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MÉMOIRE JU ST IF ICA TIF
POUR
G U IL L A U M E
BARD,
E x-age n t de la commune de Sauvetat-Autezat, accusé.
I nfuriam mihi f aclet si quis m e, ad u llas nostri sa cu li
controversias , aut natas aut quoe nasciturte praevideri
possunt, respexisse arbitratur.
,
Grotius, de jur. bel. et pac. in prolegom.
s
’i L p o u vo it y avoir quelque chose de plaisant dans une accusation
de guerre civile, de concussion et de terrorisme royal, ce seroit de voir
comment on compte pour rien les outrages faits à un fonctionnaire
public revêtu de ses marques distinctives, et avec quelle aisance les
coupables , par une récrimination heureuse, ont pu le dénoncer,
être témoins contre lu i, et le jeter dans les fars !
Mais il est très-sérieux d’être emprisonné quand on a raison, d’être
contraint par prudence de dévorer une infinité de réflexions naturelles,
et de sentir sur-tout que la puissance et la foiblesse ne peuvent user du
même mode de défense.
Sans doute, dans une révolution qui a vu tour à tour les mêmes
opinions exaltées et proscrites, les mêmes hommes poursuivis, appelés
et poursuivis encore, il n’est surprenant pour personne que ce flux et
reflux de promotions et de reviremens, ait transformé la plupart des
Francais en sectaires divers, voulant la même république, m ais s’entredéchirant tour à tour pour acquérir le droit exclusif de ses prérogatives.
Dans ce cours surnaturel des choses, l’impartialité doit considérer
cependant que la masse du peuple ne pouvant et ne devant prendre
d impression que de ses législateurs, n’avoit garde de deviner en l'an 5 ,
que leur morale fût un catéchisme d e la loyauté dangereux à suivre,
pas plus qu’elle n’avoit deviné en l’an 3 , que les noms odieux qu’ils
donnoient aux meilleurs patriotes n’étoient qu’un pur badinage sans
conséquence.
L accusé alors étoit un de ces patriotes persécutés par l’opinion
I
�fugitive. Alors il fut placé sur la liste de ceux dont une loi (i) ordonnoifc
3e désarmement; alors ses mêmes ennemis l’appeloient un terroriste
révolutionnaire; et aujourd’h ui, par une bizarre inconséquence, ils
en font un terroriste royal, pour profiter de toutes les chances qui
peuvent lui être nuisibles.
Ils ont fait plus; et pour affoiblir davantage leur victime, en lui ôtant
l’honneur, ils ont supposé qu’il avoit établi des taxes à son projit, sur
les citoyens de sa commune.
Cette horrible imputation n’a pas même atteint le citoyen Bard ,
nux yeux de ceux qui le connoissent ; une foule d’attestations lui
rendent justice: mais il faut aussi convaincre ceux qui ne le connoissent
pas. Il faut encore examiner cette longue série de dénonciations, sur
lesquelles l’impartialité ne s’arrêtera que pour plaindre les hommes des
passions qui les démoralisent. Il s’agit donc de commencer par le détail
vrai de ce qui s’est passé, et de discuter séparément ensuite les six
chefs de l’acte d’accusation.
F A I T S .
L e citoyen Bard fut élu agent municipal de sa commune en l’an 5.
Les temps n’étoient pas médiocrement difficiles.
L ’occupation des fonctions publiques par beaucoup d’hommes nou
veaux, paroissoit une véritable usurpation à leurs prédécesseurs. Une
guerre de conquête s’établissoit par des qualifications de parti, jusqu’à
ce que la démarcation qu’elles opéroient, produisit des hostilités plus
réelles.
L e libre exercice des cultes, asservi à un formulaire aisé, rappeloit
de toutes parts les prêtres cachés ou fugitifs. Déjà les temples en ruine
iilloient reprendre leur destination primitive ; et déjà l'intolérance
intempestive commençoit à guerroyer pour une prédominance ima
ginaire.
Que pouvoit, dans cette fluctuation de choses, le mince agent d’une
petite commune ? D eux prêtres du vieux style y étoient revenus, et
certes on ne pouvoit pas plus s’y opposer là , que dans les cilés princi
pales , où ils abondoient bien davantage.
Il y avoit aussi un prêtre constitutionnel (2) q u i, ayant abdiqué ses
fonctions, choisissoit précisément ce moinent-là pour les reprendre :
(1)
La loi du 21 germinal an 3. Le citoyen Bard obtint sa radiation de cette liste
par arrêté du district de Clermontj du Ier» floréal an 3*
(a) Le citoyen Duelos,
�il Venoit d’en réclamer la permission à l'administration centrale j de
sorte qu’il étoit évident qu’une querelle religieuse alloit incessamment
s’établir.
L a loi (i) exigeoit que l’heure de l’entrée à l’église lui fût déter
minée , et ce fut onze heures du matin. L e 28 germinal, une assemblée
étoit convoquée pour aviser aux moyens d’empêcher lea vols journa
liers de récoltes; la convocation étoit pour 8 heures, et le citoyen Duclos
crut le moment favorable pour venir afficher sa soumission sur les
murs de l’église, et augmenter par sa présence le nombre de «es
catéchumènes.
Il se trompa.
Un toile général l’avertit que ses ouailles étoient en révolte. Cinq
cents voix lui rappelèrent son abjuration et une foule de griefs dont la
commémoration est inutile.
Les menaces devenoient plus sérieuses ; il s’agissoit de sauver le
prêtre, et le citoyen B a rd , au milieu de scs incertitudes, savoit comme
tout le monde qu’on n’appaise le peuple irrité qu’en flattant adroite•nient ses volontés et ses erreurs. Il dit au citoyen Duclos qu’il étoit
de la prudence de se retirer. Celui-ci vit bien qu’il avoit fait une école,
et pour mieux montrer sa bonne volonté, il répéta à rassemblée son
abjuration, emporta ostensiblement ses ornemens et ustensiles ecclé
siastiques , et en demanda quittance. La continuation des cris faisoit
encore craindre pour sa sûreté : lecitoyen Bard se revêtit de son écharpe
pour l’accompagner à travers l’a,ffluence.
Ce signe de l’autorité fut respecté nous verrons bientôt qu’il ne l*a
pas été toujours.
L e citoyen Bard s’étoit conduit en galant homme ; il le croyoit du
moins; cependant cette aventure a été la matière d’une dénonciation,
et d un autre procès criminel réservé inpetto à l’accusé, quand il sortira
de la maison de justice.
L a commune de la Sauvctat possède beaucoup de prés artificiels,
en sainfoins, ou cheprières. Les troupeaux friands de cette nature
herbages, y font des dégâts considérables, si les propriétaires ne sur
veillent avec une attention continuelle. Tous ceux q u i, là comme
ailleurs, airnent à vivre du bien d’autrui, ne cessent de ravager ces
récoltés précieuses. Il fajloit y porter remède. Tels étoient les ordres
uu ministre de la police (2).
( 0 La loi du 11 prairial an 3.
(2) Lettre du citoyen Merlin, du 10 prairial an
5.
a
�Là commune étoit d’accord de vouloir un garde, elle vouloit même
qu’il ne lut pas de la contrée, et pour cause. On chargea le citoyen
Bard d'en mander un : mais quand il fallut parler du salaire, il n y eut
-plus moyen de réunir les opinans.
Cependant les dégâts augmentoient, et le grelot du conseil ne s’atta-,choit pas. Les habitans arrêtèrent de former provisoirement une garde
civique de quatre personnes par jour : ce service gratuit fut fdit avec
Beaucoup de zèle, et dura depuis le 14 messidor jusqu’au 12 thermidor,
avec le plus grand ordre et sans aucun sujet de plainte.
Ils arrêtèrent encoi'e que le propriétaire de chaque troupçau pris en
délit, payeroit une somme déterminée, moitié aux gardes et moitié
à la: commune. Cette législation locale n’étoit p e u t-ê tre pas trèsrégulière, mais tel étoit l’usage des communes voisines, et il en résul
tait un grand bien.
T o u t ce qui a été perçu à cet égard se réduit à 9 t t . Les gardes en
ont eu
i5 ^ , et la commune 2 ^ 5 ^. Il est à remarquer que le
troupeau du citoyen Bard fut pris comme les autres, et qu’il paya
3
aux gardes. Ilp o u rro it, s’il le vouloit, imputer cette somme sur
ce qu’il a reçu ; mais il est au-dessus d’une pareille petitesse, et le registre
de la commune à la main, il prouvera que sa comptabilité de quarante■
cin q sous le laisse encore créancier de scs concitoyens.
Un garde fut enfin envoyé dans la commune (1). On lui fixa un
traitement, mais il n’avoit pas un sou pour l’attendre. A u refus de tout
]e m onde, le citoyen Bard et son neveu (3) le nourrirent et logèrent
pendant une quinzaine de jours.
Les mocontens perpétuels trouvèrent encore que ce sacrifice étoit un
privilège. Alors le citoyen Bard invita les principaux propriétaires à
nourrir i\ son exem ple, au moins par charité, un homme utile à la
commune. Quelques-uns adhérèrent à cette exhortation, mais après
quelques jours le gard e, dégoûté, quitta la com m une, et, pour payer
le citoyen Bard de son zèle, l’assigna en payement de ses gages. Le juge
de paix, qui savoit bien que cette élection étoit l’ouvrage de la com
mune , n’en condamna pas moins le citoyen Bard individuellement.
. Pendant que ce garde étoit dans la com m une, il ne fut pas au pou
voir du citoyen Bard de le faire recevoir ù l’administration ; à chaque
décade, on remettoit do s’assembler à la décade suivante. On a cru sa(2) Il n’étoit pas du choix privé du citoyen Bard, il fut choisi par un des bureaux
de l'administration centrale.
^3) Le citoyen Blanchier,
�tisfaire à tout, en certifiant ce fait au citoyen Bard ; mais il n’en porto
pas moins à lui seul le fardeau des frais, de la responsabilité et d’une
accusation.
Il ne faut pas omettre que , pendant l’établissement de la garde v o
lontaire des récolles, la confédération de ses ennemis et des voleurs lui
faisoit un crime de cette surveillance. Insulté par les uns et les autres ,
il avoit le chagrin de voir que les moyens coercitifsétoient plus foibles
que ce faisceau d’intérêts contraires. Alars il supplia la gendarmerie du
canton, de faire elle-m êm e une tournée dans les champs pour intimi
der les voleurs. Cet empêchement dirimant ne plut pas aux fédérés qui
ont supposé (i) qu’il avoit eu pour motif d’inspirer de l'eHroi aux ré
publicains.
L a veille de St. Jean , on est assez en^usage de faireides feux de joie.
Les plus gais attachent au haut d’un mai une poupée ou des pétards;
les plus cruels y attachent un animal vivant j chacun s’amuse à sa ma
nière.
Ce jour-là, de jeunes citoyennes de la Sauvctat, avoientfait une pe
tite poupée de papier et de chifions. L e mai étoit préparé , les cordes
tendues, mais il plut, et le feu de joie n'eut pas lieu. L e feu et la poupée
n en ont pas moins servi de prétexte à une accusation d’une infinité de
propos plus absurdes les uns que les autres.
Mais ils sont liés au feu de joie et il n’y en eut pas. Cette découverte
de la calomnie sur un p o in t, donne la mesure du degré de confiance
qu il faut ajouter il de tels témoignages.
La fête d’Autezat devoit avoir lieu le i 5 août ou 28 thermidor. Les
agitations préliminaires d’une révolution prochaine occasionnoient
dans les esprits une fermentation sourde qui donnoit de l’inquiétude
aux amis de la tranquillité.
• ^ (’ P U1S quelque temps l’administration centrale ne paroissoit pas ras
surée sur ces symptômes de discorde , elle avoit par une proclamation
tres-sage invité les autorités constituées à prohiber les chants, les dé/t
et les rassemblcmcns (2).
.
P r e c a u lions sadaptoient d’autant plus à la fête d’Autezat, que
eja I agent étoit prévenu que les factions en avoient choisi lu jour
pour 1 essai de leui*s forces. Il crut prudent de faire, sous l'autorisation
(1) A r t. 8 de la dénonciation a u directoire.
(2}. V o y e z le n,° i cr, des pièces justificatives.
*3
�J 6)
de la com mune, line proclamation basée sur celle du département, et
prohibant les chants , les injures, les attroupemens et les signes exté
rieurs de réunion, (i)
Ceux qui ne savent pas que le citoyen Bard n’avoit plus sa sûreté
personnelle depuis qu’il étoit en place, qu’il n’avoit eu les registres de
l’élat civil de son prédécesseur qu’avec des formalités inouies et des
ordres supérieurs, que les propriétaires des fondions publiques'en
conservoient le titre malgré les élections du peuple, vont apprendre
contre quel excès de licence avoit alors à lutter un agent municipal.
Sa proclamation déconcertaitdes projets qu’on n’abandonnoit pas,
et la voix du proclamatcur étoit étouffée par les cris séditieux de la ré
sistance. On lui crioit qu’on se f ......... de ses ordres et qu’on n’en feroit
pas moins ce qu’on avoit à faire.
L e lendemain en effet une bande chantante parcouroit les rues dès
l’aurore. Les chansons de parti, les cris à bas les chouans, les provo
cations particulières croissoient d’heure en h eure, avec une fureur
marquée; et pour mieux montrer que tout ce qui étoit défendu par la
proclamation augmentoit le plaisir de la désobéissance, on fit une cou
ronne de papier, on la promena tout le jour au bout d’une longue per
che, e t , pour augmenter Vimbroglio, on y joignit une vaste cocarde
blanche.
■ Les insultés se formoîent aussi en bande ; toutes deux avoient un tam
bour : celle de la couronne commença l’agression par un coup de pied
au tambour de l’autre : elle prétendoit avoir seule le droit de battre par
■permission de Tancien agent de la commune. La scène alloit devenir
sanglante, quand le citoyen Bard en écharpe vint sommer au nom de
la loi les deux rassemblemens de se dissoudre.
La seconde bande obéit et se retira dans la maison Dugravier. La
bande de la couronne entoura 1agent avec des menaces terribles. M eur
tri de coups de pieds, de coups de poings, et de coups de coude sur la
fig u re , il fut mis en délibération sérieuse si on devoit le tuer sur le
champ. Enfin les moins furieux lui ordonnèrent de se retirer sans bruit
s’il vouloit vivre.
Si le citoyen Bard eût voulu dégrader scs fonctions par une lâcheté,
il n’y auroit pas aujourd hui d accusation ; mais il crut devoir requérir'
la force armée du chei-lieu de son can ton, en exposant sa position et les
dangers de sa commune.
L ’agent de PJauzat vint avec cent hommes ; on les distribua en pa( 0 - Voyez le n.° 2. des pièces justificatives.
�,
( y )
„
trouilles, et par suite de sa proclamation le citoyen Bara engagea tous les
citoyens à se fermer chez eux et à illuminer.
Les rebelles allèrent dans l’auberge deB rionet, affectant de chanter
a pleine tête comme le matin ; quelques-uns parcouroient le voisinage
pour recruter des forces nouvelles, et résister encore à l’autorité civile.
Une patrouille rencontra deux de ces recruteurs, en fut insultée et les
arrêta : ils s’évadèrent. La troupe repartit à onze heures du même soir,
après avoir laissé dans Autezat une apparence de calme.
Ainsi se passa cette fête destinée à de plus grands événemens que le
citoyen Bard a eu le bonheur de détourner de sa com m une, et certes on
ne dira pas que c’est une simple conjecture, quand , peu de jours après,
à une demi-lieu de distance, les mêmes provocations, les mêmes élé-î
mens de discorde ont occasionné l’assassinat d’un citoyen (i).
^L ’accusé dressa procès verbal de cette journée (2) et l’envoya à l’admi
nistration centrale; il eut la bonhomie de croire et de dire que les insul
tes faites à son caractère seroient punies; cette menace avertit les coupa
bles, et le lendemain huit d’entre eux firent une pétition contenant rap
port i\ leur manière de cette journée, et demande en destitution du
citoyen Bard.
Ensuite ils dénoncèrent les mêmes faits au commissaire du directoire
près la police correctionnelle.
_Ensuite ils arrangèrent une autre pétition tendant au même b u t, en
richie de quelques autres signatures (3), contenant un acte d’accusation
tout dressé contre le citoyen Bard, n’omettant rien des moindresactibns
de sa vie publique, le tout rédigé de la manière la plus inensongèrement persuasive.
Ce triple aboiement de la vengeance fut envoyé au directoire. La
révolution du 18 fructidor lit droit à la demande et donna idée d’obtenir
A van tage; °n y est parvenu, elle citoyen Barda été mis en jugement.
Voua donc une loi grecque exécutée : un fonctionnaire public de
vant le peuple pour rendre compte de sa conduite.
L e citoyen Bard vient d’en remplir le devoir avec toute la fidélité de
narration que le grand détail des faits permettoit h sa mémoire; mainte
nant il ne reste qu i\ y compai’cr les divers chefs de la plainte et l’entasr
sement intéressé des dépositions.
cito yei\ f ? uP^c > négociant de C le rm on t, ¿gorgé à V e y r e , le jour de la fête
(2.) r fe * 8t c
^ c°u p s de sabre ou de couteaux.
V ) omme ce procès verbal n’est pas joint à la procédure , il est tout a u Iòne a u x
pièces justificatives, N °. III.
,
(3) On fit signer des enfans, d’autres ont signé deux fois.
.4
�(8 )
§.
«
«
v
«
k
Ier. D E
L’ A C T E
D’A C C T J S A T IO X .
« Guillaum e B a rd a abusé de sa qualité d’agent pour fa ire venir
un garde qu’il a installé de sa propre autorité en floréal an 5, sans le
concours de Tadministration municipale m
0 a fa it donner étape à ce
garde par les particuliers, et les a astreints à lui fo u r n ir les vivres
et le logement, les uns pendant 5 jours, les autres pendant 4, sans
prendre d’autre règle que son caprice. »
Les faits ont expliqué à quoi tout cela se ré d u it, et les 10 témoins
qui en parlent ne les contredisent pas.
Ces témoins n’ont pas dit que l’agent eût fait installer le garde de son
autorité', ce garde ne fa pas été du tout. Aucun témoin ne parle du lo
gement.
Ils n’ont pas dit que ce fût sans le concours de Vadministration m u
nicipale: l’accusé rapporte cinq certificats de ses anciens collègues, por
tant que s’il n’y a pas eu de réception de ce garde , c’est qu’on n’a ja
mais pu réunir tous les membres i\ la fois (1).
Quant aux billets dits d’étape, qu’on les représente, et leur style
montrera la méchanceté des dénonciateurs.
§ . II D E L’ A C T E
D’ A C C U S A T I O N .
« B a rd a perçu des amendes dont il a f a it tout son p ro fit, et n*en
« a jam ais rendu compte ’ que ces amendes perçues sans jugement
« et sans y être autorisé par aucune autorité sont autant de con
ta eussions. »
Aucun témoin ne dit que le citoyen Bard ait fait tout son profit des
amendes , ni qu’il n’ait été autorisé par aucune autorité à les perce
voir. Ils disent seulement qu’il a reçu , et Bard ne le désavoue pas.
Les registres de la commune contiennent l’arrété qui fut pris sur ces
amendes. S’il y a erreur de droit, au moins il n’y a pas défaut de pro
b ité , et cette corde délicate eût p e u t-ê tre valu la peine d’être m é
nagée davantage.
Toutes ces fameuses amendes se réduisent à 9
Les payemens arti
culés par les témoins se rapportent ¿\ la même journée, et deux délits.
Chacun devoit payer 3
La veuve A u rier, Bard et Assolent sont les
(1)
Ces certificats sont en date des i cr 5 et 10 fructidor, an 6.Voyez n°. V des pièces
justificatives.
•
•
.
�seuls qui payèrent, Pierre Cordan , dont on ne parle pas, a donné en
sus 30^. Les gardes en eurent 6 ti~. i 5J.
Pialle qui dit avoirpayé 3
est un faux témoin \ il n’y étoit pas.
Sa femme disputa le payement et ne donna rien.
Gaumi et Monestier prétendent avoir donné 6 tt~. Ceci n’a pas de
rapport aux prises des gardes. Bard avoit pris lu i-m êm e leur trou
peau dans son champ ; il vouloit s’en plaindre i\la police correctionnelle,
et l’arrangement du dommage fut fait de gré à gré à 6 *** pour les deux.
Certes,Bard étoit le maître de traiter sur son in térêtprivéjeton lui tait
un crime de n’avoir pas été un plaideur vindicatif.
V oilà cependant à quoi se réduit l’article des dénonciations le plus
pénible au citoyen Bard ? à 9
, dont la réception et l’emploi se trou
veront dans le registre de la commune, duquel il a demandé la repré
sentation au ministère public.
C ’est ainsi qu’on avoit peint comme un concussionnaire, un homme
d’une probité reconnue (1). Il étoit permis h l’esprit de réaction de lui
imputer des torts révolutionnaires j mais au moins d evo it-o n soup
çonner qu’un honnête homme met encore du prix à sa réputation.
§.
III
DE
L’ ACTE
D’ A C C U S A T IO N .
« B a r d , sans aucun m otif, e n jlo r é a la n 5 , a f a i t venir dans la
« commune quatre gendarmes , ¿ilatéte desquels il s'est promené ¿1
« cheval pendant toute une jo u r n é e , menaçant à'emprisonner,
« suivant son caprice, différons citoyens, a
L e fait est vrai en lui-même ; mais les circonstances ajoutées ne
sont ni dans les trois plaintes, ni dans les dépositions.
Neuf témoins (2) disent avoir vu Bard parcourant le territoire ,
* pour empêcher que les bouviers ne regardassent dans les cheprières ».
Aucun ne dit autrement.
Il n y avoit donc pas de ca p rice, ni de menace de prison : il y avoit
donc 1111 motif.
Sans doute ce m otif étoit louable, et lés voleurs seuls, h qui il nuiso it, pouv oient décemment lui en faire un crime.
Certes dans une com m une, où les voleurs de récoltés se réunissent
de huit en h u it, armés de fusils, pour disputer au propriétaire le droit
(1) V o i r les certificats de probité , etc. des administrations Yoisines
pièces justificatives.
(2) Les
34°. 35e.
37e.
38e. 3ge.
41e. 45e. et 49°. témoins.
, n.° V I
des
�(le jouir de son propre héritage , il faut sans doute d’autres formes que
des proclamations couvertes de huées et d’insultes.
Déjà cette résistance armée venoit d’avoir lieu contre l’acquéreur
d’un bien national (i). Elle avoit lieu tous les jours encore , et dans
le territoire de la Sauvetat et dans celui des communes voisines (2;.
§. I V
k
«
«
*
d e
l
' a c t e
d
’a c c u s a t i o n .
«■Bard a tenu à diverses époques de Van 5 , des propos anarcluques et contre-révolutionnaires, a dit que le gouvernement
actuel ne valait rien , q u il en fa llo it un autre; a dit également
q u i l n’y avait point de lo is , q u 'il se fo u to it des fa n tôm es de
lois q u i existoient »
Ici commence l’assemblage infernal de tous les ingrédiens employés
par des ennemis capitaux , pour expulser un père de famille du sol
de la république.
. C ’est h\ que se rapporte le brfilement d’une poupée de papier,
qui donna lieu , dit-011, aux propos tenus dans la gaieté d u n fe u de
j o i e , et à son occasion.
Et cent témoins peuvent déposer qu’ il n y eut pas de fe u de jo ie ! !
Il ne faut pas une grande habitude des dépositions concertées, pour
vo ir par le ton de passion , par la divagation des témoins sur les
mêmes imputations , que les rôles étoient mal distribués ou mal appris.
L ’un(3J, pour inspirer plus de confiance, lait tenir devant deux
cents personnes, les propos qu’il a entendu tout seul. L ’autre (4) a
compris que c’étoit Bard , mais il a compris aussi qu’il déguisoit sa
voix.
L ’un fait d’une poupée de haillons et de papier la déesse de la
république; il ajoute que Barda'jff/w doute lait faire cette déesse,
pour la suspendre par une corde, la briller dans un soi-disant feu
de joie , et crier quand elle bniloit : la république est malade' un
autre ( 5) vire la république ; un autre (6) fait grâce à Bard de la
fabrication de la pou pée, et dit que Bard l’ayant aperçue b rû ler,
dit : en voilà une de m oins, en attendant quelque autre.
(1) L e c it o y e n G ardet de V a y r e a v o u lu chasser un troupeau de son p r é , les bou
viers attroupés et armés de fu sils, l’en ont chassé lui-m êm e.
(2) V o y . le certificat de l’administration deMonton, n°. I V des pièces justificatives,’
( 3) L e G'!. tém oin.
(a) L e 4o'\ témoin.
( 5) L e 'j;)'. tém oin.
(G) L e 7 0. témoin.
�»
■ ( 11 ")
N ’y en a-t-il pas déjà assez pour se dire dans l’impassibilité de sn.
conscience, que la diversité de témoignages sur le même fa it, ou le
rnême propos , est la vraie pierre de touche de la mauvaise foi des
témoins. Aucun alors ne mérite de la confiance. Testis umts , contradiceiis a lteri, nem ini credi débat (i).
Quand l’accusé en écharpe voyoit son caractère avili par les cris
^ r o y a liste ow chouan , il a dû dire plus d’une fois: royaliste ou non,
je ferai exécuter les lois. Les provocateurs léinoins ont tourné la phrase
£i leur manière, en rendant le propos comme un aveu , fait à propos
de rien , de ehouanerie ou de royalisme.
A u reste, ces dépositions si passionnées, sont-elles -bien dégagées
d’un intérêt contraire ? Les Gaumi déjà en procès, les Brionet pour
suivis pour patentes , Chamalet, dit le tapageur, etlcs Pascal, désignés
dans le procès verbal du 30 therm idor, peuvent-ils, sans un renverse
ment de la moins scrupuleuse morale , faire foi en justice ?
juges. Qu’il en est de même quand on est en pn
L a dénonciation respective en est déjà un : les Gaumi d’ailleurs en
ont cinq ou s ix , partie pour bornes enlevées.
Le reproche d’inimitié pouvoit être proposé en tout temps , même
en crime de lèse majesté, à la différence des autres (3); ce qui prouve
combien la déposition de la haine ou de l’intérêt étoieut en liorreur
à la justice.
§.
«
«
«
«
«
«
«
«
«t
V
d e
l ’a c t e
d ’a c c u s a t i o n .
« L o rs (Tunefété baladoire q u i eut lieu dans la commune les i 5 et
16 août, il a excité les jeunes gens connus par leur républicanisme,
ou dont les parens av oient acheté des biens nationaux ; ce qui détermina ces jeunes ge/is à se diviser ci 1 deux bandes ’ il J it tous
ses efforts pour dissoudre celle q u 'il regardoit comme patriote,
e t j i t à ces derniers un crime d'avoir avec dérision brillé une
couronne de papier blanc j q u i l prit des notes contre e u x , meJi a ç a n t de leur fa ir e un procès crim inel ¿1 la suite de ce , quoiq iiil n\y eût dans la commune aucune espèce de trouble, que la
tranquillité y eût régné, et que les^ jeunes gens se Ju ssen t amu(1) Bruneau , obs. crim. tit. 17. max. 12.
/ < Îr
de testibus. Ord. civ. tit. des récusations. Muyart. part. 6,
( 3) M azuer, tit. 17. des témoins.
�«
«
«
«
«
«
te
«
k
( Ï2 )
ses paisiblement , il fit venir à Ventrée de la nuit une fo rce
armée considérable de P la u z a t , il se promena toute la nuit avec
cette fo r c e , menaçant les uns et les autres de les em prisonner,
sans aucun m o tif apparent. I l autorisa par sa présence, ou au
m oins toléra , plusieurs infractions au droit île propriété, par
cette troupe armée , qu i même exerça plusieurs mauvais trai
temens envers dijférejis citoyens de ladite com m une, notamment
coj?tre la veuve M arnat , Jea n B rion et , A n toin e et L ig ier
P a s c a l, à q u i en outre on vola ^ J 'ra n cs. a
Si tout cela est litté r a le m e n t v r a i, il faut assommer le coupable,
ou l ’e n v o y e r aux petites maisons.
Car un homme qui fait diviser en deux un attroupement p aisible,
pour eri vexer une m o itié, qui s'insurge contre du papier blanc, et
veut faire des procès criminels à ceux qui en brûlent ; qui mande cent
hommes d’armes pour se promener avec eux toute une nuit dans un
lieu bien tranquille, qui menace de la prison sans m otif apparent,
ne peut être qu’un scélérat furieux , ou un imbécille.
Mais les témoins n’ont pas dit que Bard persécutât des jeunes gens ,
parce que leurs parais avoient acheté des biens nationaux. Il en
a acheté lui-méme.
Ils n ’ o n t p as d it q u e la fo r c e a r m é e s’ é to it p r o m e n é e toute la nuit :
e lle p a r tit à o n z e h e u re s d u so ir.
’ Ils n ’o n t pas dit qu’il n’y eût pas
de trouble, ni aucune espèce de
trouble , et qu’on s'amusoit paisiblement. Ils ont dit au contraire ( i)
que des jeunes gens vouloient battre le citoyen B a rd , et qu’on l’ôta
d’entre leurs mains.
Il reste donc en accusation l’aventure de la couronne, et celle de
la force armée ; mais dans tout cela les dépositions présentent encore
l’image de la confusion, de la passion, et de la cause personnelle.
Si quelques témoins affectent de sincoper leurs dires, en disant seule
ment que l’accusé voulut empêcher de brûler cette couronne ; d’au
tres qui rapportent ses expressions, font voir que c’étoit principale
ment une cocarde blanche qui l’olfusquoit (2); qu’il observa aux;
attroupés quer la constitution ne permettoit pas de porter ce signe (3).
S i , lors de l’arrivée de la troupe,, quatre témoins disent que l’ordre
de se fermer chez soi n’étoit donné qu’aux patriotes (4 ), si deux autres
0
) Le
et le 80e. témoin.
(2) L e 5°. ti'iiioin.
( 3) L e 3 i c. et le 80e. témoin.
(4} Les 5 i e. 52e. 54% et 70e. témoins.'
�( T3 )
disent que la consigne êtoit de tuer ceux qui ne se retiroient p/ts (i),
ces dépositions sont d’autant mieux un signe de vengeance, que six
témoins ont dit que l’ordre d’illuminer étoit pour tout le monde (2) ;
que deux autres ont été trouvés dehors la n u it, et déposent que
Bard leur dit : a llon s, je vous prie de vous ôter de l à , et d'aller
vous coucher.
Les prétendus excès de la force armée , si gratuitement imputés
à Bard seul , s’entre-détruisent encore par les rapprochernens des
dépositions qui s’y rapportent.
B rio n et, si intéressé à la vengeance, a fait preuve par deux fois
de son grand désir de ne pas en perdre l’occasion. Dans une alfa ire du
citoyen George , ouï comme témoin >il oublie pourquoi on l’appelle y
et ne parle que de Bard.
Cette affectation est utile, parce qu’il s’est plusieurs fois contredit.
L a première fois il attribue un propos à D upoujet ,• la seconde à
JBesseyre.
La première fois quand on lui d it, de quel côté es-tu ? il dit avoir
répondu : du côté de la rivière j la seconde fois, du côté de ceux
q u i veulent la paix.
Une fois il avoue que Bard en écharpe fut appelé brigand ; l’autre
fois il le tait. Tantôt il fait arriver Bard avec les gens de Plauzatÿ
tantôt il parle à Bard quand on l’avertit qu’ils arrivent.
Il fait une touchante hyppolipose du raalencontre d’une nièce des
Pascal , battue , traînée , ramassée et em portée, pour avoir voulu
défendre ses oncles 5 et les oncles eux-memes n’en disent pas un
m ot (3).
Il fait saisir son fils par Bard et se débattre avec lui; et ce fils
dépose, qu’ayant été arrêté par la patrouille, Bard au contraire le
fit relâcher (4).
Dans sa première déposition il ne parle pas de voyageurs ; dans la
seconde il croit rendre la scène plus piteuse, en disant que « toute
« la nuit sa maison fut investie, dont cinq fem m es d'Issoire, en voya« géant, e n fu ren t effrayées et tombèrent par terre à cet aspect ( 5),
Cette foule de contrariétés est trop choquante pour ne pas deve
nir une conviction certaine de mensonge. L a loi rejette les déposi»
(1) Les 41e. et 72e. témoins.
(2) Les 29e. 4re. 58e. 66e. 67e. et 60e. témoins.
Î3| Les 5 i . 52e. et 53e. témoins.
14) L e 64 . témoin.
( 5) Soixante-uuième déposition.
�( *4 )
tions contraires, même en procès différens ; elle condamne encoreïe
témoin à 400 francs d’amende (1).
Un Pascal se dit volé de 36 francs ; mais il le dit seul. Il s’eit vanté
depuis , d’avoir voulu par là se venger de cette soirée. L ’incursion
chez lui est donnée comme illégale; mais il n’étoit pas nuit; mais il
avoit mandé l’agent (2). A u reste, Bard n’arriva que pour faire re
tirer la patrouille.
Il y a dans l’ensemble des dépositions une telle mauvaise f o i, qu’un
témoin (3) prétend qu’un jeune homme qui étoit là à regarder , fut
saisi et menacé de prison , tandis que le jeune homme lui-même(4)
dépose qu’il étoit en chem in, et que deux jeunes gens de la troupe
vonloient l’introduire parmi eux.
Il résulte de tout cela , que comme le disoit un excellent criminaliste:
« l’expérience a fait voir que c’est souvent moins l’équité et la vérité
« qui président au jugement de la multitude » ( 5).
Il en résulte que les faits du procès verbal de l’agent (6) ne perdent
.rien de la confiance qui leur est due : que le devoir d’un magistrat
étoit de faire régner la tranquillité , et respecter son caractère avili;
que les moyens qu’il a employés, ne doivent p a s, à cause du chan
gem ent des circonstances, être devenus un crim e, si alors ils étoient
nécessaires.
§. V I d e l ’ a c t e d ’ a c c u s a t i o n .
« jDans le cours de Van 5 , B a rd a montré une anim osité im« placable contre tous ceux qu’il croyoit républicains : il voulait
« exciter dans sa commune une guerre civile. »
Ce dernier paragraphe n’est sans doute que le corrolaire de tous
les chefs précédons , car il 11e précise rien ; et fort heureusement les
témoins n'ont pas eu idée de charger le citoyen Bard de ce surcroît
d’iniquités.
Cette animosité implacable, quoi donc la prouve? seroit-ce d’avoir
été désarmé comme terroriste , d’êLre acquéreur et fermier de biens
’ nationaux, d’avoir indiqué des biens d’ém igrés, inconnus ? Seroit-ce
d’avoir montré à son poste une fermeté mal entendue? Un homme
ii)
hS
( 3}
(4I
O d . d e 1ÎÎ70. tit. i 5 . art. 2 i .
A rt. 3 ~)Ç) de la constitution.
L e 24e. témoin.
L e 36 e. témoin.
h) Muyart de Vouglans, part. 6. pag. 3o5. ^
(6) D u 3 o thermidor. V o y e z pièces justificatives, n°. III;
V.
' '
�( 15 >
public insulté, ne peut-il donc résister à l’opprobre qu’en méritant
une inculpation aussi cruellement appliquée ï
E t la guerre civile....sur ses foyers...... on en attribue le désir à un
père de famille.... à un propriétaire !....Combien il est dur à un mal
heureux , poursuivi par la vengeance, de sentir qu’on lui suppose un
tel excès de délire, comme si ce n’étoit pas assez de le flétrir par la
nécessité de se justifier de concussions fabuleuses.
Jusqu’à présent, l’accusé n’a eu que ses ennemis à combattre :
bientôt en présence de ses ju ges, des témoins sans haine et sans
crainte d iro n t, il l’espère, toute la vérité, et rien que la vérité.
Ils diront que tout son crime a été de mettre un pied profane sur
le canaam des fonctions publiques, et qu’il en a fait une expiation
suffisante en luttant sans cesse contre des délations, des coups et des
injures.
L a roue de la fortune a reporté ses ennemis sur leurs chaises currules; il eût été généreux peut-être, que pour l’inauguration de ce
joyeux avènement, ils oubliassent un ennemi sans défenses. Mais loin
de nous cet incivique héroïsm e, la vengeance sans ax-mes offensives
ne vouloit qu’une destitution; la vengeance armée s’est rattaché à
sa victime : elle-même dénonciateur , elle-même témoin la poursuit
jusqu’à satiété dans ses trois caractères. Nofi missura cutem , n isi
ylena cru oris, hirudo (i).
^ Mais la sagacité des jurés saura découvrir les vrais motifs de toute
1 accusation ; ils pèseront dans la même balance les griefs de l’accusé
comme ceux des accusateurs. Ils réfléchiront s’il est bien juste de
condamner un fonctionnaire public, en lui représentant pour témoins
ceux qui ne cessoient de l’outrager sans crainte. Si cette impunité
en honneur est aujourd'hui tolé rée , demain elle sera nécessaire,
demain ( 2 ) d’autres magistrats seront aussi insultés et n’auront plus
le droit de s'en plaindre.
Si le trop grand zèle de l’accusé a pu lui faire franchir les bornes
du pouvoir dans l’exercice d’une fonction peut-être mal assortie au
genre ardent de son caractère, il faut se souvenir et de sa position
et de la gravité des circonstances ; il faut lui tenir c o m p te de ce que
dans une contree livrée à une fermentation c o n tin u e lle , il a été assez
heureux pour conserver à tous ses concitoyens leurs propriétés et
( 0 Fin art. poet.
(2) Nam et illis parvum est impune maie fecisse et volis ceterm sollicitudo remanebit.
ùallust. oeil, jug.
�( 16 ).
l’existence. On a empoisonné minutieusement les moindres actions
de sa vie privée et publique ( i ) ; et on doit au moins lui savoir gré
du bien qu'il a fait et du sang qu’il a empêché de répandre. (2 ).
(1) O n a poussé la palinodie jusqu’à dire que Bard a v o it été le plus grand dénon
ciateur révolutionn aire de son p a y s , m ais on ne nom me aucun dénoncé.
(2) N otam m ent celu i du prêtre D u c lo s , q u i , en reconnoissance est un de ses accu- ’
sateurs.
P I E C E S
J U S T I F I C A T I V E S .
N .° I.
E xtrait de la proclamation du département, du 8 floréal an
5.
. E n v i s a g e z désormais a vec horreur ces dénominations funestes, ces chants
« qui éveillent la haine et appellent* la discorde.Ce sont des crisde ralliement pour les plus
« violentes agitations, ce sont desinstrumens delà vengeance, c’est l’affreuse puissance du
« génie destructeur qui préside aux partis et a u x factions».
“ É vitez les grands rassemblemens et peut être môme lesréunions........ Combien dans
“ ets tems d ifficiles, l'activité et la surveillance sont nécessaires au x magistrats du
peuple ».
1
N .° II.
E xtrait de la. proclamation du citoyen B ard agent d'A ute^at, du 26 thermidor an 5 .
« . . . V o u s êtes invités au nom de la loi à ne former aucune espèce d'nttroupemen¿'
ni d’avoir aucun instrument e x t é r ie u r .. . . C om m e aussi il vous est défendu de vous
« servir de ces expressions : à bas les chouans, terroriste ou buveurs de s a n g ... Rangea
it vous autour de la constitution de Van 3 . Reprenez le c a l m e , tenez-vous en garde
« contre la perfidie de vos ennemis et contre l’exagération de votre effervescence.
N.° III.
Procès verbal de la fête d ’ Autc\at.
3
5
A u j o u r d ’hui
o thermidor l’an
de la république française une et indivisible,
je Guillaum e B a r d , agent municipal de la commune d’A u te z a te t la Sauvetat, craignant
que la c i- d e v a n t fête d’ Autezat n’occasionnât des troubles par l’effet de diverses
opinions, a v e d’autant plus de raison que le 18 du même m o i s , cela avoit déjà
occasionné une rix<> 011 certains citoyens, après s’être traités de chouans, de terroristes,
en vinrent a 1 x violences, ai le 2G d u même mois publié une proclamation pour inviter
les citoyens à la paix et à l’union.
^
L e jour de la lête,
th erm idor, revêtu de mon écharpe, je n’ai cessé de veiller au
1 maintien de la tranquillité p ub liq u e, me portant par-tout où je croyois m a présence
nécessaire. T o u t fut assez tranquille ce jour-là.
A 4 heures du soir du lendemain 2 9 , je yis un groupe considérable qui entouroit un
�militaire arrivé de la veille ; lequel groupe insultoit les citoyens par le. mot de chouans
et par des provocations qui alloient jusqu’ à la violence. Ils portoient une latte d’entour
•douze pieds, a u bout de laquelle étoit un bonnet b la n c ; il étoit entouré de Jean
.M ontorié, Cham alet le Tapageur, les trois Pascal frères et n e v e u x , V a l e t , et Garçon ,
tailleur , et nombre d’autres citoyens habitans des susdites communes voisines. Je
m ’approche de ce croupe pour faire abattre ce signe contre-révolutionnaire ; mais
plusieurs voix s’écrierent, et entre autres le citoyen Montorié : N ’écoutons pas ce b .......
et envoyons-le faire f ..... et continuèrent à parcourir les ru e s , coudoyant ou entravant
a v e c leurs pieds les passans.
C ’est dans ce moment-là que je rencontrai un autre groupe a yan t comm e ceux qui
étoient autour du bonnet blanc, un ta m b ou r, lequel fut frappé par le premier groupe
d e coup de pieds, ce qui alLoit attirer une rixe. Mais j’invitai ces derniers citoyens à se
retirer dans la cour du citoyen D u g rav ie r, et à y demeurer. Ce qu’ils firent, s’amusant
à y danser, motif pour lequel ils me dirent s’être rassemblés.
Q uelques momens a p r è s , ayant entendu du bruit sur le grand chemin à côté
d’A u te z a t, je m ’empressai, de m’y rendre. J’ai rencontré le même rassemblement a v e c
le même bonnet blanc; je réitérai mes instances pour engager ces citoyens à suppri
mer ce signe couleur de royalisme ; mais deux valets du citoyen M onestier, médecin
a C le r m o n t, propriétaire d’ un bien dans cette com m un e, se portèrent sur moi avec
violence. Le nommé Louis me donna un coup de coude sur la figure ; et le nommé
T rillie r me frappa de deux coups de poing sur l’épaule. L e domestique du citoyen
• B o r d e , acquéreur d’ un bien d’A u t e z a t , et un nommé Gardise D im ier , qui faisaient
•partie de cet attroupem ent, s’avancèrent contre m o i , et me dirent a vec fureur , qu’il
étoit temps de me retirer ; et en même temps je fus fortement frappé d’ un coup de
p i e d , sans avoir reconnu celui qui l’avoit donné. Quelques instans a p rès, le bonnet fut
tôté; mais les mêmes hommes ne cessèrent de provoquer le tr o u b le , et de se livrer à des
excès qu’il m’étoit impossible d’empêcher, puisque mon caractère public et la loi furent
tous les deux méprisés- J’avois écrit à l’agent municipal d e P l a u z a t , même canton, pour
requérir une force l é g a le , propre à faire respecter la loi et ses organes. Cette force
a rriva à huit heures et demie du soir , conduite par l’adjoint municipal de P l a u z a t ,
revêtu de son écharpe. N o u s parcourions ensemble les rues et les places publiques,
in v ita n t, conjurant par-tout les citoyens à l’ordre , à la paix , k l’ union , lorsque nous
aperçûmes une troupe d’ entour vingt c it o y e n s , que je reconnus pour être partie des
mêmes qui étoient autour du bonnet blanc. Il étoit alors entour dix heures du soir. Je
sommai les^citoyens, au nom de la l o i, de se séparer et de se retirer. Sur leur r e f u s ,
accompagné d’jnvectives , j’ ordonnai d’en arrêter un , nommé Pascal. II faut observer
que qnelqu.es instans auparavant j’avois aussi fait arrêter C ham alet dit le ta p ag e u r,
qui avoit insulté les deux adjoints par ces m o ts, jo u ta gueux, etc. T o u s l e s 'd e u x
secnapperent et se retirèrent dans la maison de Ligier P a s c a l, où quelques citoyens
u detachement entrèrent pour les chercher. C e qui donna lieu audit Ligier d’ insulter
® même de battre les citoyens du détachement qui étoient entrés chez l u i , et auxquels
eannioins j ordonnai de se retirer, afin de marquer mon respect pour la loi qui défend
e violer 1 anle d un citoyen pendant la nuit. Les autres se retirèrent chez Brionet, où
ils se mirent ;'i boire avec le père et un des fils. Je réitérai de dehors par la fenêtre
u c a b a r e t, de se retirer chacun chez eux ou chez leurs maîtres. Ils s’y refusèrent
orm euem ent, et ledit Brionet cabaretier non p atenté, se refusa aussi à fermer son
c a b a r e t , d après la sommation que je lui en fis au nom de la l o i , comme étant heures
indues, et comme n ayant pas droit de vendre du vin.
. . . eRf dans £e. moment qu’arriva le domestique du citoyen Borde , juge du tribunal
ciYU séant a K iom ; et je m ’aperçus un instant a uparavan t de la sortie' des deux autres
�( 18 )
fils B rio n e t, qui altèrent à la S au vetat chercher m ain -fo rte contre nous. D u nom bre
de ceux qu’ils rassem blèrent étoit M ontorié je u n e , G uillaum e M on estier, Bles, etc.
Enfin nous avons rem arqué que ceux qui étoient rassemblés à la Sauvetat par les
B rionet f ils , se retirèrent à la Saigne chez le citoyen M onestier, où réside sou frè r e ,
le cito yen M onestier, ex-cu ré de S ain t-P ierre , et ex-conventionnel ; et après nous être
assurés pendant une partie de la n u i t , que la tranquillité publique ne seroit point
trou b lée, nous nous sommes retirés. E n foi de q u o i, j’ai signé le présent procès verb al
le 3 o therm idor, et l’ai déposé au départem ent, afin que l’adm inistration a v ise dans sa
sagesse a u m o yen de punir les délits que j’ai constatés.
N .° I V .
Certificat de Monton relatif aux pacages.
L ’adm inistration m unicipale de M onton certifie— que les habitans de la S a u v e ta t;
se permettent tous les jours de faire pacager d a n s..
la com m une de M o n to n , m algré
les in v ita tio n s .. . . et que même lorsqu’on les invite à se retirer , ceux-là attroupés et en
grand nom bre, les m enacent de les frapper . . . F a it en l’adm inistration m unicipale à
M onton le 8 v e n dém aire an 7 de la république. Signe M A R N A T président; BLANCHIER.
secrétaire.
N .° V .
Cinq certificats relatifs au garde-récolte.
Je soussigné R. A . M a ga u d certifie qu ’en l’an 5 étant agent municipal de Saint-Sand o u x , il fut présenté à l’administration du canton par le citoyen Bard agent de la Sa u
vetat un citoyen pour garde champêtre, et ce d’après une lettre du ministre . . . Les mem
bres de l ’ administration ne s’étant jam ais trouvés en nombre suffisant pour délibérer, le
citoyen Bard présenta plusieurs fois inutilement ce g a r d e ---- A Sain t-Sandoux le 1o
fructidor an 6.
Certificat conform e de F o u rn ia lle , ex-adjoint de Saint-Sandoux.
Certificat conforme d’ Antoine G irard ex-président du canton.
Certificat de Rochefort qui avoit la fièvre en l’an 5 .
C ertificat de C u reyras juge de p a ix , portant que le garde lui fut présenté pour être reçu.
N .° V I.
Quatre certificats de probité et de civisme.
L ’ adm inistration m unicipale du canton de M onton certifie à tous qu’il appartiendra
qu’il est de sa connoissance que le citoyen Bard n’a cesse de faire preuve jusqu’à ce jour
d ’une honnêteté et probité parfaitem ent intactes, qu’elle a vu et voit encore avec douleur son
■incarcération que peut a vo ir opérée la calom nie, attendu qu’elle ne connoît en lui aucun
m o tif qui ait pu faire soupçonner son républicanisme et lui faire comm ettre des actes inci
v iq u e s . l'a it en adm inistration m u n icip a le, le 29 brum aire an 7 d e la république une
et indivisible. Signé M A R N A T président, B L A N C H I E R secrétaire.
C ertificat sem blable de l’adm inistration m unicipale du canton des M artres, du premier
fr im a ir e an 7 .
. . . . .
Certificat semblable de douze propriétaires de Saint-Sandoux, du 26 brumaire an 7.
Certificat de l’adm inistration de P la u z a t, portant que Bard s’est toujours bien com
p o rté, qu’il a toujours jo u i d’une bonne rép u tation , ne lui ayant jam ais rien entendu dire
contre le g o u v e r n e m e n t républicain. S ig n é BERTHONNET, président; A r m a n d , agent;
FA U G ER A T, agent; BER N AR D , agent ; BRIONET, agent; L A C H E R A L commissaire du
pouvoir exécutif ; C o u l l o n , secrétaire.
,
F I N . . .
�
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Factums Marie
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[Factum. Bard, Guillaume. 1798?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
garde des récoltes
Révolution française
excès de pouvoir
agent communal
contre-révolution
troubles publics
Description
An account of the resource
Mémoire justificatif pour Guillaume Bard, Ex-agent de la commune de Sauvetat-Autezat, accusé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1798
1796-Circa 1798
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0302
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
La Sauvetat (63413)
Authezat (63021)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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agent communal
contre-révolution
Excès de pouvoir
Garde des récoltes
Révolution française
troubles publics
-
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54c92e9df062db49e526ecce3e1910c1
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ÉMOIRE
POUR Jea
n
-M
¿tx)
1M *1
BOSREDON
arie
,
détenu dans la maison de Justice près le
Tribunal Criminel du Département du Puyde-Dôme , comme soupçonné d’émigration.
J
e
n e me suis jamais émigre ; je n ’en ai jamais
eu l ’intention. Je suis chevalier de l ’ordre de Malte ;
et depuis
le com m encement
de
demeuré ou à M a l t e , ou sur le
la
ré v o lu tio n , j ’ai
territoire
français :
cependant je suis détenu depuis le 15 avril dern ie r ,
comme étant prévenu d ’émigration.
Depuis long-temps le tribunal criminel du département
du Puy-de-D ôm e m ’a renvoyé au directoire du même
A
ÙV
�irfc
\
départem en t,
pour
( O
faire valoir
y
conformément à l ’article L X X X
1793.
J ’ai
prouvé
aux
citoyens
mes
e x c e p t io n s ,
de la loi du*28 mars
administrateurs
du
d irecto ire , par l ’organe de mes défenseurs, que dans
le fait je n ’avois pas été é m ig ré ; que dans le d r o i t ,
je n e pouvois l’ê tr e , parce qu ’a ya n t été reçu chevalier
de
l ’ordre de M alte
en
1782 , et que n ’a yant pas
abdiqué ce titre , je ne pouvois être considéré com m e
cito yen français ; que les lois m e privoient tout à-lafois
*
de
cette
qualité ,
et des
droits
qui
y
sont:
attachés.
»
A u m o m e n t, où le directoire du département alloit
pronon cer sur
avis
de
mon s o r t , j ’a i appris qu’il avoit reçu
s u sp e n d re , de la
part du cito yen
ministre
de l ’intérieur, q u ’il avoit consulté sur la q u e stio n , et
que
le citoyen
ministre
ét'oit' dans l ’intention
d ’ên
référer à la convention nationale.
Pour hâter la cessation d ’une détention que j e ne
méritai jam ais, je vais soumettre au citoyen m in is tr e et
aux comités de législation et de sûreté générale près la
convention , les m oyens de défense qui ont été exposés
pour moi au directoire du département. Il en résultera que
je puis être j u g é , que j e dois l ’êfre dans l’état actuel ;
q u ’il existe des lois qui portent une décision claire sur
mon s o r t , dont il ne s’agit que de faire l ’application ;
qu'il n’en faut pas une nouvelle ; d ’ailleurs cette nouvelle
loi , à laquelle il n e "seroit pas juste de donner un
effet rétroactif, ne doit pas plus faire la boussole d e
la décision que j ’attends 3 q u ’elle a dû faire la règ le
I
�y//
,
:■......................
,
< 5 >
...
d e ma co n d u ite, puisque je n ’aurois pu me gouverner
par une loi que je n ’aurois pas' connue.
E n 1782,
étant
en fan t,
et étudiant au
collège
d ’E ffia t, mes parens me firent recevoir chevalier de
l ’ordre de Malte.
Depuis ma r é c e p tio n , je suis allé
à M alte à trois reprises ; j ’y ai plus long-temps résidé
qu ’en France. À
ce premier
titre de c h e v a lie r , j ’ai
réuni celui d ’officier d ’in fa n te rie , attaché au service
d e l ’ordre de M alte.
Après
un
long
séjour à M a l t e ,
après de
longs
vo ya g es sur m e r , nécessités p“ar cet éta t, je me rendis
dans la maison de mon p ère, qui est sur la municipalité
d e C o n d a t , district de Riom.
Le
16 mai 1 7 9 1 , je la quittai pour me rendre à
M alte. J e p r is , le lendem ain
1 7 , un p a sse-p o rt d e
la municipalité d e R i o m , où je déclarai que j ’étois
chevalier de l ’ordre de M alte , et que je me rendois
dans cette î l e , en passant par .L y o n .
C e n ’est pas là le langage d ’un homme qui veut
s’émigrer. Je déclare ma q u a lité , j ’annonce le pays
<
■
où j e vais. C e pays n ’étoit point ennemi de la France ( 1 ) .
Je n ’entendois point commettre une action punissable ;
etsi cela eûtété, la municipalité àlaquelle je communiquois
mon d e ssein , auroit dû m ’arrêter.
( 1 ) Je dois observer que le grand-maître de Malte avolt
recommandé à tous les chevaliers de l ’ordre , de ne prendre
aucune part aux troubles qui agitoient la France.
A 2
^
�( 4 )
■
A rriv é à M a l t e , j ’y demeurai jusqu’au mois d ’avril
T792 : à cette é p o q u e , je m ’embarquai pour me rendre
en France ; et j ’arrivai
suivant
au
com m encem ent de juin
à B oulogne - sur - M er ;
j ’y
résidai
jusqu’au
mois de février 1793 ; je logeai p endan t tout ce temps
chez le cito yen Jean-Louis C l é r e t , vitrier.
L e 26 février 1 7 9 3 , je pris un passe - port de la
municipalité de B o u l o g n e - s u r - M e r , et je me rendis
chez mon
père
vers
le
milieu
du
carême
dernier 3
après avoir passé par R ou en , V ersailles et Paris.
Q u e lq u e temps ap rès, j ’allai voir un de mes amis
à V e rn a ss a l, département de la H au te-L o ire : il d e v o it ,
ainsi que m o i, aller à L y o n ; nous fîmes le v o y a g e
ensemble.
C ’est dans cette ville que je fus arrêté, le 15 avril
dernier , sous le prétexte que je n e rapportois pas
de certificats de résidence. Je fus e n v o y é , peu de jours
a p rès, en la maison de justice près le tribunal criminel
du départem ent du P u y - d e - D ô m e , où est le dom icile
de m on père.
Interrogé par ce trib u n a l, j ’ai d i t , avec v é r it é , que
depuis le com m encem ent de la r é v o lu t io n , j e n ’avois
jamais habité qu ’en F r a n c e , ou à M a lt e ; que d ’ailleurs,
com m e chevalier de M a l t e , je ne pouvois être con
sidéré , dans aucun c a s , comme émigré.
ne pouvant juger la validité
Le
tribunal
des exceptions
que j e
faisois valoir, m ’a renvoyé au directoire du départem ent,
pour y statuer , conformément à la
loi que j ’ai déjà
citée. E n rappelant les m oyens de défense qui y ont
été
déduits pour
moi } on
sera
convaincu
que
le
�( 5 }
recouvrem en t de ma liberté ne peut faire la matière
d ’un d o u t e , et que cette
décision
doit
être portée
dès à présent.
M a défense se divise en deux propositions.
L a première est que je ne suis ni ne puis être émigré;
parce qu’ayant continué d ’être chevalier de Tordre de
M a lt e , je n ’ai pu être considéré comme citoyen français.
L a seconde qui n ’est que subsidiaire ,
et dans- la
discussion de laquelle j ’entrerai uniquement pour ne
rien négliger dans une affaire de cette im portance, est
q u ’à supposer que l ’on dût me traiter comme cito yen
français , je ne devrois certainement pas être puni
comme émigré , parce que je suis encore à temps
d ’établir que j e n e l ’ai point été.
4
P R E M I È. R~E
P R O P O S I T I O N .
J e n e suis ni n e puis être émigré ; je n ’ai jamais '
grossi les ennemis du pays qui me vit naître : cette
intention n ’entra jamais dans mon cœur.
Mais il n e
s’agit pas ici de juger mes sentim ens, il est seulement
question de s a v o ir , si d ’après ma- position , je suis
coupable , ou n o n , d ’avoir négligé de retirer des
certificats de résidence ; s’il n ’est, pas vrai que la loi
qui prescrivoit cette forme n e pouvoit me lier.
Le-grand maître de Malte est un souverain étranger >
les
chevaliers
ont
toujours
formant
été
l’ordre
dont il
sous sa dépendance ;
est le
ch ef,
ils ont été
’ obligés de marcher sous ses d ra p ea u x , à sa réquisition »
ils ont eu une existence politique qui ne pouvoit se
�c o
concilier avec les principes d e la révolution : il ¿toit
„donc impossible qu ’ils réclamassent la France comme
?leu r patrie , et que la république les régardât comme
ses e n fa n s, tant qu ’ils dem eureroient attachés à leur
•ordre.
A u ss i, cette ségrégation s’ést-elle faite sous les deux
rapports de leurs biens et d e leurs personnes.
Q u a n t à leurs b ie n s , elle résulte du décret des 14 et
•20 avril 1 7 9 0 , sanctionné le 22 , article V III. L ’article
prem ier de ce décret confie aux départemens et districts
l ’administration des biens déclarés par le décret du 2
novem bre d e rn ie r, être à la disposition-de là n a tio n ;
,et l ’art. V III e x c e p t e , quant à p résen t, des dispositions
,de l ’article premier de ce d é c r e t , l ’ordre de M a l t e , etc.
O n retrouve la même idée dans le décret du 23
juin- 1 7 9 0 ,
article V III.
Le
décret du mois d ’avril
p récédent que je viens de citer vouloit q u ’il fût fait
-inventaire du mobiliër de toutes les maisons religieuses
;ét communautés séculières. L ’article V III du décret du
23 juin 1790 en excepte l ’ordre de M alte.
Je conviens que la distinction des biens a cessé dans
la s u it e , d ’après de nouvelles idées qui n ’avoient pas
d ’abord fixé l ’attention des législateurs. C e la résulte du
décret du -19 septem bre 1792 qui a ordonné la ven te des
biens d e Malte : mais ce décret même laisse encore des
traces de' distinction entre les chevaliers de cet ordre et
les
citoyens
français
qui
ont
été pensionnés.
Les
chevaliers q u i, en cette q u a lité , avoient des possessions
en France , ont dû avoir les mêmes revenus
q u ’au
p a r a v a n t , à l ’exception toute fois des droits que les
�représentâns de la nation avoient supprimés sans indem~nité ; et l ’art. XII porte q u e , « quant aux propriétés que
y> les langues françaises ont dans les états voisins , ou
v que les langues
étrangères ont réciproquem ent en
» France , le pouvoir exécutif est chargé de négocier
» un
arrangement ,
tant
avec
l'ordre
de
M a lte
t q u ’avec les puissances respectives ». L ’article X du
même décret charge aussi le pouvoir ex é cu tif de régler
avec l ’ordre de M a lte , sous l ’autorité du corps légis
l a t i f , la somme
annuelle
contribuera à l ’entretien du
pour
laquelle
la
France
port et de l ’hôpital de
M a l t e , et pour les secours que les vaisseaux de cet ordre
donneront- au commerce maritime français dans laM éditerranée.
11 est évident que ce décret considère l ’ordre de
M alte comme une puissance étrangère. Mais cela n ’a pu*
ê t r e , sans qu’on n ’ait dû regarder comme membres
étrangers à la république les individus composant cet
ordre , puisqu’il n ’y a d ’ordre que parce qu ’il existe
des individus qui le composent.
Dans les décrets dont on vient de p a rle r, quoique
rendus pour les b ie n s , o n tr o u v e déjà les fondemens
d ’une distinction quant aux personnes j mais cette
dernière distinction qui est ici la plus e sse n tie lle , est'
disertement marquée dans le décret du 30 juillet 1 7 9 1 ,
sanctionné le 6 août suivant.
C e d é c re t, après avoir supprimé tous les ordres d e
c h e v a le r ie , ajoute, art. I V et dernier « : T o u t Français
* qui demanderoit ou obtiendroit l ’a dm ission, ou qui
» conserveroit l ’affiliation à an ordre de chevalerie o u 1
�.
'
( 8 )
.
. .
■
» autre, , ou corporation établie en p ays étranger >
V 'fondée sur des distinctions de naissance , perdra la
> qualité et les droits de citoyen fr a n ç a is * .
Dès
que j ’ai conservé l ’affiliation à un
chevalerie ,
ordre
de
à -une corporation étrangère , fondée sur
des distinctions de naissance , la conséquence est aisée
à
tirer.
Je
n ’ai
c ito y e n français.
plus
Il n ’y
existé
politiquem ent comme
a pas d ’équivoque sur mon
intention à conserver mon affiliation à M a l t e , puisque
p a r-to u t j ’ai pris la qualité de chevalier de M alte , et
notamment dans le passe-port que la municipalité d e
Riom m ’a délivré le 17 mai 1791 ; que j ’ y ai encore
ajouté que j ’allois à M alte en passant par L y o n , et
qu e je n ’ai cessé d ’y demeurer depuis que j ’ai quitté ma
famille , jusqu’à mon retour en France ( 1 ) .
V a in em en t
v o u d r o it-o n
distinguer
un
chevalier
d e M alte non prof es , de celui qui le seroit. C e t t e
distinction
n ’est ni
dans la
raison , ni dans la loi.
E lle n ’est point dans la raison. C e lu i qui tient à
un o r d r e d e c h e v a le r ie , qui jouit d e s -faveurs qui y
sont a tta c h ées, qui par sa persévérance aspire à d e
plus g ra n d e s, q u i a , si l ’on v e u t , la faculté de le quitter,
mais qui ne peut en être exclu , est présumé avoir
adopté des principes politiques , trop éloignés de ceux:
qui font -la base de la révolution fra n ça ise, p our qu e
o>
»
( 1 ) J'observe.que je suis âgé de .vingt-trois à vingt-quatre ans;
que je n’ai jamais exercé en France le droit do citoyen; je n’en
conçois pas même la possibilité. Aurois-je pu être noble à M a lte,
et dire en France que je 11e pouYois pas 1être !
la
�?î> 3>
C s >
Ja république l ’admette au nombre des citoyens : tant
q u ’il n ’a pas abdiqué le titre de chevalier de M a lt e , il
est soumis aux lois de son ordre ; il seroit p u n i , s’il les
violoit. O n ne pouvoit donc sans contradiction l ’obliger
à exécuter tout à-la-fois les lois de M a lte , et celles de la
F r a n c e , soit lorsqu’elle étoit une monarchie consti-’
tu tio n n e lle , soit lorsqu’elle
est
devenu e
une
répu
blique.
C e tte distinction n ’est pas non plus dans la loi. E lle
veut simplement que tout
Français
qui
conserveroit
Vaffiliation a un ordre de chevalerie , ou corporation
établie en pays étranger, fondée sur des distinctions de
naissance, perde la qualité et les droits de citoyen
français. O r , p o u rro it-o n soutenir raisonnablem ent,,
q u ’un chevalier de M a l t e , quoique non profès, ne soit
pas affilié à un ordre de c h e v a le rie , à une corporationfondée sur des distinctions de naissance ? L e législateur
s’est déterminé par la seule manifestation de la volonté :
il ne faut pas d ’autre engagement.
Mais quelle meilleure interprétation peut-on exiger'
j o u r saisir le sens de cette l o i , que l ’art. II du chap. III
de la constitution qui v a p a r o îtr e in c e s s a m m e n t , et qui
est décrétée en cette partie. Il y est dit que « l’exercice
» des droits de citoyen se perd par la naturalisation en
> pays étran ger; par l ’acceptation de fonctions ou faveurs
» émanées d’un gouvernement non populairey par la con» damnation à des peines infamantes ou afflictives ». Si
d ’apr'es la dernière l o i ,
des fonctions sans titre ,
de
simples faveurs momentanées qui peuvent subsister, même
abstraction faite de la noblesse , qui peu vent cesser
B
�au gré de celui qui les accepte et de celui qui les donne,
emportent la privation des droits de cito yen fran çais,
dès q u ’elles émanent d ’un gouvernem ent non populaire,
pourroit-on dire que le décret du 50 juillet 1791 , n ’a
pas
voulu
chevaliers
prononcer la même
exclusion contre des
de M alte qui , quoique
non p r o f è s , ont
bien plus que des faveurs d ’un gouvernem ent non
p o p u la ire, qui en tiennent un état qu ’ils con s erve n t,
autant q u ’ils le veu len t, un état adhérant à la distinction
nobiliaire , absolument incompatible avec les principes
d e la révolution? L e décret du 30 juillet 1 7 9 1 , et
l ’article de la constitution se prêtent un secours
m utuel ; ils ne sont que la continuité d ’une
même
loi : l ’ un avoit provisoirement ordonné ce que l ’autre
a érigé en principe constitutionnel : l ’un et l ’autre
s’appliquent évidemment aux chevaliers de M a lt e , profès
ou non : l ’un les prive de
l ’exercice des
droits de
c ito ye n , et l ’autre leur en avoit fait perdre la qualité.
A in si en 1791 , comme à p r é s e n t , les chevaliers de
M alte , sans distinction , n ’ont pu être regardés com m e
citoyens français.
- Je sais que
quelques
personnes
ont pensé q u ’un
chevalier de Malte pouvoit être réputé ém igré, d ’après
l'art. V II
du décret du 28 mars 1793 , qui s’explique
ainsi : i> N e pourra être opposée comme excuse ou
* prétexte d ’absence la résidence à M alte , ou sur le
» territoire de B o u illo n , M onaco et autres lieux q u i ,
» quoique
limitrophes
ou
alliés
par
des traités et
» relations de commerce , n e sont pas partie intégrante
» d e la France v> ,
et£.
�Y
f r
}
( 11 )
C ’est bien niai entendre cette loi que de l ’appliquer
à un chevalier de Malte.
i ° . C e t article n ’a pas eu en vue ceux qui sont
étrangers à la république : les législateurs n ’y ont été
occupés que des citoyens français auxquels on pourroit
imputer de s’être émigrés ; et pour pouvoir déterminer
les cas d ’ém igratio n , ils ont indiqué les lieux où leur
résidence ne seroit pas une e x c u s e , et qui ne font pas
parties intégrantes de la république , par opposition à
ceux qui en font partie : ensorte qu ’un citoyen français
qui auroit résidé à Malte ,, à Bouillon , ou à M o n a c o , ne
pourroit pas dire qu’il n ’est pas dans le cas de l’émigration.
Mais le chevalier de M alte , déjà mis au rang des
étrangers , étoit tout autant à l ’abri du reproche
d ’ém igration, que le seroit un habitant de M a lte , de
Bouillon , ou de M o n a c o , et qui ne seroit jamais entré
sur le territoire français.
2°. C e qui prouve que les chevaliers
de M alte
n ’ont pas été l ’objet des législateu rs, dans cet article,
c ’est l ’alliage qui y est fait des trois pays de M a lte y
Bouillon et M onaco. O n ne rappelle pas M alte pour en
faire l ’application aux chevaliers s on en parle com m e
de Bouillon et de M o n a c o , pour Tes mettre tous
également
dans
la classe
des
pays
étrangers à la
république.
3°. C e qui n e permet pas d e douter de la vérité
de cette interprétation , c ’est que cet article n e déroge
p oin t au décret du 30 juillet 1791 , que l’on n e peut pas
le su p p o ser, puisque ce décret vient d ’être confirmé
par un des articles constitutionnels. S ’il est vrai que les
B a
'¡ r \
�m
( * o
chevaliers de M alte aient été mis hors de la classe des
citoyens
français ,
il est
égalem ent
vrai q u ’ils sont
étrangers à la république ; et s ils sont étrangers , il
devien t indubitable que ce n ’est pas d ’eux q u ’on a
entendu exiger des certificats de ré s id e n c e , parce que
la nécessité de la résidence
dans
pu être imposée à celui qui lui
que
la nation
la
république n ’a
est étranger.
C e lu i
prive
des droits de citoyen, fr a n ç a is ,
ne pourroit pas être
puni , quand il auroit manqué
aux devoirs qui en sont une suite.
O n ne peut donc in’opposer que les articles V et V I
d ’un décret du 28 mars 1 7 9 2 , relatif aux passe-ports;
ils veulent que les Français ou étrangers qui voudront
sortir du r o y a u m e , le déclarent à la municipalité de
leur r é s id e n c e , et que le passe-port contienne mention
d e leur déclaration ; et à l ’égard des
personnes qui
entreront dans le r o y a u m e , q u ’elles p re n n e n t, à la
jDremière municipalité frontiere , un passe - port. O r ,
on a déjà vu que j ’ai rempli ces formalités.
S
J
e
e c o n d e
p r o p o s i t i o n
.
pouvois born er ma défense à l ’établissement de
la première proposition. Il n ’est pas à présumer que
je sois traité comme citoyen français ; néanmoins il t
est dans l ’ordre des possibilités, que mes juges décident
le contraire ; et des que je pourrois établir surabon
damment que je n ’ai jamais été ém igré, et que je serois
Encore à temps de le p rou ver, il y auroit de Pimpru len c e
de ïriü part de supprimer cette discussion secondaire »
r
�n y
( 13 )
e t je sens qu’il est doux à mon cœ ur de pouvoir m ’y
livrer.
L e décret du 28 mars 1 7 9 3 , article V I , n®, 2 ,
veut q u ’on déclare émigré tout Français qui ne justifier;*
pas , dans la forme p r e s c r ite , d ’une résidence sans
interruption, en F r a n c e , depuis le 9 mai 1792.
J ’ai dit dans mon interrogatoire, que je n ’étois venu
à Boulogne q u ’au mois de juin 1792. Je ne connoissois
pas la loi d ’après laquelle je pouvois avoir intérêt à
ce que mon arrivée en cette ville remontât à une époque
plus reculée. J ’ai pu me tromper sur les dates ; et il
est très - possible que mon débarquement à B oulogne
soit antérieur. J ’ai eu le malheur de perdre en route
m o n »porte-feuille qui contenoit des notes qui pouvoient
m e retracer exactem ent les faits. C e n ’est aussi qu ’après
mon arrestation, que j ’ai reçu de nouveaux extraits de
mon passe-port pris à Riom le 17 mai 1 7 9 1 , et de
celui que m ’avoit délivré la municipalité de Boulognes u r - M e r , le 26
février
1793.
C ’est à raison de la
circonstance de la perte de mon p o rte -feu ille, et par
un.défaut de m ém oire, que j ’ai dit dans mon interroga
toire , que je n ’étois parti de Riom qu'en juin 179 1 ;
c e p e n d a n t l ’extrait que j ’ai fait retirer e n su ite , du
passe-port que j ’avois dit devoir se trouver dans les
registres de la m u n ic ip a lité ,(m ’a appris que mon départ
de cette ville étoit du 17 mai précédent.
M a is , supposons encore que mon arrivée à Boulognesur-Mer n e soit que du mois d e (.juin 1 7 9 2 , on ne
pourroit faire valoir contre moi la préiixion de l’époque
du 9 mai prç,çç.4,çnt 3 portée par la loi du 28 mars
dernier.
/
�ÏV )
,1 ;
C h )
Pour s’en c o n v a in c r e , il faut remarquer le m otif pour
lequel on a fixé au n e u f mai 1 7 9 2 , la rentrée en
F r a n c e , de ceux qui s’étoient absentés de leur domicile.
- C ’est parce que la loi du 8 avril p ré c é d e n t, concernant
les ém igrés, article X X V I , prononçoit seulem ent la
privation du droit de cito yen actif, p en dant deu x a n s,
contre les émigrés rentrés en France depuis le 9 février
1 7 9 2 , ou contre ceux qui y rentreroient dans le mois.
O n voit que le délai que la loi accordoit se prolongeoit
au 9 mai s u iv a n t; et celui qui rentroit à cette é p o q u e ,
sous la sauve-garde de la l o i , n e pouvoit avoir encouru
d ’autre p ein e que celle qui y est portée.
M a is , pourroit-on regarder ce délai com m e fatal à
mon é g a r d , dès que j ’étois d é jà sur mer , et qu’il
me falloit plus de temps pour me rendre ? dès que
je suis arrivé de M alte à Boulogne-sur-M er en juin
1 7 9 2 , il falloit que je fusse sur les côtes de France
avant le 9 mai précédent. Dès-lors je devrois être réputé
avoir exécuté la loi.
E n e f f e t , o u tre q u ’il est dans la justice de distinguer
à cet égard un homme
de m e r , d e celui qui seroit
chez les puissances étran g ères, sur les confins d e la
république ,
c ’est que cette distinction
est faite par
l ’article V I de la même loi du 8 avril 1792. C e t t e
loi excep te de ses propres dispositions entr’autres per
sonnes les gens de mer.
D 'a ille u rs , il n e faut pas perdre de v u e , que le
mois dans lequel on pouvoit ren trer, en n ’encourant
d ’autre p eine que la privation du droit de citoyen a c tif,
pendant deu x ans, ne devoit courir, suivant l ’art. X X V I
r
�( 15 )
d e la loi du 8 avril 1 7 9 2 , qu ’à compter de la pro
m ulgation de cette même loi. O r , j ’aurois tout lieu
d e soutenir que le m ois, à partir de cette promulgation,
dans quelque district que c e puisse ê tre , n ’est expiré
q u ’en juin 1792 ( 1 ).
M a is , pourroit-on m ’o b je c te r, toujours en me suppo
sant la qualité de citoyen français, il auroit fa llu , aux
termes des décrets , q u e
vous
eussiez rapporté des
certificats de résidence dans la république. L es articles
X X I I et suivans de la loi du 28 mars dernier, combinés
avec l ’article V I , n ° . 2 , exigent que la résidence soit
établie par des certificats revêtus des formes qui y
sont mentionnées.
C e qui annonce mon in gén u ité, je ne crains pas
de le d ir e , c'est l ’aveu que j ’ai fait dans mes interro
gatoires , q u e je n ’avois pas cru devoir retirer de
certificats de résidence. M a i s , n e peut-il pas y être
suppléé par des renseignemens qui seroient demandés
jet constatés authentiquement sur les lieux ? N e suis-je
pas recevable à d e m a n d er, à cet e ffe t, mon transport
sur les différens endroits où j ’ai séjourné? Je me flatte
d ’établir l ’a ffirm a tiv e , à l ’aide d ’une fo u le de moyens.
L a loi veut bien qu ’ on justifie la résidence par
des certificats revêtus de certaines formes ; mais elle
ne dit pas qu ’on doive avoir ces certificats, dans le
C i ) Cette observation est dautant plus décisive, que, bien
lcin que la loi du 28 mars 1793 ait dérogé à la loi du 8 avril,
en cette partie, elle l a au contraire confirmée, article Y I , n°, 1..
�( ïO
m om ent même de l ’arrestation, sous p ein e d ’être mis.
à mort dans
vin gt - quatre
heures.
Les
législateurs
français n ’ont jamais entendu faire une loi aussi dure.
Il peut arriver, de plusieurs m an ières, qu’un parti
culier n ’ait pas de certificats qui constatent la vérité des
faits qu’il peut cep en d an t établir authentiquement. E t,,
par e x e m p le , un porte-feuille contenant tous les certificats
n écessaires, peut avoir été perdu un jour avant l ’arres
tation de celui qui aura été absent quelque temps de
son d o m ic ile , où en sero it-o n , s i , malgré l ’assertion
d e la perte des certificats, de la part de l ’arrêté, si,,
malgré son offre d ’y suppléer par de nouveaux certificats,,
il étoit mis à mort sur le cham p? N o n , une pareille
loi ne se trouvera jamais dans notre code !
On
doit donc
dire
que
la
loi veut
simplement
l ’attestation de la résidence par des certificats ; mais
que ne s’étant pas
s’entendre
autrement
expliquée , cela
par des certificats déjà
doit
e x is ta n s , ou par
dès certificats q u ’on est à même de se procurer. E t
l ’on doit donner au prévenu le temps n é c e s s a ir e et
les facilités convenables pour avoir les certificats ou
les attestations équipollentes.
C e la
doit
d ’autant plus
avoir l i e u ,
que les lois
p ré c é d e n te s, relatives aux certificats de résid en ce, ne
les exigeoient p a s , sous peine de mort : elles n ’avoient
trait qu ’aux biens.
L e décret du 9 février 1 7 9 2 , mettoit seulement les
biens des émigrés à la disposition de la nation.
V o ic i les. termes de l ’article I X du décret du 8 avril
suivant : « Pour é v ite r , dans la confection des liste s ,
toute
�( r7 )
» toute erreuT préjudiciable à des citoyens qui n e
» seroient pas sortis du royaume , les personnes qui
» ont des biens hors le département où elles font leur
» résidence a c tu e lle , enverront au directoire du dépar» tement de la situation de leurs biens un certificat de
» la municipalité du lieu qu’elles h a b iten t, qui consta-* tera q u ’elles résident actuellement et habituellement
» depuis six mois dans le royaume ».
L ’article II du décret du 13 septembre 1 7 9 2 , en
demandant l ’envoi des certificats de r é s id e n c e , avec“
de nouvelles form es, prononce pour toute p e in e , faute
d ’y satisfaire dans le délai qui y est porté, Vexécution
des lois concernant le séquestre et Valiénation des biens
des émigrés.
L a première loi qui parle de mort contre les émigrésqui ren treroien t, n ’est que du 23 octobre
1 7 9 2 ,'e t
elle n ’a été promulguée dans les districts que long
temps après.
L es
lois
qui
ont
d ’abord exigé les certificats de*
résid en ce, n ’étant donc relatives qu’à une privation de
b ie n s , on n e pourront être puni de mort p o u r ne lesavoir pas retirés dans le temps. T e l homme qui n ’avoit
aucuns b ie n s, croyoit n ’encourir
aucune peine ; e t ,
s’il eût été menacé de celle de m o rt, il se seroit sans
doute empressé de se faire délivrer et d ’envoyer des
certificats
de résidence. Je
me
trouve dans ce cas.
C om m e fils de fa m ille , je n ’avois et je n ’ai encore
aucuns
biens ; comme
chevalier
de
M a lte ,
j ’avois
renoncé à toute prétention à la fortune. Je n ’avois donc
rien à conserver.
J’en ai fait l ’observation dans mes
C
�0 8 )
interrogatoires. C o m m en t pourroit-on d o n n e r, en pareil
c a s , un effet rétroactif à une n ouvelle l o i , et punir de
rnort une n é g lig e n c e , toujours réparable, contre laquelle
cette peine n'étoit pas p ro n o n c é e , au moment où elle
auroit été commise ?
Mais ce qui achève d e lever toute difficulté sur la
faculté que doit
prouver
en
avoir un
tout
temps
prévenu d ’émigration , de
sa
résidence ,
ce
sont les
dispositions des lois des 12 et 13 septembre 1792. L a
p r e m ie r e , en imposant une taxe aux pères d ’enfans
ém ig ré s , leur a accordé un délai d e trois sem a in e s,
pour justifier leur résidence en France. L a seconde.,
en prononçant la nullité de certains certificats, accorde
un
délai
d ’un
mois
pour
en en voyer de nouveaux.
L orsque les législateurs sont uniquement occupés de la
privation des biens, ils accord en t.u n délai pour la réité
ration des formes, ou p o u r réparer leur inobservation ;
et,
lorsqu'il s’agit de *la v i e , on voudroi.t dire ,qu’ils
n ’ont pas entendu avoir la même indulgence ?
Aux
d is p o sitio n s
de
ces d eu x
lo is,
des
12
et
13
septembre ,179-2, se réunit encore l ’article X X X I de
la loi du 28 mars dernier : il donne
le
m o is , à l'effet
certificats
d ’obtenir de -nouveaux
r é s id e n c e , à ceux
délai d ’un
de
qui avoient d abord rapporté des
certificats annuUés. Il est parfaitement égal de n ’avoir
point de
certificats,
annuliés ; puisque ce
ou
d ’en
avoir
eu
qui ont été
qui est n u l , est aux y e u x de
la loi , -comme s’il n ’.eût jamais .existé. A la vérité ,
s u u a n t cet article , ce délai d ’un mois a dû cou rir,
û com pter de la ptpm ulgation de la loi » mais cette
�( i;9 )
disposition j i e peuj, me nuire. M a détention remonte
avant
et il est bien évident que le délai
n ’a pas couru contre moi , tant que j ’ai été détenu.
Il ne faut donc pas être étonné que des départemens
aient ordonné le renvoi de certains particuliers prévenus
d ’ém igration, sur les lieux ou ils disoient avoir résidé,
à l’effet
de le faire
constater authentiquement, Les
citoyens administrateurs du
département du Puy-de-
D o m e , qui doivent prononcer sur mon so rt, ont pris
ce parti relativement au cito yen Chamflour d ’A la g n a tj
et ceux du département du Cantal ont eu la même
précaution à l ’égard du citoyen Castella.
E nfin, j ’ai un avantage bien précieux sàns doute dans
une affaire de cette nature. C ’est que je n ’ai jamais été
considéré comme émigré ; que l ’opinion publique n e
s’est jamais élevée contre m o i , malgré
mon absence
du domicile de mon père ; mon nom n ’a été inscrit
sur aucune liste d ’émigrés.
A la v é r it é , il est fait mention de moi dans une liste
faite contre les pères des enfans é m ig ré s, pour les
c o n t r a in d r e au p a i e m e n t de la c o n fr ib u tio n ordonnée
par le décret du 12 septembre dernier. Mais il faut
bien r e m a r q u e r la manière dont j ’y ai été placé. C e tte
liste a été faite au district de R i o m , le
31 janvier
17 9 3 ■
> ¿P0(l ue à laquelle j ’étois en France. Mon nom
n ’y étoit pas d ’abord, et les administrateurs
qu ’il étoit de leur justice
ont se n ti
d ’observer sur un extrait
de la même liste qui est joint à la procédure instruite
contre
moi ,
que j e n ’y a v ° i s ^
confection, sur w
« R file
inscrit qu'anrcs sa
dans les ^uieaux3
C 2
�sans renseignemens qui pussent avoifc légalement. constaté
ma prétendue émigration. M o n père
VPU ü ’abord
contre cette in d ica tio n , même avant mon arrestation,
et il n ’a pas encore été statué sur sa dem an d e. E lle
recevra sa décision en même temps que la procédure
criminelle qui a été la suite de m on arrestation ( i ).
Je me flatte donc d ’avoir dém ontré q u e ma seule
qualité de chevalier de M alte doit m e faire acquitter
( i ) Il est impossible de dire que j’ai»été inscrit sur aucune
liste d’émigrés. L a loi n’admet d’autre inscription que celle qui
est faite en conséquence d’un avis ou envoi officiel d’une liste
de la part d’une municipalité.
Je dois remarquer que de ce que mon père s’est pourvu contre
la taxe, il en résulteroit encore, s’il en étoit besoin, un nouveau
moyen pour faire accorder le délai que je ne réclame toujours
que très - subsidiairement, et pour ne rien négliger dans ma
défense , puisque, comme chevalier de M a l t e j e soutiens que
je n’ai jamais eu besoin do prouver ma résidence en France.
L ’article L X 1II de la loi du 28 mars dernier, porte que « les
» personnes portées sur les listes des émigrés , qui ont réclam é,
» et sur les demandes desquelles-il n ’a point été statué, et celles
» dont les certificats de résidence sont annuités, seront tenues
» de s’en pourvoir, dans quinze jours, à compter de la promul» gation de la loi ». Je serois nécessairement dans le cas, ou de
cet article, ou de l’article XXXI que j’ai invoqué dans le mémoire,
qui accorde un mois; et 011 se rappellera que je serois toujours
dans le délai, parce qu’il n’auroit pu courir pendant ma détention,
qui remonte avant la
�D e l'accusation, et qu’elle doit déterminer dès à présènt
mon élargissement. Mais subsidiairemen t y et si contre
m on -atten te, cette proposition p o u v o it souffrir difficulté,
si l ’on croyoit que j ’ai dû avoir la qualité et les droits
d e c ito ye n français\ j ’ai établi que je pouvois prouver
encore que je n'avois jamais man que a u x devoirs que
cette qualité c o m m a n d e m e s preuves partent de lois
claires et précises : il
faut; point d ’autres. H é ! s'il
en fuifoit une n o u v e lle , seroit-il possible de ne pas la
voir
dans le nouvel
article
constitutionnel que
j ’ai
rapporté dans le développem ent de mes m oyens ?
Q u ’il me soit permis d ’observer à tous ceux qui
d oivent coopérer à mon jugem ent , que je languis
depuis près de trois mois dans une détention toujours
fâcheuse par elle-même ; mais qui le devient encore
plus par les incommodités dont elle est environnée ( 1 ) ;
que pour me rendre justice , il ne suffit pas de me
j u g e r , il faut encore q u ’on me ju g e promptement.
Fait en la maison de ju s tic e , à Riom , le 28 juin
1 7 9 3 l ’an deux de la république française.
Signe
Jean-M arie
B O SR E D O N .
( 1 ) Mon mémoire étant à l'impression, et ma santé s'étant
dérangée, j’ai été transféré de la maison de justice dans la maison
d'arret, par ordre des citoyens juges du tribunal criminel; je saisis
l'occasion avec empressement pour leur témoigner ma gratitude.
A R I O M , D E L ' I M P R I M E R I E D E L A N D R I O T , 1793.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
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Text
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bosredon, Jean-Marie. 1793]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jean-Marie Bosredon
Subject
The topic of the resource
émigrés
chevaliers de Malte
prison
citoyenneté française
neutralité politique
Révolution française
certificats de résidence
opinion publique
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jean-Marie Bosredon, détenu dans la maison de justice près le tribunal criminel du département du Puy-De-Dôme, comme soupçonné d'émigration.
Annotations manuscrites: « rédigé par maître Grenier ».
Table Godemel : Emigré : a-t-on pu considérer comme émigré, et appliquer les lois sur l’émigration au français, devenu chevalier de malte, en 1782, et qui, depuis cette époque a résidé à malte, en vertu des ordres de son supérieur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1793
1793
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0935
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Effiat (63143)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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certificats de résidence
chevaliers de Malte
citoyenneté française
émigrés
neutralité politique
opinion publique
prison
Révolution française