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A
R R Ê T
A
E
C
L
DOUR DE PARLEMENT,
REND U LES CH AM BRES ASSEM BLÉES ,
I
LES
PAIRS
Y
S É A NT ,
Q U I condamne un Imprimé ayant pour titre :
Hiftoire Secrete de la Cour de Berlin , ou
Correfpondance d’un Voyageur François, a être
lacéré &brûlé par l'Exécuteur de la Haute-Juf tic e.
EXTRAIT
DES
REGISTRES
DU
PARLEMENT.
D u dix F évrier mil fept cent quatre-vingt neuf.
E jo u r , la C o u r , toutes les Chambres affem blées , les
Pairs y fé a n t, les Gens du Roi font entrés ; & , M e
Antoine-Louis Seguier, Avocat dudit Seigneur Roi , portant
la parole, ont dit :
C
M E S S I E U R S ,
Juftement indigné de l’impreffion d’un Libelle auffi atroce
qu’inconcevable , le Roi , en remettant entre nos mains les
deux Imprimés que nous apportons à la C our, s’en eft répofé
A
�fur la vigilance de notre Miniilere pour les dénoncer Sc en
pourfuivre la condamnation.
C e Libelle r/pandu dans la C ap ita le, a diéja caufé la
plus vive feniarion. Le cri de l’indignation s’eft fait enten
dre ; la voix publique a prononcé : & cet Ouvrage de ténebres a été marqué d’avance du fceau d’une réprobation univerfelle.
Il cil dans l’ordre de la Juilice de p rofcrire, avec les
qualifications les plus fortes, une Correspondance que l’Au
teur cherche à accréditer en s’annonçant comme l’Agent
fecret d’un Miniilre qui ne vouloit pas être connu ; cette
flétriflure , pronom ée par la Cour des P airs, n’en fera que
plus éclatante; & en vous dénonçant cet Ouvrage clandeilin,
nous nous propofons de pourfuivre également l’Auteur &
l’imprimeur , s’il eil poflible de les découvrir par la voie de
l’information.
Vous ferez fans doute furpris que , fpeélateur muet de la
réclamation de tous les Ordres de l’E ta t, notre Miniilere ait
eu befoin en quelque forte d’être ' provoqué par la bouche
même du Souverain , pour fortir de l’ina&ion à laquelle il
femble s’être volontairement condamné. Mais dans ce mo
ment de crife , où tous les efprirs en travail enfantent
chaque jour de nouvelles productions, alternativement extra
vagantes 8c fages, violentes & modérées, circonfpe&es &
licentieufes, di&ées par l’efprit de fattion, & infpirées par
le patriotifme, dans cette manie univerfelle , où la liberté in
définie de la Preife diilribue avec une égale profufion les fruits
du favoir , de l’ignorance & de la phrénéfie , enfin dans ce
renverfement total des principes, il ne falloit pas moins qu’un
ordre émané du T rô n e , pour nous déterminer à remplir des
fondions, indifpenfables dins toute autre circonitance , mais
dont il nous a paru prudent de fufpendre l’exercice au milieu
du fanatifine des opinions. Il eil des momens où, par une forte
de pudeur publique, le Magiilrat ne doit pas interroger
l’Oracle de la Loi.
Nous ne nous diffimulons point à hous-même, & nous ver
�3
rons d un œil ftoïque le produit du refTentiment & de la ven
geance : le pafîe nous eft garant de l’avenir. Devons-nous
craindre de l’avouer en préfence de Magiftrats q u i, en récla
mant la liberté légitime de la PreiTe , font bien éloignés de
vouloir favorifer ce déluge de Feuilles anonym es, de Bro
chures féditieufes, de PamphletsTcandaleux, cfont la France eft
inondée. La tolérance dégénéré en abus , l’impunité enhardit
la licence, & la licence eft parvenue à ion dernier période:
rien n’eft refpe&é , les ran gs, les p laces, les fervices font
méconnus : les PuiiTances, les Têtes Couronnées elles-mêmes
deviennent l’objet de la dérifion & de la fatyre : l’excès du
mal eft tel qu’en cherchant à en arrêter les progrès , on doit
craindre d’augmenter l’épidémie, fur-tout depuis que les flétriflures font un attrait de plus pour rechercher un Libelle.
La plus fimple prohibition ajoute à la célébrité de l’Auteur ,
accéléré le débit de l’O uvrage, en double le p rix, & donne
une plus grande publicité à Fimpofture & à la calomnie.
L ’imprimé que nous venons dénoncer en ce moment , n’a
point été compofé dans l’intention de féconder encore les
germes de divifion qui ne font que trop répandus dans le
K oyau m e, mais il eft de nature à influer fur l’accueil & la
maniéré d’exifter de la NobleiTe Françoife dans les Cours
étrangères ; & loin de confirmer la haute opinion qu’elle à
toujours donnée de fa générofité, loin de la cara&érifer par
cet efprit franc & loyal de l’antique Chevalerie qui la conduit
à l’honneur & à la gloire, cette produ&ion vile & infâme, ne
peut qu’infpircr la plus forte prévention contre un Peuple p o li,
facile , com plaifant, & prompt à fe familiarifer par-tout cù
il peut faire briller l'on e ip rit, écouter fa fenfibilité , fe livrer
a fon enjouement, & captiver les cœurs parle charme de cette
iociabilité qui le diftingue des autres Nations de l’Europe.
Cet Imprime en deux volum es, eft intitulé : Hiflo'rre Secrete
de la Cour de h e r lin , ou Correfpondance d'un V oyageur Fran
co's , depuis le mois de Ju ille t i j 8 6 ju fq u a u 1 9 j‘ a n v ie r i y 8 y .
Ouvrage pojlhumc. i j S 9 . fans nom d’Àuteur ni d’imprimeur,
du lieu de l’impreflion.
A 2
�4 ,
C e titre icjoabîe indiquer que F Auteur n’exifte p lus, & que
ce n’eil pas de fon aveu que FOuvrage a été donné à Fim prefiion : mais en fuppofant, com ise le frontsfpice l ’annonce ,
que cette H :flaire Secr-cU cil le rcfultat des cbÎErvatiùns d’un
Ecrivain qui a celle d'exifter; s’il a fallu deux années en
tières pour fairé imprimer ik difiribuer un Ouvrage de cette
nature, n’en réfulte-t-il pas que FEditeur eii plus coupable
que FAuteur m êm e, puifqu’il a mis au jour une Correspon
dance établie fous le iceau de la confiance ,* & q u i, dans le
principe, n étoit pas deftinée à devenir le véhicule de la dif
famation & l’aliment de la méchanceté ?
;
L ’époque où commence cette H ijîoire Secrete , fera à jamais,
mémorable dans les annales du Corps Germanique. Le court
efpace de tems qu’elle embraiie , renferme des évènemens faits
pour intéreifer la Politique de toutes les Couronnes. Frédéric I I ,
dont le nom ieul fuiïlfoit pour entretenir l’équilibre de puiffance qui aiïuroit à l’Europe fon bonheur & fa tranquillité,
Frédéric régnoit encore : mais ce Prince touchoit à ion dé
clin ; & la gloire qui ne l’abandonna jamais pendant fa vie r
aifife fur une tombe que la mort entr’ou vro it, fembloit l’app eller.& . l’attendre pour s’y précipiter avec lui. C ’cfc à ce
moment que le prétendu V oyageur François ie place pour s’iniinuer chez les plus grands Perfonnages de l’E tat, pour re
cueillir les propos fugitifs de la converfation , pour épier
la marche des efprits, & au milieu du trouble , des agita-'
tâtions, des changemens imprévus d’un nouveau reg n e, furprenclre les fecrets du M iniilere, deviner le but de l’am biiion des Grands , découvrir le manege des Courtifans, ik.
approfondir les intrigues d’une Cour prête à fe laiifer con
duire par des reiforts depuis long-tems inconnus. Si l’on en
croit cet Obfervateur déguifé y Ton habileté furmonte tous
les obftacles. Bientôt il eit accueilli ; & loin de paraître
fuipeft , il obtient une confiance prefquc générale. Les
Princes le traitent avec bienveillance ; les Miniftres lui ouvrent
leurs Cabinets j les Grands l’admettent dans leurs iociétés; le
voile de la Politique fe déchire à fes yeux. Frédéric meurt>
�Frédéric-Guillaume lui fuccede ; l’Armée n’a point encore
prêté le ferment de fidélité , & déjà ce Politique attentif
tonnoit l’efprit , le caraélere , les rcflources des Perfonnes
en crédit ; le plan de l’Adminiftration n’eft plus un myilere ;
& le Souverain lui - même qui foupçonne fa mi/ïion , ne
prend aucun ombrage de fes afiiduités & de fcs liaifons.
Après avoir rendu compte des baies fur lesquelles fera
fondée cette Correfpondancc , après avoir indiqué les fources
où il fe propofe de puifer fes inftruéHons, enfin après avoir
expofé fes relations & fon intimité avec les principaux
Membres de la Famille regnante, le panégyrique cîu Roi que
la Pruife venoit de perdre, efl: le premier objet dont i’Auteur
a cru devoir s’occuper. Il fait l’éloge de ce grand Homme;
& c’eit prefque le feul dont il fe l'oit permis de donner une
grande id ée , même de dire du b ie n , dans une H ijloire S e
crets qui n’a d’autre authenticité que les obfervations, les
appereus , les combinaifons vraies ou fauffes d’un Ecrivain
fans titre & fins qualité. Eh ! comment n’auroit-il pas rendu
à Frédéric II la juftice qui lui étoit due ? Digne de l’admi
ration de fon fiecle , nos Guerriers alloient s’inftruire à fon
éco le, étudier fes manoeuvres, obferver fes évolutions, furtout fa difeipline m ilitaire, & croy oient rapporter en France
une portion de ce génie , créateur d’une ta&ique inconnue
& pour ainii dire d’un nouvel Art de la Guerre. A»u milieu
des .hommages que la force de la vérité arrache à ce Correfpondant m yftérieux, on trouve des reproches contre la
mémoire du plus grand Homme de l’Europe : mais en dépit
de ’ Obfervateur & de fes remarques, de les réflexions & de
fa critique, Frédéric , ami des Sciences & protefteur de«
L ettres, Législateur & Philofophe , Politique profond 8c
Guerrier infatigable , a réuni dans fa perfonne , & montré
fur le Trône tous les talens d’un Héros & d’un Roi : fon
nom , même avant fon trépas y étoit inferit dans le Temple
-de l’immortalité.
Pourquoi l’Auteur de cette Correfpondancc n’a-t-il pas eu le
même reipeft pour un Prince formé du même fang, animé
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cîu même'efprit & doué des mêmes talens? Le Prince Henri
n’a-t-il pas fait voir à l’Allemagne attentive, un Général digne
de commander fous fon auguite F rere, de feconder fes vues,
d’exécuter, fes projets i Frédéric lui-même ne pouvoir fe dé
fendre d’un fentiment de rivalité, en apprenant fes fuccès..
Les plus grands génies ont eu leurs erreurs j-les plus grands
Capitaines ont fait des fautes, & les plus habiles ont eiîuyé
des revers. Seul exempt de cette commune deftinée, la for
tune a paru renoncer pour lui à fon inconftance naturelle , ,
ou plutôt l’expérience de Henri a fu maîtrifer les caprices dû
fort, & fixer la viftoire fousfes étendards. Que ne pouvonsnous interpeller ici les braves témoins de fes hauts faits, les
compagnons de fa.gloire, les véritables juges de.fon mérite?
Ils diroient, d’une voix unanime r que ,..doux & affable dans.
le commerce de la v ie in t r é p id e & tranquille dans le feu
de l!a£tion r humain & cpmpatiiTant après Le combat, par un
heureux accord des qualités les plus éminentes, il joint à
l’a&ivité d’A nnibal, la prudence de.'Fabius. & lafa'gefTe dé
Scipion. Mais avens-nous befoin de rendre, témoignage à un
Prince généralement révéré des Officiers & du Soldat r C ’eiï
à tout le Militaire François, à le venger,.. Son éloge languit
dans la bouche d’un-M agiilrat, ami de la p a ix ; & le M i—
niftre de la Juftice ofe à peine, joindre fa., voix aux accla
mations de la Renommée.
On eft. tenté de croire que dufein.de fa pofitlon nébuleufa~
’Auteur a pris à tâche de verfer à grands îlots le iierd e la
méchanceté fur toutes. les. perfonnes que leur élévation-&
leur caraftere devoient rendre plus refpe&ables à fes yeux^
Ge n’eft point allez d’avoir accablé d’invcéKves l’Oncle du
nouveau Roi ce Souverain lui même , fon augufte Fam ille,
les Princefles de fon S a n g , les Minières ,.toute la Cour enfin
eft traitée avec une indécenceii criminelle, que nous rougi
rions de répéter les exprefllons .infâmes dont l’Auteur s’eft lait
un ¡eu d’employer 1 obfcenité.
Son exijlence amphibie lui permet de s’écarter quelquefois
«lu lieu de fa réüdence ; fon, imagination le tranlporto dans
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►lès pays lointains ; elle lui fait faire des incurfions en Autriche,
en Pologne „ &; jufques dans le fond du Nord : & c’eft toujours
d'ins le coupable dtiTein de recueillir de nouvelles horreurs,
¿de furcharger fa Cairefpondance de rapports mfideles, & de
.faire circuler v ayec fes découvertes, les plus noirs poifons de
■la calomnie. ■
; Quelle idée, peut-on. fe former de cette Hifîoire fecrete ,
plus abominable encore que celle de l’Hiftonen Procope,
ui fe permettoit d’écrire le pour & le contre fur, le même
mpereur? Elle ne préfente par-tout qu’un recueil d’impof-*tures honteufes , invraifemblables, & inventées à. p la ifir,,
•plutôt, pour fatisfaire la manie de l’Ecrivain, que pour attar
.cher la eurioiïté d’un Le&eur qui cherche à s’inftaiire.
C ’eft. une colle£Uon de portraits où l’imagination a plus de
part que la vérité. La main du Peintre a détrempé fes couleurs
dans la bile amere dont fo n . pinceau étoit abreuvé ; & iî>
l’on-pou voit fe perfuader qu’il a rendu les objets tels qu’il
les envifageoit, il faudroit auffi convenir que fon .œil malade
leur prêtoit la nuance dont.il étoit- lui-même obfcurci..
C ’eft un aflfemblage de réflexions hafardées fur des converfations malignes- , fur des rapporrs menfongers , fur des con
fidences artifiçieufes, .& fur des faits'enfin dénués de certitude.,
rapprochés, à la hâte, tranferits avec précipitation, & que
.l’EmiiTaire caché.n’a pas crajnt d’aflirmer comme.véritables-,
parce que c’étoit la leule nronnoie avec laquelle il pouvoit
-compenfer. le traitement qu’on lui faifoit, & dont il reproche
/ans celle la. médiocrité.
. IL eft . malheureux d’avoir vnt.grand talent, quand-on n’a
as.une trempe de çara&ere affez.forte pourf le diriger vers le
ien. Si. la perveriité de l’ame étouffe le fentiment de l’hotv- ■
neur & le cri de la confcience , le génie eft un;.préfent "
funefte de la nature. Que penfer d’un Écrivain qur adopte
volontairement le rôle de délateur caché, qui va s’établir dans
-une. Cour., étrcmgçre, iwqo cette franchife, pette-aiiance;,.cette . aménité qui forme les Uaifqns , & qui ■, abuiant.. bientôt des •
fendinens qu’il, a .infpirés , ofe révéler.des particularités qu’i l -
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-ne doit qu’à la confiance la plus intim e, ofe calomnier tous
ceux qui l’ont reçu avec bonté, ofe leur prêter des propos &
•des projets dont rienne garantit la fidélité, & porte l’audace
julqu’à infulter, avec un cynifme odieux, des perfonnages fi
fort au-deiius de cet Agent fubalteme , ainfi qu’il fe qualifie
lui-même, qu’il eft difficile d’ajoûtçr foi à fes aiïertions, parce
que , pour être vraies , elles doivent être fondées fur la plus
grande intimité , fur une fréquentation pour ainfi dire habi
tuelle & un commerce d’égal à égal! Encore, quel eft l’homme
qui s’expofe à rougir devant fon femblable ? Les Grands peu
vent s’oublier en prélence des Perfonnes de leur intérieur : les
■befoins d’un fervice journalier les rendent néceiTaires. Elles
voyent l’homme tel qu’il eft en effet, & dépouillé de l’ap
pareil du faite & de la grandeur. Mais un R o i, mais un
Prince , mais un homme conftitué en dignité, fçait toujours
le refpe&er devant un Etranger ; quelque familiarité qu’on
lui accord e, il eft moralement fufpefr ; il n’obtient qu’une
confiance pàffagere ; on forme ¿ivec lui des liaifons du moment
plutôt que d’habitude. Quel peut en être le produit, lorfque
cet Etranger avoue lui-même qu’il eft regardé comme un
Efpion : & s’il eft foupçonné de vouloir pénétrer les fecrets
du Gouvernement , une fage circonfpeftion n’engage-t-elle
pas à lui donner le change , & à le tromper par l’appa
rence même de la confiance qu’il veut furprenare pour en
abufer?
Suppofons néanmoins que l’Auteur , trompé par de fauk
rapports ou par de fauffes combinaifons , ait cru voir réel
lement tout ce qu’il a inféré dans fes Lettres anonymes : l’Ouvrage entier n’en préfentera pas moins une violation du droit
des gen s, un abus de l’hofpitalité, une infamie d’autant moins
pardonnable , que la familiarité étoit en lui le manteau de
la perfidie, & que la fainte amitié devenoit l’inftrument de
la trahifon,
Ces réflexions conduifent néceiTaircment à prononcer, &
fur l’Auteur de cet Ouvrage prétendu pojîhumc, & fur l’Ou•vrage en lui-même, Et d’abord, quant à l'Auteur, il eft des
�2>5 C>
réglés fimpîes, mais furcs, d’après lefqnelles on peut le ju ger,
fans courir le rifque de fe tromper. S’eft-il écarté des loix de
honneur & de la probité? S’eft-il élevé au—deffus de toutes
les bienfeances ? S’eft-il oublié au point de violer la décence
publique ? A-t-il manqué au refpeât, dont les François donne
ront toujours à leurs Rois des preuves feniïbles, autant par
amour que par devoir , mais que tout François doit aux
Puiffances amies ou ennemies- dé la F ran ce, que tout homme
doit à un autre homme, que tout particulier fe doit à lu imême? Cet Ecrivain eft un efprit indifciplinable. Sa perveriité
naturelle le rend téméraire, violent, emporté; & , après avoir
brifé toutes les digues que la prudence oppofe aux efforts de
la licence , il ne peut que porter le trouble & le remords dans
le cœur des êtres aifez malheureux pour fe laiflcr furprendre à
fes fables, à fes menfonges & à fes calomnies.
Nous fommes néanmoins forcés de convenir que fi cet
Auteur inconnu n’a fait que remplir la miiîion particulière
qu’il fuppofe avoir reçu e, fi les Lettres qui compofent cette
Hlfloire fecrete ne font forties de fa plume que pour arriver
directement à leur deftination , s’il n’en a point délivré de
copies , fi ce n’eft pas par fon fait qu’elles font devenues
publiques, enfin s’il eft abfolument étranger à l’impreifion ;
quelque honteux que foit le perfonnage obfcur qu’il a con
fond de jouer , c’eft à lui feul à fe reprocher fa baiTeife &
fa turpitude, & la Juftice ne peut lui faire un crime de la
publicité de fa Comfpondance. L ’Editeur feul mérite d’être
pourfuivi , &: l’imprimeur, également coupable, doit par
tager la punition d’un délit aufîi contraire à l’honnêteté pu
blique qu’au Droit général des Nations.
Quant à l’Ouvrage , il efl difficile d’envifager cette Corref
pondance autrement que comme un libelle diffamatoire digne
de toute la févérité de la Loi. Par une forte de fatalité, les
Ecrits de ce genre piquent davantage la curiofité : plus ils
font mechans 5 plus ils lont recherchés. Le cocur humain le
laifTe entraîner avec facilité vers le mal. En blâmant l’Ecrivaiu,
on s’arrache fon Libelle. La malignité fourit, l’homme honnête
1
�fe contente de foupirer : & la diffamation refte impunie,
lorfque l’indignation devroit dénoncer & pourfuivre le calom
niateur. L ’Hifloire fecrete de la Cour de Berlin n’a point éprouvé
la même indulgence. Tous les efprits Te font révoltés: l’opi
nion publique a mefuré l’injure , non par celui qui a ' voulu
la faire , mais par l’élévation de ceux à qui elle étoit faite.
La diftance du rang a paru ajouter encore à la gravité de
l’outrage. On a regardé ce Libelle comme propre à foulever
toutes les Puiffances, fi la Juftice ne fe hâtoit de le profcrire.
Le Roi devoit aux principales Têtes Couronnées de l’Europe une
cfpece de défavcu folemnel des calomnies publiées & impri
mées dans fes Etats. Il devoit une vengeance authentique d’un
L ib e lle , fi coupable fous tou; les rapports poifibles, qu’il a
vivement affeCïé ceux même que le Leéleur a cru reconnoître,
ou qui Ont apperçu l’intention psrfide de les louer & de les
compromettre fous l’indication de lettres initiales ; leur délicateffe, juilement bleifée de l’application qu’on pourroit faire
de leurs noms à ces abbréviations infidieufes, s’eft emprefiee
de défavouer publiquement l’O uvrage, & d’en témoigner la
plus vive &: la plus noble indignation.
C eft par l’ordre du R o i, que nous avons dénoncé cette1
Correfpondance fuppofée ; c’eft en fon nom que nous venons
en requérir la condamnation ; & après l’avoir abandonnée
aux flammes qui l’attendent , notre Miniftere employer^
toute fon aClivité pour en découvrir l’Auteur } l’Editeur &
l’imprimeur.
C ’eft l’objet des conclufions par écrit que nous avons prifes.
Nous les biffons à la C ou r, avec les deux volumes imprimés
dont il s’agit.
Eux retirés.
Vu un Imprimé en deux volumes, intitulé : Hifloire fecrete
de la Cour de Berlin , ou Correfpondance d'un Voyageur Fran
çois depuis le mois de Juillet iy S 6 ju[qu’au ig Janvier tySy ;
�3-^J
11
Ouvrage pojlhume, 1 7 8 9 , fans nom d’Auteur ni d’imprimeur ,
contenant, lavoir le premier volume 3 18 pages, & le fécond
376. Concluions du Procureur Général du Roi.
Oui le rapport de M e Adrien-Louis L efeb vre, Confeiller : •
Tout coniidéré.
L A C O U R ordonne que lefdits deux volumes imprimés
feiont lacérés & brûlés en la Cour du Palais, au pied du
grand efcalier d’icelu i, par l’Exécuteur de la Haute-Juftice ,
comme Libelle diffamatoire & calomnieux , auiîl contraire *
au refpeft dû aux Puiifances qu’au droit des Gens & au droit
public des Nations ; enjoint à tous ceux qui en ont des
exemplaires de les apporter au Greffe de la Cour , pour
y être fupprimés ; fait très-expreffes inhibitions & défenfes
à tous Libraires & Imprimeurs, d’imprimer, vendre & dé
biter ledit Imprimé , & à tous Colporteurs , diilributcurs
& autres de le colporter ou diilribuer, à peine d’être pour—
fui vis extraordinairement & punis fuivant la rigueur des
Ordonnances ; ordonne qu’à la requête du Procureur Général
du R o i, il fera informé tant contre l’Auteur que contre l’Ecliteur & ¡’Imprimeur, pardevant le Confeiller-Rapporteur que
la Cour commet à cet effet pour les témoins qui fe trouve
ront à P aris, & pardevant les Lieutenans Criminels des Bail
liages & Sénéchauffées du reifort, pour les témoins qui de
meurent en Province , de la compofition & diilribution dudit
Imprimé ; pour les informations faites, rapportées &: co m
muniquées au Procureur Général du R o i, être par lui requis
par la Cour ordonné ce qu’il appartiendra ; ordonne à
cet effet qu’un exemplaire dudit Imprimé fera dépofé au Grefte de la Cour pour fervir à l’inftruéHon du procès. Or
donne que le préfent Arrêt fera imprimé , publié & affiché
par-tout où bcfoin fera , & copies collationnées envoyées aux
Bailliages
Sénéchauüees du reflort, pour y ê:re l u , pu
blié & affiché ; enjoint aux Subllituts du Procureur Général
du Roi efdits Sièges d’y tenir la main &: d’en certifier la
�<
12
C o u r dans le mois. Fait en Parlement ,, toutes les Chambres
a ffem b lé es , les Pairs y fé a n t, le . dix Février mil fept cent .
quatre-vingt-neuf. Collationnz L U T T O N
Signé Y S A B E A U.
E t ledit jour dix Février mil fept cent quatre-vingt-neu f , à
la levée de la Cour, ledit Imprimé ci-deffus énoncé, intitulé
Hiftoire Secrete de la Cour de Berlin, ou Correfpondance
d’un V oyageur François, a été lacéré & brûlé, par l"Exécuteur
de la Haute-Ju ftice , au pied du grand Efcalier du Palais 3 en
préfence de moi Dagobert-Etienne Yfabeau , Ecuyer l’un des
Greffiers de la Grand.'Chambre } affift é de deux Huiffiers de la
Cour.
Signé Y S A B E A U.
A P A R I S , chez N . H . N y o n , Imprimeur du Parlem ent,
rue Mignon , 1789.
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Factums Godemel
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Description
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A name given to the resource
[Arrêt de la Cour de Parlement. 1789]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Ysabeau
Subject
The topic of the resource
censure
ouvrages anonymes
Frédéric II
droit d'édition
condamnation à la demande du Roi
écrivains
Description
An account of the resource
Titre complet : Arrêt de la Cour de Parlement, rendu les Chambres assemblées, les pairs y séant, qui condamne un Imprimé ayant pour titre : Histoire secrète de la Cour de Berlin, ou correspondance d'un voyageur François, à être lacéré et brûlé par l'exécuteur de la haute-justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez N.H. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1789
1786-1789
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0706
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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Censure
condamnation à la demande du Roi
droit d'édition
écrivains
Frédéric II
ouvrages anonymes