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e0f214db32b2e090d44bf072034a32d1
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Text
ARRÊT
DE LA COUR DE PARLEMENT,
R E N D U LES CH AM BRES A SS E M B L É E S,
L E S
P A I R S
Y
S É A N T ,
Qui condamne un Imprimé ayant pour titre : Délibé
ration à prendre par le Tiers-Etat dans toutes
les Municipalités du Royaume de France, à être
lacéré & brûlé par l'Exécuteur de la Haute-Juftice
E X T R A I T DES R E G I S T R E S D U P A R L E M E N T .
D u dix-fept Dèctmbre mil fept cent quatre-vingt huit.
E jo u r , toutes les Chambres aff emblées, les Pairs y
féan t, les Gens du Roi font entrés : & , M e AntoineLouis Seguier , Avocat dudit Seigneur R o i, portant la parole,
ont dit :
C
M E S S I E U R S ,
a
Nous avons pris communication du récit que la Cour
fait remettre, & de l’imprimé qui en eft l’objet.
A
nous
�Y\
2
Il eft intitulé : Délibération à prendre par le T iers-Etat dans
toutes les Municipalités du Royaume de France ; fàns nom
d’Auteur ni d’imprimeur, ni du lieu de l’impreifion.
Cet Ecrit anonyme ne vous a pas paru mériter l’attention
de notre miniftère , tant qu’il n’a été que tranfcrit à la m ain,
promené de cercle en cercle, & l’aliment de la curioiité ; nous
m êm es, nous avons dû le regarder comme le fruit de l’extrava
gance & du délire d’une imagination trop exaltée. Il eft digne
aujourd’hui d’une animadveriïon légale. Nous ne pouvons plus
nous diffimuler les motifs de l’Auteur & l’effet qu’il en at
tend ; la publicité donnée à cet Ouvrage par une imprefiion
furtive & clandeftine , l’envoi qui en a été fait aux Officiers
des différentes Municipalités du Royaum e, par la voie ordi
naire de la P ofte, dont l’enveloppe qui le renfermoit porte
le timbre , enfin le grand nombre d’exemplaires adrefles, par
‘la même v o ie, à différens particuliers , ,tout annonce le def. fein conçu & exécuté de répandre ce Libelle dans le Royaume.
A tous ces cara&ères, peut-on méconnoître l’efprit de fyilême
qui cherche à préparer fourdement une révolution dans les
principes du Gouvernement.
Pourquoi craindrions-nous de l’avouer dans cette auguftre
Aflemblée ; quel que puifle être le poids de notre opinion ,
nous n’en fommes pas moins comptables de notre façon de
pcnfer fur tout ce qui peut intéreiîer l’ordre public & le
bonheur de nos Concitoyens. Nous dirons donc que nous
envifageons cet Imprimé comme le premier effort d’une
anarchie prête à éclater ; & ii la fageiïe des Gardiens de la
conftitution ne fe hâte de prévenir l’effet de cette produition
féditieufe, elle deviendra le germe des défordres que le fyftême d’égalité fe flatte d’introduire dans les rangs & dans
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les conditions. La {impie le&ure en fait découvrir les vues &
l’illuiïon ; les Loix y font entièrement méconnues , les prin
cipes les plus vrais y font dénaturés, les Corps les plus an
ciens renverfés, les Etats-Généraux eux-mêmes réduits à une
împuiiTance abfolue ; en un m o t, la Conftitution du Gouver
nement François , cette conftitution qui exifte depuis tant de
fiècles, & que l’ignorance ou la mauvaife foi peuvent feules
méconnoître , y cil totalement détruite, puilque la France
cefferoit d’être une Monarchie.
Quand on réfléchit de fang froid fur la multitude d’Ouvrages
polémiques, dont la Société eil inondée, on ne fçait fi l’on
doit être plus furpris de la fécondité de l’efprit humain que de
fon aveuglement. On ne s’en tient plus à propofer des doutes
fur l’incertitude des premiers temps de la Monarchie , fvir les
limites de la Souveraineté, fur la féparation réelle des Ordres,
fur l’étendue des Privilèges , en un m o t, fur les droits de la
Nation réunie; toutes ces queftions, autrefois problématiques,
font décidées fuivant le génie & le cara£tère des Ecrivains.
Les fages inftitutions fur lefquelles repofent les fondemens de
la Monarchie font abolies ; les Loix demandées par la Nation,
confenties par le Souverain, exécutées pendant des fiècles
entiers, ne font plus que de vaines chimères, enfantées par
l’ignorance & avouées par la foibleiTe. Nos principes euxmêmes , la féparation des trois Ordres de l’E ta t, q u i, chacun
en particulier, ne peuvent rien , &: qui peuvent tout pour le
bien public , quand un même efprit & un même fentiment
les réunit, ces bafes inaltérables de la profpérité de l’Émpire
doivent être envifagées comme le fruit des erreurs du premier
â g e , ou le produit d’une injuftice que la force feule pouvoit
ériger en Loi. Enfin, il eft peu d’Ecrivains, de quelque rang
�y- •
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& de quelque condition qu’ils puiflent être, qui, dans l’enthoufiafme de leurs idées , ne traitent nos ancêtres d’hommes
fimples & crédules , courageux mais ignorans , propres à foumettre leurs ennemis les armes à la m ain, mais qui n’ont jamais
refpe&é les droits particuliers du Peuple, ni connu le Droit
public des Nations.
Par quelle fatalité voyons-nous renaître fans cefle ces afîertions inconfidérées ! Eft-il poflible de s’aveugler au point d’a
vancer que le Peuple conftitue à lui feul toute la N ation ,
que ion feul intérêt doit être confulté , que fon feul confentement fuffit ? Peut - on mettre en oubli la forme antique de
nos AiTemblées générales , la diitin£Kon des“ trois Ordres,
le droit qu’ils ont de délibérer féparém ent, & l’égalité de
fuffrages de chacun des trois Ordres ? Détruire cette indépen
dance refpe&ive & cette dépendance réciproque, rompre cet
équilibre il fage, accorder la préférence au plus grand nombre,
c’eil bannir de la Société l’eiprit de concorde dont tous les
cœurs doivent être pénétrés. L a puiffance du R oi, les droits de
la N ation, l’Ordre public, ne font qu’une même chofe fous
des noms différens. Iis ont la même origine, ils tendent au
même bu t, ils fe foutiennent par l’obfervation des L o ix , & la
félicité générale eft le réfultat de leur réunion.
Nous ne pouvons trop nous empreiïer de faire proferire un
Ouvrage répandu dans les ténebres, dont les principes, s’ils
étoient adoptés , produiroient infailliblement une diiTention
civ ile, & donneroient naiflance h ces troubles funeftes que
l’autorité peut prévoir, 8c qu’ilferoit difficile d’arrêter, quand
une fois le iyftême inconftitutionnel de la prédominance du
Tiers-Etat auroit divifé tous les O rdres, qui ne peuvent, fans
le concert lé plus unanime , affurer le calme & la'tranquillité
dans le Royaume.
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y
Il eft de votre fageiTe de chercher, par l’information la plus
prom pte, à découvrir les Auteurs & Diftributeurs d’un Ecrit
également contraire à la Puiffance R o y ale, dont il dénature
la fainteté & le cara£lère ; aux intérêts du Clergé & de la
NobleiTe , dont il efface toutes les prérogatives ; aux intérêts
de la Magiftrature , dont il déclare les Offices retirables à
volonté, & par-deiTus tout aux intérêts du Peuple lui-même,
qui deviendroit le plus ferme appui d’un defpotifme jufqu’à
préfent inconnu.
Cet Ouvrage vraiment féditieux n’a été diitribué avec profuiion, dans les circonftances a&uelles, que pour foulever les
efprits par la crainte de la multitude, & pour mettre le Peuple
en oppoiition avec le C lergé, la NobleiTe, & la M agiftrature,
dans le moment où le Clergé , rempli de cet efprit de charité
qu’il puife dans la Religion fainte qu’il nous enfeigne, eil prêt
à s’honorer du facrifice de Tes immunités j dans le moment où
la NobleiTe, pénétrée de ces fentimens généreux, & de ce vrai
patriotifme quelle a toujours fait éclater, paroît abandonner
les privilèges, & ne fe réferve que les diftinftions honorifiques
qui conftituent fon eiTence dans le moment où les Magiftrats
fe félicitent d’être rendus à leurs fonctions, pour exercer le
miniftère le plus digne des Organes de la L o i , en* invitant
tous les Citoyens à s’occuper indiilin&ement des malheurs de
la Patrie, & à ne fe difputer que le droit de les réparer ; dans
le m oment, enfin, où les Princes du Sang R o y al, jaloux du
titre de premiers Gentilshommes du Royaume , confentent
de fupporter , dans l’égalité la plus parfaite, les charges de
l’E ta t,
fe font une gloire d’en donner l’exemple à toute
la NobleiTe.
On feroit tenté de croire que l’Auteur de ce projet de
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délibération s’eft propofé d’anéantir, s’il étoit poiîible, les
vues bienfaifantes d’un Monarque qui s eit promis de revivifier
la ConlUtution Françoife , en rappeliant les formes anciennes,
les délibérations publiques des AfTemblées Nationales , & en
prenant le vœu des trois Ordres fur leurs propres intérêts.
Ufages précieux , trop long-tems oubliés ! Leur rétabliiïement
prouvera toujours que la force & le bonheur d une Monarchie
confident principàlemént dans la confiance, la liberté, &
l’union inaltérable du Monarque & des Sujets.
Nous laiffons à la Cour nos concluûons par écrit, avec les
pièces quelle nous a fait remettre,
Et fe font les Gens du Roi retirés, après avoir laifle fur le
Bureau ledit Imprimé , & les concluiions par eux prifes par
écrit, fur icelui.
Eux retirés.
'V u un Ecrit imprimé fans nom d’Auteur ni d’imprimeur,
contenant trois pages & demie d’impreffion, commençant
par ces mots : D ¿libération à prendre par le Tiers-Etat ; &
ii ni fiant par ceux-ci : ainjî a délibéré unanimement le Tiers-«
E tat d e ........... Concluiions du Procureur Général du Roi.
Ouï le rapport de M e Adrien-Louis Lefebvre d’Am ecourt,
Confeiller.
L a matiere mife en délibération.
LA C O U R ordonne que ledit Imprimé fera lacéré & brûlé
en la Cour du P alais, au pied du grand efcalier d’icelui, par
l’Exccuteur de la Haute-Juitice, comme féditieux , tendant à
changer le caraftere immuable de l’autorité de nos Rois
attaquant les droits de tous les O rdres, comme contraires aux
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véritables intérêts du Tiers-Etat & de tous les Ordres, dont
il compromet indiitinflemsnt la liberté & les propriétés ; pro
pre à égarer les efprits & à porter le trouble & la confuiion
dans tout le Royaume ; enjoint à tous ceux qui en ont des
exemplaires de les apporter au Greffe de la Cour , pour y être
fupprimés ; fait très-expreiTes inhibitions & défenfes , à tous
Libraires, Imprimeurs, d’imprimer, vendre & débiter, ledit
Imprimé, & à tous Colporteurs , Diftributeurs & autres, de le
colporter ou diilribuer, à peine d’être pourfuivis extraordinaire
ment, & punis fuivant la rigueur des Ordonnances ; ordonne
qu’à la requête du Procureur Général du R oi, il fera informé
pardevant le Confeiller-Rapporteur pour les témoins qui fe
trouveront à P aris, & pardevant les Lieutenans Criminels
des Bailliages & SénéchauiTées pour les témoins qui demeu
rent en Province, de la compoiïtion & diftribution dudit Impri
mé ; pour les informations faites, rapportées & communiquées
au Procureur Général du R o i, être par lui requis , 8c par la
Cour ordonné ce qu’il appartiendra. Ordonne à cet effet qu’un
exemplaire dudit Imprimé fera dépofé au Greffe de la C o u r,
pour fervir à l’inftruftion du procès. Ordonne que le préfent
Arrêt fera imprimé , publié & affiché par-tout où befoin fera, &
copies collationnées envoyées aux Bailliages & Sénéchauffées
du Reffort, pour y être lu , publié & regiftré : enjoint aux
Subftituts du Procureur Général du Roi efdits Sièges d’y
tenir la m ain , & d’en certifier la Cour dans le mois. Fait
en Parlement, toutes les Chambres alfem blées, les Pairs y
féan t, le dix-fept Décembre mil fept cent qu atre-vin gt-h uit.
Collationné L u t t o n .
Signé Y S A B E A U .
Et ledit jour dix-fept Décembre mil fept cent quatre-vingt-
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huit, à la levée de la Cour, ledit Imprimé 3 ci-deffus énoncé
intitulé : Délibération à prendre par le T iers-Etat dans toutes
les Municipalités du Royaume de France, à été lacéré & brûlé
p ar L'Exécuteur de la H aute-Juftice, au pied du grand efcalier
du P alais en préfence de moi Dagobert - Etienne Yfabeau,
É cuyer, l'un des Greffiers de la Grand*Chambre > affifté de deux
huiffiers de l a Cour,
Signé Y S A B E A U
A P A R l S , chez N, H. N y o n , Imprimeur du Parlement,
rue Mignon, 1 7 8 8
,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Arrêt de la Cour de Parlement. 1788]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Ysabeau
Subject
The topic of the resource
censure
états-généraux
opinion publique
Tiers-Etat
Description
An account of the resource
Titre complet : Arrêt de la Cour de Parlement, rendu les Chambres assemblées, les pairs y séant, qui condamne un Imprimé ayant pour titre : Délibération à prendre par le Tiers-Etat dans toutes les municipalités du Royaume de France, à être lacéré et brûlé par l'exécuteur de la haute-justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez N.H. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1788
1788
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0705
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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Censure
Etats-généraux
opinion publique
Tiers-Etat
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PDF Text
Text
A R R Ê T
D E L A COUR DE PARLEMENT,
RENDU LES CHAMBRES ASSEMBLÉES,
LES
PA IR S
Y
SÉANT,
Q ui condamne un Im prim é ayant p ou r titre : Lettre
de M . C . F
de V o ln e y à M . le C o m te de S . . . T ,
& onze autres Imprimés fa n s nom d'A uteur , à être
lacérés & brûlés p ar l''Exécuteur de la H aute Juf t i c e , com m e féd id eu x & calomnieux.
EXTRAIT
DES R E G I S T R E S
DU P ARLEMENT.
D u f ix Mars m il fep t cent quatre-vin gt-n eu f
E jour la C o u r , toutes les Chambres affemblées , les
Pairs y féant, les Gens du Roi font entrés ; & , M e
’A ntoine-Louis Seguier, Avocat dudit Seigneur R o i , portant
la parole, ont dit :
C
,
m e s s i e u r s
,
Nous avons pris communication des différens Imprimés que
la Cour nous a remis , & nous venons lui rendre compte de
nos obfervations fur la nature & le but de tant de Brochures
également dignes d’animadverfion & de mépris.
�Elles font au nombre de douze, toutes, à l’exception d’une
feule , fans nom d’Auteur j toutes fans nom d’imprimeur ni
du lieu de l’impreflion.
Nous partagerons ces Ecrits en trois clafles. La premiere
renfermera ce qui concerne les Parlemens & la Capitale.
La fécondé contiendra ce qui eft émané de la Bretagne &
a un rapport direft aux troubles de cette Province.
Nous réunirons dans la troifieme un Imprimé iîgné de
¡’Auteur, & cinq Numéros d’un Ouvrage deftiné à former
une Feuille Périodique fur les affaires actuelles»
Commençons par ce qui intéreiïe les Parlemens & la V ille
de Paris.
Le premier Imprimé a pour titre :. Catéchifme des Parle—
mens. C eft une efpece de converfation entre deux Interlo
cuteurs , q u i, dans les demandes & dans les réponfes, prêtent
à tous les Parlemens du Royaum e des vues , des projets , un
plan, fi éloignés de leurs devoirs , de leurs fonctions & de
leurs fentimens , qui fuppofent même une intelligence fi com
binée entre le O e rg é , la NobleiTe & la Magiftrature, une
confédération fi abfurde contre la conflitution de la Monar
chie & les droits inaltérables de la Souveraineté , dont les uns
& les autres ont toujours été & feront toujours les plus fermes
appuis , que la le&ure feule de cette Brochure calomnieufe
fumt pour faire connoître l’aveuglement, la haine & la mé
chanceté de l’Ecrivain.
Le fécond Imprimé eft intitulé : A vis aux Parijlens, &
'Appel de toutes convocations ¿Etats Généraux, où les Députes
du troifieme Ordre ne feraient pas fupérieurs aux deux autres.C ’efl à regret que notre Miniftere fe voit dans la néceifité
de faire l’analyfe d’un Ecrit diñé par la fureur encore plusque par la folie.
L ’Auteur débute par fe plaindre de Xinaüion flupide desHabitans dû la Capitale, quand on veut les rendre efclaves T
quand ils devroient fonger à fe défendre , quand des Écrivains
tnflammés de la Patrie , foutiennent leur liberté.
Il les invite à fortir de cette honteufe apathie, « s'élever
�3
contre le Clergé, la Nobleffe & la Magifiratürc ligués enfemble ÿ
& à ne pus fouffrir que fix cens mille hommes fajfent la loi à
vingt-quatre millions. Bientôt n’écoutant plus que le délire
d’une imagination ardente , il s’écrie : uniffons-nous de cœur
& de fentimens......rompons toute communication avec eux........
rappelle^ tous vos enfans qui font à leur fsrvice ; s’ils refufent
d'obéir , lancer la foudre de l ’exhérédation , déclarez-les traîtres
ci la Patrie. Et dans une note que nous ne pouvons paiTer
fous filence , on lit à ce fujet : Pour Uaccomplijfement de cette
mâle réfolution, je voudrois que cet écrit fut publié aux Prônes
de toutes les Paroiffes.
Ce cri de fédition, ce vœu fanatique n’efl: pas encore fuffifant : l’Auteur pofe en fait, que la Noblejfe, le Clergé & la
Magijlrature ne fupportent pas le demi-quart des charges pu
bliques ; que le Corps du Peuple en paye les fept huitièmes , &
il en conclud que les Repréfentans du Peuple doivent être au
moins fept fois fupérieurs en nombre aux repréfentans des deux
autres Ordres ; il veut que les Notables du Tiers-Etat dé
clarent que f i fes Députés nom pas la prépondérance , ( il ne
fe contente pas même de l’égalité, il faut que les Notables
du Tiers-Etat déclarent que s’ils n’ont pas la prépondérance )
ils n enverront point aux Etats Généraux.
Enfin l’Auteur termine par fe charger lui-même du poids
de la défenfe commune j il déclare q u il fe rend appellant de
toute décifion quelconque qui ne feroit pas conforme à ce prin
cipe immuable , que les Repréfentans doivent être en raifan des
Repréfentés............ parce quelle feroit fouverainement injufle ,
& par cela fcul frappée d’une illêgfllité radicale.
Les paiïages que nous venons d’avoir l’honneur de vous
rapporter , luffifent pour caraftérifer un Ecrit de cette na
ture. Nous ne nous permettrons en ce moment aucunes réfle
xions fur les deux Imprimés de la première clafle.
La fécondé doit contenir , entre tous les Imprimés qui
nous ont été remis par le Greffier de la C our, ceux qui ont
un rapport direflt aux troubles de la Bretagne.
Nous avons réuni fous cette indication huit B r o c h a s qui
A z
�4
©n't le même cara&ere & refpirent le même efprit ; vous y
verrez le commencement, les progrès & les fuites d’une forte
de confpiration q u i, fous le voile du bien public & de la
liberté , a prefqu’occaiîonné les plus grands défordres.
La premiere de ces Brochures eft un Difcours, vrai ou fuppofé, des Commijjaires des Etudians en Droit & jeunes Citoyens
de Bretagne , en préfentant leurs Arrêtés au Commandant de la
Province.
On eft tout étonné de voir les Eleves de l’une des Fa
cultés de l’ Univerfité de Rennes, & le reite des jeunes gens
de la Ville , réunis tout-à-coup en corporation , s’ériger
en Corps lé g a l, former une Affemblée & prendre des délibé
rations. Nous ne devons pas préfumer qu’ils aient encore
reçu beaucoup d’inflruéKons fur les matieres de Droit public.
Cette Harangue> adreifée au Commandant de la Province ,
iembleroit néanmoins annoncer une forte de fubordination
un recours à l’autorité royale ; mais dans le fait elle n’eil
que le paiTeport de la délibération la plus étrange & la plus
inconilitutionnelle.
Les Etudians en Droit & les autres jeunes Citoyens de la
Ville s’étoient aiTemblés dans la Salle des Ecoles de Droit le
2.0 Janvier ij8 g ,• ils avoient pris une délibération , tant en leurs
noms perfonnels que par procuration & adhéjîon des jeunes Ci
toyens des Villes de Nantes , L'Orient, Saint-Malo & autres
Villes de la Province ; & c’eil dans cette efpece de coalition.,
( pour nous fervir d’un terme emprunté de nos voifins, qui
exprime une chofe étrangère à nos mœurs ,) qu’il faut cher
cher le germe des troubles qui depuis ont enfanglanté la Bre
tagne.
Cette jeunefle ardente , inconfidérée, & d’autant plus
prompte à décider qu’elle connoît moins les vrais principes
fe hâte de prendre parti dans l’efpece de fchifme qui a paru
divifer les trois Ordres ; & pour faire connoître fon vœu par
ticulier , elle emprunte le langage tk -la forme uiîtée dans les
Arrêtés des Cours Souveraines -, en conféquence l’Arrêté
quelle fait commence ainii;
�%
24*
9
Vu en ladite Ajjemblée ÜArrêt du Confeil d'Etat du R o i, du
3 Jan vier, qui enjoint aux Députés du Tiers-Etat de Bretagne de
retourner à leurs Communes pour y prendre de nouvelles charges.
Les Arrêts de la Cour ( du Parlement de Bretagne ) des
8 & 10 du préfent, portant défenfes à tous Corps , Communes
& Communautés , de fe réunir ni de prendre des délibérations
autres que celles autorifées par les Ordonnances . . . . . fous peine
d’être punis & pourfuirvis fuivant la rigueur des Ordonnances
portées contre les Affemblées illicites, & c. & c.
Les déclarations de l’ Ordre de la Nobleffe , &c.
L a Lettre du Chevalier de Guer , &c.
Les différens Arrêtés......... des Paroi [Tes de Rennes affemblées.
Vu & examiné de nouveau le cahier des charges arrêté par les
Membres des Villes & Communes de la Province , en la Salle
de rHôtel-de-Ville , du mois de Décembre dernier.
Ces différens vus font fuivis de pluîieurs confédérations.
Confîdérant ladite Ajfemblée quelle n efl pas fous le coup
des Arrêts de la Cour, qui défendent les Affemblées illicites &
contraires aux L oix du Royaume, & c ............
Confîdérant que la déclaration de l ’ Ordre de la Nobleffe tend
à foulever le Peuple contre fes légitimes Repréfentans , &c.
Confîdérant que la Lettre du Chevalier de Guer efl infi—
dieufe , &c. •
Confîdérant que les Arrêtés pris par les différentes Paroiffes ,
expriment le vœu général & réfléchi du Peuple :
Confîdérant enfin que le cahier des charges du Tiers-Etat ne!
■contient que les réclamations les plus équitables, &c.
Déterminée par toutes ces confidérations , l'Affemblée arrête
•qu’elle fe réunira toutes les fois que le befoin & les affaires pu*
ùliques Vexigeront, fa u f à fe pourvoir contre les défenfes qui
pourroient lui être faites.
Après avoir nié, critiqué , défavoué la déclaration de
VOrclre de la NoblciTe , après avoir confirmé XArrêté pris par
Us jeunes Citoyens de Nantes, du 6 Janvier précédent celui de
VOrient du iz > & généralement tous l e s Arrêtés pris par les jeunes
�6
Citoyens des autres Villes de la Province , elle ordonne que fx
délibération fera imprimée au nombre de fix cents e x e m p l a i r .
Cette Délibération eft revêtue d’un grimd nombre de Signa
tures , & en outre fignée Raoul, Lieutenant de Prévôt & Greffier
des Etudiants en D ro it, pour les jeunes Citoyens de Nantes 3
L'Orient, Saint-Malo , & tous les jeunes gens de la Province non.
préfents} mais qui ont envoyé leur procuration, accompagné de
huit cents jeunes Citoyens.
Ce coup d’éclat fait en la Salle des Ecoles de D ro it, a été
fuivi d’une démarche plus éclatante encore. Ces mêmes Etu—
dians fe font tranfportés le même jour à l’Hôtel-de-Vrlle où
fe tenoit l’AlTemblée Municipale. Ils ont demandé à entrer, fy
ayant été admis, ce même Raoul, faifant les fonctions de Prévôt,
a donné leclure de la Délibération prife aux Ecoles, a mis les
Arrêtés fu r le Bureau , a demandé acle du dépôt defdites Pieces,
& l’Ajfembîée Municipale a décerné acte de la repréfentation &
leclure defdites Pieces, & arrêté quelles feroient dépofées au Greffe
de la Vaille.
Cette premiere Brochure étoit comme le préparatif des
faits qui n’ont pas tardé à fe fuccéder.
La fécondé a pour titre ; Détail de ce qui s’eflpaffé à Rennes
le 2,6 Janvier ijSç).
Cette feuille où l’on accufe la NobleiTe d’un complot odieux,
où elle eft traitée d’abominable race, femble contenir la relation
incroyable d’une émotion populaire dont il y a peu d’exemple.
Cette relation a été démentie par un récit tout-à-fait oppofé
de la part de la NobleiTe de la Province. L ’une & l’autre n’ont
aucune authenticité : mais la premiere a été diftribuée avec
un tel empreiTement, qu’on forçoit ceux qui ne vouloient pas
l’acheter à en r e c e v o ir un Exemplaire fans en payer la valeur:
& cette circonftance peut faire foupçonner l’efprit dans le
quel cette Brochure a été çompofée , envoyée & diftribuée.
Nous nous ferions un jufte reproche de reproduire les
aflertions que ce détail préfente. 11 feroit trop douloureux h
notre Minïftere de retracer des évènemens ii tragiques que
fious defirerions d’en effacer même jufqu’au fouvenir,
�^43
7
La troiiîeme Brochure de cette fécondé claffe, eft en quel
que forte le premier fruit du détail que nous venons de faire
connoître.
Elle eft intitulée : Difcours prononcé à l’Hôtel de la Bourfe,
dans r Affemblée des jeunes gens de Nantes , par M . O m n ES
O m n i b u s } Député des jeunes gens de Rennes , le 2 8 Janvier
2J 89L ’Auteur annonce qu’il eft Député & qu’il vient, au nom des
jeunes Citoyens de Rennes , chercher les fecours quils attendent
de ceux qui fe font j î bien montrés pour la caufe commune........ ..
J e me facnfierai , ajoute-t-il, s’il le fa u t, pour mes Compastriotes. L a Patrie efl en danger, marchons pour la défendre.
Cette vive apoitrophe eir fuivie d’une Proteflation des jeunes
gem de Nantes : on y lit, Que le cri de la vengeance reten*
tiffe jufquau pied du Trône ! Que le Monarque voie couler le '
Jang de nos freres , &c. &C........... Jurons tous au nom de l’hu
manité & de la liberté, d’élever un rempart aux efforts de nos
ennemis............Ils arrêtent en conféquence de partir en nombre
fufffant pour en impofer. . . . . de regarder comme infâmes &
déshonorés , ceux qui auront la baffeffe de cofluler & mêîne d’ac
cepter les places des abfens............de j e foumettre aux Commiffaires nommés par acclamation pour la police Ù l’ordre qu’il
conviendra obferver pendant la route & le féjour à Rennes.
Enfin ils proteflent d’avance contre tous Arrêts qui pourraient
les déclarer féditieux............& jurent au nom de l’honneur & de
la Patrie, qu’au cas qu’un Tribunal injufle parvint à s’emparer
de quelqu’un d’eux, & qu’il ofât , par un de ces actes que la P o
litique appelle a3e de vigueur, & qui ne font en effet qüe des
acles de defpotifme } le Jacrifier fans obfen>er les formes & les
délais preferits par les L o ix , ils jurent, difons-nous, défaire
ce que la nature , le courage & le défefpoir infpirent pour fa
propre confervation.
Cet Arrêté paroît revêtu d’abord de féi'Ze fîgnat u res, &
ceux dont on 1-rt les noms, prennent la qualité de Comntiffaires,
Enfuite on trouve les noms de fix autres Particuliers qui s-an’noiicent pour Chefs de çorrefpondance} & comme fi tous Ieis>
<
�8
afliftans n’avoient pu figner , on voit un grand nombre de
Signatures fuivies de pluiieurs & c. & c. & c.
Vous venez de voir que la JeuneiTe de Nantes a arrêté de
partir & d’aller au lecours de les freres de- Rennes. Ce. plan
a été auflitôt exécuté que conçu. L ’Arrêté eil du 28 Janvier.
Nous voyons par la quatrième Brochure intitulée , Journal cU
route, que ce même jour 28 Janvier, les jeunes gens de Nantes
fe font en effet mis en marche, qu’ils le font approchés de la
ville de Rennes avec armes & bagages, mais en obfervant
une diicipline prefque militaire , d’après un Arrêté fait par les
.Commijpiires nommés avant le départ.
Ce même Journal nous apprend que cette JeuneiTe a été
trois jours en marche, que la JeuneiTe de Rennes cil venue
en partie la rejoindre à Nozay; que le 31 Janvier, les deux
corps réunis le font remis en route pour arriver à Rennes; que
l ’entrée de la ville a été interdite au plus grand nombre } que
leurs inftances réitérées leur 'ont fait obtenir la permiiTion
d’entrer, que les jeunes gens de Nantes ont été logés chez
les Bourgeois, & qu’ils ont dépofé leurs armes fous la garde
.de cinquante d’entreux.
. Cependant l’émeute du 16 avoit excité la vigilance du Par
lement de Rennes, & ayant voulu prendre connoiiTance de
l’affaire furvenue entre M M . de la Noblejje & du Tiers-Etat, il
avoit rendu un Arrêt qui évoquoit les procédures commencées
foit au fiêge de la Police, foit au Préjidial, avec défenfes d’en
. connoitre. Le même Journal nous apprend encore que le Préfidial ri avoit pas voulu déférer à cet Arrêt, q u il continuoit fes
informations, & que l’ordre des Avocats crut alors devoir
agir en fon nom. I l demanda l’entrée de la Cour, le rapport de
rArrêt de convocation. ( c’eft évocation qu’on a voulu dire )
il demanda que la connoijfance de l’affaire refiât au Préfidial
comme Tribunal d’injlruclion & le feul qui pût en connoitre. Nous
ne pouvons nous perfuader qu’un Barreau auffi éclairé que
celui de Rennes, ait pu ignorer que les Couf's fouveraines
ont dans toute l’étendue de leur reflort, & principalement
dans le lieu de leur fixation , l’exercice inconteilable de la
grande
�grande Police. Le Parlement de Rennes devoit ie place*
entre le corps de laNobleiTe & celui du Tiers-Etat, pour pa
cifier les efprits & arrêter le défordre , quels qu’en ruiTent les
auteurs. Mais ce qui nous étonne encore davantage, c’eft
qu’on faiTe dire à l’ Avocat qui portoit la parole au nom de
rOrdre , qu ïl tenoit d’une main VOrdonnance & de l’autre le
cri public : comme fi cette menace déguifée, pouvoit en impofer aux Magiftrats dépofitaires de l’autorité : comme fi la
Cour devoit le motif de fes réfolutions à un Ordre fait pour
défendre les intérêts des Particuliers, fans interroger la Juftice
dans le fan£luaire de la Loi. Auffi le Parlement de Rennes
a-t-il répondu à cette infurreftion inouie, qu’il ne devoit au
cun compte à l’Ordre des Avocats , & quilvouloit bien lui dire
qu’il avait puifé dans fa fageffe l’Arrêté qu’il avoit pris. Nous
lifons dans le même Journal, que mécontent de cette réponfe,
l ’Ordre a député quatre de fes membres pour Paris , fans doute
pour fe plaindre de ce que cette Cour n’a pas fait droit fur fa
réclamation.
La cinquième Brochure eft un Recueil de Pieces tant im
primées que manuferites y mais ce Recueil fe réduit à deux
feulement.
La premiere eft un Ecrit des jeunes gens de la ville de
Breft, dans lequel ils certifient, promettent & jurent d’adhérer
aux Délibérations de la ville de Rennes............de fe foumettre
à tout ce qu’il plaira............à la Jeuncjfe afjhnblée de la ville
de Rennes, de décider pour foutenir les droits injuflement mé
connus du Tiers, de s’oppofer aux infultes & vexations d ’une
Nobleffe orgucilleufe.............. & enfin de Je foumettre aveuglé
ment à tout ce qui fera décidé par le. Confeil de la Jeunejfe aJJ'emblée, & de fe confacrer avec le plus parfait dévouement à la
caufe publique. Cet Arrêté eft du i cr Février 1789. Il eft revêtu
de ioixante fignatures, & à la fin il eft figné F rémont, Commijfaire pour la correfpondance de Nantes 6’ Rennes.
La fécondé Piece de ce Recueil, eft une Homélie HifloricoPolitico-Morale, où l’Auteur s’eft efforcé de faire voir ce que,
d’après fes idées & les faits qu’il raconte, on doit penfer d$
�la conduite des Ordres de l'Eglife & de la Nohlejfe -, & de celle
du Parlement, depuis Uouverture des Etats de Bretagne.
Dans ce difcours, l’Auteur , vraiment fanatique, s’eft oublié
au point d’affe&er d’imiter en tout la forme pratiquée dans
les inftruéKons que les Miniftres de l’Eglife donnent aux F ideles aiTemblés, fur les Myfteres, les Dogmes & les préceptes
de notre Religion fainte. Cette Homélie ne préfente qu’un
narré infidele ae faits hafardés ou dénaturés, qu’un aiïemblage
d’aflertions injurieufes au Clergé, à la NobleiTe & à la M agiftrature, la dénonciation d’un fyftême d’alTerviiTement mé
dité contre le T iers-E tat, fyftême qui n’a jamais exifté &
n’exiftera jamais dans le cœur ou dans l’efprit des deux premiers
Ordres de la Province, enfin Fapologie des prétentions de
toute nature du troifieme Ordre , & un encouragement pour
faifir l’occafion de rompre le joug & de rentrer dans tous les
droits dont-il a été injuftement privé. O ! iouvenir malheureux,
c’eft avec de pareils moyens, c’eft par de femblables décla
mations, que les Prédicateurs du tems odieux de la Ligue,
çherchoient à foulever le Peuple & Tanimoient contre ce qu’il
y avoit de plus refpe6ïablc dans l’Etat !
Il nous refte encore à vous rendre compte, dans cette claiîe,
de trois Imprimés qui font une fuite de tout ce que nous
venons d’avoir l’honneur de vous expofer.
L ’une eft une Proteflation des Etudions en Droit de la ville
d ’Angers , du j Février iySg,
La fécondé, un Arrêté des Membres de la Basoche de la
ville d'Angers , du même jour.
La troifieme, un Arrêté des jeunes Citoyens de la même V ille}
du 4 Février.
La Proteftation des Etudians en D roit, a été faite dans la
Salle des grandes Ecoles ; elle a été faite fur la leclure d’une
Lettre des jeunes gens de la ville de Rennes. On rappelle dans
cette Proteftation les coniidérations qui ont déterminé les
Etudians en Droit de l’Univeriité de Rennes, 011 arrête des
Remercirnens à tous les jeunes gens de Nantes , aux Etudians en
Droit de Rennes , & à tous les jeunes Citoyens de Bretagne :
�$
4
II
qu’il leur fera fu r le champ donné affurance du ^ele de l’AÎTem—
blée à concourir avec eux à la jufle vengeance des affaffinats
commis par quelques Nobles de Bretagne , que chacun fe pré
parera fans délai à partir pour fe rendre à Rennes, qu’on com
muniquera à la Jeuneffe d’Angers les Pièces même de Nantes ,
& que la Délibération fera rendue publique.
L ’Arrêté de la Bazoche efl dirigé d’après le même plan de
conduite. On expofe d’abord , que déjà les Etudions en Dro.it
& en Médecine , ont envoyé des Députés à Nantes & à Rennes,
pour prendre des informations , & offrir aux Bretons la vie &
les bras de la Jeuneffe Angevine, difpofée à partir au premier
fign al; & d’après cet expofé, la Bazoche prend une Délibé
ration femblable à celle des Etudians de la ville de Rennes,
tk arrête de s’y tranfporter au premier avertiffement, & que ceux
qui obtiendront ou folliciteront les places des abfens, feront voués
à rinfamie & déclarés incapables depoffeder aucune Charge dans
la Judicature.
Enfin la Jeuneffe de la ville d’Angers arrête qu’<m qualité
d'hommes & de Citoyens , ils font & feront toujours prêts à voler
au ¡¿cours de leurs frères injuflement opprimés............. & en
coméqunnce ils adherent aux Arrêtés des Etudians en D ro it,
des Etudians en Médecine & des Membres de la Baroche de
ladite Ville. Ces trois .dernieres Pieces font accompagnées
d’une grande multitude de fignatures.
L ’analyfe que nous venons de prefenter des huit Brochures
comprifes dans cette fécondé claffe, démontre avec évidence
à quel degré de fermentation les efprits fe font portés dans
la Province de Bretagne. Non-feulement les Municipalités,
les Communautés , les Paroiifes fe font affemblées & ont pris
des Délibérations : Elles en avoient la faculté 5 elles forment
un Corps dans l’Etat : Tout Corps a droit de délibérer fur
fes intérêts. Nous n’avons point à nous occuper de ces Déli
bérations particulières. M ais, par quelle infligation eit-il arrivé
que la Jeuneffe de Rennes, Nantes, ¿’ Orient, Brefl & Saint-M alo , fe foit aifemblée dans chacune de ces V illes, & fe foit
enfuite réunie pour agir de concert & .fe porter aux memes
B x
>
�VI r-
îz
extrémités ? Pourquoi les Etudiants en Droit & en Médecine
ont-ils fuivi le même exemple ? Qui a pu leur perfuader de
former une aiïoaation publique? Comment ont-ils pu fe pro
mettre de faire couler le fang de leurs freres jufques fous les
yeux du Monarque ? Et comment n’ont-ils pas frémi àe jurer >
s’ils étoient poursuivis par un Tribunal qu’ils appellent injujle.,
de faire tout ce que la nature , le courage & le défefpoir infpire
pour fa propre confervation ? Comment ce cri de vengeance
a-t-il retenti jufque dans les Villes voifines? par quelle fatalité,
en un mot, cette traînée de poudre a-t-elle pris feu au même
inftant dans prefque toute l’étendue de la Bretagne? Vous en
avez l’aveu dans le Journal de route des jeunes gens de Nantes.
Déterminés par le Difcours prononcé à la Bourfe par un
Député de Rennes, ils fe font tranfportés en grand nombre
dans le fein de la Capitale , où les Etats devoient être &
étoient cenfés aiTemblés -, ils y font entrés armés , & ont
en quelque forte , forcé le Commandant de les admettre „
pour éviter de plus grands défordres. Ils accufent la NobleiTe,
le Clergé , le Parlement ; mais n’ont-ils rien à fe reprocher à.
eux-mêmes? Ne pourrions nous pas leur dire, comme Horace:
au Peuple Rom ain, dans les troubles de la République expfr
iante ;
F uror-ne c œ cu s , an rapit vis acrïor ?
An culpa ? Refponfum date.?
Epod. L. VUL.
''
Eiî-ce parl’efFetd’unecombinaifon fortuite que cettejeuneiler
non contente de folüciter fes Compatriotes, a fait circuler fon
effervefcence jufque dans les Provinces limitrophes? Par l’impulfion de quelle force inconnue les Etudians en Droit r les,
Etudiants en Médecine de l’Univerfité d’Angers, la Jeunefle
de cette même V ille , & la Bazoche attachée à la Sénéchauil'ée
d’Anjou, ont-ils adopté la même réfolution ? Pourquoi cette'
foule, abfolument étrangère aux Etats de Bretagne , a-t-elle
embraffé la querelle du Tiers-Etat de cette Province ? Pour
quoi s’eil-elie réunie, autant qu’il a été poflible , à la JeuneiTe
�Bretonne ? Pourquoi.a—t —elle juré de voler à Ton fecours
au premier iignal, l’a - t - e l l e remerciée de fa confiance?
E t , enfin, de quel droit a-t-elle fait imprimer des Arrêtéspris dans la chaleur du premier moment ? Seroit-ce pour faire '
parade, aux yeux de toute la France, d’une intrépidité cou
pable , & qu’on doit envifager comme le fruit de l’aveugle
ment , plutôt que comme l’eiFet d’un zèle pur & d’un vrai
patriotilme ?
Il leroit, iàns doute, dangereux d’approfondir des queftions
que l’homme fenfé fe fait malgré lui-même , mais auxquelles
il lui eft impoiïible de répondre. Détournons nos regards de
ce tableau trop affligeant, & achevons de parcourir les Im
primés dont notre Miniftere a été chargé de rendre compte
à la Cour.
Le nombre n’en eft pas coniîdérable dans la troiiîeme
claffe j ils fe réduifent à deux : en voici le réfumé.
Le premier eft intitule : Lettre de M . C.-F* d e V o l n e y t
à M . le Comte de S ..... r.
Il paroït que cette Brochure eft une réponfe à la réfutation
cPun des ouvrages de l’Auteur. Le commencement de cette
lettre eft une fuite de farcaimes contre celui à qui elle eft
adreflee, un long tiiTu dmveftives contre la Noblefîe Françoife, ui^ aiTemblage de reproches contre la Magiftrature ,
& un recueil apologétique des lumieres, des forces & des pré
tentions du Tiers-Etat. L ’Auteur veut repouiïer des EtatsGénéraux tous ceux qui font attachés à la NobleiTe de quelque
maniéré que ce fo it, & , pour cet effet, il divife fon ordre
( le Tiers-Etat ) en deux claffes ; l’une réellement indépendante
de la Noblefje par fa fortune & fon caraclere ; lyautre encore dans:
le fervage parjes intérêts & fes places : ces derniers fo n t, dit-il",.
des efclaves d’Alger que nous voulons délivrer, mais que non»
Jommes forcés de canonner afin de détruire le Corfaire.
Quant aux principes que l’Auteur établit, nous n’en citerons
qu’un feul; il renferme tous les autres. Il diftingue dans le
Tiers-Etat la force morte & la force vivante r & voici comme
il s’exprime : pour vous expliquer la force morte, je vous dirai
�r4
que c’efl celle d'un Payfan qui, perfécutepar un Haut-Juflicier,
j e défend par des Mémoires ; & que la force vivante , e(l celle
d’un, autre Payfan qui, pouffé à bout, prend fon fu fil & fe fait
jufîice. On peut juger de la trempe d’efprit de cet Ecrivain,
de la profondeur de fes raifonnemens, de la fagefle de Tes vues,
par cette feule explication.
Le fécond Imprimé elt divifé en cinq numéros, qui forment
chacun une Brochure féparée : elles ont pour titre : La Sentinelle
du Peuple^ & font adreffées aux gens de toutes les profejjions,
fciences , arts , commerce & métiers compojant le Tiers-Etat
de la Province de Bretagne.
Cet ouvrage, comme nous l’avons déjà annoncé, étoit deftiné à devenir périodique, & le pian que le journalise paroît
avoir adopté, cil de recueillir les projets, les propos, les converfations, les entretiens furtifs, & généralement tout ce qui
peut avoir trait aux affaires de la Province , & d’accompagner
le tout de fes remarques & de fes réflexions.
L ’Auteur avertit que tout Citoyen doit avoir un emploi dans
la fociété , & il fuppofe qu’il a pris, pour Jon lot, le métier de
fentinelle ; en conféquence, il va rodant les foirs par les rues ;
il fe tient en embufeade aux coins des carrefours ; il parcourt les
places publiques, épie tous les pafTans, les fuit, les écoute,
&: fait fon profit de toutes les convc l'fations qu’il peut entendre.
Ce cadre eft rempli de nouvelles apocriphes., de fables inven
tées à plaifir, de contes propres à échauffer le Peuple , d’événemens ajuftés aux affaires du jour, d’ailégorics injurieufes &
de conjurations qui n’exiftent que dans rmragination de cet
cfpion noéturne. Son but principal eft d’exaipérer le TiersEtat contre la Noblefle. Il accufe, fans celle, les deux premiers
Ordres d’avoir formé un complot pour opprimer, pour dé
pouiller le troilïeme, pour le réduire à un efclavage honteux;
& la Magiftrature eft d’intelligence pour faire réuilir la confpiration...............* • Frères & Citoyens, s’é c rie -t-il, faites feu
lement ce que je vous dirai............. J e veux , avant dix jo u rs,
mettre à vos pieds tous les Conjurés. Et ce fecret eft d’obliger
tous les membres du Tiers-Etat, dans quelque rang qu’ils fe
�O JI
«5
trouvent placés, à rompre toute communication, à refufer
tout fervice, en un mot à ne rien faire de ce qui concerne
leurs profeffions, pour le Clergé , pour la Nobleiïe & la M agiiîrature. Cet expédient eil heureufement imaginé, & le TieisEtat s’applaudiroit fans doute d’une réfolution il analogue à
fes intérêts. Au reile, l’Auteur eil d’accord avec lui-même ;
car fon projet eil de détruire dans le Royaume tout ce qui n’eit
pas le Tiers-Etat. Dans un autre de fes numéros, il introduit
un médiateur qui offre d’appaifer tous les débats , & cet
efprit pacificateur trouve extraordinaire quunOrdre fe jépare des
deux autres. Voici la réponfe de l’Auteur: qu appeliez-vous un
Ordre ? Changeç vos termes , A i onfieur. Le Tiers-Etat r i ejl point
un ordre; il ejl la Nation; c’ejl un Corps entier & complet dont
la Nobleffe & le Clergé ne font pas même les membres miles , car
ils ne le font ni vivre ni agir ; ce font deux loupes................. q u il
faut refouler dans la maffe. A-t-on jamais rien lu de plus extra
vagant. Le délire eil porté jufqu’à la frénéfie.
Avant de terminer cette difcuilion, nous allons vous faire
connoître le génie de ce Folliculaire anonyme ; nous ne ci
terons plus qu’un paifage du dernier de fes Numéros ; mais
on doit frémir en le liïant.
Après s’être livré à la violence de ces déclamations , l’Auteur dit qu’il veut quitter les perfonnalités pour fonger à la
■choie publique. Il s’adreiTe à l’un des Membres de l’Ordre
de la Nobleffe , & l’invite à jetter un regard fu r la France
& fu r la Bretagne ; & à l’afpecl des nuages immenfes de l’horifon , de juger quelle tempête fe prépare. Il ajoute : le feu de
la fédition ejl prêt à éclater ; voye^ les liens Je ¿’Etat d ffous 3
le frein des pajfions brifé, le champ ouvert à la licence ; voye^
le Peuple mutiné , la Jufllce civile fufpendue , les impôts par
tout refufés............ Voye^ la fédition dans les Villes, le pillage
dans les Campagnes , les allarmes dans les familles. Dans ce
danger des Citoyens , voye^ le danger de votre Ordre. En vain
i l veut fe rajjembler pour oppofer plus de réfijlance , la jeunefje
rOturiere fe ligue & forme des Corps volontaires redoutables. On
fujcite vos Payfans contre vous y & leur donnant en propriété
'^
�H
16
ce qu 'ils n’ont quen fermes, ils deviennent vos plus ardens en
nemis.............. Tremble{ de livrer un. combat où le Peuple n a
rien à perdre & tout à gagner.
Quel pinceau a pu tracer- cette image horrible des cala
mités que les diffentions publiques pourroient accumuler ? Les
écrits multiplies qui contiennent ces indices d’une rebellion
méditée , feroient-ils les avant-coureurs du plus terrible des
fléaux ? Ce nefont encore que des manifeftes, mais les bruits
fouterreins préfagent l’exploiion des volcans. Le calme qui
paroît iuccéder aujourd’hui aux premiers coups de l’orage,
n’eft peut-être qu’un calme apparent. Les trois Ordres l’ont
toujours partagés , ils font en préfence , ils s’attendent ; lequel
deviendra l’agreffeur ? Nous ne pouvons le dilîimuler ; vous
venez de l’entendre ; ce n’eft pas la Nobleffe qui veut anéan
tir le Tiers-Etat, c’eft un Membre du Tiers-Etat qui cherche
à le foulever; c’eft lui qui annonce toutes les horreurs de'la
guerre civile ; il dit à la NobleiTe : nous fommes tout, vous
n’êtes rien ; cedez à la force, autrement vos châteaux Jont
incendiés, vos richejfes font diffipées , vos droits féodaux vous
font arrachés, vos femmes & vos enfans je trouvent expofés
aux infultes de la populace & aux befoins de la pauvreté y &
dans ce combat terrible de la Nation contre vous...........f i vous
remportiez la vicloire............... vous régneri fu r des tombeaux
¿y fur des ruines.
Nous ne faifons que copier littéralement le texte de l’Ecrivain. Comment cara&érifer de pareils Ouvrages? Le fanatiime
n’a jamais enfanté de produftions plus féditieufes j comment
a-t-on pu en tolérer la diftribution ?
Reprenons en peu de mots tout ce que nous venons d’offrir en
détail.
L e Catéchifme des Parlemens préfente un fyftême que la
Magiftrature défavoue, & que la haine de certains efprits mal
intentionnés a pu feule imaginer.
L ’A vis aux Parifiens eft le fignal de la fédition , tout y
Fefpire le fchifme , la fureur & Panarchie.
Les Arrêtés des Etudians en Droit & en Médecine de l’Univerfité d’Angers j
L ts
�$S2>
17
Les Arrêtés de ia Jeunefle des villes de* Rennes, Nantes,
l’Orient, Breft, Saint-Mqlo & Angers ;
L ’Arrêté de la Basoche de la Sénéchauflee d’Anjou ;
Le DiJcours prononcéà la Bourie de Nantes, & L’Homélie de
l’Orateur Breton ; enfin , La Lettre de Volney & La Sentinelle dw
Peuple, ne font que le langage de l’infubordinàtion & de la
révolte, le produit du délire &: de l’aveuglement. Par-tout on;
voit une main ennemie, qui entafle reproches fur reproches,
accufation fur accufation, complots fur complots; l’opiniâtrfcté
d’un Auteur, qui prend toutes les formes pour reproduire fes
fentimens, & les faire adopter ; les efforts d’un Conjuré , qui
fe propofe de caufer un embrâfement dont rien ne puiife
arrêter les progrès. En effet, quelle a été l’origine des troubles
de la Bretagne ? Nous n’acculerons aucun des trois Ordres....»
Il y a peut-être eu des torts refpeftifs. Le parti étoit pris avant
l’Affemblée des Etats, & la fermentation s’eft augmentée par
la fermeté de la Nobleffe & l’obftination du Tiers ; mais le'
feu n’a pas refte long-temps caché fous la cendre ; l’incendie
a bientôt éclaté. Tirons le rideau fur un fpe&acle lamentable.
La combuftion eft devenue prefque générale ; alors la jeunefle
a voulu faire la lo i, la jeunefle, v iv e , préfomptueufe, facile
à s’égarer, fur-tout lorlqu’elle fe livre à fon premier mouve
ment j elle s’eft érigé à elle-même un Tribunal démocratique;
elle a donné fes idées pour des Plébifcites ; elle a envifagé
fes délibérations comme le premier ufage de fa liberté & le
fondement de l’autorité qu’elle vouloit s’arroger ; elle en a
ordonne l’impçeflion.
Imprimer des Arrêtés violens, fe lier par des fermens réci
proques , former des attroupemens illicites & provoquer la
réunion armée d’une portion des Citoyens , voilà cependant
les fruits de cette liberté indéfinie de la preffe que l’amour de
l’indépendance ne ceffe de réclamer ! Il n’en eft en quelque
forte reliilté , dans les circonftances a&uelles, que des libelles
féditieux, des relations menfongeres, des avis propres à en
flammer les efprits , des adhéfions à des projets fanguinaires ,
& Ja facilité de communiquer promptement les réfolutions
Me
�18
les plus violentes & les plus contraires à l’ordre public. Tel
eft i’ufage qu’on fait encore aujourd’hui de cette tolérance
univerfelle ; mais n’eft-elle pas devenue abuiive ? Nous en
tenons la preuve entre les mains , & le compte que nous
venons de rendre de tous ces Imprimés dépofera toujours que
l’intention de la Cour n’a jamais été de favorifer les abus d’une
impreffion clandeftine.
L ’ufage légitime de la prefle , ce moyen fi rapide d’étendre
les lumieres & les connoiifances utiles au genre humain, cette
liberté repréfentative du don naturel de la parole, dégénéré,
comme la parole elle-même, en licence intolérable , toutes
les fois qu’elle facilite le moyen de répandre le poifon de
l’erreur, d’attaquer les dogmes & les myfteres de la Religion ,
de corrompre la pureté de la morale , de bleffer l’honnêteté
publique & de diffamer le dernier des Citoyens. Tous ccs
grands objets doivent être couverts de l’Egide de la L o i, &
quiconque leur porte atteinte eft un perturbateur du repos
. Eft-il poifible qu’il fe trouve des ames affez viles pour fe
livrer à des perfonnalités qui déshonorent plus celui qui fe les
permet que celui qu’on cherche à déshonorer ? Comment fe
rencontre-t-il des Imprimeurs aifez faméliques pour mettre au
jour des ouvrages obfcenes , des écrits téméraires , des bro
chures calomnieufes, & toutes ces produirions préparées pour
attifer le feu de la difcorde dans le cœur ou dans l’efprit des
Citoyens ? Y a-t-il donc de la probité à répandre la calomnie,
à devenir l’inftrument de la diffamation, & à fe rendre le
complice d’un mal fi difficile à réparer?
Quand le Roi a autorifé tous fes Sujets à lui faire parvenir
leurs fentimens particuliers fur objet important qui femble
partager la Nation, le Roi n’a eu d’autre but que d’éclairer
fa religion : & il donnoit une grande preuve de bonté, en
confultant fes Sujets fur leurs propres intérêts. Pouvoit-il pré
voir que cette bonté paternelle deviendroit la fource d’une
multitude d’écrits, plus propres à divifer les efprits qu’à les
rapprocher, plus capables de confondre les idées que de réunir
�*9
les opinions, plus favorables aux fa&ieux que confolans pour
les véritables Patriotes? Il eft peut-être tems encore de réprimer
un défordre qui pourroit caufer les plus grands malheurs, par
la rapidité avec laquelle l’Art de rimprimerie communique la
contagion. Pour arrêter ces funejles effets, le Roi a déclaré qu’il
alloit prendre des mcfures propres à prévenir la licence à laquelle
on Je livre en imprimant toutes fortes d’ouvrages fans aucune
fanclion. PuiiTe cette intention manifeftée être déformais une
digue allez puiifante pour arrêter l’impreiTion furtive & la
diltribution publique de ces ouvrages licentieux , dont une
tolérance funefte femble autorifer la publicité !
Quelque profond que foit l’égarement de ces Ecrivains ano
nymes , q u i , du fein de leur obfcurité, fement le trouble &
appellent la révolte, qui voudroient armer la Nation contre
la Nation, qui ne connoifîent de droit public que la force,
& fe promettent de dénaturer la Conftitution françoife, pour
s’élever fur fes ruines par l’établiflement d’une égalité chimé
rique dans tous les états &: dans toutes les conditions ; nous
ofons encore nous flatter que le phantôme de l’illufion ne
tardera pas à s’évanouir, & que bientôt le Génie du patriotifme confum£ra>ilfs nuages qu’un Démon malfaifant oppofe à
la lumiere de h.)vérité.
La iituation a&uelle de la France eft femblable à la poiition
critique d’une flotte nombreufe battue de la tempête , & dans
l’impoflibilité de faire ufage des fignaux convenus ; les vaiifeaux , pouifés par les vents contraires, obéiflent à la vague
écumante, fe heurtent, s’entrechoquent, fe féparent, malgré
l’habileté de la manoeuvre : mais auili-tôt que l’orage eft diflipé,
ils fe rapprochent, fe fecourent, fe réunifient fous le pavillon
am iral, fe mettent en ligne , & voguent avec confiance pour
arriver au port qui les attend. Les Etats-Généraux dü Royaum e
feront ce point de réunion ; c’eft dans cette au eu île Aficrnblée ,
& fous les yeux d’un Monarque chéri, que les Repréfentans
de la Nation, guidés par le même ciprit, animes du ineme
zele , formant le même v œ u , après avoir dépofé fur l’autel
de la Concorde les préjugés anciens & nouveaux, les prtten-
�tiens injuftes & démefurécs , l’orgueil du rang, le poids de
la multitude, la défiance enfin , & les jaloufies , fources
impures de la fureur ou de l’aveuglement, porteront au pied
du Trône les fruits précieux de l’union, une preuve éclatante
de fon dévouement, & fa juile réclamation contre les abus que
le malheur des temps a fait introduire dans toutes les parties de
l’Adminiftration. Pourrions - nous craindre de nous livrer à
cette douce el'pérance ? Ce n’eft que dans cet accord heureux
de fentimens infpirés par le véritable honneur, que les Fran
çois peuvent fe prouver à eux-mêmes qu’ils font freres, amis,
Citoyens, qu’ils ne forment qu’une feule famille , qu’aucun
des trois Ordres ne veut prédominer, qu’ayant tous le même
intérêt, ils doivent tendre au même but, & alfurer le bonhevy
commun , par un monument inébranlable dont la liberté , la
foi publique & l’amour de la Patrie auront pofé les fon—
demens.
PuiiTent nos vœux hâter ce moment il defiré ! M ais, en
efpérant que le flambeau de la diieorde fera entièrement
étouifé , il eil de notre devoir , comme de la l’ageiTe de la
Cour, de condamner publiquement les Imprimés dont nous
venons de lui rendre compte. Les fanatiques plaifantent fur
un genre de flétriiîure depuis long-temps eo'üfage dans les
Tribunaux ; niais l’homme circonfpc£l y voit une improbation
légale prononcée par les Dépoiitaires de l’autorité fouveraine :
& fi l’Auteur d’un Ecrit repréhenfible, ainfi que fes partifans,
fe font une gloire & tournent en ridicule une condamnation
juridique -, l’homme fage fe tient en garde contre un Ouvrage
condamné par les Minières de la L o i, faits pour veiller à la
confervation des bafes fur lefquelles repofent la tranquillité
publi que. C ’eft dans les momens de crife que la vigilance des
Magiitrats devient, en quelque forte , le contrepoifon des
•opinions que la cupidité, l’indépendance & l’anarchie veulent
accréditer.
Nous laiflons à la Cour les Imprimés qu’ elle nous a fait
remettre, avec les conclufions par écrit que nous avons prifes
A -ce fujet.
�Et fe font lefdit» Gens du Roi retirés, après avoir laiffé fur
ïe Bureau lefdits douze Imprimés, & les conclufions par eux
prifes par écrit fur iceux.
Eux retirés,
Vu les douze Imprimés, favoir le premier in-iz , intitulé :
Catéchifme des Parlemcns , fans nom d Auteur ni d’imprimeur,
contenant 1 6 pages d’imprefîion , commençant par ces mots :
Qii êtes-vous de votre nature ? & finiffant par ceux-ci : Point de
réponfe-, Le deuxieme Imprimé , auifi in - iz , intitulé : A vis aux
Parijiens, fans nom d’Auteur ni d’imprimeur, contenant 1 1 pag.
d’impreiîiofi., commençant par ces mots : Frivoles Parifiens , &
•finiffant paf ceux-ci : & qui s ’engraiffe de vos travaux. Le troifieme
Imprimé iti-i i , intitulé : Dijcours de M M . les Commiffaires des
Etudians en Droit & jeunes Citoyens de Bretagne , en présentant
leurs Arrêtés à M . le Comte de Thiard , Commandant de la.
Province , fans nom d’Auteur ni d’imprimeur , contenant
■douze pages , commençant par ces mots : Monfieur ic Comte ,
& finiffant par ceux-ci : le Marchand de l’Epinay , Greffier.
Le quatrième Imprimé in-1 2 , intitulé : Détail de ce qui s’ejl
paffé à Rennes le 26 Janvier ij8çj , fans nom d’Auteur ni
■d’imprimeur , contenant fix pages , commençant par ces
mots : Notre Ville a eu le fpeclacle, & finiffant par ceux-ci :
tels quils fe font pafjés ; avec cette apoftille en lettres itali
ques : Le refle à F ordinaire prochain. Le cinquième Imprimé
in-1 2 , intitulé : Difcours prononcé à l’Hôtel de la Bourfe , dans
ïAffemblée des jeunes gens de Nantes , lans nom d’Auteur ni
d’imprimeur , contenant huit pages d’impreffion , commen
çant par ces mots : Me (¡leurs, & finiffant par ceux-ci : Lupé,
M enard, £-*. &c. Le fixieme Imprimé in-iz , intitulé : Journal
de Route, Nantes , le 28 Janvier ijS g , fans nom d’Auteur
ni d’imprimeur, contenant douze pages d’impreiïïon, com
mençant par ces mots: L e Mercredi matin fufdit jo u r, & fi
niffant par ceux-ci : ferait imprimé. Le feptieme Imprimé , in
titulé : Pieces intéreffantes , fans nom d’Auteur ni d’imprimeur,
contenant vingt-huit pages d’impreffion , commençant par ces
�mots : Nous foujjignés, & finiifant par ceux-ci : par un Curé
de Bretagne. Le huitième Imprimé in-i z , intitulé : Protefladon
& Arrêté de M M . les Etudians en Droit de la. Ville ¿Angers ,
fans nom d’Auteur ni d’imprimeur , contenant cinq pages
d’impreifion , commençant par ces mots : Nous foujjignés , &
finiifant par ceux-ci : pour M M . les Etudians non préferis à
FAjJ'embUe. Le neuvieme Imprimé in-1 z , intitulé: Arrêté de
M M . les Membres de la Basoche aTAngers , du j Février ty8g ,
fans nom d’Auteur ni d’imprimeur , contenant fept pages d’impreifxon , commençant par ces mots : Mejjieurs les Membres
de la Basoche dAngers , & finiifant par ceux-ci : Dubois,,
Secretaire. Le dixieme Imprimé in-1 1 , intitulé : Arrêté des
jeunes Citoyens de la ville dAngers , fans nom d’Auteur ni
d’imprimeur , contenant cinq pages d’impreifion , commen
çant par ces mots : Nous jeunes Citoyens de la ville dAngers ,
&: finiifant par ceux-ci : V erfé, Yvon , &c. &c. Le onzieme
Imprimé intitulé : Lettre de M . C. F . de Volney, à M . le
Comte de S ...... T. ......., fans nom d’Auteur ni d’imprimeur y
contenant vingt-trois pages d’impreifion , commençant par
ces mots : M . le Comte, ik finiifant par ceux-ci : C. F . de
Volney. Le douzième Imprimé intitulé : Afjaires de Bretagne;
la Sentinelle du Peuple, divifé en cinq N os diftin£ts l’un de
l’autre , tous fans nom d’Auteur ni d’imprimeur ; le premier
N°i contenant douze pages d’impreifion , commençant par
ces mots : Amis & Citoyens, & finiifant par ceux-ci : pire
encore que le defpotifme. Le fécond N°. contenant dix-huit
pages d imprelfion, commençant par ces mot? : Amis & Ci
toyens , & finiifant par ceux-ci : de peur d’accident. Le troi—
fieme N°. contenant vingt pages d’impreifion , commençant
par ces mots : Amis & Citoyens, & finiifant par ceux-ci : la
logique de üAuteur , avec cette apoftille en lettres italiques :
la juite inceffamment. Le quatrième N°. contenant dix-neuf
pages d’impreilion , commençant par ces mots : Amis & Ci
toyens , & finiifant par ceux-ci : vingt fois plus j ’ort queux. Le
cinquième N °. contenant dix-huit pages d’impreifion, com
mençant par ces mots : Amis & Citoyens, &: finiifant par
�ceux-ci : à la perte de leur tyrannie. Concluions du Procureur
Général du Roi. Oui le rapport de Me Adrien-Louis Lefebvre
d’Ammecourt , Confeiller.
La matiere mife en délibération :
'
L A C O U R ordonne que lefdits douze Imprimés feront
lacérés & brûlés en la Cour du Palais, au pied du grand
efcalier d’icelui, par TExécuteur de la Haute-Juftice , comme
féditieux, calomnieux , tendans à détruire la confiance fi néceffaire à maintenir dans les différentes claffes des Citoyens,
à perpétuer les troubles par la violence des expreffions; comme
contraires aux vues de fageffe & de bonté qui ont déterminé
le Roi à convoquer les "Etats-Généraux du Royaume ; fait
défenfes aux jeunes Gens de la ville d’A ngers, aux Etudians
en l’Univerfité de ladite V ille , aux Clercs de Procureurs
compofant la Bazoche en la Sénéchauffée d’Angers, défaire
à l’avenir de pareils Arrêtés, fous telles peines qu’il appartien
dra ; enjoint aux Officiers de la Sénéchauffée d’Angers, &
aux Re&eur & Profcffems de l’ Univerfité de ladite Ville de
veiller à ce qu’il ne foit fait à l’avenir aucun Arrêté femblable, foit dans la grande Salle d’audience de la P olice,
foit dans la grande Salle des Ecoles de D roit, foit ailleurs ;
enjoint à tous ceux qui ont des exemplaires defdits Im
primés de les apporter au Greffe de la Cour , pour y être
Supprimés ; fait inhibitions & défenfes à tous Libraires &
Imprimeurs, d’imprimer , vendre & débiter lefdits Impri
més , & à tous Colporteurs, diilributeurs & autres de les col
porter ou diffribuer , à peine d’être pourfuivis extraordinai
rement ¿k punis fuivant la rigueur des Ordonnances; ordonne
quà la requête du Procureur Général du Roi, il fera informé
pardevanr le Confeiller-Rapporteur, pour les témoins qui fe
trouveront a Paris ; & pardevant les Lieutenans-Criininels des
Bailliages & Sénéchauffées, pour les témoins qui demeurent
en Province, de la compofition & diftribution defdits Impri
més; pour les informations faites, rapportées & communi-
�14
quées au Procureur Général du R o i , être par lui requis '& par
la Cour ordonné ce qu’il appartiendra ; à cet effet ordonne
qu’un exemplaire de chacun defdits.Imprimés fera dépofé au
Greffe de la Cour pour fervir à l’inftructio n du procès, Or
donne que le préfent Arrêt fera imprimé, publié & affiché
par-tout où befoin fera , & copies collationnées envoyées aux
Bailliages & Sénéchauffées du reff ort, pour y être lu , pu
blié & regiftré ; enjoint aux Subftituts du Procureur Général
du Roi efdits Sièges d’y tenir la main & d’en certifier la
Cour dans le mois. Ordonne que ledit Arrêt fera notifié à la
requête du Procureur Général du R o i, pourfuite & diligence
de fon Subftitut en la Sénéchauffée d’Angers , aux Recteur &
Profeffeurs de l’Univerfité de ladite V ille , pour qu’ils aient à
tenir la main à l’exécution dudit Arrêt, en ce qui les concerne.
Fait en Parlement, toutes les Chambres affemblées les Pairs
y féant, le fix Mars mil fept cent quatre-vingt-neuf. Collationné L u t t o n ,
Signé D U F R A N C.
E t le Samedi fept Mars mil fept cent quatre-vingt-neuf à la
levée de la Cour, lefdits Imprimés ci-deffus énoncés , ont été
lacérés & bridés, par l'Exécuteur de la Haute-Juftice , au pied
du grand Efcalier du P a la is, en préfence de moi FrancoisLouis Dufranc, Ecuyer, l'un des Greffiers de la Grand' Chambre
affifté de deux Huiffiers de la Cour.
Signé D U F R A N C .
A P A R I S , chez N. H. N y o n , Imprimeur du Parlement,
rue Mignon Saint André-des-Arcs t 1789.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Arrêt de la Cour de Parlement. 1789]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Dufranc
Subject
The topic of the resource
censure
ouvrages anonymes
catéchisme des Parlements
états-généraux
troubles publics
étudiants
presse
Description
An account of the resource
Titre complet : Arrêt de la Cour de Parlement, rendu les Chambres assemblées, les pairs y séant, qui condamne un Imprimé ayant pour titre : Lettre de M. C. F. de Volney à M. le Comte de S...T, et onze autres Imprimés sans nom d'auteur, à être lacérés et brûlés par l'Exécuteur de la Haute-Justice, comme séditieux et calomnieux.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez N.H. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1789
1789
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0707
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rights
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Domaine public
Relation
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