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OBSERVATIONS
SU R
LA
CAUSE DE LA De Ve DESTAING,
E t sur le libelle diffamatoire imprimé et
publié à R i om pour ses adversaires et
produit par eux devant la Cour d 'Appel
séant en cette ville.
L
es
sieurs et dem oiselles'D estaing fréres’ et sœ urs,
à
la veille
d’un jugem ent qu’ils ont fait retarder sous différens prétextes,
ont perm is qu’il fût im prim é et p u b lié , sous leur n o m , et
avec le titre de M ém oire en rép o n se, un lib elle diffam atoire
contre la v e uv e du général D estaing leur b elle-sœ u r, tutrice
de la dem oiselle D estaing leur nièce.
T out ce qu’ils devaient à la m ém oire de leur frère est
oublié. Les honorables restes de cette armée de l’O rie n t, qui
fut principalem ent com posée de l ’élite des armées françaises,
et dont l'auguste c h e f ne se sépara que pour sauver la France,
sont outrages dans la personne de ses principaux o f f ic ie r s ,
dont le libelle suppose que les mœurs étaient plus que licen
cieuses, et cela sans ra iso n , sans m otif légitim e, sans néces
sité , sans u tilité pou r sa cause.
�E n e f f e t , i l ne s’agit p o in t, entre madame D estain g et ses
beaux-frères et belles-sœ urs, de savoir si des officiers fran
çais de l ’armée d’E gypte abusaient du droit de conquête au
p o in t de prendre com m e m eubles des jeunes filles du pays
contre le u r gré ou sans leu r consentement ; de les recevoir
en présent comme un tribu t, et de les abandonner après lesavo ir deshonorées.
Cette su p p o sitio n , qui n’aurait pu être im aginée que par
des journalistes a n g la is, n’est point ce que les tribunaux de
France ont à vérifier dans le procès de madame Destaing»
D e s collatéraux veulent enlever à cette infortunée son état
de veuve du général D e sta in g , et à la fille de leur frère sa
qualité et les droits q u e lle leur donne à la succession pater
n elle dont elle est investie.
M adam e D estain g et sa fille sont ■
>elles en possession de
leur état et de la succession du général D estaing ?
V o ilà la question.
Cette possession e s t-e lle p u b liq u e , certaine et constante?
V o ilà les seules circonstances soumises à l ’examen de la
C o u r d’A p p el de Riom .
U ne telle possession doit-elle être maintenue ?
V o ilà le p oin t de droit à juger , et il n ’est pas susceptible
de controverse.
A u lieu d’exam iner les faits de la possession d’état, l’auteur
du lib e lle se répand en injures, tant contre madame D es
ta in g , dont il fait une m usulm ane échappée à la servitude
d u n h a re m , un être obscur et dépravé, une a frica in e ré
fu g ié e , la grecque la p lu s rusce et la plus a d r o ite } que
contre son père, à qui il dénie même cette qualité : il Je sup
pose m archand détaillant d e a u -d e -v ie , révolutionnaire au.
�( 3)
Caire , et o b te n a n t, à ce titre , celu i de com m andant la
lé g io n des grecs.
I l hasarde cette su p p o sitio n , sans respect pour l’autorité
q u i plaça le com m andant N azo à la tête d’une nation qu’on
vo u lait rég é n é re r, et sans utilité pour sa cause , où il ne s’agit
pas de savoir de q u i madame D estaing est fille , mais si elle
est en possession de son état de veuve du général D estaing
et de tutrice de leur fille..
D es jurisconsultes de divers dépaitem ens de la F ran ce, réu
nis à Paris par la confiance de le u rs c o n c i t o y e n s et par le
ch o ix d u S é n a t , o n t p e n sé q u e c e tte possession d’état était
c e r t a i n e , constante et inattaquable : ils ont d o n n é le s motifs
de leur opinion. Ce sont ces motifs qu’il fa lla it com battre,
puisqu’on prétendait répondre à leur consultation ; il fallait
les suivre dans l ’exam en des faits qui constatent la possession
d ’état pour détruire , s’il était possible, la conséquence qui en
résulte nécessairement.
S i on n’a pas pris ce parti-, le seul convenable à la posi
tion respective, c’est qu’on a reconnu que le fait de la pos
session d’état était inaltérable et la conséquence inévitable.
A ussi personne ne croira que le lib e lle ait été fait pour
les juges qui doivent prononcer. O n ne peut pas s’être flatté
de leur déguisfcr, aussi m aladroitem ent, l ’état de la question
qui leur est soumise. C ’est pour le pu blic de l\ioin, ou
peut-
être pour celui d’A n r illa c , que l’ouvrage im prim é a été fait.
O n a essayé de fa ir e , dans une v ille du second o rd re , une
affaire de parti d un procès qui peut attirer l’attention pu-b liq u e , parce qu’il présente une question d’état que la Cour
de R iom jugera solem nellem ent.
�( 4 )
M ais cette question , on ne saurait trop le répéter, peut
être réduite !iux termes les plus simples.
Y a-t-il possession d’état publique et constante ?
Les beaux-frères et belles-sœurs de madame D estaing ne
peuvent nier la possession d’état de leur belle-sœ ur et n iè c e r
reconnues com m e telles par toute la fam ille, dés leur arrivés
en F rance, où elles ont été appelées dans la maison paternelle.
Attaquent-ils cette possession par des titres contraires et
authentiques? C ’est ce qu’il faudrait pour déposséder madame
D eslain g ; c’est ce que ses beaux-frères et belles-sœurs ne font
pas et ne peuvent pas faire.
A u lieu de cela , ils leur dem andent l’acte de célébration de
m ariage et leurs actes de naissance.
M ais ils n’en ont pas le droit. C o ch in , d’ Aguesseau, tous les
jurisconsultes du siècle passé , l’affirm ent ; c ’est aussi la doc
trine des m odernes, et le Code N ap o léo n en a fait une lo i
qu’il n’est plus permis à personne de méconnaître.
L ’article 520 dit : A défa u t de titre, la possession cons
ta n te de l'état de l ’en fa n t suffit.
E t l ’article 33 1 indique quelle est la nature des faits qui
établissent la possession d’état, et marque la reconnaissance
de la fa m ille com m e le fait principal.
M adam e D estaing et sa fille produisent les preuves de'
cette reconnaissance par u n acte soleinnel et a u th en tiq u e,
auquel tous les membres de la fam ille D staing ont co n
couru. Cet acte, qui n’est pas le seu l, suffirait pour établir
que la preuve d e possession d’état est c o m p lè t e .
L ’auteur du mémoire avance hardim ent que cette recon
naissance a été surp rise, qu’elle n’est pas aussi com plète que
�w
t
( 5 )
lhadame D estaing le c r o it, et que la possession déta.t n o st
qu’une usurpation. '
Ces allégations ne sont pas de nature h faire impression siir
]a Cour de Riom : on a trop bonne opinion des magistrats
qui la composent pour supposer qu’il est besoin de réfuter
pour eux ou devant eux des assertions dénuées de preuves.
A ussi n’est-ce que pour les amis de la fam ille D estaing que"
nous croyons d evo iï faire observer que toutes ces assertions
Sont des inventions chim ériques.
O n suppose que le père du général D estaing a été surpris
par sa belle-illle , et même on le lu i a fuit dire :ivant sa mort.
“ M a i s q u a n d l u i a - t - o n fa it tenir ce l a n g a g e ? L o r s q u ’il s’est
vu dépouiller de la tutelle dû sa petiîe-fille et de la jouissance
de ses biens.
(
O n lu i a fait dire que c'était par d o l, fr a u d e s , suppositions
et in sin u a tio n s, qu’il a reconnu la veuve de son fus et sa
petite-fille, dont l’assemblée des parens, convoquée par lu i,
•î
1 1 ■ i
le nomma tuteur.
M a is, outre que le dol et la fraude ne se supposent jam ais,
n’est-il pas convenu que madame D e s ta in g , arrivée en I’ranee
dans un état de souffrance et de m aladie , bien jeune e n c o re ,
ne connaissait pas le français et ign orait nos lois , nos mœurs
et nos usages?
E lle se rendait auprès de son mari avec sa fille , lorsqu’elle
fut appelee à A u rilla c par son beau-père; et ce ne fut que
dans cet instant, qu’elle apprit la m o it de son m ari. Q uel
m oyen de dol et de fraude aurait-elle pu pratiquer pour sé
duire son beau -p ère, qu’elle n’avait jamais v u , et entre les’
mains de qui elle ne croyait pas devoir tomber , puisqu’e lle
com ptait sur l’existence de son mari.
�( 6 )
L e libelliste suppose (page i o ) q u e le sieur D estaing père
ne vo u lait pas recevoir sa belle-fille dans sa m aiso n , et que
sa résistance f u t connue de toute la ville.
Im pudent m ensonge, qui suppose que madame D estaing
t o m b a des nues à A u rilla c ; tandis qu’il est convenu que le
beau-père l ’envoya chercher, et qu’il fraya aux dépenses de la
y-oute et de celles qu’avait occasionnées le séjour à L yo n .
M ensonge inutile , puisque , si on suppose de la résistance
et des d o u te s, ils n’ont pu être levés que par des éclaircissemens satisfaisans.
Ô n peut être surpris lorsqu’on est sans défiance; mais si on
suppose de la défiance au sieur D estaing p è re , vieux m a
gistrat, on ne peut pas croire qu’il ait été surpris sur un point
aussi d élicat et aussi im portant pour lui.
S o n fils était en F ran ce depuis plusieurs mois : sans doute
qu’il s’était fait pardonner le tort moral qu’il avait eu de se
m arier avant d’avoir obtenu son consentement.
O n n’a point d issim u lé, com m e le général D estaing ne su
dissim ulait point à lu i-m ê m e , ce tort étranger à sa veuye et à
sa fille.
M ais en rem arqu an t, com m e on ne pbuvait s’en dispenser,
qu’à l’époque où le général D estaing s’est m arié, la lo i
n ’exigeait pas le consentem ent paternel, on a dû d ire , et 011
l ’a fait, que dans le système de toute autre législation , l'app ro
bation du père , quoique postérieure au m ariage, le validait ;
et que des collatéraux n ’étaient jamais reccvables à relever ni
l’omission ni l’approbation tardive.
C ’est donc par pure m a lice, qu’à la page 60 du lib elle on
accuse madame D estaing d argum enter avec un em presse
m ent p e u loua ble d 'u n e ■lo i révolutionnaire prom ulguée
�(4 ' y
( 7 1 dans un instant de d élire : lo i im m orale e t fu n este q u i a
f a i t tant de m alh eureux qu'on entend tous les j o u r s gém ir de!
leurs égarernens , et qui passent leu r v ie dans la douleur et
le désespoir.
N o n : madame D estaing n ’argum ente point de lois révolu-*
tionnaires , q u ’elle a eu le bonheur de ne pas connaître.
E lle invoque la doctrine des plus sages législateurs anciens et
m odernes ; des principes qui servent de base et de fondem ent
à leur société bien ordonnée, et établis en dogme par le Gode
im m ortel qui régit aujourd’hui tous les Français , et qui sera
bientôt adopté par tous les peuples policés de l’Europe.
11 y a donc de la m échanceté à rappeLer des souvenirs que
tout doit faire o u b lie r , et à chercher , en souflant sur des
cendres , à ranim er quelqu’étincelle de nos m alheureuses
discordes.
L es traces n’en subsistèrent que trop lo n g te m s , et c’est
sous ce rapport que la cause de madame D estaing mérite
toute l’attention du magistrat. Com bien d’individus , trans
portés hors du lieu de leu r naissance ou de leur prem ier
établissem en t, seront hors d’état de produire leur acte de
naissance , ou celu i de leur p è r e , ou l’acte de célébration
d e m ariage des auteurs de leurs jours f Faudra-t-il q u ’au gré
de quelques parens a v id e s, ils soient privés de le u r état et
du patrim oine de leurs aïeu x? Si jamais on adm ettait cette
absurde doctrine que la possession d’état est un titre insuf
fisant , com bien de m illiers d’individus se trouveraient sans
nom , sans fam ille t sans patrim oine, lorsqu’ils se trouve
raient tardivem ent m éconnus par des parens avides de leur»
d épouilles ?
L e Gode N ap o léo n , en exigeant pour certains cas la pré--
�'v'.l
(8 )
'sentàtion des actes de l ’état c i v i l , a prévu l ’im possibilité dans
’laquelle pourrait se tro u ver, dé justifier de son é ta t, un in
dividu dénué de ces titres.
Les articles 70 et 71 rem édient à cet incon vénient et pres
crivent la forme d’un acte de notoriété supplétif.
Cet acte est reçu par le juge de p a ix , non en forme d’en
quête , mais par déclaration univoque et collective , et il
n ’est hom ologué par le tribunal que sur rapport et contradic
toirem ent avec le ministère public.
M adam e D estain g a rapporté un pareil acte de notoriété
dont elle n ’avait pas besoin , attendu sa constante et in a lté
rable possession d’état.
•
L a plupart des personnes qui ont com paru devant le juge
de p a ix , avaient été tém oins du m ariage, et l’ont déclaré.
L e magistrat qui a lu i-m ê m e rédigé l’a cte , avait d’abord
entendu que tous en avaient été tém oin s, et l ’avait écrit
a in si; mais à la le ctu re, un seul ( d o n .Kaphaël ) ayant o b
servé qu’il n’avait pas été présent à la célébration , on écrivit
la p lupart au lieu de to u s , le reste d e là déclaration portant
sur des fails dont ils avaient égalem ent connaissance.
La justice a donc sous les yeu x la déclaration légale et
judiciaire de six tém oins, fie la célébration du mariage du
général D estaing.
Ces tém oin s, que le libelliste traite avec plus que de la
lég èreté, et qu’il présente comme des q u id a m , avaient un
rang distingué dans l ’armée d’Egypte. 11 est vrai que tous,
excepté le général D u ran teau , étaient officiers civils ; mais
ils sont tous membres de la Légion-d’H onneur. S ils 11’ont pris
dans leur déclaration que les qualités qu’ils avaient à l’époque
o ù se sont passés les faits qu’ils attestent, ces qualités sutii-
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s a ie n t, âu m o in s, pour faire considérer leur déclaration
comme étant d’un grand poids ; mais si le libelliste avait
pris la peine de consulter l’alm anach im périal, il aurait vu
que des com m andans de la Légiort-d’H onneur, un tresoner
de la couronne', des inspecteurs généraux et des commissaires
ordonnateurs ne sont des inconnus que pour des gens qui se
m éconnaissent eux-mêm es. I l aurait vu qu’un g é n é ra l, officier
distingué avant la révo lu tio n ,
po rté
plusieurs fois au Corps
législatif par le vœ u de ses concitoyens et le ch o ix du Sénat,
n’est pas u n tém oin à dédaigner.
D ’a ille u rs, madame D estain g a dit assez hautem ent que
son m ariage a v a i t été c o n n u de t o u t ce qu’il y avait d ’ofliciers de l’état m ajor de l’arm ée d’E gypte ; elle a dit et im
prim é qui elle était, qui était son père et sa mère. Il y a en
France des m illiers d’individus qui auraient pu la dém entir,
si elle en avait imposé. Les M M . D estain g connaissent beau
coup de m ilitaires et des amis de leur frère ; en ont-ils trouvé
u n seul qui ose accuser leur belle-sœur d’im posture ?
M ais parm i les tém oins du m ariage se trouvait le général
D e lz o n , cousin-germ ain du général D estain g, le même qui
s’était m arié en E g yp te avec la fille d’un fran çais, et qui a
remis à ses cousins, à ses cousines, l’acte de son m ariage
fa it devant un commissaire des guerres, et dont il n ’existe
p o in t de m inute ; le même qui a assisté à l’assemblée de
fam ille qui nomma l’ayeul tuteur de la fille du général D es
ta in g , régla l ’acte vid u el et la pension veuvagère.
. M adam e D estaing a écrit et im prim é que le général D elzon
avait été tém oin du mariage. N ’aurait-elle pas été démentie
par ce brave m ilitaire, si le fait était fa u x ; mais un homme
�( 10 )
d ’h o n n eu r, quelque com plaisance qu’il ait pour ¡ses proches
est incapable de les servir au x dépens de la vérité.
Personne n’est m ieux instruit que lu i d u .m ariage de ma
dame D estain g, dont i l a été tém oin. Son épouse a été l ’a m ie ,
la co m p a g n e , la prem ière interprète de sa çpusine. Sous les
y e u x du général D e lz o n , madame D e lzo n aurait-elle vé cu
ainsi avec une m usulm ane échappée à la servitude Kd ’un
harem . Les M M . D e s ta in g , en outrageant la veuve d’un frère
q u i leur fa it h o n n e u r , m anquènt égalem ent à le u r cousin f
q u i fut constam m ent son am i ; à ^épouse de ce général q u i,
quoique fille d’un fra n ç a is, est égalem ent née en E gypte :
mais à qui ne m anquent-ils pas ? N ous nous abstenons de
relever tout ce qu’il y a de m échaiit dans cette diatribe ;
il su ffity à leurs yeu x,- d’avoir rendu hom m age à là vérité
pour exciter leur hum eur ou leur colère.
Sans doute que s’ils avaient suivi7 le conseil de leur oncle
m a te rn el, le père du général D e lz o n ,' la tentative qu’i l fo n t
d'enlever à leur belle-scBUi'lÉt a leu r nièce leiir état et leuj-g
b ie n s , n ’aurait jamais eu lieu.
M . D tlz o n était m em bre1du Corps lé g isla tif, et se trouyait
à P aris à l ’époque du décès du général D estaing : c’est lu i
q u i , , le p rem ier, a reconn u l’état de sa nièce ; c’estrsur sa
dem ande qu’il obtint pour la veuve du g én éra l D esta in g la
prem ière pension qui lui fut accordée. Cette pension ne fut
m odique qu’à cause que le prem ier Consul ne vo u lu t point
alors assimiler le général D esta in g à un officier m ort sur le
champ de-bataille.
Ce n ’est point sur la présentation de l ’acte de tutelle q u e '
la pension a été augm entée ; c ’est uniquem ent par ilntér<?t
qu’inspire la veuve du général D estaing à tous ceu x qui furent'
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les amis de son m a ri, et la cruelle persécution qu’ on fait
souffrir à cette infortunée.
D epuis qu’on lui a exp liq u é le lib e lle o d ieu x p u blié contre
e lle , elle baigne de ses larmes sa fille , son unique consola
tion ; elle veut aller se jeter au pied, de la Cour de R iom ,
et lu i dem ander justice : mais le tems presse , ses ressources
sont épuisées. M adam e D estaing ne peut ni se séparer de sa
fille , ni exposer la santé délicate de cette e n fa n t, en entre
prenant avec elle u n voyage lo n g et pénible ; elle ne pourrait
d’ailleurs n i voyager n i se présenter seule : et puisqu’une^
m ère d e fam ille ~n’a pas été un être respectable a u x ye u x de
ses ennem is , que n'aurait-elle pas à craindre de leur in ju s-1
t i c e , si e lle cherchait un protecteur pour la con d uire et la
présenter à ses ju g es?
-
. •
*'i
O n lu i a dit que les lois françaises lu i en assurent un
dans le ministère p u b lic , protecteur naturel de la v e u v e , d e!
l ’orphelin et ch ^ l’état des citoyens. C 'e s t'd a n s ' ses mainsq u ’elle rem et ses droits et le soin , de requérir la réparatioft'
qui lu i est due pour les outrages dont on a vo u lu l ’abreuver.
E lle est chrétienne ; elle en fait gloire : madame D elzori'
e t le général D e lzo n le savent bien. E lle est devenue frari-î1
çaise ; mais elle n’était p oin t ind igne d’être l’épouse du gé*
néral D e s ta in g , et eîie ^ toujours porté cette qualité avee
honneur.
.
.
.
L e rit grec dans leq u e l elle a ¿té élevée est ortodoxe e t
reconnu com m e tel par l ’E glise rom aine; le siège de l’E glise
g r e c q u e , dans le sein de laquelle e lle est n é e , e it toujours
A lexan d rie ; l ’évêque est qualifié de p a triarch e, et réside au
Caire.
11 n’a rien de commun avec let Arméniens, dont le3 uns
�(
12 )
sont catholiques et d’autres hérétiques, n i avec les Syrien s,
les Cafres et les M aro n ites, qui sont tous autant de sociétés
chrétiennes p lu * ou m oins attachées au dogme ou à la tra
d itio n .
C ’est le patriarche grec d’A lexand rie , propre pasteur de la
dam e D esta in g , qui a béni son union suivant le rit grec et
dans les formes usitées dans le pays.
Ces formes sont solem nelles et suffisantes pour un contrat
q u i est autant du droit naturel que du droit des gens.
C ’est vo u lo ir trom per la m ultitude que d’appliquer ce que
des voyageurs ont pu dire du m ariage des T urcs aux m ariage*
contractés, en T u rqu ie par des chrétiens.
O n doit savoir que le gouvernem ent ottom an a toujours
laissé les chrétiens q u i vivent sous son em pire se conduire
suivant leurs lo is , et ceux-ci n’en ont pas d’autrçs que les lois
religieuses qu’ils ont conservées ; de là vient que leurs prêtres
ré u n isse n t, jusqu'à un certain p o in t, le ministère c iv il au
m inistère ecclésiastique..
Les différens que les chrétiens peuvent avoir entr'eux ne
sont point portés devant le ca d i, mais devant les prêtres,
sauf l’appel au p a tria rch e , à moins qu’un m usulm an n ’y fû&
in téressé, et la puissance ottom ane prête m ain
forte aux
jugem ens des patriarches com m e à ceux de ses premiers o f
ficiels.
,
C ’est ainsi qu’après la conquête des F ra n c s, les d ifférens
peuples qui furent subjugués se réservèrent leurs lo is,,et q u ’il
fut permis a phacun de vivre ou sous la lo i rom aine., ou
sous 1;\ lo i falique , ou sous, tout autre régi n ie ,, et la pijissa«ce publique m aintenait les jugéinens rendus suivant .çua
diverses lois.
,
.
fr
�U>ï
( i 3 )
^La cour de R.iom<sait tout cela m ieiix que n o u s, et sanâ
doute l ’auteur du libelle ne l’ignore pas ; mais il a vo u lu
faire illusion à ceux pour qui il écrivait : a u trem en t, aurait-il
parlé de notaire- pour l’Em pire T u rc', et de registre pour
une contrée dont la civilisation est si en arrière de la nôtre?
i U ne seule de ses remarques; mérite iquelqu’observation ;
c ’est l ’expression de la date de l ’année du m ariage de la dame
Destaing.
A v a n t que , par des rapprochem ens qu’on n’a pu obtenir
d e lle qu’à m esure qu’elle a appris la lan gu e fran çaise, on
ait pu fixer le jour du m ois auquel ce m ariage a eu lieu , on a
écrit qu’il avait été fait en l’an 8. Com m e dans le calend rier
républicain l ’année com m ençait au m ois de septem bre et non
au mois de ja n v ie r, il arrivait qu’en comparant ce-calendrier
au calendrier g rég o rien , auquel nous somùtes revenus, les deux
.portions de_il'année deTancien-caîendrier ne sé t-apportaient
pas à la-m êm e::;ahnée du n o u v e a u ;■
<de m a n iè re 'q ü ’on ne
pouvait bien*déterminer une année sans’ iixer lé m ois : de 1;\,
bien des équivoques..1 '
I. • , ir '
« r.l •~ > j. '
M ais.elles disparaissent; dans l’ençcm ble des circonstances
antécéJenteay8uivantes:et con cm ren tesj’et dés lors'^’expres
sion, de l'année,
• '•
• ’
'•
* devient indifférente.
*
Q uand on a d it, par ex em p le , que le m ariage du général
X)est;iing a ;e u i lie u jle 17 janvier de l ’année qu’il com m an
dait au Caire sous le général Béliard , peu de m ois avant le
siege^ après 1 assassinat du général K lé b e r, e tc , etc. ; on a fixé
d une m aniéré certaine l’époque de ce m ariage : madame D es
taing ne peut avoir voulu le reculer d’une année, tandis qu’elle
a com pté le peu de tems qu’elle a vécu avec son mari.
, M ais tout cela n’est qufe.pours les oisifs. L ’appel sur leqrn il
la Cour de Ilio m doit ;pronôncer- n e lui présente que la
M1
�I
(1 4 )
question de la possession d’état e t , sur ce p o in t, la défense
d e la dam e D estain g n’a pas été entam ée, et elle ne peut
p a s l ’être par les digressions dans lesquelles ses adversaires
sont e n tré s, et dans lesquelles on ne les a suivis que pour
d étru ire les im pressions qu’elles auraient pu faire sur la
portion du pu blic q u i ign ore le véritable état de la question
agitée entre les parties.
V u les observations c i-d e ssu s et le M ém oire im prim é à
R io m , sur lequel elles ont été faites;
L e C O N S E IL soussigné
e st im e
que ce M ém oire ne p ouvait
pas être qualifié autrem ent qu’il l’a été dans les O bservations
q u ’il est in jurieux à m adam e D estain g et à sa fam ille dans
le s allégations q u i les co n cern e n t, et qui sont d'autant plus
repréhensibles qu’elles sont étrangères à la question de droit
soum ise à la décision de la C o u r d’A p p e l de R iom .
M adam e D estain g se d oit à e lle-méme et au x siens d ’en
dem ander la suppression, qui pourrait m êm e être requise
d ’office par le ministère p u b lic , attendu la nature des injures
et les fausses opinions q u ’elles pourraient donner sur la
conduite des officiers français q u i ont été em ployés à l’armée
d ’Egypte.
D élib é ré à P a ris, par les anciens jurisconsultes soussignés,
le 2 6 mai 1808.
JA U B E R T .
CHABOT
de l'Allier.
H A C Q U A R T , Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue Git-le-Coeur, n 9 8 .
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, veuve. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Subject
The topic of the resource
mariage
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations sur la cause de la dame veuve Destaing, et sur le libelle diffamatoire imprimé et publié à Riom pour ses adversaires, et produit par eux devant la Cour d'Appel séant en cette ville.
Table Godemel : Mariage : 2. un mariage contracté par un militaire, en pays étranger, peut-il être prouvé par témoins, s’il est établi qu’on n’y était pas en usage de tenir des registres publics ? La possession de l’état de la femme suffit-elle pour contraindre les héritiers du mari à lui payer une provision ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 8
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1805
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53332/BCU_Factums_G1805.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Le Caire (Egypte)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
mariage
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53333/BCU_Factums_G1806.pdf
e2d5f8793a5e4308539a9d5b7b31a03d
PDF Text
Text
M
É
E N
M
O
I
R
E
R É P O N S E ,
POUR
Sieurs J e a n - B a p t i s t e D ’E S T A IN G , ancien
commandant d’armes à Cham béry, J a c q u e s T h é o d o r e , P i e r r e - G a b r i e l , C a t h e r i n e et
E lizab eth
D ’E S T A I N G , frères et sœurs,
intimés et appelans ;
CONTRE
A n n e , s o i-d is a n t N A Z O , s o i- d is a n t Grecque
d'origine , se d isa n t veuve du général d ’E s t a i n g ,
se disant pareillement tutrice de M a r i e , safille ,
appelante d'un jugement rendu au tribunal de
M a u ria c , le 1 3 août 1 8 0 7 , et intimée.
Q U E S T I O N D’É T A T
C E T T E cause est de la plus haute importance, et
doit exciter vivement la curiosité publique.
Une Égyptienne, musulmane de religion, échappée à
A
�n
( 2 K
la servitude d’un harem, a goûté quelques instans les
charmes de la liberté à la compagnie d’un général fran
çais i commandant une division de l’armée d’Orient.
Ce général, après la capitulation d’Alexandrie , a
repassé en France. Un événement tragique l’a enlevé
à la gloii’e, à sa fam ille, à ses amis.
L ’Africaine réfugiée a cru trouver les circonstances
favorables pour s’introduire dans la famille du général,
prendre le titre honorable de sa veuve, et donner son
nom à une fille dont elle est accouchée pendant sa traversée
d’Egypte.
Elle a abusé momentanément de la foiblesse d’uni
, vieillard respectable et crédule, q u i, dans sa douleur,
trouvoit q u e l q u e co n s o la tio n à accueillir ceux qui avoîent
eu des relations avec son fils chéri.
Cet acte de bienfaisance lui a été reproché : on veut
en induire une reconnoissance de l’état de la prétendue
Grecque, qui réclamé foute là succession du général , et
bientôt sa portion de. celle du p ère, décédé pendant
l’instance.
Heureusement pour les freres d’Estaing il est des règles
certaines pour constater l’état des personnes; règles dont
il n’est pas permis de s’écarter, dont l’infraction entraîneroit les suites les plus funestes, en introduisant dans
les familles des- êtres obscurs et dépravés.
F A I T S .
général d e d i v i s i o n , eut
l’honneur d’etre nommé de l’expédition d’E gypte, sous
J a c q u e s -Z a c h a r ie d ’E s t a i n g ,
�lsj )
( 3)
les ordres du héros invincible qui règne aujourd’hui
si glorieusement sur les Français.
Après quelque séjour, le général d’Estaing fut nommé
commandant de la place du Caire ; il s’y fit distinguer
par sa bravoure et ses manièi’es généreuses. Les Grecs
qui habitoient le Caire voulurent, suivant l’usage, offrir
une somme d’argent au commandant. Il la refusa avec
noblesse.
L e nommé Joanny N a zo , qui tva figurer dans cette
cause, étoit marchand détaillant d’eau-de-vie au Caire,
profession peu honorée en E g y p t e . L e s musulmans ont
en g é n é r a l un certain m é p r is pour ceux qui vendent
des liqueurs enivrantes; ils s’en abstiennent avec moins de
rigueur qu’autrefois, mais ils n’en estiment pas davan
tage ceux qui en font le trafic.
Les Coplites et les Grecs qui se trou voient au Caire,
étoient tous dans le parti des Français. L e commandant
fut chargé d’organiser des bataillons parmi eux. Joanny
ISazo étoit un de ceux qui montroient le plus de cha
leur et de zèle; il obtint le commandement d’un de ces
bataillons.
Les Grecs reconnoissans envers le général qui refusoit
leurs présens et leurs offres, s’informent, avec l’adresse
qui les distingue, de ce qui pourroit faire plaisir à leur
commandant; ils en parlent aux aides de camp, aux
jeunes militaires qui approchent le général : on devine
aisément la réponse de cette jeunesse galante et passionnée.
L e présent le plus agréable au général fr a n ç a is , scroit
une femme blanche. On ne voit a u to u r des cam ps que
des négresses dégoûtantes. Cette o u v e r tu r e est saisie avec
A
2
m
�(
4 )
'
ëmpressement : N a zo envoie au gén éral, A n n e , qui
n’étoit pas sa fille. N a zo avoit épousé la veuve d’un
m u s u l m a n ; A n n e étoit provenue de ce premier mariage,
et a v o i t été élevée dans la religion de son père; elle en
est elle-même convenue, et l’a ainsi déclaré en présence
de plusieurs personnes.
Comment pourroit-elle le désavouer? S i, comme elle
le d it , elle étoit Grecque d’origine et de religion , elle
parleroit le grec vulgaire ,* c’est la langue de tous les
grecs : elle ne connoît que l'arabe, langue féconde et har
monieuse, que parlent en général les Turcs qui habitent
cette contrée de l’A frique, et dont les prêtres grecs n’en
tendent pas un mot.
~ Un a r r a n g e m e n t de ce genre, scandaleux parmi nous,
n ’ a i*ien de choquant en Orient : ce n’est plus cette an
cienne E g yp te, jadis un pays ¿ ’admiration , si fameux
par ses monumens qui ont résisté pendant tant de siècles
à l’action destructive des élém ens, et que la barbarie
fait disparoître tous les jours.
“ Ces indigènes, célèbres par l’antiquité de leur origine,
la sagesse de leurs règlemens, l’étendue de leurs connoissances , n’existent plus : ils sont remplacés par un
assemblage de peuples divers; les Cophtes,les M aures,
les A rabes, les Grecs, et les Turcs qui en sont les sou, ■■ ‘
.1
verains.
C e mélange de tant de nations, la d ive r sité des cultes,
des usages, a fait que la barbarie et l’ignorance ont suc
cédé aux sciences et aux arts; la dépravation des mœurs
en a été la suite; et si on en croit nos voyageurs mo
dernes, les vices les plus honteux y régnent avec iinpuuité*
�lé\
( 5 }
y-inné, soi-disant N a zo , fut donc livrée au général
d’Estaing, qui la traita avec cette urbanité qui distingue
les Français.
Il fait part lui-meme à son père d’un événement qu’il
regarde comme une bonne fortune. Dans une lettre qui
se ressent de la liberté des camps , et qui est datée du
Caire, le 20 pluviôse an 9 , il ne craint pas d’avouer à
son père « qu'il essaye de faire un garçon à une jeune
« Grecque , q u i, d’après un arrangement oriental} fait
« les honneurs de chez l u i , depuis près (Vun mois. »
C e r t e s , si le g é n é r a l d ’ E s t a in g a v o it eu des vu es h o
¿Lune , il n ’a u r o it pas voulu l’avilir aux
yeux de son père; il n’en auroit pas parlé avec autant de
légèreté , surtout dans une lettre où il fait mention du
mariage de son parent, le général D elzons, et du fils
que ce général avoit eu d’une union légitime.
Une remarque essentielle à faire sur cette lettre, est
que l’arrangement oriental dont il parle, n’a commencé
que depuis près d’un mois : ce n’étoit donc que dans les
commencemens de pluviôse an 9 , ou tout au plus à la
fin de nivôse de la même année, qu’’A n ne étoit venue
habiter chez le général d’Estaing.
O r, depuis plus de deux ans, le général en chef avoit
établi dans chaque chef-lieu de province de l’Égypte, un
bureau d’enregistrement, où tous les titres de propriété,
et les actes susceptibles d ’être p r o d u its en justice, dévoient
recevoir date authentique. Cet établissement date du 30
fructidor an 6, ainsi qu’il est établi par un ordre du gé
néral en ch ef, qui sera mis sous les y e u x de la cour.
Ce chef illustre, dout la sage prévoyance embrassoit
n o r a b le s sur
�( 6 .}
tous les cas, avoit aussi établi des officiers pub1¡es pour
recevoir les actes civils, de naissance, mariage et décès:
les commissaires des guerres étoient chargés de ce soin
important. Ce n’étoit point encore assez ; il falloit donner
aux actes civils la plus grande authenticité.
Par un ordre publié le 21 vendémiaire an 7 , « l’armée
« fut prévenue que tous les actes civils qui seroient passés
« par les commissaires des guerres, ceux qui seroient
a passés sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui
« pourroient l ’être entre les Français et les nationaux,
« par-devant les notaires du pays, étoient nuls en France
« comme en E gy pte, s’ils n’étoidnt. enregistrés confor« mérnent à l’ordre du général en ch ef, en date du 30
« fructidor an 6. 55
Tous les Français alors en Egypte se sont conformés
à l ’ordx-e du clief. Lorsque le général Delzons, parent
du général d’Estaing, a contracté mariage avec demoi
selle A n n e V a rsy , née à Alexandrie, il a été dressé un
acte civil.
Cet acte que rapportent les frères d’Estaing, est du 16
brumaire an 8 : il est reçu par Joseph A g a r d , com
missaire des guerres, faisant fonctions d’officier c iv i l,
avec mention « que Vacte ne sera valable qu’autant
« qu’il aura été en registré conformément aux ordres du
« général en c h e f ; » et cette formalité de l’enregistrement
a été remplie à R ozette, le 22 b r u m a i r e , six jours après
Ja célébration.
Les frères d’Estaing sont encore porteurs de l’acte civil
du mariage de Georges-Auguste L o n tin , capitaine, natif
de D itet, département de la M oselle, avec Catherine-
�i 6 q>
( 7 )
Sophie V a r sy , fille d’un négociant de Rozette : l’acte
également reçu par Joseph A g a r d , le 29 vendémiaire
an 8 , et enregistré le lendemain.
L e général Delzons , marié avec toutes les formes
prescrites, est devenu père d’un fils; l’acte de naissance
de l’enfant a été reçu par le sieur P in e t, commissaire
des guerres, chargé du service de la place du Caire : cet
acte est du 10 pluviôse an 9.
En un m ot, tous ceux qui se sont mariés en Egypte
ont pris la même précaution; et ils y étoient tenus d’après
les ordres du gén éral, à peine de nullité.
C es observation s p ré lim in a ir e s t r o u v e r o n t le u r p la ce
dans la suite. L e général d’Estaing ne cohabita pas long
temps avec A nne. Les Anglais débarquent à A houkir:
le général d’Estaing reçoit ordre de se rendre à Alexandrie
en ventôse an 9. A n n e reste au C aire, et n’a point revu
depuis celui qu’elle appelle son époux.
Ainsi Varrangement oriental n’a pas eu deux mois
de durée.
Après la capitulation d’A lexandrie, le général d’Es
taing, suivi d’un grand nombre d’ofliciers, repasse en
France. Par un des articles de la capitulation les Anglais
s’obligèrent de faciliter ce passage.
Quelques Egyptiens obtiennent la meme faveur. Joanny
N azo, A n n e} sont du nombre des réfugiés. D ’après le
récit d 'A n n e , « elle fut embarquée à A b o u kir, sur un
« petit navire grec; elle étoit avancée dans sa grossesse;
« elle est saisie des douleurs de l’enfantement dans le
« navire: le patron prend terre, et jette l’ancre sur la
« côte de Céphalonie.
�( 8 )
« A n n e accouche dans le navii’e; M a rie, sa fille, fut
« baptisée par un prêtre que sa famille envoya chercher
« dans une chapelle située sur les bords de la mer. »
Il faut l’en croire sur parole, car il n’existe aucune
trace de tout ce récit : quoique l’enfant ait été baptisé par
un prêtre, qu’il ait eu pour parrain un militaire français,
il n’existe aucun acte de naissance;A n n e est obligée
d’en convenir.
Cependant « le consul français l’honora de sa visite. »
E h . qu o i! le consul français fait visite à une femme
qui se dit l’épouse d’un général, qui n’est pas remise
des douleurs de l’enfantement! et ce consul ne se fait
pas représenter l’enfant! il ne dresse point d’acte'de
naissance, tandis q u e son d e v o i r l’y o b l ig e o i t ! I l est sans
c o n t r e d it difficile de faire croire à une pareille omission;
le prêtre au moins a u r o it dû constater par écrit le bap
t ê m e d e l ’enfant.
Enfin voilà A nne remise de ses douleurs, et débarquée
à Tarcnte, dans le royaume de Naples. L à, comme par
tout, se trouve un Auvergnat, de la ville mêmed’Aurillac,
nppelé L a ta p ie, qui, comme curieux, voit ces nouveaux
débarqués. Latapie écrit de Tarente à sa m ère, qu’une
Grecque et sa famille viennent de débarquer, d’après
la capitulation, et que cette Grecque se disoit épouse du
général d ’Estaing ; qu’elle se proposoit même de partir
pour aller rejoindre son mari.
Cette lettre se répand dans la ville d’Aurillac; le sieur
d’Estaing père en est inform é, et en écrit bien vite à
son fils. Celui-ci répond, le 13 ventôse an 10 : « Quant
« à mon mariage, vous ne devez pas plutôt croire la
« lettre
�\ás
(. 9 }
lettre de Lata pic .que larrjienne -, il rfy a aucim lien
légal ; je ne l’flijrois pasiçprçtrgçté $îu*s vpus en tpréT
venir : m#js il y a d’ijutrps }ien,s qui ppurroient jieutêtre bien amener c.elui-là. A u reste j’ai écrit à cette
famille -,de se r.endre à M a n i ll e , et d’y atteüdvp de
mes nouvelles. »
.
>
>
Une lettre aussi positiye syr^la patère .des liaisons du
général d’IÇstaing av,ec A n n e , ne lui donne certainerçient
pas une possession d’état. Il sembleassez naturel qu’une
femme ne prisse prétendre ?u.titre honorable d’épouse, sanp
J’aVjçu ou la reconnaissance (lç.çeliJi.qu’eHe dit être sq/i mari.
L e général li’JEstaing, ;prj-iy,é. à Paris, y a trouyé Jçt
.mort, le i 5 floréal an j o . ■,0a. a dit açse? *naj £ propop
.qu’il a voit l’intention d’y fijcer sQn séjour; la;lettre du 13
;yentpse an 10, dont on v ie n tre dppoçrjFeutrait., prouve
'au coptrai^ qu’il yoploit continuer,4e ^ujkYreJ^ççir^ière
militaire , que .tQujpHFS.ga j,çtivÀté d§ ¡serviqç , j\ ^ttçiir4 oit çlu gouven^eipent itfie ,<il>e§tinatÍQn julté.riçwe.
L e sort en ^ décidé aytrcmeipt; ^1 a jV.éçu. ^l, J ^ zp n s,
législateur, oncle ,du général d’Estaing, étoit à -Paris lorp
de cette catastrophe; il fait p^enjlrp tpgtes les .pyécvmtip.ns
que la loi çomrçi^nde ; les ^cpU^s §pnt ,appp|iép sjL\r tous
les meubles et .effets du d éfiât.
]V1. Delzons.savoitqu’^^/¿<jid)eyQÍt se i;end,re à ]\^a,r^eille,
•ville assignée au¡x Égyptiens ¡ré fu g iâ t mais /ju’elle .s’çtpit
arrêtée à Lyon po.ur raison 4 e
,,;e¡t.y avoit pris np
^logement .com inodeet ,cpûl;ett¥*, ;b n h q
M . Pel^oas'¿critilflu^sieur. JJp^djn,, mo^Ohaucl cha
pelier, originaire d’Ajuvillae ,,£t :ayeç lequel il ;étoit eu
relation. :M. DclKPOSiçli^rge Bpurdin d’wuooxicer à A n n e
«
«
«
•«
«
«
m
�( 10 )
la mort du général d’Estaing, et de lui procurer un loge
ment plus économique que celui qu’elle occupoit. Bourdiii
excéda ses instructions ; il crut qu’il valoit mieux encore
faire partir cette femme pour Aurillac; et sans consulter
la famille du général, sans même lui en donner avis, em
barque pour A urillac, A n n e , sa fille, et une nourrice.
: M . d’Estaing père n’a aucune connoissànce de cette
démarche; il n’èn est informé que par Bourdin lui-même*,
qui fait, dans le même temps, un voyage dans sa patrie;,
et précède de deux jours la prétendue Greèque.
M .'d ’Estaing manifeste la plus grande répugnance à
recevoir dans sa maison une- femmé qu’il ne connoissoit
qué sôus deg rapports pdii avantageux, d’après la corl ’èspondance - de; son fils: lia charité ou la compassion
l’ôbligeoiénf peut-être dé donner des soins à une étrangère
infortunée';'-mais' lu décence; neHuv permettoit pas de
-recevoir-une concubine dans èa: maison. - ¡> - .............
On chercha, par'les ordres du sieur d’Estaing, un ap<pftrtenient'énrv ille , pour donner un asile à Anne. La
résistance du* p è re , pour recevoir cette femme-dans-sa
maison, est connue de toute la ville; ; 1
; Mâis une foule d’oilicieux , d’oisifs ou d’indifférens
pensent qu’une réception plus'honorable ne peut avoir
aucune conséquence r c^çst une étrangère, une infortunée
élevée dans. des principes différent des nôtres', qu’on ne
péut1ranger dans là^classe de ces femmes sans- pudeur,
qui bravent les principes <)iT;Ies<préjugési;et soit Curiosité,
piiié »ô ü W f c s s © « s i c ü V J
iiig1^‘tlcins-'co‘ moment
/de cîoulciur^iitteb'é par lu nouvelle-fatüfc de 'lu mort de
son filé, accablé-sous le poids décatis' sellaïsæo-subjugucx»;
il admet1cette feinuic dans sa maison.
�lé r
C 11 )
Son arrivée à Aurillac date du I er. prairial an 10,
quinze jours après la mort du général.
Il y a dès-lors impossibilité que le sieur d’Estaing ait
prévenu, comme on l’a dit, par une lettre officieuse, celle
qu’on veut lui donner pour belle-fille ; il fut en mêmetemps informé, et de la mort de son fils, et de l’arrivée
de l’étrangère.
L e sieur d’Estaing père se proposoit d’avoir des ex
plications sur le genre d’engagement, que pou voit avoir
contracté son fils avec l’inconnue qui lui étoit présentée.
A p r è s u n e q u in z a in e a c co r d é e à y in n e, p o u r la reposer
des fatigues d e son voyage , il l a i fait p a rt de la lettre
du généra], son fils, et lui communique ses do u tes :
A n n e soutient qu’elle est l’épouse’légitime du général;
qu’elle a été mariée au Caire \ au commencement de
Tan 8 ; que sa fam ille, qui est à Marseille ,i à .fous rles
actes qui établissent son mariage et-lai "naissance d e rsa
fille.
!..
t '
r L e sieur d’Estaing père estcséduit ; .il se rassure sur'
la promesse à?Anne,'He faire venir tous ’cds 'actes : elle
fait écrire pour les obtenir; elle, ne pouvoit en-imposer
sur la lettre, car elle avoit besoin d’un secours étranger,
dès qu’elle ne sa voit! ni lire , ni écrire cri français.
Dans l’in te r v a lle .M . -Délions.arrive dè Paris; il est
informé de ces détails. Il connoissoif trétab-ldes affaires
du général; il observe à,son^beau-fi’èré qu’il est urgent
de, faire procéder à la remotion des scellés y à>l’inventaire
et à la vente du mobilier : mais com m ent,faire?/L ’état
de la prétendue ;veuve est incertain : .elle sc dit .Agée.
de dix-sept ans seulement ;i elle n’a aucun titre pour de-
�mander cette rémotion ; elle ne peut être tutrice de sa
fille, dès qu’elle est mineure : le sieur d’Estaing père ne
court aucun risque à accepter la tutelle de M a rie, qu’on
lui présente comme sa petite-fille.
Ce vieillard r e s p e c t a b l e , entraîné par les événemens
et les circonstances, attendant toujours les actes servant
à constater l’état de l’étrangère, croit pouvoir sans danger
prendre un parti qui accélère la liquidation de la suc
cession de son fils. Ses autres enfans ne sont pas de cet
avis ; ils représentent à leur père l’inconséquence de cette
démarche : ils ne sont pas écoutés ; on les évite, on les
fuit; ils ne sont plus instruits de cé qui se passe..
. L e 5 messidor an 10, le sieur d’Estaing père se pré-sd n te devant le juge de paix d’ Aurillac oft. lui fait exp'osôr t< queJacques-Zacharied’Eslaing, son- fils, générât
«' des d iv is io n e s t décédé à Paris le lô iloréal an. 10,
«s laissant une fillfe unique, alors-âgée de cinq m ois,
« nommée M arie, provenue de son mariage avec A n n e
u. J S a z o , Grectjue ■
>d’origine ; que la loi. défère A lui ,
« aïeul , la tutelle de sa' petite-fille, attendu surtout la
« minorité d’A n n e N a zo , sa rfrere ; et désirant ê(ro
confirmé en cette qualité pOuïvpouvdir agir légalement,
« il a amené plusieurs des plus proches parons du défunt,
et pour délibérer, tant sur la 'cîoufirmalioir dü la tutelle,
«• que sur la' fixation de la pônsitfti dd la p upille, sur
d les habitsl do d eu il, et pensiew virtuelle de la dame1
s veuvo d’Estaing-, comme aussi pour donner leur avis*
iur l'allocàtion des-frais de-voyage1 de lh ltiittouré, db>
la- ni àray; dëfiuis Lytm jusqu’ù Àuvillfie, ainsi queUlok
«•'«frais dns pbür salaires'ù «no üôuïrice^rovieohie, depuis
�( 13 )
T arente, ville du royaume de Naples, y compris uir
mois de séjour a Lyon , jusqu’en la ville d’Aurillac ;
lesquels frais il a avancés, et se montent à la somme
de 604 fr. ; et enfin , pour être autorisé à régler tous
comptes et mémoires de fournitui’es, et autres objets
qui pourroient être à la charge de la succession , et ce,
tant par lui-même que par ses fondés de pouvoirs. »
Il présente ensuite pour composer le conseil de famille,
des parais éloignés, si on en excepte les sieurs Delzons
père et fils. Chose remarquable ! le sieur d’Estaing père
avoit a v e c lui ses six autres e n f a n s , frères d u d é f u n t ,
dont q u atre m ajeu rs ; il é to it t o u t n a t u r e l , et la loi le
commandoit impérieusement, de convoquer à cette as
semblée les frères du défunt : ils étoient essentiellement
membres du conseil de famille ; on les écarte avec le plus
grand soin.
Ces parens, comme on peut le penser, sont d’avis de
confirmer le sieur d’Estaing, aïeul de la mineure, dans
la qualité de son tuteur, à la charge par lui de faire bon
et fidèle inventaire de tous les effets dépendant 'dû' la suc
cession du défunt général d’Estaing, faire procéder à la
vente du mobilier, et de faire l’emploi utile 'du prix en
provenant, conformément à la lo i, après avoir prélevé
tous frais, dettes et charges de la succession.'
2°. Ces parens estiment que la pension de la mineure,,
jusqu’à ce qu’elle aum atteint Page de dix ans, tant pour
sa nourriture que-'pbnr son entretien et éducation, doit
être fixée à la Somme,de 600 fr. annuellement, que le
tuteur retiendra par ses mains,sur la recette des revenus^
3**- ils portent lçs llabits de deuil de la dame veu^o
«
a
«
«
«
«
«
�( x4 )
d’Estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L yon ,
et qui uc sont point ^encore acquittés, à une somme cle
1000 francs : le tuteur est autorisé à fournir ces liabits,
en i*etirant quittance des marchands et fournisseurs.
4°. Quant à la pension viduelle de la ve u v e, et de la
négresse qu’elle a à son service, comme le sieur d’Estaing,
tuteur , leur fournit en nature , nourriture , logem ent,
feu et blanchissage, les parens fixent cette pension à la
somme de 1000 francs pour l’année de viduité, à compter
du I er. prairial an io , époque de son arrivée à Auriüac.
Ils allouent au tuteur la somme de 604 francs, avancée
par lui pour frais de voyage.de la veuve, et salaire de
la nourrice depuis Tarente jusqu’à Aurillac.
5 °. Ils au torisen t le tu te u r à traiter, tant par lui-même
que par ses mandataires, avec tous marchands, fournis
s e u r s , a u b e r g is t e s , et autres personnes qui pourroient
avoir fait des fournitures tant en m archandises q u e den
rées, régler leurs mémoires, en payer le montant, soit
que ces fournitures aient été faites àfcParis, à Marseille,
au défunt général, ou à sa veuve à L y o n , pendant le
séjour qu’elle y a fait.
Ce procès'verbal, si indiscrètement rédigé, fait avec
tant de précipitation, est le grand titre de l’Egyptienne.
Il en résulte, suivant elle, une reconnoissance formelle
de sa qualité de veuve d 'E s t a in g une possession pu bliq u e
de son état. Le sieur d’Estaing p è re , étranger à la suc
cession de son fils, puisque le général est mort sous l’em
pire de la loi du 17 nivôse an 2, a pu livrer cette suc
cession à une inconnue; il a eu le droit d’en priver ses
fils,/ frères du défunt, et seuls habiles à lui succéder. Tout
,
�ni
C ï5)
ce qu’a fait le père est irrévocable; les frères d’Estaing
sont obligés de le respecter. Peu importe que le général
ait désavoué son mariage, qu’il ait attesté qu’il rHy avoit
aucun lien légal entre lui et la prétendue Grecque ; le
père a plus de pouvoir que le mari ; il peut se passer
de contrat, d’acte civil, de preuves, et conférer & A n n e
la qualité de veuve de son fils.
V oilà l’étrange raisonnement 6CAnne et de ses conseils.
Mais il ne faut pas anticiper sur la discussion : on doit
cependant féliciter A n n e du grand parti qu’elle a déjà'
tiré d e ce p ro c è s ve r b a l.
G o m m e E g y p t i e n n e r é f u g i é e , e lle avoit o b te n u du gou
vernement une pension de 5zo francs. Cette faveur lui
étoit commune avec tous les Egyptiens qui avoient passé
-en France après la capitulation d’Alexandrie; seulement
la pension d’’A n ne étoit la moindre de celles que le gou
vernement avoit accordées*
Mais A m ie , munie de cette délibéi’ation de fam ille,
qui la traite comme veuve d’un général français, trouve
les moyens de parvenir jusqu’au chef de l’ctat ; e t , en
cette qualité de veuve, elle obtient de notre magnanime
Empereur que sa pension sera portée à la somme de
2000 francs.
Dans le principe elle n’avoit fait solliciter la démarche
du sieur d’Estaing père que pour parvenir à ce b u t;
maintenant elle veut encore profiter de la bienfaisance
du souverain, pour en induire une reconnoissanee solen
nelle de son état par l’Empereur lui-même; ce q u i doit
imposer silence à des collatéraux importuns.'
Il faut convenir qu’il n’y a pas .-de G r e c q u e plus riiseo1
�( i <5 )
ni plus adroite. O n examinera bientôt ce que peut avoir
de c o m m u n un brevet de pension, avec les prétentions
d'A n n e contre les frères d’Estaing, et si ce brevet est
e n c o r e une possession d’ état.
D eux jours après l’acte de tutelle, et le 7 messidor,
le sieur d’Estaing père donne une procuration au sieur
D elzons, résidant à Paris, pour faire procéder à la réinotion des scellés apposés sur les meubles et effets de
son fils.
■Il a été procédé à la rémotion des scellés, et à Tin<ventaire du m obilier, le 24 messidor et jours suivans. Il
est dit dans le procès verbal que c ’est à la requête de
'Pierre d’Estaing., au nom et .comme tuteur de Marie
d?Estaiug , sa petite-fille , ¡enfant mineur de JacqueaZacharie'd’Estaing, général de division, et d’Anne Na?o,,
-sa v e u v e y. G r e c q u e d ’ o r ig in e . :
On y observe que la mineure d’Estaing est habile à se
dire et porter seule héritière de JacquesrZacharie d’Es
taing, son père.
On remarque que le général d’Estaing ayant été marié
au Caire, len E gypte, il n’a point été fait-entre lui et s;i
veuve d’acte qui réglât les conditions civiles de leur
mariage ; qu’en conséquence leurs droits doivent être
régis suivant la coutume du lieu du domicile du général
d’Estaing; que ce domicile étoit à A urilluc, pays soumis
à la coutume d’A uvergn e, qui n ’a d m e t pas de commu
nauté entre mari et femmeisans stipulation contractuelle.
£ e sieur Delzons, fondé de pouvoir, devoit au moins
savoir qu’Aurillac est en droit écrit.
les papiers du défunt ¿on, ne trouve aucun acte,
P
a r m
i
aucunes
�( *7 )
aucunes pièces relatives à son prétendu mariage ; il n:y
a pas le plus léger renseignement, si ce n ’est deux lettres
récentes, écrites de Tarante au défunt, et dont on-ne
donne pas même la date : Tune e s t, dit-on , écrite par
le père de la dame d’E sta in g , qui apprend au défunt
V accouchement de son épouse, et Vautre (îun sieur Latapie, qui annonce au général d\Estaing l’arrivée de sa
Jennne à Ta rente. *> ’ ■ '■
> ■ „ ! . • 1.
'
r
Bientôt après on a fait procéder à la vente judiciaire
du mobilier; on a acquitté, dit-on, les dettes de la suc
cession ; mais les frères et sœurs du g é n é r a l on t i g n o r é
ces d é m a r c h e s , et n ’on t été a p p elés à aucune opération.
- En attendant, et pendant que tout ceci se passoit à
Paris, A n n e ne recevoit rien de Marseille y point d’acte
pour établir l’état qu’elle réclamoit.
Ce retard fait naître des soupçons; sa conduite dans la
famille les augmente : on avoit appris qu’elle n’étoit pas
même fille de Joanny Nazo; elle n’avoit pas reçu l’acte
de naissance de M a rie, qu’elle disoit sa fille. Si elle n’a
voit pas fait constater sa naissance par les officiers du
n avire, le consul, ou le prêtre, il étoit naturel de le faire
au moins à Tarente, où, comme dans tous les pays occupés
par nos armées, il y avoit des ¡officiers civils pour cons
tater l’état des Français. ‘
'' La famille du général murmure : Anne s’én aperçoit,
et prend le parti de se retirer ; elle écrit à Joanny TSazo
de venir la prendre. Celui-ci qui avoit gardé le silence
sur la demande à’A n n e , relative aux actes qui dévoient
constater son état, se rend bien vite à l’invitation ; il
C
�( i8 )
arrive à A u rillac, et emmène à Marseille celle qui se
disoit sa fille.
A n n e dissimula en partant; ce n’étoit qu’un voyage
de peu de d u rée, elle devoit bientôt revenir : elle part
pour Mai’seille. A peine arrivée à cette destination, elle
cherche à acquérir des preuves de son prétendu mariage.
Elle im agine, le 5 fructidor an n , de se présenter
devant le juge de paix du second arrondissement de
M arseille, intrà niuros. Elle lui expose « qu’il lui im« poi’te de faire connoître son origine, qu’elle ne peut
« le faire par pièces probantes, attendu que dans sa patrie
« il’ n’est point tenu de registre constatant l’état civil des
k citoyens ; elle requiert le juge paix de recevoir les dé« clarations qui vont être fa ite s par des compatriotes
« qu’elle a invités à.se rendre, relatives à son origine,
«'et qu i pourront suppléer au défaut des titres qu’il lui
« est impossible de produire. »
‘ A l’instant se présentent N icolas Pappas Onglou, se
disant chef de brigade, commandant les chasseurs d’Orient,
âgé de 45 ans , né à Schemet, en Asie G abriel Sandroux,
auàsi chef de brigade du môme corps, âgé de 36 ans,
né au Grand^Caire ; Abdalla Manour,, chef de bataillon,,
âgé de 34 ans, né au. Grand-Caire ; Joseph Tutungi,
réfugié égyptien, né à A le p , âgé de 5o ans; A lla Odab a c h i,-n é à A ie p , réfugié d’Egypte; Jo sep h D u ja in ,
né à' Gonstantinople, réfugié d’Egypte ; et Constanti
Kirialco , né à Schemèt, en Asie.
,11 est dit que toute cette c o m p a g n i e agit avec la p ré
sence et sous l’autorisatiou de L o u is d 'A c o m ia s , inter-*
�ir j
C >9 )
prête juré des langues orientales. Ils déclarent, par l’organe de l’inlei’p rète, « qu’ils ont résidé habituellement
« en Egypte avant la révolution ; qu’ils y ont parfaite« ment connu Jean ISazo et Sophie M isc h e, son épouse,
« père et mère à?Arm e; qu’ils sont bien mémoratifs de la
« naissance d’A n n e ISazo il l’époque de l’année 1780, et
« que la dame fut unie en mariage avec le général d’Es« taing. »
Joseph Tutu7igf, ConstantiKiriaJco et Joseph Ditfain^
déclarent de plus « qu’étant passés en France avec A n n e ,
te veuve d’Estaing , a ya n t r e lâ ch é à C é p h a l o n i e dans le
<c mois de n iv ô s e an 1 0 , ladite dame y accoucha d’une
« fille, qui fut tenue sur les fonts baptismaux par le sieur
« Nàssif, officier de chasseurs , et par la ' dame Marie
« M ische, son aïeule. »
-.
'
A n n e se faisoit ainsi reconnoître par ces réfugiés sans
avertir personne , et ne donna plus de ses nouvelles que
pour réclamer M a r ie , sa fille, qü’elle ôvoit laissée à
A urillac; encore eut-elle recours au ministre de la justice
pour faire cette demande. Elle a fait imprimer quelle avoit
eu besoin d’obtenir des ordres supérieurs pour avoir son
enfant; elle en impose sur ce point comme sur beaucoup
d’autres. Sur sa réclamation, le ministre écrivit pour
avoir des renseignemens ; et le sieur d’Éstaing père, fort
étonné d’apprendre qu’on se fût adressé au ministre, répond
sur le champ qu’il est,prêt à remettre un enfant qu’on lui
avoit laissé, et qu’il n’avoit gardé que par humanité.
Les frères et sœurs du général d’Estaing, à qui on a v o it
soigneusement caché tout ce qui s’ éto it passé, prirent
de leur côté des informations; l’un d’eux, commandant
G a
;
j
�( KU «
( 20 )
d’armes à. Cliambéry, avoit vu le général, son frère, lors
de s o n passage, et celui-ci ne lui avoit rien dit sur son
prétendu mariage; il étoit plus à portée qu’un autre de
savoir ce qui s’étoit passé au Caire. Il est convaincu que
son frère est mort célibataire; il se concerte avec les
autres pour la conservation de leurs droits.
Tous s e déterminent à faire faire entre les mains de
leur père, par acte du 20 thermidor an 1 1 , une saisiea r r ê t , avec défenses de se dessaisir ni rien livrer de tout
ce qui est provenu de la succession du général.
L e 7 ventôse an 12 , cédule devant le juge de p a ix , au
sieur d’Estaing père, pour se concilier sur la demande
tendante à ce qu’il soit tenu de leur rendre et remettre
là-totalité de la succession de leur frère, sauf au sieur
d’Estaing père à se retenir la portion revenante à Pascal.
.d’Estaing , leur frère, encore mineur.
L e 11 ventôse même mois, procès verbal du bureau de
.paix:'le.sieur d’Estaing père y déclare « qu’il existe un
« enfânt naturel de feu d’Estaing, provenu de ses liaisons
« avec Catherine Pontalier, originaire de Paris; que cet
« enfant, légalement reconnu par son père, étoit en ce mo« ment-entre les mains de Pierre M arceron, jardinier
« de la ville de Fongeau, et son père nourricier.
« Le sieur d’Estaing père observe que la loi donne des
« droits à cet enfant sur les biens de son père; que, d’un
« autre côté, il s’est présenté à l’ouverture de la succession
« du général, une femme grecque, qui se disoit sa veuve,
« et mère d’une petite iillç provenue de ce prétendu
« IJiariage. .
,, t v) i.u.î • I • ;:•>
-r:
,
« L e sieur d’Estaing ajoute qu’il voulut bien accepte;’ la
�¡77
( 21 )
« tutelle de cet enfant, attendu que sa reconnoissance ne
« pou voit pas nuire aux parties intéressées; qu’il lui donna,
« sur la succession, des secours qui lui étoient nécessaires,
« ainsi qu’à la mère ; mais que celle-ci prétend aujour« d’hui s’emparer de tous les biens du feu général d’Es« taing, soit comme se disant créancière, soit comme
« commune, soit comme tutrice de sa fille; qu’au reste,
« il est prêt et offre de remettre ce qui est en ses mains
« de cette succession, en le faisant oidonner, soit avec le
« tuteur qui sera nommé à l’enfant naturel , soit avec
« A n n e , se p o r ta n t a u jo u r d ’ h u i tutrice d e sa fille.»
les frères d’Estaing
(majeurs) présentèrent requête au tribunal d’A urillac,
pour demander permission de faire assigner leur p è re , à
bref délai, attendu qu’il s’agissoit de partage, pour voir
dire et ordonner qu’il y sera procédé , et qu’il leur sera
délaissé à chacun un sixième de la succession, suivant
l’inventaire qui sera représenté; faute de ce faire, pour
être condamné à payer à chacun des frères d’Estaing,’ la
somme de 12000 fr. à laquelle ils évaluent et-restreignent
leur amendement.
Même jour, assignation aux fins de cette requête ; et
le 18 ventôse, intervient au tribunal d’Aurillac un juge
ment contradictoire qui ordonne qii’A/me N azo, Emile
d’Estaing, enfant naturel du défunt, Jean-Baptiste et
Antoine Pascal d’Estaing, ou leurs tuteurs, ou subrogés
tuteurs , seront mis en cause.
Pendant que tout ceci se pussoit à A u rillac, Anne ne
perdoit pas son temps: elle s’étoit i m a g i n é e que le tri
bunal de la Seine devoit seul connoîtx’e do toutes les con—
L e l e n d e m a i n , 12 ven tô se an 1 2 ,
�( 22 )
ieslations qui pouvoient s’élever entre elle et le sieur
d’Estaing père.
Quoique résidente à M arseille, elle fait citer le sieur
d’Estaing père à Paris, par cédule et requête des 2 et 21
ventôse an 12 : elle ne sa voit pas trop encore ce qu’elle
devoit demander; mais par une requête du i 5 messidor
an 12 , elle règle définitivement ses conclusions.
E lle apprend, par cette requête, que le tribunal de la
Seine s’est déclaré compétent par jugement du 4 du même
mois de messidor : elle expose « qu’après la mort du gé~
« néral d’Estaing, décédé à Paris le i 5 floréal an 10, le
« sieur d’Estaing père a profité de l’absence de la dame
« d’Estaing, qui venoit de l’Egypte et de l’Italie pouf
« rejoindre son m a ri, pour se fa ir e nommer tuteur de
« ïen fan t mineur du général, et se mettre en possession
« de tous les biens. »
: 1
E lle dit « que le sieur d’Estaing père n’est plus chargé
« de la tutelle ; qu’il ne doit plus retenir l’administration
«des biens, dont moitié lui appartient’ à elle comme
o commune.
« Qu’elle est dénuée de tout ; qu’elle n’a d’autre res« source qu’une pension sur l’éta t, de Ô2o fr ., qui a été
« portée à 2000 fr. , mais dont elle ne doit pas toucher
a le premier terme de quelque temps.
« Elle a vendu ses effets, contracté des dettes; elle doit
« plusieurs termes de son loyer : l’article 384 du Code
« N apoléon, lui attribue la jouissance.des biens de son
g enfant.
« 11 s’est t r o u v é , d a n s l’actif d u d é f u n t g é n é r a l , t r o i s i n a * c r i p t i o D S du tiers-consolidé sur l ’ é t a t , f a i s a n t e n s e m b l e
�m
C 23 )
a 2000 fr. de rente : elle les a fait saisir à la trésorerie ;
« elle ne voit aucun inconvénient à en toucher les arré« rages. Mais ce n’est pas suffisant; elle demande cependant
« à être autorisée à les percevoir, à faire faire toutes mu« tâtions à son profit, et qu’il lui soit fait en outre une
« provision de ioooo fr. »
A u p r in c ip a le lle conclut à ce que M. d’Etaing père
soit tenu de lui rendre compte de sa gestion, lui com
muniquer l’inventaire fait après le décès de son fils, ainsi
que toutes pièces justificatives, sauf ses débtas, et qu’il
soit c o n d a m n é à lu i p a y e r le r e liq u a t d u c o m p t e .
Un ju g e m e n t p a r d é fa u t d u t r ib u n a l de la Seine, en
date du 18 messidor an 1 2 , lui adjuge ses conclusions
provisoires et principales ; seulement la provision est
restreinte aux arrérages des rentes du tiers-consolidé.
M . Destaing père, averti de toutes ces poursuites, trouveextraordinaire que la prétendue veuve l’ait fait assigner
à Paris, lorsqu’ évidemmentla succession de son fils étoit
ouverte à A u rillac.il n’a voit en effet d’autre domicile que
celui de son origine.
M . d’Estaing décline la juridiction, et se pourvoit
devant la cour de cassation, en règlement de juges.
Un arrêt du 11 vendémiaire an 13 , décide que la suc
cession du général est ouverte à A urillac; et sans s’arrêter
aux jugemens du tribunal de la Seine, des 4 et 18 mes
sidor an 12 , qui sont déclarés nuls et comme non
avenus , ainsi que tout ce qui 0 précédé et s u iv i, ren
voie la cause et les parties à procéder devant le tribunal
d’arrondissement d ’A urillac, pour leur c t r e fait droit sur.leurs demandes respectives. ■
�( 24 )
Arm e, à son tour, suspecte le tribunal d’Aurillac ;
M . d’Estaing père en étoit le président: elle présente
requête en la cour, pour être renvoyée devant tout autre
tribunal.
M . d’Estaing se prête à ce caprice; il s’en rapporte
à cet égard à la cour de cassation. A rrêt du .26 thermidor
an 13 , qui renvoie la cause et les parties devant le
tribunal séant à Mauriac.
Il n’y avoit d’autres parties en instance au tribunal
de la Seine, qu A rm e, soi-disant N a zô , et le sieur d’Esfning pure: la demande en partage, formée par les frères
d’Estaing, étoit pendante A Aurillac. Ce tribunal, investi
de la cause, avoit déjà ordonné que tous les prétendans
droits la succession du général d’Kstaing seroient assignes
devant lui. Ce jugement avoit été signifié.
Anne no tient nucun compte de cette procédure : le
10 lévrier 1806, elle prend une cédule du juge de p;iix
de M auriac, contre le sieur d’ iistaing père, exclusive
m ent; elle reprend contre lui les mômes conclusions
qu’elle avoit déjà prises par sa requête présentée au
tribunal de la Seine; seulement elle ne se prétend plus
commune avec le général, et n’agit qu’en qualité de
tutrice.
L e 4 mars 1806, procès verbal du bureau de paix.
L e sieur d’Estaing père , par son fondé de pouvoir ,
déclare « qu’Anne le fait citer sans fondement et sans
« raison ; qu’il n’a aucun droit à exercer sur la succesa sion de son fils* que ln dcinnnderes>»e nuroit dû plutôt
et SC pourvoir coutre 1rs véritables héritiers de son fils,
« qui seuls ont qualité pour accéder ou critiquer set
• prétentions >
h
�m
»5 )
« prétentions; qu’il n’est ici qu’un régisseur, et ne peut
« se concilier sur la demande en reddition de compte
« qu’avec tous les ayans droit. »
M . d’Estaing indique ensuite les héritiers du général;
et d’abord c’est Éinilo d’Estaing, soji fils naturel, et encore
m ineur, puis les lrères et sœurs du général; il expose
qu’ Anne n’ignore pas la saisie-arrêt qu’il a dans les mains,
à la requête de ses enftliiSj ce qui est un motif de plus
pour qu’elle s’adresse k e u x , afin de faire valoir ses
prétendus droits.
M ais le sieur d'Rstiimg pèixi«joute que 1« demanderesse
no pouL so prévalo ir de ce q u ’il l’a re^ue dans sa m aiso n ,
de ce qu'il a accepté la tutelle de M ûrie, et u fait pro cé
d e r, en cette qualité ,.ù l'inventaire Ct à la veute<les ellcts.
Ce ne fut qu’ù titre d’hospitalité et de bienfaisance qu'il
lui donna un asile; il y fut induit « par fraud e, suppo« sition do personne, et par des insinuations perfides. »
A n n e seule l’cxcitn h. toutes ces démarches, çu t'l
rétracte t4 désavoue form ellem ent, ne voul;u*t pas
qu’une étrangère s’introduise dans sa iiuiulle.
Il déclare qu’il ne la reconnaît point pour fille de.
Joanrrjr JVazo, ni sous la qualité d'épouse de son fils;
qu’il ne reconnaît point sa fille, sous le nom de M arie,
comme provenue de son prétendu, mariage avec le général
d’ Estaing*, qu’il exige auparavant «qu'elle établisse par
actes authentiques, son origine, son prétendu mariage,
ct l’état de M a rie , sa Îillc : iupque-U il la soutient non
recevable dons toutes scs demandes.
A n n e pour le coup est effrayée tle h\ rt*j»ouse énergiquo du sieur ü’& taio g père; d lc reconnoît 1<* néces(
�( 26 )
site de rapporter des actes authentiques qui établissent
son origine et son mariage: elle n’en avoit d’aucune
espèce ; qu’imagine-t-elle pour y suppléer ?
L e 29 mars 1806, elle se présente devant le juge de
paix du dixième arrondissement de Paris ; elle lui expose
que « pendant le cours de Tan 8 , elle a été unie en
«'légitim e mariage avec Jacques - Zacharie d’Estaing,
« général divisionnaire, décédé à Paris en Tan io \'q u e
« son mariage a été célébré religieusement, et d'après
« les rites du pays, devant le patriarche à?A lexandrie,
« habitant au Grand-Caire ; mais que n’étant point en
« usage en Egypte de tenir des registres des actes de
a l’état civil, elle se trouve d'ans l’impossibilité de>repré« senter au besoin l’acte de célébration de son mariage;
« et que désirant y suppléer par un acte de notoriété,
« signé de différentes personnes qui ont été témoins de
« son nlarïage , elle requéroit le juge de paix de recevoir
« la déclaration des personnes qu’elle présenloiL »
'C e s personnes sont au nombre de sept. Un sieur
Larrey de Beaudeau, ex-chirurgien en chef de l’armée
d’Égypte; dom Raphaël de M onachis, membre de l’ins
titut d’Egypte ; un sieur Antoine-Léger Sartelon, ex-or
donnateur en c h e f d&l’armée d’Egypte; un sieur Hector
D a u r e , ex-inspecteur général aux revues de la même
armée ; un sieur Luc Duranteau, général de brigade;
un sieur Jean-Joseph M arcel, directeur de l’imprimerie
im périale; un sieur Martin-Roch-Xavici- Estuve, ex-di
recteur général des revenus publies de l’Egypte.
Tous ces témoins réunis, et par une déclaration col
lective, attestent, « pour n o to r ié té p u b liq u e connoîlre
�1*3
C 27 )
« parfaitement A n n e N a zo , veuve du général d’Estaing,
« fille de Joanny Nazo, négociant au Grand-Caire, clief
« de bataillon des chasseurs.
1
« Ils certifient que , pendant le cours de ta n 8 , la
« dame Nazo a été unie religieusement, et d’après les
« rites du pays, en légitime mariage avec. Jacques-Zact cliarie d’Estaing, par le patriarche d’A lexandrie, lia« bitant du Grand-Caire; que l’acte de célébration n’en
« a pas été rédigé , n’étant point d’usage en Egypte de
« tenir un registre de l’état civil ; mais que le mariage
« n’en est pas moins constant, ayant été célébré en pré«• sence d’un grand nombre de militaires français, et de
« la plupart des déclarans ; que depuis la célébration
« de son mariage avec le général d’E slain g , et pendant
« son séjour en Egypte, la dame N a zo , veuve d'Estaing,
« n’a pas cessé d'habiter avec son m a ri, qui Va tou« jours traitée comme son épouse légitime, »
A n n e , munie de cet acte, qu’elle appelle un acte de
notoriété, présente requête au tribunal de la Seine, pour
demander Vhomologation de ce certificat : jugement du i 5
avril 1806, qui l’homologue sans difficulté.
On ne conçoit pas trop cette manière de procéder. Il
est difficile de penser que le juge de paix eût qualité
pour recevoir de semblables déclarations, et que le tri
bunal de la Seine fût compétent' pour homologuer une
enquête à fu tu r, faite sans ordonnance de justice , sans
jugement préalable, et hors la présence des parties in
téressées.
Il est surtout curieux d’entendre ces témoins officieux)
dire que le mariage a été célébré en l’a*1 8 , s?ns
D a
�C 28 )
signer aucune époque précise, lorsque la lettre du gé
néral, du 2.5 pluviôse an 9 , annonce une liaison récente,
et qui ne remontoit pas à un.m ois; de les voir déclarer
que le mariage a été célébré parle patriarche d’Alexandrie,
qui n’est ministre de la religion d’aucun des deux prétendus
époux ; de les entendre enfin attester qu'A n n e n’a cessé
d’habiter avec son mari pendant tout son séjour en Egypte,
lorsqu’il est constant que la cohabitation n’a pas eu deux
mois de durée, que le général est parti du Caire pour
se rendre à Alexandrie, lors du débarquement des Anglais
à Aboukii*.
1
A n n e , se confiant dans cet acte de complaisance ou
de^légèreté* fait assigner M. d’Estaing père au tribunal
de M auriac,tpar exploit du 30 mai 1807. M . d’Estaing
père fournit ses défenses, qui ne sont qu’une répétition
de ce qu’il avoit d é jà d it d e v a n t le bureau de paix; mais
il d e m a n d e acte au tribunal de la réitération qu’il fait
devant lui de ses protestations contre tous aveux, toutes
démarches; que ce n’est que par erreur et par fraude
qu’il a accepté la tutelle de M arie; et qu’il rétracte tous
actes dont Anne pourroit inférer une reconpoissance de
son-état; il conclut enfin à ce qu 'A n n e , comme étran
gère, soit tenue, aux termes du Code, de donner caution
jüdicatum solvi.
. .
La cause portée à t-a'udience au provisoire, intervint*
un jugement contradictoire, le 12 août 1806, par lequel
le tribunal de M auriac, sans préjudice de tous moyens
respectifs des parties, et sans entendre rien préjuger, ordonne, avant faire d ro it, que les parties feront dili
gences pour mettre en cause les prétendons droit à la
£ '*
�1^5
( 29 )
succession du général d’Estaing, en se conformant u la
loi ; et néanmoins, condamne le sieur d’Estaing père ù
payer à Anne Nazo la pension de 600 francs, fixée à sa
fille mineure par le procès verbal du 5 messidor an io ,
depuis que la mineure est sortie de la maison du sieur
d’Estaing p è re , et à la continuer à l’ayenir jusqu’au ju
gement définitif : les dépens sont réservés, sauf le coût du
jugem ent, auquel le sieur d’Estaing père est condamné.
On ne doit rien négliger dans une cause de cette im
portance ; les plus petits détails peuvent être précieux :
il faut donc rendre un compte sommaire des motifs qui
ont déterminé ce jugement, a u q u e l les héritiers d’Estaing
se sont rendus tiers opposans, et qui est également soumis
à l’examen de la cour.
Suivant les premiers juges, l’article 16 du Codeç Na
poléon n’assujétit que les étrangers à donner caution du
judicatum s o b i. A n n e se disant épouse d’un généyal
français, il est incertain si elle sera regardée comme
étrangère, ou si elle se trouvera dqns l’exceptiop ç}e
l’article 12 du même Code; rien n’est encore jHgé syj.*
la validité ou l’existpnce de son mariage > on ne peut
donc lui appliquer une peine qu’elle a ?a pas ençoiii'pe.
Ce n’est pas trop sagement l’aisonner ; Qar s’il fqvjt at-r
tendre la fin d’un procès pour exiger une caution, Ja
disposition du Code ne serait pas fort utile : il est biçij
tard pour demander une caution, lorsque tous les frais
sont faits; et il sernble que dès qvfAnne ne r3pp@r{;oit
aucuns titre« pour constater son éta t, elle devoir H w
»ssujétie h cette formalité.
'
!
Leg premiers juges ajoutent qyCAmte > eoii ¡eoftiEïjg
+%
�( 30 )
commune, soit comme tutrice, réclame la totalité de la
succession du général ; dès-lors les poursuites que les
frères d’Estaing ont pu faire contre leur père, lui sont
é tr a n g è r e s , et ne peuvent mériter aucune litispendance
g u i la concerne.
Cela n’est pas trop clair : « mais comme elle réclame
« toute la succession contre le sieur d’Estaing p ère, qui
« s’en est reconnu dépositaire; que la cour de cassation a
« renvoyé cette demande au tribunal, entre la dame N azo
« et le sieur d’Estaing père seulement, quoique la cour
« de cassation ait eu sous les yeux la procédure tenue à
« A urillac, entre les frères d’Estaing et leur père, puis
« qu’elle est visée dans son arrêt, et qu’il n’est pas permis
« au tribunal d’interpréter le silence de la cour de cassa
te don. »
les premiers juges aur o ie n t o r d o n n é la m ise en cause devant eux des prétendans droit à cette succession? Ils s’ingénient à prouver
qu’ils n’en ont pas le droit ; et c’est la première chose
qu’ils ordonnent.
Enfin le sieur d’Estaing père a provoqué la tutelle ;
il s’est soumis à payer une pension de 600 fr. à M arie:
la rétractation qu’il oppose contre cette obligation , ne
peut empêcher l’exécution provisoire ; la saisie-arrêt ne
peut avoir d’effet sur une pension alimentaire ; sauf le
recours du sieur d’Estaing père, ainsi q u ’il appartiendra.
Tels sont les motifs de ce premier jugement; ils pouvoient être plus conséquens, et ce n’est pas sans raison
que les premiers juges hésitoient sur la mise en cause
des frères d’Estaing; ils n’étoient, dans l’espèce partiQ u i c r o ir o it q u ’a v e c ce m o t i f
�( 3 0
culière, que des juges d’exception; ils n’avoient reçu
d’attribution qu’entre A n n e et le sieur d’Estaing père.
Ils ne pouvoient pas dépouiller le tribunal d’Au ri lia c ,
juge naturel des frères d’Estaing, d’une demande pen
dante devant lui.
Mais pourquoi se jeter dans des arguties de procédure,
pour une cause de cette importance ; les frères d’Estaing
prennent le p arti, sur la signification qui leur est faite
du jugement d’Aurillac , d’intervenir en l’instance , et de
former tierce opposition au jugement précédent : leur re
quête d’intervention est du 24 janvier 1807. Ils deman
dent qu’’ sinne soit d é c la r é e non r e c e v a b le dans toutes
ses demandes, et concluent, contre leur p è re , tant en son
nom , qu’en qualité de tuteur de deux de ses enfans, au
délaissement et au partage de la succession du général
d’Estaing, leur frère , ainsi qu’ils l’avoient demandé à
A u rilla c»
En cet état, la cause portée à l’audience du tribunal
d’A urillac, Te 13 août 1807, il y a été rendu un jugement
contradictoire, dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que la clame Nazo a mis en fait qu’elle avoit
« été mariée avec le général d’Estaing, au Caire, en
« Egypte, par le patriarche d’A lexandrie, en présence
« des principaux, officiers de l’armée française en Egypte,
« en l’an 8, sans désigner le mois ni le jo u r de cette année ;
« que toutes les formalités exigées dans ce lieu pour le
« mariage avoient été observées; et que d’après ces usages,
« il ne se faisoit jamais d’acte écrit du mariage ;
« Attendu qu’elle rapporte même des certificats qui*
« attestent le mariage et l’usage du pays ;
�# ( 32 )
« Attendu que les tiers opposons ont produit nu con« traire des certificats et des actes de mariage d’autres
« officiers français, célébrés dans le même temps devant
« des commissaires de l’armée ;
« Attendu que la dame Nazo prétend p ro u ver, par
« ïesdits certificats, qu’elle a vécu avec le général d’Estaing
« au Caire et à Alexandrie, et y étoit reconnue comme
« son épouse ;
« Attendu que la dame Nazo prétend que la reconnois« sance de son mariage, et même la rcconnoissànee de la
« légitimité de sa fille, de la part du général d’Estaing,
« résultent de la lettre qu’il a écrite à la dame Nazo le
« iô prairial an 9 , date qui correspond assez à la naissance
« de cette fille à Céphalonie ; dans laquelle lettre le gé« néràl d’Estaing lui fait de tendres reproches de ce qu’elle
« ne l ’a phs ave rti de sa gro ssesé, q u ’ il avqit apprise d’ail« leurs, et de ce q u ’ u n particulier, qu’il dénomme, ti’ a « voit pas procuré à la dame Nazo des occasions de lui
c< écrire ; laquelle lettre , très-afïectueüse, est écrite en
« entier de la main du général d’Estaing, de l’aveu de
« toutes les parties, est adressée, aussi de sa main , à la
« citoyenne d’E sta in g , à la citadelle du C aire, et datée
« d’Alexandrie ;
« Attendu que par la lettre du général d’Estaing à
« son père , du 13 ventôse an 10 , il commence par se
« plaindre de ce que son père ajoutoit plus de foi à une
a lettre d’un sieur Latapie, qui lui avoit mandé que le
«général d’Estaing étoit marié en E gyp te, qu'à hii« même ; il continue par dire à son père qu’il rfy a
« aucun lien légal entre la dame Nazo et lui ; qu’il ne
« l’eût
�( 33 )
« l’eût pas contracté sans le prévenir ; et il finit cepen« danl par dire que ce lien pourvoit bien amener celui-là ;
« qu’au surplus, il a écrit à cette famille de se rendre à
« Marseille , et d’y attendre de ses nouvelles ;
« Attendu qu’après le décès du général d’Estaing,
« arrivé le i 5 floréal an 10 , le sieur d’Estaing père a
« reçu chez lui la mère et la fille, et lésa traitées comme
« veuve et fille du gén éral, et présentées dans toute la
« ville en cette qualité pendant huit mois ; ol
« Attendu q u e le sieur d’Estaing père a requis, çîans
« un p r o c è s v e r b a l
tenu d e v a n t le
ju g e d e p a ix d ’A u -
« l'illac , et c o m p o s é d e ce q u ’il a d e p lu s éclairé et d e
« plus r e c o m m a n d a b le dans sa famille, le 5 m essidor an
« 10, et a obtenu la qualité de tuteur de Marié d’Estaing,
« sa petite-fille, provenue, y est-il d it, du mariage du
« général d’Estaing avec la dame Nazo; dans lequel procès
« verbal il a fait fixer les frais par lui avancés pour leur
« voyage de Lyon à A u rillac, les habits de deuil de la
« dame N azo, et une pension pour elle et sa fille;
« Attendu qu’en vertu de ce procès verb a l, le sieur
« d’Estaing père a fait procéder à la rémotion des scellés
« apposés à Paris sur les effets du général d’Estaing, son
« fils, à laquelle le père de la dame N azo, et le sieur
« Delzons-, législateur, ont assisté, et le sieur d’Estaing
« a fait ensuite procéder à l’inventaire de son mobilier
« par le sieur Delzons fils , sonifondé de p ou voir, le 24
« messidor an 10 ;
« Attendu que lorsque la dame Nazo , après un
« séjour de huit mois chez le sieur d’Estaing p ère, l’a
« quitté, ce dernier a gardé Marie d’Estaing, sa fille,
E
�( 34 )
« et ne l’a.remise à sa mère qu’en vertu d’ordres supé« rieurs;
« Attendu que de tous ces faits non désavoués, la dame
« Nazo en a conclu que son état d’épouse du général
« d’Estaing, et l’état de Marie d’Estaing, leur fille, avoient
u été reconnus solennellement par le sieur d’Estaing père,.
« et qu’il ne lui étoit plus permis de varier;
« Attendu que le sieur d’Estaing père n’a rétracté cette
cc reconnoissance formelle que par sa réponse au bureau
« de paix du canton de Mauriac;
« Attendu ce qui résulte du procès verbal de tutelle,.
« et des autres pièces produites par la dame Nazo;
cc Attendu que lorsqu’il n’a pas été tenu de registres,
ce l’article 7 du .titre 20. de l’ordonnance de 1667, dont
et, a été pris l’article 46 du Code, permet de prouver par
«^témoins la célébration du mariage, et la naissance des
« enfans q u i en sont provenus; et q u e, dans l’espèce,
ce cette preuve testimoniale est d’autant plus admissible,
ce que le procès verbal de la tutelle déférée au sieur
cc d’Estaing-père peut être.considéré comme un commen
ce cernent de preuve par écrit de la possession d’état de la
ce dame Nazo et de sa fille ;
\ .
,
r ce L e tribunal, sans, préjudice, etc., et sans rien prê
te juger ji,ordonne, avant fairç(dï:oit, que la dame Nazo
«.j-fera preuve par-dcvantnle président du tribunal, dans
« les six: mois;à com pter de la (signification du présent
« jugement à personne ou dom icile, et ce tant par titres
<c que par témoins, i°..qu’il n’étoit pas d’usage au Caire,
« en l’an 8,- soit pour les militaires français, ou tous
« autres,de tenir-des registres de l’état civil, ni de rédige»
�( 3 5 )
par écrit les actes de mariage ; qu’il n’étoit pas non
« plus d’usage ù Céphalouie de rédiger par écrit des actes
« de naissance; 2°. que la dame Nazo a été mariée en
« l’an 8, au Caire, avec le défunt général d’Estaing, par
« le patriarche d’Alexandrie, avec les cérémonies usitées
« dans ce lieu ; 30. qu’elle a depuis cohabité avec le sieur
« général d’Estaing, jusqu’au retour de celui-ci en France,
« et que dans tout ce temps elle a été publiquement
« reconnue pour être l’épouse du général d’Estaing ;
40. qu’elle est accouchée à Céphalonie , d’une fille
c< provenue de ce mariage , dans le mois de nivôse an 10,
« la q u e lle fille a é té n o m m é e M a rie d ’E s t a i n g ; sa u f au
« sieur d’Estaing père, et a u x tiers opposans, la preuve
« contraire pour les enquêtes, etc. : dépens réservés. »
La dame A n n e a fait signifier les qualités de ce juge
ment , sans aucune protestation ni réserve, le 22 août
1807,
L e 5 décembre suivant, A nne interjette appel de ce
jugement interlocutoire : elle a renouvelé cet appel par
autre acte du 23 janvier 1808; et, pour la première fois,
dans cet acte elle se rappelle de la date de son prétendu
m ariage, qui a été célébré au Caire le jour des rois de
1800 ; fête qui arrive douze jours plus tard que parmi
nous, parce qu’on suit en Egypte le calendrier grec; ce
qui répond, suivant elle, au 17 janvier 1800, ou 27 ni
vôse an 8. Elle se plaint de ce qu’on l’assujétit à une
preuve; elle n’en avoit pas besoin.
Les frères d’Estaing, à leur to u r, tant en leur nom
personnel que comme héritiers de leur père , d é c é d é
pendant l’instance, se rendent incidemment appelais du
E %
k
�C( 36 )
même jugem ent, notamment en ce que ce jugement a
fait une fausse application de Particle 14 du titre 20 de
l’ordonnance de 1667, de l’article 46 du Code, et qu’il
est contraire aux dispositions des articles 170 , 1 7 1 , 194
et 195 du même Code.
JDepuis ces appels respectifs, A n ne a fait publier en la
eour une consultation en forme de mém oire, à la suite
de laquelle elle a produit des pièces nouvelles. Il s’agit
de répondre aux obj'ections qu’elle propose, de relever
les contradictions dans lesquelles elle est tom bée, et d’ap
précier le mérite des actes de notoriété ou des certificats
dont elle justifie.
Une étrangère, une infortunée, vient réclamer Pétat
d’épouse et de m ère, noms chers et sacrés, d’où naissent
les plus doux charmes de la vie : quel intérêt n e doit-elle
pas inspirer! La complaisance ou la pitié ont déjà dicté
des certificats r q u i tous a n n o n c e n t le sentiment qui les
a p r o d u its ;
- Point de précision sur les faits, contradiction sur les
dates , exagération dans les circonstances, erreur sur les
uages ou les mœurs du paysComment pourroit-on accorder quelque confiance à
des actes extrajudiciaires, sollicités, mendiésy obtenus
contre tous les principes et toutes les formes?
L a faveur disparoîtr l’illusion cesse, le prestige s’éva
nouit ; il
reste plus que la crainte, une sorte de terreur,
d’admettre, au détriment d’une famille, une usurpatrice,
une concubine, qui mettant peu de prix à ses charmes,
a cédé facilement aux appas de la volupté.
A n n e pourroit-elle se faire un titre d’un procès verbal
�( 37 )
de tutelle qu’elle a arraché de la foiblesse ou de l’erreur
d’un vieillard, dans les premiers momens de douleur de
la perte de son fils ; qu’elle n’a obtenu que par un men
songe , et parce qu’elle faisoit entendre que Joanny Nazo
avoit dans les mains tous les actes qui constatoient son
état d’épouse légitim e?
E lle est obligée de convenir aujourd’hui qu’il n’existe
aucun acte qui établisse son mariage; elle se renferme
dans une assertion mensongère, et soutient qu’il n’est pas
d’usage, parmi les G recs, de tenir des registres, ou de
dresser des contrats de mariage.
E l l e en im p o s e é v i d e m m e n t et sciem m en t. Q u ’on o u v r e
l ’histoire d e
tou s
les p e u p le s
p o lic é s , des T u r c s , p a r
exem ple, qui régnent dans le pays qui l’a vu naître.
On sait que les Turcs admettent la pluralité des femmes ,
et n’ont souvent que des esclaves : cependant il se con
tracte des mariages parmi eux ; et celles qu’ils ont légi
timement épousées jouissent de tous les droits d’épouses;
il leur est dû un douaire et une pension.
T oui’nefort, si bien instruit des usages de ce peuple,
d it , lettre 14 , que « les Turcs ne considèrent le mariage
« que comme un contrat civil; cependant qu’ils le regar« dent comme un engagement indispensable, ordonné
« par le créateur à tous les hommes, pour la multiplia cation de leur espèce. Quand on veut épouser une fille,
a on s’adresse aux parens pour obtenir leur consente« ment ; et lorsque la recherche est agréée, il en est dressé
« un contrat en présence du cadi et de deux témoins*
« L e cadi délivre au x parties la copie d e l e u r c o n tr a i
a de mariage. La femme n’apporte point de dot, mai»
�( 38 )
« seulement un trousseau, etc. » II parle ensuite de la
pompe et des cérémonies qui accompnguent cet acte
solennel, et qui sont plus ou moins fastueuses, suivant
la qualité des parties.
On peut encore consulter l’histoire moderne de l’abbé
de M arcy, tom. 6, édition in-12, page 112 et suivantes.
L e môme auteur parle du mariage des Grecs, dont le
patriarche reçoit les conventions, dont il est à la fois
le ministre et le juge. «Les Grecs, dit-il même tome,
« page 297, x-egardent le mariage comme un sacrement;
« mais ils ne croient pas que ses nœuds soient indissolu« Lies. Un mari mécontent de sa femme obtient, sur une
« simple requête , une sentence de séparation, que le
« patriarche lui fait payer dix écus: alors les deux parties
« peuvent former un autre engagement, sans que per
te sonne s’en formalise. »
T o u r n e f o r t , lettre 3 , dit en core la même chose.
L ’ a u te u r le plus moderne qui ait écrit sur les mœurs
des Égyptiens , et dont l’ouvrage a pour titre : Conquête
des Français en Egypte, pag. 128, art. 6 , en parlant
de divorce, répudiation, atteste que lorsque le mari
veut se séparer, il le déclare devant le juge, et rend la
dot portée par le contrat de mariage. Il y a donc des
contrats ?
«
«
«
«
cc
« Les mariages ont cela de particulier, dit l’abbé de
M arcy, qu’on choisit de part et d’autre un parrain et
une marraine, et quelquefois trois ou quatre. L e papas
reçoit à la porte de l’église les mariés, et commence
par s’assurer de leur consentement. Ensuite, les conduisant à l’autel, il leur met sur la tête une couronne
�( 39 )
«
«
«
«
«
«
'9j
de feuilles de vigne, garnie de rubans et de dentelles;
il passe un anneau d’or dans le doigt du garçon, et
un anneau d’argent dans celui de la fille; puis il change
plus de trente fois ces anneaux, mettant au doigt de
l’épouse l’anneau du m ari, et au doigt du mari l’anneau
de l’épouse.
« Les parrains et les marraines s’approchent ensuite,
« et font le même changement d’anneaux. Cette céréa monie finie, les parrains ôtent aux mariés leur cou« ronne........... L e papas coupe ensuite des mouillettes
« de p ain , et les mêle dans une écuelle avec du vin ;
« il e n m a n g e u n e , en p r é se n te u n e au tre à la m a r i é e ,
« puis au m ari, et enfin à tous les assistans. Les parens
« et les amis envoient ce jour-là aux mariés de grandes
« provisions; on se réjouit ainsi à frais communs, pendant
« deux mois. »
L e même auteur dit que la dot de la future est portée
avec ostentation chez l’ép ou x, et précède le cortège de
l’épouse ; que cette dot est stipulée et constatée par un
acte dressé devant notaires.
Il est encore d’usage constant, pour donner au ma
riage la plus grande publicité, de promener les époux
pendant trois jou rs, sous un dais.
L e prétendu mariage d'A n n e a-t-il eu ce genre de pu
blicité? Elle n’a jamais osé le dire. T out est invraisem
blable dans son récit.
- Elle fait entendre qu’elle a été mariée par le patriarche
d’A lexandrie, demeurant au Caire. Cela est impossible.
L ’auteur déjà cité sur les mœurs et les usages des
Egyptiens, apprend qu’il y a en Egypte des ministres
�4 0 .)
de toutes les sectes chrétiennes. L e ministre désigné par
A n n e n’est pas celui des G recs, il est le prêtre des
Cuphtes. « Ceux-ci, dit cet auteur, sont chrétiens, de la
« secte des Jacobites ou Eutychéens. Leurs opinions
« religieuses les rendent irréconciliables avec les autres
« Grecs ; ils se persécutent avec acharnement. L es
« Cophtes ont un patriarche qui réside au Caire, et
« qui prend le titre de patriarche d'Alexandrie. »
Par quelle singularité -^/2/20,qui se dit G recq u e d’ori
gine et de religion, auroit-elle choisi un prêtre persé
cuteur de sa secte? Comment le patriarche des Cophtes
auroit-il consenti à bénir un prétendu mariage entre
deux époux d’une religion différente,dont aucun d’eux
ne professe celle du ministre devant qui ils se présentent
pour recevoir la bénédiction nuptiale.
L e mariage d’un général français étoit un événement
remarquable ; on dqvoit y mettre la plus grande pompe,
y donner là plus grande publicité. Q uoiqu’en dise A n n e r
c’eût été pour elle un honneur insigne, une fortune ines
pérée. N a z o , q u i, si on l’en croit, s'est f a i t valoir
pour donfier son consentement, n’auroit pas manqué de
prendre toutes les précautions pour assurer l’état de celle
qu’il appelle sa fille. Il faisoit partie de l’armée ; il connoissoit les ordres du général en ch ef, traduits dans
toutes les langues usitées : la première chose à laquelle
il auroit pensé eût été de faire dresser un acte civiL
devant le commissaire des guerres, officier public dé
signé à cet effet.
A n n e convient cependant qu’il n’y a eu aucun acte
dressé !
_
Les
(
�( 4 0
Les témoins qu’elle a produits dans ses enquêtes à futur,
se contentent d’énoncer des assertions générales. On ne
désigne ni l’heure, ni le jour, ni le lieu de la cérémonie:
aucun témoin ne déclare précisément avoir assisté à la
bénédiction nuptiale.
A n n e elle-même a toujours laissé dans la plus grande
incertitude sur la date ou l’époque de son prétendu mariage.
Elle plaide depuis l’an n ; et jusqu’au jugement dont est
appel, du 13 août 1807, elle s’est contentée de dire qu’elle
avoit été mariée dans le cours de Pan 8 ce n’est qu’après
le jugement, et dans la consultation, qu’on a pensé qu’il
falloit p ré ciser le j o u r , et on a i m a g i n é le jour des r o i s ,
q u i, d’après le calendrier grec, se trouve le 17 janvier.
Cependant il résulte de la lettre du général d’Estaing,
en date du 25 pluviôse an 9, que son arrangement
oriental n’avoit commencé que depuis à peu près un mois,
et le général d’Estaing écrivoit la vérité ; en voici la
preuve :
A nne veut être mariée en l’an 8 , le 17 janvier, qui
représente le 27 nivôse an 10.
A cette époque, le général d’Estaing n’étoit pas au
Caire; il commandoit l’avant-garde de l’armée en station
à C athié, fort situé dans les déserts, qui sépare l’Egypte
de la Syrie, près de Suez, à plusieurs journées du Caire.
L e service ou le commandement du général, au fort
de C athié, a commencé le 17 brumaire an 8, et n’a fini
que le 16 pluviôse an 8 , époque de l’évacuation de ce
fort.
L a preuve de cette continuité de service, résulte de
son registre de correspondance officielle j registre écrit
F
�( 42 )
en grande partie de la main du général , qui p ro u ve,
jour par jou r, qu’il n’a pas quitté son poste.
Plusieurs lettres officielles écrites par lui le 27 nivôse
an 10, du même lieu de Cathié , démontrent l’impos
sibilité de sa présence au Caire le jour indiqué pour
son prétendu mariage.
Les lettres concernant le service lui sont adressées â
Cathié, par les généraux et officiers, et particulièrement
par le général de division sous les ordres duquel il servoit.
Cathié ne fut évacué que le 16 pluviôse an 8. L e gé
néral d’Estaing se rendit de là à Rozette, où il a resté
jusqu’en vendémiaire an 9.
Ce fut alors qu’il fut nommé au commandement du
C aire, où il a résidé jusqu’en ^entôse an 9 , c’est-à-dire,
jusqu’au moment où les Anglais débarquèrent à Aboukir.
Tous ces faits s o n t prouvés par les registres et les feuilles
dd service du général.
Les parties d’ailleurs sont d’àccord sur celte dernière
circonstance. A n n e nous l’apprend elle-m êm e dans sa
consultation, page 6.
Comment concilier toutes ces contradictions? l’assertion
d’ une inconnue doit-elle l’emporter sur les écrits du
défun t, qui font foi par eux-mêmes ?
Non , il est évident qu'A nn e veut en imposer à la
justice, au public*, que son histoire lamentable n’est qu’un
roman mal-conçu, qui manque tout à la fois de vraisem
blance et de vérité.
Mais A n ne a, dit-on, une possession d’état in variable.
Qu’est-ce qu’une possession d’état ? Lès questions de
ce, genre sont toutes de droit public.
�( 43)
L ’état des liommcs se forme sous l’autorité des lois ;
il s’établit de deux manières, ou par des titres, ou, à
défaut de titres , par la possession : le titre en est la
preuve la plus authentique et la plus invariable; la pos
session en est peut-être la preuve la plus sensible et la
plus naturelle. C’est ainsi que s’exprimoit M . l’avocat
général Séguier, dans la cause du sieur Rougemont. « La
« possession , disoit ce grand .magistrat, lie , unit par
« une chaîne non interrompue de faits, d’actions et de
« démarches, totis les instans de notre vie à celui qui
« nous a vu naître ; elle nous fait r e m o n te r ju s q u ’à la
cc source de n o tr e sang-, elle n o u s fait descendre depuis
« cet instant prim itif, jusqu’au moment actuel de notre
« existence ; elle nous apprend à nous-mêmes, elle ap
te prend aux autres qui nous sommes, soit par le per« sonnage qu’elle nous im pose, soit par Vhabitude de
« nous connoître, soit par Vhabitude d’être reconnus :
c< mais il faut, continue M . Séguier, que cette possession
« soit constante, perpétuelle, invariable. » E t M. Séguier
invoque la doctrine du magistrat immortel qui l’avoit
précédé dans cette glorieuse carrière, et qui professe les
mêmes principes.
A n n e peut-elle dire qu’elle a la possession constante,
perpétuelle, invariable, de l’état d’épouse du général
d’Estaing? Une liaison criminelle dans nos mœurs a com
mencé au mois de nivôse an 9 , et n’a pas eu deux mois
de durée. Celui qu’elle appelle son époux, la traite en
concubine ; c’est ainsi qu’il la désigne à son père même,
lorsqu’il lui parle de la nature de ses engagemens : le
F 2
�aoo
( 44; )
t
bruit se répand qu’il est m arié; le général le désavoue,
et soutient qu’il n’y a aucun lien légal.
k
A n n e ne tient donc pas la possession de son é ta t,
de celui qui y avoit le plus grand in térêt, de celui seul
qui avoit le droit de l’élever au titre honorable d’épouse;
comment auroit-elle la possession d'un état que son prétendu mari désavoue, et ne veut pas lui accorder ?
Une possession d’état ! Mais y a-t-il jamais eu entre
A n ne et les membres de la famille d’Estaing, ces rappoi’ts
continuels qui se confirment de jour en jour entre les
parens, par la notoriété ? avoit-elle avec ses prétendus
beaux-frères, cette habitude journalière de se traiter ré
ciproquement comme frères et sœurs ? c’est cependant
ce que désire Gochin, à l’endroit cité dans la consultation;
et il est remarquable qu’on ait choisi une autorité de ce
genre, dans une cause où le célèbre Cochin soutenoit que
le dame de B ruix, baptisée comme fille de Jean Lassale,
avoit eu pendant trente-quatre ans la jouissance , la
possession dûétat de fille de Jean Lassale, et que cette
possession^ d’état devoit être un obstacle insurmontable
à la prétention que la dame de Bruix osoit élever, de se
dire fille du sieur marquis de Boudeville de la Ferlé.
Gochin appuie principalement sur cette possession ,
comme longue, constante et invariable;
E l d’après Cochin lu i-m êm e, une possession d’état
pourroit-elle être l’effet de l’erreur d’un moment, d’un
acte isolé et fugitif, obtenu dans un moment d’urgence;
et sous la foi de l’existence des actes qui assuroieat à
A n n e un 4‘tre ^gitim e ;
�2ÔK
( 4$ )
D ’un acte bientôt rétracté, lorsqu’on a su que le pré
tendu mariage n’étoit constaté en aucune manière;
D ’un procès verbal de tutelle, qui émane du sieur
d’Estaing p ère, étranger à la succession de son fils; qui
n’a pu nuire aux parties intéressées; dont on a exclu tous
les parens les plus proches, pour y admettre des alliés
à des degrés éloignés..
Il est extraordinaire que lors de ce procès verbal on
ait fait un semblable choix : de tous ceux qui y sont
dénommés, le sieur d’Estaing père, et le sieur Delzons,
étoient les seuls qui eussent le droit d’y assister.
L e s frères d u g é n é r a l d ’E s t a in g é to ie n t présens sur les
lieux ; quatre étoient majeurs : aucun d’eux n’y a été
appelé.
Les sieurs Ternat, petits-fils de la dame d’Estaing,
veuve T ern at, en ont été écartés.
Les sieurs Angelergues, parens au même degré que
lès précédons, n’ont pas été convoqués.
. Les sieurs d’E sta in g , cousins germains du p è re , ne
font pas partie de cette assemblée.
On convoque dans la ligne paternelle, des sieurs Labroy
parens au sixième degré du défunt ; un sieur F o r te t,
allié encore plus éloigné que les sieurs Labro,
Dans la ligne maternelle, on néglige les sieurs TA pp ara, oncles bretons du défunt : on affecte d’appeler les
sieurs M ailhes, père et fils, alliés très-éloignés. Et voilà,
les individus qu'Anna traite ou veut faire regarder comme
les plus proches parens de son pré tondu mari : il ne faut
pas s’eu étonner; elle n’à pas eu le .temps de f y i r c <?on~
noissance avec la famille de SQü prétendu marû
u
�C 46 )
Elle a été reconnue dans la Jarnille , doits la v ille,
dans les sociétés! Elle n’a été présentée nulle part-, ne
pouvoit l’être, à moins de l’avilir, puisqu’elle n’avoit
d’antre communication que les signes, ignoroit absolument
la langue française, étoit étrangère à nos usages, et ne
connoissoit aucun des agrémens d’une vie policée.
Elevée dans la classe du peuple , sans aucunes connoissances, illitérée, obscure, sans fortune, sans moyens;
voilà celle qui veut être l’épouse du général d’Estaing,
la femme de son ch oix, et que ce général doit se glo
rifier d’avoir obtenue.
Peut-on pousser plus loin le délire!
L ’erreur du sieur d’Estaing père n’a pas eu plus de
huit mois de durée , de l’aveu même d'A ju ie - et huit
mois n’ont jamais donné une possession d'état constante
et invariable.
jLnne ne l’a pas même pensé ; elle a senti la nécessité
de rapporter des preuves de son mariage; et à défaut
de titres, elle a voulu y suppléer par des certificats.
A rrivée à M arseille, elle conduit des Égyptiens suivis
d’un interprète, et leur dicte les déclarations qu’elle croit
convenir.
Ce procès verbal qu’on colore du nom d’acte de no
toriété ne fait aucune sensation. Elle accourt à Paris,
et va sôlliciter des personnes plus marquantes, qui se
rendent à son invitation.
Elle les conduit devant le juge de p aix, qui les admet
sans autre forme; elle fait homologuer sans contradiction
le procès verbal. La famille d’Estaing y qui n’en-a voit
aucune connoissance, s’inquiétoit peu de ses démarches,
�Zo3
( 47 )
et n’avoit garde de s’y opposer, puisqu’elle les ignoroifQue signifient ces enquêtes à fu t u r , qui ne peuvent
donner lieu qu’à d’énormes abus? Qu’on lise le procès
verbal qui a précédé l’ordonnance de 1667 ; on y fait
sentir les inconvéniens de ces sortes d’enquêtes, dont
M . le premier président demande la suppression. L e
rédacteur nous apprend que les motifs de ce magistrat
éclairé furent universellement goûtés, et déterminèrent
l’article unique du titre 13, qui les abrogea, et défendit
à tous juges de les ordonner ou d’y avoir égard, 11 peine
de nullité.
Ces actes p r é te n d u s d e n o to r ié té sont d o n c inutiles,
et même dangereux dans la cause; ils ne scroient d’au
cune importance, quand ils pourroient être de, quelque
considération»
A n n e les a réunis à la suite de sa consultation : on va
les analiser rapidement. Tous les A lla ou Abdalla qu’elle
a recueillis à Marseille déclarent « qu’ils ont parfaitement
« connu Jean N a zo et Sophie M ische, son épouse, père
« et mère d’A n n e , et qu’A n n e fut unie en mariage avec
« te général d’Estaing. »
C’est bientôt dit : mais où est la preuve de la filiation,
du mariage? Une simple assertion généralisée, sans au
cunes circonstances, sans désignation des époques, des
dates, peut-elle faire quelqu’impression ? A n ne 'a-t-elle
pu penser qu’avec une déclaration aussi vague, les tri
bunaux pourroient. lui assurer l’état d’épouse et veuve
du général d’Estaing, et l’admettre dans cette famille? Et
si quatre ‘ d’entre eux ont déclaré qyCAnne accoucha ai
C é p h a lo n i e , ils disent le contraire de ce que raconte»
mfy
�( 48 )
- A n n e , q u i, pour intéresser davantage, n’a pu prendre
terre, et a accouché dans le navire. Il lui en coûtoit si
peu de s’accorder avec les déclarans, qu’elle auroit dû
au moins dire la même chose.
Son acte de notoriété fait à Paris est encore plus
insignifiant.
Sept témoins attestent simultanément, et parlant tous
à la fo is, que « dans le cours de fa n 8 , A n ne a été
« unie religieusement, et d’après les rites du pays, en
« légitime m ariage, avec le général d’Estaing, par le
« patriarche d’A lexandrie, habitant du Grand-Caire.
« L ’acte de célébration n’en a pas été rédigé, n’étant
« point d’usage en Egypte de tenir un registre de l’état
«c c iv il; mais ce mariage n’en est pas moins constant,
k ayant été célébré en présence d’un grand nombre de
a m ilitaires fra n ç a is , et de la plupart des déclarans# »
P o u r q u o i ces déclarans présens ne se sont-ils pas
nommés ? quels sont ceux qui sont compris dans ce la
plupart? Dès que ces témoins poussoient si loin la complai
sance pour la jeune Egyptienne, ils auroient pucirconstancier davantage leur déclaration; mais ils eussent été bien
embarrassés sans doute : cependant ils ne craignent pas
d’ajouter que «pendant son séjour en Egypte, IadameNazo,
« veuve d’Estaing, n’a pas cessé d’habiter avec son mari,
« qui l’a toujours traitée comme son épouse légitime. »
Ce séjour a-t-il été plus ou moins long ? pas un mot
sur sa durée. On a vu ou pu v o ir , chez le général
d’Estaing , une jeune femme q u ’ il traitoit avec bonté
ou avec tendresse, et on veut en conclure qu’elle étoit
épouse y dans un pays aussi corrom pu, où presque tous
�2 (ùj
( 49)
les militaii'es avoidnt trouvé la facilité de prendre cô
qu’ils appeloient des arrangemens orientaux, des engcigemens à temps. Mais il en coûte si peu à des indiïïérens
de porter le trouble dans une famille, d’y introduire une
étrangère! On doit gémir de voir'autant d’inconséquences
et de légèreté.
A n n e fait parade du brevet de pension qu’elle a ob
tenu du gouvernement : elle doit s’estimer heureuse, sans
d o u te, que le chef magnanime de Pétât l’ait mise, par
sa bienfaisance, au-dessus des besoins de la vie. Mais
la f a v e u r d u g o u v e r n e m e n t n e p e u t n u ir e a u x droits des
familles. Il est bon d’observer d’ailleurs q u e ccttô pension
n’avoit été portée, en premier lieu , qu’à une sommé
de 5 2 0 francs; l’Empereur remplit de sa triain la somme,
sur le travail qui lui fut présenté : cependant, sur ce
premier travail, on la traitoit de veuve d’Estaing ; les
journaux d’alors Pont ainsi publié. L ’Empereur ne vouloit
donc la traiter que comme Egyptienne réfugiée, malgré
le titre qu’on lui donnoit ; et Paugmentâtion survenue
dans la suite, a été l’effet du procès verbal de tutelle,
dont on voit qu’’ A n ne a su faire un bon usage.
L e certificat du général M ènou vient énèuite ; il an
nonce, 'de la part de ce brave général, ù n grand respect
pour les mœurs : mais ou n’entend pas trop ce qu’a voulu
certifier le général M enou, lorsqu’il parle des rapports
civils et religieux. Pour les rapports civils, il auroit fallu
un acte authentique qui constatât le mariage; il auroil
été nécessaire que la célébration se fit C o n fo r m é m e n t au x
l o i s , règlemens et usages de l’armée. t,e g é n é r a l Menou
devoit p r in c ip a le m e n t les faire exécuter; et' il est constant
G
�( 5° )
que ces ordres «voient été publiés, et rendus communs
et obligatoires dans toute la colonie.
C e p e n d a n t il n’a été dressé aucun acte de ce pré
tendu mariage.
Sous les rapports religieux ! mais il n’en existoit aucun
entre A n n e et le général d’Estaing; il eût fallu que le
général d’Estaing eût abjuré la religion de ses pères.
Lorsque le général Menou a épousé une musulmane,,
il a embrassé le mahométisme. On est autorisé à le dire
ainsi, d’après des instructions précises. Son mariage a
été célébré par le M ouphti, ministre de la religion
turque, et alors celle des deux époux. Ici il y avoit des
rapports religieux. L e général a donné à son union un
caractère lég a l, et n’a pas manqué d’en faire dresser un
acte c iv il, conformément aux ordres qu’il avoit lu imême fait publier de n o u v e a u . V oilà le rapport civil.
O n ne trouve n i l’un ni l’autre pour le général d’Es
taing. Il n’y a donc pas eu de mariage.
D ’un autre c ô té , le général Menou rapporte la date
de' ce prétendu mariage à Van 8 ; il se dit même général
en chef au moment où le général d’Estaing lui en fit part.
E t A n n e , à son tour, a été mariée le jou r des rois de
la même année, qui répond au i janvier 1800.
P our le coup veritateni quœrendam.
L e général Menou ne commandoit pas l’armée en nivôse
an 8; c’étoit le général Kléber. C e lu i-ci a commandé
jusqu’au z 5 prairial an 8 , jour funeste pour ce général :
il fut assassiné dans son jardin.
L e général Menou ne prit le commandement qu’en
messidor an 8.
�lo i
( 5ï )
La correspondance du général Kléber avec le général
d-’Estaing va jusqu’au n prairial an 8.
Plusieurs lettres écrites à feu d’Estaing par le général
M enou, en germinal et floréal an 8, prouvent qu’il étoit
alors seulement général de division ; il ne prend pas
d’autre qualité. Ces lettres sont datées de Rozette : le
général Menou n’étoit donc pas au Caire en nivôse
an 8.
L e général D upas ne parle de ce mariage prétendu
que par ouï-dire’ on lui a déclaré qu’il s’est célébré
publiquement, et avec toute l’authenticité qu’un pareil
cas exige.
Il est étonnant que le général D upas 7 qui étoit alors
au Caire, lieutenant du général d’Estaing dans le com
mandement, qui avoit tous les jours des rapports de
service avec l u i , ne puisse parler que par ouï-dire de
ce prétendu mariage; qu’il n’y ait pas assisté surtout,
lui que ses relations continuelles avec le général d’Es^
taing devoit y appeler de préférence. Sans doute ce
général a voulu être fayorable à une jeune solliciteuse;
mais il a trop de loyauté pour certifier ce qu’il n’a point
vu : il ne parle que sur les relations d’autrui.
Il paroît même que s’il falloit attendre des témoins
qui attestassent positivement avoir assisté à ce mariage,
on attendroit long-temps. A n n e a épuisé à cet égard
tous les certificateurs ou témoins.
Qu’importe que le général d’Estaing ait donné des
repas après la noce. L e général d’Estaing devoit avoir
la représentation convenable au c o m m a n d a n t du Caire;
il étoit honorable dans ses goûts; il tenoxt au Caire table
.«&
*
�( 5 z }
ouverte y donnoit souvent de?, bals, des fêtes; et si on
veut que des bals des dîners, soient des cérémonies
nuptiales., le. général se seroit marié souvent.
Ceux qui ont. prétendu que les femmes se visitoient en
E gypte, qvCAnne faisoit société avec les dames M en ou ,
IDelzonSy L a n tin , connoissent bien peu les usages orien
taux. Là les. femmes ne sortent jamais que dans des cas
très - extraordinaires, et alors sont toujours voilées, et
accompagnées de manière à n’avoir aucune communi
cation.
Ce n’est pas en Orient où on peut jouir des agrémens
de la société, et surtout de la compagnie des dames; 011
sait même que madame Menou a conservé en France
l’usage oriental ; qu’elle est constamment voilée , et 11e sort
point de chez elle ; qu’elle n’est jamais venue au Caire
dans la maison du général d’Estaing : et A n n e elle-m em e,.
pendant le c o u r t séjour qu’elle a fait à Aurillac, n’a pas
quitté son voile , et n’a été vue de personne, f
La dernière pièce imprimée en la consultation, est
une lettre du général d’Estaing à A nne. On observe
que l’adresse est de la main du général, et porte pour,
suscription : A la citoyenne d’Estaing, à la citadelle du
Carre. Il est surprenant qu'A n n e, dans son mémoire, ait
tant parlé de la correspondance de son époux , fam ilière
avec décence, tendre sans exagération, etc. ; et. que
toute cette correspondance se borne à une lettre unique.
Dans cette lettre, pas un mot dont on puisse induire
un engagement honorable. C’est le ton d’un homme poli
et fam ilier, à qui on n’a rien refusé, qui ne parle pas
même des ascendans d’A n n e avec le ton de considéra-
�(
5
3
3
tion et de respect qu’on doit à des alliés de ce genre; respect
plus marquant encore chez les Orientaux.
Quand il parle de celui qu'’ A n n e appelle son p ère,
il se contente de dire Joanny ; lorsqu’il donne un sou
venir à la grand’m ère, il d it, la bonne vieille. Est-ce
là le ton du respect et de la déféi’ence? A p p re n d -il la
nouvelle de la grossesse avec ce charme, ces délices qu’on
éprouve à la naissance d’un enfant légitime ? Il Vaime
toujours ,* et il faut bien le dire ainsi à toutes les femmes
avec lesquelles on a des liaisons passagères. 11 lui donne
son nom sur l'enveloppe de la lettre : mais n ’est-ce pas
l’usage? n e v o i t - o n p a s , môme p a r m i nous, toutes les
courtisannes prendre les noms de ceux qui ont la foiblesse de les entretenir et d’autoriser cette licence ?
Ce n’est malheureusement pas la première à qui le
général a donné ce nom. Lorsqu’il étoit à l’armée des
Pyrénées orientales, il étoit notoire qu’il vivoit avec
une femme que tous les officiers appel oient madame
d’Eslaing; le général, en écrivant, lui donnoit ce nom;
et cette femme, après le départ du général, n’a jamais
tiré avantage d’une suscription semblable, pour se qua
lifier d’épouse légitime.
On trouve dans les pièces communiquées trois chiffons
que l’on dit être des lettres arabes, écrites par ordi’e
du général d’Estaing; la suscription est aussi à m a d a m e
d’J E stain g , mais non de la main du général.
Ces trois prétendues lettres sont traduites par le sieur
Sylvestre de Sacy, professeur des langues orientales: il
faut bien l’en cro ire, puisqu’on ne connoît pas l’a r a b e ;
mais au moins la traduction no donne pas une grande¡.
�( &4 )
idée de l’écrivain. Cette langue arabe, que l’on dit har
monieuse , poétique , tout en figures, n’a servi qu’à
écrire des platitudes et les choses les plus communes. Ce
sont les lettres d’un cuisinier, ou d’un homme bien peu
exercé; le général y reçoit beaucoup de consolation dans
sa blessure , d’une lettre que lui a écrite A n n e : mais
comment n’a-t-on pas trouvé dans les papiers du gé
néral, la plus légère trace d’une correspondance avec
A n n e ? Tout est extraordinaire et inexplicable dans cette
cause.
Il faut, au surplus , qu’elle ait fait peu de cas de ces
lettres , puisqu’on les a négligées dans la consultation.
On voit encore , dans le dossier, une lettre du général
S o u lt, à un sieur Giane , chef de bataillon de la légion
grecque, à bord du bâtiment le J e a n , en rade à T á
rente : cette lettre est en réponse , et annonce que Giane
tr o u v o it la quarantaine longue et incommode pour lui
et les femmes qui étoient à bord : il nomme madame
d’Estaing. L e général Soult témoigne ses regrets de ne
pouvoir abréger la quarantaine ; c’est au comité sani
taire qu’il appartient de prononcer ; mais il fait préparer
un local plus commode pour les passagers, et offre ses
services, ainsi que ceux de madame S o u lt, h madame
d’Estaing. Il n’y a rien d’étonnant dans ces offres génér
reuses ; on doit des égards et des services à une femme.
A n n e se disoit madame d’Estaing; on doit quelque chose
de plus empressé à la femme d’un camarade ; et le gé
néral Soult ne devoit pas autrement s’informer si Anne
avoit son contrat de mariage ou non. Mais vouloir
induire de cette attention obligeante d’un général mai>
�55 }
quant, aujourd’hui maréchal de l’empire, une reconoissance et une possession d'état en faveur d’’A n n e; relever
cette circonstance comme un honneur décerné à la femme
d’un gén éral, c’est pousser les choses un peu trop loin.
On a parlé dans la consultation, sans cependant le faire
imprimer , du certificat d’un sieur Sartelon, ex-ordon
nateur en chef de l’armée d’Egypte : cet acte est aussi
dans les pièces d'A nne. L e sieur Sartelon certifie, en
la qualité qu’il prend, « que quoiqu’il n’existât à l’armée
« aucun ordre du général en chef pour régler la forme
(
« avec laquelle les actes de l ’état c i v i l d é v o i e n t y être
« reçus , Yusage paroissoit s’ être éta b li de l u i - m ê m e pour
« les ofliciers, ou individus attachés à l’armée, ne faisant
« point partie des corp s, de faire des déclarations de« vant des commissaires des guerres, qui les recevoient
« par procès verbaux , ou de la manière qui leur parois« soit convenable, de leurs mariages, même quelquefois
« de leurs divorces ; ce qui n’a jamais été g én éral,
« surtout pour des mariages contractés açec lesfem m es
« du pays ( il n’y en avoit pas d’autres ) , qui se sont
« faits souvent entre catholiques dans les églises du lieu ,
« et suivant les formes usitées entre les chrétiens de
« toutes les sectes ; mais ces procès verbaux étoient pu« rement facultatifs; et recherche faite dans ses papiers,
« et dans ceux du bureau central, il ne s’est trouvé au« cun procès verbal relatif à l’état civil; il ne s’en est pas
« même trouvé, notamment du commissaire des guerres
« A gard, qui est mort dans la traversée. En foi de quoi,
« sur la demande de la dame veuve d’Estaing, il a dé« livi’é , etc. »
�( 56 )
On ne voit pas trop quelles inductions FEgyptienne
peut ou veut tirer de ce certificat; il est assez inutile de
dire qu’on pourroit récuser le témoignage du sieur Sartelon , qui a souvent montré de l’animosité contre le
général d’Estaing ; il suffit d’observer que son certificat
est démenti par le fa it , puisqu’on rapporte les ordres
du général en chef, et les actes civils des sieurs D elzons
et L a n tin , reçus par le commissaire Agard.
Ici s’arrêtent les recherches et les découvertes d’Anne.
Y a-t-il un seul acle d’où on puisse faire résulter quelle
est l ’épouse du général d’Estaing; et ne ]5e u t-o n pas
dire avec vérité qu’elle n’a n i titres n i possession ?
Comment a-t-elle eu le courage de se plaindre d’un
jugement qui lui accordoit une faveur insigne, la faculté
de faire p re u v e , par tém oins, qu’elle a été mariée en
Fan 8 ; qu’il n ’ é to it pas d’usage au Caire de tenir des
registres, ou de dresser des actes civils de mariage; qu’il
n’étoit pas d’usage à Céphalonie de dresser des actes de
naissance, etc. ?
Ce jugement, au contraire, n’a-t-il pas violé tous les
principes de la m atière? Sera-ce avec des déclarations
mensongères ou mendiées, qu’on pourra élever une w connue au rang honorable d’épouse; qu’on osera donner
à un enfant de ténèbres, le titre d’enfant légitim e?
« Des objets si intéressans, dit le célèbre Cochin,
oc doivent élever tous les esprits à ces vues supérieures
« du bien pub lic, qui forment toujours le premier objet
a de la justice : il s’agit ici du sort des toutes les familles ,
« compromis dans une seule cause. »
Les frères d’Estaing se plaignent à leur tour d’un juge
ment
�2(3
( h )
ment qui peut entraîner les suites les plus funestes; il
leur reste à établir que ce jugement ne peut subsister, et
qu’Anne doit être déclarée non recevable dans toutes ses
demandes.
On trouve dans les recueils, tant anciens que nouveaux,
une multitude d'arrêts sur les questions d’état. M . le
chancelier d’Aguesseau a épuisé cette matière par ses re
cherches savantes: le 2e. , le 6e., le 12e. le 17e. plai
doyer de cé grand magistrat, contiennent des dissertations
p r o f o n d e s , u n e sage d o c t r i n e ; m ais il s e m b le sentir to u te
la p esanteu r d e son m i n is t è r e , lo r s q u ’il v e u t p r e n d r e u ne
décision. Ce n’est qu’en tremblant qu’il se détermine; et
si quelquefois il pense que la justice doit admettre une
preuve testimoniale, ce n’est qu’autant qu’il trouve des
présomptions graves, des indices violens, des conjectures
puissantes; il exige la réunion d’une multitude de faits
qui forment un corps de présomptions capables de dé
cider l’esprit le plus difficile à convaincre ; en un m o t,
il lui faut encore un commencement de preuve par écrit.
Il est inutile de grossir le volume de ce mémoire par
des citations d’arrêts ; il seroit difficile peut-être de tirer
de ces nombreux exemples, une conséquence claire qui
pût servir de motif de décision en d’autres cas, su rto u t
dans l’espèce où il s’agit d’une étrangère qui vient ré
clamer le titre de veuve d’un Français.
Il
suffit de poser un principe certain, et qui ne séra
pas contesté, c’est que pour un mariage fait en France,
la preuve testimoniale ne peut être admise q u ’à défaut
de registres , lorsqu’il n’en a pas été t e n u , ou qu’ils sont
�( 58 )
perdus ; et dans ce cas même il faut un commencement
de preuve par écrit.
L ’article 14 du titre 2.0 de l’ordonnance de 16 67,
n’a entendu parler que des mariages entre Français; et
M - Jousse ne manque pas d’observer que la preuve tes
timoniale ne peut, être admise qu’autant qu’il y a com
mencement de preuve par écrit.
Cet article de l’ordonnance a été répété dans l’article
46 du Code Napoléon ; et la preuve que le législateur a seu
lement entendu comprendre les mariages entre Français,
résulte des articles 47 et 48 du même Code.
La loi dit que tout acte de l’état civil des Français
et des étrangers, fait en pays étranger, fera fo i, s’il a
été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays : que
tout acte de l’état civil des Français en pays étranger sera
v a l a b l e , s’ il a été reçu conformément aux lois françaises
parlesagens diplomatiques, ou par les commissaires des
relations commerciales du gouvernement.
On peut donc représenter à A n n e , d’après les dispo
sitions de ces lois, que si elle étoit Française, elle ne
pourroit être admise à la preuve testimoniale, qu’autant
qu’elle auroit la possession d’état, et des commencemens
de preuve par écrit : elle n’a ni l’un ni l’autre. Point
de possession cüétat\ on croit l’avoir prouvé, puisque
le général lui a toujours refusé le titre qu’elle ambitionne.
Poinld v commencement de preuve par écrit, puisqu’il n’y
a aucune trace d’écrits du défunt qui parlent de ce prétendu
m a r i a g e , et que les seuls qui existent le désavouent.
Mais qu’elle est étrangère, et que dès-lors il n’y a point
�2\i
( Sç> )
de possibilité d’admettre unepreuve par témoins ; il faut
représenter l’acte civil. On a dû remarquer la différence qui se trouve entre les articles 46 et 47. Dans le premier,
si le mariage est fait entre un Français et une étrangère, il
suffit de rapporter un acte dans les formes usitées au pays.
Dans le second, si le mariage est fait en pays étranger,
entre deux Français , il faut un acte civil conforme aux
lois françaises.
A n n e n’en a d’aucune espèce ; le jugement dont est
appela donc fait une fausse application, et de l’article 14
du titre 20 de l’ordonnance, et de l’article 46 du C o d e
N ap oléon .
Mais ce jugement est évidemment en opposition avec
les articles 170, 171, 194 et 195 du même Code.
En effet, par l’article 170, « le mariage contracté en pays
« étranger entre Français, et entre Français et étranger,
« est valable, s’il a été célébré dans les formes usitées
« dans le pays, pourvu qu’il ait été précédé des publi« cations prescrites par l’article 63 , et que le Français
« n’ait point contrevenu aux dispositions contenues au
« chapitre précédent. »
L ’article 63 exige deux publications à huit jours d’in
tervalle; et la loi attache à cette formalité la plus grande
importance. On n’a jamais imaginé de dire que le mariage
du général d’Estaing ait été publié : cette formalité étoit
cependant ordonnée par les lois précédentes.
Parmi les dispositions contenues au chapitre qui pré
cède l’article 170 , 011 y trouve principalement'la p r o h i
b itio n faite au fils de famille, même majeur, de contracter
mariage sans le consentement de ses père et mère.
H 2
�( 6o )
Bien vite A n ne s’empare de cette circonstance, pour
dire que le général s’est marié avant le Gode, et a pu
braver les oi'dres de son père ou se passer de son con
sentement.
A n n e argumente avec un empressement peu louable
de cette loi révolutionnaire, qui fut promulgée dans un
instant de d élire, qui dégage les enfans de tous leurs
devoirs envers leurs ascendans.
L o i immorale et funeste, qui a fait tant de malheureux
qu’on entend tous les jours gémir de leurs égaremens,
et qui passent leur vie dans la douleur et le désespoir.
Mais le général d’Estaing n’avoit pas perdu toute idée
des principes de moralité et de convenances. Ne mar
que-t-il pas à son père qu’il n’auroit pas contracté d’engagemens sans le prévenir, avant d’avoir demandé ses
conseils ou ses ordres; et A n n e en seroit-elle réduite à
ce point, q u ’ elle fût obligée, pour colorer ses prétentions,
de s’appuÿer d’exemples qui seront à jamais la honte et
le scandale de la société ?
N ’a-t-elle pas senti que le gouvernement, dans ses
premiers pas, a rétabli et commandé le respect pour
celte puissance paternelle, le premier anneau, la prin
cipale base de l’ordre social, sur laquelle repose la morale
publique ?
L ’article 171 exige davantage; il veut que dans les
trois mois après le retour du Français sur le territoire
de la république, l’acte de célébi’ation du mariage con
tracté en pays étranger, soit transcrit sur le registre
public des mariages du lieu de son domicile.
Pour cette fois, A n n e ne peut se tirer de cette dis-
�HI7
(. 6 i )
position par des subtilités. Get article a été connu d’elle ;
elle pouvoit l’exécuter si elle avoit eu son acte de ma
riage ; elle a su qu’elle ne pouvoit y suppléer, dès qu’elle
n’avoit aucun titre.
Et lorsqu’elle a eu connoissance des articles 194 et
195, qui veulent que nul ne puisse réclamer le titre
d’époux, et les effets civils du m ariage, s’il ne repré
sente un acte de célébration inscrit sur le registre de
l’état civil ; que la possession d’état ne pourra dispenser
les prétendus époux qui l’invoqueront, de représenter
l’acte de célébration du mariage devant l’officier de l’état
c i v i l , e lle a d û d é sesp ére r d e sa cause.
Mais les premiers juges ont-il pu ignorer la disposi
tion de la loi ? n’ont-ils pas dû savoir que l’étrangère
ne pouvoit établir son titre d’épouse légitime, qu’èn jus
tifiant de l’acte qui le lui avoit conféré? Diront-ils que
le Gode Napoléon n’a été promulgué que postérieure
ment ? Mais alors ils n’avoient d’autre boussole que la
loi du 20 septembre 1792; et d’après l’article 7 de la
section 4 de cette l o i, A n n e ne pouvoit constater son
mariage qu’en représentant l’acte de l’officier public. Cette
loi n’indique pas d’autres moyens de suppléer au défaut
de ces actes.
Auroient-ils voulu se déterminer par les anciens prin
cipes? A n ne n’avoit pas la possession de son état, n’avoit
aucun écrit du défunt qui fût un commencement de
preuve par écrit.
Ils ne pouvoient donc en aucune manière admettre
la preuve testimoniale. ■
>:
.
U n mot sur l’enfant n aturelcon n u souslo n o m d'E m ile
�( 62 )
d’Estaing. A n n e reproche aux frères d’Estaing d’avoir
fait paroître sur la scène un enfant dont on ne parle plus.
Les frères d’Estaing ne lui doivent à cet égard aucune
explication •, ils ne savent sur cet enfant que ce qu’a
déclaré le sieur d’Estaing père, au bureau de paix.
Un enfant a été présenté à l’officier c iv il, sous le
nom d’E m ile , comme fils de leur frère. La reconnoissance n’émane pas du père lui-même. Il existe; il est
dans ce moment placé au lycée de Toulouse. S’il a des
droits à faire valoir, il saura les réclamer.
Les frères d’Estaing observeront, en terminant, qu’A nne
n’est pas réduite à un sort funeste; qu’elle est à l’abri
de tous les besoins ; qu'elle est encore dans un âge où
elle peut augmenter ses ressources par sa sagesse, et un
travail honorable ; mais que si elle veut se faire un
prétexte d’un événement commun dans son pays , pour
s'élever au-dessus de son état, ce trait d’ambition déplacée
ne servira qu’à la couvrir d’opprobre.
i
M e. P A G E S ( de Riom ) , ancien avocat,
M e, G A R R O N jeune, avoué licencié,
A RIOM , de l’imprimerie de T h ib a u d - L a n d r i o t , imprimeur,
de la Cour d’appel, — Mai 1808.,
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Estaing, Jean-Baptiste d'. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Subject
The topic of the resource
mariage
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Sieurs Jean-Baptiste d'Estaing, ancien commandant d'armes à Chambéry, Jacques-Théodore, Pierre-Gabriel, Catherine et Elizabeth d'Estaing, frères et sœurs, intimés et appelans ; contre Anne, soi-disant Nazo, soi-disant Grecque d'origine, se disant veuve du général d'Estaing, se disant pareillement tutrice de Marie, sa fille, appelante d'un jugement rendu au tribunal de Mauriac, le 13 août 1807, et intimée.
Table Godemel : Mariage : 2. un mariage contracté par un militaire, en pays étranger, peut-il être prouvé par témoins, s’il est établi qu’on n’y était pas en usage de tenir des registres publics ? La possession de l’état de la femme suffit-elle pour contraindre les héritiers du mari à lui payer une provision ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1806
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Le Caire (Egypte)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
mariage
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53334/BCU_Factums_G1807.pdf
992ea5e8858f61b0fb5be73b1dbb7d0b
PDF Text
Text
PIECES JUSTIFICATIVES.
N°. Ier.
E xtra it du M o n it e u r , N °. 9 3 , du 3 nivôse an 7.
Suite des extraits des ordres du jour de
l ’armé e , datés du quartier général du C aire, du 14,fructidor
an 6, au 28 vendémiaire an 7.
A r m é e d’O r ie n t.
L
i b e r t é
.
E
R É P U B L IQ U E
, _
g a l i t é
.
F R A N Ç A IS E .
A u quartier général du C aire, le 21 vendémiaire
a n 7 de la république française.
Ordre du jo u r du 2 1 vendémiaire an 7 .
est prévenue que tous les actes civils qui seront
passés par les com missaires des gu erres, ceux qui seront passés
s0us seing privé entre les citoyens, et ceu x qui pourront l’étre
entre les Français et les nationaux par-devant les notaires du
p ays, seront nuls en F ra n ce, comme i c i , s’ils ne sont enre
gistrés conformément à l’ordre du général en ch ef, en date du
3o fructidor dernier.
L
'
a r m é e
E xtra it de l ’ordre du général en chef, du
B
o n a p a r t e
,
3o fructidor an 6.
général en c h e f, ordonne :
Ier. Il sera établi dans chaque ch ef-lieu de pr o v i n c e de
l’Egypte, un bureau d’enregistrement, ou tous les titres de proA rt.
�( 2 ' \.
'p riétés, et les actes Susceptibles d’étre produits en ju stice, re
cevront date authentique. Signé Alexandre Bebthieu f général
de division , chef'de Vetat mafor général.
N°. IL
E xtra it du registre des actes de mariages, déposé au secrétariat
de la mairie d ’A u r illa c , chef-lieu de préfecture du départem ent du Cantal.
C n jo rn D H iri vingt -un nivôse an onze de la république
française, onze heures du m atin, est com paru, dans xme des
salles de la mairie d’Aurillac , et par-devant nous Jean Abadie ,
maire de la commune dudit Aurillac , faisant les fonctions
d’officier public de l’état civil , le citoyen Alexis Delzons, gé
néral de brigade, commandant le département, demeurant audit
Aurillac , lequel nous a requis d’insérer dans les registres de
m ariages, l’ircte de son mariage avec dame Anne-Julie V a rs y ,
dressé par l e c i t o y e n Joseph A gard , c o mm i s s a i r e des guerres
e m p l o y é à Roz.ette , faisant les fonctions d’ofiicier civil, le seize
b r u m a i r e an h u i t , ainsi qu’il conste de 1 expédition qu’il nous a
représentée, et déposée à notre secrétariat.
S u it led it acte mariage.
L ' a v huit de la république française , et le seize brumaire ,
sont comparus devantnous Joseph Agard, commissaire desguerres
employé à Rozette, faisant les fonctions d’officier c iv il, confor
m é m e n t à la loi , le citoyen Alexis Delzons , ch e f de brigade
de la quatrième demi-brigade d’infanterie légère , né le vingtsix mars mil sept cent soixante-quinze, à A urillac, département:
du C an tal, fils d’Antoine Delzons et de Marie-Anne-Crispine
Hëbrard , personne libre de tous lien s, conformément au cer
tificat du conseil d’administration de son corps , qu’il nous a
rem is, d’une part; et la citoyenne J ulie-A n n e V a rsy , née àr
�•*!•>
31
(
.
Alexandrie le seize janvier mil sept cent quatre-vingt quatre ,
fille de feu Joseph Varsy et d'Elizabeth Donner , ici présente,
et de son consentement, accompagnée de ses frères et sœurs,
d’autre part; lesquels ont déclaré, de leur libre, pleine et en
tière volonté, s’unir en légitime mariage , conformément aux lois
de la république française ; de laquelle déclaration n o u s , leur
avons donné acte en présence des citoyens Ju lien , capitaine
adjoint, Lanten , quartier - maître y et Labadie, capitaine , qui
ont signé avec m oi, la veuve V arsy, ses frères et sœurs, et les
parties contractantes.
Le présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré ,
conformément aux ordres du général en chef. Signé h. l’original,
J u l i e V a rsy , D elzon s, Labadio , Elizabetli Dormor - Varsy ,
Sophie L anten, née Varsy, Lanten, Varsy ainé , Julien, le com
missaire des guerres, Agard. Enregistré à Rozette le vingt-deux
brumaire an h u it, n°. 104, reçu quarante médias. Signé à l’ori
ginal, Royanes, directeur de l ’enregistrements
Pour copie conforme à l’original, le commissaire des guerrâs,
signé A g a r d .
D e tout quoi n o u s, maire su sd it, avons donné acte audit
citoyen Delzons , de la remise de l’expédition de son acte de
mariage ; l’avons fait déposer aux archives de la mairie , et
avons dressé le présent procès verbal en présence des citoyens
Antoine Delzons , législateur, et de François Miquel, capitaine,
aide de camp , majeurs , domiciliés dudit Aurillac ; et o n t,
lesdits Delzons et M iq u el, signé avec nous m aire, lesdits jour
et an que dessus.
Pour copie conforme , H é r a u l t , secrétaire*
V u pour la légalisation de la signature Hérault, secrétaire de
la mairie d’A u rilla c, par nous Guillaume L a va l, jiige du tri
bunal civil d’AurilIac.
< A A u rillac, le vin g t-six août mil huit cent six. ï-fÀ.Vx l *
B n. ü jx o n , greffier.
-U j'
�(
4)
N°. III.
D es actes de l’état civ il du département de la Seine,,
dixièm e arrondissement de la com m une de Paris, p o u r
l ’an treize, déposés au greffe du tribunal de prem ière
instance du m êm e départem ent, a été extrait ce qui
suit :
A c te civil de mariage.
L ’an huit de la république française, et le vingt-neuf vendé
miaire, sont comparus devant nous Joseph A g a rd , commissaire
des guerres employé à Rozette, faisant fonction d’officier civil,
conformément à la loi, le citoyen G eorges-A uguste Lanten r
capitaine, quartier-maître de la quatrième demi-brigade d’infan
terie légère, natif de B ite t, département de la Mozelle, âgé de
vin g t-n eu f ans, fils de Jccnx Lcijiten et de C^hristme D u p o n t,
personne libre de tous les lien s, conformément au certificat du
co ns e i l d’administration dudit corps , qu’il nous a remis , dûment
enregistré, d’une part ;
• Et la citoyenne Catherine Sophie p'arsy, âgée de vingt ans ,
fille de feu Joseph V arsy , négociant de Rozette, et d’Elizabeth
D onner, veuve Prarsy, ici présente, et de son-consentement,
accompagnée de ses frères et sœurs, d’autre part;
Lesquels ont déclaré, de leur pleine, libre et entière volonté,
s’unir en légitime m ariage, conformément aux lois de la répu
blique française : de laquelle déclaration nous leur avons donné
acte, en présence de l’adjudant général Valentin; Delzons, ch ef
de brigade de la quatrième dem i-brigade d’infanterie légère;
Raimondon, commissaire ordonnateur; et de ses frères et sooursy
qui ont signé avec nous et les parties contractantes.
Le présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré,,
conformément aux ordres du général en ch ef, des trente fru c-
�tidov an s ix , et vingt-un vendémiaire an sept. Fait à R ozette, les
jour et an que dessus. Signé «à l’original, Auguste Lanten, Sophie
Varsy, Elizabeth D o rm er-V arsy, l’adjudant général Valentin,
D elzons, Raim ondon, Agard , Julie V arsy, Joseph V a rsy, et
Varsy aîné. Enregistré à Rozette, le vingt-neuf vendémiaire an
h u it, sous le n°. 100 : reçu 40 m. Pour, copie conforme à l’ori
ginal , le commissaire des guerres , signé A g a r d .
Au bas est écrit : Je certifie que le citoyen A gard, qui a signé
le présent acte de m ariage, est tel qu’il se qualifie , qu’il r.emplit
ici les fonctions d’officier civil pour constater l’état dès citoyens,
et que foi doit être ajoutée à sa signature. A Rozette, le vingtneuf vendémiaire an huit. L ‘adjudant com m andait la province
de R o zette, signé V a l e n t i n .
■
Collationné sur pareil extrait déposé au dixième arrondjsse,ment de la commune de Paris, lors du divorce de la demoiselle
Varsy avec le sieur Lanten , qui a, été prononcé le dix-hui^t
prairial an treize , inscrit sous le n°. 6 du registre dixième de
l’état civil dudit arrondissement.
Délivré par nous, greffier du tribunal de première instance
du département de la S ein e, comme dépositaire du registre,
seconde minute , extrait de l’autre p a rt, et en exécution de l’ar
ticle
du Code civil des Français.
Au greffe, séant au palais de justice', à Paris, le douze dé
cembre mil huit cent six. E. A. M a u g u e u é .
45
Nous président de la troisième section du tribunal de pre
mière instance du département de la Sein e, certifions que la
signature ci-dessus est celle de M. Margueré, greffier en ch ef
dudit tribunal ; en foi de quoi nous avons fait apposer le sceau
du tribunal.
A P aris, au palais de justice, le douze décembre mil huit cent
six,
L e B eau,
�N°. IV .
E xtra it du registre des actes civils de la place du Caire.
L ’ a n neuf de la république française, et le dix pluviôse, pardevant moi M. Pinet, commissaire des guerres, chargé du ser
vice de ia place du Caire, sont comparus les citoyens AlexisJoseph Delzons , ch ef de la quatrième demi-brigade d’infanterie
légère, Jacques-Zacharie d’Estaing, général de brigade, François
M iquel, adjudant major dans ladite quatrième demi-brigade, et
Joseph Labadie, capitaine au même corps, la citoyenne VarsyLanten ; lesquels m'ont présenté un enfant qu’ils m’ont déclaré
être né à Rozette, lè vingt-sept brumaire dernier, du citoyen
Alexis - Joseph Delzons , et de la citoyenne Julie Varsy , son
épouse, et être du sexe masculin, auquel enfant on a donné lo
nom d’Alexis-Alexandre : le parrain a été le général de brigade
d’Estaing, et la marraine, la citoyenne Varsy-Lanten , au nom
de la c i t o y e n n e V a r s y , aïeule de l’e n f a n t ; desquelles présen
t a t io n et déclaration j’ai donné acte , que j’ai signé avec les
citoyens Delzons, le parrain, la marraine, la citoyenne VarsyDelzons , Baudinot, L abadie, Miquel. Signé au registre, D e l
zons, ch ef de brigade, d’Estaing, général de brigade, VarsyL an ten , Varsy - Delzons , Baudinot, capitaine, Labadie et
Miquel ; P in et, commissaire des guerres.
Pour copie conform e , le commissaire des guerres , s i g n é P i n e t .
�Zrt
. . N°. V.
L ib e r t é .
E g a l it é .
RÉPUBLIQUE
FRANÇAISE.
A u C a ir e , le 25 pluviôse an g de la répu bliqu e française.
D ’ E S T A i N G , général de brigade ,
A u citoyen
d’E s t
A I K G père.
V o u s d e v e z av o i r r e ç u d e m e s n o u v e l l es , m o n cher pè r e ,
par l 'arrivée du L o d i, et aut re s bâtimens , dont la traversée
d’ici en France a été fort heureuse. Depuis ces époques, notre
situation n’a point changé. L ’armée est toujours en très-bon
é ta t, tant au physique qu’au moral ; et le grand Visir paroît
moins disposé que jamais à venir nous visiter ; la peste, la fa
mine et la désertion le dispensent d’avoir recours à la guerre
pour détruire enerre une armée. Il est arrivé successivement
plusieurs bâtimens de guerre ou de commerce français, notam*
ment les deux frégates l’Egyptienne et la Justice, chargées de
différens objets qui nous étoient le plus nécessaires ; nos ports
sont également fréquentés par un grand nombre de bâtimens
grecs et même turcs sur la Méditerranée , arabes et indiens sur
la mer Rouge ; de manière que la colonie, qui est d’ailleurs par
faitement tranquille, acquiert journellement de nouveaux degrés
de prospérité: il faut espérer que cette conquête intéressante
sous tant de rapports, ne nous échappera point à la paix ; tout
au moins elle sera d’un grand poids dans la balance, et je pense
plus que jamais ce que je vous ai déjà écrit à ce sujet ; je suis
plus que jamais éloigné d’avoir regret aux efforts et aux dangers
particuliers qui étoient indispensables pour cont rari er ou verte
ment les vues d’une faction, ennemie de la prospérité de la répu,-.
e'ui
�( » )
'
blique, ainsi que de la gloire de l’armée d’Oricnt. Il faut donc
voir avec patience s’éloigner le moment de nous réunir ; nous
avons fait tant d’autres sacrifices ; nous serons également dédom
magés de celui-ci par la plus pure des jouissances, celle de se
voir plutôt en avant qu’en arrière de ses devoirs. La paix avec
l’Empereur est sans doute actuellement conclue ; les circons
tances sont de nature à presser vivement les Anglais d’en finir;
et Bonaparte saura si bien en tirer parti, que le temps est peutêtre moins éloigné que nous ne le croyons, où nous reverrons
notre patrie, nos fam illes, aussi dignes de leur reconnoissance
que de leur tendresse.
Delzons se porte fort bien. Il a un petit garçon très-éveillé ;
et j ’essaie d'en Jaire un à une jeu n e G recque, q u i, d ’après un
arrangement o rien ta l, f a i t les honneurs de chez m oi depuis
près d ’un mois. Adieu , mon cher père , j’embrasse ma mère
et toute la famille , et vous prie de m’écrire : tout le m onde,
excepté m o i, reçoit ici des lettres. Signe d ’ E s t a i n g .
Rappelez-moi au souvenir de nos anciens amis.
N°. V I.
3
Paris, le i ventôse an 10.
profite du'départ du préfet, le c. Riou, pour vous écrire
deux,mots. J’ai reçu une délibération de la commune d’AurilJac,
je verrai de I3, servir ; mais je ne sais si je pourrai rester assez
long-temps ; dites au c. Abadie que je lui écrirai bientôt.
Je n’ai pas encore pu joindre le conseiller d’état Duchatel ;
ce sera je crois pour après-demain.
Quant à mon m ariage, vous ne devez pas plu tôt croire la
lettre de Latapie que la m ienne; il n ’y a aucun lien lé g a l;
j e ne Îaurois pas contracté sans 'vous en prévenir : mois il y
a d ’auùres liens qui pourraient peut-être lie n amener celui là.
Je
�(9 )
Au reste, j’ai écrit à cette famille de se rendre à M arseille, et
d’y attendre de mes nouvelles.
Quant à ma destination , elle n’est pas encore réglée, parce
qu’on exige que je désigne ce qui me convient. Je ne la i pas
fait encore , mais après-dem ain à la parade je remettrai ma
demande.
Delzons avoit remis la sienne il y a quelque temps ; et suivant
sa demande, il ira à Clermont ou à Aurillac.
A dieu, je vous embrasse tous. Signé d’Estaing.
N°. V I L
MAISON
DE
L’ E M P E R E U R .
Paris, le 5 m ai x808.
J e soussigné, trésorier général de la couronne, ancien direc
teur général des revenus d’Egypte , certifie que d’après les
vérifications qui ont été faites sur les registres de l’adminis
tration de l’enregistrement d’Egypte, il n’y a été présenté, dans
aucun temps , aucun acte de mariage relatif à M. le général
d’Estaing.
En foi de quoi j’ai délivré le présent pour servir et valoir ce
que de raison. E s t e v e .
N». Y I I I .
E xtra it du registre de service du général d ’E sta in g , ayant
pour Litre : Correspondance relative au commandement de
Ca t hi é.
Commençant le 17 brumaire an 8 , par une note , en ces
Hernies . « Ecrit au général Hegnier, pour lui annoncer mon?
�arrivée, et lui demander des instructions; » e t finissant le 16
pluviôse an 8 , par une lettre au général V erdier, pour lui
annoncer que le lendem ain, 17 pluviôse, il évacue le poste de
Cathié.
Registre écrit tantôt de la main du général, et ensuite de son
aide de camp, contenant copie de toutes les lettres qu’il écrivoit,
et des ordres donnés ou reçus ;
Registre qui prouve que depuis le 17 brumaire an 8, jusqu’au
16 pluviôse, il n’a quitté ni pu quitter son poste.
D elà le général se rend à R ozette, à plus de six journées de
marche , puisqu’il faut traverser le D elta , et une partie du
désert.
Il reçoit des ordres adressés à Rozette, par le général en ch ef
K léber, de veiller sur le bas Delta.
La correspondance du général K léber, datée du Grand-Caire,
commence le 20 ventôse an 8, et finit le 11 prairial an 8. Toutes
les lettres existent en original.
N°. IX.
Correspondance du général de division M en o u , toutes signées
A b dal l a M e n o u , commençant le 1 germinal an 8, jusqu’au 21
floréal même anné e ; écrites de Rozette au général d’Estaing ,
aussi à Rozette,
5
N°. X.
Lettre du général Rampon , écrite du quartier général de
D a m iette , au général d’Estaing, le messidor an 8, pour lui
annoncer l'assassinat du général K lé b e r, et que le général de
division M enou a pris le commandement en chef.
3
A R I O M , de. l'im p rim erie de T
h ib a u d - L a n d r io t ,
im p rim eur de la C our d ’appel,
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
mariage
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Titre complet : Pièces justificatives.
Table Godemel : Mariage : 2. un mariage contracté par un militaire, en pays étranger, peut-il être prouvé par témoins, s’il est établi qu’on n’y était pas en usage de tenir des registres publics ? La possession de l’état de la femme suffit-elle pour contraindre les héritiers du mari à lui payer une provision ?
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De l'imprimerie de Thibaud-Landriot
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1807
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A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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A language of the resource
fre
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BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Le Caire (Egypte)
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Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
mariage
opinion publique
xénophobie
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b225475dbb8569191f9175b97cdad759
PDF Text
Text
t
CONSULTATION
P o u r Made N A Z O , V e du général
D e s t a i n g , tutrice de sa Fille
mineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING
)
�CONSULTATION
P our Mad 0 N A Z O , V e du général / / D ES T AI NG; tutrice de sa Fille
mineure ;
C o n tre
les Héritiers D ESTAIN G .
—
■■ l'wm w N W '
" V u l’acte de notoriété fait devant le tribunal de paix du
second arrondissement, inbrà muros, dit du Sud, d e l a ville
de M arseille, le fructidor an 11 ; l’acte de notoriété reçu
par le juge de paix du dixième arrondissement de Paris, le
29 mars 1806 ; le jugement rendu par le tribunal de première
instance, à P aris, q u i, sur le rapport fait à l’audience , le
ministère public entendu, homologue cet acte de notoriété;
le procès-verbal de nomination du sieur Pierre Destaing à
la tutelle de demoiselle Marie Destaing sa p e tite -fille , por
tant reconnaissance expresse du mariage dû feu général Des
taing son fils, avec la dame Anne Nazo ; duquel mariage est
née la demoiselle Marie Destaing; ce qui a été également
reconnu par l’aïeul et toute la famille Destaing, jusquau
tems où la dame veuve D estaing, investie par la loi de la
5
�tutelle de la mineure, a réclamé, à ce titre, l'administration
du patrimoine de sa fille. V u , de plus, le mémoire à con
sulter de la dame Destaing ; les autres pièces qui y sont
jointes; et notamment le jugement interlocutoire rendu le
• i août 1807, par le tribunal de Mauriac, département du
Cantal,-qui ordonne la preuve testimoniale de tous les faits
qui étaient déjà constans dans la cause.
L E CON SEIL soussigné estime que la dame veuve Des
taing a eu raison d’appeler de ce jugement, et qu’elle doit en
obtenir la réformation par la Cour de R iom , à qui elle l’a
déféré.
Les juges de première instance, contre l ’avis du ministère
public, ont cru avoir besoin de rècoler, pour ainsi d ire,
eux-mêmes les témoins respectables q u i, d’office, ont léga
lement constaté devant les tribunaux les faits dont ils avaient
une parfaite connaissance ; et que la possession d’état de la
dame Destaing et de la demoiselle sa fille, au milieu d e là
famille Destaing, n’ont fait que confirmer et reconnaître
d’une manière authentique.
Ils ont erré en assimilant des actes de notoriété vérifiés
dans les formes de droit, à de simples certificats extrajudiciai
res. En reconnaissant, comme ils l’ont fa it, que la dame et la
demoiselle Destaing se trouvaient dans des circonstances
telles, qu’on ne pouvait les obliger à représenter ni l'acte
de célébration de mariage du général D estaing, ni l’acte de
naissance de sa fille ; ils devaient reconnaître, en même tems ,
que ces pieces étaient suffisamment suppléées par des actes de
notoriété , la possession d état, et surtout la reconnaissance de
la famille D estaing, qui aurait suffi pour élever, contre les
collatéraux, une fin de non recevoir insurmontable.
3
�v?r
(3 )
Un mariage a été contracté d’après toutes les convenances
sociales ; il a été célébré avec solemnité à la face de deux
nations, dont il resserrait les liens d’amitié; il a été bén i,
aux pieds des autels, par un pontife de la religion chré
tienne, professée par les deux époux. L ’épouse, devenue en
ceinte , a été envoyée en France dans la famille de son m ari,
retenu loin d’elle par des devoirs militaires. Elle a erré, pen
dant six m ois, sur un frêle navire, o ù , loin de tout secours ,
elle a mis au monde le fruit de leur union. Pendant ce tems,
le mari est revenu dans sa patrie, où il croyait trouver une
epouse et un enfant. A peine a-t-il été informé de leur sort,
qu’il les a appelés auprès de lui. Ils s’y rendaient, lorsque la
mort le leur a enlevé ; mais la famille du mari les a réclamés,
comme leur bien. Un beau-père, un aïeul, des parens ont
accueilli ces infortunés avec empressement. Ils leur ont d’abord
prodigué les consolations dont ils avaient tant besoin. Mais
tout à coup la scène change; de nouveaux malheurs accablent
la veuve et l’orphelin. On veut les dépouiller de leur patri
moine. Leur état leur est contesté ; on veut les en déposséder ;
e t , depuis cinq ans, on les traîne de tribunaux en tribu
naux ; on les expose à mourir de faim en attendant justice :
ce qui serait infailliblement arrivé, sans la bienfaisance de
Empereur.
Telle est la position de la dame Destaing : c’est ce qui résulte
de toutes les pièces qui ont été mises sous nos yeux.
On y voit qu elle est née au Grand G aire, en Egypte, en
1780, du sieur Joanny Nazo et de la dame Sophie Mische
son épouse, chretiens l’un et l’autre du rit grec.
On y apprend que le sieur Nazo était originaire de Tines,
ile de l'Archipel ; que, jeune encore, il entra au service de la
�( 4)
Russie, comme militaire et officier; et, qu’à l’âge de vingt-cinq
ans, étant venu au Caire pour ses affaires, il y contracta mariage
avec la demoiselle Sophie M ische, fille du fermier général
des droits imposés sur les liqueurs spiritueuses ; il s’y établit,
et succéda à son beau-père dans cet em ploi, qui était extrê
mement lucratif.
I l ’exerçait lors de la conquête d’Egypte. Sa fortune et ses
connaissances le firent bientôt distinguer, autant que son
attachement pour les Français et pour le héros qui les com
mandait.
Un bataillon grec fut formé ; le sieur Nazo en fut nommé
1
chef.
Ce service lui donna de nouveaux rapports avec l’arm ée,
dont la levée des Grecs faisait partie, et avec les généraux
qui y étaient employés.
Ces rapports s’augmentèrent lorsque, pour le bonheur de
la France, le général Bonaparte vint mettre fin à nos dis
cordes civiles.
Plusieurs officiers généraux trouvèrent alors convenable
de se marier dans le pays.
Le sieur Nazo, commandant des Grecs, passait pour riche;
il était considéré : pére de plusieurs enfans, on savait qu’il
avait une fille de dix-huit à dix-neuf ans, très-bien élevée, du
moins autant que les ressources du pays pouvaient le per
mettre ; et avec une réputation de sagesse et de beauté
également avantageuses.
Le général de brigade Destaing la rechercha. Soit pres
sentiment des malheurs qui devaient survenir , soit que le
sieur Nazo eût d’autres vues, il se refusa longtems à la de
mande du général Destaing.
�( * n u y c '1 ’,.
,
.
- Déjà le général Delzons , cousin-germain de ce dernier , et
le sieur Lantin, autre officier supérieur , avaient épousé deux
égyptiennes : les demoiselles Varsy , filles d’un marseillais ,
négociant français, résidant à Rosette, et marié à une anglaise
établie dans le pays. Le général M enou, commandant en chef,
avait épousé la fille d’un négociant turc. Bien d’autres officiers
s’étaient aussi unis par mariage avec des demoiselles nées dans
le pays, et appartenant aux familles les plus honnêtes et les
plus considérées.
Ces exemples , les instances du général D estaing, et plus
encore les sollicitations empressées des généraux Lagrange
et Béliard , ses amis particuliers, déterminèrent le sieur Nazo
à l ’accepter pour gendre.
Le mariage fut célébré en l’an 8, le surlendemain de la fête
des R ois, qui arrive douze jours plus tard suivant le calendrier
grec (cette date se rapporte au 17 janvier 1800 , 27 nivose
an 8 ). La dame Destaing ignore quel acte il en fut dressé;
mais il fut béni par le patriarche d’Alexandrie, en pré
sence d’un grand nombre d’officiers supérieurs de l’armée ,
de plusieurs personnes notables du pays , toutes professant la
religion chrétienne , et notamment du général Delzons ,
cousin-germain de l’époux.
Dans l’ivresse de son bonheur, le général Destaing donna
des fetes splendides à ses frères d’armes ( ces fêtes étaient
aussi une des solemnites du m ariage, suivant les mœurs et
usages du pays ). Le général Menou , commandant en chef, y
assista ; toutes les personnes considérables de l ’armée y prirent
part; les officiers qui étaient mariés y conduisirent leurs
épouses ; la réunion fut complète. La ville entière du Caire
fut ainsi témoin du mariage du général Destaing avec la fille
*\
�(8 )
du chef du bataillon grec , le sieur Nazo, à qui nul officier de
l’armée, quelque fût son grade , ne se serait permis de faire
injure. Madame Menou , les dames Delzons et Lantin , et
d’autres égyptiennes devenues françaises par leur mariage ,
formèrent bientôt la société de madame Destaing ; elle les
reçut chez le général, son m ari, dont elle habitait la maison
comme épouse considérée. C’est à ce titre seul qu’elle en faisait
et qu’elle pouvait en faire les honneurs.
Cela se passait au Caire, où la cohabitation maritale a duré
plus d’un ail.
Mais , dans le mois de ventôse an 9 , une escadre anglaise
parut devant Alexandrie avec le projet de débarquement
qu’elle effectua peu de jours après. On reçut au Caire , le i
ventôse au soir (février 1801 ) , la nouvelle de l’apparition
d e là flotte anglaise. Le général Destaing était alors à dîner
chez le général Menou ; il y reçut l’ordre de se tenir prêt à
partir pour le lendemain : il vint en faire part à son épouse*
C’est ainsi qu’il fut séparé d’elle pour toujours.
Il partit, en effet, avec une partie de l’armée française
commandée par le général en chef ; le bataillon des Grecs
partit aussi : le général Béliard et le général Dupas, lors
simples commandans de la p lace, restèrent au Caire. Le sieur
Nazo était atteint de la peste ; il ne put partir.
Madame Destaing était enceinte ; il s’établit entr’elle
et le général son m ari, une correspondance dont il reste
quelques fragmens.
Toutes les lettres sont à l’adresse de Madame D estaing,
et cette adresse est toujours en français, de la main de son
mari. Comme la dame Destaing n’entendait que arabe , c’est
dans cette langue que plusieurs des lettres du général Des-
5
1
l
�w
(7)
taing sont écrites par un Egyptien qui lui servait de secré
taire ; mais , quelquefois aussi, il écrivait en français à son
épouse, et elle rapporte, entr’autres, une lettre du
prai
rial an g , où il lui parle de sa grossesse, des embarras de
leur correspondance, et des moyens de la rendre plus fré
quente,..- •
correspondance est telle qu’elle a dû exister entre
d’honnêtes époux. Familière avec décence , tendre sans
exagération, elle exprime les sentimens d’une amitié pure
et tranquille , et non le délire des passions tumultueuses.
S’il n’y avait pas d’autres preuves de l’état de la dame Destaing, si les nombreux témoins de l'union des deux époux
avaient tous été enlevés par la peste et la guerre , qui en
ont moissonné plusieurs ; si les dépôts publics qui conservent
les preuves de cette union légitime avaient tous été détruits;
si on pouvait, en outre, anéantir les reconnaissances multi
pliées de la famille Destaing, et la possession d’état per
manente de la veuve et de la fille du général : nous dirions
encore que les lettres de ce dernier suffisent pour montrer
qu’il fut époux et père de celles à q u i, tardivement, on
veut enlever ces qualités par de simples motifs de cu
pidité.
La dame Delzons se trouvait dans la même position que
la dame Destaing ; les deux cousins étaient séparés de leurs
épousés par la guerre. Les deux jeunes femmes se réunirent
chez la dame Delzons , à cause que la contagion avait
pénétré dans la maison qu’habitait au Caire la dame
^ Destaing.
Mais bientôt la correspondance de ces dames avec leurs
maris fut interrompue. Les Anglais avaient pris Aboukir
5
�C8 )
et Rosette ; ils cernaient Alexandrie , et leur armée était aux
portes du Caire.
Le général Béliard, qui y commandait, invita alors les
dames M en o u , Destaing , Delzons et Lantin, leurs parens
et leur suite, à se retirer dans la citadelle, où elles furent
reçues et logées par le commandant Dupas, à qui la garde
de ce poste était confiée.
Ce> dernier refuge leur fut bientôt enlevé. A la fin de
messidor, le général Béliard capitula; le Caire fut évacué le
29. de ce mois.
.11 fut convenu que les troupes sous les ordres du général
Béliard, seraient embarquées pour la France ; mais il fut
dit que les dames Menou , Destaing , Delzons et L an tin ,
seraient rendues à leurst maris , qui défendaient encore
Alexandrie. Elles devaient être conduites, sous escorte, jus
qu'aux portes de cette ville , a v e c M. E9téve, payeur général
de l’armée , qui eut la-permission de se rendre auprès du
général en chef.'
Mais celui-ci refusa de reconnaître la capitulation faite
par le général Béliard , et de recevoir , dans Alexandrie, *
qui que ce fût venant du Caire ; e t pour qu’on doutât moins
de sa résolution , sa propre épouse ne fut pas même ex
ceptée.
Ces dames reçurent chacune, de leurs maris, une lettre
portant invitation de se rendre en France, sur les bâtimens
destinés-aux troupes du général Béliard.
. Les>di»mes Delzons et Lantin se retirèrent d’abord chez leur
mère , à Rosette, avec madame Menou ; depuis elles s’em
barquèrent pour la France., et arrivèrent heureusement à
Marseille. Madame Destaing, son père , sa mère , ses frères,
�(9 )
ses sœurs et le ^ aïeule, que le malheur avait>rçndus insé
parables , furent embarqués à Aboukir, avec une centaine
de militaires français, sur un petit navire grec, qui devait
les transporter en Europe.
Le navire , en mauvais état et mal équipé , fut ¡balotté
pendant six mois dans la Méditerranée , et obligé tde re
lâcher à diverses îles.
Cependant le terme de l’accouchement de madame
taing approchait; ses souffrances, que les to ur mentesjrendai«nt
plus terribles , firent solliciter le patron du navire ,à prendre
terre où il pourrait : il jeta l’ancre sur la côte de, Ççpjialonie.
Madame Destaing était en travail depuis huit jours. ,H ne
fut pas possible de la transporter : elle accoucha ¡darçs le
navire.
Marie Destaing, qu’elle mit au monde, fut baptisée par
un prèlre que sa famille envoya chercher, dans upe chapelle
située sur les bords de la mer. Elle eut , pour parain, un
officier français , et , pour maraine, la dame Mische , soi*
aïeule.
âge , qui n’avait pas fait quarantaine , ne pouvait
avoir des communications avec les habitans de l’île ; le consul
français visita cependant madame Destaing.
On ignore si l’acte de baptême , constatant la naissance
de Marie Destaing , fut rédigé par écrit ; si le consul français
y assista , s’il le déposa à la Chancellerie, ou dans les mains
du pasteur catholique qui administra . le sacrem ent : . les
difficultés des communications pendant la guerre , le peu
de tems que le navire est resté sur la côte de Céphalonie,
et tout ce qui s’est passé depuis cette -époque , ont privé
madame Destaing des moyens de fournir , , sur ce point ,
�>
( *0 )
des éclaircissemens que les circonstances dans lesquelles
elle se trouve rendent superflus.
Le vaisseau chargé de ces infortunés aborda enfin à Tarente,
dans le royaume de Naples.
On croira aisément que la dame Destaing et sa famille
n’eurent rien de plus pressé que de quitter, dès qu’ils le
purent, un navire où , depuis six mois , ils avaient si cruelle
ment souffert. Heureusement une main protectrice vint à leur
secours ; le général Soult, aujourd’hui maréchal de l’Empire,
les accueillit, leur donna sa maison de campagne, pour y
faire quarantaine , et les reçut ensuite chez lu i, à Tarente , où
ils passèrent près d’un m ois, tandis que le vaisseau grec, qui
les avait débarqués sur la côte de Naples , continua sa route
pour Marseille.
Cependant, durant la longue traverées de la dame Destaing
et de sa famille , d’Egypte en Europe, la ville d’Alexandrie,
resserrée de plus en plus par les ennemis, et manquant de
vivres, avait été obligée de capituler.
La garnison fut embarquée pour la France, les généraux
M enou, D estaing, le capitaine Lantin et plusieurs autres
officiers montèrent sur le même vaisseau et arrivèrent à Mar
seille après trois mois de navigation , de manière que le
général Destaing , parti d’Egypte deux ou trois mois après
son épouse, arriva cependant en Europe, et en France, plus
de deux mois avant elle. 11 se rendit à Paris et fit des dispo
sitions pour fixer son domicile dans cette ville ; il y reçut du
général Soult la nouvelle de l’arrivée de sa femme et de sa fille
à Tarente.
se hâta de remercier le général Soult de ses soins bienfaisans , et le pria de faciliter à madame Destaing et à
11
�^
45"
( ” )
sa famille le moyen d’arriver à Paris, et de les y faire accom
pagner par quelqu’un de confiance.
■
7- Monsieur le maréchal Soult fit escorter par terre cette fa
mille jusqu’à Barleite, et chargea M. Desbrosse , officier fran
çais , né à Paris, de l’accompagner.
Madame Destaing et sa famille s’embarquèrent à Barlette,
reprirent terre à Ancône, d’où ils se rendirent en poste à
Lyon , avec M. Desbrosse.
Cette nouvelle fatigue avait encore altéré la santé de madame
Destaing et celle de sa fille. On crut nécessaire de leur faire
prendre quelques jours de repos. M. Nazo son père et M. Desbrosse les précédèrent et se rendirent de suite à Paris, auprès
du général Destaing.
A peine arrivé à Paris, M. Nazo perdit son gendre par un
événement tragique, dont le public fut informé dans le
tems. M. Nazo n’avait vu le général Destaing que quelques
instans, et n’avait encore pris aucun arrangement avec l u i ,
pour l’établissement de sa famille.
Madame Destaing ignorait à Lyon la perte qu’elle venait
de faire ; elle y attendait des nouvelles du général Destaing ,
lorsqu’e lle reçut la visite du sieur Bordin, chapelier, dont
l ’épouse était d’A u rillac, lieu de la naissance du général Des
taing.’
Le sieur Bordin se présenta avec une lettre du sieur Des
taing, père du général, pour engager la dame Destaing sa
b e l l e - f i l l e , à se rendre à Aurillac avec son enfant, où on lui
dit qu’elle trouverait le général son mari.
Mais la feinte ne pût être longue : madame Destaing ap
prit bientôt qu’elle était veuve, et que sa fille avait perdu son
père, avant d’en avoir pu recevoir la moindre caresse.
,
«
/
�U * )
Elle se sépara du reste de sa fam ille, qui se rendit à Mar
seille, où le Gouvernement réunissâit les réfugiés égyptiens,
et elle prit la route d’Aurillâc avec sa fille, une nourrice
qu’elle avait prise à Tarente, et une négresse qui les servait.
Le sieur Destaing père fournit aux frais de ce voyage, et
aux premiers besoins de sa petite-fille et de la veuve de son
fils. Illes'accueillit comme ses enfans, les fit considérer comme
tels par toute la famille Destaing, au milieu de laquelle la
Veuve trouva madame Delzons, née, comme elle, en Egypte,
témoin des courts instans de son bonheur et de ses premières
infortunes.
Madame Destaing passa ainsi à Aurillac huit mois, présen*
tée dans toutes les sociétés comme veuve du général Destaing,
sans que personne eût osé élever le moindre doute sur son état
ét celui de sa fille.
Le siéur Destaing père assembla un conseil de famille pour
la nomination d’un tuteur à sa petite-fille.
On trouve parmi les parens M. Alexis-Joseph Delzons,
général de brigade , commandant le département du Cantal,
cousin-germain du feu général D estaing, et le même qui avait
été témoin du mariage qui avait réuni la dame Nazo à la
famille Destaing ; M. Delzons son père, membre du Corps
Législatif, oncle paternel de M. D estaing, bien instruit par
son fils des circonstances de ce mariage, et le même qui se
trouva à Paris, à la levée des scellés mis sur les effets du gé
néral Destaing son neveu; enfin, tous les parens du défunt
qui déférèrent la tutèle au sieur Destaing père, en sa qualité
d’aïeul de la mineure, et attendu la minorité présumée d e là
mère, autorisèrent les dépenses par lui faites, réglèrent le
�(
,3
)
montant des habits de deuil de la veuve,et fixèrent provisoi^ reinent la quotité de la pension de la pupille.
Si les intérêts de la dame Destaing furent sacrifiés dan^s cet
acte, du moins son état et celui de sa fille furent respectés et
reconnus par la famille de son mari; et ils auraient continué
à l’être, si elle n’avait pas été instruite de ses droits.
Mais elle trouva , à Aurillac même , des personnes offi
cieuses qui lui apprirent que la loi plaçait dans ses mains la
personne et la conservation des biens de sa fille , que c’était
pour elle un devoir de la réclamer, et que son beau-père et
la famille Destaing abusaient de son ignorance.
Aussitôt qu’elle parut instruite, les procédés de son
beau-père changèrent à son égard. Il craignit qu’elle ne vou
lût se soustraire à son empire, e t , pour la retenir, il la
sépara de sa fille, qu’il envoya à la campagne sous un vain
#prétexte^.
Cet acte de barbarie dut révolter la dame Destaing; privée
de sa fille , ne pouvant découvrir le lieu où on la tenait cachée,
elle écrivit à son père pour lui faire connaître sa position.
Le sieur Nazo se rendit à A u rilla c, et n’obtint rien du sieur
Destaing ; il emmena sa fille à Marseille.
On remarquera que le sieur Destaing retint alors sa
petite-fille, malgré la mère et l’aïeul maternel ; ce qui est
une nouvelle reconnaissance de l’état de la demoiselle Des
taing , dans le tems même que son aïeul refusait à la mère
de la laisser jouir du plein exercice de ses droits.
La dame Destaing fut conduite à Marseille par son p ère,
et elle sentit alors le besoin de constater son âge, qui était
le seul prétexte sous lequel le sieur Destaing père réfusait
de lui rendre la tutelle de sa fille. Il y fut procédé par un
�( *4 )
acte de notoriété en forme authentique, auquel concou
rurent un grand nombre de réfugiés Egyptiens , réunis à
Marseille. Parmi eux se trouvaient deux des militaires qui
avaient traversé la Méditerranée avec la dame Destaing;
ils rapportèrent l’époque de l’accouchement de la dame Des
taing , et du baptême de sa fille.
Si l’acte de notoriété ne donne pas de plus grands détails,
c’est que personne ne pouvait prévoir alors que l’état de la
dame Destaing et de sa fille serait un jour contesté ; il
ne s’agissait que de déterminer leur âge par la notoriété, à
défaut de registres. Leur état était assez établi par leur pos
session non interrompue : et si la dame Destaing avait pris
alors de plus amples précautions ; si elle avait fait constater
son état par les nombreux réfugiés Egyptiens qui se trou
vaient alors à Marseille, ce qui lui eût été facile, on suppo
serait peut-être aujourd’hui qu’elle en avait besoin. Tandis
que, comme nous le verrons bientôt, la possession detat*
et la reconnaissance de la famille étaient, pour elle et pour
sa fille , des titres suffisans.
Madame Destaing doutait si peu de leur puissance, qu’a
près un court séjour à Marseille , elle se rendit à Paris pour
demander justice.
Le Gouvernement lui accorda sans difficulté la pension à
laquelle elle avait droit comme veuve du général Destaing ;
et les plaintes qu’elle porta, sur ce qu’on lui retenait, malgré
e lle , sa fille à A u rillac, furent renvoyées par le premier
Consul aux ministres de la justice et de la police pour y faire
droit par voie d’administration.
Le sieur Destaing , président du trib u n al civil de son ar
rondissement, ne put méconnaître la légitimité des première
demandes de la dame sa belle-fille -, il répondit à S. Exc. le
�5
( i )
grand-juge que puisque le Code civil déférait la tutelle à la
m ère, elle pouvait envoyer chercher sa fille quand elle le
jugerait à propos. Le grand-juge , en informant madame Destaing de la réponse de son beau-père , lui apprit que toute
discussion sur les biens devait être portée devant les tribunaux.
( , Le général Destaing était mort à Paris , où il paraissait
I avoir voulu fixer son domicile ; on pensa que c’était à Paria
y que la succession était ouverte , et où l’inventaire des biens
avait commencé. La dame Destaing se pourvut donc devant
le tribunal civil de la capitale pour réclamer les droits que
lui donnait la double qualité de veuve du général Destaing
et de tutrice de leur fille , et fit assigner le sieur Destaing en
reddition de compte de la tutelle.
Le sieur Destaing, aïeul de cet enfant et président du tri
bunal civil d’Aurillac , prétendit que c’était à Aurillac que
cette demande devait être portée , attendu que le feu général
Destaing était censé n’avoir jamais eu d’autre domicile que
la maison paternelle.
Le tribunal de Paris se déclara compétent ; mais le sieur
Destaing s’étant pourvu à la Cour de cassation en règlement
cle juges, les parties ont été renvoyées au tribunal de première
instance de Mauriac , département du Cantal.
C’est là que, pour la première fois, le président Destaing ,
pour garder en ses mains les biens de la succession de son
fils, a renié sa petite-fille dont, d’abord, il avait voulu être le
tuteur , et qu’il avait retenu chez lui malgré la mère. Il a osé
déclarer devant ce tribunal, à quelques lieues de distance
/ d’Aurillac et dans le même département, habité par les té
moins de la constante possession d’état de la veuve et de sa
fille, ainsi que des actes authentiques et multipliés de la recon-
�( i6 )
naissance de la famille , « que ce n’a été que par d o l, fraude,
» suppositions et insinuations perfides que la demanderesse
» l'engagea à se porter tuteur de Marie sa fille , et à faire
» tous actes nécessaires en cette qualité pour la rémotion des
» scellés, inventaire et vente des effet mobiliers délaissés
» par son défunt fils ; lesquels consentement, actes et fausses
» démarches il rétracte formellement ; et de ce q u e , mal à
/ « propos , elle voudrait tirer avantage de ce qu’il l’a retirée
» dans sa famille , ne Vayant fa it qu à titre dhospitalité,
» comme compatissant à ses malheurs, et sous réserves de ses
o autres droits. »
Les tribunaux du département du Cantal avaient donc à
examiner le mérite de cette déclaration ; elle est la cause
du litige , le point de la difficulté élevée par l’aïeul. Elle
contient une accusation grave en suppression d’état, ou un
délit bien plus grave encore en suppression d’état, de la part
de celui qui était alors le chef de la fam ille, le protecteur
n a tu rel de tous les membres qui la composaient ; et spé
cialement de sa petite-fille et de la veuve de son fils.
Il accuse celle-ci de l’avoir engagé, par dol et fraude, A
les reconnaître , elle et sa fille , pour avoir appartenu, à titre
légitime , au général Destaing ; mais on sait qu’elles étaient
.à L y o n , lorsque madame Destaing a perdu son mari. Elle
arrivait en France , et elle ne connaissait personne , ni le
pays dont elle n’entendait même pas la langue ; quel dol
a-t-elle pu pratiquer? quelles insinuations a-t-elle pu em
p l o y e r ? Rien au monde ne peut faire admettre, un instant, la
supposition du président Destaing. Quelle serait donc la
puissance qui aurait obligé ce dernier à envoyer chercher à
Lyon madame Destaing et sa fille , qui ne le connaissaient
�M
( «7 )
pas ? à les recevoir et les traiter comme belle-fille et petitefille, pendant huit mois consécutifs? à prendre devant la
Justice la qualité d’aïeul légitime de cet enfant, et en de
mander la tutelle , attendu la minorité de la mère? à s’en
gager , par serment, à en remplir les devoirs , ceux de tuteur
et d’aïeul ? à exercer, pendant huit m ois, les honorables
fonctions que ces titres lui donnaient ? 11 n’y avait nulle
puissance, nuls moyens suffisais pour l’y engager , si ce
n’est la force de la vérité et le pouvoir de la justice na
turelle.
r£>r\.C)t^
n e P e u t se rétracter: on ne rétracte pas des faits;
/ or , les actes émanés du sieur Destaing përe , sont autant de
faits qui existent et existeront malgré ses regrets. Qu’il les
- explique comme il pourra , il ne peut les détruire par une
vaine rétractation.
Il suppose hardiment n’avoir retiré, dans sa famille, sa
petite-fille et la dame sa mère, qiià titre cl hospitalité, ce
compatissant à leurs malheurs.
Mais le litre auquel la dame Destaing et sa fille ont été
retirées, ou plutôt réclamées par le sieur D estaing, est écrit
dans le procès-verbal de nomination de tuteur. Ce titre légal
ne peut pas plus être effacé que ceux de la nature invoqués
par le sieur Destaing père pour l’obtenir ; ce titre est l’ou
vrage du sieur Destaing , lui-même; toute la famille y a
concouru. C’est par une délibération éclairée, authentique
et homologuée par l ’autorité civ ile, que le sieur Destaing a
demande à prendre dans les biens qu’il n’administrait qu’au
nom de sa p etite-fille, et comme son tuteur, le rem<boursement des frais qu’il avait; faits pour leur séjour à
• L y o n ,.e t voyage à A urillac, et pour les alimens qu’il leur
3
3<;.
�' Ji
( *8 )
fournissait dans cette ville. Ce n’est donc pas comme com
patissant aux malheurs d’une étrangère , qu’il a agi. La
dame Destaing ne pouvait pas être étrangère pour lui ;
aussi a-t-il demandé lui-même , pour sa belle-fille , des habits
de d e u il, et la fixation d'une pension viduelle. Ce ne sont
pas là des actes de compassion , mais de justice. La fille et la
veuve du général Destaing ayant reçu , dans cette qualité,
sur la succession de leur père et mari , les secours dont
elles avaient besoin, dans la maison que le sieur Destaing
a fait juger être le domicile de son fils ; il ne peut pas dire
qu’elles y aient été reçues à titre d'hospitalité. Dans la maison
de leur aïeul et beau-père , elles étaient chez elles, elles y
continuaient leur possession d’état : on ne peut la leur ravir,
parce qu’elle repose sur des faits constans et indestructibles.
Par ces faits, tout doit être jugé entre madame Destaing
et la famille de son mari. D u moins on ne peut plus mettre
en question l’état de la veuve et de l’orpheline, authenti
quement reconnu par ceux memes qui 1 attaquent aujourd hui.
Nos livres de jurisprudence sont pleins de monumens qui
fixent d’une manière invariable les principes qui doivent
servir de règle pour résoudre les questions élevées sur l’état
des citoyens dans des circonstances quelquefois bisarres et
souvent embarassantes.
'
Souvent on a argumenté sur la foi qui est due aux registres
publics , sur la nécessité d’établir par eux l’état contesté , sur
l’adiniision ou le rejet de la preuve testimoniale, soit pour
faire réformer ces registres , soit pour les suppléer en cas de
perte ; mais toujours on a admis les conséquences qui ré
sultaient d’une possession d’élat invariable. La loi romaine,
d’Aguesseau , Cochin , si souvent cités dans les questions
�2s 5
*9
(
)
de cette nature, regardent la possession comme le signe le
plus certain de 1 état des citoyens , celui qu’il serait le plus
dangereux de méconnaître, et qu’il importe le plus de res
pecter pour assurer le repos des familles.
j 1
Cochin a retracé ces principes dans la cause célèbre de la
X (\y dame de Bruix ; et on peut remarquer qu’il plaidait pour la
familleLaferté, qui repoussait cette femme et tous les moyens
qu’elle employait pour se faire reconnaître comme appar
tenant à cette famille. De manière qu’on ne peut pas le sus
pecter d’ayoir admis ou supposé des principes trop favorables
à ceux dont l’état est contesté. Il les établit comme doctrine
qui doit servir de guide dans les questions d’état, pour qu’on
ne s’égare pas dans cette matière, en donnant dans des excès
également contraires à la vérité.
Voici comment il s’exprime :
« Si les législateurs , d it-il, n’avaient pris aucune précau» tion pour fixer l’état des hommes , les citoyens ne pour» raient se reconnaître entr’eux que par la possession. Telle
» était la règle qui les distinguait seule, avant que les Etats
» policés eussent établi des lois sur une matière si importante;
» les familles se formaient par des mariages publics ; les en» fans étaient élevés dans la maison des pères et des mères,
» comme les fruits précieux de l ’union conjugale ; les rapports
» des différens membres d’une famille se confirmaient de jour
•» en jour par la notoriété y ils se connaissaient, ils étaient
» connus des autres comme frères et soeurs, comme oncles g
» neveux, comme cousins, par cette habitude journalière
» de se traiter réciproquement dans ces différentes qua» lités.
,
» C’était donc la possession seule qui fixait l’état des hom m es;
^v;
�» c’était l ’unique espèce de preuve qui fut connue; et qui
» aurait voulu la troubler, en supposant un état et une filia» tion contraire à celle qui était annoncée par cette longue
» suite de reconnaissances, aurait troublé l’harmonie du genre
»» humain.
» Les législateurs ont cru devoir porter plus loin les mesures
» que leur sagesse leur a inspirées. On a cru que s i , au mo» ment de la naissance de chaque citoyen, son état était con» signé dans des registres publics, ce genre de preuve ajou» terait un nouveau degré de force à l’état qui devait être
» établi dans la suite par la possession, ou que, si la posses» sion , par quelques circonstances impossibles à prévoir,
» pouvait devenir équivoque, le -titre -primordial pourrait
» en parer les vices et venir au secours du citoyen privé des
» avantages d’une reconnaissance solemnelle. C’est donc ce
» qui a introduit l’usage des registres publics prescrits par nos
» ordonnances.
y>C’est sur ces deux genres de preuve que porte l’état des
»hom m es; celle de la possession publique est la plus an» cienne et la moins sujette à Terreur ; celle des registres
» publics est la plus nouvelle et la plus authentique. Quand
» elles se prêtent un mutuel secours, tous les doutes dispa» raissent ; quand elles ne sont pas unies , les questions
» peuvent dépendre de la variété des espèces et des circons» tances.
» Ou l’on est attaqué dans un état dont on est en possession,
« ou l’on réclame un état dont on n’a jamais joui. Dans le
n premier c a s , l à p o s s e s s i o n s u f f i t a c e l u i q u i e s t a t » t a Qui ; il r£a pat besoin de recourir aux monument pu-
�us
( al )
» blics , ni à aucun autre genre de preuve ; il possédé, et à
» ce seul titre, on ne peut pas hésiter à le maintenir.
» Dans le second cas, celui qui réclame un état dont il n’a
» jamais jo u i, trouvant le même obstacle de la possession,
v ne peut réussir dans son entreprise , s’il n’a en sa faveur des
» titres solemnels qui prouvent que la passion et l’injustice
» l’ont dépouillé.
» Ainsi la possession publique, qui décidait seule avant
» l’établissement des registres publics, conserve aujourdhui
» son premier empire ; c’est elle qui forme toujours la preuve
» la plus éclatante et la plus décisive , et si elle peut être
» combattue par des preuves contraires , ce n’est qu’autant que
• ces preuves posent d’abord sur un fondement solide, adopté
» par la lo i, c’est-à-dire, sur les titres les plus authentique»
» et les plus respectables. »
Ces principes rappelés par C ochin , et qu’il appelle « des
» vérités que la raison dicte seule, et qu’elle grave, pour
r> ainsi dire, dans le cœur de tousles hommes ;» ces principes,
qu’il prouve être « appuyés sur la décision de» lo is , le suf» frage des plus grands hommes et la saine jurisprudence » ;
sont ceux de tous les jurisconsultes et de tous les tribunaux.
Ils s’appliquent naturellement à la cause de la dame Destaing
et de sa fille.
Elles sont en possession de leur état de veuve et de fille du
général Destaing. Cette possession a été publique, on pourrait
même dire solemnelle; elle leur suffit pour repousser l’attaque.
dirigée contr’elles. Elles n ’ont pas besoin de recourir aux
monumens publics , n i a a u c u n a u t r e g e n r e d e p r e u v e .
Elles possèdent ; et, à ce seul titre t on ne peut pas hésiter
à les maintenir.
�( 32 )
On le doit avec d’autant plus de raison, que l’attaque a
commencé par celui q u i, ayant le plus grand intérêt à con
tester l’état de ces infortunées, s’il avait été équivoque, l’a
cependant le plus authentiquement et le plus solennellement
reconnu , soit en justice, soit dans le conseil de famille con1 voqué par l a i , soit en les présentant à chacun de ses parens
et amis, comme étant ses enfans; les établissant, à ce titre,
spontanément, sans en être sollicité par personne, dans sa
propre maison, et les reconnaissant en leur qualité, et pour
ainsi dire , à la face du ciel et de la terre.
Quelle est donc la cause du changement? qu’est-il donc
arrivé pour opérer une métamorphose ? Rien. Quelle décou
verte a fait le sieur Destaing pour passer ainsi de l’áífection
paternelle à l’indifférence, et même à l ’animosité? Aucune.
Q u’a-t-il appris de nouveau? Rien. Il était président du tri
bunal, et par conséquent jurisconsulte; il devait savoir que
la puissance paternelle ne s’étendait plus sur les petits-fils, à
l ’exclu sion de leur mère ; que, par le Gode civil, la yeuve
avait la tutelle de ses enfans. Ce n’est point la dame Destaing
qui avait provoqué cette loi, cause première de ses derniers mal
heurs; et si, informée qu’elle était de son devoir de les exercer,
elle a indiscrètement manifesté, dans la maison de son beaupère , l’intention de les réclamer, ce îAetait pas une raison
pour vouloir l’en déposséder, en la dépouillant de son état;
ni de la rejeter d’une famille dans laquelle elle n’est entrée
et sa fille n’est née que pour y éprouver des malheurs.
Depuis la déclaration rétrograde du sieur D estaing père,
sa conduite a été assortie à ce début.
Il commença par faire faire saisie-arrêt entre ses mains, à la
requêtç de ses autres enfans se disant héritiers naturels du
�a/r
( 23)
général Destaing leur frère. Il demanda ensuite que la dame
D estaing, comme étrangère, fût tenue de donner caution
judicatum solvi ; et il se défendit devant le tribunal de
Mauriac par cette exception préliminaire, en demandant que
ses enfans, dont il avait dirigé les démarches, fussent ap
pelés dans l’instance, ainsi qu’un prétendu bâtard du général
Destaing, dont, jusqu’alors, personne n’avait entendu parler,
et dont, depuis, personne aussi n’a eu des nouvelles.
Le tribunal de Mauriac, par jugement du
août 1806,
débouta le sieur Destaing de sa demande en cautionnement,
ordonna que les prétendans droits à la succession du général
Destaing, et les saisissans, seraient mis en cause, et néan
moins condamna le sieur Destaing au paiement d’une pro
vision de 600 fr ., à compter du jour où la demoiselle Des
taing avait été retirée d’Aurillac, et à la continuer jusqu’au
jugement définitif. M. Destaing fut condamné à payer l e .
coût du jugement
Mais ce jugement provisoire, quelque modéré qu'il fû t,
n’a pu être exécuté.
Le* beaux-frères et belles-sœurs de la dazne Destaing s’y
sont rendus tiers opposans.
La réclamation principale de la dame Destaing étant alors
instruite , elle a demandé à être maintenue dans son état de
veuve du général Destaing, contre tous les prétendans droits
à la succession, et tant en son nom personnel que comme
tutrice de sa fille; elle a demandé que le sieur Destaing père
fût tenu de rendre compte de l’administration dans laquelle
il s’était immiscé, comme tuteur.
Le sieur Destaing père s’est borné à laisser contester l’état
de sa petit« fille par ses autres enfans, déclarant qu’il était
�24
(
)
prêt à rendre compte de la succession, à qui et pardevant qui
il serait ordonné en justice. Il a prétendu devoir être congédié
de la demande, et cependant il a conclu à ce que,dans le cas
où la dame Destaing ne justifierait pas de son état et de celui
de sa fille, elle fût condamnée à lui rembourser, avec inté
rêts,
fr., montant des dépenses faites pour elle, tant à
Lyon qu’à Aurillac.
C’est sur ces conclusions qu’est intervenu le jugement du
i août 1807, dont la dame Destaing a appelé.
Par ce jugement, le tribunal de Mauriac, en reconnaissant
la possession d’état des dame et demoiselle Destaing, ordonne
néanmoins que le fait du mariage du général Destaing et
celui de la naissance de sa fille seront prouvés par témoins,
à la diligence de madame Destaing, et qu’il n’a pas existé de
registres où ces actes de mariage et de naissance aient dû être
transcrits.
Les juges statuent par interlocutoire sur le fond de la
contestation qui leur est soumise, et cependant ils ne pro
n o n ce n t rien sur la tierce opposition à leur premier jugement,
qui condamnait le sieur Destaing père au paiement d’une
provision bien nécessaire aux dame et demoiselle Destaing,
bien légitimement due à l’état dont elles étaient en possession ,
et à leur qualité aussi incontestable que leur position mal
heureuse.
Le tribunal de Mauriac, en mettant en question Tétat de
la dame Destaing et celui de sa fille, a fait abstraction de la
possession dans laquelle elles étaient. Il aurait dû apercevoir
qu’elles étaient attaquées dans cette possession d’état par ceux
mêmes qui avaient concouru à la leur assurer, et q u e, dès
lors, madame Destaing n’avait rien à prouver; c’était sur ceux
3656
3
�(aS)
qui venaient l’attaquer, prétextant qu’ils avaient été e n g a g é s "
par d o l, f raude, suppositions et insinuations perfides , que
tombait la charge de prouver leurs allégations. Jusqu’alors
leur engagement subsistant, on devait les regarder comme
liés. La reconnaissance publique et authentique de l’état d’un
citoyen dans une famille, et par tous les individus qui la
composent, n’est pas un lien frivole ; le méconnaître, ce
serait, comme dit Cochin , troubler l’harmonie du genre hu
main. Combien de milliers d’individus n’ont d’autre assurance
de leur état, d’autre titre que leur possession publique au
milieu de leur famille et dans la société ? Combien en est-il
qui ignorent où ils pourraient trouver l’acte de célébration
du mariage de leurs auteurs, et même leur acte de naissance?
Faudrait-il pour cela les faire sortir de la famille dans la
quelle ils possèdent un état reconnu légitime? sera-t-il per
mis à celle-ci de les repousser de son sein, en leur imposant
â eux l’obligation de prouver quelle a eu raison de les con
sidérer comme fils, petit-fils, neveux, cousins, etc. ?
N on, certainement, ils n’ont rien à prouver. La possession
suffit à celui qui est attaqué; il n a pas besoin de recourir
aux monumens publics, ni à aucun autre genre de preuves : il
possède ; et, à ce seul titre, on ne peut hésiter à le main
tenir.
Vainement voudrait-on supposer que la dame Destaing
étant demanderesse dans la cause, doit prouver et justifier
la qualité qu’elle prend : cette supposition est inadmis
sible.
La demoiselle Destaing était non seulement en possession
de son état de fille naturelle et légitime du général Des
taing son père,m ais encore de la succession de ce dernier,
4
�"t
;
( a6 )
acceptée pour elle par le sieur Destaing son aïeu l, en sa
qualité de tuteur, qui lui avait été déférée par la famille
entière, qui avait reconnu l’état et les droits de la pupille.
La veuve du général Destaing était pareillement en posses
sion de son état de veuve, reconnu aussi par la famille, qui
ayait réglé le paiement de ses habits de deuil et de sa pen
sion viduelle.
Devenue tutrice de sa fille par la disposition du Code
c iv il, elle a trouvé celle-ci dans la possession de son état,
saisie et investie de la succession qu’elle avait recueilli du
général Destaing son père.
Ce nest point cette succession quelle a demandée ; l’aïeul
tuteur l ’avait recueillie pour sa petite-fille, et avait fait pour
elle tous les actes d’héritiers nécessaires. La fille du général
Destaing avait été reconnue son héritière ; elle possédait sa
succession de droit et de fait : c’est donc elle qui est atta
quée dans la possession.
La mère tutrice exerçant ses droits, a demandé compte au
premier tuteur; celui-ci ne pouvait ni le refuser, ni changer
lui-même le titre de cette possession ; car ce n’est pas pour
lui-même qu’il possédait, mais pour sa petite - fille , et à un
titre qui avait cessé d’être légitime.
L ’opposition des tiers ne pouvait ni dénaturer ses obliga
tions , ni les diminuer. Les collatéraux trouvant la succession
de leur frère .recueillie par son enfant, ne pouvaient dépos
séder celui-ci, sans préalablement attaquer l’état de l’héritière
inyestie, état que cependant ils avaient reconnu eux-mêmes,
et dpnt elle était en possession ; ils veulent détruire ce qui
existe bpn gré ou malgré eux. C’est donc eux qui attaquent ;
�27
(
)
c’est donc eux qui sont les demandeurs. Peu importe que ce
soit par voie d’exception ; on connaît la règle Reus excipiendi fit actor. A cto ris est probare.
Nous disons que la veuve du général Destaing, tutrice
légale de sa fille , demande au précédent tuteur le compte de
son administration. Celui ci nie-t-il avoir été le tuteur de la
demoiselle Destaing sa petite-fille? non. Nie-t-il avoir recueilli
en cette qualité de tuteur la succession du général Destaing?
non. Il dit que les autres enfans collatéraux du général Des
taing prétendent à cette succession, et qu’ils s’opposent à ce
qu’il rende compte à la nouvelle tutrice. Le tribunal ordonne
d’abord qu’ils seront mis en cause. Us se présentent comme
tiersopposansà un premier jugementquiordonnait lepaiement
d’une provision. Sont - ils défendeurs dans leur opposition?
non. Le sont-ils lorsqu’ensuite ils demandent, par voie d’ex
ception , que leur nièce soit dépossédée de son état et de la
succession du général Destaing son père? pas davantage.
Ils soutiennent alors que la demoiselle Destaing leur est
étrangère ; mais c’est à eux à le prouver, s’ils le peuvent. Ils
ne nient point la possession d’état qui pose sur des faits in
destructibles ; ils supposent qu’elle a été usurpée par dol et
fraude : c’est encore à eux à prouver cette supposition inique;
c’est donc à eux q u e, sous tous les rapports, devait être
imposée l ’obligation de rapporter la preuve de ce qu’ils avan
çaient. Jusqu’alors le sieur Destaing père ne pouvait mécon
naître le titre en vertu duquel il avait agi, et toutes les con
séquences qui en résultaient, dont la moindre était que, pro
visoirement, ce titre et la possession d’état devaient être res*
pertes; provisoirement, la mineure devait être alimentée et
secourue sur la succession dont elle était saisie de droit et
�‘
J M -
( 28)
de fait par les mains de son aïeul, par le consentement de
toute la fam ille, et le concours de l’autorité civile.
Nous disons que les collatéraux étaient demandeurs en
délivrance d’une succession recueillie par la mineure ; que
c’étaient eux qui venaient troubler l’état dont la mineure
Destaing était en possession, et prétendaient la dépouiller
de la succession qu’elle avait recueillie en une qualité q u i,
jusqu’alors, ne lui avait pas été contestée. Sans donte qu’avec
ces prétentions, et comme demandeurs, ils pouvaient se pré
senter dans la lice; mais avec quelles armes? C’est encore
Gochin qui répond à cette question, et il faut rappeler ici
ce que nous avons déjà rapporté :
*
La possession publique conserve aujourd’hui son premier
» empire; c’est elle qui forme toujours la preuve la plus écla» tante et la plus décisive , et si elle peut être combattue par
» des preuves contraires, ce n'est qu autant que ces preuves
» posent cTabord sur un fondement solide -, adopte par la loi,
» c'est-à-dire , p a r l e s t i t r e s l e s p l u s a u t h e n t i q u e s e t l e s
*
PL U S R E S P E C T A B L E S . »
Nous avons vu que le sieur Destaing a cru que toutes ses
preuves étaient faites par la simple déclaration qu’il sç rétrac
tait. Ses enfans ont cru aussi qu’il leur suffisait delever du doute
sur l ’état de leurs belle-sœur et nièce , et ils l’établissent sur
quelques pièces qu’ils ont produites , et que nous allons exa
miner. Ces pièces consistent en deux lettres missives, qu'on
dit avoir été écrites par le général Destaing à son père, l’une
le 15 pluviôse an g , et l’autre le i ventôse an 10.
Par la première , il dit : « Delzons se porte bien ; il a un
n petit garçon bien éveillé, et j’essaie d’en faire un à une
» jeune grèque q u i, d’après un arrangement oriental, fait les
3
�29
(
)
» honneurs de chez moi depuis près d’un mois. » On sup
pose qu’il écrit dans l’autre : « Quant à mon mariage, vous
» ne devez pas plus croire la lettre de Latapie que la
» mienne> i! n’y a aucun lien légal; je ne l’auraîs pas con» tracté sans vous en prévenir : mais il y a d’autres liens qui
» pourraient bien, peut être , amener celui-là. A u reste , fai
» écrit à cette famille de se rendre à Marseille , et d’y attendre
» de mes nouvelles. »
La première de ces lettres, qui se rapporte à une époque
peu éloignée du mariage du général Destaing, peut bien prou
ver que l’union a été formée .sans le consentement du père
du général , et que celui-ci a dissimulé alors à son pére la
nature de ses engagemens , mais elle ne peut pas prouver qu’ils
n’existent pas, et qu’ils ne soient pas indissolubles.
Dans la second# , le général Destaing écrit, dit-on , à son
pére : vous ne devez pas plus croire ma lettre que celle de Latapie. Il désavoue donc implicitement ce qu’il a écrit ; s’il ne
s’accuse pas ouvertement de mensonge ou de dissimulation , il
prépare son père à une explication plus franche. Il ne la lui
donne cependant pas dans le moment ; il continue à l’envelopper
dans des généralités ; il suppose, il est vrai, qu'il n y a pointde
lien légal, parce que , dit-il, je ne l'aurais pas contracté sans
vous en prévenir ; et il ajoute : mais il y a d’autres liens
( c ’est-à-dire, les liens naturels et religieux), qui pourraient
bien amener celui-là. Que signifie tout cet entortillage?
Le mariage du général Destaing avait été fait sans le consen
tement du pere : cette correspondance semble l ’indiquer. II
croyait sans doule que ce consentement était un préliminaire
indispensable, ou du moins convenable; voilà pourquoi, en par
lant de son union , il en dissimule d’abord la légitimité ; et
�5
( ° )
s’exprime d'une manière cavalière. M ais, arrivé en France,
ilvoil approcher le moment de découvrir la vérité , il commence
par effacer les impressions défavorables qu’aurait pu donner sa
première lettre: ne la croyez pa s , dit-il; c'est-à-dire, ne sup
posez pas que j’aie vécu dans un honteux concubinage avec la
jeune personne à laquelle je me suis uni aux pieds des au
tels , du consentement de sa famille , en présence de mes chefs
et de mes frères d’armes. Ne la croyez pas : il manque peutêtre quelque chose à noire union pour sa légalité, puisque j'aurais
dû vous en prévenir, vous demander votre assentiment : mais il
y a d’autres liens qui pourront bien amener votre appro
bation. S’il ne la demande pas encore explicitement, cette ap
probation , on voit qu’il la sollicite déjà d’une manière indirecte,
en déclarant qu’il est l ié , et qu’on pourra suppléer à ce qui
manque à son union.
Le général Destaing ne disait pas toute la vérité dans cette
lettre, s’il l’a effectivement écrite ; c a r, dans la réalité, il ne
manquait rien à la légitimité de son union. Il était majeur,
lorsqu’il l’a contractée ; et la lo i, sous l’empire de laquelle elle
a été formée, n’exigeait point que le consentement des pères et
des mères fut requis pour le mariage des majeurs. La précipi
tation du général Destaing était un manque d’égards et même
de respect ; c’était une faute qu il sentait avoir commise : mais
elle ne compromettait pas l ’état de sa femme et celui de ses
enfans qui ne l’avaient point partagée. La loi civile ne punis
sait point alors une telle omission, la seule que le général Des
taing eût à réparer.
C ’est ce qu’il fit, sans d o u te, bientôt après , en s’expliquant
avec son père d’une m anière plus franche et plus lo yale. On.
peut l ’a ffirm er, lorsqu’on voit le sieur D estaing père recher-
�zÿ >
(
3» )
cher lui-même sa belle-fille et sa petite-fille, les établir dans
sa maison en leur honorable qualité , les reconnaître en face
de la justice, au milieu de sa famille et de ses amis, et les
maintenir dans cette possession, que nous avons vu être la
preuve la plus éclatante et la plus certaine de l’état des ci
toyens.
A lo rs, bien loin que ces lettres puissent faire élever le
moindre doute sur L’état reconnu de la dame Destaing et de sa
fille, elles donnent une nouvelle force à leur possession de cet
état.
Le sieur Destaing père avait été infoi’mé du mariage de son
fils par quelqu’un de ceux qui en avaient connaissance, par
Latapie, qui ne l’aurait point écrit s’il n’en avait pas eu la
certitude : le sieur Destaing père avait pu être instruit de ce
mariage par le général Delxons , surtout, qui en avait été
témoin. La manière légère dont son fils en avait parlé dans sa
première lettre avait pu lui donner de fausses idées et élever *
des doutes''qu’il lui importait d’éclaircir. Son fils lui écrit
ensuite : « Ne croyez pas plus ma première lettre que celle de
» Latapie. Je suis lié sans vous en avoir prévenu, mais tout
» n’est pas fait ». On voit bien qu’il ne dit pas tout alors, puis
qu’il n’explique rien ; mais il commence ses déclarations. La
possession d’état de la daine Destaing les .complète, et prouve
qu’elles ont eu lieu intermédiairement entre le père et le fils.
Qu’est-il besoin, en effet, que nous recherchions comment le
sieur Destaing père a été éclairé ? Il l’a été, puisqu’il a solemnellement reconnu sa petite-fille et la veuve de son fils, puisqu’il
les a envoyé chercher à Lyon ; puisque ce n’est qu’en qualité
de tuteur de sa petite-fille qu’il s’est présenté pour recueillir la
succession du général Destaing.
�3
( a )
Si les lettres de ce dernier n’avaient pas élevé des doutes
dans l ’esprit de son père , on pourrait soupçonner qu’il a
été surpris p^r quelques apparences trompeuses; mais le doute
une fois admis , il ne peut être levé que par des preuves , et
dès que ce doute a cessé d’exister à la mort du général Destaing , les lettres antérieures ne peuvent le faire renaître. Elles
donnent mcme, comme nous l’avons dit, une nouvelle force
aux reconnaissances multipliées de celui à qui elles avaient
été écrites; bien loin qu’on puisse les considérer comme des
preuves contraires, lesquelles, nous ne saurions trop le ré
péter avec Gochin , devraient poser sur un fondement solid e,
adopté par la loi ; c est-A-dire , sur les titres les plus au
thentiques et les plus respectables.
On a voulu abuser envers la dame D estaing, de ce que
les circonstances dans lesquelles elle se trouve, ne lui per
mettent pas de représenter l’acte de célébration de son ma
riage et celui de la naissance de sa fille ; mais’ si elle n’en a
pas eu besoin pour se faire reconnaître par toute sa fam ille,
on peut bien moins les lui demander aujourd’h u i, pour dé
truire une possession d’état qui est pour elle et pour sa fille,
des titres suffisans.
On suppose qn’elle devrait avoir son acte de m ariage,
parce que le général Delzons et le capitaine Lantin , q u i,
comme nous avons vu , avaient épousé, â Rosette, les deux
demoiselles Varsy , filles d’un négociant de Marseille , ont
contracté, d it-o n , leur mariage devant le commissaire des
guerres Agard , qui en a dressé l’acte qu’il leur a remis , et
qu’après leur retour en Europe, ils ont déposé , savoir, l’un
( le général D elzoas) au secrétariat de la mairie d’A urillac,
Je 11 nivose an i x , plus d’un an après son arrivée en France,
�33
(
)
et postérieurement au décès du général Destaing , son cousin,
à la nomination de tutelle, à l’acceptation de l’hérédité par
l ’aïeul tuteur, au nom de sa petite-fille, et dans le tems même
de leur paisible possession d’état ; et l’autre ( celui du capi
taine L an tin }, bien longtems après ( le 18 prairial an i ) ,
époque du divorce qui a eu lieu entre le capitaine et son
épouse.
Jusqu’alors les maris des demoiselles "Varsy avaient gardé,
dans leur porte-feuille , les actes de célébration de leurs ma
riages , faits à Rosette devant un simple commissaire des
guerres ; on ignore si le général Destaing avait aussi un
acte semblable ou équivalent , constatant l’union que de
son côté il avait formé au C aire, devant témoins et le pa
triarche d’Alexandrie; et rien ne prouve qu’un pareil acte,
ou tout autre semblable , n’existe pas dans les papiers du
général Destaing.
Mais supposons cette non existence , elle ne prouverait
rien pour la cause.
Les demoiselles Varsy étaient françaises , comme les of
ficiers qu’elles ont épousé ; elles habitaient Rosette , lieu
plus paisible que le Caire ; leur père , négociant français,
instruit des lois de sa patrie , a pu penser qu’il suffisait à la
solemnité du mariage, que le consentement des parties, qui
en fait l’essence , fût donné devant un officier public. La
demoiselle Nazo, et son père, grecs de nation et de religion,
se trouvaient dans un cas dissemblable , et devaient natu
rellement avoir eu d’autres opinions ; ils ne connaissaient
que les lois sous lesquelles ils avaient vécu, et qui n’étaient
pas celles du général Destaing. On sait que, pour les ma
riages , les Grecs de l’empire Ottoman n’ont d’autre rit que
3
5
�< 34 )
'
les livres du christianisme; leur patriarche est leur principal
magistrat ; le sacrement est non seulement le lien le plus
respecté , mais le seul qui , suivant eux , constitue le ma
riage. Pourrait-on en être étonné en France , où. l ’on trouve
encore beaucoup de catholiques plus pieux qu’éclairés , qui
ne regardent comme véritable mariage , que celui qui est
béni dans les formes canoniques ? Mais il en est de cet en
gagement comme de tout autre; les formes dans lesquelles il
est contracté ne sont que des indices destinés à le i'ai.e re
connaître. Ce sont des signes établis dans chaque pays par
les lois , ou les usages qui en tiennent lieu.
Ce contrat , comme tous les autres , n’est rigoureusement
soumis qu’aux formes usitées dans le lieu où il a été fait ;
ces formes ne constituent pas le contrat, elles servent uni
quement à le faire connaître ; c’est un principe du droit des
gens, que l’on retrouve dans deux articles du Code Napoléon ;
dans l’un ( le 47e) il est dit : « Tout acte de l’éut civil des
»
F r a n ç a i s et des Étrangers, fait en pays étranger, fera loi
» s’il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays. »
Et l’article 48 dit : « Tout acte de ietat civil des Français
en pays étranger, sera valable s’il a été reçu conformément
» aux lois françaises, parles agens diplomatiques, ou par les
» consuls. »
D ’après cette disposition , on peut bien dire que les actes
de mariage des demoiselles Varsy, françaises , avec le général
Delzons et le capitaine Lanlin , reçus par le commissaire des
guerres Agard , qui n’était pourtant ni consul , ni agent
diplomatique , ni officier municipal, sont valables ; mais ce
n’est pas une raison pour soutenir que le mariage d’une
Grecque avec un Français, solemneileinenl unis
le pa-
�( 35 )
triarche.d’Alexandrie , dans les formes usitées dans son dio
cèse , doit être regardé comme nul et invalide.
- • '-v-'ï
On ne manquera pas de dire que l’Egypte ayant été con
quise par les Français', étant devenue co lo n ie française, le
texte ejes lois fait pour les étrangers ne peut être invoqué
pour les actes faits pendant la conquête. Quelles étaient
donc les lois qu’il fallait suivre ? Quelles formes devait-on
observer? On ne peut répondre à ces questions qu’en sachant <
ce qui se pratiquait en Egypte , dans le moment où diffé
rentes nations se trouvaient mêlées et confondues. Les conquçrans, les peuples délivrés ou conquis, des in d igèn es, des
étrangers, des hommes libres, des esclaves , des chrétiens et
des musulmans de différons rits et de différentes sectes , ne
pouvaient être soumis aux mêmes formes de procéder dans
leurs engagemens que par une disposition particulière ; et il
n’y en a jamais eu.
C’est ce que nous apprend le commissaire des guerres, «xordonnàteur en chef de l’armée d’Egypte.
« Il atteste, e n c e t t e q u a l i t é , » c’est-à-dire , officiellement,
« que quoiqu’il n’existât à cette armée aucun ordre du général
» en chef remplaçant le Gouvernement français, depuis que
» les communications avec la France avaient été interrompues,
» pour régler la form e avec laquelle les actes de l’état civil
» devaient y être reçus, l’usage paraissait s’être établi de
» lui-même pour les officiers ou individus attachés à l’armée ,
« ne faisant point partie des corps , de faire des déclarations
» devant des commissaires des guerres qui les recevaient par
» procès-verbaux, ou de la manière qui leur paraissait conve» nable, de leurs mariages, même quelquefois de leurs di» vorces ; ce qui néanmoins lia jamais étc général, surtout
�(
36
)
» P O U R D E S M A R IA G E S C O N T R A C T E S A V E C D ES F E M M E S D U P A Y S ,
»
qui
SE S O N T F A IT S SO U V E N T E N T R E C A T H O L IQ U E S D A N S
LES
» É G L IS E S DU L IE U E T S U IV A N T L E S F O R M A L IT E S U S IT E E S E N T R E
» l e s c h r é t i e n s de toutes les sectes dont le culte était public
» en Egypte. Ces procès-verbaux étant hors des limites de
» Vadministration militaire , et purement f a c u l t a t i f s , de la
» part de ceux qui les recevaient ou les requéraient, aucun
» règlement rien a fix é la form e ni ordonné le dépôt ; e t ,
» recherches faites dans les papiers de l ’ordonnateur en c h e f ,
» soussigné, qui en remplissait les fonctions lors de l’arrivée
» de l ’armée en France, et dans ceux du bureau central, qui
» lui ont été également adressés par le commissaire des guerres
» Piquet, qui était chargé de les conduire en France, il ne
» s'est trouvé aucuns procès-verbaux relatifs à Tétat c iv il,
» observant expressément qu il ne s'en est point trouvé, no» tamment du commissaire Agard qui est mort dans la tra» versée. Signé S a r t e l o n . » Cette déclaration est visée, cer
tifiée et légalisée en formes probantes.
On voit par là ce qui se pratiquait en Egypte , quant aux
actes de l’état c iv il, pendant le séjour de l’armée française.
Aucun ordre du général en chef, remplaçant le Gouverne
ment, à cause’de l ’interruption des communications, ne réglait
la forme de ces actes.
Quelques officiers ou individus attachés à l’armée , et ne
faisant point partie des corps, faisaient des déclarations de
vant un commissaire des guerres, il n’en était point tenu
registre; il n’en a été fait aucun dépôt; on n’en trouve aucun
dans les archives de l ’arm ée, et notamment dans les papiers
du commissaire Agard ; l’usage de ces déclarations purement
facultatives n’était point général, surtout pour des mariages
�lu
37
. (
)
1
contractés avec des femmes du pays, et entre catholiques,
qui se célébraient dans les églises du lieu , et suivant les for
malités usitées entre les chrétiens dont le culte était public
en Egypte.
Cela explique i’embarras dans lequel a pu se trouver ma
dame Destaing de produire l’acte de célébration de son ma
riage. Elle n’est point obligée de savoir si son mari a fait ou
non "quelques déclarations particulières devant un commis
saire des guerres, s’il a été dressé procès-verbal de cette décla
ration, et si le général Destaing l’avait conservé dans ses pa
piers. Elle ne put interroger aucun dépôt public sur l ’exis
tence ou non existence d’une pareille pièce; les archives de
l’armée d’Egypte n’en ont aucune de cette espèce : mais aussi
on ne peut tirer contre madame Destaing aucune induction
ni de son ignorance ni de son impuissance ; bien moins encore
pourrait-on détruire la possession d état, en observant qu’elle
n’est point basée sur un acte authentique produit par e lle ,
tandis que d’autres mariages faits dans le même pays sont
constatés par des déclarations ou des actes reçus par un com
missaire des guerres.
Quand la possession d’état est constante, elle suppose le
titre, et dispense de le rechercher.
Il est vrai que dans les causes de cette nature , dans les cas
d’absence , ou perte des registres publics, les tribunaux ont
toujours admis la preuve testimoniale de la possession d’état
contestée ; mais il est évident qu’on ne peut recourir à la
preuve testimoniale de cette possession d’état, que lorsque lo
fait même de la possession est contesté, et ne peut être prouvé
que par témoins.
Si la possession était constante et reconnue, lorsqu’on est
�venu la troubler; si des actes authentiques émanés de ceux
même qui attaquent l’état de leur parent, concouraient à
établir cette possession , il serait absurde de demander la
preuve testimoniale. On ne prouve pas ce qui est convenu ;
on ne tait pas entendre des témoins sur une possession d’é
tat, lorsqu’elle résulte suffisamment des actes qui ne sont point
attaqués.
La dame Destaing et sa fille étaient-elles ou non dans la
paisible et publique possession de leur état , lorsqu’elles ont
été troublées dans cette possession , par la déclaration du
sieur Destaing père , et par la tierce opposition des collaté
raux ? Le père et les tiers opposans avaient-ils concouru à
maintenir la mineure Destaing , et sa mère , dans cette pos
session ? Les avaient-ils reconnus? Les avaient-ils fait recon
naître en leur qualité ? L ’affirmative résulte des actes qui ne
sont point attaqués et ne peuvent pas letre. Cela une fois
admis, l’on ne peut plus la contester; la preuve de la pos
session d’état est voûte faite , et nous avons vu qu’elle est
supplétive aux titres, et même que les principes dictés par la
saine raison lui donnent une autorité supérieure.
‘ V o yo n s comment s’exprime le Gode Napoléon , sur les
preuves de la filiation des enfans légitimes, liv. Ier, chap. II :
5
Art. 19. « La filiation des enfans légitimes se prouve par
» les actes de naissance , inscrits sur le registre de l’état
» civil. »
320. « -A défaut de titre , la possession constante de Fétat
» de Cenfanc légitime suffit. »
33 1. « La
possession d’état s’établit par une réunion suf» lisante de faics, qui indiquent le rapport de filiation et de
�173
5
( g )
>' parenté entre un individu et la famille à laquelle il prétend
*5' appartenir.
» Les principaux de ces faits sont :
» Que l’individu a toujours porté le nom du père auquel
• » il prétend appartenir ;
» Que le père l’a traité comme son enfant, et a pourvu,
»' en cette qualité, à son éducation, à son entretien et à son.
» établissement ;
» Qu’il a été reconnu, notamment, pour tel dans la so» ciété;
«
Ç iu il a été reconnu p o u r te l p a r la fa m ille . »
v o it, dans l’exposé des motifs de cette loi ; Qu'elle
ri exige pas que tous ces fa its concourent ; il riimporte que
la preuve résulte des faits plus ou moins nombreux , il suffit
quelle soit certaine.
■Celle de la reconnaissance de la famille Destaing ne l’estelle pas ? Que pourrait ajouter à la délibération de la fa
mille et au procès-verbal de la nomination de tuteur , la
déclaration de témoins étrangers ? Quel témoignage plus
imposant que celui de la famille même, et donné par elle
en présence du magistrat et d e v a n t la justice?
Pourquoi faudrait-il prouver , par témoins , d’autres faits
de la possession d’état, lorsque les plus essentiels sont justifiés
par écrit , et qu’aucun n’est ni ne peut être nié par les ad
versaires de madame Destaing?
Ceux-ci ne peuvent pas faire abstraction de la possession
d’état, lorsqu’ils lui demandent l’acte de naissance de sa iille.
« C’est pour l’enfant un malheur d’être privé d’un titre aussi
» commode«, comme il est dit dans les motifs de la loi.
» Mais son état ne dépend point de ce genre de preuveOn
0
�4
( <>)
» L’usag# des registres publics pour l’état civil n’est pas
» très-ancien ; et c’est dans des teins plus modernes encore
» qu’ils ont commencé à être tenus plus régulièrement; ils
» ont été établis en faveur des enfans, et pour les dispenser
» d’une preuve moins facile.
' ^
» Le genre de preuve le plus ancien, celui que toutes les
» nations ont admis, celui qui embrasse tous les faits propres
» à faire éclater la vérité , celui sans lequel il n’y aurait plus
» rien de certain ni de sacré parmi les hommes; c’est la preuve
» de la possession constante de l ’état d’enfant légitime.
» Différente des conventions qui, la plupart, ne laissent
» d’autres traces que l ’acte même qui les constate, la posses» sion d’état se prouve par une longue suite de faits extérieurs
» et notoires, dont l’ensemble ne pourrait jamais exister s’il
» n’était pas conforme à la vérité. »
A in si, lorsque ces faits sont convenus, lorsqu’il en a été
dressé des actes authentiques , il n’est pas nécessaire que leur
notoriété soit attestée par d’autres témoignages.
Ce n’est que lorsqu’il y a en même tems défaut de titre et
de possession constante, qu’on a recours à la preuve testimo
niale.
C’est ce qu’indique encore le Code Napoléon. ^
A rt.
. « A défaut de titre et de possession constante,
»» ou si l’enfant a été inscrit sous de faux noms, soit comme
» né de père et mère inconnus, la preuve de filiation peut se
» faire par témoins. »
^
Ce n’est donc qu’à défaut de possession constante, c’est-àdire , lorsque la possession paraît incertaine ou équivoque,
ou lorsqu’elle est contrariée par l’inscription q u ia eu lieu dans
le registre public, que la loi admet le recours à la preuve
325
�% rj
4
( 1 )
testimoniale pour faire disparaître l ’incertitude et la contrariéié, et éclairer la religion des juges. Et c’est de cette preuve
que larticle ajoute : « Néanmoins, elle ne peut cire admise que
» lorsqu’il y a commencement de preuve par écrit, ou lorsque
» les présomptions ou indices résultans de faits dès lors cons» tans, sont assez grands pour déterminer l’admission. »
Il
parait que c’est cette disposition du Code que les juges de
Mauriac ont voulu appliquer à la cause. Ils n’ont regardé la
délibération de la famille Destaing, le procès-verbal de la no
mination de tuteur, la correspondance du général Destaing
avec son épouse, l’addition d’hérédité faite par l’aïeul tuteur
au nom de sa petite-füle , la manière dont il l ’a recherchée,
accueillie, traitée et gardée même malgré sa mère, que comme
un commencement de preuve par écrit, et des présomptions
ou indices graves, résultant de faits constans ; et c’est là où
est l’erreur.
Sans doute, les faits sont constans; mais sont-ils ou non suffisans pour prouver la possession d’état? C’est ce que le tribunal
devait examiner.
La délibération de la famille Destaing devant le juge de
paix d’A u rillac, la nomination de l ’aïeul pour tuteur de la
petite-fille, son acceptation; sa demande en fixation d’une pen
sion pour la mineure, du remboursement sur la succession de
son pere , des avances faites pour le voyage, la nourrice et les
domestiques ; la délivrance des habils de deuil à la v e u v e , le
règlement de la pension accordée à sa viduité , ne sont pas seu
lement un commencement de preuve par écrit de la possession
d’état, mais une preuve complet te et indestructible.
Co ne sont pas de simples indices de celle possession d’état,
que les soins constamment donnés à la veuve et à la fille du.
6
�u o
général Deslaing, en leur qualité , par toute la famille; ce sont
aulant d’actes de sa possession d’état. Ces actes étaient constans.,
puisqu’ils ne sont pas contestés; leur ensemble forme donc une
preuve suffisante de la possession d’état.
L ’erreur des juges de Mauriac est venue de ce qu’ils ont dé
placé, pour ainsi dire, la question.
Ils ont supposé que madame Deslaing , et sa fille , deman
daient à être reconnues par la famille Destaing, malgré
elle.
Mais telle n’était pas la position des parties. Madame Des
taing et sa fille avaient été reconnues ( et on sait que sur un
point aussi important, il n’est pas permis au père de varier, de
rétrogader et de se rétracter): elles étaient en possession de
leur état. La fille avail été saisie, de droit et de fait, de la suc
cession de son père ; c’est pour e lle , et en la seule qualité
de tuteur, que l’aïeul avait fait des actes d’héritiers. Ces acte9
étaient constans ; la possession d’état était constante, la dame
Destaing n’avait rien à demander à cet égard, lorsquelle a été
troublée par les tiers opposans, qui se sont présentés pour
dépouiller la fille du général de la succession paternelle, et
lui enlever son état, dans lequel elle avait été reconnue
jusqu’alors.
Ils n’ont pas nié cette possession d’état : ils ne le pouvaient
pas; ils avaient même tous concouru à l’assurer. Ils ont pré
t e n d u ' qu’elle était le fruit du dol et de la fraude. C’était
donc à eux à prouver cette allégation; et jusqu’alors leur
prétention devait être repoussée.
Ils ont , il est vrai, essayé de faire cette preuve, c’est hdire, de justifier leur prétention ; mais, comment? Par des
actes inconcluans, étrangers à la dame Destaing et à sa fille.
�V /ï
(
43
)
Ils ont supposé qu’il n’y avait pas absence de registres et de
dépôt public. Celte supposition est contraire à la vérité ; mais
fût-elle admissible, ce serait à eux à fouiller dans ces re
gistres et dépôt public , dont ils supposent l'existence , pour
y chercher des titres à l ’appui de leur prétention; car il ne
suffirait pas qu’ils ne pussent y trouver la déclaration de l’acte
de mariage contracté par la dame Nazo et le général
D estaing, il faudrait qu’ils y trouvassent des actes con
traires.
Le silence des registres ne peut pas faire perdre l’état d’un
citoyen.
« Il est possible », disait le conseiller d’État exposant au
Corps Législatif les motifs de la loi du 2 germinel an n ,
« que le registre sur lequel l’acte a été inscrit fût perdu,
» qu’il ait été brû lé, que les feuilles en aient été déchirées
* ou rayées; il est même encore possible , et surtout dans
• des tems de trouble et de guerre civile , que les registres
» n’aient pas été tenus, ou qu'il n'y ait pas eu dacte dressé;
» l ’état ne dépend pas de ce genre de preuve. >»
Lorsqu’il y a possession publique et constante, il faut que
les preuves que l’on produit pour en détruire l’effet, aient
pour base un titre contraire, et que ce titre soit authentique;
c’est la doctrine de C ochin, c’est celle de tous les juriscon
sultes, ce sont les principes reconnus et adoptés par le Code
Napoléon.
Ils suffisent à la dame Destaing , pour lui faire obtenir
|a réformation du jugement rendu à M auriac, qui ordonne
qu’elle fera une preuve qu’elle n’est point tenue de rapporter ,
e t qui était toute faite par les actes produits, et par ses ad
versaires enx-mêmeSj
�44
C
)
La possession d’état était pour elle, comme on ne saurait
trop le répéter, un titre suffisant; elle n’avait rien à prouver
à ceux dont l’attaque même prouvait cette possession.
C’est à tort que les juges ont désiré d’autres preuves ; c’est
à tort qu’ils ont voulu obliger madame Destaing à les rap
porter.
Leur erreur est d’autant plus inconcevable, que ces preuves
qu’ils paraissaient desirer, ils les avaient sous les yeu x, et
madame Destaing les leur avait présentées.
Nos lois ont prévu que , par l’absence des registres de l’état
c iv il, la représentation de l’acte qui en contient la preuve
pourrait être impossible. I l a paru juste d y suppléer. Le
Code Napoléon y pourvoit, pour le cas où l’acte de nais
sance ne pourrait, avant la célébration du mariage, être re
présenté à l’officier de l’état civil, qui a le droit de l’exiger.
« L’officier de l’état civil se fera remettre l’acte de nais» sance de chacun des futurs époux (dit l’article 70). Celui
» des époux qui serait dans l’impossibilité de se le procurer,
» pourra le suppléer en rapportant un acte de notoriété,
» délivré par le juge de paix du lieu de sa naissance, ou
« par celui de son domicile. »
A kt . 71- « L ’acte de notoriété contiendra la déclaration
>1 faite par sept témoins de l’un ou de l’autre sexe, parens
» ou non parens, des prénoms, nom, profession et domicile
» du futur époux, et de ceux de ses père et mére, s’ils sont
» connus ; le lieu e t , autant que possible, l’époque de sa
» naissance, et les causes qui empêchent d’en rapporter l’acre.
» Les témoins signeront l’acte de notoriété avec le juge de
» paix ; et s’il en est qui ne puissent ou ne sachent siyner ^
» il en sera fait mention. »
�(45)
A ut . 72. « L’acte de notoriété sera présenté au tribunal
» de première instance.................................Le tribunal, après
» avoir entendu le procureur im périal, donnera ou refusera
» son homologation, selon qu’il trouvera suffisantes ou in» suffisantes les déclarations des tém oins, et les causes qui
»..empêchent de rapporter l’acte de naissance. »
Cette disposition n’est faite, il est v r a i, que pour le cas
où l’officier de l’état civil est obligé d’exiger la représentation
d’un acte de naissance; mais il n’en résulte pas moins que,
lorsqu’il existe des causes qui empêchent que l’acte de l’état
civil puisse être représenté, il peut y être suppléé par un acte
de notoriété.
j
La loi prescrit la forme de cet acte supiplétaire, et auto
rise de provoquer un jugement lé^al qui/le fasse admettre.
Madame' D estain g,il est vrai, n’était point dans ce cas.
Personne n’avait le droit d’exiger d’elle qu’elle suppléât, par
un acte de notoriété, à l’absence des registres renfermant la
preuve de son état; mais elle trouvait à Paris de nombreux
témoins de son union ; elle y trouvait la notoriété de cet état,
que plus de mille personnes pouvaient attester ; elle s’est
bornée à appeler sept d’entr’elles devant la justice, et elle
les a choisies telles , que leur rang dans la société , l’estime et
la confiance dont elles jouissent, et les fonctions qu’elles
avaient remplies en E gypte, ajoutassent un nouveau poids
à leur déclaration authentique.
A cet acte de notoriété ont concouru M. Larrey, ex-chi
rurgien en chef de l’armée d’Egypte , aujourd’hui premier
chirurgien de la garde impériale , inspecteur général du ser
vice de santé des armees, olficier de la Légion d’Honneur eic. ;
D ou Raphaël deM onachis, membre de l’institut d’Egypte
�( 46 )
et professeur des langues orientales à la Bibliothèque ;
M. Sartelon, ex-ordonnateur en chef de l’armée d’Egypte,
commissaire-ordonnateur et secrétaire général du ministère
de l’administration de la guerre, membre de la Légion
d’Honneur ;
M. D aure, ex - inspecteur général aux revues de l ’armée
d’Egypte , commissaire-ordonnateur des guerres ;
Le général de brigade Duranteau, membre du Corps Lé
gislatif , commandant de la Légion d’Honneur, et qui avait
commandé au Caire ;
M. M arcel, ex - directeur de l’imprimerie nationale en
Egypte, membre de la commission des sciences et arts, direc
teur général de l’imprimerie impériale ,et membre de la Légion
d’Honneur ;
Et M. Estéve, ex-directeur général et comptable des revenus
publics de l’Egypte, aujourd’hui trésorier général de la cou
ronne, officier de la Légion d’Honneur, trésorier de la première
cohorte :
La plupart témoins du mariage Desraing, tous ayant une
parfaite connaissance d’un fait qui était de notoriété publique.
Cette notoriété a donc été légalement constatée : l ’acte qui
la prouve a été homologué par jugement rendu sur rapport
à l’audience , le procureur impérial entendu. Ce jugement qui
n’a point été attaqué, et qui le serait inutilement, reconnaît
ces déclarations suffisantes ; il équivaut à une représentation
d’acte de célébration du mariage ; du moins il fournit le
moyen d’y suppléer au besoin.
Le tribunal de Mauriac a assimilé cet acte de notoriété et
celui fait à Marseille pour prouver l ’âge de madame Destaing,
à (lesimples certificats ; mais il aurait du s’apercevoir qu’autre
chose est un certificat extra-judiciaire, autre chose est un acte
�( 47 )
de notoriété légal, donné devant le magistrat qui examine les
déclarans et leurs déclarations; lesqueUes, cependant, ne
deviennent authentiques que lorsqu’elles sont homologuées
par un jugement qui porte le sceau de l’autorité publique.
Madame Destaing avait aussi produit des certificats. Ceux
du général Menou, général en chef de l’armée d’Egypte à
l’époque du mariage du général Destaing, et maintenant com
missaire général des départemens au delà des A lpes, et du
général de division Dupas, sous-gouverneur du château im
périal deStupinis, commandant de la Légion d ’H onneur, che
valier de l’ordre du L io n , le même q u i, étant chef de brigade,
commandait la citadelle du Caire, en E gypte, sous les ordres
du général Destaing.
Ces certificats surabondans peuvent être considérés comme
de simples témoignages respectables, sans doute, quoique non
encore reconnus en justice; mais ceux qu’elle a admis dans la
forme indiquée par le Code Napoléon pour suppléer à l’ab
sence des registres de l’état civil, ont un caractère qu’il n’est
pas permis de méconnaître.
Ils ne forment point le commencement de la possession
d’état de madame Destaing , ils n’en sont poiru la base ; mais
ils la corroborent et la confirment en indiquant le titre et
en assurant la notoriété.
Il
faut bien qu’elle soit reconnue, puisque, sur deux rap
ports consécutifs , par deux arrêtés, l’un du 29 floréal an 10,
et l’autre du i pluviôse an 12, le Gouvernement a accordé et
augmenté la pension de madame Destaing en sa qualité de
veuve du général son mari.
Croira-t-on que le premier Consul eût accordé cette double
faveur à madame Destaing , sans être assuré qu’elle n’usur=
5
�( 48)
pait point cette qualité ? croira-t-on qu’il y eût au monde quel
qu’un d’assez habile pour en imposer par des mensonges
au chef suprême de l’Etat ? Et quelle audace ne faudrait-il
pas supposer à madame Destaing, qui invoque hardiment le
témoignage de tant de généraux, de tant de fonctionnaires
publics et de l’armée entière, d’où s’élèveraient mille voix
pour la démentir, si ses récits n’étaient pas tous conformes à
la plus exacte vérité ?
Si elle avait eu besoin de témoignages pour assurer son état,
elle n’eût été embarassée que du choix ; mais la possession
dans laquelle sa fille et elle se trouvent leur suffit. La recon
naissance non équivoque de la famille Destaing est d’un poids
au moins égal à tous les témoignages que le tribunal de Mau
riac a demandé , et dont il n’avait pas besoin.
Délibéré à Paris le
23 janvier 1808.
J a u b e rt , C h a bo t de l’A llier, T Ar r ib l e ,
G r e n ie r du Puy-de-Dôme.
�
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Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Subject
The topic of the resource
mariage
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour Madame Nazo, Veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing.
Particularités : pièces justificatives
notations manuscrites : « Voir les mémoires et l'arrêt rendus après les enquêtes au 20e volume de la collection, page 1ére. » Arrêt du 11 juin 1808 qui ordonne que la dame Nazon fera preuve de son mriage selon le rite grec [ ] tant pour titre que par témoins [ ] à juger sur commission. Voir jurisprudence [ ] folio 11, p. 419 ».
Table Godemel : Mariage : 2. un mariage contracté par un militaire, en pays étranger, peut-il être prouvé par témoins, s’il est établi qu’on n’y était pas en usage de tenir des registres publics ? La possession de l’état de la femme suffit-elle pour contraindre les héritiers du mari à lui payer une provision ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1808
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Le Caire (Egypte)
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Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
mariage
opinion publique
xénophobie
-
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Text
•¡UBmznxsœs&Km
PIECES JUSTIFICATIVES
POUR
Madame N A Z O , veuve du général D e s t a i n g ,
tutrice de sa fille mineure;
CONTRE
Les héritiers D E S T A I N G.
N°. Ier.
Délibération du conseil de famille à Aurillac,
du
messidor an 10.
5
E x t r a i t des minutes du greffe du juge de pa ix de la
ville et canton d’A u r illa c , section du N ord,
C e j o u r d 'h u i cinq messidor an dix républicain, devant nous,
Jean-Baptiste G e n e s t e , juge de paix du canton d’A u r illa c , section
d u N ord , a comparu le cito y en Pierre D estain g , juge-président
du tribunal de première instance de l’arrondissement d ’A u rilla c ,
y d e m e u ra n t, lequel nous a dit que le citoyen Jacques-Zacharie
D e s ta in g , son f ils , général de division , est décédé à P a r is , le
quinze f lo réal dernier , laissant une f i lle unique , âgée alors
d e cinq mo is , nommèe M a rie , provenue de son mariage avec
A
�A n n e N azo , Grecque d ’origine ; que la loi déférant à lui corrtparapt la tutelle (le sa p etite-fille, attendu surtout la minorité
cl'A nne N azo sa m ire , et désirant être confirmé dans ladite
qualité , pour pouvoir agir légalem ent, il a amené devant nous
plusieurs des plus proches parens du d éfu n t, à l’effet de déli
bérer tant sur ladite confirmation de tutelle, que sur la fixation
de la pension de la pupille , sur les habits de deuil et pension
viduelle d e là dame veuve Destaing; comme aussi pour donner
leur avis sur l’allocation des frais de voyage de la mineure et
de sa mère , depuis Lyon jusqu’à Aurillac, ainsi que des frais
dûs pour salaire à une nourrice provisoire depuis Tarente, ville
du royaume de Naples , y compris un mois de séjour à Lyon,
jusqu’en cette ville, lesquels frais le comparant a avancés et se
montent à la somme de six cent quatre-vingt-quatre francs; et
enfin pour être autorisé à régler tous comptes et mémoires de
fournitures et autres objets qui pourroient être à la charge de
la succession, et ce tant par lui-même que par ses fondés de
pouvoirs.
Et de suite par-devant nous, juge susdit, sont comparus les
citoyens Louis-Gérand-Gabriël Fortet, conseiller de préfecture de
oe département ; François-Joseph Labro, avoué, et autre FrançoisJqseph Labro, son frère', greffier en la justice de paix d’Aurillac,
c o u s i n s paternels du défunt; Antoine D elzons,'membre d u corps
législatif, oncle m aternel; A le x is -Joseph Delzons, fils dudit
Antoine, général de b r i g a d e , commandant le département du
Cantal; Pierre et A n t o i n e Mailhy, père et fils, négocions, cousins
du côté m aternel, tous habitans de cette ville,, et les plus proches
parens du défunt, auxquels nous avons fait part de ladite con
vention , pour qu’ils aient à en délibérer et donner leur avis ,
en leur âme et conscience. Sur quoi lesdits parens ayant conféré
entr’eux , et revenus devers nous , le citoyen Delzons pôre ,
portant la parole , nous ont dit qu’ils sont tous unanimement
d’avis , i°. de confirmer le citoyen Destaing , aïeul de la mi
dans
à
charge par
faire
neure,
la qualité de son tuteur, la
lui de
�( 3 )
bon et fidèle inventaire de tous les effets dépendans de la suc
cession du défunt général Destaing ; faire procéder à la vcnie
dudit mobilier, et de faire emploi utile du prix en provenant,
conformément à la l o i , après avoir prélevé tous frais , dettes
et charges de la succession; 20. qu’ils estiment que la pension
de la mineure , jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans,
tant pour nourriture , entretien et éducation , doit être fixée à
la somme de six cents francs, que le tuteur retiendra par ses
mains sur la recette de ses revenus ; °. qu’ils sont d’avis que
les habits de deuil de la dame veuve D estaing, y compris ceux
qui lui ont été fournis à L y o n , et qui ne sont point encore
acquittés, doivent être portés à une somme de mille fran cs,
l a q u e l l e ils a u t o r i s e n t p o u r r a i s o n de ce , e n par lui r e t i r a n t
q u i t t a n c e des marchands et fournisseurs , laquelle somme lui
sera allouée en compte ; 40. quant à la pension viduelle de la
veuve et de la négresse qu’elle a à son service, attendu que le
citoyen D estain g, tuteur, leur fo u rn it en n ature, nourriture,
logem ent, f e u , lumière et blanchissage, ils sont d ’avis de la
fix e r à la somme de mille fran cs pour Vannée de viduité , à
compter du premier p r a iria l, dernière époque de son arrivée
en cette ville; °. que lasomme de six cent quatre francs avancée
par le tuteur pour frais de voyage de la veuve et salaire de
ladite n ou rrice, depuis la yille de Tarente jusqu’en cette ville
d’Aurillac , lui doit être allouée et passée en compte ; 6°. et
enfin que le tuteur doit être autorisé à traiter tant par lui-méme
que par ses mandataires, avec tous m archands, fournisseurs ,
aubergistes et autres personnes qui pourroient avoir fait des
fournitures tant en marchandises que denrées, régler leurs mé
moires , en payer le m ontant, soit que ces fournitures aient été
faites à Paris , à Marseille , au défunt général D estaing, o u , à
Lyon , à sa v e u v e , pendant le séjour qu’e lle y a fait ; le montant
de tout quoi lui sera alloué sur les quittances qu’il en retirera.
jEt ledit citoyen D estaing père ayant accepté la tutelle
5
5
4
A
�)
(4
lu i déférée, il a f a i t le serment en nos mains , de bien et
fidèlem en t en remplir les fonctions.
D e tout quoi nous avons rédigé le présent procès verbal, pour
servir et valoir à- toutes fins que de rai.son , lesdits jour et an
que dessus, et ont les comparans signé avec nous'; à la minute
sont lesdites signatures. P o u r expédition conform e à la minute
étant entre nos mains , signé L a b h o , greffier.
.
.
N<\
IL
'7
"
Acte de notoriété devant le juge de paix de
Marseille, du 5 fructidor an 11.
des minutes du greffe du tribunal de p a ix ,
second arrondissement intrà mures, dit dû Sud, de la
ville de M arseille.
E x t r a it
C e j o u h d ’iiui cin qu ièm e fructidor an onze de la république ,,
par-devant nous François M a ille t, ju ge de paix, du second ar
rondissement intrà m uros, dit du Sud, de la ville de M arseille,
assisté du citoyen Charles-Joseph M i c h e l ,
greffier prés notre
tribunal, dans la salle ordinaire de nos séances , en notre maison
dame A n n e Nazo , née au Caire en
E g y p te , veuve du général Jacques-Zacharie D estaing, laquelle
nous a dit et exposé qu’il lui importe de faire connoître son origine,
d’habitation, est com parue
ee q u ’elle ne peut faire par pièces proban tes, attendu que dans
sa patrie il n’est point tenu de registres constatant l’état civil
des citoyens.
En conséquence , elle nous prie de recevoir les
déclarations qui vont être faites par des compatriotes qu’elle a
invités à se rendre c é a n s , relatives à son o r i g i n e , et qui pour
ront suppléer au défaut des titres
qu’il lui est impossible de pro
duire» et de lui en concéder a c t e , pour lui servir et valoir ce
que de
raison..
�f 5)
A l'instant se sont présentés les citoyens Nicolas Papas Ouglou,
c h e f de brigade, commandant les chasseurs d Orient, âgé de
quarante-cinq ans, né à Chesmet en A sie; Gabriel Sandrouoc,
aussi ch ef de brigade du même corps, Agé de trente-six ans, né
au Grand-Caire en Egypte ; A bd a lla M ansour, c h e f de bataillon
du même corps, âgé de trente-quatre ans , né au Grand-Caire
en E gypte; Joseph T u tu n g i, âgé de cinquante ans, réfugié
égyptien, né à Alep ; Hanna yîdabachi, âgé de cinquante a n s,
aussi né à A le p , réfugié d’Egypte ; Joseph D u fen , né à Cons
tantinople , âgé de trente-six ans, réfugié d’Egypte; et Consta n tiK iria k o , né à Chesmet en Asie, âgé de quarantc-liuit ans,
capitaine réformé du régiment des chasseurs d’Orient, lesquels
agissant avec la présence et s o u s l ’ a u t o r i s a t i o n d u c i t o y e n L o u i s
Deconias , interprète juré des langues orientales , moyennant
serment par eux à l’instant prété , ont individuellement d it et
d éclaré, en faveur de la v érité, q u ’ayant résida habituellem ent
en Egypte , avant la révolution , ils y ont parfaitement connu
le citoyen Jean N a z o , et dame Sophie M isch e , son épouse, père
e t mère de ladite sln n e N a z o , née ¿1 l'époque de tannée 1780,
et que ladite dame f u t unie en mariage avec le général Destaing.
Les citoyens Joseph T u tu n gi, Constanti K iriako, et Joseph
Dnfen , ont de plus déclaré individuellement qu’étant passés
en France avec ladite veuve D esta in g , ayant relâché à Céphalonic. , dans le mois de nivôse de l ’an d i x , ladite dame y ac
coucha d ’une f i l e qui f u t tenue dans les fo n ts baptismaux par
le citoyen N a ssif, officier des chasseurs, et par la dame M arie
M ische, son aïeule.
Desquelles déclarations avons concédé acte à ladite dame
veuve Destaing. Lecture faite du présent, il a été signé par lés
citoyens Nicolas Papas Ouglou , Gabriel Sandroux , Abdalla
Mansour et Joseph Dufen , nous dit juge de p aix, le citoyen
Deconias , interprète, et le citoyen M ichel, greffier; la dame
veuve Destaing et autres déclarans requis de signer, ont dit
île savoir.
�(
6
)
Signé Abdalla , le ch ef de brigade Gabriel-Joseph Dufen ,
Louis D econ ias, François M aillet, juge de p a ix , et M ich el,
greffier, à la minute. Enregistré à M arseille, etc. Pour expédi
tion conforme à l’original, M i c h e l , greffier.
N o u s, François - Balthazard de Jullien de M adou, juge de
paix du second arrondissement intrà m uros, dit du S u d , de la
ville de Marseille , certifions et attestons à tous qu’il appar
tiendra, que M. Charles-Joseph M ichel, qui a signé ci-dessus,
est greffier près notre tribunal, et qu’en cette qualité foi doit
être ajoutée ù son seing, tant en jugement que hors. Marseille,
le vingt messidor an treize, J u l l i e n de Madou.
N ous, Ventre Latouloubre, président du tribunal de première
instance séant à M arseille, certifions véritable la signature cidessus de M. Jullien de Madou. A Marseille, le vingt-un messidor
an treize. Signé V e n t r e L a t o u l o u b u e , G u y o t.
-
N°. I I I .
A cle de notoriété homologué par jugement cîu
tribunal civil de la Seine, du i avril 1806.
5
N A P O L É O N , par la grâce de Dieu et les constitutions de
la république, Empereur des Français, et Roi d’Italie, à tous
présens et à venir, salut; faisons savoir que le tribunal de pre
m ière instance du département de la Seine , en la première
section , a rendu le jugement dont la teneur suit:
Sur le rapport fait à l’audience publique du tribunal , par
M. J e a n - L o u i s Isnard, juge en icelui, de la requête présentée
par Anne N a zo , née au Grand-Caire en Egypte, veuve du gé
néral Jacques-Zacharie D estaing, demeurant à Paris, rue do
S e in e , faubourg Saint-Germain , expositive qu’elle a été unie
en légitime mariage avec le général D estaing, d’après les riteg
et usages du pays, devant le patriarche de la ville d’Alexandrie;
�(
7
}
mais que n’étant point en usage en Egypte de tenir registre des
actes de l’état c iv il, elle se trouve par là dans l’impossibilité de
faire, au besoin, la preuve de son mariage; qu’ainsi, voulant
y suppléer, elle a fait dresser un acte de notoriété par-devant
le juge de paix de son arrondissement, signé de sept personnes
qui ont été témoins de son mariage, pour l’homologation duquel
elle a été renvoyée par-devant le tribunal ; pour quoi elle requéroit qu’il plût au tribunal homologuer ledit acte de notoriété
du 29 mars 1806, dûment enregistré, pour être exécuté suivant
sa forme et teneur, ladite requête signée Ju ge, avoué.
V u par le tribunal lesdites requête et demande, ci-devant
énoncées, l’ordonnance de M. le président du tribunal, du huit
présent mois , portant qu’il en sera communiqué à M. le procureur
im périal, et les conclusions par écrit de M. le procureur im
périal, du dix. dudit m ois, portant que yu l’avis , il n’empéche
l’homologation demandée ;
V u aussi l’expédition dudit acte de notoriété dont la teneur
suit :
L ’an m il huit cent s ix , le vingt-neuf m ars, en notre h ô te l,
et par-devant nous, Jean Godard, ancien avocat, juge de paix
du dixième arrondissement de Paris, assisté d’Alexandre Choquet,
notre greffier,
Est comparue dame A n n e N a z o , née au Grand-Caire en
Egypte , veuve du général Jacques - Zacharie D estaing , demeurant à Paris , rue de Seine-Saint-Germain ;
Laquelle nous a dit que, pendant le cours de l’an huit, elle
a été unie en légitime mariage ayec Jacques-Zacharie Destaing,
général divisionnaire, décédé à Paris dans le cours de l’an dix;
que son mariage a été célébré religieusement et suivant les rites
du pays, devant le patriarche d’Alexandrie, habitant le GrandCaire en Egypte ; mais que n’étant point en usage en Egypte de
tenir des registres des actes de l’état c iv il, elle se trouve dans
l’impossibilité de représenter, au besoin, l ’acte de célébration
�( 8)
de son m ariage; et q u e, désirant y suppléer par un acte de
notoriété signé de différentes personnes qui ont été témoins de
son m ariage, elle nous requéroit de recevoir la déclaration des
personnes qu’elle nous présente, et a déclaré ne savoir écrire
ni signer, de ce interpellée.
Sont à l’instant comparus :
Premièrement, M. Dominique-Jean Larrey de B o d ca u , ex
chirurgien en ch ef de l’armée d’Egypte , premier chirurgien,
de la garde im périale, inspecteur général du service de santé
des arm ées, officier de la légion d’honneur, demeurant à P aris,
4
cul-de-sac Conty, n°. î
Secondement , D on Raphaël de M onachis , membre de
l’institut d’Egypte , et professeur des langues orientales à la
bibliothèque, demeurant à Paris, rue P avée, auJMarais, n°. ;
Troisièm em ent, M. Antoine-Leger Sartelon, ex-ordonnateur
en ch e f de l’armée d’Egypte, commissaire-ordonnateur et se
crétaire général du ministère de l’administration de la guerre,
membre de la légion d’honneur, demeurant à Paris, rue Caumartin , n°. o ;
Q uatrièm em ent, M. Hector Daure , ex-inspecteur général
3
3
aux revués de l’armée d’Egypte , commissaire-ordonnateur des
guerres , demeurant à Paris , rue du faubourg Poissonnière ,
5
n°. o ;
Cinquièm em ent, M. L u c Durantau , général de brigade ,
membre du corps législatif, commandant de la légion d’honneur,
demeurànt à P aris, rue St.-Honoré , n°.
;
Sixièm em ent, M. Jean-Joseph M a r c e l, directeur de l’impriftierie nationale en Egypte, et membre de la commission des
sciences et arts, aujourd’hui directeur général de l’imprimerie
impériale, et membre de la légion d’honneur, rue de la Vrillière;
Septièmement, M. Martin-Roch-Xai>ier Esteve, ex-directeur
général etôomptable destevenua publics de l’Egypte, aujourd’hui
trèsonér général île la cOüronne, officier de la légion tt'honnéur,
trésorier
338
�(9)
trésorier de la première cohorte, demeurant au palais des T u i
leries ;
L esq u els, après avoir prêle en nos mains le serment indi
viduel de dire vérité, nous ont dit et déclaré, et attesté, pour
notoriété pu bliqu e, et à tous q u 'il appartiendra , coimoitre
parfaitement la dame sln n e N azo, veuve du général JacquesZ a ch a iie D estaing , f ille de Joanny N azo , négociant au
Grand- Caire en Egypte , c h e f de bataillon des chasseurs
c,VO rien t, et nous ont attesté q u e, pendant le cours de Van
h u it , ladite dame Nazo a été unie religieusem ent, et d ’après
les rites du pays , en légitime mariage avec ledit JacquesZacharie D estaing , par le patriarche eVsîlexandrie, habitant
du Grand - Caire ; que l ’acte de célébration n ’en a pas clé
rédigé, tl’étant point d ’usage en Egypte de tenir un registre
de l ’état civil; mais que ce mariage n ’en est pas moins cons
ta n t , ayant été célébré en présence d'un grand nombre de
militaires fran ça is et de la plupart des déclarans ; que depuis
la célébration de son mariage avec le général D estaing , et.
pendant son séjour en Egypte , ladite dame N azo , veuve
D e s ta in g , n ’a pas cessé d ’habiter avec son m a r i, qui l ’a
toujours traitée comme son épouse légitime.
Desquelles comparutions, dires, réquisitions et attestations,
nous avons donné acte aux comparans et à la dame veuve Des
taing ; e t , pour l’homologation des présentes les avons ren
voyés par-devant les juges du tribunal civil de première instance
du département de la S ein e; et o n t, tous les su s-n om m és,
signé avec nous et le greffier, après lecture. Ainsi signé , D.
J. L a rre y , don Raphaël, Sartelon, D au re, D urantau, M arcel,
E ste v e , Godard et Choquet.
Enregistré à Paris, au bureau du dixième arrondissement, le
quatre avril mil huit cent six, reçu un franc un décim e, sub
vention comprise. Signé Cai\on.
..
'
Pour expédition conforme délivrée par nous greffier de la jus
tice de paix du dixième arrondissement de Paris. Signé C hoquet.
�(
10
)
O uï TM. Isnard, ju g e , en son rapport, et M. le procureur
impérial en ses conclusions, tout considéré;
Après qu’il en a été délibéré conformément à la loi ;
Attendu les déclarations portées en l’acte de notoriété cidevant énoncé et daté ;
L E T R I B U N A L , jugeant en premier ressort, homologue
ledit acte de notoriété, pour être exécuté suivant sa forme et
teneur , et avoir son effet en faveur de la requérante , aux.
termes de la loi.
Fait et jugé à l'audience publique dudit tribunal civil de
première instance du département de la S ein e, séant au palais
de ju stice , à P a ris, où tenoient le siège M. Berthereau, pré
sident dudit tribunal, l ’un des officiers de la Légion d’honneur;
MM. Isnard, Perrot,. Legras et D eberulle, juges en la première
section , le mardi quinzième jour du mois d’avril de l’an mil
huit cent s i x , et deuxième année du règne de Napoléon Ier. ,
Empereur des Français et Roi d’Italie ;
Mandons et ordonnons, etc. En foi de quoi le présent jugement
a été signé par le président et par le rapporteur. Pour expédition ,
signé M a r g u e r é . Enregistré, etc.
Nous président, juge de la seconde section du tribunal de
première instance du département de la Seine , certifions que
la signature apposée au bas du jugement de l’autre part, est
celle du sieur Margueré , greffier dudit tribunal, et que foi doit
y, être Ajoutée. En foi de quoi, nous avons fait apposer le sceau
dudit tribunal. Fait à Paris, au palais de justice, le deux mai
mil huit cent six. Signé B e x o n .
�N°. IV.
Brevet de pension, du i 3 pluviôse an
MINISTÈRE
DU
TRÉSOR
12.
PUBLIC.
E x t r a i t des registres des délibérations du Gouver
nement de la république.
3
Paris, le i pluviôse an 12 de la république une et indivisible.
L e gouvernem ent de lia république y sur le rapport d u m i
nistre , arrête :
La pension de cinq cent vingt francs accordée, par
arrêté du 29 floréal an 10, à Anne Nazo, née en Egypte, veuve
du sieur Jacques-Zacharie Destaing, général de division, mort
le i floréal an 10, est portée à deux mille francs.
A r t . I er.
5
A r t . II. Les ministres de la guerre et du trésor public sont
chargés, chacun en ce qui le co n cern e, de l’exécution du
présent arrêté.
Le premier C o n su l, signé B O N A P A R T E . Par le premier
C onsul, le secrétaire d’é t a t , signé H ugues-B . M a r e t .
Pour copie conforme à l’expédition officielle, déposée au secré
tariat du trésor p u blic, le secrétaire général, L e f e v r e .
V u pour légalisation de la signature du sieur L efevre, secrér:
taire général, le ministre du trésor p u b lic, M olliens.
�C 12 )
N°. V .
Certificat du général M enou, du 18 juillet 180&
L e Commandant général des départemens au delà des
Alpes, faisant fonctions de Gouverneur général, grand
oilicier de la Légion d’honneur.
Je déclare, au nom de la vérité et de l’honneur, que, lorsque
je commandois l’armée française , dite d’O rien t, en Egypte ,
M. le général D estain g, qui étoit alors employé à cette armée ,
et q u i, depuis, est mort en France , s’est marié en l’an 8 , avec
mademoiselle N azo { A n n e ) , fille de M. Joanny N azo, com
mandant alors en Egypte le bataillon des Grecs ; que j ai su posi
tivement que le mariage s’est célébré dans le pays ( au Caire )
avec toutes les formes usitées dans le rit grec : que M. le général
Destaing étoit venu m’en faire part d’avance ; que m êm e , à
cette époque, comme dans toutes les autres de ma v i e , sou
tenant avec énergie la cause des mœurs publiques , je demandai
p o s i t i v e m e n t , et sur l’honneur
au général Destaing , si sonmariage étoit entièrement légitim e, ou si c’étoit , ce qu’on
appelle dans les mœurs corrompues de l’Orient, un engagement
à temps ; que le général Destaing me répondit, au nom de.
l ’honneur, que c ’étoit le mariage le plus légitime , et tel qu’il
l’auroit contracté en France ; que , d’après cette déclaration
solennelle, je m’engageai à y assister, ainsi qu’au repas qui eut
lieu après le mariage. Je remplis ma promesse ; tout s’y pa3sa
avec la plus grande régularité , et tel qu’il devoit être, sous les
rapports civils et religieux.
En foi de q u o i, j’ai délivré le présent certificat pour servir
et valoir ce que de raison. A Turin, le 18 juillet 1806. Le général
Menou.
P a rle commandant général, pour le second secrétaire général
du gouvernement, absent par congé et par ordre, signé G^ant.
�( 13 )
/if v
A T u rin , le 18 juillet 1806.
L e Commandant général des départemens au delà des
Alpes, faisant fonctions de Gouverneur général, grand
officier de la Légion d’honneur,
A madame veuve D e s t a i n g , née Anne Nazo.
re çu , M adam e, la lettre que vous m ’avez fait l’honneur
de m’é crire , pour me demander mon certificat sur la réalité de
votre mariage avec M. le général Destaing. Je m’empresse de
déclarer ce que je sais à cet égard : je rendrai toujours hommage
à la vérité.
J ’ai
J’ai l’honneur d’étre, Madame,
Votre très-humble et très-obéissant
serviteur.
Le général M enott.
Je vous prie de m’accuser réception.
J
Enregistré à P a ris, etc.
N°. V I .
Certificat du général Dupas, du
3 o juillet 1806.
Moi soussigné , général de division , sous - gouverneur du
château impérial de Stupinis, commandant de la Légion d’hon
neur , chevalier de l’ordre du L io n , certifie qu’étant ch ef de
brigade commandant la citadelle du Caire en E gyp te, sous les
ordres du général D estaing, j’ai eu parfaite et sûre connoissance
de son légitime mariage avec mademoiselle Anne N azo, fille de
M. Joanny N azo, commandant un bataillon g rec; j’atteste de
plus avoir eu des liaisons particulières avec beaucoup de per-
�T4
(
)
‘ sonnes très-distinguées dans l ’armée , tant dans le civil que dans
le m ilitaire, qui m’ont déclaré avoir été présentes à ce mariage,
qui s’est célébré publiquement, et avec toute l’authenticité qu’un
pareil cas exige. En foi de quoi j’ai délivré le présent, pour servir
à ce que de droit. A Paris, le o juillet 1806, P. L. D opas.
3
N°. Y I I
Lettre du général Destaing à son épouse, du
i prairial an 9.
5
C L ’adresse est de la main du général Destaing. J
Alexandrie, le r
5 prairial an 9.
Il y a long - tem ps, ma chère a m ie , que je n’ai pas de tes
nouvelles; je désire que tu te portes aussi bien que moi. Joanny,
qui est chez le général Béliard, devroit savoir q u a n d il part des
détachemens pour A lexan d rie, et en profiter pour m’envoyer
des lettres. Cependant, il ne l’a pas fait la dernière fois : il faut
le gronder de ma p a rt, pour qu’il soit plus exact à l’avenir. On
m’a Clique tu ètois grosse; je suis étonné que tu ne m’en aies rien
écrit; éclaircis mon doute à cet égard. Sois assurée que je t’aime
toujours, qu’il me tarde beaucoup de te revoir. En attendant,
je t’embrasse, ainsi que ta mère et ta sœ ur, sans oublier la
bonne vieille. Le général D estaing.
Enregistrée, etc, A la citoyenne Destaing, à la citadelle du
Caire.,
�( i5 )
N°. Y I I I .
Certificat de M. Sartelon, ex- ordomialeur en
chef de l’armée d’Egypte, cïu i mai 1807.
5
,
Au quaitkr général, à Paris le x
5 mai
1807.
ordonnateur de la première division militaire,
ex-ordonnateur en ch ef de l’armée d’Egypte ,
L e Commissaire
Certifie , en ladite qualité , que quoiqu’il n’existât à cette
armée aucun ordre du général en ch ef , remplaçant le gouver
nement français, depuis que les communications avec la France
avoient été interrompues , pour régler la forme avec laquelle
les actes de l’état civil devoient y être reçu s, l’usage paroissoit
s’étre établi de lui-mème pour les officiers ou individus attachés
à l’arm ée, ne faisant point partie des corps , de faire des dé
clarations devant des commissaires des guerres, qui les recevoient
par procès-verbaux , ou de la manière qui leur paroissoit con
venable , de leur m ariage, môme quelquefois de leur divorce ;
ce qui néanmoins n’a jamais été général, surtout pour des ma
riages contractés avec des femmes du pays, qui se sont faits
souvent entre catholiques , dans les églises du lie u , et suivant
les formalités usilées entre les chrétiens de toutes les sectes,
dont le culte étoit public en Egypte ; ces procès verbaux étant
hors des limites de 1 administration militaire , et purement fa
cultatifs de la part de ceux qui les recevoient ou les requéroient ,
aucun règlement 11’en a fixé la form e, ni ordonné le dépôt; et
recherches laites dans les papiers de l’Ordonnateur en c h e f,
soussigné, qui en roiriplissoit les fonctions lors de l’arrivée do
1 armée en r r a n c e , et dans ceux du bureau central qui lui ont
été également adressés par le commissaire des guerres P iq u et,
qui étoit chargé de les conduire eu France , il ne s’est trouvé
�'/ .
C16 )
aucuns procès verbaux relatifs à l’état c iv il, observant expres
sément qu’il ne s’en est point trouvé notamment du commissaire
des guerres A g a rd , qui est mort dans la traversée.
En foi de q u o i, et sur la demande de madame veuve Destaing,
j’ai délivré le présent ce rtifica t, les mois et an que dessus.
Signé S a r t e l o n .
N°. 49g. V u par moi expert juré vérificateur des écritures
et signatures. Signé Saintom er.
V u par le ch ef de division. Signé Beccoy.
Par ordre du ministre de la guerre , le secrétaire général
certifie à tous qu’il appartiendra , que la signature Sartelon ,
apposée en qualité de commissaire ordonnateur de la première
division m ilitaire, ex-ordonnateur en ch ef de l'armée d’Egypte,
au bas du certificat ci-contre et de l’autre part, est celle du
commissaire ordonnateur qu’elle indique. A Paris, le vingt-deux
mai de l’an mil huit cent sept. Signé D e n n ié e .
N°. IX. •
Traduction de le! 1res arabes,
A m a d a m e A n n e , fe m m e D estain g.
A i' rès vous avoir témoigné le désir que j’ai de vous voir, je
vous donne avis qu’au moment même où j’attendois de vos nou
velles , j’ai reçu votre lettre qui m’a été fort agréable, en date
du 22 du courant; j’en ai reçu beaucoup de plaisir et de con
solation dans ma blessure, et j’ai été tranquillisé à votre égard.
Si vous désirez savoir de mes nouvelles, je suis, grâce à D ieu ,
en meilleur état que par le passé : cependant la plaie n’est pas
encore ferm ée, mais, s’il plaît à D ieu , dans peu elle ira bien,
et j’irai vous trouver. J’ai envoyé Maury au C aire, pour qu’il
m’apporte ce dont j ’ai besoin : maintenant il est de retour chez
�7
( i )
moi. Soyez parfaitement tranquille à mon sujet. Saluez de ma
part monsieur Joanny, votre p ère, et recommandez-lui d’avoir
bien soin des chevaux qui sont chez moi. Que Dieu vous garde,
et me procure le plaisir de vous voir bientôt en bonne santé.
Joseph qui a écrit cette lettre vous salue.
E crit de ïordre du général D estaing, le 28 doul kadéh 121 -
5
Autre lettre , N°. 2.
A madame A n n e ,fem m e D estaing, très-chère et trèshonorée dame, que Dieu la conserve. Am en.
A p rès vous avoir offert mille salutations , et vous avoir témoi
gné le plus grand désir d e vous voir, je vous d o n n e avis q u e ,
grâce à D ieu , je me trouve bien à présent, et beaucoup m i e u x
que je n’étois précédemment : dans p eu , s’il plait à D ieu , je me
rendrai auprès de vo u s, et je vous verrai en bonne santé. L ’objet
pour lequel je vous écris est pour que vous soyez dans une par
faite tranquillité , et que vous n’écoutiez pas les propos que
pourroient vous tenir à mon sujet des menteurs qui voudroient
vous donner des alarmes. Soyez tranquille sur mon état ; dans
p e u , s’il plaît à D ie u , tout se terminera heureusement. Que
D ieu vous conserve : adieu.
E crit de l ’ordre du général D estaing, le doul hidjeh ( 28 ger
minal a n û ).
5
Autre lettre, N°., 3.
»
A la tres-chere et très-honoréc dam e, madame A n n e ,
fem m e D estaing, que Dieu la conserve.
.
ArnÈs vous avoir fait beaucoup de salutation, et vous avoir
témoigné le désir de vous v o ir, je vous donne avis q u e , grâce
¡V Dieu , je me trouve très-bien à présent : la plaie cependant
n’est point encore ferm ée, mais elle approche beaucoup de la
guérison. ^Dans peu jè pourrai savoir si je reste à Alexandrie
G
�ÎÛ ®
.-'.'v»
( 18 )
pour quelques jours, ou si je me rendrai auprès de vous : lorsque
je le saurai, je vous écrirai pour vous en avertir. Si j’ai besoin
de quelque chose de chez m oi, après la date de la présente , je
vous ferai savoir ce dont j’aurai besoin. Mon objet, en vous
écrivant, est que vous vous conformiez à ce que je vous marque.
Présentez niés salutations à M. Joanny, votre père, et recom
mandez lui mes chevaux et tout ce qui m ’appartient. Nous ne
cessons pas de nous informer de vos nouvelles , et nous avons
appris que, grâce à D ieu , vous êtes en très-bonne santé, ce qui
nous a beaucoup satisfait, et nous a tranquillisé à votre sujet.
Joseph qui a écrit cette lettre vous présente ses salutations.
E crit de l ’ordre du général D estaing, à A le x a n d r ie , le 10 de
doul hidjeh 1 1
15 ( 4 iloréal a n â ).
P . S . J’espère que vous 'sérez parfaitement tranquille à mon
sujet; je me porte oh ne peut pas mieux : dans p eu , s’il plaît
à D ieu , je me rendrai près de vous, et je vous verrai en bonne
santé. Que Dieu vous conserve : adieu.
Je soussigné , membre de l’institut et de la Légion d'honheur,
professeur des langues arabe et persane , et secrétaire interprète
du ministère des relations extérieures, certifie avoir traduit lés
trois lettres ci-dessus et des autres parts, sur les originaux arabes
h moi représentés, et qui ont été de moi signés et paraphés ne
varietur, et que foi doit être ajoutée auxdites traductions comme
aux originaux ; lequel certificat j’ai délivré à madahie veuveDestaing, pour servir et valoir ce que de raison.
A Paris , ce i cr. septembre 1806. Signé S i l v e s t r e de Sa cy.
Nous juge, pour l’em pêchem ent du président de la première
section du tribunal de première instance du département de la
Seine , certifions que la signature étant au bas de l’acte ci-contre
est celle de M. Silvestre de S a cy, interprète du ministère des
relations extérieures ; en foi de quoi nous avons fait apposer le
sceau. A Paris, ce 12 décembre 1807. Signé G i l b e r t de Vau v e r Enregistré à
Paris, etc.
�:
3 o[
( i 9 )
if
‘
N°. X .
Lettre du lieutenant général Soult, du 22 fri
maire an 10.
RÉPUBLIQUE
L iberté.
FRANÇAISE.
É g alité.
J''*■
.
i
A u quartier général de T a r e n tc , le 23 frjm aire an xo (le
la répu bliqu e française, une et indivisible.
$
Ije Lieutenant général Soult, commandant les troupes
françaises dans le royaume de Naples ,
A u citoyen G ian e, chef de bataillon dans la légion
grecque, à bord du bâtiment le S t.- J e a n , en rade
de Tarente.
C
D ’après-les justes réclamations que vous m’avez présentées,
cito yen , j’ai donné des ordres pour que le comité de santé de
cette ville procédât de suite à une nouvelle visite du bâtiment
sur lequel vous êtes, afin que si aucun signe de maladie ne s’y
est manifesté depuis votre départ de Cotrone, la liberté de dé
barquer vous soit donnée.
Mais si le comité juge qu’il est nécessaire que votre bâtiment
reste encore pendant quelques jours en contum ace, alors ma
dame D estaing, vous, et les principaux officiers ou adminis
trateurs qui sont à bord du St.-Jean, auront la faculté de mettre
à terre de suite, et de terminer leur quarantaine dans un local
*iue j’ai ordonné qu’on fît prépare*, à.icet effet. u .
. n
Je regretté beaucoup de ne. pouvoir faire $lu$.>sous ce rapport
o.
,
'
�pour vous obliger ; je vous eusse déjà abrégé les tourmens de
votre’pénible et longue quarantaine, si dans ce pays la direction
du comité sanitaire nous eût concerné.
V e u ille z , je vous p r ie , renouveler à madame Destaing les
offres que mon épouse et moi lui faisons de tous les secours
qui pourroient lui être nécessaires : elle nous obligera infiniment
d’en disposer.
Je vous fais la même offre pour ce qui vous concerne , et
vous prie même d 'y faire participer les citoyens Piquet, Royanne
et C h oset, auxquels je vous serai obligé de communiquer ma
le ttre , qui répond à celle qu’ils m’ont écrite.
J’ai l’honneur de vous saluer.
Enregistré à Paris, etc.
Signé
Soult.
A RIOM , de l’imprimerie de THIBAUD LANDRIOT , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 18o8.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
mariage
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Titre complet : Pièces justificatives pour Madame Nazo, veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing.
Table Godemel : Mariage : 2. un mariage contracté par un militaire, en pays étranger, peut-il être prouvé par témoins, s’il est établi qu’on n’y était pas en usage de tenir des registres publics ? La possession de l’état de la femme suffit-elle pour contraindre les héritiers du mari à lui payer une provision ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1809
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53336/BCU_Factums_G1809.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Le Caire (Egypte)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
mariage
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53371/BCU_Factums_G2001.pdf
f1dbb08439bd911f9d449b80d82c9d53
PDF Text
Text
M
E
M
O
I R
E
P O U R
A N
N
E
N A Z O ,
V E U V E DU G ÉN ÉRAL D ESTAING,
CONTRE
LES H É R I T I E R S D E S T A I N G .
A RIOM,
D
e
l ’I m p r i m e r i e
du
A
P
a l a is
v r i l
i
,
chez
8 11.
J .-C . S A L L E S .
�MEMOIRE
P O U R
A n n e N A Z O , veuve de , J a c q u e s - Z a c h a r i e
D E S T A I N G , général de division, en son nom,
et comme tutrice de M a r i a D E S T A I N G , sa
fille, intimée ;
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C O N T R E
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'»,V -Î:
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Les sieurs et demoiselle D E S T A I N G , appelans.
I 1
l o c u ti s u n t a d v e r su m m e i n g u a d o l o s â , e t s er m o n ib u s
o d ii c ir c u m d e d erum t m e . e t e x p u g n a v e r u n t m e g r a tis ......
p o s u e r u n t a dvers u m m e m a la p r o b o n is e t
d i l e c t i o n e
U
ne
m e d
p s
o d iu m p r o
1 0 8
Egyptienne, jetée hors de sa patrie par un concours
d ’événemens que toute la prévoyance humaine n’aurait pu maî
triser ni prévoir, plaide depuis huit ans pour conserver un nom
qui lui fut donné avec solennité sur les rives du N i l , et q u ’elle
a toujours porté avec honneur.
�( 2 )
'
T o u t ce que la capitale de l’E g y p te avait d ’illu s lre , fut le
témoin de son mariage. L e s fêtes qui l ’accompagnèrent sont
restées_dans la mémoire de tous les héros de l’armée d ’O r ie n t,
qui l’attestent : ^Empereur lui * même», convaincu de la réalité
de ce m ariage, fit donner .une pension à la veuve d ’un général
q u ’ il avait estimé. L a fam ille D e s ta in g , plus convaincue que
personne, et plus intéressée à l’ê tre , s’était fait un devoir d’qpt
h
peler, d’accueillir, de présenter aux habitans de leur ville cette
femme malheureuse, c o m m e flattée de lui appartenir.
A i n s i , du m o i n s , cette étrangère qui n ’aborda les rivages de
F rance que pour apprendre la mort de son é p o u x , avait la con
solation d’exhaler sa douleur parm i ceux qui avaient à pleurer
une perte commune. Sa fille , née au milieu des tempêtes de la
m e r , se trouvait dans un asile assuré au sein d’une famille qui
désormais était la sienne. T e lle fut la situation de la dame
D esta in g , pendant une année, après la,mort de son mari. T o u t
ce que les lois'de F ra n ce prescrivent Jiour rattacher une orphe
line à ceux sous la protection desquels elle est pla cée, fut exécuté
par la famille D estain g, comme si la providence avait voulu lui
ôter les moyens d ’être injuste; et déjà à A u r i lla c , com m e au
Caire , une notoriété h o n o r a b l e a s s i g n a i t d a n s l a société, a M a
dame D estaing et à àa n t l e ,J.levrîing auquel elles avaient droit de
p rétendre.
,Quel démon jaloux a troublé cette h arm onie, et a pu réduire
la dame Destaing à chercher les preuves de son é t a t , après en
avoir eu la possession légilim e aussi publiquement et sans effort?
Q u e l événement inopiné a transformé tout d ’un coup une famille
douce et hospitalière en une horde d ’ennemis acharnés, cherchant
d ’équivoques calomnies jusque dans le secret d ’une correspon
dance tronquée,.outrageant la mémoire do celui qui illustra leur
n o m , et disputant avec mauvaise foi contre tous les signes de
vérité qui les confondent ?
i,
L ’or! cette divinité des nations, a brillé aux ye u x des héritiers
Destaing. L a succession du général leur a semblé une proie q u ’il
�(3
)
fallait disputer avec une opiniâtre constance; et clés cet instant
sa veuve et sa fille ne leur ont «semblé que deux êtres importuns ,
qu’il fallait rejeter et méconnaître.
'
A l o r s , par une brusque inconséquence ,* la dame Destaing
présentée à unè ville entière com m e une sœur; son enfant placé
dans tous les registres d’Aurillac , comme héritière légitim e du
g é n é ra l, n’ont plus été que des aventurières inconnues, intro
duites par une astuce criminelle dans une famille étrangère.
C e n’était point assez, pour une femme faible et sans défense,
d ’avoir pour élle l ’opinion publique et la'conscience de la vérité.
Q ue peut la vérité contre une calomnie soutenue avec éclat et
persévérance? L e vu lga ire, qui aime le m e rve ille u x, commence
à douter, aussitôt que des.fables injurieuses ont été préparées
pour donner à sa curiosité un autre aliment.
- M ais ce n’ est point au tribunal de l’opinion que d’aussi grands
intérêts sont soumis ; la dame D estaing est placée sous l’égide
des lois; et si elle est forcée de gém ir des lenteurs de la justice,
du moins elle pourra se féliciter de ce que toutes les formules
exigées d’elle ne laisseront aucun léger doute aux esprits les plus
in créd u les.
I
Cependant la dame D estaing n’a nullement le projet de se
renferm er dans des moyens judiciaires, et de dédaigner l’opinion
q u ’on peut avoir d ’elle; il lui im po rte, plus q u ’à personne, de
donner de la publicité à sa conduite, et de proclam er les témoi
gnages honorables de ceux qui ont été à portée de la juger. E lle
veut de l’estime; et r i e n d a n s ses actions, ne lui a ôté le droit
d’en obtenir.
.
'
r'
'
F'AITS.
T o u s les faits de cette cfiuse s o n t lié s aux grands événemens
de l’histoire.
U ne armée de héros, une colonie de savans allèrent en l’an G
porter en E g y p te la gloire du nom Français.
O n so souvient de la rapidité de cette conquête. Alexandrie
2
�( 4
)
fut prise d’assaut le lendemain même du débarquement. Les
M am elouks furent vaincus dès leur première apparition, et la
capitale ouvrit ses portes à l ’armée victorieuse.
Cette armée n’était point au Caire comme dans une ville con
quise. Son premier établissement fut l’institut des sciences et
a rls, chargé de donner des plans d ’amélioration pour les canaux
du N i l , l’agriculture et le com m erce.
Cependant les héritiers D e s ta in g , ramenant tout à leur idée
d o m in a n te , ne veulent voir dans les chefs de cette a rm ée, que
des conquérans licen cieu x, q u i , comme dans un vaste sérail,
a p p e l a i e n t à eux toutes les victim es q u ’il leur plaisait de choisir,
ou plutôt n ’avaient qu’à attendre celles que les pères de famille
eux-mêm es venaient leur présenter, par politesse et pour prix de
la victoire.
Laissons cette atroce calomnie à la réflexion des lecteurs in
formés des usages de l’O rient, et poursuivons un récit plus véri
dique. •
Q uoique le but de l’expédition d ’E gypte fût caché dans ces
vastes conceptions q u ’il n’appartient pas au vulgaire de péné
trer, tout prouve que le prem ier projet du grand hom m e était la
fondation cTune Colonie française. A u re ste , l’établissement de
l ’armée en E g y p te devint bientôt une nécessité. L e m alheureux
combat d ’A b o u k ir , et la perte de la flotte achevèrent d ’ôter aux
Français débarqués tout espoir prochain de retour.
Il fallut donc tourner toutes ses idées vers cette terre étran
gère , s’y créer un centre d'affection, s’y faire une patrie.
E t , certes, voilà quelle a dû ê t r e , quelle a été en effet la dis
position des esprits, ubi b e n è , ijbi patria : rien n ’est plus fran
çais q u e cette m axim e; et bientôt les vainqueurs de l ’E g y p te se
r e g a r d è r e n t comme naturalisés sur les bords du Nil.
L e mariage seul pouvait resserrer les liens entre le s^ e u x na
tions. Les généraux français en donnèrent le prornier exem ple;
ils devaient ce gage à la confiance qu ils voulaient inspirer. C e
pendant ils surent allier à leurs vues politiques les combinaisons
�(5).
d ’intérêt que les chances de l’avenir ne leur permettaient pas
d ’abandonner.
L e général en chef Menou épousa une jeune et riche m usul
m a n e , fille du maître des bains d ’Alexandrie. L es généraux L a n t i n , Delzons et Bonhecarrère épousèrent des filles de négociaris
établis à Rosette; plusieurs autres généraux et militaires français
suivirent cet exemple.
L e s pères de famille d’E g y p te n’étaient donc pas diflerens
de ceux des autres régions. Ils attachaient de l’importance au
m ariage de leurs filles ; ils veillaient à leur bonheur et ne les
prostituaient pas.
Joanni N a z o , ancien officier au service de R u ssie, et élu com
mandant du bataillon des Grecs par le général de l ’arm ée
française, avait, à cause de ses fonctions, des relations habituelles
a v e c le général Destaing, q u i, de la province de C a th ié , où il
fut envoyé d ’abord, vint commander la ville du Caire.
Sophie M is c k , épouse de J oanni N azo , a v a it, d ’ un prem ier .
m a ria g e , deux fille s, dont l’aînée ( A n n e ) avait dix-sept ans.
L e général Destaing demanda la main d’A n n e N a zo ( née'
* ) ; il l’obiînt , et regarda cette alliance com m e un
grand avantage. Joanni N a zo avait a l o r s beaucoup de fortune.
T n s o g lo w
Il n’était pas, com m e les héritiers Destaing se sont plu à le
dire, un marchand d ’e a u - d e - v i e ; N a zo était ferm ier-gén éral
des droits imposés par le G rand -Seigneur sur les liqueurs spiritueuses de tout genre : on sait que les M u su lm an s, à qui lekoran
les d éfen d , ne font en E g yp te que la moindre parlie de la po p u
lation. T o u s les commerces y sont au pair, et les rangs ne s’ y m e
surent que par la fortune. Il faut bien dire tout cela aux héritiers
D estaing, pour q u ’ils cessent leurs railleries amères contre une
famille à laquelle en E g y p t e on accordait quelque distinction, et
q u ’ils soient soulagés du moins du poids d ’ une mésalliance.
*
E n E g y p l e , le secon d mari d on ne son nom a u x eid a ns de sa f e m m e ,
en signe de la puissance pa te ru e lle q u ’il a sur eu x .
\
i
�( <3 )
A n n e N a z o , promise au général D esta in g , fut conduite par
sa famille dans l’église grecque de S a in t-N ic o la s , où elle fut
reçue par le patriarche, cjui daigna lu i- m ê m e se charger de la
célébration.
O n d em an d e , depuis huit a n s , à une jeune épouse, dans
quelle forme lég ale fut co n sta tée cette cérém onie, et si les
prêtres de sa religion tiennent des registres publics. Quelle est
l ’européenne q u i , ayant eu toute l’instruction et toute la liberté
dont d ’autres mœurs ont p r i v é les femmes de l’ O rie n t, serait bien
en état de rendre compte de l’observation des formes légales qui
ont a c c o m p a g n é son m ariage? Sans doute la dame D estaing a
conservé le souvenir de la cérémonie auguste de l ’église. L a
couronne sacrée mise sur sa tête , la bénédiction et l ’échange
des anneaux, les paroles saintes du patriarche qui demandait en
vain à D ie u , pour les époux , une longue suite d’années : tout
cela s’est gravé dans sa mémoire ; et elle sait très-bien qu’il n’y
a point eu d’autres formalités.
A c c o m p a g n é e par sa famille et par ses esclaves dans la maison
du gén éra l, elle fut présentée par lui au général en c h e f et à un
grand nombre de convives distingués, appelés au repas nuptial
et à un bal européen. Mais après ce p r e m i e r h o m m a g e a u x
mœurs françaises, tout r e n t r a dans 1 ordre acco u tu m é, et sauf
quelques e x c e p t i o n s , le général Destaing se conforma dans l’in
térieur de son m énage aux habitudes égyptiennes.
A in s i se passèrent plusieurs mois dans le calm e et sans événemens. Bientôt des révoltes fomentées par les M a m e lo u k s ,
d onnèrent aux épouses des généraux français de vives et justes
a la r m e s . C ’est alors que leur tendresse inquiète veillait à préserver
du danger ceux qui n’étaient plus pour elles des étrangers et des
usurpateurs, mais des époux et des frères.
Peu de tems après, on apprit qu’ une armée ottomane s’avançnit vers la S yrie, tandis q u ’ une llotte anglaise entrait dans la
Méditéranée.
L e s Français allèrent sur-le-champ attaquer ces armées jusque
�(
7
)
dans leurs relranchem ens; mais que peut la valeur contre le
nom bre? Séparés en forces inégales, les généraux français ne
voulurent se confier q u ’en leur c o u ra g e , et ne recevoir aucune
loi du vainqueur.
. L a dam e D estaing avait conjuré son époux de lui apprendre
le succès de ses armes. Blessé grièvement et enfermé dans la
place d’A le x a n d rie , le général ne put écrire lu i-m ê m e; mais il
fît donner de ses nouvelles à la dame D e s ta in g , par un arab e,,
son dom estique, pour la rassurer sur l ’ état de sa blessure.
L a dame D estaing était alors à la citadelle du C a ir e , où le
général B é lia rd , qui y com m and ait, avait fait préparer des logemens pour les épouses des généraux fr a n ç a is , et celles de
quelques officiers de m a rq u e , parce que les arm ées ennemies
étaient aux portes du Caire.
T rois lettres arabes furent adressées à la dame D esta in g , à la
citadelle du Caire*. L e s héritiers D estaing n’ont pu les attaquer
que du côté du st^le , q u i, certes, n ’est pas académ ique : mais
a u r a it- o n cru que les formules épistolaires de F rance fussent
d ’obligation p o u r les nations étrangères, et pour un domestique?
Aussitôt c|uo le général put tenir la p lu m e , il écrivit lui-même
à-son épouse, dans une langue que son oreille entendait moins
aisém ent, peut-être, mais que son cœur sentait bien mieux.
« A l e x a n d r i e , le i
«
,
5
prairial an g.
,
« I l y a long-lems ma chère am ie que je n'ai pas de tes
nouvelles je désire que tu te portes aussi bien que moi.
,*
*
C e s lettres onl pour adresse : à M a d a m e A n n e , fe m m e D estaing.
E ll e s sont d a té e s , l’ uno du mois douL k a d e h , l ’ autre du mois douL h i d j e h ,
d e l’a n n é e I 2 i 5 de l’ h é g i r e , rép o n d a n t a u x m ois d e g e rm in al et floréal
an 9. I l n’y est question q u e de la blessure du général D e s t a in g , d ’assu
r an ce de r e v e n ir b ie n t ô t, et de c o m p lim e n s p o u r J o a n m N a z o . E lles sont
jointes aux pièces a v e c la traduction de M . S y lv e s tr e de S.'icy, professeur
d e langues ara be et p e r s a n e , ol m e m b r e do l ’institu t.
�( 8 )
« J o a n n i , qu i est chez le g é n é ra l B é lia r d , devrait savoir
« quand i l part des détachem ens p o u r A le x a n d r ie , et en proa file r p ou r m 'envoyer des lettres. C e p e n d a n t, i l ne l ’a p a s
« f a i t la de rn iè re fois : i l f a u t le gronder de ma p a r t, pour
« q u ’i l s o it p lu s e x a c t à l'avenir. On m ’a d it que tu éta is
« g ro sse; j e suis é to n n é que lu n e m ’en aies rien écrit ; écla ircis
« m on d ou te à cet égard. S o is assurée que j e t ’ aim e to u jo u r s ,
« et q u ’ i l me tarde beaucoup de te revoir. E n à lte n d a n t, j e
« t ’em b ra sse, a in si que ta m ère et ta sceur, sans ou b lier la
« bonne v ie ille . L e g é n é ral D e s t a i n g ».
Cette lettre , la seule que le hasard ait fait conserver à la
dame D estaing , semble réunir en elle les rapports de sa fa
mille entière avec son ¿poux ; elle est restée comme un m onu
ment , pour confondre les calomnies principales des héritiers
D e s ta in g , et leur prouver q u ’ils se mentent à eux-mêmes quand
ils feignent de croire que le général n ’avait jamais cru avoir
ave c une jeune grecque que ce q u ’il leur plaît de nom m er,
dans leurs idées licencieuses, un arrangem ent oriental.
L e siège du Caire fut prolongé pendant plus de trois m o isj
enfin le général Béliard capitula avec le major Hutkinson , en.
messidor an 9. Un article p o rta it, que l’armée anglaise fourni
rait des vaisseaux de t r a n s p o r t pour conduire a ]\Iarseille les
Français et ceux déjà attachés à leur fortune. L es dames reti
rées à la citadelle avaient la faculté de rentrer dans la ville du
Caire.
M ais le général en c h e f Menou ne voulut point ratifier cette
capitulation ; les portes de la ville restèrent ferm ées, les per
sonnes comprises dans la capitulation, la garde d’honneur choisie
pour leur escorte, la dame Menou e lle -m êm e, furent obligées
de continuer leur route jusqu’à Alexandrie. L à , le général D es
ta in g , craignant encore pour son épouse les dangers d ’une ville
assiégée , lui donna ordre de se rendre en F r a n c e , où il devait
incessamment la rejoindre.
Joanni N azo , compris com m e commandant de la légion
grecque,
�( 9 )
g recq u e, dans la capitulation du C a ir e , devait partir avec la
d am e D estaing et le reste de sa famille. L e général leur écrivit
de l’attendre à M arseille, ainsi que nous l’apprennent les héritiers
D estaing.
U n vaisseau grec ( le S a in t-J e a n ), dans le plus mauvais état,
se trouvait dans la rade d’A b o u k ir pour recevoir cette famille
et son escorte. Plusieurs autres Egyptiens s’y jettèrent pour ne
pas retomber sous la domination musulmane.
T o u t ce que les relations de voyages ont recueilli de con
trariétés et de périls était destiné à ce frêle navire. Incapable de
résister à la moindre agression des pirates de l ’A r c h i p e l , hors
d’état de tenir la m er sans des réparations urgentes et considé
ra b les, il ne se mit en route que pour louvoyer d’îles en îles,
poursuivi par des corsaires, et assailli par des tempêtes.
U n long séjour dans l’île de Pathmos fut nécessaire pour
r a d o u b e r le v a is s e a u . L a
d a m e D e s ta in g , e x trê m e m e n t souf
f r a n te , croyait s’y reposer et attendre l'époque de ses couches.
M a i s , tout à coup , on fut averti du danger que couraient
des Français et des Grecs d ’être la proie des T urcs en croisière
dans cmie mm-. O n leva l’ancre à l’instant : mais après un lo n g
trajet, le vaisseau fut repoussé jusqu'à rxic de cdp/ inlonie, q u ’il
avait déjà dépassée. C ’est là que la dame Destaing accoucha à
bord. U n prêtre g r e c , desservant une chapelle voisine du rivage,
baptisa l'enfant sous le nom de M aria d 'E s la in g , tenue, sur les
fonds baptism aux, par Sophie M i s c k , sa g ra n d ’m ère, et par le
sieur N assilli, oilicier de l’escorte.
D e u x jours après, le teins propice perm it de remettre à la
voile : mais une autre tempête attendait le vaisseau dans le
canal de M essine; rejeté en arrière de
5o
lieues dans*la mer
Ionienn e, il parvint à un port de la Calabre , d’où, après de
nouveaux dangers , dont il serait minutieux de donner le d é ta il,
et forcé de changer de route, il aborda à T a r c n t e , dans le gou
vernement de M . le général Soult (aujourd’hui maréchal dfi
1Enipirc et duc de D a lm a tie ).
3
�(
10
)
• C ’est ainsi qu’ une famille malheureuse, jouet des vicissitudes
de la ferre et de la m er, errait de plages en plages pendant six
mois entiers. Enfin elle était sous la protection française; et dès
cet instant il y eut une trêve à ses malheurs.
M . le général S o u l t , informé de l ’arrivée du vaisseau , et
de la qualité des passagers, eut la bonté d’offrir lui - même à
M adam e D estaing, de la part de son épouse, tout ce qui pouvait
être nécessaire à sa santé et aux agrémens de son séjour.
L e s lois maritimes exigeant de tous les vaisseaux une quaran
taine, M . le général était obligé d’abord de borner ses attentions à
de simples
offres
de services. Il écrivit au capitaine du vaisseau,
le 22 frimaire an 10........... « V e u ille z , j e vous p r ie , renouveler
à m adam e D e sta in g les offres de services que m on épouse et
m o i lu i fa iso n s de tou s Iss secours qu i pourraient lu i être n é
cessa ires/ e lle nous obligera infinim ent d'en disposer. S o u l t » . ’
Q ui donc avait pu informer M . le général Soult du nom de
la dame D estaing, et l’intéresser à elle? le voici : Pendant cette
longue et périlleuse traversée du vaisseau le St.-Jean, l’armée fran
çaise avait évacué Alexandrie ; les généraux Menou et Destaing
avaient fait voile pour M arseille, où depuis long-temsils croyaient
leurs épouses arrivées ; dans leur route ils s’informaient de la
destinée de ce vaisseau; il p a r a ît m ême qu’ils écrivirent à M . le
général Soult, et
voilà
ce qui valait à madame Destaing des at
tentions aussi flatteuses.
M . le général Soult ne s’en tint pas à des offres ; il insista
pour que M adam e Destaing allât se rétablir dans sa maison de
c a m p a g n e , et l’invita ensuite à habiter son propre palais.
A p rè s un mois de séjour, M adam e D esta in g , remise de ses
souffrances, voulut partir de T a re n te , mais en marquant une
g r a n d e
répugnance pour continuer son vo yage par la Méditéranée.
M . le général Soult porta la bonté jusqu’à lui tracer, lui-même,
une route pour aller par terre jusqu’au premier port de son
go uvern em en t, de là traverser l’A d r ia tiq u e , et continuer par
terre d’A n co n e à L y o n .
�( I l )
T o u t cela s’exécuta de point en p o in t, et sans le plus léger
accident. M . le général Soult voulut encore donner sa voitureà M adam e Destaing jusqu’au port de B arlelta. Il fit chercher
une nourrice pour sa f i l l e , et chargea M . D e sb ro sses, officier
français, de l’accom pagner jusqu’à L yo n .
V o ilà com m ent et sous quels auspices est venue en France
celle que les héritiers D estaing accablent de dédains et d ’o p
probres.
M a d a m e Destaing s’arrêta quelques jours à L y o n pour se
reposer et attendre des nouvelles de son mari. Joanni N azo partit
sur-le-champ p o u r aller le joindre à Paris.
O n peut se représenter l’impatience d ’une jeune épouse de
retrouver celui pour qui elle s’ était exposée à tant de périls.
H élas! il était dans sa destinée de ne plus le revoir. J oanni
n ’était arrivé à Paris que pour être en quelque sorte le témoin
du convoi de son m eilleur ami.
L ’accueil afFectueux du général n’avaij pas préparé Nazo à
ce malheur. L e récit mutuel de leurs aventures depuis leur
séparation ; l’empressement du général de revoir sa femme
et d embrasser son eufum p o u r la p r e m i è r e fois ; le u r s p r o je t s
pour l’avenir avaient occupé le peu d ’instans q u ’ils passèrent
ensemble........ L a mort en disposa autrement.
L a dame Destaing ignorait à L y o n q u ’ un coup mortel venait,
de la frapper elle-même. E lle comptait les inslans, et se croyait
heureuse, lorsqu’un sieur Bordin , chapelier à L y o n , se présenta
chez elle avec une lettre du sieur Destaing p ère, qui invitait
ce sieur Bordin à accom pagner sa f ille à A u rilla c, en lui laissant
entrevoir une partie de son malheur.
Com bien elle allait être à plaindre , celle q u i, tombant toutà-coup des illusions riantes de sa pensée dans la ceriitude d’un
isolement affreux , allait se trouver sans époux et sans patrio
parm i des êtres dont la demeure , les ha b itu d es, la langue
môme lui étaient inconnues. Q ue celui qui a pu se faire une
idce des fantômes de bonheur qui naguères remplissaient son
4
�(
12 )
â m e , se représente s’il se peut l’horrible situation de cette in
fortunée E g yp tien n e, au m ilieu du cahos où son imagination
épouvantée dut la placer.
Cependant la dame Destaing fut reçue par son beau-père et
sa belle-mère avec toute l’affabilité et la tendresse qui pouvaient
la rassurer.
L a famille entière, il faut le d ire , lui donna les mêmes
marques d’amitié et d ’intérêt. Cette conduite généreuse la toucha
jusqu’au fond de l ’â m e , et la dame D estaing trouve du plaisir
à en marquer sa reconnaissance. U n odieux intérêt n ’était point
venu encore empoisonner ce premier élan de la nature. Chacun
avait alors à pleurer un fils, un é p o u x , un frère. Les liens du sang
se resserraient davantage par un besoin m utuel d’épanchemens
et de consolations.
Cependant la famille Destaing crut nécessaire de remplir
les formalités légales pour la succession du général. L es scellés
avaient été mis à Paris dans l’hôtel M éot qu’ il habitait le jour
m êm e de sa mort ( i 5 floréal an 1 0 ) .
Il
s’agissait de les le v e r, et pour cela il fallait faire connaître
les héritiers de la succession.
C ’est la famille Destaing qui e n prit l ’i n i t i a t iv e ; un conseil
de famille fut c o n v o q u é d e v a n t le ju g e de paix d ’ A u r i l l a c , l e
5
m e s s id o r a n 10. L à le s.r D e s ta in g , père du général, juge au
tribunal de première instance, exposa : «que Jacques-Zacharie
« D estaing , son (ils , général de division, était décédé à Paris ,
a la issan t une f i l l e u n iq u e , âgée de cinq m ois, nommée M a r i a ,
« p rovena nt de son m ariage a vec A n n e JS’azo , g recque d ’o n a g in e , laquelle avait besoin d ’ un tuteur, attendu la minorité
« de sa mère ».
D ’après cela le conseil de famille * délibérant, choisit pour
*
M . D e l z o u s , p è r e , le m é m o qui avait toute la conG ancc du généra l
D esta iu g à ses derniers i n o m e n s , et M . D e l z o n s , gé n é ra l de b r i g a d e ,
aussi eu E g y p t e , sout m e m b r e s d e c e couseil de fa m ille.
I
marié
�•
( *3 )
tuteur de Maria Destaing, M . D estaing, son aïéul; fixa à 1,000 fr.
le douaire annuel de la dame veuve D e sta in g ; lui alloua des
habits de deuil pour elle et pour une négresse qu’elle avait à'
son service ; et s’occupa encore du salaire de la nourrice q u ’elle
avait amenée de Tarente à Aurillac.
L e sieur Destaing père déclara accepter la tutelle de sa petitefille , et fit le serment ordinaire d ’en remplir fidèlement les
fonctions.
V o ilà donc les qualités réglées; l’état de la mère et de l’enfant
p lacé sous la protection de la lo i, et leurs intérêts remis entre
les mains de celui à q u i , sans aucun d o u t e , le défunt les
aurait confiés lui-même.
L e lendemain une procuration fut envoyée; les scellés furent
levés à P a ris, et suivis d ’ un inventaire. D ans tous ces actes on
agit constamment au nom du sieur Destaing p è r e , tuteur de
M aria Destaing ,J i lle et unique héritière du général Destaing.
L ’inventaire ne pouvait contenir que ce q u ’on laisse dans un
appartement d’ hôtel g a rn i; des v ê te m e n s, des a rm e s, quelques
papiers de portefeuille *, et deux rouleaux de
5o
louis. On y
Consigne ce fait, que 1« gf$udi-al nvnit remis, peu de jours avant
sa m ort, à M . Delzons père, législateur, 18,000 fr. q u ’il avait
touchés à la trésorerie , pour q u ’il les fit passer à A u rilla c .
Pendant ces tristes opérations , la dame Destaing vivait à
A u r i l l a c , quelquefois dans les sociétés o ù 'o n la présentait, et
qui voulaient bien s’accoutumer à sa tristesse, le plus souvent
retirée chez elle , occupée de sa fille , et presque heureuse de
vivre parmi ceux q u i , en lui apprenant leur la n g u e , lui parlaient
de son e'poux.
U ne grande satisfaction pour elle fut d’apprendre que Sa
Majesté avait eu la générosité de la faire placer sur le tableau
*
Il y
a va it une lettre du lieutenant L a t a p i o , et un9 lettre de J o a n n i
N o z o , toutes d eu x écrites de T a re n te . C e s lettres a v a ie n t été supprim ées
d e p u i s , et n’ ont pu être c o m m u n iq u é e s qu’ en vertu d ’un arrêt de la Cour.
�C H )
des pensions, com m e veuve du g én éra l D e s la i n g , i 5 jours
après sa mort *.
* Cet état de quiétude dura environ une année. M ais les frères
et sœur D estaing, prévoyant que la fortune du général, qui leur
avait procuré une augmentation d’aisance, leur serait retirée dans
peu de tems , changèrent insensiblement le bon accueil qu’ ils
avaient fait à leur belle-sœur; et une petite persécution commença
sourdement contr’elle.
L à mélancolie de la dame D estaing lui faisant préférer la so
litu d e , on la représenta comme un être farouche qui méditait
des procès. S i, de loin en loin, quelques âmes sensibles venaient
du dehors pour la distraire , on supposait de l ’intrigue et des
conseils. L a dame D e s ta in g , sa belle-m ère, fut séduite la pre
mière par ces insinuations désintéressées en apparence : e n fin ,
à force de persévérance vis-à-vis le sieur D estaing, on parvint
à inspirer de la défiance à ce respectable père de famille : on le
rendit tout différent de lui-même.
L e premier résultat de cette défiance prit d ’abord une direction
toute différente de celle qu’on avait voulu lui donner : le bon
tuteur n’avait point des entrailles de collatéral pour l’enfant de
son fils; et la seule punition q u i lu i v i n t en idée contre la mère,
fut de faire e n l e v e r l’e n fa n t pour le cacher à la c a m p a g n e , en
p r e n a n t des précautions pour que la dame Destaing ne découvrît
pns sa retraite.
M ais ce n’était pas là le compte de la petite faction ennemie;
qui comprenait bien que ce procédé consolidait l’état de l’enfant
au lieu de le détruire.
A lo rs on parut compatir à la douleur d ’ une mère justement
alarmée. L a dame D elzons ( é g y p tie n n e , et jusqu’alors très-liée
avec la dame D e s t a in g ) , écrivit d ’A u rilla c à Joanni N azo ce
qui se passait. N a zo partit s u r - l e - c h a m p ; ses plaintes furent
vives : de part et d ’autre , il s’y mêla de l’aigreur. L a dame
* L e b re v e t d e celle p e tn io u est tlu 29 floréal an 10.
�( i5 )
Destaing quitta A u rilla c avec N azo pour aller joindre sa mère
à Marseille; mais le sieur D estaing, son b e a u -p è r e , ne voulut
jamais que M aria D eslaing partît avec eux.
Joanni N azo, personnellement maltraité dans une famille qui
ne lui semblait avoir ce droit envers lui sous aucun rappo rt,
suivit p e u t-ê tre un peu trop son premier m ouvem ent. D ’après
les conseils qui lui furent donnés, il fit rédiger un acte de noto
r ié té , par lequel les réfugiés Egyptiens qui avaient traversé la
m er a v e c la dame D estain g, certifièrent qu’elle était mariée au
C aire, et qu’ elle avait donné le jour à une fille baptisée à C ép h alo n ie , sous le nom de M a ria ; et muni de cette p iè ce , il fit
adresser un m ém oireà l’E m p ereu r p o u rré clam erM a ria D esta in g .
Sa Majesté daigna y répondre par une note de sa main ; et Son
E x c . le Grand-Juge en ayant donné avis au sieur Destaing père,
celui-ci ne mit aucun obstacle à rendre l’enfant qu’il avait retenu.
M ais aussitôt ses idées et son système changèrent. Ses enfans
profitèrent de celte circonstance pour s’emparer entièrement de
son esprit, et l’ envenimer contre la malheureuse étrangère q u ’il
avait jusqu’alors chérie com m e sa fille. T e lle a été la source du
P l ’OCL’S.
L a première hostilité vint des frères et sœur D estaing, et cela
était bien dans l’ordre. Ils firent saisir, entre les mains de leur
père , le mobilier et revenus de la succession du g é n é r a l, comme
prétendant être ses seuls héritiers.
Il eût été plus naturel d ’assigner la v e u v e , dont ils ne pouvaient
pas méconnaître au moins les prétentions et la possession q u ’elle
avait eue de son état dans leur propre maison. Mais celte lenteur
eût été trop douce; il fallait tout d ’ un coup , par une saisie, lui
enlever les ressources que lui donnait la délibération du conseil
de famille. L a dame Destaing fut donc forcée de p r e n d r e les voies
judiciaires; elle a ssig n a , le 27 nivôse an 1 2 , le sieur D eslaing
père ( nu tribunal de la S e in e, lieu du d é c è s ) , pour demander
remise de la succession , et une provision pour ses nlimens, dont
on avait affecté de la priver.
�1
6
}
Celte privation était inhum aine; mais la dame Destaing a été
(
heureuse de la soulïrir. Dans le moment de sa plus grande dé
tresse, elle reçut de la munificence de Sa Majesté Impériale le
brevet d ’une pension de 2,000 fr. au lieu de S20 fr. tju’elle était
jusqu’alors *.
Croirait-on que les héritiers D estaing ont attribué cet acte de
bonté à leur conseil de fa m ille , q u i, disent-ils, avait donné par
erreur, à A n n e N a z o , une qualité dont elle fit usage pour o b
tenir une pension ! Rem arquons seulement que ce conseil de
famille est du 5 messidor an 1 0 , et que déjà le premier brevet
de pension était donné à A n n e N a z o , com m e veuve D e s ta in g ,
plus d’ un mois auparavant.
A u lieu de répondre à la demande de la dame D estaing ,
ses adversaires introduisirent à A u rilla c une procédure obscure,
qui prouve que tous moyens leur étaient bons pour multiplier
contr’elle les incidens et les ennemis.
L e s frères et sœur D estaing assignèrent leur père à A u r i lla c ,
en remise de la succession du g énéral, comme s’ils ignoraient la
demande déjà formée par leur belle-sœur. Il répondit q u ’A nn e
N azo prétendait à la même succession, et sur cela sa mise en
cause fut ordonnée. Cependant Je j u g e m e n t n e fut s i g n if i é q u ’a u
sieur Destaing p ère, le m o in s in té r e s s é à le connaître ; et la dame
D e s t a i n g n ’e n a appris l’existence qu e long-teins après.
O n lui laissait, pendant ce tem s-là, obtenir un jugem ent à
Paris ; et ensuite on se pourvut en règlem ent de juges. L e procès
ne fut renvoyé ni à Paris ni à A u rilla c : il le fut au tribunal do
M auriac ; tout cela dura près de trois ans; et enfin la dame D es
taing recommença son procès à M a u r ia c , où elle était renvoyée.
* « M in istère d u trésor p u b lic. — P a r i s , i 3 pluviôso an 1 2».
« A rt. i.«r L a pension de S20 fr. a cc o rd ée par arrété du 29 floréal an 1 0 , à
« A n n e N ax,o , n é e en E g y p t e , veuve d u 5.TJ a cq u e s-Z a ch a rie D esta in g ,
« général de d i v i s i o n , mort le i
5
floréal an 1 0 , est portée à 2,000 fr. ».
* A r t . 2. Le» M iuistrc* de la gu erre et du trésor pu b lic sont c h a r g é s , etc. ».
«
Sifflé
N A P O L E O N
».
Là
�(
1 7
)
t
L à on fit dire au sieur Destaing pè re , qu’il révoquait l'a v e u
qu ’il avait fait de L'état et p o ssession de la veuve Destaing et
de sa fille. Il prétendit que c’était à elle à prouver son mariage et
la naissance de l’ enfant; que les certificats de Marseille étaient
suspects et ne prouvaient rien. Il termina par dire qu ’il ne con
naissait d ’autre enfant de son f i ls , q u ’ un enfant na tu rel, né
avant son départ pour l’E g y p te ( que l ’on disait tantôt né aux
Pyrénées, tantôt d ’une femme de P a r is ) . Puis il demanda à la
dam e Destaing une caution pour être admise à plaider, com m e
étrangère.
Y o i l à ce que les héritiers D estaing osèrent suggérer à leur
p è re , sans égard pour la..mémoire du g én éral; et ain>i leur
animosité était telle contre sa v e u v e , qu’ils aimaient m ieux a p
peler à la succession u n 'in c o n n u , sans n o m , et auquel la loi
ne donnait ni titre ni qualité.
Cependant la dame Destaing voulant ne laisser aucune sus
picion sur son certificat d’égyptiens, et pouvant fort aisément
le suppléer par des témoignages français, réunit devant le juge
de paix de P a ris , en la forme légale des actes de notoriété,
s e p t cito y e n « (Hetingués qui s’étaient trouvés au Caire en l'an
0 et
en l’an 9; i.° l’ordonnateur en c h e f de rarmdc ; 2..° rinspectnirgénéral aux revues; 3.° le chirurgien en chfef de l’armée;
4.0 lin
général de brigade; 5.° le trésorier-général d e l à couronne;
6.° le directeur-général de l ’imprimerie im périale; 7 .0 un prêtre
égyptien, professeur de langues orientales.
« Ils attestèrent qu’A n n e N azo a va it é té u n ie religieusem ent
« au C a ir e , suivant les rites du p a ys, et en lég itim e mariage
a avec le général Destaing , dans le courant de l ’an
0,
par le
« patriarche d 'A le x a n d r ie . Que l’acte de célébration n ’en avait
« pas été r é d i g é , parce que ce n’était pas l’usage : mais que ce
« mariage n’en était pas moins constant, ayant die célébré en
« présence d’ un grand nombre de militaires français, tt de la
plupart des déclarons. Q ue depuis cette célébration A n n e
�( i8 ) ,
U N azo n ’ a v a i t pas cessé d ’habiter en E g y p te avec son m a r i ,
« qui l’a toujours traitée com m e son ép ou se lé g itim e ».
L a dame Destaing avait été privée de faire entendre M . l e (
général en c h e f de l’armée d’E g y p te , et M . le général D u p a s ,
alors absens; le prem ier, comme gouverneur des départem ent
au-delà des A lp e s ; le second, com m e gouverneur du château
de Stupinis; elle leur fit écrire pour l e u r ’d emander la déclaration
de la vérité sur son m a r ia g e , et reçut deux certificats attestant
avec la même force la connaissance personnelle que ces deux
généraux a v a i e n t de son mariage *.
L ’a c t e de notoriété fut hom ologué par le. tribunal c i v i l d ç la
S e in e , sur le rapport d’ un j u g e , e t 'sur les c o n clu sio n s<
■
du
ministère public, i
i
'
v
' -,
M u n ie de cette pièce im p o rtan te, de son brevet de pension
et de l’acte de tutelle, la dame D estaing crut son procès fi n i,
et se présenta à l’audience de Mauriac.' M ais combien elle se
*
« J e d é c l a r e , au n om d e la v é r i t é et d e l’ h o n n e u r, q u e , lorsque je c o m
m a nd a is l’a r m é e d ’O r i e n t , en E g y p t e , M . le g é n é r a l D e sta in g s’ est m a r i é
en l ’an 8 a v e c m a d e m o iselle A n n e N a z o . . . ........... L e g é n é ra l éta it venu,
m'en, fa ir e part .................. J e m’engageai ô y a ssiste r , ainsi q u ’ au repas
qui eut lieu après le
avec ta p lu s
mariage. J e rem plis m a prom esse. T o u t s 'y p a ssa
grande
régularité sous les rapports c iv ils et relig ieu x ».
« A T u r in , le 18 ju illet 1806 ».
« L e g é n é ra l M e n o u ».
« J e certifie q u ’ étant c h e f d a b r i g a d e , c o m m a n d a n t la c itad e lle du C a ir e
sous les ordres du gé n é ra l D e s t a i n g , j ' a i en p ar/aile et sure con naissance
d e so n légitim e mariage a v e o m a d e m o ise lle A u n e N a z o ..............J ’atteste
a vo ir eu des liaisons particulières a v e c beau cou p d e personnes très-distin
guées qui m ’ ont dit avoir été présentes à ce m a ria g e, qui fut céléb ré
p u b liq u e m e n t ........................
« P a r i s , le 3o ju ille t 1806 »•
ii
;
f
•
« L e g é n é ra l D d f a s ».
�( ï .9 )
trompait ! L a cause eût été trop simple avec le sieur D estaing
père; les frères et sœur voulurent plaider aussi; mais il sera
inutile de les suivre dans leur in te r v e n tio n , leur tierce op p o
s it io n , leur s a is ie , leurs in cid en s de toute espèce : il suffit de
parler du jugem ent de M a u ria c, du i 3 août 18 0 7 , dont il est
nécessaire de préciser les dispositions pour les comparer avec
l ’arrêt postérieur de la Cour d ’appel.
L e tribunal de M auriac ne crut pas devoir s’arrêter aux preuves
existantes; il les jugea insuffisantes, et ordonna que la dame
D e s ta in g p ro u v e ra it, i .° « Q u ’il n’est pas d’usage au Caire et à
« Céphalonie de tenir des registres et faire des actes de mariage
« et de naissance; 2.0 q u ’elle a été mariée au C a ire, en l ’an 8 ,
« avec le général D esta in g , pa r le patriarche d’A le x a n d rie , avec
« les cérémonies usitées dans le lieu ;
3 .°
q u ’elle a cohabité de-
« puis avec le général Destaing jusqu’à son retour en F rance ÿ
« et que dans tout ce tems elle a été publiquement reconnue
« pour épouse du général De6taing; 4 .0 qu ’elle est accouchée à
« C é p h a lo n ie , en nivôse an 10 , d ’ une fille provenue de ce ma« r i a g e , laquelle a été nommée M aria D estaing ».
Il y eut-, de part et d’autre, a p p e l d e c e j u g e m e n t j la clame
D eslaîng s’en p la ig n a it, pârce qu’il l’assujétissait à une preuve
non-scUlement déjà fa ite , mais qu’elle crut Inutile, puisqu’elle
avait une possession d’état émanée de la famille Destaing ellemêm e. L e s héritiers'Destaing s’en plaignirent aussi, en ce q u e ,
disaient-ils, le Code civil ne pèrmet de prouver les mariages qué
pa r écrit et par les registres de l ’état civil.
• J1 •
C e n’était point assez d ’avoir accablé de calomnies la dame
D estaing à A u r i l l a c , M a u ria c et P a ris, les héritiers D estaing
lui réservaient pour la C o u r d’appel des imputations plus dures
encore. A les cro ire , elle n ’était qu’une prostituée de la plus
vile classe , offerte au général par sa propre famille ayant même
q u ’il eût sur ce point montré aucun ddsir; une grecque artifi-
6
�( 2° )
cieuse et r u s é e , qui avait su en imposer quelque tems à une fa
mille c r é d u l e ; ensuite, et pour avoir le droit d’ insister sur la re
présentation d’ un acte c iv il, ils la transformaient en musulmane
échappée d’un h arem , et la sommaient de représenter l’acte de
mariage que le Cadi avait dû rédiger.
L a Cour d ’a p p e l, par arrêt du n juin 1808 , a cru devo ir,
dans une matière aussi importante , laisser subsister la preuve
o rd o n n ée , mais avec des motifs bien précieux pour la dame
D e s ta in g , et qui p r o u v e n t q u e les magistrats, convaincus com m e
homm es, ont s e u le m e n t voulu ne négliger aucun moyen légal de
découvrir la vérité.
1.
Cependant la preuve ordonnée à M auriac n ’a point été exigée
par la Cour avec autant d’étendue. « L a Cour dit qu’il a été bien
« jugé en ce que la preuve testimoniale a été ordonnée, et néan« m oins, réduisant ¡ ’in te rlo c u to ire , ordonne que dans six mois
« A n n e Nazo fera p r e u v e , tant par titres que par tém oins, d e« vaut les premiers j u g e s , que pendant que le général Destaing
« étjit en activité de service au C aire, elle a é té m ariée avec lui
« publiquement et solennellement par Je patriarche d’A le x a n « drie, suivant le rii grec et suivant les formes et usages obser« vés dans le pays ; V autorise à ju ir e entendre les p a r e n s, tant
« d ’elle que du général .Deslaing, ainsi que to u tes les personnes
« q u i ont d éjà d o n n é des a ttesta tion s par forme d ’acte de no« toriété, à Marsei.le et à P a r is , ou des certifica ts dans la
« c a u se , sa u f tous autres reproches de droit qui pourront êlro
« proposés, et sur lesquels les premiers juges statueront, sauf
« preuve contraire ; ordonne que les frères et sœur Destaing
« rapporleiont les deux lettres mentionnées en l ’inventaire
« du 24 messidor an 10».
L es héritiers Destaing menaçaient de se pourvoir en cassation,
parce qu’ils attendaient la décision d ’une cause semblable sur
laquelle il y avait pourvoi contre N éphis D a v id , G éorgienne,
�( 21 )
mariée en E g y p te avec M . le général Faultrier * ; aussi ont-ils
retardé l’exécution de l ’arrêt par mille chicanes plus absurdes les
unes que les autres.
A Paris ils arrêtent brusquem ent l ’enquête, en disant que le
président de M auriac n ’a pas pu donner une commission rogatoire. L e juge-commissaire ne voulant pas ju g er ce grave p ro c è s,
le renvoie à M a u r i a c , et M au ria c le renvoie en la Cour. L à ,
vaincus dans leur m is é r a b l e incident par la simple lecture du
texte de la l o i , ils osent bien s’opposer à une prorogation .du
délai q u ’ils ont consumé eux-mêmes en chicanes; mais la Cour
en fait justice, e t, par arrêt du 12 décembre 1808, elle autorise
le président de M auriac à donner les commissions nécessaires,
re n o u ve lle le délai d’e n q u ête, et punit les héritiers D estaing
p a r une condamnation des dépens faits à R io m , à M auriac et à
Paris. Pendant tout ce délai, les témoius appelés à Paris ont été
renvoyés sans être entendus.
E nfin les enquêtes se font, l ’ une à M arseille, une autre à
P a r is , une autre à A u r i l l a c , et une dernière à M a u ria c; mais
l ’obstination tdes héritiers Destaing ne se lasse pas. L ’enquête de
PaVlS est rem arqu able, "m -io u i par la verbalisation .continuelle
de l’un desjhériliers D esta in g , q u i, sans exagération , y parlait
plus que les témoins et le ju g e ; à chaque mot il avait des obser
vations à faire écrire, ou;des questions nouvelles à adresser aux
'■ * L a C o u r 'd o M e t z a va it o r d o n n é q u e N é p l i i s rapporterait s eu le m en t
u n 'a c t e d e n o t o r i é t é , constatant q u e les chrétien s grecs ou rom ain s q ui se
m arien t à O i z é , piès le C a i r e , 11e sont pas dans l’ usage de faire constater
leurs mariages sur des registres publics.
L e s héritiers attaquèrent cet arrêt par le m otif q u e des ordres du jo u r
p u b lié s en E g y p t e , en l ’ an 6 , ex igeaient q u e tous les a c t e s , e n t r e F r a n ç a is
ê t E g y p tie n s , fussent reçus p;ir les com m issaires des g u e r r e s .
L a C o u r de cassation a d é c id é q u e ces ordres du jour étaient sans a p
plication ; que l’ acte d e notoriété était su ffisa n t, et avait été lé g a le m e n t
o r d o n n é j en c o n s é q u e n c e , le po u rv oi a été r e je té le S juin 1809.
�(
22
)
témoins; et quelles questions encore!..... ( S i en E g yp te il n’est
pas reçu q u ’on se marie pour un teins..... S ’il n ’est pas vrai que
les T u rc s coupent la tête aux femmes qui ont commerce avec
les Européens,.... e t c ., e t c .)
ic i
E h bien, toutes ces billevesées sont fidèlement écrites dans l’en
quête de P a r is , renouvelées ad liùilttm , *et suivies à chaque
nouvelle déposition, de questions plus absurdes encore. M . le
juge-enquêteur avait la bonté de tout entendre.
A M arseille, il n’y avait pour les héritiers*Destaing qu’ unfondé de p o u v o i r ; et soit q u ’ il n'osât pas se permettre toute cette:
verbalisatio n , soit qae les jo g â s mérîdiortaüx- soient'momsnpaJ
liens que ceux de la capitale, l ’enquête s’est faite en la forme-ordi
n a ire , et ce sont les témoins qui y occupent la plus grande place.
Cependant àfM arseille, com m e à P a r is , on ne m anqué pas
de faire insérer des reproches contre cliaqué pàrent, et contre
chaque témoin qui déjà avaient donné ü e s !atteslations ( m a lg r é
l’arrêt de la Cour, qui autorise expressément leurs dépositions).
M algré toute cette obstination les enquêtes se parachèvent}
des témoins distingués Tendent'compte de ce q u ’ils ont vu e t
entendu. Ilrésulte'de leurs dépo$iiiôtis une preuve aüssvcomplôtë
q u ’il était possible de l’attendre a p r è s *ce qui avait été produit
avant les interlocutoires.
!
ru )l L e s deux enquêtes de lü dam e Destaing sont' cûtnposées do
dix-sept témoins entendus à P a ris , et dix enteudus à Marseille.
P o u r ne pas être diffus, en suivant le détail d’ un,aussi gvand
nombre de dépositions, il faut.îles rapporter a trois .faits prin
cipaux : i.° la fête nuptiale; z.° la cérémonie de l’église;
notoriété du mariage.
!’
,
3.o
la
■
i .° M M . les généraux L a g r a n g c , D u ra n t eau et B ertra nd ;
M M . S a r le lo n , secrétaire-général du ministère de la "guerre;
M a r c e l, directeur-général de l’imprimerie impériale ; C lé m en t,
négociant; L a rrcy , m é d e c in ; A n n a ü b a d a n i, ancien commis
saire de police au C a i r e , ont déposé avoir assisté au repas de
�(
*3
)
nôces : les sieurs D u f é s , T u tu n g i et M i s c k , parens d ’A n n e
N a z o , le déposent aussi. Ces témoins y ont v u encore M . .le
général en ch e f M en ou (d écéd é pendant le procès ) , et plusieurs
prêtres grecs. M . D a u r e , commissaire des g u erres, dit y avoir
été invité , mais que son service le retarda, et qu’il vint après le
dîner. O n ajoute que ce fut la f ê t e la p lu s so le n n e lle qu’on eût
v u e dans le pays.
2 .0 L a célébration ecclésiastique est l ’objet de treize déposi
tions. L e général Destaing avait co m m u n iq u é son m ariage à
tous les dignitaires de son armée. Il y avait eu des b ille ts d 'in v i
ta tio n ; et M . Sa rtelon dit m ême q u ’il croit avoir vu l’annonce de
çe mariage dans la gazette du .Caire. M M . L a g ra n g e et L arrey
déclarent avoir reçu une invitation du général Destaing. L e u r
service les empêcha d’arriver assez tôt. M . L arrey dit q u ’il arriva
lo r sq u ’on so rta it de V ég lise, et q u ’il s’excusa auprès du général
sur son défaut d ’exactitude. D o n M o n a ch is ,le s s.rs T a k et V id a l
déposent que plusieurs témoins oculaires,, q u ’ils n om m ent, leur
ont dit a vo ir a ssis té à c ette célébra tion dans l ’église S a in tN ic o la s. L e sieur C h a m , ancien interprète de M . le prince de
NeufeWâipI. déclara a voir vu les préparatifs de la fêle sur la
place A ta b e l-e l-¿ a r g u a . L e 1» s i e u r s O ù a t l a n i , c o m m i s s a i r e de
po lice; R o s e t t e , bijoutier, étaient présens à la céléb ra tion du
m a r ia g e, f a i t e par le patriarche d ’A le x a n d r ie , dans la m êm e
église. L es sieurs J o se p h D u f é s , J o se p h
T u tu n g i, Ibrahim
T u tu n g i, S o p h ie M isck et J o se p h M isck déposent également
a v o ir a ssisté à c ette céléb ra tio n f a it e p ar le p a tria rc h e , avec
les rites observés par les Grecs, le jour des rois de l’église g rec q u e ,
ou 17 janvier; ils ajoutent que le colonel N ic o la s P a p a s O g lou
était le parrain de la m a rié e , suivant l’ usage. L e sieur B a rth éle m i Serra dit avoir élé in v ité à c ette cérém onie par le général
D esta in g , mais n’avoir pas a c ce p té , parce qu’il était brouillé
avec la famille N a zo ; il ajoute que le g é n é r a l Destaing lui d it ,
avant son,jnariage, q u ’il serait célébré su iva n t le rit g r e c , et
Qu’ensuite il lui dit que son mariage avait é té céléb ré p a r le
�( H )
patriarche g r e c , scion le rit g rec; q u ’il avait voulu se conformer
à 'l’usage du pays.
1
3.° Quant à la notoriété, il serait oiseux d’énumérer les té
moins qui déposent que le mariage était public au C a ire; il est
plus sûr de dire, sans craindre de se trom per, que tou s les té
m o in s, sans exceptio n , attestent que to u te la v ille du Caire
regardait ce m ariage com m e lég itim e ; et précisément tous ces
militaires français , qu’on a peints com m e ne s’occupant des
femmes que pour les déshonorer, sont ceux qui attestent le plus
fortement que p erson n e ne dou tait y au Caire et à l a rm ée, de
la lé g itim ité de c e m a r ia g e ."
'• •
L e s héritiers Destaing ont fait de leur côté deux enquêtes ,
l ’une à A u r illa c , composée de trois témoins, et l’autre à M a u
ria c , de deux témoins.
A A u r i l l a c , ce sont le sieur D elzons père et la dame D elzons
sa b e lle -fille, cousins des héritiers D estain g, et une demoiselle
Françoise Gronier. L e sieur D elzons père, qui n’a rien vu , ra p
porte seulement deux conversations : un jo u r , à P a r i s , le géné
ral Destaing causant avec sa belle-fille, lui disait que sa femme
po uvait être m a rié e , mais que lui ne l’était p a s; le sieur D e l
zons ajoute q u ’il fit cesser c e lle p la isa n terie. U n autre jo u r, h
P a r is , le général D e l z o n s , s o n f i l s , lu i d it q u ’ il y avait eu
dans la maison N azo une cérém onie relig ieu se à la q u elle i l
a va it a ssisté.
L a dame D elzo n s, née V a r s y , déclare n’être arrivée au Caire
que le 3o nivôse an 9 , et on lui dit que la veille 011 avait conduit
A n n e N azo chez le g é n é r a l, à l’entrée de la n u it, sans cérémonie
ni fête; q u ’il y eut une fête ensuite, mais pour lebdptême de son
e n fa n t, et qu’A n n e N a z o 'y occupait la place de m aîtresse de la
m aison. E lle ajoute que cependant elle a oui-dire (¡ne le jour
q u ’A n n e Nazo avait été conduite chez le général D estain g, i l y
a va it eu une cérém onie religieuse q u i a va it é té f a i t e par le
patriarche d ’A le x a n d r ie , à laquelle peu: de personnes avaient
assisté.
‘
Jusquo
�( 25 )
• J u s q u e - l à on voit que la dame D elzons se tient en mesure
pour ne dire que le moins possible. Mais le ju g e l’interroge sur
son opinion particulière, et elle termine par dire q u ’elle croit
qu 'o n regardait au Caire A n n e Nazo comme épouse lé g itim e
du sieur D estaing, et que p ou r e l l e , e lle la croya it fe m m e du
généra l D e s t a in g , et lu i rendait le s honneurs atta chés à c e
titre.
L a demoiselle Gronier, fille, à ce qu’il paraît, fort curieuse, et
qui n’oublie r i e n , dépose s’être trouvée à L y o n lorsque le général
D estaing arriva d ’E g y p te : elle dîna a vec lui. L ’occasion de parler
de son mariage venait si naturellem ent, qu ’elle ne la laissa pas
échapper. E lle ouvrit donc la conversation, com m e c’était tout
sim p le, et parla de cette belle G recque q u ’i l avait é p o u s é e , que
to u t le m onde le d is a it, que sa famille en était instruite, etc. L e
g é n éra l, qui avait perdu en Orient l ’habitude de cette loquacité
du sexe , lui répondit seulement : E l l e est p a ssée d'un c ô té et
m o i de Vautre. Puis il se tut sans miséricorde. Mais la demoiselle
Gronier tira , à ce qu’elle d it, plusieurs conjectures du m o u ve
ment de ses doigts , quand il indiquait deux côtés opposés; e t ,
TIC pO U V Û Tlt p l l l S T ie n d i r e s u r c c c h a p i t r a , c l i c p a r l a s u r cl*autr6S
q u ’elle Ijuge inutile d’être racontés. L o rs q u ’ensuite la dam e
D estaing fut’ venue à A u r i l l a c , la demoiselle Gronier ( p a r une
prescience du procès actuel)', poussa le scrupule jusqu’à demander
à la dame D eslaing s ’i l y avait des registres de m ariage au C a ir e ,
et la dame Destaing lui répondit encore q u ’elle croit avoir vu le
prêtre écrire dans un gros livre. E n f i n , passant aux ouV-dires, la
demoiselle Gronier a entendu d é c la r e r , par m adam e D e lz o n s ,
fem m e du g é n é r a l, qu’A n n e N azo avait été mariée ,
mari
{ le g én éra l D e lz o n s )
et que
Y était pr é se n t. (V o ilà
son
l ’abrégé
de la déposition de la demoiselle Gronier, que les héritiers D e s
taing prétendent leur être fort a van tageu se).
L e s deux témoins de M auriac disent fort peu de choses, quoi-,
qu’ils fussent dans la maison du g é n é r a l, lors de son mariage.
L ’un était son palfrenier au C aire; le cuisinier lui dit qu’oü
7
�( 26)'
avait mené une fem m e chez le général : et il n ’en sait pas
davantage pour ce jour-Ià. Ensuite il a vu un grand repas où
étaient le général M en o u et to u t C état-m a jor. Cette femme y
était aussi, il l’a entendu appeler M adam e D esta in g .
L ’autre était un militaire travaillant comme menuisier chez le
général. O n lui dit aussi q u ’on menait une fe m m e , et il courut
p o u r la regarder : mais il ne vit pas sa f i g u r e , parce qu’e lle
éta it voilée; elle était accom pagnée par une autre fem m e; et il
vit p lu sieu rs escla ves de son escorte, restés dans la cour; a lo rs;
craignant d ’ê tre a p e r ç u , il se retira.
Il paraît que ce n’était pas pour ces détails-là q u ’on avait
appelé ces témoins; mais, pour que leur témoignage ne fût pas
tout à fait in utile, les héritiers Destaing leur font demander s’ ils
ont vu des mariages en Egypte. T o u s deux déposent en avoir
v u un : la mariée était sous un d a is , précédée de musiciens
montés sur des chameaux.
V o i là en total le résultat des enquêtes; et on voit que l’en
quête contraire ne fait que confirmer pleinement l ’enquête
directe , loin de la détruire.
A u ssi les héritiers D e s ta in g , comprenant fort bien q u e , sous
ce point de v u e , leur cause d e v e n a i t i n s o u t e n a b l e , ont-ils Voulu
tourner tous leurs e ffo r ts du côté de 1 acte civil du mariage.
E n rendant compte de l’enquête de Paris et de M a r s e ille ,
on n’a pas dit qu’à chaque déposition les héritiers Destaing
faisaient expliquer les témoins sur la tenue des registres de
l ’état civil en E g y p te , quoique cet article fût exclu de la preuve
par l’arrêt de la Cour.
M ais plus cette partie était obscure,
et plus les héritiers
D estaing y ont fondé d ’espérances. Cependant ils n’ont eu rien
à y gagner dans les enquêtes; car si quelques témoins ont dit
q u ’il existait des registres, c ’est avec l ’explication tr è s-lu m i
neuse de la différence des églises. A in si les héritiers Destaing
n ’avaient encore rien éclairci qui ne leur fût contraire.
L e procès des héritiers Eaultrier leur a fourni d ’aulres res-
�( 27 )
sources; ils ont su que cette famille avait fait venir du consuL
d'E gypte des certificats sur la tenue des registres c iv ils , et aussitôt
ils s’en sont procuré une copie légalisée à M etz.
C es certificats é m anen t, à ce q u ’ils disent, du préfet et du
patriarche des prêtres grecs c a th o liq u e s , et du supérieur de la
m issio n .
L a dame D estaing, qui n’avait jamais o u ï parler au Caire*
des personnes dénommées en ces certificats, et qui avait de
grandes raisons d ’en suspecter la véracité, n’a eu à consulter
aucune personne plus sure et plus instruite que don R a p h a ë l
M onachis , l’ un
des témoins de son
enquête , prêtre grec
catholique r o m a in , appelé de l’E g y p te par Sa Majesté Impériale
p o u r être professeur de langues orientales à la bibliothèque
impériale.
D o n M onachis avait été envoyé d’E g y p te à R o m e pour faire
ses études. R e v e n u au couvent des D ruses, sur le M o n t - L i b a n
(résidence du seul patriarche grec, reconnu par l’église de R o m e ),
il reçut la mission d’âller au Caire, rem plir les fonctions de curé
cath o liqu e, ou premier vicaire du patriarche grec catholique,
juscju’ù tic cjtt’li or»
obtenu la permission de venir en France.
C e lettré a parfaitement expliqué aux c o n s e i l s de la dam e
D estaing l’équivoque que ces certificats pouvaient produire a u x
y e u x de ceux qui ignorent la différence qui existe entre les
prêtres latins ou catholiques, et les prêtres grecs schismatiques.
L e s prêtres catholiques qui ont reçu de l’instruction tiennent
en E g y p te des registres qu’ils signent pour eux seuls, parce que
l’Etat ne les reconnaît p o i n t , et encore cet usage est-il récent ;
mais les prêtres du schisme grec élevés dans le pays , et n’y
recevant aucune espèce d ’instruction, ne tiennent jamais de
registres.
V o i là ce qu’a dit don M onachis dans une attestation notariée,
que les conseils de la dame D estaing ont d é siré o b t e n i r de lui
com m e garantie d ’un simple fait h i s t o r i q u e , qui eût pu paraître
apocryphe dans la bouche d’ une partie intéressée,
3
�. .
( 2 S )
C ’est ainsi qu’ il.fallait être en garde contre les embûches sans
eesse renaissantes des héritiers Destaing. Enfin ayant épuisé
toutes leurs ressources , il ne leur restait que celle de faire tomber
les enquêtes, et ils ont bien osé conclure devant le tribunal de
M a u r i a c à ce qu’il se désistâ t de V in terlocu toire ordonné par
l ’arrêt de la Cour. Ils ont reproché les témoins de M arseille
comme transfuges et in ca pa bles de tém oigna ge , et ils ont pré
tendu avoir prouvé qu ’ il existait des registres de mariage en
E g y p t e , d’où ils ont conclu que la dame Destaing ne pouvait
se dire épouse légitime tant qu’elle ne rapporterait pas l’acte
civil de son mariage. E t enfin ils ont demandé qu’elle res
tituât les objets à elle fournis pendant la tutelle de leur père ,
avec défenses a elle et a sa fille de porter le nom D estaing à
l ’avenir.
Ces derniers efforts de la chicane expirante ont eu le sort q u ’ils
méritaient ; e t, par un jugem ent du 14 août 1 8 1 0 , parfaitement
m o t i v é , le tribunal de M a u r ia c , conv,ainc.u.:de l’ extrême évi
dence des p re u ve s, a reconnu A nn e Nazo pour épouse légitim e
du général D e s ta in g , et M arie Destaing pour l ’enfant légitime
né de ce mariage.
L a voie de l’appel était e n c o r e ouverte aux héritiers Destaing f
et ils ne l’o n t p a s n é g l i g é e . Veulent-ils encore se venger de la
v é r i t é par des outrages? Mais il n ’est plus tems de répéter un de
ces romans diffamatoires, dont l ’imagination fait tous les frais ;
q u ’elle arrange a v e c art et prestige pour que l’incertitude soit
forcée d ’hésiter entre le mensonge et la réalité. A u jo u r d ’ hui tout
ce qui s’est passé au Caire est connu ; les faits, les noms , les
qualités , les u s a g e s , sont constiins ; la dame Destaing aurait
d>nc rigoureusement rempli sa tâche , en faisant un détail
exact de ce qui résulte d ’un aussi long procès; mais elle est
forcée de parcourir encore le cercle des objections dans les
quelles les héritiers D estaing ont semblé mettre encore un peu
de confiance.
�(
29
)
M O Y E N S.
L o rs q u ’ un étranger se dit m alheureux dans une pairie qui
n’est pas la sienne, les esprits durs ou superficiels sont quelque
fois disposés à lui reprocher d ’avoir abandonné le sol qui l’a vu
naître; on scrute les causes de son émigration , on les voit rare
m ent du meilleur côté, et on se roidit contre ses plaintes. C ’est
ainsi qu’ une sorte de prévention nationale repousse l ’étranger
en réclamation jusqu’à ce que l’é v id e n c e 'd e ses droits soit en
traînante, et alors l’indifférence même se sent portée à consoler
l ’être malheureux qui a eu tant de peine à faire apercevoir la
vérité.
M ais si cette vérité est si lente, le v u lg a ire , dans sa curiosilé
d ’ un m o m en t, a-t-il toujours le tems de l ’attendre? A v id e de
tout ce qui rompt la monotonie de ses habitudes , l’esprit du
m onde s’empare des événemens extraordinaires pour les ju g er
a v e c la promptitude qui convient à la mobilité de ses sensations.
Si r'art a mis quelque adresse à arranger une calomnie avec des
élduicn» merveilleux e t tant soj t peu vraisemblables , malheur à ‘
la victim e , car le monde a une prédilection marquée pour ce
qui s’éloigne du cours ordinaire des actions de la vie. E nlin le
tems ramène toul à la conviction et à la justice ; car lui seul est
la puissance capable de dévorer la calomnie et d’éteindre la
curiosité.
Cependant ce bienfait du tems n’est pas toujours un résultat
assuré. L e nuagede la calomnie est quelquefois tellement épais que
l’opinion ne cherche plus à le percer. Heureusem ent les m agis
trats ne se d é c i d e n t point comme le vu lga ire; fermant les y e u x
au prestige qui pourrait les persuader sans les c o n v a i n c r e , d é
daignant les narrations intéressées qui pourraient les séd uire, eux
seuls appellent le tems au secours de la vérité, et forcent l’opi
nion à proclamer q u ’elle n ’avait été c r é d u le que par lassitude o u
indifférence.
*
�Ç 3o )
C ’est une grande consolation sans doute pour la dame D es
ta in g, d ’avoir pu prouver son état avec plus d e clarté qu’elle
n e pouvait l’espérer à un aussi grand éloignement de sa patrie ;
m ais q u ’elles ont été longues ces années de procès! et qui jamais
la dédommagera de la cruelle anxiété où une ligue obstinée s’est
plu à la tenirdepuis'l’an n ? L e v a in c u , n ’en doutons pas, s’ap
plaudira encore intérieurem ent du mal réel q u ’il aura fait, alors
m ême qu ’il sera réduit à l’impuissance de l’agraver.
-,
Cependant les hostilités n ’ont point cessé encore; l’évidence ne.
peut arracher a u x héritiers Destaing l’aveu de leur conviction:
ils s ’ é c r ie n t encore qu ’il n’y a point eu de m a ria g e; que les en-,
quêtes doivent être rejetées, et qu’ il faut des registres de l’état
civil , parce qu’ils disent avoir constaté leur existence.
L e s enquêtes doivent être rejetées! V o i là bien le cri forcé de
la crainte; et pourquoi le seraient-elles, si la C o u r les a jugées,
nécessaires?
*
L a loi, disent les héritiers D esta in g , ne s’oppose pas à ce que*
le juge s’éloigne de son interlocutoire; cela est v r a i, lorsque des
preuves écrites sont venues éclaircir ce qui était d ’abord douteux.»
M ais quelle lumière, nouvelle ont donc apportée les héritiers D e s
taing? quelles preuves inattendues m o n t r e n t - i l s de la fau sseté du
m ariage que tant de t é m o in s attestent ? A u c u n e ; absolument
aucune : la c a u s e est donc dans le même état qu elle était lorsque*
la C o u r a ordonné une preuve. A in si on ne peut comprendre
quel esprit de vertige les a poussés tout d’un coup à demander
à un tribunal de première instance le rejet d’un interlocutoire
ordonné par arrêt de la Cour.
L ’arrêt subsiste, et il est pleinement exécuté : la preuve est
complète. U n e foule de témoins du premier rang parlent de la
c é lé b r a t io n du mariage et des fêtes données pour le rendre
plus solennel : les uns étaient tém oins ocula ires des f ê t e s , les
autres tém oins o cu la ires de la c é lé b r a tio n , d’autres étaient in
vités et n’ont pu être présens h tout; d ’autres enfin ont seulement
ouï attester la célébration ; mais celle attestation leur avait été
�( 3.
)
donnée par des personnes présentes qui n ’onf pu être appelées
à l’enquête. Ce ne sont point là de ces o u ï-d ires vagues dont
la source est inconnue , et qui ne méritent aucune confiance :
ajoutons les attestations de M M . les généraux M en o u et D u p a s,
et de tant d’autres témoignages précieux dont la dame D estaing
a été privée. Com m ent la passion empêcherait-elle ses adversaires
eux-mêmes de convenir qu ’il résulte de cet ensemble un corps
de preuves tellement p a r fa it, que la mauvaise foi peut seule
feindre un doute q u ’elle n ’a pas?
O n ne peut pas dire que ce corps de preuves soit altéré le
moins possible par les enquêtes contraires. Il faut dire plutôt
que ces enquêtes aident à la conviction ; elles indiquent ellesm êm es que le généra l D e lz o n s * éta it p résen t à la céléb ra tion
d:i m a ria g e, et achèvent de démontrer combien l’opin io n , sur la
légitim ité de ce m a r ia g e , était certaine pour ceux-là m ême q u i,
dans l’arrangement de leurs dépositions, m arquaient la volonté
d’être favorables aux héritiers Destaing.
Ils le comprennent parfaitement ; mais ils osent attaquer une
enquête entière, pour la faire tom ber en masse pa r la plus au
dacieuse des icmmivo«. i - ’onquête de M arseille est composée
d ’E g yp tie n s qui y habitent depuis le retour de l’armde ; et les
héritiers Destaing ont osé dire que ces transfuges étaient in c a
p a b les de tém oig n a g e.
Cette injure irréfléchie pouvait-elle s’adresser à des individus
qui vivent depuis d ix ans sur le sol F ra n ç a is, et avec des pen
sions du gouvernement? L ’E m p ereu r a-t-il mis sur le u r front
un sceau de réprobation qui les avilisse , lorsqu’au contraire il
leur accorde asile et protection? et celte protection a u g u s t e
ne les met-elle pas au pair des autres citoyens ?
C o m m ent ont mérité cette dure qualification des hommes qui
*
A u j o u r d ’ h u i in d iq u é par les héritiers D esln in g c o m m e 8yanl d é m e n ti
par écrit c e q u ’ il a dit à son père cl à sa f e m m e .
1
�(
32
)
n’ ont été coupables que d ’attachement à la F ra n ce? V i v a n t
sous un jo u g de fer en E g y p t e , à cause de la différence de
leur religio n , ils avaient dû regarder les Français comme des
libérateurs, et s’étaient prononcés pour leur cause. Pouvaient-ils,
au départ de l’a rm ée, se l i v r e r a la vengeance des Ottomans?
et la France n’acquitte - 1 - elle pas une dette sacrée en leur
donnant un asile? E lle ne leur a imposé aucune condition. Ils
étaient Français en E gypte : pourquoi ne le seraient-ils pas en
France? Sont-ils donc des transfuges, ceux q u i , séparés de leurs
familles, et a c c o u t u m é s par des mœurs simples à l ’amour de la
patrie * , p le u r e n t encore l’E gypte où ils n’ont plus l’espoir d ’aller
m o u rir ?
Nos lois sont hospitalières, et on les calomnie. L ’art. iB du
C ode N ap. dit : que « l’étranger qu i aura é té adm is par le g ou« vernem ent a établir son domicile en F ra n c e , y jouira des
« droits c iv ils , tant qu’il continuera d ’y résider ». O r , suivant
l ’art.
25 ,
on n ’est incapable de porter témoignage que lorsqu’on
a été p r iv é de ses droits civils. Une législation aussi claire
devait fermer la bouche aux héritiers D e s t a in g , et épargner
aux E g yp tie n s, devenus Français, un reproche brutal, et d ’autant
plus inutile à la cause, que l’arrêt de la Cour avait supposé ces
réfugiés capables de té m o ig n a g e .
Ce n’est pas tout encore pour les héritiers D estaing de récuser
p a r un moyen général tous les témoins d’une enquête; il en reste
*
a L o rs q u e M . M a ille t était consul nu C a i r e , les J é su ite s persuadèrent
« à la cou r de F ra n c o dii faire v e n ir à P aris clos enfans de C oplite s pour
« les é l e v e r a ux collèges de L o u i s - l e - G r a n d . O n d e v a it les instruire dans
« la f o i , et les r e n v o y e r co n v er tir leur nation scliisinatique. A force d ’a r « gent on obtint le consentem en t de qu elqu es pères ex trêm e m e n t p a u v r e s :
« mais lorsqu’ il fullut so s é p a r e r ,
la tendresse se r é v e i ll a dans toute sa
« f o r c e , f t ils a i mè r e nt m ie u x r e to m b e r dans la m isère q u e d ’a ch e ter un
* étal d ’.iisance par un sacrifice q u i coûtait trop à leur cœ u r» . ( S a v a r i ,
sur l’ E g y p t e , lettre 1 4 ) .
uno
�(
33
)
une aulre composée de généraux et d ’hommes respectables, q u i,
syant la confiance du g o u ve rn em en t, ont contenu les héritiers
■Destaing dans leurs apostrophes.
•
M ais ieurs ressources ne sont pas épuisées.
N e trouvant pas de témoins qui voulussent dire q u ’il n’y avait
pas eu de m ariage, les héritiers Destaing ont conçu l’idée de se
faire écrire une lettre qui leur racontât de point en p o in t, et ab
o v o , tout ce qui s’était passé au C a i r e , à T a re n te , à L y o n , à
A u r illa c et à Paris.
1
M ais de quel nom se servir pour cette lettre? Ils n’en ont pas
de plus convenable que celui du général D elzons, leur cousin,
VU
ancien ami du général D e s ta in g , qui certainement a tout v u , ‘
mais qui depuis l’an 10 avait gardé une neutralité dont aucune
des parties ne pouvait le blâmer.
C ’est de lui q u ’on produit une lettre de six grandes p a g e s , si peu
d ’accord a v e c la loyauté de ce m ilitaire, q u ’il est difficile de croire
a sa réalité. Plus on la lit, et plus on est convaincu que c’est une
véritable injure faite à ce g é n éra l, de lui imputer un écrit pareil.
O n lit dans cette le ttr e , datée du 17 janvier 1809 ( et qu ’on a
s i g n if i é e c o m m e p i t c u
p r o c è s ) . n u e M . D e l z o n s s’a c c u s e
d’avoir introduit A n n e Nazo dans la maison du sieur Destaing
p è r e , après la mort du général, p o u r recevo ir les secours h o sp i
ta lie rs dus au m a lh eu r; mais qu ’il est faux qu’il y ait eu aucun
m ariage entr’elle et le général.Destaing.
Cette lettre atteste q u ’il n’y a eu entr’eux q u ’i/w arrangement
o r ie n ta l ou un m ariage à tems *. L ’auteur s’y rappelle parfaite-
*
L e s enquêles prouv en t q u e les m ariages à tem s n’ ont lieu q u ’ entre les
m u su lm an s. L e C a d i v e n d une perm ission d e v i v r e pendant un te n u d o n n é ,
a v e c la fe m m e q u e l’on a c h o i s i e ; la po lice e x ig e c e lle f o r m a l i t é s et les
en g a g e m en s de c e ge u re sont en parfaite^ co n c o rd an c e aveo la religion do
M a h o m e t , qui a d m e t la pluralité des f e m m e s. « Etnpl°.y cz vos richesses à
* vous procurer des épouses chastes et vertueuse*. D o n n e z la dot prom isa
« suivant la loi. C e t e n ga ge m en t a c c o m p l i , tous les accord s rjuc vous feriiis
« e n s e m b l o , seront licites ». ( K o r a n , c h. 4 , v. 2 9 ) .
�ment du jo u r et de 1"'heure où A n n e N azo est entrée chez le g é
néral D estain g, et du jo u r de sa so rtie ( a u bout de dix ans ).
Puis vient une plaidoierie en forme sur le résultat des ordres du
jo u r de l ’arm ée, relativement à la tenue des registres prescrits
a ux commissaires des guerres. T o u t y est avec ses dales et des
exemples. L a lettre est terminée par un démenti formel au cer
tificat du général en c h e f M e n o u , pour avoir dit que lui Menou
avait a ssisté au m a ria g e, et que to u t s 'é ta it p a ssé avec la p lu s
grande rég u la rité, so u s les rapports c iv ils et relig ieu x.
N on , lin général français n ’a point écrit cette lettre ;*on abuse
de son nom pour tromper la Cour.
U n général français n ’a point démenti son c h e f, qui a donné
un certificat au nom de la vérité et de l'h on n eu r. Il n ’eût point
attendu la mort de ce c h e f, pour faire à ses mânes la plus san
glante des injures.
N o n , le général D elzons n’a point écrit q u ’il n’y avait eu
q u ’ un arrangement o rien ta l fait avec l ’accord des parens N azo /
lorsque vingt-cinq témoins disent le contraire, lorsque M . D e l
zo n s, son p è r e , a déposé que
lu i
AVAIT
DIT
le g én ér a l
D elzons
,
son
fils
,
qu*il y avait eu un e cérém onie r e lig ie u s e ,
; lorsque F r a n ç o i s e G renier a
déposé que m adam e D e lz o n s , J em m e du g é n é r a l, lu i avait d it
A L A Q U E LL E IL A V A I T
ASSISTÉ
q u 'A n n c N a z o a va it é t é m ariée a vec le g én éra l D e s t a in g , et
Q U E S ON M A R I Y É T A I T P R É S E N T .
L e général D elzons a encore moins écrit q u ’il s’accusait
d ’avoir introduit A n n e N azo dans la maison de son beau-père,
à A u r i l l a c , pour recevoir des secours h osp italiers ; car le gé
néral D elzons est m embre du c o n s e il de f a m i l l e , du
5 messidor
an i o , qui défère à l ’aïeul la tutelle de M aria D estaing, comme
.fille lég itim e de son fils.
C ’est dans ce p ro c è s-v e rb a l que le général Delzons a dit la
vérité ; là i l a écrit et sig n é que le général Destaing a laisse
u n e J ille légitim e p rov en a n t de son m ariage avec A n n e N a zo .
V o ilà seulement ce que le général D elzons a dit en présence
�(35)
de la justice et d’une fam ille entière; et cela est incom patible
avec ce q u ’on suppose émané de lu i, après dix ans de neutralité
et d’ un oubli inévitable des fa it s , des dates et des détails. L a
lettre qu’on lui attribue n’est donc qu’ une injure faite à la loyauté
de ce g é n é ra l, qui la désavouerait, n’en doutons p a s , s’il était
instruit qu ’on abuse ainsi de son nom.
Mais c’est trop s’arrêter à une pièce qui n’est au procès que
pour attester que les héritiers Destaing emploient toutes sortes
de voies pour calomnier et persuader; com m e s’ils s’attendaient
que la C o u r , après avoir rejeté une masse d’attestations authen
tiques, aura plutôt confiance dans le certificat intéressé, informe
et isolé, fait sous le nom d’un parent qui lui-même avait attesté
lég a lem en t le contraire de ce q u ’on lui fait dire.
L e s enquêtes restent donc dans toute leur fo rc e , et il serait
superflu de s’y appesantir : leur simple lecture opère une con
viction tellement entraînante ,
affaiblir.
que les commenter serait les
- C ’est à ces enquêtes seules que la C o u r a réduit toute la c a u s e ,
én'modifiant l’interlocutoire ordonné par les premiers ju g e s, qui
ûVaient e xig é de plus ln prouva cio l’exiülenco ou non existence
des registres de l’état civil au greffe.
Cependant les héritiers D estaing se confient encore dans cette
partie de leurs objections. Ils n’ont pas perdu l’espoir de faire
adopter par la C o u r ce q u ’elle a rejeté, et ils veulent astreindre
la dame De&taing à rapporter un acte de mariage tiré des registres
de l’état civil.
C a r , d is e n t- ils , il existe des registres en E g y p te : nous le
prouvons à l’aide des certificats délivrés aux héritiers Faultrier.
D ’ailleurs les ordres du jour de l ’arm ée exigeaient que tous les
a ctes fussent reçus par les commissaires des g u e r r e s , pour être
valables; vous avez dil vous y conformer.
Q ue sont les ordres du jour de l'an 6 et de l ’an 7 ? L e u r début
( l'arm ée est p rév en u e, etc. ) p r o u v e s e u l q u ’il ne s’agissait pas
d ’une loi générale pour l’E g y p te . E t com m ent oser sans ridicule
10
�(
36
)
supposer que la légitimité des mariages et le sort d ’une province
auront été réglés au son du tam bour par une proclamation faite
sur une place d’armes, vraisemblablement fort peu fréquentée
des indigènes?
Q u ’on ouvre les journaux du tem s, et ils apprendront que
l ’E m pereur allant vaincre com m e C é s a r , laissait au vaincu ses
lo is, ses usages et sa croyance ; parlant du Christ aux Grecs , et
du D ieu de Jacob aux M u s u lm a n s , to u t, excepté son é p é e , a
été concorde et tolérance.
Ses s u c c e s s e u r s ont suivi son exemple et ses ordres. « N o u s
a a v o n s r e s p e c t é , dirent-ils a u x E g y p tie n s,
en se préparant à
« les quitter, vos m œ urs, vos l o i s , v os lis a g e s .. . . » E t le
D iv a n du Caire a remercié officiellement le premier C o n s u l , en
l ’an 9 , de ce respect pour les mœurs de l’E g y p t e , en lui e xp ri
m a n t , avec l’élévation orientale, une juste reconnaissance.
D e s ordres du jour n’ont donc pas été une loi générale, faite
pour changer les habitudes, de l’E g yp te sur la form e des m a
riages. C ’e s t , au reste , ce qu’a expressément jugé l’arrêt de cas
sation des héritiers Faultrier , et ce q u ’avait déjà préjugé la Cour
en n’exigeant d e la dame D esta in g que la preuve de son mariage
suivant les formes de son pays.
Q ue sont encore ces c e r t i f i c a t s égyptiens présentés par les hé
ritiers F a u ltrier, ct,que les héritiers Destaing s’approprient ? Il
suffirait de leur répondre que ces copies sont dans le procès actuel
une pièce é tran g è re , et que n ’étant pas prises sur l’o rig in a l, dans
les formes légales, elles ne peuvent faire aucune foi en ju stice ,
suivant l’article i 336 du Code Napoléon.
Q u ’a de com m un le procès de la Géorgienne Néphis (achetée
comme esclave par le général F a u ltr ie r , présentée, à la v é rité ,
à Metz , com m e son épouse , mais méconnue aussitôt q u ’il fut
m o r t ) , avec le procès d’A n n e N a z o , appelée en France par son
époux , reçue, accueillie par sa fam ille, après sa m o r t , et ayant
eu une possession d ’état légale et p u bliqu e, consignée dans les
¡registres judiciaires et dans ceux de la maison impériale ?
�t
37
)
■
■M ais admettons ces certificats com m e sincères et authentiques,
tout prouve que ceux qui ont cherché à se les procurer n’ont
Voulu que surprendre la justice par une équivoque.
‘
O n sait que toutes les religions sont tolérées dans les états du
G ra n d -S e ig n e u r, quoique l’islamisme y soit la religion d om i
nante. O n sait encore que M ahom et I I , vainqueur de Constan
tin o p le , jura de respecter le christianisme ; et ses successeurs
ont gardé son serment.
A la v é rité, un serment de fidélité et un tribut fort onéreux
sont exigés des évêques et des patriarches ; à cela près rien n e
s’oppose à c e que les prêtres latins, grecs et arméniens, exercent
le u r culte publiquem ent dans les états du G rand-Seigneur ; et
les minarets seuls y distinguent les mosquées des églises chré
tiennes.
L ’E g y p te , l’un des berceaux du christianisme , l’un des p re
miers asiles des fidèles persécutés, n’avait point échappé au
schisme des G recs , et toute tolérance cessa quand cette secte
se sentit assez forte pour disputer de domination; l ’église latine
fut long-tems proscrite par les Grecs , mais sans perdre jam ais
1 espoir de ramener ses curUns égares h l ’nm'tcS religieuse. D e
tout tems la cour de R o m e a entretenu dans ces déserts de la
T h é b a ïd e , si grands en souvenirs, des prêtres catholiques q u i,
semblables aux persécutés de toutes les révolutions religieuses,
conservaient le feu sacré de la foi pour des tems plus prospères.
C ’est ainsi que sur la montagne des D ru se s, dans la'chaîne du
M o n t-L ib a n , de pieux ecclésiastiques, soumis à tous les dogmes
de l’E glise r o m a in e , et sous son obédience, se répandent dans
les villes de l’E g y p t e , soit sous le titre de missionnaires, soit
sous le titre de cu rés, ou tout autre caractère qui leur est donné
par leur chef.
C e c h e f est connu parmi eux sous le n o m de Patriarche
d ’ A le x a n d r ie , non pas celui q u i , prêtant serment de fidélité au
G ra n d -S eig n e u r, se regarde comme indépendant de R o m e , et
�(
38
)
c h e f suprême de 1’E güse d’Orient , mais un patriarche dépen
dant du P a p e , et vivant dans l’ unité de l’église catholique.
M a in te n a n t, il faut rappeler que la daine D estaing n ’est pas
ne'e dans la religion grecque la t in e , niais dans celle connue en
F ia n c e sous le nom de sch ism a tiq u eg recq u e. L e patriarche grec
et les prêtres ou papas, exerçant le culte public grec au C a ir e ,
sont donc les seuls qui eussent pu donner des attestations dignes
de foi sur le rit de leur église.
M ais ce n’est pas d’eux q u ’on rapporte des certificats ; il paraît
que les h é r i t i e r s F a u l t r i e r en ont demandé aux prêtres latins. Gela
était
vrier
indifférent
dans leur cause ; car l ’arrêt de M e t z , du
25
fé
18 0 8 , confirmé par la Cour de cassation, exigeait seule
m ent un acte de notoriété des prêtres de la religion chrétienne
g recq u e ou rom aine , établis à Gizé. Et en e ffe t, on ne voit pas
si Néphis D a v id a prétendu avoir été mariée à G izé par un
prêtre du schisme grec. Peut-être aussi a-t-elle de son côté rap
porté un acte de notoriété de l ’église schism atique g r e c q u e ,
pour satisfaire à l’arrêt de Metz. M ais on ignore pleinement les
détails de son procès et le genre de sa défense.
Q uoi q u ’il en soit, les héritiers D estaing se sont emparés des
certificats donnés aux héritiers F aultrier. V o y o n s maintenant
ce q u ’ils disent. L e p r e m i e r est ainsi conçu :
« J e s o u s s i g n é , Préfet des prêtres grecs c a th o liq u e s , en
« E g y p te , déclare que tous les mariages qui sont célébrés, soit
« par m o i , so it par les prêtres grecs ca th o liq u es q u i sont sou s
« ma d ép en d a n ce, sont inscrits sur un registre, e tc ., écrit par
« le p ère C on sta n tin I i a d a d , v ica ire de Son E m in e n c e le
u P a tria rch e g rec en E g y p te . A u C a ire , le 7 du mois echbat
« ( 7 février 1809 ).
L e suivant atteste q u ’il n’u pas trouvé dans les archives de
son église le mariage. du général Faultrier.
11 est
signé : lîe n e -
dictus de M cd icin a , m issio n n a ire a p o s to liq u e , cu ré et vicaire
supérieur de la m ission d ’M gyplC' -Au C a ire, le 20 lévrier 1809.
�C 3 9 ') _
Ces deux certificats sont de la main m ême de ces ecclésias
tiques. L e premier est en arabe, et le second en la tin : ils sont
traduits par un interprète du Consul de France.
L e troisième n ’a aucune sig n a tu re , ni m ême le nom du cei4tifîcateur. Il consiste à dire qu’aucun prêtre de notre dépendance
ne peut célébrer de mariage entre des personnes de différentes
relig io n s. Il ajoute que si le mariage est fait entre des personnes
de la m êm e religion, il faut la permission du p a tria rc h e , et on
l ’inscrit sur un registre.
1
* L ’original de cette pièce est en ita lien ( ce qui est fort éton
nant ). L a copie produite par les héritiers D estaing commence
ainsi : « I l y a en tê te un e lig n e de caractères m a ju scu les en
« arabe QiPbophte ». A la fin du c e rtific a t, on dit : « Su iven t
1 . \ran« des sign a tures en caractères étrangers ». Puis le Consul fra n
çais ajoute que ces signatures sont celles du p atriarche grec et
du p rêtre à qui les registres sont confiés.
S ’il fallait mettre plus d ’importance à ce dernier certificat, on
se demanderait po u rq u o i les premiers sont donnés au C a ir e ,
l e ......... , et celui-ci en E g y p te , l e ........... ? Pourquoi celui-ci est
Tait e n
ita lie n ,
a«i.,
langue
q u e les signataires
n ’e n l e n -
daient pas ? E t pourquoi enfin le secrétaire interprète du C o n
sulat , qui a fort bien traduit de l'arabe le certificat du père
Constantin H a d a d , n ’a pas su dire la valeur des-tnots composant
les signatures et l ’intitulé du troisième acte, et n ’a pas même
compris si lout cela était arabe ou cophte?
Q uelle foi ajouter à un certificat où celui qui écrit la pensée
d ’ ùn autre ne parle pas la même langue que le signataire, et où
le traducteur se contente de dire que les signatures sont en c a
ractères étra n g ers?
Il fallait q u ’on demandât aussi à ces prêtres laiins si les re
gistres q u ’ils tiennent sont des actes de P e in t- c iv il, dans une
contrée régie par les lois turques; ils auraient répondu que de
pauvres prêtres, soutenus par leur z è le , au milieu de la bar-
�u
° } ,
La lie et des obstacles, n’aspirent qu’à la propagation de la f a i ,
et tiennent de simples notes pour reconnaître le petit nombre de
prosélytes que l’Eglise de R o m e a conservés dans cette terre de
persécution *.
M ais , dans cet entassement de bizarreries , il ne faut pas s’oc
cuper des détails et des objections sans nombre qui s’élèveraient
contre la forme de ces actes ; il suffit de reconnaître qu’ils ne sont
pas émanés des prêtres de la religion de la dame D e s ta in g , et
alors on n’a pas pu les lui opposer.
L e s prêtres de sa r e l i g i o n n’ont donné aucun certificat. C o m
ment le p o u r r a i e n t - i l s ? Il est constant qu’ils ne tiennent aucun
r e g i s t r e ; leur éducation ne se fait pas en Europe; on les instruit
d es
dogm es de leur foi ; le patriarche les ordonrj^prêtres ou
papas, sans exiger d ’eux d’autre instruction; à peinç-quelques-
*
L e s m issionaires d e R o m e n’ ont jam ais cessé dans ces parlies du m on d e
d e s’ e m p lo y e r à faire des prosélytes $ en c o n s é q u e n c e , ils ont fondé a v e c
b ea u co u p d e peine et à grands f r a i s , p arm i ces s e c t e s , dos sociétés q u i ont
reconn u la doctrine et la juridiction du P a p e . O n sait q u e p a rm i les G r e c s
q u i viven t sous l'e m p i r e T u r c , plusieurs ont e m b ra s s é la foi et la d isciplin e
d e l’ église l a t i n e , et sont g o u v e rn é s p a r d e s p r ê t r e s et évCques de leur
n a tio n , niais confirm és par le pape. I l y a à R o m e un c o llè g e e x p r è s , fondé
dans la vu o do faire d e s con v ersion s parm i les G r e c s , et d ’a jo u ler d e nou
v e a u x sujets à l’ église rom ain e. O u y é lè v e un certain n o m b re d ’ étudians
G r e c s . ( H i s t o i r e d e l ’E g l i s e , par M o s h e i t n , tonie
5 , page
2 7 2 .)
R i e n n e caractérise plus la religion des G r e c s q ue leur a versiou in v in c ib le
po ur l’ église de R o m e , qui a fait é c h o u e r jusqu’ à présent toutes les ten
tatives du s a i n t - s i è g e et d e ses n o m b r e u x m is s io n n a ire s , pour les r éu n ir
aux L atin s. Il est vr a i que les docteurs rom ains ont fondé q u elqu e s églises
dnns P A r c h i p c l : mais ces églises sont p auvres et pou c o n s id é ra b le s ; et les
G rec* ou les T u r c s , leurs maîtres , ne ve u len t pas perm ettre aux m ission
naires do R o m e do s ’ é ten d re d a va n ta ge . ( Ib id . page 26 0.)
E ta t de L'Eglise G r ec q u e , p a r C o w e l , tom e i . , r , page n 25.
L ettres E d ifia n tes , tom e 10 > F ao c
uns
�( 4 1 )
uns savent écrire , suivant le témoignage de tous les voyageurs *.
Il n’y a de lettrés parmi eux que les prêtres la t i n s , qui n’ont
qu ’ une portion très-exiguë du peuple attachée à leur croyance,
et q u i , perpétuellement poursuivis par la haine des G r e c s , et
osant à peine faire des prosélytes **, ne se soutiennent que par
leur zèle et par la pitié des F r a n c s , mais sont à peine connus pour
prêtres par les E g y p tie n s , parm i lesquels ils vivent.
M ais il est impossible de mieux expliquer cette partie de la
cause , que ne l’a fait don Monachis dans son attestalion , qui
perdrait beaucoup d ’être simplemont extraite, et qui ne peut
que jeter le plus7grand jour sur la seule objection dans laquelle
les héritiers Destaing semblent placer leur dernière confiance.
« Par-d evant M . e Massé et son confrère, notaires im périaux
« à P a ris , soussignés, est comparu D o n R a p h a ë l de M o n a ch is,
« ancien prem ier curé grec catholique romain au grand Caire ,
(t en E g y p te , ou prem ier vicaire de son ém in en ce le patria rche
« g r e c c a th o liq u e
r o m a in
,
résidant au couvent de St.-Sauveur,
*
« Q u o voy«;«-or» <]ann c«tie terre natale d es sciences et des a rts ? T o u t
c e q u ’ on voit c lie z presque tous les peuples e sc la v e s : un c le r g é superstitieux
et i g n o r a n t , etc. ( . C o r a y . M é m . sur l ’ état de la, c iv ilisa tio n des Grecs").
« P ar-to u t d o m i n e e n c o re un c le r g é ig n o r a n t .. . . . L e c o u ve n t de N e a m o n i
nou rrit plus de 450 m o i n e s , dont 4 ou
5 disent
la m esse ; pas un seul ne sait
l ’a n cien g r e c , et une d o u za in e au plus savent lire et écrire le grec m o d e r n e ...
A u c o u v e n t d e M ega spisio n , leu r ign oran ce surpasse e n c o r e , s’ il est p o s s i b l e ,
c e l l e des m o in es d e N e a m o n i . J e doute q u ’ il s’ en trouvât 4 ou
5 ( sur 3oo
),
sach an t lire et éc r ir e ». ( B a r l h o l d i , V o y a g e en G rèce , en i 8o 3 , t. 2 ).
** « L o c le r g é grec ne cesse d ’ex citer le p eu ple à la h a în e des autres r e li
g i o n s , et sur-tout d e la cath o liq u e r o m a in e ......... L a liaîu e des G r e c s et des
R o m a i n s est si forte dans plusieurs î l e s , q ue tous m o y e n s le u r so n t bons pour
so n u ire. RI. d e P a w est très-fondé à a v a n c e r q u e le p r e m i e r usage , q u e
l e s G r e c s 11e m a n q u eraien t pas d e faire do leur l i b e r t é , serait d a llu m e r u n e
g u err e de r e lig io n ......... I l est interdit a u x R o m a i n * de faire des prosélytes*
p a rm i les G r e c * , a u lieu q u e c e u x - c i p e u v e n t e u faire p arm i les Romains«
(
Jbid.
tom. 2. )
I I
�( 42 )
« sur la montagne des Druses , dans le M o n t-L ib a n , ancien
« membre du D ivan et de l ’institut d’E g y p t e , actuellement
« professeur de langues orientales à la bibliothèque im p é ria le ,
« à P a r is , y d em eurant, rue du C h a n tre , n.° 2 4 ,
« L e q u e l, sur l’invitation de m adam e N a z o , veu ve du général
« D estain g, et après avoir pris lecture de la copie de trois cer« tificatsqui paraissent avoir été délivrés au Caire par des prêtres
u grecs catholiques rom ains, les 7 , 10 et 20 lévrier 1809, conu cernant le mariage du général Fauitrier avec une Géorgienne ,
a et pour l’a ire cesser les doutes et les erreurs qui pourraient
résulter desdits certificats ,
« A fait l’exposé des faits suivans :
« A v a n t le concile de F lo ren ce , les églises orientales étaient
u réunies par la foi, et soumises à l’église de R o m e , dite église
u occidentale. Mais après le co n cile , les deux églises orientale
« et occidentale furent divisées , faute de se trouver d ’accord
a sur cinq dogmes de la fo i, dont l’ un était de reconnaître le
« P ape com m e chef suprême de toute l’église chrétienne ; en
« conséquence, les quatre patriarches de Constantinople, d’A n u tioch e, d ’A lexand rie et de Jérusalem se séparèrent du saint« siège de H o m e , qui les considéra et les considère encore
« com m e schisinatiques. D e c e tte n o u v e l l e secte s en sont formées
« d ’autres, telles que les h é ré tiq u e s, mais qui sont demeurés
« en plus petit nombre que les schisinatiques.
u D epuis environ 120 a n s , 1111 arch evêqu e de D a m a s , grec
« sch ism atiqu e, ramené à la foi par un J é s u ite , renonça au
« schisme, et rentra dans la religion grecque catholique romaine;
u mais ue pouvant pas rester à D a m a s, à cause des persécutions
« des grecs schisinatiques , il se retira sur la montagne des
« D r u s e s , dans le M o n t - L i b a n , avec une suite de quelques
« piGtrcs de la m êm e opinion que lui. lis s’y établirent sous la
« protection des Français qui se trouvaient en grand nombre
u dans les villes d c T y r et de Sidon. A lo rs le P ape Innocent X I ,
« sur la demande des peuples qui avaient embrassé la lo i, le
�(
43
)
« nom m a patriarche par intérim ( c ’est-à-dire, jusqu’ à ce que
« quatre siëges d ’ O r ie n t, ou l’ un d’e u x , fussent revenus à la
« f o i ) , de tous les Grecs catholiques romains qui se trouvaient
« répandus en Orient dans les pays occupés par les Grecs
« schém atiques.
« D epuis cette é p o q u e, le patriarche de tous les Grecs ca th o « lig u es rom ains a résidé et réside encore au couvent Saint« S a u v e u r , sur la montagne des Druses.
« L e déclaran t, au sortir des collèges de R o m e , où il a fait
« ses études, fut envoyé au couvent de S a i n t - S a u v e u r , pour y
« être o r d o n n é prêtre par le patriarche de son rit. Après y être
« resté quelque tems, il fut e n vo yé dans la ville du grand Caire,
« par son éminence le p a tria rche A g a p iu s M a la c , qui existait
« a lo rs , et qui vraisem blablem ent existe encore aujourd’h u i,
« pour y rem p lir les fonctions de prem ier c u r é , ou prem ier
« vicaire du patriarche, en E g y p te .
« A v a n t son départ, il reçut l’ordre du patriarche de se con« former à l ’usage des E u rop éen s, en tenant des registres pour
« constater les naissances, mariages et décès; en conséquence
CC d e C e s O l d r e s , l e d é c l a r a n t f m ¿ c p r e m i e r c j u l c o m m e n ç a CCS
« registres en E g y p t e , pour constater l ’étal des Grecs catholiques,
« et les fit tenir par les cin q prêtres grecs catholiques, sous ses
« ordres, qui sont les seuls qui existent au Caire pour le rit
« grec catholique romain.
« L e s actes étaient de sim p les n otes signées du curé , et
« jamais par les parties.
« L e déclarant exerça les fonctions de premier vicaire jusqu’à
« son départ de l ’E g yp te pour la F r a n c e , où il fut appelé j>ar
« le premier C o n s u l, par l’intermédiaire du général Sébastian!,
« et d ’où il n’est parti q u ’avec permission de son patriarche.
« Après son d é p a rt, il fut remplacé par le p i r c J e a n N a sserd ;
« et c e lu i- c i, depuis d é cé d é , a été r e m p l a c é par C on sta n tin
h H a d a d , qui exerce cncore a u j o u r d 'h u i les fonctions de pre« m ier curé de l’E g y p t e , ou prem ier vicaire de son éminence
12
�C 44 5
<* le patriarche grec catholique , résidant à la montagne des
« D ruses; lequel Constantin H adad a délivré les certificats ci« dessus mentionnés.
« E n conséquence , D o n R a p h a ë l déclare que Constantin
« H a d ad , son successeur, n’a déclaré que la vérité, en certifiant
« q u ’il est tenu des registres de l’état c i v i l , au C a i r e , par les
« prêtres grecs catholiques , sous ses ordres : mais q u ’il faut
« bien distinguer de ce u x-ci, qui sont en petit nom bre, les grecs
« schismatiques, qui sont bien plus n o m b re u x, et dans la re« ligion d e s q u e l s la dame D estaing a été mariée par le patriarche
« qui
réside
à Alexandrie.
»
« Q u ’à l ’égard des Grecs schismatiques et de toutes les autres
« sectes qui sont sorties de celle-là, iis n ’o n t ja m a is tenu de re« g is très de n a issa n c e s, m ariages et d é c è s , en E g y p te ; et que
k la raison s’en tire naturellem ent de leur défaut d ’instruction ;
« qui ne se trouve pas chez les Grecs c a th o liq u e s, dont les
a prêtres, en p artie, font leurs études à R om e.
. « L a q u e lle déclaration mondit D o n R a p h a ël de M o n a c h is a
« affirmée sincère et véritable, pour servir et valoir ce que de
« raison ».
« Fait et passé à P a r is , e tc ., etc. ».
Il
est donc p r o u v é , jusq u’à l’évid en ce, que l a validité des
m a r i a g e s des G r e c s , en E g y p t e , ne dépend pas de leur inscrip.
tion sur un registre c iv il, parce que ces registres n’existent pas
en E g y p te com m e en E urop e : aucun-voyageur ne dit que cette
formalité y ait lieu ; au contraire , M . le sénateur comte de
V o l n e y , dans l’ouvrage qui lui a fait une si grande réputation
littéraire, et qui sera le modèle perpétuel des v o y a g e s , atteste
la répugnance des T u rc s pour les dénombremens de population
dans les états de leur obéissance *.
*
(
O n b i t souvent des questions sur la population du C a ir e . Si l’on v e u t
en croire le douanier A u t o i u c
F a r a o u n , c ité par lo b a r o u do T o i t , e lle
�( 45 }
A quoi tient Jonc celte obstination des héritiers D e s ta in g , à
ne vouloir reconnaître la dame D estaing com m e mariée , que
si elle rapporte une preuve écrite et légale de son mariage ?
Que d ’exclamations on eût faites, si elle se fût présentée avec un
acte de mariage pour elle, et un acte de naissance pour sa fille.
1V0yez, eût-on d it, cette G recque artificieuse, q u i, pour s’intro
duire dans une famille étrangère',1a pris la précaution insolite de
se munir de pièces impossibles à vérifier, et q u ’elle a évidem m ent
fabriquées en A fr iq u e ou au milieu de l’A rch ip e l !
E h bien ! la dame Destaing n’avait ni médité des artifices ni
prévu les machinations insidieuses, desquelles elle aurait à se
défendre. Partie du Caire par ordre de son é p o u x , changeant de
patrie pour suivre sa destinée, c ’est pour lui seul q u ’elle avait
so u ffe rt, c’est de lui q u ’elle attendait des consolations. Son é p o u x ,
sa fille , étaient pour elle ses pénates et son aven ir : avait-elle
donc des preuves à chercher pour des êtres q u ’elle ne connais
sait pas ?
L a dam e Destaing a toujours été si rassurée sur son état et
celu i de sa fille , q u ’elle n ’avait pas m ême fait des démarches
pour rechercher u Uéphaïonic sî le I»fipi£mo de sa fille avnit
constaté ; et il y avait d ’autant plus lieu de le croire a in s i, que
cette île européenne devait avoir un clergé g rec plus éclairé que
celui de l’E g y p te .
»" *’ ' •
M a is les recherches de ses ennemis allaient faire pour elle des
tentatives dont le but uniform e était toujours de lui opposer une
a p p r o c h e d e 700,000 â m e s , y c o m p r is B o u l 3q , fa u bo urg et port d éta c h é
d e la v ille : m ais tous les calcu ls d e p o p u l a t i o n ,
en
T u r q u i e , sont a r b i
traires , parce q u ’o n n ’y tient p o in t de registres d e n a issa n c e s, d e
morts o u d e m ariages. L e s M u s u lm a n s ont m ê m e de» préjugés supersti
tieux contre les d é u o m b r e m e n s . L e s seuls ch ré tien s pourraient Ctre
recensés
ou m o y e n des billets de leur capitation. ( V o y a g e en E g yp te et en Syrie ,
par M . do V o l a e y , 4.« é d itio n , 1807» tom e i . , r p . 2 0 3 .)
/
�( 46 )
tenue des registres avec laquelle on croyait la confond re, si le
baptême de sa fille ne s’y trouvait pas.
P e n d a n t que les députés des îles ioniennes étaient à P a ris,
m ad am e Destaing reçut l’acte qui suit :
« D u douze novem bre d ix -h u it cen t s e p t, à A r g o s lo li , île
« de C ép h a lo n ie, sont com parus, par-devant n ou s n otaire sous« signé, le révérendissime papas, M . A n d r é M a z a r a c h i d 'A n a z o lo , desservant de l’église solitaire de Saint-Constantin , qui
« est dans le
voisinage
et sur la rive dépendante des villages
« ü A d i lin a t a et d'A r g a ta , situés dans l ’île de C ép h alo n ie, et
« M . J e a n L a v r a n g a , lequel prêtre sus-nommé a baptisé , en
«i V a nnée d ix -h u it çen t d eu x , au m ois de ja n v ie r , ne se sou« venant pas en quel jour du m o is, un enfant du sexe fé m in in ,
« f i l l e de m adam e A n n e N a zo et du g én éra l D e s ta in g , la q u e lle ,
« suivant la déclaration fa ite , à lui prêtre co m p a ra n t, par les sus« nom m és, était née de légitime m a ria g e , et a été nommée M a r ie ,
a et elle a été tenue sur les fonds de baptême par M . Jean
a L a v r a n g a et le capitaine Siffi, F a n c h io te , lequel ne se trouve
« pas présentement dans cette île ; le présent sera affirmé avec
« serment par les susdits prêtre et sieur L a v r n n g a ; ils déclarent
a en outre q u e , d a n s cette é g lis e , s i t u é e dans ce lieu solitaire,
« on ne tien t p o i n t de registres baptistaires n i m ortuaires, L a
« présente est donnée pour T en dr e témoignage à la vérité ; et les
« coinparans se ressouviennent parfaitement d ’avoir administré
« le sacrement susdit, ce q u ’ ils affirment comme témoins.
« Signé A n d r é M a z a r a c h i, prêtre , j ’affiVme avec serment";
« J e a n L a v ra n g a , ja ffin n e avec serment; •Jean C h n s i, témoin;
« S p ire C acurato , témoin ; D im itr i Caruso ,
notaire.' A la
« suite du présent original est une traduction italienne, signée
« Dimitri C a r u s o , notaire; et une légalisation en même la n g u e ,
« dont la traduction suit :
« E m im r k F r a n ç a i s . — Son Excellçncç S a vio A n n i n o ,
�(
47
)
« administrateur du gouvernement de C é p h a lo n ie , certifie que
« le susdit M . G aru so , notaire p u b lic , est tel q u ’il se qu a lifie,
« et que l’on peut avoir pleine et entière foi à ses signatures.
« D o n n é eu l’administration deC éph alo n ie, le dix-neufnovem bre
« m il huit cent sept. Signé S a vio ¿ t n n in o , adm inistrateur; et
« Jean-B aptiste T ip a ld o P r e tte n d a v i, c h e f de bureau ».
Cet acte fut présenté à M . M arino M a tu r a , principal député
des îles io n ie n n e s, q u i , au grand1' élbnnement de Madame1
D e s t a i n g , lui apprit que c’ était lui-même^qui avait fait rédiger
. cet acte de baptêm e, à la demande de l’un des a id e s - d e - c a m p
de M . le maréchal M a r m o n t , qui le réclam ait de la paît de
M . le g én éra l D e lz o n s ( e m p lo y é en D a lm a tie ).
L a fam ille D e s ta in g , qui faisait rechercher c e 1fait aussi lo in ,
n ’en a plus fait usage lorsque le renseignement a été contraire a
ses prétentions.
*
E t p e u t-ê tre l ’honnêle ecclésiastique , informé par ces re
cherches des vexations suscitées à une malheureuse étrangère, se
sera fait un devoir de charité chrétienne de lui envoyer cet acte,
de son propre m o u ve .n e .it, pour rendre hom m age à la vérité.
L e tribunal dé la Seine a o rd on n é, p a r jugement dti 5 juillet
1809, que cet acte serait transcrit dans les registres'de l ’état c i v i l
de P a ris , pour servir d ’acte de naissance à M aria Destaing.
C ’est ainsi que ce qui était sollicité pour nuire à la dame
D estaing n’a été utile q u ’à elle.
M ais continuons la réfutation des objections que continuent de
lui faire les héritiers Destaing.
Il
est impossible, disent-ils, de croire au m ariage d ’un général
français qui n ’a pas été célébré de la m ême manière que ceux
de ses frères d ’armes. O r , les mariages des généraux D e lz o n s ,
L a n t i n , M enou et lio n n e -C a rrè re ont été r e ç u s par des c o m
missaires des guerres. T e lle était donc la fo rm e, et pourquoi
A n n e N azo ne l’a - t - e l l e pas suivie? p o u rq u o i, au m o ins, n’y
�( 48 )
a-t-il pas été accom pagné des fêtes d ’usage, dans les rues du
Caire ?
L e s généraux D elzons, L an tin et B onne-C arrère épousaient
l i s demoiselles V a r s y , filles d’un ancien négociant français,
établi à R o s e t t e , ville presque européenne à cause de son com
merce, L à , certainem ent, un c a th o liq u e, mariant ses trois filles
a v e c des Français, devait se soumettre aux lois françaises, et ne
devait aller chercher ni le C a d i , ni les prêtres d’ une autre re
ligion. Aussi ne dit-on pas un mot de la ceremonie religieuse
de ces trois m a r i a g e s q u i a dû être faite par un prêtre c a th o liq u e,
ou r é g u la r i s é en France au retour de l a famille V a r s y .
L e général Menou épousait une musulmane : son m ariage
a dû être fait devant le Cadi. Son épouse dut être promenée dans
les rues sous un dais, entourée de ses parens et de ses esclaves,
au son des instrumens. C ar tel est l’usage à l’égard des mariages
musulmans *, q u i, dans la religion dominante, ont se u ls le pri
vilège de l’éclat et de la publicité.
M ais A n n e N a z o , de religion g r e c q u e , mariée à un E u r o p é e n ,
de religion latine ou ro m a in e , n’avait pas le droit d ’en rendre
la cérémonie publique , ni par des fêtes religieuses , ni par
aucune inscription dans des registres, ni par une prom enade
dans les ru e s, sous un dais, c o n n u e les M usulm ans.
C ’était bien a s s e z q u e sa fam ille eût vaincu à cet égard les
préjugés de sa nation, en la donnant à un Européen, à un catho-
*
« C ’est ord ina irem ent le soir q u e la m a rc h e c o m m e n c e : d e s baladins
la p r é c è d e n t ; de n o m b r e u x e sc la ves étalent a u x y e u x du peuple les efTets,
les b ijo u x destin és à l’ usage de la m a rié e ; d es troupes de danseurs s’ a va n c en t
en c a d e n c e an son des in s tr u m e n s ; la jeu n e ép ou se paraît sous un dais
porté par q uatre e s c l a v e s ; un v o i le la c o u v r e e n t i è r e m e n t ; u n e longue
suite Ue lla m b c a u x é c la ir e le cortège ; de tems en teins des c h œ u rs de
T u r c s chantent des c o u p lc ls h la lo u a n g e des n o u v e a u x é p o u x » . ( S a v a r i ,
to m e
3,
lettre
3 ).
liquo
�( 49 )
Iique r o m a in , à un m ilitaire * ; la famille Nazo avait au moins
dicté la loi sur le point prin cip al, en exigeant que la célébration
fût faite avec les cérémonies clu rit grec.
O n demande ensuite à la dame Destaing pourquoi son m ariage
a été fait sans con tra t. M ais en France même il n’est nécessaire
que quand il y a des intérêts à régler. E n fallait-il plutôt en
E g y p te où le K o ran est le Code universel et supplée à tout. L e
général Destaing allait s’allier à une famille opulente. Q u ’avait-il
en échange à oifrir? Sa fortune dépendait de son épée. Ses revenus
étaient fondés sur la loi du plus fort. D ans un pays où l ’industrie
et le com m erce sont tout, des chances aussi frêles ne présentaient
a la famille Nazo rien que de fort aléatoire.
O n se plaît »à représenter les N azo com m e une famille sans
fortune et sans considération, et J oanni N azo com m e un a ven
turier de la lie du peuple. Sur tout cela les héritiers Destaing
ont beau jeu de m entir, maintenant que le plus liquide de la
fortune N azo est dans leurs mains. M ais les témoins ne donnent
pas d’eux l’ idée qu’on veut en suggérer. O n voit dans les enquêtes
que J oanni N a z o , à l’occasion de son m ariage avec Sophie M isck ,
dépensa 5o,ooo écu s.
O n se plaît encore à jeter du ridicule sur ce que la mère d ’A n n e
N a zo répudia Barthélem i pour épouser Joanni Nazo ; et là-clessus
on se récrie sur de telles m œ u rs , com m e si une famille africaine
avait dû prévoir q u ’ il faudrait ro u gir de ce qui est toléré dans sa
nation , et s’en justifier un jour aux y e u x des sieurs et demoiselle
D e s ta in g , d’A urillac.
Si la prétention des Européens est de blâm er ce q u ’ils blâm ent,
et île louer ce q u ’ils louent, il faut q u ’ils donnent le droit de re
présailles aux nations é tran g è re s, et ils auraient beaucoup à y
perdre. E n E g y p te , le lien du mariage est plus sacré q u ’en
* « L e s parens ( G r e c s ) ne font a u cu n e difficulté d’a ccordpr le u r fille à
* un T u r c , pourvu qu’ il toit riche et p u is s a u t, tandis q u ’ ils n.fusent o yi« u iû trém cn t do l’ a cc ord er à un c atholiqu e, ( b a r t h o l d i , tom e 2 .)
i
3
�(
5°
)
F ra n c e , iant qu’ il dure; mais il n’ est pas indissoluble. Si la reli
gion se prête à des injustices, ce sont ses ministres qu’il faut en
accuser *, mais non les époux mécontens, qui n’ont agi que sous
leur direction.
Barthélémy était catholique; Sophie M isck e'tait g r e c q u e , et
les prêtres de son culte prononçaient anathême contre un lien
qu ’ils n ’approuvaient pas.
C ’était pour eux un acte religieux que la rupture de ce m ariage,
pour en contracter un s e c o n d plus orthodoxe : la religion grecque
le v e u t , et le
Au
reste,
gouvernem ent
le tolère.
que Sophie IUisckait été ou non l’épouse de Barthé
lé m y , on ne voit pas comment A n n e Nazo en serait plus ou moins
l ’épouse du général Destaing.
E nfin on porte le dernier coup à la dame D estaing; et déses
pérant de lui ôter le nom d ’épouse, on veut du moins en em
poisonner les souvenirs, et tâcher d ’eflacer dans son cœur le
respect q u ’elle doit aux mânes de son époux. Ce n’est plus une
letire étrangère q u ’on lui oppose, ce sont deux lettres de son
époux lu i-m ê m e, écrites à son père, q u i , d it-o n , fournissant la
preuve q u ’il n ’y a pas eu de m a ria g e, et q u ’il l ’a désavoué.
L ’ une est écrite du Caire ; et le général parle d ’ un arran
gement oriental avec une j e u n e grecq u e qui fait les honneurs
de sa maison.
L ’autre est datée de Paris. L e général m arque à son père q u ’il
n’a pas dû p lu s croire à la lettre de Latapie qu'à la sien n e
*
« L e c le rg é ( g r e c ) ne cesse d ’e x c ile r le pe u p le à la liaîne des autres r e li
g i o n s , et sur-lont d e l à c a th o liq u e r o m a i n e , en accordant liè s-lib é ra le m e n t
de* absolutions à c r u x qui ont tro m p é les m e m b re s de celte religion , ou qui
sc proposent «le le f j i r e » ( B a r t h o l d y , t. a ).
** L e * ht-rihYrs D estain g a va ien t i m p r im é p lu tôt au lieu d c p l u s , parce
q u e cela changeai! le sens. Il en résultait q u e le g é n é ra l avait vo u lu que
son père crût à sa le ttre , tandis q u ’il a v o u e lu i- in â m o q u ’ il n ’a pas d it
vrai.
�(
5i
)
q u ’il ne se serait pas marié sans l’en p ré v e n ir; mais qu’à la
vérité il a d'autres lien s qui pourraient bien amener celui-là.
R e m a rq u o n s , et déjà la C o u r l’a rem arqué elle-m êm e dans
son arrêt interlocutoire * , que ces deux lettres étaient dans les
mains du sieur Destaing p è r e , lorsqu’ il a reçu A n n e N azo ,
et q u ’après un mois de méditations il lui a donné un ra n g dans
sa fa m ille , en se rendant le tuteur de son enfant.
Il
a donc ju g é ces lettres en pere clairvoyant ; et ce n’est pas
là qu'il a cherché la vérité. L ’ une s’ excusait a ses y e u x par la
licence des c a m p s; les jeunes F ra n ç a is, fussent-ils aux confins
de la terre , ont la manie de tout métamorphoser en bonnes
fortunes : mais un vieillard sait à quo,i s’en tenir. L ’autre lettre lui
semblait une jusiification embarrassée d’un fils soumis encore à
l ’autorité paternelle; il y devinait la vérité; et bientôt elle ne
lu i fut plus ca ch é e , lorsque la dame D e lz o n s , égyptienne, lui
eut rapporté quelle était l’opinion unanime du Caire et de
l’armée , sur le mariage de son fils ; lorsqu’encore le général
D e lz o n s , q u i y a va it a ssisté , vint lui en apprendre les détails.
C ’est donc par pure méchanceté , et sans besoin , que les
héritiers D e s ta in g , o n t p u b l i é c e s l e t t r e s . L ’ i i o n n e u r l e l p u r d é
fendait, puisqu’elles n’ étaient point à leur adresse. L a bienséance
le leur défendait encore; car une confidence licencieuse, que leur
père avait jugée fausse, aie devait pas être reproduite.
* « A t t e n d u q u e le titre d ’ épouse et c elu i d e m è r e ont été recon n us par
la fam ille du g é n é ra l Destainj’ y ................ Q u ’ un m ois après son a r r iv é e à
A u r i l l a c , D e sta in g p è r e , ne doutant pas du m a ria g e et d e l’a v is et c o n
sen te m en t do scs proches p a r o n s , s’ est rend u tuteur....................... Q u e celte
reconn aissan ce et c e lle acceptation d e tutelle paraissent d ’autant plus c o n
s i d é r a b l e s , q u ’on pourrait les regarder c o m m e la suite d ’ un c x a in e n a ppro
f o n d i , et do certitudes acquises par le p è r e , puisque deux lettres d e son
fils, l’ uue datée d ’ E g y p t e , l’autre écrite de P . i r i j , lui donnant tout le sujet
d e douter do ce m a r i a g e , ou m ô m e de ne pas y c r o i r e , il n’ en ava it pas
m oin s ronsenti l’acte eu question , t l q ue ses proches parens y a vaient aussi
concouru », ( a .* m o tif do l ’urrét du n
ju iu 1 808 ).
�(
)
Mais celle méchanceté n ’était pas sans b u t , et 011 le voit
dans Palïectation que les héritiers Destaing ont eue à recueillir
la déposition des sieur et dame D elzo n s, à qui le général disait
qu'A n n e N azo éta it m a r ié e, m ais q u 'il ne V êta it p a s. O n
aperçoit maintenant que la lettre est présentée pour être en
harmonie avec cette conversation si souvent répétée par eux.
Si cette conversation était v r a i e , il est cruel pour la dame
Destaing d’en com prendre le sens : mais elle ne serait d ’aucune
influence pour sa cause.
Oue les E u r o p é e n s , dans l’immoralité de leurs th é â tre s,
mettent en
rences
scène
des malheureuses abusées par toutes les a p p a
d’ un mariage ré el,
et
cependant dupes des artifices d ’un
hom m e qui s’est joué de la religion et de la p ro b ité, on ne
s’étonnera p is que ce scandale dramatique obtienne quelques
applaudissemens. Mais qui oserait -produire dans le monde une
s e m b l a b l e atrocité comme un événement réel, pour s’en appro
prier les conséquences ? qui m ême oserait repousser de soi la
victim e d ’ un artifice que le voile de la religion aurait ennobli
pour elle?
Q uelle que soit l ’inlention des héritiers D e s ta in g , en laissant
croire que le général a voulu tromper la famille N azo par le si
m ulacre d’ un mariage nul à s e s y e u x , la perfidie de cette su p
position serait en pure perte pour eux ; car la loi viendrait au
secours de celle qui aurait été dupe des apparences. E n effet la
bonne foi de l’un des époux suffit pour la validité de son mariage
et la légitimité des enfans *. M ais la dame Destaing se liûte de
dire que les cérémonies publiques qtii eurent lieu au C a ir e , les
lettres de son é p o u x , sa conduite soutenue envers elle, le justifient
pleinement de l’inculpation dont on a voulu le flétrir. L a légéieté
de sa nation , peut-être la crainte d’être blâmé par son père , ont
pu lui dicler quelques mots é q u iv o q u e s; mais son cœur fut
* C o d e N a p o l é o n , articles 201 et 202.
�( 53
innocent d’une telle lâcheté; elle était indigne de l u i , et toutes
ses actions la.démentent.
Ceux-là seuls sont coupables , qui n’ont pas rougi d ’exhum er
de la tombe de leur frère ce qui ne pouvait être utile à leur intérêt,
q u ’en imprimant une tache sur sa mémoire. .
j
M ais c’est trop s’arrêter à des réfutations pénibles et inutiles.
C e ne sont point des cendres éteintes qu’il faut interroger pour
la recherche de la vérité ; tout la révèle , tout l’atteste; et l’in
crédulité ne peut plus être que le masque hypocrite de la dis
corde qui ne s’avoue jamais vaincue.
.
I l est tems q u ’on cesse de disputer à une épouse malheureuse
un nom qu’elle a acheté assez cher , et qui seul aujourd’hui doit
l ’indemniser de tout ce qu’elle a perdu. E lle l ’a reçu en A friqu e ,
aux pieds des autels ; elle l’a porté publiquement dans sa patrie,
sur les mers , et dans toutes les villes d ’E urope que sa situation
l ’a forcée de parcourir. Ses adversaires eux-mêmes n’eurent pas
m êm e la pensée de lui en donner un a u tre; ils l ’apprirent à
ceux qui l’ignoraient ; et c’est après une possession d ’é t a t , ainsi
émanée d ’eux , q u ’ils ont voulu déshonorer et méconnaître celle
qu ils avaient accueillie et protégée. X.n ( l a m e Destaing n’a jamais
supposé que cet avilissement pût l’atteindre : elle ne tire aucune
vanité d ’appartenir aux héritiers D estaing, plutôt q u ’à une autre
fa m ille ; mais le titre sacré d’épouse, mais les droits plus sacrés
encore de l’orpheline qui lui doit le j o u r , ne pouvaient pas être
vains à ses ye u x.
Sa fille, seule, au milieu de tant de contrariétés, a soutenu son
co u rag e ; la dame D estaing n’avait pas d ’héritage plus précieux
à lui laisser q u ’ un nom qui ne fut pas déshonoré; et elle-même
ne devait point rougir aux y e u x de son enfant du vice de sa
naissance.
P o uvan t attendre sans crainte l’examen du présent et du passé,
la dame Destaing a pu se soumettre sans murmure aux lenteurs
de la justice, sachant bien que l’intérêt privé pouvait élever des
14
�( 54)
doutes sur les Formes de son m a r i a g e , mais que la malignité
n ’en hasarderait aucune sur la pureté de ses actions.
U n jour peut-être les héritiers Destaing seront honteux de ce
p r o c è s , et s’enorgueilliront de celle q u ’ils voulaient avilir et
proscrire. Mais si la passion ne leur permet pas aujourd’ hui
•d’être justes, la dame D estaing n’en doit pas moins aux mânes
de son époux de ne pas se croire en guerre éternelle avec ceux
q u ’il lui désigna com m e des protecteurs et des frères, et qui
partagent avec elle la gloire de son nom.
M.e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M. e T A R D I F , avoué-Licencié.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
légitime
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Anne Nazo, veuve de Jacques-Zacharie Destaing, général de division, en son nom, et comme tutrice de Maria Destaing, sa fille , intimés; contre les sieurs et demoiselle Destaing, appelants.
note manuscrite : Voir l'arrêt au journal des audiences de 1811, à la page 353. »
Table Godemel : Etat (question d') : 2. est-il dû des dommages-intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Mariage : 3. avant le code napoléon, les mariages contractés en pays étrangers, et particulièrement en Égypte, par des français avec des étrangers, étaient-ils valables, s’ils avaient été célébrés suivant les formes et usages observés dans le pays ? ces mariages pouvaient-ils être prouvés tant par titre que par témoins, s’il est établi que, dans le pays et pour les prêtres qui ont célébré le mariage, il n’était pas tenu de registre ? peut-on entendre comme témoins ? - les parents du français et de l’étrangère mariés ; - les personnes qui auraient déjà, par le fait du mariage et de sa notoriété, délivré des attestations ou certificats ; - les étrangers réfugiés en France avec l’autorisation du gouvernement. est-il dû des dommages intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Dommages-intérêts : 6. en est-il dû à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2001
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53371/BCU_Factums_G2001.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
légitime
opinion publique
témoins
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53372/BCU_Factums_G2002.pdf
39b51658e2be24e5a9140bf18dce52da
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Text
EXTRAIT
D E S
ENQUÊTES ET CONTRE ENQUÊTES
FAITES
,
A Paris Marseille
d
a
n
sl'affaire de
,
Aurillac et Mauriac
,
la veuve du général
DESTAING,
CONTRE les Héritiers DESTAING.
�"I
■■ r
ni .a*
■■B B B B B B B B S S S S S
.^ S
EXTRAIT
D E S
ENQUÊTES ET CONTRE ENQUÊTES
FAITES
,
«
,
Paris Marseille Aurillac et Mauriac ;
A
dans l'affaire de
la veuve du général
DESTAING,
CONTRE les Héritiers DESTAING.
Enquête f aite à Paris par Madame Destaing.
P rem ier Tém oin.
M. D e l a g r a n g e ,
g é n é r a l de d iv isio n , âgé de quarante-
cin q a n s,
A déposé qu’il était lié d’am itié avec le général D estaing;
que ce dernier lu i fit part du projet qu’il avait de se marier
en E gypte; que, quelques jours a p rès, il l’invita à assister à la
A
'
�/
(
2
)
cérémonie de son mariage qui eut lieu dans une église grecque,
à laquelle le déposant prom it d’assister; ce qu’il ne put faire
à cause de ses occupations et à cause de l ’heure qui n’était
pas commode pour lu i, le mariage ayant lieu le soir;
Que le soir même ou le lendemain du m ariage, il fut
invité par le général D estain g, à manger au repas de noce ;
Q u ’on lui présenta la demoiselle Nazo , comme l’épouse du
général Destaing ; qu’il croit la reconnaître ;
Q u ' i l a vu fréquemment le général Destaing ,tant au Caire,
qu’à P aris, et l’a toujours considéré comme marié légitim e
ment ;
'
Q u’au repas de n o c e , on lui dit que le mariage avait eu
lieu dans une église grecqu e, et qu’il fit ses excuses au gé
néral Destaing de n’avoir pu y assister;
Q u ’au surplus, tout le monde au Caire en parlait; qu’il
avait personnellement la conviction intime que le mariage
était légitim e ; et qu’il mentirait à sa conscience s'il disait
le contraire.
t
D e u x iè m e
T é m o in .
M . B ertra n d , général de d iv is io n , âgé de trente-cinq ans,
D éclare qu’il croit se rappeler que le général Destaing
s’est marié en Egypte , et qu’il a assisté au repas de noce.
D u reste, que sa mémoire ne lui fournit rien de positif
sur tous ces faits.
Troisièm e Témoin.
( M . R ig e l, membre de l’Inslitut d’E gypte, artiste m usicien,
âgé de trente-huit ans ,
�C 3 )
A déposé qu’il passait pour constant'au C aire, que le gé
néral Destaing était m arié;, qu’il en a fait com plim eîit au 1
général Destaing qui l’en a rem ercié; .
Que dix à quinze jours après’ le mariage il a assisté à uni *
repas cliez le général D estaing, qu’il a cru être un repas de
noce ;
Q u ’il n’avait pas ouï dire que le repas fût donné à l ’occa
sion de la naissance du fils du général D elsonj
1
Que le mariage a eu lieu deux ans environ après l'arrivée
de 1’armée française en Egypte.
/
Quatrième Témoin.
1w
M. Jacquotin, membre de l’institut d’E g y p te , et colonel
au corps im périal des ingénieurs géographes., âgé de qua
rante-trois an s,
A d é p o sé qu’il passait pour constant au Caire que le gé
néral Destaing avait épousé une p e rso n n e du pays , e t q u e le
mariage avait eu lieu devant le Patriarche d’Alexandrie ;
Q u’il a ouï dire qu’il y avait eu un repas de noce auquel
le général M enou et autres officiers avaient assisté ;
Q u’il reporte le mariage à nivôse an g , sans pouvoir dé
terminer précisément l’époque.
Cinquième Tém oin.
M. B eaudeuf, payeur de la garde im périale , âgé de qua
rante-quatre a n s ,
A déposé qu’il n’a été témoin d’aucun fait ; mais que le
mariage du général Destaing était pu blic; que le général
�C 4 )
avait à cette occasion donné un repas auquel avait assisté
tous les officiers généraux et chefs d’administration ;
Que le mariage avait été célébré par le Patriarche d’A lexan
drie, dans le commencement de l’an 9 ;
.Q u e les prêtres grecs étaient présens au repas; qu’il a vu
madame Destaing à la citadelle du C aire, lorsqu’il allait
rendre visite à madame Delson et à madame Lantin ;
Qu’il reconnaissais parfaitement madame Destaing pour
être la même qu’il avait vu au Caire ;
Que toutes les femmes qui étaient à la citadelle étaient re
connues pour être femmes légitimes d’officiers généraux.
Sixièm e Tém oin.
M. V id a l, ch ef de b ata illo n , âgé de quarante-neuf a n s,
A déposé qu’il n’était pas au Caire à l’époque du mariage du
général Destaing; mais que tout le monde lui a dit qu’il était
marié ; qu’il a su particulièrement des -deux aides de camp
du général Destaing, que ce dernier était marié l é g i t i m e m e n t ,
et que cé'm ariage était vu par t o u t le monde avec beaucoup
de re sp ect ; .
Que le général Destaing lui avait dit lui-même qu’il était
m arié, et l’avait invité à dîner pour faire connaissance avec
sa femme ;
*
Q u’il croit se rappeler que le mariage a eu lieu au com
mencement de l’an g.
, ■" -
<
Septième Témoin.
M. Raphaël Demonalîhis, prêtre catholique, professeur de
langues orientales, âgé de quarante-trois ans;
,, • .Jfr
�■
( 5 )
A déposé qu’il n’a pas été témoin oculaire du mariage; mais
qu’il a entendu dire à un nommé Doubanné , actuellement
négociant à Rosette, qu’il avait été témoin de ce mariage ,
qui avait été célébré par le patriarche d’A lex an d rie, dans
l ’église de Saint-Georges au vieux Caire; qu’il a ouï dire la
même cTiose à trente personnes ;
Qu’il n’existait point de mariage à tem s, que madame D e s
tain g avait été mariée ju xta usum ccclesice ;
Q u’i l ’ n’était pas tenu de registres de l ’état c i v i l , à cause
du peu d’instruction des prêtres g recs, que cependant ils
tenaient des notes.
Huitième Témoin.
;
rf
M. C hephetechy, prêtre cophte , catholique rom ain, âgé.
de cinquante-neuf ans ,
;
A déposé qu’il avait ouï dire par le public , que le général
Destaing avait été m a rié par le Patriarche grec solennelle
ment avec la fille de la femme de Jean Naso;
. ,
Que
madame Nazo , en épousant M. N aso, s’était fait
grecque scliismatique ;
»
(
Tn
Q u ’à l’occasion de son mariage, M. Naso a dépensé 5 o,ooo
écus ;
Q u’il n’existait point de mariage à tems; que les (prêtres,
grecs tenaient des registres dont ils ne connaissaient pas la
forme; que les Cophtes en tenaient aussi; mais qu’aucun n’en
donnait d'extraits ;
Q u’au surplus, ils parlent peu français, et qu’en Egypte on
ne donnait pas le nom de registres aux notes qui étaient
tenues.
r
•
. ,
�¿ X .
\
(G)
Neuvième Tém oin.
M. Duranteau, général de brigade,, membre du Corps L é
gislatif, âgé de soixante un ans ,
A déposé qu’il a assisté à un repas donné par le général
D estain g, à l’occasion de son mariage avec mademoiselle
Nazo ;
Que ce mariage était de notoriété publique.
D ixièm e Témoin.
M. Saba Joseph, négociant, réfugié de Jérusalem, âgé de
trente-huit ans,
A déposé qu’il était interprète chez le général Dupas; que
ce gérïeral fut invité, par le général D esta in g ,à son m ariage,
et y assista ;
Que le mariage d’un français avec une grecque parut une
chose si remarquable en Egypte, que tout ie monde s’en en
tretenait;
Que le mariage a été célébré par le Patriarche grec, dans
l ’église Saint-Nicolas, au grand Caire;
Que lors du départ du général Destaing pour Alexandrie ,
le général Dupas l’invita à chercher un appartement à la cita
d e lle , pour madame Destaing, présente h l ’enquête.
Onzièm e Témoin.
M. D a u re , commissaire ordonnateur, âgé de trente-trois
ans,
A déposé qu’il ne sait pas si le général Destaing s’est marié
à l’église ou devant le commissaire des guerres; mais, qu’à l’é-
�( 7 >
poque de son m ariage, il écrivit au déposant pour l ’inviter au
repas et au bal qu’il donnait à l’occasion de son mariage ; qu’il
assista au bal avec les généraux Lannus et Boyer.]
,
Q u’il était alors trés-lié avec le général Destaing ; que ce
dernier le présenta à son épouse, ainsi que les généraux
Lannus et Boyer;
Que le bruit public annonçait le général Destaing comme
marié légitimement , et que lui personnellement l’a toujours ,
considéré comme tel ; que le mariage eut lieu environ deux
mois avant la descente des Anglais.
t
D ouzièm e Tém oin.
M. Tach , ancien n égocian t, interprête du général Lannus ,
âgé de trente-liuit ans,
A déclaré qu’il n’avait pas assisté au m ariage; mais qu’étant interprète du général Lannus, ce dernier lui avait
dit : F o u s ri êtes donc pas venu à. lu nocc avec n ous?
que le général Destaing avait épousé la fille de Nazo ; que
le mariage avait été célébré par le Patriarche grec ; qu’il a
su de la bouche de l’interprète du général Destaing que le
mariage avait été béni par le Patriarche m êm e, et que ledit
mterprête avait été présent à la cérémonie ;
Que ce mariage avait fait beaucoup de bruit dans le quar
tier des chrétiens ;
Q u ’il avait été célébré dans l’église de/ Saint - Nicolas ,
au grand Caire , dans un tems voisin de l ’arrivée des Anglais;
Q u’il sait que les latins tenaient des registres, parce qu’il
est latin et a été marié dans une église catholique; mais
qu’il ignore si les grecs en tenaient.
�( 8 )
Treizièm e Témoin,
M. E steve, trésorier-général de la couronne, âgé de trentesix ans ,
A déposé qu’il a appris le mariage du général Destaing,
comme une nouvelle de l’armée; que le général lui a ap
pris lui-même ; que personne ne pouvait douter que le ma
riage ne fût légitime ; qu’il avait ouï dire que le mariage
avait été célébré suivant le rit grec ;
Q u ’il y a eu un repas de noces auquel il n’a pas assisté; que
huit à dix jours après il a été invité chez le général D estaing,
avec sept à huit autres français, et, qu’en dînant, le général
Destaing avait annoncé son çiariage, et qu’alors le déposant
l ’avait félicité et l'avait embrassé;
Q ue le mariage a eu lieu au commencement de l ’an 9, peu
de tems avant l’arrivée des A nglais;
Q u ’il croit que les commissaires des guerres ne se sont pas
conformés à l’ordre du jour qui prescrit la tenue des re
gistres.
Quatorzième témoin.
M. Sartelong, commissaire ordonnateur, secrétaire général
du ministère de l’administration de la guerre, âgé de trentesept ans,
A déposé qu’entre le xer brumaire et le i cr ventôse de l ’an 9,
le général Destaing lui fit part de son mariage avec la fille
du commandant N azo; que ce commandant lui en fit-égale
ment part ;
Q u’il a assisté au repas de noce, mais non à la cérémonie,
�'
( 9 )
quoiqu’il y eut été invité avec le général Delagrange ; qu’il croit
même qu’il y a eu des billets de part de ce mariage, et que la
nouvelle en a été insérée dans la gazette du grand C a ire, sans
cependant qu’il puisse affirmer ce fait qu’il dirait sans hésiter
en société;
Q u’il a vu au repas de noce l’épouse du général D estaing,
qn’il reconnaît pour être présente à l’enquête ;
Que le g é n é r a l D estain g, blessé dans une affaire contre les
A nglais, lui parla de sa femme comme d’une femme légi
tim e;
Q u ’il ne peut assurer si les prêtres grecs tiennent des
registres , que cet usage a lieu chez les prêtres catholiques
latins , qui sont beaucoup plus instruits ;
Que depuis son retour à P aris, il a vu le général Des-;
tain g, qui lui a dit qu’il attendait sa femme;
Q ue d’après ce que lui avait dit le général Destaing et
ce que lui avait appris la notoriété publique , le mariage
a v a i t été c é l é b r é p a r le P a t r i a r c h e grec et suivant le rit grec;
Q u ’i l n’avait pas eu d’inim itié avec le général Destaing ;
Q u ’au surplus , quand son opinion ne lui serait pas favo
rable, cela ne l ’empêcherait pas de dire la vérité ; qu’il
croyait même honorer sa mémoire en témoignant en faveur
de sa veuve et de sa fille ;
Que les commissaires des guerres ne tenaient que des pro
cès-verbaux et non des registres, que quelques personnes
faisaient inscrire leurs mariages et d’autres se contentaient de
se présenter aux prêtres du pays ;
Q u ’au surplus les trois quarts de ses papiers avaient été
perdus;
Q u’il avait rédigé l ’acte de mariage du général Beaudeau,
�( xo )
non sur un registre qui n’existait pas, mais sur feuille»
volantes ; que c’est lui-même qui engagea le général Beaudeau à remplir cette formalité pour plus de sû reté , que
c’est le seul acte qu’il a rédigé ;
Q u’il l’avait fait enregistrer conformément à Tordre du jonr
de l’arm ée, que cet enregistrement avait lieu pour toutes
les transactions sociales et était yne impositipp ifidirpcte
créée par les français.
4
Quinzième Témoins.
•'
M. M arcel, directeur général de l’imprimerie im périale,
âgé de 52 ans;
A déposé, que dans le commencement de l’an n e u f, le
général Destaing éppusr* la dame Anne ^ïazQ, qu’il reconnaît
pour être présente à l’enquête;
Q u ’il y eut à pette époque ijn repas auquel furent invités
tous les officiers généraux et les principaux chefs d’adminisr
tration ; que pe repas le plus solennel qui ait eu lieu à cette
époqu e, fut donné pomme festin de noce ;
Que le mariage a été célébré l’église des Grepsj qu’il croi*
qu’il y eût des billets de faire p a rt, imprimés ;
Q u’un ordre du jour avait ordonné la tenue des registres
de l’état civil ; mais que cet ordre ne fut pas exéputé ; que le
déppsarçt a perdu trois enfans en Egypte ; que l’acte de nais
sance et celui de décès du dernier seulement ont été dressés.
Q u’il n’a jamais entendu élever des doutes sur l ’existence
du mariage ; que la nptoriéjé publique présentait comme ma
riage légitim e, et que l’on ne parlait pas avec le même res
pect des unions iUÿfiÛiin*?? >
< *
.*
«
k
'■
�C 11 )
Q u ’il n’a connu aucun mariage à tems en Égypte'; que ce
cas est rare, et qu’il n’a lieu qu’entre musulmans, mais jamai*
entre chrétiens.
Seizièm e Tém oin.
M. Clément Marchand , âgé de soixanteans,
A déposé qu’en janvier ou février 1801 la voix publique
lu i apprit le mariage du général D estaing; qu’il apprit
par tout le monde que ce mariage fut célébré1 pat le P a
triarche d’A lexandrie ;
Que le jour même ou le lendemain il rit un grand- norribref
de personnes réunies devant la porte du général D estaing ;
qu’il apprit que cette réunion avait pour cause le mariage du
général D e sta in g , qu’ayant beaucoup connu ce général &
Rosette et au C aire, il crût devoir entrer chez lui et le féliciter;
que le général l'invita à rester chez lu i pour lui1servir d’inietpréte , parce que lu i, déposant, était traducteur de l ’arabe1 et"
du grec dans l’administration des finances -,
Q u ’il y eut un très-grand repas; que le Patriarche n’était
pas au dîner; mais qu’il y a vu un ou deux prêtres grecs;
Que l’usage de dresser chez les Grecs des actes de mariage
n’est pas gén éral, et que les prêtres ne font des actes que
lorsqu’on leur demande ;
Que les mariages à tcms sônt extrêmement rares et lie se
font que parmi les Turcs.
.1
D ix-septièm e Témoin
M. Larrey , inspecteur général d u >service; de; santé , âgé1
de quarante-un an s,
�é*.
( 12 )
À déclaré q u e , dans le ‘commencement de l ’an n e u f,
reçut un billet d’invitation pour assister aux noces du gé
néral D estaing, son ami ; qu’il s’y rendit et y trouva plu
sieurs am is, enir’autres M. Esteves, le général Delagrange,
le général M enou;
Q u e , dans cette réunion , M. Destaing était en grande
tenue, ainsi que tous les généraux;
Q u ’il adressa des félicitations au général Destaing , et lu i t
fit ses excuses de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de
l ’église d’où l’on sortait en ce moment;
Q ue le mariage avait été célébré dans l’église du patriar
che des grecs , et que le repas avait eu lieu le même jo u r ,
vers six à sept heures ;
Q ue, depuis, il a vu le général Destaing au siège d’Alexand rie 'e tà Paris; que ce général lui a parlé plusieurs fois de
sa femme ;
Que ce mariage était de notoriété publique ; qu’il n’ayait
aucune connaissance des mariages à tems.
Enquête J'aite à M arseille
taing.
«
,
par Madame Des
P rem ier Tém oin.
M. Cliam , âgé de quarante-deux ans, négociant, et an
cien interprète du prince de/N eufchâtel,
A déposé que,, dans le courant de l’an n e u f, il entendit
dire que le général Destaing devait épouser la demoiselle
N azo; que , passant devant le domicile du général Destaing ,
il vit des préparatifs de fêtes, des officiers et généraux en
�( i3 )
grand costume ; qu’on lui dit que c’était pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle Nazo ; '
Que ce mariage avait été célébré par un Patriarche grec;
Que les Grecs ne tiennent pas de registres d’état civil.
D eu xièm e Témoin.
• M. Barthélémy Sera, âgé de 5 o an s, colonel des mamelu c k s ;
- A déposé que sur la fin de l’an huit ou au commencement
de l’an neuf, le général Destaing lui dit qu’il voulait épou
ser la fille du commandant N a z o , que le déposant lui ob
servât qu’elle n'était pas fille du commandant N azo, qu’il
avait épousé la mère , qui était veuv.e de Joseph Trisoglou ;
Que le gérferal Destaing répondit que cela lui était in
différent, et demanda si cette dame était sage et avait de
bonnes mœurs, à quoi le déposant répondit affirmativement;
Q ue le général Destaing lui dit que son mariage serait
célébré selon le rit grec ;
Q ue le général Destaing l’invita à assister à son m ariage,
qu’il le remercia et ni voulut pas aller, parce qu’il ne vivait
pas bien avec la famille N azo;
Q ue quelques jours après, il vit beaucoup de monde à
la porte du général D estaing, et qu’on lui dit que c’était à
l ’occasion de son mariage avec la demoiselle Nazo ;
Q u’ayant ensuite rencontré le général D estaing, celui-ci
lu i dit que son mariage avait été célébré suivant le rit grec,
par un Patriarche grec';
Qu’il n’y a que les prêtres latins qui tiennent des registres
de mariages et que les autres n’en tiennent point.
�7ô .
C i4 )
Troisièm e Tém oin.
M. Antoine H am oui, négociant, âgé de cinquante a m ,
A déposé qu’il était au Caire à l’époque où le général
Destaing y étâîF en activité de service, et qu’il ap p rit, par
la notoriété publique-, quelle général Destaing avait épouse
la fille de la veuve N azo;
Q u e son mariage avait été célébré par un Patriarche
grec ;
Q ue ce mariage fit beaucoup de bruit ; tout le monde ne
cessa d’en parler et de s’en occuper ;
Q u’i l n’y a que les prêtres Latins qui tiennent des registres,
et que les autres n’en tiennent point.
Quatrième Témoin.
M. Hannaa O dabaki, âgé de cinquante-six ans, ancien m ar
chand au Caire,
A déposé qu’il était établi au grand Caire depuis trois ans,
avant l’arrivée de l’armée française ;
Q ue p e n d a n t que le général D estaing y était en activité d«
service, le déposant y exerçait les fonctiohs.de commissaire
particulier de police;
-,
Q u’étant lié d’amitié avec le commandant Jean N azo, celuici l’invita au mariage de sa fille avec le général Destaing;
Q u ’il y assista dans l’église Saint-N icolas; qu’il assista«égale
ment au repas de noce;
1 Q ue le mariage fut célébré par le Patriarche d’A lexandrie;
Q u’il n'y a que les'prêtres Latins qui tiennent des' re
gistres.
�C *5 )
Cinquième Témoin.
M .M isçh eR o séti, bijoutier, âgé de vingt-sept ans,
A déposé que sa famille était intimement liée avec celle du
commandant Jean N azo; que la fille de celui-ci ayant épousé
le général D estaing, pendant qu’il était en activité de service
au grand Caire, la famille du déposant et le déposant lui-même
furent invités à assister à ce mariage;
Q u’ils assistèrent à la célébration qui eut lieu dans l’église
Saint-Nicolas, du rit grec, et par le Patriarche grec; et q q e ,
suivant l ’usage pratiqué par les chrétiens de cette secte, le
colonel Papas-Oglou.fut le parain de la demoiselle N azo;
Que les prêtres grecs ne tiennent point de registres de l’état
^
Sixièm e Tém oin.
Sophie Mesk , épouse de Jean N azo, âgée de quarante-cinq
ans ,
A déclaré être la mère de la veuve Destaing; que le mariage
a été célébré en présence d e là fam ille, de diverses personnes
du pays , généraux et autres militaires, notamment le général
D elzon s, dans l’église Saint-N icolas, par le Patriarche grec
Q u e lle ignore si les prêtres tenaient des registres.
Septième Témoin.
M. Joseph D u feu , âgé de quarante-neuf ans , bijoutier,
A déposé que, dans le courant de l’année 178 1. le général
Destaing demanda aux sieur et dame Nazo leur fille en man a 6e >qu’ils y consentirent, et que le mariage fut célébré le
�C ‘6 )
lendemain du jour des Rois de le g lise grecque, correspondant
au 17 juin 1801 ;
Que l u i , déposant, fut invité comme parent de la fam ille,1
et qu’il assista à la célébration dudit m ariage, qui eut lieu
dans l’église Saint-Nicolas au grand C a ire , et par un Patriar
che- grec ;
Q u ’après la célébration du mariage il y eut un grand repas
de noce chez le général Destaing, auquel lui, déposant, assista;
qu’à ce repas étaient les généraux Menou, D elzons,D elagrange
et P.egnier ;
Que les prêtres grecs ne tiennent point de registres.
Huitième Témoin.
Hébrahim T u tu n z i, âgé de vingt-trkois a n s,
A déposé qu’il a assisté au mariage de la demoiselle N azo,
sa n iè c e , avec le général Destaing ;
Que ce mariage a ..été célébré dans l ’église Saint-N icolas,
par le Patriarche grec ;
Qu’après la cérém onie, il assista au repas de n o ce, chez
le général Destaing ; mais quêtant fort jeune alors, il ne
se souvient pas des personnes qui y assistèrent, autres que
celles de sa famille ;
Se rappelle cependant qu’il y avait des généraux.
Neuvièm e Tém oin.
Joseph T u tu n z i, âgé de cinquante a n s, ancien premier
c o m m is du commandant Jean Nazo ,
x
A déposé que le mariage a été célébré dans l’église SaintNicolas au C aire, par le Patriarche grec, et que le paraiii
�C *7 )
de la dem oiselle N a z o , fut P a p a s-O g lo u , co lo n el de la légion
grecque ;
Que lui , déposant, assista à la célébration , et se rendit
ensuite au repas de noce qui fut donné par le général
D estaing, auquel assistèrent divers généraux français et égyp
tiens notables ;
Que les prêtres latins de sa religion tiennent des registres
mais qu’il ignore si les prêtres grecs en tiennent ou non.
D ixièm e Tém oin.
Joseph M esk, âgé de quarante ans, ancien commis au
Caire,
v
A déposé que le mariage a été célébré dans l ’église SaintNicolas du rit grec ; que le parain de la dame Destaing
fut Nicolas Papas-Oglou ;
Q u ’il assista à la cérém onie, après laquelle il se rendit
au repas de noce chez le général D estaing, où étaient présens divers généraux, notamment le général Delagrange et
le général D e lso n , et que ce dernier était présent à la célé
bration, comme parent du général Destaing ;
Que les prêtres chrétiens, de toutes les sectes tiennent des
notes de mariage et naissance, et qu’il pense qu’ils en dé*
livrent des extraits quand on leur demande.
,
Contre Enquête Jaite à Aurillac par les J'reres et
sœurs Destaing.
P rem ier Tém oin.
M. D e ls o n , président du tribunal civil d’A u r illa c , âgé
S.
�C 18 )
de soixante-six ans, oncle maternel, des frères et sœure
Destaing,
A déposé qu’étant à P aris, lors de l ’arrivée du général
Destaing, il ignora longtems les bruits de son mariage ; que
ce bruit se répandit à l’occasion d’une lettre écrite de T.arente
par un habitant d’Aurillâc qui y avait vu arriver la famille
Nazo , dont u n e fille se disait épouse du général Destaing ;
Q ue la belle-fille du déposant ayant demandé au général
D estaing s’il était effectivement marié, celui-ci répondit, en
plaisantant, que sa femme pouvait l’ê tre , mais que lui ne
l ’était pas ;
Q ue le général D estain g, instruit que la famille Nazo
était arrivée à L yon , il le pria de demander à M. Fulssiroû
une lettre de change de mille francs, payable à L yo n , qu’il
'voulait envoyer à cette fem m e. — Ils sont là une troupe,
d it-il ; quand f aurais pris la fille , je n’a i pas épousé tout
cela. I l y a un en fa n tf j'a u ra i soin de la mère et de
Ven fan t;
Q ue le général Destaing lu i avait dit que son mariage
n’avait pas été fait devant un commissaire des guerres,
comme c e l u i du général Delson ;
Q ue M . Nazo se trouvant aux scellés apposés chez le
général D esta in g , il déclara que le général Destaing avait
épousé une de ses filles, âgée de seize ans, devant le P a
triarche d’Alexandrie ;
Que le général D e lso n , fils du déposant, lui a dit qu’il
y avait eu une cérémonie religieuse dans la maison du
sieur N a zo , à laquelle iL*avait assisté ;
Que quelque tems après, le général Destaing étant pa• rain du fils du général D e l s o n l e général Destaing donna
�( i .9 )
à cette occasion, un grand souper, disant que c’était pour
le baptême de son filleul.
D euxièm e Témoin.
Madame W arsy, épouse du général Delson, âgée de vingtcinq a n s , cousine germaine par alliance des frères et soeurs
D estaing,
A déposé que le 29 nivose an g , ellè n’était pas dans la ville
du Caire, qu’elle y arriva le lendemain;
Qu’à son arrivée, elle apprit qu’Anne Nazo avait été con
duite la veille, à la n u it, chez le général Destaing; mais qu’il
n’y avait eu aucune pompe ni céiémonie d’usage pour les ma
riages qui se font dans le pays, suivant le rit grec;
Q u ’une douzaine de jours après, le général D e sta in g ,à l’oc
casion du baptême du fils du général D elson , donna un grand
so u pe r et un bal auquel assistèrent les officiers de l ’Etat Major,
et notamment le général M en o u , Anne N a z o , sa fam ille, et
plusieurs habitans du Caire;
Que dans cette fête, ladite A nne Nazo occupait la place de
la maîtresse de la maison ;
Q u ’il n’y eut ce jour là aucune cérémonie religieuse; mais
qu elle a ouï clire que le jour où ladite JSazo f u t conduite chez
le général D esta in g , il y avait eu une cérémonie religieuse,
qui avait été fa ite p a r le Patriarche d 'A lexa n d rie, à laquelle
peu de personnes avaient assisté ;
Q u’il y avait des églises pour le culte grec au Caire; mais
que, pour l’ordinaire, les cérémonies de mariage se font dans
les maisons ;
• Q ue M. Nazo lui a dit, à elle déclarante, qu’il avait écrit au
�Caire pour avoir une expédition de son acte de mariage, mais
qu’on lui avait répondu que le Patriarche était m ort, et que
Téglise était brûlée;
Q u’au surplus, madame Destaing était considérée comme
•
*
i
•
épouse légitim e, et jouissait des honneurs dus à ce titre.
Que pour e lle, elle la croyait femme du général Destaing
et qu’elle lu i r e n d a i t les honneurs attachés au titre.
Troisièm e Témoins.
Françoise G ro n ier, fille , âgée de 3 o ans,
A déposé qu’étant à Lyon , à l’époque de l'arrivée du
général D estaing, e lle ,fu t invitée à dîner chez lui '
Q u’elle lui demanda quand il amènerait sa femme, et qu’il
lu i répondit: elle est passée d’un côté et moi de l’au tre,
ce n’est pas le moyen de se rencontrer ;
Q u ’étant à A u rillac, dans la chambre de madame Nazo
veuve Destaing, elle lui demanda comment elle avait été
mariée et si le prêtre avait écrit sur le registre ; à quoi la
veuve Destaing répondit que le Patriarche lui avait mis un
anneau au d o ig t, jusquà la piem iere phalange, et que le
général l’avait enfoncé jusqu’à la fin du doigt, et qu’à l’égard
du registre elle répondit : O u i, prêtre , grand livre, écrire.
Contre Enquête Jaite à Mauriac , par les j'reres
et sœurs Destaing.
Prem ier Tém oin.
Joseph F e l , palfrenier du général D estaing,
A déclaré que pendant que le général Destaing était au
�'?r.
( 21)
Caire, son cuisinier d it, en déclarant qu’on avait amené
une femme au général Destaing, que quelques jours après,
celui-ci donna un grand repas où assista tout l’état m ajor,
et notamment le général Menou , et que cette femme dont
il ne se rappelle pas le nom y était ; qu’il l’a entendu nom
mer madame Destaing;
Q u'à la suite du repas il y eut un b a l; qu’il ne sait pas
si A nne Nazo a été introduite dans la maison du général
Destaing avec pompe et magnificence; que le cuisinier ne
lu i a donné aucuns détails là dessus ;
Q u’il croit même que le cuisinier lui dit qu’il n’avait pas
vu lui-même entrer cette femme chez le général Destaing,
et que ce jour là , il n’y eut aucune fête ;
Que le général n’a point donné d’autres fêtes, et qu’il
n’avait jamais que dix à douze personnes à sa table.
,
D eu xièm e et dernier Témoin.
Jean Biron fait la même déclaration.
M* J U G E , Avoué.
H ACQ U ART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue G it-le -C œ u r, n° 8 -
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Juge
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
légitime
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Extrait des enquêtes et contre enquêtes faites à Paris, Marseille, Aurillac et Mauriac, dans l'affaire de la veuve du général Destaing, contre les héritiers Destaing.
Table Godemel : Etat (question d') : 2. est-il dû des dommages-intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Mariage : 3. avant le code napoléon, les mariages contractés en pays étrangers, et particulièrement en Égypte, par des français avec des étrangers, étaient-ils valables, s’ils avaient été célébrés suivant les formes et usages observés dans le pays ? ces mariages pouvaient-ils être prouvés tant par titre que par témoins, s’il est établi que, dans le pays et pour les prêtres qui ont célébré le mariage, il n’était pas tenu de registre ? peut-on entendre comme témoins ? - les parents du français et de l’étrangère mariés ; - les personnes qui auraient déjà, par le fait du mariage et de sa notoriété, délivré des attestations ou certificats ; - les étrangers réfugiés en France avec l’autorisation du gouvernement. est-il dû des dommages intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Dommages-intérêts : 6. en est-il dû à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2002
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53372/BCU_Factums_G2002.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
légitime
opinion publique
témoins
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53373/BCU_Factums_G2003.pdf
9e52e058efff874eb7e1c1ed73980ed2
PDF Text
Text
ME MO I R E
COUR
IMPERIALE
DE RIOM.
CHAMBRES
RÉUNIES.
EN R É P O N S E ,
P O U R .
Les frères D E S T A I N G , appelans ;
CONTRE
A n n e soi-d isan t NAZO, se d isan t v e u v e du gén éral
D e s t a i n g - , et tutrice de M a r i e , s a fill e , intimée.
Voulez-vous avoir idée des moeurs des Grecs? Ils forment
une union qu’ils nomment mariage de capin. Ils convien
nent avec une femme de vivre avec elle tant qu’il leur plaira;
ils se présentent a u juge et à l’évêque , pour obtenir la per
mission de l ’ u n , e t la b é n é d i c t io n d e l ’ a u t r e . L e s lo is e t la
religion s'accordent à autoriser ce dérèglement.
Voyage en Grèce , 1794,179 5 lett. 35. S cro fani,
S ic ilie n , traduit de l ’italien par B la n v illa in ,
P a r is , 1801 .
Q u e l l e est donc cette fem me qui s’obstine à se dire veuve
du général D estaing, prétend avoir reçu ce nom avec solennité
sur les rives du N i l , soutient être née dans une condition dis
tinguée, et veut soulager ceux, qu’elle appelle ses beaux-fréres,
du poids d 'u n e m ésa llia n ce?
Jusqu’ici elle s’étoit annoncée comme fille de Joanny N azo ,
commandant d’ un bataillon grec. Aujourd’hui elle est obligée
de convenir qu’elle n’est point fille de Nazo ; elle avoue qu’elle
A
�■40
( 2 )
a usurpé c e n o m , q u ’elle est née d’un prem ier m ariage de S ofiiib
M isch , d ’une m ère q u i a encore d e u x m aris v iva n t et un de
mort. Et c e n’est point à sa bonne foi qu’on doit ce t aveu ; les
fem m es grecques ont l’habitude de feindre et de dissimuler.
Mais elle a eu la maladresse d’assigner pour témoin un certain
B arth éle m i S e ra . Cet individu est nn des maris de Sophie Misch.
Il raconte avec ingénuité qu’il a épousé cette Sophie, alors veuve
de JosnrH T iiiso g lo w , Arménien de nation, bijou tier de son
m étier, et catholique rom ain de religion. Anne étoit née lors
du mariage de Séiya. Il y a vingt-quatre ans que S e ra a quitté
sa Sophie; i l la q u itta , et Jo a n n y N azo l ’èpousa. C ’est avec
cette légèreté que S e ra parle de la dissolution de son mariage.
C ’est une union de capin : en voici un exemple dans la famille
à 'A n n e ; et c ’est cette a llia n c e d istin gu ée , ce m ariage p o litiq u e ,
cet honneur insigne dont on veut accabler les héritiers Destaing.
Quoi ! lorsque les héritiers Destaing font leurs efforts pour
repousser de leur fam ille une étrangère audacieuse, méconnue
de celui qu’elle appelle son é p o u x , qui l’avilit aux yeu x de son
p è re , traite sa liaison d’a rra n gem en t o rien ta l, A nne ose crier
à la calom nie ! une Egyptienne parle le langage des mœurs ,
vante les vertus dom estiques, ces vertus paisibles et pures ,
bannies de ces parages lointains , où régnent impunément la
dépravation et la lic e n c e , où la dissolution est à son comble !
A nne s’agite en tout sens pour parvenir à son b u t , et faire
croire qu’elle a été élevée au rang d’épouse légitime d’un général
français.
E lle a su profiter avec art de tous les m ouvem ens, de toutes
les circonstances. L ’armée d’ Orient a été divisée dans ses projets,
dans ses moyens d’exécution : ces discussions ont été portées à
un tel degré d’exaspération , que le général Destaing en a été
l’une des victimes.
C’est aux ennemis connus et déclarés du général qu’elle a eu
l’adresse de re c o u rir, pour obtenir des déclarations conformes
à ses projets; mais le mensonge, les contradictions, les incon
�( 3
)
séquences de ses témoins sont à un tel degré d’évid en ce , que
les enquêtes deviennent l’arme la plus puissante dans les mains
des héritiers Destaing , pour repousser les prétentions d’une
femme obscure, am bitieuse, à qui il ne restera bientôt que le
repentir et les regrets. Et qu’Anne ne cherche pas à faire valoir
le sentim ent, en invoquant les noms sacrés d’épouse et de mère !
Si le général Destaing l’avoit élevée jusqu’à l u i , pourquoi
auroit-il pris une marche opposée à celle usitée par les Français
qui ont contracté des mariages en Egypte? comment l’acte de
mariage n’auroit-il pas été transcrit sur les registres des com
missaires des guerres ? C ’est ainsi qu’en ont usé les généraux
L antin , D elzons et B onne-C arrère , conformément aux ordres
du général français.
L e général Menou lui-m ém e, dont le mariage avoit été célébré
antérieurement à ces ordres qui ne remontent qu’à l’an 8 , s est
empressé de faire transcrire l’acte de son mariage sur les registres
de l’état civil du Caire. Enfin , il n’y a pas eu un seul mariage
légitime qui n’ait été suivi de cette formalité ; et par quelle
fatalité celui du général Destaing seroit-il le seul excepté?
A nne v o u d r a - t - e lle préten dre que les troubles de l ’Egypte
n’ont pas permis de suivre toutes les formalités prescrites pour
assurer l’état des personnes ; mais pendant la cohabitation d A nne
avec le général D estaing, l’Egypte étoit dans un état de tran
quillité parfaite , et les troubles n’ont com m encé que lors du
débarquement des Anglais, bien postérieur à son prétendu m a
riage.
T ou t est invraisemblable dans le récit d’ANNE ; ce sont les
aventures d’une héroïne de rom an, où on fait figurer les tem
pêtes , les naufrages , les corsaires , et tout ce qui tient du
m erveilleux.
Mais un arrêt de la Cou r , du 1 1 juin 1 8 0 8 , l’a admise à
prouver la légitimité de son mariage. L a C o u r , en confirmant
le jugement de M auriac, du i3 août 18 0 7, et réduisant l ’inter
locutoire , ordonne <ju’Anne fera preuve devant les premiers
A 2
�( 4 )
ju ges, que depuis que le général Destaing fut appelé au C aire,
et pendant qu’il y étoit en activité de service, elle a été mariée
avt c lui publiquem ent e t so len n ellem en t, p a r le patriarche
d ’A le x a n d r ie , suivant le rite g r e c , et les fo rm es et usages
observés dans le p ays.
Elle est autorisée à faire entendre les parens tant d’elle que
du général Destaing , ainsi que toutes les personnes qui ont
déjà donné des attestations par forme d’acte de notoriété , à
Marseille et à Paris, ou des certificats sur les faits dont il s’agit
dans la ca u se , s a u f tous autres reproches de d r o it , et sau f aux
héritiers Destaing la preuve contraire.
En exécution de cet arrêt, et par suite de commissions rogatoires du tribunal de M auriac, il a été procédé à des enquêtes,
à P aris, à M arseille, et les héritiers Destaing ont fait une en
quête contraire, à Mauriac et Àurillac. Il faut nécessairement
se livrerfà l’examen de ces enquêtes , entrer dans une discus
sion qui va devenir fastidieuse. Les héritiers Destaing feront
en sorte d’étre rapides dans ces détails, pour ne pas lasser
l’attention.
On commence par l’enquéte de Paris.
L e premier témoin est le général Lagrange. Il fut reproché
par les héritiers Destaing , sur le fondement qu’il étoit d’un
parti opposé au général leur frère. L e général Lagrange étoit un
des signataires de la capitulation d’Alexandrie , que le général
Destaing avoit refusé de signer ; il avoit même fait consigner
son refus dans le procès verbal du conseil de guerre ; et cette
divergence d’opinion avoit excité des haines et des inimitiés
particulières entre les opposans. L e juge-commissaire ne crut
pas devoir consigner ce reproche, qui n’étoit pas prévu par le
Code. La Cour l’appréciera dans sa sagesse.
Ce témoin déclare qu’il étoit lié d’amitié avec le général
Destaing ; qu’il vint lui dire qu’il avoit le projet de se marier
en Egypte. L ’amitié lui suggéra des observations pour s’opposer
à ce dessein. Il c r o it , sans pouvoir V affirm er, que le général
�(5)
s’autorisoit de l’exem ple du général en ch ef, et de leur séjour
futur en Egypte. Quelque temps après , le général Destaing
l’invita à assister à la cérémonie de son mariage ,1 qui eut lieu
dans une église grecque. Le témoin avoit promis d’y assister ;
i l en f u t em pêche par les occupations qui lui survinrent, et à
cause de l’heure , qui n’étoit pas commode pour lui ; parce
qu’il croit que le mariage fut célébré le soir.
La première conversation au sujet <lu mariage eut lieu dans
ses bureaux, en présence de ses aides de camp et de son secré
taire. Les représentations qu’il fit pour le détourner de ce
projet, donnèrent lieu à une discussion animée. L e lendem ain
du jour indiqué pour le mariage , il fut invité au repas de
noces. L à , il vit le commandant d’un bataillon grec , N a z o ,
qu’il crut être le père d’ANNE, laquelle lui fut présentée comme
l’épouse du général Destaing. A nne étoit présente lors de sa
déposition ; i l croit la reconnoitre. Il a vu depuis le général
D estain g, tant en Egypte qu’en F ran ce; il l’a toujours consi
déré comme marié. Pendant leur séjour au C aire, il a vu fré
quemment le général Destaing ; mais ce temps n’ a pas été bien
long.
On observe au commissaire qu’on ayoit consigné dans la d é
position du tém oin, que la cérémonie avoit eu lieu dans une
église g recq u e, et qu’il ne l’avoit pas ainsi déclaré ; il répond
que le général Destaing lu i avoit d it que la cérémonie devoit
avoir lieu en effet dans une église grecque ; qu’il le crut ainsi
lorsqu’il alla au repas.
On lui demande s’il ne s’étoit pas écoulé un intervalle de
quinze jours entre l’époque de la prétendue cérémonie et
le dîner. Il ne se rappelle p as précisément les d ates, mais il
croit bien qu’il a été chez le général Destaing le soir même
de la cérémonie.
On lui demande encore si le repas en question ne fut pas
donné à l’occasion du baptême du fils du général D elzo n s, qui
avoit pouf parrain le général Destaing. S a m ém oire ne lu i
�( 6 )
rappelle p a s ces circonstances ; il a mangé à cette époque plu
sieurs fois avec le général D estain g , et ce dernier lui dit qu’il
avoit une double féte à c élé b rer, celle de son m ariage, et celle
du baptême.
Il paroit, sur ce point, que le général Lagrange a manqué
de mémoire : car il sera bientôt établi que la dame Delzons
n’est arrivée au Caire que les derniers jours de nivôse an g.
E lle apprit q u ’ANNE avoit été conduite chez le général, à l’entrée
de la nuit, la veille de son arrivée ; et l’acte de naissance du
fils du général Delzons n’est que du 1 0 pluviôse an 9. Il n’est
donc pas possible que le général Destaing ait donné une double
féte le Jour de son prétendu mariage ; aussi le témoin déclaret-il bientôt après , q u ’il ne croit pas avoir vu le patriarche
d’A lexandrie, ni le soir de la cérém onie, ni le jour du repas.
Sur une dernière interpellation qui lui est faite, de déclarer
si le mariage n’étoit point de notoriété publique, il déclare qu’il
ne peut pas répondre de la conviction des autres chefs de l’armée;
mais il en avoit lui la conviction intim e, et il mentiroit à sa
conscience s’il disoit le contraire.
C e prem ier témoin q u ’on a interrogé dans tous les sens, ne
parle que p a r o u ï-d ire , et n ’a pas été présent à la célébration
du mariage : sa déclaration est donc peu importante , puisque
A n n e doit pro u ver q u ’elle a été m ariée pu bliq u em ent et solen
nellem ent p ar le patriarche d ’Alexandrie.
L e second tém oin, Henri-Gatin B ertran d , général de division,
n’a pas de mémoire ; i l ignore si A n n e a été mariée civilem ent
ou religieusement. Il passoit pour constant, ¿1 ce q u 'il croit, que
le général Destaing étoit marié : le général a donné à ce sujet
un repas auquel i l croit avoir assisté; mais il ne peut rien af
firm er, ni sur le fait du repas, ni sur le fait de sa présence à
ce repas. H ne reconnoit pas A n n e ; il a bien vu au Caire une
dame q u o n appeloit madame D estaing, mais il ne pouvoit reconnoltre la dame ici présente pour la même femme. Il est
probable que le général lui a dit qu il étoit marié , mais i l ne
�( 7 )
se le rappelle p a s . Sa mémoire ne lui fournit rien sur la nais
sance du fils du général Delzons ; et lorsqu’on lui demande si
le général Destaing passoit pour être m a rié , i l croit se rap
peler que oui. On sent qu’il n’y a pas d’observations à faire sur
une semblable déclaration.
Un artiste m usicien, appelé R ig e l, est le troisième témoin.
Il passoit pour constant, suivant lu i, au C a ire , que le général
D estaing étoit marié ; mais il ne sait pas comment le mariage
a eu lieu. Il en fit compliment au général Destaing , qui ne lui dit
n i ou i n i n o n , mais seulem ent le remercia. Il fut invité quinze
jo u rs après à un repas qu’il présumoit être un repas de noces.
Il n’a pas entendu dire que le mariage ait été célébré dans une
église grecque ; il n ’a jamais vu A nne. Il rapporte la date du
mariage à deux ans environ après l’arrivée de l’arm ée française.
Il n’a point entendu parler du fils Delzons. L e patriarche
d’Alexandrie n’étoit point au repas en question.
10 ’
L a seule réflexion qu’on se permettra sur cette déclaration,
c ’est qu’elle est contradictoire avec celle du général Lagrange. Ce
dernier plaçoit l’époque du repas le so ir même de la cérém onie,
et celui-ci dit que le repas n’a eu lieu que (jiiihze jo u rs après.
Il n’a point vu au repas la mariée ; le g é n é ra l L a g ra n g e dit c e
pendant qu’elle lui fut présentée : mais jusqu’ici personne n’a
assisté à la cérémonie.
L e quatrième tém oin, le sieur Ja c o tin , colonel des ingénieursgéographes, ne sait encore rien que par ouï-dire. Il étoit blessé
alors et ne sortoit pas. Il ne connoissoit pas particulièrem ent
le général D estaing ; mais son mariage passoit poufr avoir eu
lieu devant le patriarche d’Alexandrie. Il n’avoit su 'ce fait que
comme nouvelle. On lui avoit d it' que le général Menou et
plusieurs autres avoient assisté à la fé t e , sans q u ’il puisse spé
cifier si c ’est au mariage ou à la cérémonie. Il croit pouvoir
placer l’époque du mariage à deux m o is't environ avant U
bataille d’A lexand rie, ce qui répondrait à '!nivôse an g , sanà
Pouvoir en déterminer précisément l’époque. Il-a Yii 1H1 dame
�( 8
)
Nazo à Paris une fois ou d e u x , mais il ne l’a pas vue au Caire.
L e sieur B eaud eu f, cinquièm e tém oin, lié particulièrement
avec A nne , a cependant déclaré qu’il n’avoit été témoin d’au
cuns faits. Mais le mariage étoit public ; tous les chefs comme
tous les prêtres grecs avoient assisté au repas. A l’entendre,
tout le monde y étoit, excepté lu i; car il n’y a pas assisté.
L e général Destaing ne lui a pas même parlé de son mariage ;
mais il a vu sa femme dans la citadelle du Caire , et il la reconnoit très-bien à Paris. On lui demande si on auroit admis
toute sorte de femmes dans la citadelle ; il répond que celles qui
y étoient, étoient reconnues pour femmes légitimes. A la vérité
il y avoit quelques vivand ières, mais très-peu , à raison du petit
détachement qui y étoit. Il porte la date du mariage au com
m encem ent de l’an 9. Il a toujours regardé A nne comme fille
d’un sieur N azo, G rec d’origine, ferm ier général des liqueurs
fo rtes, commandant d’un bataillon g re c ; mais il ne sait pas si
A nne est sa fille . adoptive, ou si elle est née de son mariage.
Il n’a aucune, çonnoissance de l’époque de I9. cohabitation de
Na^p avec Sophie Misch , mère d’Anne. Les mœurs de l’Egypte
ne permettent pas de connoitre ces détails, attendu le peu de
communication , des femmes avec la société.
On ne voit rien de rem a rq u a b le dans cette déposition, si
on excepte la circon stan ce qu on ne recevoit à la citadelle que
des fem m es légitimement mariées. Mais ce témoin a menti à
sa conscience , parce qu’en effet dans la citadelle il falloit
principalement y re ce vo ir. toutes les femmes qui avoient eu
quelques liaisons avec des Français; et il le falloit bien ainsi, car
autrement toutes celles qui avoient connu des Français auroient
été exposées à une mort certaine de la part des T urcs.
. L e sixièm e tém oin, Barthélem i V id a l, a déposé qu’il n’étoit
pas au Ct\ïre à l’époque du m ariage, mais que tout le monde
lui ,a dit que,.le général Destaing étoit marié. Il a su de ses
d,çux ajd.es de camp que le général Destaing avoit fait un m a
riage, légitime ; il .n ’a jam ais ouï d ire, ni aux aides de cam p ,
ni
�(9)
ni à personne , rien qui pût faire élever le moindre doute sur
la légitimité du mariage. Il prétend même que ce dernier l’avoit
invité à diner, pour faire connoissance avec sa fem m e; mais il
ignore par qui le mariage a été célébré. Il ne peut même se
rappeler positivement l’époque ; il faudroit pour cela qu’il fit
quelques recherches ; il croit cependant que c ’étoit au com
mencement de l’an g.
Toute indifférente qu’est cette déposition , on doit remarquer
cependant que le témoin en impose évidemment lorsqu’il pré
tend que le général vouloit lui faire faire connoissance avec sa
fem me. On voit par la déclaration précédente, et on verra bientôt
par des dépositions subséquentes , que cette assertion est ab
solument contraire aux mœurs d’E gyp te, et que les femmes
n’ont jamais aucune communication avec les hommes.
Dom Raphaël de Monachis est le septième témoin ; il a été
reproché comme signataire d’un certificat donné à P a ris , devant
le juge de paix, le 29 mars 1806. E t ce reproche est fondé sur
la disposition de l’art. 83 du Code de procédu re, §. 2. Ce témoin
est professeur de langues orientales ; il déclare qu’il étoit au
Caire a 1 époque du m ariage : il n ’en a pas été tém oin o c u la ire ,
mais il a ouï dire à Antoine D oubané, actuellem ent négociant
à T rieste , qu’il avoit été témoin de ce m ariage, qui avoit été
célébré par le patriarche d’A lexandrie , dans l'ég lise de saint
G eo rg es, au Vieuoc-Caire. Il a ouï dire la même chose à trois,
quatre , dix , trente personnes ; il a ouï dire également que
ce n’a été qu’avec peine que le sieur Nazo avoit déterminé le
patriarche à consentir au mariage ; que cette répugnance étoit
fondée sur la différence de religion , et sur ce que le général
Destaing étoit Franc , c ’est-à-dire, Européen et m ilitaire, parce
que c ’étoit un grand déshonneur de donner sa fille à un m ilitaire,
et plus particulièrem ent à un Européen. Celte répugnance 11’existoit cependant pas chez les catholiques romains; plusieurs m i
litaires avoient, quoique mariés en F ran ce, pris des femmes
B
�( 10 )
en Egypte , et les avoierit quittées après quinze, v in g t, ou trente
jours.
On lui demande si ces mariages étoient faits à l’église ; il répond
que oui, mais qu’ils ne ressembloient pas au m ariage de la dame
Destaing. Interrogé pourquoi cette différence entre les mariages,
il dit que prem ièrem ent le général Destaing n’étoit pas marié
en France , comme certains autres militaires ; a0, que le général
Destaing n’ètoit pas un homme inconnu, comme un petit sergent,
ou un petit capitaine ; que le général Menou s’étoit rendu garant
du général D estain g auprès du père de la dame N azo, et qu’il
lui avoit dit : N ’ayez p e u r , le g é n é ra l 11 abandonnera p a s votre
f ille . L e témoin soutient qu’on ne connoissoit p as, en E gypte,
les mariages à temps ; il a tte ste , comme naturel d’E g y p te , et
comme curé catholique romain , que jamais ces mariages n’avoient e x isté ; qu’il en faisoit le serment par-devant D ie u , et
qu'il le prouveroit par sa tête. N o n d a tu r divortium in ecclesiâ!
s’écrie-t-il; la dame Nazo a été mariée ju x ta usum ecclesiœ ; et
si le père Nazo avoit cru donner sa fille à temps , il ne l’eût pas
donnée. Les fem m es qui s’étoient mariées à plusieurs militaires
n’avoient point obtenu la permission d’aucuns prêtres. Il fait
concorder le mariage avec le commandement du général Menou.
On voudroit obtenir quelques renseignemens de lui sur l’origine
de la dame N"azo i tlo c non pertm et a d nostiam ca n sa m , répond-il. On insiste pour avoir des détails; alors il déclare que le
père de la dame Nazo étoit Arm énien, catholique ro m a in , bijou
tier, et que Nazo n’étoit pas son père, mais son beau-père. On
lu i demande s’il n’y avoit pas un autre beau-père, qui étoit Barth élem i, Génois de nation, et si ce n’étoit pas là le véritable
beau-pére d’A n n e; il dit qu’après la mort du père d'A n n e , sa
veuve a épousé ce Barthélem i, qu’ils se sont quittés quelque
temps a p rès, et qu’elle s’est remariée avec Nazo.
Sur l’interpellation qui lui est faite s’il est sûr que Barthélemi
a épousé la m ère d’ANNE, s’il est vrai qu’ensuite elle s’est mariée
�avec N azo, il répond qu’il ne conuolt ces faits que par ouï-dire.
Il dit encore que les simples prêtres célèbrent les mariages de
condition ordinaire, et le patriarche celui des personnes distin
guées ; mais qu’à raison de l’esclavage causé par l’empire des
T u rc s, il n’y a que trois églises grecques, et que le patriarche
p e u t , en p la ç a n t son a u te l dans une m aison , la rendre son
église. Il prétend que les prêtres grecs ne tiennent pas de registres,
parce qu’ils ont peu d’instruction et peu de liberté.
On observe au témoin que cette assertion est contraire à ce
qu’il avoit déjà dit. Il avoit déclaré en commençant qu’il existoit
des registres pour les naissances et les m ariages, et maintenant
il semble être en contradiction ; il répond alors que les prêtres ne
rédigeoientpoint de contrats, mais tenoient de simples mémoires.
Cette déposition mérite d’être attentivement exam inée ; elle
ne s’accorde pas avec l’acte de notoriété que le témoin a signé,
et où il disoit qu’il avoit assisté au mariage. Maintenant il l’a
seulement entendu d ire , à la vérité , par beaucoup de monde ;
mais les trente personnes au moins qui lui en ont p a rlé , lui ont
attesté que ce mariage avoit été célébré par le patriarche, dans
l’église de s a in t G e o r g e s , au J^ieuoc-Caire. V oilà une particu
larité remarquable. Le local est spécialem ent désigné, et on ne
se trompe pas ordinairement sur cette désignation : le V ieu xCaire est séparé du Grand-Caire par une branche du Nil ; et on
verra bientôt que les témoins de Marseille ont prétendu que ce
mariage avoit été célébré dans l’église d e sa in t N icolas du
G rand-C aire.
D ’ un autre c ô té, ce témoin apprend q x iA n n e Nazo est née
d’un père catholique romain. Elle a dit elle-même qu’elle professoit cette religion ; c ’étoit aussi celle du général Destaing : il
est dès-lors impossible que le patriarche grec ait marié des catho
liques rom ains; ce seroit contraire à tous les principes des schismatiques grecs , dont l’aversion est connue pour tout ce qui tient
îiu rite romain. Cependant le tém oin, qui est lui-m êm e prêtre
catholique, ne dit pas un mot sur cette différence de religion;
B 2
�( 12 )
et s’il déclare que le patriarche grec s’étoit déterminé avec peine
à faire ce m ariage, ce n’est pas à raison de la différence de la
religion , mais seulement parce que le général étoit Européen et
m ilitaire, et que les filles ne pouvoient, sans une espèce de
déshonneur, épouser des Européens et des militaires. Cette
espèce de honte ou de préjugé qui rejaillissoit sur les filles ,
n’avoit d’autre origine que l’inconstance ou l’abandon des per
sonnes de cette profession; et le bon M onacliis, sans s’en aper
cevo ir, nous atteste qu’il se faisoit des mariages à tem ps, qu’ils
étoient même fort communs. Il n’avoit pas besoin dé nous d ire,
car nous savons tous, que l’église romaine n’admet point de
d ivo rce ; et ne sero it-ce pas une raison pour que le général
Destaing eût voulu s’adresser à un prêtre grec? Il trouvoit dans
la famille d’Anne des exemples qui pouvoient l’autoriser : aussi
ést-ce avec bien de la peine que le témoin s’explique sur les
hauts faits de Sophie Misch ; il faut qu’il y soit contraint par
l’autorité; jusque-là il s’étoit renfermé à dire : H oc non pertincb
a d no stram causant.
On aura occasion de revenir sur cette déclaration très-impor
tante et très-remarquable.
L e huitièm e tém oin, Joannes C h ep tech i, prêtre cophte, c a
tholique romain , dépose avoir ouï d ire par le public que le
général Destaing avoit été m arié par le patriarche grec , solen
nellem ent, a v e c la fille de la femme de Jean Nazo. Il dit qu’elle
s’appelle M arie : mais sur l’observation'que lui fait A n n e elleniém e , que Marie n’étoit pas son nom , il ne s’en est pas rap
pelé , quoiqu’il la connoisse depuis l’âge de trois ans ; d’ailleurs
il n’étoit appelé que pour déposer de son mariage. Il atteste que
les père et mère d ’Anne étoient catholiques romains. Il sait
qu’après la mort de son premier m ari, Sophie M isch épousa
Burthélem i, L a t in ; mais pour épouser Nazo elle se fit scliismatique grecque, et le patriarche déclara son second mariage in
valide. Nazo fut si content, qu’il dépensa cinquante mille écu&
pour son mariage. D ’ailleurs, ajoute-t-il, la liberté des mariages.
�is > ( 13 )
existe en Egypte : les prêtres catholiques n’ont pas la liberté de
p a rle r, mais ils n’approuvent pas pour cela les mariages con
tractés par ceux qui quittent leur religion. Il n’a pas entendu
dire que l’on pouvoit divorcer et contracter de nouveaux mariages
dans la même religion, mais seulement qu’on pouvoit, à cause
de la liberté civile des c u ltes, quitter la religion latine pour
embrasser la religion schismatique g recq u e; et que le mariage
contracté par une fem me latine avec un homme de sa religion,
étant déclaré nul par les G re c s, cette dernière pouvoit, en em
brassant la religion grecque, faire déclarer nul son mariage avec
un la tin , et en contracter un second. Il atteste cependant que
les prêtres grecs comme les prêtres cophtes étoient dans l’ usage
de ten ir des registres des m a ria g es.a
' a; 1. ■ t
t
Cette dernière déclaration ne convient pas à A nne ; son avoué
prétend qu’il n’est pas bien informé des usages, qu’il est étranger
au rite grec , et que dès-lors il 11e peut savoir si en effet ces
prêtres tenoient des registres. L e témoin répond qu’il parle avec
peine la langue française ; qu’on ne donnoit pas en Egypte le
nom de registre aux notes que tenoient les prêtres ; mais que
ces notes contenoien t la date des mariages et les noms des
parties, et que dans aucune religion ces notes n ’étoient signées
des parties.
j
1
On lui demande s’il n’étoit pas d’u sage, dans les mariages
r é e ls , de promener solennellement la dot et les époux sous un
dais. Il prétend que cela n’est usité que pour les T u rcs ; que
les autres religions n’ont la liberté de le faire que par la per
mission du souverain.
Cette déposition est essentielle sur un p o in t, malgré les interiogations captieuses d’ ANNE ou de ses conseils. Il est cons
tant , d’après ce tém oin, que les prêtres de toutes les religions
tiennent en Egypte des registres ou des notes sur les mariages.
Comment se fait-il qu’on se soit écarté de cet usage pour le
général Destaing seulem ent; et par quelle fatalité ce mariage
est-il le seul qui n’ait point été inscrit, ni sur les notes des
/
�'( M )
p rêtres, ni sur les registres des actes civils? D ’ailleurs, sur le
fait p rin cip al, ce témoin ne parle encore que par ouï-dire.
L e neuvième témoin est L u c D uranteau, général de brigade.
Il a été reproché com m e étant l’un des signataires de l’acte de
notoriété dont A nne a fait usage. Au su rp lus, il s’est trouvé
dans une réunion à l’occasion du mariage du général Destaing
avec la fille de Joanni Nazo ; mais il n’a point connoissance
de la célébration du mariage par le patriarche d’Alexandrie ,
seulement il étoit de notoriété qu’Anne étoit mariée. Autant
qu’il se rap p elle, le mariage a dû avoir lieu sous le comman
dement du général Menou. Mais il ne sait préciser, ni l’époque
de la réunion dont il a p arlé, ni combien a duré la cohabita
tion ; il ne sait pas même si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur des registres tenus a d hoc par les commissaires
des guerres.
!
»,■ L a seule remarque qu’on se permettra sur cette déposition,
c ’est qu’elle est en contradiction avec l’acte de notoriété qu’il
a signé. Suivant ce certificat , le mariage avoit été célébré en
présence du déclarant, en l’an 8.
Dans sa déposition , il n ’a pas connoissance de la célébra
tion du mariage ; il n’a été fait que sous le commandement du
général M enou, c ’est-à-dire, en l’an 9. Ainsi la déclaration est
tout autre chose q u e '1 attestation. Ce tém oin, qui veut tout
ignorer, ne sait pas mémo si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur les registres des commissaires des guerres.
L e dixième témoin est Joseph Saba , réfugié de Jérusalem ;
il éto it, en qualité d’interprèle , chez le général Dupas. Ce
dernier fut invité par le général Destaing à assister au m ariage,
et y alla. L e mariage d’ un Français avec une femme grecque
parut une chose remarquable. Il entendit répéter qu’il avoit été
célébré par le patriarche g rec, dans l’église de saint Nicolas
au G r a n d - Caire. Mais il n'a pas été témoin personnellement
de la cérém onie; et voilà une nouvelle version. Suivant le sep
tième tém oin, qui a dit tant de ch oses, le mariage avoit été
,
�( i5 )
célébré dans l’église de saint G eorges, au V ieu x-C aire. Celui-i
ci veut que ce soit dans l’église de saint N ic o la s, au GrandCaire. Au surplus, il a procuré à madame Destaing une maison
propre dans la citad elle, lorsque le général partit pour Alexan
drie. Il sait encore que le père d’Anne Nazo est mort. Mais
quand une veuve ayant des petits enfans se rem arie, les enfans
donnent le nom de père au nouveau mari. Il connoit Barthélem i; niais il ignore si ce Barthélemi est le m ari de la m ère d’Anne
Nazo. Il n’est pas Egyptien, il est de Jérusalem , et n’a pu savoir
ces détails. Le mariage d’Anne Nazo avec le général Destaing doit
remonter à huit ans , tout au plus , sans qu’il puisse dire pré
cisém ent l’année.
Ce témoin , qui ne parle encore que par ouï-dire, prétend
que le général D upas a assisté au mariage ; et le général a luiniéme a tte sté , dans un certificat de notoriété qu’il a délivré à
A nne , qu’il n’a eu connoissance de ce mariage que par ce que
lu i en ont dit plusieurs personnes distinguées d’Egypte. 11 est
d’ailleurs constant q u ’ANNE n’est pas fille de N a z o , quoiqu’elle
ait toujours prétendu l’étre ; et il ne faut pas aller en Egypte
po ur savoir q u e les enfans d’un prem ier lit donnent quelquefois
le nom de père à un second ou troisièm e m ari de le u r m è r e :
c’est aussi l’usage en France. Mais ce qui n’est pas. vrai, c ’est
que le second m ari donne son nom aux enfans d’un premier lit ;
et A nne seroit bien embarrassée s’il falloit appuyer cette asser
tion de quelque autorité.
L e onzième témoin est un sieur D a u re , commissaire-ordon
nateur. Ce témoin a été reproché , comme signataire de l’acte
de notoriété, fait à Paris devant le juge de p aix , le 29 mars
18 0 6 ; il étoit d’ailleurs l’ennemi personnel du sieur D estaing,
et il en convient dans la suite de sa déclaration. I l ne sait
p oint si le général Destaing s’est marié à l’église ou devant le
commissaire des g u erres, mais il fut invité au repas et au bal
donnés cette occasion. Il n’assista pas au repas; il se rendit
au bal avec d’autres généraux qu’il nomme. Il étoit alors très-
�(
3
lié avec le général; il s’est ensuite un peu brouillé avec lu i,
par suite des discussions qui ont eu lieu à l’armée. Il ignore le
nom de la femme que le général Destaing épousoit; mais ses
fonctions lé mettaient dans le cas d’avoir quelques rapports avec
les parens. L e général Destaing l’a présenté à son épouse. Il
le considéroit comme marié légitimement. Il ne se rappelle pas
la date du mariage , mais il se trouvoit chez le général Destaing
deux mois environ avant la descente des Anglais. Il convient
que les commissaires des guerres tenoient des registres pour
inscrire les mariages ; mais il renvoie à l’ordonnateur Sartelon
pour donner sur ce point d’autres lenseignemens. Il ajoute que
la cohabitation entre le général D estaing et A nne avoit pu durer
environ trois mois.
Cette déclaration, qui est en contradiction avec l’acte de no
toriété , ne présente rien de saillant sur le fait. L e témoin ne
raisonne que par ouï-dire; et jusqu’ici on n’a aucune donnée
pour prouver que ce mariage a été célébré par le patriarche
d’Alexandrie.
L e douzième témoin est encore un réfugié d’Egypte, Gabriël
T a c k , n atif du Caire. Il n’a point assisté personnellement au
mariage du général Destaing ; mais étant interprète du général
Lam usse , ce dernier lui avoit dit : G a b riel, vous 11’étes donc
pas venu à la noce a v ec nous ? et lui avoit ajoute que le général
Destaing a v o i t épousé la fille de N azo; que le mariage avoit été
célébré par le patriarche g re c , qui avoit donné la bénédiction.
L ’interprète du général Destaing lui a dit que ce mariage avoit
été célébré par le patriarche. Cet interprète du général D es
taing étoit lui-m êm e présent h la cérémonie. Ce mariage a fait
beaucoup de bruit dans le quartier des chrétiens ; il a eu lieu
dans l’église de saint Nicolas , au Caire , et dans un temps
voisin de l’arrivée des Anglais. Il a ouï parler de Barthélem i,
second mari de Sophie Mise h , mais il n’a jamais vu cette der
n ière; il avoit m êm e un domicile séparé. Il a vu Nazo dem eu
rant avec la mère d’AiWE , ici présente.
Il
1
6
�( *7 )
Il ne sait pas si la mère est d’origine grecque co p h te, il sait
seulement que le patria rch e ne m arieroit p a s une fe m m e q u i
ne seroit p as Grecque. On lui observe que le général Destaing
n étoit pas lui-méme G rec ; il répond que cela n’empéchoit pas
le patriarche de donner la bénédiction , parce que la femme
étoit Grecque , et que le mari étant Latin et la femme G recqu e,
celui-ci avoit le droit d’emmener la femme à son église , ce
qui n’avoit cependant lieu qu’autant qu’il le vouloit. On lui
demande quelque explication sur les cérémonies des Grecs pour
les mariages. T out cela , suivant l u i , consistoit à aller à l’église,
et chez les Latins on écrivoit les mariages sur des registres ;
il le sait parce que lui étant L a t in , il a été marié dans une
église catholique ; mais il ignore si cela avoit lieu chez les
Grecs. Il ignore encore s’il étoit d’usage de promener la dot et
les époux sous un dais. E t enfin il dit que l’interprète du général
Destaing s’appeloit Massara. Ce témoin, comme on voit, ne parle
encore que par ouï-dire, et n’a fait qu’une déclaration rem ar
quable , c ’est que le patriarche grec n’auroit pas donné sa bé
nédiction à une fe m m e q u i ri étoit p as Grecque. On a vu plus
haut qu’ANNE et son père étoient catholiques romains. L e géné
ral Destaing étoit de la meme religion , par conséquent le pa
triarche grec n’a pu être le ministre du mariage.
L e treizièm e, le sieur Estève, trésorier général de la couronne,
est un des signataires de l’acte de notoriété dont A n n e a fait
usage ; il a été reproché à raison de ce. D ’ailleurs il n’a point
été témoin de la cérémonie du mariage ; il l’a appris comme
une nouvelle de l’armée et du Caire. L e général le lui a éga
lement annoncé. Il a ouï dire que le mariage avoit été célébré
selon le rite grec , qu’il y avoit eu un repas de noces auquel
il n’avoit pas assisté. Mais quelques jo u rs après il fut invité chez
le général Destaing avec sept ou huit autres Français. L e général
en dînant annonça son mariage. L e témoin l’en félicita et 1 em
brassa. Il n’a cependant pas vu la femme du général : en Egypte
tes fem m es ne m angent p o in t avec les hommes. Le mariage a eu
c
�c <8 )
lieu peu de temps avant l’arrivée des Anglais , vers le commen«ement de l’an 9 , autant qu’il peut se le rappeler. Il croit que
la cohabitation n’a pas cessé pendant tout le temps du séjour
du général en Egypte ; il ignore s’ils sont venus en France en
semble. Un ordre du jour avoit ordonné que les commissaires
des guerres tiendroient un registre pour inscrire les mariages
et les naissances; mais il ne sait pas si ces commissaires les
tenoient; il croit qu’en général ils ne se sont pas conformés à
l’ordre. Le général Menou avoit donné un ordre pareil ; mais
cet ordre ne regardoit que les musulmans. Il n’est pas à sa
connoissance que le général Menou ait fait inscrire son mariage ;
il sait seulement qu’il a fait inscrire la naissance de son fils ,
et que les généraux ne l’ont point imité en cela. Enfin il ignore
si le général Destaing s est fait des ennemis par ses opinions.
Cette déclaration est en contradiction avec l’acte de notoriété.
Dans cet acte le témoin connoit parfaitement A nne Nazo, épouse
du général D estaing; il a assisté à la cérémonie du m ariage,
qui a eu lieu en présence d’un grand nombre de Français ; il
atteste également que ce mariage a eu lieu en l’a n 8. Dans sa
déposition il n’a appris le mariage que comme nou velle; il n’a
assisté ni à la cérémonie ni au repas : ce n’est que huit à dix
jours après qu’il a dîné chez le général, et il n’a point vu sa
femme. Le général M enou n ’a donné ordre de tenir un registre
qu’au divan et pour les musulmans. N est-ce pas une raison de
penser que toutes les autres sectes tenoient des registres. Il est
d’ailleurs reconnu que le général Menou avoit fait transcrire
l’acte de son mariage contracté en l’an 7 , à R o sette, sur les
registres du commissaire des guerres du Caire.
L e quatorzième tém oin, le sieur Sartelon, commissaire-ordon
nateur, a été reproché de deux manières , et comme signataire
d’ un acte de notoriété au profit d’ANNE, et comme ayant été
l ’ennemi personnel du général D estain g, par suite de division
à l’occasion de la capitulation du Caire. Il dépose d’ailleurs
qu’entre le i er. brumaire et le i cr. ventôse an 9 , le général
�( r9 )
Destaing lui fit part de son mariage avec la fille d’ un G rec
nommé Nazo , commandant en second d’un bataillon. Le général
Destaing lui parla de ce mariage tant avant qu’après ; il l’nvoit
même invité. Nazo lui fit également part du mariage de sa fille ;
il la nomma ainsi, quoique depuis il ait ouï dire qu’AuNE n’étoit
pas la fille de N azo, mais sa belle-fille; il a assisté au repas de
noces, mais non à l'église. Quoiqu’il eut été invité à la cérémonie
avec le général Lagrange, à ce q u 'il cro it; il pense même , sans
pouvoir l ’a ffir m e r , qu’il y a eu des billets de communication
de ce mariage ; que la nouvelle en a été insérée dans la gazette
du G rand-Caire, rédigée par le sieur D esgenette, médecin de
l’arm ée; q u i l n ’affirm e pas non plus ce dernier fait, mais dans
la société il le diroit sans hésiter; qu’il a vu au repas de noces
la femme du général, et il la reconnolt pour la dame présente
aux débats. Lorsque le général Destaing fut blessé dans l’affaire
contre les Anglais , il lui parla de sa fem me com m e d’une femme
légitime. Il ne peut assurer si les prêtres grecs tiennent des
registres de m ariage; mais cet usage a lieu chez les prêtres
catholiques latins, qui sont beaucoup plus instruits. Il a signé
l’acte de mariage du général B a u d o t , célébré dans une église
la tin e , à peu près à la même époque. II croit toutefois im pos
sible que les prêtres grecs ne tiennent pas des notes ; mais ces
notes ne seroient pas des registres civils. Il est à sa connois
sance qu’il n’y a pas en Egypte d’officiers de l'état civil. Il
a vu le général Destaing à P aris, qui lui a dit qu’il attendoit
sa femme. Enfin , d’après la notoriété, le mariage en question
avoit été célébré par le patriarche grec , et suivant le rite grec.
L e commissaire lui demande d’office s’il n ’a pas eu quelques ini*
initiés avec le général Destaing ; il répond négativement. In
terrogé s’il n’a pas tenu quelques propos injurieux î\ la mémoire
du général; il ne le croit pas. D ’ailleurs quand son opinion ne
seroit pas favorable au général, cela ne l’empécheroit pas de
déposer la vérité, et il croyoit honorer la m ém oire du général,
en déposant en faveur de sa femme et de sa fille.
C 2
�C) (s-
( 20 )
On lui rappelle qu’il a refusé de communiquer des registres,
et d’y faire des recherches; qu’il s’est même répandu en propos
très-injurieux contre le général. Il prétend n’avoir rien dit d’in
jurieux, mais il a soutenu qu’aucun ordre du jour n’avoit prescrit
la tenue des registres ; que cet usage s’étoit établi, de faire écrire
les actes, soit par les commissaires des guerres, soit par les chefs
des corps; que d’autres s’étoient contentés de se présenter aux
prêtres du p ays; qu’enfin les commissaires ne tenoient point de
registres , mais de simples procès verbaux : d’ailleurs les trois
quarts de ses papiers ont été perdus.
On lui demande à quelle église il fut invité pour assister à la
cérém onie; il répond que c ’est probablem ent à l’église grecque;
que d ailleurs sa mémoire ne lui rappelle rien autre chose , que
seulement le général D estaing lui a dit que c’étoit le patriarche
grec qui avoit fait le mariage.
On l’interpelle encore de déclarer si après le mariage de ma
dame Baudot, femme du général de ce nom , ce dernier ne
présenta pas l’acte latin qui avoit été rédigé et signé des parties
contractantes, à lui S artelo n , pour qu’ il en dressât l’acte civ il,
et assurer l’état des parties.
Il convient en effet avoir rédigé cet acte, non sur un registre,
mais sur une simple feu ille, et en form e de procès verb al, après
la célébration religieuse qu’en avoit faite un prêtre catholique
romain. Ce fut le déposant lui-m êm e qui engagea le général
Baudot à faire faire cet acte pour plus grande sûreté : le général
croyoit que la cérémonie religieuse suffisoit. Mais c ’est le seul
acte de mariage que le témoin ait jamais rédigé. C’est encore
lui déposant qui fit enregistrer la m in ute, pour se conformer à
l ’ordre du jour de l’arm ée, qui ordonnoit l’enregistrement de
tous les actes qui y seroient passés, non-seulem ent pour les
m ariages, mais pour toutes les transactions sociales, cet enre
gistrement étant une imposition indirecte créée tant pour Je
pays que pour les Français.
On ne peut pas se méprendre à cette déclaration ; elle porte
�'J F ( 21 )
le caractère de la haine contre le général Destaing ; elle prouve
un entier dévouement à la cause d’ÂNKE, que le témoin a mal
adroitement serv ie, en tombant à chaque pas dans des contra
dictions choquantes. Il avoit été plus positif dans son acte de
notoriété. Dans sa déposition il n’a pas assisté à la cérémonie ;
il n’a été qu’au repas de n o c e s, où il a vu Anne ; et le précé
dent témoin nous a dit qu’en Egypte les femmes ne paroissoient
jamais à table avec les hommes. Les prêtres grecs comme les
latins tenoient des notes des mariages , mais les commissaires
des guerres n’avoient point de registres civils pour les inscrire;
et cependant il a rédigé celui du général Baudot : c ’est lui qui
l’a provoqué à cette mesure pour plus grande sû re té , qui a fait
enregistrer la m inute, parce qu’ un ordre du jour ordonnoit l’en
registrement de tous les a ctes, pour les mariages comme pour
toutes les transactions. D ans quelle incertitude ne laisse-t-on pas
les esprits, avec des déclarations aussi incohérentes ; et par quelle
fatalité Anne ne tro u ve-t-elle pas parmi tous ceu x que leurs
fonctions rapprochoient le plus du général D estain g , un seul
témoin qui ait assisté à la prétendue cérémonie du mariage?
Le quinzièm e t é m o in , le sieur M arcel , d ire c te u r gén éral de
l’im prim erie, encore signataire de l’acte de notoriété, et reproché
en conséquence , dit que dans le commencement de l’an g ,
quelque temps avant la mort du général Kléber , le général
Destaing épousa la dame Anne Nazo : le témoin la reconnoit
en la voyant assister à l’enquéte. Il y eut à cette époque un
repas auquel furent invités les officiers généraux et les princi
paux chefs de l’adm inistration; que ce rep as, le plus solennel
qui ait eu lieu alors, fut donné comme festin de noces ; que
dans ce repas on disoit que le mariage avoit été célébré par
le patriarche grec d’Alexandrie , résidant au Caire ; et le témoin
a entendu dire que la célébration avoit eu lieu à l’église des
G recs; qu’ils ne désignent pas leurs églises sous la dénomination
d*w s a in t , mais seulement sous le nom de l'église ; com m e,
par exemple , l'église des cophtes. Il connoissoit cette églisa
�( 22 )
grecque pour y avoir été rendre visite au patriarche. II peut se
faire au surplus que les G recs entr’eux désignent cette église
sous le nom d’un saint. Il croit se rappeler qu’il y eut des billets
de communication imprimés ; mais sa mémoire ne lui présente
pas ce fait avec assez de certitude pour pouvoir l’affirmer.
Peu après l’arrivée des F ran çais, un ordre du jour avoit
ordonné qu’il seroit tenu des registres pour constater les
mariages et les naissances; mais cet ordre ne fut exécuté que
dans les derniers tem ps, que le général Menou le renouvela.
L e témoin a perdu trois enfans en Egypte. L ’acte de naissance
et de décés du dernier seulement a été dressé ; pour les autres
en fan s, il n’a eu d'autre note de leur naissance que le certificat
de leur baptême donné par le supérieur des ca p u c in s, prêtre
catholique, qui en tenoit note; mais note incomplète et inexacte.
A la vérité le témoin convient que cet ordre avoit été donné
par le général Menou. L ’ordre donné pour la tenue des registres
n’a point été exécuté, à ce qu’il croit, parce que tous les registres
s’iinprimoient à l’im prim erie nationale , qu’il dirigeolt alors, et il
ne-se rappelle pas avoir vu le registre en question. Si les Grecs
et les cophtes eussent tenu de ces registres, on n’ auroit point
demandé leur déclaration. Lors du diner ceux qui avoient parlé
de cette cérémonie en avoient é té , à ce qu il c r o it, témoins
oculaires ; il ne peut c e pend an t se rappeler ceux des convives
qui y p a r l o i e n t , quoiqu’aucun d’eux ne lui fût , à ce qu’il
pe n se , inconnu; il n’a d’ailleurs jamais entendu élever des doutes
su r l’existence du m ariage, que la notoriété publique présentoit
comme mariage légitime. Il ne se rappelle pas d’avoir -vu le
patriarche d’Alexandrie au diner de noces ; il ne croit pas même
qu’il y fût* Il ignore combien a duré la cohabitation; il n’a
point connu de mariage à temps en E g y p te , ou du moins le
cas est ra re, et n’a lieu qu’entre m usulm ans, mais point entre
chrétiens.
Encore incertitude sur cette -déposition ; il ne sait le mariage
que par ouï-dire.
�C^3 )
L e seizième tém oin, Jacques C lém en t, d éclare, sur le fait
dont il s’a git, qu’en 1 8 0 1 , six à sept mois avant le départ des
Français , sans pouvoir autrement préciser l’époque , la voix
publique lui apprit le mariage du général Destaing. I l r i est pas
sûr que ce mariage ait été célébré p a r le patria rch e d 'A le x a n
d rie ; il l’a seulement ouï dire par tout le monde. L e jour même
ou le lendemain du m ariage, voyant un grand nombre de per
sonnes réunies, parmi lesquelles se trouvoient des officiers gé
n érau x, des officiers de tous grades, des T u rc s, des G re c s, il
apprit que cette réunion avoit pour cause le mariage du géné
ral. Comme il I’avoit beaucoup connu à Rozette et au C a ire ,
il crut de son devoir d’entrer chez lui et de le féliciter. L e
général l’invita à rester, pour lui servir d’interprète auprès des
personnes du pays qui pourroient se présenter chez lui pour
le visiter. Il y eut le soir un très-grand repas; mais le patriarche
n’étoit pas au diner : il y avoit cependant un ou deux prêtres
grecs. L ’usage de dresser les actes de m ariage, chez les G recs,
n’est pas général. Il n’existe pas chez les T u rcs ; et les prêtres
grecs ne font des actes de mariage que lorsqu’on leur en de
mande. A l’égard des mariages à temps , ils sont extrêm em ent
rares ; on en trouve à peine un e x e m p le en dix ans. Ils ne
sont pratiqués que par les T urcs ou des libertins. Il n’en a vu
que deux ou trois exemples parmi les catholiques et les cophtes,
qui ont été excommuniés. Ces mariages avoient été célébrés par
des cheiks turcs. Il croit avoir connu le père d’Anne ; il étoit
Arménien de n atio n , et bijoutier. Mais il appelle A nne fille
adoptive de N azo, parce que Nazo avoit épousé sa mère.
Relativement à la pompe extérieure des m ariages, on étoit
obligé d’aller à l’église. Chez les T u rcs , et non chez les chrétiens,
on promenoit le trousseau et la femme sous un dais ou dans
une voiture.
Ce témoin se présente officieusement comme l’interprète
du général D estain g, ce qui est contraire à la déposition de
Gabriel T a c k , douzième témoin, qui a déclaré que l’interprète
�( ^4
du général Destaing s’appeloit Massara. L ’un deux n’a donc pas
dit la vérité. Au surplus , cet interprète ne sait encore rien que
par ouï-dire.
L e dix-septième et dernier témoin de l’enquéte de P a ris, est
un sieur Do^ninique-Jean L a r r e y , reproché comme un des certificateurs de l’acte de notoriété, et com m e ayant manifesté
de grands mécontentemens de ce qu’il prétendoit que ses soins
et ses services , dans la maladie du g én éral, n’avoient pas été
payés. Il déclare que dans le com m encement de l’an g , il avoit
reçu un billet d’invitation du général D estaing, son am i, pour
assister à ses n oces; il s’y rendit, et y trouva plusieurs amis
du g én é ral, entr’autres les sieurs E stève, Lagrange, et le général
Menou , avec lequel il s entretint de son service. Anne Nazo
y étoit en costume tu rc , et parée de tous ses ornemens. ( Il
est bien extraordinaire que ce soit le premier témoin qui ait
parlé de cette circonstance. ) T ou t le monde y étoit en grande
tenue; il adressa ses félicitations au général, et lui fit ses excuses
de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de l’église', d’où l’on
sortoit en ce moment. Comment savoit-il qu’on en sortoit en ce
moment? Il répond que c ’éloit le bruit général de l’assemblée.
Ce mariage avoit été célébré dans l’église du patriarche des G recs;
mais il ne se rappelle pas du nom de l’église. Il a vu le général
après la descente des Anglais ; il s’est trouvé avec lui au siège
d’A lexan d rie, et depuis à Paris. Le général lui a parlé plusieurs *
fois de sa f e m m e , et s’occupoit de la faire revenir en France
( elle y étoit avant lu i). Il ne se rappelle pas de la teneur du
billet d’invitation ; il c r o it , sans pouvoir le dire au ju s te , que
les mots noces et cérémonies s’y trouvoient. Il a assisté aux fé
licitations des personnes qui se trouvoient à l’assem blée; il étoit
au re p a s, et A nne s’y trouvoit également. Il se retira avant le
b a l, à cause de ses occupations qui l’avoient également empéché
d’assister à la cérémonie nuptiale. Ce mariage étoit de notoriété ,
et on disoit qu’il n’y avoit que le général Menou et le général
Destaing qui voulussent conserver la colonie , parce qu’ils a voient
#
épou sé
�( 25 )
épousé des femmes égyptiennes. Il a pansé Joanny Nazo d’une
plaie qu’il avoit à la jambe , et l’a vu plusieurs fois chez le général
D estain g , où il étoit reçu avec les égards dûs à sa profession.
Il dit que l’église des Grecs étoit située dans la ville du Caire.
Il n’a point connoissance des mariages à temps ; mais lorsqu’on
vouloit acheter une esclave ou une autre femme , cela ce pratiquoit secrètem ent : les fem m es entroient dans les maisons
où on les fa is o it v e n ir v o ilé e s , ou bien on les achetoit chez
des marchands d'esclaves.
T elle est l’enquête faite à P a r is , où sans contredit on avoit
de grands moyens pour se procurer des témoins. A n n e en avoit
fait assigner un grand nombre , que dans la suite elle n’a pas
jugé à propos de faire entendre : on le lui a reproché lors de
la clôture du procès verbal d’enquête; mais elle a cru devoir se
borner à ceux qui avoient signé les actes de notoriété , et ne
s’attendoit pas à les voir tomber en contradiction avec leurs pre
miers certificats. A-t-elle prouvé qu’elle avoit été mariée avec le
général D estaing, publiquem ent et solen n ellem en t, p a r le p a
triarche d ’A le x a n d r ie , suivant le rite grec , et les form es et
u sages observés dans le p a y s ? ( Ce sont les expressions littérales
de l’arrêt de la Cour. ) A n n e ne peut pas s’en flatter ; a u c u n de
ses témoins n’a été présent à la cérémonie. Les ouï dire ont des
différences notables; tantôt c’est au Vieux-Caire, et tantôt c ’est
dans la ville du Caire que le mariage a été célébré ; les uns
veulent que ce soit à l’église de saint G eorges, d’autres à l’église
de saint Nicolas : pas la moindre instruction sur les mœurs et
les usages des G re c s, incertitude sur le sort, la naissance et la
religion d’Anne ; ceux qui la connoissent le m ieux disent qu’elle
est catholique rom aine; ceux qui la disent catholique romaine
soutiennent que le patriarche des Grecs ne marieroit pas une
Latine. Sophie M isch , sa m ère, qui n’étoit pas veu ve, a quitté
la religion romaine pour prendre un troisième mari. Voilà donc
cette famille qui offroit tant d’agréinens et d’avantages au général
Destaing, qui lui faisoit oublier les égards et le respect qu’il deD
�( 26 )
volt à son père, méconnoitre les convenances sociales, mépriser
les appas de la fortune , oublier son ra n g , son p a y s, sa nais
sance , pour lier son sort à la fille d’un Arménien. Et c’est cette
femme qu’on veut légèrement introduire dans une famille , qui
viendroit usurper non-seulem ent la fortune du général, mais
encore partager les dépouilles du sieur Destaing p è re , de ma
dame Destaing et de Pascal D estaing, morts pendant l’instance.
Lorsque l’immortel d’ Aguesseau s’écrioit que ce n’étoit qu’en
trem blant, et avec toute la démonstration de l’évid ence, qu’on
pouvoit se permettre d’introduire dans une fam ille un individu
dont l’état est contesté, ce magistrat avoit cependant des don
nées certaines : c étoit en F ran c e, à P aris, sous les yeux des
m agistrats, que se trouvoient les registres et les preuves.
Ic i une étrangère arrive de parages lointnins, dont elle a fui
dans un moment de troubles; elle n’est point accompagnée de
celui qu’elle appelle son époux ; elle n’en a point reçu Je titre
de femme légitime. Les écrits qui émanent de lui l’avilissent
aux yeux de sa famille et de son père ; il désavoue l’existence
d ’un Jien lé g a l; il traite cette union d’arrangem ent oriental.
E t A n n e voudroit être élevée au rang d’épouse ! et Anne a osé
penser que quelques témoins officieux ou indifférens pourroient, avec de simples ouï-dire, la faire reconnoitre pour épouse
légitime d’ un général français !
Non ; elle a senti toute l’insuffisance de son enquête de P aris,
où cepend an t on trouve plusieurs noms recommandables ; elle
est allée chercher à M arseille, dans quelques réduits obscurs, des
G recs réfugiés ou ignorans , qui ne peuvent parler que par in
terprètes , à qui il est facile de faire dire tout ce qu’on v e u t ,
quand il faut s’en rapporter à la foi d’ un seul homme, d’un
m ercenaire à gages , qui traduit comme bon lui semble. Il faut
donc encore parcourir cette enquête de M arseille, avant d’en
•venir à l’enquête con traire, faite à A urillac et Mauriac , à la
requête des héritiers Destaing.
L e premier témoin est un nommé M ichel C h am , n atif de
�( 2-7 )
Dam as en S y r ie , se disant ancien négociant, et ancien inter
prète de Son Altesse le Prince de N e u fcliâ tel, aujourd’hui sans
profession. Il a déposé que se trouvant au G rand-Caire, dans le
courant de l’an 9 , n’étant pas m ém oratif des jours ni du mois ,
et à l’époque à laquelle le général Menou commandoit l’arm é e ,
i l entendit dire que le général Destaing devoit épouser la demoi
selle N azo, fille du commandant de ce nom ; que passant quel
ques jours après devant le domicile du général D estaing, il vit
des préparatifs de fê te , plusieurs ch evau x, des généraux et of
ficiers en grand costu m e, et s’étant informé quels étoient les
motifs de ces préparatifs, on lui dit que c ’étoit pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle N azo; que s’étant ensuite
de nouveau informé comment le mariage avoit été fa it, on lui
dit qu'il étoit venu un patriarche g r e c , et que ce mariage avoit
été céiébré selon le rite et les usages grecs ; mais il n’y a point
assisté. Le domicile du général Destaing étoit sur la place A ta b e lE zaugua , à côté de la mosquée du C haraybe. Il est à sa connoissance que les prêtres chrétiens, de quelque secte qu’ils
soien t , ne tiennent point de registres pour la célébration des
m ariages ; que les mariages se célèbrent par quelque prêtre que
ce s o it, et sans distinction du c u lte qu e professent les ép o u x ;
que cette célébration se fait par l’ un d’eu x, au choix des parties
contractantes , pourvu néanmoins que le prêtre soit chrétien.
Il est douteux que ce témoin soit bien instruit des usages
d’Egypte , ou du moins il est en contradiction avec tous les
voyageurs qui ont observé les mœurs de ce pays. L a différence
des cultes, loin d’être un moyen de rapprochem ent, n’est qu’ un
sujet continuel de scandale et de persécution. Il est inoui qu’ un
Grec ait marié un Latin ; et il seroit peut-être plus extraordi
naire encore qu’un G rec scliismatique eût été marié par un
prêtre co p h te, tant il y a de division et d’acharnem ent entre
ces différentes sectes. E st-il croyable d’ailleurs qu’un général
catholique rom ain, qui devoit se marier avec une femme de la
même religion ( car Anne professe ouvertem ent le culte catho-
D 2
�( *8 )
lique ) , ait été choisir un prêtre g r e c , lorsqu’il étoit environné
de prêtres latins? Mais ce témoin .ya plus loin que les autres.;
Les uns ont entendu dire que le mariage avoit été célébré dans
l’église de saint G eorges, au Vieux-Caire ; les autres dans l’église
de saint N icolas, au G ran d-C aire; et celu i-ci prétend que le
patriarche grec est venu chez le général Destaing. Mais en même
temps il voit dans la rue des c h e v a u x , des officiers généraux
en grand costume : i f ne falloit pas tant de préparatifs, si le
mariage s’est fait à huis clos , et dans la maison du général.
r L e deuxièm e témoin est B arbh èlem i S e r a , natif de l'île de
Siam . Il déclare qu’il avoib épousé Sophie M isch , qui étoit alors
v e u v e de Joseph Trisoglow ; qu’il la quitta il y a environ vingtquatre ans , et que celle-ci épousa ensuite le sieur Nazo. Il
prétend que sur la fin de l’an 8 , ou au commencement de l’an
9 , étant au grand-Caire, le général Destaing lui dit qu’il vouloit
épouser;la fille du commandant N azo ; qu’alors il lui observa
qu’elle n’étoit point fille de Nazo ; que lui déposant avoit épousé
la mère de cette dem oiselle, qui étoit veuve de Joseph Trisoglow,
et qu’Anne étoit née à l’époque de son mariage. Le général
Destaing lui répondit que cela étoit indifférent ; mais il lui
demanda si cette fille étoit sage, si elle avoit de bonnes mœurs,
à quoi Barthélemi répondit a ffirm ativem ent. Il dem anda au
général c o m m e n t il se proposoit de faire celébrcr son mariage ;
le général lui r é p o n d i t qu’il avoit déterminé de le faire célébrer '
selon le rite grec. Barthélemi lui observa qu’il y avoit au GrandCaire des prêtres latins, et qu’il devroit se marier selon ce rite;
mais le général Destaing persista dans son intention. Il invita
Barthélem i à assister au mariage ; Barthélemi le rem ercia, et
ne voulut point y assister , parce qu’il ne vivoit pas bien avec
la fam ille N azo; il prétexta des affaires; et quelques jours aprèsj
ayant passé devant la maison du général D estain g, il aperçut
beaucoup de chevaux au-devant de la p o rte , des généraux et
officiers qui entroient et sortoient : on lui apprit que c ’étoit à
l’occasion du mariage du général avec la demoiselle Nazo. Il
�( 29 . )
rencontra bientôt après le g én é ral, qui lui dit que son mariage
avoit été célébré par un patriarche grec , et selon le rite grec.
Barthélemi crut devoir lui réitérer 1 observation qu’il lui avoit
déjà fa ite , qu’il auroit du faire célébrer son mariage par l’église
latine ; le général lui répondit qu’il avoit voulu se conform er à
l ’usage du pays. Suivant l u i , il n’y a que des prêtres latins qui
tiennent des registres, les prêtres des autres sectes chrétiennes
n’en tiennent pas ; mais il atteste qu il est d usage dans le Levant
que le mari fait célébrer son mariage par un prêtre de sa religion.
Il ajoute cependant que cela n’est pas toujours rigoureusement
o b servé, et que les mariages se célèbrent indistinctement par
quelque prêtre chrétien que ce so it, au gré et au désir des
parties contractantes.
On voit avec quelle légèreté ce témoin parle de la dissolution
de son m ariage, et ¡que Sophie Misch n’a pas été long-temps à
le remplacer. Il ne reste plus de doute sur l’origine d’ANNE,
ni sur sa religion , puisqu’elle étoit née de deux catholiques
romains ; et il paroltra au moins bien invraisemblable qu’on ait
choisi un patriarche g r e c , lorsqu’il y avoit autour du général
tant de p rê tre s latins. N ’e s t -ce pas vouloir se jouer d’ un enga
gement de ce genre, et aller contre l’usage du p a y s, loin de s’y
conformer , puisque le mari a le droit et l’usage de choisir un
prêtre de sa religion.
L e troisième tém oin, le sieur Antoine H am aony, négociant,
natif de Dam as en S y r ie , déposant, comme le précédent, sur
l’interprétation du sieur N eygd orff, déclare qu’il se trouvoit au
Caire à l’époque à laquelle le général Destaing y étoit en ac
tivité de service. Il apprit par la notoriété publique que c e
général avoit épousé la fille de la dame N azo, que ce mariage
avoit été célébré selon le rite grec et par le patriarche ; qu’il
fit à cette époque beaucoup de bruit. Suivant lu i, il n’y a que
les prêtres latins qui tiennent des registres et qui en délivrent
des extraits : c’est ordinairement et le plus souvent un prêtre
de la religion du m ari qui célèbre le m ariage, sans que néan-
�( 3° )
moins cela soit obligatoire. Ce témoin ne fait que répéter ce
qu’a dit le précédent : c’est le m êm e interprète ; par conséquent,
la même déclaration.
L e quatrième témoin est un sieur Hanna A d a b a c h i, natif
d’Alep en S y rie , qui va encore déposer à l’aide du même in
terprète. Il étoit établi au Grand-Caire trois ans avant l’entrée
de l’armée française ; il y a resté jusqu’à l'époque de l’éva
cuation de l’armée. Pendant que le général Destaing y étoit
en activité de se rv ic e , il remplissoit les fonctions de commissaire
de police : ayant des liaisons d’amitié avec le commandant
Jean N azo, celui-ci l’invita au mariage de sa fille avec le géné
ral Destaing. Ce mariage fut célébré dans l’église saint N icolas,
par le patriarche d A lexan d rie, et selon le rite grec : le témoin
y assista sur l’invitation qui lui avoit été faite par Nazo. L e
général Destaing fit et donna ensuite un repas de noces, auquel
il assista égalem ent, y ayant été conduit par le commandant
auprès duquel il tenoit en sa qualité de commissaire de police.
Ce témoin répond, comme les précédens, sur la tenue des
registres , et sur l’usage où sont les maris de faire célébrer les
mariages par un, prêtre de leur religion.
Voilà le prem ier témoin qui ait parlé de sa présence à la
cérémonie ; les vingt précédens n’avoient déposé que par ouïdire. Celui-ci est un des signataires de 1acte de notoriété donné
à M arseille, et ce tte circonstance rend déjà sa déclaration sus
pecte ; d’ailleurs elle est vague et inexacte. Il est singulier que
ce témoin ne précise ni l’année ni l’époque ; qu’il garde le si
lence sur les personnes qui devoient être à cette ¿érém onie;
qu’il n’y ait pas un seul officier général qui y ait assisté, et
qu’on ait donné la préférence à un homme sans profession,
pour l’inviter à un acte si solennel, tandis qu’il n’y auroit eu
aucun officier français.
Les prêtres grecs entendus à P a ris , ont dit que le mariage
avoit été célébré à l’église de saint G eorges, au V ieux-Caire, et
celui-là prétend que c ’est à l’église de saint N ic o la s, au Grand-
�(30
Caire. Quelle confiance peut m ériter une pareille déclaration P
L e cinquième témoin , Michel R ozette, âgé de vingt-sept ans ,
n atif du Grand-Caire, bijoutier et ex-ca p o ra l, déposant encore
à l’aide de l’interprète N eyg d o rff, prétend que sa famille étoit
iniimément liée avec celle de Nazo ; que la fille de celui-ci
ayant épousé le général Destaing pendant qu il étoit en activité
de service au Grand-Caire, le témoin et sa famille furent invités
à assister à ce mariage ; déférant à cette invitation, ils assistèrent
à la célébration , qui fut faite dans 1église saint Nicolas du rite
grec , et par un patriarche grec ; que selon l’usage pratiqué
par les chrétiens de cette se c te , Nicolas Papas Ouglou fut le
parrain de la fille Nazo.
Il y a une certaine fatalité attachée à l’enquête de la fille
N azo; c ’cst que pas un seul des témoins, qui par la nature de
leurs fonctions étoient plus rapprochés du général, n’ait honoré
ce mariage de sa présence, et qu’on voit au contraire un cap a ro l invité à cette solennité. Il prétend que Papas Ouglou a
été le parrain de la fille N azo; et ce Papas O uglou, qui a signé
l’acte de notoriété de Marseille , ne dit pas un mot de cette
c ir c o n s ta n c e , qui étoit assez importante. Il est plus aisé de
gagner un caporal qu’ un général ; et il ne faut pas s’éton n er
que ce témoin avance un fait avec tant d’assurance, mais sans
aucuns détails qui puissent donner quelque croyance à sa dé
claration.
L e sixième témoin est Soph ie M is c h , m ère d ‘A n n e ; elle a
été reprochée en cette qualité. Mais elle raconte que le géné
ral Destaing, pendant •qu’il étoit en activité de service au C aire,
lui demanda sa fille en mariage ; qu’elle et son mari y don
nèrent volontiers les m ains; mais en même temps ils exigèrent
que ce mariage fût célébré par un patriarche du rite grec ,
qu’ils professent. L e général Destaing y consentit ; et après les
préparatifs en pareil cas nécessaires, le mariage fut célébré en
sa présence, celle de son époux, de sa fa m ille , de diverses
personnes du pays , de divers généraux et autres militaires
�( 32 )
fran çais, notamment du général D elzo n s, dans l’église de saint
N ico las, par un patriarche g r e c , et selon le rite de l’église
grecque.
Il n’est pas étonnant que Sophie M isch , mère d’AxNE , vienne
soutenir que le mariage a été célébré ; mais ce qu’il y a de
rem arquable, c ’est que l’arrét de la Cour ordonnoit qu’ANNE
feroit preuve qu’elle avoit été mariée par le p atriarche d ’A
le x a n d rie ; et ces trois témoins qui se suivent, qui tous trois
prétendent avoir assisté au m ariag e, affectent de dire que
c ’est un p a t r i a r c h e qui les a m ariés, sans jamais désigner le
patriarche d’Alexandrie. Cependant le patriarche d’Alexandrie
réside au Grand-Caire; il s’arroge la suprématie de l’église grecque :
c ’est lui qui a le titre le plus éminent. Aussi avoit-il toujours
été désigné exclusivem ent par A n n e , comme .ayant été le m i
nistre du mariage ; et ce n’est pas sans raison que l’arrèt de
la Cour l’avoit ainsi particularisé, et avoit spécialement ordonné
la preuve qu’Anne avoit été mariée par ce patria rch e d ’A le x a n
drie. Comment Sophie Misch n’a-t-elle pas fait attention à cette
circonstance ? il lui en coûtoit si peu de désigner ce ministre.
Cependant elle ne parle que d’ un patriarche grec ; et sa décla
ration ne remplit pas le but de l’arrét.
L e septième témoin est le beau-frère de Sophie Misch , par
conséquent oncle d’Anne. Il est reproché en cette qualité , et
il convient du degré de parenté.
Il rapporte que le général Destaing avoit demandé la fille
Nazo en mariage ; que les parens y consentirent , et y mirent
seulement pour condition que le mariage seroit célébré par
un prêtre grec , selon le rite et usages de cette religion. L e
général Destaing parut d’abord désirer que son mariage fût
célébré par un prêtre latin ; mais enfin il se rendit aux vœux
de la fam ille ; il consentit que le mariage fût célébré comme on
le désiroit, et il le fut en effet le lendemain du jour des R ois,
correspondant, dans l ’église grecque, au 17 janvier. Le témoin
fut invité comme p are n t, et assista à la cérém onie, qui eut
lieu
�( 33 )
lieu clans l’église de saint N ico la s, au Grand-Caire , p a r un p a
triarche grec. Après la célébration, les époux furent accom
pagnés dans la maison du gén éral, où il y eut un grand repas au
quel assista également le déposant. Il y avoit à ce repas divers
généraux, entr’autres les généraux Menou , Delzons , Lagrange
et Régnier. Ce témoin ajoute qu’il partit à l’époque de l’éva
cuation des Français du C aire, avec la famille Nazo , sur un
bâtiment grec qui relâcha à Céphalonie ; que la dame Nazo y
accoucha d’une fille qui fut baptisee en ladite ile de Célaphonie , dans l’église grecque , et par un piètre grec ; et que le
parrain de l’enfant fut un officier des chasseurs d’O rien t, nom
mé Joseph Syffi.
Cette déclaration ne s’accorde pas avec celle de Barthélem i
Séra. Suivant ce d e rn ie r, c ’est le général Destaing qui voulut
un prêtre grec , malgré les remontrances de Barthélem i ; et sui
vant l’oncle d’Anne , le général Destaing vouloit un prêtre latin,
et la famille Nazo exigeoit un prêtre grec. On ne sait plus a qui
entendre ; et il est m alheureux pour A nne d’être réduite à sa
propre famille , pour prouver le seul fait intéressant dans sa
cause. S u r le baptêm e de la fille , il y a encore qu elqu e chose
qui cloche. Suivant ce témoin , Anne a accouché dans l’ile de
Céphalonie. D ’après A nne elle-m êm e, elle ne put relâcher, et
accoucha à bord du navire. L e baptême eut lieu dans une
chapelle isolée sur le bord de la m er ; ici c ’est dans une église
grecque de l’île de Céphalonie.
L e huitièm e témoin est Ibrahim Tutungi ; c’est le fr è r e utérin
de Soph ie M isch , épouse Nazo. Il a été reproché à raison de
cette parenté ; mais il a assisté au mariage de sa nièce avec le
général Destaing , et ce mariage a été célébré dans l’église de
saint Nicolas , p a r un p atriarche grec. Il alla de là au repas de
noces ; mais il étoit trop jeune , pour se rappeler quelles étoient
les personnes qui y étoient. Il se rappelle cependant qu il y avoit
divers généraux. Il raconte , comme le précédent témoin , que
sa nièce relâcha à Céphalonie , où elle accoucha d u n e fille,
E
�( 34 )
qui fut baptisée , en fa présence , dans une église grecque et
par un prêtre grec ; mais il ne se rappelle pas quel fut le parrain.
V ien t ensuite un autre Joseph T u tu n g i, m ari de la mère de
Sophie Misch ( il paroit que les femmes de cette fam ille se
marient souvent ). Suivant lui , il y eut quelque difficulté pour
le mariage. Le général vouloit un prêtre latin , et la famille
Nazo vouloit un prêtre grec. L e général se rendit cniin , et ce
fut un patriarche grec qui le maria dans l’église saint Nicolas.
Tutungi y étoit. Ce fut Papas Ouglou , colonel de la légion
grecque, qui fut parrain. Vint ensuite le repas , où il assista avec
quantité de généraux et d’Egyptiens notables.
Après^ l’évacuation du Caire , T u tu n g i s’embarqua avec la
fam ille Nazo sur un bâtiment grec , qui relâcha à Céphalonie.
Là , Anne Nazo y accoucha d’une fille , qui fut baptisée clans
une église grecque et par un prêtre grec : le parrain est Joseph
Syffi , et la marraine la femme Nazo , aïeule de l’enfant.
L e dixièm e témoin est Joseph Misch , fr è r e de Soph ie et
oncle d ’A n n e. Sa déclaration est littéralement copiée sur la
précédente ; seulement il a vu au repas les généraux Lagrange
et Delzons ; et ce d e rn ie r, parent du général D estain g , assistoit à la cérémonie. Même déclaration sur l’accouchem ent
d’Anne dans l’île de Céphalonie.
T els sont les tém oins de M arseille. Sur dix témoins , cinq
sont les plus près parens d Anne ] deux autres sont signataires
de l’acte de notoriété. T rois , parmi lesquels est un des m aris
de Sophie Misch , ne déposent que par o uï-d ire ; et sur les
cinq qui prétendent avoir assisté au mariage , pas un n ’a
désigne le p atriarche d ’A le x a n d rie , quoiqu’ Anne ait toujours
soutenu que c’étoit ce patriarche qui avoit célébré son m ariage,
et quoique l’arrêt lui ordonnât expressément de prouver qu’elle
avoit été mariée par le patriarche d’Alexandrie.
A nne a voulu se faire un m oyen dans son dernier mémoire ,
de ce que la Cour , par son a r r ê t, avoit réd u it l’interlocutoire
prononcé par le tribunal de Mauriac ; mais il semble que cet
�( 35)
argument doit se rétorquer contre elle avec beaucoup d’avan
tage; car si la Cour a voulu abréger les détails et prononcer
dans l'intérêt d'ANNE , il faut convenir aussi que plus elle a
voulu faciliter les preuves et les moyens , plus elle doit s’en
tenir à l’exécution littérale et rigoureuse de son arrêt. Il est
évident que la Cour a fait dépendre sa conviction de ce fait
unique et exclu sif , q u ’AwNE avoit été mariée avec le général
Destaing , publiquement et solennellem ent , p a r le patriarche
d ’A lex a n d rie , suivant le rit grec , et les formes et usages
observés dans le pays.
L e patriarche d ’A lex a n d rie étoit exclusivem ent en vue ,
désigné par la partie intéressée , com m e ayant été le ministre
du mariage , parce qu’il étoit plus élevé en dignité , et qu’il
vouloit ou devoit honorer un général français.
O r , sur sept témoins de Marseille qui prétendent avoir assisté
à la cérémonie , pas un n’a nommé ce patriarche d 1A le x a n
drie ; c’étoit cependant une anecdote remarquable , qui ajoutoit à la solennité , et qu’on n’auroit pas manqué de relever si
en effet cela avoit eu lieu.
Mais co m m e n t se fait-il surtout , qu’il ne se soit trouvé à
une cérémonie aussi auguste et aussi im p o s a n te , qui iaisoit ,
suivant quelques témoins , tant de bruit au Caire , dont tout
le monde s’occupoit, qu’un c a p o ra l , un b ijo u tier , un aven
turier sans profession , et les plus près parens d’Anne ; qu’au*
cnn homme de marque , aucun c h ef de l’état major ou de
1 administration n’y ait assisté ? c ’est là ce qui est absolument
invraisem blable, et prouve l’imposture de quelques misérables
réfugiés dans un réduit obscur à M arseille , tous déposant sous
le même interprète et d’une manière uniforme , tous , même
«Sophie Misch , requérant taxe. A nnc ne devroit-elle pas rougir
d’en être réduite à ces petits moyens , pour s’introduire dans
une fam ille qui la repousse justement de son sein ?
Et qu’ANNE ne dise pas qu’elle a à combattre des collatéraux
avides ; ces déclamatious bannalesne peuvent iaire impression.
E 2
�( 36 )
Ces co lla téra u x ne cherchent point à envahir la fortune de
leur frère ; mais ils défendent le patrimoine de leur père et de
leur m ère , l’honneur de leur fam ille , et ne veulent pas ad
m ettre légèrement des êtres obscurs et inconnus q u i, n’ayant
rien à perdre , cherchent à dépouiller des héritiers légitifnes.
Il reste à parcourir les enquêtes qui ont eu lieu à Aurillac et
à Mauriac , discussion aride dans une cause d’ un grand intérêt.
L a première est celle faite à Aurillac.
Antoine Delzons , président du tribunal , déclare qu’il a
été assigné fort inutilem ent ; qu’il n’a aucune connoissance
personnelle des faits interloqués ; mais qu’étant à Paris lors de
l’arrivée du général Destaing , il ignora pendant long temps les
bruits .• de ■ son prétendu mariage. Ces bruits se répandirent
environ six semaines après, à l’occasion de quelque lettre écrite
de T arente par un habitant d’Aurillac , qui avoit vu arriver à
Tarente la famille Nazo , dont une fdle se disoit épouse du
général Destaing. L a dame Delzons , belle - fille du témoin ,
demanda au général s’il étoit effectivem ent marié : celui - ci
répondit en plaisantant , que sa femme pouvoit l’être , mais
que lui ne l’étoit pas. M. Delzons n’étoit pas présent à cette
réponse ; mais quelques jours après le général étant venu chez
lui , la dame Delzons lui dit , en présence du général : « Vous
« ne savez pas , Papa , ce que dit M. Destaing ; il prétend
<c n’être pas m arié , et que sa femme 1est. A quoi le général
« répondit
C ela vous ctonne ; i l y en a bien d ’autres.
M. Delzons prenant alors la parole , dit à son neveu que
c ’étoient là de mauvaises plaisanteries. Si c ’est votre femme
lui dit-il , vous devez la garder ; si elle ne l’est pas , vous ne
deviez pas la prendre. L e général savoit bien que son oncle
n’approuvoit pas ces sortes de plaisanteries ; en conséquence il
ne lui en parla plus , et M. Delzons évita aussi de lui en parler.
Mais quelque temps après , le général Destaing ayant appris
que la famille Nazo étoit arrivée à Lyon , vint trouver son oncle ,
pour le prier de demander à un sieur Fulsillon qui avoit une
�( 37 )
maison de banque à L y o n , s’il pouvoit lui procurer une lettre
de change de 1,000 francs , payable à vue. Il vouloit envoyer
cet argent à cette fe m m e pour se rendre à M a rseille. Ils sont
là une troupe , dit-il ; quand j’aurois pris la fille , je n’ai pas
épousé tout cela \ i l y a un enfant , j ’au ra i soin de la m ère
et de l'e n fa n t ; c ’est tout ce que j e dois. Depuis il ne fut plus
question de ce mariage , ni de la dame Nazo ; d’autant mieux
que le déposant avoit demandé au gén éral, lors de la dernière
conversation, si son mariage avoit été fait devant un com m is
saire des guerres ou ordonnateur , comme l’avoit été celui du
général Delzons son fils , et le général Destaing répondit que
non.
M. Delzons est interpelé sur un point très - important. A n n e
vouloit tirer de grandes inductions de ce que M. Destaing père
s’étoit fait nommer tuteur de l’enfant. E lle insinuoit que M. D es
taing père ne s’étoit porté à cette démarche que par le conseil
de M. Delzons, son beau-frère, et parce que sans doute le gé
néral D estaing, avant sa m ort, avoit fait à son oncle des révé
lations sur ce prétendu mariage ; révélations qui étoient de
nature à faire solliciter M . D e staing de recevoir et de reconnoître A n n e pour sa belle-fille.
M. D elzons, requis de s’expliquer à ce su jet, répond que la
conversation dont il vient de rendre compte , est la dernière
dans laquelle le général Destaing lui ait parlé de la famille
Nazo ; au point que quoique Joanny Nazo fût arrivé à Paris
plusieurs jours avant la mort du g én éral, qu’il logeiit dans le
même h ô te l, et quoique M. Delzons eût passé une partie de
la soirée avec le général, la veille de sa m ort, il ignoroit l’arrivée
de Nazo, et n’en fut instruit que le lendemain pendant l’appo
sition des scellés. Nazo entra chez le général pendant l’opération ;
il ignoroit sa m o rt, et il fit insérer au procès verbal du juge
de paix que le général avoit épousé une de ses filles , âgée de
seize ans , devant le patriarche d’Alexandrie ; circonstance que
M. Delzons ayoit ignorée jusqu’alors. Mais allant faire ayec le
�//A-
( 38 )
sieur M eot, maître de l’h ôtel, la déclaration du décès à. la mu
nicipalité, il fut interpelé de déclarer si le général étoit m arié;
la déclaration de Nazo l’engagea à répondre qu’on le croyoit
marié avec A nne Nazo ; ce qui fut inséré dans l’acte de mort :
qu’au surplus le général Destaing ne lui a fait aucune autre
déclaration.
M. Delzons ajoute que le général son fils avoit quitté Paris
lorsque le bruit de ce m ariage se répandit ; il ne put dès-lors
•lui demander ce qui en étoit. D e retour à A urillac, celui-ci lui
dit qu’il y avoit eu une cérémonie religieuse dans la maison
Nazo, à laquelle il avoit assisté, mais qu’il étoit seul de Français ;
que quelque temps après le général Destaing étant le parrain
de son fils , il donna à cette occasion un grand souper aux prin
cipaux officiers qui étoient au Caire , disant que c ’étoit pour
le baptême d’Alexandre D elzons, petit-fils du témoin.
M. D elzons, dans cette déclaration , s’est exprim é avec autaijt
de franchise que de loyauté. On voit qu’il n’a eu de son neveu
aucune confidence; que le général se permettoit des plaisan
teries sur ce prétendu mariage ; il est bien éloigné de faire venir
A nne à P aris, il veut au contraire qu’elle se rende à M arseille':
on sait même qu’il en avoit donné l’ordre à A nne , qui s’est bien
gardée de montrer cette lettre. On y auroit v u qu’il ne la traitoit
pas en épouse; et le secours qu’il lui fait parvenir, annonce
plutôt un sentim ent de compassion que de tendresse. M. Delzons
n’a parlé de mariage que sur la déclaration de N azo, qui alors
ne pouvoit être contredit ; il ne l’a donné que comme un doute;
et ce qu’il a appris de son fils sur une cérémonie qui avoit eu
lieu à huis clos, donneroit le démenti le plus formel à toutes
les déclarations faites à M arseille par toute la famille d’ANNE.
A u surplus, cette famille ne néglige pas les petits détails, car
to u s, jusqu à Sophie M isch , se sont fait taxer à 6 francs pour
leur déposition.
Anne Ju lie V a rs i, épouse du général Delzons, second tém oin,
déclare que le 29 niyôse an g , elle 11’étoit pas dans la ville du
�( 39 )
C a ire ; elle y arriva le lendemain 3 o , pour y joindre le général
D elzo n s, son mari. A son arrivée au C a ire , elle avoit appris
qu’ANNE Nazo avoit été conduite à l’entrée de la n u it, la veiile,
dans la maison du général D estain g , mais qu il n’y avoit eu
aucune pompe ni cérémonie d’usage pour les mariages qui se
font dans le p ays, suivant le rite g re c ; il n’y eut même le soir
de l’introduction d’Anne Nazo dans la maison du général D es
taing , aucune espèce de fêtes qui sont en usage dans le pays.
Une douzaine de jours a p rè s, la dame Delzons ayant un enfant
de deux m ois, voulut le faire baptiser suivant les usages observés
dans la religion catholique; le général Destaing fut choisi pour
parrain, et donna à cette occasion un grand souper et un bal
chez lui. Les officiers de l’état m ajor, et notamment le général
M enou, y assistèrent. A n n e Nazo , sa fam ille, et plusieurs autres
liabitans du Caire, y étoient aussi. A n n e Nazo occupa la place
de la maîtresse de la maison. L e patriache d’Alexandrie n’assista
pas à cette fête. Il n’y eut ce soir là aucune cérémonie reli
gieuse ; mais elle a ouï dire que le jour q u ’ANNE Nazo avoit
été conduite chez le général, il y avoit eu une cérémonie faite
par le patriarche d'Alexandrie , à laquelle peu de personnes
avoient assisté. Cependant elle observe que ces sortes de cérém o
nies religieuses se faisoient en présence de toutes les personnesjde
la noce, et très-publiquement. Elle a resté au Caire jusqu’à son
départ pour la F ra n c e , et pendant ce temps le général Destaing
ne donna pas d’autre fête que celle du baptêm e; il n’avoit
même donné jusque-là aucune fête ni repas pom peux, et la
(iauie Delzons n’avoit pas vu A n n e avant cet époque.
La dame Delzons ajoute qu’il y a des églises au Caire pour
le culte grec ; mais que pour l’ordinaire les cérémonies du ma
riage se font dans la maison.
Elle sait aussi qu’Anne et sa sœur Marie ne sont pas filles
de Nazo ; qu’elles sont filles de Sophie Misch et d’un bijoutier
Arménien dont elle ignore le nom. Elle déclare encore qu’étant
à Marseille , Joanny Nazo lui avoit dit qu’il avoit écrit au Caire
�1<L>.
C 40 )
pour avoir une expédition de l ’acte de célébration du mariage
de sa fille, mais eju’on lui avoit fait réponse que le patriarche
étoit mort et l’église brûlée.
Sur l’interpellation que lui fait l’avoué d’ANNE, si elle étoit
regardée comme la fem me du général D estaing, et si on lui
rendoit les honneurs dûs à ce titre, elle croit qu’on la regardoit
comme telle, et qu’on lui rendoit à cet égard les honneurs qui
luiétoient dûs: elle-méme la croyoit femme du général ; mais il y
avoit plusieurs officiers français qui vivoient avec des femmes
qui portoient leurs nom s, quoiqu’elles ne fussent pas mariées.
Elle les a vues dans les sociétés, comme femmes de ces officiers,
et traitées comme telles.
T elle est la déclaration de la dame Delzons , qui ne laisse pas
que d’avoir quelqu’importance dans la cause. Et d’abord , elle
prouve qu’il n’y a pas eu de féte le jour des prétendues noces,
quoi qu’en aient dit quelques officieux. Ce n’est que quelques
jours après qu’il y eut un grand re p a s, et à l’occasion du bap
tême de son fils. La dame Delzons assure bien positivement
qu’il n’y a pas eu d’autre féte chez le général Destaing. Elle a
dû croire sans doute qu’ANNE étoit m ariée, parce que l’épouse
légitime d’un général ne devoit pas se trouver avec une con
cu b in e; qu’on a dû le lui faire entendre ainsi. M ais on savoit
déjà par la lettre du général D estain g que la jeune Grecque
fa is o it les h o n n e u r s d e sa m aison ; et la dame Delzons nous
a p p r e n d bientôt après qu’il y avoit au Caire beaucoup de femmes
de ce genre.
L e troisième témoin est Françoise G rognier; elle s’est trouvée
à Lyon lors de l’arrivée du général Destaing dans cette ville
à son retour d’Egypte ; elle fut invitée par lui à dîner dans son
h ô tel; e t , pendant le d în e r, elle demanda au général quand
il mèneroit sa femme ; qu’on disoit à Aurillac qu’il avoit épousé
une belle Grecque. L e général lui demanda qui lui avoit dit
cela ; elle lui répondit que c ’étoit un bruit public. Le général
fui dit : Elle est passée d’un côté et moi de l’autre, en montrant
les
�( 4i )
les deux points opposés ; ce n’est pas le moyen de se rencon
trer. La conversation changea , et il ne fut plus question de
cela.
Etant un jour dans la chambre de la dame Nazo, à A urillac,
M. Destaing le père étoit présent, et lui dit tout bas de deman
der à A nne de quelle manière elle avoit été mariée. L ’ayant
f a i t , la dame Nazo lui répondit qu’étant devant le prêtre ou
patriarche, il lui avoit mis au doigt un anneau jusqu’à la pre
m ière phalange, et que le général avoit fini de l’enfoncer jus
qu’à la fin du doigt. M. Destaing ayant prié de lui demander
si le prêtre avoit écrit sur le registre, la dame Nazo lui répondit:
O u i, p rêtre, g ra n d liv re , écrire. L a déclarante a entendu dire
par la dame D elzons, qu’ANNE avoit été m ariée, que son mari
y étoit présent. E t lui ayant demandé si on avoit fait quelque
ié te , elle lui répondit qu’il n’y en avoit eu aucune ; que quelque
temps après, le général Destaing donna une grande fê te; mais
c ’étoit pour le baptême du fils D elzons; et le général Destaing
avoit dit à la fam ille Nazo que c’étoit sa noce qu’il célébroit.
O n l ’interpelle de décla rer si madame Delzons avoit entendu
e lle -m ê m e ce propos du g én éral, elle répond que la dam e
Delzons ne s’étoit pas autrement expliquée ; que d’ailleurs elle
ne lui avoit fait aucune question à ce sujet.
Cette déposition est à peu prés indifférente pour les faits in
terloqués. C’est une femme d’Aurillac , qui n’a aucune connoissance de ce qui s'étoit passé en E g y p te ; et la seule induc
tion qu’on puisse en tirer, c ’est que, d’après A nne elle-même,
les prêtres grecs avoient des registres pour inscrire les mariages.
E nquête
de
M auriac.
Joseph F e l , demeurant à Maurs , a fait partie du premier
bataillon du Cantal. L e général Destaing le prit à son service,
pour avoir soin de ses ch evau x; il l’a accompagné en E g y p te ,
et demeuré à son service continuellem ent, jusqu’au départ du
F
�( 42 )
général pour la France. D ans le temps qu’il étoit au C a ire , le
cuisinier du général lui apprit qu’on avoit amené une fem me
au général D estaing; que quelques jours après le général donna
un grand repas où assista tout l’état major de la division du
C aire, notamment le général Menou. Cette fem m e, dont il ne
se rappelle pas le nom , y étoit; il l’a entendu appeler madame
Destaing. A la suite du repas il y eut un bal. Il partit ensuite
avec le général pour Alexandrie ; mais cette femme resta au
Caire ; et deux mois après le repas et le bal dont il vient de
parler, le général Destaing partit avec lui d’Alexandrie.
On demande au témoin s’il sait ou s’il a ouï dire qu’Anne
Nazo ait été introduite chez le général Destaing avec pompe
et magnificence ; il n en sait rien : le çuisinier lui a appris que
cette femme avoit été amenée dans la maison du général; il ne
lui a donné aucuns détails; il croit au contraire que ce cuisinier
lui a dit qu'il n’avoit pas vu entrer cette femme chez le général.
L e jour de son entrée, il n’y a eu aucune fê te , et il ne s’est
rien passé d’extraordinaire dans la maison. L e jour du repas , il
n ’a aperçu aucune cérémonie religieu se; il n’a vu que boire,
manger et danser. Il n’a pas vu donner d’autre repas ou d’autre
bal que celui dont il vient de parler. On disoit publiquement
que Joanny Nazo n’étoit que le parâtre d A n n e ; pour elle il ne
l’a jamais vue ; elle ne s est jamais promenée sur les chevaux
du g é n éra l; et comme le général n’a pas habité sous la tente au
C aire, Am îc Nazo n’a pu se trouver avec lui. On demande au
témoin s’il a vu faire des mariages suivant le rite grec ; il répond
qu’étant à la croisée de la maison du général D estaing, il a vu
passer deux personnes bien p a ré e s, sous un dais et à pied ;
elles étoient accompagnées aussi de plusieurs personnes aussi
bien p arées, et précédées par des musiciens montés sur des
chameaux : ce cortège se promenoit dans les ru es; et on dit au
déclarant que c ’étoit un mariage.
Il est assez singulier qu’on veuille que le général Destaing
se soit marié sans que ses domestiques s’en soient aperçus ; et
�( 43 )
il est maintenant bien prouvé qu'il n’y a eu aucune féte le jour
du prétendu mariage d’ÀNNE.
Jean Biron , autre tém oin, menuisier de profession, a fait
partie du premier bataillon du C an tal, et de l’arm ée d’Egypte, où
il est arrivé en l’an 7. Il étoit sergent ; il fut blessé ; on lui permit
de travailler de son état de menuisier. Il fut souvent employé
par plusieurs officiers de l’état major , et notamment par le g é
néral Destaing. Un soir qu’il alloit souper avec les domestiques
du général, se trouvant avec le valet de chambre et le cuisinier,
l’ un d’eux lui dit que l’on amenoit une femme au général ; il
se plaça à l’endroit où elle devoit passer ; il ne put voir sa fig u re,
parce qu’elle étoit voilée : elle étoit avec une autre également
voilée. Il y avoit des esclaves dans la cou r; il n’a pas vu le
général l’aller p ren d re, ni monter dans le degré : il ne sait pas
même si le général étoit dans son appartement. Il se retira de
suite dans la cu isin e , pour n’avoir pas l’air de s’occuper de ce
qui se passoit. Il ne crut pas devoir témoigner de curiosité ,
paroe que cette introduction fut faite à l’entrée de la nuit. I! ne
sait pas s’il y a eu un mariage entre A n n e et le général ; il n’a
pas connoissance qu’il ait été donné une féte ou un repas à cette
occasion. Douze ou quinze jours après , il fut em ployé pour
dresser des tables pour un.grand repas qu’il y eut chez le général;
il apprit des domestiques de la dame D elzons, que ce repas étoit
donné pour le baptême du fils de cette dam e, dont le général
Destaing étoit le parrain. L e général Menou , le général Delzons,
et plusieurs autres qu’il nom m e, assistaient à cette féte ; il y
avoit aussi des femmes ; et lorsqu’ils se levèrent de ta b le , le
témoin aperçut A n n e N azo auprès du général Menou. L e bal
com m ença de suite, et il ne s’est aperçu d’aucune cérémonie
religieuse. Lorsque le général Destaing partit pour A le x a n d rie ,
Anne Nazo n’étoit plus dans sa maison. L e général chargta le
témoin et le valet de chambre de veiller à sa maison. Quinze
jours après, l’aide de camp du général Destaing, nommé M aury,
vint chercher du vin et autres provisions pour transporter à
F 2
�-( 44 )
Alexandrie ; en même temps cet aide de camp fit emballer les
objets les plus précieux , les fit porter chez le général Dupas ,
commandant la citadelle du Caire : le témoin les a vu déposer.
L ’aide de camp lui dit que le général lui recommandoit sa maison
et ses ch ev au x , et que s’il avoit besoin de quelque chose , il
pouvoit s’adresser au capitaine d’habillement de son corps.
Quatre ou cinq jours après, le déposant s’apercevant qu’il n’y
avoit pas de sûreté au Caire, conduisit les chevaux, l’orge et la
paille à la citadelle, et s’aperçut qu’ANNE N a z o , sa mère et sa
sœur étoient dans un appartement à côté de celui de la dame
Delzons. Il ne sait pas si la personne voilée, qui s’étoit introduite
chez le général Destaing, étoit A n n e , mais il l’a ouï dire ; il a
aussi ouï dire que Nazo n’étoit que son parâtre ; néanmoins il
l ’a vu dans le même appartement de la citadelle, où étoit A n n e .
Il n’a pas connoissance qu’il ait été donné d’ autre fête dans la
maison du général Destaing , que celle dont il a parlé , quoiqu’il
fût très-habituellement dans cette m aison, et qu’il fût particu
lièrement appelé toutes les fois qu’il y avoit quelque chose d’ex
traordinaire.
Il y a eu environ deux mois d’intervalle entre l ’introduction
d’ANNE et le départ du général Destaing.
Il a vu une fois trois ou quatre personnes sous un d a is, suivies
d’un grand nombre d’autres à p ied, précédées par une trentaine
de musiciens m ontés sur des chameaux. Il vit passer ce cortège
dans la ru e , des fenêtres de la maison du général D estaing; il
se rendoit vers le quartier de l ’état major. Une autre fois il a
entendu beaucoup de cris et de grosse joie dans des maisons :
on lui a dit dans l’ une et l’autre circonstance que c ’étoit des
mariages.
Il a assisté à la messe du patriarche d ’A le x a n d rie , dans une
chapelle à côté du c a mp ; mais il n ’a point aperçu ce patriarche
au repas dont il s agit.
Il étoit présent à l’acte civil du mariage du sieur Miquel avec
une Italienne. Cet acte fut reçu par le commissaire des guerres
�/X/
( 45 )
D eliartl, et signé en sa présence par Rem ondon, commandant,
Grand, quartier-m aitre, et par C o u d e r t, capitaine, tous de la
quatrième demi-brigade d’infanterie légère. L ’usage des officiers
étoit de vivre avec des femmes, sans qu’il y eût d’ union légitime ;
et cet usage s’étendoit même jusqu’aux bas officiers. Enfin il
atteste que le jour de l’introduction des femmes voilées il n’ y
eut aucune fête chez le général.
Cette déposition a un ton de vérité qui s’accorde parfaitement
avec les relations des Français qui ont fait le voyage d’Egypte.
Ils en ont rapporté une bien mauvaise idée des mœurs et des h a
bitudes des G recs , qui en général ont emprunté des T u rcs tout
ce qu’ils ont de licencieux , et surtout leur mépris pour les
fem mes. Il n’en est pas un qui n’ait parlé de ces liaisons tem
poraires et déréglées, dont on pouvoit calculer le prix sur la
durée du marché et sur les charmes de celle qui se prostituoit.
Il manquoit h cette enquête la déclaration du général Delzons,
cousin germain du général Destaing , et qui ne l’avoit pas quitté
pendant son séjour en Egypte. L 'arrêt de la Cour sembloit exiger
qu’il lût entendu, soit à la requête d’ANNE, qui avoit invoqué
son témoignage, soit à la requête des héritiers Destaing.
Mais ce fut impossible : le général Delzons est retenu par soi
service à C a t t a r o , ville de la D alm atie , dépendante autrefoii
des Vénitiens. Il n’y avoit alors rien d’organisé ; on ne savoit à
qui adresser une commission rogatoire , à plus de trois cents
lieues de distance. Une lettre lui parvient. Informé par sa famille
qu’il doit être assigné pour déposer juridiquem ent, et déclarer
tout ce qu’il sait sur le prétendu mariage du général Destaing
avec A n n e , mère de M a r i e , il donne toutes les explications
qu’on pouvoit désirer.
Sa lettre, en date du 17 janvier 180 9 , a été signifiée à A n n e ,
comme pièce du procès. Il répond qu’il auroit bien désiré ne
pas être cité dans cette affaire ; il avoit eu le m alheur d’agir
pour engager M . Destaing père à recevoir chez lui A n n e et sa
fille, et à leur donner les secours hospitaliers dûs au malheur.
�¡VL-
\
( 46 )
Il
s’attendoit alors cju’A n n e, m ieux conseillée, et connaissant
l ’ a v a n ta g e insigne qu’on lui avoit fait, se conduiroit de manière
à le m ériter, à ne pas obliger les frères Destaing de rechercher
son état et celui de sa fille. Il espéroit aussi que par attachement
pour e lle , par respect pour la mémoire du général, les frcres
Destaing auraient consenti à faire le sacrifice du peu qui leur
revenoit dans cette succession, pour la laisser en partage à cette
M a r i e , et au premier fils naturel du général , qui étoit à
Carcassonne.
L e général Delzons apprend q u ’il s’aperçut bientôt de son
e rre u r. « A nne ( écrit-il aux frères Destaing ) oublia le service
qu’on venoit de lui rendre ; et par sa m auvaise h u m e u r, le
d éfa u t de son é d u c a tio n , les conseils d’un misérable D upin ,
qui gouvernoit à Paris N a z o , mari de la m ère d’ANNE , elle
apporta le trouble, le désordre et la division dans une famille
p aisib le , fit le tourment de t o u s , et principalement de votre
respectable m ère, encore si affligée de la perte de son fils.
« D ès-lors, ajoute le général , je pris le parti de ne plus me
m êler de ses affaires. Mes représentations souvent réitérées ,
celles de mon épouse qui la fréqu en toit, ne purent prévenir
les scènes scandaleuses qui se renouveloient à chaque instant et
sous les prétextes les plus frivoles. Nous dûmes nous reprocher
nos démarches pour A n n e , un sort malheureux qui lui étoit ré
servé , et qu’il n’avoit pas dépendu de nous d’éviter.
« L e général entre ensuite dans les détails ; il raconte que
N azo et D u p in se rendirent à Aurillac. Quelque temps après
ils annoncèrent leur départ pour Marseille. A nne v o u lu t les
s u i v r e , sous prétexte d’aller voir sa mère. Au lieu de prendre
la route de M arseille , ils prennent celle de Bordeaux. A nne
laissa à Aurillac M a rie , sa fille , en promettant de revenir
bientôt. E lle étoit arrivée à Aurillac sans être attendue d’aucnn des parens Destaing ; ils ne furent prévenus de son arri^
vée que lo rsq u ’elle étoit k peu de distance de la ville.
« Bourdin avoit mal interprété une lettre de M. Delzons
�( 47 )
père. Il prit sur lui de faire partir de Lyon A nne sans en avoir
reçu aucun ordre. Ce fut alors que le général Delzons crut
devoir faire des démarches pressantes auprès de M. Destaing
père ; il n’y avoit pas de temps à perdre , et M. Destaing rie
consentit à recevoir A nne et sa fille , qu’au moment où on fut
averti que la voiture qui les portoit étoit déjà à la porte de la
ville.
« Relativem ent à ce qui s’est passé au Caire , le général
atteste q u ’i l est fa u x qu’il y ait jamais eu de m ariage légi
time entre le général Destaing et A n n e ; aucun acte civil ni
religieux n’a été rédigé ; et il sait trcs-posïtivement que le
général Destaing s’est constamment refusé à ce qu’il en fût
rédigé d’aucune espèce , disant à qui vouloit l’entendre , q u ’il
n étoit pas m arié . C ’est ainsi qu’il s’est expliqué souvent en
présence de son co u sin , en s’entretenant avec différentes per
sonnes qui lui demandoient s’il étoit marié avec A n n e ; il
répondoit ainsi au Caire , à A lex a n d rie et à P a ris , à toutes
les questions semblables qui lui étoient faites ; c ’est ainsi et
dans les m êm es term es q u ’ il répondit à son père , qui lui avoit
écrit pour s’assurer de la vérité de ce mariage.
« L e général Destaing n ’avoit voulu contracter avec A nne
qu’un de ces arrangemens fort en usage en Egypte ; une sorte
d & concubinage toléré dans ces contrées. C ependant, vo u lan tiju’A nne fût respectée dans sa maison , il consentoit qu’elle se
qualifiât du titre d’épouse ; aussi n'étoit-elle connue que sous
le nom de m adame Destaing.
« A nne n’est entrée dans la maison du général au Caire que
le 29 nivôse an 9 , à huit heures du soir. Peu de temj^ aupara
vant le général Delzons étoit au théâtre avec son cousin ; ils
sortirent ensemble ; ils ne s’étoient pas quittés de toute la
journée. Personne ne sait m ieux que lui ( Delzons ) tout c e
4 ui eut lieu ; il n’y eut aucune cérémonie à l’église des Grecs ,
comme on le prétend. A nne se rendit sans pompe et sans bruit
chez le général , accom pagnée d’une partie de ses parens. L e
�■ '■ rl'ü.
( 48 )
général étoit seul avec son cousin ; aucun de ses aides de camp
11e s’ y trouvoit dans ce moment.
« A l’armée d’Orient il n’y a pas eu un mariage légitime
entre un Français et une Française , ou habitante du pays ,
l’importe de quelle religion qu’elle fût , qui n’ait été reçu par
111 commissaire des guerres, faisant fonction d’officier civil. Le
général Delzons dit qu’il peut citer un grand nombre d’exemples
Je ce qu’il avance : chaque commissaire des guerres chargé du
service d’une place im portante, tenoit un registre a d h o c , sur
lequel tous les actes civils étoient inscrits. Son m ariage, reçu
par le commissaire des guerres s Jg a r d , étoit sur le registre de
la place de Rozette ; l’acte de naissance de son fils , reçu par le
commissaire des guerres P in et, étoit sur le registre de la place
du Caire. Tous les actes reçus par les commissaires faisant
fonctions d’officiers civ ils, étoient soumis à l’enregistrem ent,
conform ém ent à l’ordre de l’armée , des 5 o fructidor an 6 , et 2 1
vendémiaire a n 7 , sous peine denullité. Les ordonnateurs Remondon et Sartelon ont reçu des actes de mariage. Les commissaires
des guerres D e lia rd , à Alexandrie ; A g a r d , à Rozette ; P in e t ,au
C aire, en ont reçu plusieurs. Le commissaire des guerres T a r
d ieu , qui s’est marié à D a m ie t t c , avec une G re c q u e , a fait
recevoir son acte de m ariage par un de ses collègues. C ’est
ainsi que se sont célébrés tous les mariages légitim es, et aucun
différem m ent.
« Mais on trouvera dans cette arm ée un grand nombre de pré
tendus m ariages, qui n’ont eu de durée que le séjour de l’armée
en Egypte ; celui du général devoit être de ce nombre : on en
pourroit citer beaucoup d’autres. Un accord entre les parens,
une somme d’argent comptée d’avan ce, une pension promise en
cas de séparation, ont fait plusieurs de ces unions, communes
en Egypte et dans tout l’Orient. C ’est par suite d’un pareil arran
gement que Nazo décida sa femme à donner sa fille au général
Destaing ; et il n’en a pas existé d’autre qui ait pu lier le général
avec A n n e .
Dans
�( 49 )
D ans le courant de pluviôse an g , le général en c h ef Menou
dut ordonner que dans les principales villes de l’Egypte il seroit
tenu registre de l’état c iv il, tant pour les nationaux que pour
les individus attachés à l’armée. Le registre du Caire a dû être
commencé par la transcription de l’acte de mariage du général
en c h e f, et l’acte de naissance de son fils.
« Il est de la connoissance du général D elzons, que le général
en c h ef pressa souvent le général Destaing de faire dresser son
acte de m ariage, et de le faire transcrire sur son registre, ce
que celui-ci refusa constamment.
cc Madame D elzons, remise de ses couch es, vint au Caire au
commencement de pluviôse. L e général Destaing fut parrain
de son fils : l’acte de naissance fut rédigé dans la maison du
p è r e , par le commissaire P in e t, chargé du service de la place
du Caire. Le général Delzons réunit ses amis à cette occasion :
A nne n’y vint p a s , quoiqu’elle fût chez le général depuis une
quinzaine de jours.
« Après cette cérémonie , le général Destaing donna une
féte à laquelle le général en c h e f, plusieurs généraux et offi
ciers supérieurs furent invités : il a pu dire à A n n e que cette
féte étoit pour e lle; il disoit le contraire à son cousin, et assu
rait à la dame Delzons qu’elle étoit pour elle et pour la nais
sance de son fils. En e f f e t , ce ne pouvoit être pour célébrer
le prétendu m ariage, puisque la féte a eu lieu plus de quinze
jours après qu’ANNE étoit entrée chez le général. Il y eut à la
même époque plusieurs fêtes au C aire, chez les généraux Lanusse, Belliard, l’ordonnateur en c h e f D aure : A n n e n’a paru
dans aucune.
« Anne n’est point fille de N a z o , comme elle le prétend,
mais bien du premier mari de sa mère : celle-ci épousa Barth élem i, aujourd’hui retiré à Marseille. N azo l’enleva de chez
Barthélem i, et a depuis vécu maritalement avec elle. A nne a
une sœur du premier mariage de sa mère.
G
�-
c 5o )
« L e général Destaing avoit rendu des services à N azo ; il
l’avoit fait nommer c h ef de bataillon d'une légion grecque, en
récompense de son zèle et de son dévouement aux Français.
Nnzo en a conservé une grande reconnoissance.
« Il est faux que Nazo passât pour un homme riche ; tout le
monde savoit qu’il étoit prodigue à l’e x c è s, donnant au premier
venu tout ce qu’il avoit quand il étoit ivre; et cela lui arrivoit
presijue tous les jours. Il dissipoit ainsi en peu do temps le
profit des fermes qu’il avoit prises. Sa famille a souvent éprouvé
des besoins par son inconduite. Il ne jouissoit d’aucune consi
dération , parce qu’il n’en méritoit aucune. Sa bravoure et ses
services étoient ses seuls titres à la protection de l’armée , et
lui avoient valu son grade dans la légion grecque que le général
Destaing avoit organisée.
« Le général Destaing a quitté le Caire le 20 ventûse an 9 ,
pour se rendre à Alexandrie avec une partie de l’arm ée; depuis,
il n’a pas vu A n n e ; il n’a donc vécu avec elle que du 29 ni
vôse au 20 ventûse an 9. Toutes les attestations délivrées à
Anne, portant son mariage en l’an 8, sont erronnées. Le général
Delzons se borne à une seule observation que lui fournit le
certificat du général Menou. Ce général atteste qu’étant général
en ch ef de l’arm ée d’Orient , le général Destaing s’est marié
en l’an 8 . L e g é n é ra l en ch ef K leber ne fut assassiné qu’en
prairial an 8. L e général Menou prit alors le commandement
de l’aim ée. Le général Destaing commandoit la province de
Rozette; il n’a été rappelé de cette province qu’en brumaire an
9 , lorsque la division Lanusse se rendit d’Alexandrie au Caire,
et qu’elle fut remplacée par celle du général Friant. L e général
Zayouchck releva h Rozette le général Destaing. Ce mouve
ment est assez connu de l’armée d Orient, pour n’étre contesté
par personne. Le général en ch ef Menou est encore dans l’er
reur quand il dit : D ’après cette déclaration solennelle f du
général Destaing J , j e m ’engageai à y assister , ainsi qu’au,
�( 5r. }
re p a s,,q u i eut lieu après Je m ariage', je rem plis m a promesse :
tout s ’y passa avec la plus g ra n d e ré g u la rité , et Lel qu ’i l devoit ê t r e , sous les rapports civils et relig ieu x .
« L e général Delzons répète qu’il n’y a eu aucune cérém o
nie de mariage ; que le général en ch ef Menou n’a pu assister
à aucune ; que le repas dont il parle n’a eu lieu que plus de
quinze jours après l’entrée d’ÂNNE chez le général Destaing.
L e général en c h e f ne peut pas dire que tout s’y passa avec la
plus grande régularité, sous les rapports civils et religieux , puis
qu’il ne fut dressé aucun acte civil de m ariage, qu’on n’eût pas
manqué de faire rédiger par l’ordonnateur Sartelon , signer du
général en c h ef et des généraux invités, comme cela s’est pra
tiqué pour les mariages légitimes auxquels le général Menou
avoit assisté auparavant. »
T elle est la déclaration du général D elzons; il annonce que
c ’est là la déposition qu’il fera en ju stic e ; et il atteste qu’elle
ne contient que la plus exacte vérité.
Il est donc certain qu’ANNE ne fut jamais unie en légitime
mariage avec le général D estaing; qu’elle n’a été considérée
comme son 'épouse , ou qualifiée telle que par complaisance
( ou par foiblesse ), et pour qu’elle ne fût pas avilie pendant
sa cohabitation; que la qualification, ou, si on veu t, l’usurpa
tion du nom de celui avec lequel on cohabite, ne peuvent tirer
à conséquence, e t, malheureusement pour les m œurs, ne sont
que trop communes , même en F ra n c e , à plus forte raison
dans un pays où la licence des camps ajoutoit encore à la dé
pravation qui règne dans ces contrées.
Tous les doutes doivent s’évanouir aujourd’h u i, qu’il est re
connu qu’Anne étoit fille de père et mère catholiques romains,
qu’elle a été élevée dans cette religion. B a rth è le m i, son premier
parâtre, s’explique assez disertement ; et ce n’est que par ce
m otif qu’il insistoit auprès du général pour qu’il épousât A n n e
devant un prêtre latin.
Il savoit que les prêtres grecs ne pouvoient ni ne vouloient
G 2
�( 52 )
marier des personnes d’un culte différent. Les héritiers Destaing
n’en sont pas réduits h de simples assertions , sur ce point de
discipline parmi les G recs ; ils se sont procuré une expédition
délivrée sur l’expédition originale , du certificat du patriarche
d’ Alexandrie, donné par lui le 10 février 180 9 , dans la cause
du généra] Faultrier. Ce certificat s’exprime en ces termes ( on
ne rappelle que ce qui est relatif à la cause ) :
« Théophile, parla grâce de D ieu , pape et patriarche d’Alexan« drie, p arla présente, notre écriture, certifions qu’aucun prêtre
« quelconque de notre dépendance 11e peut célébrer de mariage
cc entre personnes de religion différente ;
« Que la" célébration de mariage entre personnes de même
« culte ne peut être faite sans la permission patriarchale, et que^
cc l'acte desdits m ariages est écrit sur un registre tenu ¿1 cet
cc effet. »
Ce certificat, signé du patriarche, et scellé du sceau de ses
arm es, est légalisé par le consul de France; il est écrit en grec
m oderne, et traduit par le sieur Bourlet, interprète assermenté
près le conseil spécial des prises : son authenticité ne peut être
contestée.
L a preuve que les prêtres grecs tiennent des registres , est
encore adm inistréepar A n n e elle-méme , qui a rapporté en cause
principale un acte de naissance de JVIaric, sa fille. Cet acte ,
qu’elle a fait signifier l e 3 i juillet 18 0 9 , ne contient autre chose
que la déclaration de deux prêtres grecs qui disent avoir baptisé
en janvier 180 2, une fille qu’on leur a dit être issue du mariage
du général Destaing avec Am tne Nazo. Ils ajoutent que l’acte
de naissance ne fut pas ré d igé, parce que c ’étoit une chapelle
isolée : donc les prêtres grecs tenoient des registres dans l’église
principale.
Les incertitudes , les contradictions qui régnent dans la
défense d’Anne , fatiguent également et l’esprit et le cœur..
Quel est celui qui oseroit prononcer qu’Anne esc la femme
légitime du général Destaing ?
�( 53 )
Tous les Français qui se sont mariés en E g yp te, rapportent
des actes qui constatent la célébration du m ariag e, assurent
leur état et celui de leurs en Pans.
A nne ne rapporte aucun é c r it, aucunes traces de ce prétendu
mariage ; oubliant elle-méme l’époque où elle a eu l’honneur
de s’unir à un général français , elle a osé dire qu’elle s’étoit
mariée en l’an 8 , que sa cohabitation avoit duré un an.
Il est prouvé qu’il y a impossibilité que le mariage ait été
fait en l’an 8, et que la cohabitation n’a pu durer que deux mois.
Elle se dit fille de Jo a n n y N azo , vante le rang et la fortune
de son père , la considération dont jouissoit sa famille.
Il est prouvé qu’elle n’est pas fille de N azo , qu’elle doit le
jour à un A rm énien, qu’elle est fille d’une mère qui a encore
deux maris vivans.
Il est établi que N azo étoit un fabricant détaillant d’eau-devie ; et à son arrivée à Marseille , il a sollicité et obtenu un brevet
de fabricant d’eau-de-vie de raisins secs : son brevet est dans
le bulletin des lois de l’an n .
Elle prétend être Grecque d’origine et de religion.
Il est prouvé qu’elle est née de père et mère catholiques ro
m a in s , et qu’elle a eu le bonheur d’être élevée, et de professer
la même religion.
Elle veut avoir été mariée par le patriarche d’A lexan d rie,
quoique le général Destaing fût catholique romain.
Il est établi que le mari a le droit et l’usage de choisir pour
cette cérémonie un prêtre de sa religion.
Il est prouvé par le certificat du patriarche, qu’aucun prêtre
de sa dépendance ne peut célébrer de mariage entre personnes
de religion différente.
Elle entreprend de prouver qu’elle a été mariée publiquement
et solennellement par le patriarche d’A lexandrie, suivant le rite
grec , et les usages accoutumés.
Un caporal a été présent au mariage d ’un g e n e ra l de d iv i
sion ; et il ne s’est trouvé à cette cérémonie auguste, qui faisoit
�ISO
( 54 )
one si grande sensation, que la m ère , le frère et le beau-père
de sa m ère.
E lle devoit établir qu’elle avoit été mariée par le patriarche .
$ A lexan drie : ses témoins de visu ne parlent que d ’un p atriar
che grec. O r, on sait qu’il y a plusieurs patriarches grecs en
E gyp te, et que le patriarche schismatique est celui qui s’ar
roge exclusivem ent ce titre pom peux, cette espèce de supré
matie que les autres G recs traitent de jonglerie. JS’est-ce pas
encore une affectation de n’avoir pas fait expliquer les témoins
d’une manière précise?
E lle avoit fait assigner Joanny N a z o , elle s’en est départie;
elle a craint que dans un moment d’iv re sse , Nazo ne fit une
déclaration contraire à ses intérêts.
E lle n’a point appelé en témoignage son aïeule m aternelle,
fem m e de Joseph 'T ütu ngi , désignée par le général sous le nom
de la bonne v ie ille , parce que cette fem me, catholique rom aine,
fidèle à sa religion, connoît toute la force d’un serment devant
D ieu et les hom m es, et 11’auroit rien déclaré de contraire à
la vérité.
Elle soutient qu’elle a été mariée en présence du général
Delzons ; elle invoque son témoignage.
L e général désavoue qu’il ait existé un lien lé g a l , et qu’il
y ait eu aucune c érém on ie religieuse.
Elle veut être l’épouse du général Destaing ; et celui-ci dé
pose dans le sein paternel la déclaration qu’il n’est pas m arié,
qu’il n’y a entre A n n e et lui qu’un arrangement oriental. Il
la repousse de son sein , et désa/oue son mariage jusqu’au dernier
moment.
Ses parens les plus proches, et dans l’intimité des confidences,
n’ont entendu de lui que des plaisanteries sur le genre de liai
son qu’il avoit avec A n n e .
Que reste-t-il donc à A nnc ? un procès verbal où M. Destaing
père a accepté la tutelle de sa petite-fille.
Elle abuse de la foiblesse d'un vieillard qui lui a accordé
»
�( 55 )
l’hospitalité , qu’elle a trompé ou intéressé dans l’état d’aban
don où elle se trouvoit alors.
Mais cet acte de tutelle est fait hors la présence des frères ,
qui ne furent point appelés , quoique plusieurs d’entre eux ,
m ajeurs , se trouvassent à Aurillac.
Mais les reconnoissances du père ne peuvent nuire aux frères,
qui étoient exclusivem ent appelés à la succession du général.
E lle fait parade d’une lettre du maréchal Soult, qui l’a traitée
avec civilité , parce qu’elle lui a été présentée comme fem me
d’ un général ; et le maréchal Soult ne devoit pas , sans doute ,
exiger qu’elle justifiât de son acte de mariage.
Elle n’a été admise à la preuve testimoniale qu’à raison de
ce qu’elle soutenoit qu’il n’y avoit aucun registre , et qu’il n’étoit
pas d’usage d’inscrire les mariages.
Il
est prouvé que les prêtres de toutes les religions, et notam
ment les g re c s, tiennent exactement des registres.
Que demande donc cette fem me ambitieuse? Les frères Destaing pourroient-ils redouter ses démarches? Viendra-t-elle leur
enlever les biens de leur p è re , de leur m ère , de leur frè re ,
et d’une tante morte pendant le p rocès?
Non : les héritiers Destaing ont cette conviction , que dans
une cause de ce genre tous les esprits s’élèvent à ces vues supé
rieures du bien p u b lic, qui forment le premier objet de la justice.
C ’est ici la cause de toutes les familles. Les citoyens de toutes
les classes, de tous les états, sont intéressés à l’arrêt que la
Cour va prononcer.
Monsieur R O C H ON D E V A L E T T E , avocat général.
M e. P A G E S , ancien avocat.
M e. G A R R O N , avoué.
A RIOM, de l’imp. de THIBAUD, imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des Taules, maison L a n d r j o t . — Juin 1811 .
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, frères. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rochon de Valette
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
légitime
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour les frères Destaing, appelans ; contre Anne soi-disant Nazo, se disant veuve du général Destaing, et tutrice de Marie, sa fille, intimée.
Table Godemel : Etat (question d') : 2. est-il dû des dommages-intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Mariage : 3. avant le code napoléon, les mariages contractés en pays étrangers, et particulièrement en Égypte, par des français avec des étrangers, étaient-ils valables, s’ils avaient été célébrés suivant les formes et usages observés dans le pays ? ces mariages pouvaient-ils être prouvés tant par titre que par témoins, s’il est établi que, dans le pays et pour les prêtres qui ont célébré le mariage, il n’était pas tenu de registre ? peut-on entendre comme témoins ? - les parents du français et de l’étrangère mariés ; - les personnes qui auraient déjà, par le fait du mariage et de sa notoriété, délivré des attestations ou certificats ; - les étrangers réfugiés en France avec l’autorisation du gouvernement. est-il dû des dommages intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Dommages-intérêts : 6. en est-il dû à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
55 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2003
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0609
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
légitime
opinion publique
témoins
xénophobie
-
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99cdd8f4de54c04061852864341f25bb
PDF Text
Text
M É M O I R E
POUR
ANNE NAZO,
V E U V E DU GÉNÉRAL DESTAING,
CONTRE
LES HÉRITIERS DESTAING.
A RIOM,
D e l ’I mfrimeme du P a l a is , chez J.-C. SALLES.
A v r i l i 8ii.
�MÉMOIRE
POUR
Anne
N A Z O , veuve de J a c q u e s - Z a c h a r i e
D E S T A I N G , général de d iv isio n ,
en son n o m ,
et com m e tutrice de M a r i a D E S T A I N G , sa
fille , intimée;
CONTRE
Les sieurs et demoiselle D E S T A I N G
,
appelants.
L ocuti sunt adversùm me linguâ dolosâ , et sermonibus
odii circumdederunt m e, et expugnaverunt me gratis .......
E t posuerunt adversùm me mala pro bonis , et odium pro
dilectiotie med Ps. 108.
Uen Egyptienne, jetée hors de sa patrie par un concours
d événemens que toute la prévoyance humaine n’aurait pu maî
triser ni prévoir, plaide depuis huit ans pour conserver un nom
qui lui fut donné avec solennité sur les rives du N il, et qu’elle
a toujours porté avec honneur.
�( 2 )
Tout ce que la capitale de l’Egypte avait d’illustre , fut le
témoin de son mariage. Les fêtes qui l’accompagnèrent sont
restées dans la mémoirede tous les héros de l’armée d’Orient,
qui l’attestent : PEmpereur lui-même, convaincu de la réalité
de ce mariage, fit donner une pension à la veuve d’un général
qu’il avait estimé. La famille Destaing, plus convaincue que
personne, et plus intéressée à l’être, s’était fait un devoir d’ap
peler, d’accueillir, de présenter aux liabitans de leur ville cette
femme malheureuse, comme flattée de lui appartenir.
A insi, du moins, cette étrangère qui n’ aborda les rivages de
France que pour apprendre la mort de son époux, avait la con
solation d’exhaler sa douleur parmi ceux qui avaient à pleurer
une perte commune. Sa fille j née au milieu des tempêtes de la
m er, se tr o u v a it dans un asile assuré au sein d’une lamille qui
désormais était la s ien n e . T e l l e fut la situation de la dame
Destaing, pendant une année, après la mort de son mari. Tout
ce que les lois de France prescrivent pour rattacher une orphe
line à ceux sous la protection desquels elle est placée, fut exécuté
par la famille Destaing, comme si la providence avait voulu lui
ôter les moyens d’être injuste; et déjà à Aurillac, comme au
Caire , une n o t o r ié té h o n o r a b l e a s s ig n a it dans la société, à M a
dame Destaing et à sa fille, le rang auquel elles avaient droit de
prétendre.
Quel démon jaloux a troublé cette harmonie, et a pu réduire
la dame Destaing à chercher les preuves de son état, après en
avoir eu la possession légitime aussi publiquement et sans effort?
Quel événement inopiné a transformé tout d’un coup une famille
douce et hospitalière en une horde d’ennemis acharnés, cherchant
d ’équivoques calomnies jusque dans le secret d’une correspon
dance tronquée, outrageant la mémoire de celui qui illustra leur
nom, et disputant avec mauvaise foi contre tous les signes de
vérité qui les confondent ?
L ’or! cette divinité des nations, a brillé aux yeux des héritiers
Destaing. La succession du général leur a semblé une proie qu’il
�3
.
(
)
fallait disputer avec une opinicitre constance; et dès cet instant
sa veuve et sa fille ne leur ont semblé que deux êtres importuns ,
qu’il fallait rejeter et méconnaître.
A lo rs, par une brusque inconséquence, la dame Destaing
présentée à une ville entière comme une sœur; son enfant placé
dans tous les registres d'Aurillac , comme héritière légitime du
général, n’ont plus été que des aventurières inconnues, introduiles par une astuce criminelle dans une famille étrangère.
Ce n’était point assez, pour une femme faible et sans défense,
d’avoir pour elle l’opinion publique et la conscience de la vérité.
Que peut la vérité contre une calomnie soutenue avec éclat et
persévérance? Le vulgaire, qui aime le merveilleux, commence
à douter, aussitôt que des fables injurieuses ont été préparées
pour donner à sa curiosité un autre aliment.
Mais Ce n’est point au tribunal de l’opinion que d’aussi grands
intérêts sont soumis ; la dame Destaing est placée sous l’égide
des lois; et si elle est forcée de gémir des lenteurs de la justice,
du moins elle pourra se féliciter de ce que toutes les formules
exigées d’elle ne laisseront aucun léger doute aux esprits les plus
incrédules.
Cependant la dame Destaing n’a nullement le projet de se
renfermer dans des moyens judiciaires, et de dédaigner l’opinion
qu’on peut avoir d’elle; il lui importe, plus qu’à-personne, de
donner de la publicité à sa conduite, et de proclamer les témoi
gnages honorables de ceux qui ont été à portée de la juger. Elle
veut de l’estime; et rien, dans ses actions, ne lui a ôté le droit
d’en obtenir.
F A IT S .
Tous les faits de cette cause sont liés aux grands événemens
de l’histoire.
Une armée de héros, une colonie de sa vans allèrent en l’an 6
porter en Egypte la gloire du nom Français.
On se souvient de la rapidité de cette conquête. Alexandrie
�(4
\
fut prise d’assaut le lendemain même du débarquement. Les
Mamelouks furent vaincus dès leur première apparition , et la
capitale ouvrit ses portes^ l ’armée victorieuse.
Cette armée n’était point au Caire comme dans une ville con
quise. Son premier élablissement fut rinstitut des sciences et
arts, chargé de donner des plans d’amélioration pour les canaux
du Nil, r'agriculture et le commerce.
Cependant les héritiers Destaing, ramenant tout à leur idée
dominante, ne veulent voir dans les chefs de cette armée, que
des conquérans licencieux, qui, comme dans un vaste sérail,
appelaient à eux toutes les victimes qu’il leur plaisait de choisir,
ou plutôt n’avaient qu’à attendre celles que les pères de famille
eux-mêmes venaient leur présenter, par politesse et pour prix de
la victoire.
Laissons cette atroce calomnie à la réflexion des lecteurs in
formés des usages de l’Orient, et poursuivons un récit plus véri
dique.
Quoique le but de l’expédition d’Egypte fût caché dans ces
vastes conceptions qu’il n’appartient pas au vulgaire de péné
trer, tout prouve que le premier projet du grand homme était la
fondation d’une Colonie française. Au reste, l’établissement de
l ’ a r m é e e n E g y p t e d e v i n t b ie n tô t u n e nécessité. L e m a l h e u r e u x
d’Aboukir, et la perte de la flotte achevèrent d’ôter aux
Français débarqués tout espoir prochain de retour.
com bat
Il fallut donc tourner toutes ses idées vers cette terre étran
gère , s’y créer un centre d’affection, s’y faire une patrie.
E t, certes, voilà quelle a dû être, quelle a été en effet la dis
position des esprits, ubi benè, ibi patria : rien n’est plus fran
çais que cette maxime; et bientôt les vainqueurs de l'Egypte se
regardèrent comme naturalisés sur les bords du Nil.
L e mariage seul pouvait resserrer les liens entre les deux na
tions. Les généraux français en donnèrent le premier exemple;
ils devaient ce gage à la confiance qu’ils voulaient inspirer. Ce
pendant ils surent allier à leurs vues politiques les combinaisons
�¿l’intérêt que les chances de l’avenir ne leur permettaient pas
d’abandonner.
L e général en chef Menou épousa une jeune et riche musul
mane, fille du maître des bains d’Alexandrie. Les généraux Lantin , Delzons et Bonnecarrère épousèrent des filles de négocians
établis à Rosette; plusieurs autres généraux et militaires français
suivirent cet exemple.
Les pères de famille d’Egypte n’étaient donc pas différens
de ceux des autres régions. Ils attachaient de importance au
mariage de leurs filles ; ils veillaient à leur bonheur et ne les
1
prostituaient pas.
Joanni Nazo, ancien officier au service de Russie, et élu com
mandant du bataillon des Grecs par le général de l ’armée
française, avait, à cause de ses fonctions, des relations habituelles
avec le général Destaing, q u i, de la province de Cathié, ou il
fut envoyé d’abord, vint commander la ville du Caire.
S o p h i e M i s c k , é p o u s e d e J o a n n i N a z o , a v a i t , d ’ un p r e m i e r
m a r i a g e , d e u x f i l l e s , d o n t l ’a în é e ( A n n e ) a v a i t d ix -s e p t a n s.
Le général Destaing demanda la main d’Anne Nazo ( née
Trisoglow * ) ; il l’obtint, et regarda cette alliance comme un
grand avantage. Joanni Nazo avait alors beaucoup de fortune.
Il n’était pas, comme les héritiers Destaing se sont plu à le
dire, un marchand d’ea u -d e -v ie; Nazo était fermier-général
des droits imposés par le Grand-Seigneur sur les liqueurs spiritueüses de tout genre : on sait que les Musulmans, à qui lekoran
les défend, ne font en Egypte que la moindre parlie de la p o p u
lation. Tous les c o m m e r c e s y sont au pair, et les rangs ne s’y me
surent que par la fortune. Il faut bien dire tout cela aux héritiers
Destaing, pour qu’ils cessent leurs railleries amères contre une
famille à laquelle en Egypte on accordait quelque distinction, et
qu’ils soient soulagés du moins du poids d’une mésalliance.
*
En Egypte, le second mari donne son nom aux eufans de sa femme,
en sigue de la puissance paternelle qu’il a sur eux.
1
\
�( 6 )
A n n e N a zo , promise au général Destaîng, fut conduite par
sa famille clans l’église grecque de Saint-Nicolas , où elle fut
reçue par le patriarche, qui daigna lui-même se charger de la
célébration.
On demande, depuis huit ans, à une jeune épouse, dans
quelle forme légale fut constatée cette cérémonie, et si les
prêtres de sa religion tiennent des registres publics. Quelle est
l'européenne qui, ayant eu toute l’instruction et toute la liberté
dont d’autres mœurs ont privé les femmes de l’Orient, serait bien
en état de rendre compte de l’observation des formes légales qui
ont accompagné son mariage? Sans doute la dame Destaing a
conservé le souvenir de la cérémonie auguste de l’église. La
couronne sacrée mise sur sa tête , la bénédiction et l ’échange
des anneaux, les paroles saintes du patriarche qui demandait en
vain a Dieu, pour les époux , une longue suite d’années : tout
cela s’est gravé dans sa mémoire ; et elle sait très-bien cju’il n’y
a point eu d’autres formalités.
Accompagnée par sa famille et par ses esclaves dans la maison
du général, elle fut présentée par lui au général en chef et à un
grand nombre de convives distingués, appelés au repas nuptial
et à un bal européen. Mais après ce premier hommage aux
mœurs françaises, tout r e n t r a d a n s l ’o r d r e a c c o u t u m é , et s a u f
quelques exceptions, le général Destaing se conforma dans l’in
térieur de son ménage aux habitudes égyptiennes.
Ainsi se passèrent plusieurs mois dans le calme et sans événemens. Bientôt des révoltes fomentées par les Mamelouks,
donnèrent aux épouses des généraux français de vives et justes
alarmes. C ’est alors que leur tendresse inquiète veillait à préserver
du danger ceux qui n’étaient plus pour elles des étrangers et des
usurpateurs, mais des époux et des frères.
Peu de tems après, on apprit qu’une armée ottomane s’avançnit vers la Syrie, tandis qu’une îlot le anglaise entrait dans la
Méditéranée.
Les Français allèrent sur-le-champ attaquer ces armées jusque
�7
(
)
dans leurs retranchemens; mai§ que peut la valeur contre le
nombre? Séparés en forces inégales, les généraux français ne
voulurent se confier qu’en leur courage, et ne recevoir aucune
loi du vainqueur.
La dame Destaing a v a i t conjuré son époux de lui apprendre
le succès de ses armes. Blessé grièvement et enfermé dans la
place d’Alexandrie, le général ne put écrire lui-même; mais il
fit donner de ses nouvelles à la dame Destaing, par un arabe,
son domeslique, pour la rassurer sur 1 état de sa blessure.
La dame Destaing était alors a la citadelle du Caire, ou le
général Béliard, qui y commandait, avait fait préparer des logemens pour les épouses des généraux français , et celles de
quelques officiers de marque, parce que les armées ennemies
étaient aux portes du'Caire.
Trois lettres arabes furent adressées à. la dame Destaing, à la
citadelle du Caire*. Les héritiers Destaing n’ont pu les attaquer
que du côté du style , qui, certes-, n’est pas académique .- niais
aurait-on cru que les formules épistolaires de France fussent
d’obligation pour les nations étrangères, et pour un domestique?
Aussitôt que le général put tenir la plum e, il écrivit lui-même
à son épouse, dans une langue que son oreille entendait moins
aisément, peut-être, mais.que son cœur sentait bien mieux.
« A lexand rie, le i
5 prairial an 9.
« I l y a long-tems, ma chère am ie, que je 11'ai pas de tes
« nouvelles ; je désire que tu te portes aussi bien que moi.
*
Ces lettres ont pour adresse : à M adam e A n n e , fem m e Destaing.
Elles sont datées, l’ une du mois doul hadeh ,P a u tre du mois doui hid.jeh. ,
de. l’année I2i5 de l’hégire, répondant aux mois de germinal et floréal
an 9. Il n’y est question que de la blessure du général Destaing, d’assu
rance de revenir bientôt, et de complimens pour Joanni Nazo. Elles sont
jointes aux pièces avec la traduction de M. Sylvestre de Sacy, professeur
de langues arabe et persaue, et membre de l’Iostitut.
�( 8
?
« J o a n n i, qui est chez le général B élia rd , devrait savoir »
« quand il part des détachemens pour A lexa n d rie, et en proa filer pour nCenvoyer des lettres. Cependant, il ne Va pas
« fa it la dernière fois : il fa u t le gronder de ma part, pour
« qu 'il soit plus exact à Tavenir. On m'a dit que tu étais
« grosse; j e suis étonné que tu ne m’en aies rien écrit : éclaircis
« mon doute à cet égard. Sois assurée que j e t'aime toujours,
a et qu’il me tarde beaucoup de te revoir. E n attendant, je
« t'embrasse, ainsi que ta mère et ta sœur, sans oublier la
« bonne vieille. Le général D e s t a i n g ».
Cette lettre , la seule* que le hasard ait fait conserver à la
dame Destaing, semble réunir en elle les rapports de sa fai mille entière avec son époux ; elle est restée comme un monu
ment , pour confondre les calomnies principales des héritiers
Destaing, et leur prouver qu’ils se mentent à eux-mêmes quand
ils feignent de croire que le général n’avait jamais cru a v o i r
avec une jeune grecque que ce qu’il leur plaît de nommer,
dans leurs idées licencieuses, un arrangement oriental.
L e siège du Caire fut prolongé pendant plus de trois mois;
enfin le général Béliard capitula avec le major Hutkinson, en
messidor an 9. Un article portait , que l’armée anglaise fourni
rait des vaisseaux de transport pour 'conduire à Marseille les
Français et ceux déjà attachés à leur fortune. Les dames reti
rées à la citadelle avaient la faculté de rentrer dans la ville du
Caire.
Mais le général en chef Menou ne voulut point ratifier cette
capitulation ; les portes de la ville restèrent fermées, les per
sonnes comprises dans la capitulation, la garde d’honneur choisie
pour leur escorte, la dame Menou elle-même, furent obligées
de continuer leur route jusqu’à Alexandrie. L à , le général Des
taing, craignant encore pour son épouse les dangers d’une ville
assiégée, lui donna ordre de se rendre en France, où il devait
incessamment la rejoindre.
Joanni Nazo , compris comme commandant de la légion
grecque,
�9
(
)
grecque, dans la capitulation du Caire, devait partir avec la
dame Destaing et le reste de sa famille. Le général leur écrivit
de l’attendre à Marseille, ainsi que nous l’apprennent les héritiers
Destaing.
Un vaisseau grec ( le Saint-Jean), dans le plus mauvais état,
se trouvait dans la rade d’Aboukir pour recevoir cette famille
et son escorte. Plusieurs autres Egyptiens s’y jettèrent pour ne
pas retomber sous la domination musulmane.
Tout ce que les relations de voyages ont recueilli de con
trariétés et de périls était destiné à ce frêle navire. Incapable de
résister à la moindre agression des pirates de l’A rchip el, hors
d’état de tenir la mer sans des réparations urgentes et considé
rables} il ne se mit en route que pour louvoyer d’îles en îles,
poursuivi par des corsaires, et assailli par des tempêtes.
Un long séjour dans l’île de Pathmos fut nécessaire pour
radouber le vaisseau. L a dame Destaing, extrêmement souf
frante , croyait s’y reposer et attendre l'époque de ses couches.
~ M ais, tout à coup , on fut a v e r t i du danger que couraient
des Français et des Grecs d’être la proie des Turcs en croisière
dans cette mer. On leva l’ancre à l’instant : mais après un long
trajet, le vaisseau fut repoussé jusqu’à l’île de Céphalonie, qu’il
avail déjà dépassée. C’est là que la dame Destaing accoucha à
bord. Un prêtre grec, desservant une chapelle voisine du rivage^
baptisa l’enfant sous le nom de Maria d’Estaing, tenue, sur les
fonds baptismaux, par Sophie Misck, sa grand’mère, et par le
sieur Nassilïi, officier de l ’ e s c o r t e .
Deux jours après, le tems propice permit de remettre à la
voile : mais une autre tempête attendait le vaisseau dans le
canal de Messine; rejeté en arrière de o lieues dans la mer '•
Ionienne, il parvint à un port de la Calabre , d’où, après de
nouveaux dangers , dont il serait minutieux de donner le détail,
et forcé de changer de route, il aborda à Tarente, dans le gou
vernement de M. le général Soult (aujourd’hui maréchal de
Empire et duc de Dalmatie ).
•
5
1
3
�( 10 )
C ’est ainsi qu’ une famille malheureuse, jouet des vicissitudes
de.la terre et de la mer, errait de plages en plages pendant six:
mois entiers. Eniin elle était sous la protection française; et dès
cet instant il y eut une trêve à ses malheurs.
M. le général Soult, iniormé de l’arrivée <lu vaisseau , et
de la qualité des passagers, eut la bonté d’offrir lui-m êm e à
Madame Destaing, de la part de son épouse, tout ce qui pouvait
être nécessaire à sa santé et aux agrémens de son séjour.
Les lois maritimes exigeant de tous les vaisseaux une quaran
taine, M. le général était obligé d’abord de borner ses attentions à
de simples offres de services. Il écrivit au capitaine du vaisseau,
le 22 frimaire an 10.......... « V eu illez, je vous prie, renouveler
à madame Destaing les offres de services que mon épouse et
moi lui faisons de tous les secours qui pourraient lui être né
cessaires y elle nous obligera infiniment dûen disposer. SouLT».'
Qui donc avait pu informer M. le g é n é r a l Soult du nom de
la dame Deslaing, et l’intéresser à elle? le voici : Pendant cette
longue et périlleuse traversée du vaisseau le St.-Jean, l’arméefrançaise avait évacué Alexandrie ; les généraux Menou et Destaing
avaient fait voile pour Marseille, où depuis long-tems ils croyaient
leurs épouses arrivées ; dans leur route ils s’informaient de la
destinée de ce v a i s s e a u ; il paraît m ê m e q u ’ils é c r i v ir e n t à M. le
général Soult, et voilà ce^qui valait à madame Destaing des at
tentions aussi flatteuses.
M. le général Soult ne s’en tint pas à des offres ; il insista
pour que Madame Destaing allât se rétablir dans sa maison de
campagne, et l’invita ensuite à habiter son propre palais.
Après un mois de séjour, Madame Destaing, remise de ses
souffrances, voulut partir de Tarente, mais en marquant une
grande répugnance pour continuer son voyage par la Méditéranée.
M. le général Soult porta la bonté jusqu’à lui tracer, lui-même,
une route pour aller par terre jusqu’au premier port de son
gouvernement, de là traverser l’Adriatique, et continuer par
terre d’Ancone à Lyon.
�( v u ) .
Tout cela s’exécula de point en point, et sans le plus léger
accident. M. le général Soult voulut encore donner sa voiture
à Madame Deslaing jusqu’au port de Barletta. Il lit chercher
une nourrice pour sa fille, et chargea M. Desbrosses, officier
français, de raccompagner jusqu’à Lyon.
Voilà comment et sous quels auspices est venue en France
celle que les héritiers Deslaing accablent de dédains et d’op
probres.
Madame Destaing s’arrêta quelques jours à Lyon pour se
reposer et attendre des nouvelles de son mari. Joanni Nazo partit
sur-le-champ pour aller le joindre à Paris.
On peut se représenter l’impatience d’une jeune.épouse de
* retrouver celui pour, qui elle s’était exposée à tant de périls.
Hélas! il -était dans sa destinée de ne plus le revoir. Joanni
n’était arrivé à Paris que pour être en quelque sorte le témoin
du convoi de son meilleur ami.
L ’a c c u e i l a f f e c t u e u x d u g é n é r a l n ’a v a i t p a s p r é p a r é Nazo à
ce malheur. Le ré cit mutuel de leurs aventures depuis leur
séparation ; l’empressement du général de revoir sa femme
et d’embrasser son enfant pour la.première fois; leurs projets
pour l'avenir avaient occupé le peu d’iristans qu’ils passèrent
ensemble....... La mort en disposa autrement.
L a dame Destaing ignorait à Lyon qu’un coup mortel venait
de la frapper elle-même. Elle comptait les instans, et se croyait
heureuse, lorsqu’un sieur Bordin , chapelier à Lyon , se présenta
chez elle avec une l ettre du sieur Destaing père, qui invitait
ce sieur Bordin à accompagner sa fille à Aurillac, en lui laissant
entrevoir une partie de son malheur.
Combien elle allait être à plaindre , celle qui, tombant tout‘à-coup des illusions riantes de sa pensée dans la certitude d’un
isolement affreux , allait se trouver sans époux et sans patrie
, parmi des êtres dont la demeure , - les habitudes, la langue
meme lui étaient inconnues. Que celui qui a pu se faire une
idée des fantômes de bonheur qui naguères remplissaient son
4
�âme , se représente s’il se peut l’horrible situation de cette in
fortunée Egyptienne, au milieu du cahos où son imagination
épouvantée dut la placer.
Cependant la dame Destaing fut reçue par son beau-père et
sa belle-mère avec toute l’affabilité et la tendresse qui pouvaient
la rassurer.
L a famille entière, il faut le dire, lui donna les mêmes
marques d’amitié et d’intérêt. Cette conduite généreuse la toucha
jusqu’au fond de l’âm e, et la dame Destaing trouve du plaisir
à en marquer sa refconnaissance. Un odieux intérêt n’était point
venu encore empoisonner ce premier élan de la nature. Chacun
avait alors à pleurer un fils, un époux, un frère. Les liens du sang
se resserraient davantage par un besoin mutuel d’épanchemens
et de consolations.
Cependant la famille D e s t a i n g c r u t néc ess ai r e de remplir
les formalités légales pour la succession du général. Les scellés
avaient été mis à Paris dans l’hôtel Méot qu’il habitait le jour
même de sa mort ( i floréal an 10 ).
Il s’agissait de les lever, et pour cela il fallait faire connaître
les héritiers de la succession.
C ’est la f a m i ll e D e s t a i n g qui e n p r i t l ’i n i t i a t iv e ; u n conseil
de famille fut convoqué devant le juge de paix d’Aurillac, le
messidor an 10. L à le s.r Destaing, père du général, juge au
tribunal de première instance, exposa : «que Jacques-Zacharie
« Destaing , son fils , général de division, était décédé à Paris ,
« laissant uneJîlle unique, âgée de cinq mois, nommée M a r i a ,
« provenant de son mariage avec ulnne jNazo , grecque d'ori« g in e, laquelle avait besoin d’un tuteur, attendu la minorité
« de sa mère
D ’après cela le conseil de famille * délibérant, choisit pour
5
5
*
Delzons, père, le même qui avait toute la confiance du général
Destaing à ses derniers momens , et M . Delzons, général de brigade 3 marié
aussi en Egypte, sont membres de ce conseil de famille.
�3
( i
)
tuteur de Maria Destain g, M. Destaing, son aïeul; fixa à 1,000 fri
le douaire annuel de la dame veuve Destaing ; lui alloua des
habits de deuil pour elle et pour une négresse qu’elle avait à
son service ; et s’occupa encore du salaire de la nourrice qu’elle
avait amenée de Tarente à Aurillac.
.
Le sieur Destaing père déclara accepter la tutèlle de sa petitefille , et fit le serment ordinaire d’en remplir fidèlement les
fonctions.
Voilà donc les qualités réglées; l’état de la mère et de l’enfant
placé sous la protection de la loi, et leurs intérêts remis entre
les mains de celui à qui * sans taucun doute, lé1 défunt les
aurait confiés lui-même.
.• .
’ >
.
') :
Le lendemain une procuration fut envoyée; les scellés furent
levés à Paris, et suivis d’un inventaire. Dans tous ces actes on
agit constammènt au nom du sieùr Destaing père , tuteur de
Maria D e s t a i n g , J i l l e e t u n iq u e h é r itiè re du g é n é r a l D e s t a i n g 1
L ’inventaire ne p o u v a i t c o n t e n i r q u e ce q u ’ o n laisse dans un
appartement d’hôlel garni; des vêtemens , des armes, quelques
papiers de portefeuille *, et deux rouleaux de o louis. On y
^consigne ce fait, que le-général avait remis, péu de jours avant
5
sa mort, à M. Delzons père, législateur, 18,000 fr. qu’il avait
touchés à la trésorerie, -pour qu’il les fît passer à Aurillac.
Pendant ces tristes opérations, la dame Destaing vivait à
.Aurillac, quelquefois dans les sociétés où onia présentait, et
qui voulaient bien s’accdutumer à sa tristesse, le plus souvent
retirée chez elle , occupée de sa fille , et presque heureuse de
vivre parmi ceux q u i , en lui apprenant leur langue, lui parlaient
de son époux.
Une grande satisfaction pour elle fut d’apprendre que Sa
Majesté avait eu la générosité de la faire placer sur le tableau
*
11 y avait une lettre du lieutenant Latapie , et une lettre de Joanni
Nazo , toutes deux écrites de Tarente. Ces lettres avaient été supprimées
depuis, et n’ont pu être communiquées qu’ en vertu d’un arrêt de la Cour.
�4
( i
)
des pensions, comme veuve du général D e sta in g , i jours
après sa mort *.
Cet état de quiétude dura environ une année. Mais les'frères
et sœur Destaing, prévoyant que la fortune du général, qui leur
avait procuré une augmentation d’aisance, leur serait retirée dans
peu de tems , changèrent insensiblement le bon accueil qu’ils
avaient.faità leur belle-sœur; et une petite persécution commença
sourdement conlr’elle.
La mélancolie de la d a m e Destaing lui faisant préférer la so
litude, on la représenta comme un être farouche qui méditait
des procès. Si, de loin en loin, quelques âmes sensibles venaient
du dehors pour la distraire , on supposait de l ’intrigue et des
conseils. La dame Destaing, sa belle-mère, ‘fut séduite la pre
mière par ces in s in u a tio n s désintéressées en apparence : enfin
à force de persévérance v i s - à - v i s - le s ie u r D e s t a i n g , o n p a r v in t
à inspirer de la défiance à ce respectable père de famille : on le
rendit tout dilïerentrde lui-même.f
. -r ,
L e premier résultat de cette défiance prit d’abord une direction
toute différente de celle qu’on avait voulu lui donner : le bon
tuteur n’avait point des entrailles de collatéral pour Reniant d<?
son fils ; et la seule p u n it io n q u i lu i v i n t e n i d é e c o n tr e la mère^
fut de faire enlever l’enfant pour le cacher à la campagne, en
prenant des précautions pour que la dame Destaing 11e découvrît
5
pas sa retraite.
,
Mais ce n’était pas là le compte de la petite faction ennemie,’
qui comprenait bien que ce procédé consolidait l’état de Tentant
au lieu de le détruire.
Alors on parut compatir à la douleur d’une mère justement
alarmée. La dame Delzons (égyptienne, et jusqu’alors très-liée
avec la dame Destaing), écrivit d’Aurillac à Joanni Nazo ce
qui-se passait. Nazo partit sur-le-cham p; ses plaintes furent
vives de part et d’autre , il s’y mêla de l’aigreur. La dame
* Le brevet de celte pension est du 29 floréal an 10.
�5
( i
)
Destaing quitta Aurillac avec Nazo pour aller joindre sa mère
à Marseille; mais le sieur Destaing, son-beau-père, ne voulut
jamais que Maria Destaing partît avec eux.
Joanni Nazo, personnellement maltraité dans une famille qui
ne lui semblait avoir ce droit envers lui sous aucun rapport,
suivit peut-être un peu trop son premier mouvement. D ’après
les conseils qui lui furent donnés, il fit rédiger un1acte de noto
riété, par lequel les réfugiés Egyptiens qui avaient traversé la
mer avec la dame Destaing, certifièrent qu’elle était mariée au
Caire, et qu’elle avait donné le jour à une fille baptisée à Céphalonie, sous le nom de Maria ;:;et muni de cette piece, il fit
adresser un mémoire à l’Empereur pour réclamer Maria Destaing.1
Sa Majesté daigna y répondre par une note de sa main; et Son
Exc. le Grand-Juge en ayant donné avis au sieur Destaing pèrej'
celui-ci ne mit aucun obstacle à rendre l’enfant qu’il avait retenu.
Mais aussitôt ses idées et son système changèrent. Ses enfans
p r o fit è r e n t de ce tte c ir c o n s t a n c e p o u r s’e m p a r e r -'e n tiè r e m e n t d e
son e s p r i t , et l’ e n v e n i m e r c o n tr e la m a l h e u r e u s e ét r a n gère qu’il
avait j u s q u ’ a lo r s c h é r ie c o m m e sa f ille . T e l l e a été la s o u r c e du
procès.
*
L a première*hoslilité vint des^frères et sœui* Destaing, et cela
était bien dans l’ordre. Ils .firent saisir, entre les mains de leurpère, le mobilier et revenus'de la succession du général, comme
prétendant être ses seuls héritiers.
I l eût été plus n a t u r e l d’assigner la veuve, dont ils ne pouvaient
pas méconnaître au moins les prétentions et la possession qu’elle
avait eue de son état dans leur propre maison. Mais cette lenteur
eût été trop douce; il fallait tout d’ un coup , par une saisie, lui
enlever les ressources que lui donnait la délibération du conseil
de famille. La dame Destaing fut donc forcée de prendre les v o ie s
judiciaires: elle assigna, le 27 nivôse an 1 2 , le sieur Destain«
pere ( au tribunal de la Seine, lieu du décès), pour demander,
remise de la succession , et une provision pour ses alimens, dont
on avait ailecté de la priver,
�( i6 )
Cette privation était inhumaine ; mais la dame Destaing a été
heureuse de la souffrir. Dans le moment de sa.plus grande dé
tresse, elle reçut de la munificence de Sa Majesté Impériale le
brevet d’une pension de 2,000 fr. au lieu de 520 fr. qu’elle était
jusqu’alors *.
Croirait-on que les héritiers Destaing ont attribué cet acte de
bonté à leur conseil de famille, qui, disent-ils, avait donné par
erreur, à Anne Nazo, une qualité dont elle fit usage pour ob
tenir une pension ! Remarquons seulement que ce conseil de
famille est du 5 messidor an 10, et que déjà le premier brevet
de pension était donné à Anne Nazo, comme veuve D estaing,
plus d'un mois auparavant.
Au lieu de répondre à la demande de la dame Destaing,
ses adversaires introduisirent à Aurillac une procédure obscure,
qui prouve que tous moyens leur étaient bons pour multiplier
contr’elle les incidens et les ennemis.
Les frères et sœur Destaing assignèrent leur père à Aurillac,
en remise de la succession du général, comme s’ils ignoraient la
demande déjà formée par leur belle-sœur. Il répondit qu’Anne
Nazo prétendait à la même succession, et sur cela sa mise en
cause fui ordonnée. Cependant le jugement ne fut signifié qu’au
sieur D e s t a i n g père, le m o in s in té r e s s é à le c o n n a îtr e ; et la dame
Destaing n’en a appris l’existence que long-tems après.
On lui laissait, pendant ce tems-là, obtenir un jugement à
Paris ; et ensuite on se pourvut en règlement de juges. Le procès
ne fut renvoyé ni à Paris ni à Aurillac : il le fut au tribunal de
Mauriac ; tout cela dura près de trois ans; et enfin la dame Des
taing recommença son procès à Mauriac, où elle était renvoyée.
3
* « Ministère du trésor public . — Paris, i pluviôse an 12».
«Art. i . er L a pension de 520 fr. accordée par arrêté du 29 floréal an 10 , à
K Anne Naz>o, née en Egypte, veuve du, s.r Jacqucs-Zacharie D estaing ,
K général de division, mort le i 5 floréal an 1 0 , est portée à 2,000 fr. >».
« Art. a. Les Ministres de la guerre et du trésor public sont chargés, etc. ».
« Signé N A P O L E O N ».
Là
�17
(
)
Là on fit dire an sieur Destaing père, qu’il révoquait Vaveu
qu’il avait fait de Cétat et possession de la veuve Destaing et
de sa fil Je. Il prétendit que c’était à elle à prouver son mariage et
la. naissance de-J’enfant ; que les certificats de Marseille étaient
suspects et;ne prouvaient rien. Il termina par dire qu’il ne con
naissait d’autre enfant de son fils, qu'un-enfant naturel, né
avant son départ pour l’Egypte ( que l’on disait tantôt né aux
Pyrénées, tantôt d’une femme de Paris). Puis il demanda à Ja
dame Destaing une caution pour être admise à plaider, comme
étrangère.
Voilà.-ce que les héritiers Destaing osèrent suggérer à leur
père y sans égard pour 4a mémoire du général ; et ainsi leur
animosité était telle contre sa veuve, qu’ils aimaient mieux ap
peler à la succession un inconnu, sans nom, et auquel la loi
ne donnait ni titre ni qualité.
r •!, ■' t 0’ ?uj •»[
*
Cependant la dame Destaing voulant ne laisser aucune sus
picion sur son c e r t if ic a t d’égyptiçns, et p o u v a n t f o r t aisément
le suppléer par des témoignages français, réunit devant le juge
de paix de Paris, en la forme légale des,actes de notoriété,
sept citoyens distingués qui s’étaient trouvés au Caire en l’an 8,et
eiVl’an 9; i.° l’ordonnateur en chef de l’armée; 2.0 l’inspecteurgénéral aux revues; .° lè' chirurgien en chef de l’armée; 4.0 un
général de brigade; 5.° le trésorier-général d e là couronne;
6.° le directeur-général de l ’imprimerie impériale; 7.0 un prêtre
égyptien, professeur .de langues orientales.
« Ils attestèrent qu’Anne Nazo avait été unie religieusement
« au Caire} suivant les rites du pays, et en légitime mariage
« avec le général Destaing , dans le courant de l’an 8 , par le
« patriarche d’Alexandrie. Que l’acte de célébration n’en avait
« pas été rédigé, parce que ce n’était pas l’usage : mais que ce
« mariage n’en était pas moins constant, ayant été célébré en
« présence d’un grand nombre de militaires français , et ‘de la
tf plupart des déclarant Que depuis cette célébration Anne
3
�( i8 )
« TSfnzo n’avait pas cessé d’habiter en Egypte avec son m a ri,
« q u i l’a toujours traitée comme son épouse légitim e ».
La dame Destaing avait été privée de faire entendre M. le
général en chef de l’armée d’Egypte, et M. le général Dupas,
alors absens; le premier, comme gouverneur des départemens
au-delà des Alpes; le second, comme gouverneur du château
•de Stupinis; elle leur fit écrire pour leur demander la déclaration
de la vérité sur son mariage, et reçut deux certificats attestant
avec la même force la connaissance personnelle que ces deux
généraux avaient de son mariage *.
L ’acte de notoriété fut homologué par le tribunal civilde la
Seine, sur le rapport d’un juge, et sur les conclusions du
ministère public.
■
>
Munie de celle pièce importante, de son brevet de pension
et de l’acte de tutelle, la dame Destaing crut son procès fini,
et se présenta à l’audience de Mauriac. Mais combien elle se
* «Je déclare, au nom de la vérité et de l’honneur, que, lorsque je com
mandais l’armée d’Orient, en E gypte, M. le général Deslaing s’est inarié
en l’an 8 avec mademoiselle Anne Nazo.................L e général était venu»
m'en faire part................ Je m’engageai à y assister, ainsi (jji’au repas
qui eut lieu après le mariage. Je remplis nia promesse. Tout s*y passa
avec la plus grande régularité sous les rapports civils et religieux ».
« A T u r in , le 18 juillet 1806 ».
« L e général M e n o u ».
lr
*
«Je certifie qu’ étant chef de brigade, commandant la citadelle du Caire
sous les ordres du général Destaing , f a
de son légitime mariage
avec mademoiselle A n n e Nazo............ J ’atteste
avoir eu des liaisons particulières
guées qui m’ont dit
i eu parfaite et sure connaissance
av e c
beau cou p
de persounes très-distin
avoir été présentes à ce mariage^ qui fut.célébré
publiquement.................. ».
«Paris, le 3o juillet 1806».
« L e général D u p a s ».
�( *9 )
trompait! La cause eut été trop simple a v e c le sieur Destaing
père; les frères et sœur voulurent plaider aussi; mais il sera
inutile de les suivre dans leur intervention, leur tierce oppo
sition, leur saisie, leurs incidens de toute espèce : il suflit de
parler du jugement de Mauriac, du i août 1807, dont il est
nécessaire de préciser les dispositions pour les comparer avec
l ’arrêt postérieur de la Cour d’appel.
. ' <
•' < "
3
Le» tribunal de Mauriac ne crut pas devoir s’arrêter aux preuves
existant es; il les jugea insuffisantes, et ordonna que la dame
Destaing p r o u v e r a i t , i . ° « Qu’i^n’est pas dusage au Caire et à
« Géphalonie de tenir des registres et faire des actes de* mariage
« et de naissance; 2.0 qu’elle.a été mariée au Cairér, en l’an 8,
« avec le général Destaing, par le patriarche d’Alexandrie, avec
« les cérémonies usitées dans le lieu ; .° qu’elle a cohabité de« puisiavec le générai.Destaing jusqu’à son retour en France);
a et que daias tout ce tems elle a été publiquement reconnue
a . pour épouSe du généi'al D e s t a i n g ; 4.0 qu’elle est accouchée à
« Céphalonie, en nivôse an 10 , d’une fille provenue de ce ma« riage , laquelle a tété nommée Maria Destaing ». * ,
3
Tl y e u t , d’e *p a ri:Je d’â ü ttié^7ajj^el d e’oé jugement';'là dame
Deslaing ^én-plaigriair, paï’be'cju^iï l’assüjëtissait â^une preuve
non-'seulement’ déjà- faite ; mais-qù’elle 'crut inulUk^ puisqu’elle
avait une possession d’ëtàt'émanée de^la famille Destaing ellemême. Les héritiers Dest&îng S’en plaignirent'aussi’, en ce qu e,
disaient-ils , le Gode civil ne jjéririèt de prôavet les mariagers que
par éci'it et par les registres de1l’état civil. 'ff!' : c' M ); ; ’
h
?
*»
•
:
, ,1
1 1
> i
.. *i !
»
Le^n était point assez d’avoir accable de calomnies la dame
Destaing à Aurillac, Mauriac^ et Paris, les héritiers Destaing
lui réservaient pour la Cour d’appel des imputations plus dures
encore. A les’croire, elle n’était qu’une prostituée de la plus
vile classe , offerte au général par sa propre famille avant même
qu’il eût sur ce point montré aucun désir'; une grecque aiiifi-
6
�( 2° )
cieuse et rusée, qui avait su en imposer quelque tems à une fa-?
mille crédule ; ensuite, et pour avoir le droit d’jnsister sur la re
présentation d’un acte civil, ils la transformaient en musulmane
échappée d’un harem, et la sommaient de représenter l’acte de
mariage que le Cadi avait dû rédiger.
La Cour d’appel, par arrêt du n juin 1808 , a cru devoir,
dans une matière aussi importante , laisser subsister la preuve
ordonnée, mais avec des motifs bien précieux pour la dame
Destaing, et qui prouvent que les magistrats, convaincus comme
hommes, ont seulement voulu ne négliger aucun moyen légal de
découvrir la vérité.
•
.
'
Cependant la preuve ordonnée à Mauriac n’a point été exigée
par la Cour avec autant d’étendue. « La Cour dit qu’il a été bien
« jugé en ce que la preuve testimoniale a été ordonnée, et néan« moins, réd u isa n t V in te r lo c u to ir e , o r d o n n e q u e d a n s six mois
« Anne Nazo fera preuve, tant par titres que par témoins, de« vant les premiers juges, que pendant que le général Destaing
« était en activité de service au Caire, elle à été mariée avec lui
« publiquement et solennellement par le patriarche d’Alexan« drie, suivant le rit grec et suivant les formes et usages obser« vés dans le pays ; V a u to r ise à f a i r e en ten d re le s p a re n s , tant
a d’elle que du général Destaing , ainsi que toutes les personnes
« qui ont déjà donné des attestations par forme d’acte de no« toriété, à Marseille et à P aris, ou des c e r tific a ts dans la
« cause, sauf toijs autres reproches de droit qui pourront être
« proposés, et sur le s q u e ls les premiers juges statueront, sauf
« preuye contraire ; ordonne que les frères et sœur Destaing
« rapporteront les deux lettres mentionnées en l ’inventaire
« du 24 messidor an 10 ».
Les héritiers Destaing menaçaient de se pourvoir en cassation,
parce qu’ils attendaient la décision d’une cause semblable sur
laquelle il y avait pourvoi contre Néphis David, Géorgienne,
�(
21
)
mariée en Egypte avéc M. le général Faultrier * ; aussi ont-ils
retardé l’exécution de l ’arrêt par mille chicanes plus absurdes les
unes que les autres. , ^
A Paris ils arrêtent brusquement l’enquête, en disant que le
président de Mauriac n’a pas pu donner une com m ission rogatoire. L e jugeTCommissaire ne voulant pas ju g e r ce grave procès,
le renvoie à Mauriac, et Mauriac le renvoie en la Cour. L à ,
Taincus dans leur misérable incident par la simple lecture du
texte de là lo i, ils osent bièn s’opposer à une prorogation du
délai qu’ils ont consumé eux-m'êriiès en chicanes; m ais la Cour
en fait ju stice , et, par arrêt du 12 décembre i 808 , elle autorise
lè président de Mauriac à donner les com m issions nécessaires,
renouvelle le délai d’enquête, et punit les héritiers Destaing
par une condamnation'des dépens faits à Riom , à Mauriac et à
Paris. Pendant tout ce délai, ¡les témoins appelés à Paris ont été
renvoyés sans être entendus.?;1, 1:
Enfin les e n q u ê t e s se f o n t , l ’ u n e à M a r s e i l l e , une autre à
Paris, une a u tr e à Aurillac , et une dernière à Mauriac > mais
l ’obstination des héritiers Destaing ne se lasse pas. L ’enquête de
Paris est remarquable, suivtout par la verbalisation continuelle
dejl’unjdes héritiers Destaing, qui, sans exagération , y parlait
plus que les témoins et le juge ; à chaque mot il avait des’ obser
vations à faire écrire, ou des questions nouvelles à adresser aux
*
L a Cour de Metz avait ordonné que Népliis rapporterait seulement
Un acte de notoriété, constatant que lés chrétiens grecs ou romains q u i se
marient à G iz é , près le C aire, ne sont pas dans l’ usage de faire constater
leurs mariages sur des registres publics.
Les héritiers attaquèrent cet arrêt par le motif que des ordres du jour
publiés en E gypte, en l’an 6 , exigeaient que tous les actes, entre Français
et Egyptiens , fussent reçus par les commissaires des guerres.
L a Cour de cassation a décidé que ces ordres du jour étaient sans ap
plication ; que l’acte de notoriété était suffisant, et avait été légalement
ordonnéj en conséquence, le pourvoi a été rejeté le 8 juin 1809.
�'( 22 )
témoins; et quelles '¡questions encore!.'... (Si en-Egypte il n’est
pds reçu qu’on se marie pour un terris.i.Vj S’ilcn’est pas vrai que
les T u r c s coupent la tête aux femmes q u i ont commerce avec
les Européens,.... etc.!, etc.)'• - 'j ; m
.
Eh bien, toutes ces billevesées sont fidèlement'écrites dans l’en
quête de Paris., renouvelées ad libitum , et suivies à chaque
nouvelle déposition deiquestions pi ils absurdes encore. M. le
juge-enquêteur avait’ la:bpntéde tout entendre.
A Marseille, il n y avait pour lès héritiers Destaing'qn’uri
fondéde pouvcoir.;ie.t soitf qu’il ri’asât ¡pa'sise permettre toute cette
verbalisation*, r‘soit que les' juges*méridionaux soientimoins^paiiens quejceux dè là capitale^ l’enquéteVest faite'en lalforme ordi*
naire, et ce sontJès'témoins qui y occupent la plus grande place.
Cependant à-Marseille,’ côm'me à Paris, on ne manque pas
de fhire: insérer des 'reproches)îcoritrè: tliaquô ¡parent,¡et.» contre
chaque témoin qui déjà avaient donné des attestations (malgré
l’arrêt de la Cour, qui autorise expressément’ kuivdéposiiioirs).
; ¡ Malgré toute cette* obstination lesi'ënqûêtés'se-paraehèvenf
des témoins distingués rendent Acompte de ce qu’ils ont vu et
entendu. Il résulte deleuTS déposiiàons une preuve a ussif complète
qu'il était possible;de-l’attendrç après ce'quï avaitîétéiproduit?
avant les interlocutoires;/; • • •' £ ■ > { •>! h ; ¿ ' : .]
g,-jfq
Les deux enquêtes; de la-dame Destaing sont composées :de
dix-sept témoins entendus à Paris, et dix entendus à Marseille.
Pour ne pas être diffus, en suivant le détail d'un aussi grapd
nombre de dépositions , il .faut ¡le? rapporter à tfois.,faits.prin-^
cipaux : i.° lia ,fête nuptiale ;.,a,° la cérémonie de l’église.; ,° la
notoriété du mariage.
. ^
i
i’.° MM. les généraux L a grange, Duranteau et Bertrand ,*
MM. Sdrldlon, secrétaire-général du ministère de la guerre;
M arcel, directeur-général*de l’imprimerie impériale; Clément,
négociant ; Larrey, médecin ; A n a a Obadani, ancien commis
saire de police au C a ire , ont déposé avoir assisté au repas de
3
�*3
(
)
noces: les sieurs D u fé s , Tutungi et 'MiscTc, parens.d’Anjie
N azo, le déposent aussi. Ces témoins y ont vu encore M. le
général en chef Menou (décédé pendant.le procès ) , et plusieurs
prêtres grecs. M .tD aure, commissaire: des guerres, dit y avoir
été invité , mais que son)service le retarda, et qu’il vint après le
dîner. On ajoute que ce fut la fê te la plus solennelle qu’on eût
vue dans le pays.
' >\ »
2.0 L a célébration ecclésiastique est l’objet de treize déposi
tions. Le général; Destaing avait communiqué, son mariage à
tous les dignitaires,de son armée. Il y avait.eu des billets d'invi»
tation ; et M. Sartelon dit même qu’i l croit avoir v u l’annonce de
ce mariage dans la gazette du Caire. MM. 'Lagrange et Larrey
déclarent avoir reçu une.invitation du général Destaing.’ Leur
service les empêcha d’arriver assez tôt. M .Larrey dit qu’il arriva
lorsqu’on sortait de l'ég lise, et qu’il's’eXcusa auprès du général
sur son défaut d’exactitude. JDçn M pnacjiis, l;es.s.rs T a k et V id a l
déposent que plusieurs témoins,oculaires , qu’ilsuomment, leur
ont dit avoir assisté à cette célébration dans Véglise SaintJNicolas. L e sieur. C/j «/rc, ancien interprète de M. le prince de
Neufchâtel, déclare avoir vü les préparatifs de la fête sur la
place Atabel-elzZarguavlLeS sieurs* O b a d a n i commissaire de
police; R o sette, bijoutier, étaient présens à la célébration du
mariage, fa ite par le patriarche d*Alexandrie, dans la même
église. Les sieurs Joseph D u fé s , Joseph Tutungi, Ibrahim
Tuturtgi, Sophie Misck et- Joseph Misck ..déposent également
avoir assisté à cette célébration fa ite par le patriarche, avec
les rites observés par lestGrecs, le jour des rois dejl’église.grecque,
o u >1.7 janvier; ils ajoutent que le colpnel Nicolas Papas Qglou
étaiüe parrain de la mariée, suivant l’usage. Le sieur Barthélemî Serra dit avoir élé invité à cette cérémonie par le général
Destaing, mais, n’avoir pas accepté, parce, qu’il était brouillé
avec la f a m i l l e N a z o i l ajoute que le général Dçstaing lui dit ,
avant son mariage, qu’il, serait célébré sjijvfint le rit g r e c , et
qu’ensuite il lui dit que son mariage avait été célébré par le
�( H )
'patriarche g rec, selon le rit grec; qu’il avait voulu se conformer
à l’usage du pays.
.° Quant a la notoriété, il serait oiseuxd’énumérer les té
moins qui'déposent que le mariage était public au Caire; il est
plus sûr de dire, sans craindre de se tromper, que tous les té
m oins, sans exception , attestent ‘que toute la ville du Caire
regardait ce mariage comme légitime ,* et précisément tous ces
militaires français , qû’on a peints comme ne s’occupant .des
femmes que pour les déshonorer, sont ceux qui attestent le,plus
fortement que personhe ne doutait, au Caire et à l\armée j de,
ta légitimité de cé'rhàriüge. \ ■
' v
t ' ; ■, - \v
Les héritie'rs'Destaing ont fait de leur côté deux enquêtes ,
l’une à Aurillac, composée de trois témoins, et l’autre à Mau
riac, de deux témoins.
»
A A urillac, ce so n t le sie u r D e l z o n s p è r e et la dame Delzons
Sa belle-fille, cousins des héritiers Destaing, et une demoiselle.
3
Françoise Gronier. L e sieur Delzons père, qui n’a rien vu , rapii
porte seulement deux conversations : un jour, à P aris, le géné
ral Destaing causant avec sa belle-fille, lui disait que sa femme
pouvait être mariée, mais que'lui'ne l’était pas ; le sieur Del--’
z o n s a jo u t e q u ’ il fit c e s se r c e lt e p la is a n te r ie J U n a u tr e j o u r , à
Paris, lé général Delzons\ son Jils , lui dit qu’il y avait eu
dans la maison Nazo une cérémonie religieuse 'à laquelle il
avait assisté.
•
,■ ' .
‘L a dame'Delzons, née Varsy, déclare n’être arrivée au Caire
que le o nivôse an 9 , et ori lui dit que la veille on avait conduit
Anne Nazo chez'le général/'à l’entrée de la nuit, sans cérémonie
ni f êt e; qu’il y eut unefête ensuite, mais pour le baptême de son
enfant, et qu’Anné Nazo y occupait la place de maîtresse de la
jnaison. Elle ajoute que cependant elle a ouï-dire que le jour
qu’Âiine Nazo!aVait été conduite chéz le g é n é r a l Destaing, il y
aOait eu une' cérémonie rèllgieuse qui avait été fa ite par le
patriarche d*Alexandrie, à laquelle peu de personnes avaient
assisté.
3
Jusque
�25
(
)
Jusque-là on voit que la dame Delzons se tient en mesure
pour ne dire que le moins possible. Mais le juge l’interroge sur
son opinion particulière, et elle termine par dire qu’ elle croit
qiùon regardait au Caire Anne Nazo comme épouse légitime
du sieur Destaing, et que pour e lle , elle la croyait fem m e du
général D estaing, et lui rendait les honneurs attachés à ce
titre.
La demoiselle Gronier, fille, à ce qu’il paraît, fort curieuse, et
qui n’oublie rien, dépose s’être trouvée à Lyon lorsque le général
I)estaing arriva d’Egypte : elle dîna avec lu i.L occasion de parler
de son mariage venait si naturellement, qu’elle ne la laissa pas
échapper. Elle ouvrit donc la conversation, comme c’était tout
simple, et parla de cette belle Grecque qu'il avait épousée, que
tout le monde le disait, que sa famille en était instruite, etc. L e
général, qui avait perdu en Orient l’habitude de cette locjuacité
d u se x e , lui r é p o n d i t seulement : E lle est passée cCuïi côté et
moi de Vautre. P u i s il se tut sans m is é r ic o r d e . M a i s la demoiselle
Gronier t i r a , à ce qu’elle dit, plusieurs conjectures du mouve
ment de ses doigts , quand il indiquait deux côtés1opptTsés ; e t ,
?ïie pouvant plus rien dire sur cefchapitre, elle p'arla suii?d’autres
'q u ’elle juge inutile Jd’être racontés.'Lofsqu’en'süfte la d'ame
Destaing f u t venue à Àurillac , la'demoiselle Gronier (par une
prescience du procès actuel), poussa le scrupule jusqu’à demander
à la dame Des laing s'il y avait des registres de mariage a u C a i r e ,
et la dame D e s t a i n g lui répondit encore qu’elle'croit avoir vu le
prêtre écrire dans un gros livre. Enfin, passant aux ouï-dires, la
demoiselle G r o n i e r a e n te n d u déclarer , par madame D e lz o n s,
femme du général, qu’Anne Nazo avait été mariée , e t q u e s o n
m a r i {le général D elzon s ) y é t a i t p r é s e n t . (V o ilà l’abrégé
de la déposition de la demoiselle Gronier, que les héritiers Destaing p ré te n d e n t leur être fort avantageuse).
Les deux témoins de Mauriac disent fort peu de choses, quoiqu ils fussent dans la maison du général, lors de son mariage.
L ’un était son palfrenier au Caire; le cuisinier lui dit qu’on
7
�(26),
avait mené une femme chez le général : et il n’en sait pas
d a v a n t a g e pour ce jour-là. Ensuite il a v u un grand repas où
ét ai ent le général Menou et tout Cétat-major. Cette femme y
était aussi, il l’a entendu appeler Madame Destaing.
L ’autre était un militaire travaillant comme menuisier chez le
général. On lui dit aussi qu’on menait une femme, et il courut
pour la regarder : mais il ne vit pas sa figure, parce qu'elle
était voilée; elle était accompagnée par une autre femme; et il
vit plusieurs esclaves de son escorte, restés dans la cour; alors,
craignant d’être aperçu, il se retira.
Il paraît que ce n’était pas pour ces détails-là qu’on avait
appelé ces témoins; mais, pour que leur témoignage ne fût pas
tout à fait inutile, les héritiers Destaing leur font demander s’ils
ont vu des m a r i a g e s e n E g y p t e . Tous deux déposent en avoir
vu un : la mariée était sous un d a i s , p r é c é d é e d e m u s i c i e n s
montés sur des chameaux.
Voilà en total le résultat des enquêtes; et on voit que l’en
quête contraire ne fait que confirmer pleinement l ’enquête
directe , loin de la détruire.
Aussi les héritiers Destaing, comprenant fort bien que, sous
ce point de vue, leur cause devenait insoutenable, ont-ils voulu
tourner tous leurs efforts du côté de l’acte civil du mariage.
En rendant compte de l’enquête de Paris et de Marseille,
on n’a pas dit qu’à chaque déposition les héritiers Destaing
faisaient expliquer les témoins sur la tenue des registres de
l’état civil en Egypte, quoique cet article fût exclu de la preuve
par l’arrêt de la Cour.
Mais plus cette partie était obscure, et plus les héritiers
Destaing y ont fondé d’espérances. Cependant ils n’ont eu rien
à y gagner dans les enquêtes; car si quelques témoins ont dit
qu’il existait des registres, c’est avec l’explication très-lumi
neuse de la différence des églises. Ainsi les héritiers Destaing
n’avaient encore rien éclairci qui ne leur fut contraire.
L e procès des héritiers Faultrier leur a fourni d’autres rest
�( 27 )
sources; ils ont su que cette famille avait fait venir du consul
d'Egypte des certificats sur la tenue des registres civils, et aussitôt
ils s’en sont procuré une copie légalisée à Metz.
Ces certificats émanent, à ce qu’ils disent, du préfet et du
patriarche des prêtres grecs catholiques, et du supérieur de la
mission.
La dame Destaing, qui n’avait jamais ouï parler au Caire
des personnes dénommées en ces certificats, et qui avait de
grandes raisons d’en suspecter la véracité, n’a eu à consulter
aucune personne plus sure et plus instruite que don Raphaël
Monachis, l ’ u n des témoins de son enquête , prêtre grec
catholique romain / appelé de l’Egypte par Sa Majesté Impériale
pour être professeur de langues orientales à la bibliothèque
impériale.
Don Monachis avait été envoyé d’Egypte à Rome pour faire
ses études. Revenu au couvent des Druses, sur le M ont-Liban
(résidence du seul patriarche grec, reconnu par l’église de Rome),
il reçut la mission d’aller au Caire, remplir les fonctions de curé
catholique, ou premier vicaire du patriarche grec catholique,
jusqu’à ce qu’il en eût obtenu la permission de venir en France.
Ce lettré a parfaitement expliqué aux conseils de la dame
Destaing l’équivoque que ces certificats pouvaient produire aux
yeux de ceux qui ignorent la différence qui existe entre les
prêtres latins ou catholiques, et les prêtres grecs schismatiques.
Les prêtres catholiques qui ont reçu de l’instruction tiennent
en Egypte des registres qu’ils signent pour eux seuls, parce que
l’Etat ne les reconnaît point, et encore cet usage est-il récent ;
mais les prêtres du schisme grec élevés dans le pays , et n’y
recevant aucune espèce d’instruction, ne tiennent jamais de
registres.
,
Voilà ce qu’a dit don Monachis dans une attestation notariée,
que les conseils de la dame Destaing ont désiré obtenir de lui
comme^garantie d’un simple fait historique, qui eût pu paraître
apocryphe dans la bouche d’une partie intéressée.
3
�(
2
8
)
C ’est ainsi qu’il fallait être en garde contre les embûches sans
cesse renaissantes des héritiers Destaing. Enfin ayant épuisé
toutes leurs ressources, il ne leur restait que celle de faire tomber
les enquêtes, et ils ont bien osé conclure devant le tribunal de
Mauriac à ce qu’il se désistât de Vinterlocutoire ordonné par
l ’arrêt de la Cour. Ils ont reproché les témoins de Marseille
comme transfuges et incapables de témoignage , et ils ont pré
tendu avoir prouvé qu’il existait des registres de mariage en
Egypte, d’où ils ont conclu que la dame Destaing ne pouvait
se dire épouse légitime tant qu’elle ne rapporterait pas l’acte
civil de son mariage. Et enfin ils ont demandé qu’elle res
tituât les objets à elle fournis pendant la tutelle de leur père ,
avec défenses à elle et à sa fille de porter le nom Destaing à
l ’avenir.
Ces derniers efforts de la chicane expirante ont eu le sort qu’ils
méritaient ; et, par un jugement du 14 août 1810 , parfaitement
m otivé, le tribunal de M auriac, convaincu de l’extrême évi
dence des preuves, a reconnu Anne Nazo pour épouse légitime
du général Destaing, et Marie Destaing pour l’enfant légitime
né de ce mariage.
La voie de l’appel était encore ouverte aux héritiers Destaing,
et ils ne l’ont pas négligée. Veulent-ils encore se venger de la
vérité par des outrages ? Mais il n’est plus tems de répéter un de
ces romans diffamatoires , dont l ’imagination fait tous les frais ;
qu’elle arrange avec art et prestige pour que l’incertitude soit
forcée d’hésiter entre le mensonge et la réalité. A u j o u r d ’h u i tout
ce qui s’est passé au Caire est connu ; les faits, les noms, les
qualités , les usages , sont constans ; la dame Destaing aurait
donc rigoureusement rempli sa tâche , en faisant un détail
exact de ce qui résulte d’un aussi long procès ; mais elle est
forcée de parcourir encore le cercle des objections dans les
quelles les héritiers Destaing ont semblé mettre encore un peu
de confiance.
�(
29.5
MOYENS.
Lorsqu’ un étranger se dit malheureux dans une patrie qui
n’est pas la sienne, les esprits durs ou superficiels sont quelque
fois disposés à lui reprocher d’avoir abandonné le sol qui l’a vu
naître; on scrute les causes de son émigration , on les voit rare
ment du meilleur côté, et on se roidit contre ses plaintes. C ’est
ainsi qu’une sorte de prévention nationale repousse l ’étranger
en réclamation jusqu’à ce que l’évidence de ses droits soit en
traînante, et alors l’indifférence même se sent portée à consoler
l ’être malheureux qui a eu tant de peine à iaire apercevoir la
vérité.
Mais si cette vérité est si lente, le vulgaire, dans sa curiosité
d’un moment, a-1-il toujours le tems de l’attendre? Avide de
tout ce qui rompt la monotonie de ses habitudes, l’esprit du
in o n d e s’e m p a r e des é v é n e m e n s e x t r a o r d in a i r e s p o u r les juger
avec la p r o m p t i t u d e qui c o n v ie n t à la mobilité de ses sensations.
Si l’art a mis quelque adresse à arranger une calomnie avec des
élémens merveilleux et tant soit peu vraisemblables , malheur à
la victime, car le monde a une prédilection marquée pour ce
qui s’éloigne du cours ordinaire des actions de la vie. Enfin le
tems ramène tout à la conviction et à la justice ; car lui seul est
la puissance capable de dévorer la calomnie et d’éteindre la
curiosité.
Cependant ce bienfait du tems n’est pas toujours un résultat
assuré. Le nuagede la calomnie est quelquefois tellement épais que
l’opinion ne cherche plus à le percer. Heureusement les magis
trats ne se décident point comme le vulgaire; fermant les yeux
au prestige qui pourrait les persuader sans les convaincre, dé
daignant les narrations intéressées qui pourraient les séduire, eux
seuls appellent le tems au secours de là vérité, et forcent l’opi
nion à proclamer qu’elle n’avait été crédule que par lassitude ou
indifférence.
�( 3o )
C ’est une grande consolation sans doute pour la dame Des*
taing, d’avoir pu prouver son état avec plus de clarté qu’elle
ne pouvait l’espérer à un aussi grand éloignement de sa patrie;
mais qu’elles ont été longues ces années de procès ! et qui jamais
la dédommagera de la cruelle anxiété où une ligue obstinée s’est
plu à la tenir depuis l’an n ? Le vaincu, n’en doutons pas, s’ap
plaudira encore intérieurement du mal réel qu’il aura fait, alors
même qu’il sera réduit à l’impuissance de l’agraver.
Cependant les hostilités n’ont point cessé encore; l’évidence ne
peut arracher aux héritiers Destaing l’aveu de leur conviction:
ils s’écrient encore qu’il n’y a point eu de mariage; que les en
quêtes doivent être rejetées, et qu’il faut des registres de l’état
c iv il, parce qu’ils disent avoir constaté leur existence.
Les enquêtes d o i v e n t être rejetées! Voilà bien le cri forcé d e
la crainte; et p o u r q u o i le se rai ent - el l e s , si la C o u r les a jugées
nécessaires ?
L a loi, disent les héritiers Destaing, ne s’oppose pas à ce que
le juge s’éloigne de son interlocutoire; cela est vrai, lorsque des
preuves écrites sont venues éclaircir ce qui était d’abord douteux.
Mais quelle lumière nouvelle ont donc apportée les héritiers Des
taing? q u e l le s p r e u v e s in a t t e n d u e s m o n t r e n t - il s de la fau sseté d u
mariage que tant de témoins attestent ? Aucune ; absolument
aucune : la cause est donc dans le même état qu’elle était lorsque
lai Cour a ordonné une preuve. Ainsi on ne peut comprendre
quel esprit de vertige les a poussés tout d’un coup à demander
à un tribunal de première instance le rejet d’un interlocutoire
ordonné par arrêt de'la Cour.
L ’arrêt subsiste, et il est pleinement exécuté : la preuve est
complète. Une foule de témoins du premier rang parlent de la
célébration du mariage et des fêtes données pour le rendre
plus solennel : les uns étaient témoins oculaires des fê te s , les
autres témoins oculaires de la célébration » d autres etaient in
vités et n’ont pu être présens à tout; d’autres enfin ont seulement
ouï attester la célébration ; mais cette attestation leur avait été
�( 3i )
-
donnée par des personnes -présentes qui n’ont pu être appelées
à l’enquête. Ce 11e sont point là de ces ouï-dires vagues dont
la source est inconnue , et qui ne méritent aucune confiance :
ajoutons les attestations de MM. les généraux Menou et Dupas,
et de tant d’autres témoignages précieux dont la dame Destaing
a été privée. Gomment la passion empêcherait-elle ses adversaires
eux-mêmes de convenir qu’il résulte de cet ensemble un corps
de preuves tellement parfait, que la mauvaise foi peut seule
feindre un doute qu’elle n’a pas?
On ne peut pas dire que ce corps de preuves soit altéré le
moins possible par les enquêtes contraires. I l fa u t dire plutôt
que ces enquêtes aident à la conviction ; elles indiquent ellesmê nés que le général D elzons * était présent à la célébration
d i mariage, et achèvent de démontrer combien l’opinion, sur la
légitimité de ce mariage, était certaine pour ceux-là même qui,
d a n s l’a r r a n g e m e n t de leu rs d é p o s i t i o n s , m a r q u a i e n t l a v o l o n t é
d ’être f a v o r a b l e s a u x h é r i t i e r s .D e s t a i n g .
Ils le comprennent parfaitement ; mais ils osent attaquer une
enquête enlière, pour la faire tomber en masse par la plus au
dacieuse des tentatives. L ’enquête de Marseille est composée
d’Egyptiens qui y habitent depuis le retour de l’armée ; et les
héritiers Destaing ont osé dire que ces transfuges élaient inca
pables de témoignage.
Cette injure irréfléchie pouvait-elle s’adresser à des individus
qui vivent depuis dix ans sur le sol Français, et avec des pen
sions du gouvernement? L ’Empereur a-t-il mis sur leur front
un sceau de réprobation qui les avilisse, lorsqu’au contraire il
leur accorde asile et protection? et cette protection auguste
ne les met-elle pas au pair des autres citoyens ?
Comment ont mérité cette dure qualification des hommes qui
*
Aujourd’hui indiqué par les héritiers Destaing comme ayant démenti
par écrit ce qu’il a dit à son père et à sa femme.
�(
3a
)
'
n’ont été coupables que d’attachement à la France? Vivant
sous un joug de fer en Egypte, à cause de la différence de
leur religion, ils avaient dû regarder les Français comme des
libérateurs, et s’étaient prononcés pour leur cause. Pouvaient-ils,
au départ de l’armée, se livrera la vengeance des Ottomans?
et la France n’acqiiitle-t-elle pas une dette sacrée en leur
donnant un asile? Elle ne leur a imposé aucune condition. Ils
étaient Français en Egypte : pourquoi ne le seraient-ils pas enFrance? Sont-ils donc des transfuges, ceux qui, séparés de leurs
familles, et accoutumés par des mœurs simples à l ’a mou r de la
-patrie *, pleurent encore l’Egypte où ils n'ont plus l’espoir d’aller
mourir?
Nos lois sont hospitalières, et on les calomnie. L ’art. i du
Code Nap. dit : que « l’étranger qui aura été admis par le gou« vemement à é t a b li r son d o m i c i l e en F r a n c e , y j o u i r a des
« droits c iv ils, tant qu’il continuera d’y résider ». Or, suivant
3
25
l ’art.
, on n’est incapable de porter témoignage que lorsqu’on
a été privé de ses droits civils. Une législation aussi claire
devait fermer la bouche aux héritiers Destaing, et épargner
aux Egyptiens, devenus Français, un reproche brutal, et d’autant
plus inutile à la c a u s e , que L’ a r r ê t de la Cour avait supposé ces
réfugiés capables de témoignage.
C e n’est pas tout encore pour les héritiers Destaing de récuser
par un moyen général tous les témoins d’une enquête; il en reste
*« Lorsque M. Maillet était consul au Caire, les Jésuites persuadèrent
« à la cour de France de faire venir à Paris dès enfans de Cophtes pour
« les élever aux collèges de Louis-le-Grand. On devait les instruire dans
« la fo i, et les renvoyer convertir leur nation schisinatique. A force d’ar« gent on obtint le consentement de quelques pères extrêmement pauvres:
« mais lorsqu’il fallut se séparer, la tendresse se réveilla dans toute sa
« force,, et ils aimèrent mieux retomber dans la misère que d’acheter ün
« état d’aisance par un sacrifice qui coûtait trop à leur cœur ». ( Savari,
sur l’Egypte, lettre 14).
un e
�33
(
)
une autre composée de généraux et d’hommes respectables, qui,
ayant la confiance du gouvernement, ont contenu les héritiers
Deslaing dans leurs apostrophes. '
Mais leurs ressources ne sont pas épuisées.
Nîî trouvant pas de témoins qui voulussent dire qu il n y avait
pas eu de mariage, les héritiers Destaing ont conçu lidée de se
faire écrire une lettre qui leur racontât de point en point, et ab
ovo, tout ce qui s’était passé au Caire , h Tarente, à L y o n , a
•Aurillac et à Paris.
Mais de quel nom se servir pou^r cette lettre? Ils n en ont pas
vu de plus convenable que celui du général Dèlzons., leur cousin,
ancien ami du général Destaing , qui certainement a tout vu ,
niais qui depuis l’an 10 avait gardé une neutralité dont aucune
des parties ne pouvait le blâmer.
C ’est de lui qu’on produit une lettre de six grandes pages, si peu
d’afccord avec la loyauté de ce militaire, q u ’ i l est difficile decioiie
à sa réalité. P l u s on la l i t , et p l u s on est convaincu que c’est une
véritable injure faite à ce général, de lui imputer un écrit pareil.
On lit dans cette lettre, datée du 17'janvier 1809 (e t qu’on a
signifiée comme pièce du procès ) ^ que M. Delzôns s’accuse
d’avoir introduit Anne 'Nazo dans l a ’ maison‘ du sieur Destaing
père, .après la mort du''général, pour reàewôir lès secours hospi
taliers dus au malheur ; mais qu’il est faui qU’il y ait eu aucun
mariage entr’elle et le général Destaing.
Cette lettre atteste qu’il n’y a eu entr’eux qu’wrc arrangement
oriental ou un mariage à tems
L ’auteur s’y rappelle parfaite*
Les enquêtes prouvent que les mariages
musulmans. L e
avec la femme
engagemens de
Mahomet, qui
à teins n’ont lieu qu entre les
Cadi vend une permission de vivre pendant un tems donné,
que l’on a choisie ; la police exige cette formalité : et les
ce genre sont en parfaite concordance avec la religion de
admet la pluralité des femmes. « Employez vos richesses à
« vous procurer des épouses chastes et vertueuses. Donnez la dot promise
« suivant la loi. Cet engagement accompli, tous les accords que vous ferez
« ensemble, seront licites ». ( K o r a n , ch. 4, v. 29).
9
�(
34 )
ment du jou r et de Y heure ou Anne Nazo est entrée chez le gé
néral D e s t a i n g , et du jour de sa sortie (au bout de dix ans).
P u i s v i e n t une plaidoierie en forme sur le résullat des ordres du
jour de larmee, relativement a la tenue des registres prescrits
aux commissaires des guerres. Tout y est avec ses dates et des
exemples. La lettre est terminée par un'démenti formel au cer
tificat du général en chef Menou, p o u r avoir dit que lui Menou
avait assisté au mariage, et que tout s'était passé avec la plus
grande régularité, sous les rapports civils .et religieux.
Non ,1111 général français n’a point écrit cette lettre; on abuse
de son nom pour tromper la Cour.
'
Un général français n’a point démenti son chef, qui a donné
un certificat au nom de la vérité et de Vhonneur. Il n’eût point
attendu la mort de ce chef, pour faire à ses mânes la plus san
glante des injures.
Non , le général Delzons n’a point écrit qu’il n’y avait eu
qu’un arrangement oriental fait avec l ’accord des parens Nazo;
lorsque vingt-cinq témoins disent le contraire, lorsque M. Del
zons, son père, a déposé que LE GÉNÉRAL D e l z o n s , SON FILS ,
lui
avait
dit
qu'il y avait eu une cérémonie religieuse,
A L A Q U E L L E IL A V A I T
A S S I S T É ; l o rs q ue F r a n ç o i s e
Gronier a
déposé que madame Delzons ¡fem m e du général, lui avait dit
qu'A nne Nazo avait été\mariée avec le général D estaing, et
QUE SON MARI Y ÉTAI T PRÉSENT.
L e général Delzons a encore moins écrit qu’il s’accusait
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison de son beau-père-,
à A u rilla c , pour recevoir des secours hospitaliers ; ca rie gé
néral Delzons est membre du. conseil de fa m ille , du messidor
an io , qui défère à l’aïeul la tutelle de Maria Destaing, comme
5
fille légitime de son fils.
C’est dans ce procès-verbal que le général Delzons a dit la
vérité ; là il a écrit et signé que le général Destaing a laissé
une f i l l e lég itim e provenant de son mariage avec A n n e Nazo.
Voilà seulement ce que le général Delzons a dit en présence
�(.35
)
de la justice et d’une famille entière; et cela est incompatible
avec ce qu’on suppose émané de lui, après dix ans de neutralité
et d'un oubli inévitable des faits , des dates et des détails. La
lettre qu’on lui attribue n’est donc qu’une injure farte à la loyauté
de ce général, qui la désavouerait, n’en doutons pas, s’il était
instruit qu’ôn abuse ainsi de son nom.
Mais c’est trop s’arrêter à une'pièce qui n’est au procès que
pour attester que les héritiers Destaing emploient toutes sortes
de voies pour calomnier et persuader ; comme s’ils s’attendaient
que la Cour , après avoir rejeté une masse d’attestations authen
tiques, aura plutôt confiance dans le certificat intéressé, informe
ét isolé, fait sous le nom d’un parent qui luî-même avait attesté
légalement le contraire de ce qu’on lui fait dire.
Les enquêtes restent donc dans toute leur force, et il 'serait
superilu de s’y appesantir : léur simple 'lecture’'opère u n e c o n
v ic tio n t e lle m e n t e n tr a în a n te , que le s c o m m e n t e r s¿irait les
a ffa ib lir .
. r
~ C’est à ces enquêtes seules que la Cour a réduit toute la cause,
en modifiant l’interlocutoire ordonné parles premiers juges, qui
avaient exigé cle plusda‘ preuve de Peiisi'étlce ou non existence
f
1
des registres de l’état civil au greffe.- ï il0a
' u '
1 r:
' Cependant les héritiers Destaing se confient'encore dans cette
partie de'-leurs objections.*-Ils n'ont pas perdu l’espoir de faire
adopter par la Cour ce qu’elle a rejeté, et ils veulent astreindre
la dame Destaing à rapporter un acte de mariage tiré des registres
de l’état civil.
”v - - 1 f; •1 ,)li 11 ‘
Car, disent-ils, il existe des registres en Egypte : nous le
prouvons à l’aide dés certificats délivrés aux héritiers Faultrier.
D ’ailleurs les ordres du jour’ de l’armée exigeaient que tous les
actes fussent reçus par les commissaires des guerres, pour être
valables; vous avez dû vous y conformer.
'
Que sont les ordres du jour de l’an 6 et de l ’an 7? Leur'début
( Varmée est prévenue, etc. éprouve seul qu’il ne s’agissait pas'
d’une loi générale pour l’Egypte. Et comment oser sans ridicule"
10
�(
36
)
supposer que la légitimité des mariages et le sort d'une'province
a u r o n t été réglés au son du tambour par une proclamation faite
s u r une place d’armes, vraisemblablement fort peu fréquentée
des indigènes?
Qu’on ouvre les journaux du tems, et ils apprendront que
l’Einpereur allant vaincre comme César, laissait au vaincu ses
lois, ses usages et sa croyance ; parlant du Christ aux Grecs , et
du Dieu de Jacob aux Musulmans, tout, excepté son épée,
été concorde et tolérance.
Ses successeurs ont suivi son exemple et ses ordres. « Nous
« avons respecté, dirent-ils aux Egyptiens, en se préparant à
« les quitter, vos mœurs, vos lo is } vos usages.. . . » Et le
Divan du Caire a remercié officiellement le premier Consul, en
l’an 9, de ce respect poux* les mœurs de l’Egypte, en lui expri
m ant, avec l’élévation orientale , une juste reconnaissance.
Des ordres du jour n’ont donc pas été une Joi générale, faite
pour changer les habitudes de l’Egypte sur la forme des ma
riages. C ’est, au reste , ce qu’a expressément jugé l’arrêt de cas
sation des héritiers Faultrier , et ce qu’avait déjà préjugé la Cour
en n’exigeant de la dame Destaing que la preuve de son mariage
suivant les formes de son pays. .
,
Que sont encore ces certificats, égyptiens présentés par les hé
a
ritiers Faultrier, et que les héritiers Destaing s’approprient ? Il
suffirait de leur répondre que ces copies sont dans le procès actuel
une pièce étrangère, et que n’étant pas prises sur l’original, dans
lus formes légales, elles ne peuvent faire aucune foi en justice ,
suivant l’article i
du Code Napoléon.
Qu’a de commun le procès de îa Géorgienne Népliis (achetée
comme esclave par le général Faultrier, présentée, à la vérité,
à Metz , comme son épouse, mais méconnue aussitôt qu’il fut
mort), avec le procès d’Anne Nazo, appelée en France par son
époux, reçue, accueillie par sa famille, après sa mort, et ayant
eu une possession d’état légale et publique, consignée dans les
registres judiciaires et dans ceux de la maison impériale ?
336
�_ ( 37 )
Mais admettons ces certificats comme sincères et authentiques ,
tout prouve que ceux qui ont cherché à se les procurer n’ont
voulu que surprendre la justice par une équivoque.
On sait que toutes les religions sont tolérées dans les états du
Grand-Seigneur, quoique l’islamisme y soit la religion domi
nante. On sait encore que Mahomet I I , vainqueur de Constantinople, jura de respecter le christianisme; et ses successeurs
ont gardé son serment.
'
A la vérité, un serment de fidélité et un tribut fort onéreux
sont exigés des évêques et des patriarches ; h cela près rien ne
s’oppose à ce que les prêtres latins, grecs et arméniens, exercent
leur culte publiquement dans les états du Grand-Seigneur; e l
les minarets seuls y distinguent les mosquées des églises chré
tiennes.
L ’Egypte, l’un des berceaux du christianisme , l’un des pre
miers asiles des fidèles persécutés, n ’a v a it point échappé au
schisme des Grecs , et toute tolérance cessa quand celle secte
se sentir assez forte pour disputer de domination; l’église latine
fut long-tems proscrite par les Grecs , mais sans perdre jamais
l’espoir de ramener ses enfans égarés à l’unité religieuse. De
tout tems la cour de Rome a entretenu dans ces déserts de laJ
Thébaïde, si grands en souvenirs, des prêtres catholiques qui,
semblables aux persécutés de toutes les révolulions religieuses,
conservaient le feu sacré de la foi pour des lems pins prospères.
C ’est ainsi que sur la montagne des Druses, dans la chaîne du
Mont-Liban , de pieux ecclésiastiques, soumis à tous les dogmes
de l’Eglise romaine, et sous son obédience, se répandent dans
les villes de l’Egypte, soit sous le titre de missionnaires, soit
sous le titre de curés 3 ou tout autre caractère qui leur est donné
par leur chef.
Ce chef est connu parmi eux sous le nom de Patriarche
d’Alexandrie, non pas celui qui, prêtant serment de fidélité au
Grand-Seigneur, se regarde comme indépendant de Rome , et
�(38
)
de l ’Eglise d’Orient , mais un patriarche dépen
dant du Pape, et vivant dans l'unité de l’église catholique.
Maintenant, il faut rappeler que la daine Destaing n’est pas
née dans la religion grecque la tin e, mais dans celle connue en
France sous le nom de schismaliquegrecque. Le patriarche grec
et les prêtres ou papas, exerçant le culte public grec au Caire,
sont donc les seuls qui eussent pu donner des attestations dignes
de foi sur le rit de leur église.
Mais ce n’est pas d’eux qu’on rapporte des certificats ; il paraît
que les héritiers Faultrier en ont demandé aux prêtres latins. Cela
était indifférent dans leur cause ; car l ’arrêt de Metz , du
fé
vrier i o , confirmé par la Cour de cassation, exigeait seule
ment un acte de notoriété des prêtres de la religion chrétienne
grecque ou romaine , établis à Gizé. Et en effet, on ne voit pas
si Néphis David a prétendu avoir- été mariée à Gizé par un
prêtre du schisme grec. Peut-être aussi a-t-elle de son côté rap
porté un acte de notoriété de l ’église schismalique grecque y
pour satisfaire à l’arrêt de Metz. Mais on ignore pleinement les
détails-de son procès et le genre de sa défense.
Quoi qu’il en soit, les héritiers Destaing se sont emparés des
certificats donnés aux héritiers Faultrier. Voyons maintenant
ce qu’ils disent. Le premier est ainsi conçu :
•.
.
*
« Je soussigné, Préfet des prêtres grecs catholiques , en
« Egypte, déclare que tous les mariages qui sont célébrés, soit
« par m oi, soit par les prêtres grecs catholiques qui sont sous
« ma dépendance, sont inscrits sur un registre, etc., écrit par
« le père Constantin H adad, vicaire de Son Eminence le
« Patriarche grec en Egypte. Au Caire, le 7 du mois eclibat
chef suprême
83
25
« ( 7 février 1809 ).
Le suivant atteste qu’il n’a pas trouvé dans les archives de
son église le mariage du général Faultrier. Il est signé : Benediclus de JXledicina, missionnaire apostolique, curé et vicaire
sup ci leur de la mission d’Egypte• A u Caire, le 20 février 1809,
�3
( 9 )
Ces deux certificats sont de l a ’main même de ces ecclesias
tiques. Le premier est en arabe, et le second en latin : ils sont
traduits par un interprète du Consul de France.
Le troisième n’a aucune signature, ni même le nom du certJicateur. II consiste à dire qu’aucun prêtre de notre dépendance
ne peut célébrer de mariage entre des personnes de différentes
religions. Il ajoute que si le mariage est fait entre des personnes
de la même religion, il faut la permission du patriarche, et on
l’inscrit sur un registre.
k L ’original de cette pièce est en italien ( ce qui est fort éton
nant ). La copie produite par les héritiers Destaing commence
ainsi : « I l y a en tête une ligne de caractères majuscules en
« arabe ou cophte ». A la fin du certificat , on dit : « Suivent
« des signatures en caractères étrangers ». Puis le Consul fran
çais ajoute que ces signatures sont celles du patriarche grec et
du prêtre à qui les registres sont confiés.
S’il fallait met Ire plus d’importance à ce dernier certificat, on
se,demanderait pourquoi les premiers sont donnés au C a ire,
l e ........, et celui-ci en Egypte , l e ..........? Pourquoi celui-ci est
fait en italien , dans une langue que les signataires 11’enlendaient pas ? Et pourquoi enfin le secrétaire interprète du Con
sulat , qui a fort bien traduit de Varabe le certificat du père
Constantin Hadad, n’a pas su dire la valeur des mots composant
les signatures et l’intitulé du troisième acte, et n’a pas même
compris si tout cela était arabe ou cophte?
Quelle foi ajouter à un certificat où celui qui écrit la pë'nsée
d’un autre ne parle pas la même langue que le signataire, et où
le traducteur se contente de dire que les signatures sont en ca
ractères étrangers ?
Il fallait qu’on demandai aussi à ces prêtres latins si les re
gistres qu’ils tiennent sont des actes de l’état civil, dans une
contrée régie par les lois turques; ils auraient répondu que de
pauvres prêtres, soutenus par leur zele, au milieu de la bar-
�(
4°
)
barie et des obstacles, n’aspirent qu’à la propagation de la foi,
et tiennent de simples notes pour reconnaître le petit nombre cîe
prosélytes que l’JEglise de Rome a conservés dans cette terre de
persécution *.
Mais , dans cet entassement de bizarreries , il ne faut pas s’oc
cuper des détails et des objections sans nombre q u i s’élèveraient
contre la forme de ces actes ; il suffit de reconnaître qu’ils ne sont
pas émanés des prêtres de la religion de la dame Destaing, et
alors on n’a pas pu les lui opposer.
Les prêtres de sa religion n’ont donné aucun certificat. Com
ment le pourraient-ils ? Il est constant qu’ ils ne tiennent aucun
registre ; leur éducation ne se fait pas en Europe; on les instruit
des dogmes de leur foi ; Je patriarche les ordonne prêtres ou
papas, sans exiger d’eux d’autre instruction; à peine quelques-
*
Les missionaires de Rome n’ont jamais cessé clans ces parties du monde
de s’employer à faire des prosélytes; en conséquence, ils ont fondé avec
beaucoup de peine et à grands frais, parmi ces sectes, des sociétés qui ont
reconnu la doctrine et la juridiction du Pape. On sait que parmi les Grecs
qui vivent sous l’empire Turc , plusieurs ont embrassé la foi et la discipline
de l’église latine, et sont g ouver nés par des prêtres et évêques de leur
nation, mais confirmés par le pape. Il y a à Rome un collège exprès, fondé
dans la vue de faire des conversions parmi les Grecs, et d’ajouter de nou
veaux sujets à l’église romaine. On y élève un certain nombre d’étudians
Grecs. (Histoire de l’Eglise, par Mosheiin , tonie , page 272.)
5
Rien ne caractérise plus la religion des Grecs que leur aversion invincible
pour l’église de R o m e , qui a fait échouer jusqu’à présent toutes les ten
tatives du saint-siège et de ses nombreux missionnaires, pour les réunir
aux Latins. Il est vrai que les docteurs romains ont fondé quelques églises
dans l’Archipel : mais ces églises sont pauvres et peu considérables; et les
Grecs ou les T u r c s , leurs maîtres, ne veulent pas permettre aux mission
naires de Rome de s’ étendre davantage. ( lb ld . page 260.)
Etat de l'E glise Grecque , par Cow el , tome i . or, page irsS.
'Lettres Edifiantes , tonie 10 , page 828.
uns
�u o
uns savent écrire, suivant le témoignage de tons les voyageurs *.
Il n y a de lettrés parmi eux.que les prêtres latins, qui n’ont
qu une portion très-exiguë du peuple attachée à leur croyance,
et q u i, perpétuellement poursuivis par la haîne des G recs, et
osant a peine faire des prosélytes **, ne se soutiennent que par
leur zèle et par la pitié des Francs, mais sont à peiné connus pour
prêtres par les Egyptiens, parmi lesquels ils vivent.
Mais il est impossible de mieux expliquer cette partie de la
cause , que ne l’a fait don Monachis dans son attestation , qui
perdrait beaucoup d’être simplemont extraite, et qui ne peut
que jeter le plus grand jour sur la seule objection dans laquelle
les héritiers Destaing semblent placer leur dernière confiance.
(
« Par-devant M .e Massé et son confrère, notaires impériaux
« à Paris, soussignés, est comparu Don Raphaël de Monachis,
« ancien premier curé g r e c c a t h o l i q u e r o m a i n au grand C a i r e ,
« en Egypte, ou p rem ier v ica ir e de so n é m in e n ce le p a tria rch e
« g r e c c a th o liq u e r o m a i n , résidant au couvent de St.-Sauveur
*
« Que voyait-on dans cette terre natale des sciences et des arts? Tout
ce qu’on voit chez presque tous les peuples esclaves : un clergé superstitieux
et ignorant, etc. ( Coray. Mém. sur l ’ ètcit de la civilisation, des Grecs).
« Par-tout domine encore un clergé ignorant....... L e couvent de Neamoni
nourrit plus de o moines, dont 4 ou disent la messe j pas un seul ne sait
l ’ancien grec, et une douzaine au plus savent lire et écrire le grec moderne...
A u couvent de Megaspision , leur ignorance surpasse encore, s’il est possible 3
celle des moines de Neamoni. Je doute qu’il s’en trouvât 4 ou ( s u r o o ) ,
sachant lire et écrire ». (Bartholdi, Voyage en Grèce , en i o , t. 2).
45
5
5
83
3
** « L e clergé grec ne cesse d’exciter le peuple à la haîne des autres reli
gions, et sur-tout de la catholique romaine........ La haîne des Grecs et des
Romains est si forte dans plusieurs île s , que tous moyens leur sont bons pour
se nuire. M. de P a w est très-fondé à avancer que le premier usage , que
les Grecs ne manqueraient pas de faire de leur liberté, serait d’allumer une
guerre de religion........ Il est interdit aux Romains de faire des prosélytes''
parmi les Grecs, au lieu q u e ceux-ci peuvent en faire parmi les Romains.
( Ibid. tom. 2. )
11
�C 42 )
« sur la m o n t a g n e des Druses , dans le Mont-Liban , ancien
« m e m b r e du Divan et de l’institut d’Egypte, actuellement
« professeur de langues orientales à la bibliothèque impériale,
« à Paris, y demeurant, rue du Chantre, n.° 24,
« Lequel} sur l’invitation de madame Nazo, veuve du général
.« Destaing, et après avoir pris lecture de la copie de trois cer« tificats qui paraissent avoir été délivrés au Caire par des prêtres
« grecs catholiques romains, les 7 , 10 et 20 février 1809, con« cernant le mariage du général Faultrier avec une Géorgienne ,
« et pour faire cesser les doutes et les erreurs qui pourraient
« résulter desdits certificats,
« A fait l’exposé des faits suivans :
« Avant le concile de Florence, les églises orientales étaient
cc réunies par la foi, et soumises à l’église de Rome, dite église
« occidentale. Mais après le c o n c i l e , les d e u x églises orientale
« et occidentale furent divisées, faute de se trouver d’accord
« sur cinq dogmes de la foi, dont l’un était de reconnaître le
cc Pape comme chef suprême de toute l’église chrétienne ; en
cc conséquence, les quatre patriarches de Constantinople, d’An« tioche, d’Alexandrie et de Jérusalem se séparèrent du saint« siège de R o m e , qui les c onsi déra et les consi dère encore
a comme schismatiques. De cette nouvelle secte s’en sont formées
cc d ’autres, telles que les hérétiques, mais qui sont demeurés
te en plus petit nombre que les schismatiques.
cc Depuis environ 1 2 0 ans, un archevêque de Damas, grec
cc schismatique, ramené a la foi par un Jésuite, renonça au
cc schisme, et rentra dans la religion grecque catholique romaine;
cc mais ne pouvant pas rester à Damas, à cause des persécutions
cc des grecs schismatiques , il se retira sur la montagne des
« Druses, dans le M ont-L iban, avec une suite de quelques
« prêtres de la même opinion que lui. Us s’y établirent sous la
« protection des Français qui se trouvaient en grand nombre
cc dans les villes.de T y r et de Sidon. Alors le Pape Innocent X I ,
cc sur la demande des peuples qui avaient embrassé la foi, le
�43
(
)
« nomma patriarche par intérim ( c ’est-à-dire, jusqu’à ce que
« quatre sièges d’Orient , ou l’un d’e u x , fussent revenus à la
« foi), de tous les Grecs catholiques romains qui se trouvaient
cc répandus en Orient dans les pays occupés par les Grecs
« schismatiques.
« Depuis cette époque, le patriarche de tous les Grecs catho« tiques romains a résidé et réside encore au couvent Saint« Sauveur, sur la montagne des Druses.
« L e déclarant, au sortir des collèges de Rom e, ou il a fait
« ses études, fut envoyé au couvent de Saint - Sauveur , pour y
« être ordonné prêtre par le patriarche de son rit. Après y être
« resté quelque tems, il fut envoyé dans la ville du grand Caire,
« par son éminence le patriarche A gapius Matac> qui existait
« alors, et qui vraisemblablement existe encore aujourd’hui,
« pour y remplir les fonctions de premier curé, ou premier
« vicaire du patriarche, en Egypte.
« Avant son d é p a r t , il r e ç u t l ’o r d r e du p a t r i a r c h e de se con« former à l’usage des Européens, en tenant des registres pour
« constater les naissances, mariages et décès; en conséquence
« de ces ordres, le déclarant fut le premier qui commença ces
<c registres en Egypte, pour constater l’état des Grecs catholiques,
« et les lit tenir par les cinq prêtres grecs catholiques, sous ses
« ordres, qui sont les seuls qui existent au Caire pour le rit
« grec catholique romain.
« Les actes étaient de simples notes signées du curé , et
« jamais par les parties.
« Le déclarant exerça les fonctions de premier vicaire jusqu’à
a son départ de l ’Egypte pour la France, où il fut appelé par
« le premier Consul, par l’intermédiaire du général Sébastiani,
« et d’où il n’est parti qu’avec permission de son patriarche.
« Après son départ, il fut remplacé par le père Jean Nassere;
« et celui-ci, depuis décédé, a été remplacé par Constantin
« Iladad, qui exerce encore aujourd’hui les fonctions de prê
te mier curé de l’Egypte, ou premier vicaire de son éminence
J2
�(
44
)
« le patriarche grec catholique , résidant à la montagne des
« Druses ; l e q u e l Constantin Hadad a délivré les certificats ci« dessus mentionnés.
« En conséquence, Don Raphaël déclare que Constantin
« Hadad, son successeur, n’a déclaré que la vérité, en certifiant
« qu’il est tenu des registres de l’état civ il, au Caire, par les
« prêtres grecs catholiques , sous ses ordres : mais qu’il faut
« bien disiinguer de ceux-ci, qui sont en petit nombre, les grecs
« schismatiques, qui sont bien plus nombreux, et dans la re« ligion desquels la dame Destaing a été mariée par le patriarche
« qui réside à Alexandrie.
« Qu’à l’égard des Grecs schismatiques et de toutes les autres
« sectes qui sont sorties de celle-là, ils n'ont jam ais tenu de re
ts. gis très de naissances, mariages et décès, en Egypte; et que
« la raison s’en tire naturellement de l e u r défaut d’instruction
« qui ne se trouve pas chez les Grecs catholiques , dont les
« prêtres, en partie, font leurs études à Rome.
« Laquelle déclaration mondit Don Raphaël de Monachis a
« affirmée sincère et véritable, pour servir et valoir ce que de
« raison ».
« F a i t et passé à P a r i s , e t c . , etc. ».
Il est donc prouvé, jusqu’à l’évidence, que la validité des
mariages des Grecs, en Egypte, ne dépend pas de leur inscrip
tion sur un registre civil, parce que ces registres n’existent pas
en Egypte comme en Europe : aucun voyageur ne dit que cette
formalité y ait lieu ; au contraire , M. le sénateur comte de
Yolney, dans l’ouvrage qui lui a fait une si grande réputation
littéraire, et qui sera le modèle perpétuel des voyages, atteste
la répugnance des Turcs pour les dénombremens de population
dans les états de leur obéissance*.
*O u
souvent des questions sur la population du Caire., Si l’on veut
en croire le douanier Antoine Faraoun, cité par le baron de T o t t , elle
�4
'
(
& )
A quoi tient donc cette obstination des héritiers Destaing, à
ne vouloir reconnaître la dame Destaing comme mariée 7 que
si elle rapporte une preuve écrite et légale de son mariage?
Que d’exclamations on eût faites, si elle se fût présentée avec un
acte de mariage pour elle, et un acte de naissance pour sa fille.
iVoyez, eût-on dit, cette Grecque artificieuse, qui, pour s’intro
duire dans une famille étrangère, a pris la précaution insolite de
se munir de pièces impossibles à vérifier, et qu’elle a évidemment
fabriquées en Afrique ou au milieu de *Archipel !
Eh bien ! la dame Destaing n’avait ni médité des artifices ni
prévu les machinations insidieuses , desquelles elle aurait à se
défendre, Partie du Caire par ordre de son époux , changeant de
patrie pour suivre sa destinée, c’est pour lui seul qu’elle avait
souffert, c’est de lui qu’elle attendait des consolations. Son époux,
sa fille, étaient pour elle ses pénates et son avenir : avait-elle
donc des preuves ù chercher pour des êlres qu’elle ne connais
sait pas ?
La dame Destaing a toujours été si rassurée sur son état et
celui de sa fille, qu’elle n’avait pas même fait des démarches
pour rechercher à Céphalonie si le baptême de sa fille avait été
constaté ; et il y avait d’autant plus lieu de le croire ainsi, que
cette île européenne devait avoir un clergé grec plus éclairé que
celui de l’Egypte.
Mais les recherches de ses ennemis allaient faire pour elle des
tentatives dont le but uniforme était toujours de lui opposer une
1
approche de 700,000 âmes y compris Boulâq , faubourg et port détaché
de la ville : mais tous les calculs de population, en Turquie, sont arbi
traires, parce qu’ on n’ y tient point de registres de naissances , de
morts ou de mariages. Les Musulmans ont même des préjugés supersti
tieux contre les dénombremens. Les seuls chrétiens pourraient être recensés
au moyen des billets de leur capitation. ( Voyage en Egypte et en S y rie,
3
par M. de V o ln e y , 4.« é d itio n , 1807, tome i . cr /?. ao . )
�(
46
)
tenue des registres avec laquelle on croyait la confondre, si le
baptême de sa fille ne s’y trouvait pas.
Pendant que les députés des îles ioniennes étaient à Paris,
madame Destaing reçut l’acte qui suit :
,
,
« Du douze novembre dix-huit cent sep t à A r g o s to li île
« de C éphalonie , sont comparus, par-devant nous notaire sous« signé, le révérendissime papas, M. A n dréM azarachi d ’A n « z o lo , desservant de l’église solitaire de Saint-Constantin , qui
« est dans le voisinage et sur la rive dépendante des villages
« d’A d ilin a ta et iïA r g a ta , situés dans l’île de Céphalonie, et
« M. Jean L a v ra n g a , lequel prêtre sus-nommé a baptisé , en
« Vannée dix-huit cent deux au mois de ja n v ie r , ne se sou«t venant pas en quel jour du mois, un enfant du sexe féminin}
« fille de madame A n n e Nazo et du général D esta in g , laquelle ,
« suivant la déclaration faite, à lui prêtre comparant, par les sus« nommés, était née de légitime mariage, et a été nommée Marie y
« et elle a été tenue sur les fonds de baptême par M. Jean
« Lavranga et le capitaine Siffi, Fanchiote, lequel ne se trouve
r« pas présentement dans cette île; le présent sera affirmé avec
« serment p a r les susdits p r e tre et s ie u r L a v r a n g a ; ils déclarent
« en outre que, dans cette église, située dans ce lieu solitaire,
« on ne tient poin t de registres baptistaires ni mortuaires. La
,
« présente est donnée pour rendre témoignage à la vérité ; et les
« comparans se ressouviennent parfaitement d’avoir administré
« le sacrement susdit, ce qu’ils affirment comme témoins.
« Signé A n d ré M azarachi , prêtre, j’affirme avec serment;
Jean Lavranga , j’affirme avec serment; Jean Ç lin si , témoin;
« Spire Cacurato , témoin ; D im itri Caruso , notaire. A la
« suite du présent original est une traduction italienne, signee
« Dimitri Caruso, notaire; et une légalisation en même langue,
«
“ dont la traduction suit :
« E m p i r e F r a n ç a i s . — Son Excellence Savio A n n in o ,
�47
(
)
« administrateur du gouvernement de Céphalonie,' certifie que
« le susdit M. Garuso, notaire public, est tel qu’il se qualifie,
« et que l’on peut avoir pleine et entière foi à ses signatures.
« Donné en l’administration de Céphalonie, le dix-neuf novembre
« mil huit cent sept. Signé Savio ¿Lnnino, administrateur; et
« Jedn-Baptiste Tipaldo Pretteiulavi, chef de bureau »,
Cet acte fut présenté à M. Marino M aiura, principal député
des îles ioniennes , q u i , au grand étonnement de Madame
Destaing, lui apprit que c’était lui-même qui avait fait rediger
cet acte de baptême, à la demande de l’un des aides-de - camp
de M. le maréchal Marmont, qui le réclamait de la part de
M. le général D elzons (employé en Dalmatie).
L a famille Destaing, qui faisait rechercher ce fait aussi loin,
9n’en a plus fait usage lorsque le renseignement a été contraire à
■ses prétentions.
Et peut-être l’honnête ecclésiastique , .informé par ces re
cherches des vexations suscitées à une malheureuse étrangère, se
sera fait un devoir de charité chrétienne de fui envoyer cet acte,
• de son propre mouvement, pour rendre hommage à la vérité.
L e tribunal de la Seine a ordonné, par jugement du juillet
1809 , que.cet acte serait transcrit>dans les registres de l’état civil
de Paris, pour servir d’acte de naissance à Maria Destaing.
C’est'ainsi que ce qui était sollicité pour nuire à la dame
Destaing n’a été utile qu’à elle.
Mais continuons l'a réfutation des objections que continuent de
lui faire les héritiers Destaing:.
Il est impossible, disent-ils, de croire au mariage d’un général
français qui n’a pas été célébré de la même manière que ceux
de ses frères d’armes. O r, les mariages des généraux Delzons,
Lantin, Menou et Bonne-Carrère ont été reçus par des com
missaires des g u e r r e s . Telle était donc la forme, et pourquoi
Anne Nazo ne l’a-t-elle pas suivie? pourquoi, au moins, n’y
5
\
�48
(
)
a-t-il pas été accompagné des fêtes d’usage, dans les rues du
Caire ?
Les généraux Delzons, Lantin et Bonne-Carrère épousaient
les demoiselles Varsy, filles d’un ancien négociant français,
établi à Rosette, ville presque européenne à cause de son com
merce. L à , certainement, un catholique, mariant ses trois filles
avec des Français, devait se soumettre aux lois françaises, et ne
devait aller chercher ni le C a d i, ni les prêtres d’une autre re
ligion. Aussi ne dit-on pas un mot de la cérémonie religieuse
de ces trois mariages qui a dû être faite par un prêtre catholique,
ou régularisé en France au retour de la famille Varsy.
Le général Menou épousait une musulmane : son mariage
a d u etre lait devant le C a d i. Son épouse d u t être promenée dans
les rues sous \in d a i s , e n t o u r é e d e ses parens et de ses esclaves,
au son des instrumens. C a r tel est l ’ u s a g e à l ’é g a r d des m a r i a g e s
musulmans *, qui, dans la religion dominante, ont seulsle pri
vilège de l’éclat et de la publicité.
Mais Anne Nazo, de religion grecque, mariée à un Européen,
de religion laline ou romaine , n’avait pas le droit d’en rendre
la c é r é m o n ie p u b l i q u e , ni par des fêtes religieuses, ni par
aucune in s c r ip tio n d a n s des registres, ni p a r u n e promenade
dans les rues, sous un dais, comme les Musulmans.
C ’était bien assez que sa famille eût vaincu à cet égard les
préjugés de sa nation, en la donnant à un Européen, à un catho-
*
«C ’est ordinairement le soir que la marche commence î des baladins
la précèdent; de nombreux esclaves étalent aux yeux du peuple les effets,
les bijoux destinés à Pusage de la mariée ; des troupes de danseurs s’avancent
eu cadence au son des instrumens ; la jeune épouse paraît sous un dais
porté par quatre esclaves; un voile la couvre entièrement; une longue
suite de flambeaux éclaire le cortège ; de tems en tems des chœurs de
Turcs chantent des couplets à la louange des nouveaux époux». ( Savari,
tome 3 , lettre 3 ) .
'
'
lique
�liqne romain, à un militaire * ; la famille Nazo avait ail moins
dicté la loi sur le point principal, en exigeant que la célébration
fût faite avec les cérémonies du rit grec.
On demande ensuite à la dame Destaing pourquoi son mariage
a été fait sans contra t. Mais en France même il n’est nécessaire
que quand il y a des intérêts à régler. En fallait-il plutôt en
Egypte où le Koran est le Gode universel et supplée à tout. L e
général Destaing allait s’allier à une famille opulente. Qu’avait-il
en échange à offrir? Sa fortune dépendait de son épée. Ses revenus
étaient fondés sur la loi du plus fort. Dans un pays où l ’industrie
et le commerce sont tout, des chances aussi frêles ne présentaient
à la famille Nazo rien que de fort aléatoire.
On se plaît à représenter les Nazo comme une famille sans
fortune et sans considération, et Joanni Nazo comme un aven
turier de la lie du peuple. Sur tout cela les héritiers Destaing
o n t b e a u je u d e m e n t i r , m a i n t e n a n t q u e le p lu s l iq u i d e de la
f o r t u n e N a z o est da n s le u r s m a in s . M a i s les témoins ne donnent
p a s d ’e u x l’idée qu’on veut en suggérer. On voit dans les enquêtes
que Joanni Nazo, à l’occasion de son mariage avec Sophie Misck ,
dépensa o,obo écus.
5
On se plaît encore à jeter du ridicule sur ce que la mère d’Anne
Nazo répudia Barlhélemi pour épouser Joanni Nazo ; et là-dessus
on se récrie sur de telles mœurs, comme si une famille africaine
avait dû prévoir qu’il faudrait rougir de ce qui est toléré dans sa
nation , et s’en justifier un jour aux yeux des sieurs et demoiselle
Destaing, d’Aurillac.
Si la prétention des Européens est de blâmer ce qu’ils blâment,
et de louer ce qu’ils louent, il faut qu’ils donnent le droit de re
présailles aux nations étrangères, et ils auraient beaucoup à y
perdre. En Egypte , le lien du mariage est plus sacré qu’en
* «Les parens (G rec s) ne font aucune difficulté d’accorder leur fille à
* uu T u r c, pourvu q u ’ il soit riche et puissant, tandis qu’ils refusent opi»
« uiâtrément de l'accorder à un catholique.
(Baitlioldij tome 2.)
�(
5o
)
France , tant qu’il dure ; mais il n’est pas indissoluble. Si la reli
gion se prête à des injustices, ce sont ses ministres qu’il faut en
accuser *, mais non les époux mécontens, qui n’ont agi que sous
leur direction.
Barthélémy était catholique; Sophie Misck était grecque, et
les prêtres de son culte prononçaient anathême contre un lien
qu’ils n’approuvaient pas.
C ’était pour eux un acte religieux que la rupture de ce mariage,
pour en contracter un second plus orthodoxe : la religion grecque
le v eut, et le gouvernement le tolere.
A u reste, que Sophie Misck ait été ou non l’épouse de Barthé
l é m y , on ne voit pas comment Anne Nazo en serait plus ou moins
l ’ épous e du g é né r a l Destaing.
Enfin on porte le dernier coup à la dame Destaing; et déses
pérant de lui ôter le n o m d ’ é p o u s e , o n v e u t du moins en em
poisonner les souvenirs, et tâcher d’effacer dans son cœur le
respect qu’elle doit aux mânes de son époux. Ce n’est plus une
lettre étrangère qu’on lui oppose,'ce sont deux lettres de son
époux lui-même, écrites à son père, q u i, dit-on, fournissent la
preuve qu’il n’y a pas eu de mariage, et qu’il l’a désavoué.
L ’ u n e est é c rite d u C a i r e ; et l e g é n é r a l p a r l e d ’ un arran
gement oriental avec une jeune grecque qui fait les honneurs
de sa maison.
L ’autre est datée de Paris. Le général marque à son père qu’il
n’a pas dû plus croire à la lettre de Latapie qu\ï la sienne **;
*
« L e clergé ( grec) ne cesse d’exciter le peuple à la liaîne des autres reli
gions, et sur-tout de la catholique romaine, en accordant très-libéralement
des absolutions à ceux qui ont trompé les membres de cette religion, ou qui
se proposent de le faire » (Bartholdy, t. 2).
** Les héritiers Destaing avaient imprimé plutôt au lieu de p lu s , parce
que cela changeait le sens. Il en résultait que le général avait voulu que
son père crût à sa Lettre
yrai.
9 tandis
qu’il avoue lui-mêine qu’il n’a pas dit
�5
(
i )
qu’ il ne se serait pas marié sans l’en prévenir ; mais qu’à la
véi'ilc il a d'autres liens qui pourraient bien amener celui-là.
Remarquons, et déjà la Cour l’a remarqué elle-même dans
son arrêt interlocutoire *, que ces deux lettres étaient dans les
mains du sieur Destaing père, lorsqu’il a reçu Anne Nazo ,
et qu’après un mois de méditations il lui a donné un rang dans
sa famille, en se rendant le tuteur de son enfant.
Il a donc jugé ces lettres en père clairvoyant; et ce n’est pas
là qu’il a cherché la vérité. L ’une s’ excusait à ses yeux par la
licence des camps; les jeunes Français, fussent-ils aux confins
de la terre, ont la manie de tout métamorphoser en bonues
fortunes : mais un vieillard sait à quoi s’en tenir. L ’autre lettre lui
semblait une justification embarrassée d’un fils soumis encore à
l ’autorité paternelle; il y devinait la vérité; et bientôt elle ne
lui fut plus cachée, lorsque la dame Delzons, égyptienne, lui
eut r a p p o r t é q u e lle é ta it l ’o p i n i o n u n a n i m e du C a i r e et de
l’armée , sur le m a r i a g e de son fils ; lorsqu’encore le général
Delzons, qui y avait assisté, vint lui en apprendre les détails.
C ’est donc par pure méchanceté , et sans besoin , que les
héritiers Destaing, ont publié ces’ lettres. L ’ honnenr le leur dé
fendait, puisqu’elles n’étaient point à leur adresse. La bienséance
le leur défendait encore; car une confidence licencieuse, que leur
père avait jugée fausse, ne devait pas être reproduite.
* «Attendu que le litre d’ épouse et celui de mère ont été reconnus par
la famille du général Destaing..................Q u’ un mois après son arrivée à
A urillac, Destaing père9 ne doutant pas du mariage et de l’avis et con
sentement de ses proches parens, s’est rendu tuteur.................... Que cette
reconnaissance et cette acceptation de tutelle paraissent d’autant plus con
sidérables, qu’on pourrait les regarder comme la suite d’ un examen -appro
fondi , et de certitudes acquises par le père, puisque deux lettres de son
fils, l’ une datée d’Egypte, l’autre écrite de P a r is , lui donnant tout le sujet
de douter de ce mariage, ou même de ne pas y croire, il n’en avait pas
moins consenti l’acte en question , et que ses proches p areils y avaient aussi
concouru ». (a.e motif de l’arrêt du n juin 1808).
�( , 5 .2 }
Mais cette méchanceté n’était pas sans b u t , et on le voit
dans l’afïbctation que les héritiers Destaing ont eue à recueillir
la déposition des sieur et clame Delzons, à qui le général disait
çp? A n n e Nazo était mariée 3 mais qu’il ne Vêtait pas. On
aperçoit maintenant que la lettre est présentée pour être en
ha rmonie avec cette conversation si souvent répétée par eux.
Si celte conversation était vraie, il est cruel pour la dame
Destaing d’en comprendre le sens : mais elle ne serait d’aucune
influence pour sa cause.
Que les Européens, dans l’immoralité de leurs théâtres,
mettent en scène des malheureuses abusées par toutes les appa
rences d’un mariage réel, et cependant dupes des artifices d’un
homme qui s’est joué de la religion et de la probité, 011 ne
s’étonnera pas que ce scandale dramatique obtienne quelques
applaudissemens. M a i s q u i oserait produi re dans le monde une
semblable atrocité comme un événement réel, pour s’en appro
prier les conséquences ? qui même oserait repousser de soi la
victime d’un artifice que le voile de la religion aurait ennobli
pour elle?
Quelle que soit l’intention des héritiers Destaing, en laissant
croire que le g é n é r a l a v o u l u t r o m p e r la famille N a z o par le si
mulacre d’un mariage nul à ses yeux , la perfidie de cette sup
position serait en pure perte pour eux ; car la loi viendrait au
secours de celle qui aurait clé dupe des apparences. En eiïet la
bonne foi de l’un des époux suffit pour la validité de son mariage
et la légitimité des enfans *. Mais la dame Destaing se hâte de
dire que les cérémonies publiques qui eurent lieu au Caire, les
lettres de son époux, sa conduite soutenue envers elle, le justifient
pleinement de l’inculpation dont on a voulu le flétrir. La légéreté
de sa nation, peut-être la crainte d’être blâmé par son père, ont
pu lui dicter quelques mots é q u i v o q u e s 5 mais son cœur fut
* Code Napoléon, articles 201 et
202,
�53
(
)
innocent d’une telle lâcheté; elle était indigne, de lui, et toulës
ses actions la démentent, r. -¿.j
Ceux-là seuls sont coupables , qui n’ont pas rougi d’exhumer
de la tombe de leur frère ce qui ne pouvait être utile à leur intérêt,
qu’en imprimant une tache sur sa mémoire. Mais c’est .trop s’arrêter à des réfutations pénibles et inutiles.
Ce ne sont point des cendres éteintes qu’il faut interroger pour
la recherché de la vérité ; tout la révèle , tout l’atteste; et l’in
crédulité ne peut plus être que le masque'hypocrite de la dis
corde qui ne s’avoue jamais vaincue.
^Ihest tems qu’on cesse de disputer à une,épouse malheureuse
un nom qu’elle a acheté assez cher , et qui seul aujourd’hui doit
l’indemniser de tout ce qu’elle a perdu. Elle l’a reçu en Afrique ,
aux pieds des autels ; elle l’a porté publiquement dans sa patrie,
sur les mers , et dans toutes les villes d’Europe que sa situation
l’a forcée de parcourir. S es adversaires e u x - m ê m e s n’eurent pas
même la pensée de lui en donner u n autre; ils l ’apprirent à
ceux qui l’ignoraient ; et c’est après une possession d’état, ainsi
émanée d’eux , qu’ils ont voulu déshonorer et méconnaître celle
qu’ils avaient accueillie et protégée, L a dame Destaing n’a jamais
supposé que cet avilissement put l’atteindre : elle ne tire aucune
vanité d’appartenir aux héritiers Destaing, plutôt qu’à une autre
famille; mais le titre sacré d’épouse, mais les droits plus sacrés
encore de l’orpheline qui lui doit le jour, lie pouvaient pas être
vains à ses yeux.
Sa fille, seule, au milieu de tant de contrariétés, a soutenu son
courage; la dame Destaing n’avait pas d’héritage plus précieux
à lui laisser qu’un nom qui ne fût pas déshonoré; et elle-même
ne devait point rougir aux yeux de son enfant du vice de sa
naissance.
Pouvant attendre sans crainte l’examen du présent et du passé,
la dame Destaing a pu se soumettre sans murmure aux lenteurs
de la justice, sachant bien que l’intérêt privé pouvait élever des
'
14
�( &4 )
les formes de son mariage , mais que la malignité
n’en hasarderait aucune sur la pureté de ses actions.
• Un jour peut-être les héritiers Destaing seront honteux de ce
procès , et s’enorgueilliront de celle qu’ils voulaient avilir et
proscrire. Mais si la passion ne leur permet pas aujourd’hui
d’être justes,la dame Destaing n’en doit pas moins aux mânes
'de son époux de ne pas se croire en guerre éternelle avec ceux
qu’il lui désigna comme des protecteurs et des frères, et qui
partagent avec elle la gloire de son nom.
doutes
sur
M.e D E L A P C H I E R ,
M.e T A R D I F ,
c. •*.
.
.
ancien avocat.
avoué-licencié.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire pour Anne Nazo, veuve de Jacques-Zacharie Destaing, général de division, en son nom, et comme tutrice de Maria Destaing, sa fille , intimés; contre les sieurs et demoiselle Destaing, appelants.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 6-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0410
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Le Caire (Egypte)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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85f62ad24bda5ed2139efb4501d8df26
PDF Text
Text
O BS ERV A T I ON S
SUR
LA
CAUSE DE LA De Ve DESTAING,
E t sur le libelle diffamatoire imprimé et
,
publié à R iom pour ses adversaires et
produit par eux devant la Cour à Appel
séant en cette ville
.
L e s sieurs et demoiselles Destaing frères et sœurs, à la veille
d’un jugement qu’ils ont fait retarder sous différens prétextes,
ont permis qu’il fût imprimé et p ublié, sous leur nom , et
avec le titre de M émoire en réponse, un libelle diffamatoire
contre la veuve du général Destaing leur belle-sœur , tutrice
de la demoiselle Destaing leur nièce.'
Tout ce qu’ils devaient à la mémoire de leur frère est
oublié. Les honorables restes de cette armée de l’Orient, qui
fut principalement composée de l’élite des armées françaises,
et d on t l ’auguste chef ne se sépara que pour sauver la France,
sont outragés dans la personne de ses principaux officiers,
dont le libelle suppose que les mœurs étaient plus que licen
cieuses, et cela sans raison , sans m otif légitime, sans néces
site , sans utilité pour sa cause.
1
�( 2 )
En effei , i l ne s’agit p oin t, entre madame Destaing et se»
beaux-frères et belles-sœurs, de savoir si des officiers fran
çais de l’armée d’Egypte abusaient du droit de conquête au
point de prendre comme meubles des jeunes filles du pays
contre leur* gré ou sans leur consentement ; de- les recevoir
en présent comme un tribut, et de les abandonner après les
avoir déshonorées.
Cette supposition, qui n aurait pu être imaginée que par
des journalistes anglais, n’est point ce que les tribunaux de
France ont à vérifier dans le procès de madame Destaing.
D es collatéraux veulent enlever à cette infortunée son état
de veuve du général D estaing, et à la fille de leur frère sa
qualité et les droits q u elle leur donne à la succession pater
nelle dont elle est investie.
Madame Destaing et sa fille sont - elles en possession de
leur état et de la succession du général Destaing ?
V oilà la question.
Cette possession est-elle pu bliqu e, certaine et constante?'
V oilà les seules circonstances soumises à l ’examen de la
Cour d’Appel de Riom.
Une telle possession doit-elle être maintenue ?
V o ilà le point de droit à juger ,>et il n’est pas susceptible
de controverse.
A u lieu d’examiner les faits de la possession d’état, l’auteur
du libelle se répand en injures, tant contre madame D es
taing , dont il fait une musulmane échappée à la servitude
d’un harem , un être obscur et dépravé, une africaine ré
fu g ié e , la grecque la plus rusée et la plus ad roite, que
contre son pére, à qui il dénie même cette qualité : il le sup
pose marchand détaillant deau -d e-vie, révolutionnaire au
�( 3 ,)
Caire , et ob ten an t, à ce titr e , celui de commandant la
légion des grecs.
Il hasarde cette supposition, sans respect pour l ’autorité
qui plaça le commandant Nazo à la tète d’une nation qu’on
voulait régénérer, et sans utilité pour sa cause, où il ne s’agit
pas de savoir de qui madame Destaing est fille, mais si elle
est en possession de son état de veuye du général Destaing
et de tutrice de leur fille.
D es jurisconsultes de divers départemens de la France, réu
nis ù Paris par la confiance de leurs concitoyens et par le
choix du Sénat, ont pensé que cette possession d’état était
certaine, constante et inattaquable : ils ont donné les motifs
de leur opinion. Ce sont ces motifs qu’il fallait combattre,
puisqu’on prétendait répondre à leur consultation ; il fallait
les suivre dans l ’examen des faits qui constatent la possession
d’état pour détruire, s’il était possible, la conséquence qui en.
résulte nécessairement.
Si on n’a pas pris ce p a rti, le seul convenable à la posi
tion respective, c’est qu’on a reconnu que le fait de la pos
session d’état était inaltérable et la conséquence inévitable.
Aussi personne ne croira que le libelle ait été fait pour
les juges qui doivent pfononcer. On ne peut pas s’etre flatté
de leur déguiser, aussi maladroitement, l ’état de la question
qui leur est soumise. C’est pour le public de Rioin, ou peutêtre pour celui d’A u rillac, que l’ouvrage imprimé a été fait.
O n a essayé de faire, dans une ville du second ordre, une
affaire de parti d’un procès qui peut attirer l’attention pu
blique , parce qu’il présente une question d’etat que la Cour
de Riom jugera solemnellernent.
�( 4 )
Mais cette question , on ne saurait trop le répéter, peut
être réduite aux termes les plus simples.
Y a-t-il possession d’état publique et constante?
Les beaux-frères et belles-sœurs de madame Destaing nepeuvent nier la possession d’état de leur belle-sœur et nièce r
reconnues comme telles par toute la famille, dès leur arrivée
en France, où elles ont été appelées dans la maison paternelle.
Attaquent-ils cette possession par des titres contraires et
authentiques ? C ’es t ce qu’il faudrait pour déposséder madame
Destaing ; c’est ce que ses beaux-frères et belles-sœurs ne font
pas et ne peuvent pas faire»
A u lieu de cela , ils leur demandent l’acte de célébration de
mariage et leurs actes de naissance.
Mais ils n’en ont pas le droit. Cochin, d’Aguesseau, tous les
jurisconsultes du siècle passé , l’affirment ; c’est aussi la doc
trine des modernes, et le Code Napoléon en a fait une lo i
qu’il n’est plus permis à personne de méconnaître.
L ’article 320 dit : A défaut de titre, la possession cons
tante de Tétat de l ’enfant suffît.
E t l’article 33 i indique quelle est la nature des faits qui
établissent la possession d’état, et marque la reconnaissance
de la fa m ille comme le fait principal.
Madame Destaing et sa lille produisent les preuves de
cette reconnaissance par un acte solémnel et authentique,
auquel tous les membres de la famille Destaing ont con
couru. Cet acte, qui n’est pas le seu l, suffirait pour établir
que la preuve de possession d’état est complète..
L ’auteur du mémoire avance hardiment que celte recon
naissance a été surprise, qu’elle n’est pas aussi complète que
�( 5 )
madame Destaing le cro it, et que la possession d’état n’est
qu’une usurpation.
Ces allégations ne sont pas de nature à faire impression sur
]a Cour de Riom : on a trop bonne opinion des magistrats
qui la composent pour supposer qu’il est besoin de réfuter
pour eux ou devant eux des assertions dénuées de preuves.
Aussi n’est-ce que pour les amis de la famille Destaing quti
nous croyons devoir faire observer que toutes ces assertions
sont des inventions chimériques.
O n suppose que le père du général Destaing a été surpris
par sa belle-fille , et même on le lui a fait dire avant sa mort.
Mais quand lui a-t-on fait tenir ce langage ? Lorsqu’il s’est
vu dépouiller de la tutelle de sa petite-fille et de la jouissance
de ses biens.
On lui a fait dire que c’était par clol, fr a u d e s , suppositions
et insinuations, qu’il a reconnu la veuve de son il!s et sa
petite-fille, dont l’assemblée des païens, convoquée par lu i,
le nomma tuteur.
M ais, outre que le dol et la fraude ne se supposent jam ais,
n’es t-il’pas convenu que madame D estaing, arrivée en France
dans un état de souflrance et dé m aladie, bien jeune encore r
ne connaissait pas le français et ignorait nos lois , nos mœurs
et nos usages?
E lle se rendait auprès de son mari avec sa fille , lorsqu’elle
fut appelée à A urillac par son beau-père ; et ce ne fut que
dans cet instant qu’elle apprit la mort de son mari. Quel
moyen de dol et de fraude aurait-elle pu pratiquer pour sé
duire son beau-père, qu’elle n’avait jamais vu , et entre les
mains de qui elle ne croyait pas devoir tom ber, puisqu'elle
comptait sur l ’existence de son mari.
�(G)
Le libelliste suppose (page xo) que le sieur Destaing père
île voulait pas recevoir sa belle-fille dans sa m aison, et que
sa résistance fu t connue de toute la ville.
Impudent mensonge, qui suppose que madame Destaing
tomba des nues à Aurillac ; tandis qu’il est convenu que le
beau-père l ’envoya chercher, et qu’il fraya aux dépenses de la
route et de celles qu’avait occasionnées le séjour à Lyon.
Mensonge inutile , puisque , si on suppose de la résistance
et des doutes, ils n’ont pu être levés que par des éclaireissemens satisfaisans.
O n peut être surpris lorsqu’on est sans défiance; mais si on
suppose de la défiance au sieur Destaing père, vieux m a
g i s t r a t , on ne peut pas croire qu’il ait été surpris sur un point
a u s s i délicat et aussi important pour lui.
Son fils était en France depuis plusieurs mois : sans doute
qu’il s’était fait pardonner le tort moral qu’il avait eu de se
marier avant d’avoir obtenu son consentement.
On n’a point dissim ulé, comme le général Destaing ne se
dissimulait point à lui-m êm e, ce tort étranger à sa veuve et à
sa fille.
Mais en rem arquant, comme on ne pouvait s'en dispenser,
qu’à l’époque où le général Deslaing s’est m arié, la loi
n’exigeait pas le consentement paternel, on a dû dire, et ou
l ’a fait, que dans le système de toute autre législation , l ’appro
bation du père , quoique postérieure au mariage, le validait ;
et que des collatéraux n’étaient jamais recevable.s à relever ni
l ’omission ni l’approbation tardive.
C’est donc par pure m alice, qu’à la page 60 du libelle ou
accuse madame Destaing <1 argumenter avec un empressernent peu louable d une lo i révolutionnaire promulguée
i
�(7)
clans u n in sta n t d e d é lire : lo i im m ora le e t fu n e s te q u i a
f a i t ta n t île m a lh e u r e u x q iio n en ten d tous le s jou rs g é m ir d e
leu rs eg a rem en s,} e t q u i p a ssen t le u r v ie dans ta d ou leu r et
le désesp oir.
Non : madame Destaing n’argumente point de lois révolutionnaires, qu’elle a eu le bonheur de ne pas connaître.
E lle invoque la doctrine des plus sages législateurs anciens et
modernes; des principes qui servent de base et de fondement
à leur société bien ordonnée, et établis en dogme par le Gode
immortel qui régit aujourd’hui tous les Français , et qui sera
bientôt adopté par tous les peuples policés de l’Europe.
11 y a donc de la méchanceté à rappeler des souvenirs que
tout doit faire ou b lier, et à ch erch er, en souflant sur des
cendres , à ranimer quelqu’étincelle de nos malheureuses
discordes.
Les traces n’en subsistèrent que trop longtem s, et c’est
sous ce rapport que la cause de madame Destaing mérite
toute l’attention du magistrat. Combien d’individus , trans
portés hors du lieu de leur naissance ou de leur premier
établissement, seront hors d’état de produire leur acte de
naissance, ou celui de leur père r ou l’acte de célébration
de mariage des auteurs de leurs jours ! Faudra-t-il qu’au gré
de quelques parens avides, ils soient privés de leur état et
du patrimoine de leurs aïeux? Si jamais on admettait cette
'absurde doctrine que la possession d’état est un titre insuf
fisant , combien de milliers d’individus se trouveraient sans
nom , sans famille , sans patrimoine, lorsqu’ils se trouve
raient tardivement méconnus par des parens avides de leurs
dépouilles ?
L e Code N apoléon, en exigeant pour certains cas la pré-
�(S)
sentation des actes de l’état c iv il, a prévit l’impossibilité dans
laquelle pourrait se trouver, de justifier de son é ta t, un in
dividu dénué de ces titres.
Les articles 70 et 71 remédient à cet inconvénient et pres
crivent la forme d’un acte de notoriété supplétif.
Cet acte est reçu par le juge de paix, non en forme d’en
quête , mais par déclaration univoque et collective , et il
n’est homologué par le tribunal que sur rapport et contradic
toirement avec le ministère public.
Madame Destaing a rapporté un pareil acte de notoriété
dont elle n’avait pas besoin , attendu sa constante et inalté
rable possession d état.
La plupart des personnes qui ont comparu devant le juge
de paix > avaient été témoins du m ariage, et l’ont déclaré.
Le magistrat qui a lu i-m êm e rédigé l’acte, avait d’abord
entendu que tous en avaient été tém oins, et l’avait écrit
ainsi; mais à la lecture, un seul ( don R aphaël) ayant ob
servé qu’il n’avait pas été présent à la célébration, on écrivit
la plupart au lieu de to u s, le reste de la déclaration portant
sur des faits dont ils avaient également connaissance.
La justice a donc sous les yeux la déclaration légale et
judiciaire de six témoins, de la célébration du mariage du
général .Destaing.
Ces tém oins, que le libelliste traite avec plus que de la
légèreté, et qu’il présente comme des quidam , avaient un
rang distingué.dans l ’armée d’Egypte. 11 est vrai que tous,
excepté le. général Duranteau, étaient officiers civils ; mais
iis sont tous membres de la Légion-d’Honneur. S’ils 11’ont pris
dans leur déclaration que les qualités qu’ils avaient à l’époque
ou se sont passés les faits qu’ils attestent, ces qualités sulfi-
�(9)
saient, au moins, pour faire considérer leur déclaration
comme étant d’un grand poids ; mais si le libelliste avait
pris la peine de consulter l’almanacli impérial, il aurait vu
que des commandans de la Légion-d’Honneur, un trésorier
de la couronne, des inspecteurs généraux et des commissaires
ordonnateurs ne sont des inconnus que pour des gens qui se
méconnaissent eux-mêmes. I l aurait vu qu’un général , officier
distingué avant la révolution, porté plusieurs fois au Corps
législatif par le vœu de ses concitoyens et le choix du Sénat,
n’est pas un témoin à dédaigner.
D ’ailleurs, madame Destaing a dit assez hautement que
son mariage avait été connu de tout ce qu’il y avait d’officiers’de l ’état major de l’armée d’Egypte ; elle a dit et im
primé qui elle était, qui était son pére et sa mére. Il y a en
France des milliers d’individus qui auraient pu la démentir,
si elle en avait imposé. Les MM. Destaing connaissent beau
coup de militaires et des amis de leur frère ; en ont-ils trouvé
un seul qui ose accuser leur belle-sœur d’imposture ?
Mais parmi les témoins du mariage se trouvait le général
D elzon , cousin-germain du général Destaing, le même qui
s’était marié en Egypte avec la fille d’un français, et qui a
remis à ses cousins, à ses cousines, l’acte de son mariage
fait devant un commissaire des guerres, et dont il n’existe
point de minute ; le même qui a assisté à l’assemblée de
famille qui nomma l’ayeul tuteur de la fille du général Des
taing, régla l’acte viduel et la pension veuvagére.
, Madame Destaing a écrit et imprimé que le général Delzon
avait été témoin du mariage. N ’aurait-elle pas été démentie
par.jce brave m ilitaire, si le fait était faux ; mais un hommç
a
�( io )
d’honneur, quelque complaisance qu’il ait pour ses proches^
çst incapable de les servir aux dépens de la vérité.
Personne n’est m ieux instruit que lui du mariage de ma
dame Destaing, dont il a été témoin. Son épouse a été l ’am ie,
la com pagne, la première interprète de sa,cousine. Sçrns le?
yeux du général D e lz o n , madame D elzon aurait-elle vécu
ainsi avec une musulmane échappée à la servitude d'un
harem. Les MM. D estain g, en outrageant la veuve d’un frèrç
qui leur fait honneur , manquent également ,à leur cousin t
qui fut constamment son ami ; à l’épouse-de ce général q u if
quoique iille d’un français , est également née en Egypte :
mais à q u i ne manquent-ils p as? Nous nous abstenons de
r e l e v e r tout ce qu’il y a de méchant dans cètte diatribe ;
il suffit, à leurs y e u x , d’avoir rendu hommage à la vérité
pour exciter leur humeur ou leur colère.
Sans doute que s’ils avaient suivi' le conseil de leur oncle
m aternel, le père du général D e lzo n , la tentative qu’il font
d’enlever à leur belle-sœur et à leur nièce leur état et leurs
biens , ïi’âurait( jamais eu lieu.
M. Delzoii*était membre du Corps législatif, et se trouvait
à Paris â l’époque dü décès du général Destaing : c’est lu i
qui ,1 e 1 prem ier, a reconnu l’état de sa n ièce; c’est sur sa
'demande qu’il' obtint pour la veuve du général Destaing la
pfem ièté pension qui lui fut accordée. Cette pension ne fut
modique qu’à cause que le premier Consul ne voulut p oin t
aloré assimiler le général Destaing à un officier mort sur Je
champ de bataille.
Ce n ’est point sur la présentation de l ’acte de tutelle que
la< pension a> été augmentée ; c’est uniquement par l ’intérêt
qu’inspire la veuye 4 u généraLDestaing k tous ceux qui furent
�( 11 )
les àmis de son m ari, et la cruelle persécution qu’on fait
souffrir à cette infortunée.
Depuis qu’on lui a expliqué lé libelle odieux publié contre
e lle , elle baigne de ses larmes sa f ille , son unique consola
tion ; elle veut aller se jeter au pied de la Cour de Riom ,
et lui demander justice ; mais le tems presse , ses ressources
sont épuisées. Madame Destaing île peut ni se séparer de s;i
fille, ni exposer la santé délicate de cette enfant, en entre
prenant avec elle un voyage long et pénible ; elle ne pourrait
d’ailleurs ni voyager ni se présenter seule : et puisqu’une
mére dé famille n’a pas été un être respectable aux: yeux de
ses ennemis , que n'aurait-elle pas à craindre de leur injus
tice , ii elle cherchait un protecteur pour la conduire et la
présenter à ses juges ?
O n lui a dit que les lois françaises lui en assurent un
dans le ministère p u b lic, protecteur naturel d e là veuve, de;
l ’orphelin et de l’état des citoyens. C'est dans ses mains
qu’elle remet ses droits et le soin de requérir la réparation
qui lui est due pour les outrages dont on a voulu l ’abreuver.
E lle est chrétienne ; elle en fait gloire : madame Delzon
et le général D elzon le savent bien. Elle est devenue fran
çaise ; mais elle n’était point indigne d’être l ’épouse du gé
néral D e sta in g , et elle a toujours porté cette qualité arec
honneur.
L e rit grec dans lequel elle a été élevée est ortodoxe et
reconnu comme tel par l ’Eglise romaine; le siège de l’Eglise
grecqu e, dans le sein de laquelle elle est n é e , e*t toujours
Alexandrie ; l ’évêque est qualifié de patriarche ? et réside au
Caire.
Il n’a rien de commun avec lea Arm éniens, dont les uns
�(
)
sont catholiques et d’autres hérétiques, ni avec les Syriens j
les Cafres et les M aronites, qui sont tous autant de sociétés
chrétiennes plus ou moins attachées au dogme ou à la tra
dition.
C ’est le patriarche grec d’Alexandrie , propre pasteur de la
dame Destaing, qui a béni son union suivant le rit grec et
dans les formes usitées dans le pays.
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Ces formes sont solemnelles .et suffisantes pour un contrat
qui est autant du droit naturel que du droit des gens.
C’est vouloir tromper la multitude que d’appliquer ce que
des voyageurs ont pu dire du mariage des Turcs aux mariages
contractés en Turquie par des chrétiens.
O n doit savoir que le gouvernement ottoman a toujours
laissé les chretiens qui vivent sous son empire se conduire
suivant leurs lois, et ceux-ci n’en ont pas d’autres que les lois
religieuses qu’ils ont conservées; de là vient que leurs prêtres
réunissent, jusqu'à un certain p o in t, le ministère ciyil au
ministère ecclésiastique.
Les différens que les chrétiens peuvent avoir entr’eux ne
sont point portés devant le cadi, mais devant les prêtres,
sauf l’appel au patriarche, à moins qu’un musulman n’y fût
intéressé , et la puissance ottomane prête main - forte aux
jugemens des patriarches comme à ceux de ses premiers of
ficiers.
C’est ainsi qu’après la conquête des F rancs, lus différens
peuples qui furent subjugués se réservèrent leurs lois, et qu’il
fut permis a chacun de vivre ou sous la loi romaine , ou
sous la loi îa liq u e , ou sous tout autre régim e, et la puis
sance publique maintenait les jngemens rendus suivant ces
diverses loûv
�( i3 )
t.a cour de Riom sait tout cela mieux que n o u s, et sans
doute l ’auteur du libelle ne l’ignore pas ; mais il a voulu
faire illusion à ceux pour qui il écrivait : autrem ent, aurait-il
parlé de notaire pour l’Empire T u rc , et de registre pour
une contrée dont la civilisation est si en arrière de la nôtre ?
Une seule de ses remarques mérite quelqu’observation ;
c’est l ’expression de la date de l’année du mariage de la dame
Destaing.
A vant que , par des rapprochemens qu’on n’a pu obtenir
d’elle qu’à mesure qu’elle a appris là langue française, on
ait pu fixer le jour du mois auquel ce mariage a eu lieu , on a
écrit qu’il avait été fait en l ’an 8. Comme dans le calendrier
républicain l ’année commençait au mois de septembre et non <
au mois de jan vier, il arrivait qu’en comparant ce calendrier
au calendrier grégorien, auquel nous sommes revenus, les deux
portions de l ’année de l’ancien calendrier-ne se rapportaient
pas à la même année du nouveau ; de manière qu’on ne
pouvait bien déterminer une année sans fixer le mois : de là y
bien des équivoques.
Mais elles disparaissent dans l’ensemble des circonstances
antécédentes, suivantes et concurrentes, et dés lors l’expres
sion de l ’année devient indifférente.
Quand on a dit, par exem ple, que le mariage du général
Destaing a eu lieu le 17 janvier de l ’année qu’il comman
dait au Caire sous le général B éliard , peu de mois avant le
siège, après l’assassinat du général K léber, etc, etc. ; on a fixé
d’une manière certaine l’époque de ce mariage : madame D es
taing ne peut avoir voulu le reculer d’une année, tandis qu’elle
a compté le peu de tems qu’elle a vécu avec son mari.
Mais tout cela n’est que pour les oisifs. L ’appel sur lequel
la Cour de Riom doit prononcer ne lui présente que la
�(1 4 )
question de la possession d’état; e t, sur ce p oin t, la défense
de l a dame Destaing n’a pas été entamée, et elle ne peut
pas l ’être par les digressions jdans lesquelles ses .adversaires
sont e n t r é s et dans lesquelles on ne les a suivis que pour
détruire le s impressions qu’elles auraient pu, faire sur la
portion du public qui ignore le véritable état de la question
agitée entre les parties.
V u les observations ci-dessus et le Mémoire imprimé à
R iom , sur lequel elles ont été faites;
L e C O N S E IL soussigné e s t i m e que ce Mémoire ne pouvait
pas être qualifié autrement qu’il l’a été dans les Observations;
q u 'i l est injurieux à madame Destaing et à sa famille dans
les allégations qui les concernent, et qui sont d’autant plus
répréhensibles qu’elles sont étrangères à la question de droit
soumise à la décision de la Cour d’A ppel de Riom.
Madame Destaing se doit à elle-même et aux siens d’en
demander la suppression, qui pourrait même être requise
d’office p a r le ministère p u blic, attendu la nature des injures
et les, fausses opinions qu’elles pourraient donner sur la
conduite des officiers français qui ont été employés à l’armée
d ’Egypte.
D élibéré à Paris , par les anciens jurisconsultes soussignés,
le 26 mai 1808.
JAU BERT.
CHABOT
de
l ’A l l i e r .
H ACQU ART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue Git-le-Cœur, n9 8.
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, veuve. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Observations sur la cause de la dame veuve Destaing, et sur le libelle diffamatoire imprimé et publié à Riom pour ses adversaires, et produit par eux devant la Cour d'Appel séant en cette ville.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0535
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_0604
BCU_Factums_M0605
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Riom (63300)
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contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
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[Arrêt de la cour d'appel de Riom. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Motifs et dispositif de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Riom. Entre la dame Anne Nazo, veuve du général Destaing et les sieurs Destaing, frères du général.
Document manuscrit.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0536
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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I I if,a
M
E
M
O
I
R
E
' EN RÉPONSE, •
POUR
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Sieurs J e a n - B a p t i s t e D ’EST A I N G , ancien
commandant d’armes à Chambéry , J a c q u e s T h é o d o r e , P i e r r e - G a b r i e l , C a t h e r i n e et
E liza b eth
D ’E S T A IN G , frères et sœurs,
intimés et appelans ;
V.
.
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C
O
N
•
Tac- R
E
1-
A N N E , soi-disant N A Z O , soi disant Grecque
d'origine, sè disant veuve du g énéral d ’E s t a i n g ,
se disant pareillement tutrice de M a r i e , safille ,
appelante d’un jugem ent rendu au tribunal de
M a u ria c, le i 3‘ aout 1 8 0 7 „et intimée.
Q U E S T I O NE
T
D
'A
_
C
E T T E cause est de la plus haute importance . et
doit exciter vivem ent la curiosité publique.
U ne Égyptienne, musulmane de religion éch ap p ée à
.
.
A
�c 2
la servitude cl’ua harem, a goûté quelques instans les
charmes de la liberté à la compagnie d’un général fran
çais, commandant une division de l’armée d’Orient.
Ce général, après la capitulation d’A lexan drie, a
repassé en France. Un événement tragique l’a enlevé
à la gloire, à sa famille, à ses amis.
L ’Africaine réfugiée a cru trouver les circonstances
I favorables pour s’introduire dans la famille du général,
prendre le titre honorable de sa veuve,-et donner son
nom à une fille dont elle est accouchée pendant sa traversée
d’Egypte.
a
Elle a abusé momentanément de la foiblesse d’un
v ie illa r d respectable et crédule, q u i, dans sa douleur,
trou voit quelque consolation à accueillir ceux qui a voient
eu des relations a v e c son fils chéi’i.
Cet acte de bienfaisance “lui a été reproché: on veut
en induire une reconnoissance de l’état de la prétendue
G r e c q u e , qui réclame toute la succession du général, et
bientôt sa portion de celle du p ère, décédé pendant
l’instance.
Heureusement pour les frères d’Estaing il est des règles
certaines pour constater l’état des personnes; règles dont
il n’est pas permis de s'écarter, dont l’infraction entraîncroit les suites les plus funestes, en introduisant dans
les familles des etres obscurs et dépraves,
F A I T S .
'
Jacques-Zacliarie d’Estaing , général de division, eut
l’honneur d’être nommé de l’expédition d’Egypte, sous
�(s)
les ordres du héros invincible qui règne aujourd’hui
si glorieusement sur les Fi’ançais.
Après quelque séjour, le général d’Estaing fut nommé
commandant de la place du Caire ; il s’y fit distinguer
par sa bravoure et scs manières généreuses. Les Grecs
qui liabitoient le Caire voulurent, suivant l’usage, offrir
une somme d’argent au commandant. Il la refusa avec
noblesse.
L e nommé Jaaiiny N cizo, qui va figurer dans cette
cause, étoit marchand détaillant d’eau-de-vie au Caire,
profession peu honorée en Egypte. Les musulmans ont
en général un certain mépris pour ceux qui vendent
des liqueurs enivrantes; ils s’en abstiennent avec moins de
rigueur qu’autrefois, mais ils n’en estiment pas davan
tage ceux qui en font le trafic.
Les Coplites et les Grecs qui se trouvoient au Caire,
étoient tous dans le parti des Français. L e commandant
fut chargé d’organiser des bataillons parmi eux. Joanny
ISazo étoit un de ceux qui montroient le plus de cha
leur et de zèle; il obtint le commandement d’un de ces
bataillons.
Les Grecs reconnoissans envers le général qui refusoit
leurs présens et leurs offres, s’informent, avec l’adresse
qui les distingue, de ce qui pourroit faire plaisir à leur
commandant; ils en parlent aux aides de camp, aux
jeunes militaires qui approchent le général : on devine
aisément la réponse de cette jeunesse galante et passionnee.
L e présent le plus agréable au général français, seroit
une femme blanche. On ne voit autour des camps que
des négresses dégoûtantes. Cette ouverture est saisie avec
A 2
�(
4)
empressement : N a zo envoie au gén éral, A n n e , qui
n’étoit pas sa fille. N a zo avoit épousé la veuve d’un
musulman; A n ne étoit provenue de ce premier mariage,
et avoit été élevée dans la religion de son père; elle en
est elle-même convenue, et l’a ainsi déclaré en présence
de plusieurs personnes.
Comment pourroit-elle le désavouer? Si, comme elle
le d it , elle étoit Grecque d’origine et de religion , elle
parleroit le grec vulgaire ; c’est la langue de tous les
grecs : elle ne connoît que Varabe ^langue féconde et har
monieuse, que p a rle n t en général les Turcs qui habitent
cette contrée de l’A friqu e, et dont les prêtres grecs n’en
ten dent pas un mot.
U n arrangement de ce genre, scandaleux parmi nous,
n’a rien de choquant en Orient : ce n’est plus cette an
cienne E gyp te, jadis un pays d’admiration , si fameux
par ses monumens qui ont résisté pendant tant de siècles
à l’action destructive des élém ens, et que la barbarie
fait disparoître tous les jours.
Ces indigènes, célèbres par l’antiquité de leur oi’igine,
la sagesse de leurs règlemens, l’étendue de leurs connoissances, n’existent plus : ils sont remplacés par un
assemblage de peuples divers; les Go pli tes, les Maures >
les A rabes, les Grecs, et les Turcs qui en sont les sou
verains.
Ce mélange de tant de nations, la diversité dès cultes,
des usages, a fait que la barbarie et l’ignorance ont suc
cédé aux sciences et aux arts; la dépravation des mœurs
en a été la suite; et si on en croit nos voyageurs mo
dernes, les yices les plus honteux y régnent avec impunité.
�( 5 )
A n n e , soi-disant N azo , fut donc livrée au général
d ’Estaing, qui la traita avec cette urbanité qui distingue
les Français.
Il fait part lui-même à son père d’un événement qu’il
regarde comme une bonne fortune. Dans une lettre qui
se ressent de la liberté des camps , et qui est datée du
Caire, le 25 pluviôse an 9 , il ne craint -pas d’avouer à
son père « qu’il essaye de faire un garçon à une jeune
« Grecque , q u i, d’après un arrangement oriental, fait
« les honneurs de chez lu i, depuis près d’un mois. »
Certes, si le général d’Estaing avoit eu des vues ho
norables sur A n n e , il n’auroit pas voulu l’avilir aux
yeux de son père ; il n’en auroit pas parlé avec autant de
légèreté, surtout dans u n e lettre où il fait m e n tio n du
mariage de son parent, le général D elzons, et du fils
que ce général avoit eu d’une union légitime.
Une remarque essentielle à faire sur cette lettre, est
que l’arrangement oriental dont il parle, n’a commencé
que depuis près d’un mois : ce n’étoit donc que dans les
commencèmens de pluviôse an 9 , ou tout au plus à la
fin de nivôse de la même année, qu'’A nne étoit venue
habiter chez le général dTEstaing.
O r, depuis plus de deux ans, le général en chef avoit
établi dans chaque chef-lieu de province de l’Egypte, un
bureau d’enregistrement, où tous les titres de propriété,
et les actes susceptibles d’être produits en justice, dévoient
recevoir date authentique. Cet établissement date du 301
fructidor an 6 , ainsi qu’il est établi par un ordre du gé
néral en c h e f, qui sera mis sous les yeux de la cour.
Ce chef illu s t r e r o n t la sage prévoyance embrassoit
�'.
, ( 6 .}
tous les cas, avoit aussi établi des officiers publics pour
recevoir les actes civils, de naissance, mariage et décès:
les commissaires des guerres étoient chargés de ce soin
important. Ce n’étoit point encore assez -, il falloit donner
aux actes civils la plus grande authenticité.
Par un ordre publié le 21 vendémiaire an 7 , « l’armée
« fut prévenue que tous les actes civils qui seroient passés
« par les commissaires des guerres, ceux qui seroient
« passés sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui
« pourroient l’être entre les Français et les nationaux,
« par-devant les notaires du pays, etoient nuls en France
« comme en E gypte, s’ils n’étoient enregistrés confor« inément à l’ordre du général en chef, en date du 30
« fructidor an 6. »
Tous les Français alors en Egypte se sont conformés
à l’ordre du chef. Lorsque le général D elzons, parent
du général d’Estaing, a contracté mariage avec demoi
selle A n ne V arsy, née à Alexandrie, il a été dressé un
acte civil.
;
. .
Cet acte que rapportent les frères d’Estaing, est du 16
brumaire an 8 : il est reçu par Joseph A g a rd , com
missaire des guerres , faisant fonctions d’officier civil ,
avec mention « que Pacte ne sera valable qu’autant
« qu’il aura été enregistré conformément aux ordres du
« général en c h e f : » et cette formalité de l’enregistrement
a été remplie à R ozette, le 22 brumaire, six jours après
la célébration.
Les frères d’Estaing sont encore porteurs de l’acte civil
du mariage de Georges-Auguste L o n tin , capitaine, natif
de B itet, département de la M oselle, avec Catherine* *
�(7 )
Sophie V a r sy , fille d’un négociant de liozette : l’acte
également reçu par Joseph ¿égard, le 29 vendémiaire
an 8 , et enregistré le lendemain. '
Le général Delzons , marié avec toutes les formes
prescrites, est devenu père d’un fils ; l’acte de naissance
de l’enfant a été reçu par leAsieur P in e t, commissaire
des guerres, chargé du service<de la place du Caire : cet
acte est du 10 pluviôse an 9.
'
En un m ot, tous ceux qui se sont maries en Egypte
ont pris la même précaution; et ilsy'étoient tenus d’apres
les ordres du gén éral, à peine de nullité.
Ces observations préliminaires trouveront, leur place
dans la suite. L e général d’Estaing necohabita pas long
temps avec AnnC. Les; Anglais débarquent à Aboukir:
le général d’Estaing reçoit ordre de se rendreà Alexandrie
en ventôse an 9. A n ne reste au C aire, et n’a point revu
depuis celui qu’elle appelle son époux.
Ainsi Varrangemei.it oriental,n’a pas eu . deux mois
de durée..
•• '
?• • ). •
-*r- •
Après la capitulation d’A lexandrie, le général d’Es
taing, suivi d’un grand nombre d’officiers, repasse en
France. Bar'un des articles 'de la capitulation les Anglais
s’obligèrent de; faciliter ce passage. ;J,
-,-ü
Quelques Egyptiens obtiennent la même faveur. Joanny
îïa zo , A n n ey sont du nombi’e des réfugiés. D ’après Ie
récit & A n n e , « elle fu t embarquée à A b o u k i r , sur un
« pëtitrnavire grec; elle étoit avancée dans sa grossesse;
of, ellt? est, saisie des douleurs der Penfantem ent dans le
« navires le patron prend terre, et jette l’ancre, sur la
a:fcôte (Je Céphalonie,.
; . .;ov
.*■
:
�( 8 ) <
« A n ne accouche dans le navire; M a r ie , sa fille, fut
« baptisée par un prêtre que sa famille envoya chercher
« dans une chapelle située sur les bords de la mer. »
Il faut l’en croire sur parole, car il n’existe aucune
trace de tout ce récit : quoique l’enfant ait été baptisé par
un prêtre, qu’il ait eu pour parrain un militaire français,
il n’existe aucun acte de naissance; A nne test obligée
d’en convenir.
, Cependant « le consul f r a n ç a i s 1 honora de sa visite. »
E h q u o i ! l e c o n s u l , f r a n ç a i s fait visite à u n e femme
qui se d i t l ’é p o u s e d’un général, qui n’est pas remise
d e s d o u l e u r s de l’enfantement! et ce consul ne se fait
pas r e p r é s e n t e r l’enfant ! il ne dresse point d’acte de
naissance, tandis que son devoir l ’y obligeoit! 11 est sans
contredit difficile de f a i r e croire à une pareille omission :i
le prêtre uu moins auroit dû constater par écrit le bap
tême de l’enfant.
x
Enfin voilà Anne remise de ses douleurs , et débarquée
ù Tarente, dans le royaume de Naples. L à , comme par
tout , se trouve ün Auvergnat, de la ville mêmed’Aurillac,
appelé L a ta p ie, qui*, comme curieux, voit ces nouveaux
débarqués.^JLatapie écrit de Tarente à sa m ère, qu’une
Grecque et sa famille' viennent de débarquer, d’aprèsla capitulation, et que cette Grecque se disoit épouse du
général d’Estaing ; qu’elle se proposoit même de partir
pour aller rejoindre son mark
r
Cette lettre se répand dans la ville d’Aurillac ; le sieur
d’Estaing père en est informé', et en écrit bien vite k
son fils. Celui-ci répond, le 13 ventôse an 10 : ‘«‘Quant
« à mon mariage, vous ne devez-pas plutôt croire la
« lettre
�C9 )
« lettre de Latapic que la mienne ; il n’y a aucun lien
« légal; je ne Paurois pas contracté sans vous en prê
te venir : mais il y a d’autres liens qui pourroient pei/t« être bien amener celui-là. A u reste j’ai écrit à cette
« famille de se rendre ¡4 Marseille, et d’y attendre de
« mes nouvelles. »
' Une lettre aussi positive sur la nature des liaisons du
général d’Estaing avec A n n e , ne lui donne certainement
pas une possession d’état. Il semble assez naturel qu’une
femme ne puisse pré tendre au titre honorable d’épouse, sans
l’aveu ou la reconnoissancé de celui qu’elle dit être son mari.
L e général d’Estaing, arrivé à Paris, y a trouvé la
mort, le i 5 floréal an 10. On a dit assez mal à propos
qu’il avoit l’intention d’y fixer son séjour: la lettre du 13
ventôse an 10, dont on vient de donner l’extrait, prouve
au contraire qu’il vouloit continuer de suivre la carrière
militaire , que toujours en activité de service, il atten
dait du gouvernement une destination ultérieure.
lie sort en a décidé autrement ; il a vécu. M . Delzons,
législateur, oncle du général d’Estaing, étoit à Paris lors
de cette catastrophe; il fait prendre toutes les précautions
que la loi commande; les scellés sont apposés sur tous
les meubles et effets du ‘défunt.
M . Delzons savoitqu’^/me devoit se rendre à Marseille,
ville assignée aux Égyptiens réfugiés, mais qu’elle s’étoit
arrêtée à Lyon pour raison de santé, et y a v o i t pris un
logement commode et coûteux.
M . Delzons écrit au sieur Bourdin, marchand cha
pelier, originaire d’A urillac, et avec lequel il étoit en
relation. M . Delzons charge Bourdin d’annoncer h A n n e
B
�( 10 )
la mort du général d’Estaing, et de lui procurer un loge
ment plus économique que celui qu’elle occupoit. Bourdin
excéda ses instructions; il crut qu’il valoit mieux encore
faire partir cette femme pour Aurillac; et sans consulter
la famille du général, sans même lui en donner avis, em
barque pour A urillac, A n n e , sa fille, et une nourrice;
M . d’Estaing père n’a aucune connoissance de cette
démarche; il n’en est informé que par Bourdin lui-même,,
qui fait, dans le même temps, un voyage dans sa patrie,
et précède de deux jours la pretendue Grecque.
M . d’Estaing manifeste la plus grande répugnance à
r e c e v o ir dans sa maison une femme qu’il ne connoissoit
q u e sous des rapports, peu avantageux, d’après la cor
respondance de son fils. La charité ou la compassion
l’obligeaient peut-être de donner des soins à une étrangère
infortunée; mais la décence ne lui permettoit pas de
recevoir une concubine dans sa maison.
On chercha, par les ordres du sieur d’Estaing, un ap
partement en v ille , pour donner un asile à A nne. La
résistance du p è re , pour recevoir cette femme dans sa
maison, est connue de toute la ville-.
Mais une foule d’oilicieux , d’oisifs ou d’indiiférens
pensent qu’une réception plus honorable ne peut avoir
aucune conséquence : c’est une étrangère, une infortunée
élevée dans des principes différens des nôtres, qu’on ne
peut ranger dans la classe de ces femmes sans .pudeur,
qui bravent les principes.ou les préjugés;iet-soit curiositéj
pitié ou foiblesse, le sieur-d’Estaing, dans<ce moment
dq douleury atterré par la nouvelle fatalô de la irçortide
son'fils, accablé sous le poids des ans, so.laissçlsubjuguèrj
il admet'cette femme dans sa maison.
�( 11 )
Son arrivée à Aurillac date du I e r. "prairial a n 10,
quinze jours après la mort du général.
Il y a dès-lors impossibilité que le sieur d’Estaing ait
prévenu, comme on l’a dit, par une lettre officieuse, celle
qu’on veut lui donner pour belle-fille ; il fut en mêmetemps informé, et de la mort de son fils, et de l’arrivée
de l’étrangère.
L e sieur d’Estaing père se proposoit d’avoir des ex
plications sur le genre d’engagement que pouvoit avoir
contracté son fils avec l’inconnue qui lui étoit présentée.
Après une quinzaine accordée à A n n e, pour la reposer
des fatigues de son voyage, il lui fait part de la lettre
du gén éral, son fils , et lui communique ses doutes :
A n n e soutient qu’elle est l’épouse légitime du général;
qu’elle a été mariée au Caire , a u C om m encem ent de
Tan 8 ; que sa fam ille, qui est à M arseille, a tous les
actes qui établissent son mariage et la naissance de sa
fille. ^
L e sieur d’Estaing père est séduit ; il se rassure sur
la promesse à!Anne, de faire venir tous ces actes : elle
fait écrire pour les obtenir; elle ne pouvoit en imposer
sur la lettre, car elle avoit besoin d’un secours étranger,
dès qu’elle ne savoit ni lire, ni écrire eu français.
Dans l’intervalle, M. Delzons arrive de Paris; il est
informé de ces détails. Il connoissoit l’état des affaires
du général ; il observe à son beau-frère qu’il est urgent
de faire procéder à la rémotion des scellés, à l’inventaire
et à la vente du mobilier : mais c o m m e n t faire ? L ’état
de la prétendue veuve est incertain : elle se dit âgée
de dix-sept ans seulement ; elle n’a aucun titre pour dé
fi 2
�C 12 )
mander cette rémotion ; elle ne peut être tutrice de sa
fille, dès qu’elle est mineure : le sieur d’Estaing père ne
court aucun risque à accepter la tutelle de M a rie, qu’on
lui présente comme sa petite-fille.
Ce vieillard respectable, entraîné par les événemens
et les circonstances, attendant toujours les actes servant
à constater l’état de l’étrangère, croit pouvoir sans danger
prendre un parti qui accélère la liquidation de la suc
cession de son fils. Ses autres enfans ne sont pas de cet
avis; ils représentent à leur pere 1 inconséquence de cette
démarche ; ils ne sont pas écoutes ; on les évité, on les
fuit ; ils ne sont plus instruits de ce qui se passe.
L e 5 messidor an io , le sieur d’Estaing père se pré
sente devant le juge de paix d’Aurillac } on lui fait ex
poser « que Jacques-Zachàrie d’Estaing, son fils, général
« de division, est décédé à Paris le i 5 floréal an. io ,.
r laissant une fille un iqu e, alors âgée de cinq m ois,,
« nommée M an'e, provenue de son mariage avec A n ne
«y JSazo, .Grecque d’origine ; que la loi défère à lui
c< aïeul, la tutelle) de sa petite-fille, attendu surtout la
a minorité. (FAnne N azo sa mère ; et désirant étro
it confirme en cette qualité pour pouvoir agir légalement,
« il a, amené plusieurs des plus proches parens du défunt,
a pour délibérer .tant sur la confirmation de la tutelle,
« que sur la fixation de la pension de la pupille, sur
« les habits de d e u il, et pension viduelle de la damo
w veuve d’Estaing; comme aussi pour donner leur avis
« sur l’allocation des frais de voyage de>la mineure, do
« la m ère, depuis Lyon jusqu’i A urillac, ainsi que des
« frais dûa pour salaires à une nourrice provisoire, ,depuis
�( J3 )
Tarejite, ville du royaume de Naples, y compris un
mois de séjour à L y o n , jusqu’en la ville d’A urillac;
lesquels frais il a avancés, et se montent à la somme
de 604 fr. ; et enfin , pour être autorisé à régler tous
comptes et mémoires de fournitures, et autres objets
qui pourroient être à la charge de la succession , et ce,
tant par lui-même que par ses fondés de pouvoirs. »
Il présente ensuite pour composer le conseil dè famille,
des parens éloignés, si on en excepte les siêurs Délzons
père et fils. Chose remarquable ! le sieur d’Estaing père
avoit avec lui ses six autres enfans, frères du défun t,
dont quatre majeurs; il étoit tout naturel, et là loi lè
commandoit impérieusement, de convoquer à Cette as
semblée les frères du défunt : ils étoîent essentiellement
membres du conseil de famille ; on les écarte avec lé plus
grand soin.
Ces parens, comme on peut le penser, sont d’avis de
confirmer le sieur d’Estaing, aïeul de la mineure, dans
la qualité de son tuteur, à la charge par lui de faire bbrl
et fidèle inventaire de tous les.effets dépendait dé la suc
cession du défunt général d’Estaing, faire procéder à ht
vente du mobilier, et de faire l’emploi utile du prix-eu
provenant, conformément à la l o i, aprèis avoir prélevé
tous frais , dettes et charges de la succession.
20. Ces parens estiment que.la pension de lu initieiu'e,
jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans, tant pour
sa nourriture que pour son entretien et éducation, doit
être fixée à la somme de 600 fr. annuellement', que le
tuteur retiendra par ses mains, sur la recette dés revenus.
3a. Ils portent les habits de deuil dè'lu'darne Veuve
«
«
k
«
a
«
«
�( i4 )
(TEstaing, ,y compris ceux qui lui ont été fournis à Lyon ,
•et quijne sont point encore acquittés,.à une somme de
'looo francs : le tuteur est autorisé à fournir, ces habits,
:en .-retirant quittance des marchands et fournisseurs.;
o; 40. Quant à la pension viduelle de la veuve, et de la
négresse qu’elle a à son service, comme le sieur d’Estaing,
tuteur , leur fournit en nature , nourriture 7 logem ent,
feu et blanchissage, les parens fixent cette pension à la
somme de ioôo francs pour l’année de viduité, à compter
du i er. -prairialan 10, époque de .son arrivée ¿1 ¿4.urillac.
Ils allouent au tuteur -la somme de 604 francs, avancée
par lui ¡pour frais de voyage de la veuve , et salaire.de
la nourrice depuis Tarente jusqu’à Aurillac.' ,l...
^
jv: 5 °*autorisent le, tu leur à traiter, tant par lui-même
que par ses mandataires, avec tous marchands, fournis
seurs, aubergistes, et autres personnes qui pourroient
avoir fîiit des fournitures tant en marchandises que den
rées, régler leurs mémoires, en payer le montant, soit
que ces fournitures aient été faites à Paris, à Marseille^
au.défunt, général, ou à sa veuve à L y o n , pendant le
séjour qu’elle y a fait.
procès verbal, si indiscrètement rédigé, fait avec
tant de précipitation, est le grand titre de l’Egyptienne.
Il en résulte, suivant elle, une reconnoissance formelle
de sa qualité de veuve à Estaing, une possession publique
de son état. L e sieur d’Estaing p è re , étranger à la suc
cession de sou fils, puisque le général est mort sous l’em
pire de la loi du 17 nivôse an 2, a pu livrer cette suc
cession à u n e inconnue; il a eu le droit d’en priver ses
fils, frères du défunt, et seuls habiles à lui succéder. Tout
�.
(
i
5
)
ce qu’a fait le père est irrévocable; les frères d’Estaing
sont obligés de le respecter. Peu importe que le général
ait désavoué son mariage, qu’il ait attesté qu’il rfy avoit
aucun lien légal entre lui et la prétendue Grecque ; le
père a plus de pouvoir que le mari ; il peut se passer
de contrat, d’acte civil, de preuves, et conférer à A n n e
la qualité de veuve de son fils.
V oilà l’étrange raisonnement à'Anne et de ses conseils..
Mais il ne faut pas anticiper sur la discussion : on doit
cependant féliciter A n n e du grand parti qu’elle a déjà
tiré de ce procès verbalGomme Egyptienne réfugiée, elle avoit obtenu du gou
vernement une pension de 520 francs. Cette faveur lui
étoit commune avec- tous les Egyptiens qui avoient passé
en France après la capitulation d’Alexandrie; seulement
la pension d’’A n ne étoit la moindre de celles que le gou
vernement avoit accordées. .
- Mais -A n n e , munie de cette délibération de famillèy
qui la traite comme veuve d’un général.français, trouve
les moyens de parvenir jusqu’au chef de Fétat ; e t , en ^
cette qualité de veuve, elle obtient de^otre magnanime
Empereur que sa pension sera.-portée à la sommewde
2000 francs.
; .
v vj
^
' Dans le principe elle n’avoit fait solliciter la démarche
du sieur d’Estaing ¡père;qüe pour parvenir à ce but ;
maintenant elle veut encore fprofitcr de la bienfaisance
du souverain , pour en induire uncreconnoissance solen
nelle* de sonvétat. parvl’Empbrèür! lu i-m êm ei ceuqüi- doit
imposer silence à des collatéraux importuns.!/. :rp 'i-o , ;v.
^ Il faut convenir qu’il n’y a pas de Grecque ftlùa rtisée •
�Ç.6).
ni plus adroite. On examinera bientôt ce que peut avoir
de commun un brevet de pension, avec les prétentions
d'A n n e contre les frères d’Estaing, et si ce brevet est
encore une possession d’état.
D eux jours après l ’acte de tutelle, et le 7 messidor,
le sieur d’Estaing père donne uné procuration au sieur
D elzons, résidant à Paris, pour faire procéder à' la réniotion des scellés apposés sur les meubles et eifets de
son fils.
Il a été procédé à la rémotion des scellés, et à l’in-»
ventaire du m o b i l i e r , le 24 messidor et jours suivans. Il
est dit dans le procès verbal que c’est à la requêté de
Pierre d’Estaing , au nom et comme tuteur de Marie
d’ Estaing, sa petite - fille e n fa n t mineur de JacquesZacharie d’Estaing, général de division, et d’Anne Nazo,
sa veuve:, Grecque d’origine.
On y observe que la mineure d’Estaing est habile à se
dire et por.ter seule héritière de Jacques-Zacliarie d’Es
taing, son père.
On remarque que le général d’Estaing: ayant été marié
au Caire, en E gypter il n’a point été fait entre lui et sa
yeuve d’acte qui réglât les conditions civiles de leur
mariage ; qu’en conséquence leurs droits doivent être
régis suivant la coutume du lieu du domicile du général
d’Estaing*, q u e ce domicile etoit a Aurillac, pays soumis
à la coutume d’A uvergne, qui n’admet pas de commu
nauté entre mari et femme sans stipulation contractuelle.
Iicisieur Delzons, fondé de pou voir,) de voit au moins
savoir qu’Aurillac est en droit\écrit.
!
Parm i les papiers du défunt'od. ne trouve audun acte,
aucunes
�( i7 )
aucunes pièces relatives à son prétendu mariage; il n’y
n p;is le plus léger renseignement, si ce n’est deux lettres
récentes; écrites de Tarente au défunt, et dont on ne
donne pas même la date : tune est, dit-on, écrite par
le père de la dame d’E stain g, qui apprend au défunt
Taccouchement de son épouse, et Vautre d’un sieur Latapie, qui annonce au général d’ Es tain g l'arrivée de sa
J e mine à Tarente.
Bientôt après on a fait procéder à la vente judiciaire,
du mobilier; on. a acquitté, dit-on, les dettes de la suc
cession ; mais les frères et sœurs du général ont ignore
ces démarches, cl n’ont été appelés à aucune opération.
En attendant, et pendant que tout ceci se passôit à
Paris, A nne ne recevoit rien de M arseille; point d’acte
pour établir l’état qu’elle réclamoit.
'
'
i
Ce retard fait naître des soupçons; sa conduité dans la
famille les augmente : on avoit appris qu’elle n’étoit pas
m ê m e fille de Joanny Nazo-; elle n’avoit pas reçu l’acte
de naissance de M a rie, qu’elle disoit sa fille. Si elle n’a
voit pas fait constater sa naissance par les officiers du
navire, le consul, ou le prêtre, il étoit naturel de le faire
au moins à Tarente, où, comme dans tous les pays occupés
par nos armées , il y avoit des officiers civils pour cons
tater l’état des Français.
La famille du général murmure: Anne s’en aperçoit,
et prend le parti de se retirer ; elle écrit'à Joanny N azo
de venir la prendre. Celui-ci qui avoit gardé le silence
sur la demande dA n n e , relative aux actes qui devoient
constater son état, se rend bien vite à l’invitation ; il
C
�c 18 )
arrive à A urillac, et emmène à Marseille celle qui se
disoit sa fille.
A n n e dissimula en partant; ce n’étoit qu’un voyage
de peu de durée , elle devoit bientôt revenir : elle part
pour Marseille. A peine arrivée à cette destination, elle
cherche à acquérir des preuves de son prétendu mariage.
Elle imagine , le 5 fructidor an 1 1 , de se présenter
devant le juge de paix du second arrondissement de
M arseille, intrà mur os. Elle lui expose « qu’il lui im« porte de faire co n n o ître son origine, qu’elle ne peut
« le faire pat pièces probantes >attendu que dans sa patrie
ce il n’est point tenu de registre constatant l’état civil des
« citoyens ; elle requiert le juge paix de recevoir les dé« clarations qui vont être faites par des compatriotes
« qu’elle a invités à se rendre, relatives à son origine,
« et qu i pourront suppléer au défaut des titres qu’il lui
« est impossible de produire. »
c A l’instant se présentent Nicolas Pappas Onglou, se
disant chefdebrigade, commandant les chasseurs d’Orienty
figé de 45 ans, né à Schemet, en Asie ; Gabriel SandroUx,,
aussi chef de brigade du même corps, âgé de 36 ans r
né au Grand-Cairc ; Abdalla M anourychef de bataillon r
âgé de 34 arls, né au Grand-Caire ; Joseph Tutungi. y
réfugié égyptien, né h A le p , âgé de 5 o ans; Alla Oda~
bachiy né à Alep,. réfugié d’Egypte; Joseph B u fa in y
né à Gonstantinople, réfugié d’Egypte; et Constanti
Kiria/co , né à Schemet, en Asie*
:.1II est dit que toute cette compagnie agit avec la pré
sence et bous l’autorisation de L ou is iVAcornias, inter^
�( *9 )
prête juré des langues orientales. Ils déclarent ¿ par Torgane de l’interprète, c<qu’ils ont i'ésidé habituellement
c en Egypte avant la révolution ; qu’ils y ont parfoité« ment connu Jean N azo et Sophie M isch e, son épouse,
« père et mère d'Anne; qu’ils Sont bien mémoràtifs dé 1»
« naissance d'A nne ISazo à l’époque de l’année 1780, et
« que la dame fut unie en mariage avec le général d’Es« taing. »
Joseph Tatangt, CdtistàntiKiriàJco et Joseph T)ufain\
déclarent de plus ce qu’étant passés en France avec Anh& ,
« veuve d’Estaing , ayant relâché à Céplialonie dans le
«mois de nivôse an 10, ladite dame y accoliclia d’uné
ce fille, qui fut tenue sui*les fonts baptismaux par lë sieüi
t< Nassif, 'officier de chassetirs , et £>ar l'a dariiëf Mdrié
« M ische, son aïeule. »
‘
A n ne se faisoit ainsi r'ëc'oiïnoîti'e par eèd réfugiés sani
avertir personne , et ne donna plus dë ses nouvelles que
pour réclamer M a r ie , sa fille, qu’eïlé ¿voit laissée à
Aurillac; encore eut-elle recours au ministre de la justice
pour faire Cette demande» Elle a fait ittipi-îmer qu’elle avoit
eu besoin d’obtenir des ordres supérieurs pour avoir son
enfant; elle en impose sur ce point comme sur beaucoup
d’autres. Sur sa réclamation, le ministre écrivit pour
avoir des renseignemerts ; et le sieur d’Estaing père, fort
étonné d’apprendre qu’ort se fût adressé au ministre:, répond
sur le champ qu’il est prêt à remettre tift enfant qti’on ltii
avoit laissé, et qu’il n’avoit gard'é q u e par humanité.
Les frères et sœurs du général d^Ësfaing, h qui ori aVoit
soigneusement caché tout ce qui s’étoit passé , prirent
dtf leur côté des infoïmations; i’un d’eux, commandant
G 2 '
�( 20 )
d’armes à Chambéry, avoit vu le général, son frère, lors
de son passage, et celui-ci ne lui avoit l’ien dit sur son
prétendu mariage; il étoit plus à portée qu’un autre de
savoir ce qui s’étoit passé au Caire. Il est convaincu que
son frère est mort célibataire ; il se concerte avec les
autres pour la conservation de leurs droits.
Tous se déterminent à faire faire entre les mains de
leur père, par acte du 20 thermidor an 1 1 , une saisiearrêt , avec défenses de se dessaisir ni rien livrer de tout
ce qui est p r o v e n u de la succession du général.
L e 7 v e n t ô s e an 12, cédule devant le juge de paix , au
sieur d’Estaing père, pour se concilier sur la demande
t e n d a n t e à ce qu’il soit tenu de leur rendre et remettre
la .totalité de la succession de leur frère, sauf au sieur
d’Estaing père à se retenir la portion revenante à Pascal
d’Estaing, leur frère, encore mineur..
L e 11 ventôse même mois, procès verbal du bureau de
paix: le sieur d’Estaing père y déclare « qu’il existe un
5 enfant naturel de feu d’Estaing, provenu de ses liaisons
«,avec Catherine Pontalier, originaire de,Paris; que cet
« enfant, légalement reconnu par son père, étoit en ce mo« ment entre les mains de Pierre M arceron, jardinier
« de la ville de Fongeau , et son père nourricier.,
• « Le sieur d’Estain^père observe que la loi donne des
«
à cet enfant sur les biens de son père ; que, d’un
« autre côté, il s’est présenté à l’ouverture de la succession
« du général, une femme grecquo, qui se disoit sa veuve,
« et mère d’une petite fille provenue de ce prétendu
« mariage.
*
« Le sieur d’Estaing ajoute qu’il voulut bien accepter la
d
r o i t s
�(2 1 )
cc tutelle de cet enfant, attendu que sa reconnoissance ne
« pou voit pas nuire aux parties intéressées; qu’il lui donna,
« sur la succession, des secours qui lui étoient nécessaires,
« ainsi qu’à la mère ; mais que celle-ci prétend aujour« d’hui s’emparer de tous les biens du feu général d’Es« taing, soit comme se disant créancière, soit comme
« commune, soit comme tutrice de sa fille; qu’au reste,
« il est prêt et offre de remettre ce qui est en ses mains
« de cette succession, en le faisant ordonner, soit avec le
« tuteur qui sera nommé à l’enfant natui'el, soit avec
« A n n e , se portant aujourd’hui tutrice de sa fille. »
L e lendemain , 12 ventôse an 1 2 , les frères d’Estaing
(majeurs) présentèrent requête au tribunal d’Aurillac,
pour demander permission de faire assigner leur père , à
bref délai, attendu qu’il s’agissoit de partage, pour voir
dire et ordonner qu’il y sera procédé , et qu’il leur sera
délaissé à chacun un sixième de la succession, su iv a n t
l’inventaire qui sera représenté; faute de ce faire, pour
être condamné à payer à chacun des frères d’Estaing, la
somme de 12000 fr. à laquelle ils évaluent et restreignent
leur amendement.
Même jour, assignation aux fins de cette requête ; et
le 18 ventôse, intervient au tribunal d’Aurillac un juge
ment contradictoire qui ordonne qxCAnne Nazo, Emile
d’Estaing, enfant naturel du défunt, Jean-13aptiste et
Antoine Pascal d’Estaing , ou leurs tuteurs, ou subrogés
tuteurs, seront mis en cause.
Pendant que tout ceci se passoit à A u r illa c , Anne ne
perdoit pas son tem ps: elle s’étoit im aginée que le tri'buiial de lu Seine devoit seul connoîtrc de toutes les cocu-
�C 22 )
testaticns qui pouvoient s’élever entre elle et le sieur
d’Estaing père.
Quoique résidente à M arseille, elle fait citer le sieur
d’Estaing père à Paris, par cédule et requête des 2 et 21
ventôse an 12: elle ne sa voit pas trop encore ce qu’elle
devoit demander ; mais par une requête du i 5 messidor
an 12 , elle règle définitivement ses conclusions.
Elle apprend, par cette requête, que le tribunal de la
Seine s’est déclaré compétent par jugement du 4 du même
mois de messidor : elle expose « qu’après la mort du gé« néral d’Estaing, décédé à Paris le i 5 floréal an 10, le
« sieur d’Estaing père a profité de l’absence de la dame
« d’Estaing, qui venoit de l’Egypte et de l’Italie pour
« rejoindre son m ari, pour se J^aire nommer tuteur de
«Tenfant mineur du général, et se mettre en possession
« de tous les biens. »
Elle dit « que le sieur d’Estaing père n’est plus chargé
« de la tutelle ; qu’il ne doit plus retenir l’administration
a des biens, dont moitié lui appartient à elle comme
i<commune.
« Qu’elle est dénuée de tout ; qu’elle n’a d’autre res« source qu une pension sur l’état, de 5zo fr ., qui a été
« portée à 2000 fr. , mais dont elle ne doit pas toucher
« le premier terme de quelque temps.
« Elle a vendu ses effets, contracté des dettes; elle doit
« plusieurs termes de son loyer : l’article 384 du Code
« N apoléon, lui attribue la jouissance des biens de son
« enfant.
« 11 s’est trouvé, dans l’actif du défunt général, trois ins¿k-criptions du tiers-consolidé sur'l’état r faisant ensemble
�( 23 3
« 2ooo fr. de rente : elle les a fait saisir à la trésorerie ;
« elle ne voit aucun inconvénient à en toucher les arrê
te rages. Mais ce n’est pas suffisant; elle demande cependant
« à être autorisée à les percevoir, à faire faire toutes mu
te tâtions à son profit, et qu’il lui soit fait en outre une
« provision de ioooofr. »
A u principal, elle conclut à ce que M. d’Etaing père
soit tenu de lui rendre compte de sa gestion , lui com
muniquer l’inventaire fait après le décès de son fils, ainsi
que toutes pièces justificatives, sauf ses débtas, et qu’il
soit condamné à lui payer le reliquat du compte.
Un jugement par défaut du tribunal de la Seine, en
date du 18 messidor an 1 2 , lui adjuge ses conclusions
provisoires et principales ; seulement la provision est
restreinte aux arrérages des rentes du tiers-consolidé.
M. D estaing père, averti de toutes ces poursuites, trouve
extraordinaire que la prétendue veuve l’ait fait assigner
à Paris, lorsqu’évidemment la succession de son fils étoit
ouverte h A u rillac.il n’avoit en effet d’autre domicile que
celui de son origine.
M. d’Estaing décline la juridiction, et se pourvoit
devant la cour de cassation, en règlement de juges.
Un arrêt du 11 vendémiaire an 13, décide que la suc
cession du général est ouverte à Aurillac ; et sans s’arrêter
aux jugemens du tribunal de la Seine, des 4 et 18 mes
sidor on 1 2 , qui sont déclarés nuls et comme non
avenus , ainsi que tout ce qui a précédé et su ivi, ren
voie la cause et les parties à procéder devant le tribunal
d’arrondissement d’ Aurillac, pour leur être fait droit sur
leurs demandes respectives»
�( 24 )
A n n e , à son tour, suspecte le tribunal d’Aurillac ;
M . d’Estaing père en étoit le président: elle présente
requête en la cour, pour être renvoyée devant tout Autre
tribunal.
M . d’Estaing se pi'ête à ce caprice; il s’en rapporte
à cet égard à la cour de cassation. A rrêt du 2.6 thermidor
an 13 , qui renvoie la cause et les parties devant le
tribunal séant à Mauriac.
^
Il n’y avoit d’autres parties en instance au tribunal
de la Seine, c^xA-tmc, soi-disant Ncizo, et le sieur d’Es
taing père: la demande en partage, formée par les frères
d’Estaing, étoit pendante à Aurilkic. Ce tribunal, investi
d elà cause, avoit déjà ordonné que tous les prétendans
droits à la succession du général d’Estaing seroient assignés
devant lui. Ce jugement avoit été signifié.
Anne ne tient aucun compte de cette procédure : le
10 février 1806, elle prend une cédule du juge de paix
de M auriac, contre le sieur d’Estaing p ère, exclusive
ment *, elle reprend contre lui les mêmes conclusions
qu’elle avoit déjà prises par sa requête présentée au
tribunal de la Seine ; seulement elle ne se prétend plus
commune avec le général, et n’agit qu’en qualité de
tutrice.
L e 4 mars 1806, procès verbal du bureau de paix.
L e sieur d’Estaing père , par son fondé de p o u vo ir,
déclare « qu’Anne le fait citer sans fondement et sans
« raison ; qu’il n’a aucun droit à exercer sur la succes« sion de son fils; que la demanderesse auroit dû plutôt
a se pourvoir contre les véritables héritiers de son fils,
« qui seuls ont qualité pour accéder ou critiquer ses
fc prétentions j
�( 25 )
« prétentions; qu’il n’est ici qu’un régisseur, et ne peut
« se concilier sur la demande en reddition de compte
« qu’avec tous les ayans droit. »
M . d’Estaing indique ensuite les héritiers du général;
et d’abord c’est Emile d’Estaing, son fils naturel, et encore
m ineur, puis les frères et sœurs du général ; il expose
qu’Anne n’ignore pas la saisie-arrêt qu’il a dans les mains,
à la requête de ses enfans, ce qui est un motif de plus
pour qu’elle s’adresse à eu x, afin de faire valoir ses
prétendus droits.
Mais le sieur. d’Estaing père ajoute que la demanderesse
ne peut se prévaloir de ce qu’il l’a reçue dans sa maison,
de ce qu’il a accepté la tutelle de Marie', et a fait procé
der, en cette qualité, à l’inventaire et à la vente des effets.
Ce ne fut qu’à titre d’hospitalité et de bienfaisance qu’il
lui donna un asile; il y fut induit « par fraude, suppo« sition de personne, et par des insinuations perfides. »
A nne seule l’excita à toutes ces démarches, q iiil
rétracte et désavoue form ellem ent, ne voulant pas
qu’une étrangère s’introduise dans sa famille.
Il déclare qu’il ne la reconnoît point pour fille de
J o a n n j N a z o , ni sous la qualité d’épouse de son fils;
qu’il ne reconnoît point sa fille, sous le nom de M arie,
comme provenue de son prétendu mariage avec le général
d’Estaing; qu’il exige auparavant qu’elle établisse par
actes authentiques, son origine, son prétendu mariage,
et l’état de M arie, sa fille: jusque-là il la soutient non
recevable dans toutes ses demandes.
A nne pour le coup est effrayée de la réponse éner
gique du sieur d’Estaing père; elle reconnoît la nécesD
�C * )
sîté de rapporter des actes authentiques qui établissent
son origine et son mariage : elle n’en avoit d’aucune
espèce ; qu’imagine-t-elle pour y suppléer?
L e 29 mars 1806, elle se présente devant le juge depaix du dixième arrondissement de Paris ; elle lui expose
que « pendant le cours de Tan 8 , elle a été unie en
« légitime mariage avec Jacques - Zacharie d’Estaing-,
« général divisionnaire , décédé à Paris en l’an 10; que
son mariage a été célébré religieusement et d après
a les rites du pays? devant lepatriarche d Alexandrie^
« habitant au Grand-Caire ; mais que n’étant point en
« usage en Egypte de tenir des registres des actes de
« l’état civil, elle se trouve dans l’impossibilité de repré« senter au besoin l’acte de célébration de son mariage;
« et que désirant y suppléer par un acte de notoriété,
« signé de différentes personnes qui ont été témoins de
« son m ariage, elle requéroit le juge de paix de recevoir
« la déclaration des personnes qu’elle présentoit. »
Ces personnes sont au nombre de sept. Un sieur
Larrey de Beaudeau, ex-cliirurgien en chef de l’armée
d’Egypte; dom Raphaël de M onachis, membre de l’ins
titut d’Egypte; un sieur Antoine-Léger Sartelon, ex-or
donnateur en chef de l’armée d’Egypte; un sieur Hector
B a u re y ex-inspecteur général aux revues de la même
arm ée; un sieur Luc Duranteau,.général de brigade;
un sieur Jean-Joseph M arcel, directeur de l’imprimerie
impériale ; un sieur Martin-Roch-Xavier Estave, ex-di
recteur général des revenus publics de l’Egypte.
- Tous ces témoins réunis, et par une déclaration col
lective, attestent, « pour notoriété publique, connoître
«
,
�C ¿7 )
« parfaitement A n ne N a zo , veuve du général d’Estaing,
« fille de Joanny Nazo, négociant au Grand-Caire, chef
a de bataillon des chasseurs.
« Ils certifient q u e, pendant le cours de Tan 8 , la
« dame Nazo a été unie religieusement, et d’après les
« rites du pays, en légitime mariage avec Jacques-Za« charie d’Estaing, par le patriarche d’Alexandrie, lia« bitant du Grand-Caire; que l’acte de célébration n’en
« a pas été rédigé., n’étant point d’usage en Egypte de
« tenir un registre de l’état civil mais que le mariage
« 11’en est pas moins constant, ayant été célébré en pré« sence d’un grand nombre de militaires français, et de
« la plupart des déclarans ; que depuis la célébration
« de son mariage avec le général d’E staing, et pendant
« son séjour en Egypte, la dame N a zo , veuve d'Estaing,
« 7l ’a pas cessé d’habiter avec son m a ri, qu i Va tou« jours traitée comme son épouse légitime, »
A n n e , munie de cet acte, qu’elle appelle un acte de
notoriété, présente requête au tribunal de la Seine, pour
demander Vhomologation de ce certificat : jugement du i5
avril 1806, qui l’homologue sans difficulté.
On ne conçoit pas trop cette manière de procéder. Il
est difficile de penser que le juge de paix eût qualité
pour recevoir de semblables déclarations, et que le tri
bunal de la Seine fût compétent pour homologuer une
enquête à futur, faite sans ordonnance de justice , sans
jugement préalable, et hors la présence des parties in
téressées.
Il est surtout curieux d’entendre ces témoins officieux
dire que le mariage a été célébré en l’an 8, sans déD 2
�( a8 )
signer aucune époqtte précise, lorsque la lettre du gé
néral, du 25 pluviôse an 9, annonce une liaison récente,
et qui ne remontoit pas à un mois; de les voir déclarer
que le mariage a été célébré par le patriarche d’Alexandrie,
qui n’est ministre de la religion d’aucun des deux prétendus
époux ; de les entendre enfin attester qu"'Anne n’a cessé
d’habifer avec son mari pendant tout son séjour en Egypte,
lorsqu’il est constant que la cohabitation n’a pas eu deux
mois de durée, que le général est parti du Caire pour
se rendre à Alexandrie, lors du débarquement des Anglais
à Aboukir.
A n n e , se confiant dans cet acte de complaisance ou
de légèreté, fait assigner M. d’Estaing père au tribunal
de M auriac, par exploit du 30 mai 1807. M . d’Estaing
père fournit ses défenses, qui ne sont qu’une répétition
de ce qu’il avoit déjà dit devant le bureau de paix; mais
il demande acte au tribunal de la réitération qu’il fait
devant lui de se?protestations contre tous aveux, toutes
démarches ; que ce n’est que par erreur et par fraude
q’u’il a accepté la tutelle de M arie; et qu’il rétracte tous
actes dont Anne pourroit inférer une reconnoissance de
son état j il conclut enfin à ce qu '‘ A m ie , comme étran
gère, soit tenue, aux termes du Gode, de donner caution
judicàtum Sûlvi.
La cause portée à 1 aüdience ati provisoire, intervint
un jugement contradictoire, le ïa août 1806, par lequel
le tribunal de M auriac, sans préjudice de tous moyens
respectifs des parties, et sans entendre rien préjuger y
ôrdonne, avant faire droit , que les parties feront diligettcids pour mettre en caüse les prétendans droit à la
�(29 )
succession du général d’Estaing, en se conformant à la:
loi ; et néanmoins, condamne le sieur d’Estaing père à
payer à Anne Nazo la pension de 600 francs, fixée à sa
fille mineure par le procès verbal du 5 messidor an 10,
depuis que la mineure est sortie de la maison du sieur
d’Estaing p è re , et à la continuer à l’avenir jusqu’au ju
gement définitif : les dépens sont réservés, sauf le coût du
jugement, auquel le sieur d’Estaing père est condamné.
On ne doit rien négliger dans une cause de cette im
portance; les plus petits détails peuvent être précieux r
il faut donc rendre un compte sommaire des motifs qui
ont déterminé ce jugement, auquel les héritiers d’Eslaing
se sont rendus tiers opposans, et qui est également soumis
à l’examen de la cour.
Suivant les premiers juges, l’article 16 du Code Na
poléon n’assujétit que les étrangers à donner caution du
judicatum soîçi A m ie se disant épouse d’un général
français, il est incertain si elle sera regardée comme
étrangère, ou si elle se trouvera dans l’exception,.de
l’article 12 du même Code; rien n’est encore jugé sur
la validité ou l’existence de son mariage : on ne peut
donc lui appliquer une peine qu’elle n’a pas encourue.
Ce n’est pas trop sagement raisonner; car sTil faut at
tendre la fin d’un procès pour exiger une caution, la
disposition du Code ne seroit pas fort utile : il est bien
tard pour demander une caution, lorsque tous les frais
sont faits; et il semble que dès qu'A nn e ne rapportoit
aucuns titres pour constater son état, elle devoit être
assujétie à cette formalité.
Les premiers juges ajoutent qu'Anne soit com m e
.
?
�( 3° )
commune, soit comme tutrice, réclame la totalité de la
succession du général ; dès-lors les poursuites que les
frères d’Estaing ont pu faire contre leur père, lui sont
étrangères, et ne peuvent mériter aucune litispendance
qui la concerne.
Cela n’est pas trop clair : « mais comme elle réclame
« toute la succession contre le sieur d’Estaing p ère, qui
« s’en est reconnu dépositaire; que la cour de cassation a
« renvoyé cette demande au tribunal, entre la dame N azo
« et le sieur d’Estaing père seulement, quoique la cour
« de cassation ait eu sous les yeux la procédure tenue à
« A u r illa c , entre les frères d’Estaing et leur père, puis
« qu ’elle est visée dans son arrêt, et qu’il n’est pas permis
« au tribunal d’interpréter le silence de la cour de cassa« tion. »
Qui croiroit qu’avec ce motif les premiers juges auroient ordonné la mise en cause devant eux des préten
dans droit à cette succession? Ils s’ingénient à prouver
qu’ils n’en ont pas le droit ; et c’est la première chose
qu’ils ordonnent.
Enfin le sieur d’Estaing père a provoqué la tutelle ;
il s’est soumis à payer une pension de 600 fr. à M arie:
la rétractation qu’il oppose contre cette obligation , ne
peut empêcher l’exécution provisoire ; la saisie-arrêt ne
peut avoir d’effet sur une pension alimentante , sauf le
recours du sieur d’Estaing père, ainsi qu’il appartiendra.
Tels sont lés motifs de ce premier jugement ; ils pouvoient être plus conséquens , et ce n’est pas sans raison
que les premiers juges liésitoient sur la mise en cause
des frères d’Estaing; ils n’étoient, dans l’espèce parti-
�( 3 0 ^
culière, que des juges d’exception; ils n’avoient reçu’
d’attribution qu’entre A nne et le sieur d’Estaing père.
Ils ne pouvoient pas dépouiller le tribunal d’A u rilla c,
juge naturel des frères d’Estaing, d’une demande pen
dante devant lui.
Mais pourquoi se jeter dans des arguties de procédure,
pour une cause de cette importance ; les frères d’Estaing
prennent le parti, sur la signification qui leur est faite
du jugement d’Aurillac , d’intervenir en l’instance , et de
former tierce opposition au jugement précédent : leur re
quête d’intervention est du 24 janvier 1807. Ils deman
dent qii''Anne soit déclarée non recevable dans toutes
ses demandes, et concluent, contre leur père , tant en son
nom , qu’en qualité de tuteur de deux de ses enfans, au
délaissement et au .partage de la succession du général
d’Estaing, leur frère , ainsi qu’ils l’avoient demandé à
Aurillac.
En cet état, la cause portée à l’audience du tribunal
d’A urillac,.le 13.août 1807, il y a été rendu un jugement
contradictoire, dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que la dame Nazo a mis en fait qu’elle avoitf
« été mariée' avec le général d’Estaing, au Caire, en
« Egypte, par le patriarche d’Alexandrie, en présence
« des principaux officiers de l’armée française en Egypte,
« en l’an 8, sans désigner le 7iiois ni le jou r de cette annee ,*
« que toutes les formalités exigées dans ce lieu pour le
« mariage avoient été observées -, et que d ’après ces usages,,
« il ne se faisoit jamais d’acte écrit du maringe ;
« Attendu qu’elle rapporte même des certificats quit
« attestent le mariage et l’usage du pays j,
�(
3 2
)
« Attendu que les tiers opposans ont produit au con« traire des certificats et des actes de mariage d’autres
« officiers français, célébrés dans le même temps devant
« des commissaires de l’armée ;
« Attendu que la dame Nazo prétend prouver, par
« lesdits certificats, qu’elle a vécu avec le général d’Estaing
« au Caire et à Alexandrie, et y étoit reconnue comme
« son épouse ;
« Attendu que la dame N azo prétend que la reconnoisk sance de son mariage, et même la reconnoissance de la
« légitimité de sa fille, de la part du général d’Estaing,
« r é s u l t e n t de la lettre qu’il a écrite à la dame Nazo le
« i5 prairial an 9 , date qui correspond assez à la naissance
« de cette fille à Céphalonie ; dans laquelle lettre le gé« néral d’Estaing lui fait de tendres reproches de ce qu’elle
« ne l’a pas averti de sa grossese, qu’il avoit apprise d’ail« leurs, et de ce qu’un particulier, qu’il dénomme, n’a« voit pas procuré à la dame Nazo des occasions de lui
« écrire ; laquelle lettre , très-affectueuse, est écrite en
« entier de la main du général d’Estaing, de l’aveu de
k toutes les parties, est adressée, aussi de sa main , à la
v citoyenne cPEstaing, à la citadelle du Caire, et datée
cc d’Alexandrie ;
« Attendu que par la lettre du général d’Estaing à
c< son père , du 13 ventôse an 1 0 , il commence par se
cc plaindre de ce que son pere ajoutoit plus de foi à une
cc lettre d’un sieur La tapie, qui lui avoit mandé que le
c<général d’Estaing étoit marié en E gyp te, qu’à luïcc même ; il continue par dire à son père qu’il n'y a
cc aucun lien légal entre la dame Nazo et lui j qu’il ne
« l’eût
�(
33, )
« l’eût pas contracté siins le prévenir-; e$ il finît cepen« dant par dire que ce lien pourroit bien amener celui-là ;
« qu’au surplus, il a écrit à cette famjlle de se rendre à
* Marseille , et d’y attendre de ses nouvelles *
Attendu qu’après le décès du général. d’Estaing,
« arrivé le i 5 floréal an 10 , le sieur d’Estaing père a
« reçu chez lui la mère et la fille, et les a traitées comme
« veuve et fille du général,. et présentées dans toute la
« ville en cette qualité pendant huit mois ;
« Attendu que le sieur d’Estaing père a requis, dans
« un procès yerbal terçu devait le juge de paix d’A u« rilla c, et composé de ce qu’il a de plus éclairé et de
« plus recommandable dans
fam ille, le 5 messidor an
« 10, et a obtenu la qualité de tuteur de Marie d’Estaing,
« sa petite-fille,, proyenue, y est-il dit,, du mariage du
« général d’^staingavec dame Na?o; dans lequel procès
« verbal il a fait fixer les frais p£*r lui avancés, pour leur
« voyage de Lyon à AuriU ac, les habits de deuil de la
« dame N azo, et une pension pour elle et sa fille ;
« Attendu qu’en vertu de ce procès verb al, le sieur
« d’Estaing père a fait procéder à la rémotion des scellés
« apposés à Paris sur les effets du général d’Estaing, son
c< fils, à laquelle le père de la dame N azo, et le sieur
« D elzons, législateur, ont assisté, et le sieur d’Estaing
« a fait ensuite procéder 4 l’inventaire de son mobilier
« par le sieur Delzons fils., son fondé de p o u vo ir, le 24
« messidor an 10 ;
« Attendu que lorsque la dame N azo, après un
« séjour de huit mois chez le sieur d’Estaing père, l’a
« quitté, ce dernier a gardé Marie d’Estaing, sa fille f
E
�C 34 )
« et ne l’a remise à sa mère qu’en vertu d’ordres supé-,
« rieurs;
« Attendu que de tous ces faits non désavoués, la dame
« Nazo en a conclu que son état d’épouse du général
« d’Estaing, et l’état de Marie d’Estaing, leur fille, avoient
« été reconnus solennellement par le sieur d’Estaing père,
« et qu’il ne lui étoit plus permis de varier ;
« Attendu que le sieur d’Estaing père n’a rétracté cette
« reconnoissance fo r m e lle que par sa réponse au bureau
« de paix du canton de Mauriac;
« Attendu ce qui résulte du procès verbal de tutelle,
« et des autres pièces produites par la dame Nazo ;
« Attendu que lorsqu’il n’a pas été tenu de registres,
« l’article 7 du titre 20 de l’ordonnance de 1667, dont
« a été pris l’article 46 du Code, permet de prouver par
« témoins la célébration du mariage, et la naissance des
« enfans qui en sont provenus; et q ue, dans l’espèce,
« cette preuve testimoniale est d’autant plus admissible,
« que le procès verbal de la tutelle déférée au sieur
« d’Estaing père peut être considéré comme un commen
te cernent de preuve par écrit de la possession d’état de la
« dame Nazo et de sa fille;
« L e tribunal, sans préjudice, etc., et sans rien prê
te juger, ordonne, avant fair^droit, que la dame Nazo
« fera preuve par-devant le président du tribunal, dans
« les six mois à compter de la signification du présent
« jugement à personne ou domicile, et ce tant par titres
« que par témoins, i°. qu’il n’étoit pas d’usage au Caire,
« en l’an 8 , soit pour les militaires français, ou tous
« autres,.de tenir des registres de l’état civil, ni de rédiger
�( 3 5 }
« par écrit les actes de mariage; qu’il n’étoit pas non
« plus d’usage à Céplialonie de rédiger par écrit des actes
« de naissance; 20. que la dame Nazo a été mariée eu
« l’an 8 , au Caire, avec le défunt général d’Estaing, par
« le patriarche d’Alexandrie, avec les cérémonies usitées
a dans ce lieu ; 30. qu’elle a depuis cohabité avec le sieur
« général d’Estaing, jusqu’au retour de celui-ci en France,
« et que dans tout ce temps elle a été publiquement
« reconnue pour être l’épouse du général d’Estaing ;
« 40. qu’elle est accouchée à Céplialonie , d’une fille
k provenue de ce mariage, dans le mois de nivose an 10,
« laquelle iille a été nommée M arie d’Estaing; sauf au
« sieur d’Estaing père, et aux tiers opposaus, la preuve
« contraire pour les enquêtes, etc. : dépens réservés. »
La dame A n ne a fait signifier les qualités de ce juge
m en t, sans aucune protestation ni réserve, le 22 août
1807.
L e 5 décembre suivant, Anne interjette appel de ce
jugement interlocutoire : elle a renouvelé cet appel par
autre acte du 23 janvier 1808; et, pour la première fois,
dans cet acte elle se rappelle de la date de son prétendu
mariage, qui a été célébré au Caire le jour des rois de
1800 ; fête qui arrive douze jours plus tard que parmi
nous, parce qu’on suit en Egypte le calendrier grec; ce
qui répond, suivant elle, au 17 janvier 1800, ou 27 ni
vôse an 8. Elle se plaint de ce qu’on l’assujétit à une
preuve; elle n’en avoit pas besoin.
Les frères d’Estaing, à leur to u r, tant en leur nom
personnel que comme héritiers de leur p è re , décédé
pendant l’instance, se rendent incidemment appelans du
E 2
�t. (
. ( 36 )
même jugement , notamment en ce que ce jugement a
fait une fausse application de l’article 14 du titre 20 de
l’ordonnance de 1667, de l’article 46 du Code, et qu’il
est contraire aux dispositions des articles 170 , 1 7 1 , 194
et 196 du même Code.
Depuis ces appels respectifs, A n n e a fait publier en la
cour une consultation en forme de mémoire, à la suite
de laquelle elle a produit des pièces nouvelles. Il s’agit
de répondre aux objections qu’elle propose, de relever
les contradictions dans lesquelles elle est tombée, et d’apprécier le mérite des actes de notoriété ou des certificats
dont elle justifie.
Une étrangère, une infortunée, vient réclamer l’état
d’épouse et de m ère, noms cHers et sacrés, d’où naissent
les plus doux.charmes de la vie : quel intérêt ne doit-elle
pas inspirer! La complaisance ou la pitié ont déjà dicté
des certificats, qui tous annoncent le sentiment qui lès
a produits.
(
Point de précision sur íes faits, contradiction sur lès
dates, exagération daôs lès cïrconstancéS, erreur sur lés
uages ou les mœurs du pays»
( Comment pourroit-on accorder quelque1confiance à
des actes' êxtrajudiciaireà, ' sollicités, 1menidiés, ¿¿'tenus
contre tous les principes' et toutes‘lès formés ?
La faveur disparoit , 1 ilÎusibn cesse, le prestige s’éva
nouit ; il ne reste plus que la crainte, une sorte dé'terrëür,
d’admettre, au détriment ¿ ’une famille,‘'uneusurpatrice,
r. Il,7» J
I . .
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lil/ 'i . ,c>» ••
une concubine^ <jui mettant peu' de prix à sès charmes r
a cédé facilement aux appas de la votùpté..
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A n n e pourroit-elle se taire un titre d un procès verbal
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�( 37 )
de tutelle qu’elle a arraché de la foibIesse>ou de l’erreur
d’un vieillard, dans les premiers momens de douleur de
la perte de son fils ; qu’elle n’a obtenu que par un 'men
songe, et parce qu’elle faisoit entendre que Joanny iNazo
avoit dans les mains tous Tles 'actes qui constatoient son
état d’épouse légitim e?
E lle est obligée de convenir aujourd’hui qu’il n’existe
aucun acte qui établisse son mariage; elle se renferme
dans une assertion mensongère, et soutient qu’il n’est pas
d’ùsage, parmi les G recs, de tenir des registres, ou de
dresser des contrats de mariage.
'Elle en impose évidemment et sciemment. Qu’on ouvre
Jl’histoire de tous les peuples pôlicés, des T urcs, par
'exem p le,'tjüi régnent dans le pays qui l’a vu naître.
On sait que les Turcs admettent la'pluralité des femmes,
et n’ont souvent que des esclaves: cependant il se con
tracte des mariages parmi7eux ; et celles* qu’ils ont Iégitimemênt épousées jouissent d e’tous les droits d’épouses;
il leur est d û ’ un dotiaire è tl une pension.
T o u rtièfo tt,'si1bien1instruit des usages de ce*peuple,
d i t , lètfre 14,' que! « les Turcs ne considèrent le mariage
!a que comtae un contrat civil; Cependant qu’ils le regar
de' dent corrime *un engagement »indispensable, ordonné
« par le créateur à tous les hommes, pour la mültipli*« ’cation Jde leùr’espèfcej Quand ôn 'Veut épouser une fille,,
o n 1s’adrësse; aux >parens 1j x > u r é b t è n i r 'leur consenterrient*,ei lorsque la rèbhèrùheest'agréée^il en ésPdresse
un 'C6 n t?a t‘en. ^ é s e n ^ ’du cadi et de deux-témoins.
'L e rcâdi délivre' aüa)¡parties la côpie 'de leur oontràt
dé tnariage: L a feribile1‘n’iippoïte point de^dot ,-mais
«!
-<«
�(33)
« seulement un trousseau, etc. » Il parle ensuite de la
pompe et des cérémonies qui accompagnent cet. acte
solennel, et qui sont plus ou moins fastueuses, suivant
la qualité des parties.
On peut encore consulter l’histoire moderne de l’abbé
de M arcy, tom. 6, édition in -12, page 112 et suivantes.
L e même auteur parle du mariage des Grecs, dont le
patriarche reçoit les c o n v e n tio n s , dont il est à la fois
le ministre et le juge. « Les G recs, dit-il même tome,
« page 297, r ega rd en t le mariage comme un sacrement;
« mais ils ne c r o ie n t pas que ses nœuds soient indissolu« bles. U n m ari mécontent de sa femme obtient, sur une
«•simple requête, une sentence de séparation, que le
« patriarche lui fait payer dix écus: alors les deux parties
« peuvent former un autre engagement, sans que per
te sonne s’en formalise. » r
Tournefort, letti’e 3, dit encore la même chose.
L ’auteur le plus moderne qui ait écrit sur les mœurs
des Egyptiens , et dont l’ouvrage a pour titre : Conquête
des Français en Egypte* pag. 128, art. 6 , en parlant
de divorce, répudiation, atteste que lorsque le mari
.v e u t se séparer, il le déclare devant le juge, et rend la
dot portée par le contrat de mariage. Il y a donc des
contrats ?
« Les mariages ont cela de particulier, dit l’abbé de
« M arcy, qu’on choisit de part et d’autre un parrain et
« une marraine, et quelquefois trois ou quatre. L e papas
« reçoit à la porte de l’église les m ariés, et commence
« par s’assurer de leur consentement. Ensuite, les con« duisant à l’autel, il leur met.our la tête une couronne
�( 39 )
«
«
«
«
«
«
de feuilles de vigne, garnie de rubans et de dentelles;
il passe un anneau d’or dans le doigt du garçon, et
un anneau d’argent dans celui de la fille; puis il changé
plus de trente fois ces anneaux, mettant au doigt de
l’épouse l’anneau du mari, et au doigt du mari l’anneau
de l’épouse.
« Les parrains et les marraines s’approchent ensuite,
« et font le même changement d’anneaux. Cette céré« monie finie, les parrains ôtent aux mariés leur cou« ronne...........L e papas coupe ensuite des mouillettes
« de pain, et les mêle dans une écuelle avec du vin ;
« il en mange une, en présente une autre à la mariée,
et puis au mari, et enfin à tous les assistans. Les parens
k et les amis envoient ce jour-là aux mariés de grandes
cc provisions; on se réjouit ainsi à frais communs, pendant
k deux mois. »
L e même auteur dit que la dot de la future est portée
avec ostentation chez l’époux, et précède le cortège de
l’épouse ; que cette dot est stipulée et constatée par un
acte dressé devant notaires.
Il est encore d’usage constant, pour donner au ma
riage la plus grande publicité, de promener les époux
pendant trois jours, sous un dais. •
L e prétendu mariage à?Anne a-t-il eu ce genre de pu
blicité? Elle n’a jamais osé le dire. Tout est invraisem
blable dans son récit.
Elle fait entendre qu’elle a été mariée par le patriarche
d’Alexandrie, demeurant au Caire. Cela est impossible;
L ’auteur déjà cité sur les moeurs et les usages des
Égyptiens, apprend qu’il y a en Égypte des miuistues.
�( 40 )
de toutes les sectes chrétiennes. L e ministre désigné par
A n n e n’est pas celui des G recs, il est le prêtre des,
Cophies. « C eux-ei, dit cet auteur, sojU chrétiens., de.la
k secte des Jacohites ou Eutychéen,s. Leurs opinion^
« religieuses les vendent irréconciliables avec les, autres^
« Grecs ; ils se persécutent avec acharnement, L es
« Cophtes ont un patriarche qui réside au Caire> et
« qui prend le titre de patriarche d'Alexandrie. ».
Par quelle singularité A n n a r q u i se dit Grecque d’orig i o e et de religion, auroit-elle choisi un prêtre persé
cuteur de sa secte? Comment le patriarche, des Cophtes.
auroit-il consen ti à bénir un prétendu mariage entre
deux époux d’une religion différente,,dont aucun d’eujj;
ne professe celle du ministre devant qui ils se présentent
pour recevoir la bénédiction nuptiale.
L e mariage d’un général français étoit un événement;
remarquable; on devoit y mettre la plus grande pompe,
y donner la plus grande publicité. Q uoiqu’on dise A n n e %
c’eût été pour elle un honneur insigne, une fortune ines
pérée. N a zo , q u i, si on l’en croit, s'est f a i t valoir
pour donner son consentement, n’auroit pas manqué de
prendre toutes les précautions pour assurer l’état de celle
qu’il appelle sa fille. Il faisait partie de l’armée ; il con*
noissait les ordres du général en ch ef, traduits dans
toutes les langues usitées : ja première chose à laquelle
il auroit pensé eût été de faire dresser un acte civil
devant le commissaire des guerres, officier public dé
signé à cet effet.
A n n e convient cependant qu’il xty 3 çti aucun acte
drqssé !
Les
�(
41 )
Les témoins qu’elle a produits dans ses enquêtes à futur,
se contentent d’énoncer des assertions générales. On nQ
désigne ni l’heure, ni le jour, ni le lieu de la cérémonie:
aucun témoin ne déclare précisément avoir assisté à la
bénédiction nuptiale.
A n ne elle-même a toujours laissé dans la plus grande
incertitude sur la date ou l’époque de son prétendu mariage,
ïîlle plaide depuis l’an n ; et jusqu’au jugement dont est
appel, du 13 août 1807, elle s’est contentée de dire qu’elle
avoit été mariée dans le cours de Van 8 ; ce n’est qu’après
le jugement, et dazis la consultation, qu’on a pensé qu il
falloit préciser le jour, et on a imaginé le jour des ro is,
q u i, d’après le calendrier g rec, se trouve le 17 janvier.
Cependant il résulte de la lettre du général d’Estaing,
en date du 25 pluviôse an 9 , que son arrangement
oriental n’avoit commencé que depuis à peu près un mois,
et le général d’Estaing écrivoit la vérité ; en voici la
preuve :
Anne veut être mariée en l’an 8 , le 17 janvier, qui
représente le 27 nivôse an 10.
A cette époque, le général d’Estaing n’étoit pas au
O u re; il commandoit l’avant-garde de l’armée en station
à Cathié, fort situé dans les déserts, qui sépare l'Egypte
de la Syrie,'|>rès de Suez, à plusieurs journées du Caire.
Le service ou le commandement du général, au fortde Cathié, a commencé le 17 brumaire an
et n*a
que le 16 pluviôse an 8 , époque de J’évacuation de ce*
fort.
La preuve de cette continuité do service, résulte de
con registre de correspondance officielle j registre écrit
F
�(4 0
en grande partie de la main du général, qui p rouve,
jour par jour, qu’il n’a pas quitté son poste.
Plusieurs lettres officielles écrites par lui le 27 nivôse
an 10, du même lieu de Cathié, démontrent l’impos
sibilité de sa présence au Caire le jour indiqué pour
son prétendu maiûage.
Les lettres concernant le service lui sont adressées à
Cathié, par les généraux et officiers, et particulièrement
par le général de division sous les ordres duquel il servoit.
Cathié ne fut évacué que le 16 pluviôse an 8. Le gé
néral d’Estaing se rendit de là à Rozette, où il a resté
juseju^én v e n d é m ia ir e s u C),
Ce fut alors qu’il fut nommé au commandement du
Caire , où il a résidé jusqu’en ventôse an 9 , c’est-à-dire,
jusqu’au moment où les Anglais débarquèrent à Aboukir.
Tous ces faits sont prouvés par les registres et les feuilles
de service du général.
Les parties d’ailleurs sont d’accord sur cette dernière
circonstance. A n ne nous l’apprend elle-m êm e dans sa
consultation, page 6.
Comment concilier toutes ces*contradictions? l’assertion
d’une inconnue doit-elle l’emporter sur les écrits du
défunt, qui font foi par eux-mêmes ?
Non , il est évident qu'A nne veut en imposer à la»
justice, au public; que son histoire lamentable n’est qu’un
roman mal conçu, qui manque tout à la fois de vraisem
blance et de vérité.
Niais A nne a, dit-on, une possession d’état invariable.
Qu’est-ce qu’une possession d’état? Les questions de
ce genre sont toutes de droit public.
�( 43 )
L ’état des hommes se forme sous l’autorité des lois;
il s’établit de deux manières, ou par des titres, ou, à
défaut de titres , par la possession : le titre en est la
preuve la plus authentique et la plus invariable; la pos
session en est peut-être la preuve la plus sensible et la
plus naturelle. C’est ainsi que s’exprimoit M. l’avocat
général Séguier, dans la cause du sieur Rougemont. « La
« possession, disoit ce grand magistrat, lie , unit par
« une chaîne non interrompue de faits, d’actions et de
« démarches, tous les instans de notre vie à celui qui
« nous a vu naître ; elle nous fait remonter jusqu’à la
« source de notre sang ; elle nous fait descendre depuis
« cet instant prim itif, jusqu’au moment actuel de.notre
« existence ; elle nous apprend à nous-mêmes, elle ap« prend aux autres qui nous sommes, soit par le per« sonnage qu’elle nous impose, soit par T habitude de
« nous connoître, soit par Vhabitude d’être reconnus :
« mais il faut, continue M . Séguier, que cette possession
« soit constante, perpétuelle, invariable. » Et M. Séguier
invoque la doctrine du magistrat immortel qui l’avoit
précédé dans cette glorieuse carrière, et qui professe les
mêmes principes.
A n ne peut-elle dire qu’elle a la possession constante,
perpétuelle , invariable, de l’état d’épouse du général
d’Estaing? Une liaison criminelle dans nos mœurs a com
mencé au mois de nivôse an 9 , et n’a pas eu deux mois
de durée. Celui qu’elle appelle son époux, la traite en
concubine ; c’est ainsi qu’il la désigne à son père même,
lorsqu’il lui parle de la nature de ses engagemens : le
�C 44 )
bruit se répand qu’il est marié ; le général le désavoue,
et soutient qu’il n’y a aucun lien légal.
A n n e ne tient donc pas la possession de son éta t
de celui qui y avoit le plus grand intérêt, de celui seul
qui avoit le droit de l’élever au titre honorable d’épouse;
comment auroit-elle la possession.d’un état que son pré
tendu mari désavoue, et ne veut pas lui accorder?
Une possession d'état ! Mais y a-t-il jamais eu entre
A n ne et les membres de la famille d’Estaing, ces rapports
continuels qui se c o n firm en t de jour en jo u r entre les
parens, par la notoriété ? avoit-elle avec ses prétendus
b e a u x -f r è r e s , cette habitude journalière de se traiter ré
c ip r o q u e m e n t comme frères et sœurs ? c’est cependant
ce que desire Cochin, à l’endroit cité dans la consultation;
çt il est remarquable qu’on ait choisi une autorité de ce
genre, dans une cause où le célèbre Cochin soutenoit que
la dame de B ruix, baptisée comme fille de Jean Lassale,
avoit eu pendant trente-quatre ans la jouissance , la,
possession d’état de fille de Jean Lassale, et que cette
possession d’état devoit être un obstacle insurmontable
à la prétention que la dame de B r u i x osoit élever,-de se
dire fille du sieur m arqu is d e •B o udeville de la Ferté.
Cochin appuie principalement sur cette possession ,
comme longue, constante et invariable.
Et d’après Cochin lui-m êm e, une possession d’état
pourroit-elle être l’effet de l’erreur d’un moment, d’un
acte isolé et fugitif, obtenu dans un moment rl’urgence,
et sous la foi de l’existence des actes qui nssuroient à
A n ne un titre légitim e;
,
�( 45 )
D ’un acte bientôt rétracté, lorsqu’on a su que le pré
tendu mariage n’étoit constaté en aucune manière;
D ’un procès verbal de tutelle, qui émane du sieur
d’Estaing p ère, étranger à la succession de son fils ; qui
n’a pu nuire aux parties intéressées; dont on a exclu tous
les parens les plus proches, pour y admettre des alliés
à des degrés éloignés.
Il est extraordinaire que lors de ce procès verbal ou
ait fait un semblable choix : de tous ceux qui y sont
dénommés, le sieur d’Estaing père, et le sieur Delzons,
étoient les seuls qui eussent le droit d’y assister.
Les frères du général d’Estaing étoient préseDS sur les
lieux ; quatre étoient majeurs : aucun d’eux n’y a étc
appelé.
Les sieurs Ternat, petits-fils de la damé d’Estaing,
veuve T ern at, en ont été écartés.
Les sieurs Angelergueè, parens au même degré que
les précédens, n’ont pas été convoqués.
Les sieurs d’E sta in g , cousins germains du p è r e , ne
font pas partie de Cette assemblée.
On convoque dans la ligné paternelle, des sieurs Labro,
parens au sixième degré du défunt ; un sieur F o rtet,
allié encore plus éloigné que les sieurs Labro.
‘
Dans la ligne maternelle, on néglige les sieurs TA p p ara, oncles bretons du défunt : on aiFecte d’appeler les
sieurs M ailhes, père et fils, alliés très-éloignés. Et voilà
les individus qu'A nn e traite ou veut faire regarder comme
les plus proches parens de son prétendu mari : il ne faut
pas s’en étonner ; elle n’a pas ou le temps de faire con
naissance avec la famille de son prétendu mari»
�(
4
6
}
Elle a été reconnue dans la fam ille, , dans la v ille,
dans les sociétés! Elle n’a été présentée nulle part; ne.
pouvoit l’être, à moins de l’a v ilir, puisqu’elle 11’avoit
d’autre communication que les signes, ignoroit absolument
la langue française, étoit étrangère à nos usages, et ne
eonnoissoit aucun des agrémens d’une ^vie policée.
Elevée dans la classe du peuple, sans aucunes connoissances, illitérée, obscure, sans fortune, sans moyens;
voilà celle qui veut être l’épouse du général d’Estaing,
la femme de son. ch oix, et que ce général doit se glo
rifier d’avoir obtenue.
P e u t-o n pousser plus loin le délire !
L ’erreur du sieur d’Estaing père n’a pas eu plus de
huit mois de durée , de l ’aveu même d'A nn e ,• et h u it
mois n’ont jamais donné une possession d’élai constante
et invariable.
•
A n n e ne l’a pas même pensé ; elle a senti la nécessité
de rapporter des preuves de son mariage ; et à défaut
de titres, elle a voulu y suppléer par des certificats.
A rrivée à M arseille, elle conduit des Egyptiens suivis
d’un interprète, et leur dicte les déclarations qu’elle croit
convenir.
Ce procès verbal qu’on colore du nom d’acte de no
toriété ne fait aucune sensation. Elle accourt à Paris,
et va solliciter des personnes plus marquantes, qui se
rendent à son invitation.
Elle les conduit devant'le juge de p aix, qui les admet
sans autre forme; elle fait homologuer sans contradiction
le procès verbal. La famille d’Estaing, qui n’en a voit
aucune connoissance, s’inquiétoit'peu de scs démarches,
�C 4-7 )
et n’a voit garde de s’y opposer, puisqu’elle les ignoroit.
Que signifient ces enquêtes à fu tu r , qui ne peuvent
donner lieu qu’à d’énormes abtts? Qu’on lise le procès
verbal qui a précédé l’ordonnance de 1667 •, on y fait
sentir les inconvéniens de ces sortes d’enquêtes, dont
M . le premier président demande la suppression. L e
rédacteur nous apprend que les motifs de ce magistrat
éclairé furent universellement goûtés, et déterminèrent
l’article unique du titre 13, qui les abrogea, et défendit
à tous juges de les ordonner ou d’y avoir égard, a peine
de nullité.
Ces actes prétendus de notoriété sont donc inutiles,
et même dangereux dans la cause; ils ne seroient d’au
cune importance, quand ils pourroient êti*e de quelque
considération.
A n n e les a réunis à la suite de sa consultation : on va
les analiser rapidement. Tous les 'A lla ou Abdaüa qu’elle
a recueillis à Marseille déclarent « qu’ils ont parfaitement
« connu Jean N azoetSophie M ische, son épouse, père
« et m è re d 'A n n e , et qu'Am ie fut unie en mariage avec
« le général d’Estaing. »
C’est bientôt dit : mais où est la'preuve de la filiation,
du mariage? Une simple assertion généralisée, sans au
cunes circonstances, sans désignation des époques, des
dates , peut-elle faire quelqu’impression ? Am ie a-t-qlle
pu penser qu’avec une déclaration aussi vague, les tri
bunaux pourroient lui assurer l’état d’épouse et veuve
du général d’Estaing, et ^admettre dans cette famille? E t
si quatre d’entre eux ont déclaré qu'Anne accoucha à
Céphalonie, ils disent le contraire de ce que raconte
�u
a ) '
A n n e , q u i, pour intéresser davantage, n’a pu prendres
terre, et a accouché dans le navire. Il lui en coutoit si
peu de s’accorder avec les déclarons, qu’elle aurojt dû
au moins dire la même chose.
Son acte de notoriété fait à Paris est encore plus
insignifiant.
Sept témoins attestent simultanément, et parlant tous
à la fois, que k dans le cours de Tan 8 , A n n e a été
« unie religieusement, et d’apyès les rites du pays, en
« légitime m ariage, avec le général d’Estaing, par le
« patriarche d’Alexandrie, habitant du Grand-Cairç.
« L ’acte de célébration n’en a pas été rédigé, n’étant
« point dhtsage en Egypte de tenir un registre de l’état
« c iv il; mais ce mariage n’en est pas moins constant,
« ayant été célébré en présence d’un grand nombre de
« militaires français, et de la plupart des déclarans. »
Pourquoi ces déclarans présens ne se sont-ils pas'
nommés? quels sont ceux qui sont compris dans c e la
plupart? Dès que ces témoins poussaient si loin la complai
sance pour la jeune Egyptienne, ils auroient pu circonstancier davantage leur déclaration ; mais ils eussent été bien
embarrassés sans doute : cependant ils ne craignent pas
d’ajouterque «pendant son séjour en Egypte, la dame Nazo,
«; veuve d’Estaing, n’a pas cessé d’habiter avec son mari,
<* qui l’a toujours traitee comme son épouse légitime. »
Ce séjour a-t-il été plus ou moins long? pas un mot
sur sa durée. On a vu ou pu voir , chez le gériéral
d’Estaing , une jeune femme qu’il traitoit avec bonté
ou avec tendresse, et on veut en conclure qu’elle étoit
épouser dans un paya aussi corrom pu, où presque toua
les
�. .. .
les militaires avoïent trouvé la facilité de prendre ce
qu’ils appeloient des arrangemens orientaux, des engagemens à temps. Mais il en coûte si peu à des indifférens
de porter le trouble dans une famille, d’y introduire une
étrangère! On doit gémir de voir autant d’inconséquences
et de légèreté.
A n n e fait parade du brevet de pension qu’elle a ob
tenu du gouvernement : elle doit s’estimer heureuse, sans
doute, que le chef magnanime de l’état l’ait mise, par
sa bienfaisance, au-dessus des besoins de la vie. Mais
la faveur du gouvernement ne peut nuire aux droits des
familles. Il est bon d’observer d’ailleurs que cette pension
n’avoit e té p o rte e , en premier lieu , qu’à une somme
de 520 francs ; l’Empereur remplit de sa main la somme,
sur le travail qui lui fut présenté : cependant, sur ce
premier travail, on la traitoit de veuve d ’iJstaing ; les y
journaux d’alors l’ont ainsi publié. L ’Empereur ne vouloit
donc la traiter que comme Egyptienne réfugiée, malgré
le titre qu’on lui donnoit; et l’augmentation survenue
dans la suite, a été l’effet du procès verbal de tutelle,
dont on voit qu'A n n e a su faire un bon usage.
L e certificat du général Menou vient ensuite; il an
nonce, de la part de ce brave général, un grand respect
pour les mœurs : mais on n’entend pas trop ce qu’a voulu
certifier le général M enou, lorsqu’il parle des rapports
civils et religieux. Pour les rapports civils, il auroit fallu
^
un acte authentique qui constatât le mariage; il auroit
été nécessaire que la célébration se fit conformément aux
lois, règlemens et usages de l’armée. Le général Menou
devoit principalement les faii’e exécuter; et il est constant
Q
�( 5o )
que ces ordres avoient été publiés, et rendus communs
et obligatoires dans toute la colonie.
Cependant il n’a été dressé aucun acte de ce. pré
tendu mariage.
Sous les rapports religieux ! mais il n’en cxistoit aucun
entre A n n e et le général d’Estaing; il eût fallu que le
général d’Estaing eût abjuré la religion de ses pères.
Lorsque le général Menou a épousé une muzulmane,
il a embrassé le m a h o m é tism e . On est autorisé à le dire
ainsi, d’après des instructions pieciscs. Son mariage a
été célébré par le M ouphti, ministre de la religion
turque, et alors celle des deux époux. Ici il y avoit des
rapports religieux. Le général a donné à son union un
caractère légal, et n’a pas manqué d’en faire dresser un
acte c iv il, conformément aux ordres qu’il avoit luimême fait publier de nouveau. Voilà le rapport civil.
On ne trouve ni l’un ni l’autre pour le général d’Es
taing. Il n’y a donc pas eu de mariage.
D ’un autre côté , le général Menou rapporte la date
de ce prétendu mariage à Van 8 ; il se dit môme général
en chef au moment où le général d’Estaing lui en fit part.
E t jln n e , à son tour, a été mariée le jour des rois de
la même année, qui répond au 17 janvier 1800.
Pour le coup veritatem quœrendam.
L e général Menou ne commandoit pas l’armée en nivôse
an 8; c’étoit le général Kléber. C elu i-ci a commandé
jusqu’au 20 prairial an 8 , jour funeste pour ce général :
il fut assassiné dans son jardin.
L e général. Menou ne prit le commandement qu’en
messidor an 8.
�( 5i )
La correspondance du général Kléber avec le général
d’Estaing va jusqu’au n prairial an 8.
Plusieurs lettres écrites à feu d’Estaing par le général
M enou, ea germinal et floréal an 8, prouvent qu’il étoit
alors seulement général de division ; il ne prend pas
d’autre qualité. Ces lettres sont datées de Rozette : le
général Menou n’étoit donc pas au Caire en nivôse
an 8.
L e général D upas ne parle de ce mariage -prétendu
que par ouï-dire ,• on lui a déclaré qu’il s’est célébré
publiquement, et avec toute l’authenticité qu’un pareil
cas exige.
Il est étonnant que le général D u p a s, qui étoit alors
au Caire, lieutenant du général d’Estaing dans le com
mandement, qui avoit tous les jours des rapports de
service avec l u i , ne puisse parler que par ouï-dire de
ce prétendu mariage; qu’il n’y ait pas assisté surtout,
lui que ses relations continuelles avec le général d’Es
taing devoit y appeler de préférence. Sans doute ce
général a voulu être favorable à une jeune solliciteuse;
mais il a trop de loyauté pour certifier ce qu’il n’a point
vu : il ne parle que sur les relations d’autrui.
Il paroît même que s’il falloit attendre des témoins
qui attestassent positivement avoir assisté à ce mariage,
on attendroit long-temps. A n ne a épuisé à cet égard
tous les certificateurs ou témoins.
Qu’importe que le général d’Estaing ait donné des
repas après la noce. L e général d’Estaing devoit avoir
la représentation convenable au commandant du Caire ;
il étoit honorable dans ses goûts; il tenoit au Caire table
G 2
�( 52 )
ouverte, donnait souvent des bals, des fêtes ; et si on
veut que des bals des dîners, soient des cérémonies
nuptiales, le général se seroit marié souvent.
Ceux qui ont prétendu que les femmes se visitoient en
Egypte, qu’A nne faisoit société avec les dames M en ou ,
D elzo n s, L a n lin , connoissent bien peu les usages orien
taux. Là les femmes ne sortent jamais que dans des cas
très - extraordinaires, et a l o r s sont toujours voilées, et
accompagnées de manière à n’avoir aucune communi
cation.
'
Ce n’est pas en Orient où on peut jouir des agrémens
de la s o c ié té , et surtout de la compagnie des dames; on
sait même que madame Menou a conservé en France
l’usage oriental ; qu’elle est constamment voilée , et ne sort
point de chez elle ; qu’elle n’est jamais venue au Caire
dans la maison du général d’Estaing : et Anne elle-même,
pendant le court séjour qu’elle a fait à Aurillac, n’a pas
quitté son v o ile , et n’a été vue de personne.
La dernière pièce imprimée en la consultation, est
une lettre du général d’Estaing à Anne. On observe
que l’adresse est de la main du général, et porte pour
suscription : A la citoyenne d1E s ta ing , à la citadelle du
Caire. Il est surprenant qu’’A n n e, dans son mémoire, ait
tant parlé de la correspondance de son ép o u x, fam ilière
avec décence, tendre sans exagération, etc. ; et que
toute cette correspondance se borne à une lettre unique.
Dans cette lettre, pas un mot dont on puisse induire
un engagement honorable. C’est le ton d’un homme poli
et familier, à qui on n’a rien refusé, qui ne parle pas
même des ascendans d'Anne avec le ton de considéra-
�(¿ 3 )
tion et de respect qu’on doit à des alliés de ce genre; respect
plus marquant encore chez les Orientaux.
Quand il parle de celui qu'A nn e appelle son p ère,
il se contente de dire J o a n n y ; lorsqu’il donne un sou
venir à la grand’m ère, il d it, la bonne vieille. Est-ce
là le ton du respect et de la déférence? A p p ren d -il la
nouvelle de la grossesse avec ce charme, ces délices qu’on
éprouve à la naissance d’un enfant légitim e? Il Taime
toujours ; et il faut bien le dire ainsi à tontes les femmes
avec lesquelles on a des liaisons passagères. Il lui donne
son nom sur Pençeloppe de la lettre : mais n’est-ce pas
l’usage? ne voit-on pas, même parmi nous, toutes les
courtisannes prendre les n o m s de ceux qui ont la foiblesse de les entretenir et d’autoriser cette licence ?
Ce n’est malheureusement pas la première à qui le
général a donné ce nom. Lorsqu'il étoit à l’armée des
Pyrénées orientales, il étoit notoire qu’il vivoit avec
une femme que tous les officiers appeloient madame
d’Estaing; le général, en écrivant, lui donnoit ce nom;
et cette femme, après le départ d.u général, n’a jamais
tiré'avantage d’une suscription semblable, pour se qua
lifier d’épouse légitime.
On trouve dans les pièces communiquées trois chiffons
que l’on dit être des lettres arabes, écrites par ordre
du général d’Estaing ; la suscription est aussi à madame
cPEstaipg, mais non de la main du général.
Ces trois prétendues lettres sont traduites par le sieur
Sylvestre de Sacy, professeur des langues orientales : il
faut bien l’en cro ire, puisqu’on ne connoît pas l’arabe ;
mais au moins la traduction ne donne pas une grande
�idée de l’écrivain. Cette langue arabe, que l’on dit h a r - '
monieuse, p oétique, tout en figures, n’a servi qu’à
écrire des platitudes et les choses les plus communes. Ce
sont les lettres d’un cuisinier, ou d’un homme bien peu
exercé; le général y reçoit beaucoup de consolation dans
sa blessure , d’une lettre que lui a écrite A nne : mais
comment n’a-t-on pas trouvé dans les papiers du gé
néral, la plus légère trace d’une correspondance avec
A n n e? Tout est e x trao rd in a ire el inexplicable dans cette
cause.
Il faut, au surplus , qu’elle ait fait peu de cas de ces
lettres , puisqu’on les a négligées dans la consultation.
O n voit encore, dans le dossier, une lettre du général
S o u lt, à un sieur Giane , clief de bataillon de la légion
grecque, à bord du bâtiment le J e a n , en rade à T á
rente : cette lettre est en réponse, et annonce que Giane
trouvoit la quarantaine longue et incommode pour lui
et les femmes qui étoient à bord : il nomme madame
d’Estaing. L e général Soult témoigne ses regrets de ne
pouvoir abréger la quarantaine ; c’est au comité sani
taire qu’il appartient de prononcer ; mais il fait préparer
un local plus commode pour les passagers, et offre ses
services, ainsi que ceux de madame S o u lt, h madame
d’Estaing. Il n’y a rien d étonnant dans ces offres génér
reuses ; on doit des égards et des -seryiees à une femme.
A m ie se disoit madame d’Estaing; on doit quelque chose
de plus empressé à la femme d’un camarade ; et le gé
néral Soult ne devoit pas autrement s’informer si Anne
avoit son contrat de mariage ou non. Mais vouloir
induire de cette attention obligeante d’un général mar-
�(55)
quant, aujourd’hui maréchal de l’empire, une reconoissance et une possessiun d’état en faveur à?A nne $ relever
cette circonstance comme un honneur décerné à la femme
d’un gén éral, c’est pousser les choses un peu trop loin.
On a parlé dans la consultation, sans cependant le faire
imprimer , du certificat d’un sieur Sartelon, ex-ordon
nateur en chef de l’armée d’Egypte : cet acte est aussi
dans les pièces d'Anne. L e sieur Sartelon certifie, en
la qualité qu’il prend, « que quoiqu’il n’existât a l’armée
« aucun ordre du général en chef pour regler la forme
« avec laquelle les actes de l’état civil devoient y etre
« reçus, Yusage paroissoit s’être établi de lui-même pour
« les officiers, ou in d iv id u s attachés à l’armée, ne faisant
« point partie des corps , de faire des déclarations de« vant des commissaires des guerres, qui les recevoient
« par procès verbaux , ou de la manière qui leur parois« soit convenable, de leurs mariages, mème quelquefois
a de leurs divorces ; ce qui n’a jamais été gén éral,
« surtout pour des mariages contractés avec lesfin îm es
« du pays ( il n’y en avoit pas d’autres ) , '•qui se sont
« faits souvent entre catholiques dans les églises du lieu ,
« et suivant les formes usitées entre les chrétiens de
« toutes les sectes ; mais ces procès verbaux étoient pu« rement facultatifs; et recherche faite dans ses papiers,
« et dans ceux du bureau central, il ne s’est trouvé au« cun procès verbal relatif à l’état civil; il ne s’en est pas
« même trouvé, notamment du commissaire des guerres
« A gard, qui est mort dans la traversée. En foi de quoi,
« sur la demande de la dame veu,ve d’Estaing, il a dé*»
« liv ré , etc. »
�( 56 )
Un ne voit pas trop quelles inductions ¡’Egyptienne
peut ou veut tirer de ce certificat; il est assez inutile de
dire qu’on pourvoit récuser le témoignage du sieur Sartelon , qui a souvent montré de l’animosité contre le
général d’Estaing ; il suffit d’observer que son certificat
est démenti par le fa it, puisqu’on rapporte les ordres
du général en chef, et les actes civils des sieurs D elzons
et L a n tin , reçus par le commissaire Agarâ.
Ici s’arrêtent les recherches et les découvertes à'Arme.
Y a-t-il un seul acte d’où on puisse faire résulter qu’elle
est l’épouse du général d’Estaing; et ne p eu t-on pas
dire avec vérité qu’elle n’a ni titres n i possession ?
Com m ent a-t-elle eu le courage de se plaindre d’un
jugement qui lui accordoit une faveu r insigne, la faculté
de faire preuve , par témoins, qu’elle a été mariée en
l ’an 8 ; qu’il n’étoit pas d’usage au Caire de tenir des
registres, ou de dresser des actes civils de mariage; qu’il
n’étoit pas d’usage à Céphalonie de dresser des actes de
naissance, etc. ?
Ce jugement, au contraire , n’a-t-il pas violé tous les
principes de la matière ? Sera-ce avec des déclarations
mensongères ou mendiées, qu’on pourra élever une in
connue au rang honorable d’épouse; qu’on osera donner
à un enfant de ténèbres, le titre d’enfant légitim e?
« Des objets si interessans, dit le célèbre Cochin,
a doivent élever tous les esprits à ces vues supérieures
a du bien public, qui forment toujours le premier objet
« de la justice : il s’agit ici du sort des toutes les familles,
« compromis d a n s une seule causé. »
Les frères d’Estaing se plaignent à leur tour d’un juge
ment
�C 57 )
ment qui peut entraîner les suites les plus funestes ; il
leur reste à établir que ce jugement .ne peut subsister, et
qu’Anne doit être déclarée non recevable dans toutes ses
demandes.
>
On trouve dans les recueils -, tant anciens que nouveaux,
une multitude d'arrêts sur les questions d'état. M . le
chancelier d’Aguesseau a épuisé cette matière par ses re
cherches savantes: le 2e. , le 6e., le 12e. le 17e. plai
doyer de ce grand magistrat, contiennent des dissertations
profondes, une sage doctrine; mais il semble sentir toute
la pesanteur de son ministère, lorsqu’il veut prendre une
décision. Ce n’est qu’en tremblant qu’il se détermine ; et
si quelquefois il pense que la justice doit admettre une
preuve testimoniale, ce n’est qu’autant qu’il trouve des
présomptions graves, des indices violens, des conjectures
puissantes; il exige la réunion d’une multitude défaits
qui forment un corps de présomptions capables de dé
cider l’esprit le plus difficile à convaincre; en un m o t,
il lui faut encore un commencement de preuve par écrit.
Il est inutile de grossir le volume de ce mémoire par
des citations d’arrêts ; il seroit difficile peut-être de tirer
de ces nombreux exemples, une con séq u en ce claire qui
pût servir de motif de décision en d’autres cas, surtout
dans l’espèce où il s’agit d’une étrangère qui vient ré
clamer le titre de veuve d’un Français.
Il suffit de poser un principe certain, et qui ne sera
pas contesté, c’est que pour un m aria ge fait en F rance,
la preuve testimoniale ne peut être admise qu’à défaut
de registres , lorsqu’il n’en a pas été tenu , ou qu’ils sont
H
�( 58 )
perdus ; et dans ce cas même il faut un commencement
de preuve par écrit.
L ’article 14 du titre 20 de l’ordonnance de 1667,
n’a entendu parler que des mariages entre Français; et
M . Jousse ne manque pas d’observer que la preuve tes
timoniale ne peut être admise qu’autant qu’il y a com
mencement de preuve par écrit.
Cet article de l’ordonnance a été répété dans l’article
46 du Code N apoléon ; et la preuve que le législateur a seu
lement entendu comprendre les mariages entre Français,
résulte des articles 47 et ffid a même Code. .
La loi dit que tout acte de l’état civil des Français
et des étrangers, fait en pays étranger, fera fo i, s’il a
été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays : que
tout acte de l’état civil des Français en pays étranger sera
valable, s’il a été reçu conformément aux lois françaises
par lesagens diplomatiques, ou par les commissaires des
relations commerciales du gouvernement.
On peut donc représenter à A n n e , d’après les dispo
sitions de ces lois, que si elle étoit Française, elle ne
pourroit être admise à la preuve testimoniale, qu’autant
qu’elle auroit la possession d’état, et des commencemens
de preuve par écrit : elle n’a ni l’un ni l’autre. Point
de possession d’état ; on croit l’avoir prouvé, puisque
‘le général lui a toujours refusé le titre qu’elle ambitionne.
Point de commencement depreuçepar écrit, puisqu’il n’y
a aucune trace d’écrits du défunt qui parlent de ce prétendu
mariage , et que les seuls qui existent le désavouent.
Mais qu’elle est étrangère, et que dès-lors il n’y a point
�( % )
de possibilité d’admettre une preuve par témoins; il faut
représenter l’acte civil. On a dû remarquer la différence
qui se trouve entre les articles 46 et 47. Dans le premier,
si le mariage est fait entre un Français et une étrangère, il
suffit de rapporter un acte dans les formes usitées au pays.
Dans le second, si le mariage est fait en pays étranger,
entre deux Français , il faut un acte civil conforme aux
lois françaises.
A n ne n’en a d’aucune espèce ; le jugement dont est
appel a donc fait une fausse application, et de l’article 14
du titre 20 de l’ordonnance, et de l’article 46 du Code
Napoléon.
Mais ce jugement est évidemment en opposition avec
les articles 170, 171, 194 et ig 5 du môme Code.
En effet, par l’article 170, « le mariage contracté en pays
« é tran g er entre F r a n ç a is , et entre F rançais et é tr a n g e r ,
« est valable, s’il a été c é l é b r é dans les formes usitées
« dans le pays, pourvu qu’il ait été précédé des publi« cations prescrites par l’article 63 , et que le Français
« n’ait point contrevenu aux dispositions contenues au
« chapitre précédent. »
L ’article 63 exige deux publications à huit jours d’in
tervalle ; et la loi attache à cette formalité la plus grande
importance. On n’a jamais imaginé de dire que le mariage
du général d’Estaing ait été publié : cette formalité étoit
cependant ordonnée par les lois précédentes.
Parmi les dispositions contenues au chapitre qui pré
cède l’article 170 , on y trouve principalem ent la prohi
bition faite au fils de fam ille, m ê m e majeur, de contracter
mariage sans le consenlexneut de ses père et mère.
II a
�( 6o )
Bien vite A nne s’empare de cette circonstance, pour
dire que le général s’est marié avant le Gode, et a pu
braver les ordres de son père ou se passer de son con
sentement.
A n n e argumente avec un empressement peu louable
de cette loi révolutionnaire, qui fut promulgée dans un
instant de délire, qui dégage les enfans de tous leurs
devoirs envers leurs ascendans.
Loi immorale et funeste, qui a fait tant de malheureux
qu’on entend tous les jours gémir de leurs égaremens,
et qui passent leur vie dans la douleur et le désespoir.
Mais le général d’Estaing n’avoit pas perdu toute idée
des principes de moralité et de convenances. Ne mar
q u e - t - i l pas à son père qu’il n’auroit pas contracté d’engagemens sans le prévenir, avant d’avoir demandé ses
conseils ou ses ordres; et A n ne en seroit-elle réduite à
ce point, qu’elle fût obligée, pour colorer ses prétentions,
de s’appuyer d’exemples qui seront à jamais la honte et
le scandale de la société ?
N ’a-t-elle pas senti que le gouvernement, dans ses
premiers pas, a rétabli et commandé le respect pour
cette puissance paternelle, le premier anneau, la prin
cipale base de l’ordre social, sur laquelle repose la morale
publique ?
L ’article 171 exige davantage; il veut que dans les
trois mois après le retour du Français sur le territoire
de la république, l’acte de célébration du mariage con
tracté en pays étranger, soit transcrit sur le registre
public des mariages du lieu de son domicile.
Pour cette fois, A nne ne peut se tirer de cette dis-
�( 6i )
position par des subtilités. Cet article a été connu d’elle;
elle pouvoit l’exécuter si elle avoit eu son acte de ma
riage; elle a su qu’elle ne pouvoit y suppléer, dès qu’elle
n’avoit aucun titre.
Et lorsqu’elle a eu connoissance des articles 194 et
195, qui veulent que nul ne puisse réclamer le titre
d’époux, et les effets civils du mariage, s’il ne repré
sente un acte de célébration inscrit sur le registre de
l’état civil ; que la possession d’état ne pourra dispenser
les prétendus époux qui l’invoqueront, de représenter
l’acte de célébration du mariage devant l’officier de l’état
c iv il, elle a dû désespérer de sa cause.
Mais les premiers juges ont-il pu ignorer la disposi
tion de la loi ? n’ont-ils pas dû savoir que l’étrangère
lie pouvoit établir son titre d’épouse légitime, qu’en jus-'
tifiant de l’acte qui le lui avoit conféré ? Diront-ils quo
le Code Napoléon n’a été promulgué que postérieure
ment ? Mais alors ils n’avoient d’autre boussole que la
loi du 20 septembre 1792; et d’après l’article 7 de la
section 4 de cette lo i, A n n e 11e pouvoit constater son
mariage qu’en représentant l’acte de l’officier public. Cette
loi n’indique pas d’autres moyens de suppléer au défaut
de ces actes.
Auroient-ils voulu se déterminer par les anciens prin
cipes? A n n e n’avoit pas la possession de son état, n’avoit
aucun écrit du défunt qui fût un commencement de
preuve par écrit.
Ils ne pouvoient donc en aucune manière admettre
la preuve testimoniale. .
,[ :. »n •
'
Un mot sur Feûfant naturel , cdnnu soui le nom à'Em ile
�( 62 )
d’Estaing. A n n e reproche aux frères d’Estaing d’avoir
fait paroître sur la scène un enfant dont on ne parle plus.
Les frères d’Estaing ne lui doivent à cet égard aucune
explication ; ils ne savent sur cet enfant que ce qu’a
déclaré le sieur d’Estaing père, au bureau de paix.
Un enfant a été présenté à l’officier civil, sous le
nom d'E m ile , comme fils de leur frère. La reconnoissance n’émane pas du père lui-même. Il existe; il est
dans ce moment placé au lycée de Toulouse. S’il a des
droits à faire valoir, il saura les réclamer.
Les frères d’Estaing observeront, en terminant, qu’ Anne
n’est pas r é d u ite à un sort funeste ; qu’elle est à l’abri
de tous les besoins ; qu’elle est encore dans un âge où
elle peut augmenter ses ressources par sa sagesse, et un
travail honorable ; mais que si elle veut se faire un
prétexte d’un événement commun dans son pays , pour
s’élever au-dessus de son état, ce trait d’ambition déplacée
ne servira qu’à la couvrir d’opprobre.
!'J
M e. P A G E S ( d e Riom ) , ancien avocat,
M e, G A R R O N jeune, avoué licencié,
A RIOM , de l'imprimerie de T hibaud - L andriot , imprimeur
de la Cour d’appel,
Mai 1808
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Estaing, Jean-Baptiste d'. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Sieurs Jean-Baptiste d'Estaing, ancien commandant d'armes à Chambéry, Jacques-Théodore, Pierre-Gabriel, Catherine et Elizabeth d'Estaing, frères et sœurs, intimés et appelans ; contre Anne, soi-disant Nazo, soi-disant Grecque d'origine, se disant veuve du général d'Estaing, se disant pareillement tutrice de Marie, sa fille, appelante d'un jugement rendu au tribunal de Mauriac, le 13 août 1807, et intimée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0537
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53848/BCU_Factums_M0537.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53849/BCU_Factums_M0538.pdf
a4188307e097b5dc7ee2107d9f16b194
PDF Text
Text
PIECES JUSTIFICATIVES.
N°. Ier.
E x tr a it d u M o n ite u r , N °. 9 3 , du 3 n iv ô se an 7.
A r m é e d’ O r i e n t . S u ite des extraits des ordres du jo u r de
l 'a n n é e , datés du quartier général du C a ire, du 14 .fru ctid or
an
6 , au
L
28 vendém iaire an 7.
ib e r t é .
*
RÉPUBLIQUE
t .
É
g a l it é .
FRANÇAISE.
A u quartier général du Caire, le 21 vendémiaire
an 7 de la république française.
Ordre du jo u r du 21 vendém iaire an 7.
L ’ a r m é e est prévenue que tous les actes civils qui seront
passés par les commissaires des g u e rre s, ceu x qui seront passés
sous seing privé entre les cito yen s, et ce u x qui pourront l’étre
entre les Français et les nationaux par-d evan t les notaires du
p a y s , seront nuls en F ra n c e , com m e i c i , s’ils ne sont enre
gistrés conform ém ent à l’ordre du général en c h e f, en date du
30 fructidor dernier.
E x tr a it de l ’ordre du général en chef, du
3o fructidor an
6.
B o n a p a r t e , général en c h e f, ordonne ;
A rt . IRr. Il sera établi dans chaque ch ef-lieu de province de
l’Egypte un bureau d'enregistrem en t où. tous les titres de p ro
�(O
priétés, et les actes susceptibles d’ëtre produits en ju s tice , re
cevront date authentique. S ig n é Alexandre B e u ïm ê r , g én éra l
de division , c h e f de l ’éta t m ajor général.
N°. 11.
E xtra it du registre des actes de m ariages, déposé ait secrétariat
de la m airie d 'A u r illa c , chef-lieu de préfecture du départe
m ent du Cantal.
C k j o d r d ’h u i v in g t-u n nivôse an onze de la république
française , onze heures du m atin, est com paru, dans une des'
salles de la mairie d’ Aurillac , et par-devant nous Jean Abadie r
maire de la com m une dudit Aurillac , faisant les fonctions
d’officier public de l’état civil , le citoyen Alexis D elzons, g é
néral de brigade, commandant lé départem ent, demeurant audit
Aurillac , lequel nous a requis d’insérer dans les registres de
m ariages, l’acte de sori mariage avec dame Anne-Julie V a r s y ,
dressé par le citoyen Joseph A g a rd , commissaire des guerres
employé à R o zette, faisant les fonctions d’officier c iv il, le seize
brumaire an h u it , ainsi qu’il conste de l’expédition qu’il nous a
représentée, et déposée à notre secrétariat.
S u it led it acte m ariage.
L ’a n huit d e là république fran çaise, et le seize brum aire,
comparus devant nous Joseph Agard, commissaire des guerres'
em ployé à R ozette, faisant les fonctions d’officier c iv il, confor
mément h la loi , le citoyen A lexis Delzons , c h e f de brigade
de la q u a t r i è m e * demi-brigade d’infanterie légère , né le vingtSônt
six mars mil sept cent soixante-quinze, à A u rilla c, département
du Cantal , fils d’Antoine Delzons et de M arie-Anne-Crispine
Hébrard , personne libre de tous lie n s, conform ém ent au ce r
tificat du conseil d’administration de son corps , q u ’il nous a
rem is, d’une p artj e t la citoyenne J u lie -A n n e V a r s y , née &
�f 3)
Alexandrie le seize jan vier mil sept cent quatre vingt quatre ,
fille de feu Joseph V arsy et d’Elizabeth D orm er , ici présente,
et cle son consentem ent, accom pagnée de ses frères et sœ urs,
d’autre part; lesquels ont d éclaré, de leur libre, pleine et en
tière volonté, s’ unir en légitime m ariage, conformém ent aux lois
de la république française ; de laquelle déclaration nous leur
avons donné acte en présence des citoyens J u lie n , capitaine
adjoint, Lanten , quartier - maître , et L ab ad ie, capitaine , qui
ont signé avec m o i, la veuve V a rsy , ses frères et soeurs, et les
parties contractantes.
L e présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré,
conform ém ent aux ordres du général en chef. Signé h l’original,
Julie V a r s y , D elzons , L ab a d ie, Elizabeth D o r m e r -V a r s y ,
Sophie L a n te n , née Varsy, L anten, V arsy a in é , J u lien , le com^
missaire des guerres, Agard. Enregistré à Rozette le vingt-deux
brumaire an h u i t , n°. 104, reçu quarante médias. Signé à l’ori
gin al, R oyan es, directeur de l ’enregistrement.
Pour copie conform e à l’origin al, le commissaire des guerres
signé A g a r d .
D e tout quoi nous , maire su sd it, avons donné acte audit
citoyen D elzons , de la remise de l’expédition de son acte de
mariage ; l’avons fait déposer aux archives de la mairie , et
avons dressé le présent procès verbal en présence des citoyens
Antoine D elzons , législateur, et de François M iquel, capitaine,
aide de c a m p , m ajeu rs, domiciliés dudit A u rilla c ; et o n t,
lesdits Delzons et M iquel 5 signé avec nous maire , lesdits jou,c
et an que dessus.
Pour copie conform e ,
H érault
, secrétaire.
V u pour la légalisation de la signature H érault, secrétaire de
la mairie d’A u rilla c , par nous Guillaum e L a y a l, juge du tri
bunal civ il d’A u rillac.
A
A u rillac,
JJnUNON,
le
greffier,
vin gt-six
août m il huit cen t
six,
L aval,
�(4)
N°. III.
D e s actes de l ’état c iv il du d ép artem en t de la S ein e,,
d ix iè m e arrondissem ent de la co m m u n e de P a r is , p o u r
l ’an tr e iz e , d éposés au greffe du trib u n al de p re m iè re
instance d u m êm e d é p a r te m e n t, a été ex tra it ce q u i
suit :
!A c t e civil de mariage.
L ’a n h u it de la ré p u b liq u e fran çaise, et le vingt-neuf vendém iaire, sont comparus devant nous
commissaire*
des guerres e m p l o y é à R o ze tte , faisant fonction d’officier civil f
conformément à la lo i, le citoyen
,
Joseph ^4gcircl,
Georges-Auguste L a n ten
quartier-maître de la quatrièm e demi-brigade d’infan
terie lé g è re , natif de B ite t, département de la M ozelle, âgé de
v in g t-n e u f mis, fils de
et de
,
personne libre de tous les lie n s, conform ém ent au certificat du
conseil d’administration dudit corps , qu’il nous a remis , dûment
enregistré, d’une part ;
Et la citoyenne Catherine-Sophie T^arsy, âgée de vingt a n s,'
fille de feu Joseph V a rsy , négociant de R ozette, et d'E lizabeth
D on n er, veuve V a r sy , ici présente, et de son consentem ent,
accom pagnée de ses frères et sœ urs, d’autre part ;
Lesquels ont déclaré, de leur plein e, libre et entière volonté,,
s’ unir en légitim e m ariage, conform ém ent aux lois de la répu
blique française : de laquelle déclaration nous leur avons donnéa c te , en présence de l’adjudant général Valentin ; D elzons, c h e f
c a p ita in e ,
Jean Lanten
Christine D upont
de brigade de la quatrièm e dem i-brigade d’infanterie légère;
Raim ondon, commissaire ordonnateur; et de ses frères et sœurs,
qui ont signé avec nous et les parties contractantes.
L e présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré,,
conformém ent aux ordres du général en c h e f, des trente fruc-
�( 5)
tàdor an six , et vingt-un vendém iaire an sept. Fait à R o ze tte , les
jour et an que dessus. Signé à l’original, Auguste L an ten , Sophie
V a rsy , Elizabeth D o rm e r-V a rs y , l’adjudant général Y a le n tin ,
D elzons, R aim ondon, Agard , JuKe V a rsy , Joseph V a r s y , et
Varsy aîné. Enregistré à R o zette, le vingt-neuf vendém iaire an
h u it, sous le n°. xoo : reçu 40 m. Pour copie conform e à l’ori
ginal , le commissaire des g u erres, signé A g a i i d .
Au bas est écrit : Je certifie que le citoyen A g ard , qui a signé
le présent acte de m ariage, est tel qu’il se qualifie , qu’il rem plit
ic i les fonctions d’officier civil pour constater l’état des citoyen s,
et que foi doit être ajoutée à sa signature. A R ozette, le vingtn e u f vendémiaire an’huit. L ’adjudant com m andant la province
de R o z e tte , signé V a le n u n .
Collationné sur pareil extrait déposé au dixième arrondisse
m ent de la com m une de Paris, lors du divorce de la demoiselle
JS'arsy avec le sieur L a n ten , qui a été prononcé le d ix -h u it
prairial an tr e iz e , inscrit sous le n°. 6 du registre dixièm e de
l’état civ il dudit arrondissement.
♦
D élivré par nous, greffier du tribunal de prem ière instance
du département de la S e in e, com m e dépositaire du registre,
seconde m in u te, extrait de l’autre p a rt, et en exécution de l’ar
45
ticle
du Code civil des Français.
A u g reffe, séant au palais de ju stice , à P aris, le douze dé
cem b re m il huit cent six. E. A. MARGUEiii.
N ous président de la troisièm e section du tribunal de pre•jnière instance du département de la S e in e, certifions q ue la
signature ci - dessus «st celle de M. M argueré, greffier en c h e f
dudit tribunal ; en foi de quoi nous avons fait apposer le sceau
du tribunal.
A P a ris, au palais de ju stice, le douze décembre mil huit cent
six. L e B e a u ,
I
�(6)
N°. IV.
E x tr a it du registre des actes civils de la p la ce du Caire.
L ’ a n n e u f de la république française, et le dix pluviôse, pardevant moi M. P in et, com m issaire des guerres, chargé du ser
vice de la place du C a ire , sont com parus les citoyens A lexisJosepli D elzo n s, c h e f de la quatrièm e demi-brigade d’infanterie
légère, Jacques-Zacharie d’Estaing, général de brigade, François
M iquel, adjudant-major dans ladite quatrièm e dem i-brigade, et
Joseph L ab a d ie, capitaine au même corps, la citoyenne V arsyLanten ; lesquels m ’ont présenté un enfant qu’ils m’ont déclaré
être né à R ozette, le vingt-sept brum aire dernier , du citoyen
A lexis - J o s e p h Delzons , et de la citoyenne Julie V a r s y , son
épouse, et être du sexe m asculin, auquel enfant on a donné le
nom d’Alexis-Alexandre : le parrain a été le général de brigade
d’Estaing , et la m arraine, la citoyenne Varsy-Lanten , au nom
de la citoyenne V a rs y , aïeule de l’en fa n t; desquelles présen
tation et déclaration j’ai donné acte , que j ’ai signé avec les
citoyens D elzons, le parrain, la m arraine, la citoyenne V a rsyD e lzo n s, Baudinot, L a b a d ie, Miquel. Signé au registre, D e l
zons , c h e f de brigade, d’E staing, général de brigade, V arsyLanten , V arsy - D elzons , B a u d in o t, capitaine , Labadie et
M iquel ; P in e t, commissaire des guerres.
Pour copie conform e, le commissaire des guerres; signé
P in e t.
�N°. V.
L i b e r t é .
É g a l i t é .
R ÉPU BLIQ U E
Au Caire, le
FRANÇAISE.
25 pluviôse
an 9 de la république française.
D ’ E s t A i n g , général de bri gade,
A u citoyen d ’ E s t a i n g père.
V o u s devez avoir reçu de mes nouvelles , mon cher père ,
par l’arrivée du L o d i, et autres bâtimens , dont la traversée
d’ici en France a été fort heureuse. D epuis ces époques, notre
situation n a point changé. L ’arm ée est toujours en très-bon.
é t a t , tant au physique qu’au moral ; et le grand V isir parolt
moins disposé que jamais à venir nous visite r; la p este, la fa
mine et la désertion le dispensent d’avoir recours à la guerre
pour détruire encore une armée. Il est arrivé successivem ent
plusieurs bâtimens de guerre ou de com m erce français, notanv
ment les deux frégates l’Egyptienne et la Justice, chargées de
différens objets qui nous étoient le plus nécessaires ; nos ports
sont également fréquentés par un grand nombre de bâtimens
grecs et même turcs sur la M éditerranée , arabes et indiens sur
la mer Rouge ; de manière que la co lo n ie , qui est d’ailleurs par
faitement tranquille, acquiert journellem ent de nouveaux degrés
de prospérité : il faut espérer que cette conquête intéressante
sous tant de rapports, ne nous échappera point à la paix ; tout
au moins elle sera d’un grand poids dans la balance, et je pense
plus que jamais ce que je vous ai déjà écrit à ce sujet; je suis
plus que jamais éloigné d’avoir regret aux efforts et aux dangers
particuliers qui étoient indispensables pour contrarier ouverte
ment les vues d’une faction ennemie de la prospérité de la répu-.
�.
(
8
}
b liq u e , ainsi que de la gloire de l’armée d’Oricnt. Il faut donc
voir avec patience s’éloigner le moment de nous réunir ; nous
avons fait tant d’autres sacrifices ; nous serons égalem ent dédom
magés de celui-ci par la plus pure des jouissances, celle de se
voir plutôt en avant qu’en arrière de ses devoirs. L a paix avec
l’Em pereur est sans doute actuellem ent c o n clu e ; les circons
tances sont de nature à presser vivem ent les Anglais d’en finir;
et Bonaparte saura si bien en tirer parti, que le temps est peutêtre moins éloigné que nous ne le c ro y o n s, où nous reverrons
notre p a trie , nos fa m ille s, aussi dignes de leur reconnoissance
que de leur tendresse.
D elzons se porte fort bien. Il a un pe£it. garçon très-éveillé :;
et j ’essaie d'en Jaire un à une je u n e G recq u e, q u i, d ’après un
arrangem ent o r ie n ta l, J a it les honneurs de chez moi depuis
près d ’un mois. Adieu , mon cher père , j’embrasse ma m ère
et toute la fa m ille , et vous prie de m’écrire : tout le monde,,
excepté m o i, reçoit ici des lettres. Sign e d ’E s t a i n g .
Rappelez-moi au souvenir de nos anciens amis.
N °.
V I.
Paris, le i 3 ventôse an 10.
J e profite du départ du p réfet, le c. R io u , pour vous écrire
deux mots. J’ai reçu une délibération de la com m une d’A urillac,
je -verrai de la servir-; mais je ne sais si je pourrai rester assez
long-temps ; dites au c. Abadie que j e lui écrirai bientôt.
Je n’ai pas encore pu joindre le conseiller d’état Duchatel ;
ce sera je crois pour après-demain.
Q uant à mon m a ria g e, vous ne devez pas p lu tô t croire la
lettre de L a ta p ie que la m ien n e; i l n ’y a aucun lien lé g a l;
j e ne l'aurois pus contracté sans vous en prévenir: mais i l y
a d ’autres liens qui pourraient peut-être bien am ener celu i là.
�(9)
Au reste, j’ a i écrit à cette famille de se rendre à M arseille, et
d’y attendre de mes nouvelles.
Quant à ma destination , elle n ’est pas encore r é g lé e , parce
qu’on exige que je désigne ce qui me convient. Je ne l’ai pas
fait encore , mais après-dem ain à la parade je rem ettrai ma
demande.
Deteons avoit remis la sienne il y a quelque tem ps; et suivant
sa dem ande, il ira à Clermont ou à Aurillac.
A dieu, je vous embrasse tous. Signé d ’E staing .
N°. V IL
MAISON
DE
L’ E M P E R E U R .
Paris, le
5 mai
1808.
J e soussigné, trésorier général de la co u ron n e, ancien direc
teur général des revenus d’E gypte , certifie que d’après les
vérifications qui ont été faites sur les registres de l’adminis
tration de l’enregistrement d’E gypte, il n ’y a été présenté, dans
aucun temps , aucun acte de mariage relatif à M. le'gén éral
d’Estaing.
En foi de quoi j’ai délivré le présent pour servir et valoir ce
que de raison. E s t e v e .
N°. YIII.
E x tr a it du registre de service du g énéral d ’E sta in g , ayant
pour titre : Correspondance relative au commandement de
Cuthié.
Com m ençant le 17 brum aire an 8 , par une note , en ces
termes . « E crit au général R égnier, pour lui annoncer mon
�(
IO )
«< arrivée, et lui demander des instructions; « e t finissant le 16
pluviôse an 8 , par une lettre au général V e rd ie r, pour lui
annoncer que le len d em ain , 17 pluviôse, il évacue le poste de
C athié.
Registre écrit tantôt de la main du général, et ensuite de son
aide de cam p, contenant copie de toutes les lettres qu’il écrivoit,
et des ordres donnés ou reçus ;
Registre qui prouve que depuis le 17 brumaire an 8, jusqu’au
16 pluviôse, il n ’a quitté ni pu quitter son poste.
D elà le général se rend à R o z e tte , à plus de six journées de
m arche , puisqu’il faut traverser le D elta , et une partie du
désert.
Il reçoit des ordres adressés a R o zette, par le général en c h e f
K lé b er, de veiller sur le bas D elta.
La correspondance du général K léber, datée du G rand-Caire,
commence le 20 ventôse an 8, et finit le 11 prairial an 8. Toutes
les lettres existent en original,
N°. IX.
Correspondance du général de division M e n o u , toutes signées
A b da lla M e n o u , com m ençant le 1 germinal an 8 , jusqu’au 21
floréal même année ; écrites de Rozette au général d’Estaing ,
aussi à Rozette.
5
N°. X.
L ettre du général Rampon , écrite du quartier général de
D am iette , au général d 'E staing, le
messidor an 8, pour lui
annoncer l’assassinat du général K lé b e r , et que le général de
division M en ou a pris le com m andem ent en chef.
3
A R IO M , de l'im prim erie de T h i b a u d - L a n d r i o t , im prim eur de la Cour d ’appel,
t
�
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Factums Marie
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Description
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A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Pièces justificatives
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 10
Circa An 7-Circa An 10
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
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Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0538
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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fre
Relation
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BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
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Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
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CONSULTATION
P o u r Made N A Z O , V e du général
Destaing,
tutrice de sa Fille
m ineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING
�CONSULTATION
Poun Made N A Z O , V e du général
D e s t a i n G; tutrice de sa Fille
mineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING.
■ nmmni
V u l’acte de notoriété fait devant le tribunal de paix du
second arrondissement, intrà m uros, dit du S u d , de la ville
de M arseille, le 5 fructidor an 11 ; l’acte de notoriété reçu
par le juge de paix du dixièm e arrondissement de P a ris, le
29 mars 1806 ; le jugement rendu par le tribunal de première
instance, à P a ris, q u i, sur le rapport fait à l ’audience, le
ministère public entendu, hom ologue cet acte de notoriété;
le procès-verbal de nomination du sieur Pierre D estaing à
la tutelle de demoiselle M arie Destaing sa petite-fille, por
tant reconnaissance expresse du mariage du feu général D es
taing son fils , avec la dame A n ne Nazo ; duquel mariage est
née la demoiselle Marie Destaing; ce qui a été également
reconnu par l’aïeul et toute la fam ille D estaing, jusqu'a u
tems où la dame veuve D estain g, investie par la loi de la
�(2)
tutelle de la mineure , a réclamé, à ce titre, l’administration
du patrimoine de sa fille. V u , de plus, le mémoire à con
sulter de la dame Destaing ; les autres pièces qui y sont
jointes; et notamment le jugement interlocutoire rendu le
i 3 août 1807, par le tribunal de M auriac, département du
Cantal, qui ordonne la preuve testimoniale de tous les faits
qui étaient déjà constans dans la cause.
L E C O N S E IL soussigné estime que la dame veuve D es
taing a eu raison d’appeler de ce jugement , et qu’elle doit en
obtenir la réformation par la Cour de R io m , à qui elle l ’a
déféré.
Les juges de première instance, contre l ’avis du ministère
p u b lic, ont cru avoir besoin de récoler, pour ainsi dire ,
eux-mêmes les témoins respectables q u i, d’office, ont léga
lem ent constaté devant les tribunaux les faits dont ils avaient
une parfaite connaissance ; et que la possession d’état de la
dame Destaing et de la demoiselle sa fille, au milieu de la
famille D estaing, n’ont fait que confirmer et reconnaître
d’une manière authentique.
Ils ont erré eu assimilant des actes de notoriété vérifiés ,
dans les formes de droit, à de simples certificats extrajudiciaires. En reconnaissant, comme ils l’ont f a it , que la dame et la
demoiselle Destaing se trouvaient dans des circonstances
te lle s, qu’on ne pouvait les obliger à représenter ni l ’acte '
de célébration de mariage du général Destaing , ni l ’acte de
naissance de sa fille ; ils devaient reconnaître, en même tems ,
que ces pièces étaient suffisamment suppléées par des actes de
n otoriété , la possession d é ta t, et surtout la reconnaissance de
la fam ille D estain g, qui aurait suffi pour éleve r, contre les
collatérau x, une fin de non recevoir insurmontable.
�(3 )
Un mariage a été contracté d’après toutes les convenance»
sociales ; il a été célébré avec solemnité à la face de deux
nations, dont il resserrait les liens d’am itié; il a été b én i,
aux pieds des autels, par un pontife de la religion chré
tienne, professée par les deux époux. L ’épouse, devenue en
ceinte , a été envoyée en France dans la famille de son m a ri,
retenu loin d’elle par des devoirs militaires. E lle a erré, pen
dant six m ois, sur un frêle n a v ire , o ù , loin de tout secours ,
elle a mis au monde le fruit de leur union. Pendant ce tem s,
le mari est revenu dans sa p atrie, où il croyait trouver une
épouse et un enfant. A peine a-t-il été informé de leur sort,
qu’il les a appelés auprès de lui. Ils s’y rendaient, lorsque la
mort le leur a enlevé ; mais la fam ille du mari les a réclamés ,
comme leur bien. Un b ea u -p ère, un aïeul, des parens ont
accueilli ces infortunés avec empressement. Ils leur ont d’abord
prodigué les consolations dont ils avaient tant besoin. Mais
tout à coup la scène change; de nouveaux malheurs accablent
la veuve et l’orphelin. On veut les dépouiller de leur patri
moine. Leur état leur est contesté ; on veut les en déposséder;
e t, depuis cinq ans, on les traîne de tribunaux en tribu
naux ; on les expose à mourir de faim en attendant justice :
ce qui serait infailliblem ent a rriv é , sans la bienfaisance de
Empereur.
T elle est la position de la dame Destaing : c’est ce qui résulte
de toutes les pièces qui ont été mises sous nos yeux.
O n y voit qu’elle est née au Grand Caire , en E gypte, efl
1780, du sieur Joanny Nazo et de la dame Sophie Mische
son épouse, chrétiens l’un et l’autre du rit grec.
O n y apprend que le sieur Nazo était originaire de Tines,
île de l'Archipel ; q u e , jeune encore, ¡1 entra au service de la
�( O
R ussie, comme militaire et officier; et, qu’à l’âge de vingt-cinq
ans, étant venu au Caire pour ses affaires, il y contracta mariage
avec la demoiselle Sophie M isclie, fille du fermier général
des droits imposés sur les liqueurs spiritueuses; il s’y établit,
et succéda à son beau-père dans cet em ploi, qui était extrê
mement lucratif.
•Il l ’exerçait lors de la conquête d’Egypte. Sa fortune et ses
connaissances le firent bientôt distinguer, autant que son
attachement pour les Français et pour le héros qui les com
mandait.
Un bataillon greG fut formé -, le sieur Nazo en fut nommé
chef.
Ce service lui donna de nouveaux rapports avec l’arm ée,
dont la levée des Grecs faisait partie, et avec les généraux
qui y étaient employés.
Ces rapports s’augmentèrent lorsque, pour le bonheur de
la France, le général Bonaparte vint mettre fin à nos dis
cordes civiles.
Plusieurs officiers généraux trouvèrent alors convenable
de se marier dans le pays.
Le sieur Nazo, commandant des Grecs, passait pour riche;
il était considéré : père de plusieurs enfans, on savait qu’il
avait une fille de dix-huit à dix-neuf ans, très-bien élevée, du
moins autant que les ressources du pays pouvaient le per-^
mettre ; et avec une réputation de sagesse et de beauté
également avantageuses.
Le général de brigade Destaing la rechercha. Soit pres
sentiment des malheurs qui devaient survenir , soit que le
sieur Nazo eût d’autres vu es, il se refusa longtems à la de
mande du général. Destaing.
�( 5 )
D éjà lë général D elzo n s, cousin-germain de ce dernier , et
le sieur L a n tin , autre officier supérieur , avaient épousé deux
égyptiennes : les demoiselles Varsy , filles d’un marseillais ,
négociant français, résidant à Rosette, et marié à une anglaise
établie dans le pays. Le général M enou, commandant en chef,
avait épousé la fille d’un négociant turc. Bien d’autres officiers
s’étaient aussi unis par mariage avec des demoiselles nées dans
le pays , et appartenant aux familles les plus honnêtes et les
plus considérées.
Ces exem ples, les instances du général D estai n g , et plus
encore les sollicitations empressées des généraux Lagrange
et Béliard, ses amis particuliers, déterminèrent le sieur Nazo
à l ’accepter pour gendre.
Le mariage fut célébré en l’an 8, le surlendemain de la fête
des Rois , qui arrive douze jours plus tard suivant le calendrier
grec (cette date se rapporte au 17 janvier 1800 , 27 nivoae
an S ) . La dame Destaing ignore quel acte>il en fut dressé;
mais il fut béni par le patriarche d’A lex an d rie, en pré
sence d’un grand nombre d’officiers supérieurs de l ’armée ,
de plusieurs personnes notables du pays , toutes professant lareligion chrétienne , et notamment du général Delzons ,
cousin-germain de l’époux, t
Dans l’ivresse de son bonheur, le général Destaing donna
des fêtes splendides à ses frères d’armes ( ces fêtes étaient
aussi une des solemnités du m ariage, suivant les mœurs et
usages du pays ). Le général Menou , commandant en chef, y
assista ; toutes les personnes considérables de l’armée y prirent
part; les officiers qui étaient mariés y conduisirent leurs
épouses ; la réunion fut complète. La ville entière du Caire
Tut ainsi témoin du mariage du général Destaing avec la fille
�(6 )
du chef du bataillon grec , le sieur N azo, à qui nul officier de
l’arm ée, quelque fût son grade , ne se serait permis de faire
injure. Madame Menou , les dames Delzons et Lantin , et
d’autres égyptiennes devenues françaises par leur mariage ,
formèrent bientôt la société de madame Destaing ; elle les
reçut chez le général, son m ari, dont elle habitait la maison
comme épouse considérée. C’est à ce titre seul qu’elle en faisait
et qu’elle pouvait en faire les honneurs.
Cela se passait au C a ire, où la cohabitation maritale a duré
plu9 d’un an.
Mais , dans le mois de ventôse an g , une escadre anglaise
parut devant Alexandrie avec le projet de débarquement
qu’elle effectua peu de jours après. On reçut au Caire , le i 5
ventôse au soir (février 1801 ) , la nouvelle de l’apparition
de la flotte anglaise. Le général Destaing était alors à dîner
chez le général Menou ; il y reçut l’ordre de se tenir prêt à
partir pour le l e n d e m a i n i l vint en faire part à son épouse*
C’est ainsi qu’il fut séparé d’elle pour toujours.
Il partit, en effet, avec une partie de l’armée française
commandée par le général en ch ef ; le bataillon des Grecs
partit aussi : le général Béliard et le général D upas, lors
simples commandans de la place , restèrent au Caire. Le sieur
Nazo était atteint de la peste ; il ne put partir.
Madame Destaing était enceinte ; il s’établit entr’elle
et le général son m ari, une correspondance dont il reste
quelques fragmens.
Toutes les lettres sont à l’adresse de M adame D estaing,
et cette adresse est toujours en français, de la main de son
mari. Comme la dame Destaing n’entendait que l’arabe , c’est
dans cette langue que plusieurs des lettres du général Des-
�C7 )
taing sont écrites par un Egyptien qui lui servait de secré
taire ; mais , quelquefois aussi, il écrivait en français à son
épouse, et elle rapporte, entr’autres, une lettre du 5 p rai
rial an g , où il lui parle de sa grossesse, des embarras de
leur correspondance , et des moyens de la rendre plus fré
quente.
*
Cette correspondance est telle qu'elle a dû exister entre
d’honnêtes époux. Familière avec décence , tendre sans
exagération, elle exprime les sentimens d’une amitié pure
et tranquille , et non le délire des passions tumultueuses.
S’il n’y avait pas d’autres preuves de l’état de la dame D es
taing , si les nombreux témoins de l ’union des deux époux
avaient tous été enlevés par la peste et la guerre, qui en
ont moissonné plusieurs ; si les dépôts publics qui conservent
les preuves de cette union légitime avaient tous été détruits;
si on p o u v a it, en outre, anéantir les reconnaissances m ulti
pliées de la famille D estaing, et la possession d’état per
manente de la veuve et de la fille du général : nous dirions
encore que les lettres de ce dernier suffisent pour montrer
qu’il fut époux et père de celles à q u i, tardivem ent, on
veut enlever ces qualités par de simples motifs de cu
pidité.
La dame Delzons se trouvait dans la même position que
la dame Destaing ; les deux cousins étaient séparés de leurs
épouses par la guerre. Les deux jeunes femmes se réunirent
chez la dame Delzons , à cause que la contagion avait
pénétré dans la maison qu’habitait au Caire la dame
Destaing.
Mais bientôt la correspondance de ces dames avec leurs
maris fut interrompue. Les Anglais avaient pris A boukir
�C 8)
et Rosette ; ils cernaient Alexandrie', et leur armée était aux
portes du Caire.
Le général B éliard , qui y commandait, invita alors les
dames M e n o u , Destaing , Delzons et Lantin , leurs parens
et leur su ite, il se retirer dans la citadelle, où elles furent
reçues et logées par le commandant D upas, à qui la garde
de ce poste était confiée.
j
Ce dernier refuge leur fut bientôt enlevé. A la fin de
messidor, lt: général Béliard capitula; le Caire fut évacué le
29 de ce mois.
Il fut convenu que les troupes sous les ordres du général
Béliard seraient embarquées pour la France ; mais il fut
dit que les dames Menou , Destaing , Delzons et L a n tin ,
seraient rendues à leurs maris , qui défendaient encore
Alexandrie. Elles devaient être conduites, sous escorte, jus
qu’aux portes de cette v ille , avec M. Estève, payeur général
de l ’armée , qui eut la permission de se rendre auprès du
général en chef.
Mais celu i-ci refusa de reconnaître la capitulation faite
par le général Béliard , et de recevoir., dans A lexan drie,
qui que ce fût venant du Caire ; et pour q uon doutât moins
de sa résolution , sa propre épouse ne fut pas même ex
ceptée.
Ces dames reçurent ch acun e, de leurs m aris, une lettre
portant invitation de se rendre en France , sur les bâtimens
destinés aux troupes du général Béliard.
Les dames Delzons et Lantin se retirèrent d’abord chez leur
m ère, à Rosette, avec madame M en ou; depuis elles s’em
barquèrent pour la F ra n ce , et arrivèrent heureusement à
Marseille. Madame D estaing, son père , sa mère , ses frères,
�\
(9 )
>
»es soeurs et leur aïeule, que le malheur avait rendu# insé
parables , furent embarqués à A b ou k ir, avec une ceiitâinë
de militaires français, sur un petit navire grec," qui devait
les transporter en Europe.
Le navire , en mauvais état et mal équipé fut baldtté
pendant six mois dans la Méditerranée , et obligé de' re
lâcher à diverses îles.
Cependant le terme de l’accouchement de mâdhme Deâtaing approchait; ses souffrances, que les toürmënteS rendaient
plus terribles, firent solliciter le patron du naviie à prendre
terre où il pourrait : il jeta l ’ancre sur la côte de Céphalonïé”
Madame Destaing était en travail depuis huit jours'. I l ne'
fut pas possible de la transporter : elle afccoücha d&iïs lë
navire.
. Marie D estaing, qu’elle mit au mondü, fut baptisée jiar
un prêtre que sa fam ille envoya chercher, dans une chapelle'
située sur les bords de la mer. E lle eut , pour parain"," liff
officier français , et , pour m araine, la dame Mische , ¿on'
aïeule.
*
* L ’équipage , qui n’avait pas fait quarantaine , ne pouvait
avoir des communications avec les habitans de l’île : le consul
français visita cependant madame Destaing.
O n ignore si l’acte de baptême , constatant la naissance
de Marie Destaing , fut rédigé par écrit ; si le consul français
y assista , s’il le déposa à la C hancellerie, ou dans les màîrià1
du pasteur catholique qui administra' le sacrement : lés
_difficultés des communications pendant' la guerre , le peü
’ de tems que le navire est resté sur la côte de Céphalonie,'
et tout ce qui s’est passé depuis cette éjiôque , oïit privé
madame Destaing des moyens de fournil*,* sur cé‘ poittt','
a
�( IO )
des éclaircissemens que les circonstances dans lesquelles
elle se trouve rendent superflus.
Le vaisseau chargé de ces infortunés aborda enfin à Tarente,
dans le royaume de Naples.
On croira aisément que la dame Destaing et sa famille
n ’eurent rien de plus pressé que de quitter, dés qu’ils le
purent, un navire où , depuis six mois , ils avaient si cruelle
ment souffert. Heureusement une main protectrice vint à leur
secours ; le général S o u lt, aujourd’hui maréchal de i’E m pire,
les a c c u e illit , leur donna sa maison de cam pagne, pour y
faire quarantaine, et les reçut ensuite chez lu i, à T aren te, où
ils passèrent près d’un m ois, tandis que le vaisseau grec, qui
les avait débarqués sur la côte de Naples , continua sa route
pour Marseille.
C epen d an t , durant la longue traverées de la dame Destaing
et de sa fam ille , d’Egypte en E u rop e, la ville d’Alexandrie,
resserrée de plus en plus par les ennem is, et manquant de
vivres, avait été obligée de capituler.
La garnison fut embarquée pour la France, les généraux
M enou, D estaing, le capitaine Lantin et plusieurs autres
officiers montèrent sur le même vaisseau et arrivèrent à Mar
seille après, trois mois de navigation , de manière que le
général' Destaing , parti d’Egypte deux ou trois mois après
son épouse, arriva cependant en Europe, et en France, plus
de deux mois avant elle. 11 se rendit à Paris et fit des dispo
sitions pour fixer son domicile dans cette ville ; il y reçut du
général Soult la nouvelle de l’arrivée de sa femme et de sa fille
à Tarente.
11 se hâta de remercier le général Soult de ses soins bionfaisans, et le pria de faciliter à madame Destaing et a
�( 11 )
sa famille le moyen d’arriver à P a ris, et de les y faire accom
pagner par quelqu’un de confiance.
'
^
Monsieur le maréchal Soult fit escorter par terre cette fa
m ille jusqu’à Barlette, et chargea M. D esbrosse, officier fran
çais , né à P aris, de l’accompagner.
Madame Destaing et sa fam ille s’embarquèrent à Barlette,
reprirent terre à A n cô n e, d’où ils se rendirent en poste à
Lyon , avec M. Desbrosse.
Cette nouvelle fatigue avait encore altéré la santé de madame
Destaing et celle de sa fille. On crut nécessaire de leur faire
prendre quelques jours de repos. M. Nazo son pére et M. D es
brosse les précédèrent et se rendirent de suite à P aris, auprès
du général Destaing.
A peine arrivé à P aris, M. Nazo perdit son gendre par un
événement tragique, dont le public fut informé dans le
tems. M. Nazo n’avait vu le général Destaing que quelques
instans 5>et n’avait encore pris aucun arrangement avec l u i ,
pour l’établissement de sa famille.
Madame Destaing ignorait à Lyon la perte qu’elle venait
de faire; elle y attendait des nouvelles du général D estain g,
lorsqu’elle reçut la visite du sieur B ordin , chapelier, dont
l'épouse était d’A u rilla c, lieu de la naissance du général Des
taing.’
s
• L e sieur Bordin se présenta avec une lettre du sieur Des
tain g, pére du général, pour engager la dame Destaing sa
belle-fille, à se rendre à A urillac avec son en fan t, où on lui
dit qu’elle trouverait le général son mari.
Mais la feinte ne pût être longue : madame Destaing ap
prit bientôt qu’elle était veu ve, et que sa fille avait perdu son
p ére, avant d’en avoir pu recevoir la moindre caresse.
�( ta )
E lle se séparé du reste de sa fam ille, qui se rendit à Mar
seille, où le Gouvernement réunissait les réfugiés égyptiens ,
et elle prit la route d’A urillac avec sa fille, une nourrice
qu’elle avait prise à Tárente, et une négresse qui les servait.
Le sieur Destaing père fournit aux frais de ce vo y a g e, et
aux premiers besoins de sa petite-fille et de la veuve de son
fils. Illes accueillit comme ses enfans, les fit considérer comme
tels par toute la famille D estain g, au milieu de laquelle la
Yeuve trouva madame Delzons, née, comme elle, en Egypte ,
témoin des courts instans de son bonheur et de ses premières
infortunes.
Madame Destaing passa ainsi à A urillac huit m ois, présen
tée dans toutes les sociétés comme veuve du général Destaing,
sans que personne eût osé élever le moindre doute sur son état
et celui de sa fille.
L e sieur Destaing père assembla un conseil de famille pour '
la nomination d’un tuteur à sa petite-fille.
O n prouve parmi les. parens M. Alexis.-Joseph D elzons,
général de brig:*d,e , commandant le département du C antal,
cousin-germain du feu,général Destaing , et le même qui avait
été, témoin d}f, marijage qui avait, réuni laúdame. Nazo à *la
famille Destaing -, M. Delzons son p ère , membre du Coçpj
Législatif , oncle paternel de M. D estain g, biqn instruit par
son filstde§ circonstances de ce,m ariage, et lç.m êm e qui se
troura à^Paris, à la leyép des scellés, mis sur les effets du gé
néral Destaing son neveu; enfin, tous les parens du défunt
qui déféi'èrentj la^tuttje ^usj.ç^r Destaing père, en sa qualité
d’aïeul tle la mineure, et attendu la minorité présumée d e là
m ère, autorisèrent j les dépenses par lui faites, îéglércnt le
�( i3 )
montant des habits de deuil de la veuve, et fi<èrent provisoi
rement la quotité de la pension de la pupille.
Si les intérêts de la dame Destaing furent sacrifiés dans cet
acte, du moins son état et celui de sa fille furent respectés et
reconnus par la famille de son mari; et ils auraient continué
à l’être, si elle n’avait pas été instruite de ses droits.
Mais elle trouva , à A urillac même , des personnes offi
cieuses qui lui apprirent que la loi plaçait dans ses mains la
personne et la conservation des biens de sa fille , que c était
pour elle un devoir de la réclam er, et que son beau-pere et
J a famille Destaing abusaient de son ignorance.
Aussitôt qu’elle parut i n s t r u i t e l e s procédés de son
beau-père changèrent à son égard. Il craignit qu’elle ne vou
lût se soustraire à son em pire, e t, pour la reten ir, il la
sépara de sa fille , qu’il envoya à la campagne sous un vain
prétexte.
Cet acte de barbarie dut ré vo lter la dame Destaing ; privée
de sa fille , ne pouvant découvrir le lieu où on la tenait cachée,
elle écrivit à son père pour lu i faire connaître sa position.
Le sieur Nazo se rendit à A u r illa c , et n’obtint rien du sieur
Destaing ; il emmena sa fille à Marseille.
\t)n remarquera que le sieur Destaing retint alors sa
petite-fille, malgré la mère et l’aïeul maternel ; ce qui est
une nouvelle reconnaissance de l’état de la demoiselle D es
taing , dans le tems même que son aïeul refusait à la mère
de la laisser jouir du plein exercice de ses droits.
La dame Destaing fut conduite à Marseille par son p ère ,
et elle sentit alors le besoin de constater son âge, qvû était
le seul prétexte sous lequel le sieur Destaing père refusait
de lui rendre la tutelle de sa fille. Il y fut procédé par un
�( *4 )
acte de notoriété en forme authentique , auquel concou
rurent un grand nombre de réfugiés E gyptien s, réunis à
Marseille. Parmi eux se trouvaient deux des militaires qui
avaient traversé la Méditerranée avec la daine Destaing;
ils rapportèrent l’époque de l’accouchement de la dame Des
taing , et du baptême de sa fille.
Si l’acte de notoriété ne donne pas de plus grands détails,
c’est que personne ne pouvait prévoir alors que l ’état de la
dame Destaing et de sa fdle serait un jour contesté ; il
ne s’agissait que de déterminer leur âge par la notoriété , à
défaut de registres. Leur élat était assez établi par leur pos
session non interrompue : et si la dame Destaing avait pris
alors de plus amples précautions ; si elle avait fait constater
son état par les nombreux réfugiés Egyptiens qui se trou
vaient alors à M arseille, ce qui lui eut été fa cile, on suppo
serait peut-être aujourd’hui qu’elle en avait besoin. Tandis
q u e , comme nous le verrons bien tôt, la possession d’état
et la reconnaissance de la fam ille étaient, pour elle et pour
sa fille , des titres sufiisans.
Madame Destaing doutait si peu de leur puissance, qu’a
près un court séjour à Marseille , elle se rendit à Paris pour
demander justice.
'
^
L e Gouvernement lui accorda sans difficulté la pension à
laquelle elle avait droit comme veuve du général Destaing ;
et les plaintes qu’elle porta, sur ce qu’on lui retenait, malgré
e lle , sa fille à À u r illa c , furent renvoyées par le premier
Consul aux ministres de la justice et de la police pour y faire
droit par voie d’administration.
Le sieur Destaing , président du tribunal civil de son ar
rondissement , ne put méconnaître la légitimité des première
demandes de la dame sa belle-fille ; il répondit à S. Exc. le
�C ‘5 )
grand-juge que puisque le Gode civil déférait la tutelle à la
m ère , elle pouvait envoyer chercher sa fille quand elle le
jugerait à propos. Le grand-juge , en informant madame Destaing de la réponse de son beau-père , lui apprit que toute
discussion sur les biens devait être portée devant les tribunaux.
Le général Destaing était mort à Paris , où il paraissait
avoir voulu fixer son domicile ; on pensa que c’était à Paris
que la succession était ouverte , et où l’inventaire des biens
avait commencé. La dame Destaing se pourvut donc devant
le tribunal civil de la capitale pour réclamer les droits que
lui donnait la double qualité de veuve du général Destaing
et de tutrice de leur fille , et fit assigner le sieur Destaing en
reddition de compte de la tutelle.
Le sieur Destaing, aïeul de cet enfant et président du tri
bunal civil d’A urillac , prétendit que c’était à A urillac que
cette demande devait être portée , attendu que le feu général
Destaing était censé n’avoir jamais eu d’autre domicile que
la maison paternelle.
Le tribunal de Paris se déclara compétent ; mais le sieur
Destaing s’étant pourvu à la Cour de cassation en règlement
de juges, les parties ont été renvoyées au tribunal de première
instance de M auriac, département du Cantal.
C’est là que, pour la première fois, le président D estain g,
pour garder en ses mains les biens de la succession de son
fils, a renié sa petite-fille dont, d’abord, il avait voulu être le
tuteur , et qu’il avait retenu chez lui malgré la mère. Il a osé
déclarer devant ce trib u n al, à quelques lieues de distance
d’A u rillac et dans le même départem ent, habité par les té
moins de la constante possession d’état de la veuve et de sa
fille , ainsi que des actes authentiques et multipliés de la recon*
�C 16 )
naissance de la famille , « que ce n’a été que par d o l, fraude,
» suppositions et insinuations perfides que la demanderesse
» Vengagea jx se porter tuteur de Marie sa fille , et à faire
» tous actes nécessaires en cette qualité pour la rémotion des
» scellés, inventaire et vente des effet mobiliers délaissés
n par son défunt fils ; lesquels consentement, actes et fausses
» démarches il rétracte formellement ; et de ce q u e , mal à
« p rop os, elle voudrait tirer avantage de ce qu’il l’a retirée „
» dans sa fam ille, ne l ’ ayant f a i t qu'à titre ¿[hospitalité,
» comme compatissant à ses m alheurs, et sous réserves de ses
» autres droits. »
Les tribunaux du département du Cantal avaient donc à
examiner le mérite de cette déclaration ; elle est la cause
du litig e , le point de la difficulté élevée par l’aïeul.*Elle
contient une accusation grave en suppression d’état, ou un
délit bien plus grave encore en suppression d’état, de la part
de celui qui était alors le chef de la fa m ille , le protecteur
n aturel de tous les membres qui la composaient ; et spé
cialem en t de sa petite-fille et de la veuve de son fils.
Il accuse celle-ci de l’avoir en gagé, par dol et fraude, k
les reconnaître , elle et sa fille , pour avoir appartenu , à titre
lég itim e, au général Destaing -, mais on sait qu’elles étaient
à L y o n , lorsque madame Destaing a 'perdu son mari. Elle
arrivait en France , et elle ne connaissait personne , ni le
pays dont elle n’entendait même pas la langue ; quel dol
a-t-elle pu pratiquer? quelles insinuations a-t-elle pu em
? R i e n au monde ne peut faire admettre, un instant, la
supposition du président Destaing. Q uélle serait donc la
puissance qui aurait obligé ce dernier à envoyer chercher à
Lyon madame Destaing et sa fille , qui ne le connaissaient
p
l o y e r
'
*
�( *7 )
pas ? à les recevoir et les traiter comme belle-fille et petitefille, pendant huit mois consécutifs? à prendre devant la
justice la qualité d’aïeul légitime de cet en fan t, et en de
mander la tutelle , attendu la minorité de la mère? à s’en
gager , par serment, à en remplir les devoirs , ceux de tuteur
et d’aïeul ? à ex ercer, pendant huit m o is, les honorables
fonctions que ces titres lui donnaient ? 11 n’y ayait nulle
puissance, nuls moyens suffisans pour l’y engager , si ce
n’est la force de la vérité et le pouvoir de la justice na
turelle.
Tout cela ne peut se rétracter : on ne rétracte pas des faits ;
o r , les actes émanés du sieur Destaing père, sont autant de
faits qui existent et existeront malgré ses regrets. Q u’il les
explique comme il p ou rra, il ne peut les détruire par une
vaine rétractation.
Il suppose hardiment n’avoir retiré, dans sa fam ille, sa
petite-fille et la dame sa mère , qu'à titre cï hospitalité, et
compatissant à leurs malheurs.
Mais le litre auquel la dame Destaing et sa fille ont été
reLirées, ou plutôt réclamées par le sieur D estain g, est écrit
dans le procès-verbal de nomination de tuteur. Ce titre légal
ne peut pas plus être effacé que ceux de la nature invoqués
par le sieur Destaing père pour l ’obtenir ; ce titre est l’ou
vrage du sieur Destaing , lui-même ; toute la famille y a
concouru. C’est par une délibération éclairée , authentique
et homologuée par l ’autorité c iv ile , que le sieur Destaing a
demandé à prendre dans les biens qu’il n’administrait qu’au
nom 'de sa petite - fille , et comme son tuteur, le rem
boursement des frais qu’il avait faits pour leur séjour à
L y o n , et voyage à A u rilla c , et pour les alimens qu’il leur
�C 18 )
dans celte ville. Ce n’est donc pas comme com
patissant aux malheurs d’une étrangère , qu’il a agi. La
dame Destaing ne pouvait pas être étrangère pour lui ;
aussi a-t-il demandé lui-même , pour sa belle-fille , des habits
de d e u il, et la fixation d'une pension viduelle. Ce ne sont
pas là des actes de compassion , mais de justice. La fille et la
veuve du général Destaing ayant reçu , dans cette qualité,
sur la succession de leur père et mari , les secours dont
elles avaient besoin, dans la maison que le sieur Destaing
a fait juger être le domicile de son fils ; il ne peut pas dire
quelles y aient été reçues à titre dhospitalité. Dans la maison
de leur aïeul et beau-père , elles étaient chez elles,' elles y
continuaient leur possession d état : on ne peut la leur ra v ir,
parce qu’elle repose sur des faits constans et indestructibles.
Par ces fa its, tout doit être jugé entre madame Destaing
et la famille de son mari. D u moins on ne peut plus mettre
en question l ’état de la veuve et de l ’orpheline, authenti
quement reconnu par ceux mêmes qui l’attaquent aujourd’hui.
Nos livres de jurisprudence sont pleins de monumens qui
fixent d’une manière invariable les principes qui doivent
servir de règle pour résoudre les questions élevées sur l’état
des citoyens dans des circonstances quelquefois bisarres et
souvent embarassantes.
Souvent on a argumenté sur la foi qui est due aux registres
publics , sur la nécessité d’établir par eux l’état contesté, sur
l'admission ou le rejet de la preuve testimoniale, soit pour
faire réformer ces registres , soit pour les suppléer en cas de
perle ; mais toujours on a admis les con>équences qui ré
s u l t a i e n t d’une possession d’état invariable. La loi romaine,
fournissait
d’Aguesseau , Gochin , si souvent cités dans les questions
�( *9 )
de cette nature, regardent la possession comme le signe le
plus certain de leta t des citoyens , celui qu’il serait le plus
dangereux de méconnaître , et qu’il importe le plus de res
pecter pour assurer le repos des familles.
'
Cochin a retracé ces principes dans la cause célèbre de la
dame de B ru i*; et on peut remarquer qu’il plaidait pour la
fam ille Laferté, qui repoussait cette femme et tous les moyens
qu’elle employait pour se faire reconnaître comme appar
tenant à cette famille. D e manière qu’on ne peut pas le sus
pecter d’avoir admis ou supposé des principes trop favorables
à ceux dont l’état est contesté. Il les établit comme doctrine
qui doit servir de guide dans les questions d’état, pour qu’on
ne s’égare pas dans cette m atière, en donnant dans des excès
également contraires à la vérité.
,V o ic i comment il s’exprime :
« Si les législateurs , d it-il, n’avaient pris aucune précau*
» tion pour fixer l’état des hommes . les citoyens ne pour» raient se reconnaître entr’eux que par la possession. T elle
» était la règle qui les distinguait seu le, avant que les Etats
» policés eussent établi des lois sur une matière si importante;
» les familles se formaient par des mariages publics ; les en» fans étaient élevés dans la maison des pères et des m ères,
>* comme les fruits précieux de l ’union conjugale ; les rapports
» des différens membres d’une famille se confirmaient de jour
» en jour par la notoriété ; ils se connaissaient, ils étaient
» connus des autres comme frères et sœ urs, comme oncles ,
» n e v e u x , comme cousins, par cette habitude journalière
>* de se traiter réciproquement dans ces différentes qua» lités.
. » C ’était donc la possession seule qui fixait l’état des hommes;
�»
»
»
»
»
( 20 ) ,
c’était l ’unique espèce de preuve qui fût connue - et qui
aurait voulu la troubler, en supposant un état et une filiation contraire à celle qui était annoncée par cette longue
suite de reconnaissances, aurait troublé l’harmonie du genre
humain.
» Les législateurs ont cru devoir porter plus loin les mesures
>•> que leur sagesse leur a inspirées. On a cru que s i , au mo» ment de la naissance de chaque cito yen , son état était con>* signé dans des registres p u blics, ce genre de preuve ajou» terait un nouveau degré de force à l ’état qui devait être
» établi dans la suite par la possession, ou q u e , si la posses» s io n , par quelques circonstances impossibles à p révoir,
» pouvait devenir équivoque, le titre primordial pourrait
» en parer les vices et venir au secours du citoyen privé des
» avantages d’une reconnaissance solemnelle. C’est donc ce
» qui a introduit l ’usage des registres publics prescrits par nos
» ordonnances.
»
Ti
»
»
»
»
»
» C’est sur ces deux genres de preuve que porte l ’état des
hommes ; celle de la possession publique est la plus ancienne et la /noms sujette a Verreur/ celle des registres
publics est la plus nouvelle et la plus authentique. Quand
elles se prêtent un mutuel secours , tous les doutes disparaissent ; quand elles ne sont pas unies , les questions
peuvent dépendre de la variété des espèces et des circonstances.
»' Ou l’on est attaqué dans un état dont on est en possession,
« ou l’on réclame un état dont on n’a jamais joui. Dans le
» prem ier c a s , l a . p o s s e s s i o n s u f f i t a c e l u i q u i e s t a t r> t a que ; il ri!Cl pas besoin de recourir aux monumens pu-
»
�(21 )
» b lic s , ni à aucun autre genre de preuve ; il possède, et à
» ce seul titre, on ne peut pas hésiter à le maintenir.
» Dans le second cas, celui qui réclame un état dont il n’a
» jamais joui , trouvant le même obstacle de la possession,
v ne peut réussir dans son entreprise , s’il n’a en sa faveur des
» titres solemnels qui prouvent que la passion et l’injustice
» l’ont dépouillé.
» Ainsi la possession p u b liq u e, qui décidait seule avant
» l’établissement des registres p u blics, conserve aujourd'hui
» son prem ier empire y c’est elle qui forme toujours la preuve
» la plus éclatante et la plus d écisive, et si elle peut être
» combattue par des preuves contraires, ce n’est qu’autant que
» ces preuves posent d’abord sur un fondement solide , adopté
» par la l o i , c’est-à-dire, sur les titres les plus authentiques
» et les plus respectables. »
Ces principes rappelés par Cochin , et qu’il appelle « des
» vérités que la raison dicte seule , et qu’elle grave, pour
» ainsi dire, dans le cœur de tous les hommes ; » ces principes,
qu’il prouve être « appuyés sur la décision des lois , le suf» frage des plus grands hommes et la saine jurisprudence»,
sont ceux de tous les jurisconsultes et de tous les tribunaux.
Ils s’appliquent naturellement à la cause de la dame Destaing
et de sa fille.
Elles sont en possession de leur état de veuve et de fille du
général Destaing. Cette possession a été publique, on pourrait
même dire solemnelle; elle leur suffit pour repousser l ’attaque
dirigée contr’elles. E lles n ’ont pas besoin de recourir a u x
monumens publics , n i a a u c u n a u t r e g e n r e d e p r e u v e .
E lles possèdent ; e t, à ce seul titre, on ne p eu t pas hésiter
à les maintenir.
�( 22 )
O n le doit arec d’autant plus de raison, que l’attaque a
commencé par celui q u i, ayant le plu 3 grand intérêt à con
tester l ’état de ces infortunées, s’il avait été équivoque, l ’a
cependant le plus authentiquement et le plus solemnellement
reconnu , soit en justice, soit dans le conseil de famille con
voqué par l u i , soit en les présentant à chacun de ses parens
et amis, comme étant ses enfans; les établissant, à ce titre,
spontanément, sans en être sollicité par personne, dans sa
propre maison , et les reconnaissant en leur qualité , et pour
ainsi dire , à la face du ciel et de la terre.
Quelle est donc la cause du changement? qu’est-il donc
arrivé pour opérer une métamorphose ? Rien. Q uelle décou-,
verte a fait le sieur Destaing pour passer ainsi de l’alfection
paternelle à l ’indifférence, et même à l’animosité? Aucune.
Q u ’a-t-il appris de nouveau? Rien. 11 était président du tri
b u n al, et par conséquent jurisconsulte; il devait savoir que
la puissance paternelle ne s’étendait plus sur les petits-fils, à
l ’exclusion de leur mère ; q u e , par le Code c iv il, la veuve
avait la tutelle de ses enfans. Ce n’est point la dame Destaing
qui avait provoqué cette loi, cause première de ses derniers mal
heurs; et si, informée qu’elle était de son devoir de les exercer,
elle a indiscrètement m anifesté, dans la maison de son beaupère , l ’intention de les réclam er, ce u’etait pas une raison
pour vouloir l’en déposséder, en la dépouillant de son état;
ni de la rejeter d’une famille dans laquelle elle n’est entrée
et sa fille n’est née que pour y éprouver des malheurs.
Depuis la déclaration rétrograde du sieur Destaing père,
sa conduite a été assortie à ce début.
U commença par faire faire saisie-arrêt entre se3 mains, à la
requête de ses autres enfans se disan: héritiers naturels du
�( ^3 )
général Destaing leur frère. Il demanda ensuite que la dame
Destaing , comme étrangère, fût tenue de donner caution
judicatum solvi ; et il se défendit -devant le tribunal de
M auriac par cette exception prélim inaire, en demandant que
«es enfans, dont il avait dirigé les démarches, fussent ap
pelés dans l’instance, ainsi qu’un prétendu bâtard du général
D estain g, d o n t, jusqu’alors, personne n’avait entendu parler,
et dont, depuis, personne aussi n’a eu des nouvelles.
Le tribunal de M auriac, par jugement du 12 août 1806,
débouta le sieur Desiaing de sa demande en cautionnement,
ordonna que les prétendans droits à la succession du général
D estain g, et les saisissans, seraient mis en cause , et néan
moins condamna le sieur Destaing au paiement d’une pro
vision de 600 f r ., à compter du jour où la demoiselle Des
taing avait été retirée d’A u rillac, et à la continuer jusqu’au
jugement définitif. M. D tstaing fut condamné à payer le
coût du jugement.
Mais ce jugement provisoire, quelque modéré qu’il fu t,
n’a pu être exécuté.
Les beaux-tréres et belles-sœurs de la dame Destaing s’y;
sont rendus tiers opposans.
La réclamation principale de la dame Destaing étant alors
instruite , elle a demandé à être maintenue dans son état de
veuve du général D estaing, contre tous les prétendans droits
à h) succession, et tant en son nom personnel que comme
tutrice de sa fille ; elle a demandé que le sieur Destaing père
fû t tenu de rendre compte de l’administration dans laquelle
il s’était immiscé , comme tuteur.
Le sieur Destaing père s’est borné à laisser contester l’état
de sa petite fille par ses autres enfans, déclarant qu’il était
�(24)
prêt à rendre compte de la succession, à qui et pardevant qui
il serait ordonné en justice. Il a prétendu devoir être congédié
de la demande, et cependant il a conclu à ce que, dans le cas
où la dame Destaing ne justifierait pas de son état et de celui
de sa fille , elle fût condamnée à lui rembourser, avec inté
rêts , 3636 fr ., montant des dépenses faites pour e lle , tant à
Lyon qu’à Aurillac.
C’est sur ces conclusions qu’est intervenu le jugement du
i 3 août 1807, dont la dame Destaing a appelé.
P a rce jugem ent, le tribunal de M auriac, en reconnaissant
la possession d’état des dame et demoiselle Destaing, ordonne
néanmoins que le fait du mariage du général Destaing et
celui de la naissance de sa fille seront prouvés par tém oins,
à la diligence de madame Destaing, et qu’il n’a pas existé de
registres où ces actes de mariage et de naissance aient dû être
transcrits.
Les juges statuent par interlocutoire sur le fond de la
contestation qui leur est soum ise, et cependant ils ne pro
noncent rien sur la tierce opposition à leur premier jugement,
qui condamnait le sieur Destaing père au paiement d’une
provision bien nécessaire aux dame et demoiselle Destaing ,
bien légitimement due à l’état dont elles étaient en possession ,
et à leur qualité aussi incontestable que leur position mal
heureuse.
Le tribunal de M auriac, en mettant en question Tétat de
la dame Destaing et celui de sa fille, a fait abstraction de la
possession dans laquelle elles étaient. Il aurait dû apercevoir
q u’elles étaient attaquées dans cette possession d’état par ceux
mêmes qui avaient concouru à la leur assurer, et q u e , dés
lors, madame Destaing n’avait rien à prouver; c’était sur ceux
�( a5)
q u i venaient l’attaquer, prétextant qu’ils avaient été e n g a g é s
par clol, fr a u d e , suppositions et insinuations perfides , que
tombait la charge de prouver leurs allégations. Juscju’alors
leur engagement subsistant, on devait les regarder comme
liés. La reconnaissance publique et authentique de l’état d’un
citoyen dans une fam ille, et par tous les individus qui la
composent, n’est pas un lien frivole; le m éconnaître, ce
serait, comme dit Cochin , troubler l’harmonie du genre hu
main. Combien de milliers d’individus n’ont d’autre assurance
de leur é ta t, d’autre titre que leur possession publique au
m ilieu de leur famille et dans la société? Combien en est-il
qui ignorent où ils pourraient trouver l’acte de célébration
du mariage de leurs auteurs, et même leur acte de naissance?
O Faudrait-il pour cela les faire sortir de la famille dans la
quelle ils possèdent un état reconnu légitim e? sera-t-il per
mis à celle-ci de les repousser de son sein, en leur imposant
à eux l’obligation de prouver qu’elle a eu raison de les con
sidérer comme fils, petit-fils , neveux , cousins, etc. ?
N o n , certainem ent, ils n’ont rien â prouver. L a possession
suffit à celui qui est attaqué; il n a pas besoin de recourir
a u x monumens p u blics, n i à aucun autre genre de preuves : il
possède ; e t y à ce seul titr e , on ne peut hésiter à le m ain
tenir.
Vainem ent vou d rait-on supposer que la dame Destaing
étant demanderesse dans la cause, doit prouver et justifier
la qualité qu’elle prend : cette supposition est inadmis
sible.
La demoiselle Destaing était non seulement en possession
de son état de fille naturelle et légitime du général Des-»
taing son p ère , mais encore de la succession de ce dernier,
4
l
�( 26 )
acceptée pour elle par le sieur Destaing son a ïe u l, en sa
qualité de tuteur, qui lui avait été déférée par la famille
en tière, qui avait reconnu l’état et les droits de la pupille.
L a veuve du général Destaing était pareillement en posses
sion de son état de veuve, reconnu aussi par la fam ille, qui
avait réglé le paiement de ses habits de deuil et de sa pen
sion viduelle.
Devenue tutrice de sa fille par la disposition du Gode
c iv il, elle a trouvé celle-ci dans la possession de son élat,
saisie et investie d e 'la succession qu’elle avait recueilli du
général Destaing son père.
Ce n’est point cette succession q u elle a demandée ; l’aïeul
tuteur l ’avait recueillie pour sa petite-fille, et avait fait pour
elle tous les actes d’héritiers nécessaires. La fille du général
Destaing avait été reconnue son héritière ; elle possédait sa
succession de droit et de fait : c’est donc elle qui est atta
quée dans la possession.
La mère tutrice exerçant ses droits, a demandé compte au
premier tuteur; celui-ci ne pouvait ni le refuser, ni changer
lui-même le titre de cette possession ; car ce n’est pas pour
lui-même qu’il possédait, mais pour sa petite - fille , et à un
titre qui avait cessé d’être légitime.
L ’opposition des tiers ne pouvait ni dénaturer ses obliga
tions , ni les diminuer. Les collatéraux trouvant la succession
de leur frère recueillie par son enfant, ne pouvaient dépos
séder celui-ci, sans préalablement attaquer l’état de l’héritière
investie, état que cependant ils avaient reconnu eux-mêmes,
et dont elle était en possession ; ils veulent détruire ce qui
existe bon gré ou malgré eux. C’est donc eux qui attaquent ;
�( 27 )
c’est donc eux qui sont les demandeurs. Peu importe que ce
soit par voie d ’exception ; on connaît la règle Reus excipiendi fit actor. A cto ris est probare.
Nous disons que la veuve du général D estain g, tutrice
légale de sa fille , demande au précédent tuteur le compte de
son administration. Celui ci nie-t-il avoir été le tuteur de là
demoiselle Destaing sa petite-fille? non. Nie-t-il avoir recueilli
en cette qualité de tuteur la succession du général Destaing?
non. Il dit que les autres enfans collatéraux du général D es
taing prétendent à cette succession, et qu’ils s’opposent à ce
qu’il rende compte à la nouvelle tutrice. Le tribunal ordonne
d’abord qu’ils seront mis en cause. Ils se présentent comme’
tiersopposansà un premier jugement qui ordonnait le paiement
d’une provision. Sont - ils défendeurs dans leur opposition ?
non. Le sont-ils lorsqu’ensuite ils demándent, par voie d’ex
ception , que leur nièce soit dépossédée de son état et de la
succession du général Destaing son p ère? pas davantage.
Ils soutiennent alors que la demoiselle Destaing leur est
étrangère ; mais c’est à eux à le p rouver, s’ils le peuvent. Ils
ne nient point la possession d’état qui pose sur des faits in
destructibles ; ils supposent qu’elle a été usurpée par dol et
fraude : c’e3t encore à eux à prouver cette supposition inique;
c’est donc à eux que , sous tous les rapports, devait être
imposée l’obligation de rapporter la preuve de ce qu’ils avan
çaient. Jusqu’alors le sieur Destaing père ne pouvait mécon
naître le titre en vertu duquel il avait agi, et toutes les con
séquences qui en résultaient, dont la moindre était que, pro
visoirement, ce titre et la possession d’état devaient être res
pectés; provisoirement, la mineure devait être alimentée et
secourue sur la succession dont elle était saisie de droit et
�(aB)
de fait par les mains de son aïeu l, par le consentement de
toute la famille , et le concours de l’autorité civile.
Nous disons que les collatéraux étaient demandeurs en
délivrance d’une succession recueillie par la mineure ; que
c’étaient eux qui venaient troubler l’état dont la mineure
Destaing était en possession , et prétendaient la dépouiller
de la succession qu’elle avait recueillie en une qualité q u i,
jusqu’alors, ne lui avait pas été contestée. Sans doute qu’avec
ces prétentions, et comme demandeurs, ils pouvaient se pré
senter dans la lice ; mais avec quelles armes ? C’est encore
Gochin qui répond à cette question, et il faut rappeler ici
ce que nous avons déjà rapporté :
« La possession publique conserve aujourd’hui son premier
• empire; c’est elle qui forme toujours la preuve la plus écla» tante et la plus décisive , et si elle p eu t être combattue par
» des preuves contraires, ce n'est quautant que ces preuves
» posent d abord sur un fondem ent so lid e , adopté par la lo it
» c'est-à-dire ,
*
p a r
les
t itr e s
les
plu s
a u t h e n t iq u e s
e t les
PLUS R E SP E C T A B L E S. »
vu que le sieur Destaing a cru que toutes ses
preuves étaient faites par la simple déclaration qu’il se rétrac
tait. Ses enfans ont cru aussi qu’il leur suffisait d ’é le v e r d u doute
sur l ’état de leurs belle-sœur et nièce , et ils l’établissent sur
quelques pièces qu’ils ont produites , et que nous allons exa
miner. Ces pièces consistent en deux lettres missives, qu’on
dit avoir été écrites par le général Destaing à son père, l’une
le i 5 pluviôse an 9 , et l’autre le i 3 ventôse an 10.
Par la première , il dit: « Delzons se porte bien; il a un
» petit garçon bien éveillé, et j’essaie d’en faire un à une
» jeune gréque q u i, d’après uu arrangement oriental , fait les
N o u s avons
�( 29 )
*> honneurs de chez moi depuis près d’un mois. » On sup
pose qu’il écrit dnns l’autre : « Quant à mon mariage , vous
» ne devez pas plus croire la lettre de Latapie que la
» m ienne; il n'y a aucun lien légal; je ne l’aurais pas con» tracté sans vous en prévenir : mais il y a d’autres liens qui
» pourraient bien, peut être , amener celui-là. A u reste , j’ai
» écrit à cette famille de se rendre à Marseille , et d'y attendre
» de mes nouvelles. »
La première de ces lettres, qui se rapporte à une époque
peu éloignée du mariage du général Destaing, peut bien prou
ver qué l’union a été formée sans le consentement du père
du général , et que celui-ci a dissimulé alors à son père la
nature de ses engagemens , mais elle ne peut pas prouver qu’ils
n’exislent pas , et qu’ils ne soient p a ï indissolubles.
Dans la seconde , le général Destaing é crit, dit-on , à son
père : vous ne devez pas plus croire ma lettre que celle de La
tapie. II d é s a v o u e d o n c implicitement ce qu'il a écrit ; s’il ne
s’accuse pas ouvertement de mensonge ou de dissimulation , il
prépare son père à une explication plus franche. T1 ne la lui
donne cependant pas dans le moment ; il continue à l’envelopper
dans des généralités ; il suppose, il est vrai, qu'il n y a pointde
lien lég a l, parce que , dit-il, je ne l’ aurais pas contracté sans
vous en prévenir ; et il ajoute : mais il y a d’autres liens
(c'est-à-dire, les liens naturels et relig ieu x), qui pourraient
bien a m e n e r celui-là. Que signifie tout cet entortillage?
L e mariage du général Destaing avait été fait sans le consen
tement du père: cette correspondance semble l ’indiquer. Il
croyait sans doute que ce consentement était un préliminaire
indispensable, ou du moins convenable; voilà pourquoi, en par
lant de son union , il en dissimule d’abord la légitimité ; et
�( 3° )
s’exprime d’une manière cavalière. M ais, arrivé en France,
'ilvoit approcher le moment de découvrir la vérité , il commence
par effacer les impressions défavorables qu’aurait pu donner sa
première lettre: ne la croyez p a s, dit-il; c’est-à-dire, ne sup
posez pas que j’aie vécu dans un honteux concubinage avec la
jeune personne à laquelle je me suis uni aux pieds des au
tels , du consentement de sa fam ille, en présence de mes chefs
et de mes frères d’armes. N e la croyez pas : il manque peutêtre quelque chose à notre union pour sa légalité, puisque j’aurais
dû vous en prévenir, vous demander votre assentiment : mais il
y a d’ autres liens qui pourront bien amener votre appro
bation. S’il ne la 'demande pas encore explicitement, celle ap
probation , on voit qu’il la sollicite déjà d’une manière indirecte,
en déclarant qu’il est l i é , et qu’on pourra suppléer à ce qui
manque à son union.
Le général Destaing ne disait pas toute la vérité dans cette
lettre, s’il l’a effectivement écrite ; c a r , dans la réalité, il ne
manquait rien à la légitimité de son union. Il était m ajeur,
lorsqu’il l’a contractée ; et la loi , sous l’empire de laquelle elle
a été formée, n’exigeait point que le consentement des pères et
des mères fût requis pour le mariage des majeurs. La précipi
tation du général Destaing était un manque d’égards et même
de respect -, c’était une faute qu’il sentait avoir commise : mais
elle ne compromettait pas l’état de sa femme et celui de ses
enfans qui ne l’avaient point partagée. La loi civile ne punis
sait point alors une telle omission, la seule que le général Des
taing eût à réparer.
C ’est ce qu’il fit, sans doute, bientôt après , en s’expliquant
avec son père d’une manière plus franche et plus loyale. On
peut l ’affirm er, lorsqu’on voit le sieur Destaing père recher
�( 3 0
cher lui-même sa belle-fille et sa petite-fille, les établir dans
sa maison en leur honorable qualité, les reconnaître en face
de la justiçe, au milieu de sa famille et de ses am is, et les
maintenir dans cette possession , que nous avons vu être la
preuve la plus éclatante et la plus certaine de l’état des ci
toyens.
A lo r s , bien loin que ces lettres puissent faire élever le
moindre doute sur l’état reconnu de la dame Destaing et de sa
fille, elles donnent une nouvelle force à leur possession de cet
état.
Le sieur Destaing père avait été informé du mariage de son
fils par quelqu’un de ceux qui en avaient connaissance, par
Latapie, qui ne l ’aurait point écrit s’il n’en avait pas eu la
certitude : le sieur Destaing père avait pu être instruit de ce
mariage par le général Delzons , surtout, qui en avait été
témoin. L a manière légère dont son fils en avait parlé dans sa
première lettre avait pu lui donner de fausses idées et élever
des doutes qu’il lui importait d’éclaircir. Son fils lui écrit
ensuite : « Ne croyez pas plus ma première lettre que celle de
» Latapie. Je suis lié sans vous en avoir prévenu, mais tout
» n’est pas fait ». O n voit bien qu’il ne dit pas tout alors, puis
qu’il n’explique rien ; mais il commence ses déclarations. La
possession d’état de la dame Destaing les .complète, et prouve
qu’elles ont eu lieu intermédiairement entre le père et le fils.
Q u’est-il besoin, en effet, que nous recherchions comment le
sieur Destaing père a été éclairé ? Il l’a été, puisqu’il a so len
nellement reconnu sa petite-fille et la veuve de son fils, puisqu’il
les a envoyé chercher à L yo n ; puisque ce n’est qu’en qualité
de tuteur de sa petite-fille qu’il s’est présenté pour recueillir la
succession du général Destaing.
�( 3a )
Si les lettres de ce dernier n’avaient pas élevé des doutes
dans l ’esprit de son père , on pourrait soupçonner qu’il a
été surpris par quelques apparences trompeuses; mais le doute
une fois admis , il ne peut être levé que par des preuves , et
dés que ce doute a cessé d’exister à la mort du général D es
taing , les lettres antérieures ne peuvent le faire renaître. Elles
donnent m êm e, comme nous l ’avons d it, une nouvelle force
aux reconnaissances multipliées de celui à qui elles avaient
été écrites; bien loin qu’on puisse les considérer comme des
preuves contraires, lesquelles, nous ne saurions trop le ré
péter avec Gochin , devraient poser sur un fondem ent so lid e,
adopté par la lo i ; c’ est-à-dire, sur les titres les plus au
thentiques et les plus respectables.
O n a voulu abuser envers la dame D estain g, de ce que
les circonstances dans lesquelles elle se trou ve, ne lui per
mettent pas de représenter l ’acte de célébration de son ma- ;
riage et celui de la naissance de sa fille ; mais si elle n'en a
pas eu besoin pour se faire reconnaître par toute sa fa m ille ,
on peut bien moins les lui demander aujourd’hui , pour dé
truire une possession d’état qui est pour elle et pour sa fille,
des titres suffisans.
O n suppose qn’elle devrait avoir son acte de mariage ,
parce que le général Delzons et le capitaine Lantin , q u i,
comme nous avons vu , avaient épousé, à Rosette, les deux
demoiselles Varsy , filles d’un négociant de Marseille , ont
contracté, d it-o n , leur mariage devant le commissaire des
guerres Agard , qui en a dressé l’acte qu’il leur a remis , et
qu’après leur retour en Europe , ils ont déposé , savoir , l’un
( l e général D elzoas) au secrétariat de la mairie d’A u rillac,
le 11 nivose an 11 , plus d’un an après son arrivée en France,
�( 33 )
et postérieurement au décès du général D estain g, son cousin,
à la nomination de tu telle, à l’acceptation de l ’hérédité par
l’aïeul tuteur, au nom de sa petite-fille, et dans le tems même
de leur paisible possession d’état; et l’autre (ce lu i du capi
taine L a n tin }, bien longtems après ( le 18 prairial an i 3 ) ,
époque du divorce qui a eu lieu entre le capitaine et son
épouse.
*
Jusqu’alors les maris des demoiselles Varsy avaient gardé,
dans leur p orte-feuille, les actes de célébration de leurs ma
riages , faits à Rosette devant un simple commissaire des
guerres ; on ignore si le général Destaing avait aussi un
acte semblable ou équivalent , constatant l’union que de
son côté il avait formé au Caire , devant témoins et le pa
triarche d’A lexandrie; et rien ne prouve qu’un pareil acte,
ou tout autre semblable“, n'existe' paT dans les papiers clii
général Destaing.
Mais supposons cette non existence , elle ne prouverait
rien pour la cause.
Les demoiselles Varsy étaient françaises , comme les of
ficiers quelles ont épousé ; elles habitaient Rosette , lieu
plus paisible que le Caire ; leur père , négociant français,
instruit des lois de sa patrie , a pu penser qu’il suffisait à la
solemnité du mariage, que le consentement des parties, qui
en fait l’essence , fut donné devant un officier public. La
demoiselle Nazo, et son p ère, grecs de nation et de religion,
se trouvaient dans un cas dissemblable , et devaient natu
rellement avoir eu d’autres opinions ; ils ne connaissaient
que les lois sous lesquelles ils avaient vécu , et qui n’étaient
pas celles du général Destaing. O n sait que, pour les ma
riages , les Grecs de l’empire Ottoman n’ont d’autre rit que
5
/
�(34)
le9 livres du christianisme; leur patriarche est leur principal
magistrat -, le sacrement est non seulement le lien le plus
respecté , mais le seul qui , suivant e u x , constitue le ma
riage. Pourrait-on en être étonné en France , où l ’on trouve
encore beaucoup de catholiques plus pieux qu’éclairés, qui
ne regardent comme véritable mariage , que celui qui est
béni dans les formes canoniques ? Mais il en est de cet en
gagem ent comme de tout autre; les formes dans lesquelles il
est contracté ne sont que des indices destinés à le llilie re
connaître. Ce sont des signes établis dans chaque pays par
les lo is , ou les usages qui en tiennent lieu.
Ce contrat , comme tous les autres , n’est rigoureusement
soumis qu’aux formes usitées dans le lieu où il a été fait ;
ces formes ne constituent pas le contrat, elles servent uni
quement à le faire connaître ; c’est un principe du droit des
gens, que l ’on retrouve dans deux articles du Code Napoléon ;
dans l’un ( le 47 e) il est dit : « T out acte de l’état civil des
» Français et des Étrangers, fait en pays étranger, fera foi
*> s’il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays. >»
Et l’article 48 dit : « Tout acte de l’état civil des Français
r> en pays étranger, sera valable s’il a été reçu conformément
» aux lois françaises, par les agens diplomatiques, ou par les
» consuls. »
D ’après cette disposition , on peut bien dire que les actes
de mariage des demoiselles V a rsy, françaises , avec le général
Delzons et le capitaine L a n tin , reçus par le commissaire des
guerres Agard , qui n’était pourtant ni consul , ni agent
diplomatique , ni officier m unicipal, sont valables ; mais ce
n’est pas une raison pour soutenir que le mariage d’une
Grecque avec un Français, solemnellement unis par lu pa
�( 35 )
triarche d’Alexandrie , dans les formes usitées dans son dio
cèse , doit être regardé comme nul et invalide.
On ne manquera pas de dire que l’Egypte ayant été con
quise par les Français, étant devenue colonie française, le
texte des lois fait pour les étrangers ne peut être invoqué
pour les actes faits pendant la conquête. Quelles étaient
donc les lois qu’il fallait suivre ? Quelles formes devait-on
observer ? On ne peut répondre à ces questions qu’en sachant
ce qui se pratiquait en Egypte , dans le moment où diffé
rentes nations se trouvaient mêlées et confondues. Les conquérans, les peuples délivrés ou conquis, des indigènes, des
étrangers , des hommes lib re s, des esclaves , des chrétiens et
des musulmans de différens rits et de différentes sectes , ne
pouvaient être soumis aux mêmes formes de procéder dans
leurs engagemens que par une disposition particulière ; et il
n’y en a jamais eu.
C’est ce que nous apprend le commissaire des g u erres, «xordonnateur en chef de l ’arm ée d’Égypte.
« I l atteste, e n c e t t e q u a l i t é , » c’est-à-dire , officiellem ent,
« que quoiqu’il n ’existât à cette armée aucun ordre du général
» en ch ef rem plaçant le G ouvernem ent fran çais, depuis que
» les com m unications avec la France avaient été interrompues,
v pour régler la fo rm e avec laquelle les actes de l'étal civil
» devaient y être r eçu s , l’usage paraissait s’être établi de
» lui-m êm e pour les officiers ou individus attachés à l’armée ,
»> ne faisant point partie des corps , de faire des déclarations
» devant des commissaires des guerres qui les recevaient par
» procès-verbaux, ou de la m anière qui leur paraissait conve» n a b le , de leurs m ariages, même quelquefois de leurs di» vorces ; ce qui néanmoins ri a jam ais été(gén éral, surtout
�( 36 )
*
P O U R D ES M ART A G E S C O N T R A C T E S A V E C DES F E M M E S DU P A Y S ,
» qui
»
SE SO N T F A IT S SOU VEN T E N T R E C A T H O L IQ U E S
DANS
LES
É G L IS E S DU L I E U E T S U IV A N T LE S F O R M A L IT E S U SIT E E S E N T R E
» l e s c h r é t i e n s de toutes les sectes dont le culte était public
» en Egypte. Ces procès-verbaux étant hors des limites de
» Vadministration militaire , et purement f a c u l t a t i f s , de la
» part de ceux qui les recevaient ou les requéraient, aucun
» règlement n e n a f ix é la form e ni ordonné le dépôt ; et,
» recherches faites dans les papiers de l ’ordonnateur en ch ef,
» soussigné, qui en remplissait les fonctions lors de l’arrivée
» de l’armée en France, et dans ceux du bureau central, qui
» lui ont été également adressés par le commissaire des guerres
» P iq u e t, qui était chargé de les conduire en France, il ne
» s'est trouvé aucuns procès-verbaux relatifs à Tétat c iv il,
» observant expressément q u il ne s'en est point trouvé, no» tammenl du commissaire A g a rd qui est mort dans la tra
it versée. Signé S a r t e lo n . »Cette déclaration est visée, cer
tifiée et légalisée en formes probantes.
On voit par là ce qui se pratiquait en Egypte , quant aux
actes de l’état c iv il, pendant le séjour de l’armée française.
A ucun ordre du général en ch ef, remplaçant le Gouverne
ment, à cause de l ’interruption des communications, ne réglait
la forme de ces actes.
Quelques officiers ou individus attachés à l’armée , et ne
faisant point partie des corps, faisaient des déclarations de
vant un commissaire des guerres, il n'en était point tenu
registre; il n’en a été fait aucun dépôt; on n’en trouve aucun
dans les archives de l ’armée , et notamment dans les papiers
du commissaire Agard : l’usage de ces déclarations purement
facultatives n’était point général, surtout pour des mariages
�C 3y )
contractés avec des femmes-du pays , et entre catholiques,
qui se célébraient dans les églises du lie u , et suivant les for
malités usitées entre les chrétiens dont le culte était public
en Egypte.
Cela explique i’embarras dans lequel a pu se trouver ma
dame Destaing de produire l’acte de célébration de son m a
riage. Elle n’est point obligée de savoir si son mari a fait ou
non quelques déclarations particulières devant un commis
saire des guerres, s'il a été dressé procès-verbal dtî*cette décla
ration , et si le général Destaing l'avait conservé dans ses pa
piers. Elle ne put interroger aucun dépôt public sur l’exis
tence ou non existence d’une pareille pièce; les archives de
l ’armée d’Egypte n’en ont aucune de cette espèce : mais aussi
on ne peut tirer contre madame Destaing aucune induction
ni de son ignorance ni de son impuissance ; bien moins encore
pourrait-on détruire la possession d’état, en observant qu’elle
n’est point basée sur un acte authentique produit par e lle ,
tandis que d’autres mariages faits dans le même pays sont
constatés par des déclarations ou des actes reçus par un com
missaire des guerres.
Quand la possession d’état est constante, elle suppose le
titre , et dispense de le rechercher.
Il est vrai que dans les causes de cette nature , dans les cas
d’absence , ou perte des registres pu blics, les tribunaux ont
toujours admis la preuve testimoniale de la possession d’état
contestée ; mais il est évident qu’on ne peut recourir à la
preuve testimoniale de cette possession d’é ta t, que lorsque le
fait même de la possession est contesté , et ne peut être prouvé
que par témoins.
Si la possession était constante et reconnue, lorsqu’on est
�( 38 )
venu la troubler ; si des actes authentiques émanés de ceux
même qui attaquent l’état de leur parent, concouraient à
établir cette possession , il serait absurde de demander la
preuve testimoniale. On ne prouve pas ce qui est convenu ;
on ne fait pas entendre des témoins sur une possession d’é
tat, lorsqu’elle résulte suffisamment des actes qui ne sont point
attaqués.
La dame Destaing et sa fille étaient-elles ou non dans la
paisible et publique possession de leur état , lorsqu’elles ont
été troublées dans cette possession , par la déclaration du
- sieur Destaing p è r e , et par la tierce opposition des collaté
raux? Le père et les tiers opposans avaient-ils concouru à
maintenir la mineure Destaing , et sa m ère, dans cette pos
session? Les avaient-ils reconnus? Les avaient-ils fait recon
naître en leur qualité ? L ’affirmative résulte des actes qui ne
sont point attaqués et ne peuvent pas letre. Cela une fois
adm is, l ’on ne peut plus la contester ; la preuve de la pos
session d’état est toute faite , et nous avons vu qu’elle est
supplétive aux titres, et même que les principes dictés par la
saine raison lui donnent une autorité supérieure.
Voyons comment s’exprime le Code Napoléon , sur les
preuves de la filiation des enfans légitimes , liv. Ier, chap. II :
Art. 019. « La fdiation des enfans légitimes se prouve par
» les actes de naissance , inscrits sur le registre de l’état
»> civil. »
320. « A défaut ih\ titr e , la possession constante de Tétat
,> de Cenfanc legitime suffit. »
33 1. «
possession d’état s’établit par une réunion suf-
» fisante de faics, qui indiquent le rapport de filiation et de
�( 3.9 )
» parenté entre un individu et la famille à laquelle il prétend
>’ apparlenir.
» Les principaux de ces faits sont :
» Que l’individu a toujours porté le nom du père auquel
» il prétend apparlenir ;
» Que le père l’a traité comme son enfant, et a pourvu,
» en cette q u alité, à son éducation, à son entretien et à son
» établissement ;
» Q u’il a été reconnu, notamment, pour tel dans la so» ciété;
« Qu'il a été reconnu pour tel par la fa m ille. »
O n v o it, dans l’exposé des motifs de cette loi ; Qu'elle
ri exige pas que tous ces fa its concourent ; il ri importe que
la preuve résulte des fa its p lu s ou moins nombreux , il suffit
qu'elle so it certaine.
Celle de la reconnaissance de la fam ille Destaing ne l ’estelle pas? Que pourrait ajouter à la délibération de la fa
mille et au procès-verbal de la nomination de tuteur , la
déclaration de témoins étrangers ? Quel témoignage plus
imposant que celui de la fam ille m êm e, et donné par elle
en présence du magistrat et devant la justice?
Pourquoi faudrait-il p rou ver, par tém oins, d’autres faits
d elà possession d’état, lorsque les plus essentiels sont justifiés
par écrit , et qu’aucun n’est ni ne peut être nié par les ad
versaires de madame Destaing?
Ceux-ci ne peuvent pas faire abstraction de la possession
d’état, lorsqu’ils lui demandent l’acte de naissance de sa fdle.
« C’est pour l’enfant un malheur detre privé d’un titre aussi
» commode », comme il est diï dans les motifs de la loi.
» Mais son état ne dépend point de ce genre de preuve.
�( 4o )
» L ’usage tîes registres publics pour l ’état civil n’est pas
» très-ancien ; et c’est clans des tems plus modernes encore
» qu’ils ont commencé à être tenus plus régulièrement; ils
» ont été établis en faveur des enfans, et pour les dispenser
» d’une preuve moins facile.
» Le genre de preuve le plus ancien, celui que toutes les
» nations ont admis, celui qui embrasse tous les faits propres
» à faire éclater la vérité , celui sans lequel il n’y aurait plus
» rien de certain ni de sacré parmi les hommes; c’est la preuve
» de la possession constante de letat d’enfant légitime.
» Différente des conventions q u i, la plupart, ne laissent
« d’autres traces que l’acte même qui les constate, la posses» sion d’état se prouve par une longue suite de fa its extérieurs
» et notoires, dont l’ensemble ne pourrait jamais exister s’il
» n’était pas conforme à la vérité. »
A in si, lorsque ces faits sont convenus, lorsqu’il en a été
dressé des actes authentiques , il n’est pas nécessaire que leur
notoriété soit attestée par d’autres témoignages.
Ce n’est que lorsqu’il y a en même tems défaut de titre et
de possession constante, qu’on a recours à la preuve testimo
niale.
C ’est ce qu’indique encore le Code Napoléon.
AnT. 525 . « A défaut de titre et de possession constante,
» ou si l’enfant a été inscrit sous de faux noms, soit comme
» né de père et mère inconnus, la preuve de filiation peut se
» faire par témoins. »
Ce n’est donc qu’à défaut de possession constante, c’est-àdire , lorsque la possession paraît incertaine ou équivoque,
ou lorsqu’elle est contrariée par l’inscription qui a eu lieu dans
le registre public, que la loi admet 'le recours à la preuve
�(4 0
testimoniale pour faire disparaître l’incertitude et la contra
riété, et éclairer la religion des juges. Et c’est de cette preuve
que Iarticle ajoute: « Néanmoins, elle ne peut cire admise que
» lorsqu’il y a commencement de preuve par écrit , on lorsque
» les présomptions ou indices résultans de faits dès lors cons» lans, sont assez grands pour déterminer l’admission. »
Il parait que c’est cette disposition du Code que les juges de
Mauriac ont voulu appliquer à la cause. Ils n’ont regardé la
délibération de la famille Destaing, le procès-verbal de la no
mination de tuteur, la correspondance du général Destaing
avec son épouse, l’addition d’hérédité faite par l’aïeul tuteur
au nom de sa petite-fille, la manière dont il l'a recherchée,
accueillie, traitée et gardée même malgré sa m ère, que comme
un commencement de preuve par é c r it, et des présomptions
ou indices graves, résultant de faits constans ; et c’est là où
est l’erreur.
Sans doute, les faits sont constans; mais sont-ils ou non suPiisans pour prouver la possession d’état ? C’est ce que le tribunal
devait examiner.
L a délibération de la famille Destaing devant le juge de
paix d A u r illa c , la nomination de l'aïeul pour tuteur de la
petite-fille, son acceptation; sa demande en fixation d’une pen
sion pour la mineure, du remboursement sur la succession de
son p ère, des avances faites pour le vo ya g e, la nourrice et les
domestiques ; la délivrance des habits de deuil à la veuve, le
règlement de la pension accordée à sa viduité , ne sont pas seu
lement un commencement de preuve par écrit de la possession
d’état, mais une preuve complette et indestructible.
Co ne sont pas de simples indices de celte possession d’é ta t,
que les soins constamment donnés à la veuve et à la fille du
6
�( 4a )
général Deslaing, en leur qualité , par toute la famille; ce sont
aulanl d’actes de sa possession d’état. Ces actes étaient constans,
puisqu’ils ne sont pas contestés; leur ensemble foime donc une
preuve sufii.-ante de la possession d’état.
L ’erreur des juges de Mauriac est venue de ce qu’ils ont dé
place, pour ainsi dire, la question.
Ils ont supposé que madame Deslaing, et sa fille , deman
daient à être reconnues par la famille D estaing, malgré
elle.
Mais telle n’était pas la position des parties. Madame D es
laing et sa fille avaient été reconnues ( et on sait que Sur un
point aussi important, il n’est pas permis au père de varier, de
rétrogader et de se rétracter): elles étaient en possession de
leur état. La fille avait été saisie, de droit et de fait , de la suc
cession de son père ; c’est pour e lle , et en la seule qualité
de tuteur, que l’aïeul avait fait des actes d’héritiers. Ces actes
étaient constans ; la possession d’état était constante, la dame
Destaing n’avait rien à demander à cet égard, lorsquelle a été
troublée par les tiers opposans, qui se sont présentés pour
dépouiller la fille du général de la succession paternelle., et
lui enlever son é ta t, dans lequel elle avait été reconnue
jusqu’alors.
Ils n’ont pas nié cette possession d’état : ils ne le pouvaient
pas; ils avaient même tous concouru à l’assurer. Us ont pré
tendu qu’elle était le fruit du dol et de la fraude. C’était
donc à eux à prouver cette allégation; et jusqu’alors leur
prétention devait être repoussée.
Us ont , il est v r a i, essayé de faire cette preuve, c’est hdire, de justifier leur prétention ; mais , comment ? Par des
actes inconcluans, étrangers à la dame Destaing et à sa fille«
�( 43 )
Ils ont supposé qu’il n’y avait pas absence de registres et de
dépôt public. Celte supposition est contraire à la vérité ; mais
fût-elle adm issible, ce serait à eux à fouiller dans ces re
gistres et dépôt public , dont ils supposent Inexistence , po,ur
y chercher des titres à l ’appui de leur prétention; car il ne
suffirait pas qu’ils ne pussent y trouver la déclaration de l ’acte
de mariage contracté par la dame Nazo et le général
D esta in g , il faudrait qu’ils y trouvasseht des actes con
traires.
Le silence des registres ne peut pas faire perdre l ’état d’un
citoyen.
« Il est possible », disait le conseiller d’Etat exposant au
Corps Législatif les motifs de la loi du 2 germinel an 11 ,
« que le registre sur lequel l’acte a été inscrit fût perdu ,
» qu’il ait été b rû lé , que les feuilles en aient été déchirées
» ou rayées; il est même encore possible , et surtout dans
» des tems de trouble et de guerre civile , que les registres
» n’aient pas été tenus, ou qu il n'y a it pas eu d a cte dressé;
» l ’état ne dépend pas de ce genre de preuve. »
Lorsqu’il y a possession publique et constante, il faut que
les preuves que l’on produit pour en détruire l ’effet, aient
pour base un titre contraire, et que ce titre soit authentique;
c’est la doctrine de C o ch in , c’est celle de tous les juriscon
sultes, ce sont les principes reconnus et adoptés par le Code
Napoléon.
Ils suffisent à la dame Destaing , pour lu i faire obtenir
ja réformation du jugement rendu à M au riac, qui ordonne
qu’elle fera une preuve qu’elle n’est point tenue de rapporter ,
e t qui était toute faite par les actes produits, et par ses ad
versaires enx-mêmeij
�(44)
La possession d’état était pour elle, comme on ne saurait
trop le répéter, un titre suffisant ; elle n’avait rien à prouver
ceux dont l’attaque même prouvait cette possession.
C’est à tort que les juges ont désiré d’autres preuves; c’est
à tort qu’ils ont voulu obliger madame Destaing à les rap
porter.
Leur erreur est d’autant plus inconcevable , que ces preuves
qu’ils paraissaient desirer, ils les avaient sous les y e u x , et
madame Destaing les leur avait présentées.
Nos lois ont prévu que , par l’absence des registres de l’état
c iv il, la représentation de l’acte qui en contient la preuve
pourrait être impossible. I l a paru juste d y suppléer. Le
Code Napoléon y pourvoit, pour le cas où l ’acte de nais
sance ne pourrait, avant la célébration du m ariage, être re
présenté à l’ofiicier de l ’état civ il, qui a le droit de l’exiger.
»< L ’officier de l’état civil se fera remettre l’acte de nais» sance de chacun des futurs époux (dit l’article 70). Celui
» des époux qui serait dans l’impossibilité de se le procurer,
» pourra le suppléer en rapportant un acte de notoriété,
» délivré par le juge de paix du lieu de sa naissance, ou
» par celui de son domicile. »
A k t . 71. *< L ’acte de notoriété contiendra la déclaration
» faite par sept témoins de l’un ou de l’autre sexe, parens
>1 ou non parens, des prénoms, nom , profession et domicile
» du futur époux, et de ceux de ses pére et mère, s’ils sont
» connus; le lieu e t, autant que possible, l’époque de sa
» naissance, et les causes qui empêchent d’en rapporter l ’acte.
» Les témoins signeront l’acte de notoriété avec le juge de
» paix ; et s’il en est qui ne puissent ou ne sachent signer,
» il en sera fait mention. »
�( 45 )
A r t . 72. « L’acte de notoriété sera présenté au. tribunal
» de première in sta n ce................................ Le tribunal, après
» avoir entendu le procureur im périal, donnera ou refusera
» son hom ologation, selon qu’il trouvera suffisantes ou in» suffisantes les déclarations des témoins , et les causes qui
» empêchent de rapporter l’acte de naissance. »
Cette disposition n’est fa ite , il est v r a i, que pour le cas
où l’officier de l’état eivil est obligé d’exiger la représentation
d’un acte de naissance; mais il n’en résulte pas moins q u e,
lorsqu’il existe des causes qui empêchent que l ’acte de l’état
civil puisse être représenté, il peut y être suppléé par un acte
de notoriété.
La loi prescrit la forme de cet acte supplétaire, et auto
rise de provoquer un jugement lé^al qui le fasse admettre.
Madame D estaing, il est vrai, n’était point dans ce cas.
Personne n’avait le droit d’exiger d’elle qu’elle suppléât, par
un acte de notoriété, à l ’absence des registres renferm ant la
preuve de son état; mais elle trouvait à Paris de nombreux
témoins de son union ; elle y trouvait la notoriété de cet état,
que plus de mille personnes pouvaient attester ; elle s’est
bornée à appeler sept d’entr’elles devant la justice, et elle
les a choisies telles , que leur rang dans la société , l’estime et
la confiance dont elles jouissent, et les fonctions qu’elles
avaient remplies en E gyp te, ajoutassent un nouveau poids
à leur déclaration authentique.
A cet acte de notoriété ont concouru M. L arrey, ex-chi
rurgien en chef de l’armée d’Egypte , aujourd’hui premier
chirurgien de la garde im périale, inspecteur général du ser
vice de santé des armées, officier de la Légion d’Honneur etc. ;
D on Raphaël deM onacliis, membre de l’institut d'Egypte
�( 46 )
et professeur des langues orientales à la Bibliothèque ;
M. Sartelon, ex-ordonnateur en chef do l’armée d’Egypte,
commissaire-ordonnateur et secrétaire général du ministère
de l’administration de la guerre, membre de la Légion
d’Honneur;
'
M. Daure , ex - inspecteur général aux revues de l ’armée
d’Egypte , commissaire- ordonnateur des guerres ;
Le général de brigade Duranteau , membre du Corps Lé
g islatif, commandant de la Légion d’H onneur, et qui avait '
commandé au Caire ;
M . M arcel, ex - directeur de l’imprimerie nationale en '
Egypte, membre de la commission des sciences et arts, direc
teur général de l’imprimerie impériale ,et membre de la Légion
d’Honneur ;
Et M. Estéve, ex-directeur général et comptable des revenus
publics de l’E gyp te, aujourd’hui trésorier général de la cou
ronne, officier de la Légion d’Honneur, trésorier de la première
cohorte :
La plupart témoins du mariage D es'a in g , tous ayant une
parfaite connaissance d’un fait qui était de notoriété publique.
Cette notoriété a donc été légalement constatée : l ’acte qui
la prouve a été homologué par jugement rendu sur rapport
à l’audience , le procureur impérial entendu. Ce jugemtnt qui
n’a point été attaqué, et qui le serait inutilem ent, reconnaît
ces déclarations suffisantes ; il équivaut à une représentation
d’acte de célébration du mariage ; du moins il fournit le
moyen d’y suppléer au besoin.
Le tribunal de Mauriac a assimilé cet acte de notoriété et
celui fait à Marseille pour prouver 1 âge de madame D estain g,
à d e s i m p l e s certificats ; mais il aurait dû s’apercevoir qu’autre
chose est un certificat extra-judiciaire, autre chose est un acte
�( 47 )
de notoriété lé g a l, donné devant le magistrat qui examine les
déclarans et leurs déclarations; lesquelles, cependant, ne
deviennent authentiques que lorsqu’elles sont homologuées
par un jugement qui porte le sceau de l ’autorité publique.
Madame Destaing avait aussi produit des certificats. Ceux
du général M eno u , général en ch ef de l’armée d’Egypte à
l'époque du mariage du général Destaing, et maintenant com
missaire général dea départemens au delà des A lp e s, et du
général de division D upas, sous-gouverneur du château im
périal deStupinis, commandant de la Légion d’Honneui, che
valier de l’ordre du L ion , le même qui, étant chef de biigade,
commandait la citadelle du Caire, en E gypte, sous les ordres
du général Destaing.
Ces certificats surabondans peuvent être considérés comme
de simples témoignages respectables, sans doute, quoique non
encore reconnus en justice; mnis ceux qu’elle a admis dans la
forme indiquée par le Code Napoléon pour suppléer à l ’ab
sence des registres de l’état civ il, ont un caractère qu’il n’est
pas permis de méconnaître.
Ils ne forment point le commencement de la possession
d’état de madame Destaing , ils n’en sont point la base ; mais
ils la corroborent et la confirment en indiquant le titre et
en assurant la notoriété.
Il faut bien qu’el!e soit reco n n u e, puisque, sur deux rap
ports consécutifs , par deux arrêtés, l’un du 29 floréal an 10,
et l’autre du i 5 pluviôse an 12 , le Gouvernem ent a accordé et
augmenté la pension de madame D estaing en sa qualité de
veuve du général son mari.
Croira-t-on que le premier Consul eût accordé cette double
faveur à madame Destaing , sans être assuré qu’e lle'n ’usur-
�(43)
pait point cette qualité ? croira-t-on qu’il y eût au monde quel
qu’un d’assez habile pour en imposer par des mensonges
au chef suprême de l’Etat ? Et quelle audace ne faudrait-il
pas supposer à madame Destaing', qui invoque hardiment le
témoignage de tant de généraux , de tant de fonctionnaires
publics et de l’armée entière, d’où s’élèveraient mille voix
pour la démentir, si ses récits n’étaient pas tous conformes à
la plus exacte vérité ?
Si elle avait eu besoin de témoignages pour assurer son état,
elle n’«ût été embarassée que du choix ; mais la possession
dans laquelle sa fdle et elle se trouvent leur suffit. La recon
naissance non équivoque de la famille Destaing est d’un poids
au moins égal à tous les témoignages que le tribunal de Mau
riac a demandé , et dont il n’avait pas besoin.
Délibéré à Paris le 2.5 janvier 1808.
J
a u b e u t
,
C
h a b o t
de l ’A llie r, T a r r i b l E j
G r e n ie ii du Puy-de-Dôme.
1
<
�P IE C E S '
j u s t if ic a t iv e s
:
N° 1«.
Délibération du Conseil de Famille à A u rillac, du 5 mes
sidor an xo.
.1 . . .CH‘
E X T R A I T des minutes du greffe du juge de p a ix de
la ville et canton ilA u r illa c , section du nord.
V .11■
1
C e j o iu d ’uui cinq messidor an d ix républicain , devant nous , Jean-Baptiste
Gencste, j u g é . d e p a ix du canton d’A u r/ lla c, section du nord, à comparu,^
le c i t o y e n Pierre Jlestairig, ju g e - p r é s id e n t du t r ib u n a l «le p r e m iè r e instance
de l'arrondissement d ’A u r i l l a c , y d e m e u r a n t , lequel nous a d it que le
citoyen J a cq u es- ZacTiarie JJe.staing son f i l s , général de division, e s t décède à P aris , le quinze, flo réa l dernier, la i sant une f ille unique âgée ^
alors de cinq mois , nommée M a r ie , provenue de son mariage avec A n n e
N a z o , Grecque d'origine ; que la loi déférant à lui comparant la tutelle .
de sa p etite-fille, attendu surtout la m inorité d 'A n n e N a zo sa m ère, et
désirant être confirmé dans ladite qualité, pour pouvoir agir légalem ent,
il ^ amené devant nous plusieurs des plus proches parens du défunt, à l’effet
dejdélibérer tant sur ladite confirmation de tutelle, que sur la fixation de
la pension de la p u p ille, sur les habits de deuil et pension viduelle de'lè.
dame veuve Destaing ; comme aussi pour donner leur avis sur l’allocttion
des frais de voyage d e là mineure et de sa m ère, depuis Lyon jusqu’à Au
rillac , ainsi que des frais dus pour salaires à une nourrice provisoire depuis
Tarente , ville du royaume de Naples , y com pris un mois de séjour à Lyon 1
jusqu’en cette v ille , lesquels frais le comparant a avancés et se montent i ^
la somme de six cent qualrc-vingt-quatre francs ; et enfin pour être autorisé ^
;i régler tous comples et mémoires de fournitures et autres objets qui pour
raient être à la charge de la succession, et ce laut par lui-m èm e que par ses
fondes de pouvoirs.
■
^
Et de suite pardevant nous, juge su sdit, sont comparus les citoyens L uis-'
Géraud-Cabrie) Fortet , conseiller de préfecture de ce département; Fran-
7
�(5o)
çois-Joseph L abro, avoué, et autre François-Josepli Labro son frère, gref
fier en la justice île paix d ’A u rillac, cousins paternels du défunt ; Antoine
Delzons , membre du Corps L égislatif, oncle m aternel; A lexis-Joseph
D elzons, fils dudit.Antoine, général de brigade, commandant le départe
ment du Cantal ; Pierre et Antoine M ailliy , père et fd s, négocians, cou
sins du côté m aternel, tous habitaos de cotte ville et les-plus proches parens du défuat, auxquels nous ayons fait part de ladite convention, pour
qu’ils aient à en délibérer et donner leur avis, en leur amc et conscience.
6
ci
nimement cl a vis; i ”. de confirmer îe en ojen uesiaing , ay
neure , dans la qualité de son tuieur, à la charge par lui de faire bon et
fidèle inventaire de tous les effets dépendant de la succession du défunt gé
néral Destaing; faire procéder à la vente dudit m obilier, cl de faire eni)loi utile du prix en provenant, conformément à la loi , après avoir préevé tous frais , dettes et charges de la succession; 20. qu’ils estiment, que
la pension de la mineure , jusqu a ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans ,
tant pour nourriture , entretien et éducation , doit être fixée à la somme
de s ix cents fr a n c s , que le tuteur- retiendra par ses mains sur la recette de
ses revenus; 5°. qu’ils sont d’avis que les habits de deuil de la dame veuve
D estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L y o n , et qui ne sont
joint encore acquittés, doivent être portés à une somme de m ille francs,
aquelle ils autorisent pour raison de ce , en par lui retirant quittance des
marchands et fournisseurs, laquelle somme lui sera allouée en compte ;
4°. quant à la pension vuluelle de la veuve et de la négresse qu’elle a à son
service, attendu que le. citoyen D e sta in g , tu teu r, leur fou rn it en nature
nourriture, logem ent, fe u , lumière et blanchissage, ils sont d ’avis de la
f ix e r à la somme de mille fra n cs pour l'année de v id u ité, à compter du
premier p r a iria l, dernière époque de son arrivée en cette ville; 5 °. que la
somme de six cent quatre francs avancée par le tuieur pour frais de voyage
de la veuve et salaire de ladite nourrice , depuis la ville de Tárente jusqu’en
celle ville d ’Aurillac , lui doit cira allouée et passée en ,co m p te; G°. et
enfin que le tuteur doit être autorisé à traiter tant par lui-même que par
ses mandataires , avec tous marchands, fournisseurs, aubergistes et autres
personnes qui pourraient avoir fait des fournitures tant en marchandise*
que denrées, régler leurs m ém oires, en payer le m ontant, soit que ces
fournitures aient été faites à P a ris, h Marseille , au défunt général Des
tain g, o u , à Lyon , à sa veu ve, pendant le séjour qu’elle y a fait ; le
m o n t a n t de tout quoi lui sera alloué sur les quittances qu’ il en retirera.
E l ledit citoyen D estaing père ayant accepté la tutelle à lu i déférée,
il a fa it le serment en nos m a in s, de bien et fidellem ent en remplir les
Î
{
"^ D e tout quoi nous avons rédigé le présent procès-verbal, pour servir et
Taloir h foutes fins que de raison , lesdits jour et an que dessus, et ont les
comnarans sigri<‘ avec nous; h la minute sont lesdites signatures. Pour expé
dition conforme à la minute étant entre nos m ains, signé Lahp.o , greffier..
�Acte de Notoriété devant le Juge de P aix de M arseille, du
5 fructidor an 11.
E X T 11 A 1 T des minutes du greffe du Tribunal de p a ix ,
second arrondissement i n t r a fn u r o s , dit du sud de la ville
de M arseille.
. Cejourd’hui cinquième fructidor an onze de la république, pardevant
nous , François M a ille t, ju g e de -paix du second arrondissement intra
muros , dit du su d de la ville de M a rse ille , assisté du citoyen Charle*Joseph M ich el, greffier près noire T rib u n al, dans la salle ordinaire de
nos séances , en notre maison d’habitation , est comparue dame A n n e
N a zo , née au Caire en Egypte , veuve du général J a cq u es-Z a ch a rie
D e s ta in g , laquelle nous a dit et exposé qu’il lui importe de faire con
naître son o rig in e, ce qu’elle ne peut faire par pièces probantes, attendu
q u e, dans sa patrie, il n’est point tenu de registres constatant l ’état civ il
des citoyens. En conse'quence, elle nous prie de recevoir les déclarations qui
vont être fahes par des compatriotes qu’elle, a invités à se rendre céant,
relatives à son o rigin e, et qui pourront suppléer au défaut des titres qu’il
lu i est impossible de produire, et de lui en concéder acte , pour lui servir
et valoir ce que de raison.
A l ’instant se sont présentés les citoyens N icolas P a p a s O u glou , c h e f
de brigade, , commandant les chasseurs d’O rien t, âgé de quarante-cinq
ans, né à Chesmet en Asie ; G abriel S a n d ro u x , a u ssi ch e f de brigade du
même co rp s, âgé de trente-six ans, né au grand Caire en Egypte ; A b d a lla
M a n so u r, c h e f du bataillon du même corps, âgé de trente-quatre ans, né
au grand Caire en E gypte; Joseph T u tu n g i, âgé de cinquante a n s , réfugié
E gy p tien , né h A le p ; H an n a A d a b a c h i, âgé de cinquante a n s , aussi né
à Àlep , réfugié d’Egypte; Joseph D u fe n , né à C onstantinople, âgé de
trente-six. ans, réfugié d’E gypte; et Constatai K ir ia k o , né à Chesmet en
A s ie , âgé de quarante-huit ans, capitaine réformé du régiment des chasseurs
d 'O rien t, lesquels agissant avec la présence et sous l ’autorisation du citoyen
Louis D cconias, interprète juré des langues orientales, moyennant serment
par eux à l’instant prêté , ont individuellem ent dit et déclaré , en faveu r de
la vérité , qu ayant résidé habituellement en E gypte, avant la révolution,
ils y ont parfaitement connu le citoyen Jean N a zo et dame Sophie M ische son épou se, père et mère de ladite A n n e N a z o , née à l'époque de
l'année 1780 , et que ladite dame f u t unie en mariage avec le général
Destaing.
�Les citoyens Joseph Tultingi, Constanti Kirialto et Joseph Duftn ont de
p lu s déclaré individuellement /-¡n'étantpassas en France avec ladite veuve
JJgstaing , ayant relâche à Cèphatonii , dans le mois de, nivôse de l ’an
d i x , ladite dame y accoucha d'une fille q u i f u t tenue dans les fonts bap
tism a u x p a r ie çit¥ A assi/, officier des chasseurs, et p a r la dame Marie.
M ische son ayeult^ ; i>.'
1 ,;ij>ut ‘>1
Desquelles déclarations avons-coiicétlé acte à ladite dame veuve Destaing;
lecture faite du présent, il a clé signé par les citoyens Nicolas Papas Oaglou’
Gabriel Saiulrouç , Abdalla Mansour et Joseph Dufeu, nousdit juge d?;
pair',*'le citoyeiV Deconias, intérpVète , et le citoyen M ichel , greilier ; l'a
¿lame veuve DejUaing et antres idéclarans requis de sign er, ont dit ne
savoir.
Signé Ahdalla , le chef de brigade G abrieU oseph D ufen, L nis Deconias, François M a ille t, juge de paix , et M ich e l, greffier, à la minute. En
registre à M arseille,' etc1. Pour expédition conforme à l ’origfnal1' M iC k Îl,
greftief.
•'
,'u
ii i . i ..
° l>. . ..
.
1 Nous, François-Balthasard de Jullien de M adou, juge de paix du second
arrondissement iutra.m uros, dit du sud de la ville de M arseille , certifions
et attestons à tous qu’il appartiendra, que M. Charles-Joseph M ich el, qui
a signé, ci-dessus * est greffier près notre T ribu n al, et qu'en cette qualité foi
doit être ajoutée à son seing , tant en jugement que hor». Marseille, le vingt
messidor an treize , J u llie n de Madou. . h j . . .
,• ■
; .1 »■
' " Nous , Ventre Latouloubre, président du Tribunal de première instance
séant à M arseille, certifions véritable là signature ci-des us de M. Jullien
deMadoü.JA M arseille,le vinet-un messidor an treize. Signé "Ventue I.a tg lv
loubre , G uyot;
*
f»
.
•
>
. ■'
■'
Ì.
■
N° 1 1 L
A cte de Notoriété hom ologué par jugement du T ribunal civil
■
x wi> ■ m: d o la Seine^ du i 5 a v r i l' i 8 o6 . '‘ ' NAPO LEO N , par la grâce de Dieu et les constitutions de la république,
Em pereur des Françaisi et Roi d’ Ita lje, à. tous présrtns et à venir, salut ; fai
sons savoir que le Tribunal de première instance d,u département de la Seine,
e n la première section * a rendu le jugement dont la teneur suit :
' ' ;
;Sur l e ’rapport’ fait à l ’audience publique du T rib u n al, par M. JeanLouis Isu ara, juge en ic e lu i, de la requite présentée par Anne Nazo, '-née
aü crahd Caire en Egypte, veuve ilu général Jacques-Zacharie D estaing,
demeurant a P a r is , rue de Sein e, faubourg S a in t-G e rm a in , expositive
qà’ellè a été unie eu légitim e mariage avec le général Destaing, d’après
l e s r i t e s e t usages du p a y s,1 devant le patriarche de la ville ii'A lex a iid ric;
�(SS)
m.'is f*nr. n'étant point en usage rn Egypte de teilir r?gistrr desactcs de I état
c iv il, e(le s(î trouve par là dans l ’impossibilité de faire, au besoin, la preuve
.‘lo ,s.°ï>_ m ariage; qu-ainsi, voulant y suppléer, elle a lait dresser.un acte de
notoriété pardevant le juge; de paix.'de ¿on arrondissement, signé de sept
pfrsojin.es <ji»i ont été témoins de son mariage , pour l’ homologation duquel
cljet a cf j fcnypyée pardevant le Tribunal ; pour quoi elle requérait qu’il
plut an Tribunal homologuer ledit acte de notoriété du 29 mars 1806 , dû
ment enregistré , pour être exécuté suivant sa forme et teneur, ladite
.rçquèje signe/;.'Juge, avoué.
Y 11 par le Tribunal lrsdites requête et demande, ci-devant énoncées, l'or
donnance de Monsieur le président du T ribu n al, du huit présent m o is ,
portant qu’il en sera communiqué à Monsieur le procureur im p érial, et les
conclusions par écrit de Monsieur le procureur im p érial, du dix dudit mois,
portant qu£ vu l ’a v is, il r^empêche l ’ homologation demandée ;
V u aussi l ’expédition dudit qcte de notoriété doqt la teneur suit :
L ’an m il huit cent s i x , le vingt-neuf mars , en notre liôtal, et pardevant
n;:us, Jean G od ard , ancien avocat, juge de paix du dixièm e arrondisse
ment de Paris, assisté d’Alexandre Chcquet notre greffier»
Ést comparue dame ¿in n é ISazo , née au grand Cuire en E g y p te,
veuve du général Jacques-Zacharie D estain g, demeurant à Paris, rue de»
Seine Saint Germain ;
• .Laquelle nous a dit q u e, pendant le cours de l ’an h u it , elle a été unie
eç légitim e mariage ayçq Jaçques-Zaçh,arie Destaing , général division»
^airc i décédé à Pari* dans le cyurs de l’ap di*,; qu e. son mariage a.élé cé
lébré^ re,ligieys?mpnt et suivant les. rites du
, devante le patriarche
d’v^le^axidrie h a b ita n t lç g r a n d Ca iro en E g y p t e ; n ia is q u e n’élanl point
en usage en Egypte dç tenir tics registres des actes de l’état, civ il , elle
so i,rouvç dans 1 impossibilité de représenter , au besoin , l ’acte de célébra
tion de son mariage ; et que , délirant y suppléer par un acte de notoriété
«igné de différentes personnes qui ont été témoins de son m ariage, elle nous
requérait de recevoir la déçlaration des personues cju’elle nous présente, et
a déclaré ne savoir écrire ni sign er, de çe interpelléeSont à l ’instant comparus :
Prem ièrem ent, M. Dom inii/ne- Jean Larrey de Dodeau , ex chirurgien
en chef de l ’armée d’E gypte, premier chirurgien de la çarde impériale ,
inspecteur général du service'd e santé des arm ées, officier de la Légion
d’honneur, demeurant à Paris, cul-de-sac Conty , 11*. 4>
Secondement, D o n E a p h a ët de M onacl/is, membre de l’institut d’Egypte
et professeur des langues orientales à la bibliothèque, demeurant à P a ris,
rue Pavée, au M arais, n". 5.
Troisièmement, M. A ntoine-L cger Sartelon , cx-ordonnatrur en chef de
l ’armée d’Egypte , commissaire-ordonnateur et secrétaire général du mi
nistère de l'administration de la guerre , membre de la Légion d’bonucur ,
demeurant à Paris, ru# Caumartin , n". 3o ;
�( 54 )
Quatrièmement, M. H ector D a u r e , ex-inspecteur général aux revues de
l ’armée d'Egypte , commissaire-ordonnateur des guerres, demeurant à Paris,
rue du faubourg Poissonnière , n°. 5o;
Cinquièmement, M. L u c D u ra n ta u , général de brigade, membre du'Corps
L égislatif, commandant de la Légion d’honneur, demeurant à P a ris, rue
Saint-ILnoré , 11. 538 ;
Sixièmement, M. Jean-Joseph M a r c e l, directeur de l ’imprimerie natio
nale en Egypte , et membre de la commission des sciences et arts , aujour
d'hui directeur général de l’imprimerie impériale et membre «le la Légion
d’honneur , rue de la Y rillière ;
Septièmement, M. M artin-Roch-Xavier Esteve , ex-directeur général et
comptable des revenus publics de l'E g y p te , aujourd’hui trésorier général
de la couronne, officier de la Léÿion d’honneur, trésorier de la première
cohorte , demeurant au palais des Tuileries;
L esqu els , après avoir prêté en nos mains le serment individuel de dire
vérité, nous ont dit et d éclaré, et attesté, pour notoriété p u b liq u e, et à
tous q u i l appartiendra, connaître parfaitement la dame A n n e N azo ,
veuve du général Jacques-Zacliarie D e sta in g , fille de Joanny N a z o ,
négociant au grand Caire en Egypte , c h e f de bataillon des chasseurs
d ’ O rien t, et nous ont attesté q u e, pendant le cours de Van h u it, ladite
dame N azo a été unie religieusem ent, et d ’ après les rites du p a y s , eri
légitime mariage avec ledit Jacques-Zacliarie D estain g, par le patriarche
d ‘ A lex a n d r ie , habitant du grand Caire ; que l ’acte de célébration rien a
p a s été rédigé, riétant p oin t d ’ usage en Egypte de tenir un registre de
l ’état civ il; m ais que ce mariage rien est p a s moins con stan t, ayant été
célébré en présence d ’un grand nombre de militaires français et de la p lu
part des déclarons ; que depuis la célébration de son mariag« avec le
général D esta in g , et pendant son séjour en E gypte, ladite dame N a z o ,
veuve D estain g,n a p a s cessé d ’habiter avec son m a ri, q u i l ’ a toujours
traitée comme son épouse légitime.
Desquelles comparutions, dires, réquisitions et attestations, nous avons
donné acte aux comparans et à la dame veuve Destaing; e l, pour l’homolo
gation des présentes, les avons renvoyés p ard eT an t les juges du Tribunal
civ il de première instance du département de la Seine , et ont , tous les
susnommés, signé avec nous et le greffier, après lesture. Ainsi signé,
D. J. L arrey, don R aphaël, Sarielo n , Daure , Durantau, M arcel, E steve,
Godard et Choquet.
Enrrgisiré à Paris , au bureau du dixième arrondissement, le quatre
avril m il huit cent s ix , reçu un franc un d écim e, subvention comprise.
Signé Cahow.
Pour expédition conforme délivrée par nous, greffier de la justice de paix
du dixième arrondissement de Paris. Signé C h o q u e t .
Oui M. Isnard, juge , en son rapport, et M. le procureur impérial en se*
Conclusions, tout considéré;
�( 55)
Apres qu’il en a été délibéré conformément, à la loi ;
Attendu les déclarations portées en l’acte de notoriété ci-devant énonce
et daté ;
LE ïiÜ U Ü N A L , jugeant en premier ressort, homologue ledit acte de
notoriété, pour être exécuté suivant sa forme et teneu r, et avoir son effet en
faveur de la requérante , a u i termes de la loi.
Fait et jugé à l’audience publique dudit Tribunal civil de première insinstance du département de la Seine , séant au palais de justice, à P aris, où
tenaient le siège M. Berthereau , président dudit Tribunal, l ’un des officiers
de la Légion d ’honneur; MM. Isnard , lJe rro t, Legras el D cberulle, juges en /
la première section, le mardi quinzième jour du mois d’avril de l ’an m il
huit cent six , et deuxième année du rè^ne de Napoléon I er, Empereur des
Français et Roi d’Italie ;
Mandons et ordonnons , etc. En foi de quoi le présent jugement a été signé
par le président et par le rapporteur. Pour expédition , signé M argueré.
Enregistré, etc.
'
Nous président, juge de la seconde section du Tribunal de première ins
tance du département de la S e in e , certifions que la signature apposée au
lias du jugement de l’autre p a rt, est celle du sieur Margueré , greffier dudit
T ribu n al, et que foi doit y être ajoutée. En foi de q u o i, nous avons fait ap
poser le sceau dudit Tribunal. Fait à P aris, au palais de justice, le deux
mai m il huit cent six. Signé Bexon.
~
t
N°
IV .
Brevet de pension, du i 3 pluviôse an 12.
y
M IN IS T È R E DU T R É S O R P U B L IC .
E X T R A I T des registres des délibérations du Gouvernement
de la République.
Paris, le i 5 pluviôse an 12 de la république, une et indivisible.
t
L e Gouvernement de la République , sur le rapport du m inistre, arrête :
A r t. Ier. La pension de cinq cent vingt francs accordée , par arrêté du
29 floréal an 10, à Anne Nazo, née en E g yp te, veuve du sieur JacquesZacharie D cstain g, général de d ivisio n , mort le i 5 floréal an 10, est portée
K deux m ille francs.
. .
�( 56 )
A r t. II. 1 . « ministres de la guerre et du trésor public sont chargés, chacun
eu ce qui le concerne, de l ’exécution du présent arrêté.
L e prem ier Consul, signé BO N APARTE. Par le prem ier Consul, le secré
taire d'Ëtat, signe U lt. ues-B. M aret.
Pour copie conforme à l ’expédition officielle, déposée au secrétariat du
trésor p u b lic, le secrétaire général, L e f e v r e .
V u pour légalisation de la signature du sieur L efe v re, secrétaire général,
le ministre du trésor p u b lic, M oluens .
,
•
N°
-.r'
V.
.
Certificat d u 1général M enou, du 18 juillet 1806.
,
,
L e Commissaire général des départemens au delà des Alpes
fa is a n t fonctions de Gouverneur général grand officier
de la Légion d’Honneur.
Je déclare, au nom de la vérité et de l ’h onneur,que, lorsque je comman
dais l’armée française, dite d’O rient, en Egypte, M .le général Destaing, qui
était alors employé à cette arm ée, et qui, depuis, est mort en F ra n ce, s’est
marié en l ’an 8 , avec mademoiselle Nazo (sinne), fille de M. Joanny Nazo,
commandant alors en Egypte le bataillon des G recs; que j’ai su positivement
que le mariage s’est célébré dans le pays (au Caire) avec toutes les forme*
usitées dans le rit g rec; que M. le général Destaing était venu m ’en faire
part d’avance; que m êm e, à cette épotjue, comme dans toutes les autres de
ma v i e , soutenant avèc; énergie la cause 'des nioïurs publiques, je demandai
positivem ent, et sur l ’honneur, a i général D estaing,si son mariage était en
tièrement légitim e, ou si c’était, ce qu’on appelle dans les mœurs corrom
pues de l’O rient, un engagement àtem s; que le général Destaing me répond^
au nom de l'honneur, que c’était le mariage le plus légitim e, et tel qu’il
l ’aurait contracté en France; tpie, d’après cette déclaration solemnellt», je
m ’engageai^ y assisté^, ainsi qu'au repas qui eut lieu après le mariage.*Je
remplis nia promesse; tout s’y passa avec la plus grande régularité, et tel
qu’ il devait ê tre, soui les rapports'civils et religieux.
En foi de qu oi, j’ai délivré lé présent certificat pour'servir et valoir ce qu^
de raison. A T u riu , le 18 jiïillét 1806.L e général M enou.
-C
t »
Par le commissaire général, pour le second secrétaire général du Gouverne
ment , absent par congé et par ordre, signé G éamt
^
�5 7
N° V I .
Certificat du général Dupas , du 3o juillet 1806.
Moi soussigné, général de division, sous-gouverneur du château impérial
de S tupinis, commandant de la Légion d’Honneur, chevalier de l ’ordre du
L io n , certifie q u 'étant chef de brigade commandant la citadelle du Caire eu
E gyp te, sous les ordres du général Destaing, j ’ai eu parfaite et sûre con
naissance de son légitim e mariage avec mademoiselle Anne Nazo, fille de
M. Joanny N azo, commandant un bataillon g rec; j’atteste de plus avoir eu
des liaisons particulières avec beaucoup de personnes très-distinguées dans
l ’arm ée, tant dans le civil que dans le m ilitaire, qui m’ont déclaré avoir
été présentes à ce m ariage, qui s’est célébré publiquem ent, et avec toute
l'authenticité qu’un pareil cas exige. Eu foi de q uoi j’ai délivré le présent,
pour servir à ce que de droit. A P aris, le 30 juillet 18 0 6 , P. L . D u p a s .
N° V I I .
Lettre du général Destaing à son épouse, du 1 5 prairial an 9.
( l ' adresse est de la main du général Destaing.)
■.,
A lexan drie, le 15 prairial an 9.
I l y a longtem s, ma chère a m ie , que je n’ai pas de tes nouvelles; je desire
que tu te portes aussi bien que moi. Joanny, qui est chez le général Beliard,
devrait savoir quand il part des. détachemens pour A lexandrie, et en pro
fiter pour m’envoyer des lettres. Cependant, il ne l ’a pas fait la dernière
fois : il faut le gronder de ma part, pour qu’il soit plus exact à l’avenir.
On m’a dit que tu étais grosse; je suis étonné que tu ne m’en ayes rien
écrit ; éclaircis mon doute à cet égard. Sois assurée que je t’aime toujours,
qu’il me tarde beaucoup de te revoir. En attendant, je t’embrasse,ainsi que
ta mêre et ta sœ u r, sans oublier la bonne vieille. Le g énéral D estaing.
Enregistrée, etc. A la citoyenne D estaing, à la citadelle du Caire.
HACQUAR.T, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux,
r u e Git-le Coeur, n° 8
^
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Tarrible
Grenier
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Consultation pour Madame Nazo, Veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing. [suivi de] Pièces justificatives.
pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1802-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
57 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0603
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53863/BCU_Factums_M0603.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
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conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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90c5790e52a1a2ebb5782c0bd4a8d351
PDF Text
Text
ecsaarz
rnBaB rarasrsTsrggte^w iLjvrir-Æ r-^ ^xïtjlt*?,- s .
- !t j ? î a « a i
PIECES JUSTIFICATIVES
P O U R
Madame N A Z O , veuve du général D
tutrice de sa fille mineure;
e s ta in g ,
c o n t r e
L e s h é r it ie r s D E S T A I N G .
N°. Ier.
D é l i b é r a t i o n d u c o n s e il de f a m i l l e à A u r i l l a c ,
du
E
5
messidor an 10.
des minutes du greffe du juge de p aix de la
ville et canton d’A u r i l l a c section du Nord.
xtrait
C e j o u r d ’ h u i cinq messidor an dix républicain, deva n t nous,
Jean-Baptiste G e n e ste , juge de paix du canton d’A u rilla c , section
du Nord , a com paru le citoyen P ierre D esta in g , juge-président
du tribunal de prem ière instance de l’arrondissement d’A u rilla c,
y dem euran t, leq u el nous a d it que le citoyen Jacques-Z acharie
D e s ta in g , son f i l s , g énéral de d iv isio n , est décédé à P a r is , le
quinze floréal dernier , laissant une f ille u n iq u e , âgée alors
d e cinq m ois , nommée M a rie , p rovenue de son m ariage avec
A
�( 2 )
A n n e N a zo , Grecque d ’origine ; que la loi déférant à lui com pavant la t u te lle de sa p e tite -fille , attendu surtout la m inorité
(VA n n e N a zo sa mère , et désirant être confirmé dans ladite
fu a liié , pour pouvoir agir légalem ent, il a amené devant nous
plusieurs des plus proches parens du d éfu n t, à l’effet de déli
bérer tant sur ladite confirmation de tu telle, que sur la fixation
de la pension de la p u p ille, sur les habits de deuil et pension
viduelle d e là dame veuve D estaing; com m e aussi pour donner
leur avis sur l’allocation des frais de voyage de la m ineure et
de sa m ère , depuis L yon jusqu’à A u rillac, ainsi que des frais
dûs pour salaire à une nourrice provisoire depuis T a re n te , ville
du royaum e de Naples , y compris un mois de séjour à L y o n ,
jusqu’en cette ville , lesquels frais le com parant a avancés et se
m ontent à la somme de six cent quatre-vingt-quatre francs; et
enfin pour être autorisé à régler tous com ptes et mémoires de
fournitures et autres objets qui pourroïent être à la charge de
la succession , et ce tant par lüi-méme que par ses fondés de
pouvoirs.
E t de suite par-devant n o u s, juge su sd it, sont comparus les
citoyens Louis-Gérand-Gabriël Fortet, conseiller de préfecture de
ce départem ent ; François-Joseph Labro, a v o u é , et autre FrançoisJoseph L a b r o , son frère’, greffier en la justice de paix d’A urillac,
c o u s i n s paternels du défunt; Antoine D elzons, membre du corps
lé g isla tif, oncle m aternel; Alexis - Joseph D elzons, fils'dudit
A n toin e, général de brigade, commandant le département du
Cantal ; Pierre et Antoine M ailhy, père et fils, n égocians, cousins
du côté m aternel, tous habitans de cette ville, et les plus proches
parens du d é fu n t, auxquels nous avons fait part de ladite con
vention , pom- qu’ils aient à en délibérer et donner leur avis ,
en leur âme et conscience. Sur quoi lesdits parens ayant conféré
entr’eux , et revenus devers nous , le citoyen Delzons père ,
portant la parole , nous ont dit qu’ils sont tous unanimement
d’a y is , i°. de confirm er le citoyen D estaing , aïeul de la mi
n eure, dans la qualité de son tu teu r, à la charge par lui de faire
�(3
y
bon et fidèle inventaire de tous les effets dépendans de la snccession du défunt général D estaing ; faire procéder à la vente
dudit m obilier, et de faire emploi utile du prix en provenant,
conform ém ent à la l o i , après avoir prélevé tous frais , dettes
et charges de la succession; z°. qu’ils estim ent que la pension
de la m ineure , jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans,
tant pour nourriture , entretien et éducation , doit être fixée à
la somme de s ix cents fra n cs, que le tuteur retiendra par ses
mains sur la recette de ses revenus ; °. qu’ils sont d’avis que
les habits de deuil de la dame veuve D estain g, y compris ceux
qui lu i ont été fournis à L yon , et qui ne sont point encore
a cq u ittés, doivent être portés à une somme de m ille fra n c s, .
laquelle ils autorisent pour raison de ce , en par lui retirant
quittance des marchands et fournisseurs , laquelle somme lui
sera allouée en com pte ; 4 °. quant à la pension viduelle de la
veuve et d e là négresse qu’elle a à son s e rv ic e , attendu que le
citoyen D e sta in g , tu te u r , leur fo u r n it en n a tu re , nourriture,
lo g em e n t, f e u , lum ière et b lan ch issa g e, ils sont d ’avis de la
f ix e r à la somme de m ille fr a n c s pour l ’année de 'viduité, à
com pter du prem ier p r a ir ia l, dernière époque de son arrivée
en cette ville-, °. que la somme de six cent quatre francs avancée
par le tuteur pour frais de voyage de la veuve et salaire de
5
5
ladite n o u rric e , depuis la yille de T aren te jusqu’en cette ville
d ’A urillac , lu i doit être allouée et passée en com pte ; 6°. et
enfin que le tuteur doit être autorisé à traiter tant par lui-méme
que par ses m andataires, avec tous m archands, fournisseurs,
aubergistes et autres personnes qui pourroient avoir fait des
fournitures tant en marchandises que d e n rée s, régler leurs m é
moires , en payer le rrçontant, soit que ces fournitures aient été
faites à Paris , à M arseille, au défunt général D esta in g , o u , à
L yon , à sa veuve , pendant le séjour qu’elle y a fait ; le m o n ta n t
de tout quoi lui sera alloué sur les quittances qu’il en retirera.
E t led it citoyen D esta in g père ayant accepté la tutelle à
A 2
�C 4 )
lu i d éférée, i l a f a i t le serm ent en nos m ains , de bien et
fid è le m e n t en remplir les fonctions.
D e - tout quoi nous ayons rédigé le présent procès verbal, pour
s e r v ir - et valo ir à toutes fins que de raison, lesdits jour et an
que dessus, et ont les comparans signé avec nous; à la m inute
sont lesdites signatures. Pour expédition conform e à la minute
étant entre nos mains , signé L a b r o , greffier.
N °.
II.
Acte de notoriété devant le juge de paix de
Marseille, du 5 fructidor an n .
E x t r a i t des minutes du greffe du tribunal de p a ix,
second arrondissement in tr à in u r o s , dit du Sud, de la
ville de Marseille
.
O ejo u rd ’iiui cinquièm e fructidor an onze de la république r
par-devant nous François M a ille t , ju g e de p a ix du second ar
rondissem ent intrà m uros, d it du S u d , de la v ille de M a r s e ille ,
assisté du citoyen Charles-Joseph M ichel , greffier près notre
tribunal, dans la salle ordinaire de nos séances , en notre maison
d’habitation, est com parue dam e A n n e N azo , née au Caire en
E g y p te , veuve du générât Jacques-ZacTiarie D e sta in g , laquelle
nous a dit et exposé qu’il lui importe de faire connoltre son originer
de qu’elle ne peut faire par pièces probantes, attendu que dans
sa patrie il n’est point tenu de registres constatant l’état civil
des citoyens. En conséquence , elle nous prie de recevoir les
déclarations qui vont être faites par des compatriotes qu’elle a
invités à se rendre c é a n s , relatives à son origine f et qui pour
ront suppléer au défaut des titres qu'il lui est impossible de pro
d u ire, et de lu i en concéder a c te , pour lui servir et valoir ce
que de raison.
�A l'instant se sont présentés les citoyens N icolas Papas Ouglou, ^
c h e f de brigade, com m andant les chasseurs d’O rient, âgé de
quarante-cinq ans, né à Chesm et en A s ie ; G abriel S a n d ro u x ,
a u ssi c h e f de brigade du même corps, âgé de trente-six ans, né
au Grand-Caire en E gypte ; A b d a lla M a n so u r, c h e f de bataillon )L
du môme corp s, âgé de trente-quatre ans , né au Grand-Caire
en E g y p te ; Joseph T u tu n g i, âgé de cinquante a n s, réfugié /— égyptien, né à Alep ; H anna A d a b a c h i, âgé de cinquante a n s ,
aussi né à A le p , réfugié d ’E g y p te ; Joseph D u fe n , né à Cons
ta n tin op le, âgé de trente-six ans, réfugié d’E gyp te; et Consta n tiK ir ia h o , né k Chesm et en A sie, âgé de quarante-huit ans,
capitaine réform é du régim ent des chasseurs d’O rien t, lesquels
agissant avec la présence et sous l’autorisation du citoyen Louis
D econias , interprète juré des langues orientales , m oyennant
serment par eux à l’instant p r ê té , ont individuellem ent d it et,
d éc la ré, en fa v eu r de la v é r ité , q u a y a n t résidé habituellem ent
en E gyp te , avant la révolution , ils y ont p arfaitem ent connu
le citoyen Jean N a z o , et dam e Soph ie M is c h e , son épouse, père
e t m è r e de la dite A n n e N a z o , nce ¿1 Vépoque ¿le Vannce 1780,
et que la d ite dam e f u t unie en m a r ia g e avec le g é n é r a l D estaing.
Les citoyens Joseph 'lutungi-, Constanti ivinak< ~ët Joseph
D ufen , ont de plus déclaré individuellem ent qu étant passés
57
en France avec la d ite veuve D e s ta in g , ayant relâché à C éphaIonie, dans le m ois de nivôse de l ’an d i x , la d ite clame y a c
coucha d ’une f ille qu i f u t tenue dans les f o n ts bap tism a u x p a r
le citoyen N a s s if, officier des chasseurs, e t p a r la dam e M a rie
M isc h e , son aïeule.
D esquelles déclarations avons concédé acte à ladite dame
veuve D estaing. L ecture faite du p résen t, il a été signé par les
citoyens Nicolas Papas O uglou , Gabriel Sandroux , Abdalla
Mansour et Joseph D ufen , nous dit juge de p a ix , le citoyen
D econias , in terp rète , et le citoyen M ich e l, greffier; la dame
veuve D estaing et autres déclarans requis de signer, ont dit
ne savoir..
�(6)
Sign é Abdalla , le c h e f de brigade G abriel-Josep h D ufen ,
L ouis D e c o n i a s , François M a ille t, juge de p a ix , et M ic h e l,
greffier, à la minute. Enregistré à M arseille, etc. Pour expédi
tion conform e à l’o rig in al, M ichel , greffier.
N o u s , François - Balthazard de Jullien de M adou, juge de
paix du second arrondissement intrà muros , dit du Sud , de la
ville de M arseille , certifions et attestons à tous qu’il appar
tien d ra, que M. Charles-Joseph M ich el, qui a signé ci-dessus,
est greffier près notre trib u n a l, et qu’en cette qualité foi doit
être ajoutée à son sein g, tant en jugem ent que hors. M arseille,
le vingt messidor an treize, J u llie n d e Madou.
N o u s, V entre Latouloubre, président du tribunal de prem ière
instance séant à M arseille, certifions véritable la signature cidessus de M. Jullien de Madou. A M arseille, le vingt-un messidor
an treize. S ig n é V e k t r e L a to u lo u b re , G uyot.
N°. I I I .
Acie de notoriété homologué par jugement du
tribunal civil de la Seine, du i 5 avril 1806.
N A P O L É O N , par la grâce de D ieu et les constitutions de
la république , Em pereur des F ran çais, et Roi d’Ita lie , à tous
présens et à v e n ir, salut ; faisons savoir que le tribunal de pre
m ière instancè du départem ent de la Seine , en la première
section , a rendu le jugem ent dont la teneur suit :
Sur le rapport fait à l’audience publique du trib u n a l, par
]\1. Jean-Louis Isn a rd , juge en ice lu i, de la requête présentée
par Anne N a z o , née au Grand-Caire en E gyp te, veuve du gé
néral J acq u e s-Zacharie D estain g, dem eurant à P aris, rue de
S e in e , faubourg S a in t-G erm a in , expositive q u e lle a été unie
ep légitim e m ariage avec Je général D e sta in g , d’après les rites
et usages du p a ys, devant le patriarche de la ville d’Alexandrie;
�( 7 ^
mais que n’étant point en usage en Egypte de tenir registre des
actes de l’état c iv il, elle se trouve par là dans l’impossibilité de
faire , au- besoin , la preuve de son mariage ; qu’ain si, voulant
y suppléer, elle a fait dresser un acte de notoriété par-devant
le ¡uge de paix de son arrondissem ent, signé de sept personnes
qui ont été tém oins de son m ariage, pour l’homologation duquel
elle a été renvoyée par-devant le tribunal ; pour quoi elle requéroit qu’il plût au tribunal hom ologuer ledit acte de notoriété
du 29 mars 1806, dûm ent enregistré, pour être exécuté suivant
sa forme et teneur , ladite requête signée J u g e , avoué.
V u par le tribunal lesdites requête et dem ande, ci-d e va n t
énoncées, l’ordonnance de M. le président du tribunal, du huit
présent m o is, portant qu’il en sera com m uniqué à M. le procureur
im p érial, et les conclusions par écrit de M. le procureur im
périal, du dix dudit m o is, portant que vu l’avis , il n’em péche
l ’homologation demandée ;
V u aussi l’expédition dudit acte de notoriété dont la teneur
suit :
L ’an m i l h u it c e n t s i x , le v i n g t - n e u f m a r s , en n o tre h ô t e l ,
et par-devant nous, Jean G odard, ancien avocat, juge de paix
du dixièm e arrondissement de Paris, assisté d’ Alexandre Choquet,
notre g reffier,
Est com parue dam e A n n e N a z o , née au G ra n d -C a ire en
E g y p te , veuve du généra l J a cq u es-Z a ch a rie D estain g , de
m eurant à Paris , rue de Seine-Saint-G erm ain ;
Laquelle nous a dit q u e , pendant le cours de l’an h u it, elle
a été unie en légitim e mariage avec Jacques-Zacharie Destaing,
général divisionnaire, décédé à Paris dans le cours de l’an d ix;
que son mariage a été célébré religieusem ent et suivant les rites
du p ays, devant le patriarche d’A lexandrie, habitant le GrandCaire en E g yp te ; mais que n’étant point en usage en EgyptfÊ de
tenir des registres des actes de l’état c iv il, elle se trouve dans
l’impossibilité de représenter,
besoin, l’acte de célébration
�,c .
8
}
d e son m ariage; et q u e , désirant y suppléer par un acte de
notoriété signé de différentes personnes qui ont été témoins de
son m a r i a g e , elle nous requéroit de recevoir la déclaration des
personnes qu’elle nous présente, et a déclaré ne savoir écrire
ni signer, de ce interpellée.
Sont à l’instant com parus :
Prem ièrem ent, M. D om inique-Jean L arrey de B o d e a u , exclürurgi'en en c h e f de l’armée d’Egypte , prem ier chirurgien
de la garde im p ériale, . inspecteur général du service de santé
des arm ées, officier de la légion d’honneur, dem eurant à P aris,
cu l-d e-sac C o n ty , n°. 4 î
Secondem ent , D on R a p ha ël de M on ach is , m em bre de
l ’institut d’E gypte , et professeur des langues orientales à la
bibliothèque, dem eurant à P aris, rue P a v é e , au'M arais, n°. ;
T roisièm em en t, M. A n toin e-L eger S a rtelo n , ex-ordonnateur
en c h e f de l’arm ée d’E g yp te, com m issaire-ordonnateur et se
crétaire général du ministère de l’administration de la guerre,
3
m embre de la légion d’honneur, dem eurant à P a ris, rue Cau-
3
martin , n°. o ;
Quatrièm em ent , M. H ector D a tire-, ex-in sp ecteu r général
aux revues de l’armée d’Egypte , com m issaire-ordonnateur des
guerres , demeurant à Paris , rue du faubourg Poissonnière ,
50
n°.
;
Cinquièm em ent , M. L u c D urantau , général de brigade ,
m em bre du corps législatif, commandant de la légion d’honneur,
dem eurant à P a ris , rue St.-tlonoré , n°.
;
538
Sixièm em en t, M. Jean-Joseph M a r c e l, directeur de l’im
prim erie nationale en E gyp te, et membre de la commission des
’ sciences et a rts, aujourd’hui directeur général de l’imprimerie
■impériale, et membre de la légion d’honneur, rue de la V rilliè re ;
Septièm em ent, M. Martin^ R och-X avier E steve, ex-directeur
¡•'général ètcom ptable d esrèten u s publics de l’E gypte, aujourd'hui
"'trèibrièr'gérféral de la c'otironne, officier de la légion d’iionnéur,
trésorier
�( 9 )
trésorier rie la prem ière coh orte, dem eurant au palais des T u i
leries ;
L esqu els , après avoir prêté en nos m ains le serment indi
viduel de dire 'vérité, nous on t d it e t d écla ré, e t a tte sté, pour
notoriété p u b liq u e , e t à tous q u ’ il appartiendra , connoître
p arfaitem ent la dam e A n n e N a zo , veuve du g én éra l JacquesZ a ch a rie D esta in g , J ille de Joanny N a zo , négociant au.
G ra n d - Caire en E gyp te , c h e f de bataillon des chasseurs
c îO r ie n t, et nous on t attesté q u e , p en d a n t le cours de ta n
h u i t , la dite dam e N a zo a été unie religieusem ent, e t d ’après
les rites du pays , en légitim e m ariage avec le d it JacquesZ a ch a rie D e sta in g , p ar le patriarche d 'A le x a n d r ie , habitant
du G rand - Caire ; que l ’acte de célébration n ’en a pas été
rédigé, n ’ étant p o in t d ’usage en E gyp te de tenir un registre
de l ’éta t civil; m ais que ce m ariage n ’en est p as m oins cons
t a n t , a ya n t été célébré en présence d ’un grand nombre de
m ilitaires fr a n ç a is et de_ la p lupart des déclarans ; que depuis
la célébration de son m ariage avec le g én éra l D estain g , et
p endant son séjour en E gyp te , la d ite dam e N a zo , veuve.
D estain g , n a pas cessé et’habiter avec son m a r i, tjtiî l ’a
toujours traitée comme son épouse légitim e.
D esquelles com parutions, d ires, réquisitions et attestations,
nous avons donné acte aux comparans et à la dame veuve D es
taing ; e t , pour l’hom ologation des présentes , les avons ren
voyés par-devant les juges du tribunal c iv il de prem ière instance
du départem ent de la S e in e ; et o n t, tou? les su s-n o m m és',
signé avec nous et le greffier, après lecture. Ainsi sig n é, D.
J. L a rre y , don R aph aël, Sartelon, D a u re , D u ra n ta u , M arcel,
E s te v e , Godard et Choquet.
Enregistré à P aris, au bureau du dixièm e arrondissem ent,.le
quatre avril mil huit cent six , reçu un franc un d écim e, sub*
vention comprise. Signé C a h o n .
Pour expédition conform e délivrée par nous greffier de la ju s
tice de paix du dixièm e arrondissement de Paris. S ig n é C hoquet.
ii
�( 1° )
O uï M. Isnarcl, juge , en son ra p p o rt, et M. le procureur
im périal en ses conclusions, tout considéré;
Après qu’il en a été délibéré conform ém ent à la loi ;
Attendu les déclarations portées en l’acte de notoriété c idevant énoncé et daté ;
L E T R I B U N A L , jugeant en prem ier ressort, homologue
ledit acte de n o toriété, pour être exécuté suivant sa forme et
teneur , et avoir son effet en faveur de la requérante , aux
termes de la loi.
Fait et jugé à l’audience publique dudit tribunal c iv il de
prem ière instance du départem ent de la S e in e , séant au palai*
de ju s tic e , à P a r is , où tenoient le siège M. B erth ereau , pré
sident dudit tribunal, l’un des officiers de la Légion d’honneur ;
MM . Isnard, P erro t, Legras et D eb eru lle, juges en la prem ière
section , le mardi quinzièm e jo ur du mois d’avril de l’an m il
hu it cen t s i x , et deuxièm e année du règne d e Napoléon Ier.
Em pereur des Français et R oi d’Italie ;
Mandons et ordonnons, etc. En foi de quoi le présent jugem ent
a été signé par le président et par le rapporteur. Pour expédition
signé M auguei^ . Enregistré, etc.
N ous président, juge de la seconde section du tribunal de
prem ière instance du départem ent de la Seine , certifions que
la signature apposée au bas du jugem ent de l’autre p a rt, e s t celle du sieur M argueré , greffier dudit trib u n al, et que foi doit
y être ajoutée. En foi de qu o i, nous avons fait apposer le sceau
dudit tribunal. Fait à P aris, au palais de ju stice, le deux
m il huit cen t six. Sign é B e x o n .
mai
�N°. I V .
Brevet de pension, du i 3 pluviôse an 12,
M IN ISTÈR E
DU
T R É SO R
P U B L IC .
E x t r a i t des registres des délibérations du Gouver
nement de la république.
Paris, le i 3 pluviôse an 1 a de la république une et indivisible.
L e gouvernem ent de la rép u b liq u e, sur le rapport du m i
nistre , arrête :
A r t . Ier. L a pension de cinq cent vingt francs a cco rd ée, par
arrêté du 29 floréal an 10 , à Anne Nazo, née en E gyp te, veuve
du sieur Jacques-Zacliarie D estaing, général de d ivision , m ort
le 1 floréal an 10, est portée à deux m ille francs.
5
A rt.
II. Les
chargés,
m inistres de la guerre e t d u trésor p u b lic so nt
chacun
en c e
qui
le
concerne,
d e l ’e x é c u t i o n d u
présent arrêté.
L e prem ier C o n su l, signé B O N A P A R T E . Par le premier
C o n s u l, le secrétaire d’é t a t , signé Hugues-B. M a e e t .
P o u r cop ie con form e à l’expédition o ffic ie lle , déposée au secré
tariat d u trésor p u b lic , le secrétaire gén éral, L e f e y r e .
V u pour légalisation de la signature du sieur L e fe v r e , secrér
taire g é n é ra l, le ministre du trésor p u b lic , M olliens .
�( ia )
n°.
y.
Certificat cia général M en ou, du 18 juillet 1806.
/
Le
C o m m a n d a n t g é n é r a l des d é p a rte m e n s nu d e là des
A lp e s , faisan t fo n c tio n s d e G o u v e r n e u r g é n é r a l, g r a n d
o flic ie r d e la L é g io n d ’ h o n n e u r .
;
r*
Je déclare, au nom de la vérité et de l’h o n n eu r, q u e, lorsque
je commandois l’arm ée française , dite d’O r ie n t, en E gypte r
M. le général D e s ta in g , qui étoit alors employé à cette arm ée,
et q u i, d ep u is, est mort en France , s’est marié en l’an 8 , avec
madem oiselle N a zo ( A n n e ) , fille de M. Joanny N a z o , com
mandant alors en Egypte le bataillon des G recs ; que j ’ai su posi
tivem ent que le mariage s’est célébré dans le pays ( au Caire )
avec toutes les formes usitées dans le rit grec ; que M. le général
D estaing étoit venu m ’en, faire part d’a va n ce ; que m ê m e , à
cette é p o q u e , comme dans toutes les autres de ma yie^ sou
tenant avec énergie la cause des mœurs publiques , je demandai
positivem en t, e t sur l’h o n n eu r, au général Destaing , si so a
mariage étoit entièrem ent légitim e , ou si c ’étoit , ce qu’on
a p p e l l e clans les mœurs corrompues de l’O rien t, un engagem ent
à temps ; que le général D estaing me rép o n d it, au nom de
Vhonneur, que c ’étoit le mariage le plus légitim e , et tel qu’il
l’auroît contracté en France ; que , d’après cette déclaration
solennelle, je m ’engageai à y assister, ainsi qu’au repas qui eut
lieu après le mariage. Je remplis ma promesse ; tout s’y passa
avec la plus grande régularité , et tel q u il devoit ê tre, sous les
rapports civils et religieux.
En foi de q u o i, j’ai délivré le présent certificat pour servir
et valoir c e que de raison. A T u rin , le 18 juillet 1806. L e général
M knou.
Par le commandant général, pour le second secrétaire général
du gouvernement, absent par congé et par o rd re , signé G éan t.
�( i3 )
\ .
A T u rin , le 18 juillet 1806.-
«
L e C o m m a n d a n t g é n é r a l des d é p a rte m e n s au d elà des
A l p e s , fa isa n t fo n c tio n s d e G o u v e r n e u r g é n é r a l, g ra n d
o ffic ie r d e la L é g i o n d ’h o n n e u r ,
A m adam e veu ve D
e
S T A I N G, n ée A u n e N azo.
J ’ ai re ç u , M adam e, la lettre que vous m ’avez fait l’honneur
de m’é c r ir e , pour me demander mon certificat sur la réalité de
votre mariage avec M. le général Destaing. Je m’empresse de
déclarer ce que je sais à cet égard : je rendrai toujours hommage
à la vérité.
J’ai l’honneur d’é tre , M adam e,
V o tre très-humble et très-obéissant
serviteur.
L e général M
enou.
Je v o u s prie d e m ’a c c u s e r ré c e p tio n .
Enregistré à P a r is , etc.
N°. V I . '
Ccrfiiicat du général Dupas, du
3o juillet
1806.
Moi soussigné , général de division , sous - gouverneur du
château impérial de Stu p in is, commandant de la Légion d’hon
neur , chevalier de l’ordre du L io n , certifie qu’étant c h e f de
brigade com m andant la citadelle du Caire en E g y p te , sous les
ordres du général D esta in g , j’ai eu parfaite et sûre connoissance
de son légitim e mariage avec madem oiselle Anne N azo, fille de
M. Joanny N a zo , com m andant un bataillon g re c ; j’atteste de
plus avoir eu des liaisons particulières avec beaucoup de per-
�C 14 )
sonnes très-distinguées dans l ’a rm é e , lant dans le civil que dans
le m ilitaire, qui m’ont déclaré avoir été présentes à ce m ariage,
qui s’est célébré publiquem ent, et avec toute l’authenticité qu’un
pareil cas exige. E n foi de quoi j’ai délivré le présent, pour servir
à ce que de droit. A P aris, le o juillet 1806. P. JL. D upas.
3
N°. V I L
Lettre du général Destaing à son épouse, du
i5 prairial an g.
Ç L ’adresse est de la m ain du général D estaing. J
5
Alexandrie, le i prairial an g.
Il y a long - temps , ma chère a m ie , que je n’ai pas de te i
nouvelles; je désire que tu te portes aussi bien que moi. Joanny,
qui est chez le général B éliard , devrait savoir quand il part des
détachemens pour Alexandrie , et en profiter pour m ’envoyer
des lettres. C ep en d an t, il ne l’a pas fait la dernière fois : il faut
le gronder de ma p a r t, pour qu’il soit plus exact à l’avenir. O n
m ’a dit que tu étois grosse ; je suis étonné que tu ne m ’en aies rien
é c rit; éclaircis mon doute à ce t égard. Sois assurée que je t’aime
to u jo u rs, qu’il m e tarde beaucoup de te revoir. En atten d an t,
je t’em brasse, ainsi que ta m ère e t ta sœ u r, sans oublier la
bonne vieille. L e général D estaing .
E n registrée, etc. A la citoyenne D estain g , à la citadelle du
Caire.
�'( i5 )
n °.
y n i'
Certificat de M. Sartelon,' e x - ordonna leur en
chef de l’armée d’Egypte, du i 5 mai 1807.
Au quartier général, à Paris, le i 5 mai 1807.
L e C ommissaire ordonnateur de la prem ière division militaire,
ex-ordonnateur en c h e f de l’armée d’E g y p te ,
C e rtifie , en ladite q u a lité , que quoiqu’il n existât à cette
armée aucun ordre du général en c h e f , rem plaçant le gouver
nem ent fra n ça is, depuis que les com m unications avec la France
avoient été interrom p ues, pour régler la form e avec laquelle
les actes de l’état civ il devoient y être r e ç u s , l’usage paroissoit
s’étre établi de lui-même pour les officiers ou individus attachés
à l’a rm é e , ne faisant point partie des corps , de faire des dé
clarations devant des commissaires des guerres, qui les recevoient
par p r o c è s - v e r b a u x , o u de la m a n iè re qui le u r paroissoit co n
venable , de leur m ariage, m êm e quelquefois de leur divorce ;
ce qui néanmoins n’a jamais été général, surtout pour des ma
riages contractés avec des fem m es du pays, qui se sont faits
souvent entre catholiques , dans les églises du lie u , et suivant
les form alités usitées entre les chrétiens de toutes les sectes,
dont le culte étoit public en E gypte ; ces procès verbaux étant
hors des limites de l’administration militaire , et purem ent fa
cultatifs de la part de ceu x qui les recevoient ou les requéroient,
aucun règlem ent n’en a fixé la form e, ni ordonné le dépôt; et
recherches faites dans les papiers de l’Ordonnateur en c h e f,
soussigné, qui en remplissoit les fonctions lors de l ’arrivée de
l’armée en F ra n c e , et dans ceu x du bureau central qui lui ont
été égalem ent adressés par le com m issaire des guerres P iq u e t,
qui étoit chargé de les conduire en France , il ne s’est trouvé
�( i6 )
aucuns procès verbaux relatifs à l’état c iv il, observant expres
sém ent qu’il ne s’en est point trouvé notamment du com m issaire
des gu erre s Agard , qui est mort clans la traversée.
E n foi de q u o i, et sur la demande de madame veuve D estaing,
j’ ai délivré le présent c e rtific a t, les mois et an que dessus.
S ig n é S a r te lo n .
N °. 499. V u par moi expert juré vérificateur des écritures
et signatures. Sig n é Saintom er.
Vu
par le c h e f de division. Sign é Beccoy.
P ar ordre du ministre de la guerre , le secrétaire général
certifie à tous qu’il appartiendra , que la signature Sartelon ,
a p p o s é e en qualité de commissaire ordonnateur de la prem ière
division m ilitaire, ex-ordonnateur en c h e f de l'arm ée d’E gypte,
au bas du certificat ci-co n tre et de l’autre p art, est celle du
com m issaire ordonnateur qu’elle indique. A P aris, le vingt-deux
m ai de l’an rail huit cent sept. S ig n é D e n n iîe .
N°. I X .
Traduction de Ici 1res arabes.
y l m a d a m e A n n e , f e m m e ID esla in g .
ArRÈs vous avoir témoigné le désir que j’ai de vous voir, je
vous donne avis qu’au moment m êm e où j’attendois de vos nou
velles , j’ai reçu votre lettre qui m ’a été fort agréable, en date
du 22 du couran t; j’en ai reçu beaucoup de plaisir et de con
solation dans ma b lessu re, et j’ai été tranquillisé à votre égard.
Si vous désirez savoir de mes nouvelles, je s u is , grâce à D ie u ,
en m eilleur état que par le passé : cependant la plaie n’est pas
encore ferm ée, m ais, s’il plaît à D ie u , dans peu elle ira b ie n ,
et j’irai vous trouver. J’ai envoyé M aury au C a ir e , pour qu’il
m’apporte ce dont j ’ai besoin ; m aintenant il est de retour chez
moi,
�7
( ï
)
moi. Soyez parfaitem ent tranquille à mon sujet. Saluez de m a
part monsieur Joanny, votre p è re , et recommandez-lui d’avoir
bien soin des ch evau x qui sont ch ez moi. Q u e D ieu vous garde,
et me procure le plaisir de vous voir bientôt en bonne santé.
Joseph qui a écrit cette lettre vous salue.
E c r it de Îordre du généra l D es ta in g , le 28 d o u l kadeh i2 i5 .
Autre lettre, N°. 2.
A madame A n n e , fem m e D estain g} très-chère et trèshonorée dame, que Dieu la conserve. Am en.
A près vous avoir offert m ille salutations, et vous avoir tém oi
gné le plus grand désir de vous v o ir, je vous donne avis que ,
grâce à D ie u , je m e trouve bien à présent, et beaucoup m ieux
que je n’étois précédem m ent : dans p eu , s’il plait à D ie u , je me
rendrai auprès de v o u s , et je vous verrai en bonne santé. L ’objet
pour lequel je vous écris est pour que vous soyez dans une par
faite tranquillité , et que vous 11’écoutiez pas les propos que
pourroient v ou s tenir à m o n sujet des m e n te u r s qu i v o u d ro ie n t
vous donner des alarmes. Soyez tranquille sur mon état ; dans
p e u , s’il plaît à D ie u , tout se term inera heureusement. Q u e
D ieu vous conserve : adieu.
E c r it de Vordre du g én éra l D esta in g , le
m inal an ).
5 d ou l h id jeh ( 28 ger
Autre lettre, N°. 3.
A la très-chère et très-honorée dam e, madame A n n e ,
¿femme D estaing, que Dieu la conserve.
A près vous avoir fait beaucoup de salu tatio n , et vous avoir
tém oigné le désir de vous v o ir, je vous donne avis q u e , grdce
à D ieu , je m e trouve très-bien à présent : la plaie cependant
n ’est point encore fe r m é e , mais elle approche beaucoup de la
guérison. D ans peu je pourrai savoir si je reste à Alexandrie
C
�( i8 )
pour quelques jo u rs, ou si je me rendrai auprès de vous : lorsque
je le s a u r a i , je vous écrirai pour vous en avertir. S i j’ai besoin
de q u e l q u e chose de chez m o i, après la d a te de la présente , je
vous ferai savoir ce dont j’aurai besoin. M o n o b je t, en vqus
é c r i v a n t , est que vous vous conform iez à ce que je vous m arque.
Présentez mes salutaticns à M . J o a n n y , votre p ère,, et. recom
mandez-lui mes chevaux, et tout ce qui m ’appartient. N o u s ne
cessons pas de nous inform er de vos n o u ve lle s, et nous avons,
appris q u e, grâce à D i e u , vous êtes en très-bonne santé, ce qui
nous a beaucoup satisfait, et nous a tranquillisé à votre sujet.
J o s e p h qui a écrit cette lettre vous présente ses salutations.
E cr it de l ’ordre du g én éra l D esta in g , à A le x a n d r ie , /e. 10 de
dou l h id jeh 1 1
( 4 floréal a n jj ).
15
P . S . J’espère que vous serez parfaitem ent tranquille à mon
su jet; je me porte on ne peut pas m ieux : dans p e u , s’il plait
à D ie u , je me rendrai près de vo u s, et je vous.verrai en bonne
santé. Q ue D ieu vous conserve : adieu.
Je soussigné, m em bre de l’institut et de la Légion d’honneur,,
professeur des langues arabe et persan e, et secrétaire interprète
du ministère des relations extérieures, certifie avoir traduit lestrois lettres ci-dessus et des autres p a rts, sur les originaux arabes
à moi représentés , et qui ont été de moi signés et paraphés nev a rietu r, et que foi doit être ajoutée auxdites traductions com m e
aux originaux ; lequel certificat j’ai délivré à madame veuve
D estaing, pour servir et valoir ce que de raison.
A Paris , ce i cr. septembre 1806. Signé S ilvestuf .
de
S acy .
N ous ju g e , pour l’em pêchem ent du président de la première
section du tribunal de prem ière instance du département-de la
Seine , certifions que la signature étant au bas.de l’acte ci-contre
est celle de M. Silvestre de S a c y , interprète du m inistère des.
extérieures ; en foi de quoi nous avons fait apposer le
r e l a t i o n s
sceau. A P a ris , ce 1» décem bre 1807. Signé G ilb e r t d e Vauvjïii..
Enregistré à P a ris, etc..
�( T9)
N°: X .
Lettre dû lieutenant général Soult,. du 22 ftir>
maire an 10.
«
R É PU B LIQ U E
L
ib e r t é .
' ° ’
\ ‘ ■
>*
FRANÇAISE.
'
•
É g-a l i t é ,
>
Au .quartiçrt g^aétfl, de .Tarf^te,, le, a a,
la république française, une çt ijidiyijible,
an; io,de
r
L e Lieutenant général Soult, commandant les troupes
françaises dans le royaume de Naples,
A u citoyen G ian e, chef de bataillon dans la légion
grecque, à bord du bâtiment le S t.-J e a n , en rade
de Tarente.
D ’après les justes réclam ations que vous m ’avez présentées,
c ito y e n , j’ai donné des ordres pour que le com ité de santé de
cette ville procédât de suite à une nouvelle visite du bâtim ent
sur lequel vous êtes, afin que si aucun signe de maladie ne s’y
est manifesté depuis votrè départ de C o tro n e, la liberté de dé
barquer vous soit donnée.
Mais si le com ité juge qu’ il est nécessaire que votre bâtim ent
reste encore pendant quelques jours en contum acé, alors ma
dame D esta in g , vo u s, et les principaux officiers ou adminis
trateurs qui sont à bord du St.-Jean, auront la faculté de mettre
à terre de suite, et de term iner leur, quarantaine.d an s.u n loç&l
jt’ai ordonné qn’on, fit préparer, à c e t,e ffc tP|;■
.
Je regrette beaucoup; de ne pqwy,oip, ff^ejilpS) 30US ce rapport
�( 20 )
v
pour vous o b liger; je vous eusse déjà abrégé les tourmens de
votre pénible et longue quarantaine, si dans ce pays la direction
du com ité sanitaire nous eût concerné.
V e u i l l e z , j e vous p r ie , renouveler à madame D estaing les
offres que mon épouse et moi lu i faisons de tous les secours
qui pourroient lui être nécessaires : elle nous obligera infiniment
d’en disposer.
Je vous fais la m ême offre pour c e qui vous concerne , et
vous prie m êm e d 'y faire participer les citoyens P iqu et, Royanne
et C l o s e t, auxquels je vous serai obligé de com m uniquer ma
le ttr e , qui répond à celle qu’ils m’ont écrite.
J’ai l’honneur de vous saluer. Sign é S oult .
Enregistré à P a ris, etc.
r
A R IO M , de l’imprimerie de T hib a u d - L a n d r io t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Pièces justificatives pour Madame Nazo, veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0604
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53864/BCU_Factums_M0604.jpg
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Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
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contestations de légitimité de mariages étrangers
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opinion publique
xénophobie
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MÉMOIRE
EN
RÉPONSE,
t
POUR
Sieurs J e a n - B a p t i s t e D ’E S T A IN G , ancien
commandant d’armes à Cham béry , J a c q u e s T h é o d o r e , P ie r r e - G a b r i e l , C a t h e r in e e t
D ’E S T A IN G , frères
et sœurs,
t
intimés et appelans ;
E l iz a beth
c
A
n n e -,
o
n
t
r
s o i- d is a n t N A Z O
e
s o i - d is a n t Grecque
d'origine, se disan t veuve du général d ’E s t a i n g ,
, safille,
appelante d'un jugement rendu au tribunal de
M auriac, le 1 3 août 1807, et intimée.
se disant pareillement tutrice de M
Q U E S T IO N
a r ie
D ’É T A T .
C e t t e cause est de la plus haute im portance, et
doit exciter vivem ent la curiosité p u b l iq u e .
U ne Égyptienne, musulmane de religion, échappée à.
A
/
�(2 )
la servitude d’an harem , a goûté quelques instans les
chax*mes de la liberté à la compagnie d’un général fran
çais, commandant une division de l’armée d’Orient.
Ce g én éral, après la capitulation d’A lex a n d rie, a
repassé en France. U n événement tragique l’a enlevé
à la gloire, à sa fam ille, à ses amis.
L ’ A fricaine réfugiée a cru trouver les circonstances
favorables pour s’introduire dans la famille du général,
prendre le titre honorable de sa veu ve, et donner son
nom à une fille dontelle estaccouchée pendant sa traversée
d’Egypte.
E lle a abusé momentanément de la foiblesse d’un
vieillard respectable e't crédule, q u i, dans sa douleur,
trouvoil quelque consolation à accueillir ceux qui avoient
eu des relations avec son fils chéri.
Cet acte de bienfaisance lui a été reproché : on veut
en induire une reconnoissance de l’état de la prétendue
G recque, qui réclame'2toute la succession du général, et
bientôt sa portion de celle du p è re , décédé pendant
l’instance.
Heureusement pour les frères d’Estaing il est des règles
certaines pour constater l’état des personnes; règles.dont
il n’est pas permis de s’écarter, dont l’infraction entraîncroit les suites les plus funestes, en introduisant dans
les familles des êtres obscurs et dépravés.
F A I T
J a c q u e s -Z a c lia rie
S.
d’Estaing, général de division , eut
l’honneur d’être Domine de 1 expédition d E gyp te, sous
�( 3 )
les ordres du héros invincible qui règne aujourd’hui
si glorieusement sur les Français.
A p rès quelque séjour, le général d’Estaing fut nommé
commandant de là place du (jaire ; il s’y lit distinguer
par sa bravoure et ses manières généreuses. Les Grecs
qui habitoient le Caire voulu ren t, suivant l’ usageT'ofiVfr
une somme d’argent au com mandant. JLl la retu sa avec
noblesse.
L e nommé J o a n ny N a z o , q ui va figurer dons cette
cause, étoit marchand détaillant d’eau-de-vie au Caire,
profession peu honorée en Egypte. Les musulmans ont
en général un certain mépris pour ceux qui vendent
des liqueurs enivi’antes; ils s’en abstiennent avec moins de
rigueur qu’autrefois, mais ils n’en estiment pas davan
tage ceux qui en font le trafic.
Les Cophtes et les Grecs qui se trou voient au Caire,
étoient tous dans le partT des français. JLe commandant
fut chargé d’organiser des bataillons_parmi eux. Jo a n n y
JSazo étoit un de ;eux qui m ontroient le p lus de chaleur et de zèle; il obtint le commandement d’un de ces
bataillons.
"
Les Grecs reconnoissans envers le général qui refusoit
leurs présens et leurs offres, s’inform ent, avec l’adresse
qui les distingue, de ce qui pourroit faire plaisir à leur
commandant; ils en parlent aux aides de cam p, aux
jeunes militaires qui approchent le général : on devine
aisément la réponse de cette jeunesse galante et passionnée.
L e présent le plus agréable au général français, seroit
une femme blanche. O n ne voit autour des camps que
des négresses dégoûtantes. Cette ouverture est saisie avec
A 2
�(4 )
empressement : N a z o envoie au général , A n n e , qui
n’étoit pas sa fille. N a z o avoit épousé la veuve d’un
m usulman; A nne étoit provenue de ce premier mariage,
et a voit été élevée dans la religion de son père; elle en
est elle-m êm e convenue, et l ’a. ainsi déclaré en p résence
de plusieurs personnes.
G o m m e n t pourroit-elle le désavouer? S i, comme elle
le d it, elle étoit G recque d’origine et de relig io n , elle
parleroit le grec vulgaire ; c’est la langue de tous les
grecs : elle ne connoît que Parabe, langue féconde et har
monieuse, que parlent en général les T urcs qui habitent
cette contrée de l’A friq u e, et dout les prêtres grecs n’en
tendent pas vin mot.
~;;U n arrangement de ce genre, scandaleux parmi nous,
n’a rien de choquant en Orient : ce n’est plus cette an
cienne Egypte * jadis un pays d’admiration , si fameux
par ses monumens qui ont résisté pendant tant de siècles
à l’action destructive des élém ens, et que la barbarie
fait disparoître tous les jours.
Ces indigènes, célèbres -par l’aiitiq uitéde leur origine',
la sagesse de leurs règlem ens, l’étendue de leurs connoissances , n’existent plus : ils sont remplacés par un
assemblage de peuples d ivers; les C op lites,les M aures,
les A rab es, les G recs, et les Turcs qui en sont les sou
verains.
‘
• r,:' '
Ce mélange de tant de nations, la diversité des cultes,
des usages, a fait que la barbarie et l’ignorance ont suc
cédé aux sciences et aux arts; la dépravation des mœurs
en a été la suite; et si on en croit nos voyageurs mo
dernes, les vices les plus honteux y règuçnt avec impunité.
�(5 )
u in n e , soi-disant N a z o , fut donc livrée au général
, d ’Estaing, qui la traita avec cette urbanité qui distingue
les Français.
Il fait part lui-mêm e à son père d’un événem ent qu’il
regarde comme une bonne fortune. Dans une lettre qui
se ressent de la liberté des camps , et qui est datée du
C aire, le z 5 pluviôse an 9 , il ne craint pas d’avouer à
son père « qu’il essaye de faire un garçon k une jeune
« G recq u e, q u i, d’après un arrangement orien ta l, fa it
« les honneurs de chez l u i , depuis près d'un m ois. »
C ertes, si le général d’Estaing avoit eu des vues h o
norables sur A n n e , il n’auroit pas voulu l’avilir aux
y eu x de son p è re; il n’en auroit pas parlé avec autant de
légèreté , surtout dans une lettre où il fait mention du
mariage de son paren t, le général D elzo n s, et du fils
que ce général avoit eu d’une union légitime.
Une remarque essentielle à faire sur cette lettre, est
que l’arrangement oriental dont il parle, n’a commencé
que depuis près d’un mois : ce n’étoit donc que dans les
commencemens de pluviôse an 9 , ou tout au plus à la
fin de nivôse de la même année, qxi’A.nne étoit venue'
habiter chez le général d’Estaing.
O r , depuis plus de deux ans, le général en chef avoit
établi dans chaque chef-lieu de province de l’E gyp te, un
bureau d’enregistrem ent, où tous les titres de propriété,
et les actes Susceptibles d’etre produits en justice, devoient
recevoir date authentique. Cet établissement date du 30
fructidor an 6 , ainsi qu’il est établi par un o r d r e du gé
néral en c h e f, qui sera mis sous les yeux de la cour.
. Ge chef illustre > dout la sage prévoyance embrassoit
�.
, ( 6 .}
tous les cas, avoit aussi établi des officiers publics pour
recevoir les actes civils, de naissance, mariage et décès:
les commissaires des guerres étoient chargés de ce soin
important. Ce n’étoit point encore assez; il falloit donner
aux actes civils la plus, grande authenticité.
Par un ordre publié le 21 vendémiaire an 7 , « l’arméé
a fut prévenue que tous les actes civils qui seroient passés
« par les commissaires des gu erres, ceux qui seroient
a passés sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui
« pourroient l’être entre les Français et les nationaux,
a par-devant les notaires du pays, étoient nuls en F rance
« comme en E g y p te, s’ils n’étoient enregistrés confor« mément à l’ordre du général en ch ef, en date du 30
cc fructidor an 6. »
Tous les Français alors en Egypte se sont conformés
à l’ordre du chef. Lorsque le général D elzon s, parent
du général d’E stain g, a contracté mariage avec dem oi
selle A n n e V a j'sy , née à A lexan d rie, il a été dressé un
acte civil.
Cet acte que rapportent les frères d’Estaing, est du 16
brum aire an 8 : il est reçu par Joseph A g a r d , com
missaire des g u e rres, faisant fonctions d’olïicier c i v i l ,
avec mention « que Vacte ne sera valable qu’autant
« qu’il aura été enregistré conform ém ent a u x ordres du
« général en c h e f : » et cette form alité d é l’enregistrement
a été rem plie à R o zette, le 22 brum aire, six jotrrs après
la célébration.
Les frères d’Estaing sont encore porteurs de l’acte civil
du mariage de Georges-Auguste L o n tin , capitaine; natif
de B ite t, département de la M o selle, avec Catherine-
�(7 )
Sophie V a r s y , fille d’un négociant de R ozette : l ’acte
également reçu par Joseph A g a r d , le 29 vendémiaire
an 8 , et enregistré le lendemain.
L e général Delzons , marié avec toutes les formes
prescrites, est devenu père d’ un fils; l’acte de naissance
de l’enfant a été x*eçu par le sieur P in e t, commissaire
des guerres, chargé du service de la place du Caire : cet
acte est du 10 pluviôse an 9.
En un m o t, tous ceux qui se sont mariés en E gypte
ont pris la même précaution; et ils y étoient tenus d’après
les ordres du g é n é ra l, à peine de nullité.
Ces obsérvations préliminaires trouveront leur place
dans la suite. L e général d’Estaing ne cohabita pas long
temps avec A n n e. Les Anglais débarquent à A b o u t ir :
le général d’Estaing reçoit ordre de se rendre à A lexandrie
en ventôse an 9. A n n e reste au C a ire , et n’a point revu
depuis celui qu’elle appelle son époux.
*
A insi Varrangement oriental n’a pas eu deux mois
de durée;
A près la capitulation d’A lex a n d rie, le général d’Es
taing, suivi d’un grand nombre d’officiers, repasse en
France. Par un des articles de la capitulation les Anglais
s’obligèrent dé faciliter ce passage.
Quelques Egyptiens obtiennent la même faveur. Joanny
Nazo~, A n n e , sont du nom bre des réfugiés. D ’après le
récit dA n n e , « elle fut embarquée à A b o u k ir, sur un
K petit navire grec; elle étoit avancée dans sa grossesse;
« elle est saisie des douleurs de l’enfantement dans le
« navire: le patron prend terre, et jette l’ancre sur la.
k côte de Céplialonie,
x î Tv''k
�(8 )
« A im e accouche dans le navire; M a r ie , sa fille, fat
« baptisée par un prêtre que sa famille envoya chercher
« dans une chapelle située sur les bords de la mer. »
IL faut l’en croire sur parole, car il n’existe aucune
trace de tout ce récit : quoique l’enfant ait été baptisé par
un prêtre, qu’il ait eu pour parrain un militaire français,
il n’existe aucun acte de naissance; A n n e est obligée
d’en convenir.
' Cependant « le consul français l’honora de sa visite. »
E h quoi ! le consul ^français fait visite à une femme
qui se dit l ’épouse d’un g é n é ra l,'q u i n’est pas remisé
des’ douleurs de l’enfantement! et ce consul ne se fait
pas représenter l’enfant ! il ne dresse p oint d’acte de
naissance, tandis que son devoir l’y obligeoit! Il est sans
contredit difficile de faire croire à une pareille omission :
le prêtre au Vnoins auroit dû constater par écrit le bap
tême de reniant*
Enfin voilà A n n e remise de ses douleurs, et débarquée
à T a ra n te , dans le royaume de Naples. L à , comme par
tout, se trouve un A u vergn at, de la ville m êm ed’A u rillac,
dppôlé L a ta p ie , qui ,^Omme cu rieu x, voit ces nouveaux
débarqués. Latapie écrit de Tarente à sa m ère, qu’une
Grecque et sa famille viennent de débarquer, d’après
la capitulation, et que cette Grecque se disoit épouse du
général d’Estaing ; qu’elle se proposoit même de partir
pour aller rejoindre son mari.
Cette lettre se répand dans la ville d’A u rillac; le sieur
d’Estaing père en est in form é, et en écrit bien vite à
son fils.*Celui-ci rép on d, le 13 ventôse an 10 : « Quant
« à mon m ariage, vous ne devez pas plutôt croire la
« lettre
�( 9 )
lettre de Latapie que la mienne ; il rfy a aucun lien
légal; je ne l’aurois pas contracté sans vous en prê
venir : mais il y a d’autres liens qui pourroient peutêtre bien amener celui-là. A u reste f ai é c rit à cette
famille de se rendre à M arseille, et d’y attendre do
mes nouvelles. »
U ne lettre aussi positive sur la nature des liaisons du
général d’Estaing avec A n n e , ne lui donne certainement
pas ime possession d’état. Il semble assez naturel qu’ une
femme ne puisse prétendre au titre honorable d’épouse, sans
l’aveu ou la reconnoissancedecelüi qu’elle dit être son mari.
L e général d’E staing, arrivé à Pai*is, y a trouvé là
m ort, le i 5 floréal an 10. O n a dit assez mal à propos
qu’il avoit l’intention d’y fixer son séjour: la lettre du 13
ventôse an 10, dont on vient de donner l ’ex tra it, prouve
«
«
te
«
«
«
au contraire qu’il vouloit continuer de suivre la carrière
militaire, que toujours en activité do service, il attéil-
doit du gouvernem ent une destination ultérieure.
.Le sort en a décidé autrement ; il a v écu. M . D elzons,
législateur, oncle d u général d’Estaing. étoit à Paris lors
de cette catastrophe; il tait prendre routes les précautions
que la loi commande; les scellés sont apposés sur tous
les meubles et effets du défunt.
M . Delzons savoitqu’^ ; ? e devoit se rendre h Mnrspillff,
ville assignée aux Egyptiens réfugiés, mais qu’elle s’étoit
arrêtée à L yon pour raison de santé, et y avoit pris un
logem ent commode et coûteux.
M . Delzons écrit au sieur B onrdin . marchand cliapelier, originaire d’A u rilla c , et avec lequel il étoit en
relation. M . Delzons charge Bourdin d’annoncer à A n n e
�( IO )
JajnQrt_dtvg£péval d’Estaing, et de lui procurer un loge
m e n tplus économ ique que celui qu’elle occupoit. Boui'din
excéda ses instructions ; il crut qu’il valoit m ieux encore
faire partir cette femme pour A u rillac; et sans consulter
la famille du général, sans même lui en donner avis, em
barque pour A u rilla c, A n n e , sa fille, et une nourrice.
M . d’Estaing père n’a aucune coniioissance de cette
dém arche; il n’en est inform é que par Bourdin lui-m êm e,
qui fait, dans le même temps, un voyage dans sa patrie,
üt~précède de deux jours la prétendue Grecque.
M . d’Estaing manifeste la plus grande répugnance à
recevoir dans sa maison une femme qu’il ne connoissoit
que sous des rapports peu avantageux, d’après la cor
respondance de son fils. L a charité ou la compassion
l’obligeoient peut-être de donner des soins à une étrangère
infortunée; mais la décence ne lui permettoit pas de
recevoir une concubine dans sa maison.
O n chercha, par les ordres du sieur d’Estaing, un ap
partement en v ille , pour donner un asile à A n n e. L a
résistance du p è r e , pour recevoir cette femme dans sa
m aison, est connue de toute la ville.
M ais une foule d’oilicieux , d’oisifs ou d’indiiïerens
pensent qu’une réception plus honorable ne peut avoir
aucune conséquence : c’est une étrangère, une infortunée
élevée dans des principes différons des nôtres, qu’on ne
peut ranger dans la classe de ces femmes sans pudeur,
qui bravent les principes.ou les préjugés ; et soit curiosité,
pitiç ou faiblesse, le sieur d’Estaing, dans ce moment
de d o u l e u r , atterré p a rla nouvelle fatale de la mort de
son fils,-accable sous le poids des ans, se laisse,subjuguer;
il admet, cette fcimnc dans sa maison.
�Son arrivée à A u rillac date du I er. prairial an 10 ,
quinze jours après la mort du général.
Il y a dès-lors impossibilité que le sieur d’Estaing ait
prévenu, comme on l’a d it, par une lettre officieuse, celle
qu’on veut lui donner pour belle-fille ; il fut en mêmetemps inform é, et de la m ort de son fils, et de l’arrivée
de l ’étrangère.
L e sieur d’Estaing père se proposoit d’avoir des ex
plications sur le genre d’engagement que pouvoit avoir
contracté son fils avec l’inconnue qui lui étoit présentée.
A p rès une quinzaine accordée à A n n e , pour la reposer
des fatigues de son v o y a g e , il lui fait part de la lettre
du g é n é ra l, son fils , et lui communique ses doutes :
A rm e soutient qu’elle est l’épouse légitim e du général;
qu’elle a été mariée au Caire , au com m encem ent de
Tait 8 ; que sa famille, qui est à Marseille, a tous les
actes qui établissent son mariage et la naissance de sa
fille.
L e sieur d’Estaing père est séduit ; il se rassure sur
la promesse d'A n n e , de faire venir tous ces actes : elle
fait écrire pour les obtenir; elle ne pouvoit en imposer
sur la lettre, car elle avoit besoin cPun secours étranger,
dès qu’elle ne savoit ni lire , ni ecrire cn"llililiWi;^
Dans l’in tervalle, M . Delzons arrive de Paris ; il est
inform é de ces détails. Il connoissoit!l’état des affaires
du gén éral; il observe à son beau-frère qu’il est Tinrent
de faire procéder à la rémotion des scellés, à l’inventaire
et à la vente du m obilier : mais comment faire? L ’état
de la prétendue veuve est incertain : elle se dit Agée
de dix-sept ans seulement; elle n’a aucun titre pour deB 2
�( * o
mander cette rémotion ; elle ne peut être tutrice de sa
fille, dès qu’elle est mineui’e : le sieur d’Estaing père ne
c o u r t aucun risque à accepter la tutelle de M a r ie , qu’on
lui présente comme sa petite-fille.
Ce vieillai’d respectable, entraîné par les événemens
et les circonstances, attendant toujours les actes servant
à constater l’état de l’étrangère, croit pouvoir sans danger
prendre un parti qui accélère la liquidation de la suc
cession de son fils. Ses autres en fans ne sont pas de cet
avis ; ils représentent à leur père l’inconséquence de cette
dém arche : ils ne sont pas écoutés on les é v ite , on les
fu it; ils ne sont plus instruits de ce qui se passe.
• L e 5 messidor an 10, le sieur d’Estaing père se pré
sente devant le juge de paix d’ Aurillac ; on lui fait ex
poser « que Jacques-Zacliarie d’Estaing, son fils, général
« de division,, est décédé à Paris le i 5 floréal an 10,.
« laissant une fille u n iq u e , alors âgée de cinq m o is,
a nommée M a rie, p ro ven u ed e son mariage avec A n n e
« JS a zo, Grecque d'origine ; que la loi défère à lui ,
« a ïe u l, la tutelle de sa petite-fille, attendu surtout la
« m inorité d'A n n e JSazo , sa mère ; et désirant cire’
« confirmé en cette qualité pour pouvoir agir légalement,
« il a amené plusieurs des plus proches parens du défunt,
« pour délibérer tant sur la confirmation de la tutelle,
a que sur la fixation de la pension de la p u p ille , sur
« les Iiabits de deuil , et pension viduelle de la dame
« veuve d’Estaing ; comme aussi pour donner leur avis
« sur l’allocation des frais de voyage de la m ineure, d e
« la m è re , depuis L yo n jusqu’à A u rilla c , ainsi que des
« frais dûs pour salaires à une nourrice provisoire, depuis
�( 13 )
« Tarente 7 ville du royaume de Naples, y compris urr
c mois de séjour à L y o n , jusqu’en là ville d’A urillac ;
« lesquels frais il a avancés, et se montent à la somme
« de 604 fr. ; et enfin , pour être autorisé à régler tous
« comptes et mémoires de fournitures, et autres objets
cc qui pourroient être à la charge de la succession , et ce,
<x tant par lui-mêm e que par ses fondés de pouvoirs. »
U présente ensuite pour composer le conseil de fam ille,
des parens éloignés, si on en excepte les sieurs Delzons
père et fils. Chose remarquable ! le sieur d’Estaing père
avoit avec lui ses six autres enfans,-frères du d éfu n t,
dont quatre majeurs ; il étoit tout n atu rel, et la loi le
commandoit im périeusem ent, de con voqu er.à cette as
semblée les frères du défunt : ils étoient essentiellement
membres du conseil de fam ille; on les écarte avec le plus
grand soin.
Ces parens, comme on peut le penser, sont d’avis de
confirmer le sieur d’E stain g, aïeul de la m ineure, daus
la qualité de son tuteur, à la charge par lui de faire bon
et fidèle inventaire de tous les effets dépendans de la suc
cession du défunt général d’E staing, faire procéder à la
vente du m obilier, et de faire l’em ploi utile du prix en
provenant, conformément à la lo i, après avoir prélevé
tous frais, dettes et charges de la succession.
2°. Ces parens estiment que la pension de la m ineure,
jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans, tant pour
sa nourriture que pour son entretien et éducation, doit
être fixée à la somme de 600 fr. annuellem ent, que le
tuteur retiendra par ses mains, sur la recette des revenus..
30. Ils portent les habits de deuil de la dame veuve
�( J4 )
d’Estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L y o n ,
et qui ne sont point encore acquittés, à une somme de
io o o francs : le tuteur est autorisé à fournir ces habits,
en retirant quittance des marchands et fournisseurs.
4 0. Quant à la pension viduelle de la v e u v e , et de la
négresse qu’elle a à son service, comme le sieur d’Estaing,
tu te u r, leur fournit en n atu re, nourritu re, logem en t,
feu et blanchissage, les parens fixent cette pension à la
somme de io o o francs pour l’année de viduité, à compter
du i er. p ra iria l an 10, époque de son arrivée ci A u rilla c.
Ils allouent au tuteur la somme de 604 francs, avancée
par lui pour frais de voyage de la v e u v e , et salaire de
la nouri’ice depuis Tarente jusqu’à Aurillac.
5°. Ils autorisent le tuteur à traiter, tant par lui-mêm e
que par ses mandataires, avec tous marchands, fournis
seurs, aubergistes, et autres personnes qui pourroient
avoir fait des fournitures tant en marchandises que den
rées, régler leurs mémoires, en payer le m ontant, soit
que ces fournitures aient été faites à P aris, à M arseille,
au défunt g én éral, ou à sa veuve à L y o n , pendant le
séjour qu’elle y a fait.
Ce procès verb al, si indiscrètement l'édigé, fait avec
tant de précipitation, est le grand titre de l’Egyplienne.
Il en résulte, suivant elle, une l’econnoissance formelle
de sa qualité de veuve d"E sta in g , une possession publique
de son état. L e sieur d’Estaing p è r e , étranger à la suc
cession de son fils, puisque le général est m ort sous l’em
pire de la loi du 17 nivôse an 2, a pu livrer cette suc
cession
une inconnue; il a eu le droit d’en priver ses
fils, frères du défunt, et seuls habiles à lui succéder. T o u t
�( i5 )
ce qu’a fait le père est irrévocable; les frères d’Estaing
sont obligés de le respecter. Peu im porte que le général
ait désavoué son m ariage, qu’il ait attesté qu’il n'y açoit
aucun lien légal entre lui et la prétendue G recque; le
,père a plus de pouvoir que le mari ; il peut se passer
de contrat, d’acte civ il, de preuves, et conférer à A n n e
la qualité de veuve de son fils.
V o ilà l’étrange l’aisonnement dûA n n e et de ses conseils.
M ais il ne faut pas anticiper sur la discussion : on doit
cependant féliciter A n n e du grand parti qu’elle a déjà
tiré de ce procès verbal.
Gomme Egyptienne réfugiée, elle a voit obtenu du gou
vernement une pension de 520 francs. Cette faveur lui
étoit commune avec tous les Egyptiens qui avoient passé
en France après la capitulation d’A lexan d rie; seulement
la pension à?Aizjic étoit la moindre de celles que le gou
vernement avoit accordées.
Mais A n n e , munie de cette délibération de fam ille,
qui la traite comme veuve d’un général français, trouve
les moyens de parvenir jusqu’au chef de l’étal ; e t , en
cette qualité de veu ve, elle obtient de notre magnanime
Em pereur que sa pension sera portée à la somme de
2000 francs.
Dans le principe elle n’avoit fait solliciter la démarche
du sieur d’Estaing père que pour parvenir à ce but ;
maintenant elle veut encore profiter de la bienfaisance
du souverain, pour en induire une reconnoissance solen
nelle de son état par l’Em pereur lui-m eine; ce qui doit
imposer silence à des collatéraux importuns.
11 faut convenir qu’il n’y a pas de Grecque plus ruséo
�( 16 )
tiî plus adroite. O n examinera bientôt ce que peut avoir
de commun un brevet de pension, avec les prétentions
d 'A n n e contre les frères d’E stain g, et si ce brevet est
(encore une possession d’état.
D e u x jours après l’acte de tu telle, et le 7 messidor,
le sieur d’Estaing père donne une procuration au sieur
D elzo n s, résidant à P aris, pour faire procéder à la ré
motion des scellés apposés sur les meubles et effets de
son fils.
Il a été procédé à la rémotion des scellés, et à l’in-^
ventaire du m obilier, le 24 messidor et jours suivans. 11
est dit dans le procès verbal que c’est à la requête de
Pierre d’Estaing , au nom et comme tuteur de M arie
d’Estaing , sa petite - fille , enfant mineur de JacquesZacharie d’Estaing, général de division, et d’A nn e N azo,
sa v e u v e , Grecque d’origine.
O n y observe que la mineure d’Estaing est habile à se
dire et porter seule héritière de Jacques-Zacliarie d’Es
ta in g , son père.
O n remarque que le général d’Estaing ayant été marié
au C aire, en E g y p te , il n’a point été fait entre lui et sa
veuve d’acte qui réglât les conditions civiles de leur
mariage ; qu’en conséquence leurs droits doivent être
régis suivant la coutume du lieu du domicile du général
d’Estaing; que ce domicile étoit à A u rillac, pays soumis
à la coutume d’A u v e rg n e , qui n’admet pas de commu
nauté entre mari et femme sans stipulation contractuelle.
L e sieur D elzon s, fondé de p o u vo ir, devoit au moins
savoir qu’Aunllac est en droit ecnt.
Parm i les papiers du défunt on ne trouve aucun acte,
aucunes
�, ( h )
aucunes pièces relatives à son prétendu m ariage; i l 'n y
a pas le plus léger renseignement, si ce n’est' deux lettres
récentes, écrites de Tarente au défunt, et dont on ne
donne pas même la date : Yune e s t , dit-on , écrite par
le père de la darne d 'E sta in g , q u i apprend au défunt
Y accouchem ent de son épouse, et Y autre d'un sieur Latapie, q u i annonce ait général d'E staing Varrivée de sa
Jem m c ¿1 Tarente.
■
■
Bientôt après on a fait procéder à la vente judiciaire
du m obilier; on a acquitté, dit-on, les dettes de la suc
cession ; mais les frères et sœurs du général ont ignoré
ces démarches,' et n’ont été appelés à aucune opération1.’
- En attendant, et pendant que tout ceci se passoit à
P a ris, A n n e ne recevoit rien de Marseille ; point d’acte
pour établir l’état qu’elle réclamoit.
Ce retard fait naître des soupçons; sa conduite dans la
famille les augmente : on avoit a|Dpris qu’elle n’étoit pas
même fille de Joanny N azo; elle n’avoit pas reçu l ’acte
de naissance de M a r ie , qu’elle disoit sa fille. Si elle n’a
voit pas fait constater sa naissance par les officiers du
n a v ire, le con sul, ou le p rê tre, il étoit naturel de le faire
au moins à T aren te, où, comme dans tous les pays occupés
par nos armées , il y avoit des officiers civils pour cons
tater l’état des Français.
L a famille du général m urm ure: A n n e s’en aperçoit,
et prend le parti de se retirer; elle écrit à Jo a n n y N a zo
de venir la prendre. Celui-ci qui avoit gardé le silence
svir la demande d’A n n e , relative aux actes qui dévoient
constater son é ta t, se rend bien vite à l’invitation ; il
C
�( i8 )
arrive à A u rillac, et emmène à M arseille celle qui se
disoit sa fille.
A n n e dissimula en partant ; ce n’étoit qu’un voyage
de peu de durée , elle devoit bientôt revenir : elle part
pour Marseille. A peine arrivée à cette destination, elle
cherche à acquérir des preuves de son prétendu mariage.
, E lle im agin e, le 5 fructidor an n , de se présenter
devant le juge de paix du second arrondissement de
M arseille, intrà muros: E lle lui expose « qu’il lui im« porte de foire connoître son origin e, qu’elle ne peut
« le faire par pièces probantes, attendu que dans sa patrie
t«ril n’est point tenu de registre constatant l’état civil des
« citoyens ellç .requjert le juge paix de recevoir les déa clarations qui vont être faites par des compatriotes
« qu’elle a invités à se ren d re, relatives à son o rigin e,
q ret q u i pourront suppléer au défaut des titres qu’il lui
et est impassible de produire, »
0.A l’instent se présentent N ico la s Pappas O n glou, se
disapt chef de brigade, commandant les chasseurs d’Orient,.
âgé do 45 ans, né k Scheraet, en A sie ; G a briel S a n d ro u x,
aussi chef de brigade du même corp s, âgé de 36 an s,
i>é au G rand-Caire ; A b d a lla M a n ou r, chef de bataillon,
âgé. de 34 ans, né au Grand-Caire ; Joseph Tutungi
réfugié égyptien, né h A le p , âgé de 5o ans; A lla Odab a c h i, né à A le p , réfugié d’E gyp te; Joseph D ir fa m ,
#é à Con&tantiuople > réfugié d’Egypte ; et Constanti
K ir ia k a , pé à Schemet* en Asie.,
Il c¡st djt que toute cette;w m pagm e a g it nycc la pré
sence. et sous. VautQi'isatÂQu d,e Jaquís d?A c o m ia s , irtfgr,-»
U
�( *9 )
prête juré des langues orientales. Ils déclarant * par l’or
gane de l’in terprète, « qu’ils ont résidé habituellement
ce en E gypte avant la révolution ; qu’ils y ont parfaîte« ment connu J ea n JSàzo et Sophie M is c h e , son épouse,
« père et mère d'A n n e - qu’ils sont bien mémoratifs de la
« naissance d ’ A n n e ISaZo à l’époque de l’année 1780, et
« que la dame fut unie en mariage avec le général d’Es* taing. w
Josep h Tutcmgi\ C o n sta n tiK iria k o et J o s e p h D u ja in *
déclarent de plus. « qu’étant passés en France avec A n n e ,
« veuve d’Estaing , ayant relâché à Céphalonie dans le
« mois de nivôse an 10 , ladite dame y accoucha d’unê
« fille, qui fut tenue sut les fonts baptismaux par ld sietff
« N assif, officier de chasseurs, et par-la dame M arie
« M ische, son aïeule, a
*
A n n e se faisoit ainsi rédotmoîtx'e par ces réfugiés sans
avertir personne, et ne donna plug d<? scs nouvelles que
pour réclamer M a r ie , sa fille y qu’elle avoit laissée à
A u rilla c; encore eut-elle recours au min'istrd dé la justice
pour faire cette demande. E lle a fait im prim er qu’elle avoit
eu besoin d’obtenir des ordrefs supérieurs pou r avoir son
enfant; elle en impose sur ce point comme sur beaucoup
d’autres. Sur sa réclam ation, le m inistre'écrivit pour
avoir des renseigneimens ; et le sieur d’Èstaing père!, fort
étonné d’apprendre qu’on se fût adressé au m inière, répond
sur le champ qu’il est prêt ù remet trie un dnfant qu’on lui
«voit laissé, et qu’il n’avoit gardé que par humanité.
Les frères dt soeurs du général d’Ëstairig, à qui 011 ¿voit
soigneusement caché tout ce qui s’étoit passé , prirent
de le u r côté des informations ; l’un d'eux, commandant
G 2
�( 20 )
d’armes à Cham béry, avoit vu le gén éral, son frère, lors
de son passage, et celui-ci ne lui avoit rien dit sur son
prétendu m ariage; il étoit plus à portée qu’ un autre de
savoir ce qui s’étoit passé au Caire. 11 est convaincu que
son frère est mort célibataire ; il se concerte avec les,
autres pour la conservation de leurs droits.,
. Tous^se déterminent à faire faire entre les mains de
leur p è re , par acte du 20 thermidor an n ( une saisiearrêt , avec défenses de se dessaisir ni rien livrer de tout
ce qui est provenu de la succession du généi’al.
L e 7 ventôse an 1 2 , cédule devant le juge de paix , au
sieur d’Estaing p ère, pour se concilier sur la demande
tendante à ce qu’il soit tenu de leur rendre et remettre
la totalité de la succession de leur frère , sauf au sieur
d’Estaing père à se retenir la portion revenante à Pascal
d’E stain g, leur frère, encore mineur.
< L e 11 ventôse même m ois, procès verbal du bureau de
paix-: le sieur d’Estaing père y déclare « qu’il existe un
« enfant naturel de feu d’Estaing, provenu de. ses liaisons
« avec Catherine P on talier, originaire de Paris; que cet
« enfant, légalement reconnu par son père, étoit en ce m o« ment entre les mains de P ierre M a rcero n , jardinier
« de la ville de Fongeau , et son père nourricier..
« L e sieur d’Estaing père observe que la loi donne des
« droits à cet enfant sur les biens de son père ; que, d’un
« autre côté, il s’est présenté à l’ouverture de la succession
« du général, une femme grecque, qui se disoit sa veuve,
« et mère d’une petite fille provenue de ce prétendu
« mariage.
« L e sieur d’Estaing ajoute qu’il, voulut bien accepter la
�( 21 ]
«tutelle de cet en fan t, attendu que sa reconnoissance ne1
« pouvoit pas nuire aux parties intéressées; qu’il lui donna,
« sur la succession, des secours qui lui étoient nécessaires,
« ainsi qu’à la mère ; mais que celle-ci prétend aujour« d’hui s’emparer de tous les biens du feu général d’Es« ta in g , soit comme se disant créancièi'e, soit comme
« com m une, soit comme tutrice de sa fille; qu’au reste,
« il est prêt et offre de remettre ce qui est en ses mains
« de cette succession, en le faisant ordon n er, soit avec le
« tuteur qui sera nommé à l’enfant n a tu re l, soit avec
« A n n e , se portant aujourd’hui tutrice de sa fille. »
L e lendem ain, 12 ventôse an 1 2 , les frères d’Estaing
(m ajeurs) présentèrent l’equête au tribunal d’A u rilla c,
pour demander permission de faire assigner leur père , à
b ref délai, attendu qu’il s’agissoit de partage, pour voir
dire et ordonner qu’il y sera procédé , et qu’il leur sera
.délaissé à chacun un sixième de la succession, suivant
l’inventaire qui sera représenté ; faute de ce faire, pour
être condamné à payer à chacun des frères d’Estaing, la
somme de i2000fr. à laquelle ils évaluent et restreignent
leur amendement.
M êm e jour , assignation aux fins de cette'requête ; et
le 18 ventôse, intervient au tribunal d’A u rillac un juge
ment contradictoire qui ordonne q u 1A/m e N azo , Em ile
d’Estaing, enfant naturel du d é fu n t, Jean-Baptiste et
A n to in e Pascal’ d’Estaing, ou leurs tuteurs, ou subrogés
tuteurs, seront mis en cause.
Pendant que tout ceci se passoit à A u rilla c, Anne n e1
perdoit pas son temps : elle s’étoit imaginée que le tri—
.bunal de la Seine devoit seul connoîtrc de toutes les con—
�( 2 2
)
(estations qui pouvaient s’élever entre elle et le sieur
d’Estaing père.
,
Q uoique résidente à M arseille, elle fait citer le sieur
d’Estaing père à Paris, par cédule et requête des 2 et 21
ventôse an 12 : elle ne savoit pas trop encore ce qu’elle
devoit dem ander; mais par Une requête du i 5 messidor
an 1 2 , elle règle définitivement ses conclusions.
E lle apprend, par cette requête, que le tribunal de la
Seine s’est déclaré compétent par jugement du 4 du même
mois de messidorî elle expose « q u ’après la m ort du gé~
« néral d’E stain g, décédé à Paris le iô floréal an 10, le
« sieur d’Estaing père a profité de l’absence de la dame
«-d’E stain g, qui venoit de l’Egypte et de l’Italie pour
« l'ejoindre son m a ri, pour se ¿faire nom m er tuteur de
« Tenfant m ineur du général,, et se mettre en possession
« de tous les biens. »
.;
•.
E lle dit « que le sieur d’Estaing père n’est plus chargé
« de la tutelle ;: qu’il ne doit plus retenir l’administration
«des b ien s, dont m oitié lui appartient'à elle comme
« commune.
« Q u’elle est dénuée de tout ; qu’elle n’a d’autre resî«• soui'ce qu’une pension sur l’é ta t, de 5 2 0 fr. ^qui a été
« portée ù 2000 fr. , mais dont elle ne doit pas toucher
« le prem ier terme de quelque temps,
« E lle a vendu ses effets, contracté des dettes; elle doit
« plusieurs termes de son loyer : l’article 384 du Code
« N ap o léo n , lui attribue la jouissance des biens de son
« enfant.
• « Il s’est trouvé,dans l’actif du défunt général,.trois ins«* criptions du tiers-consolide sut l’état y faisant'ensemble
�C 23 )
« 2000 fr. de rente : elle les a fait saisir à la trésorerie ;
« elle ne voit aucun inconvénient à en toucher les arrê
te rages. Mais ce n’est pas suffisant; elle demande cependant
« h être autorisée à les p ercevo ir, à faire faire toutes mu
et tâtions à son profit, et qu’il lui soit fait en outre une
« provision de io o o o fr. »
A u p rin cip a l, elle conclut à ce que M . d’Etaing père
soit tenu de lui rendre compte de sa gestion , lui com
m uniquer l’inventaire fait après le décès de son fils, ainsi
que toutes pièces justificatives, sauf ses débta9, et qu’il
soit condamné à lui payer le reliquat du compte.
U n jugement par défaut du tribunal de la Seine, en
date du 18 messidor an 1 2 , lui adjuge ses conclusions
provisoires et principales ; seulement la provision est
restreinte aux arrérages des rentes du tiers-consolidé.
M . Uestaing père, averti de toutes ces poursuites, trouve
extraordinaire que la prétendue veuve l’ait fait assigner
à P aris, lorsqu’évidemment la succession de son fils étoit
ouverte à A u rilla c .il n’a voit en effet d’autre domicile qite
celui de son origine.
M . d’Estaing décline la ju rid iction , et se pourvoit
devant la cour de cassation, en règlem ent de jtig£&
Un arrêt du 11 vendémiaire an 13 , décide que la 9utí-*
cession du général est ouverte à Aurillocij et sans s’arrêter
aux jugemens du tribunal de la Seine, des 4 et *8 mes
sidor an 12 , qui sont déclarés mils et comme non
avenus , ainsi que' tout de qui a précédé et suivi f f&n-*
voie la couse et les parties à procéder devant le tribunal
¿ ’arrondissement d’A u rïïla c , pou# leu r être fait droit Sur
leurs ctemande* rcspectivca.
; ¿
a
t çilO la:
�( 24 )
A n n e , à son to u r, suspecte le tribunal d’A u rilla c;
M . d’Estaing père en étoit le président: elle présente
requête en la co u r, pour être renvoyée devant tout autre
tribunal.
M . d’Estaing se prête à ce caprice; il s’en rapporte
à cet égard à la cour de cassation. A rrê t du 2.6 thermidor
a n ' 1 3, qui renvoie la cause et les parties devant le
tribunal séant à Mauriac.
11 n’y avoit d’autres parties en instance au tribunal
de la Seine, qu'A n n e , soi-disant N a z o , et le sieur d’Es
taing père : la demande en partage, formée par les frères
d’Estaing, étoit pendante à A urillac. Ce tribunal, investi
de la cause, avoit déjà ordonné que tous les prétendans
droits à la succession du général d’Estaing seroient assignés
devant lui. Ce jugement avoit été signifié.
A n n e ne tient aucun compte de cette procédure : le
10 février 1806, elle prend une cédule du juge de paix
de M a u ria c, contre le sieur d’Estaing p è re, exclusive
ment *, elle reprend contre lui les mêmes conclusions
qu’elle avoit déjà prises par sa requête présentée au
tribunal de la Seine ; seulement elle,, ne se prétend plus
commune avec le gén éral, et n’agit qu’en qualité de
tutrice.
L e 4 mars 1806, procès verbal du bureau de paix.
L e sieur d’Estaing père , par son fondé de p o u v o ir ,
déclare « qu’A n n e le fait citer sans fondement et sans
«c raison ; qu’il n’a aucun droit à exercer sur la succes« sion de son fils; que la demanderesse auroit dû plutôt
« se pourvoir contre les véritables héritiers de son fils,
« qui seuls ont qualité pour accéder ou critiquer ses
« prétentions j
�( 20 )
« prétentions; qu’il n’est ici qu’ un régisseur, et ne peut
« se concilier sur la demande en reddition de compte
« qu’avec tous les ayaus droit. »
M . d’Estaing indique ensuite les héritier« du général;
et d’abord c’est Em ile d’Estaing, son fils naturel, et encore
m in eu r, puis les frères et sœurs du général; il expose
q u ’A n n e n’ignore pas la saisie-arrêt qu’il a dans les m ains,
à la requête de ses enfans, ce qui est un m otif de plus
pour qu’elle s’adresse à e u x , afin de faire valoir ses
prétendus droits.
Mais le sieur d’Estaing père ajoute que la demanderesse
ne peut se prévaloir de ce qu’il l’a reçue dans sa maison,
de ce qu’il a accepté la tutelle de M arie, et a fait procé
der, en cette qualité, à l’inventaire et à la vente des effets.
Ce ne fut qu’à titre d’hospitalité et de bienfaisance qu’il
lui donna un asile; il y fut induit a par fraude, çuppQ« sîtion de personne, et par des insinuations per/Ides. »
A n n e seule l’excita à toutes ces démarches, q u 'il
rétracte et désavoue fo rm elle m en t, ne v o u la p t'p a s
qu’ une étrangère s’introduise dans sa famille.
Il déclare qu’il ne la reconnoît point pour f ille de
Jo a n n y N a z o , ni sous la qualité d’épouse de son fils;
qu’il ne reconnoît point sa fille, sous le nom de M a riey
comme provenue de son prétendu mariage avec le général
d’Estaing; qu’il exige auparavant qu’elle établisse par
actes authentiques, son origine, son prétendu piariage,
et l’état de M a rie , sa fille: jusque-là il la soutient non
recevable dans toutes ses demandes.
A n n e pour le coup est effrayée de la réponse éner
gique du sieur d’Estaing p è re; elle roçoonpît la néces-
D
�C rf)
. •
sité de rapporter des actes'authentiques qui établissent
son origine et son m ariage: elle n’en avoit d’aucune
espèce ; qu’ irnngine-t-elle pou r y suppléer ?
L e 29 mars 1806, elle se présente devant le juge de
paix du dixième arrondissement de Paris ; elle lui expose
que « pendant le cours de Tan 8 , elle a été unie en
« légitim e mariage avec Jacques - Zacharie d’Estaing,
« général divisionnaire , décédé à Paris en l’an 10 ; que
« son mariage a été célébré religieusem ent, et d’après
« les rites du pays, devant le patriarche d’A lex a n d rie,
« habitant au G rand-Caire ,- mais que n’étant point en
« usage en E gypte de tenir des registres des actes de
« l’état civ il, elle se trouve dans l’impossibilité de repré« senter au besoin l’acte de célébration de son mariage;
« et que désirant y suppléer par un acte de notoriété,
« signé de différentes personnes qui ont été témoins de
« son m ariage, elle requéroit le juge de paix de recevoir
•f
« la déclaration des personnes qu’elle présenloit. »
Ces personnes sont au nombre de sept. Un sieur
I.arrey de B ea u d ea u , ex-chirurgien en chef-de l’armée
d’Egypte; dom R ap haël de M o n a ch is, membre de l’ins
titut d’E gypte; un sieur A ntoine-Léger Sartelon, ex-or
donnateur en chef de l’armée d’Egypte; un sieur H ector
JJaure, ex-inspecteur général aux revues de la même
armée.; un sieur L u c D uranteau, général de brigade;
un sieur Jean-Joseph M arcel, directeur de l’imprimerie
im périale; un sieur M artin-R och-X avier Estave, ex-di
recteur général des- revenus publics de l’Egypte. •
' Tous ces témoins réu n is, et par une déclaration eol* lë ctiv e , attestent, « pour notoriété publique, connoître
�(
*7
)
« parfaitement A n n e N a z o , veuve du général d’Estaing,
« fille de Joanny Nazo, négociant au G rand-Caire, clief
« de bataillon des chasseurs.
« Ils certifient q u e , pendant le cours de fa n 8 , la
« dame Nazo a été unie religieusem ent, et d’après les
« rites du pays, en légitim e mariage avec Jacques-Zac? cliarie d’Estaing, par le patriarche d’A lexa n d rie, ha« bitant du Grand-Caire ; que l’acte de célébration n’en
« a pas été ré d ig é , n’étant point d’usage en E gypte de
« tenir un registre de l'état civil ; mais que le mariage
« n’en est pas moins constant, ayant été célébré en pré« sence d’ un grand nombre de militaires français, et de
« la plupart des déclarans ; que depuis la célébration
« de son mariage avec le général d’.Esiaùig, et pendant
« son séjour en Egypte, la dame N a z o , veuve d'Estaing,
* Ji’a pas cessé d'habiter avec son m a r i, q u i Va tou« jo u r s traitée com m e son épouse légitime. »
A n n e , munie de cet acte, qu’elle appelle un acte de
notoriété, présente requête au tribunal d elà Seine, pour
demander Vhomologation de ce certificat : jugement du i5
avril 1806, qui l’homologue sans difficulté.
O n ne conçoit pas trop cette manière de procéder. Il
est difficile de penser que le juge de paix eût qualité
pour recevoir de semblables déclarations, et que le tri
bunal de la Seine fût compétent pour hom ologuer une
enquête à fu tu r, faite sans ordonnance de justice, sans
jugement préalab le, et hors la présence des parties in
téressées.
Il est surtout.curieux d’entendre ces t é m o i n s officieux
dire que le mariage a été célébré en l’an
sans déD a
�( 28 )
signer aucune époque p récise, lorsque la lettre du gé
néral, du 2.5 pluviôse an 9 , annonce une liaison récente,
et qui ne remontoit pas à un m ois; de les vo ir déclarer
que le mariage a été célébré parle patriarche d’A lexandrie,
qui n’est ministre de la religion d’aucun des deux prétendus
époux ; de les entendre enfin attester opüAnne n’a cessé
d’habiter avec son mari pendant tout son séjour en Egypte,
lorsqu’il est constant que la cohabitation n’a pas eu deux
mois de durée, que le général est parti du Caire pour
se rendre à A lexan drie, lors du débarquement des Anglais
à À b o u k ir.
A n n e , se confiant dans cet acte de complaisance ou
de légèreté, fait assigner M . d’Estaing père au tribunal
de M a u ria c, par exploit du 30 mai 18 0 7 . M . d’Estaing
père fournit ses défenses, qui ne sont qu’une répétition
de ce qu’il avoit déjà dit devant le bureau de paix; mais
il demande acte au tribunal de la réitération qu’il fait
devant lui de ses protestations contre tous aveu x, toutes
dém arches; que ce n’est que par erreur et par fraude
qu’ il a accepté la tutelle de M arie; et qu’il rétracte tous
actes dont A n n e pourroit inférer une reconnoissance de
son état ; il conclut enfin à ce qu'‘A n n e , comme étran
gère, soit tenue,,aux termes du Code, de donner caution
judicatum suivi.
L a cause portée à l'audience au provisoire, intervint
un jugement contradictoire, le 12 août 1806, par lequel
le tribunal de M a u ria c, sans préjudice de tous moyens
respectifs des parties, et sans entendre rien préjuger y
ordon n e, avant Faire d ro it, que les parties feront dili
gences pour mettre en cause les prétendons droit à la
�( *9 )
succession du général d’E stain g, en se conformant à l'a;
loi ; et néanm oins, condamne le sieur d’Estaing père à
payer à A n n e Nazo la pension de 600 francs, fixée à sa
fille mineure par le procès verbal du 5 messidor an 10,
depuis que la mineure est sortie de la maison du sieur
d’Estaing p è re , et à la continuer à l’avenir jusqu’au ju
gement définitif : les dépens sont réservés, sauf le coût du
jugem ent, auquel le sieur d’Estaing père est condamné.
O n ne doit rien négliger dans une cause de cette im
portance ; les plus petits détails peuvent être précieux :
il faut donc rendre un compte sommaire des motifs qui
ont déterm iné ce jugement, auquel les héritiers d’Estaing
se sont rendus tiers opposans, et qui est également soumis
à l’examen de la cour.
Suivant les premiers juges, l’article 16 du Code Na
poléon n’assujétit que les éti’angers à donner caution du
judicatum solvi. ^inne se disant ëpouse d’un général
français , i l est incertain si elle sera regardée comme
étrangère', ou si elle se trouvera dans l’exception de
l’article 12 du même C o d e; rien n’est encore jugé sur
la validité ou l’existence de son mariage
on ne peut
donc lui appliquer une peine qu’elle n?a pas encourue.
Ce n’est pas trop sagement l’aisonner; car s’il faut at
tendre la fin d’un procès pour exiger une cau tion , la
disposition du Code ne seroit pas fort utile : il est bien
tard pour demander une caution, lorsque tous les frais
sont faits; et il semble que dès q u'A n n e ne rapportoit
aucuns titres pour constater son é ta t, elle d e v o i t être*
assujétie
cette formalité..
Les premiers juges ajoutent qui!A n n e ? 601^ comme;
�C 3° )
com m une, soit comme tutrice, réclame la totalité de la
succession du général ; dès-lors les poursuites que les
frères d’Estaing ont pu faire contre leur père , lui sont
étrangères, et ne peuvent m ériter aucune litispendance
q u i la concerne.
Cela n’est pas trop clair : « niais comme elle réclame
« toute la succession contre le sieur d’Estaing p è re , qui
« s’en est reconnu dépositaire; que la cour de cassation a
« renvoyé cette demande au tribunal, entre la dame N a zo
« et le sieur d’Estaing père seulement-, quoique la cour
« de cassation ait eu sous les yeux la procédure tenue à
« A u rillac, entre les frères d’Estaing et leur père, puis
« qu’elle est visée dans son arrêt, et qu’il n’est pas permis
« au tribunal d’interpréter le silence de la cour de cassa« tion. »
Q ui croiroit qu’avec ce m otif les premiers juges auroient ordonné la mise en cause devant eux des prétendans droit à cette succession? Ils s’ingénient à prouver
qu’ils n’en ont pas le droit ; et c’est la première chose
qu’ils ordonnent.
Enfin le sieur d’Estaing père a provoqué la tutelle ;
il s’est soumis à payer une pension de 600 fr. à M arie:
la rétractation qu’il oppose contre cette obligation , ne
peut empêcher l’exécution provisoire ; la saisie-arrêt ne
peut avoir d’eiTet sur une pension alimentaire , sauf le
recours du sieur d’Estaing père, ainsi qu’il appartiendra.
T els sont les motifs de ce prem ier jugem ent; ils pouvoient être plus conséquens, et ce n’est pas sans raison
que les premiers juges hésitoient sur la mise en cause
des frères d’Estaing; ils u’etoieut, dans l’espèce parti-
�( 3l ) ^
cu lière, que des juges d’exception ; ils n’avoient récit
d’attribution qu’entre A n n e et le sieur d’Estaing pèrer
Ils ne pouvoient pas dépouiller le tribunal d’Aurillac ,
juge naturel des frères d’E stain g, d’une demande pen
dante devant lui.
Mais pourquoi se jeter dans des arguties de procédure, .
pour une cause de cette importance ; les frères d’Estaing
prennent le p a rti, sur la signification qui leur est faite
du jugement d’A urillac , d’intervenir en l’instance , et de
form er tierce opposition au jugement précédent : leu rrequête d’intervention est du 24 janvier 1807. Ils deman
dent qu'A n n e soit déclarée non recevable dans toutes
ses demandes, et concluent, contre leur p è r e , tant en son
nom , qu’en qualité de tuteur de deux de ses enfans, au
délaissement et au partage de la succession du général
d’Eslaing, leur frère , ainsi qu’ils l’avoient demandé k
Aurillac..
En cet état, la cause portée à l’audience du tribunal
d’A u rilla c, le 13 août 18 0 7,il y a été rendu un jugement
contradictoire, dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que la dame Nazo a mis en fait qu’elle avoit
« été mariée avec le général d’E stain g, au C aire, en!
« E g y p te , par le patriarche d’A lex a n d rie, en présence
« des principaux oiïiciers de l’armée française en Egypte,,
« en l’an 8, sans désigner le mois n i le jo u r de cette année ;
« que toutes les formalités exigées dans ce lieu pour le
« mariage avoient été observées •, et que d’après ces usages,,
il ne se faisoit jamais d’acte écrit du mariage ;
« Attendu qu’elle rapporte même des certificats quii
« attestent le mariage et l’ usage du pays;
�.-
( 32 >
« Attendu que les tiers opposons ont produit au con« traire des certificats et des actes de mariage d’autres
« officiers français, célébrés dans le même temps devant
« des commissaires de l’armée ;
« Attendu que la dame Nazo prétend prouver , par
« lesdits certificats, qu’elle a vécu avec le général d’Estaing
« au Caire et à A lexan d rie, et y étoit reconnue comme
« son épouse ;
c< Attendu que la dame Nazo prétend que la reconnoissance de son mariage, et même la reconnoissance de la
'« légitimité de sa fille, de la part du général d’Estaing,
« résultent de la lettre qu’il a écrite à la dame Nazo le
'« i 5 prairial an 9 , date qui correspond assez à la naissance
c< de cette fille à Céphalonie ; dans laquelle lettre le gé« néral d’Estaing lui fait de tendres reproches de ce qu’elle
« ne l’a pas averti de sa grossese, qu’il avoit apprise d’ail« leurs, et de ce qu’un particulier, qu’il dénom m e, n’a« voit pas procuré à la dame Nazo des occasions de lui
« écrire ; laquelle lettre , très-affectueuse, est écrite en
« entier de la main du général d’E staing, de l’aveu de
« toutes les parties, est adressée, aussi de sa main , h la
v citoyenne d’E s ta in g , à.la citadelle du C aire, et datée
« d’Alexandrie ;
' v« Attendu que par la lettre du général d’Estaing à
« son père , du 13 ventôse an 1 0 , il commence par se
« plaindre de ce que son père ajoutoit plus de foi à une
a lettre d’un sieur L a tap ie, qui lui avoit mandé que le
« général d’Estaing étoit marié en E g y p te , qu'à lu i çt même ; il continue par dire à son père qu’il rfy a
a aucun lien légal entre la dame Nazo et lui ; qu’il ne
« l’eût
�( 33 )
« l’eût pas contracté sans le prévenir -, et il finit cepen« dant.par dire que ce lien pourroit bien amener celui-là ;
« qu’au surplus, il a écrit à cette famille de se rendre à
« M arseille, et d’y attendre de ses nouvelles';
« Attendu qu’après le décès du général d’ E stain g,
« arrivé le i 5 floréal an 1 0 , le sieur d’ E sta in g ’père a
« reçu chez lui la mère et la fille, et les a traitées comme
« veuve et fille du g é n éra l, et présentées dans'toute la
« ville'en ,cette qualité pendant'huit mois ;
-r
« Attendu que le sieurtd’Estaing père a requis, dans
« un procès verbal tenu devant le juge de paix d’A u « r illa c , et composé de ce qu’il a de plus «clairé et de
« plus recommandable dans sa fam ille, le 5 messidor an
_« 10, .et»a obtenu la qualité de tuteur-deM arie d’Estaing,
« sa ¡petite-fille,1 p ravçn u e, y est-il dît , *du mariage du
« général d’Estaing avecila dame Na»o;¡dans lequel procès
« verbal il ;a fait fixer >les frais par Hui -avancés pour leur
« yoyage de L yo n à A u rillac , les ha’biis <îe deuil de la
* idame ,N a zo , et une pensiari>pbur elle ét sa fille ;
« Attendu qu’en)vertu'de ce¡procès veri5aî,!,'le sieur
« d ’Estaing père a fait procéder à la rém otiôn des scellés
« apposés à Paris sur les effets du géûéral’d’ Estaing, son
* fils ., À laquelle le père de la dame Nazo', *et le sieur
D elzo n s, législateur^ ^ont assisté, et’le^ieur d’Estaing
« a r£ait ensuite procéder à '^inventaire dé 'Süri' m obilier
k par le sieur D e lzo n sfils, son iondé^de p o u v o ir, ler24
* messidor an æo ;
r
1 '■
« A ttendu que (lorsque la >dame Nazo , après un
« séjour de h u it mois chez le 'sieur id’Estaing p ère, l’a
•k quitté ce 4 ejcnier a gardé M arie d’Eataing, sa fille0,
E
�f 34 )
« et.ne ¡Ta remise à sa mère*qu’en vertu d’ordres supé« rieurs;
.
* .
t « Attendu que de tous ces faits non désavoués, la dame
« Nazo en a conclu que son état d’épouse du général
cc d’Estaing, et l’état de M arie d’Estaing, leur fille, avoient
« été reconnus solennellement par le sieur d’Estaing père,
« et qu’il ne luifétoit plus permis de varier; '
« ; Attendu que le sieur d’Estaing père n’a rétracté cette
« reconnoissance form elle que par sa réponse au bureau
*: rde paix du pauton de M auriac; ' ■
,ct Attendu ce qui résulte du procès verbal de tutelle,
« et des au très ¡pièces produites par la dame N azo;
« Attendu que lorsqu’il n’a pas été tenü de registres,
« l’arlicle 7 du titre: 2.0 ide l’ordonnance .de 1667 , dont
« a été ¡pris l’article 46 du C ode, perm et ddiprouver par
■
a\ témoins la célébration du m ariage, et.la'naissance des
«r enfansjqui en sorit'.provemis^iet que,’ dans l’espèce,
cette preuve^téstimoniale est. d’autant plusiadmissible,
« que; le. procèsaYerbal;jdejlai.tutelle :déférée au sieur
« d’Estaing pève peut être considéré comme un cominen.« cernent de preuve par écrit de la possession d’état'de la
« dame N azojet fie.sa^ fille; .
« L e trib u n a l,.sa n s préjudice, etc., et sans rien pré«. ju g e r, ordonne, ayant fairejd ro it,'q u e la dame Nazo
.« ferafpreuve;parrdevant le président du tribunal, dans
« les six mois à' com pten de .la^signification du présent
k jugement à personne ou dom icile, etceitant par'titres
,« que par témoins, 1°. qu’il n’étoit pas .d’usage au Caire,
« e n l’an 8 , soit, .pour; les' militaires îfrdnçais , ou [tous
« autres, de tenir des registres d e l’é ta t ici viL, ni de rédiger
�c 3 0 }
« par écrit les actes de m ariage; qu’il n’étoit pas non
« plus d’usage à Céphalonie de rédiger par écrit des actes
t< de naissance; 2°. que la dame Nazo a été mariée en
« l’an 8 , au Caire, avec le défunt général d’Estaing, par
« le patriarche d’A lexan d rie, avec les cérémonies usitées
« dans Ce lieu ; 30. qu’elle a depuis cohabité avec le sieur
« général d’Estaing, jusqu’au retour de celui-ci en France,
« et que dans tout ce temps 'elle a été publiquement
« reconnue, pour être l’épouse du général d’Estaing ;
« 40. qu’elle est accouchée à Céphalonie , d’une fille
« provenue de ce mariage , dans le mois de nivôse an i o ,
« laquelle iille a été nommée M arie d’Estaing ; sauf au
« sieur d’Estaing p ère, et aux tiers opposans , la preuve
« contraire pour les enquêtes, etc. : dépens réservés. »
L a dame A n n e a fait signifier les qualités de ce juge
ment , sans aucune protestation ni réserve , le 22 août
18 0 7 .
L e 5 décembre suivant , A n n e interjette appel’ de ce
jugement interlocutoire : ellela renouvelé cet appel par
autre acte du 23 janvier 1808; e t, pour la prem ière fois,
dans cet acte elle se rappelle de la date de son prétendu
m ariage, qui a été célébré au Caire le jour des rois de
1800; fête qui arrive douze jours plus ¡tard que parmi
nous, parce qu’on suit en Egypte le calendrier grec; ce
qui répon d, suivant elle, au 17 janvier 1800, ou 27 ni
vôse an 8. Elle se plaint de ce qu’on Passujétit ù une
p reuve; elle n’en avoit pas besoin. :•
Les frères d’E stain g, à leur to u r , jtant en leur nom
personnel que. comme héritiers de leur père , décédé
pendant l ’instance , se rendent m cidcm i»^11 appçlans du
E 2
�( S<5 )
même jugem ent, notamment en ce que ce jugement a
fait une fausse application de l’article 14 du titre 20 de
l’ordonnance de 1667 , de l’article 46 du C ode, et qu’il
est contraire aux dispositions des articles 1 7 0 , 1 7 1 , 194
et 195 du même Code»
Depuis ces appels respectifs, A n n e a fait publier en la
cour une consultation en form e de m ém oire, à la suite
de laquelle elle a produit des pièces nouvelles. Il s’agit
de répondre aux objections qu’elle propose, de relever
les contradictions dans lesquelles elle est tom bée, et d’ap
précier le m érite des actes de notoriété ou des certificats
dont elle justifie.
r U ne étrangère, une infortunée, vient réclamer l’état
d’épouse et de m ère , noms chers et sacrés, d*où naissent
les plu^doux charmes de la vie : quel intérêt ne doit-elle
pas inspirer ! La complaisance ou la pitié ont déjà dicté
des certificats, qui tous annoncent le sentiment qui les.
a produits.
'
'
1
^
Point de précision sur les faits, contradiction sur les
dotes, exagération dans les circonstances, erreur sur led
uages ou les mœurs du pays*
Com m ent p o u rro it-o n accorder quelque confiance à
des actes extrajudiciaires, sollicités, m endies, obtenus,
contre tous les principes et touies les formes ?
‘L a faveur disparoît, l’illusioiï cesse, le prestige s’éva
nouit ; il ne reste plus que la crainte, une sorte de terreur,
d’admettre, au détriment d’une fam ille, une usurpatrice,
une c o n c u b i n e , qui mettant peu de prix à ses charmes „
a Cédé facilement aux appas de la v o lu p té s
r
A n n e pourroit-elle se faire un titre d’un procès verbal
�( 37 )
de tutelle qu’elle a arraché de la foiblesse ou de Terreur
d’un vieilla rd , dans les premiers momens de douleur de
la perte de son fils; qu’elle n’a obtenu que par un men
songe , et parce qu’elle faisoit entendre que Joanny Nazo
avoit dans les mains tous les actes qui constatoient son
état d’épouse légitim e ?
E lle est obligée de convenir aujourd’hui qu’il n’existe
aucun acte qui établisse son m ariage; elle se renferme
dans une assertion m ensongère, et soutient qu’il n’est pas
d’usage, parmi les G recs, de tenir des registres, ou de
dresser des contrats de mariage.
E lle en impose évidemment et sciemment. Q u’on ouvre
l’histoire de tous les peuples policés, des T u rc s , par
exem ple, qui régnent dans le pays qui l’a vu naître.
O n sait que les Turcs admettent la pluralité des femmes,
et n’ont souvent que des esclaves : cependant il se con
tracte des mariages parmi eux ; et celles qu’ils ont légi, timement épousées jouissent de tous les droits d’épouses;
il leur est- dû un douaire et une pension.
T o u rn e fo rt, si bien instruit des usages de ce peu ple,
d i t , lettre 1 4 , que « les T urcs ne considèrent le mariage
«
«t
a
ée
*
«
«
ce
a
que comme un contrat civ il; cependant qu’ils le regardent comme un engagement indispensable, ordonné
par le créateur à tous les hom m es, pour la m ultipli
cation de leur espèce. Quand on veut épouser une filler
on s’adresse aux pareils pour obtenir leur consentem ent; et lorsque la recherche est agréée , il en est dressé
un contrat en présence du ca d i et de deux témoins,
Zj(i ca d i délivre- a use parties la, copte de teur con trat
do mariage» L a fem m e n’apporte point de d o t, mais
�C 38 )
« seulement un trousseau, etc. » Il parle ensuite de la
pompe et des cérémonies qui accompagnent cet acte
solennel, et qui sont plus ou moins fastueuses, suivant
la qualité des parties.
On peut encore consulter l’histoire moderne de l’abbé
de M arcy, tom. 6, édition in -12 , page 112 et suivantes.
L e môme auteur parle du mariage des G recs, dont le
patriarche reçoit les conventions, dont il est à la fois
le ministre et le juge. « L es G recs, dit-il même tom e,
« page 297, regardent le mariage comme un sacrement;
« mais ils ne croient pas que ses nœuds soient indissolu.« bles. Un mari mécontent de sa femme obtient, sur une
« simple requête , une sentence de séparation, que .le
« patriarche lui fait payer dix écus : alors les deux parties
« peuvent form er un autre engagement, sans que per« sonne s’en formalise. »
T o u rn e fo rt, lettre 3 , dit encore la même chose.
L ’auteur le plus moderne qui ait écrit sur les mœurs
des E gy p tien s, et dont l’ouvrage a pour titre : Conquête
des Français en E gyp te, pag. 12 8 , art. 6 , en parlant
de d iv o rce, répudiation, atteste que lorsque le mari
veut se séparer, il le déclare devant le ju g e, et rend la
dot portée par le contrat de mariage. Il y a donc des
contrats ?
« Les mariages ont cela de particulier, dit l’abbé de
« M a rc y , qu’on choisit de part et d’autre un parrain et
« une marraine, et quelquefois trois ou quatre. L e papas
« reçoit à la porte de l’église les m ariés, et commeuce
« par s’assurer de leur consentement. Ensuite, les conc< duisant à l’a u tel, il leur met sur la tçte une couronne
�«
«
«
«
«
«
«
a
«
«
«
«
«
«
«
( 39 )
de feuilles de v ig n e , garnie de rubans et de dentelles;
il passe, un anneau d’or dans le doigt du garçon, et
un anneau d’argent dans celui d elà fille; puis il change
plus de trente fois ces anneaux, mettant au doigt de
l’épouse l’anneau du mari* et au doigt du mari l’anneau
de l’épouse.
« Les parrains et les marraines s’approchent ensuite,
et font le même changement d’anneaux. Celte cérémonie finie, les parrains ôtent aux mariés leur couron n e............L e papas coupe ensuite des mouillettes
de p ain , et les mêle dans une écuelle avec du vin ;
il en mange u n e, en présente une autre à la m ariée,
puis au m ari, et enfin à tous les assistans. Les parens
et les amis envoient ce jour-là aux mariés de grandes
provisions; on se réjouit ainsi à frais communs, pendant
deux mois. »
L e même auteur dit que la dot de la future est portée
avec ostentation chez l’époux, et précède le cortège de
l’épouse ; que cette dot est stipulée et constatée par un
acte dressé devant notaires.
Il est encore d’usage constant, pour donner au ma
riage la plus grande p u b licité,, de promener les époux
pendant trois jo u rs, sous un dais.
L e prétendu m ariage-à?Anne a-t-il eu ce genre de pu
blicité? Elle n’a jamais osé le dire. T o u t est invraisem
blable dans son récit.
Elle fait entendre qu’elle a été mariée par le patriarche
d’A lexan d rie, demeurant au Caire. Cela e s t impossible;.
L ’auteur déjà cité sur les mœurs et les usages des
É gyptiens, apprend qu’il y a en E gypte des ministres.
�( 4° )
de toutes les sectes chrétiennes. L e ministre désigné par
n’est pas celui des G re c s, il est le prêtre des
Uophtes. « C e u x -c i, dit cet auteur, sont chrétiens, de la
« secte des Jacobites ou E utychéetis. Leurs opinions
« religieuses les rendent irréconciliables avec les autres
« Grecs ; ils se persécutent avec acharnement. .L e s
« Cophtes ont un patriarche qui réside au C aire, et
« qui prend le titre de patriarche iVAlexandrie. » 3
Par quelle singularité A n n e , qui se dit Grecque d’ori-?
gine et de relig io n , au roit-elle choisi un prêtre persé-?
cuteur de sa secte ? Comment le patriarche des Cophtes
auroit-il consenti à bénir un prétendu mariage -entre
deux époux d ’une religion différen te,dont aucun d’eux
ne professe celle du ministre devant qui ils se présentent
pour recevoir la bénédiction nuptiale,
>
L e mariage d’un général français étoit un événement
rem arquable; on devoit y .mettre la plus grande pom pe,
y donner la plus grande-publicité. Q u o iq u ?en dise A n n e 9
c’eût été pour elle un honneur insigne, une fortune ines
pérée. N a z o , q u i, si on l ’en cro it, ¿ e st f a i t . valoir
pour donner son consentement, n’auroit pas manqué de
prendre toutes les précautions pour -assurer l’état de celle
qu’il appelle sa fille. Il faisoit partie de l’armée ; il connoissoit les ordres du général en chef,, traduits dons
toutes les langues usitées : la prem ière chose à lu quelle
il auroit pensé eût été de faire dresser un acte c iv il
devant le commissaire des guerres., officier public dé
signé à cet effet.
A n n e convient cependant qu’il n’y a eu aucun acte
dressé J
:: ; •
_
Les
�(40
Les témoins qu’elle a produits dans ses enquetes à futur,
se contentent d’énoncer des assertions générales. O n ne
désigne ni l’heure, ni le jour, ni le lieu de la cérémonie:
aucun témoin ne déclare précisément avoir assisté à la
bénédiction nuptiale.
A n n e elle-m ême a toujours laissé dans la plus grande
incertitude sur la date ou l’époque de son prétendu mariage.
Elle plaide depuis l’an n ; et jusqu’au jugement dont est
appel, du 13 août 1807, elle s’est contentée de dire qu'elle
avoit été mariée dans le cours de Van 8 ; ce n’est qu’après
le jugem ent, et dans la consultation, qu’on a pensé q u ’il
falloit préciser le jo u r, et on a imaginé le jour des rois,
q u i, d’après le calendrier g re c , se trouve le 17 janvier.
Cependant il résulte de la lettre du général d’Estaing,
en date du 25 pluviôse an 9 , que îo » arrangement
oriental n’avoit commencé que depuis à peu près un mois,
et le général d’Estaing écrivoit la vérité ; en voici la
preuve :
A n n e veut être mariée en l’an 8 , le 17 jan vier, qui
représente le 27 nivôse an 10.
A cette é p o q u e , le général d’Estaing n’étoit pas au
C aire; il commandoit l’avant-garde de l’armée en statiott
à C ath ié, fort situé dans les déserts, qui sépare l'Egypte
de la S yrie, près de Suez, à plusieurs journées du Caire.
L e service ou le commandement du gén éral, au fort
de C a th ié, a commencé le 17 brum aire an 8, et n’a fini
que le 16 pluviôse an 8 , époque de l’évacuation de ce
fort.
L a preuve de cette continuité de service, résulte de
son registre de correspondance officielle; registre écrit
F
�(40
en grande partie de la main du gén éral, qui p ro u v e ,
jour par jo u r, qu’il n’a pas quitté son poste.
Plusieurs lettres officielles écrites par lui le 27 nivôse
an i<3, du même lieu de Cathié , démontrent l’impos
sibilité de sa présence au Caire le jour indiqué pour
son pré fendu mariage.
Les lettres concernant le service lui sont adressées à
C ath ié, par les généraux et officiers, et particulièrement
par le général'de division sous les ordres duquel il servoit.
Cathié ne fut évacué que le 16 pluviôse an 8. L e gé
néral d’Estaing se rendit de là à R ozette, où il a resté
jusqu’en vendém iaire an q
. . ____________ *
Ce fut alors qu’il fut nommé au commandement du
C a ire , où il a résidé jusqu’en ventôse an g , c’est-à-dire,
jusqu’au moment où les Anglais débarquèrent à Àboukir:
Tous ces faits sont prouvés par les registres et les feuilles
de service du général'.
Les parties d’ailleurs sont d’accord sur cette dernière
circonstance. A n n e nous l’apprend elle-m êm e dans sa
consultation, page 6.
Comment concilier toutes ces contradictions ? l’assertion
drune inconnue d o it-elle l’emporter sur les écrits du
d éfu n t, qui font foi par eux-mêmes ?
Non , il est évident qurA n n e veut en imposer à la
justice, au public; que son histoire lamentable n’est qu’ un
roman mal conçu , qui manque tout à la fois de vraisem
blance et de vérité.
Mais A n n e a , dit-on, une possession (l'état invariable.
Q u’èst-ce qu’une possession d’état ? Les questions de
ce genre sont toutes de droit public.
1
�( 43 )
L ’état des liommes se forme sous l ’autorité des lois;
il s’établit de deux m anières, ou par des titres, ou, à
défaut de titres , par la possession : le titre en est la
preuve la plus authentique et la plus invariable; la pos
session en est peut-être la preuve la plus sensible et la
plus naturelle. C ’est ainsi que s’exprirrioit M . l’avocat
général Séguier, dans la cause du sieur Rougeinont. « La
« possession, disoit ce grand m agistrat, l i e, unit par
« une chaîne non interrompue de faits, d’actions et de
« dém arches, tous les instans de notre vie à celui qui
« nous a vu naître ; elle nous fait remonter jusqu’à la
« source de notre sang ; elle nous fait descendre depuis
« cet instant p rim itif, jusqu’au moment actuel de notre
« existence ; elle nous apprend à nous-mêm es, elle ap« prend aux autres qui nous sommes, soit par le per« sonnage qu’elle nous impose , soit par Vhabitude de
« nous connoître , soit par l'habitude d’être reconnus :
« mais il faut, continue M . Séguier, que cette possession
« soit constante, perpétuelle, invariable. » E t M . Séguier
invoque la doctrine du magistrat im m ortel qui l’avoit
précédé dans cette glorieuse carrière, et qui professe les
mêmes principes.
A n n e peut-elle dire qu’elle a la possession constante,
perpétuelle, in variable, de l’état d’épouse du général
d’Estaing? U ne liaison crim inelle dans nos mœurs a com
mencé au mois de nivôse an 9 , et n’a pas eu deux mois
de durée. Celui qu’elle appelle son ép o u x, la traite en
concubine ; c’est ainsi qu’il la désigne à son père même,
lorsqu’il lui parle de la nature de ses engagemens : le
F 2
�( 44 )
bruit se répand qu’il est m arié; le général le désavoue,
et soutient qu’il r t j a aucun lien légal.
A n n e ne tient donc pas la possession de son é ta t,
de celui qui y avoit le plus grand in té rê t, de celui seul
qui avoit le droit de l’élever au titre honorable d’épouse;
comment auroit-elle la possession d'un état que son pré
tendu mari d ésavoue, et ne veut pas lui accorder ?
Une possession d’état ! Mais y a-t-il jamais eu entre
A n n e et les membres de la famille d’Estaing, ces rapports
continuels qui se confirment de jour en jour entre les
parens r p a r la notoriété ? avoit-elle avec ses prétendus
beaux-frères, cette habitude journalière de se traiter ré
ciproquement comme frères et soeurs ? c’est cependant
ce que désire C ochin, à l’endroit cité dans la consultation;
et il est remarquable qu’on ait choisi une autorité de ce
genre, dans une cause où le célèbre Cochin soutenoit que
la dame de B ru ix , baptisée comme fille de Jean Lassale,
avoit eu pendant trente-quatre ans la jouissance , la
possession d?état de fille de Jean Lassale, et que cette
possession d’état devoit êti’e un obstacle insurmontable
h. la prétention que la dame de Bruix osoit élever, de se
dire fille du sieur marquis de Boudeville de la Ferté. Cochin appuie principalement sur cette possession ,
comme lo n g u e, constante et invariable.
E t d’après Cochin lu i- m ê m e , une possession d’état
pourroit-elle être l’eifet de l’erreur d’un m om ent, d’uu
acte isolé et fu g itif, obtenu dans un moment dîurgence,
et sous la foi de l’existence des actes qui aasuroient à
A n n e un titre légitim é ;
�( 45)
D ’un acte bientôt rétracté, lorsqu’on a su que le pré
tendu mariage n’étoit constaté en aucune manière;
D ’un procès verbal de tu telle, qui émane du sieur
d’Estaing p è re , étranger à la succession de son fils; qui
n’a pu nuire aux parties intéressées; dont on a exclu tous
les parens les plus p ro ch es, pour y admettre des alliés
à des degrés éloignés.
Il est extraordinaire que lors de ce procès verbal on
ait fait un semblable choix : de tous ceux qui y sont
dénom m és, le sieur d’Estaing p ère, et le sieur D elzons,
étoient les seuls qui eussent le droit d’y assister.
Les frères du général d’Estaing étoient présens sur les
lieux ; quatre étoient majeurs : aucun d’eux n’y a été
appelé.
L es sieurs T e r n a t, petits-fils de la dame d’Estaing ,
Veuve T ernat, en ont été écartés»
Les sieux-s ¿4.ngelergues, parens au même degré que
les précédens, n’ont pas été convoqués.
Les sieurs d 'E sta in g , cousins germains du p è r e , ne
font pas partie de cette assemblée.
O n convoque dans la ligne paternelle, des sieurs LaOroi;
parens au sixième degré du d éfu n t; un sieur F o rte l 7
allié encore plus éloigné que les sieurs L a b ro . . .
Dans la ligue m aternelle, on néglige les sieurs T A p p a r a oncles bretons du défunt : on affecte d’appeler les
sieurs M a ilhes, père et fils, alliés très-éloignçs, Et-vpi^A
les individus qu’^/*«e traite ou Meut faire reg-ardçrjco^^e
les plus proches parens de ¡son prétendu mari ; il ne faut
pas s?en étonnerç; elle nfapas eu Ie; temps dp, fai^C-pon*
noissauce avec la fam ille de son prétendu m ari.
�'( 46 )
Elle a été reconnue dans la fa m ille , dans la v ille ,
dans h s so ciétés! E lle n’a été présentée nulle p art; ne
pou voit’ l’ê tre , à moins de* l’a v ilir , puisqu’elle n’a voit
d’autre communication que les signes, ignoroit absolument
la langue française, étoit étrangère à nos usages, et ne
connoissoit aucun des agrémens d’une vie policée.
E levée dans la classe du p eu p le, sans aucunes connoissances, illitérée, obscure, sans fortune, sans moyens;
voilà celle qui veut être l’épouse du général d’Estaing,
là fem m e'de son ch o ix , et que ce général doit se glo
rifier d’avoir obtenue.
; ‘
Peut-on pousser plus loin le délire !
L ’erreur du sieur d’Estaing père n’a pas eu plus de
huit mois de durée , de l’aveu même dûA n n e ,* et huit
in oiŸ n ’ont jamais donné une possession d’état constante
et invariable.
;
A n n e ne l’a pas même pensé ; elle a senti la nécessité
de rapporter des preuves'-de son m ariage; et à défaut
de titres , elle a voulu y suppléer par des certificats.
A rriv é e à M a rseille, - elle conduit des Egyptiens suivis
d’un interprète, et leur dicte les déclarations qu’elle croit
convenir.
?
Ce procès verbal qu’on colore du nom d’acte de no
toriété ne fait aucune sensation. Elle accourt à P aris,
et va solliciter des personnes plus marquantes, qui se
rendent à son invitation.
; E lle les conduit devant le juge de p a ix , qui les admet
sans autre form e; elle fait homologuer sans contradiction
le procès verbal. La famille d’E staing, qui n’en avoit
aucune connoissance, s’inquiétoit peu de ses démarches,
�( 47 )
et n’avoit garde de s’y opposer* puisqu’elle les ignoroit.
Que signifient ces enquêtes à ¿futur, qui ne peuvent
donner lieu qu’à d’énormes abus? Q u’on lise le procès
verbal qui a précédé l’ordonnance de 1667 ; 01a y fait
sentir les inconvéniens de ces sortes d’enquêtes,. dont
M . le premier président demande la suppression. L e
rédacteur nous apprend que les motifs de ce magistrat
éclairé furent universellement goûtés, et déterminèrent
l’article unique du titre 13 , qui les abrogea, et défendit
à tous juges de les ordonner ou d’y avoir égard, à peine
de nullité.
Ces actes prétendus de notoriété sont donc inutiles
et même dangereux dans la cause1, ils ne seroient d’au
cune im portance, quand ils pourroient être de quelque
considération.
A n n e les a réunis à la suite de sa consultation : on va
les analiser rapidement. Tous les ^4.11a ou ^ibdaïïa qu’elle
a recueillis à Marseille déclarent « qu’ils ont parfaitement
« connu J ea n N a z o et Sophie M isch e , son épouse, père
« et mère d 'A n n e , et qu'A n n e fut unie en mariage avec
« le général d’Estaing. »
C ’est bientôt dit : mais où est la preuve de la filiation,
du m ariage? U ne simple assertion généralisée, sans au
cunes circonstances, sans désignation des époques, des>
dates, peut-elle faire quelqu’impression ? A n n e a-t-elle
pu penser qu’avec une déclaration aussi vagu e, les tri
bunaux pourroient lui assurer l’état dTépouse et veuve
du général d’Estaing, et l’admettre dans cette famille?.»Et.
si quatre d’entre eux ont ¡déclaré qu 'A n n e accoucha: à:
C eph alouie, ils disent le contraire de ce que racoutei
�( 48 )
A n n e , q u i, pour intéresser davantage, n’a pu prendre
terre, et a accouché dans le navire. Il lui en coûtoit si
peu de s’accorder avec les déclarans, qu’elle auroit dû
au moins dire la même chose.
Son. acte de notoriété fait à Paris est encoi'e plus
insignifiant.
Sept témoins attestent simultanément, et parlant tous
A la fo is , que « dans le cours de fa n 8 , A n n e a été
a unie religieusem ent, et d’après les rites du pays, en
« légitim e mariage , avec le général d’E stain g, par le
« patriarche d’A lexa n d rie, habitant du Grand-Caire.
« L ’acte de célébration n’en a pas été ré d ig é , n’étant
« point d’usage en Egypte de tenir un registre de l’état
« civil ; mais ce mariage n’en est pas moins constant,
« ayant été célébré en présence d’un grand nombre de
a militaires français, et de la plupart des déclarans. »
Pourquoi ces déclarans présens ne se so n t-ils pas
nom m és? quels sont ceux qui sont compris dans ce la
plupart? D ès que ces témoins poussoient si loin la com plai
sance pour la jeune E gyptienne, ils auroient pu circ.onstancier davantage leur déclaration; mais ils eussent été bien
embarrassés sans doute : cependant ils ne'craignent pas
d’ajouterque «pendantsonséjouren Egypte, la dame Nazo,
« veuve d’E stain g, n’a pas cessé d’habiter avec son m ari,
a qui l’a toujours traitée comme son épouse légitim e. »
C e séjour a-t-il été plus ou moins lo n g ? pas un mot
sur sa durée. O n a vu ou pu voir , chez le général
d’Estaing , une jeune femme qu’il traitoit avec bonté
ou avec tendresse, et on veut en conclure qu’elle étoit
épousef dans un pays aussi corrom pu, où presque tous
�( 49 )
_
les militaires avoient trouvé la facilité de prendre ce
qu’ils appeloient des arrangemens o rien ta u x , des engagemens à temps. Mais il en coûte si peu à des indifférens
de porter le trouble dans une fam ille, d’y introduire une
étrangère! O n doit gém ir de voir autant d’inconséquences
et de légèreté.
A n n e fait parade du brevet de pension qu’elle a ob
tenu du gouvernem ent : elle doit s’estimer heureuse, sans
doute , que le ch ef magnanime de l’état l’ait mise, par
sa bienfaisance, au-dessus des besoins de la vie. Mais
la faveur du gouvernem ent ne peut nuire aux droits des
familles. 11 est bon d’observer d’ailleurs que cette pension
n’avoit été p o rté e , en prem ier lie u , qu’à une somme
de Ô20 francs; l’Em pereur rem plit de sa main la somme,
sur le travail qui lui fut présenté : cependant, sur ce
premier travail, on la traitoit de veuve d’Eslaing ; les
joui’naux d’alors l’ont ainsi publié. L ’Empereur ne vouloit
donc la traiter que comme Egyptienne réfugiée, malgré
le titre qu’on lui donnoit ; et l’augmentation survenue
dans la suite, a été l’effet du procès verbal de tutelle,
dont on vo it qu'A n n e a su faire un bon usage.
L e certificat du général M enou vient ensuite ; il an
nonce, de la part de ce brave g é n é ra l, un grand respect
pour les mœurs : mais on n’entend pas trop ce qu’a voulu
certifier le général M en ou , lorsqu’il parle des rapports
civils et religieux. P o u r les rapports civils, il auroit.fallu
un acte authentique qui constatât le m ariage; il auroit
été nécessaire que la célébration se fit c o n f o r m é m e n t aux
lois, règlemens et usages de l’année. L e gênerai Menou
devoit principalement les faix-e exécuter; et'il est constant
G
�, c 5 0 }
que ces ordres avoient été publiés, et rendus communs
et obligatoires dans toute la colonie.
Cependant il n’a été dressé aucun acte de ce pré
tendu mariage.
Sous les rapports religieux ! mais il n’en existoit aucun
entre A n n e et le général d’Estaing; il eût fallu que le
général d’Estaing eût abjuré la religion de ses pères.
Lorsque le général M enou a épousé une m usulm ane,
il a embrassé le mahométisme. On est autorisé à le dire
a in si, d’après des instructions précises. Son mariage a
été célébré par le M o u p h ti, ministre de la religion
turque, et alors celle des deux époux. Ici il y avoit des
rapports religieux. L e général a donné à son union un
caractère lé g a l, et n ’a pas manqué d’en faire dresser un
acte c i v i l , conformément aux ordres qu’il avoit lu imême fait publier de nouveau. V o ilà le rapport civil.
O n ne trouve ni l’un ni l’autre pour le général d’Es
taing. Il n’y a donc pas eu de mariage.
D ’un autre c ô té , le général M enou rapporte la date
de ce prétendu mariage à Van 8 ; il se dit même général
en ch ej au moment où le général d’Estaing lui en fit part.
E t A n n e , à son to u r, a été mariée le jo u r des rois de
la même ann ée, qui répond au 17 janvier 1800.
P ou r le coup veritatem qucerendam.
L e général M enou ne commandoit pas l’armée en nivôse
ap 8 ; c’étoit le général K léber. C e lu i-c i a commandé
jusqu’au 25 prairial an 8 , jour funeste pour ce général :
il fut assassiné dans son jardin.
L e général M enou ne prit le commandement qu’en
messidor an 8.
�( 5i )
La correspondance du général K léb er avec le général
d’Estaing va jusqu’au n prairial an 8.
Plusieurs lettres écrites à feu d’Estaing par le général
M e n o u , en germinal et floréal an 8 , prouvent qu’il étoit
alors seulement général de division ; il ne prend pas
d’autre qualité. Ces lettres sont datées de R ozette : le
général M enou n’étoit donc pas au Caire en nivôse
an 8.
L e général D u p a s ne parle de ce mariage prétendu
que par ouï-d ire; on lui a déclaré qu’il s’est célébré
publiquem ent, et avec toute l’authenticité qu’un pareil
cas exige.
Il est étonnant que le général D u p a s , qui étoit alors
au C aire, lieutenant du général d’Estaing dans le com
m andem ent, qui avoit tous les jours des rapports de
service avec l u i , ne puisse parler que par ou ï-dire de
ce -prétendu mariage; qu’il n’y ait pas assisté surtout,
lui que ses relations continuelles avec le général d’Es
taing devoit y appeler de préférence. Sans doute ce
général a voulu être favorable à une jeune solliciteuse;
mais il a trop de loyauté pour certifier ce qu’il n’a point
vu : il ne parle que sur les relations d’autrui.
Il paroît même que s’il falloit attendre des témoins
qui attestassent positivement avo'ir assisté à ce m ariage,
on attendroit long-tem ps. A n n e a épuisé à cet égard
tous les certificateurs ou témoins.
Q u’importe que le général d’Estaing ait donné des
repas après la noce. L e général d’Estaing devoit avoir
la représentation convenable au c o m m a n d a n t du Caire ;
il etoit honorable dans ses goûts; il teuoit au Caire table
�( 52 J
o uverte, donnoit souvent des bals, des. fêtes ; et si on
veut que des bals des dîn ers, soient des cérémonies
nuptiales, le général se seroit marié souvent.
Ceux qui ont prétendu que les femmes se visitoient en
E gyp te, cp ïA n n e faisoit société avec les dames M enou r
D e lz o n s , L a n tin , connoissent bien peu les usages orien
taux. L à les femmes ne sortent jamais que dans des cas
très - extraordinaires, et alors sont toujours voilées, et
accompagnées de manière à n’avoir aucune communi
cation.
Ce n’est pas en O rient où on peut jouir des agrémensde la société, et surtout de la compagnie des dames; on
sait môme que madame M enou a conservé en France
l’usage oriental ; qu’elle est constamment voilée , et ne sort
point de chez elle ; qu’elle n’est jamais venue au Caire
dans la maison du général d’Estaing : et A n n e elle-m ême,
pendant le court séjour qu’elle a fait à A u rillac, n’a pas’
quitté son voile , et n’a été vue de personneLa dernière pièce imprimée en la consultation , est
une lettre du général d’Estaing à A n n e. O n observe
que l’adresse est de la main du g é n é ra l, et porte pour
suscription : A la citoyenne iVKstaing, à la citadelle du
Caire. Il est surprenant qurA n n e , dans son m ém oire, ait
tant parlé de la correspondance de son époux ■¡familière
avec décence,. tendre sans exagération, etc. ; et que
toute cette correspondance se borne à une lettre unique.
Dans cette lettre, pas un mot dont on puisse induire
un engagement honorable. C ’est le ton d’un homme poli
et fam ilier, à qui on n’a rien refu sé, qui ne parle pas
même des ascendans d 'A n n e avec le ton de considéra-
�( 53 )
tion et de respect qu’on doit à des alliés de ce genre; respect
plus marquant encore chez les Orientaux.
Quand il parle de celui qyüAnne appelle son père,
il se contente de dii’e Jo a n n y ,* lorsqu’il donne un sou
venir à la grand’m ère, il cfit, la bonne vieille. E st-ce
là le ton du respect et de la déférence? A p p r e n d -il la
nouvelle de la grossesse avec ce charm e, ces délices qu’on
éprouve à la naissance d’un enfant légitim e ? Il Taime
toujours ; et il faut bien le dire ainsi à toutes les femmes
avec lesquelles on a des liaisons passagères. Il lui donne
son nom sur Venveloppe de la letti’e : mais n’est-ce pas
l ’usage? ne vo it-o n pas, même parmi nous, toutes les
courtisannes prendre les noms de ceux qui ont la foiblesse de les entretenir et d’autoriser cette licence ?
Ce n’est malheureusement pas la première à qui le
général a donne ce nom. Lorsqu’il étoit à l’armée des
Pyrénées orientales, il étoit notoire qu’il vivoit avec
une femme que tous les officiers appeloient madame
d’Estaing; le gén éral, en écrivant, lui donnoit ce nom;
et cette fem m e, après le départ du gén éral, n’a jamais
tiré avantage d’une suscription sem blable, pour se qua
lifier d’épouse légitime.
O n trouve dans les pièces communiquées trois chiffons
que l’on dit être des lettres a ra bes, écrites par ordre
du général d’Estaing ; la suscription est aussi à madame
dŒ sta in g , mais non de la main du général.
Ces trois prétendues lettres sont traduites par le sieur
Sylvestre de Sacy, professeur des langues orientales : il
faut bien l’en cro ire , puisqu’on ne connoît pas l’arabe;,
mais au moins la traduction ne donne pas une grande
�( 54 )
idée de l’écrivain. Cette langue arabe, que l’on dit har
monieuse , poétique , tout en figu res, n’a servi qu’à
écrire des platitudes et les choses les plus communes. Ce
sont les lettres d’ un cuisinier, ou d’un homme bien peu
exercé; le général y reçoit beaucoup de consolation dans
sa blessure , d’une lettre que lui a écrite A n n e : mais
comment n’a-t-on pas trouvé dans les papiers du gé
n éral, la plus légère trace d’une correspondance avec
A n n e ? T o u t est extraordinaire et inexplicable dans cette
cause.
Il faut, au surplus , qu’elle ait fait peu de cas de ces
lettres , puisqu’on les a négligées dans la consultation.
O n voit encore , dans le dossier, une lettre du général
S o u lt, à un sieur G iane , clief de bataillon de la légion
gre cq u e, à bord du bâtiment le Jea n , en rade à T á
rente : cette lettre est en rép onse, et annonce que G iane
trouvoit la quarantaine longue et incommode pour lui
et les femmes qui étoient à bord : il nomme madame
d’Estaing. L e général Soult témoigne ses regrets de ne
pou voir abréger la quarantaine ; c’est au comité sani
taire qu’il appartient de prononcer ; mais il fait préparer
un local plus commode pour les passagers, et offre ses
services, ainsi que ceux de madame S o u lt, à madame
d’Estaing. Il n’y a rien d’étonnant dans ces offres géné
reuses ; on doit des égards et des services à une femme,
A n n e se disoit madame d’Estaing *, on doit quelque chose
de plus empressé à la femme d’un camarade ; et le gé
néral Soult ne devoit pas autrement s’informer si A nne
avoit son contrat de mariage ou non, Mais vouloir
induire de cette attention obligeante d’un général mar^
�( 55 )
quan t, aujourd’hui m aréchal de l’em pire, une reconoissance et une possession d'état en faveur dCA m ie , relever
cette circonstance comme un honneur décerné à la femme
d’un -gén éral, c’est pousser les choses un peu trop loin.
On a parlé dans la consultation, sans cependant le faire
imprim er , du certificat d’un sieur Sartelon , ex-ordon
nateur en chef de l’armée d’Egypte : cet acte est aussi
dans les pièces d ’A n n e. L e sieur Sartelon certifie, en
la qualité qu’il prend, ce que quoiqu’il n’existât à l’armée
« aucun ordre du général en chef pour régler la forme
« avec laquelle les actes de l’état civil devoient y être
« reçus , Yusage paroissoit s’être établi de lui-mêm e pour
« les officiers, ou individus attachés à l’arm ée, ne faisant
« point partie des c o rp s, de faire des déclarations de« vant des commissaires des guerres, qui les recevoient
« par procès verbaux , ou de la manière qui leur parois« soit convenable, de leurs mariages, m êm e quelquefois
« de leurs divorces • ce qui n’a jamais été g é n é r a l,
« surtout pour des mariages contractés avec les fe m m e s
« du pa ys ( i l n’y en a voit pas d’autres), qui se sont
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
faits souvent entre catholiques dans les églises du lieu ,
et suivant les formes usitées entre les chrétiens de
toutes les sectes ; mais ces procès verbaux étoient purement facultatifs; et recherche faite dans ses papiers,
et dans ceux du bureau central, il ne s’est trouvé aucun procès verbal relatif à l’état civ il; il ne s’en est pas
même tro u vé, notamment du commissaire d e s guerres
A g a r d , qui est m ort dans la traversée. En foi de q u oi,
sur la demande de la dame veuve d’Estaing, il a déliv r é , etc. »
�( 5 6 }
O n ne voit pas trop quelles inductions l’Egyptienne
peut ou veut tirer de ce certificat; il est assez inutile de
dire qu’on pourroit récuser le témoignage du sieur Sartelon , qui a souvent m ontré de l’animosité contre le
général d’Estaing ; il suffit d’observer que son certificat
est démenti par le f a it , puisqu’on rapporte les ordres
du général en ch ef, et les actes civils des sieurs D elzo n s
et L a n t in , reçus par le commissaire Agard.
Ici s’arrêtent les recherches et les découvertes d'‘ A n n e.
Y a-t-il un seul acte d’où on puisse faire résulter qu’elle
est l’épouse du général d’Estaing; et ne p e u t-o n pas
dire avec vérité qu’elle n’a n i titres n i possession ?
Comment a-t-elle eu le courage de se plaindre d’un
jugement qui lui accordoit une faveur insigne, la faculté
de faire preuve , par témoins , qu’elle a été mariée en
l’an 8 ; qu’il n’étoit pas d’usage au Caire de tenir des
registres, ou de dresser des actes civils de m ariage; qu’il
n’étoit pas d’usage à Céphalonie de dresser des actes de
naissance, etc. ?
Ce jugem ent, au contraire, n’a-t-il pas violé tous les
principes de la matière ? Sera-ce avec des déclarations
mensongères ou m endiées, qu’on pourra élever une in
connue au rang honorable d’épouse; qu’on osera donner
à un enfant de ténèbres, le titre d’enfant légitim e?
« Des objets si intéressans, dit le célèbre C o ch in ,
« doivent élever tous les esprits à ces vues supérieures
« du bien p u b lic , qui forment toujours le premier objet
a de la justice : il s’agit ici du sort des toutes les fam illes,
« compromis dans une seule cause. »
Les frères d’Estaing se plaignent à leur tour d’ un juge
ment
�( S? )
ment qui peut entraîner les suites les plus funestes ; il
leur reste à établir que ce jugement ne peut subsister, et
qu’A nnè doit être déclarée non recevable dans toutes ses
demandes.
O n trouve dans les recueils, tant anciens que nouveaux ,
une multitude d'arrêts su r les questions d’état. M . le
chancelier d’Aguesseau a épuisé cette matière par ses re
cherches savantes : le 2e. , le 6e. , le 12e. le 17°. plai
doyer de ce grand m agistrat, contiennent des dissertations
profondes, une sage doctrine; mais il semble sentir toute
la pesanteur de son m inistère, lorsqu’il veut prendre une
décision. Ce n’est qu’en tremblant qu’il se déterm ine; et
si quelquefois il pense que la justice doit admettre une
preuve testimoniale, ce n’est qu’autant qu’il trouve des
présomptions graves, des indices violens, des conjectures
puissantes; il exige la réunion d’une multitude de faits
qui forment un corps de présomptions capables de dé
cider l’esprit le plus difficile à convaincre ; en un mot ,
il lui faut encore un commencement de preuve par écrit.
Il est inutile de grossir le volum e de ce m émoire par
des citations d’arrets ; il seroit difficile peut-être de tirer
de ces nom breux exem ples, une conséquence claire qui
pût servir de m otif de décision en d’autres cas, surtout
dans l’espèce où il s’agit d’une étrangère qui vient ré
clamer le titre de veuve d’un Français.
Il suffit de poser un principe certain, et qui n e sera
pas contesté, c’est que pour un m ariage fait en France,
la preuve testimoniale ne peut être admise qu’à défaut
de registres , lorsqu’il n’en a pas été ten u , 011 qu’ils sont
II
�( 58 )
perdus ; et dans ce cas même il faut un commencement
de preuve par écrit.
L ’article 14 du titre 20 de l’ordonnance de 16 6 7 ,
n’a entendu parler que dès mariages entre Français; et
M . Jousse ne manque pas d’observer que la preuve tes
timoniale ne peut être admise qu’autant qu’il y a com
mencement de preuve par écrit.
Cet article de l’ordonnance a été répété dans l’article
46 du Code Napoléon ; et la preuve que le législateur a seu' lement entendu comprendre les mariages entre Français,
résulte des articles 47 et 48 du môme Code.
La loi dit que tout acte de l’état civil des Français
et des étrangers, fait en pays étran ger, fera f o i, s’il a
été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays : que
tout acte de l’état civil des Français en pays étranger sera
valable, s’il a été reçu conformément aux lois françaises
parlesagen s diplom atiques, ou par les commissaires des
relations commerciales du gouvernement.
On peut donc représenter à A n n e , d’après les dispo
sitions de ces lo is, que si elle étoit Française, elle ne
pourroit être admise à la preuve testim oniale, qu’autant
qu’elle auroit la possession d’état, et des commencemens
de preuve par écrit : elle n’a ni l’un ni l’autre. Point
de possession d 'éta t’, on croit l’avoir p ro u vé, puisque
le général lui'a toujours refusé le titre qu’elle ambitionne,
poin t da commencement de preuve par écrit, puisqu’il n’y
a aucune trace d’écrits du défunt qui parlent de ce prétendu
mariage , et que les seuls q u i’existent le désavouent.
Mais qu’elle est étrangère, et que dès-lors il n’y a point
�( 59}
de possibilité d’admettre une preuve par tém oins; il faul
représenter l’acte civil. O n a dû remarquer la différence
qui se trouve entre les articles 46 et 47. Dans le premier,
si le mariage est fait entre un Français et une étrangère, il
suffit de rapporter un acte dans les formes usitées au pays.
Dans le second, si le mariage est fait en pays étranger,
entre deux Français , il faut un acte civil conforme aux
lois françaises.
A n n e n’en a d’aucune espèce ; le jugement dont est
appela donc fait une fausse application, et de l’article 14
du titre 20 de l’ordonnance, et de l’article 46 du Code
Napoléon.
Mais ce.jugement est évidem ment en opposition avec
les articles 17 0 , 17 1, 194 et 195 du même Code.
En effet, par l ’article 170, cele mariage contracté en pays
« étranger entre Français, et entre Français et étranger,
« est valable, s’il a été célébré dans les formes usitées
« dans le pays,.pourvu qu’il ait été précédé des publi« cations prescrites par l’article 63 , et que le Français
« n’ait point contrevenu aux dispositions contenues au
ce chapitre précédent. »
L ’article 63 exige deux publications à huit jours d’in
tervalle ; et la loi attache à cette form alité la plus grande
importance. O n n’a jamais imaginé de dire que le mariage
du général d’Estaing ait été publié : cette formalité étoit
cependant ordonnée par les lois précédentes.
Parm i les dispositions contenues au chapitre qui pré
cède l’article 1 7 0 , on y trouve principalement la prohi
bition faite au fils de fam ille, m ême majeur, de contracter
mariage sans le consentement de ses père et mère.
H a
�(6o)
Bien vite A n n e s’empare de cette circonstance, pour
dire que le général s’est marié avant le C o d e, et a pu
braver les ordres de son père ou se passer de son con
sentement.
A n n e argumente avec un empressement peu louable
de cette loi révolutionnaire, qui fut prom ulgée dans un
instant de d élire , qui dégage les enfans de tous leurs
devoirs envers leurs ascendans.
L o i immorale et funeste, qui a fait tant de malheureux
qu’on entend tons les jours gém ir de leurs égaremens,
et qui passent leur vie dans la douleur et le désespoir.
M ais le général d’Estaing n’avoit pas perdu toute idée
des principes de moralité et de convenances. N e mar
que-t-il pas à son père qu’il n’auroit pas contracté d’engagemens sans le p réven ir, avant d’avoir demandé ses
conseils ou ses ordres; et A n n e en seroit-elle réduite à
ce p o in t, qu’elle fût o b lig ée, pour colorer ses prétentions,
de s’appuyer d’exemples qui seront à jamais la honte et
le scandale de la société ?
N ’a-t-elle pas senti que le gouvernem ent, dans ses
premiers p a s, a rétabli et commandé le respect pour
cette puissance paternelle, le premier anneau, la prin
cipale base de l’ordre social, sur laquelle repose la morale
publique ?
L ’article 171 exige davantage; il veut que dans les
trois mois après le retour du Français sur le territoire
de la république, l’acte de célébration du mariage con
tracté en pays étranger, soit transcrit sur le registre
public des mariages du lieu de son domicile.
P o u r cette fois, A n n e ne peut se tirer de cette dis-
�( 60
position par des subtilités. Cet article a été connu d’elle;
elle pouvoit l’exécuter si elle avoit eu son acte de mal’iage; elle a su qu’elle ne pouvoit y suppléer, dès qu’elle
n’avoit aucun titre.
E t lorsqu’elle a eu connoissance des articles 194 et
19 5 , qui veulent que nul ne puisse réclam er le titre
d’ép o u x, et les effets civils du m ariage, s’il ne repré
sente un acte de célébration inscrit sur le registre de
l ’état civil ; que la possession d’état ne pourra dispenser
les prétendus époux qui l’invoqueront, de représenter
l’acte de célébration du mariage devant l’officier de l’état
c i v i l , elle a dû désespérer de sa cause.
Mais les premiers juges ont-il pu ignorer la disposi
tion de la loi ? n’ont-ils pas dû savoir que l’étrangère
ne pouvoit établir son titre d’épouse ¿légitime, qu’en jus
tifiant de l’acte qui le lui avoit conféré? D iront-ils que
le Code Napoléon n’a été promulgué q u e postérieure
ment ? Mais alors ils n’avoient cl’autre boussole que ln
loi du 20 septembre 179 2; et d’après l’article 7 de la
section 4 de cette l o i , A n n e ne pouvoit constater son
mariage qu’en représentant l’acte de l’officier public. Cette
loi n’indique pas d’autres moyens de suppléer au défaut
de ces actes.
Auroient-ils voulu se déterminer par les anciens prin
cipes? A n n e n’avoit pas la possession de son état, n’avoit
aucun écrit du défunt qui fût un commencement de
preuve par écrit.
Ils ne pouvaient donc en aucune manière admettre
la preuve testimoniale.
Un mot sur l’enfant naturel ,con n u sou sle nom & E m ile
�(6 2 )
d’Estaing. A n n e reproche aux frères d’Estaing d’avoir
fait paroître sur la scène un enfant d o n t on ne parle plus.
Les frères d’Estaing ne lui doivent à cet égard aucune
explication ; ils ne savent sur cet enfant que ce qu’a
déclaré le sieur d’Estaing père, au bureau de paix.
U n enfant a été présenté à l’officier c iv il, sous le
nom d'E m ile , comme fils de leur frère. La reconnoissance n’émane pas du père lui-m ême. Il existe; il est
dans ce moment placé au lycée de Toulouse. S’il a des
droits à faire v a lo ir , il saura les réclamer.
Les frères d’Estaing observeront, en terminant,
Anne
n’est pas réduite à un sort funeste; qu’elle est à l’abri
de tous les besoins ; qu’elle est encore dans un âge où
elle peut augmenter ses ressources par sa sagesse, et un
travail honorable ; mais que si elle veut se faire un
prétexte d’un événement commun dans son pays , pour
s’élever au-dessus de son état, ce trait d’ambition déplacée
ne servira qu’à la couvrir d’opprobre,
M e. P A G E S ( d e R io m ) , ancien avocat,
M e, G A R R O N jeu n e, avoué licencié,
A RIOM , de l’imprimerie de T hib a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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Title
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Estaing, Jean-Baptiste d'. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Sieurs Jean-Baptiste D'Estaing, ancien commandant d'armes à Chambéry, Jacques-Théodore, Pierre-Gabriel, Catherine et Elizabeth d'Estaing, frères et sœurs, intimés et appelans ; contre Anne, soi-disant Nazo, soi-disant Grecque d'origine, se disant veuve du général d'Estaing, se disant pareillement tutrice de Marie, sa fille, appelante d'un jugement rendu au tribunal de Mauriac, le 13 août 1807, et intimée.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0605
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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3f754df0f7f4c808af0183a4971445f5
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PIECES JUSTIFICATIVES.
N°. Ier.
Extrait du Moniteur, N°. 93, du 3 nivôse an 7.
A r m é e d’ O r i e n t . Suite des extraits des ordres du jour de
l ’arm ée , datés du quartier général du Caire, du
fructidor
an 6, au 28 vendémiaire an 7,
L
i b e r t e
.
É
RÉPUBLIQUE
g a l i t é
.
FRANÇAISE.
Au quartier général du Caire, le 21 vendémiaire
an 7 de la république française.
O r d r e d u j o u r d u 2 1 v e n d é m ia ir e a n 7 .
est prévenue que tous les actes civils qui seront
passés par les commissaires des guerres, ceux qui seront passés
sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui pourront l'étre
entre les Français et les nationaux par-devant les notaires du
p ays, seront nuls en F ra n ce, comme i c i , s’ils ne sont enre
gistrés conformément à l’ordre du général en ch ef, en date du
3 o fructidor dernier.
L
'
a r m é e
E x tra it de l'ordre du général en chef du 3o fructidor an 6.
B
o n a p a r t e
,
général en c h e f, ordonne :
A r t . I er. Il sera établi dans chaque c h e f - l i e u de province de
^
un bureau d’enregistrement, où tous les titres de pro-
v.
�( â )
priétés, et les actes susceptibles d’étre produits en justice, re
cevront date authentique. Signé Alexandre JBerthier , général
de division , c h ef de Vétat m ajor général.
N°. II.
E x tra it du registre des actes de mariages , déposé au secrétariat
de la mairie d s lu n lla c , chef-lieu de préfecture du départe
m ent du Cantal.
C r j o u r d ’h u i vin gt-u n nivôse
onze de la'république
française , onze heures du matin , est com paru, dans une des
salles de la mairie d’ Aurillac , et par-devant nous J e a n Abadie ,
maire de la commune dudit Aurillac , faisant les fonctions
d’officier public de l’état c iv il, le citoyen Alexis Deteons, gé
n é ra l de brigade, commandant le département, demeurant audit
Aurillac , lequel n o u s a requis d in sé re r dans les registres de
m ariages, l’acte de son mariage avec dame Anne-Julie Varsy >
dressé par le citoyen Joseph A gard, commissaire des guerres
employé à Rozette , faisant les fonctions d’officier civil, le seize
brumaire an h u it, ainsi qu’il conste de l’expédition qu’il nous «a
représentée, et déposée à notre secrétariat.
S u it ledit acte mariage.
L an huit d e là république française, et le seize brumaire,.
sont comparus devant nous Joseph Agard, commissaire des guerres
employé à Rozette , faisant les fonctions d’officier c iv il, confor
mément à la l o i , le citoyen Alexis Delzons , c h e f de brigade
de la quatrième demi-brigade d’infanterie lé g è re , né le vingtsix mars mil sept cent soixante-quinze, à Aurillac, département
du Cantal , fils d’Antoine Delzons et de Marie-Anne-Crispine
Hébrard , personne libre de tous lien s, conformément au cer
tificat du conseil d’administration de son co rp s, qu’il nous a
rem is, d ’ u n e part; et la citoyenne Julie-A n ne V a rsy , née k
�( 3 )
Alexandrie le seize janvier mil sept cent quatre vingt quatre ,
fille de feu Joseph Varsy et d'Elizabeth Donner , ici présente,
et de son consentement, accompagnée de ses frères et sœurs,
d’autre part; lesquels ont déclaré, de leur libre, pleine et en
tière volonté, s’ unir cri légitime m ariage, conformément aux lois
de la république française ; de laquelle déclaration nous leur
avons donné acte en présence des citoyens Julien, capitaine
adjoint, Lanten , quartier - maître , et Labadie, capitaine, qui
ont signé avec m oi, la veuve V arsy, ses frères et sœurs, et les
parties contractantes.
Le présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré ,
conformément aux ordres du général en chef. Signé à l’original,
Julie V a rsy , Delzons , Labadie, Elizabeth D o rm er-V a rsy ,
Sophie Lanten, née Varsy, Lanten, Varsy a in é, Julien, le com
missaire des guerres, Agard. Enregistré à Rozette le vingt-deux
brumaire an h u it, n°. 104, reçu quarante médias. Signé à l’ori
ginal, R oy a n e s , d irecteu r d e l ’enregistrem ent.
Pour c o p ie c o n fo r m e à l ’o r ig in a l, le com m issa ire des guerres ,
sign é A g a h d .
D e tout quoi nous , maire susdit, avons donné acte audit
citoyen Delzons , de la remise de l’expédition de son acte de
mariage ; l’avons fait déposer aux archives de la mairie , et
avons dressé le présent procès verbal en présence des citoyens
Antoine Delzons , législateur, et de François Miquel, capitaine,
aide de camp , majeurs , domiciliés dudit Aurillac ; et o n t,
lesdits Delzons et M iq u el, signé avec nous maire , lesdits jour
et an que dessus.
Pour copie conforme , H é r a u l t , secrétaire.
•
V u pour la légalisation de la signature Hérault, secrétaire de
la mairie d 'A urillac, par nous Guillaume L aval, juge du tri
bunal civil d’Aurillac.
A A u rillac, le v in g t-six août m il huit cent six. L a v a l .
B h u h o n , greffier,
�( 4 )
N°. III.
D es actes de l’état civil du département de la S ein e,
dixièm e arrondissement de la com m une de Paris, p ou r
l ’an treize, déposés au greffe du tribunal de prem ière
instance du mêm e départem ent, a été extrait ce qui
suit :
'Acte civil de mariage .
L ’ a n huit de la république française, et le vingt-neuf vendé
miaire, sont comparus devant nous Joseph A g a rd , commissaire
des guerres employé à. Rozette, faisant fonction d’officier civil,
conformément à la loi, le citoyen Georges - A uguste L a n te n ,
capitaine, quartier-maître de la quatrième demi-brigade d’infan
terie légère, natif de B ite t, département de la Mozelle, âgé de
vin g t-n eu f ans, fils de Jean L anten et de Christine D u p o n t ,
personne libre de tous les liens, conformément au certificat du
conseil d’administration dudit corps , qu’il nous a remis , dûment
enregistré , d’une part ;
Et la citoyenne Catherine Sophie V a r s y , Agée de vingt ans,
fille de feu Joseph V a rsy , négociant de Rozette, et d 'Elizabeth
D o r m e r, veuve V a r s y , ici présente, et de son consentement,
accompagnée de ses frères et sœurs, d’autre part;
Lesquels ont déclaré, de leur pleine, libre et entière volonté,
s’unir en légitime mariage, conformément aux lois de la répu
blique française : de laquelle déclaration nous leur avons donné
acte, en présence de l’adjudant général Valentin ; Delzons, ch ef
de brigade de la quatrième dem i-brigade d’infanterie légère;
Rainiondon, commissaire ordonnateur; et de ses frères et sœurs,
qui ont signé avec nous et les parties contractantes.
Le présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré
conformément aux ordres du général en ch ef, des trente fruc
�( 5)
tidor an six , et vingt-un vendém iaire an sept. Fait a R o zette, les
jour et an que dessus. Signé à l’origin al, Auguste L an tén , Sophie
Y a rs y , Elizabeth D o rm e r-V a rs y , l’adjudant général Y a le n tin ,
Delzons , Raimondon , Agard , Julie Y a r s y , Joseph V a r s y , et
V arsy aîné. Enregistré à R ozette, le vingt-neuf vendémiaire an
¡huit, sous le n°. 100 : reçu 40 m * Pour copie conform e à 1 ori
gin al, le commissaire des guerres , signé A gaiid.
Au bas est écrit : Je certifie que le citoyen A g ard , qui a signe
le présent acte de m ariage, est tel qu’il se qualifie , qu’il rem plit
ic i les fonctions d’officier civil pour constater l’état des citoyen s,
et que foi doit être ajoutée à sa signature. A R o zette, le vingtn e u f vendémiaire an huit. L ’adjudant comm andant la province
de R o zette , signé V alentín .
Collationné sur pareil extrait déposé au dixième arrondisse
ment de la commune de Paris, lors du divorce de la demoiselle
V a rsy avec le sieur L antén , qui a été prononcé le d ix-h u it
prairial an tre ize , inscrit sous le n°. 6 du registre dixième de
l ’état civil dudit arrondissement.
D é liv r é p a r n o u s , g r e ffie r d u tr ib u n a l d e p r e m iè r e in s ta n c e
d u d é p a r te m e n t d e la S e i n e , c o m m e d é p o s ita ire d u r e g is t r e ,
s e c o n d e m in u te , e x tr a it d e l’ a u tre p a r t , e t e n exécution d e l’ar
ticle 45 du Code civil des Français.
Au greffe, séant au palais de justice, à Paris, le douze dé
cembre mil huit cent six. E. A. M ahgueh¿.
Nous président de la troisième section du tribunal de pre
mière instance du département de la Seine, certifions que la
signature ci-dessus est celle de M. Margueré, greffier en ch e f
dudit tribunal ; en foi de quoi nous avons fait apposer le sceau
du tribunal.
A P aris, au palais de justice, le douze décembre mil huit cent
six.. L e B e a u .
�(6)
N°. IV .
E x tra it du registre des actes civils de la place du Caire.
neuf de la république française, et le dix pluviôse, pardevant moi M. Pinet, commissaire des guerres, chargé du ser
vice de la place du Caire, sont comparus les citoyens AlexisJoseph D elzons, ch ef de la quatrième demi-brigade d’infanterie
légère, Jacques-Zacharie d’Estaing, général de brigade, François
M iquel, adjudant major dans ladite quatrième demi-brigade, et
Joseph Labadie, capitaine au même corps, la citoyenne VarsyLanten ; lesquels m’ont présenté uii enfant qu’ils m’ont déclaré
être né à Rozette, le vingt-sept brumaire dernier, du citoyen
Alexis - Joseph Delzons , et de la citoyenne Julie Y a r s y , son
épouse, et être du sexe masculin, auquel enfant on a donné le
nom d ’A le x is -A le x a n d r e : le p a rra in a été le général de brigade
d’Estaing , et la marraine, la citoyenne Varsy-Lanten , au nom
de la citoyenne Y a rsy, aïeule de l’enfant; desquelles présen
tation et déclaration j’ai donné acte , que j ’ai signé avec les
citoyens Delzons, le parrain, la marraine, la citoyenne VarsyDelzons , Baudinot, Labadie, Miiquel. Signé au registre, D e l
zons , ch ef de brigade, d’Estaing, général de brigade, VarsyL a n t e n , Varsy - Delzons , Baudinot, capitaine, Labadie et
Miquel ; P in et, commissaire des guerres.
L ’a n
Pour copie conform e *le commissaire des guerres, signé P ihet ,
�C7 )
N°. V.
L
i b e h t î
.
É
RÉPUBLIQUE
'
g a l i t é
.
FRANÇAISE.
Au Caire, le z 5 pluviôse an 9 de la république française.
D ’ E s t a i n G j g én éra l de b r ig a d e ,
A u citoyen d ’ E s t a i n g père.
V o u s devez avoir reçu de mes nouvelles , mon cher p ère,
par l’arrivée d u L o d i, et autres bâtimens , dont la traversée
d’ici en France a été fort heureuse. Depuis ces époques, notre
situation n’a point changé. L ’armée est toujours en très-bon
é ta t, tant au physique qu’au moral ; et le grand Visir paroit
moins disposé que jamais à venir nous visiter ; la peste, la fa
mine et la désertion le dispensent d’avoir recours à la guerre
pour d é tru ire e n c o r e u n e armée. Il est arrivé successivement
plusieurs bâtimens de guerre ou de commerce français, notanv
ment les deux frégates l’Egyptienne et la Justice, chargées de
différens objets qui nous étoient le plus nécessaires ; nos ports
sont également fréquentés par un grand nombre de bâtimens
grecs et méirie turcs sur la Méditerranée , arabes et indiens sur
la mer Rouge ; de manière que la colonie, qui est d’ailleurs par
faitement tranquille, acquiert journellement de nouveaux degrés
de prospérité : il faut espérer que cette conquête intéressante
sous tant de rapports, ne nous échappera point à la paix ; tout
au moins elle sera d’un grand poids dans la balance, et je pense
plus que jamais ce que je vous ai déjà écrit à ce sujet ; je suip
J>lus que jamais éloigné d’avoir regret aux efforts et aux dangers
particuliers qui étoient indispensables pour c o n tr a rie r ouverte
ment les vues d’une factioiî ennemie de la p ro sp érité de la répu-
�. ( 8
}
blique, ainsi que de la gloire de l’armée d’Orient. Il faut donc
voir avec patience s’éloigner le moment de nous réunir ; nous
avons fait tant d’autres sacrifices ; nous serons également dédom
magés de celui-ci par la plus pure des jouissances, celle de se
voir plutôt en avant qu’en arrière de ses devoirs. La paix avec
l’Empereur est sans doute actuellement conclue ; les circons
tances sont de nature à presser vivement les Anglais d’en finir;
et Bonaparte saura si bien en tirer parti, que le temps est peutêtre moins éloigné que nous ne le croyons, où nous reverrons
notre p airie, nos familles , aussi dignes de leur reconnoissance
que de leur tendresse.
Delzons se porte fort bien. Il a un petit garçon très-éveillé ;
et j ’essaie lïe n Jaire un à une jeune Grecque , q u i , d ’après un
arrangement o rien ta l , f a i t les honneurs de chez m oi depuis
près d ’un mois. Adieu , mon cher père , j’embrasse ma mère
et toute la famille , et vous prie de m’écrire : tout le monde ,
excepté m o i, reçoit ici des lettres. Signé d ’E s t a i n g .
Rappelez-moi au souvenir de nos anciens amis,
N °.
V I.
Paris, le i 3 ventôse an 10.
J e profite du départ du préfet, le c. Riou, pour vous écrire
deux mots. J’ai reçu une délibération de la commune d’Aurillac,
je verrai de la servir ; mais je ne sais si je pourrai rester assez
long-temps ; dites au c. Abadie que je lui écrirai bientôt.
Je n’ai pas encore pu joindre le conseiller d état Duchatel ;
ce sera je crois pour après-demain.
Q uant à mon m ariage , vous ne devez pas plutôt croire la
lettre de Latapie que la mienne ; il n ’y a aucun lien légal ;
■¡e ne ïaurois pas contracté sans vous en prévenir: mais il y
~a~à’autres liens qui pourraient peut-être bien amener celui-làf
�(9 )
Au reste, j’ai écrit à cette famille de se rendre à M arseille, et
d’y attendre de mes nouvelles.
(
Quant à ma destination , elle n’est pas encore réglée , parce
qu’on exige que je désigne ce qui me convient. Je ne la i pas
fait encore , mais après-dem ain à la parade je remettrai ma
demande.
Delzons avoit remis la sienne il y a quelque temps ; et s u iv a n t
sa demande, il ira à Clermont ou à Aurillac.
A dieu, je tous embrasse tous. Signé d’Estaing.
N°. V IL
MAISON
DE
.
L’ E M P E R E U R .
Paris, le
5 mai
1808.
J e soussigné, trésorier général d e l à couron ne, ancien d irec
teur général des revenus d’Egypte , certifie que d’après les
vérifications qui ont été faites sur les registres de l’adminis
tration de l’enregistrement d’Egypte, il n’y a été présenté, dans
aucun temps , aucun acte de mariage relatif à M. le général
d’Estaing.
E n foi de quoi j’ai délivré le présent pour servir et valoir ce
que de raison. E s t e v e .
N°. V I I I .
r
♦
E x tra it du registre de service du général d ’E sta in g , ayant
pour titre : Correspondance relative au com m andem ent de
Cathié.
Commençant le 17 brumaire an 8 , par une n o te , en ces
termes . « Ecrit au général Régnier, pour lui annoncer mon
�ce arrivée, e t lui demander des in s tr u c tio n s » e t finissant le 16
pluviôse an 8 , par une lettre au général Verdier, pour lui
annoncer que le lendemain , 17 pluviôse, il évacue le poste de
Cathié.
Registre écrit tantôt de là main du général, et ensuite de son
aide de camp, contenant copie de toutes les lettres qu’il écrivoit,
et des ordres donnés ou reçus ;
Registre qui prouve que depuis le 17 brumaire an 8, jusqu’au
16 pluviôse, il n'a quitté ni pu quitter son poste.
Delà le général se rend à R ozette, à plus de six journées de
marche , puisqu’il faut traverser le D elta , et une partie du
désert.
Il reçoit des ordres adressés à Rozette, par le général en ch ef
K léber, de veiller sur le bas Delta.
La correspondance du général Kléber, datée du Grand-Caire,
commence le 20 ventôse an 8, et finit le 11 prairial an 8. Toutes
les lettres existent en original.
N°. I X.
Correspondance du général de division M enou, toutes signées
A bd a lla M en o u , commençant le 15 germinal an 8, jusqu’au 21
floréal même année ; écrites de Rozette au général d’Estaing ,
aussi à Rozette.
N°. X.
Lettre du général Rampon , écrite du quartier général de
Dam iette , au général d’Estaing, le 3 messidor an 8, pour lui
annoncer l’assassinat du général K lé b e r, et que le général de
division M enou a pris le commandement en chef.
_______ - i .
'i
'.,n fi
: :
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A R I OM', de l'im p rim e rie de T H IB A U D-LANDRIOT , i m p rim e u r de la C o u r d ’appel,
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
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Pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
Circa An 6-Circa 1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0606
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
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A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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412aa9e07083899491de16e297d7b0e0
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OBSERVATIONS
SU R LA
CAUSE DE LA De Ve DESTAING,
E t sur le libelle diffam atoire
imprimé et
publié à R iom pour ses adversaires , et
produit par eu x devant la Cour d 'a p p e l
séant en cette ville.
frères et sœurs, à. la veille
d’un jugem ent qu’ils ont fait retarder sous différens prétextes,
ont permis qu’il fut imprimé et publié, sous leur nom , et
avec le titre de Mémoire en réponse, un libelle diffamatoire
contre la veuve du général Destaing leur belle-sœur, tutrice
de la demoiselle Destaing leur nièce.
Tout ce qu’ils devaient à la mémoire de leur frère est
oublié. Les honorables restes de cette armée de l’Orient, qui
fut principalement composée de l’élite des années françaises,
et dont l’auguste chef ne se sépara que pour sauver la France,
sont outragés dans la personne de ses principaux officiers,
dont le libelle suppose que les mœurs étaient plus que licen
cieuses , et cela sans raison , sans motif légitime, sans néces
sité , sans utilité pour sa cause.
L e s sieurs et demoiselles D estain g
�(o
En effet, il ne s’agit point, entre madame Destaing et ses
beaux-frères et belles-sœurs, de savoir si des officiers fran
çais de l’armée d’Egypte abusaient du droit de conquête an
point de prendre comme meubles des jeunes filles du pays
contre leur gré ou sans leur consentement ; de les recevoir
en présent comme un tribut, et de les abandonner après les
avoir déshonorées.
Cette supposition, qui n’aurait pu être imaginée que par
des journalistes anglais, n’est point ce que les tribunaux de
France ont à vérifier dans le procès de madame Destaing.
Des collatéraux veulent enlever à cette infortunée son état
de veuve du général Destaing, et à la fille de leur frère sa
qualité et les droits qu’elle leur donne à la succession pater
nelle dont elle est investie.
Madame Destaing et sa fille sont - elles en possession de
leur état et de la succession du général Destaing ?
Voilà la question.
Cette possession est-elle publique, certaine et constante?
Voilà les seules circonstances soumises à l’examen de la
Cour d’Appel de Riom.
Une telle possession doit-elle être maintenue ?
Voilà le point de droit à juger , et il n’est pas susceptible
de controverse.
A u lieu d’examiner les faits de la possession d’état, l’auteur
du libelle se répand en injures, tant contre madame Des
taing, dont il fait une musulmane échappée à la servitude
dun harem, un être obscur et dépravé, une africaine ré
fugiée , la grecque la plus rusée et la plus adroite, que
contre son père, à qui il dénie même cette qualité : il le sup
pose marchand détaillant d eau-de-vie, révolutionnaire î\u
�( 5 )
Caire , et obtenant, à ce titre, celui d e . commandant la
légion des grecs.
Il hasarde cette supposition, sans respect pour l’autorité
qui plaça le commandant Nazo à la tète d’une nation qu’on
voulait régénérer , et sans utilité pour sa cause, où il ne s’agit
pas de savoir de qui madame Destaing est fille, mais si elle
est en possession de son état de veuye du général Destaing
et de tutrice de leur fille.
Dqs jurisconsultes de divers dépaitemens de la France, réu
nis à Paris par la confiance de leurs concitoyens et par le
choix du Sénat, ont pensé que cette possession d’état était
certaine, constante et inattaquable : ils ont donné les motifs
de leur opinion. Ce sont ces motifs qu’il fallait combattre,
puisqu’on prétendait répondre à leur consultation ; il fallait
les suivre dans l’examen des faits qui constatent la possession
détat pour détruire , s’il était possible, la conséquence qui en
résulte nécessairement.
Si on n’a pas pris ce parti, le seul convenable il la posi
tion respective, c’est qu’on a reconnu que le fait de la pos
session détat était inaltérable et la conséquence inévitable.
Aussi personne ne cioira que le libelle ait été fait pour
le& juges qui doivent prononcer. On ne peut pas s’être flatté
de leur déguiser ,• aussi maladroitement, l’état de la question
qui leui est soumise. C est pour le public de Riom, ou peutêtre pour celui d’Aurillac, que l’ouvrage imprimé a été faitOn a essayé de laire, dans une ville du second ordre, une
affaire de parti d’un procès qui peut attirer l’attention pu
blique, parce qu’il présente une question d’état que Ja Cour
<le Riom jugera solemnellement.
�4
( )
Mais cette question, on ne saurait'trop le répéter, peur
être réduite aux ternies les plus simples.
Y a-t-il possession d’état publique et constante ?
Los beaux-frères et belles-sœurs de madame Destaing ne
peuvent nier la possession d'état de leur belle-sœur et nièce,
reconnues comme telles par toute la.famille, dés leur arrivée
en France, où elles ont été-appelées dans la maison paternelle.
Attaquent-ils cette possession par des titres contraires et
authentiques ? C’est ce qu’il faudrait pour déposséder madame
Desiaing ; c’est ce que ses beaux-fréres et belles-sœurs ne font
pas et ne peuvent pas faire.
A u lieu de cela , ils leur demandent l’acte de célébration de
mariage et leurs actes de naissance.
Mais ils n’en ont pas le droit. Cochin, d’Aguesseau, tous les
jurisconsultes du siècle passé , l’affirment ; c’est aussi la doc
trine des modernes, et le Gode Napoléon en a fait une loi
qu’il n’est plus permis à personne de méconnaître. ‘
L ’article 520 dit : A défaut de titre, la possession cons
tante de Tétat de l ’enfant suffit.
Et l’article 33 r indique quelle est la nature des faits qui
établissent la possession d’état, et marque la reconnaissance“
de la fa m ille comme le fait principal.
Madame Destaing et sa fille produisent les preuves de
cette reconnaissance par un acte solemnel et authentique,
auquel tous les membres de la famille Destaing ont con
couru. Cet acte, qui n’est pas le seul, suffirait pour établir
que la preuve de possession d’état est complète.
L ’auteur, du mémoire avance hardim ent que cette recon
naissance a été surp rise, qu’elle n’est pas aussi com plète que
�( 5 )
madame Destaing le croit, et que la possession d’état ncst
qu’une usurpation.
Ces allégations ne sont pas de nature faire impression sut*
]a Cour de Riom : on a trop bonne opinion des magistrats
qui la composent pour supposer q u il est besoin de réfuter
pour eux ou devant eux des assertions dénuées de preuves.
Aussi n’est-ce que pour les amis de la famille Destaing que
nous croyons devoir faire observer que toutes ces assertions
sont des inventions chimériques.
On suppose que le père du général Destaing a été surpris
par sa belle-fdle , et même on le lui a fait dire avant sa mort.
Mais quand lui a-t-on fait tenir ce langage? Lorsqu’il s’est
vu dépouiller de la tutelle de sa petite-fille et de la jouissance
de ses biens.
On lui a fait dire que c’était par cîo!, fraudes, suppositions
et insinuations, qu’il a reconnu la veuve de son fils et sa
petite-fille, dont l’assemblée des parens, convoquée par lu i,
le nomma tuteur.
M ais, outre que le dol et la fraude ne se supposent jamais
n’est-il pas convenu que madame Destaing, arrivée en France
dans un état de souffrance et de maladie , bien jeune encore,
ne connaissait pas le français et ignorait nos lois , nos mœurs
et nos usages?
Elle se rendait auprès de son mari avec sa fille , lorsqu’elle
fut appelée à Aurillac par son beau-père ; et ce ne fut que
dans cet instant qu’elle apprit la mort de son mari. Quel
moyen de dol et de fraude aurait-elle pu pratiquer pour sé
duire son beau-père, qu'elle n’avait jamais vu , et entre le»
mains de qui elle ne croyait pas devoir tomber , puisqu'elle;
comptait sur l’existence de soin mari.
�6
( )
Le libelliste suppose (page 10) que le sieur Destaing père
ne voulait pas recevoir sa belle-fille dans sa maison, et que
sa résistance fu t connue de toute la ville.
Impudent mensonge, qui suppose que madame Destaing
tomba des nues h Aurillac ; tandis qu’il est convenu que le
beau-père l ’envoya chercher, et qu’il fraya aux dépenses de la
route et de celles qu’avait occasionnées le séjour à Lyon,
Mensonge inutile , puisque , si on suppose de la résistance
et des doutes, ils n’ont pu être levés que par des éclaircissemens satisfaisans.
On peut être surpris lorsqu’on est sans défiance; mais si on
suppose de la défiance au sieur Destaing père, vieux ma
gistrat, 011 ne peut pas croire qu’il ait été surpris sur un point
aussi délicat et aussi important pour lui.
Son fils était en France depuis plusieurs mois : sans doute
qu’il s’était fait pardonner le tort moral qu’il avait eu de se
marier avant d’avoir obtenu son consentement.
On n’a point dissimulé, comme le général Destaing ne se
dissimulait point à lui-même, ce tort étranger à sa veuve et à
sa fille.
Mais en remarquant, comme on ne pouvait s’en dispenser,
qu’à l’époque où le général Destaing s’est m arié, la loi
n’exigeait pas le consentement paternel, on a dû dire, et on
l ’a lait, que dans le système de toute autre législation, l'appro
bation du père , quoique postérieure au mariage, le validait ;
et que des collatéraux n’étaient jamais recevables à relever ni
l ’omission ni l’approbation tardive.
C’est donc par pure malice, qu’à la page Go du libelle on
accuse madame Destaing d'argumenter avec un empresse
ment pou louable d ’une^ loi révolutionnaire promulguée
�C7 )
clans un instant de délire : loi immorale et. funeste qui n
fa it tant de malheureux qu'on entend tous les j o u r s gémir de
leurs ëgarernens , et qui passent leur vie dans la douleur et
le désespoir.
Non : madame Destaing n’argumente point de lois révolu
tionnaires , qu’elle a eu le bonheur de ne pas connaître.
Elle invoque la doctrine des plus sages législateurs anciens, et
modernes; des principes qui servent de base et de fondement
à leur société bien ordonnée, et établis en dogme par le Code
immortel qui régit aujourd’hui tous les Français, et qui sera
bientôt adopté par tous les peuples policés de l’Europe.
11 y a donc de la méchanceté à rappeler des souvenirs que
tout doit faire oublier, et à chercher , en souflant sur des
cendres , à ranimer quoiqu'étincelle de nos malheureuses
discordes.
Les traces n’en subsistèrent que trop longtems , et c’est
sous ce rapport qu e l<i en use de m adam e D e sta in g mérite
toute l'attention du magistrat. Com bien d ’individus , trans
portés hors du lieu de leur naissance ou de leur premier
établissement, seront hors d’état de produire leur acte de
naissance, ou celui de leur père, ou l’acte de célébration
de mariage des auteurs de leurs jours ! Faudra-t-il qu’au gré
de quelques parens avides, ils soient privés de leur état et
du'patrimoine de leurs aïeux? Si jamais on admettait cette
absurde doctrine que la possession d’état est un titre insuf
fisant, combien de milliers d’individus se trouveraient sans
nom , sans fam ille, sans patrimoine, lorsqu’ils se trouve
raient tardivement méconnus par des parens avides de leurs
dépouilles ?
Le Code Napoléon, en exigeant pour certains cas la pre-
�C 8)
sentation des sctes de l’état c iv il, a prévu l’impossibilité dans
laquelle pourrait se trouver, de justifier de son état, un in
dividu dénué de ces titres.
Les articles 70 et y 1 remédient à cet inconvénient et pres
crivent la forme d’un acte de notoriété supplétif.
Cet acte est reçu par le juge de paix, non en forme d’en
quête , mais par déclaration univoque et collective, et il
n’est homologué par le tribunal que sur rapport et contradic
toirement avec le ministère public.
Madame Destaing a rapporté un pareil acte de notoriété
dont elle n’avait pas besoin , attendu sa constante et inalté
rable possession d’état.
La plupart des personnes qui ont comparu devant le juge
de paix , avaient été témoins du mariage, et l’ont déclaré.
Le magistrat qui a lui-m êm e rédigé l’acte, avait d’abord
entendu que tous en avaient été témoins, et l ’avait écrit
ainsi ; mais à la lecture, un seul ( don Raphaël ) ayant ob
servé qu’il n’avait pas été présent à la célébration, on écrivit
lu plupart au lieu de tous, le reste de la déclaration portant
sur des faits dont ils avaient également connaissance.
La justice a donc sous les yeux la déclaration légale et
judiciaire de six témoins, de la célébration du mariage du
général Destaing.
Ces témoins, que le libelliste traite avec plus que de la
légèreté, et qu’il présente comme des quidam, avaient un
rang distingué dans l ’armée d’Egypte. 11 est,vrai que tous,
excepté le général Duranteau, étaient officiers civils ; mais
ils sont tous membres de ,1a Légion-d’Honneur. S’ils n’ont pris
dans leur déclaration que les qualités qu’ils avaient à l'époque
où se sont passés les faits qu’ils attestent, ces qualités suiii-
�m
salent]'"au moins, pour faire considérer leurf déclaration
comme étant d’un grand poids; mais si le libelliste avait
pris la peine de consulter l’almanach impérial, il aurait vu
qu e1des commandans de la Légion-d’Honneur, un trésorier
de la couronne, des inspecteurs généraux et des commissaires
ordonnateurs ne sont des inconnus que pour des gens qui se
méconnaissent eux-mêmes. Il aurait vu qu’un général, officier
distingué avant la révolution, porté plusieurs fois au Corps
législatif par le vœu de ses concitoyens et le choix du Sénat,
n’est pas un témoin à dédaigner.
D ’ailleurs ? madame Destaing a dît assez hautement que
son mariage avait été connu de tout ce qu’il y avait d’offi
ciers de l’état major de l’armée d’Egypte ; elle a dit et im
primé qui elle était, qui était son père et sa mère. Il y a en
France des milliers d’individus qui auraient pu la démentir,
si elle en avait imposé. Les MM. Destaing connaissent beau
coup de militaires et des amis de leur frire ; en ont-ils trouvé
un seul qui ose accuser leur belle-sœur d’imposture ?
. Mais parmi les témoins du mariage se trouvait le général
Delzon, cousin-germain du général Destaing, le même qui
s’était marié en Egypte avec la fille d’un français, et qui a
remis k ses cousins, a ses cousines, 1 acte de son mariage
fait devant un commissaire des guerres, et dont il n’existe
point de minute ; le même qui a assisté à l’assemblée de
famille qui nomma l’ayeul tuteur de la fille du général Destaing, régla l’acte viduel et la pension veuvagère.
Madame Destaing a écrit et imprimé que le général Delzon
avait été témoin du mariage. N’aurait-elle pas été dém entie
par ce braye militaire, si le fait ¿tait faux ; mais un homme
2
�<*o
d’honneur, quelque complaisance qu’il ait pour ses prochesj
est incapable de les servir aux dépens de la vérité.
Personne n’est mieux instruit que lui du mariage de ma
dame Destaing, dont il a été témoin. Son épouse a été Igamie,
la compagne, la première interprète de sa cousine. Sous les
yeux du général D elzon , madame Delzon aurait-elle vécu
ainsi avec une musulmane échappée à la servitude dun
harem. Les MM. Destaing, en outrageant la veuve d’un irère
qui leur fait honneur, manquent également à leur cousin ^
qui fut constamment son ami ; à l’épouse de ce général qui ,
quoique fille d’un français , est également née en Egypte :
mais à qui ne manquent-ils pas ? Nous nous abstenons de
relever tout ce qu’il y a de méchant dans cette diatribe ;
il suffit, à leurs y e u x , d’avoir rendu hommage à la vérité
pour exciter leur humeur ou leur colère.
Sans doute que s’ils avaient suivi le conseil de leur oncle
maternel, le père du général Delzon, la tentative qu’il font
d’enlever à leur belle-sœur et à leur nièce leur état et leurs
biens , n’aurait jamais eu lieu.
M. Delzon était membre du Corps législatif, et se7trouvait
à Paris à l’époque du décès du général Destaing :'c'est lui
qu i, le premier, a reconnu l’état de sa nièce ;'c’est sur sa
demande qu'il obtint pour la veuve du général Destaing la
première pension qui lui fut accordée. Cette pensiqn ne fut
modique qu’à cause que le premier Consul ne voulut point
alors assimiler le général Destaing ¿1 un officier mort sur le
champ do bataille.
'
t
Ce n’est point sur la présentation de l'acte de tutelle que
la pension a été. augmentée ; c’est uniquement par l'intérêt
q u ’i n s p i r e la veuve du général Destaing à tous ceux qui furent
�C »* )
les amis de son m ari, et la cruelle persécution qu’on fait
souffrir à cette infortunée.
Depuis qu’on lui a expliqué le libelle odieux publié contre
e lle , elle baigne de ses larmes sa fille , son unique consola
tion ; elle veut aller <se jeter au pied de la Cour de Riom ,
et lui demander justice : mais le tems presse , ses ressources
sont épuisées. Madame Destaing ne peut ni se séparer de sa
fille, ni .exposer la santé délicate de cette enfant, en entre
prenant avec elle un voyage long et pénible ; elle ne pourrait
d’ailleurs ni voyager ni se présenter seule : et puisqu’une
mère de famille n’a pas été un être respectable aux yeux de
ses ennemis , que n’aurait-elle pas à craindre de leur injus
tice , si elle cherchait un protecteur pour la conduire et la
présenter à ses juges ?
On lui a dit que les lois françaises lui en a s s u r e n t un
dans le ministère public, protecteur naturel delà veuve, de
l ’orphelin et de l’état des citoyens. C’est dans ' ses mains
qu’elle remet ses droits et le soin de requérir la réparation
qui lui est due pour les outrages dont on a voulu l’abreuver,
, Elle est chrétienne •, elle en fait gloire : madame Delzon
et le général Delzon le savent bien. Elle est devenue fran
çaise ; mais elle n était point indigne d’être l’épouse du gé*
neral D estaing, et elle a toujours porté cette qualité avec
honneur.
Le rit grec dans lequel elle a été élevée est ortodoxe et
reconnu comme tel par l’Eglise romaine ; le siège de l’Eglise
grecque, dans le sein de laquelle elle est née, est toujours
Alexandrie ; l’évêque est qualifié de patriarche, et réside au
Caire.
I l n’a rien de commun, avec lei Arméniens, "dont les uns
�C *2 )
sont catholiques et d’autres hérétiques, ni avec les Syriens >
les Cafres et les Maronites, qui sont tous autant de sociétés
chrétiennes plus ou moins attachées au dogme ou à la tra
dition.
C ’est le patriarche grec d’Alexandrie , propre pasteur de la
dame Destaing, qui a béni son union suivant le rit grec et
dans les formes usitées dans le pays.
Ces formes sont solemnelles et suffisantes pour un contrat
qui est autant du droit naturel que du droit des gens.
C’est vouloir tromper la multitude que d’appliquer ce que
des voyageurs ont pu dire du mariage des Turcs aux mariages,
contractés en Turquie par des chrétiens.
On doit savoir que le gouvernement ottoman a toujours
laissé les chrétiens qui vivent sous son empire.se conduire
suivant leurs lois, et ceux-ci n’en ont pas d’autres que les lois
religieuses qu’ils ont conservées; de là vient que leurs prêtres
réunissent, jusqu'à un certain point, le ministère civil au
ministère ecclésiastique.
. .
Les différens que les chrétiens peuvent avoir entr’eux ne
sont point portés devant le cadi, mais devant les prêtres,
sauf l’appel au patriarche, à moins qu’un musulman n’y fui
intéressé, et la puissance ottomane prête m ain-forte aux
jugemens des patriarches comme à ceux de ses premiers of
ficiers.
/;.
C’est ainsi qu’après la conquête des Francs, les'différens
peuples qui furent subjugués sc réservèrent leurs lois, et qu’il
fut permis à chacun de vivre ou S0;US la loi romaine , oui
sous la loi falique, ou soys tout autre régime, et la puis
sance publique maintenait les jugemens rendus suivant ces
diverses lois*^: ■
m -.n
-
•
�( i5 )
L a cour de Riom sait tout cela mieux que nous, et san9
cloute l’auteur du libelle ne l’ignore pas ; mais il a voulu
faire illusion à ceux pour qui il écrivait : autrement, aurait-il ;
parlé de notaire pour l’Empire T u rc , et de registre pour
une contrée dont la civilisation est si en arrière de la nôtre ?
Une seule de ses remarques mérite quelqu’observation ;
c’est l’expression de la date de l’année du mariage de la dame
Destaing.
Avant que , par des rapprocbemens qu’on n’a pu obtenir
d’elle qu’à mesure qu’ elle a appris la langue française, on ait pu fixer le jour du mois auquel ce mariage a eu lieu , on a
écrit qu’il avait été fait en l’an 8. Comme dans le calendrier
républicain l’année commençait au mois de septembre et non
au mois de janvier, il arrivait qu’en comparant ce calendrier
au calendrier grégorien, auquel nous sommes revenus, les deux
portions d e l ’année de l’ancien calen drier ne se rapportaient
pas à la m êm e année du nouveau ; de m anière q n ’on ne
pouvait bien déterminer une année sans fixer le mois : de là y
bien dés équivoques.
t
>
Mais clleé disparaissent dans l’ensemble des circonstances
antécé„lentës', suivantes et' concurrentes, et dès lors l’expression -de-’ l<’année dfcvient indifférente.
Quand on a dit, par exemple, que le mariage du général
Destaing a eu lieu le 17 janvier de l’année qu’il comman
dait au Caire sous le général Béliard , peu de mois avant le
siège, après l’assassinat du général Kléber, etc, etc. ; on a fixé
d’une manière certaine répbqlie de ce mariage : madame D e s taing ne peut avoir voulu le reculer d’une année, tandis qu ’elle
a compté le peu de tems qu’elle a vécu a v e c son m a i i . , ;
Mais tout cela n’est qwe pour les oisifs. L’appeï süt'-ïéquêl
la Cour de Riom* doit prononcer n^’ lui présente que ïai
�(14 )
question( de la possession d’état ; e t , sur ce point, la défense
de la dame Destaing n’a.pas été entamée, et elle ne peut
p as l'être par les digressions dans lesquelles ses adversaires
sont- entrés, et dans lesquelles on ne les a suivis que pour
d étruire les impressions; qu’elles auraient pu faire sur la
portion du public qui ignore le véritable état de la question
agitée entre les parties.
V u les observations ci-dessus et le Mémoire imprimé à
Riom , sur lequel elles ont été faites;
Le CO N SEIL soussigné e s t i m e que ce Mémoire ne pouvait
pas être qualifié autrement qu’il l’a été dans les Observations;
qu’il est injurieux à madame Destaing et à sa famille dans
les allégations qui les concernent, et qui sont d’autant plus
reprehensibles qu’elles sont étrangères à la question de droit
soumise à la décision de la Cour d’Appel de Riom.
Madame Destaing se doit à elle-même et aux siens d'en
demander la suppression, qui pourrait même être requise
d’office p a r le ministère public, attendu la nature des injures
et les fausses opinions qu’elles pourraient donner sur la
conduite des officiers français qui ont été employés à l’armée
d’Egypte.
Délibéré à Paris, par les anciens jurisconsultes soussignés,
le 26 mai 1808.
JAUBERT.
CH ABO T
de
l 'A l l i e r .
HACQUART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue Git-le-Cœur, n9 8.
�
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, veuve. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Observations sur la cause de la dame veuve Destaing, et sur le libelle diffamatoire imprimé et publié à Riom pour ses adversaires, et produit par eux devant la Cour d'Appel séant en cette ville.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 6-1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0607
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0608
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53867/BCU_Factums_M0607.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53868/BCU_Factums_M0608.pdf
3f4e41fb404d84cb8c3c258047da210a
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EXTRAIT
D E S
ENQUÊTES ET CONTRE ENQUÊTES
FAITES
A P aris
dans
M arseille , A u rilla c et M auriac ,
l'affaire de
la veuve du général
DESTAING,
CONTRE les Héritiers DESTAING.
�EXTRA. IT
D E S
ENQUÊTES ET CONTRE ENQUÊTES
FAITES
A Paris , Marseille
,
Aurillac et Mauriac ;
dans l affaire de
la veuve du général
DESTAING,
CONTRE les Héritiers DESTAING.
E n qu ête f a i t e à P a r is p a r M adam e Destaing.
P rem ier Tém oin.
-
'
M . D e l a g r a n g e , général de d ivision, âgé de quarantecin q a n s ,
A déposé qu’il était lié d’amitié avec le général D estaing;
que ce dernier lui fit part du projet qu’il avait de se marier
en Egypte; que, quelques jours aprés, il l’invita à assister à la
�(a)
cérémonie de son mariage qui eut lieu dans une église grecque,
à laquelle le déposant promit d’assister; ce qu’il ne put faire,
à cause de ses occupations et à cauèe de l ’heure qui n’était
pas commode pour lu i, le mariage ayant lieu le .so ir;
Que le soir meme ou le .lendemain du m ariage, il fut
invité par le général D estaing, à manger au repas de noce ;
Q u ’on lui présenta la demoiselle Nazo , comme l’épouse du
général Destaing ; qu’il croit la reconnaîtra^
,, ■■
Q u 'il a vu fréquemment le général D e sta in g , tant au C aire,
qu’à P aris, et l ’a toujours, considéré comme marié 'légitim e
ment ;
Q u’au repas de n o c e , on lui dit que le mariage avait eu
lieu dans une église grecqu e, et qu’il fit' scs excuses au gé
néral Destaing de n’avoir pu y assister;
Q u ’au surplus, tout lè monde au Caire en parlait; qu’il
avait personnellement la conviction intime qué le mariage
était légitim e j e t qu’il mentirait à sa conscience s'il disait
le contraire.r» vr v' *■
’ ’ "r
.
*
' •
' D eu xièm e ^témoin.
M. Bertrand , général de d ivision , âgé de trente-cinq ans,
D éclare qu’il croit se rappeler que le général Destaing
s’est marié en Egypte , et qu’il a assisté au repas de noce.
D u reste, que sa mémoire ne lui fournit rien de positif
sur tous ces faitsv
Troisièm e Tém oin
'
ai
••
!:
’
»1
M . Rigel.,/membre de ¡’Institut d’E gypte, artiste m usicien,
âgé de trçnte-huit ans ,
�( 3)
A déposé qu’il passait pour constant au C a ire , que le gé
néral Destaing était marié j qu’il en à''fait compliment aü
général Destaing qui l ’en a remercié ;
Que dix à quinze jours après le mariage il a assisté à uti
repas chez le général D e sta in g , qu’il a cru être un repas de
noce ;
Q u il n avait pas ouï dire que le repas fut donné à l ’occa
sion de la naissance du fils du général D elson;
il
Que le mariage a eu lieu deux ans environ après l’arfivée
de l ’armée française en Egypte.
Quatrième Tém oin.
M. Jacquotin, membre de l’institut d’E g y p te, et colonel
au corps impérial des ingénieurs géographes , âgé de quarante-truis ans,
A déposé qu’il passait pour constant au Caire que le gé
néral Destaing avait épousé une personne du p ays, et que le
mariage avait eu lieu devant le Patriarche d’Alexandrie ;
Q u il a ouï dire q u il y avait eu un repas de noce auquel*
le général M enou et autres officiers avaient assisté;
Q u’il reporte le mariage à nivôse an 9 , sans pouvoir dé
terminer précisément lepoque.
Cinquième Tém oin.
M. B eaudeuf, payeur de la garde impériale , âgé de qua
rante-quatre a n s ,
A déposé qu’il n’a été témoin d’aucun fait ; mais que le
mariage du général Destaing était public ; que le général
�( 4 )
avait à celte occasion donné un repas auquel avait assiste
tous les officiers généraux et chefs d’administration ;
Q ue le mariage avait été célébré par le Patriarche d’A lexan
drie, dans le commencement de l’an g ;
Que les prêtres grecs étaient présens au repas; qu’il a vu
madame Destaing à la citadelle du C a ire, lorsqu’il allait
rendre visite.à madame Delson et à madame Lantin ;
Qu’il reconnaissait parfaitement madame Destaing pour
être la même qu’il avait vu au Caire ;
Que toutes les femmes qui étaient à la citadelle étaient re
connues pour être femmes légitimes d’officiers généraux.
Sixièm e Tém oin.
M. V id a l, ch ef de b ataillon , âgé de quarante-neuf a n s,
A déposé qu’il n’était pas au Caire à l’époque du mariage du
» général Destaing; mais que tout le monde lui a dit qu’il était
marié ; qu’il a su particulièrement des deux aides de camp
du général Destaing, que ce dernier était marié légitim em ent,
et que ce mariage était vu par tout le monde avec beaucoup
de respect ;
Que le général Destaing lui avait dit lui-m êm e qu’il était
m arié, et l’avait invité à dîner pour faire connaissance avec
6a femme ;
Q u’il croit se rappeler que le mariage a eu lieu au com
mencement de l’an g.
Septième Témoin.
M. R aphaël Dempu.içhis,, prêtre catholique, professeur de
langues orientales a'gé^dç quarante-trois an s;
�( 5 }
A déposé qu’il n’a pas été témoin oculaire du mariage; mais
qu’il a entendu'dire à un nommé D o u b a n n é , actuellement
négociant à Rosette, qu’il avait été témoin de ce mariage ,
qui avait été célébré par le patriarche d’Alexandrie , dans
l ’église de Saint-Georges au vieux Caire; qu’il a ouï dire la
même chose à trente personnes ;
Qu’il n’existait point de mariage à tem s, que madame Destaing avait été mariée ja xta usum eccîesice ;
Q u’il n’était pas tenu de registres de l ’état c i v i l , h cause
du peu d’instruction des prêtres grecs , que cependant ils
tenaient des notes.
Huitième Témoin.
,
M. Chephetecliy, prêtre cophte , catholique romain âgé
de cinquante-neuf ans ,
A déposé qu’il avait ouï dire par le public , que le général
Destaiug avait été marié par le Patriarche grec solennelle
ment avec la fille de la femme de Jean Naso ;
Que madame Nazo , en épousant M. N aso, s’était fait
grecque schismatiquc ;
Q u ’à l ’occasion de son mariage, M. Naso a dépensé 5 o,ooo
écus ;
Q u’il n’existait point de mariage à tems; que les prêtres
grecs tenaient des registres dont ils ne connaissaient pas la
forme; que les Coplites en tenaient aussi; mais qu’aucun n’en
donnait d'extraits ;
Q u’au surplus, ils parlent peu français, et qu’en Egypte on
ne donnait pas le nom de registres aux notes qui etaient
tenues,
m
.
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JSeut'ième Tém oin, i
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•
3VI- Duranteau, général de brigade, membre du Corps Législaiif j âgé de soixante-im ans ,
A déposé qu’il a assisté à un repas donné par le général
D e sta in g , à l’occasion de son mariage ayec mademoiselle
Nazo ;
•
Que oc mariage était de notoriété publique.
t■
'
9
D ixièm e Témoin.
|* f
M. Saba Joseph, négociant, réfugié de Jérusalem, âgé de
trenle-huit ans,
A déposé qu’il était interprête chez le général Dupas; que
ce général fut invité, par le général Destaing, h son mariage,
et y assista ;
Que le mariage d’un français avec une grecque parut une
chose si remarquable en Egypte, que tout le monde s’en en
tretenait;
Que le mariage a été célébré par le Patriarche g re c , dans
l ’église Saint-Nicolas, au grand Caire;
Que lors du départ du général Destaing pour Alexandrie ,
le général Dupas l’invita à chercher un appartement à la cita
d elle, pour madame Destaing, présente à l ’enquête.'
Onzième T ém oin .
M . D a u r e , commissaire ordonnateur, âgé de trente-trois
an s,
A déposé qu’il ne sait pas si le général Destaing s’est marié
à l’église ou devant le commissaire des guerres; m ais, qu’à l’é-
�(
7
)
poque de son m ariage, il écrivit au déposant pour l ’inviter au
repas et au bal qu’il donnait à l’occasion de son mariage ; qu'il
assista au bal avec les généraux Lannus et Boyer.}Q u’il était alors trés-lié avec le général Destaing ; que ce
dernier le présenta à son épouse, ainsi que les généraux
Lannus et Boyer;' •
Que le bruit public annonçait le général Destaing comme
marié légitimement , et que lui personnellement l’a toujours
considéré comme tel ; que le mariage eut lieu environ deux
mois avant la descente des Anglais.
D ouzièm e Tém oin.
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- .
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. , • •
1.
M. '] a c li, ancien négocian t interprète du général Lannus,
âgé de trente-liuit ans,
A déclaré qu’il n’avait pas assisté au mariage ; mais qu’étant interprète du général Lannus, ce dernier lui avait
dit : V ous n cle s donc pas venu à la noce avec nous?
,
que le général Destaing avait épousé la fille de Nazo ; que
le mariage avait été célébré par le Patriarche grec ; qu’il a
su de la bouche de l ’interprète du général Destaing que le
mariage avait été béni par le Patriarche m êm e, et que ledit
interprète avait été présent à la cérémonie ;
Que ce mariage avait fait beaucoup de bruit dans le quar
tier des chrétiens ;
Q u ’il avait été célébré dans l’église de Saint - N icolas ,
au grand Caire , dans un tems voisin de l ’arrivée des A n glais;
Q u’il sait que les latins tenaient des registres, parce qu’il
est latin et a été marié dans une église catholique ; mai»
qu’il ignore si les grecs en tenaient.
�(
8
)
Treizièm e Témoin.
M. Esteve , trésorier-général de la couronne , âgé de trentesix ans ,
A déposé qu’il a appris le mariage du général Destaing,
comme une nouvelle de l’armée ; que le général lui a ap
pris lui-méme ; que personne ne pouvait douter que le ma
riage ne fût légitime ; qu’il avait ouï dire que le mariage
avait été célébré suivant le rit grec ;
Q u ’il y a eu un repas de noces auquel il n’a pas assisté; que
huit k dix jours après il a été invité chez le général Destaing,
avec sept à huit autres français, et, qu’en dînant, le général
Destaing avait annoncé son m ariage, et qu’alors le déposant
l ’avait félicité et l ’avait embrassé;
Q ue le mariage a eu lieu au commencement de l ’an g , peu
de tems avant l’arrivée des A nglais;
1 Q u ’il croit que les commissaires des guerres ne se sont pas
conformés à l’ordre du jour qui prescrit la tenue des re
gistres.
Quatorzième témoin.
M. Sartelong, commissaire ordonnateur, secrétaire général
du ministère de l’administration de la guerre, âgé de trente!
sept ans,
A déposé qu’entre le i er brumaire et le i or ventôse de l’an g,
le général Destaing lui fit part de son mariage avec la fille
du commandant Nazo ; que ce commandant lui en fit égale
ment part ;
Q u’il a assisté au repas de noce, mais non à la cérém onie,
�( 9)
quoiqu'il y eut été invitéavec le général Delagrange; qu’il croit
même qu’il y a eu des billets de part de ce mariage, et que la
nouvelle en a été insérée dans la gazette du grand C aire, sans ^
cependant qu’il puisse affirmer ce fait qu’il dirait sans hésiter
en société;
Q u’il a vu au repas de noce l’épouse du général D estain g,
qn’il reconnaît pour être présente à l’enquête ;
Que le général Destaing , blessé dans une affaire contre les
A nglais, lui parla de sa femme comme d’une femme légi
tim e;
Q u’il ne peut assurer si les prêtres grecs .tiennent des
registres , que cet usage a lieu chez les prêtres catholiques
latins , qui sont beaucoup plus instruits ;
Que depuis son retour à P aris, il a vu le général Des-,
taing, qui lui a dit qu’il attendait sa femme;
Que d’après ce que lu i avait dit le général Destaing et
ce que lui avait appris la notoriété publique , le mariage
avait été célébré par le Patriarche grec et suivant le rit grec;
Q u ’il n’avait pas eu d’inim itié avec le général Destaing ;
Q u ’au surplus, quand son opinion ne lui serait pas favo
rable, cela ne l’empêcherait pas de dire la vérité ; qu’il
croyait même honorer sa mémoire en témoignant en faveur
de sa veuve et de sa fille ;
Que les commissaires des guerres ne tenaient que des pro
cès-verbaux et non des registres, que quelques personnes
faisaient inscrire leurs mariages et d’autres se contentaient de
se présenter aux prêtres du pays ;
Qu’au surplus les trois quarts de ses papiers a v a ie n t été
perdus;
Qu il ayait rédigé l’acte de mariage du général Beaudeau,
2
l
�( IO )
non sur un registre . qui n’existait pas, mais sur feuilles
volantes ; que c’est lui-mêine qui engagea le général Beaudeau à remplir cette formalité pour plus de sûreté , que
c’est le seul acte qu’il a rédigé ;
Q u ’il l’avait fait enregistrer conformément à l ’ordre du jour
de l’armée , que cet enregistrement avait lieu pour toutes
les transactions sociales et était une imposition indirecte
créée par les français.
Quinzième Témoins.
M. M arcel, directeur général de l’imprimerie im périale,
âgé de 52 ans;
A déposé, que dans le commencement de l’an n e u f, le
général Destaing épousa la dame Anne N azo, qu’il reconnaît
pour «ire présente à l’enquête;
Q u’il y eut à cette époque un repas auquel furent invités
tous les officiers généraux et les principaux chefs d’adminis
tration ; que ce repas le plus solennel qui ait eu lieu h cette
époque, fut donné comme festin de noce;
Que le mariage a été célébré à l ’église des G recs; qu’il croit
qu’il y eût des billets de .faire p a rt, imprimés ;
Q u ’un ordre du jour avait ordonné la tenue des registres
de l’état civil ; mais que cet ordre ne fut pas exécuté ; que le
déposant a perdu trois enfans en E gypte; que l’acte de nais
sance et celui de décès du dernier seulement ont été dressés.
Q u ’il n’a jamais entendu élever des doutes sur l ’existence
du mariage ; que la notoriété publique présentait comme ma
riage légitim e, et que l ’on ne parlait pas avec le même res
pect des unions illégitimes ;
�( » )
Q u ’il n’a connu aucun mariage à tems en Egypte ; cjue ce
cas est rare, et qu’il n’a lieu qu’entre musulmans, mais jamai3
entre chrétiens.
Seizièm e Tém oin.
M. Clément M archand, âgé de soixante an*,
A déposé qu’en janvier ou février 1801 la voix publique
lu i apprit le mariage du général D estaing; qu’il apprit
par tout le monde que ce mariage fut oélébré par le P a
triarche d’Alexandrie ;
Que le jour même ou le lendemain il vit un grand nombre
de personnes réunies devant la porte du général Destaing ;
qu’il apprit que cette réunion avait pour cause le mariage du
général Destaing , qu’ayant beaucoup connu ce général h
Rusette et au Caire , il crût devoir enirer chez lui et le féliciter;
que le général l'invita à rester chez lui pour lui servir d’inter
prète , parce que lu i, déposant, était traducteur d(e l ’arabe et
du grec da,ns l’administration des finances ;
^ Q u’il y eut un très-grand repas; que le Patriarche n’était
pas au dîner; mais q u il y a vu un ou deux prêtres grecs;
Que l’usage de dresser chez les Grecs des actes de mariage
n’est pas g én éra l, et que les prêtres ne font des actes que
lorsqu’on leur demande ;
Q ue les mariages à tems sont extrêmement rares et ne se
font que parmi les Turcs.
1
D ix-septicm e Témoin,
>
M . Larrey , inspecteur général du service de sau té, âgé
«le quarante-un an s,
>
�( 12 )
À déclaré q u e , dans le commencement de Fan neuf f
reçut un billet d’invitation pour assister aux noces du gé
néral D estaing, son am i; qu’il s’y rendit et y trouva plu
sieurs am is, entr’autres M. Esteves, le général Delagrange,
le général M enou;
Q u e , dans cétte réunion , M. Destaing était en grande
tenue, ainsi que tous les généraux;
Q u ’il adressa des félicitations au général D estain g, et lui
fit ses excusés de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de
l ’église d’où l’on sortait en ce moment;
Que le mariage avait été célébré dans l’église du patriar-‘
clie des grecs , et que le repas avait eu lieu le même jo u rp
vers six à sept heures;
1
Q u e , depuis, il. a vu le général Destaing au siège d’A lexan
drie et à Paris ; que ce général lui a parlé plusieurs fois de
sa femme ;
Que ce mariage était de notoriété publique ; qu’il n’ayait
aucune connaissance
des mariaces
I
O à tems.
Enquête J'aUe h M arseille , par Madame Des iaiiig.
Premier Témoin.
M. Cliam , âgé de quarante-deux ans, négociant, et an
cien interprète du prince de N eufchâtel,
A déposé que, dans le courant de l’an n e u f, il entendit
dire que le général Destaing devait épouser la demoiselle
N azo; q u e , passant devant le domicile du général D estaing,
il vit des préparatifs de fê te s, des officiers et généraux en.
à
�( i 3)
grand costume ; qu’on lu i dit que c’était pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle Nazo ;
Que ce mariage avait été célébré par un P a t r i a r c h e grec ;
Que les Grecs ne tiennent pas de registres d’état civilD eu xièm e Tém oin.
M. Barthélémy S era , âgé de 5 o a n s , colonel des maraelu ck s;
A déposé que sur la fin de l’an huit ou au commencement
de 1’an neuf, le général Destaing lui d il qu’il voulait épou
ser la fille dit commandant Nazo , que le déposant lui ob
servât qu’elle n'était pas fille du commandant N azo, qu’il
avait épousé la mère , qui était veuve de Joseph Trisoglou ;
Que le général Destaing répondit que cela lui était in
différent, et demanda si cette dame était sage et avait de
bonnes mœurs, à quoi le déposant répondit affirmativement;
Que le général Destaing lui dit que son mariage serait
célébré selon le rit grec ;
Que le général Destaing l’invita à assister à son m ariage,
qu’il le remercia et ni voulut pas aller, parce qu’il ne vivait
pas bien avec la famille N azo;
Que quelques jours après, il vit beaucoup de monde à
la porte du général D esta in g , et qu’on lui dit que c'était à
l ’occasion de son mariage avec la demoiselle Nazo -,
Q u’ayant ensuite rencontré le général D estaing, c e lu i- c i
lui dit que son mariage avait été célébré suivant le rit grec,
J>ar un Patriarche grec ;
Qu’il n’y a que les prêtres latins qui tiennent des registres
de mariages et que les autres n’en tiennent point»
�C *4)
Troisièm e Tém oin.
M. Antoine Ham oui, négociant, âge de cinquante a m ,
A déposé qu’il était au Caire à l ’époque où le général
Destaing y était en activité de service, et qu’il apprit, par
la notoriété p u b liq u e, que le général Destaing avait épousé
la fille de la veuve N azo;
Que son mariage avait élé célébré par un Patriarche
grec ;
Que ce mariage fît beaucoup de b ru it; tout le monde ne
cessa d’en parler et de s’en occuper ;
Q u’il n’y a que les prêtres Latins qui tiennent des registres,
et que les autres n’en tiennent point.
Quatrième Témoin.
M. Hannaa O dabaki, âgé de cinquante-six ans, ancien mar-,
chand au Caire,
A déposé qu’il était établi au grand Caire depuis trois ans,
avant l’arrivée de l’armée française ;
Que pendant que le général Destaing y était en activité do
scivice, le déposant y exerçait les fonctions de com m issaire
particulier de police;
Q u’étant lié d’amitié avec le commandant Jean Nazo, celuici l’invita au mariage de sa fille avec le général Destaing;
Q u’il y assista dans l ’église Saint-N icolas; qu’il assista égale
ment au repas de noce;
Que le mariage fut célébré par le Patriarche d’A lexandrie;
Q u ’il n’y a que les prêtres Latins qui tiennent des re
gistres.
�C x5 )
Cinquième Tém oin.
M. Mische R o séti, bijoutier, âgé de vingt-sept ans,
A déposé que sa famille était intimement liée avec celle du
commandant Jean Nazo ; que la fille de celui-ci ayant épouse
le général D estain g, pendant qu’il était en activité de service
au grand Caire, la famille du déposant et le déposant lui-même
furent invités à assister à ce mariage*,
Q u’ils assistèrent à la célébration qui eut lieu dans 1 église
Saint-Nicolas, du rit grec, et par le Patriarche grec; et q u e ,
suivant l ’usage pratiqué par les chrétiens de cette secte, le
colonel Papas-Oglou fut le parain de la demoiselle N azo;
Que les prêtres grecs ne tiennent point de registres de l’état
civil.
S ixièm e Tém oin.
Sophie Mesk , épouse de Jean N azo, âgée de quarante-cinq
an s,
,
A déclaré être la mère de la veuve Destaing; que le mariage
a été célébré en présence de la fam ille, de diverses personnes
du pays, généraux et autres m ilitaires, notamment le général
Delzons , dans l’église Sain t-N icolas, par le Patriarche grec ;
Q u’elle ignore si les prêtres tenaient des registres.
Septième Témoin.
M. Joseph D u fe u , âgé de quarante-neuf ans, bijoutier,
A déposé que, dans le courant de l’année 178 1, le général
Destaing demanda aux sieur et dame Nazo leur fille en ma
riage , qu’ils y consentirent, et que le mariage fut célébré le
�( 16 )
lendemain du jour des Rois de l’église grecque, correspondant
au 17 juin 1801*;
Que l u i , déposant, fut invité comme parent de la fa m ille ,
et qu’il assista à la célébration dudit m ariage, qui eut lieu
dans l’église Saint-Nicolas au grand C a ire , et par un Patriar
che grec ;
Q u ’après la célébration du mariage il y eut un grand repas
de noce chez le général Destaing, auquel lui, déposant, assista;
qu’à ce repas étaient les généraux M enou,D elzons,D elagrange
et P.egnier ;
Que les prêtres grecs ne tiennent point de registres.
Huitième Tém oin.
Hébrahim Tutunzi , âgé de vingt-trois a n s,
A déposé qu’il a assisté au mariage de la demoiselle N azo,
sa n iè c e , avec le général Destaing ;
Que ce mariage a été célébré dans l’église Saint-Nicolas,
par le Patriarche grec ;
Q u’après la cérémonie, il assista au repas de n o c e , chez
le général Destaing ; niais qu’étant fort jeune alors, il n e se souvient pas des personnes qui y assistèrent, autres que
celles de sa famille ;
Se rappelle cependant qu’il y avait des généraux.
Neuvièm e Tém oin.
Joseph T u tu n z i, âgé de cinquante ans , ancien premier
commis du commandant Jean Nazo ,
A déposé que le mariage a été célébré dans l’église SaintNicolas au C aire, par le Patriarche grec, et que le parain
�C T7 )
de la demoiselle N azo, fut P apas-O glou , colonel de la légion
grecque;
Que lui , déposant, assista à la célébration , et se rendit
ensuite au repas de noce qui fut donné par le général
Destaing, auquel assistèrent divers généraux français et égyp
tiens notables ;
Que les prêtres latins de sa religion tiennent des registres ;
mais qu’il ignore si les prêtres grecs en tiennent ou non.
D ixièm e Tém oin.
Joseph M esk, âgé de quarante ans, ancien commis au
Caire,
A déposé que le mariage a été célébré dans l ’église SaintNicolas du rit grec ; que le parain de la dame Destaing
fut Nicolas Papas-Oglou ;
Q u ’il assista à la cérém onie, après laquelle il se rendit
au repas de noce cliez le général D estaing, où étaient pré
sens divers généraux, notamment le général Delagrange et
le général D e lso n , et que ce dernier était présent à la célé
bration , comme parent du général Destaing ;
Que les prêtres chrétiens, de toutes les sectes tiennent des
notes de mariage et naissance, et qu’il pense qu’ils en dé*
livrent des extraits quand on leur demande.
■
. •>
Contre E n q u ête f a i t e à A u r illa c p a r les ^frères et
sœurs D estaing. • • • • ’"
P rem ier Tém oin.
M. D e lso n , président du tribunal c iv il d’A u r illa c , âgé
3
r
�(i8)
de soixante-six ans, oncle maternel des frères et sœurs
D e s ta in g ,
A déposé qu’étant à P aris, lors de l’arrivée du général
Destaing, il ignora longtems les bruits de son mariage ; que
ce bruit se répandit à l’occasion d’une lettre écrite de Tarente
par un habitant d’Aurillac qui y avait vu arriver la famille
N azo , dont une fille se disait épouse du général D estaing;
Que la belle-fille du déposant ayant demandé au général
D estaing s’il était effectivement m arié, celui-ci répondit, en
plaisantant, que sa femme pouvait l’ê tr e , mais que lui ne
l ’était pas ;
Que le général D estaing, instruit que la fam ille Nazo
était arrivée à L yon , il le pria de demander à M. Fulssirou
une lettre de change de mille francs, payable à L y o n , qu’il
'vou lait envoyer et cette fem m e. — Ils sont là une troup e,
d it-il ; quand fo u rn is pris la f d l e , je n’a i pas épousé tout
cela. I l y a un en fa n t, f aurai soin de la mère et de
T enfant;
Q ue le général Destaing lui avait dit que son mariage
n’avait pas été fait devant un commissaire des guerres,
comme celui du général Delson ;
Que M. Nazo se trouvant aux scellés apposés chez le
général D e sta in g , il déclara que le général Destaing avait
épousé une de ses fille s, âgée de seize a n s , devant le Pa• triarche d’Alexandrie ;
Que le général D e ls o n , 111s du déposant, lui a dit qu’il
y avait eu une cérémonie religieuse dans la m aison-du
sieur N a zo , à laquelle il avait assisté ;
Que quelque tems après, le général Destaing étant pa• xain du fds <lti général D elson , le général D estaing donna
�( *9 )
à cette occasion, un grand souper, disant que c tlait pour
le baptême de son filleul.
D euxièm e Tém oin.
Madame Warsy', épouse du général Delson, âgée de vingtcinq a n s, cousine germaine par alliance des frères et sœurs
D estaing,
A déposé que le 29 nivose an g , elle n’était pas dans la ville
du Caire, qu’elle y arriva le lendem ain;
Q u’à son arrivée, elle apprit qu’Anne Nazo avait été con
duite la veille, à la n u it, chez le général Destaing; mais qu’il
n’y avait eu aucune pompe ni cérémonie d’usuge pour les ma
riages qui se font dans le pays, suivant le rit grec ;
Q u ’une douzaine de jours après, le général D estaing, à l ’oc
casion du baptême du fils du général D elson, donna un grand
souper et un bal auquel assistèrent les officiers de l’Etat Major,
et notamment le général M en o u , Anne Nazo, sa famille, et
plusieurs habitans du Caire;
Que dans cette fête, ladite A nne Nazo occupait la place de
la maîtresse de la maison ;
Q u ’il n’y eut ce jour là aucune cérémonie religieuse; mais
qu elle a ouï dire fjue le jour ou ladite N azo f a t conduite chez
le général D estaing, il y avait eu une cérém onie religieuse,
qui avait été fa ite par le P atriarche d’ A lexa n d rie, ti laquelle
peu de personnes avaient assisté ;
Q u’il y avait des églises pour le culte grec au Caire; niais
q u e , pour l’ordinaire, les cérémonies de mariage se font dans
les maisons ;
Q ue M. Nazo lui a dit, à elle déclarante, q u ’il ayait écrit au
�(
20
)
Caire pour avoir une expédition de son acte de mariage, mais
qu’on lui avait répondu que le Patriarche était m ort, et que
l’église était brûlée;
Q u au surplus, madame Destaing était considérée comme
épouse légitim é, et jouissait des honneurs dus à ce titre.
Que pour e lle, elle la croyait femme du général Destaing
et qu’elle lui rendait les honneurs attachés au titre.
Troisièm e Tém oins.
Françoise G ro n ier, fille , âgée de 3 o ans,
A déposé quêtant à Lyon , à l ’époque de l ’arrivée du
général Destaing , elle fut invitée à diner chez lui ;
Q u e lle lui demanda quand il amènerait sa femme, et qu’il
lu i répondit: elle est passée d’un côté et moi de l’autre
ce n’est pas le moyen de se rencontrer;
Q u ’étant à A u rillac, dans la chambre de madame Nazo
veuve D estaing, elle lui demanda comment elle avait été
mariée et si le prêtre avait écrit sur le registre ; à quoi la
veuve Destaing répondit que le Patriarche lui avait mis un
anneau au d o ig t, jusqu’il la première phalange, et que le
général l’avait enfoncé jusqu’à la fin du d oigt, et qu’à l’égard
du registre elle répondit : O u i , prêtre , grand livre, écrire.
Contre Enquête, J a ilc à M a u r ia c , p a r les fr è r e s
et sœurs Destaing.
Vrem ier Tém oin.
Joseph F e l , palfrenier du général D estaing,
A déclaré que pendant que le général Destaing était au
�( 21 )
Caire, son cuisinier d it, en déclarant qu’on avait amené
une femme au général D estaing, que quelques jours après,
celui-ci donna un grand repas où assista tout l’état m ajor,
et notamment le général M en o u , et que cette femme dont
il ne se rappelle pas le nom y était ; qu’il l’a entendu nom
mer madame Destaing ;
Q u ’à la suite du repas il y eut un bal ; qu’il ne sait pas
si Anne Nazo a été introduite dans la maison du général
Destaing avec pompe et m agnificence; que le cuisinier ne
lu i a donné aucuns détails là dessus -,
Q u’il croit même que le cuisinier lui dit qu’il n’avait pas
vu lui-même entrer cette femme chez le général Destaing,
et que ce jour là, il n’y eut aucune fête ;
Que le général n’a point donné d’autres fêtes, et qu’il
-n’avait jamais que dix à douze personnes à sa table.
D eu x ièm e et dernier Tém oin.
Jean Biron fait la même déclaration.
M e J U G E , Avoué.
H ACQU ART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue G it le-C œ u r,n ° 8.
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Juge
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
témoins
Description
An account of the resource
Extrait des enquêtes et contre enquêtes faites à Paris, Marseille, Aurillac et Mauriac, dans l'affaire de la veuve du général Destaing, contre les héritiers Destaing.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
Circa An 9-Circa 1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0608
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53868/BCU_Factums_M0608.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Marseille (13055)
Mauriac (15120)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
témoins
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53869/BCU_Factums_M0609.pdf
a15bc1458146469c72fbf7d9d1e5656b
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Text
m
é
m
o
i
r
e
POUR.
ANNE NAZO,
V E U V E DU GÉNÉRAL DESTAING,
C O N T R E
LES H É R I T I E R S DESTAING.
A RIOM,
D e i ’I m p r i m e r i e d u
P a la is , chez
A v r i l
1 8 1 1
.
J.-C. SALLES.
�M
E
M
O
I
R
E
POUR
N A Z O , veuve de
A nne
J a cq u es-Z a ch a rie
D E S T A I N G , g én éra l de d iv is io n , en son n o m ,
et c o m m e tutr ice de M a r i a D E S T A I N G , sa
f i l l e , in ti m é e
;
,
’
CONTRE
Les sieurs et demoiselle D E S T A I N G , appelans.
,
L o cu li sunt adversum me lingua dolosa et sermonibus
odil circumdederunt me , et expugnaverunt me gratis
..
E t posuerent aduersum me mala pro bonis } et odium pro
dilectione me d
Ps. 108.
U
NE Egyptienne, jetée hors de sa patrie par un concours
d évenemens que toute la prévoyance humaine n ’a u r a i t pu mai
triser ni prévoir, plaide depuis huit ans pour conserver un nom
qui lui fut donné avec solennité sur les rives du N i l, et qu’elle
a toujours porté avec honneur.
�Tout ce que la capitale de l’Egypte avait d’illustre , fut le
îe'moin de son mariage. Les fêtes qui l ’accompagnèrent sont
restées dans 1« mémoire de1tous les he'ros de l’armée d’Orient,
qui l’attestent : [’Empereur lui-m êm e, convaincu'de la réalité
de ce mariage, fit donner une pension à la veuve d’un général
qu’il avait estimé. L a famille Destaing , ‘ plus convaincue’ que
personne, et plus intéressée à l’être, s’était fait un devoir d’ap
peler, d’accueillir, de présenter aux habitans de leur ville cette
femme malheureuse, comme flattée de lui appartenir.
A in s i, du moins, cette étrangère qui n’aborda les rivages de
France que pour apprendre la mort de son é p o u x , avait la con
solation d’exhaler sa douleur parmi ceux qui avaient à pleurer
une perte commune. Sa fille, née au milieu des tempêtes de la
m e r , se trouvait dans un asile assuré au sein d’une famille qui
désormais était la sienne. Telle fut la situation de la dame
Destaing, pendant une année, après la mort de son mari. Tout
ce que les lois de France prescrivent pour rattacher une orphe
line à ceux sous la protection desquels elle est placée, fut exécuté
' par la famille Destaing, comme si la providence avait voulu lui
ôter les moyens d’être injuste ; et déjà à A u rilla c , comme au
Caire , une notoriété honorable assignait dans la société, à M a
dame Destaing et a sa fille, le rang auquel elles avaient droit de
prétendre.
Quel démon jaloux a trouble cette harmonie, et a pu réduire
la dame Destaing à chercher les preuves de son é ta t, après en
avoir eu la possession légitime aussi publiquement et sans effort?
Quel événement inopiné a transformé tout d’un coup une famille
douce et hospitalière en une horde d’ennemis acharnés, cherchant
d ’équivoques calomnies jusque dans le secret d’une correspon
dance
tronquée, outrageant la mémoire de celui qui illustra leur
n o m , et disputant avec mauvaise foi contre tous les signes de
vérité qui les confondent ?
L ’ov! cette divinité des nations, a brille aux yeux des héritiers
Destaing. L a succession du général leur a semblé une proie qu’il
�( 3)
fallait disputer avec une opiniâtre constance; et dès cet instant
sa veuve et sa fille ne leur ont semblé que deux êtres importuns ,
qu’il fallait rejeter et méconnaître.
A lo r s , par une brusque inconséquence, la dame Destaing
présentée à une ville entière comme une sœur; son enfant placédans tous les registres d’A u rilla c, comme héritière légitime du
général, n’ont plus été que des aventurières inconnues, introduiies par une astuce criminelle dans une famille étrangère.
Ce n’était point assez, pour une femme faible et sans défense,
d’avoir pour elle l’opinion publique et la conscience de la vérité.
Que peut la vérité contre une calomnie soutenue avec éclat et
persévérance? L e vulgaire, qui aime le merveilleux, commence
à douter, aussitôt que des fables injurieuses ont été préparées
pour donner à sa curiosité un autre aliment.
Mais ce n’est point au tribunal de l’opinion que d’aussi grands
intérêts sont soumis ; la dame Destaing est placée sous l’égide
des lois; et si elle est forcée de gémir des lenteurs de la justice,
du moins elle pourra se féliciter'de ce cjue toutes les formules
exigées d’elle ne laisseront aucun léger doute aux esprits les plus
incrédules.
T‘
r Cependant la dame Destaing n’a nullement le projet de se
renfermer dans des moyens judiciaires, tet cle dédaigner l’opinion,
qu’ôti peut avoir d’elle L
, ,!i l M 'im p o rte , plus qu’à personne, de
donner de la publicité a'sa'cimduite ,r et de prodam er les témoi
gnages honorables de ceux qui ont été à portée de la juger. Elle
veut de l’estime; et rien, dansées actions, ne lui a ôté le droit
d’en'Obtenir. '
'
] <
r
•i
. FAITS.
..............i
Tous les faits1de cette cause sont liés aux grands événement
de l’histoire.
Une armée de héros, une colonie de savans allèrent en 1 an 6
porter en Egypte la gloire du nom Français.
On se souvient de la rapidité de cette conquête. Alexandrie
�( 4 )
fut prise d'assaut le lendemain même du débarquement. Les
Mamelouks f u r e n t vaincus dès leur première apparition, et la
capitale o u v r i t ses portes à l ’armée victorieuse.
Cette a r m é e n’était point au Caire comme dans une ville con
quise. Son premier établissement fut l’institut des sciences et
arts, chargé de donner des plans d’amélioration pour les canaux
du N il, l’agriculture et le commerce. .
Cependant les héritiers D estaing,(ramenant tout à leur idée
dominante, ne veulent voir dans les chefs de cette armée, que
des conquérons licencieux, q u i, comme dans un vaste sérail,
appelaient à eux toutes les victimes qu’il leur plaisait de choisir,
ou plutôt n’avaient qu’à attendre celles que les pères de famille
eux-mêmes venaient leur présenter, par politesse, et pour prix de
la victoire.
Laissons celte atroce calomnie à la réflexion des lecteurs in
formés des usages de l’Orient, çt .poursuivons un récit plus véri
dique. .
3 v> •\ ” i
• Quoique le but de.l’expédition d’Egypte fût caché dans: ces
vastes conceptions qu’il n’appartient pas au vulgaire de péné
trer, tout prouve que le premier projet du grand homme; était la
fondation d’une C o l o i ^ française; A u r e s t e , 1 ’établissepient de
l ’armée en Egypte devint bientôt une nécessité. L e malheureux;
combat d’Aboukir, et la perte^de la flotte achevèrent d’ôteitiuix
Français débarqués tout .espoir prochain de retour.
;
. •:>
Il fallut donc tourner toutes.ses idées vers cette terre étran
gère , s’y créer un centre d’aifection, s’y faire une,patrie.
r
E t , certes, voilà quelle a dû être, quelle a été erj effet la dis
p o s i t i o n des esprits, ubi b e n è, ibi^pfUria ; rien n’est plus fran
çais q u e cette maxime; et bientôtles'vainqueurs de l’E g yp te Se
* ardèrent comme naturalisés sur les bords du.Nil.
L e mariage seul pouvait resserrer les liens entre les deux na
tions. Les généraux français en donnèrent le premier exemple ;
ils devaient ce gage à la confiance qu’ils voulaient inspirer. Ce
pendant ils surent allier à leurs vues politiques les combinaisons
�( 5 )
d’intérêt que les chances de l’avenir ne leur permettaient pas
d ’abandonner.
i L e général en cheFMenou épousa une jeune et riche musul
mane, fille du maître des bains d’Alexandrie. Les généraux Lan- .
tin, Delzons et Bonnecarrère épousèrent des filles de négocians
établis à Rosette; plusieurs autres généraux et m i l i t a i r e s français
suivirent cet exemple.
v L es pères de famille d’Egypte n’étaient donc pas diiTéi’ens
de ceux des autres régions. Ils attachaient de l’importance au
mariage de leurs filles ; ils veillaient à leur bonheur et ne les
prostituaient pas.
i Joanni Nazo, ancien officier au service de Russie, et élu com
mandant du bataillon des Grecs par le général de l’armée
française, avait, à cause de ses fonctions, des relations habituelles
avec le général Destaing, qui, de la province de Cathié, où il
fut envoyé d’abord, vint commander la ville du Caire.
S o p h i e M i s c k , é p o u s e d e J o a n n i N a z o , a v a i t , d ’ un p r e m i e r
m a r i a g e , d e u x f i l l e s , d o n t l ’a în é e ( A n n e ) a v a i t d ix -s e p t ans.
L e g é n é r a l Deslning demanda la m a i n d’Anne Nazo ( néë
T r is o g lo w * ) ; il l’obtint, et regarda cette alliance comme un
grand avantage. Joanni Nazo avait alors beaucoup de fortune, o
Il n’etait pas, comme les héritiers Destaing se sont plu à le
dire, un marchand d’e a u - d e - v ie ; Nazo était fermier - général
des droits imposés par le Grand-Seigneur sur les liqueurs spiritueuses de tout genre : on sait que les Musulmans, à qui lekoran
les défend, ne font en Egypte que la moindre partie de la popu
lation. Tous les commerces y sont au pair, et les rangs ne s’y me
surent que par la fortune. Il faut bien dire tout céla aux héritiers
Destaing, pour qu’ils cessent leurs railleries amères contre une
famille à laquelle en Egypte on accordait quelque distinction, et
qu’ils soient soulagés du moins du poids d’une mésalliance.
*
E n E g y p t e , le second mari donne son nom a u x en fans de £a f e m m e }
en signe de la puissance patern elle q u ’il a sur eux.
�( 6 )
A n n e N a z o , promise au général Destaing, fut conduite par
sa famille dans l’église grecque de Saint - Nicolas , où elle fut
reçue par le patriarche, qui daigna lui-m êm e se charger de la
célébration.
On demande , depuis huit a n s , à une jeune épouse , dans
quelle forme légale fut constatée cette cérémonie, et si les
prêtres de sa religion tiennent des registres publics. Quelle est
l ’européenne q u i, ayant eu toute l’instruction et toute la liberté
dont d’autres mœurs ont privé les femmes de l’Orient, serait bien
en état de rendre compte de l’observation des formes légales qui
ont accompagné son mariage ? Sans doute la dame Destaing a
conservé le souvenir de la cérémonie auguste de l’église. L a
couronne sacrée mise sur sa tête ,' la bénédiction et l ’échange
D
des anneaux, les paroles saintes du patriarche qui demandait en
vain à .D ieu, pour les époux, une longue suite d’années : tout
cela s’est gravé'dans sa mémoire ; et elle sait très-bien qu’il n’y
a point eu d’autres fortnalités. !
Accompagnée par sa famille et par ses esclaves dans la maison
du géne'ral, elle fut présentée par lui au général en chef et à un
grand nombre de convives distingués , appelés au repas nuptial
et à un bal européen. Mais après ce premier hommage aux
moeurs françaises, tout rentra dans l’ordre accoutumé, et sauf
quelques exceptions, le général Destaing se conforma dans l ’in
térieur de son ménage aux habitudes égyptiennes.
A insi se passèrent plusieurs mois dans le calme et sans événemens. Bientôt des révoltes fomentées par les M amelouks,
donnèrent aux épouses des généraux français de vives et justes
alarmes. C'est alors que leûr tendresse inquiète veillait à préserver
du danger ceux qui n’étaient plus pour elles des étrangers et des
usurpateurs, mais des époux et des frères.
Peu de tems après, on apprit qu’nne armée ottomane s’avançait vers la Syrie, tandis qu’une llotie anglaise entrait dans la
Méditéranée.
L es Français allèrent sur-le-champ attaquer ces armées jusque
�( 7 )
dans leurs retranchemens J" mais que peut la valeur contre le
nombre? Séparés en forces inégales, les généraux français ne
voulurent se confier qu’en leur courage, et ne recevoir aucune
loi du vainqueur.
L a dame Destaing avait conjuré son époux de lui apprendre
le succès de ses armes. Blessé grièvement et enfermé dans la
place d’Alexandrie, le général ne put écrire lui-même; mais il
fit donner de ses nouvelles à la dame Destaing, par un arabe,
son domestique, pour la rassurer sur l ’état de sa blessure.
L a dame Destaing
D était alors à la citadelle du C aire,7 où le
général Béliard, qui y commandait, avait fait préparer des logemens pour les épouses des généraux français , et celles de
quelques officiers de marque, parce que les armées ennemies
étaient aux portes du Caire.
Trois lettres arabes furent adressées à la dame Destaing, à la
citadelle du Caire*. Les héritiers Destaing n’ont pu les attaquer
que du côté du style , q ui, certes, n’est pas académique : mais
aurait-on cru que les formules épistolaires de Fiance fussent
d’obligation pour les nations étrangères, et pour un domestique?
Aussitôt que le général put tenir la p lu m e , il écrivit lui-même
a son epouse, dans une langue que son oreille entendait mojnç
aisément, peut-être, mais que son cœur sentait bien mieux.
« A l e x a n d r i e ., le i 5 prairial an 9.
k II y a long-tem s , ma chère a m ie , que j e n ’ai pas de tes
« nouvelles ,* j e désire que tu te portes aussi bien que moi.
*
C e s lettres ont pour adresse :
à M a d a m e A n n e , f e m m e D e sta in g .
E lle s sont d a té e s , l’ une du mois d o u l k a d e h , l ’ autre du mois d o n t h c d jc h ,
d e l ’année. 1 2 1 5 de l ' h é g i r e , rép o n d a n t aux m ois de
germ inal
et floréal
an 9. Il «’y esj question q u e de la blessure du général D e sta in g , cl assu
rance de r eve n ir b ie n t ô t, et de c o m p lim e n s pour Joa n n i N a z o .
3‘
jIIes
sont
jointes aux pièces a v e c la traduction do M . S jl v e s t r e de S n c y , professeur
d e langues arabe et p e r s a u e , et m e m b re de l ’ institut.
�( 8 )
J o a m it , qui est chez le général B é lia r d , devrait savoir
quand il part des détachemens pour A le x a n d r ie , et en profiter pour nCenvoyer -des lettres. C ependant , il ne Va pas
fa it l a d e r n i è r e f o i s : il fa u t le gronder de ma p a rt, pour
qu’il soit plus exact à l'avenir. On m ’a dit que tu étais
grosse ; j e suis étonné que tu ne m ’en aies rien écrit : éclaircis
mon doute à cet égard. Sois assurée que j e t ’aime to u jo u rs ,
et qu’il me tarde beaucoup de te revoir. E n attendant , je
a t'em brasse, ainsi que ta mère et ta sœur, sans oublier la
« bonne vieille. L e g é n é r a l D e s t a i n g ».
1
Cette lettre , la seule que le hasard ait fait conserver à la
«
«
«
«
«
«
«
«
dame D estain g, semble réunir en elle les rapports de sa fa
mille entière avec son époux ; elle est restée comme un monu
ment , pour confondre les calomnies principales des héritiers
Destaing, et leur prouver qu’ils se mentent à eux-mêmes quand
ils feignent de croire que le général n’avait jamais cru avoir
avec une jeune grecque que ce qu’il leur plaît de nommer,
dans leurs idées licencieuses, un arrangement oriental.
L e siège du Caire fut prolongé pendant plus de trois moisj
enfin le général Béliard capitula avec le major Hutkinson , en
messidor an 9. Un article portait, que l’armée anglaise fourni
rait des vaisseaux de transport pour conduire à Marseille les
Français et ceux deja attachés a leur fortune. Les dames reti
rées a la citadelle avaient la facullc de rentrer dans la ville du
Caire.
• Mais le général en chef Menou ne voulut point ratifier cette
capitulati°n ; les portes de la ville restèrent fermées, les per
sonnes comprises dans la capitulation , la garde d’honneur choisie
pour leur escorte, la dame Menou elle-même, furent obligées
de continuer leur route jusqu’à Alexandrie. L à , le général Des
taing , craignant encore pour son épouse les dangers d’une ville
assiégée, lui donna ordre de se rendre en France, où il devait
incessamment la rejoindre.
Joanni Nazo , compris comme commandant de la légion
grecque,
�( 9 )
grecque, dans la capitulation du Caire, devait partir avec la
dame Destaing et le reste de sa iamille. L e général leur écrivit
de l’attendre à Marseille, ainsi que nous l’apprennent les héritiers
Destaing.
Un vaisseau grec ( le Saint-Jean), dans le plus mauvais état,
se trouvait dans la rade d’Aboukir pour recevoir cette famille
et son escorte. Plusieurs autres Egyptiens s’y jettèrent pour ne
pas retomber sous la domination musulmane.
Tout ce que les relations de voyages ont recueilli de con
trariétés et de périls était destiné à ce frêle navire. Incapable de
résister à la moindre agression des pirates de l’A r c h ip e l, hors
d’état de tenir la mer sans des réparations urgentes et considé
rables, il ne se mit en route que pour louvoyer d’îles en îles,
poursuivi par des corsaires, et assailli par des tempêtes.
Un long séjour dans l’île de Pathmos fut nécessaire pour
radouber le vaisseau. L a dame Destaing, extrêmement souf
frante , croyait s’y reposer et attendre l ’époqye de ses couches.
M a i s , to u t à c o u p , o n f u t a v e r ti du d a n g e r q u e c o u r a ie n t
des F r a n ç a i s et des G r e c s d ’ê tre la p r o ie des T u r c s en croisière
dans cette mer. On leva l’ancre à l’instant : mais après un long
trajet, le vaisseau fut repoussé jusqu’à l’île de Céphalonie, qu’il
avait deja dépassée. C’est là que la dame Destaing accoucha à
bord. Un pretre grec, desservant une chapelle voisine du rivage,
baptisa l’enfant sous le nom de Maria d ’E sla in g , tenue, sur les
fonds baptismaux, par Sophie M isck, sa grand’mère, et par le
sieur Nassiffi, officier de l’escorte.
Deux jours après, le tems propice permit de remettre à la
voile : mais une autre tempête attendait le vaisseau dans le
canal de Messine ; rejeté en arrière de 5o lieues dans la mer
Ionienne, il parvint à un port de la Calabre , d’où, après de
nouveaux dangers , dont il serait minutieux de donner le détail,
et forcé de changer de route, il aborda à Tarente, dans le gou
vernement de M. le général Soult (aujourd’hui maréchal de
l’Empirc et duc de Dalm atie).
3
�( IO )
C'est ainsi qu’une Famille malheureuse, jouet des vicissitudes
de la terre et de la m er, errait de plages en plages pendant six
mois entiers. Enfin elle était sous la protection française; et dès
cet i n s t a n t il y eut une trêve à ses malheurs.
M . Ie général S o u lt, informé de l’arrivée du vaisseau , et
de la qualité des passagers, eut la bonté d’offrir lui - même à
]Vladame Destaing, de la part de son épouse, tout ce qui pouvait
être nécessaire à sa santé et aux agrémens de son séjour.
Les lois maritimes exigeant de tous les vaisseaux une quaran
taine, M. le général était obligé d’abord de borner ses attentions à
de simples offres de services. Il écrivit au capitaine du vaisseau,
le 22 frimaire an 10.......... « V e u ille z , je vous p rie, renouveler
à madame D estaing les offres de services que mon épouse et
m oi lu i faison s de tous les secours qui pourraient lu i être né
cessaires; elle nous obligera infiniment d'en disposer. S o u l t » . ’
Qui donc avait pu informer M. le général Soult du nom de
la dame Destaing, et l’intéresser à elle? le voici : Pendant cette
longue et périlleuse’traversée du vaisseau leSt.-Jean, l'armée fran^
çaise avait évacué Alexandrie ; les généraux Menou et Destaing
avaient fait voile pour Marseille, où depuis long-tems ils croyaient
leurs ép o u s e s arrivées ; dans leur route ils s’informaient de la
destinée de ce vaisseau; il paraît même quWs écrivirent à M. le
général Soult, et voilà ce qui valait à madame Destaing des at
tentions aussi flatteuses.
M . le général Soult ne s’en tint pas à des offres ; il insista
pour que Madame Destaing allât se rétablir dans sa maison de
campagne, et l’invita ensuite à habiter son propre palais.
Après un mois de séjour, Madame Destaing, remise de ses
souffrances, voulut partir de T a ren te, mais en marquant une
répugnance pour continuer son voyage parla Médiléranée.
M. le général Soult poita la bonté jusqua lui tracer, lui-même,
une route pour aller par terre jusqu au premier port de son
g r a n
d
e
gouvernement, de la traverser 1Adriatique, et continuer par
terre d’Ancope à Lyon.
�( 11 )
Tout cela s’exécuta de point en point, et sans le plus léger
accident. M. le gc'oéral Soult voulut encore donner sa voiture
à Madame Destaing jusqu’au port de Barletta. Il fît chercher
une nourrice pour sa fille, et chargea M . Desbrosses, officier
français, de l’accompagner jusqu’à Lyon.
Voilà comment et sous quels auspices est venue en France
celle que les héritiers Destaing accablent de dédains et d’op
probres.
Madame Destaing s’arrêta quelques jours à Lyon pour se
reposer et attendre des nouvelles de son mari. Joanni Nazo partit
sur-le-champ pour aller le joindre à Paris.
On peut se représenter l’impatience d’une jeune épouse de
retrouver celui pour qui elle s’était exposée à tant de périls.
Hélas! il était dans sa destinée de ne plus le revoir. Joanni
n’était arrivé à Paris que pour être en quelque sorte le témoin
du convoi de son meilleur ajiii.
L ’accueil affectueux du général n’avait pas préparé Nazo à
ce malheur. L e récit mutuel de leurs aventures depuis leur
séparation ; l’empressement du général de revoir sa femme
et d’embrasser son enfant pour la première fois ; leurs projets
pour l’avenir avaient occupé le peu d ’instans qu’ils passèrent
ensemble....... L a mort en disposa autrement.
L a dame Destaing ignorait à Lyon qu’un coup mortel venait
de la frapper elle-même. Elle comptait les instans, et se croyait
heureuse, lorsqu’un sieur B o rdin, chapelier à L y o n , se présenta
chez elle avec une lettre du sieur Destaing père, qui invitait
çe sieur Bordin à accompagner sa fille à Aurillac, en lui laissant
entrevoir une partie de son malheur.
Combien elle allait être à plaindre, celle qui, tombant tout"
à-coup des illusions riantes de sa pensée dans la certitude d’un
isolement affreu x, allait se trouver sans époux et sans patrie
parmi des êtres dont la dem eure, les habitudes, la langue
même lui étaient inconnues. Que celui qui a pu se faire une
idée des fantômes de bonheur qui naguères remplissaient son
4
�( 12 )
mne , se représente s’il se peut l’horrible situation de cette in
fortunée E gyptienne, au milieu du cahos où son imagination
épouvantée dut la placer.
Cependant la dame Destaing fut reçue par son beau-père et
sa belle-mère avec toute l’afFabilité et la tendresse qui pouvaient
la rassurer.
L a famille entière, i l faut le dire, lui donna les mêmes
marques d’amitié et d’intérêt. Cette conduite généreuse la toucha
jusqu’au fond de l’â m e , et la dame Destaing trouve du plaisir
à en marquer sa reconnaissance. Un odieux intérêt n’était point
venu encore empoisonner ce premier élan de la nature. Chacun
avait a l o r s à pleurer un fils, un époux, un frère. Les liens du sang
se resserraient davantage par un besoin mutuel d’épanchemens
et de consolations.
Cependant la famille Destaing crut nécessaire de remplir
les formalités légales pour lu succession du général. Les scellés
avaient été mis à Paris dans l’hôtel Méot qu’il habitait le jour
même de sa mort ( i 5 floréal an 10 ).
Il s’agissait de les le v e r, et pour cela il fallait faire connaître
les héritiers de la succession.
C ’est la famille Destaing qui en prit l ’initiative; un conseil
de famille fut convoqué devant le juge de paix d’Aurillac, le
5 messidor an 10. L à le s.r Destaing, père du général, juge au
tribunal de première instance , exposa : «que Jacques-Zacharie
« Destaing, son fils , général de division, était décédé à Paris ,
« laissant une f i l l e u n iq u e, âgée de cinq mois, nommée M aria,
« provenant de son mariage avec A n n e JSazo , grecque d ’oria g in e , laquelle avait besoin d’un tuteur, attendu la minorité
« de sa mère ».
D ’après cela le conseil de famille * délibérant, choisit pour
*
M . D e l z o n s , p è r e , le m ê m e qui avait toute la confiance du g é n é ra l '
D e s t ii n g à ses derniers m o m e n s , et M . D e l z o n s , général de b r i g a d e } m arié
pussi en E g y p t e , sont m e o ib ip s de ce conseil de fam ille,
�( i 3 .}
tuteur de Maria Destaing, M .D estaing, sonaïeul; fixa à 1,000 fr.
le douaire annuel de la dame veuve D estain g ; lui alloua des
habils de deuil pour elle et pour une négresse qu’elle avait à
son service ; et s’occupa encore du salaire de la nourrice qu’elle
avait amenée de Tarente à Aurillac.
L e sieur Destaing père déclara accepter la tutelle de sa petitefille , et fit'le serment ordinaire d’en remplir fidèlement les
fonctions.
V oilà donc les qualités réglées; l’état de la mère et de l’enfant
placé sous la protection de la loi, et leurs intérêts remis entre
les mains de celui à q u i, sans aucun doute', le défunt les
aurait confiés lui-même.
L e lendemain une procuration fut envoyée; les scellés furent
levés à Paris, et suivis d’un inventaire. Dans tous ces actes on
agit constamment au nom du sieur Destaing père, tuteur de
Maria Destaing, J ilte et unique héritière du général Destaing.
L ’inventaire ne pouvait contenir q u e ce q u ’o n laisse dans un
a p p a r t e m e n t d ’ hôtel g a r n i ; des v ô te m e n s , des a r m e s , q u e l q u e s
p a p ie r s d e p o r t e f e u i ll e *, et d e u x r o u l e a u x de 5o louis. O n y
consigne ce fait, que le général avait remis, peu dé jours avant
sa mort, à M. Del'zons père, législateur, 18,000 fr. qu’il avait
touchés à la trésorerie, pour qu’il les fît passer à Aurillac.'
Pendant ces tristes opérations, la dame Destaing vivait à
A u rilla c, quelquefois dans les sociétés où on la présentait, et
qui voulaient bien s’accoutumer à sa tristesse, le plus souvent
retirée chez elle, occupée de sa fille , et presque heureuse de
vivre parmi ceux q u i 3 en lui apprenant leur langue, lui parlaient
de son époux.
Une grande satisfaction pour elle fut d’apprendre que Sa
Majesté avait eu la générosité de la faire placer sur le tableau
Il y avait une lettre du lieutenant L a t a p i e , et une lettre d e J o a n n i
N a z o , toutes deu x écrites de T a re n te . C es lettres avaient été supprim ées
d e p u i s , et « ’ out pu être c o m m u n iq u é e s qu’en vertu d’ uu arrêt de la C yu r.
«
�}
des pensions, comme veuve du gén éral D e s ia in g , i 5 jours
(
1
4
après sa mort *.
Cet état de quiétude dura environ une anne'e. Mais les frères
et sœur Destaing, prévoyant que la fortune du général, qui leur
avait procuré une augmentation d’aisance, leur serait retirée dans
peu de leras , changèrent insensiblement le bon accueil qu’ils
a v a i e n t fait à leur belle-sœur; et une petite persécution commença
sourdement contr’elle.
L a mélancolie de la dame Destaing lui faisant préférer la so
litu de, on la représenta comme un être farouche qui méditait
des procès. Si, de loin en loin, quelques âmes sensibles venaient
du dehors pour la distraire , on supposait de l’intrigue et des
conseils. L a dame Destaing, sa belle-mère, fut séduite la pre
mière par ces insinuations désintéressées en apparence .- enfin ,
à force de persévérance vis-à-vis le sieur Desiaing, on parvint
à inspirer de la défiance à ce respectable père de famille : on le
rendit tout différent de lui-même.
L e premier résultat de cette de'iiance prit d’abord une direction
toute différente de celle qu’on avait voulu lui donner : le bon
tuteur n’avait point des entrailles de collatéral pour l’enfant de
son fils ; et la seule punition qui lui vint en idée contre la mère,
fut de faire enlever l’enfant pour le cacher à la cam pagne, en
prenant des précautions pour que la dame Destaing ne découvrît
pas sa retraite.
Mais ce n’était pas là le compte de la petite faction ennemie;
qui comprenait bien que ce procédé consolidait l’état de l’enfant
au lieu de le détruire.
Alors on parut compatir à la douleur d’une mère justement
alarmée. L a dame Delzons (égyptienne, et jusqu’alors très-liée
avec la dame D estaing), écrivit d’Aurillac à Joanni Nazo ce
qui se passait. Nazo partit su r-le-ch a m p ; ses plaintes furent
vives : de part et d’autre , il s’y mêla de l’aigreur. L a dame
* L e b re vet de celte pension est du 29 floréal an 10.^
�( i5 )
Destaing quitta Aurillac avec Nazo pour aller joindre sa mère
à Marseille; mais le sieur Destaing, son beau-père, ne voulut
jamais que Maria Destaing partît avec eux.
Joanni Nazo, personnellement maltraité dans une famille qui
ne lui semblait avoir ce droit envers lui sous aucun rapport,
suivit peut-être un peu trop son premier mouvement. D ’après
les conseils qui lui furent donnés, il fit rédiger un acte de noto
riété, par lequel les réfugiés Egyptiens qui avaient traversé la
mer avec la dame Destaing, certifièrent qu’elle était mariée au
Caire, et qu’elle avait donné le jour à une fille baptisée à Céplialonie, sous le nom de Maria; et muni de cette pièce, il fit
adresser un mémoire à l ’Empereur pour réclamer Maria Destaing.
Sa Majesté daigna y répondre par une note de sa main; et Son
Exc. le Grand-Juge en ayant donné avis au sieur Destaing père,
celui-ci ne mit aucun obstacle à rendre l’enfant qu’il avait relenu.
Mais aussitôt ses idées et son système changèrent. Ses enfans
profilèrent de cette circonstance pour s’emparer entièrement de
son esprit, et l’ envenimer contre la malheureuse étrangère qu’il
avait jusqu’alors chérie comme sa fille. Telle a été la source du
procès.
L a première hostilité vint des frères et sœur Destain^, et cela
était bien dans l’ordre. Ils firent saisir, entre li>s mains de leur
père, le mobilier et revenus de la succession du général, comme
prétendant être ses seuls héritiers.
Il eût été plus naturel d’assigner la veuve, dont ils ne pouvaient
pas méconnaître au moins les prétentions et la possession qu’elle
avait eue de son état dans leur propre maison. Mais celle lenteur
eut été trop douce; il fallait tout d’ un coup , par une saisie, lui
enlever les ressources que lui donnait la délibéra lion du con seil
.de famille. La dame Destaing fut donc forcée de prendre les voies
judiciaires; elle assigna , le 27 nivôse an 12 , le sie u r Destaing
père ( au tribunal de la Seine, lieu du décès), pour demander
remise de la succession , et une provision pour scs alimens, dont
on avait affocté de la priver.
�C 16 )
Cotte privation était inhumaine; mais la dame Destaing a été
heureuse de la s o u f f r i r . Dans le moment de sa plus grande dé
tresse, elle reçut de la munificence de Sa Majesté Impériale le
brevet d’une pension de 2,000 fr. au lieu de 520 fr. qu’elle était
jusqu’alors *•
que les héritiers Destaing ont attribué cet acte de
bonté à leur conseil de famille, qui, disent-ils, avait donné par
e r r e u r , à Anne Nazo, une qualité dont elle fit usage pour ob
tenir une pension ! Remarquons seulement que ce conseil de
famille est du 5 messidor an 10 , et que déjà le premier brevet
de pension était donné à Anne Nazo, comme veuve D esta in g „
plus d'un mois auparavant.
A u lieu de répondre à la demande de la dame Destaing,
C ro ira it-o n
ses adversaires introduisirent à Aurillac une procédure obscure,
qui prouve que tous moyens leur étaient bons pour multiplier
contr’elle les incidens et les ennemis.
Les frères et sœur Destaing assignèrent leur père à Aurillac,
en remise de la succession du général, comme s’ils ignoraient la
demande déjà formée par leur belle-sœur. Il répondit qu’Anne
Nazo prétendait à la même succession, et sur cela sa mise en
cause fut ordonnée. Cependant le jugement ne fut signifié qu’au
sieur Destaing père, le moins intéressé à le connaître ; et la dame
Destaing n’en a appris l’existence que long-tems après.
On lux laissait, pendant ce tems-la, obtenir un jugement à
Paris ; et ensuite on se pourvut en règlement de juges. L e procès
ne fut renvoyé ni à Paris ni à Aurillac : il le fut au tribunal de
Mauriac ; tout cela dura près de trois ans; et enfin la dameDestning recommença son procès à Mauriac, où elle était renvoyée.
* « M in is tè r e d u trésor p u b lic . — P a r i s , i 3 pluviôse an 12».
« A r t. i . er L a pension de
520 fr.
accord ée par arrêté du 29 floréal an 10 ^ à ’
« A n n e Nax>o , n ée en K g y p l e , veu v e d u s .r J a c q u e s - Z a c h a r ie D e s ta in g ,
* général de d i v i s i o n , mort le i
5
floréal an 1 0 , est portée à 2,000 fr. ».
* A r t. 2. L e s M in istres de la gu erre et du trésor public sont c h a r g é s , etc. ».
« Sign é N A P O L E O N ».
Là
�( . T7 )
L à on fît dire au sieur Destaing père , qu’il révoquait l ’aveu ,
qu’il avait fait de Cétat et possession de la veuve Destaing et
de sa fille. Il prétendit que c’était à elle à prouver son mariage et
la naissance de l’ enfant ; que lescertificats.de Marseille étaient
suspects et ne prouvaient rien. Il termina par dire qu’il ne cont
naissait d’autre enfant >de son fils , ;qu’un' enfant naturel, né
avant son déport pour l’Egypte ( tqu;e/l’çrn.disait;tantôt né aux
Pyrénées, tantôt d’une femme de P a r i s ^ Puisjilidemanda.à la
dame Destaing.une caution pour être ajlrçiisejà. plaider, comme
étrangère.
.'.icnri iioa sb lue: /r>
i
rl V oilà ce que les héritiersrDestaing osèrent suggérer ¡à ,leur
p è r e s a n s . égard" pourelaon\émoirei[du gérjéraJ;f et ainsi leur
animosité était telle contre sa veuve, qu’ils aimaient mieux ap
peler à la succession un inconnu, saris* n o ta , et auquel la loi
ne donnait ni titre ni qualité.'! o u;b :,[ . 'l.iui un n ■'<:i ... -•
Cependant la> dame Destaing. voulant .ne la'isSerj aucune sus
picion sur son certificat d ’é g y p t i e n s , et pouvant f o r t a is é m e n t
le s u p p lé e r p a r d es t é m o ig n a g e s f r a n ç a i s , r é u n it devant le juge
de p a i x de P a r i s , en la f o r m e le'gale d es a c t e s de n o t o r i é t é ,
sept citoyens distingués qui s’étaient trouvés au Caireien l ’an: 8 et
en l’an 9; 1.° l’ordonnateur -eh ch ef dé l’armée ; 2.« l’inspectéurgénéral aux revues; 3.° le chirurgien eri‘ chef de l ’armée; 4.0 un
général de brigade; 5.° le trésorier-général, de la dburonne;
6.° le directeur-général de l ’imprimerie .impériale; ,7.° un prêtre
égyptien, professeur de langues orientales.
« Ils attestèrent qu’Anne Nazo avait été unie religieusement
« au Caird, Suivant les rites(du pays;, et en légitim e mariage
« avec le général Destaing, dans le courant de l’an, 8 , par le
« patriarche d 'A lexa n d rie. Que l’acte de célébration n’en a v a i t
«
«
«
<i
pas été rédigé, parce que ce ri’étâit pas l ’usage : 'mais qi>e ce
mariage n’en'était pas moins constant, ayant été célébré en
présence d’ un grand nombre de militaires 'français, e t 'de la
plupart des déclarans. Que depuis cette célébration Anne
�( 1 8- 5
« 'Nnzo n’avait pas cessé d’ habiter eh Egypte avec son m a ri,
« qui l’a t o u j o u r s traitée comme son épouse légitim e ».
L a dame Destaing avait été privée de faire entendre M . le
général en chef de l’armée d’Egypte, et M. le général D upas,
alors absens ; le premier, comme gouverneur des départemens
a u - d e l à ' des Âlpes; le'sèiiond, comme gouverneur du château
de Stupinis; elle leur fît écrire pour leur demander Uvdéclarâtion.
de la vérité sur1son taaxiage, et reçut deux certificats attestant
avec la même force la’ connaissance personnelle que ces deux
généraux avaient de son mariage *.
.
L ’a<*.tërdenotoriëté fut hoimologfuép’a r l é tribunal civilide la
Seine/'sur •'le «¿apport d^uil jjngé/net stn>desi)conclusions‘:du
ministère public. •» :1‘ ' . t ■ •' ' 0"'n'
! |
yf
jde-cette pièce' importante, de son brevet de pension
et de l’acte de tutelle, la dame Déstaing crutison1 procès fini,
et se présenta à l’audiehcé de- Mauriac! Mais combien- ellej se
-, <K)t
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r.M u n ie
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1
« J e d é c l a r e , au nom d e la v é r i t é et de l’ h o n n e u r, q u e , lorsque j e com
m and ais l ’ a rm é e d ’O r i e n t , en E g y p t e , M . le g é ü é r a l .D e s t a i n g s’ e^t m a r i é
4ta it venu>
m ’en f a i r e p a r t.. . . . . . . i J e m ’ engageai à y - a s s is t e r , ainsi q u ’ au repas
en l’an 8 a v e c rnademoiselléj A n n e N a z o . . . . . . ! » , . . L e gé n é ra l
qui eut lieu après le mariage. J e r e m p lis npa prom esse.. T o u t s ’ ij p a s s a
a v ec La p lu s grande rég u la rité sous les rapports c iv ils et r e lig ie u x ».
« À T u r i n , le' 18 juillet 1806 ».
1
« L e gé n é ra l M eno u ».
« J e cettifie q u ’ étant « l i e f dë b r i g a d e , com m an d an t la citad elle du C aire
sous les ordres'du général D e s ta in g , J ’a i eu> p a r fa ite e ts u r e c o n n a is s a n c e
d e s o n lé g itim e m a riag e a v e c m a d e m o iselle A n n e N a z o . . . . . . . J ’atteste
a v o i r eu des liaisons particulières a v e c b eaucoup de personnes très-dislinguées qui m ’ out dit a y o ir été p résen tes à ce m a r ia g e , qui fut cé lé b ré
p u b l i q u e m e n t . . . • •,............■ 1 c ,i ! i
« P a r i s , le 3o juillet 1806».
■*'L e g é n i a l D u p a s ».
�C *9 )
trompait ! L a cause' e û t été trôp simple avec le siéür Destaing
père; les frères et sœur voulurent plaider aussi; mais il sera
inutile de les suivre davis leur in terv èh tion , leur tierce oppo
s itio n , leur s a isie, le u rsincidens dé boute espèce : il suffit de
parler du jugement de MauriàC,'ydùl^ 3 raô'ûV 1807-, dont il est
nécessaire de préciser les dispositions p o ty r 5 l e s comparer avec
l ’arrêt postérieur de la Cour d’appekrii :
■s'[ •'' '
L e tribunal de Mauriac ne crut paà;dfevoir s*arrêter aux preuves
existantes ; il-lès jugea insuffisantes / ¿t‘ brtàoiiha que la dame
Destaing prouverait ,- i;©.«-Qu’íl'rñéát paá!d‘íiS¿ge?'á t r Caire et à
« Céphalonie de tenir des registres et faire deS âcres de mariage
« et de naissance; i2.°. qu’elle a été mariée au Caire, en l’an 8 ,
« avec le général Destámg J p a r le patriarche d'Alexandrie, avec
«r.le^ qérémQnieà.usitées-.dàiisile lie u $ 3î° qU’eïIé'a cohabité de« puiçiavio/îlejgénéraLi'Destaing jusqu’àvsoiv'iëtoùr''en-France;
tq u é .)d a n s n t9 u t ;lc e . t d m s e }lë a é t é / p u b li q u e m e n t r e c o h n u e
« p o p r fépbuàe. d u ¿éncfrdl DestaiingÇ’ 4 .0 q ù ’ ë llè est a c c o u c h é e h
c? C é p h a l o n i e ,, en n i v ô s e - a n 10 , M ’ u né fille p r o v e n u e d e c e m a cc.]riagQV J a q iie lle ia étf 3 n o m m é e ^Maria D e s t a i n g ».
^ ; ■-!
‘ - ïl'ÿ ’ eüt^'tië part-'et d’a^ti’ë^à^pél' dê^oe jugement ; V d a m e
Dëstaiftg>à’*n pl-aï^ nartf^ arè^ cj^ t'H ^ ujktíssáií»à ‘ une'*preuve
non-sedement? déjS'fàit’ë , M is « q u feïlé' I r u ï inutile/ j&isqu'éllè
avait une possession d’état émanée de°la famille Destaing elieTneme¿ Les hei'iliers Destàîng syen píaignirent aussi, en ce que,'
diâàieut-ils j l£ Gpdb'èiVilrié permet de prouver lës'mariages que
par écHt et par les iëg;istres deirétàt ci^il. 1
'
l<: ‘ >
Ge n’était point assez1 d’avoir accablé de'calomnies la dame
Destaing à A u r illa c , Mauriac et P aris, les héritiers Destaing
lui réservaient pour la Cour d’appel des imputations plus dures
encore. A ile s croire, elle n’ était qu’une prostituée dé la plus
vile cldsse, offerte au général par sa propre famille avant même
qu il eut sur ce point montré aucun désir j une grecque arliii-
6
�C 20. )
cieuse et rusée, qui avait su en impose* quelque tems à une fa
mille crédule ; ensuite, et'pour avoir le droit d’insister sur la re
présentation d’un acte civi], ils la transformaient en musulmane
échappée d’un harem , et la sommaient de représenter l’acte de
mariage que le Cadi avait dû rédiger. , . , j;i ,
• ;)|. ■
L a Cour,d’ap p el,.p ar arrêt du n juin 1808 , a cru-devoir/
dans une matière aussi importante , laisser subsister la preuve
ordonnée,. mais avec ¡des ¡motifs bien précieux pour la dame
Destaing, etflui prouvent que les magistrats, convaincus comme
hommes, ont.seulement voulu, ne négliger aucun moyen légal de
découvrir 1^ vérité. ^
g
j « ¡b
ob 'rm! <!.=)[) »
# ¡Cependant là preuvejôrdorinée à Mauriac n’a point été exigée
par la Cour avec autant d’étendue-.: «; La-Cour dft qu’il a été bien1
« jugé en ce que la/preuve testimonialë a été ordonnée, et néan^KJO^ips, réduisant l interlocutoire ^or'dcJnne!que-clans S i x môlS1
« A fiae Nazo fera pfguve;, tant’par titres, que par. témoins, deor vant lç$ premiei'sjjiges,. queipendàrit qué le général Destaing
« était en activité de service au Çaire, elle a .é té mariée avec lui
« publiquement et solennellement par, le patriarche d’Alexan« d rie, suivant le rit grec et s,u;,yant le^fp^mes-et usages.obîer« vés d an sle pays \ Vautorise a Jaire çn tendre les parens , tant
« d’elle.cjue du général Destaing»¡^insi (ÿiejçtuies]/es personnes
«
«
«
«
«
qui ont déjà donne des attestations par forme d’acte de no-:
toriéte, a-Marseille et à^Paris, ou des çertificats dans la
cause, sauf tous
¡reproches de droif;qui pourront être
proposés, et sur lesquels, les premiers juges'statueront, .sauf
preuve contraire; ordonne que les frères et sœur ^estaing
a rapporteront les deux lettres mentionnées en l’inventaire
« du 24 messidor an 10».
Les héritiers Destaing mçnaçnient de se pourvoir en cassation,
parce qu’ils attendaient la décision d une cause semblable sur
laquelle il y avait pourvoi contre Néphis D avid, Géorgienne,
�( 21 )
mariée en E gypte avéc M . le général Faultrier * ; aussi ont-ils
retardé l’exécution de l ’arrêt par m ille chicanes plus absurdes les
unes que les autres.
A Paris ils arrêtent brusquement l ’enquête, en disant que le
président de Mauriac n’a pas pu donner une commission rogatoire. L e juge-commissaire ne voulant pas juger ce grave procès,
le renvoie à M a u ria c, et Mauriac le renvoie en la Cour. L à ,
•vaincus dans leur misérable incident par la simple lecture du
texte de la l o i , ils osent bien s’opposer à une prorogation du
délai qu’ils ont consumé eux-mêmes en chicanes ; mais la Cour
en fait justice, et, par arrêt du 12 décembre 1808, elle autorise
le président de Mauriac à donner les commissions nécessaires,
renouvelle le délai d’enquête, et punit les héritiers Destaing
par une condamnation des dépens faits à Riora , à Mauriac et à
Paris. Pendant tout ce délai, les témoins appelés à Paris ont été
renvoyés sans être entendus.
Enfin les enquêtes se font, l ’une à M arseille, une autre à
autre à A u r i l l a c , et u n e dernière à M auriac ; mais
l ’obstination des héritiers Destaing ne se lasse pas. L ’enquête de
Paris est.rem arquable, sur-tout par la verbalisation continuelle
de l’un des héritiers Destaing, q u i, sans exagération , y parlait
plus que les témoins et le juge ; à chaque mot il avait des obser
vations faire écrire, ou des questions nouvelles à adresser aux
P a r is , une
*
L a C o u r de M e t z a va it or d o n n é q u e N é p l i i s rapporterait s eu le m en t
un acte de n o t o r i é t é , constatant q ue les chrétiens grecs ou rom ains q u i se
m arient à G i z é , piès le C a i r e , ne sont pas dans l’ usage de faire constater
leurs mariages sur des registres publics.
L e s héritiers attaquèrent cet arrêt par le m o tif q u e des ordres cUi jour
p u b liés en E g y p t e , en l'a n 6 , exigeaient q ue tous les a c t e s ,
e n t r e
F ra n ça is
et E g y p t i e n s , fussent reçus par les com m issaires des guerres.
L a C o u r de cassation a d é c id é q u e ces ordres du jour étaient sans a p
plication ; que l’ acte de notoriété était su ffisa n t, et avait été lég alem e n t
o r d o n n é 5 e n c o n s é q u e n c e , le po urv oi a été rejeté le 8 ju in 1809.
�( 22 )
témoins; et quelles questions encore!.....(S i en Egypte il n’est
pas reçu qu’on se marie pour un lems.....S’il n’est pas vrai que
les Turcs c o u p e n t la t ê t e aux femmes qui ont commerce avec
le s E u r o p é e n s ,.... e t c . , e t c . )
bien, toutes ces billevesées •sont fidèlement écrites dans l’en
quête de Paris , renouvelées ad libitum , et suivies à chaque
nouvelle déposition, de questions plus absurdes encore. M . le
juge-enquêteur avait la bonté de tout entendre.
Eh
A Marseille, il n’y avait pour les héritiers Destaing qu’un
fondé de pouvoir ; et soit qu’il n’osât pas se permettre toute cette
verbalisation, soit que les juges méridionaux soient moins'patiens que ceux de la capitale, l’enquête s’est faite en la forme ordi
naire, et ce sont les témoins qui y occupent la plus grande place.
Cependant à Marseille, comme à Paris, on ne manque pas
de faire insérer des reproches contre chaque parent, et contre
chaque témoin qui déjà avaient donné des attestations (m algré
l ’arrêt de la Cour, qui autorise expressément leurs dépositions).
Malgré toute cette obstination les enquêtes se parachèvent;
des témoins distingués rendent compte de ce qu’ils ont vu et
entendu. Il résulte de leurs dépositions une preuve aussi complète
qu’il était p o s s ib le de l’attendre après ce qui avait été produit
avant les interlocutoires.
' i
L es deux enquêtes de la dame Destaing sont composées de
dix-sept témoins entendus a Paris, et dix entendus à Marseille.
Pour ne pas être diffus, en suivant le détail d’un aussi grand,
nombre de dépositions, il faut les rapporter à trois faits prin-,
ripaux : i.° la fête nuptiale ; 2.0 la cérémonie de l ’église:; 3.° la
notoriété du mariage.
M M i les généraux L a grange, Duranteau et B ertran d ;
M M . S a rielo n , secrétaire - général du ministère de la guerre;
1.0
M arcel, directeur-général de l’imprimerie impériale; C lém ent,
négociant; L a rrcy , médecin ; A n n a Obadani, ancien commis
saire de police au C a ir e , ont déposé avoir assisté au repas de
�( *3 )
: noces : les sieurs D u f é s , T u îim g i et M is c k , parens d’Anne
N a z o , le déposent aussi. Ces témoins y ont vu encore M. le
général en chef M enou ( décédé pendant le procès ) , et plusieurs
prêtres grecs. M . D a u re, commissaire des guerres, dit y avoir
été invité , mais que son service le retarda, et qu’il vint après le
dîner. On ajoute que ce fut la fê t e la plus solennelle qu’on eût
vue dans le pays.
2.0 L a célébration ecclésiastique est l’objet de treize déposi
tions. Le général Destaing avait com m uniqué son mariage à
tous les dignitaires de son armée. Il y avait eu des billets d 'in c i
ta tio n ; et M. Sartelon dit même qu’il croit avoir vu l’annonce de
ce mariage dans la gazette du Caire.-MM. Lagrange et Larrey
déclarent avoir reçu une invitation du général Destaing. Leur
service les empêcha d’arriver assez tôt. M. Larrey dit qu’il arriva
lorsqu’on sortait de l ’église, et qu’il s’excusa auprès du général
sur son défaut d’exactitude. D o n M o n a ch is, les s.rs Tak et V id a l
déposent que plusieurs témoins oculaires , qu’ils nomment, leur
ont dit avoir assisté à celte célébration dans l'église Sain lJSicolas. L e sie u r C ha m , a n c i e n interprète de M . le prince de
Keufchûlel, déclare avoir vu les préparatifs de la fête sur la
place A tabel-el-Zargua. Les sieurs O bad an i, commissaire de
police; R o s e tte , bijoutier, étaient présens à la célébration du
m ariage, f a i t e par le patriarche d ’ A le x a n d r ie , dans la même
église. Les sieurs Joseph D u fé s , Joseph T u tu n g i , Ibrahim
T u lu n g i, Sophie M isck et Joseph M isck déposent également
avoir assisté à cette célébration fa ite par le patriarche, avec
les rites observés par les Grecs, le jour des rois de l’église grecque,
ou 17 janvier; ils ajoutent que le colonel N icolas P ap as Oglou
était le parrain.de la mariée, suivant l’usage. L e sieur Barthélem i Serra dit avoir été in v ité à cette cérémonie par le général
Destaing, mais n’avoir pas accepté, parce qu’il ¿lait broutll^
avec la famille Nazo; il ajoute que le général Destaing lui d i t ,
avant son mariage, qu’il serait célébré suivant le rit grec , et
qu ensuite il lui dit que son mariage avait etc ccléoré par le
�( 24 ) '
patriarche g r e c , selon le rit grec; qu’il avait voulu se conformer
à l?usage du pays.
3 .° Quant à la notoriété, il serait oiseux d’énumérer les té
moins qui déposent que le mariage était public au Caire ; il est
plus sûr de dire, sans craindre de se tromper, que tous les té
m oin s, sans exception, attestent que toute la ville du Caire
regardait ce mariage comme légitime ; et pre'cisdment tous ces
militaires français , qu’on a peints comme ne s’occupant des
femmes que pour les déshonorer, sont ceux qui altestent le plus
fortement que personne ne d o u ta it , au Caire et à Varmée , de
la légitim ité de ce mariage.
\
L es héritiers Destaing ont fait de leur côté deux enquêtes ,
l ’une à A u rillac, composée de trois témoins, et l’autre à Mau
riac, de deux témoins.
A A u rilla c , ce sont le sieur Delzons père et la dame Delzons
Sa belle-fille, cousins des héritiers Destaing, et une demoiselle
Françoise Gronier. L e sieur Delzons père, qui n’a rien vu , rap
porte seulement deux conversations : un jour, à Paris , le géné
ral Destaing causant avec sa belle-fille, lui disait que sa femme
pouvait être mariée, mais que lui ne l’était pas; le sieur D e l
zons ajoute qu’il fit cesser ce lle plaisanterie. Un autre jour, a
Paris, le général D e lz o n s , son J ils , lu i dit qu’il y avait eu
dans la maison Nazo une cérémonie religieuse à laquelle il
avait assisté.
L a dame Delzons, née Varsy, déclare n’être arrivée au Caire
que le 3o nivôse an g , et on lui dit que la veille on avait conduit
A nne Nazo chez le général, à l ’enlrée de la nuit, sans cérémonie
ni fêle; qu’il y eut une fête ensuite, mais pour le baptême de son
enfant, et qu’Anne Nazo y occupait la place de maîtresse de la
maison. Elle ajoute que cependant elle a ouï-dire que le jour
qu’ Anne Nazo avait été conduite chez le général Destaing, il y
avait eu une cérémonie religieuse qui avait été fa ite par le
patriarche d ’A le x a n d r ie , à laquelle peu de personnes avaient
assisté.
Jusque
�( 25 )
J u sq u e-là on voit que la dame Delzons se tient en mesure
pour ne dire que le moins possible. Mais le juge l’interroge sur
son opinion particulière, et elle termine par clive qu’elle croit
qu’on regardait au Caire Anne Nazo comme épouse légitim e
du sieur Destaing, et que pour e lle , elle la croyait jem m e du
général D e s ta in g , et lu i rendait les honneurs attachés à ce
titre.
L a demoiselle Gronier, fille, à ce qu’il paraît, fort curieuse, et
qui n’oublie rie n , dépose s’être trouvée à Lyon lorsque le général
Destaingarriva d’Egypte : elledînaavec lui. L ’occasion de parler
de son mariage venait si naturellement, qu’elle ne la laissa pas
échapper. Elle ouvrit donc la conversation, comme c’était tout
simple, et parla de cette belle Grecque qu’il avait épou sée , que
tout le monde le d isa it, que sa famille en était instruite, etc. L e
général, qui avait pei'du en Orient l’habitude de cette loquacité
du sexe , lui répondit seulement : E lle est passée d’un côté et
tnoi de l ’autre. P u i s il se tut sans m is é r ic o r d e . M a i s la d e m o i s e l le
G r o n i e r t i r a , à c e q u ’e lle d i t , p lu s ie u r s c o n j e c l u r e s du mouve
m e n t de ses d o ig ts , quand il indiquait deux côtés opposés; e t ,
ne pouvant plus rien dire sur ce chapitre, elle parla sur d’autres
qu elle juge inutile d’être racontés. Lorsqu’ensuite la dame
Destaing lut \enue a Aurillnc , la demoiselle Gronier (p a r une
prescience du procès actuel), poussa le scrupule jusqu’à demander
a la dame Destaing s 'il y avait des registres de mariage au Caire,
et la dame Destaing lui répondit encore qu’elle croit avoir vu le
prêtre écrire dans un gros livre. E n fin , passant aux ouV-dires, la
demoiselle Gronier a entendu déclarer , par madame D e lz o n s ,
fem m e du gén éral, qu’Anne Nazo avait été mariée , ET que son
mari ( le général D e lz o n s ) y é t a i t p r é s e n t . ( V o i l à l’abrégé
de la déposition de la demoiselle Gronier, que les héritiers Destaing prétendent leur être fort avantageuse ).
Les deux témoins de Mauriac disent fort peu de choses, quoiqu ils fussent dans la maison du général, lors de son mariage.
L ’uu était son palfreuier au Caire ; le cuisinier lui dit qu’oa
7
�( 46 )
avait mené une femme chez le général : et il n’en sait pas
davantage pour ce jour-là. Ensuite il a vu un grand repas où
étaient le général M enou et tout Üétat-major. Cette femme y
était a u s s i , il l’a entendu appeler Madame D estaing.
L ’autre était un militaire travaillant comme menuisier chez le
g é n é r a l . On lui dit aussi qu’on menait une femme, et il courut
p o u r la regarder : mais il ne vit pas sa figu re, parce qu'elle
était voilée; elle était accompagnée par une autre femme ; et il
vit plusieurs esclaves de son escorte, restés dans la cour; alors,
craignant d’être aperçu, il se retira.
Il paraît que ce n’était pas pour ces détails-là. qu’on avait
appelé ces témoins; mais, pour que leur témoignage ne fût pas
tout à fait inutile, les héritiers Destaing leur font demander s’ils
ont vu des mariages en Egypte. Tous deux déposent en avoir
vu un : la mariée était sous un dais, précédée de musiciens
montés sur des chameaux.
V o ilà en total le résultat des enquêtes; et on voit que l’en
quête contraire ne fait que confirmer pleinement l ’enquête
d irecte, loin de la détruire.
Aussi les héritiers D estaing, comprenant fort bien que, sous
ce point de v u e , leur cause devenait insoutenable, ont-ils voulu
tourner tous leurs efforts du côté de l’acte civil du mariage.
E n rendant compte de l’enquête de Paris et de Marseille ,
on n’a Pas dit qu’a chaque déposition les héritiers Destaing
faisaient expliquer les témoins sur la tenue des registres de
l ’état civil en Egypte, quoique cet article fût exclu de la preuve
par l’arrêt de la Cour.
Mais plus cette partie était obscure, et plus les héritiers
Destaing y ont fondé d’espérances. Cependant ils n’ont eu rien
à y gagner dans les enquêtes; car si quelques témoins ont dit
qu’il existait des registres, c’est avec l ’explication très-lum i
neuse de la différence des eglises. Ainsi les héritiers Destaing
n’avaient encore rien éclairci qui ne leur fut contraire.
L e procès des héritiers Faultrier leur a fourni d’autres res-
�( *7 )
sources; ils ont su que cette famille avait fait venir du consul
d ’Egypte des certificats sur la tenue des registres civils, et aussitôt
ils s’en sont procuré une copie légalisée à Metz.
Ces certificals émanent, à ce qu’ils disent, du préfet et du
patriarche des prêtres grecs ca th o liq u es, et du supérieur de la
m ission.
L a dame Destaing, qui n’avait jamais ouï parler au Caire
des personnes dénommées en ces certificats, et qui avait de
grandes raisons d’en suspecter la véracité, n’a eu à consulter
aucune personne plus sure et plus instruite que don R aphaël
Monachis , l’ un des témoins de son enquête , prêtre grec
catholique rom ain, appelé de l’Egypte par Sa Majesté Impériale
pour être professeur de langues orientales à la bibliothèque
impériale.
Don Monachis avait été envoyé d’Egypte à Rome pour faire
ses éludes. Revenu au couvent des Druses, sur le M o n t-L ib a n
(résidence du seul patriarche grec, reconnu par l’église de Rom e),
il reçut la mission d’aller au Caire, remplir les fonctions de curé
catholique, ou premier vicaire du patriarche grec catholique,
jusqu’à ce qu’il en eût obtenu la permission de venir en France.
Ce lettré a parfaitement expliqué aux conseils de la dame
Destaing l’ équivoque que ces certificats pouvaient produire aux
yeux de ceux qui ignorent la différence qui existe entre les
prêtres latins ou catholiques, et les prêtres grecs schismatiques.
L e s prêtres catholiques qui ont reçu de l’instruction tiennent
en Egypte des registres qu’ils signent pour eux seuls, parce que
l’Etat ne les reconnaît p o in t, et encore cet usage est-il récent;
mais les prêtres du schisme grec élevés dans le pays , et n’y
recevant aucune espèce d’instruction, ne tiennent jamais de
registres.
V oilà ce qu’a dit don Monachis dans une attestation notariée,
que les conseils de la dame Destaing ont désiré obtenir de lui
comme garantie d’un simple fait historique, qui eut pu paraître
apocryphe dans la bouche d’une partie intéressée.
3
�( 28 )
C ’est ainsi qu’ il fallait être en garde contre les embûches sans
cesse renaissantes des héritiers Destaing. Enfin ayant épuisé
toutes leurs ressources , il ne leur restait que celle de faire tomber
les enquêtes, et ils ont bien osé conclure devant le tribunal de
.Mauri ac à ce qu’il se désistât de Vinterlocutoire ordonné par
l ’arrêt de la Cour. Ils ont reproché les témoins de Marseille
comme transfuges et incapables de témoignage , et ils ont pré
tendu avoir prouvé qu’il existait des registres de mariage en
E g y p t e , d’où ils ont conclu que la dame Destaing ne pouvait
se dire épouse légitime tant qu’elle ne rapporterait pas l’acte
civil de son mariage. Et enfin ils ont demandé qu’elle res
tituât les objets à elle fournis pendant la tutelle de leur père ,
avec défenses à elle et à sa fille de porter le nom Destaing à
l ’avenir.
Ces derniers efforts de la chicane expirante ont eu le sort qu’ils
méritaient ; et, par un jugement du 14 août 1810, parfaitement
motivé , le tribunal de M au ria c, convaincu de l’ extrême évi
dence des preuves, a reconnu Anne Nazo pour épouse légitime
du général Destaing, et Marie Destaing pour l ’enfant légitime
né de ce mariage.
L a voie de l’appel était encore ouverte aux héritiers D estaing,
et ils ne l’ont pas négligée. Veulent-ils encore se venger de la
vérité par des outrages ? Mais il n’est plus tems de répéter un de
ces romans diffamatoires , dont l ’imagination fait tous les frais ÿ
qu’elle arrange avec art et prestige pour que l’incertitude soit
forcée d’hésiter entre le mensonge et la réalité. Aujourd’hui tout
ce qui s’est passé au Caire est connu ; les faits, les nom s, les
qualités , les usages, sont constans ; la dame Destaing aurait
d me rigoureusement rempli sa tâche , en faisant un détail
e^act de ce qui résulte d’un aussi long procès; mais elle est
forcée de parcourir encore le cercle des objections dans les
quelles les héritiers Destaing ont semblé mettre encore un peu
de confiance.
�( ¿9 )
MOYENS.
Lorsqu’ un étranger se dit malheureux dans une patrie qui
n’est pas la sienne, les esprits durs ou superficiels sont quelque
fois disposés à lui reprocher d’avoir abandonné le sol qui l’a vu
naître; on scrute les causes de son émigration , on les voit rare
ment du meilleur côté, et on se roidit contre ses plaintes. C ’est
ainsi qu’une sorte de prévention nationale repousse l ’étranger
en réclamation jusqu’à ce que l’évidence de ses droits soit en
traînante, et alors l’indifférence même se sent portée à consoler
l ’être malheureux qui a eu tant de peine à laire apercevoir la
vérité.
Mais si cette vérité est si lente, le vulgaire, dans sa curiosité
d’un moment, a-t-il toujours le tems de l ’attendre? Avide de
tout ce qui rompt la monotonie de ses habitudes , l’esprit du
inonde s’empare des événemens extraordinaires pour les juger
avec la promptitude q u i convient à la mobilité de ses sensations.
Si l’art a mis quelque adresse à arranger une calomnie avec des
élémens merveilleux et tant soit peu vraisemblables , malheur à
la victime , car le monde a une prédilection marquée pour ce
qui s’éloigne du cours ordinaire des actions de la vie. Enfin le
tems ramène tout à la conviction et à la justice ; car lui seul est
la puissance capable de dévorer la calomnie et d’éteindre la
curiosité.
Cependant ce bienfait du tems n’est pas toujours un résultat
assuré. Le nuage de la calomnie est quelquefois tellement épais que
l ’opinion ne cherche plus à le percer. Heureusement les m a g i s
trats ne se décident point comme le vulgaire.; fermant les yeux
au prestige qui pourrait les persuader sans les c o n v a i n c r e , dé
daignant les narrations intéressées qui pourraient les séduire, eux
seuls appellent le tems au secours de la vérité, et forcent 1 opi
nion a proclamer qu’elle n’avait été crédule que par lassitude ou
indifférence.
�(
3o
)-
C ’est line grande consolation sans doute pour la dame Des
taing, d’avoir pu prouver son état avec plus de clarté qu’elle
ne pouvait l’ e s p é r e r à un aussi grand éloignement de sa pairie;
mais qu’elles ont été longues ces années de procès ! et qui jamais
la dédommagera de la cruelle anxiélé où une ligue obstinée s’est
plu à la tenir depuis l’an 11 ? L e vaincu , n’en doutons p as, s’ap
plaudira encore intérieurement du mal r é e l qu’il aura fait, alors
même qu’il sera réduit à l’impuissance de l’agraver.
Cependant les hostilités n’ont point cessé encore; l’évidence ne
peut arracher aux héritiers Destaing l’aveu de leur conviction:
ils s’écrient encore qu’il n’y a point eu de mariage; que les en
quêtes doivent être rejetées, et qu’il faut des registres de l’état
c i v i l , parce qu’ils disent avoir constaté leur existence.
Les enquêtes doivent être rejetées! Voilà bien le cri forcé de
la crainte; et pourquoi le seraient-elles, si la Cour les a jugées
nécessaires?
L a loi, disent les héritiers D eslain g, ne s’oppose pas à ce que
le juge s’éloigne de son interlocutoire; cela est vrai, lorsque des
preuves écrites sont venues éclaircir ce qui était d ’abord douteux.
Mais quelle lumière nouvelle ont donc apportée les héritiers Des
taing? quelles preuves inattendues m o n t r e n t - il s d e la fausseté du
mariage que tant de témoins attestent? A u c u n e ; absolument
aucune : la cause est donc dans le même état qu’elle était lorsque
la Cour a ordonné une preuve. Ainsi on ne peut comprendre
quel esprit de vertige les a poussés tout d’un coup à demander
à un tribunal de première instance le rejet d ’ un interlocutoire
o r d o n n é par arrêt de la Cour.
L ’arrêt subsiste, et il est pleinement exécuté: la preuve est
co m p lète. U n e
foule de témoins du premier rang parlent de la
célébration du mariage et des fêtes données pour le rendre
plus solennel : l e s uns étaient témoins oculaires des f ê t e s , les
autres témoins oculdircs de la célébration, d autres étaient in
vités et n’ont pu être présens à tout; d’autres enfin ont seulement
oui'attester la célébration j mais cette attestation leur avait été
�( 3 1 }
'donnée par des personnes présentes qui n’ont pu être appelées
à l’enquête. Ce ne sont point là de ces ouï-dires vagues dont
la source est inconnue , et qui ne méritent aucune confiance :
ajoutons les attestations de M M . les généraux Menou et Dupas,
et de tant d’autres témoignages précieux dont la dame Destaing
a été privée. Comment la passion empêcherait-elle ses adversaires
eux-mêmes de convenir qu’il résulte de cet ensemble un corps
de preuves tellement p a rfa it, que la mauvaise foi peut seule
feindre un doute qu’elle n’a pas?
On ne peut pas dire que ce corps de preuves soit altéré le
moins possible par les enquêtes contraires. Il faut dire plutôt
que ces enquêtes aident à la conviction ; elles indiquent ellesmêmes que le général D elzo n s * était présent à la célébration
du. m ariage, et achèvent de démontrer combien l’opinion, sur la
légitimité de ce m a ria g e, était certaine pour ceux-là même qui,
dans l’arrangement de leurs dépositions, marquaient la volonté
d’être favorables aux h é r itie r s Destaing.
I l s l e c o m p r e n n e n t p a r fa ite m e n t ; m a is ils ose n t a t t a q u e r lin e
e n q u ê t e e n t i è r e , p o u r la fa ir e t o m b e r en m a s s e p a r la p lu s au
dacieuse des tentatives. L ’enquête de Marseille est composée
d ’Egyptiens qui y habitent depuis le retour de l’armée ; et les
héritiers Destaing ont osé dire que ces transfuges étaient in ca
pables de témoignage.
Celte injure irréfléchie pouvait-elle s’adresser à des individus
qui vivent depuis dix ans sur le sol Français, et avec des pen
sions du gouvernement? L ’Empereur a-t-il mis sur leur front
un sceau de réprobation qui les avilisse, lorsqu’au contraire il
leur accorde asile et protection? et celte protection auguste
ne les met-elle pas au pair des autres citoyens ?
Comment ont mérité celte dure qualificaiion des hommes qui
A u j o u r d ’h u i in d iq u é par les héritiers D estain g c o m m e a yan t d ém e n ti
par écrit c e q u ’ il a dit à son père et à sa fem m e .
�( 32 )
I
n’ont été coupables que d’attachement à la France? V ivant
sous un joug de fer en E g y p t e , à cause de la difference de
leur religion, ils avaient dû regarder les Français comme des
libérateurs-, et s’e'taient prononcés pour leur cause. Pouvaient-ils,
au départ de l’armée, se liv re ra la vengeance des Ottomans?
et la France n’acquitte - 1- elle pas une dette sacrée en leur
donnant un asile? Elle ne leur a imposé aucune condition. Ils
étaient Français en Egypte : pourquoi ne le seraient-ils pas en
France? Sont-ils donc des transfuges, ceux q u i, séparés de leurs
familles, et accoutumés par des mœurs simples à l’amour de la
patrie * , pleurent encore l’Egypte où ils n'ont plus l’espoir d’aller
mourir ?
Nos lois sont hospitalières, et on les calomnie. L ’art. i 3 du
Code Nap. dit : quê « l’étranger qui aura été admis par le gou« vernement à établir son domicile eu F iance, y jouira des
« droits civ ils , tant qu’il continuera d’y résider ». O r , suivant
l ’art. 25, on n’est incapable de porter témoignage que lorsqu’on
a été privé de ses droits civils. Une législation aussi claire
devait fermer la bouche aux héritiers .D estaing, et épargner
aux Egyptiens, devenus Français, un reproche brutal, et d’autant
plus inutile à la cause, que l’arrêt de la Cour avait supposé ces
réfugiés capables de témoignage.
Ce n’est pas tout encore pour les héritiers Destaing de récuser
par un moyen général tous les témoins d’une enquête; il en reste
* « L o r s q u e M . M a ille t était consul au C a i r e , les J é s u ite s persuadèrent
a à la cour d e F ra n c e de faire ve n ir à Paris des ctifaus de Coph tes pour
c les é l e v e r a u x collèges de L o u i s - l e - G r a n d . O n d ev ait les instruire dans
k la foi ^ et les r e n v o y e r convertir leur nation s c h é m a ti q u e . A force d ’a r« gent on obtint le consentement de quelques pères extrêm em ent pauvres :
« mais lorsqu’ il fallut se s e p a r e r ,
la tendresse se réveilla dans toute sa
« f o r c e , et ils aim è re n t m ie u x retom b er dans la misère que d ’ acheter un
« état d ’aisance par un sacrifice qui coûtait trop à leur cœ u r». ( S a v a r i ,
sur l’E g y p t e , lettre 1 4 } '
uno
�( 33 )
une autre composée de généraux et d’hommes respectables, qui ,
ayant la confiance du gouvernement, ont contenu les héritiers
Destaing dans leurs apostrophes.
Mais leurs ressources ne sont pas épuisées.
Ne trouvant pas de témoins qui voulussent dire qu’il n’y avait
pas eu de mariage, les héritiers Destaing ont conçu l’idée de se
faire écrire une lettre qui leur racontât de point en point, et àb
o v o , tout ce qui s’était passé au Caire , à Tarente, à L y o n , à
Aurillac et à Paris.
Mais de quel nom se servir pour cette lettre? Ils n’en ont pas
vu de plus convenable que celui du général Delzons, leur cousin,
ancien ami du général D esta in g , qui certainement a tout v u ,
mais qui depuis l’an 10 avait gardé une neutralité dont aucune
des parties ne pouvait le blâmer.
C ’est de lui qu’on produit une lettre de six grandes pages, si peu
d accord avec la loyauté de ce militaire, qu’il est difficile de croire
a sa réalite. Plus on la lit,' et plus on est c o n v a i n c u que c’est une
véritable in j u r e fa ite à c e g é n é r a l , de lu i imputer un écrit p a r e i l .
O n lit d a n s c e tte l e t t r e , d a té e d u 1 7 j a n v i e r 18 09 ( et q u ’on a
signifiée comme pièce du procès ) , que M . Delzons s’accuse
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison du sieur Destaing
p è r e , après la mort du général, pour recevoir les secours hospi
taliers dus au m alheur; mais qu’il est faux qu’il y ait eu aucun
mariage entr’elle et le général Destaing.
Cette lettre atteste qu’il n’y a eu entr’eux qu’«« arrangement
oriental ou un mariage à tems *. L ’auteur s’y rappelle parfaite-
L e s enquêtes p r o u v e D t q ue les m ariages à tem s n ’ o n t lieu q u ’ entre les
m u su lm an s. L e C a d i v e n d une perm ission d e v i v r e p e n d a n t 11» tems d o n n é ,
a v e c la fe m m e q u e l’on a choisie ; la p o lice e x ig e cette fo rm alité : et les
e ngagem ens de c e ge n re sont en parfaite c on cord an ce a v e c la religion do
M a h o m e t , qui ad m e t la pluralité des fe m m e s. « E m p l o y e z vos richesses a
* vous procurer des épouses chastes et vertueuses. D o n n e z la dot prom ise
« suivant la loi. C e t en gagem en t a c c o m p l i , tous les accords q u e vous ferez
* e n s e m b l e , seront licites ». ( K o r a n , ch . 4 , v . 29)*
9
�( 34 )
ment du jo u r et de Vheure où Anne Nazo est entrée chez le g é
néral Destaing, et du jo u r de sa sortie ( au bout de dix ans ).
Puis vient une plaidoierie en forme sur le résultat des ordres du
jour de l ’a r m é e , relativement à la tenue des registres prescrits
aux commissaires des guerres. Tout y est avec ses dates et des
e x e m p l e s . L a lettre est terminée par un démenti formel au cer
tificat du général en chef Menou, pour avoir dit que lui Menoii
avait assisté au mariage, et que tout s'était passé avec la plus
grande régularité , sous les rapports civils et religieux .
Non , un général français n’a point écrit cette lettre; on abuse
de son nom pour tromper la Cour.
Un général français n’a point démenti son chef, qui a donné
un certificat au nom de la vérité et de l'honneur. Il n’eût point
attendu la mort de ce chef, pour faire à ses mânes la plus san
glante des injures.
Non , le général Delzons n’a point écrit qu’il n’y avait eu
qu’un arrangement oriental fait avec l ’accord des parens Nazo,
lorsque vingt-cinq témoins disent le contraire, lorsque M . D el
zons, son p è r e, a déposé que
le gén éral D elzon s
,
son f i l s
,
q u 'il y avait eu une cérém onie relig ieu se ,
A l a q u e l l e i l a v a i t a s s i s t é ; lorsque Françoise Gronier a
déposé que madame D e lzo n s, fem m e du gén éral, lu i avait dit
q u’ jdnne Nazo avait été mariée avec le général D e sta in g , et
LUI
AVAIT
DI T
Q U E SON M A R I Y É T A I T P R É S E N T .
L e général Delzons a encore moins écrit qu’il s’accusait
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison de son beau-père,
à A u rilla c , pour recevoir des secours hospitaliers ; car le gé
néral Delzons est membre du con seil de fa m ille , du 5 messidor
an i o , qui défère à l ’aïeul la tutelle de Maria Destaing, comme
f ille légitim e de son fils.
C ’est dans ce procès-verbal que le général Delzons a dit la
vérité ; là i l cl écrit et signé que le général Destaing a laissé
une f i l l e légitim e provenant de son mariage avec A n n e N azo.
Voilà
seulement ce quç le général Delzons a
di t
en présence
�( 35 )
de la justice et d’une famille entière; et cela est incompatible
avec ce qu’on suppose émané de lui, après dix ans de neutralité
et d’un oubli inévitable des faits , des dates et des détails. L a
lettre qu’on lui attribue n’est donc qu’une injure faite à la loyauté
de ce général, qui la désavouerait, n’en doutons pas, s’il était
instruit qu’on abuse ainsi de son nom.
Mais c’est trop s’arrêter à une pièce qui n’est au procès que
pour attester que les héritiers Destaing emploient toutes sortes
de voies pour calomnier et persuader; comme s’ils s’attendaient
que la C our, après avoir rejeté une masse d’attestations authen
tiques, aura plutôt confiance dans le certificat intéressé, informe
et isolé, fait sous le nom dHin parent qui lui-même avait attesté
légalem ent le contraire de ce qu’on lui fait dire.
Les enquêtes restent donc dans toute leur force, et il serait
superflu de s’y appesantir : leur simple lecture opère une con
viction tellement entraînante , que les commenter serait les
affaiblir.
C’est à ces enquêtes seules que la Cour a réduit toute la cause,
en modifiant l ’interlocutoire ordonné par les premiers juges , qui
avaient exigé de plus la preuve de l’existence ou non existence
des registres de l’état civil au greffe.
Cependant les héritiers Destaing se confient encore dans cette
partie de leurs objections. Ils n’ont pas perdu l’espoir de faire
adopter par la Cour ce qu’eHe a rejeté, et ils veulent astreindre
la dame Destaing à rapporter un acte de mariage tiré des registres
de l’état civil.
C a r, d isent-ils, il existe des registres en Egypte : nous le
prouvons à l’aide des certificats délivrés aux héritiers Faultrier.
D ’ailleurs les ordres du jour de l’armée exigeaient que tous les
actes fussent reçus par les commissaires des guerres, pour être
valables; vous avez dû vous y conformer.
Que sont les ordres du jour de l’an 6 et de l ’an 7? Leur début
( l ’armée est prévenue, etc. ) prouve seul qu’il ne s’agissait pas
d’une loi générale pour l’Egypte. Et comment oser sans ridicule
10
�( 36 )
Supposer que la légitimité des mariages et le sort d’une province
auront été r é g lé s au son du tambour par une proclamation faite
sur une place d’armes, vraisemblablement fort peu fréquentée
des indigènes?
Qu’on ouvre lçs journaux du tems, et ils apprendront que
l ’E m p e r e u r allant vaincre comme César, laissait au vaincu ses
lo is , ses usages et sa croyance ; parlant du Christ aux Grecs , e t
du Dieu de Jacob aux M usulmans, tout, excepté son épée, a
été concorde et tolérance.
Ses successeurs ont suivi son exemple et ses ordres. « N ous
a avons respecté, dirent-ils aux Egyptiens, en se préparant à
« les* quitter, vos mœurs, vos l o i s } vos u s a g e s . . . . » Et le
Divan du Caire a remercié officiellement le premier C o n s u l, en
l’an 9, de ce respect pour les mœurs de l’Egypte , en lui expri
mant , avec l’élévation orientale, une juste reconnaissance.
Des ordres du jour n’ont donc pas été une loi générale, faite
pour changer les habitudes de l’Egypte sur la forme des ma
riages. C ’e st, au reste, ce qu’a expressément jugé l’arrêt de cas
sation des héritiers Faultrier , et ce qu’avait déjà préjugé la Cour
en n’exigeant de la dame Destaing que la preuve de son mariage
suivant les formes de son pays.
Que sont encore ces certificats égyptiens présentés par les hé
ritiers Faulli’ier, et que les héritiers Destaing s’approprient? II
suffirait de leur répondre que ces copies sont dans le procès actuel
une pièce étrangère, et que n’étant pas prises sur l’original, dans
les formes légales, elles ne peuvent faire aucune foi en justice,
suivant l’article i 336 du Code Napoléon.
O u ’a de commun le procès de la Géorgienne Néphis (achetée
comme esclave par le général Faultrier, présentée, à la vérité,
à Metz , comme son épouse , mais méconnue aussitôt qu’il fut
m ort), avec le procès d’Anne Nazo, appelée en France par son
époux, reçu e, accueillie par sa famille, après sa mort, et ayant
eu une possession d’état légale et publique, consignée dans les
registres judiciaires et dans ceux de la maison impériale ?
�( 37 )
Mais admettons ces certificats comme sincères et authentiques,
tout prouve que ceux qui ont cherché à se les procurer n’ont
voulu que surprendre la justice par une équivoque.
On sait que toutes les religions sont tolérées dans les états du
Grand- Seigneur, quoique l’islamisme y soit la religion domi
nante. On sait encore que Mahomet I I , vainqueur de Constan
tinople, jura de respecter le christianisme; et ses successeurs
ont gardé son serment.
A la vérité, un serment de fidélité et un tribut fort onéreux
sont exigés des évêques et des patriarches ; à cela près rien ne
s’oppose à ce que les prêtres latins, grecs et arméniens, exercent
leur culte publiquement dans les états du Grand-Seigneur ; et
les minarets seuls y distinguent les mosquées des églises chré
tiennes.
L ’Egypte, l’un des berceaux du christianisme , l’un des pre
miers asiles des fidèles persécutés, n’avait point échappé au
schisme des Grecs , et tou te to lé r a n c e cessa q u a n d ce tte secte
se sentit assez fo rte p o u r d i s p u t e r d e d o m i n a t i o n ; l ’é g lis e la tin e
f u t lo n g - te m s p r o s c r ite p a r les Grecs , mais sans perdre jamais
l ’espoir de ramener ses enfans égarés à l ’unité religieuse. D e
tout tems la cour de Rome a entretenu dans ces déserts de la
Thebaide, si grands eu souvenirs, des prêtres catholiques q ui,
semblables aux persecutes de toutes les révolutions religieuses,
conservaient le feu sacré de la foi pour des tems plus prospères.
C ’est ainsi que sur la montagne des Druses, dans la chaîne du
Mont-Liban , de pieux ecclésiastiques, soumis à tous les dogmes
l’église rom aine, et sous son obédience, se répandent dans
les villes de l ’Egypte, soit sous le titre de missionnaires, soit
sous le titre de curés, ou tout autre caractère qui leur est donne
par leur chef.
Ce chef est c o n n u p a r m i e u x sous le nom de Patriarche
d A l e x a n d r i e , non pas celui q u i , prêtant s e r i n e n t de fidélité au
G r a n d - S e i g n e u r , se r e g a r d e c o m m e i ndé pe ndan t xle R o m e , et
�(38 )
ch ef suprême de l ’Eglise d’O r ie n t, mais un patriarche dépen
dant du P a p e, et vivant dans l’unité de l ’église catholique.
M aintenant, il faut rappeler que la dame Destaing n’est pas
liée dans la religion grecque la tin e , mais dans celle connue en
France s o u s le nom de schism atiquegrecque. L e patriarche grec
et les prêtres ou papas, exerçant le culte public grec au Caire,
sont donc les seuls qui eussent pu donner des attestations dignes
de foi sur le rit de leur église.
Mais ce n’est pas d’eux q u ’on rapporte des certificats ; il paraît
que les héritiers Faultrier en ont demandé aux p rê tre s latins. Cela
était indifférent dans leur cause ; car l’arrêt de Metz , du z 5 fé
vrier 1808, confirmé par la Cour de cassation, exigeait seule
ment un acte de notoriété des prêtres de la religion chrétienne
grecque ou romaine , établis à Gizé. Et en effet, on 11e voit pas
si Néphis David a prétendu avoir été mariée à Gizé par un
prêtre du schisme grec. Peut-être aussi a-t-elle de son côté rap
porté un acte de notoriété de l ’église schism atique grecque,
pour satisfaire à l’arrêt de Metz. Mais on ignore pleinement les
détails de son procès et le genre de sa défense.
Quoi qu’il en soit, les héritiers Destaing se sont emparés des
certificats donnés aux héritiers Faultrier. Voyons maintenant
ce qu’ils disent. L e premier est ainsi conçu :
« Je soussigné, Préfet des prêtres grecs catholiques , en
a Egypte, déclare que tous les mariages qui sont célébrés, soit
« par m o i, soit par les prêtres grecs catholiques qui sont sous
« ma dépendance, sont inscrits sur un registre, etc., écrit par
« le père Constantin H a d a d , vicaire de Son Em inence le
« Patriarche grec en E gypte. A u Caire, le 7 du mois echbat
0 ( 7 février 1809 ).
L e suivant atteste qu il n a pas trouve dans les archives de
son église le mariage du general Faultrier. Il est signé : Benedictus de M edici n a , m issionnaire apostolique , curé et vicaire
supérieur de la m ission d'E gypte. A u Caire, le 20 février 1809.
�( 39 ^
Ces deux certificats sont de la main même de ces eccle'siasliques. L e premier est en arabe, et le second en latin : ils sont
traduits par un interprète du Consul de France.
L e troisième n’a aucune signature, ni même le nom du certificateur. Il consiste à dire qu’aucun prêtre de notre dépendance
ne peut célébrer de mariage entre des personnes de différentes
religions. Il ajoute que si le mariage est fait entre des personnes
(le la même religion, il faut la permission du patriarche, et on
l ’inscrit sur un registre.
L ’original de cette pièce est en italien ( ce qui est fort éton
nant ). L a copie produite par les héritiers Destaing commence
ainsi : « I l y a en tête une lig n e de caractères m ajuscules en
« arabe ou cophte ». A la fin du certificat, on dit : « Suivent
« des signatures en caractères étrangers ». Puis le Consul fran
çais ajoute que ces signatures sont celles du patriarche grec et
du prêtre à qui les registres sont confiés.
S ’il f a lla i t m e ttr e p l u s d ’i m p o r t a n c e à ce d e r n ie r c e r t i f i c a t , o n
Se d e m a n d e r a i t p o u r q u o i les p r e m i e r s 6ont d o n n é s au. C a ir e ,
l e . . . . . . et c e lu i- c i en E g y p t e , l e ...........? P o u r q u o i c e lu i - c i est
fait e n ita lie n , dans une langue que les signataires n’enten
daient pas ? Et pourquoi enfin le secrétaire interprète du Con
sulat , qui a fort bien traduit de l ’arabe le certificat du pèrp
Constantin Hadad, n’a pas su dire la valeur des mots composant
les signatures et l’intitulé du troisième acte, et n’a pas même
compris si tout cela était arabe ou cophte?
Quelle foi ajouter à un certificat où celui qui écrit la pensée
d’un autre ne parle pas la même langue que le signataire, et où
le traducteur se contente de dire que les signatures sont en ca
ractères étrangers?
Il fallait qu’on demandât aussi à ces prêtres latins si les re
gistres qu’ils tiennent sont des actes de l’état c i v i l , dans une
contrée régie par les lois turques; ils a u r a ie n t répondu que de
pauvres prêtres, soutenus par leur zèle, au miliçu de la bar-
i
�C
4
0
)
<
Jxirïe et des obstacles, n’aspirent qu’à la propagation de la fo i,
et tiennent de simples notes pour reconnaître le petit nombre de
prosélytes que l’Eglise'de Rome a conservés dans celle terre de
persécution *.
Mais , dans cet entassement de bizarreries , il ne faut pas s’oc
cuper des détails et des objections sans nombre qui s’élèveraient
contre la forme de ces actes ; il suffit de reconnaître qli’ils ne sont
pas émanés des prêtres de la religion de la dame Destaing, et
alors on n’a pas pu les lui opposer.
Les prêtres de sa religion n’ont donné aucun certificat. Com
ment le pourraient-ils? Il est constant qu’ils ne tiennent aucun
registre ; leur éducation ne se fait pas en Europe; on les instruit
des dogmes de leur foi ; le patriarche, les ordonne prêtres ou
papas, sans exiger d’eux d’autre instruction; à peine quelques-
*
L e s missionaires de R o m e n’ ont jam ais cessé clans ces parties du m onde
d e s’ e m p lo y e r à faire des p r o s é ly te s ; en c o n s é q u e n c e , ils ont fondé a v e c
b ea u co u p d e peine et à grands f r a i s , parm i ces s e c te s , des sociétés qui ont
reconnu la doctrine et la juridiction du P a p e . O n sail q ue p arm i les G r e c s
qui v iv en t sous l ’ e m p ire T u r c , plusieurs ont em b ra ssé la foi et la discipline
d e l’ église l a t i n e , et sont g o u ve rn és par des prêtres et é v ê q u e s de leur
n a t i o n , mais confirm és par le pape. Il y a à R o m e un c o llè g e e x p r è s , fondé
dans la v u e de faire des conversions parm i les G r e c s , et d ’ajo uter de n o u
v e a u x sujets à l’ église rom ain e. O n y é lè v e u n certain n om bre d ’ étudians
G r e c s . ( H i s t o i r e de l ’E g l i s e , par M o s l i e i m , to m e
5 , page
27 2 .)
R i e n ne caractérise plus la religion des G recs q u e leur aversion in v in c ib le
pour l’ église de R o m e , qui a fait éc h o u e r jusqu’ à présent toutes les ten
ta tives d u s a i n t - s i è g e et d e ses n o m b r e u x m issio n n a ire s, pour les r é u n ir
a u x L atin s. Il est vrai q ue les docteurs rom ains ont fon d é quelquas églises
dans l’ A r c h i p e l : mais ces églises sont p au vres et peu c o n s id é ra b le s; et les
G r e c s ou les T u r c s , leurs m aîtrès', ne v e u len t pas permettre aux m ission
naires de R o m e do s ’ étend re davantage, { l b i d . page 260.)
E t a t d e L 'E g lise G r e c q u e , p a r C ow cL , tom e 1 . '* , p a g e 112 5 .
L ettres E d ifia n te s , Lo m e 1 0 , p a g e 328.
uns
�s
( 4i )
uns savent écrire, suivant le te'moignage de tous les voyageurs *.
Il n’y a de lettrés parmi eux que les prêtres latins, qui n’ont
qu’ une portion très-exiguë du peuple attachée à leur croyance,
et q u i , perpétuellement poursuivis par la haine des G re c s , et
osant à peine faire des prosélytes **, ne se soutiennent que par
leur zèle et par la pitié des Francs, mais sont à peine connus pour
prêtres par les E gyptiens, parmi lesquels ils vivent.
Mais il est impossible de mieux expliquer cette partie de la
cause , que ne l’a fait don Monachis dans son attestalion , qui
perdrait beaucoup d’être simplemont extraite, et qui ne peut
que jeter le plus grand jour sur la-seule objection dans laquelle
les héritiers Destaing semblent placer leur dernière confiance.
« Par-devant M .e Massé et son confrère, notaires impériaux
.« a Paris, soussignés, est comparu Don Raphaël de Monachis,
. « ancien premier curé grec catholique romain au grand C aire,
« en Egypte, o u p rem ier v ica ire de so n é m in e n ce le p a tr ia r ch e
« g r e c c a th o liq u e r o m a i n , résidant aucouventr de St.-Sauveur
* « Q u e v o y a it-o n dans cette terre natale des sciences et des arts? T o u t
c e qu’ on voit c h e z presque tous les peuples esclaves : un c le rg é superstitieux
et ig n o r a n t, etc. ( C o r a y . M é n j . sur L’ éta t d e la c iv ilis a tio n d es G recs). ,
,« Par-tout d o m in e en core un c lergé ignorant,
. L e cou ve n t de N e a m o n i
n ourrit plus de 450 m o i n e s , dont 4 ou 5 disent la messe ; pas un seul ne sait
l ’ ancien g r e c , et une dou zaine au plus savent lire et écrire le grec moderne..»
A u c o u ve n t de M egaspision , leur ignorance surpasse e n c o r e , s’il est p o s s i b l e ,
c e lle des m oin es de N e a m o n i . J e doute q u ’il s’ en trouvât 4 ou
5
( s u r 3o o ) ,
sachant lire et écrire ». ( B a r t h o l d i , V o y a g e e n G r è c e , en i 8o 3 , t. 2 ) .
"** « L e c le rg é grec 11e cesse d’ exciter le p e u p le 1 à l à ' h a î n e des autres reli
g i o n s , et sur-tout de la catholique r o m a i n e . . i . . L a liaîne des G r e c s et des
R o m a i n s est si forte dans plusieurs î l e s , q ue tous m o y e n s leur sont bons pour
se nuire. M . de P a w est très-fondé à a v a n c e r q ue le pie in ier usage , q u e
le s G recs ne m anqueraient pas de faire de leur l i b e r t é , serait d a llu m e r u n e
g u e r r e d e r e l i g i o n ..........I l est in te rd it a u x IV o m a in s d e f aire d e s p r o s é l y t e s ”
parm i les G r e c s , au lieu q u e c e u x - c i pe u ve n t en faire p arm i les Llomaius»
( Ib id . tom. a. )
(>'
i
II
�( 4 0
a sur la montagne des D ruses, dans le M o n t-L ib a n , ancien
« membre du Divan et de l ’institut d’Egypte , actuellement
« professeur de langues orientales à la bibliothèque im périale,
« à P a r i s , y demeurant, rue du Chantre, n.° 24 ,
« L e q u e l, sur l’invitation de madame Nazo, veuve du général
« Destaing, et après avoir pris lecture de la copie de trois cei*« tificats qui paraissent avoir été délivrés au Caire par des prêtres
« grecs catholiques romains, les 7 , io et 20 février 1809, con« cernant le mariage du général Faultrier avec une Géorgienne,
« et pour faire .cesser les doutes et les erreurs qui pourraient
« résulter desdits certificats,
« A fait l ’exposé des faits suivans :
r
« Avant le concile de Florence, les églises orientales étaient
« réunies par la foi, et soumises à l’église de Rom e, dite église
« occidentale. Mais après le concile, les deux églises orientale
« et occidentale furent divisées , faute de se trouver d’accord
« sur cinq dogmes de la foi, dont l’un était de reconnaître le
« Pape comme chef suprême de toute l’église chrétienne ; en
« conséquence, les quatre patriarches de Constantinople, d An« tioche, d’Alexandrie et de J é r u s a l e m se séparèrent du saint«c siège de Rome qui les considéra et les considère encore
« comme schismatiques. De cette nouvelle secte s’en sont formées
«''d’autres, telles que les hérétiques, mais qui sont demeurés
« en plus petit nombre que les schismatiques.
« Depuis environ 120 ans, lin archevêque de D am as, grec
« schismatique, ramené à la foi par un Jésuite, renonça au
« schisme, et rentra dans la religion grecque catholique romaine;
a mais ne pouvant pas rester a Damas, a cause des persécutions
« des grecs schismatiques , il se retira sur la montagne des
« Druses, dans le M o n t- L ib a n , avec une suite de quelques
« prêtres de la même opinion que lui. Ils s’y établirent sous la
« protection des Français qui se trouvaient en grand nombre
& dans les villes d e T y r et de Sidon. Alors le Pape Innocent X I ,
« sur la demande des peuples qui avaient embrassé la foi, le
�a
«
rc
et
( 43 )
nomma patriarche par intérim ( c ’est-à-dire, jusqu’à ce que
quatre sièges d ’ Orient, ou l ’un d’eu x, fussent revenus à la
fo i) , de tous les Grecs catholiques romains qui se trouvaient
répandus en Orient dans les pays occupés par les Grecs
et schismatiques.
« Depuis cette époque, le patriarche de tous les Grecs catho« ligues romains a résidé et réside encore au couvent Saint« S a u v eu r, sur la montagne des Druses.
« L e déclarant, au sortir des collèges de R o m e , ou il a fait
« ses études, fut envoyé au couvent de Saint - Sauveur , pour y
« être ordonné prêtre par le patriarche de son rit. Après y etre
« resté quelque tems, il fut envoyé dans la ville du g r a n d Caire,
« par son éminence le patriarche ¿ûgapius M atac, qui existait
« alors, et qui vraisemblablement existe encore aujourd’hui,
« pour y remplir les fonctions de premier c u r é , ou premier
« vicaire du patriarche, en Egypte.
« A v a n t so n d é p a r t ,
¡1 r e ç u t
l ’o r d r e d u p a t r i a r c h e d e se c o n -
«t f o r m e r à l ’ u s a g e d es E u r o p é e n s , en ten a n t des re g is tr e s pour
te constater les naissances, mariages et décès; en conséquence
« de ces ordres, le déclarant fut le premier qui commença ces
« registres en E g y p te , pour constater l ’état des Grecs catholiques,
« et les lit tenir par les cinq prêtres grecs catholiques, sous ses
« ordres, qui sont les seuls qui existent au Caire pour le rit
« grec catholique romain.
« Les actes étaient de sim ples notes signées du curé , et
« jamais par les parties.
« L e déclarant exerça les fondions d e premier vicaire j u s q u ’à
« son départ de l ’Egypte pour là France, où il fut a p p e l é par
« le premier C onsu l, par l’intermédiaire du général Sébastiani,
« et d’où il n’est parti qu’avec permission d e son patriarche.
« Après son départ, il fut remplacé par le père Jean N asseré;
a et celui-ci , depuis décédé, a été remplacé par Constantin
« Ila d a d , qui exerce encore aujourd'hui les fônôtions de pre« mier curé de l’E g y p te , ou premier vicaire de son éminence
12,
�( 44 )
a le patriarche grec catholique , re'sidant à la montagne des
« Druses; lequel Constantin Hadad a délivré les certificats ci« dessus m e n t i o n n é s .
« En conséquence, Don Raphaël déclare que Constantin
« Hadad, son successeur, n’a déclaré que la vérité, en certifiant
« qu’il est tenu des registres de l’état c iv il, au Caire, parles
« prêtres grecs catholiques , sous ses ordres : mais qu’il faut
« bien distinguer de ceux-ci, qui sont en petit nombre, les grecs
« schématiques, qui sont bien plus nombreux, et dans la re« ligion desquels la dame Destaing a été mariée par le patriarche
« qui réside à Alexandrie.
«
«
«
«
«
« Qu’à l’égard des Grecs schématiques et de toutes les autres
sectes qui sont sorties de celle-là, ils n'ont ja m a is tenu de registres de naissances , mariages et décès , en E gypte ; et que
la raison s’en tire naturellement de leur défaut d’instruction ,
qui ne se trouve pas chez les Grecs catholiques , dont les
prêtres, en partie, font leurs études à Rome.
o Laquelle déclaration mondit Don Raphaël de Monachis a
« affirmée sincère et véritable, pour servir et valoir ce que de
« raison
.
• * ,C.I:
« Fait et passé à Paris, etc., etc.».
' 1-. |
r.
0
Il est donc prouvé, jusqu’à l’évidence, que la validité des
mariages des Grecs, en E gypte, ne dépend pas de leur inscrip
tion sur un registre c iv il, parce que ces registres n’existent pas
en Egypte comme en Europe : aucun voyageur ne dit que cette
f o r m a l i t é y ait lieu ; au contraire , M. le sénateur comte de
V o ln e y , dans rouvrage^qui lui a fait une si grande réputation
littéraire, et qui sera le modèle perpétuel des voyages, atteste
la répugnance des Turcs pour les dénombremens de population
dans les étals de leur obéissance .
■.
. \W
T i ' - ' f SI
-iUV). J ’ . : ■
■«
* On jTuit .souvent des, questions sur la population du Caire» S i l ’ on v e u t
en croire lo douanier A n t o i n e
.ri
:,i
F a r a o u n , cité par le b aron d e T o t t , elle
.
7
�( 45 5
. A quoi tient donc cette obstination des héritiers Destaing, à
ne vouloir reconnaître la dame Destaing comme mariée , que
si elle rapporte une preuve écrite et légale de son mariage ?
Que d ’exclamations on eût faites, sielle se fut présentée avec un
acte de mariage pour elle, et un acte de naissance pour sa fille.
X o y e z , eût-on dit, cette Grecque artificieuse, qui, pour s’intro
duire dans une famille étrangère, a pris la précaution insolite de
se munir de pièces impossibles à vérifier, et qu’elle a évidemment
fabriquées en Afrique ou au milieu de l’Archipel !
E h bien! la dame Destaing n’avait ni médité des artifices ni
prévu les machinations insidieuses , desquelles elle aurait à se
défendre. Partie du Caire par ordre de son ép o u x, changeant de
patrie pour suivre sa destinée, c’est pour lui seul qu’elle avait
souffert, c’esf de lui qu’elle attendait des consolations. Son époux,
ts3lfiUe,j étaient,,pouç çlle se^ p éiift^ et N
son avenir. ; ayait-ellp
donc des preuyps à chercher .pour.des êtres qu’elle ne connais
sait pas ?, :-.t! ?ij;, ;; |y
onû
. ■
>■
■■
!La dame Destaing a toujours été si rassurée sur,son état et
c e lu i.d e sa f i l i a l qu’elle n’avait pas même fait des démarches
le:i>9ptêmeJdqilsa!fille avait été
j^onstafe^, et i l y ayçit .d’autant plus lieu de le croire ainsi, que
^!llî?P^Fnne devait avoir un clergé grec plus éqlairé que
'celui de l’Egyptç,
'
Mais ,les recherches de.ses ennemis allaient faire pour elle des
tentatives dont le but uniforme était toujours de lui opposer une
I■
,
/
■
*
'
”
a pproche d e 700,000 â m e s , y com pris B o u l â q , faubourg et port détaché
de la v ille : m ais tous les calculs de p o p u la tio n , en T u r q u i e , s ° nt arb i traites', p a rce q u ’ o n n ’ y tie n t p o in t d e registres d e n a is s a n c e s , d e
m orts o u d e m a riag es. L e s M u s u lm a n s ont m ô m e des préjugés supersti
tieux co n tre
les d é n o m b re m e n s. L e s seuls chrétiens pourraient ê l r e r e c e n s é s
au m o y e n des billets de leur capitation. ( V o y a g e en EgyptQ et e n S y rie f
par
M . de V o l n e y , 4.» é d i t i o n , 1 8 0 7 , to m e i . ,r p>
2 o 3 »)
�( 46 )
tenue des registres avec laquelle on croyait la confondre, si le
baptême de sa fille ne s’y trouvait pas.
P e n d a n t q u e les députés des îles ioniennes étaient à Paris,
m a d a m e Destaing reçut l’acte qui suit : °
«
«
«
«
« Du douze novembre dix-huit cent s e p t, à A r g o s to li, île
de Céphalonie, sont comparus, par-devant nous notaire soussigné, le révérendissime papas, M. A n d réM azarachi d ’An~
zolo , desservant de l ’église solitaire de Saint-Constantin , qui
est dans le voisinage et sur la rive dépendante des villages
« d'A d ilin a ta et à'A rg a ta , situés dans l ’île de Céphalonie, et
« M . Jea n L a vran ga, lequel prêtre sus-nommé a baptisé , en
« Vannée dix-huit cent deux , au mois de ja n v ie r , ne se sou« venant pas en quel p u r du mois, un enfant du sexe féminin,
« f il l e de madame A n n e N a z o et du gêrt érdl D estaing , laquelle’ ,
"« suivant la déclamation faite j1à lüi prêtre comprirent, par les bifs« nommés, étaitnéede légitime m ariage,eta été nommée M arié,
« et elle a été tenue sur les fonds de baptême par M . Jean
« Lavranga et le capitaine Sifli, Fanchiote/lequel ne se trouve
« pas présentement dans cetté île ; Te 'présent' sera
« ' serinent par les susdits prêtre et sienr L a vfa n gd ; ilsTdéciâl*èiît
« ien outre que, dans cette église, située dans ce liéu solitàîrfe’ ,
« on ne tient point de registres baptistaires ni rnorthairès^ÎJa
« présente est donnée pour rendre témoignage à la vérité ; fer les
« comparans se ressouviennent parfaitement d’avoir administré
« le.sacrement .s u s d itc e .q u ,j ls.ailirment .cotnme..téraoius.
« Signé A n d ré M azarachi, prêtre, j ’aflirme avec serment;
« Jean Lavranga, jaiïinne avec serment; Jean Chusi, témoin;
« Spire Cacuralo , témoin ; Jüimitri Caruso , notaire. A la
« suite du présent original est une traduction italienne, signée
« Dimitri Caruso, notairé; et une légalisation en même langue,
. m-dont la traduction suit :
«
E
m p ir e
F
r a n ç a i s
.
— Son Excellence Sàvib A n n in o ,
�( 47 )
«
«
«
«
«
administrateur du gouvernement de Céphalonie, certifie que
le susdit M. Garuso, notaire public, est tel qu’il se qualifie,
et que l’on peut avoir pleine et entière foi à ses signatures.
Donné en l’administration de Géplialonie, le dix-neuf novembre
mil huit cent sept. Signé Savio A n n in o , administrateur ; et
« Jean-Baptiste Tipaldo P retlen d a v i, chef de bureau »,
Cet acte fut présenté à ’ M. Marino M atu ra, principal député
des îles ioniennes, q u i , au grand étonnement de Madame
D e sta in g , lui apprit que c’était lui-même qui avait fait rédiger
cet acte de baptême, à la demande de l’un des aides-de - camp
de M . le maréchal M a rm o n t, qui le réclamait de la part de
M . /e général D elzo n s (em ployé en Dalmatie). •
L à famille D estaing, qui faisait rechercher ce fait aussi lo in ,
n’en a plus fait usage lorsque le renseignement a été contraire à
ses prétentions.
.
E t p e u t - ê t r e l ’h o n n Ê le e c c lé s ia s tiq u e , i n f o r m é p a r ces re
c h e r c h e s des v ’e x a tio n s s u sc ité e s à u n e m a l h e u r e u s e é t r a n g è r e , se
sera fait un devoir de charité chrétienne de lui envoyer cet acte,
de^son propre mouvement, pour rendre hommage à la vérité.
L e tribunal de la S;eine a ordonné, par jugement du 5 juillet
1809, que cet actejserait. transcrit dans les registres de l ’état civil
de Paris, pour servir d’acte de naissance à Maria Destaing.
C ’est ainsi que ce qui était sollicité pour nuire à la dame
Destaing n’a été utile qu’à elle.
Mais continuons la réfutation des objections que continuent de
lui faire les héritiers Destaing.
Il est impossible, disent-ils, de croire au mariage d’un général
français qui n’a pas été célébré de la même m a n i è r e que ceux
de ses frères d’armes. O r , les mariages des g é n é r a u x D e lzo n s,
L a n tin , Menou et Bonne-Carrère ont été r e ç u s par des com
missaires des guerres. Telle était donc la forme, et pourquoi
Anne Nazo ne l’a -t-e lle pas suivie? pourquoi, au moins, n’y
�( 48 )
a-t-il pas été accompagné des !fêtes d’usage», dans les rues du
C aire?
'
Les généraux Delzons, Lantin et Bonne-Carrère épousaient
les demoiselles V a rs y , filles d’un ancien négociant français,
établi à R o se tte , ville presque européenne à cause de son com
merce. L a , certainement, un catholique, mariant ses trois filles
avec des Français, devait se soumettre aux lois françaises, et ne
devait aller chercher ni le C a d i , ni les prêtres d’une autre re
ligion. Aussi ne dit-on pas un mot de la cérémonie religieuse
de ces trois mariages qui a dû être faite par un prêtre catholique,
ou régularisé en France au retour de la famille'Varsy*
L e général Menou épousais urie musulmane : son mariage
a dû être fait devant le Cadi. Son épouse dut être promenée dans
les rues sous un dais, entourée de ses parens et de ses esclaves,
au son des instrumens. Car tel est l’usage à l’égard des mariages
musulmans *, qui, dans la religion dominante, ont seuls le pri
vilège de l’éclat et de la publicité. 3 J-jriii' ,['! s
- i:jtî
Mais Anne N a zo , de religion grecque, mariée à 'un Européen,
de religion latine ou romaine, n’avait pas le droit d’emrendre
la cérémonie publique , ni par des fêtes religieuses’', ni par
aucune inscription dans des registres, ni par urie promenade
dans les rues, sous un dais, comme les1Musulmahs. .
, poiir
C ’etait bien assez que sa famille eût vaincu à cef ^égard les
préjugés de sa nation, en la donnant à un Européen, a un càtho• -l
*
-
• .(.
'
« C ’est ordinairem ent le soir que la m a rch e c o m m e n c e : des baladins
la p r é c è d e n t; d e n o m b r e u x esclaves étalent a u x y e u x du peuple les e f fe ts ,
les b ijo u x destinés à l’ usage de la m ariée ; des troupes de danseurs s’ a vancen t
en c ad e n c e au son des instrum ens ; la jeu n e épouse paraît sous un dais
porté par quatre e s c l a v e s ; un v o ile la c o u v r e entièrem ent ; une lon gue
suite d e
flam b ea u x éclaire le cortège ; de tems en tems des chœ urs de
T u r c s chantent des couplets à la lou ange des n ou veaux ép ou x ». ( S a v a r i ,
tom e
3,
lettre 3 ) .
lique
�( 49 )
lique romain, à un militaire * ; la famille Nazo avait au moins
dicté la loi sur le point principal, en exigeant que la célébration
fût faite avec les cérémonies du rit grec.
On demande ensuite à la dame Destaing pourquoi son mariage
a été fait sans contrat. Mais en France même il n’est nécessaire
que quand il y a des intérêts à régler. E n fallait-il plutôt en
Egypte où le Koran est le Gode universel et supplée à tout. L e
général Destaing allait s’allier à une famille opulente. Qu’avait-il
en échange à offrir? Sa fortune dépendait de son épée. Ses revenus
étaient fondés sur la loi du plus fort. Dans un pays où l’industrie
et le commerce sont tout, des chances aussi frêles ne présentaient
à la famille Nazo rien que de fort aléatoire.
On se plaît à représenter les Nazo comme une famille sans
fortune et sans considération, et Joanni Nazo comme un aven
turier de la lie du peuple. Sur tout cela les héritiers Destaing
ont beau jeu de mentir, maintenant que le plus liquide de la
fortune Nazo est dans leurs mains. Mais les témoins ne donnent
pas d ’e u x l’idée qu’on veut en suggérer. O n voit dans les enquêtes
que Joanni N azo, à l’occasion de son mariage avec Sophie Misck ,
dépensa 5 o,ooo écus.
On se plaît encore à jeter du ridicule sur ce que la mère d’Anne
Nazo répudia Barthélemi pour épouser Joanni Nazo ; et là-dessus
on se récrie sur de telles m œ urs, comme si une famille africaine
avait dû prévoir qu’il faudrait rougir de ce qui est toléré dans sa
nation, et s’en justifier un jour aux yeux des sieurs et demoiselle
Destaing, d’Aurillac.
Si la prétention des Européens est de blâmer ce qu’ils blâment,
et de louer ce qu’ils louent, il faut qu’ils donnent le droit de re
présailles aux nations étrangères, et ils auraient beaucoup à y
perdre. En Egypte , le lien du mariage est plus s a c r é qu’en
« L e s p a r e n s ( G r e c s ) n e fo n t a u c u n e d if f ic u lt é d ’a c c o r d e r l e u r fille a
« un T u r c , p o u r v u q« ’ il soit r i c h e et p u i s s a n t , ta n d is q u ’ ils r e f u s e n t o p i« n i a t r é m e i i t d e l ’ a c c o r d e r à u n c a t h o l i q u e . ( U a r t h o l d i j t o in e 2 . )
i3
�( 5o )
F ra n ce , tant qu’il dure; mais il n’est pas indissoluble. Si la reli
gion se prête à des injustices, ce sont ses ministres qu’il faut en
accuser *, mais non les époux mécontens, qui n’ont agi que sous
leur direction.
B a r t h é l é m y était catholique; Sophie Misck était grecque, et
les prêtres de son culte prononçaient anathême contre un lien
qu’ils n’approuvaient pas.
'
C ’était pour eux un'acte religieux que la rupture de ce mariage,
pour en contracter un second plus orthodoxe : la religion grecque
le ve u t, et le gouvernement le tolère.
A u reste, que Sophie Misck ait été ou non l’ épouse de Barthé
lém y , on ne voit pas comment Anne Nazo en serait plus ou moins
l’épouse du général Destaing.
,
r
Enfin on porte le dernier coup à la dame Destaing; et déses
pérant de liii ôter le nom d’épouse, on veut du moins en em
poisonner les souvenirs, et tâcher d’teñ'acer dans son cœur le
respect qu’elle doit aux mânes de son époux.) Ce n’est plus une
lettre étrangère qu’on lui oppose, ce sont deux lettres de son
époux lui-même, écrites à son père, q u i, dit-on, fournissent la
preuve qu’il n’y a pas eu de m ariage, et qu’il l’a désavoué.
L ’une est écrite du Caire; et le général parle d’un arran
gement oriental avec une jeune grecque qui fait les honneurs
de sa maison.
L ’autre est datée de Paris. L e général marque à son père qu’il
n’a pas dû plus croire à la lettre de Latapie qiCà la sienne **;
*
« L e clerg é ( g r e c ) ne cesse d’ exciter le peuple à la haîne des autres r e li
g i o n s , et sur-tout de la cath oliqu e r o m a i n e , en accordant très-libéralem ent
des absolutions à c e u x qui ont trom pé les m em b re s de celle r e l i g i o n , ou qui
proposent de le fa ire» ( B a r t h o l d y , t. a ) .
s e
** L e s héritiers D estain g avaient im p r im é p lu tô t au lieu de p l u s , parce
que cela c h a n g e a i t le sens. I l en résultait que le généra l avait v o u lu que
son père crût à' sci le ttr e , tandis qu’il a v o u e l u i- m ê m e q u ’ il n’a pas dit
Vrai.
s
�( 5i )
qu’il ne se serait pas marié sans l’en prévenir; mais qu’à la
vérité il a d'autres liens qui pourraient bien amener celui-là.
Remarquons, et déjà la Cour l’a remarqué elle-même dans
son arrêt interlocutoire*, que ces deux lettres étaient dans les
mains du sieur Destaing p è r e , lorsqu’il a reçu Anne Nazo ,
et qu’après un mois de méditations il lui a donné un rang dans
sa famille, en se rendant le tuteur de son enfant.
Il a donc jugé ces lettres en père clairvoyant; et ce n’est pas
là qu’il a cherché la vérité. L ’une s’ excusait à ses yeux par la
licence des camps; les jeunes Français, fussent-ils aux confins
de la terre, ont la manie de tout métamorphoser en bonnes
fortunes : mais un vieillard sait à quoi s’en tenir. L ’autre lettre lui
semblait une justification embarrassée d’un fils soumis encore à
l ’autorité paternelle; il y devinait la vérité; et bientôt elle ne
lui fut plus cachée, lorsque la dame Delzons, égyptienne, lui
-eut rapporté quelle était l’opinion unanime du Caire et de
l’arm ée, sur le mariage de son fils; lorsqu’encore le général
D e lzo n s, qu i y
a v a it a s s i s t é , v i n t l u i e n a p p r e n d r e les d é t a il s .
C ’ est d o n c p a r p u r e m é c h a n c e t é , et sans besoin , que les
héritiers D e s t a i n g , ont publié ces lettres. L ’honneur le leur dé
fendait, puisqu’elles n’étaient point à leur adresse. L a bienséance
le leur defendait encore; car une confidence licencieuse, que leur
père avait jugée fausse, ne devait pas être reproduite.
* « A tten d u que le titre d’ épouse et c elu i de m ère ont été reconnus par
la famille du généra l D e sta in g .................... Q u ’ un mois a p iès son a rr iv é e à
A u r i l l a c , D estain g p è r e , ne doutant pas du m a ria ge et de l’a vis et con
sentement de ses proches p a r e n s , s’est vendu tuteur.......................Q u e cette
reconnaissance et cette acceptation de tutelle paraissent d ’autant plus c o n "
s id é r a b le s , qu’ on pourrait les regarder c o m m e l a suite d’ un e x a m e n appro
f o n d i , et de certitudes acquises par le p è r e , puisque deux lettres de son
fils, t’ uue datée d’ E g y p t e , l’ autre écrite de Paris , lui d o n n a n t tout le sujet
d e douter île ce m a r ia g e , ou m ê m e de ne pas
y c r o i r e , il n’en avait pas
m oins consenti l’acte en question , et que ses proches parens y avaient aussi
concouru ». ( 2 . 0 m otif de l ’ arrét du 11 juin 1808).
�( 5a )
Mais cette méchanceté n’était pas sans b u t , et on le voit
dans l’affectation que les héritiers Destaing ont eue à recueillir
la déposition des sieur et dame Delzons, à qui le général disait
ty&Anne Nazo était m ariée , mais q u 'il ne Vêtait pas. On
aperçoit maintenant que la lettre est présentée pour être en
h a r m o n i e avec cette conversation si souvent répétée par eux.
Si cette conversation était vraie, il est cruel pour la dame
Destaing d’en comprendre le sens : mais elle ne serait d ’aucune
influence pour sa cause.
Que les E uropéens, dans l ’immoralité de leurs th éâ tre s,
mettent en scène des malheureuses abusées par toutes les appa
rences d’un mariage r é e l , et cependant dupes des artifices d’un
homme qui s’est joué de la religion et de la pro b ité, on ne
s’étonnera pas que ce scandale dramatique obtienne quelques
applaudissements. Mais qui oserait produire dans le monde une
semblable atrocité comme un événement réel, pour s’en appro
prier les conséquences ? qui même oserait repousser de soi la
victim e d ’un artifice que le voile de la religion aurait ennobli
pour elle?
Quelle que soit l’jnteiilion des héritiers D estaing, en laissant
croire que le général a voulu tromper la Famille Nazo par le si
mulacre d’un mariage nul à scs y e u x , la perfidie de cette sup
position serait en pure perte pour eux ; car la loi viendrait au
secours de celle qui aurait été dupe des apparences. En effet la
bonne foi de l’un des époux suffit pour la validité de son mariage
et la légitimité des enfans *. Mais la dame Destaing se hûle de
dire que les cérémonies publiques qui eurent lieu au C aire, les
lettres desou ép o u x, sa conduite soutenue envers ello, le justifient
pleinement de l’inculpation dont 011 a voulu le flétrir. La légèreté
de sa nation, peut-être la craiulc d’être blûtué par son p ère, ont
pu lui dicter quelques mots équivoques; niais son cœ ur fut
* Code N ipoléjn, «tticlf* 201 cl 102.
�X ;53 ))
Innocent d’tmeitelle lâcheté; elle était indigne de luir,jet toutés
ses actions la démentent.^ ?.• uq ni • •):
:jr»
'•
Ceux-là seuls sont coupables , qui n ’ont pas rougi d ’exhumer
de la tombe de leur frère ce qui ne pouvait être utile à leur intérêt,
q u ’ e n imprimant une tache sur sa mémoire.! ’
<7
Mais c’est i trop s’arrêtèrin des rëfu tâtions pénibles et inutiles.
Ce ne sont'point des cendres éteintes qu’il fautlinterroger pour
la reoherche de la vérité ; tout la révèle , tout l’atteste; et l’in
crédulité ne peut plus,être que le masque hypocrite de la dis
corde qui ne s’avoue jamais vaincue.
. Il est tems q u ’on'çesse de. disputer a 1111 e,épouse malheureuse
un nom qu’elle a acheté assez cher , et qui seul aujourd'hui doit
l ’indemniser de tout ce qu’elle a perdu. Elle l ’a reçu en A friq u e ,
aux pieds des autels ; elle l’a porté publiquement dans sa p atrie,
sur les mers , et dans toutes les villes d’Europe que sa situation
l ’a forcée de parcourir. Ses adversaires eux-mêmes n’eurent pas
même la pensée de lui en donner un a u tre ; ils l ’apprirent à
ceux qui l’ignornient ; et c’est nprès une possession d\5tnf, ninsi
émanée d ’eux , qu'ils ont voulu déshonorer et méconnaître celle
qu’ils avaient accueillie et protégée. L a dame Destaing n’a jamais
supposé que cet avilissement pût l’atteindre : elle ne tire aucune
vanité d ’appartenir aux héritiers Destaing, plutôt qu ’à une autre
fa m ille ; mais le litre sacré d ’épouse, mais les droits plus sacrés
encore de l’orpheline qui lui doit le j o u r , ne pouvaient pas être
vains à ses yeux.
Sa fille, seule, au milieu de tant de contrariétés, a soutenu son
courage; la dame Destaing n’avait pas d’héritage plus précieux
à lui laisser qu’un nom qui ne fut pas déshonoré; et elle-même
ne devait point rougir aux y e u x de son enfant du vice do sa
naissance.
Pouvant attendre sans crainte l’examen du présent et du passé,
la dame Destaing a pu se soumettre sans m u r m u r e aux lenteurs
de la ju stic e , sachant bien que l'intérêt privé pouvait ele\cr des
H
�( 5 4 )
doutes sur les formes de son mariage, mais que. la malignité
n ’en hasarderait aucune sur la pureté de ses actions.
Un jour peut-être les héritiers Destaing seront honteux de ce
procès , et s’enorgueilliront de celle qu’ils voulaient avilir et
proscrire. Mais si la passion ne leur permet pas aujourd’hui
d’etre justes, la dame Destaing n’en-doit pas moins aux mânes
de son époux de ne pas se croire en guerre éternelle avec ceux
qu’il lui désigna comme des protecteurs et des frères, et qui
partagent avec elle la gloire de son nom.
M.e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M. e T A R D I F , avoué-licencié.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire pour Anne Nazo, veuve de Jacques-Zacharie Destaing, général de division, en son nom, et comme tutrice de Maria Destaing, sa fille, intimée ; contre les sieurs et demoiselle Destaing, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
Circa An 9-1811
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0609
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53869/BCU_Factums_M0609.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53870/BCU_Factums_M0610.pdf
31894240645d041af2ef8195d72e0c13
PDF Text
Text
COUR
IMPERIALE
MÉ M O I R E
DE RIOM.
EN R ÉPO NS E,
cha m b r e s
RÉ U N I E S .
POUR.
Les frères D E S T A I N G , appelans ;
CONTRE
A n n e soi-d isant
D e s ta in g
NAZO,
et tutrice de
se disant V E U V E du général
M a rie ,
s a f i l l e , intimée.
V o u le z - v o u s a v o ir id é e des m œ u rs des G r e c s ? Ils fo r m e n t
u n e u n io n q u ’ils n o m m e n t m a r i a g e d e c a p i n . Ils c o n v ie n
n e n t a v e c u n e fe m m e de v iv r e a v e c elle tan t q u ’il le u r p la ira ;
ils se p ré se n te n t au ju g e et à l ’é v ê q u e , p o u r o b te n ir la p e r
m issio n de l ’ u n , et la b é n é d ic tio n de l ’a u tre . L e s
lois et la
r e lig io n s’ a c c o rd e n t à a u to rise r ce d é rè g le m e n t.
Voyage en Grèce , 1794 1795, lett. 35. Scrofani,
Sicilien , traduit de l ’italien par B lanvillain ,
Paris, 1801.
Q
u e l l e est donc cette fem m e qui s’obstine
du général D estaing, prétend avoir
reçu
à
se dire veuve
c e nom avec solennité
sur les rives du N i l, soutient être née dans une condition d is
et veut soulager ce u x qu’elle appelle ses beaux-fréres ,
du p oid s d'u n e m ésalliance ?
Jusqu’ici elle s’étoit annoncée com m e fille de J o a n n y N a z o ,
commandant d’un bataillon grec. A u jo u rd ’h u i elle est obligée
de convenir qu’elle n’e st point fille de N azo ; elle avoue qu elle
tin g u ée,
A
X
�(
2
)
a usurpé c e n o m , qu’ elle est née d ’un premier mariage de S ophie
M jscii , d ’une m ère qui a encore d e u x m aris vivans et un de
mort. Et c e n ’est point à sa bonne foi qu’on doit c e t aveu ; les
fem m es grecques ont l’habitude de feindre et de dissimuler.
Mais elle a eu la maladresse d’assigner pour témoin un certain
B a r t h é le m i S e r a . Cet individu est un des maris de Sophie Misch.
Il raconte avec ingénuité qu’il a épousé cette Sophie, alors veuve
de J oseph T rtsoglow , Arménien de nation, bijoutier de son
m étier, et catholique rom ain de religion. Anne étoit née lors
du mariage de S è ra. Il y a vingt-quatre ans que S e r a a quitté
sa Sophie; i l la q u itta , e t Joanny N a zo Vépousa. C ’est avec
cette légèreté que S e r a parle de la dissolution de son mariage.
C ’est une union de capin : en voici un exemple dans la famille
à' A n n e ; et c ’est cette a llia n ce distin g u ée, c e m ariage p o litiq u e ,
cet honneur insigne dont on veut accabler les héritiers Destaing.
Q uoi ! lorsque les héritiers Destaing font leurs efforts pour
repousser de leur famille une étrangère audacieuse, méconnue
de celui qu’elle appelle son é p o u x , qui l’avilit aux ye u x de son
p è re , traite sa liaison d 'arrangem ent o r ie n ta l , A n n e ose crier
à la ca lo m n ie! une Egyptienne parle le langage des m œ urs,
vante les vertus d o m estiqu es, ces vertus paisibles et pures ,
bannies de ces parages lointains , où régnent impunément la
dépravation et la lic e n c e , où la dissolution est à son comble !
Anne s’agite en tout sens pour parvenir à son b u t, et faire
croire qu’elle a été élevée au rang d’épouse légitime d’un général
français.
Elle a su profiter avec art de tous les m ouvem ens, de toutes
les circonstances. L ’armée d’ Orient a été divisée dans ses projets,
dans ses moyens d’exécution : ces discussions ont été portées à
un tel degré d’exaspération , que le général Destaing en a été
l’une des victimes.
C ’est aux ennemis connus et déclares du général qu’elle a eu
l’adresse de r e c o u r ir , pour obtenir des déclarations conformes
à ses projets; mais le mensonge, les contradictions, les incon-
/
�)
( 3
séquences de ses témoins sont à un tel degré d’é v id e n c e , que
les enquêtes deviennent l’arme la plus puissante dans les mains
des héritiers Destaing , pour repousser les prétentions d une
femme obscure, am bitieuse, à qui il ne restera bientôt que le
repentir et les regrets. Et qu’Anne ne ch erch e pas à faire valoir
le sentim ent, en invoquant les noms sacrés d’épouse et de mère!
Si le général Destaing l’avoit élevée jusqu’à l u i , pourquoi
auroit-il pris une marche opposée à celle usitée par les Français
qui ont contracté des mariages en Egypte? comment l’acte de
mariage n’auroit-il pas été transcrit sur les registres des com
missaires des guerres ? C ’est ainsi qu’en ont usé les généraux
L a n t i n , D elzons et B onne -C ar iiè r e , conformément aux ordres
du général français.
L e général Menou lui-méme, dont le mariage avoit été célébré
antérieurement à ces ordres qui ne remontent qu’à l’an 8, s’ est
empressé de faire transcrire l’acte de son mariage sur les registres
de l’état civil du C aire. Enfin , il n’y a pas eu un seul mariage
légitime qui n’ait été suivi de cette formalité ; et par quelle
fatalité celui du général Destaing seroit-il le seul e x c e p t é ? _____
A n n e voudra-t-elle prétendre que les troubles de l’Egypte
n’ont pas permis de suivre toutes les formalités prescrites pour
assurer l’état des personnes ; mais pendant la cohabitation d’ANNE
avec le général Destaing, l’Egypte étoit dans un état de tran
quillité parfaite , et les troubles n’ont com m encé que lors du
débarquement des Anglais, bien postérieur à son prétendu m a
riage.
T o u t est invraisemblable dans le récit d’ANNE ; c e sont les
aventures d’une héroïne de ro m a n , où on fait figurer les tem
pêtes , les naufrages , les corsaires , et tout ce qui tient du
merveilleux.
Mais un arrêt de la C o u r , du 11 juin 1808, l’a admise à
prouver la légitimité de son mariage. La C o u r , en confirmant
le jugement de Mauriac, du i août 1807, e t réduisant l inter
locutoire , ordonne qu’ ANxn fera preuve devant les premiers
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A
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�( 4 )
juges, que depuis que le général Destair.g fut appelé au Caire,
et pendaht q u ’il y étoit en activité de service, elle a été mariée
avec lui publiquem ent e t so len n ellem en t, par le patriarche
d ’A le x a n d r ie , suivant le rite g r e c , e t les fo rm es e t usages
observés dans le pays.
Elle est autorisée à faire entendre les parens tant d’elle que
du général Destaing , ainsi que toutes les personnes qui ont
déjà donné des attestations par forme d’acte de notoriété , à
Marseille et à Paris, ou des certificats sur les faits dont il s’agit
dans la c a u s e , s a u f tous autres reproches de droite et sa u f aux
héritiers Destaing la preuve contraire.
En exécution de cet arrêt, et par suite de commissions rogatoires du tribunal de M auriac, il a été procédé à des enquêtes,
à Paris, à Marseille, et les héritiers Destaing ont fait une en
quête contraire, à Mauriac et Aurillac. Il faut nécessairement
se livrer à l’examen de ces enquêtes , entrer dans une discus
sion qui va devenir fastidieuse. Les héritiers Destaing feront
en sorte d’ëtre rapides dans ces d étails, pour ne pas lasser
l’attention.
O n commence~par l’enquête de Paris.
L e premier témoin est le général Lagrange. Il fut reproché
par les héritiers Destaing , sur le fondement qu’il étoit d’un
parti opposé au général leur frère. Le général Lagrange étoit un
des signataires de la capitulation d ’Alexandrie , que le général
Destaing avoit refusé de signer ; il avoit même fait consigner
son refus dans le procès verbal du conseil de guerre ; et cette
divergence d’opinion avoit excité des haines et des inimitiés
particulières entre les opposans. Le juge-commissaire ne crut
pas devoir consigner ce reproche, qui n’étoit pas prévu par le
Code. La Cour l’appréciera dans sa sagesse.
C e témoin déclare qu’il étoit lié d ’amitié avec le général
Destaing ; qu’il vint lui dire qu il avoit le projet de se marier
en Egypte. L ’amitié lui suggéra des observations pour s’opposer
à ce dessein. Il c r o it , sans pouvoir l ’affirm er, que le général
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5
)
s'autorisent de l’exemple du général en c h e f, et de leur séjour
futur en Egypte. Quelcjue temps après , le général Destaing
l’invita à assister à la cérémonie de son m a ria g e , cjui eut lieu
dans une église grecque. L e témoin avoit promis d’y assister ;
i l en f u t em pêché par les occupations qui lui survinrent, et à
cause de l’heure , qui n’étoit pas com m ode pour lui ; parce
qu’il croit que le mariage fut célébré le soir.
La première conversation au sujet du mariage eut lieu dans
ses bureaux, en présence de ses aides de camp et de son secré
taire. Les représentations qu’il fit pour le détourner de ce
projet, donnèrent lieu à une discussion animée. L e lendem ain
du jour indiqué pour le mariage , il fut invité au repas de
noces. L à , il vit le commandant d’un bataillon grec , N a z o ,
qu’il crut être le père d’ANNE, laquelle lui fut présentée com m e
l’épouse du général Destaing. A nn e étoit présente lors de sa
déposition ; i l croit la reconnoitre. Il a vu depuis le général
D e s ta in g , tant en Egypte qu’en France ; il l’a toujours consi
déré comme marié. P e n d a n t leur séjour au C a ire , il a vu fré
quemment le général Destaing ; mais ce temps n’ a pas été bien
long.
On observe au commissaire Cju’on avoit consigné dans la d é
position du té m o in , que la cérémonie avoit eu lieu dans une
église g r e c q u e , et qu’il ne l’avoit pas ainsi déclaré ; il répond
que le général Destaing lu i avoit d it que la cérémonie devoit
avoir lieu en effet dans une église grecque ; qu’il le crut ainsi
lorsqu’il alla au repas.
On lui demande s’il ne s’étoit pas écoulé un intervalle de
quinze jours entre l’époque de la prétendue cérémonie et
le dîner. Il ne se rappelle pas précisément les d a te s , mais il
croit bien qu’il a été chez le général Destaing le soir m<3ino
de la cérémonie.
O n lui demande encore si le repas en question ne fut pas
donné a occasion du baptême du fils du général Delzons , qui
avoit pour parrain le général Destaing. S a inemoire ne lu i
1
�(
6
)
rappelle p as ces circonstances ; il a mangé à cétte époque plu
sieurs fois ave c le général D e s ta in g , et ce dernier lui dit qu’il
avoît une double féte à cé léb re r, celle de son mariage, et celle
du baptêm e.
Il paroît, sur c e point, que le général Lagrange a manqué
de mémoire : car il sera bientôt établi que la dame Delzons
n’est arrivée au Caire que les derniers jours de nivôse an g.
Elle apprit qu’AwNE avoit été conduite chez le général, à l’entrée
de la nuit, la veille de son a rriv ée; et l’acte de naissance du
fils du général D elzons n’est que du 10 pluviôse an 9. Il n’est
donc pas possible que le général Destaing ait donné une double
féte le jour de son prétendu mariage ; aussi le témoin déclaret-il bientôt a p r è s , q u ’il ne croit pas avoir vu le patriarche
d ’Alexandrie, ni le soir de la cérém onie, ni le jour du repas.
Sur une dernière interpellation qui lui est faite, de déclarer
si le mariage n’étoit point de notoriété publique, il déclare qu’il
ne peut pas répondre de la conviction des autres chefs de l’armée;
mais il en avoit lui la conviction intim e, et il mentiroit à sa
conscience s’il disoit le contraire.
C e premier témoin qu’on a interrogé dans tous les sens, ne
parle que p a r ou ï-d ire, et 11’à pas été présent à la célébration
du mariage : sa déclaration est donc peu im portante, puisque
A n n e doit prouver qu’elle a été mariée publiquement et solen
nellement par le patriarche d’Alexandrie.
L e second tém o in , Henri-Gatin B ertrand , général de division,
n ’a pas de m ém oire; i l ignore si A n n e a été mariée civilement
ou religieusement. Ilpassoit pour constant, à ce q u ’i l croit, que
le général Destaing étoit marié : le général a donné à ce sujet
un repas auquel i l croit avoir assisté; mais il ne peut rien af
firmer , ni sur le fait du re p a s, ni sur le fait de sa présence à
c e repas. Il Iie reconnolt pas A n n e ; il a bien vu au Caire une
dame q u ’on appeloit madame D estaing, mais ¡j ne pouvoit reconnoltre la dame ici présente pour la même femme. Il est
probable que le général lui a dit qu’il étoit marié , mais i l ne
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)
se le rappelle p a s. Sa mémoire ne lui fournit rien sur la nais
sance du fils du général Delzons ; et lorsqu’on lui demande si
le général Destaing passoit pour être m a r ié , il croit se rap
peler (jue oui. O n sent qu’il n’ y a pas d’observations à faire sur
une semblable déclaration.
Un artiste m usicien, appelé R ig e l, est le troisième témoin.
Il passoit pour constant, suivant lu i , au C a ir e , que le général
D estaing ¿toit m arié; mais il ne sait pas com m ent le mariage
a eu lieu. Il en fit compliment au général Destaing , qui ne lui dit
n i ou i n i n o n , mais seulement le remercia. Il fut invité quinze
jours après à un repas qu’il présumoit être un repas de noces.
Il n’a pas entendu dire que le mariage ait été célébré dans une
église grecque ; il n Ta jamais vu A n n e . Il rapporte la date du
mariage à deux ans environ après l’arrivée de l’armée française.
Ü iL«L.P.?\nt entendu parler du fils Delzons. L e patriarche
d’Alexandrie n’étoit point $u repas en q u e s t i o n , ___
L a seule réflexion q u ’on se p e rm e ttra sur cette d é c la ra tio n ,
c ’est q u ’elle est c o n tra d ic to ire avec celle d u général L agrange. Ce
d e rn ier plaçoit l’ép o q u e d u repas le soir mame d e la c é ré m o n ie ,
et celui-ci dit q u e le repas n’a eu lieu que quinze jo u rs après.
Il n’a point vu au repas la mariée ; le général Lagrange dit c e
pendant qu’elle lui fut présentée : mais jusqu’ici personne n ’a
assisté à la cérémonie.
Le
quatrième témoin, le sieur Jacotin, colonel des ingénieurs-
géographes, ne sait encore rien que par ouï-dire. Il étoit blessé
alors et ne sortoit pas. Il ne connoissoit pas particulièrement
le général D esta in g ; mais son mariage passoit pour avoir eu
lieu devant le patriarche d’Alexandrie. Il n ’avoit su c e fait que
com m e nouvelle. On lui avoit dit que le .général Menou et
plusieurs autres avoient assisté à la fé te , sans qu’il puisse spé
cifier si c ’est au mariage ou à la cérémonie. 11 croit pouvoir
placer l’époque du mariage à deux mois environ avant la
bataille d A le x a n d rie , c e q u i répondroit à nivAse an g , sans
pouvoir en d é term in e r p ré c isé m e n t l’époque. Il a vu là dame
�C 8 )
W
Nazo à Paris une fois ou d e u x , mais il ne l’a pas vue au Caire.
L e sieur B ea u d e u f, cinquième té m o in , lié particulièrement
avec A n n e , a cependant déclaré qu’il n ’avoit été témoin d’au
cuns faits. Mais le mariage étoit public ; tous les chefs com m e
tous les prêtres grecs avoient assisté au repas. A l’entendre,
tout le monde y é t o it , excepté lui ; car il n’y a pas assisté.
L e général Destaing ne lui a pas même parlé de son m ariage;
mais il a vu sa femme dans la citadelle du Caire , et il la reconnoît très-bien à Paris. O n lui demande si on auroit admis
toute sorte de femmes dans la citadelle ; il répond que celles qui
y étoient, étoient reconnues pour femmes légitimes. A la vérité
il y avoit quelques viva n d ières, mais très-peu , à raison du petit
détachement qui y étoit. Il porte la date du mariage au c o m
m encem ent de l’an 9. Il a toujours regardé A n n e comme fdle
d’un sieur N a z o , G re c d’origine, fermier général des liqueurs
for t e s , commandant d ’u n bataillon (*rec ; mais il ne sait pas si
A n n e est sa fille adoptive, ou si elle est née de son mariage.
Jl n’a aucune connoissance de l’époque de la cohabitation de
Nazo avec Sophie Misch , mère d’Anne. Les mœurs de l’Egypte
ne permettent pas de connoitre ces d étails, attendu le peu de
com m unication des femmes avec la société.
On ne voit rien de remarquable dans cette déposition , si
on excepte la circonstance qu’on ne recevoit à la citadelle que
des femmes légitimement mariées. Mais ce témoin a menti à
sa conscience , parce qu’en e ffet dans la citadelle il falloit
principalement y recevoir toutes les femmes qui avoient eu
quelques liaisons avec des Français; et il le falloit bien ainsi, car
autrem ent toutes c e lles qui avoient connu des Français auroient
été exposées à j i n e m ort certaine de la part des i W c s .
L e sixième tém oin, liartnelemi V id a i, a déposé qu’il n’étoit
pas au Caire à l’époque du m a ria g e , mais que tout le monde
lui a dit que le général Destaing étoit marié. Il a su de ses
y
deux aides de camp que le général Destaing avoit fait un ma
riage légitime ; à H i a JtTïïlais ouï dire, ni aux. aides de c a m p ,
ni
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9
)
ni à personne , rien qui piit faire élever le moindre doute sur
la légitimité du mariage. Il prétend m ême que ce dernier avoit
invité à diner, pour faire connoissance avec sa fem m e; mais il
ignore par qui le mariage a été célébré. Il ne peut même se
rappeler positivement l ’époque ; il faudroit pour cela qu’il fit
1
quelques rech erch es; il croit cependant que c ’étoit au com
m encement de l’an g.
T o ute indifférente qu’est cette déposition , on doit remarquer
cependant que le témoin en impose évidemment lorsqu’il pré
tend que le général vouloit lui faire faire connoissance avec sa
femme. On voit par la déclaration précédente, et on verra bientôt
par des dépositions subséquentes , que cette assertion est ab
solument contraire aux mœurs d’E g y p te , et que les femmes
n ’ont jamais aucune communication avec les hommes.
D o m Raphaël de Monachis est le septième témoin ; il a été
reproché com m e signataire d’un certificat donné à Paris , devant
le juge de paix, le 29 mars 1806. Et ce reproche est fondé sur
la disposition de l’art.
du Code de procédure, §. 2. C e témoin
est professeur de langues orientales ; il déclare qu'il étoit au
Caire à l’époque du mariage i il n’en a pas été témoin oculaire,
83
mais il a ouï dire à Antoine D o u b a n é , actuellement négociant
à T rie ste , qu’il avoit été témoin de ce m ariage, qui avoit été
célébré par le patriarche d’Alexandrie , dans l'ég lise de sa in t
G eo rg es, au V ieu x-C a ire. Il a ouï dire la m ême chose à trois,
quatre , dix , trente personnes ; il a ouï dire également que
ce n’a été qu’a v e c _peine que le sieur Nazo avoit déterminé le
patriarche à c onsentir au mariage ; que cette répugnance étoit
fondée sur la différence de religion , et sur ce que le général
Destaing étoit Franc , c ’est-à-dire, Européen et militaire, parce
que c ’étoit un grand déshonneur de donner sa fille à un militaire,
et plus particulièrement à un Européen. luette répugnâlîcen’existoit cependant pas chez les catholiques romains; plusieurs m i
litaires a y o ie n t, quoique mariés en F ra n c e , pris des iemmes
B
�( IO )
en Egypte , et les avoient quittées après q u in z e , v i n g t , ou trente
jours.
On lui demande si ces mariages étoient faits à l’église ; il répond
que o u i, mais qu’ils ne ressembloient pas au mariage de la dame
Interrogé pourquoi cette différence entre les mariages,
dit que premièrement le général Destaing n ’étoit pas marié
en France , com m e certains autres militaires ; 2°. que le général
Destaing n’étoit pas un homme in con n u , comme un petit sergent,
ou un petit capitaine ; que le général M enou s’ëtoit rendu garant
du général Destaing auprès du père de la dame N a z o , et qu’il
TET avoit dit : JN’ayez p eu r, le g én éra l n'abandonnera pas votre
f ille . L e témoin soutient qu’on ne connoissoit pas, en E gypte,
Destaing.
il
les mariages à temps ; il a tte s te , comme naturel d’E g y p t e , et
comme curé catholique romain , que jamais ces mariages n’avoient e x is té ; qu’il en faisoit le serinent par-devant D i e u , et
qu'il le prouveroit par sa téte. N on d a tur divortium in ecclesiâ!
s’écrie-t-il ; la dame Nazo a été mariée ju x ta usum ecclesiœ; et
si le père N azo avoit cru donner sa fille à temps , il ne l’eût pas
donnée. Les femmes qui s’étoient mariées à plusieurs militaires
n’avoient point obtenu la permission d ’aucuns prêtres. I l fait
concorder le mariage avec le commandement du général Menou.
On voudroit obtenir quelques renseignemens de lui sur l’origine
de la dame Nazo : H oc non p ertin et a d nostram causam , r é
pond-il. On insiste pour avoir des détails ; alors il déclare que le
père de la dame Nazo étoit A rm é n ien , catholique rom ain, bijou
tier, et que Nazo n’étoit pas son père, mais son beau-père. On
lui demande s’ir n’y avoir •paîT ïi ri "autre beau-père, qui étoit Barthélem i, Génois de nation, et si
n’étoit pas là le véritable
beau-père d’A n n e ; il difqiT après la mort du père d'A n n e , sa
ce
v e u v e a épousé ce B arthélem i, qu’ils se sont quittés quelque
temps après, et qu’eHe s’eS lrem ariée avec Nazo.
Sur l’interpellation qui lui est faite s’il est sûr que Barthélemi
a épousé la mère d ’ANNE, s il est vrai qu ensuite elle s’est mariée
�a vec N a z o , il répond qu’il ne connolt ces faits que par ouï dire.
Il dit encore que les simples prêtres célèbrent les mariages de
condition ordinaire, et le patriarche celui des personnes distin
guées ; mais qu’à raison de l’esclavage causé par l’empire des
T u r c s , il n’y a que trois églises grecques, et que le patriarche
p e u t , en p la ça n t son a u tel clans une m aison , la rendre son
église. Il prétend que les prêtres grecs ne tiennent pas de registres,
parce qu’ils ont peu d’instruction et peu de liberté.
On observe au témoin que cette assertion est contraire à c e
qu’il avoit déjà dit. Il avoit déclaré en commençant qu’il existoit
des registres pour les naissances et les m ariages, et maintenant
il semble être en contradiction ; il répond giors que les prêtres ne
rédigeoientpoint de contrats, mais tênoient de simples mjémoires.
Cette déposition’’mérite cTëtre attentivement exam inée ; elle
ne s’accorde pas avec l’acte de notoriété que Te térnoîn à signé,
et où il disoit q u ’il avoit assisté au mariage. Maintenant il l’a
seulement entendu dire , à la vérité , par beaucoup de monde ;
m ais les tren te personnes au m oins q u i lui en ont p a rlé , lui ont
attesté q u e c e m ariage avoit été céléb ré par le p atria rc h e , dans
l’église de sa in t G eo rg es, au V ieu x-C a ire. Voilà une particu
larité remarquable. L e local est spécialement d ésign é, et on ne
se trompe pas ordinairement sur cette désignation : le V ie u x Caire est séparé du Grand-Caire par une branche du N il; et on
verra bientôt que les témoins de Marseille ont prétendu que ce
mariage avoit été célébré dans l’église d e sa in t N ico la s du
Grand-Caire.
D ’ un autre c ô t é , c e témoin apprend qu'A n n e N azo est née
d’un père catholique romain. Elle a dit elle-méme qu’elle professoit cette religion ; c ’étoit aussi celle du général Destaing : il
est dès-lors impossible que le patriarche grec ait marié des cath o
liques romains; c e seroit contraire à tous les principes des scmsmatiques grecs , dont l’aversion est connue pour tout c e qui tient
au rite romain. Cependant le témoin, qui est lui-même prêtre
catholique, ne dit pas un mot sur cette différence de religion;
B 2
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et s’il déclare que le patriarche grec s’étoit déterminé avec peine
à faire ce m aria g e , ce n ’est pas à raison de la différence de la
religion , mais seulement parce que le général étoit Européen et
m ilita ire , et que les filles ne p o u v o ie n t, sans une espèce de
déshonneur , épouser des Européens et des militaires. Cette
espèce de honte ou de préjugé qui rejaillissoit sur les filles ,
n ’avoit d ’autre origine que l’inconstance ou l’abandon des per
sonnes de cette profession; et le bon Monachis, sans s’en aper
c e v o ir, nous atteste qu’il se faisoit des mariages à temps, qu’ils
étoient m ême fort communs. Il n’avoit pas besoin de nous dire ,
car nous savons t o u s , que l’église romaine n’admet point de
d iv o rce ; et n e ^ s g m j^ c e pas une raison pour que le général
D estaing eût v oulu s’adresser «à un prêtre grec? Il trouvoit dans”
la famille d’Anne des exemples qui pouvoient l’autoriser : aussi
est-ce avec bien de la 'p e in e que le témoin s’explique sur les
hauts faits de Sophie Misch ; il faut qu’il y soit contraint par
l’autorité; jusque-là il s’étoit renfermé à dire : H oc non pertinct
a d nostram causant.
On aura occasion de revenir sur cette déclaration très-impor
tante et très-remarquable.
L e huitième tém oin, Joannes C h e p te c h i, prêtre cophte, c a
tholique romain , dépose avoir ou ï dira par le public que le
général Destaing avoit été marié par le patriarche g r e c , solen
nellem ent, avec la fdle de la femme de Jean Nazo. Il dit qu’elle
s’appelle Marie : mais sur l’observation que lui fait A nnk ellem êm e , que Marie n’étoit pas son nom , il ne s’ en est pas rap
p e l é , quoiqu’il la connoisse depuis l’âge de trois ans; d’ailleurs
il n’étoit appelé que pour déposer de son mariage. Il atteste que
les père et mère d’Anne étoien t catholiques romains. Il sait
q u ’après la mort de £on_preimer j n a r i S o p h i e Misch épousa
Barthélem i, L a tin ; mais pour épouser Nazo elle se fit schismatique g rec q u e , et le patriarche déclara son second mariage in
valide. Nazo fut si content, qu il dépensa cinquante mille écus
pour son mariage. D ’ailleurs, ajoute-t-il, la liberté des mariages
�J3
(
)
existe en Egypte : les prêtres catholiques n’ont pas la liberté de
p a r le r , mais ils n’approuvent pas pour cela les mariages c o n
tractés par ceux qui quittent leur religion. Il n’a pas entendu
dire que l’on pouvoit divorcer et contracter de nouveaux mariages
dans la m ême religion, mais seulement qu’on pouvoit, à cause
de la liberté civile des cultes , quitter la religion latine pour
embrasser la religion schismatique grecque ; et que le mariage
contracté par une femme latine avec un homme de sa religion,
étant déclaré nul par les G r e c s , cette dernière pouvoit, en em
brassant la religion g recq u e , faire déclarer nul son mariage avec
un la tin , et en contracter un second. Il atteste cependant que
les prêtres grecs com m e les prêtres cophtes étoient dans l’ usage
de ten ir des registres des m ariages.
Cette dernière déclaration ne convient pas à A n n e ; son avoué
prétend qu’il n’est pas bien informé des usages, q u ’il est étranger
au rite grec , et que dès-lors il ne peut savoir si en effet ces
prêtres tenoient des registres. L e témoin répond qu’il parle avec
peine la langue française ; q u ’on ne d onnoit pas en E gypte le
nom de registre a u x notes que ten o ient les prêtres ; mais que
ces notes contenoient la date des mariages et les noms des
parties, et que dans aucune religion ces notes n’étoient signées
des parties.
O n lui demande s’il n’étoit pas d’usage, dans les mariages
r é e l s , de promener solennellement la dot et les époux sous un
dais. Il prétend que cela n’est usité que pour les T u rc s ; que
les autres religions n’ont la liberté de le faire que par la per
mission du souverain.
Cette déposition est essentielle sur un p o in t, malgré les in
terrogations captieuses J ’Anke ou de ses conseils. Il est cons
tant , d’après ce té m o in , que les prêtres de toutes les religions
tiennent en Egypte des registres ou des notes sur les mariages.
Comment se l'ait-il qu’on se soit écarté de cet usage pour le
général Destaing seulement ; et par quelle fatalité ce mariage
est-il le seul qui 11’ait point été inscrit, ni sur les
des
notes
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( i
)
p rêtres, ni su r les registres des actes civils? D ’ailleurs, sur le
fait p rincip al, ce témoin ne parle encore que par ouï-dire.
L e n e u v iè m e témoin est L u c D u ra n te a u , général de brigade.
Il a été reproché com m e étant l’un des signataires de l’acte de
n o to riété dont A nne a fait usage. A u surplus , il s’est trouvé
dans une réunion à l’occasion du mariage du général Destaing
avec la fille de Joanni Nazo ; mais il n’a point connoissance
de la célébration du mariage par le patriarche d ’Alexandrie ,
seulement il étoit de notoriété qu’Anne étoit mariée. Autant
qu’il se ra p p e lle , le mariage a dû avoir lieu sous le com m an
dement du général Menou. Mais il ne sait préciser, ni l’époque
de la réunion dont il a parlé, ni combien a duré la cohabita
tion ; il ne sait pas m ême si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur des registres tenus a d hoc par les commissaires
des guerres.
L a seule remarque qu’on se permettra sur cette déposition,
c ’est qu’elle est en contradiction avec l’acte de notoriété qu’il
a signé. Suivant ce c e r tific a t, le mariage avoit été célébré en
présence du déclarant, en l’an 8.
Dans sa déposition , il n'a pas connoissance de la célébra
tion du mariage ; il n’a été fait que sous le commandem ent du
général M enou, c ’est-à-dire, en l’an 9. Ainsi la déclaration est
tout autre chose que l’attestation. C e témoin , qui veut tout
ignorer, ne sait pas m êm e si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur les registres des commissaires des guerres.
L e dixième témoin est Joseph Saba , réfugié de Jérusalem ;
il é t o i t , en qualité d’interprète , chez le général Dupas. Ce
dernier fut invité par le général Destaing à assister au m a ria g e ,
et y alla. L e mariage d’un Français avec une femme grecque
parut une chose remarquable. Il entendit répéter qu’il avoit été
célébré par le patriarche g re c , dans l’église de sa int N ic o la s,
au G r a n d - Caire. Mais il n a pas été témoin personnellement
de la cérém onie; et voilà une nouvelle version. Suivant le sep*
tième té m o in , qui a dit tant de c h o s e s , le mariage avoit été
�5
( ï
)
célébré dans l’église de saint G eo rg e s, au V ie u x -C a ire . Celui*
c i veut que ce soit dans l’église de saint N ic o la s , au Grand*
Caire. Au surplus, il a procuré à madame Destaing une maison
propre dans la citad elle, lorsque le général partit pour Alexan
drie. Il sait encore que le père d’Anne Nazo est mort. Mais
quand une veu ve ayant des petits enfans se remarie, les enfans
donnent le nom de pére au nouveau mari. Il connoit Barthélem i ; mais il ignore si ce Barthélemi est le mari de la mère d’Anne
Nazo. Il n’est pas Egyptien, il est de Jérusalem, et n’a pu savoir
ces détails. L e mariage d’Anne Nazo avec le général Destaing doit
remonter à huit ans , tout au plus , sans qu’il puisse dire pré
cisément l’ année.
C e témoin , q u i n e parle encore q u e par ouï-dire, prétend
que le général D upas a assisté au mariage ; et le général a luiinéme a tte s té , dans un certificat de notoriété qu’il a délivré à
A n n e , qu’il n’a eu connoissance de ce mariage que par c e que
en o n t d it plusieurs p erso nn es distinguées d ’E gypte. 11 est
d ’ailleurs co n stan t îju’A nn e n ’est pas fille de N azo , q u o iq u ’elle
ait toujours p ré te n d u l’é tre ; et il n e faut pas aller en E g yp te
lui
pour savoir que les enfans d’un premier lit donnent quelquefois
le nom de père â un second ou troisième mari de leur mère ;
c ’est aussi l’usage en France. Mais c e qui n’est pas vra i, c ’est
que le second, mari donne son nom aux enfans d’un premier lit ;
et A n n e seroit bien embarrassée s’il falloit appuyer cette asser
tion de quelque autorité.
,
L e onzième témoin est un sieur D a u r e , commissaire-ordon
nateur. C e témoin a été reproché , comme signataire de l’acte
de notoriété, fait à Paris devant le juge de paix, le 29 mars
1806; il étoit d’ailleurs l’ennemi personnel du sieur D e s ta in g ,
et il en convient dans la suite de sa déclaration. I l ne sa it
p oint si le général Destaing s’ est marié à l’église ou devant le
cgmmissaire des guerres, mais il fut invité au repas et au bal
donnes à cette occasion. Il n’assista pas au repas ; il se rendit
au bal avec d autres généraux q u ’il nomme. Il étoit alors très-i
�C ^ )
lié avec le général; il s’est ensuite un peu brouillé avec l u i ,
par suite des discussions qui ont eu lieu à l’armée. Il ignore le
nom de la femme que le général Destaing épousoit ; mais ses
fonctions le mettoient dans le cas d ’avoir quelques rapports avec
les parens. L e général Destaing l’a présenté à son épouse- Il
le considéroit comme marié légitimement. Il ne se rappelle pas
la date du mariage, mais il se trouvoit ch ez le général Destaing
deux mois environ avant la descente des Anglais. Il convient
que les commissaires des guerres tenoient des registres pour
inscrire les mariages ; mais il renvoie à l’ordonnateur Sartelon
pour donner sur c e point d’autres renseignemens. Il ajoute que
la cohabitation entre le général D estaing et A n n e avoit pu durer
environ trois mois.
Cette déclaration, qui est en contradiction avec l’acte de no
toriété , ne présente rien de saillant sur le fait. L e témoin ne
raisonne que par ouï-dire ; et jusqu’ici on n’a aucune donnée
pour prouver que ce mariage a été célébré par le patriarche
d ’Alexandrie.
L e douzième témoin est encore un réfugié d’E gypte, Gabriël
T a c k , natif du Caire. Il n’a point assisté personnellement au
mariage du général Destaing ; mais étant interprète du général
Lamusse , ce dernier lui avoit dit : G abriël, vous n’étes donc
pas venu à la noce avec nous? et lui avoit ajouté que le général
D estaing avoit épousé la fille de N a z o ; que le mariage avoit été
célébré par le patriarche g r e c , qui avoit donné la bénédiction.
L ’interprète du général Destaing lui a dit que ce m ariage avoit
été célébré par le patriarche. Cet interprète du général D e s
taing étoit lu i-m ê m e présent à la cérémonie. C e mariage a fait
beaucoup de bruit dans le quartier des chrétiens ; il a eu lieu
dans l’église de saint N ic o la s , au C a ir e , et dans un temps
voisin de arrivée des Anglais. Il a ouï parler de Barthélemi,
1
second mari de Sophie M isch , mais il n a jamais vu cette der
n ière; il avoit m êm e un domicile séparé. Il a vu Nazo dem eu
rant avec la mère U’A n n e , ici présente.
Il
�( 17 )
Il ne sait pas si la mère est d’origine grecque c n p h te , il sait
seulement que le patriarche ne maricroiù pas une fe m m e q u i
ne seroit pas G recque. O n lui observe que le général Destaing
n’étoit pas lui-méme Grec ; il répond que cela n’empècholt pas
le patriarche de donner la bénédiction , parce que la femme
étoit G recque , et que le mari étant Latin et la fennne G recque,
celui-ci avoit le droit d’emmener la fem m e à son église , ce
qui n’avoit cependant lieu qu’autant qu’il le vouloit. On lui
demande quelque explication sur les cérémonies des Grecs pour
les mariages. T o u t cela , suivant l u i , consistoit à aller à l’é g lis e ,
et chez les Latins on écrivoit les mariages sur des registres ;
il le sait parce que lui étant L a t i n , il a été marié dans une
église catholique ; mais il ignore si cela avoit lieu ch ez les
Grecs. Il ignore encore s’il étoit d’ usage de promener la dot et
les époux sous un dais. Et enfin il dit que l’interprète du général
Destaing s’appeloit Massara. Ce témoin, com m e on voit, ne parle
encore que par ouï-dire, et n’a fait qu’une déclaration remar
quable , c ’est que le patriarche grec n ’auroit pas donné sa bé
nédiction à une fem rjie q u i n ’etoit pas Grecque. On a vu plus
haut qu’ANNE et son père étoient catholiques romains. L e géné
ral Destaing étoit de la m êm e religion, par conséquent le pa
triarche grec n ’a pu être le ministre du mariage.
L e treizième, le sieur E stève, trésorier général de la couron ne,
est un des signataires de l’acte de notoriété dont A nnb a fait
usage ; il a été reproché à raison de ce. D ’ailleurs il n’a point
été témoin de la cérémonie du mariage; il l’a appris com m e
une nouvelle de l’armée et du Caire. L e général le lui a éga
lement annoncé. Il a ouï dire que le mariage avoit été célébré
selon le rite grec , q u ’il y avoit eu un repas de noces au qu el
il n’avoit pas assisté. Mais quelques jo u rs après il fut invité chez
le général Destaing avec sept ou huit autres Français. L e général
en dînant annonça son mariage. L e témoin l’en félicita et em
brassa. Il n’a cependant pas vu la fem m e du général : en Egypte
les fem m es ne m angent p o in t avec les hommes. Le mariage a eu
1
c
�( x8 )
lieu peu de temps avant l ’arrivée des Anglais , vers le commen
cem en t de l’ an 9 , autant qu’il peut se le rappeler. Il croit que
la cohabitation n’a pas cessé pendant tout le temps du séjour
du g énéral en Egypte ; il ignore s’ils sont venus en France en
semble. Un ordre du jour avoit ordonné que les commissaires
des guerres tiendroient un registre pour inscrire les mariages
et les naissances; mais il ne sait pas si ces commissaires les
tenoient; il croit qu’en général ils ne sc sont pas conformés à
l’ordre. Le général Menou avoit donné un ordre pareil ; mais
c e t ordre ne regardoit que les musulmans. Il n’est pas à sa
connoissance que le général Menou ait fait inscrire son mariage;
il sait seulement qu’il a fait inscrire la naissance de son fils ,
et que les généraux ne l’ont point imité en cela. Enfin il ignore
si le général Destaing s’est fait des ennemis par ses opinions.
Cette déclaration est en contradiction avec l’acte de notoriété.
D ans cet acte le témoin connolt parfaitement nne
, épouse
du général Destaing ; il a assisté à la cérémonie du m ariage,
A
Nazo
qui a eu lieu en présence d ’un grand nombre de Français ; il
atteste également que ce mariage a eu lieu en l ’an 8. Dans sa
déposition il n ’a appris le mariage que com m e n ouvelle; il n ’a
assisté ni à la cérémonie ni au repas : ce 11’cst que huit à dix
jours après qu’il a diné chez le g én éra l, et il
point vu sa
femme. Le général Menou n ’a donné ordre de tenir un registre
qu’au divan et pour les musulmans. N ’est-ce pas une raison de
penser que toutes les autres sectes tenoient des registres. Il est
d’ailleurs reconnu que le général Menou avoit fait transcrire
l’acte de son mariage contracté en l’an 7 , à R o sette, sur les
registres du commissaire des guerres du Caire.
n’a
L e quatorzième témoin , le sieur Sartelon, commissaire-ordon
n ateur, a été reproché de deux manières, et comme signataire
d ’un acte de notoriété au profit d’A^NE, et comme ayant été
l ’ennemi personnel du général D e s ta in g , par suite de division
à l’occasion de la capitulation du Caire. Il dépose d’ailleurs
qu’entre le i cr. brumaire et le i cr. ventùse an 9 , le général
�D estaing lux
nommé Nazo
Destaing lui
moine invité.
( 19 )
fît part de,«on mariage avec la fille d nn G rec
, commandant en second d’ un bataillon. Le général
parla de ce mariage tant avant qu’après*, il la v o it
Nazo lui fit également part du mariage de sa fille;
il la nomma ainsi, quoique depuis il ait ouï dire qu’ANNE n étoit
pas la fille de N a z o , mais sa belle-fille ; il a assisté au repas de
noces, mais non à l'église. Q uoiqu’il eût été invité à la cérémonie
avec le général Lagrange, à ce q u 'il croit; il pense m êm e , sans
pouvoir l ’a ffirm er, qu’il y a eu des billets de communication
de ce mariage ; que la nouvelle en a été insérée dans la gazette
du Grand-Caire, rédigée par le sieur D esg en ette , médecin de
l’arm ée; q u i l n ’affirm e pas non plus c e dernier fait, mais dans
la société il le diroit sans hésiter; qu’il a vu au repas de noces
la femme du g é n éra l, et il la reconnolt pour la dame présente
aux débats. Lorsque le général Destaing fut blessé dans l’affaire
contre les Anglais , il lui parla de sa fem m e com m e d’une femme
légitime. Il ne peut assurer si les prêtres grecs tiennent des
registres de m ariage ; mais cet visage a lieu chez les prêtres
catholiques latins, qui sont beaucoup plus instruits. Il a signé
l’acte de mariage du général B a u d o t, célébré dans une église
latine, à peu près à la même époque. Il croit toutefois im pos
sible que les prêtres grecs ne tiennent pas des notes ; mais ces
notes ne seroient pas des registres civils. Il est à sa connoissance qu’ il n’y a pas en E gypte d’officiers de l’état civil. Il
a vu le général Destaing à P aris, qui lui a dit qu’il attendoit
sa femme. E n fin , d’après la notoriété, le mariage en question
avoit été célébré par le patriarche grec , et suivant le rite grec.
Le
commissaire lui demande d’office s’il n'a pas eu quelques ini
mitiés avec le général Destaing ; il répond négativement. In
terrogé s’il n’a pas tenu quelques propos injurieux h la m ém oire
du général; il ne le croit pas. D ’ailleurs quand son opinion ne
seroit pas lavorable au général, cela ne l’e m p éch ero it pas de
deposer la vérité, et il croyoit honorer la mémoire du général,
en déposant en faveur du sa femme et de sa fille.
r *>
�( 20 )
On lui rappelle qu’il a refusé de communiquer des registres,
et d’y faire des recherches; qu’il s’est même répandu en propos
très-injurieux contre le général. Il prétend n ’avoir rien dit d’in
jurieux, mais il a soutenu qu’aucun ordre du jour n’avoit prescrit
la te n u e des registres; que cet usage s’étoit établi, de faire écrire
les a c te s , soit par les commissaires des guerres, soit par les chefs
des corps; que d’autres s’étoient contentés de se présenter aux
prêtres du pays; qu’enfin les commissaires ne tenoient point de
registres , mais de simples procès verbaux : d’ailleurs les trois
quarts de ses papiers ont été perdus.
On lui demande à quelle église il fut invité pour assister à la
cérém onie; il répond que c ’est probablem ent à l’église grecque;
que d ’ailleurs sa mémoire ne lui rappelle rien autre chose , que
seulement le général D estaing lui a dit que c ’étoit le patriarche
grec qui avoit fait le mariage.
On l’interpelle encore de déclarer si après le mariage de m a
dame B a u d o t, fem m e du général de c e nom , ce dernier ne
présenta pas l’acte latin qui avoit été rédigé et signé des parties
contractantes, à lui Sartelon , pour qu’il en dressât l’acte c iv il,
et assurer l’état des parties.
Il convient, en.effet avoir rédigé cet a c te , non sur un registre,
mais sur une simple feuille, et en forme de procès v e rb a l, après
la célébration religieuse q u ’en avoit faite un prêtre catholique
romain. C e fut le déposant lui-m ém e qui engagea le général
Baudot à faire faire cet acte pour plus grande sûreté : le général
croyoit que la cérémonie religieuse suffisoit. Mais c ’est le seul
acte de mariage que le témoin ait jamais rédigé. C ’est encore
lui déposant qui fit enregistrer la m inute, pour se conformer à
l’ordre du jour de l’arm ée, qui ordonnoit l’enregistrement de
les actes
tous
qui y seroient passés, non-seulement pour les
mariages, mais pour toutes les transactions sociales, cet enre
gistrement étant une imposition indirecte créée tant pour le
pays que pour les Français.
On ne peut pas se méprendre a cette déclaration ; elle porte
�(
21
)
le caractère de la haine contre le général D estaing; elle prouve
un entier dévouement à la cause d’AuNE, que le témoin a mal
adroitement servie, en tombant à chaque pas dans des contra
dictions choquantes. Il avoit été plus positif dans son acte de
notoriété. Dans sa déposition il n’a pas assisté à la cérém onie;
il n’a été qu’au repas de n o c e s , où il a vu Anne ; et le précé
dent témoin nous a dit qu’en E gypte les femmes ne paroissoient
jamais à table avec les hommes. Les prêtres grecs com m e les
latins tenoient des notes des mariages , mais les commissaires
des guerres n ’avoient point de registres civils pour les inscrire;
et cependant il a rédigé celui du général Baudot : c ’est lui qui
l’a provoqué à cette mesure pour plus grande sû re té , qui a fait
enregistrer la m inute, parce qu’ un ordre du jour ordonnoit l’en
registrement de tous les a c t e s , pour les mariages comme pour
toutes les transactions. D ans quelle incertitude ne laisse-t-on pas
les esprits, avec des déclarations aussi incohérentes; et par quelle
fatalité Anne n e tro u v e -t-e lle pas parmi tous c e u x que leurs
fonctions ra p p ro ch o ien t le plus du général D estain g , u n seul
tém oin q ui ait assisté h la p ré te n d u e cérémonie du mariage?
L e quinzième témoin , le sieur M a r c e l, directeur général de
l’imprimerie, encore signataire de l’acte de notoriété, et reproché
en conséquence , dit que dans le com m encem ent de l’an g ,
quelque temps avant la mort du généial K léb er , le général
Destaing épousa la dame Anne Nazo : le témoin la reconnolt
en la voyant assister à l’enquéte. Il y eut à cette époque un
repas auquel furent invités les officiers généraux et les princi
paux chefs de l’administration; que ce repas,’ le plus solennel
qui ait eu lieu alo rs, fut donné comme festin de noces ; que
dans ce repas on disoit que le mariage avoit été célébré par
le patriarche grec d’Alexandrie , résidant au Caire ; et le témoin
a^ entendu dire que la célébration avoit eu lieu à l’églîsë~ttea
Grecs; qu ils ne désignent pas leurs églises sous la dénoihi»àl.iOn
d un s a u tt, mais seulement sous le nom de l’église ; c o m m e ,
par exemple , Yéglise des cophtes. Il connoissoit cette église
�(
22
)
grecque nmir v avoir été rendre visite au patriarche. Il peut se
Fau-ëluï
que les Grecs entr eux d é s ig n e n tc e tte église
sous le nom d’un saint. Il croit se rappeler qu’il y e ut des billets
de ™ rnmurçication imprimés; mais sa mémoire ne lui présente
pas c e fait avec assez de certitude pour pouvoir l’affirmer.
Peu après l’arrivée des F ia n ç a is , un ordre du jour avoit
ordonné qu’il seroit tenu des registres pour constater les
mariages et les naissances; mais cet ordre ne fut exécuté que
dans les derniers te m p s, que le général Menou le renouvela.
Le témoin a perdu trois enfans en Egypte. L ’acte de naissance
et de décès du dernier seulement a été dressé ; pour les autres
enfans, il n’a eu d’autre note de leur naissance que le certificat
surplus
de leur baptême donné par le supérieur des c a p u c in s , prêtre
catholique, qui en tenoit note; mais note incomplète et inexacte.
A la vérité le témoin convient que c e t ordre avoit été donné
par le général Menou. L ’ordre donné pour la tenue des registres
n ’a point été e x é c u té ,
s’imprimoient
à
à
ce qu’il croit, parce que tous les registres
l’imprimerie nationale , qu’il dirigeoit alors, et il
ne se rappelle pas avoir vu le registre en question. Si les G recs
et les cophtes eussent tenu do ces registres, on n’ auroit point
demandé leur déclaration. Lors du diner ce u x qui avoient parlé
de cette cérémonie en av oient é té , à ce q u ’il c ro it, témoins
oculaires ; il ne peut cependant se rappeler c e u x des convives
qui y parloient, quoiqu’aucun d’eux ne lui fût , à ce qu’il
pense, inconnu; il n’a d ’ailleurs jamais entendu élever des doutes
sur l’existence du mariage, que la notoriété publique présentoit
com m e mariage légitime. Il ne se rappelle pas d’ avoir vu le
patriarche d’Alexandrie au diner de noces ; il ne croit pas m ême
q u ’il y fut. Il ignore combien a duré la cohabitation ; il n’a
point connu de mariage h temps en E g y p te , ou du moins le
cas est rare,
et n a
lieu qu entre musulmans, mais point entre
chrétiens.
Encore Incertitude sur cette déposition; il ne sait le .mariage
que par ouï-dire.
�23
(
)
Le seizième témoin, Jacques C lé m e n t, déclare, sur le l'ait
dont il s’agit, qu’en 1801 , six à sept mois avant le départ des
Français , sans pouvoir autrement préciser l’époque , la voix
publique lui apprit le mariage du général Destaing. I l n ’est pas
sûr que ce mariage ait été célébré p a r le patriarche c l'A le x a n
drie; il l’a seulement ouï dire par tout le monde. L e jour même
ou le lendemain du mariage, voyant un grand nombre de per
sonnes réunies, parmi lesquelles se trou voient des officiers gé
néraux , des officiers de tous grades, des T u r c s , des G r e c s , il
apprit que cette réunion avoit pour cause le mariage du géné
ral. Comme il l’avoit beaucoup connu à Rozette et au C a i r e ,
il crut de son devoir d’entrer chez lui et de le féliciter. L e
général l’invita à rester, pour lui servir d’ interprète auprès des
personnes du pays qui pourroient se présenter chez lui pour
le visiter. Il y eut le soir un très-grand repas; mais le patriarche
n’étoit pas au diner : il y avoit cependant un ou deux prêtres
grecs. L ’ usage de dresser les actes de mariage, chez les G re cs,
n ’est pas général. Il n ’existe pas chez les T u r c s ; et les p rêtres
grecs ne font des actes de m ariage que lorsqu’on leur en de
mande. A l’égard des mariages à temps , ils sont extrêm em ent
rares; on en^trouve à peine un exem ple en dix ans. Ils ne
sont "pratiqués que~par Tes T u rc s ou des libertins. Il n’en a, vu
que deux ou trois exemples parmi lès catholiques et les cophtes,
qui ont été excommuniés. Ces mariages avoient été célébrés par
des cheiks turcs. Il croit avoir connu le père d’Anne ; il étoit
Arménien de n a tio n , et bijoutier. Mais il appelle A n n e fille
adoptive de N azo , parce que Nazo avoit épousé sa mère.
Relativement à la pompe extérieure des m a ria g es, on étoit
obligé d’aller à l’église. Chez les T u r c s , et non chez les chrétiens,
on promenoit le trousseau et la fem m e sous un dais ou dans
une voiture.
C e témoin se présente officieusement com m e l’interprète
du général D es ta in g , ce qui est contraire à la déposition de
Gabriel T a c k , douzième témoin, qui a déclaré que interprète
1
�( *4 )
du général Destaing s’appeloit Massara. L ’im deux n ’a donc pas
dit la vérité. Au surplus , cet interprète ne sait encore rien que
par ouï-dire.
L e dix-septième et dernier témoin de l’enquéte de Paris, est
un sieur Dominique-Jean L a r r e y , reproché com m e un des certificateurs de l’acte de notoriété, et com m e ayant manifesté
de grands mécontentemens de c e qu’il prétendoit que ses soins
et ses services , dans la maladie du g én éra l, n’avoient pas été
payés. Il déclare que dans le com m encem ent de l’an 9 , il avoit
reçu un billet d’invitation du général D estaing, son a m i, pour
assister à ses noces ; il s’y r e n d it, et y trouva plusieurs amis
du g é n é ra l, entr’autres les sieurs E stève, Lagrange, et le général
M e n o u , avec lequel il s’entretint de son service. Anne Nazo
y étoit en costume t u r c , et parée de tous ses ornemens. ( Il
est bien extraordinaire que ce soit le premier témoin qui ait
parlé de cette circonstance. ) T o u t le monde y étoit en grande
tenue; il adressa ses félicitations au général, et lui fit ses excuses
de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de l’église, d ’où l’on
sortoit en ce moment. Comm ent savoit-il qu’on en sortoit en ce
moment? Il répond que c ’étoit le bruit général de l’assemblée.
C e mariage avoit été célébré dans l’église du patriarche des Grecs*
mais il ne se rappelle pas du nom de l’église. Il a vu le général
après la descente des Anglais ; il s’est trouvé avec lui au siège
d’Alexandrie, et depuis à Paris. Le général lui a parlé plusieurs'
fois de sa fe m m e , et s’occupoit de la faire revenir en France
( elle y étoit avant lui ). Il 11e se rappelle pas de la teneur du
billet d invitation ; il c r o i t , sans pouvoir le dire au ju s t e , que
les mots noces et cérémonies s’y trouvoient. Il a assisté aux fé
licitations des personnes qui se trouvoient à l’assemblée; il étoit
au re p a s, et A n n e s’y trouvoit également. Il se retira avant le
b a l , à cause de ses occupations qui l’avoient également em péché
d’assister à la cérémonie nuptiale. Ce mariage étoit de notoriété ,
et 011 disoit qu’il n’y avoit que le général Menou et le général
Destaing qui voulussent conserver la c o lo n ie , parce qu’ils avoient
épou sé
�(
25
)
épousé des femmes égyptiennes. Il a pansé Joannÿ Nazo d’une
plaie q u ’il avoit à la jambe , et l’a vu plusieurs fois chez le général
D esta in g , où il étoit reçu avec les égards dûs à sa profession.
Il dit que l’église des Grecs étoit située dans la ville du Caire.
Il n’a point connoissance des mariages à temps ; mais lorsqu’on
vouloit acheter une esclave ou une autre femme , cela ce pratiquoit secrètement : les fem m es entroient dans les m aisons
où on les fa is o it ven ir v o ilé e s , ou bien on les achetoit chez
des marchands d ’esclaves.
1
T e lle est l’enquête faite à P a r is , où sans contredit on avoit
de grands moyens pour se procurer des témoins. A n n e en avoit
fait assigner un grand nombre , que dans la suite elle n’a pas
jugé à propos de faire entendre : on le lui a reproché lors de
la clôture du procès verbal d’enquéte; mais elle a cru devoir se
borner à ceux qui avoient signé les actes de notoriété , et ne
s’attendoit pas à les voir tomber en contradiction avec leurs pre
miers certificats. A-t-elle prouvé qu’elle avoit été mariée avec le
général D e sta in g , publiquem ent et so len n ellem en t , p a r le p a
triarche d ’sîleæ andrie , suivant le rite g r e c , et les form es et
usages observés dans le pays ? ( C e sont les expressions littérales
de l’arrét de la Cour. ) A n n e ne peut pas s’en flatter ; aucun de
ses témoins n’a été présent à la cérémonie. Les ouï dire ont des
différences notables ; tantôt c ’est au V ieux-C aire, et tantôt c ’est
dans la ville du Caire que le mariage a été célébré ; les uns
veulent que ce soit à l’église de saint G e o rg e s, d’autres à l’église
de saint Nicolas : pas la moindre instruction sur les mœurs et
les usages des G r e c s , incertitude sur le sort, la naissance et la
religion d’Anne ; ce u x qui la connoissent le mieux disent qu’elle
est catholique romaine ; ceux qui la disent catholique romaine
soutiennent que le patriarche des Grecs ne marieroit pas une
Latine. Sophie M isc h , sa m è re , qui n’éloit pas v e u v e , a quitté
la religion romaine pour prendre un troisième mari. Voilà donc
cette famille qui offroit tant d’agrémens et d'avantages au général
Destaing, qui lui faisoit oublier les égards et le respect qu’il deD
�( 26 ')
volt à son père, méconnoitre les convenances sociales, mépriser
les appas de la fortune , oublier son r a n g , son p a y s , sa nais
sance , pour lier son sort à la fille d’un Arménien. Et c ’est cette
femme qu’on veut légèrement introduire dans une famille , qui
viendroit usurper non-seulement la fortune du général, mais
encore partager les dépouilles du sieur Destaing pè re , de ma
dame Destaing et de Pascal Destaing, morts pendant l’instance.
Lorsque l’immortel d’ Aguesseau s’écrioit que ce n ’étoit qu’en
tremblant, et avec toute la démonstration de l’é viden ce, qu’on
pouvoit se permettre d’introduire dans une famille un individu
dont l’état est contesté, ce magistrat avoit cependant des don
nées certaines : c ’étoit en F r a r c e , à Paris, sous Iss yeux des
magistrats, que se trouvoient les registres et les preuves.
Ici une étrangère arrive de parages lointains, dont elle a fui
dans un moment de troubles; elle n’ est point accompagnée de
celui qu’elle appelle son é p n u x ; elle n’en a point reçu le titre
de femme légitime. Les écrits qui émanent de lui l’avilissent
aux yeux de sa famille et de son père ; il désavoue l’existence
d ’an lien lé g a l; il traite cette union d 'arrangem ent oriental.
Et A n n e voudroit être élevée au rang d’épouse ! et Anne a osé
penser que quelques témoins officieux ou indifférens pourxoient, avec de simples ouï-dire, la faire reconnoltre pour épouse
légitime d’un général français !
Non ; elle a senti toute l’insuffisance de son enquête de P a r is ,
où cependant on trouve plusieurs noms recommandables ; elle
est allée chercher à Marseille, dans quelques réduits obscurs, des
Grecs réfugiés ou ignorans , qui ne peuvent parler que par in
terprètes , à qui il est facile de faire dire tout ce qu’on v e u t ,
q u a n d il faut s’en rapporter à la foi d’un seul homm e, d’un
mercenaire à g a g e s, qui traduit com m e bon lui semble. Il faut
donc encore parcourir cette enquête de Marseille, avant d’en
venir à l’enquête co n tra ire , faite à Aurillac et Mauriac , à la
requête des héritiers Destaing.
Le premier témoin est un nommé Michel C h a m , natif de
�27
(
)
D amas en S y r ie , se disant ancien négociant, et ancien inter
prète de Son Altesse le Prince de N e u fc h â t e l, aujourd’hui sans
profession. Il a déposé que se trouvant au Grand-Caire, dans le
courant de l’an 9 , n’étant pas m ém oratif des jours ni du mois,
et à l’époque à laquelle le général Menou commandoit l’a rm é e ,
il^entendit dire que le général Destaing devoit épouser la demoi
selle N azo , fîlle du commandant de c e n o m ; que passant quel
ques jours après devant le domicile du général D estaing, il vit
des préparatifs de f ê t e , plusieurs c h e va u x , des généraux et of
ficiers en grand c o s t u m e , et s’étant informé quels étoient les,
motifs de ces préparatifs, on lui dit que c ’étoit pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle N azo ; que s’étant ensuite
de nouveau informé comment le mariage avoit été f a i t , on lui
dit q u Jil étoit venu un patriarche g r e c , et que ce mariage avoit
été célébré selon le rite et les usages grecs ; mais il n’y a point
assisté. Le domicile du général Destaing étoit sur la place A t a b e l Ezaixgua, à côté de la mosquée d u Ghahaybe. Il est à sa connoissance que les p rêtres chrétiens, de quelque secte q u ’ils
s o ie n t, ne tiennent point de registres pour la célébration des
mariages ; que les mariages se célèbrent par quelque prêtre que
ce s o i t , et sans distinction du culte que professent les époux ;
que cette célébration se fait par l’un d ’e u x , au choix des parties
contractantes, pourvu néanmoins que le prêtre soit chrétien.
Il est douteux que ce témoin soit bien instruit des usages
d’E gypte , ou du moins il est en contradiction avec tous les
voyageurs qui ont observé les mœurs de c e pays. L a différence
des cultes, loin d ’être un moyen de rapprochement, n’est qu’ un
sujet continuel de scandale et de persécution. Il est inoui qu’un
G rec ait marié un Latin ; et il seroit peut-être plus extraordi
naire encore qu’ un G rec schismatique eût été marié par un
prêtre c o p h t e , tant il y a de division et d’acharnement entre
ces différentes sectes. Est-il croyable d’ailleurs q u ’un général
catholique ro m ain , qui devoit se marier avec une femme de la
m ême religion ( car Aime professe ouvertement le culte cathoD 2
�C ^8 )
ïique ) , ait été choisir un prêtre g re c , lorsqu’il étoit environné
de prêtres latins? Mais ce témoin va plus loin que les autres.
L es uns ont entendu dire que le mariage avoit été célébré dans
l’église de saint Georges, au Vieux-C aire; les autres d ans. l’église
de saint N icolas, au Grand-Caire; et c e lu i-c i prétend que le
patriarche grec est venu chez le général Destaing. Mais en même
temps il voit dans la rue des c h e v a u x , des officiers généraux
en grand costume : il ne falloit pas tant de préparatifs, si le
mariage s'est fait à huis clos , et dans la maison du général.
L e deuxième témoin est B a rth élem i S e r a , natif de l’île de
Siam. Il déclare qu’il avoit épouse Sophie Misch , qui étoit alors
veuve de Joseph Trisoglow ; qu’il la quitta il y a environ vingtquatre ans , et que celle-ci épousa ensuite le sieur Nazo. Il
prétend. que sur la fin d e j ’an 8 , ou au com m encem ent de l’an
9 , étant nu graud-Caire, le général Destaing lui dit qu’il vouloit
épouser la iille du commandant Nazo ; qu’alors il lui observa
q u e lle n’étoit point fille de N a zo ; que lui déposant avoit épousé
la mère de cette dem oiselle, qui étoit veuve de Joseph Trisoglow,
et qu’Anne étoit née A l’époque de son mariage. L e général
Destaing lui répondit que cela étoit indifférent; mais il lui
demanda si cette fille étoit sage, si elle avoit de bonnes mœurs,
à quoi B arthélem i répondit affirmativement. Il demuuda au
général comment il se proposoit de faire célébrer son mariage ;
le général lui lépondit qu’ il avoit déterminé de le faire célébrer
selon le rite f'rec. Barthélemi lui observa qu’il y avoit au GrarulCaire des prêtres latins, et qu’il devroit se marier selon c e rite;
mais le général Destaing persista dans son intention. Il invita
Bnrlbélemi A assister au m ariage; Barthélemi le rem ercia, et
ne voulut point y assister , parce qu’ il ne vivoit pas bien avec
la famille Nazo; il prétexta dt:s nffaires; et quelques jours après,
..yant passé devant la maison du général D esta in g , il aperçut
beaucoup de chevaux au-devant de la porte, des généraux’ et
officiers qui en tro ien t et sortoient : on lui apprit que clétoit A
l'occasion du mariage du général avec la demoiselle Na*o. Il
�( 29 )
rencontra bientôt après le g é n é r a l, qui lui dit que son mariage
avoit été célébré par un patriarche g r e c , et selon le rite grec.
Barthèlemi cru t devoir lui réitérer l'observation qu’il lui avoit
déjà f a it e , qu’il auroit dû faire célébrer son mariage par l’église
latine ; le général lui répondit qu’il avoit voulu se conformer à
l’usage du pays. Suivant l u i , il n’y a que des prêtres latins qui
tiennent des registres, les prêtres des autres sectes chrétiennes
n’en tiennent pas ; mais il atteste qu’il est d’usage dans le Levant
que le mari fait célébrer son mariage par un prêtre de sa religion.
II ajoute cependant que cela n’est pas toujours rigoureusement
o b se rv é , et que les mariages se célèbrent indistinctement par
quelque prêtre chrétien que ce s o i t , au gré et au désir des
parties contractantes.
On voit avec quelle légèreté ce témoin parle de Ta dissolution
de son m a ria g e , et ’que Sophie Misch n’a pas été long-temps ù
le remplacer. Il ne reste plus de doute sur l’origine d ’ANNE,
ni sur sa religion , puisqu’elle étoit née de deux catholiques
romains ; et il paroltra nu moins bien ¡nvinisemblnhlc qu'on ait
choisi un patriarche grec , lorsqu’il y avoit autour du général
tant de prêtres latins. N ’est-ce pas vouloir se jouer d’un enga
gement de ce genre, et aller contre l’ usage du pays, loin de s’y
c o n fo r m e r , puisque le mari a le droit et l’ usage de choisir un
prêtre de sa religion.
.
L e troisième témoin, le sieur Antoine Ila m a o n y , négociant,
natif de D amas en S y r ie , déposant, com m e le p récéd en t, sur
l’interprétation du sieur N e y g d o rff, déclare qu’ il se trouvoit au
Caire à l’époque à laquelle le général Destaing y étoit en a c
tivité de service. Il apprit par la notoriété publique que ce
général avoit épousé la fille de la dame N a zo , que ce m ariage
avoit été célébré selon le rite prec et par le patriarche; qu'il
lit à cette époque beaucoup de bruit. Suivant lu i, il n’y a quo
les prêtres latins qui tiennent dus registres et qui en délivrent
des extraits : c est ordinairement et le plus souvent un prétro
do la religion du uiuri qui célébré le mariage t
que uéaix-
�( 3° )
moins cela soit obligatoire. C e témoin ne fait que répéter c e
qu’a dit le précédent : c ’est le m êm e interprète ; par conséquent,
la m ême déclaration.
L e quatrième témoin est un sieur Hanna À d a b a c h i , natif
d’Alep en S y rie , qui va encore déposer à l’aide du m êm e in
terprète. Il étoit établi au Grand-Caire trois ans avant l’entrée
de l’armée française ; il y a resté jusqu’à l’époque de l’éva-f
cuatiou de l’armée. Pendant que^ le général Destaing y étoit
en activité de serviceu i l rem plissoit les fonctions go c ommissaire
de police : ayant des liaisons d amitié" avec Te' commandant
Jean N a z o , celui-ci l’invita au mariage de sa fille avec le géné
ral Destaing. C e mariage fut célébré dans l’égl'se saint N icolas,
„„par le patriarche d’A le x a n d rie , e t selon le rite grec : le témoin
y assisfa’sur l’invitation qui lui avoit été faite par Nazo. L e
général Destaing fit et donna ensuite un repas de n o c e s , auquel
il assista é g alem e n t, y ayant été conduit par le commandant
auprès duquel il tenoit en sa qualité de commissaire de police:
Ce témoin répond, comme les précédens, sur la tenue des
registres , et sur l’ usage où sont les maris de faire célébrer les
mariages par un prêtre de leur religion.
V o ilà le premier témoin qui ait parlé de sa présence à la
cérémonie ; les vingt précédens n’avoient déposé que par ouï*dire. Celui-ci est un des signataires de l’acte de notoriété donné
à Marseille, et cette circonstance rend déjà sa déclaration sus
pecte ; d'ailleurs elle est vague et inexacte. Il est singulier que
c e témoin ne précise ni l’année ni l’époque ; qu’il garde le si
lence sur les personnes qui devoient être à cette cérém onie;
qu’il n’y ait pas un seul officier général qui y ait assisté, et
qu ’on ait donné la préférence à un homme sans profession,
pour l’inviter à j i n acte si solennel, tandis qu’il n’y auroit eu
aucun officier français.
Les prêtres grecs entendus à P a r is , ont dit que le mariage
avoit été célébré à l’église de saint G eorges, au Vieux-C aire, et
celui-là prétend que c'est à l’église de saint N ic o la s , au Grand-
�( 3* )
Caire. Q uelle confiance peut mériter une pareille déclaration ?
L e cin q u ièm e témoin , Michel Rozette , âgé de vingt-sept ans ,
natif d u Grand-Caire, bijoutier et ex-ca p o ra l, déposant encore
à l’aide de l’interprète N e y g d o rff, prétend que sa famille étoit
intimément liée avec celle de Nazo ; que la fille de celui-ci
ayant épousé le général Destaing pendant qu’il étoit en activité
de service au Grand-Caire, le témoin et sa famille furent invités
à assister à ce mariage ; déférant à cette invitation , ils assistèrent
à la célébration, qui fut faite dans l’église saint Nicolas du rite
j*rec , et par un^patriarche grec ; que~selon l’usage pratiqué
par les chrétiens de cette s e c t e , Nicolas Papas O uglou fut le
parrain de la fille Nazo.
;
Il y a une certaine fatalité attachée à l’enquête de la fille
N a z o ; c ’est que pas un seul des témoins, qui par la nature de
leurs fonctiens étoient plus rapprochés du général, n’ait honoré
c e mariage de sa présence, et qu’on voit au contraire un caparol invité à cette solennité. Il prétend que Papas Ouglou a
été le parrain de la fille N a z o ; et ce Papas O u g lo u , qui a signé
l’acte de notoriété de Marseille , ne dit pas un mot de cette
circonstan ce, qui étoit assez importante. Il est plus aisé de
gagner un caporal qu’un général; et il ne faut pas s’étonner
que ce témoin avance un fait avec tant d’assurance, mais sans
aucuns détails qui puissent donner quelque croyance à sa dé
claration.
Le sixième témoin est Sophie M is c h , mère d ’A n n e ; elle a
été reprochée en cette qualité. Mais elle raconte que le géné»
ral Destaing, pendant qu’il étoit en activité de service au C a ire r
lui demanda sa fille en mariage ; qu’elle et son mari y don
nèrent volontiers les mains; mais en même temps ils exigèrent
que ce mariage fût célébré par un patriarche du rite grec
qu’ils professent. Le général Destaing y consentit; et après les
préparatifs en pareil cas nécessaires, le mariage fut célébré en
sa présence, celle de son é p o u x , de sa fa m ille , de diverses
personnes du pays , de divers généraux et autres militaire»
�C 32 )
français, notamment du général D e lz o n s , dans l’église de saint
N ic o la s, par un patriaiche g r e c , et selon le rite de l’église
grecque.
Il n’est pas étonnant que Sophie M is c h , mère d’ÂNNE , vienne
soutenir que le mariage a été célébré ; mais ce qu’il y a de
rem arquable, c ’est que l’arrét de la Cour ordonnoit qu’ANNE
feroit preuve qu’elle avoit été mariée par le patriarche d ’A lex a n d rie; et ces trois témoins qui se suivent, qui tous trois
prétendent avoir assisté au m a ria g e , affectent de dire que
c ’est un patriarche qui les a m ariés, sans jamais désigner 1§
patriarche d’Alexandrie. Cependant le patriarche d’Alexandrie
réside au Grand-Caire; il s’ arroge la suprématie de l’église grecque :
c ’ est lui qui a le titre le plus éminent. Aussi avoit-il toujours
été désigné exclusivement par Anne , comme ayant été le m i
nistre du mariage ; et ce n’est pas sans raison que l’arrét de
la Cour l’avoit ainsi particularisé, et avoit spécialement ordonné
la preuve qu’Anne avoit été mariée par ce patriarche d 'A le x a n
drie. Comment Sophie Misch n ’a-t-elle pas fait attention à cette
circonstance ? il lui en coûtoit si peu de désigner c e ministre.
Cependant elle ne parle que d’ un patriarche grec ; et sa décla
ration ne remplit pas le but de l’arrét.
L e septième témoin est le beau-frère de Sophie Misch , par
conséquent oncle d’Anne. Il est reproché en cette qualité , et
il convient du degré de parenté.
Il rapporte que le général Destaing avoit demandé la fdle
Nazo en mariage ; que les parens y co n se n tire n t, et y mirent
seulement pour condition que le mariage seroit célébré par
un prêtre grec , selon le rite et usages de cette religion. L e
général Destaing parut d’abord désirer que son mariage fut
célébré par un prêtre latin ; mais enfin il se rendit aux vœux
de la famille; il consentit que le mariage fût célébré comme on
le désiroit, et il le fut en effet le lendemain du jour des Rois,
correspondant, dans église g r e c q u e ,
]anvier. L e Témoin
1
ai^ 7
fut invité com m e p a r e n t, et assista à Ja cérémonie , qui eut
lieu
�( 33 )
lieu dans l’éfllise d e^ aint ‘N ico las, au'lGrand-Caire , put üii pa*\
triarche grec. Après )a'célé;bïationq les épdux furent ncconvj
pagnésdans la’maison do gétfêlral-,; o ù Til y eut un grand repas au
quel assista également le'-'dépbsantP II y ' ’avoit à ce.repas divers«
g é n é r a u x , e n tr’a u tre s'|le s,généi'aux!i&lënou,jrlDelzonsi,'Lagvange;
et Régnier. C e témoin ajoute' qu'il >'partit à l’époque de l’éva
cuation des Français du C aire, kvec la famille N a z o , sur un
bâtim ent-grec qui.relâcha à Céphalonie ; que la dame Nazo y
accoucha d ’une fille qui fut baptisée en ladite île de (Jélaplio^
n i e , dans l’église grecque , et par un prêtre grec ; et que le
'
parrain de l’enfant fut un officier des chasseurs d’O r ie n t , nom
mé Joseph Syffi.
Cette déclaration ne s’accorde pas avec c e lle 'd e Barthélemi
Séra. Suivant c e dernier , ' c est le'g én éra l Destaing qui voulut
un prêtre grec , malgré les ré’m ôntrahcës de Barthélemi ; et suivant l’oncle d’Anne , le général liestain g vouloit un prêtre latin,
et la famille N azo exigeoit un prêtre grec. O n ne sait plus à qui
entendre ; et il est malheureux pour A nne d ’étre réduite à sa
propre famille , pour prouver1 le seul fait intéressant dans sa
cause—Suc.ls~ baptême de la fille , il y a encore quelque chose
qui cloche. Suivant c e té m o in 1, Anne â acco u ch é dans l’jje de
Céphalonie. D ’après A n n e elle-même , elle ne put re lâ c h e r, et
accoucha à bord du navire.
L e baptême eut lieu dans une
chapelle isolée sur le bord de la mer ; ici c ’est dans une église
grecque de l’île de Céphalonie.
Le huitième témoin est Ibrahim T u tu n g i ; c’est le fr è r e utérin
de Sophie M i s c h , épouse Nazo. Il a été reproché à raison de
cette parenté ; mais il a assisté au mariage de sa nièce avec le
général Destaing , et ce mariage a été célébré dans l’é l i s e de
saint Nicolas , p ar un patriarche grec. Il alla de là au repas de
noces ; mais il étoit trop jeune , pour se rappeler quelles étoient
les personnes qui y étoient. Il se rappelle cependant qu il y avoit
divers généraux. Il raconte , com m e le précédent témoin , que
sa nièce relâcha à Céphalonie , où elle accoucha d’une fille,
E
-x
�( 34 )
qnî fu t baptisée ; ¿n sa présence , dans u n e 'égliae grecque ¡et
par un prêtre grec ; mais il ne s é~rap pe ï ï ê p a s q i\e 1 iut le parrain.
V ie n t ensuite un autre Joseph Tutungi. ,r;marÀide la,mère de
Sophie Misch ( i l p a r o itq u e les femmes de cette famille se
m a rie n t souvent ). S uivant'lui , il y eut quelque difficulté pour
le mariage. Le g é n é ra l voulait un prêtre latin , et la famille
Nazo vouloit un prêtre,grec. L e général se rendit enfin , et ce
fut un patriarche grec qui le maria dans l’église saint Nicolas.
T h t u n g r y 'ëTmK'J'G’e fut Papas .Ouglou , colonel de la légion
grecque i qui fut parrain. V in t ensuite le repas , où il assista avec
quantité de généraux et d’Egyptiens notables.
Après l’évacuation du Caire , T u tu n g i s’embarqua avec la
famille Nazo sur un bâtiment grec , qui relâcha à Céphalonie.
Là , Anne Nazo y accoucha d’une fille , qui fut baptisée dans
une église grecque et par un prétrë'grëc : le parrain est Joseph
S y f ï ï T é >l¡TTrïnrr îfr?‘ta_; feffTÏÏfG' Nazo , aïeule de l’enfant,
i L e d ixièm e-tém oin est Joseph Misch , fr è r e de Sophie et
7
3
oncle d ’Jdrme.\ Sa déclaration est littéralement copiée sur la
précédente ; seulement il a vu au repas les généraux Lagrange
et Delzons ; et c e dernier * parent du général D e s ta in g , assistoit à la cérémonie. M êm e déclaration sur l’accouchem ent
d’Anne dans l’île de Céphalonie.
T e ls sont les témoins de Marseille. Sur dix té m o in s, cinq
sont les plus près parens d’Anne ; deux autres sont signataires
de l’acte de notoriété. Trois , parmi lesquels est un des m aris
de Sophie Misch , ne déposent que par o u ï-d ire ; et sur les
cinq qui prétendent avoir assisté au mariage , pas un n ’a
désigné le patriarche d ’ A le x a n d r ie , quoiqn’Anne ait toujours
cmirenu nue c ’étoit ce patriarche qui avoit célébré son mariage,
et quoique l’arrêt lui ordonnât expressément de prouver qu’elle
avoit été mariée par le patriarche d’Alexandrie.
A n n e a voulu se faire un moyen dans son dernier mémoire ,
de ce <]ua la Cour , par son a rrê t, avoit réduit l’interlocutoire
prononcé par le tribunal d e Mauriac ; mais il semble que cet
�35
(
)
argum ent doit se rétorquer contre elle a vec beaucoup d avan
tage ; car si la Cour a voulu abréger les détails et prononcer
dans l’intérêt d'ANNE , il faut convertir aussi qui; plus elle a
voulu faciliter les preuves et les m o ye n s., plus elle doit s en
tenir à l’exécution littérale et rigoureuse der son arrêt. Il est
évident que la Cour a fait dépendre sa conviction de ce fait
unique et e x c l u s i f , q u ’ANim avoit' été mariée avec le général
Destaing , publiquem ent e t so le n n e lle m e n t, p ar le patriarche
d ’A le x a n d r ie , suivant le rit grec , et lesnformes et usages
observés dans le pays..
;p ; ;
.ii
•'
L e patria rche d ’A le x a n d r ie étoit exclusivement en vue ,
désigné par la partie intéressée / co m m e iayantiété le ministre
du mariage , parce qu’il étoit plus élevé en dignité , et q u i !
-vouloit ou devoit honorer un gén éral’ français, a.
O r , sur sept témoins de'Marseilletqui'prétendent avoir assisté
à la cérémonie , pas un n’a nommé ce patriarche d A le x a n
drie ; c ’étoit cependant une anecdote remarquable , qui ajou
tait à la solennité , et qu’on n’auroit pas manqué de relever si
en,- effet cela avoit eu lieu.
'
Mais comment se fait-il surtout , .qu’il ne se soit trouvé à
une cérémonie a u ss i’auguste et aussi imposante, qui faisoit ,
suivant quelques!témoins , tant de bruit au Caire , dont tout
le monde s’o c c u p o it, qu ’un c a p o r a l, un b ijo u tie r , un aven
turier sans p r o f e s s i o n et les-plus près parens d ’A n n e ; q u ’auc n n homme de marque ,
c h e f de l’état major ou de
l’administration n y ait assisté? c ’est là c e qui est absolument
invraisemblable, et prouve l’imposture de quelques misérables
réfugiés dans un réduit obscur à Marseille , tous déposant sous
le m ême interprète et> d ’ une manière uniforme , tous , même
Sophie Misch , requérant taxe. Ajsjse ne devroit-elle pas rougir
d en être réduite à ce s petits moyens , pour s’in tro du ire dans
une famille,qui la repousse justement de son sein?
lit qu Anne ne dise pas qu’elle a ù combattre des colla téra u x
avides / ces déclamatious .bannalcs ne peuvent faire impression.
E 2
�30
((¡
»
Ces i colla téra u x ¡ne cherchent! pointpà envahir la fortune de
leur frère ; mais ils défendent le patrimoine de leur père ,et de
leur mère , l’honneur ide leur famille , et ne veulent pas ad
mettre légèrement.des êtres obscurs et inconnus qui* n’ayant
rien à perdre , chèrclient à dépouiller des héritiers légitimes.
Il reste à parcourir les enquétesiqui ontieu lieu à Aurillac et
à Mauriac / discussion aride dans une cause d’-uri grand intérêt.
La premièré-est celle»faite à A u r illa c ..
• Antoine Delzons j président du tribunal , déclare qu’il a
été assigné fort inutilement ; qu’il n’a aucune iconnoissance
personnelle des faits interloqués; mais qu’étant à Paris lors de
l ’arrivée du général Destaing ,,il ignora pendant long-temps les
bruits >de son. prétendu i mariage. Ces . bruits se répandirent
environ six semaines après, à l’occasion de quelque lettre écrite
de T arente par un habitant d’Aurillac , qui avoit vu arriver à
T arente la famille N a z o , dont tune fdle se disoit épouse du
général Destaing. La dame Delzons , belle - fille du témoin ,
demanda au général s’il étoit effectivem ent marié ; celui - ci
répondit en plaisantant , que sa femme pouvoit l’être , mais
q u e lui ne l’étoit pas..'M. Delzons n’étoit pas présent à cette
réponse ; mais quelques jours après le général étant venu chez
l u i 1, la dame Delzons lui dit , en présence du général : « Vous
« ne savez pas , Papa , c e que dit M. Destaing ; il prétend
« n’être pas marié , et que sa /emme l’est. A quoi le général
« répondit : Cela vous é to n n e . ; i l y en <a bien d'a utres. .»
M. Delzons prenant alors la parole , dit à son neveu que
c ’étoient là de mauvaises plaisanteries. Si c ’est votre femme ,
lui dit-il , vous devez la garder ; si elle ne l’est pas , vous ne
deviez pas la prendre. Le général savoit bien que son oncle
n ’approuvoit pas ces sortes de plaisanteries ; en conséquence il
ne. lui en parla'plus , et M. Delzons évita aussi de lui en parler.
Mais quelque temps après r le général Destaing ayant appris
que la famille Nazo étoit arrivée a L yo n , vint trouver son oncle ,
pour le prier de demander à un sieur Fulsillon qui avoit une
�(
37
)
i maison de banque à L y o n , s’il pouvoit lui procurer une lettre
de change de 1,000 fr a n c s , payable à vue. Il vouloit envoyer
■'Cet argent ¿1 cette fe m m e pour se rendre à M a rseille . Ils sont
là une troupe , dit-il ; quand j’aurois pris la füle , je n’ai pas
épousé tout cela ; i l y a un enfant , j ’a urai soin de la mère
et de Venfant ; c ’est tout ce que j e dois. Depuis il ne fut plus
;question de ce mariage , ni de la dame Nazo ; d’autant mieux
que le déposant avoit demandé au g é n é ra l, lors de la dernière
'con ye£ ja tion , si son mariage avoit été fait'devant un Commis
saire des guerres ou ordonnateur , _comme l’ciyp.it.été celui du
général Delzons son fils , et Je général Destaing répondit que
non.
M. Delzons est interpelé sur un point très-im portant. A n n e
vouloit tirer de grandes inductions de ce que M. Destaing père
s’éioit fait nommer tuteur de l’enfant. Elle insinuoit que M. D e s
taing père ne s’étoit porté à cette démarche que par le conseil
de M. Delzons, son beau-frère, et parce que sans doute le g é
néral Destaing, avant sa mort, avoit fait à son oncle des révé
lations sur ce prétendu mariage; révélations qui étoient de
nature à faire solliciter M. Destaing de recevoir et de reconnoitre A n n e pour sa belle-fille.
M. D e lz o n s , requis de s’expliquer à ce s u je t, répond que la
conversation dont il vient de rendre compte , est la dernière
dans laquelle le général Destaing lui ait parlé de la famille
Nazo ; au point que quoique Joanny Nazo fût arrivé à Paris
plusieurs jours avant la mort du g é n é r a l, qu’il logeât dans le
même h ù t e l, et quoique M. Delzons eût passé une partie de
la soirée avec le g én éra l, la veille de sa m ort, il ignoroit l’arrivée
de N azo, et n’en fut instruit que le lendemain pendant l’appo
sition des scellés. Nazo entra chez le général pendant l’opération ;
il ignoroit sa m o r t , et il fit insérer au procès verbal du juge
de paix que le général avoit épousé une de ses filles , âgée de
seize ans , devant le p a triarc h e d ’A lexandrie ; circonstance que
Delzons avoit ignorée jusqu’alors. Mais allant iaire
le
M.
avec
�C 38 )
sieur M eot, maître de l’h ô tel, la déclaration du décès à la m u
nicipalité, il fut jnterpelé de déclarer si le général étoit marié;
la déclaration de Nazo l’engagea à répondre qu’o n .le croyoit
marié avec A nne N a zo ; ce qui fut inséré dans l’acte de mort';
q u ’au surplus le général Destaing ne lui a fait aucune autre
déclaration.
M. Delzons ajoute que le général son fils avoit quitté Paris
lorsque le bruit de ce mariage se répandit; il ne put dès-lors
lui demander ce qui en étoit. D e retour à A u rilla c . celui-ci lui
dit qu’il y .avoit eu une cérémonie religieuse dans la maison
Nazo, à laquelle il avoit assisté , mais q u’il étoit seul de Français ;
que queîqïïë- temps après le général jjesta in g étant le parrain
de son fils , il donna à cette occasion un grand souper aux prin
cipaux officiers qui étoient au Caire , disant que c ’étoit pour
le baptême d’Alexandre D e lz o n s , petit-fils du témoin.
M. D elzo n s, dans cette déclaration , s’est exprimé avec autant
de franchise que de loyauté. On voit qu’il n’a eu de son neveu
aucune confidence; que le général se permettoit des plaisan
teries sur ce prétendu mariage ; il est bien éloigné de faire venir
A nne à Paris, il veut au contraire qu’elle se rende à Marseille-:
on sait même qu’il en avoit donné l’ordre à A n n e , qui s’est bien
gardée de montrer cette lettre. On y auroit vu qu’il ne la traitoit
pas en épouse ; et le secours qu’il lui fait p a rve n ir, annonce
plutôt un sentiment de compassion que de tendresse. M. Delzons
n a parlé de mariage que sur la déclaration de N a z o , qui alors
ne pouvoit être contredit; il ne l’a donné que com m e un doute;
et c e qu’il a appris de son fils sur une cérémonie qui avoit eu
lieu à huis clos, donneroit le démenti le plus formel à toutes
les déclarations.faites à Marseille par toute la famille d ’ANNB.
A u surplus, cette famille ne néglige pas les petits détails, car
to u s , jusqu’à Sophie M isch , se sont fait taxer à 6 francs pour
leur déposition.
Anne Julie V a r s i, épouse du général Delzons, second témoin,
déclare que le 29 nivôse an 9 , elle n’étoit pas dansjla ville du
�( 39 )
3
Caire ; elle y arriva le lendemain o , pour y joindre le général
D e lz o n s , son mari. A son arrivée au C a i r e , elle avoit appris
qu’Ai<NE Nazo avoit été conduite à l’entrée de la n u i t , la v e ille ,
dans la maison du général Destaing-, mais qu’il n ’y avoit eu
aucune pompe ni cérémonie d’usage pour les mariages qui se
font dans le pays, suivant le rite g r e c ; il n ’y eut m êm e le soir
de l’introduction d’Anne Nazo dans la maison du général D e s
taing , aucune espèce de fêtes qui sont en usage dans le pays.
U ne douzaine de jours a p r è s , la dame Delzons ayant un enfant
de d eu x m ois, voulut le faire baptiser suivant les usages observés
dans la religion catholique; le général Destaing fut choisi pour
parrain, et donna à cette occasion un grand souper et un bal
chez lui. Les officiers de l’état major, et notamment le général
M e n o u , y assistèrent. A n n e Nazo , sa fa m ille , et plusieurs autres
liabitans du Caire, y étoient aussi. A n n e Nazo occupa la place
de la maitressede la maison. L e patriache d ’Alexandrie n’assista
pas à cette fête. 11 n’y eut ce soir là aucune cérémonie reli
gieuse ; mais elle a ouï dire que le jour qu’ANNs N azo avoit
été conduite chez le général, il y avoit eu une cérémonie faite
par le patriarche d’Alexandrie , à laquelle peu de personnes
avoient assisté. Cependant elle observe que ces sortes dé cé rém o
nies religieuses se faisoienten présence de toutes lespersonnesjde
la n o ce, et très-publiquement. Elle a resté au Caire jusqu’à son
départ pour la F ra n ce, et pendant ce temps le général Destaing
ne donna pas d’autre fête que celle du baptêm e; il n’avoit
même donné jusque-là aucune fête ni repas p o m p eu x , et la
dame Delzons n’avoit pas vu A n n e avant cet époque.
La dame Delzons ajoute qu’il y a des églises au Caire pour
le culte grec ; mais que pour l’ordinaire les cérémonies du ma
riage se font dans la maison.
1
Elle sait aussi qu’ Anne et sa sœur Marie ne sont pas filles
de N a z o ; qu’elles sont filles de Sophie Misch et d’un bijoutier
Arménien dont elle ignore le nom. Elle déclare encore q u ê ta n t
à Marseille, Joauny Nazo lui avoit dit qu’il avoit écrit au Caire
�( 1 ° }
pour avoir une expédition de l ’acte de célébration du mariage
de sa fille, mais q u ’on lui avoit fait réponse que le patriarche
étoit mort et l ’église brûlée.
Sur l’interpellation que lui fait l’avoué d’ANNE, si elle étoit
regardée com m e la femme du général D estaing, et si on lui
rendoit les honneurs dûs à ce titre, elle croit qu’on la regardoit
comme telle, et qu’on lui rendoit à cet égard les honneurs qui
lui étoient dûs: elle-méme la croyoit femme du général ; mais il y
avoit plusieurs officiers français qui vivoient avec des femmes
qui portoient leurs n o m s , quoiqu’elles ne fussent pas mariées.
Elle les a vues dans les sociétés, com m e femmes de ces officiers,
et traitées com m e telles.
T e lle est la déclaration de la dame D elzons , qui ne laisse pas
que d’avoir quelqu’importance dans la cause. E t d’abord , elle
prouve qu’il n’y a pas eu de féte le jour des prétendues n o ces,
quoi qu’en aient dit quelques officieux. C e n’est que quelques
jours après qu’il y eut un grand r e p a s , et à l’occasion du bap
tême de son fils. La dame Delzons assure bien positivement
q u ’il n’y a pas eu d’autre féte chez le général Destaing. Elle a
dû croire sans doute qu’ANNE étoit m a rié e , parce que l’épouse
légitime d’un général ne devoit pas se trouver avec une co n
cubine ; qu’on a dû le lui faire entendre ainsi. Mais on savoit
déjà par la lettre du général Destaing que la jeune G recque
fa is o it les honneurs de sa m aison; et la dame Delzons nous
apprend bientôt après qu’il y avoit au Caire beaucoup de femmes
de c e genre.
L e troisième témoin est Françoise Grognier ; elle s’est trouvée
à Lyon lors de l’arrivée du général Destaing dans cette ville ,
à son retour d’Egypte ; elle fut invitée par lui à dîner dans son
hôtel ; e t , pendant le d in e r , elle demanda au général quand
il mèneroit sa femme ; qu’on disoit à Aurillac qu’il avoit épousé
une belle G recque. L e général lui demanda qui lui avoit dit
cela ; elle lui répondit que c étoit un bruit public. L e général
lui dit : Elle est passée d un coté et moi de l’autre, en'montrant
les
�(4 0
les deux points opposés ; c e n’est pas le moyen de se rencon
trer. La conversation changea , et il në fut plus question de
cela.
Etant un jour dans la chambre de la dame N azo , à Àurillac,
M. Destaing le père étoit présent, et lui dit tout bas de deman
der à A n n e de quelle manière elle avoit été mariée. L ’ayant
fait , la dame Nazo lui répondit qu’étant devant le prêtre ou
patriarche, il lui avoit mis au doigt un anneau jusqu’à la pre
mière phalange, et que le général avoit fini de l’enfoncer jus
qu ’à la fin du doigt. M. Destaing ayant prié de lui demander
si le prêtre avoit écrit sur le registre, la dame Nazo lui répondit:
O u i , p rêtre, grand livre, écrire. La déclarante a entendu dire
par la dame D elzo n s, qu’AîiNF. avoit été mariée, que son mari
y étoit présent. E t lui ayant demandé si on avoit fait quelque
ié te , elle lui répondit qu’il n’y en avoit eu aucune ; que quelque
temps après, le général Destaing donna une grande fê te; mais
c ’étoit pour le baptême du fils D e lz o n s; et le général Destaing
avoit dit à la fam ille Nazo que c ’étoit sa noce q u ’il célébroit.
O n l ’interpelle de déclarer si madame Delzons avoit entendu
elle - m êm e ce propos du g é n é r a l, elle répond que la dame
Delzons ne s’étoit pas autrement expliquée ; que d’ailleurs elle
ne lui avoit fait aucune question à c e sujet.
Cette déposition est à peu près indifférente pour les faits in
terloqués. C ’est une femme d’Aurillac , qui n’a aucune connoissance de ce qui s’étoit passé en E g y p te ; et la seule induc
A nn e
tion qu’on puisse en tirer, c ’est q u e , d ’après
elle-même,
les prêtres grecs avoient des registres pour inscrire les mariages.
E
nquête
de
M
auriac
.
Joseph Fel , demeurant à Maurs , a fait partie du premier
bataillon du Cantal. Le général Destaing le prit a son service,
pour avoir soin de ses c h e v a u x ; il l’a accompagné en Egypte ,
et demeuré à son service continuellem ent, jusqu’au départ du
F
�42
(
)
général pour la France. D ans le temps qu’il étoit au C a ire , le
cuisinier du général lui apprit qu’on avoit amené une fem m e
au général Destaing; que quelques jours après le général donna
un grand repas où assista tout l’état major de la division du
C a ir e , notamment le général Menou. Cette fem m e, dont il ne
se rappelle pas le n o m , y étoit; il l’a entendu appeler madame
Destaing. A la suite du repas il y eut un bal. Il partit ensuite
a v e c le général pour Alexandrie ; mais cette fem m e resta au
Caire ; et deux mois après le repas et le bal dont il vient de
parler, le général Destaing partit avec lui d’Alexandrie.
On demande au témoin s’il sait ou s’il a ouï dire qu’Anne
N azo ait été introduite chez le général Destaing avec pompe
et magnificence ; il n’en sait rien : le cuisinier lui a appris que
cette femme avoit été amenée dans la maison du général; il ne
lui a donné aucuns détails; il croit au contraire que ce cuisinier
lui a dit qu’il n’avoit pas vu entrer cette fem m e chez le général.
L e jour de son en trée, il n ’y a eu aucune fé t e , et il ne s’est
rien passé d ’extraordinaire dans la maison. L e jour du repas , il
n’a aperçu aucune cérém onie religieuse; il n’a vu que boire,
manger et danser. Il n ’a pas vu donner d’autre repas ou d’autre
bal que celui dont il vient de parler. On disoit publiquement
que Joanny Nazo n’étoit que le parâtre d’AnNE ; pour elle il ne
l’a jamais vue ; elle ne s’est jamais promenée sur les chevaux
du général; et com m e le général n ’a pas habité sous la tente au
C a ire , Anne Nazo n’a pu se trouver avec lui. On demande au
témoin s’il a vu faire des mariages suivant le rite grec ; il répond
qu’étant à la croisée de la maison du général D estaing, il a vu
passer deux personnes bien p a r é e s , sous un dais et à pied ;
elles étoient accompagnées aussi de plusieurs personnes aussi
bien p a ré e s, et précédées par des musiciens montés sur des
cham eaux : ce cortège se promenoit dans les rues ; et on dit au
déclarant que c ’étoit un mariage.
Il est assez singulier qu on veuille que le général Destaing
se soit marié sans que ses domestiques s’en soient aperçus ; et
�( 43 )
il est maintenant bien prouvé qu’il n 'y a eu aucune féte le jour
du prétendu mariage d’ANNE.
1
Jean Biron , autre témoin , menuisier de profession, a fait
partie du premier bataillon du G antai, et de l’armée d’Egypte, ou
il est arrivé en l’an y. Il étoit sergent ; il fut blessé ; on lui permit
de travailler de son état de menuisier. Il fut souvent employé
par plusieurs officiers de l’état major , et notamment par le gé
néral Destaing. Un soir qu’il alloit souper avec les domestiques
du général, se trouvant avec le valet de chambre et le cu isin ie r,
l’un d ’eux lui dit que l’on amenoit une femme au général ; il
se plaça à l’endroit où elle devoit passer ; il ne put voir sa figu re,
parce qu’elle étoit voilée : elle étoit avec une autre également
voilée. Il y avoit des esclaves dans la cour ; il n a pas vu le
général l’aller p re n d re , ni monter dans le degré : il ne sait pas
m êm e si le général étoit dans son appartement. Il se retira de
suite dans la c u is in e , pour n’avoir pas l’air de s’occuper de ce
qui se passoit. Il ne crut pas devoir témoigner de curiosité ,
parce que cette introduction fut faite à l’entrée de la nuit. Il ne
sait pas s’il y a eu un m ariage entre A n n e et le général ; il n’a
pas connoissance qu’il ait été donné une féte ou un repas à cette
occasion. D ouze ou quinze jours après , il fut employé pour
dresser des tables pour un grand repas qu’il y eut ch ez le général;
il apprit des domestiques de la dame D elzo ns, que c e repas étoit
donné pour le baptême du fils de cette d a m e, dont le général
Destaing étoit le parrain. L e général Menou , le général D elzons,
et plusieurs autres qu’il n o m m e , assistoient à cette féte ; il y
avoit aussi des femmes ; et lorsqu’ils se levèrent de ta b le , le
témoin aperçut A nne N azo auprès du général Menou. L e bal
com m ença de suite, et il ne s’est aperçu d’aucune cérém o n ie
religieuse. Lorsque le général Destaing partit pour A lex an drie,
Anne Nazo n’étoit plus dans sa maison. Le général chargea le
témoin et le valet de chambre de veiller à sa maison. Quinze
jours après, l’aide de camp du général Destaing, nommé M a u r y ,
vint chercher du vin et autres provisions pour transporter à
F
2
�( 44 )
A.lexatidrie ; en m ême temps cet aide de cam p fît emballer les
objets les plus précieux , les fit porter chez le général Dupas ,
commandant'la citadelle du Caire : le témoin les a vu déposer.
L ’aide de cam p lui dit que le,général lui recommandoit sa maison
et ses chevaux., et ¡que s’il avoit besoin de quelque c h o s e , il
pouvoit s a d r.esse r ;a capitaine
son corps.
Q uatre on cinq jours après, le déposant s’apercevant qu’il n’y
avoit pas dft $ùrqté au C a ire, conduisit les c h e v a u x , l’orge et la
paille à. la- c ita d e lle , et s’aperçut-qu’ANNn Nazo , sa mère et sa
s'œtfr,.¿toient dans un appartement à côté de celui de la dame
Pelzon s. Il n,e sait pas si la personne voilée, qui s’étoit introduite
u
d’habillement de
ch ez le général Destaing, étoit A isn e , mais il l’a ouï d ire; il a
aussi ouï dire que Nazo n’étoit que son paratre ; néanmoins il
l’ a vu dans le même appartement de la citadelle, où étoit A n n e .
Il n a pas connoissance qu’il ait été donné d’ autre fête dans la
maison du général Destaing , que celle dont il a parlé , quoiqu’il
fut très-habituellement dans cette maison, et qu’il fût particu
lièrement appelé toutes les fois qu’il y avoit quelque chose d’ex
traordinaire.
Il ¡y a eu environ deux mois d ’intervalle entre l ’introduction
d’ANNK et le départ du général Destaing.
Il a vu une fois trois ou quatre personnes sous un dais, suivies
d ’un grand nombre d’autres à pied, précédées par une trentaine
de musiciens montés sur des chameaux. Il vit passer ce cortège
dans la r n e , des fenêtres de la maison du général D estaing; il
se rendoit vers le quartier de l’état major. Une autre fois il a
entendu beaucoup de cris et de grosse joie dans des maisons :
on lui a dit dans l’une et l’autre circonstance que c ’étoit des
mariages.
Il a assisté à la messe du patriarche d’Alexandrie, dans une
chapelle à côté du cam p; mais il n’a point aperçu ce patriarche
au repas dont il s agit.
Il étoit présent a 1 acte civil du mariage du sieur Miquel avec
une Italienne. C et acte fut reçu par le commissaire des guerres
�45
(
)
Deliard , et signé en sa présence par Remondon,- commandant,
Grand, quartier-maître, et par C o u d ert, capitaine, tous de la
quatrième demi-brigade d’infanterie légère. L ’usage des oificiers
étoit de vivre avec des femmes, sans qu’il y eût d’ union légitime;
et cet usage s’étendoit même jusqu’aux bas oificiers. Enfin il
atteste que le jour de l’introduction des femmes voilées il n y
eut aucune féte chez le général.
Cette déposition a un ton de vérité qui s’accorde parfaitement
avec les relations des Français qui ont fait le voyage d’Egypte.
Ils en ont rapporté une bien mauvaise idée des mœurs et des h a
bitudes des G recs , qui en général ont emprunté des T u rc s tout
ce qu’ils ont de licencieux , et surtout leur mépris pour les
femmes. Il n’en est pas un qui n’ait parlé de ces liaisons tem
poraires et déréglées, dont on pouvoit calculer le prix sur la
durée du marché et sur les charmes de celle qui se prostituoit.
Il manquoit à cette enquête la déclaration du général Delzons,
cousin germain du général Destaing , et qui ne l’avoit pas quitté
pendant son séjour en Egypte. L ’arrét de la Cour sembloit exiger
qu’il lût entendu , soit à la requête d’ANNE , qui avoit invoqué
son témoignage, soit à la requête des héritiers Destaing.
Mais ce fut impossible : le général Delzons est retenu par soi
service à C a t t a r o , ville de la Dalmatie , dépendante autrefois
des Vénitiens. Il n’ y avoit alors rien d’organisé ; on ne savoit à
qui adresser une commission rogatoire , à plus de trois cents
lieues de distance. Une lettre lui parvient. Informé par sa famille
qu’il doit être assigné pour déposer juridiquem ent, et déclarer
tout ce qu’il sait sur le prétendu mariage du général Destaing
avec A nne , mère de M arie , il donne toutes les explications
qu’on pouvoit désirer.
Sa lettre, en date du 17 janvier 1809, a été signifiée à A n n e ,
comme pièce du procès. Il répond qu’il auroit bien désiré ne
pas. être cité dans cette affaire ; il avoit eu le m alh eu r d agir
pour engager M. Destaing père à recevoir chez lui A n n e et s a
iille, et à leur donner les secours hospitaliers dûs au malheur.
�( 4 6 }
Il s’attendoit alors qu’ÂNNE, mieux conseillée, et connaissant
l ’avantage insigne qu’on lui avoit fait, se conduiroit de manière
à le m ériter, à ne pas obliger les frères Destaing de rechercher
son état et celui de sa fille. Il espéroit aussi que par attachement
pour e l l e , par respect pour la mémoire du g é n é ra l, les frères
Destaing auroierit consenti à faire le sacrifice du peu qui leur
revenoit dans cette succession, pour la laisser en partage à cette
M a r ie , et au premier fils naturel du général , qui étoit à
Carcassonne.
Le général Delzons apprend qu’il s’aperçut bientôt de son
erreur. « A n n e ( écrit-il aux frères Destaing ) oublia le service
qu’on venoit de lui rendre ; et par sa m auvaise h u m e u r , le
d éfa u t de son é d u c a tio n , les conseils d’un misérable D upin ,
qui gouvernoit à Paris N a z o , mari de la mère d ’ANNE , elle
apporta le trouble , le désordre et la division dans une famille
p a is ib le , fit le tourment de tous , et principalement de votre
respectable m è re , encore si affligée de la perte de son fils.
« D ès-lors, ajoute le général , je pris le parti de ne plus me
mêler de ses affaires. Mes représentations souvent réitérées ,
celles de mon épouse qui la fré q u e n to it, ne purent prévenir
les scènes scandaleuses qui se renouveloient à chaque instant et >
sous les prétextes les plus frivoles. Nous dûmes nous reprocher
nos démarches pour Anne , un sort malheureux qui lui étoit ré
servé , et qu’il n’avoit pas dépendu de nous d’éviter.
« Le général entre ensuite dans les détails ; il raconte que
N a zo et D u p in se rendirent à Aurillac. Q uelque temps après
ils annoncèrent leur départ pour Marseille. A n n e voulut les
s u iv r e , sous prétexte d’aller voir sa mère. Au lieu de prendre
]a route de Marseille , ils prennent celle de Bordeaux. Annk
laissa à Aurillac M a rie , sa fille , en promettant de revenir
bientôt. Elle "étoit arrivée à Aurillac sans être attendue d’au
cun des parens Destaing ; ils ne furent prévenus de son arri
vée que lorsqu elle étoit A peu de distance de la ville.
- « Bourdin avoit mal interprété une lettre de M. Delzons
�/
( 47 )
père. Il prit sur lui de faire partir de L yon A u n e sans en avoir
reçu aucun ordre. C e fut alors que le général Delzons crut
devoir faire des démarches pressantes auprès de M. Destaing
père ; il n’y avoit pas de temps à perdre , et M. Destaing ne
consentit à recevoir A n n e et sa fdle , qu’ au moment où on fut
averti que la voiture qui les portoit étoit déjà à la porte de la
ville.
« Relativement à c e qui s’est passé au Caire , le général
atteste q u ’i l est f a u x qu’il y ait jamais eu île m ariage lég i
tim e entre le général Destaing et A n n e ; aucun acte civil ni
religieux n’a été rédigé ; et il sa it très-positivem ent que le
général Destaing s’est constamment refusé à ce qu’il en fut
rédigé d’aucune espèce , disant à qui vouloit l’entendre , qu il
n 'è to it p as m arié. C ’est ainsi qu’il s’est expliqué souvent en
présence de son c o u s in , en s’entretenant avec différentes per
sonnes qui lui demandoient s’il étoit marié avec A n n e ; il
répondoit ainsi au Caire , à .A lex a n d rie et à P a n s , à toutes
les questions semblables q ui lui étoient faites ; c ’est ainsi et
dans les mêmes termes qu’il répondit à son père , qui lui avoit
écrit pour s’assurer de la vérité de ce mariage.
« L e général Destaing n ’avoit voulu contracter avec A n n e
qu’un de ces arrangemens fort en usage en E gypte ; une sorte
de concubinage toléré dans ces contrées. Cependant , voulant
q u ’ANNE fut respectée dans sa maison , il consentoit qu’elle se
qualifiât du titre d ’épouse ; aussi n ’étoit-elle connue que sous
le nom de m adam e D estaing.
«
A nne
n’est entrée dans la maison du général au Caire que
le 29 nivôse an 9 , à huit heures du soir. P eu de temps aupara
vant le général Delzons étoit au théâtre avec son cousin ; ils
sortirent ensemble ; ils ne s’étoient pas quittés de toute la
journée. Personne ne sait m ieux que lui (D elzo n s ) tout c e
qui eut lieu ; il n’y eut aucune cérémonie à l’église des Grecs ,
com m e on le prétend. A n ke se rendit sans p o m p e et sans bruit
chez le général , accom pagnée d ’une partie de ses pareils. L e
�général étoit seul avec son cousin ; aucun de ses aides de camp
ne s’ y trouvoit dans ce moment.
<c A l’armée d’Orient il n’y a pas eu un mariage légitime
ontre un Français et une Française , ou habitante du pays ,
l’importe de quelle religion qu’elle fût , qui n’ait été reçu par
>n commissaire des guerres, faisant fonction d’officier civil. Le
¡énéral Delzons dit q u ’il peut citer un grand nombre d’exemples
Je ce qu’il avance : chaque commissaire des guerres chargé du
service d’une place im portante, tenoit un registre a d h o c , sur
lequel tous les actes civils étoient inscrits. Son mariage, reçu
par le commissaire des guerres A g a r d , étoit sur le registre de
la place de Rozette ; l’acte de naissance de son fils, reçu par le
commissaire des guerres P i n e t , étoit sur le registre de la place
du Caire. T o u s les actes reçus par les commissaires faisant
fonctions d officiers civils, étoient soumis à l’enregistrem ent,
conform ém ent à l’ordre de l’armée , des o fructidor an 6 , et 21
vendémiaire an 7 , sous peine de nullité. Les ordonnateurs Remon-
3
don et Sartelon ont reçu des actes de mariage. Les commissaires
des guerres D e lia r d , à Alexandrie ; A g a r d , à Rozette ; P in e t, au
C a ire, en ont reçu plusieurs. L e commissaire des guerres T a r
d ieu , qui s’est marié à D a m ie tte , avec une G r e c q u e , a fait
recevoir son acte de mariage par un de ses collègues. C ’est
ainsi que se sont célébrés tous les mariages légitim es, et aucun
différemment.
cc Mais on trouvera dans cette armée un grand nombre de pré
tendus mariages, qui n’ont eu de durée que le séjour de l ’armée
en Egypte ; celui du général devoit être de c e nombre : on en
pourroit citer beaucoup d’autres. Un accord entre les p a re n s,
une somme d’argent comptée d’ava n ce , une pension promise en
cas de séparation, ont fait plusieurs de ces unions, communes
en E gypte et dans tout Orient. C est par suite d un pareil arran
1
gement que N azo décida sa fem m e a donner sa fille au général
D estaing; et il n’en a pas existé d autre qui ait pu lier le général
a vec
A nne.
Dans
�(49 )
D ans le courant de pluviôse an g , le général en c h e f Menou
dut o rd o n n er que dans les principales villes de l’Egypte il seroit
tenu registre de l’état c i v i l , tant pour les nationaux que pour
les individus attachés à l’armée. L e registre du Caire a dû être
com m encé par la transcription de l’acte de mariage .du général
en c h e f , et l’acte de naissance de son fils.
« Il est de la connoissance du général Delzons , que le général
en c h e f pressa souvent le général Destaing de faire dresser son
acte de mariage, et de le faire transcrire sur son registre, ce
que celui-ci refusa constamment.
« Madame D elzo n s, remise de ses co u ch e s, vint au Caire au
commencement de pluviôse. L e général Destaing fut parrain
de son fds : l’acte de naissance fut rédigé dans la maison du
père , par le commissaire P i n e t , chargé du service de la place
du Caire. L e général Delzons réunit ses amis à cette occasion :
A s n e n’y vint pas , quoiqu’elle fût chez le général depuis une
quinzaine de jours.
« Après cette cérémonie , le général Destaing donna une
féte à laquelle le général en c h e f , plusieurs généraux et offi
ciers supérieurs furent invités : il a pu dire à A nne que cette
féte étoit pour elle; il disoit le contraire à son cousin, et assuroit à la dame Delzons qu’elle étoit pour elle et pour la nais
sance de son fils. En e f f e t , ce ne pouvoit être pour célébrer
le prétendu mariage, puisque la féte a eu lieu plus de quinze
jours après qu’ANNE étoit entrée chez le général. Il y eut à la
même époque plusieurs fêtes au C a ire , chez les généraux Lanusse, Belliard, l’ordonnateur en c h e f D aure : A nne n’a paru
dans aucune.
« Anne n’est point fille de N a z o , com m e elle le préten d ,
mais bien du premier mari de sa mère : celle-ci épousa Barth é le m i, aujourd’hui retiré à. Marseille. N a zo l’enleva de chez
Barthélemi, et a depuis vécu maritalement avec elle. Anne a
une sœur du premier mariage de sa mère.
G
�C 5° )
« L e général Destaing avoit rendu des services à N azo ; il
l’avoit fait nommer c h e f de bataillon d'une légion g rec q u e , en
récompense de son zèle et de son dévouement aux Français.
N azo en a conservé une grande reconnoissance.
« Il est^faux que Nazo passât pour un homme riche ; tout le
monde savoit qu il étoit prodigue à l’e x c è s , donnant au premier
venu tout ce qu’il avoit quand il étoit ivre; et cela lui arrivoit
presque tous les jours. Il dissipoit ainsi en peu de temps le
profit des fermes qu’il avoit prises. Sa famille a souvent éprouvé
des besoins par son inconduite. Il ne jouissoit d’aucune consi
dération , parce qu’il n’en méritoit aucune. Sa bravoure et ses
services étoient ses seuls titres à la protection de l’a r m é e , et
lui avoient valu son grade dans la légion grecque que le général
Destaing avoit organisée.
« L e général Destaing a quitté le Caire le 20 ventôse an g ,
pour se rendie à Alexandrie ave c une partie de l'an n ée; depuis,
il n’a pas vu A n n e ; il n’a donc vécu avec elle que du 29 ni
vôse au 20 ventôse an 9. Toutes les attestations délivrées à
A n n e, portant son mariage en l’an 8, sont erronnées. Le général
Delzons se borne à une seule observation que lui fournit le
certificat du général Menou. Ce général atteste qu’étant général
en c h e f de l’armée d’Orient , le général Destaing s’est marié
en l’an 8. Le général en c h e f K leber ne fut assassiné qu’en
prairial an 8. Le général Menou prit alors le commandement
de l'armée. L e général Destaing commandoit la province de
Rozette ; il n’ a été rappelé de cette province qu’en brumaire an
g , lorsque la division L anusse se rendit d ’A lexandrie au Caire,
et qu’elle lut remplacée par celle du général Friant. Le général
'¿ayouchck releva à Rozette le général Destaing. Ce m ouve
ment est assez connu de l’armée d’Orient, pour n’étre contesté
par personne. Le général en c h e f Menou est encore dans l’er
reur
q u an d
il dit : D opres cette déclaration solennelle (~ du
général D e s t a i n g J » Jti m engageai à y a ssister , a in si q u ’ au.
�(5r)
repas, q u i eu t lieu après le m ariage; je remplis ma promesse :
to u t s ’y passa avec la plus grande rég u la rité, et te l q u ’i l d e
voir. ê tr e , sous les rapports civils e t relig ieu x.
« L e général Delzons répète qu’il n’y a eu aucune cérémo^
nie de mariage; que le général en c h e f Menou n’a pu assister
à aucune ; que le repas dont il parle n’a eu lieu que plus de
quinze jours après l’entrée d’ANNE chez le général Destaing.
L e général en c h e f ne peut pas dire que tout s’y passa avec la
plus grande régularité, sous les rapports civils et re lig ie u x , puis
qu’il ne fut dressé aucun acte civil de mariage, qu’on n’eût pas
manqué de faire rédiger par l’ordonnateur Sartelon , signer du
général en c h e f et des généraux invités, comme cela s’est pra
tiqué pour les mariages légitimes auxquels le général Menou
avoit assisté auparavant. »
T elle est la déclaration du général D elzons; il annonce que
c ’est là la déposition qu’il fera en justice ; et il atteste qu’elle
ne contient que la plus exacte vérité.
Il est donc certain qu’AuNJB ne fut jamais unie en légitime
mariage avec le général D estaing; qu’elle n’a été considérée
comme son épouse , ou qualifiée telle que par complaisance
( ou par foiblesse ), et pour qu’elle ne fût pas avilie pendant
sa cohabitation; que la qualification, o u , si on v e u t, l’usurpa*
tion du nom de celui avec lequel on cohabite, ne peuvent tirer
à conséquence, e t, malheureusement pour les m œ urs, ne sont
que trop communes , même en F r a n c e , à plus forte raison
dans un pays où la licence des camps ajoutoit encore à la dé
pravation qui règne dans ces contrées.
T ous les doutes doivent s’évanouir aujourd’ h u i, qu’il est re
connu qu’Anne étoit fille de père et mère catholiques romains,
qu’elle a été élevée dans cette religion. B a rth élem i y son p rem ier
parAtre, s’explique assez disertement ; et ce n’est que par ce
qu’il insistoit auprès du général pour q u ’il épousât A nne
devant un prêtre latin.
Il savoit que les prêtres grecs ne pouvoient ni ne vouloient
m o tif
G 2
�52
C
)
marier des personnes d’un culte différent. Les héritiers Destaing
n ’en sont pas réduits à de simples assertions , sur c e point de
discipline parmi les Grecs ; ils se sont procuré une expédition
délivrée sur l’expédition originale, du certificat du patriarche
d’ A lexand rie, donné par lui le 10 février 180g, dans la cause
du général Faultrier. C e certificat s’exprime en ces termes ( on
ne rappelle que ce qui est relatif à la cause ) :
« Théophile, par la grâce de D ieujj ape et patriarche d’Alexnn« d r ie , par la "présente, notre é c riture, certifions, qu’aucun prêtre
« quelconque de nôtre dépendance ne peut célébrer dé mariage
« entre personnes de religion d ifférente ;
« Q u e la célébration de mariage entre personnes de même
« culte ne peut être faite sans la permission patriarchale, et que
te l ’acte desdits m ariages est écrit sur un registre tenu à cet
« effet, -ii
Ce certificat, signé du patriarche, et scellé du sceau de ses
armes, est légalisé par le consul de France; il est écrit en grec
moderne, et traduit par le sieur Bourlet, interprète assermenté
près le conseil spécial des prises : son authenticité ne peut être,
contestée.
La preuve que les prêtres grecs tiennent des registres , est
encore ndmini&tiée par A kne elle-même , qui a rapporté en cause
principale un acte de naissance de M arie, sa fille. Cet a c t e ,
qu’elle a l'ait sTgiilfier le~ ï juillet i»oq , ne contient autre chose
que la déclaration de deux prêtres grecs qui disent avoir baptisé
en janvier 1803, une fille qu’on leur a dit être issue du mariage
du général Destaing avec A n im e N azo. Ils ajoutent que l’acte
de naissance ne fut pas ré d ig é , parce que c ’étoit une chapelle
isolée : donc les prêtres grecs tenoient des registres dans l’église
5
principale»
Les incertitudes , les contradictions qui
régnent dans la
défense d’Anne , fatiguent également et l’esprit et le cœur.
Quel est celui qui oseioit prononcer q u A n n e est la femme
légitime du général Destaing ?
�(
53
)
T o u s les Français qui se sont mariés en E g y p te , rapportent
des actes qui constatent la célébration du m a ria g e , assurent
leur état et celui de leurs enfans.
A nne ne rapporte aucun écrit, aucunes traces de ce prétendu
mariage ; oubliant elle-même l’époque où elle a eu l’honneur
de s’unir à un général français , elle a osé dire qu’elle s’étoit
mariée en l’an 8 , que sa cohabitation avoit duré un an.
Il est prouvé qu’il y a impossibilité que le mariage ait été
fait en l’an 8, et que la cohabitation n’a pu durer que deux mois.
Elle se dit fille de Joanny N a zo , vante le rang et la fortune
de son père , la considération dont jouissoit sa famille.
Il est prouvé q u ’elle n’est pas fille de N a zo , qu’elle doit le
jour à un Arm énien, qu’elle est fille d’une mère qui a encore
deux maris vivans.
Il est établi que N a zo étoit un fabricant détaillant d’eau-devie ; et à son arrivée à Marseille , il a sollicité et obtenu un brevet
de fabricant d’eau-de-vie de raisins secs : son brevet est dans
le bulletin des lois de l’an n .
Elle prétend ê tre G re c q u e d’origine et de religion.
Il est prouvé qu’elle est née de père et m ère catholiques ro
m a in s, et q u ’elle a eu le bonheur d’étre élevée , et de professer
la m êm e religion.
Elle veut avoir été mariée par le patriarche d’A le xa n d rie ,
quoique le général Destaing fut catholique romain.
Il est établi que le mari a le droit et l’usage de choisir pour
cette cérémonie un prêtre de sa religion.
Il est prouvé par le certificat du patriarche, qu ’aucun prêtre
de sa dépendance ne peut célébrer de mariage entre personnes
de religion différente.
Elle entreprend de prouver qu’elle a été mariée
publiquem ent
et solennellement par le patriarche d’A lexan d rie, suivant le rite
grec , et les usages accoutumés.
Un cap otai ¡1 été présent au mariage d ’un gênerai de divi
sion i et il ne s’est trouvé à cette cérémonie auguste, qui faisoit
�une si grande sensation, que la m è r e , le frère et le beau père
de sa mère.
Elle devoit établir qu’elle avoit été mariée par le patriarche
d ’.A lexa n d rie : ses témoins de visu ne parlent que d ’un p atria r
che grec. O r , on sait qu’il y a plusieurs patriarches grecs en
E g y p t e , et que le patriarche schism atique est celui qui s’a r
roge exclusivement ce titre pom peux, cette espèce de supré
matie que les autres G recs traitent de jonglerie. N ’est-ce pas
encore une affectation de n ’avoir pas fait expliquer les témoins
d’une manière précise?
Elle avoit fait assigner Joanny N a z o , elle s’en est départie;
elle a craint que dans un moment d’iv r e s s e , Nazo ne fit une
déclaration contraire à ses intérêts.
Elle n ’a point appelé en témoignage son aïeule m a te rn elle ,
femme de Joseph T u tu n g i, désignée par le général sous le nom
de la bonne v ie ille , parce que cette fem m e, catholique rom aine,
fidèle à sa religion, connoît toute la force d’ un serment devant
D ie u et les h o m m e s , et n’auroit rien déclaré de contraire à
la vérité.
Elle soutient, qu’elle a été mariée en présence du général
Delzons ; elle invoque son témoignage.
Le général désavoue q u ’il ait existé un lien lé g a l, et qu’il
y ait eu aucune cérémonie religieuse.
Elle veut être l’épouse du général D estaing; et celui-ci dé
pose dans le sein paternel la déclaration qu’il n’est pas m a r ié ,
qu il n y a entre A n k e et lui qu’un arrangem ent oriental. Il
la repousse de son s e in , et désavoue son mariage jusqu’au dernier
ni ornent.
Ses parens les plus pro ches, et dans l’intimité des confidences,
n’ont entendu de lui que des plaisanteries sur le genre de liai
son qu’il avoit avec Anne.
Q ue reste-t-il donc à Axwe? un procès verbal où M. Destaing
père a accepté la tutelle de sa petite-fille.
Elle abuse de la foiblesse d un vieillard qui lui a accordé
�55
(
)
l’hospitalité, qu’elle a trompé ou intéressé dans lé t a t d aban
don où elle se trouvoit alors.
Mais cet acte de tutelle est fait hors la présence des frères ,
qui ne furent point appelés , quoique plusieurs d’entre eux ,
majeurs , se trouvassent à Aurillac.
Mais les reconnoissances du père ne peuvent nuire aux frères,
qui étoient exclusivement appelés à la succession du général.
Elle fait parade d ’une lettre du maréchal Soult, qui l’a traitée
avec civilité , parce qu’elle lui a été présentée com m e femme
d’un général ; et le maréchal Soult ne devoit pas , sans doute ,
exiger qu’elle justifiât de son acte de mariage.
Elle n’a été admise à la preuve testimoniale qu’à raison de
ce qu’elle soutenoit qu’il n’y avoit aucun registre , et qu’il n’étoit
pas d’ usage d’inscrire les mariages.
Il est prouvé que les prêtres de toutes les religions, et notam
ment les g r e c s , tiennent exactement des registres.
Q ue demande donc cette femme ambitieuse? Les frères Destaing pourroient-ils redouter ses démarches? Viendra-t-elle leur
enlever les biens de leur père , de leur m è r e , de leur f r è r e ,
et d’une tante morte pendant le procès?
Non : les héritiers Destaing ont cette conviction , que dans
une cause de ce genre tous les esprits s’élèvent à ces vues supé
rieures du bien p u b lic , qui forment le premier objet de la justice.
C ’est ici la cause de toutes les familles. Les citoyens de toutes
les cla sses, de tous les é ta ts , sont intéressés à l’arrêt que la
Cour va prononcer.
Monsieur R O C H O N D E V A L E T T E , avocat général.
M*. P A G E S , ancien avocat.
M*. G A R R O N , avoué.
A R I O M , de l 'i m p . de T H IB A U D , im p rim . d e la C o u r im p é ria le , e t lib r a ir e ,
r u e des T a u le s , m aison
L
a n d r io t
.
— J u in
1811.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, frères. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rochon de Valette
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour les frères Destaing, appelans ; contre Anne soi-disant Nazo, se disant veuve du général Destaing, et tutrice de Marie, sa fille, intimée.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud, maison Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
Circa An 9-1811
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
55 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0610
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0609
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
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