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93d76c11f09ed20664e46d65bde2642c
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Text
QUELQUES MOTS
•
SUR
•
.
-
L ’Affaire DESMANECHES et ANGLADE.
1-
• ' i K ->
.
CUOJ
-j
•
AUCUN moyen ne répugne à M e A n g la d e , pour appeler
sur lui-même la faveur de l a j u s t i c e et se présenter
comme une innocente victime qu’ un adversaire redou
table écrase et dépouille de tout. Nous apprenons que
pour y mieux réussir, il se p la in t sourdement qu’après
avoir été nommé pour représenter les héritiers absens
dans la succession de la dame d ’Om b re t, une sorte
d ’intrigue ourdie dans l’intérêt de Desmanèch es et favorisée par l ’exécuteur testamentaire, lui a ravi cette affaire,
qui devait amener pour le notaire 'des bénéfices considé
rables et dont il détermine le q a n tu m .
Nous nous h âtons de repousser cette calomnie , que
les faits les mieux établis repoussent vers son auteur.
Madame d’O m b ret est décédée au commencement de
novembre , après avoir fait un testament qui nomme pour
son exécuteur testamentaire M . B a ssin , conseiller en la
Cour. E lle a laissé plusieurs héritiers et un assez grand
nombre de légataires.
Les scellés avaient été apposés à Cournon et à Clerm o n t, ou madame d ’Ombret avait une maison. E n cet
état, l ’art. 1 0 3 1 du Code civil investissait l’exécuteur
�testamentaire du droit $ en même temps qu’il lui im
posait l ’obligation j -de faire procéder à l’inventaire et à
la vente du mobilier. Il attendait, pour le requérir, la
remise d’une expédition du testam ent, lorsqu’une tierce
personne voulut anticiper sur la poursuite. #
L e s sieur et dame Serre, habitant à Bort ( Corrèze ) ,
étaient au nombre des héritiers. N e voulant pas se dé
placer, ils avaient donné procuration à je u r fils. Il paraît
que ce jeune homme , assisté de M e Bonnefoy, avoué ,
sans rien communiquer aux héritiers , ni à l ’exécuteur
testamentaire v présenta requête dès le 1 4
ou i 5 no
vembre ^ sicù Jours optrèsf le décès, pour obtenir la rémotoin de scellés. E lle fut répondue par M . le vice-président
du tribunal ciyil de Clërmpnt,, qui commit M* Anglade
j( | f
r .
1' > . ■ ' * * , t * .
j
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pour représente^ les ..héritiers aljsens.
5 .novembre■?>, nouvelle
.pai^) 4 u cantonr( sud-est ) de
L e ,11;mêm<?.
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î: ■-
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^
requête à
' i l
M . le juge dç
ÇlerinQnt,
qui indique■lajrémotipn au 1 9.. L ’avoj.ié 11e présejUapoint
de rçquêtç,àüM ...le juge, de ,paix du Pont-du-Chateau.
L ’^xécute^ur^ testamentaire ignorait tout cela. Lorsque
l’expédition du testament jlu i • fut rem ise, il présenta,
1,^-m êm ç^unej requête ¿à
M . le président du tribunal
ciyil ,d,ç Clermont ^ q u i y répondit le 16 du même mois,
en.cçmmettauti 4M;
Yazeilhes
, notaire
î\ Clermont ,' 1 pour
1 « » 1 • . \t ‘ 1
i ', /. )
»
p^ocyder à ^’inventaire; et JM* .Desm anèches, notaire à
X^einiMles-, pour représenter les absens. Il n ’eut besoin,
pour c e la ,.d ’aucune indication. INI* J)esmanèclu's est le
notaire auquel le tribunal lui-même a ordinairement,
donné ces, sortes de commissionsj mais quaud 011 sup
poserait qu’il( y a,cp( indication par l ’exécuteur testamen
taire , il siiflirait.de dire que M* Desinanèclics ayant
�*
* * •«
* * :
**
-si-rS“ —
toujours ëu la confiancefde madame d’Ombrèt dftñg'toutes
ses affaires', c’était le moyen de‘ les éclaifcir -fafCileihent
dans l ’intérêt des5héritiers, sans initiet personne, ûutrè,
aux secrets de la’ famille. • ‘
,i? ■ ° ‘n P?;I0'r
L e même jour, 1 6 , sur la demande de M.- Bassin^
une ordonnance de M . le juge de paix du'Pont-du-Clniteau, fixa la rémotion au 2 9 .
aol ■;>
U ne seconde requête fut présentée par M . Bassiti à
M . le juge de paix du canton (sud-est) de Glermont ; mais
ce magistrat se trouva arrêté par l ’ordonnancé qu’il avait
déjà rendue, et voyant un conflit entre les deux ordon
nances de M M . les président et vice-président du tribunal
c iv il, il ordonna un référé pour le 2 1 du même mois.
Que se passa-t-il dans cette séance? L e procès-verbal
nous l’ apprend.
..
’ , ~
E t d’ab ord , M* Desmanèclies y demeure totalement
étranger.
M ais on y voit deux parties litigantes.
:
D ’ une p a r t, l ’exécuteur testamentaire qui se présente
entouré de tous les héritiers présens à Clermónt. Il*'de
mande le maintien de la seconde ordonnance' comme
rendue sur la requête de celui qui était tenu de faire
procéder à l’inventaire dans l ’intérêt de la 'succession.
Tous les héritiers l’appuyent de leur concours et se fon
dent principalement sur ce que M • Desmanèchcs, notaire
à Lempdes., avait eu la confiance de madame d ’ Ombret,
et connaissait toutes les affaires de cette maison.
D ’ autre p art, on aperçoit M* lïonnefoy qui v e n a it,
contre le texte de la loi et contre les convenances, sou
tenir, à la face de l’exécuteur testamentaire et des héritiers
intéressés, qu’on devait lui attribuer la poursuite.
*
3-
.
�•—<4 Nous ne disons pas que cette prétention eût plus d’in
térêt pour l ’avoué que pour les parties ; mais pourtant
il sera facile de se faire une idée de l ’état réel des choses,
lorsqu’on saura que , déjà, sous le nom des sieurs et dame
S e rre , il avait été formé une demande en partage. Il n ’en
fallait pas tant :pour effrayer et l ’exécuteur testamentaire
et les héritiers présens ; plus ils voyaient d ’insistance chez
l ’avoué, plus ils redoutaient une instance judiciaire, déjà
ouverte devant eux , et certes ils avaient besoin de s’en
tendre çt non de plaider.
^ A peine osons-nous dire que M* Anglade assistait l ’a
voué , en personne , dans ce singulier débat. S ’il y venait
»idt'
L!
fit!
J
•
#
#
m
pour faire maintenir sa commission et faire révoquer celle
qui avait été donnée au sieur Desm anèches, il doit recon
naître qu’il provoqua la déclaration spontanée et trèsnette de tous les héritiers présens , qui refusaient son
assistance, et réclamaient le maintien de la commission
de M* Desmanèches dans l ’intérêt même de la succession.
T o u t cela e st, par sa propre volonté, contradictoire avec
lui et non avec M* Desmanèches f qui n ’a eu garde de
prendre part à cet incident, auquel d’ailleurs il n ’était
pas plus appelé que M* Anglade.
Que fit le président?
Il,, considéra que la disposition de la loi impose à
l ’exécuteur testamentaire l’obligation de faire procéder
.à l ’inventaire j qu’il représente les intérêts de tous, et
que Ja circonstance que tous les ayant droit moins les
partiçs de Bonnefoy se réunissaient à lu i, devait déterminer sa décision. Il lui conserva la poursuite.
�‘ A r t - i l mal fait? a - t - i l manqué le but de'Ja loi et
celui qu’il se proposait lui-mêm e dans l’intérêt général
des héritiers? .Les sieur et dame Serre eux-mêmes avaientils eu à se plaindre du choix de M c Desmanèches? avaientils , en réalité, de la préférence pour M* A n g la d e?....
Voyons. ’*
‘
,
L es sieur et dame Serre ne voulant pas s’en rapporter
à leur procureur fondé, sont venus sur les lieux et'tous
les héritiers sans exception se sont réunis à C lerm on t, chez
M* Vazeilhes,' notaire , 1 0 2 9 décembre 1 833 .
!
!
Q u’ont-ils fait?
U n compromis par lequel ils nomment deux notaires
et un expert pour faire le partage et les comptes et liqui
dations de la succession.
Qui sont-ils?
■ *• ,
'
-1
■
.a •
L e sieur Desmanèches, notaire, à Lem pdes ; le sieur
Bonjour, notaire, et le sieur C lio u vy, expert, aux M artres-de-Veyre.
M . et madame Se rre , pas plus que les autres, ne
réclament aucune place pour ]VIe Anglade 5 et au con
traire , tous confient à M* Desmanèches seul la vente des
vins et eaux-de-vie et le pouvoir d ’en toucher le prix.
Voilà le fait tout entier, que M* Anglade qualifie une
intrigue ourdie contre lui par M* Desmanèches et doiit il
ose accuser sourdement l’exécuteur testamentaire. Il au
rait pu tout aussi bien en accuser les héritiers d ’Ombret
qui ne l’ont pas appelé, spécialement ceux qui s’y sont
�—
6
—
opposas, le président quii a rendu l ’ordônnance., tout
le monde , en fin , excepté M ' Bonnefoy et ses vieilles
rancunes contre, le contrat de mariage de Vedèux et
la veuve M à l l y e r e ç u
...J
par Desmanèchesii àfLem pdesi
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M e Desmaneclies n a point «a se delendre cl avoir par
ticipé à ce débat.
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rj * f, »y 0; W‘'! 5 0;' -'.f;
;':«<; i j
, J(Quant à l’exécuteur testamentaire, s’il a pu contribuer,
par ses soins et en remplissant le devoir de sa tcharge,
à éviter une lutte judiciaire aux héritiers, il a satisfait
à ce qu’exigeaient de lui sa conscience d ’honnête homme
et sa qualité de magistrat.
■'
T out cela, on le voit b ien , a pour objet de montrer
sous u n aspect défavorable la conduite de M*~Desjnanèches et d ’arracher de la Cour des dommages-intéréts,
surtout pour le temps écoulé depuis i 83 o ; mais il ne
suffit pas, pour y atteindre, de dénaturer des; faits; et
M" Desmanèches ne saurait le redouter. S ’il devait subir
tille condamnation en dommages-intérêts, ce serait uniTfilemént par suite de son aveu , pour un fait reconnu par
lui avant l ’interlocutoire ; pour un fait q u i , tout en le lais
sant obligé envers la partie prétendue lésée , ne serait pas
moins exempt de reproche et reconnu, pour le m o in s,
excusable, par la délibération authentique de tous les
membres du tribunal de Clerm ont, du
3i
mai i 83 o.
M ais , encore, quelle perte aurait éprouvé M* Anglade?
quel g a i n , qu’on puisse reconnaître, aurait-il manqué à
faire? et comment pourrait-011 penser que tous les actes
reçus par Desmancches dans sa maison à Cournon, en 1 8 2 8
et î H v y , ont appartenu à M* Anglade ? Dès le lendemain
�du. jour où Desmanèclies;s’est tout-.à-faitrqtiré.à Lpm pdes,
les liabitans de Cournon ne l ’y ont-ils pas. suivi,?, ne sontils pas venus passer leurs actes dans son étude, ou le
requérir spécialement d’aller les passer à Cournon? n ’est-il
pas prouvé que, tandis qu’ avec les docum ens'^u’il a don
nés lui-m êm e, on dit qu’il a passé, pendant les années
1 8 2 8 et 1 8 2 9 , 4 ° 8 actes, dans sa m aison, à Cournon j
il en a passé 667 à Lem pdes, ou à dom icile, pour les
liabitans de Cournon , en 1 83 o ,
3 1, 32
et
33 ? pourrait-
on d ire , comme on l ’a prétendu , que le bénéfice des
quatre cents actes de 1 8 2 8 et 1 8 2 9 appartiendrait à M* A n glade, alors même que dans le moment de leur passa
tion , il se serait absenté de sa résidence pour négocier des
actes importans à Clermont ou ailleurs , comme le prou
vent son répertoire et son refus de s’expliquer sur ce point?
D ’ailleurs, dix francs nets par acte, dans la cam pagne,
sans charge ni avance des frais d’enregistrement, quel
tarif! E t enfin , 1a Cour, si elle1prenait ce parti, sur les
déclarations même de Desmanèclies , n ’ aurait-elle pas
quelque‘ regret de cette énorme enquête, qui reste, au
moins, sans résultat pour tous les faits non avoués , spé
cialement ceux postérieurs au
3i
mai i 83 o? C ’est cepen
dant ce qui y a donné lieu ; car Desmanèclies, en plaidant
sa cause, avant l ’interlocutoire, et en avouant les faits
antérieurs, disait: S i cela, contre ma pensée, doit don
ner lieu à dommages-intérêts, que la Cour les prononce
et 11 interloque pas. C ’est encore notre position actuelle:
car on ne peut se dispenser de reconnaître qu e , depuis
i 83 o , Desmanèclies 11’a fait qu’user d’un droit établi par
la loi. L ’enquête a donc été mal à propos réclamée par
son adversaire , qui n’a pas pu fournir la preuve qu’il
�— 8 —
avait offerte, malgré la fausse désignation des époques
d ’une foule d ’actes que nous avons produit.
L a Cour appercevra bien que ce peu de mots n ’a pas
pour objet de discuter les questions de la cause , mais
bien de l ’éclairer sur un fait dont les preuves sont jointes
au dossier
et lui prouver que M e Desmanèches est de
meuré digne de son estime et de sa bienveillance.
Nous produisons les actes qui établissent ce fait tel
que nous venons de l ’énoncer
la copie de l’ordonnance
de M . le président du tribunal de Clermont et l ’expé
dition du compromis,
D ESM AN ÈCH ES.
M* D E V I S S A C , Avocat.
M ' D R I V O N , A voué licencié.
R IO M E T H IB A U D IM P R IM E U R D E L A C O U R R O Y A L E
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Desmanèches. 1833?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Desmanèches
De Vissac
Drivon
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
ventes
offices
juge de paix
Garde des sceaux
loi du 25 ventôse an 11
chambre des notaires
minutes de notaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Quelques mots sur l'affaire Desmanèches et Anglade.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Notaire : 5. le notaire qui a à se plaindre de ce qu’un de ses confrères abandonne plus ou moins souvent sa résidence et vient d’établir dans la sienne, est recevable à intenter une action en dommages intérêts contre ce dernier, pour la réparation du préjudice que peut lui causer cette usurpation de fonctions.
il n’en est pas comme de la simple infraction à l’obligation de résider, dont la connaissance et répression appartiennent exclusivement au ministre de la justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
E.Thibaud, imprimeur (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1827-1833
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2803
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2801
BCU_Factums_G2802
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53559/BCU_Factums_G2803.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Bort (19028)
Clermont-Ferrand (63113)
Cournon-d'Auvergne (63124)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
Garde des sceaux
juge de Paix
loi du 25 ventôse an 11
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
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4876cc8d03c43700516d988063c21699
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ff
O?
(
COUR ROYALE
MÉMOIRE
EN RÉPONSE,
de
RIOM.
a ' C h sambre C ivile.
POUR
J e a n -B a p tis te
DESMANÈCHES,
Notaire à la residence de Lempdes, intimé,
CONTRE
C la u d e
AN GLADE ,
Notaire à la résidence de Cournon, appelant.
S i c’est un besoin pour l ’h omme honnête de défendre ses
biens et son honneur s’il lu i est permis , pour y parvenir,
d ’invoquer le secours de la justice , et d’user de tous les
moyens qu’autorisent les lois , il ne l ’est pas, il ne peut pas
l ’être, d’appeler à son aide d’autres armes que celles de la
vérité ; il l ’est moins encore de s’en servir pour arracher
violem m ent à son semblable la considération pu b liqu e,
cette portion précieuse du patrimoine de tout homme qui.
a fait ce qui était en lu i pour la mériter.
Plus que personne, M e Anglade devait observer cette
loi commune à tous, exerçant une profession honorable. I l
se plaignait d’un de ses confrères; il prétendait en avoir
�¿prouvé du préjudice et il l ’avait traduit devant les tribu j
naux. Certain d’y trouver justice et impartialité, il lui suf
fisait d ’exposer ses griefs et de les appuyer sur la loi. Hien
ne lui interdisait de le faire avec énergie ; accompagnée de
sagesse et de celte mesure que déserte rarement un liomme
qui a raison , elle eut pu témoigner, si non de son d ro it,
au moins de sa conviction personnelle.
Pourquoi donc cette publication en style acrimonieux ,
qui n’épargne pas plus les outrages, qu’elle ne respecte la
vérité? ce débordement d’injures qui se déverse de toutes
parts , pendant qu’on se donne des éloges à soi-même?
Pourquoi? si ce n ’est parce que, manquant de confiance
dans sa cause, on se laisse entraîner par une aveugle passion?
Notaire depuis dix-lmit ans, sans avoir donné lieu à au
cun reproche , investi de la confiance de ses concitoyens ,
père de famille paisible et laborieuç, M Desmanèclies ne
pouvait pas s’attendre à cette agresssion haineuse , qui le
traduit violemment à la barre de l’opinion publique, et qui
croit la conquérir en jettant le mensonge à pleines mains.
Il ne la récuse pas; il ne pense pas que personne l ’ait re
connu aux peintures odieuses de M e Anglade, et il espère
que ceux qui 11e le connaissent pas , ne l’auront pas jugé
d’avance. Il se rassure, d’ailleurs, en voyant qu’il partage
les accusations de son confrère avec des hommes plus
graves que lui. Si l ’on en croit M c A n g la d e , la Chambre
des Notaires a forfait î\ ses devoirs, en laissant subsister et
s’étendre un abus intolérable ; les agens supérieurs de la
Régie ont attesté des faits faux dans leurs vérifications officiellos; le Ministère public lui a failli; le Ministre de la
Justice lui a fait préjudice en renvoyant à statuer sur sa
�(/
— 3—
plainte jusqu’après le jugement du procès; le Tribunal de
Clerm ont, malgré l ’évidence de son droit, l ’a repoussé par
une fin de non-recevoir ; et ainsi la ju stice est restée désar
mée devant des faits accusateurs; et la l o i , e lle - m êm e,
est demeurée un principe stérile pour lui. Que fe ra -t-il?
llepoussé, suivant ljui, par tout le monde , il accusera tout
le monde ; les uns d’indiscrétion ,'les autres de partialité ou
d’aveuglement, d’autres de choses plus graves encore ; et
son adversaire , surtout, d’un odieux système de rapacité
et de malice. L e ravaler aux yeux de ses concitoyens, le
montrer à ses juges comme un de ces êtres vicieux, qui ne
méritent que le mépris et l ’animadversion publique , le
charger, contre toute vérité et sans le moindre prétexte, des
plus noires accusations, voilà le rôle que s’est chargé de
rem plir, envers un de ses confrères , cet homme sim ple ,
laborieux et m odeste , q u i, s’iri’itant de ne pas inspirer une
confiance universelle et exclusive, a entrepris de l’obtenir
par la violence.
M bDesmanèches ne se rend pas le juge du choix de ces
moyens. Il appartenait tout à fait à Me Anglade de savoir ce
dont sa cause pouvait avoir besoin, et de choisir entre le vrai
et le taux, entre les moyens honnêtes et ceux qui ne le sont
pas. Il a fait sa p a rt, que nous ne saurions lui envier. C’est
dans les faits, dans les acles, dans la lo i, que nous cher
cherons la cause; c’est là , sans doute , que la Cour veut
aussi la trouver, Nous tacherons de ne pas sortir de ce
cercle de la vérité ; et sans nous départir de cette fermeté ,
qui est toujours permise à l’homme honnête injustement
outragé, nousespérons rester au-dessusde ces hideuses pas
sions , sous l’inlluence desquelles Me Anglade est maljieu1
.
�s-i
*
4
reusement’placé, et qu’il dissimule si bien quand il lui
plaît.
L a question est fort simple : M'DesmanèchesestNotaire
à Lempdes, et on prétend qu’il a abandonné sa résidence
et usurpé celle de Courjion 5 on dit qu’il l ’a fait mécham
ment et à dessein de nuire 3 il faut donc bien connaître les
faits, et examiner quels sont, dans l ’ordre de ces faits et
d ’après la disposition des lois, les droits respectifs des par
ties. Nous aurions pu être fort courts, réduire la cause à
des termes fort simples 5 mais la position de M° Desmanèclies exige qu’il ne recule pas devant quelques explica
tions. Nous tâcherons seulement d’abréger les détails que
nous devons au besoin de sa position personnelle et que la
cause n ’aurait pas exigés.
*
FAITS.
M e Desmanèches est natif de Cournonj son père y était
Notaire royal depuis 1776 , comme successeur de Me P i
nard. Alors il y avait dans cette commune trois autres
Notaires royaux , les sieurs ]îo yer, Maistre et D o ly , et un
Notaire seigneurial, M* Ainblard. Plus tard, Me Desma
nèches acheta l ’office du sieur Maistre, et réunit deux titres
sur sa tête.
y était investi de la confiance publique. Ses
répertoires prouvent qu’à lui seul il recevait autant d’actes
que les deux autres ensemble. En 1790, il fut nommé
Jugc-de-paix du canton de Cournon, qui se composait seu
lement des communes de Cournon et Lempdes. C ’est en
ce sens , qu’on a dit que ces deux bourgs ou villages n ’a
vaient fait autrefois qu’une seule commune.
11
�Son fils aîné s’était élevé dans son étude : naturellement
laborieux, il y avait appris les élémens et la pratique d’un
état qui devait être le sien. Il y travailla constamment
sous les yeux de son père, qui ne lui donna jamais d’au
tres exemples que ceux d’une honnêteté sévère. Il pense
ne s’en être jamais écarté j et telle a été, du moins, dans
tous les temps, sa volonté constante.
E n 1802} M« Desmanèclies père fut frappé d’une mort
prématurée. Son fils avait à peine vingt ans, et ne pouvait
pas le remplacer. D ’ailleurs, il y avait encore neuf Notaires
dans le canton : cinq au Pont-du-Château, deux à Cournon et deux à Lempdes. N e voulant pas abandonner la
perspective d’une profession à laquelle il s’était voué dès
son jeune âge, et vers laquelle il avait dirigé toutes ses
études, il entra comme clerc cliez M* D ucrohet, Notaire
à Lempdes. Une partie de la clientelle de son père l ’y sui
vit. Cela n’étonne pas, lorsqu’on sait qu’il avaitl’habitude
de traiter les affaires avec les cliens, et que des relations
continuelles, existent entre ces deux communes, par suite
de leur rapprochement.
E n i ô , il devint le gendre de M c Ducrohet, et il a
travaille pendant dix ans dans son étude, en qualité de
clerc.
83
• U n nouveau malheur vint le frapper en 1812 : M* D u
crohet mourut au mois de juillet. Le nombre des Notaires
du canton était encore trop considérable pour que son
gendre pût immédiatement le remplacer; alors JVl«’ I oyer et Doly vivaient encore, et occupaient la résidence de
Cournon. Le sieur Desmanèclies, pour s’occuper et conser
ver , par son travail, l ’espérance qu’il n’avait pas perdue
3
�— 6—
d ’entrer dans le N otariat, entra comme clerc cliez Me Boyer, et lui lit le dépôt des minutes de M* Ducroliet q u i,
toutefois, ne furent pas déplacées. M* Sauzet, Notaire à
Leinpdes ne les réclama pas 5 le répertoire de M‘ Boyer
augmenta comme avait fait celui de M° D ucroliet, par
suite de la confiance que les habitans avaient au sieur Desmanèches.
M° Sauzet mourut en 1814. L e nombre des Notaires
excédait encore celui fixé par la loi; toutefois, le sieur
Desmanèclies, qui avait vu disparaître successivement deux
titres réunis par son père, et celui de son beau-père , fit
A'aloir, et sa position personnelle, et le besoin de la com
mune de Lempdes. L a Chambre des Notaires donna, le
24 mars 1814 , un avis favorable. Elle pensa que la com
mune de Lem pdes , avec une population de près de deu x
m ille â m es , ne pouvait pas demeurer sans N o ta ir e , et que
le sieur Desmanèclies ,J ils et gendre de N otaires décédés,
réunissait la capacité et la moralité requises pour remplir
dignement les fo n ctio n s du N otariat. Elle fit plus, elle ajouta
qu’elle réitérait
Son Excellence le G ra n d -J u g e , M i
nistre de la Justice, l'instante prière que le sieur Jean B a p
tiste D esm anèclies, de Cournon , soit nom m é N otaire à la
résidence précitée.
L a Chambre n ’oubliait, donc pas que le sieur Desmanèches était de Cournon , fils d’1111 Notaire de Cournon, pro
priétaire à Cournon ; elle 110 voyait donc pas, malgré cela,
d’inconvéniens le nommer Notaire i\ Lem pdes, quoique
le voisinage démontrât d’avance que tout en résidant à
Lempdes, il ne s’interdirait pas d’entrer j\ Cournon pour ses '
Affaires, et qu’il serait appelé à y recevoir des actes.
I
�Il faut porter son attention sur les faits qui vont suivre:
ils prouveront indubitablement que le sieur Desmanèclies
n ’est jamais sorti des limites qui lui étaient tracées, et que
s’il y avait eu quelque cliose à réformer dans l ’exercice des
droits que lui donnaient son titre et sa résidence , il avait
au moins agi de bonne foi, et sans porter atteinte aux droits
de personne, par des manœuvres indignes de lui et de son
état.
Une Ordonnance du 9 août 181^ , fit droit à l ’instante
prière de la Cliambre de discipline de Clermont ; elle
nomma le sieur Jean-Baptiste Desmanèclies, Notaire royal
à la résidence de Lem pdes, avec droit d ’exercice dans le
ressort de la ju stice de p a ix de P o n t- s u r - A llier. Assuré
ment , ces dernières expressions étaient inutiles, puisque
ce droit ressortait des termes même de la loi j mais elles n’y
sont pas sans quelque signification, alors que la délibéra
tion même de la Chambre de discipline apprenait que le
pétitionnaire était de Cournon, et fils d’un Notaire de Cournon , ce qui, sans lui donner le droit de déserter sa rési
dence pour s’emparer de celle de Cournon , 11e supposait
pas, comme nous l’avons d it, qu’il serait obligé d’aban
donner ses propriétés et de vendre sa maison de Cournon,
parce qu’011 l’aurait nommé Notaire à Lempdes. A u s s i,
posons-nous dès à présent, et verra-t-on, plus tard, que
loin d’abandonner sa résidence de Lem pdes, il y a cons
tamment rempli son ministère avec exactitude et probité.
Nous pouvons dire, et c’est un témoignage que lui ren
draient, au besoin, ses confrères , la Chambre de discipline
et le .Tribunal civil de Clermont, que, sans faire abnégation
de ses intérêts, il l’a exercé avec désintéressement envers
�les cultivateurs qui l ’entourent. Il se plaît à en trouver le
témoignage dans la confiance exclusive et sans bornes que
lui ont montré les habitans deLempdes. Sans cesse appelés
par leurs affaires et les marchés publics au chef-lieu du
canton, le Pont-du-Château, où se trouvent trois Notaires,
ou au chef-lieu d ’arrondissement, la ville de Clermont, ils
reviennent toujours dans son étude pour y passer leurs actes
nombreux, que M* Desinanèches a constamment écrits et
rédigés de sa m ain, depuis 1814 jusqu’à ce jour.
Des faits non moins remarquables se placent à la suite
de ceux-là; le sieur Anglade les a relevés avec une inexacti
tude qui tient de la perfidie.
L a commune de Cournon est fort populeuse : assez sou
vent des ventes poursuivies avec les formalités judiciaires,
pour cause de minorité ou autrem ent, ont exigé la commis
sion d’un Notaire sur les lieux. Le Tribunal de Clermont
n ’ignorait pas que deux N otaires, M" Boyer et D oly père ,
occupaient la résidence de Cournon. Ilconnaissaitvraisemblablem entlesloiset ordonnances sur la matière. Or, quiat-il èommis habituellement? Le sieur Desinanèches , qui
n’a iait qu’obéir à ses ordres et suivre l ’indication de son
titre, en faisant des actes qu’on critique aujourd’hui avec
aigreur, et en les entourant d ’allégations matériellement
' fausses.
Obligé de reconnaître le fait des commissions données à
M* Desinanèches, par leT ribun al de Clermont, M’ Anglade
essaye d’eii tirer avantage. M* Desmanèclies, d it-il, occu
pait, de fait , a résidence de Cournon de manière à persua
der que c’était la sienne; c’est pour cela qu’011 le commet
tait , et aussi les jugeinens le qualifient N otaire ¿1 Cournon.
1
�9
—
—
On ne pourrait pas s’expliquer, si on le voyait, comment
le Tribunal de Clermont a commis, pendant seize ans, une
pareille bévue, comment personne ne l’a relevée, comment
les Notaires de Cournon et le Ministère public n’ont pas ré
clamé; mais que la Cour soit tranquille, cela n’est pas vrai.
Tous les jugeinens ou ordonnances commettent sciem
ment Desmanèches, Notaire ci Lem pdes, pour aller faire
des ventes ou autres opérations à Cournon.
L e premier de ces jugemens, du 22 février x81 , rendu
par MM. Domas , Murol et Cliassaing , a même cette par
ticularité, que pour l’estimation des immeubles, il nomme
le sieur D o ly , fils d’un des deux Notaires de Cournon,
•et commet, pour la vente, M« Desmanèclies, N otaire à
5
■Lempdes.
< Une ordonnance , portant commission pour dresser pro
cès verbal à Cournon , fournit encore cette observation que
tout est écrit d’une main étrangère , et que le nom du N o
taire et la résidence ayant été laissés en blanc, on y lit de
-la main de M. Cliassaing, juge, qui rendait l'ordonnance,
le nom de M 4 Desmancches , et sa résidence à Lempdes.
Sans doute, il n’était pas dans les intentions du T ri■
bunal de Clermont, que la vente des biens situés à Cour
non fût laite dans l’étude du Notaire de Lem pdes, où il y
eût eu moins de concurrence , et beaucoup de désavantage
.pour les mineurs. Il était évidemment nécessaire de la
faire Cournon. Le Notaire commis y possédant une mai•son , il n’y avait pas le moindre motif pour qu’il choisît un
autre lieu; et aussi, dans les alliches, il y a toujours an
noncé que la vente serait faite par M* Desmanèclies , N o
taire à Lem pdes ; dans la maison dudit ücsm anèches , à
�Cournon ; etcependant la confiance du Tribunal a tellement
résidé en lui , qu’on a continué à le commettre , même
après la réorganisation et le changement des magistrats.
M e Desmanèches a été habituellem ent, jusqu’en 1 o ,
le Notaire de la Mairie de Cournon j il n ’a pas , non plus ,
repoussé cette confiance , et certes, s’il n ’a pas écrit dans
ses actes qu’il en était requis , cela ne serait pas moins une
vérité constante , surtout lorsqu’il les a passés à la Mairie.
y>’ Enfin , il en a été de même des transactions particu
lières ; beaucoup d’individus de la clientelle de son père ,
habitués à ses relations, l ’appelaient pour passer leurs
actes ou concilier leurs différens; il avoue qu’il ne les a ja
mais repoussés. Toutes les fois qu’on a requis son minis
tère pour constater les conventions des parties , il n ’a re
gardé qu’une chose, les limites de sa juridiction ; et il a
toujours indiqué, sans la moindre dissimulation, le lieu où
il les avait passés ; le domicile des parties, son élude à
Lejnpdes, sa maison à Cournon, ou tout autre endroit. Il
ne lui entrait pas dans l ’esprit que lorsqu’on lui deman
dait son ministère dans un lieu où la loi, comme son titre,
lui donne capacité pour recevoir un acte; il ne piit pas le
recevoir dans une maison qui lui appartient, aussi bien que
dans une autre, et qu’il d û t, pour cela se u l, faire l ’option
de la vendre ou de renoncer au droit de passer des actes
dans le bourg de Cournon ; il ne le comprend pas encore.
On n ’avait pas écrit cela dans l ’acte de sa nomination, î\
coté de ces mots : A vec droit d ’exercer dans le ressort de la
83
ju stice de p a ix de Pont-sur-A llier.
Me Desmanèches n’a jamais dissimulé , non plus ,
qu’ayant à Cournon des propriétés, et surtout un vignoble,
�qu’on ne peut pas affermer, et qui exigent une surveillance
continuelle, il y avait conservé son établissement. La mai
son est occupée en partie par sa m ère, à titre d’usufruit;
le surplus , par son épouse, qui y surveille les domestiques
et l ’administration des biens. Desmanèclies , en ce qui le
concerne, tenant son étude à Lem pdes, de manière qu’au- .
cun droit n’y a jamais été compromis, aucun acte différé ,
y conservant assez bien ses propres intérêts , et le bienêtre ; comme les facilités des liabitans, pour que ses con
frères, n’ayant e u , dans aucun cas, à le suppléer pour les
actes de cette commune, ayant, d’ailleurs, là et là des
propriétés rurales et un ménage, avait cru pquvoir se par
tager entre Lempdes et Cournon.
S ’il a reçu des actes assez nombreux dans cette dernière
com mune, il n ’a jamais fait un pas pour enlever la con
fiance à ses confrères , pour obtenir des actes qu’on ne lui
aurait pas spontanément proposes. Il n’a pas. cherché à se
rendre compte des motifs qui avaient inspiré au T rib u n al,
à l’Administration locale, et à un certain nombre d’habitans, de la diriger vers lui. Tout ce qu’il peut dire, c’est
qu’il a fait, par une conduite probe et loyale, ce qui était
en lu i, non pour la provoquer, mais pour y répondre et
prouver qu’il n’en était pas indigne.
Si quelque chose était à reprendre en tout cela , il n’y a
pas apparence que ce dût être au bénéfice des dommagesintérêts de M* Anglade. M“ lîoyer etD oly , qui occupaient
la résidence de Cournon , ne se sont jamais p la in t, et per
sonne n’a vendu à M* Anglade le droit de s’en plaindre
pour eux. L ’un et l’autre reconnaissaient que tout en rece
vant des actes à Cournon, JM° Desmancches n’em ployait,
�'01
t '
■r»
—
12
—
pour les obtenir, aucune manœuvre frauduleuse. Il y a
plus : pendant le temps de la vie de M** Boyer et D o ly, ils
ont constamment contresigné les actes de M“ Desmanèches;
ils voyaient bien, cependant, qu’il en faisait beaucoup à
Cournon , et qu’ils étaient plus nombreux que les leurs ,
et ils les scellaient de leurs contre-seings ! Comment donc
Desmanèches , dans les limites de son territoire , eût-il pu
croire qu’il anticipait sur leurs droits, et qu’il était cou
pable à leur égard ?
l\r D oly père mourut à la fin de 1816. Son fils fut admis
à le remplacer en 18 17 , quoique la résidence fut encore
occupée par M> Jîoyer. M* D oly fils , plus jeune, plus ac
tif, augmenta sa clientelle ; mais il est assez remarquable
que ce fut principalement avec celle du sieur Eoyer , qui
était vieux et infirme , et qui mourut en 1823, ne passant
plus qu’une quarantaine d’actes. D oly 11’ignorait pas la
situation de M* Desmanèches, et cependant il 11e sè plai
gnit pas davantage, et contresigna ses actes comme l ’avait
fait son père. Seulement, en 1818, il crut pouvoir rivali
ser pour la résidence de Lempdes; il y acheta une maison,
par acte du 18 m ai, reçu Boyer et Desmanèches , et il y
ouvrit une sorte de cabinet, oiril venait s’installer à jours
fixes, et fit même apposer des affiches, qui indiquaient
qu’ayant le pouvoir de passer des actes à Lempdes , il s’y
rendrait à des jours marqués et toutes les fois qu’on l ’y ap
pellerait. M' Desmanèches ne se plaignit pas. Toutefois, il
est bien évident que s’il n ’eût pas tenu sa résidence et ré
pondu à la confiance publique, un autre Notaire du can
ton , qui eût offert aux habitans des facilités qui leur
manquaient, eut attiré beaucoup de gens à lui. Pourquoi
�— i3 —'
n ’en fut-il rien? Pourquoi Desmanèclies continua-t-il de
passer tous les actes des liabitans de Lempdes? Parce que,
sans doute, il résidait dans son étude, et se trouvait à la dis
position des liabitans, chaque fois qu’ils avaient besoin de
son ministère, soit pour passer des actes, soit pour les con
cilier dans leurs différens. Il n’était pas seulement Notaire
à Lempdes, il a été Maire à deux reprises différentes:
d’abord, en 1818 jusqu’en i a . Trop occupé de son étude
et de ses bien s, il crut raisonnable d’y renoncer. Il pour
rait produire les témoignages flatteurs qu’il reçut alors du
Préfet, sur l ’exactitude de son administration et son dévoue
85
ment au bien public ; tant il est vrai qu’il abandonnait sa
résidence de Lempdes !
M. Sers le renomma, en i o , membre du Conseil mu
nicipal de Lempdes. Après la révolution, il a été d ’abord
nommé Commandant de la garde nationale, puis renommé
Maire de Liempdes parM . llo g n ia t, sur le vœu des liabitans. Il a , plus tard, donné sa démission; d’ailleurs, il a
presque toujours été nommé répartiteur forain à Cournon,
où tout le monde sait qu’il est domicilié à Lempdes. V oilà
les faits qui le concernent personnellement.
M' D oly fils, de son côté, devint Adjoint au Maire de
Cournon, en i822,etM aire en 1824.8aclientelleaugmenta
à cette époque; m ais, malgré ce titre , qui lui donnait un
moyen de plus de surveiller la situation de M'Desmanèclies
à Cournon , il ne songea pas à se plaindre. Depuis.18 17 , il
avait reçu annuellement, de 204 à 291 actes. En 1824,
devenu Maire , il en reçut 3175 il mourut en juillet 1825.
M* Tibord lui succéda en mai 1826 , après une vacance
de dix mois. Pendant cet intervalle, le bourg de Cournon,
83
�-
14 -
dépourvu de Notaire, fut obligé de se pourvoir ailleurs.
M e Desmanèches, le plus voisin et le plus en relation avec
les habitans de Cournon, vit augmenter son répertoire : au
lieu de 4 1 1 actes qu’il avait reçus en 1824, il en eut
o
en 1825, et
en 1826. Convenons qu’il eût été difficile
de trouver à redire à l ’usage de sa maison de Cournon, pour
passer des actes nombreux auxquels son ministère était
indispensable. E n 1827, Tibord étant en activité, le ré
pertoire de M* Desmanèches retomba à 3^2. Il augmenta
beaucoup en 1828 ,' il se porta à 60/f, mais ce fut par une
circonstance particulière. Le sieur Rouganne avait acheté la
propriété deM. de Chalier, à Lempdes^ etil vendit en détail
des biens considérables qu’il possédait à Cournon. Établi
à Lempdes, il devait naturellement en confier la vente au
Notaire de Lem pdes, précisément à cause de sa résidence.
Indépendamment de ses relations avec le sieur Desmanè
ches, son intérêt même le lui commandait. D ’une partie No
taire était plus à sa portée ; de l ’autre, il connaissait et les
propriétés et les personnes, et pouvait beaucoup mieux
amener les négociations à b ien , que M* Tibord, étranger,
à peine arrivé dans la commune de Cournon, et qui n ’était
encore au fait, ni des personnes, ni des biens, ni de
leur valeur. O11 ne peut dont pas davantage blâmer le
sieurllougannc de ce choix, que M*Desmanèches de l ’avoir
accepté. M* Desmanèches eut encore, pendant cette an
n ée, un grand nombre d ’actes pour M. Joseph Molin ,
parsuite de l’ouverture de la succession de son épouse. Cer
tes, il pouvait se rendre dans sa propre maison ; pour répon
dre celte confiance} d’ailleurs, tous les (ictesdu sieur Houjianne ont été passés ù Lempdes.
554
55
�— i5 —
- En cette année 1828, M" Tibord permuta avec M« A n
glade, récemment nommé notaire à tiennent ; et peu de
temps après a commencé,pourM'Desmanèches, un système
de persécution qu’il était loin de prévoir.
Dans cette première année de son exercice, Me Anglade
reçut
^ actes ; et en 1829 , 276. En soignant son
étude , en répondant à la confiance qu’on lui montrait
déjà , en traitant les paysans avec bonté , et les gens
peu aisés avec modération , il eut promptement vu
accroître sa clientelle. Il 11e voulut pas de ces moyens,
qui ne répondaient pas à son impatience.
Jusqu’ici nous n’avons examiné que la position per
sonnelle de M* Desmanèclies, et nous 11’avons rien dis
simulé , pas plus que lui-inême n’a dissimulé ses actions,
dans aucun moment. En expliquant sa conduite , il s’est
tenu jusqu’à ce jour dans la plus étroite réserve , sur ce
qui concerne Me Anglade. Nous ne voulons pas, aujour
d’h u i, prendre une marche différente 5 mais la Cour nous
pardonnera, sans doute , de répondre par quelques faits, à
l’agression violente qu’il a dirigé contre M* Desmanèclies,
et de démontijer qu’il en a construit l’édilice sur des asser
tions mensongères.
Mc Anglade , qui se plaint, en termes si aigres, de ce
que Desmanèclies a usurpé sa résidence , en abandonnant
la sienne propre , résidait partout ailleurs qu’à Cournou,
et n’y venait guère que les dimanches. Le souvenir de ses
anciennes relations, pendant qu’il était clerc de M° Astaix,
le retenait à Clermont, où 011 dit qu’il avait une chambre
dans une auberge située près la lla llc aux toiles. Or ,
quand il lui plaisait de venir dans sa résidence , il
23
�—
16
—
fallait que tout le monde courût à lu i; et pour n’y être
pas parvenu de cette m anière, il s’en prit à M* Desma
nèches, de ce qu’on requérait le Notaire de Lem pdes,
lorsqu’on ne trouvait pas le notaire de Cournon , ou qu’on
avait quelque m otif de préférence.
Encore si, croyant avoir a se plaindre, il l ’avait‘fait
par les voies ordinaires ! S’il eût employé l ’autorité de la
Chambre ; ou même , en dédaignant ses confrères , celle
de M. le Procureur du llo i ! Mais il voulait faire de son
titre un moyen de monopole contre la population ; et,pour
c e la , faire révoquer le titre du Notaire de Lempdes. Il
pensa l’obtenir, en trompant l ’autorité supérieure.
Le i cr février i o, il présenta une pétition au Ministre;
et après avoir fait un exposé fallacieux, il demanda que
Desmanèches fût contraint «de fixer sa résidence notariale
v à Lempdes ; qu’il fût ordonné que ce Notaire y ferait
» sonséjour actuel et perpétuel ;.........que, 1h exclusivem ent,
» il y fera les actes de sa profession ; ...... et qu’à défaut
» de ce faire , immédiatement , il sera déclaré démissio» naire. » Pour un premier pas, ce n’était pas mal. En
voulant qu’il fût interdit à Me Desmanèches de faire des
actes ailleurs qu’à Lempdes , il exigeait l’abrogation de la
loi et de l’ordonnance de nomination du sieur Desmanèches.
L e i*r M ars, il forma une demande en dommagesintérêts.
Pendant que le sieur Desmanèches se présentait sur
cette demande, il apprit, par une communication du M i
nistère p u b lic, la plainte du i r* février. Le M inistre,
en effet , l’avait addressée à M. le Procureur-Général ;
83
�— i7 en l ’invitant, si l ’imputation était fondée à faire en
joindre au sieur Desmanèclies , de reprendre, sousun mois,
sa résidence, à peine d’être poursuivi conformément à l’ar
ticle 4 de la loi.
R ien n’étonne de celte détermination, quand on lit
le Mémoire présenté par Anglade ; il devait alarmer le
Ministre : l ’étude de Desmanèclies établie à Cournon ;
point d’étude à Lempdes ; résidence abandonnée ; les
liabitans de Lempdes obligés de se rendre à Cournon •
pour contracter ; seulement Desmanèclies s’y rend les
dimanches et quelquefois les jeudis, pour recevoir des
actes ou prendre des consentemens ; il a conservé, pour
cela, une chambre chez sa belle-mère ; m ais les minutes
de ces actes, comme toutes ses m in utes, restent à Cournon ;
et Lempdes, sa résidence, n’est pour lui qu’une succursale’
de son étude, établie de fait à Cournon. Le sieur Anglade
ajoutait d’ailleurs toutes les autres allégations qu’il a ré
sumées dans son Mémoire, pages 6, 7 et 8, et que nous
relèverons plus tard.
M. le Procureur du Iloi avait pris des renseignemens
auprès du Juge-de-Paix. On en rend compte au Mémoire,
page 10. M* Desmanèclies n’en connait que cela. Peu
après, le Juge-de-Paix expliquait, par un certificat : « que
Desmanèclies ne passait pas moins, dans son étude, pres
que toutes les affaires des liabitans de Lempdes; que
les Inspecteurs de l ’Enregistrement lui avaient'toujours
dit qu’ils trouvaient ses minutes chez lui ; que les habitans de Lempdes ne s’étaient jamais plaint de sa nonrésidence ; et qu’il jouissait dans tout le canton d ’une
confiance justement méritée. « Cela n’avait rien de contra-
3
�— iS —
dictoire avec le renseignement qu’on indique comme
fourni par ce Magistrat.
Le 19 m a i, nouvelle plainte d’Anglade au Ministre.
Il répète ses accusations; e t , ajoutant que M" Desmanèclies n ’avait pas obéi, demande qu’il soit déclaré dé
missionnaire. C’est là , en effet, le plus v if de ses désirs ,
la plus chère de ses pensées, celle qu’il caresse jour et
nuit.
A cette époque, M* Desmanèclies présenta un Mémoire
justificatif dont on croit aujourd’hui pouvoir tirer avan
tage , en le dénaturant, et en copiant ce qui n ’y est pas.
Il y exposa franchement sa situation, sa conduite ; re
connut qu’en effet il était assez souvent à Cournon ; où
il.a v a it, comme à Lempdes , une m aison, un ménage
et des propriétés ; qu’il y recevait des actes, ne pouvant
repousser la confiance lorsqu’on s'adresse à lui. 11 ajouta
que jamais il n ’avait rien fait pour attirer à soi celle
qui se serait dirigée vers un autre ; que toutes ses ac
tions étaient conformes à l ’honnêteté publique; et qu’ayant
le d ro it, comme Notaire à Lempdes , de recevoir des
actes à Cournon > il ne comprenait pas qu’on voulût l’en
empêcher ; que cela ne pourait être que lorsque la con
fiance qu’on lui donne et qu’il ne recherche p a s, se di
rigera tout naturellement vers un confrère qui la méritera
mieux. Q u’enfin, il s’étonnait que M e Anglade , nouvel
lement arrivé à Cournon, se plaignît de n ’y avoir pas ob
tenu, tout d’un coup, un patronage assez exclusif, pour que
tous les habitans, sans exception, renonçassent subite
ment à appeler un Notaire qui était à leur porte, et qui
avait eu jusque-là leur confiance , etc.
�—
i9
—
Mais, que le sieur Desmanèches ait pi'étendu , dans ce
Mémoire , qu’il avait le droit de tenir à Cournon une étude
de Notaire ouverte , d’y avoir ses m inutes, et que la rési
dence de Cournon était, pour lu i, une propriété particu
lière 5 (page 12 ) ceci est une fausseté manifeste, devant la
quelle M" Anglade n ’a pas reculé, parce que , sans doute ,
il a cru en avoir besoin.
A u contraire, M“Desmanèches dit nettement que, s’il
fait des actes à Cournon; que m êm e, s’il s’y rend jusqu’à
trois fois la semaine pour soigner ses propriétés, son étude
est à Lem pdes, dans la maison de son épouse ; ses minutes
et ses répertoires sont dans cette étude, où ils ont été cons
tamment visés par les agens supérieurs de la Régie. S i je
ne tenais pas constamment mon étude à Lem pdes, d it - il,
il est pour le moins vraisemblable queleshabitans auraient
réclamé ; mais ni les individus , ni l'administration, nont
fa it entendre la plus légère plainte, ce qui démontre qu’ils
me trouvent constamment au milieu d’eux et dans mon
étude, lorsqu’ils ont besoin de moi.
Enfin , après avoir exposé avec franchise toute sa situa
tion personnelle, M* Desmanèches dit en finissant : «Yoilà,
« M. le Procureur du l l o i , la vérité toute entière...... J ’ai
» rempli mon ministère avec exactitude et loyauté; je con» tinucrai de même, et si ma conduite.pouvait encourir le
» moindre blâme, que mes supérieurs prescrivent et je m’y
» conformerai. »
Repoussons donc loin de nous cette citation que M* A n
glade écrit en lettres italiques, comme s’il l’avait extraite
du Mémoire de M* Desmanèches, que la résidence de Cour.
5
�—
20
■—
non était pour lui une propriété particulière. V oilà-en
core comment M* Anglacle se pique de vérité.
Au reste, en écrivant ce M ém oire, M* Desmanèches ,
qui croyait n’avoir pas excédé les limites de son droit, ex
posait simplement les faits. Il avait raison ou il se trom
pait ; mais il prouvait sa bonne foi passée et présente, sa
naïveté , peut-être, et non son orgueil, lorsque, n ’ayant fait
que continuer ce qu’il faisait sous la surveillance du T r i
bunal et avec le consentement de ses confrères de Cournon,
confirmé de leur seing, il faisait tout connaître à M. le
Procureur du l l o i , en ajoutant : S i j e me trom p e , que mes
supérieurs prescrivent et j e m ’y conformerai.
M'Desinanèches ne sa it, au surplus, ce que veut dire
M* Anglade, à propos des Mémoires exj)licatifs ou ap olo
gétiques , qu’il présentait ou retirait; il n ’a jamais fait
que celu i-là , et n ’a pas pensé à le retirer.
Nouvelle dénonciation, le 19 mai, dans des termes non
moinsfacheux. Anglade y demande purementet simplement
la révocation de Desinanèches, Notaire àLempdes ; c’était là
et c’est encore toute son ambition. N ’a-t-il pas osé, derniè
rement , à l’audience de la C ou r, invoquer, comme motif
d ’urgence, la pensée de Desinanèches, de se faire rempla
cer par son fils? Est-ce que , par liazard , M' Anglade au
rait le droit et la puissance d ’empêcher cette mutation 3si
le fils est reconnu digne? Est-ce que, pour le satisfaire , il
faudrait l’expatrier ou en faire un ilote? Est-ce qu’il ne
faudrait plus de Notaire à Lempdes, parce que M* Anglade
est à Cournon? M* Desinanèches avait annoncé ce dessein
de remplacement, dans son M émoire, et il croyait en cela
aller au-devant des objections, puisque, établissant son
�--- 21 ----fils à Lempdes , et demeurant lui-même à Cournon , dé
pouillé de tout caractère et de tout intérêt personnel, il
n ’y aurait plus cet inconvénient que M* Anglade attribue
à sa position actuelle. Il ne croyait pas, en cela, fournir à
son adversaire un sujet légitime d’opposition.
C ’est en cet état que fut provoquée la délibération du
T rib u n al, du i mai i o. MeAnglade se plaint de ne pas
y avoir été appelé. Pourquoi donc? et de quel droit? Il
avait fait sa part en demandant des dommages-intérêts } et
après avoir dénoncé un fait qui provoquait une mesure de
discipline, la loi et l ’honnêteté lui commandaient de la
laisser aux soins du Ministre , seul compétent pour la
poursuivre. Ne montra-t-il pas, en cela, le désir, disons
mieux, la volonté que tout fût employé dans son intérêt
exclusivement, même les moyens de pure discipline? Nous
verrons, plus tard, si l’intérêt public est autre chose, pour
lu i, qu’un moyen plus ou moins légitime d’accroître ses
intérêts personnels.
3
83
5
M e Desinanèclies comparut, le i m ai, devant l ’Assemblée des deux Chambres et du Parquet ; il exposa nette
ment sa conduite, comme il l’avait fait dans son Mémoire.
Nous n ’avons aucun compte à rendre de cette séance, l ’ap
pelant en a dit assez, quoiqu’en sa manière ; mais il faut
faire connaître ce qui s’est passé depuis la décision : la
préoccupation du sieur Anglade, pour ne rien dire de plus,
lui en a lait rendre un compte trop infidèle, pour que nous
puissions nous en dispenser.
M* Desmaneclies , ju sq u e -là , n’avait pas transporté à
Lem pdes, l ’intégralité des minutes de son père j pas plus
que Boy er, devenu dépositaire des minutes de M 'Ducroliet,
�ne les avait transportées à Cournon ; pas plus que luimême , dépositaire apparent des minutes de B o y e r, ne les
a déplacées dans aucun temps. Pour remplir ses promesses
et se conformer aux vœux de ses supérieurs, il crut devoir
réunir à Lempdes celles de son père avec celles de M* D ucrolietetles siennes propres, qui y étaient déjà, et résider
désormais à côté de ses m inutes, dans la maison de son
épouse, où il est avec la dame Ducrohet, sa belle-mère*.
Nous allons en trouver la preuve dans des élémens judi
ciaires ou authentiques, qui démentiront les assertions que
le sieur Anglade liazarde avec une hardiesse qui ressemble
à la vérité pour ceux qui n ’en savent pas davantage.
83
Le
septembre i o , nouvelle dénonciation au M i
nistre. L ’état étant toujours le m êm e, suivant l u i , il de
mande encore que le Ministre , sans autre information ,
déclare Desmanèches démissionnaire ; mais craignant que,
d’après les renseignemens fournis, le Ministre ne pro
nonce contre l u i , il demande, subsidiairem ent, qu’il soit
sursis à statuer, jusqu’après le jugement en dommages-intérêts; dernière ressource, qui devait avoir une double
face; car, pour le soutien de cette demande, 011 comptait
se servir fortement de la question de discipline.
L e Ministre n ’ayant pas répondu, après deux mois écou-r
lés , Anglade partit pour Paris vers la mi-novembre ; et le
26 , obtint j j)ourM. le Procureur-Général, une lettre qui
fut loin de satisfaire ses vues. Elle se bornait, malgré ses
démarches intéressées , à donner à M» Desmanèches un
nouveau délai d ’un mois pour rentrer dans sa résidence ,
s’il n’y était déjà.
�y?
— 23 —
Il en fut donné.avis
à M. le Procureur du R o i,• avec ini
vitation de prendre des renseignemens.
Alors le Parquet avait été renouvelé ; comment d’autres
hommes eussent-ils pris les mêmes errem ens, s’ils n’eus
sent été ceux de la justice et de la vérité?
M* Anglade affirme ici, (page 19) qne la décision du
a novembre fu t notifiée à M ’ Desmaneches le 3o du même
mois ; et il se plaint de ce qu’il n’a pas obéi. Q ui donc a si
bien instruit M' Anglade? Et qui ne croirait qu’il dit vrai^
car, là comme ailleurs, il affirme et indique une date
précise?
5
M* Desmanèclies n’a qu’un mot à répondre : cela, non
plus , n’est pas vrai. Cette lettre ne lui a jamais été noti
fiée, et il invoquerait, au besoin , le témoignage de M. le
Procureur du R o i, pour attester le fait et le m otif du si
lence qu’il a gardé à son égard. Veut-on le savoir?
M. le Procureur du R o i prit des renseignemens :
1« Auprès de l ’ancien Juge-de-Paix, M. Rochette , qui
avait donné ceux de i o à son prédécesseur, et qui ha
bite Lempdes ;
a0 Auprès du Maire de Lempdes ;
° Auprès de M. Perrin, client de M* A nglade, devenu
Maire de Cournon, et qui l’est encore aujourd’hui.
83
5
Tous les trois lui attestèrent que M* Desmanèclies avait
définitivement établi sa résidence à Lempdes j personne
nepouvaitmieux le savoir que ces trois fonctionnaires, deux
habitant à Lem pdes, et le sieur Perrin à Cournon. L e
sieur Perrin, client de M* Desmanèclies , avant i o , et
qui lui déclara, à cette époque, qu’il lui était plus com
83
�— ¿4 —
I
mode de contracter cliez M* A n glade, parce que lu i, Des
manèches, n’était pas à Cournon.
M. le Procureur du R oi, qui se convainquit que M* Desmanèclies avait tenu ses promesses, ne crut pas devoir lui
faire d’injonction ; il en rendit compte à M. le ProcureurGénéral, par lettre du 5 février 1 1; et lui déclara que les
minutes et le siège des affaires notariales étaient transpor
tés à Lem pdes, et que Desmanèches ne passait à Cournon
que le temps nécessaire pour l ’administration et la surveil
lance de ses propriétés. M° Anglade savait tout cela quand
il a écrit que la décision avait été notifiée le 3o.
Faut-il quelque chose de plus pour établir la certitude
des preuves acquises à M . le Procureur du R o i? le sieur
Anglade lui-même va nous les fournir.
En février, il avait encore obsédé le Parquet par des
instances plus pressantes, comme il le dit lui-même. Il de
mandait à M. le Procureur-Général, de faire vérifier subi
tement, et avec m ystère, l ’étude de M* Desmanèches; et
pour n ’être pas trompé dans ses espérances, il réclamait
l ’autorisatipn d’accompagner le Commissaire, et d ’assister
à la vérification. M. le Procureur-Général voulut bien s’y
prêter; c’était un moyeu de contrôle qui devait devenir
décisif sur le fait capital du procès, le lieu de l ’établisse
ment notarial. Le sieur Desmanèches devait s’en applau
dir s’il était en règle; car, devant la démonstration acquise
par une vérification contradictoire avec son adversaire, de
vait disparaître le besoin de toute autre preuve.
M. le Procureur-Général crut devoir confier cette com
mission à M. le Procureur du R o i; et certes, personne
n’avait à s’en plaindre, pas plus qu’à soupçonner l ’iiripar-*
83
�— 25 —
tialité ou même la discrétion de ce Magistrat, si juste et si
amoureux de ses devoirs; tout lui commandait le mystère:
toutefois, comme cette vérification faite avec M.‘ Anglade ,
a tourné complètement contre lu i, il ne craint p as, au
jourd’hui, d ’accuser le chef du Parquet de Clermont, en
écrivant cette phrase audacieuse:
« M* Desmanèclies a été prévenu du transport de M. le
» Procureur dti R o i à Leinpdes ; M* Anglade offrira la
y> preuve que le transport était connu deux jours avant
» qu’il ait eu lieu. »
Ici nous ne craignons pas d’être désavoués par M. le
Procureur du R o i, en donnant à M* Anglade un démenti
formel. En ce qui le concerne, M* Desmanèches déclare
ne l’avoir su, ni directement ni indirectement.
D ’ailleurs , on le demande ? Où eut été pris le m otif
d’une semblable indiscrétion ? M. le Procureur du
R oi avait la certitude que toutes les minutes étaient à
Lempdes. Il n ’avait donc personne à avertir ; et il
est évident que dans ces circonstances, il n’aurait pu
laisser échapper son secret, que dans l ’intérêt de Mc Des
manèches, et par un véritable manquement à ses devoirs.
Nous n’avons point à l ’en défendre.
M® Anglade offre la preuve ! Eh ! quelles preuves n’of-»
fre-t-il pas? Nous verrons plus tard , quels moyens immo
raux il a employé pour se créer î\ l ’avance des déposi
tions, pourle cas où il obtiendrait des enquêtes,
D ’ailleurs , il est évident ici , qu’une indiscrétion ne
pouvait venir que du Ministère public. Nous ne croyons
pas nous tromper, en disant que sur sa demande, et pouy
n ’associer personne au secret de cette com mission ,M. le Pro-
4
�—
26
—
¿ilreür-Général avait cru devoir confier sa lettre à Me An»
gldde, pour que M. le Procureur du Roilareçûtdirectem ent
de ses mains. L e procès verbal le fait présumer. Il porte
qu’il est rédigé sur l ’invitation de M • A n g la d e.
Le procès verbal dressé par ce Magistrat, le 8 mars 1 1,
constate que M* Desmanèches n ’était pas chez lu i, et qu’il
â fallu aller le chercher dans les vignes. Il contient la vé
rification successive des minutes et des répertoires de tous
les exercices qui sont aujourd’hui réunis dans le* mains de
Mc Desmanèches, et constate leur état parfait de régularités
M* Anglade mécontent de ce procès v e rb a l, qui fut
rédigé sur place , et qu’il était obligé de signer, Voulut
y faire insérer une sorte de protestation contre le dépôt des
minutes qui, d isait-il, avaient été transportées à Lem pdes
83
les jou rs derniers, ce qui n’empêchait pas que Desm anèches
ne tint toujours étude ouverte à Cournon, etc?, etc. M. le
Procureur du Roi trouva sans doute que c’était assez de
l’assistance du sieur Anglade , sans que son procès verbal
fût encore soumis à son contrôle. Il refusa l’insertion ,
mais il joignit le brouillon de M* Anglade à son procès
verbal.
D ’ailleurs , cherchant toujours la vérité et la justice , il
s’en servit pour prendre de nouveaux renseignemens sur
ce fait même ; et quoique les fonctionnaires qu’il avait
consultés, lui inspirassent d’autant plus de confiance
qu’ils s’étaient exprim és avec beaucoup de fra n ch ise la
première fois , il s’adressa
d’autres personnes ; voulut
éclaircir le fond de ces allégations ; et après s’être bien
convaincu qu’il n’y avait ni fraude ni erreur, il donna
un nouvel avis à M. le Procureur-Général, le 18 mars j
�—
27
—
et l ’instruisit que de nouveaux renseignemens n’avaient
fait que confirmer ce f a i t : que le principal établissem ent,
létablissem ent notarial de M’ Desmanèches , était à
Lempdes.
Devant ce document irrécusable, et pour en éviter les
résultats après l ’avoir provoqué, le sieur Anglade a in
venté la plus pitoyable jonglerie: les étiquettes neuves, le
beau papier b la n c , la petite table, le tapis verd tout n e u f,
le petit encrier , etc. ; vrai compte d’en fan t, où le Procu
reur du R o i n ’aurait pas apperçu un bout d’oreille si long
et si visible, et aurait été dupe d’un nouveau Croque-Mi
taine, transportant à chaque instant, sous le plus petit obs
tacle, de Cournon à Lempdes , et de Lempdes à Cournon,
sans que personne le vo ye, trente mille minutes qui com
posent son étude, et les répertoires de cent huit ans ; et
trouvant le moyen de les ranger avec un ordre parfait
comme un habile prestidigitateur , dans un petit local hu
mide et obscur, de cinq pieds sur huit ou neuf, croyant
que personne ne l ’a vu. Nous ne répondons pas à de pa
reilles niaiseries ; si ce n’est en disant que nous avons pour
témoins: i°M . le Procureurdu llo i, son procès verbal et les
renseignemens sûrs qu’il a pris et fourni avant et après ;
2° le fait constant, que ce ch en il, qui a quinze pieds sur
n e u f, et une fenêtre de grandeur ordinaire, est l’étude où
le sieur Ducrohet a exercé pendant
ans le Notariat
avec honneur; et où, lui d’abord, et son successeur e n s u i t e ,
ont reçu chaque année un très-grand nombre d ’actes importans; que cette maison est celle où le sieur Ducrohet
■
■
et son épouse ont constamment tenu leur ménage et
(Hevé leur famille. E t certes , à côté de ces faits patens
33
4-
�—
28
—
et constatés, tout le inonde pensera que M e ‘ Desmanèclies n ’aurait pas à redouter l ’épreuve d ’une enquête.
A u reste, n’oublions pas de remarquer qu’en présence
de ces faits notoires et établis, le sieur Anglade x’edoutait
la décision ministérielle. Il redoubla d ’instances , poiir
que le Ministre ne prononçât pas sur sa propre demande,
et qu’il attendît le jugement des dommages-intérêts. C’est
ce qu’on voit dans les conclusions de ses Mémoires. Le Mi
nistre voulut bien encore obtempérer à cette demande,
par lettre du 6 octobre i
i. Ce n ’est donc pas le sieur
Desmanèclies qui eut un moment à se fé lic ite r de son
adresse ; car s’il se fût défendu contradictoirement, il eut
demandé que le Ministre vouhlt bien prononcer et lui ren
dre justice. O r, le résultat ne pouvait pas être douteux, sur
la question de savoir s’il avait ou non abandonné sa rési
83
dence.
Ici nous arrivons à un fait d’autant plus affligeant, qu’in
dépendamment des fâcheux débats auxquels il a donné
lie u , il sert de moyen à Me A n glade, pour organiser le plus
odieux système de calomnie.
Il avait sen ti, depuis long-temps , qu’il ne pouvait
pas lui suffire d’en imposer sur des faits matériels dont
la vérité se découvre toujours : que ces faits fussent-ils
vrais en partie , pour les temps antérieurs , ils se présen
teraient avec des caractères de bonne fo i, et se trouve
raient protégés par la loi et par la justice. ]1 lui fallut
donc inventer quelque moyen de noircir son adversaire ,
d ’imprimer il sa personne et à ses actions un caractère
odieux, qui répugnât à la justice, en même-temps qu’il
se présentait lui-même comme une victime innocente,
�29
—
—
immolée à la rapacité d’un ennemi puissant et audacieux.
Il crut en trouver l’occasion dans l ’affaire de LareineBoussel, et il n ’a pas craint de s’en emparer.
< M" Desmanèclies doit s’expliquer sur cette affaire , alors
qu’on s’en sert pour l ’attaquer avec tant de fiel et de per
fidie. Il commence par dire qu’il y a toujours été com
plètement étranger ; et il défie qui que ce soit au monde ,
de rapporter la plus petite preuve qu’il y ait pris la
moindre p a rt, et qu’il ait donné à Lareine ‘ou à qui
que ce so it, une lettre ou même un conseil à ce sujet.
On le connait assez, dans son canton et au Tribunal de
Clerm ont, pour savoir qu’il n ’est pas propre à devenir
un odieux m oteur, pas plus qu’un vil instrument de dé
nonciation. Obligé qu’il est de s’en défendre, il ne veut
accuser personne , ni rechercher des faits qui pourraient
accuser qui que ce soit. Il ne cherche pas à sonder ce
qu’il peut y avoir de vrai ou de faux , dans les démêlés
de M* Anglade et de Lareine-Boussel ; dans leurs rela
tions tantôt hostiles, tantôt amicales. Jean Lareine n ’a
jamais été son client ; il a toujours été celui de Me D oly
puis de Me A n glade, son successeur, et 011 croit qu’il l ’est
encore.
Lareine-Boussel se plaignait d’une obligation qu’on lu i
avait fait consentir devant M« Anglade , au profit du sieur
Chambon, son clerc, pour des frais d’actes de l ’étude de
M eD oly. Uprétendait: 1° Q u’il 11e devait rien; 20Q u’il n’a
vait jamais comparu devant M* Anglade pour consentir
cette obligation; o» Q ue le jour de sa date , il était resté
toute la journée ailleurs qu’à Cournon ; il était allé se
plaindre au Maire de Cournon.
�— 3o —
Ce Maire était le sieur Moulin , beau-frère de Desmanèches ; c’est une circonstance dont on tire parti. C’est à
regret que M* Desmanèches se voit obligé de dire que si le
sieur Moulin n’était pas bien avec M* Anglade , ce qui
peut être , il n ’était pas plus en harmonie avec son beaufrère.Ce n’est pas à M* Anglade, mais bien à Desmanèches,
que le sieur Moulin a enlevé la clientelle de la Mairie de
Cournon, qu’il avait eue sous tous les Maires précédens ,
pour la donner , non pas au Notaire de Cournon, mais à
M* D edreuil-Paulet , Notaire au Pont-du-Château. On
n ’exigera sans doute pas, que M* Desmanèches en dise da
vantage sur sa position personnelle envers un homme qui
luiappartientj d’aussi près.
Lorsque le Tribunal de Clermonteut prononcé le renvoi
devant la Chambre d’accusation, M" Anglade y fut soutenu
par le défenseur habile qu’il s’est ingénieusement attaché.
Il avait su persuader son avocat, e t , peut-être, soulever
son indignation contre les prétendus auteurs de la dénon
ciation j aussi, fit-il, dans l ’isolement de cette défense, qui
n’avait d’autre contradicteur que le Ministère p u b lic, un
ample usage des moyens que lui fournissait son clieut.
Dans une affaire de cette nature, où les nombreuses
obligations faites par M* A nglade, au nom du sieur Cham*b o n , son clerc, pour des frais dont il était personnelle
ment créancier, pouvaient, quoique simulées, être faites
de bonne foi, où une seule était attaquée, et où il s’agissait
tle faire figurer un officier ministériel sur les bancs de« A s
sises , le Ministère public pouvait et d e v a it, peut-être,
aller au-devant des moyens de la défense ; ce n ’est paslapre-
�— 3i —
mière fois qu’on l*a vu admettre parmi les témoins à charge,
des personnes indiquées par les prévenus.
Si M* Anglade ne s’en fût servi que pour se défendre,
personne ne saurait le blâmer ; mais l’indigne usage qu’il
en fait aujourd’h u i, va nous prouver que ce ne fut pas son
seul b u t, et qu’en homme habile et délié , il organisa un
plan qui devait accuser un homme honnête, sourde
ment et sans qu’il pût se défendre, et devenir, dans son
intention , une arme terrible dans les poursuites person
nelles qu’il avait dirigées contre lui.
Douze tém oins, fournis par M* A n glad e, furent enten
dus en la Cour. Les uns déposèrent de son honnêteté et de
l ’immoralité de Lareine-Boussel ; les autres, de quelques
faits particuliers. Quelques-uns dirent que Lareine s’était
vanté d’avoir une bonne lettre de Me Desmanèclies , ou
qu’il était conseillé par lui et le sieur Moulin j les autres ,
qu’on disait que Lareine n ’était pas seul am ener cette af
faire. Aucun d’eux ne déposa de faits qui lui fussent per
sonnels. L a Cour prononça le renvoi. Ici, nous devons nous
taire : il ne nous appartient de critiquer, ni la poursuite ,
ni la décision des premiers Juges, ni celle de la Chambre
d’accusation.
Nous ne nous permettrons pas davantage de censurer les
témoignages en ce qui concerne le personnel de M. Anglade
etdeLareine-Boussel,Nousn’avonsà nous occuper, quant
à M‘ Anglade, que de la cause actuelle ; e t , sous ce rapport
seul, nous nous permettrons de contester que ses actions
soient loyales etlionnêtes. Quant à Lareine-Boussel, lesiqur
Desmancclies ne veut pas plus l ’attaquer ,qu’il n’est /heu
reusement, chargé de le défendre.
�— 3a ~
Que lui im porterait, d ’ailleurs, que Lareine -Boussel,
pour se couvrir, se fût j acte d’avoir l ’appui de M* Desmanèches? ou, s’il ne-l’avaitpas dit, que des témoins, produits par
M* A n glade, eussent déposé le lui avoir ouï dire? Nous ne
voulons pas fouiller au fond de ces mystères ; mais nous
avons aujourd’hui le droit de dire , et nous le prouverons ,
que depuis long-temps , et malgré leurs scandaleuses dis
sentions , Anglade et Lareine-Boussel sont en parfaite in
telligence.
Toujours est-il, qu’après l ’arrêt de la Chambre d’accu
sation , M» Anglade et le sieur Chambon formèrent, contre
Lareine, une demande en doinmages-intérêts, pour cause
de dénonciation calomnieuse.
Sur cette demande, le Tribunal a prononcé contradic
toirement le o juin 1
; nous transcrivons le jugem ent,
et demeurons simples narrateurs :
« Attendu qu’il ne peut y avoir dénonciation calom
nieuse , qu’autant qu’elle aurait été dictée par le désir
de n u ire, et que les faits qui ont donné lieu à la pour
suite ne seraient nullement établis , ou ne le seraient
pas par la seule déclaration du dénonciateur ;
» Attendu que les plaignans ont reconnu en partie
l ’exactitude des faits avancés par le prévenu, et qu’ils lu i
3
332
ont même donn é toute satisfaction à cet é g a rd , en lui f a i
sant remise de la grosse de l'obligation , q u il disait n'a
voir poin t con sen tie, en lui donnant même m ain levée, de
l ’inscription prise sur lui ;
» Attendu que, si pour ces faits, Anglade et Chambon
ont été exposés à des poursuites criminelles, ils ne doi
vent point les imputer à la partie de Biauzat, dont le
�— 33 —
témoignage n ’a dicté en rien la décision des premiers
Juges, mais bien à ce que» des témoins entendus dans
une instruction uniquement dirigée par le ministère pu
blic, sont venus donner de la vraisemblance à ces faits;
- » Attendu que , si après un plus ample informé, A n
glade a été renvoyé des poursuites par la Chambre d’accu
sation ; c’est m oins, ainsi que le constate l’arrêt, parce
que les faits dénoncés par le prévenu, se sont trouvés
faux, que parce que les Juges d’appel ne leur ont , point
trouvé le caractère de gravité qu’y avaient vu les J uges
de première instance , et que des témoignages ont été
opposés à d’autres
» Attendu d’ailleurs, que la dénonciation était com
mandée par l’intérêt du prévenu, qui a obtenu ce qu’il dési
rait , d’où suit qu’elle n ’a point été faite dans le b u t , seul
coupable, de nuire aux plaignans ;
» Attendu dans tous les cas , que le prévenu est tou
jours demeuré étranger à la direction de l'instruction,
et n’a pu, par conséquent, exercer aucune influence sur la
décision prise, et qui ne l’aurait pas été sur sa seule dé
nonciation :
»Par ces motifs, le Tribunal renvoie le prévenu de la
plainte contre lui portée, et condamne les plaignans aux
dépens. »
On ne s’est pas plaint de ce jugement.
(j est après tout cela, que M* Anglade a cru devoir se ser
vir de cet homme , que des témoins, produits par lu i, ont
dépose être un mauvais sujet, un gueux^ ne payant jamais
et menaçant ses créanciers lorsqu’ils le pressent; un homme
�54
dangereux et capable de tout. Il a hésité,' dit-on, surle point
de savoir s’il le réserverait comme un des témoins de son
enquête à v e n ir, ou s’il s’en ferait un moyen préparatoire j
il a choisi ce dernier p arti, et sans doute , si l ’indignation
de quelques hommes honnêtes n’en avait porté la connais;sance à Mc Desmanèclies, on fût venu à l ’audience avec un
document d’un nouveau genre, dans l ’espoir de l ’étonner,
en le produisant subitement.
I c i, nous anticipons un peu sur la date des faits 5 mais
nous voulons en finir sur ce qui concerne l ’affaire Boussel.
Le 12 décembre dernier, Anglade se présente avec L areine-Boussel,chez unNotaire de Clerinont, et 011 y dresse
-un acte sous le prétexte d ’un' compte, nous ne savons
lequel. On raconte , à la manière de M* Anglade , tout ce
qui s’est passé dans son affaire avec Lareine ; puis on
ajoute que deux personnes, proches parentes, exerçant des
charges publiques, ont conseillé à Boussel de dénoncer
M° Anglade ; et Boussel déclare qu’il s’est empressé de le
faire, parce qu’on lui a fait espérer d’obtenir d’Anglade une
bonne somme d ’argent, etc. Nous 11e savons cela que par
relation ; cet acte 11’est pas au dossier de M* Anglade.
Assurément , le compte n ’était pas le véritable but.
Assurément encore, l ’indication de deux personnes , pro
ches parentes, exerçant des fonctions publiques , n ’était
pas de la façon de Jean Lareine. On hésita si on mettrait
les noms des sieurs Moulin et JJesmanèches; cette petite
linesse parut préférable j elle ressemblait à de la discrétion.
Toutefois, tout est remarquable dans cet acte:
i° Le Notaire: C’est M*Astaix, le patron de M* Anglade,
�celui de tous les Notaires qui devrait être le plus réserv é
quand il s’agit de dommages-intérêts j
a0 Les formes : M* Astaix , qui a fait le cadastre à Cournon, comme géomètre, et qui connaissait parfaitement
Lareine , croit devoir se le faire attester par trois témoins ,
deux de Cournon, et le sieur Perrier , huissier à Clermont;
° Les témoins : Qui sont ces deux liabitans de Cournon,
que Lareine piend pour l’attester? Précisément deux de
ceux qui , sur l ’indication de M* Anglade , ont déposé à la
Chambre d’accusation, que Lareine était unmauvais sujet,
et autres politesses de ce genre. Ce sont Pierre Coste et
Jacques Prononce, dont le dernier, surtout, est un des
membres les plus actifs de la police secrète, salariée ou
non , de M* Anglade , et d’un système d’espionnage dont
nous n’oublierons pas de parler ;
° Le mode! Après s’être fait certifier un lioinme qu’il
connaissait, par deux témoinsqu’ilconnaissait tout au plus
autant que lu i, M* Astaix croit nécessaire, au moins pru
dent, de se transporter avec tout ce cortège chez M* Eabre,
Son confrère , pour lui faire contresigner son acte. Cet acte
avait donc quelque chose de bien extraordinaire ? Il n’est
pas permis d ’en douter. Est-ce qu’on aurait fait tout ce
manège, s’il se fût tout bonnement agi d ’un compte entre
M Anglade et Lareine-Boussel?
Nous ne dirons rien de tous les incidens élevés en pre
mière instance pour obtenir la déclaration d’urgence.
Tout cela est étranger au sieur Desmanèches , qui n’avait
pas à se mêler de la police de l’audience, et q u i, pour son
compte, ne.refusait pas le combat. Remarquons, toutefois,
3
4
�— 36 —
que dans un-de ces jugemens, le Tribunal déclare qiû-ib
riy a pas de plainte nouvelle contre M° Desmanèches ; et
que la demande en dommages-intérêts demeure isolée de
tout intérêt public.
Nous arrivons directement au Jugement dont est appel.
Ici M* Anglade se jette encore dans les descriptions : les
images lui plaisent beaucoup plus que la réalité ; et aussi,
lui faut-il une peinture de l ’audience , de l ’effet que pro
duisirent sur le public les singulières conclusions de M 'D esmanèches, et sa plaidoirie, bien autrement remarquable. ...
Il osa bien aborder lesfa its et soutenir que sa résidence no
tariale était il Lempdes, devant un auditoire qui repoussait
toutes ses paroles comme mensongères, et manifestait la
plus profonde indignation. Nous ne répéterons pas ici ce
que dit M° A n glad e, aux pages o , i et
de son Mé
m oire ; mais ne voulant laisser aucun fait obscur avant de
discuter, nous allohs expliquer ceux-ci, en terminant cette
partie essentielle de la défense.
3 3
32
M* Conclion plaidait la cause de M* Desmanèches; il le
faisait avec des faits et non avec des phrases; avec des réa
lités et non des tableaux plus ou moins exacts. Il savait
qu’on peut étourdir le public avec des déclamations em
portées, mais que la vérité a son tour; il plaidait une cause
civile et parlait à des Magistrats, et il ne s’appcrçut pas de
cette indignation, de cette disposition des assistans , àaccabler son client du poids de leurs dépositions.
O u i, sans doute, M* Desmanèches osa aborder les faits!'
lût pourquoi pas? On se récrierait bien autrement, s’il s’é
tait retranché derrière des lins de non-recevoir.
�_ 37 'Voyons, au reste, de quel côté est l ’audace, en abordant
les faits.
Parmi ceux que Me Anglade affirme et offre de prou
ver , et sur lesquels nous nous sommes déjà expliqués
ci-dessus, nous lisons page, 6 :
« M* Desmanèclies se donne et reçoit constamment le
» titre de Notaire à Cournon , les lettres qui lui sont
» adressées, les extraits de ses impositions, les commis» sions qui lui sont données par le Préfet ou par le Tri» bunal de Clermont, les annonces publiques, s’accordent à
» le désigner comme Notaire à Cournon, à la résidence
» de Cournon, dans son étude à Cournon. »
E t d’abord, M° Anglade ne fournit aucun indice de
ces assertions , qui ne peuvent être prouvées que par écrit.
En second lieu, voyons les actes.
Toutes/es commissions du Tribunal, sans exception,
indiquent M* Desmanèclies, Notaire à Lempdes.
Les commissions pour les actes de la Mairie de Cour
non , sauf une seule, l ’indiquent comme Notaire à
Lempdes.
Les annonces publiques , affiches , journaux, etc. , sans
exception, le qualifient très-ostensiblement Notaire, à
Lem pdes, et elles n’indiquent jamais que son étude à
Lempdes, ou, s’il fallait faire l ’acte à Cournon, la mai
son de Desmanèclies , la M airie, etc. Nulle part , 011 11e
trouvera son étude ci Cournon, à la résidence de Cournon.
Les extraits de ses impositions, il les paye dans 4 commu
nes. D ’abord, Lem pdes, le Pont-du-Chàteau et Orcet.
Sur ces trois rôles , il est qualifié Notaire à Lempdes.
A Cournon seulement, on a conservé l ’ancienne indica-
�— 38 —
tion mise à la cote de son père, qui était en effet Notaire
à Cournon.
M* Anglade ajoute :
« Les employés de la Régie ont vu et vérifié les minu» tes à Cournon; c’est de ce lieu , qu’il adresse ses ac» tes au receveur du Pont-du-Cliâteau, qui lui renvoie ses
» minutes à Cournon. »
Voyons encore : Toutes les vérifications des agens de la Régie de l’En*
registrement, sont faites à Lempdes, e t , pour la plupart,
en portent la mention expresse. Elles y sont fréquentes
et répétées, surtout dans les derniers temps; quelques*unes remarquent l ’extrême régularité des répertoires, ce
qui prouve qu’on les examinait. Nulle part on ne trouvera
de réserve pour des surcharges, intercalations, etc.
L a déclaration du Juge-de-Paix, constate que les ins
pecteurs lui ont toujours dit avoir trouvé les minutes
et répertoires de Desmanêclies , à Lempdes.
Enfin , un certificat du receveur du Pont-du-Cliâteau,
constate qu’il ignore d’où lui viennent les minutes ; mais
quV/ les renvoie toujours à Lempdes, et que toute sa cor
respondance est à Lempdes.
Voilà comment M® Anglade a fait son pacte avec la
vérité! et il affirme! et il offre de prouver ! \~ t-il des
témoins tout prêts, qui soient plus dignes de foi que
ceux-là?
Il ajoute que: Desmanèches a reçu le dépôt des mi
nutes B oyer, ce q u il ne pouvait faire que comme N o
taire ¿1 Cournon.
C ’est de la mauvaise foi.
�-
39
~
Qtiand cela serait vrai, nous lui dirions
M* Y igeral, Notaire à 'Vertaison, a reçu les minutes de
M* Besse père, de Beauregard , qui devaient être dépo
sées à M* Moussât, seul Notaire à Beauregard.
M' Devoucoux, Notaire à Clermont, a reçu celles de
M* G irard, Notaire à A u bière, tandis que M* Taché
était Notaire à cette résidence.
M' Elaget, Notaire à B illom , a reçu les minutes de
M* Chalus, Notaire àM auzun , qui revenaient àM 'T éalier
son
successeur.
v•
E n fin , et négligeant une multitude d’exemples sem
blables, les minutes de M* Sauzet, Notaire à Lem pdes;
qui revenaient à M° Desmanèclies, ont été déposées chez
M* Beaufrère, au Pont-du-Château.
M a is, M° Anglade sait bien que Desmanèclies n’a
jamais eu ces minutes en son pouvoir. Ea famille Boyer,
indisposée contre D o ly , pria Desmanèclies d ’en accepter
le dépôt, ce à quoi il consentit, sans déplacement et sans
aucun intérêt personnel. Il 11e s’en est jamais chargé par
inventaire, et a seulement signé les expéditions pour le
compte des héritiers Boyer.
M* Anglade a réclamé ces minutes. Desmanèclies y
a consenti. Deux N otaires, M“ Beaufrère et Montéléon,
ont été commis pour faire l’inventaire et l ’estimation ,
M* Anglade les a refusées, parce qu’il ne voulait pas que
les héritiers Boyer fussent partie dans l ’inventaire et l ’acte
de dépôt. U11 procès verbal le constate. Cette exigence fort
déplacée, ne prouve qu’une chose ; c’est qu’il ne voulait
pas de ces minutes , et que son but unique, était de com
promettre son confrère , s’il avait pu y parvenir.
�—
4ô
—
M* Anglade poursuit les allégations.
M* Desmanèches, pour faciliter l’exploitation des deux
résidences, faisait recevoir les consentemens , pendant'son
absence, à Lempdes , par sa belle-mère ou le secrétaire de
la Mairie ; à Cournon, par la dame son épouse.
Ce serait ici un fait de fau x, puisque Desmanèclies
aurait fait des actes sans avoir vu les parties. O r , c’est
une indigne calomnie. Sa belle-mère est depuis plus de
vingt ans incapable d ’écrire ; et, ni Clavel, secrétaire à
Lempdes , ni son épouse , à Cournon , n’ont jamais pris
de consentemens pour lui. M* Desmanèches , qui rédige
toujours ses actes sur le champ et les écrit de sa m ain ,
n ’a jamais eu ni Clerc ni registre pour inscrire les consen
temens , comme on en voit dans plus d’une étude.
A in s i, sauf ce dernier fait , qui n ’est pas susceptible
d’une preuve écrite de la part de Desmanèches , puis
qu’elle serait négative, tous ceux allégués par Anglade ,
comme en ayant acquis la conviction et pouvant les
prouver, sont réduits , par des documens authentiques ,
à des allégations mensongères.
*
Et encore , pour ce dernier fa it, Anglade en fournitil le moindre indice? Non. Il n’en a pas besoin pour
accuser son confrère de faux matériels qu’il n ’a jamais
çoinmis. Il faut qu’on l’en croie sur parole.
Iléfuterons-nous ce que M' Anglade ajoute, pour cou
ronner scs véridiques assertions ? Desmanèches ne fait
que redoubler d’audace, et donner à ses manœuvres plus
d’activité) il s’est adjoint son fils ; aujourd'hui ils tien
nent ensemble étude ouverte à Cournon. Le fils écrit sous
�41 la dictée du père, et en l’absence de ce dernier, reçoit
les consentemens des parties.
Le sieur Desmanèches fils e s t, depuis trois ans , dans
la capitale , où il achève son droit ; il fait en inêmetemps son stage de Notariat, chez M* N o ë l, Notaire à
.Paris, où il tâche de mériter autre chose que les accu
sations de M* Anglade. Il y est troisième^ clerc, et fait
des actes autrement que sous la dictée de son père. Seule
ment , il a passé quelque temps dans sa fam ille, à l’époqueoù la capitale fut envahie par le Choléra. Y oilà com
ment ils se sont adjoints, pour tenir ensemble étude à
C-ournon. Nous serait-il permis de demander à qui il faut
imputer de l’audace et des paroles mensongères, propres
à exciter Vindignation?
Achevons. Pour montrer le dommage qu’il a éprouvé
de ces faits d’usurpation, que nous voyons n’être pas vrais,
M* Anglade dit avoir établi , par le rapport des réper
toires de Desmanèches :
« i° Que les actes de Cournon étaient deux fois, et
*
• n
souvent trois fois plus nombreux que ceux de Lempdes j
» que de 1814 à 1829 inclusivement, il a reçu 3,348
» actes pour Lempdes , et. 4i° 4% P ° u r Cournon. »
Quand ce calcul serait exact, ce 11e serait ni deux fois ,
ni trois fois plus , mais seulement le cinquième en sus 5
mais encore sur ce p oin t, M* Anglade a été infidèle.
Il
a lait un relevé des répertoires de Desmanèches,
article par article , et en a remis une copie à M. le Procureur-Général. l i a noté par numéros, à l’encre rouge,
les actes reçus pour Cournon, Ici 011 peut signaler plus
d’une erreur.
—
�—
42
—
> En i8i-4 , sur 91 actes qu’il indique pour Couruori,
12 ont été faits à Lem pdes, pour des liabitans de Lemp-*
des ; reste à 79 , sur lesquels il^y en a seulement 60 faits
pour des liabitans de Cournon : les autres appartiennent
à des communes étrangères.
5
5
Pour 181 , il indique 274 actes, sur lesquels 1 ap
partiennent à Lempdes : resterait à 279 , sur lesquels
encore, 168 , seulem ent, appartiennent aux habitans de
Cournon ; e t , encore, faut-il remarquer que quarante ont
été passés au domicile des parties ; et que 8 actes, pour
des liabitans de Cournon, ont été passés dans l’étude , à
Lempdes y ce qui prouve q u e , même alors, les gens de
Cournon allaient requérir le Notaire Desmanèches à
Lempdes.
Nous 11’avons pas vérifié les erreurs , en encre rouge,
commises par A n glad e, sur chacune des autres années.
Ces indications nous suffisent, surtout pour les temps an
térieurs à l’exercice d’Auglade et à la délibération judi
ciaire du i mai i o ;m a is nous pouvons ajouter que,
dans l’ensemble des années 1814 à 1829 , il n’a été reçu ,
pour deshabitansde Cournon, que ,049 actes et non 4,084 J
encore y faut-il comprendre tous ceux passés au domicile
des parties, en l’étude à Lempdes , et ceux faits par suite
de commission du Tribunal et de l’Adm inistration, tout
q u o i, certainem ent, est à l’abri de tout reproche.
3
83
5
C ’est pourtant avec ces élémens irréguliers et ces chiffres
inexacts, que M« Anglade prétend obtenir l ’assentiment
de la Justice et de l’Administration.*
» a0 D it - il, le nombre d’actes reçus par Desmanèches,
�» pour la résidence de Cournon, augmentait chaque année
» dans une proportion telle qu’on s’assurait, par l ’examen
»» des Hépertoires, que ces actes qui, en 18145 étaient au
» nombre de 91 , s’élevaient, en 1828, à
-»
Il faut donc croire cette augmentation annuelle, cette
proportion successive, qui a commencée par presque rien ,
puisque le sieur Anglade l ’affirme et qu’il peut la prouver
par les répertoires.
- Eli bien! ouvrons-les, et nous verrons encore que cela
n ’est pas vrai ; prenons même le chiffre tel qu’il est posé
par A n glade, quoiqu’il soit inexact.
E n 1814 5 91 j en 1828 , 364.
Mais , d’abord, en 1814 7 le répertoire commence au
¿21 août. Il n’a duré que quatre mois dix jours. Voilà pour
quoi le chiffre s’arrête à 91 , ce qui eut fait dès le d ébu t,
l 5y pour l’année entière.
Eu i j , toujours d’après M* Anglade, le répertoire
monte à 274 j en 1816, 289 ; puis il retombe jusqu’à 210 ;
remonte, en 1826 , à 347 ; retombe à 244 ct vient à
*
l l n ’y a d’autre variation que celles des années plus ou moins
bonnes, du plus haut prix du vin , et des baux de fermes
partiels des grandes propriétés; encore, nous le répétons ,
ces données sont celles du sieur Anglade ; nous prenons
son tableau et ses chiffres rouges.
M* Anglade fait ensuite un tableau particulier pour les
deux années i o et 1 1 ; nous devons l ’imiter: lisons-le
à la page o. Il dit en résumé : qu’en 1 o Desmanèchesa
reçu
actes pour Cournon, et 271 pour Lempdes , en
tout
j et en 1 1,4 5 4 , dont z o 5 pour Lempdes, et 249
pour Cournon. Voyons si cela est vrai.
364
85
364
253
524
3
83
83
83
83
6.
�Ici, un fait est fort remarquable. Tout ce qu’on a dit cidessus s’applique aux temps antérieurs à la décision du
Tribunal ; et la question de fa it , que M* Anglade cherche
A fixer ici 5 est q u e, depuis cette décision , M* Desmanèclies
n ’a fait qu’accroître d ’audace à raison de sa résidence à
Cournon.
.
,■
■
■
O r, il va prouver que depuis la décision de i o, lors
qu’il a transporté à Lempdes,non ses minutes personnelles
qui y étaient toujours déposées, ni celles de M* D ucrohet et de ses prédécesseurs, mais seulement celles de son
père ; c’est à Lem pdes, où était fixée tout à fait sa résidence
notariale , que cette confiance l ’a suivi.
-,
Sur les
actes notés pour Cournon, en 1800, 220 seu
lement concernent les habitans de cette commune. Ontils été reçus dans la prétendue résidence de Cournon?
Yoyons :
,, , , • j
-. .
^
y 5 Ont été reçus au domicile des parties.
1
Dans l’étude du N otaire, à Lempdes.
87 Dans la maison de Desmanèclies, î\ Cournon.
Yoyons 1 1. L à , dit encore A n glad e, l ’audace a aug
menté : 454 actes, dont
pour Cournon. On n ’avait pas
les mêmes craintes qu’en i o , et on revenait davantage
la résidence de Cournon. Yoyons si ce 11e sera pas tout le
contraire.
, •. •
u .
Sur ces 249 actes ,
seulement appartiennent aux
habitans de Cournon. Où sont-ils passés? : :
. ! ,
87 Au domicile, des parties.
111 En l'étude, 11 Lempdes.
37 Maison Desmanèclies , à Cournon.
¡<
A in si, au lieu d ’accroître, l’audace diminuait : 37 actes
I
^
255
58
83
^49
235
83
83
♦
�— 45 —
seulement dans la maison de Desmanèches; mais i 11 pour
Cournon, passés dans son étude, à Lempdes— 8y au do
micile des parties! Assurément, il y avait réquisition de se
transporter pour ces derniers. Ne fa u t-il pas encore que ,
dans la plupart de ces actes, on ait omis de le dire? E t
n’e s t - t - i l pas démontré que, lorsque Desmanèches ne
peut ou ne veut pas aller à Cournon, on vient contracter
à Lempdes?
E t remarquons que ceux passés dans sa maison, sont
toujours des actes minimes; et que tous ceux qui exigent
des discussions ou des travaux préparatoires, sont passés
dans l’étude ou au domicile des parties.
Il est donc bien avéré , que M* Desmanèches s’était
renfermé dans sa résidence ; qu’on venait également l ’y
chercher de Cournon , qu’il n ’avait pas besoin de ma
nœuvres et d’une résidence frauduleuso, pour attirer Ja
confiance , et qu’il lui suffisait de ne pas la repous
ser , comme il l’a déclaré dès le principe. Il est avéré ,
que les Vérificateurs et l’inspecteur de la llé g ie , avaient
vu c la ir, que le Procureur du llo i n ’avait pas vu trou
ble , et que M* Anglade en impose sur les choses les
mieux démontrées, avec ces offres de preuve , que tout
déconsidère et déconcerte dès à présent.
Après avoir ainsi complété les faits , il ne nous reste
qu’à discuter les moyens de la cause. L a Cour c o n n a î t
le jugement dont est appel ; nous n’avons pas besoin d’y
revenir.
�DISCUSSION.
Après avoir tiré de son exposé trois propositions qu’il
dit évidentes, M 'Anglade a senti que, même en les sup
posant, son système allait s’écrouler, s’il le réduisait à ce
qui constitue isolément sa demande en dommages - inté
rêts. Il avait trop de perspicacité , pour ne pas apercevoir
qu’il lui était impossible d’agir contxe un de ses confrères,
parce qu’il recevrait des actes dans sa résidence, en quel
que nombre que ce fût. H a donc fallu faire un amal
game, de la question de résidence, et de celle en dommages-intérêts; et alors qu’il voyait la première dispa
raître devant les faits matériels , et la conviction des
fonctionnaires publics, et qu’il ne pouvait rien espérer
de la seconde, en la laissant isolée; il fallait tâcher de
les soutenir l ’une par l ’autre, et de leur donner par l’en
semble, une consistance apparente , que chacune d’elles ,
ne peut avoir séparément.
Encore , pour tirer parti de ce système , a-t-il senti le
besoin de poser comme une base nécessaire, que le titre
de Notaire et sa résidence , sont pour lui une propriété
privée-
Et , enfin , rencontrant toujours un obstacle dans la
lo i, qui autorise Desmanèclies à exercer dans tout le can
ton , et ne permet pas de considérer comme susceptibles
de blâme , des actes couverts de son autorisation^ il lui
a fallu supposer une intention malveillante , et affirmer
que ces actes constituent des méfaits, ayant le caractère
de quasi-délit.
�47
—
—
- Voilà ce système qu’il a péniblement édifié. II ne nous
faudra pas d’efforts pour le détruire. Nous n’avons pas
reculé devant les explications de fait; mais les moyens
de droit sont aüssi de notre domaine.
Posons d’abord quelques principes :
A vant la loi du 6 octobre 1791 , un Notaire pouvait
instrumenter partout, et aucune question d’intérêt privé
ne pouvait s’élever à raison de l’exercice , malgré que
chacun fût propriétaire de son titre’, par suite de la vé
nalité.
L a loi de 1791 apporta des cliangemens notables à cette
institution.
Par les art. 8 et 10, elle décida le placement des N o
taires dans des lieux déterminés, et déclara qu’ils seraient
tenus d’y résider.
Quel fut le but de cette législation nouvelle? Put-il de
ménager l’intérêt respectif de chaque N otaire, et de dé
fendre à chacun d’eux d ’exercer dans la résidence de son
voisin? Non , évidemment. L ’intérêt public était le seid
mobile du législateur; il voyait que les populations avaient
besoin de trouver, au milieu d’elles, le ministre de leurs
transactions, et il exigea des résidences; m ais, en mêmetemps , il sentait qu’il 11e fallait pas en faire, pour chacun
d’eux, un sujet de monopole et d’exaction; e t, e n consé
quence , il écrivit dans l ’art. 11 :
«Ils 11e pourront exercor leurs fonctions hors des limites
» des départemens dans lesquels ils se trouveront placés;
» mais tous ceux du même département exerceront, con» curemment entre eux dans toute son étendue. »
A in si, la résidence était tout à fait, dans l’intérêt pu
¡cl
�=r 48 blic ; elle ne portait aucun obstacle à Vexercice avec concurrence dans tout le département. Ce principe devait',
d’ailleurs, se combiner avec la possibilité que le Notaire
fût appelé assez habituellement dans d’autres lieux, pour
faire des absences fréquentes.
L a loi du
ventôse an n a adopté ce système, tout en
y portant quelques modifications de détail.
L ’art. a conservé le principe des résidences , et a ré
servé au gouvernement, le droit de les fixer.
L ’art. , en divisant les Notaires par classes , a limité
Je territoire dans lequel ils exercent leurs fonctions.
A in si, comme la loi de 1791 , elle a admis cette grande
distinction entre l’obligation de résider et le droit d’exercer.
Tout cela prouve que l ’obligation de'résider est tout à
fait indépendante des droits et des intérêt? particuliers tle
çliaque Notaire, quant à la réception des actes.
Ce n ’est pas que la loi ait voulu abandonner le fait de ré
sidence à la volonté illimitée de chacun ; elle 11e voulait ni
ne pouvait autoriser les abus de Notaire à Notaire, mais
elle ne devait pas, non plus, ouvrir, pour cela, des actions
individuelles, toujours fâcheuses. L a surveillance de ces
sortes d’abus était toute d’administration ; et aussi, ne
voulant pas s’en dessaisir, ni même la confier aux T ribu
naux , quoique le Ministère public veillât à côté d’eux;
l’art. 4 , qui autorise à considérer les contrevenanscomme
démissionnaires, ajoute : « E n conséquence, le Ministre de
v la Justice, après avoir pris Favis du Tribunal, pourra
» proposer au Gouvernement le remplacement. »
A in s i, la loi a pourvu «\ tout ; niais elle n’a rien aban
donné aux individus, ni même aux tribunaux ordinaires ,
25
4
5
�de cette police administrative, qui demeure comxntrje
dans la main du Gouvernement, pour en user comme il le
trouvera convenable. C’est lui, et lui seul, qui fixe les rési
dences , qui les augmente ou les diminue dans le cercle
tracé par la lo i, suivant qu’il le juge nécessaire à l ’intérêt
public, qui demeure aussi seul juge des infractions et de
l ’application de l’art. 4? sans que cela ait rien de commun
ni avec les actions de l ’intérêt p rivé, ni même avec les
mesures de discipline, que l ’art.
confie aux Tribunaux
pour tous les autres cas.
E t aussi, toutes les décisions judiciaires ou adminis
tratives ont consacré ce principe de la loi. Nous nous bor
nerons à en indiquer quelques - unes : 1° U n arrêt de la
Cour de N îm es, du 20 décembre 1825 , qui refuse au M i
nistère public, lui-même , le droit de requérir du Tribunal
la suspension d’un Notaire traduit pour avoir usurpé la ré
sidence de son voisin. L a Cour décide que ce fait 11e peut
même pas donner lieu à une mesure de discipline ; que le
Notaire ne peut être atteint que par Vart.
qui n’appartient
qu’au Gouvernement. Le pourvoi, contre cet arrêt, a été
rejeté le 21 février 1827.
U11 arrêt de T u rin , du 9 janvier 1810 , a jugé de
même.
20U n arrêt de la Cour de Poitiers, du 29 mars 1828,
confirm ali (‘d’un jugement du tribunal de Saintes, qui re
jette un réquisitoire du Procureur du l l o i , présenté pour
un lait semblable , sur une lettre du Garde-des-Sceaux.
Le Iribuual ne repousse pas, pour cela, l’autorité de l’ar
ticle 4; il reiuse seulement, au Procureur du R o i, le droit
de s’en servir pour requérir une peine de discipline, parce
53
7
�— 5o —
53
qu’il n’a rien de commun avec l ’article
; mais reconnais
sant , dans le Garde-des-Sceaux , le droit de poursuivre le
Notaire, en prenant l’avis du Tribunal, par l ’intermédiaire
du Procureur du llo i, il donne acte de la remise de Jalettre,
et déclare qu’il donnera son avis , après avoir formé sa
conviction sur le fait.
L ’arrêt de la Cour de cassation , du 2 février 1829, qui
rejette le pourvoi, est plus formel encore. La Cour de Poi
tiers , d it-il, s’est conformée à la lo i, parce que c’est au
Ministre de la Justice seul, qu’il appartient de veiller à ce
que chaque Notaire habite sa résidence ; que cette surveil
lance est un acte d’administration , d’autant plus que le
Ministre p eu t, dans l’intérêt public, autoriser ou tolérer un
changement momentané de résidence ; qu’enfin , l’art. 4
exclut nécesss aireme nt l'emploi desformes relatives à l’exer
cice de lajuridictioncontentieuse, et n admet que la voix con
4
sultative , etc.
° Une Ordonnance rendue au Conseil d’Etat , le
28 août 1832, qui rejette le pourvoi d’un Notaire, contre
une décision du Ministre, qui avait appliqué l’art 4, parce
que c’est au Gouvernement seul, qu’il appartient de statuer
sur ce qui est relatifaux résidences.
C’est un point de départ fort remarquable, que celui-là :
L ’emploi de l’art. 4 n’appartient point à la juridiction contentieuse. Si donc, ce moyen ne peut être saisi directement
par le Ministère public, pour requérir les Tribunaux, il
peut encore moins être livré aux individus, dans leur inté
rêt privé.
résulte de là ; que le cas prévu et le moyen admis par
l ’article j iic sont pas dans le domaine des Tribunaux.
3
11
4
�— 5i —
Nous ajoutons qu’il ne peut jamais devenir Te principe
d’une action particulière en dommages-intérêts. Comment
ne pas le reconnaître? Il ne s’occupe que de la résidence.
L e droit de passer des actes là où est le droit d’exercer,
est renfermé dans l’art. 5. O r, il est bien évident que le
fa it de la résidence, détaclié du droit d’exercer, ne peut
être productif d’aucun dommage. Loin d’en éprouver de
ce que Desmanèclies laisserait à Cournon sa femme et
son ménage , et de ce qu’il viendrait y résider lui-même,
en abandonnant son étude à Lempdes , Anglade y trou
verait, au contraire, l ’avantage de faire les actes de sa
propre résidence , et d’aller faire ceux des liabitans de
Lempdes ; et ce serait pour lui un droit et une obligation.
Si nous avions, d’ailleurs, à examiner à quelle sorte de
position s’applique l ’art. ? un mot nous suffirait. M* A n
glade a , dans ses pièces, une ordonnance qui caractérise
très-bien la volonté du Législateur: U n sieur lîoucliet avait
été nommé Notaire à la résidence de St Maurice , canton
de Pionsat; il ne fit aucun usage de son titre, et quatre
ans s’étaient écoulés sans qu’il se fût mis en mesure d’oc
cuper sa résidence , malgré plusieurs injonctions. L a po
pulation se plaignait ; un autre Notaire de l’arrondissement
se présenta pour occuper la résidence, et elle lui fut ac
cordée par une ordonnance du llo i, qui déclara Mc lîoucliet
démissionnaire. On conçoit parfaitement cette décision ;
mais aurait on pu la rendre, si lîoucliet eût prêté serinent
et passés tous les actes de sa résidence? Quelle application
peut donc avoir un semblable fa it, à la cause?
Les poursuites de Me Anglade ont c o m m e n c é en i o.
Seize ans s’étaient écoulés pendant lesquels Desmanèclies
4
83
1'
�— 52
avait reçu tous les actes des habitans de sa résidence; il avait
été leur Al aire, leur patron, le conciliateur de leurs diffé
rons, et on auraitpule déclarer démissionnaire, pour l’avoir
abandonnée !
E t quand bien même sa résidence n ’aurait pas été ab
solue jusque-là, que les minutes de son père n’auraient pas
toutes été dans son étude , on pourrait le remplacer comme
démissionnaire , alors que toute l ’instruction, les vérifica
tions successives de la llé g ie , les procès verbaux d eM . le
Procureur du R o i, les informations qu’il a prises et qu’il
a transmises à l ’autorité supérieure, constatent que sa rési
dence notariale est complètement à Lempdes! E t tandis
que ses minutes font foi qu’il passe , dans son étude, tous
les actes de sa résidence , et un grand nombre d ’actes pour
les habitans de Cournon ; et que , d’ailleurs , le redresse
ment des infractions à l ’obligation de résidence, est ré
servé au gouvernement se u l, 011 voudrait que la Cour or
donnât des enquêtes, contre cet te masse de vérités patentes,
établies par des données authentiques et des actes qui font
foi! Quelle rêverie !
A in s i, n’en déplaise à M* Anglade, il faut qu’il cherche
ailleurs le soutien de sa demande, et qu’il se réfugie dans
l ’art i 382 du Code civil.
Mais comment y trouverai t-il un moyen pour lui?
Pour qu’un fait puisse devenir un principe de doinmages-intérêts, il faut une double condition:
i° Que ce soit un fait non autorisé par la loi;
20 Q u’il ait produit un préjudice appréciable.
O r, ici, où le préjudice 110 peut naître que des actes
passés par Desmanèches, pour les habitans de Cournon,
�53 —
comment lé reconnaître, alors même que le fait ne serait
pas permis? Il faudrait qu’on pût décider qu’au défaut de
Desmanèclies, les parties se fussent adressées à M° A n
glade. Or, dirait-il, lui-même, que ces actes fussent allés
grossir son répertoire? Les minutes de Desmanèclies, qui
constatent que les parties sont allées les passer à Lempdes ,
ne prouvent-elles pas le contraire?
Ic i, nous pouvons prendre un exemple :
I ln ’y a pas de règlemens plus sévères,que ceux de la phar
macie. L ’intérêt public exigeait, et la loi a voulu que les
préparations pharmaceutiques, et la vente des remèdes ,
fût interdite à tout autre qu’aux pharmaciens brévetés,
sous despeines correctionnelles. E n divers lie u x , des phar
maciens ont dénoncé des ventes illicites , nombreuses ,
habituelles, dans des officines ouvertes, et saisi directement
les Tribunaux de police correctionnelle. Ils ont été décla
rés non recevables, parce que , d’une p a rt, la prohibition
avait été portée uniquement dans l’intérêt public, et que
de l’autre, rien ne pouvant permettre de juger que les
acheteurs fussent allés prendre leurs remèdes dans la phar
macie du plaignant, il n’y avait pas de dommage appré
ciable. L a Cour, elle-même, a admis cette doctrine par un
arrêt de 1 1.
83
Et cependant, il s’agissait d’un fait punissable, d’un
délit qui ne pouvait exister sans donner ouverture à un
moyen de repression.
Et on voudrait} qu’un fait autorisé par la lo i, donnât
ouverture à des actions individuelles ! A-t-on réfléchi
aux conséquences graves qui en résulteraient, dans l’or
dre moral de la société?
�-
54
- -
E videm m ent, l ’action ne serait pas ouverte pour la
passation d’un acte, ou de plusieurs ; ce serait donc pour
un grand nombre , et pour quelques circonstances ; mais
comment les fixer?
E t si le titulaire jugeait convenable de s’absenter
souvent , et que des actes nombreux se présentassent ;
s’il mettait à un haut prix, son talent et son patronage ;
s’il lui plaisait de rançonner les liabitans ; s’il était mal
habile ou peu scrupuleux , ( nous n’appliquons pas ces
suppositions , nous raisonnons ) il serait interdit aux
babitans, d’appeler un Notaire de confiance, et il pour
rait devenir dangereux à ce Notaire d’y répondre, parce
que cela se répéterait beaucoup , parce qu’il pourrait,
être, plus ou moins souvent, obligé à quelque séjour, parce
qu’on.profiterait de sa présence, pour lui en faire passer
un plus grand nombre! Il suffirait donc à un Notaire,
d ’abuser de sa position, pour exposer ses confrères à des
poursuites et à des investigations de toute espèce ; et ce
lui qui ne voudrait rien faire, pour attirer les cliens ,
par la confiance, tirerait de la loi des moyens détour
nés, pour chasser ses confrères de sa résidence , en
créant des difficultés, des obstacles, en les abreuvant de
dégoûts , et en les menaçant de demandes, en dommages»
intérêts ! Espérons que l’intérêt public ne deviendra
pas, a in si, l’esclave de l ’intérêt privé; que le Notariat 110
sera pas, jusque-là , ravalé par une fausse entente des
lois; ou bien, cette profession si noble et si importante,
11e conviendrait plus aux hommes honnêtes.
Nous n’avons pas besoin de sortir de la cause, pour
chercher un exemple: U y a long-tçmps que M* Anghulo
�— 55 —
a organisé autour de la maison D e sm a n è ch e sle plus
vil espionnage. Quelques hommes , parmi lesquels se
trouve toujours u n , au moins, des témoins qu’il a pro
duits à la Chambre d’accusation, et qui l ’ont certifié au
prétendu compte de Lareine-Jioussel , chez Me A staix,
exercent l ’inquisition la plus odieuse , sur tout ce qui
entre ou sort ; souvent on pénètre dans la m aison, sous
quelque prétexte. Encore , si c’était pour voir et dire la vé
rité ! Il n’est pas jusqu’à Lareine-Boussel, qui n’ait été en
voyé chez Mc Desmanèches, un jour qu’il était à Coufnon; pour lui proposer de passer un acte. L a maison et
l ’étude de Lempdes ne sont pas non plus exempts de ces
investigations odieuses. Voilà pourquoi on veut des en
quêtes, et comment on se fait des témoins. Serait-ce là ,
le but moral de la loi , quand elle parle de résidence et
d’exercice de la profession?
Et aussi, tous les exemples de jurisprudence, ont rejetté l’action en dommages-intérêts. Ceux que nous avons
cités, ne s’appuyent pas seulement sur l ’incompétence
des Tribunaux , mais encore sur le droit donné par la
lo i, à chaque N otaire, d’instrumenter hors de sa résidence.
L ’arrêt de Nîm es, en rejettant la demande, recon
naît la fréquence des voyages, et le grand nombre d’actes
que faisait le Notaire Guérin a Chômérac, résidence voi
sine, et que M. le Procureur du llo i l’accusait de faire,
sans y être appelé.
L a Cour de Cassation , en rejettant le pourvoi, va plus
loin. Elle se fonde sur ce (pie : « L ’on n’iinjmie au No» taire Guérin aucune malversation , et que la fréquence
» de ses voyages à Chomérac, peut être expliquée par la
�— 56 —
»
»
»
»
»
grande confiance dont il paraît jouir dans le canton
dont cette commune est le chef-lieu , et que l’on ne
pourrait en faire la base d’une peine disciplinaire, sans
craindre de porter atteinte au droit qu'il a d'instrumenter dans cette commune. »
Y a-t-il au monde quelque chose de plus clair , de
plus logique ? et surtout, de plus directement applicable
à Desmanèches?
Dira-t-on qu’il était reconnu que Guérin avait à Privas
sa résidence , son dom icile, et le dépôt de ses minutes?
Mais cela est vrai pour Desmanèches , depuis 18 14 , et
plus spécialement depuis 1 o ; et si on pouvait le con
tester , encore une fois , le Ministre seul aurait droit
d ’investisation
,f et de le faire rentrer dans sa résidence.
O
Dans une autre espèce, où un Notaire se rendait ha
bituellement les jeudis et les dimanches, de sa résidence
au chef-lieu du canton, pour y recevoir des actes} le
Ministère public l’avait poursuivi. Le Tribunal Civil
de Dreux rejetta l’açtion , en copiant le motif de la Cour
de Cassation, que nous venons de transcrire j et le 14
mai i
, arrêt de Paris, qui confirme.
Le Tribunal de Clermont n’a donc fait que se con
former aux principes , en déclarant l ’action 11011-recevable.
C ’est ici que M e Anglade réunit tous ses efforts, et
s’écrie : Comment serait-il possible que je fusse réduit
à. perdre ma profession, par une fin de non-recevoir?
X^ut-on séparer mes moyens, et les annihiler en les met
tant à nud , par cette barbare dislocation? Réunissons
çes trois propositions ;
83
832
�— 5; —
I® Mon office de Notaire est ma propriété.
2° Ma résidence fait partie de mon office ; elle est
donc ma propriété, et j’ai une action contre M* Desmanèches-, qui usurpe ma résidence ;
° Les faits que je lui impute présentent les caractères
de quasi-délit, de fraude, de méfaits.
Donc, j ’ai une action civile en réparation , qu’on ne
peut me refuser.
Ges propositions seraient vraies, que nous n’admet
trions pas la conséquence ;
Mais- elles ne sont pas vraies.
A vant de livrer à la Cour quelques réflexions là-desSus , n’omettons pas d’observer que M’ Anglade luimême a senti le besoin de ces deux moyens extrêmes :
Propriété privée de son titre, et usurpation frauduleuse
par des méfaits. Il s’est donc engagé à prouver tout cela.
O r , à cAté de ses assertions inexactes , seule ressource
dans laquelle il se réfugie , nous allons prouver le con
traire , avec les simples armes de la vérité.
On nous ferait rétrogader d’un demi-siècle , que nous
n ’arriverions qu’au temps où , trouvant établi ce système
de propriété des offices , le législateur s’occupa de le
détruire. Alors qu’on jugeait convenable d’abolir tous
les privilèges, le gouvernement ne pouvait pas admett re
qu’une portion quelconque de la puissance publique pût
appartenir, de droit, à de simples individus.
Jusque-là, on transmettait, comme une propriété ordi
naire , les charges de judicature, les offices des greffiers ,
notaires et autres; le Gouvernement n’avait qu’à donner
son adhésion, pour attacher àla transmission individuelle
3
8
�un caractère public; el aussi, la nécessité de définir cette
sorte de propriété, avait fait considérer les offices comme
des immeubles fictifs , susceptibles d’hypothèque. Aujourd’hui même, considéré comme propriété, le titre ne
pourrait échapper à l ’action du créancier, et à une saisie,
soit m obilière, soit immobilière; il se transmettrait avec
l ’hérédité! Oserait-on le prétendre?
L e Gouvernement ne donne plus une simple adhésion à
la transmission individuelle d’un titre ; il nomme qui il
v e u t, et comme il veut; il donne le titre, et il le révoque
quand il le juge convenable; lui seul en est le juge.
L ’art.
de Ia
est seul qui parle des résidences; si
on pouvait en induire que lobligation de résider est un
droit de propriété, comment y trouverait-on cette idée dis
parate, que celui-là sera considéré comme démissionnaire,
qui n ’aura pas ju¿é convenable d’user de sa propriété? Et
comment M e Anglade aurait-il osé , sous ce singulier pré
texte, dem ander, avec instance , la révocation de M1' Desmanèches.
A u reste, jusqu’à la loi de 18 16 , personne n’a douté de
cette vérité, que le titre conféré par le Gouvernement n ’est
pas une propriété. Cette loi a-t-elle changé le principe?
L’art, pi donne seulement aux titulaires, 011 à leurs
héritiers, la faculté de présenter un successeur, mais non
de le nommer ni de vendre le titre. Il en est résulté, il est
vrai, des transactions, moyennant un prix; mais cette cir
constance, purement accidentelle , 11e change rien à la
question , car il faut toujours la nomination du Souverain,
qui peut, 11011 seulement la refuser, mais encore, nommer
toute autre personne que celle qu’on lui présente, eût-elle
4
�//•X ;
b9
—
—
traité, moyennant un prix. En ce cas, et à moins que le
Gouvernement n’en ait imposé la condition, le nouveau
titulaire ne doit aucune indemnité, fut-il un des héritiers
du défunt.
• A u reste, la loi de x8 16 , porte avec avec elle-même ,
son antidote.
L a faculté de présenter un successeur, n’aura pas lieu
pour les Notaires destitués— Elle ne déroge point au droit
de S. M. de réduire les fonctionnaires.
Me Anglade veut que cela ne s’applique qu’aux cas d’une
réduction non encore opérée. C’est une erreur j car , si
après avoir fixé le nombre et les résidences des Notaires ,
le Gouvernement pensait devoir l ’étendre ou le réduire
davantage encore , il en aurait la faculté.
L a loi du 2.5 ventôse an n , ne lui laisse-t-elle pas, en
l’art. i , le droit de placer deux Notaires dans une rési
dence où il n’y en avait qu’un? D ’en établir jusquàcinq
dans un canton où le nombre aurait été d’abord réduit à
deux ou à trois? N ’est-il pas arbitre souverain du besoin
des populations? A -t-il, en cela, d’autre règle que l ’inté
rêt public? Comment donc les résidences seraient-elles
une propriété privée?
3
Nous n’aurions pas besoin de relever cette singulière as
sertion du Mémoire, (p.
, 37) que la vénalité ne s’ap
pliquait qu’aux offices de judicature , et que lorsque des
( réclamations s’élevaient contre la vénalité...... Aucun bon
esprit n’essaya d’étendre la prohibition aux éludes de N o
taires , etc. Pour se laire tine juste idée de la faciliié de
JMr Anglade à afiirmçr tout ce qu’il désire, même contre
36
8,
l
�—
60
—
l’évidence, il noussuffit de'transcrire l ’art. 1" délla lo i du
ay septembre 1791.
La vénalité et l’hérédité>des Offices-royaux de Notaires,
« Tabellions, etc. , sont abolies. »
Apparemment que cette loi n ’avait pas un\bon esprit,
qu’elle n ’avait pas été provoquée et adoptée 'par ¿e bons
.esprits, et que ceux-ci avaient gardé le silence/O r, la -vé
nalité et l’hérédité du Notariat n ’ont pas été rétablies, et
nous pensons bien que les bons esprits de i
ne les récla
meront pas.
Ainsi disparaît 'cette base fantastique de l’édifice <le
M* Anglade.
Mais quand on siipposerait son principe v r a i, les con
séquences n’en seraient pas plus admissibles.
i° Parce que les infractions à la résidence , seraient
du seul ressort du Gouvernement; que M* Anglade a ,
'sous ce rapport, épuisé son droit, par sa dénonciation,
et qu’il 11e pouvait y trouver le principe d’une action
833
privée.
20 Parce que tous les faits antérieurs à 1828 , sont étran
gers à l’intérêt personnel d’Anglade.
° Parce que, pour le temps antérieur à 1 o, la situa
tion de M,f Desmanèches a été fixée par la délibération
du i mai.
° Pa rce qu’il est constaté par les documens les plus
■authentiques, que depuis cette délibération, au moins ,
Pesmanèches a sa résidence Notariale à Lempdes.
M ais, dit-011, il a encore sa femme et un ménage à
Cournon.
Cela est vrai ; mais d’abord , il a aussi son ménage et sa
5
4
83
3
�belle-mère àXem pdes; le ménagé de Lempiles est le sien;
sa femme est fille unique, et sa belle-mère est octogénaire
et dans un état complet d’infirmité; sa mère réclame d’ail
leurs, àCournoti, les soins de son épouse ; et enfin , ni l ’un
ni l’autre des deux ménages, ne sont le Notariat.
E st-il, d’ailleurs, le seul officier public, le seul fonetionnaire, qui laisse son épouse à la tête d’une exploita
tion considérable, pour se réserver ailleurs , aux devoirs
et aux affaires de son état ?
A u reste , une raison fort sensible ; que M* Desmanèclies a toujours déclarée comme un fait qui devait tout
finir et lever tous les obstacles entre M c Anglade et lu i,
s’opposait à ce qu’il supprimât son ménage de Couruon.
Son fils est en âge et en état de le rem placer, il espère qu’il
en sera trouvé digne. Le projet d’abandonner tout-à-fait
le Notariat et le soin des propriétés de Lem pdcs, et de
se retirer à Cournon avec son épouse, pour se réduire à la
régie de ses biens , ne le permettaient pas ; et comme 011
n’exigeait à Lempdes que sa résidence personnelle , et
l’assiette de son établissement Notarial , il y a satisfait.
E n fin , pendant que INI* Anglade pose comme néces
saire sa proposition de méfaits, d’intention malicieuse , ce
qui est fort ridicule, car après tout, il n’y aurait dans
toute supposition , qu’ une rivalité d’intérêts, et il n’a
même allégué rien autre chose, toutes les circonstances
démontrent que M* Desmauèches aurait agi de bonne
foi, sous l’égide de la loi, de son titre qui en a la dispo
sition expresse; des commissions duTribunal et d el’Adm inistration , qui l ’ont appelé; du consentement dcsesconfrères et de leur contre-seing volontaire et habituel ; il aurait
�— 62 —
été provoqué par la confiance d’un certain nombre de fa
m illes, qu’il ne tient pas de son Notariat ni de ses ma
nœuvres , maisde ce que de tous les temps, et bien avant
qu’il fût Notaire , ils étaient en relation avec lu i, de ce
qu’aujourd’h u i, ils ont leurs affaires dans son étude.
S’il fallait aller plus loin , et prouver que la fréquence
des actes de Desmanèclies a été rendue nécessaire par
le fait même de M* Anglade; nous le ferions sans peine,
et nous n’aurions pas besoin d’enquête.
Quant à présent, nous n’irons pas plus loin dans les
explications. Il doit nous comprendre.
Mais si nous pouvions supposer qu’il fallut des en
quêtes, nous aussi, nous prouverions par cent témoins,
par les hommes les plus honorables des deux communes,
soit la vérité des faits que constatent les documens offi
ciels, soit et aussi, les faits personnels à M* Anglade , et
;Vsa résidence. Il nous serait permis, non pour accuser, mais
pour nous défendre, de scruter la vie Notariale de M* A n
glade jusque dans ses replis , de montrer l’emploi de
son temps, partout ailleurs que dans sa résidence, et l ’o
bligation où ont été les habitans de Cournon, de s’adres
ser à tout autre qu’à lui.
A u reste, quel fait allègue-t-on, qui prouve la malice
de Desmanèclies, si ce n’est cette indigne calomnie, tirée
du fait de La reine-Boussel ? Si nous voulions chercher des
laits qui établissent le contraire, il nous serait facile.
Nous n’en citerons qu’un seul, il montrera jusqu’à quel
point il est permis à M° A nglade, d ’accuser son confrère
de mauvais procédés.
De tout tem ps, Desmanèclies père et iils avaient eu lfk
�— 63 —
confiance d e là famille Quaynoux. E n 1828, Marguerite
Dardaine, veuve de François Quaynoux, fut atteinte d ’une
maladie grave. Elle avait quatre' enfans, tous mariés sous
promesse d’égalité. Jean , et Gabriel le , femme Landau ,
habitaient aveq elle , et s’étaient emparés de son esprit.
Le 4 août 1828, Desmanèches fut appelé. L a mère lui
déclara qu’elle-.,voulait leur donner le <[uart en préciput.
Il s’y refusa, en remarquant à la mère , qu’elle avait
promis l’égalité. Elle dit alors, qu’ils avaient travaillé ses
biens, et qu’elle voulait les leur donnera m oitié, pour
qu’ils ne fussent pas en perte. Desmanèches fit le bail pour
neuf ans, mais avec clause expresse de résiliation en cas de
décès, sauf la récolte de l’année.
Mécontens de ce résultat mesquin , les deux enfans al
lèrent consulter M” Anglade ; il pensa qu’il y aurait moyen
de les satisfaire ; et le 6 août, lit chez la veuve Quaynoux,
les actes ci-après :
i° L a vente précipitée à Michel C liaput, m aréchal,
d’une terre qui le joignait. Elle est faite*moyennant le
prix fictif de 200 f r . , payés comptant. O11 stipule une
garantie, attendu que le prix a été payé de confiance, sans
savoir si la terre vendue, est libre d'hypothèques et d’ins
criptions.
E n même tem ps, Cliaput fait au profit de Jean Q uay
noux et de Landan, conjointement, deux effets montant
à 3o2 francs, faits le 6 août; ils portent la date du 3o mars j
ils sont, entièrement écrits de la main de M. Anglade.
20 Une obligation par la veuve Quaynoux , de 400 f r .,
au prolit d’un individu de Clermont, qu’on ne connaît pas.
U n partage testamentaire qui faisait ¿\ Jean et à la
�-
64
-
femme Landau', des* avantages indirects considérables.
Marguerite Dardaine décéda le 10 ao û t, quatre jours
après. On ne trouva pas une obole dans sa maison.
A u ssitôt, les enfans lésés jetèrent les hauts cris; ils ap
pelèrent M* Desmanèclies, qui les appaisa; il pensa qu’il
aurait assez d’ascendant sur les deux autres, pour les rame
ner à la justice. Il les fit appeler, ainsi q u eC h ap u t, et ne
fut pas trompé dans son attente. Le 19 août, tout cet’ édi
fice de fraude-'fut renversé par le commun consentement
des parties;
Sans être animé par l’audace, la ruse , la méchanceté la
plus froide comme la plus cruelle, M* Desmanèclies eût
pu , s’il 11e se fût pas observé, annuler ces actes comme
autant de transactions frauduleuses, et il 11’eût pas commis
un méfait. Il eut la prudence de 11e pas le faire , et il rem
plit son devoir avec autant de circonspection et d’égards
qu’il pouvait en offrir à un confrère à qui il pouvait 11e
supposer qu’un manque d’expérience.
Il 11e fit qu’un seul acte authentique, 1111 nouveau par
tage , dans lequel, sans aucune expression critique, ni
contre les personnes , ni sur le fa it, 011 se borne à dire que
les parties n’entendent pas exécuter le partage testamen
taire lait par leur mère.
Il se réduisit ensuite à deux déclarations sous seing-privé,
qui 11’ont jamais vu le jour.
L ’une de Jean Quaynoux, seul, qui reconnaît avoir pris
les /¡oo fr. empruntés par l ’obligation du 6 août, et promet
en garantir ses frères et sœurs.
L ’autre de Quaynoux et L an dau, qui reconnaissent que
�— 6£ —
les deux billets de 3o2 fir. ne sont que le prix de la vente.
Etrainsi fut enseveli, dans le secret, tout cet édifice d'e‘
fraude'y qui aurait pu compromettre, à son début, un
officier ministériel. M‘ Desmanèclies le laisserait dans
l ’o u b li, si on ne le forçait à en parler pour sa défense,
en l’accusant d’une noire malice.
V oilà toute cette cause , si singulièrement travestie par
Mc Anglade. Encore aujourd’h u i, M* Desmanèclies dira à
la Justice : J ’ai agi de lionne foi ; je n’ai jamais outre-passé
mes droits ni les limites que m’imposait la loi. Aucun de
mes actes nv’à étd'le sujet de la'moindre plainte, et l’intérêt
public a été satisfait ; j ’ai cru avoir exécuté tout ce que me
prescrivait la délibération de i o; si je me trompais en
core, que mes supérieurs prescrivent, et je 111’y confor
merai.
83
Mais, que demande-t-on contre lui avec tant d’instance?
M« Anglade se plaint que l ’exercice de son état est ré
tréci par l’usurpation prétendue de »Desmanèclies, car le
chiffre de son répertoire prouve qu’il ne lui est pas enlevé;
et il demande, contre lui , qu’on le condamne à des dommages-intérêts , et qu’on lui enlève son titre ; qu’on-le lui
arrache tout à fait; qu’on le déshonore, et qu'on prive,
dès à présent} lui et sa famille, d’un état honorable , et
qu’il rem plit, autant qu’il le peut, à la satisfaction pu
blique. On veut que son fils 11e soit pas Notaire; que l ’ave
nir de ce jeune homme soit coupé dans sa racine ; 011 s’en
arroge pour ainsi dire le droit , e t, pour y parvenir, on
dénaturé tout, ou empoisonne tout, on affirme les faits les
plus faux. Outre qu’on ne doit pas le craindre de la justice,
9
�—
66
—
la raison reviendra, sans doute, et alors on aura quelques
regrets d ’avoir calomnié un homme honnête, et d’avoir
cherché, par des moyens illicites, à lui ravir son état et la
considération publique.
D E S M A N È C H E S , Notaire.
Me de V IS S A C , Avocat.
MED R I V O N , Avoué-Licencié.
RIOM E THIBAUD IMPRIMEUR DE LA COUR ROYALE
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Desmanèches, Jean-Baptiste. 1833?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Desmanèches
De Vissac
Drivon
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
ventes
offices
juge de paix
Garde des sceaux
loi du 25 ventôse an 11
chambre des notaires
minutes de notaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Jean-Baptiste Desmanèches, notaire à la résidence de Lampdes, intimé, contre Claude Anglade, notaire à la résidence de Cournon, appelant.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Notaire : 5. le notaire qui a à se plaindre de ce qu’un de ses confrères abandonne plus ou moins souvent sa résidence et vient d’établir dans la sienne, est recevable à intenter une action en dommages intérêts contre ce dernier, pour la réparation du préjudice que peut lui causer cette usurpation de fonctions.
il n’en est pas comme de la simple infraction à l’obligation de résider, dont la connaissance et répression appartiennent exclusivement au ministre de la justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
E.Thibaud, imprimeur (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1827-1833
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf66 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2802
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2801
BCU_Factums_G2803
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53558/BCU_Factums_G2802.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cournon-d'Auvergne (63124)
Pont-du-Château (63284)
Lempdes (63193)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
Garde des sceaux
juge de Paix
loi du 25 ventôse an 11
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53557/BCU_Factums_G2801.pdf
1b1bd0387ae94908efbbc2f1306a934d
PDF Text
Text
« ' X
MEMOIRE
POUR
Me
C laude
A N G L A D E
,
N o taire
Royal
A la Résidence de Cournon , Canton du Pont-du-Château,
Appelant d’ un Jugem ent rendu au T ribu n al C ivil
do C le rm o n t.lc 7 Juin 1832;
CONTRE
M-
J e a n -B a p tis te
DESM ANÈCH ES,
Ayant Résidence fixée par sa Com mission, dans la Commune de Lempdes ,
Canton du P ont-du-Chateau ; mais de fait ayant établi son Domicile et sa
Résidence Notariale à C o u b n o n , intimé.
LE Notariat est une des institutions qui honorent le plus
les sociétés modernes elle maintient la paix au sein des
familles et entre les particuliers, aussi, le législateur s’estil efforcé d’établir cette profession sur des bases, et de l’as
sujettir à des règles qui fussent la garantie des citoyens ,
et assurassent aux Notaires la considération et la juste ré
compense dues à leurs honorables travaux.
Les Notaires ne devaient point être en trop petit nom
b re, il était effectivement à craindre qu’ils abusassent de
la nécessité de recourir à e u x il y avait également danger
1
�Vi créer des offices en nombre supérieur au service des po
pulations 5 devant nécessairement arriver qu’une profes
sion dans laquelle l ’intelligence, l’instruction, l’exactitude
et la probité ne sont plus des moyens suffisans de prospé
rité, fût bientôt abandonnée des, hommes hounêtes , et
livrée à ceux qui n’attendent leurs succès que de l'activité
de leurs intrigues, et de la multiplicité de leurs exactions.
A u s si, la loi du 25 ventôse an xi fixe-t-elle le nombre ,
le placement et la résidence des Notaires, et imposet-elle à chacun d’eux le devoir impérieux de résider
dans le lieu qui lui a été fixé par le gouvernement.
M e Desmanèches a cru pouvoir s’affranchir de cette
règle , bien certainement établie tant pour l’avantage de
la société , que dans l'intérêt des Notaires en particulier.
Seul Notaire à la résidence de Lem pdes, il est venu fixer
son domicile ré e l, et sa résidence notariale à Cournon,
résidence pour laquelle M e Anglade est seul commis
sionné ; et non content de cette infraction, le sieur Des
manèches a encore signalé sa présence ù Cournon par une
série défaits manifestant le dessein de nuire, et ayant porté
préjudice à M* Anglade.
Ce dernier devait se plaindre , non seulement de cette
infraction à la loi, mais encore de cette série de faits con
stituant plus qu’une fraude ordinaire, improprement
qualifiée quasi-délit, par le Code civ il, et que notre an
cien Droit renfermait dans l’expression aussi vraie qu’é
nergique maleficia\ faits h l’aide desquels M® Desmanè
ches a enlevé à M ' Anglade son existence notariale, h la
quelle cependant la loi du 28 avril 1816 a justement attri
bué les caractères de la propriété.
M* Anglade a usé de son double droit: il s’est plaint à
�M . le.Garde des Sceaux, de ce que M e Desmanèches ne
tenait point sa résidence; il a en outre formé contre ce
dernier une demande en dommages-intérêts, et a offert
la preuve des faits propres à la justifier.
M* Anglade n’a encore obtenu aucune satisfaction; la
loi est demeurée, pour lui, un principe stérile, une des
cription insignifiante et sans action: M . le Ministre a ren
voyé à statuer sur la plainte en contravention, jusqu’au
moment où les faits allégués à l’appui de la demande' en
dommages-intérêts auraient été éclaircis par l’instruction
judiciaire; et le tribunal civil de Clermont, après vingtsept mois d’attente, a donné acte au sieur Anglade de ses
réserves, c’est-à-dire, de sa plainte à M . le Garde des
Sceaux, et l’a déclaré non recevable dans sa demande.
Ce jugement nécessitera l’examen de trois questions
principales :
i° La loi du 28 avril 1816 a-t-elle donné aux offices de
Notaire les caractères de la propriété ?
a8 La résidence faisant essentiellement partie du titre ,
le seul Notaire d’une résidence a-t-il action pour empêcher
le Notaire d’une autre résidence, de venir établir son m é
nage et son étude dans la sienne; cette infraction donnet-elle ouverture à une demande en dommages-intérêts
contre le contrevenant ?
3*Les faits imputés à M* Desmanèches présentent-ils des
caractères de quasi-délits, de fraude et de méfaits donnant
lieu à réparation civile; et sous ce rapport, la preuve de*
vait-elle être ordonnée ?
�'J
-
4 -
FAITS.
Cinq offices de Notaire ont été conservés pour les b e
soins de la population du canton du Pont-du-Ghâteau :
trois de ces Notaires résident au Pont-du-Ghâteau; la com
mission de M® Desmanècliesfixe sa résidence à Lempdes,
et M* Anglade est le seul Notaire à la résidence de Cournon.
La population de Cournon est plus considérable que
celle de Lempdes j et comme l’art. 34 de la loi du 25 ven
tôse an xi pose en principe que lè cautionnement doit
être fixé en raison combinée de la population du ressort
et de la résidence de chaque Notaire, le cautionnement
du Notaire de Cournon a été porté à 2,000 fr., et celui du
Notaire de Lempdes à i,8oo francs.
Avant la réduction opérée en vertu de l’ordonnance du
i er septembre 1824, il existait à Cournon trois notaires,
du nombre desquels était M* Desmanèclies, père de l’in
timé. Ce Notaire vint à décéder; et son fils étant trop
jeune pour lui succéder, le principe de la réduction dût
atteindre cet office; ce fut alors que le sieur Desmanèclies
épousa la fille du Notaire de Lempdes, et devint, par suc
cession, Notaire à celte résidence.
La mort de M e Boyer, autre Notaire , opéra une nou
velle réduction ; et dès-lors, M* D oly fut le seul qui eut sa
résidence notariale dans la commune de Cournon.
M* D oly est décédé en 1825 : M ' Tibord acquit son
étudele 1 rjuillet 1827; alors M* Anglade étaitpourvu d’une
étude de Notaire h Plerment ; mais une ordonnance du
roi, du 2G décembre 1827, ayant autorisé la permutation
de ces deux offices , M* Anglade devint Notaire à la rési
�— 5 —
dence de Cournon, moyennant la somme de 23,ooo ir.
Ce capital était toute la fortune de M* Anglade, qui
l ’avait acquise par des travaux aussi honorables qu’assidus,
et conservée par la plus stricte économie. En en faisant le
sacrifice pour l’acquisition d’une étude, il devait croire
qu’il assurait à sa famille et à lui-même des moyens d’exis.
tence sufiîsans,et que ses travaux lui permettraient encore
de donner à ses enfans une éducation convenable. Gom
ment n’aurait-il point eu cette certitude, lorsque sa com
mission le nommait seul Notaire à la résidence de Cournon \ et que d’ailleurs les statuts et règlemens de la com
pagnie des Notaires de Clermont, dont il avait l’hon
neur de devenir membre, défendaient expressément ,
(conformémentà la loi du a5 ventôse an xi), àtoutNotaire
du ressort, d’avoir sa résidence dans un lieu autre que celui
fixé par l’acte de sa nomination-, comme aussi, d’avoir
habituellement, et d’indiquer à des époques périodiques
un cabinet d’affaires dans une commune autre que sa ré
sidence ? Etait-il permis de penser qu’un Notaire se per
mettrait d’enireindre tout-à-la-fois et une disposition lé
gale et un engagement d’honneur envers ses confrères j
qui aurait pu croire surtout, que la Cham bre, gardienne
et conservatrice naturelle des intérêts du Notariat, pût
laisser sans repression des faits aussi nuisibles aux intérêts
moraux et matériels de cette honorable profession ?
M e Anglade, dès son entrée en exercice, a acquis la
cruelle certitude qu’il s’était complètement abusé. Il a
trouvé M e Desmanèclies, Notaire à la résidence deLem pdes, en pleine possession de celle de Cournon ; domicile
r é e l, étude ouverte dans sa propre maison, dépôt des mi
nutes , exercice complet et public de la profession de
�— 6 —
Notaire, tels sont les faits que M e Desrnanèclïes a cru pou
voir se permettre, et à l’aide desquels, de 1814 à 1829, il
a reçu, dans la résidence de Cournon, /¡,o84 actes, tandis ,
que pour Lempdes, sa véritable résidence, il n’en a reçu,
pour le même espace de temps, que 3, 348.
L e préjudice éprouvé par M e A n glade, et celui qu’il
devait craindre dans l’avenir, étaient également évidens ;
il dut donc recueillir les renseignemens propres à éclairer
les diverses autorités qui pouvaient, ou réprimer cette
infraction, ou lui accorder la juste réparation de la perte
qu’il avait souffert.
Une recherche attentive mit bientôt M e Anglade en
'état d’articuler les faits suivans :
i° M eDesmanèches est propriétaire d’une maison à Cournon, où il habite habituellement avec sa famille, et tient
son seul ménage : dans cette maison, est un appartement
destiné à l’étude de Notaire; là, M e Desmanèchesa placé
un bureau et établi des rayons et des placards où sont placées'bes minutes; là, encore, ce Notaire donne audience à
ses cliens, rédige ses actes et en délivre expédition
20 Jusqu’au mois de février i 83o, époque à laquelle
M e Anglade a porté plainte à M. le Garde des Sceaux, et
a formé sa demande en dommages-intérêts devant le
tribunal civil de Clermont, M e Desrnanèclïes a clos ses
actes en ces termes : « Fait et passé à Cournon , maison
Desrnanèclïes » ; et dans "aucun il n’est fait mention qu’il
se soit transporté sur la réquisition des parties.
3» jy[e Desmanèches se donne et reçoit constamment le
titre de Notaireà Cournon; les lettres qui lui sont adressées,
les extrait de ses impositions, les commissions qui lui sont
données parM . le Préfet ou par IcT ribun ald eClermont,
�íes annonces publiques, s’accordent à désigner M'Desrnanèches comme Notaire à Cournon, à. la résidence de
Cournon, dans son étude, à Cournon.
4 ° Les rapports de M e Desmanèches avec l’administra
tion de l’enregistrement, ont lieu de manière que les em
ployés ont vu et vérifié les minutes de ce Notaire à Cour
non ; c’est de ce lieu que M* Desmanèclies adresse ses
actes au receveur de l’enregistrement au Pont-du-Château,
et correspond avec ce fonctionnaire , qui lui renvoie les
minutes à Cournon, après que la formalité de l’enregis
trement a été remplie.
5° Les répertoires de M* Desmanèclies, pendant seize
années (de 18 14 à 1829 inclusivement), prouven t, par
l’ordre des inscriptions, que le même jour ce notaire au
rait reçu, pour Lempdes et Cournon, trois, quatre, cinq,
six, jusqu’à neuf actes, et aurait fait autant de voyages
d’une^ïésidence à l’autre, quoique distantes de 3,45o m è
tres } que les actes reçus à Cournon sont constamment plus
nombreux que ceux reçus à Lempdes; qu’à diverses épo
ques, il s’est écoulé de cinq à quatorze jours, pendant les
quels Desmanèches n’a reçü des actes que pour Cournon,
et que tous ces actes sont clos par le «fait et passé à Cour
non, maison Desmanèches», sans que les parties aient
requis son transport •, qu’enfin, M* Desmanèches ne ré
serve que quelques jours de dimanche, à la réception
des actes de sa résidence de Lempdes.
6° Que M* Boyer étant décédé Notaire à Cournon , et
cette étude ayant été supprimée par ordonnance du 1 ’"sep
tembre 1824, desmanèches a reçu le dépôt des minutes, ce
qu’il ne pouvait faire qu’en qualité de Notaire à la ré
sidence de Cournon.
�— 8 —
7° E n fin , que pour se faciliter l’exploitation des deux
résidences, M* Desmanèches faisait, pendant son absence,
recevoir les consentemens, à Lempdes, par la dame sa
belle-mère, ou le secrétaire de la M airie; et à Cournon,
par la dame son épouse.
On ne pouvait se dissimuler que ces faits ne renfermas
sent la preuve la plus complète d’une infraction au devoir
de la résidence, et de manœuvres manifestant une inten
tion bien formelle de nuire au seul Notaire ayant droit de
résider à Cournon; mais M* Anglade voulut encore éta
blir que ces manœuvres lui avaient occasionné un dom
mage réel, circonstance qui seule pouvait faire admettre
l’action en indemnité qu’il voulait diriger contre M* Des
manèches : aussi établit-il, par le rapport des répertoires
de ce Notaire”:
i #Que les actes reçus par M* Desmanèches, dans la ré
sidence de Cournon, étaient aujourd’hui deux fo is ^ sou
vent trois fois plus nombreux que ceux reçus, par le
même Notaire, pour la résidence de Lempdes.
a* Que le nombre d’actcs reçus par ce Notaire, dans la
résidence de Cournon, augmentait chaque année dans
une proportion telle, quel’on s’assurait, par l’examen des
répertoires, que ces actes, qui, en 18 14 » étaient au nom
bre de 9 1, s’élevaient, en 1828, à 364*
3° Qu’en calculant, sur les répertoires, le nombre des
actes reçus par M* Desmanèches, pendant les années qui
se sont écoulées, de 1814 Ù 1829 inclusivement, on s’as
sure qu’ils les portent à 7,482 : savoir, 3,348 pour la rési
dence de Lempdes, et pour Cournon
chiffre qui
doit servir à déterminer l’étendue et la valeur du préju
dice que les manœuvres frauduleuses de M* Desmanèches
�ont fait éprouver au Notaire de cette dernière résidence.
L ’infraction de M* Desmanèches, à l’àrt. 4 de
loi
a5 ventôse an x i, relatif à la résidence , le mettait dans la
position d’un Notaire démissionnaire dont le remplace
ment peut être proposé au gouverneiiientpar M .le Garde
des Sceaux, a p r è s avoir pris l’avis du Tribunal. A u s si, le
Ie* février i 83o , M* Anglade présenta-t-il à M . le Garde
desSceaux,requêteparlaquelleilconclutà ce que M® Desmanèches fût tenu de rentrer immédiatement à Lempdes,
lieu fixé par sa commission pour sa résidence notariale,
et à ce que , à défaut de ce faire, il fût pourvu au rempla
cement de M**Desmanèches censé démissionnaire.
L e but de M v Anglade était de mettre un terme aux
manœuvres frauduleuses de M* Desmanèches, et de faire
cesser un état de choses aussi nuisible à sa propriété nota
riale*, mais comme'M* Anglade avait déjà éprouvé un pré
judice considérable, et qu’il était h craindre que ce préju
dice n’augmentât pendant le temps qui serait, nécessaire
pour contraindre le sieur Desmanèches à rentrer datlâ sa
résidence-, il y eut, sous la date du 1" mars i 8 3o, demande
de 10,000 fr. de dommages-intérêts, formée au Tribunal
civil de Clermont, par Anglade, contré Desmanèches.
Il faut fixer son attention sur la suite qui a été donnée
aux deux demandes formées par M* Anglade.
Les faits exposés en la requête présentée à M . le Garde
des Sceaux étaient trop gtaves et trop pertinens pour ne
pas éveiller la vigilance et exciter toute la sollicitude du chef
de la magistrature. Aussi, sOus la date du 11 mars i 8 3 o ,
^se trouve ude première lettre, de M . le Garde des Sceaux
à M . le Procureur général, qui exige qu’il soit fait injonc
tion à M* Desmanèclies, de reprendre sa résidence sous
�un mois pour tout délai; et qui, en cas de refus, prescrit
de le poursuivre à l’effet de pourvoir à son remplace
ment.
'
• I
Cette lettre, transmise par M. le Procureur général à
M . le Procureur du roi, ce dernier voulut véi*ifier les
faits articulés par M* Anglade, et recueillir des renseignemens. Une lettre de M. le Juge de paix du Pont-du-Château, du i 3 mars, lui apprit que « M* Desmanèches, qui
» a sa résidence de droit à Lempdes, réside defait à Cour» non, ou il habite avec sa fam ille » ; — « Que ce Notaire
» ne se rend à Lempdes que deux jours par semaine, et
» un jour de plus à certaines époques de* l’année » ; —
« Que les habitans de Lempdes sont obligés, les autres
» jours, d ’ a l l e r l e c h e r c h e r a. c o u r n o n . »
;
M . le Juge de paix ne pouvait résumer, d’une ma
nière plus expressive, la plainte de M* Anglade; Desma
nèches réside de fa it à Cournon ; les habitans de sa rési
dence de droit, sont obligés d'aller le chercher, cinq
jours delà semaine,« Cournon, sa résidence de fait,.Voilà,
sans doute, plus qu’il n’en faut pour établir une infraction
à la loi qui prescrit aux Notaires de tenir leur résidence;
aussi,M. le Procureur du roi, complètement convaincu,
enjoint-il à M* Desmanèches, par lettre du i*’ avril i 83o:
« de cesser de tenir étude dans sa maison de Cournon ».
Iyui prescrit-il « de rentrer sérieusement dans sa résidence
» de Lempdes, dans le mois pour tout délai, sous peiné
» d’être considéré comme démissionnaire?.... »
Cette lettre dut alarmer M* Desmanèches. Il était bien
décidé à ne point abandonner Cournon, cette résidence
de fait si précieusepourlui; mais comment éluder les dis
positions si précises delà loi, et l’injonction si formelle de
�l’autorité? M* Desmanèches, après une délibération de
dix jours, répondit à M . le Procureur du ro i, par un sim
ple accusé de réception.
Cependant, M* Desmanèches voulut essayer de quel
ques moyens ; tantôt il présentait un M émoire explicatif
ou apologétique de sa conduite, que bientôt après il reti
rait } tantôt il cherchait à s’entourer de moyens de consi
dération : c’était son fils qui serait bientôt en élat et à l’âge
de lui succéder, et qui résiderait réellement à Lempdes
tandisque lui-même habiterait Cournon, pour y surveiller
ses propriétés, ayant bien soin, toutefois, de ne pas laisser
pressentir que, dans son intérêt, comme dans celui de son
fils, il continuerait de faire à Cournon ce qu’il y a tou
jours fait; ce que la dame son épouse a fait pendant son
absence •, c’est-à-dire, qu'il y recevrait les consentemens
et y rédigerait même les actes auxquels le fils, Notaire à
Lempdes, n’aurait qu’à apposer sa signature. A u reste,
tous les efforts du sieur Desmanèches avaient spécialement
pour cibjet de gagner du temps. L ’état de fortune de
M* Anglade lui faisait espérer qu’il abandonnerait des
poursuites onéreuses pour lui; caressant, d’ailleurs, l’idée
qu’il pourrait parvenir à se soustraire à la vigilence de l’au
torité.
•
»
Effectivement, le mois accordé à M* Desmanèches par
la lettre du 1" avril, (de M . le Procureur du roi), était dès
long-temps expiré, lorsque, le 19 mai i 8 3o , M* Anglade
s’adressa de nouveau à M . le Procureur général. Les faits
furent encore cotés avec le plus grand soin : M* Anglade
soutint, dans cette supplique, que rien n’était changé dans
la position de M* Desmanèches. Pour l’établir, il deman
dait à être admis à prouver contradictoirement les faits
�par lui articulés, et h faire cette preuve, soit devant U
Chambre civile qui devait connaître de son action en domr
mages-intérêts, soit devant les Chambres réunies appe
lées à donner leur avis sur le remplacement du sieur Desmanèclies sensé démissionnaire p a rle fait de son infract
tion à la loi de la résidence; et pour qu’il ne restât aucune
espèce de doute sur la franchise et la loyauté que M* A nglade entendait mettre dans ses poursuites , ce Notaire
suppliait M . le Procureur général de vouloir bien com
muniquer à M e Desmanèches, les requêtes, mémoires,
pièces justificatives et documens qui avaient été présen-.
tés et produits contre lui, demandant, en retour, com
munication des moyens que M* Desmanèches employait
pour se justifier.
M . le Procureur général dut accéder à cette demande
avouée parla justice, et conforme d’ailleurs à 110s tradi
tions-judiciaires ; ce magistrat permit à M* Anglade de
prendre copie d’un mémoire déposé par M* Desmanè
ches; cette pièce, qui ne saurait être trop méditée, serait
suffisante pour juger la cause : et ce n ’est pas sans regret ^
que l’on se réduit à n’en présenter qu’une sèche et trèscourte analyse.
A cette époque , M* Desmanèches faisait dépendre sa
justification du développement de quatre idées ou propo
sitions principales :
î * La résidence de Cournon était pour lui une propriété
particulière.... on ne pouvait l’en priver sans injustice.
a* Il a à Cou rn on , unp maison, un ménage et des pro
priétés qu’il est obligé de faire valoir.
3* Il a encore une nombreuse clientelle à Cournon, ou
�deux Notaires peuvent trouver à s'occuper.... I l ne peut
repousser la confiance, lorsqu'elle s'adresse à lui.
4° Il déclare que cette confiance ne l’abandonnera que
lorsque l'un de ses confrères la méritera mieux que lui....
Il ajoute, qu’on ne regardera pas alors quelle est la rési
dence du Notaire.... Il finit par manifester son étonne
ment de ce que M* Anglade, étranger à Cournon , ne
sache pas se résigner à attendre.
Quoi de plus orgueilleux et de plus naïf!
C ’est Desmanèches qui vient apprendre que la rési
dence de Cournon est sa propriété particulière et qu’il
veut en jouir à titre de droit ; c’est lui qui déclare qu’il a
volonté de ne point abandonner cette l’ésidence, et qui
prouve qu’il est d’ailleurs dansl’impossibilité de le faire!....
Voilà la naïveté.
L ’orgueil est-il moins remarquable ?.... Quelle est cette
nombreuse clientelle dont M* Desmanèches ne peut re
pousser la confiance ? Les cliens viennent-ils dans sa ré
sidence légale? N o n , c’est le sieur Desmanèches q u i , en
fraude de la loi, vient établir une résidence à Cournon.
Les habitans de Cournon vont-ils à Lempdes requérir le
transport de M* Desmanèches pour recevoir leurs actes ?
N on encore: c’est le sieur Desmanèches qui vient provo
quer, arracher là confiance par sa résidence à Cournonj
q u i , bien loin d’attendre la clientelle , Tattire et la con
serve par des moyens illégaux et frauduleux *, et c’est ce
fonctionnaire, que la loi repousse de Cournon, qui ose
dire au seul Notaire ayant titre de résidence dans ce
chef-lieu, q u il y est étranger, et qu’il doit savoir at
tendre !....
Cette étrange justification ne pouvait permettre d’hé
�_
i4 -
siter ; aussi M . le Procureur-général adressa-t-il à M . son
Substitut près le Tribunal civil de Clermont, la lettre au
tographe de M. le Garde des Sceaux , avec ordre dé re
quérir , contre M* Desmanèches, l’application de la loi.
- M° Desmanèches comprit bientôt qu’il ne devait rien
espérer des moyens qu’il avait employé pour se maintenir
dans l’usurpation qu’il s’était pei-mise de la résidence de
M e Anglade; il changea d on c, tout-à-coup, de système :
dès-lors il n’eut plus qu'une pensée, dissimuler les faits ou
les altérer: son esprit souple et fécond en ruses, lui four
nit bientôt assez de ressources pour tromper la justice.
M . le Procureur du roi crut devoir prendre de nou
veaux renseignemens auprès de M . le Juge de paix du
Pont du-Château : l’état des choses était absolument le
môme qu’au 19 mars précédent; cependant M . le Juge
de paix, à défaut de renseignemens précis , peut-être
même mettant trop de confiance dans les promesses de
M* Desmanèches , attesta que le 27 mars ce Notaire n’oc
cupait pas encore sa résidence d’une manière tout-à fa it
complète ; que seulement il y venait plus souvent ; qu’il
y avait même couché quelquefois ; d’où il résultait que
la résidence de Cournon n'était pas encore, par lui, entiè
rement abandonnée.
t M e Anglade avait demandé à fiùre preuve, devant les
Chambres assemblées, des faits par lui articulés; il voulait
notamment établir que l’injonction faite par M . le Procu
reur du roi à M* Desmanèches n’avait produit aucun ef
fet, et que ce dernier avait continué son domicile réel et
sa résidence notariale à Cournon. Le Tribunal n’accueillit
point cette demande; M* Anglade ne fut pas même appelé
pour donner des renseignemens ; mai^.M' Desmanèches,
�— i5 —
admis à se justifier, vint dire : « Que le berceau de sa fa» mille et toute sa fortune patrimnokle étaient à Cournon,
» et qu’il avait cru jusqu’ici ménager tous ses intérêts et
» concilier tous ses devoirs, en se partageant entre Lemp» des et Cournon, qui ne sont qu’à une demi-lieue de dis» tance l’un.de l’autre. Qu’au reste, le temps qu’il passait .
»>dans cette dernière commune, était moins employé à
» recevoir des actes, qu’à 1’administration de sesproprié>►tés •, mais que puisque le Tribunal pensait que pour oc» cuper sa résidence à Lempdes, il fallait qu’il y fît son
» habitation exclusive, il en prenait dès ce moment l’en» gagement, et qu’il allait de suite, faire à cet effet toutes
» les dispositions nécessaires. »
T out cela est très-remarquable:
M* Desmanèches reconnaît qu’il se partageait entre
Lempdes et Cournon ; par cette déclaration, ilavoue donc,
bien explicitement, avoir usuFpé la résidence de Cour
non ; il dit encore qu’il a agi ainsi, dans la vue de ména
ger tous ses intérêts ; et comme les bénéfices de sa pro
fession devaient entrer pour beaucoup dans ses calculs , il
reconnaît donc encore que la résidence de Cournon était
pour lui un moyen de prospérité, à laquelle il ne pouvait
atteindre qu’au préjudice de M* Anglade. Il est vrai que
M» Desmanèches ajoute que dans la résidence de Cour
non, il était moins employé à recevoir des actes, qu’à
l’administration de ses propriétés;mais cette assertion était
détruite par le rapport des répertoires de ce Notaire ; répertoires que le Tribunal avait sous les y e u x , et qui éta
blissaient que les actes reçus par le sieur Desmanèches ,
dans sa résidence de fait à Cournon , étaient bien plus nom
breux que ceux reçus par lui pour sa résidence de droit à
�— f6 —
Lempdes. Enfin, le sieur Desmanèches en déclarant qu’il
allaitfaire'toutes ses dispositions pour transporter à Lem p
des son habitation exclu sive, parce que le Tribunal pen
sait qu’il n’y avait que ce moyen de satisfaire aux exi1geances de la loi, reconnaissait donc encore qu’il avait dé
daigné de se soumettre à l’injonction qui lui avait été faite
par M . le Procureur du roi, agissant en vertu des ordres
exprès de M. le Garde des Sceaux.
<
Dans cette position, il semblait q u e , sans trop de sévé-^
r ité ,le Tribunal pouvait déclarer qu’il y avait lieu de
pourvoir au remplacement de M* Desmanèches ; mais il
voulut user d’indulgence; et, « Attendu que le sieur Des» manèches, m ieux éclairé sur Vétendue de ses devoirs ,
» a pris l’engagement de renoncer à l'habitation de Cour• » non, pour se renfermer e x c l u s i v e m e n t dans celle de
» Lempdes ; et que jusqu’à preuve contraire1, fo i doit être
» accordée à cette p r o m e s s e p o s i t i v e ; le Tribunal, tout
» en reconnaissant que le sieur Desmanèches n’a pasir/*
» goureusement occupé la résidence que lui assigne son,
n titre ; ayant égard néanmoins a u x circonstances et
» considérations.... Est d’avis qu’il n’y a pas lieu, quant à
» présent t de le considérer comme démissionnaire, et de
» pourvoir à son remplacement; sauf à recourir à ce
» moyen extrême, dans le cas où, au mépris de sespro» m esses, qu’il vient de faire au T rib u n a l, il persisterait
» dans les mêmes erremens ; » Cet avis est du 3 i mari
i 8 3 o.
L a suite des faits apprendra comment M* Desmanèches
a tenu à ses promesses; et comment il a répondu à k
confiance toute bienveillante que le Tribunal avait cru
pouvoir lui accorder.
i . .
;
�— 17 —
M* Anglade, quelque excusable qu’il pût être, ne v o u
lait cependant pas que l’on pût lui reprocher d’agir avec
trop de précipitation; il attendit que M* Desmanèches
transportât son'licibitation exclusive à Lempdes; et quoi
qu’il eut solennellement promis d’agir de suite , près de
'quatre mois s’écoulèrent sans que l’état des choses fût
changé: M* Desmanèches continuait d’habiter Cournon,
d’y tenir son ménage, et d’y faire sa résidence notariale ,
avec la plus grande publicité.
Alors, et le 23 septembre i 8 3o, M* Anglade présenta
à M . le Garde des Sceaux une nouvelle requête ; il y sou
tint que le fait de non résidence à L em pdes, et de rési
dence de fait à Cournon, était établi contre le sieur Dæsmanèches, par l’avis même du Tribunal; qu’il résultait
'des déclarations même de ce Notaire, qu’il n’avait ni la
volonté ni la possibilité d’abandonner sa résidence de fait
à Cournon , pour aller franchement s’établir dans sa rési
dence légale de Lempdes ; qu’ainsi, la décision du Tribu
nal ne pouvait avoir d’autre elfetque d’encourager les ma
nœuvres frauduleuses de M* Desmanèches, et de perpé
tuer le préjudice, tous les jours plus considérable, que
M* Anglade en éprouvait. Enfin , M* Anglade faisait ob
server que la religion du Tribunal avait été trompée; que
M* Desmanèches n’avait tenu à aucune de ses promesses ;
'et que le fait du domicile réel et de résidence notariale de
ce Notaire à Cournon , était aussi public qu’au i er février
i 8 3o , époque’ de la première requête h M . le Garde des
Sceaux; que ce fait avait les mêmes caractères, et pouvait se
prouver parlesmêmes circonstances. M aAnglade concluait
de tout cela, que toute la faveur quipouvait être accordée à
M Desmanèches, était de surseoir à la décision définitive
�— i8 —
â rendre sur l’avis du T rib u n al, jusqu’au jugement de la
demande en dommages intérêts, qui devait être déclarée
urgente : dans tous les cas, M* Angladedemandait à faire
preuve devant les Chambres réunies et en présence de
M* Desmanèches, des faits par lui articulés.
M . Anglade avait, une première fois, demandé une
déclaration d’urgence qui lui avait été refusée : ce refus
équivalait à une remise de deux ans. L e sieur Desmanèches
voulut utiliser ce triomphe : il pouvait désormais paisi
blement attendre la majorité si désirée de son fils; il con
tinua d’exploiter la résidence de Cournon avec plus d'ac~
tivité et d’audace que par le passé; pensant, peut-être avec
raison, que le jour de la justice arriverait trop tard pour
M ' Anglade.
Les choses étaiënt en c e t'é ta t, lorsqu’une lettre de
M .le Garde des Sceaux, à M. le Procureur général, sem
bla devoir hâter la conclusion de cette affaire. Cette lettre
apprenait en effet que la preuve delà contravention résul
tait des documens et de l’instruction ; mais que M* Desma
nèches ayant pris l’engagement de résider à L em pdes, et
y ayant même transporté ses minutes, le Ministre pen
sait qu’on pouvait accorder un mois à M* Desmanèches ,
pour faire à Lempdes son établissement définitif*, « Passé
» le quel, s’il ne s’est pas mis en règle, il devra être pour» suivi, conformément à l’art. 4 de la loi du a5 ventôse
» an xi. » En conséquence , M . le Garde des Sceaux or
donne que si, à l’expiration de ce délai, M* Desmanèches
n’a pas repris sa résidence, M. le Procureur général lui
adressera ses observations, celles du Procureur du roi et l’a
vis du Tribunal, sur les mesures à prendre contre le N o
taire, contrevenant.
�— 19 —
M . le Garde des Sceaux avait été trompé : à cetfe épo
que , les minutes de M* Desmanèches étaient encore à
Cournon ; toutes fois, comme M. le Garde des Sceaux ne
regardait pas cette circonstance comme propre à établir
la résidence notariale, et qu’il exigeait encore de M* Des
manèches un domicile réel et un établissement définitif
dans le lieu de Lempdes, M* Anglade dut attendre l'effet
que pouvait produire cette nouvelle décision, qui fut no
tifiée à M* Desmanèches , le 3o du môme mois de no
vembre.
A u 8 janvier 18 3 1 , IV)* Desmanèches était encore domi
cilié à Cournon , et en plein exercice de la résidence no
tariale qu’il y avait établi; ce Notaire n’avait pas môme
de maison à Lempdes; de manière que tout prouvait
qu’il n’avait rien fait pour se conformer à l’injonction du
3 o novembre précédent. M« Anglade exposa ces faits dans
une requête adressée au Tribunal civil de Clerm ont, et
demanda que le Tribunal sursît à donner son avis, jus
qu’au jugement de la demande en dommages-intérêts,
qui à cet effet serait déclarée urgente; concluant toujours
à être appelé à l’enquête, dans le cas où le Tribunal,
chambres assemblées, voudrait donner son avis sur les in
fractions reprochées à M* Desmanèches.
M. le Procureur du roi se réunit à M* Anglade, à l’effet
d’obtenir que la demande-en dommages-intérêtsfût décla
rée urgente; mais le Tribunal prit une délibération par
laquelle il décida, que n étant point saisi contre M* Des
manèches, il n’avait rien à statuer sur la requête présentée
par M* Anglade ; q u i, sur sa demande en déclaration
d’urgence , fut renvoyé devant la chambre civile, devant
connaître de la cause.
3.
�O u ne peut s’empêcher de faire quelques remarques
sur cette décision du Tribunal: on se rappèle que la lettre
de M. le Garde des Sceaux avait accordé à M ' Desmanè
ches un dernier délai de rigueur, pour fixer son établis
sement définitif à Lempdes; que ce délai passé , ce N o
taire devait être poursuivi, et le Tribunal donner son
avis. Dès-lors, comment est-il arrivé que le Tribunal ne
se soit point trouvé saisi par la requête de M* Anglade ?
Son devoir ne lui était-il point clairement tracé par la
lettre de M. le Garde des Sceaux , exerçant un acte de
juridiction de haute discipline ? Les Chambres réunies n’a
vaient-elles pas d’ailleurs auprès d’elles M. le Procureur du
r o i, q u i , immédiatement, a dû les saisir de la connais
sance des faits qui leur étaient dénoncés, et requérir leur
avis ? Comment donc expliquer le refus formel du Tribu*
nal, de prononder sur la requête de M* Anglade ?.... D ’un
autre côté , ce Notaire est renvoyé devant la chambre ci
vile pour faire statuer sur sa demande en déclaration
d’urgence; mais le Tribunal savait bien que cette décla
ration avait déjà été refusée ; dès-lors, que devait penser
M* Anglade? L e préjudice qu’il éprouvait par le fait des
manœuvres frauduleuses du sieur Desmanèches; les ob
stacles qu’il rencontrait pour en obtenir la réparation; tout
cela n’était-il pas propre à faire naître dans son esprit les
réflexions les plus amères !....
A u s si, M* Anglade présenta-t-il de nouveau ses récla
mations à M. le Procureur général. Par une lettre du 3
février 18 3 1, il apprend à ce magistrat qu’il a présenté une
nouvelle requête en déclaration d’urgence, et qu’il a
éprouvé un troisième refus ; mais comme il suppose que
le Tribunal de Clermont doit enfin être saisi de la con-
�naissance de la contravention de M* Desmàneclies, et
qu'une nouvelle instruction aura lieu a l’efiet de recon
naître si ce Notaire est définitivement établi à Lempdes,
M e Anglade indique les pièces et les témoins qui doivent
prouver , au contraire, que M Desmanèclies a toujours
son domicile à Cournon, et qu’il n’a cessé d’y tenir sa ré
sidence notariale.
L e 25 du môme mois, nouvelle lettre de M e Anglade
à M. le Procureur général: les plaintes de ce Notaire de’ viennent plus vives, et ses instances plus pressantes. 11
s’étonne de ce que la justice ne peut acquérir la preuve de
faits qui sont de notoriété publique dans tout l’arrondis
sement de Clermont •, il demande qu’une enquête soit faite
sur les lie u x , et qu’il y ait transport à Lempdes à l’effet
de s’assurer si les minutes de M e Desmanèches y ont été
transférées ; ajoutant que cette dernière mesure fera dé
couvrir la vérité, si toutefois l’on agit avec prudence et
discrétion.
M e Desmanèclies a été prévenu du transport de M. le
Procureur du roi à Lempdes ; M e Anglade offrira la
preuve que le transport était connu deux jours avant qu’il
ait eu lieu;aussi les minutes deM* Desmanèches ont-elles
été trouvées à Lempdes ; mais, dans quelle habitation ,
dans quel lo c a l, dans quel état !....
M e Desmanèches n a pas de maison à Lempdes; celle
de sa belle-mère est composée d’une chambre et d’une
cuisine qu elle habite ; ainsi il est impossible au sieur D emanèches de faire là un établissement définit#; surtout
dans les termes de l’engagement qu’il a contracté devant
le Tribunal de Clermont, lors de l’avis du 3 i mars i 8 3 o.
A u rez-de-chaussée de cette très-petite m a is o n e s t un
�petit local h um ide, éclairé par une petite croisée carrée ,
n’ayant point de chem inée, ni de place à monter un
poêle, et présentant une surface de cinq à six pieds de
largeur , sur huit à neuf de longueur*, c’est ce lo cal, que
M* Desmanèches a présenté à M. le Procureur du r o i ,
comme étant son étude de Notaire.
L à, effectivement, étaient les minutes parées d’éti
quettes neuves, enveloppées d’un beau papier blanc, sans
poussière et sans tache, sortant tout nouvellement de la
boîte dans laquelle elles venaient d’être transportées; et
pour qu’il ne manquât rien à cette scène, l’habile presti
digitateur avait eu le soin de transformer une petite table
en bureau notarial, en la couvrant d’un tapis vert tout
neuf. Cependant, une circonstance bien légère pouvait
détruire l’illusion, M* Desmanèches avait oublié de faire
porter une écritoire de Cournon ; il y suppléa par un petit
encrier portatif qu’il plaça sur le bureau ; mais le bout de
l’oreille ne fut point apperçu, et il fallut regarder comme
certain que les minutes de M* Desmanèches avaient été
sérieusement transférées de Cournon à Lempdes. Malheu
reusement pour l’inventeur d’une illusion aussi ingé
nieuse M* Anglade se trouve aujourd’hui en état de prou
ver que les minutes de M* Desmanèches ont été de nou
veau transportées h Cournon; que des expéditions ont été
délivrées dans cette résidence par ce Notaire, qui y tient
son étude ouverte comme il le faisait avant le mois de fé
vrier i 8 3o.
Toutefois, M* Desmanèches p u t , pendant un instant,
se féliciter de son adresse; une lettre de M. le Procureur
général à M* Anglade, sous la da.te du 6 octobre 18 3 1 ,
lui apprend que la dernière information étant favorable à
�— >3 —
M* Desmanèches, M . le Garde des Sceaux a pensé qu’il
ne pouvait y avoir aucun inconvénient à attendre ; et l’a
vait informé, par sa lettre du 4 du même mois, qu’il ne se
rait statué sur la plainte en contravention à la loi, sur la
résidence dont M* Desmanèches est l’objet, que lorsque
les ja its allégués par M • Anglade, à Vappui de sa de
mande en dommages-intérêts auraient été éclairés par
Vinstruction <
judiciaire.
D eux ans s’étaient écoulés depuis la demande formée
par M* Anglade, cette cause avait été appelée à son tour de
rôle, les qualités étaient posées. Enfin, le jour del’audience
était fixé, lorsque l’événement le plus extraordinaire et le
plus imprévu vint jeter la désolation dans la famille Anglade;
menacer tout à la fois l’honneur, la fortune, et la liberté
du chef, et servir le sieur Desmanèches, en retardant le
jugement de son procès, et en jetant sur M ' Anglade une
défaveur qu’aucun antécédant ne pouvait justifier.
D ’abord, un bruit, sourdement répandu, désigne à l’o
pinion publique M* Anglade comme faussaire. Un sieur
Moulins-Desmanèches, alors Maire de Cournon et beaufrère de M Desmanèches, (dont un des actes administra
tifs les plus notables, avait été d’enlever à M* Anglade la
clientelle de la M airie, en faisant annoncer dans les Jour
naux que, devant M e Desmanèches * notaire à Lempdes ,
il serait procédé à la Mairie de Cournon, au bail à ferme
d une septerée de terre,') accueille ces bruits, reçoit les dé
clarations d’un nommé Lareine-Boussel, homme d’une ré
putation plus qu’équivoque; dresse procès-verbal, et transmetou fait apporter,par Lareine-Boussellui-même, à M .le
Procureur du roi, cette étrange pièce, qui devint bientôt
�— 24 —
le fondement d’une plainte et d’une instruction crimi
nelle. :
Quel est le fait qui servit de prétexte à cette poursuite?
et par qui Lareine-Boussel était-il dirigé?
M ’ Anglade avait acquis les recouvremens de M*' D oly
et Tibord, ses prédécesseurs. Dans le courant des années
1828 et 1829*, il voulut en opérerlà rentrée; il fut aidé dans
cette opération par le sieur Chambon, qui avait été suc
cessivement clerc de.M M . D o ly et Tibord, et q u i , ayant
exercé depuis 1824? les fonctions de secrétaire à la M ai
rie , était plus que personne en état de donner des renseignemens sur la solvabilité des habitans de Cournon. L e
sieur Chambon avait classé Lareine-Boussel parmi les insol
vables, mais M* Anglade lui fit donner un avertissement
comme aux autres débiteurs de l’étude.
Les avertissemens étaient conçus de manière à éclairer
chaque débiteur sur sa situation ; M e Anglade avait eu le
soin de consigner, au dos de chaque avertissement, l’état
détaillé de ses créances, de manière que tout doublé em
ploi était impossible , et la moindre erreur facile à vérifier.
L e 13 septembre 1829,Lareine-Boussel, porteur de son
avertissement, se présenta à l’étude de M* Anglade; le
sieur Chambon était présent, le compte fut réglé sur le vu
des minutes et pièces; M* Anglade demanda une obliga
tion, Lareine-Boussel y consentit, et les termes furent ré
glés à la convenance de ce dernier.
Lareine-Boussel prétendait avoir fait quelques à-comp
tes à M* Doly, M aAnglade promit de les imputer sur l’obligation, et écrivit sur-le-champ, sur la note qui contenait
le détail de leurs conventions,ces mots: « Si Lareine-Bous-
�— 25 —
» sel présente des reçus ou tous autres documens , ils lui
» seront tenus à compte. »
Une dernière difficulté se présentait : Lareine-Boussel ne
voulait point aller chez un autre Notaire, il fut en con
séquence convenu que l’obligation serait faite au nom
du sieur Ghambon; mais q u e , pour éviter tout équivoque,
elle serait causée pour payemens de coût d’actes fa its à
M, Anglade. La note contenant toutes ces conventions fut
remise au sieur Leclerc, alors clerc de M" A nglade, qui
écrivit l’obligation*, et immédiatement toutes les pièces
furent réunies en une seule liasse dans laquelle fut insérée
la note qui devait servir de titre à Boussel, pour le cas où
il deviendrait vraisemblable qu’il avait fait quelques à
comptes à M ’ Doly.
M* Anglade fit inscrire son obligation *, c’était bien la
précaution inutile*, la mince valeur des propriétés de
Boussel étant plus qu’absorbée par des inscriptions anté
rieures.
Lareine-Bousselnepayaitpoint exactement,mais il avait
donné,à M* Anglade, un léger à compte*, lui avait fait une
délégation verbale d’une somme de 38 fr. 60 cent, qui lui
était duc par Gaspard Devèze, et demandé des délais pour
le reste.
Tout-à-coup Lareine-Boussel imagine de se plaindre de
M* Anglade : il dit qu’il ne devait rien au sieur Ghambon,
ce qui était vrai; mais il ajoute qu’il n’avait jamais donné
son consentement à l'obligation, et qu’il ne s’était me me
jamais présenté dans l’étude de M e Anglade; ce qui était
une froide et bien cruelle fausseté.
Bientôt on voit cet homme assiéger la maison de M eAn*
glade, profiter des absences fréquentes que ce dernier était
.
4
�— 26 —
obligé de faire à raison de son procès contre M e Desmanèclies, pour intimider, parsesmenaces.la femm eetle serifans de M eAnglade. Celui-ci arrive enfin et croit faire ces
ser les injurieuses réclamations de Lareine-Boussel en lui
remettant la grosse de l’obligation en présence du sieur
Cliambon qui consentit même à la main-levée de l’inscrip
tion qui avait été prise sous son nom. En agissant ainsi,
M e Anglade ne nuisait point à sesintérôts, son inscription
était au moins inutile, et les minutes des actes qui restaient
dans son étude étaient suffisans pour établir sa créance
contre Lareine-Boussel.
Cette grosse d’obligation et cette m ain-levée d’in
scription , passent immédiatement entre les mains du
sieur Moulin-Desmanèches, beau -frère de M e Desma
nèches N otaire, et alors maire de Cournon. Ces pièces
étaient-elles attendues? T out prouve qu’au moins elles
étaient forcément désirées. M le Maire fait appeler à la
mairie M e A n glad e, qui se rend sur le champ à cet aver
tissement et explique tous les faits. Ce fonctionnaire dit à
JMe Anglade que, le 3 septembre 1820, il avait payé une
somme de 60 fr. à M e D oly pour le compte de Boussel, et
qu’il savait qu’uneautre personne avait compté, plus tard,
à D oly une somme de 77 fr. à la décharge de Boussel,
M e Anglade, tenant ces deux faits pour vrais, fait obser
ver à M . le Maire que ce cas avait été prévu par la note
jointe aux minutes intéressant Boussel; qu’il regardait
d’ailleurs cette déclax-ation comme un document suffisant,
et qu’il consentait à déduire ces deux sommes du montant
de sa créance.
M . le Maire devait être satisfait si, toutefois, il ne s’é
tait proposé qu’un acte de justice et de juridiction pater-
�— 27 —
nelle ; mais malheureusement, il était dominé par d’autres
idées* M e Anglade s’était retiré; le sieur Chambon estbientôt appelé: ce jeune hom m e, maître clerc d’un Notaire
de Clermont justement estimé, trouva quelque inconve
nance dans la démarche du Maire et dans les questions
qui lui furent adressées : il s’abstint d’y répondre et quitta,
peut-être un peu brusquement, un homme qui lui parais
sait dirigé par la curiosité ou par un intérêt autre que ce• lui de la justice.
Que lit alors le sieur Moulins-Desmanèches ? il eut bien
le courage de dresser procès-vei'bal hors la présence de
M e Anglade et du sieur Cliambon, qu’il avait cependant
appelés et entendus, et de confier cette pièce à LareineBoussel pour la transmettre à M . le Procureur du roi de
Clermont.
M c Anglade et le sieur Chambon ne pouvaient croire
que les poursuites dirigées contre eux fussent sérieuses :
en effet, quel préjudice avait éprouvé Lareine-Boussel ?
n’était-il pas débiteur de la somme pour laquelle il s’était
obligé envers le sieur Chambon; ne l’avait-il pas accepté
librement pour créancier; et qu’importait que l’obligation
fut faite en faveur de M* Anglade ou du sieur Chambon,
puisqu’elle était causée pour payement d'actes ; et que
d’ailleurs toutes les précautions avaient été prises pour
qu’il n’y eût pas de double emploi nuisible à Lareine-Bous*
sel? Ausssi, M* Anglade et le sieur Chambon crurentils qu’il leur suffisait de rétablir les faits et d’indiquer les
personnes qui pouvaient en déposer; c’est ce que
fit M . Anglade par une lettre, du 22 février i 832 ,
adressée à M . le Juge d’instruction près le tribunal de
Clermont.
4-
�— 28 —•
On ne peut que déplorer la funeste préoccupation qui
vint saisir l’esprit des magistrats. Les moyens justificatifs
de M* Anglade parurent des charges accablantes*, on g é
missait de ce qu’il avait été assez léger pour fournir des
armes aussi puissantes contre lui, un reste d’intérêt porta
peut-être à ne point assigner les témoins qu’il avait indi
qués: on se borna à entendreLareine-Boussel père et son
fils, et sur ces deux dépositions, un père de famille hono
rable, un jeune homme plein d’avenir, eurent à gémir •
sous la prévention d’un crime de faux commis par
supposition de personnes et de conventions , dans un
acte où, d’ailleurs, on avait constaté comme vrais des faits
faux.
L ’erreur de la Chambre du conseil de Clermont ne pou
vait échapper à la h a u te sagesse de la Chambre d’accusa
tion, qui sentit la nécessité de compléter l’instruction :
onze témoins furent entendus, les faits furent expliqués ;
et plusieurs témoins vinrent apprendre : « Que ce procès
» était le résultat d’une manœuvre odieuse ; » — « Que le
» bruit public étaitque Lareine-Boussel nemenait pas seul
» cette affaire; — Q u’il avait agi par l’instigation de
» M e Desmanèches et du sieur Moulin ; » — Qu’enfin,
Boussel avait dit : « Anglade m’a remis mon obligation
» sans me demander d’argent; f a i une bonne lettre de
» M. Desm anèches, et je vais le dénoncer de suite. » Ces
dépositions n’ont pas besoin de commentaire, mais elles
expliquent trop bien l’esprit qui a constamment animé
M e Desmanèclies pour qu’on pût les dissimuler dans une
affaire où il faudra spécialement apprécier la moralité de
chacun des faits imputés à ce Notaire.
Comme on le pense bien, la Cour déclara qu’il n’y avait
�\
— 29 : —
lieu à accusation, l'arrêt est du i4 août i 83îî, et est ainsi
conçu :
« Considérant que de l ’instruction il résulte en fa it, que L areine-B ousscl
a réellem ent com paru en l’étude d Anglade N o taire, c l
a donne soit
consentement à l’ obligation du treize septem bre m il huit cent vingt - n e u l',
dont il s’ agit; qu’elle a été rédigée par suite de ce consentem ent, et en sa
p résen ce, après com pte fait des débets d’étude dont il était tenu;
» Q ue s’ il est avéré qu’ il y eut déguisement de la vraie cause de ce lle obli
gation et du nom du véritable créa n cier, il résulte aussi en fa it, que l’ obli
gation eut une cause réelle et légitim e, reconnue telle par le débiteur L a rcin e-B oussel, qui agréa en m êm e tem p s, c l par des raisons qu’ il approuva,
que Cham bon fût indiqué comme créancier
» Q ue s i, plus ta rd , L arein e-B o u ssel a porté plainte en faux en mil h u it
cent treille d e u x , et a réclam é contre l’obligation dont le quantum concor
dait avec l’état des débets d’étude , état rédigé par A n g la d e , sur le vu des
acles , parce qu’il prétendit plus ta rd , lui L areine-B ou sscl, avoir donné
o it
fait donner pi\r des tierces personn es, certaines sommes au sieur I)o ly , h'
valoir et im puter sur lesdits a cles, cela f ù t - il fondé et éta b li, ne pouvait
donner lieu qu’à un débat civil entre les héritiers D oly ou A n g lad e, p ourvu
de l’élude D oly et ledit Lareine-B ousscl; que si provisoirem en t, le Notaire
Anglade co n sen tit, lors des réclam ations de L a re in e -B o u ss c l, en m il huit
cent tre n le -d c u x , de rem ettre les choses an m êm e élat qu’elles étaient avant
l’ obligation , c ’est-à -d irc, de n’être créancier qu’en ve rlu des actes existans
dans ladite élude , il y a eu en cela , d’ après les circonstances particulièresde la c a u se , simple bonne foi de la part d’ A nglade , intention de se p rè lcr à
allouer ou h faire allo u er, par les représen tais D o ly , les à-com ptes reçus
par D o ly , s il en existait ré ellem en t, et nullem ent m atière h faire suspecter
de fraude l’ obligation dont il s’agit.
» P ar ces m otifs,
L a C o u r , réformant l’ ordonnance de la Cham bre du conseil du seize mars
m il huit cent trente-deux, d éclare, en fa it , qu’il n’ y a au p ro cè s, ni indices
d un fait qualifié crim e , ni des charges conlre le Notaire Anglade c l c o n t r e
Jean C h am bon , de nature h im prim er h leur conduite l’intention et la vo
lonté de faire tort h Lareine-Bousscl et de com m ettre un crim e ou délit;O rd o n n e, en conséquence, que l ’ordonnance des prem iers juges demeurera.
^
�—
3o
—
sans effet, et que lesdits Anglade et Cham bon soient mis en liberté s’ils ont
été arrêtés en vertu des mandats ou ordonnance de prise de co rp s, et s’ils
ne sont point d’ ailleurs rclenu s.p ou r autre cause »
M e Angladeput enfin s’occuper delà suitede son affaire
coutreM* Desmanèclies. Il s’était procuré les répertoires
de ce Notaire pour les années i 83o et i 83 i ; ces pièces
sont la meilleure preuve quel’on puisse produire de la con
tinuation de la résidence notarial de M e Desmanèches à
Cournon. En effet, le répertoire de i 8 3o constate que ce
Notaire a reçu 524 actes pour les deux résidences, savoir,
253 dans Cournon, et 271 pour Lempdes. On voit que le
chiffre des actes de Lempdes est ici un peu plus élevé que
celui de Cournon; mais en i 8 3 o, M e Desmanèches avait
quelques craintes et ses manœuvres pouvaient être moins
actives; toutefois, il se rassura bientôt, et le répertoire de
i 8 3 i apprend que sur 4^4 actes qui ont été reçus par
M* Desmanèches pour ses deux résidences , 2o5 seule
ment appartiennent à Lempdes et 249 à la résidence de
Cournon. A in si, on ne peut s’y méprendre: En 18 3 1, on
trouve M e Desmanèchesà Cournon comme on l’y a trouvé
en i 83o, comme il y a toujours été, c’est-à-dire, exerçant
sa profession de Notaire, ayant sa résidence notariale , et
portant, par ses manœuvres, le plus grand préjudice à
M e Anglade seul Notaire titulaire de ce chef-lieu de com
mune.
E n fin , la cause est portée à l’audience:
M e Anglade concluait à 20,000 fr. de dommages-intércts, et subsidiairement, à etre admis à faire preuve des
faits par lui articulés.
M e Desmanèches, de sa p a rt, concluait à ce que sans
�avoir égard à la preuve offerte par M* Anglade, et en
reconnaissant que Ai* Desmanèches résidait réellement à Lempdes , le Tribunal déclarât M* Anglade
non-recevable dans sa demande , et subsidiairement
l’en déboutât.
Ces conclusions durent exciter quelque surprise : On
voit bien que M* Desmanèches voulait obtenir un juge
ment qui paràlisât la plainte que M* Anglade avait porté
à M . le Garde des Sceaux -, mais comment avait-il pu pen
ser que le Tribunal déclarerait qu’il tenait sa résidence à
Lempdes , lorsqu’il s’opposait lui-inôme à l’admission de
la preuve des faits ayant pour objet d’établir que son do
micile réel et sa résidence notariale défait étaient à Cour
non? Comment, surtout, avait-il pu concevoir une pa
reille idée, sachant bien que M . le Garde des Sceaux avait
sursis à stîtuer sur la plainte en contravention à la loi sur
la résidence, jusqu’au moment où les faits allégués par
M* Anglade, auraient été éclaircis par l’instruction judi
ciaire ?
Mais la plaidoirie de M* Desmanèches fut bien autre
ment remarquable : La cause se plaidait au Tribunal de
Clermont*, M* Desmanèches pouvait apercevoir dans le
prétoire plusieurs de ses confrères , grand nombre de per
sonnes de Cournon, de Lempdes , de Pont-du-Château,
meme de Clermont \ personnes desquelles les faits étaient
parfaitement connus et qui, comme témoins, l’auraient
accablé du poids de leurs dépositions. On pouvait penser
que M* Desmaneclics se serait borné au développement
d’un simple point de droit qu’il s’agira d’apprécier ; mais
il osa bien aborder les faits, et soutenir que sa résidence
notariale avait été constamment h Lempdes -, et cela devant
�— 32 —
un auditoire qui repoussait toutes ses paroles comme men
songères , et manifestait la plus profonde indignation.
Q u ’imagina le sieur Desmanèclies pour prouver son as
sertion ? Il prétendit que M* Anglade avait reconnu luimème sa résidence à Lempdes; et pour preuve, il produi
sit six actes reçus pour lui par ce Notaire. Pour toute ré
ponse , M e Anglade rapporta à l’audience du lendemain
les minutes de ces actes*, elles sont toutes et en entier
écrites de la main de M e Desmanèclies.... Ce dernier
produisit ; encore deux certificats, l’un de l’e x - J u g e
de paix , et l’autre de l’ex-Maire de Pont-du-Château ,
certificats qui-attestent que M e Desmanèclies a tenu reli
gieusement sa résidence de Lempdes. Les dates furent
confrontées, et il se trouva que le certificat du Juge
de paix aurait été délivré dans le temps où ce magistrat
écrivait à M . le Procureur du roi que Desmanèclies
« résidait de fa it à Cournon, où il habitait avec sa
» famille. » — « Que les liabitans de Lempdes sont obligés
» d’aller le chercher à. Cournon.... » Peut-on trouver
quelque chose de plus propre à caractériser M e Desma
nèches? Un pareil homme peut-il avoir porté préjudice à
autrui sans malignité et sans dessein de nuire*, et de pareils
méfaits ne donnent-ils pas essentiellement lieu à une ac
tion civil ?
Les premiers juges se sont décidés en faveur de M* D es
manèches. Leur jugement, qui est sous la date du 7 juin
, et contraire aux conclusions de M . le Substitut du
Procureur du r o i , est ainsi conçu :
i Attendu que pour form er une demande en dom m ngos-m lérêlsil ne suffit
pas. d’éprouver un préjudice (juclconfjuc par le fait^ de cclui dc fjui on les
�réclam e; il faut encore que ce fail soit une atteinte à un droit acq u is, et non
la simple violation d’ une obligation im posée par la lo i , dans un intérêt gé
néral ;
» Attendu qu ’ un Notaire qui n îi se plaindre de ce qu’un de scs confrères
abandonne sa résidence pour venir partager la sienne , ne sa u rait, par ce
seul m o tif, avoir action pour réclam er de lui des d o m m a g e s-in té rê ts la
non résidence constituant un m anquem ent grave de la part du N o taire,
com m e fonctionnaire p u b lic , mais non , com m e le prétend le d em andeur,
une atteinte réelle aux droits dé propriété du N otaire réclam ant;
» A tten d u , en e ffe t, que la loi du 28 avril 1816 , en accordant au Notaire '
en exercice la faculté do présenter 1111 su ccesseu r, n’ a point entendu ériger
ces charges d ’ une m anière absolue en propriété privée;
» Attendu que cela résulte évidem m ent des nom breuses conditions res
trictives auxquelles est subordonné l’ exercice de ce d ro it, qui peut être considéré’et presque anéanti p arla création, dans la liflHtc de la loi, de résidences
nouvelles, le changem ent ou la suppression de résidences déjh existantes ;
» Attendu , dans tous les c a s , que le Notaire qui abandonne sa résidence
pour en venir occuper une a u tre , no porte point atteinte ïi ce d ro it, quoi
qu'on soit la nature. Les résidences n’étant point , com me on l’ a so u ten u ,
fixées autant dans l’intérêt des Notaires que dans celui des justiciables;
v'
» A tte n d u , en e ffe t, que les offices de N otaire devant être considérés
com me de véritables charges publiques , uniquem ent créés dans l’intérêt
com m un de la société ; la fixation et lo m aintien des résidences fondées sur
le même principe , n’ ont jam ais pu être déterm inées qu’en vue de ce même
in té r ê t, et ne co n stitu en t, par co nséqu ent, qu’ une question d'adm inistra
tion p u b liq u e, dont la décision est hors du domaine contentieux.
» Attendu que tel est le but évident que s’est proposé le législateur par
cette fixation de résidence;
» A tte n d u , en effet, que n’ y ayant jamais autant de Notaires que do com
m unes dans chaque canton , la loi a voulu , mais a voulu seulem ent pour
voir , par la fixation des résid en ces, aux besoins d’ un plus grand nombre
d’habitans, en leur ren d an t, par là , la com m unication avec un Notaire plus
facile qu avec tous les a u tres, en m êm e temps que leur laissant lo choix do
» adresser à to u s, elle no posait aucune lim ite h leur confiance;
» Attendu que si les résidences avaient été établies dans l’ intérêt des No
ta ire s, la loi les auraient classés par com m une com m e elle les a classés par
�— 04 —
ca illo n s, puisque ce n’est point à ce que son confrère n’ occupe pns sa ré
sidence qu’ un Notaire est surtout intéressé, mais bien à ce qu’il ne vienne
point y partager sa clientellc ;
<> A tte n d u , dès lo r s , que la faculté laissée au Notaire d’instrum enter dans
toute l ’étendue du ca n to n , vient ô ler à l ’action du dem andeur le seul m otif
qui pourrait le rendre re ce v a b le , puisqu’il lui serait impossible d’établir que
ln confiance des justiciables ne serait pas venue ch erch er h Leinpdcs celui
pour lequel elle tém oignait, h C o u rn o n , une préférence m arquée;
» Attendu que si les faits articulés par Anglade sont', en les supposant prou
v é s, d én aturé h m otiver ses plaintes auprès de M. le Garde des Sceaux, h qui
seul la loi confère le droit de les apprécier et de les ju g er; ils ne pourraient
jam ais, quelque puisse être leu r g ra v ité, donner ouverture à une action en
dommages-intérêts;
’>
■
» Attendu qu’ainsi le dem andeur ne pourrait être admis h la preuve qu’il
a offerte dans un but < 1 # ne peut atteindre , étant non recevable dans sa
demande.
« P ar ces m o tifs,
.
» L e T rib u n a l, donnant acte à la partie d c B a y lc de toutes ses réserves,
le déclare non recevable dans sa demande en dom m ages-intérêts, et le con
damne aux dépens. »
Comme on le pense bien, ce succès, peut-être inespéré,
a donné à M eDesmanèches un nouveau degré d’assurance;
ses manœuvres frauduleuses ont continué avec plus d’ac
tivité; et dès cet instant, on peut ajouter aux faits qui se
ront articulés, que depuis le jugement, M c Desmanèches
continue sa résidense , et tient à Cournon étude ouverte ,
où son fils écrit les actes sous sa dictée, et reçoit les consentemens en l’absence de son père.
�DISCUSSION.
L ’exposé du fait a exige des développemcns qui ont pu
paraître fastidieux ; mais le premier bes oi n, comme le premier
devoir de M* Anglade étaient de prouver en fait :
i° Que M* Désmanèches , Notaire à la résidence de Lempdes,
avait établi de f a i t sa résidence notariale à Cournon , où il exer
çait et exerce encore publiquement le Notariat.
2° Que cette infraction à la loi est accompagnée de circon
stances telles , que l’on ne saurait l’attribuer à l’imprudence et
à la négligence du sieur Désmanèches, ou à l’ignorance et à
l’omission de quelques uns de ses devoirs ; mais bien à un
dessein de nuire à M° Anglade , seul Notaire à la résidence de
Cournon , depuis d’ailleurs froidement médité et exécuté avec
persévérance et en connaissance de cause.
3° Que ces manœuvres ont occasionné un préjuflice consi
dérable à M e Anglade, et que ce préjudice augmente progres
sivement chaque année , et de manière à lui faire craindre la
perte de sa clienlelle, et l’anéantissement de son office de
Notaire.
Ces trois propositions de fait n ’ont plus besoin de démons
tration; elles sont d’une telle évidence, que les motifs du ju
gement dont est a p p e l , d’ailleurs si favorables à M" Desmaneches , loin de les contredire, les reconnaissent au contraire
d ’une manière tout-à-fait explicite, en déclarant que le preju
dice cause n est pas suffisant pour légitimer une demande en
doinmages-intérèls ; aussi, le Tribunal dont est a p p e l , recon
naissant la réalité des faits, a-t-il repoussé la demande de
M' Anglade par une fin de non-recevoir, qu’il a cru faire
ressortir de l’application des principes , ne faisant point at
tention que lors même que toutes les idées qu’il a proclamé
comme principes seraient vraies , les faits conslans de la cause
formeraient contre M* Desmanèches une exception qui le ren
drait inhabile h s’en prévaloir.
�Mais quelles sont les idées légales qui ont détermine les pre
miers juges ?
Pou r q u ’il y ait lieu à réparation d ’un préjudice , il faut que
le fait qui l’a occasionné, ne soit pas une simple violation d’oLligalion imposée par la loi dans un intérêt général, mais bien
une atteinte à un droit acquis.
O r , i° la loi du 28 avril 1816 n’a pas entendu ériger les
charges de Notaire en propriété privée ; ces offices sont des
charges publiques qui sont créés dans un intérêt commun.
2° La prescription légale sur le maintien des résidences , est
fondée sur le même principe d’intérêt général ; dès-lors , le
Notaire qui enfreint la loi, peut commettre un manquement
grave ; mais ce manquement n’étant point une atteinte au droit
de propriété, est évidemment hors du domaine du contentieux.
3° Le droit accordé à Desmanèches d’instrumenter dans tout
le canton , dépouille l’action de M° Anglade de tout motif et de
tout intérêt, p uis qu ’il lui serait impossible de prouver que les
gens de Cournon ne seraient pas venus contracter dans la rési
dence de Lempdes.
11 faut d ’abord examiner chacune des parties de ce système:
on établira ensuite qu ’en lui supposant quelque réalité, le Tri
bunal aurait encore méconnu les vrais et seuls principes qui
doivent régir la cause.
Et d’abo rd, q u ’est un office de Notaire? Est-il bien vrai
que ces charges qui sont créées dans un intérêt commun n’ont
aucun des caractères de propriété privée?
Avant la révolution, les offices de Notaire étaient considères
comme une propriété; les titulaires et leurs héritiers pouvaient
en disposer , sans autre charge que celle de présenter un suc
cesseur qui réunît les conditions requises. C ’était impropre
ment que l’on avait confondu ce droit dans les expressions gé
nérales de vénalité d'offices , cette vénalité n’ayant réellement
jamais existé , puisque le titre de l’office émanait toujours du
chef de l ’autorité publique.
Aussi , lorsque des réclamations s’élevaient contre la vénalité
�dos offices , elles durent paraître fondées qur.nl aux offices de
judicature ; mais aucun bon esprit n’ essaya d ’élendre la pro
hibition aux é l u d e s des Notaires , Greffiers et autres fonction
naires pareils ; effectivement, quant à ces offices , ne doit-on
pas dire avec Montesquieu : « Que la vénalité est bonne , en ce
» qu’elle fait faire comme un métier de famille, ce qu’on ne
» voudrait pas entreprendre dans la seule vue du bien public.»
Lors de la discussion de la loi du 25 ventôse an x i , qui est
le Code du notariat, la question de savoir s’il convenait de r é
tablir la vénalité des offices de Notaire, fut examinée : à cette
époque , le notariat était régi par la loi du 6 octobre 1791, qui
avait admis un système de concours ayant pour objet d’écarter
les candidats présentés par les titulaires eux-mêmes ; l’orateur
du gouvernement, dans son exposé des motifs, que l’on 11c
saurait trop méditer, s’élève contre ce système , et démontre
que celui qui lui est oppose et qui est virtuellement adopté
par la loi du 25 ventôse an x i , se concilie tout à la fois avec
les aperçus moraux que le législateur doit spécialement avoir
en vue , et les idées bien appréciées de la propriété ; de ma
nière que depuis cette époque, comme avant la révolution,
on a le droit de dire qu’une élude de Notaire est. une p ro
priété dont le titulaire ou ses héritiers peuvent disposer, à
la charge de présenter un successeur réunissant les conditions
requises, conditions sans lesquelles l’autorité publique, con
servatrice et surveillante obligée des intérêts généraux, ne
pourrait conférer le litre de Notaire.
La loi du 28 avril 181G porte celte vérjté au plus grand dégré d évidence; il est important de pénétrer son esprit et
de bien en apprécier les termes.
Ava nt la loi du 25 ventôse an x i , les Notaires étaient as
sujettis a la patente; l ’art. 33 de celte loi les en affranchit,,
mais les soumet a un cautionnement q u i , aux termes de
l ’art. 1" de la loi du 25 ventôse an x m , doit être fixé en rai
son combinée du ressort cl de la résidence de chaque Notaire.
C ’est dans cette position q u ’intervinl la loi d u 28 avril 1816^
�— 58 —
qui en portant les cautionnemens des études de Notaire à un
taux plus élevé que celui fixé par les lois antérieures, dispose
par son art. 88, que les cautionnemens sont fixés en raison de
la population et du ressort des tribunaux et de la re'sidence de
ces fonctionnaires. On doit ici faire la remarque essentielle ,
que la population de Cournon, résidence de M* Anglade, étant
plus considérable que celle de Lempdes ; conformément aux
tableaux annexés à la loi de 1816, le cautionnement de M* DesTnanèches , Notaire à Lempdes a été fixé à 1800 f r . , tandis que
celui de M* Anglade s’est élevé à 2,000 fr.
11 était de justice que le législateur, en imposant aux Notaires
une nouvelle ch arg e, les en indemnisât, en déterminant leurs
droits sur l’office dont ils étaient pourvus.
L ’article 91 est ainsi conçu : « Les Notaires...;, pourront p ré» senter à l’agrément de sa Majesté des su ccesseu rs , pourvu
» q u ’ils réunissent les qualités exigées par les lois. Cette faculté
» n’aura pas lieu pour les titulaires destitués. » — n. I l sera sta» tu é , p a r une lo i particulière, sur l’exccution de celle disposi» t i o n , et sur les m oyens d'en faire jo u ir les héritiers ou ay an t
» cam e clesdits o/Jîces. » — « Celte faculté de présenter des suc» cesscurs, 11e déroge p o i n t , au surplus, au droit de S. M., de
» réduire le nombre desdits fonclionnaires, notamment celui
» des Notaires, dans les cas prévus par la loi du 25 ventôse
» an x i , sur le notariat. »
Si l’on médite ce tcxle avec attention, pourra-t-on mécon
naître le caractère non équivoque de propriété qu’il attache
aux offices de Notaire ?
La loi, en accordant aux Notaires le droit de présenter un
successeur, a bien évidemment voulu faire quelque chose qui
fut utile aux tilulaircs auxquels il l’a concédé ; et quel serait
donc ce droit, s’il ne renfermait p o i n t , pour le Notaire , celui
de vendre ou de traiter de son office avec le successeur q u ’il
s’est choisi et qu’il a*le droit de présentera l’agrément du roi?
Où peut-on trouver un caractère plus significatif de propriété
que le droit de vendre et de transmettre? Le principe de la
s
�transmission aux héritiers cl ayans cause du Notaire titulaire
n ’est pas douteux ? il est même consacré, de la manière la plus
absolue , par la loi mê m e , puisqu’elle ne fait que renvoyer à
une loi particulière sur les moyens de les en faire jouir. Il faut
donc reconnaître qu’ une étude de Notaire est une véritable
propriété, puisque le titulaire peut l’aliéner^ et que la valeur
fait partie de sa succession.
O b j e c t e r a - l - o n que la faculté accordée par la loi de 1816, est
subordonnée à des conditions et à d e s restrictions qui ne per' mettent pas de classer les études de Notaire parmi les pro
priétés?
Il faut examiner :
i° La loi veut que le successeur présenté au roi réunisse les
qualités exigées par la loi : — Cette charge est la même que
celle qui était imposée aux titulaires des offices de N o t a ir e ,
avant la révolution, époque à laquelle le titre , comme aujour
d’hui, émanait du chef de l’autorité publique, ce qui n’empê
chait pas que les études de Notaire ne fussent considérées
comme une propriété. On comprend d ’ailleurs, très-facile
me n t, comment l’intérêt public et l’intérêt privé peuvent ici
se concilier: le gouvernement a le droit d’exiger que le succes
seur qui lui est présenté ait les qualités requises; mais il ne
peut refuser celui qui offre les garanties déterminées par la
loi. Cette condition astreint, si l’on v e u t , le Notaire titulaire
à ne vendre qu’à certaines personnes, mais elle n’anéantit pas
son droit ; les litres de Notaire ne sont plus donnés au concours
comme ils l’étaienl sous la loi de 1791. A ujourd’h u i , il n’est
permis à personne d’entrer en concurrence avec le successeur
présente, qui est admis ou rejeté sur le simple examen des
pièces propres à attester sa capacité.
a0 La loi dit que la faculté de présenter n’aura pas lieu par
les titulaires destitués. — l\ien de plus sage ; mais comment
cette pénalité, sagement prononcée contre le Notaire qui a en
freint ses devoirs d’une manière assez grave pour encourir la
destitution, pourrait-elle être regardée comme anéantissant ou
�— /¡o —
modifiant le caractère de propriété attaché aux études de N o
taire en général? C ’e s t , si l’on veut, un frein salutaire imposé
à l’immoralité, une exception introduite dans l’intérêt géné
ral, mais qui confirme la règle bien loin de la détruire.
3° Le I\oi se réserve le droit de réduire le nombre des N o
taires dans les cas prévus par la loi du 25 ventôse an xi. —
Q u ’induire de là? Lors de la loi de 1816, la réduction ordon
née par l’article'3 i de la loi du 25 ventôse an x i n’était point
encore opérée ; cette mesure avait été entièrement conçue dans
les intérêts des notaires, auxquels il importait d ’assurer une exis
tence honorable en les établissant dans des résidences qui, par
leur population, pussent présenter une indemnité proportion
née à des travaux qui, outre la probité , exigent autant d ’intelli
gence que d ’assiduité. Il convenait, dès lors, de ne point pou r
voir aux études qui étaient atteintes par la réduction ; mais
cette mesure o p é r é e , les éludes conservées par la loi de ven
tôse an xi , n’ont plus eu à redouter une chance qui n ’était que
transitoire. A ujourd’hui, la loi protège leur résidence et le
gouvernement ne peut la supprimer.
Il est donc prouvé , contrairement aux motifs consignés
d a n s le jugement dont est appel, que si, sous un rap por t, les
ofïiccs de Notaire sont des charges publiques établies dans
un intérêt com mu n ; d ’un autre côté, ils sont la propriété
du titulaire; que les conditions imposées par la loi à la trans
mission de cette propriété n’en changent pas le caractère ;
et que la réduction étant opérée, il ne peut appartenir au gou
vernement d ’anéantir celte propriété en supprimant une rési
dence établie ou conservée par la loi.
A mesure que l ’on pénèlre plus avant dans celte question,
on trouve des motifs tout aussi déterminans pour reconnaître
qu’une ctude de Notaire doit être classée au nombre des p r o
priétés du titulaire.
Ef fe ct iv em en t, si l ’on consulte la jurisprudence, on s’as
sure que les Notaires peuvent traiter <le leur office avec le suc
cesseur qu’ils se choisissent, et qu’ils ont le droit de presen- -
�— /il —
ter à l ’agrément du roi ; que ces traite's ou ventes doivent êlre
'exécutés dans les termes où ils ont été conçus ; qu’aucune
action ne peut être admise contre eux , pas même celle en re
gret et celle en lésion. ( Arrêt : P a r i s , 28 janvier 181 g ; Cassa
tion , 20 juin 1820 , 23 novembre 1823.)
Enfin , veut-on supposer qu’ un notaire a reçu un office, soit
de son père , soit de son p a r e n t, dont il est héritier par suile
de la démission de ce titulaire? Dans ce cas , que l’on se de
mande si cet héritier devrait rapporter la valeur de l’office à la
masse de la succession?
Où serait le doute ? N ’ est-il pas suffisant que la cession d ’un
office, à titre gratuit, présente un avantage au profit de cet hé
ri tier, pour qu’il soit tenu au n p p o r t ? Cette solution est le
texte même de l’article 8/|3 du Code civil : « Tout héritier ve» nani à une succession , doit rapporter à scs cohéritiers tout ce
» qu’il a reçu du défunt, directement ou indirectement. »
Et s’il arrivait que la transmission d’une élude de Notaire
renfermât une fraude ; que , par exemple , le prix de la vente
eût été fixé à une somme inférieure à sa valeur réelle , pour
avantager l’héritier acquéreur au delà de la quotité disponible;
pourrait-on douter que les autres héritiers n’eussent le droit
de demander l’eslimalion de l’office, et , d’obliger le nouveau
titulaire à rapporter le prix de cette estimation? ( V . Jo u r n a l
du n o ta r ia t , art. 4 I4 1-)
Une élude de Notaire est donc bien une propriété ; c’ cst une
vérité désormais hors de doute, une vérité fondamentale dont
les conséquences sont aussi pressantes qu’inévitables.
En ellet, le droit de propriété suppose celui de jouir et de
conserver la chose qui nous appartient ; et comme il n’est point
de droit sans obligation corrélative, il faut reconnaître que la
propriété notariale, comme toutes les autres, impose le devoir
de la respecter el de ne rien faire qui la détruise ou en diminue
la valeur.
O r , M" Dcsmanechcs a-t-il usurpé tout ou partie de la p r o
priété notariale de M" Anglade?
6
�Celle question est résolue en fait, il ne s ’agit plus que de
l ’examiner en droit.
L ’office d ’un Notaire se compose de trois choses : le titre ,
les minutes et la résidence. Voilà , bien certainement, l'ensem
ble d ’une propriété notariale. INI* Anglade se plaint de ce que
M. Desmanèches lui a enlevé la partie la plus importante de sa
propriété, c’est-à-dire sa résidence, ou qu’au moins, il lui a causé
le plus grand préjudice en venant s’y établir: est-il recevable à
demander des dommages-intérêts pour réparation de ce fait?
Le Tribunal dont est appel a reconnu que le maintien des
résidences notariales était fondé sur le même principe que l’é
tablissement des offices de Notaire; et comme il avait refusé à
ces offices tout caractère de pro p ri ét é , il était logique q u ’il ne
vît dans l’usurpation de la résidence qu’une violation d’un rè
glement d ’administration publique ; ainsi, avoir détruit sa pre
mière erreur, c’est déjà avoir fait sentir la nécessité de réfor
mer la seconde.
Mais on ne peut se dissimuler que les premiers juges, en se
créant un système qui leur était personnel, n ’aient encore cédé
à l’influence de deux arrêts , l’un de la Cour royale de Metz ,
du 21 juillet 18 18, cl l’autre de la Cour royale de Nîme ; arrêts
remarquables par la faiblesse de leurs motifs, que le Tribunal
de Clermont a essayé de fortifier, et qui d ’ailleurs sont in
tervenus sur des faits bien différons de ceux de la cause ac
tuelle. Ces arrêts auraient jugé que l’infraction à la loi de la ré
sidence notariale, est une matière de haute police et d ’admi
nistration publique, dont la connaissance appartient à M. le
Ministre de la justice , et dont les Tribunaux ne peuvent con
naître ; qu’ainsi le Notaire dont la résidence a été u s u r p é e ,
n e peut demander contre son confrère des doinmagcs-intérêts,
sous prétexte qu’il lui enlève une partie de sa clicntcllc et lui
cause ainsi une perte réelle.
On comprend que les moyens déjà développés suffiraient
pour détruire ce système, étant évident que l’erreur provient
de ce que ces deux Cours n’ont point voulu examiner la ques-
�— /,3 tion de propriété , et ont pris à lâche de se renfermer dans
le sens le plus étroit de l’art. 4 de la loi du 24 ventôse an xi ;
sans vouloir le rapprocher des monuraens législatifs et judi
ciaires les plus propres à l’expliquer.
En termes généraux , la résidence est la demeureordinaire
et habituelle d ’une personne en certain lieu ; sous ce rapport »
la résidence est une chose de fait indépendante de toute espèce
dedroit, et qui se distingue du domicile auquel seul des droits
sont attachés.
Examinés en termes plus restreints , la résidence est le lieu
où un officier publia est tenu de séjourner et de demeurer
pour exercer sa charge.
Quant à la résidence notariale, il faut d’abord s’assurer du
texte des articles 4 et 5 de la loi du 25 ventôse an xi.
Art. L\|. « Chaque Notaire devra résider dans le lieu qu i h d sern
■»fixé p a r le gouvernement. En cas de contravention, le Notaire
» sera considéré comme démissionnaire; en conséquence , le
» Ministre de la justice, après avoir pris l ’avis du Tribunal ,
» pourra proposer au gouvernement le remplacement. »
L’art. 5 , après avoir dit que les Notaires exercent leurs
fonctions , savoir : ceux des villes où est établie une Cour
royale, dans l’étendue du ressort de cette Cour. — Ceux des
villes où il n’y a qu’ un Tribunal de première instance, dans
l’étendue du ressort du Tribunal ; ajoute , § 3 : « Ceux des
» autres communes , dans l'étendue du ressort du T ribu n al de
» p a ix . »
I c i , il iaut d ’abord s’assurer si la résidence a été établie dans
1 intérêt des Notaires ; rechercher en suite à quelles conditions
le Notaire ayant résidence dans une co m m un e , peut exercer
scs fonctions dans l’étendue du ressort du Tribunal de paix ;
et enfin fixer son attention sur quelques cas de fraude cl de
violation à la loi de la résidence.
Et d ’abord , l’orateur du Tribunal s’ expliquant sur l’art. 4
de la loi du ^5 ventôse an x i , disait : « S'il pouvait ( le No» taire ), transférer à sou gré sa résidence , la loi aurait man-
G.
�-
41
-
« qué son but , tarit pour l'avantage (le la société, que p ou r
» celui des N otaires en particulier', on verrait la majeure partie
» d ’entre eux , abandonner les cam pagnes cl venir habiter les
» villes pou r la résidence desquelles <
1 antres N otaires auraient
» p a y é un cautionnement plus considérable. »
Que l’on s’arrête ici : N ’est-il pas évident que le législateur
s’est proposé un double but ; d’abord l’avantage de la société,
qui est spécialement confiée à la surveillance de M. le Garde
des Sceaux ; en suite l’avantage des Notaires en particulier,
qui dès-lors ont nécessairement droit de se plaindre lorsque
leurs intérêts sont blessés? Et si l’on remarque que la loi a
voulu spécialement éviter que les Notaires abandonnassent leur
résidence pour venir occuper celles d’antres Notaires qui au
raient payé un cautionnement, plus considérable qu’e u x , c o m
ment contesterait-on q u ’une action est ouverte à celui qui au
rait éprouvé un préjudice par suite de cette fraude ? La posilion prévue par l’orateur du Tribunal esl identiquement celle
de M " Desmanèclies et Anglade : le cautionnement de l’un
n ’est que de 1,800 francs, tandis que celui de l’autre est de
2.000 francs. D o n c , la propriété de Desmanèclies est moins
précieuse que celle d ’Anglade ; d on c, celui-ci a le droit de la
défendre contre les usurpations de son confrère : mais si l’u
surpation est ancienne , si elle lui a déjà causé un préjudice
considérable, comment n’aurail-il point d ’action pour en ob
tenir la réparation? E l si celte action lui est ouverte, comme
on n’en saurait douter , devant qui l’exercera-t-il ? Sera-ce de
vant M. le Garde des Sceaux ! Mais le Ministre ne peut connaître
de l’infraction à la résidence , que dans un intérêt général ; son
droit se borne à contraindre le Notaire contrevenant à garder
sa résidence ou à pourvoir à son remplacement comme démis
sionnaire , mais il ne peut accorder des dommages - intérêts.
Dès lors , que faire? II y a nécessité de rentrer dans le droit
commun, et le Notaire qui a éprouvé le préjudice doit s’adres
ser aux Tribunaux , qui seuls ont le droit de l’apprécier cl d’en
déterminer la réparation.
�-
/, 5 -
A i n s i , une aclion n ’exclue pas l’au tre , et M* Anglade a p u ,
tout à la fois , demander à M. le Garde des Sceaux que M* Des*
manèches fut tenu de garder sa ré si de nc e , et saisir la justice
de son aclion en dommages-inlérêts.
Objectera-t-on , en s’appuyant sur un des motifs du ju g e
ment dont est appel, q u e si les résidences eussent été établies
dans l’intérct des N o t a i r e s , leur classement aurait eu lieu par
c o m m u n e cl non par canton.
Cette objection, si elle était re no u ve lé e, ne pourrait con
vaincre que d ’une chose, c’est que la loi n ’a point clé assez at
tentivement consultée. Effectivement , elle ne classe pas les
résidences par cantons mais bien par commu ne s ; elle les classe
si peu par cantons, que po ur le cautionnement, il est fixé en
raison combinée du ressort et de la ré sidence; et po ur ne pas
s’ éloigner de l’exemple que présente la cause , on s’assure qu e
si le cautionnement de M' Anglade a été fixé à 2,000 francs, et
celui de M E Desmanèclies à 1800 f r . , c’est parce que la rési
dence de Courn on est plus considérable par sa population que
celle de L e m p d e s , quo ique toutes les deux soient du m ê m e
canton ; c’ est donc bien par co m m un e s que les résidences ont
été classées.
11 est vrai que les Notaires des commu ne s ont le droit d ’exer
cer leurs fonctions dans toute l’étendue du ressort de leur jus
tice de paix: mais c o m m e n t , dans quel cas, et à quelles condi
tions ?
U n avis du Conseil d ’etat du 7 fructidor an x n , r e c o n n a î t ,
il est vrai, que les Notaires de simple justice de paix ont le
droit d exercer leurs fonctions dans tout le canton ; meine que
les Notaires résidens dans une co m m u n e rurale peuvent veni r
dans le chef-lieu , lorsque celte ville serait c h e f - li e u de Co ur
royale et de tribunal de pr em ièr e instance, po u r instrumenter
dans la partie de ces villes dépendantes de leur justice : mais
q u a n d ? « l o k s q u ’ ii ^s en s o n t k e q u i s .» — Q u ’est.-ce qui leur
est dé fendu? — L ’avis répo nd : «Mais ils ne pe u ve nt ouvrir
» étude, ni conserver le dépôt de leurs m in ut e s, ailleurs qu e
�-
46 -
» dans le bourg ou village qui leur est assigné pour leur rési» dence. »
Ce texte n’a pas besoin de commentaire , il concilie parfai
tement ce qui doit être concédé aux parties, qui peuvent n’ac
corder leur confiance q u ’à un Notaire de leur choix, avec la
protection qui doit être accordée aux intérêts du Notaire de
la résidence. Le Notaire peut quitter sa résidence pour faire un
acte de sa profession dans le canton lorsqu’il en est requis, au
trement, il ne peut envahir la résidence de son confrère; et,
dans aucun cas, il ne peut ouvrir étude , ni conserver le dépôt
de ses m in u t es , ailleurs que dans sa résidence.
M. Massé, t. i , p. 3 3 , développe très-bien ces principes:
« Il faut bien distinguer , d it - i l , l’étendue du ressort d’un
» Notaire de celle de sa résidence : un notaire à le droit de se
» transporter momentanément hors du lieu de sa résidence,
» dans toute l’étendue de son ressort, pour y faire un acte , et
» il peut y rester aussi long-temps q u ’il est nécessaire- pour pré» parer l’acte , le rédiger et le faire signer ; mais il ne lui est
» pas permis de fix e r son d o m icile, ni d ’établir son étude hors
» du lieu de sa résidence. »
Si l’on rapproche ces principes des actes du sieur Desinanèchcs.qui pourra, de bon ne foi, reconnaître que ce Notaire, en éta
blissant sa résidence notariale à Cou mon, n’a fait q u ’user de son
droit et fait ce qui lui était permis.— D ’abo rd , aucuns des actes
passés par un Notaire, dans celle résidence de fait, ne l’ont
été sur la réquisition des parties; ensuite , que remarque-t-on?
Uri domicile fixe, une élude ouverte, et le dépôt des minutes
établi à Cournon ; et, ce qu’il y a peut-être de plus f o r t , c’est
l’abandon total fait par le sieur Desmanèchcs de sa résidence
notariale à Lempdes ; de telle manière , que celte résidence
légale, la seule que le litre du sieur Dcsmanèches lui assigne,
n ’est plus qu’une simple succursale de la résidence de fait que
ce Notaire s’esl créée de sa pleine autorité ; succursale dans la
quelle, au reste, il ne paraît une ou deux fois par semaine, que
�pour y formuler les acles dont les consentemens ont été reçus
par ses préposés pendant son absence.
Quelques exemples peuvent faire apprécier l'importance que
le législateur a mis à obliger les Notaires à tenir la résidence
qui leur est fixée par leur commission , et le soin rigoureux
qui doit être apporte à éviter ou à réprimer toute espèce de
fraude à cet égard.
L e 21 mars 1817, M e Coron fut nommé Notaire à la résidence
de Caluirc (Rhône) ; ce Notaire crut pouvoir s’établir au h a
meau de St-Clair, bourg dépendant de sa résidence, mais lieu
bien préférable à Caluire par sa population , l’activité de son
commerce , la multiplicité des transactions, et surtout son rap
prochement de Lyon, qui donnait à ce Notaire les moyens d’étendre sa clicnlelle et d’agrandir ses relations.
M* Coron avait quatre années d’exercice et de résidence à
Caluire, lorsque les Notaires de Lyon se plaignirent de cette
infraction à loi ; et une décision de M. le Garde des Sceaux,
sous la date du 18 mai 1821, ordonna que Coron serait tenu de
s’établir à Caluire, résidence déterminée par sa commission,
et d’abandonner le hameau de St-Clair.
D ’un autre cô té, on a examiné la question de savoir si un
Notaire contrevient à l’art. 4 de la loi de ventôse an x i , lorsqu’habilucllement, à des époques périodiques , et san s être re
q u is , il se transporte au chef-lieu de son canton , dans l’inten
tion de recevoir des actes de leur ministère ; il est vrai que le
plus grand nombre a décidé négativement la question , mais en
déclarant qu’il devrait en être autrement s’il résultait des cir
constances que le Notaire tînt son étude au chef-lieu du canton,
fait qui constituerait une véritable fraude à la loi.
Enfin , il n’y a pas de doute à décider que le Notaire qui au
rait un clerc résidant habituellement dans une autre commune
et y recevant des actes , commettrait une fraude que les cham
bres de discipline et le ministère public devraient s’empresser
de réprimer ( Jo u r n . des N ot., art. 44G1.)
�-
48 -
Tous ces exemples font plus fortement ressortirlagravité de
l’infraction de Me Desmanèclies :
II n’aurait pas pu transporter sa résidence dans un lieu dé
pendant de celui qui lui a élé assigné par sa commission, et il
l ’établit, où?Dans le chef-lieu de Cournon , résidence de M. Anglade.
Il lui était interdit de se transporter hors de sa résidence
sans en être requis. Non-seulement M* Desmanèclies contrevient
à celte règle , mais encore , de sa seule autorité , il établit son
domicile et son étude à Cou rnon, et agit ainsi en fraude de
la loi.
E n f i n , il fait plus que d’avoir un clerc résidant habituelle
ment à Cournon, il y habite et réside lui-mêine , il y reçoit les
actes ; et s’il s’absente, il laisse une personne qui puisse pren
dre le consentement des parties.
On ne peut donc se le dissimuler, il n’est point d ’infraction
plus grave que celle reprochée à M ' Desmanèclies ; il n ’est
point de manœuvres qui aient pu porter un plus grave préju
dice à la propriété de M* Anglade.
O r , quels sont les principes en matière de réparation civile
ou de dommages-intérêts ?
L ’article i382 du Code civil est ainsi conçu: « Tout f a i t
» quelconque de l’h o m m e , qui cause à autrui un dommage,
» oblige celui par la fa u te duquel il est arrivé à le réparer. »
A i n s i , l’ordre delà société exigeant, non seulement, que nous
ne fassions de mal à personne, mais encore que nous prenions
des précautions pour n’en pas causer volontairement, il est
certain que la réparation doit avoir lieu , lors même que le fait
qui aurait causé préjudice ne serait point accompagné du des
sein de nuire.
L ’article i 383 porte: «Chacun est responsable d u do mma ge
» q u ’il a causé non seulement par sou f a i t , mais encore p a r i a
” négligence ou p a r son imprudence. » Qu elle co nséque nce à
déduire de ces principes? si ce n’est que tout f a i t , toute omis
sion par lequel sans malignité et sans dessein de n u i r e , on a
�— 49 —
causé préjudice à autr ui, est un quasi-délit qui soumet l’auteur
de ce fait à une réparation, lors même qu’on n’aurait ît lui
reprocher que de la négligence ou de l’imprudence.
Dans ce cas , quelle serait la position de M e Desmanèches ?
Il ne s’agirait que de constater que M* Anglade a éprouvé un
préjudice dans sa propriété, et qu’il est du fait de son adver
saire , pour que ce dernier fût obligé a ie réparer. Il importe
rait peu qneM* Desmanèches voulût se faire un moyen de son
ignorance, de la croyance où il était que la loi n’exigeait pas
de lui une observation aussi rigoureuse des règles de la rési
dence ; les faits sont là, pour démontrer que M' Desmanèches
a méconnu un engagement qui lui était imposé par l’autorité
seule de la loi (art. ii'jo )', qu’en outre il a usurpé la propriété
de M e Anglade, en s’établissant et ouvrant étude de Notaire
dans la résidence de ce dernier. Voilà, dès-lors, tout ce qu’il
faut pour que M” Desmanèches soit convaincu de quasi-délit,
et condamné à des dommages-intérêts.
I c i , il faut examiner une dernière objection du jugement
dont est appel , qui consiste à dire que la faculté d’ instrumen
ter dans tout le canton , accordée à Me Desmanèches , ote à
l’action de M« Anglade tout son mot if, puisqu’il est impossi
ble à ce dernier de prouver que les gens de Cournon ne se
raient pas venus à Lempdes.
Un pareil argument n’a rien de sérieux: il ne s’agit pas , en
e ff e t, de rechercher si les gens de Cournon seraient allés con
tracter à L em p d es, dans le cas où M* Desmanèches y aurait
tenu sa résidence ; mais bien de s’assurer si M« Desmanèches
à établi son étude à C ou rn on , résidence de M* Anglade , à
1 elfet d y attirer les cliens ; o r , comme les actes reçus par
M Desmaneclies ont etc passés a Co urnon, dans sa maison,
et que nulle part il n’est fait mention qu’il se soit transporté
de Lempdes a Cournon sur la réquisition des parties , voilà la
preuve écrite que les liabitans de Cournon ont cédés ’, non
pas à la confiance exclusive que leur inspire M* Desmanèches
mais bien à l’influence de sa position , à ce domicile établi à
7
�cc'Le résidence publique, enfin, à celle étude ouverte à Cournon, , contrairement à la prohibition la plus précise de la loi.
Bans celte position , la présomption est que la clicntelle serait
demeurée attachée à la résidence; ce serait à M eDesmanèches
à détruire cette présomption ; mais comment ferait - il cette
p r e u v e , lorsqu’il est certain que les actcs, intéressant les
hahitans de Cournon, n’ont point été reçus à Lempdes* et
que M* Desmanèches , loin d’attendre les cliens à Lempdes ,
est venu , au contraire, s’établir auprès d ’eux à Cournon, obli
geant ains i, le plus souvent, les habitans de sa résidence lé
gale à se transporter dans sa résidence de fait.
Mais cette cause se présente sous un dernier poiut de vue
lout à fait deisif : d ’a b o r d , M* Desmanèches n’a établi sa ré
sidence notariale à Cournon , que dans l’intention de causer
préjudice à M* Anglade ; et ce préjudice a réellement été souf
fert , de manière que l’on réunit ici les deux caractères consti
tutifs de la fraude consiliurn et eventus dam ni. Or l’on sait que
la fraude fait exception à toutes les règles ; que la preuve en
est toujours admissible, et qu’elle doit être réprimée et punie
aussi tôt qu’elle est découverte.
Ce n’est pas tout: 11 appartenait à M* Desmanèches de fairè
regretter l’énergie et la précision d ’un mot qui n ’a point été
conservé dans notre nouvelle législation criminelle, omission
qui n’a pas peu contribué à jeter quelque vague sur la défini
tion du mot délit.
Autrefois, toute action commise avec malignité et dessein
de nuire, s’appelait méfait, de l’expression énergique m alcjicia;
sous ce mot venaient se ranger toutes les actions mauvaises
et nuisibles, tant celles que la loi considérait comme crimes,
que celles qui n’en réunissaient pas tous les caractères; de ma
nières qu’alors , le méfait était le genre, et le crime l’espèce.
( V . V ùrniu s , in inst. de oblig . , qnœ ex delielo nascuniur , iri
princ. lib. 4 » tit. i. — Cout. de Beauvoisis, rédigée en 1280,
chap. 3o . )
A u j o u r d ’h u i , le mot délit est e m p lo y é en deux acceptions
�différentes ; une première, qui est générale et comprend Ions
les méfaits; une seconde, plus resserrée et sous laquelle cer
taines espèces viennent se ranger; c’était là un défaut qui d e
vait bientôt se faire sentir; aussi, voit-on q u e , dès le premier
article du Code, le législateur est contraint d’employer au lieu
du mot méfait celui d’infraction, qui est bien plus vague et
moins énergique.
Toutefois, si le mot méfait n’existe plus dans le langage de
la loi pour exprimer les faits qui troublent la paix et l’ordre
public, et qui sont des crimes ou des délits ; si même celle
expression ne s’applique pas au simple q u a s i - d é l i t , qui n’est
qu’une action préjudiciable à autrui, mais commise par négli
gence ôu imprudence , elle n’en sert pas moins à désigner cette
foule d’actions mauvaises et nuisibles , commises avec mali
gnité et dessein de nuire , que le législateur n’a pas dû quali
fier cri m e, mais qui étant contraires à la bonne foi et flétries
par les principes de morale les moin^Tjsévères , n’en donnent
pas moins ouverture à une action civile, pour obtenir la répa
ration du dommage q u ’elles ont causé.
Le préjudice éprouvé par M* Anglade étant certain, l’ensem
ble des faits reprochés à M'Desmanèclies, auteur de ce pré
judice, présente-t-il les caractères du méfait?
Qui pourrait en douter?
M* Desmanèclies :
N ’a-t-il pas usurpé, en connaissance de cause, la résidence
de son confrère, en violant la l o i , en dédaignant de se confor
mer aux statuts de la corporation à laquelle il appartient, règles
que cependant il ne pouvait ignorer ni méconnaître?
Pour se faciliter l’exploitation des deux résidences et nerien
laisser échapper à son insatiable avidité, n’a-t-il pas encore exigé
des personnes qui lui étaient dévouées à Cournon et à L e m p des qu’elles reçussent, en son absence,les consentcmensdes
parties ?
A-t-il obéi à l ’injonction de M . le Pr o c u r eu r d u r o i , d u
1" avril i 8 3 o?
�— 52 --Après avoir réclamé la résidence de Cournon comme sa pro
priété particulière , et avoir ensuite p r i s , envers le T r i
bunal , l’engagement formel de faire son habitation exclusive
à Lempdes , M" Desmanèches a-t-il tenu à cette promes
se ?.... A-t-il même satisfait à la nouvelle injonction de s’é
tablir définitivement à Lempdes, dans un mois; injonction qui
lui a cependant été faite le 3o novembre , par M. le Procureur
du roi , conformément à l’ordre exprès de M. le Garde des
Sceaux?
Lors du transport de M. le Procureur du roi à Lempdes ,
M* Desmanèches n ’a-t-il pas trompé la loyauté de ce magistrat
en faisant, temporairement, transférer ses minutes de Cournon à Lemp de s, minutes qui ont été immédiatement réinté
grées dans cette première résidence?
N ’est-ce pas lui qui a incité Lareine-Boussel à porter plainte
contre M* Anglade? Qui a clé l’inventeur et le metteur en
œuvre de l’intrigue odieuse sous laquelle il espérait le voir suc
comber ?
A l’audience, que fait ce Notaire?
Il
vient dénier les faits les plus certains , il se permet les as
sortions les plus mensongères, il oppose un certificat émané
d’un magistrat , et le met ainsi en contradiction avec deux
lettres olficiclles, écrites par ce même fonctionnaire.
Et c’est devant de pareils faits que la justice est resté désar
mée , et qu’elle a repoussé , par une fin de n o n - r e c e v o i r , la
juste demande de M e Anglade!....
A u s s i , M* Desmanèches s’est-il halé de triompher : immédia
tement, il a donné à ses manœuvres plus d’activilé; il s ’est ad
joint son fils; aujourd'hui ils tiennent ensemble étude ouverte
à Cournon ; le fils écrit sous la dictée du père , e t , en l ’absence
de ce dernier, reçoit les consenlemens des parties.
Telle est cette cause, dans laquelle un homme simple, labo
rieux cl modeste, s’ est imposé le devoir de défendre sa pro
fession, son existence et son honneur, contre la richesse,
l’audace , la ruse cl la méchanceté la plus froide comme la plus
�— 53 —
.
\■)
cruelle. Me Anglade a succombé en première instance ; mais
fort de son droit, il n’a pas hésité à venir demander à la
haute sagesse de la Cour un d e ces arrêts réparateurs, q u i ,
en flétrissant les actions mauvaises et nuisibles, servent d’exem
ple , et donnent aux hommes de tous les rangs une grande et
salutaire leçon.
M' A N G L A D E , N otaire à Cournon.
i'
M° J.-Ch . B A Y L E , ancien A vocat .
M- J O H A N N E L , Avoué.
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�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Anglade, Claude. 1833?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Anglade
Bayle
Johannel
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
ventes
offices
juge de paix
Garde des sceaux
loi du 25 ventôse an 11
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Maître Claude Anglade, notaire royal à la résidence de Cournon, Canton du Pont-Du-Château, appelant d'un jugement rendu au tribunal civil de Clermont, le 7 juin 1832 ; contre Maître Jean-Baptiste Desmanèches, ayant résidence fixée par sa commission, dans la commune de Lempdes, canton du Pont-Du-Château ; mais de fait ayant établi son domicile et sa résidence notariale à Cournon, intimé.
Annotations manuscrites.
18 mai 1833, arrêt 2éme chambre = mal jugé en déclarant Anglade non recevable = preuve admise. Sirey, 37-2-582. 20 février 1834, 2nd arrêt qui après enquête condamne le défendeur en 3000 de dommages et intérêt... »
Table Godemel : Notaire : 5. le notaire qui a à se plaindre de ce qu’un de ses confrères abandonne plus ou moins souvent sa résidence et vient d’établir dans la sienne, est recevable à intenter une action en dommages intérêts contre ce dernier, pour la réparation du préjudice que peut lui causer cette usurpation de fonctions.
il n’en est pas comme de la simple infraction à l’obligation de résider, dont la connaissance et répression appartiennent exclusivement au ministre de la justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
E.Thibaud, imprimeur (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1827-1833
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
53 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2801
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2802
BCU_Factums_G2803
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53557/BCU_Factums_G2801.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cournon-d'Auvergne (63124)
Pont-du-Château (63284)
Lempdes (63193)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
Garde des sceaux
juge de Paix
loi du 25 ventôse an 11
minutes de notaires
notaires
offices
ventes