seule question : « La promesse d’égalité
k portée par les règlemens de famille, a-t-elle lié le père
« au point de l’empêcher de faire le partage de ses biens
« entre ses enfans? » car il faut aller jusque-là pour admettre
le système des demandeurs. Il n’est pas donné à l’hom m e,
quelque juste, quelqu’attentif qu’on puisse le supposer,
d’étab lir, dans un partage d’immeubles, une égalité tel
lement pai’faite qu’il n’y ait jamais la moindre lésion.
C ’est donc là le principal objet de la discussion ; le
reste n’est qu’accessoire. O n examinera cependant ces
petits moyens secondaires : on répondra aussi aux re
proches, aux menaces-, car les défendeurs ont à cœur
de se justifier pleinement aux yeux de leurs juges et de
leurs concitoyens.
D u e promesse d’égalité est sans doute recommandable;
c’est la loi de la nature. F rat res codent pâtre n a t i, et
quos œ quales ju n x it natura eadem œ q u d les, jungat
gratia.
Mais un père aussi juste que sage a - t - i l rempli ses
devoirs lorsqu’il a rendu scs enfans é g a u x ? ne d o i t - i l
pas aussi p ré v en ir, autant qu’il est en lu i, toute dissen
sion dans sa fam ille, lorsqu’il n’en sera plus le régula
teur? Sapiens pater d o m in a b itu rfiliis stultis et inter
fr a tr e s hœreditatem dividet. Prov. de Salom on, ch. 17,.
vers. 3. P a te r dum sc m coujim o sen sen t uiortis time/is
�C 19 )
t
ne post mortem suam , rupta pace litigent fra tres va
lu nia te m suam coiiferret in tabulas diu duraturas.
Optatus.
T e l est le langage universel des anciens docteurs.
Ecoutons maintenant les orateurs du G ouvernem ent,
dans leurs motifs, lorsqu’ils ont présenté les articles du
C o d e, qui donnent aux ascendans le droit de faire le
partage de leurs biens : « L e partage des ascendans est
« le dernier et l’un des actes les plus importons de la
« puissance et de l’affection des pères et mères. Ils s’en
cc 1-apporteront le plus souvent à cette sage répartition
« que la loi elle-même a faite entre leurs enfans
mais il
« restera souvent à ceux qui ont peu de fortune, comme
«
k
«
«
«
k
c
«
a
à ceux qui ont des biens dont le partage ne sera pas
facile, ou sera susceptible d’inconvéniens, de grandes
inquiétudes sur les dissensions qui peuvent s’élever
entre leurs enfans. Combien seroit douloureuse l’idée
que des travaux dont le produit devoit rendre sa famille heureuse, seroit l’occasion de haines et de dis—
cordes! A qui donc p o u r r o it-o n confier avec plus
d’assurance la répartition des biens entre les enfans,
qu’à des pères et mères q u i , mieux que tous autres,
« en connoissent la valeur, les avantages et les incon« véniens ; à des pères et mères qui rempliront cette
«
«
c<
#
magistrature non - seulement avec l’impartialité de
juges , mais encore avec ce soin , cet in té r ê t, cette
prévoyance que l’affection paternelle peut seule inspirer ? »
,
Plus loin on ajoute « que le père q u i a la fa c u lté de
p disposer librement d’une partie de ses biens lors du
3 *
�C20 )
«
«
«
«
«
h
«
«
«
k
partage , peut exercer cette faculté dans le partage
même (d o n c il peut faire le partage, quoiqu’il soit lié
par une promesse d’égalité, puisque l ’orateur suppose
les deux cas ) ; qu’il peut éviter des démembremens,
conserver à l’ un de ses enfans l’habitation qui pourra
continuer d’être l ’asile commun , réparer les inégalités
naturelles ou accidentelles; en un m ot, c’est dans l’acle
de partage qu’il pourra le mieux combiner et en même
temps réaliser la répartition la plus équitable, et la
plus propre à rendre heureux chacun de ses enfans. »
L ’orateur n’indique que deux moyens d’attaquer le
p a rta g e, la lésion de plus du q u a rt, ou l’excès dans la
quotité disponible. L e législateur ne voit d’inégalité
qu’autant qu’il y a lésion de plus du q u art, parce que
l ’opération du père a été le résultat de sa combinaison,
pour donner à chacun de ses enfans ce qui lui convenoit
le mieux ; et telle chose qui pourroit être regardée comme
lésion par des tiers, n’a été faite que pour'réparer des
inconvéniens qui pourroient naître d’un mode d e ‘jouis
sance plus ou moins embarrassant, ou plus ou moins
coûteux.
M . M a le v ille , l’un des coopérateurs du C o d e , en
rendant compte de la discussion sur l’article 10 7 8 , dit
que les pères et mères doivent avoir une certaine lati
tude pour faire la distribution écon omique de leurs biens
entre leurs enfans, suivant la position de chacun , et
l ’espèce même de ces biens; de donner aux uns un corps
de ferme ou de m étairie, et de l’argent à d’autres, lors
que les héritages 11e peuvent p a s, sans se déprécier ; se
diviser en autant de lots qu’ils ont d’enfans.
%
�w
( « )
_
■ L e même nous apprend encore qu’apr.ès cet a rticle ,
la section en avoit proposé un autre portant que le p atr
iage seroit n u l , si les ascendans avoient fa it, par p récip u t, un avantage à quelqu’un de leurs descendons;
c’est-à-dire q u e , suivant cet article, le partage ne pouvoit être fait par le père qu’autant que les.enfans auroient
eu un droit égal. Mais « cet article, nous dit M . Male-r
« v ille , fut rejeté tel qu’il avoit été proposé; cependant,
« comme il avoit pour objet d’empêclier que les ascen« dans ne pussent avantager l’ un de leurs enfans au delà
« de la portion disponible , en lu i d on n a n t, d’une p a rt,
« le précip u t, e t, de V autre, une portion dans le par~
« tage q u i ne pourrait être attaqué que p a r une lésion
« de plus du quart au préjudice des autres, la disposi« tion de l’article rejeté fut fondue dans l’article 1079. »
' Gette discussion prouve deux choses; l’une, que les
ascendans ont principalement le droit de faire le partage,
dans le cas où leurs enfans ont un droit é g a l , soit par la
convention, ou à défaut de disposition, et que ce par
tage ne peut être attaqué que »pour cause de 'lésion de .
plus du quart; l’autre, que lorsque cette disposition du
quart a déjà été faite, le père n’en a pas moins le droit
de faire le partage, mais qu’il ne peut excéder la quo
tité disponible.
V o ilà ce qui doit paroître évident à tout homm e impavlial, qui ne veut pas ajou tera la lo i, et qui se con
tente de l’interpréter sagement : il ne trouve «dans le
Code que deux moyens de se faire restituer contre un
partage q u e lco n q u e , la lésion de plus du quart, ou
l ’excès dans la quotité disponible. Il ne dçit donc pas
�(22)
^
créer un autre mode de lésion ; ce seroit s’ériger en
législateur.
■ O n se doute bien que les sieurs Sarrazin et d’Issoncourt
ne sont pas de cet avis; et on doit peser leurs objections.
- Ils opposent principalement que M . de Sampigny père
a fait précédemment des dispositions par contrats de
m ariage, que la loi déclare irrévocables (a rt. 1 0 8 3 ) ;
et ils ajoutent que cette irrévocabilité des dispositions
ne seroit qu’illusoire, que la loi seroit inconséquente,
si, en même temps qu’elle prononce cette irrévocabilité
avec tant de p récision , elle laissoit une porte ouverte
à l’inconstance, pour l’éluder par la voie indirecte d’un
partage testamentaire qui y porteroit atteinte en paroissant la respecter.
O n ne conçoit pas trop quelle analogie peut avoir
cet article 1083 à la question qui est à juger. Cet article
se réfère au p récéd e n t, qui autorise les donations de
biens à venir par contrat de mariage ; il les déclare
irrévocables. Dans l’espèce, il n’y a pas de donation de
biens à venir ; il y a une simple promesse d’ég a lité ,
faite dans un temps où la loi proliiboit toules disposi
tions. A la v é r i t é , cette promesse d’égalité est irrévo
cable, parce que tout ce qui est en faveur des contractans a ce caractère; mais le père qui fait le partage de
scs biens , ne porte atteinte à sa promesse d’égalité ,
q u’autant que l’un des cohéritiers éprouveroit une lésion
du quart. Il n’y a pas d’inconséquence dans la lo i, puisqu’aux y e u x du législateur l’égalité n’est blessée qu’au
tant que cette lésion s’y rencontre. L a loi l’a voulu
a in si, soit que le partage ait été fait par le p è r e , soit
�«
/# •
.
( *3 )
..............................
qu’il ait été fait par la justice, soit qu’il l’ait été par
les héritiers eux-mêmes; elle n’admet pas d’autres moyens
de restitution, le cas du dol excepté.
L e père, en effet, que Tertullien compare à un dieu
dans sa famille, n’est-il pas le véritable, le premier juge
de ses enfans ? Son opération doit être d’autant plus
respectée, qu’on avoit douté autrefois que la garantie
des lots pût avoir lieu pour cause d’éviction , lorsque
le partage avoit été fait par le père. Mais Lebrun , des
partages, n°. 69 , en disant que ce doute étoit fondé
sur ce que ces sortes de partages avoient été principa
lement autorisés sur la présomption de l’affection du .
p è r e , en tire un argument tout contraire, parce que
l ’éviction fait cesser l’égalité que le père avoit voulu
observer dans sa famille. « L e père, d it-il, fait en cette
« rencontre la fonction d’ un véritable juge ; ainsi la
cc même garantie qui auroit lieu dans un partage fait
« par le juge, ou par les enfans eux-mêmes, doit s’ob« server aussi dans le partage du père. » Cet auteur
assimile donc parfaitement le partage du père à celui
fait par le juge ou les enfans eux-mêmes : tous doiyent
avoir les mêmes effets, comme la même garantie. Pour
quoi donc, si le partage du ju g e, ou des enfans euxmêmes, lorsqu’ ils ont un droit égal, ne peut être res
cindé que pour cause de lésion de plus du quart, celui
du père, qui a encore plus de faveur, seroit-il plus
rigoureusement traité?
Cela est bien différent, s’écrient les demandeurs; il
y en a une raison bien simple, et qui saute a u x y e u x :
les enfans qui partagent font un contrat commuta tif«.
'
�( 24 )
et volontaire, q u i, une fois formé par le consentement
mutuel des parties contractantes , ne peut plus etre
détruit que par le consentement réciproque des contractans;
•
A u lieu que le partage testamentaire de M . de Sampigny
père est une loi qu’il a voulu , mais qu’il n’a pas pu
imposer à ses enfans.
Si ce n’est que cet argument qui saute a u x y e u x , on
n’en voit pas trop ni la force ni l’évidence. D ’abord les
défendeurs avoient mis en avant deux hypothèses ; le
•partage fait par le ju g e , et le partage fait entre les h é
ritiers eux-memes.
‘ Lorsqu’il est fait par le juge, d’après la demande d’ un
coh éri ti er, il n’y a rien de volontaire, ni de commutatif,
puisque tout est forcé , parce qu’ il dépend d’ un des co
héritiers de faire cesser l’indivision contre le gré des
autres. O r , ce partage fait par le juge ne peut être atta
qué que pour cause de lésion du tiers au quart; encore
la question a-t-elle été fortement controversée.
O n p e u t, sans blasphème , assimiler le partage fait
par le ju g e, à celui du père, qui est le premier juge et
le plus puissant de la famille : donc il faut la lésion du
tiers au q u a r t , pour attaquer le partage du p è re , dès
qu’elle est nécessaire pour le partage fait en'justice.
Les demandeurs n’ont voulu saisir que l’ hypothèse
qui leur a paru plus favorable à leur système, lis n’ont
parlé que du partage volontaire ; et c’est fort im pro
prement qu’ ils ont dit que dans ce cas les cohéritiers
s’étoient fait la loi ; car des cohéritiers parfaitement
égaux dans leurs droits, n’ont qu’ une.seule lo i, un seul
d ésir,
�.
(z5)
.
désir, celui de conssrver l’égalité entr’eux. On sait com
bien en général ils tiennent à cette égalité ; et s’il faut
en juger par la ténacité du sieur Sarrazin , ce senti
ment doit être encore plus p r o n o n c é , lorsque les héri
tiers ont eux-mêmes le droit de régler leur portion.
Cependant, s’ils se trom pent, si leurs lots sont inégaux ,
ils ne peuvent se plaindre qu’autant qu’ils seroipnt lésés
de plus du qu art; et le partage de l’ascendant, qui a
toute la confiance du législateur, confiance fondée sur
la présomption de la tendresse et de la justice du p è re ,
n’auroit pas le même avantage qu’un partage judiciaire
ou volontaire !
L o in de nous une pareille pensée, subversive de
tout lien m o r a l, de tous les rapports qui sont le fon
dement de la société. E n un m o t , on cherche dans la
l o i , dans les auteurs, dans les recueils, et partout on voit
qu’il n’y a qu’ un seul moyen de restitution contre les
partages, la lésion du tiers au quart. Jusqu’à ce que la loi
ait établi un nouveau m ode, il faudra bien s’y soumettre.
V eu t-o n consulter les maximes des anciens philoso
p h es, les principes de la m orale, partout on y trouve
que le règlement du père doit être religieusement res
pecté; que le père est dans sa famille l’ image de Dieu
même ; et l’église prononce anatlième i\ tout enfant re
b e lle , qui cherche à flétrir la mémoire de son père.
Il faut encore écouter le langage des demandeurs.
« M . de Sam pigny, disent-ils, a institué ses enfans ses
« héritiers, pour succéder par égales portions h tous
« les biens meubles et immeubles qu’il laisseroit à son
* décès; il n’a pas eu la faculté de blesser indirectement
4
�(
>.
« cette égalité, irrévocablement promise, par uu partage
« testamentaire, dans lequel, dom iné p a r les préjugés eu
« faveur du droit d’aînesse, il s’en éloigne sensiblement
« au préjudice de deux des puînés, tout en protestant
« sans cesse de Vobserver religieusement. »
D o m in é par le droit cCaînesse ! mais pourquoi at
taquent-ils donc aussi le legs fait au plus jeune, qu’ils
prétendent encore favorisé à leur préjudice? L e préjugé
du droit d’aînesse n’étoit pas bien fort dans notre cou
tu m e, puisqu'il n’accordoit à l’aîné que le principal ma
n o ir , à la charge d’en payer la valeur à ses cohéritiers;
et ce préjugé seroit tout à coup descendu jusqu’au plus
jeune.
Ce n’est là qu ’ une assertion injurieuse. M . de Sampigny
père n’a été dominé que par le sentiment des convenances.
Son fils, cadet liabitoit Clerinont; il a voulu qu’il eût
la propriété qui se trouve dans l’arrondissement de cette
v ille , parce qu’il étoit plus à sa bienséance : il lui a donné
un manoir a g ré a b le , une propriété précieuse et d’une
exploitation facile; et ceux qui ne sont pas préven us,
pensent que le sieur d’Issoncourt a le lot le plus agréable.
L e domicile du sieur Sarrazin est plus élo ign é; il a
acquis des biens à sa portée : le père lui a donné de
l ’argent, parce qu’il a cru que cela lui convenoit m ieux;
qu’ il en avoit manifesté le désir, et qu’il avoit déjà vendu
les propriétés que sa femme avoit reçues en avancement
d’hoirie.
Il a donné aux deux autres les propriétés qu’il avoit
dans l’arrondissement de l l i o n i , parce q u’ils habitent
tous deux la ville de llio m .
�...................................
r
( 27 )
#
' I l a voulu -éviter, autant qu’ il étoit en l u i , le mor
cellement de ses biens, pour en faciliter l’exploitation,
et ne pas diminuer la valeur. Partout la loi recom
mande et ordonne d’ éviter les morcellemens dans les
partages.
L e père s’est éloigné de l’ég a lité , tout en protestant
de son intention de l ’observer religieusement ! C ’est-àd ir e , que le père connu par sa loyauté, sa véracité, a
v o u lu , in confinio m o rtis, en imposer à D ieu, à sa cons
cience, à la justice, à ses enfans, au p u b lic; et sa décla
ration faite avec tant de franchise, ne faisoit que cacher
l a préférence qu’il 'portoit au fond de son cœur pour
son fils aîné et pour son fils le plus jeune.
A i n s i , il n’y a que perfidie dans les paroles de paix
du père, dans ses exhortations touchantes, qui annoncent
'les intentions les plus tendres ! A h ! si ce vieillard véné
rable pouvoit entendre de son tombeau ces cris perçans
de la cupidité, ces horribles blasphèmes, il ne manqueroit pas de s’écrier: Est-ce là le prix de soixante-dixsept ans de probité et de vertu , de quarante ans de soins
et d’aiTection pour des enfans ingrats qui m ’occupèrent
exclusivem ent, que je' clierchois à rendre h eu reu x, et
qui ont eu le dernier mouvement de mon cœur.
Quels étranges paradoxes f disent encore les adver
saires, que d’oser prétendre qu’il n’y a aucune différence
•entre une succession ah in testa t, ou une succession dans
laquelle losienfans amendent, par la convention, une por
tion égale; que d’oser dire encore que la loi-réputé par
fa ite m e n t égaux tous les partages où il-ne se rencontre
pas d’inégalité de plus du quart !
:
4 *
�( 28}
,
.
Mais les demandeurs sont donc en d é lir e ? O ù ont-ils
trouvé de semblables propositions, et qu’ont dit les dé
fendeurs ? Ils ont soutenu que le père n’étant lié par
aucune promesse; sa succession étant encore parfaitement
l i b r e , il pouvoit donner le quart en préciput par son
partage; et q u e, dans ce cas, il ne clierclieroit aucun
détour. S’il avoit l ’intention de faire un avantage ; s’il
vouloit récompenser le mérite ou protéger la foiblesse,
il feroit directement la disposition.
Us n’ont pas dit que la loi réputoit parfaitem ent égaux
les partages où il ne se rencontroit pas d’inégalité de
plus du q uart; mais ils ont soutenu qu’il n’étoit pas
donné à l’h o m m e , qu elq u’attentif q u ’il fût , de faire un
partage mathématiquement éga l; que si quelqu’ un pou
voit en approcher davantage, c’étoit le père, parce qu’en
général il connoissoit mieux la valeur de ses biens que
des étrangers; mais qu’en même temps il pouvoit aussi
apprécier mieux qu’ un autre lès avantages ou les inconvéniens et les bienséances ; que tel mode qui pourroit
présenter un préjudice à l’héritier capricieux, avide ou
opiniâtre , n’en contenoit pas de réel ; et qu’enfin, c’étoit
au père à en juger ; que la loi lui donnoit sur ce point
nn pouvoir discrétionnaire, et s’en rapportoit h sa sagesse.
Ils ont ajouté que comme il importe surtout aux
repos des familles qu’on ne puisse attaquer un règlement
de partage sous un léger p ré te x te , la loi n’admettoit
d’autres moyens que la lésion du q u a r t, et ne s’arrêtoit
pas i\ une légère inégalité.
Les défendeurs, en s’exprimant ainsi, ont cru tenir
le langage de la l o i , répéter avec exactitude ce qu’ont
�t
( 29 )
dit les orateurs du G ouvernem ent, et ne se reprochent
aucuns paradoxes.
Mais une promesse d’égalité est irrévocable ! et làdessus, citation des articles du Code. Ils auroient pu
m ême transcrire des volum es, car personne n’a contesté
ce principe; il s’agit seulement de savoir si, malgré
cette irrévocabilité , la plus légère inégalité peut faire
rompre un partage fait par le père. O r , on croit avoir
démontré le contraire, d’api'ès les lo is, les auteurs, et
la raison au-dessus de toutes les lois.
Ici les adversaires cessent de se réunir dans leurs
moyens ; M . d’Issoncourt est obligé de convenir que la
lésion qiùil souffre rf atteint pas le q u a rt; mais il ne
se croit pas moins en droit de demander un supplément;
et c’est eu quoi il s’abuse.
Mais M . de Sarrazin va jusqu’à soutenir qu’il éprouve
cette lésion; et pour y parvenir, il porte la succession
à une valeur de 1,344,000 francs. P ou r le c o u p , si la
succession étoit si o p u len te, il se trouverait que tous
les héritiers sont lésés de plus du quart, puisqu’il re~
viendroit à chacun 336,000 francs, et qu’ ils n’en ont reçu
que 239,000. Aussi n’est-ce là qu’une exagération ridi
cule, qui prouve que le sieur Sarrazin voit à travers une
vapeur qui grossit les objets. L ’estimation feroit raison
de ce persiflage.
• ;,
Mais le sieur Sarrazin se p la in t-il sérieusement de
ce que le lot de son épouse a été expédié tout en de
niers? M . de Sumpigny'aîné lui répondra sur ce point
d’une manière péremptoire.
Il pourroit soutenir avec fondement que le père a
�( 3° )
eu le droit d’indiquer ce mode de d iv isio n , pour éviter
les morcellemens; il diroit avec Decullont, sur l’article
'216 de la coutume de B ou rb on nois, hoc ju re utim ur
ut parentes possint portionem u n i velplu ribus assignare
in pecuniâ et num m is prœ standis et e x solvendis ah
a liis ; quibus hceredia relinquuntur q u a si benigna lici'tatione ¿i parentïbus f a c t a , et hoc plurim um necesse
est fie r i, propter difficullatcm dw isionis corporum hœ~
Teditarium .
Il observeroit surtout que la terre d’Effiat n’a d’irn•portance, et les bâtimens immenses qui s’y trouvent,
n’ ont de valeur ou d’intérêt que par une grande exploi
tation , et qu’en la dim inuant, ces bâtimens n’avoient
plus d’objet; que d es-lors il n’y avoit d’autre m oyen,
po u r parer à cet inconvénient , qu’une soulte ou un
T e t o u r , benigna licitatio.
Mais M . de Sampigny aîné, pour le bien de la paix1,
a tranché la difficulté ; il a o ffert, et demande acte de
ses offres, de payer en immeubles la soulte dont il est
'ch a rgé, et ce , su r le pied de Vestim ation du p è r e ,
d’après la ventillation qui en sera fuite.
>
C ’est pousser le sieur Sarrnzin jusqu’aux derniers rotranchetnens ; il est impossible que par ce moyen il
éprouve la moindre lésion , dès qu’il trouve les biens
si bassement estimés: qu’a-t-il à répondre? il préfère
dé f a i r e citer ses beaux-frères. T e lle n été la réponse
q u ’il a faite à un ami de la fam ille; c’est là son ulti
m atum .
P a r un procédé louable de sa p a r t, il veut bien
consentir à rapporter au partage ^es 104,000 francs qui
�»
^ 21 ^
.
font le prix des ventes par lui consenties; mais ce n’est
que générosité de sa p a r t , dont la loi le dispense ,
parce que c’est un bénéfice fortuit, une bonne fortune
dont il devoit profiter; et que d’après l ’article 860 d u
C o d e, il ne doit rapporter l’immeuble aliéné, que sui
vant la valeur à l’époque de l’ouverture de la succes
sion.
O n ne s’attendait pas à trouver le sieur Sarrazin gé-.
véreux. Mais n’est-ce pas étrangement s’abuser , que
d’interpréter ainsi l ’article de la loi ? n’y eu a-t-il paSj
un qui dit, avant tout, que l’héritier, même bénéficiaire,,
est tenu de rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a
reçu du défunt, directement ou indirectement (art. 843)?,
E t qui ne voit que l’article 860 est tout entier dans
l’intérêt des cohéritiers, contre le cohéritier vendeur;,
que c'est une peine prononcée par la l o i , que de rap
porter l’objet suivant la valeur à l ’époque de l’ouver
ture de la succession, parce que la vente est antérieure^
et que dans le cours ordinaire, les immeubles doivent
augmenter successivement de v a le u r , sous un go u v er
nement sage? Mais les héritiers ont eu toujours le choix
de se contenter ou d’exiger le prix de la ven te, parce
que celui qui a prématurément vendu a toujours tort.
D ’un autre c ô t é , le fils n’est-il pas obligé de rapporter
tout ce qu’ il a reçu de
la substance du père ? la
daine Sarrazin n’a - t - e l l e pas reçu 104,000 francs de
son p è re ? n’a-t-elle pas le droit de reprendre cette
somme sur son mari ? n’a-t-elle pas pour celte somme
une hypothèque legale sur tous les biens de son époux?
E t ce grand partisan de Végalité, voudroil être mieux
�C 32 )
;
.•
traité que ses cohéritiers; il a déjà profité, à leur pré
judice, de tous les revenus de cette somme pendant la
vie du père, et il voudroit encore gagner, à leur pré
judice, le capital : quelle gén érositél
Est-il encore g én éreu x, lorsqu’il demande le rapport
des 60,000 fr. que son beau-frère a reçus lors de son
mariage ? Il expose qu’à cette é p o q u e , M . Sampigny
père savoit qu’il étoit lié ; il en eut un léger repentir.
Incapable d’aucune mesure fr a u d u le u se , il assembla ses
enfans, leur ouvrît fran chem en t son â m e , et leur de
manda leur assentiment, pour faire à son fils aîné un
avantage indirect de 60,000 fr. : tous les enfans souscri
virent avec empressement aux vœ ux de leur excellent
p è re; ils se reproclieroient encore aujourd’hui la seule
pensée de revenir contre leur promesse.
« C epen dan t, s’il étoit possible de supposer que le
« partage pût entraîner un préciput du quart au profit
« de l’aîné, se refuseroit-il à précompter cette somme?
« trou veroit-il mauvais qu’on lui en demandât le rapport ?
« Il garde là-dessus le plus profond silence. »
H é bien ! le sieur de Sampigny aîné va s’expliquer. Il se
demande d’abord à lu i- m e m e comment
cet excellent
»
père , incapable à'aucune mesure fr a u d u le u se , qui as
semble tous ses enfans pour un léger avantage de 60,000 f.
qu’il pouvoit donner de la main à la main , sans qu’ il
cil restât la moindre trace , qu’il pouvoit prendre sur
ses revenus ou ses économ ies, sans blesser ni sa pro
messe , ni sa conscience ; comment ce père si tim o r é ,
qui tient si religieusement à ses engageinens pour une
chose si lé g è re , a pu tout à co u p , dans un testament
olographe,
�.
( 33 )
.
.
olographe, qui est le fruit de la méditation , qui est fait
en présence de l’être suprêm e, dans un moment où on
redoute tout ce qui est m a l , pour rechercher tout ce
qui est juste, ait pu se laisser dominer par une aveugle
-prédilection , par des préjugés du droit d'aînesse, etc. ?
N ’est-ce pas là la plus révoltante contradiction?
M a is, pour trancher encore, le sieur Sampigny aîné
déclare qu’il a reçu cette somme ; qu’il l’a reçue avec
l’assentiment de tous ses cohéritiers, qui ont provoqué
cette libéralité ; que le sieur Sarrazin fut celui qui porta
la parole au père de famille pour l’y exciter, avec les plus
fortes protestations de respect. H é ! qu’il ne pense pas
que cette somme puisse, dans aucun cas, être précomptée
ou co m p u tée, pour vérifier la prétendue lésion. M . de
Sampigny aîné a touché 60,000 f r . , et M . d’Issoncourt
en a reçu 20,000 ; voilà un capital de 80,000 fr. que
le père n’a compris ni dû. comprendre dans son par
tage : c’est un objet omis , qui doit être partagé con
formément à la l o i , c’est-à-dire, en quatre portions
égales (art. 1077 du Code). Il en résulte que M . d’Is
soncourt est payé de son q u a r t, par les 20,000 francs
qu’il a reçus ; il en revient pareille somme au sieur
Sarrazin : M . de Sampigny aîné les o ffre, et 11e veut
rien recevoir de lui.
Quant au sieur Ignace-IIyacinthe, troisième fils, il se
fait uu devoir de déclarer qu’il tient plus à sa parole
d’honneur qu’à un écrit, et donne quittance à son frère
de la portion qu’il amende.
Ç)n ne peut pas s’expliquer plus clairement sur ce
�C 34 )
point ; et si M . de Sampigny avoit jusqu’ici gardé le
s ile n c e , c’est qu’il ne pouvoit penser que ces secrets de
famille seroient si honteusement divulgués , et que le
sieur Sarrazin surtout osât s’en faire un moyen pour
appuyer sa réclamation : il pouvoit dire en particulier
à son beau-frère qu’il ne tenoit plus à sa p a ro le, et il
auroit reçu la môme réponse.
Suivons encore le sieur Sarrazin, q u i, « s’il en croyoit
« la voix p u b liqu e, qui se mêle toujours avec empres« sement de la chose d’autrui, pour y porter le trouble,
« apprendroit que quelques-uns des héritiers veulent
« l’arrêter par la crainte d’avancer les frais de l’instance. »
Personne n’a eu cette pensée-, mais l’article 1080 du
Code porte que « l’enfant q u i , pour une des causes ex
« primées en l’article précédent, attaquera le partage fait
« par le p è re , devra faire l’avance des frais de l ’estima« tion; et il les supportera en définitif, ainsi que les
« dépens de la contestation, si sa réclamation n’est pas
« fondée. »
Les défendeurs jusqu’ici n’avoient tiré aucune induction
de cet article de la l o i , qui prouve cependant de plus
en plus la confiance du législateur dans l’opération du
p è r e , puisque, dans tous les autres cas, les dépens sont
compensés entre les cohéritiers. Mais comme les défen
deurs se fin tient que la réclamation du sieur Sarrazin
n’est pas fondée, il ne trouvera pas mauvais qu’on lui
laisse la jouissance ou le plaisir d’avancer les frais, parce
qu’on espère qu’ il les supportera en définitif.
Doit-on encore rappeler ici le singulier expédient que
�.
.
c 35 )
proposoit le sieur Sarrazin, pour remédier à rinconvc*
nient que présente le château d’E fïiat, qui ne sera plus
en proportion de la propriété? Il conseilloit de l’abattre,
pour en vendre les matériaux. O n croyoit que cette
manie de détruire avoit passé de mode. L ’exemple d’ un
voisin à qui il en a coûté 20,000 francs en sus des ma
tériaux , pour une semblable o pération, n’est pas fort
encourageant. Ainsi M . de Sarrazîn ne trouvera pas
mauvais qu’on ne suive pas son conseil ; et on laissera
subsister un monument du grand siècle, qui fait encore
honneur à la province.
E n fin , comment cette famille p e u t-e lle se décider à
plaid er? Il n’est pas un jurisconsulte qui se fût refusé à
être arb itre, pas un expert qui ne se fût empressé d’es
timer , etc. Quel effort de résolution! Que M . Sarrazin
sache que des cohéritiers majeurs, qui ont une connoissance locale et parfaite de la valeur des biens , n’ont
besoin ni de jurisconsultes ni d’experts , lorsqu’ils ont
le bon esprit de vouloir se concilier : il ne s’agit que de
s’entendre. O n a offert au sieur Sarrazin le seul moyen
de term iner, en lui donnant sa portion héréditaire en
biens immeubles, d’après l’estimation du père : c’est la
seule proposition raisonnable qui puisse concilier tous
les intérêts, et s’accorder avec le respect qu’on doit aux
volontés du père.
Il est impossible alors que les intérêts du sieur Sarrazin
ne soient pas à couvert ; et lorsque les défendeurs se pré
sentent avec de pareilles offres, ils comparoissent devant
la justice d’ une manière digne d’eu x-m êm es , avec la
5 *
�C 36 )
t
A
décence qui leur con vien t, et le respect qui est dû aux
tribunaux.
'
Signé
, Comte
D o m in iq u e - L o u is - F r a n ç o is
I g n a c e - H y a c in t h e
, Comte
D E
D E
SAMPIGNY.
SAMPIGNY.
P ar conseil :
*
a
M e. P A G E S , ancien avocat.
M e. B A Y L E jeu n e, avoué licencié.
«
�TESTAMENT
'
OLOGRAPH E
.De M.
F
rauçois
-C
h a r i e s
,
Comte D E
S A M P I G N Y père.
. ô E soussigné ,-Erançois-Charles de S am p ign y, habitant
de la ville de R io m , département du P u y - d e - D ô m e ,
voulant régler d’avance, entre mes quatre enfans, le par
tage de mes bien s, de manière à ce qu’il ne puisse s’élever
entr’eux aucune discussion ; désirant encore de prévenir
tout morcellement et subdivision de mes différens corps
de biens, qui nuiroit à leur meilleure exploitation, en
diminueroit les produits, et tendroit à les dép récier;
usant enfin de la faculté que me donne la loi pour le
plus grand avantage de ma fam ille, je déclare, par le
présent testament, que ma volonté est que mes biens
meubles et immeubles soient partagés entre mes quatre
enfans comme il suit :
.
...
A r t.
I er.
J ’estime tout ce que je possède à E iR a t, consistant en
maisons d’habitation et d’exploitation, ses meubles meublans, ses jardins, scs avenues, le grand et le petit parc
�( 38)
_
•, >
avec leurs dépendances, les quatre dom aines, les bâtitimens qui en dépendent, ensemble tous autres d’exploi
tation , les héritages détachés des corps de domaine, les
bestiaux, tant ceux qui garnissent les domaines, que
ceux qui appartiennent à la ré s e rv e , les instrumens
d’agriculture; en un m o t, tout ce qui compose ou dé
pend dudit bien d’Effiat, sans aucune réserve ni restric
tion, à la somme de trois cent soixante-cinq mille livres
tournois, c i ..........................................................365,000 liv.
J ’observe que la grandeur disproportionnée des bâlim e n s ,le u r m ultip licité, la cherté de leur entretien,
formant une charge considérable pour celui de mes quatre
enfans à qui je destine les biens situés à Efïiat, ces motifs
on t été pris en considération dans l’estimation que j’en
ai faite, attendu que les revenus qui resteront attachés
après moi à ce corps de b ien s, ne seront plus en p ro
portion avec les dépenses qu’il nécessitera.
A 11 t .
2.
J ’estime celle de mes deux maisons d’habitation qui
est située à R io m , ayant la façade sur la rue des T a u les,
y compris la réunion d’une maison que j’ai acquise du
sieur F aucon, avec les meubles meublans qui s’y trou
veront, et tout ce qui en d é p e n d , ¿\ la somme de vingtcinq mille livres tournois, c i .............................. 25 }qoo liv.
A
r t
.
3.
J ’estime mes biens situés à Dcnone près Eifiat, avec
�.
.
.
( 3 9 )
.
.
les bâtimens d’habitation et ceux d’exploitation, com
posés de quatre domaines et d’une réserve , et d’une
locaterie, ainsi que les héritages qui en dépendent, y
compris tous les bestiaux et instrumens d’agriculture,
à la somme de deux cent vingt mille livres tournois,
c i ....................................... ...................................... 220,000 liv.
A rt.
4.
J ’estime mon autre maison située rue So us-la-C ro ix,
avec ses meubles m eublans, y compris l’écurie située
même ru e, vis-à-vis la maison Panay du Deffand , à la
somme de vingt mille livres tournois, c i . .. 20,000 liv.,
A
rt.
5.
J ’estime les biens qui me restent à G e rz a t, depuis mes
partages de la succession de feu mon frère Jean-Baptiste de
Sam pigny-Denone, y compris la maison d’habitation, les
bâtimens d’exploitation , les héritages , l’enclos et ses
jardins, les meubles m eublans, la maison de m aître,
ainsi que les héritages que j’ai achetés de mon troisième
fils Ignace de Sam pigny, à la somme de cent cinquante .
mille livres tournois, ci.................................. i5 o ,o o o liv.
A r t . 6.
J estime les p r é s , terres, saussaies et autres héritages
situés au village de P r u n , près celui de Bussière, «Y
�.
( 1° 3
.
.
.
la somme de soixante-quinze mille livres tournois,
ci.................................................................................75,000 liv.
•
A
r t
. 7.
La valeur de ces différentes' estimations forme un total
général de huit cent cinquante mille livres tournois, à
quoi il faut ajouter la somme de cent quatre mille livres
tournois, provenant de la vente que M . de Sarrazin ,
mon gen d re, époux de ma fille Em ilie de Sam pigny,
a faite des domaines, l’un appelé L e co u r, commune de
L o u b eyrat, canton de M anzat, et l’autre appelé le T r é m aille, commune de Charbonnières-les-Vieilles, canton
de M an zat, dont je lui avois abandonné la jouissance
par son contrat de m ariage, et qu’il doit rapporter à
la masse de mes biens, ci................................104,000 liv.
A u moyen de q u o i, cette masse se monte à neuf cent
cinquante neuf mille livres tournois, c i . . . . 959,000 liv.
J ’observe que l’estimation ci-dessus de mes biens, a
été faite d’après la parfaite connoissance que j’ai de leur
consistance et valeu r; ainsi, le quart de neuf cent cin
quante-neuf mille livres étant de deux cent trente-neuf
mille sept ceut cinquante livres tournois , chacun de
mes quatre enfans ayant droit au quart de mes biens,
je veu x et j’entends que la division en soit faite entre
eux comme il suit , attendu la connoissance parfaite
que j’ ai de ce qui convient le mieux à chacun d’e u x ,
çt de ce qui est le plus a leur bienséance réciproque.
A
a T,
�( 4i )
A
rt
. 8.
E n conséquence , j’estime que l’aîné de mes quatre
enfans, Dominique-Louis-François de Sam pign y, doit
a v o ir , et je veux qu’il ai t, premièrem ent, tout ce que
je possède à Effiat ; secondement , ma maison située
rue des T a u le s , ainsi que les deux objets sont détaillés
plus haut. Mais comme le montant de l’évaluation de
ces deux objets est de la somme de trois cent quatrevingt-dix mille livres tournois, ci...................390,000 1.
E t qu’il ne lui revient pour sa portion que deux cent
trente-neuf mille sept cent cinquante livres tournois, il rap
portera au lot de sa sœur la somme de cent trente-cinq
mille sept cent cinquante livres tournois, c i .. . 135,7501.
E t au lot de mon second fils Ignace-Hya.cintlie de Sampigny d’Issoncourt, la somme
de quatorze mille cinq cents livres tournois,
ci...................................................................................
i 4 , 5ooI.
Ce qui formera un total de cent cinquante
mille deux cent cinquante livres tournois,_____ _____
ci................................................................................ i 5 o , 2 5 o 1.
faisant l’excédant de son lot; mais cette somme ne sera
exigible de la part de ses frères et sœur , qu’après
trois années écoulées du jour de mon d écès, en un
ou plusieurs payem ens, à sou choix ; et en attendant,
il leur en sera par lui fait raison des intérêts de ladite
somme au taux légal.
Dans le cas , néanm oins, où mon susdit fils a în é ,
Dom inique-Louis-François de Sam pigny, préféreroit do
6
�( 4 0
s’acquitter envers ses frères et sœ u r, de la somme qu’il
devra pour excédant de son lo t, en biens fo n d s, mon
intention est qu’il y soit autorisé, mais qu’il n’y soit
jamais f o r c e , attendu les grandes dépenses d’entretien
et de réparations que nécessite la propriété d’EiH at,
qui doivent être compensées par quelques avantages.
A
r t
. 9.
J e veux que la portion de mon second fils, IgnaceIlyacinthe d’Issoncourt de S a m p ig n y, soit composée ,
prem ièrem ent, de tout ce que je possède à G erzat, tels
qu’ils ont été détaillés plus h au t, e t, secondement, de
ceux que j’ai au village de P r u n , près celui d e Bussière;
mais comme ces d e ux objets ne sont entrés dans les esti
mations que pour la somme de deux cent vingt-cinq m ille
livres tournois, c i ........................................... 225,000 liv.
E t qu’il a droit à celle de deux cent trente-neuf m ille
sept cent cinquante livres tournois, c i . . . .
239,750 liv.
11 lui sera fait raison de ■celle de quatorze mille sept
cent cinquante liv. tournois, prendre sur son frère aîné,
D om in iq u e-L o u is-F ra n ço is de S am p ign y, et sur son
autre frère.
A r t . 10.
M o n intention est q u e le lot de mon troisième fils,,
IgnaCe-lTyacinthe <le S a m p i g n y , soit c o m p o s é , premiè
r e m e n t , de tout ce que je possède à D e n o u e , e t , se
condement, de celle de mes deux maisons qui est à R i o m ,
rue S o u s- la -C ro ix , avec l’ecurie située même r u e , tels
que les deux objets ont été déjà détaillés.
�,
C 43 )
E t comme ces deux objets s’élèvent ensemble à la
somme de deux cent quarante mille livres tournois,
c i ...............................................................................240,000 liv.
E t que chaque lot ne sera que de la somme de deux
cent trente-neuf mille sept cent cinquante livres tournois,
il l'endra à son frère Ignace-Hyacinthe d’Issoncourt de
Sam pigny , la somme de deux cent cinquante livres
tou rn ois, c i ................................................................. 2Ôo liv.
Somme qui excédoit son lot.
A
rt
. ir.
M a volonté expresse est que ma fille Em ilie de Sam
pigny , mariée avec M . de Sarrazin, ait pour sa p a r t ,
prem ièrem en t, la somme de cent quatre mille livres
tournois, c i .......................................................... 104,000 liv.
provenant du p rix de la vente faite par M . de Sar
razin , son é p o u x , mon g e n d r e , des deux dom aines,
dont l’un appelé L eco u r , commune de L o u b e y r a t ,
canton de M a n z a t, et l’autre appelé le T r é m a ille , com
mune de Charbonnières-les-Vieilles, canton de M a n za t,
dont je lui avois abandonné la jouissance, en la mariant;
e t , secondement, attendu que la valeur de ces domaines
vendus est insuffisante pour compléter son l o t , il lui
sera payé par Dominique-Louis-François de Sam pigny,
mon fils a în é, ou par son autre frère, la somme de cent
tren te-cin q mille sept cent cinquante livres tournois,
laquelle, jointe h celle de cent quatre mille liv. tournois ,
complétera celle de deux cent trente-neuf mille sept cent
6 *
�( 44 )
cinquaute livres tournois, faisant le quart de l ’estimatioa de tous mes biens.
A r t.
12,
T o u t le lin g e , comme draps de lits, celui de table,
celui de cuisine, toute l’argenterie, batterie de cuisine,
.et autres objets de pareille nature ; la vaisselle qui se
trouveroit m’appartenir, dans mes différentes maisons,
soit en v ille , soit en campagne, sera partagé par égales
portions entre ma femme et mes quatre enfans ; bien
entendu cependant, qu’en cas de prédécès de ma p a rt,
ceux des objets auxquels la dame Louise-Eléonoi’c de
Saint-Belin , mon ép ouse, leur m è r e , auroit d ro it,
soit par son contrat de mariage, soit par les dispositions
du contrat de mariage de mes en fan s, et notamment
de celui de mon troisième fils Ign ace-H yacinth e de
Sam pigny, marié avec la demoiselle de V é n y de V illem ont, seront prélevés par elle pour en jouir sa vie durant.
A
r t
. 13.
E n cas de prédécès de ma p a rt, chacun de mes quatre
enfans restituera sa part égale de toutes les sommes et
choses qui pourront être dues à mon épouse, leur rnère,
Jjouise-Eléonore de Saiut-Belin, soit qu’elles proviennent
de sa d o t, de succession à elle échue, ou des dispositions
de son contrat de m ariage, soit de tout acte de reconnoissance que j’aurois pu lui donner, ainsi que par les
�.
( 45 )
contrats de mariage de mes enfans, et notamment par
celui de mon troisième fils Ignace-Hyacintlie de Sam
p ig n y , marié avec la demoiselle M arie-Anne de V é n y ,
ratifiant, en tant que de besoin seroit, les dons mutuels
que nous nous sommes faits au dernier su rvivan t, par
le susdit contrat de mariage.
M on désir, en cas de prédécès de ma p a rt, est qu’elle
jouisse du logement auquel elle a droit en v i l l e , dans
celle de mes maisons située rue Sous - la - Croix , avec
l ’écurie qui est dans la môme ru e; et que la maison de
campagne à laquelle elle a d r o it, soit celle de G erza t,
avec ses jardins et enclos; je désire aussi que l ’usufruit
auquel elle auroit dr oi t , soit assis sur les biens-fonds
qui en dépendent, à moins qu’elle ne préférât de placer
cet usufruit sur d’autres objets de ma succession. Celui
ou ceux de mes enfans, sur la portion duquel seroient
placés ses droits, reprises, usufruit, sera indemnisé par
ses autres frères et s œ u r , des non-jouissances dont il
se trouveroit grevé par l’assujettissement de la portion
de son bien sur lequel seroit assis l’usufruit apparte
nant à sa mère.
A R T. 14.
Je me réserve la somme de cent pistoles, de laquelle
je dispose dès à présent, en forme (Je le g s , en faveur
de Gabriel Salom on, à titre de récompense de ses bons
services; laquelle lui sera payée par mes héritiers, dans
l ’annee de mon décès, et en outre les gages qui pourroient lut etre dûs. Je lui donne de plus ma garde-robe.
Je donue et lègue à L é g e r M o u t e l; mon cuisinier,
�,
( 4^ )
une année de gages, outre et par-dessus ses gages ordi
naires, laquelle lui sera aussi payée dans l ’année de mon
décès ; à condition toutefois qu’il se trouvera alors
attaché à mon service.
J e donne et lègue aux pauvres des trois hospices, et
à ceux du bureau de bienfaisance, et à chacun des établissemens, la somme de trois cents livres.
P lu s , aux pauvres d’Efliat et de D en o n e, la quantité
de cent cinquante septiers d’orge. T o u s lesdits legs
payables pareillement dans l’année de mon décès.
J e charge mes héritiers de faire célébrer un annuel
de messe pour le repos de mon â m e , aussitôt après
mon décès.
A r t.
i 5.
J 'a i trop bonne opinion de mes quatre en/ans, pour
rïêtre pas convaincu q u ’aucun d’eu x ne seroit capable
de co n tr a r ie r , ou m êm e de ne poin t approuver mes
dispositions ' n éa n m oin s, en tant que de b eso in , je leur
en donne Yordre exprès ; et je déclare à la ju stice que
j e n 'a i a g i, en ces partages, que dans Yéquité la plus
p a r fa ite , et dans les sentim ens de ht plus entière et de
la plus égale affection pour mes quatre enfa n s . J e leur
recom m ande la plus parfaite harm onie entr’eu x ,* de se
prêter une m utuelle assistance dans toutes les affaires
q u i leu r survien dron t, et dans tous les événemens im
portons de leur vie.
A p res avoir mûrement réfléchi sur les estimations de
jncs biens, examiné attentivement tous les calculs que
�.
,
. ( 47 )
j’en ai faits; après avoir l u et relu avec la plus grande
attention mon présent testament, je déclare qu’ il est
conforme à mes volontés, que telles sont mes intentions,
et que j’y persiste. En foi de quoi je l’ai écrit de ma
main , et l’ai signé à toutes les pages. Fait à R i o m ,
dans ma maison d’habitation, le deux janvier mil huit
cent sept.
Signé
S A M P I G N Y.
Je d éclare, en tant que de besoin , que dans tous
les articles de mon présent testament, où il est question
des meubles meublans, j’ai entendu y comprendre tous
les lits avec leurs tentures et garnitures; et après avoir
lu et re lu , et ajouté à mon testament ci-dessus, je l’ap
prouve et y persiste. Fait lesdits jour et a n , en ma
maison de R i o m , deux janvier mil huit cent sept.
Signé S a
m p i g n y
.
'A RIOM, de l' imp. de T HIBAUD, imprimeur de la Cour royale, et libraire.,
rue des Taules, maison L a n d r i o t . — novembre 1814 .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Comtes de Sampigny. 1814]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Bayle jeune
Subject
The topic of the resource
successions
testament olographe
émigrés
avancement d'hoirie
égalité des héritiers
puissance paternelle
lésion
partage
démolition de châteaux
châteaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire servant de défenses, pour MM. Dominique-Louis-François, et Ignace-Hyacinthe, Comtes de Sampigny, défendeurs ; contre dame Emilie de Sampigny, et M. de Sarrazin, son époux, demandeurs ; en présence de M. Ignace-Hyacinthe, Comte de Sampigny d'Issoncourt, aussi défendeur.
Testament olographe de M. François-Charles, Comte de Sampigny père.
Table Godemel : Donataire : l’enfant donataire qui a vendu avantageusement les immeubles reçus par lui en avancement d’hoirie, est-il fondé à n’en rapporter la valeur que sur le pied de l’estimation proportionnelle de tous les biens, à l’époque de l’ouverture de la succession, ou, au contraire, peut-il être tenu de rapporter intégralement le prix de vente ? Partage : 19. le père de famille qui, par diverses dispositions contractuelles, a institué tous ses enfants ses héritiers par égalité, a-t-il, comme s’il ne s’était point lié et fut resté libre de sa fortune, la faculté d’accroître indirectement, par un partage testamentaire, la part de l’un de ses enfants, jusqu’à concurrence du quart, ou même d’une moindre quotité ? les enfants lésés peuvent-ils se refuser à l’exécution de cette distribution des biens, et demander un nouveau partage pour maintenir l’égalité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1814
An 2-1814
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
47 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2416
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2417
BCU_Factums_G2418
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53470/BCU_Factums_G2416.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Gerzat (63164)
Bussières-et-Pruns (63061)
Effiat (63143)
Riom (63300)
Loubeyrat (63198)
Denone (château de)
Manzat (63206)
Charbonnières-les-Vieilles (63093)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avancement d'hoirie
chateaux
démolition de châteaux
égalité des héritiers
émigrés
lésion
partage
puissance paternelle
Successions
Testament olographe
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53308/BCU_Factums_G1705.pdf
c27003776d341e537ddde2ba77032af7
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
E
POUR
Sieur L aurent - L ouis - A mable D E L O R T ,
propriétaire, habitant de la ville de Thonon,
département du L ém an , appelant ;
C O N T R E
.
Sieur C l a u
d e
B O U T A R E L et dame F
r a n
R U P H Y , son épouse habitans de la
ville d’Aurillac intimés.
ço ise
E N perm ettant à l’ho m m e de disposer après lui de ses
biens , en lu i accordant le plus beau des privilèges , la
faculté de tester, la lo i a v o u lu sans doute que ses d e r
nières volontés fussent religieusement exécutées
aussi
vo it-o n que la seule mais r ig o u reuse condition à laquelle
est attachée la validité du testament f c’est la certitude de
A
�la vo lo n té du testateur, lorsque d’ailleurs sa capacité n’est
pas contestée.
T o u tes les précautions dont la loi s’e n to u r e , n’ont
d ’autre objet que d ’acquérir cette certitude.
A in s i, le testament public est assujéti à une multitude
de formes intrinsèques , q u i , toutes minutieuses qu’elles
peuvent p a ro ître , doivent être o b serv ées, î\ peine de
nullité , parce q u ’ayant toutes p o u r but d’im prim er à la
disposition le caractère d’ une vo lon té parfaitement lib re ,
elles ne sont plus de simples fo rm u le s , mais bien autant
de conditions attachées à la faculté de tester.
A in s i , le testament m ystique, qui laisse au testateur la
liberté de tenir scs dispositions secrètes, est rigoureusement
soumis à des formes e x té rie u re s , sans lesquelles la loi ne
l’autorise plus.
A in si enfin, le testament olographe étant dispensé de
toutes ces formes , parce qu ’il est l ’ouvrage immédiat du
testateur, la loi a dû prendre des précautions rigoureuses
p o u r s’assurer q u ’il contiendrait sa dernière vo lon té, p our
a vo ir la certitude que ce testam ent, laissé le plus souvent
parm i les papiers du d é fu n t, et à la merci des héritiers,
seroit l’apporté à la justice, intact et sans altération. P o u r
cela , elle a établi certaines fo rm e s , sans lesquelles elle ne
le reconnoît plus.
S i - p a r e x e m p le , le secret du testateur a été v io lé ; si
avant de rem p lir ces formes le testament a été d ’abord
soustrait, puis o u v e r t , lorsqu’ il étoit cacheté ; si on n’en
présente q u ’une partie, ou si on a pu même le supprimer
p ou r en substituer un a u tre ; si tous ces faits sont établis,
la loi refuse toute confiance à la disposition , et à celui
�m
(3 )
qu i la présente ; elle défend, aux magistrats d’en perm ettre
l ’exécution.
V o i là précisément l’espèce de la cause ; elle est digne
de fixer l’attention de la c o u r , soit parce que la question
est im p o rtan te, soit parce que l’intérêt en est m a je u r ,
puisqu’il s’agit d ’ une succession opulente ; soit enfin parce
qu ’elle tient à la m orale et à l’ordre public.
F A I T S .
Louis-Isaac D e lo rt est décédé à B o u d ie u , près A u rilla c ,
le 28 fructidor an 12 , à cinq heures du m a t in , laissant
p o u r héritiers naturels L a u re n t-L o u is-A m a b le D e l o r t ,
son f r è r e , et la dame R u p h y , sa sœur.
Sou frère étoit alors dans le département du L ém an ,
où il habite ; la dame R u p h y étoit ù A u r illa c : il n’y a voit
auprès de lui que la dame B o u ta re l, fille de la dame
R u p h y , et son mari.
A peine le sieur D e lo r t eut-il ferm é les yeu x , que le
sieur Boutarel prit sous son chevet les clefs de son b u r e a u ,
l’o u v r i t , fouilla les t ir o ir s , et y p rit un paquet sous en
v e lo p p e , cacheté de cinq cachets : l ’enveloppe portoit une
suscription annonçant qu ’elle contenoit les dernières dis
positions du défunt.
L e sieur B o u ta rel, com m e on peut le p en ser, ne s’assista de personne p o u r faire cette r e c h e r c h e , ou p ou r
m ieux d i r e , cet en lèvem ent; il déchira l ’en v e lo p p e , en
tira les papiers qu i y é to ie n t, et laissa passer deux jours
entiers sans prendre aucune mesure.
Ce ne fut que dans la journée du 30 fructidor q u ’il
parut avec la dame R u p h y , son é p o u s e , devant le présiA
2
o
�( 4
?
dent du tribunal civil d’A u r illa c , à qui ils présentèrent
ensemble un testament d’Isaac D e lo r t, écrit sur une feuille
v o la n te, sans cachet ni en veloppe , et qui portoit un legs
universel au profit de la dame Boutarel.
Ce papier é t o i t - i l celui que le sieur Boutarel avoit
trouvé sous l ’enveloppe dont il avoit v io lé le sceau ?
e t , à le supposer a in s i, étoit-il le seul qui fût sous cette
e n v e lo p p e ? contenoit-il enfin l ’unique , la dernière v o
lonté du testateur? C ’est une question que n’avoit pas à
décider le président du tribunal d’ A u rilla c -, il n’eut qu ’à
constater l’état de la p iè c e , et
en ordonner le d é p ô t ,
telle q u ’elle é to it, chez un notaire : c’est ce qu ’il fit par
son procès verbal du m êm e jour 30 fructidor an 12.
L e 2 vendém iaire su iv a n t, les sieur et dame Boutarel
obtinrent une ordonnance qui les envoya en possession
des biens , conform ém ent à l’art. 1008 du Code civil.
Pendant cet intervalle tout resta au p o u v o ir des sieur
et dame B o u ta rel; personne ne pensa à réclam er ou à
ordonner une apposition de scellés. L e sieur D elo rt éloit
absent ; et le magistrat spécialement chargé par la loi de
veiller à ses intérêts, et d’apposer les scellés d ’office, le juge
de paix , négligea ou ne vo u lu t pas prendre ceLte précau
tion , qu oiqu ’ il fût venu à B oudicu dans la matinée du 28.
L e sieur D e lo rt , frère et h éritier légitim e du défun t,
instruit de ce qui s’étoit passé , vin t ¿1 A u r illa c ; et le 13
fé v rie r 1806 il fit citer en conciliation les sieur et dame
B o u ta re l, sur sa demande en délaissement de la moitié
des biens de son frère.
A p r è s un procès verbal de non-conciliation , et la de
mande judiciaire qui en fut la suite, les parties se présen-
�142
( 5 ).
tarent à l ’audience du tribunal civ il d’ A u r i l l a c , où il s’en
gagea une discussion sérieuse.
L e sieur D e lo rt y mit en avant que le testament de
son frère n’avoit pas été présenté au juge in tégra lem en t, ni
com m e il devoit l ’être ; q u ’il y avoit de la part du sieur
Boutarel une double in fid élité, i° . en s’emparant sans
autorité ni q u a lité, et en l’absence de l’heritier naturel,
de la clef des tiroii’s du d é f u n t , et des papiers qu ’ il avoit
pu y tro u v e r; 2 °. en se permettant de ro m pre les cachets
du testam ent, et de vio ler tout à la fois le sceau et le
secret du testateur.
T o u t cela , disoit le sieur D eloivt, a été fait sciemment;
car le testament avoit sur l’enveloppe une suscription
signée du testateur; et tout cela ne peut a vo ir été fait
sans intérêts : rien ne le p ro u ve m ieux que la suppression
de l ’enveloppe.
D ’où il faut c o n c lu re , ajoutoit-il, que rien ne garantit
à la justice que le testament qu ’on rapporte soit réelle
ment celui qui a été tro u vé dans les papiers du testa
teur ; q u ’on n ’ait pas supprim é celui-là p o u r en substi
tuer un autre q u ’on a'ui'oit obtenu par obsession ; o r , le
légataire étant constitué en mauvaise f o i , la présom ption
est contre lui ; et que quand bien m êm e il n ’y auroit pas
de preuve précise de suppression du testament, dès que
la justice n’a plus de certitude sur la dernière vo lon té du
testateur, le légataire doit être puni par le x’ejet du tes
tament , de la violation qu ’il s’est permise.
Ces moyens étoient faits p o u r embarrasser les sieur et
dame Boutarel. S’ils avouoient les faits qui en étoient la
b ase, ils étoient constitués en mauvaise fo i; s’ils prenoient
4
�le parti de les n ie r, la p reu v e en étoit facile : et c’eût été
bien pis. Ils s’en tirèrent assez adroitement. J e conviens,
dit le sieur B o u ta re l, a vo ir ro m p u le cachet, et ouvert
l ’enveloppe; mais je l ’ai fait et j’ai dû le faire, parce que
l ’enveloppe portoit uniquem ent ces mots : P o u i' rem ettre
à m adam e B o u ta re l. Si je ne la rapporte pas aujourd’h u i,
c’est que le juge de paix q u i vint à B o u d ie u , dans la mati
née du d é c è s , et ù qui je iis la remise du p a q u e t , jugea
l ’en velop p e in u tile , et n’a x'emis que le testament le jour
de sa présentation : d ’ailleurs j’ai dû o u v rir les tiroirs et
chercher le testament, parce que j’étois instruit que m on
oncle avoit laissé des ordres de le faire inhum er à A u r i l lac ; ce qui ne p o u vo it pas se retarder.
T o u t e captieuse q u ’étoit cette défense , le sieur D e lo rt
la rétorqua vivem ent. V o u s croyez a vo ir b esoin , dit-il
au sieur B o u t a r e l, de prétendre p o u r votre justification
que le paquet vous étoit adressé. E h bien ! j’offre de
p ro u v e r q u ’au lieu de ces mots : P o u r rem ettre à m adam e
B o u ta r e l, il y avoit plusieurs lignes écrites, signées du
sièur D e lo r t , annonçant que le paquet contenoit ses der
nières dispositions : ce que devoit d ’ailleurs facilement
faire présum er l’apposition de cinq cachets ; ainsi je vous
constitue en mauvaise foi d e deu x manières :
1°. E n p r o u v a n t que r ie n sur l ’e n v e l o p p e , ni dans la
su scrip tion , n’a pu vous autoriser à o u vrir le paquet ;
q u ’au contraire tout vous com m andoit une respectueuse
discrétion ;
2 ° .,Parce q u e , dans ce ré c it, je démontre que vous en
imposez à la justice.
Q u a n ta la remise du testament au juge de p a ix , le sieur
�C 7 )
D e lo rt rép ondit que c’ étoit une fable d é m o n t r é e , soit
parce qu ’ il n’y avoit pas de procès v e rb a l, soit parce que
le testament avoit été présenté par les sieur et dame B o u tarel seuls , et non par le juge de paix.
T e l étoit L’état de la cause, lo r s q u e , le 9 mai 18 0 6, il
intervint au tribunal d’A u rilla c un jugement par leq u el,
sans a vo ir égai’d à la p reu ve offerte par le sieur D e l o r t ,
dans laquelle il fut déclaré non rece va b le, il fut débou lé
de sa d e m a n d e, et condam né aux dépens.
Ce jugement porte dans scs m otifs, q u ’il est avoué par
les parties que le testament p rod uit par le sieur B ou ta rel,
est en entier é c r it, daté et signé de la main du testateur,
et que la loi n’exige pas d’autres formalités ;
Q u e toutes celles voulues par l ’article 1007 du G o d e ,
ne sont relatives qu ’au m ode prescrit p o u r rendre public
le testament; mais que leur oubli ne peut en o p érer
n u l l i t é , puisqu’elle n’est pas pronon cée par loi ; que la
p reu ve est inadmissible, parce qu ’elle ne tend, ni à établir
l’absence de l’une des trois formalités voulues par l ’ar
ticle 970 , ni à p ro u ve r la suppression d ’un testament réVocatoire de l’autre, mais seulement la suppresion d’une
enveloppe absolument indifférente : qu ’ainsi on doit y ap
pliquer la m axim e frustrcL p r o b a tu r , etc.
E n f i n , le jugement « donne acte au sieur D e lo rt de la
« déclaration faite par les sieur et dame B outarel, q u ’après
« le décès de Louis-Isaac D e l o r t , le sieur B ou ta rel, as« sisté du sieur Usse, p rê tre , cherchant dans scs papiers
« une recommandation relative à son enterrem ent, tro uva
« un paquet cacheté ? sur lequel étoit écrit : P o u r r c -
�f { *'h
C8 )
« m ettre à m adam e B o u ta r e l j que l ’ayant o u v e r t , il a
« tro u v é le testament dont il s’agit ; que le testament et
cc l ’enveloppe ont été confiés à M . B o u d ie r, juge de p a ix ,
« q u i , le jour de la représentation du testament, n’a remis
« que celu i-ci, regardant l ’enveloppe com m e inutile. »
L e sieur D e lo rt a interjeté appel de ce ju gem en t; et
qu oique les circonstances et les faits articulés devant les
premiers ju ges, fussent suffisans p o u r le faire in firm e r,
au moins en ce q u ’il a déclaré la p reu ve non rece va b le,
le sieur D e lo rt n’en est pas m êm e réduit à ces termes.
Il a eu connoissance depuis l’appel de quelques faits plus
précis encore que ceux dont il a offert la p reu ve en pre
m ière instance, et au m oyen desquels il ne pourra y avoir
de doute sur la fausse application de la m axim e ¿fustrà
p r o b a tu r, e tc ., et sur le m al-jugé du jugement.
C ’est ce q u ’il s’agit de dém ontrer : la tâche ne pai’oît
pas difficile ; il suffit de com parer avec les principes et la
disposition des l o i s , la défense des sieur et dame B o u ta re l, et les motifs du jugem ent dont est appel.
L ’art. 1007 du Code civ il veut que tout testament olo’ g r a p h e , a va n t (îêtre m is à e x é c u tio n , soit présenté au
président du tribunal c i v i l , qui l ’o uvrira s’il est cacheté,
dressera procès verbal de la p résen tation, de Vouverture
et de Vétat du testament, etc.
E t les principes de tous les temps et de tous les lieux
veulent que celui qui est constitué en mauvaise f o i , qui a
com m is m ie in fidélité, en soit puni au moins par la perte
de tous les avantages qu i p ou vo ien t en l’ésulter p ou r lui.
Q ue l’on accorde la disposition de la loi avec les p rin
cipes ,
�14^
# (9 )
cip es, et on sera convaincu que les faits articulés par le
sieur D e l o r t , suffisent p ou r faire rejeter le testament.
P o u rq u o i la loi a-t-elle vo ulu une présentation du tes
tament olographe au président du trib u n a l? P o u rq u o i
a-t-elle exigé qu’ il fût dressé un procès verbal de r o u
verture et de Vétat du testament?
P o u r que personne ne puisse se rendre maître des dis
positions du défunt ; p o u r que le testament laissé le plus
souvent parm i les papiers de la succession, reçoive un
caractère authentique de v é ra cité ; p ou r que les héritiers
légitimes soient à m êm e de critiquer Vétat de ce testa
m en t, s’ils croyent p o u v o ir le faire avec avantage; p o u r
conserver enfin les droits de tous les intéressés, et assurer
autant que possible à la justice, que ce testam ent, exem pt
de toutes formalités intrinsèques, a été rapporté intact,
sans dol ni fraude, sans infidélité d’aucune espèce. A qu oi
serviroit autrement d ’en constater Vétat ?
E n veut-on une p reu ve plus positive en co re? O n la
trouvera dans les précautions dont s’entourent les arti
cles 9 1 6 , 9 17 et 918 du Gode de procédure.
L ’art. 916 veut que s’il se trouve un testam ent ou a u tres
papiers ca c h e té s, lors d’une apposition des scellés, le juge
de p aix en constate la f o r m e e x té r ie u r e , le scea u et la
s u s c r ip tio n , s’il y en a , paraphe Tenveloppe avec les
parties intéressées........... et fasse mention du tout sur son
procès verbal.
L ’article 9 1 7 , que le juge de p aix fasse, avant l ’appo
sition des s c e llé s , perquisition de tout testament dont
l ’existence seroit annoncée.
E t l’art. 9 1 8 , que les paquets trouvés ca ch etés, soient
B
�ito
( i° )
présentés p a r le juge de p a ix au p résid en t, le q u e l, estil d i t , en fera l ’o u v e rtu re , en constatera V éta t, etc.
P o u rq u o i ces excessives précautions de la l o i , si la
f o r m e e x té r ie u r e , le s c e a u , la s u sc r ip tio n , Venveloppe
du testament o lo g ra p h e, étoient si indifférens à ses y e u x ?
E t p o u r q u o i, si on est obligé de con venir que rien de
tout cela n’est indifférent, veut-on que la p reu ve de l ’in
fidélité, de la violation du sceau, de la suppression de
l’enveloppe et de la suscription, peut être du testament
lu i- m ê m e , soit une p reu ve indifférente et sans objet ?
O r , il étoit établi devant les premiers ju g e s,
Q ue le sieur Boutarel s’étoit permis de s’emparer des
clefs du d é fu n t , d ’o u v rir ses tiro irs, de fou iller dans ses
papiers ( et qu i sait où! ) , qu oiqu ’il ne fût pas héritier
n a t u r e l, et que l ’un de ses héritiers fût ù deux cents lieues
d’A u rilla c ;
Q u e s’étant emparé du testament du sieur D e l o r t , il
en a v o it rom pu les sceaux et soustrait l’en velop p e, quoique
chargée d’ une suscription ;
E nfin que le troisième jour seulement il avoit présenté
au président du tribunal civil un testament sur une feuille
de papier v o l a n t , sans enveloppe..
L e sieur Boutarel avoit donc contrevenu au x diverses
dispositions du Gode : il devoit donc être p u n i , en n ’ob
tenant pas îe x é c u tio n d’ un testament qui ne p ou voit pas
être reconnu p o u r être celui du sieur Delort..
Q u ’a-t-il répondu ?
E n prem ier lieu , q u ’ il avoit été obligé de faire p er
quisition p ou r trouver les ordres du sieur-Delort sur ses
obsèques..
�( II )
Mais ces ordres ne pou vo ien t se tro u v e r que dans son
testament; et l’article 9 17 du Gode de p rocédu re permettoit au juge de p aix seul de faire cette perquisition.
D ira-t-on que le Code de procédure 11’existoit pas alors?
M ais on sait que ce Code n’est que le com plém ent du
Code c i v i l , le développem ent de ses dispositions. O r ,
ces mesures conservatoires étoient suffisamment indiquées
par les articles 821 et 1007 du Code c i v i l , et par l’ar
ticle 8 1 9 , où l’on vo it que le juge de p aix doit apposer les
scellés, mêm e d’o flic e , partout où les héritiers sont absens
au moment du décès. Il falloit donc le faire ainsi ; et il
n’ étoit pas besoin alors du Code de p rocédure p o u r re
q u érir le juge de paix de faire perquisition préalable du
testament, ni p ou r savoir que le président du tribunal
p ou vo it seul faire V ouçerture du testament , ou autre
papier cacheté.
L e sieur Boutarel ne trouvera d’ailleurs dans aucune
loi qu ’ il soit permis à un h é r it ie r , lorsque tous n’y sont
p a s , encore moins à un étra n g e r, de s’ériger en m aître,
et de s’em parer et d’o u v rir les papiers de la succession :
ainsi, il est inexcusable sur ce prem ier fait.
E n second lieu , il prétend a vo ir ouvert le p a q u e t,
parce qu’il étoit à l’adresse de sa femme.
•Mais le sieur D e lo r t a offert la p reu ve du contraire ;
d’où il résultoit une n ouvelle p reu ve de mauvaise f o i ,
puisque les sieur et dame Boutarel ont v o u lu s’excuser
par un mensonge.
E n f i n , il prétendoit se justifier de ne pas rapporter
l’e n v e lo p p e , en disant qu ’il avoit présenté le tout au juge
de p a i x , qui avoit jugé l ’enveloppe inutile,
B 2
�t
$•>< ;
C Ï2 )
M ais où est le procès verbal du ju ge de paix ? Si le
fait étoit v ra i, y auroit-il une autre manière de le cons
tater ? E t com m ent présum er qu’un juge de paix se per
mette de retrancher une pai’tie essentielle d’ un testament,
de s’en charger mêm e , sans le constater, sans dresser un
procès v e r b a l? Com bien ne seroit-il pas rep réh en sib le,
s’il le faisoit ? Ce n’est donc chez les sieur et dame B o u
tarel qu’ une misérable défaite.
Ils sont donc convaincus d’infidélité , de mauvaise foi:
ils ont donc encouru la peine de celte in fid élité, parce
q u ’ ils l’ont commise sciemment et à mauvais dessein.
V o y o n s à présent ce q u ’ont dit les premiers juges dans
leurs motifs : on les a déjà rappelés eu substance.
Ils disent d’abord que le testament est é c r i t , daté et
signé par le testateur, et que la loi n’impose pas d ’autres
formalités.
M ais c’est s’écarter de la question. O n ne contesle pas
à ce testament les. formes auxquelles il est assujéti ; mais
on met en question ,, et il s’agit de savoir si le testament
qu ’on rapporte est celui qui a été laissé par le sieur
D e lo rt et enlevé par le sieur B o u ta re l, revêtu d ’une en
v e lo p p e , et scellé de cinq cachets.
Q u ’on dise, si L’on ve u t, q u ’il ne suffit pas de le mettre en
question, et qu’il faut des preuves;.le sieur D elo rt répondra,
avec avantage, q u ’ il lui suffit de p rou ver la mauvaise foi*,,
la soustraction, p o u r que par cela même la suppression,
du testament soit présumée jusqu’à preuve contraire.
lies premiers juges disent ensuite que les formalités
voulues par l’article 1007 du Code civil ne sont relatives
qu’au m ode prescrit p o u r rendre le testament public ;
�I}0
( 13 )
qu ’ainsi leur omission ne peut en opérer la n u llité, parce
qu ’elle n’est pas prononcée.
E n f i n , que la preuve est inadm issible, parce qu’elle
ne porte que sur la suppression d’une enveloppe indiffé
rente à la cause, mais non sur celle d’un testament révocatoire de l’autre.
L e prem ier argument est faux dans toutes ses parties.
Si l ’article 1007 du Gode civil n’a pas dit en termes
précis que le testament olographe qui 11e seroit pas p ré
senté dans les formes qu’il p re sc rit, seroit déclaré n u l ,
il l ’a plus que donné à entendre ; il l’a positivement
v o u l u , en ne permettant pas q ii’U so it m is ci e x é cu tio n
avant que ces formalités soient remplies.
N e l’eût-elle pas d it , elle a suffisamment appris qu’elle
exigeoit ces formes comme les seules qui pussent lui faire
rcconnoitre un testament olographe v a la b le , et q u e , hors
de l à , elle refuseroit sa confiance et sa sanction à tous
ceux qui lui seroient présentés.
Ces principes ne tiennent-ils pas d’ailleurs à.la m o ra le ,
à l’honnêteté publique ? Sera-t-il donc permis à u n étran
g e r , à un cohéritier m ê m e , d ’o u v r i r , de fouiller les
tiroirs et les papiers d’un défunt au m om ent où il vient
d’e x p i r e r , et en l’absence de la famille ; de s’em parer de
ce qui lui conviendra ; d’o u v r i r , de garder en son p ou
v o ir ce qu’il trouvera à son avantage , et de supprimer
ce qu’ il voudra soustraire? lia l o i , la justice , poui'rontelles rcconnoitre après cela un testament olographe qui
sort des mains de cet étranger, et à son profit bien entendu ,
par cela seul q u ’ il est écrit, signé et daté de la main du tes
tateur; et lorsqu’il est constant qu’il n ’en étoit.pas le dé-
ré
�(I4).
p o sita ire, q u ’il l ’a enlevé parm i les papiers du d é fu n t,
et qu’après l ’avoir retenu deux jours il ne le présente pas
dans l ’état où il l’a pris ?
E h ! où en serions-nous, si, dans de telles circonstan
ces, il n ’étoit pas perm is à l ’héritier légitim e de faire
entendre sa v o i x , d ’accuser ce prétendu légataire d’infi
d é lité , de soustraction, s’il falloit poser en principe que
la pi’euve de cette infidélité n ’est pas admissible, parce
que la loi n’a pas p rononcé la punition du cou p able, et
que bien loin de le punir elle veut qu ’on le récom pense?
Q uant au dernier raisonnement des premiers ju ges, il
n ’est pas plus exact.
L ’enveloppe ne peut être considérée com m e in u t ile ,
parce que la loi ne l’a pas jugée te lle , parce que sa suscription peut être im p ortante, parce q u ’enfin si on l ’avoit
rap p o rtée, on a u r o it p u la com parer avec le papier p ré
senté , et savoir s’ils étoient faits l’un p ou r l’autre.
E t p o u r q u o i, encore une f o i s , si elle eût pu être in
différente , le Code civil auroit-il exigé que l ’ouverture
eu fût faite par le président du tribunal ? P o u rq u o i l ’auroitil chargé d ’en constater l ’ouverture et l ’état ?
P o u r q u o i , en expliquant plus positivement cet article,
le Gode judiciaire exigero it-il que le juge de p aix chargé
de faire la perquisition du testament, si on le lui annonce
avant l’apposition des scellés, en constate la fo r m e e x té
r ie u r e , te s c e a u , la su scrip tion ; qu ’il le présente lui-,
m êm e au président du tribunal; que ce dernier en cons
tate encore l ’état? P o u rq u o i tout cela, on le répète , si ce
n’est pour p réve n ir les violations? P o u rq u o i tant de p ré
cautions contre l’infidélité, si elle doit rester im punie ?
�( i 5 )•
Ces formes ne sont ni puériles, ni plus minutieuses que
celles qui sont attachées au testament p u b lic ; elles ne
sont pas non plus moins im portantes, parce q u ’elles ne
sont pas des formes intrinsèques du testament: car elles
ont p ou r objet d’en conserver la substance; et plus le lé
gislateur a donné de latitude au p o u v o ir de l’hom m e en
dispensant les testamens olographes de toutes form alités,
plus elle doit se mettre en garde contre une infidélité
f a c ile , et s’arm er de précaution p o u r la p réven ir.
Les formalités relatives à la remise du testament olo
graphe n’ont donc fait que i*emplacer, dans l’esprit et
l ’intention de la lo i, les foi-mes exigées pour le testament
public ; et ne l’eût-elle pas d i t , en ne permettant de le
ynettre ci e x écu tio n q u ’après ces formalités rem plies, qui
auroit le droit de s’étonner qu ’après de semblables omis
sions, de si repréhensibles in fid é lité s, la justice pût reje
ter un testament olographe qu ’elle ne sauroit valider q u ’en
trem blant, lorsqu’elle est o bligée de déclarer n ul un tes
tament p u b lic , si le notaire qui l ’a écrit lui-m êm e a oublié
d en faire m en tio n , q u o i q u e le fait soit si facile à v é r i f i e r ?
Q ue l’on cesse donc de d ire , avec les juges d ’A u r i l l a c ,
que les faits articulés par le sieur D e lo rt sont indifférens,
et ne peuvent o pérer la nullité du testament; que l ’o n n e
fasse plus à la pudeur publique cette insulte de dire que
la plus grave infidélité dans cette matière ne puisse pas:
produire autant d’effet que le plus petit oubli d’ un no
taire dans la rédaction d’un testament public! T o u t ce que
la loi a placé sous sa sauve-garde, sous la protection im
médiate des'/magistrats, ne sauroit y être en vain. L a loi a
d it:S i vous voulez faille exécuter un testament olographe,
�C 16)
je vous impose ces formalités ; si vous y m anquez, s i , plus
encore , vous les violez ; si vous êtes en mauvaise f o i , je
ne reconnois ni v o u s , ni vo tre testament : je ne ve u x pas
q u ’on l’exécute.
L a p reu ve étoit donc admissible, puisque les faits arti
culés tendoient à faire rejeter le testament : les premiers
juges ont donc mal ju g é ; le sieur D e lo rt pou rro it donc
s’en tenir à ces termes , et soutenir avec fondement que la
p reu ve doit être ordonnée.
M ais v e u t - o n , avec les premiers ju g e s ,q u ’il faille p ro u
v e r la suppression d’ une manière plus positive ? L e sieur
D e lo rt peut satisfaire les plus difficiles.
Il offre de p r o u v e r ,
i ° . Q u ’au lieu des expressions P o u r rem ettre à m adam e
B o u t a r e l, il y avoit sur l ’en veloppe : T esta m en t de
T jo u is -Is a a c D e l o r t , et sa signature ;
2°. Q u ’il y avoit sous cette enveloppe deu x feuilles
de papier , et non pas une seule.
O ù est donc l’autre? Q u ’en a fait le sieur B ou tarel?
Si cette p reu ve est fa ite , il faudra dire q u ’il y a suppres
sion de testament ou de codicile ; il sera constant aloi’s ,
. Q u e le sieur Boutarel a commis une infidélité qui le rend
suspect, en s’emparant des clefs du d é f u n t , en ouvrant
son bureau , en y prenant des papiers , particulièrement
u n testament ;
Q u ’il l’a aggravée en ouvrant ce testam ent, qu oiqu ’il
fût scellé de cinq cachets , et qu ’il ne pût pas d o u t e r ,
d ’après la su scrip tio n , que ce fût un testament;
Q u ’il a s u p p r im é , et conséquemment eu intérêt de sup
prim er cette enveloppe qu i a disparu ;
Q u ’enfin
�1Ü
( *7 )
Q u ’enfin il a supprim é encore une partie des disposi
tions , puisqu’au lieu de deu x feuilles de papier qui
étoient sous l’enveloppe , il n’en a p roduit qu ’une. O r , tout
dém ontre q u ’ une seconde feuille de p a p ie r, sous la m êm e
e n v e lo p p e , n e p o u v o it etre qu ’un second testament, ou un
codicile : il ne p o u vo it a vo ir d’autre but que de modifier
les dispositions du p re m ie r, et d ’en faire de n ouvelles; et
le sieur Boutarel ne peut l’avoir supprimé que p o u r cela.
T o u t cela sera constant : la seule chose qui ne le sera
pas, c’est que le testament rapporté par le sieur Boutarel
soit un des deux papiers qui étoient sous enveloppe ; et
en effet, ne p ou voit-il pas l’avo ir obtenu du sieur D e lo i’t ,
par obsession ou autrem ent, et l ’a vo ir en sa possession?
N ’a-t-il pas été en son p o u v o ir de supprim er le v é r i
table testament, dont il auroit soupçonné l ’existence, p o u r
y substituer le s i e n , puisqu’ il a gardé le paquet pen
dant deux jours entiers? E t la présom ption n’est-elle pas
de d ro it, s’il est une fois établi qu ’il est coupable d ’une
soustraction ?
E t dans ces circonstances, la justice pourroit-elle sanc
tionner un testament qui ne peut être reconnu p o u r la
dernière vo lon té du testateur, lorsque.le légataire u n iver
sel est convaincu d’avoir soustrait une partie des disposi
tions?
N e faisons pas cette injure à la lo i; disons plutôt avec
elle que celui qu i supprime tout ou partie des disposi
tions , est indigne de conserver celles qui sont faites en sa
faveur. N o?i
a c c ip ie t
fr u c tu m suce cà llid ita tis q u i ro~
lu it hceredem hœ reditalc sua d efrau da re ,• sed Jiujusm odi legation illi relictum au f e r at u r , rnaneat a u tem
G
«
�4V
( 18 )
q u a s i non sc r ip tu m ,
y«* «/¿ï nocendum esse e x îs tim a v e r it,
suarn sen tiet ja c tu r a m . L o i 2 5 , D e
legalis.
Q u ’on ne dise pas que les faits de soustraction sont
imputés au m a r i, et ne peuvent nuire à la fe m m e , au
profit de qui la disposition est faite.
D ’une p a rt, la fem m e a participé à la présentation du
testament; conséquem ment à la fraude.
D ’un autre côte , la soustraction faite par le m ari ne
p ou rro it profiter à la fem m e ; et ce seroit m ieu x que
jamais le cas de dire : is fe c it c u i prodest.
Enfin il n ’en résulterait pas moins que la justice ne
peut rcconnoître ,. dans ce testament r a p p o rté , la d e r
nière vo lon té du testateur.
A in s i d o n c , d ’après les lois, soit anciennes, soit n ou
v e lle s , les sieur et dame Boutarel auraient encouru la
déchéance de tous les avantages qui p ou voient leur être
faits par le testam ent, à supposer môme qu ’il eût fait
partie du paquet décacheté; à plus forte raison si la justice
ne peut être certaine qu ’il y fût ren ferm é, parce q u e , dans
ce cas, elle ne reconnoît pas de testament.
C ’en est assez; tout ce q u ’on p ourroit ajouter ne seroit
-que fastidieux et superflu. L e sieur D e lo rt ne s’occupera
m êm e que légèrem ent d ’ un m o y e n de nnllité résultant
de ce que le testament rapporté par les intimés n’a point
de date réelle , et n’est pas conséquem ment dans les
termes de l’article 970 du Code civil. Ce m o y e n , quoi
q u ’il ne l’abandonne pas, bien au contraire , lui est inutile
dès qu ’ il n’y a pas de testament ; il n’en aurait besoin ,
et il ne pou rro it le faire v a lo ir ,.q u e dans le cas ou le tes-
�UÉ
( 19 )
tam ent seroit reconnu p o u r etre celui d’Isaac D e lo rt : mais
c’est ce qu ’on ne saurait craindre , ni m êm e p résu m er,
d’après la gravité des faits articulés contre les sieur et
dame B outare l, le peu de confiance que m érite leur testa
m en t, et qu ’ils méritent eu x-m êm es, et l ’indignité dont
ils se sont couverts par les plus rep réh ensibles et les plus
coupables infidélités.
D E L O R
M e. V I S S A C
T.
, a v o ca t.
M ° . D E V È Z E , avoué licen cié.
A. R I O M , de l’ im prim erie de L
andrio t ,
seul im prim eur de la
C o u r d ’appel. — M ars 1807.
*
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delort, Laurent-Louis-Amable. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Devèze
Subject
The topic of the resource
testament olographe
legs
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur Laurent-Louis-Amable Delort, propriétaire, habitant de la ville de Thonon, département du Léman, appelant ; Contre sieur Claude Boutarel, et dame Françoise Ruphy, son épouse, habitans de la ville d'Aurillac, intimés.
Table Godemel : Testament : 7. le fait, par le mari de la légataire universelle, d’avoir ouvert l’enveloppe cachetée qui renfermait le testament olographe, écrit, daté et signé par le défunt, et de l’avoir présenté sans cette enveloppe considérée comme insignifiante, au président du tribunal qui en ordonna le dépôt chez un notaire, après constatation de l’état de la pièce, doit-il avoir pour effet d’admettre qu’il y a eu infidélité, violation du sceau et du secret du testateur, suppression d’un autre testament ou codicille révocatoire , et par suite nécessité d’annuler le testament comme ne présentant pas les caractères propres à assurer sa sincérité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1787-1807
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1705
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1704
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53308/BCU_Factums_G1705.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Yolet (15266)
Thonon-les-Bains (74281)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
legs
nullité du testament
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53307/BCU_Factums_G1704.pdf
e5bf57299cbdeb3f55775dcb7de8fb8f
PDF Text
Text
PRÉCIS
EN R É P O N S E ,
POUR
Dame
F
r an çoise
R U P H Y , et le sieur
C
laude
B O U T A R E L , son m ari, intim és, et défen
deurs en opposition ;
C O N T R E
L e sieur L a u r e n t - L o u i s - A m a b l e
DELORT
appelant d'un jugement rendu au tribunal d ’A u rillac le 9 mai 1806, et demandeur en oppo
sition.
Auri sacra famés. Hor.
L
A dame Boutarel est héritière testamentaire du sieur
L o uis-Isaac D e lo r t, frère de l’appelant.
Elle a reçu cette dernière preuve de tendresse d’un
A
�oncle qui lui avoit tenu lieu de père, et qui l’a com
blée de ses bienfaits.
L e sieur Laurent-Louis-A m able Delort n’approuve
point le testament, et auroit bien voulu ajouter à son
opulence, la fortune de'son frère.
Q u’a-t-il fait pour la mériter ? Ennemi implacable du
défunt, il n’a cessé de l’outrager pendant sa vie. On ne
doit pas s’étonner qu’il attaque encore ses dernières vo
lontés.
L e testament est olographe ; il n’est assujéti à aucunes
formes. L ’appelant est obligé de convenir qu’il est écrit
en entier, signé et daté de la main du testateur; il n’étoit
donc pas possible de le faire annuler.
L ’appelant a imaginé d’attaquer sa nièce d?indignité.
Il l’accuse d’une indiscrétion qui n’est pas de son fait, et
croit avoir trouvé un moyen infaillible de s’approprier
les biens de son frère.
Les jurisconsultes auxquels il s’est adressé n’ont pas
été de son avis; les magistrats, le public, n’ont pas pensé
comme lui. Il en a été réduit à plaider lui-même sa cause
devant les premiers juges; il a,succombé dans sa pré
tention.
Il veut essayer s’il sera plus heureux en la cour; et
les intimés s’attendent bien que ce ne sera pas encore le
dernier degré qu’ils auront h parcourir.
F A I T S .
L e sieur Louis-Isaac D elo rt, ancien officier de cava
lerie , s’étoit fixé à Aurillac , auprès d’un sieur Isaac
D e lo r t s o n gjraad-oncle et son bienfaiteur.
�t
. ( 3 ) .
Il épousa dame Gabrielle Serieys; il n’en a pas eu d’enfans. L a 24 juin 178 7, il fit un testament au profit de
la dame son épouse. Ce testament contient un legs assez
considérable en faveur de la dame R u p h y , sa nièce ,
femme Boutarel, et fille de dame Louise D elo rt, sa sœur.
On remarque dans ce premier testament, que le sieur
D elort désire être enterré sans pom pe, dans le cime
tière de sa paroisse, à côté du tombeau où son grandoncle a été enterré ; il veut que son testament soit ou
vert Tinstant après son décès, pour prévenir et éviter
toute apposition de scellés, et toutes formalités de jus
tice.
L e testateur fait encore un legs à la dame Louise D e
lo rt, sa sœur, épouse du sieur de R uphy, mais il ne fait
aucune mention de son frère.
L e 27 pluviôse an 3 , il marie la demoiselle de R up hy,
sa nièce, avec le sieur Boutarel. Il est dit dans ce contrat,
que la demoiselle de Ruphy est originaire de T h o n o n ,
département du M ont-Blanc; mais qu’elle demeure de
puis plusieurs années auprès de son oncle. Il repré
sente les père et mère de la demoiselle de R u p h y , et
lui constitue de son chef une dot de 12000 fr.
L e 10 germinal an 7, la dame Serieys , épouse du sieur
D elort, a fait aussi son testament olographe-, elle a dis
posé de tous ses biens au profit de son mari : mais elle
n’oublie pas une nièce qui lui étoit chère; elle fait à la
dame Boutarel un legs de 2000 fr, et de six couverts
d’argent.
Après la mort de la dame Serieys, les sieur et dame
Boutarel ont habité avec leur oncle; il possédoit à BouA 2
�la i
v>
(
4
)
dieu, commune d’Y olet, une maison de campagne qu’il
se plaisoit à embellir.
Il y faisoit des réparations coûteuses, et souvent il avoit
recours à la bourse du sieur Boutarel, qui se faisoit un
devoir d’obliger son oncle, et de xie pas contrarier ses
goûts.
L e sieur D elort, d’ailleurs, ne cessoit de donner à sa
nièce et à son époux des preuves de tendresse et.d’affec
tion, et disoit à . ses amis que tout ce qu’il faisoit étoit
pour sa nièce.
.............
Il a effectué ses promesses. Un testament olographe,
fait à Boudieu, daté des I er. messidor et i er. thermidor
an
contient, après plusieurs.legs, une disposition
universelle au profit de la dame Boutarel.
Ce testament est surtout honorable,pour la dame Bou
tarel : son oncle, en lui donnant, contente les affections
de son cœur. Il répète ce qu’il avoit déjà dit dans son
premier testament pour ses funérailles; il ordonne qu’on
le fasse enterrer près de feu Isaac D d o r t , . son grandoncle et son bieiifaiteur, etc.
O n observe que ce testament est écrit sur une feuille
entière : le sieur Boutarel en produit une copie figurée.
Les dispositions ne contiennent que trois rôles, et quel
ques lignes sur le verso .de la seconde page.: il restoit
encore beaucoup de place, si le.testateur avoit eu l ’in
tention de faire d’autres legs.
Un mois après, le sieur D elort est attaqué d’une ma
ladie à laquelle il a succombé; il est décédé le samedi
28 fructidor, à cinq heures du matin.
D u premier moment qu’il -s’étoit alité, il avoit remis
y
�12?
C 5 }
toutes ses clefs à son neveu Boutarel. L a dame Boutarel
ne quittoit pas le chevet de son oncle; elle avoit pour
lui ces attentions touchantes, ces tendres soins qui con
solent des maux de la vie.
E lle fut témoin des derniers momens de son oncle ;
elle ne put résister à ce choc cruel; elle perdoit un père,
un bienfaiteur, un am i; elle fut atteinte d’une attaque
qui a fait long-temps craindre pour ses jours; elle étoit
Lien loin de s’occuper de ses intérêts.
L e m ari, alarmé de l’état de son épouse, ne songeoit
à autre chose ; mais sur les trois heures après m id i, une
ancienne domestique du défunt apprit au sieur Boutarel
que le sieur Delort avoit sans cesse manifesté le désir
d’être enterré auprès de son gran d-oncle; qu’il seroit
peut-être nécessaire de donner des ordres à ce sujet, et
de les donner promptement; qu’en cherchant dans les
papiers du défunt, on pourroit trouver quelqu’écrit re
latif à ce point.
L e sieur Boutarel fit alors des recherches, de l’avis et
en présence du .sieur abbé Usse, confesseur du défunt :
on trouva dans son secrétaire un paquet cacheté , avec
ces mots sur l’enveloppe : P o u r remettre à madame
Boutarel.
•Le mari en fait l’ouverture, sans y voir d’autre con
séquence : c’étoit le testament du défunt, contenant une
disposition universelle au profit de la dame Boutarel ;
mais en même temps l’ordre de le faire enterrer à A u rillac, près de son grand-oncle.
Pour exécuter cet ordre, il falloit bien connoître le
testament. L ’intention du testateur étoit donc qu’il fût
�( 6 )
ouvert aussitôt après son décès *, et on n’en peut plus
douter, lorsqu’on voit la même volonté dans le premier
testament de 1787.
L e sieur Boutarel remit le tout au sieur Boudier, juge
de paix du canton, en le priant de s’occuper des for
malités nécessaires pour la présentation du testament.
Ce testament, en effet, a été présenté au président du
tribunal, qui en a dressé procès verbal, et ordonné le
dépôt chez un notaire, conformément à l’article 1007 du
Code civil.
Ce procès verbal est du 30 fructidor-, il ne pouvoit
avoir lieu plutôt, quoi qu’en dise l’appelant, puisque le
testateur n’est décédé que le 28 : le 29 étoit un dimanche.
Lors de la présentation, on ne joignit pas l’enveloppe,
à laquelle on n’attachoit aucune importance.
Les sieur et dame Boutarel ont également présenté
requête pour se faire envoyer en possession des biens ;
ce qui a été ordonné, conformément aux articles 1008
et suivans du Code civil.
Survient, dix-sept mois après, le sieur D elort, frère
du défunt, qui prend une cédule du juge de paix d’Aurillac, dans laquelle il expose que les sieur et dame Bou
tarel se sont emparés de toute la succession de LouisIsaac Delort ; qu’il est habile à lui succéder pour moitié,
et qu’il entend demander à la dame Boutarel la restitu
tion du m obilier, les intérêts et les fruits : il n’entre dans
qucune autre explication.
A u bureau de paix, les sieur et dame Boutarel justi
fient du testament de leur oncle ; ils en déposent une
expédition sur le bureau. L e sieur Delort répond qu’il
�(
7
)
ne reconnoît pas le testament, et qu’il persiste dans sa
demande.
Dans son exploit du 22, février 1806, le sieur Delort
expose enfin que les dispositions faites par son frère étoient
caclietées ; que sur l’enveloppe étoient des caractères écrits
et signés par le testateur; que le prétendu testament que
lui ont opposé les sieur et dame Boutarel au bureau de
p a ix , ne fut pas présenté en cet état devant le président
du tribunal; qu’il lui fut porté sans enveloppe et sans
cachet : d’où il suit qu’il n’y a eu de la part de l’auto
rité légale r ni ouverture du testament, ni description de
son véritable état : conditions sans lesquelles il n’a pu
être mis à exécution.
Il en conclut que ce testament étant altéré, doit être
déclaré nul et comme non avenu ; que la succession de
Louis-Isaac Delort est ouverte ab intestat ; qu’ainsi il
doit avoir la moitié des biensSur cette demande, et le 9 mai 1806, jugement con
tradictoire du tribunal d’A urillac, dont suivent les motifs
et le dispositif ;
« V u les articles 970, 1 0 0 1 et 1 0 0 7 du Code civil r
« Considérant qu’en fait il est reconnu et avoué par
« les parties que le testament de Louis-Isaac Delort est
« écrit en entier, daté et signé de sa main ;
« Considérant que d’après l’article 970 du Code c iv il,
« le testament olographe n’est assujéti à aucune autre
« formalité ; que les dispositions de l’art. 1007, i re» par
ti tie , sont uniquement relatives aux précautions ordon« nées pour rendre public le testament olographe, et.
« que leur oubli ou leux défaut ne peut produire une-
�i
( 8 }
« nullité non prononcée par la lo i, et formellement
« rejetée par l’article 970 ;
« Considérant que la preuve offerte par le sieur Delort
« ne tend pas à établir, dans le testament dont il s’agit,
« le défaut de l’une des trois formalités exigées par l’ar« ticle 970, ni la suppression d’un testament postérieur,
et révocatoire de l’autre, mais seulement à prouver qu’il
« y avoit une enveloppe cachetée, avec des caractères
¿c écrits, qui a été ouverte avant la présentation au ma« gistrat; ce qui est absolument insignifiant, soit d’après
cr les faits avoués par le sieur Boiltarel et sa femme, soit
« paçce qu’il n’en résulterait pas la nullité du testament;
« d’où il suit que cette preuve est inutile et non recetr vab le, et que, par suite, le testament étant valable,
« la demande du sîfeur Delort est mal fondée ;
« L e tribunal, sans s’arrêter ni avoir égard à la preuve
« offerte par le sieur D elort, le déboute de ses demandes,
« et cependant lui donne acte de la déclaration faite par
« les sieur et dame Boutarel, qu'après le décès du sieur
« L o u is-Isa a c D e lo r t, le sieur B o u ta r e l, assisté du
et sieur li s s e , prêtre, cherchant dans les papiers du
« défunt une recommandation relative à son enterre« m ent, a trouvé un papier ca ch eté, sur lequel étaient
« écrits ces mots : Pour remettre à madame Boutarel ;
« que l’ayant ou vert, il a trouvé le testament dont il
« s’agit ; que le testament et l’enveloppe ont été confiés
« à M . B oudier, juge de p a ix , q u i, le jour de la pré« sentation du testament, n’a remis que celui-ci, regar« dant l’enveloppe comme inutile. »
Cette dernière disposition du jugement indiquoit asse£
au
�'( 9 )
au sieur D elort ce qu’il avoit à faire. En effet, s’il persistoit à prétendre que cette enveloppe renfermoit quelqu’autre chose que le testament produit ; qu’il y avoit
un testament révocatoire ou un codicille; prenant acte
de la déclaration des intim és, il pouvoit se pourvoir en
suppression de testament ou de codicille ; mais il n’avoit
pas pour cela une action en nullité contre un testament
régulier.
E t comme il étoit vraisemblable, sans doute, que le
sieur D elort auroit mis dans la même enveloppe deux
testamens contraires^ dont l’un auroit révoqué l’autre,
le sieur D elort, appelant, eût peut-être été admis à faire
cette preuve.
Système bizarre qui n’a pu sortir que d’un cerveau
mal organisé, ou d’un homme aveuglé par la colère et
la cupidité.
Quoi qu’il en soit, vivre sans -plaider rCest pas con
tentement : le sieur D elort a cette passion. Il a interjeté
appel du jugement d’Aurillac ; et à la veille de l’audience,
il a cru devoir donner au public une nouvelle preuve
de sa bizarrerie et de son ambition.
Ce qu’il y a de plus difficile, c’est de trouver dans
sa défense quelque chose de raisonnable ou de plausible,
un moyen qui mérite d’être réfuté.
Il cherche dans les lois romaines des argumens ou des
moyens d’indignité : et le moment est bien choisi.
L e testament est postérieur à la promulgation du Code.
L a loi du 30 ventôse an 12 , qui réunit les lois civiles en
un seul corps, sous le titre de Code civil des Français,
s’exprime en ces term es, article 7 :
3
[
�«
«
«
«
( 10 )
« A compter du jour où ces lois sont exécutoires,
les lois romaines, les ordonnances, les coutumes généraies ou locales, les statuts, les règlemens, cessent d’avoir
force de loi générale ou particulière, dans les matières
qui sont l’objet des lois composant le présent Gode. »
Indignités prévues p a rle Code c iv il, article 727.
« Sont indignes de succéder, et comme tels exclus
« des successions,
« ci°. Celui qui seroit condamné pour avoir donné ou
« tenté de donner la mort au défunt ;
« 20. Celui qui a porté contre le défunt une accusa« tion capitale, jugée calomnieuse;
« 30. L ’héritier majeur, qui, instruit du meurtre du
« défunt, ne l’aura pas dénoncé à la justice.»
Les orateurs du gouvernem ent, en présentant ce titre
du Code au eorps législatif, M . Treilhard portant la
p aro le, ont dit :
« Nous n’avons pas cru convenable d’étendre davan« tage les causes d’indignité; il ne faut pas, sous le pré« texte spécieux de remplir la volonté présumée du dék fu n t, autoriser des inquisitions qui pourroient être
« également funestes et odieuses. C ’est par ce m otif que
« nous n’avons pas cru devoir admettre quelques causes,
« reçues cependant dans le droit rom ain, com m e, par
« exem ple, celles qui seroient fondées sur des habitudes
« criminelles entre le défunt et l’héritier, ou sur la dis« position qu’on prétendroit avoir été fuite d’un bien
« du défunt avant son décès, ou sur l’allégation que l’héc< ritier auroit empêché lé défunt de faire son testament,
« ou de le changer. »
�1^3
( n
)
L e sieur Delort nous apprendra sans doute à l’audience
comment il peut y avoir dans l’espèce indignité de suc
céder , parce que le sieur Boutarel a ouvert un testament
olographe, contenant des dispositions au profit de sa
femme.
Maintenant y a-t-il nullité du testament, à raison de ce
que l’enveloppe n’a pas été produite devant le juge ?
A rticle 970 du Gode.
« L e testament olographe ne sera point valable , s’il
« n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testa« teur ; il n’est assujéti à aucune autre forme. »
A rticle 1007.
« Tout testament olographe sera , avant d’être mis à
« exécution, présenté au président du tribunal civil de
« l’arrondissement dans lequel la succession est ouverte.
« Ce testament sera ouvert, s'il est cacheté ; le prési« dent dressera procès verbal de la présentation, de l’ou« verture et de l’état du testament, dont il ordonnera
« le dépôt entre les mains du notaire par lui commis. »
Il n’en est pas du testament olographe comme du tes
tament mystique, qui de sa nature est secret. D ’après
le même article, l’ouverture ne peut en être faite qu’en
présence des notaires et témoins qui ont signé l’acte de
suscription.
M . M aleville, sur la première partie de cet article,
dit que la loi suppose qu’on peut cacheter et tenir secret
son testament olographe ; mais qu’ il ne faut pas pour
cela lè confondre avec le testament m ystique, dont parle
la seconde partie.
Bernardi, ex-législateur, aujourd’hui chef de la division
civile du ministère du grand - ju ge, dans son commen-
�1
( 12 )
taire sur la loi du 13 floréal an 1 1 , des donations et
testamens, prévoit la question qui nous occupe, et s’ex
prime ainsi, page 187, sur l’article 1007:
On peut demander si un testament clos et cacheté
avoit été ouvert avant d’être présenté au président du
tribunal, cette circonstance le rendroit nul.
Il faut distinguer d’abord le testament olographe et le
testament mystique, et ensuite si c’est le testateur luimême ou un autre dépositaire qui en a fait l’ouverture.
L e premier n’est pas secret de sa nature ; ainsi, qu’il
soit ouvert ou fermé , il doit être exécuté, à moinsqu’on
ne prouve que le testateur l’a révoqué.
Annales du notariat, i 5e, question.
En parlant de l’ouverture du testament olographe avant
sa présentation au magistrat :
L e notaire qui feroit l’ouve rture .d’un testament olo
graphe, avant sa présentation , en opéreroit-il la nullité,
sous le prétexte qu’il n’avoit pas caractère pour cette
opération ?
Rép. Il n’y a pas de nullité là où la loi ne l’a pas
prononcée; ainsi, quand un notaire, ou tout autre dé
positaire d’un testament olographe cacheté, auroit l’im
prudence de l’ouvrir avant de le présenter au président
du tribunal, cela n’en opéreroit pas la nullité. Cette question ne peut former de doute à l’égard du
testament olographe, qui de sa nature peut rester ouvert,
et que la loi n’exige pas être secret. Si le testateur le
renferme sous une enveloppe cachetée, ce n’est de sa part
qu’une précaution qui ne tient pas à l’essence de l’acte
qui auroit pu exister sans elle : ainsi, quand on viendroit
h le décacheter avant de le présenter au président du
�,
C T3
.
/■>/
tribunal, ses dispositions ne seroient pas altérées par là ,
puisqu’il n’étoit pas de sa nature destiné à être secret, et que
même le dépositaire pourroit prétendre avoir été chargé
de l’ouvrir aussitôt après la mort du testateur, ou nier
qu’il eût été cacheté, etc.
En effet, comment le cachet seroit-il de quelque im
portance pour un testament olographe? Par cela seul que
le défunt a lesté en cette form e, il n’a pas voulu que
ses dispositions fussent secrètes. Lorsqu’il veut les laisser
ign o rer, la loi lui indique la forme du testament mys
tiqu e, dont la validité dépend des formalités attachées
à l’enveloppe et à la suscription qu’elle contient.
Aussi l’article cité du Gode, fait-il une grande différence
entre ces deux testamens. Celui qui est olographe, ca
cheté ou n on , doit etre présenté au président, qui en
dresse procès verb al, dans l’état où il est, sans avoir
besoin d’appeler personne-, au contraire, si c’est un tes
tament m ystique, il ne peut en faire l’ouverture sans
appeler les notaires ou les témoins qui ont signé la sus
cription de l’enveloppe.
Preuve certaine que le testament ologra p h e , cacheté
ou non , peut etre ouvert sans conséquence ; et pourvu
qu’il soit écrit, signé et daté du testateur, il ri est assujé ti à aucune autre fo rm e.
O n ne peut ajouter à la loi, ni suppléer des nullités
qu’elle ne prononce pas.
L ’indignité est restreinte aux cas prévus ; et la loi n’a
pas voulu l’étendre au-delà.
D ’ailleurs, l’indignité est personnelle. Ici ce n’est pas
même la dame Boutarel qui a été téméraire ou indis-
�( H )
crête •, et on ne peut qualifier ainsi l’acte le plus simple et
le plus naturel, dans la position où se trouvoient les
parties.
L e mari pourroit-il nuire aux droits de sa femme ?
Ce système seroit dangereux et inconvenant. Un époux
qui rie vivroit pas avec sa femme dans l’union que sup
pose le m ariage, pourroit donc la priver d’une succes
sion , parce qu'il auroit la témérité d’ouvrir un testament
qui la concerne?
Ce n’est pas raisonner sagement que de prétendre que
la femme devient responsable de la faute du m ari, quand
elle s’est présentée pour recueillir l’effet des dispositions
faites à son profit.
L a femme ne pouvoit-elle pas ignorer que le testament
avoit été ouvert, et ne pas savoir qu’il étoit cacheté?
L e mari étoit bien maître de son. secret : la femme nd
s’occupe que des dispositions faites à son profil.
L e sieur D elort n’est pas plus conséquent, lorsqu’il
dit que le testament n’a pas de véritable date : il est en
effet daté au commencement, du ier. messidor, et à la
fin, du I er. thermidor.
Mais de deux choses l’une : ou le testateur a employé
un mois pour rédiger son testament, ou la dernière date
est une erreur.
S’il a employé un m ois, ce qui est probable, parce
qu’on peut réfléchir sur ces dispositions, les deux dates
prouvent son exactitude.
Si au contraire ce n’est qu’une erreur, elle ne peut être
d’aucune importance. En effet, pourquoi la loi a-t-elle
voulu que le testateur datât son testament ? ce n’est que
�m
( 15 )
pour, s'assurer plus positivement de son intention et de
sa volonté.
Qu’importe que ce soit tel jour ou tel autre, si on ne
rapporte pas un autre testament fait dans l’intervalle.
Aussi le sieur D elort semble - t - il vouloir faire grâce
de ce m oyen, et ne le proposer que légèrem ent, pour
ne rien négliger.
Que le sieur Delort cesse donc d’y insister. E t pour
quoi vien t-il ambitionner la fortune de son frère, lu i,
héritier contractuel de ses père et m ère, et qui a fait
plaider si long-temps ses frère et sœur, pour obtenir leur
légitime ;
L u i qui depuis long-tem ps est séparé de sa fem m e,
qui n’a pas d’enfans, et jouit de plus de 12000 francs
de rente ;
L u i, enfin, qui n’a vu ou écrit à son frère que pour
l’outrager ou lui proposer des cartels ?
C’est à lui seul qu’on proposeroit des moyens d’indi
gnité , s’il étoit appelé à succéder au défunt ; et qu’il
sache qu’on peut p rouver, par ses écrits, tout ce qu’on
vient d’avancer.
Signé B O U T A R E L .
Me. P A G E S ( de Riom ) , ancien avocat.
M e. M A R I E , avoué licencié.
A. RIOM , de l’imprimerie de Landriot, seul imprimeur de la
Cour d'appel. — Mars 1807.
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Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Ruphy, Françoise. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Marie
Subject
The topic of the resource
testament olographe
legs
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour dame Françoise Ruphy, et le sieur Claude Boutarel, son mari, intimés, et défenseurs en opposition ; Contre le sieur Laurent-Louis-Amable Delort, appelant d'un jugement rendu au tribunal d'Aurillac, le 9 mai 1806, et demandeur en opposition.
Particularités : notation manuscrite : 17 mars 1807, arrêt 2nde section. Confirme en rejetant la preuve offerte par Delort, parce qu'en la supposant faite, elle serait insignifiante quant à la nullité du testament olographe de Louis Delort, fait objet du procès, et ne serait relative qu'à la suppression d'un autre testament ou codicille postérieur, dont il ne s'agit pas.
Table Godemel : Testament : 7. le fait, par le mari de la légataire universelle, d’avoir ouvert l’enveloppe cachetée qui renfermait le testament olographe, écrit, daté et signé par le défunt, et de l’avoir présenté sans cette enveloppe considérée comme insignifiante, au président du tribunal qui en ordonna le dépôt chez un notaire, après constatation de l’état de la pièce, doit-il avoir pour effet d’admettre qu’il y a eu infidélité, violation du sceau et du secret du testateur, suppression d’un autre testament ou codicille révocatoire , et par suite nécessité d’annuler le testament comme ne présentant pas les caractères propres à assurer sa sincérité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1787-1807
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1704
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_G1705
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53307/BCU_Factums_G1704.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Yolet (15266)
Rights
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