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M E M O IR E
i
EN
R É P O N S E
Pour Ja c q u e s -Pier re -Mar ie -An n e
ancien Magistrat ;
t
En présence de
.
d ’ALBIAT,
.
C l a i r e - J o s ê p h i n e d 'A
L B I A T safille.
�A V E R T I S S E M E N T.
U n homme bien connu à R iom , a secrètement favorisé le
rapt. Mais il l’a h a u te m e n t improuvé , e n disant que c'était
une révolte contre l'autorité paternelle , une révolte contre
l’autorité maritale. C e t h o m m e m'a pressé de former oppo
sition au mariage de m a fille } . en me disant qu 'on trouverait
bien des m o y e n s de l 'empêclier ; que les actes de respect
p o u rra ie n t p ré se n te r quelques nullités et que dans tous les
cas on retard era it pour long-temps ce mariage , en ordonnant
une a ssem b lée de parens. Eh bien ce même homme qui
m’avait abusé d’une futile espérance., a sollicité contre moi
au moment du jugement. Quel machiavélisme ! quelle noire
perfidie ! Il ne me trompait que pour accabler une famille
entière avec plus d’éclat.
�M É M O I R E
E N
l a i r e - J o s é p h i n e d ’A
P eb
au mariage dosai-
au
d’A L B IA T ,
ancien Magistrat \
En présence de C
» ’ un
P O U R V (j(
R E P O N S E
Pour J a c q u e s - P i e r r e - M a r i e -A n n e
OPPOSITI/
L B I A T safille.
L ’art des ambitieux est de se rendre utiles ,
D e feindre des vertus jusqu’au fatal moment
O ù le projet du crim e éclate impunément.
Tragédie des Templiers.
U n Mémoire imprimé sous le nom de demoiselle Julie d’A lb iat, contre
son père , a été répandu à Riom sur l’appel , et distribué avec pro
fusion par un ancien facteur aux lettres , même à Clermont où l’affaire
n’était plus pendante.
*
L a D .IIe d’Albiat vient donc porter une main parricide sur le cœur
de son père ; elle vient l’affliger ; elle veut l’accabler. E lle renonce aux
égards qu’elle doit à toute une famille ; elle renonce à la tendresse
d ’un frère , âgé de 28 ans , qui s’est trouvé au poste d’honneur dans
les plaines d’Austerlitz ; elle lui adresse , pour prix de ses travaux
militaires , un Mémoire contre son père. L e premier jour de sa majorité
a été marqué par un acte de violence; elle réduit actuellement son
père à la dure nécessité de publier les motifs de l ’arrêt que l’opinion
publique a prononcé contre un mariage qui fera , tant quelle vivra, sa
honte et son désespoir.
Quelle est donc la fureur qui entraîne M . Dufreisse de Fontsalive, pour
porter la désolation dans une fam ille qu’il fréquente depuis trois an s,
contre la volonté d ’un père , d ’un ép o u x , contre la décence publique ?
A 2
T e n u
n
|1
de Cassation’]
�( 4 )
Il veut encore , suivant le Mémoire im prim é, qu'on lu i sache quelque
gré de chercher a s'allier à une fam ille• malheureuse ; et c’est M . de
Fontsalive qui y a porté le poison de la discorde, en fixant, après la mort
de sa mère , son domicile à la suite de l’appartement de la D.n,e et
de la D .lle d’Albiat , et en excitant une demande en séparation de
corps contre un époux dont il ravissait la fille.
Q u ’apporte-t-il donc de si précieux à ma famille ? la misère , les
infirmités , et un esprit de discorde.
Puis-je être flatté d’un mariage qui est contre nature , d’un mariage
que la conscience publique réprouve , d’un mariage qui est l'effet
d’un rapt , d’un mariage contraire aux maximes de l’Eglise qui
étaient scrupuleusement observées avant la révolution?.... M a fille a été
enlevée à ma surveillance sans aucun mofif quelconque , contre la dis
position précise de l ’art. 5o 3 du Code civil.
Ces mana°es n’ont jamais prospéré dans la ville de Clermont j un
des Conseils de cette affaire en fait la triste expenence.
O n prétend , dans le Memoire imprimé , que toute la fam ille de la
D.lle d'Albiat approuvait et encourageait les recherches de M . D ufreisse de Fontsalive ^ C ’est une insigne fausseté : toute la famille a
unanimement improuvé ce projet de mariage , et moi-même j’ai per
sévéré dans mon refus. L a D .,Ie d’Albiat a fait l’aveu, dans le premier
acte dit respectueux , que ce mariage était approuvé par une partie de
sa famille seulement ; parce qu’elle espérait alors que la famille de sa
mère approuverait ce mariage. Je consens que M . de M arlillac ( i ) ,
qu’on n’aurait pas dû citer , s’explique dans une assemblée de famille
ou d’amis : sa conscience pourra révéler toutes les causes qui peuvent
s’opposer a ce mariage.
O n me représente comme ne croyant pas qu’z7 fû t convenable de
donner ma j i lle à un émigré. Je ne me suis jamais arrêté à une
pareille absurdité , qui serait contraire ’à l'union qui doit exister entre
des hommes destinés à vivre en société. Je croyais qu’il n’y avait plus
d’émigrés en France. M . de Fontsalive veut encore paraître émigré , pour
renouveler sans doute des qualifications inverses. 11 m’apprend bien qu’il
est toujours émigré , puisqu’il m’a séparé de mon épouse. S’il veut rap
peler qu’il est toujours émigré, pourquoi se perm et-il de transgresser
des lois qu’il prétendait défendre ; ces lois qui fixaient la majorité à
2 5 ans ; ces lois qui défendaient le rapt ; ces lois d’honneur qui ne
( i ) M. «le M.n tillac est un ancien
p:ir les Suvuron.
de mu famille ; il descend d’une d’AIWat
�( 5)
permettaient pas à un homme délicat de porter le trouble dans une
fam ille, et de se placer entre deux époux ? Si je n’ai pas émigré , ma
position a été plus périlleuse que celle de M. de Fontsalive. J’ai été enve
loppé pendant quinze mois. Déjà plusieurs de mes co-dénoncés avaient
péri ; j’allais.ûtre mis hors de la loi : je cède aux instances de la
D .m"- d'Albiat qui m’engageait de me rendre à L}'on ; je sors de ma
retraite cachée , mais je sms arrêté à Thiers , et conduit dans les prisons
de Clermont. J’ai supporté les angoisses de la mort dans ma transla
tion de Clermont à Lyon-, et j ’y ai conservé mon courage. L a D .mü d’Albiat
le sait bien, puisqu’elle m’avait fait prévenir, mais trop tard , par deux
lettres, de ne pas m’exposer à venir à Lyon , parce que les Juges
disaient qu’ils me feraient guillotiner. Triste souvenir pour m oi, d’avoir
exposé ma vie pour conserver la fortune de la D .me d’A lb ia t , qui ne
retrouverait sa dot que sur le Grand-livre , et d ’être poursuivi par la
plus noire ingratitude ! C ’est M . de Fontsalive et ses associés qui pro
fitent du fruit de mes dangers.
L a D .1,e d’Albiat a l’inconvenance de publier que la dot de sa mère
est la seule ressource de ses frères et la sienne. Dieu le veuille !
La dame d’Albiat est entourée depuis long-temps de gens qui lui sou
tirent les capitaux de sa d o t , dont elle reço it, malgré nos conventions ,
le remboursement.
L a D .1!e d’A lb iat, qui mesure ses soins et ses égards* par la, fortune
de son père , sait bien que son père contribue annuellement pour une
somme de 200 fr. à la pension de son fils cadet, qui cependant n’est
plus à la charge de la D .me d’Albiat , et qui est placé au Lycée
de Moulins.
L a D .lle d’Albiat sait bien que son père vit de ses revenus, et
qu’il possède des capitaux.
L a D .1!c d ’A lbiat sait bien que son père a- été dépouillé de ses
meubles sans indemnité ; que son père s’est libéré envers son cpouse
aussitôt qu’elle l’a voulu, parce qu’il 11’y avait dans ses affaires aucun
désordre , qu’il n’existait aucune inscription , que la dot n’était pas
en danger , que son père avait toujours satisfait aux charges du ménage,
suivant les registres de dépense tenus par sa mère.
L a D .llc d’Albiat sait bien que son père a perdu 4°jQoo fr. sur le
remboursement de sa charge dont le prix avait été porté à 5 1,200 fr.
L a D.lle d’Albiat sait bien que son père a reçu , en
1795 , de
3Y1. Daubusson , premier marguillier de la cathédrale , acquéreur d’un
bien dont il est toujours possesseur , un remboursement de .20,000 ir,
en assignats sans valeur.
’
�( 6)
L a D .lle d’Albiat sait bien que son père a perdu 20,000 fr. sur la
vente de sa maison de la rue de la' T reille , par la baisse subite
des assignats.
La D .lle d’Albiat sait bien que son père a perdu plus de 20,000 ir.
par le séquestre de ses revenus , par les dépensai ..iaû|lculables du
voyage de Lyon , qui ont servi à sauver sa tete.
La D .Ue d’A lbiat sait bien que son père a perdu plus de 12,000 fr.
pour procès sacrifices et transactions avec sa mère.
L a D .lie d’Albiat sait bien que son père n’a cessé de payer pendant
le cours du mariage , aux dépens de ses capitaux , les cleLtes con
tractées par sa mère , dont la continuité lui apprendra un jour que la
présence d’un père est plus utile aux enfans que celle des étrangers.
L a D."e d’Albiat sait bien que son père a été plus d’une fois entraîné
à venir au secours de ses plus proches parons , pour des sommes con
sidérables.
Ta n lie rl’Albiat sait bien que son père a trop souvent é té forcé
de fuir tes da n gers q u i le menaçaient.
L a D .lle d’Albiat sait bien que son père ne voulait pas mobiliser
sa fortune ; qu’il a long-temps et inutilement fait proposer à sa mère
de prendre la maison de l’Eclache.
L a D.'ie d’Albiat dit que.«/ tnère a dirige son éducation. Est-ce à cette
éducation qu’il faut attribuer la publicité de son Mémoire contre son père ,
où elle rend compte au pu blic, par un imprimé , des événemens de sa
famille? Elle est dominée par M . Dufreisse de Fontsalive, qui, étranger à
ma famille et à mon nom , ne l’entraîne que pour l’accomplissement de
ses desseins-criminels.
U n sentiment de modération m’empêche de relever la lettre menson
gère , placée au bas du Mémoire imprimé et signé de la D.Ue d’Albiat.
L a D.ll° d’A lbiat prétend qu’o/z n'a jam ais dit pour elle à l'audience
de C lerm on t, que son mariage fu t projeté il y a trois a n s, entre e lle ,
sa mère, M . D ufreisse, de l'agrément de 3J r Dufreisse de F ern iu es{i)
mère et à l ’insu du sieur d'A lbiat ; et elle a la témérité de reprocher
aux J u pc s de Clermont d'avoir motivé leur jugem ent sur un fait faux.
E lle enveloppe par conséquent son père dans une pareille inculpation.
Je réponds que la déclaration en a été faite à l’audience de Clermont
par le défenseur de la D .1,e d’A lb ia t, en présence de plus de trois
cents personnes ; c ’est sur ma demande formée à l’audience , qu’il en
( 1 ) L a D.11« il’Alhiat <|iii , dans le premier acte dit respoctueux , a l’incon
venance d’appcier sa mèro la dame Dupuy, 11e se permet pus d’appeler madame
de Y c rn in cs du nom de la dame ¡loyer.
�C7 )
a été fait mention dans le jugement. L ’avoué de la D .lle Albiat n ’a
fait aucune réclamation contre cette insertion pendant les quatre audiences
données à cette affaire. L a foi doit donc être ajoutée à un jugement
aussi authentique ; c’est donc une injure atroce qui méritait toute la
répré]^y^ y ^JBfl^Justice , lorsque j’ai demandé en la Cour d’appel la
suppression curM em oire.
On dit que la naissance et les conditions ètaient a-peu-près les mêmes.
E h ! qu’imporle que la naissance et les conditions soient à-peu-près les
mêmes, lorsqu’on veut en détruire la filiation dans ma personne ? M es
titres sont les vertus domestiques et civiles qui se sont perpétuées dans
ma famille d âge en âge , et que mon fils , officier d’artillerie au ser
vice de l’Empereur , observe à l’exemple de son père. Une honnête
médiocrité a soutenu depuis un temps immémorial ma famille ; la
probité a toujours été son plus bel héritage : des coteries ne proté
geaient pas alors les tiers qui s’introduisent dans les familles pour les
dévaster.
L ’antiquité de mon nom est attestée dans les Voyages d’Anacharsis en
Grèce.
Guillaume d’Albiat présidait en l ’an 1 100 le Conseil des habitans de la
ville de M ontferrant, lorsque les religieux de la Chaise - Dieu et de
Souseillange vinrent y fonder le prieuré de St-Robert (i). Je nie per
mettrai d ’ajouter que l’Auvergne compte parmi ses hommes célèbres
un Laurent d’A lb ia t, évêque de T u lle en 1060 (2) , un Acart d’A lbiat,
conseiller au parlement en 1 4 8 7 ( 3 ) ; que mes armes étaient peintes ,
dans l ’Eglise principale de M ontferrant, sur les vitres de la chapelle dite
de toute ancienneté des d’A lb ia t ( 4 ) . M ichel Albiat , député en
i 5 io aux Etats de la Prqvince , fut un des commissaires choisis pour
la rédaction de la Coutume d’Auvergne. U n de mes pères était pro
cureur-général en la Cour des Aides en i 585.
J'ai la douce satisfaction de penser que le sang des Marillac n’a
pas dédaigné de se mêler avec celui de mes ancêtres ; que mon père
a été l ’heritier des Pascal, et que je suis d’une famille q u i a donné
une mère au célèbre Savaron, député de la Province aux Etats-généraux
tenus en 1614.
Je pourrais encore rappeler les longs services rendus dans la magis
trature par M M . Barbat-Duclozel père et fils , mon ^rand-père et mon
oncle maternels. O11 conservera long-temps la mémoire des travaux
de M M . Chabrol, l ’un mon bisaïeul, et l’autre mon grand-oncle ma( 0 V o y e z Baluzc.
(2) V o y e z le Commentaire de la Coutume d ’Auvergne , à l ’article Monlferrant.
( ) V o y e z ï f l i s t o i r e d ’A u v e r ç n c , par M. Audigier.
5
(/1) Expressions des anciens litres de cette Eglise , datés de i
56o.
�(8)
ternels , magistrats célèbres ; du savant Basmaison , qui est de la
me famille , et de M . Prohet, mon arrière-grand-oncle , jurisconsulte
d i i gué par ses ouvrages.
J’ai été chargé en l’an 4 , conjointement avec M . de Biauzat , par
la commune de Clermont (1) , de l ’honorable, W JSk& iÉ ÍSíÉ ** com
mission de solliciter auprès du Corps législatif, en i a v e iir d e la ville de
Clerm ont, contre la ville de Riom , pour le placement du Tribunal de
département. Il n’en fallait pas tant pour attirer sur moi le mécontentement
d’une ville que l’esprit de parti a excité. L a défaveur inspire la pré
vention ; et lorsqu’il y a préveution , l’opprimé reste sans protection,
l ’oppresseur seul triomphe. O n ne sera plus étonné si la justice de la
Cour d’appel de Riom a été surprise et trompée.
J’ai gagné tous mes procès à Clerm ont, j ai perdu tous mes procès
à Riom. ° O n est bien excusable de laisser échapper quelques plaintes
sur les erreurs de la Justice , lorsquon se croit victime.
( 1 ) Administration municipale de Clermont-Ferrant , chef-lieu du département
<Ju P u y-d e-D ô m e .
,
_
Séance du
nivôse , an 4 de la république irançaise une et indivisible.
V u le r a p p o r t du Commissaire du D irectoire cxécutil,sur la nécessité de présenter
au Corps législatif des observations essentielles sur le placement du T r ib u n a l
civil du D ép a r tem e n t;
L es Administrateurs m u n ic ip a u x , considérant que le placement de ce T r ib u n a l
dans la commune de Uioin , est un des principaux objets qui doivent fixer leur
atten tio n , en ce que cet établissement nuit considérablement aux intérêts des
administrés , qui se voient forcés d ’aller chercher au loin et à grands frais , la justice
q u ’ils sont dans le cas de réclamer ;
Considérant qu’il est dans l'esprit de la Constitution de rapprocher les justi
ciables de leurs juges , et que le placement du T r ib u n a l à liiom opère tout le
contraire ;
Considérant que l'intérêt général du D épartem ent demande ce changement ;
que non-seulement les Communes de ce D é p a r te m e n t, mais encore celles des D ép aiv
temens voisins ont manifesté leurs vœ ux à cet égard , sous le rapport bien vrai que
la commune de Clermont est le point central de toutes les relations ;
?.5
C o n s id é r a n t que la s u p p ressio n des n o m b r e u x éla b lissem ens q m s 'y t r o u v a i e n t ,
r i les trénéreux sacrifices q u ’o nt faits les habitan s de ce tte c o m m u n e , les o nt p r iv é s
de leurs ressources ;
C o n s id é r a n t enfin , que le Corps législatif va s occuper définitivement du placement
des T r i b u n a u x c ivils; q u ’il est important d’a v o ir a u p rè s du Gouvernement, des Com jnissaires qui p u i s s e n t faire valoir les différons niclifs qui sont en faveur de la comjnunc de Clermont ;
.
O n t nommé le citoyen Al]jiat commissaire pour se rendre à Paris dans le plus
court délai , afin de solliciter auprès du Corps législatif l’établissement du T r ib u n a l
civ il dans cette CammiNie ; invitent par ces présentes le cit. Biauzat , commissaire
près du T rib u n al de police correctionnelle a Paris , à se joindre au citoyen Albiat
pour agir conjointement avec lui par tous les moyens que pourront leur suggérer
leurs lumières, pour parvenir à obtenir ce changement; les autorisent a se présenter
par-tout ou ils jugeront convenable pour remplir ayee succès lu commission dont ils
ïo n t chargés. Fait et arrêté lesdits jour et an.
Demando
�( 9 )
Demande en séparation de biens.
Jugement de Clerm ont-Ferrant,
au 37 nivôse an 1 o. Présidence
de M . Domat.
Attendu le rapport fait par le cit.
d ’A lbiat de la radiation des ins
criptions faites sur lui par Pierre
Iliberolle et Françoise Carriat son
épouse , le 19 germinal an 7 ; par
Marie Grillon , le i 5 du même
mois ; Gervais Démanèches, le 28
dudit mois; par Joseph Daubusson,
le i . er floréal même année; par le
cit. Tabarrier , receveur du do
maine national, au nom de la Répu
blique , le 8 dudit mois de floréal
et 19 floréal an 7 ; par Antoine
C h alteix,le 27 floréal même année;
par M ichel Barbat-Duclozel, le 21
prairial suivant ; par Herbuer-Laroclie , le 1 3 nivôse an 8 ; et par
JeanDufournel, le 9 nivôse dernier:
Attendu qu’il résulte de l’acte du
1 ,er nivôse dernier, reçu D artois,
notaire , que les inscriptions faites
par Antoine G ay , Jérôme Astier
et Etienne Langlois, les 7 ventôse,
16 germinal an 7 , 5 et 22 floréal
an 8, pour la somme de 57,096 fr.,
n’ont eu réellement et uniquement
pour objet que la créance de 12,000
francs en capital , porté par traité
du 2 x ventôse an 7 ; qu’il résulte
au ssi, tant de l’acte dudit jour
1 .er nivôse, que des autres pièces
produites par le cit. d’A lbiat, qu’il
ne reste d é b ite u r à cet égard que
de la somme de 770 francs ( 1 ) ,
payables dans un au :
( r ) Celfe créance est sold ée, et ¡’ins
cription csL actuellement rayée.
D eu x jugem ens du Tribunal d'ap
p el de Pùom , des 22 pluviôse
et 2 floréal an 1 1. P résidence
de M . Piedon.
Prem ier Jugement par défaut, du
22 pluviôse an 11.
Attendu ce qui résulte de l’en
quête , et particulièrement des
preuves littérales , et notamment
des lettres écrites par le cit. d’Albiat
à sa fem m e, et des aveux qu’il y
fait du dérangement total de ses
affaires et de l’état de détresse où
il est; le T ribunal, par jugement
en dernier ressort , donne défaut
faute de plaider , contre l ’intim é,
ni avoué pour lui; et pour le profit,
dit qu’il a été mal jugé par le ju
gement dont est appel, bien appelé ;
emendant, et faisant ce que les pre
miers juges auraient dû faire, or
donne que l’appelante demeurera
séparée, quant aux biens , d’avec
l’intimé son mari , pour par elle
jouir à part et séparément desdits
biens, à la charge néanmoins de
nourrir et entretenir son mari et
leurs enfans, suivant ses facu ltés ;
condamne en conséquence l ’intime
à rendre et restituer à l’appelante
la somme de 67,000 fr. à elle cons
tituée en dot par son contrat de
mariage du 5i décembre 1776, en
semble les intérêts de ladite somme,
à compter du jugement du 26 plu
viôse an 9 ; et sans s’arrêter à ^a
demande judiciaire formée par l ’ap
pelante , pour laquelle elle se pour
voira ainsi qu’elle avisera, l ’autorise
à retirer ses nippes, linges et bardes >
B
�( io )
S u ite du Jugement de Clerm ont,
S u ite du Jugement de Ilioni.
Attendu que l ’inscription faite
ainsi que ses dorures, dans l’état où
par Jeanne Poisson, le i 5 ventôse
tout se trouvera actuellement, aux
an 7 , n’a eu lieu que pour sûreté
termes de son contrat de mariage
d’une pension viagère de 2 5 francs
dudit jour 81 décembre 17 7 6 ; lui
qui se trouve éteinte par son décès:
réserve son action pour ses droits
Attendu que par l’e ffe t, soit des
éventuels, pour l’exercer le cas arri
radiations d’inscriptions et actes
vant ; et condamne l ’intimé aux
ci-dessus énonces , soit de l ’ins
dépens tant des causes principale
cription faite par la cit. d ’Albiat le
que d’appel. Fait et prononcé, etc.
27 prairial an 7 , soit de la stipu
le 22 pluviôse an 11.
lation d ’emploi du prix de la vente
qu’a faite le cit. d’Albiat de ses biens
M o tifs et d isp o sitif du second
de Cornon, la dot de la cit. d’Albiat
Jugement contradictoire du T ri
se
trouve pleinement assurée :
bunal d'appel séant a Riom , le
Attendu que la cit. d’A lb ia t, en
2 jlo rèa l an 11.
restreignant son inscription du 27
L e T r i b u n a l , par jugement en
prairial an 7 , sur les biens de son
dernier ressort, persistant dans le
mari situés à Cornon et à R o y a t,
m otif exprimé au jugement par
quoiqu’il fut propriétaire de maison,
défaut, dudit jour 22 pluviôse an
enclos et jardin sis à Clerm ont,
11 , et qui est ainsi conçu: Attendu
a , par cela , reconnu que lesdits
ce qui résulte de l ’enquête, et par
biens de Cornon et de Royat étaient
ticulièrement des preuves littérales,
suffisans pour répondre tant de sa
et notamment des lettres écrites par
dot que de ses reprises éventuelles :
le cit. d’Albiat à sa femme , et des
Attendu qu’il est établi que le
aveux qu’il y fait du dérangement
cit. d’Albiat 11'a cessé de fournir
total de ses affaires et de l’état de
convenablement au besoin de son
détresse où il est, déboute la partie
épouse et de leurs enfans , et que
de T a rd if de son opposition audit
l ’état de ses affaires lui assure
jugement j ordonne en conséquence
des ressources suffisantes pour porter
qu’il sera exécuté suivant sa forme
les charges du mariage
et teneur, et condamne ladite partie
L cT rib u n al, après en avoir déli
deT ardif aux dépens faits sur ladite
béré , faisant droit aux parties , et
opposition. Fait et pronpncé, elc.
sans s’arrêter à l’enquêle du 26
pluviôse an g , reçoit le cit.d’Albiat
opposant au jugement dudit jour
2G pluviôse an y , remet en consé
quence les parties au même et sem
blable état où elles étaient avant
ledit jugement ; ce faisant, déboute
la cil. d’Albiat de sa demande en
séparation de biens. Sur le surplus,
�( II )
Suite du Jugement de Clermont.
des demandes, fins et conclusions,
met les parties hors de procè3 ;
condamne la citoyenne d’Albiat aux
dépens. Prononcé à l’ai}dience, etc.
le 27 nivôse an 10.
Le Jugement de Riom reconnaît tacitement que la dot n’était pas
en danger; que le sieur d’Albiat avait fourni convenablement aux charges
du ménage : ce Jugement est seulement motivé sur un prétendu désordre.
L e contraire est prouvé d’après les motifs exprimés au jugement de
Clermont ; le contraire est prouvé d’après les actes d’offres que j’ai
fait faire à la dame d’Albiat le 16 fructidor an 11 ; et enfin, d’après
la délivrance que j’ai faite à la dame d’A lb ia t, pour l ’entier payement
de sa d o t, de créances privilégiées, suivant la transaction du 1 o nivôse
an 12. Quant à la détresse, on ne pouvait me l’imputer , puisque la
dame d ’Albiat m’avait ôté tous les moyens de vivre et de me défendre,
en faisant saisir tous mes revenus échus.
L e contraire est encore prouvé , puisque je contribue, suivant la
transaction du 10 nivôse an 12, pour une somme de 200 francs par
a n , à l’entretien de mon fils cadet placé au L ycée de Moulins.
L’usage que la dame d’Albiat a fait de ce jugem ent, a été de quitter
la maison de son mari et d’aller habiter dans la maison Fougliasse.
Demande en séparation de corps, au nom de la dame d’A lb ia t,
dgée de 5o ans.
Demande provisoire du sieur d’A lb ia t, pour que les enfans soient
mis en dépôt dans des maisons d’éducation, attendu que la
maison qu’occupait la dame d’A lbiat était habitée par des
célibataires.
Jlt gement
de Clermont-Ferrant
du 5 thermidor an 12. Présidence
de M . Uomat.
Arrêt de la Cour d'appel de Riom ,
du 12 fructidor an 12. P rési
dence de 31- Redon.
Attendu que d’après l’art. 267
du nouveau Code , l’administration
provisoire des enfans reste au mari
pendant la poursuite de la demande
en divorce, et que la disposition
Attendu que Claire - Joséphine
d’Albiat est âgée de près de vingt
ans, étant née le 22 décembre 1784;
A ttendu , quant au fils , les té
moignages des soins et de la bonne
B 2
�( I
Suite de VArrêt de la Cour de Riom.
éducation qu’il a reçus depuis qu’il
est sous la direction de sa mère;
Attendu aussi qu’il est de l’intérêt
et des époux et de leurs enfans,
que ceux-ci continuent de résider
à la compagnie de leur mère jusqu’à
la définition de l’instance en sépa
ration pendante entre les époux ,
et que les raisons de sage économie,
comme de saine morale,se réunissent
pour la continuité de cette résidence;
Attendu que l ’ouverture des va
cances, et les raisons de croire que
la cause en séparation sera promp
tement terminée par voie de juge
ment , ou d ’esp érer qu’elle le sera
par voie de conciliation, seraient
un nouvel et légitime obstacle a ce
que l’état des choses fût provisoi
rement changé ;
Attendu enfin ce qui résulte de
l ’art. 14 du traité passé entre les
parties le 1o floréal an 1o :
L a Cour dit qu’il a été mal jug^
par le Jugement rendu au Tribunal
civil de Clermont, le 5 thermidor
dernier , en ce qu’il a été ordonné
que les deux enfans des parties seront
p la cés dans des maisons d’éducation;
bien appelé : ordonne qu'à cet égard
ledit Ju«einent demeurera sans effet;
émendant , que Claire - Joséphine
d’Albiat et Pierre-Hubert d’Albiat
continueront de résider à la com
pagnie d’Antoinette Dupuy leur
mère , jusqu’à la définition de 1ins
tance en séparation de corps qui est
pendante entre les parties devant
les juges dont est appel, et d y re
cevoir l’éducation que leur mer«
leur a fournie jusqu’à présent ; à la
)
Suite du Jugement de Clermont.
de cet article est applicable à la
demande en séparation de corps ;
Attendu que le sieur d’Albiat 11e
renonce au droit que lui confère
cet article, que sous la condition
que ses enfans seront placés dans
des maison d’éducation ;
Attendu qu’il peut être avan
tageux aux enfans d’être placés dan3
des maisons d’éducation , et que
d’ailleurs ce moyen assure à 1 une
et à l’autre des parties la surveil
lance de l’entretien et de l’éducation
de leurs enfans ;
Attendu que d’après l’art. 3o 3 du
même C o d e, les père et mère doi
vent contribuer à la dépense de
leurs enfans dans la proportion de
leurs facultés ;
Attendu que par le jugement qui
a prononcé la séparation de biens
d’entre les parties, la dame d’Albiat
a été chargée de la nourriture, en
tretien et éducation des enfans, et
que néanmoins , par un traité pos
térieur , le sieur d’Â lbiat s’est engagé
à contribuer à la dépense des enfans
pour une somme de 200 fr. chaque
année :
Le Tribunal autorise la dame
d’Albiat à continuer à faire sa de
meure dans la maison de la dame
veuve Foughasse où elle s’est retirée
et réside actuellement, avec dé
fense: au sieur d’Albiat de l’y trou
bler , aux peines de droit
Ordonne que Claire d'Albiat et
Pierre-Hubert d A l b i a t , enfans des
parties , seront placés, dans la hui
taine de la signification du présent
Jugement à personne ou domicile,,
�( 13 )
Suite du Jugement de Clennont.
savoir , Claire d’Albiat dans la
maison d’éducation de la «Jame
Gastau, institutrice à Clermont; et
Pierre-Hubert d ’Albiat en l’école
secondaire de la ville de lliom. Or
donne que le sieur d A lb iat contri
buera aiu frais des pensions desdits
deux eufans , à raison de 200 francs
par a n , et que ladite dame d A lb iat
contribuera pour l’excédant desdites
dépenses. Joint le surplus des de
mandes des parties au fonds , sur
lequel les parties1procéderont en la
manière ordinaire : dépens réservés.
Sut te de l'A rrêt d elà Cour de Riom.
charge par ladite D u p u y, suivant
ses offres, d envoyer, à toutes réqui
sitions de d A lb ia t son mari, leurs
enfans dans la maison de la dame
Chabrol- 1 ronet , cjue la Cour in
dique pour les visites que les enfans
devront'à leur père , toutes les fois
qu’il l’exigera. Réserve les dépens,
même Je coiit du présent A rrêt, sur
tout quoi il sera statué en définitif;
et ordonne que l ’amende sera ren
due.
C ’est sous l’enveloppe de cet arrêt,-que la Dlle. d’A lbiat, encore mi
neure , a resté sous l’influence de M . Dufreisse de Fontsalive, malgré
l ’assentiment des premiers juges ,* malgré l’opposition du père de famille.
C ’est avec cette batterie menaçante qu'un j ère a été dépouillé du droit
de, surveiller l’éducation de ses enfans. Cet arrêt est contraire à l’art. 5o 3
du Code civil. L e sieur d A lb ia t 11e pourrait pas contraindre son fils
cadet, âgé de douze ans, de venir lui relidre visite chez lui. Les événcmens "11’ont que trop justifié la sage prévoyance du sieur d ’Albiat à
l'égard de sa fille.
.td.
L a Dlle. d A lb ia t a fait à_son père,Tfaimoinent de sa m ajorité, trois
actes dits respectueux, les 26. ..décembre i8 o 5 , 2y janvier et 4 ’ mars
1806.
O p p osition
à* '
sieur cFÜ lbial au ,m ariage de sa fille .
D em a n d e en m ain-lei’ée d'opposition d e'la p a rt de la D lle . d’A lb ia t.
Conclusions écrites, du sieur d ’A lZ ia t, devant les premiers Juges.
« ,Mes conclusions so n t, à ce qu’il vous plaise recevoir ledit sieur
d A lb ia t, en sa qualité de père, opposant au mariage de Claire-Joséplnne
d’Albiat sa fille/avec le;sieur Joseph-Guillaume Dufreisse de Fontsalive :
faisant droit sur ladite opposition et y ayant égard;
» Attendu que les actes des 5 nivôse, an 14» 5 janvier et 4 mars
derniers , 11 ont aucuns qaractères d’autlienticité , comme ayant été eu
partie rédigés d’avance et par une écriture 'étrangère à celle du notaire,
�( i4 )
'et qu’ils 110 peuvent en conséquence attester la volonté libre de la
Dlle. d'Albiat : Attendu que les actes des 5 nivôse et 29 janvier
derniers ne font aucune mention de la demande que devait faire la
Dlle. d’Albiat du conseil de son père, et que ladite Dlle. d’Albiat a
contrevenu à l ’art. i 5 i du Code civilj et à votre ordonnance du 3 nivôse
dernier :
» A ttendu que les actes des 5 nivôse, 29 janvier et 4 mars derniers,
ne sont pas respectueux, et qu’ils ne contiennent que des protestations
ou renonciations de la Dlle. d’Albiat aux conseils de son père, pour
s’en tenir aux conseils de sa m ère, qu’elle appelle seulement du nom
derla dame Dupuy sa mère :
'¡f^dtteiulu que ces actes prouvent que la Dlle. d A lbiat est subjuguée
et quelle n’a pas une volonté libre ;
» Ordonner que lesdits actes seront déclarés nuls et de nul e ffet, et
comme tels re je té s ; et cependant que l’opposition sera maintenue.
» Et
et
dans
le cas où vous ne prononceriez pas la nullité desdits actes,,
préjudices quelconques •
sans aucuns
» Attendu que, suivant l’intention du Législateur exprimée dans le rapport
fait au nom du Gouvernement par M . Portalis, les pères ont le droit
de veiller'Sur l’intérêt de leurs enfans , même majeurs , pour les empêcher
de se précipiter dans des en^igemens honteux ou inconsidérés ; et que
l ’opposition d’un père doit eqpÔrc .être adm ise, suivant la pensée de M .
Portalis, pour ne pas favojiïér le jeu des passions et la licence des
mœurs :
» Attendu que l’arrêt du 11 fructidor an u . , motivé sur des raisons
de sage économie et de saine m orale, a ordonriJlque la Dlle. d’Albiat
co n tin u era it de résider à la compagnie de sa m è ra k o u r y recevoir l’édu
cation qu’elle lui avait fournie jusqu’à p r é s e n t .
» Attendu que le sieurJosepTï-Guillaume Dufreisse deFontsalive, malgré
la modicité de ses fa c u lt é s , a conservé pour lui seul , depuis le mois
de prairial an 12 , l’appartement que la dame Dufreisse de Vernines sa*
mère occupait avan t sa mort dans la maison Foughasse avec ses autres
enfans ; qu’il en a éloigné ses frères : Attendu qu’il habite sous le même
toit et à la suite de l’appartement qu’occupe la Dlle. d’Albiat avec sa
mère : Attendu que par ses intrigues il a entretenu la division entre
les sieur et dame d’A lb ia t, pour rester seul dans ladite maison , se dé
barrasser de la surveillance du père de familla , se rendre maître de la
famille > et tromper ladite Dlle. d Albiat ;
�( i5 )
» Attendu que la décence et l’honnêteté publique ne^lui permettaient
pas de fréquenter l’habitation où la Dlle. d’Albiat avait été mise en
dépôt par autorité de justice ; suivant la disposition des arrêts, et les
maximes établies par M . l’avocat-général Gilbert de Voisins, portant la
parole lors d’un arrêt du 8 mai 1742 :
» Attendu que ledit sieur Dufreisse n’a pas respecté l’asile de la famille,
contre la volonté du père exprimée publiquement à votre audience du
5 thermidor an 12 ; et que par une violation manifeste audit arrêt du
11 fructidor an 12 , il a interrompu l ’éducation que la dame d'Albiat
devait donner à sa fille :
» A ttendu que ledit sieur Dufreisse de Fontsalive a quarante-trois
ans dix mois et vingt-un jours , et qu’il est notoirement valétudinaire,,
et sujet à des maladies d’étisie et d’humeurs de poitrine : Attendu qu’il
n’a ni bien, ni fortune certaine, ni état, ni talent, ni force pour s’en
procurer , ni aucuns moyens d’existence ; et attendu que ladite D lle.
d’Albiat est âgée de vingt-un ans quatre mois.et neuf jours, et qu’il y a .
une différence d’âge de vingt-deux ans et six mois ; et que la D lle.
d ’Albiat a l’assurance d’une portion héréditaire avec ses deux frères ,
dans une fortune réelle de 162,000 fr. Attendu que ledit sieur Dufreisse
de Fontsalive exerce un empire absolu sur l ’esprit de la Dlle. d’A lbiat
qui ne peut avoir une volonté libre : Attendu que depuis 1 âge de la
minorité de la Dlle. d’A lb ia t, il a abusé de son inexpérience, et qu’il
exprimée du Législateur n’a pas. été de favoriser le jeu des passions et
la licence des mœurs ; faire défenses de passer outre audit mariage. »
Jugement de Clerm ont-Fcrrant,
du i.er mai 1806. F résidence
de M . Domal.
Ouï M . Cotlion, juge suppléant,
en ses conclusions. En ce qui touche
la validité des actes de la fille
d ’Albiat à son père ;
Attendu qut^ conseil et consen
tement ont une acception diffé
rente ; que d’après l’article i5 i du
Code civil, la fille d'Albiat devait
demander par un acte respectueux
Arrêt de la Cour d'appel de R ion i,
du 1 1 juin 1806. Présidence de
- M . Redon.
T a rd if, avoué de l'intimé ( le
sieur d'Albiat ) , conclut à ce qu’il
plût à la Cour, par les mêmes motifs
exprimés au Jugement dont est ap
pel , dire qu’il a été bien jugé par
ledit Jugement, mal et sans.cause
appelle ; ordonner que ce dont est
appel sortira son plein et entier effet,
sans dépens.
�(
16
S u ite de UArrêt delà Cour de Riom.
‘H conclut en outre à la suppres
sion du Mémoire distribué de la
part de l’appelante.
L e sieur d'Albiat père plaida
ensuite lui - même ses différens
moyens de défense.
L a Cour continua la cause à cette
audience pour entendre M . le Sub
stitut du Procureur-général.
L a cause de nouveau appelée à
cette audience , M . le Substitut du
Procureur-général a pris la parole,
et après avoir rappelé les moyens
respectifs des parties, il a conclu a
ce qu’il fût dit qu’il a été mal juge
par le jugement dont est appel, bien
appelé ; ém endant, qu’il fut fait
main-levée de l’opposition formée
par l’intimé , et qu’il fût ordonné
qu’il serait passé outre à la célé
bration du mariage dont il s’agit.
Attendu que la partie de Ji^ie
a satisfait à ce qu’exige la Iquipar
les trois actes respectueux dcsjÿ ni
v ô s e an 1 4 , 29 janvier et 4, mars
derniers , et que ces actes sont ré
gulièrement et légalement faits ;
A tten d u l’insuffisance destînotifs
de l ’opposition du père :
La Cour met l’appellation et ce
dont est appel au néant ; émendant,
sans s’arrêter à la demande en nul
lité , formée par d’Albiat p è re , des
actes respectueux de sa fille , ni a
l’opposition qu’il a formée à son
mariage, dont il est fait main-levee ;
ordonne qu’il pourra être passé^outre
à la célébration d u mariage dedaireJoséphine d’Albiat avec JosephGuillaume Dufreisse l'ontsalive. Sur
)
Suite du Jugement de Clermont.
et formel, le conseil de son père;
que dans des actes de cette nature
tout doit s’observer à la lettre ;
Q ue la volonté du Législateur ne
peut se trouver que dans la loi
même, et non dans les discussions
qui l’ont préparée ;
Q ue les termes employés par le
Législateur pour exprimer sa vo
lonté , sont sacramentels, et ne"
peuvent être^prisque dans leur sens
et leur acception véritable :
Attendu que dans les actes des
5 nivôse an 14 et 29 janvier 1806,
la fille d’Albiat a requis le consen
tement et non le conseil de son
père ; que dans l’acte du 4 mars
liîoG, elle a elle-même reconnu
qu’elle n’avait pas rempli le vœu
de la loi dans les deux précédons,
et que pour la première fois elle
a demandé le conseil de son père ;
mais que par ce dernier elle n’a pu
effacer le vice des deux premiers ;
Attendu que toutes les nations
ont révéré la puissance paternelle ,
et qu’elle s’étend à tous les âges ;
Que ce serait faire injure au
Législateur,que de penser qu’il n’a
voulu imposer à l’enfant qui veut
contracter un mariage désagréable
à l ’auteur de ses jours , d’autro
condition que celle d’une vaine
formalité, sans exprimer le respect
et les sentimens de piété filiale qu’il
doit à son père , pour obtenir un
conseil sur lequel l’enfant ne doit
avoir pris de détermination qu’après
que le temps des épreuves est ex
piré ;
A tten d e
�( *7 )
Suite du Jugement de Clermont.
Alteudu que les trois actes de la
fille d’A lbiat ne sont de sa part
qu’une déclaration de la ferme ré
solution qu’elle a prise et dans
laquelle elle persévère , et qu’elle y
annonce à son père que la loi l’oblige
de recourir à son consentement,
mais qu’elle s’inquiète peu de sa
volonté et de son avis, et que sa
démarche n’a d’autre but que de
remplir la formalité que la loi lui
commande ;
Q ue les actes de la Dlle. d’A lb ia t,
qui ne doivent être que l ’image de
la soumission et de la déférence que
l ’enfant doit à son père, n'ont mar
qué au père que la volonté d’un tiers
dans une rédaction anticipée et faite
hors la présence du père;
Que ces actes sont donc, sous tous
les rapports , irrévéfentiels et non
respectueux.
En ce qui touche l’opposition de
d’Albiat père :
Attendu que l’essence du mariage
consiste dans le consentement mu
tuel des époux ;
Q ue le mineur ne peut avoir un
consentement libre et éclairé ;
Q u ’il résulte de kvdéclaration
faite à l’audience parMcNdéfenscur
de la fille d’A lb ia t, et dont le T r i
bunal a donné acte par jugement
du jour d’hier, que son mariage avec
Duireisse-Fontsalive avait été pro
jeté il y a trois ans entre sa mère ,
ledit Dufreisse et e lle , de l’agrément
de la mère Dufreisse alors vivante ,
à l’insu et sans aucune communi
cation à d ’Albiat père ;
Suite de Varrêt de la CourdeRiom.
le surplus des demandes , met les
parties hors de Cour , sans dépens ;
et ordonne que l ’amende, si elle a
été consignée, sera rendue.
C
�18 )
Q ue la fille d’Albiat était alors
mineure , qu’elle n’avait point de
volonté libre et éclairée;
Que son consentement ne pouvait
être que l’effet de la captation;
Q ue cette captation s’est dévoilée
à la première heure de la majorité
de la fille d’Albiat , par les actes
qu’elle a fait faire à son père :
L e T rib u n al, après en avoir déli
béré en la chambre du Conseil ,
et avoir repris sa séance , déclare
les trois actes des 5 nivôse an 14 ,
29 janvier et 4 mars 1806, nuls et
irrespectueux; maintient l’opposition
faite par d’Albiat au mariage de sa
fille avec Dufreisse-Fontsahve ; dé
boute la fille d’Albiat de sa demande
en main-levée de ladite opposition:
sans dépens.
Cet arrêt est contraire aux articles 1 51 et 1 52 du Code c iv il, qui
exigent que, si le père refuse son consentement * l’enfant demande.le
conseil de son père , et qui veut que l’acte soit respectueux. Cet arrêt
est contraire à l’art. 154, qui porte qu’il sera dressé procès-verbal; tandis
que la ; rédaction de partie desdits acte 3 étant faite d’avance par-'une
écriture étrangère à celle du notaire , et hors la présence du père, n’a
exprimé que la volonté d’un tiers et non celle de la Dlle. d’Albiat. L a
Cour fie Bordeaux m’eût fait gagner mon procès ; la Cour de Riom me
1, ç-y nprdre dans des circonstances bien plus graves. ( Voyez l’arrêt de
Bordeaux du
fructidor an i 3 , cité page
•)
Cet arrêt est encore contraire" b. la loi du 24 août 1790.
Les Juges de la Cour d’appel ne devaient prononcer que sur le
bien ou le mal jugé des premiers Juges. O r , les premiers Juges n’avaient
prononcé que sur la nullité des actes prétendus respectueux ; ils n’avaient
pas statué sur les motifs d’empêchement au mariage, parce que le sieur
d’Albiat avait formé son opposition au mariage de sa fille , d’abord sur
la nullité des actes, et il avait demande par des conclusions précises
ci-dessus rapportées, q u il ne lût statué sur la défense de passer outre
au mariage, que dans le cas où les Juges ne prononceraient pas la nullité
des actes. Les causes d’opposition du sieur d'Albiat étaient bien distinctes.
�La Cour d’appel de Riom devait se borner à prononcer sur la nullité
des actes , et elle devait renvoyer devant les premiers Juges pour statuer
sur les causes d’opposition concernant l’empêchement au mariage, attendu
que les premiers Juges n’y avaient pas statué. L a Cour d’appel de
Riom s’est donc transformée en Tribunal de première instance.
Les conclusions prises parle sieurd’A lbiaten la Cour d’appel, tendaient
seulement à ordonner la confirmation du Jugement dont était appel.
J ’ai formé le ?.5 juin une nouvelle opposition au mariage de ma fille,
notifiée à la M airie et à ma fille , attendu que la loi me défère le droit
de me pourvoir au Tribunal de cassation. La Cour d’appel de Riom en
a ordonné la main-levée par arrêt du 27 juin 1806 , rendu à l’audience
sur requête qui ne m’a pas été signifiée. La Cour d’appel de Riom
n’était pas compétente pour statuer sur cette nouvelle opposition ; ses
pouvoirs étaient finis. E lle m’a privé du droit de recourir en la Cour
de cassation; elle ne pouvait m’en priver sans m’entendre ; elle aurait
dù au moins en référer à la. Cour de cassation.
sieur d’Albiat a fait prononcer par le Tribunal le Clermontférrant sur la demande en séparation de corps.
Jugement de Clerm ont-Ferrant, du 1 7 fév rier 1806. Présidence de
B'L Domal.
« La cause en cet état a été appelée à l’audience de ce jour.
» L ’avoué de la demanderesse , présent, 11’a pris aucunes conclusions,
et aucun avocat ne s’est présenté pour plaider. Alors M..e V id a l, avoué
du défendeur, a conclu au débouté de la demande.
» Y a-t-il lieu à accueillir ces conclusions l
» Attendu le principe, que tout demandeur doit établir sa demande;
» Attendu que JjMfemanderesse , loin de justifier la sienne , de se
présenter pour faire admettre en tout ou en partie les faits qu’elle a
articulés, et de se soumettre à faire la preuve de ceux qui le seraient;
» Attendu que de son silence il en résulte la présomption qu’elle est
dans l’impuissance où de les faire admettre ou de les établir:
» L e T rib u n al, oui M . Cotlion, suppléant, faisant les fonctions de
Procureur impérial , sur la récusation de IYÏ. Picot-Lacombe , donne
C 2
�( flo )
congé défaut contre la demanderesse, et pour le profit la déboute de
sa dem ande; ordonne en conséquence quelle sera tenue de se réunir
à son mari pour y vivre en bonne union 5 et la condamne aux dépens.
D u 27 février 1806. »
A ppel de la dame d'Albiat en la Cour d appel de Riom.
Il est temps que le sieur d'Albiat sorte de cet état d’oppression
scandaleuse qui accable sa famille entière. Il n’y a que 1autorité supreme
qui puisse Yen délivrer ; il n’y a que l’autorite supreme qui puisse
rétablir l ’ordre dans sa famille. 11 l’invoque , il la sollicite autant pour
lui-même que pour ses enfans ; p o u r son fils ame qm en sortant de
l ’éducation paternelle , s’est dévoué à la défense de la atne , au service
de l’Em pereur; qui donne l’exemple des vertus domestiques, des vertus
civiles , des vertus militaires.
•/
�PLAIDOYER
P r o n o n c é e n l a C o u r d 'a p p e l d e T iio m , le r) j u i n 1 8 0 6 .
M
essieur
s,
Il faut qu’un père de famille ait des motifs bien graves pour refuser
son consentement au mariage de sa fille ; il faut qu’il soit retenu par
des considérations bien majeures pour persister dans son refus. Il faut
qu’il soit vivement pénétré du danger qui menace sa fille, pour se déter
miner à former opposition à son mariage. Je ne viendrais point vous
demander, Messieurs , l’abolition de ces actes dits respectueux , si l’acte
le plus saint, le plus solennel , le plus essentiel au |)^ilïeûr des époux ,
devait reposer 'su r l’honnêteté publique ; je ne vie'ifâV-ais point vous
demander la réparation de l’outrage fait à un père de famille , si la
nature ne devait pas être outragée par une union aussi disparate. Je
ne relèverais point l’oubli de quelques formalités ; je dissimulerais éga
lement l’irrévérence qui me serait faite : le cœur d’un bon père est
toujours disposé à pardonner. Je ne demande rien pour moi. Je ne
viendrais point à cette audience me surcharger du poids de nouveaux
malheurs , si je ne voulais dégager ma fille de tous les malheurs qui
sont prêts à l’envelopper. Ce n’est point un père irrité qui vous parle ;
ce n’est point une partie adverse qui vous sollicite; c’est un père qui
vient une seconde fois devant vous réclam er les secours de la Justice,
pour sauver sa fille du naufrage prêt à l’engloutir.
Ce n ’est point ma cause que je viens défendre , c’est la cause de
ma fille. Sa carrière commence lorsque la mienne finit. C ’est son sort que
je considère ; c ’est son sort que je vous prie de considérer. M a fille a
été ravie pendant sa minorité à ma surveillance ; ma fille a resté jusqu’à
présent sous l'influence de celui qui la trompe. Elle est subjuguée ,
elle n’a aucune volonté. O n éloigne d’elle les conseils de son père , les
conseils de tous mes parens ; elle est livrée aux illusions d’une jeunesse
sans expérience ; elle est retenue en chartre privée ; elle est trompée.
Que l’esprit de parti se taise ? N on ! je ne puis croire que l’esprit
de parti puisse rallier autour de lui assez d’individus qui veulent se
déclarer hautement les partisans de ceux qui jettent le désordre dans
les familles et les bouleversent.
�( 22 )
C ’est la cause des pères : ils sont intéressés au bonheur de leurs
enfans ; ils doivent craindre pour eux-mêmes que l’impunité de pareils
exemples ne vienne un jour porter le trouble dans leurs familles.
C ’est la cause des enfans, qui doivent retrouver le bonheur d’une vie
entière , dans les difficultés mômes que la sagesse de leurs parens met à
leur établissement.
C ’est la cause de la société entière , intéressée à proscrire ces alliances
bizarres qui portent la division dans les familles , et qui font le malheur ■
des générations futures.
C ’est la cause des mœurs. Les bonnes mœurs ne peuvent long-temps
se maintenir pures entre deux époux dont l’union est un assemblage mons
trueux de jeunesse et de vieillesse , de santé et dmürmite , de fraîcheur
et d’épuisement , de besoin et de misèie.
(
C ’e s t la cause des Magistrats : ils sont les tuteurs nés des enfans ;
ils sont sur la r é c la m a t io n des peres , les régulateurs des mariages ; ils
sont les’ conservateurs des bonnes mœurs ; ils sont les protecteurs des
familles Les lois veillent a la conservation de 1honneur des familles.
Eh ! qu'importe le croassement de ces gens isolés et sans famille ,
qui n’ont d’importance que dans les troubles civils , et d’existence que
dans les ménages qu’ils ont divisés l
N e recherchez pas en moi les charmes de celte éloquence qui a fixé
votre attention sur le jeune orateur que vous avez entendu avec intérêt ;
ne recherchez pas la profondeur de cette érudition que vous admirez
chaque jour parmi les magistrats , et les défenseurs qui soutiennent la
gloire de ce Barreau célèbre depuis un temps immémorial. C est un père
qui ne peut que vous parler des malheurs de sa fille , qui^ a ete ravie a sa
surveillance avec une audace sans exemple, pour reste!' livrée à celui qui lui
■prépare une destinée plus malheureuse que sa situation présente. C ’est un
père qu’on représente comme_inflexible, et à qui on a tout caché, à qui on
n’a rien communiqué pendant trop long-temps. C ’est un époux poursuivi
avec acharnement par des vampires , et des gens qui ne dissimulent pas
leur im m o ra lité au milieu des sociétés qui ^ reçoivent II n’y a eu d'in
flexible dans cette malheureuse affaire, que la I ) . ,ne d A lb ial, qui a résiste
avec obstination aux instances de ma famille et de la sienne , de ses anus ,
et de plusieurs de ses conseils ; aux représentations de ceux qui donnent
l’exemple de la morale et des vertus religieuses, ( i ) Elle a résisté au . pres
s a n t e s sollicitations d’un fils chéri et honoré , q u i, du sein des armées,
la prie les mains jointes , et la presse de renoncer a une demande qui
répand l’affliction sur toute une iannlle.
C i ) M. Mercier , gvaud-Yicairc
la Cathédrale,
et C u ré du P o r t , M . M o r i n , C uré -V icaire de
�L e jugement tient est appel, est attaqué sur deux motifs. On prétend D m ,« ma; ,S(J
que les premiers juges ont cumulé la forme et le fonds ; qu’ils devaient
préalablement juger sur la nullité des actes de respect, et qu’ils ont prononcé
sur le fonds même du mariage. 11 est nécessaire de vous retracer quelle
a été la marche de la procédure , et sur quoi les premiers juges ont
statué.
J’ai formé opposition au mariage de ma fille ; j’ai fondé mon oppo- Lecture du ju
sition et sur la nullité des actes dits respectueux , et sur les inconvcniens Se,yicnt du i.<
graves de ce mariage , que j’ai regardé comme inconsidéré , comme con- mjl
traire à la nature et à l’honnêteté publique. L a Dlle. d’Albiat a demandé
la main-levée de cette opposition.
Sur quoi les premiers juges ont-ils statué ? Ils ont statué sur la nullité
des actes dits respectueux , et sur la demande en main-levée de mon
opposition ; ils ont déclaré lesdits actes nuls , et ils ont débouté la
D lle. d’Albiat de sa demande en main-levée d’opposition : ils n’ont pas
prononcé autres choses.
Je vois que tout est régulier dans la forme. Les premiers juges se sont
renfermés dans la question relative aux actes dits respectueux ; ils n’ont
pas été au-delà. Ils ont statué sur la demande en main-lavée de l’oppo
sition au mariage : et par une conséquence forcée , ils ont débouté la
Dlle. d’Albiat de sa demande en main-levée d’opposition.
Les premiers juges n’ont absolument rien prononcé sur la question
relative au mariage , puisqu’ils ont maintenu mon opposition ; ils ont
seulement statué et sur la nullité des actes dits respectueux , et sur
la demande en main-levée de mon opposition.
Il est vrai
ai qu’un des motifs de leur jugement est l ’état de captation
où se trouve la Dlle. d’Albiat. Ce ne serait pas encore une irrégularité,parce que les juges sont les maîtres de donner à leur jugement les
motifs qui leur conviennent.
L a captation est un fait ; ce fait a paru prouvé aux yeux des pre
miers juges; ce fait a été un des motifs qui ont déterminé à prononcer la
nullité des actes dits respectueux. Les premiers juges n’ont pas outre-passés
leurs pouvoirs.
J’ai demandé la nullité desdits actes sur le même molit ; je me suis
exprime en ces termes : attendu que la D lle. d'Albiat a été subjuguée,
et qu’elle n a pas une volonté libre.
M ais on pretend que le fait de captation étant reconnu par un juge
ment , peut être un obstacle au mariage : j’en conviens. M ais la cap
tation est par elle-meme un obstacle à la validité des actes quelconques
\
/
�qui en sont l’effet. O r , s'il est démontré que 1g3 actes dits respectueux
sont l’effet de la captation , qu’ils portent même avec eux tous les caraclères de la captation , peut-on refuser d'en prononcer, sur ce m o tif, la
nullité , sous le prétexte que ce serait préjuger la question d„u mariage?
L ’acte respectueux, comme je le démontrerai, n’est plus une vaine for
malité , comme au temps de M . Pigeaut. L ’enfant doit réfléchir , doit
délibérer sur le3 conseils de son père. Il faut donc qu’il soit libre ; il
faut qu’il ne soit pas dans un état de captation lorsqu’il fait des actes
aussi importons à son bonheur,Et précisément je vous fournirai des preuves
trop concluantes de cette captation,
11 me paraît inutile de s’a p p esan tir, davantage sur la régularité du
jugement dont est appel. Je dois me renfermer a vous démontrer que
le jugement dont est a p p e l, est conforme aux règles de la justice.
Vous vous rappellerez, Messieurs , avec, quelle pressante sollicitude
je vous ai demandé que ma fille alors âgee de
ans , et mon fils âgé
de 11 ans , fussent éloignés de la maison Foughasse , attendu que
cette maison a v a it été une source de désunion, une continuité de désu
n io n , un obstacle à \me réunion; e t'q u e mes enfans fussent mis en
dépôt dans des maisons d’éducation, pour y être élevés dans les devoirs
de la religion, dans la pratique de la vertu , dans l ’amour du travail.
Vous avez rendu, le 11 fructidor an 12 , un arrêt ainsi conçu.
(hi
L a lo i , art. 5o 3 du Code civil , conserve respectivement aux père
l2' et mère le droit de surveiller L’éducation et: l ’entretien de leurs enfans,
quelle que soit la personne « laquelle les enfans seront confiés.
U n père de famille , un homme qui fut toujours probe et d élicat,
un homme d ’honneur a été dépouillé du droit de surveiller ses enfans.
Vous avez entendu vous-mêmes , Messieurs , à votre audience du
11 fructidor an 12 , cjue le voisinage des célibataires qui habitaient
la maison Foughasse n’etait point dangereux , à raison de leur hon
nêteté et de leur âge avancé; que je noircissais les intentions les plus
pures. O n allait jusqu’à me représenter sous les traits les plus inju
rieux, Les événemens qui se sont passés diront mieux que moi de quel
côté -était la prévoyance et la saine morale.
C ’est l’immoralité qni a triomphé ; c’est l’immoralité qui a abusé ;
c’est l’immoralité qui traduit devant vous un père do famille.
M . Dufreisse de Fontsalive est celui que j’ai désigné il y a deux anâ
comme dangereux à ma famille , et que je désigne encore aujourd’hui
comme l’auteur des troubles actuels de nui famille , de l ’égarement et
de
�T A B L E
DES MATIERES.
I n t r o d u c t i o n et motifs sur la publicité du Mémoire.
pages 3 et 4
L e ravisseur considéré comme émigré.
4
Les malheurs du père pendant la révolution.
5
Etat de ses pertes faites pendant la révolution.
5 et 6
Notes sur la famille d’Albiat.
7
Causes de la prévention contre le père dans la ville de Riom.
8
T ableau de comparaison des jugemens de Clermont et de R iom ,
page 9 ju sq u ’à la page 20.
Réflexions sur l’arrêt du 11 fructidor an 12.
i3
M oyens de cassation. L a Cour d’appel ne pouvait prononcer que sur la
validité des actes, et non sur les empêchemens au mariage. 18 et 19
A utre arrêt du 27 juin 1806, incompétemment rendu sur requête non
communiquée.
19
Exorde du Plaidoyer, ou Tableau de l’affaire.
21 et 22
Fille mineure ravie à la surveillance de son père.
4 } 13 et 24
Fille mineure laissée sous l'influence de son ravisseur.
1 3 et 2 5
Menace de poursuivre le père comme rebellionnaire à Justice.
25
Situation pénible d’un père, forcé de résister à la nature qui lui commande
ce qu’un arrêt lui défend.
25
Intrigues du ravisseur.
2 5 , 26, 3 6 , 37. et 40
Situation des autres enfans.
ao
Moyens employés par le ravisseur. Sa constitution physique. 26,27,28,29,
3 i, 35 et 40.
L e ravisseur est éloigné pendant un temps par la mère. Résultat avanta
geux pour le père et la fille.
29 et 5o
L e ravisseur fait demander la fille en mariage. Improbation de toute la
famille.
3o
L e ravisseur criminel aux yeux de la Justice, pour avoir ravi la fille à la
Justice même.
3r
De la preuve par présomption.
3 i et 3a
Maximes de M . le Chancelier d’Aguesse&u sut, la séduction.
33 et 34
Appliçahon de ces principes à la caus-mé la deml’ôge; infirmités.
55
Inégalité de biens. Point d’état.
^ n é par ses intrifo3g
Indignité dans la conduite.
^aix comme
3g ej, 5y
Nécessité du consentement des époux.
37 et 40
�TABLE
DES MATI ERES.
L a séduction ôte la liberté du consentement.
54, 37, 5 8 , 09 et 40
L a séduction s’applique aux majeurs , lorsqu’elle a commencé en
minorité.
S9 et 40
Les circonstances aggravantes, encore plus fortes que la séduction, ôtent
la liberté du consentement.
56 et 40
Parallèle entre les lois anciennes et les lois nouvelles sur le
mariage.
4 1 et 4 2
Maximes de M . Portalis, Rapporteur, au nom du Gouvernement, de la
loi sur le mariage.
_
3 5 , 4 1 , 4 3 , 45, 4 4 j 4 0 et 46
D u droit d ’un père de former opposition au mariage de son enfant, et de
l ’autorité illimitée des juges.
48 et 44
Principes sur les causes d’opposition.
^
45 et 46
L e père peut s’opposer à un mariage honteux ou inconsidéré.
46 et 47
Causes qui rendraient un mariage honteux.^ ^
47
Causes qui rendraient un mariage inconsidéré.
47 et 48
Premier acte irrespectueux.
(
48 et 49
L a fille ne demande pas le conseil de son pere.
41 , 42 et 49
Conseil et co n s en tem en t ne sont pas synonymes.
18 et 5o
Irrévérence, protestations, violence et captation.
5o et 5 i
Analyse du second acte.
5 i et 5a
Analyse du troisième acte.
5z
L ’acte respectueux ne doit pas être une vaine form alité, comme dans
l’ancien régime.
24 et 53
A rrêt de la Cour de Bordeaux, du i 3 fructidor an i 3 , favorable
au pè^e.
18 et 53
Preuve de captation, d’après les actes.
¿4 et 55
L es actes sont nuls, comme étant écrits d ’avance, et par une écriture
étrangère à celle du notaire.
18 , 55 , 56 07 et 58
Danger des conseils.
'
by
Résumé des motifs d’opposition au mariage.
1 5 , i/j et 1 5
Résumé des faits qui établissent la captation.
58 , 69 et 60
Réflexions sur la mère.
60, 61 et 63
Invocation faite à la mère.
62
Invocation, faite aux Juges.
62 et 6 s
1
Fin de la Table.
1
nt,"
A LYO N / il
,<jntsalive este____ _.
. a ï à ma famille ,
-les trouble* »10 B a l i .a n c h e père et fils, aux halle»
ue la Grenelle. 1806.
�( 25 )
de l’obstination de mon épouse , du malheur de ma fille , et de l’op
pression qui m’accable.
M . Dufreisse de Fontsalive n’a point cessé d’habiter la maison Foughasse ; il a conservé pour lui seul le même logement que la dame
de Vernines sa mère occupait avec ses autres enfans ; il eu a éloigné
ses frères. Son appartement est à la suite de celui de la dame et de la
Dlle. d’A lb ia t , et il n’en est séparé que par une cloison en planches.
Il paye depuis deux ans, époque de la mort de sa mère , 400 fr. de
lo ye r, malgré la modicité de ses facultés. U n homme d’honneur , un
homme délicat , ne jette pas le trouble dans une famille pour s’y
établir , ne se rend pas maître des destinées d’une famille. M . de
Fontsalive 11e peut , sous aucun rapport, donner aucune excuse à sa
conduite.
J’ai apporté devant vous le dalme d’une conscience pure. Vous n’avez
vu alors que moi : l ’homme honnête n’intrigue pas. Vous avez été trompé
par des insinuations perfides ; vous avez cru mieux faire parce que vous
en aviez la volonté. L ’Empereur a eu raison de dire à une députation
du Tribunal d’appel de Paris , que le mieux était l ’ennemi du bien.
Je ne pouvais plus exercer de surveillance envers mes enfans ; je
ne pouvais plus m’entretenir avec mes enfans ; je ne pouvais recevoir
que de simples visites dans une maison tierce.
J’étais menacé par les conclusions précises de la dame d’A lb ia t, d’être
poursuivi comme rébellionnaire à la Justice.
Vertueux aux yeux de la nature si j ’avais osé arracher ma fille de
la maison Foughasse , j’aurais été traité en criminel si j’avais contre
venu à l’arrêt au 11 fructidor an 12.
Place entre ma conscience et cet a rrêt, je ne pouvais plus agir. Dévoré
par le chagrin , isolé de ma famille , je me suis éloigné de mes foyers
arroses de mes larmes ; j’ai fui dans cette circonstance comme dans
beaucoup d’autres, une terre témoin depuis $5 de mes longs malheurs.
M ais tout s’éclaircit à la longue. O n a fait l’aveu , consigné dans le
jugement dont est ap p el, que le mariage de ma fille avec M . Dufreisse
de Fontsalive était arrêté depuis trois a n s, c’est-à-dire depuis le mois
de floréal au 1 1 ; que M .me de Vernines la mère l ’avait approuvé long
temps ayant son décès. Cependant j ’ai resté un an dans la même maison ,
et je la i absolument ignoré. C ’est donc pour faire réussir ce mariage,
qu on m a tourmenté , qu’on a formé la demande en séparation de
corps , que M. de Fontsalive m’a éloigné par ses intrigues de ma famille,
qu’il m’a fait dénoncer chez le Juge-de-paix comme portant le trouble
D
�( *6 )
clans la maison Foughasse , qu’il a répandu conlrc moi une horrible
diffamation; et M . de Fontsalive voulait devenir mon gendre dans le
moment qu’il organisait la persécution qui me poursuit.
Celui de mes enfans qui devait recevoir une éducation négligée et
efféminée , a été nommé au L ycée de Moulins. L e Gouvernement seul
avait la force de le soustraire à la fatalité de son éducation dont
les. fruits devaient appartenir' à la patrie. M on fils aîné a obtenu cette
faveur de S. M . l ’Empereur. 11 a fait valoir mes services rendus dans
la magistrature pendant 20 ans d’exercice , et ceux qu’il rendait dans
les années en qualité d’officier d’artillerie. Sous un Gouvernement
reconnaissant et bienfaisant, les bonnes actions protègent les familles.
M a fille seule a resté sous la direction de sa mère ; vous reconnaîtrez
par sa conduite les principes qu’elle a puisés.
Cette affaire est te lle m e n t identifiée avec la demande en séparation
de corps formée par la dame d’Albiat , que les moyens employés
par la dame d ’Albiat pour le succès de l ’une , l ’ont été pour le succès
de l ’autre.
L a diffamation répandue contre moi pour favoriser la demande en
de corps , a été recueillie pour surprendre un arrêt qui ravit
ma fille à ma surveillance. L ’imposture et la fraude sont aujourd’hui
découvertes. O n n’a écarté le père que pour tromper la fille. C ’est pour
dépouiller la mère que des conseils perfides la flattent d ’une indépen
dance utile à leurs projets ; c’est pour séduire la fille qu’ils la flattent
d’illusions chimériques ; c’est pour écarter un père devenu incommode
à l ’e x é c u t io n de leurs projets criminels , qu’ils s’agitent, qu’ils inventent,
qu’ils osent tout , pour attaquer ma réputation, m’envelopper et me
détruire.
s é p a r a t io n
Ces hommes qui n’ont ni corps ni biens , ces perturbateurs du repos
des ménages , ces dévastateurs de la fortune des époux et des enfans,
ces corrupteurs déboutés des bonnes mœurs , ont répandu contre moi
la c a lo m n ié la plus noire et la plus atroce. L a perversité bien connue
de ces hommes desséchés, suffirait pour l'aire regarder comme invraisem
blable tout ce que pourrait distdler leur langue envenim ée', tout ce
que pourrait rendre leur bouche empestée.
O ui dois-je rechercher dans ce dédale affreux d’intrigues et d’im-.
postures qui arment l’épouse contre l’époux, la fille contre le père ? :
ceux qui avaient intérêt à la diffamation.
Celui qui profite d ’un vol est présumé voleur ; celui qui profite de la
diffamation est présumé auteur de la diffamation. Oui prodest scclus
is fe c it.
�( 27 )
M . Dufrcisse de Fontsalive a répandu contre moi la diffamation la
plus atroce. Je ne crois pas que la méchanceté humaine puisse rien
imaginer de plus fourbe , de plus noir , de plus affreux, pour ravir
mes enfans à ma surveillance.
Ce n’est pas le simple effet d’un caractère violent et .emporté; c’est
la réflexion que M . de Fontsalive a apportée , c’est la combinaison
qu’il a faite , c’est la persévérance qu’il a mise dans l’exécution de
ses projets.
M . Dufreisse de Fontsalive a voulu s’assurer d’avance des moyens
d ’existence. A -t-il été enivré par l’illusion d ’une imagination ardente?
A -t-il été entraîné par la violence d’une passion qu’il ne pouvait éteindre ?
N on , il n’y a rien de tout cela. Les feux de son imagination sont
de courte d u rée, ils s’évanouissent aussitôt, et toute passion est
chez lui absolument nulle. L e mal moral est grand ; c’est le mal de
la privation, il ne laisse appercevoir à l’imagination que des fantômes.
L e mal physique est plus r é e l, c’est l ’absence de toute faculté.
Celui qui peut séduire par le mouvement d’une passion ardente, est
capable de grands traits, d’un dévouement généreux, d’actions sublimes ,
pour plaire à l’objet aimé qu’il recherche, pour le m ériter, pour le
posséder : le feu de lam e est un présent du ciel , une émanation
de la Divinité , qui donne à l’homme un caractère de grandeur et
de loyauté , et lui laisse ignorer jusqu’aux idées de bassesse et
d'imposture.
M ais que dirai-je de celui q u i, parvenu à un âge avancé , et
dépourvu de fortune et de talens , veut séduire lorsque les feux de
la jeunesse sont éteints, lorsque tout son corps est desséché, lorsque
ses forces l’ont abandonné, lorsque son épuisement est com plet,
lorsque toute sa constitution est attaquée; lorsque des vices internes
rassemblent abondamment des humeurs contagieuses ; lorsqu e des
maladies réitérées lui laissent à peine l ’espoir d’une vie languissante ;
lorsque son sang appauvri commence à se dissoudre ; lo rsq u ’un teint
périodiquement pâle et cadavereux , présente les signes certains d ’une
mort prochaine ?
Q ue dirai-je de M . Dufreisse de Fontsalive, dont je viens de
vous peindre la situation trop certaine et assez connue où il se
trouve !
Il
a voulu séduire ; il n’a pu
riques. Sa marche ne pouvait plus
nature, cette marche sentimentale,
il est vrai, embraser les cœurs, mais
donner que des espérances chimé
être cette marche simple de la
cette marche de feu, qui peut,
qui ne trompe jamais.
D a
�_< 28 )
M . de Fontsalive ne pouvait réussir que par un langage factice ;
il ne pouvait réussir que par des prom esses trompeuses : il n’a que
trop réussi pour le malheur de ma famille. Il a subjugué la mère;
il a séparé l’épouse de l’époux. Il a excité , il a entretenu les germes
de division qui arment encore h présent la fille contre sou p è re ,
et la femme contre son mari. Il a paralysé la surveillance de la mère
envers la fille ; il a éloigné du sein de la famille le surveillant
naturel, le surveillant nécessaire , le surveillant légal , que la nature,
que la loi donnent aux enfans , il a éloigné le père de famille.
Q u ’a fait M . de Fontsalive pour me séparer de ma famille ? Il a
répandu la diffamation la plus noire , la ^plus invraisemblable. Il
a voulu m’éloigner pour toujours comme époux , en ^cherchant à
donner de l’importance aux termes injurieux de la requete en sépa
ration de corps ; il a été le précurseur d une seconde requete.
Il
exerce une influence qui peut être un jour funeste à mes autres
enfans ; et déjà la dame d’Albiat s’est procuré à mon insu des
rem b o u rsem en s sur sa d o t , contre les dispositions formelles du traité
que j’ai passé avec elle. 11 a voulu m’éloigner comme p è re , en se
débarrassant de ma surveillance sur ma fille ; surveillance qui lui
devenait incommode.
L a Dlle. d’Albiat ma fille s’est trouvée dès ce moment privée
de l’appui, du secours, des conseils que l’expérience d'un père aurait
pu lui donner. Elle est restée absolument abandonnée aux insinuations
d’un homme qui ne voulait la tromper que pour trouver un asile
certain dans sa détresse , et obtenir un soulagement forcé dans ses
infirmités habituelles.
Pour plaire à la dame d’Albiat et se rendre nécessaire, M . de
Fontsalive l ’a flattée qu’il pouvait par ses intrigues lui assurer, son
indépendance , et empêcher pour toujours le retour de son mari.
L a daine d’A lb ia t, trop faible et trop crédide, n’a plus balancé de
se réunir à M . de Fontsalive, et de se concerter avec lui, pour mieux
s’assurer une indépendance qui entraîne toutes les femmes a leur
ruine.
O u i, M . de Fontsalive est depuis long-temps mon persécuteur; il
a été dam toutes ses démarches un imposteur adroit et effronté.
L a dame de Vernines sa mère est morte le 17 prairial an 1 2 ;
elle a été enterrée le 18. L a dojne d’Albiat a cessé do manger avec
moi le ly prairial.
�( 29 ) '
C ’est M . de Fontsalive qui a favorisé , le 2 1 prairial, trois jours
après la mort de sa mère , l’évasion de la dame d’A lbiat et de sa
fille. C ’est lui qui a reçu chez lu i , à neuf heures du so ir, ceux qui
ont enlevé la dame d’Albiat et sa fille. C ’est lui qui, le lendemain, a
eu l’impudeur de se rendre chez le Juge-de-paix avec la dame Fonghasse
qu’il y avait entraînée , pour m’y dénoncer, sans me prévenir, du pré
tendu trouble qu’il disait que j’avais apporté à son sommeil ; et ce
trouble n’était autre chose que d’avoir exprimé dans l’intérieur de
mon appartement, avec l’expression d’une douloureuse sensibilité, ma
trop juste indignation au moment de la fuite nocturne de mon épouse
et de ma fille. J’avais, disait-il, troublé son sommeil : et il avait eu
la constance de m’écouter tranquillement derrière les planches qui
séparent son appartement de celui de la dame d’Albiat. Cependant
ma douleur était son ouvrage, ma douleur était son triom phe, ma
douleur était sa jouissance.
C ’est alors que M . de Fontsalive a répandu contre moi des
calomnies aussi atroces qu’incroyables. Il a calculé que la calomnie lui
était nécessaire pour me perdre dans l’opinion publique et dans l’opinion
des Juges ; il a calculé que la calomnie lui était nécessaire pour
s’établir en mon absence au milieu de ma famille ; il a calculé que
la calomnie lui était nécessaire pour me détruire; il a calculé que la
calomnie lui était nécessaire pour subjuguer à son aise l’esprit de la
dame d’Albiat ; il a calculé que la calomnie lui était nécessaire pour
compromettre le p ère, la mère et la fille , et les forcer par un lan^a^e
imposteur et fallacieux, à consentir à un mariage désastreux.
° °
L a dame d’Albiat avait réussi au-delà de ses espérances. Elle avait
à sa disposition ses enfans qu’il m ’était impossible de surveiller.
E lle fait enfin un retour sur elle-même. Elle songe sérieusement à
éloigner M . de Fontsalive , et elle refuse de le recevoir. Alors la dame
d’Albiat se trouve affranchie de l’influence qu’exerçait M . de Font«alive. Elle se rappelle qu’elle est m ère, que sa fille a des devoirs
à rem plir, et elle me fait proposer par mon fils cad et, à la fin de
novembre 1804, deux mois et demi après 1 arrêt de la C o u r, si je
voulais recevoir chez moi ma fille. Les sentimens paternels calmèrent
l’agitation d'un cœur aigri. Je désirais revoir ma fille , mais avec la
dignité qui convient à 1111 père qui a constamment professé les prin
cipes de l’honneur. Je l’ai reçue avec empressement, et je n’ai eu
besoin que de me rappeler que j ’étais père, pour lui exprimer toute
ma tendresse.
�( 3° )
Je dois celte démarche, qui s’est continuée jusqu’au i . er décembre
d e r n ie r , à la volonté libre de la dame d’Albiat.
L a dame d’Albiat s’est jugée elle-même par cette dém arche, puis
qu’elle a cessé d’exécuter à l’égard de mes enfans, les dispositions d’un
arrêt provisoire surpris à la justice de la Cour.
La dame d’Albiat a jugé , par cette démarche , M. de Fontsalive ,
lorsqu’après l’avoir expulsé, elle a rétabli les relations entre le père
et les enfans , que les intrigues et l’influence de M . de Fontsalive avaient
interrompues.
L a dame d’A lbiat me juge enfin, lorsque , dégagée de cet entourage
trompeur, elle écoute la.voix de la nature , elle cède sans hésiter
aux cris de sa conscience ; qu’elle se montre juste envers son époux,
qu’elle rappelle à ses enfans qu ils ont des devoirs a remplir envers
leur p e re , ot qu’elle les restitue a ma tendresse paternelle.
Heureuse la dame d’A lb ia t, plus heureuse encore sa fille , si elle
eût p e r s é v é r é dans sa résolution de ne point recevoir M . de
Fontsalive !
C ’est le 6 octobre dernier, quinze jours après mon retour de Paris,
que j ’ai la douleur d’apprendre que le mariage de ma fille , encore
m ineure, est irrévocablement arrêté avec M . Dufreisse de Fontsalive ,
du consentement de la dame d’Albiat sa mère ; et que M . Dufreisse
de Fontsalive me fait demander mon consentement avec une forfanterie
incroyable, et des réflexions trop pénibles à révéler. Sur mon refus,
il répond qu’on saura se passer de mon consentement, que le
mariage se fera cinq mois plus tard et à la majorité de ma fille ;
tant il comptait sur le dévouement de celle qui est désignée pour
être sa victime.
U n événement aussi extraordinaire a saisi d ’indignation tous mes
parens ; ils ont vu avec frémissement les tristes apprêts d’un mariage
qui doit être funeste à ma fille; et j’ai déclaré, d ’après leur avis unanime,
que je ne pouvais , ne devais ni ne voulais donner mon consentement
à ce mariage.
Vous voyez que la calomnie et la diffamation n’ont été employées
contre m o i, que pour paralyser, pour enchaîner la puissance paternelle ,
pour ravir ma fille à ma surveillance, pour la retenir en chartre privée
dans une maison que j’avais désignée comme dangereuse.
Je ne cesserai de répéter , que c’est par la calomnie et la diffa
mation que M . de Fontsalivo est parvenu à écarter le père de
�( Si )
famille du sein de 6a fam ille, pour cohabiter dans la maison où se
trouvaient la dame et la D lle . d'Albiat.
M . de Fontsalive est criminel envers un père de famille qu’il accable,
envers la société qu’il scandalise , envers une fille qu’il trom pe, une
fille de fam ille, une fille sans expérience, une fille qui était dans
les liens de la m inorité, et qui n’avait que dix-huit ans. 11 est criminel
envers la Justice, qu’il a trompée pour ravir ma fille à la puissance
paternelle ; il est une seconde fois criminel envers la Justice, pour
avoir ravi ma fille à la Justice m êm e, qui l’avait mise en dépôt chez
sa mère.
Pourrais-je pardonner à M . de Fontsalive , l ’ivresse, l ’égarement de
l’amour l Mais l’amour ne peut exister dans un corps épuisé. Pourraisje le remercier de ses sentimens de bienfaisance ! Mais la bienfaisance
est absolument stérile pour un homme sans b ien , et pressé lui-même
par le besoin. M . de Fontsalive ne pouvait donc réussir, qu’en exci
tant , en alimentant la division ; et cet hymen ne sera éclairé que par
les sombres torches de la discorde.
O n me reprochera peut - être de faire un tableau exagéré de la
situation de ma famille ; de ne parler qu’à l’imagination pour sur
prendre les cœurs et les intéresser. M ais , Messieurs , c’est à vos
yeux , c’est à vous-mêmes que je veux produire des preuves certaines;
c ’est au calcul de la réflexion , c’est au creuset de l’expérience , c’est
à l’inflexible raison que je veux soumettre des témoignages incor
ruptibles.
Je ne crois pas qu’on puisse dire sérieusement, que les lois nou
velles ont bouleversé la morale. L es principes de la morale ont été
et seront de tous les temps. O n a pu radoucir les peines ; mais
on n’a pas violé les principes de la morale. O n a pu donner, pour
contracter un mariage honnête et raisonnable , une grande faveur à
la volonté libre des personnes devenues majeures ; mais on n’a pas
voulu favoriser la licence et le crime envers les mineurs , pour les
surprendre et les accaparrer au moment de leur m a jorité. On a voulu
reconnaître les droits de la nature ; mais 011 n’a pas voulu l’outrager
par des réunions disparates, hideuses et dégoûtantes.
L a séduction s’exerce plus facilement sur une personne mineure ; la
séduction est prouvée toutes les fois qu’il y a inégalité d ’â g e , inégalité
de fortune. Je sais bien que cette preuve de séduction dérivé seulement
d ’une présomption ; mais cette présomption est suffisante lorsqu’elle
�( 32 )
derive de faits reconnus certains aux yeux de la Justice. O r , l’inégalité
d a g e , l’inégalité de fortune étant bien constantes, il y a présomption de
séduction; et je le répète , cette présomption est suffisante aux yeux de
la loi pour prouver la séduction. Ces maximes ont été adoptées dans
tous les temps, et doivent l’être de nos jours.
L e s présom ptions, dit M . Domat , sont des conséquences qu’on
tire d ’un fa it connu , pour servir à faire connaître la vérité d ’un f a it
incertain dont on cherche la preuve.... L e s présomptions sont de
d eu x espèces : quelques-unes sont s i f o r t e s , q u elle s vont à la certi
tude et tiennent lieu de preuves même dans les crimes ; et d'autres
ne sont que des conjectures qui laissent dans le doute..... A in s i
on tire des conséquences des causes ¿1 leurs effets , ou des effets
à leurs causes ; ainsi on conclut la venté d u n e chose par sa liaison
à une autre qui lu i est conjointe.
L e Code civil est absolument conforme à ces principes ; il a adopté
cette disposition de l’ancien Droit , art. 1349 » en ces termes : L e s
présomptions sont des conséquences que la loi ou le M agistrat tire
d ’un fa it connu ci un fa it inconnu.
I/art. 1 553 est conçu en ces termes : L e s présomptions qui ne sont
point établies par la •loi , sont abandonnées a ux lumières et a la
prudence du M agistrat, qui ne doit admettre que des présomptions
graves, précises et concordantes, et dans le cas seulement où la
lo i admet les preuves testimoniales.
L a loi étant précise et générale , je puis en faire l ’application au
fait particulier de la séduction , et tirer la conséquence que du fait
certain d’inégalité d’âge et de fortune, il y a présomption de séduction.
Cette présomption est reconnue si fo rte, qu’elle va jusqu’à la certitude
et a toujours tenu lieu de preuves. L a jurisprudence des anciens arrêts
doit donc servir de fanal dans cette matière.
M . le Chancelier d ’Aguesseau est un guide sûr. Il a développé avec
clarté et précision les causes qui démontrent la séduction ; il a déter
miné les circonstances aggravantes qui peuvent la rendre plus criminelle ;
il a posé des principéis fondés sur la nature, sur la loi et la religion.
Plusieurs moyens pouvaient empêcher un mariage et même l’annuller,
lorsqu’il n’y avait pas de fins de non-recevoir ; les uns fondés sur la
nature , tels que la séduction qui ne laisse aucune volonté libre ; les
autres fondés sur la l o i , lorsqu’elle n’a pas été observée , ou qu’elle a
été violée. Chacun de ces moyens pouvait être seul un obstacle à
un mariage. M ais écoutons M . le Chancelier d’Aguesseau dans la cause
dq
�( 33 )
de René et Charles Bellet contre Marguerite Bernier, plaidoyer 19.
« II n'y eut jam ais de cause à laquelle on pût appliquer avec tant
» de ju stic e toute la sévérité de la lo i ; jam ais un plus grand nombre
» de circonstances pour prouver le rapt de séduction : minorité ,
» inégalité d'dge , de biens , de condition ; indignité de la personne ;
» déf<iut de consentement de la mère ( elle était veuve ). A rrêt du
» 4 ju ille t 1 Gy5 , qui déclare le mariage nul. »
Dans la cause de Louis et Nicolas Forbi contre Barbe B riet, plaidoyer
36..... « Exam inons donc les présomptions de fait par lesquelles on
» prétend établir la séduction. Inégalité d'dge , Barbe B riet dgéc
» de trente-deux ans et N icolas Forbi de vingt-six ; inégalité de
» biens ; nul patrimoine , nul établissement dè la part de Barbe
» Briet.... D ans toutes ces circonstances, ne peut-011 pas dire qu’en
» réunissant ces trois inégalités d ’d g e , de b ie n s, de conduite , les
» présomptions de séduction sont toutes contre e lle 1 » Arrêt du 3
mai 1697, qui a déclaré le mariage nul.
Dans ia cause de la dame de C h abert, Nicolas Chabert et Marguerite
V in o t, plaidoyer 45..... « I l est plus d ifficile d'y choisir que d'y
» trouver des défauts qui rendent une semblable union nulle et illé» gitim e. P o in t de consentement du père et d e là mère; ce m oyen,
» jo in t à la m inorité, fa it une forte présomption de rapt. C e rapt
» est p rouvé, non seulement par ce lle présoniplion de la l o i , mais
» encore par plusieurs présomptions de fa it..... Prem ière présomption :
» inégalité d ’dge. C ’est une maxim e importante, qu'avant la majorité
t) la présomption est toujours favorable pour celu i qui a été surpris ;
» la lo i plaint la faiblesse , l'aveugle fa c ilité , la légèreté naturelle,
» le défaut d'expérience qui l'ont rendu victim e de ¿’artifice et de
» la séduction. Inégalité de condition , de biens et de fortune : quelle
» présomption plus forte et plus sensible de rapt et de séduction /
» Q u’on ne dise point qu'il n'y a pas d'enlèvement n i de violence.
» L a subornation est beaucoup plus dangereuse ; elle ravit le cœur:
*> L’autre ne ravit que le corps. » A rrêt du 2 5 mai 1697 , qui déclare
le mariage nul.
Dans la cause du sieur de St-Gober t , son fils, sa fille, et de Henry
Desmarets , ravisseur de sa fille , plaidoyer 56 ; M . dAguesseau établit
les moines présomptions de fait, a II est nécessaire , d it- il, de vous
ÿ rappeler la mémoire de ces grandes circonstances qui rerjerment
» des présomptions plus fortes , dans des questions de rapt et de
t> mariage , que toutes les dépositions des témoins. jVoiis voulons
»> parler de l o g e , de la naissance, de la fortune des parties. Un
» majeur de trente-six ans ; une mineure dgée de dix-huit ans.....
E
�( 34 )
>> L'un riche seulement en pensions et en espérances ; l'autre en état
» d 'a v o i r 20,000 liv. de biens.... Prem ière observation : inégalité en
» tout > ce qui ne se rencontre pets toujours dans les affaires de
r> cette nature ; inégalité d'âge , Desmarets avait le double d'années ;
» inégalité de biens , Desm arets n'avait rien de solide. S i 011 entre
» dans le détail de ce qu'il a , ce sont de sim ples pensions incer» laines. L a D lle . de St-G obert aura au moins 20,000 liv. Seconde
» observation : cui prodest scelus is fe c it, reçoit toute son application
» i c i , attendu l'entière inégalité. »
Messieurs , il était question dans la cause du sieur de St-Gobert et
de sa fille , d’un enlèvement avec séduction : la mère paraissait complice ;
elle plaidait en séparation de corps contre son mari. M . d’Aguesseau
ne put s’empêcher de re m a rq u e r combien la mere et la fille étaient
réunies contre l’honneur d e leur famille. L e pere et le fils etaient
accusés par Henry D esm a rets d’un assassinat imaginaire , et c’était pour
faire diversion. A rrêt du 5 août 1699 , qui renvoie le sieur de St-Gobert
et son fils de l’accusation d’assassinat; décrète de prise de corps Desmarets,
ravisseur, et ordonne que son procès lui sera fait et parfait par le Bailli
du Palais.
M . dAguesseau faisait la distinction des présomptions de fait et des
présomptions de droit. Les présomptions de fait établissent cette convic
tion morale , cette conviction de l’homme qui est indépendante de là
l o i , et qui n ’appartient pas au domaine de la loi. C u i prodest scelus
is fe c it .
Il
établissait pour maximes constantes , fondées sur la jurisprudence
des arrêts , que l’inégalité d’âge et l ’inégalité de fortune étaient des
présomptions assez fortes pour prouver la séduction.
»
»
»
»
»
Lorsque la séduction est prouvée, il n’y a pas de volonté libre. « L e
mariage , dit M . dAguesseau , plaidoyer 7 , doit son institution à
la nature, s a perfection a la lo i, sa sainteté à la R eligion. Comme
union instituée par la nature , il consiste dans la f o i m u tu elle,
dans le consentement libre et volontaire que les parties se donnent
mutuellement. »
« La nature, dit encore M . d’Aguesseau .n ’établit que deux conditions;
» elle ne demande que la capacité personnelle des contractons, et la
» liberté de leur c o n s e n te m e n t : m a is ces deux conditions sont telle*> ment essen tielles, que le défaut ne peut j a m a i s en être suppléé. »
L a législation a changé à l’égard des mariages qui sont contractés
dans les formes exigées. Les époux, art. 180 du Code c iv il, ont seuls
le droit d’attaquer leur mariage lorsque le consentement n’a pas été libre.
�( 35 )
Avant la célébration du m a ria g e la loi donne une plus grande lati
tude. Les motifs d’opposition doivent être exprimés par les collatéraux ,
et les causes en sont limitées. Mais à l ’égard des ascendans, la loi ne
limite point les causes, la loi n’oblige point d’exprimer les motifs ; la
loi laisse aux juges une grande latitude pour prononcer. La loi nou
velle a seulement voulu détruire ces entraves , écarter, comme l’observe
M . Portalis , ces oppositions faites à un mariage honnête et raison
nable , sous prétexte de la plus légère inégalité dans la fortune ou
la condition. E lte a voulu , continue M . Portalis, que deux époux
pussent céder aux douces inspirations de la nature.
M a is le souvenir de l'abus, dit encore M . Portalis , que l'on fa isa it
des oppositions au mariage des f ils de fa m ille ou des citoyens, n'a
pas du nous déterminer à proscrire toute opposition. N ous eussions
favorisé le je u des passions et la licence des m œ urs, en ne croyant
que protéger la liberté du mariage.
L a séduction est prouvée , et les circonstances sont des plus aggra
vantes. La séduction a commencé pendant la minorité; il n’y a eu aucun
intervalle de la minorité à la majorité ; il n’a été laissé aucun instant à
à la méditation , à la réflexion, sur une démarche réglée et arrêtée
pendant la minorité. L a séduction a donc continué en majorité, ou
plutôt à cet âge qui laisse encore, une fille dans une espèce de mino
rité relativement au mariage , comme l'observe M . d’Aguesseau, plai
doyers 53 et 36 ; et Potliier, sur la séduction, N .° 5o.
Faisons l ’application de ces principes à l’état de la cause. H y a
inégalité en tout, ce qui est très-rare, et peut paraître incroyable ; iné
galité d’âge , épuisement, infirmités habituelles.
M . Dufreisse de Fontsalive est né le 25 juin 1762; la Dlle. ClaireJoséphine d’Albiat ma fille, est née le 21 décembre 1784 : la différence
d’âge est de vingt-deux ans et six mois. Circonstances particulières.
M . de Fontsalive est dans un état d’épuisement; il a des maladies
réitérées, de fausses fluxions de poitrine , une étisie réelle qui lui laisse
ou un appétit dévorant, ou un dégoût qui est l’effet d’un engorgement
d’humeurs catarreuses qui l’étouffent : il en est de son appétit comme
de sa figure, qui est alternativement empreinte par la pâleur de la m ort,
ou ondulée par des rougeurs. A u lieu de trouver un lit nuptial, ma fille
ne trouvera qu’un lit de mort après quelques années d’une vie languis
sante. O ù est donc, dans M . de Fontsalive, cette capacité personnelle
que la nature demande pour contracter m ariage, comme l’observe
M* d’Aguesseau ? 11 lui est donc impossible de remplir cette condition
tellem ent essentielle , que le défaut ne peut jam ais en être suppléé,
«uivant l’expression de M . d’Aguesseau.
Ea
�( 36 )
• Inégalité de bien?, inégalité de fortune ; point d’é ta t, pauvreté. M a
fille peut bien espérer d’avoir 55,ooo f r ., attendu qu’il y a dans la
maison 162,000 fr. et que mes deux fils sont placés,
M . de Fontsalive n’a aucune fortune certaine et connue ; on peut
lui présumer 6 à 7,000 fr. L ’actif de la succession de Mme. de Vernines
sa mère se portait à 72,000 fr. ; sur quoi il a fallu distraire les dettes
courantes, dettes contractées envers sa belle-fille, legs , frais de maladie,
frais mortuaires , droits de succession, de partage et quittances, et enfin 'f
le quart réservé à l’aîné ; ce qui a pu laisser 48,000 fr. à partarger entre
quatre, ce qui fait 12,000 fr. poursaportion.M .de Fontsalive avait,à l’époque
de la mort de sa m ère, au moins 2,000 fr. de dettes; reste à 10,000fr.
Ses fonds qui sont entre les mains de M . de Lavigne, lui produisent le sou
pour livre , et ce faible reven u lui a été nécessaire pour payer à lui
seul la totalité du loyer de son logement qui était occupe par sa mere '
et ses frères.
Il a fallu vivre depuis deux ans que sa mère est morte. Je porte à
3,ooo fr. pour ces deux ans la dépense de sa table , de son fe u , de sa
lumière , de son entretien , et de sa gouvernante ; reste 7,000 fr.
;
Il faut encore présumer que ses emprunts pour vivre ont été à urr
intérêt modéré. On prétend encore qu’il a perdu 5,000 fr. chez Louche.
M . de Fontsalive 11’a point d’état ; il n’a aucun talent pour s’en
procurer , nj vigueur pour s’y maintenir. S’il était jeune ou en bonne
santé , il y aurait lieu d ’eopérer qu’il pourrait en obtenir un. M ais à son
âge et avec une santé délabrée , il ne tdoit rien espérer ; tout doit être
fini pour lui en ce monde. Ses moyens d’existence sont donc presque
nuls. M a fille est donc trompée ; elle, est donc séduite par les intrigues
de M . de Fontsalive ; elle n’a donc pas une volonté libre.
Indignité dans la conduite.
Les circonstances aggravantes sont encore prouvées. M a fille est sous
l ’influence de M . de Fontsalive qui habile depuis trois ans la même
maison , la suite du même appartement ; ma fille est en chartre privée ,
hors de la surveillance de son père ; nia fille a été ravie à ma surveil
lance par M . de Fontsalive. C ’est lui qui a favorisé l ’évasion de la dame
d ’Albiat et de sa fille , à l’époque de k demande en séparation de corps :
cui prodest scelus is fe c it ; celui-là a commis le crime à qui le crime
a profité. C ’est lui qui le lendemain a entraîné M .n,e Fonghasse chez
le Juge-de-paix pour me dénoncer : cui prodest scelus is fe c it. C est
lui qui arme la fille contre son père , la femme contre son mari :
cui prodest scelus is fccit. Une diffamation atroce a ele répandue
contre m o i, il en. est l ’auteur, et les témoignages que je pourrais avoir
�( 37 )
vous paraîtraient moins certains que les preuves qui résultent de sa con
duite criminelle : cui prodesl scelus is fecit. L a diffamation a produit
son effet ; il y a eu arrêt au provisoire ; ma fille a été ravie à ma sur
veillance ; et c’est lui qui est coupable de ce ravissement crim inel,
puisque ma fille a resté sous son influence, dans la même maison où
il a continué d’occuper , malgré la modicité de ses revenus , la totalité
de l’appartement qu’avaient sa mère et ses frères : cui prodest scelus is
fec it. Il ne s’est rendu coupable de tous ces crimes envers moi et ma
famille , que pour chercher à commettre un crime plus grand , mais que
je veux l ’empêcher de consommer. ( i )
Nouvel Appius , qui, entouré de l’autorité, voulait dépouiller Virginius
de son titre de pere , pour ravir impunément et sans obstacle sa fille
Virginie ; il supposait un crime imaginaire pour commettre un crime
trop réel. M . de Fontsalive ressemble à Appius par son crime, et non
par ses richesses et ses dignités.
Chacun peut éprouver un sentiment pénible sur la position d’un père ,
sur la position de sa fille, par la difficulté d’empêclier que sa fille ne soit
sacrifiée contre le voeu de la nature , contre le sentiment de l’honneur
et de l’honnêteté publique. M ais c’est en s’attachant aux principes im
muables, en reconnaissant que la loi nouvelle n’a pas voulu favoriser
le je u des passions et la licence des mœurs , comme l’observe M .
Portalis , qu’on sera convaincu que les circonstances aggravantes qui
ont amené ces événemens , sont suffisantes pour fonder les motifs d’une
opposition et empêcher ce mariage.
Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a pas de consentement, dit
l ’art. 146 du Code civil. Le consentement est l’effet de la volonté ; il
n’y a pas de volonté, s’il n’y a pas de liberté ; il faut donc que la volonté
soit libre. Mais comment reconnaîtra-t-on si la volonté n’est pas libre ?
C ’est une question purement de fait, dont la décision dépend de la preuve;
et on sait que le Code civil n’a rien réglé sur les questions de fait,
qui sont toutes laissées à la sagesse des juges.
L a Dlle. d’Albiat a-t-elle une volonté libre ? la Dlle. d’Albiat peutelle donner un consentement ? Q uelle est sa position ? quelles peuvent
être les suites de ce mariage ?
L ’usage, l ’opinion des Jurisconsultes, la jurisprudence des arrêts, ont
établi des règles fixes pour reconnaître si la v o lo n té n ’est pas libre.
L a Dlle. d’Albiat n’a pas une volonté libre ; cette preuve résulte de
la séduction , elle résulte des circonstances aggravantes, elle résulte de
sa position.
( 1 ) Les preuves sont aussi rapportées dans le résumé sur la captation, p»g.
et elles sont encore établies dans le troisième Acte.
�( 3S )
J’aurai encore recours à l’autorité de M . d’Aguesseau , et je vais vous*
rapporter ses propres expressions.
#
»
n
»
Plaidoyer 19 , tome 2 , page 487.
ii Jamais un plus grand nombre de circonstances pour prouver le
rapt de séduction : minorité , inégalité d’dge , de biens , de conduite ; indignité dans la personne ; une déclaration fa ite par un
mineur aveuglé par sa passion, soumis à la domination de celle
qui l'avait séduit. »
Plaidoyer 7 , tome 2 , page 166.
« S i Vinégalité des conditions ne peut donner atteinte a l'essence
» du mariage , elle sert toujours ¿1 fa ire présumer quun homme
» qui contracte un engagement indigne de sa naissance , n’a pas
» été libre , et que son consentement n a pas été volontaire. »
»
»
»
»
»
Plaidoyer 3o , tome 5 , page 9 °•
« Ic i, qualité de fam ille certain e, minorité constante, inutilité que
F leuri était proche de la majorité ; jusqu’il ce qu’il ait atteint le
dernier m o m e n t de cet âge fa ta l, la Loi présume toujours qu’il a
été séduit : exem ple du sieur B r io n , qui s’était marié majeur ,
et dont la séduction n’avait commencé que deux mois avant la
majorité. »
M êm e plaidoyer , page 92.
« Quoique la séduction soit réciproque , elle n’est pas moins con*
» traire à la liberté du consentement. »
a
V
»
»
»
»
»
»
Plaidoyer 55 , tome 4 , page 691. Dans la cause du sieur de St-Gobert.
« L e seul nom de rapt -su ffi....... il attaque la nature , la lo i , la
religion : la nature, en ôtant cette liberté si précieuse dans tous
les moinens de la v ie ; la lo i , soit qu’il attaque l ’autorité des
pères que la loi a revêtus de toute sa puissance, soit qu’il déshonore des fa m illes par des alliances honteuses , soit parce qu’il
trouble la tranquillité de l ’état par des divisions funestes qui se
perpétuent souvent dans le cours de plusieurs générations ; la religion enfin , puisque la violence ou la séduction n'a pour objet que
la profanation d'un des plus augustes Sa.cremens. »
»
»
»
n
M êm e plaidoyer , page 6^ 5.
a i.° L e rapt de séduction doit etre puni encore plus sévèrement
que celui de v io le n c e , parce qu’on peut résister h la force ; mais
qui peut être assuré de se défendre contre les enchantemens de la
séduction ! Dans le rapt de violence , la personne qui en est
l'objet n'a que le ravisseur a craindre; mais dans le rapt de séduc-
�( 39 )
» tion , elle trouve dans elle-même son plus dangereux et son plus
» redoutable ennemi.
»
»
»
»
»
» 2.0 I l n’est pas même vrai de dire que dans le rapt de séduction
l'on trouve la volonté et le consentement de la personne ravie.
C elte volonté n’est point la sienne , c ’est celle du ravisseur que la
fo r c e de la passion lu i fait suivre. C'est la passion qui v e u t , et
non la raison. L a mesure de la volonté , du consentem ent, de la
passion de la personne ravie, est la mesure du crime du ravisseur.
»
»
»
»
»
» M a is le moyen de se mettre a couvert des artifices subtils , des
insinuations se crète s, des voies sourdes et obliques d'un séducle u r , qui trouve souvent même dans la maison p a tern elle, et
dans les asiles les plus sa crés, des ministres dévoués à sa passion , et prêts à lu i sacrifier ces victim es malheureuses qu’un
père trompé confie à leurs soins ! »
M
e s s i e u r s
,
Ces mêmes règles s’appliquent aux majeurs, lorsque la séduction a
commencé en minorité. Je m’appuie toujours de l ’autorité de M . le
chancelier d’Aguesseau.
Plaidoyer 55 , tome 5 , page i 55.
« S i on lu i avait opposé la majorité , elle aurait trouvé sa réponse
» dans vos arrêts , qui ont ju g é que les règles observées pour les
» mineurs , doivent être suivies quand la séduction a commencé en
n minorité. »
Plaidoyer 36 , tome 5 , page 253.
« M a is si au contraire ce m ariage, quoique contracté par un
» majeur ^ paraissait l effet de la surprise , un ouvrage de ténèbres ,
t> un mystere d’iniquité ; s'il s'était plaint aussitôt après ; s i on ne
» pouvait lu i opposer aucune ratification publique ou particulière-,
» nous croyons alors que sa qualité de majeur ne devrait pas empê» cher de l'écouter. »
M êm e plaidoyer , page 25/f.
« M a is s i les présomptions de la lo i cessen t, celles qu'on tire des
« fa its sont encore recevables ; et comme les majeurs peuvent être
» restitués contre toutes sortes d'actes sur le fondem ent du dol per» sonnel , de même dans les mariages , ils peuvent proposer des
« moyens tirés du dol et de l'artifice, f it encore h plus fo rte raison
}) pour un majeur qui n'a pas 5o ans ; parce que la nécessité de
�( 4° )
» requérir le consentement jusqu'à cet dge , fa it présumer une espèce
» de faiblesse et de minorité ju sq u ’à cet dge. V os arrêts ont jo in t
» une seconde considération à celle que nous venons de vous faire ;
c ’est lorsque la séduction a commencé en minorité.» Arrêt de Brion.
Pothier , tome 3 , page 23 1 , N .° 2 5o , observe que la séduction n'est
pas présumée à l'égard des majeurs , à moins que la séduction n’ait
commencé dans le temps de leur m inorité, de manière que le mariage
contracté en majorité puisse être une suite de la séduction.
L e Concile de T rente ne permet pas le mariage entre la personne
ravie et le ravisseur , tant qu’elle est en sa puissance , quelque con
sentement qu’elle y donne.
L ’ordonnance de i 65g a une pareille disposition. Elle rejette le con
sentement des personnes ravies , veuves ou filles, de quelquage qu’elles
soient , tandis que les personnes ravies sont en la puissance du
ravisseur.
«
L e défaut de liberté de la Dlle. d ’Albiat résulte des circonstances
a g g ra v a n te s , qui sont encore des présomptions plus fortes et plus réelles ,
que celles tirées de la séduction.
L a Dlle. d’Albiat est retenue, depuis l’âge de 18 a n s, en chartre
privée dans la maison Foughasse , par une œuvre d ’iniquité utile à
l ’immoralité , funeste à ma fille. L a Dlle. d’Albiat habite la même
maison que M . de Fontsalive ; la D lle. d’Albiat est sous l’influence de
M . de Fontsalive. Les artifices les plus honteux sont employés pour la
captiver. M . de Fontsalive éloigne la fille de son père , et des parens
de son père. Il profite de son influence sur la mère pour l’entraîner à
rendre une plainte qui peut blesser mes fils , qu’il a intérêt de tenir
éloignés de la ville de Clermont.
Quand des tiers s’introduisent dans des ménages par des intrigues et
contre la volonté du père de famille , on peut dire qu’une famille
honnête est bien à plaindre. Vous retrouverez , Messieurs , de nouvelles
preuves de suggestion dans les actes dits respectueux.
Il résulte de ces faits bien certains, et de la position de la D lle.
d ’Albiat , une preuve que la D lle. d’A lbiat n’a pas une volonté libre ,
et qu’elle n’est pas en état de donner un consentement à son mariage.
J’ai appris , Messieurs , que M.™e d’Albiat avait quitté depuis une
quinzaine de jours l’appartement qu’elle occupait depuis trois ans dans
la maison Foughasse , et qu’elle logeait actuellement avec sa fille dans
.les bâtimens de l’hôpital de St-Joseph ; et j ’ai la certitude que M .mt:
'
d’Albiat
�(40
d’Albiat souffre que M . de Fontsalive fréquente journellement son
habitation.
L es habitudes sont toujours les mêmes. M . de Fontsalive exerce la
même influence ; il ne s’en cachë pas, par les voyages q u 'il‘fait à Riom :
il intercepte toute communication entre ma1 fille 'etfm oi : la situation'
de ma fille n ’a pas changé , et la captation dure toujours.
Je ne vous ai entretenus , Messieurs , jusqu’à ce moment que'de ques
tions de fait , tant sur la volonté libre que sur la validité du consen
tement d’une personne subjuguée en minorité, et dont la séduction a
continué en majorité. .On prétend que ces questions ne sont plus ad
mises depuis le nouveau Code , et que le Législateur a voulu protéger
la liberté du mariage.
Je rapprocherai succinctement les lois anciennes des lois nouvelles ,
sur le m ariage, et j’analyserai leur esprit. J’espère , M essieurs, vous
démontrer que la nouvelle législation est également favorable à l’op
position d’un père dans les circonstances de cette affaire.
Dans l’ancienne législation, une fille ne pouvait se marier avant 25
an s, et un garçon avant 5o ans , sans le consentement de ses père
et mère. L a loi nouvelle restreint cette défense jusqu’à 21 ans pour
les filles, et 25 ans pour les garçons; il n ’y a de différence que dans
un rapprochement d’âge.
.
, .
La loi ancienne enjoignait aux fils ayant atteint l ’âge de 3o ans,
et aux filles l’âge de 25 a n s, de requérir par écrit l’avis et le conseil
de| leurs^ père et m ère, pour contracter mariage , sous peine d’être
exhérédés par eux.
L a loi nouvelle exig e , pour la validité du mariage , que les enfans
de famille demandent le conseil de leurs père .et mère par trois actes
formels et respectueux jusqu’à 25 et 3o a n s, et par un seul acte
depuis a 5 et 5o a n s, pour les filles et fils de fam ille, à peine de
nullité, du m ariage, qui peut être demandée ipar le père, suivant l ’ar
ticle 182 du Code civil , èt de 3oo fr. d’amende et un mois d’em
prisonnement contre l’officier civil qui aurait célébré le m ariage,
suivant l’article iSy du Code civil.
(
« I l nous a paru utile aux m œurs, dit M . Portails , de fa ire
i> revivre cette espèce de culte rendu par la piété f i l i a l e , au carac~
» tère'\de) dignité , et j'o se dire de m ajesté, continue M . Portalis,
» que la nature elle-même semble avoir imprimé sur ceux qui
F
�( 4 * ')
» sont pour n o u s, sur la te r r e , l'im age et même les m inistres dit
7> Créateur. »
L a loi nouvelle est plus favorable à l’autorité des pères j à la
solennité du m ariage, à l’observation rigoureuse .des formes ; elle
n’a retranché que la peine d ’exljérédation, comme contraire à la
nature.
L a loi ancienne ne prononçait pas la nullité du
l’omission de cette formalité.'
mariage pour
L a loi nouvelle regarde , au contraire, la formalité de l ’acte respec
tueux pour demander' le conseil des père et m ere, comme nécessaire
à la validité du. mariaige.
L a loi ancienne exigeait que le consentement fut lib re ; elle déter
minait plusieurs cas où le .consentement ne pouvait pas elre libre.
C ’était une loi im m u a b le ., . commune à tous les contrats, et plus
particulièrement au contrat de, mariage j qui est le premier et le plus
essentiel des contrats. . > b
.i
L a loi n o u v e lle
co n sen tem en t. L a
prononce qu’il ne peut pas y avoir de mariage sans
liberté du consentement est également nécessaire
sous la nouvelle.'législation.
'
,..
, .
Ce principe si11naturel est exprimé d’une manière précise par M .
Portalis. « L e mariage-, dit-il , quels que soient les contractons ,
» mineurs ou m ajeurs, suppose leur consentement ; o r , point de
» consentement proprepiçrit d i t , sans liberté : requise dans tous les
»' contrats , elle doit être sur-tout parfaite et entière dans le
ty mariage. L e cœur doit pour ainsi dire respirer sans g ê n e , dons
» une action ci laquelle il a tant de part : ainsi l'acte le plus
» doux doit être encore l ’acte le plus libre. »
L a loi nouvelle est claire dans ses principes, mais elle es,t toujours
laconique et elle ne précise aucuns faits.
L a liberté du consentement est une question de fa it; la détermi
nation des faits , depuis le Code c iv il, est laissée , dans toutes le s.1
affaires, avec une grande latitude à la sagesse des Juges. Le Codé
civil ne détermine rien en général sur les questions de fait. C ’efct donc "
aux Juges à prononcer s i , d’après la gravité des faits constans de
su^estion en minorité , çt continuée en majorité , le consentefuent
peut être libre.
'
’\
L a liberté du consentement est donc , dans la loi nouvelle,, ce. qu’elle
a été dans la loi ancienne. .
'
�( 43 )
Il résulte du parallèle que je viens de tracer entre la législation
ancienne et les dispositions du Code c iv il, qui même laisse plus do
latitude aux Juges sur les questions de fait t que la liberté du con
sentement est une condition nécessaire et morale dans le nouveau
Code comme dans celui qui l’a précédé ; la seule différence est dana
le rapprochement de l’âge ; et j’en tire la conséquence que , dans lea
questions do fa it, la jurisprudence ancienne doit avoir de l ’influence
sur la décision des tribunaux.
L e nouveau Code n’a pu être assez médité sur lès questions de
mariage. O n a répandu une espèce de croyance, qu’un majeur étant
maître de sa destinée, pouvait contracter mariage malgré l’opposition
du père ; que cette opposition pouvait bien le retarder, mais ne pouvait
en aucun cas l’einpêcher. E t c’est cette assertion fausse et erronée ,
qui. a sans doute entraîné M . de Fontsalive à tout oser, à tout entre
prendre, dans la persuasion où il est et qu’il a manifestée, que l’op
position d’un père ne peut produire, dans aucun cas, aucun efiet pour
empêcher le mariage d’un en fan t, aussitôt qu’il est parvenu à l ’âge
de majorité.
L ’autorité des pères est absolue pendant la minorité des enfans ;
mais , à la majorité d’un en fan t, leur autorité est remplacée par l'au
torité des juges. L ’enfant reste toujours sous la surveillance de son
père par rapport aux mariages. L e père a le droit de stipuler l’in
térêt de son enfant devenu majeur. Il peut invoquer le secours do
la Justice et son appui tutélaire , pour empêcher un en fan t, comme
l’observe M . Portalis, de se précipiter dans des engagemens honteux
ou inconsidérés. Son espoir ne peut être trompé dans le temple des
mœurs.
L e père exerce devant les tribunaux une fonction de magistrature,
semblable à celle qu’exercent les procureurs impériaux dans les affaires
qui intéressent leur ministère. Le père n’a plus le droit de prononcer
lorsque son enfant est devenu majeur; ce droit appartien t aux Juges,
qui deviennent les arbitres souverains du mariage des enfans. Ces
principes ont été adoptés par le Code civil.
L e père est autorisé par la l o i , de former opposition au mariage
de ses enfans; c ’est la disposition précise de l’article 173 du Code
civil. L e père n’est dans le cas d’exercer ce droit , qu’à la majorité
de ses enfans. Ce droit n’est pas accordé à la puissance paternelle ,
à 1autorité paternelle; il est accordé à la tendresse paternelle, à la
sollicitude paternelle. L e père n’a plus d’autorité à exercer sur ses
enfans à leur majorité ; sa puissance est alors finie : M a is leur amour
F
2
�( 44)
et leur sollicitude ne finissent, p a s , dit M . Portalis. Pourrai t-on raisonnoblem ent, dit aussi M . Portalis, refuser aux pères et aux m ères,
a u x aïeuls et. a ïe u le s, le droit de veiller sur l'intérêt de leurs
enfans même m ajeurs, lorsque la crainte de les voir se préci
piter dans des engagemens honteux ou inconsidérés , donne l'éveil
il leur sollicitude 7
' L e droit du père est fondé sur l’intérêt des..enfans. L ’opposition du
père ou autres ascendans, n’est pas limitée à certains cas, comme l’op
position des collatéraux; elle n’est pas limitée à la simple observation
des formes. Les vues du Législateur sont plus ^étendues : le père est le
seul qui puisse faire valoir en son nom l’intérêt de ses enfans devenus
m ajeurs, pour empêcher un mariage honteux ou inconsidéré.
Les lois anciennes au torisaien t les oppositions des pères au mariage
de leurs enfans, mais elles exprimaient les cas qui pouvaient motiver
leur opposition.
L a loi nouvelle autorise également l ’opposition des pères, art.
mais elle n’exprime à leur égard seulement, aucun des cas qui peuvent
motiver leur opposition.
O n prétend tirer du silence de la lo i, là conséquence que l ’oppo
sition d’un père ne peut dans aucun cas empêcher le mariage de
son enfant devenu majeur. Le silence de la loi ne peut pas rendre
sans effet le droit qui est conféré au père , de former opposition au
mariage de son enfant. Ce droit donne nécessairement lieu à former
une action en justice contre le père. O r , si le droit accordé au père
de former opposition à un mariage honteux ou inconsidéré , ne
devait produire aucun e ffe t, ce droit serait alors un présent bien:
funeste ; il ne pourrait qu’indiquer le m a l, sans pouvoir jamais en
obtenir le remède.
Ce droit reste dans toute sa force. L’enfant même majeur est dans
une espèce de tutelle , par rapport au m ariage, tant qu'il a son père
ou autre ascendant; mais il est entièrement maître de sa destinée
lorsqu’il n’a ni père ni ascendant. L e père fait un acte de magis
trature , lorsqu’il stipule les intérêts de son enfant. Le3 Juges sont
investis par la loi du droit de prononcer dans toutes les aflaires sur
les questions de fait. La loi s’en rapporte à leur sagesse; leur pouvoir
n'est pas limité ; et ils sont absolument les maîtres de rejeter ou
d'admettre les oppositions . comme ne pouvant être fondées (pie sur
des faitr. Cependant nous
rechercher dans la pensée
Légis
lateur, ].C3 motifs de la loi.
devons
du
�( 45 )
M on opinion se trouve conforme au rapport fait le 22 mars
dernier , au Corps législatif, par M . N ogarède, d’un ouvrage intitulé,
l’Esprit du Code Napoléon , par M . Locrée , secrétaire général du
Conseil d’Etat.
L ’objet de cet ouvrage, dit M . N ogarède, rapporteur, est d ’ex,
pliquer le sens des nouvelles lois c iv ile s, non par des commen
taires dont on a trop abusé pour soutenir des sy stèm es, mais par
le sim ple développement des intentions du Législateur. L e rapporteur
ajoute : L e nouveau Code c iv il sera compté parmi les causes les
plus puissantes de la gloire et de la prospérité de la France.
T ous les développernens et toutes les applications des lois qu'il
renferm e, se trouvent réunis dans les nombreux élémens qui ont
servi à le fo rm er, et sur-tout dans les discussions dont il a été
l'objet....
C ’est la pensée du Législateur qui doit éclairer la conscience des
Magistrats. La pensée du Législateur est dans le rapport fait de la l o i ,
au nom du Gouvernement, par M . Portalis.
L e s pères et les a ïe u ls, dit M . Portalis, sont toujours magistrats
dans leurs fam illes , lors même que , vis-h-vis de leurs enfans , ils
paraissent ne se montrer que comme parties dans les tribunaux.
Leur tendresse présumée écarte d ’eu x tout soupçon de mauvaise
f u i , et elle fait excuser leur erreur.
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
v
»
»
« Il a ex isté un tem p s, dit encore M . Portalis, et ce temps
n’est pas loin de n ous, où, sous le prétexte de la plus légère
inégalité dans la fortune ou la condition, on osait form er opposition à un mariage honnête et raisonnable. M a is aujourd'hui où
l'égalité est établie par nos lo i s , deux époux pourront céder aux
douces inspirai ions de la nature, et n’auront plus h lutter contre
les préjugés de l'o r g u e il, contre toutes ces vanités sociales qui
mettaient dans les mariages la gêne , la nécessité, e t, nous osons
le dire , la fa ta lité du destin même. On a moins à craindre ces
oppositions bizarres qui étaient inspirées par l ’ambition , ou commandées par l'avarice. On ne craint plus ces spéculations combinées avec tant d 'a rt, dans lesq u elles, en fa it de m ariage, on
s’occupait de to u t, excepté du bonheur. Toutes les classes de la
société étaient plus ou moins dominées par les mêmes préjugés.
L e s vanités étaient graduées, comme les conditions : un carac/ère s u r , dos vertus éprouvées ,J les grâces de la jeunesse , les
charmes de la beauté , tout était sacrifié a des idées ridicules et
m isérables, qui faisaient le malheur des générations présentes ,
et qui étouffaient d'avance les générations il venir, »
�( 40
Vous voyez , Messieurs , que la pensée du Législateur est de repousser
ces oppositions bizarres qui étaient inspirées par l ’ambition ou commandées
par l’avarice ; ces oppositions à un mariage honnête et raisonnable sous
prétexte de la plus légère inégalité dans la fortune ; ces oppositions
où l’on sacrifiait un caractère sûr, des vertus éprouvées , les grâces de
la jeunesse , les charmes mêmes de la beauté, à des idées ridicules qui
étoüffaient d’avance les générations à venir ; ces oppositions où l’on
s’occupait de tout, excepté du bonheur. Deux époux pourront céder
aux douces inspirations de la nature. Voilà les oppositions que le L égis
lateur a voulu rejeter.
Mais suivons M . Portalis ; vous allez connaître la pensée du L égis
lateur toute entière.
D ans le système de notre législation , dit M . Portalis , nous ne
sommes plus exposés aux m ê m e s dangers ; chacun est devenu plus
maître de sa destinée : mais il ne jo u i pas tomber dans l extrém ité
contraire. L e s o u v e n ir de l ’abus que l ’on fa isa it des oppositions aux
mariages des f ils de fa m ille ou des citoj/ ens , n a pas du nous déter
miner à proscrire toute opposition ; nous eussions favorisé le je u
des passions et la licence des moeurs, en croyant ne protéger que
la liberté des mariages.
L e Législateur autorise l’opposition des pères, pour ne pas favoriser
le je u des passions et la licence des mœurs ; pour que les enfans,
comme l’a observé M . Portalis , ne soient pas précipités dans des
engagemens honteux ou inconsidérés. Voilà l’objet que le Législateur
s’est proposé. L e magistrat doit donc recevoir l ’opposition d’un père ,
toutes les fois que les bonnes mœurs sont blessées , toutes les fois qu’un
enfant peut être, victime du jeu des passions, toutes les fois qu’un
mariage est honteux ou inconsidéré.
L es lois reposent sur les mœurs. P lu s boni mores qucim bonce leges.
L e dépôt des lois est confié aux magistrats. L e cœur des magistrats est
le sanctuaire des bonnes mœurs ; le magistrat doit suivre le mouvement
de sa conscience.
Vous ne recevriez pas l’opposition d’un père k un mariage honnête
et raisonnable, sous le prétexte de la plus légère inégalité. Si un père
n'avait aucune raison décisive, vous ne recevriez pas son opposition,
même pour empêcher u n mauvais m ariage, c’est-à-dire, un mariage
où se trouverait la jeunesse sans la fortune, ou la fortune sans la jeu
nesse.
Mais le magistrat recevrait l’opposition d’un père à un mariage
honteux. O r , un mariage serait honteux, si un enfant voulait épouser
�r
( 47 )
quelqu'un qui aurait été flétri ; un mariage serait honteux, si un enfant
voulait épouser celui qui aurait attenté aux jours de son père; un mariage
serait honteux, si un enfant voulait épouser celui qui aurait dénoncé son
père, ou attenté à son honneur par quelqu’injure atroce.
L a novelle 1 1 5 , rapportée par Rousseau-Lacombe et par M . D om al,
autorisait l’exhérédation d’un enfant , si l ’enfant avait attenté à la vie
de ses parens ; s’il avait battu ses parens ; s’il leur avait dit quelque
injure atroce ; s’il leur avait fait quelque outrage ou quelque griève
offense ; s’il les avait accusés crim inellement, et qu’il leur eût occasionné
de grosses dépenses par sa dénonciation ; s’il ne les avait pas secourus,
et notamment en maladie ; s’il ne les avait pas délivrés de prison ; s’il
avait habité avec sa belle-mère.
R suffisait au .père qui avait exprimé plusieurs causes, d’en prouver
une , suivant la même novelle , chapitre 3.
Ce que la loi ancienne permettait au père contre des enfans rebelles
ou ingrats, balanceriez-vous de l’appliquer à un étranger! ne le repous
seriez-vous p a s, sur la demande du père , du sein d’une famille où il ne
s'efforcerait d’entrer que par des moyens aussi criminels? Vous ne voudriez
pas favoriser le je u des passions et la licence des mœurs ; vous ne
laisseriez pas un enfant se précipiter dans des engagernens qui seraient
honteux.
Ces principes trouvent leur application dans la conduite de M . de
Fontsalive, dont je vous ai fait le tableau.
L e magistrat recevrait encore l’opposition d’un père à un mariage
inconsidéré.
L e Législateur donne au père le droit d’empêcher un enfant de se
précipiter dans des engagernens inconsidérés : o r , peut-il y avoir un
engagement plus inconsidéré que celui où la jeunesse d’un enfant serait,
à-la fois sacrifiée à un homme âgé, valétudinaire, sans état et sans fortune ?.
L e Législateur vous dit que ce serait favoriser le jeu des passions et
la licence des m œurs, en croj ant ne protéger que la liberté du mariage.
U n jeune homme dépourvu de fortune, laisse au moins l’espoir
se procurer de l’aisance par un travail assidu ; mais au déclin de la
et avec des infirmités, on ne commence pas un apprentissage,
ii’acquiert pas des ta le n s ;o n reste ce qu’on est; toute espérance
perdue : cest le temps de jouir des tiavaux de sa jeunesse; c’est
temps de se réunir au conseil des sages.
de
vie
on
est
le
Ce mariage est inconsidéré , parce qu’il intervertit les lois de la
�( 48 )
nature ; ce mariage est inconsidéré, parce qu’il est contre nature ; ce
mariage est inconsidéré, parce qu’il répugne à la conscience du père de
fam ille; et j’ose dire que ce mariage est inconsidéré, parce qu’il répugne
à la conscience publique.
L ’opposition du père est recevable non seulement sous le rapport
de la loi ; mais encore elle est nécessaire, dans la pensée du Législateur,
sous le rapport des moeurs, sous le rapport de la société.
T o u t me paraît développé dans les principes de la législation nouvelle
sur les mariages des enfans de famille. Il ne^ peut plus exister de doute
que les pères n’aient le droit de veiller à l’intérêt de leurs enfans
même majeurs , pour les empêcher , suivant les expressions de M . Portalis, de se précipiter dans des engagemens honleuoc ou inconsidérés.
L e Législateur s’est prononcé ; il ne
passions et la licence des mœurs. Les
se rassurer ; ils auront moins à craindre
de leurs conseils et méconnaître l ’utilité
veut pas favoriser le je u des
pères de famille peuvent donc
de voir leurs enfans s’éloigner
de leurs avis.
L a Dlle. d’Albiat ma fille , naturellement timide et réservée, sans
désir comme sans expérience, a resté dans la maison Fonghasse à la
disposition de sa mère. Elle n’a eu d’autre volonté que la volonté de sa •
m ère, d’autres-sociétés que les sociétés de sa m ère, d’autres conseils que
les conseils de sa mère; elle n’a rien calculé, elle était à son âge hors
d’état de calculer ; c’est sa mère qui a tout calculé pendant sa minorité ;
c’est sa mère qui lui a donné les principes qui doivent la diriger; c’est
sa mère qui a conduit ses pas.
M a fille , sans visite préalable, et sans me faire prévenir, se rend
chez m oi, le lundi a 3 décembre, premier jour de sa majorité, à sept
heures et demie du matin, avec un notaire et deux témoins : il faisait
un froid rigoureux ; le soleil n’était pas encore levé ; le temps était'
obscur.
Ce jour mémorable pour elle , et qui lui sera toujours fa ta l, fut flétri
par un acte de violence et d’irrévérence. Il sem ble, par les coups re
doublés qu’on donnait à la porte de mon appartement, qu’elle venait
insulter, le premier jour de sa majorité, à la douleur d’un père.' Elle ne
put entrer chez moi à une heuré aussi indue. Elle revint, le 5 nivôse
ou le 26 décembre dernier, à onze heures du matin, avec M . Chevalier,
notaire, M M . Besseire de Dianne du P uget, et Boubon comme témoins.
M.
�( 49 )
M . Chevalier me remit l ’expédition d’une requête et d’une ordonnance
du Tribunal, du 24 décembre, dont je vais vous faire lecture.....
M . Chevalier, notaire 3 me présenta, au nom de ma fille , un prétendu
acte de respect tout rédigé et écrit par une main étrangère , que je n’ai
point signé, et contre lequel j’ai protesté : je vais vous en faire lecture......
J’ai fait signifier, lçr lendemain 27 décembre , à M . Chevalier, un
acte de protestation contre les deux témoins : je vais aussi vous en faire
lecture..... (1)
Les démarches de la Dlle. d’Albiat ont un caractère d’irrévérence ,
d'égarement, de faiblesse, d’abnégation d’elle-même; elle est absolu
ment subjuguée, elle n’a plus de volonté.
O n a tracé, dans la requête présentée au nom de ma fille, un men
songe avéré. Si ma fille avait cette indépendance que la majorité devrait
donner , aurait-elle signé que je ne donne aucune raison de mon refus
à son mariage ? Q uel que soit le rédacteur de cette requête , elle n ’en
contient pas moins une fausseté, de dire que je ne donne aucune raison
de mon refus. Je 11’ai cessé de donner à ma fille des raisons pour la
détourner de ce mariage, depuis que j’en suis instruit; j’en avais de
trop bonnes pour vouloir les dissimuler, et je n’avais pas intérêt de les
cacher à ma fille. M ais c’est une mauvaise ruse pour chercher à me
donner de la défaveur. Je ne puis que plaindre ma fille d’être trompée
par un entourage aussi perfide.
L e Dlle. d’Albiat se borne à me demander mon consentement, qui
lui devenait nécessaire pour abréger les délais; mais elle ne me demande
aucun conseil ; elle ne se conforme même pas à la requête et à l’ordondance des premiers juges, qui lui prescrivait, suivant ses conclusions, de
me demander conseil. Elle a contrevenu à l ’article 1 5 1 du Code civil.
Cet article s’explique ainsi : « L e s en/ans de fam ille ayant atteint la
» majorité fix é e par l ’art. 148 , sont ten u s, avant de contracter 111a» riage , de demander par un acte respectueujc et form el, le conseil
» de leur père et de leur mère , ou celu i de leurs aïeuls et aïeules,
» lorsque leur père ou leur mère sont d écéd és, ou dans l'impossi» b ilité de manifester leur volonté. »
La loi est précise , elle n’admet aucune équivoque ; le conseil doit
être demandé par un acte, et cet acte doit être formel; il doit en être dressé
procès-verbal, suivant l’article 154, ainsi conçu : « L ’acte respectueux
» sera notifié à celu i ou ceu x des ascendans désignés en l'article 1 5 1,
» par deux notaires, ou par un notaire et deux témoins; et dans le
( 1 ) Les Pièces sont imprimées à la fin.
G
�( 5o )
)) procès-verbal qui doit en être d ressé, il sera fait mention de la
» réponse. »
C ’est le conseil de leur père et de leur mère que les enfans doivent
demander, et non un simple consentement ; ils ont besoin d’élre éclairés,
et ils ne peuvent être éclairés que par le conseil de leur père et de leur
mère.
L a demande d’un conseil tient à l’essence de l’acte; les autres ex
pressions tiennent seulement à la forme de l’acte. La demande du conseil
est commandée p a rla loi; cette demande est de rigueur; cette omission
ne peut pas être réparée.
O n ne peut pas assimiler la demande d un consentement avec c
demande d’un conseil. Les expressions et les eiïets de l ’une ne sont
pas les expressions et les effets de 1 autre. L a demande d’un conseil
tend à éclairer pour parvenir
une détermination ; la demande d’un
consentement suppose au contraire une resolution déjà prise«
L ’une est un acte d’honnêtete , de déférence et d’égards ; l’autre est
un acte de grossièreté, de manquement et d’irrévérence.
Il n’est pas permis de juger la loi ; on doit se renfermer dans ses
propres expressions. Je m’appuie de l’autorité d’un arrêt de la Cour de
cassation, section des requêtes, du 19 frimaire an 14, à l’occasion d ’un
testament déclaré nul. Attendu , dit cet arrêt, que la lo i et la raison
ji admettent d’expressions équivalentes que celles qui sont synonymes
et identiques avec celles ex ig ées par la lo i , qu’ainsi la Cour de
Br(xxellt'sa p u , dans l'espèce, appliquer rigoureusement les dispositions
de l'article 10001 du Code civ il ; re jette, etc.
Je ferai une dernière réflexion. L e conseil ne doit être demandé que
sur le refus de donner un consentement ; et en effet
sur le refus
de donner ce consentement qu’il faut demander ce consèil, qu’il faut
renouveler cette dem ande, est-il dit formellement par l’article i5 a :
donc conseil et consentement n’ont pas la même signification.
Est-ce inadvertance, est-ce oubli de la part de la Dlle. d’Albiat ? Je
vois au contraire qu’elle ne perd pas de vue qu’elle a besoin de conseils,
et qu’elle doit en demander. Elle proteste au sieur d’Albiat son père,
qu’elle se pourvoira par les voies et moyens de droit pour parvenir à
son mariage, d ’après les conseils de la dame Dupuy sa mère et du
surplus de sa fam ille.
L a Dlle. d’Albiat proteste donc à son père qu’elle veut se diriger
d’après les conseils de sa mère , quelle appelle jusqu’à deux fois la dame
Dupuy y et les conseils du surplus de sa famille.
�( 5i )
T oute protestation est une irrévérence de la part d’un enfant qui
doit se borner à demander le conseil de son père, qui doit le méditer,
et attendre le délai de trois mois pour manifester sa résolution. Mais
la Dlle. d’Albiat renonce aux conseils de son p è re , aux conseils des
parens de son père qui n’ont pas voulu donner leur approbation à ce
mariage. Sa résolution est prise ; sa démarche n’est qu’une communication
irrévérencielle de mariage ; elle ne veut se décider que d’après les conseils
de la dame Dupuy sa mère , et du surplus de sa famille : aucun de
ses parens n’approuve ce mariage. Elle n’appelle plus sa mère par le
nom de son père ; elle préjuge d’avance la séparation de corps, qui est
une ouverture au divorce.
Ce n’est pas ici une simple irrévérence ; c’est une révolte audacieuse ,
conseillée par l’immoralité la plus profonde , par ces dévastateurs de
la fortune des familles , par ces amphibies domestiques , ascendans et
descendans , pères et époux, et tout cela à-la-fois.
L a Dlle. d’A lbiat fait l’aveu qu’elle est subjuguée , lorsqu’elle dit
qu’elle se trouve forcée de faire cette démarche ; mais que les avan
tages bien calculés et appréciés par la darne Dupuy sa mère et le
surplus de sa fam ille, sont impérieux dans cette circonstance , et ne lui
permettent point d’abandonner un projet mûri et approuvé par toutes
les personnes qui prennent intérêt à son mariage.
L a Dlle. d’Albiat s’est présentée chez son p è re , le 29 janvier dernier ,
avec M. Chevalier , notaire , Joseph M albet , menuisier , et Etienne
Bezombre , cabaretier , tous les deux comme tém oins, pour faire pro
céder à un second acte de respect dont il m’a été remis un double du
procès-verbal que je n’ai pas signé. Ce procès-verbal était encore en
partie tout rédigé d’avance , et il est en partie écrit par une main
étrangère : en voici la lecture . . . .
L a Dlle. d’Albiat suit dans ce second acte la même marche que dan3
le premier. Elle adhère aux mêmes raisons et motifs exprimés au pre
mier acte du 5 nivôse précédent. Elle ne demande point le conseil
de son p è re , comme la loi l’y oblige ; sa démarche 11’a d’autre objet
que de notifier à son père qu’elle est dans la ferme résolution de
ne point abandonner son projet de mariage.
Ce second acte n’est point conforme à l’art. i 5 i du Code civil. L a
D lle. d’Albiat devait encore se borner à demander le conseil de son
père. Il est irrévérenciel qu’une fille ne se présente devant son père
que pour lui notifier qu’elle est dans la ferm e résolution de 11e point
abandonner son projet de mariage , sur-tout d’après les raisons et motifs
G a
�( 5 2 }
exprimés au premier acte , et de dire encore qu’elle ne veut autrement
se soustraire à l'autorité paternelle, que dans le cas où il apporterait un
plus long refus de se rendre à ses instances ; et enfin , elle déclare
11’elle persiste dans les mêmes intentions. Cet acte est plutôt rédigé
ans la forme d’une lutte d’un enfant avec son père , que dans la
forme respectueuse d’un enfant qui doit demander le conseil de son
p ère, et ne se décider qu’après l’expiration des délais exigés par la
loi.
3
L a D lle. d’Albiat donne encore une nouvelle preuve quelle est subjugée , lorsqu’elle fait l ’aveu qu’il n’est point en sa puissance de renoncer
à cette union.
L a D lle. d’Albiat est revenue le 4 mars dernier chez son père , avec
M M . Chevalier et Chassaigne , notaires. Il m’a également été remis
un double du procès-verbal dressé par les notaires ; je l’ai signé, mais
avec protestation. Ce procès-verbal était en partie rédige d avance , et
il est écrit d’une main étrangère : en voici la lecture.....
L a Dlle. d’Albiat a fini par où elle aurait dû commencer. L e temps
ramène le calme , la réflexion donne un esprit de modération ; et la
D lle. d’Albiat aurait mieux connu ses intérêts, si elle n’avait pas été
retenue dans une maison sous l’influence de M . Fontsalive, et de ses
amis envoyés chez moi avec le notaire pour gêner la liberté réciproque
des communications entre ma fille et moi.
Ce troisième acte est rédigé dans des termes modérés. L a Dlle.
d’Albiat demande les conseils de son père; elle s’est conformée à l’art.
i 5i
du Code civil , elle en reconnaît la nécessité ; mais cet acte est
frappé d’un vice qui doit le rendre nul. L a Dlle. d’Albiat aurait dû
rétracter les deux actes des 2 nivôse et 29 janvier dernier , comme
n ’étant pas respectueux : elle n’en fait rien ; elle déclare au contraire ,
que par les mêmes motifs exprimés aux actes des 5 nivôse an 14 et
2Q janvier dernier , elle persiste à réaliser son projet de mariage avec
ledit sieur Dufreisse de Fontsalive. L ’acte n’est donc pas respectueux ,
puisque la Dlle. d'Albiat adopte les motifs des actes précedens qui
ne sont pas respectueux, et auxquels elle devait renoncer. Sa réponse
à mes observations 11 est pas îespectueuse , lorsque la Dlle. d A lb ia t dit
qu’elle prendra les moyens que kla loi lui indique pour parvenir à son
mariage : c’est vouloir anticiper le temps des épreuves , et annoncer
d’avance qu’on n’aura aucun égard au conseil qui doit être mûrement
médité par un enfant , et la loi prescrit le délai d’un mois. Ce troi
sième acte doit donc subir le sort des deux premiers.
Il semble qu’on cherche à étouffer dès sa naissance les sages dispo
�( 53 )
mettre
sitions d’une loi consacrée à la piété et au respect filial. O n veut
en parallèle avec la loi , des formules praticiennes rédigées depuis
plus de 3o ans.
Les lois de 3o ans ne sont pas les lois d’aujourd’hui. Les somma
tions respectueuses n’étaient pas nécessaires pour la validité des mariages;
elles n’élaient nécessaires que pour garantir les enfans de l’exhérédation.
Elles n’étaient devenues qu’une simple formalité , et un acte pour
ainsi dire conservatoire. Les juges évitaient d’ailleurs de prononcer
l ’exhérédation , comme contraire à la nature. Les pères n’avaient pas
intérêt de contester contre ces sommations.
M ais aujourd’hui l’acte respectueux a un but plus m oral, plus direct
au père , plus essentiel au mariage. L ’acte respectueux a un but d’utilité
pour l’enfant, qui doit demander le conseil de son père. L ’acte respec
tueux ne peut plus être éludé ; il ne doit donc pas être assimilé aux
sommations respectueuses prescrites par les anciennes lois. N e cherchons
donc pas à ternir la moralité conservée dans nos lois nouvelles, par des
formes usées sous les lois anciennes. Il faut savoir marcher en juris
consulte , c’est-à-dire en homme éclairé , et non en simple praticien
ou en homme qui ne connaît que la routine des formes.
Il a été rendu par la Cour de Bordeaux , le i 3 frnctidor
an i 5 , un arrêt rapporté dans le Journal de Sirey ( i ) , au sujet
d’un acte irrévérenciel ; je vais vous donner lecture de l’extrait
que j’en ai fa it ............. L ’acte fait par la fille à ses père et mère
est ainsi conçu : Laquelle adressant le présent acte à sesdits père et
m ère, leur a dit qu'étant dans la ferme résolution de devenir l'épouse
du sieur l Jierre-3ia rc B ....... et ne pouvant y parvenir sans au préa
lable leur fa ir e des actes respectueux , conformément à ce qui est
prescrit par le nouveau Code , lu i ayant constamment refusé leur
consentement ; elle les prie , les requiert avec tout le respect qui leur
est du , et les somme en tant que de besoin, de vouloir bien consentir
qu'elle s'unisse avec led it sieur B . . . . . , leur déclarant que dans le
cas où ils persisteraient dans leur refus , elle agira de même et
comme s’ils lu i avaient donné leur consentement ; pour quoi elle pro
teste de tout ce q u e lle peut et doit protester de ja it et de droit.
Réponse du p è re , qui ne veut pas de ce mariage déshonorant, avec
un homme qui a abusé d’un caractère sacré pour séduire sa fille.
Dires du défenseur d es’ père et mère : E lle les a sommés de con-
5
(i) An i , tome
4 > décisions diverses ,
page i
85.
�( 54 )
sentir a son mariage ; elle leur a annoncé qu'elle, était résolue a
le contracter , et qu'elle passerait outre nonobstant leur refus;
e lle s'est permis de faire contre eu x des protestations ; loin d ’avoir
demandé des conseils , elle leur a implicitement déclaré qu’elle saurait
§’en passer, ou quelle était résolue à n ’y avoir aucun égard. Ainsi la
puissance paternelle , les égards que la nature et la loi commandaient,
ont été méconnus.... L ’arrêt rendu , considérant que l’art. 1 5 1 n’autorise
pas les enfans à dresser des sommations........ déclare les actes dits
respectueux , nuls.
U n arrêt rendu par la Cour d’appel de Rouen, du G mars 1806, déclare
des actes de respect suffisans et respectueux,. quoique le mot sommé se
trouvât dans les actes ; mais M . Bnère , s u b s titu t du procureur-général,
qui a pris des conclusions conformes à l’arrêt,.a observe que dans l’espèce
de l’arrêt de Bordeaux, on voit une filie rebelle aux douces insinua
tions de l’amitié paternelle, qui refuse de voir son père avant les actes
respectueux, quoiqu’il l’en ait tendrement soilicitee. D ailleurs, les actes
de cette fille n ’é t a i e n t rien moins que respectueux ; ils contenaient des
expressions a n n o n ç a n t du dédain pour son père , et de l ’affectation
à le braver.
Vous devez vpir , M essieurs, par l’ensemble de ces actes , combien
ma fille est subjuguée, combien elle est trompée.
L e langage , le style des conseils de la Dlle. d’A lb ia t, prouve qu’on
veut exercer la persécution sur ma fille comme sur m o i, et qu’on veut
la sacrifier. Il semble même qu’on ne la dirige que pour la précipiter dans
un abyme de maux.
O n a la noirceur de lui faire déclarer dans un acte public , qu’elle se
trouve forcée de faire cette démarche ; que les avantages sont impérieux
dans cette circonstance , et ne lui permettent pas d’abandonner ce
projet. O n lui fait encore répéter , dans le second acte, qu’il n’est point
en sa puissunce de renoncer à celte union.
M a fille est donc forcée , elle est subjuguée , puisqu’il n’est pas en
sa puissance de renoncer à cette union. Sa volonté 11’est donc pas libre.
Il est vrai qu’elle est retenue en chartre privée depuis trois ans ; qu’on
l ’a éloignée de mes conseils et de ceux de mes parens. Cette décla
ration commandée est d’une impudeur réfléchie et atiectée. Les perfides
conseils de ma fille sont moins occupés de ménager son honneur, que
d ’assurer à M . de Fontsalive une possession qui ne puisse pas lui
échapper.
Je trouve encore dans ces actes prétendus respectueux , une preuve
que M . de Fontsalive a fréquenté la société de la dame d’A lbiat et
�( 55 )
de sa fille. O n Fait déclarer à m t file , dans le premier acte , que les
rapports du caractère de M . de Fontsalive avec le sien, et sa délica
tesse et honnêteté , qui lui sont bien connus, ne peuvent que la fortifier
dans ses premières intentions ; dans le second acte , qu’elle croyait
trouver dans cette union son bonheur, par une sympathie d’humeur et
de caractère. L a Dlle. d’Albiat n’a pu acquérir cette connaissance de
caraclère et de sympathie, que par une fréquentation ancienne et habi
tuelle. T o u te preuve testimoniale me devient inutile.
Je vois encore la preuve que cet arrangement s’est depuis long-temps
concerté avec la mère , puisqu’on fait dire à ma fille que les avantages
im périeux, dans cette circonstance, ont été calcules par la dame D u p u j
sa m ère, et qu’elle se pourvoira par les voies et moyens de droit, d’apres
les conseils de sa mère. E t en effet, M . Dufreisse l’aîné avait été chargé
en mon absence , il y a un a n , ma fille étant encore mineure, de parler
à M . Chabrol de Iliom , de ce projet de mariage , pour en obtenir son
approbation.
Vous voyez actuellement, M essieurs, que M . de Fontsalive n’a
répandu contre moi la diffamation , que pour me repousser de la
maison Fonghasse, moi qui suis le père de famille ; pour ravir ma fille
à ma surveillance qui lui était incommode , pour la fréquenter contre
mon gré , contre ma volonté expresse , pour la tromper , la réduire à
un état de langueur , de misère , et en faire sa garde-malade. Une
mort prochaine sera la plus belle perspective qu’elle puisse attendre.
Fille malheureuse et trompée , ô ma fille ! j’ai voulu garantir ta jeu
nesse des écueils qui te menaçaient. J’ai réclamé la sûreté de ta
personne ; pouvais-je développer un caractère plus honnête ? pouvais-je
taire un acte plus moral ? Je remplissais un devoir religieux ; j’en ai
été puni. J. u as ete livrée contre ma volonté paternelle ; tu as été
laissée a la disposition de celui qui subjugue ton esprit, tu es menacée
de devenir sa victime; et pour que tu n ’échappes pas à ses intrigues ,
des conseils perfides et complices veulent te iaire dire qu’il n’est pas
en ta puissance d ’y renoncer.
L a conduite de la Dlle. d’Albiat deit vous paraître bien répréhen
sible , d’après les actes que je viens de vous analyser ; rassurez-vous ,
Messieurs; rassurez-vous, pères de fam ille; la Dlle. d’Albiat s’est bornée
me demander mon consentement
son mariage , mais pour le sur
p lu s, elle ne m’a rien dit de tout ce qu’on lui fait dire, elle n’a rien
observe de tout^ ce qu’on lui fait observer. C ’est une énonciation con
traire à la vérité. L a preuve de ce que j’avance est consignée dans ces
M.
a
actes mêmes.
à
Chevalier , notaire ? s’est présenté chez moi avec des
�( 56 )
actes écrits , et ces actes ne sont pas même écrits par M . Chevalier ;
il est donc prouvé qu’il n’est point le rédacteur des observations que l’on
prétend que la Dlle. d’Albiat m’a faites. Ces actes ne sont pas de simples
actes recordés ; c’est un procès-verbal que le notaire doit rédiger , suivant
l ’article i /j . du Code civil.
5
Q u ’est-ce qu’un procès-verbal ? U n procès - verbal est un écrit qui
contient l’exposé fidelle de tout ce qu’un fonctionnaire public a vu ou
entendu. U n procès-verbiil devient alors le miroir de la vérité, qui doit
réfléchir sur tous ceux qui veulent s’en servir , de la même manière
que sur l'officier public qui a tout vu ou tout entendu. Ce ne sont pas là des
idées métaphysiques , ce sont des idées simples et claires. O r, un juge
ne dresse procès-verbal d’un corps de d é lit, que parce qu’il l’a vu ;
un iu^e ne dresse procès-verbal de la déposition des témoins, que parce
qu’il a entendu la déposition des témoins : il no dresse procès-verbal
que de ce qu’il a vu ou entendu. Q uelle confiance auriez-vous à un
fonctionnaire public qui doit vous attester par son écrit ce qu’il a vu ou
entendu, et q u i c ep en d a n t n’a rien écrit ni rien fait ecrire en sa présence
au m o m e n t de ce qu’il a pu avoir vu ou entendu ? L a signature du témoin
sera it insuffisante , puisque le fonctionnaire public doit transmettre par
son procès-verbal la vérité comme il l ’a vu ou entendu.
O n ne doit pas confondre, dans un procès-verbal , ce qui tient à la
forme avec ce qui tient à l’essence de l’acte. Ce qui tient à la forme
est du fait du notaire ; ce qui tient à l’essence de l ’acte est du fait
des parties. O r , il est indiffèrent d’écrire d’avance et hors de la présence
des parties, tout ce qui tient à la forme ou au préambule de l ’acte. J’ajou
terai encore que tout ce qui est du fait d’une des parties seulement, pourrait
encore être écrit d’avance ; cela pourrait être une irrégularité , cela
pourrait être une preuve de suggestion, mais ne serait pas un faux.
A u m o m e n t où les deux parties sont en présence; au moment où un
enfant fait à son père ou un exposé ou des observations , pour me
servir des termes mêmes de ces actes ; au moment où commence la
conférence entre le père et l’enfant, le fonctionnaire public écoute ,
le fonctionnaire public constate par son écrit ce qu’il a entendu, ou
plutôt il en dresse procès-verbal , et son procès-verbal doit faire foi :
il ne peut pas lui être permis d’écrire au - delà de ce qui a été dit.
JVL. Chevalier , notaire , a
écouté , a-t-il entendu , a-t-il écrit ou fait
écrire en ma présence le procès-verbal qu’il devait dresser? M . Chevalier »
notaire , n’a point écoute , puisque ma fille n’a rien dit ; M . Chevalier
n’a rien entendu, puisque ma fille a gardé le silence ; M . Chevalier n’a
rien écrit ni fait écrire eu ma présence , puisque son procès - verbal était
écrit par une main étrangère , et avant d’arriver chez moi.
M.
�( 57 )
M . Chevalier n’a rien entendu, M . Chevalier n’a rien écrit; et il est
absurde qu’il veuille attester par sa signature que le procès-verbal des
actes dits respectueux est son ouvrage , qu’il a entendu, qu’il a dressé
procès-verbal, ou écrit avoir entendu. 11 ne peut pas y avoir procèsverbal de la main d’un notaire qui n’a pas écrit. 3YI. Chevalier a donc
faussement certifié avoir dressé procès-verbal, puisqu’il n’a pas écrit la
partie du procès-verbal que j’atlaque comme contraire à la vérité.
On a dicté et écrit d’avance ce que la Dlle. d ’Albiat devait dire à son
père; et ma fille n’a pas eu l’impudeur de me le dire; M. Chevalier n’a
pas eu la peine de l’écrire : ce n’est donc qu’un procès-verbal fait sous la
cheminée.
U n pareil procès-verbal ne pèut pas être considéré comme un procèsverbal de forme, qui reçoit une authenticité suffisante par la signature
de la partie requérante et du notaire.
U n pareil procès-verbal est de rigueur. Il doit recueillir scrupuleux
sement les paroles d’un enfant , afin que la Justice puisse avoir la
certitude que la démarche de l'enfant a été respectueuse.
U n conseil peut bien sans doute régler d’avance ce qu’un enfant doit
dire à son père ; mais il est dangereux d’en préparer d’avance l’acte ,
dans l’incertitude si l ’enfant osera s’exprimer de la même manière ; parce
que l’acte devenant l ’ouvrage du notaire, ne doit attester que la vérité de
ce qui se dit et nondeeequi doit se dire. Mais ne serait-il pas plus simple
de laisser à un enfant la liberté de s’exprimer naturellement ? Son cœur,
son éducation son habitude le porteront toujours à parler avec respect;
et il écoutera avec plus de confiance les conseils de son père. U n
conseil étranger gale tout ; un conseil inspire quelquefois à un enfant
la révolté , flatte ses passions , entretient ses erreurs, et ne conserve la
confiance que par la défiance qu’il donne.Quoique cet inconvénient n’existe
pas toujours , il s’est réalisé dans cette circonstance. M a fille dirigée
par elle-même a été réservée et décente ; ma fille dirigée par ces actes
qui étaient l’ouvrage de ses mauvais conseils , a été irrespectueuse.
U n énoncé faux n’est pas toujours criminel.. Il n’est pas criminel
lorsqu’il est matériel ; il est simplement matériel lorsqu’il ne peut pas
nuire à un tiers. Cette fausse énonciation est nuisible. lille prépare ma
fille a commettre une action mal-honnête et irrévérencielle envers son
père ; elle est donc nuisible. Cette fausse énonciation prouve la sug
gestion ; M . Chevalier s’en rend complice ; elle est donc nuisible. Cette
Fausse énonciation suppose l’irrévérence commise par un enfant envers
son père ; l’irrévérence d'un enfant envers son père est contraire à la
nature t est contraire a l lionnetete publique ; cette fausse énonciation est
H
�< 58 > _
donc nuisible. Celte fausse énonciation arrête 1élan du sentiment ,
étouffe la pensée , gêne la liberté de s’exprimer naturellement , détruit
les heureux effets d’une communication entre le père et l ’enfant ; cette
fausse énonciation est une fraude aux dispositions de la loi; elle est
donc nuisible. T o u t ce qui est nuisible doit être réparé : ces actes
doivent donc être rejetés.
Ces actes sont nuls dans la forme ; ils n’ont point ce caractère suffisant
d’authenticité, comme ayant été rédigés d’avance , et par une écriture
étrangère à celle du notaire.
L es actes des 5 nivôse et 29 janvier derniers sont nuls au fonds ; ils
ne font aucune mention de la demande que devait faire la Dlle. d’Albiat
du conseil de son père , conformément au texte formel de l’art. i 5 i du
Code civil.
Les actes des 5 nivôse , 29 janvier et 4 mars derniers sont encore
nuls au fonds, comme n ’étant pas respectueux , et ne contenant que
des protestations ou renonciations de la Dlle. d’Albiat aux conseils de
son père , pour s’en tenir à ceux de sa mère, qu’elle appelle la dame
D upuy. Ces actes n ont d’autre effet que de prouver que la Dlle. d’Albiat
est subjuguée, et qu’elle n’a pas une volonté libre.
Les moyens de captation ont été préparés d’avance, et sont prouvés
par les actes mêmes.
L e projet de mariage était arrêté depuis trois ans , et lorsque ma
fille n’avait que dix-huit ans ; ce fait est constaté par le jugement dont
est appel. Je n’en ai été instruit que deux ans après , et postérieu
rement a l’arrêt du 11 fructidor an 12. Le père a été éloigné ; la fille
a été laissée a la disposition de sa mère dans la même maison où M.
de Fontsalive avait fixé sonlogement. Si vous aviez pu connaître cet état de
choses qui est aujourd’hui avoué , vous 11'eussiez pas rendu l’arrêt du
11 fructidor, surpris à votre justice par une mère qui vous laissait ignorer
ses secrètes intentions.
Ce mystère ténébreux a fait le malheur d’un père qui doit actuellement
vous être mieux connu. C elle intrigue sourde prouve jusqu'à quel point
la captation a été préméditée.
Cette captation résulte de la précipitation qui a été mise à faire ces
actes , sans en prévenir le père , sans prendre l’avis d’une famille, sans
mettre aucun intervalle entre la minorité et le temps de la majorité , sans
laisser quelques inslans à la méditation , sur-tout dans un moment
où la dame d ’Albiat djvait recueillir une succesiion de plus de soixante
mille francs.
�( 59 )
L a captation est prouvée par la précautiori qu’on a prit d’envoyer
pour témoins M M . de Dianne du ro u g e t, et Bouben , intimes amis
de M . de Fontsalive, et qui paraissent n’avoir été choisis que pour
circonvenir la Dlle. d’Albiat et violenter son père , dans le moment
même où il devait exister une grande indépendance. Cependant la
D lle. d’Albiat aurait dû çtre éloignée de l’influence de M . de Font
salive, au moment d’un acte qui devait être libre et respectueux*
L a captation résulte de l’acte que j’ai fait signifier à M . Chevalier,
notaire, le lendemain 6 nivôse , contenant mes protestations contre le
choix de ces deux témoins, comme intimes amis de M . de Fontsalive,
et notamment contre M . de Dianne du Pouget, un des habitués de la
maison F on g ha sse, pour avoir fait des interruptions désagréables audit
d ’A lb ia t, et avoir manifesté une contradiction sur des ïaits positifs ,
avancés par ledit d’Albiat à sa fille; attendu qu’il ne pouvait exister
de communication libre entre ledit d’Albiat et sa fille , en présence
de témoins intimes amis de M . de Fontsalive.
L a captation est prouvée par la précaution qu’on a prit d’écrire
d ’avance ce qu’on voulait faire dire à ma fille.
L a captation est prouvée par. le silence de la D lle. d’Albiat en pré
sence de son père.
L a captation est prouvée par les actes mêmes , où il est dit que
la Dlle. d’Albiat est forcée de [faire une démarche qui porte avec
elle le caractère d ’une désobéissance, mais que les avantages bien
calculés et appréciés par sa mère , et qui sont impérieux dans cette
circonstance, ne lui permettent pas d’abandonner ce projet ; qu’elle
regrettait de ne pouvoir se rendre aux vœux de son p e re , mais qu’il
n’etait pas en sa puissance de renoncer à cette union.
L a captation est prouvée, lorsqu’on fait dire dans ces actes, contre
les règles immuables de la nature, que la Dlle. d’Albiat croit trouver
dans cette union son bonheur, par une sympathie d ’humeur et de
caractère, malgré que les goûts et les jouissances des jeunes per
sonnes sympathisent peu avec ceux des gens âgés et valétudinaires.
L a captation est prouvée par la continuité de co-habitation de M . de
Fontsalive dans la même maison , par la fréquentation habituelle de
M . de Fontsalive avec la D lle. d’Albiat.
Cette captation est attentatoire à l’arrêt du n fructidor an 12,'
puisque M . de Fontsalive n’a pas respecté l’asile de la fam ille, contre
la volonté du père de fam ille, exprimée publiquement à votre audience
comme devant les premiers Juges.
H a
�( 6o )
Cette captation est encore une violation manifeste à l’arrêt du n
fructidor an 12 , puisque M . de Fontsalive a interrompu l’éducation
que la Cour avait commandé à la dame d’A lbiat de donner à sa
fille.
Cette captation n’a laissé à la Dlle. d’Albiat aucune faculté à la
réflexion , aucune liberté pour faire des actes respectueux. Cette cap
tation serait seule un m otif suffisant pour annuller les actes qui m’ont
été faits.
O n a employé des moyens violens pour parvenir à la captation.
a bravé la puissance paternelle en tr o m p a n t votre justice. O n a
bravé la Justice en abusant de votre arrêt. M . de Fontsalive a bravé
l ’honnêteté publique en se fixant dans la même maison , sous le meme
to it, et à la suite de l ’a p p a r t e m e n t quoccupait la Dlle. d’Albiat. L a
décence et l’honnêteté publique ne lui permettaient pas de fréquenter
l ’habitation où la Dlle. d’Albiat avait été mise en dépôt par autorité
de justice, s u iv a n t la disposition des arrêts , et les maximes établies
par M . l’Avocat-général Gilbert de V oisins, portant la parole lors
d ’un arrêt du 8 mai 1 7 4 1 , cité par D en isart, au mot m a ria g e,
N .a 190. Ce Magistrat requit d'office la défense aux parties de se
fréquenler , malgré que le mariage déclaré nul par défaut de form e,
parût sortable.
On
L a pensée se reporte naturellement sur la dame d’Albiat. Je voudrais,
M essieurs, pouvoir vous dissimuler , je voudrais me dissimuler à moimême les reproches bien plus réels que j’ai le droit de lui faire ,
que la Justice doit lui faire. Sa fille était confiée à sa garde ; elle
l ’ava it obtenue contre la volonté du père de famille , contre la décision
des premiers Juges. Seule et unique régulatrice des pensées, des
v o lo n té s de sa fille qui lui était soumise , dévouée et assujettie par
la nature de son caractère et de sa position, elle d evait, suivant les.
expressions de l’Edit de 1 56o , lui rendre le double office de père et
de mère ; et cependant elle l’abandonne , elle néglige de la surveiller ,
elle souffre des assiduités, des fréquentations continuelles. ÜYlais }
Messieurs , ce qui vous paraîtra incroyable et ce qui est peut-être
sans exemple , 011 ne cherche pas même à recouvrir la dame d A lb ia t
du voile du mystère, à la soustraire aux soupçons qui peuvent s’élever
contre e lle , à l’excuser sur les présomptions et les probabilités qui
sont constantes ; on l ’associe , contre l ’usage reçu , à ce projet de
mariage et aux moyens d’exécution. On a fait enfin l’aveu à l’audience
du Tribunal de' Clerm ont, que ce projet de mariage était arrêté
par la 'dame d’AIbiat depuis trois ans , et avant la moit de M me.
�( 61 ? ,
de Vernines la m ère, qui en avait été instruite et avait donné son
consentement.
Q uelle étrange révélation ! Je l ’ai appris pour la première fois à
l ’audience du Tribunal de Clermont. Q uel mystère ténébreux ! J'ai
vécu dans la maison Fonghasse plus d’un a n , et la dame d’Albiat
ne m’en a jamais rien dit. Q uel concert affreux ! M . de Fontsalive
qui déjà était adopté par la dame d’A lbiat, méditait ma ruine. Q uel
aveuglement ! La dame d’Albiat demandait à la Justice que sa fille
lui lut confiée , et elle ne voulait que préparer les liens d’un mariage
déjà arrêté. Q uel égarement ! L a dame d’Albiat éloigne la défiance
que j’élevais contre M . de Fontsalive , en le désignant en la Cour
sous un âge avancé : elle ne voulait que ravir sa fille à la surveillance
de son m ari, la laisser sans conseil comme sans appui, sous l’influence
d ’un homme qui doit faire son malheur.
Les droits d ’un père ont été méconnus ; un enfant est clandestine
ment sacrifié ; la Justice est trompée. Je ne vois pas , M essieurs, qu’il
soit possible d’imaginer une combinaison plus outrageante pour un
p ère, plus désastreuse pour un enfant ; et on ose venir à une audience"
en faire l’aveu. Q ue de réflexions ne pourrais-je pas faire ! mais j’ai
le cœur trop serré.
C ’est la mère qui a m édité, réfléchi et calculé, pendant la mino
rité de sa fille , les avantages impérieux de cette union. C'est la mère’
qui a donné des conseils ; c’est la mère qui , pendant la minorité a
donné son consentement, malgré le refus du père de donner le sien.
L a dame d’Albiat devait préalablement en délibérer avec moi, puisque"
j ’habitais alors avec elle. L a loi lui imposait l’obligation de concerter
avec son mari le consentement qu’elle voulait donner à ce mariage,
et qui aurait dû être produit avant les actes de respect ; c ’est ce qui
résulte de l’article 148 du C o d e, qui porte qu’en cas de dissentiment,
le consentement du père suffit.
Si la dame d’Albiat avait eu les ménagemens que sa position et la
mienne semblaient commander ; si elle avait voulu connaître l’opinion
du père de famille , et de la famille entière, avant de se d écid er,
elle aurait mieux calculé, et elle ne se croirait pas forcée de conduire
sa fille , comme une victim e, à l’autel.
C ’est daiis l’âge de la faiblesse, c’est dans lage de l ’inexpérience,
c’est pendant sa minorité que ma fille a été égarée par les faux
calculs de sa mère; c’est pendant sa minorité et depuis l ’âge de dixliuit a n s, qu’elle est trompée par les conseils de sa mère ; et on ose
en faire l’aveu.
U ne mère révoltée contre la puissance m aritale, même dans le
moment le plus important de la v ie , ne peut que faire de mauvais
calculs, et ne donner que des conseils irréfléchis à ses enfans.
�( 62 )
T o u t est donc éclairci dans cette cause , sans avoir recours à des
témoignages timides ou suspects. On n’a donné l’épouvantail de crimes
im aginaires, invraisemblables , que pour exécuter des crimes trop
réels , des crimes prouvés. Je me plais à répéter , que Dieu ne
permet pas toujours que le crime puisse long-temps triompher. L e
complot est à la fin découvert , même lorsqu’on peut encore le
réparer.
Dans quelle situation ne me jettent pas les agens de la dame d’A lbiat,
lorsqu’ils réduisent un père malheureux à la cruelle nécessité de
confier au public l’histoire des malheurs de sa famille , pour sauver
sa fille de malheurs qui seraient irréparables ! La dame d’Albiat est
dans leurs mains un instrument^ qu’ils tournent à leur fantaisie ,
suivant leurs caprices, leur in teiêt, leurs passions. L a conduite de
toute ma vie est le reproche de la leur. Ils veulent envelopper et
anéantir une famille qui a une antique possession d é ta t, une antique
possession d’honneur et de probité qui ne se sont jamais altérés.
Epouse faible et trompee , mère credule et im prudente, dis donc
où t’ont c o n d u it jusqua présent les conseils, tes agens, ton entourage
et tes éclats. Vois la position où tu places ton mari, vois celle que tu
destines à ta fille, vois ta position même. Q ue penses-tu? quel est ton
bu t ? C ’est en t’éloignant de ton m ari, c’est en te privant de ses conseils
que tu as ouvert cet abyme de maux. 11 en est temps encore , reprends
le rang qui convient à ton époux, à ta famille , à tes enfans, au nom
que tu portes. Songe que la qualité d ’épouse est s i honorable, dit
M . Fortalis, q u e , suivant l'expression des anciens , ce n'est point la
volupté , mais la verlu , l'honneur même qui la fo n t appeler de ce
nom. .
i
JJxorem digm talis nomen e s s e , non voluptatis.
Messieurs , la loi vous a revêtus d’un grand pouvoir ; vous allez
donner un exemple mémorable qui va influer sur la morale publique.
Chaque père de famille attend avec une inquiète sollicitude votre dé
cision. Vous ne favoriserez point le je u des passions et la licen ce
des mœurs; vous ne souffrirez pas que des hommes sans fortune s’in
troduisent impunément dans les ménagés pour y porter le trouble et la
désolation; vous resserrerez davantage le lien des familles; vous proté
gerez l'esprit de fam ille contre l'esprit de so ciété, contre les calculs
de la séduction, contre les intrigues ourdies dans l’ombre d’une société
mal assortie. L/outrage préparé avec art sera vengé ; vous maintiendrez
les bonnes m œurs, et l ’autorite paternelle qui les défend.
S ig n é
d’
A l b ia t .
�( 63 )
COPIES
DES
ACTES.
Aujourd’hui cinq nivôse an quatorze , vingt-six décembre dix huit cent
cinq , heure de onze du matin ; en conséquence de l’ordonnance de
M . le Président du Tribunal civil de Clermont-Ferrant, du trois du
présent, étant au bas de la requête à lui présentée le môme jo u r,
et annexée à la minute des présentes, en la présence et assisté de
M .e C hevalier, notaire en ladite v ille , commis par ladite ordonnance,
et des témoins ci-après nommés, soussignés, la Dlle. Claire-Joséphine
d ’A lb ia t, fille m ajeure, habitante de ladite ville de Clermont, s’est
transportée en la demeure de M . Jacques-Pierre-Marie-Anne d ’A lbiat
son père , ancien Procureur du Roi en la ci-devant sénéchaussée de
ladite ville , y habitant; où étant, et parlant à sa personne,
Ladite Dlle. d’Albiat a exposé qu’elle se propose de contracter ma
riage avec M . Joseph-Guillaume Dufreissede Vernines-Fontsalive, majeur,
habitant de la même ville; que le refus de son père d’y ‘consentir lui
devient d’autant plus pénible, qu’elle se trouve forcée de faire une dé
marche qui porte aven elle le caractère d’une désobéissance; qu’elle eût
bien désiré tenir de lui la faveur que lui accorde la loi du a 6 ventôse
au i i , articles i 5 r et 1 5a ; il lui eût épargné le désagrément d ’un acte
qu’elle craint autant cpi’il répugne à son cœur ; mais que les avantages
bien calculés et appréciés par la dame D u p u j sa mère et le surplus
de sa famille , sont impérieux dans cette circonstance , et ne lui per
mettent point d abandonner un projet'm ûri et approuvé par toutes les
personnes qui prennent interet à son mariage : en conséquence, qu’elle
priait et suppliait respectueusement sondit père de se rendre à ses ins
tances , et de joindre son consentement à celui dp ladite dame Dupuy
sa m ère, nécessaires à son mariage avec ledit sieur Dufreisse de Vernines.
( ci-dessus écrit d'avance et non par le notaire) (i). Ladite Dlle. d ’Albiat
a signé, avec les sieurs Jean-Baptiste de Dianne du P ouget, et Antoine
Bonbon, tous propriétaires liabitans de cette ville, témoins présens au
présent acte ; avec nous Chevalier , notaire, qui avons donné lecture
d ’icelui.
d ’A l b i a t , d e
D ia n n e
du
P o u g e t , B oubon.
C H E V A L IE R .
(i)'Voyez, pages 55 et suivantes.
�( 64 )
L e sieur d’Albiat a observé que l’acte est incom plet, puisqu’on no
lui donne pas l’âge précis de M . Dufreisse-Fontsalive, qu’il lui est essentiel de connaître ; et au surplus, sous toutes réserves quelconques,
il a répondu qu’ayant consulté sa fam ille, et conformément à sou avis
unanime, il ne p e u t, ne d o it, ni ne veut donner son consentement à
ce mariage : d’ailleurs il observe qu’il ne peut y avoir de mariage lorsqu’il
n’y a pas de consentéftient; qu’il ne peut y avoir de consentement libre
lorsqu’il y a séduction ; qu’on ne peut pas vouloir ce qui est essentiel
lement nuisible.
« E t attendu que ladite Claire-Joséphine d’Albiat sa fille, est depuis long
temps subjuguée par des péfrsonnes qui ont abusé de sa faiblesse pour prendra
et'exercer sur elle un ascendant et une domination qui l'empêchent
d ’avoir d ’autre volonté que la l e u r , ledit sieur d’Albiat se réserve de
former opposition audit m a r i a g e , et de fahe valoir ses causes et m oyens,
ûvec protestation contre ca qui peut et doit être protesté. Et a déclaré
ne vouloir signer sa réponse, de ce enquis et interpelle.
Ladite D lle. d’Albiat proteste audit sieur d’Albiat son p ère, que sans
avoir dessein de manquer au profond respect et à la reconnaissance
qu’elle lui d oit, elle se pourvoira par les voies et moyens de druit pour
parvenir à son mariage , d'après les conseils de sa mère et du surplus
de sa famille; attendu qu’elle n’ignore pas que M . Duireisse-Fontsalivo
est plus âgé qu’elle , mais que les rapports de son caractère avec le
sien, et sa délicatesse et honnêteté, qui lui sont bien connus, ne peuvent
que la fortifier dans ses premières intentions. Desquelles sommations ,
réponses , déclarations et protestations, elle nous a requis a cte , que lui
avons octroyé lesdits jour et an. E t a été laissé audit sieur d A lbiat
copie çollationnée de la requête et ordonnance sus-énoncées, et des
présentes signées de nous et des témoins. Fait et clos et passé en la
maison dudit sieur d ’A lb ia t, à l’heure dç m id i, après avoir donnô
lecture des présentes.
d ’A l b ia t
,
de
D ia n n e
du
P o u g e t , B oubon.
CHEVALIER.
L ’AN quatorze, et le six nivose, à la requête de M . Jacques-PierreM arie-Anne d’A lb ia t, habitant de cette ville de Clermont-Ferrant, dé
partement du Puy-de-D ôm e, rue de l’Eclache, où il fait élection de
domicile ; je , Claude Vidalein, huissier patenté N .° 6 1 , reçu au Tribunal
civil de l’arrondissement de Clermont-Ferrant, résidant à Clerm ont,
soussigné, me suis transporté au domicile de M . Chevalier , notaire
en
�( 65 )
en cettedite v ille , rue des Carm es, où étant, et en parlant à sa do
mestique, je lui ai audit nom déclaré, que le jour d’h ie r, heure do
onze du m atin, lui Chevalier s’est transporté subitement chez moridit
sieur d’Albiat avec la Dlle. d’Albiat sa fille , assisté de M M . de Dianne
et Boubon comme témoins choisis par lui Chevalier, pour être présens
à la rédaction d’un acte fait au nom de ladite Dlle. d’A lb ia t. relative
ment à un projet de mariage entre ladite Dlle. d’Albiat et M . Dufreisse
de Fontsalive ; et comme lesdits deux témoins se sont déclarés être amis
particuliers de M . Dufreisse de Fontsalive, et qu’ils le sont en e ffe t, et
que mondil sieur de Dianne a fait plusieurs interruptions désagréables
audit d’A lbiat, et même manifesté une contradiction sur des laits positifs
avancés par ledit d’Albiat à sa fille , et qu’il ne peut exister de commu
nication libre entre ledit d’Albiat et sa fille en présence de témoins
intimes amis de M . Dufreisse de Fontsalive ; ledit sieur d 'A lb ia t, sans
aucune approbation dudit acte du jour d’hier, somme M .e Chevalier de
faire choix d’autres témoins qui ne soient point de la connaissance
intime de M . Dufreisse de Fontsalive, sinon il le rendra personnellement
garant et responsable de la violation qui serait faite de son domicile et
du trouble qui serait apporté à sa tranquillité ; sous toutes réserves et
protestations quelconques.Et a ledit d’Albiat signé avec nous huissier,
tant sur l’original que sur la co pie, lesdits jour et an.
d ’A lb ia t.
V i d a l e in.
Enregistré à Clerm ont, le i o nivôse an 14 , fol. 134 ; reçu un franc
dix cent, dixième compris.
n-,
L
T R U N E L.
Aujourd’hui vingt-neuf janvier dix huit cent s ix , heure de onze du
matin ; en conséquence de l’ordonnance de M . le Président du Tribunal
civil de Clermont-Ferrant , du trois nivôse an quatorze , étant au bas
de la requête <1 lui présentée le même jo u r, et annexée à la minute
du premier acte de respect fait le cinq dudit mois de nivôse, en la
présence et assistée de M .e Chevalier, notaire en ladite ville, commis
par ladite ordonnance , et des témoins ci-après nommés , soussignés,
ladite Dlle. Claire-Joséphine d’A lb ia t, fille majeure, habitante de la
même ville , s’est derechef transportée en la demeure de M . JacquesPierre-Marie-Anne d’Albiat son père, ancien Procureur du Roi en la
sénéchaussée de ladite ville, y habitant; où étant , et parlant à sa
personne, ladite Dlle. d’Albiat a réitéré l’intention où elle était de
contracter mariage avec M . Joseph - Guillaume Dufreisse de VerninesFontsalive, majeur, habitant de la même ville, et lui a observé que par
les memes raisons et motifs exprimés au premier acte dudit jour cinq
nivôse an quatorze, elle était dans la ferme résolution de ne point
/
I
�( 66 )
qu’elle
abandonner son projet de mariage, avec ledit sieur Fontsalive ;
re g re tta it infiniment de ne pouvoir se rendre aux vœux de son père ,
mais qu’il n’était point en sa puissance de renoncer à une union dans
laquelle elle croyait trouver son bonheur, par une sympathie d’humeur
et de caractère ; qu’elle espérait que l’avenir justifierait aux yeux de son
père toutes les considérations qu’elle a pu faire valoir pour se refuser à
ses désirs; et qu’elle lui renouvelait en conséquence sa prière de lui
donner son consentement, avec toute la soumission et tout le respect dû
à l’autorité paternelle , à laquelle elle ne voulait autrement se soustraire
que dans le cas où il apporterait un plus long refus à se rendre à ses
instances.
( Ci-dessus écrit d ’avance, et non par le notaire. )
( i)
Ledit sieur d'Albiat déclare qu’il persiste dans son refus, et par les
mêmes motifs , attendu qu il voit avec peine que sa fille est subjuguée
par un homme sans fortune , ayant près de quarante-quatre ans , étant
accablé d’infirmités, étant dans un état d’épuisement, ayant des maladies,
réitérées et continuelles, de catarres, d’humeurs, qui lui donnent une
figure blanche et alternativement rouge ; ce qui annonce l’humeur,
l ’épuisement, et une tendance à la dissolution prochaine du sang. Le
sieur d’Albiat persiste d’ailleurs à protester tant contre les actes précédens
que contre le présent acte; et déclare au surplus qu’il ne peut reconnaître
dans sa fille une volonté libre, lorsqu’elle manifeste en apparence le
désir d’épouser un homme aussi âgé , un homme valétudinaire , un
homme sans fortune pour exister. E t il déclare, en outre , qu’il ne
cessera de lui témoigner, tant qu’il pourra, des marques de son attache
ment et de sa tendresse paternelle, en lui accordant son assistance et
sa protection pour l’empêcher d’être une victime malheureuse dans un
mariage qui ne peut que lui être funeste. E t a déclaré ne vouloir signer,
de ce°enquis et interpellé.
Ladite D lle. d’A lb ia t, toujours avec la soumission et le respect
qu’elle porte à M . son père, persiste dans les mêmes intentions de s’unir
avcc M . Dufreisse-Fontsalive , espérant que M . d’Albiat se rendra à se3
prières et sollicitations.
D e tout quoi nous avoirs dressé le présent a cte, pour valoir et servir
ce que de raison, en présence de Joseph M albel, menuisier , et d’Etienne
(i) Voyez pages 55 et suivantes.
�( 6/ )
BesonVbe, cabaretier, tous deux habilans de cette v ille , soussignés avec
la Dlle. d’Albiat et Nous notaire, après lecture faite, tant à l’original
qu’à la copie laissée audit sieur d’Albiat: lesdits jour et an.
°
d 'A l b ia t .
M
albet,
B eso m b e . C h e v a l ie r .
Aujourd’hui quatre de mars mil huit cent six, heure de quatre trois quarts
du soir; en conséquence de l’ordonnance de M . le Président du Tribunal
civil de Clermont-Ferrant, du trois nivôse an quatorze, étant au bas de la
requête à lui présentée le même jour, et annexée à la minute du
premier acte de soumission et respect fait le cinq du même mois de
nivôse, en la présence et assistée de M .e Chevalier, notaire en ladite
v ille , commis par ladite ordonnance , et de son confrère Chassaigne ,
soussignés, la Dlle. Claire-Joséphine d’A lbiat, fille majeure, habitante
de la même ville , s’est derechef, et pour la troisième fois, transportée
en la demeure de M . Jacques-Pierre-Marie-Anne d’Albiat son père ,
ancien Procureur du Roi en la sénéchaussée de ladite v ille , y habitant;
où éta n t, et parlant à sa personne , la Dlle. d’Albiat s’est de nouveau
prononcée pour l’exécution de son mariage avec M . Joseph-Guillaume
Dufreisse de Vernines-Fontsalive , majeur, habitant de la même ville; en
observant à M . son père , que bien loin que le temps ait pu apporter
du changement à sa volonté première , il n’a fait que l’affermir dans sa
résolution, et que par les mêmes motifs exprimés aux actes des cinq
nivôse an quatorze et vingt - neuf janvier dernier, elle persiste à
réaliser son projet de mariage avec ledit sieur Dufreisse-Fontsalive ; que
si dans toutes ses démarches quelque chose peut lui donner des regrets,
c’est la dure nécessité où elle se trouve de lutter contre les ordres°et la
volonté de son père ; qu’elle espère néanmoins qu’il voudra bien se
rendre sur ses nouvelles instances. Elle lui a en conséquence renouvelé
sa prière, et l’a supplié, avec toute la soumission et le respect dus à
l ’autorité paternelle , de ne plus mettre d’obstacle à l’exécution de son
m ariage, de lui donner ses conseils et son consentement, pour lequel
sa reconnaissance sera d’autant plus grande , que cet acte lui donnera
de' nouvelles preuves de toute sa bonté. E t a signé. d ’A l b ia t .
( Ci-dessus écrit d'avance, et non par le notaire.)
(i)
Ledit sieur d ’Albiat a dit : M a fille , vous êtes trompée ; ce mariage
vous sera funeste. Vous avez vingt-un an s, et M . de Fontsalive après de
quarante-quatre ans ; il y a vingt-deux ans et six mois de différence.
( 0 Voyez pages 55 et suivantes.
�( 68 )
M . de Fontsalive a une vieillesse anticipée ; son sang est appauvri, son
sang est. vicié; il est dans un état d’épuisement complet; il a des infirmités
habituelles; il a des maladies périodiques d ’étisie et d’humeurs conta
gieuses; elles'se sont renouvelées trois fois depuis l’automne, et il a été à
chaque fois en danger; son teint est périodiquement pâle et cadavéreux,
ou ondulé par des rougeurs : toute sa constitution est attaquée. Ce
mariage répugne à la nature ; M . de Fontsalive n’a pas la capacité qu’exige
la nature pour contracter mariage. T o u t est fini pour lui , et rien ne
pourra jamais y suppléer. — Ce mariage vous menace d’une mort
prochaine , ou vous réduira à traîner une vie languissante et misérable.
Votre lit nuptial où vous entrerez toute vivante , deviendra votre
tombeau. Pourquoi vous obstinez-vous , maigre les conseils de votre
père? F u ye z, il en est temps encore, fuyez une union qui ferait votre
désespoir. — IVI. de Fontsalive est dans la pauvreté ; je doute qu’il puisse
avoir conservé la modique somme de six a sept mille francs qui pouvait
lui rester à la mort de sa mène, puisqu’il avait des dettes, attendu l’intérêt
excessif de l’argent. M . de Fontsalive n’a aucun état; il n’a aucun talent
pour s’en procurer. M. Dufreisse de Fontsalive ne peut pas même espérer
d ’obtenir une ambulance dans les Octrois ou dans les Droits réunis ; il
n’aurait pas assez de vigueur pour en soutenir la fatigue. Q uel est donc
votre aveuglement, ma fille, pour vous obstiner à votre perte? T o u t prouve,
ma fille, que vous êtes trompée; tout prouve que vous êtes subjuguée depuis
le temps de votre minorité ; tout prouve que vous ne pouvez pas
avoir une volonté libre. T o u s mes parens ont frémi à la nouvelle de
ce mariage ; tous mes parens ont refusé de donner leur approbation ;
ils n’o n t, comme moi , d’autre intérêt que de vous sauver du malheur
qui vous menace. Vous me laissez depuis long-temps dans l'affliction;
depuis long-temps le chagrin me dévore. Je 11e m’occupe pas de moi;
c ’est vous, c’est votre sort qui excite toute ma sollicitude. Vous le
savez, mon langage a toujours été franc et droit. J’ai voulu mettre
votre jeunesse à l’abri; j’ai voulu vous éloigner de la maison Fonghasse
où je voyais des dangers pour vous, où je voyais que la discorde était
excitée contre moi. J’ai fait des dépenses inévitables, mais nécessaires;
je remplissais les devoirs de père : je ne m’en répens pas. Je n’ai
pas réussi. E t j’en ai été puni, puisqu’il m’a été impossible de vous
surveiller ; le coup m’a accablé : vous en serez bien plus punie , si
je ne puis vous soustraire à votre malheureuse destinée. Les circons
tances qui ont amené ces événemens, sont bien aggravantes. M .
Dufreisse de Fontsalive rie pouvait vous captiver que par des chimères ;
il avait besoin d’écarter les surveillans qui lui étaient incommodes. 11
a écarté de vous le surveillant naturel, le surveillant légal, le surveillant
nécessaire ; il a éloigné le père de famille ; il a éloigné votre père.
C ’est lui qui a préparé la discorde dans mon m énage, c’est lui qui a
�.
.
C 69 )
excité la discorde , c’est lui qui a été l’agent de la discorde, c’est lui qui
dans ce moment même sollicite contre moi dans le procès en séparation
de corps c’est lui qui attendait le moment de la mort de sa m ère, pour
séparer l’épouse de l’époux, et se rendre par son influence maître de
ma famille. M .ma Dufreisse de Vernines sa mère est morte le dix-sept
prairial; elle a été enterrée le dix-huit. Votre mère a cessé de manger
avec moi le dix-neuf. Votre mère s’est évadée avec vous le vingt-un
prairial , après neuf heures du s o ir , lorsque j’étais couché. C ’est
M . Dufreisse de Fontsalive qui a favorisé cette évasion. C ’est M . Dufreisse
de Fontsalive qui a reçu chez lui, à neuf heures du soir, ceux qui vinrent
secrètement vous chercher avec votre mère. C ’est M . Dufreisse de Font
salive q u i, le lendemain vingt-deux prairial, a entraîné M .ra®Fonghasse
chez le Juge-de-paix, pour me dénoncer, sans me prévenir, parce qu(^
j ’avais exprimé trop vivement, dans l’intérieur de mon habitation, ma juste
douleur au moment de votre fuite nocturne avec votre mère. M . de
Fontsalive se plaignait de ce que j’avais troublé son sommeil, tandis qu’il
m ’écoutait avec tranquillité derrière les planches qui séparent son appar
tement de l’appartement de votre mère. Il dénonçait votre père, le père
de celle qu’il voulait tromper; et cependant ma douleur était son ouvrage,
ma douleur était son triom phe, ma douleur était sa jouissance. Il répand
et fait répandre les calomnies les plus atroces contre moi, pour surprendre
et tromper les Juges de la Cour d’appel. Il est crim inel, pour vous avoir
ravi à ma surveillance, en trompant la Justice. 11 est une seconde fois
crim inel, en vous ravissant à la Justice même , qui vous avait mise en
dépôt chez votre mère. Vous a vez, il est vrai, continué de me rendre
visite chez m oi, depuis le mois de frimaire an treize. Je ne dois ce retour
vers moi qu’à la division qui a existé à cette époque entre M . de Font
salive et votre mère. M ais je restais dans l’impossibilité de vous éloigner
de la maison Fonghasse. M . de Fontsalive a resté seul, après la mort de
sa mère , dans l’appartement qu’elle occupait avec ses enfans. 11 en a
éloigné ses frères. 11 continue depuis celte époque de pi>yer à lui seul
quatre cents francs de loyer, malgré la modicité de ses facultés. C ’est par
l ’influence d eM .d e Fontsalive que vous êtes venue, sans me faire prévenir,
le premier jour de votre majorité, lundi vingt-trois décembre dernier, à
sept heures et demie du m alin, frapper à coups redoublés à ma porte,
que je ne pus vous ouvrir. Vous étiez accompagnée des intimes amis de
M . de Fontsalive , qui assistaient votre notaire. Si vous n’étiez pas
subjuguée, vous seriez incapable de venir insulter à la douleur de votre
père. Je ne vous donnerai pas ici le détail de toutes les forfanteries
impudentes de M . de Fontsalive , lorsqu’il m’a fait demander mon
consentement à votre mariage. Mais je vous observe que plus je m’oppose
à votre mariage, plus la vengeance me poursuit. M a réponse au second
acte de respect, a excité contre moi de nouvelles fureurs, dont votre
�( 70 )
mère serait incapable , si M . de Fontsalive n’habitait pas la même
maison. — On a l’horreur de me déchirer jusque dans la personne de mes
enfans qui sont innocens , qui devraient être étrangers à ces débats
domestiques, et que l’honnêteté publique demandait de recouvrir d’un
voile. Ma fille , je ne puis vous dissimuler tout l ’excès de ma douleur.
C'est lorsque je veux m’opposer à votre malheur, c’est lorsque je combats
pour l’honneur et la dignité du mariage , que l’on veut accabler votre
p ère qui fut toujours probe. — M . Dutreisse de Fontsalive, entraîné par
la perspective d’une misère inévitable, s’est rendu criminel envers toute
ma famille qu’il enveloppe; il s’est rendu indigne d'y entrer. Je persiste à
refuser mon consentement; et je réitère mes protestations tant contre le
présent acte que contre les deux actes qui ont précédé, me réservant
de me pourvoir pour en faire p ro n o n c e r la nullité, et de m’opposer à ce
mariage. E t a signé , d’après lecture faite.
d
’A
lbiat
. •
L a D lle. d’Albiat voit avec douleur que M . son père est sans doute
induit en erreur sur le compte de M . de Fontsalive ; qu’elle le supplie de
nouveau de donner son consentement à son mariage avec ledit de Font
salive, dont les mœurs et la probité lui sont connues ; et que ce n’est qu’à
son grand regret qu’elle prendra les moyens que la loi lui indique pour
parvenir à son mariage, toujours en conservant le respect filial.
D e tout quoi avons donné acte , pour valoir et servir ce que de raison ;
et icelui fait sceller. A Clermont-Ferrant, dans la maison dudit sieur
d’A lb ia t, lesdits jour et a n , heure de six du soir. E t avons signé avec la
D lle. d’A lb ia t, après lecture faite, tant à la minute du présent qu'à la
copie laissée audit sieur d 'A lbiat, icelle sur trois rôles, le présent compris.
d ’A l b ia t .
C h a s s a ig n e , C h e v a l ie r .
F I N.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Albiat, Jacques-Pierre-Marie-Anne. 1806?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Albiat
Subject
The topic of the resource
rapt de séduction
mariage
émigrés
actes respectueux
abus de faiblesse
bonnes mœurs
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour Jacques-Pierre-Marie-Anne d'Albiat, ancien magistrat ; en présence de Claire-Joséphine d'Albiat sa fille.
Table des matières
copie des actes.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1806
Circa 1776-Circa 1806
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
70 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0534
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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abus de faiblesse
actes respectueux
bonnes mœurs
émigrés
mariage
Rapt de séduction
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Chevalier-N ovice de l 'O rdre R o y a l & Militaire de Saint
L azare, In tim é, D éfendeur & Demandeur.
C O N T R E
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Demoifelle Marthe C a m p , Fille majeure,
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Appelante comme d’ abus , 6' JDéfendereffe
E t contre Antoine M A U G IS , Tuteur ad hoc d ’ AntoinetteLouife-Angélique-Charlotte
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Appelant & Demandeur.
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Veuve de M efffire Antoine H e n n e t , Lieutenant-
Colonel d ’Infanterie , Intervenante.
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fous vos yeux le V ico m te de B om belles, je n’ai pû voir fans,
étonnement que la principale A & rice qui l’avoit dénoncé
comme Bigame à toute la T e r r e , & qui avoit eu le courage
de l’accufcr de'libertinage o u tré, de féduiflion, d’apoitafie,
de trahifon, de lâcheté & de tous les forfaits im aginables,,
refuiat de com m encer 1’attaque.après l’ y avoir appelle; qu’elle
fe fut môme condamnée au filen ce, dans le feul lieu où il lui
convcnoit de parler, & qu’ elle n’y parut que pour y faire un
coup de th eltre, & immoler encore une fois le V icom te de
Bombelles à la haine publique , par l’exhibition maligne d’ un,
enfant qu’il ne ceiTe de lui redemander.
M ’ c Îl-cg pas encore un phénomene tout a fait nouveau ,
que cet enfont qui ne foupçonne pas même les diftindion^
introduites par les L oix dans l'état des perfonnes, qui ne fçait:
rien de ce qui a précédé fa naiflance , & qui n’ a connu fon
pere pour la premiere fois que par le baifer & les larmes qu’il
en a reçu s, en fe rencontrant avec lui dans ce champ de
bataille, vienne foutenir l’ état de fa m ere, elle préfente ,
tandis qu’ elle n’ ofe plus rien demander pour elle-meme.
Cependant, il faut l’avou er, après ce que la DemoifeJle
Cam p s’eft permis contre le V ico m te de Bombelles , il eût
été bien plus étrange de la v o ir , ou revenir fur £bs pas pour
revendiquer comm e m ari, un jeune homme qu’elle a couvert
d ’opprobre : ou periiiter dans l’horrible defiein de le livrer
com m e Bigame au iupplice honteux de ce ilellionnat,
& de
faire déclarer, par le même A rrê t, fon enfant fille légitime
d ’ un pere infâme !
Si l’impoilibilité d’opter entre ces deux partis Ta réduite
h la néceilïté de fe remplacer par fa fille & de lui remettre
fes intérêts , fa paiîion n’ a rien perdu h ce changement. E lle
�y trouve au-qontraîre deux avantages : le prem ier, d j fauver
par les reticences du refpect filial toutes les injures & les
..calomnies entaifées dans fon L ib e lle , & de biffer douter fi ce
*1 eft pas par pure bienféance qu’elle les a fait fupprimer dans
la Plaidoirie : le fécond, de fe rendre favorable par l’ interpo
sition d’ un être innocent, qui pour être le fruit d’ un amour
illic ite . n’en eft pas moins digne de votre pitié. Je ne trou
verai point à redire à fa dexterité.
Mais ce qui a frappé une partie de fes Auditeurs , & ce qui
m ente en effet laplusiérieufe attention, c’eilq u e perfeverantà
fedire mariée au V icom te de Bombelles, & ayant fait proviiion
d aétes de m ariage, les ayant même fucceflivem ent employés
pour l’enlever à fa véritable époufe & le faire difparoître par
des coups d’autorité, elle failè dire aujourd’hui qu’ elle n’ en a.
p o in t, qu'elle, ne .peut pas en produire , qu’ elle ne le doit pas ;
& qu au lieu d’ailes elle ait recours à de nouveaux expédiens
q u i, en donnant la facilité d’époufer les gens à leur infçu &
malgré e u x , aboutiroient non-feulement a l’ aviliilèment, mais
à l’abolition totale du mariage.
Si elle n’a point d’a&es , elle a donc étrangement trompe
le Public, & l'Europe entiere , a qui elle promettoit ci-devant
d en produire, (a) & qui ne s’ eft prévenue en fa faveur que
fur ce fondement.
^ Elle en a ,
M e s s ie u r s ,
& j’en ai les,expéditions procurées
d après les fienncs. Mais ce font des acles faux. C ’eft ainix
qu elle s’eft acquis l’état de femme , & qu’ elle a jetté le trou
ble & 1 amertume dans le mariage d’ une fille de qualité, inno
cente & vertueufe, qui n’étoit point faite pour entrer en conurrence avec elle.
.
c — __________
^oyez. ce t t e pro m e tte dans la n o t e au bas de la page 6 de I o n M é m o i r e à t o n * '
l u l t e r , c d m o n 111 4“,
A i;
�4
I l eft vrai que le V ico m te de Bombelles qui aimoit éperduement la D em oifelle C a m p , & qui conferveroit encore
pour e lle T e ftim e , il elle ¿voit confervé du refpeét pour la
v é rité , a fait les plus grands efforts pour la faire admettre
dans fa famille ; ôc la naiilànce de leur enfant eft diftinguée
des autres par ce rayon d’honnêteté. Mais il ne lui a jamais
été poiîible de l’époufer.
L e rôle d’époufe trahie & dégradée, qu’on lui fait jouer
depuis fix m ois, eft une intrigue concertée dans le tourbillon
d’ une cabale infenfée, donc je ferai connoître les Chefs. V o u s
v e rre z , M e s s i e u r s , que cette époufe trahie & dégradée n’eft
qu’une fille à qui le befoin d’une ombre de mariage pour cou
vrir les foiblefles de l’amour, a fait imaginer mille ftratagêmes
pour paroître m ariée, .& à qui le dépit de ne l’être pas a fait adopter le projet d’une vengeance inouic. E lle n’a tourné
contre le V ico m te deBombelles la prétention d’ être fa fem me,
que pour le punir de ce qu’il a , par fon mariage a ctu el, irré
vocablement ceiTé d’ être fon Amant!
D ans une affaire qui n’ eft de fa part qu’un jeu cruel de
l’ amour , je n’ai garde de vous porter contr’elle aucune plainte
des calom nies, des faux & des attentats, dont il a prefque été
la vi&ime. Quand elle en feroit l’auteur, on contrarie même
par les unions furtives une efpece d’iden tité, & l’on ne peut,
fans retenir une partie de l’ opp rob re, deshonorer ceux avec
qui l’ on a une fois mêlé fon iang.
Je ne veux que défendre de fon inimitié un jeune homme
qui n’a pû fe défendre de fa bienveillance & de fes charmes.
En repouiTant fes attaques , je me fouviendrai qu’elle lui a été
chcre ; & quoique le combat.i'oit a tro ce , je tâcherai qu’elle
cil forte fans bleifure. Je ménagerai mes forces de façon à
�1
lui faire tomber ion mafque , fans la frapper trop rudement.
-
Quand jeur ancienne liaifon ne m’impoferoit pas cette mo
dération , je m’en ferois un devoir pour l’enfant qui leur doit
fon exiftence. I l ne faut pas que cet enfant ait à rougir un
jo u r , ni de fon p e r e , ni de fa mere.
C ’eft aux auteurs de l’intrigue que doit en refter toute la
honte. Ci-devant ils fe propofoient de fupprimer la perfonne
du V ico m te de Bombeî^es.
L ’appel comme d’abus qu’ils ont fubftitué à leurs' vaines
tentatives auprès du M iniftere, & qu’ ils ont repris après avoir
pareillement échoué par deux fois au Tribunal de la NobleiTe,
a pour objet de lui enlever la D em oifelle de Carvoifin fon
epoufe, qu i, méritant le plus v if attachement par fes qualités
perfonnclles , devient encore plus intereifante pour lui par le
courage même qu’elle a eu de lui refter fidelle dans fa difgrace.
Mais d’un c ô té , le nom d’épouie que poiTede la D em oi
felle de C a rv o ifin , fe rencontre avec un titre autentique. D e
l’autre, la D em oifelle Camp n’ofe plus y prétendre, & ne '
rapporte aucun a&e de mariage ; il n’en faudroit donc pas
davantage pour réprimer fes incurfions.
I l étoit refervé à elle feule , ne pouvant établir fur fon
mariage la légitimité de fon en fan t, de prendre les chofes à
rebours, & de com m encer par foutenir que fon enfant eft
légitime , pour en conclure qu’elle eft mariée.
N ous n’avons garde de diriger nos efforts contre cet en
fant qui n’a point de v o lo n té, & dont elle règle la langue &
les mouvemens. S’il ne veut qu’ un éta t, un nom & un pere
certain, nous avons prévenu fes d é firs, il a tout ce qu’ il
demande. L e V ico m te de Bombelles a coniigné de lui-même
( il y a long-tems. ) dans les regiftres de la C o u r fa. reconnoii-
�6
fance oc ics offres de légitimation (a). P ar-là il lui donne ce
qu ’il a de plus eftim able, fes parens, avec un nom connu en
France depuis cinq cens ans. I l prie même la C ou r de lui ac
corder tout ce qu’elle pourra.
L e furplus des demandes hafardées fous Ton nom ne mé
rite aucune attention. L a légitimité originelle des enfans ne
dépend pas de la volonté des peres. I l n’ eft pas plus poffible'
au V icom te de Bombelles de faire que la fille de la D em oi-.
felle Cam p ait été légitime en fiaiiTant, que de lui donner une
autre rrjere.
I l eft d’autant plus abfurde de commettre cet enfant avec
la D am e de B om belles, que non-feulement on ne prouve
point le mariage de la D em oifelle Cam p fa m e re , mais qu’on
n’ofe produire pour elle-même fon propre extrait de Bap
tême.
Je pourrois m ’en tenir-la & conclure dès-k-préfent h ce
que la mere & l’enfant foient déclarés non-recevables dans
leurs prétentions. Mais comme ils font au pouvoir d’autres
M o teu rs, qui fçavent où l’on fabrique des a & e s, & qui en
feront paroître quand il leur p laira, il faut répondre à ces
Adverfaires fecrets.
L e V icom te de Bombelles ne fera point à la D am e fon
époufe, dont le mariage eft autorifé par les deux fam illes,
l’injure de foumettre ce mariage a l’infpe&ion d’ étrangers qui
n ’ont rien h y v o ir , & qui auroient mauvaife grâce à invo
quer des L o ix dont ils foulent aux pieds l’autorité. (b) C ’eft
à la D em oifelle Cam p d’établir fon mariage avant que d’ atta
quer celui des autres.
( d ) Arrct du 5 Mars 1 7 7 1 .
(ß) Non cß audiendus legem invocans qui contra legem facit.
�O r d’ aprcs cc qu'elle a écrit & fait plaider , s’ il y avoit de
fon côté quelque mariage, il feroit nul, & il faudroit en punir
les auteurs.
Mais il n’ y en a p o in t, ôc il faudra peut-être punir les impofrcurs qui ont abufé de fa complaifance.
Elle n’a pas même le miferable avantage d’ avoir le m oindre
reproche à faire au V ico m te de B om belles, & c eft à lui feul
qu’il iied de fe plaindre.^
P R E M I E R E
P A R T I E .
Confcqucnces du prétendu Mariage , s’ il ctoit réel.
Si dans l’état de la nature il y a peu de différence entre le
mariage & le concubinage , il y en a une très-grande dans l’ état
civil.
Tous deux commencent par la tradition m utuelle de foimême. Mais l’un fe form e par le feul concours des volontés ,
qui ne confultent que l’inftinct de lapaffion , & dont les vues
indifférentes fur la propagation de l’efpece fe terminent a la
poiTeffion refpeélive des deux individus.
L ’autre fe form e par l’intervention de l’autorité légitime ,r
qui ajoute a l’union volontaire des deux Contra&ans un lien
extrinfeque plus fort & plus durable. C ’ eft une pollicitation
publique faite entre les mains de ceux qui font prépofés pour
la recevoir , par laquelle chacun des Contra&ans fe charge
envers l’Ê trc Suprême & envers toute la fociété humaine
dès cet inftant & pour toujours,de la perfonne qu’ il s’ attache,..
& du fardeau des enfans que cette union pourra produire.
Tous les peuples du Monde y ont impoié les
c o n d itio n s
�8
les formes qu’ils ont jugé les plus convenables à la concorde
'
des époux , au bien-être de leur poftérité , au repos de leurs
familles , & à l’harmonie de toute la fociété dont les familles
font comme les premiers élémens ; & fuivant le plus ou le
moins d’importance , ils y ont appofé des peines plus ou
moins féveres.
N o s L o ix font te lle s, que la D em oifelle Camp ne gagneroit rien à être mariée comme elle le dit , & que fa famille
pourroit y perdre beaucoup. Sa religion prétendue réfor
mée , dont elle fe fait un m o y e n , ne lui donncroit aucun
privilège , & ’ne l’expoferoit qu’ à de plus grandes rigueurs.
§ . I.
N
u
l
l
i
t
é
.
I l eût p e u t-ê tre mieux valu pour le V ico m te de B om bélles qu’il y eût un mariage , & fçavoir où le prendre : il
y a long-tems qu’ il n’en feroit plus queftion. U n e fille-fans
naiiTance , fans fortune & d’une R eligion décriée n’auroit pu
refter fa femme. Sa famille quoiqu’ en ligne collatérale , in
vitée par nos L oix à venger l’ affront d’ une ii honteufe méfalliance , n’auroit pas héiité h la faire déclarer nulle.
La
D am e Hennct fa tante ne paroît ici que pour l’atteftcr.'
Lui-m êm e y feroit encore recevable. L ’impoifibilité d’en
acquérir plutôt la preuve auroit prorogé fon aftion , & il
ri’auroit pas grande peine à faire prononcer la nullité ; ou
p lu tô t, com m e la nullité eft de plein droit dans les circonftances où fe trouvent les Parties , il n’ auroit eu befoin que
d’ une fimple proteilation pour fe mettre en état de paiTcr k
il’autres nôçes.
i° .
�■M
9
i° . Incapacité de leurs perfonnes.
Ils n’ étoient ni capables d’être unis enlemble par le lien,
conjugal, ni en âge de difpofer d’eux-mêmes.
i° . C e lien , qui dépend des L o ix de l’Etat & de la R e li
gion , ne fçauroit s’adapter aux perfonnes qu’elles réprou
vent.
L ’ un des obftacles le^ plus diriments , c’ eft la difparité de
culte. D ieu lui-même defendoit k fon peuple de donner des
femmes aux In fid eles, & d’en prendre chez eux *. Dans c *m^e.1usfoçialis
le Chriftianifme , le mariage avec un Payen , ou même avec Deut. ch. 7^/3!
un Juif , feroit un crime , & non un contrat.
\
Il ne faut pas faire aux Proteftans l’ injure de les abaifler'
au même rang : ce font nos freres dans le Chriftianifme , &
nos concitoyens dans l’ Etat. S’ils font encore dans la folle
prévention , que l'Efprit-Sainc a retiré de l’ Eglife le dépôt de
la révélation pour le placer dans leurs mains , au moins ne
font-ce pas ces Fanatiques des fiécles précédens , dont toute
la religion confiftoit dans l’horreur de la n o tre , qui , peu
contens de fe confédérer , prenoient les armes pour le fuccès
de leurs opinions , & qui traitant notre Eglife de proftituée ,
nos Souverains Pontifes d’ A n te th rifts, nos Prêtres de P i
rates , & nous-mêmes d’ id o lâ tre s, profanoient ôcravageoient
par le fer , par le feu , par la luxure , temples , autels, &
tout ce que nous avons de plus facré. Mais quoiqu’ il n’ y ait
de proferit que leur do&rine , leur culte , leurs aiTemblées ,
leurs çonfiftoires , leurs temples 6c leurs Miniftres , & que
chacun d’eux,pcrfonnellement conferve fon exiftance légale
& fon aptitude a la plupart des effets civils ; l’averiion fecrette
que la plupart ont pour nous , les remords dont ils femblent
R
•
�M
i
jfo
>
rongés quand ils fe foumettent un inflant à l’ autorité légi
time , l’empreiTement avec lequel ils fe rallient au premier
fignal & pour le plus léger in té rê t, cette tendance perpétuelle
à form er un état dans l’Etat les a fait décheoir de tout emploi,
& même de l’ honneur d’ être admis à nos alliances.
Ils nous en ont donné l’exemple dans les pays où ils domi
nent , & nous n’avons fait qu’ ufer de reprefailles.
- Ils nous ont fourni une raifon déplus dans l’ opinion même
qu’ ils ont du mariage. A u lieu qu’il eft de fon eiïèn ce, dans
notre Eglife , que les deux Contra&ans commencent par fc
remettre dans les mains de l’Ètre Suprême pour s’ accepter
mutuellem ent de fa main , comme un préfent céle ile , & que
* Quodcwjùnxit le nœud de leur union foit l’ ouvrage de D ieu même * le
^
Vlat!** N ovateur audacieux qui les a égarés à fa fuite, l’ a dégradé, en
lui ôtant tout ce qui peut lui concilier la faveur du C iel & le
refpeét de ïa T e r r e , & l’a converti en un marché profane &
fordide , qui s’accomplit com m e les autres par le fimple con
cours des volontés.
A u ili ne s’ eft-on pas contenté pour eux des L o ix de FEglife , qui défendent le mariage avec les H érétiques, fans
l’ annuller : nos L o ix , plus féveres , le déclarent nul avec
e u x , fans qu’il foit befoin de recourir aux Tribunaux pour
en faire prononcer la nullité.
» V oulons ( dit l’ Edit de
» D écem bre 1 6 80 ) qu’à l’avenir nos Sujets de la R eligion
» C atholique, A poftolique & Rom aine ne puiiTent, fous
» quelque prétexte que ce foit , contraéïer mariage, avec
yj ceux de la R eligion prétendue réformée , déclarant tels
» mariages non valablement contractés , & les enfans qui en
» proviendront, illégitimes « .
L*i Déclaration du 18 Juin 1 6 8 ^ vouloit même que les
v
�2?>
II
mariages en contravention à. cette L o i fullènt expiés par la
démolition des Tem ples où ils auroient été célébrés.
L a profcription générale de leur fede,prononcée par l’ Edit
du mois d’ Oét. i G B 5 ,a corroboré la prohibition de s’allier avec
eux. Cette profcription fubiiite toujours ; elle eft: confirmée
par la volonté du Monarque rég n a n t, coniignée dans la D é
claration du 1 4 Mai 1 7 x 4.
» D e tous les grands deiïèins
» ( y eft-il dit ) formésy par notre augufte Bifaïeul dans le
jj cours de fon R e g n e , il n’y en a point que nous ayons plus
» il cœur de fuivre , que celui d’éteindre entièrement l’hé» réiie dans ce R oyaum e. . . .
I l répugné donc que notre
» fang puiife fervir à la perpétuer a .
Q uel que foit le mépris voué par nos L o ix aux P ro teftan s,
nos mœurs en ont pourtant préfervé ceux d’entr’ eux qui ont
le courage d ’être honnêtes , & qui , après avoir apporté dans
la négociation du mariage la bonne foi requife , ne font point
difficulté pour fon accompliiTement de fubir le joug de nos
ufages. O n ferme les yeux fur leur diveriité de croyance en
confidération de leur docilité , & l’ on renverfe pour eux la
barriere qui les féparoit d’avec nous.
Mais elle eit inébranlable pour tout autre , & fur-tout
pour ceux qui n’étant arrivés au mariage que par débauche ,
par intrigue & par fraude , n’auroient pour toute excufe que
le fcrupule injurieux de fe conform er au furplus de la Nation.
L a conjugalité de pareilles gens n’ eft tolérable qu’ entr’e u x ,
& jamais ils ne pourront atteindre jufqu’h nous , tant q u ’ils
perfevéreront dans leur contumace.
L a profeilion même de leur prétendue réform e étant un
obftacle invincible au mariage de la D em oifellc Cam p avec
B ij
'
A
�Ii
le dernier d’entre les Catholiques , fon mariage feroit. nul de
plein droit par l’incapacité de fa perfonne.
Vainem ent auroit-ellc eiTayé de fe rendre capable en lui
faifant changer de religion. N o s L oix obvient à de fi miférables expédients. L ’Edit du mois de Juin 1 6 8 0 , en proro
geant encore pour quelque te m s, & a r e g r e t, la tolérance
de la R eligion prétendue réform ée , défend k tous Sujets
de quelque qualité , condition } âge & fe x e que ce fo it , faifant
profejjion de la Religion Catholique, Apoflolique & Romaine ,
de jamais pajjer de l’ une à l’ autre pour quelque caufe 3 raifon ,
prétexte , ou confidération que ce puiffe être ; & aux Miniftres
cfc les recevoir ; enjoint môme aux Procureurs Généraux d ’y
tenir la main.
L es Edits de Mars 1 6 8 3 , & Février 1 G 8 >5 , renouvel
lent la même défenfe. L e délire d’ une abjuration prohibée ,
fur-tout d’ une abjuration fecrette & démentie au dehors par
toutes les marques de Catholicité , ne feroit donc pas ceilèr
la prohibition d’ époufer ? L ’incapacité primitive de la Dem oifelle Camp n’ en fubftitueroit pas moins ; & par conféquent
fon mariage n’eut été qu’ une vaine cérémonie qui 11’ auroit pû
lier le Vicom te de Bombelles , ni l ’empêcher de difpofer
ailleurs de lui-même au premier changement de volonté ; à
peu près comme une donation faite à une perfonne incapable ,
n’ empêche pas qu’on ne puiife enfuite difpofer au profit d’ une
perfonne capable.
2°. Sa minorité
fe r o it
encore un autre moyen de nullité.
I l n’en eft pas du mariage comme des auçrcs contrats , ou
comme des autres établiUèmens. On 11e inet dans tout autre
qu’ une portion plus ou moins foibîe d’intérêt ; on m et dans
celui-ci fa perfonne toute entière. C ’eft une chaîne indiiTo-
�x3
lubie qu’ on s’impofe pour paiîèr le refte de fes jours avec
une autre perfonne dont il faudra fupporter k l’ avenir tous
les défauts , tous les caprices , toutes les infirmités , toutes
les infortunes.
I l étoit de l’équité , fur-tout dans une affaire de cette im
portance où deux perfonnes vont confondre leurs deftinées ,
de ne pas abandonner la jeuneffe , ni à fa propre imprudence ,
ni aux fuggeftions étrangères : c’eft l’âge des grandes paillons
& des plus déplorables naufrages.
I l étoit bien plus jufte encore de ne pas expofer le repos
& l’honneur des familles a fa témérité.
L e mariage eft la
conilitution d’ une nouvelle famille aux dépens de deux au
tres , dont l’honneur & les intérêts deviennent déformais
communs par cette alliance. I l leur importe d’ être bien afforties , & de reftcr Juges des alliances qui leur convien
nent.
Calvin lui-même , qui femble avoir pris h tâche d’abolir
toute autre autorité, refpe&e du moins celle-ci ; & quoiqu’ il
Semble dans, tout le refte avoir travaillé bien plus au détri
ment , qu’ à la réform e des m œ urs, au moins ne veut-il pas
Nque fa fecïe foit l’écucil de la minorité , ni qu’on y donne
fiabilité aux mariages contractés entre jeunes gens fans la par
ticipation de leurs pareils.
I l impute à l’Eglife Catholique un
ufage & des L o ix contraires , qu’ il traite de Loix très-impics
envers D ieu , & très-injufies envers les hommes ( <2). L ’ impu
tation eft calomnieufe : mais du moins il en rélulte qu’à fon
avis c’eft une injuftice, & même une impiété de maintenir de
pareils mariages.
•
fJ o n f i i ; c ; i l.r g e s fa n x e r u n t partim in D eu m îM inifeftè im picis , partim in hrm ints
2ri,-jui[]imas , qu ales f u n c , ut co m u v ia int r a d o lefien tu lo s parentum in iu fu c o n t r a d i j
Jirma raïajue montant. Inftit. lib. 4 , cap. 19 , n. } 7.
�*4
N o s L o ix y ont p ourvu, & ont voulu que les enfans de
fam ille & les mineurs ne puilcnt contrarier ni mariage , ni
engagement h. ce fujet , fans le confentement des perfonnes
dont ils dépendent. » Si ceux qui voudront fe marier ( dit
îj l’art. 40 du fameux Edit de Blois ) font enfans de fa» mille , ou en la puiilance d’ au tru i, défendons très-étroitement de paifer outre à la célébration defdits mariages ,
s? s’il n’apparoîtdu confentement des peres , m eres, Tuteurs
jj
» ou Curateurs » .
Quand donc l’ un des deux prétendus mariages d’ entre la
D em oifelle Cam p & le V ico m te de B om belles, ou que tous
les deux enfemble feroient véritables , ils ne pourroient être
valables , s’ ils n’ ont été autorifés , ni de Tuteurs , ni de la
fam ille du V icom te.
O r , quoiqu’ aux deux différentes époques de ces prétendus
mariages il fût encore loin de fa m ajorité, qu’ il n’ eût que
vingt ans à la premiere & vingt-un a la fécondé, on ne voit, de
fon cô té , ni dans l'un ni dans l’autre mariage, aucune ombre
ni de T u te u r , ni de famille. L a nullité en feroit donc inévi
table fous cet afpeét.
C e jeune homme n’ eft point de pire condition que tant
d’ autres dont le mariage a été caifé , même après la naiifance
de pluiieurs enfans, & il ne perdroit pas fon honneur pour
avoir ufé d’une reiTource que les L o ix de l’honneur même
accordent h fon âge.
Son mariage feroit encore nul fous tout autre afpeél:.
2°. Défaut de formes.
I l y a deux fortes de folemnités établies pour le mariage ;
les cérémonies religieufes, & les formalités civiles.
�11
Les unes ont pour objet d’ élevcr le mariage au plus haut
degré d’ honneur par tout ce que la R eligion a de plus augufte ; les autres , de mettre tous ceux qui peuvent y avoir
intérêt en état de s’ oppofer à ce qu’il ne fe faiîè rien k leur
préjudice.
Dans tous les fiécles & dans toutes les parties du Monde
civilifé, la R eligion de l’Etat a toujours préiidé aux mariages
des particuliers. L a nô^re , qui ne s’interpofe dans aucun
autre c o n tra t, s’eft réfervé celui-ci : E lle a voulu que la
tradition des deux époux , & le ferment de ne fe plus quitter,
fe fiilent dans fes Tem ples aux pieds de fes A utels , & que
leur union y fût fcelléepar la bénédiction facerdotale ( a ) C e font là les mœurs antiques de la Monarchie Françoife ,
conftatées pour la premiere race par les Capitulaires de la
fécondé ( b ) , & confacrées à. perpétuité dans la troiiiém e par
nos L o ix récentes , notamment par la Déclaration du i <5
Juin 1 6 9 7 , qui veut qu’on ne puiiTe fuppUer par aucun acle
à la bénédiction des Prêtres que /’ Eglife a ( dit-elle )Jî rcligieufement ohfcrvée depuis les premiers (iécles de Jon établijfement.
N os Prêtres font donc les Miniftres eifentiels de nos ma
riages.
( a ■î Aliter lagitimum non ejl csniugium , nifi [acerdotaliter, ut mot «■_/?, bÒiecintar.
vand. cp. 1 . ad Ep. Afr. a ° . p 6 . » . . Matrimonium Ecclefia conciliât, confirmât
-, (’¡¡flirtai bineàiSHô. T e m ili. ai uxor. lib. i . . . & 4. C.onc. Carth. c. 1 3.
. '■. )
7 , c. tOi,. On appelloit Capitulaires les Réplemens qui étoient
oix d Etat &. de l’Eçlife. Celui-ci eft conçu dons les munes termes que la reponfe du
“ape F.vari fie, .
f 1]"a.P cc'a,at' on
Benoît X I V . du 4 Novembre 1741 , qu’on cite pour la Dem oiC.
p
^
contraire. Mais fi elle croit le Pape infaillible, Evarifte l’ctoit
••vjnt Benoit X ( V . au moins connoiiToit-il mieux l'efprit du Fond teur de laKelirion,
ont il a ere contemporain , & fa reponfe étant confirmée par les Conciles & par les
tori'A111165 r ,X ' e^e
Prevaloîr à celle d’un M oderne, qui n’a pû de fa ièule aucotiférèr*1
^¡î^"er
Eideles de la benédiâion nuptia'e qui eft de Droit divin, ni
l’O
r ^0 ' r lrnP:,ft'‘tion iês pouvoirs aux Miniftres protfftsns qui n’ont pa» reçu
runauon canonique , ni ratifier des inipartitions illicites dans leur principe.
�iG
L a préfence
du propre C u ré c il fpécialement recom
mandée par les Conciles & par l’ Edit de Mars 1 6 9 7 , comme
une des J oit limites ejjhitielles ( y e ft-ild it) , & des plus propres
à empêcher les conjonclions malhcureufes qui troublent le repos,
& jlétnjj'ent F honneur des familles , & qui fouvent fo n t encore: plus honteufes par la corruption des mœurs , que par Vinégalité
de la naijfance. « Défendons ( ajoute-t-il ) à. tous Cürés &
» Prêtres de conjoindre en mariage autres perfonnes que
93 leurs vrais & ordinaires Paroiffiens . . . . fi ce n’eft qu’ ils
» en ayent une permiilion fpéciale & par écrit du C u ré des
33 Parties qui con tra& en t, ou de l’Evêque D iocéfain 93 .
L a nécefiité des publications préparatoires eft également
établie & par le vœu général du monde Chrétien que nous
ontf-tranfmis les Conciles , & par les Ordonnances de nos
R o is , notamment par FEdit de Blois , qui fert de fondement
à la Jurifprudence de tout le R oyaum e : L o i d’ autant plus
chereà la N a tio n , qu’elle n’eftpas une de celles qui lui ayent
été impofées par la feule volonté des R ois , mais une L o i
qu’elle a requife elle-même dans la plus nombreufe A ilem blée
de fes Etats généraux , pour fe mettre h. FuniiTon de toute la
T erre qui venoit de s’expliquer par l’organe des Peres du C o n
cile de Trente.
jj P our obvier ( di t Fart. 40 ) aux. abus & inconvéniens
33 qui aviennent des mariages clandeitins , avons ordonné
» que nos Sujets de quelque é t a t , qualité & condition qu’ils
j> loient , ne pourront valablement contracter mariages fans
33 proclamations précédentes de bans , faites par trois jours
9j de fêtes , avec intervale com pétant, dont on ne pourra
93 obtenir difpcnfc , fin on après la première proclamation
yy faite ; après lefqucls bans, feront époufés publiquement « .
La
�17
L a Déclaration du 1 6 N ovem bre 1 6 3 9 , do::née princi
palement en interprétation de cet article , veut » que la proy> clamation des bans foit faite par le C uré de chacune des
)> Parties « .
I l faut avouer néanmoins que le défaut de publications ne
fuffit pas entre majeurs pour opérer la nullité du mariage.
Mais il fuffit entre mineurs ; & toutes fois ( dit Lacom be )
que ces Caufes f<^font préfentées , les Gens du R o i , chargés
de l’ordre public oc de l’efcécution des Ordonnances , fe font
élevés avec force , & ont fait valoir ce m oyen comme vi& o rieux ( a ).
C es L o ix font générales , & n’exceptent perfonne.
A la vérité il ne faut pas aiTujettir , com m e on faifoitautrefois en certains pays ( b ) , ni même admettre aux publications
fie à la bénédiftion nuptiale ufitées entre nous les profanes
qui ne font pas initiés h nos m yfteres , tels que les Juifs &
les Payens. L eu r race avilie ne mérite pas qu’on s’embarraiîe
des folemnités avec lefquelles ils la perpétuent. Mais par-tout
où l’on veut bien admettre les Proteftans à nos cérémonies ,
foit qu’ils contra&ent avec nous , foit qü’ils contra&ent entr’eux , il f a u t , s’ils veulent participera nos avantages , qu’ils
rempliiTent les mêmes conditions : ils n’ont par-devers eux
aucune autorité qui puiile les en difpenfer.
O r il ne paroît pas que ce foit l’ intention , ni de l’ Eglife ,
ni de nos L o ix , qu’on les réduife par des refus de mariage à
un célibat licen tieu x, ou à des conjon&ions illicites. Q uel
qu’ ait été le zele du Légiflateur en aboliifant leur fe£te , il
(a) D iftio n n . de Jurifp. C a n o n , au mot Bans, ic ft. i .
#
Kb ) V . Lfg. Vifigoth. lib. x i , c. 6. En 6^0 les Juifs étoient obligés à faire bénir
leurs mariages dans nos E g life s, à peine du mort.
�18
n’a pu croire que fa parole eût l’effet de changer les cœurs.
Mais convertis ou n o n , en leur ôtant leurs Chefs & leurs A ffemblées , il les a remis dans leur état p rim itif, réunis au
furplus de la Nation , fournis aux mêmes Pafteurs ; & a
voulu , entr’autres chofes , les accoutumer infeniiblement à.
la réunion par l’ uniformité des mariages , qui eft de tous les
liens politiques le plus doux & le plus fort. » Enjoignons
v ( eft - il dit par la Déclaration du i 3 D écem bre 1 G 9 8 )
« aux Sujets réunis d’ obferver dans leurs mariages les folem » ni tés prefcrites par les Canons & par les Ordonnances a .
O n les admet en conféquence dans la plupart des D iocèfes,
& notamment dans celui de Montauban , à la bénédiction
nuptiale , lorfqu’ils s’y préfentent avec le refpeâ: convenable.
I l y en a plus de 40 0 exemples dans la feule V ille de M ontau
ban , patrie-du V ico m te de Bom belles, & de la D em oifelle
Camp.
D ’ailleurs le contrat de mariage de la D em oifelle Cam p
contient à ce fujet une claufe formelle. Elle en a impofé au
Public, quand elle a ci-devant oie dire que, malgré des exem
ples nombreux & l’ufage reçu parmi eux d’ emprunter nos
formes , la droiture de fon pere l’ avoit empêché de fe ré* V o y . M ém o’ re
à confulter, page
y-
foudre à cette fauife apparence de Catholicité *.
Elle en impofe encore à p réfen t, quand elle fc vante d’ a
voir mieux aimé paroître aveuglée par une erreur héréditaire,
* V o y . Plaid,
pag. 14.
que de fq biffer un inftant foupçonner d’ impofturc *.
V o ic i ce que porte le contrat non-feulement figné d’elle ,,
de fon pere & de fes proch es, mais difté par eux au N otaire
étranger qu’ils avoient fait venir fccretem cnt : Les Pairies ( y
eft-il dit ) fou s réciproque Jlipulatlon & ' acceptation font con
venues qu’ entre ledit Mejfire de Bombelles & ladite D anoifdU.
�Camp , il fera fa it & accompli mariage , qui fera edebre fuivant
les Loix & formalités du Royaume.
N ’ eût-il été parlé que de célébration , l’on ne pourroit
1 entendre des Proteftans , qui n’en ont point. I l n’y a rien
de ii contraire à la célébration qu’une bénédiétion au défert.
L e defert eft un lieu à l’écart , non fréquenté du P ublic , &
même dérobé à fes regards. L a célébration fuppofe au con
traire un lieu ouvert K topt le monde & fréquenté par la m ul
titude ; elle annonce de plus un a£te public ôc des Témoins
légitimes.
Mais la claufe ne s’arrête pas la ; elle ne laiile aucune am
biguité. Q jii fera célébré (dit-elie ) fuivant les Loix & forma
lités du Royaume ; c’eft-a-dire , fuivant le rit catholique ,
après publications , & clans l’ Eglife paroiiliale de l’un ou de
1 autre des Contraéhms.
O r il eft prouvé parles certificats des Pafteurs compétansr,
& avoué par la Dem oifelie Cam p , qu’il n’y a eu ni publica
tion de bans , foità Saint-Orem s de V ille-B ourbon , Paroiile
fur laquelle demeuroit fa famille , foit h. Saint-Jacques de
Montauban , ParoiiTe du V ico m te de Bombelles , ni célé
bration de mariage dans aucune des deux ParoiiTes , ni permiflion de leurs Curés ou de leur Evêque d’aller fe marier
ailleurs. Quand donc elle perfiileroit 'a fe décorer, comme
ci-devant , du mariage qu’elle plaçoit dans la ParoiiTe de S.
Simeon de Bordeaux, ce mariage étranger ne-pourroit lui
Servir de rien.
Quand elle y fubftitueroit un mariage au défert , ce ne
icroit qu’ une nullité de plus. Il n’ y a .d e Miniftres capables
c^c rccevoir le co:ifentement des Parties & de leur impartir
la bénédiction nuptiale , que ceux qui tiennent leurs pouvoirs
C ij
�20
de la PuiiTance fpirituelle & de la Puiiîance temporelle. L es
Miniftres Proteftans n’ont ni m iilion, ni cara&ere ; leur miniftere eft même réprouvé , & fujet à la peine de m ort par
les L o ix de l’Etat. I l y auroit donc de l’ abfurdité a vouloir
faire protéger leurs impartitions facrileges par un Tribunal où
l’on ne monte qu’ après avoir juré de les punir.
On fçait quelle eft la Jurifprudence des Parlemens qui
ont des Proteftans dans leur reiTort, & notamment celle du
Parlem ent de Touloufe , dans le reilort duquel eft la V ille
de Montauban , & auquel il auroit appartenu de prononcer
fur le mariage de la D em oifelle Cam p , s’il avoit exifté. Il
n’a jamais accordé le nom , le rang , les honneurs & les pré
rogatives du mariage h ces aiTortimens bizarres bénis au défert
par des P iofcrits que nos L o ix ne nous préfentent qu’ avec
l ’image funefte d’ une corde au col ; & fon A rrêt du 2 4 Mai
1 7 6 4 , contre lequel toute la Se&e s’ étoit pourvue au Conf e il, eft demeuré dans, fa force , malgré le crédit dont elle
jouiiToit alors ( a ) .
Si la difparité de culte , fi la minorité , fi le défaut de
publications . il l’aficétaition d’éviter Tuteurs , Parens & Pafteurs légitim es, font tels , que chacun de ces vices fuffit pour
opérer la nullité d’un mariage : de quoi pourroit fervir à la
D em oifelle Cam p un mariage qui les raÎTembleroit tous ?
Non-feulement fa réalité lui feroit inutile , mais il lui
importe , <Sc.à toute fa-famille
dule pour y ajouter foi.
qu’on ne foit pas aflez cré
L e Miniftere public & la C o u r ne
pourroient pas en fouffrir le fcandalc ,. ni fe difpenfer de
févir contre les auteurs.
( 1 ) Le l'aileuie.it d<; ,>ronob'c ne pfrin< t pas meme la Lo-hauitstion ,
traite
com m ? Concnl)MVi;rcs ¡Ci otftin is qui fc marient de la forte. Y o y . Arréti des i A vril
1746 , & 7 Juin 174 ?. Cod. matrim.-
�y
§.
IL
y
D
é
l
i t
.
L es L o ix ont pris foin ( dit la D éclaration du 22 N o
vem bre 1 7 3 0 ) de caraéèérifer le genre de crime qu’elles
ont appelle rapt de féduclion. C ’eft ( ajoute-t-elle ) par la cor
ruption des mœurs f l’inégalité des conditions & le défaut
d’ autorifation qu’il fe caraétérife. Mais la marque la plus demonftrative , c’eft lorfqu’entre deux familles il y a ignorance
d’un côté , & obfeifion de l’ autre,
O n connoît la févérité de nos L o ix contre ceux qui font
contra&er des mariages aux mineurs , h. l’ infçu de leurs fa
milles. 35 V ou lons (d it l’Ordonnance de Blois', art. 4.2) que
ceux qui fe trouveront avoir fuborné fils ou filles mineurs
» de 2 ^ ans , fous prétexte de mariage , fans le gré , fçu ,
» vouloir &. confentement exprès des peres & meres , ou
jj
» desTuteurs , foier.t punis de m ort, fans efpérance de grâce
» & de pardon. ; . ; & pareillement feront punis extraordi>5 nairement tous ceux qui auront participé au rapt en aucune
53 maniéré que ce foit « .
L a Déclaration du 26 N ovem bre 1 6 3 9 s’éleve fpécialement contre l’efpece de féduétion , qui trouble le repos , &
flétrit l’honneur des familles par des alliances inégales. i> Elle
îî
enjoint très expreiTément aux Procureurs Généraux 6c h.
35 leurs Subftitùts de faire toutes les pourfuites néceflaires
» contre les ravifleurs & leurs complices , nonobftant qu’il
)j 11 y eût plainte de Partie civile ; & aux Juges, de punir les
x> coupables de peine de mort , fans que cette peine puiiTe
, 53 être modérée. E t afin que chacun rt^connoiin^ajoute-t’ellc)
�22
» combien nous déteftons toutes fortes de Rapts , défendons
» très-exprefTément aux Princes de nous faire inftance pour
v accorder des Lettres , & aux Juges , d’ y avoir égard. «
» E t comme lafubornation (e ft-il dit encore dans la D é » claration de 1 7 3 o ) peut venir également de l’ un ou de
» l’autre côté , & que celle qui vient de la part du fexe le
» plus foible eft fouvent la plus dangereufb , les L o ix n’ont
» mis aucune diflindion à cet égard ent;re les fils & les filles,
jj & elles les ont également aiTujettis à la peine de m o r t ,
i) félon que les uns ou les autres feroient convaincus d’être
» les auteurs de la fubornation c< .
L e contrat de mariage qu’on a fait foufcrire au V ico m te
de Bom bdles le 2 9 Janvier 1 7 6 6 , n’ annonce que trop la
fédu&ion la plus criminelle , & le côté d’où elle procède.
L ’âge & la qualité des Parties , le lieu , le tems où il s’ eft
paiïe , la qualité du N otaire qui l’a reçu , & celles des perfonnes qui s’y font trouvées , tout eft démonftratif.
Quoique la Déclaration de 1 6 3 9 exige que les articles
de mariage entre mineurs foient arrêtés en'préfence de quatre
proches de l’une <Sc de l’autre Partie , on voit ici d’un côté ,
jufques dans le fein de fa famille & de fa patrie , un mineur
qui n’avoit pas encore alors 21 ans , tiré de defTous l’aîle de
fon T u teu r, fouftrait à une tante qui lui tenoit lieu de mere ,
h fes fœurs , à tous fes autres parer s , à tous fes amis , em
barqué toutfcul au milieu d’ une troupe de gens que fes parens
n’ ont jamais vu ; & de l’autre , une fille de 24 ans , affiftée
de fon pere , de fon oncle *, & de pluficurs amis de fa famille.
On y voit tous les Notaires de la V ille mis h l’é c a r t, & h
leur place un N otaire de campagne , venu exprès d’ une Jurifdi&ion étrangère ponr tromper mieux la vigilance du T u
teur & de la D am e Hennet.
�23
C 'e ft dans unFauxbourg , & chez l’ oncle de la Dem oifello
Camp que fe tient l’ ailemblée , & c’eft dans la débauche noc ■
turne d’un fouper que le N otaire de M ontclar en Q uercy ,
déguifé en {impie convive , fait figner aveuglément a ce jeune
homme , deilitué de con feil, la promeffe de faire entrer dans
fa famille une perfonne dont la naiifance & la fortune ne
pouvoient lui convenir , & qui , par le foin même de fe ca
cher , avoue tacitement q u elle auroit été rcfufée.
Fut-il jam.iis rien de fi. contraire aux bonnes mœurs ? efl>
ce ainii que l’ on négocie les mariages ? Q ue tout le monde
s’ interroge. E ft-il un fcul homme , foit parmi les gens de
qualité j foit dans la plus mince Bourgeoifie , qui trouvât bon
que l’on prît fes enfans dans de femblables pièges ? E ft il une
duppe qui n’eût bonne grâce h. s’en plaindre & h s’en retirer ?•
Si donc il étoit vrai que ce contrat de mariage eût été fuivî
de bénédiction nuptiale , fi l’on pouvoit ajouter foi aux
propos inconfidérés de la Dem oifello C a m p , qui vient s’ aceufer elle & ies parens d’avoir enlevé de nos ParoiiTes dans
leur defert un mineur né de parens Catholiques , pour le lie r,
à l’infçu d e T u .e u r , de parens & d’ amis , pnjr un mariage
facnlege &c clandeilin , ils n’en feroient pas quittes pour la
nullité de cette abfurde cérémonie ; il faudroit leur faire
expier l’attentat commis fur les droits de l’E g life , fur la li
berté de ce jeune homme & fur l’honneur d’une fam ille d is
tinguée , qui n’ avoit pas mérité que perfonne lui fît la m or
tification de vouloir s’y gliflèr furtivement.
Elle ne feroit point reçue à dire contre un jeune homme
aveuglé par l’am our,qu’ils ont compté fur fon honnêteté,dans
une affaire où ils bleifoient eux-mêmes de fang-froid les pre
miers principes de 1 honnêteté..
�24
I l ne ferviroit de rien d’excufer l’obmiiïïon des bienféances
& des formalités par l’apoftaile & 1’aviliifement qu’elle a
ci-devant fuppofé dans la perfonne du V ico m te de Bombelles.
C ette circonftance ne feroit qu’aggraver la féduction fouifertc
par ce jeune homme. C e feroit un rapt fait tout à la fois à fa
famille & à fa religion , & cette double féductionne rendroit
que plus irrémiifible la peine encourue par feS Sédudeurs.
Les Edits qui défendent de recevoir aucun Catholique à
la profeilion de la prétendue réforme , font tous antérieurs
à la profcription générale de la Sede. L e Calvinifm e avoic
encore alors la coniiftence que lui avoit donnée l’Edft de
Nantes. Cependant la réception d’ un Transfuge étoit dès-lors
un crime (i grave , qu’il emportoit interdidion pour jamais
de l’ exercice de cette religion & démolition de fes prêches
dans le lieu du délit, &
contre fes Miniftre amende hono
rable , banniiTement perpétuel hors du R oyau m e , & confïfcation de tous leurs biens ; ce qui a été depuis converti en
peine de m ort par la D éclaration du i 4 Mai 1 7 2 4 .
Ordonnons ( dit l ’art. 2 ) que tous les Prédicans qui
» auront fait fo n d io n s , foient punis de mort. Défendons à
» tous nos Sujets d’avoir diredem ent ou indiredem ent aucun com m erce avec eux
à peine contre les hommes de
v galcres à perpétuité ; & contre les femmes , d’ être rafées,
v & enfermées pour le refte de leurs jo u rs, & de confifcan tion des biens de? uns & des autres « . Si la plus fimple
fondion , fi le plus fimple commerce entr’ eux font punis de
la forte , comment p un iroiton des fondions & des intrigues
tendantes à féduire un Catholique ?
Loin que le mariage foit ouvert à la propagation du C a l
vinifme , la rigueur de cette L o i ne feroit au contraire que
pl u
�2<
plu3 inflexible contre quiconque , pour fignaler fes con
quêtes , choiiirôit le plus important de tous les contrats.
Cum uler encore Hi-deiTus le rapt d’ un m ineur, abufer
d’ un moment d’ yvreiTe & d’enchantement pour le précipiter,
à Finfçu d’une famille refpeétable , dans l’ignominie d’ un ma
riage impie & mal aiTorti, ne feroit-ce pas la plus abomina
ble de toutes les fédu&ions ?
*
Non-feulem ent il n’y ^uroit pour lui aucune obligation de
réhabiliter , mais toute ratification poftérieure de fon pré
tendu mariage pur lui-même , ou par les parens, feroit inutile :
la fédu£tion ne fe couvre pas. L a peine de m ort efl: prononcée par PEdit de Blôis , nonobjlant tout confcntenient que
les mineurs pourraient alléguer par après avoir donné au rapt}
lors d ’icelui, ou auparavant. L a Déclaration de 1 6 3 9 veut
que cette peine demeure encourue , nonobjlant le confenternent qui pourroit intervenir puis après de la part des peres ,
meres , Tuteurs & Curateurs *.
* Voy. dans'
L a D em oifelle Cam p ne gagneroit donc rien au mariage
&
dont elle fait tant de bruit : ce feroit au contraire s’expofer dîins ^emfart au
'
m
mot tia.pt , celui
elle-même & toute fa famille à la rigueur de nos L o ix , que du m Juili.1717.
d’infifter plus long-tems dans cette allégation.
•
O n prendroit même pour infulte à. Juftice l’ acharnement
avec lequel cette famille fe préfenteroit pour demander la
récompenfe de fon crime & la reilitution de fa proye.
Mais ils ne font point fi coupables que la D em oifelle Cam p
ou fes Confeils voudroient le faire croire. O n va démontrer
que la fédu&ion n’a point été confom m ée, & que fon mariage
n’eil qu’ une miférable impofture. Si l’ on a le défagrément
qu il faille confondre fes menfonges , au moins aura-t-on la
farisfaition de iàuver fa perfonne,
D
�160
ié
S E C O N D E
P A R T I E .
Faujfcté du mariage & gravité de Vimpojiurc.
. On nes’ efl: tant étendu fur la nullité & fu ries autres vices
du prétendu m ariage, que pour faire fentir qu’ en le fuppofant réel , il n’y auroit du côté du V icom te de Bombelles
aucun intérêt de le nier , & que de l’autre la D em oifelle
Cam p & fes Complices ne feroient pas il hardis que de le
foutenir. Ils ne
le
foutiennent, que parce qu’ une fille irritée
contre fon A m ant rifque moins à le calomnier publiquem ent
en majorité , qu’ à l’époufer clandestinement en minorité.
D ans le doute , entre la défertion d’ un mariage réel & la:
fimulation d’ un mariage qui n’exiite pas , il feroit encore
plus tolérable d’en laiiTer rompre la chaîne à ceux qui ne
la peuvent porter , que de la faire porter h. ceux qui ne fe
la font point impofée. Mais il ne peut plus y avoir de doute en
cette matiere.
,
^
L es L o ix euiTent été fort imparfaites , fi elles n’a v o ie n t.
réglé que les conditions & les formes du mariage. Il fa llo ir,
auffi en déterminer les preuves. L e bon fens ne permet pas
d’abandonner h la licence des conjeétures , ni à la foi d’ au
trui , même de Citoyens connus & d’ une réputation entiere ,
beaucoup moins h la foi de gens inconnus ou proferits , lef o r t , l’état & l’honneur de qui que ce T o it, ni par con féquent le mariage d’ou dépend 1 état & 1 honneur de plufieurs
perfonnes.
* Chapitre
4*
Juftinien nous apprend par fa novelle 7 4 , * que faute
de cette attention l’Empire fe trouva de ion^tems plein de
troubles occafionncs par des fuppofitions de mariages. I l n’ y
�17
a ( dit-il ) point de nom flateur que la folie de l’ amour ne
faiîb prodiguer à. l’ objet aimé. A v e c des Tém oins on en iaifoit
' une affaire férieufe.
Sa novelle a pour objet de remedier à cet abus. Elle in
troduit en conféquence pour les perfonnes de qualité , &
pour les Citoyens du fécond ordre , deux genres de preuves
littérales, & déclare qu’on ne regardera plus à l’avenir comme
mariage toute union qui ne fera munie de l’ une ou de l’ autre
de ces preuves.
N ous avons imité Juilinien. N ous avons même encore
plus rétréci la fphere de la preuve teftimoniale. N o s O rdon
nances la rejettent en toutes conventions de quelque im
portance , & veulent au-delà de 10 0 livres des a£tes fous
leing p riv é , ou des atteilations d’ Officiers publics qu’ elles
aient prépofés à. cet effet.
Elles portent bien plus loin la précaution pour les a&es
d ’ une auffi grande importance que le font les mariages.
» Pour pouvoir ( dit l’Edit de Blois,article 40 ) témoigner la
îj
form e qui aura été obfervée ès mariages , y ailiiieront
» quatre perfonnes dignes de foi pour le moins , d o n t1fera
» fait regiflre.
L ’ Ordonnance de 1 6 6 7 , titre z o , s’ explique avec encore
plus de précifion : » Les preuves du mariage ( dit l’ art. 7 }
» feront reçues par des regiitres en bonne forme.
» Les ades de mariage ( ajoute l’ article 1 0 ) feront écrits
» & fignés par les perfonnes m ariées, & par quatre de ceux
"»> qui y auront affilié . . • C ’ eft ainfi que fe prouve l’ étac
des perfonnes.
U faut néanmoins diilingucr entre l’ état des peres &
h
D ij
�28
meres vivans , & l’état de leurs enfans, après leur décès..
Chacun n’ eft tenu de fçavoir que ce qui eft de fon fait. U n
enfant peut ignorer en quel lieu fon pere & fa mere ont été
mariés. A lors c’eft la poifeifion d’ état qui décide ; furtout
s’ils ont été mariés dans un Pays où il n ’y ait point de re
giftres. L ’article 1 4 permet en ce cas-là de prouver d’ abord
le défaut de regiftres : » Si les regiftres font perdus ou
» qu’il n’y en ait jamais e û , la preuve en fera reçue , tant par
» titre que par Témoins.
C ette preuve faite : » Les mariages & Baptêmes pourront
» ( ajoute-t-il ) être juftifiés tant par les regiftres ou papiers
* V o r le roccs
verbal de l ’ O rd.
1667*
domeftiques des pcres & meres décédés , que par Témoins
» fau f h. la Partie de vérifier le contraire. *
W
L ’ A rrê t du Parlem ent de T o u lo u fed u 9 Juillet 1 7 7 0 ,
ne regarde non plus que les enfans de pcres & meres décé
dés , qui ont vécu comme légitimes époux , & qui ont été
reconnus pour tels , Joit dans leurs fam illes. , f o it dans le
public.
■ Mais quand il s’ agit,com m e ici,de perfonnes vivantes dont
l’une prétend avoir époufé l’ autre , nos L o ix n e connoiilent &
n’admetent que des a&es de mariage fignés des deux Parties
& datés du lieu , & du jour où s’ eft faite la célébration : tout
autre a&e eft inutile.
O n n’eft pas marié pour avoir figné un contrat de ma-
fJ ïu ïfÎ z tr b Z riaSc - * }C elui qu’on a faic f°ufcrire au V icom te de Bom niumx ft’,d ed o n a t. b elles, n’eft point une de ces déclarations par lcfquelles les
' iU
deux Contra&ans fe prennent dès-à-préfent pour mari &
femme ; ce n’eft qu’une promeife de mariage qui fera fa it
& accompli à la premiers requifition de Vune des Parties. P û telle ferieufe , elle ne prouve rien. Tous fcs jours il arrive
�t& h
qu’on change de volonté , & qu’ on fe quitte au m om ent de
conclure.
U n teftam ent, des-lettres ou d’ autres a£tes prouvent en
core. moins. O n ne s’époufe point par teftament. C elui du
V ico m te de Bombelles ne contient qu’ une qualification de
chere époufe. O r , il ne s’ agit pas de fçavoir s’il l’a traitée d’é—
poufe , mais ii elle l’a'été.
Ses lettres dont on ^ recueilli ii précieufem ent toutes
les expreflions , ne laiflent appercevoir qu’un déiir ardent
de l’époufer , & une anticipation des qualités d’ é p o u x , en
attendant l’opportunité de le devenir. Mais on n’y trouve
pas* un feul mot qui annonce raccom pliflem ent du mariage
projetté.
L a plus apparente de toutes , celle du 2 1 Mai 1 7 6 7 , où
ü fait mention de Mademoifelle de L . dont il invoquoit la
médiation , eft relative au contrat de mariage. C e contrat
paffé avec.tant d’indécence , a l ’infçu de toute la fam ille, &
emporté par un N otaire étranger , étoit un m yftere pénible
hi reveler. Je la prie bien inflament ( dit-il ) d'adoucir Madame
Hennet, & de lui dire la chofe tout au long,. E t .comme la
m odicité de la dot pouvoit nuire h. la négociation , je fuis
bienaife de te prévenir ( ajoute-t-il ) de ne pas dire que ton pere
ne t’ a donné que 8000 livres .
. . . il faudra grojfir de
beaucoup l ’ objet, & faire parade.de groffes efperances de tes
parens.
Celles des 3 0 - Avri l & 2 7 Septembre de la même an née , annoncent combien elle fe déiioit de la legereté de fon.
Am ant dont elle avoit déjà fait l’ expérience. T u as tort ( lui
écrit-il ) de me recommander que l’ abfence ne produife pas le
même ejjet que l ’ année demiere . .. : connais mieux mes f e 1*
�L\
3°
timens pour to i, & rends juftice à leurfiabilité. Ils fo n t à F abri
des révolutions du tcms. Crois que difficilement on fe détacheroit d ’ un objet comme toi.
N o n feulement on ne trouve dans tout ce qu’ elle a publié
aucun veftige de bénédi&ion nuptiale ; mais, en y voit clai
rement qu’il rapporte l’ origine & la coniiitance de fes liens
uniquement à leur contrat de mariage j & à l’ enfant qu’ ils
ont eû après leur réconciliation : f i vous rdavic^ ( dit-il par fa
lettre du 3 Mars 1 7 6 9 ) que ma Jimple parole pour Vinviola
bilité de mon ferm en t, ce contrat feroit auffi facré que celui qui
cfl une preuve incontefiable des droits que vous aure^furm oi,
& c. . . . Ces liens ( ajoute-t-il par celle du 2 ^ Mars 1 7 7 0 )
n’ ont befoin d ’ autre, garant que le fr u it précieux que tu as porté
dans ton fein.
L ’objet même de ces lettres , qui eft de la tranquilifer ,
annonce qu’ils étoient encore en
1769
&
7 0 dans les
ternies d’une ilmple expe& ative, dont elle craignoit l’ évanouiffement par 1*événement de la condition qu’ il y a perpétuelle
ment appofée de ne paiTer outre à la célébration qu’après avoir
obtenu l’ agrément de fa famille,
C ’eft apparemment pour donner plus d’importance à de
pareils a&es , qu’elle l’ accufoit ci-d evan t, d ’avoir défavoui
pour la deshonorer , des acles fg n és de fa main. C e font d’ un
feul coup deux calomnies. I l n’ a ni cherché à la déshonorer,
ni défavoué aucun des aéles ci-deiïjs. Loin de les defavouer ,
il en fera tout à l'heure ufage pour là convaincre d’impofture.
T o u t ce qu’il prétend quant h p réfen t, c’efl: qu’ ils peuvent
bien prouver une fimulation de m ariage, mais ne prouveront
jamais un mariage réel.
JEn un m o t , dans tout Payjs où l’on tient reg'ftre ces ma-.
�31
riages, & où les regiftres n’ont péri par aucun accid en t,
quiconque fe dit marié ne peut le prouver que par un extrait
de ces regiftres.
L a D em oifelle Cam p l’ a bien compris. A u d i a - 1 - elle
cherché à fe procurer cette efpece de titre. E lle a même
dans fon porte-feuille deux extraits de mariages au lieu d’ un.
L e premier dont elle a fait dépofer l’ original par le
•nommé C infraix chez R^uzan , N otaire à Bordeaux , le i 3
Mars 1 7 7 1 , eft intitulé , extrait des regijîres de l ’Eglifc Paroijjialc de Saint Simeon de Bordeaux. I l porte qu’ après trois
publications & fiançailles, entr’ elle & le V ico m te de Bom bclles , la bénédi&ion nuptiale leur a été impartie le 8 Fé
vrier i j 6 6 , en cette Eglife par le fieur Linars , C u ré de la
Paroiilè , en préfence de quatre Tém oins , appellés de Le^ement, A dingaJD orid el & Gabrouil, qui font dits avoir figné
avec les deux époux & le Curé.
I
e fécond dont elle a fait dépofer l’ original par un foi-
difant M iniftreProteftant, chez D up ré, N otaire àMontauban,.
le 1 G A o û t 1 7 7 1 , eft intitulé , extrait des regiftres des ma
riages S’ baptêmes des Eglifes Protejlantes dcMontauban de Vannte 1 7 S6. Il porte que leur mariage a été béni le x 1 M ars
de la même a nnée , par Jacques S o l - E l i o s , M iniftre du
Saint Evangile * ; il eft die figné par trois perfonnes :
» n eft ,<cn-r
fçavoir Louis Lecun, Jacques Brun & Jean-Pierre M o lle s , *Îa,"s 1aôe
,
3
1
'
3 E lu o s , mais on.
qualines de T ém o in s , fans fignature , ni de M in iftr e , ni de a fait demander
p q rr- _
0
1 arC 1CS-
comment il fep ro nonçoit ;
C eft le premier de ces deux ailes qu’elle a fait parvenir Sol'^ilos'
1 année derniere au parent de la D am e de Bombelles , C o n dufteur de l’ intrigue ; & c’eft avec cet a<5le qu’ a été livré
le premier aiTaut h l’é t a t , h l’honneur fie à la .liberté du*
c ’eft
�32
V ico m te, fous Je nom des perfonnes les plus refpe&ables qu’ on
avoit eû la hardieiïe de réduire & d’ interpofer.
C ’eft avec le fécond qu’ elle a paru depuis, elle-m êm e, fur
la fcên e, annonçant à toute l’E u ro p e, que puifquele V icom te
de Bombelles avoit l’impudence de nier qu’ il l’eût époufée à
S . Sirncon de Bordeaux, elle alloit le confondre en lui prou
vant qu’il Fa époufée au déjert.
Je pourrois dès-à-préfent prendre avantage de cette du
plicité même de mariages , pour écarter le dernier malgré
la préférence qu’elle paroît lui donner. C ar enfin fi elle étoit
mariée en l’Eglife Catholique , pourquoi fe marier encore
dans le rit Proteftant ? Si elle ne l’étoit pas , pourquoi jetter
ou entretenir le Public dans cette erreur pendant quatre an
nées entieres , fans excepter les perfonnes les plus auguftes ?
E t fi elle a pû fuppofer le premier de ces deux m ariages, pour
quoi n’ auroit-elle pas auiïi fuppofé le fécond ?
Mais i °. ces deux a&es font faux & fabriqués , avec cette
différence que la fauflèté du fécond eft bien plus marquée :
2°. l’inéxiftence d’ un mariage quelconque eft démontrée
par les précautions mêmes qu’elle a prifes pour paroître ma
riée , & par la poiTeiïion refpeétive dans laquelle font reftées
les Parties.
§. I.
F a u s s ÉTÉ DES B E U X a c t e s & abfur dite du fécond.
Quand on époufe ce que l’ on aim e, on ne refufe pas de
iigner fon engagement. L e V icom te de Bombelles
avoit
bien figné le contrat de mariage avec la D em oifelle Camp*
II auroit bien auifi figné le mariage m êm e, s’il eût franchi
Je pas.
Cependant
�Cependant il n’ exifle nulle part aucun reg iilrccc m a lic e ,
où il Te ioic inferit & ligné avec elle j & il attelle le Ciel q u 1
ne l’a jamais conduite, jamais accom pagnée, ni a B ordeaux,
ni au d éfert, ni en aucun autre endroit pour l’ épouler , &
qu’il ne connoit aucun des Perfonnages dénommes dans les
deux aéles dont elle s’eit munie.
Leurs noms mêmes font il bifarres qu’on feroit tente do
croire que ce font des ncrçns phantailiques. Quels qu’ ils foient,
la fauiTeté de ce qu’ ils attellent n’e il plus douteuie.
i °. Acte de Bordeaux.
L ’ illulion de ce mariage étoit déjà diilipée avant que le
V ico m te de Bombelles s’en mêlât. D ès l’ année derniere fur
fa* dénégation , & fur le rapport qu’ en avoit fait la perfonne
interpofée contre lui auprès de la D am e fon époufe , on avoit
provoqué à ion infçu la vérification des regiilres Se S. Simeon ,
& elle avoit été faite par le C u ré , fous les yeux & à la rcquifition du Sf . Intendant de G u yen n e, qui avoit commiflion
fpéciale à cet effet. Les regiilres ont été parcourus d’ un bout
à l’autre. L ’a&e ne s’ y trouve p a s, & le C u ré certifie n’ avoir
jamais vû ni connu le Vicomte de Bombelles ni la JDemoiJelle Camp.
Quant à l’extrait délivré fous fon nom , il convient que
fon écriture & fa iignature font imitées a s’y méprendre.
Mais il dénie en être l’ A uteur & offre de s*itifcrire en fa u x.
Il a Procureur en Caufe h cet effet. L a faufleté de cet a£te eft
même fi bien avérée, que la D em oifelle Cam p n’ ofe plus s’en
fervir, ni même en faire mention. Il ne relie plus qu’à confondre
celui de Mautauban.
E
�4)
34
x ° . -Acte de Montaubar 7
C ’eft ici la pièce avec laquelle on a donné une fi cruelîe
atteinte à l’honneur du V icom te de Bombelles.
On a fenti que la religion de ion pere qui n’a jamais été
fuipecte ; celle de fa mere qui a été l’ exemple de fa Patrie ;
celle de fes fœurs dont l’ une eit R eligicufe , & l’autre de
meure en Couvent ; celle de toute ià famille dans laquelle
il n’y a jamais eû de Proteftant ; la C ro ix de Saint Lazare
dont il eit lui-m êm e décoré , & qui ne fe donne qu’aux C a
tholiques, jetteroient de l’invraifemblance fur un mariage au
défert , fi Ton ne commençoit par ajufter fa perfonne à
cette fable.
'
On a donc com m encé, pour préparer les efprits à l’illufion,,
par lancer fur lui avec la plus grande hardiefîe un trait d’ au
tant plus empoifonné , qu’ il eft trempé dans le fanatifme. L a
D em oifelle Cam p l’a repréfenté ou fouffert qu’ on le repréfen ta t, non pas feulement comme ayant déguifé fa f o i , mais
comme ayant feint d ’ abjurer (a religion pour féduirc une jeune
perfonne, & Ta traduit tout-h-la-fois aux yeux des Catholi
ques
com m e indifférent fur la form e du mariage , & aux:
yeux des Proteftans comme ayant voulu abufer de la leur
pour fe jouer plus facilem ent de fa future. » Il ne la réduira
p as, ( dit-elle encore h préfen t, ) à la trifte néceilîté de prou
ver qu’il n’a réuifi auprès d’ elle que par le facriiice de fa ca
tholicité.
Mais fans parler du mélange abfurde & impur q u ’elle fait
ici des m yftercs de fa religion avec ceux de l’am our, fans par
ler de l’ ignorance de fon Profelyte qui n’ a jamais fçu la diffé
rence de leurs d o gm es, & auquel il n’eit pas arrivé une feule
�Fois d’ affilier à leurs aflcm blées, qu’avoit-il befoinde déguifer
fa f o i , pour époufer une fille qui ne tenoit alors h. aucune re
ligion , & qui par une claufe expreife de fon contrat de ma
riage , avoit flipulé avec toure fa famille que le mariage feroit
célébré , fiiivant les Lo'tx & formalités du Royaume.
Cette claufe a paru fi énergique k la D em oifelle Cam p & h
fes complices , qu’ils ont cru devoir la fupprimer dans l’édi
tion donnée de fon contint à la fuite de fon Libelle , & d’y
fubflituer des points. Im pofleurs mal-adroits , en la laiflant
fubfiflrer , ils en auroient été quittes pour dire qu’ on s’en étoit
écarté par de fécondés réflexions ; au lieu que par leur fuppreilion frauduleufe , ils déclarent que cette calomnie ne leur
étoit pas encore venue à l’e fp r it, & qu’ils ne connoiifoient
d’ autre ouverture à l’imputation d’ ap oilafie, ni d’ autre m oyen
d’amener un mariage proteflant, que de faire une lacune dans
le co n trat, en dérobant au Public la claufe qui leur faifoit
obftacle. Mais elle n’en exifte pas m oins, & ils ont été forcés
par nos clameurs de la rétablir. Il en réfulte que loin par le
V icom te de Bombelles , d’avoir exigé ni flipulé une bénédic
tion au défert , c’efl au contraire la D em oifelle Cam p & fon
pere qui , malgré la répugnance dont elle fait aujourd’ hui pa
rade , fe font- fournis de leur plein gré à une célébration en
Eglifc catholique.
C ’ eil même évidemment l’ infpiration & la force de cette
claufe qui a produit le faux aéle de célébration en l’ Eglife de
Saint Simeon de Bordeaux. C e t a fte , tout faux qu’ il e i l , a
du moins une date certaine. Il s’ annonce , comme délivré par
le Curé , le 28 Mai 1 jG G ; & il c il bien légalifédu lende
main 2 9 par M. de la R o fe , Confeiller au P arlem en t, &
Lieutenant Général de Bordeaux. Sa légalifation reconnue
E ij
�HP
36
par celle qu’ il a mife tout récemment au bas de la copie colladonnée , eft conftam m entdu 29 Mai 1 7 6 6 . L a D em oifelle
Cam p tenoit donc encore alors le V ico m te de Bombelles pour
Catholique , n’imaginoit pas d’ autre mariage poilible avec lui
qu’ en face de TEglife
ne croyoit pas encore l’avoir époufé
au défert le 2 1 Mars précédent.
Si rimputatïon d’apoftafie eft abfurde , l’ a&e de mariage
^ fabriqué fur ce fondement I’eft encore,davantage. C et a¿te
e prem^r^me qm > fa? la feule garantie d’un Ecrivain téméraire * , a jette
cett<TaffaheT'-t- tant
monc^e dans l’erreur , n’a vu le jour pour la premiere
tention quelle fois que le i G A o û t i 7 7 1 . C e jour-là , un homme qui s’eft
dit Jean Murât de Graillé , & qui s’eft. qualifié PaJIeur de V E glïfe réformée y & Détenteur des. rcgijlres des baptêmes S’ mariages
des Eglifes protejlantes de Montauban , eft entré ch e z D u p ré ,
N otaire R o ya l en la même V i l l e , accompagné de deux Habit ns qui ont dit le connoître, apportant l’a&e en queftion qu’il
a certifié & figné en leur préfence , & dépofé pour fervir de
minute.
Il eût été difficile de prendre confiance en un pareil acle_
L ’époque même de fon apparition le rendoit luipe& : C ’eft
après le diferedit total de celui de Bordeaux , qui avoit fervi
à faire illufion au Public pendant 4 ans.
Son origine ténebreufe augmentoit la défiance. En général
un extrait n’ eft qu’une copie tirée d’un regiftre qu’on a fous les
yeux . <Sc délivrée par un Officier public, dont la fignature fait
foi en Juftice. Ici au contraire , c’ étoit une prétendue copie
d’un regiftre que perfonne n’a v u , délivrée à un Officier pu
blic par un inconnu , fur l’unique autorité duquel portoient
f exiilence du regiftre & la foi de l’extrait , & qui amencit
pour garants , non de fa probité ni de ion regiftre , mais fim r
�fil
37
plement de fon individu & de fa dénomination de Murât ,
deux Compagnons y eux-mêmes fu fp e& s, dont l’ un eit Ber
nard C o d e , fur le théâtre duquel montoit la Dem oifelle
Camp > & l’autre un neveu du Juge-M age, dévoué au fleur
M erignac, oncle de cette fille , pour fervices pécuniaires.
C e qui mettoit le comble à. la perpléxité , c’ eft d’une parc
l ’affectationde cet incopnu , de n’ avoir déclaré ni d ép ô t, ni
domicile où l’on pût aller com pulfer& confulter fes prétendus
registres ; & de^ l’autre , îe refus opiniâtre par la D em oifelle
Cam p de déclarer , fuivant les fommations qu’ on lui en a
faites, le domicile du prétendu Jacques Sol-Ehos , qui eft dit
avoir béni fon mariage, & de ce foi-diiint Jean Murât qui eft
dit en avoir délivré <Sc dépofé l’extrait. Par-la toutes les voyes
étant fermées à la recherche de la vérité , il étoit impoflible
de fçavoir s’il y a un regiftre , fi le prétendu mariage y eft
inferir, & depuis quand exifte le regiftre ou l’infcription.
T out ce que l’on voyoit par l’extrait, c ’eft que le prétendu
afte de mariage n’eft figné ,. ni du V ico m te de Bombelles , ni
de la D em oifelle Cam p y ni de fes parens qui n’y font pas
même préfens, ni de Jacques Sol-Ehus»
Il ne porte aucune date de lieu ,. pas plus que s’il n’avoic
été fait nulle part ; il .n’indique ni V ille r ni Fauxbourg, ni
Porêt 5 ni Campagne , où l’on pût .aller à la recherche du
mariage de la D em oifelle Cam p ; il le laifie dans un défert
aufi] vague que les efpaccs imaginaires.
Il ne dit pas non plus quelle partie du Monde habitent les
trois Tém oins y dénommés. Quand donc il n’eût porté fur lefront aucun autre indice de faufTeté* encore étoit-il impoflible,
parmi taht d’incertitudes, d’y ajouter la moindre foi„
Mais la D em oifelle Cam p a elle - même diilîpé tous les:
�/
doutes. Elle avoit déjà fait im prudem m ent, à la fin de fori
M ém oire à confulter du mois de N ovem bre dernier, l’aveu
difert du fdencc des regijlres , dont elle annonçoit l’ extrait au
commencement. Elle déclare aujourd’ hui qu’il n’y a pas
même de regiftre ; l’extrait qu’ elle en a fait dépofer par
Mu r â t , & qu’ elle promettoit de montrer au P u b lic , n’eft
donc pas un ex trait, mais une pièce originale de nouvelle fa
brique.
I l n’y a pas même de Sol-Elios ifur te rre , & il n’ en paroîtra
» N om
du S o -
r e c ! " latin & Cn
pas , ce n’eft qu’ un nom en l’ air. *
com ble de l’impofture , c’eft qu’on a mal choiil le lieu
& le jour du mariage. L e 2 1 Mars 1 7 6 6 , le V icom te de
Bombelles n’étoit pas à Montauban ; il étoit a Touloufe de
-^ e
puis cinq jours , & y eft refté jufqu’ au 2 7 du même mois.
T els font les a&es qui, jufqu’ à préfent, ont fervi de baie à la
plus horrible diffamation dont il y ait mémoire. L a différence
des d e u x , c’ eft que l’extrait de Bordeaux , cite au moins un
regiftre & un C u ré qui exiften t, au lieu qu’il n’y a ni regiftre
ni Miniftre pour l’extrait de Montauban.
Mais ce qui rend cette derniere impofture encore plus reprehenfible , c’ eft le parjure qu’on y ajoutoit ci-devant pour
mieux tromper le Public. » N ous eûmes ( faiioit-on dire à la
» D em oifelle Cam p ) pour Témoins de nos fermons , ce M ir> niftre , nos amis , nos parens & D ieu . . . Jamais s’efton joué fi licencieufement de la crédulité humaine ?
Si la probité eft de toutes les religions , fes parens & fes
amis ont du frémir de fe rencontrer avec la famille du V i
com te de Bombelles , mais plus encore avec Sol-Elios , Sc
D ieu dans cette citation impie. D ieu qui voit to u t, n’ a jamais
vii ion.m ariage, & ne voit aujourd’hui que l’impudence de
�ti'b
39
ceux qui la font parler. I l n’ a reçu d’ elle aucuns fermens
il
n’ en reçoit que l’ outrage d’ être appelle en faux témoignage :
& S oI-EK qs ne peut' fervir qu’à porter fon parjure au plus>
haut'degré d’évidence.
*
'
'*
F ou r n’être plus le jouet de fa duplicité , 6c de peur qu’ il
ne lui prît fantaiiie d’imaginer un troifiéme a&e de mariage ,
le V icom te de Bombellcs lui a fait faire deux fommations *, . * }^cs 14 & 7*
■j.
,
•.
j
_
Januer 1 7 7 1.
de declafer comment il lufcplaifoit d’ être mariée , dans quel
fieu elle aîrnoit mieux placer la fcêné , à B ordeaux, ou au dé-'
fert , & auquel des deux extraits elle vouloit s’ en tenir. Elle
n’ a oie s’ expliquer. Elle eft forcée de .les abandonner tous
deüx , 5c ne pouvant dire ni dans quelle partie du M onde , ni
par qui elle a été mariée , elle a recours à fon enfant pour la,
iolution de ce problème.
^
1
C ’eft fous le nom de .cet enfant qu’elle offre aujourd’hui la
preuve p arT ém oin s, non pas d’ une bénédiction nuptiale, feul
a& epar où puiile commencer un mariage , mais d’ une pré
tendue poiTeifion d’état , com m e fi l’ on pouvoit acquérir des
maris par prefeription , ou par conje&urcs.
Suppofons pour un moment que ce foit le V ico m te de
Bom belles qui pourfuit la D em oifelle Cam p , lui qui n’ a pris
aucune précaution pour s’aiïurer d’elle , qui ne s’ eil fait re
connoitre mari , ni par teila m en t, ni par aucun autre aétey
qui loin d’avoir des ailes de mariage n’avoit pas même ci-de
vant l’expédition de leur contrat, ni ne fçavoit où répofoit la
minute emportée par leN otaire inconnu : L ’ ayant laifïee dans
tous les tems maîtreiTe de fa perfonne & de fes b ien s, de quel
œil le regarderoit-on s’il prétendoit la tirer des bras drunm ari?
avec des lettres ou d’autres témoignages de leur ancienne fa
m iliarité, & en faifant parler contr’ ellc l’ enfant qu’il en a eu. I
�40
N e fcroit-il pas infâme par l’affront même qu’il auroit voulu
lui faire ?
Q ue chacun reprenne maintenant fon rôle. E lle aura pû
d ifp o fer, & même ( pour parler comme elle ) trafiquer de fa
perfonne, fans qu’il pût l’en empêcher : & l’on fera d’autres
loix pour lui ! Il fera marié fans qu’ elle le foit ! I l deviendra
fon efclave avec des Tém oins !
,
Te ne m’arrêterai point à combatre un expédient, fi pro
pre à bouleverfer toutes les familles , & fi difertement ré
prouvé par nos Ordonnances , ni à démontrer l’impoifibilité
fpéciale , de remettre le fort de qui que ce foit à la difcretion
d’ une fille qui n’a celle , jufqu’à p réfen t, d’être livrée à des
gens affez peu délicats, pour lui fabriquer de faux aétes , ou
pour lui en altérer de véritables.
Je vais lui épargner de nouvelles intrigues , en faifant voir
que non-feulement elle n’ a ni titre , ni pofleiïion d’ un mariage
quelconque , mais que tout l’efpace d’entre fon contrat de
mariage & la rupture définitive, eil rempli par une inten
tion & par une poiTeffion , qui réfiftent invinciblement à fes
fables.
§. I L
I
n e x i s t a n c e
d
’
u n
M
a r i a g e
q u e l c o n q u e .
L a réalité ne fçauroit fe ren con trer, ni fubfifter avec la
fi&ion.
O r , tout ce que la D em oilelle Camp a fait ou fait faire
d’a&es avant & depuis le 8 Février , & le 2 1
Mars 1 jG G ,
époques prifes par fes faux extraits de mariage , ne font que
de vains fantômes deftinés uniquement à faire illufion aux
gens
�41
gens de fa force , & ils font tous démentis par la poilèflïon
refpe&ive des Parties.
i° .
t
Preuves de jîtnulation.
%
O n ne s’ avifa jamais de faire des a6tes évidemment nuls
pour des fins férieufes, ôc encore moins de faire des aétes
faux quand on en a de véritables.
Tels font néanmoins^ tous ceux qu’ elle rap porte.-C eux
qu’elle a fait confentir par le V ico m te de Bombelles , font
nuls ; ceux qu’elle a fait faire à fon infçu , font faux , ôc d’ une
fauiTeté ii averée , qu’ elle n’ ofeplus s’ enfervir.
i
°.
Son contrat de mariage attentatoire aux L o ix du
R oyaum e , qui défendent le mariage avec des Proteftans ,
6c a l’honneur d’ une famille diftinguée qui n’ en a rien fçu ,
n’eft pas feulement nul , il conduiioit à des peines capitales ,
il l’on eût paiiéà l’exécution en minorité. L e foin même que
fes parens ont pris d’ appeller unN otaire étranger, qui n’ avoit
aucun pouvoir d’inftrumentcr b. Montauban , le réduit écarté
où ils fe font cachés en faifant le co n trat, & le m yftere dans
lequel ils l’ont retenu , même après la premierc rupture du
V ico m te de Bombelles avec leur fille, annoncent clairement
que leur intention n’ étoit pas d’en faire ufage contre lui. C e
u étoit done qu’un a&e iimulé , un a£te détourné de fa fin
naturelle à quelque autre ufage , & dans lequel on n’avoit
recherché qu’une vaine apparence , fans afpirer à la réalité.
En le réunifiant aux autres aéies de même époque , furtout avec le teilainent holographe qu’on a fait dater du <5
A vril fu ivan t, il eil évident qu’il n’ a point été fait pour fe
m arier, mais pour couvrir de l’ombre d’ un mariage l’ enfant
ou les enfans dont la naiifance eil difertement annoncée par le
teiiament.
F
�6
4*
1 ° . C ’eft dans la même vue qu’a été fait ce te ila m e n t,
qui ne feroit ni o u v e rt, ni entre les mains de la D em oifelle
C a m p , s’il étoitférieux.
I l eft aifé d’y recoftnoître par le ftyie même , le Praticien
de Campagne , qui avoit rédigé le contrat de mariage. Il y
fait dire au V icom te de Bombeiles , qu’ il s’ en rapporte pour
•
Même expref- fes honneurs funebres a fon héritier bas nommé : *
fo."ratUeje aima-e
Q u’il donne a M arthe.Cam p , f a chcre époufe, l’ ufufruit de
na»efes biens , à la charge de nourrir , a fon pot-au-feu, jufqu’à.
2 5 ans , les enfans provenus de fon mariage :
Q u ’il nomme pour fes héritiers généraux le pojlhume, ou les
pojîhurnes dont elle pourroit être ou devenir enceinte , venant en
lumière de leur mariage ;
E t qu’ à défaut de poithumes , il Î’inftituc elle-même fon
héritiere générale , pour jouir & difpofer de fes biens à f e s
plaifirs & volontés.
O n eil fcandaîifé au premier afpcét de voir une prétendue
femme préfager la m ort d’ un jeune homme plein de vie & de
trois ans moins âgé qu’elle , & s’ occuper de fcs funérailles &
de fa fucceilïon. Mais il lui faut rendre jufticc : elle avoit en
core alors ailèz d’honnêteté pour ne pas expofer férieufement
des idées fi trilles , ni des défirs fi rampans.
Q uelle étoit donc fa penfée ? En Pays de D ro it écrit, tout
le monde fçait que les teilamens holografes n’ y font reçus
que du pere aux enfans , & qu’ ils font nuls à l’ égard de toute
■Voy. Maynari, autre perforne. * En même-tems qu’on fuggeroit celui-ci
r o i ’ de i/Z/t au V icom te de B om beiles , on ne lui en iaiflh point ignorer
concernant les
tfjia m e /is , art, ¡ 6 .
Ja nullité. C e ne pouvoit donc pas être pour tefler c u ’il
.
.
n
1
i
écrivoit ce teltamcnt. On ne peut pas le lui avoir diété pour
s’enrichir de fes dépouilles. L a D em oifelle Cam p ne fe i’ eit
�n r
43
évidemment procuré qu’ à dellbin de pouvoir mettre devant
elle un monument où elle fût traitée de chere epoufè, & peutêtre d’ avoir auiïï un vernis d’honnêteté tout prêt k jetter fur
les pojlhumex qui viendraient en lumière de leur trop grande fa
miliarité. C e n’eft donc qu’ une fimple précaution pour fuppléer au défaut de mariage.
3°. C ’ eft par la même précaution , & k défaut d’ autres
titres , qu’elle eft refté^ nantie de fes lettres. Jamais femme
s’avifa-t-elle de garder les lettres de fon mari en preuve de
mariage ?
4 ° . U ne autre efpece de précaution encore plus démonftrative , ce font les faux a£tes de bénédiction nuptiale qu’elle
s’eft procurés jftratagême auquel on n’a recours que quand on
n’ eft pas marié.
L ’aéte de Bordeaux qui eft daté du 8 Février 1 7 6 6 , n’a
été , comme on l’a vû , légalifé que le 29 Mai fuivant. Elle
étoit donc encore alors occupée k iim uler un mariage.
T o u t l’efpace. poftérieur eft rempli par la même iim ulation. Elle faifoit encore ufage de fon extrait de Bordeaux
en Février 1 7 7 * , lorfqu’elle l ’a fait palier à l’ Ennemi ca
pital du V ico m te de Bombelles , pour tromper les perfonnes
illuftres qui commençoient a le p roteger, & au mois de Mars
fuivant, lorfqu’ elle l’a fait dépofer par un Particulier de Montauban chez Rauzan , N otaire a Bordeaux , pour y fervir de
minute , & s’en procurer l’ expédition qu’elle a dans fon
porte-feuille.
C e n’ eft qu’au mois d’ A o û t 1 7 7 1 , qu’elle s’ eft avifée
de fe faire marier au défert le 2 1 Mars 1 7 6 6 .
Jüfques-lh,
c e f t fur l’acte de Bordeaux du 8 Février 1 7 6 6 , q u elle a
F ij
�44
afondé toutes íes prétentions. I l n’ y a donc dans l’ intervale
du 8 Février 1 7 6 6
au mois d’A o û t 1 7 7 1 ; aucune place
où l’on puiiTe faire entrer un mariage férieux.
A in ii toutes fes précautions fe tournent con ti’ elle , & les
ailes dont elle abufoit fi étrangement pour prouver un ma
riage , prouvent précifément tout le contraire par la perfeverance même de l’ ufage qu’ elle en a fait jufqu’au moment ou
elle a vu qu’ils alloient être convaincus de faux.1
Si quelque chofe en cette matiere pouvoit fuppléer au dé
faut de titre , ce feroit la poilèilion. L ’ eiïènce de la pofleffion
d’état confifte dans l’opinion publique, mais principalement
dans l’opinion de ceux qui font obligés d’ en prendre connoiffance , & qui ont intérêt de ne pas s’y méprendre.
i ° . I l y a des indices dont la préfence eft équivoque ,
mais dont l’ abfence eft démonftrative. Par exemple , l’ unité
' de nom & l’unité de domicile , ne prouveroit rien pour la D emoifelle Cam p. C e t indice eft commun aux époux & aux
concubins , & par conféquent ne fçauroit fervir à. diftinguer
les uns avec les autres.
Quelques précautions que prennent deux A m a n s , pour
couvrir d’ une apparence refpe&able le vice de leur familiarité,
le Public , pour l’ordinaire , n’ eft point duppe d’un nom de
guerre que prend une fille dans fa groiTeiTe , ni des témoigna
ges d’affedion, ou d’une adreife de lettres qu’elle fe fait écrire
par fon G alant, ni même d’une réfïdencc en domicile com
mun ; il ne la rcconnoît point tant qu’il ne la voit point recon
nue par la famille , ou par l’ autorité publique.
Mais quoique l’ unité de nom & de domicile 11c prouve
�45
rien , la diverfité prouveroit beaucoup. U n e fille honnete
une fois m ariée, n’a rien de plus preiïé que d’ oublier fon riom
pour prendre celui de fon mari , avec qui elle ne doit plus •
faite qu’une même perfonne. L a D em oifelle Cam p étoit trop
jaloufe de ion honneur pour manquer à cet ufage. Cependant
elle convient * avoir continué de porter fon nom de Camp “ Pair. 7 ¿e f>n
j
• n
n i»
Mémoire a t o n pendant toute 1 année i 7 6 6 , & jufqu au moment de 1 an- iuiter.
née i 6 6 7 , où fa groifeife s’ eft déclarée. Toutes les lettres
qu’elle a reçues du V ico m te de Bombelles dans cetintervale,
quoiqu’il la traite d’époufe , font à l’adreiïe de Mademoiselle
Camp. C ’eft donc la.groiTeiîe , & non pas le mariage , qui a
été eaufe du changement de nom fur-venu depuis.
Si depuis le mois d*Avril 1 7 6 7 , il lui a écrit quelques
lettres fous le nom dont elle s’étoit décorée, c’eft par conven
tion , & parce que l’ ufage eft à Montauban d’ aller retirer foimême fes lettres au Bureau. A u reile ce menfonge officieux , .
après de longues interruptions , a pris fin au mois d’A o û t
1 7 7 0 , où recommence l’adrefle de Madcmoifclle Camp. '.
Une' des plus flétriiTantes calomnies dont elle l’ait n o irc i,
c’ eft l’imputation de l’ avoir tirée des aras de fon pere, & d’ être
enfuite venu loger che^ elle. Elle n’ o fe y infifter. I l eft en effet
de toute fauiîcté quM Tait jamais emmenée chez lui. .Elle
u auroit même pas pû décemment y conientir. I l a toujours
.lo g é en chambre garnie *. Elle n’y a fait que quelques appa-
• Cen-
ntions furtives , n’ v a accepté que quelques foupers , ôc dans fuite chez Caiil,
fpVo
„.
t
/tv que quelques
1
• n.
9 pas une Alaitre
«-s
autres
vilites
n»y a palié
înltans
, oc
qujer. perru_
feule nuit.
^Si jamais la maifon du mari doit être le domicile de la femme,
c eft fur-tout quand elle n’a plus d’ autre logem en t, & que fa
calamité la force de chercher un afyle. L a D em oifelle Camp
�4-6
s’eft trouvée dans cette crifc au mois de N ovem bre 1 y G G. La
maifon de Ton pere venoit de périr avec la majeure partie du
Fauxbourg. C ’étoit le moment de prendre gîte eliez le V icom te
de Bombeiles , s’il eût été Ton mari. Son defaftre qui l’ a
ramené auprès d’elle , n’a point empêché leurs rechûtes: c’eft
l ’époque où elle eft devenue féconde ; mais il ne l’a pour
tant point réduite à cette extrémité de loger avec l u i , elle a
été loger ailleurs.
Il
eft faux qu’ il l’ait fuivie chez fon pere pendant ia grof-
fe fle , ni qu’il y ait transféré fon domicile. Il-n’ y a p a s logé
une feule fois ; il a même eû la délicateilè de n’ y accepter en
tout qu’un feul repas , & dans la feule vue de leur prouver
qu’il ne les méprifoit pas. A in fi ils font reftés diftinéb par le
nom & par le domicile.
A - t ’il du moins fait ufage des droits que lui donnoit leur
contrat de mariage , & entr’autres chofes eft-il muni de la dot ?
L eu r contrat de mariage porte qu’il lui fera payé par le
fieür Cam p pere, lors de la célébration, laJbmnic de 6000 llv.
dont il donnera fa reconnoiiTance. A -t-il reçu cette fomme ?
E lle n’eft pas fâchée qu’ on le croie ; mais pourtant elle eft
forcée de convenir qu’il n’ en eft rien. O r tom be-t-il fous le
fens que ce jeune homme , qu’ elle fuppofe avide d’ a rg e n t,
eût négligé fa dot s’il s’étoit chargé de fa perfonne ?
E lle l’accufoit ci-devant, de lui avoir demandé au mois de
Juin ï j GG , à elle 1 5 00 ^vres » ** ion pere 3 0 0 0 liv. E lle
n’a pu juftifier ce fait , & n’ a voulu communiquer les pré
tendues lettres qu’elle citoit : mais elle lui a fait donner copie
de fa lettre écrite du Fort-l’Evêque le 3 Mars 1 7 6 9 . C e jl un
lieu très-onéreux ( lui m arque-t-il) je m’y trouve à /’ étroit }
vous nie rendrie£ Jervice d'emprunter à votre pere ou à vos
�m
47
parens cent ¿eus dont j ’ ai ajj'e^befoin. Je ferai très-fenjible à
cette marque d ’ amitic de votre part. Dans cette détreife auroitil demandé à emprunter cent écus , pouvant exiger fix mille
livrer ?
z ° . V o y o n s maintenant quelle a été l’opinion de ceux qui
étoient obligés de les connoître , & qui avoient L»céiêt de ne
pas s’y méprendre. Com m ent ont-ils été regardés l’ un par les
plus proches parens de l’autre ?
L e fleur Camp pere s’eft-il mépris jufqu’au point de re
garder le V ico m te de Bombelles comme fon gendre & de
lui payer la d o t , ou de lui prêter quoique ce Toit ? I l s’ en eft
bien gardé.
Com m ent la D em o ifelle Cam p a-t-elle été regardée a Ton
tour par tout ce qui tient au V ico m te de Bombelles dans Montauban , par la D am e H ennet, par les D em oifelles de Bom
belles ? O n peut le conjecturer par la maniéré outrageante
dont elle a traité la D am e Hennet.
A-t-elle du moins réglé quelques affaires de ménage , payé
quelques dettes , compté avec les Fermiers , reçu de quel
ques Débiteurs ? R ien de tout cela : perfonne ne l’ a reconnue
pour femme.
Il
n’ exifte pas un fcul aéte public où cette qualité lui foit
donnée ; pas même l’extrait de Baptême de Ton enfant.
C ’eft ici une obfcrvation a faire qui fera fentir un jour h.
cet enfant le prix de fa légitimation. L ’ ufage du D iocèfe ,
même pour les Froteftans , lorfqu’ un enfant doit fa nailfance
^ des perionnes m ariées, eft de le qualifier de légitime, ou de
faire mention du mariage de les pere & mere. L a D em oifelle
Camp , qUi a
b ap tise en l’ Eglifc paroilïiale de V ille —
bourbon , n’oferoit nier cet ufage. Son propre extrait de
�48
Baptême en fait foi.
Ses pere & mere y font dits mariés.
E lle a efîayé d’obtenir par furprife du Prêtre qui a baptifé
fon e n fa n t, les mêmes qualifications, & de lui faire croire
qu’elle étoit reconnue pour femme. Dans ce deiTein elle avoit
apofté , pour tenir l’enfant fur les fonts de Baptême fous
le nom de la D em oifelle de B om belles, qui depuis en a donné
fon défaveu , une certaine Antoinette Biargues , qui fe difoit
commife à cet effet par cette D em oifelle. L e Prêtre n’ a point
donné dans ce piège , il s’ eft contenté d’exprimer le nom du
pere & de la mere bien conflatés par les lettres qu’ elle rapportoit. Mais il s’eii abftenu d’exprimer q u ’ils fuiTent mariés,
ôc n’a point voulu rifquer fur l’ enfant la qualité de légi
time.
3 0. Enfin elle n’a tenu compte de l’erreur des dupes qui
croyoient à fon mariage. E lle a au contraire refpeété l’ opiniorT
la plus générale qui ne lui paroiiToit pas favorable, & elle y a
conform é fa conduite.
Q uoiqu’elle prît la qualité de femme , la vérité a prévalu
dans fin/tant périlleux de fes couches. Celles d’ une femme
légitime fe font fans m iile re , & s’annoncent avec éclat. E lle
a été cacher les fiennes en Paroifîe étrangère à quatre lieues
de Montauban.
On ne lui fera certainement point un crime d’ avoir laifTé
le V icom te de Bombelles vingt-un mois au F ort-l’ Evêque ,
fans le venir trouver & fans lui prêter aucun fecours. Mais fi
elle avoit été fa fem m e, quelle exeufe pourroit-elle alléguer
de fon indifférence ? L e mariage n’exifte-t-il donc que dans
la prdfperité? N ’embraiTe-t-il pas l’ enfemble de toute la vie?
Q u ’ y a-t-il de plus humain que de partager l’ adverfité de ceux
mêmes
�125
49
m êm es, dont on ne partage plus les plaifirs ? Juiqu’aux fem-mes les moins fid elles, ne fe font-elles pas un honneur de
voler au fecours de leurs maris , quand il leur arrive quelque
accident? (a)
Il
n’ y avoir rien dans la conduite , ni dans la détention du
V ico m te de Bombelles dont elle pût rougir ; & c ’eft faire un
cruel ufage de fa calam ité, que d’ y chercher des fujets d’ ou
trage & de le traduire en cette prifon , comme un homme
perdu de dettes, traînant dans la débauche une vie pénible 6’
fcandaleufe. Les lettres qu’ il rapporte de fes Supérieurs prou
vent la confideration qu’ils avoient pour lui. L e certificat du
Greffier & du Concierge du Fort-l’Evêque attellen t, qu’il n’ y
a été conftitué Prifonnier que par ordre du R o i } & qu’ il n’ a
point été écroué pour dettes. Elle-m êm e rapporte dans fa lettre
du 3 Mars i 7 6 9 la preuve qu’elle ne l’ignoroit pas : Pour
ne vous laijfcr ( y eil-il dit ) aucun louche fu r les raifons qui
ont déterminé Sa M ajejîé, je vous envoyé la lettre que NL. Gayot
C h ef du Bureau de la Guerre , m a écrite dans les premiers inftans de ma détention; & elle fçait k n’en pouvoir douter, qu’ il
n’ étoit que pour avoir déplu à des perfonnes en place : caufe
qui n’ ayant pas empêché des Officiers Généraux de l’ honorer
de leurs v ifite s, une fille de qualité de l’ admettre h fon al
liance , une PrinceiTe du Sang de figner leur contrat, n’ auroit
pas pû difpenfer la fille d’ un Com pagnon Teinturier de venir
folliciter fa délivrance & abroger fa captivité, s’ il eût été fon
mari. U faut donc pour fon honneur , qu’ elle avoue n’ avoir
m écon n u , dans cette longue épreuve, les fentimens & les
devoirs d’ une fem m e, que parce qu’elle n’ en avoit acquis ni
Içs droits , ni le cara&ere.
' r>a X ^ onf { ‘r ùum om n is v itee , fF. d e r i t u n u p t , I „ 1 .
ri
1 rr^ i t’uinanum quàm fo r t u it is cafibu s m u lieris m a ritu m , v tl uxorem y i n p .v
c>peut ejfc ? ü. toi, Wauim . &ç, L . 1 1 , 7.
°
�5°
O n voit, i ° . Q u'elle n’ a point d’a â e de mariage ; 2 °. Q ue
tous fes a&es font de vains iïmulacres ; 3 0. Q u ’elle n’a point
de poiTeflion ; & 40. Q u ’ il y a poiTeflîon contraire. Elle n’a
donc jamais été fem m e, & par conféquent, ni elle , ni fa fille
à qui elle ne peut avoir communiqué plus de droit qu’ elle
n’en a elle-m êm e, ne font recevables k venir troubler le ma
riage du V icom te de Bombelles & de la D am e ion époufe.
E lle n’a même que des torts & pas un.feul fujet de plainteT R O I S I E M E
P A R T I E .
Torts de la Demoifelle Camp, & demandes contr’ elle.
L a D em oifelle Camp étant convaincue de faux fur le ma
riage & la bigamie qu’ elle imputoit au V icom te deBombelles,
que refte-t-il qu’ elle puiiTe lui reprocher ? Sont-ce les fautes
antérieures au contrat de mariage & revelées par le teilament*
Eft-ce la rupture occafionnée par la fupercherie de ces a£tes ?
E ft -ce la groiTelfe poilérieure à leur réconciliation ? E il-ce la
iimulation de mariage qu’ elle a exig ée, & h. laquelle il s’eft
prêté pour fouftraire cette avanture h la malignité publique ?
C e ne font-la que des foibleiTes de fon â g e , & des excès de
com plaifance, repréhenfibles à. la vérité dans la perfonne des
Séduéleurs , mais pardonnables h un jeune homme leduit.
Q u ’elle ait commencé par feindre une groiîcilfc , pour furprendre un contrat de mariage, qu’ elle ait enfuite abufé d’une
groiTefTe ré e lle , pour fe foire donner le titre de fe m m e , il
ne s’en plaindra pas , puifqu’il y a confenti. Mais devoit elle,
pour fe confcrver une fi&ion de mariage , chercher h. fe dé
faire de ion prétendu mari ; em ployer , pour lui ôter l’hon
neur, les mêmes a&es qu’ il n’avoit foufcrits que pour lui fauver le fiçn ; avoir recours aux ilratagêmcs les plus défefperés*.
�11
pour mettre en péril la liberté & p e u t-ê tre la vie d’un
jeune homme qui n’ a point d’autre tort que d’avoir accepté
.fa
< bienveillance ?
Elle n’ e ftp a s (il e ftv ra i) l’ auteur du complot. L eV icom te
deBombelles & laD em oifelle de Carvoiiin fon époufe feroient
encore heureux & florifl'ants, fi leur mariage n’ avoit porté
ombrage, d’ un c ô té , à l’implacable avidité d'un parent comp
table , & de l’autre à la^niferable jaloufie d’un parent ambi
tieux. C e font-lù les deux paiîions qui ont recherché cette
fille ; & qui ont fait paile avec fa vengeance. Mais c’ eit
£lle qui leur a fourni d’abord le faux extrait de Bordeaux ,
pour arrêter tout à. coup le V ico m te de Bombelles dans la plus
brillante carriere, & le faire enferm er comme Bigame ; projet
qui feroit exécuté
fans la fageife & la probité du Magiftrat
chargé de la P o lic e , qui avant de fouffrir qu’ on attentât à la
liberté d’un C ito y e n , a été d’avis que l’on commençât par vé
rifier l’ aéle fur lequel on avoit obtenu l’ ordre du R o i.
Elle s’efî: prêtée depuis à toutes les autres manœuvres.
Fabrication d’ un nouvel a&e , qu’ elle a elle-m êm e, finon
com m andé, du moins apporté deM ontauban, Ôcfubftitué im
perceptiblement au premier , pour renouveller la fable de fon
m ariage, & y ajouter l’épifode d’ unefédu&ion préparée par
une feinte apoftafie.
Enquête clandeftine à cent lieues du V ico m te de B om
belles, pour le traveftiren P roteilant malgré lui ôc fans qu’il
put s’en défendre.
Inquifition fur toute fa vie pour lui trouver des crimes ;
attention de fouiller jufques dans les regiilres du Bureau do
la Guerre , pour voir s’il y eft bien ou mal noté.
AfTociation avec to u t ce qu’ elle lui con noît d ’ e n n e m i s ,
G ij
�?*
pour recueillir tous les propos ignominieux qu’ on a pû tenir
fur fon compte.
Libelle deftiné à prévenir les efprits par un tas d’horreursj
chargé d’un faux titre qui pût lui frayer une route k la publi
cation , tourné en form e de M émoire a con fu lter, <Sc fuivi
d’une Confultation encore plus iniidieufe, tendante a foulever les Proteftans , les uns par une fauiTe démonftration d’ a t
tachement k leur fc6le , les autres par la fauife annonce qu’il
s’agit Je leur état y & à faire croire à tout le monde que le ma
riage en queftion étoit hors de d o u te , en ne répondant que
fu r la validité ; toutes fuppofitions mifes par déception , fous
le cautionnement & la foi d’un minïftere propre k fubjugüer
la confiance du Public r qui fait k l’O rdre des A vocats cet
honneur bien mérité de croire qu’il n’en efl aucun qui voulût,,
au mépris de fa confcience & de fon ferm ent, écrire le con
traire de ce qu’il verroit dans les a ile s , bâtir des fyitêm es de
diffamation fur des pièces dont il connoîtroit la fauiTeté , ni
y abufer du nom deD ieu pour attefter des bénédiélions nuptiales>
impoilibles par l’inéxiilence du M in iftre, & par l’abfence des
Parties («).
Précautions de toutes efpéces pour empêcher que la vérité
ne fe fit jour par aucun endroit ; édition de fon contrat de
mariage avec fuppreilion de la claufe eifentielle ; dexterité de
ne pas laifler voir fon a&e de bénédi&ion au d é fe rt, dont
l’abfurdité frappante auroit pû revolter le P u b lic , & néan
moins de le lui annoncer d’ un ton d’ aiTurance, avec promefîe
de le produire , & réfolution de n’ en rien faire.
Machinations pour furprendre & faire inférer dans les ga
zettes étrangères des lettres & des notes outrageantes, qui
( a ) Terfonnc de ceux qui connoiflént lc E é fe rfc u r de ia D em oifellc Camp , ne
croira qu’ il ait tu connoiliance de toutes ces faulletés, à moins qu'il ne l ’allure
lui-mcrac.
�12 ï
13
annoncent au V ico m te de B om belles, qu’ i/ pourra triompher
dans les Tribunaux , mais qu’ il cjl condamne au Tribunal de
l ’ honneur, comme ii l’honneur pou voit avoir d’autres Tribu
naux que ceux où l’ on prononce avec connoiilance de cauie,
ou d’ autres organes que ceux qui ont fait vœu de la plus icriipuleuie impartialité.
Affectation de traîner partout avec elle cet enfant qu’elle
refufe à ion prétendu m ^ri, & d’abufer du fruit de leur
am o u r, pour allumer contre lui la haine dans tous les cœurs.
Déchainement général excité par Tim pollure de fes titres
& de fes déclamations,- qui ont réduit ce jeune homme h la
néceffité , ou de perdre ion honneur en ne fe montrant p a s,
ou d’expofer fa vie en fe m ontrant, com m e il a fa it, fans y
manquer un feul jour.
L e V icom te de Bombelles pourroit entreprendre les F auf, faircs, & s’il ne craignoit de rencontrer parmi eux la perfonne
qu’il veut épargner , il dénonceroit à l’inilant au M iniilere
public les deux ades faux.
Il
nom m eroit, pour parvenir à la découverte des Auteurs
du p rem ier, le M agiftrat qui en a été porteur auprès de la
D am e de Bombelles ,. le iieur Intendant de Guyenne . qui a
été chargé de la vérification r «5c le nommé C in fra ix , qui en a
fait le dépôt chez Rauzan , N otaire à Bordeaux. L eur cons
cience eft engagée à. déclarer qui leur avoit remis cette
p iè ce , & C infraix doit en répondre fur fa tête..
Il
nommeroit fur le fécon d , Bernard C o ite & M e. Jean-
Marie de Foreftier , neveu du Juge-Mage de Montauban ,
qui fe font préfentés le 1 6 A o û t i 7 7 1 avec J e a n Murât pour
en faire le dépôt ch czD u p ré N o ta ire , & ils ne pourroient fe
difpenfer de livrer l’A u te u r , s’ils ne veulent paifer pour A u
teurs eux-mêmes ou pour Complices*.
J
�/X*
u
Mais !e reiTentiment ne l’emportera point à fufciter une
attaque il propre à le venger ; il ne veut qu’ achever fa défenfe ; & laiiTant la perfonne des coupables pour fe borner à
leur ouvrage , il fe contentera quant à préfent de requerir
pour toute fatisfa&ion :
i
’
Q ue les deux expéditions foient lacérées, & que men
tion en foit faite fur les deux originaux.
2 °. Q ue l’Enquête clandestine faite au mois d’ O & obre der
nier par le Juge-M age de Montauban foit déclaré nulle.
3 0. Q ue le M ém oire à confulter & la Confultation du i 2
N ovem bre fuivant foient déclarés calomnieux.
L ’ Enquête a pour objet de prouver qu’ il a fait femblant
d’ époufer la feéle de la D em oifelle Cam p pour parvenir à.
époufer fa perfonne , c’eft-k-dire de prouver le contraire de
ce qui eft démontré par la claufe du contrat de mariage qui
avo itété frauduleufement retranchée. E lle devient par conféquent inutile à la D em oifelle Cam p depuis le rétabliifement
de cette claufe , & fa Ie&ure ne feroit que le com ble de l’infulte qu’elle a faite à fes Juges de les interpofer , moins pour
ju^er de fon mariage que pour être témoins & fpe&ateurs de
fes outrages.
Elle lui eft encore inutile par fa nullité manifefte , nonfeulement comme ayant été faite fans demande préalable 6c
Cms être ordonnée , mais comme étant prohibée form elle
ment par le titre 1 3 de l’ Ordonnance de 1 G G 7 , ayant même
été faite avec la plus infigne mauvaife f o i , fans y obferver
aucune des formalités requifes avant l’abrogation des Enquêtes
* V. le procès- d ’ examen a fu tu r , * c’eft-h-dire fans aflignation de Tém oins
pour prêter ferment , ni de Partie pour aflifter à la preftadon ; compofée d’ailleurs de Tém oins dévoués , 6c qui ont
été dépofçr d’ eux-mêmes,
�C ’ eft même une de ces inquiiitions odieufes fur la vie d'au
trui donc l’ufage n’a jamais été permis en France , 6c qu’ on a
toujours réprimé ( dit M. l’ A vocat Général Bignon ) par des
dommages-intérêts. Cette Jurifprudence eft confacrée par fon
Réquisitoire & par l’A rrê t de la C o u r intervenu en confor
mité le 1 4 D écem bre 1 6 ^ z *.
*
Quant au L ibelle qu’on a répandu avec tant de profuiiorr Aud
dans le public au mois dt^ N ovem bre dernier , fous le titre
impofant de Mémoire à confultcr, tout ce qui cara£lérife un
Libelle diffamatoire sTy rencontre. i° . D éfaut de caufe : la
D em oifelle Cam p n’avoit point k fe défendre , perfonne ne
1 attaquoit. 2°. D éfaut de droiture : il ne tend point k inftruire les Juges qui n’étoient encore faifis d’ aucune a&ion ,
niais fimplement k s'emparer de la prévention publique.
3 °. FauiTeté 6c délire: il eft rempli de faits calomnieux étran
gers k fon prétendu mariage , tels que les dettes , la fabrica
tion de faufîes lettres de change , la débauche, 6cc. 6c ceux:
même qui peuvent s’ y rapporter font tournés a d’autres ufages^
T out y refpire la vengeance & l’ exécration. I l ne feroit donc
pas jufte de laifler exifter ce monument ignominieux.
O n ne s’en prendra point k la D em oifelle Cam p. Eût-elld
etc l’ame du co m p lo t, on n’ignore pas ce que peut contre'
fon Am ant une femme en fureur, quand elle croit fon amour
nieprifé y & qu’elle fe voit obligée de rentrer dans la fphere
d ou elle étoit fortie. C ’eft un torrent qu’il eft impofTible d’arrescr , 6c auquel il faut laifTer un libre cours. A ufli jufques.
dans les outrages dont elle accable le V ico m te de Bom bclIesr
il ne fcnt que la douleur qu’elle exhale. I l ne cherchera point'
d autre vengeance que de brifer les armes dont, elle s’eft fer—
vie pour le perdre.
�S’il requiert que défenfes lui foient faites de fe dire F icomteffe de Bombelles , & qu’ on lui arrache ce nom qu’ elle a
cru pouvoir,fe féliciter de perdre, ce n’eft point pour la punir
de la témérité qu’elle a eue de l’u fu rp er, ni des efforts qu’ elle
a faits pour l’a v ilir, c’eft pour rendre hommage à la vérité, &
le fixer fur une époufe refpecta b le , qui feule a droit de le
porter.
S’il requiert que l’enfant dont elle fe fert pour l’ attaquer
foit remis en d’autres mains , avec offres d’em ployer à fa fub
f iftance le peu de fortune qui lui refte , c’eft tout-a:la-fois
pour donner à fa religion un témoignage authentique de fon
attachement inviolable , & marquer fon obéiffance aux L oix
de l’E ta t, qui veulent que les enfans dont les peres fo n t Catho
liques , & les meres de la Religion prétendue réformée , même les
enfans nés hors mariage & tous autres, foient baptifés & élevés
en l ’Eglife Catholique , & enjoignent aux Juges d ’y tenir la
» D é c l.d u iF e v .
1 6 6 9 , a rt. 39 i
du 51 J a n v . i é S i ,
Edit d’ O ftobre
i 6 8 y , a rt. 8 ,
main.
Il
ne fe propofe qu’une meilleure éducation fous les auf-
pices d’ une R eligion plus pure. D u refte il n’entend point
féparer la mere d’avec l’ enfant : elle pourra le voir tant qu’elle
voudra. I l defire même que cet enfant conferve pour elle tout
le refpect qui peut lui être dû; & qu’ il ignore (s’ il eft poffible)
ou du moins qu’ il joigne fes efforts à ceux de fon pere pour
faire oublier la faute qui lui a donné le jo u r, ainfi que l’éclat
dont elle a été fuivie.
• Monfieur D E
V A U C R E S S O N , A vocat Général.
M c. L E B L A N , A vocat.
D e l’im p r . d e C H . E s t C h e n a u l t ,
ru e de l a V i e i lle d r a p e r ie
�
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Factums Godemel
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[Factum. De Bombelles, Jean-Louis-Frédéric-Charles. 1772?]
Creator
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De Vaucresson
Leblan
Subject
The topic of the resource
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
protestants
vices de forme
suspicion de bigamie
diffusion du factum
opinion publique
rapt de séduction
actes de mariage
faux
Description
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Titre complet : Plaidoyer pour Messire Jean-Louis-Frédéric-Charles Vicomte de Bombelles, sous-aide major d'infanterie, chevalier-novice de l'ordre royal et militaire de Saint Lazare, intimé, défendeur et demandeur. Contre demoiselle Marthe Camp, fille majeure, appelante comme d'abus, et défenderesse. Et contre Antoine Maugis, tuteur ad hoc d'Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte de Bombelles, aussi appelant et demandeur. En présence de dame Marie-Françoise de Carvolsin, épouse dudit Vicomte de Bombelles. Et de dame Magdeleine-Claudine-Charlotte-Renée de Bombelles, veuve de messire Antoine Hennet, lieutenant-colonel d'infanterie, intervenante.
Annotations manuscrites: condamnation du mari.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Ch. Est. Chenault (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1772
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
56 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0803
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0801
BCU_Factums_G0802
BCU_Factums_G0804
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montauban (82121)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes de mariage
diffusion du factum
Faux
opinion publique
Protestants
Rapt de séduction
suspicion de bigamie
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53053/BCU_Factums_G0804.pdf
7bab98375141e5b3d333b6a63ba26d8a
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REPLIQUE
POUR
Demoifelle
A n t o in e t t e -L o u ise A
n-
procé
dant fous l'autorité d’Antoine M augis, fon T u
teur ad hoc.
g e l iq u e
-C h a r l o t t e
C O N T R E
B
C
o m b e ll e s
d e
C
h a r le s
ess ie u r s
De
B om belles ,
r é d é r ic
M
a r ïe
Vicomte
-F
d e
r a n ç o is e
.
En préfence de Demoifelle
teffe d e B o m b e l l e s ,
M
- F
Demoifelle
&
a r v o is in
de
Cam p3
M a r th e
Vicom
,
tous les incidens bifarres que cette C aufe préfente, le
plus fingulier p eu t-être, le plus é to n n a n t, c ’eft que dans l e ,
;
A.
�prodigieux efpace de tems que nos Adverfaires y ont d o n n é ,
elle foit devenue beaucoup plus obfcure qu’auparavant ;
8c
qu’après fix A udiences em p loyées, s’il faut les en croire , à
nous répondre, la partie la plus eiïentielle de nos moyens foit
reilée fans rép on fe, que le véritable nœud de l’affaire, l’article
qui d ev o it, ce fem ble, mériter fu r-tou t leur a tten tio n , foit en
core à traiter de leur part.
V ou s vous le rappeliez, M e s s i e u r s , je l’avois réduite à.
deux points principaux. P e u t-o n , d oit-on préfum er qu’il y a
eu un premier m ariage? L e fécond m ariageeft-il valide? V o ilà
les deux queftions que je me fuis attaché à réfoudre dans la
«feule & unique A udience où j’ai eu l’honneur de vous entre
tenir. A llia n c e lég itim e, contra&ée par celle que je défends :
alliance a b u fiv c , contrariée par la D em oifelle de Carvoifin.
T e lle a été la divifion toute naturelle de m on prem ier P la i
doyer. J’ai prouvé que la nature & la raifon fe réuniifoient
pour confirm er les droits de l’u n e , com m e la Xuftice & les
L o ix pour proferire l’ufurpation de l’autre.
N o s Adverfaires ont affe£é d ’abord de publier q u ’ils fe c o n form eroient au m êm e plan , & il jette en effet plus de clarcc
dans la difcuffion. Mais ils l ’ont bientôt perdu de v u e , ou du
m o in s, ils ont jugé à propos de n’en rem plir qu'une partie. I l*
ont oublié qu’il s’agiffoit moins pour eux d ’attaquer, que de fe
défendre ; &
cette méprife inconcevable nous donne dès à
préfent un avantage qui ne vous eit certainem ent pas échappé.
T ou s leurs efforts fe fon t dirigés contre le premier m ariage.
I l n’y a pas un d’eux qui ait ofé prendre fur lui de juftifier le
fécond
& en le lailîant ainfi H l’éca rt, ce n’efl pas qu’ils aient
réellem ent dédaigné nos moyens d’abu s, ce n’eil pas qu’ils les
aient jugés infuffifans, ils en ont eux-m êm es fenti & reconnu
�*33
3
la force ; mais dans l’impuiiTance où ils fe trouvoient de les
détruire , ils ont mis en ufage un ilratagcmc un peu étrange ,
pour fe difpenfer même de les attaquen
* Vous avez entendu le Sieur de Bombelles & la Dame
Herinet, renvoyer a leur affociée la corvée pénible de les com
battre. On vous a hautement & pluiieurs fois annoncé que le
Défenfeur de la Demoifelle Carvoiiin briferoit, en fe jouant,
dans nos mains ces armes importunes dont on feignoit de méprifer l’éclat. Q u’en eft-il arrivé? La Demoifelle Carvoifin a
paru à. fon tour dans la lice , & ce qu’elle devoit faire, elle
a fuppofé qu'on l’avoit fait d’avance. Elle s’eft exeufée de ré
pondre aux moyens d’abus, fous le prétexte que fes prédéceffeurs ne lui avoient rien laifle à dire à ce fujet.
Cette fubtilité commode peut épargner des embarras, mais
elle n’eft pas propre à convaincre des Auditeurs éclairés. Tout
ce qu’il en réfulte, c’eil que la nullité du iecond mariage eit
démontrée & avouée même par nos Adverfaires.
Et en effet, toutes les irrégularités qui peuvent anéantir §
fuivant les L o ix , un a&e de cette nature, fe trouvent raflemblées dans celui-ci : abfence du propre Pafteur, faux domicile
prêté à l’une des Parties, mépris des formes juridiques, au
dace à enfreindre de foi-même un engagement antérieur donc
les Tribunaux feuls pouvoient prononcer la réfiliation. Il femble que le iieur de Bombelles, en cherchant h rompre les liens
qu’il avoit contra&és h. Montauban, ait fait en même tems tout
ce qui dépendoit de lui pour les affermir par la foibleife qu’il a
donnée h ceux qu’il eifayoit d’y fubilituer. Lui & fes adhérens,
par leur filence fur cet article, rendent donc un hommage forcé
aux vérités que nous vous avons préfentées.
En diminuant leur tâche, ils ont allégé la nôtre. Puifqu’ifc
A ij
�4
fe font bornés h nous oppofer des fins dé non-recevoir, nous
nous bornerons de notre côté à en établir l’illufion. Nousprouverons que la Dame & la Demoifelle de Bombelles font recevablcs à excipcr de la nullité d’un mariage qui fait tort à leurs
droits à toutes deux. Nous démontrerons qu’il y a eu un enga
gement férieux & effectif, confommé entre le Sieur de Bom
belles & la Demoifelle Camp. Nous ferons voir que la validité
& la réalité de cet engagement font juftifiées de toutes les ma
niérés qui peuvent aiTurer l’état des hommes, par lapoiTeiIion&
par les titres.
On a nié l’une, M e s s i e u r s , & l’on a feint de vouloir at
taquer les autres ; & c’eft encore ici la rufe que l’on a fubftituée
aux raifons, c’efl: l’adreiTe que l’on a mife en œuvre, au lieu de la
folidité des preuves.
D ’une part, pour rendre la pofleffion douteufe , pour don
ner lieu de croire que le mariage de la Demoifelle Camp n’avoit jamais été approuvé de la famille, ni reconnu publique
m ent, on a fait intervenir dans la Caufe une tante qui avoit
déjà joué un rôle peu honorable dans les préliminaires qui
l’ont néceiîitée. D e l’autre, pour affoiblir les titres que nous
étions en état de produire, mais dont, par des ménagemcns
particuliers, par des raifons faciles h pénétrer, nous nous étions
abftenus jufqu’ici de faire aucun ufage , on a traduit fur la fcene
un Curé de Bordeaux, de la main duquel cil émané un de ces
titres.
Ce Curé eft un corps de réferve, qui doit agir dansfon terns.
On r 'annonce avec appareil. Il doit , dit-on r s’infcrire en
faux. Il doit invoquer la rigueur des Loix contre l’abus qu’on
s’eft permis de faire de fon nom , contre le délit qui ofe imiter
fa fignature au poin t, comme il l’avoue dans fes lettres, de lui
faire illufion à lui-méme.
�I£ j
• Il y a loin , M
e ssie u r s
5
, des bords de là Garonne h ceux
de la Seine. Ce Curé pétulant pourroit bien ne pas fe croire^
obligé de tenir fervilemént la parole qu’il a donnée au fieur de
Bombelles.La chaleur qu’on luiprête ici pourroit fediffiper dans
le voyage ; & fi réellement il le f a it , s’il a la hardieiTe de paroître devant vous , il ne parlera peut-être pas plus du prétendu
faux, que laDemoifelle de Carvoiiin des moyens d’abus. Quand
il nous aura entendu, quand il aura vu briller enfin au grand
jour ces armes redoutables que nous voulions bien laiiTer dans
robfcurité , & que nos Adverfaires eux-mêmes ont eu l’impru
dence d’en faire fortir ; il n’y ajoutera pas celle d’en rendre la
vérification néceiTaire. L e cri de fa confcience l’emportera fur
la crainte qui l’anime aujourd’hui. Il tremblera de devenir , par
une dénégation trop facile à confondre, plus criminel aux yeux
de la L o i, qu’il ne peut jamais l’être par l’aveu pur & iimple de
la vérité.
Quoi qu’il en foie, à ces moyens puériles ,1e iieur de Bom belles en a joint d’autres qui n’ont pas plus de force. Il a eifayé
d’appuyer l’intervention de la Dame H ennet, & la menace de
l’infcription de faux, par des reproches fcandaleux , qui ren
d aien t l’une & l’autre moins révoltantes s’ils étoient fondés.
Vous vous rappeliez, M e s s i e u r s , de quelle maniéré il a ré
pondu aux égards , aux ménagemens que nous avons affe£tés
pour lui. En refufant un état à fa fille , il n’a ouvert la bouche
que pour en déshonorer la mere. Il ne lui efi: pas échappé un
toot qui ne foit une infultc , pas une phrafe qui ne contienne
une calomnie.
Il s'eft efforcé de dévouer à l’opprobre cette femme refpectable, dont il a fouillé lrinnocence, &c qui jouiroit e n c o r e d’une
gloire fans mélange ft elle n’avoit eu le malheur de le cro ire
*
�6
vertueux. Sédu&ions , intrigues, manœuvres de toutes les efpeces , complots coupables dans tous les genres ; il n’y a point
de délit dont il ne l’ait accufée ; point de maniéré de refroi
dir l’intérêt que fon infortune excite, qu’il n’ait mife en ufage.
Ces reproches au fond,M e s s ie u r s , ne doivent point influer
fur la Caufe, mais il eft cependant nécefiaire de les réfumer &
de les détruire. Tout ici tient à la délicatefle, à l’honneur. C ’eft
au nom de la vertu trompée, que la Demoifelle de Bombelles
demande la réhabilitation de fa mere & la iienne. Il eft donc
important pour elles, avant tout, de prouver combien cette
vertu leur a été chere. Il leur eft eifentiel de faire voir à qui
appartiennent ici les qualifications odicufes,iicruellem ent, ii
légèrement prodiguées du côté du iïeur de Bombelles.
Nous allons donc, avant to u t, difeuter les inculpations par
lefquelles il s’eft flatté de rendre fa premiere femme fufpe&c,
& de rejetter fur elle ce mépris public , cette indignation gé
nérale dont il avoue lui - même qu’il fe fent pourfuivi. Nous
écarterons enfuite l’intervention frivole de la Dame Hennet, &
nous finirons par un examen rapide des deux reifources qui
juilifient nos droits & notre efpérance, de cette polfeilion qu’on
nous difpute, de ces titres qu’on feint de vouloir nous enlever.
§1Rèponfe aux reproches faits a la Demoifelle Camp par le Sieur
de Bombelles, & c .
L e premier reproche que le fieur de Bombelles fait à la
Demoifelle Camp , c’eft d'avoir joué la comédie. Il n’ofe pas,
à la vérité , tout à fait la placer au rang de ces A&rices ambu
lantes , animées par le double attrait du gain & de l’indépen
dance f qui promenant de V ille en Ville leur art & leurs talens /
�7
en flétriflent trop fouvent l’éclat par le défordrc qui en accom
pagne le développement. Mais tout ce qu’il étoit poiîible d in -
finuer de méchant & d’infidieux , en parlant de cet amufemcnt
prétendu de la Demoifelle C am p, a été prodigué k l’Audience.
La réflexion a fait retrancher en partie cette calomnie cruelle
de l'imprimé. On y lit cependant encore, pag. 37 , en parlant
de deux perfonnes que le iieur de Bombelles n’aime pas, que
l’un cil Bernard Lacojle , fur le théâtre duquel mcntoit la D e
moifelle Camp. Qui ne p^endroit à ce mot le iieur Lacofte
pour un Dire&eur de t r o u p e & la Demoifelle Camp pour une
de fes gagiftes ?
Vous vous rappeliez , M e s s ie u r s , les détails avec lefquels
cette idée a été préfentée dans les plaidoiries. On vous a dit que
la Demoifelle Camp, chargée de jouer un rôle, avoit cru trouver
dans le iieur de Bombelles un inftituteur propre h lui donner
le goût de la déclamation ; qu’elle l’avoit prié de vouloir bien
être fon guide dans ce jeu délicat, où il eft ii facile de laiiïer
pénétrer dans le cœur les fentimens que la bouche exprime^
On vous a affirmé que cette propofition étoit le fruit d’un ar
tifice profond , & que le deifein de l’écoliere, en montrant
tant de docilité , étoit de parvenir, comme elle y a réuili,
a-t-on d it, à captiver fon maître. On a été juiqu’à vous nom
mer le drame qui avoit donné occafion à un manege fi adroit,
fi bien concerté. Qui oferoit, après des détails fi précis, fe dé
fier de la vérité du fait qu’ils confirment?
Cependant, M e s s i e u r s , il n’y a pas un mot de vrai dans
tout ce récit. N on feulement la Demoifelle Camp n’a jamais
pris de rôle dans aucune de ces fociétés, devenues fi fréquentes
aujourd’hui,peut-être au détriment des mœurs ; non-feulement
elle n 'a jamais paru dans aucune de ces repréfentations bour-
�m
\
8
gcoifcs qui font les délices de tant de jeunes gens , même dans
lçs grandes V illes, où la perfection des théâtres devroit, ce fein»ble,dégoûter de ce plaifir difpendieux «Sc pénible : mais iî n’y a
jamais eu de fociété de ce genre formée h Montauban pen
dant le féjour qu’y a fait le ficur de Bombelles. Je vais yous en.
donner la preuve.
Certificat de M . le Premier Préfident de la Cour des Aydes &
Finances de Montauban.
Amable-.Gabriel-Louis-François de Malartie , C hevalier , Com te de
M ontricoux , certifions à qui il appartiendra , que Dam e Marthç
Ç a m p , VicomteiTe de Bom belles, a toujours joui avant & depuis l’an*
née 1 7 66 , époque de Ton m ariage, d’une réputation inta& e; q u il eji
fa u x qu'elle ait jamais jo u é la comédie. En foi de q u o i, & c . Fait à Mon
tauban le 6 Juin 1 7 7 1 . S ig n é, M a l a r t i e d e M o n t r i c o u x ,
Lettre de M . de la Mothe 3 Chevalier de l'Ordre Royal &
Militaire de Saint Louis , à M . Linguet.
Montauban ce 7 Juin 1 7 7 1 .
Il s’eft répandu i c i , M onfieur, des bruits fi injurieux fur le compte
de Madame de Bombelles & fur les maifons qui l’ont reçue , que je ne
dois pas v o u s laifler ignorer la faufieté de tout ce qui s’en eft dit. Ces
mauvais propos ne peuvent venir que de M. de Bombelles.
Mademoifelle Camp a toujours paiTé pour une perfonne de bonnes
piœurs ÔC de très-bonne conduite ; elle n'a jamais donné dans aucun
fpcclacle yni penfc à jouer la cojnedit; elle a toujours fréquenté de fort
honnêtes gens. M. de Bombelles la v it pour la premiere fois chez Ma
dame de L efcu re, femme du Procureur du R o i au Bureau des Finances
de cette V ille , Chevalier de Saint Louis ; il la v it enfuite dans de fort
bonnes maifons de gros Com m erçans, au Fauxbourgde Villebourbon,'
qui a toujours été fon lieu d’habitation: enfin, M. de Bombelles époufe
cçîte jeune perfonne} 8i la prefenta dans toutes les maifons comme
Madame
�9
Madame de Bombelles fa femme ; & le jour qu’il l’apréfenta à Madame
de la M o th e , j’avois grande aflemblée chez moi ; il lui dit : Voilà Ma
dame deBom belles ma f e m m e ..............................
J’ai l’honneur, & c . Signé, L a M o t h e , C h evalier de l’Ordre M ili
taire de Saint Louis.
Lettre de M . de la Cofle , à M . Linguet.
Plufieurs perfonnes m’ont a ffu ré , M onfieur, que l’A v o c a t de M. de
Bombelles avo it avancé en pîeine Audience les plus grandes infamies
contre moi &c ma famille. Je n’ en ferois pas du tout affe&é ii cela s’éto it p a fle ic i; la V ille entiere auroit pris mon parti. £ïous nous connoiffons tous dans les petits endroits, & cent cinquante ans & plus
d’ une roture honorable dans le commerce en g r o s , fans interruption &c
•fans la moindre ta c h e , feroient y o ir combien cette roture eft préférable
& infiniment au-deffus d’une nobleffe qui eft affez lâche pour s’avilir
par des calomnies atroces & des m enfonges, les uns 8c les autres ii
aifés à détruire. C ’ eil être bien m a l-ad ro it, pour défendre une Caufe
tléfefpérée au Tribunal de l’honneur, que d’em ployer de fi indignes
m oyens , & qui ne peuvent pas foutenir la plus petite information.
Perm ettez cette courte réflexio n , qu’il feroit inutile d’étendre avec
v o u s , M o n f i e u r ........................• .
Je me bornerai à vou s dire que '
j’ai v u quelquefois chez moi M. de Bom belles, mais pas fréquemment ;
c’étoit chez ma mere , v e u v e très-refpe&able, âgée alors de près de
quatre-vingt ans, demeurant dans la maifon paternelle affez éloignée
de la mienne , viva n t avec fes trois filles, mes fœ u rs, qui n’étoient
plus jeunes, que fe rendoit prefque tous les jours M. de Bom belles,
& ou il v o y o it Mademoifelle Camp : la Com pagnie étoit ordinaire
ment nom breufe, &c toujours dans la Chambre de ma m ere, d’où
elle ne fortoit jamais. O n cite ma m ere, croyez-en mon affertion que
tous les habitans de cette V ille attefteroient avec plaifir ; on cite ma
mere , dis-je , comme un exemple de toutes les vertus fo c ia lc s ,& furtout de celles qui. ont trait à 1’,honneur, à la mofleftie & à la plus féyerc décence; mes fœurs en ont h é r ité ,& foutiennent ces qualités par
13
�••*•»
10
la meilleure éducation. Q u elle apparence , d’après ces vérités dont il
m’eft bien permis de m’honorer & qu’il feroit très-facile de p ro u v e r ,
j
que Mademoifelle de Camp ait pu être fubornée dans une maifon fi ref-
j
pedable ! C ’eft de ces horreurs que les honnêtes gens n’imaginent pas.
j
Je permis à mon fils & à ma fille de repréfenter chc{ moi, avec leurs amis
j
& amies, quelques pieces de théâtre des plus décentes & des plus châtiées ;
|
la premiere repréfentation ,par Andromaque ,fu t le 21 Avril 1768. Rap-
I
prochez cette date de celle du dernier départ de M . de Bombelles ,
r
v o u s verrez s’il s’eft trou vé à nos comédies de fociété. Il ne s’en cil
. !
pas joué ici ailleurs que chez m o i, depuis qu’on donna quelques repré-
|
ientàtions chez M. de la C o r é e , Intendant de cette V ille ; Madame de
Bombelles ne repréfenta pas plus che{ M. de la Corée que che{ moi. E lle
[
• n'a jamais mis les pieds fu r les planches pour y jouer aucun rôle. Elle ne
!
v in t chez m o i, comme fpeûatrice , qu’aux premieres repréfentations»
A yan t appris dans ce tems que M. de Bombelles a vo it jété mis au Fortl’E v ê q u e , elle renonça
à toutes fortes de fociétés , & o n ne la vit plus abfo'
lument autre part que che[ elle. Le jour qu’on donna Zaïre chez m o i, le
3 Décem bre 1768 , M. de G o u rg u e , Intendant de cette G énéralité, y
aifiita; c’étoit Mademoifelle R a u ly qui rempliffoit le rôle de Zaïre.
Eft-il poffible qu’aux plus infignes menfonges on ajoute encore le
Iranfport des tems & des perfonnes ? ..........
J’ai l’honneur , ôcc. Signé , B. l a C o s t e .
A
Montauban le 6 Juin \yyx.
Je ne fais point de réflexions, M
, fur ces notices
i
accablantes pour le fieur de Bombelles ; mais s’il ne peut
les démentir, je lui demande à lui-m êm e quelle idée on
doit fe former de fa ftncérité , & quelle confiance on doit à
' j
e s sie u r s
1 audace avec laquelle il rejette comme des impoilures toutes
les pieces dont il redoute l’effet.
Û n autre reproche ou il n a pas ete plus vérid iq u e, ni moins
im prud ent, c’eit celui qu’il a mis dans la b ou ch e de la D am e
|
j
�n
m
i
Hennet, & qui a dû certainement faire fur vous une certaine
impreiiion , parce que d’une part il eft grave ; que de l’autre il
tombe fur une des principales pieces que nous avons em
ployées dans notre défenfe ; & , qu’en troifieme lieu , vous ne
pouviez pas être en garde contre la hardieife avec laquelle on
a ofé le dénaturer.
*
J’avois parlé du teftament du (leur de Bombelles, dans lequel
il déiigne à chaque phrafe la Demoifelle C am p, par le nom de
fa chcre époufc. Je l’ai cité^ non pas comme une piece dont on
pût jamais faire ufage pour s’approprier la fucceflion du teftateur, mais comme une preuve de la vérité qu’il nie aujour
d’hui, comme une reconnoiffance authentique de la réalité de
ce mariage qu’il s’efforce de dégrader. J’en ai produit une ex
pédition (ignée du (leur de Bombelles. Je l’ai mife fous vos yeux
a la premiere Audience : je vous ai fait obferver quelle portoit
non-feulement fon n om , mais fon cachet & le fceau de fes
armés , imprimées avec le plus grand appareil. Il étoit préfent ;
il n’a pu méconnoître ce monument de la tendrefle qui l’animoit dans des tems plus heureux, & d’une paillon qui ne lui
infpiroit alors que des deiirs honnêtes. Il n’a pu fe tromper
fur la voie par laquelle elle nous étoit parvenue, ni oublier à
qui nous en étions redevables.
Quelle a été ma furprife, M e s s i e u r s , quand j’ai entendu
inculper avec véhémence la Demoifelle Camp à cette occafio n , & fon mari lui faire un crime de ce qu’elle avoit fon
teftament en fa poffefllon ! Q uel a été mon étonnement, quand
on l’a accufée devant vous d’avoir violé , pour fe le procurer,
le dépôt d’un Officier public, de l’en avoir fouftraitclandeftineH^nt, ou arraché avec un éclat coupable ; d’avoir ou trompé
ou corrompu l’homme intégré à qui il avoit été confié 1 &
’
B ij
�c’eft le iîeur de Bombelles qui fe permet ces indignes décîa**
mations !
Pour le confondre, il ne faut que repréfenter la piece. Nonfeulement, M e s s i e u r s , ce n’efl: point l’original, ni une ex
pédition furprife en fraude, à la vigilance d’un Officier qui fe
,foit laiffé ou tromper ou écarter des devoirs de fon miniiîere ;
non-feulement ceii’eil qu’ une copie j non-feulement cette copie
cft expédiée, délivrée delà main du iieur de Bombelles lui-même;
m ais,comme ii la Providence, prévoyant dès-lors l’excès d'au
dace auquel il fe livreroit un jour à cette occaiion, avoit voulu
ménager à fa déplorable époufe un moyen fûr pour le couvrir
de honte, elle a difpofé les choies de maniéré qu’il y a configné
lui-même la preuve qu’elle pouvoit fe trouver innocemment
hors l’Etude du Notaire. Voici ce qu’on lit au dos, écrit de fa
main : ( Copie du tejlament que j'a i dêpofé che?L M . Plancadc,
Notaire Royal à Montauban 3 le 5 A v ril iy 66 . Signé y
B
o m belles.
)
C ’efl cette copie, M e s s i e u r s , que lui-même a remife dans
le tems à la Demoifelle C am p , pour aiTurer fon état, fur la
quelle i l vient aujourd’hui feindre fi groffiérement de fe mé
prendre , fans fonger qu’une impofture confondue eft plus
nuifible encore à fon inventeur qu’à fa viftime.
Voici quelque chofe de plus férieux. Dans le Mémoire à
confulter, du 12 Novembre 1771, dans ces repréfailles que la
néceifité a arrachées à la vertu gémiffante, à l’honneur défefpéré, on rend compte avec franchife de ce qui a précédé &
même motivé, le mariage dont nous foutenons ici la validité.
O11 avance que la famille de la Demoifelle Camp a cru le fxeur
de Bombelles Proteftant ; &c que, par une confiance bien mal
placée, on a penfé devoir faire ufage pour l’enchaîner, des
�* '■'t4&
13
noeuds confacrés par cette Religion, dont il affe&oit de devenir
l’enfant adoptif.
C ’e ft, fi on l’en croit, une calomnie affreufe.Il paroît péné
tré d’horreur & d’inquiétude fur le feul foupçon de cette apoftaiie. O n le croiroit animé du zele le plus pur pour la vraie
Religion; & dans l’efpérance apparemment de prouver mieux
fpn éloignement pour un culte proferit, il s’ell permis d’en
traiter les Miniftres & les Seftateurs avec un emportement,.
une fureur capables d’indigner la vraie charité , & de fcandalifer la dévotion même la plus outrée. 11 dénonce en confé- ‘
quence la Demoifelle Camp comme une calomniatrice achar
née qui le compromet de gaieté de cœ ur, comme une femme
irritée qui fe livre aux machinations les plus odieufes pour
fatisfaire fa vengeance.
Q ue ces cris, que ces déclamations lui conviennent peu !
Q u ’il auroit été plus prudent à lui d’obferver le filence fur cet
endroit délicat du Mémoire à confulter 1 Qui fait mieux que
lui combien les faits en font exacts, & avec quel fcrupule la
vérité en a été pefée ?
O u i, M e s s i e u r s , j’ai ici la preuve dans ma main de tout
ce qui y eft avancé, & fur-tout de cette affe&ation d’apoftafie,
par laquelle le iieur de Bombelles eft parvenu à éblouir des
parens trop crédules, à féduire une fille trop confiante, à abufèr une Ville entiere, où une trifte néceflité a familiarifé les efprits avec des contrafles que nos yeux fupporteroient diffici
lement dans cette capitale, avec de certains déguifemens que
la Religion tolere, que l’honneur ne condamne p a s ,& que le
befoin exciife. Je la tire d’une information juridique où cin
quante témoins ont été entendus d'ans'toutes les réglés de lx
procédure, par le C h ef de la SénéchaufTée de Montaubaru.
�* *
i4
, que je ne m etois pas encore per
O b fervez, M e s s i e u r s
mis d’en faire ufage. Je m’étois impofé des ménagemens fans
nombre pour ce malheureux jeune homme, & fur-tout une
réticence abfolue fur cette piece redoutable. Je la lui avois
laifle entrevoir dans mon premier Plaidoyer; mais, en même
tems, je l’avois engagé , conjuré en quelque forte de ne pas
me forcer à m’en fervir. Il l’a voulu. C ’eft lui le premier qui a
ofé vous l’indiquer, & qui m’a fait par-là un funefte devoir
de la mettre fous vos yeux. Q u ’il ne s’enprenne donc qu’à
lui-même de l’effet cruel qu’elle va peut-être produire. Q u ’il
n’accufe que lui-même des plaies que vont lui faire des armes
qu’il nous a mifes à la main, quand nous la reculions, de peur
d’être forcés de les faiiîr, & d’en faire ufage.
Dcmoifellc Marthe Carrejóles :
D é p o s e , qu’il y a environ cinq ans &
demi , avant qu’il fut
queiîion du mariage du fieur de Bombelles avec la D em oifelle C am p ,
&c ledit fieur de Bombelles étant en v o y a g e avec le fieur Samuel D u
mas , la Dépofante & la Dam e fa mere , ledit Jîeur de Bombelles leur dit
vivre intérieurement dans la religion protejfante , mais qu’à caufe de f a croix,
qu'il indiqaoit avet la main , il allait à la rnejje.
Dame Sufanne Dunions , époufe du jîeur Jean Lefcure :
D é p o s e . . . . que le fieur de Bombelles a dit plufieurs fois
à elle D é-
pofa!>te, chez le fieur fon pere, qu/V vivoit intérieurement dans la religion
protejlante, que çétoit celle de fe s peres ; &c qu’il dit même un jour à la
D épofante, q u 'il yenoit D ’EXHORTER SA B o R D l E R E ( i ) , q u i yenoit de
dueder dans ladite religion,
Demoifelle Marie Dumons, fille au fieur Gérard Dumons ;
DÉPOSE , que le fieur de Bombelles lui a plufieurs fois déclaré q u ’//
vivpic dans la religion protejlante ; 6c dans une occafion , qu7/ yenoit
(0 Mitaÿçre, Fermière,
i
�M
D'EXHORTER SA BORDIERE , qui venolt de décédsr dans la religion protejlante.
D lle. Emilie Plantier, fille au fieur François Plantier, Officier Suijfe:
D é p o s e , qu’étant à la campagne de la Dam e D elon, le fieur de Bom-
belles, qui avoit dîné dans le même lieu, vint vo ir la Dame D elon, & que
ledit fieur de Bombelles dans la converfation particulière avec la D ép ofante, lui dit qu’/7 vivoit intérieurement dans la religion prétendue réformée,
qui étôit la religion de fon pere ; mais qu'à caufe de fon emploi & de la croix
dont il étoit décoré, il alloit à la rnejfe une fois l'an.
Le Jteur Daniel Dumas 3 Négociant :
D é p o s e , qu’étant avec les Dames C o rre jo lè s, mere & fille , & le
fieur de Bombelles en converfation, ledit fieur de Bombelles leur dit
qu’/Vproftffoit intérieurement la religion protejlante ; mais qu'étant Chevalier
de L'Ordre de S. Lazare, en portant la main à fa croix , il alloit quelquefois
fepréfenter aux églifes des catholiques. Q u ’un autre jour étant allé avec
ledit fieur de Bombelles v o ir le moulin du fieur Mariette qui n’étoit pas
fin i, après a vo ir examiné enfemble certaines pieces dudit m o u lin , ledit
fieur Bombelles lui répéta qu ’/7 ¿toit vraiment protejlant, quoiqu'ilf it audehors les acles de catholique romain, & c .
MeJJire François de Beaudeau , Lieutenant-Colonel d'infanterie, &c.
D é p o s e ..................de plus que le fieur de Bom belles, pour obtenir
la D em oifelle Camp en m ariage, a déclaré être protejlant ; le D épofant
l ’ayant raillé & badiné fur fon peu de religion , ledit fieur de Bombelles
a toujours paru très-embarrafle.
Françoife Gailhard, époufe de Guillaume M oulis:
D é p o s e ................. que ledit fieur de Bombelles ajjîjloit régulièrement
aux lectures qui fe faifoient de la bible 6* autres livres de piété che£ ledit fleur
Camp ; qu’il a dit à la dépofante, dans certaines occafions: où eft-ce
qu’elle alloit ? que lui répliquant qu’elle alloit à la m e fle , ledit fieur
de Bombelles lui difoit: qu’eft-ce qu’elle y alloit faire? qu’elle,lui ayant
répondu qu’elle alloit y faire ce que lui fieur de Bombelles y faifoit
lui-m em e, celui-ci lui a dit dans lefdites occafions, qu’i7«|y
PLUS.
a l l o it
Demoijllle Marthe Dumons:
D é p o s e , , , , qu’il y a enYJron fix ans, & avant k mariage dudit
�16
fieur de B om bellesavec laD em o ifelle C a m p , dans le tems de la m o i£
fon , ledit fieur d eB om bellesd it à la D épofante , & à ceux de fa maifo n , qu ’/7 étoit p r o ttfa n t, mais qu'il ne pouvoit pas le faire paroîtrt, craintc
de perdre la penjion def a croix ; qu'il pria la fam ille de la Dépofante de lui
prêter des livres protejlans ; qu'il dit même cheç la Dépofante qu’il venait
d
' EXHORTER LA FEMME du nommé Duron, Jon Bordier, qui venoit d'ex
pirer dans la religion protejlante, qu’il a vo it môme été détourné par un
catholique romain qui étoit furvenu.
M effîn de Viço^e de la Cour :
D é p o s e ................. qu’il fe rappelle encore que ledit fieur de Bom-
belleslu i confia un jour, qu'ayant mûrement étudié les deux religions catho
lique & proteflante, il étoit réellement convaincu que çette derniere étoit la
meilleure ; qu'il étoit D E C I D E A LA PROFESSER TOUTE SA V I E .
Telles font, M e s s ie u r s , les voix qui s’élevent contre le
fieur de Bombelles. Telles font les effrayantes vérités dont
nous aurions voulu lui faire grâce. Comment eft-il poffible
qu’il fe foit aveuglé au point de méconnoître nos égards, &
de nous réduire à rompre un filence fi précieux pour lui ?
Il eft vrai qu’il s’efl: flatté, en s’expofant au rifque de voir cette
enquête devenir publique, d’en affoiblir, non pas l’impreflion,
mais l’effet judiciaire, en la fuppofant contraire aux formes.
Il a prétendu qu’elle étoit défendue par la Loi. Il a cité l’arti
cle de l’Ordonnance de 16 6 7 , qui abroge les examens à fu
tu r, & s’eit efforcé de le diriger contre l’information qu’il feignoit de braver.
J’examinerai ailleurs, M
e s sie u r s
, ce fubterfuge. Je vous
ferai voir que cet. article de la Loi n’a aucune forte d’applica
tion ici. Mais quand il feroit vrai qu’en effet ces témoins en
tendus par le Juge en vertu d’une Ordonnance en réglé , ne
pourroient arracher de vous une condamnation rigoureufe »
ni
�17
‘
ni faire punir comme apoftat l’homme vil que leurs déposi
tions çlémafquent, ces déportions infufîifantes aux yeux de
la L o i, ne le feroient pas à ceux de l’honneur. Les faits qu’elles
confiaient n’en feroient pas moins des faits démontrés pour
tous les cœurs fufceptibles de quelque délicatefTc. Il n’en feroit pas moins prouvé que la foi de la Demoifelle Camp a été
furprife par une affeftation hypocrite, & que fes parens ont
ete abufés par un attachement impofteur pour un culte qu’ils
ont le malheur de regarde? comme le feul vrai. C ’en eft aifez
fans doute , foit pour exeufer leurs démarches lors du fatal
mariage, foit pour juftifier les aveux du Mémoire à confulter;
Il n’étoit queftion alors, ni même ic i, du châtiment que
peut meriter un homme capable de faire fervir une piété frauduleufe a raccompliflement de fes defirs effrénés. Il ne s’agiffo it, il ne s’agit encore, que d’examiner Ci la famille de la D e
moifelle Camp a pu croire, en la livrant à ce terrible Catho
lique , 1 unir à un homme fincere que l ’a m o u r ramenoit à une
croyance familiere dans fa maifon ; car il n’eft plus tems de le
difTimuler, M e s s i e u r s , le fieur de Bombelles pere avoit été
marié deux fois. Sa premiere femme étoit une Proteftante ,
nee & morte à Montauban. Il ne devoit donc pas fembler fi
extraordinaire que le fils imitât le procédé de fon pere; & l’ap
parence de fon abjuration, toute facrilége qu’elle auroit pu paroître à des yeux éclairés de la vraie fo i, pouvoit éblouir des
efprits malades, à qui les circonftances ne laifToient le tems ni
de 1 examen ni d elà réflexion.
Ce n’eft donc point par malignité que la Demoifelle
Camp a fait faire cette enquête. Ce n’eft point par le d e iïr de
fe conformer fervilement à fa pafTion qu’un des faits qui y font
configneS a ¿té produit dans le Mémoire à confulter : ce n’eft
C
^
�' Ai
18
point encore par ce motif odieux quelle reparoît ic i, c’eft
u n iq u e m e n t par le befoin de rendre hommage à une vérité
dont l’i m p r u d e n c e du fieur de Bombelles a rendu la m a n ife ftation indifpenfable.
Après avoir ainfi difcuté & détruit les trois principaux griefs,
que dirai-je, M e s s i e u r s , des autres qu’il a hafardés avec au
tant de hardiefle, & encore plus de légéreté ! Q ue répondrai-je,
par exemple , à ce reproche, de l’avoir calomnié fur l’article
de fes dettes, fur fa facilité à les contra&er, 8c fa négligence à
les éteindre ; d’avoir eu l’indignité de lui fuppofer de fauffes
lettres de change, & un dérangement total dans fes
d’avoir effayé par-là de lui enlever fes protégions 2c
dit ? M a réponfe fera encore bien fimple. C e fera
duire les lettres que l’on écrivoit ù la Demoifelle
affaires ;
fon cré
de pro
Cam p,
comme à l'époufe de ce Débiteur fu gitif, & les aveux
naïfs que faifoient fes parens & fes amis, du défordre où ils ie
voyoient plongé.
M
a d a m e
,
La cruelle fituation où vo u s met la conduite de M. de Bombelles ,
nie touche jufqu’au fond du cœur. Je ne faurois deviner le m o tif d’un
fi étrange filen ce, fur-tout après la promeffe qu’il m’a v o it faite , 6c
l’air pénétré dont je crus m’appercevoir en lui lifant v o tre lettre. Sans
chercher
le juftifier d’un procédé fi condam nable, je ferois tenté d’en
attribuer ,1a caufe à quelques petits dirangemens dans fes affaires , qu'il
n d peut-etre oje vous confier, dans la crainte d’augmenter v o s cha
grins , plutôt qu’à une indifférence qui ne peut fuccéder fi vîte au ten•
dre amour que vo u s lui aviez in fp iré , & à l’eftime qu’il ne fauroit
v o u s reftifer. •
•
•
•
.
Mais quand il auroit des torts aufïi réels
que vous le craign ez, vo u s devez etre affurcc de le ramener
à fespre^
�*9
miers devoirs par cette aimable douceur qxii l’avoit it bien captivé,'
£c plus encore par vo tre ve rtu qui a toujours des droits fur les coeurs
les moins acceifibles........................
J’ai l’honneur d’être , Sec. Signé, CoNSTANS,
L ille , ce 31 Mars tj6 8 .
Lille y.le 18 A vril ty S 8%
M A
d a me
;
\
V o u s ferez fans doute fort furprife de recevoir une lettre d’ un in
connu. J’ofe vous certifier que ce n’eft qu’avec le plus grand regret du
inonde que je me détermine à vous é c rire , pour vous demanderf l x louis
d ’or que j'a i prêtés il y a quatre à cinq mois à M . votre époux, lorsqu'il
tomba affeç dangereufement malade; i l Tri avait promis de me les remettre
fous quinze jours, mais vraifemblabument il m'a oublié, puifqu’il eil parti
fur un congé de fix femaines, fans me les a vo ir donnés ôc fans me rien
dire. L’incertitude oii je fuis de favoir où prendre M. vo tre m ari, 8c
le befoin urgent que j’ai de cette fom m e, m’o b lig e , malgré m o i, à
avoir recours à vous, pour vou s prier d’a vo ir la bonté de me rendre le
fervice de me la faire paffer le plutôt que vou s le p o u rre z, ôcc.
Signé, J a u v e ll e , Capitaine au Régiment de Piémont,
M
a d a m e
,
J’ai l’honneur de vous informer qu'il m'ejl dû par M. le 'Baron de
Bombelles, Officier au Régiment de Piémont , la fomme de 420 livres. M . de
Bombelles m'a donné une lettre de change de 800 livres , qu il a tirée fur
M . Gurijfon , Négociant à Bordeaux , de pareille fomme , le 12 du mois de
'Mars, payable au S d'Avril ; elle a été envoyée 6*proteflée, avec réponfe que
l'on n'avait pas de fon ds, & que l'on ne connoijfoit pas le tireur de la lettre
de change qui m'a. été renvoyée
dont ¿ai été obligé de rembourfer les
irais fur le champ. Il y a grande apparence que M . de Bombelles s'ejl
fervi de cettefubtilité pour trouver le moyen de partir troisjours après qu'il eut
c 1;
. _
�iy>
xo
fa it cette lettre de change , quoiqu’il ni avoit promis, parole d’honneur, qu'il
ne partiroit pas avant que cette lettre ne foitpayée3 d'autant que je devois lui
remettre le furplus de l'argent qu'il avoit befoin pour fon voyage. V oilà
com m e il m ’a a m u fé , & c . Signé, D e f o n t a i n e .
16 Mai 1768.
L ille , 13 Janvier 17 Î9 .
M a d a m e ,
Je prends la liberté de vous é crire , pour vo u s prier de vouloir bien me
faire tenir l'argent de la. dépenfe que M. le Baron a fait che£ moi. Je vous fais
part que pendant fon abfence j’ai pris fes intérêts , je lui ai fait gagner
500 liv re s , que Meilleurs de la V ille de Lille ont jugé en nia faveur
pour fon profit. La lettre de change de 1200 liv . n’a été rem bourfce
que ce qu’il avoit reçu , vous obligerez infiniment. Il m’a fallu mettre
en gage tout ce que jep ofled e , me réduire à la derniere mifere. Infor
m ez-vous de fon dom eilique comme j’ai agi pour Monfieur ; j’ai délivré
fon billet au Commandant de la citadelle. J’ai l’honneur, &cc. Signé,
G e r m a i n , Cuifiner à la citadelle de Lille.
M a chere Sœur,
............................................... V ous me marquez que vous ne recevez
aucune lettre de mon frere pour moi ; je n'entends plus parler de lui
comme s’il n’étoit pas au monde. Je voudrois bien favoir s’il efl toujours
enfermé ; je fu is perfuadée qu'il nefa it plus ou donner de la tête. Je le regrette
de tout mon cœ u r, je voudrois p ouvoir lui rendre fervice..................
Je fuis tcu te à v o u s , v o tre affeftionnée fœ ur S a i n t e - D o r o t h é e
B om belles.
Vous v o y e z , M e s s i e u r s , que la Demoifelle Camp n’a
rien avancé de trop, qu’elle n’a dit c[ue ce qui étoit nécciTaire
à fa Caufe, & ce qu’elle étoit malheureufement en état de juf"
tifier.
*
M a is, s’écrie encore le mari perfide qui l’outrage , & qui ,
�iSt
21
'
dans fa fureur, confond tous les objets, elle a cherché à foulever l’Europe entiere contre moi dans l’unique defïeiii de me
déshonorer fans qu’il y eût de Caufe engagée, fans que rien pût
fervir de prétexte à cette incurfion; elle a publié, pour me per
dre , un libelle affreux, fous le nom de Mémoire à confulter.
Profitant de la fermentation univerfelle qu’a produite cet écrit
empoifonné, elle s’eft liguée avec les Chefs d’une Maifon cé
lébré , où a été élevée mc^n enfance. Ceux-ci oubliant leur de
voir , la décence , les égards qu’ils devoient au Public, à mon
nom , à eux-mêmes , à la vérité, font devenus mes ennemis
irréconciliables par une funeite complaifance pour cette femme
intriguante. Une lettre a paru, qui me retranche du Corps
auquel ma conduite ne pouvoit faire qu’honneur, & qui a
porté un coup mortel à ma réputation. Elle me livre à une
forte d’excommunication publique, elle m’a rendu la fable &
l’opprobre de la Société. L ’effet de cette rufe infernale eft telle
q u e, même en gagnant ma C a u fe, je n’en ferois pas moins
perdu, & que fi je ne la gagne pas, la mifere , la honte, le
défefpoir, font mon unique partage.
Je ne chercherai point, M
e ssie u r s
, à affoiblir cette pein
ture , qui n’eft réellement que trop fidelle ; mais je demande
rai à notre Adverfaire de quel droit il fe plaint de nous ? Le
Mémoire à confulter, dit-il, a été publié fans caufe. Eh quoi !
le fien, cet Imprimé du 25 Juin 1 7 7 !, qui peut être mis au rang
des monumens d’audace les plus finguliers & les plus incroya
bles, cet ouvrage où il ne parle delà D llc Camp que comme
d’un fantôme chimérique , évoqué du néant par fes ennemis,
° ù il ne préfente fon mariage avec elle, que comme une inven
tion miférable,defl:inée uniquement à troubler fon repos & fon
bonheur; cette produ£Hon de l’impoiture, où il affe£te le lan
�gage de -la vérité fçnfible & de l’innocence outragée , ne meritoit pas une réponfe ! La Demoifelle Camp eft criminelle d’a<>
voir ouvert la bouche pour fe défendre, dans un tems où
fon exiftence même étoit rejettée comme une infâme ca.lomnie 1 Elle a dû fe taire, dans le tems où on la défioit de
parler, & où l’on annonçoit qu’on regarderoit fon iilence f
comme la conviftion du crime de fes amis }
C ’eft à ce défi formel que la Demoifelle Camp a cru devoir
répondre, en attendant que les Tribunaux pulïent s’occuper
de fa réclamation ; elle a pris ? pour fe défendre, la même
voie que l’on avoit employée pour l’attaquer. Et c’eft l’obli
gation indifpenfable de repouffer cette injure , dont le (leur de
Bombelles ofe aujourd’hui lui faire un crime ! C ’eft parce
qu’elle ne s’eft pas biffée calomnier, qu’il s’efforce de la trayeftir en une infâme calomniatrice !
Mais que devoit-elle donc faire ? Q uoi ! relier dans l’inac
tion ? Attendre, pour préfenter fes larmes à la Juftice, que la
douleur en eût tari la fource ? Patienter dans Faviliflement &
l’indifférence ? Ne devoir qu’au mépris de la pitié, des fecours
eue fon innocence avoit droit d’exiger ? N ’ofer lever vers les
Tribunaux, qu’un front chargé d’ignominie? Abandonner k
fon Adverfaire tout le triomphe de la vertu ? Prendre fur elle
toute l’humiliation du crime ? Enfin, l.aifïer dépendre du tems
& des formes de la Juftice, une réparation tardive, dont fii
contenance, peut-être, l’auroit fait juger indigne?
N o n , M e s s i e u r s , elle n’a pas eu ce courage indiferet,
elle ne devoit pas l’avoir. Quand elle en aurait été capable
pour elle-meme, l’intérêt de fa fille lui défendoit de s’y livrer»
Il étoit trop important pour cette enfant, dont les pleurs & l ç
�13
défefpoir ont afîiégé le berceau, que la vérité fût connue fans
délai. Elle a donc brillé ; & fes rayons, on l’avoue, ont percé
le fieurj de Bombelles à jour. Le fends de fa conduite, une
fois con n u, la réclamation a été univerfelle.
Il a mis fa reffource dans des Loix rigoureufes, qui ne lui
offrent, comme vous le verrez bientôt, qu’un fupport incer
tain ; mais la Demoifelle Camp a mis la fienne dans une prote&ion plus honorable & plus fûre, dans l’honnêteté, clans
leftime publique. Elle ne ^ouvoit agir autrement, fans fe man
quer à elle-même, fans trahir fa fille. Elle n’a d’ailleurs em
ployé d’autres intrigues pour fe faire des Protefteurs, que
l’excès de fon infortune. C ’efl au fleur de Bombelles lai-même
qu’elle doit fes partifans.
. x
Si la lettre écrite par le Confeil de l’École M ilitaire, doit
faire placer dans ce nombre les Chefs de cette maifon refpectable ; fi l’Arrêt de ce Tribunal, plus redoutable peut-être pour
.un homme fenfible, que ceux où la Juftice apprécie les for
mes , & non pas les procédés, fait un violent préjugé en fa
faveur : ce n’eft pas à la furprife, aux intrigues qu’elle en eft
redevable. Je le déclare ici, M
e s sie u r s
,
& j’y fuis autorifé
par le Confeil même de l’Ecole. La Demoifelle Camp ne connoiffoit encore aucun des M em bres, elle n’en avoit vu au
cun : elle n’avoit ni parlé, ni fait parler à aucun quand cette
lettre a été écrite & envoyée. Elle a été le fruit libre, volon
taire , fpontané de l’indignation commune qui a faifi toutes
ces ames généreufes, en voyant un de leurs Eleves fe dégrader
ainfi lui-même, & s’avilir par un procédé dont perfonne ne
pouvoit mieux qu’elles, apprécier la noirceur.
V o u s fa v e z , M e s s i e u r s , fur quels principes on s’attache
«
�24
former cette pépiniere cîe Héros deiVnfs à devenir lin jour la
reflource de l’Etat & le rempart de la Patrie. L ’honneur , la
délicatefle la plus pure font fur-tput les objets qu’on leur ap
prend à refpecter. T out dans leur éducation eft fubordonné à
ces grands mobiles du vrai courage Sc du feul héroïfme au
quel des hommes doivent prétendre. O n leur apprend tout à
la fois les exercices du Guerrier Si les vertus du Citoyen : mais
çelles-ci ont toujours la préférence. Des mains, des cœurs ,
fignalés par l’habitude des uns & des autres , leur en rendent
la pratique facile. Cette jeunefle, élevée à l’ombre des lauriers
dont leurs Iniïituteurs font couverts , puifent dans leurs
exemples le defird’en cueillir bientôt de pareils. Ils apprennent
d’eux à chérir la gloire, & plus encore cette paix avec foimême, ce repos de l’ame, cette tranquillité intérieure produite
par la vertu , fans laquelle ce que nous appelions un grand
homme n’eft le plus fouvent qu’un homme dangereux.
Le premier foin du iîeur de Bombelles, en arrivant à Paris,
en 1767 , avoit été de rendre Tes hommages à fes anciens
Maîtres : ion cœur , encore innocent alors, 11e rougiffoit point
des modeles refpe&ables dont cette maifon eit remplie ; il n’avoit pas à craindre d’en être repouffé par l’air de pureté qu’on
y refpire. En les informant de fa fituation a£tuelle , il s’étoit
ouvert fur fon mariage avec la Demoifelle Camp. Il l’avoit
publié hautement avec une fatisfaftion qui annonçoit encore
l’ivreffe du bonheur & la franchife de la vérité. Je fuis de même
autorife, M
e ssie u r s
, à vous le plaider; j’en fuis avoué par
le Confeil de l’Ecole. Il n’y avoit donc perfonne qui n’y fût
informe de l union contra&ée par le fieur de Bombelles ¿1
Montauban , &r perfonne qui ne l’eût félicité, en apprenant de
lui
�u s
lui les qualités de fon époufe, les agrémens de fa figure, la
douceur de fon cara&ere, les charmes de fon efprit.
Jugez, M e s s i e u r s , quelle a dû être la furpfife de ces Juges
intégrés, quand, dans un premier Imprimé, ils ont vil le fieur
de Bombelles traiter lui-même de calomnie & d’impofture ces
aveux libres que fa bouche leur avoit fi fouvent faits ; Si quand
enfuite ils ont été convaincus, par la réclamation de l ’infortunée
ainfi trahie, que le fieur de Bombelles manquoit aux fermens
les plus facrés, que ce ma)i parjure, ce pere dénaturé fe jouoit
des nœuds que tous les autres hommes refpeûenr. -Honteux
d’une telle corruption dans un cœur forti de leurs mains, ils
ont fongé du moins à empêcher quelle ne devînt contagieufe,
8c à tirer de l’efpece de honte qu’elle pouvoit faire à l’Ecole ,
un préfervatif pour les autres Eleves qui auroient pu être un
jour tentés de l’imiter.
V oilà, M e s s i e u r s , ce qui a difté cette lettre que le fieur
de Bombelles ofe vous préfenter comme le fruit d’un complot
odieux tramé pour le perdre, ce monument à jamais mémo
rable de l’impartialité du Confeil de l’Ecole Militaire, &: delà
vigilance avec laquelle les Chefs qui le dirigent s’acquittent .des
fondions que le Roi a daigné leur confier. La Demoifelle
Camp y trouvoit fon avantage, parce que fa Caufe étoit inti
mement liée à celle de l’honneur & de la vertu. Le devoir Sc
l’inclination l’ont portée à les en remercier : l’accueil.qu’ils ont
cru devoir à fa beauté , à fes malheurs , lui a fait réitérer deux
ou trois fois cette marque de fa reconnoiffance. Voilà à quoi
fe réduifent ces liaifons, cette intimité que' le fieur de Bom
belles n’a pas balancé à fuppofer, pour rendre fon époufe dé
favorable , fans faire attention qu’il compromettoit une maifon
dont le nom feul exclut tout foupçon de manège, & à laquelle
D
�»
i6
il ne devroit jamais penfer qu’avec ce mouvement de refpe&
qu’éprouvent toutes les ames honnêtes qui en font forties.
J’ai répondu , je crois, M e s s i e u r s , à tous les griefs; j’ai
écarté tous ces reproches étrangers à la Caufe dont il ne l’a
chargée que dans l’efpérance de vous faire illufion , & de dé
rober à vos regards, au milieu de tant d’objets inutiles, celui qui
feul mérite votre attention, la réalité du premier mariage. Avant
que de l’examiner à fond, j’ai encore un mot à dire fur l’inter
vention -de la Dame Hennet. J’ai à faire évanouir ce fantôme
fans confiftance, que l’artifice a produit & que la malignité a
paru animer au moins pour un inftant.
Que veut-elle ? Que demande-t-elle ? Q u ’efpere-t-elle ?
Vengeance pour moi & juftice pour mon neveu. Vous l’avez
féduit, vous m’avez outragée ; vous avez fait de moi dans
votre libelle un portrait odieux : vous m’avez rendue ridicule
& haïffable: la Juftice doit réprimer des écarts de cette nature;
une pareille licence eft plus dangereufe que les travers même
que vous me reprochez.
J’avoue, M e s s i e u r s , que le portrait de la Dame Hennet,
qui fe trouve dans le Mémoire à confulter, du 1 2 Novembre
177 î ,n’eft pas à fon avantage ; mais avant que d’accufer la main
qui l’a tracé, qu’elle fe rappelle donc le perfonnage qu’elle
joue dans l’imprimé de fon neveu, & les déclarations faits ici
même, à cette Audience.
Q u ’y a-t-clle dit r>Q ue c’eft elle, & elle feule, qui a empêch’é
le mariage de la Demoifelle Camp d!’être ratifié ; qu’elle prcnoit fur elle les fuites de l’affaire & la honte qui en couvre
l’auteur ; que le fieur de Bombelles n’avoit rien fait que par (es
coiifeils ; quelle l’avouoit de tout : & en effet c’eft de fa main
�///
17
qu’il a reçu les lettres dont il excipe. C ’eft elle qui lui a procuré
des atteftations , des certificats qui femblent un peu le raffurer.
C ’eft elle qui éloigne de la Demoifelle Camp une de Tes bellesfœ urs, & qui n’ayant pas eu le même empire fur l’autre que
le Cloître dérobe à Tes follicitations, lui a voué une haine irré
conciliable. Et c’eft d’après un femblable procédé , qu’elle fe
plaint que la Demoifelle Camp l’injurie, en fe défendant des
infultes dont elle-même l’accable !
Q uoi ! par écrit & déV vive voix à cette A udience} vous
vous déclarez ma plus cruelle perfécutrice, 8c vous prétendez
que je vous honore ? Un caprice inconféquent vous infpire
contre moi une rage opiniâtre : vous bravez, pour me nuire,
le cri public : vous étouffez celui de votre confcience : vous
facrifiez l’honneur de votre neveu : vous confentez à partager
volontairement fon opprobre : & vous exigez que je vous
refpe&e ! Vous corrompez fon cœur pour le rendre parjure:
vous me cherchez des ennemis d a n s-fa famille : vous n’aviez
voulu entendre parler de lui ni de fes fœ urs, depuis la mort
de leur pere : vous nourriifiez pour eu x, & par une raifon
dont je vais rendre compte tout à l’heure, une averfion invin
cible en apparence ; cependant vous la faites céder au plaiiir
de le voir devenu méchant, dès que fa perverilté peut affurer
mon infortune. Vous lui tendez les bras, dès qu’il eft devenu
parjure, infidele , méconnoiiTant. Mes malheurs vous recon
cilient : & vous voulez que je vante votre bienfaifance, que
j’orne le tombeau, où vous allez defcendre, des éloges dus à
la générofité ! Mais pour perfuader que je vous ai calom
niée , ceffez donc de prouver par votre conduite, que ces
calomnies font des vérités néceffaires. Ah 1 il vous étiez
bonne, indulgente , véridique , amie de la vertu , ferois - je
infortunée ?
D ij
ùi
�Si votre demande, tendante à la réparation,eil illufoire, dé
mentie par les procédés même au moyen dtfquels vous
croyez la juftifier, que faut-il penfer de cette prétendue juftice
que vous follicitez en faveur d’un neveu q u i, comme vous le
déclarez vous-même , vous doit fes funeftes égaremens 1 D e
quel droit, à quel titre intervenez-vous ici pour lui? Etesvous fa tutrice, fa curatrice ? Avez-vous , pouvez-vous avoir
quelque qualité dans la Caufe ?
Vous vous accufez de l’avoir perverti : c’eil: un aveu qui
vous expofe à partager avec lui les rigueurs de la Juftice ; mais
ce n’eft pas un titre qui vous nutorife à le défendre, ni qui
puiffe donner du poids à fes foibles allégations. La Loi vous
exclud formellement de l’a&ion que vous intentez: elle vous
repouffe à l’inftant même où vous feignez d’implorer fon
pouvoir.
Mais mon alliance, fi l’on vous en croit, avec le fieur de
Bom belles, eft difproportionnée ; elle feroit la honte de fa
famille j & c’eft un des cas où les collatéraux font admis à faire
caffer un mariage, qu’ils feroient dans toute autre circonftance forcés de refpeûer.
D e la difproportion I Et où la trouvez-vous ? M . de Bom
belles a de la nobleffe, mais j’ai de la vertu. Il flétrit fa famille j
m o i, j’honore la mienne. Cette difproportion eft-elle fi défa
vorable ? S’il y a de la honte à la franchir, ce n’eft fans doute
que pour moi : mais d’ailleurs , de combien eft-il plus noble
que fon pere ? Celui-ci n’a pas cru déroger, en époufant en
premières noces une femme du même culte que m oi, & d’une
condition inférieure. Son union en a-t-elle été moins refpectée ? A-t-il trouvé dans fa famille une Madame Hennet, prête
à la combattre & à tout facrifier pour la faire anéantir ?
�2Q
r ' 'Vous vous êtes permis d’avilir l’homme refpe&able dont je
tiens la naiffance. Vous l’avez travefti en un Compagnon T ein
turier. Si votre ame étoit fufceptible de quelques remords,
vous lui en feriez aujourd’hui une réparation plus éclatante
que ne le pourroit être celle que vous prétendez. Auriez-vous
,ofé hafarder une pareille impofture devant nos Compatriotes,
juges naturels d’une imputation de cette efpece? Perfonne ne
fait mieux que vous, que il le goût de la médiocrité lui a fait
quitter de bonne heure urç commerce honnête , où fes parens
s?étoient diilingués comme lu i, il s’en eft retiré avec la confidération publique dont il jouit encore ; fucceffion précieufe ,
aiïurée à fes héritiers, & que vous ne tranfmettrez probable
ment jamais aux vôtres.
Des iiecles d’une roture utile & fignalée par des vertus, va
lent bien fans doute, comme vous le difoit tout-à-l’heure un
de ces Négocians que vous haiflez parce qu’ils nous connoiir
fent tous deux & nous rendent juftice, valent bien quelques
années d’une noble-île dégradée par des lâchetés & des par
jures.
. Comme collatérale, vous n’avez pas à vous plaindre d’une
alliance où ma famille court plus de rifque que la vôtre. Com
me (impie tante, vous n’avez rien à dire dans les affaires où
les qualités doivent être pefées autant que les raifons. Cette
tendreffe, dont vous vous enorgueilliffez , cette affeftation
d attachement pour votre neveu peut-elle fuppléer à des titres
que vous n’avez pas, & que vous n’avez jamais pu avoir?
Vous lui tenez lieu de pere, dites-vous. A h ! combien frémiroit l’auteur de fes jours , à ce langage cruel pour lui! Com
bien il rougiroit de fe voir ainfi remplacé 1 Avez-vous donc
oublié, avez-vous perdu de vue ce monument de fes der-
�3°
nîeres volontés, cet écrit où fa main mourante a coniîgné le
dernier fentiment qui ait rempli Ton cœur ? Ne vous fouvenezvous plus que dans Ton teflament il a paru ne rien tant redou
ter pour fes enfans, que de voir vous mêler en quelque chofe
de leurs affaires ? Voici ce qu’on y lit:
Le fieur de Bombelles pere, après avoir fait Tes difpofition s, ajoute :
« Sur-tout j e recommande que mon frère & ma fœur ne Je
» mêlent en rien de tout ce qui me regarde & mes enfans »>.
Il n’en faut pas davantage , M e s s i e u r s , pour écarter la
puérile intervention de la Dame H ennet, & pour juilifier ce
qui a été dit d’elle dans le Mémoire à confulter. Cet oracle domeilique eil un arrêt foudroyant, qui la condamne au iilence.
La nature & la Loi défèrent à un pere qui fe voit arraché par
la mort des bras de fes enfans le droit de choiiir les mains à
qui il veut confier leur foibleffe ; mais s’il a la nomination, il a
fans doute auffi l’exclufion. D ’après le teflament du fieur de
Bombelles pere, la Dame Hennet n’auroit pu avoir le nom de
tutrice auprès des enfans qu’il laiffoit ; elle ne peut donc pas
aujourd’hui en exercer les fonûions. Ses vains efforts ne doi
v e n t a rrê te r ni vos regards ni les nôtres. Portons-les donc fur
de plus grands objets. Examinons en détail ce mariage intéreffant, à la deilinée duquel une partie de la Nation croit voir
la fienne attachée,
§. 11.
Preuve de la, pojfejjlon d'état de la Demoifelle Camp,
Il cil bien étrange, fans doute, que ce foit au mari de la
Demoifelle Camp qu il faille prouver qu’elle eil mariée j il eil
étonnant que ce foit lui qui fe preiente pour dénier des fermens
�que fa bouche a proférés, & des faits dont il a lui-même été
le premier mobile. Encore s’il avoit fuivi par artifice le même
plan que les égards, les ménagemens nous ont fait adopter;
fi, au lieu de fe produire lui-même fur la lice, il n’y avoit laiffé
paroître que fa prétendue fécondé époufe, comme la Demoiielle Camp n’y a expofé que fa fille, alors la querelle étant
entre deux perfonnes étrangères l’une à l’autre , chacune des
combattantes auroit p u , ^ans rougir, nier des particularités
qu’elle auroit été cenfée ne pas connoître. Toutes deux auroient pu fans honte affe£ter une ignorance entiere du paiTé,
& exiger des démonftrations rigoureufes de tous les événement
auxquels elle auroit paru n’avoir pas eu de part direfté.
Mais que ce foit le fieur de Bombeiles qui vienne en perfonne montrer cet air novice & défintérefle ; qu’il feigne ic i, â
cette Audience, d’écouter ce que nous difons, avec un air de
curiofité & de furprife, comme fi c’étoient des chofes abfolument nouvelles pour lui ; qu’il affe£te d’en prendre des notes ,
comme s’il avoit befoin du fecours de l’écriture pourfe les rappeller, & q u e ce petit artifice dût l’aider à préparer fes réponfes, c’eft encore, M e s s i e u r s , un de ces incidens bifarres
qui, comme j’ai eu déjà l’honneur de vous le dire, diftinguent
cette Caufe de toutes celles qui l’ont précédée.
Q uoi qu’il en fo it, donnons-lui la fatisfaftion qu’il foühaite*
Procurons-lui le'plaifir d’entendre prouver géométriquement*
des faits qu’il connoît au moins auffi bien que nous. Dém on
trons que fa premiere femme a en fa faveur la pofTeiilon & les
titres.
Q u eft-ce que la poiTeiTion d’état ? D e l’aveu de nos A dverfaires , page 50 de leur Imprimé , elle conjijle dans l'opinion
publique j mais principalement dans l'opinion de ceux qui f ont
�< X L \
3l
obligés d'en prendra connoijjancc, & qui ont intérêt de ne pat
s'y méprendre. Si cette définition eft jufte, qui a jamais eu une
poiTeifion d’état plus confiante, moins problématique, que la
Demoifelle Camp ?
Q ui font les perfonnes obligées de prendre çonnoiflance de
l’état des Citoyens ? Ce f.n t fans doute les Chefs de l’Adminiftration, tant eccléfiaftique que civile. O r la Demoifelle Camp
vous préfente, M e s s i e u r s , fes atteftations en form e, éma
nées de ce que chaque forte de Magistrature a de plus refpectable. M. l’Evêque de Montauban, dans un Certificat du 7
Oitobre 1 7 7 1 , déclare que,
D ’après les inftru&ions que nous avons prifes fur la conduite de la
D em oifelle C a m p , elle a toujours j o u i , en qualité de fille , d’une
bonne rép u tatio n ; que depuis environ 1766 elle a été reconnue pour
Vépoufe de M. de Bombelles, & qu’elle a mérité l’eitime du P u b lic, & c .
D onné à M ontauban, le 7 O & obre 1 7 7 1 . Signé,d e B r e t e u i l , E vêq u e
de Montauban.
M . le Premier Préildent de la Cour des Aides & Finances
de Montauban certifie que
Dam e Marthe Camp , VicomteiTe de Bombelles, a toujours j o u i ,
avant & depuis l’année 17 66 , époque de f i n mariage, d’une réputation
intatte ; que la fagefle, de fa conduite & l’auftérité de Tes moeurs lui
ont mérité l’eitime publique, & c . Fait
Signé t M a l a r t i e
de
Montauban le 6 Juin 1 7 7 1 .
M o n t r ic o u x .
M . le Commiflaire départi dans la Province, attefte que
D em oifelle Marthe C a m p , habitante de M ontauban, & connue fous
le nom de Dam e de Bombelles depuis l’annee 1766 , a toujours e u ,
avant & depuis fo n mariage, u n e conduite irréprochable, qui a mérité
l’eftime du P u b lic, & c . Fait à Montauban le 9 O & obre 1 7 7 1 . Sig n é,
de G o u r g u e .
Vous
�33
Vous le v o y e z, M
e s sie u r s
: à la certitude de l’état de la
Demoifelle C am p , ces trois pieces joignent une vérification
particulière de Tes procédés, & une atteftation précife de la
régularité de fa conduite. L ’Infpe£teur-né des mœurs, le Ven
geur de l’honnêteté publique, le Pafteur univerfel, l’Evêque,
qui a dû plus que perfonne être en garde contre un mariage
célébré par des Proteftans; le Commiflaire départi, à qui eft
confiée l’exécution des R^glemens rigoureux prononcés contre
tout exercice d’un culte profcrit ; le premier Préfident d’une
Cour fouveraine , à qui l’obfervation des Loix ne peut jamais
être indifférente, fe réunifient tous pour attefter que la Dem oi
felle Camp a été reconnue époufe du fieur de Bombelles, &
que l’année 1766 ejl L'époque de fon mariage. Si jamais il y a
eu quelque choie d’authentique, c’eft fans doute une vérité
confirmée par la réunion de trois témoignages, doxit un feul
fuffiroit pour rendre un fait inconteftable.
Si les perfonnes obligées de prendre connoiflance de l’état
des Citoyens , rendent hommage à celui de la Demoifelle
C am p, que font celles qui ont intérêt de ne pas s’y méprendre ?
Ce font fans doute les parens qui forment cette fécondé clafle:
o r , dira-t-on qu’ils aient méconnu le mariage dont nous foutenons la validité? Mais vous avez entendu le fieur de Bombelles fe récrier fur une prétendue ligue formée, pour le perdre,
entre eux & fa premiere époufe : vous l’avez entendu fe plain
dre à grands cris de ce que la Demoifelle Camp a fafeiné les
yeux de fa famille, de ce qu’elle eft Finftrument dont fe fer
a ie n t des perfécuteurs dénaturés, pour compromettre fa
gloire troubler fon repos. N ’eft-ce pas là un aveu b i e n précis
E
�V A
34
de la juftice que rendent Tes parens à fa véritable époufe ?
C e qu’il appelle former une ligue contre lu i, c’eft être fufceptible de quelques fentimens d’équité : ce qui lui paroît une
perfçcution cruelle, c’eft l’attachement aux principes d’hon
neur & de délicateffe qui animent toutes les perfonnes de fa
race, excepté peut-être, puifqu’il faut le dire, la Dame Hennet,
qui s’expofe fi courageufement à partager fon opprobre. Hors
çlle, quel parent, quel allié voyez-vous paroître ici pour com
battre nos réclamations? O u plutôt, de quel parent, de quel
allié ne font-elles pas avouées ?
O n vous a cité à l’Audience les Demoifelles de Bombelles,
fœurs de notre Adverfaire, comme complices de l’interven
tion illufoire de la Dame Hennet. O n n’a cependant pu pro
duire que je ne fais quel défaveu fait au nom de l’aînée, d’un
pouvoir donné par elle, pour tenir en fon nom la jeune Char-,
lotte de Bombelles fur les fonts de Baptême. M ais, en fup-'
pofant que cette aînée q u i, d’ailleurs, refte dans le filence >
fe foit lailTée furprendre par les infinuations intéreiTées de la
Dame Hennet, ce fuffrage du moins ne feroit-il pas plus que
fuffifamment compenfé par un autre fuffrage d’un tout autre
poids, & qui nous eft affuré ? c’eft celui de la cadette, Ile—
ligieufe à Montauban.
Avant & depuis fa Profeifion, elle n’a cefle cle rcconnoître
la Demoifelle Camp pour fa belle-fœur, & la petite fille pour
fa niece, & de leur prodiguer les noms ainii que les careffes les.
plus tendres. 11 n’y a point d’année où elle n’ait donné par écrit
des preuves de fon attachement &: de la ferme perfuafion où
elle éto it, que l’engagement de fon frere avec la Demoifelle
Camp eft folide & irrévocable. Il n’y a pas une de ces lettres
O^i elle ne parle du mariage, de l’accouchement, de la petite
�* 6
' 35
nicce* Depuis même que le Procès eft commencé, le 14 Fé
vrier 1771 , voici ce qu’elle mandoità la Demoifelle Camp:
V ous avez eu t o r t , ma chere fœ u r, de me vo u lo ir du m al; vous
connoiflez l’amitié que j’ai pour vous ; je voudrois p o u v o ir vous dé
livrer de toutes vos peines, mais cela n’eft pas poilible. Q ue vo u lezvous que fafle une pauvre religieufe ? Je ne puis que vo u s exhorter
d’etre foum ife à la volonté de D ieu , de faire bon ufage de toutes les
croix que le bon D ieu vou^ envoie : fi cela dépendoi de m o i, de ce
moment ici vo u s feriez au comble de vo s .deiirs. Je conviens que vous
aveç un trijîe f o r t , fachant qu 'il ne dépendoit que de vous , A V A N T VOT RE
mariage
, de prendre un bon parti. Il faut efpérer que tout s’accom
modera d’une façon que v o u s v iv r e z heureufe......................
Ce témoignage n’eft pas moins précieux, il eft peut-être en
core plus décifif que ceux que j’ai déjà eu l’honneur de vous
citer. La fœur Dorothée avoit plus de préjugés à vaincre,.que
perfonne: Catholique,Religieufe, enchaînée ainfi doublement
en quelque forte, à l’obfervation de ces Loix que l’on oppofe
à la Demoifelle C a m p , quelle incertitude, quelle évidence
ne falloit-il pas aux droits de celle-ci, pour fubjuguer les ferupules de fa belle-fœur, & l’engager à reconnoître en elle une
alliance q ui, au premier coup-d’œ il, pouvoit paroître fufpefte
à l’Eglife ?
Si le mariage n’avoit pas été public 8c confiant, en quelle
qualité la Demoifelle Camp auroit-elle paru aux yeux de cette
pieufe reclufe ? A quel titre auroit-elle ofé lui préfenter le fruit
de fon union ? Si le mariage n’avoit pas été connu & avoué;
fi ce n’avoit été, comme l’affure fi agréablement la D am e
Hennet dans fes lettres, quun goût v i f , mais faffager ; 8c
comme le dit, avec une componûion très - édifiante le i«eur
�■
3
*
de Bombelles lui-même, quune foibleffe expiée par fa conduite
pojlérieure ; fi enfin ce n’avoit été, comme on vous l’a plaidé fi
hardiment, qu’une continuation de défordre & un concubi
nage fcandaleux, la Religieufe fe feroit-elle prêtée à y donner
la moindre approbation ? Eft-ce avec elle que l’objet de ce
commerce impur auroit cherché à vivre dans l’intimité ? Son
amitié feroit-elle devenue le prix d’une liaifon malhonnête ? Et
le premier devoir que lui auroit prefcrit la délicateffe de fa
confcience, n’auroit-il pas été de bannir à jamais d’auprès
d’elle cette ufurpatrice d’un rang & d’un nom qu’elle déshonoroit ?
'
.
.
Mais elle s’eft biffée tromper, dira-t-on ; la clôture rend les
filles ainfi ifolées, plus crédules, moins défiantes. Rien de plus
facile que de leur en impofer fur ce qui fe paffe au-delà des
murs impénétrables qui leur ôtent la vue du fxecle & de fes
vanités.
Ah, M
e s sie u r s
, fur .cet article j’en appelle à l’expérience.
Les Cloîtres font inacceffibles aux perfonnes étrangères qui
n’y doivent point entrer. Mais le font-ils de même aux nou
velles ? On s’y pique d’un mépris rigide pour le monde & fon
vain éclat ; mais a-t-on une pareille indifférence pour les incidens qui l’agitent ? N ’y cherche-t-on pas plutôt à s’affermir
dans un fage éloignement pour ce théâtre de corruption , par
la liberté avec laquelle on apprécie les fcenes qui s y jouent,
& par le defir impétueux que l’on a d’en être initruites dans le
plus grand détail? Eit-il bien vrai qu’il foit aifé, à cet égard ,
d’abufer les habitantes de ces retraites facrécs ? Quand toutes
les vertus trouvent auprès d’elles un afyle, la vérité feule en eftelle bannie ? Et n’eft-ce pas fur-tout quand les événemens ont
quelque rapport aux perfonnes de la m aifon, ou à leurs far
�37
milles, que la cùrioiifé commune devient plus a&ivé, plus
infinuante, & mieux informée ?
■
Je veux croire qu’il auroit été poffible d’en impofer à la Sœur
Dorothée fur le mariage de la Demoifelle C am p, & de métamorphofer à fes yeux un défordre criminel en une conjonftion
légitime ; mais fes compagnes auroient-elles été auffi faciles,auiïi
peu clairvoyantes? Cette prétendue belle-fœur entroit dans le
Couvent; fa figure, fa taille étoient faites pour fixer des yeux
oififs que la nouveauté futaout a droit de frapper. Si le nom de
Bombelles qu’on lui donnoit, n’avoit été qu’une impofture
les Religieufes, les Supérieures, & par conféquent la Demoi
felle de Bombelles elle-même, auroient- elles tardé à en être
averties ? Celle-ci fe feroit-elle opiniâtrée, au milieu de tant de
leçons d’innocence & de modeles de pureté, à paraître la proteftrice du fcandale & garnie du libertinage, fur-tout en faveur
d’une Proteftante, à qui rien ne l’attachoit d’ailleurs, & pour
qui la feule différence des cultes devoit lui infpirer au premier
coup-d’œ il, plus d’éloignement que d’inclination ?
Je ne crains pas de le dire, M
e s sie u r s
, jamais il n’y a eu
de preuve de poffeifion d’état, c’eit-à-dire, de la publicité de
cet état, plus forte que la reconnoiffance de la Sœur Dorothée.
C ’eff iine voix* accablante qui crie contre le fieur de Bom
belles , & qui devroit porter dans fon cœ u r, finon les re
mords, au moins la honte & l’effroi.
Q u’on y joigne maintenant cette quantité innombrable de
lettres de toute efpece, & de tous les amis du fieur de Bom
belles j informés par lui-même de fon mariage. Q u ’on y joigne
ces fuferiptions adreffies cle Lille à la Demoifelle Camp, par le
Cuifinier qui a nourri fon époux, & qui demande fon paiement;
par cette Dame indignement trompée, à qui l’on remet une
�T8
fauffe lettre de change pour l’endorm ir, & Te ménager le
moyen de s’évader fans en être obfervé;, par ce Camarade qui
réclame une dette d’honneur ; & qui tous n’ont pu être ins
truits , dans le fond de la Flandre, d’un mariage contrarié à
M ontauban, au fond du Q u ercy, que par une publicité bien
notoire. Q u ’on y joigne les aveux, les déclarations faites par
le iieur de Bombelles lui-même, ioit dans Ton teftament qui a
donné lieu de fa part à une calomnie fi audacieufe & fi im
prudente, foit dans fes propres lettres qui portent toutes, pen
dant plus de quatre ans, une fufeription feule fuffifante pour
le condamner, puifqu’elles font adreffées à Madame la Baronne
ou la Vicomteffe de Bombelles, fuivant qu’il plaifoit à fon
mari de s’intituler Vicomte ou Baron ; foit à l’Ecole Militaire,
où il s’eft fait publiquement gloire de fon alliance avec la
Demoifelle Cam p, comme j’ai eu l’honneur de vous l’obferver.
Q u ’on réuniife, M
e s sie u r s,
toutes ces efpeces de preuves,
& qu’on voie s’il y a jamais eu une pofleiTion d état mieux
déterminée, plus authentique que celle que nous annonçons
aujourd’hui. Dans quel efprit le concours de tant de témoi
gnages , fans interruption, peut-il laifler fubfifter la moindre
idée d’incertitude ?
%
Faut-il répondre aux miférables chicanes, aux impoftures
criminelles par le moyen defquelles notre Adverfaire s’eil flatté
d’affoiblir cette chaîne terrible de preuves qui l’eiFraie & l’acca
ble ? Il avoit commencé par accufer la Demoifelle Camp d’a
voir em ployé, pour furprendre à fa tendrciTe des dénomina
tions honorables, un ftraragême inSigne d’un cœur honnête.
Il a articulé en propres ternies , quelle avoit d’abord fuppofé
une groflefle, à la faveur de laquelle on l’avoit engagé, pour
�39
lui fauver l’honneur, à lui donner le nom d’époùfe. Cette im
putation développée , étendue à l’Audience , s’eft évanouie à
l’impreflion, comme celle qui regardoit le théâtre du fieur
la Coite. O n n’en retrouve plus qu’un mot échappé par mégarde à la page 50.
C ’eft la défavouer (ans doute, que de l'avoir ainfi fupprimée.
Mais quel fruit s’eft promis le fieur de Bom belles, de la hardiefîe avec laquelle il a oie la haiarder d’abord à l’Audience ?
Quel avantage efpéroit-il d(une inculpation inconféquente dont
il ne lui refte que la honte ; puifque, malgré le trifte courage
dont il n’a donné que trop de marques dans la C au fe, il fe voit
aujourd’hui forcé de l’abandonner ?
Quelle raifon a pu l’engager de même à avancer, à la page
45 de fon Imprimé, une abfurdité ridicule qui n’avoit.point
paru à l’Audience ? Ses propres lettres, pendant quatre ans,
portent conftamment une fufcription non fufpeôe & tran
chante. Elles font toutes adreflees à Madame de Bombelles.
EmbarraiTé fur ce fait, qu’il ne peut nier, puifqu’on en produit
la preuve écrite, il dit qu’il n’a employé cette dénomination y
que par convention, & parce que cefl l ’ufage à Montauban
et aller retirerfoi-même fes lettres au Bureau de la Poße.
Mais fi cette alïbrtion eft fauffe ; fi cet ufage prétendu n’eft
pas plus en ufage en Montauban qu’ailleurs ; fi dans cette Ville
commerçante il y a , comme dans toutes les autres , un Fac
teur établi exprès pour la diftribution des lettres , que réfultet-il de lexcufc frivole & menfongere que préfente le fieur de
Bombelles ? Ne donne-t-il pas par là un nouveau poids à ces
mêmes lettres , dont il eflaie d’alléger le fardeau ? N ’en conftate-t-il pas l’authenticité , par les efforts qu’il multiplie pour
1 éluder? Si elles n’ont pas été myftérieufes, fi elles ont dû par
�40
venir à Ton époufe par la voie ordinaire , il elles ont dû lui
être portées indiftin&ement comme les autres par TOfficier
chargé de ce miniftere , n’eft-il pas évident que les droits,
dont la fufcriptîon contenoit l’aveu, n’avoient rien de clandeftin & de problématique ? N ’eft-il pas clair que ion intention
étoit qu’on fût à la Pofte & par-tout où les marques de fa
tendreile pour la Demoiielle Camp pourraient être connues,
qu’il l’avouoit pour fa femme , que des nœuds indiflolubles
l’engageoient à elle, & qu’à chaque fois qu’il prenoit la plume
pour lui écrire , il çonfirmoit des fermens par lefquels il lui
avoit en i j 66 engagé fa foi-fans réferve ?
Mais ce menfonge officieux, dit-il à la même page 4 5 ,3 pris
fin au mois d’Août 17 7 0 , où recommence l’adreffe de Mademoifelle Camp ; ces deux derniers mots font imprimés en
lettres italiques : &r pour vous en prouver la juftelTe , M
sie u r s
es-
, nous produifons une lettre du 9 Septembre 17 7 0 ,
adreftee à Madame Cam p, pour remettre à Madame fa fille.
Mais a-t-elle fait dans le ménage quelqu’a&e capable d’in
diquer fa qualité ? A-t-elle payé des dettes , compté avec des
fermiers , xeçu de quelques débiteurs ? Non , M e s s i e u r s ,
elle n’a pas reçu des débiteurs, parce que le iieur de Bombelles
11’avoit que .des créanciers. Elle n’a pas payé de dettes, parce
que fa fortune n’y auroit pas fuffi , & que , il elle avoit voulu
faire face aux demandes qu’occafionnoit le dérangement de
fon mari, elle auroit ruiné fa famille fans le libérer. Enfin elle
n’a point compté avec des fermiers, parce que le fieur de Bom
belles n’avoit point de fermes.
Ilne poffedoit pour tout fonds qu une maifon de campagne,
cftimee dans fon partage 27000 livres. Il lui avoit promis
Uy’
�¡r t
41
lui en afîurer l’ufufruit ; par ion tjeftament 11 lui en donnoit
même la propriété. Cependant il l’a vendue dans fes befoins.
Elle ne s’en plaint pas ; mais on voit combien il eft difficile
qu’il fubfifte des traces d’une adminiftration ainfi raccourcie.
Mais dans l’extrait de baptême de fa fille , on ne fait pas
même mention de fon pretendu mariage. Charlotte de Bom
belles n’y eft dite ni légitime, ni iffue de pere & mere mariés.
Cela eft v ra i, M e s s i e u r s ; mais pour en tirer une induction
férieufe, il faudroit que toutes les preuves de l’état que nous
réclamons fuiTent réduites à ce titre feul. Il faudroit qu’il fût
bien conftaté que le Vicaire qui a baptifé l’enfant n’ait pas eu
désraifonsperfonnelles de haine q uil’aient dirigé dans la rédac
tion de l’a&e de baptême ; il faudroit qu’on ne pût pas le foupçonlier d’un zele amer & vindicatif, q u i, par un déplorable abus,
a influé jufques fur les fondions de fon miniftere. Il faudroit
enfin que la fimple omiifion d’un mot fût une nullité irrémé
diable , à laquelle rien nepûtfuppléer ; il faudroit qu’on n’eût
pas d’exemples, fur-tout dans les baptêmes des Proteftans, des
correftions ordonnées par les Tribunaux en pareil c a s , & que
la Demoifelle de Bombelles ne pût pas un jour demander, s’il
en étoit befoin , que le regiftre refté imparfait à fon égard par
négligence ou par malignité, fut réform é, comme tant d’autres
font parvenus à en faire rayer des qualifications injurieufes que
la malignité ou la négligence y avoient fait inférer.
Mais au m oins, dit le iieur de Bombelles , fi j’avois en
tendu contra&er un engagement férieux ,fi j’avois voulu tranfferer à la Demoifelle Camp mon nom & les droits d’épo-ufe ,
Jer* aurois auili voulu toucher le prix i je n’aurois pas
©mis den exiger la d o t; on juge bien que je ne fuis pas
�4*
hom m e à m’endorm ir fur un pareil article. C ependant vou s
a vo u ez que les 8000 livres portées par le contrat n e'm ’ont pas
é té délivrées. C e l a eft encore v r a i , M
e s sie u r s
; & com m e
cet article a quelque chofe de fp é cieu x , il mérite explication.
Au moment du mariage, les deniers étoient prêts & les efpeces comptées ; elles ont été offertes au fleur de Bombelles ;
mais foit qu’il voulût donner une plus grande idée de fa mo
dération , foit qu’il crût cet argent plus en fûreté dans les mains
de fon beau-pere que dans les fiennes, foit que la poiTefïion de
fon époufe lui fuffît alors, & qu’elle remplît exclufivement
tous fes defirs, il refufa pour le moment. Quand le féjour
de la garnifon de Lille eut changé fes mœurs , & que le défordre lui eut fait connoître le befoin ; quand après d’inutiles
efforts pour dérober fon inconduite aux yeux de fes compa
triotes , elle eut percé jufqu’à M ontauban, & qu’on l’eut vu
forcé de vendre cette maifon qui devoit fervir d’afyle & de
douaire à fon époufe; quand après avoir épuifé ces reffources,
il n’en vit plus d’autres pour lui que la d o t, & qu’il la demanda
par forme d’emprunt, le pere de la Demoifelle Camp crut de
voir fagement fe refufer à la demande d’un diffipateur que ce
foulagement paffager n’auroit pas tiré de l’abîme où il s’étoit
précipitéIl
n’avoit plus rien qui pût répondre des fonds qu'on lui
auroit confiés. C etoit l ’unique patrimoine de cette enfant, que
fon cruel pere méditoit peut-être dès-lors d’abandonner. Il
n ’étoit permis de le lui remettre que fous la condition expreffe
d’en faire un emploi ; & cet em ploi, dans fon cœ ur, étant ou
l’acquit de quelques dettes peu honnêtes, ou peut-être même
le moyen d’en contra&cr de nouvelles , il n’auroit été ni pru
dent , ni licite au fe u r de Camp pere de s’en defTaifir. Il devoit
�réferver à fa malheureufe petite-fille ée débris d’une fortune
que lui-même ne pouvoit pas augmenter, puifqu’il avoit d au
tres enfaus à qui il fe devoit également.
Vous voyez donc , M e s s i e u r s , que ce refus n avoit rien
que de fage & de légitime ; mais nous ne devons pas diffimuler non plus que c’eft là probablement l’origine de la conteftation que nous éprouvons aujourd’hui. Le fieur de Bombelles,
dans fa détreiTe, trouvant une perfonne preffée de fe marier,
qui fe préfentoit à lui ¿Vec un revenu à peu près sûr , ne
voyant plus rien à efpérer d’une famille trop prévoyante , qui
ofoit fe piquer d’économ ie, & lui préférer l’enfant à laquelle il
avoit donné le jo u r, a regardé un fécond engagement comme
une efpece de bonne fortune dont il failoit profiter.il a envifagé la crédulité & la précipitation de cette fille aveugle,
comme une reffource inattendue qu’il ne failoit pas laiifer
échapper. Quoique fa main n e lui appartînt plus , puifqu’il en
avoit déjà difpofé, comme c’étoit la feule chofe au monde
qu’il pût donner à la Demoifelle de Carvoifin en échange
des avantages quelle lui faifoit, il a étouffé le lcrupule qui
s’élevoit dans fon cœur , à la feule idée de ce ftellionat d’un
genre nouveau.
C ’eft alors qu’il a cherché les moyens de n’être plus marié ;
c’eft alors , pour la premiere fois , qu’il a trouvé douces les
Loix rigoureufes
fous lefquelles les Proteftans gémiffent.
L ’amour en avoit fait un Réformé : l’intérêt en a refait un
Catholique. Serm ens, devoir, honneur , il a tout facrifié à la
médiocre opulence de la Demoifelle de Carvoifin , prêt peutêtre à la trahir bientôt elle-même pour une rivale plus riche ;
prêt , fi [c fécond mariage eft annuité , comme fans doute il
le feia , & fi fes efforts prévaloient contre le premier, à cmF ij
�44
braffer une nouvelle religion 8c une troifieme époufe, dans le
cas oii il trouveroit un autre culte propre à favorlfer l’incons
tance , 8c une femme affez hardie pour recevoir fa foi I
M a is , a-t-il dit encore , il mon mariage avec la Demoifelle
Camp a été fi public & fi connu, pourquoi la Demoifelle
Camp a-t-elle paru elle-même s’en défier ? Pourquoi a-t-elle
affe&é de cacher fa groffeffe 8c fa délivrance? Pourquoi eft-ce
dans un village, à quatre lieues de Montauban , dans une
Paroiffe étrangère , qu’elle a été accoucher ?
Pourquoi ? Et c’efl vous qui le demandez ! vous qui infiftez
fur l’époque de ce défaflre malheureufement fi fameux, fur
ces ravages caufés par l’inondation du Tarn en 1766 \ vous
avouez que la maifon du fieur Camp pere a été du nombre
de celles que la riviere en fureur a renverfées ; vous avouez
que c’eft là où a recommencé une familiarité intime entre vous
8c l’infortunée dont vous ne détaillez ici les faveurs que pour
les faire paroître déshonorantes , après les avoir furprifes à
l’aide du voile le plus honorable 8c le plus fait pour les juftifier.
C e fyftême de réconciliation n’eft qu’une chimere. Il n’y
avoit point eu jufques-là de brouillerie entre vous 8c la vic
time de vos différentes paflions. Mais ce qui eft vrai 8c cer
tain , c’eft le renverfement de la maifon paternelle , où avoit
habité jufques-là là Demoifelle Camp. En attendant qu’elle fût
reconftruite, la famille défolée avoit été forcée de chercher
une retraite qui devoit être plus difficile à trouver en raifon de
ce qu elle etoit plus néceffaire, parce que le grand nombre des
perfonnes qui avoient befoin du même fecours, le rendoit
rare. Le fieur Camp avoit été forcé de fe loger à l’étroit 8c dans
une maifon remplie, contre la coutume de la province, d’une
�/>/. /
45
m ultitude de difFérens m énages. 11 n’eft pas étonnant q u u n e
jeune femme , dans une premiere groiTeiîe., fe foit trou vée
im portunée de ce m élange. Il n’eft pas étonnant qu’elle ait
cherché à fe procurer un C jo u r m oins d éfagréable, & qu’elle
fe foit tranfportée à la cam pagne, p our y attendre la fin d’une
incom m odité paflagere , dont le bon air & le grand exercice
fon t peut-être les plus sûrs rem ed es, ou du m oins les plus
grands adouciiTemens.
Et dans quelle campagne s’eft-elle retirée ? A Bioulle , dans
un bien qui appartient à fou pere. C ’eft là ce qu’il plait au fieur
de Bombelles d’appeller une ParoiiTe étrangère : comme s’il
étoit défendu à une femme d’aller accoucher dans un village
où fon pere a une maifon, quand celle qu’il occupoit à la ville
eft détruite par un accident; comme fi cette précaution, fage à
tous égards , étoit une preuve de honte ou un indice de la dé
fiance qu’elle-mêmc avoit fur fes droits.
Jufqu’ic i, vous le voyez , M E S S IE U R S , la poiTeifion de la
Demoifelle C a m p , fa qualité d’époufe légitim e, eft établie
par toutes les preuves qu’il eft poifible d’en donner , d’après
les deux premieres conditions qu’exigent nos Adverfaires euxmêmes ; les Magiftrats de tous les ordres la certifient ; toutes
les perfonnes qui ont intérêt de ne pas s’y méprendre la pu
blient. Les parens la reconnoiffent ; le fieur de Bombelles luimême y rend un témoignage éclatant. V ous pouvez juger
dès à préfent fi le titre qu’elle réclame e f t , comme il le dit
avec tant d’agrément & de délicateffe dans fon Imprimé,
page 4 4 , un nom de guerre qu’une fille prend dans f* groffeffe , & fi les monumens qu’elle cite fo n t, comme il 1 ajoute au même endroit, des témoignages d'affection qu elle
fc foit fa it écrire par fon galant. Non , M e s s ie u r s > ils ne
�46
méritent pas cette qualification auffi honteufe que groiîîere.
C ’ert en tout le langage du cœur & de la vérité.
M a i s , pour y mettre le dernier fceau , il y manque encore
l’opinion publique ; il y manque cette voix univerfelle qui a ,
quand il s’agit de 1 état des hommes , plus de force que les
écrits ; cette voix qui fupplée aux regiftres, qui difpenfe de les
chercher quand ils font perdus, qui autorife à les réformer
quand ils font défeftueux ; enfin cette voix qui fubjugue la
Juftice elle-même & difte aux Tribunaux des Arrêts que la Loi
les force d’adopter. Avons-nous en notre faveur cette relTource ?
O u i, M
e ssie u r s
, & en voici la preuve.
Cette enquête , dont j’ai déjà eu l’honneur de vous parler,
contient la dépoiition de cinquante témoins ; il feroit facile
d’en faire entendre mille, fi l’on en avoit befoin.Tous atteftent
qu’il n’y a point eu dans Montauban d’incertitude ni d’embar
ras fur la qualité de la Demoifelle Camp ; tous déclarent qu’ils
l’ont vue préfentée dans les meilleures Maifons de la Ville par
fon mari, & ouvertement avouée comme époufe légitime; tous
publient que fa groileffe a été connue & à l’abri de toute efpece
de fufpicion.
D e ces témoins, les uns font des femmes de condition qui
l’ont reçue avec honneur, qui l’ont traitée avec les égards que
méritoient fa vertu & fon état, & qui la chériflent, la coniiderent encore dans l’humiliation où la perfidie d’un époux vo
lage 1 a réduite; les autres font ou des Magiftrats, ou d’anciens
Militaires retirés du fervice, ou des Officiers qui y font encore
engages ; Catholiques pour la plupart, & par conféquent moins
fufpe&s, (i le foupçon pou voit avoir lieu dans une occaiion
où ils ne parlent qu au nom de 1 honneur & fous la foi du fer
ment : d’autres font des perfonnes d’un état moins relevé, mais
�m
4*7
non moins croyables ; des Négocians diftingues par leur
probité, des Ouvriers aifés qui rendent gloire à la Juftice, 8c
confignent entre les mains du Magiftrat le récit naif de ce qui
s’eft paffé fous leurs yeux.
Il
n’y a point d’affertion du iieur de Bombelles, qu’ils n’aient
démentie d’avance. Il n’y a aucune de fes calomnies qu’ils
n’aient détruite. Il feroit trop long de vous rendre compte
de tous1ces détails, par lefquels ils appuient la vérité à laquelle
ils font hommage ; màis il ne m’elt pas permis non plus de
les fupprimer tous. Cette partie de laCaufe n’eft pas la moins
eiïentielle , puifqu’elle porte fur des faits, 8c que les faits font
ic i, M
e ssie u r s
, un des principaux mobiles qui doivent fer-
virà vous diriger.
Par exemple, le fieur de Bombelles , en fe débattant contre
l’évidence , en cherchant à fe fortifier lui - même contre
le jour qui lui blefloit les yeux , s’eft hafardé à foutenir qu'il
n’y avoit jamais eu aucune liaifon p a r tic u liè r e entre lui 8c la
famille de la Demoifelle Camp ; que jamais il n’en avoit fré
quenté les parens ; qu’il n’avoit point habité chez eux aVec
elle , 8c qu’au moment de la catailrophe occasionnée par le
débordement, elle n’étoit pas venue loger avec lui. Il a rendu
compte des repas qu’il a pris chez le fieur Camp pere, qui fe
réduifent, dit-il, à un feul depuis cette calamité : repas qu’il
n’a même accepté que par délicateiïe, 8c dans la feule vue de
leur prouver qu’il ne les méprifoit pas.
Qui ne croiroit voir , à ce tableau , un Gentilhomme foigneux de fe refpe&er, toujours fur (es gardes pour ne pas
commettre fa noblefle avec la roture , 8c qui veut bien condefeendre aux defirs de ces Bourgeois, de façon à honorer
leur table fans s’expofer au rifque de fe trop familiariftr • Q u*
�48
ne croiroit, à tout le refte des peintures indécentes q u ll s’ eil
permifes avec tant de profuiion & de confiance , que c’eit la
Dernoifelle Cam p qui le recherchoit avec ardeur ; qu’il ne fai•foit que fe prêter à Tes empreflemens , & que les faveurs prodiguées dans ce tendre com m erce, c’étoit lui qui vouloit bien
les accorder ?
L ’enquête, M
essieu rs
,
préfente des idées bien différentes.
O n y voit u n fieu rd e Bombelles peu reffemblant, à ld vérité,
,à celui que nous com battons, mais tel qu’il étoit alors , fou
rnis , tend re, aimant fon époufe , plein d’égards pour fa fa
m ille , révérant fon beau-pere, portant le deuil de l’aïeule ,
affiftant les enfans dans les devoirs pénibles que la coutume
impofe dans ces triftes circonftances. O n le voit agiiTant libre
ment dans la maifon , ufant des droits d époux , fe montrant
au lit fans contrainte avec la femme que fon cœ ur & les L oix
lui ont donnée : 011 le v o i t , ce qui eil effentiel après l’aiTurance avec laquelle il affirme qu’il n’a jamais habité avec elle
fous le même toît
on le voit prendre une maifon commune ,
y V ivre, y demeurer enfemble.
11 faut , M
essieu rs
,
vous en
convaincre par les propres expreffions des témoins.
Françoife Gaillard, époufe de Guillaume Moulis ;
DÉPOSE , ' q u e ......................................................................
;
vers le commencement du mois d’A v ril ou Mai 1766 , ledit fieur de
Bombelles lui dit qu’il étoit marié avec la Dernoifelle Camp, & qu’elle dev o it l’appeller Madame de Bom belles; que ladite Dernoifelle Cam p &C
fa famille ayant délogé du fauxbourg de V illebourbon à caufe de l’inon*
dation, étant venu habiter en v ille, ledit (leur de Bombelles co-habitant dans
la même maifon avec ladite Dam e ; qu’ils y vécurent comme mariés jufqu’au départ du fieur de Bom belles; que pendant cette époque la Dam e
M erignac grand’mere de la Dam e de Bombelles étant décédée, ledit Jieur
dt Bombelles prit & porta le deuil.....................
JElifabeth
�49
Elifabeth D elm as, époufe du fieur Beffon cadet :
D é p o s e , que lors de l’inondation du Tarn de 1766 , ayant été
obligée de quitter fa maifon du fauxbourgd e V illebourbonpour venir
loger en v i ll e , elle prit un appartement dans ctllc qu'habitoient le Jîcur
de Bombelles & lefieur Campfo n beau-pere ; qu’elle qui dépofe v it le iieur
de Bombelles vivre avec la Demoifelle Camp comme mari & femme , la traiter
en cette qualité , & particulièrement les avoir vus occuper une partie de l'apparlement, y coucher enfemble , & vivre en commun avec les Sieur & Dame
Campfes beau-pere & belle-mere. D ép ofe de p lu s, qu’elle a v u porter le
deuil audit fieur de Bombelles , de la mere de ladite Dame Camp fa
belle-mere.
M. Pierre S adou s , Lieutenant Général & Criminel au Sénéchal & Préfidial de Montauban :
D é p o s e ....................... :
:
:
.
. .
. .
. .
:
;
:
qu’ il a v u la Dem oifelle Cam p être annoncée dans les maifons fous le
nom de Madame de Bombelles , qu'il a vu habiter l'un & l'autre enfemble
dans une maifon qu'ils avoient louée dans la ville.
D am e Marie Vigie , époufe du fieur Baudon :
D épose , que lors de l’inondation arrivée en 1766 , le fieur Camp
& fa famille vinrent loger dans la maifon qu’habite la D é p o fa n te .. . .
qu’elle a vu quelquefois le fieur de Bombelles pafler dans la chambre
de la D em oifelle Camp avec de la lumiere ; que plufieurs fois la D é p o
fante demanda audit fieur Cam p comment fe portoit Madame fa fille:
ledit fieur Camp lui répondoit qu'elle fe portoit bien, mais n ’étoitpoint
encore levée de fon U t, q u elley étoit avec ledit fieur de Bombelles fon mari.....
& a ajouté qu’elle a v u porter le deuil audit fieur de Bom belles, à la
mort de la grand’mere de fadite époufe.
Demoifelle Madeleine A lbert, fille du fleur Alexis Albert :
D é p o s e .............. qu’elle a auiïi très-fouvent entendu que ce dernier
VM. de Bombelles) appelloit M. Camp,papa, & l’époufe de ce dernier, ma
bonne maman ; & à chaque inftant elle entendoit crier dans le degré &
d une chambre à l’autre, Madame de Bombelles, ma chere femme ; qu’un
jour la Depofantc étant à fa fen être, elle entendit que le fieur de Bom-
G
<
�5°
belles dit à fadite ép o u fe, en la tenant dans fes bras : ma chere époufe,
l’enfant que tu p o rtes, à mon retour faura bien me crier papa. D épofe
de p lu s, que lors de la mort de la Dam e M erign ac, grandVnere de la
Dam e de B om belles, la Dépofante fut y faire fa v ifite , ôc tro u va ledit
Sr dô Bombelles en d e u il, & rece vo it les vifites. D épofe de plus, qu’elle
a v u plufieurs fois le domeftique du fieur de Bombelles dans la maifon
du ficur C a m p , & que ce dernier faifoit tout ce que ladite Dam e de
Bombelles lui com m andoit, & que ledit domeftique l’appelloit iouvent
Madame de Bom belles; qu’elle qui d ép o fe, ayant quelquefois ren
contré la fervante de ladite Dame , & lui ayant demandé l’état de la
fanté de ladite Dame , ladite fervante lui répondoit qu’elle ne pouvoit
point lui rien dire à caufe quelle ¿toit dans J'on Ut avec ledit Jîeur de B om
belles J'on mari.
Les autres dépofitions, M e s s i e u r s , ne font ni moins for
tes ni moins précifes fur le fait du mariage public, fur celui de
la groiTeiTe& delà cohabitation connue, confommée fous les
yeux du p ere, de la mere & de toute la Ville. O r , je le de
mande , cil-il poifible de foupçonner, dans une liaifon de
cette efpece , la moindre apparence de clandeftinité ? Peut-il
tomber dans l’efprit qu’elle n’ait pas été précédée d’un mariage,
d’un engagement affez fort, affez facré, pour motiver la con
fiance de la famille & l’abandon de la jeune perfonne ?
L e fieur de Bombelles dit qu’il ne l’avoit pas époufée. Il
foutient que rien ne l’attachoit à elle. Mais qu’alloit-il donc
faire ii librement dans la maifon? C ’étoit de l’aveu de fes pa
reils qu’il vivoit chez eux dans, une fi exceifive familiarité. O n
ne cachoit ni la grofleiTe, ni l’auteur de cet état j-uftement
regarde comme la bénédiction la plus confolante pour une
femme légitime, & comme le dernier degré d’ignom inie, le
com ble de la dégradation pour une fille fans liens. T o u te la
Ville le connoifloit cet é ta t, & y applaudiflbit.
�/ai
51
S’il n’y avoit pas de m ariage, le pere Si. la mere proftituoient
donc eux-mêmes leur fille ? Eux & toute leur famille étoient
donc flattés de la honte qui la couvroit ? Ils fe déclaroient
donc les entremetteurs d’un commerce impur, qui les déshonoroit plus encore que l’infortunée qu’une indigne complaifance facrifioit à l’ignominie ? L a V ille entiere, témoin paifible
de leur filence & de leur crédulité , étoit donc duppe ou com
plice de cette impofture & de ce libertinage ?
Mais cette idée réHolte &: fait frémir. L e dernier excès de
la dépravation des mœurs , c’eft lorfque des parens fans pu
deur , étouffant la voix du remords & celle de la n atu re,
prennent fur eux de tracer à leurs enfans le chemin du crim e,
& que par une tolérance intéreflee , ils les encouragent à un
défordre dont ils reçoivent le prix ; mais cet horrible attentat,
ce n’eft pas au grand jour qu’ils le confom m ent; c’eft dans les
ténebres qu’ils concluent leur coupable marché ; c’eft fous la
voile d’une feinte ignorance qu’ils cachent le confentement
honteux qu’ils y donnent ; & le premier indice de l’opprobre
auquel ils fe d évo u en t, efl l’obfcurité, où ils enfeveliffent leur _
infâme trafic.
Et malgré leurs efforts, jamais la malignité publique ne laiffe
leur lâcheté impunie. Leur procès eft inftruit dans tous les
cœurs , & leur arrêt prononcé par toutes les bouches à cha
que inftant du jo u r , fur-tout dans les petites Villes , où les
ames , fans être plus pures fi l’on v e u t, font au moins plus
aifément affe&ées, où le fcandale trouve moins d’excufe &
de proteôeurs , où l’oifiveté & la jaloufie entretiennent une
cenfure plus a&ive peut-être , plus vigilante que ne le feroit
celle de la vertu. L a voix commune y fait bientôt juftice de
G ij
�l'apparence ttiême du défordre , avant que les Vengeurs des
L oix & de l’honnêteté en aient pu être inftruits*
Mais il eft fans exemple que des parens, dans ces fortes de
lieux , aient ofé fe glorifier eux-mêmes de leur lâch eté, qu’ils
aient produit leur opprobre au grand jo u r, & appellé publi
quement le corrupteur de leur fille pour l’encourager à coniommer leur déshonneur. Il eft fans exemple que des voiiins
fe foient' laides abufer fur une négociation de cette nature ,
qu’ils aient regardé un étranger comme un ép o u x, & un fédu&eur comme un mari.
Il eft encore plus fans exemple que des femmes fe foient
réunies pour admettre dans leur fociété une fille qui auroit
porté les marques viiibles de fa foibleffe , & qui n’auroit pu y
paroître fans rappeller à chaque inftant à fes compagnes qu’elle
avoit manqué au premier des devoirs de fon fexe. Q ui ignore
de quelle févérité fe pique ce tribunal privé fur des fautes de
ce genre ? Q u i ne fait combien ces cœurs , û tendres d’ail
leurs , font inflexibles 3 impitoyables pour celles qui ofent
ufurper leurs privilèges fans en avoir le d r o it, & avec quelle
rigidité les femmes mariées foutiennent entre elles les préro
gatives d’une vertu à laquelle on ne peut plus leur reprocher
de manquer?
E n fin , il eft encore fans exemple que les Chefs des deux
hiérarchies fe foient réunis pour légitim er, chacun en particu
lier , un défordre qu’il auroit été de leur miniftere d ’arrê te r &
de punir; qu’un E vêq u e, un Premier Préfident de C ou r fouverain e, un Intendant atteftent de leur fignature la réalité
d’un mariage qui n’auroit été qu’une licence fcandaleufe ; &
q u e , pour protéger une fille fans honneur , ils aient prodigué
des témoignages qui ne pouvoient être accordés par eux qu’à
�53
la vérité la plus notoire, à la délicateffe la plus preffante.
P e fe z ,
M
essieu rs
, toutes ces preu ves, raffemblez toutes
ces induftions , & jugez s’il ne nous eft pas permis de nous
appliquer ce quedifoit en fon tems
M e
Cochindans la fameuie
affaire de Bourgelat. « Toutes les voix fe réuniffent pour affu» rer la légitimité de l’enfant, & par conféquent le mariage
»'*de fes pere & mere. C e ne font point ici de ces dépoiitions
» préparées avec a rt, fou tenues ou par dévouem ent à la Par*> tie , ou' par corruption, ou par foibleffe : c’eft un langage
» uniforme d’un nombre infini de Parties différentes ; c’eft un
» concert de toutes fortes de perfonnes q u i, entraînées par
» la notoriété , fe réuniffent dans un point de vérité qui n’a
» jamais trouvé de contradi&ion ; & c’eft l à , ajoutoit cet O ra» te u r, ce qui forme la poffeffion d’état ».
Q uelle eft la demiere reffource du fieur de Bom belles, pour
éluder l’effet de cette enquête foudroyante ? C ’eft , com m e
j’ai eu l’honneur de vous le dire , d’en attaquer non pas l’au
thenticité, mais la validité. Elle n’eft pas ‘juridique, fi on l’en
croît ; c’eft le fruit d’une efpece d’émeute populaire , d’un at
troupement indécent & criminel que le Juge n’auroit pas dû
to lérer, & dont il ne nous eft pas permis d’exciper contre
lui. Eft-ce férieufement qu’il parle ainfi ?
D ’abord , la qualité du plus grand nombre des témoins en
tendus annonce affez que ce n’eft pas le peuple feul ici qui x
parle j & que leurs dépoiitions n’ont pas été produites par
une forte d’emportement aveugle , à laquelle en effet cette
cluffe de la fociété n’eft quelquefois que trop fujette. Mais
quand réellement l’obfervation du fieur de Bombelles feroit
vraie , qw en refulteroit-il contre l’enquête ? Rien dont il put
s applaudir, rien qu’il lui fut poifible de tourner en fa faveur*
�1
I
V
.
54
C e ferait la preuve d’un déchaînement univcrfel contre Ton
procédé ; & d’oii viendrait ce déchaînem ent, fi ce n’eft d’une
conviction intime de ce que ce procédé a de criminel ? Le iieur
de Bom belles, comme la Dem oifelle C am p , eft hé à M ontauban ; il y a des parens , il y a eu des amis tant qu’il a été
vertu eu x;fa famille doit naturellement y avoir plus d’influence
que celle de la Demoifelle C am p , fur-tout dans l’ordre de la
NobleiTe. Pourquoi donc tout cet O rdre s’eft-il, avec les au
tres , déclaré contre lui? Pourquoi, de tous'fesCom patriotes,
n’y en a-t-il pas un qui n e l’accufe & ne le condamne? Si l’en
quête eft en effet le fruit d’une impulfion com m u n e, c’eft
donc de celle que peut donner à des ames honnêtes un prin
cipe d’h onneur, de délicateffe &c decom paifion dirigée par la
juftice.
Eft-il vrai enfuite qu’elle ne foit pas juridique ? Mais j’ai eu
l’honneur de vous l’obferver,
M
essieu rs
,
c’eft fur une O r
donnance du Juge qu’on y a procédé. Cette Ordonnance
fubfifte , elle n’a point été attaquée par la voie de l’appel ; jufques-là, dans l’ordre même de la p rocédure, les effets en
font facrés ; il n’y auroit qu’un Jugement fupérieur qui pût les
anéantir.
M a is , dit le fieur de Bom belles, ils font profcrits de plein
droit par la Loi même ; l’article I du titre 1 3 de l’O rdonnatice de i 6 6 j abroge à perpétuité ces fortes de procé
dures , & défend aux Tribunaux de les reconnoître ou de s’y
prêter. Ic i,
M
essieu rs
,
le fieur de Bombelles fe trompe ;
après avoir hafardé, dans le refte de la C a u fe , tant de faits
fau x, il fe permet une fauffe application de la Loi. V oici ce
qu’elle porte :
« Abrogeons toutes enquêtes d’examen>ià fu tu r, &
celles
�55
» par turbes, touchant L'interprétation d'une coutume ou ufage}
» & défendons à tous Juges de les ordonner ni d’y avoir
» égard , à peine de nullité ».
M a is,
M
essieu rs
, eft-ce donc ici de l’interprétation d’une
Coutum e qu’il s’agit ? Eft-ce de la valeur d’un {impie ufage
qu ’il eft queftion ? N ’eft-ce pas d’un fa it, d’un fait important
à éclaircir, d’un fait précieux à tous égards, puifque de là dé
pend l’état de deux Citoyens ; d’un fait effentiel à la C a u fe, &
fans la connoiffance c^uquel vous ne pouvez la juger?
A vant l’Ordonnance de 1667 , avant que cette L oi eut fixé
une forme invariable pour les procédures, cette partie de la
légiflation étant dans le plus affreux défordre, n’y ayant point
de Loix générales, chacun cherchoit à expliquer en fa faveur
les petites Lôix particulières qui dirigeoient chaque canton ;
cette multiplicité infinie de Coutum es qui défigurent & défolent encore la F ra n ce, donnoit lieu à une infinité d’ufagés
ou plutôt d’abus contradictoires entre eux com m e leurs fources : les Juges inférieurs étoient cependant forcés de fe déci
der d’après ces notions faciles àfaifir ; & les Parties qui avoient
gagné, avant que de paroître devant les Juges d’appel, avoient
foin de faire conftater, par une enquête , la réalité de l’uiage
qui avoiwdéterminé le premier Tribunal en leur faveur; c’étoit
une efpece d’efcorte qu’elles avoient foin de donner aux pieces
de leur procès , Si c’eft ce qu’on appelloit examen à fu tu r ,
c ’eft-à-dire , examen fait d’avan ce, atteftations prém aturées,
deftinées cependant à juftifier la Sentence, dont le fait certifié
etoit l’origine.
L a procédure une fois devenue uniform e, il étoit fage de
Supprimer ces traces d’une barbarie honteufe qu’il eût été bien
a iouhaiter qu’on eût pu faire difparoître dans toutes fes par-
�i
56
'
ties. V oilà l’objet & le fens de l’article de l’Ordormance de
1 6 6 7; mais jamais le Légiflateùr n’a entendu fupprimer ou
annuller des recherches faites de l’autorité du Juge fur 1111
point fufceptible de la preuve teftimoniale , & dans des circonftances où les délais auroient pu nuire à cette preuve.
Q u o i qu’il en foit au refïe du vrai fens de la Loi , voulezvous qu’elle tombe en effet fur notre enquête ? voulez-vous
qu ’elle nous défende de produire ain fi, avec les formes juri
diques , une démonftration écrite de votre parjure & de la
vérité de nos droits ? Eh bien ! nous y confentons ; qu’en réfultera-t-il ? Q u e ces dépofirions ne feront plus des témoi
gnages judiciaires : nous le voulons bien : ce fera une procé
dure inutile ; mais les pieces qui lacom pofent ne feront pas pour
cela anéanties.
C e n’eft plus une information que nous préfentons à la Juftice , c’eft un afte de notoriété légalifé par un Juge, & {igné
de cinquante de nos Com patriotes, qui fe font unis pour
certifier ce qu’ils ont v u , les faits dont ils ont une parfaite
connoiffance ; ce font des atteflations perfonnelles que chacun
d’eux a données en fou particulier devant un homme public ;
ce fera un commencement de preuves par écrit, à la faveur
duquel nous demanderons d’être admis à faire la preuve complette en vertu de la même Ordonnance. Ces pieces que vous
réprouvez, mifes fous les yeux des Magiftrats , ferviront à
convaincre l’homme en eux , en attendant que les mêmes faits,
les mêmes détails, produits avec l’appareil des form alités,
puiffent fubjuguer le Juge.
Mais avons-nous en effet befoin de ce délai ? Aurons-nous
recours à ce fupplément apparent d’une preuve déjà faite ?
N on j
M
essieu rs
; ce ft tout ce que nous pourrions faire fi
nous
�m
M
nous n’avions d’autre; appui que la poiTeiîion antérieure de
l’état que nous réclamons pour l’avenir. Mais à cette pofleifion
déjà invinciblement démontrée aux yeux de l’honneur & de
la con fcien ce, nous allons joindre des titres qui ne permet
tront plus à la Juftice de balancer; nous allons faire voir que
ces titres facrés n’ont été ni fouillés par la fraude, ni enfantés
par le menfonge. Si la bouche qui les attaque étoit auiTi pure
que la main qui les préfente , il ne manqueroit rien au bon
heur des Parties.
\ /
§.
III-
Preuves de l'état de la Demoiselle Camp par titres.
R é f l e x i o n s
p r é l i m i n a i r e s .
N ous vous arrêtons i c i , vont fans doute s’écrier nos A dverfaires : vous voulez parler probablement de ces aftes de
célébration , ou furpris , ou fabriqués dans les ténebres ; vous
allez multiplier les efforts & les fophifmes pour les pallier ;
épargnez-vous cette profuiion inutile de paroles & de raifonnemens : deux obfervations feules fuffifent pour vous réduire
au illence.
D ’ab o rd , vous êtes Proteftante, vous le publiez haute
m ent; dès-là il eftim poifible que vous foyez mariée valable
ment , il eil donc impoifible aufll que vous foyez même
admife à produire les monumens d’un mariage chimérique.
. E nfuite, ces a&es dont vous croyez faire ufage , en les produifant les premiers nous les avons réduits en poudre avant
m ê m e qu’ils aient pu repaffer de nos mains dans les v ô tre s ;
nous fommes prêts à nous inferire en faux , ii vous ofez feu
lement feindre de ramaffer les débris de ces menfonges : abanH
�ïf
dbnnezrles donc volontairement!, avant; que d’y être réduits par
là force. .
"Vtoilà-, M e s s i e u r s , ^ peuprès,ce. qu’ont dit , ou du moins
ce q u ’o n t voulu dire:nos.Adiyerfaires ; ils ne m’accuferont pas
d’affoiblir leurs o b jeô io n s, mais bientôt ils me reprocheront*
encore moins d’y répondre..
V ou s prétendez donc qu’un mariage contra&é par des Proteftans ne peut être valide ÿ q u e, fans examiner là nature des
titres , ou l’authenticité des monumens qui le con fiaien t, il
faut l’annuller ; & fur quoi fondez-vous cette étrange déciiion ? L e mariage en lui-même n’eft que l’exercice du plus na
turel de tous les droits : tout être qui a reçu la vie a , par cela'
m êm e, contrafté L’o bligation de la donner;. & l’un des plusgrands adouciffemens peut-être à la néceflité de conferver ce
p réfen t, fouvent fi douloureux , ii funefte, c’eft le pouvoir de
le communiquer.
A la v é rité , des confédérations d’un autre ordre ont fait?
quelquefois déroger à cette Loi univerfelle ; une vertu plus
fublime a fan&ifié des privations qu’une vertu plus commune
redoute : le célib at, qui femble contrarier la n ature, a été
confacré par une autorité qui a droit de la maîtrifer.
M ais, outre que cet effort de l’héroïfme religieux n’eft re
commandé qu’à ceux qui s’en font crus capables, outre qu’il
n’eft méritoire Sc exigible que quand il a été volontaire *au
moins dans l’origine, les Proteftans n’en font pas fufceptibles;
leur croyance n’y attache aucun prix ; l’impuliîon de la nature
fe fait donc fentir en eux avec toute fa force ; il eil néceffaire1
qu’il produife des effets; il efi donc néceffaire auift, ou qu’il»
aient recours au mariage qui légitimera ces effets-& les rendra
utiles à la fo cié té, o u q u ’ils fe plongent dan» 1« libertinage qui'
les enrendra les fléaux,
�O r cft-il v r a i,
*9
M
essieurs
, qu’il y ait
des
Loix qui
les
réduifent à la fécondé partie de cette alternative ? Eft-il vrai
.qu’une Com m union entiere de Chrétiens éclairés par les lu-mieres de l’Evangile , foient punis d’une erreur qui leur
en
cache quelques vérités, par une dénégation abfolue de tous
les droits attachés à la qualité d’homme & de citoyen ? Eft-*il
vrai que vous foyez aftreints, par des réglem ens, à flétrir
leur race, & que le malheur feul de ne pas fuivre une croyance
affez épurée, les fouïnette , eux & toute leur poftérité, à ne
-pouvoir contracter que des liens h o n teu x , à ne connoître de
l’amour que ce que l’animal le plus méprifable peut en difputer
à l’hom m e, à ne chercher dans L’union des fexes que la fatisfa&ion d’un befoin m om entané, à devenir, dans les plus doux
momens de leur exiftence, tout à la fois vils & cruels : v ils ,
par la baffeffe qui leur ferait rechercher un .plaiiir paflager,
malgré la honte qui y feroit attachée pour eux; c ru e ls, par
ljindifférence avec laquelle ils en envifageroient les effets, par
l’infenfibilité qui ne les empêcheroit pas de donner le jo u r
à des êtres dévoués comme eux au plus ignominieux ef.clavage ?
N on,
M essieurs
, il n’exifte point de L oi pareille. Si en
effet il en exiftoit une , elle feroit l’opprobre de la légiflation.
M a is, je le répété, il n’en exifte pas. Je porte ici le défi à nos
Adverfaires d’en citer une , une feule qui préfente feulement
la moindre idéfc de cet oubli de la part du L égiflateu r, & de
cette humiliation prononcée contré les Sujets.
Ils nous renverront, je le fais, à l’Edit d’O ftobre i
<585 ,
à
la Déclaration du 14 Mai r7»4 ; ils citeront tout au long les
articles 1 de l’un & 15 de l’autre. Le premier interdit aux Ré*fofiïrés tout exercice de îeur R eligion, il prcyfcrit les
H ij
�éo
■blées qui ont le culte pour objet. Je l’avoue : mais qu’en rél’u lte-t-il ?
Si le mariage n’eft p o in t, dans cette C o m m u n io n , un aile
religieux , peut-on croire que la rigueur avec laquelle la R eli
gion a été fou droyée, a pu s’étendre jufqu’au mariage ? Si
une des méprifes des Proteilans , fi un des points de la croyance
funefte qui les entretient dans le fchifm e, c’eft le refus de
croire que D ieu ait élevé l’union des fexes au degre de facre
ment , &: qu’il ait attaché la profufion de fes grâces fpirituelles
à la promelfe par laquelle deux individus s’engagent l’un à
l’autre fur la terre, eft-il poflible d’imaginer que le Légiilate u r , en profcrivant cette cro yan ce, ait auffi.voulu profcrire
cet engagem ent ?
O r,
M
essieu rs
, vous le favez , aux yeux des Réformés
le mariage 11 eft que ce qu’il a été fi long-tems avant que le
jour qui nous”éclaire fût levé pour le genre hum ain, ce qu’il
eft encore chez tous les peuples à qui cette lumiere eft incon
nue f un pur contrat civil ; c’eft devant le Magiftrat qu’ils le
contra&ent : c’eft l’autorité laïque qui forme les noeuds dont
ils fe chargent ; s’ils affe£lent de les confacrer par la média7
tion du Minillre des autels , c’eft un hommage poftérieur &
abfolument volontaire qu’ils rendent à leur Eglife : [’interven
tion du Pafteur n’eft point néceffaire ; & fi, foit par le caprice
des contra£lans , foit par un accident imprévu , foit par quelqu’autre raifon , la célébration eccléfiaftique n’a pas lieu , l’u
nion n’cn a pas. moins la plénitude de fes effets civils, pourvu
que la puiffance politique l’ait ratifiée.
Je fais,
M
essieurs
, qu’ils font à plaindre par cette liberté
même ; je fais q u e , fous prétexte d’épurer leur culte en cette
partie, ils en ont en quelque forte dégradé les M iniftres, &
�61
qu’en croyant délivrer leurs liens d’une fujction im portune,
ils fe font privés des fecours qui peuvent le plus contribuer a
les rendre précieux pour des ames éclairées par la veritable
foi. Mais il ne s’agit point ici d’apprécier leurs principes en
th éo logien , il n’eft queftion que d’en conftater la nature en
politique ; & la voilà : c’eft: de réduire le mariage à n’être
qu’une promeffe , un contrat fournis comme les autres à l’in
fluence du M agiftrat, dépendant excluiivement pour fa vali
dité, de la puiffance ^emporelle , qui parmi nous ne s’en eft
réfervé que la police. O n ne peut donc pas dire qu’il faiTe
partie des exercices profcrits p arl’Edit de 1685. Cette L oi ter
rible qui a renverfé les Tem ples & anathématifé les C oniiftoires ; cette L oi qui a coûté à la France tant de Citoyens utiles,
& enrichi il rapidement les Nations étrangères de nos dé
pouilles , ne ftatue donc rien de contraire au mariage des P ro
ie ftan s\A l’égard de la Déclaration de 1 7 2 4 , que porte l’article 1 5 ?
Que les Particuliers nouvellement réunis à la Foi catholique
feron t, comme tous les autres Sujets, obligés à exécuter , félon
leur forme & teneur, les loix du Royaume fu r le fa it du ma
riage. V ou s vo yez l à , M e s s i e u r s , deux claffes de Citoyens
exa&ement marquées ; y eft il qu eftion , peut-on fuppofer qu’il
y foit queftion des R éform és? Sont-ils compris dans cette expreflion générique, comme tous nos autres Sujets ?
. Mais fi cela éto it, rien de plus inutile que la diftin&ionmarquée par la Loi ; fi ces enfans rebelles à l’Eglife étoient
déjà fournis aux Ordonnances politiques, même avant que
d’être rentrés dans le giron de leur M ere , quel befoin étoit-il
de faire mention de l’obéiffance à laquelle ils feroient aftreints
après leur retour ? Sans doute, en abj,urant leurs erreurs, il*
�6t
•h’auroîent pas acquis le droit de braver les L oix de leur patrie:}
to u t le changement qui fe vferôitjOpéré en e u x , c’eftque l’homïnage forcé qu’ils auroient rendu auparavant à des conilitu*tions qvùls ne reconnoiffoieilt point., feroit devenu'raifonnable , volon taire, confécju.ent, lorfqu’ils auroient adopté la
façon de penfer qui les môtive.
S i,, en qualité de Prqtéftans, ils éto’iënt déjà afïujettis aux
‘formules des C ath oliqu es, à quoi ferviroit d’annoncer qu’ils
n’en feroient pas exempts cjuand ils de.viendroient .Catholi
ques eux-mêmes? D e cela fèul que la Déclaration de 1724 les
y aflreint dans le cas de lëu'r abjuration comme les autres Su
jets , il s’enfuit que
Ces
autres Sujets ne font pas ceux de leurs
freres qui perïiiloi<?nt daiis le fcliifme
que cette nouvelle
efpece de dépendance ne leur devenoit commune ¡qu’avec le?
•Catholiques , dont ils pàrtageoiéht déformais le bonheur & les
,dogmes.
Mais , dira:t-oti, ils perdoient à cette'régénération ;;Ies fectateurs obilinés de l’erreur reiloient lib res, tandis c^ueles enfans adoptifs de la vérité devenoient efclâves ; le fort de ceuxci étoit plus rude precifétoent en raifon du droit qu’ils acqué^oient à des adouciffemens,.
N on,
M
essieu rs
, on ne nous fêra point ce raifoilrte*
ment 'blafphématoire; outre les biens que ce changement leur
afïuroit du coté du falu t, cette fervitude apparente leur valoit
autant d’avantages , que la liberté chimérique qu’ils abjuroient
produifoit d’inconvéniens ; ils rentroiént en polleffion de tous
Jes privilcges dont leurs anciens freres étoient privés.; la bar
rière élevée par une L oi inflexible entre eux & tous les états
de la v i e , s’évanouiïïoit ; ils redevenoient capables de tout#
Içs 'diftin&ions focialcs dont l’apiniàtreté des' aïitrèS le s ‘éScluOiif
�/¿)3
il falloit bien qu’en rentrant dans,le Corps de, la Nation } eii
quelque fo rte , ils en fupportaffentles ch arges; & une de
ces charges étoit l’obfervance ilrifte des L oix fur le fait des
unions conjugales.
Q uant au refte de ces efpritsy d’ailleurs fi paifibles, qu’une
déplorable prévention fixoit dans-la révolte contre les dogmes
de FEglife feulement , ils reftoient dans l’excommunication
politique &
religieufe prononcée contre eux.; tous les arts ,
toutes les profeffions^ tous les méders leur étoient interdits ;
le com m erce, feul état peut-être fur. lequel la>force n’ait point
dep rife, ni l’autorité d’empire, le-commerce étoit leur uniquereffource, comme il a été dans tous les tems & dans tous lespays celui de toutes les fettes écrafées. par une Religion dom i
nante & exclufive.
Maisda politique ,• en les mutilant' ainil de toutes parts en-'
quelque f o r ^ , en coupant tous les liens faâices qui: auroient
pu les-attacher à'la fociété., ne pouffoit pas: cependant la ri—
gueur au point de leur interdireTufage des facultés naturelles:'
dont cette même fociété, devenue fi impitoyable pour eu x , ne
' pouvoir manquer cependant de tirer avantage;.elle les p totégeoit dans leurs unions entre eux ; aucune Loi., je le répétéencore, M e s s i e u r s , & il cil important de le répéter fouv e n t, aucune Lot ne les dévouoit au plus affreux de tous les
anathêm es, à- celui de ne pouvoir perpétuer leur race- fans
honte, ou fans crainte.Il y a bien plus : le Souverain les encourageoit à remplir
ouvertement cette fon& ion’précieufe, cette deftination eflentiellede tout être vivant. D ’a b o rd ,. ce même Edit accablant1de
»-6S5 les invite à r e s t e r d a n s LE R o y a u m e , en attendant
quil-plaif-e à-D ieu de-Us iclairer, W leur promet q u ils y pour*
�64
font continuer leur commerce & jouir de leurs biens, fans être
troublés ni inquiétés fous prétexte de ladite Religion , à condi
tion s comme dit e fl, de ne point faire d’exercice} ni de s’a f
fembler fous prétexte de prieres 3 ou de cidte de ladite Religion,
C e ft là déjà un engagement tacite, à la vérité, mais bien pré
cis , de refpecler leurs mariages & leur poftérité. Sans c e la ,
les promeffes de l’Edit ne feraient qu’une vaine ironie & une
cruelle dérifxon. Les exclure de l’a&e le plus important de la
\'ie, auroit-ce été tenir la parole de les biffer jouir de leurs
biens fans' les troubler ni empêcher ? Pourrait - on regarder
comme un état paiiible la contrainte violente où paiTeroient
leurs jours, des êtres condamnés à combattre éternellement
les plus doux penchans de la nature ?
Ainfi donc le Souverain, même en refufant fa fan&iorl à
un culte que la rivalité du fien ne pouvoit plus tolérer, en
banniffant de ces exercices mécbaniques ou ingénjeux qui font
tantôt la fo rce, tantôt la gloire d’une nation, des efprits opi
niâtres qui vouloient avoir d’autres dogmes , d’autres autels
que les tiens, s’eft engagé cependant à les tolérer dans le
refte. Il a donné fa parole de leur conferver la jouiffancp de,
burs biens fans trouble; c’eft-à-dire, le droit d’en acquérir & .
de les tranfmettre, & par conféqupnt de fe faire à eux-mêmes
des héritiers capables de les recueillir. Et ce n’eft pas encore
tout : en portant le coup mortel à l’exiftence politique de l’er
reur, il a pris des mefures pour fixer la maniéré dont pour
raient fe perpétuer légitimement à l’aveiiir les infortunés dont
la Providence n’auroit pas encore diifipé l’aveuglerrjent.
C ’eft, M e s s i e u r s , une particularité prefque ignorée. C ’cft
un fait fur lequel il eft bien étonnant qu’on fe foit mépris , &
qu’on ie méprenne encore tous les jours. Non-feulement les.
mariages
�*5
mariages des Proteftans,.entre eux ne font.pas proscrits, mais
ils font autorifés. Non-feulement le Lég'.ÎÎateür n’a. pas eu dèffein de leur en interdire à jamais la faculté , mais il a eu l’in
tention de la co n ferver, de la protéger ; & cette intention
bienfaifante, il l’a exécutée au milieu des a&es rigo u reu x qu’une
perfuafion qu’il^ne nous convient point d’apprécier ic i, lui
faifoit multiplier d’ailleurs.
Précifém ent, quinze jours avant la révocation de l’Edit
de N a n tes, le 1 5 Septembre 1685 , dans le tems par conféquent où tout le plan de la nouvelle légiilation étoit fix é , où
la ruine de la liberté de confcience étoit décidée, où les m oyens
en étoient prêts , où l’Ordonnance qui devoit la confomm er
étoit dreiTée, dans ce tems , ce jour là m êm e, il paroît un
Arrêt du Confeil qui réglé la maniéré dont les Proteilans
pourront s’époufer à l’avenir. O n leur permet de célébrer
leurs mariages par l’interpoiition du Miniftre , pourvu toute
fois , dit l’A r r ê t, que ce fo it en préfencc du principal Officier de
Jujlice 3 & fous la condition exprefle quV/ n'y aura ni prêche,
ni exhortation, ni exercice religieux d'aucune efpece. Q u e
faut-il de plus,
M essieu rs
? Eft-il poilible de m éconnoître,
à un indice auifi frappant, le vœ u du Légiilateur & fa v o
lonté }
Et qu’on ne dife pas qu’il a lui-même annullé immédiate
ment après cet oracle émané de fa bouche ; que par l’Arrêt
du 15 Septembre il reftreint le droit de marier en préfencc du
Juge, à un certain nombre de Miniftres choifis & nommés par
les Intendans ; & qu’au contraire par l’E d it, il enjoint à ces
mêmes Miniilres d’abjurer ou de fortir du Royaum e. C e fer°it certainement manquer à la Majefté R oyale , que. de fupppfer 1 Adminiftration aiTez variable, aiTez inconféquente pour
I
�fe livrer , dans un fi court intervalle & fur le même o b je t, à
une contradl&ion auffi vifible. D e cela feul que l’Arrêt &
l’Edit font de la même époque & de la même main , il s’en
fuit qu’ils font concertés : & il n’efl: pas difficile en effet de les
concilier.
Dans le premier inftant d’une révolution fx facheufe pour
tous les individus qu’elle concernoit, il étoit important de pa
cifier les efprits, & deloigner des Provinces préparées peutêtre à la fermentation, des hommes que la nature de leur miniftere, l’habitude de la parole, la confiance , le refpeft
qu’infpiroient leurs malheurs, & le mérite de la perfécution fi
impofant aux yeux de la multitude, pouvoient faire paraître
propres à allumer l’incendie que l’on redoutoit. Il falloit donc
d’une part éloigner les Minières, dont l’ame trop fiere ou trop
fenfible n’auroit pu fe prêter à un changement fi rude, & de
l’autre conferver ceux qu’un cara&ere plus doux ou mûri par
l’expérience, difpofoit davantage à la foumiffion ; c’eft ce
qu’opéroient très-bien ces deux Réglemens.
Par l’E d it, tous étoient indiftinftement compris dans l’alter
native de l’exil, ou de la converfion, dont la menace devoit les
intimider. Par l’Arrêt, plufieurs étoient exceptés. O n laifToic
aux dépofitaires immédiats de l’autorité royale , le choix de
ces Pafteurs deftinés déformais à confoler en fecret leurs ouail
les , dans l’humiliation à laquelle la politique croyoit devoir les
réduire. Ils étoient chargés de veiller à écarter les Pafteurs
mutins en vertu de la Loi rigoureufe, & à conferver les do
ciles en vertu de la Loi indulgente.
C ’eft encore à peu près aujourd’hui l’état où cft cette
partie de l’Adminiftration. La Loi publique repouffe les M i
nières Proteftans : la tolérance fecrete les rappelle 'ik les
�ftiaintient ; ils font connus des Commiiïaires départis dans les
Généralités. T an t qu’ils n’abufent point de la confiance dont
on les h o n o re, ils font protégés ; ils ne font punis que quand
par un éclat dangereux >mais heureufement encore plus rare,
ils bravent des Loix qu’il faut toujours refpe&er, parce qu’en
fin ce font des L o ix , & que tant quelles exiftent, il fa u t, pour
le bien comm un , qu’elles foient au moins ménagées en ap
parence , loj^ même que la fageffe du Gouvernem ent veu t
b ie n , par des raifons perfonnelles, en fufpendre l’exécution.
E n fin , M e s s i e u r s , non-feulement le Gouvernem ent ne
profcrit point ces mariages , ou plutôt il les autorife ; mais
de fpn côté l’Eglife les approuve : la Puiflance laïque les to
lère , & la Puiflance eccléfiaftique les confacre. Rappeliezvous le B ref célébré du Pape Benoît X I V , que j’ai eu l’hon
neur de mettre fous vos yeux à la premiere Audience. C e
P o n tife , dont la mémoire fera à jamais chérie de l’univers
chrétien „ confulté fur l’opinion q u e l’on devoir avoir des
mariages contra&és par des Proteftans entre eux , ou avec des
Catholiques, décide que , dans un cas comme dans l’autre ,
l’union eft valide & indiffoluble! Dans le premier , fi les Par
ties reconnoiflent
leurs
erreurs &
qu’elles les abjurent ,
le changement que la grâce opere dans leurs cœurs n’en
apporte aucun à leur état : ils n’ont pas befoin , pour
afllfrer leurs liens, de les renouveller par l'intervention d'un
Prêtre , quoiqu’aucun Prêtre n’ait concouru à les former (1).
( i ) Quod altinet ad matrimonia ab Hareticis inter fe celebrata , non fer
rata forma per TriJentimini preferiptd , quccqiu in pofierùm contrahentur,
dumniodò aliud non obßiterit canonicum impedimentum , Sanclitas Sua ß a tuit pro valìdis habenda ejfe : adeòque f i contingat utrumque conjugem ad
liì
�68
Dans le fécond c a s , l’obftination dp la Partie infidelle ne. nuit
point à la validité des engagemens de l’autre. Qiûelle fe fouvienne quelle ejl liée éternellement ( i) ^dit le Saint Perë, Il
lui eft permis, recommandé m êm e, de faire tous les efforts
pour difliper l'aveuglement de cette malheureufe moitié 'id’elleniêm e,m ais non pai dëVen féparer. ,
Voilà d o n c / ' M e s s i e u r s
une Loi nouvelle, une Loi
précife' dans cette matière, qui achève de lever toute difficulté,;
Je ne réponds pas à la maniere plus qu’indécente dont on s’y*
eft pris pour l’éluder ¿page i j de l’imprimé du iieur de Bbmbelles. O n y cite une phrafe du Pape Evàrifte, qu’on dit con
temporain du diyin Fondateur d e ’ notre Religion, quoiqu'il
foit mort l’a n 10 8 de l’ere chrétienne. Cet anachronisme eft'
plus excufable que le badinage qui raccompagne : JÌ la D emoifelle Camp croît le Pape infaillible s dit le fieur dé Bombelles", Evarijle l ’etoit avant Benoît X I K . O r , la décifion du
premier eft contraire à celle du fécond , & par conféquent
elle doit prévaloir fur l’indifcrétion dùin moderne, qui n'apu 'l
de fa feule autorité , ni difpenfer les Fideles de la B énédicliort^
nuptiale qui ejl de droit divin , ni conférer pour Vimpartition ^
\
Catholicœ Ecckjitz Jlrium fe recipere, tockm quo antea conjugall vinculo ipfoç
omnino teneri , ctiarnfi mutuus confenfus coràm Parocko Catholico non rtnovetiir.
(2.) Quod vero fpecht ad ta conjugia qua abfqiit forma à Tridentina
fiatutd contrahentur à Catholicis cum Hxrcticis , ftve Catholicus vir Ilareticamfaminam in matrimonium ducatftve Catholicafxmina Ilœretico viro nubat. . .. Si hujufmodi matrimoniumfit contracium , aut in poflerùrn contraili
continuât , Tridentini forma noti fervatd , déclarai Sanclitas Sua , alio non
concurrente impedimento, validum habendum ejfe. . . . Sciens conjux Catho
licus fc ijlius matrimonio vincalo perpetuò ligatum iri.
�69
fes pouvoirs aux Miniftres Protejlans qui n'ont pas reçu Üordi
nation canonique , ni ratifier des impartitions illicites dans leur
principe.
Je ne prétends point , M e s s i e u r s , développer ici jufqu’où s’étend l’autorité d’un Souverain Pontife. Je me borne à
examiner ce que celui-ci a fait; & je vois que , quoiqu’il con
nût la décifion de fon prédéceiïeur, quoiqu’affurément celles
des Concita^ ne lui fuflent pas cachées , quoique fes lumiè
res fuffent égales à fes connoiffances & à fa droiture, ou plu
tôt parce qu’en lui les unes égaloient les autres , il a cru devoir
prononcer l’oracle que j’ai mis fous vos yeux : oracle infini«
ment précieux dans la Caufe: oracle dont nos Adverfaires 11e
réuifiront jamais à obfcurcir le fens ou à diminuer la fo rce ,
parce cju’il eft conforme aux vues d’une faine politique, parce
qu’il s’accorde avec la charité de la Religion bien entendue,
parce qu’enfin il émane d’une autorité infiniment refpe&able ,
d’un homme que la fupériorité feule de fon génie permettroit
de regarder comme un guide irréfragable, quand à íes autres
qualités il n’auroit pas joint celle de C h e f de l’Eglife.
Ici nos Adverfaires m’arrêteront encore. Q u ’im porte, di
ront-ils , une décifion qui 11e concerne que des Etats étran
gers ? Benoît X I V n’a eu en vue que les Proteftans de H o l
lande ou des Pays-Bas : &: dans ces contrées en effet ils ont
une exiftence légale ; mais il n’en eft pas de même en France.
Il .n’y a point de Proteftans dans notre patrie. Les Tribunaux
n’en connoiffent point. T o u s les François fontcenfés C ath o
liques fans exception : vous cherchez ici des Loix pour des
êtres chim ériques, dont il c il même défendu aux Juges de
regarder la réalité comme poifible.
L a première partie de cette objection,
M
essieu rs
, fe dé
�70
truit par la feule lefture du Bref. Quoique Sa Sainteté femble
en reftreindre l’application, parce qu’EUe ne répond qu a ceux
qui l’avoient confultée, cependant les termes qu’Elle emploie
font généraux. C e n’eft pas un ufage national, ni un point de
difeipline particulier qu’Elle fe propofe d’expliquer, c’eft la
dodrine de FEgliie entiere qu’Elle développe, fur un article
çffentiel pour tous fes enfans.
Quant à l’cxiftence des Proteftans, je ne m’arrêterai pas à
combattre longuement cette obje&ion indigne elle-même d’une
réfutation férieufe, quoiqu’elle foit tous les jours très-férieufement hafardée ; ce n’eft pas volontairement que. je m’arrête
fur ces matieres délicates , où l’intention la plus pure ne fauve
pas toujours des interprétations malignes, & où il eft quel
quefois plus dangereux d’indiquer la vérité, que d’appuyer
l’erreur en mille autres occafions. Je me contenterai de vous
ob'ferver que les Proteftans, par le fait & par le droit, ont
réellement dans le Royaume cette exiftence que je leur fuppofe ici.
•A l’égard du fa it, il ne peut pas être révoqué en doute ;•
nous fommes entourés de ces Citoyens utiles qui s’épuifent
pour expier, à force de fervices, les maux qu’a caufés le fanatifme de leurs peres , ou plutôt peut-être celui de leur iîecle.
Des Provinces entieres en font compofées ; mais auffi pacifi
ques déformais que leurs ancêtres ont été furieux, ils ne fe
diftinguent que par leur foumiifion.
O n peut fe méprendre quelquefois fur l’exiftence d’un par
ticulier. Il eft des cas où les Tribunaux peuvent, fans incon
vénient , la méconnoître ; mais il n’en eft pas de même de celle
d’un peuple nombreux, d’une nation entiere.
Quand il y auroit en effet une Loi qui fupprimeroit les R é
�'Ào i
7*
formés dans toute la F ra n ce, & qui défendrait aux Cours de les.,
fuppofer exiftans, s’il eft de notoriété publique- qu’ils exiftent»
qu’ils viven t, qu’ils contra&ent fous l’autorité duPrince, il s’enfuivroit évidemment que la L o ia f u b i une révocation tacite;
que le Souverain l’abroge dans le fait, & qu’il confentàfon inexé
cution dans ce cas-ci,com m e dans tant d’autres. M ais,
sieurs
M
es
, il n’y a point non plus de Règlem ent de cette nature.
Je réitéré ici à j^os Adverfaires le défi que je leur ai déjà porté fur
l’article du mariage. N on-feulem ent il n’y a pas d’Ordonnance
qui interdife aux Proteftans la faculté que la nature leur donne
de refpirer l’air de la France , d’y élever leurs enfans , d’y foutenir leurs droits civils ; m ais, vous l’avez v u , il y en a de pré*
cifes qui leur conferent ces prérogatives, & leut en affurent la
jouiflance.
V ou s vous rappeliez ce même Edit d’O & o b re 168 5, que
j’ai eu l’h o n n e u r d e vous c it e r ; cette Loi fanglante qui a terraffé
le fch ifm e & fait couler tant de p le u rs , d o n t la v ra ie Religioit
feule n’auroit peut - être pas exigé le facrifice. ^Eh bien , cet
Edit les autorife en termes précis à demeurer dans le Royaum e,
leur garantit l’exercice de leur commerce &: la jouiflance
de leurs biens. Jamais-cette parole authentiqe n’a été révo
qué!! En accablant le c u lte , on a donc toujours refpe&é les
perfonnes; ils ont donc une exiftence de fait & de droit dans
'le Royaum e. V ous pouvez d o n c,
M essieu rs
, vous d e v e z3
dans ce qui n’eft que purement civil, dans ce qui ne concerne
point la croyance ou les exercices religieux, & fur-tout dans
toutes les difeuflions qui portent fur leur état politique, leur
donner la même attention , la même b o n té , les mêmes fecours
qu aux autres Citoyens.
Il n y a point de L oi civile qui proferive leurs mariages;
�il ne peut pas y en avoir : il y en a u n e, au contraire , qui les
autorife : il y en a une qui en réglé la forme & qui en fixe l’ap
pareil; & l’E glife, loin de réprouver cet arrangement, le con
firme. Elle donne prefque la force & la validité du Sacrement v
à ces nœuds temporels que l’intervention feule du Magiftrac
laïc a formées. Les Proteftans font donc en droit d’en pro
duire les monumens. Ces traces écrites qui confiaient un con”
trat refpeftable, lors même qu’il eft dépouillé de la dignité fpirituelle qui le décore pour nous, font admiffibles dans les T ri
bunaux.
C ’cft ce qu’il falloit démontrer d’abord, afin d’éca rter,
d’une part, quelques fcrupules que laiffoient appercevoir des
perfonncs même bien intentionnées, fur le fond de cette
C au fe; afin tde juftifier en quelque forte le G ouvernem ent,
qui n’a pas penfé que la croyance
4 e la
Demoifelle Cam p fût
une raifonpour luirefufer l’accès des Tribunaux; & , d ’autre
part, afin de ne point laifler à nos Adverfaires ce prétexte, dont
ils auraient triomphé avec afFeâation,
J’ofe vous fupplier,
M essieu rs
, de vouloir bien ne point
perdre de vue les réponfes que je viens de faire d’avance à leurs
obje&ions. Il n’arrive que trop fouvent que dans des querelles
de la nature de c e lle -c i, dans des plaidoieries que la divifion
des audiences éloigne néceffairement les unes des autres, on
o u b lie , ou l’on s’efforce de faire oublier aux Juges ce qu’ils
avoient d’abord entendu. O n renouvelle, on rajufte les diffi
cultés: on feint d’ignorer quelles ont été détruites ; & la rapi
dité de la parole fécondant cet artifice, l’avantage du fond
femble en quelque forte refter à la Partie qui parle la derniere,
tandis qu’elle n’a vraiment que celui de la place : elle femble
avoir tout dit viâorieufem ent, précifément parce qu’elle a'
rien dit qui pût lui affurer la vittoire,
V ou s
�75
V ou s ne fouffrirez pas,
M
essieurs
, que cette rufe foit ici
mifeen ufage, ou du moins elle le fera fans fruit, fi 011 o fe l’em
ployer. V ous voudrez bien vous fouvenir que j’ai démontré la
réalité des droits civils des Proteflans ; que j’ai juftifié le privi
lege de leurs unions ; & qu’en perdant les prérogatives qui dé
pendent , dans un Etat p olicé, de la volonté mobile du Sou
verain , ils ont confervé du moins celles que donnent les loix
confiantes, immuables de la nature.
E x a m e n d e s t it r e s q u i p r o u v e n t le m a r ia g e .
Examinons maintenant ces titres, annoncés depuis fi longtem s, & com battus, au moins par des m enaces, avant même
que nous fuffions décidés fur l’emploi que nous en devions
faire. Il y en a deux,
M essieu rs
, comme on vous l’a dit, &:
tous deux font des aftes de célébration du même mariage; l’un
émané d’un Miniftre Proteftant, l’autre d’un Curé Catholique.
T o u s deux ont été dépofés chez des Notaires, afin de ménager
le m oyen d’en tirer .des expéditions exactes ; tous deux ont été
légalifés folemnellement par les Juges des lieux avant le dépôt :
il n’y a donc rien qui n’en garantiffe l’authenticité.
Cependant le fieur de Bombelles affirme qu’ils font faux.
Les v o ilà , s’écrie - 1 - i l , c’eft: moi qui les révélé ; & il vous
entendez vous en fervir, je fuis prêt aies attaquer par les voies
de droit. J’ai de plus un Affocié qui m’aidera dans ce com bat
difficile : c’efl le C uré dont vous avez ufurpé le nom ; il défavoue hautement fa fignature, comme je défavoue mon ma
nage. Unis par cette conformité d’intérêt, de fentim ens, for
tifiés par cette complicité m utuelle, nous vous offrirons des
athletes redoutables, dont vous ferez prudemment d’éviter
le choc.
�74
A h ! gardez pour vous ces infirmations de ménagement &
& de prudence ! C ’étoit dans votre Caufe qu’il en falloit faire
ufagé. Q uoi ! vous vous flattez par de vains propos d’éblouir
la Juftice fur des aftes écrits que vous-même lui préfentez? Ils
fubfiftent tant qu’ils ne font pas attaqués ; vous ne les attaquez
point, en difant que vous les attaquerez : jufqu a ce que vous
ayez formé votre infcription de faux, 8c qu’elle ait été admife,
jufqu a ce que vos moyens aient été jugés pertinens & valides,
ces a&es font la réglé dont les Tribunaux ne peuvent s’écarter.
C ’eft votre L o i, comme la nôtre & la leur: vos efforts, pour
les éluder, font puériles, & vos tentatives illufoires.
Mais feriez-vous recevable à la former, cette infcription de
faux? Quel en feroit l’objet? D e faire déclarer nulles ces pieces
qui vous importunent ; de les rejetter du procès, où vous les
redoutez ? Mais elles n’en faifoient point partie : c’eft vousmême qui les y avez incorporées. Si réellement vous les croyez
fauifes, pourquoi les tirer de l’obfcurité où nous les laiffions ?
Nous ne les avons jamais produites. Si dans le Mémoire à
confulter le certificat du Miniftre Proteftant a été d’abord an
noncé, d’autres vues, le refpeft pour des préjugés mal fondés, le
peu d’envie de s’embarraffer dans les difcuffions où vous nous,
avez forcés d’entrer, nous avoient décidés à les laifler à l'écart*
Si celui du Curé Catholique a été vu , comme vous le dites*
des Magiflrats & des principaux parens de la Demoifelle Carvoifin, c’étoit par l’ordre d’une autorité fupérieure ; mais dans
le procès, & même dans le Mémoire à confulter, il n’en a pas
été queftion. C ’efl: donc vo u s, & vous feul, qui en avez opéré
la repréfentation : or on n’efi: pas recevable à attaquer foi-même
des titres qu’on pouvoit fe difpenfer de produire. D ès que,
par le filence, on étoit en droit d’attendre le même avantage
que peut procurer l’attaque, celle-ci neit point tolérée par la
�75
Juilice, qui réprouve toutes les procédures inutiles. Votrô pré
tendue infcription de faux ne feroit donc pas admillible dans la
forme, quand même vous auriez la hardieffe de l’entreprendre.
Mais l’auriez-vous, cette hardieffe ? Au fond du cœur les
croyez-vous faux, ces ailes que vous inculpez avec tant de
légéreté ? Soutiendriez-vous jufquau bout une procédure férieufe, dont la fin ne pourroit être que de vous convaincre
vous-même ^’une impoilure iniigne , & d’ajouter encore, s’il
fe pou voit, à l’opprobre dont cette Caufe ne vous a déjà que
trop couvert ?
J’en appelle ici à vous-même : c’eil votre cœur que j’inter
roge : ofez nous en développer les replis : faites-nous voir qu’il
eft vuide de crainte, exempt de remords ; que le tems en a
effacé jufqu’au moindre fouvenir de cet engagement qui fait
aujourd’hui votre effroi, parce que vous avez perdu l’innocence
avec laquelle il a fait vos délices. Ah ! je ne veux ici d’autre
Juge que votre confcience. Trouvez moyen de mettre au jour,
d’une iganiere certaine, les fentimens qui l’agitent & peut-être
le déchirent en ce moment, & nos conteilations feront bientôt
décidées.
Ces a£les font faux ! Et comment le prouveriez-vous ? Eftce celui de Bordeaux que vous attaquerez d’abord? Le Curé
le dénie hautement ; il foutient qu’il ne l’a ni (igné ni délivré ;
mais ce Curé prudent qui prévoit les événemens, qui voudroit
tout à la fois vous fecourir & ne pas s’expofer, avoue pourtant
que la iignature reffemble ti fort à la tienne, qu’elle lui fait illu
sion à lui-même (i). Il n’y a donc pas là de moyen de faux. Les
Experts pourront-ils fe défendre d’une illufion qui trompe la
6 ) V o y e z la Lettre de ce C u r é , au fieur de Bombelles.
K .j
�76
Partie la plus intéreflee à s’en garantir ? D es étrangers démê
leront-ils l’impofture d’un écrit qui en impofe à celui même
dont on a co n trefait la main ?
V ou s offrez de prouver que vous n’étiez point à B ordeaux,
mais à T o u lo u fe , à lep oque indiquée par l’a&e. A h ! ne pouf
fez pas l ’imprudence jufques-là ; outre que la preuve contraire
feroit trop facile, nous en avons une déjà faite , qui vous difpenfera de cetté ignominieufe & pénible corvée. Dans l’année
même de votre m ariage, dans la premiere ivreffe de votre féli
cité , dans ces momens où vous ne refpiriez encore que pour
le bonheur & la vertu , vous avez avoué à vos amis le fecret
de votre mariage à Bordeaux : la Juftice leur a arraché cette
confidence, dont vous avez perdu la mémoire. V o s anciens
camarades ont dépofé de ces aveux échappés à votre franchife,
dans un teins ou elle ne pouvoit pas être fufpefte.
Le Jieur Paul-Elit Vialette c£Algnan , ancien Officier du Régiment de
Piémont :
D épose , qu’il a v é cu d’une étroite liaifon avec le fieur île Bom~
b e l l e s .......................................................... qu’étant revenus enfemble
l’h iver fuivant en cette v ille , ledit fieur de Bombelles dit au D é p o fant pendant leur route & en la ville de P a ris, qu'il ¿toit marié & avoir
époufé la Demoifelle Camp, à Bordeaux ou aux environs.
Mefjîre François de Btaudau , Lieutenant-Colonel d'Infanterie,
D épose , que M. de Bombelles , long-tems avant de partir de cette
ville (d e M ontauban) lui a déclaré & avo u é fon mariage avec la
D em oifelle C a m p , lui ajfurant avoir époufé à Bordeaux.
Et vous parlez de vous infcrire en faux contre l’afte de Bor
deaux !
Serez - t o u s plus heureux contre celui de Montauban ? Il
porte, dites-vous , une fignature idéale, parce qu’il fe trouve
�2
o
7
77
foufcrit Sol-Elios. Ce mot, par un rapport qui n’eft aiTurément
point fans exemple, iignifie le Soleil en Latin & en Grec ; en
conféquence vous vous écriez agréablement que cejl un nom
en l'air; qu’on ne trouvera point fur la terre l’individu auquel
il s’applique. Vous niez de l’avoir jamais connu : oferiez-vous
l’atteiier fur la foi du ferment? . . . .
Mais non , je vais vous
épargner la tentation d’un nouveau parjure. Ecoutez & rou-giiTez.
^
V o ici, M e s s i e u r s , une preuve non douteufe de Texiitence
de cet homme chimérique. Voici une lettre de ce fantôme que
le iieurde Bombelles méconnoît, & qu’il met au rang des vifions fantaffiques dont la Demoifelle Camp remplit l’Europe
pour troubler la paix de fon ménage. Le fieur Sol-Elios, après
avoir été douze ans Miniilre à Montauban , s’eft retiré à S&verdun, dans le Comté de Foix. Voici ce qu’il écrit le 6 de ce:
mois à un de fes Confreres :
O u i , cher a m i, c’eft mol qui prêtai mon miniftere à M. de Bom
belles, pour fe lier par les noeuds les plus facrés avec Madame de Bom
belles t ci-devant Mademoifelle Cam p. C ’eft donc mal-à-propos que c e
Gentilhom me fournit aujourd’hui des doutes à fon A v o cat fur mon»
exiftence , puifqu’il m’a vu y qu’il me co n n o ît, & qu’il devroit fe rap p eller du peu que je lui dis lorfque je lui départis la bénédiâion nup
tiale................................................................................................. ........
M . de Bombelles prétend que je fuis un fo u rb e, un im p o iïeu r, dont on
a emprunté le nom r ou qui l’a lui-m ême prêté pour donner quelquecouleur à l’impofture. Q u e ce Monfieur me connoît mal
M. de Bombelles prétend qu’il n’y a jamais eu à M ontauban, ou aux en
virons , de Pafteur défigné fous le nom de Sol dit E lios.............. Il n’eil
du tout point fondé fur cet a rticle , puifque j’ai d e fle rv i, en qu alité
de P a fteu r, ce pays là l’efpace de dix à douze ans ; que je fuis également
connu fous ce nom dans le Périgord tout comme ici. C et cchapatoir'fc'
�78
de fa part eft d’autant plus groiîiérement tr o u v é , qu’il eft aifé de.fe
convaincre de la vérité du fait par les Regiftres des baptêmes & des
mariages de l’un &C de l’autre endroit, tout comme par l’a tteftation( i) que
je vo u s e n v o ie , fignée d’un certain nombre de Bourgeois &. Habitans de
cette Ville , tout autant de perfonnes compétantes pour attefter que je
v i s , que j’exiftois il y a une quarantaine d’années , puifqu’elles m’ont
v u naître & que je laboure ma quarante-huitieme. Je fais qu’il n’eil
pont de plus méchans fourds que ceux qui ne veulent point entendre,
& que M . de Bombelles perfévérant toujours dans fon im pénitence,
Soutiendra que toutes ces fignatures , comme n’étant point munies du
fceau de la V ille , font des pures fictions : mais que ce M onfieur, ou
tout autre en qui je puiffe me co n fier, me fourniffe un fauf-conduit
de la C o u r , & je le co n vain crai, s’il le fa u t, de mon exiftence. Signé,
S o l dit E lxo s.
C e Pafteur eft donc un homme bien réel : le mariage qu’il
a béni a été folemnel.
»
M a is, ajoute-t-il, l’a&e n’eft pas figné des Tém oins; il ne
l’eft pas des Parties. Quand cela feroit , qu’en réfulte-t-il ?
N ’eft-ce pas l’ufage des lieux & la Loi des contra&ans qu’il
faut fuivre ? Vous-mêmes, M e s s i e u r s , pendant l’inftruftion
de cette Caufe , vous venez d’établir, par un Arrêt folemnel,
qu’il n’eft pas toujours néceflaire pour la validité d’un atte de
célébration, que les Témoins & les Parties l’aient figné; &
l’efpece étoit bien plus forte, il étoit queftion d’un mariage cé
lébré fuivant le rite Romain.
Le fieur Gobaut réclamoit la Loi qui lie les Catholiques
fur cet article : la Dame de Lepine produifoit la Coutume qui
les en difpenfe en Flandres & ailleurs. Dans cette matiere pro( i ) C ette atteftation fignée de dix-fept des principaux H abitans, a
été remife fous les y e u x de M , l’A v o cat Général.
�blématique, malgré les inconvéniens qui pouvoient réfulter de
cette opinion, vous avez prononcé en faveur de la Dame de
Lepine. Les Proteflans , attachés à l’ancienne difcipline, confervés par la révocation même de l’Edit de Nantes dans la
jouiflance des droits civils que cet Edit leur affuroit, ont confervé, comme les Catholiques des Pays-Bas& de l'Allemagne,
l’ufage immémorial parmi eux de ne pas exiger la fïgnature des
Témoins ni celle des Parties. En voici la preuve.
N o u s , fouifign és, Chapelains & Anciens de la chapelle de leurs
Hautes-Ptiiflances NoiTeigneurs les Etats-G énéraux des P rovinces
unies des P a ys-B as, auprès de fon Excellence M. Leitevenon de BerK e n ro o d e , leur AmbafTadeur à la C o u r de France , déclarons & cer
tifions q u e , fuivant l’ufage de nos églifes , nos regiftres des mariages
font uniquement lignés de nous C h ap elain , & de celui de nous qui fe
tro u v e en fo n & io n , & que ledit ufage ne demande ni même ne com
porte que les parties & les témoins lignent dans nofdits regiftresr Eu
foi de quoi nous appofons i c i , à côté de nos fignatures, le cachet de
notre Com pagnie. A Paris en C on iiiloire ce
Juin 177 2 . Signé, D u vO iS iN , C hapelain; F .G . d e l a B r o u e , Chapelain; L. S e r r u r i e r ,
Ancien ; F r é d é r ic D u v a l , Ancien (1 ).
D e ce c ô té , l’a&e de Montauban efl donc en réglé.
Mais il y a bien plus : ces témoins , dont la fïgnature n’a
pas été reqûife , parce quelle n’étoit pas nécefTaire, ont
rendu un nouvel hommage à l’authenticité de la cérémonie ,
que leur nom & leu r préfence ont légitimée. Ils ont été entendus
tous trois dans l’enquête dont je vous ai déjà tant de fois parlé;
& voici comme ils s’expriment.
Le Jitur Louis Ltcun, Négociant, âgé de 4 7 ans.
D épose , qu’étant dans une maifon, dans cette ville, vers le mois dier
Mars 1766 x il vit la cérémonie du mariage du Jicur de Bombelles avec la
0)
ligalifation de M. l’Arabaffadeur de Hollande eft jointe à ce certificat.
�I ..
8o
Demo'ifelle Camp ; fe rapellant ce fait très-particuliérem ent, que le Pafteur demanda, audit fleur de Bombelles, s’il vouloit pourf a légitime époufe,
la Demo'ifelle Camp , & quayant répondu avec beaucoup defécurité q u 'o u i,
ledit Pafleur, qui avoit déjà pris le conftntement de la Demo'ifelle Camp ,
bénit leur mariage, à la très-grande fatisfaâion de l’une & de l’autre des
Parties.
Les fleurs Jacques Brun & Jean-Pierre Moles dépofent la
même chofe.
Eft-ce un a£e de cette nature, eft-ce une piece ainiî juffifiée
que vous réufllrez à convaincre de faux ? L ’auteur fe préfente
& l’avoue; les témoins l’atteftent ; ce n’efl: plus un afte fuppofé,
ni un être imaginaire, comme vous l’avez avancé. Comment
éluderez-vous cette intervention, bien autrement férieufe, bien
autrement frappante que celle du Curé votre protefteur, quoi
qu’elle n’ait pas l’apparence judiciaire ?
Direz-vous que c’eflt une nouvelle impofture , qu’après
avoir appofé ce nom au bas d’ùn a£te , on n’a pas eu plus de
peine à le foufcrire à la fin d’une lettre ; que le Sol-Elios de
Saverdun n’efl: pas plus croyable que le Sol-Elios de Montauban ? N o n , vous ne le direz pas. La lettre porte un de ces
caraftçres de franchife & de probité, auxquels çn ne peut fe
méprendre. L ’atteftation des Habitans, qui y eft jointe, n’eft
pas fufpe&e. La Cour peut d’ailleurs ordonner à ce fujet des
informations qui l’éclai.rçiffent, M, l’Avacot Général peut en
prendre : nous fommes prêts à fubir tous les examens. Il n y
a pas de recherches qui nous inquietent. Avez-vous le même
çourage ? Montrez-vous la même fermeté }
Le Curé de Bordeaux nie qu’il ait rien infcrit fur fes regiflres
de l’afte dont il paroît avoir délivré l’extrait. Il en offre la vé
rification i
�8i
rification ; mais , qu’en réfulte-t-il ? O u qu’il les auroit fouftraits depuis que l’affaire a éclaté , ou qu’auparavant même ,
toujours précautionné , toujours attentif à fe prémunir contre
les événemens, il fe feroit difpenfé d’infcrire fur ces regiftres la
célébration dont il donnoit un certificat en bonne forme ;
qu’il auroit joint à la prévarication envers les Loix de fon Eglife,
une autre prévarication envers les Parties, en leur délivrant
une copie d’un a&e dont il n’exifteroit point d’original , &
qu’il en comniettroit aujourd’hui une troifieme , en niant la
vérité de cette copie même , écrite & (ignée de fa main.
Mais cette triple infidélité pourroit-elle nuire à la Patrie qui
eft innocente, & qui a rempli , autant qu’elle le pouvoit, les
devoirs que la Loi lui impofoit ?
C ’eft une fuppofition ! Mais fi l’on avoit pu recourir à cet
indigne artifice , (i l’on avoit eu befoin de cette fupercherie,
& que la famille de la Demoifelle Camp fe fût dégradée au
point de la mettre en ufage, pourquoi auroit-on choifi, par pré
férence , le nom d’un Curé d’une grande V ille , o ù , fi l’on vous
en cro it, la Demoifelle Camp n’a jamais été ? Pourquoi l’aller
chercher dans la Capitale de la Province , dans la Métropole ,
où réfidoit le Tribunal qui dans ce tems-là devoit connoître
du fa it, s’il avoit jamais excité quelque plainte ?
Q uoi ! en fuppofant que ce certificat de mariage dût exciter
des conteftations, c’étoit alors au Parlement de Bordeaux
qu’elles auroient été portées. Et c’eft un Pafteur de Bordeaux
dont on auroit pris le nom pour appuyer une femblable impofture ! Y avoit-il rien de plus redoutable , pour les fabricateurs de cette ufurpation clandeftine, qu’un pareil théâtre ?
Pouvoient-ils préfumer que le Curé de Saint Siméon ne feroit
L
�pas inftruit d’une querelle où fon nom auroit paru avec tant
d éclat ?
S’ils avoient eu en effet à contrefaire un titre, une fignature , à fe l’approprier fans la participation de la perfonne inté—
reffée, n ’auroient-ils pas choiii celle de quelques Pafteurs de
ces Paroiffes éloignées , de ces Villages perdus en quelque'
forte dans les landes impraticables dont le Q uercy & le'
Périgord font remplis ? Là ils auroient pu croire leur crime
enfevelir Us auroient pu fe flatter d’être à couvert de la récla
mation d’un homme qui n’auroit peut-être jamais entendu
parler d’eux , quelque bruit qu’eût pu occafionner leur affaire.Mais eft-il naturel qu’ils euffent choiii un Pafteur connu
dans une des Villes les plus commerçantes de la France î
Eft-il naturel que, pour dépofer la produftionde la fourberie *
ils euffent encore préféré le lieu où il a fon domicile , & où
par conféquent il étoit plus facile de la découvrir ?
Enfin cette piece eft légalifée du Lieutenant Général deGuyenne , Membre du Parlem ent, qui auroit été Juge de
l’Inftance dans la q u e lle elle auroit été produite , comme je'
viens de le dire,, avant la Loi qui attire devant vous, M e s
, tous les appels comme d’abus. N ’auroit-on pas re
douté les regards de ce témoin incorruptible , & fa jufte in
sie u r s
dignation , s’il avoit pu s’appercevoir qu’il eut été trompé £
Laiffonsdonc ces vains reproches, ces menaces encore plusvaines d’une infcription de faux : elle n’eft pas admifïible :
quand elle le feroit en apparence, elle ne pourroit réuûir dans>
le fond. Ces fortes de reffourccs femblent avoir été celles de
tous les. époux réfra£hires , q u i, fans être dans une pofition
auffi odieufe que celle du fieur de Bombelles, avoient le même
intérêt à fecouer des liens dont ils fe trouvoient furchargés».
�213 '
83
Il y a peü de Caufes de cette nature, où les a&es de célébra
tion n’aient été ou attaqués ou menacés, fans que la Juilice ait
même daigné s’arrêter à ces démonftrations illufoires.
Dans celle du Com te de la R iv i e r e c o n t r e la Demoifelle
de C o lig n y , au dernier fiecle > on s’élevoit contre l’aûe. L e
Com te de la Riviere avoit déclaré ne vouloir pas s’en iervir ;
la Dem oifelle qu’il réclamoit pour é p o u fé, & qui nioit lui
avoir jamais appartenu à aucun titre , é^cipoit hautement de
cette déclaration. Elle étoit appuyée des plus vives , des plus
preiTaiites foilicitations qui aient jamais été faites. Sa famille
intervenoit en fa fav eu r, & cette famille étoit com pofée de
ce qu’il y avoit de plus grand dans le R oyaum e , à com
mencer par la Maifon de Loraine : mais elle avoit écrit des
lettres où elle fe difoit mariée ; elle avôit eu un enfant qu’elle
avoit reconnu, & donné au Com te d elà Riviere. Ces circonftances prévalurent fur l’irré g u la rité de l’a fte, quel qu’il fût. L e
mariage fut confirmé.
Je ne finirais pas , fi je voulois citer toils les Arrêts rendus
dans les mêmes cfpeces. Je me bornerai à un fe u l, parce qu’il
eft célébré encore dans le Languedoc, où il a produit la même
fenfation que l'affaire de la Demoifelle Cam p produit i c i , &;
quêtant tout récent, il a l’avantage d’indiquer une Jurifprudence moderne. C ’eft celui qui a été rendu le 19 Avril 17 6 9 ,
au profit de la Dem oifelle Chabaud. Elle étoit Proteftante &:
ne s’en cachoit pas. Elle produifoit un aûe de célébration d’un
C uré Catholique argué de faux. Par une fingularité remar
quable, ce Curé, fugitif au moment où il étoit cenfé avoir (igné
l’a fte, avoit depuis été condamné aux Guleres. O n ne trouvo it ni chez l u i , ni au Greffe , de regiilre qui juilifiàt l’extrait.
Il y a plus : l’infcription de faux avoit été form ée; elle avoit
L ij
�§4
même été ' admife ; & il y a bien plus en co re, le faux étoit
prouvé. Entre autres indices, l’a&e portoit que la Bénédiôion
nuptiale avoit été impartie un Dim anche 11 Juin, O r , le i x
Juin de cette année n’étoit pas un Dim anche , mais un Jeudi.
L ’afte étoit donc faux & nul en lui-même.
M ille autres circonftances fortifioient encore cette preuve
indubitable. C ependant, après les plus mûres délibérations ,
après un renvoi de la Grand’Chambre à l’une des Enquêtes, ce
qui éèartoit d’autant toute idée de furprife & de précipita
tion , le mariage a été confirm é; & l’enfant qui en étoit pro
v e n u , déclaré légitime : tant eft grande aux yeux des T rib u
naux la faveur d’une union contra&ée fincérement, & fur-tout
d’une union féconde.
V o u s vo y ez d o n c ,
M
essieurs
, que dans aucun fens , la
menace du fieur de Bombelles & de fon Curé n’eft à crain
dre. Dans aucun cas leur infcription de faux n’eft admiiîible.
N os a& es, ou plutôt les leurs, font à couvert de cette efpece
d’attaque & par la forme & par le fond.
M a is , continuent-ils, pourquoi deux a&es ? Si le premier
eft bon , pourquoi avoir provoqué le fécond ; & s’il eft infuffifan t, qui aiTurera que celui-ci vaudra mieux? L ’un a-t-il pn
fuppléer à l’autre ? LJti Miniftre Proteftant a t-il quelque chofé
de commun avec un C ure C atholique? D ailleu rs, ajoute
ront-ils probablem ent, vous venez de citer un Arrêt du C o n fe il, qui enjoint aux Réformés de fe marier devant un Juge
L a ïc ; mais il n’y en a aucun qui les autorife à contrafter, foie
devant un de leurs Pafteurs , foit devant un des Miniftres de
nos autels. La Demoifelle C a m p , par cette duplicité d’a ô e s ,
ind iqu e, dune p art, la con viâion où clic eft elle-même de
lh ir infujBifance j & de l’au tre, par leur nature même , il eft
�2 \S
85
clair qu’elle a dérogé au règlement que vous produifez en fa
faveur.
Il
eft ju fte ,
M
essieu rs
, de répondre à ces deux objections.
L a premiere, fur-tout, eft celle que nos Adverfaires ont déve
loppée avec plus de complaiiance : c’eft celle fur laquelle ils ont
fondé les efpérances de leur triom phe, s’il eft vrai qu’en effet
ils fe foient flattés de triompher.
\
. Certainement l’Arrêt du Confeil du 15 Septembre 1685
étoit ce qui pouvoit arriver de plus heureux aux Proteftans
François. Dans l’horreur des défaftres qui les accabloient de
toutes parts, ils fe trouvoient à peu près par-là réduits à la con
dition des Catholiques en A n gleterre, en H o llan d e, par-tout
où domine la croyance des enfans dénaturés de l’Eglife R o
maine.
O n vous a plaidé qu’ils y gémifloient dans la plus cruelle
oppreiTion ; que c’étoit par repréfaillcs, que la main de nos
Souverains s’étoit appefantie fur ceux de nos compatriotes
qu’une Foi commune lie avec ces Nations commerçantes &
guerrieres. Rien n’eft plus faux affurément. Les Catholiques à
L o n d res, à Am fterdam , dans toute l’étendue des ProvincesU nies & de la Grande-Bretagne, ont des prérogatives plus ou
moins reftreintes ; mais nulle part leurs unions 11e font gênées,
L a feule marque de dépendance à laquelle ils font obligés en
vers le G ouvernem ent, c’eft de fe marier devant le M agiftrat,
comm e les Se&ateurs du culte autorifé. En afBmilant l’état des
^Proteftans François en France à celui des Catholiques étran
gers chez nos vo iiin s, on ne faifoit donc aux premiers aucun
tort réel.
Si la fin du dernier fiecle & le commencement de celui-ci
avoient etc plus paiiibles, fans doute ce règlement utile n’au^
�86
i'oît jamais reçu d’attéinte, je ne dis pas de l’autorité publi*
que, puifqu’elle l’a toujours refpe&é , mais du caprice des Par*
ticuliers qui devoient l’obferver. Mais ces deux époques ont
été troublées par dés guerres il cruelles ou par des révolutions
de finance fi fingulieres , qu’il a été difficile au Gouvernement
de porter/fans ceife un œil, attentif fur tous les objets qui mé*
ritoient fes regards.
Tandis qu’on enfanglantoit les deux mondes , pour donner
uil Maître à la Nation qui a découvert le nouveau, & que les
convulllons du fyilême agitoient Ci cruellement cet Etat au
quel on l’avoit préfenté comme un remede , TAdrainiflration
perdit de vue les Proteftans, que leur imperceptibilité même
rendoit cependant plus dignes que jamais d’eftime & de pro*
teftion,
D ’autres querelles non moins funefles
concouroient à
augmenter fes embarras. Des diviflons intérieures que ia fa*
geife des Magiftrats & la douceur du Prince ont à peine cal*
mées , abforboient encore l’attention que l’on auroit pu don*
ner à ce qui fe paifoit dans une Communion autrefois rebelle
& redoutée , & maintenant oubliée, méprifée , depuis quelle
nvoit ceiTé d’être puiffante ou fanguinaire.
O n abandonna donc à euxvmêmes les Proteftans, & le foin
de leur difcipline civile. L ’Adminiilration , contente de veiller
fur la profcription du culte, négligea de s’occuper de l’état
des perfonnos, qui pouvoit lui paroxtre aiTuré par l’Arrêt du
Confeil. Sans défendre leurs mariages, on ne fe mit pas en
peine de les approuver. Les Juges , qui dévoient en être les
témoins, les miniftres juridiques, refuferent de remplir fans
ordres ces fondions délicates. Peu inftruits des intentions dç
la C o u r , timides, aveuglés peut-être par des préjugés, ils crai
gnirent de touchera. 1 cncenfoir, en fe mêlant d’une cérémonie
�217
%1
<jui, parmi n o u s, tient au culte & au dogme. Enfin , les Proteilans, av ec le règlement à la main, ne trouvoient perfonne
qui voulût les marier. Us ne pouvoient fe préfenter devant des
Magiftrats de leur F o i, puifqu’ils n’en avoient pas ; ni devant
des Magiilrats Catholiques , puifqu’on les refuloit. Que faire
dans cet abandon, dans ce dénuement abfolu de reffources ?
Us imaginèrent, d’une part, de former leurs vœ ux, de pro
noncer leurs f^rmens en préfence de ceux de leurs Miniftres
que la tolérance de l’Adminiftration leur laifioit; & de l’autre ,
l ’efprit toujours rempli de l’Arrêt de 1685 , toujours attentifs
à rendre hommage à la Loi du pays , à la volonté du Prince,
voyant que parmi nous les Curés font de vrais Magiftratsdans ce qui regarde le mariage, fongeant que dans l’adminiftration de ce facrement,rAutorité laïque eft m êlée, incorpo^
•rée à la Puiflance fpirituelle; que ces deux pouvoirs font con
fondus & réunis à l’inflaiit de la célébration , dans l’individu
facré q ui, en ratifiant le confentemem prononcé parles Par
ties , y attache tout à la fois les grâces du Ciel & les effets civils
aux yeux de la L o i , ils s’aviferent de fe préfenter devant nos
Pafteurs, non pas pour y recevoir un facrement dont leur
incrédulité les rend malheureufement indignes, mais pour y
conilater juridiquement leur union, & en tirer un monument
capable de la faire valider. Le Miniftre continua d’être l’hom
me de leur confcience, & le Curé devint à leurs yeux celui
de la Loi.
Cette coutume, introduit? pa;r>la néceiïité, a donné lieu à
une Jurifprudence adoptée par •l*‘ fagefl'e des Cours , & tacite*
ment confacrée par le iilence du Gouvernement. Il n’y a peutttre pas d’années, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire à 1»
première Audience, où quelque Parlement du Royaume n’ait
à juger quelque Caufe de cette efpece : & jamais, M e s s ie u r s 7
�88
le certificat du Curé, ainfiproduit,n’afouffert de difficulté. Les
exemples en feraient innombrables ; mais vous les connoiifez
auffi bien que m o i, & la voix de la notoriété publique ne per
met pas même de révoquer en doute la vérité de ce fait.
M aintenant, que deviennent les obje&ions auxquelles j’ai à
répondre ? Non-feulement la Demoifelle Camp n’eft pas repréhenfible d’avoir en fa faveur deux certificats, mais c’eft
précifément çette innocente duplicité qui fait la fûreté de fa
Caufe. Si elle n’en avait qu’u n , fon droit pourrait paraître
douteux. C ’eft la réunion des deux qui le rend inconteftable.
Les Ordonnance«, qui enchaînent les Catholiques parmi nous
à l'obligation de ne fe marier que devant leur propre Curé ,
font précifes, O r , le Pafteur, qui marie les Proteftans, n’eft
pas leur propre Curé : il faut donc prouver que ce font des
Proteftans qui fe font préfentés devant lui ; & c’eft ce que fait
l’aûe de célébration du Miniftre. L ’un attefte aux Tribunaux,
que les Parties font étrangères à la Loi ; l’autre leur fournit le
voile favorable dont ils ont hefoin pour déguifer la difpenfe
néceflaire qu’ils accordent de çette Loi rigoureufe. D e tous les
mariages proteftans qui fe célebrcnt dans le Royaum e, il n’y
en a pas un qui ne foit fortifié de cette double formalité ; il n’y
en a pas un qu’on ne puiiTe juftifier par ce double titre qui cou?
cilié tous les intérêts, & aflure aux enfans le ta t, l’honneur, la
fucceffion de leurs peres.
A la vérité on ne le$ produit pas toujours tous deux. Il y
a des cas où l’on fe contente du premier : le fécond eft une
pièce fecrete, que l’on confie à la difcrétion du Miniftere pu
blic & à la fageiTe des Juges. Il eft rare que ces fortes de ma
riages éprouvent une attaque auffi violente, auffi finguliere
�89
ên tout f*ens que celle dont nous nous plaignons, & que les
deux titres foient expofés à une difcuffion pareille à celle à
laquelle nous avons été contraints de nous livrer. Cela n’eft
cependant pas,
M
essieu rs
,
fans exemple.
A in fi, dans cette mémorable affaire dont j’ai déjà eu Thon«
neur de vous parler, dans celle delà Dem oifelle C h a b a u d ,o n
produifoit également deux titres, deux certificats. Celui du
Miniftre étoit^figné d’un fleur Paul R a b o t, Pafteur à Nifmes ;
celui du Curé portoit le nom d’un fîeur C a n o n g e, Deffervant
de IaParoifTe de Maffanne dans le voifinage d * cette Ville. C e
lui-ci, comme je vous l’ai obfervé, étoit violemment inculpé de
faux ; la main qui l’avoit fouferit, & la piece m êm e, étoient
■également fufpeftes : l’autre emporta la balance. Les Juges,
■en voyant la preuve d’un confentem entréel, n’héfiterent point
-à confirmer le mariage.
• M a is , dira-t-on, c’eft donc un facrilege. Si cette licence eft
to lé ré e , l’adminiftration d’un de nos facremens ne fera plus
qu’un jeu ; & ce jeu affligeant pour l’E glife, cette profanation
criminelle n’aura bientôt plus de bornes.
-
Je crois d’abord,
M
essieu rs
,
que cette décifion eft un peu
rigoureufe. O bfervez , je vous fupplie, ce que j’ai déjà eu
l’honneur de vous dire. D es deux minifteres que le Curé rem
plit à l’égard des Catholiques , il n’en exerce qu’un envers les
Proteftans. C e n’eft pas un facrcment qu’il leur proftitue; c’eft
lin certificat pur & fimple qu’il leur délivre. Il n’eft pas pour
eux le miniftre des Autels & le canal de la grâce. Il 11e fait que
les fonftions d’un Magiftrat ; il eft témoin de leur union ; il
rend compte de la déclaration qu’ils lui en ont faite. Iln e paroît
pas que la piété la plus févere puifl’e s’alarmer au moins des
M
�90.
fuites de cette complaifance qui retient des Citoyens dans
l’E ta t, 6c légitime des engagemens que le refus rendroit en
core plus fcandaleux que ne peut l’être la conceifion.
E nfuite, je n’entends pas juftifier les Minières Catholiques-,
qui fe prêtent à des importunités innocentes au moins de la
part de cetix qui les follicitent, quelque jugement que l’on en
porte à l’égard de ceux qui les écoutent. L ’idée qu’on en doit
avoir, dépend peut-être de leurs motifs. Si la feule ardeur de
contribuer au bien de la Patrie les enflam m e, s’ils ne font di
rigés que par
151fenfibilité pour
des êtres malheureux que leur
fécours arrache à l’opprobre, & dont leur indulgence fixe l’état
& le f o r t , il cû plus difficile de les condamner.
S i , au contraire , c’eft un vil intérêt qui les anime ; s’ils met
tent à prix d’argent leur facilité ; fi, à la premiere faute de
paroître ouvrir les portes de leur Eglife à des enfans déshéri
tés, qui en font exclus, ils joignent celle d’en vendre l’ou
verture , ils/ont criminels & puniflables fans doute; mais alors
c’eil leur nfiotif, & non pas leur a&ion, quieft malhonnête. La
mefure du délit eft celle de l’avarice qui L’a infpiré.
Peut-être même la connoiffancc de ce délit eft-ellc matière.à N
la cenfurc des Supérieurs Eccléfiaftiques, plutôt qu’aux recher
ches des Tribunaux féculiers. D u moins , quand ces Mimllrcs
prévaricateurs, comme il eit arrivé quelquefois, ont étépourfuivis par les Officiers R o yau x, ce n a ete ni pour avoir attefté
une célébration laïque s s’il eft permis de parler ainfi, ni même
pour avoir mis un prix à cette extenfion de leurs fon&ions-;
mais, ou ils avoient eu l’infidélité de ne pas inferire fur les regifHes l’original de l’a&e dont ils délivroient des copies , ou ils
avoient fouilrait ces archives précieufes pour ôter aux Parties
intéreifées la faculté d’y recourir. C ’eft cette duplicité vile (k
baife, que les Tribunaux ont cru devoir punir de la peine des
�\
. ................■;$'
.
galeres dans le Curé de M afiane, que j’ai deja eu
1honneur
de vous citer.
A cet égard, c’eft à celui de Bordeaux à fonder fa confcience
.& fa mémoire : c’eft à lui, qui offre fi fièrement la vérification
de fes regiftres, à examiner fi en effet il a fupprimé la feuille
qui contenoit l’afte dont il s’efforce de décréditer l’extrait, ou
fi, par une malverfation encore plus criminelle en quelque
forte , il n’affij^ne que le mariage du fieur de Bombelles ne s’y
trouve pas configné , que parce qu’en effet il ne l’y a jamais infcrit. C ’eft à M. l’A vocat Général à fe procurer, à cet égard,
les éciairciiTemens, & à prendre les conclufions que fa fageiTe
lui di&era.
Mais quelle que foit la perverfité du P afteur, il eft impoflible que les Parties , qui fe font livrées à fa f o i , en fouffrent.
L ’aûe eft valide, quoiqu’émané d’une main coupable. T o u t ce
que la Juftice exige , c’eft qu’on lui préfente une preuve de ce
confentem ent, qui conftitue l’effence du mariage. C ’eft qu’elle
ne puiffe douter de l’intention qu’ont eue les Parties, de s’u
nir , & de la démarche qu’elles ont faite pour effe&uer cette
union.
O r ici cette preuve eft complètte : le contrat civil a été
formé de la maniéré la plus authentique. V ous y trouverez ,
comme dans l’affaire du Com te de la Riviere , des reconnoiffances fans nombre de la part d’un des conjoints, & un enfant.
V ous y trouverez , comme dans celle de la Demoifelle Chab a u d , deux certificats qui fervent d’appui , de juftification
l’un à l’autre. S’il y a également un Curé pervers , dont les re
giftres foient reftés imparfaits dès le tems par une prévoyance
infidieufe, ou aient été mutilés depuis par une infidélité en
core plus repréhenfible, cette parité n’eft à craindre que pour
M ij
�9*
le Minière prévaricateur. L ’extrait qu’il a*délivré eil bon , a u
tant qu’il peut l’être : il attefte, il certifie le fait qu’il étoit im
portant ici d’établir, celui d’une union conjugale entre les per..fonnes qui y font nommees.
1
U
4,
Et c’eil cependant,
M essieu rs
%
, cette liaifon confirméer
jnfiifiée d’ailleurs par tant d’autres preuves, légitimée par la
poffeifion la plus folemnelle, que l'on s’efforce de dégrader ici;,
c’eft ce mariage contrafté fur la foi de l’honneur , ratifié par
toutes les efpeces de titres qu’il étoit poifible d’y donner
pour fupport., qu’on fe propofe de réduire à un honteux con
cubinage.
C é d e z, s?écrie le fieur de Bombelles à fa véritable époufe,
cédez fuivant mon caprice votre rang 8c vos titres : vous étiez,
vertueufe , & je vous ai réduite ; vous jouiifiez d e‘toute la :
gloire atachée à la pureté de votre fexe , & je vous l’ai ravie.
J’ai eu jecours, pour vaincre votre réfiftance, aux artifices le$
plus recherchés, aux combinaifo-ns les plus hardies. Sermens,
devoirs , honneur , religion, j’ai tout employé pour parvenir
à vous pofféder : mais vos droits s’évanouiffent au moment
où j’ai lahardieffe de m’accufer moùmême de libertinage. Vous
n’êtes plus mon époufe ; vous ferez la complice & la viftime
de ma foiblefie. J’ai facrifié votre jeuneffe & vos charmes à mes
defirs. Je veux vous facrifier une fécondé fois à mon inconftance 8c au reffentiment de la Dame Hennet. Cette ennemie
implacable veut fe vanger de vous , 8c je ferai de moitié dans
fes projets, j arce que mes affaires font ruinées &: mon cœur
volage , parce que j’ai des dettes & q u e je n’ai plus d’am our,
parce que vous ne m’offrez que de la beauté & des vertus, 8c
que je n’ai plus de tendreffe ni de reffources.
Et toi j être malheureux, qui m’appellois ton pere tpi dont
�'ÀZ2?
la naiflance me càufa un plaifir ii v if, quand mon ame encore
honnête ne connoiffoit ni les befoins , ni'les remords ; toi qui
•m’as {urpris ici même des carefles dont je croyois la Source
tarie dans mon cœ u r, toi qui m’as fait Sentir encore une Sois
combien il Seroit doux d’être vertueux, renonces à TeSpérance
de me jamais fléchir. Je t’ai donné le jour , mais c’eft pour te le
•rendre odieux. T u as reçu la vie Sur la foi de l’engagement le'
‘plus facré, m^is ce n’eft que pour te dévouer à la honte &
confommer ton opprobre. Fuis : Sois anéantie comme je vou
drais l’être.-Les noms de pere, d’époux,m e font en horreur.Cruels objets dont le-Seul afpe£Vme tue , c ’eft vous qui m’avez
perdu , je vous perdrai à mon tour. Abandonné de mes amis,
méprifé de mes parens, proScrit par la Société entiere, je n’ai
plus que l’affreufe couSolation de vous faire partager mes in-fortunes.
T e l eft , M e s s i e u r s - , le terrible tableau que le fleur de?
Bombelles a préfenté lui-même à cette Audience. T el eft l e
fens des déclamations dont il a rempli ce Tribunal. Vous prête
rez-vous à ce trânfport inSenSé? La Juftice s’avilira-t-elie au
point de devenir l’inftrument de fa fureur , & condamnerezvous à- une flétriiTure éternelle deux êtres innocens , dont'
tout le crime eft d’avoir des droits trop certains à Son amour ?
Et par qui leur Sont-ils diSputés , ces droits-? Quelle eft leur
rivale en.ee moment remarquable? Quelle eft la perTécutrice
•ardente qui les pourSuit à grands cris ,<cn faifant retentir lesnoms odieux de bâtardiSe & de concubinage ? Faut-il le dire !
c’eft:une'fille imprudente, qui cédant au defir effréné d’avoir
•un mari , a foulé’ aux pieds , pour fe l’aiTurer, l'honnêteté
¡publique, les mœurs , le s L o ix , Sa- propre conSdence ; une
.¿Ule fans dolieatefie , qui s’eft ailez peu refpe&ée elle-même
$pOUr»accepter-une main qu-elle - Savoip être-déjà donnée ; une
�-94
fille fans fcrupule , qui a confenti a devenir heureufe par uti
crime ; une fille fans pudeur , q ui , dans le moment. même où.
ion prétendu mariage eft attaqué , que dis-je , attaqué , dérmontré n u l , ne rougit point d i l’avouer, d’en faire ufage ,
de vivre publiquement avec l’époux que la Juilice s’apprête à
arracher d’entre fes bras ; une fille,indifcr.ete enfin , qui ayant
été jufqu’ici traitée par nous avec des ménagemens fans exem
ple , ne les a ¿reconnus, que par des calomnies-atroces , &
un emportement fans bornes ! Et voilà celle qui invoque ici
la fainteté des Loix qu’elle a violées, contre uns femme refpeftable qui les a toutes obfervées ; contre une enfant qui n’a
pu les enfreindre , puifqu’elle ne les connoît pas!^
, ' Et quels font fes titres ? Eft-ce Timpofture de cet a£te dç
célébration furpris fur un faux expofé , où elle prête à ce mari, *
qu’elle trembloit de laiiTer échapper , un domicile qu’il n’g.
jamais eu ni pu avoir? Eft-ce l’audace qui lui a tout fait méprifer , pour fatisfaire une paifion que la raifon feule auroit dû
.combattre, & que les çirconftances rendoient coupable? Eft,ce la précipitation avec laquelle, fans atten’djre la proclama
tion des bans , fans daigner approfondir des avis trop multi
pliés & trop certains , elle s’eft hâtée de former un lien dont
elle ne pouvoit tirer que le frivole avantage d’impofer filencç
pour un inftant à fes remords, & de confommer, fous un voile
honnête, le facrifice honteux quelle méditoif de fa pudeur ? .Et c’eft vous qui prétendez rejetter fur nous l’ignominie dup
à un commerce impur ! Je fuppofe pour un inftant qu’il fui
poifible à ces Juges qui nous écoutent, d’héiîter entre vous &
nous ; .je fuppofe qu’ontrouvât de part.& d’autre la même préci
pitation , la même légèreté à s’engager, le même abus dans les
préliminaires ainfi que dans les fuites de l’engagement, l’égalité
Blême de ce prétendu defojrdrç produiroit-elle.entre nous'im e
�%2i
égalité de ' droits ? Cette enfant qui réclame un état que la
Juftice lui d o it, ne fera-t-elle comptée pour rien dans fa ba
lance ?
V ou s
la
voyez,
M
essieurs
, cette enfant déplorable, dont
la bouche ne peut encore exprimer de vœ u x , & dont la fituation n’en eft que plus touchante. Les larmes de fa mere ont
_été fon premier aliment : la honte de fon pere a flétri fes pre-,
miers regards ; faudra-t-il qu’à Imitant où elle commencera à
fe con n oître, dans ces momens où le cœ ur eSî plus fcnfible
en raifon de fon inexpérience, elle ne trouve autour d’elle
que des traces du défefpoir de l’une , & du crime de l’autre ?
La considération des enfans eft toujours ce qui vous a déter
minés dans des C au fes de la nature de celle-ci
on vous a vus'
pluiïeurs fois donner les effets civils à des mariages dont vous
biffiez la validité douteufe. Ainii le 12 Mai 1633 , par A rrêt
rapporté au Journal des A u d ien ces, fur les conclusions de
M . l’A vocat Général Bignon , fans vous e x p liq u e r fur la na
ture d’un mariage évidemment n u l v o u s avez cru devoir
déclarer les enfans légitimes* AinSi le 25 Mars 1709 , fur les.
conclusions de M . l’A vocat Général le Nain , vous avez pro
noncé de même dans un cas encore plus défavorable : il s’agiffoit d’une alliance contra£ïée par un homme condamné à
mort ; il n’avoit point purgé fa contumace ; il s’étoit marié
dans les cinq ans ; fa femme ignoroit fa condamnation ; fes
enfans fe diieient légitimes : vous les avez jugés tels, & le P u
blic éclairé a applaudi à votre décision.
Pouvez-vous craindre qu’il en foit autrement ici , Si vous
montrez en notre faveur une indulgence q u i , d’après to u t ce
qui précédé, ne fera réellement qu’une juftice? A h ! croyez-en
ce co n co u rs, ces acclamations qui ne partent ni d’une vaine
curioiite , ni d’un tranfport frivole dont nous rougirions d’être
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les objets. N o n ,
M essieu rs
, cet intérêt général dont le
Public honore la Caufe de la Dem oifeile Cam p & de fa fille,
a pour principe l’amour de l’honneur & de l’équité ; & cet
accord unanime, j’ofe le dire , eft une époque glorieufe pour
la Nation.
Dans la dépravation commune des m œ urs, l’innocence &
la vertu ont donc encore des .partifans; cette ardeur généreufe
qui a toujours fignalé les François, s’eft réveillée au bruit
d’un crime nouveau qui fembloit fouiller leur gloire. Si cette
ardeur eft devenue plus vive à l’afpect des perfonnes intéreffée s , fi les charmes attendriffans de la mere, fi les grâces
n aiffantes de l’enfant ont donné lieu à leurs protecteurs, c’eftà-dire à toute la France , de fe réjouir de -voir leur affection
,fi bien placée, fera-ce à vos yeux une raifon pour être en
garde contre un penchant que tant de vertu juftifie ? C e
triomphe journalier fera-t-il flétri par votre Arrêt ? Et vou
driez-vous qu’on dît un jou r, la Nation entiere follicitoit pour
elles , & le premier Tribunal de la Nation les a condamnées ?
Non , M e s s i e u r s , vous ne réfifterez point à ce concert
univerfel qui vous preffe au nom de l’honneur & de l’intérêt
commun de la Patrie. Il y a eu un premier mariage , ce fait
n’eft point douteux ; le fécond mariage eft nul, ce point eft
encore démontré, & vous voyez qu’on n’a pas même effayé
de combattre les preuves que j’en ai données. C ’eft donc au
premier mariage qu’il faut revenir , c’eft le feul qu’il vous foit
permis de confacrer.
Monfieur D E V A U C R E S S O N , Avocat Général.
Me L IN G U E T ,
...................*""
Avocat.
............................
D e L'Impr. de L. C E L L O T , rue Dauphine. 1772..
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Bombelles, Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte. 1772]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vaucresson
Linguet
Subject
The topic of the resource
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
Protestants
vices de forme
suspicion de bigamie
diffusion du factum
opinion publique
rapt de séduction
défaut d'actes de mariage
faux
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Réplique pour demoiselle Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte de Bombelles, procédant sous l'autorité d'Antoine Maugis, son tuteur ad hoc. Contre Charles-Frédéric Vicomte de Bombelles, et demoiselle Marie-Françoise de Carvoisin. En présence de demoiselle Marthe Camp, Vicomtesse de Bombelles.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de L. Cellot (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1772
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
96 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0804
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0801
BCU_Factums_G0802
BCU_Factums_G0803
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53053/BCU_Factums_G0804.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montauban (82121)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
défaut d'actes de mariage
diffusion du factum
Faux
opinion publique
Protestants
Rapt de séduction
suspicion de bigamie
témoins
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
vices de forme