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M E M O IR E
A CONSULTER
ET CONSULTATION
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4M AmVÎ ^K4luutf(
A CONSULTER
ET CONSULTATION A w ‘
POUR
Les S rs P O Y A , RO M E, dame V e ABRAHAM
et consorts, héritiers ou légataires de l’estoc
paternel de J e a n - L o u is C a r r a u d d ’U r b i s e ,
CONTRE
Les enfans d’HÉLÈNE DUROIS, se disant fille
de J e a n - P i e r r e CARRAUD , frère du sieur
d ’URBISE.
f
L e 27 août 1 7 5 1 , une fille est exposée à la porte de l’hôpital
de la ville de RIOM : son extrait baptistaire la nomme simple
ment H é l è n e , sans désignation de père ni de mère.
Jean-Pierre Carraud, fils d’un conseiller en la sénéchaussée
de Riom, à qui on voudrait déférer la paternité, a contracté ma
riage, le 23 novembre 17 5 2 , avec Marguerite Mercier, issue
�( 3)
d’une riche et ancienne famille. On lit dans cet acte réglant
CiC«\ w«\ «lejirs conventions matrimoniales, les clauses suivantes :
((*Ë^fiiveur du présent mariage, ladite Mercier a donné cl
•»'*¿îiHin(î audit futur époux acceptant, par donation entre-vifs,
tous «les biens qui lui appartiennent présentement, meubles et
“ immeubles, desquels le futur époux fera la recherche comme*
« il avisera.
« En second lieu, la future se réserve, en cas de viduité, la
« jouissance et usufruit des biens donnés, et même la réversion,
« en cas de prédécès du futur époux sans enfan s.
« Ladite donation tiendra lieu au futur époux de gain de
« survie. »
Nulle mention de l’enfant prétendu né de leur commerce an
térieur.
Le mariage a duré trente ans. Pendant tout ce temps, nulle
reconnaissance, ni de la part de dame Mercier, ni de J.-I\ Car
ra ud.
Il importe de remarquer (et c’est ce qui rend le silence sur
Pélal de l’enfant plus étonnant), qu’il n’y en a point eu du mariage.
Hélène, âgée de vingt-huit ans, s’est mariée le 12 mai 1779 ,
à Martin Valleix, cultivateur, habitant le village d’Ardeyrolles,
*
paroisse de St-Pierre-lloche, distant de plusieurs lieues de la
ville de Riom. La future prend dans le contrat la simple qualité
d’Ui'xÙNE Üuuois, iille majeure, habitante du village de l\eyvialle, même paroisse.
Elle s’y constitue, d’elle-meme, divers objets mobiliers à son
usage, d’une très-mince valeurj la moitié d’un pré appelé Loche;
cl cinq quartelées de terre appelée la Clope, qu’elle a acquises,
est-il dit, par acte du jour d’hier, reçu le même notaire, moyen
nant la somme de 700 francs.
�( 3)
La vente de ces héritages peu considérables, avait eu lieu
en effet le 1 1 mai 1779 , veille du contrat de mariage, parm i
fondé de pouvoir du sieur Jean-Pierre Carraud, en faveur
d’Hélène; mais le sieur Carraud n’était point intervenu au
contrat de mariage et avait réellement consenti vente par un
fondé de pouvoir.
Jean-Pierre Carraud est décédé en 17 8 1. Nul écrit encore,
nulle parole, nul signe, même an dernier moment, dont on
puisse induire cjii’il ait jamais imaginé être le père de l’enfant
([u’on lui attribue aujourd’hui.
11 décède, et Hélène Dubois ne paraît pas pour recueillir sa
succession. C’est Jean-Louis Carraud d’Urbise, frère du défunl,
q ni se présente.
Ce frère répudie la succession par acte au greffe du 1 janvier
1783. Sur cette répudiation, la veuve, Mmc Mercier, fait nom
mer un curateur a la succession vacante. Jacques Labat est
nommé par procès-vcrbal du 7 du même mois de janvier.
Le 10 janvier, la veuve requiert l’apposition des scellés, et,
dans sa requête, elle expose que Jean -Louis Carraud d ’Urbise}
seul habile a succéder, a répudié la succession, etc., etc.
Elle demande et obtient, par sentence du 18 mars 17 8 3, de
la ci-devant sénéchausssée de liiom, la condamnation contre le
curateur du payement de scs reprises.
Des poursuites rigoureuses ont lieu au nom de la veuve, et
enfin vente et ajudication, toujours sur le curateur à la succes
sion vacante.
Jean-Louis Carraud d ’Urbise, qui avait répudié la succession
de son frère, est décédé aussi sans enfans, le 1 1 février 1783,
laissant aux collatéraux une succession considérable, dont la
propriété et remise sont réclamées aujourd’hui par les héritiers
�ou légataires de l’estoc paternel, et par les héritiers d’Hélène
Dubois.
A ce moment (en 1783) Mmc Mercier devait sans doute re
connaître l’état de sa fille, mais elle garde le silence.
Un procès s’entame; les poursuites sont suspendues. Le 10
Iructidor an 2, après plus de l\.o ans de silence, et i3 ans après
le décès de son mari, Mmo Mercier, alors octogénaire (aux temps
orageux de la révolution), déclare, dev ant notaire, (\\i Hélène
Dubois est sa fille et de Jean-Pierre Carraud, née du commerce
qu’ils avaient eu avant leur mariage ; c’est sur celle déclaration
([u Hélène Dubois a fondé sa métamorphose•, en voici les termes:
« Dame Mercier, veuve du sieur Pierre Carraud, habitant à
« lliom, reconnaît qu Hélène Dubois, femme à Martin Yalleix,
«■ cultivateur, du lieu cl’Ardeyrolles, commune de Saint-Pierreu IW he, est sa fille naturelle, née du commerce qu’elle avait eu
K avec ledit Pierre Carraud, avant leur mariage. Voulant lui
« rendre une existence légale et le droit de successibilité, aux
« termes de la loi du 12 brumaire an 2, elle déclare qn Hélène
« Dubois, baptisée le 17 aoiit 17 ^ 1, sous le nom Hélène,
(( nouvellement née et exposée, à minuit, à la porte de l’hô« pital de cette commune, sans billet, est la fille d’elle déela« rante et dudit Pierre Carraud, et la reconnaît pour telle; et
« même ledit Pierre Carraud lui a donné, en tout temps,' des
«• preuves de paternité, soit en fournissant à son éducation, en<( trelien, soit en lui constituant une dot lors de son contrat de
« mariage avec Martin Yalleix, le 12 mai 177g.»
Marguerite Mercier est décédée en l’an 8. Le 12 mai 1800, .
clic avait fait un testament portant différons legs à des ecclé
siastiques et à des serviteurs. Il n’est point question d'Hélène
Dubois. Six jours après, Marguerite Mercier fait encore un co-
�(5)
dicille. Elle nomme la dame de Frétât, sa belle-sœur, son
exécutrice testamentaire; mais elle garde le même silence sur
Ilclene.
La dame Mercier meurt; Ilélène assure qu’après son décès,
elle s’est mise en possession de sa succession sans aucun obstacle
de la famille Mercier : c’est ce qu’on ignore.
Hélène prétend aujourd’hui avoir également droit à la suc
cession de Jean-Louis Garraud d’Urbisc.
A la déclaration de l’an 2, elle réunit les présomptions résul
tant de l’acte de vente du 1 1 mai 1779, de son contrat de mariace.
et,/ au besoin, elle a offert la preuve de differens faits:
o /
cette preuve a été admise par un jugement du tribunal civil de
lliom, en date du 3o juillet 1828, conçu en ces termes :
« En ce qui touche les demandes en intervention des héri« tiers Home et Abraham, parties de Mcs Parry et Tailliand;
« Attendu qu’elles ne sont pas contestées et que ces parties
<' sont intéressées au jugement en contestation.
« En ce qui touche le fonds :
« Attendu que, dans les anciens principes et suivant la dé« crétale d’Alexandre III, cliap. 6, la légitimation des enfans
« nés avant le mariage s’opérait par la seule force du mariage,
« et qu’il n’était pas nécessaire, ainsi que l’enseigne Pothier,
« que le consentement du père et de la mère intervînt pour
« cette légitimation ;
« Attendu qu’il est déjà établi et prouvé, par l’acte notarié
c< du 2 fructidor an 2, que la dame Mercier avait mis au monde,
« quinze mois avant son mariage avec le sieur Garraud, une
« fille qui fut d’abord portée à l’hôpital, sous le nom d'H élène;
cc Attendu qu'il est constant que cette fille a succédé à la dame
« Mercier, veuve Garraud, sa mère, et que si la déclaration
�(c)
<< faite par cette dernière, dans l’acte de reconnaissance du
« ï fructidor an 2, qu’elle avait eii cet enfant du sieur Carraud,
« ne peut lier la famille du mari, ni même être regardée comme
« un commencement (le preuve par écrit; néanmoins la circons« tance du mariage qui a suivi, rend vraisemblable le fait allé« gué, que c’était le sieur Carraud qui était le père de l’enfant
« dont était accouchée ladite dame Mercier;
« Atlendu que ce fait deviendrait encore plus certain, s’il
» était vrai, ainsi que l’ajoute la dame Carraud, dans sa re
te connaissance, que les mois de nourrice furent payés par le
« sieur Carraud lui-meme, et que ce fut par scs soins que l’en« fant fut élevé et transporté dans un domaine à lui appar<< tenant, oh il a ensuite été marié par le sieur Carraud;
« Que toutes ccs circonstances sont graves et concordantes :
« Par ces motifs,
« Le tribunal reçoit les parties de Parry et Tailband inter« venantes, et, avant laii-e droit au fonds, ordonne que, par
ti devant M. Mandat, juge, les parties de llouher feront preuve,
« tant par titres que par témoins,
« i". Que Marguerite Mercier avait eu, avant son mariage,
« iin commerce charnel avec Jean-Pierre Carraud, et (pie de
« ce commerce était née Hélène, dite Dubois} du nom de la
« mère du sieur Carraud;
«
Que ladite Hélène Dubois passait publiquement dans
« Kiom pour être la fille de Jean-Pierre Carraud, et qu’elle a
« passé pour telle dans les lieux oh le sieur Carraud lui a fait
«■ passer sa jeunesse;
o 3°. Que c’est lui qui a payé les mois de la nourrice et lui
« avait recommandé cet enfant;
« /|°. Qu’après qu’elle fut sevrée, il la fit transporter dans
�(7)
« son domaine à Reyvialle, et chargea ses fermiers ou métayers
« de pourvoir îi sa subsistance et à son entretien, leur en four« uissant tous les Irais;
—
« 5°. Qu’il avait avoué dans diverses circonstances et devant
<f plusieurs personnes qu’il était le père de cette iille, et qu’il
« 1avait eue de la demoiselle Mercier avant son mariage;
« 6°. Enfin, (pie le sieur Carraud vint lui-même à Reyvialle
« pour régler les conditions du mariage d’Hélène-, qu’il lui donna
« des héritages pour composer sa dot, et que si l’acte fut coloré
« du nom de vente, il est certain qu’il n’en reçut pas le prix.
x Sauf la preuve contraire,
« Pour les enquêtes faites et rapportées, être statué ce qu’il
« appartiendra : tous moyens et dépens réservés. »
Un demande au conseil quel doit être devant la Cour de
Kioin le mérite et effet de ce jugement?
�(8)
CONSULTATION
TOUR
Les Héritiers ou Légataires de la ligne pater
nelle de J e a n - L o u is C a r r a u d d ’ U r r i s e .
I ue conseil soussigné,
Vu le dispositif d’un jugement rendu au tribunal civil de
Rioin, le 3o juillet 1828, contradictoirement entre les consullans, et les enfans d’Hélène Dubois, femme Yalleix, se disant
fille de Jean-Pierre Carraud, et en celte qualité héritière eu
partie dudit sieur Carraud d’Urbisc.
Par lequel jugement, ce tribunal se fondant sur une dér ré talc d’Alexandre III, chapitre V I, et les anciens principes
en matière de légitimation des enfans naturels par le ma
riage subséquent de leur père et mère naturels, a décidé qu’il
V* avait des présomptions suffisamment graves, précises et
concordantes pour décider qu’llélène Dubois, femme Vallcix,
est née en 17 /ïi, de la cohabitation supposée entre Jean-Pierre
Carraud et Marguerite Mercier, depuis unis en mariage (en
17Í)?.), sans avoir ni alors, ni pendant sa durée, reconnu la
dite paternité, et qu’il y avait lieu d’admettre la preuve de
la paternité dudit Jean-Pierre Carraud.
�(9)
Yu le Mémoire à Consulter, par lequel les héritiers et lé
gataires de Carraud-d’ Urbise, en contestant l’état que l’on at
tribue à Hélène Dubois, demandent si l’appel qu’ils ont inter
jette de ce jugement, devant la Cour de Riom, est bien fondé :
Est d’avis de l’affirmative;
Le Code civil, dans le titre de la Paternité et de la Filiation,
promulgué le 2 avril i 8o3, permet aux enfans nés de deux
individus, unis par le mariage, de demander à prouver par
témoins leur filiation contre les auteurs de leurs jours, lors
qu’ils ont été inscrits comme nés de père et mère inconnus,
ou sous de faux noms; mais, d’après l’article 3a3, la preuve;
ne peut être admise que lorsqu’il existe un commencement de
preuves par écrit, émané de celui dont on invoque la pater
nité, ou lorsque des présomptions ou indices résultans des faits
dès-lors constans, sont assez graves pour déterminer l’ad
mission.
L ’action en réclamation d’état est imprescriptible à l’égard
de l’enfant (art. 328); ainsi elle peut être exercée contre ses
parens décédés; l’action ne peut être intentée par les héritiers
de l’enfant qui n’a pas réclamé, qu’autant qu’il est décédé
mineur, ou dans les cinq années après sa majorité, ou qu’il
a commencé cette action, et qu’il n’a pas laissé trois années
sans poursuites, à compter du dernier acte de la procédure.
(Art. 329, 33o).
Voila pour les enfans nés de deux personnes unies par le
mariage. La présomption de droit P aler is est quem justœ nupliœ
demonstran!, les protège contre la suppression de leur état.
À l’égard des enfans nés des individus non mariés, la re
cherche de la paternité est interdite (art. 34o); ils ne sont
�( 10)
légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère,
qu’autant qu’ils sont formellement reconnus (art. 331).
Dans l’espèce, il paraît qu’llélène, avant sa mort, a intro
duit l’instance dont il s’agit, puisqu’aucune fin de non-recevoir
n’est opposée à ses héritiers; il est présumable toutefois, que
cette demande a été faite, depuis la promulgation du Code civil,
bien que nous ayons sous les yeux une consultation en faveur
d’Hélène, du iG ventôse an 10 , qui relate une opposition à
scellés de sa part, un procès-verbal de non conciliation, puis
une instance.
Ces premières poursuites ont du être interrompues pendant
au moins trois années, et dès-lors il faut en conclure que l’ac
tion a été introduite sous l’empire du Code civil.
Si ce point de fait est constant, la première question qui
se présente au fonds, est celle de savoir si cette action est
régie par le Code civil 011 par les lois antérieures.
Les lois n’ont pas d’eiïet rétroactif, en ce sens que celui
qui a un droit acquis au terme des lois, ne peut le perdre par
l’effet de la promulgation d’autres lois.
Hélène avait-elle à cette époque un droit acquis a se dire
enfant, soit légitime, soit même naturel du sieur Carraud?
non assurément-, son acte de naissance ne lui donnait aucun
droit; elle n’avait aucune possession d’état; elle n’avait formé
aucune demande en justice; ou, si elle en avait commencé
une, elle y a renoncé, en n’y donnant aucune suite depuis la
consultation du ^() ventôse an 10 (7 mars 1802).
C’est l'aimée suivante (en avril i 8o3) que fut promulguée la
loi qui défend la recherche tde la paternité.
Celte loi lut faite en vue de mettre fin à des scandales dont
la société et la morale avaient à souffrir, et à des décisions
�( IX)
toujours incertaines, où le mystère, dont le Créateur
a enveloppé la paternité, devait, dans la pensée de ses auteurs,
régir tous ceux qui n’avaient pas alors des droits acquis.
La loi ne distingue pas entre les enfans nés sous l’empire
des législations antérieures, et ceux nés depuis le Code civil.
La loi exige la reconnaissance du père, a dit M. Troncliet,
dans la séance du Conseil d’Etat du i 5 novembre 180 1 (24 bru
maire an 10), séance inédite, et que vient de publier M. Locré
(pag. 95 de sa Législation civile, t. v i.) « La loi l’exige, parce
« que le père seul peut juger si l’enfant lui appartient; or lors« qu’il n’a voulu le reconnaître, ni avant, ni au moment du
« m ariage, c’est une preuve qu’il doutait alors de la paternité. »
Dans la séance également inédite du 17 novembre 18 0 1, où
l’on discuta spécialement la question de la recherche de la pa
ternité, on fit l’observation que, si autrefois cette recherche
était admise à raison de la fréquentation d’une personne du
sexe, l’enfant naturel n’avait droit qu’à des alimens; qu’on doit
être plus sévère quand il s’agit d’attribuer à l’enfant naturel
des droits dans la famille; et qu’enfin la loi du 12 brumaire
an 2, si favorable aux enfans naturels, avait interdit la re
cherche de la paternité non avouée.
M. Troncliet fit la remarque qu’autrefois, une fille était libre
de faire tomber la paternité sur qui elle voulait, et qu’elle
choisissait ordinairement le plus riche de ceux qui l’avaient
fréqucntee; cette manœuvre était presque toujours heureuse;
cependant, dans la vérité, il restait des doutes sur la qualité
exclusive du père, et, indépendamment du danger d’admettre
une preuve aussi incertaine que la preuve testimoniale, c’était
donner trop de poids à la déclaration de la fille. ( V oy. pages
12 0 , 12 1) .
judiciaires
�M. Thibeaudcau ajouta que l’usage de cette action était au
trefois scandaleux et arbitraire: les lois qui y ont mis un terme
ont servi les mœurs. (Ibid, page 122).
Dans l’exposé des motifs de cette loi fait au Corps-Législatif
le 1 1 mars i 8o3, par M. Bigot-Préameneu, il s’exprime ainsi
(page 2 12 ) : Depuis long-temps, dans l’ancien régime, un cri
général s’était élevé contre les recherches de paternité; elles
exposaient les tribunaux aux débats les plus scandaleux, aux
jugemens les plus arbitraires, à la jurisprudence la plus va
riable; l’homme dont la conduite était la plus pure, celui
dont les cheveux avaient blanchi dans l’exercice de toutes les
vertus, n’étaient point à l’abri de l’attaque d’une femme im
pudente, ou d’enfans qui lui étaient étrangers; ce genre de
calomnie laissait toujours des traces affligeantes. »
Ici, l’orateur invoque la prohibition de la loi de l’an 2. «Dans
la loi proposée, ajoute-t-il, celle sage disposition qui interdit
les recherches (le la palernile cl elc* m aintenue; elle ne pourra
jamais être établie contre le père (pie par sa propre recon
naissance, et encore faudra-t-il pour que les familles soient
à cet égard à l’abri de toutes surprises, que celte reconnais
sance ait été laite par acte authentique, ou par l’acte même
de naissance. »
Le tribun Lahary, dans son llapport au tribunal, du 19 mars
8o3, après avoir rappelé tous les débats rapportés dans les
auses célèbres, s’écriait : « Llle cessera enfin celle lutte scan
daleuse et trop funeste aux mœurs; la recherche de la paterternité est interdite.» 11 invoquait aussi l’opinion émise par
le consul Cambacérès, dans le Discours préliminaire à son
projet du Code civil. (l*ag. 2G7 et 268.)
Le tribun Duveyrier, dans le Discours qu’il prononça au
�0 3 )
nom du trilwnat, devant le Corps-Législatif, dans la séance
du 3 mars i 8o3, s’élevait aussi contre l’admission de la re
cherche de paternité.
« On convenait, dit-il (pag. 3 i 8), que la nature avait cou« vert la paternité d’un voile impénétrable $ on convenait que
« le mariage était établi pour montrer, à défaut du signe na« turel, cette,paternité mystérieuse; et c’était précisément hors
« du mariage, qu’on prétendait percer le mystère et découvrir
« la paternité.
« Ces procès étaient la honte de la justice et la désolation
« de la société. Les présomptions, les indices, les conjectures
« étaient érigées en preuves et l’arbitraire en principe.«
Yoilà les égaremens auxquels la loi du 12 brumaire an 2
avait déjà remédié par des mesures efficaces, et que la légis
lation de i 8o3, à une majorité de 2 16 voix contre G, a proscrits
pour toujours. Et c’est 2^ ans après la promulgation d’une loi
aussi sage, que le tribunal de l\iom a admis cette scandaleuse
recherche, sous prétexte de l’existence des anciens principes
et sur la foi de la décrétale d’un pape qui n’a jamais joui de laulorité législative en France!
On se fonde sur un droit acquis, quand il est évident
qu’il n’en existe aucun; on transforme l’action qui eût pu être
exercée par Hélène Dubois, avant la loi de l’an 2, en 1111 droit
sur lequel ni cette loi de l’an 2, ni le Code civil, ne peuvent
avoir d’iniluence sans encourir le reproche de rétroactivité.
Mais les lois (pii déterminent la recevabilité des actions,
saisissent à l’instant même de leur-' promulgation ceux qui
pouvaient avoir droit de les exercer.
M. M erlin, dans scs additions au Nouveau Répertoire>
/. xvi 3 v° E ffet rétroactifsection 3 , agite celte question : Si
�( *4)
toute loi nouvelle, qui ne rétroagit pas expressément, est, par
cela seul, inapplicable à tout ce qui s’est passé avant le mo
ment de sa promulgation et à tout ce qui existe en ce moment.
Le principe de la non-rétroactivité repose sur la garantie due
aux membres de la société contre les caprices du législateur,
pour l’empêcher, soit de violer leur sûreté individuelle, en les
faisant punir aujourd’hui à raison dit fait d’hier, qui n’était pas
défendu, soit d’attenter à leur propriété en les dépouillant de
biens 011 de droits qu’ils avaient acquis sous le nom de lois pré
cédentes; 011 chercherait vainement ailleurs le motif de ce
grand principe. Il faut donc, pour qu’il y ait rétroactivité dans
le sens du Code civil, le concours de deux conditions: la pre
mière, que la loi revienne sur le passé et le change; la seconde,
qu’elle y revienne et le change au préjudice des personnes qui
sont l’objet de scs dispositions.
Telles sont les limites du principe de non-rétroactivité, et ou
voit de suite qu’ils ne s’appliquent pas à l’action des héritiers
$ Hélène.
D’une part, celle-ci ne trouvait pas, dans les anciennes lois,
de texte qui lui garantît le droit de rechercher le mystère de la
paternité*, en sorte qu’un tribunal qui eût rejet té son action,
n’eût pas encouru la cassation. Elle n’avait donc aucun droit
absolu, c’e st-à -d ire , garanti par la loi. La décrétale d’A
lexandre III, quand même elle serait une loi de notre patrie, ne
statue pas sur la légitimation par mariage subséquent. Elle
suppose la reconnaissance de la paternité. Il s’en faut qu’elle, ni
aucune loi d’origine ecclésiastique, autorise cette recherche.
L ’admission de ces actions tenait au pouvoir arbitraire, que
s’attribuaient alors les tribunaux, en l’abscncc de lois écrites;
et l’erreur qui avait entraîné les tribunaux ne pouvait pas se
�( i 5)
justifier. Car, si d'un côte, une femme délaissée et un enfant
abandonné inspirent de l’intérêt, de l’autre c’était une entre
prise téméraire cpie de vouloir percer le mystère de la pater
nité, et d’attribuer, par jugement, à un homme, un enfant qu’il
savait n’être pas le sien. L ’erreur, en pareil cas, était déplo
rable et de nature à soulever les honnêtes gens.
Ainsi, en premier lieu, Hélène n’avait pas de droit pour re
chercher la preuve d’un fait de paternité improuvable et qu’au
cune loi ne l’autorisait à attribuer au sieur Carraud.
D’autre part, elle n’avait pas de droit acquis en vertu des
concessions imprudentes de l’ancienne jurisprudence, lorsque
les lois de l’an 2 et de i 8o3 sont venues fixer un principe si
important dans l’ordre social 5 puisque long-temps après sa ma
jorité elle n’a pas réclamé, et pendant qu’elle pouvait agir;
puisqu’au décès de son père putatif, en 17 8 1 et depuis, elle a
gardé le silence, quoiqu’elle eut droit à la succession, si elle est
ce quelle prétend.
*
Son silence est d’autant plus inexplicable, que la reconnais
sance de maternité faite à son profit, le i 5 fructidor an 2 ,
sous l’empire de la loi du 12 brumaire precedent, la conviait a
rechercher la paternité, au moins dans les limites établies par
cette loi.
Au décès de sa mère naturelle, en 1800, elle a élevé des
prétentions; elle a su qu’une loi était proposée pour régler
l’état des enl'ans naturels; elle a laissé promulguer cette loi
(celle du i/f. iloréal an 1 1 ) sans régulariser son action; elle a
laissé également promulguer le Code civil, dont la prohibition
absolue devait détruire toutes ses espérances; et l’on prétend
encore quelle pouvait dormir en sécurité sur la foi de ses droits
�( IÔ)
acquisj quand aucun droit ne lui était reconnu dans le sens
qu’on prétend aujourd’hui l’exercer!
La loi 7, au Code de Legibus, dit que les constitutions don
nent la forme et l’existence aux affaires futures, mais non aux
faits consommés*, non ad facta p ne teri la revocariy à moins que
le législateur n’y statue spécialement, nisi nominatim et de
prœterito tempore et adliuc pendentibus negotiis cautuni sit.
Il
est évident qu’il n’y avait rien d’accompli ni de consommé
dans l’état d’Hélène, avant la promulgation du Code civil; qu’au
contraire cet état était incertain; que, par conséquent, c’était
une affaire pendante, adhuc pendentibus negotiis.
Maintenant, il sera facile de démontrer que, non-seulement
cette affaire a été soumise à l’empire du Code civil, j>ar cela
seul qu’elle était pendante, mais encore que, par deux lois spé
ciales, elle a été expressément soumise à l’empire des lois suc
cessivement promulguées sur l’état des enfans naturels.
Le décret du 1 2 brumaire an 2 .^ 2 novembre 179 3), par son
article I er, admet les enfans nés hors mariage, et alors eæistans
aux successions de leur père et mere, ouvertes depuis le i/j
juillet 1789. Comme il leur conférait un droit d’hérédité supé
rieur à la quotité admise par les lois antérieures, il y avait ré
troactivité, puisque le sort de ces successions était définitivement
fixé par le décès de leurs auteurs. Aussi la partie rétroactive
de celte loi fut-elle bientôt rapportée (loi du i 5 thermidor an 4,
1 août 1796) mais le principe relatif à la question d’état reste
intact, et la preuve que le droit à établir une filiation laissée in
certaine par l’acte de naissance, n’était pas régi par les lois
existantes à cette époque, quoiqu’il prenne sa source dans la
naissance, c’est que l’article 8 dit : » Pour être admis à l’exercice
« des droits ci-dessus dans la succession de leur père décédé,
�if y V
(*7)
« les enfans, nés liors du mariage, sont tenus de prouver leur
« possession d’état. Cette preuve ne pourra résulter que de
<f la représentation d’écrits publics et privés du père, ou de la
« suite des soins donnés à titre de paternité et sans interruption,
« tant à leur entretien qu’à leur éducation: la même disposition
« aura lieu pour la succession de la mère. »
C’est ce mode restrictif de preuve que l’on appèle la prohibi
tion de la recherche de la paternité, autre que celle avouée par
des actes directs ou indirects. Voyez l’arrêt de la Cour de cas
sation, du 3 ventôse an 10 , sur le rapport de M. Rupérou, pré
sident M. Malleville. (Sirey, 3 -- i ~ i 85, et le Recueil pério
dique de M . D alloz, vol. 1791^ l ’an in , première partie, p. 60G.
Cet arrêt décide positivement et après une discussion solen
nelle, que la loi du 12 brumaire n’a pas seulement réglé les
droits héréditaires des enfans naturels, mais aussi leur état.
C’est de cet article qu’on est parti, quand on a rédigé le Code
civil*, on voit par le projet, que la recherche de la paternité,
autre que la paternité avouée, avait été proposée pour être in
terdite. Le Code civil n’admet pas, comme la loi de l’an 2 , la
preuve de filiation résultant des soins donnés et des écrits pri
vés-, mais à part la forme de la preuve, à l’une comme h l’autre
époque, le législateur s’est cru autorisé à régler la filiation des
enfans alors vivans, qui n’avaient pas obtenu la reconnaissance
de la paternité et de la maternité. Et la preuve, sans réplique,
que telle fut la volonté du législateur, se trouve dans le décret
d’ordre du jour du 4 pluviôse an 2 (23 janvier 17 9 4 ), ainsi
conçu :
« La convention nationale après avoir entendu le rapport de
« son comité de législation sur la pétition de la citoyenne Ber« trand, tendant à ce qu’il soit rendu un décret qui autorise les
3
»
�( 18)
«
«
«
«
«
tribunaux à juger définitivement les procès en déclaration de
paternité, dans lesquels la preuve testimoniale a été ordonnée et faite antérieurement aux lois nouvelles sur les enfants nés hors mariage, passe à l’ordre du jour motivé sur ce
que les lois n’ont pas d’eiFet rétroactif. »
En exerçant l’action en déclaration de paternité et en se
faisant admettre h la preuve, dans les formes admises antérieu
rement à la loi du i :ï brumaire, la pétitionnaire avait réelle
ment un droit acquis, dont elle ne pouvait plus être dépouillée,
qu'autant que la loi nouvelle aurait formellement aimullé ces
procédures et les aurait mises au néant; iiisi nomhialim et adluic
pendentibus negotiis. C’est en effet ce qu’on aurait pu soutenir,
en vertu de l’article 17 de la loi de brumaire; mais cet article
s’appliquait, non à la question d’état, mais au mode de partage
des successions.
Du reste, il résulte Irès-évidcmment de ce décret, d’ordre du
jour, que la loi du ta brumaire a saisi tous les enfans naturels,
qui n’avaient pas formé encore de demandes en déclaration de
paternité, dans l’état oii ils se trouvaient, et les a soumis à
son empire. L ’article <8 ne laisse aucun doute sur sa généralité,
et son applicabilité a l’espèce, puisqu’il s’occupe expressément
de la recherche de la paternité à l’égard des individus alors dé
cédés, et la succession de Jean-Pierre Carraud se trouvait dans
ce cas, puisqu'il est décédé eu 17 8 1.
Or, à cette époque, Hélène n’avait introduit aucune action en
justice, ni contre son père supposé, ni même contre sa mère;
celle-ci ne l’a reconnue qu’en fructidor de la même année.
Cette reconnaissance est, sans doute valide à l’égard de la
mere, quoiqu'elle n’ait pas été passée chez l’ofiieier de l’etat
civil, puisqu’elle a été passée en forme authentique, et que
�( I9 )
l’arrêté du Directoire, du 12 ventôse an 5, n’a proposé l’annullation que des reconnaissances sous signature privée. Le
rejet de cet arrêté, prononcé par le conseil des anciens, le 12
thermidor an 6 (3o juillet 1798), laisse même à penser qu’une
reconnaissance privée, conforme à l’article 8 de la loi du 12
brumaire, a sufli jusqu’au Code civil de i 8o3. Au reste, la re
connaissance de la mère n’a pas été attaquée comme émanant
d’une personne qui avait perdu l’exercice de sa volonté (elle
avait 80 ans), et qui avait cédé à la crainte d’un procès scan
daleux; mais elle n’a aucun effet relativement à la succession
du père, à cause du mystère de la paternité.
La loi du 13 brumaire rejette la preuve de fréquentation de
la mère, et 11’admct comme preuve de paternité qu’un aveu
formel, ou une suite de soins non interrompus, donnés à titre
de paternité, tant à l’entretien qu’à l’éducation de l’enfant na
turel.
Si nous avions à examiner le jugement du 3o juillet 1828,
dans ses rapports avec la loi du 12 brumaire, nous dirions que
le tribunal a erré en autorisant Hélène ou ses héritiers à
prouver le commerce charnel du sieur Carraud avec Margue
rite Mercier, à l’époque de la conception de l’enfant, puisque
ce genre de recherche, si arbitraire et si scandaleux, est for
mellement interdit par la loi du 12 brumaire, ainsi que l’a jugé
l’arret déjà cité de la Cour de cassation, du 3 ventôse an 10.
Sous ce premier rapport, il devrait être nécessairement réformé.
Ce même jugement admet, comme deuxième chef à prouver
la commune renommée, sur les rapports de paternité qui pa
raissaient exister entre Hélène et Carraud, ce qui est encore
une extension donnée a la rl. 8 de la loi de brumaire.
En troisième lieu, le tribunal admet à la preuve d’aveux ver
�H
c
(2°)
baux émanés du père, tandis que la loi de brumaire exige des
aveux écrits, publics ou privés.
En cpiatrième lieu, quant à la preuve des soins ou des frais
d’entretien et d’éducation, le tribunal ne s’explique pas sur la
circonstance de la non-interruption, ce qui était un point capital
sous l’empire de la loi de brumaire.
Si ce genre de preuve était admis par la Cour royale de
Kiom, les consul “ans seraient donc autorisés à se pourvoir en
violation de l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, qui, comme
l’a observé M. Bigot-Préameneu, dans son Discours législatif,
(page 2 1 3), a réglé tout le passé.
Quant à l’avenir, a-t-ilajouté, « l’état et les droits des enfans
« naturels, dont le père et la mère étaient encore cxistans lors
« de la promulgation du Code civil, il fut statué qu’ils seraient
« en tous points réglés par les dispositions de ce Code, et que
« néanmoins, en cas de mort de la mère avant la promulgation,
« la reconnaissance du pere, laite devant un officier public,
(t suffirait pour constater l’état de ces erifans. »
Telle est en effet la disposition de l’art. 1 1 de la loi ; il
est clair que ce décret statuait aussi bien sur l’état que sur
les droits successifs des enfans nés hors mariage, et les pre
nait dans l’état ou il les trouvait.
Il
est aussi singulièrement à remarquer, (pic le décret de
brumaire, en autorisant la preuve de la filiation par des écrits,
même privés, émanés du père, ou par les soins non interrompus
donnés à 1’enfant, lui refusait expressément tout droit dans la
succession des pareils collatéraux; en sorte qu’011 n’aurait pu
s’autoriser des anciens principes sur la légitimation tacite par
mariage subséqnent, pour prétendre à ces successions dès qu’il
existe une disposition prohibitive dans la loi.
�L ’article q est ainsi conçu :
u Les enfans nés hors du mariage, dont la filiation sera
« prouvée de la manière qui vient d’être déterminée par l’ar« ticle 8, ne pourront prétendre aucun droit dans les succes« sions de leurs parens collatéraux, ouvertes depuis le i!\ juillet
« 1789 ’, mais, à compter de ce jour, il y aura successibilité ré« ciproque entre eux et leurs parens collatéraux, à défaut d'hét< ritiers directs. »
A insi, malgré la faveur avec laquelle le législateur de cette
époque traitait les enfans naturels, il ne voulait pas que, par
un genre de preuve si incertain de paternité, ces enfans eussent
les m êm es droits que ceux nés dans le mariage; surtout il n’a
pas voulu qu’ils vinssent dans les successions collatérales ou
vertes avant la promulgation de sc.r décret du 12 brumaire,
et c’est ce que décide virtuellement la loi du i 5 thermidor an 4
(2 août 1796), dont l’article 4 est ainsi conçu: « Le droit de
« successibilité réciproque entre les enfans liés hors le mariage
« et leurs parens collatéraux, et celui donné à ces enfans et
« leurs descendans, de représenter leur père et mère, n’auront
« d’effet que par le décès de ces derniers, postérieurement à la
« publication de la loi du 4 jnin 179^?
seulement sur les suc« cessions ouvertes depuis la publication de celle du 12 bru
maire. »
Or, la succession Carraud d’Urbise, frère du père putatif
d’IIélène, s’est ouverte depuis 1783.
Quant à la question de rétroactivité, le législateur a si bien
cru que l’état des enfans existans, dont le sort n’était pas fixé,
serait réglé par les lois à venir, que par l’art. 10 de celle du
12 brumaire, il a voulu, non - seulement que la quotité de
leurs droits successifs, mais que leur état fut réglé par un Gode
it
�civil qui n’était pas fait, et qui n’a été promulgué que dix ans
après; de telle sorte que les droits de ces enfans ont été sus
pendus pendant cet intervalle; et c’est en vertu de cette dis
position, déjà exhorbitante, que la Cour de cassation, par ses
arrêts des 21 juin 1 8 1 5 (affaire Lanclière) et 12 avril 1820
(affaire Salomon), a annullé des reconnaissances de paternité,
dans des cas non prohibés par les lois de la naissance des enfans et qui l’étaient devenus par les nouvelles. ( Voy. le Recueil
périodique de M . Dalloz} vol. 1820, i re partie, pag. 4o6.)
Venons à la loi du 14 floréal an 1 1 (4 mai i 8o3), contempo
raine du Code civil. On y lit, article i cr, que l’état et les droits
des enfans nés hors mariage, dont les père et mère sont morts
depuis la promulgation de la loi du 12 brumaire an 2 jusqu’à
la promulgation du Code civil, sont réglés par ce Code.
Dans le système contraire à celui que nous soutenons, il y
aurait donc encore ici rétroactivité, non-seulement en matière
de succession, mais en matière lYétat, puisque les droits des en
fans nés hors mariage, avant la promulgation du Code civil,
sont, par un acte de puissance absolue, places sous la règle
établie parce Code, tandis qu’ils devraient l’être par les lois in
termédiaires.
Le reproche, en effet, serait fondé, surtout sous le rapport
successif, si la loi de brumaire an 2, n’avait pas elle-même averti
tous les Français que leur succesion serait régie par la loi alors
en projet.
Quant à Yctal de ces enfans, nul reproche de rétroactivité ne
peut être imputé au législateur, puisque cet état n’étant pas en
core détermine par jugement ou transaction, il n’y avait pas
droit acquis.
�( a3)
Voyons maintenant l’objection soulevée par M. Merlin, loco
cilatOj sect. 3, art. 7, n° 3, oii il examine spécialement ce qu’il
faut penser de la rétroactivité des lois, dans le cas de paternité
ou filiation naturelle.
« Les qualités de père et d’enfant naturel (dit ce jurisconsulte,
page 235), lorsqu’elles sont établies par des preuves que la loi
reconnaît, produisent en faveur de l’enfant, une action pour se
faire donner des alimens par son père; et comme cette action a
son fondement dans le droit naturel, il est évident que, dès
qu’une fois elle est acquise, une loi postérieure peut bien en
étendre ou en resserrer les effets, soit quant à leur quantum, soit
quant à leur durée, mais non pas la détruire complètement.
Ce que la loi ne peut faire directement à cet égard, peut-elle le
faire, et est-elle jamais censée le faire indirectement? En d’au
tres termes, lorsqu’à une loi qui admettait l’enfant naturel à
prouver sa filiation, soit par témoins, soit par des présomptions
plus ou moins graves, succède une loi qui exige des preuves
d’un autre genre, celle-ci est-elle applicable aux enfans naturels
qui sont nés avant celle-là?
« D’après ce que nous venons de dire sur le mode de preuve
du mariage ou de la filiation légitime, la négative ne paraît pas
douteuse. »
Ici M. Merlin élève une doctrine en opposition manifeste avec
l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2,/ et avec l’art. i crde
celle
♦
du i4 fi°i'éal an 1 1 ; car ces lois n’ont fait autre chose que
statuer sur le mode de preuve de filiation des enfans nés hors
mariage, existans lors de leur promulgation.
Le décret d’ordre du jour de l’an 2 prouve clairement que
ne sont exceptés des dispositions de la loi, que ceux qui avaient
�ic o
(4)
antérieurement formé leur action selon les lois et la jurispru
dence existantes.
Que prétend donc M. Merlin, quand il veut que l’enfant
soit admis, apparemment d’après la loi existante, au moment de
sa naissance, à prouver sa filiation ?
Si les hommes étaient ainsi régis par les lois qui gouvernent
le pays, au moment où ils ouvrent leur carrière, sans que les lois
postérieures puissent régler un état non encore assis, le législa
teur serait impuissant pour déterminer l’ordre de la société et
réprimer les abus.
Que la prestation des alimens soit de droit naturel, lorsque
l’état est constaté, rien de plus juste; mais qu’il soit de droit
naturel de prouver le mystère de la paternité par la seule fré
quentation de la mère, ou par des actes que la charité seule a
pu motiver, voilà ce qu’on ne prouvera jamais. C’est parce que
la paternité est un mystère, que la loi a sagement voulu qu’elle
ne pût résulter que d’un aveu authentique du père, et qu’elle
a proscrit l’arbitraire des présomptions.
M. Merlin argumente des principes qui régissent les enfans nés dans le mariage; mais le fait du mariage est un fait
public, d’oii résulte la présomption de paternité. Cette pré
somption, le mari a voulu la subir et elle n’a rien de déraison
nable; il n’y a pas d’incertitude sur le père, quand la femme
n’est pas accusée d’avoir fréquenté un autre que son mari.
La filiation des enfans nés dans le mariage repose donc pré
cisément sur le principe opposé au concubinage; la femme,
dans ce cas, étant libre, il n’y a pas de raison d’attribuer la pa
ternité à l’un plutôt qu’à L’autre.
31. Merlin a été si embarassé qu’il a commencé par dire: Ces
qualités de père et d’enfant naturel, lorsqu'elles sont établies par
�1
( , 5)
des preuves (pie la loi reconnaît, etc. Oui, sans doute, quand elles
sont établies, le législateur ne peut plus, par des lois posté
rieures, remettre l’état en question-, il ne peut que régler la
qualité du droit héréditaire dans les successions non ouvertes.
Mais lorsque ces qualités ne sont pas établies au profit de
l’enfant naturel, dans les formes voulues par les lois, lorsque
par conséquent, il n’existe pas de droits acquis, la loi nouvelle
saisit l’individu qui n’a pas fait constater sa qualité, dans l’état
ou il se trouve; et telle est l’opinion du célèbre publiciste et ju
risconsulte d’Amsterdam, Meyer, auteur du savant et profond
ouvrage sur les Institutions judiciaires des principaux pays de
l’Europe, dans ses Questions transitoires. (Pag. •206 et 207.)
Ses raisons sont, que l’action en déclaration de paternité n’é
tait pas, pour les enl’ans naturels, la suite nécessaire d’un événe
ment antérieur à la loi (pii la prohibe, lorsqu’elle n’est pas fondée
sur la reconnaissance formelle et par écrit du père; qu’elle pou
vait être intentée ou abandonnée au gré des intéressés; qu’elle
dépendait d’un jugement incertain en soi, sans lequel la de
mande aurait été comme non avenue; qu’elle ne peut donc être
considérée comme un droit acquis irrévocablement, à moins (pie
celte action ne soit déjà intentée} que l’intention formelle et po
sitive du demandeur se soit ainsi manifestée, et qu’elle 11e soit
devenue sa propriété irrévocable.
Nous ne connaissons pas l’opinion de Meyer autrement (pie
par ce quen rapporte 31. Merlin. Celui-ci prétend que, dans la
page 94, Meyer ne conteste pas le principe que, sur l’admissi
bilité de tel ou tel mode de preuve d’un fait, il n’y ait pas à
consulter d’autres lois que celles du temps oii le fait s’est passé.
S ’il ne le conteste pas formellement, nous 11e voyons pas qu’il
l’admette; il faudrait avoir le texte sous les yeux pour s’assurer
4
�(a6)
que la contradiction reprochée par M. Merlin à Meyer, existe
réellement.
Quoi qu’il en soit, voyons les raisonnemens que M. Merlin
oppose au passage très-formel de M. Meyer sur la non-rétroac
tivité des lois, au fait dont il s’agit.
« Quel est l’objet direct de l’action en déclaration de pater« nité?C’est principalement, c’est même uniquement, dansbeau« coup de pays, de faire déclarer le père assujetti à l’obligation
« de fournir des alimens à l’enfant qui lui devait le jour.
« Cette obligation, et par conséquent l’action tendante à en
« faire déclarer l’existence, sont-elles la suite nécessaire de la
« conception de l’enfant? Comment ne le seraient-elles pas?
« Nourrir l’enfant à qui on a donné l’être, jusqu’à ce qu’il puisse
« se procurer à lui-même sa subsistance, c’est la première dette
« de la nature; et elle lient tellement à l’essence de la pater« nité, que les animaux e u x - mêmes mettent à s’en acquitter
<( une sollicitude qui leur fait oublier leur propre conservation
« et braver tous les périls. »
Nous répondons : Sans contredit, c’est le premier devoir d un
homme, quand il a donné le jour à un enfant, de reconnaître
sa paternité, et de subir les obligations qu’elle lui impose; mais
si sa conviction intime repousse cette paternité; si, sachant qu’il
n’a existé aucun lien charnel entre lui et la mère, il refuse de
reconnaître celle paternité, et de prendre aux yeux de la société
une responsabilité morale, qui ne sera pas sans influence sur
son avenir, sur le bonheur et les droits d’une épouse délicate et
d enlans parfaitement légitimes, dira-t-on qu’ici le droit naturel
soit pour quelque chose? Et si une loi intervient, qui, pour laire
cesser 1 abus de la recherche de paternités aussi aventureuses,
prohibe la preuve de la seule fréquentation ou la preuve par
�6« !
( 27 )
témoins, quel droit naturel aura été violé? Le législateur aurat-il fait autre chose qu’user d’un droit légitime?
De quoi auront à se plaindre, la mère naturelle qui, pendant
la minorité de son enfant, ou l’enfant lui-même qui, depuis sa
majorité, n’auront pas invoqué la licence du genre de preuve
autorisé par une jurisprudence mensongère, abusive et scan
daleuse, si on les repousse en leur disant: La recherche de pa
ternité, entre personnes libres, est interdite, hors les cas parti
culiers spécifiés dans la loi-, ces cas sont précisément ceux oii il
y a un fait public, comme le rapt équivalent à un mariage
légal.
« Qu’importe, dit 31. Merlin, que cette action puisse être
« intentée ou abandonnée, au gré des intéressés ? De ce que je
« puis renoncer à une action, s’ensuit-il que ce n’est qu’en Fin
it tentant que j ’acquiers le droit de la poursuivre ? »
Oui, sans doute, quand la filiation est un fait plus qu incer
tain-, si on ne le prouve pas selon la forme admise par les lois,
on perd le droit qu’elle donnerait si elle était prouvée.
Deux arrêts de la Cour de cassation, des G juin 1820 et
12 juin 18 25, ont proclamé en principe: « Les lois qui règlent
« l’état des personnes, a dit le premier, saisissent l’individu
« au moment même de leur émission, et le rendent, dès ce mo« ment, capable ou incapable, selon leur détermination. Les
« lois qui régissent la capacité civile des personnes, a répété le
« second, saisissent l’individu et ont effet du jour de leur pro« mulgation. » En cela, elles n’ont aucun effet rétroactif, parce
(pie l’état civil des personnes étant subordonné à l’intérêt
public, il est au pouvoir du législateur de le changer ou de
le modifier, scion les besoins de la société.
M. Merlin pense que ces principes pèchent par trop de géne-
o
�te a
(>8)
ralité. Sans doute, si on les appliquait à des droits acquis par
transaction, jugement ou par action légalement intentée, avant
la loi nouvelle, à cause de la maxime : Qui liabet actionem ad
rem recuperandam, ipsam rem habere videtur.
Mais ces principes s’appliquent évidemment à un état de
meuré incertain.
M. Merlin lui même le concède :
Lorsqu'il s’agit d ’une action que la loi m’accorde par pure
faveur, et a titre de simple faculté.
Telle est bien la recherche de la paternité, hors mariage,
puisqu’il n’y a rien de plus incertain sans l’aveu volontaire du
père; et la preuve que c’était une faveur exhorbitante, ou plutôt
un abus de l’ancienne jurisprudence, c’est qu’aucune loi n’avait
consacré le principe de cette action, et que la Convention, au
moment mémo oh elle appelait les enfans naturels aux mêmes
droits que les enfans legitimes, a réglé le mode de preuve tant
pour le passé, que pour l’avenir, en prohibant la recherche de
la paternité, ailleurs que. dans les actes écrits du père, ou dans
•les faits personnels de lui à l’enfant, en rejetant les preuves
de fréquentation de la mère, etc., etc.
Au surplus, dit M. Merlin, notre question n’en est pas une
pour la France. Le législateur l’a tranchée lui-même de la ma
nière que je l’ai expliqué dans des conclusions du 9 novembre
1809, rapportées au § -x de l’art. Légitimité de 111011 Recueil des
Questions de Droit.
En se reportant surtout à l’arrêt intervenu, au rapport de
M. Cochard, le 9 novembre 1809, on voit que la Cour de cassa
tion n’a approuvé ni désapprouvé la doctrine que Fauteur des
Questions avait professée dans ce long réquisitoire.
�6 o^
( 29 )
Ce savant magistrat a prétendu alors, qu’il fallait distinguer
dans l’état des enfans nés liors mariage, ceux dont les pères
étaient décédés sous l’empire de la loi du 12 brumaire, ceux
dont les pères étaient décédés dans l’intervalle du décret du 4
juin 1793 au 12 brumaire, et ceux qui étaient décédés avant
1793. À l’égard des premiers, il dit qu’on était en droit d’exiger
d’eux une preuve authentique de l’aveu de paternité, bien que
l’art. 8 de la loi du 12 brumaire se contente d’une reconnais
sance privée. Comme on le voit, c’est la reproduction du sys
tème exposé par le ministre de la justice, dans son Rapport au
Directoire, lé 1 3 ventôse an 5, système rejeté par le conseil des
anciens, le 12 thermidor an 6. Ce rejet n’a pas convaincu
31. Merlin de son erreur, il n’en persiste pas moins à soutenir
(pie lui seul a bien interprété la loi.
L ’art. 8 du décret du 12 brumaire an 2, statue sur la preuve
de filiation des enfans dont les pères étaient décédés, sans dis
tinction entre ceux qui étaient décédés avant ou depuis le
decret du 4 J l,iu 1 7d3- Cela n’empêche pas 31. Merlin de sou
tenir sa distinction, et de prétendre que la preuve de la filia
tion, pour les premiers, pouvait encore se faire par la fré
quentation de la mère, en 1111 mot, par la voie scandaleuse
de la recherche indéfinie, tandis que la loi dit expressément
le contraire.
On sait que 31. 3Ierlin avait un rare talent pour soutenir
des griefs de ce genre, à l’aide d’une argumentation très-subtile*,
en discutant ainsi, il se fondait sur ce qu’autrement, la loi du
t 2 brumaire aurait eu 1111 effet rétroactif trop étendu. 3Iais,
soit qu’il s’agisse de pères décédés sous l’empire du décret du
4 juin 179^5 soit qu il s agisse d individus décédés auparavant,
l’effet rétroactif serait le même, si réellement la loi était ré-
%
�(3o)
Iroactive, quand elle règle l’état encore incertain d’individus
nés hors mariage.
L ’article 8, de la loi de brumaire an a, a fait cesser un abus
de jurisprudence qui n’aurait pas dû exister, et qui n’existait
pas partout. C’est donc une loi déclaratoire, plutôt qu’innovatoire. Elle disposait sur une matière non réglée, et il est de
principe que les lois qui statuent ainsi, ne sont jamais censées
rétroagir, puisqu’elles n’enlèvent pas de droits acquis. Les droits
acquis 11e sont que ceux qui sont garantis par des lois expresses.
On peut, il est vrai, appuyer l’opinion de M. Merlin d’un arrêt
rendu le 14 thermidor an 8; mais des arrêts aussi anciens ont
peu d’autorité aujourd’hui, surtout lorsqu’ils se trouvent contre
dits par des arrêts postérieurs, tels que ceux des 3 ventôse an
10, 26 mars 180G, 6 juin 18 10 , 12 juin i 8 i 5.
La manière tranchante dont est terminé le § 3 de l’art. 8,
sect. 3, de la Dissertation de M. Merlin, qui va jusqu’à dire
que la question agitée ne fait plus de doute, parce cjue le légis^lateur l’avait tranchée de la manière qu’il avait dite, ne doit
donc pas en imposer à ceux qui veulent se reporter aux preuves.
Au reste, les tribunaux se sont plus d’une fois écartés de
l’opinion de M. Merlin; l’ascendant qu’il exerçait par sa logique
et sa science a cessé depuis long-temps, et l’on n’examine plus
aujourd’hui que ses preuves.
Il
a soutenu, dans une Note additionnelle à ses Questions de
Droit, v° Testament, § G, pag. 2G9, que depuis le Code civil, il
n’y avait pas de doute sur ce que le testament mystique, nul
pour défaut de formes, ne pouvait valoir comme testament ologiaphe; mais malgré cette assertion, la chambre des requêtes
de la Cour de cassation, par arrêt du u3 décembre, rapporté
�6II
(30
dans la Gazette des Tribunaux, a rejette le pourvoi des héri
tiers Gauthey, sans délibérer.
On pourrait citer beaucoup d’autres exemples, non pour éta
blir que l’opinion de ce grand jurisconsulte est de peu de poids,
mais pour prouver que, comme un autre, il paye tribut à l’er
reur, et que ses opinions doivent être appréciées d’après la na
ture des argumens et non d’après l’autorité de son nom.
Au reste, même dans l’opinion de M. Merlin, la latitude de
preuve admise par l’ancien droit, pour la filiation des enfans
nés hors mariage, tenait à ce qu’il ne pouvait leur être accordé
que des alimens; du moment qu’on veut établir cette filiation
pour obtenir des droits d’hérédité et même de légitimité, nonseulement dans la succession du père supposé, mais encore dans
celle des parens collatéraux, des actions de cette nature doivent
être assujetties à la rigueur des formes introduites par les lois
postérieures.
Or,rllélène est décédée; elle n’a donc plus besoin d’aliinens*,
ce qu’on réclame aujourd’hui, de son chef, est la succession de
Jean-Louis Carraud d’Urbise, frère de celui dont la paternité
est recherchée. L ’action dont il s’agit est repoussée, quant au
fonds, par le texte formel de l’art, g de la loi du 12 brumaire
an 2 et par l’art. 4 de la loi spéciale du i 5 thermidor an 4*Quant
a la forme, cette action a été successivement régie par l’art. 8
de la loi de brumaire an 2, par l’art. 1 " de celle du 14 floréal
an 1 1 , et par la prohibition absolue du Code civil.
Les héritiers d’Hélène, fussent-ils recevables dans leur ac
tion et fondés dans leur revendication, d’après la jurisprudence
antérieure aux lois de 17 9 3, resterait a examiner si réellement
Hélène, après avoir prouvé quelle était enfant naturel du sieur
�Uo
( 3. )
Jean - Pierre Carraud, se serait trouvée légitimée, de plein
droit, par le mariage subséquent de ses père et mère.
On invoque encore sur ce point les anciens principes et la
dccrétalc d’Alexandre III. Il est bien vrai que, d’après une opi
nion généralement adoptée, le mariage subséquent des père et
mère d’un enfant naturel, avait pour effet de le légitimer; mais
il fallait certaines formalités, telles que de passer sous le poêle 3
s’il n’y avait eu une reconnaissance antérieure. Voilà ce qui
fut exposé au Conseil d’Etat, dans la séance du i 5 novembre
18 0 1, et ce qui lit rejeter la proposition d’admettre la légiti
mation tacite, ou par reconnaissance postérieure au mariage.
La décrétale d’Alexandre III, qui d’ailleurs est une loi étran
gère, ainsi que Potliier le reconnaît, 11c dit pas que le mariage
aura pour effet de légitimer des enfans naturels, non reconnus
comme tels : c’eut été singulièrement encourager le concubinage,
et accorder une prime à une chose qui était déjà de pure fa
veur, puisque la légitimation par le mariage subséquent, intro
duite dans la législation par Constantin, restreinte par Zénon,
rétablie par la Novelle X IX de Justinien, a toujours été con
sidérée comme faveur.
Potliier dit, il est vrai, que la légitimation s’opère par la
seule lin du mariage, sans que le consentement des père et
mère soit exprimé; mais il ajoute en parlant de l’inutilité de la
cérémonie du poêle: « Quelle n’est pas nécessaire, lorsque
<r les époux les ont reconnus pour leurs enfans, de quelqu’autre
» manière que soit, soit avant, soit depuis leur mariage; en un
« mot, lorsque ces enfans peuvent, de quelque manière que ce
a soit, justifier leur état. »
Potliier ne dit pas «pie, pour jouir de la faveur de la légi-
�(jl'S
(33)
timation, on peut faire un procès en reconnaissance de pater
nité, mais seulement qu’il fallait justifier d’une reconnaissance
de cet état.
Nous ne connaissons aucune décision judiciaire qui ait fa
vorisé les bâtards, au point d’ajouter au scandale de la recherche
d’une paternité toujours incertaine, celui de leur attribuer tous
les honneurs de la légitimité. C’eût été un moyen d’éluder les
lois du temps, qui, de l’aveu de M. Merlin, ne leur accordaient
d’action que pour leur assurer des alimens.
Ce serait créer un moyen d’éluder les prohibitions des lois
de l’an 2 et de l’an 4, dans ce qu’elles ont de salutaire, pour
empêcher les enfans naturels de revendiquer des droits de suc
cession dans les familles collatérales; ce serait renverser tous
les principes de moralité et d’ordre social.
Dès que l’action des héritiers d’Hélène a ce but, elle doit être
proscrite d’autant plus fortement.
Nous n’avons pas relevé, dans le cours de cette discussion, la
circonstance que l’action n’a été intentée que long-temps après
la mort du père, et que les consultans sont fondés à repousser
une calomnie; que le père supposé, loin de vouloir reconnaître
cet enfant, a fait des dispositions qui excluent toute idée de pa
ternité.
Nous n’avons pas, non plus, relevé la bizarrerie qu’il y a d’ad
mettre aujourd’hui, sur une déclaration faite par une femme
octogénaire, dans un temps oh la terreur devait paralyser toute
résistance de sa part, l’application de la maxime : Credilur
virgini.
* !À
�(34)
Mais nous disons avec une grande conviction, que le tri
bunal de Riom, par son jugement du 3o juillet 1828, a faus
sement appliqué la décrétale d’Alexandre III, et les anciens
principes sur la légitimation par mariage subséquent; qu’il a
violé l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, applicable aux re
cherches de paternité dirigées contre ceux qui étaient décédés
sous l’empire des lois antérieures, l’art. 9 de cette loi et l’art. 4
de celle de l’an 4 5 qui défendent l’admission de ces actions ten
dantes à attribuer des droits aux enfans naturels dans la suc
cession des parens collatéraux ;
Que, d’ailleurs, la question est régie par le Code civil; qu’ap
pliquer ce Code à une action née sous son empire, pour un état
non fixé auparavant, et ou il n’existait pas de droit acquis, sera
ne pas violer le principe de la non-rétroactivité des lois et faire
au contraire une juste application de ces lois, de l’art. 1 cr de
celle du 14 floréal an 1 1 , du décret d’ordre du jour du 4 plu
viôse an 2, de l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, et des
principes fixés par les arrêts de la Cour de cassation, de l’an
10 , de 1806, de 1 81 0 et 1 8 1 5, précités.
Délibéré à Paris, ce 28 décembre 1828, par les avocats au
Conseil du Roi, et a la Cour de cassation, soussignés:
IS A M B E R T , H E N N E Q U IN , D A L L O Z .
C L E R M O N T-F E R R A N D , DE I.’ IM P R IM E R IE . DE J . - J . V A I S S I E R E ,
rue des G ras, n* 15, maison boisson . 1820.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Poya. 1829]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Isambert
Hennequin
Dalloz
Subject
The topic of the resource
abandon d'enfant
renonciation à succession
successions
estoc
successions collatérales
enfants naturels
testaments
reconnaissance de paternité
conflit de lois
recherche de paternité
loi du 10 novembre 1803 (travaux préparatoires de la)
rétroactivité de la loi
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter et consultation pour les Sieurs Poya, Rome, dame veuve Abraham et consorts, héritiers ou légataires de l'estoc paternel de Jean-Louis Carraud d'Urbise, contre Les enfans d'Hélène Dubois, se disant fille de Jean-Pierre Carraud, frère du sieur d'Urbise.
Annotations manuscrites. « 19 février 1829, arrêt infirmatif en audience solennelle. Journal des audiences, 1829, p. 337 ? »
[suivi de] Consultation pour les héritiers ou légataires de la ligne paternelle de Jean-Louis Carraud d'Urbise.
Table Godemel : Enfant naturel : 5. l’enfant naturel, né en 1751, baptisé sans désignation de père ni de mère, mais produisant, plus tard, une reconnaissance émanée de sa mère, sans en rapporter une de son père putatif, peut-il prétendre qu’il a été légitimé de plein droit, par le mariage subséquent de ce dernier avec sa mère ?
pour réclamer les effets d’une pareille légitimation n’est-il pas nécessaire de prouver la filiation antérieure au mariage ?
les dispositions des lois romaines sur cette matière s’appliquant à des mœurs et à des usages qui rendaient d’ailleurs, inutile toute reconnaissance, peuvent-elles être invoquées ?
a défaut de la cérémonie du poêle, qui sous l’ancienne législation, tenait lieu, en France, de reconnaissance des enfants nés avant le mariage, et qui était tombée en désuétude, doit-on chercher des éléments de décision dans la jurisprudence antérieure aux lois intermédiaires et au code civil ?
l’ancienne jurisprudence ne présentant, en l’absence d’une loi positive sur la matière, que variation et contradiction, ne doit-elle pas être regardée comme inapplicable ?
ne doit-il pas en être de même de la loi du 12 brumaire an 2, et de celles qui l’ont suivie, quant à son exécution, soit en ce que cette loi de brumaire n’avait trait qu’aux enfants naturels existant alors et agissant en réclamation de paternité ou de maternité contre un individu pris isolément, soit en ce qu’elle n’admettait que le droit de prétendre aux successions ouvertes depuis 1789 ?
n’est-ce pas le cas, au milieu de cette incertitude, et s’agissant de déférer la paternité à un individu décédé en 1781, de recourir au principe consacré par l’article 331 du code civil, considéré, sur ce point, comme l’expression d’une raison générale ?
tout effet rétroactif ne doit-il pas cesser, dès le moment qu’il est reconnu que l’enfant naturel n’avait aucun droit acquis, au moment de la publication du code civil ?
si, dans tous les cas, l’ancienne jurisprudence pouvait être invoquée pour l’enfant naturel, soit à raison de sa naissance (1751), soit à raison du décès de son père putatif (1781), ne devait-il pas alors s’appuyer sur des commencements de preuve par écrit, sur des indices et présomptions graves établissant sa filiation, et rendant admissible la preuve des faits articulés ?
spécialement, pourrait-on admettre, sous l’empire du code civil, une recherche de paternité, à l’occasion d’une naissance arrivée en 1751, et de la part des héritiers de celle qui ayant intérêt à l’existence de cette paternité, ne rapporte aucune reconnaissance, aucun écrit de son père putatif, et qui n’a elle-même intenté son action en réclamation qu’en 1802, c’est-à-dire 51 ans après sa naissance et 21 ans après le décès du père putatif ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-J. Vaissière (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1829
1751-1829
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2618
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Saint-Pierre-Roche (63386)
Ardeyrolles (village de)
Reyvialle (village de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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abandon d'enfant
conflit de lois
doctrine
enfants naturels
estoc
loi du 10 novembre 1803 (travaux préparatoires de la)
Recherche de paternité
reconnaissance de paternité
renonciation à succession
rétroactivité de la loi
Successions
successions collatérales
testaments